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jeudi, 22 avril 2021

Ukraine et nouvelle guerre froide

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Ukraine et nouvelle guerre froide

par Irnerio Seminatore

Ex: http://www.ieri.be/fr/publications/wp/2021/avril/ukraine-...

Les tensions entretenues par les États-Unis et l'Otan en Ukraine, en soutien du bellicisme de Kiev et du but déclaré de cette dernière de remettre en cause l'autonomie des provinces séparatistes de Donetsk et Lougansk, dans la tentative d'unifier un pays historiquement divisé entre deux pôles d'influence, l'Europe et la Russie, sont susceptibles de provoquer une escalade aux incertitudes multiples. Les répercussions conflictuelles de cette aventure n'épargneront pas l'Europe, subalterne et impuissante et suivront un clivage qui va des pays baltes à la Mer Noire et du Caucase à la Turquie et à la Syrie. Elles remettront à l'ordre du jour un conflit, dont l'aspect principal n'est plus celui de 2014, "partition européenne ou partition du pays", mais la confirmation d'une forme d'instabilité régionale à précarité permanente.

L'explication des tensions dans le Donbass, ainsi que de la "Nouvelle Guerre Froide", trouvent leurs raisons d'être dans les élargissements continus de l'Otan, à proximité des frontières de la Russie et dans la modification de l'équilibre global des forces entre les États-Unis, la Russie et la Chine à l'ère de la multipolarité. Ce déséquilibre se traduit par une remise en cause de la dissuasion et par la nouvelle doctrine américaine d'emploi de l'arme nucléaire à des fins tactiques, mais ayant des répercussions stratégiques d'ordre général Le débat qu'elle suscite et les adaptations qu'elle exige, remettent en discussion la centralité de l’atome, ainsi que l'équilibre stratégique sur lequel ils reposaient. Par conséquent la distribution des alliances s'effectue en fonction d'un choix systémique et d'une géopolitique planétaire, qui discrimine entre puissances du Hearthland et puissances du Rimland, puissances du"statu-quo" et puissances révisionnistes, pions géostratégiques (Arménie et Azerbaïdjan-Turquie) et pays-pivots (Iran,Turquie), opérant par bonds et croisements, entre arcs de crise et axes de rapprochement. Dans l'échiquier du grand Moyen Orient l'axe chiite Téhéran-Bagdad-Damas-Beyrouth, débouchant sur la Méditerranée, sera le premier à intéresser la Russie et, par ricochet, la Chine, les États-Unis et Israël. La redistribution des alliances qui en découle, oriente l'identification de l'adversaire de la part de l'Occident, en la Russie,au moyen d'une triple campagne, d'isolement, de sanctions et d'information, par une flagrante inversion des responsabilités.

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Du point de vue historique, l'aggravation de la sécurité européenne consacre l'échec des politiques de voisinage de l'UE (PEV) à l'Est et les instabilités des pays issus de l’écroulement de l'URSS, ou de "l'étranger proche" (Bélarus, Caucase, Asie centrale). Elle dévoile la subordination politico-stratégique aux États-Unis et à l'Otan d'une Union, dont la vacuité politique et intellectuelle semble se résumer aux querelles personnelles et protocolaires (le Sofagate), échappant aux demandes de sécurité et d'autorité des populations et à l'oubli des vulnérabilités géopolitiques des Nations et des États.

Au niveau du système international la vassalité européenne a deux sources principales et permanentes, la protection nucléaire de l'Amérique et la stabilité régionale assurée par celle-ci tout au long de la bipolarité. Ainsi la culture de défense hégémonique, qui porte les États-Unis à une projection de puissance dangereuse, frôle la provocation, en Europe (Pays-baltes, Pologne, Bélarus et Ukraine..), au Grand Moyen Orient (Syrie, Turquie, Iran et Irak) et en Asie (Taïwan et région de l'Indo-Pacifique).

En ce sens les tensions et le conflit potentiel vis à vis de la Russie, par Ukraine interposée, font partie d'une tentative de désarticulation de la continuité géopolitique de l'Europe vers l'Asie (Brzezinski) et de la Chine vers la région de l'Indo-Pacifique. Cette fracturation du monde comporte de multiples facteurs d'incertitude et de multiples formes de vassalité entre les divers pays, et principalement, en Europe, entre les pays d'obédience et d'influence atlantique stricte (GB, Pays nordiques, Hollande, Belgique, Pays baltes et Pologne) et les pays du doute et de la résistance (France, Italie,Allemagne etc) vis à vis du Leader de bloc. Dans une sorte de jeu d'échec planétaire la région des Balkans, de la Mer Noire, de la Caspienne, du plateau turque, du Golfe, de l'Iran, de l'Inde, d'Indonésie, du Japon et d’Australie fait partie des zones à hégémonie disputée et demeure sujette à l'influence grandissante de la realpolitik chinoise (Hong-Kong et Taïwan).

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Les césures au sein de l'Ukraine: le vote Ianukovitch en 2010

C'est dans ce cadre que se tissent et se resserrent les nouvelles alliances et se précisent les enjeux stratégiques et les clivages de civilisation. C'est encore dans ce cadre que se partagent ou se disputent les anciens héritages et les vieilles allégeances. Les raisons qui, selon l'ancien conseiller de Reagan à l'économie, Paul Claig Roberts ont poussé à la deuxième guerre mondiale, le remplacement de la Grande Bretagne par les États-Unis, pourraient jouer le même effet d’entraînement vers la troisième, concernant la substitution de la vieille Union Soviétique par le duopole Russie et Chine. Dans cette perspective de glissement vers une confrontation inter-étatique de haute intensité, la "nouvelle guerre froide" ne serait qu'un prélude du conflit qui se prépare et, parallèlement une dilation pour la réconfiguration générale du système, qui passe par une "guerre limitée" et locale, mais peut se poursuivre par une "guerre illimitée".

L’Ukraine, baromètre des relations entre Washington et Moscou ?

En revenant aux tensions entre Kiev, le Donbass, la Russie et l'Occident, l’Ukraine est elle devenue le baromètre des relations entre Moscou et Washington? L’Ukraine a exclut vendredi 16 avril, toute possibilité d'une offensive militaire contre les séparatistes des républiques autoproclamées de Donetsk et Lougansk. Au vue des déclarations officielles, le Général Rouslan Khomtchak, commandant en chef des forces armées ukrainiennes a confirmé que "La libération par la force des territoires occupés temporairement conduira inévitablement à de nombreuses pertes civiles et militaires, ce qui est inacceptable pour l'Ukraine". Dans un communiqué ultérieur il a soutenu l'idée d'une solution "politique et diplomatique", pour récupérer les territoire perdus. A la veille de l'exercice de l'Otan, "Defender Europe", le plus important depuis la Guerre froide, prévu pour le printemps 2021, dans 16 aires différentes du continent et concentré principalement dans les régions des Balkans, de la Mer Noire et de la Baltique, avec la participation de 28.000 hommes et pour la durée de trois mois, Moscou a déclaré qu'une offensive ukainienne dans le Dombass, signerait la fin de l’État ukrainien. Pourquoi ce conflit, qui dure désormais depuis sept ans et qui ne se déroule pas entre Philadelphie et le lac du Michigan , pousse à une intervention "musclé"de Joe Biden, depuis la Maison Blanche, se déclarant favorable à des sanctions contre la Russie? Et pourquoi, côté européen, Zelensky s'empresse d'obtenir le soutien de deux États-membres du quatuor "Format Normandie", la France et l'Allemagne, signataires des accords de Minsk 2, concernant le règlement des contentieux russo-ukrainiens de 2014? S' il s'agit du "Syndrome Sakaachvili" de 2008, quelles sont les voies des scénarios possibles ?

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Face à la dissymétrie des forces, les trois hypothèses prévisibles, "percée russe en profondeur et occupation durable du territoire", "flambée de violence élevée, mais de courte durée, suivie d'un règlement politique rapide", "retour au calme et fin du conflit", la première serait coûteuse, la deuxième aléatoire et la troisième plus payante, car elle permettrait d'influer sur la politique intérieure ukrainienne et de bloquer l'adhésion de l’Ukraine à l'Otan. Cette hypothèse ne pourrait pas faire l'économie d'une négociation et d'une entente avec les USA. Joe Biden est à son Rubicon: "Hic Rhodus, Hic salta!"

Guerres visibles, invisibles, dissuasives et hybrides,

à l'épreuve de la guerre d’Ukraine et du modèle de guerre de Clausewitz

Avec du recul, les tensions et le conflit potentiel entretenus en Ukraine depuis 2014 nous forcent à revenir sur la relation entre guerre et politique et sur le retour, aux yeux de l'Occident, de la figure de l'ennemi, se définissant par l’incompatibilité de principes et de projets politiques, qui président à l'action de guerre. Le modèle de conflit westphalien, fondé sur la soumission de la guerre au but défini par l'intelligence personnifiée de l’État, était fondé sur l'étonnante trinité, de l'entendement pur (gouvernement), de la libre activité de l'âme (armée ou chef de guerre) et de l'impulsion naturelle aveugle (peuple). Ce modèle, qui imposait des limites à la guerre, a vu l'éclatement de son unité et nous force aujourd’hui à des réflexions indispensables sur les réalités du conflit en cours à l'est de l’Ukraine. Il s'agit d'une guerre classée comme "hybride" et caractérisée par une inversion de la relation entre guerres visibles (soumettre) et guerres invisibles, cachées ou secrètes (contrôler). Elle conduit à la décomposition du lien clausewitzien entre objectifs civils et militaires et donc à une multiplicité des formes d'affrontement. Au pluralisme des acteurs civils et militaires, légaux et illégaux, la pensée stratégique lui assigne des modes d'actions divers, qui dans le cas de l’Ukraine, maintiennent le seuil de la réponse au dessous du conflit (inter-étatique). Ce dernier fonctionne comme une couverture arrière et visible du champ d'affrontement entre acteurs de la scène internationale, plus vaste et plus profond, qui se manifeste sur le terrain des combats locaux, comme la "ruse" du tiers non engagé, la Russie. L'action de terrain dispose ainsi, par paradoxe, d'une couverture visible (mouvements de troupes et réserves importantes, prêtes à intervenir, au delà d'une "ligne rouge" politique), qui acquièrent une valeur dissuasive ou de réplique défensive. Cette couverture (ou ruse) interdit l'accès au conflit d'autres acteurs tiers, l'Otan ou les États-Unis, étrangers aux engagements en cours. Ce jeu des parties assigne une position favorable à la force belligérante et irrégulière de Donetsk et Lougansk, en position de défense, selon le principe de l'art de la guerre pour lequel : "Qui tient la défense (ou la ruse), tient l'attaque, et qui tient l'attaque (ou l'initiative) tient la victoire !" Kiev apparaît ainsi vulnérable et fautive, comme les forces de soutien venues de l'Ouest. placées dans l’impossibilité d'atteindre leur but, celui d'une percée, d'une guerre d'embrasement et, au final, d'un rapprochement aux frontières de la Russie.

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Sous l'unité d'un même concept de guerre retrouverions nous l'unité d'un même concept d'ennemi? Celui schmittien de l'hostis (ennemi public), qui aboutissait à la conception de la guerre comme duel ou guerre discriminatoire, sous l'effet des conceptions universalistes et "utopiques", étendues à un ordre global. La guerre-discriminatoire (adoptée contre l'Allemagne nazie et aujourd'hui contre la Russie poutinienne) comporte la criminalisation de l'ennemi, dans le but de l'éradiquer, en autocrate et en coupable de tueur d'opposants (Navalny), rabaissé au rang de criminel. La figure de l'ennemi change également de statut et présente la puissance hostile (Russie) en figure éversive de l'ordre international, par rapport à celle d'un acteur local, menacé et souverain (Ukraïne). Le processus de criminalisation de la politique étrangère et mondiale s'achève ainsi dans la tentative d'inverser les paradigmes politiques existants sous la surface accidentée de la géopolitique mondiale. En effet, le refus d’accepter la subordination euro-atlantique, dans le cadre de l'Otan, ne s'accompagne pas de l'esquisse d'un projet européen de sécurité. Or, la vraie question, qui n'a pas été posée et demeure pourtant capitale, est de savoir qui joue, de nos jours, en Europe le rôle du perturbateur et s'il y a encore un espace pour la stabilité et la négociation.

Dans le cas de la Russie poutinienne l'Occident est il en présence d'une ré-incarnation de la figure schimittienne et radicale de l'ennemi existentiel, à nier en sa totalité, ou non plutôt en face d'une puissance révisionniste, qui définit son rôle en termes de rapports de forces et peut jouer tour à tour, selon les cas et les situations, avec les autres puissances de la scène internationale, à l'antagoniste déterminé et principiel, à l'adversaire militaire aguéri et au partenaire diplomatique, calculateur et implacable ? Dans le cas de l'Ukraïne l'objectif historique d'Hégémon demeure toujours celui, esquissé par Brzezinski, d'éviter la constitution d'une logique et d'un bloc continental eurasiens, le Heartland, rivalisant avec les États-Unis et aujourd'hui avec la Chine. Pour rappel, l'évolution planétaire du monde, depuis l'effondrement de l'Union Soviétique a comporté une déterritorialisation des sociétés, dépourvues de frontières et la soumission du monde à la logique des flux, ou, en définitive, à la logique des marchés et de la mer. Au même temps l'élargissement de l'Union européenne et de l'Otan vers les grands espaces d'Asie a substitué le principe d'ordre des relations internationales, fondé sur l'universalisme abstrait du droit international public, par celui de la discrimination de l'ami et de l'ennemi et par le retour aux rapports de force du réalisme classique, dont la Russie est l'une des héritières et une maîtresse incontestée.

Bruxelles, 21 avril 2021

mercredi, 21 avril 2021

Démographie et multiculturalisme...

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Démographie et multiculturalisme...
 
par David Engels
Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de David Engels, cueilli sur le Visegrád Post et consacré aux questions de démographie et d'homogénéité ethno-culturelle.

Historien, spécialiste de l'antiquité romaine, David Engels, qui est devenue une figure de la pensée conservatrice en Europe, est l'auteur de deux essais traduits en français, Le Déclin. La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013) et Que faire ? Vivre avec le déclin de l'Europe (Blauwe Tijger, 2019). Il a également dirigé un ouvrage collectif, Renovatio Europae - Plaidoyer pour un renouveau hespérialiste de l'Europe (Cerf, 2020).

« Size matters » ? La démographie déclinante de la Pologne dans le contexte européen

Il y a quelques jours, les médias ont rapporté que, malgré les efforts considérables de son gouvernement, la Pologne continue d’afficher une tendance démographique à la baisse : par rapport à 2020, la population a diminué de 115 000 personnes, et le nombre de naissances est aussi faible qu’il l’était pour la dernière fois il y a 17 ans. Que signifie cette évolution, qui est considérée par de nombreux opposants au gouvernement comme la preuve de l’« échec » des politiques natalistes et anti-avortement du gouvernement conservateur ?

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Tout d’abord, il convient de souligner que la Pologne s’inscrit tout à fait dans la tendance des autres pays de l’UE pour l’année 2020 : l’Allemagne, la France et de nombreux autres pays ont également connu une baisse analogue des naissances. L’explication est simple : une pandémie accompagnée d’un confinement de la population, d’une surpopulation dans les hôpitaux, d’une fermeture des écoles et de la crainte des conséquences désastreuses du lockdown pour l’économie est certainement tout sauf un moment idéal pour mettre des enfants au monde – que ce soit en Pologne, en Allemagne ou en France. Mais le problème est plus profond, car l’ensemble du monde occidental souffre d’un déclin démographique rampant depuis des décennies.

Les explications sont multiples : déclin de la foi religieuse, attitude hédoniste face à la vie, désir de développement personnel radical, banalisation de l’avortement, féminisme extrême, conséquences de la propagande sur le changement climatique, crise de la masculinité, disparition du mariage, nécessité pour les deux partenaires de travailler pour gagner leur vie, effets du culte de l’« éternelle jeunesse », etc. Mais toutes ces raisons ne sont que des symptômes superficiels d’un fait beaucoup plus profond : toutes les civilisations, lorsqu’elles atteignent leur stade final, connaissent un déclin démographique progressif, et nous pouvons observer des tendances similaires en Égypte au début de la période ramesside au XIIIe siècle avant Jésus-Christ, en Chine à la fin de la période des « États combattants » au IIIe siècle avant J.-C., dans le monde gréco-romain de la République tardive au Ier siècle avant J.-C., dans l’Iran sassanide tardif du VIe siècle de notre ère, ou dans le monde islamique post-classique du Xe siècle de notre ère.

Si l’on considère les civilisations par analogie avec les êtres vivants, tôt ou tard, elles sont toutes condamnées à décliner, à mourir, à se fossiliser, et à mesure que la vigueur de la civilisation diminue, le désir de transmettre les traditions ancestrales à ses enfants s’estompe. Pourquoi une personne qui ignore, méprise ou même déteste son propre passé (et ces personnes sont de plus en plus nombreuses, grâce aux écoles, universités et médias politiquement corrects) voudrait-elle transmettre ses traditions culturelles à ses descendants – ou même avoir des enfants?

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Lorsque j’ai discuté avec une dame allemande lors d’une conférence il y a quelques années, elle m’a pratiquement reproché d’avoir des enfants, affirmant que les « Européens » avaient commis de telles atrocités dans leur histoire que c’était un signe de colonialisme et d’égoïsme que d’avoir sa propre progéniture, plutôt que d’adopter des enfants d’Afrique ou d’Asie, ou – afin de lutter pour la « neutralité climatique » – de s’en passer complètement. Lorsqu’une société entière pense de cette façon – et c’est maintenant le cas de beaucoup de citoyens, pas seulement en Allemagne – les civilisations se fossilisent et s’éteignent : non seulement par manque d’enfants, mais aussi par manque d’amour pour leur propre histoire et leur tradition. Il ne reste qu’une masse anonyme de personnes qui ne pensent qu’à leur propre intérêt matériel et ne peuvent ressentir aucune solidarité culturelle entre elles.

Mais comment se fait-il que la Pologne et les autres États de la zone du trimarium soient particulièrement touchés par ce déclin démographique et donc aussi culturel ? Cela signifie-t-il même que l’Est de l’Europe est moins disposé à vivre que l’Ouest ? Ce serait probablement une erreur. D’une part, il faut garder à l’esprit que le déclin démographique de l’Europe de l’Est n’est pas seulement dû à la natalité, mais aussi au simple fait que de nombreuses personnes de l’Est se rendent à l’Ouest pour y travailler durement (et donc sans enfant) pendant plusieurs années et profiter des salaires plus élevés, et ne rentrent chez elles que plus tard – voire pas du tout. Mais d’autre part – et cela me semble central – les pays d’Europe de l’Est se caractérisent par une grande homogénéité de leur population, tandis que l’Ouest est de plus en plus peuplé de personnes issues des mondes subsaharien et musulman.

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Il est bien connu que ces personnes ont nettement plus d’enfants que les habitants « autochtones », non seulement au début, mais souvent aussi après plusieurs générations, et cela explique aussi la différence entre les deux moitiés de l’Europe : plus la nation est homogène et « européenne », moins il y a d’enfants désormais ; plus elle est « multiculturelle », plus il y en a : il n’est pas étonnant que la France et l’Angleterre aient une natalité élevée, mais plus on regarde vers l’Est et le Sud-Est, plus la démographie diminue.

Maintenant, bien sûr, la question se pose de savoir quels seront les effets de cette dépopulation progressive. Une faible population signifie-t-elle nécessairement que son propre peuple sera dominé par ceux qui sont plus nombreux ? Pas nécessairement, ou du moins pas immédiatement : lorsque les Espagnols ont conquis les Amériques au XVIe siècle, ou lorsque les Anglais et les Français ont colonisé de grandes parties de l’Afrique et de l’Asie au XIXe siècle, ils étaient bien moins nombreux que les indigènes. Ils avaient cependant un avantage fondamental que l’Europe d’aujourd’hui a perdu : leur énorme supériorité technique. C’est également la voie empruntée par une autre société en déclin, celle des Japonais ; au lieu de compter sur l’immigration massive, ils investissent massivement dans les technologies du futur afin de maintenir un niveau de vie et une influence politique constants. Mais nous devons également considérer d’autres aspects.

Auparavant, les Européens étaient convaincus de leur mission dans ce monde et avaient des sociétés fortes et cohérentes qui soutenaient la croissance et l’expansion. Aujourd’hui, la majeure partie de l’Europe est encore traumatisée par les horreurs de la Seconde Guerre mondiale et renonce non seulement à toute forme d’expansionnisme ou même de violence physique, mais même à la défense de sa propre survie, préférant acheter la paix et la tranquillité à court terme avec de l’argent plutôt qu’avec du respect – et sacrifier pour cela les générations suivantes.

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Et, bien sûr, il y a le problème de la pression démographique que subit l’Europe, non seulement de l’extérieur, mais aussi de l’intérieur, en raison de sa « culture de l’accueil » qui remonte déjà à des décennies, mais qui a été renforcée de manière drastique par le gouvernement Merkel : la population des Européens de souche diminue de façon spectaculaire, tandis que le nombre d’immigrants augmente rapidement, de telle sorte que dans de nombreuses villes d’Europe occidentale, les immigrants et leurs descendants constituent déjà la nette majorité de la population, surtout dans les groupes d’âge les plus importants, c’est-à-dire les jeunes. Compte tenu de l’absence apparente d’intégration culturelle dans la culture occidentale, cela signifie qu’au long terme, il sera de plus en plus difficile d’attendre une quelconque forme de solidarité entre les habitants de ce continent, car la solidarité se fonde généralement sur un certain nombre d’éléments culturels communs tels que l’histoire, la langue, la religion, le patriotisme, le folklore, les caractéristiques nationales et régionales ou une vision très spécifique de l’individu ou de la famille.

Ces facteurs d’identité commune ont aujourd’hui largement disparu, et de nombreux pays, comme la France, la Belgique, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, se sont transformés en sociétés tribalisées. Tant que l’économie reste stable et que les pressions démographiques extérieures sont maîtrisées, même une société aussi fragmentée peut raisonnablement survivre. Mais dès que des conflits internes éclatent à propos de la répartition de richesses décroissantes et que les frontières extérieures ne sont plus défendues, cela conduit inévitablement à la catastrophe. Et c’est exactement ce qui se passe en ce moment.

En conclusion, il est donc peut-être plus sûr pour une nation européenne d’avoir une population décroissante, mais homogène et solidaire, qu’une population croissante, mais multiculturelle et déchirée à l’intérieur d’elle-même.

David Engels (Visegrád Post, 15 avril 2021)

mardi, 20 avril 2021

Non, le soldat Ryan n'a pas sauvé les Afghans

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Non, le soldat Ryan n'a pas sauvé les Afghans

par Fulvio Scaglione

Source : Fulvio Scaglione & https://www.ariannaeditrice.it/
 
L'Afghanistan, le retrait et la honte
 
Joe Biden a annoncé le retrait des troupes américaines (3000 hommes) et, par conséquent, des troupes de l'OTAN (7000 hommes) d'Afghanistan. Et il a choisi une date suggestive, le 11 septembre, le jour des tours jumelles, pour parachever le retrait. Inutile de s'appesantir sur le fait que, là aussi, le nouveau président suit les traces de son prédécesseur, ne prenant que quelques mois de marge de manœuvre en plus:il programme ce retrait pour septembre non pas pour mai, comme l'avait suggéré Donald Trump. Deux autres faits importent davantage, que M. Biden a lui-même soulignés, du moins partiellement. La première, c'est que cette guerre de vingt ans a été un échec colossal. Les États-Unis ont dépensé à eux seuls deux trillions de dollars (deux mille milliards) pour la mener à bien, une somme qui aurait pu être utilisée pour prendre l'Afghanistan et le rendre à nouveau neuf. Pour la combattre, 3541 soldats internationaux sont morts, près de  000 soldats afghans, des dizaines de milliers de guérilleros et, surtout, environ 200.000 civils qui, selon les statistiques les plus crédibles, ont été tués à 40% par ceux qui étaient venus de l'autre bout du monde (y compris d'Italie, ndlr) pour les libérer.
 
Et quel est le résultat ? Selon toute vraisemblance, nous assisterons d'ici quelques mois à une répétition de la guerre civile des années 90, car les talibans sont réapparus bien renforcés, au point de pouvoir s'asseoir à la table des négociations de paix en tant qu'interlocuteurs faisant autorité. Il est clair qu'ils ont des plans très très différents pour l'avenir de l'Afghanistan de ceux qui, avec plus ou moins de succès, gouvernent dans l'ombre des canons de l'OTAN. Et selon toute probabilité, ce seront les talibans qui l'emporteront, forts du consensus grâce auquel, surtout dans les campagnes, ils n'ont jamais perdu. Comme dans un jeu de l'oie pervers, nous allons donc revenir presque exactement au point de départ. Vingt ans et 300.000 morts plus tard.
 
L'autre fait, incroyable si l'on s'éloigne de la vision américano-centrée qui a dominé pendant des décennies, est que ce retrait est la réplique d'autres retraits. Celui du Vietnam, par exemple. Ou celle, beaucoup plus proche de nous, de l'Irak, décrétée en 2011 par Barack Obama, qui avait Biden comme adjoint à la Maison Blanche. En Irak, nous savons comment cela s'est passé. George Bush Jr. et Tony Blair ont inventé un tas de mensonges sur les armes de destruction massive pour mener leur guerre coloniale. Ils ont ainsi produit une vague de violence et de destruction responsable de nombreux massacres (environ 15.000 soldats de différentes nationalités, des soldats et des contractants irakiens sont morts, au moins 30.000 soldats de l'armée de Saddam Hussein, au moins 50.000 insurgés et un nombre de civils que personne n'a pu ou voulu préciser, mais qui se chiffre en centaines de milliers de personnes), de la déstabilisation de toute une région et de ces ressentiments qui, plus tard, ont ouvert la voie à Al-Qaïda et à Isis.
 
Et pourtant, à chaque fois, on aboutit à un retrait plus ou moins retentissant, dont on parle comme d'un mérite, d'un geste astucieux, et non comme de la conséquence inévitable d'un formidable entêtement et d'une impitoyable politique. Je me  trouvais en Afghanistan en 2001, lorsque cette folie qui a duré vingt ans a commencé. Je suivais l'avancée de l'Alliance du Nord et il était clair à un kilomètre à la ronde qu'il s'agissait d'une fausse guerre, gagnée d'avance en achetant le consentement des tribus contre les talibans. Comme toujours, l'achat de la victoire n'a pas été difficile. Acheter la paix, en revanche, s'est avéré impossible. Vous verrez, dans vingt ans, ils feront la même chose avec la Syrie. Et ils diront les mêmes choses qu'aujourd'hui.

Un Russe nommé Poutine

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Un Russe nommé Poutine

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Recension: Héléna PERROUD, Un Russe nommé Poutine, Editions du Rocher, 2018, 314 pages.

Héléna Perroud est l’une des meilleures spécialistes de la Russie en France et elle a eu l’occasion de rencontrer à plusieurs reprises Vladimir Poutine. Dans son dernier livre, Héléna Perroud nous permet de mieux comprendre la personnalité de l’un des hommes les plus puissants de la planète. La trajectoire de cet homme, qui inquiète autant qu’il fascine en Occident, est analysée par une femme au parcours singulier qui l’a rencontré à plusieurs reprises. Française de langue maternelle russe, familière des cercles de pouvoir russes et français, et connaissant aussi intimement la Russie « ordinaire », elle a voulu avec cet ouvrage, reposant sur de nombreux entretiens, y compris à l’Élysée et au Kremlin, faire comprendre au public français comment Vladimir Poutine est perçu par les Russes. Agrégée d’allemand, Héléna Perroud a été collaboratrice à l’Élysée au cabinet du Président Chirac. Elle a dirigé l’Institut français de Saint-Pétersbourg entre 2005 et 2008. Depuis 2015, elle exerce une activité de conseil entre la France et la Russie, et elle effectue de nombreux déplacements en Russie dans ce cadre.

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A travers cet ouvrage, elle croise ce qu’elle sait des réalités de la vie russe de ces dernières décennies avec ce qu’elle sait du regard que peuvent porter les Occidentaux sur la Russie et l’homme qui la dirige. Et elle tente de répondre sans a priori idéologique à cette question si souvent entendue : Qui est Vladimir Poutine ?

Elle apporte un éclairage sur l’homme, qu’il plaise ou non, qui préside aux destinées de la Russie depuis le 31 décembre 1999 et sur qui par quatre fois se sont portées les voix de dizaines de millions de ses compatriotes. Elle essaye de le voir surtout avec un œil russe, l’œil de Saint-Pétersbourg, de Moscou et des « profondeurs » du pays, comme on dit là-bas. Car elle a trop longtemps vu en Russie des correspondants de grands journaux occidentaux qui ne connaissaient pas le russe et rédigeaient leurs articles sur les seules bases des réunions de presse de l’ambassade des Etats-Unis.

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Au-delà de la biographie, replacée dans son contexte historique, de Vladimir Vladimirovitch Poutine, ce livre tente de faire comprendre pourquoi les Russes, dans leur majorité, croient toujours en lui et comment il incarne une certaine idée de la Russie en ce début du XXIe siècle.

Une partie de l’explication tient dans le fait que Vladimir Poutine n’est pas un homme de Moscou, ni un apparatchik, ni un fils d’apparatchik. Il n’est pas issu de l’élite dirigeante de la capitale. C’est un provincial, à l’aise avec les petites gens et à l’aise dans la nature et il sait parfaitement cultiver cette image aux yeux des Russes .

Il a la particularité de vouloir réconcilier les deux Russie, la grandeur tsariste et celle de l’URSS, pour écrire une histoire apaisée. Il se voit avant tout comme un homme au « service » de la Russie, voulant rétablir la place de celle-ci dans le monde.

***
Interview d'Héléna PERROUD:

" Vous nous permettez de comprendre l’âme russe et la façon dont Vladimir Poutine aborde l’histoire de la Russie, qu’il prend dans son intégralité, alors que vous nous rappelez que nos dirigeants français ont tendance à ne commencer l’histoire de France qu’en 1789 et qu’ils parlent plus souvent de la République que de la France…

C’est un point fondamental pour bien comprendre ce que Poutine essaie de faire avec son pays : il essaie de le réconcilier avec son histoire. On ne comprend pas Poutine si l’on ne comprend pas dans quelle histoire il s’inscrit. En Russie, on s’inscrit dans le temps long et on se projette loin devant. C’est vrai, nos dirigeants français parlent beaucoup plus de la République que de la France. Quand Vladimir Poutine arrive au pouvoir, le 31 décembre 1999, il s’agit d’un pays qui est très jeune puisque la Fédération de Russie n’existe que depuis 1991. L’élection du 18 mars 2018 a été la septième élection d’un président au suffrage universel. Donc, la démocratie russe est extrêmement jeune, mais l’histoire de la Russie est millénaire. Le cœur de la Russie historique a commencé à Kiev à la fin du neuvième siècle. La décennie 90 a été très compliquée pour les Russes et Poutine arrive après l’effondrement de l’URSS, qui a duré 70 ans, et après deux événements tragiques pour les Russes avec des millions de pertes humaines : la révolution de 1917 et la résistance contre les nazis, avec plus de 30 millions de morts.

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Vous rappelez d’ailleurs le lourd tribut payé par les Russes lors de la Seconde Guerre mondiale…

Les Russes ont payé un prix très élevé à cette victoire. Dans les entretiens entre Oliver Stone et Vladimir Poutine, il y a une séquence très intéressante, lorsque Stone lui dit que les Occidentaux ne se rendent pas compte du prix payé par les Russes : « Vous avez donné tout ce que vous aviez… » C’est une question d’Américain. Et Poutine a une réponse de Russe : « Non, on n’a pas donné tout ce que nous avions, on a donné jusqu’à la dernière goutte de notre sang… » Cela veut dire que l’on a donné tout ce que nous étions. C’est l’être côté russe et c’est l’avoir côté américain…

Sur la question de la démocratie, vous montrez à quel point les avancées sont importantes, mais vous insistez sur cette volonté des Russes d’avoir un État fort et, surtout, de placer Vladimir Poutine au-dessus des querelles internes… Il y a là une autre forme de vision de la démocratie…

J’ai visionné des centaines d’heures de vidéos de Vladimir Poutine et de ses opposants, tout en russe, et il y a une séquence très intéressante où Vladimir Poutine dialogue avec un chanteur de rock de Saint-Pétersbourg. C’est d’ailleurs un chanteur très populaire que je connais bien. Il n’hésite pas à dire ce qu’il pense et à descendre dans la rue pour participer à des manifestations lorsqu’il n’est pas d’accord… C’est Iouri Chevtchouk du groupe DDT et Poutine lui dit que la Russie n’a pas d’autre avenir que démocratique : « Il n’y a que dans une société démocratique qu’un homme peut librement s’épanouir, librement travailler au bien de sa famille et librement travailler au bien de son pays ». C’est toujours l’idée du patriotisme qui est le fil rouge de l’action de Poutine. Mais Poutine a le souvenir d’un événement qui a traumatisé les Russes, que les Occidentaux ne connaissent pas bien : c’est en octobre 1993, lorsque Boris Eltsine a fait tirer sur le Parlement communiste avec des milliers de morts à Moscou. Le souci principal de Poutine, c’est la concorde civile. Il sait qu’il peut y avoir de la violence en Russie et, lorsqu’il arrive au pouvoir, la violence est très importante en Tchétchénie. Ce souci fait qu’il faut d’abord assurer la sécurité et la paix, et ensuite introduire des éléments de démocratie.

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Vous citez quand même les Russes qui disent avec humour que « le taux de mortalité est très élevé chez les opposants… »

Il ne faut pas faire d’humour avec ces choses-là, mais c’est une remarque de l’homme de la rue et des observateurs occidentaux… Il y a une violence physique sur la scène politique russe, elle existe, mais le souci de Poutine et de son équipe est de la minimiser. Il y a des journalistes qui ont dénoncé des faits graves comme Anna Politkovskaïa, assassinée en bas de chez elle le jour de l’anniversaire de Poutine, ce qui a eu une signification particulière, choquant énormément de Russes. Elle dénonçait notamment les exactions de l’armée en Tchétchénie. Il y a eu le meurtre de Boris Nemtsov en février 2015, alors qu’il rentrait du restaurant un soir. Mais il ne faut pas faire de raccourcis trop rapides entre ces assassinats et le Kremlin. Il y a eu des procès, les exécutants ont été jugés et ils sont tous en prison. Sur la question des commanditaires, il n’y a pas de réponse précise… Mais dans l’équipe très rapprochée de Poutine, depuis octobre 2016, il y a un homme qui était un ami très proche de Boris Nemtsov, Sergueï Kirienko, et il doit même le début de sa carrière politique à Nemtsov. Donc, les choses sont beaucoup plus compliquées que ce que l’on peut voir au premier coup d’œil…

Il y a eu une réelle volonté de Vladimir Poutine de se rapprocher de l’Europe et des États-Unis. Cependant, la première humiliation du peuple russe, c’était le bombardement de la Serbie en 1999 car il ne pouvait rien faire pour leurs frères serbes…
C’était la première humiliation sérieuse sur le plan extérieur. Il y a eu ensuite un événement majeur qui a vraiment traumatisé les esprits en Russie : c’était le naufrage du sous-marin nucléaire Koursk, très peu de temps après l’arrivée de Poutine au pouvoir, car les Russes n’ont rien pu faire pour les 118 marins qui ont péri dans cet accident effroyable. L’armée russe était dans une situation de désastre.

Vous étiez à l’Élysée en 1999 : comment avez-vous vécu le bombardement sur la Serbie ?

À titre personnel, je ne vous dirai rien… Il est dramatique de penser que l’on ait pu connaître de tels événements au cœur de l’Europe. Dans les années 90, il y a eu aussi les tickets de rationnement dans les villes russes, tout cela au cœur de l’Europe aussi… C’était une décennie vraiment très dure pour les Russes.

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La Russie a beaucoup aidé l’Occident dans sa lutte contre le terrorisme, mais elle a le sentiment de ne pas avoir été remerciée à sa juste valeur. Elle vit aussi comme un échec le fait de ne pas être considérée comme un pays européen à part entière…

Ce sentiment est tout à fait juste, parce que la culture russe est une culture européenne à bien des égards. Imaginez ce que serait la culture européenne sans les Russes, sans Tchaïkovski, sans Pouchkine ou sans Dostoïevski… Pour un homme comme Poutine, ce sentiment est encore plus important parce qu’il est originaire de la ville la plus européenne de Russie, Saint-Pétersbourg, et c’est ce qui m’a frappé en vivant trois ans à Saint-Pétersbourg, lorsque j’ai eu le bonheur de diriger l’institut français de Saint-Pétersbourg, que j’ai fait déménager – d’ailleurs sans le faire exprès – à l’adresse natale de Sacha Guitry. Il y a des clins d’œil de l’histoire à tout moment dans cette ville. Pour un homme comme Poutine, le caractère européen de la Russie est évident et c’est ce qu’il dit dans une autobiographie publiée en mars 2000. Les Russes n’ont même pas à se demander s’ils sont européens, ils le sont, avec un pays qui est plus large que l’Europe stricto sensu. Poutine est aussi le dirigeant le plus européen que la Russie ait connu depuis les Romanov : à l’exception d’Andropov, les autres dirigeants russes n’ont pas connu l’Europe aussi intimement que Poutine. Il a vécu en Allemagne, entre 1985 et 1990, certes en Allemagne de l’Est, puisqu’il était envoyé au titre de sa mission au KGB. C’est un homme qui maîtrise parfaitement l’allemand et c’est le seul à avoir eu cette expérience de vie ordinaire. Il a donc vécu la vie d’un Allemand ordinaire pendant quelques années.

Il y a aussi une occasion manquée pour la France, car Saint-Pétersbourg est une ville francophile et vous dites qu’à la sortie de l’aéroport, on voit encore des grandes affiches publicitaires en français…

C’est manifeste. En ce moment, quand vous arrivez à Saint-Pétersbourg, vous avez une grande publicité en français pour les baignoires Jacob Delafon et vous avez un autre panneau très important pour un grand magasin, construit par un Belge, qui s’appelle « Au Pont Rouge » et, sur la grande façade, il est écrit en français et en russe « Chaussures, ganterie… » Très honnêtement, il est plus difficile de trouver au monde un peuple plus francophile que les Russes !

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Malheureusement, le peuple russe n’a pas le sentiment de recevoir en retour l’amour qu’il nous porte. Vous évoquez les sanctions à l’égard de la Russie et vous soulignez que cela a pénalisé nos agriculteurs en profitant à ceux d’Afrique du Nord…

Les sanctions étaient une bêtise de la part des Occidentaux, car elles n’ont pas impacté les Russes. À l’origine, les Occidentaux voulaient désolidariser les Russes de Poutine mais, sur un plan politique, on a vu que les élections législatives de 2016 ont donné beaucoup plus de voix au parti « Russie unie » de Poutine et il y a eu de nombreuses chansons et de réactions populaires aux sanctions en disant : « Nous sommes derrière notre président et nous allons accroître notre production ! » La réaction était : « Vous, les Occidentaux, vous ne comprendrez jamais rien à la Russie ! » Du jour au lendemain, les magasins ont vu disparaître de leurs rayons, en raison de l’embargo sur certains produits alimentaires, les viandes, les poissons, les fruits et légumes venus d’Europe. D’abord, ils les ont remplacés par d’autres importations en provenance d’Afrique du Nord, mais ils ont surtout appris à produire ce qu’ils ne pouvaient plus importer. Je donne des chiffres précis dans le livre sur la viande porcine et le blé, et la Russie prend les marchés qui étaient traditionnellement ceux de la France. Le chancelier autrichien a même dit que les sanctions avaient coûté aux Autrichiens 0,3 % de leur PIB.

Vous revenez sur le divorce de Vladimir Poutine, qui s’est déroulé dans des conditions très dignes. L’explication officielle était : « Je me concentre sur la patrie… »

Cette explication était étonnante. Il n’y a pas eu de communiqué, mais il était devant les caméras, avec sa femme, lors de l’entracte lors de la représentation d’un ballet. Il ne fait pas référence à ses trente ans de mariage et il dit : « Elle a été à son poste, en tant que première dame, pendant neuf ans, elle a fait son devoir et elle a monté la garde… » Il emploie un vocabulaire militaire et il précise que c’est une femme qui n’aime pas du tout la vie publique, qui n’aime pas les caméras et qui n’aime pas les déplacements en avion. Or, Poutine se déplace énormément. Il fait des milliers de kilomètres chaque semaine, ce sont les dimensions de la Russie, et cette vie n’était pas faite pour elle, donc il la libère de cette tâche. On peut prendre cela comme on veut, mais il essaie de mettre à l’ombre sa femme et ses filles. Il n’aime pas du tout en parler et il demande aux journalistes de comprendre ce souci de ne pas leur faire subir le fait d’être leur père, en leur laissant vivre une vie normale.

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Cependant, il y a un grand échec, c’est la difficulté qu’à la Russie de contrôler son image à l’extérieur… Ils n’ont pas Hollywood…

Il y a deux points sombres en Russie : l’image extérieure et la démographie. Leur souci majeur est l’enjeu démographique. C’est un pays immense, le plus grand pays du monde, avec une population qui n’est pas à la hauteur de la superficie du pays. Quand on essaie de faire le bilan, entre 1990 et 2010, la Russie a perdu 5 millions d’habitants, ce qui est énorme. Le taux de fécondité est de 1,16 enfant par femme quand il arrive au pouvoir. Évidemment, cela ne suffit pas, donc il fixe pour objectif la famille de trois enfants : c’est la famille modèle, le minimum syndical qu’il demande aux familles russes. Pour cela, il a déployé un arsenal financier important en aidant beaucoup les familles. Aujourd’hui, le pays est à 1,76. Il a su inverser cette tendance et cela veut dire que les Russes vont mieux et qu’ils croient en l’avenir de leur pays. Ce mieux-être est associé aux années Poutine. Sur l’influence de la Russie dans le monde, l’image pourrait être meilleure, Poutine se soucie de ce sujet, les instruments du « soft power » existent et ils ont été théorisés. Ce vecteur d’influence vise surtout à faire comprendre, c’est d’abord de l’explication de texte. Il y a eu un classement international sur le succès de l’apprentissage de la lecture chez les enfants de 9 à 10 ans et la France n’arrête pas de dégringoler, puisqu’elle est 34e. Or, les Russes sont premiers devant Singapour. Les Russes savent former leurs jeunes générations, donc ce sont des gens qui ont sans doute des choses à nous dire, mais il faut savoir les entendre."

Le pire parti de France

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Le pire parti de France

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

On pensait avoir touché le fond des abysses avec l’UMP – Les Républicains de Jacques Chirac et de Nicolas Sarközy, le PS de François Hollande, La République en marche d’Emmanuel Macron sans oublier le MoDem, l’UDI, La France hyper-soumise ou le Rétrécissement népotique. C’était sans compter sur Europe Écologie – Les Verts qui trouve le moyen de creuser la lithosphère terrestre.

Arrivés par effraction grâce au covid-19 et à une abstention massive à la tête de nombreuses municipalités, Les Verts n’ont guère tardé à montrer leur suffisance idéologique. L’édile de Bordeaux qualifie les sapins de Noël d’« arbres morts » et ne veut pas en installer en décembre. Le maire de Lyon juge le Tour de France cycliste machiste et pollueur, propose à son conseil municipal un budget « genré », et bannit la viande des cantines scolaires. La mairesse de Strasbourg accorde une forte somme d’argent public à la plus grande mosquée d’Europe occidentale. Les nationaux-islamistes turcs la remercient chaudement. Aux mains d’une coalition verte – rouge très vif depuis sept années, Grenoble redevient un Chicago alpin.

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La semaine dernière, la mairesse de Poitiers, Léonore Moncond’huy (photo), a supprimé les subventions municipales aux aéroclubs locaux parce qu’elle réprouvait le sport motorisé. Pour se justifier, elle estima que « l’aérien, c’est triste, mais ne doit plus faire partie des rêves d’enfant d’aujourd’hui ». Souhaiterait-elle que les jeunes générations rêvassent d’accueil inconditionnel des « migrants », d’une société inclusive, dévirilisée et végane, et d’une existence seulement propice à la consommation du shit ?

Certes, les penseurs de l’écologie, à l’instar du décroissant Serge Latouche, souhaitent décoloniser l’imaginaire collectif, mais il s’agit de se libérer du productivisme, du Progrès et de la Modernité, et seulement pas de l’aviation de plaisance. Les Verts seraient-ils donc opposés aux programmes spatiaux ? Ce ne serait que de simples banalités de la part de pacifistes invétérés qui ignorent la loi d’airain du politique et donc des enjeux de puissance.

Léonore Moncond’huy commet en tout cas un formidable contresens peu surprenant. Dans le n° 17 d’octobre 2014 de Causeur, Daoud Boughezala rapportait une anecdote survenue au moment de l’université d’été des Verts deux mois plus tôt à Bordeaux. Lors d’un atelier consacré à Bernard Charbonneau et à Jacques Ellul, « sur la cinquantaine de spectateurs de l’assistance, nous sommes trois ou quatre à lever le bras » pour avoir lu leurs œuvres… Cette méconnaissance étonne de la part d’un milieu constitué de cadres supérieurs diplômés pléthoriques.

Dans son récent essai co-écrit Les Luttes de classes en France au XXIe siècle (2020), Emmanuel Todd a raison de considérer le vote en faveur des Verts comme une manifestation patente de « contre-populisme ». C’est une attitude réactive à la nette radicalisation de la société française. Le démographe et économiste dissident précise que voter pour EE-LV, c’est effectuer un « vote […] : “ Ni Macron ni le peuple ” » qui se traduit dans les faits par « un vote contre le Jaune. Non à Macron, non aux Gilets jaunes aussi. Un vote “ ni ni ”, en somme » sans pour autant choisir les « extrêmes ». Les Verts sont par conséquent la dernière engeance en date de la Plaine, ce marécage historique central de la bourgeoisie modérée.

Donneurs de leçon permanents et chantres de la morale politique, ce qui est un oxymore, Les Verts détestent toute contradicteur averti. Très susceptibles, ils ont déposé une plainte en diffamation contre divers membres du gouvernement dont Marlène Schiappa qui déclarait dans un franglais typique propre à nos dirigeants qu’« on pourrait faire un best-of des décisions les plus sectaires d’EE-LV ». Incapables de débattre avec quiconque qui ne partage pas leur point de vue, ils refusent ainsi les invitations de la chaîne d’information CNews accusée par ailleurs de « dérive droitière ». Ils attendent des journalistes de recevoir un traitement conformiste et convenu.

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L’électorat Vert reste néanmoins fluctuant, instable et mouvant. Trimbalé de Bayrou en 2007 à Macron en 2017 en passant par Hollande en 2012, il ne présente pas une forte motivation et risque de vite déchanter si EE-LV commence à se déchirer au sujet de l’échéance présidentielle à venir. Sait-il pour le moins que l’antagonisme entre Éric Piolle et Yannick Jadot (photo) est si violent en interne qu’il ramène à l’état de broutilles la féroce rivalité entre François Mitterrand et Michel Rocard ou entre Lionel Jospin et Laurent Fabius aux grandes heures du PS ?

Les Verts ont longtemps été assimilés à des « pastèques » (vert à l’extérieur et rouge à l’intérieur) ou à une volonté de revenir à la lampe à huile. Commencée en 1993 avec l’exclusion d’Antoine Waechter, leur dérive tourne à l’artificialisation et à la stérilisation des idées écologiques les plus prometteuses. Ils se détournent de la pluralité des expressions et se moquent de la diversité des opinions. Cette écologie politique-là ne peut que conduire à un Tchernobyl des convictions, à un Fukushima de l’engagement militant, à un dépôt de bilan politique total.

Georges Feltin-Tracol.

PS : Chaque semaine depuis un an, Les Verts démontrent leur sens des affaires publiques. Le 14 avril dernier, le conseiller municipal EE – LV de Vincennes (Val-de-Marne), Quentin Bernier – Gravat, ne vote pas une subvention au club local de yacht, car « les bateaux polluent, donc l’activité du Yacht Club est polluante ». Il oublie qu’il s’agit de la navigation à voile (avec du vent)… Peut-être faudrait-il commencer à préparer un bêtiser politique des Verts tant ce parti symbolise la bouffonnerie dans toute sa splendeur.

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 210, mise en ligne sur TVLibertés, le 13 avril 2021.

lundi, 19 avril 2021

La guerre des sanctions américano-russes: symbolique, substantielle ou stratégique?

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La guerre des sanctions américano-russes: symbolique, substantielle ou stratégique?

Par Andrew Korybko

Ex : http://oneworld.press/

L'intensification récente de la "guerre des sanctions" entre les États-Unis et la Russie a amené de nombreux observateurs à se demander si cette escalade est symbolique, substantielle ou stratégique.

L'imposition par les États-Unis, la semaine dernière, des sanctions les plus sévères contre la Russie depuis plusieurs années a incité la grande puissance eurasienne à réagir de la même manière. Reuters a publié une fiche d'information pratique sur les premières mesures prises par les États-Unis, tandis que Sputnik en a publié une sur les mesures prises par la Russie, toutes deux devant être consultées par les lecteurs qui ne sont pas parfaitement au courant de ce qui vient de se passer. Les États-Unis ont réagi très négativement à la réponse de la Russie en la considérant comme une "escalade", alors qu'il s'agissait essentiellement d'une mesure de réciprocité. Moscou a également laissé entendre qu'elle avait quelques autres tours dans son sac en matière de sanctions si Washington décidait d'aller plus loin. Il reste donc à voir ce qui va suivre, mais c'est le moment idéal pour réfléchir aux événements de la semaine dernière afin de déterminer s'ils sont symboliques, substantiels ou stratégiques.

Pour résumer, les États-Unis ont sanctionné la monnaie et la dette russes, les entreprises technologiques, les organes d'information et les fonctionnaires, tout en expulsant dix diplomates russes. La Russie a répondu en expulsant un nombre équivalent de diplomates américains, en publiant une liste de plusieurs responsables américains interdits de séjour dans le pays, en imposant des restrictions sur les pratiques d'embauche des missions diplomatiques américaines et sur les déplacements de ses diplomates, et en promettant de contrecarrer tous les efforts d'ingérence soutenus par les États-Unis en Russie. Les mesures américaines ont été prises sous le prétexte infondé d'accusations de piratage et d'ingérence de la part de la Russie, tandis que les mesures russes ont été promulguées par pure autodéfense. Les États-Unis visent à stigmatiser les entreprises russes, leur économie et les médias amis, tandis que la Russie entend dénoncer l'ingérence américaine dans le pays.

On peut affirmer que les deux séries de mesures sont symboliques, substantielles et stratégiques. Les Américains ont réagi à une guerre de l'information armée (symbolique), ont ciblé des éléments de l'économie russe (substantiel) et ont intensifié la campagne de "pression maximale" contre Moscou (stratégique). La Russie, quant à elle, a répondu en expulsant des diplomates américains et en publiant la liste des fonctionnaires qui ont été bannis (symbolique), en restreignant les activités diplomatiques américaines (substantiel) et en rendant ainsi plus difficile l'ingérence des États-Unis dans les affaires intérieures de la Russie (stratégique). Fondamentalement, les actions des États-Unis sont offensives tandis que celles de la Russie sont défensives, et les deux tentent d'obtenir des avantages stratégiques sur l'autre en termes de dynamique respective de leur compétition (les États-Unis agissant contre la Russie pour la déstabiliser tandis que la Russie riposte pour se protéger).

Contrairement à la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, aucune des deux parties ne peut vraiment infliger de dommages importants à l'autre puisque leurs pays n'ont jamais été "couplés" au départ pour se "découpler" au présent d'une manière qui pourrait être mutuellement préjudiciable. Cette observation présente des avantages et des inconvénients pour chaque partie. Le côté "positif" des choses est que les mouvements de chaque partie ont très peu de chances de provoquer l'autre à nuire de manière significative à ses intérêts, tandis que le côté "négatif" est que cela signifie que chaque partie peut au moins en théorie poursuivre ses mouvements sans relâche, en fonction de sa volonté politique de le faire, car il est peu probable que la réponse de son homologue l'affecte de manière négative. Évidemment, les déterminations "positives" et "négatives" sont relatives et, aux yeux des plus audacieux, dépendent également de leurs intentions, de leurs idéologies et d'autres facteurs de ce type qui diffèrent entre eux.

En gardant cela à l'esprit, il convient d'évaluer les chances de réussite de chaque stratégie respective. Celle des États-Unis n'aura de conséquences que si Washington a la volonté politique d'imposer des "sanctions secondaires" contre ceux qui achètent la monnaie et la dette russes, ce qui reste à voir. Toutefois, même dans ce scénario, la réponse russe pourrait consister, comme on peut s'y attendre, à se rapprocher de la Chine sur ces fronts, ce qui accélérerait leur grande convergence stratégique et renforcerait la "Ligue de justice" nouvellement formée entre ces deux grandes puissances au sein de la multipolarité réelle de notre monde. Quant aux chances de réussite de la stratégie défensive de la Russie, elles sont bien meilleures puisque les mesures prises par Moscou limiteront considérablement la capacité de Washington à s'ingérer dans ses affaires intérieures. C'est pourquoi il est prévu que les États-Unis perdent leur "guerre des sanctions" contre la Russie, même s'ils présentent leur échec comme un succès.

Par Andrew Korybko,

Analyste politique américain

Le grand jeu de la Turquie anime la géopolitique de la Méditerranée élargie

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Le grand jeu de la Turquie anime la géopolitique de la Méditerranée élargie

Par Luca Colaninno Albenzio

Ex : http://osservatorioglobalizzazione.it/

En 1911, l'Italie de Giolitti est entrée de force dans le ‘’bac à sable’’ libyen pour y secouer l'homme malade de l'Europe, mais les "alliés" loyaux de la Triple-Entente en ont récolté les fruits. En fait, en 1916, au plus fort de la Grande Guerre, avec l'accord secret Sikes-Picot, la France et la Grande-Bretagne se sont partagé le Moyen-Orient ottoman.

C'est une triste consolation de savoir que Mark Sikes, le principal inventeur et promoteur de la division géométrique des États du Moyen-Orient, dessinée et créée avec un crayon et une équerre, a été frappé par la terrible vengeance de Foscolo, qui s'est inévitablement abattue sur les anti-italiens. En effet, il est mort de la grippe espagnole en 1919. Quelle méchanceté!

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Plus de cent ans plus tard, les "alliés", silencieusement impatients dans l'ombre, voudraient que l'Italie s’occupe à nouveau l'arbre turc.

Le chaos libyen, causé par les "alliés", et l'irénisme pro-Erdogan creux, condescendant et invertébré de certains politiciens de la péninsule, risquent d'être étouffants à terme pour les intérêts italiens.

Les États-Unis, dans le conflit entre la Grèce et la Turquie, tous deux pays de l'OTAN, ont appliqué et appliquent la doctrine Luns, selon laquelle la solidarité de l'article 5 du traité de l'Atlantique Nord sur l'aide mutuelle en cas d'agression n'est pas déclenchée, puisque les menaces ne viennent pas de l'extérieur, mais des pays membres [1].

Toutefois, dans les contrastes entre l'Italie et la France, la doctrine Luns [2] a également été écartée. En bombardant la Libye, qui n'est pas vraiment l'Italie mais constitue son arrière-cour, sur la base de raisons ‘’démocratiques’’ spécieuses, en 2012, les États-Unis se sont tenus aux côtés de la France et de la Grande-Bretagne et, face à la menace de détruire à la première attaque les installations pétrolières de l'ENI, une entreprise tierce et étrangère, les Américains ont été impassibles, tout comme ils ont ignoré les crimes des dictateurs parfois sanguinaires de la Françafrique.

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Pourquoi Blinken ne prononce-t-il pas un mot sur la situation des droits de l'homme en Turquie ?

Pourquoi la féministe Hillary Clinton n'aborde-t-elle pas la question des droits des femmes en Turquie ?

Pourquoi la Maison Blanche oublie-t-elle, sans même se le faire rappeler, que 8 % de la population américaine a des ancêtres italiens ?

Le fait d'avoir apporté une contribution essentielle à la victoire dans la guerre froide grâce au déploiement des euro-missiles Pershing et Cruise n'a pas aidé l'Italie.

On doit en déduire qu'à l'est d'Otrante nos "alliés" appliquent la doctrine de Luns, mais qu'à l'ouest celle-ci est interprétée en faveur de nos ‘’amis’’.

Avec des "alliés" de ce genre, il n'est pas nécessaire d'être contre qui que ce soit: ils se chargeront d'être anti-italiens, puisqu'ils ne considèrent rien ou presque de l'Italie, sinon à travers les stéréotypes les plus banals.

Tout ce que l'Italie doit faire, c'est agir pour protéger ses propres intérêts. C'est toutefois un jeu mortel [3].

Traitons l'analyse d'un scénario, peut-être le plus extrême.

L'Italie devrait, avec ou sans la ceinture proconsulaire de la Méditerranée, se réveiller du sommeil dans lequel les catégories tutélaires disparues de la guerre froide l’ont plongée, et agir, si nécessaire, même avec tous les instruments des relations internationales, en adoptant les précautions nécessaires.

Il n'y a pas d'autres pays qui puissent agir au moment propice.

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L'initiative européenne d'intervention (IEI), également pour le mérite d'un certain gouvernement italien en narcolepsie sur les thèmes de la politique étrangère, n'est guère plus qu'un fantôme peint en bleu, rouge et blanc.

Les navires français ont battu en retraite face aux navires turcs au large de Chypre et dans le golfe de Syrte. Marianne ne veut pas soutenir l'effort du premier coup, mais s'il y a des fruits à cueillir, on peut compter sur elle pour être une présence attentive et volontaire.

Même les navires italiens se sont comportés de manière inqualifiable en présence des navires turcs.

La Grèce est trop petite et trop déterminée à se défendre contre l'agression turque dans la mer Égée, dont les gisements d'hydrocarbures risquent d'être enflammés par les étincelles d'Erdogan, qui a jusqu'à présent eu les yeux plus gros que le ventre et n'en a pas payé le prix.

L'Albanie et la Libye accueillent, surtout en raison de l'insensibilité politique italienne, d'importantes présences militaires turques.

L'Allemagne est un mystère qui se tient entre le chantage de la Turquie et la solidarité européenne, à laquelle elle ne croit d'abord pas.

La Syrie pro-russe a des affaires inachevées avec la Turquie, qui occupe une longue bande de sa frontière, avec l'approbation de Poutine, mais pas d'Assad.

La Russie est l'autre membre de l'alliance russo-turque, contre-nature, oscillante et instable. Si, pour une raison ou une autre, l'OTAN se suicidait grâce à l'indifférence américaine ou si la Turquie s'en retirait, l'ours russe serait prêt à sortir de sa tanière et à en profiter pour s'étendre vers l'est et le sud, mais cela impliquerait l'intervention ultérieure des États-Unis, accompagnés du chien britannique, pour freiner son expansion.

La Chine lointaine, présente en force à Djibouti, serait un entrant tardif dans la mêlée.

Il est peu probable que les Saoudiens, les Égyptiens et les Émiriens y participent, à moins qu'ils ne soient directement impliqués.

Israël et l'Iran devraient être tenus à l'écart des contrastes : ils seraient des éléments de complication supplémentaires qui ne laisseraient pas indifférent.

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Les importantes minorités turques, opprimées par le nationalisme d'Ankara, pourraient être décisives pour réduire la taille de la Turquie.

Le problème se poserait de contrôler les détroits du Bosphore et des Dardanelles. Il serait inévitable de les confier à la Grèce, car il n'y aurait pas d'autres gardiens possibles.

Que feraient les Américains, les Russes, les Chinois, les Français, les Britanniques, les Italiens, les Syriens, les Grecs, les Kurdes, les Arméniens et les Turcs à la même table ? Ils se battraient pour imposer leur propre paix.

Le Talleyrand de l'occasion s'en prendrait aux autres.

Certaines conférences sont à éviter. L'histoire enseigne à l'Italie qu'ils sont des pièges utiles pour être trompés.

Il est plus avantageux de se concentrer de manière réaliste sur les fruits à récolter.

Demandons-nous toutefois si l'Italie dispose d'une classe politique propre, capable de mettre en œuvre un projet lucide de Relations internationales, sans commettre d'erreurs, d'imprudences et de facilités ?

Les Russes ont comme ministre des affaires étrangères Lavrov, qui, dès qu'il a senti le brûlé avec les Turcs, est allé en Egypte, adversaire de la Turquie, pour installer la Russie sur le détroit de Suez, déjà présente sur la mer Rouge.

Non satisfait de son succès, il s'est rendu en Iran pour fournir aux Iraniens, au mépris des sanctions occidentales, ce dont ils ont besoin pour être puissants.

Les États-Unis ont la plus grande administration étrangère du monde, mais ils ont eu des secrétaires d'État comme Hillary Clinton et des présidents comme Barak Obama parmi les co-auteurs irresponsables du gâchis libyen. On se souviendra d'eux comme de crédules fake news téléguidées sur la Libye et de préjugés sur l'Italie.

Le ministre turc des affaires étrangères, Cavusoglu, est une personnalité politique très respectée qui, à l'unisson avec Erdogan, poursuit avec assurance le même dessein politique expansionniste. Et qui est là à Rome ?

Notes :

1] Article 5 : Les Parties conviennent qu'une attaque armée contre une ou plusieurs d'entre elles en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque directe contre toutes, et conviennent en conséquence que si une telle attaque se produit, chacune d'entre elles, dans l'exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l'art. 51 de la Charte des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant immédiatement, individuellement et de concert avec les autres parties, telle action qu'elle jugera nécessaire, y compris l'emploi de la force armée, pour rétablir et maintenir la sécurité dans la région de l'Atlantique Nord. Toute attaque armée de ce type et toutes les mesures prises en conséquence seront immédiatement portées à l'attention du Conseil de sécurité. Ces mesures prendront fin lorsque le Conseil de sécurité aura pris les mesures nécessaires pour rétablir et maintenir la paix et la sécurité internationales.

2] La doctrine Luns tient son nom du Secrétaire général de l'OTAN, Joseph Luns, qui l'a élaborée en 1974 en réponse à la demande grecque d'intervention contre la Turquie en raison de l'invasion de Chypre.

3] Sur ce point, voir Aldo Giannuli, La Turchia di Erdogan, dans https://www.youtube.com/watch?v=f3DfFeO-HPI.

Une Europe qui protège son économie par des écluses douanières

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Une Europe qui protège son économie par des écluses douanières

par LIGNE DROITE

L’Europe bruxelloise, en supprimant tous les obstacles aux échanges commerciaux entre l’Union et le monde extérieur, a exposé les entreprises européennes à une concurrence sauvage et déloyale. Ce faisant, elle a provoqué des délocalisations en grand nombre, créé un chômage de masse et initié un processus d’appauvrissement des Européens. Ligne droite considère en conséquence que la nouvelle Union doit suivre une voie inverse et mener une politique commerciale combative fondée sur une régulation des échanges commerciaux à ses frontières.

L’Europe bruxelloise, le bon élève de la classe mondialiste

Depuis 1974, l’organisation bruxelloise s’est engagée dans l’abaissement progressif des droits de douane extérieurs et dans la suppression de tous les obstacles aux échanges. Elle a ainsi tourné le dos à la philosophie première du Marché commun qui prévoyait un tarif extérieur commun et même, comme en matière agricole, le principe de la préférence communautaire. Le marché créé entre les pays d’Europe est dès lors devenu sous la pression britannique un marché ouvert totalement soumis aux vents dévastateurs de la concurrence sauvage venue des quatre coins du monde.

Cette politique a été menée de surcroît avec une naïveté totale. Contrairement aux Américains par exemple, qui multiplient les entorses aux règles de libre-échange pour protéger au mieux leur appareil de production, les eurocrates n’ont de leur côté qu’un objectif : être le meilleur élève de la classe mondialiste. Le fait que M. Lamy ait pu, après son mandat de commissaire européen au commerce, être nommé directeur général de l’OMC en dit long à cet égard. Car qui peut croire qu’un commissaire qui aurait défendu avec âpreté les intérêts commerciaux de l’Europe aurait pu être choisi ensuite pour diriger l’instance censée gérer le commerce mondial ?

Cette politique laxiste, déterminée non par le souci de bien défendre les intérêts européens, mais par celui d’appliquer au mieux l’idéologie libre-échangiste, a produit des effets catastrophiques. Elle a provoqué un décrochage économique de l’Europe, qui l’a amenée à perdre des pans entiers de son industrie et à se faire distancer techniquement et commercialement dans de nombreux domaines de pointe.

Une politique commerciale combative

Aussi faut-il tirer les leçons de ces errements et mettre un terme à cette funeste politique de dérégulation. Ligne droite considère donc que la nouvelle Union qu’elle appelle de ses vœux doit rompre avec le laxisme actuel pour mener une politique commerciale combative fondée sur le principe de la régulation des échanges aux frontières du continent.

À cet égard la nouvelle Union devrait commencer par utiliser toutes les dispositions prévues dans les traités commerciaux et dans la réglementation de l’OMC pour multiplier les procédures de sauvegarde et ouvrir tous les contentieux possibles contre les pratiques commerciales jugées déloyales.

Au-delà, l’Europe devrait proposer à ses partenaires mondiaux l’ouverture de nouvelles négociations commerciales afin de refonder les principes du commerce mondial. Elle devrait dans ce contexte plaider pour un retour à la régulation et pour la création d’écluses douanières destinées à compenser les différences de salaire, de réglementation sociale et environnementale ainsi que celles liées à la sous-évaluation de certaines monnaies. Les négociations du cycle de Doha ayant échoué il y a plus d’une décennie, l’Union pourrait demander l’arrêt définitif de ce type de processus et l’ouverture d’un nouveau cycle portant cette fois sur une régulation contrôlée par l’OMC.

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Une régulation du commerce mondial

Devant le refus prévisible d’une telle refondation, l’Union devrait alors prendre les moyens de l’imposer. N’oublions pas que l’Europe est la première puissance commerciale du monde et que rien dans ce domaine ne peut se faire sans elle. Là où la France seule aurait été acculée à céder, l’Europe serait en position de faire céder ses partenaires. Pour faire prévaloir ses vues, elle devrait donc prendre l’initiative de rétablir unilatéralement une barrière douanière à ses frontières. Cette attitude de transgression délibérée provoquerait à n’en pas douter des mises en demeure de l’OMC que l’Europe devrait ignorer complètement. Elle entraînerait aussi des représailles de la part de ses partenaires commerciaux qui décideraient de leur côté d’imposer des droits de douane sur les produits européens. Ce faisant, c’est l’ensemble du dispositif libre-échangiste qui se trouverait déstabilisé. Mais, au bout d’une période incertaine et peut-être un peu chaotique de représailles et de contre-représailles, gageons que les grands acteurs du commerce mondial tomberaient vite d’accord pour ouvrir des négociations destinées à remettre de l’ordre dans le système commercial international. Des discussions qui ne pourraient alors qu’aboutir au principe d’une régulation raisonnable et contrôlée sur un plan multilatéral par l’OMC.

Vers la réindustrialisation du continent

Une telle évolution conduirait alors beaucoup d’acteurs du commerce mondial à changer de perspective. Gageons qu’un pays comme la Chine, par exemple, en tirerait la conséquence qu’il lui faut dorénavant se tourner vers un modèle de développement davantage axé sur la consommation intérieure que sur l’exportation à tout-va.

L’Europe de son côté pourrait entreprendre un processus de relocalisation et de réindustrialisation qui conduirait à une réduction du chômage, une amélioration de la croissance et à plus de prospérité pour les Européens.

L’Europe peut et doit imposer la régulation du commerce mondial.

Ligne Droite.

• D’abord mis en ligne sur le site Ligne Droite.

La revue de presse de CD (18 avril 2021)

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La revue de presse de CD

(18 avril 2021)

CULTURE

Aujourd'hui, Baudelaire serait la victime de la ‘’cancel culture‘’ et des ligues de vertu

C'est l'époque où Peter Pan est interdit aux enfants par la bibliothèque publique de Toronto, où l'éditeur néerlandais Blossom Books retire Mahomet de l'Enfer de Dante et où l'on enregistre chaque jour une censure pour satisfaire les indignés professionnels. C'est le moment où Dan Franklin, qui a publié Ian McEwan et Salman Rushdie aux éditions Jonathan Cape, déclare : « Je ne publierais pas Lolita aujourd'hui. Avec MeToo et les médias sociaux, vous pouvez susciter l'indignation en un clin d'œil. Si on me proposait Lolita aujourd'hui, je ne le ferais jamais passer et un comité de trentenaires dirait : "Si vous publiez ce livre, nous allons tous démissionner" ». Presque normal alors de lire Michel Schneider, biographe de Charles Baudelaire, qui dans Le Point déclare que son favori, l'auteur des Fleurs du mal, serait aujourd'hui fustigé et censuré.

Euro-synergies

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2021/04/10/a...

EUROPE

Irlande du Nord. Quand les enfants perdus d’Ulster sombrent dans la violence

Nous vous proposons ci-dessous la traduction d’un article en langue anglaise signé Jenny McCartney au sujet des tensions et des violences en Irlande du Nord à l’heure actuelle. Une analyse pertinente (sans doute la meilleure à l’heure actuelle qui ait été publiée par une journaliste au fait de la situation) qui résume parfaitement la situation de ces derniers jours, à découvrir ci-dessous.

The Post – Traduction par Breizh-Info

https://www.breizh-info.com/2021/04/11/162274/irlande-du-...

Arrêtez de dire « the bloc » pour parler de l'Union européenne

Arrêtez de nous appeler « the bloc »! Dans la presse anglophone, nous autres Européens sommes « the bloc ». Pas l'Union européenne, mais « the bloc ». Politico, le New York Times, le Guardian… Rares sont les médias à ne pas recourir à ce raccourci facile qui évite de répéter «  vingt-sept États membres » ou « l'Union européenne » dans un même article. Un petit mot efficace, qui claque dans un titre ou un chapô, mais qui donne l'impression que de notre côté de la Manche ou de l'Atlantique se dresse un monstre froid, vestige de l'époque soviétique, où personne ne mange à sa faim et où chacun se terre, privé de ses libertés les plus fondamentales. Dans le monde post-Brexit et en pleine guerre des vaccins, « the bloc » sonne désuet et polarise une réalité déjà suffisamment clivée pour en rajouter.

Slate

http://www.slate.fr/story/207470/the-bloc-expression-racc...

FRANCE

Alerte ! Les sociétés françaises sont devenues des proies faciles pour les étrangers

Le cas Carrefour pourrait ne pas être isolé : déjà fragiles, nos entreprises sont devenues encore plus vulnérables à des rachats par des investisseurs étrangers. Mais, depuis peu, l’Etat s’est donné les moyens de les protéger.

Capital.fr

https://www.capital.fr/entreprises-marches/alerte-les-soc...

Rwanda : partiel et partial, le rapport Duclert

Le rapport « Duclert », commandé par le président de la République pour tenter de faire la lumière sur la responsabilité supposée de la France dans le génocide rwandais de 1994, fait couler beaucoup d’encre depuis sa remise le 26 mars dernier à Emmanuel Macron par le Pr Vincent Duclert, patron de la commission de 14 historiens réunis depuis deux ans à cette occasion. Ce rapport très fouillé et très volumineux est paradoxalement partiel, et partial.

Conflits

https://www.revueconflits.com/jacques-hogard-rwanda-rappo...

ISLAM

Fenêtre sur le monde. Le djihadisme d’atmosphère. Gilles Kepel

Gilles Kepel, professeur à l’ENS, est l’un des orientalistes les plus renommés de France. On lui doit d’être l’un des premiers à avoir étudié les « banlieues de l’islam » ainsi que les fractures qui parcourent le monde musulman. Il étudie aujourd’hui la notion de « djihadisme d’atmosphère » qui explique en partie les attentats commis récemment. Dans Le Prophète et la pandémie (Gallimard), il étudie les conséquences de l’année 2020 sur les mondes arabes et musulmans. Une interview-vidéo de plus d’une heure.

Conflits

https://www.revueconflits.com/gilles-kepel-prophete-pandemie/?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=revue_conflits_les_dernieres_mises_en_ligne&utm_term=2021-04-09  

MEDIAS

Le sort de Julian Assange démontre l’imposture des valeurs dont se réclame l’Occident

Le monde occidental a une très haute opinion de lui-même et de ses prétendues valeurs, mais la manière dont il traite le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, révèle qu’il ne s’agit que de mensonges.

Le Cri des Peuples

https://lecridespeuples.fr/2021/04/10/le-sort-de-julian-assange-demontre-limposture-des-valeurs-dont-se-reclame-loccident/

État profond ? Ben Nimmo, cadre de l’OTAN, rejoint Facebook

Comme le proclament les complotistes de l’anti-complotisme, style Rudy Reichsdadt, l’État profond américain n’a jamais existé, n’existe pas, n’existera jamais. Le fait que Facebook recrute un ancien de l’OTAN doit être une preuve de plus de cette non existence…

OJIM

https://www.ojim.fr/etat-profond-ben-nimmo-cadre-de-lotan...

 

 

dimanche, 18 avril 2021

Pouvoir pastoral et nouvelle théologie de la santé...

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Pouvoir pastoral et nouvelle théologie de la santé...
 
par Jure Georges Vujic
Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com/

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jure Georges Vujic, cueilli sur Polémia dans lequel il évoque l'organisation de notre société autour de "l'impératif de santé". Avocat franco-croate, directeur de l’Institut de géopolitique et de recherches stratégiques de Zagreb, Jure Georges Vujic est l'auteur de plusieurs essais, dont Un ailleurs européen (Avatar, 2011) et  Nous n'attendrons plus les barbares - Culture et résistance au XXIème siècle (Kontre Kulture, 2015).

Covid-19. Pouvoir pastoral et nouvelle théologie de la santé

Au cours des dernières années, et surtout avec la crise sanitaire du Covid-19, nous avons assisté à une augmentation du pouvoir médiatique, social et politique des savants, des experts, comme si la sphère politique, dont la tâche consiste à déterminer et à protéger les intérêts nationaux et le bien-être général de la communauté, avait cédé la place à une nouvelle caste de scientifiques qui ont colonisé l’espace public médiatique quotidien.

Les experts ont toujours existé ; cependant, tout au long de l’histoire, leur statut social et leur place dans la société ont changé en fonction de la vision du monde politique et social dominante. La notion d’expertise est étroitement liée à l’émergence de la modernité et à la complexité croissante des relations sociales et du fonctionnement économique de la société. Le discours légitimant en faveur de l’expertise, qui adhère au principe général de la gouvernance technocratique au niveau de la « gouvernance mondiale », est que la complexité des défis de la mondialisation libérale impose aux acteurs politiques de transférer leur pouvoir de décision à la société civile et aux autres acteurs non étatiques du marché, étant donné que seuls les professionnels possédant des compétences spécifiques peuvent obtenir des résultats optimaux. Dans ce contexte, le cœur du problème de la technocratie et de l’expertocratie est dans leur incompatibilité avec les principes fondamentaux de la démocratie, puisqu’ils ne détiennent aucune légitimité populaire et représentative issue des élections.

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Les"experts" en Belgique: une programmation particulièrement pernicieuse visant à détruire totalement la société, son système de travail, ses établissements d'enseignement, son système de santé, la convivialité sociale la plus élémentaire  et les fondements anthropologiques les plus profonds, exprimés par la famille.

Technicisation du politique et règne du « scientifiquement correct »

La crise du Covdi-19 a mis en lumière le clivage politique entre partisans de la « technicisation » du pouvoir politique qui s’appuie sur des experts et les « populistes » qui cherchent à renforcer le rôle du peuple dans le processus décisionnel. Avec l’avènement du nouveau langage néo-orwellien du pouvoir biopolitique, qui a émergé dans le cadre de la médicalisation de l’espace public, un nouveau politiquement correct a émergé, le prétendu « scientifiquement correct » imprégné de technoscientisme, afaiblissant les thèses alternatives en les reléguant au répertoire complotiste. Cependant, il faut garder à l’esprit que les experts ne forment pas un bloc monolithique, et la notion de « consensus scientifique » semble de plus en plus vague et difficile à atteindre, alors que de nombreux experts parlent de « populisme scientifique » en se référant à des thèses alternatives et critiques. Les racines philosophiques de l’expertocratie, tout comme celles de la technocratie, se retrouvent dans le constructivisme mécaniciste des Lumières puis chez les « socialistes utopiques » du xixe siècle et dans l’idéologie du saint-simonisme. Les thèses saint-simoniennes trouveront plus tard un terrain fertile dans la « gestion » et la technocratisation graduelle de la politique décrites par James Burnham dans La Révolution managériale. La notion d’expertise, née en Grande-Bretagne au xvie siècle à travers les figures d’experts médiateurs, entre progressivement dans la sphère scientifique à travers les sciences sociales contemporaines dans le cadre des études scientifiques et technologiques qui analysent les relations entre technologie et pouvoir.

La technocratisation du politique est en même temps un processus de désessentialisation de l’activité politique. Les politiciens se désengagent de plus en plus des questions délicates et complexes, transférant la responsabilité aux « experts » qui ne sont pas seulement là pour des conseils mais aussi pour formater idéologiquement l’opinion publique. Il ne faut pas oublier qu’aucune science n’est totalement neutre et qu’elle est elle-même le fruit d’un processus idéologique complexe. Transférer la responsabilité de la sphère politique publique aux experts revient à dépolitiser la politique, ce qui s’apparente à un déni du politique. Depuis Aristote et Platon, l’homme s’interroge sur la place et le pouvoir de la politique dans la société. Aujourd’hui, la confusion des rôles et des fonctions est favorisée comme dans de nombreux autres segments sociaux, et l’action publique et politique est soumise au paradigme du « solutionisme », au répertoire technique, ce qui signifie que la prise de décision politique est réduite au niveau du choix d’une solution particulière.

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Dans ce contexte, « le gouvernement des choses remplace le gouvernement des hommes » : l’expertise est en fait le reflet de notre époque moderne où l’expert autonomise et s’approprie de plus en plus la fonction politique en fragmentant notre environnement social en domaines de spécialisation technocentrique. La politique en tant que res publica, « chose publique », sera toujours orientée vers le but suprême et la dernière fin (telos), alors que la science, l’expertise, ne pose jamais la question des buts ultimes car elles relèvent de l’ordre instrumental, des moyens. Parce que la politique technocratique moderne néglige et supprime la question du « pourquoi » et des buts ultimes, approuvant exclusivement la question des méthodes et des moyens, on peut dire qu’elle est une forme de despotisme technocratique. Le pluralisme sans véritable pluralisme, la démocratie soumise à des procédures et des décisions d’experts, l’apologie du « consensus scientifique » au nom de la complexité se transforment progressivement en leviers idéologiques technocratiques de chantage et de domination. Max Weber a établi une distinction classique entre scientifiques et politiciens (Le Savant et le politique) : la politique est le domaine de la prise de décisions souveraines tandis que la science et le savant analysent les structures politiques et sociales. Dans le contexte d’une menace pour la santé et d’une menace « inconnue » comme le virus, l’éthique de responsabilité weberienne du politique et l’éthique des convictions du scientifique devraient être des domaines de responsabilités séparées.

Médicalisation de la société

L’omniprésence médiatique d’experts médicaux est également un symptôme du processus de médicalisation de la vie quotidienne publique et privée. Ce processus, qui se manifeste à travers un large éventail de mesures sanitaires et biopolitiques, est le résultat d’un long processus d’émergence de la médecine moderne et de sa consécration en tant qu’institution sociale. Présentée comme une innovation positive et un progrès social qui réduit le taux de mortalité, la médicalisation a produit une pathologisation des comportements sociaux et des problèmes sociaux comme la médicalisation de la criminalité. Ce phénomène a rencontré diverses critiques qui portent sur les excès de la médicalisation : l’invention de nouvelles maladies et la consommation excessive de médicaments., l’acharnement thérapeutique. Le philosophe Georges Canguilhem critique le réductionnisme biomédical, estimant que le corps humain ne peut être réduit à des mécanismes physico-chimiques, tandis que son disciple Michel Foucault décrira la domination de l’autorité médicale dans la sphère privée, utilisant le terme de « médicalisation » pour démontrer l’importance dominante de la médecine dans la vie sociale. La marchandisation de la santé se développe parallèlement au processus de médicalisation de l’existence, qui fait de la santé une sorte de religion séculière où le corps a définitivement remplacé l’âme selon la clé « biopolitique » de Michel Foucault. Nous trouvons les racines idéologiques de la médicalisation dans l’idéologie hygiéniste qui, en exploitant la tendance hypocondriaque des individus, aboutit à un contrôle croissant des habitudes de vie, conciliant puritanisme moral et homogénéisation conformiste des comportements, avec l’acceptation de modèles et de pratiques politiques et économiques néfastes. Les grandes « croisades » de marketing et « les guerres publiques » contre l’alcool ou le tabac, fondées sur les textes quasi sacrés de la santé publique, s’inscrivent dans cette biopolitique qui instrumentalise le « droit au bonheur » afin de standardiser les comportements en les intégrants dans la logique de consommation du marché.

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L’impératif de santé, de la performance corporelle comme levier néo-darwinien d’homogénéisation sociale, est le reflet de la règle de la biocratie, une forme de règle basée sur une « vie saine », c’est-à-dire sur la maîtrise de la « vie nue » évoquée par Giorgio Agamben (Homo sacer). Bien sûr, bien que la santé soit une catégorie existentielle significative et désirable, elle ne peut jamais être une valeur absolue en soi, car nous la perdons tous tôt ou tard, et aujourd’hui elle est fixée comme valeur ultime à partir du moment où l’homme est matériellement émancipé et privé de transcendance, pour être finalement réduit au produit du marché. Le même impératif de santé est le reflet de la démonisation de la mort, le dernier démon que la société moderne cherche à exorciser à travers des mesures palliatives et thérapeutiques de prolongation artificielle de la vie. Cette foi aveugle dans la science et les experts révèle la survivance d’un résidu de l’ancienne pensée magique. La figure moderne faustienne du « savant fou » aujourd’hui prend la forme du « médecin démiurge », d’un expert-magicien, un techno-chamane miraculeux au jargon hermétique (éco, psycho, médico techno-quelque chose), qui s’appuie un réseau médiatique qui l’invite et le chouchoute régulièrement.

Il n’est pas étonnant aujourd’hui, comme le souligne l’écrivain allemand Arnold Stadler, que les virologues se substituent aux théologiens, car nous avons complètement négligé voire refoulé la dimension existentielle de la mort, dans la lutte constante pour la santé et contre les virus. Selon lui, les experts sont devenus omniprésents comme « les grands prêtres de la nouvelle religion de la santé, qui est terrestre et laïque ». La conception théologique chrétienne de la santé est substantiellement opposée à la version moderne de la théologie sécularisée de la santé, le corps et la santé se situant dans le contexte d’une perspective eschatologique de salut. En outre, un nouveau catéchisme anthropocentrique, vérifiable à l’heure du Covid-19 avec une panoplie d’injonctions ritualisées : distance sociale, port du masque, etc. intronise l’impératif de santé en véritable nouvelle religion laïque, la maladie et la mort étants perçues en tant que péchés. L’obsession de la forme physique, du bien-être, le bougisme sportif, le fanatisme végan et du produit « bio-good food », sont les leviers du nouveau hip-consommatisme du capitalisme vert. En effet, la responsabilité à l’égard de la santé se transforme en devoir qui sous-entend la culpabilité, la mauvaise conscience d’être malade, et puis on en vient peu à peu à des dispositifs de repentance, de confession qui sont au cœur du pouvoir pastoral.

Pouvoir pastoral et gouvernement des âmes

La gestion de la crise sanitaire du Covid-19 révèle l’existence d’un pouvoir qui n’est plus seulement étatique et identifiable, mais aussi l’omniprésence de techniques d’assujettissement douces, moléculaires, singulières, méthodes diffuses de pouvoir que Michel Foucault appelle le « pouvoir pastoral ». On se souvient que, depuis l’avènement des Lumières, un bon nombre de concepts et règles qui relevaient de l’ordre religieux et théologique ont été sécularisés, modifiés, adaptés afin de légitimer non seulement le principe séculier de la raison d’État aux xvie et xviie siècles, mais aussi l’État-providence à la fin du xixe et au début du xxe siècle avec l’État gestionnaire et technocratique. C’est ainsi que le mode de gouvernementalité libérale, loin d’être exclusivement profane et areligieux, fait appel à des techniques de pouvoir « moléculaires », indolores, et discrètes, qui au lieu de soumettre les citoyens à l’ordre démocratique ou au souverain par l’exercice du monopole de violence légitime, entend gouverner la conscience, et recueillir l’adhésion volontaire et passive des sujets. Dans le cadre du pouvoir pastoral, l’ensemble des théories et des pratiques classiques de la souveraineté (du roi, du prince, du peuple), les principes de philosophie politique de commandement de l’arkhè, tout comme les théories marxistes et juridiques, font défaut, dans la mesure où les techniques de direction et de gouvernement des âmes et consciences échappent aux formes modernes de commandement et d’obéissance. Tout comme le faisait remarquer Michel Foucault, « gouverner », ce n’est pas la même chose que « régner », ce n’est pas non plus la même chose que « commander », ce n’est pas, enfin, la même chose que « faire la loi ».

Michel Foucault énonce l’originalité de ce pouvoir pastoral qu’il caractérise comme « micro » et le distingue des pratiques et

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des théories modernes du pouvoir qu’il désigne comme « macro ». Le pouvoir pastoral est « une étrange technologie de pouvoir traitant l’immense majorité des hommes en troupeau avec une poignée de pasteurs ». À la différence de la souveraineté, il ne s’exerce pas sur un territoire (cité, royaume, principauté, République), mais sur une « multiplicité en mouvement » (« troupeau » pour les pasteurs de l’Église et « population » pour les élus de la République). Le pouvoir pastoral, tout comme le biopouvoir des corps et le gouvernement de « la vie nue » chez Giorgio Agamben, s’applique aux « sujets vivants », leurs comportements quotidiens, leur subjectivité et leur conscience, en établissant des rapports complexes et sociétaux. Alors que la gestion de la crise sanitaire met en exergue la montée en puissance de l’expertocratie et de la médicalisation de la vie quotidienne, refait surface la figure emblématique et sacerdotale du pasteur qui, selon Foucault, n’est fondamentalement ni un policier, ni un juge, ni un juriste, mais un « médecin » qui use d’un pouvoir « bienfaisant ». Il soigne à la fois le troupeau et les brebis du troupeau, qu’il prend en charge une à une. À la différence de la souveraineté politique et de l’ordre juridique fondés sur la soumission à la loi, ce pouvoir pastoral s’exerce de manière collective, et de manière « distributive » (« d’individu à individu »). Le pouvoir pastoral a recours à des techniques d’individualisation, par le biais d’une « économie subtile des âmes » qui combine des mérites et les fautes-omissions, créant une relation de dépendance intégrale, un rapport de soumission non pas à la loi ou à des principes « raisonnables », en privant l’individu de sa libre volonté. Ce pouvoir pastoral qui ne s’appuie pas sur les technologies répressives est vérifiable dans le milieu de la santé, où la pratique de la confession, des techniques de l’aveu, de l’examen de conscience, est largement utilisée à des fins de normalisation en agissant sur la sensibilité de chaque sujet. Ainsi, le pasteur doit « rendre compte de tous les actes de chacune des brebis, de tout ce qui a pu leur arriver à chacune d’entre elles, de tout ce qu’elles ont pu faire à chaque moment de bien ou de mal ».

Parallèlement à la gouvernance biopolitique qui s’exerce au niveau global, visible et normative, le pouvoir pastoral, lui, s’exerce au niveau microlocal, hors de l’espace public. D’autre part, par-delà les hiérarchies d’argent, de richesse, de statut ou de naissance propre aux oligarchies libérales et capitalistes au niveau global, le pouvoir pastoral, qui opère dans l’opacité de la relation privée (d’individu à individu, d’institution à individu), dans le quotidien de l’usine, de l’école, de l’hôpital, génère des relations de pouvoir des hiérarchies, plus subtiles et beaucoup moins transparentes, qui sont à la base de la servitude volontaire, dans la mesure où il soumet le sujet qui renonce à toute forme de volonté autonome à des réseaux où chacun asservit l’autre, et où tout le monde est asservi à tout le monde.

Jure Georges Vujic (Polémia, 13 avril 2021)

Notes:

Giorgio Agamben, Homo Sacer – I. Le pouvoir souverain et la vie nue, Paris, éditions du Seuil, 1997.

Michel Foucault, Sécurité, territoire, population, Paris, Seuil, 2004.

Michel Foucault, « Omnes et singulatim », in Dits et écrits, tome II.

Michel Foucault, « Histoire de la médicalisation », C.N.R.S. Editions, « Hermès, La Revue », 1988/2, n° 2.

François-Bernard Huyghe, Les Experts ou l’Art de se tromper de Jules Verne à Bill Gates, Paris, Plon, 1996.

Tendances mondiales 2040

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Tendances mondiales 2040

Leonid Savin

Ex : https://katehon.com/

La communauté du renseignement américaine a publié son septième rapport sur les prévisions politiques de l'avenir

Le résumé du document indique que le principal facteur influençant les processus géopolitiques dans le monde sera la démographie. Il indique que "les tendances les plus nettes au cours des 20 prochaines années seront des changements démographiques majeurs, la croissance de la population mondiale ralentissant et le monde vieillissant rapidement. Certains pays développés et en développement, notamment ceux d'Europe et d'Asie de l'Est, vieilliront plus vite et connaîtront un déclin démographique qui aura des effets négatifs sur la croissance économique. En revanche, certains pays en développement d'Amérique latine, d'Asie du Sud, du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord bénéficient d'une augmentation de leur population en âge de travailler, ce qui offre des possibilités de dividende démographique combiné à des améliorations des infrastructures et des compétences. Le développement humain, notamment la santé, l'éducation et le bien-être des ménages, a entraîné des améliorations historiques dans toutes les régions au cours des dernières décennies. De nombreux pays auront du mal à tirer parti de ces avancées, voire à les maintenir. Les améliorations passées se sont concentrées sur les fondements de la santé, de l'éducation et de la réduction de la pauvreté, mais les prochains niveaux de développement sont plus complexes et doivent faire face aux vents contraires de la pandémie de COVID-19, à une croissance économique mondiale potentiellement plus lente, au vieillissement des populations et aux effets des conflits et du climat. Ces facteurs mettront les gouvernements au défi de fournir l'éducation et les infrastructures nécessaires pour stimuler la productivité de leurs classes moyennes urbaines croissantes dans l'économie du XXIe siècle. Alors que certains pays font face à ces défis et que d'autres échouent, l'évolution des tendances démographiques mondiales exacerbera presque certainement les inégalités des chances économiques au sein des pays et entre eux au cours des deux prochaines décennies, et créera des pressions et des différends plus importants en matière de migration."

L'épidémie du coronovirus fait l'objet d'une discussion spécifique et est présentée dans une section séparée. Selon les auteurs, elle a entraîné de nouvelles incertitudes en matière d'économie, de gouvernance et de technologie. Ses effets se feront encore sentir dans les années à venir. Il est également souligné que les précédents rapports de renseignement avaient prédit de nouvelles maladies potentielles et des scénarios de pandémie, mais qu'ils ne donnaient pas une image complète de ce que COVID-19 provoquerait et de son impact sur la société.

Globalement, la pandémie a entraîné les processus suivants :

- les tendances économiques catalysées par les quarantaines et les fermetures de frontières ; - la montée du nationalisme et de la polarisation ;

- l'aggravation des inégalités ; - le déclin de la confiance dans les gouvernements ;

- la faiblesse et l'échec exemplaires d'organisations internationales comme l'ONU et l'OMS ; et

- la montée des acteurs non gouvernementaux.

Pour cette raison, il est suggéré que "dans ce monde plus contesté, les communautés se divisent de plus en plus, les gens cherchant la sécurité auprès de groupes partageant les mêmes idées et basés sur des identités établies ou nouvellement connues; les États de tous types et de toutes régions luttent pour répondre aux besoins et aux attentes de populations plus connectées, plus urbaines et plus puissantes; et le système international est plus compétitif, en partie à cause des défis posés par la montée en puissance de la Chine, et plus exposé aux conflits, car les États et les acteurs non étatiques exploitent de nouvelles sources de pouvoir et érodent les normes et institutions de longue date qui ont assuré une certaine stabilité au cours des dernières décennies. Cependant, ces dynamiques ne sont pas figées à perpétuité, et nous envisageons de nombreux scénarios plausibles pour le monde de 2040, d'une renaissance démocratique à une transformation de la coopération mondiale motivée par une tragédie partagée, en fonction de la façon dont ces dynamiques interagissent et des choix que les gens font en cours de route."

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Les auteurs réduisent les scénarios futurs à cinq thèmes. Les défis mondiaux, du changement climatique aux maladies en passant par les crises financières et les catastrophes d'origine humaine, se présenteront avec une fréquence et une intensité accrues dans pratiquement toutes les régions et tous les pays. La croissance continue de la migration, qui augmentera d'une centaine de millions en 2020 par rapport à 2000, affectera à la fois les pays d'où proviennent les flux et les pays où ils séjournent. Les systèmes de sécurité nationale des États devront s'adapter à ces changements. La fragmentation croissante affectera les sociétés, les États et le système international. Malgré un monde plus interconnecté grâce à la technologie, les gens seront divisés selon des lignes différentes. Le principal critère sera une communauté de vues, de croyances et de conceptions de la vérité.

Cela entraînera un déséquilibre. Le système international aura peu de moyens pour répondre à ces défis. Au sein des nations, l'écart entre les demandes des populations et les capacités des gouvernements et des entreprises va se creuser. Des manifestations de rue auront lieu dans des endroits allant de Beyrouth à Bruxelles en passant par Bogota. La concurrence au sein des sociétés s'intensifiera, entraînant des tensions accrues. Au sein des nations, la politique sera plus controversée. Dans la politique mondiale, la Chine défiera les États-Unis et le système international occidental. L'adaptation sera à la fois un impératif et une source clé d'avantages pour tous les acteurs du monde.

De la technologie à la politique démographique, toutes seront utilisées comme stratégies pour améliorer l'efficacité économique, et les pays qui réussiront seront ceux où le consensus social et la confiance pourront être atteints. Les auteurs suggèrent donc de prêter attention aux paramètres de la démographie, de l'environnement, de l'économie et du développement technologique, car ce sont eux qui détermineront les contours du monde futur. L'urbanisation va se poursuivre et, d'ici 2040, deux tiers de la population mondiale vivront dans des villes. Le nombre de villes de plus d'un million d'habitants va également augmenter. L'urbanisation ne sera pas nécessairement synonyme d'amélioration de la qualité de vie. L'Afrique subsaharienne représentera environ la moitié et l'Asie du Sud environ un tiers de l'augmentation de la pauvreté urbaine.

En somme, les problèmes de pauvreté promis depuis les hautes tribunes de l'ONU il y a plus de 20 ans (par exemple, les objectifs du millénaire pour le développement ou le programme de développement durable) non seulement subsisteront, mais seront exacerbés. Les niveaux de manque d'éducation, d'accès aux services de santé, de logement, etc. continueront à augmenter. La section sur la dynamique du système international se concentre sur la rivalité entre la Chine et les États-Unis, qui auront la plus grande influence et prendront des positions différentes sur le futur système mondial. Toutefois, leur concurrence ne sera pas aussi intense qu'à l'époque du monde bipolaire avec l'URSS et les États-Unis, car il existe déjà davantage d'acteurs capables d'affirmer leurs propres intérêts, notamment dans leur propre région.

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Les pays les plus susceptibles d'en bénéficier sur le plan géopolitique et économique sont l'UE, l'Inde, le Japon, la Russie et le Royaume-Uni. Et la Corée du Nord et l'Iran sont désignés comme des fauteurs de troubles, qui apporteront plus d'incertitude et de volatilité en affirmant leurs intérêts. Il est également noté que "la Chine et la Russie vont probablement essayer de continuer à influencer les populations américaines et européennes en promouvant des récits sur le déclin de l'Occident. Ils sont également susceptibles d'étendre leur influence dans d'autres régions, comme l'Afrique, où ils sont déjà tous deux actifs".

Il est logique de citer l'intégralité de l'article sur la Russie, qui donnera un aperçu de la façon dont la communauté du renseignement américaine voit notre pays et comprend la politique russe. "La Russie restera probablement une puissance perturbatrice pendant une grande partie ou la totalité des deux prochaines décennies, même si ses capacités matérielles diminuent par rapport à celles des autres grands acteurs. Les avantages de la Russie, notamment ses importantes forces militaires conventionnelles, ses armes de destruction massive, ses ressources énergétiques et minérales, sa vaste géographie et sa volonté de recourir à la force à l'étranger, lui permettront de continuer à jouer le rôle de trouble-fête et d'intermédiaire de pouvoir dans l'ancienne Union soviétique et parfois au-delà. Il est probable que Moscou continue à essayer de renforcer les divisions en Occident et de nouer des relations en Afrique, au Moyen-Orient et ailleurs. La Russie est susceptible de rechercher des opportunités économiques et d'établir une position militaire dominante dans l'Arctique à mesure que d'autres pays renforcent leur présence dans la région. Toutefois, avec un climat d'investissement médiocre, une forte dépendance à l'égard de matières premières dont les prix sont potentiellement volatils et une petite économie qui devrait représenter environ 2 % du produit intérieur brut (PIB) mondial au cours des deux prochaines décennies, la Russie pourrait avoir du mal à projeter et à maintenir son influence à l'échelle mondiale. Le départ du président Vladimir Poutine du pouvoir, que ce soit à la fin de son mandat actuel en 2024 ou plus tard, pourrait fragiliser davantage la position géopolitique de la Russie, notamment en cas d'instabilité intérieure. De même, la réduction de la dépendance énergétique de l'Europe à l'égard de la Russie, que ce soit par le biais des énergies renouvelables ou de la diversification vers d'autres fournisseurs de gaz, minerait les revenus et le pouvoir global du Kremlin, surtout si cette réduction ne peut être compensée par des exportations vers les consommateurs d'Asie.

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Outre la Chine, l'Inde, l'UE et le Royaume-Uni mentionnés précédemment, les puissances régionales qui tenteront d'obtenir des avantages et d'agir en tant qu'acteur influençant la stabilité régionale sont l'Australie, le Brésil, l'Indonésie, l'Iran, le Nigeria, l'Arabie saoudite, la Turquie et les Émirats arabes unis. Outre les États, les ONG, les groupes religieux, les grandes entreprises technologiques et d'autres acteurs non étatiques seront très actifs sur la scène internationale. Disposant de ressources, ils construiront et promouvront des réseaux alternatifs qui, en fonction de leurs fonctions et de leurs tâches, concurrenceront ou aideront les États. Dans le même temps, les organisations mondiales interétatiques qui servaient auparavant à maintenir l'ordre international dirigé par l'Occident, notamment l'ONU, la Banque mondiale et l'OMC, vont décliner. Les dirigeants préféreront les coalitions ad hoc et les organisations régionales. En outre, le leadership occidental dans les organisations intergouvernementales sera érodé, la Russie et la Chine sapant délibérément les initiatives occidentales. Le rapport mentionne l'initiative "Belt and Road", l'OCS, la nouvelle banque de développement et le partenariat économique global régional. Quant aux conflits futurs, malgré la volonté des grandes puissances d'éviter une guerre totale, le risque de conflit interétatique sera plus élevé qu'auparavant en raison des nouvelles technologies, de l'élargissement de l'éventail des cibles, du nombre accru d'acteurs, de la complexité accrue de la dynamique de dissuasion de l'ennemi et de l'affaiblissement des normes. Le spectre des conflits peut aller de la coercition économique et des cyberopérations (non cinétiques) à la guerre hybride, y compris le recours à des insurgés, des sociétés privées et des troupes par procuration, en passant par l'utilisation de forces militaires régulières et d'armes nucléaires (conventionnelles et stratégiques). Le terrorisme n’est guère abordé : les auteurs ont fait preuve de peu d'imagination et se sont limités aux structures djihadistes mondiales connues, aux groupes chiites irano-libanais, ainsi qu'aux groupes classiques de gauche et de droite en Europe, aux États-Unis et en Amérique latine.

En conséquence, cinq scénarios sont proposés. "Trois d'entre eux dépeignent un avenir dans lequel les défis internationaux deviennent progressivement plus sérieux et les interactions sont largement déterminées par la rivalité entre les États-Unis et la Chine. Dans le scénario des démocraties montantes, les États-Unis ouvrent la voie. Dans le monde à la dérive, la Chine est l'État leader mais pas dominant au niveau mondial, et dans la coexistence compétitive, les États-Unis et la Chine prospèrent et se disputent le leadership dans un monde bifurqué. Les deux autres scénarios impliquent des changements plus radicaux. Tous deux découlent de ruptures mondiales particulièrement graves et remettent en question les hypothèses relatives au système mondial. La rivalité entre les États-Unis et la Chine est moins centrale dans ces scénarios, car les deux nations sont obligées de s'attaquer à des défis mondiaux plus vastes et plus graves et constatent que les structures actuelles sont inadéquates pour relever ces défis. Les différents ‘’bunkers géo-spatiaux’’ indiquent un monde dans lequel la mondialisation s'est effondrée et où des blocs économiques et des alliances de sécurité apparaissent pour protéger les États des menaces croissantes. Tragédie et mobilisation énoncent une histoire de changement ascendant et révolutionnaire au milieu de crises environnementales mondiales dévastatrices."

Bien entendu, en plus d'essayer de se projeter dans l'avenir en se basant sur les statistiques disponibles et les observations des décennies précédentes, la communauté du renseignement américaine avait d'autres objectifs:

1) identifier des menaces spécifiques afin que les autorités américaines (ainsi que les partenaires de Washington) puissent se concentrer sur celles-ci et allouer les ressources nécessaires aux contractants appropriés ; et

2) diaboliser certains États, idéologies et systèmes politiques. Car on voit bien l'inquiétude que suscite le déclin du système international qui a profité à l'Occident jusqu’ici. Et s'il y a des changements majeurs qui réduisent le rôle des États-Unis et de l'UE, cela sera perçu positivement dans la plupart des pays.

Alors que les deux précédents rapports sur les tendances mondiales faisaient référence à la multipolarité, celui-ci la lit entre les lignes. Probablement en raison de la multipolarité qui s'incarne progressivement, les auteurs ont tenté d'éviter ce terme, mentionnant simplement les alliances régionales sur fond de fragmentation mondiale. D'autre part, prévoir 20 ans à l'avance est une chose douteuse et ressemble plus à de la science-fiction qu'à une modélisation géopolitique.

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Le célèbre scientifique américain Steve Fuller (photo), par exemple, relève plusieurs dispositions qui nient la possibilité même de la prédiction :

1) l'avenir est en principe inconnaissable parce qu'il n'existe pas encore et qu'on ne peut connaître que ce qui existe ;

2) l'avenir sera différent à tous égards du passé et du présent, peut-être en raison de l'indétermination de la nature, à laquelle la liberté de la volonté humaine contribue également de manière importante ;

3) les effets de l'influence mutuelle de la prédiction et de ses résultats sont si complexes que chaque prédiction génère des conséquences involontaires qui feront plus de mal que de bien. Par conséquent, chacun peut tirer des conclusions de ce rapport en fonction de ses opinions et préférences personnelles.

La insubordinación de España: un livre indispensable pour les Espagnols sur la brèche

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La insubordinación de España: un livre indispensable pour les Espagnols sur la brèche

José Antonio Bielsa Arbiol

Ex : http://adaraga.com/

En l'absence d'une perspective adéquate, nous ne disposons pas encore d'un canon exportable pour la philosophie espagnole du premier quart du 21ème siècle. Malgré cela, nous ne risquerons rien si nous affirmons catégoriquement, ici, que Carlos X. Blanco deviendra (avec le temps) l'un des noms les plus importants de ce canon, qui est actuellement en voie de constitution.

L'auteur d'œuvres aussi différenciées (et remarquables) que La Caballería Espiritual, De Covadonga a la nación española ou les récents Ensayos antimaterialistas, ne doit pas être confondu avec cette légion creuse de plumitifs lacaniens qui travaillent dans la ferme de Doña Ideosofía (tout en versant du sirop marxisto-culturel et du politiquement correct dans chacune de leurs déjections intellectuelles gélatineuses).

Carlos X. Blanco est un métaphysicien habile qui a écouté la voix profonde  des montagnes: d'abord comme esthète (il le démontre dans son œuvre narrative), puis comme penseur ontologique, dans la lignée qui va de Parménide et Aristote à Spengler et autres penseurs similaires ; ses préoccupations tournent donc autour du principe d'identité : il n'est pas possible de jeter les bases d'une révolte contre le monde moderne si l'on n'a pas forgé au préalable un support doctrinal correctement stable, c'est-à-dire systématique. Ce support était déjà codifié dans la production littéraire et académique de notre auteur. Et s'il manquait encore quelque chose, voici que paraît La insubordinación de España, la quintessence de ses préoccupations ultimes sur l'Être (avec une majuscule) et l'énigme historique de l'Espagne, préoccupations ultimes qui  oscillent entre la philosophie de l'histoire et la sociologie prédictive.

La insubordinación de España comporte un heureux prologue-manifeste du grand journaliste Raúl González Zorrilla, suivi des quatre parties qui réunissent les principales thèses de l'ouvrage. Comme notre objectif n'est pas d'"éviscérer" le contenu du livre, nous nous contenterons d'annoter certaines des idées qui ressortent, explicitement ou non, du livre.

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L'idée maîtresse que le livre illustre est peut-être que "le déclin de l'Europe n'est pas une copie exacte du déclin du monde classique ou du déclin de la Renaissance gothique-scolastique qui a débuté au 14ème siècle. Le déclin de l'Europe s'apparente à un tremblement de terre cosmique. Un séisme cosmique, c'est-à-dire un point de rupture sans possibilité de récupération: une catastrophe sublimée dont il ne restera que des particules de poussière après la démolition culturelle convenue par le Grand Capital. "L'économie capitaliste mondialisée et la technolâtrie menacent sérieusement la possibilité de survie de l’âme humaine. L'Homo sapiens simplement biologique pourra survivre, en laissant de côté les catastrophismes sur la guerre nucléaire ou la non-durabilité écologique...". Les quatre parties évoquées, successivement et par complémentarité, traitent des précédents de ce tremblement de terre, et très concrètement de ses préparatifs sur la scène espagnole : "L'Espagne va tomber", "Le meurtre de l'Espagne", "L'Espagne comme katehon" et "Notre nouveau et infâme 711". Dès leur titre, on peut deviner leur contenu, qui est percutant à tous égards, mais surtout instructif.

Cependant, il y a dans le livre de Carlos X. Blanco une idée fixe qui nous ramène à la philosophie pessimiste de l'histoire d'Emmanuel Kant, qui, dans la huitième proposition de son Idée d’une histoire universelle du point de vue cosmopolitique, établirait qu'"il y a donc une scission au cœur de l'histoire, entre ce qui est vécu par les individus, leurs passions, leurs luttes, leurs ambitions, et ce qui se passe au-delà d'eux sur le plan universel, l'exécution d'un plan caché de la nature pour établir une constitution qui régit parfaitement la politique intérieure et aussi, dans le même but, la politique extérieure".

Sur cette question capitale, impossible à appréhender aujourd'hui dans sa totalité en raison de l'hyper-fragmentation des connaissances et de la tyrannie du virtuel, s'ancre la problématique métaphysique existante qui assomme l'Espagnol ordinaire : ce sujet déconnecté de son passé, moralement infirme et intégralement malade à force de prendre soin de sa santé physique, est une aberration anthropologique pour l'Espagne, puisqu'il nie la nature substantielle même de l'être espagnol. La majeure partie des Espagnols d'aujourd'hui, cette masse somnolente, bipède et archaïque de l'après-Régime de 1978, pleurnicharde et amorphe, sans racines et apostate, brise par sa simple (in)existence la dignité de l'Espagnol historique et extemporané, cette figure robuste dont le passé glorieux n'est conservé que dans nos dépôts doctrinaux (littérature, art, architecture, etc.).

Une main invisible, en somme, gouverne les destinées de chaque Espagnol bâillonné et à jamais régressé: il semblerait que le prix de notre sauvetage soit inabordable, et qu'en devenant une masse en perdition (donc après trois siècles d'infiltration maçonnique progressive et de libéralisme prédateur), nous ayons perdu la dernière prise spirituelle solide pour nous protéger contre la froidure métallique postmoderne. Il y a un plan caché, comme l'a justement clarifié Kant, qui échappe à nos prévisions et même à notre destin historique (le non-être), non plus celui de la nation oublieuse de ses morts, mais celui d’une entité solidaire inexistante qui meurt dans les ruches sombres de nos villes agonisantes, où les lumières criminelles des télévisions illuminent les visages mortuaires des derniers Espagnols... vivants.

Contre cette catastrophe de l'esprit se bat l’auteur de La insubordinación de España, un texte qui propose des solutions et un diagnostic. Je remercie l'auteur d'avoir osé philosopher debout, devant les ruines, sans corsets conventionnels ni autres outils d'autocensure.

Carlos X. Blanco: La insubordinación de España. Letras Inquietas (Abril de 2021)

José Antonio Bielsa Arbiol

José Antonio Bielsa Arbiol est un historien, philosophe, critique de cinéma, enseignant et écrivain. Il est titulaire d'une licence en histoire de l'art et d'une licence en philosophie de l'université de Saragosse. Il publie régulièrement des articles et des essais dans des magazines, des journaux de presse et des journaux numériques sur différents sujets, et écrit également des scénarios de films, des romans, des nouvelles et de la poésie. Il est marié et vit à Saragosse où il enseigne la philosophie.

Les convulsions du sens, réflexions métapolitiques…

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Les convulsions du sens, réflexions métapolitiques…

Cet article se veut une sorte de conclusion de deux précédents…et une introduction à un débat diversifié. La tonalité provocatrice est délibérée dans l’espoir de susciter des réactions…hors normes habituelles.

Nous pensons que le présent, quel que soit le regard porté, est sans issue. Ceux qui prétendent détenir des solutions se voient démentis par la réalité, nonobstant la jouissance (y compris matérielle : les médiacrates etc..) qu’ils tirent de leurs illusions…partagées. Il n’y a pas de solution sociale, pas plus que de solution nationale, à la situation actuelle. En premier lieu parce que la dite « société » n’est plus qu’un agglomérat de milieux, institutions, etc … sans langage commun et donc sans possibilité de partage.

Ensuite parce que n’apparaissent pas les luttes qui créent le langage d’un nouvel ordre social.

L’ordre LIDL que nous connaissons, fait de consommation dénuées de goûts et de loisirs « low-cost » n’agonise que très lentement. L’empire romain a connu plusieurs siècles (2-3), d’épidémies (bien réelles), d’invasions et de famines avant de se disloquer et de s’effondrer.

L’impasse du présent est fortement déniée aussi perceptible qu’elle soit : Alors ?

Caractériser comme « société » voire « communauté nationale » le conglomérat d’étrangers au milieu duquel nous errons est une usurpation langagière et conceptuelle. Les relations familiales se dissolvent, de flirt en divorce, de concubinages en recompositions. Les solidarités familiales en pâtissent mais l’autisme promu du sujet triomphant et « je suis ce que je suis » (c’est-à-dire pas grand-chose) y contribue largement.

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Mais au-delà ce sont toutes les formes sociales constitutives d’une authentique civilisation qui se désintègrent. Cette corrosion a frappé le « peuple travailleur » : le prolétariat n’existe plus, les uns et les autres n’ayant plus rien à partager (hormis le jaune éphémère d’un gilet). La mise en œuvre d’un assistanat généralisé (RSA etc…) et d’un intérim étendu dissout les solidarités potentielles par l’éphémère relationnel.

Et ce flottement social a également produit la ban-localisation (Renaud Camus) dissolvant les liens de quartiers et promouvant la « zonification » commerciale.

En somme, et pour résumer tout cela, l’ordre du travail fût l’ordre d’un monde. Sa ruine révèle la nouvelle forme d’organisation sociale : la distribution mondiale de la production et la promotion des zones les plus productrices de plus-value (l’Afrique, l’Asie…) avec touristification commerciale du reste du monde, (la mine de Carmaux, cf : J.Jaurès a été reconvertie en musée Cap découverte) et pôle de loisirs avec coups de grisou itératifs et distractifs. Rappelons en passant la réunion en 1960 du Club de Rome et Sicco Mansholt, et sa distribution des rôles des régions d’Europe au niveau du tourisme ou autres, de Zbigniew Brezinski sur la « théorie des inutiles » : il y a ceux qui consomment et ceux qui produisent et ceux qui produisent et consomment (à lire à ce propos le livre de David Graeber : Bullshit Jobs sur les emplois inutiles et non productifs).

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Pour conclure sur ce sujet, et nous prolongeons Graeber, disons que le seul but de l’économie est la production de marchandises à des fins de multiplications des bénéfices : le sens et l’utilité sont désormais caducs ou obsolètes.

Face à cela, que peut-on faire et quel monde promouvoir ? Peut-on croire en une réforme de la société existante, voire en une révolution comme le crurent voici quelques décennies les adeptes des fascismes ou des communismes ? Quels combats politiques sont porteurs de sens:que peut changer l’élection proportionnelle ? Le frexit a t-il un sens ? etc…

Que toutes ces revendications ou réformes (ou mesures telles que suppressions de la GPA-PMA etc..) aient un sens et réjouissent les citoyens qui s’agrègent autour de telles réalités postulées peut se concevoir. Mais qui, sérieusement, peut imaginer que promouvoir la société des années 60  (ou 80 selon l’âge des promoteurs) aura un sens historique durable, restaurateur d’une civilisation…

D’aucuns affirment, et d’autres ont écrit, qu’il n’y avait d’autre espoir que l’effondrement de la société marchande (et spectaculaire), afin que renaisse une humanité se forgeant une identité authentique.

Est-ce absurde ?

Après la venue du rédempteur, beaucoup espèrent en la victoire d’une incarnation de l’identité nationale, du peuple etc…Eric Zemmour, (Jean Messiha et Marion Marechal) en seront la personnification. Je meurs d’envie de poser la question à cet ami de sa conception de la remigration, du frexit et de la reconstruction de l’économie nationale etc… La définition d’une authentique démocratie : le pouvoir du peuple ? La structure sociétale…

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Et comment pour ce faire, échapper à la tutelle de la CEE, de la Davocratie… ?

En somme les questions fondamentales sont celles de la liberté d’agir dans la société mondialisée et la prison Europe (CEE) c’est-à-dire la définition de la Souveraineté et de la définition  précise du populisme.

A quoi servent les instances politiciennes (Conseil Départemental, Conseil Régional, Parlement, Sénat … ) ?

Ne peut-on pas leur substituer des instances corporatives associées et un référendum systématisé traduisant le pouvoir du peuple.

Souverainisme et Corporatisme (populisme) sont indissociables : Qui en fait la promotion ?

Daniel Cosculluela.

samedi, 17 avril 2021

L'Europe politiquement correcte est une nef de fous

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L'Europe politiquement correcte est une nef de fous

par Lucio Leante

Source : opinione & https://www.ariannaeditrice.it/

En France, la Cour de cassation, en acquittant il y a trois jours Kobili Traoré, un jeune Africain de religion musulmane qui, le 4 avril 2017, a poignardé et jeté par la fenêtre la dame juive Sarah Halimi, parce qu'il était "sous l'emprise d'un délire cannabique", a établi un principe insensé: on peut impunément tuer un être humain, à condition d'avoir fumé du cannabis en abondance. Désormais, les meurtriers en puissance savent comment rester impunis en France: prendre quelques "spliffs" ou plutôt quelques "canons".

Cette dernière circonstance, au lieu de constituer une circonstance aggravante (comme lorsqu'on tue après avoir bu de l'alcool), a même été considérée par la Cour comme une raison d'irresponsabilité. En effet, la Cour a jugé, avec l'aval de certains consultants psychiatriques, que le meurtrier était "sous l'emprise d'un délire dû au cannabis" et donc incapable de comprendre et l'a acquitté. C'est à la fois ridicule et insensé, car le cannabis n'est pas un hallucinogène qui produit des "délires". Le soupçon qui s'est répandu en France après la sentence est que si le meurtrier n'avait pas été un musulman africain qui avait crié "Allah est grand" et "J'ai tué un diable" après avoir tué la victime et si la victime n'avait pas été une femme juive (pour mémoire un médecin à la retraite), le tribunal et les psychiatres consultants auraient décidé différemment. On peut s'interroger: ce genre de folie conduit-il, en France et en Europe, à la crainte, répandue jusque chez les juges et les consultants, d'être accusé d'"islamophobie", le plus "horrible" des péchés du décalogue délirant du politiquement correct européen ?

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Une autre folie est sur le point de se produire en Suède: un projet de loi du gouvernement établit qu'à partir du premier juillet de l'année prochaine, les mariages (généralement arrangés par les familles) célébrés dans les pays du Moyen-Orient entre des hommes mûrs et des jeunes filles mineures, souvent à peine pubères, ou même des fillettes, seront valides. Ils seront valables en Suède, si les juges établissent qu'il existe des "raisons spéciales", c'est-à-dire si ce mariage correspond aux coutumes tribales locales primitives. Le paradoxe est que ces coutumes et ces mariages, habituellement célébrés uniquement dans les mosquées, ne sont pas reconnus par les lois des États d'origine de ces personnes. Ils seront plutôt reconnus en Suède, le summum de la civilisation européenne des droits: une autre folie du multiculturalisme politiquement correct.

La liste des folies européennes pourrait être longue: certaines sont bien connues, d'autres moins. Comment définir sinon comme folie, le délire de ces journalistes et présentateurs de radio et de télévision qui décrivent systématiquement les terroristes islamiques comme de pauvres "victimes de l'Occident", comme cela s'est invariablement produit dans tous les attentats perpétrés en Europe depuis les massacres du 11 septembre 2001 à New York jusqu'à aujourd'hui? Ou encore ce maire de Cologne et ces journalistes allemands qui, après les harcèlements et les viols survenus lors de la nuit de la Saint-Sylvestre (2015-2016), ont eu tendance à défendre avant tout l'image des agresseurs immigrés, ont accusé les femmes d'imprudence tandis que les féministes européennes, toujours prêtes à déchirer leurs vêtements pour chaque viol, ont à cette occasion soit gardé le silence, soit, lorsqu'elles ont parlé, l'ont fait pour blâmer le "machisme universel" et en particulier, bien sûr, le machisme patriarcal occidental.

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Que dire de ces vieux professeurs (tous des ex-soixante-huitards ?) qui condamnent Homère, Dante, Shakespeare, Churchill et même Gandhi (pour ne citer que les plus connus) à la damnatio memoriae et se promènent en décapitant les statues des grands personnages historiques qu'ils accusent de manière anachronique, moralisatrice et abusive de sexisme, de racisme et de colonialisme ? Que dire de ces bureaucrates qui dissimulent le sexe des statues pour ne pas choquer les visiteurs d'un musée, comme cela s'est produit, entre autres, au Campidoglio de Rome en janvier 2015 lors de la visite du Premier ministre iranien Hassan Rouhani ?

Que dire de ces dirigeants politiques et intellectuels européens qui se laissent aller à l'insolence ("vous avez volé ma jeunesse") et qui sont même dirigés par une petite fille comme Greta Thunberg, qui, au lieu d'aller à l'école, passe son temps à hurler, sous l'influence de ses parents et avec la couverture d'un ample et riche lobby, en prédisant une catastrophe climatique imminente pour l'humanité? Comment ne pas qualifier d'insensée l'austère Église protestante de Suède qui a même salué Greta comme "successeur du Christ" alors que sa mère, dans le livre "Scènes du cœur", assure que Greta non moins "peut voir le Co2 à l'œil nu". N'a-t-elle pas des dons surnaturels dignes d'un prophète ?

Que dire de ces centaines de parents, ceux d'un garçon de 7 ans (comme Charlize Theron) ; ou de ceux de la petite fille française de 8 ans, Lilie, et des parents trans d'un garçon de 5 ans, ou de cette mère anglaise d'une petite fille de 3 ans, nommée Callie (qui deviendra plus tard l'enfant Dexter) qui prennent au sérieux la "volonté" de leurs enfants et assurent que leurs enfants veulent changer de sexe et sont "stressés parce qu'avec leur sexe biologique ils ne peuvent pas se sentir eux-mêmes"? Et que dire de ces politiciens, législateurs et experts qui prennent au sérieux le désir supposé d'un enfant de changer de sexe ? Et que dire de ces experts qui assurent que "la variance de genre est naturelle même chez les enfants, parce que certaines espèces de poissons et de plantes le font"? Et ceux qui administrent - tout à fait légalement ! - aux enfants impubères des "bloqueurs hypothalamiques" puis, lorsqu'ils atteignent l'âge de 16-17 ans, des "hormones pro-sexe" qui assurent le "passage du genre"?

N'est-ce pas alors la folie de la féministe trans québécoise Gabrielle Bouchard, avec quelques adeptes parmi les "nouvelles féministes" en Europe, qui a proposé d'imposer la vasectomie à tous les hommes majeurs? Ou celle de l'écrivain féministe qui annonce qu'elle ne lira plus de livres écrits par des hommes; ou celle de l'écrivain afro-américain qui refuse les critiques des Blancs, parce que cela signifierait continuer le colonialisme?

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À la folie s'ajoute le ridicule dans le cas de cette anthropologue qui dénonce, outrée, qu'il y a trop de dinosaures mâles et pas assez de femelles dans les musées, demandant des quotas roses aussi pour ces pauvres bêtes antédiluviennes. Ainsi, le cas de cette théologienne française de soixante-dix ans, Anne Soupa, mariée et mère d'enfants, qui demande à devenir évêque de Lyon relève également de la folie et du ridicule. N'est-il pas à la fois fou et ridicule qu'en Norvège, un membre du Parlement soit poursuivi pour avoir dit que "seules les femmes accouchent"?

Et n'est-il pas également absurde que, comme cela se passe dans plusieurs pays européens, des athlètes masculins demandent à participer à des compétitions sportives féminines au nom de l'identité de genre? N'est-il pas comique, et aussi insensé, qu'en Hollande un homme qui dit se percevoir comme une femme depuis 15 mois demande à entrer dans un couvent de femmes, comme dans les livres d'Aretino, en prenant peut-être exemple sur la Californie, où 270 prisonniers ont demandé, en professant une identité de genre féminine, à être transférés dans une prison pour femmes ?

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La liste des folies de l'Europe et de l'Occident pourrait être longue et pourrait remplir un livre, comme l'a fait l'écrivain français Michel Onfray, en les assimilant dans le titre à une "nef de fous". Mais il faut se demander ce qu'il y a de commun dans les cas que j'ai cités (quelques-uns seulement tirés du livre d'Onfray) et pourquoi ces folies ne se produisent qu'en Occident. Leur origine commune réside dans l'idéologie du soi-disant "politiquement correct", qui est la nouvelle stratégie des ennemis intérieurs de l'Europe et de l'Occident, en particulier des clercs radicaux-chic de la gauche héritière du communisme, qui n'était rien d'autre que "l'abolition de l'état actuel des choses" (comme Karl Marx lui-même l'a défini dans son Manifeste du parti communiste de 1848) et qui est la destruction de la culture et de toutes les institutions européennes. Ces clercs ont changé de cheveux, mais pas de vice, et leur vice est une haine culturelle de l'Europe et de l'Occident, même lorsqu'ils se disent "européistes" et "atlantistes".

vendredi, 16 avril 2021

L'Afrique au-delà des stéréotypes : le nouveau livre de Marco Valle

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L'Afrique au-delà des stéréotypes: le nouveau livre de Marco Valle

par Clemente Ultimo

Ex: https://ilguastatore.edizionireazione.it/2021/04/13/

Raconter le visage de l'Afrique - ou plutôt les différents visages du continent noir - en dépassant les vieux stéréotypes et les récits qui servent à véhiculer une image utile pour nourrir des intérêts souvent opaques: telle est la nécessité qui sous-tend le dernier ouvrage de Marco Valle, Il futuro dell’Africa è in Africa. Le livre - qui fait partie intégrante de la série "Fuori dal coro" (Hors du chœur) publiée et distribuée par le quotidien Il Giornale - s'inspire de la réflexion entamée dans les pages du septième numéro de Il Guastatore, pour tenter de dépasser une vulgate qui voit l'Afrique uniquement et exclusivement comme un continent "exportateur" de personnes désespérées, destinées à alimenter les rangs de la sous-classe en Europe.

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Une vision des ONG qui - parfois de bonne foi, beaucoup plus souvent non - n'est rien d'autre qu'un masque derrière lequel se cachent des intérêts différents et moins nobles que celui de "sauver des vies", à commencer par le maintien d'un état de minorité forcée pour de nombreuses nations du continent. Et pourtant, comme le raconte Valle à l'aide d'une étude de cas vaste et bien documentée, l'Afrique du XXIe siècle n'est pas seulement le "grand malade" de la planète, mais aussi une mosaïque composite de sociétés dynamiques prêtes à relever le défi de la modernité. En faisant aussi son autocritique. La partie la plus attentive et la plus préparée des classes dirigeantes africaines, ayant surmonté l'intoxication idéologique du XXe siècle, ne manque pas en effet de lire la période de décolonisation sous un jour nouveau, comme le souligne Valle en citant la pensée du président du Ghana Nana Akufo-Addo: "notre responsabilité est d'organiser un parcours qui dise "comment nous pouvons développer nous-mêmes notre nation". Il n'est pas normal qu'un pays comme le Ghana, 60 ans après son indépendance, voit encore ses budgets de santé et d'éducation financés sur la base de la générosité et de la charité du contribuable européen. À l'heure actuelle, nous devrions payer nous-mêmes nos besoins essentiels. Nous considérerons les 60 années précédentes comme une période de transition, un chemin à travers lequel nous pouvons maintenant nous tenir."

Une perspective très différente, et beaucoup plus concrète, que l'éternel mea culpa que certains voudraient être la seule approche de l'Europe vis-à-vis du continent africain, dans une sorte d'auto-mortification pérenne et inextinguible qui ne sait pas, ou ne veut pas, regarder vers l'avenir. Un avenir que l'Afrique, en revanche, regarde attentivement, en se fixant des objectifs que peu de gens connaissent en Europe: "Parmi les 25 pays dont l'économie a connu la croissance la plus rapide entre 2007 et 2019 - souligne Valle - 10 étaient africains alors que le PIB de toute la région subsaharienne a augmenté de +54,2% (données du Fonds monétaire international). Un scénario absolument prometteur mais encore fragile et toujours contradictoire et inégalitaire".

C'est précisément cette nature contradictoire de la réalité africaine qui est probablement la seule clé possible pour interpréter ce continent. Il n'y a pas d'Afrique, il y a des Africains. Et Marco Valle les décrit bien dans son ouvrage. Tout comme le manque dramatique de vision - une fois de plus - de l'Union européenne à l'égard du continent noir ressort fortement du texte: il ne suffit pas de déverser de l'argent vers les pays du Sud, il faut avoir une perspective globale. Une perspective qui fait actuellement défaut. Au lieu de cela, c'est la Chine qui est le protagoniste d'une campagne de pénétration sans précédent dans les différentes régions du continent africain.

Dans ce grand jeu, l'Italie en tant qu'État a peu de place, mais beaucoup plus de place pour ceux que Valle appelle "nos courageux capitaines", des entrepreneurs qui, malgré les difficultés, démontrent par leur travail que l'Afrique peut représenter, avec ses réalités dynamiques, une terre de grandes opportunités, sur laquelle greffer des collaborations internationales ayant des effets positifs sur les économies des pays africains et de l'Italie.

Aujourd'hui plus que jamais, il est nécessaire d'aborder l'Afrique avec un nouveau regard, et l'ouvrage de Marco Valle est un guide utile sur cette voie.

Kazakhstan : les États-Unis sont-ils derrière les provocations anti-chinoises ?

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Kazakhstan: les États-Unis sont-ils derrière les provocations anti-chinoises?

Sebastian Gross

Ex : https://xportal.pl/

Les manifestations organisées au Kazakhstan fin mars 2021 contre l'expansion économique chinoise (vous pouvez en savoir plus ici : https://xportal.pl/?p=38905 ) ont donné lieu à de nombreuses spéculations quant à l'identité du bénéficiaire final de ces protestations motivées par la sinophobie. En analysant le volume des investissements étrangers dans la plus grande république d'Asie centrale, on peut arriver à une conclusion inattendue: ce sont les États-Unis qui s'intéressent à la divergence sociopolitique entre le Kazakhstan et la Chine. Comme le disait le gangster américain Al-Capone: « Rien de personnel, c'est juste du business ».

Commençons par les chiffres. Selon le ministère de l'économie du Kazakhstan, les principaux investisseurs dans l'économie de cette ancienne république soviétique au cours des seize dernières années sont trois pays occidentaux: les Pays-Bas, les États-Unis et la Suisse. La Chine occupe la quatrième place en termes d'investissements (la Russie n'est qu'en cinquième position). Quant aux Pays-Bas et à la Suisse, il est clair qu'il s'agit de projets communs de sociétés multinationales qui ne sont "enregistrées" que dans les pays européens mentionnés. À titre de comparaison: les Pays-Bas ont investi 218,6 milliards de dollars au Kazakhstan, tandis que la Chine n'a investi que 19,5 milliards de dollars. Toutefois, examinons les investissements des États-Unis.

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Astana, capitale du Kazkhstan.

La plus grande entreprise à capitaux étrangers au Kazakhstan est la compagnie pétrolière Tengizchevroil, fondée par Chevron (USA), qui détient 50 % des parts, et ExxonMobil (USA), qui détient à son tour 25 % des parts. Il y a un mois, le magazine américain Forbes (1) expliquait que Chevron avait l'intention d'investir 22 milliards de dollars dans le projet Tengiz au Kazakhstan. L'empreinte américaine est également visible dans Karachaganak Petroleum Operating B.V. sous la forme d'une participation de 18 % de Chevron.

La production de cigarettes est la deuxième industrie la plus rentable au Kazakhstan après l'industrie pétrolière. Cette industrie est également dominée par les compagnies de tabac américaines, qui ont organisé des co-entreprises au Kazakhstan: Japan Tobacco International Kazakhstan, Philip Morris Kazakhstan et British American Tobacco Kazakhstan Trading.

Il est clair que la Chine est loin d'être à la hauteur de ce filon pétrolier du Kazakhstan. Pékin s'est contenté de petits investissements dans le développement et l'infrastructure de l'industrie minière et de transformation, dans l'ingénierie mécanique et les entreprises chimiques. En fait, toutes ces industries sont actuellement un terrain trop difficile pour les États-Unis. Le calcul des Américains est simple: semer les ferments de la sinophobie dans la société kazakhe, puis s'inquiéter de "l'occupation chinoise", exprimer des sentiments chaleureux à l'égard du "peuple kazakh épris de liberté" et enfin proposer de mettre le Kazakhstan sous protection. Et ce que signifie l'étreinte chaude et sulfureuse des "partenaires américains" est une chose connue de première main chez nous en Pologne, par exemple.

Cependant, l'initiateur des rassemblements anti-chinois, Zhanbolat Mamay, du Parti démocratique du Kazakhstan (opposition), ne compte pas baisser les bras. Après l'action de protestation, il a écrit un appel révolutionnaire sur Facebook (2): "La lutte continue! Nous ne permettrons pas la substitution de notre patrie!". L'opposant a noté que "les autorités ont tellement peur" qu'elles ont même coupé l'Internet à Almaty.

"Cela signifie que l'esprit du pays ne s'est pas éteint, nous sommes prêts à nous battre!" - il a continué à faire un appel émotionnel aux personnes qui pensent comme lui. "Nous ne restons pas assis à la maison quand le pays est en danger! Nous devons continuer à lutter contre l'expansion chinoise. Bien sûr, le problème ne peut être résolu par une seule protestation. Ce n'est qu'un des premiers pas vers une grande bataille. Il faut sauver notre pays, notre gouvernement doit revenir à la raison car il est endetté auprès de la Chine et met en péril notre indépendance !"

Tout cela signifie seulement que la lutte américano-chinoise pour les ressources dans ce pays le plus riche en minéraux d'Asie centrale sera permanente. La question intéressante, bien sûr, est de savoir s'il y a une place pour la souveraineté du Kazakhstan dans cette bataille.

***

« Solidarité kazakh » : la résistance à l'expansion chinoise s'accroît en Asie centrale

Au Kazakhstan, la plus grande république d'Asie centrale, un rassemblement contre l'expansion chinoise a eu lieu. L'action de protestation s’est déroulée le 27 mars 2021 à Almaty. Elle a été initiée par un politicien de l'opposition, Zhanbolat Mamay, du Parti démocratique du Kazakhstan. Sur sa page sur Facebook [1], l'opposant prévient :

"Les autorités ne diffusent pas trop d'informations sur les 56 usines chinoises au Kazakhstan. À l'avenir, cela deviendra une menace majeure pour l'indépendance de notre pays. La Chine ne donnera pas des milliards de dollars gratuitement. Ce n'est que le début de l'expansion économique et démographique. Les usines chinoises ne sont pas construites pour les travailleurs du Kazakhstan".

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Zhanbolat Mamay.

À titre d'exemple, Zhanbolat Mamay a cité les pays africains, où une expansion chinoise similaire s'est déjà révélée être un poison pour la souveraineté des républiques du continent noir. "La Chine a investi des centaines de milliards de dollars dans ces pays. En conséquence, les gouvernements africains sont totalement dépendants de Pékin. Ils y ont même ouvert leurs bases militaires ".

Expliquer que depuis 2017 seulement, dans la République est-africaine de Djibouti, a été rendue opérationnelle la première base étrangère de la marine chinoise. Toutefois, selon des sources ouvertes, l'intérêt de la Chine est également lié aux infrastructures d'autres ports militaires dans des pays africains tels que l'Angola (port de Lobitu), le Kenya (Lamu et Mombasa), le Mozambique (Beira et Maputo), la Tanzanie (Bagamoyo) et l'Érythrée (Massawa). La plupart de ces ports sont déjà utilisés par les navires d'approvisionnement chinois.

Il est difficile de contester la logique qui sous-tend les déclarations de l'homme politique d'opposition kazakh. Tout en appelant à un rassemblement anti-chinois, il pose également de bonnes questions: "Croyez-vous que le Kazakhstan, qui enverrait ses cadres dans la lointaine Afrique, en dépensant des dizaines de milliards de dollars, ne s'ingérerait pas dans l'économie, la politique et les affaires intérieures de son peuple ?".

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Toutefois, les sinophobes kazakhs ont aussi leurs adversaires, qui font valoir que, premièrement, l'Afrique est très éloignée et que, deuxièmement, les relations économiques entre le Kazakhstan et la Chine sont mutuellement bénéfiques, ce qui est lié au chiffre d'affaires commercial en constante augmentation. Cependant, les partisans du Parti démocrate ont un contre-argument fort, arguant d'une sorte d'"agression cachée" de la part de Pékin. Ils font référence aux "camps de concentration du Xinjiang", dont le nom officiel en Chine est "camps de rééducation", par lesquels sont passés des dizaines de milliers de Kazakhs vivant dans la région autonome ouïgoure du Xinjiang en RPC.

"La population du Xinjiang n'est pas inférieure à celle du Kazakhstan. Cela signifie que Pékin transforme l'ensemble de l'État en un camp de concentration. Comment peut-on rester assis et regarder ça ? Lorsqu'il s'agit d'intérêts nationaux, nous devons tous être unis et solidaires. Nous avons besoin d'un parti de résistance pour arrêter l'expansion chinoise. Si nous ne prononçons même pas un mot pour l'instant, quand allons-nous enfin élever la voix? Combien de temps allons-nous rester sous la couette sans nous inquiéter pour chacun d'entre nous?" Force est de constater que les propos tenus par l'opposant kazakh sont similaires à ceux de l'époque de ‘’Solidarité’’ en Pologne, si l'on remplace "Chinois" par "Soviétiques".

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Outre les appels lancés sur les réseaux sociaux, les opposants à l'influence chinoise organisent des manifestations dans les rues des grandes villes kazakhes. Certes, la police n'a pas encore supprimé la propagande d'agitation, mais il faut se souvenir que Zhanbolat Mamay a été arrêté pendant trois jours en février 2021. Pour des appels similaires à un rassemblement illégal. On peut s'attendre à ce que, cette fois, les autorités kazakhes neutralisent l'opposant, ce qui, bien entendu, ne résoudra pas le problème global de la domination économique de la Chine sur le Kazakhstan voisin.

Sebastian Gross pour Xportal.pl

[1] https://www.facebook.com/zhanbolat.mamay/posts/3963018753740950

Guerre pour les eaux du Nil

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Guerre pour les eaux du Nil

Elshakasha Mahmoud Abdalkawi

Ex : https://www.geopolitica.ru/

En 2011, l'Éthiopie a annoncé son intention de construire un barrage sur les rives du Nil bleu, appelé barrage Heidasi, à 20-40 km de la frontière soudanaise, d'une capacité d'environ 16,5 milliards de mètres cubes. Il a été confié à l'entreprise italienne Salini par une commande directe, et a été nommé Projet X, mais le nom a rapidement été changé en ‘’Grand barrage du millénaire’’. La pose de la première pierre a eu lieu le 2 avril 2011, puis le nom a été changé pour la troisième fois le même mois pour devenir le barrage ‘’Great Ethiopian Renaissance Dam’’.

Le principal objectif du barrage est de produire de l'électricité pour compenser la grave pénurie d'énergie en Éthiopie, ainsi que d'exporter de l'électricité vers les pays voisins. Le barrage devrait être la plus grande centrale hydroélectrique d'Afrique et la septième au monde, avec une capacité prévue de 6,45 GW.

Le remplissage du réservoir a commencé en juillet 2020 et sa réalisation devrait prendre entre 5 et 15 ans, en fonction des conditions hydrologiques pendant la période de remplissage et également en fonction des accords qui seront signés entre l'Égypte, l'Éthiopie et le Soudan.

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Historiquement, les pays du bassin du Nil étaient autrefois des colonies de pays étrangers, puis ils ont acquis leur indépendance, et les premiers accords sur le partage des eaux du Nil ont été conclus en 1902 à Addis-Abeba entre la Grande-Bretagne en tant que représentant de l'Égypte et du Soudan, d’une part, et l'Éthiopie, d’autre part ; ils stipulaient qu'aucun projet ne devait être établi sur le Nil Bleu ou le lac Tana et la rivière Sobat.

Puis, en 1929, un autre accord a vu le jour, qui prévoyait la reconnaissance par les pays du bassin égyptien de leur part acquise des eaux du Nil, et que l'Égypte avait le droit de s'opposer aux entreprises éventuellement envisagées si ces pays lançaient de nouveaux projets sur le fleuve et ses affluents. Cet accord a été conclu entre l'Égypte et le Royaume-Uni, qui représentait le Kenya, la Tanzanie, le Soudan et l'Ouganda, pour réglementer le bénéfice que l'Égypte tire du lac Victoria. 7,7% des entrées sont allées au Soudan et 92,3% à l'Egypte.

Sous le règne de l'empereur éthiopien Hailé Sélassié, l'American Bureau of Reclamation a déterminé l'emplacement définitif du barrage de la Renaissance éthiopienne sur les rives du Nil Bleu de 1956 à 1964, mais en raison d'un coup d'État militaire en 1974, le projet a été arrêté.

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Le projet a été officiellement annoncé le 31 mars 2011, et le Premier ministre éthiopien Meles Zenawi a posé la première pierre du projet le 2 avril 2011.

L'Égypte, située à plus de 2 500 km du barrage, s'est opposée à sa construction car elle estime qu'il réduira sa part des eaux du Nil.

Le barrage est préjudiciable au Soudan et à l'Égypte. L'Égypte craint l'épuisement de l'eau compte tenu de la période de remplissage du réservoir et du processus d'évaporation de l'eau.

La taille du réservoir est équivalente au débit annuel du Nil à la frontière entre le Soudan et l'Égypte (65,5 milliards de mètres cubes). Cette perte risque de s'étendre aux pays en aval d'ici quelques années. Selon les rapports, entre 11 et 19 milliards de mètres cubes d'eau pourraient être perdus chaque année lorsque le réservoir sera rempli, ce qui entraînerait une perte de revenus pour deux millions d'agriculteurs pendant le remplissage du réservoir. Il affecterait également l'approvisionnement en électricité de l'Égypte de 25 à 40 % pendant la construction du barrage.

Le barrage de la Grande Renaissance éthiopienne pourrait également provoquer une baisse irréversible du niveau d'eau du lac Nasser si les flux étaient déplacées vers l'Éthiopie. Cela permettrait de réduire l'évaporation actuelle de plus de 10 milliards de mètres cubes par an. Elle réduirait également la capacité du barrage d'Assouan à produire de l'énergie hydroélectrique à hauteur de 100 mégawatts perdus en raison d'une baisse de trois mètres du niveau d'eau dans le barrage. Le barrage permettrait de conserver le limon qui alimente les sols agricoles de la vallée du Nil en Égypte et au Soudan.

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Mais d'un autre côté, pour l'Éthiopie, comme le Nil Bleu est un fleuve saisonnier, le barrage réduira les flux, y compris sur 40 km à l'intérieur de l'Éthiopie. D'une part, le barrage réduira les flux et est bénéfique dans la mesure où il protège les établissements humains des dommages qu’ils pourraient provoquer. Le barrage peut également servir de pont sur le Nil Bleu.

Le 23 mars 2015, lors d'un sommet trilatéral des présidents égyptien, éthiopien et soudanais à Khartoum, le président égyptien Abdel Fattah Al-Sisi, son homologue soudanais Omar el-Béchir et le Premier ministre éthiopien Haile Desaleny ont signé un document déclarant les principes de la construction du barrage Renaissance.

L'accord comprenait un document contenant dix principes à adopter par les trois pays pour le barrage Renaissance.

Ces dix principes comprennent la coopération, le développement et l'intégration économiques, l'engagement à ne pas causer de dommages significatifs à un pays, l'utilisation équitable et juste de l'eau, la coopération pour le premier remplissage du réservoir du barrage et son exploitation annuelle, le principe de la confiance, le principe du partage des informations et des données, le principe de la sécurité du barrage, le principe du respect, de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'État, le principe du règlement pacifique des différends et la mise en place d'un mécanisme de coordination permanent.

Le projet de barrage est une source de tension entre les trois pays depuis la pose de la première pierre en avril 2011. Il a été construit sur les rives du Nil dans le nord-ouest de l'Éthiopie, près de la frontière avec le Soudan. Il pourrait devenir la plus grande centrale hydroélectrique d'Afrique, avec une capacité de production d'environ 6 500 mégawatts.

L'Éthiopie fait pression pour poursuivre son projet de remplissage du barrage l'été prochain, malgré les protestations de l'Égypte et du Soudan. Le Caire et Khartoum exigent en effet la signature préalable d'un accord qui protégerait leurs ressources en eau. Addis-Abeba a annoncé en juillet 2020 qu'elle avait achevé la première phase de son projet de 4,9 milliards de mètres cubes, permettant ainsi de tester les deux premières pompes du barrage.

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L'Éthiopie estime que l'énergie hydroélectrique produite par le barrage sera vitale pour répondre aux besoins énergétiques de ses 110 millions d'habitants. Le président du pays, Ahmed Abi, espère que le projet permettra une percée en matière de développement et nie que son intention soit de nuire à l'Égypte. Il explique : "Je veux que nos frères égyptiens et soudanais comprennent que nous ne faisons pas cela...". Nous avons besoin d'une lampe. La lumière ne leur fera pas de mal, mais elle se répandra sur eux."

Quant à l'Égypte, elle considère le projet de barrage comme une menace, car elle dépend depuis toujours du Nil, qui lui fournit environ 97 % de son eau d'irrigation et de son eau potable. Le Soudan, quant à lui, craint que ses propres barrages ne soient endommagés si l'Éthiopie remplit complètement le barrage.

Bien sûr, l'Égypte et le Soudan voient l'affaire d'une manière qui contredit l'approche éthiopienne, à commencer par le cadre général dans lequel les trois pays négocient. L'Égypte et le Soudan demandent l'inclusion des États-Unis et de l'Union européenne ainsi que des Nations unies dans l'Union africaine qui parraine les négociations, ce qu'Addis-Abeba rejette.

L'Éthiopie estime que "les problèmes africains peuvent être résolus par les Africains eux-mêmes". Nous respectons la sagesse africaine et les négociations en cours sous les auspices de l'Union africaine aboutiront", a déclaré une porte-parole du ministère des affaires étrangères d'Addis-Abeba. De son côté, le ministère égyptien des affaires étrangères a estimé qu'"une telle position montre une fois de plus le manque de volonté politique de l'Éthiopie de négocier de bonne foi."

Sur la chaîne égyptienne Echo Al Balad, le journaliste Ahmed Moussa a vivement critiqué le blocage des négociations et a estimé que l'Égypte payait le prix de "ce qui s'est passé en 2011" en raison de la situation du pays à l'époque, notant qu'Addis-Abeba avait profité de la situation de l'époque pour lancer la construction d'un barrage. Moussa estime que l'Éthiopie a "choisi le moment" aujourd'hui pour faire avancer son projet car l'Égypte est "préoccupée par ses problèmes internes".

La poursuite de cette crise menace la stabilité de la région, surtout avec la rhétorique croissante que l'Égypte et le Soudan ont commencé à tenir en raison de leur frustration face à l'"intransigeance" de l'Éthiopie. Le président égyptien Abdel Fattah Al-Sisi s'est montré sévère dans ses commentaires, mardi, sur l'évolution du dossier.

Al-Sisi a dit : "Nous ne menaçons personne, mais personne ne peut prendre une goutte d'eau de l'Égypte [...]. Sinon, la région connaîtra un état d'instabilité que personne ne peut imaginer." "Violer l’état de choses actuel consiste à franchir une ligne rouge, et notre réponse aura une incidence sur la stabilité de toute la région".

Mais il a souligné que "les négociations sont le choix par lequel nous avons commencé, et toute action militaire serait inappropriée et aurait des conséquences qui s'étendraient sur de nombreuses années, car les gens n'oublient pas cela. Le Soudan, qui est également en conflit frontalier avec l'Éthiopie, a accueilli les Égyptiens pour un exercice conjoint des forces aériennes qui s'est terminé samedi ».

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Les inquiétudes concernant les relations égypto-éthiopiennes ont été exacerbées par la tentative d'assassinat du défunt président égyptien Mohamed Hosni Moubarak dans la capitale éthiopienne Addis-Abeba, alors qu'il s'apprêtait à assister au sommet africain de 1995.

Malgré cela, l'Égypte tient à se coordonner avec les pays du bassin du Nil sur les projets qu'ils mettront en place, car ces projets pourraient affecter la part d'eau de l'Égypte. L'Égypte cherche à sécuriser les sources d'énergie sur le Nil (Haut barrage) pour assurer son développement industriel, agricole et autre. Le Nil est l'une des sources les plus importantes de développement en Égypte, et la stabilité du Nil signifie la stabilité et la sécurité de l'Égypte, car l'eau est une ressource stratégique pour l'Égypte. Le prochain conflit sera celui de l'eau.

Cependant, compte tenu de la situation actuelle dans la Corne de l'Afrique, qui est actuellement secouée de conflits et de tensions, il ne semble pas que le monde puisse actuellement tolérer l'éclatement d'un conflit armé dans la région, ce qui peut augmenter les chances des négociations malgré sa volatilité.

Les trois pays, l'Égypte, le Soudan et l'Éthiopie, ont négocié âprement pendant dix ans sans parvenir à un accord sur le remplissage et l'exploitation du barrage. Alors que l'Éthiopie estime que le barrage est essentiel à son développement économique, l'Égypte et le Soudan le considèrent comme une menace vitale, car la première tire 90 % de son eau d'irrigation et de son eau potable du Nil.

Cette crise pourrait "s'éterniser", car il n'y a pas de sortie possible dans l'immédiat. Les trois pays devraient se tourner vers les intérêts futurs de leurs peuples pour réussir les négociations.

jeudi, 15 avril 2021

Les États-Unis renforcent leur présence en Mongolie

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Les États-Unis renforcent leur présence en Mongolie

Par Vladimir Odintsov

Ex : https://geopol.pt/2021/04/15/

Ces dernières années, la Mongolie a fait l'objet d'une attention croissante dans le cadre d'une stratégie américaine globale et multiforme visant à dominer le continent eurasien. Dans une certaine mesure, cela est dû à la quantité colossale de ressources naturelles et d'opportunités économiques dont dispose ce pays du centre de l’Asie, qui présentent un intérêt indéniable pour les milieux industriels et commerciaux américains. Toutefois, cela est encore davantage lié aux intentions de Washington d'utiliser la "patrie ancestrale de Gengis Khan" pour s'opposer à la Russie et à la République populaire de Chine (RPC), en mettant l'accent sur la "séparation" du peuple mongol, étant donné la présence en Chine de la Mongolie intérieure, une région autonome très étendue. De plus, la Mongolie a une longue frontière avec la Russie.

Selon les experts, les Américains sont clairement déterminés à établir des liens bilatéraux avec Ulan Bator et à inclure la Mongolie parmi leurs alliés les plus proches (avec Singapour, Taïwan et la Nouvelle-Zélande) dans la région indo-pacifique. Les analystes pensent que l'idée de coopérer avec Oulan-Bator est devenue particulièrement pertinente pour les États-Unis à la lumière de leurs relations tendues avec la Russie et la Chine ces dernières années.

En termes de volume total d'investissements directs étrangers (IDE) en Mongolie, les États-Unis occupent la sixième place (3,3 %), derrière la Chine et le Japon mais devant la Russie. Dans une large mesure, les investisseurs américains s'intéressent à l'industrie minière mongole, notamment à l'exploitation du plus grand gisement de charbon, Tavan Tolgoi. Bien que les investisseurs américains considèrent la Mongolie comme l'un des marchés les plus prometteurs d'Asie de l'Est, leurs activités d'investissement dans ce pays sont entravées par une bureaucratie lourde et inefficace, des niveaux élevés de corruption et des conflits financiers récurrents causés par le "nationalisme des ressources" mongol.

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Récemment, dans les discours des hommes politiques américains, on entend de plus en plus des paroles comme suit : "la fierté des États-Unis d'être le troisième voisin de la Mongolie". À ce sujet, les États-Unis font référence à un concept qui est apparu dans le vocabulaire des politiciens mongols après la révolution du début des années 1990. Géographiquement, la Mongolie ne partage ses frontières qu'avec deux pays, la Russie et la Chine, mais Oulan-Bator a déclaré à plusieurs reprises qu'aujourd'hui, elle n'avait pas l'intention de réserver tous ses contacts politico-militaires et économiques uniquement à ces deux États. C'est pourquoi la Mongolie est considérée comme un troisième voisin des pays avec lesquels la république entretient les relations les plus étroites, en citant notamment les États-Unis, le Japon, la Corée du Sud, l'Australie et les pays de l'UE, avec lesquels la Mongolie espère équilibrer l'influence russe et chinoise dans la région.

Le vecteur de l'expansion par Washington de ses sphères d'influence en Asie est visible depuis longtemps. En 2011, la représentante du parti démocrate Hillary Clinton, alors secrétaire d'État, a annoncé que la présence des États-Unis en Asie était une condition préalable au maintien du leadership mondial américain, car c'est en Asie que "la majeure partie de l'histoire du XXIe siècle sera écrite." Le principal adversaire de Washington dans la région reste aujourd'hui la Chine, qui apparaît dans les documents doctrinaux américains comme l'une des principales menaces.

Dans le document de sécurité nationale américain Strategic Framework for Engineering and Technology récemment déclassifié par la Maison Blanche et adopté en 2018, la Mongolie est considérée, avec le Japon, la République de Corée et Taïwan, comme l'un des principaux partenaires pour contenir "l'agression économique" de la Chine en participant à divers projets américains. L'une des expressions de cette politique a été l'allocation de 350 millions de dollars à Oulan-Bator pour moderniser le système d'approvisionnement en eau de la capitale, qui est devenu le plus gros investissement américain unique dans la région. Toutefois, Washington cherche systématiquement à souligner que la nature gratuite de l'aide américaine est censée se comparer favorablement aux programmes d'infrastructure de la Chine, qui impliquent en règle générale la mise en place de prêts liés.

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Afin d'accroître la présence américaine en Mongolie en 2019, l'USAID a repris son travail, qui a annoncé début 2021 le financement de deux programmes de promotion du développement agricole pour un montant de 4,3 millions de dollars.

Avec la participation active de l'USAID, on a assisté récemment à une expansion dynamique des activités de nombreuses ONG en Mongolie, dont beaucoup ont été créées dans diverses domaines pour "étendre la démocratie". Ainsi, selon le ministère mongol de la Justice et de l'Intérieur, en 2019, plus de 20.000 ONG étaient officiellement enregistrées dans ce pays (et ce pour une population de trois millions d’âmes!), dont la plupart sont financées par l'étranger. Par exemple, les militants de l'ONG Mongolian Youth Union mettent en œuvre un projet selon lequel les hommes politiques mongols sont placés sur une liste noire ou blanche en fonction de leur degré de corruption. Mais en même temps, il s'avère que les médias coordonnent ces listes avec les dirigeants des structures américaines telles que le Peace Corps et l'USAID! On comprend maintenant pourquoi les hommes politiques mongols considérés comme "pro-russes" sont principalement inclus dans la liste dite "noire". En étant placés sur une telle liste "noire", ils ont déjà peu de chances d'être inclus dans le nombre de membres du parlement mongol...

Un autre exemple est le travail actif en Mongolie d’une autre ONG, qui œuvre avec les politiciens locaux (principalement avec les parlementaires) et leur circonscription ; cette ONG dépend de l'Institut républicain international (IRI), qui, en 2016, a été interdit en Russie en raison d'une ingérence flagrante dans les affaires intérieures des pays. Cette ONG organise régulièrement des voyages aux États-Unis pour des législateurs mongols et d'autres dirigeants politiques mongols de premier plan, ce qui pourrait raisonnablement être considéré comme un acte de corruption.

En outre, avec le soutien actif de l'ambassade des États-Unis en Mongolie, de la Fondation Soros, d'une secte religieuse telle que l'Église adventiste du septième jour, un certain nombre d'autres organisations opèrent aujourd'hui. À en juger par les états financiers, la Mongolie n'est pas épargnée, notamment par les structures américaines qui se font passer pour des ONG et agissent pour promouvoir la "démocratie à l'américaine". Compte tenu de ses chiffres importants pour une population modeste de trois millions d'habitants, la Mongolie aurait dû devenir depuis longtemps "un bastion mondial de la démocratie et de la prospérité", ce qui n'est toutefois pas clairement visible... Elle aurait dû atteindre les buts et objectifs qui lui ont été fixés, notamment dans le cadre de la confrontation avec la Russie et la Chine.

Afin d'éviter de devenir complètement contrôlée par l'influence étrangère, la Mongolie aurait dû adopter depuis longtemps une loi "sur les agents étrangers", comme l'ont d'ailleurs fait les États-Unis eux-mêmes, qui ont adopté la FARA (Foreign Agents Registration Act) dès 1938. D'ailleurs, non seulement aux États-Unis mais aussi dans de nombreux autres pays, les activités avec participation étrangère sont strictement contrôlées, notamment en Grande-Bretagne, en Israël, en Inde, en Allemagne et dans d'autres pays qui s'occupent de manière responsable de leur sécurité et de leur souveraineté politique.

En 2018, l'aspect militaire s'est ajouté à l'aspect politique et économique de la stratégie américaine envers la Mongolie. Oulan-Bator est désormais considéré comme un partenaire régional majeur de l'Initiative mondiale pour les opérations de paix, qui vise, comme son nom l’indique, à soutenir les opérations de maintien de la paix. La coopération entre les États-Unis et la Mongolie se met ainsi en place dans le cadre des opérations de maintien de la paix des Nations unies en Afrique et de l'OTAN en Afghanistan.

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Dans le cadre du programme de partenariat d'État américain, le personnel technique et d'ingénierie a renforcé la coopération entre la Garde de l'Alaska et l'armée mongole, notamment lors des exercices internationaux "In Search for Khan" et "Gobi Wolf" qui ont lieu chaque année en Mongolie.

L'attention croissante que Washington porte à la Mongolie et à ses relations avec ses deux voisins naturels, la Russie et la Chine, est démontrée par ce qui s'est passé en janvier de cette année: l'élargissement du personnel de l'ambassade des États-Unis à Oulan-Bator à 12 diplomates à la fois, dont 4 sont des spécialistes de la Russie et de la Chine. Deux autres employés de l'USAID sont arrivés en Mongolie l'été dernier.

Par conséquent, les habitants de la Mongolie ne devront pas se détendre dans les mois à venir, surtout à la veille des prochaines élections présidentielles mongoles qui se tiendront dans le pays au cours de l'été et pour lesquelles les États-Unis ont déjà commencé à préparer activement leur intervention, et pas seulement par le biais de l'option déjà testée consistant à utiliser les ONG et les médias contrôlés.

Source : New Eastern Outlook

De strijd om het Hartland

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De strijd om het Hartland

“Wie over Oost-Europa regeert, regeert over het Hartland; wie over het Hartland regeert, regeert over het Wereldeiland; wie over het Wereldeiland regeert, regeert de wereld.” – Halford John Mackinder, “De geografische spil van de geschiedenis”

Het Hartland

De Engelse geograaf John Halford MacKinder (1861-1947) defnieerde het “Hartland” als het gebied dat grofweg was gelegen tussen rivieren de Wolga en de Yangtze. Het Hartland vormde volgens MacKinder de kern van het “Wereldeiland”, dat gevormd werd door de continenten Europa, Azië en Afrika. Op dit Wereldeiland bevonden zich het merendeel van de grondstoffen die noodzakelijk waren geweest voor de industriële revoluties van de negentiende eeuw. MackKinder vormde zijn theorieën op het moment dat Groot-Brittannië op het hoogtepunt van haar koloniale macht was, en aanzag in de continentale machten die controle zouden kunnen verwerven over dit Hartland een mogelijke tegenstrever. Dankzij scheepvaart en kolonialisme was het Britse Rijk immers het machtigste imperium ter wereld geworden, maar technologie had in de negentiende eeuw een stevige vaart vooruit genomen en de connectiviteit van Eurazië door middel van spoorwegen zou van de landmacht die er controle over verwierf een zeer geduchte concurrent maken van de Angelsaksische maritieme macht.

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Het Britse imperium is ondertussen al lang over zijn hoogtepunt heen, maar maritieme macht in de vorm van megacontainers en vliegdekschepen bleef ook na de Tweede Wereldoorlog de ruggengraat vormen van het Atlantische strategische en economische blok, geleid door de Verenigde Staten van Amerika. Vanaf de jaren ‘90 werd deze maritieme geografische hoofdstructuur een van de voornaamste drijfveren van de globalisering. De schrik voor de onmetelijke landmassa van het Hartland bleef er over de jaren heen evenwel inzitten. De Duitse geopoliticus Haushofer volgde het idee van MacKinder maar maakte van de bedreiging een deugd. Maar de Duitsers slaagden er niet in hun geopolitieke Drang nach Osten in duurzame resultaten om te zetten en met de nederlaag van Nazi-Duitsland werd de Sovjet-Unie, en daarmee ook haar nationaalcommunistische ideologie, de onbetwiste heer en meester over het Hartland. Vanaf 1946 was de strategie van containment van het Westen, voor het eerst als zodanig gedefinieerd door de Amerikaanse diplomaat George F. Kennan, er dan ook op gericht om het Hartland binnen haar eigen natuurlijke begrenzingen te houden. De wereldwijde geopolitieke aspiraties van dit “Oostblok” -een combinatie van Russisch messianisme en marxistisch universalisme- zorgden voor verschillende uitzaaiingen in de Derde Wereld, maar de tegenstelling tussen continentale en maritieme macht bleef niettemin gedurende de twintigste eeuw grotendeels gehandhaafd. Door een ingebouwde vorm van inertie implodeerde de Sovjet-Unie onder haar eigen gewicht in 1991, maar de schrik voor het continent bleef erin zitten. Daarom schoof het Westen in de loop van de daaropvolgende decennia haar oostgrenzen dan ook zoveel mogelijk op naar het Hartland, als een koloniserende en extraherende macht, die de voormalige Oostbloklanden van Centraal-Europa als wingewest voor goedkope arbeid en afzetmarkt voor tweedehandsproducten ging gebruiken. De verrassende herrijzenis van Rusland in de laatste twintig jaar en de versnelde opkomst van China zorgden echter voor een kentering in dit model. Het bestaande Westerse liberaal-kapitalistische model van globalisering en neoliberalisering werd op de proef gesteld en de culturele tegenstellingen binnen de Westerse samenlevingen namen toe. De grootmachten op het Wereldeiland vertegenwoordigden in toenemende mate een alternatief geopolitieke en ideologisch model, dat de heersende verhoudingen op fundamentele wijze is gaan uitdagen.

Instabiliteit in de post-Sovjetruimte

Het afgelopen jaar werd gekenmerkt door een opvallende mate van instabiliteit in dit Eurazische hartland. Niet geheel toevallig vond dit alles plaats in het jaar voorafgaand aan de Amerikaanse presidentsverkiezingen, waarbij een einde kwam aan de atypische regeringsperiode van Donald Trump. Tot de meest in het oog springende zaken behoorden wellicht de betogingen in Wit-Rusland in de late zomer en het najaar, waarover wij al eerder uitgebreid berichtten op deze blog. De impopulair geworden autocraat Loekashenko zag zich geconfronteerd met massale protesten, bijgewoond door tienduizenden betogers, na een betwistte verkiezingsoverwinning in augustus 2020. Na een laatste opflakkering in november zijn de grote betogingen evenwel stilletjes aan uitgedoofd. Maar al even markant was de “vergiftiging” van de door de westerse media tot “liberale oppositieleider” gekroonde onderzoeksjournalist Aleksej Navalny in Rusland zelf, gevolgd door zijn gehypete terugkeer begin dit jaar en de “golf” van protesten die vervolgens in verschillende Russische steden plaatsvond van Vladivostok tot Kaliningrad. In tegenstelling tot Wit-Rusland volgden hier geen maanden onlusten. De opkomstcijfers vielen reeds in de eerste week sterk tegen (volgens de organisatoren in Moskou een 40 000-tal man, maar vermoedelijk eerder rond de 20 000) en de aantallen liepen al vanaf de tweede week terug, waarna de oppositiebeweging er uiteindelijk zelf de stekker uit trok. Koning winter kreeg de schuld toegeschoven, maar zoals Felix Light beargumenteert in The New Statesmen, is het zeer onwaarschijnlijk dat de protesten ook maar enige impact zullen hebben indien ze zouden wederkeren in september, het moment van de nieuwe Doemaverkiezingen.

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De Russische dissident Alexei Navalny leidt een demonstratie ter nagedachtenis van Boris Nemtsov in het centrum van Moskou op 29 februari 2020. (Foto door Kirill KUDRYAVTSEV / AFP)

Maar daartoe bleef het tumult in de post-Sovjetsfeer niet beperkt. In Moldavië nam de pro-Europese en pro-Westerse presidentskandidate Maïa Sandu het in november op tegen de als pro-Russisch gepercipieerde Igor Dodon. Zij won dankzij de steun van de diasporastemmen, maar ook omdat een derde kandidaat, Renato Usatîi, de burgemeester van Bălți, zijn steun in de tweede ronde uitsprak voor Sandu. Usatîi is nochtans zelf woonachtig in Rusland en wordt tot het persoonlijke entourage van Vladimir Poetin gerekend, maar stond tevens bekend als een stevig criticus van Dodon, die hij van meerdere corrupte praktijken beschuldigde. De overwinning van Sandu leidt er niettemin toe dat liberale krachten in het Westen het draagvlak voor euro-atlantische integratie in Moldavië nu sterk overschatten. Ten eerste woont een groot deel van haar electoraat ondertussen al lang zelf in het Westen, en niet in Moldavië. Ten tweede haalden Dodon en Usatîi tijdens de eerste ronde samen meer dan 50% van de stemmen, diasporastemmen meegeteld. Hun geopolitieke oriëntatie is op het oosten gericht, maar een deel van het electoraat van de laatste heeft uit persoonlijk antagonisme tussen de beide kandidaten zijn stem dus achter de tegenkandidate gegooid. Zoals het evenwel vaak snel kan keren in voormalige Oostbloklanden, hebben Dodon en Usatîi ondertussen de onderlinge verschillen opzijgezet en binden ze de strijd aan met Sandu, wiens liberale PAS-partij ondertussen nog steeds enkel over een parlementaire minderheid kan beschikken.

In Oekraïne kan de desillusie over de Maidan-revolutie van 2014 ondertussen niet groter zijn. In 2019 dook het land nu officieel onder Moldavië door in de statistieken als armste land van Europa. Van euro-atlantische integratie is tot nu toe maar weinig terecht gekomen. Alle grootse woorden en beloften ten spijt, eenmaal het Oekraïense volk zich voor de juiste geopolitieke kar had laten spannen, verdampten de beloofde investeringen -met uitzondering van de militaire- als sneeuw voor de zon. Maar goed, het is #Kyivnotkiev natuurlijk – een kwestie van prioriteiten te stellen. Het is des te opmerkelijker hoe liberale griezels, die in het Westen als eersten op de barricaden staan om te ontkennen dat natievorming ook maar iets anders kan zijn dan een patriarchaal hyperconstruct, op de eerste rij staan om eer te betuigen aan “de Oekraïense natie” want dat is “so much more a European country”. More European dan Mordor, zullen we maar denken. We zullen bij Zannekinbond de laatsten zijn om de soevereiniteit en legitimiteit van een Oekraïense (Volks)republiek, met haar complexe en geheel eigen culturele, etnische en historische achtergronden, te ontkennen. Niet voor niets werd na de val van het tsarendom een aparte Oekraïense Sovjetrepubliek gecreëerd. Binnen een gedeelde Eurazische ruimte, zijn Rusland en Oekraïne twee aparte, onderscheiden naties, die na de implosie van de Sovjet-Unie hun eigen proces van moderne natievorming hebben ondergaan. Maar de onderlinge culturele verwantschappen, de gedeelde historische wortels alsmede de gemeenschappelijke belangen glashard ontkennen ten gunste van een handvol neoliberale mooipraters in Brussel, was zonder meer de meest rampzalige beslissing die een volk in het afgelopen decennium heeft gemaakt. Een volk dat tenslotte in de eerste plaats komaf wou maken met een oligarchie, maar er gewoon een andere voor in de plaats heeft gekregen. De absurde decommunisatie- en taalwetten van Poroshenko en Zelyninsky zijn holle praatjes die geen economische gaatjes hebben gevuld. Het neerhalen van standbeelden, het veranderen van straatnamen en uiteindelijk ook het verbannen van Russisch, niet alleen in officiële communicatie van de overheid en het onderwijs maar ook in de winkels en straten, hebben het leven van de Oekraïners niet verbeterd maar een derde van de bevolking (de Krim en de Donbas niet eens meegerekend) veroordeeld tot een bestaan als tweederangsburgers. Tegen die achtergrond is het niet verwonderlijk dat de pro-Russische en socialistische OPZZh in de peilingen tot de populairste partij is uitgegroeid. In Kyiv reageert het regime van de aanvankelijk nochtans als pragmatisch bekendstaande Zelyninsky nu met repressie en het bannen van Russischtalige televisiestations en sociale media-accounts. En met het recente heropvoeren van de vijandelijkheden langs de frontlinie in Donbass, een bevroren conflict dat zes jaar lang beperkt bleef tot het occasioneel uitwisselen van vijandelijkheden door sluipschutters, lijkt een Russisch-Oekraïense oorlog voor het eerst sinds jaren weer tot de mogelijkheden te behoren. Nochtans houdt het merendeel van de Oekraïense bevolking er zelfs volgens de peilingen van Levada een positieve mening over Rusland op na, en staat nog slechts een kwart van de bevolking negatief tegenover hun oosterburen.

De oorlog in Donbass, een sluipend conflict dat op het punt staat herop te flakkeren: deze bekroonde film uit 2018 schets het dagelijkse leven van een Servische sluipschutter als vrijwilliger in de Volksrepubliek van Donetsk

Ook in Kyrgyzistan was het afgelopen jaar onrustig. Politieke onrust bracht de nationalist Jarapov aan de macht. Maar zoals zelfs de door het Westen gefinancierde destabilisatie-agentschap Atlantic Council onlangs tot haar grote ongenoegen moest constateren, bracht dit geen breuk tot stand in de relaties tot Moskou. Het Kyrgizische culturele patrimonium staat niet per definitie op gespannen voet met de Russische beschavingssfeer, waarmee de vloer wordt aangeveegd met de platitude dat etnisch-Turkische wortels per definitie moeten botsen met het Eurazisme vanwege  “banden met Erdogan”. En ook Georgië mag aan het rijtje toegevoegd worden. Ten tijde van president Mikheil Saakashvilli en de oorlog om Zuid-Ossetië liep het land Oekraïne ver vooruit als Trojaans paard van het Westen in de Kaukasus en de post-Sovjetsfeer, maar die tijden lijken voorbij nu de partij Kartuli ocneba – Demok’rat’iuli Sakartvelo steeds nadrukkelijker een illiberale en pro-Russische agenda lijkt door te voeren. De arrestatie op 23 februari van  Nika Melia, voorzitter van de door Saakashvilli gestichtte pro-Eurpese en pro-Atlantische ENM-partij, deed The Washington Post alvast dramatisch koppen: “The West has just lost Georgia!” Nog een ander spanningsveld, in de meer zuidelijke Kaukasus, werd gevormd door de oorlog in Nagorno-Karabach tussen Armenië en Azerbeidjan, waar niet alleen een decennia-oud conflict tussen Kaukasische etniciteiten heropflakkerde, maar ook de geopolitieke spanning tussen diverse Eurazische polariteiten en culturele invloedssferen onder hoogspanning kwam te staan (Rusland, Turkije en Iran). Hoewel het op Turkije georiënteerde Azerbeidjan hier als militaire overwinnaar kwam, en Armenië voorlopig als grote verliezer, kwam de diplomatieke overwinning aan Rusland toe. Opvallend was de totale afwezigheid van zowel de NATO als de EU. Hier besteden we in een later artikel op deze blog meer aandacht aan.

Daar waar het Westen het voorbije jaar dus geteisterd werd door cultuuroorlogen, lijkt het Oosten voornamelijk nog steeds in de ban van klassieke liberale kleurenrevoluties, gecentreerd rond het concept van stereotype economische en burgerlijke “vrijheden” – in essentie nog steeds dezelfde als uit de tijd van ‘glasnost’ en ‘perestroika’- ondanks bepaalde pogingen in de Westerse media om aan één en ander ook een cultureel ‘woke’ tintje mee te geven. Een hybride uitsmijter hiervan kunnen we vinden in Polen, waar de markant strenge abortuswetten, die in het najaar werden uitgevaardigd door de diep-katholieke PiS-regering, tamelijk grootschalige vrouwenstakingen uitlokten en het relatief wijdverbreide fenomeen van de “LGBTQ-vrije zones” op het platteland tot weliswaar veel kleinschaliger manifestaties hebben geleid, die niettemin disproportioneel werden uitvergroot in de Westerse media. Een voormalig Oostblokland als Polen is te blank en tegelijk niet “wit” genoeg voor een beweging als Black Lives Matter. Hoewel een economische tijger naar Oost-Europese normen, is het nog steeds erg moeilijk om een natie van in camouflagejassen en Adidasbroeken gehulde bouwvakkers, loodgieters, truckchauffeurs en tomatenplukkers, die in het Westen de jobs komen uitvoeren die de hipstermigranten van de derde generatie er niet willen doen, te belasten met ook maar enig privilege, zeker als die natie zich ook nog eens beschouwd als de permanente onderdeur van de geschiedenis. Het is een slachtofferrol waar menig “transvrouw-van-kleur” nog een puntje aan zou kunnen zuigen. Er zijn in feite noemenswaardige gemeenschappen (excuseer, communities) van “mensen-van-kleur” in Polen, behalve enkele duizenden islamitische Lipka-Tataren, al eeuwen vergroeid met de Poolse bodem waar ze onbreekbare eden van trouw hebben gezworen aan de natie. Het valt trouwens maar zeer te betwijfelen dat zij zich zichzelf als “mensen-van-kleur” zouden definiëren, ook al is een bepaald etnisch gerelateerd fenotype bij Turkische Tataren uiteraard nooit ver weg. Maar een andere huidskleur betekent nog niet “van kleur”, want dat laatste is een uitgesproken liberaal en Westers concept. Dus gooit men het maar over de religieuze boeg, en het feit dat de “Vierde Republiek” een ontegensprekelijke neiging vertoont om terug te grijpen naar ultramontaanse waarden in combinatie met socialistische recepten maakt haar tot een dankbaar doelwit voor ziedende neoliberalen die sociale roofbouw graag als social justice verpakken. En daar is heden ten dage natuurlijk enkel maar een regenbooglintje voor nodig.

LGBTQ-vrije zones in Polen: Oost versus West in ‘the war on woke’ (Bron: RT)

Het faillissement van de kleurenrevoluties

Eén ding staat vast. Het begin van het huidige decennium zal gekenmerkt worden als het jaar waarin de kleurenrevolutie naar het Westen kwam, in de eerste plaats al in zijn ‘woke’ formaat, met de Black Lives Matter-beweging die stormenderhand het grootkapitaal en de entertainmentindustrie – sinds de jaren ’50 toch zeker één van de steunpilaren van het “Vrije Westen” – overnam. Anderzijds was er de conservatieve, “rechtse” variant, die uitmondde in de bestorming van het Capitool. Hoewel dit niet heeft geleid tot een succesvolle coup d’état zal het moeilijk blijken om de beelden van de krioelende mensenmassa of de daaropvolgende zwaar gefortificeerde straten van Washington naar aanleiding van de inwijding van de nieuwe preesident van het netvlies gebrand te krijgen. We moeten een en ander natuurlijk niet overdrijven. Tenslotte was dit het land waar indertijd in volle Koude Oorlog een president op straat op klaarlichte dag werd doodgeschoten. Een gelijkaardig incident had men zich aan de andere kant van het IJzeren Gordijn niet kunnen voorstellen, maar dat heeft de VS er niet van weerhouden om de Koude Oorlog uiteindelijk te winnen. Niettemin behoort tot de existentiële kern van het Westen dat het sinds het debacle van de Vietnamoorlog werkelijk alles onder controle heeft, van drones en precisiebombardementen tot spionagesatellieten en deep ops. Zelfs hallucinante beelden zoals die van 9/11 konden daar nauwelijks een knauw aan geven, hoewel de impact toch aanzienlijk was. Maar de revanchistische campagnes binnen het kader van een Vierde Wereldoorlog (naar Constanzo Preve) tegen de “schurkenstaten” van het Midden-Oosten, met het salafisme en wahabisme als een te verpletteren Derde Wereldideologie die het oude communisme en Arabisch nationalisme in die contreien had vervangen, zorgde eerder voor een steroïdeninjectie dan voor imagoschade. Maar afgelopen decennium zakte de constructie dan toch langzaam in elkaar. Economische zeepbellen spatten uiteen en interne culturele tegenstellingen speelden steeds scherper op. Dat Amerika tevergeefs probeert te vervellen tot een nieuwe emanatie van zichzelf en dat niet lijkt te kunnen doen zonder een belangrijk deel van haar eigen bevolking tegen zich te keren, levert het Westerse samenlevingsmodel, tot voor kort het “minst slechte van alle modellen”, onherstelbare imagoschade op.

Tegelijkertijd wordt tien jaar na datum de miserabele balans van de Arabische Lente, waar hijgende journalisten en politici in het westen zo sterk hun zinnen op hadden gezet, meer dan duidelijk. In geen enkel land heeft zij tot vooruitgang geleid. Libië ligt in puin en Syrië probeert zich te herstellen van een jarenlange verwoestende burgeroorlog. In Egypte is de autocratie onder al-Sissi er eerder op vooruitgegaan dan achteruit, en zelfs in Tunesië – lange tijd aanzien als het enige land waar de Arabische Lente min of meer het verhoopte liberale resultaat had opgeleverd – neemt de sociale onrust toe en tekenen zich nieuwe grote demonstraties af op straat. Tegelijk wordt duidelijk dat het succes van de kleurenrevolutieformule zelfs in de initiële fase niet meer gegarandeerd blijkt. Een herhaling van Maidan heeft zich in Wit-Rusland niet voorgedaan, ondanks het feit dat de oppositie over een initieel momentum leek te beschikken. Gefingeerde opiniepeilingen ten spijt, lijken het met name de bemoeienissen van de EU te zijn geweest die het draagvlak snel hebben doen afkalven. Het protest dat in eerste instantie anti-autocratisch was liet zich niet binnen een ideologisch liberaal keurslijf wringen en doofde tenslotte uit, temeer daar het Kremlin het zekere voor het onzekere nam door in te zetten op een voorlopig status quo en haar eigen oppositiekandidaten – tevens de meest populaire – vooralsnog niet als martelaren naar voor heeft geschoven. Ook in Hong Kong lijkt de oppositie ondanks de zogenaamd massale protesten van de Paraplubeweging nu voorgoed te zijn uitgeschakeld. Over het Britse idee om dan maar gratis paspoorten te gaan uitdelen aan de inwoners van Hong Kong, wordt niet meer gepraat. En Navalny’s heilige martelaarsmissie in Rusland is gecrashed voor die goed en wel van de grond is gekomen. 

Nord Stream 2

Tegen de achtergrond van dit alles nadert de Nord Stream 2-pijpleiding haar voltooiing. Het betreft een gasleiding doorheen de Oostzee die Duitsland van Russisch gas moet voorzien. Het verdrag over de leiding werd in 2005 getekend door toenmalig Bondskanselier Schröder en Vladimir Poetin. Na voltooiing van een eerste pijpleiding tekenden een aantal grote partners op de Europese energiemarkt samen met Gazprom een contract voor de aanleg van een tweede leiding. Gazprom kreeg een belang van 51% in het project, Engie 9% en E.ON, BASF, OMV en Royal Dutch Shell telkens 10%. Na bezwaren van de rechtsconservatieve Poolse PiS-regering onder Lech Kaczyński, die een te grote Russische dominantie op de energiemarkt vreesde, trokken de overige partners zich als aandeelhouders terug in 2016, maar hielpen wel nog met de financiering. Gazprom zette alleen door. Vorig jaar moest nog 147 km aan pijpleiding worden aangelegd. Het afronden van de leiding gaat echter gepaard met pesterijen en sancties. De Poolse mededingingsautoriteit legde aan Gazprom een boete op van 6,5 miljard euro, die overigens door de Russen aangevochten wordt. In januari 2021 werd de arrestatie van Navalny door de VS aangegrepen om nieuwe sancties op te leggen, nadat de Atlantische grootmacht reeds eerder had geprobeerd om het project door middel van sancties te treffen. Iedere toenadering tussen Duitsland en Rusland, reeds ten tijde van MacKinder de twee voornaamste concurrenten van het Angelsaksische imperium op het Wereldeiland, zijn Amerika duidelijk een doorn in het oog. Tot op de dag van vandaag blijft onduidelijk of Nord Stream 2 nog wel zal afraken. De regering van de nieuwe president zet in ieder geval alles op alles om haar NAVO-bondgenoot op andere gedachten te brengen. Het is natuurlijk licht bevreemdend om te constateren hoe vier jaar geleden alle media-schijnwerpers inzoomden op de ‘historisch slechte relaties’ binnen het Westerse bondgenootschap, focussend op identitaire en virtuele epifenomenen zoals handdrukken, gender en al dan niet vermeende lichaamstaal, maar nu volledig uitdoven nu de Verenigde staten opnieuw teruggrijpen op dezelfde brutale chantagemiddelen als onder de regering van Barack Obama.

Westerse sancties en Oosterse allianties

Maar het is duidelijk dat het ultieme wapen van het Westen, namelijk dat van de economische sancties, uitgeput is aan het raken. Een strategische toenadering van Rusland en China is het gevolg, waarbij ook een zekere integratie van de economische belangen valt waar te nemen. Dit is des te ironischer omdat een van de keerpunten in de Koude Oorlog in feite werd gevormd door het tegen elkaar uitspelen van Moskou en Beijing door de Amerikanen, en dit ten laatste vanaf 1972. Hierdoor verliezen de economische sancties aan efficiëntie, bijkomende sancties tegen Rusland treffen eigenlijk bijna niemand meer want de financiële belangen liggen al lang niet meer in het Westen. Het Belt & Road initiatief van de Chinezen maakt de nachtmerrie van MacKinder daarenboven bijzonder tastbaar: een toenemende interconnectiviteit van het Eurazische continent zorgt voor nieuwe ontwikkelingen en vitaliteit die juist de essentie van het Hartland vormen (zoals Poetin het in 2012 uitdrukte: de Chinese wind in Russische zeilen vangen). Een toenemende onafhankelijkheid van de levenslijnen van het globalitaire kapitalistische systeem, zoals de dedollarizatie, het bannen van de geopolitiek gekleurde en ideologisch liberale Amerikaanse sociale media en de loskoppeling van de Westerse betaalsystemen staan op het programma. Geen wonder dat Westen alles uit de kast haalt in een finaal offensief op het Hartland om de toenemende multipolartiteit zoveel mogelijk in te dijken. Nu de Verenigde Staten onder Biden definitief hun globalistische agenda combineren met het Amerikaanse exceptionalisme, staan alle verhoudingen opnieuw op scherp. Maar het is al lang niet meer vanzelfsprekend dat het Westen hierbij aan de “juiste kant van de geschiedenis” staat.

Dernières publications sur "Strategika"

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Voici mes derniers travaux publiés sur Strategika :

- "Société ouverte vs Chine : le choc des globalismes" (première partie)

https://strategika.fr/2021/04/10/societe-ouverte-vs-chine...

- "Vaccination, dépopulation et urgence climatique : Bill Gates, la gouvernance globale et le “great reset” démographique" 
 
J'attire aussi votre attention sur deux longs articles qui se complètent assez bien de par leurs thématiques respectives :
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mercredi, 14 avril 2021

Romain d'Aspremont: "La droite doit se réapproprier le feu de la technique"

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"La droite doit se réapproprier le feu de la technique"

Entretien accordé par Romain d'Aspremont à Il Primato Nazionale (Rome)

Romain d'Aspremont est l'auteur de “Penser l'Homme nouveau : pourquoi la droite perd la bataille des idées” et de “The Promethean Right”.

Vos livres nous invitent à cultiver un "progressisme de droite", futuriste et faustien. C'est une approche très rare dans les mouvements de droite d'aujourd'hui. Pourquoi, selon vous, la droite a si souvent cultivé une attitude technophobe?

Rien n'est plus naturel que l'aversion des personnes âgées envers les nouvelles technologies. Mais que cette frilosité transpire au sein de notre famille politique est consternant. J'associe le tempérament de droite au goût de l'aventure et à la volonté de repousser les frontières de l'inconnu, y compris sur le plan scientifique et technologique. Hélas, la droite s'est laissé ravir le concept de progrès par la gauche, pour devenir synonyme de conservatisme. Or quoi de plus révolutionnaire que le feu de la technique ? Il est une déclaration de guerre envers tout ce qui se prétend immuable. Au XXIe siècle, ce feu menace jusqu'à la nature humaine. En bons conservateurs, les droitards forment déjà leurs bataillons afin de sauvegarder Homo Sapiens. Mais le scénario est connu d'avance : ils ne parviendront qu'à ralentir la marche vers l'homme nouveau de gauche, vers le transhumain de gauche.

DgcBkd-XkAAmPd9.jpgLes conservateurs assimilent l'avenir (et par conséquent le progrès technique) à un déploiement inéluctable du progressisme de gauche. Ils en viennent à prendre l'objet (l'avenir, la technologie) façonné par le sujet (la gauche) pour le sujet lui-même : “l'avenir/la technique c'est la gauche !”. Le futur étant devenu synonyme d’avancées “progressistes”, l’unique remède ne pourrait être que son contraire, le passé, plutôt qu'un avenir de droite. La droite conservatrice est si profondément convaincue que les nouvelles technologies dissolvent la tradition et l'identité qu'elle concède volontiers à la gauche le monopole du feu prométhéen.

Quelles sont, selon vous, les principales erreurs de la droite dans la bataille des idées?

Si l'histoire de l'Occident n'est qu'un long processus de gauchisation, c'est que la droite offre le monopole de l'homme nouveau et de la société nouvelle à la gauche. L'Occident crève du fait que la droite soit anti-utopiste. Celle-ci se cantonne au rôle de ralentisseur du progressisme de gauche, évitant une trop brutale fuite en avant. C’est une tâche utile mais tout entière au service des gauchistes. Prévenir la réaction suppose de procéder par petits pas : les conservateurs, idiots utiles de la gauche, s’en assurent. Ils sont les agents régulateurs de la révolution libérale permanente.

Les projets d'homme nouveau donnent parfois l'impression d'échouer, que ce soit l'homme nouveau chrétien, l'homme nouveau de la révolution française, l'homme nouveau communiste, ou la chose nouvelle asexuée, végétalienne et antispéciste qui fleurit dans nos métropoles. Mais sur le temps long, l'Occidental s'imbibe toujours davantage des valeurs de gauche.

De Gaulle affirmait que le « courant du mouvement » était tout aussi « nécessaire » que le « courant de l’ordre ». Il illustre le talon d'Achille de la droite, qui peine à comprendre que cet équilibre lui est  intrinsèquement défavorable. Un véritable équilibre voudrait qu'à un progressisme de gauche s'oppose un progressisme de droite. Le conservatisme est utile afin de lutter contre l'hubris de gauche, mais en l'absence d'une droite prométhéenne la gauchisation se poursuivra.

Enfin, la droite doit se libérer du logiciel chrétien, matrice du gauchisme. Je comprends la volonté des droitards de défendre notre héritage chrétien, mais les valeurs chrétiennes sont la principale raison pour laquelle la droite est si sensible aux procès sur le terrain de la morale, notamment concernant l'immigration. Une partie du cerveau de l'homme de droite se dit : “Mon Dieu, ils ont raison, je suis un salaud”. Ce qui signifie : “Si je ne veux pas de ces migrants, c'est que je suis un mauvais chrétien”.

La seule droite décomplexée, c'est celle qui a embrassé l'avenir et la création d'un homme nouveau. C'est celle qui a su se libérer du christianisme et s'emparer du contenant de gauche (le principe d'un homme nouveau) pour y verser un contenu de droite. Je ne souhaite pas un retour au fascisme, qui n'est qu'une des variantes possibles de la droite prométhéenne (ou révolutionnaire), mais sans un réveil de cette famille politique l'Occident ne survivra pas. Les victoires électorales des populistes à la Trump sont bienvenues, mais elles ne sont que des sursauts conjoncturels, qui ne livrent pas le combat de fond : celui de l'évolution de la nature humaine.       

Vous récupérez la définition de «droite révolutionnaire» au sens utilisé par Zeev Sternhell. Mais le prométheisme, en posant des solutions radicalement nouvelles, n'implique-t-il également un dépassement des anciennes catégories, y compris celles de droite et de gauche?

image_1398130_20210121_ob_2c6413_the-promethean-right-2.jpgLes concepts de droite et de gauche ne seront jamais dépassés, car ils recouvrent deux pôles de valeurs éternellement opposés. La droite, c'est la valorisation de la lutte, de l'élitisme, de la hiérarchie et du dépassement. La gauche, c'est le royaume de l'égalitarisme, de la victimisation, du culte de la faiblesse, de l'amour des ennemis et du relativisme. L'opposition à la mondialisation libérale ne saurait réconcilier ces deux pôles idéologiques.

Par ailleurs, il n'est pas impossible d'imaginer un prométhéisme de gauche, comme celui promu par Trotsky. De même, le transhumanisme a pu être présenté comme un dépassement du clivage droite-gauche : Esfandiary, un des premiers transhumanistes, a prophétisé l'avènement d'un clivage haut-bas. Mais la question demeure : en haut vers la gauche ou en haut vers la droite ? Un transhumain de gauche ou un transhumain de droite ? Le clivage droite-gauche prendra des formes nouvelles, mais il ne disparaîtra pas.

Au-delà des questions philosophiques, quel pourrait être le programme politique concret de la droite prométhéenne?

Sur le plan biologique, il faut livrer le combat pour le futur de la nature humaine. L'humanité est à l'aube d'un changement radical de sa nature. Si la droite n'arrive pas à se défaire de son conservatisme, elle se limitera une fois de plus à sa fonction de ralentisseur. Mais cette fois, la gauchisation sera permanente car ancrée dans notre génome. Les gènes de la loyauté envers le groupe, du sens de la hiérarchie, de l'agressivité et du goût de la compétition seront éliminés, au nom de l'anti-racisme et de la théorie du genre.

Sur le plan géopolitique, il faut réunifier l'Occident. Notre idéal ne doit plus être celui de l'Etat nation, mais celui d'une fédération pan-occidentale, de Seattle à Vladivostock. Un nouvel Empire romain peuplé de surhommes de droite : voilà une vision pour le XXIe siècle.

À première vue, vos idées sembleraient similaires à celles de Guillaume Faye. Cependant, vous avez critiqué l'idée de l'archéofuturisme. Qu'est-ce qui ne vous convainc pas de l'idéologie de Faye?

e8595ed6492426397a431482bc1fed2b.jpgL'Archéofuturisme est présenté comme un remède à l'approche trop conservatrice de la droite – une synthèse harmonieuse entre tradition et de technophilie. L'Archéofuturisme est en réalité davantage archaïque que futuriste, comme si le tempérament de droite de Faye le poussait à équilibrer son éloge du progrès technologique par un retour aux valeurs médiévales. L'archéofuturisme reflète fidèlement la psychologie des conservateurs, peu enclins au risque et au changement.

Faye rêve d'un ordre éternel baptisé “archaïsme” qu'il définit comme étant « ce qui crée et demeure immuable ». Or, rien dans l'univers n'est immuable et certainement pas la nature humaine. L'homme a été chasseur-cueilleur vingt fois plus longtemps qu'il n'a été agriculteur. Notre nature a été façonnée au cours de ces millénaires où les humains vivaient en petits groupes, relativement égalitaires, ou en tout cas dépourvus des « castes guerrières » et de l' « organisation sacerdotale » que Faye regrette tant. L'ordre social de l'Antiquité et du Moyen Âge ne reflète pas une harmonie éternelle, mais résulte de la conjonction de la nature humaine (qui elle-même évolue) et de l'état technologique de l'époque. Faye peut marteler que « la modernité est rétrograde, tandis que l'archaïsme est futuriste », cette affirmation n'en sera pas moins fausse.

Selon lui, la combativité des immigrés musulmans proviendrait de leur mentalité archaïque. Or, leur archaïsme n'est une force que dans le contexte de la faiblesse morale européenne. L'erreur est de séparer leur mentalité archaïque de leur irrationalisme : leur archaïsme est indissociable de leur aversion envers la science. De même, le chevalier médiéval bardé de technologies est une antinomie.

Lorsque Faye affirme que nous devrions nous débarrasser et de notre pacifisme et de notre mentalité moderne, il jette le bébé avec l'eau du bain. Au mieux, une société hautement technologisée, mais disposant d'une mentalité traditionaliste stagnerait ; au pire, elle déclinerait. Aussi, une droite prométhéenne est-elle requise, aux antipodes de cette tentative de rafistolage de la tradition au moyen de la technologie. Faye a toutefois le mérite d’affirmer une ligne technophile au sein d’une famille politique minée par la technophobie.

Le futurisme italien pourrait-il être un modèle pour la droite prométhéenne aujourd'hui?

Tout comme la pensée de Nietzsche, le futurisme est une inspiration salutaire, mais il ne saurait être un modèle politique, à défaut d'être suffisamment structuré. Il est un élan vital qui nous rappelle que le mouvement est viril et la conservation sclérosante. Les futuristes nous mettent en garde contre le risque de bureaucratisation de la droite prométhéenne. Eux qui s'élevèrent contre le fascisme institutionnalisé, pragmatique, planiste et technocratique : le fascisme confronté aux réalités du pouvoir. Chronologiquement, les futuristes incarnent le premier fascisme, mystique et romantique. Ils sont la part d'enfance qui invite l'homme de droite à ne pas se prendre trop au sérieux.

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Devoir conjugal : l’étrange conception du viol des féministes

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Devoir conjugal : l’étrange conception du viol des féministes

par André Waroch

Ex: https://lestroisetendards.com/2021/04/12/

Il y a dix ans, le tribunal d’Aix en Provence prononçait un divorce aux torts exclusifs d’un homme pour « absence de relations sexuelles pendant plusieurs années » avec son épouse. Le mari fut obligé de verser à celle-ci 10.000 euros de dommages et intérêts. Cette affaire resta obscure. Aucune campagne d’indignation ne s’éleva contre un quelconque « archaïsme » juridique. L’homme eut droit à quelques entrefilets légèrement interloqués, et ce fut tout.

Le mois dernier, une femme qui avait subi le même sort en 2019 (l’amende de 10.000 euros en moins, mystérieusement)  a déposé un recours devant la cour européenne des droits de l’homme.

Cette fois, branle-bas de combat. Fini les entrefilets rédigés par des pigistes. On sort l’artillerie lourde et le gros rouge qui tâche. Mediapart s’empare de l’affaire. Edwy Plenel s’élève contre cette sanction « sidérante ».  BFM, par la bouche de Fanny Wegscheider, se demande « ce que peut bien signifier cette notion de devoir conjugal en 2021 » , et fait immédiatement l’amalgame avec le viol conjugal. 

La chaîne macroniste appelle ensuite à la rescousse Julie Matiussi « Maître de conférence » présentée en tant qu’experte technique, et qui, après avoir rappelé l’historique des condamnations du même type comme une consultante objective, se permet de s’interroger « sur la pertinence d’un devoir conjugal de façon générale, dans la mesure où notre droit reconnait par ailleurs une interdiction du viol conjugal ».

La plaignante est accompagnée par le Collectif Féministe Contre le Viol, au cas où certains n’auraient pas encore compris le message : devoir conjugal = viol conjugal. 

« C’est une justice encore patriarcale et archaïque qui dit aux femmes : si tu es mariée, prière d’écarter les cuisses ! » affirme sa présidente Emmanuelle Piet à propos de l’affaire.

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Cette offensive médiatique est une étape de plus vers l’abolition du mariage, vers l’abolition du couple monogame hétérosexuel comme modèle dominant, et, plus largement, vers la destruction de la société française.

Elle repose entièrement sur le mensonge et la manipulation de masse par les grands groupes de presse alliés à l’Etat, eux-mêmes émanation de l’oligarchie au pouvoir. 

Ces mensonges et ses manipulations sont absolument énormes, et je me fais fort de les démonter dans les quelques lignes qui vont suivre. 

D’abord, deux minutes de recherche en ligne permettent de découvrir la vérité sur les acteurs de cette opération de propagande : Julie Matiussi, par exemple, n’est ni une experte technique ni une consultante ; c’est une militante d’extrême-gauche. On peut consulter sur son  CV la liste de ses publications et de ses interventions. L’une d’elle s’intitule : « Le devoir conjugal : de l’obligation de consentir » prononcée en 2017 à Sciences Po, cette fabrique de crétins et de traitres qui n’en finit de mener la France à l’abime. Pour le reste des articles et des conférences, on est à peu près à mi-chemin entre « repenser notre rapport aux mineurs isolés » et « comment assumer sa non-binarité au repas de Noël ». 

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Dans une interview à l’Est républicain en 2020, Madame Matuissi ne prend d’ailleurs pas autant de précautions oratoires, et affirme clairement son souhait de voir le devoir conjugal disparaître de la loi et de la jurisprudence. 

D’où vient cette haine absolument hystérique des féministes contre ce qu’on appelle le devoir conjugal ?

On l’a dit, et elles le proclament et le hurlent, par tous les temps et sur tous les tons, pour elles, le devoir conjugal est un viol pur et simple. 

Il y a donc trois choses à déterminer : la définition du devoir conjugal, la définition du viol, et la définition du viol par les féministes.

Le devoir conjugal est une notion juridique héritée d’un lointain passé catholique, qui oblige les deux membres du couple marié à avoir entre eux des relations sexuelles régulières. La femme et l’homme sont astreints à ce devoir exactement de la même façon. Il est donc impossible de trouver une loi plus sexuellement égalitaire que celle-ci. Ce qui n’empêche pas Madame Piet de hurler au « patriarcat ».

Autre remarque, le devoir conjugal est une obligation reconnue et officielle, incluse dans la notion de « communauté de vie » de l’article 215 du code civil. Il y a donc une solution simple, si on refuse ce qu’on considère comme les « archaïsmes » du mariage : ne pas se marier. De même pourrait-on conseiller aux hommes peu portés sur le célibat et l’abstinence de ne pas s’engager sur la voie de la prêtrise catholique. 

Et si vous considérez qu’on ne peut pas prendre de sanctions contre vous suite à votre non-respect des clauses du contrat que vous avez librement signé parce que vous n’avez pas pensé à lire ce qu’il y avait dedans ou que vous ne l’avez pas compris, je m’engage à militer pour votre placement sous curatelle renforcée, et pour la suppression de vos droits civiques. Car, à  priori,  quelqu’un qui affirme ne pas être capable de lire ce qu’il y a dans un contrat avant de le signer ne devrait pas être autorisé à conduire une voiture, ni à choisir par l’exercice du vote qui sera notre prochain président. 

Si on considère qu’une femme est un être responsable au même titre que l’homme,  cela veut dire qu’elle doit assumer les conséquences de ses actes. Si vous contractez un prêt à la banque, que ce prêt stipule que vous devez verser 200 euros par mois et que vous ne le faites pas, au bout d’un moment vos biens pourront être saisis. 

Si vous vous engagez devant la loi à avoir des relations sexuelles régulières avec quelqu’un et que vous ne le faites pas, un divorce peut éventuellement être prononcé à vos torts exclusifs. C’est ce qu’on appelle la responsabilité individuelle. Encore une fois, si cela est trop dur pour vous, demandez à être placé sous curatelle. 

Mais ce discours est très dur à accepter pour les féministes, dont l’idéologie présuppose toujours l’irresponsabilité foncière de la femme, quel que soient les lieux, les époques et les circonstances.

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Karine Le Marchand.

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Maïa Mazaurette.

Des femmes qui défendent le devoir conjugal, il y en a, pourtant, et non des moindres. Au hasard, Karine Le MarchandElisabeth LevyMaïa Mazaurette, ou encore Thérèse Hargot. Au moins pour les deux premières, des femmes au moins aussi libres, aussi intelligentes, aussi  indépendantes qu’Emmanuelle Piet et Julie Matuissi, qui ont réussi leur vie y compris sur le plan économique, et qui affirment sans ambages que, non seulement le devoir conjugal n’est pas un viol, mais qu’il peut être tout à fait nécessaire à l’harmonie du couple. 

A l’occasion de l’affaire qui nous occupe, Elisabeth Levy en a d’ailleurs remis une couche

Mais cela n’était qu’une mise en bouche : passons au cœur du sujet ; allons tout simplement voir sur wikipedia pour avoir la réponse la plus consensuelle possible à la question suivante : qu’est-ce qu’un viol ? 

«  Le viol est l’acte avec lequel une personne est contrainte à un acte sexuel par la force, la surprise, la menace, la ruse ou, plus largement, par l’absence de consentement »

Qu’est-ce que le consentement ?

« Le consentement sexuel désigne l’accord que les personnes se donnent mutuellement pour qu’une activité sexuelle ait lieu entre elles. »

Les choses sont donc tout à fait claires : ce qui définit un viol est l’absence de consentement. Ce qui définit le consentement est le fait que les deux personnes se mettent d’accord pour qu’un rapport sexuel ait lieu entre elles.

Dans l’affaire qui nous occupe, il n’est donc à aucun moment question de viol : le mari a souhaité avoir des relations sexuelles avec sa femme, dans le cadre du mariage, c’est-à-dire du contrat signé par la femme de son plein gré. Devant le refus répété de celle-ci (nous parlons de plusieurs années) le mari n’a violé ni tenté de violer qui que ce soit : il a fait valoir son droit au divorce pour faute, exactement comme le prévoit la loi française.

Les féministes invoquent donc le viol dans une affaire où il n’existe pas, fut-ce sous forme de tentative. 

Mais qu’est-ce que le consentement et le viol pour les féministes ? 

Laissons parler de nouveau Emmanuelle Piet :

« j’ai un peu de mal avec la notion de consentement : consentir, ce n’est pas avoir envie de faire l’amour, c’est accepter tout juste, ce qui n’est pas très positif. On a des relations sexuelles parce qu’on en a envie, pas juste parce qu’on y consent. Et c’est remettre la femme dans un rôle un peu étrange quand même : « Je consens à avoir une relation sexuelle ». En gros, elle n’a pas besoin d’avoir envie, il faut juste qu’elle y consente. Mais si elle n’a pas envie, il ne faut pas qu’elle se force ! Cela sous-entend aussi que les messieurs peuvent ne pas avoir compris qu’elle n’était pas consentante : « Oups, trop tard, mais je ne suis pas un violeur ! ». ça ne marche pas comme ça. » 

Il est pas beau le tour de passe-passe ? Il est pas incroyable, le numéro de prestidigitation ?

Pour correspondre à la notion que Madame Piet se fait du consentement, il ne faut pas seulement accepter une relation sexuelle; il faut en avoir envie. Un rapport sexuel consenti n’est plus alors un rapport ayant reçu l’accord des personnes y participant, mais un rapport ayant reçu l’accord de la femme parce qu’elle en a envie

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Call-girl à Lucknow (Inde).

Tout le reste : la call-girl de luxe qui couche avec un footballeur, non parce qu’elle en a envie, mais parce qu’on la paye quatre mille euros la nuit ; la star du porno, qui couche avec des hommes, non parce qu’elle en a envie, mais parce que ses émoluments atteignent un demi-million d’euros par an ; et la femme légitime qui accepte un rapport sexuel avec son mari malgré une libido en berne, parce qu’ils n’ont rien fait depuis six mois et qu’elle veut lui faire plaisir ; toutes ces femmes sont, pour Emmanuelle Piet, présidente du CFCV, des victimes de viol

Voilà comment on laisse planer l’ombre du viol dans une affaire qui n’en comporte aucun: en substituant, à la définition officielle et jusque là couramment admise du viol, sa propre définition délirante. Car dans le monde merveilleux d’Emmanuelle Piet, un homme ne devrait donc pas seulement, pour éviter le titre de violeur, s’assurer que la femme a donné son accord pour un rapport sexuel ; il devrait aussi vérifier (par télépathie ?) que la femme accepte bien parce qu’elle en a envie.

Ce qu’Emmanuelle Piet ne nous explique pas, c’est si, dans son monde merveilleux, la déclaration de non-envie faite par une femme – puisqu’on on ne peut prouver l’absence de désir sexuel- suffirait à faire mettre en prison (sans jeu de mots) le contrevenant-mâle-porc-violeur-patriarcal. 

Des vraies victimes de vrais viols, pourtant, il y en a. Il y en a même de plus en plus. De 2011 à 2019, le nombre de plaintes pour viol est passé de 1046 à 22448, soit une augmentation de 120%, qu’on peut même qualifier d’explosion. La première raison de cette explosion, il faut aller le chercher dans le laxisme judiciaire : de 2007 à 2017, le nombre de condamnations pour viol a chuté de 40% 

Mais ces chiffres ahurissants n’intéressent pas les féministes. 

Car leur but, au cas où certains auraient encore des doutes, n’est pas de faire le bonheur des femmes, ou d’empêcher qu’elles se fassent violer, frapper ou tuer – rappelons que c’est depuis leur arrivée au pouvoir (avec Vallaud-Belkacem puis Schiappa) que le nombre de viols a doublé. Leurs objectifs sont tout autres : d’abord, pourrir les relations qu’entretiennent les femmes avec les hommes, à commencer par ceux qui leur sont les plus proches ; les décourager à l’avance d’envisager la fondation d’une famille avec un homme ; et ainsi imposer, aux femmes idiotes comme aux femmes intelligentes, en formatant les premières dès le plus jeune âge et en faisant peser sur les secondes la menace constante de l’exclusion sociale, leur modèle obligatoire de lesbienne sans enfants consacrant sa vie au travail et à la consommation. 

Le monde rêvé des féministes, s’il finit par advenir, ressemblera à une société totalement atomisée, de plus en plus urbaine et de plus en plus laide, faite d’hommes et de femmes condamnés au célibat et à la solitude, se défiant les uns des autres, sans enfants, ou avec des enfants sans père, trouvant un exutoire dans la pornographie et les mondes virtuels, enfermés chez eux pendant qu’au dehors roderont les bêtes sauvages, et que règnera sur ce chaos l’hyper-bourgoisie mondialisée. Cela y ressemble déjà.

                                                                                                          André Waroch.

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Gouvernance globale et guerre civile mondiale

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Gouvernance globale et guerre civile mondiale

Par Pierre-Antoine Plaquevent

Auteur de « Soros et la société ouverte, métapolitique du globalisme » aux éditions « cultures et racines ».

Ex: https://strategika.fr/2021/04/14/

Au vu de la tension croissante entre USA et Chine/Russie, la toile bruisse de rumeurs de guerre et beaucoup se posent légitimement la question de savoir si une guerre mondiale ouverte pourrait suivre la séquence du Covid commencée fin 2019. Tenter de répondre à cette question nécessite d’aborder cette problématique complexe sous trois aspects principaux : politique, géopolitique et stratégique. Trois niveaux d’analyse qui peuvent permettre de sonder quelles sont les ruptures en cours susceptibles ou non d’entraîner une fracturation de l’ordre mondial et ainsi conduire à une guerre ouverte entre les faces occidentale et orientale de la gouvernance mondiale.

I – Sur la forme politique de l’ordre mondial actuel

Pour qu’ait lieu une guerre mondiale, il faudrait que se produise une fracture systémique au sein de la gouvernance globale. Cette gouvernance constitue un ordre mondial doté de divers niveaux d’intégration et d’interaction qui varient selon la capacité d’influence et de puissance des acteurs de différents types qui la constituent.

Parmi ces acteurs on trouve principalement :

  • les institutions et instances internationales juridiques, militaires ou économiques du type : ONU, OMS, OMC, FMI, CIJ, CPI, UE, OTAN, COE, G20, UEE, ALENA etc. ;
  • les firmes multinationales les plus puissantes (GAFAM et autres) ;
  • les fondations et organisations non gouvernementales influentes (du type Bill & Melinda Gates Foundation, Forum économique mondial, Open Society Foundations, fondation Rockefeller, fondation Ford etc.) ;
  • les États (environ deux cents).

Ces derniers, issus de la continuité et de la légitimité historique, constituent théoriquement le cadre normatif et même symbolique du système contemporain des relations internationales. Dans l’esprit des populations, ils continuent toujours d’incarner la souveraineté et la légitimité politique ; dans les faits, ils sont absorbés par les instances supra ou para-étatiques et en deviennent toujours plus subsidiaires.

Comme le Covid-19 est venu le rappeler aux peuples, les États apparaissent toujours plus dépendants d’instances de prises de décision qui échappent au regard du grand public ou que ce dernier peine à discerner. Dans le langage de la gouvernance mondiale, s’interroger sur les instances réelles de prise de décision relève du « complotisme ».

Dans les faits, l’ensemble de ces institutions non élues para ou supra-étatiques, se chargent de fixer les grands objectifs stratégiques de la gouvernance mondiale : lutte contre le réchauffement climatique, intégration cosmopolitique, planification écologique mondiale, planification sanitaire planétaire, décarbonation de l’industrie, décroissance démographique, imposition de l’agenda gender/LGBTI etc. Ces institutions et leurs bailleurs de fonds privés (type Gates, Rockefeller, Soros etc.) ont à cœur de développer le « multilatéralisme inclusif » et le juridisme institutionnel afin de réduire toujours plus le champ d’action des États et leur capacité de décision autonome.

Première rupture : quel léviathan pour freiner la stasis globale ?

Nous pensons qu’une première rupture interne à l’ordre mondial actuel tient justement au rôle que la gouvernance mondiale assigne aux États et jusqu’où ces derniers sont prêts à être absorbés en son sein. Car, à mesure que les États-nations abandonnent, transfèrent ou diluent leurs prérogatives régaliennes vers les institutions macro-régionales (type UE) ou mondiale de la gouvernance globale, ces États abandonnent aussi en retour leur monopole de la violence légitime[1]. Ils voient dès lors cette violence se répandre en retour au sein des sociétés dont ils ont théoriquement la charge et la responsabilité.

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À mesure que progresse l’intégration cosmopolitique promue par les instances et les décideurs de la gouvernance globale, dans le même temps, l’ordre politique international se dilue toujours plus en une forme de guerre civile mondialisée à sa base, au niveau des États-nations menacées d’éclatement. Le Léviathan stato-national ne remplit plus son rôle de frein à la guerre latente de tous contre tous et les tendances centrifuges s’accélèrent alors en son sein jusqu’à atteindre une situation critique proche de la rupture[2]. Les sociétaires ne se sentant plus protégés de la mondialisation par l’État à qui ils ont délégué la légitimité et la souveraineté politique, chacun se sent alors libre de rompre le contrat social et rentre de manière plus ou moins consciente en sédition avec l’État central devenu dès lors une menace à éviter au lieu d’un protecteur.

Une forme d’« unité et scission »[3] de l’ordre géopolitique mondial apparait et tend à s’universaliser : convergence des États à leur sommet en direction de l’intégration cosmopolitique, fracturation et émiettement à leur base. C’est au niveau de la base des sociétés occidentales que les transformations de l’ordre mondial en cours exercent les pressions les plus violentes et les plus difficiles à supporter. C’est selon nous aussi pour freiner cette tendance à la parcellisation et à la fragmentation que quasiment TOUS les États (sauf rares exceptions type Suède ou Belarus[4]) ont appliqués avec zèle les mesures sanitaires d’exception depuis un an. Dans un contexte de rétraction globale de l’économie mondialisée, ces mesures sont venues geler la plupart des antagonismes sociaux en cours dans le monde avant l’irruption du Covid-19. On citera entre autres : les Gilets jaunes en France, les nombreux mouvements de contestation en Amérique latine courant 2019[5], les soulèvements de masse à Hong-Kong face à la Chine, l’opposition civique croissante contre Erdogan à Istanbul etc. Avec des niveaux d’intensité différents et affectant indistinctement des régimes libéraux ou illibéraux, la contagion d’une contestation politique internationale fut freinée l’an dernier par les mesures sanitaires planétaires d’exception et tous les régimes politiques fragilisés par des tensions internes ont accueillis avec soulagement cette mi-temps politique bienvenue. Un couvercle sanitaire mondial a ainsi été déposé sur le feu des révoltes en cours mais pour combien de temps ?

Cette stasis mondialisée rampante peut déboucher à terme sur une rupture plus profonde au sein du système des relations internationales. Rupture entre la gouvernance globale et les États qui refuseraient de poursuivre le processus de délitement de leur souveraineté et de leur légitimité. Une dilution de l’ordre stato-national qui génère un appauvrissement de la population et subséquemment une montée du chaos social qui menace physiquement le personnel politique des gouvernements des États-nations. Un personnel politique en première ligne face à la colère populaire comme l’a montré la sainte colère des Gilets jaunes en France ou plus récemment l’attaque du Capitole aux USA.

Ce processus de transfert des fonctions essentielles des États-nations vers des instances politiques et juridiques supranationales constitue la tendance politique axiale de notre époque ; c’est elle qui est la cause première de la plupart des problématiques politiques contemporaines. Avec l’élection de Trump en 2016, ce processus de dilution accélérée des États (ou de leurs restes) commença de se gripper sérieusement en Occident. Les États-Unis n’acceptant pas de subir à la suite de l’Europe une égalisation économique en cours avec le troisième pilier géoéconomique de la gouvernance mondiale : la Chine. Toute la présidence de Trump fut ainsi marquée par ce clivage entre une gouvernance mondiale en crise et un État américain qui en avait été jusqu’ici le fer de lance et le bras armé tant que cette gouvernance globale allait de pair avec un leadership géoéconomique mondial favorable aux États-Unis.

C’est ce programme de révision interne de la gouvernance mondiale par l’administration Trump qu’avait exposé le précédent secrétaire d’État américain, Michael R. Pompeo en 2018 lors d’une allocution prononcée au sein du German Marshall Fund of the United States, allocutiondans laquelle M. Pompeo exposait les grands axes de la politique étrangère de l’administration Trump et appelait à aider les USA à construire un « nouvel ordre libéral »[6] afin de « Rétablir le rôle de l’État-nation dans l’ordre libéral international »[7].

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Suite à la séquence politique de 2020 (Covid + opération Black Lives Matter + fraude électorale) qui a conduit au vol de l’élection américaine, la menace d’une Amérique en rupture avec la gouvernance mondiale est actuellement écartée. Dès lors cette friction entre gouvernance mondiale et États qui refusent de concéder plus de leur souveraineté ressurgit face à la Chine et à la Russie. Deux États complètement intégrés aux institutions internationales et à l’ordre mondial mais qui posent un problème structurel à la gouvernance globale de par le rôle central que continue d’y jouer l’État en tant que stratège et organisateur principal du développement politique et économique du pays.

C’est autour de ce rôle stratégique central de l’État que la ligne de tension entre la face occidentale et orientale de la gouvernance mondiale va se durcir toujours plus.

Alors que la Chine est très  influente au sein des institutions internationales, elle n’entend pas soumettre son État-parti à ces institutions internationales qu’elle utilise par ailleurs pour démultiplier son influence et sans lesquelles elle n’aurait pas pu atteindre ce niveau actuel de puissance et d’influence. En témoignent les difficultés récurrentes que rencontrent les scientifiques de l’OMS chargés d’enquêter en Chine sur les origines du Covid-19. La Chine exerçant un rôle politique prépondérant au sein de l’OMS [8].

Comme au XXème siècle face à l’Union Soviétique, si l’idéal internationaliste du libéralisme cosmopolitique est théoriquement le même que celui du Parti communiste chinois, la ligne de confrontation entre ces deux systèmes se manifeste essentiellement autour du rôle que doit jouer l’État national au sein de la gouvernance mondiale. Pour les libéraux-globalistes, l’État-nation doit être subsidiaire des instances globales et d’un possible futur gouvernement mondial en gestation. Pour les tenants d’une forme de stato-globalisme nationalisé, l’État, bien qu’intégré au sein des institutions internationales, reste au centre de toutes les perspectives stratégiques de développement et demeure l’instance souveraine ultime détentrice du monopole de la décision politique.

L’enjeu principal de la tension actuelle entre Occident / Eurasie (Chine-Russie) au sein de la gouvernance mondiale nous semble relever de cette friction entre deux niveaux différents de souveraineté et de légitimité politique au sein de l’ordre international : Léviathan stato-national continental vs Léviathan mondial post-national.

Il s’agit en dernière instance de définir quelle sera la forme et le rôle que devra prendre et assumer le Léviathan au XXIème siècle : sera-t-il essentiellement national, continental, mondial ? Hybride ? Une question que presse la stasis globalisée qui ronge l’ordre international contemporain.

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II – Sur la forme géoéconomique de l’ordre mondial contemporain

Pour décrire l’ordre mondial sur lequel s’exerce cette gouvernance mondiale polymorphe que nous avons précédemment décrit, on pourrait ici employer les catégories forgées par l’économiste marxiste Immanuel Wallerstein en les adaptant. Ce dernier décrit un système géoéconomique planétaire réparti en trois grandes zones :

  • Une zone centrale : la sphère Occidentale (Amérique du nord et ses alliés stratégiques – type Taïwan ou Japon, Royaume-Uni, Canada, Australie, Union Européenne, Israël etc.). Le « nord riche » mais aussi le nord « stratégique », au sens d’un ensemble géo-économique international doté d’une orientation géostratégique commune malgré des frictions internes. Un ensemble qui constitue encore la locomotive géopolitique de l’ordre mondial contemporain. C’est aussi la zone où le capitalisme est toujours moins encadré par les États et monopolisés par les firmes multinationales qui elles-mêmes cherchent à diluer toujours plus les États ou à les absorber.  
  • Une zone en transition ou émergente (ou « la semi-périphérie », incluant les grands pays connaissant un développement vers le capitalisme : la Chine, l’Inde, le Brésil, certains pays de la zone Pacifique, ainsi que la Russie, qui par inertie préserve son important potentiel stratégique, économique et énergétique – cf. Pour une théorie du monde multipolaire, Alexandre Douguine). Zone en transition entre capitalisme d’État autoritaire et libéralisme globalisé.
  • Un monde périphérique (les « pays pauvres du Sud », la périphérie). Monde qui recèle certaines des ressources et matières premières stratégiques pour les puissances de la zone centrale et de la zone périphérique

L’intégration politique renforcée de la gouvernance mondiale vient brouiller toujours plus cette représentation quelque peu schématique (comme toute représentation). Par exemple des poches toujours plus larges de la zone émergente voire même de la zone périphérique se retrouvent au cœur de la zone centrale et inversement.

Malgré tout, cette division du monde décrit d’une manière assez fonctionnelle la répartition géo-économique mondiale actuelle.

La zone centrale rentre en contact avec la zone émergente et la zone périphérique au niveau de l’Amérique centrale, de l’Europe Orientale, de l’Afrique du Nord, du Moyen-Orient, de l’Asie du Sud-Est. Autant de territoires où se déroulent certaines des « crises » les plus sanglantes de notre temps.

Au niveau de la géographie politique, la masse continentale nord-américaine constitue la masse principale de la zone centrale et l’Union européenne son prolongement sur les côtes Ouest de l’Eurasie.

Les deux cœurs stratégiques de la sphère occidentale que sont le Royaume Uni et les USA ont toujours conçu et compris l’Europe et l’Eurasie comme une continuité d’empires continentaux et de puissances géopolitiques essentiellement terrestres, rivales de sa puissance maritime internationalisée.

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Seconde rupture : l’intégration économique du « rimland » eurasiatique

Les stratèges impériaux anglo-américains ont toujours considéré l’Eurasie comme un tout, un continuum géopolitique qu’il faut appréhender dans son ensemble (Europe + Asie dans leur intégralité) afin de pouvoir le maitriser.

Leur plus grande crainte a toujours été qu’une puissance d’Eurasie ne devienne assez forte et influente pour réussir à relier et unifier entre eux les territoires économiquement les plus avancés et les plus dynamiques d’Eurasie. Territoires riches qui sont pour la plupart situés sur les zones côtières de la masse continentale eurasiatique. Unifier et intégrer économiquement cette zone que l’un des pères de la géopolitique américaine, Nicholas J. Spykman (1893-1943), désignait sous le nom de Rimland (ou « inner crescent, croissant intérieur eurasiatique) : vaste ceinture littorale bi-continentale composée de l’Europe de l’Ouest, du Moyen-Orient, et de l’Extrême-Orient. Pour Spykman, la clef de voute du contrôle du système-monde passe par le contrôle du Rimland.

Influencé par les travaux du géographe britannique Halford J. Mackinder, Spykman reprendra la géographie politique proposé par Mackinder mais déplacera la clef de voute du contrôle de l’Eurasie du Heartland vers le Rimland, sur les côtes riches de l’ « île du monde » eurasiatique : « Spykman nuance le grandiose schéma d’opposition terre-mer induit par la centralité géohistorique du Heartland de Mackinder, et préfère souligner le danger qu’une unification des rimlands peut représenter pour les États-Unis : géostratégiquement “encerclés”, ces derniers se retrouveraient confrontés à un Titan combinant force terrestre et maritime, capable de projeter sa puissance par-delà les océans Atlantique ou Pacifique. À terme, prévient Spykman, Washington ne pourrait que perdre un tel face-à-face, si celui-ci devait dégénérer en conflit. En conséquence, le fil rouge de la politique de sécurité américaine se déduit de lui-même : combattre résolument toute tentative d’hégémonie dans les territoires correspondant à ce que l’on pourrait qualifier d’Eurasie “utile”. » [10]

On connait la célèbre formule de Mackinder qui affirmait en son temps que : « Qui contrôle l’Europe de l’Est domine le Heartland ; qui domine le Heartland domine l’Île mondiale ; qui domine l’Île mondiale domine le monde. » [11]

Spykman reprendra cette formule et la modifiera ainsi : « Qui contrôle le rimland gouverne l’Eurasie. Qui gouverne l’Eurasie contrôle les destinées du monde. »[12], marquant ainsi la centralité des bandes côtières eurasiatiques en tant que territoires stratégiques pour le contrôle et la stabilité (du point de vue américain) de l’ordre mondial.

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Le Rimland eurasiatique chez Spykman – source : https://www.councilpacificaffairs.org/news-media/ou-lon-r...

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L’encerclement de l’Eurasie – source de l’auteur tiré de Americas Strategy In World Politics, Nicholas John Spykman, 1942

Spykman soulignera aussi avec force la nécessité stratégique vitale pour les États-Unis de s’impliquer en Eurasie afin d’éviter l’encerclement par les puissances dynamiques du Rimland eurasiatique : « Les États-Unis doivent admettre, une nouvelle fois et de manière définitive, que la constellation de puissances en Europe et en Asie est une perpétuelle source de préoccupation, que ce soit en temps de guerre ou de paix. »[13]

Animé d’un idéalisme cosmopolitique qui affirme la nécessité pour les puissances « libérales » de savoir employer le réalisme politique et stratégique, Nicholas Spykman identifiait en outre les bases de la puissance d’un État autour de dix éléments stratégiques clefs :

« Selon Spykman, les éléments qui font la puissance d’un État sont :

1) La superficie du territoire

2) La nature des frontières

3) Le volume de la population

4) L’absence ou la présence de matières premières

5) Le développement économique ou technologique

6) La force financière

7) L’homogénéité ethnique

8) Le degré d’intégration sociale

9) La stabilité politique

10) L’esprit national » [14]

Caractéristiques que la Chine possède précisément toujours plus à mesure qu’elles s’étiolent en Occident.

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Spykman.

Zbigniew Brzezinski (1928-2017) qui fut l’un des plus influents stratèges de la puissance américaine de la fin du XXème siècle[15], reprendra et développera l’idée de la centralité de l’enjeu eurasiatique dont il fera un axe de ses vues dans son célèbre traité de géostratégie Le Grand Échiquier, paru en 1997. Le grand échiquier c’est précisément l’Eurasie, là où se joue le destin et la forme de l’ordre mondial. Territoire stratégique qui recèle les principales ressources de la planète et dont le contrôle s’avère fondamental pour les États-Unis :

« (…) La façon dont les États-Unis « gèrent » l’Eurasie est d’une importance cruciale. Le plus grand continent à la surface du globe en est aussi l’axe géopolitique. Toute puissance qui le contrôle, contrôle par là même deux des trois régions les plus développées et les plus productives. (…) On dénombre environ 75 % de la population mondiale en Eurasie, ainsi que la plus grande partie des richesses physiques, sous forme d’entreprises ou de gisements de matières premières. L’addition des produits nationaux bruts du continent compte pour quelque 60 % du total mondial. Les trois quarts des ressources énergétiques connues y sont concentrées. Là aussi se sont développé la plupart des États politiquement dynamiques et capables d’initiatives. Derrière les États-Unis, les six économies les plus prospères et les six plus gros budgets de la défense s’y trouvent, ainsi que tous les pays détenteurs de l’arme nucléaire (les « officiels » comme les « présumés », à une exception près dans chaque cas). Parmi les États qui aspirent à détenir une hégémonie régionale et à exercer une influence planétaire, les deux plus peuplés sont situés, en Eurasie. Tous les rivaux politiques ou économiques des Etats-Unis aussi. Leur puissance cumulée dépasse de loin celle de l’Amérique. Heureusement pour cette dernière. Le continent est trop vaste pour réaliser son unité politique. » [16]

À l’époque où il écrivait ces lignes, la Russie était marquée par une instabilité structurelle et la Chine n’était pas encore devenue la puissance économique actuelle mais Brzezinski anticipait déjà la manière dont cette dernière risquait à terme de bouleverser l’ordre géopolitique établi :

« (…) Aujourd’hui, c’est une puissance extérieure qui prévaut en Eurasie. Et sa primauté globale dépend étroitement de sa capacité à conserver cette position. À l’évidence, cette situation n’aura qu’un temps. Mais de sa durée et de son issue dépendent non seulement le bien-être des États-Unis, mais aussi plus généralement la paix dans le monde.

(…) Un scénario présenterait un grand danger potentiel : la naissance d’une grande coalition entre la Chine, la Russie et peut-être l’Iran (…). Similaire par son envergure et sa portée au bloc sino-soviétique, elle serait cette fois dirigée par la Chine. Afin d’éviter cette éventualité, aujourd’hui peu probable, les États-Unis devront déployer toute leur habileté géostratégique sur une bonne partie du périmètre de l’Eurasie, et au moins, à l’ouest, à l’est et au sud. » [17]

Désormais première puissance économique mondiale[18] devant les États-Unis, la Chine peut parvenir à stabiliser l’échiquier eurasiatique et tenter de sanctuariser ses positions acquises au sein du périlleux système international actuel.

Or, l’intégration économique du rimland eurasiatique de la Chine à l’Europe fait partie des objectifs stratégiques de la Chine pour le XXIème siècle au travers des fameuses « nouvelles routes de la soie ».

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Le « bloc » sino-soviétique de l’époque de la fin de la guerre froide et ses trois fronts stratégiques. A l’époque le système socialiste sous ses formes concurrentes russe et chinoise occupait la majeure partie de la masse eurasiatique, contenant le système capitaliste sur une partie du rimland eurasiatique. Une alliance russo-chinoise contemporaine sous les traits d’un capitalisme dirigé high-tech sino-russe représente un vrai défi d’intégration pour l’ordre mondial. Source : Le grand échiquier, Zbigniew Brzezinski, 1997

Le projet OBOR et l’intégration économique continentale

Officiellement dénommé « One Belt, One Road » (OBOR) ou aussi BRI (Belt and Road Initiative), le projet des nouvelles routes de la soie a pour ambition de s’étendre du Pacifique jusqu’à la mer Baltique et inclut 64 pays asiatiques, moyen-orientaux, africains et européens[19]. Doté d’un budget de 800 à 1 000 milliards de dollars[20] (cinq à six fois le budget du plan Marshall), ce projet pourrait permettre à la Chine de réaliser le grand objectif stratégique du Parti communiste chinois : l’intégration économique du continent eurasiatique et d’une partie de l’Afrique à l’horizon 2049, date anniversaire de la fondation de la République Populaire de Chine. Une intégration économique qui déplacerait le centre des affaires mondiales de l’Occident vers l’Eurasie mais une Eurasie pilotée par la Chine et non par l’Europe ou la Russie.

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C’est autour du projet chinois BRI (Belt and Road Initiative) que se manifeste toujours plus la ligne de tension principale au sein de la gouvernance mondiale.

Tension qui pourrait conduire à terme à :

Cela de l’aveu même de certains stratèges influents de la gouvernance mondiale tels qu’Henry Kissinger, George Soros ou Klaus Schwab. Ces derniers diffèrent par ailleurs entre eux quant à l’attitude que doit adopter la gouvernance mondiale face à la montée de la Chine. Pour Soros elle doit être empêchée, pour Kissinger elle doit être contenue et pour Schwab elle doit être appuyée et encadrée. L’un des acteurs privés les plus influents au sein de la gouvernance mondiale, Bill Gates, a quant à lui déjà semé des graines de son empire philanthropique en Chine au travers du China Global Philanthropy Institute auquel il a versé 10 millions de dollars depuis sa création en 2015 [21].

La croissance de la Chine au sein de la gouvernance mondiale se déploient ainsi simultanément sous la forme de l’intégration et de la tension. Du point de vue de l’État chinois, des frictions (au sens que Clausewitz donne à ce terme) se manifestent et viennent freiner l’ascension de la Chine au sein du système-monde.

La Chine qui poursuit des objectifs de contrôle cyberpolitique et biopolitique total de sa population, ne représente pas une alternative de fond face aux tendances totalitaires vers lesquelles évolue actuellement le globalisme politique. Mais la politique d’intégration économique de l’Eurasie et de l’Afrique poursuivie actuellement par la Chine au travers du réseau BRI (Belt and Road Initiative) représente une forme de globalisme économique qui vient concurrencer les intérêts des puissances majeures déjà installées en tête de la gouvernance mondiale.

Cette intégration économique accélérée de l’Eurasie portée par la Chine ainsi que le rôle joué par l’État chinois comme centre d’orientation et de protection des intérêts stratégiques vitaux chinois, nous semblent constituer les deux causes majeures de la tension actuelle entre la Chine et les puissances installées qui dominent encore la forme actuelle de la gouvernance mondiale. 

Si dans l’esprit des architectes de la gouvernance mondiale favorables à la Chine comme Klaus Schwab[22], l’Occident et l’Orient géopolitique mondial doivent à terme se rejoindre et se compléter, la pierre d’achoppement sur laquelle vient buter l’idéal cosmocratique nous apparaît être ici le rôle que le système politique chinois assigne à l’État, à l’armée et au Parti communiste qui les contrôle. Rôle que la gouvernance mondiale dans sa version occidentale entend faire jouer aux multinationales et au secteur privé.

Au stade actuel de son évolution, le globalisme économique planétarisée rencontre un concurrent structurel qui prend la forme du capitalisme dirigé chinois et russe.

III – Guerre civile mondiale et guerre hors limites

Evoquer la question d’une possible guerre ouverte entre les puissances eurasiatiques russe et chinoise et la sphère occidentale ne peut se faire sans interroger la nature même que revêt la guerre à notre époque.

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Peu de temps après la parution du Grand échiquier de Zbigniew Brzezinski, paraissait un livre de stratégie intitulé La Guerre hors limites. Co-écrit par les stratégistes militaires chinois Qiao Liang et Wang Xiangsui[23], cet ouvrage essentiel interrogeait la nature et les mutations de la conflictualité contemporaine. Pour les auteurs, les moyens employés pour mener les guerres contemporaines débordent désormais les limites assignées au phénomène guerrier par l’analyse polémologique traditionnelle. Un phénomène que les deux auteurs commentaient ainsi en 1999 :

« Quand se fera jour la tendance en faveur du recul, consenti avec joie, face à l’emploi de la force armée pour résoudre les conflits, la guerre renaîtra sous une autre forme et dans une autre arène pour devenir un instrument d’une énorme puissance entre les mains de tous ceux qui entretiennent le désir de dominer d’autres pays ou régions. En ce sens, c’est une raison pour nous d’affirmer que l’attaque financière de George Soros contre l’Asie orientale, l’attaque terroriste d’Oussama Ben Laden contre l’ambassade américaine, l’attaque au gaz du métro de Tokyo par les disciples de la secte Aum, et le chaos causé par Morris Jr. et ses pareils sur Internet, où le degré de destruction n’est en rien inférieure à celui d’une guerre, représentent une demi-guerre, une quasi-guerre et une sous-guerre, c’est-à-dire, la forme embryonnaire d’un nouveau type de guerre. » [24]

Une analyse qui nous aide à identifier une tendance qui n’a fait que se renforcer depuis la rédaction de La guerre hors limites. Le refus, voire l’impossibilité, d’employer la force armée directe entre puissances nucléaires rivales ainsi que la nécessité de respecter une narration « démocratique » pour les belligérants, conduisent à des mutations inédites des moyens polémologiques mais surtout dissolvent les limites entre la guerre et la paix, entre le temps de la guerre et celui de la paix, entre la sphère civile et la sphère militaire. Dès lors les guerres entre puissances se font désormais avant tout par des moyens de subversion furtifs et dissimulés qui instrumentalisent des secteurs de la société autrefois épargnés ou moins mobilisés lors des situations de conflit. On citera ici entre autres exemples : les mobilisations des sociétés civiles au travers des « révolutions colorés » et des mouvements type Black Lives Matter[25], les mobilisations des populations en difficulté économique employées comme « arme de migration de masse »[26], les questions sanitaires (le Covid comme moyen de transformation politique et social[27]) etc. Et quand les conflits nécessitent l’emploi de la force armée directe, les moyens employés sont alors ceux de la guerre de partisans du type des « brigades internationales » islamistes employées en Syrie contre l’État syrien par l’ensemble des forces régionales et mondiales qui souhaitaient sa chute.

Le conflit syrien nous offre un cas emblématique, voire archétypal de la nouvelle norme polémologique contemporaine : une guerre qui n’a jamais été déclarée ; menée par des puissances employant principalement des supplétifs étrangers ;  troupes mercenaires ou idéologiquement motivées présentées au monde par les mass-médias dominants comme des dissidents du régime en place ; un État légitime présenté comme l’agresseur et son dirigeant comme un criminel contre l’humanité par les ONG sorosiennes du type Human Rights Watch, organisations qui exercent elles-mêmes une action d’influence centrale auprès des institutions internationales.

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La répartition des rôles entre les grandes puissances occidentales et eurasiatiques fut aussi très significative durant toute l’évolution du conflit syrien. Des puissances qui sont intervenues dans le conflit selon leurs intérêts régionaux respectifs sans jamais aller jusqu’à la rupture et conservant toujours le lien diplomatique et politique nécessaire malgré les opérations militaires et les accrochages en cours sur le terrain.

Le cas syrien mais aussi l’ensemble des crises récentes qui ne « dérapent » jamais vers la guerre ouverte entre les grandes puissances qui y sont impliquées, semblent nous indiquer que les affrontements contemporains devraient plutôt être perçus comme des luttes internes au sein d’un ordre mondial intégré mais un ordre travaillé par des contradictions internes et qui cherchent à parvenir à une forme plus aboutie, plutôt qu’aux prolégomènes d’une rupture complète en son sein.

Au-delà des discours et des accrochages indirects, dans les faits tous les acteurs majeurs du choc contemporain des puissances semblent être d’accord sur une norme commune : la gouvernance globale est inéluctable mais chacun cherche logiquement à l’orienter stratégiquement dans le sens des intérêts.

Ainsi, comme nous l’écrivions il y a deux ans lors du dernier forum géopolitique de Chisinau : « À mesure que la société ouverte dissout l’ordre normal des relations internationales en le parasitant de l’intérieur via les instances supra-étatiques et transnationales, s’installe alors une forme de guerre civile universelle dont les flammes ne cessent d’éclairer l’actualité. En témoignent les conflits contemporains qui sont de moins en moins des guerres inter-étatiques déclarées mais des conflits asymétriques et hybrides où s’affrontent les « partisans » et les pirates d’une société liquide universelle au sein de théâtres des opérations toujours plus flous, brutaux et non conventionnels. Dans l’esprit mondialiste, ces guerres sont les prolégomènes et le processus nécessaires vers une fin prochaine des antagonismes internationaux. »[28]

Ce qui est à craindre, selon nous, relève plutôt du durcissement en cours de la gouvernance globale vers une forme de dictature planétaire qui chercherait ainsi à freiner les tendances centrifuges trop nombreuses en son sein. Dévoiement totalitaire en cours depuis plusieurs années et qui a franchi une étape décisive à la faveur des mesures sanitaires mondiales :

« À mesure que progresse le cosmopolitisme et son millénarisme anti-étatique[29], progresse de concert la guerre civile mondiale. Pour freiner cette tendance inéluctable et de manière similaire au communisme des origines, l’idéal d’une fin de l’Etat et d’une parousie post-politique aboutira de fait au retour d’un arbitraire plus violent que ce qu’aucun Etat n’aura jamais infligé à ses citoyens dans l’Histoire. Si les Etats-nations sont défaits, émergera alors un Léviathan mondial d’une brutalité inédite et sans frein. »[30]

Une tendance qui va là encore renforcer la concurrence entre la gouvernance mondiale et les léviathans continentaux russe et chinois. Gouvernance mondiale qui use des méthodes de contrôle politique indirecte sous prétexte sanitaire (biopolitique) pour accroître ses prérogatives là les États-nations lui sont subordonnés (principalement la sphère occidentale : UE, USA, Israël etc). Les léviathans continentaux russe et chinois continuent quant à eux d’exercer, voire de renforcer leur monopole étatique, y compris en imitant à leur échelle les normes biopolitiques en cours et en les adaptant. Léviathans continentaux qui seuls possèdent la masse, la puissance et pour l’instant la population nécessaire, pour tenter de garder leur monopole de souveraineté politique et leur intégrité territoriale (toujours menacée sur leurs bords ou leur étranger proche : Xinjiang, Ukraine etc) au sein de la gouvernance mondiale.

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Antonio Guterres.

À ce titre il est intéressant de rappeler ici une intervention de l’actuel Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, durant la cérémonie de l’Assemblée générale marquant le soixante-quinzième anniversaire des Nations Unies, le 21 septembre 2020. A. Guterres y a exposé que le monde « n’a pas besoin d’un gouvernement mondial mais bien d’une gouvernance mondiale améliorée maintenant que la COVID-19 a mis à nu ses fragilités »[31]. Comme pour faire taire les suspicions en la matière après une année d’autoritarisme politico-sanitaire mondial, l’actuel secrétaire des Nations unies (et ancien président de l’Internationale socialiste[32]) a tenu à préciser que :

« Personne ne souhaite de gouvernement mondial – mais nous devons œuvrer de concert pour améliorer la gouvernance mondiale.  Dans un monde interconnecté, nous avons besoin d’un multilatéralisme en réseau, dans lequel la famille des Nations Unies, les institutions financières internationales, les organisations régionales, les blocs commerciaux et d’autres collaborent plus étroitement et plus efficacement. (…) Un multilatéralisme qui soit inclusif et s’appuie sur la société civile, les villes, les entreprises, les collectivités et, de plus en plus, sur la jeunesse. » [33]

On voit ici précisément exposée la dilution progressive de la souveraineté des États que nous avons déjà évoquée sous couvert de l’habituel « multilatéralisme inclusif ». Un multilatéralisme qui fut justement le thème principal de l’intervention du président chinois Xi Jinping au cours de son intervention lors de l’édition virtuelle de l’agenda du Forum économique mondial (FEM) qui se tenait en janvier dernier, peu avant l’éclatement de la crise au Myanmar. Intitulé : « Que le flambeau du multilatéralisme éclaire la marche en avant de l’humanité », le discours de Xi Jinping fut qualifié d’historique par le président du FEM, Klaus Schwab, qui salua le multilatéralisme chinois et la poursuite par la Chine des grands objectifs stratégiques de la gouvernance mondiale : lutte contre le réchauffement climatique, intégration cosmopolitique, décarbonation de l’industrie etc [34].

Le plus grand danger pour l’ordre mondial actuel semble ainsi plutôt relever de l’implosion et de la démolition contrôlée des sociétés que de leur explosion comme au XXème siècle.

Guerre hors-limites et guerre nucléaire ouverte

Pour qu’une rupture systémique se produise actuellement au sein de la gouvernance mondiale et vienne ruiner tous les efforts successifs entrepris depuis des décennies vers l’intégration cosmopolitique, il faudrait que les intérêts stratégiques ou économiques vitaux de l’un des acteurs géoéconomiques principaux de cette gouvernance se trouvent directement menacés. Il faudrait que les incendies perpétuellement allumés sur les lignes de rupture de la tectonique géopolitique contemporaine entre Eurasie et Occident, de l’Ukraine à la Birmanie, en viennent à menacer les centres stratégiques des puissances chinoises et russes et plus seulement leur périphérie. Il faudrait que l’une des puissances principales qui forment l’architecture de l’ordre mondial actuel se décide à rompre cet état de guerre civile mondiale froide perpétuelle et se lance dans un aventurisme guerrier aux conséquences difficilement calculable en termes de coût humain et matériel.

Il faudrait que l’emploi des vecteurs indirects propres à la guerre hors limites contemporaines que nous avons déjà évoqués, s’avèrent incapables de maintenir les intérêts vitaux des acteurs principaux de la gouvernance mondiale et que le statu quo stratégique actuel entre puissances dominantes en vienne alors à être brisé.

Un statu quo qui semble pour l’instant privilégier la pression exercée vers le bas, sur les populations, que vers le haut, c’est-à-dire entre les États et les sommets stratégiques de la gouvernance globale.

Pour autant, un scénario de rupture régionale qui pourrait dégénérer n’est pas à écarter ainsi que le rappelaient les membres du Centre de Réflexion Interarmées (CRI). Ces derniers dénonçaient en juin dernier, l’actuelle stratégie nucléaire US-OTAN qui constitue pour eux un danger pour l’Europe et « un concept qui marque un retour à la guerre froide »[35]. Ils s’alarmaient aussi d’une possible normalisation de l’emploi de l’arme nucléaire de théâtre (ou tactique) dans la doctrine nucléaire américaine contemporaine[36]. Arme nucléaire tactique qui pourrait être employée sur un théâtre d’opération d’Europe orientale face à la Russie.

L’emploi d’armes nucléaires tactiques de théâtre qui aboutiraient par escalade à l’emploi d’armes nucléaires anti-cités est une hypothèse de travail qui a conduit des chercheurs de l’université de Princeton à simuler un conflit entre USA et Russie, conflit qui dégênerait en une guerre nucléaire totale. Un scénario qui aboutirait d’après cette simulation à environ 90 millions de morts, principalement sur le territoire européen. Une projection qui apparaît manquer de rigueur pour certains analystes : l’agresseur étant bien entendu la Russie et surtout les réactions des puissances nucléaires européennes que sont la Grande-Bretagne et la France n’étant pas vraiment prises en considération. Pour autant il est significatif que de telles recherches soient menées sur la base d’éléments dont certains semblent assez réalistes [37].

Une autre hypothèse de rupture pouvant conduire à un embrasement de l’ordre mondial reste celle d’un acteur géopolitique « irrationnel » qui viendrait bousculer les rapports de force et les équilibres précaires existants. C’est une possibilité que nous avons déjà évoquée à propos d’Israël dans notre livre Soros et la société ouverte. Il s’agit de l’option « Samson » que se réserverait une partie de l’appareil militaire et politique israélien :

« Samson est ce héros hébreu connu pour avoir fait s’effondrer sur lui-même et ses assaillants un temple de Philistins, cela au moment où il se sentait acculé par un trop grand nombre d’ennemis. Une idée qui remonterait aux années 60 d’après le journaliste américain Seymour Hersh, auteur en 1991 d’un livre sur l’histoire de l’arme atomique israélienne : « The Samson Option: Israel’s Nuclear Arsenal and American Foreign Policy ». L’historien militaire Martin Levi Van Creveld évoquera a son tour cette « doctrine » militaire de dernier recours :

« Nous possédons plusieurs centaines d’ogives atomiques et de missiles et pouvons les lancer sur des cibles dans toutes les directions, peut-être même contre Rome. La plupart des capitales européennes sont des cibles pour notre force aérienne. Permettez-moi de citer le général Moshe Dayan : “Israël doit être comme un chien fou, trop dangereux pour être embêté” Je considère tout cela comme désespéré à ce stade. Nous devrons essayer d’empêcher les choses d’en arriver là, si cela est possible. Nos forces armées, cependant, ne sont pas la trentième force au monde mais plutôt la deuxième ou la troisième. Nous avons la capacité de faire tomber le monde avec nous. Et je peux vous assurer que cela arrivera avant qu’Israël ne disparaisse » [38]

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Une option militaire qui peut apparaître tellement extrême qu’elle semble en devenir irréaliste, mais qui s’inscrit en fait dans le temps long des représentations bibliques, comme en témoigne cette vision du prophète Zacharie : « Voici la plaie dont l’éternel frappera tous les peuples qui auront combattu contre Jérusalem : leur chair tombera en pourriture tandis qu’ils seront sur leurs pieds, leurs yeux tomberont en pourriture dans leurs orbites, et leur langue tombera en pourriture dans leur bouche. » [39]

Comme nous l’avons régulièrement exposé, nous pensons que les acteurs de la puissance sont en dernière analyse guidés même de manière inconsciente par des représentations et des conceptions politiques qui découlent généralement de concepts et de notions religieuses sécularisées. C’est le domaine de la théopolitique qu’a longuement étudié en son temps Carl Schmitt [40].

En définitive, la forme que prendra l’ordre mondial dépendra aussi des idéologies et visions du monde qui sous-tendent les prises de décision des acteurs géopolitiques qui le forment. En dernier instance et comme toujours dans l’Histoire, ce sera la responsabilité humaine qui devra trancher et déterminer la forme future de cet ordre mondial actuellement en gestation. Et comme disait Karl Marx : « les hommes font l’Histoire, mais ils ne savent pas l’Histoire qu’ils font ».

Pierre-Antoine Plaquevent – avril 2021


[1] Cf. la notion de Max Weber : Monopol legitimer physischer Gewaltsamkeit

[2] Cf. Thomas Hobbes, Le Leviathan, chapitre XXX : De la fonction du Représentant souverain, 1651.

« La fonction du souverain, qu’il soit monarque ou une assemblée, consiste dans la fin pour laquelle le pouvoir souverain lui a été confié, à savoir procurer au peuple la sécurité, fonction à laquelle il est obligé par la loi de nature, et il est obligé d’en rendre compte à Dieu, l’auteur de cette loi, et à personne d’autre. » Voir aussi : L’abolition de l’État de droit et la renaissance de la violence politique – Youssef Hindi
https://strategika.fr/2021/04/12/labolition-de-letat-de-d...

[3] Cf. Soros et la société ouverte : métapolitique du globalisme (édition augmentée), Pierre-Antoine Plaquevent, éditions Culture et Racines, 2020 https://www.cultureetracines.com/essais/5-soros-et-la-soc...

[4] Rappelons que d’après le président biélorusse Alexandre Lukachenko, la Banque Mondiale aurait proposé au Bélarus un financement 940 millions de dollars si l’État y appliquait le même type de mesures sanitaires et sociales qu’en Europe occidentale : quarantaine, isolement, couvre-feu etc. « Nous ne danserons sur la musique de personne » avait commenté le président biélorusse au sujet de ces révélations. Voir ici : https://www.belta.by/president/view/net-bolshej-tsennosti... ou ici  https://www.geopolintel.fr/article2383.html

[5] Amérique latine : où en sont les mouvements de contestation ?

https://www.lefigaro.fr/international/amerique-latine-ou-...

mardi, 13 avril 2021

S’attendre à la prochaine grande guerre: Riyadh contre Bagdad

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S’attendre à la prochaine grande guerre: Riyadh contre Bagdad

Damir Nazarov

Ex : https://www.geopolitica.ru

Alors que la communauté mondiale est occupée à "résoudre" les crises en Libye et au Yémen et à mener des "espèces de simili-négociations" sur la Syrie, un autre conflit majeur, mais tout à fait attendu, mûrit dans le labyrinthe du Moyen-Orient. Ses origines remontent à l'agression de Saddam contre la République islamique d’Iran, mais après l'émergence de DAESH, il est devenu évident que nous pourrions très bientôt assister au début d'une confrontation directe entre les protagonistes. Nous évoquons ici une lutte potentielle entre l'Arabie saoudite et l'Irak (du moins sa partie pro-iranienne). Saddam et ISIS* (vous pouvez mettre un signe égal ici) sont depuis quelque temps la principale force de frappe des impérialistes contre Téhéran, mais malgré l'influence majeure des élites anglo-saxonnes, on ne peut ignorer l'énorme contribution(1) de la plus grande autocratie de la péninsule arabique au potentiel de combat des agresseurs du Baathisme*. Le subtil enchevêtrement entre pétrodollars et idéologie (arabisme, takfirisme) a fait l'affaire.

La première vague de "réveil islamique" a déclenché un mouvement tectonique dans la région et a mis à nu les anciennes contradictions antagonistes entre les partisans de la révolution islamique, d'une part, et les dictatures pro-occidentales, d'autre part. Ainsi, en 2012, les services de renseignement saoudiens avaient accusé le Conseil suprême de la révolution islamique d'Irak de fournir des armes aux révolutionnaires des zones chiites d'Arabie saoudite. C'est précisément en raison des nouvelles réalités, dans lesquelles la République islamique est devenue le premier allié des peuples rebelles de l'Oumma et les Saoudiens le premier ennemi intérieur (le sionisme est l'ennemi extérieur numéro un, après tout), que Riyad a commencé à agir directement contre la RII, ce qui a directement affecté l'Irak. Par exemple, en 2013, la milice irakienne Jaish al Mukhtar a tiré des roquettes sur les Saoudiens en représailles à une attaque terroriste contre l'ambassade d'Iran à Beyrouth.

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Mais l'année 2019 a marqué un certain tournant, les services de renseignement américains signalant que les Irakiens ont attaqué les Saoudiens pour la première fois d'une ‘’nouvelle manière’’ (2). L'ombre du soupçon s'est abattue sur la Brigade du Hezbollah. Que cela soit vrai ou non n'a aucune importance, car il est devenu évident que l'"ancien" conflit est entré dans une nouvelle phase. Cette année encore, nous avons pu assister à un échange de coups. Le 21 janvier, les services spéciaux saoudiens, sous couvert d'ISIS, ont organisé une attaque à Bagdad, et deux jours plus tard, la ‘’Brigade de la vraie promesse’’ a utilisé un drone pour attaquer le palais royal.

L'omniprésence des Américains dans la région a également permis d'établir un lien entre l'organisation nouvellement fondée et le Hezbollah irakien. Acte de terreur, contre-attaque de guérilla, nous serons probablement témoins, encore et encore, d'un acte de terreur des Saoudiens et d'actions de guérilla de représailles des Irakiens qui illustrent qui est le guerrier et qui est le terroriste dans cette guerre.

Il est difficile de prédire à quelle faction de la Résistance islamique appartiennent les groupes qui attaquent la dictature saoudienne, mais sur un point, les Américains ont sans doute raison, le corps du Hezbollah d'Irak a vraiment des capacités énormes. Avec le soutien de la RABD et de l'IRGC, la ‘’Brigade du Hezbollah’’ a réussi à construire son propre "État profond" et à poursuivre son développement avec succès sur divers fronts. Dans ce contexte, il convient d'ajouter que les "partisans irakiens de Wilayat al-Faqih" ont établi des relations solides avec diverses forces politiques islamiques dans le pays, ce qui témoigne de leur crédibilité personnelle et de leur capacité à être des tacticiens flexibles.

Conclusion : peut-on encore affirmer qu'une nouvelle guerre à grande échelle nous attend ? Certainement oui (3), toute la question est celle du timing. Une guerre au plein sens du terme entre les éléments clés des deux alliances (4) est à prévoir dans un avenir proche, mais la "guerre froide" locale, utilisant des tactiques de sabotage, bat déjà son plein et trouve son origine dans l'intervention de Washington en Irak. Personnellement, je suis sûr que l'aventure yéménite n'aura absolument aucun effet sur les ambitions de la cour saoudienne. Il ne s'agit même pas ici de "folie politique", mais plutôt de "continuer la politique par d'autres moyens". Car ce n'est qu'une question de temps avant que l'Irak ne devienne "islamo-révolutionnaire", après quoi la présence des colonialistes commencera à reculer de manière accélérée, et leur départ imminent affectera certainement les marionnettes pro-occidentales de la région. Mais ce qui effraie le plus la Maison des Saoud, c'est qu'un État jeune et ambitieux, doté d'une nouvelle idéologie, émerge à côté d'une autocratie décrépite, Etat jeune qui a bien l'intention d'exporter des idées révolutionnaires. Riyad comprend que, dans ce scénario, le "nouvel Irak" ne se limitera manifestement pas à soutenir les enclaves chiites de l'Arabie saoudite; l'essentiel de l'aide ira aux forces sunnites et salafistes locales qui s'opposent au régime.

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En décrivant le régime saoudien au pouvoir comme un agresseur intransigeant, on peut se référer aux conclusions du camp du "Grand Satan". En 2019, le Washington Post a décrit Mohammad bin Salman (MBS) comme le "nouveau Saddam". Et si l'on compare les années 80 à notre époque, on constate effectivement de nombreuses similitudes. Le régime de Saddam, profitant du soutien des grandes puissances mondiales des deux camps de l'époque, a attaqué la jeune république révolutionnaire, et n'a pas caché la raison de l'agression - en pointant du doigt l'idéologie islamique de la révolution. Aujourd'hui en Irak, avec quelques réserves, mais il y a bien un "changement révolutionnaire", symbolisé par Hashad al-Shaabi et ses alliés. Le renforcement du facteur islamique dans un pays voisin, n'est-il pas une raison pour tenter une intervention visant à détruire l'institution de pouvoir nouvellement apparue et indépendante ? Une analogie avec le comportement de l'Irak baasiste à la fin du XXe siècle s'impose.

Le "Saddam saoudien" a déjà déclenché un massacre contre la Révolution (événements au Yémen), en échouant lamentablement, mais il faut savoir que le prince héritier n'est qu'un des nombreux intrigants ambitieux qui ne manqueront pas de saisir l'occasion pour éteindre la lumière d'un "nouveau soulèvement" ou déclencher une autre guerre au nom de leurs propres intérêts et d'une tentative de plaire au sionisme. En particulier lorsque les ressources pro-occidentales brossent le tableau d'un "Irak faible" avec une abondance de problèmes internes, le désir d'organiser une "guerre victorieuse éclair" est multiplié. La faiblesse de l'appareil d'État, gangrené par la corruption et protégé par les Américains, les tendances séparatistes au Kurdistan et à Anbar, la lutte à l'intérieur du camp chiite (Sistani, laïcs, chiraziens contre l'Iran), tous ces éléments présentent à première vue une perspective assez favorable à une nouvelle aventure saoudienne, surtout avec le soutien actif du sionisme et des États-Unis, mais Riyad se rend-il compte des conséquences évidentes ? Probablement pas, et l'histoire du Yémen en est la preuve.

Les Américains sont déjà activement engagés dans le développement de scénarios pour une future guerre entre les Saoudiens et l'Irak. Ainsi, The Economist, citant des "responsables irakiens", parle d'une prétendue "milice armée de 1400 missiles qui se rassemble près de la frontière avec l'Arabie saoudite". N'est-ce pas une remise en jeu provocante ?

Le soutien de Riyad aux Takfiris a été symbolisé par les propos du prince Saoud al-Faisal, alors ministre des Affaires étrangères, qui a déclaré au secrétaire d'État John Kerry à l'automne 2014: "ISIS est notre réponse à votre soutien au parti Dawa'a".

 

  • (1) Ce soutien se poursuit à ce jour, même en termes de logistique, les Saoudiens fournissent aux Takfiris tout ce dont ils ont besoin. Exemple avec les voitures, les Saoudiens en ont fourni à DAESH depuis début 2014 jusqu'à aujourd'hui.
  • (2) Signifie le rôle important du corps du Hezbollah dans le cadre de la force de mobilisation populaire irakienne.
  • (3) "La guerre ne peut être évitée, elle ne peut être que retardée - à l'avantage de votre ennemi", Nicolo Machiavelli.
  • (4) Il s'agit ici de la confrontation entre le bloc pro-américain, où les Saoudiens jouent un rôle majeur, et le bloc pro-iranien, pour lequel l'Irak est le principal maillon de l'Axe de la Résistance.

DAESH (ISIS) - interdit dans la Fédération de Russie.

« Cessons d’être des Occidentaux et redevenons des Européens d’origine boréenne » - Entretien avec Georges Feltin-Tracol

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« Cessons d’être des Occidentaux et redevenons des Européens d’origine boréenne »

Entretien avec Georges Feltin-Tracol

Propos recueillis par Andrej Sekulovic

Pour commencer, pouvez-vous nous donner une brève introduction sur votre domaine d’expertise, votre travail et vos activités en cours ?

J’ai 50 ans. Formé aux sciences politiques, à l’histoire et à la géographie, j’ai aussi suivi des cours de droit constitutionnel.

J’écris mes premiers articles dès 1993. J’ai publié une dizaine de livres et collaboré à une dizaine d’autres. En 2005, je fonde avec quelques amis le site identitaire français Europe Maxima dont j’assume la rédaction en chef.

Je collabore aux Cahiers d’histoire du nationalisme, à la revue Synthèse nationale et au Magazine des Amis de Jean Mabire. Je tiens enfin chaque semaine sur le site officiel de TVLibertés un podcast intitulé « Chronique hebdomadaire du Village planétaire ».

Dans le passé, vous étiez également membre du grand groupe de réflexion français de la « Nouvelle Droite », le GRECE. Parlez-nous un peu de votre travail au sein de ce groupe de réflexion et de la « Nouvelle Droite » elle-même ?

Il faut d’abord rappeler aux lecteurs que le terme de « Nouvelle Droite » provient de journalistes de gauche hostiles qui alimentent une violente campagne de presse de l’été 1979. Fondé à la fin des années 1960, le GRECE est un groupe de réflexions pluridisciplinaires et contre-encyclopédiques qui n’a jamais pris de positions politiques, sauf à deux occasions :

– en 1974, quand son secrétaire général, Jean-Claude Valla (1944 – 2010), appelle les lecteurs d’Éléments à voter pour Valéry Giscard d’Estaing au second tour de l’élection présidentielle contre le candidat de l’union de la gauche socialiste – communiste François Mitterrand;

– en 1992, quand le rédacteur en chef d’Éléments, Charles Champetier, défend le « non » au référendum sur le traité européen de Maastricht. Sa prise de position suscite de vifs débats. Si Alain de Benoist s’abstient, les « Nouvelles Droites » flamande et italienne soutiennent le « oui ».

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Le GRECE m’a intellectuellement formé. J’y ai rencontré de grandes figures pionnières aujourd’hui décédées comme Roger Lemoine (1928 – 1999), Maurice Rollet (1933 – 2014) ou Jacques Marlaud (1944 – 2014). J’ai d’abord publié des articles dans ses publications régionales avant d’écrire dans Éléments. Parrainé par Jacques Marlaud et Charles Champetier, je me suis occupé du Lien, son bulletin interne. Je suis aussi intervenu à ses nombreuses universités d’été dans les années 1990 – 2000.

Aujourd’hui, le GRECE n’existe plus dans les faits. Il a été remplacé par l’Institut Iliade dont l’ambition plus politique s’inscrit dans la perspective d’un retour en politique après 2022 de Marion Maréchal, la nièce de Marine Le Pen. Je me suis détaché pour diverses raisons de la « Nouvelle Droite » parisienne qu’il ne faut pas confondre avec les « Nouvelles Droites » présentes dans les différentes régions françaises, ni avec les autres manifestations ailleurs sur le continent indépendantes, en particulier les initiatives autour de Synergies européennes de l’excellent Robert Steuckers. Je continue à ma modeste mesure l’immense entreprise de démolition des mystifications de la Modernité, du Progrès et de l’Égalité.

Une partie de votre travail porte sur la géopolitique. Que pouvez-vous nous dire sur l’actuelle situation géopolitique ? Pensez-vous que les objectifs géopolitiques de grands « acteurs » tels que la Chine, la Russie, les États-Unis d’Amérique ou de l’Union européenne évolueront dans un proche avenir ?

Balayer l’actuelle situation géopolitique en quelques lignes ne serait pas sérieux. Je ne lis pas l’avenir. Mais je ne me dérobe pas.

L’Union dite européenne prouve chaque jour son inutilité géopolitique. Ce vide existentiel atteint aussi les nations, les États et les peuples, ce qui invalide le souverainisme national et les propositions de « Frexit » ou d’« Italexit ». Le risque de sécession de la Catalogne montre aussi que l’indépendantisme et le gauchisme travaillent en réalité pour le mondialisme. Sauver notre civilisation passe par un saut historique vers une véritable unité européenne.

unnamed.jpgLa Russie reste une puissance d’ordre continental, mais l’immensité de son territoire, son faible nombre d’habitants, sa natalité toujours déficiente et sa porosité démographique avec les populations du Caucase méridionale et d’Asie Centrale fragilisent ses ambitions. N’oublions pas que Vladimir Poutine n’est pas immortel.

Avec Joe Biden élu grâce aux fraudes massives de l’« État profond », les États-Unis redeviennent le sheriff du monde entier. Mais ont-ils encore les moyens de dominer les cinq continents ? La société yankee est plus que jamais divisée. Les États-Unis se rapprochent du Tiers-Monde et la drogue ravage leurs campagnes. Verra-t-on leur éclatement ? Je le souhaite, mais je ne parierai pas.

Quant à la Chine, grâce à sa dynastie septuagénaire, le Parti communiste, elle retrouve la place qu’elle a perdue à la fin du XVIIIe siècle : la première. Face à la montée en puissance de Pékin, il faut prendre en compte l’émergence de l’Inde sous le gouvernement national-conservateur de Narendra Modi. On oublie que la Chine vieillit et qu’en 2050, l’Inde sera l’État le plus peuplé du monde. Et si le XXIe siècle était son siècle?

Vous avez également écrit sur la troisième voie et le mouvement solidariste. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les solidaristes et sur les grands principes des mouvements de troisième voie ?

Au risque de me défausser, ma réponse développée dépasserait le cadre de cet entretien. Après une publication récente en espagnol, Pour la troisième voie solidariste pourrait être traduit en anglais ou en slovène. Dans cet ouvrage, je me concentre sur la France sans pour autant ignorer les voisins européens et les expériences en Amérique du Sud et en Russie.

Le solidarisme est d’abord une formulation de l’homme politique français, le républicain Léon Bourgeois (1851 – 1925), premier président du Conseil de la Société des Nations. Il veut donner au radicalisme – le mouvement républicain franc-maçon qui constitue le cœur nucléaire de la IIIe République française (1870 – 1940) – une idéologie. L’ingénieur allemand Rudolf Diesel (1858 – 1913) écrit en 1903 un essai intitulé Solidarismus. Le Flamand Joris van Severen (1894 – 1940) fonde en 1931 en Belgique le Verdinaso (Ligue des solidaristes nationaux thiois). Dans la même décennie, avant de rejoindre la Phalange espagnole, Ramiro Ledesma Ramos (1905 – 1936) anime le national-syndicalisme et influence les mouvements d’Amérique latine tels le péronisme argentin ou le sinarquisme mexicain.

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Après la Guerre d’Algérie en 1962, les jeunes militants de l’Algérie française reprennent à leur compte le solidarisme et travaillent avec la NTS (la résistance solidariste russe en exil). En 1975, un militant solidariste français, Francis Bergeron qui dirige maintenant le quotidien national-catholique Présent, distribue des tracts anti-soviétiques sur la Place Rouge à Moscou ! À la même époque, d’autres solidaristes français partent au Liban combattre aux côtés des phalangistes chrétiens contre les musulmans progressistes.

La troisième voie (« Ni trusts ni soviets » et « Ni Washington ni Moscou ») prend des formes variées. En France, elle se manifeste avec le bonapartisme de l’empereur Napoléon III, le catholicisme social des royalistes contre-révolutionnaires, le distributisme cher à l’écrivain britannique G.K. Chesterton ou le gaullisme de Charles De Gaulle. Ce dernier prônait l’indépendance nationale, une Europe libérée des blocs issus de Yalta et la justice sociale (l’association du capital et du travail, l’intéressement aux bénéfices et la participation des producteurs à l’avenir de leur entreprise).

Quels autres auteurs, philosophes et écrivains ont-il eu le plus d’influence sur vous et vos travaux ? Quels auteurs recommanderiez-vous à nos lecteurs ?

Je ne mentionne que des défunts : l’Italien Julius Evola, les Allemands Carl Schmitt et Arthur Moeller van der Bruck, le Suisse Denis de Rougemont, l’Étatsunien Francis Parker Yockey, le Belge Jean Thiriart, les Français Joseph de Maistre, René Guénon, Charles Maurras, Maurice Barrès, Robert Aron, Arnaud Dandieu, Julien Freund, Guillaume Faye, Robert Dun, Dominique Venner ou Guy Debord. J’en oublie bien sûr…

J’invite vos lecteurs à les lire dans le texte ou dans une traduction disponible en anglais ou en allemand.

Quelle est votre avis sur les mouvements identitaires et nationalistes contemporains ?

Vaste question ! Chaque mouvement est différent, y compris au sein d’un même pays. Je porte un regard assez positif sur les mouvements nationalistes et identitaires, surtout s’ils s’opposent au monde financier et au multiculturalisme, à l’immigration extra-européenne et à la corruption politique.

9782367980652-475x500-1.jpgJe déplore en revanche que certains mouvements cherchent encore à régler des désaccords frontaliers et les contentieux historiques. Les nationalistes doivent renoncer aux vieilles et vaines querelles pour défendre l’intérêt général européen. Je n’apprécie pas que le FPÖ s’attaque à la minorité slovène en Carinthie. Je n’aime pas que les nationalistes norvégiens ou suédois s’indignent de la présence des Samis, ces indigènes d’Europe septentrionale.

Disciple de Julius Evola, fils d’un des cofondateurs du MSI, le penseur italien Adriano Romualdi (1940 – 1973) affirmait avec raison que « seuls les nationalistes peuvent faire l’Europe ». Les « bons Européens » doivent soutenir les avant-postes de notre civilisation européenne : protéger les enclaves espagnoles au Maroc, libérer Chypre de l’occupation turque et l’unir à la Grèce, reprendre à la Turquie la Thrace orientale et Constantinople, soutenir l’Arménie et l’Artsakh – Nagorny Karabakh. Ils doivent enfin exiger le départ de toutes les troupes US d’Europe et la dissolution de l’OTAN.

Que pouvez-vous nous dire sur la situation politique actuelle en France ? Comment voyez-vous les développements au sein de l’Union européenne, y compris les migrations massives, la crise du covid-19 et le fossé entre les États-membres du V4 et le reste des pays occidentaux « libéraux » de l’UE ?

Votre question comporte plusieurs sous-questions. La France arrive lentement à son nadir historique. Sa classe politique, intellectuelle, artistique, culturelle, économique, technicienne et sanitaire est d’une affligeante nullité. Les Français sont responsables de ce drame historique. Les nationalistes les ont prévenus depuis cinquante ans. Ils ne les ont pas écoutés ! En 1973, le gouvernement français interdit le mouvement Ordre nouveau, créateur du Front national, qui avait tenu une réunion électorale contre l’immigration, principal vecteur de la tiers-mondisation de l’Europe.

L’actuelle crise sanitaire favorise l’expansion du capitalisme de surveillance. Le covid-19 permet une expérience incroyable d’ingénierie sociale et de guerre psychologique 3.0 afin de domestiquer les peuples européens récalcitrants. Ce dressage social réussira-t-il ou bien connaîtrons-nous des insurrections salvatrices ? L’avenir nous le dira.

Le pessimiste lucide que je suis ne croit pas à l’influence déterminante du V4 (ou Groupe de Visegrad). Sous le même emballage « illibéral », la Hongrie et la Pologne divergent par rapport à la Russie. Varsovie et Budapest se plient aux conditions sur l’« état de droit » du plan de relance européen. Le V4, même avec l’apport de la Slovénie, voire de la Croatie, ne fera jamais le poids face à l’axe franco-allemand. Par ailleurs, Viktor Orban et Jaroslaw Kaczynski sont des « faux héros réactionnaires (ou conservateurs) ». On doit cette notion à Thomas Molnar (1921 – 2010) dans son essai La Contre-Révolution (1969). Catholique hongrois polyglotte exilé aux États-Unis, Thomas Molnar participait au courant paléo-conservateur. Ce collaborateur des « Nouvelles Droites » française, allemande, autrichienne et italienne conseilla le jeune Orban entre 1998 et 2002.

9782367980485-475x500-1.jpgLes régimes hongrois et polonais ne sont pas révolutionnaires–conservateurs, mais plutôt nationaux-conservateurs. Ils prennent une bonne direction, mais ils manquent de radicalité.

Quelle conséquences géopolitiques pensez-vous qu’auront les élections américaines de l’année dernière ?

Avec Joe Biden, l’humanitarisme armé et interventionniste retrouve la Maison Blanche. Les États-Unis reprennent leur volonté d’exporter partout leur conception frelatée et aliénée du bonheur bourgeois, mais ils sont très divisés : la guerre culturelle fait rage sur les campus et dans les mass media. Le sang des Étatsuniens coulera encore et encore au nom du Progrès et des droits de l’homme (pardon ! de l’humain fluide non genré trans-post-méta-sexuel…). Il importe au contraire de valoriser toutes les affirmations identitaires qui s’y développent. Ce modèle d’ultra-modernité doit éclater sous ses contradictions internes.

Selon vous, quel est l’avenir de l’Europe et de l’Occident ?

Je tiens à distinguer l’Occident de l’Europe. En 2021, l’Occident relève de l’atlantisme et du cosmopolitisme. L’Occident ne coïncide donc plus avec l’Europe dont l’antique civilisation brille de ses derniers feux. Cessons d’être des Occidentaux et redevenons des Européens d’origine boréenne. Comment ? En bâtissant un État central continental qui délivrerait la nationalité européenne aux seuls Européens. Ainsi serais-je un citoyen français de nationalité européenne et les lecteurs, des citoyens slovènes, autrichiens ou allemands de nationalité européenne. Je ne verrai pas de problème qu’un Danois ou un Italien soit maire de Strasbourg ou qu’un Hongrois devienne président de la République européenne de France.

Trêve de rêverie ! L’Europe court avec l’affreuse Union européenne vers sa perte finale. Amor fati !

Avez-vous un dernier conseil ou un dernier message pour les lecteurs slovènes ?

Je les salue. Ils appartiennent à un vieux peuple et à un jeune État. Pendant des siècles, ils ont connu diverses dominations étrangères plus ou moins consenties. Au XXe siècle, la Slovénie a subi l’oppression de la première Yougoslavie royale serbe, puis de la seconde Yougoslavie titiste. Le peuple slovènes a quand même conservé leur identité, base indispensable pour fonder la souveraineté. Il est un bel exemple de persévérance historique.

Outre de magnifiques paysages karstiques, la Slovénie est la patrie du célèbre groupe musical Leibach et du remarquable courant artistique NSK à l’esprit néo-futuriste, ironique et « situationniste ». Leur apparition a correspondu aux premiers signaux de la fin de la Guerre froide.

Amis Slovènes, vous êtes le Midi de la Mitteleuropa danubienne !

Propos recueillis par Andrej Sekulovic pour le site slovène tradicijaprotitiraniji.org mis en ligne en anglais et en slovène les 19 et 22 mars 2021, versions allemande et néerlandaise consultables sur Synergon Infos, le 4 avril 2021.

https://synergon-info.blogspot.com/2021/04/georges-feltin-tracol-die-rettung.html

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