Sommaire :
- Guerre vu par la presse
- Personnages & avatars dans Guerre
- Cascade ou l’Œdipe des bas-fonds.
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À propos de l'Insectification
Comment nous glissons de l'homme à l'homme insecte
par le bouffon mélancolique
Source: https://reactionair.nl/artikelen/over-insectificatie/
Ceci est une traduction et une adaptation d'un article de Parallax optics. L'original peut être lu ici : https://parallaxoptics.com/2020/12/30/on-insectisation/ . Je voudrais le faire précéder de deux citations qui m'ont semblé appropriées (1)(2).
"Alors que l'État des fourmis, des thermites et des abeilles n'est possible que par l'anéantissement total de la sexualité de ces animaux, le problème de la création d'un État est infiniment plus difficile chez l'homme, car celui-ci ne renonce pas à sa sexualité et donc à tout son individualisme rebelle". - Carl Schmitt
"Lorsque Gregor Samsa se réveilla un matin de rêves agités, il se retrouva dans son lit transformé en une monstrueuse vermine". - Franz Kafka
"Während der Ameisen-, Thermiten- und Bienenstaat nur durch völlige Vernichtung der Sexualität dieser Tiere möglich wird, ist das Problem der Staatswerdung beim Menschen unendlich schwieriger, weil dieser seine Sexualität nicht aufgibt und damit seinen ganzen rebellischen Individualismus." - Carl Schmitt
"Als Gregor Samsa eines Morgens aus unruhigen Träumen erwachte, fand er sich in seinem Bett zu einem ungeheueren Ungeziefer verwandelt." - Franz Kafka
Il est possible de voir la modernité comme un projet visant à construire une fourmilière à partir de chimpanzés atomisés, mais la triste vérité est que ce n'est que la première étape d'un processus en deux temps.
Dans la deuxième étape, plus approfondie, les chimpanzés sont transformés en fourmis pour assurer la stabilité à long terme de L'espoir des fourmis.
Les humains sont des primates supérieurs ; leurs plus proches parents du royaume animal sont les chimpanzés. Les chimpanzés sont semblables aux humains, et par conséquent, l'ordre social maintenu par les chimpanzés ressemble beaucoup aux structures sociales que les humains, et leurs prédécesseurs, ont produites et habitées pendant des milliers d'années.
Les chimpanzés individuels sont des animaux sociaux. L'ordre social qu'ils forgent en groupe est une propriété émergente / un effet de réseau de la nature collectivisée des chimpanzés. Cependant, la causalité est circulaire / cybernétique ; l'ordre social créé par les groupes de chimpanzés façonne l'environnement social dans lequel évoluent les chimpanzés individuels, façonnant et programmant ainsi les chimpanzés, individuellement et collectivement, tout comme ils façonnent et programment leur environnement.
C'est la leçon 1 de la théorie de l'évolution. L'environnement façonne l'organisme, tout comme l'organisme façonne son environnement de manière symbiotique. Cela conduit à un processus continu de "déploiement" mutuel. Un écosystème est essentiellement un réseau infini d'échanges récursifs réciproques entre les organismes et leur environnement, y compris les effets en réseau de tous les autres organismes concurrents/coexistants qui y sont intégrés.
La modernité est essentiellement une fonction de mise à l'échelle en combinaison avec des systèmes / processus émergents conçus pour réverbérer les effets spatio-temporels de cette mise à l'échelle sur elle-même.
Dans la croisade de la modernité pour étendre / globaliser le socius, un projet totalisant de déshumanisation et d'insectification a été mis en marche par le Futur : "Mangez des insectes, vivez dans la cosse, prenez des hormones " (3).
Cela est généralement présenté comme une conspiration de l'élite/du Nouvel Ordre Mondial, mais un effet encore plus terrible peut être généré par la prise de conscience qu'aucune conspiration directe n'est nécessaire. Tout suit une ligne de destin en fonction de la courbe/du gradient des circonstances précédentes - l'Avenir est dépendant du chemin.
Comme le Passé, le Futur a, en un sens, déjà "eu lieu". Le futur "émerge" du passé, tandis que le passé "recule" devant le futur.
La raison pour laquelle l'avenir n'apparaît pas comme dépendant du chemin est que les chimpanzés humains sont équipés d'un appareil perceptif spécifique, qui les imprègne d'une notion grotesquement exagérée non seulement de l'autonomie individuelle, mais aussi de l'autonomie de groupe collectivisée.
Comme pour les fourmis et les chimpanzés, l'"action autonome" humaine est délimitée par des traces de récompenses/cadres. Celles-ci sont faciles à suivre mais difficiles à changer, en fait toute action active pour les changer n'est rien de plus que la découverte et l'exploitation d'une scission dans la piste active / dominante des récompenses.
Pendant des millénaires, l'homme a suivi la voie d'une domestication toujours plus poussée, menant irrémédiablement à l'insectification, une métamorphose du corps et de l'âme en quelque chose de cronenbergien dans sa corruption parfaite de l'Humain (4). Les vestiges de l'instinct humain nous poussent à éviter cette réalité, mais ce n'est pas possible car le Futur arrive sur une voie tracée par le Passé.
Il n'y a rien en dehors des constructions cybernétiques de la récompense, si ce n'est la pression de sélection exercée sur elles, et par extension sur les entités qui les habitent, par Gnon (5). La post-humanité insectoïde est maintenant en passe de vivre dans une nacelle, de manger des insectes, de se stériliser par terraformation hormonale complète.
La question qui en découle ne peut trouver de réponse que dans l'émergence du Futur : une scission se produira-t-elle qui éloigne le capital humain de cette prédestination misérable ou l'homme doit-il attendre une intervention radicale de Gnon pour changer son destin ?
Notes:
1) La première citation est tirée de Der Leviathan in der Staatslehre des Thomas Hobbes. La traduction se lit comme suit : "Alors que l'état des fourmis, des termites et des abeilles n'est possible que par la destruction complète de la sexualité de ces animaux, le problème de l'état est infiniment plus difficile dans le cas de l'homme car il ne renonce pas à sa sexualité et avec elle à tout son individualisme rebelle".
2) La deuxième citation concerne la phrase d'ouverture mondialement connue de Die Verwandlung de Kafka. La traduction se lit comme suit : "Lorsque Gregor Samsa se réveilla un matin après des rêves agités, il découvrit que dans son lit il avait été transformé en une hideuse vermine".
3) Knowyourmeme.com à propos de ce mème.
4) David Cronenberg est un réalisateur connu, entre autres, pour The Fly, sur un croisement hideux entre l'homme et la mouche.
5) Gnon est un acronyme utilisé dans les milieux réactionnaires. Il signifie "le Dieu de la nature ou la nature". La signification est similaire à logos, dharma ou dao. C'est l'ordre naturel. L'idée est que, qu'il y ait ou non un Dieu de la nature qui en soit la source, la nature elle-même a un ordre inhérent auquel nous nous opposons à nos risques et périls.
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Parution du numéro 452 du Bulletin célinien
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- Cascade ou l’Œdipe des bas-fonds.
Pour le premier numéro de sa revue, Littératures & Cie, Joseph Vebret nous gratifie de deux articles relatifs à la découverte des manuscrits de Céline. Celui signé David Alliot, « Qui a volé Louis-Ferdinand Céline ? », retrace l’étonnante histoire de ces manuscrits inédits qui firent surface l’été dernier. L’autre, « Céline en valises », est dû à Emmanuel Pierrat, conseil du receleur Thibaudat. Certes, il faut savoir gré à celui-ci d’avoir préservé ces trésors et de ne pas avoir cherché à les monnayer. Mais comment ne pas songer à Lucette qui eût été heureuse de savoir que ces manuscrits n’avaient pas disparu et dont l’exploitation commerciale l’aurait aidée à la fin de sa vie ? On pense aussi aux amis céliniens, aujourd’hui disparus, qui n’auront jamais pu lire ces textes que Thibaudat dit détenir depuis une quinzaine d’années alors même qu’il savait leur origine frauduleuse.
Manuscrits volés, et non pas “abandonnés« , puis “confisqués” par la Résistance comme certains se plaisent à l’affirmer aujourd’hui¹. Les mêmes soulignent le piquant paradoxe du “sauvetage” des manuscrits par des résistants mais se font discrets sur la personnalité de Rosembly, se gardant bien d’indiquer qu’avant de devenir un résistant de la onzième heure (emprisonné à la Libération pour pillage d’appartements), il fut un militant actif d’un parti collaborationniste radical. Mais est-ce vraiment lui l’auteur du vol ? Et, si tel est le cas, a-t-il conservé longtemps ces manuscrits ? Ou sont-ce les (vrais) résistants, membres du futur Comité parisien de la Libération, qui se réunissaient dans l’appartement en-dessous de celui de Céline ? Ce qui n’est pas davantage rappelé, c’est que la plainte des ayants droit fut suscitée par le refus catégorique de Thibaudat de restituer ce qui ne lui appartenait pas.
Mieux : il entendait, comme l’un de ses courriels l’atteste, imposer ses conditions : 1) céder les manuscrits à l’IMEC dont il est proche (alors que la BNF, qui dispose déjà d’un important fonds Céline, a la préférence des ayants droit) ; 2) en assurer seul l’édition scientifique. Son intransigeance s’évanouit dès qu’une plainte pour recel et vol fut déposée : il s’exécuta alors sans barguigner et remit les manuscrits à l’OCBC (Office central de lutte contre le trafic des biens culturels). Pierrat affirme que si sa relation avec les ayants droit s’est rapidement dégradée, c’est parce que Véronique Chovin s’est dite effrayée à l’idée que fût révélé l’’antisémitisme de Céline (!). Sollicitée par le BC, elle s’insurge : « En aucune façon je n’ai pu exprimer une telle crainte d’autant plus que je suis résolument contre toute censure et ne chercherai jamais à cacher l’antisémitisme de Céline si de nouveaux documents venaient à apparaître. Les seuls propos que j’ai échangés avec Pierrat traitaient du vol qu’il n’a d’ailleurs jamais cherché à nier (prescrit, m’a-t-il répondu), et du recel qui n’aurait posé aucun problème si nous avions été d’accord. »
Toute la vérité au sujet du vol et de la restitution sera-t-elle un jour révélée ? Thibaudat annonce un livre dans lequel il « promet de tout révéler »³. …Chiche !
• Littératures & Cie, n° 1, 1er semestre 2022, 218 pages.
Notes:
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Uber Files, le dossier choc sur la multinationale américaine: pression et argent pour changer les lois européennes
Alessandro Della Guglia
SOURCE : https://www.ilprimatonazionale.it/cronaca/uber-files-il-dossier-choc-sulla-multinazionale-americana-pressioni-e-soldi-per-cambiare-le-leggi-europee-238602/
En mai dernier, nous avons été interrogés dans ce journal, Il Primato nazionale: que faisait Mario Draghi avec le PDG mondial d'Uber ? Pourquoi le Premier ministre italien avait-il décidé de rencontrer "en secret" Dara Khosrowshahi (photo), venu à Rome depuis la lointaine Californie ? À l'époque, cela nous semblait être le prélude au feu vert de la multinationale américaine en Italie, une ouverture vers la conclusion définitive - autant qu'évitable - du processus réglementaire de réforme de tout un secteur, déjà entamé en 2019.
Aujourd'hui, la question à poser est tout autre : dans quelle mesure et de quelle manière le géant californien a-t-il fait pression sur les gouvernements européens (y compris l'italien) ces dernières années ? La réponse dans ce cas est plutôt facile : beaucoup de fois, voire trop de fois. Du moins à en juger par ce qui ressort du dossier choquant réalisé par un consortium international de journalistes d'investigation et rapporté par un certain nombre de journaux européens prestigieux (dont le Guardian, la BBC, Le Monde et L'Espresso). Baptisé "Uber Files", l'impressionnant dossier comprend plus de 120.000 interceptions, 83.000 e-mails et d'autres fichiers sur les opérations menées par la multinationale américaine entre 2013 et 2017.
"Uber Files", le dossier choc sur la multinationale américaine
"Uber a secrètement mené pendant des années des campagnes de pression et de persuasion auprès de chancelleries à travers toute l'Europe et aux États-Unis, tout en soutenant sa manœuvre agressive d'expansion mondiale par des pratiques à la limite de la légalité, voire en dehors de celle-ci", écrit le Guardian. Et c'est sans doute le nom du président français Emmanuel Macron qui est le plus important et le plus compromettant et qui apparaît dans ce copieux dossier. Car selon le Guardian, d'après les documents en question, Macron aurait "secrètement aidé Uber dans ses activités de lobbying en France". Mais la multinationale américaine aurait approché plusieurs autres dirigeants de diverses manières :
- l'actuel président américain Joe Biden, l'actuel chancelier allemand Olaf Scholz, l'ancien ministre britannique des finances George Osborne, l'ancienne commissaire européenne Neelie Kroes et même l'ancien Premier ministre italien Matteo Renzi. L'enquête se concentre notamment sur les agissements du cofondateur d'Uber, Travis Kalanick (photo), qui aurait agi "en utilisant la force brute pour introduire les services de son entreprise, quitte à violer les lois et règlements régissant les services de taxi".
À titre d'exemple, selon ce que révèle le dossier, les hauts responsables d'Uber auraient sorti des phrases pour le moins déconcertantes, qui soulignent une philosophie d'entreprise impitoyable : "Nous sommes des putains d'illégaux", "Mieux vaut demander le pardon que la permission", "Nous commençons d'abord par l'entreprise, puis vient la tempête de règles et de contrôles".
Italie, "Opération Renzi"
Mais dans le dossier, tel que révélé par L'Espresso, apparaît également la dénommée "Italy-operation Renzi", un nom de code pour identifier une campagne de pression menée par Uber - de 2014 à 2016 - qui visait à conditionner le premier ministre italien de l'époque ainsi que certains ministres et députés du PD socialiste. Dans des courriels envoyés par des cadres supérieurs de la multinationale américaine, Renzi est décrit comme "un partisan enthousiaste d'Uber". Pour approcher le Premier ministre italien de l'époque, Uber aurait également impliqué des personnalités institutionnelles importantes telles que John Phillips, l'ambassadeur américain à Rome à l'époque.
Renzi s'est défendu en disant qu'il n'avait "jamais personnellement" suivi les questions relatives aux taxis et aux transports, qui étaient alors gérées "au niveau ministériel, pas par le Premier ministre". Le leader d'Italia Viva confirme toutefois qu'il a rencontré l'ambassadeur Phillips à plusieurs reprises, mais ne se souvient pas avoir jamais discuté d'Uber avec lui. En tout cas, comme le précise L'Espresso, le gouvernement dirigé par Renzi n'a pas approuvé de mesures spécifiques en faveur de la multinationale américaine. La pression du colosse californien reste, décidément, inquiétante. Ainsi qu'une série de méthodes déconcertantes mises en œuvre par Uber, sur différents fronts. "Des travailleurs exploités, sous-payés, espionnés, licenciés sans préavis ni justification. Des programmes secrets pour bloquer les ordinateurs des entreprises lors des perquisitions de la police. L'argent s'est déplacé vers les paradis fiscaux pour éviter de payer des impôts, tandis que des milliards de pertes apparaissent dans les bilans officiels", rapporte L'Espresso.
Alessandro Della Guglia
21:45 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : uber files, france, italie, europe, affaires européennes, actualité, uber | | del.icio.us | | Digg | Facebook
La guerre hybride dans les zones grises
Anastasia Tolokonina
Source: https://www.geopolitika.ru/article/gibridnaya-voyna-v-seryh-zonah
Recension du livre de L.V. Savin Hybrid Warfare and the Grey Zones (en anglais)
"Celui qui sait faire la guerre conquiert l'armée d'autrui sans combattre ; prend les forteresses d'autrui sans les assiéger ; écrase l'État d'autrui sans garder longtemps son armée", dit le célèbre et antique traité chinois L'art de la guerre, dont la paternité est traditionnellement attribuée au chef militaire et stratège Sun Tzu (VIe-Ve siècles avant J.-C.).
Étonnamment, cette déclaration est encore très pertinente aujourd'hui. En outre, Sun Tzu peut être considéré comme l'un des premiers théoriciens dans le domaine de la guerre hybride, qui semble être un phénomène moderne. Le traité de cet ancien philosophe chinois sert encore de base aux approches théoriques des services de renseignements de nombreux pays, dont les États-Unis.
En parlant du rôle des États-Unis dans la formation du concept de guerre hybride, il convient de noter que le terme a été développé et appliqué pour la première fois dans ce pays. Au fil du temps, le concept américain (et généralement occidental) de guerre hybride n'a cessé d'évoluer, provoquant de nombreuses controverses parmi les nombreux chercheurs et analystes qui étudient la guerre hybride. L'un de ces analystes est L. Savin, qui, dans son livre Hybrid War and the Gray Zone, a examiné en détail la genèse du concept de guerre hybride, les développements savants des auteurs occidentaux et la transformation ultérieure du terme. Dès le titre de la monographie, il est facile de comprendre qu'en plus de la guerre hybride, l'ouvrage examine un autre phénomène non moins remarquable, à savoir la "zone grise". Ainsi, Savin examine en détail l'évolution du concept occidental de guerre hybride et de zone grise, et analyse les changements intervenus dans les approches de l'étude de ces phénomènes dans le contexte de l'évolution de l'image géopolitique du monde.
Avant d'aborder le contenu du livre, je voudrais dire quelques mots sur l'auteur. L.V. Savin est un politologue et l'auteur de nombreux ouvrages sur la géopolitique et les conflits contemporains, dont Towards Geopolitics, Networked et Networked Warfare. Une introduction au concept, Ethnopsychologie. Peuples et pensée géopolitique, Nouvelles façons de faire la guerre. How America Builds Empire, et bien d'autres. Il est le rédacteur en chef du portail d'information et d'analyse geopolitika.ru, qui suit la ligne et l'approche eurasiennes. À cet égard, même avant de lire le livre, on aurait pu supposer que L.V. Savin s'exprimerait dans l'esprit de l'eurasianisme, en critiquant le modèle mondialiste unipolaire du monde promu par les États-Unis. Il s'est avéré que ces hypothèses n'étaient pas fausses.
La monographie Guerre hybride et zone grise se compose de trois parties, elles-mêmes divisées en paragraphes plus petits. Toutefois, avant de passer directement à l'examen des concepts de guerre hybride et de zone grise, L.V. Savin met en lumière certains des changements intervenus dans les conflits contemporains ces dernières années. En outre, l'auteur aborde les nouvelles tendances des relations internationales dans le contexte de la réalité géopolitique actuelle. Selon le politologue, dans notre monde complexe et controversé, la question des nouvelles formes de conflits doit être abordée de manière aussi objective et prudente que possible, car il n'est pas facile de trouver une compréhension commune de tout problème moderne.
La première partie du livre est consacrée à l'évolution du terme "guerre hybride" depuis sa première mention en 1998 jusqu'à aujourd'hui. L.V. Savin examine les diverses interprétations du concept développées par la communauté militaro-scientifique occidentale. Ainsi, l'auteur étudie et analyse les travaux de R. Walker, J. Pinder, B. Nemeth, J. Mattis et F. Hoffman, C. Gray, M. Booth, J. McQueen, N. Freyer, R.W. Glenn, B. Fleming, ainsi que les documents doctrinaux américains sur la guerre hybride, notamment le concept américain de menace hybride de 2009, Le guide 2015 de l'organisation de la structure des forces pour contrer les menaces hybrides, Analyse de la stratégie militaire américaine 2015, TRADOC G-2, Joint Operating Environment 2035. La force interarmées dans un monde contesté et désordonné 2016. En outre, L.V. Savin examine les approches de l'OTAN et de l'UE, qui ont développé leur propre concept de guerre hybride.
Il convient de noter qu'une place à part dans tous les développements théoriques des pays occidentaux sur la question de la guerre hybride est accordée à la Russie. L'auteur de la monographie consacre un paragraphe séparé à ce phénomène. En particulier, Savin décrit en détail l'approche du major de l'armée américaine Amos Fox, qui évalue les actions de la Russie dans le contexte de la guerre hybride.
Après avoir lu ce chapitre, il devient clair pourquoi le terme "guerre hybride" est si difficile à comprendre. La réponse est simple : il n'existe pas de définition unique de la "guerre hybride" car, premièrement, chaque chercheur interprète le concept différemment, et deuxièmement, il change et évolue constamment en fonction du contexte géopolitique.
En outre, le terme est très ambigu et est interprété par toutes les parties selon leurs propres intérêts. Quant aux interprétations occidentales du concept de guerre hybride, la plupart d'entre elles affirment que la guerre hybride est principalement menée par la Russie, la Chine, la Corée du Nord et l'Iran. De toute évidence, qualifier ces pays d'"acteurs hybrides" est largement dépourvu de sens, puisqu'il n'y a pratiquement aucun pays (et encore moins de grandes puissances) qui ne soit actuellement engagé dans une guerre hybride. La guerre hybride est la nouvelle réalité (est-elle nouvelle ?) dans laquelle la société moderne existe. De plus, le fait d'étiqueter un "acteur de la guerre hybride" fait lui-même partie de la guerre hybride menée par les pays occidentaux, entre autres.
La deuxième partie de la monographie, comme on peut le deviner, explore un autre concept, la "zone grise". Ce chapitre commence à nouveau par l'étiquetage de la Russie. Cette fois, L.V. Savin cite l'exemple d'une déclaration de Brian Clark de l'Institut Hudson, qui a noté que "la Russie mène une guerre agressive dans la zone grise contre le Japon". Ainsi, l'auteur lance le sujet d'une nouvelle discussion - sur les interprétations du concept de zone grise.
Le deuxième chapitre examine à nouveau l'évolution du concept, en fournissant les interprétations du Département d'État et du Congrès américains, ainsi que des principaux groupes de réflexion tels que RAND et CSIS. Il convient de noter que de nombreuses approches sont accompagnées d'illustrations sous forme de diagrammes, ce qui facilite grandement la compréhension de l'une ou l'autre interprétation du concept de "zone grise". L.V. Savin considère deux interprétations de la "zone grise" - comme une zone géographique contestée et comme un instrument de lutte politique. L'auteur présente les cas de la Chine, qui a des territoires contestés en mer de Chine méridionale, et d'Israël avec son activité de longue date dans la zone grise.
Le concept de "zone grise" n'est pas moins ambigu que la notion discutée précédemment. Comme dans le cas de la guerre hybride, L. V. Savin pense également que la "zone grise" servira d'étiquette spéciale pour toute action de certains États dans les années à venir, principalement la Russie, la Chine, l'Iran et la Corée du Nord. Après avoir lu ce chapitre, on peut tirer une conclusion similaire à celle citée précédemment sur la guerre hybride, et ce n'est pas un hasard : les concepts de "guerre hybride" et de "zone grise" sont en effet très similaires et interchangeables à bien des égards ; on ne voit pas immédiatement quelle est la différence, ou si elle existe tout court. C'est à cela que notre auteur consacre la troisième partie du livre.
Ainsi, dans le troisième chapitre, le politologue combine les deux concepts en question en analysant divers documents et études dans lesquels "zone grise" et "guerre hybride" semblent être synonymes. Cette partie du livre répond définitivement à la question de savoir si la guerre peut encore être menée sans hostilités directes. En outre, l'étude de cas la plus récente de l'auteur, l'opération spéciale russe en Ukraine, prouve une fois de plus que les acteurs de la guerre hybride et des actions dans les "zones grises" ne sont pas seulement la Russie, la Chine, l'Iran et la Corée du Nord, mais aussi l'Occident "collectif". De nouveaux instruments et méthodes de confrontation sont en effet régulièrement introduits et testés dans les points chauds par divers pays, dont la Russie et les États membres de l'OTAN et d'autres acteurs internationaux.
Quant aux différences entre les deux termes, elles sont effectivement difficiles à définir, et le troisième chapitre le confirme. Comme le montrent de nombreuses études examinées par L.V. Savin, la confusion entre "zone grise" et "guerre hybride" est effectivement possible. Ce phénomène est expliqué le plus clairement par Arsalan Bilal, membre de l'équipe de recherche de l'Université de l'Arctique : "une guerre hybride elle-même peut avoir lieu dans une zone grise, et une zone grise, respectivement, crée les conditions d'une guerre hybride.
En résumé, L.V. Savin répète la thèse selon laquelle l'Occident continuera à qualifier la Russie d'"acteur hybride" et à l'accuser d'actions malveillantes dans la zone grise, en utilisant pour ce faire une rhétorique politique et des données fabriquées. En outre, Savin explique pourquoi il est important et nécessaire d'étudier les approches et l'expérience occidentales en matière de guerre hybride.
En ce qui concerne l'impression de la lecture de la monographie, on peut dire sans aucun doute qu'elle ajoute grandement au bagage de connaissances sur le sujet de la guerre hybride, qui est actuellement plus pertinent que jamais. Cette monographie sera particulièrement utile aux lecteurs qui étudient les nouvelles formes de conflits - guerre de l'information, cyber-guerre, guerres économiques, etc.
Il convient également de noter plusieurs nuances. Tout d'abord, malgré la petite taille du livre, on ne peut pas dire qu'il soit facile à lire. La monographie de L.V. Savin contient beaucoup de terminologie complexe, qui ne convient pas au lecteur non préparé. Mais il ne faut pas oublier que cet ouvrage s'adresse à un public particulier - chercheurs et théoriciens dans le domaine de la polémologie, des relations internationales et de la stratégie militaire, décideurs politiques et personnes impliquées dans le développement de contenus d'information. Autrement dit, pour lire cette monographie, il faut avoir une certaine base de connaissances, au moins en relations internationales.
Deuxièmement, pour la plupart, l'ouvrage décrit des études occidentales sur le sujet donné. Bien que l'on ressente le point de vue et le sentiment de l'auteur "entre les lignes" en lisant la monographie, il aurait été souhaitable que L.V. Savin commente davantage et raisonne ouvertement. Cela aurait permis d'approfondir le sujet des guerres hybrides et des zones grises, ainsi que de mieux comprendre ce que les experts occidentaux tentent de transmettre aux lecteurs de leurs travaux. Les commentaires d'un expert ne sont jamais superflus.
Deux conclusions importantes peuvent être tirées après la lecture de ce document. Premièrement, la guerre hybride est une réalité dans laquelle nous devrons toujours exister. Nous faisons nous-mêmes partie de la guerre hybride, et à bien des égards, nous en sommes l'objet. À l'ère de la société de l'information et de la technologie, il n'y a pas d'autre moyen : nous faisons partie de cette réalité géopolitique lorsque nous accédons aux réseaux sociaux, lisons les nouvelles, allumons la télévision, etc. Nous sommes tous des objets d'une influence omniprésente, des objets d'un flux d'informations sans fin qui sert les intérêts d'un côté ou de l'autre de la guerre hybride. La deuxième conclusion, qui découle de la première, est que nous devons être capables de prendre toute information de manière critique. Même si une source fait autorité (et les sources citées dans la monographie font très autorité), elles servent toutes également les intérêts de quelqu'un et sont toujours biaisées, comme le prouve le livre de L.V. Savin.
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Où en sommes-nous ?
Leonid Savin, expert russe en géopolitique, a répondu à nos questions sur l'avenir possible
Costantino Ceoldo & Leonid Savin
Source: https://www.geopolitika.ru/es/article/donde-estamos
Près de six mois se sont écoulés depuis le début de l'opération militaire spéciale russe en Ukraine et le scénario qui se présente à nous n'est pas celui auquel l'Occident s'attendait.
Les attentes caressées par les chancelleries occidentales ici, dans l'Empire du Bien, étaient de voir la Russie perdre son élan initial en peu de temps, pour finir dans une coulée de boue suite aux sanctions politiques et économiques et aux défaites militaires de plus en plus patentes, jusqu'à ce que les armées russes soient obligées de s'arrêter et de rentrer à Moscou la tête basse et la queue entre les jambes, vaincues et humiliées.
Il est difficile de comprendre ce qui passe par la tête de nombreux analystes occidentaux qui nient l'évidence ou, du moins, ne suspendent pas leur jugement en attendant des événements plus précis. Peut-être qu'un sens mal placé du patriotisme pousse certains à se ranger systématiquement du côté de ce qui est maintenant le mauvais côté depuis la chute du mur de Berlin et la dissolution de l'Union soviétique. En pensant aux autres, feu le journaliste allemand Udo Ulfkotte me vient aussi à l'esprit, aux nécessités de la vie quotidienne et à ces petits luxes indispensables qui rendent la vie si agréable à certains qu'ils en oublient qu'ils ne sont que des scribouillards dont on loue les services (ndlr: Sur Udo Ulfkotte, lire: http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2017/01/15/une-grande-perte-pour-nos-libertes-udo-ulfkotte-est-mort.html ).
Malgré la quantité impressionnante de sanctions que l'Occident a imposées à la Russie de Poutine, malgré l'aide militaire, économique et en matière de renseignement apportée au régime de Kiev, le Donbass est désormais presque entièrement libéré et Moscou se prépare à libérer également Odessa et la Transnistrie. À moins d'un bouleversement inattendu sur le terrain en faveur de Kiev et de son président qui peut jouer du piano avec son propre pénis, la guerre se terminera probablement par une victoire russe et la réalisation des objectifs déclarés de Moscou.
Quels objectifs, à moyen et à long terme ?
Leonid Savin, un expert russe en géopolitique, a répondu à nos questions sur l'avenir possible.
Pourquoi la politique étrangère américaine stagne-t-elle depuis des décennies sur les voies habituelles que nous connaissons tous bien maintenant ?
La principale technique américaine est simple. En politique intérieure, elle se fonde sur la formule du triangle de fer (entreprises - lobbies - gouvernement) qui se reflète également dans la politique étrangère. Dans les relations internationales, en revanche, Washington utilise le principe de la carotte et du bâton, masqué par l'idée de hard power/soft power. Mais l'objectif est le même: contrôle des ressources à l'étranger, domination et hégémonie.
Est-il possible que la situation actuelle, y compris la guerre en Ukraine, soit due au caractère excessivement raisonnable de la Russie envers l'Occident dans le passé ?
C'est à cause de l'irresponsabilité et de la logique tordue de l'Occident. Même aux États-Unis, de nombreux scientifiques et personnalités politiques s'accordent à dire que la crise en Ukraine est le résultat de l'expansion de l'OTAN impulsée par les États-Unis. Nous constatons maintenant que de nombreuses initiatives de la part des gouvernements occidentaux, en particulier des États-Unis, ont eu lieu pour isoler et fragmenter la Russie. L'esprit de la guerre froide est encore dans leur tête. Mais l'époque de la guerre froide est révolue. La Russie n'attendra pas de voir comment l'Occident tente de la détruire.
La Maison Blanche, le Pentagone et le Département d'État suivent-ils la même ligne de conduite convenue, ou devons-nous nous attendre à une autre "fronde des généraux" comme cela s'est produit avec la Syrie ?
Il semble que la Maison Blanche et le Département d'Etat soient d'accord sur la Russie. Le Pentagone est plus prudent, mais suit les ordres de Biden et Blinken. Le ministère de la Défense a récemment annoncé qu'il allait fournir une aide supplémentaire à l'Ukraine. Globalement, nous voyons donc une stratégie unifiée contre la Russie.
La crise ukrainienne vise-t-elle également à neutraliser les aspirations de Berlin à une plus grande indépendance vis-à-vis de Londres et de Washington ? À votre avis, Berlin aurait-il pu chercher la protection de Moscou ces dernières années en poursuivant un programme sur le long terme ?
L'axe Moscou-Berlin-Paris est le pire cauchemar des atlantistes. En effet, le livre de Brooks Adams écrit à la fin du 19e siècle contient la thèse de la nécessité pour l'Amérique d'empêcher une future amitié entre la Chine, la Russie et l'Allemagne au profit de Washington. Les États-Unis craignent l'intégration continentale de l'Eurasie sous quelque forme que ce soit. C'est pourquoi ils utilisent la stratégie du "diviser pour régner". Jusqu'à présent, il n'y a aucun signe que Berlin s'engage dans une politique souveraine et indépendante. Certains ministres font simplement des pas de géant. Nous avons entendu que l'Allemagne ne fournira plus d'armes à l'Ukraine parce qu'elle doit maintenir la Bundeswehr dans un état normal de fonctionnement. C'est une bonne nouvelle, mais elle n'est pas suffisante. D'autre part, la leçon de la Russie sur l'approvisionnement et les prix du gaz aidera les politiciens allemands à bien réfléchir.
L'opération militaire spéciale en Ukraine se déroule-t-elle comme prévu ?
Oui, c'est le cas. Nous procédons étape par étape. Il n'y a pas de termes concrets, seulement des objectifs. Maintenant, la République populaire de Lugansk a été libérée. L'étape suivante sera la République populaire de Donetsk et d'autres régions d'Ukraine. Chaque jour, il y a moins de chances pour la dictature de Zelensky et plus de chances pour les prochaines revendications russes.
Kiev court-il le risque sérieux de se retrouver enclavé et de voir l'étendue de son territoire fortement réduite, même au profit de certains de ses "amis" à la frontière occidentale ?
Les "amis" de la frontière occidentale sont très intéressés par l'intégration de ces parties de l'Ukraine dans leur territoire le plus rapidement possible. Je pense que ce genre d'opportunité se présentera bientôt. Mais la côte revêt également une importance stratégique pour l'Ukraine. Les régions qui produisent la majeure partie du PIB de l'Ukraine (les secteurs industriels du sud-est) sont actuellement sous contrôle russe. Le port d'Odessa sera une bonne récompense après d'autres succès dans la région de Zaporozhie et la région de Nikolaev sous administration russe (très bientôt, espérons-le).
Pouvez-vous nous informer sur les laboratoires biologiques américains (malheureusement) notoires en Ukraine ?
Les dernières nouvelles concernaient le lien entre les citoyens russes disparus en Ukraine depuis 2014 et l'activité de ces laboratoires. Des enquêtes sont en cours.
Parlons économie : le système MIR rend-il la Russie indépendante de SWIFT et à l'abri de son éventuelle exclusion ?
En Russie, nous pouvons utiliser Mastercard et Visa ; il n'y a pas encore de problèmes. Le MIR est plus indépendant car c'est un produit national, mais il est limité à l'étranger. Aujourd'hui, les gouvernements russes négocient pour l'installer dans des pays amis.
À quoi ressemblera la nouvelle monnaie de réserve internationale, sera-t-elle exclusive ou coexistera-t-elle avec le dollar ?
Sur le marché boursier russe, nous constatons que le yuan est plus utile que le dollar américain. La Chine est en train de construire son propre système de transaction. En outre, Pékin et Moscou ont convenu d'organiser une autre monnaie mondiale pour éviter toute dépendance.
Le moment unipolaire américain est-il définitivement terminé ?
Oui, bien sûr. Mais comme pour tout changement global, nous aurons des turbulences pendant un certain temps encore.
Si vous le permettez, j'aimerais conclure par une question naïve : pourquoi les peuples occidentaux sont-ils encore si convaincus que leurs gouvernements sont "bons" ?
Les raisons sont peu nombreuses. Les gouvernements sont issus du peuple et le mythe de la démocratie reste fort. Les élites politiques disposent d'outils d'influence, de l'éducation aux médias en passant par l'appareil répressif. Enfin, ces dernières décennies, on a assisté à un sérieux déclin de la pensée politique indépendante, influencée par le consumérisme.
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Shinzo Abe et Olof Palme, des tragédies parallèles
Par Felipe Quintas
Source: https://jornalpurosangue.com/2022/07/10/shinzo-abe-e-olof-palme-tragedias-paralelas/
L'assassinat de Shinzo Abe m'a rappelé celui de l'ancien Premier ministre suédois Olof Palme (1927-1986). Tout comme Abe l'a fait en critiquant Zelensky et en prônant un plus grand dialogue avec la Chine, même s'il avait un bilan plutôt belliqueux à l'encontre de Pékin, Palme a également déplu aux intérêts des détenteurs de la puissance occidentale.
Dans sa dernière interview, accordée à une chaîne de télévision grecque deux jours avant d'être abattu, Palme, en février 1986, interrogé sur la Communauté économique européenne (le prédécesseur de l'Union européenne et qui se préparait déjà à le devenir), a déclaré que la Suède n'avait pas l'intention d'y adhérer et qu'elle était préoccupée par la suppression de l'indépendance nationale et le degré de centralisation de l'entité.
En fait, après l'assassinat de Palme, la Suède a rapidement donné son accord pour rejoindre la Communauté économique européenne et a libéré les banques étrangères pour qu'elles entrent dans le pays, ce qui était interdit depuis le 19e siècle. Le pays s'aligne également de plus en plus au plan international sur le bloc de l'OTAN, affaiblissant la politique étrangère indépendante que Palme avait construite en envoyant des armes au Vietnam contre les États-Unis et en Palestine contre Israël et en rejetant l'embargo économique contre Cuba. L'adhésion de la Suède à l'OTAN aujourd'hui est la conséquence de ce qui a commencé en 1986.
L'assassinat de Palme a symboliquement marqué la fin de l'ère sociale-démocrate en Suède et le début de sa décadence industrielle, sociale et internationale, qui l'a fait cesser d'être une référence internationale pour devenir finalement insignifiante. Tout porte à croire qu'il n'en sera pas autrement avec le Japon, s'il reste lié à la zone d'influence occidentale. L'assassinat d'Abe, comme celui de Palme, ne visait pas seulement à l'éliminer physiquement, mais à éliminer toute trace d'indépendance vis-à-vis des instances financières et militaires anglo-américaines. Le monde d'aujourd'hui est pourtant bien différent, et les chances de succès de l'empire de l'OTAN s'amenuisent.
L'interview complète se trouve sur le lien suivant: https://www.youtube.com/watch?v=cp64ZTBS0Ps. Palme aborde également des points intéressants qui n'ont certainement pas plu à la finance occidentale, comme la défense de l'énergie nucléaire, la nécessité de l'emploi et du développement économique et la crainte que les nouvelles technologies, si elles sont mal utilisées, n'entraînent une augmentation du chômage et une perte de liberté. Il résume bien les vues d'un vieux social-démocrate, de ceux qui aujourd'hui n'auraient plus leur place dans les hémicycles parlementaires et seraient traités de "dinosaures du jurassique" et de fascistes.
Note de la rédaction:
En 1986, nous avions émis, dans le numéro 27 de la revue Vouloir (couverture, ci-dessus), un avis qui tranchait, à l'époque, sur les visions d'Olof Palme. On nous avait accusés de "pousser le bouchon trop loin". De faire du "national-gauchisme" (etc.). On ne pouvait pas dire du bien de cette homme politique suédois parce que c'était un "socialiste" dans un pays dit "permissif". C'est dire que nous sommes heureux, aujourd'hui, de lire des conclusions similaires sous la plume d'un camarade brésilien.
13:28 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : shinzo abe, actualité, japon, asie, affaires asiatiques, olof palme, suède, europe, scandinavie, affaires européennes, assassinats politiques | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Les bellicistes éco-durables
par Andrea Zhok
Source : Andrea Zhok & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/i-bellicisti-eco-sostenibili
Parmi les milliers de choses qui m'échappent dans le cheminement de la pensée des dirigeants occidentaux, il en est une qui concerne le sujet séculaire du réchauffement climatique.
Supposons que la contribution anthropique au réchauffement climatique soit effectivement déterminante (je sais que ce n'est pas facile à prouver, mais c'est une possibilité à envisager).
À la lumière de ce constat, il serait en effet judicieux de réduire la portée mondiale d'un certain nombre de productions et de systèmes de production à fort impact (non seulement en ce qui concerne les gaz à effet de serre, mais en général la pollution atmosphérique qui sévit dans de nombreuses agglomérations urbaines).
Maintenant, si l'urgence première est effectivement d'endiguer ces processus à l'échelle mondiale, ma question est la suivante : mais provoquer une rupture par une guerre mondiale de quelque manière que ce soit, avec une course aux armements associée, est-ce vraiment une voie astucieuse ?
Je veux dire, vous conviendrez que pour obtenir un quelconque résultat mondial, nous avons besoin d'un niveau élevé d'accord mondial sur les stratégies. Sinon, si les quelque 800 millions d'Occidentaux adoptent la stratégie environnementale X et que les 6,5 milliards de non-Occidentaux adoptent la stratégie environnementale non-X, on n'obtiendra pratiquement aucun résultat.
Donc, si je comprends bien, vous nous demandez, à nous Occidentaux, de faire du vélo, d'éteindre les barbecues, de réintroduire ou de développer l'énergie nucléaire, de mettre au rebut les voitures à combustion, etc. etc. alors que dans le même temps, vous nous obligez à nous isoler, en tant qu'Occidentaux, de la majorité de la population de la planète, à entamer une course aux armements avec eux (une industrie proverbialement energivore), à fomenter des conflits directs comme en Ukraine (quelqu'un veut faire le calcul des "émissions nocives" d'une guerre où l'artillerie joue un rôle prépondérant ?), avec pour conséquence le recours d'urgence à toutes les sources d'énergie qui étaient taboues jusqu'à hier matin (du charbon au fracking) ?
En termes plus simples.
Croyez-vous vraiment que le réchauffement climatique d'origine anthropique est l'horizon d'une catastrophe future ? Eh bien, alors nous avons sacrément besoin de concorde internationale et de pactes coordonnés, et vous devez tout faire pour y parvenir.
Si, en revanche, vous cherchez systématiquement les ennuis, provoquez la plus grande puissance nucléaire du monde de quelque manière que ce soit (de Maidan à Kaliningrad), exigez que les conflits ne prennent fin qu'avec la défaite finale de l'un des prétendants, déclarez que la Chine est une menace pour la sécurité internationale et ordonnez à "votre peuple" de rompre tous les liens culturels, économiques et diplomatiques avec les BRICS, eh bien, cher ami, permettez-nous de douter que vous considériez le réchauffement climatique comme la menace que vous dites être.
Alors, on peut bien faire du vélo parce que c'est la santé, mais pour ne savoir ni lire ni écrire, on croira aux stratégies climatiques occidentales quand on verra un comportement cohérent au sommet.
Et un comportement cohérent ne consiste pas à se déguiser en prophètes écologistes pendant que vous alimentez la troisième guerre mondiale.
18:38 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : bellicisme, écologistes, verts | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Virage vert et arnaque au poison - Nutrition artificielle, médication forcée et divertissement virtuel pour les masses ?
Markku Siira
Source: https://markkusiira.com/2022/07/06/myrkynvihrea-huijaussiirtyma-keinoravintoa-pakkolaakitysta-ja-virtuaaliviihdetta-massoille/
Si vous êtes familier avec les plans des institutions supranationales, des puissances financières et des politiciens pour promouvoir une "transition verte", vous pouvez commencer à penser que ces objectifs et perspectives d'avenir apparemment bien intentionnés sont comme quelque chose d'arraché au scénario d'une sinistre science-fiction.
Comme le dit l'historien et chercheur en sciences sociales russe Andrei Fursov (photo), le plan des "ultra-mondialistes" consiste à donner aux masses sans emploi un revenu de base afin qu'elles ne se rebellent pas contre leurs maîtres. Au lieu de la stimulation traditionnelle, ils seront branchés sur la réalité virtuelle dans leur propre maison.
Et pour éviter que leur empreinte carbone ne devienne trop importante, ils sont gavés de vaccins obligatoires, qui réduisent clairement l'immunité, raccourcissent la durée de vie et obligent les survivants malades à acheter davantage de médicaments, augmentant ainsi les revenus des entreprises pharmaceutiques.
Outre les "images de cirque" virtuelles, la psycho-élite transnationale offre à ses sujets du "pain" ou de la nourriture, mais à l'avenir, cette "nourriture" sera végétalienne, synthétique ou fabriquée à partir d'insectes, de vers et d'autres organismes. L'Union européenne a déjà adopté un "règlement sur les nouveaux aliments" qui inclut la vente d'insectes comme aliments.
"Les termes 'avoine de lapin', 'taureau', 'mifu' et 'ver de terre' sont déjà devenus familiers aux consommateurs conscients. Bientôt, les insectes deviendront également une alternative à la nourriture végétalienne. Bien que ces options ne semblent pas attrayantes pour la majorité à ce stade, peut-être que les pénuries alimentaires induites artificiellement forceront le changement souhaité par l'élite ?
Si les choses tournent mal, les heures de repas des gens ordinaires comprendront toujours "les lundis sans viande, les mardis scorpion et les mercredis soja", observe sarcastiquement Fursov. Mais nous avons aussi besoin de lunettes virtuelles qui permettent aux gens de s'échapper d'une réalité morne pour aller dans les profondeurs d'un métavers mystique.
"Ce faisant, ils restent passivement assis à la maison, éloignés des contacts sociaux normaux et donc de la coopération dans la lutte pour leurs droits", commente Fursov.
Ayant déjà amassé des fortunes par tous les autres moyens, les capitalistes financiers ont vu le potentiel de profit de "l'arnaque verte" et ont commencé à coopérer pour promouvoir son modèle et son programme d'investissement. Le ciel est littéralement la limite de la politique climatique, et ici aussi, les investisseurs qui ont pris conscience de leur crédibilité "écologique" récoltent d'énormes bénéfices.
Au moment où j'écris ces lignes, la police des Pays-Bas tire des coups de feu sur des agriculteurs qui protestent contre la perte de leurs moyens de subsistance. Il se trouve que les grands médias finlandais sont toujours silencieux sur ces événements. Le mouvement empoisonné du canular vert exige la fermeture de l'agriculture traditionnelle. Alors juste des fricassées de lombrics et de diptères, immangeables, pour toutes les nations.
Au-delà de l'appât du gain, le verdissement compulsif est motivé par un objectif plus sombre, eugéniste, consistant à réduire le nombre de "mangeurs inutiles" sur la planète. Bien sûr, les vérificateurs de faits pensent qu'il ne s'agit que d'une "théorie du complot" sauvage ou du moins d'une "information partiellement incorrecte", mais lorsque les déguisements de la démocratie des neiges seront dépouillés, nous verrons peut-être qui a raison et qui a tort dans les prochaines années.
Tout cela a longtemps été commercialisé aux masses au nom du "développement durable" et de la "capacité de charge" de la planète. Maintenant, le rythme s'accélère, car certains mondialistes, qui devraient être en institutions gériatriques, veulent voir leurs rêves se réaliser de leur vivant, à moins que la science ne trouve un moyen de prolonger encore la vie de cette minorité de milliardaires.
18:17 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, écologisme, élites, mondialisme, manducation d'insectes | | del.icio.us | | Digg | Facebook
La politique du monde des clowns
Markku Siira
Source: https://markkusiira.com/2022/07/08/pellemaailman-politiikkaa/
Le système politique en Europe, aux États-Unis et en Grande-Bretagne, est dominé par des personnes qui méprisent leur propre peuple, mais dont les opinions, les décisions et les plans d'avenir sont plus ridicules que ceux du citoyen ordinaire.
Le parlementarisme est devenu une étrange arène de cirque, avec des personnages de plus en plus ridicules choisis comme artistes. Il semble parfois que tout cela soit fait délibérément. Est-ce mon imagination, ou quelqu'un est en train de rire dans les coulisses ? Tout cela n'est-il qu'un grand spectacle ?
Des femmes qui ne semblent pas avoir une connaissance même rudimentaire de l'histoire ont été portées au pouvoir dans les pays de la zone euro ; apparemment, des contacts réels avec les groupes de référence de l'élite qui domine l'Occident suffisent pour avoir du mérite. Quel est donc l'intérêt de maintenir l'îlot de morale libérale paternaliste occasionnel dans la lignée du récit. Tout est de la faute de Poutine, après tout.
Les leaders symboliques sont le reflet d'un âge de ruine à la Spengler. En Amérique, la star de télé-réalité égocentrique a été remplacée par un vieil homme dément. En Petite Bretagne, Boris Johnson sera bientôt remplacé par une nouvelle figure comique qui, en pleine récession, tente d'insuffler la foi dans les perspectives d'une nation insulaire en perdition et fait des ouvertures à la Russie et à la Chine.
Il n'y a plus de politiciens sérieux en Occident, seulement de vieux fous suffisants et de jeunes flagorneurs qui considèrent leur place sous les projecteurs comme un tremplin vers de nouvelles options de carrière plus lucratives.
Inutile de penser par vous-même, car quelqu'un à l'arrière-plan s'occupe de tout ; une marionnette des vrais pouvoirs en place n'a besoin que d'agir comme un acteur. Peut-être faudra-t-il une longue et instructive période de misère pour que les gens qui restent en tirent au moins un peu de sagesse.
Les groupes de réflexion politiques ont essayé de trouver comment donner à l'empire mondial anglo-américain une extension et une longueur d'avance dans l'arène concurrentielle. L'arnaque économique de Ponzi a fait tomber tout le château de cartes il y a des années, mais diverses stratégies d'urgence ont permis de maintenir l'effondrement à l'abri des regards.
L'ère Corona et la guerre en Ukraine étaient censées être le prélude à une nouvelle façon pour l'élite capitaliste de diriger le système mondial. Cela était censé être un grand pas en avant vers le "managérialisme" international, où les technocrates les plus brillants dirigeraient une fédération mondiale cosmopolite et ses masses endoctrinées.
Quelque part, le fil conducteur profond entre les réunions des dirigeants, la vision de l'avenir de l'élite et la réalité quotidienne est révélé, même si les médias grand public tentent d'utiliser des influences hybrides pour maintenir l'attention du public ailleurs.
Les Allemands et les autres personnes vivant dans la zone d'occupation américaine devront bientôt déménager dans des endroits suffisamment chauds pour vivre sans gaz russe. En Europe en général, le niveau de vie baisse et l'avenir du continent s'annonce sombre. Les citoyens européens paient un lourd tribut au transatlantisme des politiciens.
En Finlande, la couverture médiatique de la progression vers l'adhésion à part entière à l'organisation criminelle qu'est l'OTAN se poursuit, éclipsée par le croissant de lune turc. La robe d'été du Premier ministre Marin a suscité l'admiration lors d'un défilé de la Fierté. Le journal du matin de YLE cite le groupe de réflexion américain néo-conservateur sur la guerre comme une source crédible.
Et que dire du président Sauli Niinistö, dont la cote de popularité approche les 100 % ? Le bureau de la présidente imprime les liens occidentaux de la Finlande dans l'esprit du public en publiant sur les médias sociaux des photos des rencontres répétées de son président préféré avec des sénateurs américains.
Une intelligence artificielle hautement sophistiquée et consciente créée par quelque géant transnational prendra-t-elle bientôt le pouvoir mondial, après avoir observé ce monde de clowns pendant assez longtemps ? À ce stade, même cette option ne serait pas particulièrement terrifiante.
17:41 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Le dernier homme et la critique nietzschéenne de l’Etat moderne
Nicolas Bonnal
Un ami me dit qu’en France tout le monde est préoccupé de Covid et de vacances. Pour le reste, me dit un autre, ils attendent impatiemment le rationnement de Le Maire et d’Ursula. Rien ne les préoccupe vraiment sauf le masque et la prochaine dose. Côté énergie, tout le monde ou presque est d’accord : il faut mourir pour BHL et son prophète.
La situation est désespérée mais elle n’est pas grave : c’est que le peuple nouveau de Macron – si bien soutenu par Marine et consorts – répond au dernier homme de Nietzsche. Relisons Ainsi parlait Zarathoustra alors :
« Je vais donc leur parler de ce qu’il y a de plus méprisable : je veux dire le dernier homme. »
Nietzsche ajoute dans son insurpassable élan poétique et prophétique :
« Malheur ! Les temps sont proches où l’homme ne mettra plus d’étoile au monde. Malheur ! Les temps sont proches du plus méprisable des hommes, qui ne sait plus se mépriser lui-même. Voici ! Je vous montre le dernier homme. « Amour ? Création ? Désir ? Étoile ? Qu’est cela ? » – Ainsi demande le dernier homme et il cligne de l’œil. »
Nietzsche prévoit non pas le grand remplacement mais le grand rétrécissement mental, spirituel et cérébral :
« La terre sera alors devenue plus petite, et sur elle sautillera le dernier homme, qui rapetisse tout. Sa race est indestructible comme celle du puceron ; le dernier homme vit le plus longtemps. « Nous avons inventé le bonheur, » – disent les derniers hommes, et ils clignent de l’œil. Ils ont abandonné les contrées où il était dur de vivre : car on a besoin de chaleur. On aime encore son voisin et l’on se frotte à lui : car on a besoin de chaleur. »
Ah, cette durée de vie…
On est obsédé par les maladies et les médicaments :
« Tomber malade et être méfiant passe chez eux pour un péché : on s’avance prudemment. Bien fou qui trébuche encore sur les pierres et sur les hommes ! Un peu de poison de-ci de-là, pour se procurer des rêves agréables. Et beaucoup de poisons enfin, pour mourir agréablement. »
Les RTT ? Lisez Nietzsche :
« On travaille encore, car le travail est une distraction. »
Après on crée une société à la Jospin, une société un peu paresseuse :
« Mais l’on veille à ce que la distraction ne débilite point. On ne devient plus ni pauvre ni riche : ce sont deux choses trop pénibles. Qui voudrait encore gouverner ? Qui voudrait obéir encore ? Ce sont deux choses trop pénibles. »
La cancel culture est déjà là au sens strict (lisez l’admirable deuxième considération inactuelle sur l’anéantissement de l’histoire) qui consiste à ne plus supporter son passé ou son Histoire nationale ou autre (cf. Biden, Macron ou Bergoglio) :
« Point de berger et un seul troupeau ! Chacun veut la même chose, tous sont égaux : qui a d’autres sentiments va de son plein gré dans la maison des fous. « Autrefois tout le monde était fou, » – disent ceux qui sont les plus fins, et ils clignent de l’œil. On est prudent et l’on sait tout ce qui est arrivé : c’est ainsi que l’on peut railler sans fin. On se dispute encore, mais on se réconcilie bientôt – car on ne veut pas se gâter l’estomac. On a son petit plaisir pour le jour et son petit plaisir pour la nuit : mais on respecte la santé. « Nous avons inventé le bonheur, » – disent les derniers hommes, et ils clignent de l’œil. »
Voilà pour le dernier homme dont a si mal parlé Fukuyama (sans doute parce que le piteux bureaucrate hégélien Kojève en avait mal parlé lui-même). Puis survient l’Etat dans le fabuleux chapitre : De la nouvelle idole. Quelques citations rafraichissantes alors dont la plus connue sur le monstre froid :
« L’État, c’est le plus froid de tous les monstres froids : il ment froidement et voici le mensonge qui rampe de sa bouche : « Moi, l’État, je suis le Peuple. »
L’Etat s’est renforcé avec les guerres, avec l’Europe, avec les banques centrales, et les dettes immondes, avec le sozial comme disait Céline. C’est le Warfare state et le Welfare State de Rothbard. Tout cela écrit Nietzsche est lié à des « appétits » :
« Ce sont des destructeurs, ceux qui tendent des pièges au grand nombre et qui appellent cela un État : ils suspendent au-dessus d’eux un glaive et cent appétits. Partout où il y a encore du peuple, il ne comprend pas l’Etat et il le déteste comme le mauvais œil et une dérogation aux coutumes et aux lois. »
Nietzsche rappelle justement que l’Etat moderne a tout volé :
« Mais l’État ment dans toutes ses langues du bien et du mal ; et, dans tout ce qu’il dit, il ment – et tout ce qu’il a, il l’a volé. Tout en lui est faux ; il mord avec des dents volées, le hargneux. Même ses entrailles sont falsifiées. »
La culture de la mort, la volonté de mort sont liées à l’Etat :
« Une confusion des langues du bien et du mal – je vous donne ce signe, comme le signe de l’État. En vérité, c’est la volonté de la mort qu’indique ce signe, il appelle les prédicateurs de la mort ! Beaucoup trop d’hommes viennent au monde : l’État a été inventé pour ceux qui sont superflus ! Voyez donc comme il les attire, les superflus ! »
Cette notion d’homme superflu fait penser aux mangeurs inutiles (nous tous ou presque) que les mondialistes veulent exterminer maintenant. Ils ont fait pulluler sur les plages ou devant les télés ce troupeau et maintenant ils veulent l’éliminer. Et le troupeau se laisse liquider sans regimber, surtout en Occident. Il ne se sent ni très utile ni très sûr de lui-même il est vrai !
Nietzsche voit que l’Etat-providence va remplacer la Providence (à cet égard lisez l’Australien Charles Pearson qui rivalise avec Nietzsche ou Tocqueville en ce roi des siècles analytiques – le dix-neuvième) :
« Certes, il vous devine, vous aussi, vainqueurs du Dieu ancien ! Le combat vous a fatigués et maintenant votre fatigue se met au service de la nouvelle idole ! »
La vie moderne devient un lent suicide – sensible au niveau des nations comme des personnes. Thoreau parle de désespoir tranquille dans Walden. Et Nietzsche :
« L’État est partout où tous absorbent des poisons, les bons et les mauvais : l’État, où tous se perdent eux-mêmes, les bons et les mauvais : l’État, où le lent suicide de tous s’appelle – « la vie ». Voyez donc ces superflus ! Ils volent les œuvres des inventeurs et les trésors des sages : ils appellent leur vol civilisation – et tout leur devient maladie et revers ! Voyez donc ces superflus ! Ils sont toujours malades, ils rendent leur bile et appellent cela des journaux. »
C’est que ces journaux, subventionnés à 100% comme on sait…
On me reproche mon pessimisme. C’est que Nietzsche, Thoreau ou Tocqueville, ça ne date pas d’hier. Et rappelons aux distraits que Marx voulait aussi la fin de l’Etat.
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Disputes internes au sein de l'OTAN
Par Alexander Markovics
Dans le sillage des opérations militaires russes, deux nouveaux États souhaitent rejoindre l'alliance offensive américaine de l'OTAN : la Suède et la Finlande. La fin de la neutralité déjà bien érodée de ces deux Etats signifierait une menace potentielle pour la Russie venant du nord : Saint-Pétersbourg, la deuxième ville russe, Mourmansk, le port de la mer du Nord, ainsi que des forces navales supplémentaires de l'OTAN dans la région de la mer Baltique, donneraient de sérieux tracas à Moscou. Tous les pays de l'OTAN sont favorables à l'élargissement au nord - mais le deuxième membre le plus puissant de l'Alliance sur le plan militaire, la Turquie dirigée par Recep Tayip Erdogan, oppose son veto à l'élargissement de l'Alliance. Erdogan exige que la Finlande et la Suède cessent de soutenir les groupes kurdes PKK et YPG.
Bien que le PKK figure sur la liste des organisations terroristes de l'UE, ce groupe terroriste d'obédience avérée à la gauche, qui s'aligne de plus en plus sur la ligne libérale de l'Occident depuis la fin de la Guerre froide, dispose d'un vaste réseau de soutien en Europe, notamment en Allemagne et en Autriche. Pour la Turquie, cela est particulièrement important, car un conflit armé couve depuis des décennies dans l'est du pays avec des partisans du PKK - qui utilisent notamment des pays comme la Finlande et la Suède pour échapper aux poursuites judiciaires d'Ankara. Pour la Turquie, cette demande est un aspect non négociable de sa souveraineté. Son récent veto montre que, depuis la présidence d'Erdogan, elle est prête à faire valoir ses intérêts nationaux, même face à Washington. Ainsi, la Turquie a également refusé de se joindre aux sanctions occidentales contre la Russie. Ce faisant, la Turquie prend non seulement en compte ses intérêts économiques - elle dépend non seulement du gaz russe, mais aussi des céréales et des touristes de Moscou - mais suit également la vieille doctrine d'Atatürk consistant à entretenir de bonnes relations avec la Russie.
Enfin, Ankara se souvient très bien des événements de l'été 2016 : à l'époque, l'Occident avait soutenu un coup d'État du mouvement Gülen (un ancien partenaire d'Erdogan) contre son allié fidèle, la Turquie. Peu après, des provocations de militaires pro-occidentaux à l'encontre de la Russie ont culminé avec la destruction d'un avion russe. Une guerre entre la Turquie et la Russie - et donc une guerre mondiale - était alors imminente, qui n'a pu être évitée que grâce à la médiation courageuse des cercles eurasiens de Russie et du Parti de la Patrie en Turquie.
L'attitude de l'Occident dans ce conflit au sein de l'OTAN reste ambivalente : en particulier dans la lutte contre l'État islamique - également créature de l'Occident - Washington a misé sur un soutien aux associations kurdes armées et à l'État kurde "Rojava", créé grâce au soutien occidental. Cette entité, créée dans le cadre de la guerre en Syrie, viole encore aujourd'hui la souveraineté de la Syrie et sert l'Occident en privant l'État du Levant de ressources précieuses - pétrole, coton et nourriture. Du point de vue occidental, les combattants kurdes ne semblent pas encore avoir fait leur devoir. La Turquie est également active dans le nord de la Syrie et n'y joue pas un rôle glorieux, notamment en occupant la ville d'Afrin. Les préoccupations sécuritaires de la Turquie vis-à-vis des milices kurdes au service de l'Occident peuvent se justifier, mais pas l'occupation de certaines parties du pays voisin. L'offensive récemment annoncée par la Turquie contre les Kurdes dans le nord de la Syrie est un casse-tête pour Washington et dépend du bon vouloir de la Russie, qui y détient la maîtrise de l'air.
Le président croate Zoran Milanovic s'oppose également à l'adhésion de la Suède et de la Finlande à l'OTAN, ce qui le place en porte-à-faux par rapport au gouvernement croate - le journal Deutsche Stimme a rapporté sa position critique sur les mesures Corona. Milanovic veut bloquer l'élargissement au nord jusqu'à ce que les Croates obtiennent une position plus forte dans la loi électorale bosniaque. Il contribue ainsi à déstabiliser davantage l'État bosniaque sous protectorat de l'UE/OTAN, dont la pérennité est de plus en plus mise en doute, y compris par les Serbes.
22:15 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : otan, suède, finlande, turquie, erdogan, croatie, politique internationale, géopolitique | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Une rencontre avec Maurice Bardèche
par Yannick Sauveur
C’est l’histoire d’un séminaire sur l’image culturelle de la Guerre Froide qui s’est déroulé sur une année (1977-1978). Dans une grande ouverture d’esprit et avec une tolérance qui existait encore à l’Université en ce temps là, nos interlocuteurs reflétaient une grande diversité de pensée. Imagine-t-on aujourd’hui un séminaire où seraient invitées des personnalités aussi différentes que Dominique Desanti, Annie Kriegel, Madeleine Rebérioux d’une part et Michel Déon, Philippe Ariès ou Jacques Laurent, d’autre part, l’objectif étant de porter un regard objectif sur cette période très clivante de la Guerre Froide. Les uns étaient communistes ou proches, les autres étaient anticommunistes et proaméricains à l’instar de Raymond Aron, Jules Monnerot, Georges Albertini. Ayant quelques affinités avec Maurice Bardèche, il me parut naturel de proposer aux participants du séminaire de recueillir le témoignage autorisé d’un intellectuel qui fut très impliqué au plus fort de la Guerre Froide. C’est dans ces conditions que j’ai rencontré Maurice Bardèche à son domicile en mars 1978. Je précise que bien qu’étant anticommuniste, Bardèche n’épouse pas, loin s’en faut, l’unanimisme proaméricain de l’ensemble de la droite voire de l’extrême-droite.
Le thème de la Guerre Froide est au cœur de l’entretien à l’exclusion de tous autres sujets (historiques ou littéraires). En gros, la discussion concerne les événements qui ponctuent les années 1950-51 et 52 :
-1950 : Réunion à Rome,
-1951 : Congrès de Malmö et création du M.S.E., publication de L’œuf de Christophe Colomb.
-1952 : Création de la revue Défense de l’Occident.
Au lendemain de la 2ème Guerre Mondiale, il existe en Europe une broutille de petits partis qui émergent difficilement. La carte des groupes politiques de droite, et d’extrême droite est plus ou moins la même que maintenant (1978).
Le M.S.I. (Movimento Sociale Italiano) fondé le 26 décembre 1946 est le seul qui ait une certaine consistance. Dans le cadre de ses relations avec l’étranger, le MSI souhaite recenser les partis, qui, en Europe, sont susceptibles de prendre des positions comparables à celles du MSI. Très vite, le MSI aura tendance à avoir principalement des contacts avec l’extrême-droite française. Et seuls les jeunes du M.S.I. s’intéressent véritablement à l’Europe.
En France, en Allemagne et en Grande-Bretagne, il n’existait rien, rien d’analogue au M.S.I. C’est dans ce cadre que Maurice Bardèche, pour la France, participe à une première consultation à Rome (mars 1950) en compagnie notamment de Per Engdahl, chef du Nysvenska Rorelsen (Mouvement de la Suède Nouvelle), Oswald Mosley pour le Royaume Uni, Karl Heinz Priester, chef du Deutsche Soziale Bewegung (Mouvement social allemand). A l’époque, nous dit Bardèche, la croyance en l’unité européenne est beaucoup plus forte qu’aujourd’hui (1978).
Cette réunion (mars 1950) et la suivante (octobre), à laquelle ne participe pas Bardèche, ont pour objet de préparer « une conférence européenne des mouvements néo-fascistes au mois de mai 1951 dans la ville de Malmö, en Suède. » C’est ce qu’on appela ensuite le Congrès de Malmö où chaque nation serait représentée par une personnalité choisie par les groupes locaux. Quid de la France ? Malgré son aversion pour la politique, les pressions de ses séducteurs furent telles que par « devoir » Maurice Bardèche accepta la délégation pour la France et se rendit à Malmö. Il fut fait beaucoup de bruit autour de ce congrès présenté comme un congrès néo-nazi. En réalité, c’était tout le contraire. Per Engdahl (photo), qui préside ce congrès, polyglotte, presque aveugle était avant tout un théoricien. Les travaux de ce congrès durent trois jours avec en conclusion la rédaction de statuts de ce qui deviendra le Mouvement social européen (M.S.E.) par référence au M.S.I. italien.
Les participants se donnaient pour objectif la constitution d’une Europe indépendante des deux blocs, sur les plans économique, politique et militaire [1] avec pour slogan NI WASHINGTON, NI MOSCOU mais sans qu’il y ait d’hostilité de principe envers les URSS et les USA. Certes, il fallait tenir compte de l’atmosphère de Guerre froide, ce qui ne signifiait pas l’accepter pour autant. Les participants proposent une Europe anti-communiste et non antisoviétique. Les délibérations des discussions de Rome et de Malmö ont été approuvées par l’ensemble des participants.
Quid du M.S.E. en France ? Les différents groupes qui avaient délégué Maurice Bardèche pour les représenter étaient très faibles : des jeunes le plus souvent, pauvres. Au nombre de ces militants, René Binet, passé du trotskysme au national-socialisme, était le plus extrême dans son attitude anti-américaine ainsi que face à la question du racisme alors que cet aspect n’avait été évoqué à aucun moment pendant le Congrès. Le M.S.E. a duré très peu de temps, soit de 1950 à 1954.
Toujours dans le cadre du MSE, quoiqu’un peu en marge, Maurice Bardèche rédige un ouvrage qui présente l’Europe qu’il appelle de ses vœux. Il s’agit de L’œuf de Christophe Colomb (1951) et sous-titré Lettre à un sénateur d’Amérique. Il s’agit du sénateur Robert Taft (ci-dessus, couverture du Time), candidat républicain malheureux aux primaires présidentielles de 1948 et 1952. Celui-ci est battu par Dwight Eisenhower en 1952, dès lors L’œuf de Christophe Colomb, tiré à 5000 exemplaires, perd de son intérêt voire devient inutile : aucune réaction américaine, influence du livre nulle en Europe. Personne n’en a parlé. Le quotidien Le Monde, peu enclin à faire de la publicité pour des idées allant à l’encontre de la doxa dominante, observe un silence de bon aloi. Le livre de Bardèche est traduit en italien, en allemand, en espagnol. Il a eu quelque succès en Allemagne et en Argentine, dont une publication allemande en Argentine. En France, il servira de manuel de base pour les militants du mouvement JEUNE NATION.
Dans ses Souvenirs, Bardèche témoigne que c’est un de ses ouvrages politiques auxquels je tiens le plus. Dans le contexte de l’époque, les idées mises en avant sont avant-gardistes : « la communauté européenne doit être nécessairement une unité politique absolument indépendante. Et ces mots ʺabsolument indépendanteˮ s’appliquent également aux deux voisins de l’Europe, la Russie et les Etats-Unis (…) L’Europe ne doit pas être non plus l’instrument ni l’allié inconditionnel des Etats-Unis. L’indépendance politique de l’Europe, cela veut dire avant tout que l’Europe a le droit de choisir seule si elle fera ou ne fera pas la guerre». Et concernant l’Union soviétique, « je pense que l’Europe ne doit pas montrer une hostilité systématique à l’égard de la Russie soviétique, sous prétexte que son régime et ses conceptions de vie sont différents des nôtres. Nous avons à nous défendre, nous n’avons pas à faire de Croisade. » Cette communauté européenne telle que l’envisage Bardèche « devra donc être à la fois étrangère à l’hystérie démocratique et à la Croisade soviétique. Son indépendance politique ne sera complète, elle ne sera manifeste que si elle aboutit à une totale indépendance idéologique. C’est là surtout où est l’erreur américaine. Vouloir une Europe ʺdémocratiqueˮ, c’est vouloir que l’Europe appartienne à l’un des deux camps.
J’insiste sur cette idée, car je la regarde comme capitale pour notre avenir en commun. Une Europe démocratique est la prisonnière du camp démocratique, elle ne peut être qu’un état satellite des Etats-Unis, et par conséquent elle est un facteur de guerre et sa structure rend impossible la solution des problèmes internationaux. Il est évident et il est légitime que la Russie ne puisse accepter, en aucun cas, de voir les aérodromes militaires américains installés en Prusse. La constitution de bases militaires américaines permanentes en Allemagne est une menace pour la Russie et la Russie a raison de la considérer ainsi. Si la Russie cherchait à s’établir à Cuba, les Etats-Unis considéreraient cette installation comme un casus belli. » On comprend que de tels propos aient eu peu de résonnance dans l’atmosphère de Guerre Froide de l’époque, Maurice Bardèche étant lui-même très seul, très isolé.
En politique intérieure, le camp américain (ou démocratique) allait de la gauche non communiste à l’extrême-droite (à de rares exceptions). Témoin de son isolement, Bardèche, à rebours de la droite et de l’extrême droite, manifeste une position originale au sujet du nationalisme arabe : « Nous sommes convaincus aussi que la conception du monde qui sera celle de l’Europe nous permettra de trouver un terrain d’entente avec les nationalistes arabes. En leur présentant des conceptions absolument neuves sur la présence simultanée des Européens et des Arabes dans les territoires communs, nous pensons que nous pourrons résoudre la plupart des difficultés devant lesquelles échouent l’hypocrisie démocratique et les survivances colonialistes. Au moins, aborderons-nous ces discussions, nous Européens, avec une mentalité généreuse et loyale à l’égard du peuple arabe dont nous reconnaissons la valeur et l’antiquité comme race et comme culture. »
Isolé, Bardèche reconnait avoir subi peu d’influences : « Ce qui se passe à l’extérieur n’a pas de prise sur moi. Je suis en marge. » Et d’ajouter : « Je suis inaccessible à l’expérience politique qui se déroule en dehors de moi (…) Tout ce que j’ai écrit découle de Nuremberg ou la Terre Promise[2]. Je n’ai pas voulu être sensible à l’actualité politique. Je reste à l’intérieur de mon rêve théorique, utopique, inapplicable. »
Cette rapide histoire serait incomplète si nous passions sous silence la genèse de la revue Défense de l’Occident dont le premier numéro parut en décembre 1952. L’idée de Bardèche était de pallier les insuffisances et « la collaboration impossible avec des groupes factices par une présence culturelle ». C’est la raison de la création de Défense de l’Occident qui s’inscrit donc dans le droit fil du congrès de Malmö.
Et voilà comment cette revue liée au MSE a perduré. Par « devoir » même si, depuis 1952, je n’ai qu’une idée : faire disparaître Défense de l’Occident. Ayant des abonnés dès le début, par honnêteté, j’ai continué. De plus, il y avait des gens à qui il fallait dire cela et aussi relever le moral des gens qu’on avait épurés. Après 1958, le désir de dire du mal de de Gaulle. Aujourd’hui (1978) mes raisons de faire disparaitre Défense de l’Occident sont de plus en plus grandes. L’aventure aura duré trente ans. Maurice Bardèche publie le dernier numéro (n° 194) de Défense de l’Occident daté novembre 1982. Dans ses Adieux de Défense de l’Occident, il termine ainsi : J’ai entrepris cette revue par devoir, j’en ai poursuivi la publication par honnêteté, je la cesse sans amertume. Je ne crois pas que les idées que j’ai exprimées aient cessé d’être vraies ou d’être utiles. Je les crois aussi nécessaires qu’autrefois : mais elles ne sont utiles, elles n’ont d’avenir aujourd’hui que si ce sont des hommes jeunes qui les professent et les répandent. C’est à cette condition seulement que la moisson lèvera.
Bibliographie
Maurice Bardèche, L’œuf de Christophe Colomb. Lettre à un sénateur d’Amérique, Les Sept Couleurs, 1951.
Maurice Bardèche, Souvenirs, Editions Buchet/Chastel, 1993.
Francis Bergeron, Qui suis-je ? Maurice Bardèche, Éditions Pardès, 2012.
Notes:
[1] Dans ses Souvenirs (publiés en 1992), Bardèche nuance quelque peu : « Nous étions manifestement indifférents à l’unité économique de l’Europe qui était la préoccupation principale des gouvernants de cette époque quand ils parlaient de la construction de l’Europe. Il était visible, sans que ce soit clairement exprimé nulle part, que, pour nous, l’Europe était une union politique et militaire et rien d’autre (…) ». En fait, la critique constante de Bardèche concerne la société marchande américaine et il précise : le principe sur lequel reposait ma conception de l’Europe était la subordination du mercantile au politique.
[2] Editions Les Sept Couleurs, 1948.
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Comment (et pourquoi et par qui) la gauche est passée de l'homophobie à l'idéologie arc-en-ciel...
Ernesto Milà
Source: https://info-krisis.blogspot.com/2022/06/cronicas-desde-m...
Pendant près d'un siècle, le sexe était tabou pour la gauche marxiste. Plus que tabou, il était mal vu et vécu au plus mal. Puis, lorsque la révolution d'octobre a eu lieu et que les partis communistes sont apparus, le sexe a été vécu comme une "déviation petite-bourgeoise". Marx n'avait rien dit sur la sexualité : la seule "oppression" qu'il connaissait était celle de la bourgeoisie sur le prolétariat, donc personne n'avait à s'émanciper sexuellement de quoi que ce soit. Dans les quelques références que l'on trouve dans les œuvres complètes de Marx, les femmes sont assimilées à des enfants : il soutient que les femmes doivent être considérées comme des "êtres faibles" dont le capital va abuser, en les payant moins qu'elles ne le méritent et en les faisant travailler à la limite de leurs forces.
Ni Marx ni le marxisme n'étaient "progressistes" sur les questions de genre
Certains auteurs ont affirmé que Marx était "un progressiste en matière d'égalité des sexes". Cependant, son comportement dans la vie de tous les jours correspond parfaitement à ce qu'on appellerait aujourd'hui "chauvin" : Marx préférait avoir des fils plutôt que des filles, il dépréciait les premiers pas du mouvement de libération des femmes et les femmes en général. Il est allé jusqu'à concevoir la femme dans le mariage comme "une forme de propriété privée exclusive". Contrairement à Engels, qui était une "suffragette" et qui, dans plusieurs écrits, s'est prononcé en faveur du droit de vote des femmes, Marx était totalement indifférent à cette question.
Marx a pris position contre le travail rémunéré des femmes. Il a fait valoir que la plus grande "docilité" des femmes signifiait que leur présence dans les usines réduisait la capacité de résistance de la "force de travail et favorisait la discipline industrielle". Et il décharge l'ouvrier masculin de la responsabilité de son comportement "macho" envers sa femme - qu'il considère comme une "possession de l'ouvrier", sans faire aucune référence au "pouvoir patriarcal" - en rendant le capital responsable de tous les malheurs qui frappent l'ouvrier et sa famille.
En un mot, ni les femmes ni les enfants ne l'intéressaient beaucoup dans la mesure où ils échappaient à la simplicité de son schéma bourgeois contre prolétaire, capital contre travail, dépossédés contre puissants.
D'autres exemples de "morale sexuelle de gauche"
Dans l'anarchisme, les choses étaient similaires. Les différentes sectes anarcho-syndicalistes, par exemple, qui ont traversé la guerre civile espagnole en bonne santé, étaient plutôt rigoureuses en matière de sexualité. "Amour libre"..., oui, mais, bien mieux, "lutte pour les droits des travailleurs". Au sein de la CNT, cette question a été soulevée en permanence jusqu'au 18 juillet 1936. Ce n'est pas un hasard si Durruti, peu avant sa mort, a renvoyé à Barcelone toutes les femmes qui composaient sa colonne.
Tout ce qui ne tendait pas à améliorer la culture et la situation sociale du prolétariat était considéré comme "dangereux" car il détournait de la tâche principale : provoquer un changement socio-économique. L'homosexualité et le travestissement étaient combattus, critiqués et méprisés comme des "vices bourgeois".
Dans la propagande du Komintern et dans la propagande développée en Espagne pendant la guerre civile par la République, il est frappant de voir comment l'homosexualité est traitée : elle est toujours identifiée au "fascisme". L'image de Franco apparaissait dans la propagande républicaine avec des traits ambigus, comme un militaire efféminé, de la même manière que dans la propagande de la gauche allemande, les "Junkers" et les "militaristes" étaient présentés comme de simples homosexuels : en tant que "fascistes", ils devaient être le réceptacle de toutes les dépravations. Il en a été de même pour Hitler et, en Espagne, pour José Antonio Primo de Rivera.
Faut-il fusiller les caricaturistes de gauche qui, dans les années 1930, ont dépeint Hitler, Franco et d'autres dirigeants fascistes comme des gays, des travestis ou des transsexuels ?
Maxime Gorki (photo) est allé jusqu'à dire : "Exterminez les homosexuels et vous en aurez fini avec le fascisme". Pour la propagande de gauche avant la Seconde Guerre mondiale, l'homosexualité était la racine du fascisme. Il n'y a donc aucun doute sur la vision de la gauche du monde gay : c'était, tout simplement, l'ennemi, et ce pour un large éventail de raisons.
Arthur Koestler, dans ses mémoires, alors qu'il était encore un militant communiste, ressentait une certaine répulsion face à la pratique du sexe. C'était comme s'il trahissait la "cause sacrée du prolétariat". Le parti et la cause, la révolution mondiale, étaient au-dessus de tout. Telle était la doctrine officielle du Komintern et elle l'est restée. Lorsque Wilhelm Reich commence à s'intéresser à la "sexualité prolétarienne", ses camarades du KPD le considèrent avec une certaine suspicion et, en 1932, ils cessent de soutenir son organisation de jeunesse "SEXPOL" pour une "politique sexuelle". Deux ans plus tard, il reconnaîtra qu'en URSS, le parti communiste a étouffé la "liberté sexuelle", criminalisé et interdit l'homosexualité. Il a été exclu des rangs du parti.
1923 : l'année des "coïncidences cosmiques" (1) Lukàcs
En 1923, cependant, trois phénomènes se sont produits qui sont passés inaperçus pour la plupart de la population.
D'une part, Georg Lukács, communiste hongrois et partisan de Béla Kun, qui avait été "commissaire responsable de l'instruction publique" dans la courte "République soviétique hongroise", devait publier Histoire et conscience de classe. Lukács avait tiré quelques conclusions de l'échec de la révolution en Hongrie et dans toute l'Europe entre 1919 et 1923. L'ouvrage a été condamné par le quatrième congrès de l'Internationale et a obligé l'auteur à faire son autocritique. L'ouvrage, presque plus hégélien que marxiste, tente d'être une justification philosophique du bolchevisme. Il propose un nouveau modèle organisationnel pour le parti, qu'il considère comme "une forme historique et comme le porteur de la conscience de classe". Il n'était donc pas nécessaire que le parti soit composé de prolétaires, ni au service du prolétariat. De plus, dans un autre temps, à une autre époque, dans un autre lieu, une révolution communiste pourrait avoir lieu sans prolétaires, même sans un parti léniniste organisé. Il a été exclu du parti communiste hongrois en 1928.
Lukács (photo) avait compris que le prolétariat non seulement n'était pas "révolutionnaire", mais qu'il ne le serait très probablement jamais. Pour un intellectuel non fanatisé par le marxisme, cela lui aurait donné plus d'arguments qu'il n'en faut pour abandonner cette idéologie, mais Lukács se considérera toujours comme un "révisionniste" du marxisme, en aucun cas comme un non-marxiste, et encore moins comme un anti-marxiste. Son raisonnement est simple : le marxisme étant la seule "doctrine scientifique", lorsqu'il existe un écart entre la réalité et l'interprétation idéologique, le problème ne vient pas de l'idéologie, mais de la réalité qui a pris une mauvaise direction. Le problème est que Lukács considère que l'Occident vit dans l'erreur depuis deux mille ans. Et cette erreur a un nom : la civilisation chrétienne et occidentale.
Ainsi, le grand adversaire de Lukács est le christianisme et l'ordre des valeurs qui en découle. L'idéologie est donc sûre de son infaillibilité.
1923 : l'année des"coïncidences cosmiques" (2) - Gramsci
La même année, en 1923, Antonio Gramsci avait remplacé Amadeo Bordiga au poste de secrétaire général du parti communiste italien. Aux élections du 6 avril 1924, il sera élu député et, de son siège, il assistera à la mort de Matteotti et, plus tard, à la consolidation du régime fasciste. Dans les mois qui suivent, et surtout pendant son séjour en prison à partir de 1927, il réfléchit à quelque chose qui le préoccupe depuis un certain temps : il y a quelque chose dans le schéma marxiste qui ne correspond pas tout à fait à la réalité.
Il a développé l'idée de l'"hégémonie" et du "bloc hégémonique", qui n'était rien d'autre qu'une extension du problème de l'"infrastructure" et de la "superstructure" de Marx. Pour Marx, l'"infrastructure" n'était que le système économique. Cette "infrastructure" exerce une pression sur la "superstructure" en déterminant les lois, les us et coutumes sociaux, le modèle politique, l'appareil répressif, etc. Marx avait recommandé que pour changer la "superstructure", il était nécessaire d'agir sur l'"infrastructure", car tout dans une société capitaliste était conditionné par l'économie.
Mais, dans l'analyse de Marx, ce qu'il entendait par "bourgeoisie" (en réalité, il s'agissait d'une classe capitaliste) était directement opposé au "prolétariat". Lorsque Marx a formulé sa thèse, le capitalisme était encore à un stade industriel précoce. Dans les décennies suivantes, d'autres groupes sociaux vont apparaître, générés par l'industrialisation, l'amélioration des conditions économiques et qui ne sont rien d'autre que le produit du nouvel ordre social : la classe moyenne. Et la classe moyenne a commencé à démontrer son pouvoir, en mobilisant et en mobilisant une grande partie de la population dans ce qui était les fascismes. Ce n'est donc pas la "bourgeoisie" qui a généré les fascismes, mais une classe que Marx n'a même pas eu l'occasion de connaître.
En prison, Gramsci a repensé un problème que Marx avait laissé trop facilement irrésolu. Si, malgré les syndicats, il était très difficile de modifier l'"infrastructure" économique qui revenait à pénétrer dans le bastion de la forteresse du capital, ne pourrait-on pas modifier la "superstructure" en opérant directement sur elle ? Gramsci a répondu par l'affirmative et en a tiré son concept d'"hégémonie culturelle" et de "bloc hégémonique". Pour Gramsci, l'"hégémonie culturelle" était, en somme, ce qui garantissait le contrôle du capital sur la société. Par exemple, lorsque la Première Guerre mondiale a éclaté, le capital (ce qu'il appelle la "bourgeoisie capitaliste") a appelé à la "défense de la patrie", constituant ainsi un "bloc hégémonique" dans lequel se trouvaient différents groupes sociaux, tous subordonnés au pouvoir du capital et unis par l'idée de patriotisme. Mais si le leadership intellectuel et la légitimité morale du "bloc hégémonique" pouvaient être sapés, il pourrait se déplacer vers les "forces populaires du travail et de la culture" et ainsi modifier l'équilibre des forces dans la "superstructure".
Si nous combinons cette lutte pour "l'hégémonie culturelle" avec le travail du Parti communiste et des syndicats ouvriers, alors et seulement alors sera atteint le "moment révolutionnaire" dans lequel il sera possible de renverser le pouvoir du capital.
Une parenthèse sur le "gramscisme de droite"
Il est impossible de ne pas s'arrêter ici et de ne pas rappeler l'idée d'Alain de Benoist sur le "gramscisme de droite". Outre le fait que Guillaume Faye, reconnaissait déjà dans son ouvrage L'Archéofuturisme, que lorsque la "nouvelle droite" débattait sur ce sujet, elle ne connaissait guère l'œuvre de Gramsci, nous ajouterons que mener un "combat culturel" à droite et dans les années 70, c'était se leurrer sur les possibilités: d'une part, parce que Gramsci n'est pas parti de zéro, il disposait d'une idéologie bien structurée à laquelle il n'a ajouté que quelques éléments de critique pour la perfectionner et éviter le décalage entre les prévisions idéologiques et la réalité sociale. D'autre part, Marx et Engels n'étaient pas seulement des "doctrinaires", mais des militants politiques, engagés dans une cause, d'abord celle de la Ligue des communistes et plus tard celle de l'Internationale.
Pour qu'une lutte culturelle porte ses fruits, une condition sine qua non était l'existence d'une idéologie globale pouvant être "hégémonisée" et non une simple critique de la situation culturelle actuelle, sur la base de laquelle de simples "points de référence" étaient érigés. Et, deuxièmement, l'image de l'"intellectuel" en dehors de la lutte politique contaminante et avec un avenir douteux était quelque chose qui n'existait pas à gauche : là-bas, l'"intellectuel" était, en même temps, un "soldat politique". Dans le cas de la "nouvelle droite", l'ensemble était composé d'anciens "soldats politiques" diplômés qui avaient décidé de rompre avec leurs anciennes organisations, sans même penser à en construire de nouvelles.
L'histoire de la "nouvelle droite" française nous a toujours paru être l'histoire d'un entraîneur ("culturel" en l'occurrence) qui a jugé qu'il fallait se "préparer" à affronter le combat culturel au moment où le "match" se présenterait, c'est-à-dire le match où s'affronteraient deux visions du monde, deux perspectives culturelles, deux façons de concevoir l'être humain. Mais ce "match" n'est jamais arrivé. Et l'entraîneur ne cessait de nous dire que nous devions nous entraîner de plus en plus, pour nous préparer à ce moment.
Dire cela en 1978 était une chose parce que l'extrême droite française était à peine moins que zéro, mais ensuite, lorsque le phénomène Le Pen a éclaté dans les années 1980, les choses ont changé: il y avait déjà un mouvement politique sur lequel opérer. Mais, pour le coach, ce mouvement était peu de chose et il l'a toujours regardé de haut depuis sa position de supériorité intellectuelle. Et le problème a été que l'écologisation d'un parti populiste de droite (la limite maximale à laquelle un projet alternatif peut s'accommoder dans la situation sociopolitique actuelle) en France a eu lieu presque entièrement en dehors de la "nouvelle droite". Revenons à Gramsci.
Nous sommes ce que nous pensons. Comment Gramsci est devenu ce qu'il était
Les parents de Gramsci étaient pauvres, mais il était avocat et avait une certaine culture. Bien qu'il travaille et obtienne une bourse pour étudier la philosophie et la littérature, il rejoint le parti socialiste. En 1921, il rejoint le parti communiste. La rapidité avec laquelle le fascisme a pris le pouvoir a fait que Gramsci a commencé à se méfier de la "conscience de classe" et du pouvoir du prolétariat en tant que force opposée au capital. À partir de là, il a remis en question certains aspects du marxisme et du léninisme, tout en acceptant l'essentiel, à savoir que l'idéologie dominante dans une société est celle de la classe dominante qui s'exprime par une "hégémonie culturelle" transmise à la population par le biais des croyances religieuses, des médias et de l'éducation.
Ainsi, en attaquant les idées religieuses, en les dévalorisant, en pénétrant parmi les fidèles et en semant le doute, certaines ont été neutralisées ; en infiltrant les organismes du pouvoir culturel, l'influence des classes dominantes dans le monde de la culture a été limitée ; et enfin, en observant et en gagnant les mouvements culturels alternatifs et dissidents qui tendent à apparaître dans toute société, l'influence du "bloc hégémonique" a été progressivement érodée.
Gramsci n'était pas particulièrement empathique envers les travailleurs (il sentait qu'ils n'aspiraient qu'à améliorer leurs conditions de vie et ne se souciaient pas de savoir si c'était par la révolution ou par des concessions du capital) ou les intellectuels (qu'il considérait comme des dilettantes petits-bourgeois). Il soutenait que l'intellectuel devait "se justifier" en suivant une "ligne de masse", en prenant fait et cause pour le prolétariat et la transformation de la société. Cette élite intellectuelle doit garantir le "contrôle du langage" et attribuer un nouveau contenu aux concepts couramment utilisés par la société.
En pratique, Gramsci déplace le "sujet révolutionnaire" du prolétariat à l'intellectuel. Les intellectuels, pour lui, sont ceux qui "pensent", "raisonnent", "analysent". Mais de telles dispositions peuvent être trop nobles et inaccessibles aux masses. C'est pourquoi un lien de transmission est nécessaire entre l'"intelligentsia" et les "masses" : le vulgarisateur, le journaliste, l'agitateur culturel, celui qui rend présentables et compréhensibles les idées élaborées par les intellectuels. C'est ainsi que ce que Gramsci appelle les "classes subalternes" vont progressivement ravir le pouvoir au "bloc hégémonique".
Mais il y a une autre thèse de Gramsci qui est particulièrement importante. Tout comme Marx et Engels, mais aussi Lénine et les bolcheviks, avaient considéré que les lois économiques et, surtout, la dialectique et la lutte des classes, se dirigeaient vers un destin fatal : Gramsci s'est rendu compte que ce schéma était trop rigide et que, de plus, certaines des critiques formulées par le fascisme l'avaient atteint : dans le schéma marxiste, en effet, il n'y a pas de place pour le libre arbitre, tout y est mécanisme appliqué à la société. C'est le prix à payer pour avoir considéré l'économie comme la seule infrastructure et pour avoir établi que les relations de pouvoir ne pouvaient être modifiées qu'en agissant sur ce terrain.
En 1923, lorsque Lukács a publié son livre sur la conscience de classe, Gramsci était déjà arrivé à la conclusion que la transformation d'une société devait se faire sur la base d'un changement culturel et que l'adhésion d'une élite culturelle était importante s'il s'agissait de précipiter un "moment révolutionnaire".
1923 : l'année des "coïncidences cosmiques" (3) - L'Ecole de Francfort
Enfin, en Allemagne et à la suite de l'enchaînement des défaites du parti communiste et de l'extrême gauche de 1919 à 1922, apparaît un mouvement intellectuel qui exercera sa puissante influence, d'abord dans ce pays, puis rayonnant depuis les États-Unis vers le monde entier : l'école de Francfort. En fait, ce n'est que dans les années 1960 que ce nom s'est popularisé comme caractéristique d'un groupe d'intellectuels allemands qui ont pris leurs distances par rapport au marxisme orthodoxe et ont effectué un travail de "révision", en ajoutant d'autres apports (notamment du freudisme) au marxisme dans son ensemble.
Tous les membres de l'École de Francfort étaient des Juifs, plus ou moins sécularisés, qui sont partis aux États-Unis lorsque Hitler est arrivé au pouvoir. Il s'agissait de Max Horkheimer, Theodor W. Adorno, Herbert Marcuse, Friedrich Pollock, Erich Fromm, Walter Benjamin, Leo Löwenthal, Leopold Neumann ; tous sont connus comme "la première génération de l'école de Francfort". Par la suite, d'autres se sont joints à eux, une deuxième et même une troisième génération, dans laquelle l'élément juif n'est plus aussi caractéristique.
Les réflexions de ce groupe s'inscrivent dans la même veine que celles de Lukács et Gramsci. En 1923, financé par Felix Weil (photo + tableau, ci-dessus), un millionnaire juif d'origine germano-argentine, un groupe d'intellectuels a créé l'Institut de recherche sociale à l'université de Francfort.
L'essence de l'École de Francfort est son incorporation des thèses freudiennes dans l'héritage marxiste. Comme Gramsci, ils reconnaissent l'idée de "libre arbitre" et, contrairement aux marxistes orthodoxes qui n'attachaient pas une grande importance au "bonheur humain" avant la "révolution", les membres de cette École considèrent que les êtres humains, avant, après et pendant la révolution, doivent se sentir libres, heureux et complets. Le monde classique aurait appelé cette position "hédonisme", d'autant plus que l'appel à Freud les convainc que le bonheur passe par la sexualité.
Les membres de sa première génération écriront, tant dans leurs premiers travaux en Allemagne dans les années 1930 que dans leurs travaux ultérieurs dans les années 1960, des théories sur la sexualité, tant individuelle que sociale. Ce sont eux qui ont suggéré à Simone de Beauvoir que le sexe est "une construction sociale" et qu'il n'existe pas de sexualité définie dans la nature (l'ADN n'avait pas encore été découvert et une telle erreur pouvait être justifiée...).
Marcuse et Adorno sont allés le plus loin dans ce domaine. Mais ce qui préoccupait vraiment l'École de Francfort, étant donné que tous ses membres étaient d'origine juive, c'était l'arrivée au pouvoir de la NSDAP en Allemagne en 1933. Ils ont tous émigré aux États-Unis et y ont poursuivi leurs études. Au moins, ils étaient plus proches des fondations capitalistes qui allaient désormais financer leurs travaux. Puis vint la Seconde Guerre mondiale, mais dès leur arrivée aux États-Unis - à l'exception de Fromm, qui choisit de vivre au Mexique pendant un certain temps - leur travail "philosophique" consista à trouver des arguments antifascistes : et c'est ce qu'ils firent. Ce n'était pas très difficile, après tout, ils étaient tous issus de milieux marxistes et avaient été des militants communistes. Il ne s'agissait plus que d'adapter l'antifascisme au monde capitaliste et de préparer le terrain pour la guerre à venir, qui a trouvé aux Etats-Unis et dans le président Roosevelt et son "New Deal" raté son promoteur le plus intéressé.
La personnalité autoritaire selon Théodore W. Adorno
Le groupe se réunit d'abord à New York, siège provisoire de l'Institut de recherche sociale en exil, puis, peu avant l'entrée en guerre des États-Unis, il s'installe en Californie. C'est à cette époque que Horkheimer a écrit sa Dialectique des Lumières. Mais l'œuvre qui nous intéresse ici a été écrite dans la période d'après-guerre. Il s'agit de La personnalité autoritaire, signé par Adorno. L'idée était que, chez certains sujets, il existe un surmoi strict qui contrôle un ego faible incapable de surmonter ses pulsions primaires. Cela conduit à des conflits intérieurs qui amènent l'individu à accepter les conventions sociales et la soumission à l'autorité. Mais aussi, cet individu soumis devient dominant envers les groupes et les personnes qu'il considère comme "inférieurs". Il agit de manière brutale et despotique envers eux et les empêche d'"être heureux". Ainsi apparaît la "personnalité autoritaire" qui est favorisée par deux institutions : la religion et surtout la famille. Dans les deux cas, il apparaît une "volonté de pouvoir sur les autres" (le concept est d'Adler). Cette "personnalité autoritaire" est à l'origine du fascisme. De tous les fascismes. Pour Adorno, toute forme d'autoritarisme finit par être un "fascisme". Et le fascisme se résume à Auschwitz. Il faut donc défendre la société afin d'éviter un "nouvel Auschwitz", et comment ? C'est simple : en prenant position contre l'autorité de la religion et contre le modèle familial. Il a soutenu que le fascisme n'était rien d'autre que la répétition de schémas violents appris dans l'enfance par la contemplation du modèle patriarcal. Un enfant qui regardait son père lui ordonner d'aller se coucher serait un enfant qui, à l'avenir, reproduirait ces schémas et finirait heureux et content dans la Hitler Jugend. La structure hétéropatriarcale était le modèle que le fascisme allait reproduire au niveau de l'État. En se débarrassant de ces deux éléments, la religion et la famille, tout le reste qui accompagne les structures traditionnelles se dissoudrait de lui-même. La science positive serait le grand adversaire de la religion, mais il en fallait bien plus pour détruire la famille.
Pour lancer cette attaque contre la famille et la religion, Adorno a élargi ses horizons : puisque le matérialisme dialectique n'était d'aucune utilité pour interpréter l'histoire, sauf à une époque relativement récente, il a introduit des éléments tirés du freudisme pour convenir que l'histoire de l'Occident était, encore et toujours, l'émergence, le maintien et la réaffirmation du "fascisme". Il voyait le "fascisme" dans toute l'histoire de l'Occident. Partout où il y avait une structure "hétéropatriarcale", il y avait une "déformation" du caractère avec l'acceptation de l'autorité, d'où le "fascisme". Toute l'histoire de l'Occident, toute sa tradition, a été "fasciste", surtout depuis l'avènement du christianisme. Ainsi - et c'est la conclusion - pour "détruire le fascisme", il fallait opérer : 1) contre les traditions (qu'Adorno appelle avec mépris "conventionnalismes") et 2) contre les véhicules les plus caractéristiques de ces traditions (famille et religion).
Ici, Adorno a été contraint de rompre avec toute la tradition de gauche qui, jusqu'à récemment, avait imputé le fascisme à des pulsions homosexuelles. En lisant son livre, il est clair qu'il fait des compromis simples avec le langage, en utilisant des concepts freudiens et sociologiques, mais en évitant la conception de l'homosexualité qui prévalait au sein de l'establishment médical et des psychologues de l'époque.
La psychologie ne partageait pas le critère antifasciste d'un lien direct entre l'homosexualité et le fascisme, mais avait établi une origine plutôt réfléchie. L'homosexualité serait une névrose qui favoriserait la réapparition d'un complexe d'infantilisation non résolu. L'explication était basée sur le fait que dans l'enfance, les caractéristiques de l'identité sexuelle ne sont pas encore consciemment développées, et qu'il n'y a pas non plus d'impulsion sexuelle consciente, de sorte que les garçons ont tendance à se regrouper, à jouer et à collaborer entre eux, tandis que les filles font de même. Lorsque les pulsions sexuelles apparaissent, ce premier stade est laissé de côté et la tendance "normale" est à l'hétérosexualité et à l'attirance des individus d'un sexe pour le sexe opposé... sauf dans certains cas de malformations physiques (androgynie) ou psychologiques dans lesquels le sujet n'a pas dépassé la phase "infantile" et continue à être attiré et à rechercher la compagnie d'êtres du même sexe, comme dans l'enfance.
Cette explication est bien meilleure que celle fournie par Adorno, qui se perd dans des catégories freudiennes dont la validité est encore contestée aujourd'hui. L'intérêt d'Adorno pour sa justification de l'homosexualité comme moyen d'échapper au fascisme hétéropatriarcal est opportuniste : cela lui permet d'attaquer la famille, et cela vaut plus que la rigueur et la vérité scientifiques ou philosophiques. Car, une fois l'ennemi déterminé, la légitimité des arguments utilisés contre lui importe peu : il s'agit d'ouvrir un maximum de fronts à partir desquels on peut le harceler.
Adorno "transmute" toutes les valeurs de la gauche sur la sexualité, et pour obtenir ceux qui ont le plus attaqué, critiqué, harcelé et persécuté l'homosexualité (Hitler, par exemple, ne considérait l'homosexualité que comme une affaire privée et qu'il n'y avait plus rien à en dire, Et s'il a exécuté Röhm, qui avait été son plus proche collaborateur au cours des dix années précédentes, ce n'était pas à cause de son homosexualité notoire, mais parce qu'il était soupçonné d'être un ennemi de l'État), c'est-à-dire la gauche marxiste, se sont désormais positionnés comme défenseurs des "minorités sexuelles". Tout cela pour éroder la famille et l'empêcher de continuer à reproduire le "modèle hétéropatriarcal, germe du fascisme".
Deux dernières notes sur Adorno. Le nom de son père était Oscar Alexander Wiesengrund, mais il a renoncé à ce nom de famille, qui a été réduit au "W" qui apparaît toujours dans son nom. "Adorno" était le nom de sa mère, dont il s'est toujours senti le plus proche, une soprano lyrique, qui avait suscité son intérêt pour la musique. Pendant longtemps, il a hésité entre la philosophie et la musique. Le fait est que dans sa maturité et dans L'Essai sur la personnalité autoritaire, il a élaboré une théorie sur la sexualité. En 1968, après les événements révolutionnaires de Paris, trois étudiantes se déshabillent en classe (en fait, elles ne lui ont montré que leurs seins). Adorno est décédé quelques jours plus tard, la soi-disant "crise des seins nus" étant la cause directe de l'arrêt cardiaque qu'il a subi. Commentant cette anecdote avec l'écrivain marxiste Vázquez Montalbán, celui-ci m'a dit qu'Adorno était capable d'élaborer une théorie sexuelle, mais pas de la soutenir à une distance de cinq mètres...
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La revue de presse de CD
10 juillet 2022
EN VEDETTE
Technopolice : L’escroquerie du citoyennisme numérique
La Quadrature du net (QDN), association « pour un Internet libre, décentralisé et
émancipateur » (tendance « RGPD »), était à Calais le 21 juin, Roubaix le 22 et Lille le 24, avec sa « Caravane de la Technopolice », afin d’alerter les citoyens sur les technologies de surveillance de masse dans l’espace public, et de lancer contre celles-ci une plainte collective : « Partout sur le territoire français, la Smart City révèle son vrai visage : celui d’une mise sous surveillance totale de l’espace urbain à des fins policières. » Ladite « Quadrature » - pourtant un working space d’ingénieurs, de juristes et d’experts – révèle ainsi qu’elle ne sait, ni ce qu’est la police ; ni ce qu’est la technopolice. Mais qu’attendre de gens qui ne voient même pas l’ineptie du jeu de mots qui leur sert d’enseigne. La « quadrature du cercle » qu’ils essaient de détourner par humour machinal étant le type même du problème irrésoluble. Quoi que prétendent la QDN et ses experts, l’« Internet libre » et le « numérique inclusif » ne seront jamais qu’un oxymore et un pléonasme. Examen d’une escroquerie en association citoyenne.
Piecesetmaindoeuvre.com
https://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/technopolice_...
ASIE
Ouzbékistan et Karakalpakstan : une tentative de révolution de couleur venue d’Occident?
L’Ouzbékistan, un pays relativement petit coincé entre le Turkménistan enclavé au sud et le Kazakhstan au nord, subit une refonte de l’État et connait une vague de protestations [sanglantes] que certains analystes qualifient d’« ingérence étrangère » dans ce qu’on appelle le Karakalpakstan.
lecridespeuples.fr
https://lecridespeuples.fr/2022/07/04/revolution-de-coule...
DÉSINFORMATION/CORRUPTION/CENSURES
Revue de presse RT (Russia Today) du 26 juin au 2 juillet 2022
Au programme de notre exercice hebdomadaire de contre information, essentiellement la guerre froide entre l’OTAN, la Russie et la Chine qui se réchauffe de semaines en semaines.
lesakerfrancophone.fr
https://lesakerfrancophone.fr/revue-de-presse-rt-du-26-ju...
ÉCONOMIE
Embargo sur le pétrole russe : l’UE se tire-t-elle une balle dans le pied ?
Souhaitant encore accentuer la pression sur Moscou, l’Union européenne a adopté le 30 mai dernier un embargo sur le pétrole russe. Si cette décision aura certes un coût économique pour la Russie, Vladimir Poutine peut néanmoins espérer s’en tirer grâce au prix très élevé du baril et en trouvant de nouveaux acheteurs. Pour l’UE, qui connaît déjà une forte inflation, l’addition risque en revanche d’être salée, surtout si les profits des géants du pétrole demeurent aussi intouchables. En parallèle, la nécessité de trouver des fournisseurs de substitution devrait encore renforcer le pouvoir de Washington sur le Vieux continent, malgré le coût environnemental catastrophique des hydrocarbures de schiste.
Leventseleve.fr
https://lvsl.fr/embargo-sur-le-petrole-russe-lue-se-tire-...
L'économie du futur devrait avoir trois objectifs principaux
Si nous parlons d'économie, alors c'est de l'avenir du post-capitalisme qu'il s'agit. Et le "post-capitalisme" est un mot clé autour duquel, me semble-t-il, il serait utile de développer un débat public, spécialisé, institutionnel. Il y a trois signes, trois symptômes, à mon avis, qui indiquent que le post-capitalisme est déjà en marche, que les tendances fortes que nous observons ne sont plus le capitalisme mais ce qui vient après.
euro-synergies.hautetfort.com
http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2022/07/05/l...
ÉTATS-UNIS
Pendant que la FED détruit les emplois et les salaires, les PDG profitent de l’inflation
La Fed s’est lancée dans une politique anti-inflationniste destinée à détruire les emplois et à maintenir les salaires à un bas niveau. Mais un nouveau rapport montre à quel point les PDG profitent exorbitamment des hausses de prix.
Les-crises.fr
https://www.les-crises.fr/pendant-que-la-fed-detruit-les-...
FRANCE
Macron, le kéké président
On raconte que lorsque le 19 juin au soir, il a appris les résultats des élections législatives qui le privaient d’une majorité parlementaire, Emmanuel Macron aurait dit : « on rentre dans le bizarre ». Si cette anecdote est vraie, elle en dit long sur qui est aujourd’hui à la tête de l’État français. Dont nous avons eu confirmation avec la nomination du nouveau gouvernement d’Élisabeth Borne, lequel témoigne de la véritable infirmité politique de Macron. Il est complètement étranger dans sa pratique à ce que préconisait Richelieu, « la politique c’est de rendre possible ce qui est nécessaire ».
Vududroit.com
https://www.vududroit.com/2022/07/macron-le-keke-president/
GÉOPOLITIQUE
L'Inde, la Russie et l'Iran font des affaires par le biais du corridor INSTC alors que New Delhi continue d'échapper à la pression américaine
Essais de transport de marchandises russes depuis Astrakhan vers un port du sud de l'Iran jusqu'à leur destination au port Jawaharlal Nehru de Mumbai. L'Autorité portuaire Jawaharlal Nehru à Mumbai (JNPA), qui fait partie du Corridor international de transport Nord-Sud (INSTC), marque les premiers pas de l'Inde, qui rejoint l'axe émergent Russie-Iran-Inde.
euro-synergies.hautetfort.com
http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2022/07/02/n...
IMMIGRATION
Immigration dans l’UE en 2021 : plus de demandes d’asile, moins d’expulsions
Eurostat, le service de statistique de l’Union européenne, vient de publier les premiers chiffres de l’immigration issue de pays tiers dans l’Union européenne en 2021. Bien que partielles, les informations disponibles font ressortir que, si la crise sanitaire semble derrière nous, la crise migratoire ne cesse de s’amplifier. Plus inquiétant encore, alors que le nombre de franchissements clandestins des frontières extérieures de l’UE a fortement augmenté, les refus d’entrée sur le territoire de l’UE et les expulsions ne font que baisser depuis 2010.
polemia.com
https://www.polemia.com/immigration-dans-lue-en-2021-plus...
ISLAMISME
Les dollars du Qatar : une arme de corruption massive
C’est le vénérable quotidien anglais « The Times » qui a fait cette révélation le mois dernier. Le Prince Charles, héritier du trône britannique, a accepté un don de 3 millions d’euros entre 2011 et 2015 de la part de l’ancien Premier Ministre qatari Hamad bin Jassim bin Jaber Al Thani (HBJ). Cet argent a été offert en trois versements d’1 million d’euros de la main à la main et sous la forme de billets de 500 euros. La banque privée Coutts a enregistré les dépôts sur les comptes du fonds humanitaire du Prince Charles (« The Prince of Wales’ Charitable Fund »).
Laselectiondujour.com
https://www.laselectiondujour.com/les-dollars-du-qatar-un...
LECTURE
Philip K. Dick et les pré-personnes
Philip K. Dick (1928-1982) est l'un des grands écrivains de science-fiction du 20ème siècle. Ses récits ont servi de base à un certain nombre d'adaptations cinématographiques interprétées de manière plus ou moins indépendante, notamment Blade Runner, Total Recall, The Man in the High Castle et Adjustment Bureau. *
euro-synergies.hautetfort.com
http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2022/07/03/p...
MONDIALISME/TOTALITARISME
Cercles et clubs d’influence, un nouveau fichier croisé
Quelles sont les influences réelles du Siècle, du groupe de Bilderberg, du World Economic Forum (WEF), de l’European Council on Foreign Relations (ECFR), du Cercle de l’Oratoire, de la French-American Foundation (FAF) qui parraine les Young Leaders ? Entre cachotteries des uns et fantasmes des autres, les réponses peuvent varier. Mais l’interpénétration de ces mondes, dont nous avons déjà parlé, est intéressante à observer.
Ojim.fr
https://www.ojim.fr/cercles-et-clubs-dinfluence-un-nouvea...
MOYEN-ORIENT
Faiblesse chronique d'Israël
Le 21 juin 2022, le Premier ministre israélien Naftali Bennett et son adjoint, le ministre des Affaires étrangères Yair Lapid, ont annoncé leur décision de dissoudre la Knesset (parlement) et d'organiser des élections générales anticipées. Selon l'accord, Lapid prendrait le poste de premier ministre intérimaire et Bennett deviendrait le premier ministre alternatif en charge du dossier iranien. Israël a connu de terribles troubles politiques ces dernières années, et que les nouvelles élections seront les cinquièmes en trois ans et demi.
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http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2022/07/01/f...
OTAN
L'OTAN et la déstabilisation de l'Asie
Dans son nouveau concept stratégique dévoilé cette semaine, l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) reconnaît ouvertement que la puissance et l'influence mondiale croissantes de la Chine remettent en cause l'alliance et que le rapprochement de Pékin avec Moscou va à l'encontre des intérêts occidentaux. Les puissances rivales devraient toujours être maintenues en état de faiblesse et de soumission.
euro-synergies.hautetfort.com
http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2022/07/01/l...
L'OTAN et la déstabilisation du monde
J'ai jeté un rapide coup d'œil au "nouveau concept stratégique" de l'OTAN issu de la récente réunion de Madrid. On y lit : "La Fédération de Russie a violé les normes et les principes qui ont contribué à un ordre de sécurité européen stable et prévisible [...] Nos concurrents testent notre résilience (un terme très cher aux élites atlantistes) et cherchent à exploiter l'ouverture, l'interconnexion et la numérisation de nos nations. Ils s'ingèrent dans nos processus démocratiques et institutionnels [...] mènent des activités malveillantes dans le cyberespace et l'espace, promeuvent des campagnes de désinformation, instrumentalisent les migrations, manipulent les approvisionnements énergétiques et emploient la coercition économique. Ces acteurs sont également à l'avant-garde d'un effort délibéré pour saper les normes et les institutions multilatérales et promouvoir des modèles autoritaires de gouvernance". Traduction anti mondialiste.
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RÉFLEXIONS
La relation entre la technologie et la religion
De nombreux laïcs et non-croyants de toutes sortes ont tendance à considérer la religion et la science comme fondamentalement incompatibles. Cette incompatibilité est également imaginée pour s’étendre à la relation entre la religion et la technologie, puisque la technologie est un produit de la science et que la science ne peut pas aller de l’avant sans la technologie, surtout aujourd’hui. Ainsi, bon nombre d’athées s’émerveillent avec incrédulité du nombre d’ingénieurs qui sont également des créationnistes et du nombre de personnes dans les industries de haute technologie qui affichent de grandes motivations religieuses.
lesakerfrancophone.fr
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RUSSIE
Les 10 mystères de la guerre d’Ukraine
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Lissitchansk, ou le sentiment pro-russe libéré
Avec la conquête éclair de Lissitchansk par les troupes combinées de la Fédération de Russie et de la République populaire de Lugansk (RPL), officialisée le 2 juillet, une page de la guerre dans le Donbass s’achève. La première des deux républiques auto-proclamées du Donbass est à présent entièrement « libérée », pour reprendre le terme qu’emploient les pro-Russes. Le chef de la RPL, Leonid Pasechnik, a d’ailleurs fait une déclaration solennelle ce 3 juillet. Le dernier village de la région encore sous contrôle ukranien, Bilogorovka - célèbre pour la tentative de franchissement de l’armée russe qui s’est terminée en échec fracassant en mai dernier, avec la perte d’un bataillon entier – a été pris le 3 juillet.
Francesoir.fr
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SANTÉ/INTERDICTIONS/LIBERTÉS
« 95.000 morts du Covid ? Comment l’INSEE surestime la hausse de mortalité » par Pierre Chaillot
Le 19 mai 2022, l’INSEE a publié une étude consacrée à l’impact de l’épidémie de Covid-19 sur la mortalité de mars 2020 à décembre 2021. Nous avions déjà répondu point par point au précédent bilan démographique, lui aussi très alarmiste, publié le 19 janvier 2021. Plus d’un an après, l’INSEE choisit de nouveau les éléments de comparaisons qui surestiment le plus possible la mortalité. Ce faisant, l’institut se met au service de la communication gouvernementale, manquant à son devoir de neutralité et d’objectivité.
Qg.media/blog/laurent-mucchielli
https://qg.media/blog/laurent-mucchielli/95-000-morts-du-...
Le Covid-19 provient d’un laboratoire américain, selon le président de la commission du Lancet
Jeffrey Sachs, qui préside la commission Covid-19 de la prestigieuse revue médicale, a affirmé que le virus mortel n’était pas issu de la nature. Selon Jeffrey Sachs, économiste et auteur de renommée mondiale, le Covid-19 n’est pas issu de la nature, mais plutôt d’un rejet accidentel « des laboratoires américains de biotechnologie ». Il s’exprimait lors d’une conférence organisée par le groupe de réflexion GATE Center, en Espagne, à la mi-juin.
Lecridespeuples.fr
https://lecridespeuples.fr/2022/07/06/le-covid-19-provien...
UNION EUROPÉENNE
Fin de la bureaucratie de la décarbonation aux États-Unis, mais non dans l’UE
La Cour suprême des États-Unis met fin à la bureaucratie qui entend contrôler la vie des Américains. Il serait urgent de protéger la vie des citoyens européens contre la bureaucratie inutile et liberticide de Bruxelles-Strasbourg.
Revueconflits.com
https://www.revueconflits.com/fin-de-la-bureaucratie-de-l...
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La fin de la Pax Americana
De la chute d'un empire
Andreas Mölzer
Source: https://andreasmoelzer.wordpress.com/2022/07/08/das-ende-der-pax-americana/
C'est la tâche et le privilège de l'historien de diviser le déroulement des événements politiques, économiques et sociaux sur cette planète en époques, en périodes. Comme chacun sait, le court et terrible 20ème siècle a duré de 1914, date du début de la Première Guerre mondiale, à 1989, date de l'effondrement de l'empire soviétique. Ensuite, il n'y a pas eu de "fin de l'histoire" avec la victoire continue du système de valeurs occidental et de la démocratie à l'occidentale, mais sans aucun doute l'ère de la domination mondiale de la seule superpuissance restante, les États-Unis d'Amérique.
Cette période a duré trois bonnes décennies, jusqu'à l'éclatement de la guerre actuelle de la Russie contre l'Ukraine, qui est essentiellement un conflit entre le plus grand pays du monde, la Russie, et l'Occident dans son ensemble, représenté par le traité de l'Atlantique Nord. Au cours de cette période, qui a duré près d'un demi-siècle, les États-Unis ont pu imposer leurs intérêts politiques et militaires partout sur la planète et à tout moment - du moins en théorie.
Les tentatives de le faire n'ont pas manqué. Que ce soit avec le mandat des Nations unies ou non, avec des alliés de l'OTAN ou seuls, les États-Unis ont en tout cas mené au cours de cette période un nombre incalculable d'opérations militaires, plus ou moins importantes, qu'ils se sont arrogées dans leur rôle de seule superpuissance restante et de gendarme du monde. Que ce soit en Irak, en Afghanistan, en Somalie, dans les Balkans ou en Amérique latine, les Américains ont toujours agi dans l'intérêt de leur position de puissance mondiale et des besoins de leur économie. Bien entendu, ils ont toujours prétexté le maintien de la paix, des droits de l'homme et de la démocratie. La plupart du temps, ce n'était qu'un prétexte et presque toujours sans succès. En effet, dans la plupart des cas, les Américains ont opéré sans succès au cours des 40 dernières années. L'échec de l'opération militaire en Afghanistan et le retrait sans gloire des troupes américaines il y a un an en sont la dernière preuve.
Jusqu'en 1989, l'adversaire de l'Amérique dans la guerre froide était l'empire soviétique, dirigé par les maîtres russes du Kremlin. Après l'effondrement du socialisme réellement existant et du Pacte de Varsovie, la Fédération de Russie s'est également désintégrée et affaiblie dans les années 1990. De vastes zones de territoires dominés par la Russie, notamment en Europe de l'Est, sont tombées sous domination étrangère. Ce n'est que le déclin de la Russie à l'époque d'Eltsine qui a permis aux États-Unis d'asseoir leur domination mondiale.
Aujourd'hui, sous l'impulsion de Vladimir Poutine, la Russie s'est en quelque sorte redressée ces dernières années. Elle est redevenue un "acteur mondial" et a joué un rôle politique dans les conflits mondiaux, comme au Moyen-Orient. Avec l'éclatement de la guerre en Ukraine, il semble que les États-Unis jouent à nouveau un rôle dominant dans le cadre de l'OTAN et continuent de jouer le rôle de gendarme du monde, mais en réalité, les Européens en particulier sont à nouveau contraints de suivre le leadership politique et militaire des Américains. D'autre part, la Russie de Vladimir Poutine - qu'elle remporte ou non la guerre d'Ukraine - se positionne comme l'adversaire politique mondial des Américains. Alors que jusqu'à présent, on pouvait encore supposer une sorte de coexistence avec la superpuissance américaine, la Russie adopte à nouveau une position claire, frontale. Il existe donc à nouveau une sorte d'ordre mondial bipolaire.
Il semble que le facteur des pays BRICS, c'est-à-dire des pays comme le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et, à l'avenir, l'Iran et d'autres pays, donne naissance à un ordre mondial multipolaire dans lequel les États-Unis ne sont plus qu'un facteur parmi d'autres. Reste à savoir si cet ordre mondial multipolaire sera également en mesure d'instaurer une stabilité globale, si une sorte d'équilibre des puissances pourra voir le jour. Ce qui est sûr, c'est que la pax americana, l'ordre mondial dominé par les États-Unis, touche à sa fin.
Les États-Unis restent toutefois la puissance économique dominante de la planète. L'industrie américaine, les multinationales dominées par les Américains dominent l'économie mondiale. Le potentiel d'innovation des États-Unis - la Silicon Valley, par exemple - reste le plus important au monde. Bien que le tissu social et le niveau d'éducation de la société américaine soient en déclin rapide, les États-Unis restent à la pointe en matière de nouveaux brevets et de développement technologique. Mais ceux qui connaissent l'état de l'infrastructure américaine savent que le pays reste en partie dans l'état d'un pays en développement.
Et sur le plan culturel, il faut certes reconnaître que les tendances mondiales de la mode, notamment les folies du politiquement correct, prennent leur source aux États-Unis. Mais en dehors de cela, le tissu socioculturel du pays est sur le point de s'effondrer. Cela est naturellement dû en premier lieu à l'immigration massive en provenance d'Amérique latine et à l'augmentation de la population de couleur.
La domination des Blancs protestants anglo-saxons est révolue depuis longtemps et les États-Unis risquent de devenir une entité multiculturelle dominée par la population de couleur et les Latinos. Ainsi, la "tiers-mondisation" des États-Unis se poursuit et le déclin de la première puissance économique mondiale s'accélère d'année en année.
Que les présidents républicains, comme récemment Donald Trump, lancent le slogan "Make America great again" et visent un cours plutôt isolationniste ou que les présidents démocrates tentent de reprendre le rôle de leader des Etats-Unis dans le monde, cela n'a finalement aucune importance. Le fait est que les États-Unis sont un pays qui connaît des problèmes et des conflits croissants, tant sur le plan économique que démographique et culturel. Mais cela rend obsolète la prétention de l'Amérique à rester la superpuissance dominante sur le plan mondial. De même, la prétention des Etats-Unis à ériger leur modèle politique et social en idéal mondial et à l'imposer autant que possible, si nécessaire par des moyens militaires, est également caduque.
Ainsi, l'empire américain n'est pas encore au bord de l'effondrement, mais sa prétention à la puissance est en grande partie caduque. D'une certaine manière, l'empire américain ressemble à son président actuel - il semble être frappé de sénilité. Il reste à voir dans quelle mesure les Européens seront en mesure d'utiliser la faiblesse croissante de l'empire américain pour renforcer leur propre position. Actuellement, ils sont absolument sous la domination du Pentagone et ne jouent qu'un rôle secondaire dans l'OTAN, tant sur le plan militaire que politique. Dans le conflit actuel avec la Russie, les pays de l'UE suivent plus ou moins à la lettre les directives américaines. L'espoir qui existait il y a une vingtaine d'années, à savoir que les Européens pourraient s'émanciper de la domination américaine au sein de l'OTAN et qu'une OTAN européanisée pourrait conduire à une politique de sécurité et de défense européenne propre, n'existe plus depuis longtemps.
Pourtant, il ne fait aucun doute que le déclin de l'empire américain devrait contraindre les Européens à développer leurs propres projets, notamment militaires. Même l'autodéfense de l'UE face à une Russie de plus en plus sûre d'elle et agressive serait difficile à l'heure actuelle sans les États-Unis. Si les Européens veulent jouer un rôle dans un ordre mondial multipolaire, ils devront devenir autonomes sur le plan de la politique de puissance et de la politique militaire, et devront également fournir des efforts de manière indépendante. De ce point de vue, le déclin de l'empire américain est une chance pour les Européens !
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G7: le prochain coup qu'on se tire dans le pied
Auteur : U.K.
Source: https://zurzeit.at/index.php/der-naechste-schuss-ins-eigene-knie/
Le prix plafond du G7 pour le pétrole russe
Le sommet du G7 qui s'est achevé mardi au château d'Ellmau, en Haute-Bavière, a donné naissance à une nouvelle idée pour mettre à genoux les recettes d'exportation de la Russie - pour de vrai ! Le G7, ou "Groupe des Sept", est un groupe informel de chefs de gouvernement qui se considèrent comme les "pays les plus industrialisés du monde". Il est piquant de constater que la Chine, de loin la deuxième puissance économique mondiale, n'en fait pas partie, pas plus que l'Inde, sixième sur la liste selon les dernières données de la Banque mondiale. En revanche, l'Italie, championne de la dette, peut y participer, de même que le Canada, qui occupe la neuvième place dans ce classement, mais qui est un fidèle acolyte des États-Unis.
Il n'a pas échappé aux sept chefs de gouvernement réunis dans la pittoresque station de montagne, qui ont d'ailleurs dû être protégés par 7.000 (je dis bien: 7.000 !) policiers, que malgré tous les blocages économiques de l'Occident contre la Russie, les revenus de Poutine provenant de la vente de pétrole, de gaz et de charbon sont plus importants que jamais. En effet, grâce aux sanctions, les prix mondiaux des matières premières énergétiques ont atteint des sommets historiques, comme chacun d'entre nous le constate en faisant le plein d'essence ou au plus tard lors de la prochaine facture de chauffage.
Et au lieu de vendre à l'Europe, la Russie vend de plus en plus les quantités restantes à la Chine, à l'Inde ou à des clients en Afrique. A des pays qui n'ont jamais été consultés sur les sanctions et qui ne les soutiennent pas non plus. La Russie rend ces accords attrayants en proposant des rabais de 20 à 25% sur le prix actuel du marché mondial. Mais Gazprom, Lukoil & Co. peuvent les accorder généreusement, car même avec cela, le produit de la vente est encore plus élevé qu'avant la guerre d'Ukraine.
Pour remédier à cette situation, le château d'Ellmau a imaginé un véritable coup de génie: un prix plafond pour le pétrole russe, fixé par l'acheteur. Remarquez, un prix maximum que l'Allemagne ou l'Autriche, par exemple, seraient prêtes à payer par baril de pétrole ou par mètre cube de gaz. Dans le cas contraire, ils n'accepteraient plus de pétrole en provenance de l'empire de Poutine. C'est à peu près aussi logique que si je disais dans une auberge que je ne paierais pas plus de 4 euros pour une escalope et 2 euros pour un demi. Si l'aubergiste n'accepte pas, je reste affamé et assoiffé en signe de protestation - en ces temps difficiles, tout le monde doit faire des sacrifices.
Les politiciens dans leur bulle - on ne peut plus l'appeler autrement - veulent tout au plus accorder à la Russie un prix qui se situe juste au-dessus des coûts de production russes. Dans ce cas, selon leurs rêves naïfs, l'énergie dont l'Europe a tant besoin continuerait d'affluer, mais la Russie n'en tirerait plus de bénéfices massifs. Dans le cas du pétrole, cette règle serait contrôlée par des menaces de sanctions contre les assureurs maritimes qui assurent des cargaisons de pétroliers "trop chères", et dans le cas du gaz, on cesserait tout simplement de puiser du gaz dans le gazoduc si le prix ne convenait pas.
Croire qu'en Russie, on accepterait ce genre de choses relève d'un manque total d'ouverture d'esprit et d'une méconnaissance totale des marchés des matières premières. Pour le pétrole et le charbon, les flux commerciaux sont depuis longtemps en train de passer de l'Occident à l'Asie. Et pour le gaz, la Russie développe actuellement de manière intensive les capacités des terminaux de GNL à Sakhaline et à Vladivostok, d'où toute l'Asie peut être approvisionnée. En outre, le gazoduc Power of Siberia vers la Chine fonctionne désormais à plein régime et un deuxième tube est en cours de construction.
En mai, la Russie est devenue pour la première fois le premier fournisseur de pétrole brut de la Chine, avec 2 millions de barils par jour, supplantant l'Arabie saoudite, qui était jusqu'à présent son principal fournisseur, soit une augmentation de 55% par rapport à l'année précédente. Une grande partie des livraisons passe par l'East Siberia Pacific Ocean Pipeline, en dehors de toute influence occidentale. Même la menace de l'assurance est désormais une épée émoussée : la compagnie d'État Russian National Reinsurance Company offre désormais une couverture suffisante pour tous les navires marchands de la Sovcomflot russe, et les compagnies d'assurance chinoises, encore plus puissantes, assurent désormais les navires battant pavillon de pays tiers s'ils transportent des cargaisons russes. Les prestations ne sont certes pas tout à fait au même niveau que celles des compagnies occidentales, mais cela suffit amplement aux clients d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine.
Cette nouvelle idée de sanction devrait donc s'avérer être une balle dans le pied. Il est peu probable que Poutine se plie au diktat des prix occidentaux. D'abord parce que cela n'en vaut pas la peine sur le plan commercial, ensuite pour des raisons de politique de puissance. En effet, compte tenu de la situation actuelle sur le marché mondial, la Russie peut désormais supporter sans problème une année de suspension des livraisons en Europe. Mais nous, nous ne pouvons pas le faire.
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Tumultes yankees
par Georges FELTIN-TRACOL
Les jeudi 23 et vendredi 24 juin 2022 entreront dans l’histoire des États-Unis d’Amérique comme deux journées déterminantes. Les observateurs de l’avenir verront probablement dans les deux décisions de la Cour suprême une nette accélération d’un éclatement mental, d’une puissante scission politique, voire d’une lancinante fragmentation territoriale.
Au cours des quatre années de sa présidence, Donald Trump a pu nommer trois nouveaux membres de cette clé de voûte des institutions étatsuniennes, offrant aux conservateurs une majorité de six contre trois libéraux (comprendre progressistes). Ces nominations commencent à produire leurs effets. Le premier jour, la Cour suprême réaffirme la primauté du Deuxième Amendement aux dépens d’une loi de 1913 adoptée dans l’État de New York qui interdisait le port d’arme hors du domicile. Elle révoque ensuite le lendemain son célèbre arrêt Roe contre Wade de 1973 en faveur de l’avortement. Vu de Sirius, il est étrange que les chantres auto-proclamés de l’« État de droit », c’est-à-dire du gouvernement des juges, s’en indignent. On aurait aimé les entendre quand les tribunaux en Europe entérinaient le despotisme covidien et écrasaient des libertés populaires déjà bien diminuées.
Contrairement à ce que récite le système médiatique d’occupation mentale en France et ailleurs, l’avortement n’est pas interdit. La Cour suprême confirme que les États-Unis demeurent une fédération d’États. Il revient par conséquent aux cinquante États fédérés de légaliser ou non l’IVG. Si le Texas, le Missouri ou l’Alabama, ces fameux « États intérieurs », la proscrivent, les États démocrates des côtes Atlantique (New York) et Pacifique (Californie, Oregon) permettent et renforcent l’avortement. De nombreux liberals oublient qu’ils vivent encore dans un cadre fédéraliste. L’État fédéral central doit par conséquent se conformer au principe de subsidiarité. La Maison Blanche et le Congrès ne peuvent pas s’occuper de tout. Cette vieille baderne de Joe Biden peut bien protester et parler d’une « journée triste », on assiste à une victoire retentissante posthume de John Caldwell Calhoun (tableau, ci-dessous).
Né en 1782 et mort en 1850, John Calhoun est tour à tour secrétaire à la Guerre (1817 – 1825), vice-président des États-Unis (1825 – 1832), puis sénateur fédéral pour la Caroline du Sud (1832 - 1843). Il défend les droits des États fédérés contre un État fédéral dont il devine déjà l’omnipotence. En 1861 – 1862, les États sudistes justifieront leur sécession tonitruante de l’Union en se référant à ses nombreux discours. Malgré la défaite du Sud en 1865, sa vision politique va continuer à influencer divers courants internes des démocrates et des républicains, en particulier chez ces derniers depuis les années Clinton (1993 – 2001).
La majorité de la Cour suprême s’inscrit dans cet héritage intellectuel, d’où sa sentence favorable au port d’arme. Si les États fédérés ne peuvent pas en limiter la détention, c’est en raison du Deuxième Amendement dont la valeur constitutionnel s’applique à l’ensemble du territoire étatsunien. En revanche, l’absence d’amendement constitutionnel sur l’IVG, l’homoconjugalité, le transgendérisme, l’euthanasie ou la légalisation des drogues n’accorde aucun droit définitif. Chaque État fédéré légifère comme il l’entend sur ces sujets dits sociétaux. Cette remarque concerne bien sûr la peine de mort. Les États fédérés sont là encore libres de l’appliquer ou non.
Les deux arrêts rendus de la Cour suprême accentuent les fractures dans l’opinion publique yankee. L’avortement, le droit du port d’arme, la peine de mort, mais aussi les thématiques sociétales clivent la population. Certes, pour l’instant, les tensions ne sont que verbales et médiatiques. Qu’on se souvienne par exemple du congrès annuel de la NRA (le groupe de pression favorable aux armes) qui se tenait au Texas quelques jours après la tuerie d’Uvalde. Des anti-armes hystériques invectivaient d’honorables participants pro-armes. L’actuel climat incandescent résulte enfin des séances retransmises en direct de la commission d’enquête de la Chambre des représentants sur les événements du 6 janvier 2021 au Capitole. Sur les neuf membres, on ne trouve que deux républicains en rupture de ban dont l’ineffable néo-conservatrice patentée Liz Cheney. Cette commission contestable tente d’impliquer Donald Trump dans un complot imaginaire. Or Trump n’a-t-il pas été l’objet d’une seconde tentative de destitution par le Congrès ? En droit occidental, est-il encore possible de ne pas poursuivre un individu pour des faits déjà jugés ? Les démocrates en perte de vitesse cherchent à instrumentaliser des procédures judiciaires afin de sauver à la fois leurs sièges au Congrès en novembre 2022, Biden ou son successeur en automne 2024.
La société étatsunienne entre dans une intense phase de profondes convulsions. Avant même la victoire surprise de Trump en 2016, le débat public faisait rage à propos de l’ouverture ou non de toilettes réservées aux personnes transsexuelles. Trump à la Maison Blanche, les antifas et autre Black Lives Matter ont sans cesse fomenté des manifestations violentes et des émeutes sanglantes. Dans les universités et, plus généralement, dans l’enseignement, le wokisme entend effacer toute présence d’origine euro-américaine. Très puissants dans les comtés et/ou dans les « États rouges », les milieux républicains répliquent à ces délires en brisant l’emprise éditoriale, psychologique et entrepreneuriale d’un politiquement correct désormais illimité. On s’écharpe ainsi sur les manuels scolaires ou sur des étudiants bouleversés par quelques vérités soi-disant inacceptables entendues en cours.
La question des droits civiques et l’hostilité envers la guerre du Vietnam dans les années 1960 n’avaient pas une implication aussi profonde. Les États-Unis se déchirent sur des banalités hautement politisées. Le consensus institutionnel inhérent à l’architecture constitutionnelle de 1787 disparaît au profit de dissensions virulentes. Dans le même temps, des milices anti-gouvernement fédéral de l’Ouest recrutent de nouveaux membres tandis que se réveillent les mouvements indépendantistes de Californie, du Texas ou du Vermont. Bien que voulant éclairer le monde, la statue de la Liberté se retrouve dans un immense champ de mines. Quand viendra donc l’explosion salutaire ?
GF-T
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De la soumission des Européens à Biden et aux présidents démocrates
Nicolas Bonnal
Biden, si gâteux et impopulaire qu’il soit chez lui, peut exiger ce qu’il veut de ses sujets européens ; même Obama n’osait pas – n’osa pas – aller si loin ; il est vrai que cette soumission est suicidaire et risque d’être génocidaire, et par là limitée dans le temps et dans l’espace : par haine rabique de la Russie et soumission social-démocrate aux intérêts ricains en Europe, on peut benoitement demander à tout un continent de crever.
On verra. Impossible n’est pas européen, par les temps qui courent.
Il y a quelques années j’avais publié sur fr.sputniknews.com un texte de rappel repris par Médiapart : Trotsky soulignait la soumission des Européens aux yankees.
« Contrairement à ses disciples archéo-crétins ou néocons, Léon Trotsky est souvent irréprochable sur le terrain de l’analyse: voyez ce qu’il dit de Léon Blum dans son journal! Sur l’actuelle soumission de l’Europe, on peut lire ces lignes prononcées en juillet 1924:
« Le capital américain commande maintenant aux diplomates. Il se prépare à commander également aux banques et aux trusts européens, à toute la bourgeoisie européenne. C’est ce à quoi il tend. Il assignera aux financiers et aux industriels européens des secteurs déterminés du marché. Il réglera leur activité. En un mot, il veut réduire l’Europe capitaliste à la portion congrue… »
Trotsky confirmait une balkanisation de l’Europe voulue par les USA :
« Déjà, dans les thèses pour le 3e congrès de l’I. C., nous écrivions que l’Europe est balkanisée. Cette balkanisation se poursuit maintenant. »
Trotsky soulignait aussi le risible «mot d’ordre d’émancipation » si caractéristique de l’invraisemblable cruauté américaine (Tocqueville ou Beaumont en parlaient déjà : pour liquider les Indiens ou exploiter les noirs, faites donner les juristes !) :
« L’histoire favorise le capital américain: pour chaque brigandage, elle lui sert un mot d’ordre d’émancipation. En Europe, les États-Unis demandent l’application de la politique des “portes ouvertes”… Mais, par suite des conditions spéciales où se trouvent les États-Unis, leur politique revêt une apparence de pacifisme, parfois même de facteur d’émancipation. »
Puis j’ajoutais :
« Trotsky affirme que le meilleur allié des Etasuniens dans cette infecte inféodation des Européens n’est jamais la droite, quelque couards et stupides que puissent être ses politiciens! Non, le meilleur allié du ploutocrate américain, c’est la gauche, c’est la social-démocratie. Et c’est le Révolutionnaire du siècle passé qui l’écrit :
« Pendant ce temps, l’Amérique édifie son plan et se prépare à mettre tout le monde à la portion congrue… La social-démocratie est chargée de préparer cette nouvelle situation, c’est-à-dire d’aider politiquement le capital américain à rationner l’Europe. Que fait en ce moment la social-démocratie allemande et française, que font les socialistes de toute l’Europe ? Ils s’éduquent et s’efforcent d’éduquer les masses ouvrières dans la religion de l’américanisme; autrement dit, ils font de l’américanisme, du rôle du capital américain en Europe, une nouvelle religion politique. »
Il faut reconnaître que ce rappel, si juste qu’il soit, doit être nuancé : les Européens ont méprisé Bush (c’était encore autorisé) puis craché sur Trump, qui ne leur avait fait aucun mal ; et ils divinisent Biden, qui ne demandent que leur mort – ainsi il est vrai (Davos-City oblige) que la mort des USA. Biden incarne à la perfection le complexe décrit jadis par le libertarien Rothbard : welfare state et warfare state. Un Etat incompétent, dépensier, chaotique, méphitique, interventionniste, tentaculaire et démentiel est la marque aujourd’hui de l’Amérique démocrate comme de son atroce ersatz de colonie européenne : l’Europe n’est pas le petit cap de l’Asie de Valéry, mais bien celui de l’Amérique qui peut en faire l’usage ordurier qu’elle désire. Les partis socialistes et les droites post-souverainistes (le « centre » façon Juppé-Macron-Bayrou) iront jusqu’au bout dans cette vilénie qui tourne à l’infamie. Aux Gamelin de Xavier Moreau succèdent les Ganelon.
Les prochaines élections US devraient consacrer (sauf truquage informatique béni par Zuckerberg et les médias) un triomphe républicain ; les républicains sont moins populaires en Europe catho-centriste-socialo que les démocrates mais on ne sera pas sortis de l’auberge. Ce qui nous sauvera c’est une volonté de vivre pas une volonté de suivre un maître (une élite hostile au sens strict) qui extermine froidement depuis 1917 la civilisation européenne.
Sources :
Bibliographie Léon Trotsky- Discours sur les perspectives de l’évolution mondiale (Marxists. Org)
https://blogs.mediapart.fr/danyves/blog/220117/comment-trotsky-explique-la-soumission-europeenne-aux-usa
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Crise militaire, énergétique et alimentaire
Par Daniele Perra
Source: https://www.eurasia-rivista.com/crisi-militare-energetica-e-alimentare/
Début juin, le Center for Strategic and International Studies ("think tank" très proche du Pentagone et de l'industrie américaine de l'armement dont il est copieusement financé) a publié un article (intitulé "The longer-term impact of the Ukraine conflict and the growing importance of the civil side of the war") qui décrit bien un certain changement de paradigme dans l'approche nord-américaine du conflit en Europe de l'Est. Il semble désormais tout à fait possible que l'Ukraine ne regagne pas son territoire à l'est, qu'elle ne reçoive pas les niveaux d'aide dont elle a besoin pour se reconstruire rapidement, qu'elle soit confrontée à des menaces permanentes de la Russie à l'est qui limiteront sa capacité à recréer une zone industrialisée, et qu'elle soit confrontée à des problèmes majeurs en termes de commerce maritime.
En sachant pertinemment que très peu de personnes au sein de l'administration américaine étaient convaincues de la possibilité réelle d'une "victoire totale" de l'Ukraine dans ce conflit (l'objectif a toujours été de le prolonger jusqu'au bout, de "se battre jusqu'au dernier Ukrainien", comme l'a souligné Franco Cardini), l'article montre néanmoins un net changement en termes de rhétorique officielle si l'on considère qu'il déclare également que seule une "infime partie" des attaques des Russes sur le sol ukrainien peut être formellement définie comme des crimes de guerre.
En fait, des décennies d'élucubrations (dans de nombreux cas, elles étaient une fin en soi) sur la soi-disant "guerre hybride" (également produites en Russie même, pensez à la "doctrine Gerasimov") ont obscurci l'esprit des "stratèges" et des "analystes" occidentaux qui n'ont pas été préparés à une nouvelle guerre conventionnelle menée par l'utilisation coordonnée (et à grande échelle) de moyens militaires, politiques et économiques. Et dans laquelle le terrorisme informationnel et la manipulation psycho-cognitive ont principalement touché le camp occidental non directement belligérant, où les médias ont sciemment choisi d'exploiter la "tragédie" en la séparant de ses causes, afin d'en inverser la responsabilité dans l'espace et le temps.
En particulier, passant outre les analyses extemporanées qui, dès la fin du mois de février, montraient la Russie prise au piège et la stratégie américaine gagnante sur toute la ligne, peu d'entre eux ont immédiatement pris conscience du niveau global du conflit: c'est-à-dire des profonds changements que l'affrontement entraînait rapidement dans la structure économique, financière et géopolitique mondiale existante et de la crise tout aussi profonde dans laquelle il plongeait (et plonge encore) l'Occident (surtout sa composante européenne) sur le plan économique et militaire.
C'est précisément l'Europe qui, au lieu de réagir de manière hystérique, aurait dû conserver la capacité nécessaire d'analyse politico-militaire des événements, afin de limiter immédiatement les dégâts et de freiner un conflit dont la prolongation accroît de jour en jour les effets dévastateurs sur la sécurité et l'économie du continent. En effet, pour paraphraser Carl Schmitt, elle s'inspire de la principale puissance anti-européenne de l'histoire contemporaine: les Etats-Unis d'Amérique. Un tel conflit, quelle qu'en soit l'issue, exige une refonte totale (ou plutôt une restructuration) des forces militaires et des armées des différentes nations européennes, qui ont été réduites de moitié à la fin de la guerre froide et regroupées au sein de l'alliance inégale que l'on appelle l'OTAN: un instrument qui (pour Washington) a eu le "mérite" de transformer la possible menace soviétique de représailles nucléaires contre les États-Unis en la certitude inévitable d'une guerre de dévastation nucléaire et conventionnelle en Europe.
Ce discours, cependant, nécessite d'abord une analyse des événements de la guerre d'Ukraine de ces derniers mois. La pénétration initiale des forces russes le long des frontières nord et est de l'ancienne république soviétique avait créé un front de plus de 1500 km (très long par rapport au nombre de troupes initialement déployées par Moscou, environ 150.000 plus 50.000 soldats des républiques séparatistes). Ce chiffre a été réduit de moitié après le retrait russe des régions de Kiev, Cernihiv et Sumy et la concentration consécutive des forces dans le Donbass (dont la "libération" reste l'objectif déclaré) et dans les régions de Kherson, Mikolayv, Melitopol et Zaporizhzhia. L'Ukraine, pour sa part, a pu déployer 250.000 hommes entre les forces régulières, la Garde nationale et les milices incorporées à l'intérieur du pays (tristement célèbres pour les crimes de guerre commis au cours des huit années du précédent conflit) [2]. Ils ont été rejoints par environ 7000 mercenaires étrangers (principalement des mercenaires français, polonais, géorgiens, canadiens et américains, pour la plupart bien entraînés et revenant d'autres théâtres de guerre). Selon des sources militaires russes, 2000 de ces "combattants internationaux" sont tombés au combat, tandis que 2000 autres ont abandonné le front, se plaignant de la violence excessive des combats [3].
Or, il convient de préciser d'emblée qu'en termes de nombre et de moyens employés, ce conflit (malgré les limites que Moscou s'est imposées en matière de contrôle de l'espace aérien et l'utilisation, pour la plupart, de véhicules obsolètes) n'est comparable ni aux guerres des Balkans (à l'exception des 78 jours de bombardements de l'OTAN sur la Serbie) ni aux guerres occidentales en Irak et en Afghanistan, ni à l'agression contre la Libye. Entre mars et avril 2003, la "coalition des volontaires", par exemple, a affronté une armée irakienne en déroute après plus d'une décennie de régime de sanctions. Et ces guerres peuvent être classées dans le cadre d'"affrontements asymétriques" dans lesquels la plupart des opérations militaires sont de nature anti-insurrectionnelle (y compris les grandes campagnes telles que Falluja en Irak, où 15.000 Anglo-Américains ont réussi avec beaucoup de difficultés, et très probablement grâce à l'utilisation d'armes au phosphore, à venir à bout de 4000 insurgés).
Le 17 juin, le ministère de la Défense à Kiev a admis que l'Ukraine perdrait environ 50 % de ses capacités militaires totales (le pourcentage est probablement plus élevé). À peu près au même moment, le président ukrainien Volodymyr Zelensky, puis son assistant David Arakhamia, déclarent respectivement que les pertes ukrainiennes sont de 100 puis de 1000 par jour.
Il est très difficile de savoir si ces chiffres sont réels ou le résultat de la propagande et du besoin pressant de nouvelles aides occidentales. Cependant, ils mettent en évidence le fait qu'un tel volume de pertes (comme nous avons déjà essayé de le démontrer dans l'article précédent Guerre démographique et économique) est en tout cas insoutenable pour Kiev à long terme. Surtout si l'on tient compte du fait que certaines divisions de l'armée ukrainienne, laissées sans ordres et sans soutien logistique dans la zone (hostile) de Severodonetsk, auraient subi des pertes s'élevant à 90 % de leurs effectifs.
Les services de renseignement britanniques et nord-américains parlent de plus de 15.000 victimes dans le camp russe (plus ou moins l'équivalent de dix ans de guerre en Afghanistan dans les années 1980). Kiev affirme avoir neutralisé 33.600 soldats ennemis. Le volume réel des pertes des deux côtés ne peut être établi avec certitude [4]. Comme l'a déclaré l'analyste Gianandrea Gaiani, même si les pertes russes étaient de moitié (7500), cela resterait un nombre élevé selon les normes occidentales actuelles (et non selon un modèle de guerre conventionnel). En effet, il faut savoir que les principales armées européennes (France, Allemagne et Italie), réduites en nombre mais à fort contenu technologique, disposent en moyenne d'environ 80.000 hommes et d'un nombre limité de véhicules blindés et d'avions. En outre, l'armée italienne a un âge moyen de 39,8 ans parmi les volontaires en service permanent, dont plus de 57% ont plus de 40 ans [5]. Dans l'éventualité d'un conflit conventionnel dans lequel elles devraient faire tourner des troupes sur la ligne de front, aucune de ces armées ne serait capable de déployer plus de 15.000 hommes à la fois dans la bataille avec une résilience limitée à quelques semaines en cas de taux de pertes élevé et d'utilisation intensive des munitions. En particulier, aucune armée européenne ne semble préparée à un conflit mené principalement dans la dimension terrestre, décisive lorsque l'enjeu est la recherche (comme dans le cas russe) d'un espace vital (ou espace de sécurité) refusé dans sa totalité (physiquement et virtuellement) par l'Occident. C'est pourquoi le "blocus" de Kaliningrad, même s'il est étudié stratégiquement comme un instrument de pression dans les négociations, s'avère assez risqué, surtout à la lumière du non-respect des accords de transit entre l'enclave et le reste du territoire russe élaborés par Moscou et Bruxelles au début des années 2000.
Cela devrait expliquer la réticence mal dissimulée de nombreux gouvernements européens à déclarer ouvertement le montant et les caractéristiques de l'aide militaire envoyée à l'Ukraine (peut-être plus limitée qu'on ne le pense), alors que, au contraire, le ministère américain de la Défense a choisi de publier en détail la valeur et la quantité de chaque article spécifique envoyé. Le site informatique du gouvernement nord-américain indique que, depuis le 24 février, les États-Unis ont fourni 5,6 milliards de dollars d'aide militaire à l'Ukraine (8,6 "investis" au total depuis 2014). Ces fournitures comprennent : 1400 systèmes de défense antiaérienne Stinger, 6500 missiles antichars Javelin, 126 obusiers M777, des drones tactiques Puma, 20 hélicoptères Mi-17 (dont 16 étaient en possession de l'armée de l'air afghane), 7000 armes légères et 50 millions de munitions, plus de 700 munitions détournées [6].
Toutefois, en partie en raison du changement de paradigme susmentionné, il a été décidé de ne pas envoyer d'"armes offensives" telles que les drones Grey Eagle en raison du risque (très élevé) que leur technologie sophistiquée tombe entre les mains des Russes.
Si les données militaires ne sourient pas à l'Europe, les données économiques sont dramatiques. Plus précisément, le problème de l'approvisionnement en énergie (avec des prix en constante augmentation) entraînera une crise économique structurelle dont il sera très difficile de sortir, étant donné que les tentatives désespérées de diversification n'auront aucun impact à court terme. L'idée même de pouvoir compter immédiatement sur le GNL nord-américain, à l'heure où Gazprom coupe ses approvisionnements en réponse au régime de sanctions, semble avoir été tuée dans l'œuf après qu'un mystérieux accident (pour le plus grand plaisir du marché intérieur américain) a mis hors service le terminal GNL de Freeport au Texas (photo), d'où partent les méthaniers qui acheminent le gaz liquéfié vers l'Europe [7].
Le régime de sanctions pratiquement auto-imposé par l'UE a également sapé le "Green Deal" et la transition supposée vers une économie à émissions nulles d'ici 2050 [8]. Une telle approche nécessite des ressources et des investissements considérables pour développer de nouvelles technologies et procéder à une véritable restructuration énergétique. Des ressources qui, à l'heure actuelle, ne sont plus disponibles, car le coût de plus en plus élevé de l'énergie réduit considérablement la compétitivité des économies européennes à l'échelle mondiale. Le Green Deal inclut inévitablement le développement d'infrastructures pour le stockage et le transport des énergies renouvelables. En outre, les matériaux utilisés pour la production de technologies liées aux énergies renouvelables (panneaux solaires, batteries de stockage, véhicules électriques) sont fabriqués à partir de métaux rares (cobalt, nickel, manganèse, lithium) que l'UE importe et pour lesquels la Russie détient d'importantes parts de marché avec la capacité relative d'influencer leur développement. Moscou est le deuxième plus grand producteur de cobalt et le troisième plus grand producteur de nickel au monde. Le premier producteur européen de manganèse est l'Ukraine (huitième au monde), bien que cette production soit concentrée dans le Donbass, désormais perdu. Enfin, la Chine contrôle 46 % de la production mondiale de lithium. En outre, l'utilisation du GNL nord-américain (plus cher pour le consommateur final) et produit par fracturation hydraulique, ainsi que le temps nécessaire à la construction de nouveaux terminaux et la consommation considérable d'énergie pour le processus de transformation, sont également "écologiquement hostiles".
Dans ce contexte, bien que Bruxelles tente de parler d'une seule voix, les intérêts de chaque pays restent différents, tout comme les sources d'énergie respectives. L'Allemagne et l'Italie sont très dépendantes du gaz ; la France s'appuie fortement sur l'énergie nucléaire ; les petits pays comme la Grèce, Chypre et Malte dépendent du pétrole.
40% des importations européennes de gaz proviennent de Russie, 18% de Norvège, 11% d'Algérie et 4,6% du Qatar. 30 % des combustibles fossiles proviennent de Russie [9]. Le remplacement des approvisionnements énergétiques russes n'est concevable qu'à long terme et, à court terme, le prix élevé des ressources pourrait entraîner des problèmes économiques et sociaux, même pour les pays qui n'importent pas directement de Moscou.
La soi-disant "crise du blé" mérite également quelques considérations finales. À cet égard, il convient de réaffirmer que le blocus ukrainien du blé ne représente pas un problème irrémédiable au niveau mondial. Selon les données de la FAO, le blé ukrainien représente 3,2% de la production mondiale. En 2021, l'Ukraine était le huitième producteur mondial avec 25 millions de tonnes par an. Le premier producteur mondial est la Chine (134 millions), suivie de l'Inde (108) et de la Russie (86, premier exportateur mondial). Il convient de noter que l'UE dans son ensemble serait le deuxième producteur mondial avec 127 millions de tonnes. Cette crise n'affecterait donc théoriquement pas du tout l'Europe.
Les augmentations de prix (avant le conflit) ne sont pas proportionnelles à la pénurie de matières premières, mais sont le résultat d'une attente future, le produit de contrats dits "dérivés". Des parties qui n'ont rien à voir avec le blé (en dehors du circuit de production), utilisent en fait les titres dérivés à des fins de simple spéculation (par exemple, ils les achètent à 30 et les revendent à 40). Une pratique qui, jusqu'aux années 1990, était interdite sur ce type de marchandise par l'Organisation mondiale du commerce. Cependant, la libéralisation totale du secteur qui a suivi a permis l'utilisation de ces instruments de spéculation financière. Comme l'a déclaré le professeur Alessandro Volpi : "Le marché des céréales, comme le marché de l'énergie, vit sur une attente de tendances, avec des paris réels qui déterminent le prix. S'il y a un conflit, si chaque jour on nous rappelle que le blé ukrainien est bloqué, si de nouvelles restrictions de production sont annoncées, les paris seront à la hausse et les prix auront tendance à augmenter" [10].
La crise alimentaire est donc déconnectée du déroulement du conflit. En 2021, 44 pays souffraient déjà de pénuries alimentaires (33 en Afrique et 11 en Asie) [11]. La hausse des prix de l'énergie, des carburants et des céréales et la spéculation qui y est associée n'ont fait qu'aggraver une situation déjà problématique, qui conduira plus de 440 millions de personnes à souffrir de la faim dans les mois à venir, avec pour corollaire des migrations incontrôlées et la possible réouverture du "front" des OGM en Europe et dans le monde (ce n'est pas une coïncidence si les multinationales qui produisent des semences génétiquement modifiées sont les mêmes qui produisent des herbicides à base de glyphosate).
Ajoutez à cela le fait qu'un éventuel accord entre la Russie et la Turquie sur le déminage des ports ukrainiens (malgré les craintes de Kiev) et sur le transit des navires marchands en mer Noire coupera du "jeu alimentaire" les forces qui pensaient pouvoir l'utiliser comme une arme de pression humanitaire contre Moscou.
NOTES
[1] A. H. Cordesman, The longer-term impact of the Ukraine conflict and the growing importance of the civil side of the war, www.csis.org.
[2] Voir le rapport de l'OSCE intitulé War crimes of the armed forces and security forces of Ukraine : torture and inhuman treatment, www.osce.org. Elle déclare : "L'ampleur de l'utilisation de la torture et le fait que cela soit fait systématiquement prouvent que la torture est une stratégie intentionnelle desdites institutions, autorisée par leurs dirigeants". Ces institutions, précise le rapport, sont précisément les forces de sécurité ukrainiennes, la Garde nationale et ses milices associées. Le rapport précise également que le droit européen ne justifie en aucun cas la torture et ne prévoit aucune exception, même en cas de confrontation armée ou de menace pour la sécurité nationale.
[3] G. Gaiani, Premières indications (amères) de la guerre en Ukraine, www.analisidifesa.it.
[4] Le 9 juin, Moscou a déclaré avoir abattu 193 avions ukrainiens, 130 hélicoptères et plus de 1 000 drones. Le 19 juin, Kiev a affirmé avoir abattu 216 avions, 180 hélicoptères et 594 drones russes. Indépendamment des chiffres gonflés, il est néanmoins évident que dans le contexte de l'utilisation de systèmes anti-aériens S-300 et S-400 à longue portée et de systèmes anti-aériens portables dans des champs de bataille survolés à basse altitude par des hélicoptères, le nombre de pertes d'avions peut encore être élevé.
[5] Premières indications (amères) de la guerre en Ukraine, ibid.
[6] Voir la coopération des États-Unis avec l'Ukraine en matière de sécurité, www.state.gov.
[7] M. Bottarelli, L'utopie di chi spera nel GNL di USA, Africa e Israele, www.ilsussidiario.net.
[8] I. Dimitrova, L'UE et son secteur énergétique après l'Ukraine, www.eurasia-rivista.com.
[9] Ibid.
[10] Voir Crise du blé, ce n'est que de la spéculation, www.collettiva.it.
[11] Voir FAO : Record de production céréalière mondiale en 2021, www.askanews.it.
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Géopolitique de la mer Baltique
Source: https://www.geopolitika.ru/en/article/geopolitics-baltic-sea?fbclid=IwAR19IaHuEhZ1yoxfwXeLVLeYtmA5iCn2VhZcQDyfqP-UnoD0RGEsC3kMm24
Les développements dans le domaine de la sécurité dans la région de la mer Baltique montrent une forte tendance à la régionalisation de la sécurité européenne.
En décembre 2007, le Conseil européen a publié les conclusions de sa présidence, invitant la Commission européenne à présenter une stratégie européenne pour la région de la mer Baltique au plus tard en juin 2009. Jusqu'alors, le Parlement européen n'avait demandé qu'une stratégie visant à résoudre les problèmes environnementaux urgents de la mer Baltique. La Commission a présenté sa communication sur la stratégie de l'UE pour la région de la mer Baltique (EUSBSR) le 10 juin 2009, accompagnée d'un plan d'action détaillé. Ils ont été approuvés par le Conseil européen en octobre 2009 et la stratégie de l'UE pour la région de la mer Baltique est ainsi devenue la première stratégie macro-régionale de l'UE.
En 2012, la Commission a défini trois grands objectifs pour la stratégie: "Sauver la mer", "Connecter la région" et "Accroître la prospérité". En outre, la Commission a suggéré de définir des indicateurs et des objectifs mesurables pour chaque objectif. Pour refléter ces changements, le plan d'action a été mis à jour en 2013 en fonction des objectifs de la stratégie Europe 2020.
Après une vaste consultation des États membres, le plan d'action a été mis à jour en 2015. Grâce à cette mise à jour, la stratégie est devenue plus rationnelle et s'est concentrée sur trois objectifs principaux. En 2017, le plan d'action a été révisé avec quelques mises à jour et corrections techniques, un chapitre actualisé sur le transport en politique, un nouveau point sur l'éducation en politique et une section dans le chapitre sur la gestion décrivant la procédure de changement des coordinateurs thématiques.
La version actuelle du Plan d'action est entrée en vigueur en 2021. Le plan d'action révisé est plus ciblé et tient compte des nouveaux défis mondiaux, du nouveau cadre stratégique de l'UE et du cadre financier pluriannuel 2021-2027, ainsi que des défis de la stratégie. Le plan d'action révisé contient également des références pour "intégrer" la Stratégie dans les politiques et les programmes de financement de l'UE.
La zone couverte par la Stratégie est principalement le bassin de la mer Baltique, y compris les zones intérieures. Elle compte environ 85 millions d'habitants, dont 8 États membres de l'UE (Danemark, Estonie, Finlande, Allemagne, Lettonie, Lituanie, Pologne, Suède) ainsi que la Russie.
Huit des neuf pays bordant la mer Baltique sont membres de l'Union européenne, et les nouvelles possibilités de meilleure coordination ont assuré un niveau de vie plus élevé aux citoyens de ces États membres. Cependant, même avec une bonne communication et une bonne coopération internationale et interrégionale, les nouveaux avantages de l'adhésion à l'UE n'ont pas été pleinement réalisés, et les problèmes de la région n'ont pas encore été résolus. La région de la mer Baltique (RMB) est très diverse en termes d'économie, de nature et de culture.
Les États membres partagent de nombreuses ressources communes et sont interdépendants. Cela signifie que les mesures prises dans un domaine peuvent rapidement entraîner des résultats dans d'autres domaines ou affecter la région dans son ensemble.
La politique "Énergie" de l'UE dans la région de la mer Baltique, coordonnée par le BEMIP, la Lituanie et la Lettonie, vise à garantir une énergie compétitive, fiable et durable dans la région de la mer Baltique.
La coopération régionale dans le secteur de l'énergie repose sur le plan d'interconnexion des marchés énergétiques de la Baltique (BEMIP), qui couvre les infrastructures énergétiques, les marchés du gaz et de l'électricité, la production d'énergie, la sécurité de l'approvisionnement énergétique, l'efficacité énergétique et les sources d'énergie renouvelables. Dans le domaine des marchés de l'électricité et du gaz, l'accent est mis sur la création d'un marché régional de l'énergie ouvert, concurrentiel et pleinement intégré dans la région de la mer Baltique.
Dans le secteur de l'énergie, la Lituanie est chargée de développer l'efficacité énergétique et les sources d'énergie renouvelables afin d'atteindre les objectifs stratégiques de l'UE dans ce domaine (en coordination avec la Lettonie).
Une initiative est actuellement en cours pour créer une plateforme sur l'efficacité énergétique afin de promouvoir la coopération transfrontalière entre les États de la mer Baltique pour atteindre les objectifs de l'UE en matière d'efficacité énergétique.
Lors de l'évaluation de la mise en œuvre de la stratégie, il convient de prêter attention à trois "points".
Premièrement, le fait que le champ d'application de la Stratégie ait été établi par le Conseil européen a influencé la manière dont la discussion a été menée dans cette région. Le texte du document se concentre sur la résolution des problèmes environnementaux, notamment ceux liés à la navigation. La conclusion du Conseil appelle à une séparation effective des sphères internes et externes de la politique. Cette disposition contredit l'expérience déjà acquise dans la résolution des problèmes les plus urgents de la mer Baltique, y compris les problèmes environnementaux, ainsi que les questions de navigation de nature transnationale et transfrontalière, incluant ainsi par définition les États non membres de l'UE.
Deuxièmement, les différences qui concernent la gestion semblent être importantes. La Commission européenne a proposé une stratégie qui devrait coordonner les éléments existants, ainsi que surveiller et examiner attentivement les réalisations, les besoins et les défis, visant à maintenir la dynamique du plan d'action en conséquence. Dans la résolution, le Parlement a appelé à une solution très différente : en partie par sa proposition d'organiser des sommets annuels des États de la mer Baltique avant la réunion d'été du Conseil européen et de développer les organisations régionales au sein et en dehors du système de l'UE.
La dernière conclusion importante concernait le processus de travail visant à améliorer la stratégie. Le processus de consultations publiques, qui s'est déroulé d'août 2008 à février 2009, a été conçu non seulement pour améliorer la Stratégie, mais aussi pour faciliter le processus de son approbation. Les consultations ont impliqué des États, des régions, un certain nombre d'organisations gouvernementales non gouvernementales et internationales, ainsi que des citoyens individuels. Au cours des différentes réunions, la Stratégie a pu mettre en évidence les positions fondamentales partagées par une grande majorité des participants :
- La nécessité absolue d'une stratégie pour la région de la mer Baltique,
- La nécessité d'une approche intégrée pour obtenir des résultats,
- Le rôle important de la Commission européenne dans le développement de la Stratégie,
- La concentration sur des projets spécifiques pour obtenir des résultats réels,
- L'absence du besoin de créer de nouvelles institutions, étant donné la présence d'un nombre important d'organisations existantes,
- Le désir d'aller au-delà des déclarations vides et de travailler avec les pays leaders avec des objectifs spécifiques et des délais clairement définis.
Il convient de noter le rôle de l'étude de l'expérience de l'OTAN dans la région de la mer Baltique. C'est qu'avec la fin de la bipolarité de la Guerre froide, le système de sécurité européen est de plus en plus fragmenté selon des lignes régionales, reflétant souvent des fractures historiques et des modèles traditionnels de coopération et de conflit. Pendant la guerre froide, les membres de l'OTAN tels que la Norvège et la Turquie partageaient une préoccupation commune en matière de sécurité nationale - la menace soviétique perçue. Quelles que soient les différences de situation géostratégique, cela leur posait un problème commun, qui a servi de base à la coopération dans le domaine de la sécurité au sein de l'Alliance. Avec la fin de la guerre froide et la disparition de l'Union soviétique, les intérêts de sécurité nationale de la Norvège et de la Turquie se sont concentrés sur leurs problèmes régionaux spécifiques, qui sont d'ailleurs très différents. Dans toute l'Europe, la régionalisation de l'agenda de la sécurité est évidente.
En Europe du Sud-Est, la rivalité traditionnelle des "Balkans" a refait surface, ainsi que de nouveaux problèmes de construction d'États et de nations. C'est ce qui donne aux relations internationales dans cette région troublée un caractère particulier - et très sanglant.
Les développements dans le domaine de la sécurité dans la région de la mer Baltique montrent la même tendance : le désir de régionalisation de la sécurité européenne. Les États de la région de la mer Baltique partagent des préoccupations communes en matière de sécurité régionale, qui découlent de différents modèles de coopération dans la région. En ce sens, ils font partie du "complexe de sécurité" régional.
Les principales menaces pour la biodiversité de la mer Baltique sont les suivantes.
L'eutrophisation. Elle a entraîné une augmentation du nombre d'algues planctoniques, une augmentation de la fréquence des proliférations d'algues toxiques et une diminution des niveaux d'oxygène dans les eaux profondes de la mer Baltique.
Pêche. La pêche d'espèces de poissons clés telles que le cabillaud, le hareng, le saumon et l'anguille n'est actuellement pas viable en raison de la surexploitation et de la détérioration des conditions de reproduction. Les prises accessoires de mammifères marins, d'oiseaux de mer et d'espèces de poissons non ciblées sont trop élevées.
Pollution par des substances nocives et des hydrocarbures. Les polluants organiques causent des problèmes de santé et de reproduction pour les mammifères et les oiseaux marins.
Introduction d'espèces non indigènes. Des changements dans la structure et les composants de l'écosystème sont causés par les espèces introduites. L'introduction intentionnelle, l'encrassement et les eaux de ballast sont trois voies importantes par lesquelles les organismes pénètrent dans la mer Baltique. Les connexions fluviales avec les eaux saumâtres de la mer Noire et de la mer Caspienne augmentent le risque d'introduction à partir de ces zones.
C'est ainsi que le programme de surveillance de la Baltique (BPM) a été mis en place. Les objectifs de la surveillance coopérative de l'environnement marin de la mer Baltique (COMBINE) sont d'identifier et de quantifier les effets des rejets/activités anthropiques dans la mer Baltique dans le contexte des changements naturels du système, et d'identifier et de quantifier les changements de l'environnement par des actions réglementaires. Le programme comprend des mesures hydrographiques, l'impact des apports anthropiques de nutriments sur le biote marin, les niveaux de polluants dans les organismes individuels et l'impact des polluants sur la structure des communautés.
Le programme de surveillance de la Baltique, qui fait partie de COMBINE, est mis en œuvre par la Commission d'Helsinki. Le programme de surveillance constitue une bonne base pour se faire une idée générale des conditions environnementales de la mer Baltique et des moyens de les améliorer. En outre, des accords bilatéraux ont été signés concernant la surveillance environnementale de certaines parties de la mer Baltique, comme le golfe de Botnie entre la Finlande et la Suède et le Sound entre le Danemark et la Suède. Le Danemark, la Norvège et la Suède coopèrent dans le Kattegat et le Skagerrak. Ces programmes offrent une certaine compensation temporaire à l'absence de programmes de surveillance dans les zones marines protégées (ZMP) elles-mêmes.
Bien entendu, la région de Kaliningrad et la Russie dans son ensemble constituent désormais à la fois un défi et une menace lointaine pour les pays de l'UE ayant accès à la Baltique. Les actions inadéquates de la Lituanie ont déjà conduit à un nouveau foyer de tension. D'autres provocations sont également possibles. En réponse, la Russie pourrait prendre des mesures susceptibles de saper la stratégie baltique de l'UE, ce qui pourrait rendre les pays baltes et Bruxelles plus prudents.
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Les actions secrètes occidentales en Syrie
Shane Quinn
Source: https://www.geopolitika.ru/en/article/western-covert-actions-syria?fbclid=IwAR0nOOlODMj2R9U1PqcfQmmIzqBwOAjBsi-BBCV-OnvL-wQS6SIR2ktUT0o
En octobre 2011 et février 2012, l'organisation de l'OTAN dirigée par les États-Unis, avec le soutien des autocraties du Golfe, a tenté d'obtenir des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU qui, selon toute probabilité, auraient servi de prétexte à une invasion de la Syrie.
Ces efforts ont reproduit le jeu de dupes que l'Amérique, la Grande-Bretagne et la France avaient joué pour obtenir une résolution concernant la Libye, le 17 mars 2011, qu'ils ont immédiatement violée en bombardant ce pays. À l'automne 2011, la Russie et la Chine savaient que les États-Unis et l'OTAN tentaient à nouveau le même subterfuge, dans leur volonté de renverser le président syrien Bachar al-Assad. Moscou et Pékin ont donc opposé leur veto aux résolutions.
Non découragée par ces revers, la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton a exercé un lobbying intense en 2012 en faveur d'une attaque contre la Syrie. Mme Clinton a déclaré qu'elle avait le soutien de l'ancien directeur de la CIA, Leon Panetta, et qu'elle estimait que les Américains auraient dû être "plus disposés à affronter Assad"; elle a souligné "Je crois toujours que nous aurions dû créer une zone d'exclusion aérienne", le feu vert pour une invasion US-OTAN comme ce fut le cas en Libye.
Clinton a déclaré qu'elle voulait "agir de manière agressive" contre la Syrie et a élaboré un plan en ce sens, mais il n'a jamais été mis en œuvre (1). Elle avait auparavant soutenu les invasions de la Yougoslavie (1999), de l'Afghanistan (2001), de l'Irak (2003) et de la Libye (2011) menées par les États-Unis.
Dans leur politique à l'égard de la Syrie, Washington et l'OTAN adoptaient une position similaire à celle d'organisations terroristes comme Al-Qaïda, qui soutenait la volonté d'évincer Assad. Le 27 juillet 2011, le nouveau patron d'Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri, a souligné sa solidarité avec les extrémistes. Zawahiri a appelé au départ d'Assad, et a regretté de ne pas pouvoir être lui-même en Syrie. "J'aurais été parmi vous et avec vous", a-t-il déclaré, mais il a poursuivi en disant qu'"il y a déjà suffisamment et plus de moudjahidines et de garnisons" présents en Syrie. Il a décrit Assad comme "le partenaire de l'Amérique dans la guerre contre l'Islam". (2)
Zawahiri n'a pas mentionné que le président syrien s'était opposé à l'invasion américaine de l'Irak en 2003. Assad a été, en fait, le premier dirigeant arabe autre que Saddam Hussein à condamner l'attaque. Moins de 10 jours après l'invasion, Assad avait prédit: "Les États-Unis et la Grande-Bretagne ne seront pas en mesure de contrôler tout l'Irak. Il y aura une résistance beaucoup plus forte". Il a déclaré à propos des forces anglo-américaines "nous espérons qu'elles ne réussiront pas" en Irak "et nous doutons qu'elles y parviennent - il y aura une résistance populaire arabe et celle-ci a commencé". (3)
Les révoltes qui ont commencé en Syrie, au printemps 2011, n'auraient duré que quelques mois sans une intervention extérieure qui les a radicalisées (4). La Syrie n'aurait pas eu à endurer les années de guerre qui ont suivi, mais les puissances étrangères - notamment le triumvirat impérial composé de l'Amérique, de la Grande-Bretagne et de la France - ont soutenu cette révolte avec l'aide de leurs alliés d'Arabie saoudite, du Qatar et de la Turquie, sans parler des groupes djihadistes. Les premières manifestations de mars 2011 n'étaient pas, au départ, contre Assad, mais avaient été dirigées contre les déficiences au niveau provincial.
Neil Quilliam, un universitaire spécialisé dans le Moyen-Orient, a déclaré à propos du désaccord en Syrie qui a commencé dans la ville de Daraa, dans le sud du pays : "La rébellion telle qu'elle a commencé était très localisée. Elle était bien plus liée à des griefs locaux contre les chefs de la sécurité locale - il s'agissait de corruption au niveau local" (5). L'agitation a été dépeinte à tort en Occident comme visant le gouvernement d'Assad. Elle a ensuite été exploitée par les puissances américaines et de l'OTAN pour tenter un changement de régime en Syrie pour des raisons géopolitiques.
Le site Web des renseignements militaires israéliens, DEBKAfile, a rapporté que depuis 2011, des forces spéciales du SAS et du MI6 britanniques entraînaient des militants anti-Assad en Syrie même. D'autres membres du personnel britannique du Special Boat Service (SBS) et du Special Forces Support Group (SFSG), des unités des forces armées britanniques, entraînaient également des combattants en Syrie depuis 2011. En outre, la même année, des agents étrangers français de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et du Commandement des opérations spéciales encourageaient les troubles contre Assad. (6)
À mesure que 2011 avançait, les révoltes anti-Assad étaient infiltrées par un nombre croissant de combattants d'Al-Qaïda. Le 12 février 2012, dans une vidéo de huit minutes, Zawahiri a exhorté les djihadistes de Turquie, d'Irak, du Liban et de Jordanie à venir en aide à leurs "frères en Syrie" et à leur donner "de l'argent, des opinions, ainsi que des informations". Zawahiri a déclaré que l'Amérique n'était pas sincère dans sa démonstration de solidarité avec eux. (7)
Toujours en février 2012, Hillary Clinton a admis que Zawahiri "soutient l'opposition en Syrie" et elle a laissé entendre que les Etats-Unis étaient du même côté que lui (8). Clinton a promis que les Américains continueraient à fournir une aide logistique aux insurgés, afin de coordonner les opérations militaires.
L'appel de Zawahiri au djihad contre la Syrie a été soutenu par le numéro deux d'Al-Qaïda, Abu Yahya al-Libi. Il s'agit d'un extrémiste libyen qui a participé au récent conflit contre Mouammar Kadhafi, aux côtés de nombreux autres terroristes. Al-Libi a déclaré dans une vidéo du 18 octobre 2011 : "Nous appelons nos frères en Irak, en Jordanie et en Turquie à aller aider leurs frères [en Syrie]" (9). Fin 2011, il existait des liens entre les djihadistes qui ont renversé Kadhafi, et ceux qui tentent d'infliger un sort similaire à Assad.
Avec les vetos russe et chinois sur les résolutions de l'ONU, Washington n'a pas pu lancer une invasion à grande échelle de la Syrie, mais l'objectif du président Barack Obama et de ses alliés est resté celui du changement de régime. Tout au long de l'année 2011 et au-delà, les dirigeants de l'Amérique (Obama), de la Grande-Bretagne (David Cameron), de la France (Nicolas Sarkozy) et de l'Allemagne (Angela Merkel) ont séparément appelé au départ d'Assad, en invoquant de manière fallacieuse les préoccupations liées au sort du peuple syrien.
Merkel, par exemple, qui avait soutenu l'invasion américaine de l'Irak, a déclaré le 18 août 2011 qu'Assad devait "faire face à la réalité du rejet complet de son régime par le peuple syrien". Cette allégation a été répétée par d'autres dirigeants occidentaux, ainsi que par la Haute Représentante de l'UE Catherine Ashton. Elle était totalement fausse.
Moins de six mois plus tard, le journaliste anglais Jonathan Steele, citant un sondage fiable, notait que 55% des Syriens souhaitaient qu'Assad reste président. Steele a écrit que cette réalité dérangeante "a été ignorée par presque tous les médias de tous les pays occidentaux dont le gouvernement a demandé le départ d'Assad". (10)
Pour l'Occident et ses alliés, comme envisagé, la chute d'Assad augmenterait la puissance américaine en Méditerranée et au Moyen-Orient, tout en portant un coup à l'influence russe, iranienne et chinoise. Le Kremlin devrait abandonner sa base navale de Tartous, dans l'ouest de la Syrie, ce qui pousserait la Russie hors de la Méditerranée. Les voies d'approvisionnement par lesquelles des armes sont livrées au Hezbollah, dans le Liban voisin, seraient également éliminées.
Avec un régime favorable à l'Occident en Syrie, l'étau se serait resserré autour de l'Iran. De vastes quantités de pétrole et de gaz se trouvent à côté du littoral syrien, dans le bassin du Levant. Cependant, la Syrie était un problème plus difficile et plus compliqué pour les États-Unis et l'OTAN que des pays comme la Libye. En Syrie, l'Occident était confronté aux intérêts de la Russie, de la Chine et de l'Iran, trois pays disposant d'amples ressources et de puissantes armées.
Pendant ce temps, les terroristes commençaient à faire des ravages. L'agence de renseignement allemande BND a informé le Bundestag (parlement) que, de fin décembre 2011 à début juillet 2012, 90 attaques terroristes ont été perpétrées en Syrie par des organisations liées à Al-Qaïda et à d'autres groupes extrémistes (11). Les "modérés" déclenchaient des attentats-suicides et des attentats à la voiture piégée contre les forces gouvernementales syriennes et les civils. Un raid suicide le 18 juillet 2012 a tué le beau-frère d'Assad, le général Assef Shawkat, et le ministre syrien de la Défense, le général Dawoud Rajiha. L'Armée syrienne libre, soutenue par les États-Unis, l'OTAN et les autocraties du Golfe, a revendiqué la responsabilité de cette atrocité. (12)
Le djihad n'a fait que nuire et délégitimer les objectifs des insurgés, et en fait ceux de l'Occident. Le public syrien a pu constater, environ un an après le début de la guerre, qu'un nombre considérable de ceux qui tentaient de renverser la République arabe syrienne étaient des extrémistes. Le terrorisme a fait en sorte que les défections vers l'opposition se soient presque arrêtées.
Désormais, la majorité du personnel militaire restait fidèle à Assad. Début octobre 2012, d'autres attaques terroristes ont fait 40 morts, dont quatre attentats à la voiture piégée qui ont endommagé le quartier gouvernemental d'Alep. Cela a encore affaibli les insurgés. Le Front Al-Nusra, lié à Al-Qaïda, a assumé la responsabilité de ces actes insensés qui n'avaient d'autre but que d'infliger un bain de sang à des innocents. Les attentats-suicides ont augmenté en fréquence.
Ces atrocités ont choqué la population syrienne et renforcé la sympathie envers Assad. Le président syrien a sans aucun doute réagi aux saccages terroristes d'une main de fer; sa réaction a peut-être aussi été influencée par la menace permanente d'une invasion des États-Unis et de l'OTAN, alors que les politiciens occidentaux continuaient à demander sa démission.
Le chef des renseignements militaires israéliens, le major-général Aviv Kochavi, a informé le parlement israélien à la mi-juillet 2012 que "l'islam radical" prenait pied en Syrie. Kochavi a déclaré : "Nous pouvons constater un flux continu d'activistes d'Al-Qaïda et du djihad mondial vers la Syrie". Il s'inquiétait que "les hauteurs du Golan puissent devenir une arène d'activité contre Israël", ce qui était "le résultat du mouvement croissant du djihad en Syrie" (13). Le plateau du Golan, situé à 40 miles au sud de Damas, est un territoire syrien sous occupation israélienne depuis 1967. Kochavi estime qu'Assad "ne survivra pas à ce bouleversement".
L'Armée syrienne libre soutenue par l'Occident est en partie composée de mercenaires recrutés en Libye, ainsi que d'extrémistes d'Al-Qaïda, wahhabites et salafistes. Comme l'avait demandé le chef d'Al-Qaïda, Zawahiri, les radicaux sont entrés en Syrie par le Liban voisin et la Turquie, pays de l'OTAN, et se sont attachés à mener une guerre sectaire - en massacrant les groupes ethniques de Syrie tels que les alaouites, les chrétiens, les chiites et les druzes ; c'est-à-dire ceux qui soutiennent majoritairement Assad et que les djihadistes considèrent comme des hérétiques.
Le Conseil national syrien (CNS), une entité anti-Assad basée à Istanbul, en Turquie, a été créé en août 2011. Il a été organisé par les services spéciaux des puissances occidentales et est soutenu par l'Arabie saoudite et le Qatar. Le dirigeant turc Recep Tayyip Erdogan a continué à remplacer la laïcité par l'islamisme en Turquie, et il s'est impliqué de manière centrale dans l'attisage des flammes de la guerre en Syrie. Les Turcs agissaient comme une force mandataire des États-Unis et de l'OTAN.
Erdogan a autorisé l'Armée syrienne libre à utiliser les bases turques d'Antakya et d'Iskenderun, situées à l'extrême sud de la Turquie et à côté de la frontière syrienne. Avec l'aide de la Turquie, des armes de l'OTAN ont été acheminées en contrebande vers les terroristes menant une guerre sainte contre les Syriens. Des agents de renseignement américains étaient actifs dans et autour de la ville d'Adana, dans le sud de la Turquie (14).
Les djihadistes islamiques sont arrivés en Syrie en provenance de pays européens éloignés, tels que la Norvège et l'Irlande; à eux seuls, 100 d'entre eux sont entrés en Syrie en provenance de Norvège. Des musulmans radicaux d'ethnie ouïghoure de la province du Xinjiang, au nord-ouest de la Chine, combattaient en Syrie aux côtés d'Al-Qaïda depuis mai 2012. Les militants ouïghours appartenaient au groupe terroriste, le Parti islamique du Turkistan (TIP), ainsi qu'à l'Association pour l'éducation et la solidarité du Turkistan oriental, cette dernière organisation ayant son siège à Istanbul. Al-Libi, le commandant en second d'Al-Qaïda, a publiquement défendu la campagne terroriste du TIP contre les autorités chinoises au Xinjiang.
Au total, on estime que des djihadistes de 14 pays d'Afrique, d'Asie et d'Europe étaient présents en Syrie dès le début du conflit (15). Ils venaient d'États tels que la Jordanie, l'Égypte, l'Algérie, la Tunisie, l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, etc. Il s'agissait en partie d'une conséquence et d'un débordement de l'invasion de la Libye par les États-Unis et l'OTAN en mars 2011. Début 2012, plus de 10 000 mercenaires libyens ont été formés en Jordanie, qui borde la Syrie au sud. Les militants étaient payés chacun 1000 $ par mois par l'Arabie saoudite et le Qatar, afin de les encourager à participer à la guerre contre la Syrie. Les Saoudiens expédiaient des armes aux éléments les plus extrêmes de la Syrie, ce que Riyad n'a jamais nié.
Début août 2012, les forces spéciales assadistes ont capturé 200 insurgés dans une banlieue d'Alep, dans le nord-ouest de la Syrie. Les soldats gouvernementaux ont découvert que des officiers saoudiens et turcs commandaient les mercenaires. Début octobre 2012, dans un autre quartier d'Alep (Bustan al-Qasr), les divisions d'Assad ont repoussé une attaque et tué des dizaines de miliciens armés. Ils étaient entrés en Syrie par la Turquie et parmi eux se trouvaient quatre officiers turcs. À côté de la base aérienne américaine d'Incirlik, dans le sud de la Turquie, les djihadistes ont reçu une formation spéciale aux armes de guerre modernes: missiles antichars et antiaériens, lance-grenades et missiles stinger de fabrication américaine.
Des avions de l'OTAN, volant sans insigne ni blason, atterrissaient dans les bases militaires turques près d'Iskenderun, à côté de la frontière syrienne. Ils transportaient des armements provenant des arsenaux de Kadhafi, et emmenaient des mercenaires libyens rejoindre l'Armée syrienne libre. Des instructeurs des forces spéciales britanniques ont continué à coopérer avec les insurgés. La CIA, et des contingents du Commandement des opérations spéciales américaines, se passaient des équipements de télécommunications et les exploitaient, permettant aux "rebelles" d'échapper aux unités de l'armée syrienne (16). La CIA faisait voler des drones au-dessus de la Syrie pour recueillir des renseignements.
En septembre 2012, près de 50 agents de haut rang des États-Unis, de Grande-Bretagne, de France et d'Allemagne étaient actifs le long de la frontière syro-turque (17). Les Allemands, à la demande de leur service de renseignement BND, exploitaient un bateau de service d'espionnage 'Oker (A 53)' en Méditerranée, non loin de la côte occidentale de la Syrie. À bord de ce navire se trouvaient 40 commandos spécialisés dans les opérations de renseignement, utilisant des équipements électromagnétiques et hydroacoustiques. L'Allemagne étant membre de l'OTAN, ces activités ont très probablement été entreprises en accord avec Washington.
La Bundeswehr (forces armées allemandes) a stationné deux autres navires de renseignement en Méditerranée, l'"Alster (A 50)" et l'"Oste (A 52)", pour recueillir des renseignements sur les positions de l'armée syrienne. Le président du BND, Gerhard Schindler, a confirmé à propos de la Syrie que Berlin souhaitait "un aperçu solide de l'état du pays" (18).
Le point d'appui des navires allemands était la base aérienne d'Incirlik, qui abrite 50 bombes nucléaires américaines et accueille les forces aériennes anglo-américaines. La mission des navires allemands était de déchiffrer les signaux de télécommunications de la Syrie, d'intercepter les messages du gouvernement et des chefs d'état-major syriens, et de découvrir les emplacements des troupes assadistes jusqu'à un rayon de 370 miles au large des côtes, grâce à des images satellites.
L'Allemagne disposait d'un poste d'écoute permanent à Adana, dans le sud de la Turquie, où elle pouvait intercepter tous les appels passés à Damas, la capitale de la Syrie (19). Le gouvernement de Mme Merkel a inévitablement démenti les accusations selon lesquelles la marine allemande faisait de l'espionnage en Méditerranée ; c'est le type d'activité dont peu de pays revendiquent la responsabilité.
Notes
1 The Week, “Hillary Clinton: I would have taken on Assad”, 7 April 2012
2 Joby Warrick, “Zawahiri asserts common cause with Syrians”, Washington Post, 27 July 2011
3 Jonathan Steele, “Assad predicts defeat for invasion force”, The Guardian, 28 March 2003
4 Luiz Alberto Moniz Bandeira, The Second Cold War: Geopolitics and the Strategic Dimensions of the USA (Springer 1st ed., 23 June 2017) p. 283
5 Sarah Burke, “How Syria's 'geeky' president went from doctor to 'dictator'”, NBC News, 30 October 2015
6 Bandeira, The Second Cold War, p. 246
7 Martina Fuchs, “Al Qaeda leader backs Syrian revolt against Assad”, Reuters, 12 February 2012
8 Wyatt Andrews, “Clinton: Arming Syrian rebels could help Al Qaeda”, CBS News, 27 February 2012
9 Reuters, “Islamist website posts video of Al Qaeda figure”, 13 June 2012
10 Jonathan Steele, “Most Syrians back President Assad, but you’d never know from Western media”, The Guardian, 17 January 2012
11 Bandeira, The Second Cold War, p. 269
12 Matt Brown, “Syrian ministers killed in Damascus bomb attack”, ABC News, 18 July 2012
13 Space Daily, “Assad moving troops from Golan to Damascus: Israel”, 17 July 2012
14 Bandeira, The Second Cold War, p. 264
15 Ibid., p. 265
16 Philip Giraldi, “NATO vs. Syria”, The American Conservative, 19 December 2011
17 Hürriyet Daily News, “There are 50 senior agents in Turkey, ex-spy says”, 16 September 2012
18 Thorsten Jungholt, “The Kiel-Syria connection”, Die Welt, 20 August 2012
19 Bandeira, The Second Cold War, p. 268
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Négocier ou combattre
Pour qui roule Zelensky ?
Irnerio Seminatore
Table des Matières
Négocier ou combattre. L’appel de Zelensky à la « victoire militaire » et le remplacement du Zweck par le Ziel.
La perspective d’un conflit prolongé et l’appel à la « victoire militaire », invoqué à plusieurs reprises par Zelensky comme référent incontournable pour l’ouverture de négociations avec la Russie est identifié au succès des combats de l’armée ukrainienne contre les troupes russes, passées, après trois mois d’hostilités, au mode défensif. L’accroissement du potentiel ukrainien, par le soutien de l’Occident, a fait passer la dialectique de l’affrontement entre forces physiques et forces morales du côté ukrainien. Dans la perspective d’une guerre prolongée la « victoire militaire » prévaut parfois sur tout espoir de paix ou sur l’achèvement des combats. Le consensus de façade au sein des Européens repose sur l’idée que seule une défaite de la Russie permettra de revenir à une stabilisation du système, car sans une défaite russe, l’ambition du Kremlin, selon cette hypothèse ne s’arrêtera pas à la conquête de l’Ukraine et pourra se poursuivre dans les pays baltes. Au fond le but principal de Moscou serait de parvenir à la rupture de la relation euro-atlantique et à l’isolement planétaire de l’empire américain. Le recours à la théorie clausewitzienne de la guerre comme acte politique fondé sur l’inconciliabilité des finalités ultimes, nous aidera à comprendre que la notion de victoire a un sens politique et non militaire, car le but véritable de la guerre est la paix, autrement dit un certain type d’ordre politique. L’objectif de terminer une guerre doit correspondre également à l’évolution des rapports de force et à un calcul sur l’art de composer le caractère singulier de la tactique et les résultats des combats sur le terrain aux finalités générales (Zweck) de la stratégie. La substitution de la « victoire militaire - Ziel » à la paix, produirait l’autonomie de la guerre par rapport à la politique. Or, si les facteurs de la victoire sont , pour l’essentiel, le potentiel moral et le nombre des effectifs, Zelensky parie sur l’incertitude des promesses occidentales et sur le chantage d’une adhésion émotionnelle à l’Union européenne, pour réussir son pari d’un prolongement du conflit. Ce dernier ne serait favorable qu’à l’acteur dominant du système, allant au delà de l’intérêt national de l’Ukraïne.
Zweck, Ziel et Schwerpunkt
Après une première phase des hostilités, où le « centre de gravité- Schwerpunkt) contre lequel devaient être dirigés les coups de l’invasion russe était représenté par l’unité du camp atlantique, puis par le désarmement de l’Ukraïne, le renversement local des forces, puis encore la prise de la capitale, et, pour terminer par le moral des opinions, tous ces chemins distincts du succès des armes, n’impliquaient pas nécessairement la destruction radicale du pays. Le dénouement des combats et le compromis de paix, ne peuvent être remis à l’environnement stratégique extérieur, constitué par l’Amérique et l’Otan, mais à la nature de l’Etat, de l’armée, du chef de guerre, qui ne sont rien d’autre que des fictions administratives de la cosmopolis occidentale. L’apparence de structures démocratiques de l’Ukraine, sans consistance historique, explique sa dépendance quasi intégrale de la puissance américaine et son aliénation extra- européenne. Or, la dissociation des deux facteurs inséparables de la « victoire », l’élément moral et l’élément physique, permet à Zelensky de faire croire que la valorisation de la « résistance » à l’envahisseur l’autorise à poursuivre un conflit illimité et à entraîner dans son sillage l’Europe et les puissances extra-européennes, qui ont voté contre les sanctions appliquées à la Russie aux Nations- Unies. Enfin et, pour terminer, si le terme de « victoire » doit être interprété politiquement et non militairement, dans ce cas, le centre de gravité d’un conflit hégémonique doit être situé dans la zone maritime de l’Asie- Pacifique, compte tenu du système international actuel. La crise ukrainienne, qui a secouée tellement de certitudes européennes, a engendré simultanément une prise de conscience aigüe sur l’actuelle conjoncture stratégique et sur la transformation de la dimension historique du monde, de plus en plus désoccidentalisé. Zelenski poursuit cette tendance, opérant par paris risqués et par chantages.
Clé de lecture russe du conflit
Il confirme, par sa conception de la guerre et de la politique internationale, qu’à la base de l'invasion de l'Ukraine il y a la clé de lecture russe, que la liberté mène à l'anarchie et aux coups d'États (Maïdan) et que ceux-ci conduisent, par l'intervention de l'étranger (Amérique, Otan, UE), au démembrement de l'État russe et à une menace vitale pour son existence (missiles rapprochés). Personne, sur la scène internationale et surtout pas l'Union Européenne n’a défini un projet d'ordre européen pour demain et donc les principes de la stabilité et de la sécurité des jonctions occidentales du Heartland, car personne ne semble en mesure de définir les intentions à moyen terme de la Russie, qui se sent entourée de pays hostiles arborant les drapeaux de l'Otan. De manière générale, pour revenir à la paix, il faut établir un équilibre entre les deux composantes de l'ordre international, puissance et légitimité qui constituent l'essence même de l'art de gouverner. Les calculs du pouvoir des armes sans dimension morale, transformeraient tout désaccord en épreuve de force" (H. Kissinger). Or, arrêter un conflit ou reconstruire un système international, après une épreuve historique majeure, est le défi ultime de la Grande Politique. Ceci étant dit, évaluer la signification des tendances en cours, signifie, pour l'Europe réévaluer la notion d'équilibre des forces et réduire significativement la rhétorique des valeurs, que les Occidentaux ont cherché à promouvoir, avec ambiguïté, depuis la fin du colonialisme. Défaillants sur le premier point (logique de puissance), les Européens semblent l'être aussi sur le deuxième, car la rhétorique des valeurs se situe aux deux niveaux de l'ordre international, celui de la défense des principes universels, valables pour tous, et celui de la pluralités des histoires et des cultures régionales, impliquant une diversité de régimes politiques, niées par un globalisme indifférencié.
Les tensions dans le Donbass et la « Nouvelle Guerre Froide »
Au plan historique l'explication des tensions dans le Donbass et celle de la "Nouvelle Guerre Froide", trouvent leurs raisons d'être dans les élargissements continus de l'Otan, à proximité des frontières de la Russie et dans la modification de l'équilibre global des forces entre les États-Unis, la Russie et la Chine à l'ère de la multipolarité. Ce déséquilibre se traduit par une remise en cause de la dissuasion et par la nouvelle doctrine américaine d'emploi de l'arme nucléaire à des fins tactiques, mais ayant des répercussions stratégiques d'ordre général. Le débat qu'elle suscite et les adaptations qu'elle exige, remettent en discussion la centralité de l’atome, au coeur de l'équilibre stratégique sur lequel ils reposaient.
Vassalité de l’Europe et hégémonie disputée dans l’échiquier planétaire
Il en résulte une fracturation du monde qui comporte de facteurs complémentaires d'incertitude et de multiples formes de vassalité entre les divers pays, et principalement, en Europe, entre les pays d'obédience et d'influence atlantique stricte (GB, Pays nordiques, Hollande, Belgique, Pays baltes et Pologne) et les pays du doute et de la résistance (France, Italie, Allemagne, etc) vis-à-vis du Leader de bloc. Dans l’échiquier planétaire la région des Balkans, de la Mer Noire, de la Caspienne, du plateau turc, du Golfe, de l'Iran, de l'Inde, d'Indonésie, du Japon et d’Australie fait partie des zones à hégémonie disputée et demeure sujette à l'influence grandissante de la Realpolitik chinoise (Hong-Kong et Taïwan), ce qui justifie l’interrogation sur les buts du réarmement chinois, mais aussi américain et allemand. Pariant, sans vraiment y croire sur la « victoire » de Kiev face à Moscou, l’Amérique entend clairement « faire saigner la Russie » (déclaration d’Antony Blinken), en éloignant le plus possible la perspective d’un compromis et d’une sortie de crise. Par ailleurs la vassalité de l’Europe centrale vis-à-vis de l’Amérique deviendra une nécessité politique et militaire, afin de décourager implicitement l’Allemagne, puissance régionale ou puissance globale, bientôt réarmée, de vouloir unifier demain le continent, en jouant la carte d’une nouvelle entente stratégique avec Moscou, une réédition à risque de l’Ostpolitik. Au-delà de cet horizon, l’équilibre entre les rivalités européennes se prolongera en une recherche de rapports de pouvoir constamment adaptés entre l’Europe occidentale et le reste du monde, constitué des puissances montantes du Golfe, de l’Eurasie et de l’Indo-Pacifique.
Soutiens et « facilités pour la paix », en vue du chantage de la candidature d’adhésion à l’UE
Face à la crise ukrainienne, que l’Amérique aura contribué politiquement à créer et qu’elle aura successivement alimenté en aides et soutiens divers pour un montant d’environ 43 milliards de dollars, l’Europe y a contribué, au titre de « facilités européennes pour la paix » pour un montant estimés à 13,91 milliards (selon le « Kiel Institute for the World Economy » du 18 mai dernier. Or, l’aide militaire, financière et humanitaire de 37 pays occidentaux est équivalente, depuis le début de la guerre, à 74 milliards de dollars. Un coût à part, est destiné à la reconstruction du pays, à hauteur de 750 milliards de dollars. Si on ajoute la recommandation de la Commission d’octroyer à l’Ukraine et à la Moldavie le statut officiel de candidats à l’adhésion, adoptée à la hâte, sous forme de chantage, trois conséquences sont à soumettre au débat sur ce nouvel élargissement de l’UE, la dilution du projet européen, le déplacement de l’axe de gravité européen vers l’Est et la perspective d’attribution prépondérante à l’Ukraïne des fonds de pré-adhésion et des fonds structurels et d’investissement, connectés à la politique agricole commune. En termes parlementaires, l’introduction du principe de la majorité qualifiée, fera perdre définitivement à la France et à l’Allemagne le rôle de moteurs de l’intégration et de pionniers en matière de sécurité en Europe et dans le monde. Ainsi le remodelage géopolitique du système international qui en résulte, a pour fondement la poursuite de l’hégémonie américaine et pour mode d’action l’affaiblissement conjugué de la Russie et de l’Europe. Dans ce contexte, Zelenski représente un danger pour aujourd’hui et une bombe à retardement pour demain.
Bruxelles-Paris, le 29 juin 2022.
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"Il n'y a pas de cohésion morale sans dignité sociale" selon Henri De Man
SOURCE : https://www.bloccostudentesco.org/2022/07/04/bs-a-cose-fatte-henri-de-man/
La vie d'Henri de Man semble être une existence faite pour remettre en question les dogmes et les idées reçues. Une parabole certes hors du commun, mais qui raconte mieux que d'autres l'histoire du court siècle qu'a été le début du 20e siècle. Une histoire humaine et politique qui revit à travers A cose fatte (traduction italienne récente d'Après-Coup), une autobiographie intellectuelle publiée en 1941, alors que de Man avait cinquante-cinq ans, et republiée en italien cette année-ci par Altaforte Edizioni avec un précieux essai introductif de Corrado Soldato.
Henri de Man était l'un des principaux animateurs du mouvement ouvrier belge. Il a adhéré au Parti ouvrier belge (POB/BWP) dès son plus jeune âge et a ensuite procédé à une révision progressive du socialisme et du marxisme. De cette révision sont nées des œuvres intellectuelles de grande valeur, comme les essais tels Au-delà du marxisme et L'idée socialiste, mais surtout l'élaboration du Plan ouvrier et du soi-disant planisme, c'est-à-dire une sorte de socialisme national qui, pour les adversaires de de Man, n'était rien d'autre qu'"un fascisme à peine déguisé". Avec la Seconde Guerre mondiale et l'invasion de la Belgique par les nazis, de Man choisit de collaborer avec les Allemands, suivant également l'exemple du roi Léopold III.
À première vue, le parcours de de Man peut sembler paradoxal, voire relever carrément de la trahison. Cependant, son cas n'est pas isolé, il suffit de penser à Marcel Déat et Jacques Doriot, ou même plus tôt à Sorel ou à Mussolini lui-même. Avec fierté, de Man pouvait affirmer qu'il se souciait "autant du socialisme en 1941 qu'en 1902", l'année où il était entré dans la belle Jeune garde socialiste d'Anvers.
Pour de Man, repenser le socialisme et dépasser le marxisme est avant tout une façon de sauver le socialisme lui-même, de l'adapter à son temps et de rompre avec les dogmes et l'immobilisme d'un mouvement ouvrier qui semblait s'être essoufflé. Le tournant fondamental est la Première Guerre mondiale : "Pour moi plus que pour quiconque, août 1914 a signifié un effondrement total. Ma foi marxiste, ma foi internationaliste, ma foi antimilitariste, ont été mises au pilori par les événements".
La Grande Guerre a signifié la fin de la Seconde Internationale, les valeurs de la nation avaient pris le pas sur celles de la lutte des classes. Déjà au début du siècle, de Man avait développé une préoccupation pour le nationalisme: "Comme à cette époque [1905] j'étais déjà persuadé que les progrès du socialisme et le réveil des nationalités allaient de pair, je voyais avec angoisse les fissures qui apparaissaient dans l'édifice marxiste et la difficulté croissante du marxisme à faire correspondre la théorie aux faits". Bien que de Man ait eu la lucidité d'anticiper ces questions, la Première Guerre mondiale a représenté un point de rupture inéluctable. De Man lui-même a participé au conflit en tant qu'officier d'artillerie, faisant ainsi partie de la "génération du front", comme il le rappellera plus tard à Mussolini dans une correspondance entre les deux hommes.
La guerre n'a pas seulement vaincu le marxisme d'un point de vue politique. Au contraire, elle représentait le déchaînement de la vie à son paroxysme qui mettait en évidence à quel point le marxisme était une doctrine abstraite désormais vide de sens. Le choix de rompre avec le marxisme a donc acquis une dimension plus profonde et - comme l'explique de Man lui-même - "était dû au fait que je m'attaquais non pas à l'une ou l'autre des branches desséchées de la doctrine, mais aux racines mêmes du marxisme, c'est-à-dire à ses fondements philosophiques : le déterminisme économique et le rationalisme scientiste".
Ce fossé se creuse avec la crise économique des années 30, à laquelle les dirigeants du POB/BWP ne sont absolument pas préparés. A l'idée de la lutte des classes entre le capital et le prolétariat, de Man substitue celle de la lutte entre un mur d'argent et un front du travail: "A la place de la lutte des classes entre capitalistes et ouvriers, le front commun de toutes les classes sociales productives contre les puissances parasites de l'argent". Par mur de l'argent, il faut entendre "le monopole privé du crédit, qui subordonne l'activité économique à la recherche du profit privé, au lieu de rechercher la satisfaction des besoins collectifs". Ce à quoi de Man tente de répondre par la "nationalisation du crédit, comme principal instrument d'une économie orientée vers l'augmentation du pouvoir d'achat des masses populaires, afin de garantir à tous un travail utile et rémunérateur et d'accroître le bien-être général".
Tout ceci conduit de Man à envisager une économie mixte avec un dirigisme étatique fort qui puisse récompenser les forces productives de la nation. Pour ce faire, de Man créera un document politique appelé le Plan de travail, qui est probablement l'une des plus grandes réalisations politiques de de Man. Il n'échappe pas aux adversaires de de Man qu'une mise en œuvre efficace du plan nécessiterait un renforcement de l'État: "Ce que vous nous proposez n'est rien d'autre que du fascisme sous un mince déguisement. Vous rendez l'État tout-puissant, et vous ne pouvez pas mettre en œuvre votre programme, sauf en établissant une dictature". C'est quelque chose que de Man réalise également dans son expérience du gouvernement, lorsque l'idée de la faiblesse de l'ancien système parlementaire et bourgeois se renforce en lui.
Le réduire à son élaboration culturelle et politique serait lui faire injustice. Le texte de De Man n'est pas un texte de doctrine sèche, bien que sa contribution intellectuelle soit prépondérante. C'est l'histoire d'une foi ardente, vécue avec plénitude. Du militantisme fiévreux aux batailles parlementaires, de la distribution de tracts dans des villages reculés aux postes de professeurs dans des universités prestigieuses, des tranchées de la Première Guerre mondiale aux communautés de parias du monde entier. Le témoignage de De Man est des plus intéressants, parfois paradoxal, souvent surprenant, qui commence par le dégoût d'un enfant face à un monde en décomposition: "En vérité, j'ai commencé par opposer le prosaïsme du présent à un passé meilleur, avant de me soucier de l'avenir ; et j'ai ressenti la force rebelle de la tradition avant de connaître la force subversive de la révolution.
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La souveraineté intégrale
Alexandre Douguine
Source: https://www.geopolitika.ru/en/article/integral-sovereignty?fbclid=IwAR1icCds9syXd6Sn55-AB03SFAfHFoqj9RI9MsE0UGH5Hv56Psr6kbg7vMI
Le pays [ndlr : la Russie] se trouve aujourd'hui dans un état très particulier. Il est comme ballotté entre un passé qui a déjà pris fin et un avenir qui n'a pas encore commencé, ou plutôt qui a commencé mais qui n'a pas encore été réalisé ou accepté. Ce sont des questions fondamentales : l'attitude de la Russie vis-à-vis des processus mondiaux et, surtout, de l'Occident collectif.
Après l'effondrement de l'URSS, nous avons traversé deux phases :
- Dans les années 1990, nous avons tenté désespérément de nous intégrer au monde occidental, quelles que soient les conditions, mais nous n'y sommes pas parvenus et un système de contrôle extérieur a été établi dans le pays ;
- Après l'arrivée au pouvoir de Poutine, nous avons également essayé de nous intégrer au monde occidental, mais à la condition que la Russie conserve sa souveraineté ; nous n'avons jamais réussi, mais nous avons réussi à renforcer notre souveraineté.
Pourquoi avons-nous lancé l'Opération militaire spéciale? Trump ne prêtait pas beaucoup d'attention à la croissance de la souveraineté russe, il n'était pas un atlantiste convaincu et jugeait les performances modestes de l'économie russe qui, de son point de vue, ne constituait pas une menace sérieuse pour les États-Unis ; il ne se souciait pas de la Crimée, il était beaucoup plus préoccupé par la Chine. Biden, en revanche, est un atlantiste et un mondialiste convaincu, et il est bien conscient que toute réussite de la Russie à étendre son influence remet en question la mondialisation, le monde unipolaire et l'hégémonie américaine. C'est pourquoi, après avoir mis de côté le monde islamique, elle a déplacé son attention vers la confrontation avec la Russie, sans oublier la Chine, bien sûr.
Dès l'été 2021, les États-Unis et l'OTAN ont commencé à préparer une opération militaire pour conquérir le Donbass et mener une attaque contre la Crimée. Ainsi, le Donbass aurait été transformé en un puissant centre de la future agression militaire contre la Russie elle-même. Cette organisation belliciste impliquait l'engagement d'instructeurs et de mercenaires étrangers.
Poutine n'a pas attendu le début du mois de mars, date à laquelle l'opération ukraino-otanesque a été planifiée, et a frappé le premier. D'où la prépondérance initiale dans la première phase de l'opération, qui a prédéterminé le résultat en notre faveur. Mais laissons de côté l'aspect militaire de l'opération militaire spéciale. Après son lancement, la deuxième phase des relations de la Russie avec l'Occident dans la période post-soviétique a pris fin. L'idée de s'intégrer au monde occidental s'est estompée pour des raisons objectives. Il ne restait à la Russie que sa propre souveraineté, dont la protection, la préservation et le renforcement se sont avérés totalement incompatibles avec la complicité de la Russie dans les processus mondiaux sur une base idéologique occidentale.
Nous avons irrémédiablement et radicalement rompu avec l'Occident, mais cela n'a pas encore été compris. La deuxième phase est terminée, la troisième n'a pas encore commencé.
Quelle est cette troisième phase que les yeux et les oreilles de l'élite russe ne veulent absolument pas percevoir ? Elle représente une période indéfiniment longue d'existence de la Russie dans son isolement par rapport à l'Occident et sous sa pression dure et purement négative. Si l'on accepte comme un fait accompli que cette direction nous est à jamais coupée, les horizons de l'avenir deviennent tout à fait clairs. De même, le peuple soviétique ne pouvait pas croire que l'URSS et le communisme s'étaient effondrés, et les libéraux des années 1990 croyaient que Poutine était temporaire, pas sérieux, et que tout reviendrait à la case départ. Il est difficile de croire au nouveau. Toujours. Y compris maintenant.
Être sans l'Occident et, de surcroît, dans une confrontation claire et quasi militaire avec lui, c'est mettre en œuvre deux vecteurs à la fois :
- Le russe et
- l'Eurasien.
Ils ne se contredisent pas, il n'y a pas lieu de choisir entre eux. Mais ils n'en sont pas moins différents.
Le premier signifie un renforcement rapide et spectaculaire de la souveraineté de la Russie, en veillant à ce qu'elle ne puisse compter que sur ses propres forces en cas de besoin. Et nous ne parlons pas d'une conception limitée de la souveraineté, qui est déjà reconnue - bien que nominalement - par chaque État indépendant, mais d'une souveraineté à l'échelle intégrale, englobant
la civilisation,
la culture,
l'éducation,
la science,
l'économie,
les finances,
les valeurs,
l'identité,
le système politique.
et surtout l'idéologie.
Jusqu'à présent, à part la souveraineté politique et militaire, toutes les autres sphères que nous avons sont partiellement occidentales ou totalement occidentales, et il n'y a pas d'idéologie propre. Par conséquent, la construction d'une Russie véritablement souveraine, d'une Russie pleinement souveraine, exige une transformation profonde de toutes ces sphères, leur libération des paradigmes libéraux mondialistes profondément ancrés dans notre société et notre establishment au cours des première et deuxième phases de l'histoire post-soviétique.
Cela nécessitera une institutionnalisation de la ligne de conduite de Poutine, et pas seulement une loyauté envers lui personnellement. Cela impliquerait l'établissement d'une nouvelle idéologie, une sorte de "poutinisme" dans lequel les principes de base de la souveraineté intégrale seraient consacrés, puis d'autres mécanismes politiques et administratifs devraient également y être intégrés.
La Russie entre inévitablement dans une phase idéologique. Nous ne pouvons pas tenir tête à l'Occident sans notre propre idéologie. C'est un fait tout à fait objectif, que cela nous enthousiasme ou nous exaspère. L'idéologisation de la Russie est inévitable, on ne peut l'empêcher.
La Russie doit renforcer son identité à plusieurs reprises pour résister non seulement sans l'Occident, mais malgré l'Occident. Il y a vingt-deux ans, ayant parié sur la souveraineté, Poutine a prédéterminé l'inévitabilité de ce moment. Aujourd'hui, il est là, il est arrivé.
Soit la souveraineté, soit l'Occident. Et ce choix est irréversible.
Il ne s'agit pas du tout d'isoler la Russie du monde, comme le voudrait l'Occident. L'Occident, malgré ses prétentions à l'hégémonie et à l'universalisme, n'est pas le monde entier. La Russie devra donc chercher de nouveaux partenaires et amis en dehors de l'Occident. C'est ce qu'on devrait appeler une politique eurasienne, un virage vers l'Est.
En découvrant le non-Occident mondial, la Russie découvrira qu'elle a affaire à des civilisations complètement différentes: chinoise, indienne, islamique, latino-américaine, africaine. Et chacune d'entre elles est différente de nous-mêmes, des autres et de l'Occident. Autrefois, nous nous y intéressions, nous étudiions l'Orient, et le grand poète russe Nikolaï Gumilev composait des hymnes inspirés par la gloire de l'Afrique. Mais ensuite, l'Occident s'est emparé de nos esprits. C'est une intoxication occidentalisée, une addiction à l'Occident. Le philosophe heideggérien iranien Ahmad Fardid a donné un nom à ce phénomène, gharbzadegi, westoxification.
Les Eurasiens russes ont été les premiers à se rebeller contre ce tournant occidentaliste de la culture russe, exigeant, comme les slavophiles, de se tourner vers leur propre identité russe et les cultures et civilisations non occidentales. C'est désormais la seule issue pour la Russie. Seuls les BRICS+, l'OCS, le développement des relations avec les nouveaux pôles du monde, avec les civilisations qui ont émergé, apparemment oubliées depuis longtemps, mais qui reviennent maintenant dans l'histoire.
Là où l'Occident se termine, le monde et l'humanité ne se terminent pas du tout. Au contraire, c'est un nouveau départ. Et la place de la Russie est en Eurasie, pas en Occident. Autrefois, c'était une question de choix. Aujourd'hui, c'est tout simplement inévitable. Aujourd'hui, tout dépend de la manière dont nous construisons nos relations avec la Chine, l'Inde, la Turquie, l'Iran, les pays arabes, les États africains ou l'Amérique latine.
C'est l'avenir qui vient/ne vient pas. Il existe déjà, mais l'élite refuse de l'accepter. Et elle n'a pas d'issue ni de choix. Même la trahison, qui est peu probable, ne changera rien. De plus, elle ruinera la Russie d'un seul coup. Il n'y a même plus cette possibilité: la place des traîtres et des libéraux est prédéterminée par les lois de la guerre et de l'urgence. Les purges inévitables et absolument nécessaires, qui n'ont cependant pas encore commencé, mais qui vont certainement commencer, ne sont pas la chose principale ni même secondaire. En vain, notre élite s'inquiète des démissions et des arrestations. Quiconque n'est pas d'accord avec la souveraineté et l'eurasisme est déjà mort. C'est incontestable.
Mais la question est autre : comment défendre et reconstruire la nouvelle Russie, la Russie de la troisième phase ? Que faire, la vie le dicte. Mais ce qu'il faut faire, comment le faire, par où commencer et quelles sont les priorités sont des questions ouvertes. Tout est plus compliqué ici.
Je pense que nous devons commencer par l'essentiel, à savoir l'idéologie. Tout le reste est secondaire. Quelque chose me dit que ceux d'entre nous qui sont au pouvoir et qui sont réellement responsables du sort du pays et du peuple pensent exactement de la même manière.
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La Grande-Bretagne et sa force sans l'Union européenne
La Grande-Bretagne globale comme tentative d'une nouvelle hégémonie
Source: https://www.geopolitika.ru/en/article/britain-and-its-strength-without-european-union?fbclid=IwAR0tWAFlxGwZDvqS9g63l5ObHPJmMpzpY0sPjfoNl4tCqD-U4fAxWDwH3YM
Le 3 février 2020, le Premier ministre Boris Johnson, qui venait de conclure la sortie triomphale du Royaume-Uni de l'Union européenne et de remporter une victoire écrasante aux élections générales, a choisi le cadre historique de l'Old Royal Naval College de Greenwich pour exposer sa vision du nouveau pays et de son futur rôle dans la communauté mondiale.
La vision de Johnson d'une Grande-Bretagne mondiale ne signifie pas grand-chose pour l'UE. Ayant finalement réussi le miracle géopolitique du Brexit et s'étant libéré de tout l'abîme des obligations envers l'UE, il était logique que le Royaume-Uni se lance dans le monde de la même manière et de manière indépendante. Pour les observateurs politiques au Royaume-Uni et au-delà, la détermination de Johnson à garantir une politique étrangère britannique totalement indépendante faisait partie intégrante de sa stratégie de politique intérieure réussie. Pour le gouvernement Johnson, le Brexit est devenu davantage une idéologie qu'un événement politique.
Le Royaume-Uni a peut-être quitté l'UE, mais il ne peut pas quitter l'Europe. Géographiquement, il est clair que l'UE reste un partenaire important pour le Royaume-Uni. Dans un monde où la concurrence géopolitique, les avances étrangères et la coercition géoéconomique s'intensifient, une démocratie de taille moyenne au large de la côte ouest de l'Eurasie ne peut qu'espérer promouvoir ses intérêts aux côtés de partenaires libéraux partageant les mêmes idées. Alors que les États-Unis deviennent de plus en plus égocentriques et se concentrent sur l'Indo-Pacifique et la Chine, l'UE est un partenaire géopolitique nécessaire pour le Royaume-Uni.
Le Royaume-Uni peut contribuer à ce partenariat. Contrairement à sa "relation spéciale" avec les États-Unis, le Royaume-Uni n'a pas besoin d'assumer le rôle de partenaire junior et de suivre son leader sur la voie de n'importe quelle entreprise insensée qui pourrait dicter la politique intérieure américaine. Cependant, il est nécessaire de dépasser les querelles actuelles, de cesser de jongler imprudemment avec la paix fragile en Irlande du Nord et de s'efforcer de créer une relation de coopération.
Il existe un moyen de réaliser cet alignement géostratégique sans sacrifier aucun des avantages de souveraineté que le Brexit pourrait apporter. Le gouvernement britannique actuel ne semble pas vouloir adopter cette approche. Mais elle reste une stratégie politique très viable au Royaume-Uni. Comme le montre un récent sondage du European Council on Foreign Relations, le public britannique est, au mieux, indifférent à la restauration de la Grande-Bretagne en tant que puissance militaire mondiale et a peu d'animosité envers l'UE après le Brexit.
La Grande-Bretagne globale est une illusion enracinée dans un passé impérial malencontreux. Mais le Royaume-Uni n'a pas besoin de s'isoler du monde ou d'assumer une position servile permanente dans les affaires mondiales. Le Royaume-Uni, en interaction avec l'UE, a le potentiel et la volonté politique.
Johnson semble être généralement indifférent à l'extrême vulnérabilité géopolitique de la Grande-Bretagne.
Il peut sembler que le nouveau rôle mondial de la Grande-Bretagne nécessitera des ressources diplomatiques accrues pour restaurer toutes ces relations historiques qui ont été négligées pendant trop longtemps. Mais alors que le réseau britannique de conseillers en matière de défense augmente d'un tiers, le service des affaires étrangères doit se contenter du personnel dont il dispose. "Faire des affaires" deviendra plus complexe que jamais, étant donné la nécessité de faire des affaires dans les deux sens dans les capitales des 27 États membres de l'UE.
Le prédécesseur de Johnson, Theresa May, a proposé quelque chose de très différent : un partenariat entre le Royaume-Uni et l'UE en matière de sécurité et d'affaires étrangères "d'une ampleur sans précédent, impliquant la diplomatie, la défense et la sécurité et la coopération au développement". Mais aux yeux des europhobes qui ont porté Johnson au pouvoir, cela ne fera que renforcer l'opinion de l'UE selon laquelle une Grande-Bretagne post-Brexit devrait rester dans l'orbite de l'UE. La vraie souveraineté exige une cosmologie entièrement nouvelle : la Grande-Bretagne globale doit se libérer complètement du champ gravitationnel de l'Union et rétablir sa position comme l'une des étoiles les plus brillantes dans un ciel plus vaste.
Comme déjà mentionné, une telle vision du monde semble bizarre et dangereuse. Il serait trompeur de croire qu'il existe d'énormes opportunités commerciales inexploitées à l'autre bout du monde qui pourraient compenser la perte du marché unique de l'UE. Et il est dangereux de tourner un regard nelsonien sur ce que le Royaume-Uni peut réaliser en termes d'influence mondiale grâce à la coopération avec l'UE.
La politique étrangère britannique pour l'ère géopolitique
Si la vision du monde qui sous-tend la Grande-Bretagne globale est effectivement une illusion, la Grande-Bretagne post-Brexit a besoin d'une politique étrangère qui reflète son nouveau statut en dehors de l'UE. La première étape consiste à déterminer ce que le pays veut et ce dont il a besoin de sa politique étrangère et quel type de politique étrangère le public britannique peut soutenir.
À cette fin, le Conseil européen des relations étrangères a chargé Datapraxis de réaliser un sondage auprès du public britannique. Sans surprise, la conclusion générale de l'enquête est que le public s'intéresse peu à la politique étrangère et qu'il est divisé de manière assez égale sur les questions les plus sensibles. "Je ne sais pas" est la principale réponse à la plupart des questions. Près de la moitié des personnes interrogées (46 %) n'ont exprimé aucune opinion sur la promotion massive de l'enquête intégrée dans la région indo-pacifique. Cette indifférence donne aux dirigeants politiques toute latitude pour déterminer la politique étrangère, comme le gouvernement Johnson l'a amplement démontré. Toutefois, dans cet environnement plutôt libéral, certaines préférences et même exigences du public en matière de politique étrangère britannique sont visibles. Premièrement, le public britannique dans son ensemble se bat pour l'indépendance et la souveraineté. La décision de la Grande-Bretagne de quitter l'UE a une origine complexe, mais apparemment le motif principal était le désir de laisser la Grande-Bretagne décider par elle-même, dans le cadre de ce que Johnson a fièrement proclamé "la souveraineté retrouvée". Dans cette affaire, le gouvernement semble suivre l'esprit de l'ère nationaliste naissante. De nombreux citoyens britanniques considèrent les pays les plus souvent cités comme des interlocuteurs clés pour le Royaume-Uni, notamment les États-Unis, la France, l'Allemagne et l'Inde, comme des "partenaires essentiels" plutôt que des alliés qui partagent ses valeurs. D'un point de vue public, le Royaume-Uni ne semble pas avoir beaucoup de relations avec ces pays (à l'exception de l'Australie : Les Anzacs, Bondi Beach et le cricket sont encore plus importants que le rôle récent du pays en tant que nation leader dans la lutte contre le changement climatique).
Au-delà de la rigidité de l'adhésion à l'UE, le Royaume-Uni a assumé un réseau d'engagements internationaux, en partie parce que les politiciens britanniques ont considéré que l'avantage net de limiter la liberté de la Grande-Bretagne était le prix à payer pour limiter la liberté des autres. Par conséquent, la Grande-Bretagne a cherché à modifier le monde qui l'entoure afin de mieux répondre à ses intérêts nationaux, ce qui, en substance, a permis au pays de rester maître de son destin.
Le manque d'enthousiasme du public pour les États-Unis semble s'étendre à son conflit avec la Chine. 55 % des personnes interrogées pensent qu'il y a déjà une "guerre froide" entre les États-Unis et la Chine. En outre, 45% pensent que l'"endiguement" de la Chine est nécessaire, mais parmi eux, seuls 39% estiment que le Royaume-Uni devrait y participer. 46% - et la majorité de ceux qui ont une opinion sur cette question - préféreraient rester neutres en cas de guerre entre les États-Unis et la Chine. Une fois encore, les citoyens britanniques ont les mêmes opinions que leurs homologues de l'UE.
Cependant, la coopération est compatible avec la demande publique de souveraineté et d'indépendance si le Royaume-Uni peut maintenir une diversité de partenaires et éviter une dépendance excessive vis-à-vis d'un seul partenaire. Dans les affaires internationales, la monogamie est l'ennemi de la souveraineté. En effet, dans la mesure où la Grande-Bretagne a eu une "grande stratégie" au cours du dernier demi-siècle, c'était précisément pour éviter d'avoir à choisir entre l'Amérique et l'Europe. Trouver un équilibre entre les États-Unis et l'UE est donc essentiel à toute stratégie britannique efficace. Il est peut-être plus facile pour le gouvernement britannique actuel de travailler avec Washington. Cependant, sur des questions allant du changement climatique à la montée de la Chine, la simple géographie dicte que les intérêts et les priorités du Royaume-Uni exigent une coopération plus étroite avec l'UE qu'avec les États-Unis. S'aligner trop étroitement sur l'un ou l'autre d'entre eux signifie perdre la capacité de prendre des décisions par nous-mêmes, ce qui explique pourquoi, comme le prétendent les partisans du Brexit, il a été si durement combattu.
En pratique, cela signifie que le Royaume-Uni devra trianguler entre les États-Unis et l'UE sur toute une série de questions. La triangulation ne signifie pas la nécessité d'agir comme un pont ou un médiateur. Les États-Unis et l'UE n'ont pas besoin ou ne veulent pas que la Grande-Bretagne, pour reprendre les termes du premier ministre de l'époque, Tony Blair, "construise des ponts de compréhension entre les États-Unis et l'Europe" (les États-Unis et l'UE ont toujours été capables de communiquer entre eux par eux-mêmes - comme la réunion de Biden avec les dirigeants européens en juin 2021, qui a abouti à une liste exhaustive des affaires entre les États-Unis et l'UE). La triangulation consiste plutôt à utiliser diverses formes d'influence sur les deux partenaires pour les rapprocher de la position du Royaume-Uni. Le changement climatique et la réglementation technologique sont des exemples de la façon dont cela peut fonctionner dans un large éventail de défis de politique étrangère du Royaume-Uni.
Changement climatique et tarifs du carbone
L'UE, les États-Unis et le Royaume-Uni ont des approches différentes de la lutte contre le changement climatique. L'UE se concentre sur le contrôle des secteurs à fortes émissions, l'établissement d'une taxe sur le changement climatique et les efforts pour exporter la réglementation climatique à ses partenaires commerciaux. Les États-Unis, en revanche, se sont concentrés sur les solutions technologiques, en partie parce qu'ils ne disposent pas du consensus national nécessaire pour fixer un prix sur les émissions de carbone. Le Royaume-Uni se situe quelque part au milieu.
Sur les questions climatiques, le système de tarification du carbone de l'UE est le principal point de discorde entre l'UE et les États-Unis et entre le Royaume-Uni et les États-Unis. On ne sait pas si les États-Unis adopteront le type de mécanisme d'ajustement aux frontières du carbone (CBAM) proposé par l'UE qui a fait sourciller Washington, et si oui, on ne sait pas comment. L'envoyé américain pour le climat, John Kerry, a récemment averti que l'UE ne devrait utiliser la taxe qu'en dernier recours, en déclarant : "Elle a de graves implications pour l'économie, les relations et le commerce".
Du point de vue du Royaume-Uni, cette divergence potentielle est une opportunité. L'atout particulier du CBAM est qu'il s'agit de l'un des rares mécanismes internationaux proposés pour aider à atteindre les objectifs climatiques fixés lors de la COP26, qui restent par ailleurs tributaires du respect par près de 200 pays de leurs engagements individuels et de l'exécution efficace de leurs tâches. Le CBAM pourrait donc bien être important pour la façon dont l'histoire jugera le sommet et la première grande intervention post-Brexit du Royaume-Uni sur la scène mondiale. Mais l'UE a peu de chances d'y parvenir sans la coopération active des États-Unis. Dans le même temps, l'accord UE-États-Unis sur le CBAM pourrait nuire au Royaume-Uni, dont les exportations de fer, d'acier et d'aluminium vers l'UE sont relativement importantes.
Comment tout a changé depuis le Brexit et comment le Royaume-Uni s'en sort-il ? Super, selon le gouvernement. Le sommet du G7 soigneusement planifié en Cornouailles en juin 2021 a démontré le rétablissement du leadership international du Royaume-Uni. Ce fut également l'occasion d'annoncer un nouvel accord de libre-échange avec l'Australie - et ce n'est que le dernier des plus de 60 accords de ce type déjà conclus par le Royaume-Uni depuis le Brexit dans le monde.
Mais la réalité est certes moins encourageante. La quasi-totalité des "nouveaux" accords de libre-échange ne sont que des extensions d'accords européens dont le Royaume-Uni a bénéficié en tant que membre de l'UE. Certes, il n'y a toujours pas d'accord entre l'UE et l'Australie (bien qu'un tel accord soit inévitable). Mais l'accord du Royaume-Uni avec l'Australie est une petite chose, dont on estime qu'il n'ajoute que 0,01 % à 0,02 % au PIB. Il ne faut pas oublier septembre 2021, lorsque Londres, Washington et Canberra ont créé leur alliance - AUKUS, repoussant fermement la France en marge de la politique dans la région indo-pacifique.
Le début des négociations pour l'adhésion du Royaume-Uni au Partenariat transpacifique global et progressif (CPTPP), anciennement connu sous le nom de Partenariat transpacifique, est peut-être plus prometteur. Ce groupe comprend un grand nombre des économies dynamiques de la région Indo-Pacifique. Toutefois, il est peu probable que les avantages supplémentaires de l'adhésion au CPTPP soient substantiels, étant donné que le Royaume-Uni a déjà conclu des accords de libre-échange bilatéraux avec les quatre pays les plus importants du partenariat (Japon, Corée du Sud, Canada et Singapour), là encore un héritage de l'adhésion à l'UE. Les propres chiffres du gouvernement évaluent l'augmentation potentielle du PIB à moins d'un dixième de pour cent.
En comparaison, un prévisionniste économique du gouvernement estime que les dommages causés au PIB par le Brexit s'élèvent à 4 pour cent, soit le double de ceux causés par la pandémie. Le commerce total de marchandises entre le Royaume-Uni et l'UE a chuté de 15 pour cent, soit 17 milliards de livres sterling.
Plus récemment, le Premier ministre britannique Boris Johnson a surpris le public lors d'une rencontre avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky en proposant une alliance politique, économique et militaire qui serait une alternative à l'Union européenne. Elle devrait inclure des pays "unis par la méfiance envers Bruxelles, ainsi que par la réaction de l'Allemagne à l'agression militaire russe". Il s'agit de la Grande-Bretagne, de l'Ukraine, de la Pologne, de l'Estonie, de la Lettonie et de la Lituanie ; plus tard, la Turquie pourrait se joindre à l'association, ce qui rappelle beaucoup le projet Intermarium, oublié mais exhumé.
Continuité de l'accord commercial entre la Colombie et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord
Le Royaume-Uni n'a pas non plus l'intention de quitter la région sud-américaine. La Colombie, le Pérou et l'Équateur, ainsi que le Royaume-Uni, ont signé un document qui maintiendra le cadre des relations commerciales. Il convient de noter que la signature du document a eu lieu alors que le Royaume-Uni était encore en train de quitter l'UE.
L'objectif était de garantir le maintien des conditions existantes d'intégration et d'accès préférentiel à cet important marché.
"Les deux pays partagent l'objectif d'assurer la continuité de la relation que nous avons dans l'accord entre l'Union européenne et la Colombie, le Pérou et l'Équateur depuis son entrée en vigueur en 2013", a expliqué le ministre du Commerce, de l'Industrie et du Tourisme, José Manuel Restrepo Abondano.
Il est important que la Colombie continue à maintenir et à développer ses relations actuelles avec le Royaume-Uni, principalement dans le domaine du commerce des biens et services, des investissements et des marchés publics. Il s'agit d'un marché qui, en 2019, représentait 10,2 % de ce qui est destiné à l'Union européenne et 7,4 % de ce qui est importé à l'exportation.
L'un des secteurs qui profite le plus des relations commerciales actuellement gérées par les deux économies est l'agriculture. En 2020, les exportateurs nationaux ont vendu ces produits à ce pays pour une valeur de 309 millions de dollars, ce qui représente 66 % du total des ventes dans ce pays et 14,3 % des exportations agricoles de toute l'Union européenne. Les principaux produits d'exportation étaient les bananes, le café, les fleurs et les fruits, ainsi que d'autres parties de plantes comestibles.
Selon des documents du Foreign Office publiés par Declassified, l'ambassade du Royaume-Uni a dépensé 6000 £ en 2019-2020 pour effectuer une "analyse des perceptions du soft power du Royaume-Uni en Colombie" qui a aidé à "identifier les intérêts futurs de l'association dans les messages publics et les médias sociaux". Des sondages auprès des Colombiens ont été réalisés "ce qui a aidé l'ambassade à développer l'approche la plus efficace".
Après la publication des données de l'enquête, Colin Martin-Reynolds, ambassadeur britannique en Colombie à partir de 2019, a engagé 25 000 £ dans la création d'une nouvelle "campagne de sensibilisation à l'environnement et à la biodiversité". Les investisseurs britanniques semblent être une priorité dans le nouveau programme UKCOL2021. Lors de son lancement en juin, le vice-ministre colombien des Affaires étrangères, Francisco Echeverri, a décrit le Royaume-Uni comme "l'allié historique" de la Colombie et "notre troisième investisseur le plus important".
Lors du même événement, Flavia Santoro, présidente de ProColombia, l'agence d'État pour la promotion des investissements étrangers, a déclaré que UKCOL2021 était une "étape importante" dans les relations entre les deux pays, ajoutant que "nous avons fixé des objectifs pour développer les affaires avec les investissements britanniques".
Pour en revenir à l'analyse du projet Global Britain, après tout, il s'agit plutôt d'une illusion. Mais il existe une politique étrangère qui peut gagner le soutien de la population britannique et tracer un avenir sûr et influent pour le Royaume-Uni. La vraie question est de savoir si le peuple britannique peut trouver et élire un gouvernement suffisamment fort pour que cela se produise. Les plans pour un référendum en Écosse en 2023 montrent qu'il existe différents points de vue sur l'avenir de la Grande-Bretagne.
19:59 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : grande-bretagne, royaume-uni, actualité, politique internationale, europe, affaires européennes, global britain, brexit, boris johnson | | del.icio.us | | Digg | Facebook