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jeudi, 19 mars 2015

Entretien avec David Cumin sur Carl Schmitt

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Entretien avec David Cumin: «Carl Schmitt est un catholique prussien, un Prussien catholique»

Maître de conférences (HDR) à l’Université Jean Moulin-Lyon III, Faculté de Droit, et membre du CLESID, David Cumin est un spécialiste reconnu de l’œuvre de Carl Schmitt dont il a publié une Biographie politique et intellectuelle en 2005Nous revenons ici sur l’actualité et la réalité d’une pensée controversée.

cscu51095HRWDSL._UY250_.jpgPHILITT : Dans votre biographie politique et intellectuelle de Carl Schmitt, vous relativisez sans occulter le rôle qu’il a joué dans l’administration du IIIe Reich. Pourquoi réduit-on l’œuvre de Schmitt à cet épisode, et pourquoi est-ce, selon vous, une erreur ?

David Cumin : J’ai été le premier en France, dans ma thèse soutenue en 1996 à démontrer l’engagement de Carl Schmitt dans le IIIe Reich. Autrefois, cet engagement était plus ou moins occulté, négligé voire oublié. Et c’est en 1994 à la bibliothèque universitaire de Strasbourg que j’ai exhumé tous les textes de Carl Schmitt juriste et politiste de la période qui s’étend de 1933 à 1945. Personne ne l’avait fait depuis la Libération, et c’est en lisant, traduisant, analysant ces textes que j’ai pu avérer ce fait là.

Son engagement a été très fort, mais on ne peut pas réduire la production intellectuelle de Schmitt aux années 1939-1945. Il a écrit avant et après cette période, et il y a des points de ruptures certes, mais aussi une vraie continuité sur certains sujets. Par exemple après 1933, par opportunisme, il intègre la doctrine raciale dans sa conception du droit et de la politique, mais de façon superficielle et controversée. Controversée par les nationaux-socialistes eux-mêmes ! On lui reprochera, à la suite d’une enquête de la SS en 1936, d’être un vrai catholique et un faux antisémite. Dès lors, sa carrière est bloquée. Il aurait peut-être apprécié d’être le juriste du IIIe Reich, mais il n’y est pas parvenu, parce que sa conception raciale était superficielle. Le véritable juriste du IIIe Reich était un rival de Schmitt : Reinhard Höhn.

Si on réduit le personnage et son œuvre à cette période c’est évidemment pour des raisons polémiques, pour les discréditer. Et pourtant, nombreux sont les critiques de Schmitt qui ne connaissent pas ses écrits de la période 1939-1945, qui n’ont toujours pas été traduits pour nombre d’entre eux. Il y a d’ailleurs des textes de cette période qui n’ont rien d’antisémites ou de raciaux, notamment sur le concept discriminatoire de guerre qui reste un texte majeur de droit international.

PHILITT : Voyez-vous une contradiction entre l’héritage intellectuel des grands penseurs politiques classiques (Hobbes, Thucydide, Machiavel, Bodin) porté par Carl Schmitt d’une part, sa catholicité d’autre part, et son adhésion au NSDAP (Parti national-socialiste des travailleurs allemands) ?

David Cumin : Effectivement, Schmitt est un classique, imprégné de culture française, latine, catholique. Il a pour références Bonald, Maistre, Cortès… C’est un Européen catholique ! Mais en même temps il est un nationaliste allemand. Et il se trouve qu’il a, en 1933, les mêmes ennemis qu’Hitler. Il est contre Weimar, contre Versailles et contre le communisme. Or, c’est à ce moment qu’il arrive au sommet de sa carrière, mais il doit concilier sa culture classique et sa catholicité avec son adhésion au NSDAP. Même si ce dernier n’est pas anticatholique dès 1933 puisqu’un Concordat relativement favorable à l’Église catholique est signé, le problème se pose plus tard, et se cristallise autour du problème de l’embrigadement de la jeunesse. Cette lutte contre l’Église met Schmitt dans une situation inconfortable, mais il la surmonte : depuis toujours il a connu la difficulté d’être à la fois catholique et prussien de naissance. En 1938 dans un livre sur Hobbes il formule une critique de l’Église qu’il accuse d’avoir une influence indirecte ou cachée, lui qui faisait l’éloge d’une autorité visible. Mais définitivement, Schmitt est un paradoxe ! Tout en étant catholique, il a divorcé. Ses deux épouses étaient des orthodoxes serbes, autre paradoxe… Mais ce qui est absolument essentiel chez Schmitt, c’est l’ennemi. Pour lui l’ennemi primait sur tout, il disait :  « l’ennemi est la figure de notre propre question ».

PHILITT : Faut-il donc considérer la pensée de Schmitt, et celle de la Révolution conservatrice allemande de manière globale, comme un réel moteur du NSDAP ou comme une simple caution intellectuelle ? 

David Cumin : Ce n’est pas un moteur, ce n’est pas non plus une caution. C’est davantage une connivence. Le NSDAP est un parti de masse, un parti de combat, mais qui n’a pas de réelles idées neuves. Toute la production intellectuelle est due à la Révolution conservatrice allemande, pour autant beaucoup d’auteurs sont distants : Ernst Jünger se distingue immédiatement, Martin Heidegger s’engage mais sera vite déçu. Carl Schmitt est peut-être celui qui s’est le plus engagé, mais comme nous l’avons dit dès 1936 sa carrière est bloquée. Et n’oublions pas que le NSDAP est composé, tout comme la Révolution conservatrice allemande, de différents courants. Par exemple certains sont catholiques, d’autres se réclament du paganisme etc…

Mais il y a tout au plus des passerelles, des connivences, le principal point commun étant le nationalisme et l’ennemi : Weimar, Versailles, le libéralisme et le communisme. D’ailleurs, le NSDAP méprisait les intellectuels, et plus particulièrement les juristes. Encore un problème pour Schmitt, donc.

PHILITT : Une erreur du NSDAP n’est-elle pas d’avoir voulu bâtir une notion d’État stable et pérenne sur des idées (celles de la Révolution Conservatrice Allemande) nées d’une situation d’urgence et d’instabilité, celle de l’entre-deux guerres ?

David Cumin : Effectivement, des deux côtés il y a une pensée de l’urgence, de l’exception, de la crise, de la guerre civile. Les partis communistes, socialistes, le NSDAP, ont tous à l’époque leurs formations de combats. Mais attention sur la question de l’État. Si la plupart des conservateurs, comme Schmitt, mettent au départ l’accent sur l’État, le NSDAP lui met le Volk, le Peuple, la race, au centre. Et après 1933, Schmitt va désétatiser sa pensée : il théorise la constitution hitlérienne selon le triptyque État – Mouvement – Peuple. L’État n’est plus qu’un appareil administratif, judiciaire et militaire. C’est donc le parti qui assume la direction politique, et la légitimité est tirée de la race, du peuple. L’État est en quelque sorte déchu, et le Peuple est réellement au centre. Schmitt pense alors le grand espace, qui reste une pensée valable au lendemain de la guerre ! Dans le contexte du conflit Est-Ouest, ce n’est pas l’État qui est au centre mais c’est bien cette logique des grands espaces qui domine.

PHILITT : Toujours s’agissant du contexte historique, l’appellation de Révolution conservatrice allemande est-elle justifiée ? Les penseurs de ce mouvement intellectuel peuvent-ils réellement être rangés dans le triptyque réaction/conservatisme/progressisme ou faut-il considérer ce mouvement comme spécifique à une époque donnée et ancrée dans celle-ci ?

David Cumin : C’est un moment spécifique à une époque, en effet, et l’expression me semble très judicieuse. Armin Mohler, qui fut secrétaire d’Ernst Jünger, a écrit La Révolution conservatrice allemande en 1950, traduit en France une quarantaine d’années plus tard. C’est donc lui qui a forgé l’étiquette, qui me semble très appropriée. Ce sont des conservateurs, qui défendent les valeurs traditionnelles, mais ils sont révolutionnaires dans la mesure où ils luttent contre la modernité imposée à l’Allemagne (le libéralisme, le communisme). Ils sont révolutionnaires à des fins conservatrices. Ils admettent la modernité technique, qui les fascine, mais veulent la subordonner aux valeurs éternelles. Leurs valeurs ne sont pas modernes. Et ce qui est intéressant, c’est qu’ils s’approprient les concepts modernes de socialisme, de démocratie, de progrès notamment, pour les retourner contre leurs ennemis idéologiques. Par exemple la démocratie pour Schmitt n’est pas définie comme le régime des partis, la séparation des pouvoirs, mais un Peuple cohérent qui désigne son chef.

PHILITT : Vous êtes professeur et auteur d’ouvrages sur l’Histoire de la guerre et le droit de la guerre et de la paix. Avec le recul, pensez-vous que les travaux de Schmitt (sur la figure du partisan, sur le nomos de la terre, par exemple) restent des clés de lectures valides et pertinentes après les bouleversements récents de ces deux domaines ?

hg2677565573.jpgDavid Cumin : Absolument, Le Nomos de la terre et L’Évolution vers un concept discriminatoire de guerre restent deux ouvrages tout à fait incontournables. Le Nomos de la terre est absolument fondamental en droit international, en droit de la guerre. De même que la théorie du partisan, qui pourrait être améliorée, amendée, actualisée, mais demeure incontournable. On peut d’ailleurs regretter que ce ne soit que très récemment que les spécialistes français en droit international se soient intéressés à Schmitt. Pourtant il y a toujours eu chez lui ces deux piliers : droit constitutionnel et droit international. Par exemple, ses écrits sur la Société des Nations sont tout à fait transposables à l’ONU et donc tout à fait d’actualité.

PHILITT : Peut-on considérer qu’il y a aujourd’hui des continuateurs de la pensée de Carl Schmitt ? 

David Cumin : Schmitt a inspiré beaucoup d’auteurs, dans toute l’Europe. Il a été beaucoup cité mais aussi beaucoup pillé… Très critiqué également notamment par l’École de Francfort et Habermas qui a développé son œuvre avec et contre Schmitt. Un ouvrage britannique, Schmitt, un esprit dangereux, montrait bien toute l’influence de Schmitt dans le monde occidental et dans tous les domaines. Le GRECE et la Nouvelle Droite se sont réclamés de Schmitt, mais dans une perspective plus idéologique.

Dans un registre plus scientifique, en science politique, Julien Freund a revendiqué deux maîtres : Raymond Aron et Carl Schmitt. Il en a été un continuateur. Pierre-André Taguieff a été inspiré par Schmitt également, et plus récemment Tristan Storme. Schmitt a influencé énormément d’auteurs à droite comme à gauche. Giorgio Agamben, Toni Negri, la revue Telos aux États-Unis située à gauche sont fortement imprégnés de l’œuvre de Carl Schmitt. On peut difficilement imaginer travailler sur le droit international sans prendre en considération l’œuvre de Carl Schmitt.

PHILITT : Finalement, comment résumeriez-vous la pensée de Carl Schmitt ? 

David Cumin : Tout le paradoxe de l’existence et de l’œuvre publiée de Schmitt se résume ainsi : Carl Schmitt est un catholique prussien, un Prussien catholique. Sa catholicité expliquant son rapport à l’Église qui est pour lui le modèle de l’institution. Son origine prussienne expliquant son rapport à l’État, et surtout à l’armée. Il avait donc ces deux institutions, masculines, pour références, qui fondent le parallèle entre la transcendance et l’exception. Les polémistes disent « Schmitt le nazi », ce qui correspond à une période de sa vie, où il n’était pas forcément triomphant. Je préfère parler du « Prussien catholique », qui met en exergue le paradoxe de son existence et de son œuvre toutes entières.

mercredi, 18 mars 2015

Il ’68 lo ha inventato D’Annunzio a Fiume

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Il ’68 lo ha inventato D’Annunzio a Fiume

È un tale anticipatore che ha rinnovato la letteratura italiana dell’800 quando pubblicò Il Piacere, subito diffuso in tutto il mondo, quando all’estero nessuno conosceva Manzoni. Ha rinnovato la poesia italiana, i rapporti con la borghesia, con la politica, con la vita militare. Soprattutto ci lascia oggi un messaggio molto importante, “Conservare intera la libertà fin nell’ebbrezza” e “Non chi più soffre ma chi più gode conosce”. E qui non si tratta di edonismo, ma di godimento come vita intellettuale libera e gioiosa. Questi sono i suoi messaggi, oltre a quello di guardare sempre avanti, progettare e imporre il proprio futuro, saper far sognare agli altri uomini i propri sogni.
 
di Giordano Bruno Guerri
 
Ex: http://www.lintellettualedissidente.it 

ann12445931.jpgCi racconti un episodio OFF dell’inizio della tua carriera?
Un giorno ho pubblicato il mio libro su Bottai, che era la mia tesi di Laurea, da Feltrinelli. Ebbe un immenso successo soprattutto di discussioni sollevate, perché per la prima volta si sosteneva e si dimostrava che non solo era esistita una cultura fascista, ma che erano esistiti anche dei fascisti onesti e in gamba come Bottai. Il fatto poi che l’avesse pubblicato Feltrinelli… puoi immaginare l’emozione e il disorientamento che provocò. Un giorno ricevetti una chiamata da un ragazzo a me ignoto, mi disse che aveva letto il libro e avrebbe avuto piacere di incontrarmi con alcuni amici. Andai volentieri a quel pranzo in Corso Sempione, dove trovai e conobbi le menti migliori della Nuova Destra di allora, che erano Solinas, Cabona, Tarchi, e non so quanti altri. La cosa buffissima, che mi fece molto ridere, era che il ristorante – tutt’altro che ‘Nuova Destra’ – era tenuto da un signore in camicia nera che ci salutò con il saluto romano e che aveva l’intero ristorante tappezzato di ritratti di Mussolini. Fu un curioso incontro, abbastanza OFF, mi sembra!

Sei uno scrittore, un giornalista, uno degli storici più apprezzati d’Italia e in questo momento sei il Presidente del Vittoriale degli Italiani, la casa museo di Gabriele D’Annunzio. Quest’anno si chiudono le celebrazioni del 150° anniversario della sua nascita, che cosa ha lasciato D’Annunzio all’arte e alla cultura italiana?
D’Annunzio non solo ha lasciato, ma dona ancora. È un tale anticipatore che ha rinnovato la letteratura italiana dell’800 quando pubblicò Il Piacere, subito diffuso in tutto il mondo, quando all’estero nessuno conosceva – e tuttora nessuno conosce – Manzoni. Ha rinnovato la poesia italiana, i rapporti con la borghesia, con la politica, con la vita militare. Soprattutto ci lascia oggi un messaggio molto importante, “Conservare intera la libertà fin nell’ebbrezza” e “Non chi più soffre ma chi più gode conosce”. E qui non si tratta di edonismo, ma di godimento come vita intellettuale libera e gioiosa. Questi sono i suoi messaggi, oltre a quello di guardare sempre avanti, progettare e imporre il proprio futuro, saper far sognare agli altri uomini i propri sogni.

Le battaglie politiche di D’Annunzio oggi sono ancora attuali?
Sono sempre attuali. Contrariamente a quello che si pensa, con questa etichetta di ‘filofascista’ che gli è stata attribuita – lo era anche, perché era un superuomo e quindi aveva adottato il superomismo che poi combaciava in qualche modo con il fascismo –, era sostanzialmente un libertario e la difesa della libertà dell’individuo deve essere un nostro compito, dovrebbe essere una delle missioni della Destra, peraltro…

D’Annunzio fa di Fiume “città di vita, città di arte”, quella è una pagina molto importante…
È una pagina straordinaria, qualsiasi Paese disponesse di un episodio simile nella propria storia lo avrebbe mitizzato con film, romanzi e quant’altro, invece sembra quasi che ce ne vergogniamo. Fiume fu un’anticipazione del ’68 da destra, perché nello spirito libertario di Fiume e di d’Annunzio c’era anche questa componente superomista, per cui il ‘capo’ era gran parte della cosa, ma Fiume fu un’avventura indimenticabile che insieme al futuro ripercorre il passato dell’Italia, il Rinascimento. D’Annunzio conquistò Fiume come un condottiero rinascimentale e la mantenne come un pirata di oggi.

La musica è un elemento centrale nella Carta del Carnaro…
Sì, nella costituzione c’è la musica come strumento di vita e di elevazione del popolo, che deve essere quasi distribuita, donata nelle scuole e a tutti quanti, così come la bellezza delle città; l’arredo urbano, così chiamato oggi con una definizione tremenda, non è stato inventato dagli assessori dei vari Comuni, ma è stato inventato da d’Annunzio.

Nell’ultima biografia “La mia vita carnale” racconti un D’Annunzio privato, quotidiano, amante: come corteggiava le donne il Vate?
Lui aveva il grande vantaggio di essere corteggiato, arrivava in un salotto e le donne erano tutte lì a pendere da un suo sorriso – sdentato, peraltro – perché il suo carisma, la sua fama, la sua eleganza, soprattutto il suo eloquio erano tali da incantare tutte quante. Credo che le seducesse con la parola straordinaria di cui disponeva; a trent’anni disse di aver usato, e gli si può credere, 15.000 parole, mentre noi ne usiamo mediamente da 2.000 a 3.000. Faceva sentire le donne regine della propria vita – questo era un dono magnifico – e secondo il suo motto riceveva quel che donava, una dedizione assoluta.

annDannunzio_Giornale.jpgUn aspetto poco conosciuto di D’Annunzio è l’esoterismo, il suo rapporto con l’aldilà. È vero che ti è capitato di metterti in contatto con il fantasma di D’Annunzio al Vittoriale?
Vivo nella casa dell’Architetto Maroni – come tutti i Presidenti quando sono al Vittoriale – dove Maroni, D’Annunzio e Luisa Baccara facevano delle sedute spiritiche e si mettevano in contatto con l’aldilà. Ogni tanto mi passano accanto dei venti, sento dei soffi, però credo fermamente che sia dovuto alle finestre, che sono ancora quelle degli anni Venti!

Un’altra biografia molto importante che hai affrontato è quella di un grande uomo e artista italiano del Novecento, Filippo Tommaso Marinetti…
Marinetti fu l’ultimo uomo importante che vide D’Annunzio vivo; venti giorni prima della morte andò a trovarlo con tutta la famiglia e gli portò un dono magnifico: una scultura che era il doppio comando di un bimotore Caproni con una dedica che diceva: “Noi siamo i motori della nuova Italia”. Ho scritto questi due libri insieme, prima è uscito D’Annunzio e poi Marinetti, perché fanno parte di uno stesso magnifico progetto culturale inconscio della cultura italiana e mondiale. Due innovatori, uno che parte dal passato (D’Annunzio), uno che guarda direttamente al futuro, ma entrambi vogliono cambiare tutto, due rivoluzionari.

All’inizio tra i due correva buon sangue, poi ci fu uno scontro di personalità. Tu citi sempre una battuta bellissima di D’Annunzio nei confronti di Marinetti…
Marinetti lo stuzzicava dandogli del passatista, del vecchio trombone, e D’Annunzio, da grande creatore della lingua, lo fulminò con un epiteto straordinario: ‘cretino fosforescente’. È futurista al massimo!

Secondo te la vita di D’Annunzio è stata più futurista dei Futuristi? Lui veniva nominato ‘passatista’, in realtà la biografia del Vate affronta tutte le tematiche dell’uomo futurista…
Non tutti i Futuristi sono riusciti a vivere una vita futurista, D’Annunzio sì. Basti pensare a quello che ha fatto con il Vittoriale. Si dice che i Futuristi volessero distruggere i musei, non è vero, era una provocazione. D’Annunzio, al rovescio, creò il museo della propria vita che in realtà non è un museo, è il tempo che si è fermato al momento della sua morte per perpetuare la sua vita. Ha progettato il proprio futuro nel mondo dopo la propria morte ed è riuscito a realizzarlo straordinariamente. Il Vittoriale oggi gode di una salute pienissima, ti voglio dire con orgoglio in anteprima per OFF (perché i dati ufficiali verranno comunicati soltanto a fine anno) che a fine novembre avevamo già avuto 16.000 visitatori in più, ovvero l’8% in più del 2012, e che gli incassi sono di conseguenza aumentati. Il Vittoriale non produce solo cultura e bellezza, ma anche ricchezza. Credo che D’Annunzio, a 75 anni dalla morte, possa essere contento.

Qui su OFF abbiamo intervistato Mimmo Paladino e Velasco, che hanno collaborato con te…
Sono due donatori del Vittoriale, hanno dato al Vittoriale delle opere straordinarie, Mimmo Paladino il suo cavallo blu, che è diventato quasi un simbolo del nuovo Vittoriale, così dominante sul lago, e Velasco la sua muta di cani che accompagnano D’Annunzio e i suoi dieci compagni seppelliti nel Mausoleo, quindi mi fa piacere questa comunione.

Oggi che cosa farebbe D’Annunzio nella situazione politica italiana?
Verrebbe d’istinto dire che cercherebbe di prendere in pugno la situazione. Purtroppo sono smentito dal fatto che non lo fece nel 1921 quando avrebbe potuto, ma era tale la disillusione di Fiume – ricordiamoci che fu costretto ad abbandonare Fiume a cannonate dal governo in carica di Giolitti – che si disgustò profondamente e si ritirò al Vittoriale. Chissà, oggi magari non lo farebbe, certo non passerebbe per il Parlamento!

Le similitudini che qualcuno ha fatto, secondo me azzardando un po’, tra Grillo e D’Annunzio, secondo te sono giuste?
Ma per carità, prima di tutto c’è una differenza culturale pari alla Fossa delle Marianne di 11 km. Certo, i grandi eversori sono sempre accostabili, non a caso Grillo tempo fa mise nel suo mitico blog una frase che sembrava totalmente sua ed era di D’Annunzio. Era una frase che incitava alla necessità di rovesciare l’attuale mondo politico per rinnovare tutto, per riprenderci la gioia di vivere, l’economia, la libertà. Erano parole di d’Annunzio che Grillo ha fatto proprie. Dubito che D’Annunzio avrebbe fatto proprie delle parole di Grillo…

Fonte:
Il Giornale

OJIM: entretien avec Laurent Obertone

Entretien avec Laurent Obertone: "La France Big Brother"

Après le très grand succès de "La France Orange mécanique" (Ring éd.) en 2013 - plus de 100.000 exemplaires vendus - Laurent Obertone récidive avec "La France Big Brother" (Ring éd.), un ouvrage décapant sur les pseudo-élites qui dominent le paysage médiatique français. Reprenant le genre épistolaire de courriers adressés à "Monsieur Moyen" (vous, moi, nous tous), il décrypte les mécanismes de domestication, de sidération, de manipulation des médias dominants et de leurs serviteurs. Une vidéo exclusive Ojim.

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mardi, 17 mars 2015

Entretien avec Slobodan Despot

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Slobodan Despot: « Le traitement spécial réservé aux Russes et aux Serbes est motivé par leur insoumission »

Entretien avec Slobodan Despot 

Slobodan Despot est écrivain et éditeur. Il a notamment publié Despotica en 2010 (Xenia) et Le miel en 2014 (Gallimard). Suisse d’origine serbe, il porte un intérêt tout particulier au monde slave. Nous avons discuté avec lui de la manière dont les médias, les politiques et les intellectuels occidentaux rendaient compte du conflit en Ukraine.

PHILITT : En 1999, l’OTAN et l’Occident ont déclenché une guerre au Kosovo en niant l’importance culturelle et historique de cette région pour le peuple serbe. Aujourd’hui, l’Occident semble ignorer l’importance de l’Ukraine pour le peuple russe. Avec 15 ans d’écart, ces deux crises géopolitiques ne sont-elles pas le symbole de l’ignorance et du mépris de l’Occident envers les peuples slaves ?

Slobodan Despot : La réponse est dans la question. On agit de fait comme si ces peuples n’existaient pas comme sujets de droit. Comme s’il s’agissait d’une sous-espèce qui n’a droit ni à un sanctuaire ni à des intérêts stratégiques ou politiques vitaux. Il y a certes des peuples slaves et/ou orthodoxes que l’OTAN traite avec une apparente mansuétude — Croates, Polonais, Roumains, Bulgares — mais uniquement à raison de leur docilité. On ne les méprise pas moins pour autant. Cependant, le traitement spécial réservé aux Russes et aux Serbes est motivé par leur insoumission à un ordre global dont l’Occident atlantique se croit à la fois le législateur et le gendarme. On peut déceler dans l’attitude occidentale vis-à-vis de ces deux nations des composantes indiscutables de ce qu’on appelle le racisme. Le journaliste suisse Guy Mettan publie d’ailleurs ce printemps une étude imposante et bienvenue sur la russophobie.

PHILITT : Comme l’explique Jacques Sapir, deux revendications légitimes se sont affrontées dans le cadre de la crise de Crimée : la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes et le respect de l’intégrité territoriale d’un État. Est-il possible, selon vous, de dépasser cette tension ?

Slobodan Despot : La Crimée fut arbitrairement rattachée, on le sait, à l’Ukraine par Khrouchtchev dans les années 50, à une époque où l’URSS semblait appelée à durer des siècles et où, du même coup, ses découpages intérieurs ne signifiaient pas grand-chose. L’éclatement de l’Empire a soulevé de nombreux problèmes de minorités, d’enclaves et de frontières inadéquates. La Crimée est non seulement une base stratégique de premier plan pour la Russie, mais encore une terre profondément russe, comme elle l’a montré lors de son référendum de mars 2014. Les putschistes de Kiev, sûrs de la toute-puissance de leurs protecteurs occidentaux, ont oublié de prévoir dans leur arrogance que leur renversement de l’ordre constitutionnel allait entraîner des réactions en chaîne. Or, non seulement ils n’ont rien fait pour rassurer les régions russophones, mais encore ils ont tout entrepris pour que celles-ci ne songent même plus à revenir dans le giron de Kiev.

De toute façon, le rattachement de la Crimée n’est, on l’oublie trop vite, que la réponse du berger russe à la bergère américaine, qui a jugé bon en 1999 de détacher à coup de bombes le Kosovo de la Serbie. Le bloc atlantique et ses satellites ont par la suite reconnu cet État mort-né malgré l’existence d’une résolution de l’ONU (n° 1244) affirmant clairement la souveraineté de la Serbie sur cette province. C’est au Kosovo qu’a eu lieu la violation du droit international qu’on dénonce en Crimée.

PHILITT : Concernant le conflit ukrainien, chaque camp dénonce l’action d’agents d’influence en tentant de minimiser la spontanéité des événements. Quelle est la part de réalité et de fantasme de cette lecture géopolitique ?

Slobodan Despot : Je rappellerai un cas d’école très peu connu. Toute la Crimée se souvient d’un incident gravissime survenu au lendemain du putsch de Maïdan, lorsque des casseurs néonazis bien coordonnés ont arrêté sur l’autoroute une colonne de 500 manifestants criméens revenant de Kiev, mitraillé et incendié leurs autocars, tabassé et humilié les hommes et sommairement liquidé une dizaine de personnes. Les médias occidentaux ont totalement occulté cet épisode. Comme il s’agissait de faire passer le référendum criméen pour une pure manipulation moscovite, il était impossible de faire état de cet événement traumatique survenu moins d’un mois avant le vote.

ukrmichseg.jpgLes exemples de ce genre sont légion. Le livre très rigoureux du mathématicien français Michel Segal, Ukraine, histoires d’une guerre (éd. Autres Temps), en décompose un certain nombre en détail. Il faut reconnaître que le camp « occidentiste » a l’initiative de la « propagande contre la propagande », c’est-à-dire de la montée en épingle d’opérations d’influence supposées. Il jouit en cela d’une complaisance ahurissante des médias occidentaux. Or, dans un conflit comme celui-là, où tous les protagonistes sortent des écoles de manipulation soviétiques, les chausse-trapes sont partout et seul un jugement fondé sur la sanction des faits avérés et sur la question classique « à qui profite le crime ? » permettrait d’y voir clair. Nous en sommes loin ! Le plus cocasse, c’est que l’officialité nous sert à journée faite des théories du complot russe toujours plus échevelées tout en condamnant le « complotisme » des médias alternatifs …

PHILITT : Dans la chaîne causale qui va de la mobilisation « humanitaire » jusqu’à l’intervention militaire, quelle est la place exacte des intellectuels qui l’approuvent ? Sont-ils de simples rouages ?

Slobodan Despot : Les intellectuels ont joué me semble-t-il un rôle bien plus important dans cet engrenage au temps de la guerre en ex-Yougoslavie. J’ai conservé les articles des BHL, Jacques Julliard, Glucksmann, Deniau etc… On a peine à croire, vingt ans plus tard, que des gens civilisés et hautement instruits aient pu tomber dans de tels états de haine ignare et écumante. Même le bon petit abbé Pierre, saint patron des hypocrites, avait appelé à bombarder les Serbes ! J’ai également conservé les écrits de ceux qui, sur le moment même, avaient identifié et analysé cette dérive, comme l’avait fait Annie Kriegel.

Aujourd’hui, à l’exception burlesque de Lévy, les intellectuels sont plus en retrait. Ils vitupèrent moins, mais s’engagent moins également pour la paix. Mon sentiment est que leur militantisme crétin au temps de la guerre yougoslave les a profondément décrédibilisés. Leur opinion n’intéresse plus personne. Du coup, dans l’actualité présente, le rôle des agents d’influence ou des idiots utiles est plutôt dévolu à d’obscurs « experts » académico-diplomatiques, souvent issus d’ONG et de think tanks plus ou moins liés à l’OTAN. Ces crustacés-là supportent mal la lumière du jour et abhorrent le débat ouvert. Il est caractéristique qu’Alain Finkielkraut ait dû me désinviter de son Répliques consacré à l’Ukraine suite à la réaction épouvantée d’un invité issu de ce milieu à la seule mention de mon nom. À quoi leur servent leurs titres et leurs « travaux » s’ils ne peuvent endurer un échange de vues avec un interlocuteur sans qualification universitaire ?

PHILITT : Bernard-Henri Lévy compare, dès qu’il en a l’occasion, Vladimir Poutine à Hitler ou encore les accords de Minsk à ceux de Munich signés en 1938. Cette analyse possède-t-elle une quelconque pertinence ou relève-t-elle de la pathologie ?

Slobodan Despot : M. Lévy a un seul problème. Il n’a jamais su choisir entre sa chemise immaculée et la crasse du monde réel. Il se fabrique des causes grandiloquentes à la mesure de sa peur et de sa solitude de garçon mal aimé errant dans des demeures vides qu’il n’a jamais osé abandonner pour mener la vraie vie selon l’esprit à laquelle il aspirait. Je le vois aujourd’hui mendier la reconnaissance par tous les canaux que lui octroie son immense fortune — journalisme, roman, reportage, théâtre et même cinéma — et ne recueillir que bides et quolibets. Et je l’imagine, enfant, roulant des yeux de caïd mais se cachant au premier coup dur derrière les basques de son père ou de ses maîtres. Dans mes écoles, on appelait ces fils-à-papa cafteurs des « ficelles » et nul n’était plus méprisé que ces malheureux-là. Aussi, lorsque j’entends pérorer M. Lévy, je ne pense jamais à l’objet de sa harangue, mais à l’enfant en lui qui m’inspire une réelle compassion.

PHILITT : Vous écriviez, pour annoncer une conférence qui s’est tenue à Genève le 25 février : « On a vu se mettre en place une « narratologie » manichéenne qui ne pouvait avoir d’autre dénouement que la violence et l’injustice. Si l’on essayait d’en tirer les leçons ? » Le storytelling est-il devenu la forme moderne de la propagande ?

zerodark.jpgSlobodan Despot : C’est évident. Il se développe en milieu anglo-saxon (et donc partout) une véritable osmose entre l’écriture scénaristique et l’écriture documentaire. Cas extrême : le principal « document » dont nous disposions sur l’exécution supposée de Ben Laden en 2011 est le film de Kathryn Bigelow, Zero Dark Thirty, qui a tacitement occupé dans la culture occidentale la place du divertissement et de l’analyse, et de la preuve. La réussite cinématographique de ce projet (du reste dûment distinguée) a permis d’escamoter toute une série d’interrogations évidentes.

Sur ce sujet du storytelling, nous disposons d’une enquête capitale. En novembre 1992, Élie Wiesel emmena une mission en Bosnie afin d’enquêter sur les « camps d’extermination » serbes dénoncés par la machine médiatique cette année-là. Ayant largement démenti cette rumeur, la mission Wiesel fut effacée de la mémoire médiatique. Par chance, il s’y était trouvé un homme de raison. Jacques Merlino, alors directeur des informations sur France 2, fut outré tant par l’excès de la campagne que par l’escamotage de son démenti. Il remonta jusqu’à l’agence de RP qui était à la source du montage. Son président, James Harff, lui expliqua fièrement comment il avait réussi à retourner la communauté juive américaine pour la convaincre que les victimes du nazisme de 1941 étaient devenues des bourreaux nazis en 1991. Il ne s’agissait que d’une story, d’un scénario bien ficelé. La réalité du terrain ne le concernait pas.

Les stories simplistes de ce genre ont durablement orienté la lecture de cette tragédie. Ceux qui s’y opposaient, fût-ce au nom de la simple logique, étaient bâillonnés. Le livre de Merlino, Les vérités yougoslaves ne sont pas toutes bonnes à dire (Albin Michel), fut épuisé en quelques semaines et jamais réimprimé, et son auteur « récompensé » par un poste… à Pékin !

PHILITT : Comment expliquer la faible mémoire des opinions occidentales ? Comment expliquer qu’elles aient « oublié » les preuves qui devaient être apportées de l’implication russe dans la destruction du MH-17 ? Le storytelling remplace-t-il, dans l’esprit du public, la causalité mécanique par une causalité purement morale ?

Slobodan Despot : Nous vivons en effet dans une époque hypermorale — ou plutôt hypermoralisante. L’identification des faits est subordonnée à l’interprétation morale qui pourrait en découler. Si, par exemple, voir des « jeunes » molester une gamine devant votre immeuble risque de vous inspirer des pensées racistes et sécuritaires, vous êtes prié de ne pas constater l’altercation et de passer votre chemin. C’est très vil au point de vue de la moralité individuelle, mais correct selon la moralité sociétale. Une même « école du regard » a été imposée au sujet de la Russie. Au lendemain de la tragédie du vol MH-17, la sphère politico-médiatique s’est mise à conspuer le président russe en personne comme s’il avait abattu l’avion de ses propres mains. Aujourd’hui, plus personne n’en souffle mot, le faisceau d’indices étant accablant pour le camp adverse. Ces dirigeants et ces personnalités publiques disposent de suffisamment de jugeote et de mémoire pour mener rondement et même cyniquement leurs propres affaires. Mais dans un contexte impliquant l’intérêt collectif, comme la guerre contre la Russie, ils abandonnent tout sens de la responsabilité et du discernement et se comportent comme des midinettes hyperventilées. Leur tartufferie n’est même plus un vice, mais une composante anthropologique. Ils réalisent le type humain totalement sociodépendant que le nazisme et le communisme ont tenté de mettre en place avant d’être coupés dans leur élan.

PHILITT 

lundi, 16 mars 2015

La droite est plus activement liberticide que la gauche

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La droite est plus activement liberticide que la gauche

François Billot de Lochner, président de la Fondation de service politique, répond à Présent. Extraits

« Un renforcement du contrôle de l’Etat sur internet a été voté à l’Assemblée nationale, sous couvert de lutte contre le terrorisme. 1984 de George Orwell, c’est maintenant ?

Nous nous en approchons dangereusement. La liberté d’expression est fortement malmenée depuis un demi-siècle dans notre pays : l’accélération de la dictature politico-médiatique prend des proportions telles que nos mentalités anesthésiées risquent de se réveiller trop tard.

Un projet de loi similaire avait été présenté par l’UMP en 2010. Finalement, droite et gauche, même combat dans la répression de la liberté d’expression ?

Oui… et non ! Le combat est le même, mais la droite est plus activement liberticide que la gauche : c’est effrayant, mais c’est ainsi. La loi Pompidou-Pleven de 1972 restreint considérablement la liberté d’expression, dans une indifférence générale, et la loi Chirac-Raffarin de 2004 est un véritable outil au service de la dictature de la pensée. Ce n’est pas moi qui le dis mais Laurent Joffrin, rédacteur en chef du Nouvel Observateur, qui écrit dans un éditorial retentissant, juste avant le vote de la loi, que la France va se doter d’un outil unique au monde, mis à part dans les pays de dictature…

Vous proposez, parmi vos trente mesures pour sauver la France, d’abroger les lois de 1972 (Pleven) et de 2004 (création de la Halde), ainsi que toutes les lois mémorielles (Gayssot, Taubira…). Qui oserait le proposer dans son programme, alors que les associations antiracistes (CRAN, MRAP, LICRA), le CRIF et les médias le dénonceront à tous coups ?

Un parti courageux, ou un candidat très courageux… Il ne faut jamais désespérer des hommes ! Prenons par exemple la loi liberticide de 2004 : il suffit de la lire pour comprendre à quel point elle abîme la liberté d’expression. Un grand débat sur ce sujet avant 2017 est nécessaire et salutaire : je l’ouvre, et ne compte pas baisser la garde sur ce sujet pendant les deux ans à venir. Les partis politiques et les candidats s’en rendront très vite compte. Et s’ils restent liberticides, je communiquerai haut et fort sur le sujet ! »

samedi, 14 mars 2015

Claude Chollet: le quatrième pouvoir est le premier

Décrypter les médias: une nécessité!...

Claude Chollet, président de l'Observatoire des journalistes et de l'information médiatique, était reçu le 5 mars 2015 par Martial Bild et Elise Blaise dans le journal de TV Libertés. Il a évoqué à cette occasion le travail assez unique de décryptage et d'analyse du fonctionnement des médias réalisés par l'OJIM...

 

TVL

Claude Chollet: le quatrième pouvoir est le premier

 

mardi, 10 mars 2015

Les racines intellectuelles qui expliquent le tournant conservateur de Vladimir Poutine

 

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Libre opinion de Michel Eltchaninoff
 
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Les racines intellectuelles qui expliquent le tournant conservateur de Vladimir Poutine
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Ex: http://www.toutsaufsarkozy.com

Michel Eltchaninoff vient de publier «Dans la tête de Vladimir Poutine» (Solin/Actes Sud), un éclairage très documenté des racines intellectuelles du président russe. Agrégé de philosophie, russophone, spécialiste de Dostoïevski, l'auteur est rédacteur en chef adjoint de Philosophie Magazine à Paris.

Vous écrivez que, en Ukraine et ailleurs, Vladimir Poutine pratique un «impérialisme à la carte», jouant sur plusieurs tableaux idéologiques à la fois. Quelles sont les cartes dans son jeu ?

J'en vois cinq ou six, comme les touches d'un clavier sur lequel il peut jouer sans forcément chercher une cohérence d'ensemble – et surtout sans dévoiler son jeu. D'abord la nostalgie de l'Union soviétique qu'il cultive dans ses discours, celle d'un empire multiethnique unifié par le rouble, par un mode de vie et une culture commune, par la liberté de circulation en son sein. La deuxième carte est celle des Russes et des russophones vivant hors des frontières du pays. Pour lui, la disparition de l'Union soviétique a non seulement été une catastrophe géopolitique, mais a provoqué un drame humanitaire en laissant 25 millions de Russes ou de russophones à l'étranger. Il veut se présenter comme leur protecteur, par exemple dans l'Est de l'Ukraine, dans le nord du Kazakhstan, en Lettonie ou en Estonie. Troisième plan : l'orthodoxie. Le Kremlin a conclu une alliance idéologique très puissante avec le patriarcat de Moscou, sur un programme de défense de la moralité, du respect de l'ordre et de la hiérarchie, de la défense de la famille traditionnelle jugée essentielle au renouveau démographique. Cette solidarité fondée sur le christianisme oriental peut jouer dans le Caucase, en Géorgie et en Arménie, dans les Balkans (Bulgarie, Roumanie, Macédoine, Serbie et Grèce) ou encore avec les chrétiens d'Orient. Quatrième thème : l'Eurasie, ou plus exactement l'idéologie eurasiste. C'est un concept très plastique qui pose l'existence d'une harmonie et d'une fraternité entre différents peuples (Russes orthodoxes, turcophones musulmans...) tissant une même civilisation qui pourrait s'étendre, selon les mots de Poutine lui-même, de la Bulgarie à l'Afghanistan. Dernière carte, le panslavisme, la solidarité supposée de tous les peuples slaves (Russes, Ukrainiens, Bulgares, Serbes, etc.) sous la direction de la Russie et dans une hostilité assumée vis-à-vis de l'Occident.

Si le président russe conteste l'ordre international issu de la fin de la guerre froide, vous insistez sur le fait qu'il y a une chose qu'il ne remet pas du tout en cause : l'économie de marché et la capitalisme.

Oui, Vladimir Poutine en est un partisan. Du point de vue économique, il est anticommuniste et semble l'avoir toujours été, ayant constaté dans sa jeunesse soviétique que l'économie administrée ne fonctionnait pas. En Russie, une partie du clergé orthodoxe, critique du capitalisme libéral, voudrait mettre en place une finance religieuse, sur le modèle de la finance islamique, mais le Kremlin ne soutient pas vraiment cette idée. Son projet est celui d'un Empire libéral en matière économique, une zone rouble avec un marché commun. Je ne pense pourtant pas que ce projet soit viable, car deux partenaires importants de l’Union eurasiatique, le Kazakhstan et la Biélorussie, sont fortement échaudés par l’aventure militaire russe en Ukraine et sont nettement moins enthousiastes que l’année dernière.

Vladimir Poutine a-t-il des maîtres à penser ?

Poutine n'est pas un grand intellectuel. Ce qu'il préfère par dessus tout, c'est le sport – il a même développé une philosophie du judo... Il lit davantage de livres d’histoire que de philosophie. Toutefois, il utilise de manière pragmatique certains noms de la pensée russe pour élaborer un grand récit national. Ce ne sont pas forcément les plus meilleurs auteurs du pays, comme Dostoïevski, mais des penseurs souvent moins connus et peu traduits en Occident.

Qui sont-ils ?

Il y en a quatre principaux. Ivan Ilyine (1883-1954), un spécialiste de Hegel expulsé par Lénine en 1922, qui représente la fraction la plus réactionnaire des émigrés russes en Occident. C'est un partisan de la force, anticommuniste et antilibéral. Ce qui a certainement frappé Poutine, ce sont certains textes qu’il a jugés prophétiques et dans lesquels Ilyine décrit ce que pourrait devenir la Russie après la chute du communisme, avec notamment l’émergence d’un guide de la nation incarnant une « dictature démocratique » : un portrait en creux de Poutine en somme ! Il y aussi Constantin Leontiev (1831-1891), un penseur très anti-occidental et Nicolas Danilevski (1822-1875) , auteur d'un livre très célèbre publié en 1871, La Russie et l'Europe, où il exprime des positions slavophiles et panslavistes. Enfin, Lev Goumilev (1912-1992), un idéologue de l'eurasisme, qui croit à la biologie des peuples et à leur énergie vitale qu’il appelle la «passionarité». Si on se risque à comparer ces auteurs à des Français, on pourrait y voir un mélange de Joseph de Maistre et de Maurice Barrès, c’est-à-dire des représentants du courant antimoderne, mais teintés de scientisme.

Qu'en est-il d'Alexandre Douguine, souvent présenté en Occident comme l'inspirateur de Poutine?

Il est trop extrêmiste pour que Poutine se risque à le côtoyer. Douguine, proche de l'extrême-droite européenne, notamment de la Nouvelle Droite et maintenant d’Alain Soral, mêle eurasisme et certains représentants de la nébuleuse fasciste, voire occultiste, avec des références à Carl Schmitt, René Guénon ou Julius Evola. Néanmoins Douguine est bien diffusé en Russie et il est lu, y compris au Kremlin.

Vous insistez sur le «tournant conservateur» de Poutine, depuis son arrivée au pouvoir en 2000. A-t-il radicalement changé au cours de ces quinze années ?

Son identité idéologique durant son premier mandat (2000-2004) est discutée par les spécialistes. Il veut alors faire accéder une Russie sinistrée aux standards internationaux, grâce à une certaine normalisation « à l'occidentale ». J’y vois surtout une pose, car il met en place dès les premiers temps une « verticale du pouvoir ». Un premier raidissement conservateur a lieu en 2004, après le massacre de Beslan, les révolutions de couleur en Géorgie et en Ukraine, l'adhésion des pays Baltes à l'Otan. En 2012, son retour à la présidence a été difficile, avec la contestation de l'hiver 2011/12. Il a alors cherché à mobiliser le peuple russe autour d'un projet conservateur contre un Occident présenté de plus en plus ouvertement comme un ennemi. On y est en plein depuis septembre 2013 avec des discours de Poutine sur les valeurs chrétiennes qu’il juge bafouées en Occident. Chez lui, la question de l'homosexualité, qu'il lie au déclin démographique, devient une obsession. Il a suivi avec beaucoup d'attention la Manif pour tous en France.

Vous concluez votre livre avec cette phrase : « L'URSS n'était pas un pays, mais un concept. Avec Poutine, la Russie est de nouveau le nom d'une idée ». Une idée conservatrice?

Poutine ne séduit pas uniquement l'extrême-droite ou l'aile la plus conservatrice de la droite traditionnelle. Il plaît à toux ceux qui, comme Eric Zemmour, considèrent que le cycle initié par mai 68 doit se terminer et qu’il faut le dépasser. Il s'adresse également à tous les anti-américains, aussi bien à Jean-Luc Mélenchon qu'à certains dirigeants de Syriza en Grèce. Cette influence, le Kremlin l'organise, avec des échanges, des relais médiatiques et beaucoup d'argent.

Comment voyez vous l'évolution de la situation en Ukraine ?

Poutine a été furieux de la réussite imprévue du Maïdan, ces manifestations qui ont renversé le pouvoir à Kiev l'an dernier. Après avoir annexé la Crimée, son objectif minimal est d'empêcher l'Ukraine de rejoindre l'UE et l'Otan. Avec le Donbass, il crée un sarcome sur le flanc du pays. Il pourrait par la suite vouloir déstabiliser le pouvoir de Kiev, pour faire revenir l'Ukraine dans le giron russe. Il dispose en effet d'importants relais d'influence. Par ailleurs, la situation économique de l'Ukraine est catastrophique. Il n’est pas impossible que ce dessein anti-ukrainien finisse par se réaliser.

Prof. M. Elchardus: «L’histoire de l’immigration en Belgique est une accumulation de terribles erreurs»

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«L’histoire de l’immigration en Belgique est une accumulation de terribles erreurs»

Interview du Professeur Mark Elchardus (Bruxelles) par Joel De Ceulaer

Ex: http://www.lesobservateurs.ch

Pour le sociologue bruxellois de la VUB, Mark Elchardus, "l'histoire de l'immigration de ce pays est une accumulation de terribles erreurs". "Pour commencer, on pensait que la culture et la religion n'entraient pas en ligne de compte dans l'intégration. La seconde bêtise est d'avoir cru que ces personnes repartiraient dans leur pays d'origine".

On pensait vraiment que les immigrés repartiraient dans leur pays d'origine?

Mark Elchardus : "C'est ce que pensaient les hommes politiques. Ensuite il y a eu le regroupement familial. Une idée qui partait d'une bonne intention, mais qui a rendu l'immigration non maîtrisable. Et les gens qui s'en plaignaient étaient considérés comme racistes. Ce dernier point est la plus grande stupidité de toutes : comme l'extrême droite signalait les problèmes et déterminait le débat, les autres partis ont réagi en disant le contraire. L'étranger est devenu une victime universelle.

Est-ce vraiment le cas? Depuis plus de vingt ans, on parle surtout des problèmes de la société multiculturelle.

"Je ne trouve pas. On ne s'est jamais adressé aux musulmans de notre société comme à des citoyens à part entière. À l'époque, j'avais réalisé une étude qui démontrait qu'un jeune musulman sur deux est antisémite. Pensez-vous que quelqu'un se soit demandé comment y remédier ? Personne. On pense naïvement que si on intègre ces personnes sur le plan socio-économique, tout rentrera dans l'ordre et on mettra fin au problème de l'exercice du culte radical. C'est particulièrement paternaliste comme approche.

Comment ça?

Le radicalisme est influencé par le fondamentalisme religieux, pas par l'exclusion socio-économique. Il est insensé de penser que tous les musulmans deviendront laïques s'ils ne se sentent plus exclus".

Alors la criminologue Marion Van San a raison ?

"Je pense qu'elle a raison, oui. Et tous les sociologues sérieux le savent".

Récemment elle a prétendu dans le quotidien De Standaard qu'une meilleure intégration facilite la radicalisation. Est-ce exact ?

"Si par intégration, elle veut dire intégration socio-économique, elle n'a pas tout à fait tort. Aux Pays-Bas, on voit que les plus jeunes générations se radicalisent de plus en plus. C'est la raison pour laquelle je pense qu'il faut d'abord s'intégrer culturellement pour ensuite s'intégrer sur le plan socio-économique. Ne vous méprenez pas : je ne dis pas qu'il n'y a pas de problème d'intégration socio-économique. Il faut oser regarder les choses face. Selon les chiffres de l'étude à laquelle je travaille, 84% des non-musulmans âgés de 25 à 35 ans ont un boulot. Parmi les musulmans, le chiffre tombe à 43%".

D'où vient cette différence ?

"Il y a deux facteurs qui entrent en ligne de compte. Il y a beaucoup plus de femmes au foyer qui ne vont pas travailler à cause d'un niveau d'éducation peu élevé et les normes de genre qui plaident contre la participation au marché du travail. De plus, si le taux de chômage est particulièrement élevé, c'est probablement suite à la discrimination.

Probablement? Pourquoi êtes-vous si prudent? Ce fait a été prouvé récemment, avec cette histoire de titres-services.

"Tout indique effectivement que la discrimination existe. Mais on ne peut jamais mesurer précisément l'importance de ce facteur comparé à d'autres. On a beau tourner le problème dans tous les sens, mais apprendre des textes sacrés par coeur et afficher un comportement ritualiste n'est pas la meilleure préparation à une participation à l'économie moderne.

Source en néerlandais (trad. Anne Lauewert, 7 mars 2015)

dimanche, 08 mars 2015

Interview with Fenek Solère

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Out Now: The Partisan by Fenek Solère

 

The Partisan
by Fenek Solere
(London: Iron Sky Publishing, 2014)

246 pages
ISBN 978-1-909606-06-7 (paperback only)

 

The Fifth Republic

 

Son of a mudered activist during the Algerian War, the ambitious French Minister of Justice, Said Ben Hassi, dreams of a Pan-Eurabian Caliphate.

But his is not the post-colonial revanchism of a haunted man; it is the logical end product of decades of corrupt politics and misguided utopianism.

The old European establishment, weak and morally bankrupt, is impotent. The ancient French, victims of their own selfishness and nihilism, are fading, demoralised, and increasingly disenfranchised.

The Resistance

Yet, the spirit of Charlemagne and Charles Martel is not quite dead: a young resistance movement has emerged, determined to overthrow the Eurabian conquerors.

It's come to this . . .

It's kill or be killed.

La Pétroleuse

Their most terrifying weapon is Sabine D'Orlac, La Pétroleuse, who leads a violent paramilitary cell. Utterly ruthless, she will stop at nothing.

But neither will the enemy.

At stake is the future of Europe.

You can order The Partisan from Amazon US and Amazon UK.

Interview with Fenek Solère

Alex Kurtagic

Ex: http://www.wermodandwermod.com

Almost every time I receive a communication from you, it has originated in an exotic location, and it seems you are more often in some far-flung place on the planet than Britain. Are you an adventurer, or do you have a very interesting job?

I am both an adventurer and an entrepreneur. Like an ever-increasing number of people attracted to our movement I have thrived in the modern world, in direct contradiction to the media portrayal of dissidents like ourselves as lonely bitter bachelors, sitting in their basements with no friends and no sexual outlet.

Over the course of my adult life I have lived and worked in London, France, St Petersburg, Kiev, San Francisco, Central Asia, and the Middle-East. I am not someone who can be castigated and mocked for being unsophisticated or parochial. My home is filled with art, books, and the numerous artifacts I have collected from all over the world.

Both in private and professional terms I have lived cheek by jowl with many other cultures and ethnicities and observed them up close and personal.  Life experience informs my writing. My fiction is grounded in an in-depth study of history, culture and political theory. 

The Partisan could be read as the act of a natural contrarian. Were you a willful and troublesome child who did Z when told to do A?

I was born into an aspirant working class family in a small provincial town. My father was an electrician and my mother was a cook. A typical boy, I recall playing in the woods, running in the shadow of the craggy castles that littered the landscape, living more like one of those characters from an Arthur Ransom story than a game-boy addict. Pretending to be a cowboy, never an Indian, building tree houses in the style of Robinson Crusoe, crafting bows and arrows like Robin Hood to defend our fortified encampments.

My bookshelves were crammed with Tolkien, C.S. Lewis and the Norse mythologies. There was no family pressure to ‘achieve’. Rather, an atmosphere of calm reassurance. The warm glow of security reflected in the open fire as I sat marching Napoleonic armies across the hearth-rug. I was relatively good at sport, representing my school and region at football, rugby, basketball, and cross- country.  By the time I met my first girlfriend I was already well-past reading Ayn Rand’s Anthem. I remember catching sight of her at a school disco. She was a spike haired punk in clinging pink trousers, cutting a resplendent profile in the backwash of strobe lighting, as she threw a right arm salute. Her small fist punching the air when the opening chords of the Sex Pistols’ God Save the Queen, broke out across the hall.

sex-pistols-god-save-the-queen-1977-17.jpgWithin weeks I became an activist. I recall my initiation started one balmy summer evening when a group of us torched a Trotskyite Militant newspaper stand in the centre of town. Not long after I was involved in an amateur style re-enactment of the climactic scene from The Dead Poets Society. A clear-skinned, fair-haired boy was made to stand up in front of the history class to defend his essay justifying Apartheid. He was asserting the South African Government had been right to imprison Mandela for terrorism and maintain ‘separation’ of the races. The teacher, a bespectacled 68’er, was going ballistic, screaming from behind an accusatory finger, threatening to have my friend removed from her class. ‘You can’t say that!’ she insisted, ‘What sort of person are you?


Then, when he had finished, he looked in my direction and I knew it was my turn to stand and repeat the process. When I came to a close I had the honour to defer to the next boy, who had also been called to answer for transgressing the politically correct curricula. This open act of defiance was rapidly followed by a nationalist poster campaign on school noticeboards, which coming so quickly on the heels of the pro- Afrikaaner debacle and my own and my girlfriend’s names appearing in bold graffiti under a very large symbol closely associated with a controversial German political party of the middle nineteenth century, resulted in my expulsion.

The Partisan is set in France. Why France?

I chose France for its symbolism. When I began writing The Partisan in 2009 I saw a magnificent country threatened by the machinations of a malignant cosmopolitan interloper who had hijacked the race riots breaking out in 2005 in almost every French conurbation for personal political advantage. Then, that same devious individual, insisting on the benefits of miscegenation between the French and the alien hordes swamping the very boulevards where they had set fire to cars and attacked the native people. It seemed to encapsulate the whole political and demographic catastrophe I wanted to warn against in my debut novel.  It was a country on the front-line. But also one with a very rich history of patriotic movements like the Front National and Right-wing intellectuals like Maurice Bardèche and the Nouvelle  Droite’s Alain de Benoist and Guillaume Faye. In more recent times the emergence of fledgling organizations like Generation Identitaire , who my fictional protagonists predicted two or three years prior to their brilliant ‘Declaration of War’ video and the Poitiers Mosque protest, gives me a real sense that the battle lines are being drawn and that the next twelve months will prove me right; that yes indeed, the land of Rousseau and Rabelais will be the first battle ground of the European resurgence. 

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How does The Partisan differ from the various American novels treating the same topic?

The characters in The Partisan are much more three dimensional than those I have met and admired in other so-called Rightist fiction. It is not purely ‘vengeful’ entertainment. The text is more literary and is replete with reference points to other writers and political thinkers. This is quite deliberate. I want my fiction to excite, inspire, and motivate its audience to investigate the very deep intellectual roots of what is referred to as the New Right. I want The Partisan to be an access point for our youth into that culture and to become familiar with the ideas of its main proponents.        

Almost everyone would agree that there is little to admire in many earlier incarnations of Rightist literature: it is too often badly written and its message is utterly superficial, in that it wallows in an angry revenge fantasy. Would you not agree that the biological worldview, such as the one that informs many of these novels, is necessarily an amoral worldview (which often becomes immoral), since nature is concerned only with what works in a practical sense, and doesn’t assign value to abstract principles the way humans do? Since Westerners assign such importance to such principles—indeed, Western political philosophy has always been underpinned by some system of ethics—how can anyone expect readers to feel comfortable defending the heroes in such fiction, even if they find the revolutionary fantasy privately satisfying?

It is true that such literature can sometimes lapse into simplistic comic book fantasy. Such deficiencies are to some extent why I wrote The Partisan.  One of my key objectives was to fuse the action-orientated type novel with a more poetic but pessimistic futurology like that envisaged by Jean Raspail in The Camp of the Saints.  The point being that certain types of material appeal to certain dispensations at different given points. Some of our movement’s earlier fiction may rightfully be described as amoral, but much that passes today for great classic literature was considered so in the past. Look at the homosexuality of Gide and the modernist works of Joyce. That is not to place all those writers sympathetic to our cause  in this category of artists, clearly, only a very few like Ernst Jünger, Knut Hamsun, and Ezra Pound would qualify, but to indicate that the amoral/immoral argument shifts according to the fashion of the day. The biological imperative underpinning some of these texts does remain relevant, though we have many other facets to our ever-maturing world-view. Without Western people there will be no Western sense of principles or ethics, so in that regard I have a degree of sympathy for those ground-breaking writers, in that their heroes and heroines had at least a modicum of understanding that unless those values were defended they would cease to exist and all our fine ideals would disappear—mea culpa.
      
Where does your interest in the European New Right originate?

I read Michael O’Meara’s New Culture, New Right and discovered the French Nouvelle École (New School). From that point it was a natural progression to study Oswald Spengler, Julius Evola, Pino Rauti, founder of the Ordine Nuovo, Guido Giannettini and the ideology of the Armed Revolutionary Nuclei in Italy; the writings of Carl Schmitt and the Conservative Revolutionaries of the Weimar period; Imperium by the American renegade Francis Parker Yockey; works by the Belgian Jean Thiriart; alongside contemporary thinkers and commentators like Robert Steuckers, Gilbert Sincyr, Tomislav Sunic, Franco Freda of Disintegration of the System fame, Alexander Dugin, Kevin McDonald, Greg Johnson, Jonathan Bowden, Troy Southgate, and Michael Walker, editor of The Scorpion. 

What is wrong with letting people from anywhere settle in Europe, if they are hard-working, law-abiding, tax-paying and contribute to the economy?

American-Cities-And-States-Are-Flat-Broke.jpgNothing, if that is indeed the case. I have met many Poles, Latvians, Lithuanians, and Central Europeans who fulfill such criteria. Of course a small percentage do not but most integrate perfectly well and live successfully among us. Compare that to the facts and figures behind migration from Roma communities, African or predominantly Muslim countries. Welfare dependency, anti-social behavior, criminality, isolationism and the colonization of whole communities seems to characterize the experience. Religious insularity, high prison rates, mosques filled with semi-literate imans  and would-be boy-Jihadis educated free in our schools, sexism, genital mutilation, witch-craft, TB, Typhus, Ebola, drug and people trafficking, child-sex grooming, and riots complete the picture. Ask the people of Malmö, the women of Oslo, those poor souls living in close proximity to the urban sensitive zones around Paris or certain parts of the north of England like Bradford and Rotherham what part of the ‘enrichment’ process they have enjoyed. Talk to the thousands of violated white girls who have benefited from the fast food, cheap narcotics, and Rap music industry these people generate in their slums and taxi about our green and pleasant land. 

What I witness every day are economic migrants, in transit under the false flag of asylum, seeking a better life at our expense.  It is like a plague of locusts landing on a field. Leeching all the goodness from our soil. Infesting our villages, cities and towns. This is not some kind of small minded  ‘fear of the other’ it is an objective analysis based on rational judgment. People like myself do not fear ‘the other’ we invest time and find out about the ‘other’ with a natural and friendly curiosity. I have lived for three years in Muslim countries and found good and bad much the same as I would in Europe or America. But what I find amongst the ‘invasion force’ pressing in upon Europe appalls me. I have nothing but the utmost respect for the nationalist activists who have stood tall despite state sponsored persecution and shouted until they were hoarse that the ‘emperor’ of multiculturalism has no clothes.

So is it just a question of the practical effects of multiculturalism? Is there no principle behind it except a root-and-branch or technocratic approach to problem-solving? Does this not make the liberal approach superior, then, since it is driven by an ethical system, however imperfectly executed? Not superior in a technical sense, but certainly in a moral sense.

There is indeed a very deep sense of principle embedded within my earlier response. People and communities who have over generations worked and sacrificed for their own well-being in later life and indeed their kith & kin in the present should expect that having made those long-term commitments under moral and indeed contractual commitments to and with their governments that those obligations are honoured. People originating from societies who have failed or are unable to take that long-term view have no prior right upon such investments. And I challenge any authority or political party arguing otherwise to stand openly upon a platform declaring such an intent to pillage that hard earned inheritance and let the people who have genuinely and fulsomely entered into such an arrangement decide the matter.   

Surely, diversity increases creativity, since you have more perspectives and approaches to any problem, and immigration from everywhere boosts economic growth. Are you against creativity and for a stagnant economy?

Despite the diversity you see in Hollywood films and on television, the world’s laboratories, board rooms and libraries are not filled with West Indians designing new software systems for intergalactic flight, Somalians building robots to work in arid conditions or ecologically aware Uzbeks setting up green companies to reduce carbon emissions.  This is a myth, perpetuated by the few whose individual and cosmopolitan group interests it suits, flooding productive economies with low IQ ‘hands’ to drive down wages  and increase short-term share-holder profits at the expense of the long term interests of their host community.  The media is used to manipulate and shape our moral and social expectations.  Identity is eroded by the notion of ‘global citizenship’. Water-cooler philosophy is dispensed by Kid-President you-tube videos. Economic and moral stagnation leading to inter-ethnic tension distracts us from the enemy’s goals, so openly declared by Barbara Lerner-Spectre Founding Director of the Paideia Institute in Sweden: I think there is a resurgence of anti-Semitism because at this point in time Europe has not yet learned how to be multicultural and I think we are going to be part of the throes of that transformation which must take place. Europe is not going to be a monolithic society that they once were in the last century. Jews are going to be to be at the centre of that. It’s a huge transformation to make. They are now going into a multicultural mode and Jews will be resented for our leading role but without that leading role and without that transformation Europe will not survive’.

This sounds like a conspiracy theory. Is not your answer a bit of an overstatement? Certainly, Jews in the diaspora on the whole have favoured social, political, and intellectual movements tending to make the societies in which they live safer for them. No surprise here, given their history. Yet, to the degree that they have supported or even led such movements, these have merely demanded a more thorough and complete application of principles already enshrined and, indeed, central to liberal political philosophy. And liberal political philosophy is wholly North-Western European and ‘Aryan’ in origin: John Locke, Jean-Jacques Rousseau, Thomas Paine, Adam Smith, Jeremy Bentham, John Stuart Mill, David Hume, Immanuel Kant—all these are gentiles, mostly from Britain to boot.

images.mobilism.org.pngYour point is well made and I take it in the spirit it is intended, however, please indulge me for one moment. The term ‘Conspiracy Theorist’ is often used to belittle and decry non-standard theoreticians. I accept there are a lot of cranks out there and people who have the potential to cause arm to others. Clearly, that is not my intent. Indeed, the very opposite is true. I am a historian and a political theorist. My opinions are not based on phantasms, a need to gain attention or dye my hair green and stand in a turquoise track suit next to David Icke. I have quoted above (and indeed elsewhere in relation to Nicholas Sarkozy, former President of France) one of hundreds of examples where some people of that particular diaspora have acted, in my opinion, against the interests of the European majority among whom they live. At this very moment I am simultaneously reading Ilan Pappe’s The Ethnic Cleansing of Palestine and Simon Schama’s The Story of the Jews: Finding the Words 1000BC - 1492 AD [Sic. It loos as if HarperCollins doesn't know that AD goes in front of the year. —Ed.]The former, a chilling account of the systematic way the founders of the early Jewish state went about their ethnic cleansing and murder of thousands upon thousands of Arabs in the late 1940’s, (activities some may argue analogous with recent events); the latter a shameless and sycophantic account of Jewish history that exonerates the Chosen from any sense of personal or group responsibility for the numerous expulsions they have suffered throughout the centuries. The media-savvy Schama, reveals himself to be less historian and more a propagandist as he explains why it is that everyone else is always to blame and his own tribe are always right, or indeed innocent, and the victims of mindless persecution. I would recommend everybody to read both texts. I found it advantageous to have also read the Talmud, Torah, and indeed the Koran, so I have a socio-economic, historical, and religious context for my opinions. I came to the work of Kevin McDonald late but recognize the behavior patterns he ascribes to his study group and I personally would prefer that the more over-zealous Zionists desisted from their activities so that your average Mr and Mrs Finkelstein could live in peace within the wider community. Unfortunately, that wider community now includes people with anti-semitic attitudes. This is regrettable but is a direct consequence of the strategy so eloquently explained by Spectre-Lerner above.

The fact that you can list the names of such great Anglo-Saxon, French, and German thinkers is a testimony to the progressive and open-hearted culture from which they originate. That the good intentions of such well-meaning people could be so perverted is in fact a measure of what Yockey describes as the culture distortion so prevalent today both in Europe and America. I have studied the American Constitution, The Framers who devised it, their backgrounds, ethnicity and intentions. Likewise, the real motivations of President Lincoln before, during, and after the American Civil War and I can assure you the abbreviated versions of history our schools and universities teach us and the voters are fed through the distorting lens of Orwellian ‘Truth Speak’ is a subject fit for serious review. I myself studied the whole historiography surrounding ‘Reconstruction’ after the American Civil War and it is most instructive on how aspects of history can and are used during different epochs to influence public opinion. From the books we read to the films we watch. Trust me, there is a pattern and it is no coincidence. From Spencer Tracy’s The Northwest Passage encouraging American entryism into the Second World War, to John Wayne’s Green Berets, trying to sustain moral during the Vietnam War, and 300, instilling anti-Islamic sentiment during the Iraq and Afghan wars. A whole book could be written on the movies bolstering anti-German sentiments and the falsehoods therein contained, but I will leave it there, my counter-point, I believe, equally well made.            

Immigration is needed because white folk no longer want to do certain jobs, whereas the newcomers are keen to contribute and willing to work hard. If we were to send them all back—which is impossible, of course—the economy and the NHS would collapse.

These shibboleths need to be exposed for the nonsense they are.  In the course of my career I have collaborated with thousands of sole-traders, SME’s, and multinational corporations.  In my opinion there would be no collapse, rather, a rejuvenation of the economy, greatly boosted I suspect by the end of massive social security payments, that could be re-directed from these imported voting blocs and unproductive elements to invest in new start-ups and training programmes for people who need to update their skill-set in line with current economic trends. I would recommend the re-nationalization of utility companies in the UK, likewise the rail and postal service, at the price set by the ‘fixers’ when they were sold off. I would also withdraw all benefits from those who had entered the country illegally and their families and dependents. Similarly, non-ethnic British who had committed serious crimes prior to their immediate deportation back to their country of origin, accompanied of course by their dependents, but not the assets that had been accumulated by fraudulent means or due to the generosity of the British taxpayer. It may sound draconian to some but it makes good business sense. I would also argue to levy taxes on the money migrant workers send back to their families, thereby reducing the outflow of capital from its source of origin and open negotiations with countries in receipt of Foreign Aid or benefits to assist us in the task of humane repatriation of their nationals or peoples of compatible ethnic origin or similar religious persuasion.  New targets need to be set for emigration, based on a wide range of criteria, but certainly with a view to returning the ethnic balance of countries like Britain to pre-1997 levels. And that would be the start not the end-point of the discussion.

total_map_overview.gifWith regard to the NHS, I have managed contracts with a wide range of people connected to this vast and worthy enterprise. Indeed, I have been involved with medical training for nurses, GPs, and surgeons. An immediate family member is a practicing junior doctor. The simple fact is that we are diverting resources to train people of non-British origin to these highly paid jobs, reinforcing cultural stereo-types among some of the high achieving Asians who think the profession is ‘theirs’ (the names Khan and Patel are currently the most common names for a medical doctor in the UK) whilst failing to act when they underperform or commit acts of negligence or perversion because we fear being branded ‘racist’. Additionally, we are providing health tourists with a first class service and denuding developing countries of their most highly skilled health professionals, which seems morally indefensible to me, especially if we are to be judged by the liberal and ethical standards we are supposed to be upholding. So, in short, I think we can materially benefit from a mass outflow of the post-’97 immigrants, up-skill the workforce with a view to advancing our technological infrastructure and preserve and improve fundamental services like the British NHS with a planned programme of awareness raising and aspiration building so that increasing numbers of whites want to move into these fields, as was the case in previous generations.

Polls recording the attitudes of indigenous Europeans towards non-European immigrants consistently show that this view is popular. But how do you justify it morally? That’s the first thing. The second is, What about the many families of non-European origin that, nevertheless, have been here for several generations and are all citizens, born and bred in Europe? Are we to start rounding them up and shipping them out? And, if so, what would determine an ‘ethnically compatible’ country? Many are of mixed origin too, which would further complicate the issue, not just practically, but morally as well.

Yes, indeed, it is a popular view and one that should have had a major impact on the results of several electoral cycles. In the UK alone, there have been orators like Enoch Powell predicting the current circumstance for decades. Many other far sighted people have followed him, in their own ways, in their own countries across the ‘developed world’. Why it has failed to mature into a vote winning electoral vehicle in the majority of those countries is a question worth asking? Where was the plebiscite agreeing to immigration in the first place? Why isn’t one held now across the EU or in its constituent states? These very facts undermine the claim we live in representative democracies. The current wave of concern in this area may bring Marine Le Pen to power in France  but I have no doubt every judicial or technical reason will be found to make that difficult. We have an unresponsive state apparatus that is ‘owned’ and with every year the new imported peoples who they pander to in order to maintain their short-term positions grow in number. These newcomers have originated from somewhere outside Europe and that is where they should return. Where is a choice for them to make but they should not remain. On the subject of people of mixed race, we have a conundrum. I believe everyone should be free to choose their life-partner without the interference of law and statute. Love is a valuable commodity and should be appreciated in all the various forms it assumes. But look carefully at the spousal abuse rates, the single parent families, the divorce rates between people of different ethnicities. The evidence is overwhelming, if uncomfortable reading for the self-loathers like FEMEN who daub their bare breasts with statements like: ‘Immigrants fuck better’. Perhaps a picture of O.J. Simpson would be more appropriate?

What do you think drives FEMEN to engage in this type of activism?

My initial response to FEMEN was positive. I thought they were protesting against the sexual exploitation of Eastern European women. My sympathies were obvious. The long and well documented white-slaving indulged in by predominantly Turkish, Albanian, and Jewish gangsters, gathers pace year on year. It is simply incredible that such appalling human trafficking exists and that no direct intervention like sanctions on the countries that operate brothel gulag systems are enforced. I note a real double standard here when you think of the recent high profile campaign by Michelle Obama to ‘Bring back our girls’. However, I soon became disconcerted when FEMEN Founders like Sasha Shevchenko began pontificating on their Sextremist ideology. I found it to be a poisonous cocktail of anti-white male bigotry, a clichéd Leftist love of ‘the other’, and a vulgar circus for self-indulgent, self-loathing women invading churches, urinating in the street, and protesting against so-called fascists who would deport the perpetrators of organized crimes victimizing their gender, limit the freedom of communities practicing female genital mutilation, and stamp out the grooming and abuse of young girls. I might be wrong, but I don’t recall seeing FEMEN actively challenging Muslim paedophiles in the UK or across Europe. Have they made a statement about Rotherham?

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The antics of Pussy Riot demean the very important work of genuine female activists such as those of the first wave of feminism like Hannah More, Mary Wollstonecraft, and Frances Willard. Women whose genuine motivations were highjacked by radical feminists like the Red Stockings Brigade of the 1960’s, themselves a mere projection of the Black Civil Rights Movement stirring up trouble across the gender divide. Look at the work of Germaine Greer, Shulamith Firestone, Carol Hanisch, Ellen Levine, and Anne Koedt.  The very titles of their books—The Female Eunuch, Forbidden Discourse: The Silencing of Feminist Criticism of Gender, and The Myth of the Vaginal Orgasm—betray their narcissistic belligerence, over-bearing sense of entitlement, political lesbianism, and economic and syncretic Marxist agenda. And it did not end there. Bell Hooks in her book Killing Rage went so far as to justify her feelings about longing to murder an anonymous white male, no doubt because he represented the ‘oppressive patriarchy’ all these types despise. Dworkin, Wolf, Paglia, and Steinhem all follow in the same path as de Beauvoir whose Second Sex features on all ‘politically correct’ liberal arts college reading lists. I would highly recommend an antidote to such corrosive prejudice. Try the work and thoughts of Erin Pizzey, an early campaigner against domestic violence, who incidentally has subsequently been forced to spend long periods in hiding after bomb threats from radical feminist extremists; Karen Straughan of Girl Writes What and Dr Tara Palmatier who are working hard to re-balance the debate. There is also an extensive literature refuting the theories of the celebrated women’s champions listed above: Christina Hoff Sommers, Who Stole Feminism ? and The War against Boys; Suzanne Venker’s The Flipside of Feminism: what Conservative Women think—and men can’t say; and Ronnee Schreiber’s Righting Feminism: Conservative women and American Politics.

According to certain controversial literature on human biodiversity, South East Asians are the most intelligent population on Earth and blacks the most athletic. If we accept this as true, then, surely, it makes sense to accept immigration from anywhere, since we’ll benefit from Asian brains and West African muscle. We’d then be unbeatable both in the astrophysics laboratory and the Olympic stadium.

Let us for a minute accept such stereotyping. Should we not also insist that those self-same people accept their proven statistical predilection for corruption, rape, and violence? Would South East Asians not be able to construct free and stable societies, dominate academia, and the patent lists of inventions? Why are our West African brothers not able to master the rudiments of more complex sports like gymnastics that require the synchronization of mind and body? I have studied alongside South East Asians and their tendency is to regurgitate what they learn uncritically. I have myself beaten black athlete’s on the school running track. Take a look at the Olympic medal tables and you will see white people outperform all other races proportionally, when you consider that we represent less than 16% of the world’s population.

Surely, with better immigration criteria and controls we can keep out the criminals and attract the best talent from all over the world. And, surely, there is a role even for rote memorisation and brute force in our societies. These things are needed, and it’s down to employers to find the right individuals for the right jobs. Let’s assume for a moment that this is just a technical issue that can be cracked with excessive costs and within a reasonable timeframe. Would you still oppose immigration? And, if so, why?

I would oppose immigration instinctively not just on the scale currently being undertaken, but because I think Europe, America, and the Slavic countries neither require it or substantially benefit from it. The criminal aspect is merely a ‘touchstone’ issue. Out of control diversity is a millstone not an asset. Especially when the benefits of diversity are all pretty much one-way. We in the West are uniquely blessed, unlike other peoples with most of the requisite capabilities to meet the majority of our societal needs. There is no obligation to feed the world until our own needy and poor are brought up to a proper level of subsistence. There is an old adage that charity begins at home. Let us start there. I do not however believe in isolationism, which is counter-productive and prevents a genuine and worthwhile exchange between cultures on an equal and beneficial footing. That is not what we have now.

The Western world can point to a history of brute force and rote memorisation. I do not hold such skills in high regard unless the former is absolutely necessary and the latter is applicable and beneficial to those who have no other course of betterment. I have liaised with large numbers of Chambers of Commerce in the UK and France and employers have plenty of opportunities to create viable and profitable businesses. What is becoming increasingly apparent is the drive towards excessive profit and greed. Such materialism above and beyond physical and spiritual satiation is I believe a serious sign of moral decay. The numbers of culturally bereft nouveau-riche people swilling second-rate champagne in kidney-shaped jacuzzis sickens me. And believe me, I have met many of that sort from Dublin to Tomsk.

Isn’t nationalism just hate and fear? Most decent people think it is very narrow-minded and backward world-view. We are no longer in the 19th century, after all; this is the 21st century and we live in a globalized world. You, in fact benefit from this every day.

I see the New Right as an alternative modernist movement, building on the homogenous organic roots of traditionalism, rejecting the liberal and socialist platitudes of a utopian future populated by a coffee-coloured people. I participate, contribute and benefit from the technical effects of modernity. Indeed, it is people like myself that drive those technical knowledge based economies. But I utterly reject the racial and cultural side-effects as an unnecessary impediment. I long for a political framework which abolishes multiculturalism and privileging the ‘ethnic’ over the ‘indigenous’ not because the European needs ‘protection’ and cannot compete but because current governmental statutes deliberately discriminates in favour of ‘ethnics’ over the whites and the fact that these global parasites are a drain on our core business, the advancement of our nations and the European continent.  A national community functions best when, as Italian, Sergio Salvi, in his book Patria e Matria  (Fatherland and Motherland) wrote : ‘It can be tentatively defined as a human group living in a definitive territory, which differs from other groups in a number of characteristics. These can be linguistic, cultural, historical and socio-economic. It is such shared characteristics that makes the members of a group aware of their particular identity. Even when the differences are not so tangible, they still give rise to the group’s desire to organize autonomously in the fields of administration (i.e., the State), politics and culture’. For me positive not ‘petty’ nationalism is the instinctive outcome of love for family, community and place. It is a healthy and over-riding human emotion.  It is limitless and according to the Nietzschean theory of eternal return, its time will inevitably come again.  

But nationalism is an idea associated with the nation-state, a fairly recent creation, which is becoming increasingly irrelevant, is it not? And its adoption necessitated the suppression of regional identities to begin with. At the time of the French Revolution, for example, only 1 in 8 people living in France spoke fairly good French; only half spoke any; and even in Oïl language zones, it was usually only used in cities. The ‘national identity’, the ‘national religion’, the ‘national curriculum’—all of these are concepts associated with the nation-state. The tendency in world history has been to go from lower levels of organisation to higher. Surely, you do not envision a return to the polis, or to the city-state (à la Geneva, as in Rousseau’s time), do you? What about the argument that hugely expensive undertakings, such as a space programme, would be far more difficult with a 1000 small regions with small economies, with 1000 currencies and 1000 languages, as opposed to with a large block like the EU, using one currency and adopting a lingua franca?

It is true that the nationalism of the last two hundred years is generally associated with the nation-state and if you are force-fed Ernest Gellner and  Eric Hobsbawn like I was at university you are getting that diaspora interpretation once again. Even a more conservative view like that of Elie Kedourie comes from the same gene pool. Historians of this type are pre-determined to view such communitarian societies as essentially reactionary in character.  Thinkers from the Anglo-conservative sphere like Edmund Burke, Thomas Carlyle, Maurice Cowling, Michael Oakeshott, T.S. Eliot, Roger Scruton, and Phillip Blond are given scant attention. Likewise, John Calhoun, the Southern Agrarian School, Russell Kirk, Paul Gottfried, and even Gregory Wolfe in America. De Benoist and Faye, whom I referenced earlier were largely ignored and remained only partially translated into English until Arktos Media redressed this unforgivable oversight in recent years.  Consideration of the German Conservative Revolutionaries is basically forbidden unless it is to criticize them. People like Fichte, Herder, Schopenhauer, Stefan George, Ludwig Klages, Gottfried Benn, Ernst Niekisch, Arthur Moeller van den Bruck, Othmar Spann, Edgar Julius Jung, and the great Martin Heidegger, despite the latitude of their thought must be viewed through the politically correct lens. Even Carl Jung suffers in this regard, but then again, he did split from Freud and so according to their narrative can never be forgiven.

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The significance and relevance of regionalism is in fact an issue I hint at in the text of The Partisan, where I try to balance the importance I attach to Breton, Provencal and other regional cultures to the unified fight-back against a common-enemy. I do envisage a Europe of a thousand flags under a federal entity. But you will appreciate my vision of such a European confederation would be unrecognizable from today’s EU. It would not be without dissension and dispute but it would be a debate between similar peoples of a generally shared milieu, informed and framed by some of the disprivileged thinkers I listed above. A discussion of this type is far more likely to advance in a positive direction than disputes between peoples of completely different cultures, races or susceptibilities.

In The Partisan, you seem to see the problems afflicting our societies cannot be solved through the mainstream political process. Yet, people—not only in France and in Britain, but in all the Western democracies—are given a chance to vote every four or five years , so the political establishment and the policies pursued by democratic governments simply reflect the will of the people. From this it seems obvious that your view is that of a disgruntled minority.

My first Masters degree is in Government & Politics. I fully understand the various forms of local, regional, national, and international governance structures that bind our hands. I have studied all aspects of representation, party funding and the ideologies and platforms of the supposedly competing mainstream parties. The charade of the democratic process and the pantomime of elections do not fool me or I think increasing numbers of other people. Our governments are bought and paid for by people running multi-national corporations and ‘banksters’ who do not have our best interests at heart. We may still be a disgruntled minority but a committed vanguard can lead a revolution. Did you see the street scenes on Maidan? I was there. All over Europe the Right is on the rise: in France, Austria, the Baltic States, Italy, Poland, and Hungary. Look at Casa Pound fighting the Reds on the streets of Rome, Blocco Studentesco and of course Golden Dawn in Greece. I was touched by the dignified way The Immortals conducted themselves during a torch lit parade through a small German town. Our creed is a vital and living force, not a passive celebration of former glories, or for that matter a family that lives in a lifeless, sterile museum.  I have a certain respect for the sentiments expressed in the dedication to the preface of Derek Holland’s The Political Soldier II, Thoughts on Sacrifice & Struggle: ‘To the prayers of the Saints and the Blood of the Martyrs who redeemed the European Motherland in the Past. May we, the last loyal Sons of Tradition and Order, be worthy of their Example as the Final Conflict approaches.

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This narrative, about a race-based revolution, would strike many as wishful thinking by a fringe minority. Most would find it impossible to justify morally, because it is ultimately selfish. The Randian view of selfishness as a virtue has had the most fertile soil grow on in a context of Classical liberalism favouring individual liberty and therefore laissez-faire capitalism, and yet, it remains a marginal view; it cannot stand the moral attacks from the egalitarians, who can present themselves as virtuous because egalitarianism is selfless, at least as they understand it, which is what counts in this realm. Moreover, the events in Ukraine are of an entirely different order, since fits the liberal narrative, which can temporarily justify Ukrainian nationalism as a struggle for freedom—freedom from another, larger, richer, more powerful nation; a well-defined opponent. There is no well-defined opponent in Europe, even within the narrative you reproduce—no one likes the bankers and politicians, but responsibility for even the worst trends is diffuse. Even Tony Blair, a proven liar and war criminal, is making a killing economically. GQ even named him philanthropist of the year, eliciting only the most supine and feeblest of complaints!

This is the exact opposite of wishful thinking. Who would want to deal with a civil war on their own soil ? Yugoslavia was a test-case. I am not advocating violence but warning against it. The Partisan is not wish fulfillment, rather a shrill cry of concern about what will occur unless positive steps are taken now. Merkel and Cameron bemoaning the failure of multiculturalism will not stave off internecine violence. Randian idealism remains a cult because it does not link the supposed virtue of selfishness with the natural philanthropism that people have felt and acted upon historically because they are inclined to support people of like character and type. It is true the banksters are an easy target but you are looking through a post 2007 perspective. Distributists like Chesterton and Belloc were saying this over 70 years ago. And they were right!

In relation to Ukraine. I first starting wearing Stepan Bandera t-shirts  and drinking vodka with Ukrainian nationalist veterans in the cellars of Lviv 7 years ago. I am fully aware of how that genuine uprising was manipulated. I was holding a birthday party 200 meters from the spot where the secret police were shooting protestors in Kiev last March. I have two further manuscripts dealing directly with Russia and Ukraine completed and ready for publication.

I personally refused to meet Tony Blair despite being part of a British trade delegation  set to greet the former Prime Minister to a certain Muslim country two years ago. GQ embarrasses itself and insults our intelligence with their phony polls and propaganda. Everyone knows what Blair and his type represent and advocate. Will he produce GQ’s analysis as part of his defense when he is finally brought before a court? I don’t know about you, but I would anticipate a cacophony of contemptuous laughter.

You seem to reject egalitarianism. But isn’t equality a good thing? And if you don’t, are you not saying that certain people are inferior and should be deprived of rights that everyone—and certainly the United Nations—regard as universal? How can you possibly defend that? Is it your view that women are inferior to men, that blacks are inferior to whites, and that you’d rather institutionalise privilege for some, and oppression for others, based on the qualities they are born with and therefore cannot do anything about?

Egalitarianism is a façade used by the liberals and socialists to push their proposition nation agenda. In pursuit of the Holy Grail of Equality they are more than willing to sacrifice any sense of human differentation, erasing the realities of race, gender intelligence and cultural competencies. It is not a matter of supremacy and inferiority, it is a matter of reality. I do not believe in a universal ‘lowest common denominator’. People and cultures are different and we should celebrate that very real diversity not hold it to a single standard. Cultures are at different points of development and are on different trajectories. I agree with Spengler when he said, ‘Each culture has its own new possibilities of self-expression which arise, ripen decay and never return. There is not one sculpture, one painting, one mathematics, one physics, but many, each in its deepest essence different from the others . . . ’  Does that sound like someone who wishes to impose his will on others or a person hell-bent on depriving other cultures of their right to sovereignty or self- determination? I think not. Look around the world, the caste system you allude to in your question and the slave/worker relationships it implies are far more prevalent and embedded in non-white cultures. I am reminded of an axiom quoted in the short lived Rising journal: ‘A Nationalism that seeks to subdue or extirpate another culture is, in fact, not a Nationalism but an Imperialism, which threatens not only its intended victim but also its own well-being, for its distorted view of itself, and of its relations with others, can only invite disaster’.

I would not have selected a woman to be the central character in my novel if I was even remotely sexist or believed the female gender was in any way inferior. Sabine, the heroine of the book, is the very personification of a modern, intelligent, powerful woman who makes her own decisions and lives with the consequences.  It is my view that we need to be far more strategic in appealing to women in order to grow our movement. They offer us the chance of a real multi-skilling asset which would greatly enhance our operations and further refine our perspective, ideals and objectives.

The issue is also not about colour but character and capability. History informs us that large numbers of diverse people find it difficult to live in close proximity without conflict. In general, the under-achievement of many non-whites living in a white community leads to demoralization, dependency and frustration. These result in violent outpourings like: in the USA—Watts 65, Newark 67, Rodney King/LA  92, Cincinnati 2001, Ferguson 2014; in the UK—Bristol 1980, Toxteth 1981, Brixton 1981, Bradford, Burnley and Oldham 2001, London 2011; in France—Clichy-Sous-Bois, Seine-Saint-Denis, Dijon, Belfort 2005; in Italy—Rosarno in Calabria 2010; in Spain - Roquetas in Almeria 2008; in Sweden—Stockholm 2013.

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I see no benefit in perpetuating such catastrophes when it is clear that peaceful co-existence and co-location is simply not possible. A race realist like myself would recommend a natural separation based on mutually agreed terms.

This argument has been made for decades, with a great deal of hard science to support it. And yet, that hasn’t made any difference. It is still rejected wholesale. We go back to the ethics of this idea: egalitarians may argue that even if equality does not exist, it is nevertheless a noble ideal, and that alone makes it worth pursuing, even if the ideal could never be achieved entirely. In short, the facts don’t really matter, because this is an ethical question, not an empirical one.

If the Convergence of Catastrophes Faye anticipates in his book is correct, and the money, food and power begins to run out, I predict it will not be noble ideals and ethics that characterize our behavior. When the tipping point is reached the fracturing of society will move rapidly on ethnic, religious and tribal lines. Like you yourself argued in one of your celebrated speaking engagements, The Collapse may not be instant, it may have already began and its ramifications may go unnoticed at first. I think it was Ezra Pound who claimed it is the artist’s antenna that first picks up the vibrations of such events. The Partisan is in some ways a literal confirmation of what my more sensitive predecessors already knew awaited us. It is the realization of the dark nightmare to come.

In that speech you refer to I also said that a collapse could well take so long that by the time it is recognised as such the consequences would have long ceased to be relevant, because those affected or warning about them would have already disappeared or were no longer powerful. I also mentioned that there is no guarantee that any collapse would have the desired outcome. The scenario you describe assumes that in a social breakdown scenario, everybody falls into line along ethnic or tribal lines. That seems likely with the non-European demographic in our part of the world, but simple everyday observation suggests Europeans, and particularly North-Western Europeans, will remain as divided as they are now, fractured along moral or morally justified ideological lines. Even the Far Right is notoriously fractuous, not only due to conflicting personalities, but also due to disagreements over ideology. The same has always been the case with the Far Left. Kevin MacDonald has pointed out that Western Europeans are low in ethnocentricity and tend to form moral communities. If that is true, then ancestry is an insufficient condition. So the question must be asked—if egalitarianism is the irritant and the stumbling block, should identitarians not be focusing on a moral critique of egalitarianism?

I would contend the collapse started around 1913 and is now well advanced. The collapse takes many forms and proceeds at a different pace along many separate fault lines. It can be identified and estimated by different social, economic, demograhic, and political indices. We recognize it at the point it affects us as individuals, or as citizens of a particular nation. Those who govern the western world are managing the decline rather than arresting it. Some I suspect are complicit in it, or are directly benefiting from the decline in some way, transferring assets and investments at favourable rates to BRIC countries, much like maggots feeding off dying flesh. There is simply no way of guaranteeing that the moral poison of egalitarianism will not have so retarded the European population that they are inhibited from protecting their own or acting in a way to promote their group’s interest. I suspect however, that when non-Europeans band together, set up exclusive organizational structures, possibly based on religious lines, commit outrageous crimes and begin ethnic-cleansing, the mantra of ‘One World, One People’ will ring very hollow. There is nothing like watching your mother, sister and daughter being raped, or your father, brother and son being eviscerated by machete wielding savages to focus the mind. A moral critique of egalitarianism is long overdue. But we should pull the mask off this expression egalitarianism and call it what it is today, the Frankfurt School strategy to undermine all aspects of the Western Superstructure.

So what if people with non-European ancestry eventually become majorities in Europe? Aren’t they just people, no better or worse than anyone else? Are we to judge them by the colour of their skin, rather than the contents of their character?

The character and nature of the future population of Europe most certainly does matter. Demographics is destiny and the central question of our age, is whether or not the civilized and educated nations of the world will continue to allow themselves to be overwhelmed by those incapable of self-improvement, other than by squatting in close proximity to the techno-industrial or welfare systems of more developed cultures with their begging bowls in hand, or will they close their borders. The behavior, values, and capabilities of a large percentage of the people of non-European ancestry who are coming to Europe at this time, like many of the Latinos fording the Rio Grande, do not stack up meritoriously under any serious degree of scrutiny. They stand condemned by any scientific or moral measurement by which you would chose to evaluate them.  They threaten a new dark age, taking us back centuries. Forget customs and folkways for one moment, just look at the graphs on intelligence. IQ averages in the countries benefiting from immigration are plummeting. In what way can this be described as evolution? It represents the dilution of excellence and the low level ground war already underway throughout North America and Europe is a sure sign that things will get worse rather than better. Is Leicester or Birmingham to be the next Detroit?

Like Spengler I believe that the human species is divided into a variety of widely differing and contradictory cultures. My interpretation of nationalism carries with it the insistence of reciprocal respect. It is in essence Identitarian. What we strive for is national self- determination; sufficient living space for the preservation and development of our race, heritage and culture; a socio-economic and legal system that reflects the values of its creators; the nurturing of our art; and the continuance of our life-force into future millennia. I will not stoop to plea for this on the grounds of the Charter of Human Rights or because it can be argued that what is being done to the white indigenous populations of European nations is a form of genocide by stealth. Though you can make plausible arguments for both those scenarios. I do not ask permission to live or to survive in my own homeland. A territory that people of my lineage have inhabited for 10,000 years. I demand it and will join others in reaching for the rope to hang the traitors who opened the floodgates to the sewers of the third world and lock and load the guns when words prove insufficient to defend our homes.          

What was your aim with The Partisan?

seachanges.jpgContinuing my earlier point about fiction providing a gateway to theory, I want to contribute to a vibrant cadre of New Right novelists. My desire is to re-enchant the present generation with the ideals that made Europe great in the past. We are all descendants of a great cultural and intellectual inheritance and we have to make that case time and time again. Standing on the shoulders of giants like Ernst Jünger, Ezra Pound, and Louis Ferdinand Céline, I believe there now exists the potential to develop a genre that both entertains and informs. Several recent works like your own Mister, Tito’s Perdue’s  oeuvre, and Derek Turner’s Sea Changes provides the basis for a new school of storytellers, poets and singer-song-writers.     

They say that those who forget the past are bound to repeat it. You have an advanced degree in history from an American university—in fact, with a major component in Black Studies. Could it be not be argued, therefore, that you of all people, should know better than to write novels like The Partisan?

On the contrary. My original Masters in Politics included a dissertation which was a critique of the Soviet system. The Black Studies component of my MA in History featured such luminaries as: Nat Turner, Frederick Douglas, W.E. Dubois, Marcus Garvey, Elijah Muhammad, Martin Luther King, Malcolm X, Angela Davis, Kathleen Cleaver, Bobby Seale, George Jackson, Jesse Jackson, Al Sharpton, Louis Farrakhan and Black Panthers like Stokely Carmichael and Huey P. Newton and their ilk.
I probably know more about Communism and so-called Black Civil Rights activists than those on the left. It is an advantage to know your opponents better than they know themselves. My studies helped me identify the linkages like that between the Zionist Kivie Kaplan, who was Martin Luther King’s ‘handler’ and the communist Party of America. It was a formula that was repeated in the former Weather Underground leaders Bernadine Dohrn and Bill Ayers involvement with the Obama Presidential candidacy. Similarly, the association between Joe Slovo and his slow-witted tool Mandela in the dismemberment of South Africa.  
These simple key quotes define the reasons why I wrote The Partisan:

‘During the last Open Convention the debate was, was it or was it not the duty of any good revolutionary to kill all new born white babies. At the time it seemed like a relevant framing of an issue. The logic being that through no fault of their own these white kids are going to grow up to be a part of an oppressive racial establishment internationally, so really your duty is to kill new born white babies. And I remember one guy tentatively and apologetically suggesting that this was in contradiction to the humanitarian aims of the movement and he was booed down’ - Doug McAdam (Weather Underground)

Kill all white men, white women and their babies’ - New Black Panther Party activist Malik Zulu Shabbaz (picture hereunder), infamous for accusations of attempting to intimidate voters at a Philadelphia polling booth in 2008.

Malik-Zulu-Shabazz.jpg

Do you plan on getting another degree?

To quote Solzhehnitsyn : ‘without any censorship, in the West fashionable trends of thought and ideas are carefully separated from those which are not fashionable; nothing is forbidden, but what is not fashionable will hardly find its way into periodicals or books or be heard in colleges. Legally your researchers are free, but they are conditioned by the fashions of the day . . .’   

One single anecdote illustrates this perfectly.  Having graduated on a bright summer day under a warm Californian sun, I returned to a slate grey London, intending to commence a PhD on the historiography of the so-called European New Right. I was interviewed by an American Professor with a Jewish surname. He was wearing a tweed jacket and smiling suspiciously over an oversize bowtie. As I tried to explain my hypothesis, the would-be don twirled his pen, looking distractedly out the window.

‘Why are you interested in these people?’ he asked contemptuously, ‘they have no intellectual capital. Have you thought of an evaluation of the impact of his theological upbringing on Martin Luther King’s later Civil Rights activities?’ The door closed. So I pushed on another. Sitting down in front of my laptop, sometimes overlooking a village green in Kent, where my every key stroke echoed to the rhythm of leather on wood; and at other times walking around the Zenkov Cathedral in Almaty, staring up through the cloud formations gathering around the rim of the Zailiysky Alatau mountains, I began typing the opening lines of The Partisan. That is my PhD thesis and it is written from the heart, free of the shackles of political correctness.

I notice that, though The Partisan draws from the anti-liberal ideas of the European New Right, it also has references to the French Revolution, which represented a triumph of liberal political theory. You even have the revolutionaries sing certain verses from La Marseillaise. Is this not a somewhat idiosyncratic interpretation of history?

It is the paradox we live with. French identity and pride is inextricably linked with a familiar anthem like La Marseillaise. If fiction is to be grounded and credible it must reflect reality. I would argue that we should accept that the vast numbers required to make a movement will fix on certain icons, flags and songs as they come together. It is to be expected and it is expedient. It is the passion and emotive qualities of unifying symbolism that is important. The deconstruction of deeper ideological underpinnings can be dealt with once we have won back the streets.

The Partisan makes a clear case against the Islamisation of France, and, presumably by extension, of Europe. What is wrong is Islam having a presence in Europe? There are Muslims in Bosnia who are fully European and don’t behave at all like Abu Hamza and fellow Jihadists from Asia and North Africa or the Pakistani paedophile rings in the United Kingdom. Indeed, even the SS had a division of Bosnian Muslims.

A presence is one thing. An overwhelming presence is quite another. Whilst minarets  overshadow rooftops from Barcelona to Geneva and Frankfurt to Bolton, Christian churches are being firebombed across the Muslim world and the followers of Jesus are given an option, convert or die. How long before the phony war of protest by Muslims in Paris, Amsterdam and Brussels turns into a full scale insurgency by ISIS trained zealots? There is much to admire in all faiths, cultures and identities. But we must acknowledge, they flourish best when they are rooted in their home soil and watered by the winds from their own mountain tops. Over the last half century the seeds of destruction have been scattered across our fields. It is time to take the scythe to the weeds strangling our crop. 

minare11.jpg

What about David Cameron’s proposal of ‘muscular Britishness’?

There is so much one could say on this matter but I will try to keep my reply concise and free from vitriol. My recollection is that this expression was first used in a Daily Mail article on the Trojan Horse scandal, where Tory party policies relating to the freeing up of school governing bodies and head-teachers from so-called local authority  bureaucracy and allowing more school independence had resulted in a myriad of predominantly Muslim schools imposing a sharia curricula, removing white governors and treating indigenous students, already a numerical minority as second class pupils. Well, I cannot say I am surprised, it reinforces what I alluded to earlier in relation to the mindset of certain burgeoning non-British communities. I contend such autonomy will be abused by these people time and time again. They simply cannot be constrained by the normal European or British notions of fair play, decency and appropriate behavior. These apologists for paedophilia and honour killings are animated by the dream of  a jihadist take-over not assimilation. The fact that Cameron, along with his collaborators in the Liberal-democrats have actually overseen a growth in immigration, despite all their public statements and manifesto pledges to the contrary, calls into question both the British Prime Minister’s integrity and capability.

His fetid description of Britishness as being all about democracy, equality, and tolerance reveals a complete disengagement with the martial qualities that built an Empire from Scotland to the Falklands and Novia Scotia to Singapore. Listening to a rendition of Elgar’s Pomp and Circumstance, would suffice in correcting such confusion. These modernist ideals also fly in the face of historic reality like the Chartist March on Monmouth, where men were shot and killed for demanding political representation; the fact that for centuries only male property owners had the right to vote and a suffragette had to throw herself under the King’s horse to raise awareness that women wanted the same opportunity; and that the everyday experience of anyone expressing concern over the behavior of non-whites is immediately shouted down with the cat-call of that much over-used word ‘racist!’ The latter apparently being a case of blatant ‘intolerance’ regardless of the merit of their argument. Double standards abound. No tolerance for the intolerant. No platform for fascists ! Government ministers signing up as members of Unite Against Fascism. So it seems, equality and tolerance are in reality in short supply in David’s Little Britain.

As for democracy, equality and tolerance are as British as the Union Flag, football and fish and chips ? Well let us deconstruct David’s assertions in true Marxist dialectical terms, shall we? It strikes me that the very existence of the Union flag is called into question by the Scottish referendum. Something Mr Cameron agreed to but did not feel he could extend to the discussion on immigration? With regards to football, it was clear from the lethargic display by the English team at the last World Cup, that the game ‘the British’ invented has now developed well beyond their current competency levels. Football is most certainly not coming home to paraphrase the line from the Three Lions Song. And the clichéd reference to fish and chips, so typical of Oxbridge champagne swilling Tories trying to appear ‘down with the boys’,  can be dismissed by the simple observation that the  most popular meal in the UK is now curry.

Like John Major before him speaking of the English matron pedaling through the morning mist or Mrs Thatcher hinting about the people’s concern about being ‘swamped’ by immigrants in the 79 election, Cameron has no intention of enacting muscular Britishness, whatever that means? Look who funds the party he leads. Peel back the names to reveal his own family origins and those of his advisors. Indeed, those of his predecessors.  Leon Brittan, Nigel Lawson, Keith Joseph, Malcolm Rifkind, Alex Carlisle, Michael Howard, Edwina Currie, John Bercow and Keith Joseph. Check the following list of Conservative, Liberal Democrat, and Labour MP’s, Ministers and Peers of the realm (the following is only indicative, not comprehensive) : Sam Gyimah, Kwasi Kwarteng, Reham Chisti, Baroness Warsi, Priti Patel, Alok Sharma, Nadhim Zahami, Kishwer Falkner, Sandip Verma, Mohamed Sheikh, Nat Wei, Maurice Saatchi, Satyendra Prasanno Sinha, Lord Taylor of Warwick, Patricia Scotland, Navnit Dhozlakia, Herman Ouseley, Floella Benjamin, Meral Hussein-Ece, Zahida Manzour, Rumji Vergee, Doreen Lawrence, Paul Boateng, Lord Darzi, Bill Morris, Baron Bhattacharrya, Baron Chan, Amir  Bhatia, Baron Adebowale, Baron Parekh, Baron Patel, Baroness Pashar, Nazir Ahmed, Baroness Uddin, Baron Ali, Keith Vaz, Valerie Vaz, Chuka Umunna, Yasmin Qureshi, Ed Milliband, and George Galloway.  Now ask yourself are such people likely to enact muscular Britishness?

And before we settle back and think this is an isolated situation, please take a look at the political ‘movers and shakers’ in the United States and closer to home, in Europe itself. It is not hard to find the same egregious behaviour perpetrated in the same quarters by the same self-interested parties.   

Why did you choose a female protagonist?

I wanted to create a positive role model for those young women sympathetic to our shared traditions and thinking about becoming active in the movement.  The Left have to some extent mythologized in book and film form the likes of Ulrike Meinhof and Gudrun Ensslin. To my mind these were two emotionally bereft, politically shallow and nihilistic women. Sabine was created in direct opposition to these latter day martyrs of the German Autumn. I can foresee a time when some of our best exponents will be women. I long to stand beside them in the shadow of fluttering Spartan pennants on the field of Poitiers.    
    
Is there hope for Europe beyond liberalism?

There most certainly is. First, we must acknowledge the significance of integral traditionalism to the life and continuity of the homogenous community. Then we need the energy and vital radicalism of revolutionary conservatism to simultaneously conserve and transform those parts of our culture that are (a) worthy of preservation and (b) in vital need of evolution or eradication.     

Isn’t liberalism simply for individual liberty, freedom of expression, freedom of opportunity, and equality before the law? Are we do away with all those, and go back five hundred years—or, worse still, end up with an authoritarian police state?

The police state is already here and the prison walls are the laws imposed upon us by the equality gurus to uphold the liberal establishment. There is no real individual liberty. It is being systematically replaced by stifling conformism in both the private and public arenas. Freedom of opportunity and equality before the law increasingly only applies to non-whites. A two-tier justice system is enforced by the adoption of politically correct moral codes. Social ostracization and exclusion from the work force is practiced against dissenters. Orwell’s vision of a ruthless regime insisting on political orthodoxy is with us. We are all locked in room 101 with Winston Smith and the rats are coming. 

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samedi, 07 mars 2015

Michel Raimbaud : « Les États-Unis n'ont qu'une logique : celle du chaos »

Michel Raimbaud : « Les États-Unis n'ont qu'une logique : celle du chaos »

Auteur : Majed Nehmé, Augusta Conchiglia et Hassen Zenati
Ex: http://zejournal.mobi

Michel_Raimbaud_texte.jpgAncien ambassadeur français en Mauritanie, au Soudan et au Zimbabwe, l'écrivain Michel Raimbaud* vient de publier « Tempête sur le Grand Moyen-Orient », un ouvrage qui s'annonce déjà comme un classique de la géopolitique moyen-orientale et eurasienne. Il revient sur ce projet élaboré par les néoconservateurs américains qui a non seulement déstabilisé le monde arabo-musulman, reconfiguré les relations internationales, mais fait désormais des vagues jusqu'en Europe, avec la violence qu'on connaît.

Vous avez placé en épigraphe de votre livre cette citation de Voltaire : « Pour savoir qui vous dirige vraiment, il suffit de regarder ceux que vous ne pouvez pas critiquer. » De qui parlez-vous?

Il suffit de voir autour de soi. La maxime s'applique à ce qu'on appelle le « pouvoir profond »… On ne peut pas critiquer certaines catégories de personnes et les sujets qui vont avec, dont ceux que je traite dans ce livre. Ce sont ces sujets sensibles.

Vous dites que l'expression « printemps arabe » n'est pas un concept arabe, mais occidental. Le nouveau président tunisien l'a confirmé. Est-ce cela qui explique ce qui s'est passé dans le monde arabe ?

Tout à fait. La naissance de ce concept est le fait d'intellectuels et de journalistes français. Il se réfère aux printemps démocratiques, celui de 1848 qui a tenté de bousculer les vieilles monarchies européennes vermoulues, le printemps de Prague en 1968, Mai-68 en France… Cette assimilation historique est un peu hâtive. Sans compter qu'en Tunisie, le printemps du jasmin, c'était en hiver !

Vous n'avez pas de mots assez durs pour évoquer le printemps arabe : « Une appellation plutôt usurpée pour une saison sinistre n'ayant guère d'arabe, à part le nom, qu'une vague façade en carton-pâte derrière laquelle se tapissent un fanatisme islamiste de la pire espèce, des pompes à finances wahhabites inépuisables », etc. Et j'en passe…

Je le pense depuis le début. Tous les pays arabes ont été touchés sauf les monarchies. Le Bahreïn est une exception à cause de sa « minorité » chiite qui constitue plus de 70 % de la population. Au Yémen, on a découvert à l'occasion de la guerre civile qu'il existe une minorité chiite, les zaydites, représentant 40 % de la population. Il y a des chiites cachés en Turquie, il en existe aussi au Pakistan, entre 20 % et 25 % de la population.

Qu'entendez-vous par un Grand Moyen-Orient situé entre l'empire atlantique et l'Eurasie ? Peut-on encore parler, à propos de l'Otan, d'un empire ? Quant à l'Eurasie, elle est encore embryonnaire. N'est-ce pas une anticipation ?

Oui c'est une anticipation. L'expression du Grand Moyen-Orient elle-même est de George Bush. Ce n'est plus un Moyen-Orient dans la mesure où il va de la Méditerranée à la Chine centrale. L'Eurasie est en gestation, certes, mais le changement se produit sous nos yeux. Les Brics sont en formation, surtout son noyau euro-asiatique. Cet ensemble a de l'avenir.

Mais le Grand Moyen-Orient n'est-il pas une vue de l'esprit ? On a l'impression, plutôt, d'un monde éclaté…

C'est le monde arabo-musulman d'aujourd'hui qui est éclaté. L'expression Grand Moyen-Orient est concise et couvre une vaste région. L'empire Atlantique se place face au bloc euro-asiatique. Ces blocs existent déjà et le deuxième est en voie d'organisation.

Comment expliquer que le mal nommé « printemps » ait pu réveiller la guerre froide ? Et que la Russie et la Chine se soient liguées pour contrer ce projet ?

Cette opposition russo-chinoise est une grande première. Jusqu'en 1991, le monde est bipolaire avec, entre les deux blocs, une Chine qui trouble un peu le jeu. Au milieu se trouvent les pays non-alignés, terre de mission pour les deux camps. En 1991, à la chute de l'URSS, on a cru en l'avènement du monde multipolaire. Ce n'était pas vrai : ce que l'on a vu, c'est l'avènement du monde unipolaire, le monde américain. L'Occident va alors pouvoir gouverner au nom de la « communauté internationale », sans opposition, pendant vingt ans, jusqu'en 2011. Puis il va s'évanouir avec les crises de la Libye et de la Syrie.
Tout capote avec ces pays, et nulle part ailleurs.
La Chine va se joindre à la Russie lors de la guerre de Libye, le vrai point de rupture. Auparavant, les deux pays avaient été mis en condition pour accepter la résolution 1973, avec l'idée qu'il fallait protéger la population civile. C'est la mise en œuvre de cette résolution qui a fait déborder le vase. Ils se sont rendu compte qu'ils avaient été bernés, et qu'ils avaient fait une erreur en s'abstenant.
Les bombardements commencent le lendemain de l'adoption de la résolution des Nations unies. L'Otan, qui n'y était mentionnée nulle part, entre en guerre, bombarde tout, démolit tout. En toute illégalité. Si on regarde le chapitre 7 de la charte des Nations unies, on constate que toutes les dispositions qui encadrent les interventions ont été violées. Y compris celles au prétexte humanitaire. Pour la Chine et la Russie, il n'y aura plus jamais de résolutions à la libyenne. Elles s'opposent six mois plus tard à la résolution sur la Syrie, apposant quatre fois leur veto. Je ne comprends pas que les Occidentaux n'aient pas compris que la Russie et la Chine ne rejoindraient plus jamais la fameuse communauté internationale pour ce genre d'aventures.

La Syrie est donc fondatrice de la nouvelle donne internationale…

C'est l'épicentre d'un conflit global qui dure depuis quatre ans. Si le gouvernement légal de la Syrie était tombé comme les autres auparavant, ou si le régime avait été renversé comme celui de Kadhafi, il y aurait eu d'autres printemps arabes. Mais la Syrie en a été le coup d'arrêt. Les Russes ne voulaient pas tant soutenir la Syrie, mais ils y ont trouvé un partenaire, un point d'ancrage solide. Avant l'Ukraine… Ils ont cultivé l'alliance et rameuté les Bric autour d'eux, à commencer par la Chine. Quatre vetos sur la Syrie : la Chine garde un profil discret, mais ferme. Impressionnant. Au summum de la crise sur les armes chimiques en Syrie, en 2013, il y avait certes les gesticulations russes et américaines, mais il y avait aussi des navires de guerre chinois au large des côtes syriennes. C'est une première et cela devrait faire réfléchir les Occidentaux.

Pourquoi l'Occident séculier soutient-il des mouvements islamistes qu'il combat chez lui ?

Par absence de logique. À ce propos, il faut distinguer les États-Unis et ses alliés au Conseil de sécurité, qui ont des traditions de grandes puissances, et les alliés privilégiés des États-Unis, mais qui n'ont pas les mêmes motivations. Globalement, les Américains sont ceux qui commandent et ont mis en œuvre une stratégie du chaos. Ils ont continué à soutenir les gens d'Al-Qaïda, dont ils sont les créateurs avec l'Arabie Saoudite et le Pakistan. Puis, quand ils n'en ont plus eu besoin, ils les ont laissé tomber en leur disant « débrouillez-vous ». Mais toute cette affaire s'est retournée contre eux avec les attentats du 11-Septembre.
Les mouvements terroristes internationaux, comme ceux qui sévissent en Syrie et ailleurs dans le Moyen-Orient ou le monde musulman, sont des héritiers d'Al-Qaïda. Les États-Unis n'ont pas de raison de ne pas s'en servir, tout en sachant que ce n'est pas leur modèle social. Ils les utilisent puis, quand ils ne s'en servent plus, ils les bombardent.
Je ne crois pas que les États-Unis aient une sympathie particulière pour les mouvements islamistes, ni pour les Arabes d'ailleurs – cela se saurait. Mais ils peuvent s'accommoder de tout. Leurs meilleurs alliés sont des gouvernements islamistes. Ils ont du mal à trouver des alliés progressistes : ils n'en ont jamais eu dans l'Histoire.

Vous étiez ambassadeur à Riyad, où l'on vient d'assister à une scène de succession moyenâgeuse. Tous les chefs d'État occidentaux s'y sont rués pour prêter allégeance au nouveau roi d'Arabie. Qu'est-ce qui les fait vraiment courir, à part le brut ?

Le pétrole et les intérêts d'Israël. Dans tout le monde arabe, il existe un terreau favorable à la contestation, mais on n'a pas le droit d'y intervenir et de bombarder sous prétexte que les peuples sont menacés par des tyrans. D'autant qu'on se rend compte que ce type d'opération est menée pour changer le régime ou détruire le pays. Il est plus facile d'exploiter le pétrole avec des pays fragilisés.
Le pétrole détourné d'Irak et de Syrie va notamment vers Israël, sans besoin d'oléoducs. Vendu en contrebande à 15 dollars le baril lorsque celui-ci était à 120 dollars, ce pétrole a rapporté des revenus conséquents : 5 milliards de dollars. Des sommes qu'on ne transporte pas dans des matelas ! Il faut des banques, des complices pour les mettre sur le marché. Les circuits parallèles fonctionnent.

Des documents secrets du Pentagone à propos de la Libye viennent de donner une autre explication à cette guerre. Hillary Clinton, conseillée par les Frères musulmans, aurait caché à Obama que Kadhafi était en négociation avec le Pentagone pour passer la main, et que l'histoire du génocide menaçant les habitants de Benghazi était inventée de toutes pièces. L'Occident joue-t-il contre son propre camp ?

Il existe tellement de machinations qu'on finit par se prendre les pieds dans le tapis. Il y a toujours des histoires des services spéciaux, etc. Les renseignements sont pipés. Les services jouent un grand rôle là-dedans. Cela dit, Hillary Clinton n'est pas la finesse même sur la Libye, la façon dont elle rit à l'annonce de la mort de Kadhafi le prouve. Un ambassadeur américain a été tué de la même façon que lui pourtant.

Pourquoi la Syrie a-t-elle été jusqu'ici l'exception, et comment analyser l'émergence de l'État islamique ?

J'espère que la Syrie restera l'exception, du moins dans ce contexte-là. L'affaire est loin d'être terminée, mais il y a plusieurs raisons. Bachar al-Assad, quoi qu'on en dise, a une légitimité, il est populaire chez la majorité de ceux qui vivent en Syrie. Quels que soient les défauts de son régime, il est perçu dans le contexte actuel comme un rempart contre le démantèlement du pays. Il a des alliés chiites comme le Hezbollah, l'Iran, certainement une vieille alliance qui date du temps du shah. Il a un véritable partenariat avec la Russie : la Russie défend la Syrie, mais la Syrie défend aussi la Russie. Si la Syrie devait subir le sort des autres pays, la Russie le sentirait passer. Et son prestige international s'en ressentirait.

Quel est le jeu d'Israël ? Vous étiez ambassadeur au Soudan. Quel regard jetez-vous sur ce pays éclaté ?

Israël est derrière toutes les crises du monde arabe, toujours à l'affût. La sécession du Sud-Soudan est un triomphe de la diplomatie américaine et de la diplomatie israélienne. Il fallait transformer le Sud-Soudan en base israélienne, pour le complot contre ce qui reste du Soudan. Ils veulent affaiblissement de ce pays non pas parce qu'ils sont islamistes, mais parce qu'ils ont soutenu Saddam. Ils ne veulent pas la peau de Tourabi ou Al-Bachir, ils veulent couper le Soudan en morceaux. Ils ont réussi, et cela continue avec le Darfour.

Mais le nouvel État, le Soudan du Sud, n'est pas brillant…

Mais lequel des régimes nés des « printemps arabe » est-il brillant ? L'industrie de production de la démocratie américaine au nouveau Grand Moyen-Orient est un trompe-l'œil qui vient des années 1980-1990. Cela n'a rien à voir avec la démocratie et les droits de l'homme : cette stratégie sert à casser le monde arabo-musulman, comme cela est attesté dans de nombreux documents. Car les Américains font ce qu'ils disent, et disent ce qu'ils font.
Il y a un plan, ce n'est pas de la conspiration. Quels que soient les avatars pour soutenir tel ou tel camp, les options restent ouvertes. Au Bahreïn par exemple, ils soutiennent à la fois la rébellion, ce qui leur permet de dire qu'ils défendent les droits de l'homme et la démocratie, et la monarchie pro-saoudite sunnite. Et ils sont gagnants de toute façon. Ils ont fait la même chose au Yémen, et en Égypte, même chose : d'abord Moubarak, puis les islamistes, puis Morsi et maintenant Sissi. Ce n'est pas logique, c'est la logique du chaos. Et elle est bel et bien là.

Comment expliquer que le savoir-faire français sur le Moyen-Orient s'avère inopérant ? Il y avait une certaine politique arabe de la France qui est aujourd'hui introuvable. La diplomatie française est-elle victime de myopie ou d'une certaine posture idéologique ?

De Gaulle était un grand homme je pense. Il avait bien une politique arabe exemplaire, il a renversé le cours des relations franco-arabes après l'indépendance de l'Algérie et réussi à changer d'alliance après la guerre des Six-Jours. Après les néfastes conséquences de l'expédition de Suez, c'était un exploit. Une politique arabe a persisté dans une espèce de consensus politique en France. Puis, après le coup d'honneur sur l'Irak, en 2003, la France a commencé à rentrer dans le bercail occidental. Fini la récréation. Le bilan est désastreux.
Elle a pourtant un savoir-faire et avait une grande tradition diplomatique. C'est un grand pays, pas dans le sens d'un pays braillard qui manigance à tout prix… Un grand pays au sens positif du terme. Son retrait peut peut-être changer, mais je ne vois pas venir le changement maintenant.

Hollande continue de dire que l'État islamique et le régime de Bachar, c'est blanc bonnet et bonnet blanc, deux ennemis à combattre…

Depuis quatre ans, on continue de dire le pire sur Bachar, qu'il va tomber d'une minute à l'autre… En réalité, ce sont les Américains qui peuvent changer d'avis et sont en train de le faire. Les alliés privilégiés de la France sont le Qatar, la Turquie et l'Arabie Saoudite. On a vu défiler les six monarques du Golfe à Paris, nos alliés. On soutient à la fois les terroristes modérés et les djihadistes démocratiques. C'est une position difficilement tenable, de la haute acrobatie. Les Américains, eux ne l'ont pas fait en même temps : d'abord alliés d'Al-Qaïda, puis leurs ennemis. Ils changent d'avis sans se gêner.

Fabius a dit qu'Al-Nosra, classée par les Américains comme organisation terroriste, fait du bon boulot en Syrie…

Tous les éléments spécialisés de la diplomatie française ont été dispersés ; les spécialistes de l'Orient, les arabisants ont été envoyés en Afrique du Sud ou ailleurs, avec la volonté de les remplacer par des technocrates. Résultat, les nouveaux diplomates n'ont pas la même carrure, produisent des rapports nuls, n'ont pas d'analyse sérieuse…

Les ambassadeurs français en Syrie et en Libye avaient pourtant alerté le gouvernement en le mettant en garde contre tout aventurisme.

Oui, mais celui de Syrie s'est ensuite fait taper sur les doigts et a fini par accepter de s'aligner sur la politique officielle.

Pensez-vous qu'on peut revenir à la diplomatie de l'après-Suez ? L'Occident est-il en train de comprendre ses erreurs et de changer ?

Le retour de De Gaulle au pouvoir a brisé un consensus, quand le gouvernement tripartite français, qui a duré douze ans, faisait que la France ne bougeait pas le petit doigt sans en référer à Washington. Cela inclut la période de Suez. Le plan Marshall avait un coût pour l'indépendance nationale française. Et l'Union européenne – conçue par les Américains plus que par les Européens eux-mêmes – a contribué à peser en ce sens. Toute l'histoire de l'atlantisme, l'idée de faire de l'Otan l'armée de l'Europe, n'est pas la conception française de l'Europe.

L'État islamique est-il une création indirecte de l'Occident ?

Il est le résultat de l'invasion américaine de l'Irak. On peut dire cela à tous les coups. Les Américains ont cassé toutes les institutions irakiennes (armée, police, gouvernement, parti baath, etc.) et facilité la prise de pouvoir par les chiites et des Kurdes au détriment des sunnites. Quand les officiers baathistes ont été mis en prison où séjournaient déjà les islamistes, les deux groupes ont fait connaissance. La prison a été le centre d'étude et de fusion entre des gens qui ne se seraient pas rencontrés autrement – comme cela arrive ailleurs.

L'État islamique aurait profité de la zone d'exclusion aérienne imposée depuis 1991. C'est là que Zarkawi et ses hommes se seraient développés.

En effet, c'est là qu'ils se sont développés. Il n'y avait plus d'État irakien et la porte était ouverte à toutes les aventures. Ce qui a favorisé les événements de juin 2013 ? Une conjonction d'islamistes et d'officiers du Baath irakien, désireux de revanche, pourchassés tous deux par les Américains. Ils ont décidé d'unir leur destin pour des objectifs différents. Peut-être pas pour le long terme.

L'Occident semble préférer le chaos aux États souverainistes…

C'est ce qui apparaît. Le chaos, c'est le but des néoconservateurs qui ont une vieille théorie : il fallait maîtriser toute la zone qui ceinturait le monde communiste soviétique et chinois, et d'autre part sécuriser les intérêts occidentaux. Les Américains se sont aperçus que cette zone était entièrement constituée de pays musulmans. C'est la ceinture verte musulmane, ce qui est devenu le Grand Moyen-Orient de Bush, gonflé au fil des pulsions américaines. Il y avait deux catégories de pays dans cette zone : les États forts, comme l'Iran du shah, ou la Turquie entrée dans l'Otan, peut être aussi l'Irak, des régimes amis de l'Occident. Et les autres qu'il fallait affaiblir, où il fallait provoquer des changements de régime, renverser les pouvoirs en place.
Puis des États ont viré de bord, comme l'Iran avec la révolution islamique. Quand la configuration est défavorable, on essaie de changer le régime, et si on n'y arrive pas, on casse l'État – en particulier les armées du monde arabe –, on ruine le pays. Cette stratégie figure dans beaucoup de documents américains ou israéliens. Ça s'est produit avec les armées égyptienne, irakienne, syrienne et sans doute algérienne.

Mais le chaos est contagieux et peut toucher les monarchies du Golfe. Celles-ci seraient-elles les grandes perdantes face à l'axe chiite ?

Dans l'esprit de certains dirigeants américains, c'est ce qui va arriver. Un ancien directeur de la CIA a dit qu'il fallait s'occuper des pays comme la Syrie et l'Égypte, déstabiliser huit pays… L'idée, c'est de leur « préparer » un islam qui leur convienne et d'aider les musulmans à accéder au pouvoir. Quand ces pays auront bien été déstabilisés, alors on pourra s'occuper de l'Arabie Saoudite. Le pacte de Quincy signé en 1945 a été renouvelé en 2005 pour soixante ans, mais il ne durera pas.
Les États-Unis n'ont pas aidé le shah à se maintenir au pouvoir. Il n'était plus fréquentable, il a été renversé. Résultat, l'ayatollah Khomeiny a aussitôt pris le pouvoir, et l'Iran est devenu un des ennemis publics numéro un de l'Amérique. Jusqu'en 1979, ce pays était pourtant l'allié stratégique, y compris l'allié nucléaire. Il existait une vraie coopération entre l'Iran et les États-Unis dans ce domaine, avec un traité, des laboratoires, etc.
La question nucléaire a été mise à l'ordre du jour en 2002. Après que l'Iran eut le temps de s'occuper de l'Irak… Avant on n'en parlait pas. Puis les Européens, avec des Américains qui en arrière-plan soutenaient la démarche, se sont benoîtement rappelés du traité de non-prolifération…

On est au cœur d'une nouvelle guerre froide avec l'Ukraine. Jusqu'où ce conflit va-t-il reconfigurer le nouvel ordre mondial en gestation ? Quels sont les effets sur le Grand Moyen-Orient ?
En France, on fait rarement un lien entre les différents problèmes, on a tendance à les saucissonner. Cela empêche une compréhension de la situation. J'ai peu entendu les gens établir un rapport entre la crise syrienne et la crise ukrainienne. Pourtant, il est évident. Il n'y aurait pas eu de relance de la crise ukrainienne s'il n'y avait pas eu la crise syrienne. Autrement dit, si la Russie avait laissé tomber Bachar, il n'y aurait pas eu une crise ukrainienne à ce niveau de gravité. On s'en serait accommodés. On a fait la surenchère surtout pour enquiquiner la Russie.

Sans la crise ukrainienne, les Brics auraient-ils pris la même importance sur la scène internationale ?

Sans la crise syrienne il faut dire. Car la crise ukrainienne est un développement de la guerre en Syrie. La guerre d'Ukraine s'inscrit dans le grand mouvement qui a déclenché les printemps arabes. En même temps qu'on essaie de contrôler des pays arabes musulmans et d'étendre petit à petit la zone de crise, on tente de casser ce qu'était l'URSS, réduite à la Russie. On veut contrôler la zone d'influence russe et la réduire au strict minimum. La Yougoslavie, en tant que pays communiste indépendant, était la partie la plus exposée ; elle sera dépecée.
Pour permettre l'intégration de toute l'Allemagne réunifiée dans l'Otan, le chancelier Kohl et Bush avaient promis à Gorbatchev que l'élargissement de l'Otan s'arrêtait là. Gorbatchev a reconnu avoir été berné. Cela a sonné la fin de la stabilité internationale. Le pacte de Varsovie a vécu, d'anciens États adhèrent à l'Union européenne et passent à l'Otan. Avec l'entrée des pays baltes dans cette organisation, la Russie est encerclée. Mais c'est la Géorgie qui a été la ligne rouge, puis l'Ukraine. La Géorgie a été le symbole du tournant de Poutine, qui avait au début décidé de collaborer avec les Occidentaux.

Les États-Unis admettent avoir contribué au renversement du régime de Kiev…

Les Européens ne sont pas très exigeants sur la légalité internationale. Peu avant que Ianoukovitch ne parte, la France, l'Allemagne, la Pologne… accouraient à Kiev pour signer un accord sur des élections anticipées entre le gouvernement, l'opposition et la Russie. Puis il y a le coup d'État et personne n'a protesté.
Il y a eu une révolution Orange en 2004-2005 en Ukraine, avant la Géorgie, puis les printemps arabes sont arrivés. C'est le rêve américain qui s'est réalisé. Mais après la crise syrienne, Obama a été vexé : on lui avait évité une guerre inutile et dangereuse, chef-d'œuvre diplomatique des Russes, et il était mis en embarras. Le président américain avait une revanche à prendre. En 2013, quand il a vu que la Russie avançait trop, notamment en Syrie, il s'en est pris à l'Ukraine. À partir de ce moment, fini la concertation entre les États-Unis et la Russie sur la Syrie.
Washington n'a plus laissé Moscou tenter de régler le problème.

Sauf dernièrement…

La Russie est revenue au premier plan. Même si je doute que les 100 000 assistants ou coopérants russes présents au début de la guerre en Syrie y soient tous encore. En fait Obama, n'est pas si va-t-en-guerre que cela. Il voudrait une solution d'un autre type, car ce qui se passe en parallèle de la guerre d'Ukraine est dangereux. Du temps des menaces de frappes américaines sur la Syrie, des armes chimiques, Obama a été menacé par une procédure d'impeachment. Sans compter les incertitudes sur les frappes américaines : lors d'un tir américain de deux missiles sur les côtes syriennes, par exemple, l'antiaérienne syrienne a réagi, l'un des missiles a été détruit et l'autre détourné. Et puis la guerre est impopulaire aux États-Unis. Cela dit, l'Ukraine est un chef-d'œuvre d'intox. On vole et on crie au voleur.

L'avenir du projet du Grand Moyen-Orient ?

Le projet démocratique certainement, même si, à mon avis, il n'y aura pas de démocratie ni printemps arabes. Le projet de domination reste, même s'il ne va pas forcément se réaliser. L'enjeu est toujours là pour les Américains. La ceinture verte est toujours utile pour encercler le postcommunisme. Même si la Chine est un régime aménagé, il est prudent de le « contenir » en quelque sorte. Les Occidentaux parlent toujours d'une opposition modérée en Syrie, je ne sais pas où ils la voient, mais c'est leur discours. Ils arment une opposition qui est en fait celle des djihadistes… L'alliance qui s'est forgée progressivement entre la Turquie, l'Arabie Saoudite et les Occidentaux, notamment États-Unis, France, Angleterre, alliance de circonstance s'il en est, résiste encore.

La Syrie peut-elle reprendre son autorité sur l'ensemble du territoire ?

Si on la laisse faire, je pense que oui. Le discours sur la démocratie est de moins en moins crédible. On n'a pas à intervenir dans les pays, même pas en Arabie Saoudite qui doit évoluer toute seule.

Le problème est que l'Arabie Saoudite exporte son idéologie, qu'elle en a une vision universaliste…

Elle exporte son idéologie pour éviter d'être attaquée à son tour. Mais celui qui a une vision universaliste, c'est Erdogan. Les projets qu'il concoctait avant le printemps arabe étaient différents. Il était proche de laSyrie et de la Libye. Maintenant, il est le soutien des Frères musulmans. Ilreçoit les visiteurs étrangers dans lepalais du Sultan avec une garde d'honneur de vingt-huit soldats représentantl es vingt-huit provinces ottomanes. Ce gouvernement islamiste est nostalgique.


- Source : Majed Nehmé, Augusta Conchiglia et Hassen Zenati

lundi, 02 mars 2015

Chantal Delsol : défense du populisme et des « demeurés »

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Chantal Delsol : défense du populisme et des « demeurés »

Ex: http://www.lesobservateurs.ch

Revue de presse sur le dernier ouvrage de Chantal Delsol « Populisme. Les demeurés de l’Histoire ». Chantal Delsol est membre de l’Institut, philosophe et historienne des idées.

Le Figaro : Plaidoyer pour le populisme

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Les jeunes gens qui voudraient connaître un de ces admirables professeurs que fabriquait la France d’avant — et qui la fabriquaient en retour — doivent lire le dernier ouvrage de Chantal Delsol. Tout y est : connaissance aiguë du sujet traité ; culture classique ; perspective historique ; rigueur intellectuelle ; modération dans la forme et dans la pensée, qui n’interdit nullement de défendre ses choix philosophiques et idéologiques. Jusqu’à cette pointe d’ennui qui se glisse dans les démonstrations tirées au cordeau, mais que ne vient pas égayer une insolente incandescence de plume. L’audace est dans le fond, pas dans la forme. On s’en contentera.

Notre auteur a choisi comme thème de sa leçon le populisme. Thème dangereux. Pour elle. Dans le Dictionnaire des idées reçues de Flaubert revisité aujourd’hui, on aurait aussitôt ajouté au mot populisme : à dénoncer ; rejeter ; invectiver ; ostraciser ; insulter ; néantiser. Non seulement Chantal Delsol ne hurle pas avec les loups, mais elle arrête la meute, décortique ses injustes motifs, déconstruit son mépris de fer. À la fin de sa démonstration, les loups ont perdu leur légitimité de loups. « Que penser de ce civilisé qui, pour stigmatiser des sauvages, les hait de façon si sauvage ? »

Pourtant, les loups sont ses pairs, membres comme elle de ces élites culturelles, universitaires, politiques, ou encore médiatiques, qui depuis des siècles font l’opinion à Paris ; et Paris fait la France, et la France, l’Europe. Chantal Delsol n’en a cure. Elle avance casquée de sa science de la Grèce antique. Se sert d’Aristote contre Platon. Distingue avec un soin précieux l’idiotès de l’Antiquité grecque, qui regarde d’abord son égoïste besoin, au détriment de l’intérêt général du citoyen, de l’idiot moderne, incapable d’intelligence. Dépouille le populiste de l’accusation de démagogie. Renvoie vers ses adversaires la férocité de primate qui lui est habituellement attribuée par les donneurs de leçons démocratiques :

« Dès qu’un leader politique est traité de populiste par la presse, le voilà perdu. Car le populiste est un traître à la cause de l’émancipation, donc à la seule cause qui vaille d’être défendue. Je ne connais pas de plus grande brutalité, dans nos démocraties, que celle utilisée contre les courants populistes. La violence qui leur est réservée excède toute borne. Ils sont devenus les ennemis majuscules d’un régime qui prétend n’en pas avoir. Si cela était possible, leurs partisans seraient cloués sur les portes des granges. »

Chantal Delsol analyse avec pertinence le déplacement des principes démocratiques, depuis les Lumières : la raison devient la Raison ; l’intérêt général de la cité, voire de la nation, devient celui de l’Humanité ; la politique pour le peuple devient la politique du Concept. Les progressistes veulent faire le bien du peuple et s’appuient sur lui pour renverser les pouvoirs ancestraux ; mais quand ils découvrent que le peuple ne les suit plus, quand ils s’aperçoivent que le peuple juge qu’ils vont trop loin, n’a envie de se sacrifier ni pour l’humanité ni pour le règne du concept, alors les élites progressistes liquident le peuple. Sans hésitation ni commisération. C’est Lénine qui va résolument basculer dans cette guerre totale au peuple qu’il était censé servir, lui qui venait justement des rangs des premiers « populistes » de l’Histoire. Delsol a la finesse d’opposer cette « dogmatique universaliste » devenue meurtrière à l’autre totalitarisme criminel du XXe siècle : le nazisme. Avec Hitler, l’Allemagne déploiera sans limites les « perversions du particularisme ». Ces liaisons dangereuses avec la « bête immonde » ont sali à jamais tout regard raisonnablement particulariste. En revanche, la chute du communisme n’a nullement entaché les prétentions universalistes de leurs successeurs, qu’ils s’affichent antiracistes ou féministes ou adeptes de la théorie du genre et du « mariage pour tous ». Le concept de l’égalité doit emporter toute résistance, toute précaution, toute raison.

Alors, la démocratie moderne a tourné vinaigre : le citoyen, soucieux de défendre sa patrie est travesti en idiot : celui qui préfère les Autres aux siens, celui qui, il y a encore peu, aurait été vomi comme traître à la patrie, « émigré » ou « collabo », est devenu le héros, le grand homme, le généreux, l’universaliste, le progressiste. De même l’égoïste d’antan, l’égotiste, le narcissique, qui préférait ses caprices aux nobles intérêts de sa famille, au respect de ses anciens et à la protection de ses enfants, est vénéré comme porte-drapeau flamboyant de la Liberté et de l’Égalité. Incroyable renversement qui laisse pantois et montre la déliquescence de nos sociétés : « Le citoyen n’est plus celui qui dépasse son intérêt privé pour se mettre au service de la société à laquelle il appartient ; mais celui qui dépasse l’intérêt de sa société pour mettre celle-ci au service du monde... Celui qui voudrait protéger sa patrie face aux patries voisines est devenu un demeuré, intercédant pour un pré carré rabougri ou pour une chapelle. Celui qui voudrait protéger les familles, au détriment de la liberté individuelle, fait injure à la raison. La notion d’intérêt public n’a plus guère de sens lorsque les deux valeurs primordiales sont l’individu et le monde. »

chantal delsol,entretien,théorie politique,politologie,sciences politiques,philosophie,populisme,philosophie politiqueLes élites progressistes ont déclaré la guerre au peuple. En dépit de son ton mesuré et de ses idées modérées, Chantal Delsol a bien compris l’ampleur de la lutte : « Éduque-les, si tu peux », disait Marc-Aurèle. Toutes les démocraties savent bien, depuis les Grecs, qu’il faut éduquer le peuple, et cela reste vrai. Mais chaque époque a ses exigences. « Aujourd’hui, s’il faut toujours éduquer les milieux populaires à l’ouverture, il faudrait surtout éduquer les élites à l’exigence de la limite, et au sens de la réalité. » Mine de rien, avec ses airs discrets de contrebandière, elle a fourni des armes à ceux qui, sous la mitraille de mépris, s’efforcent de résister à la folie contemporaine de la démesure et de l’hubris [la démesure en grec].

Quand ils découvrent que le peuple ne les suit plus, quand ils s’aperçoivent que le peuple juge qu’ils vont trop loin, n’a envie de se sacrifier ni pour l’humanité ni pour le règne du concept, alors les élites progressistes liquident le peuple.

Sud-Ouest : Ce diable de populisme

Le nouvel essai de Chantal Delsol n’est pas franco-français. On a bien sûr en tête, en le lisant, l’exemple du Front national, surtout à l’heure où la classe politique se dispute à nouveau sur l’attitude à tenir en ce dimanche de second tour électoral dans une circonscription du Doubs. Mais le propos de cette intellectuelle libérale et catholique, à la pensée claire et ferme, va au-delà de nos contingences puisqu’il s’agit de s’interroger sur la démocratie.

Celle-ci est-elle fidèle à ses valeurs lorsqu’elle ostracise un courant politique ? Car tel est le sort des partis ou mouvements décrits sous le terme « populistes ». Et dans la bouche de ceux qui les combattent, le mot ne désigne pas un contenu précis, mais claque comme une injure. Du coup, aucun de ces partis — très divers — ne revendique l’adjectif, sauf par bravade, alors qu’au XIXe siècle, le populisme n’avait pas de connotation péjorative et s’affichait sans complexes, en Russie avec les « Narodniki » ou aux États-Unis avec les « Granger ».

Car c’est à une réflexion historique d’ampleur que se livre Chantal Delsol. Des tribuns de la plèbe dans l’Antiquité aux courants protestataires qui agitent notre Europe de 2015, l’essayiste s’interroge sur les raisons qui font que la démocratie, dont Aristote explique — contre Platon — qu’elle n’est pas fondée sur le règne de la vérité, mais sur celui de l’opinion, en est arrivée à diaboliser des expressions politiques se réclamant justement de ce « peuple » qui est pourtant sa raison d’être.

L’explication qui vient à l’esprit, ce sont les dérives totalitaires de ceux qui ont utilisé la démocratie pour la détruire. Bien sûr, l’auteur se range parmi ceux qui encouragent les démocraties à se défendre. Mais les « populismes » que dénoncent aujourd’hui les élites sont-ils vraiment ennemis de la démocratie ? Chantal Delsol ne le croit pas. Selon elle, ce que veulent ces partis contestataires, c’est précisément un débat démocratique où puissent se faire entendre d’autres opinions que les dominantes. Bref, une alternative.

Credo de l’enracinement

Or, tout se passe comme si certaines opinions n’étaient pas jugées recevables, notamment celles qui privilégient l’enracinement des individus et des sociétés à rebours du credo dominant des élites, celui de l’émancipation et du dépassement des cadres et repères traditionnels. Présentées comme une « frileuse » tendance au repli identitaire, ces opinions répandues dans les milieux « populaires » sont qualifiées de « populistes ». Cela les disqualifie d’avance alors qu’elles sont porteuses de leur sagesse propre ; et cela fait de ceux qui les affichent non pas des enfants, comme feraient des technocrates qui considèrent la politique comme une science inaccessible au vulgaire (et donc récusent la démocratie), mais des idiots dont les idées n’ont pas droit de cité.

Risque de « démagogie »

Non seulement il y a là une perversion de la démocratie, qui est par nature la confrontation d’idées entre gens ayant également voix au chapitre ; mais il y a aussi un risque, celui de dessécher le débat public ou le radicaliser. Bien sûr, Delsol soupèse l’autre risque, inhérent à la démocratie depuis ses origines grecques, et que dénonçait déjà Platon, celui de la « démagogie ». Mais la démocratie étant le pire système... à l’exception de tous les autres, il faut en accepter aussi les inconvénients...

Figaro Magazine : « Non, le populisme n’est pas la démagogie »

Marine Le Pen aux marches de l’Élysée en 2017 ? La Gauche radicale au pouvoir en Grèce ? Le populisme semble avoir de beaux jours devant lui... Mais que faut-il entendre exactement par ce mot ? Et comment a-t-il été instrumentalisé par les élites en place ? La philosophe Chantal Delsol nous l’explique.

— Marine Le Pen en tête du premier tour de la présidentielle de 2017, mais battue au second tour selon un sondage CSA ; explosion du terrorisme islamique fondamentaliste sur notre territoire ; avènement de la gauche radicale en Grèce... De quoi ces événements sont-ils le symptôme ?

Chantal Delsol — La concomitance de ces événements est le fruit d’un hasard, on ne saurait les mettre sur le même plan, et pourtant ils sont révélateurs d’un malaise des peuples. Que Marine Le Pen arrive au second tour est à présent presque une constante dans les différents sondages. Comme dans le roman de Houellebecq, il est probable cependant qu’on lui préférera toujours même n’importe quel âne ou n’importe quel fou : mon travail sur le populisme tente justement d’expliquer ce rejet incoercible.

Le terrorisme issu du fondamentalisme islamique ressortit quant à lui à un problème identitaire. Pour ce qui est des attentats, depuis des décennies, les grands partis s’entendent à étouffer la vérité, à tout lisser à l’aune du politiquement correct, c’est ainsi qu’on refuse de voir les problèmes dans nos banlieues où Les Protocoles des Sages de Sion sont couramment vendus, et que l’on persiste à imputer l’antisémitisme au seul Front national, alors qu’il est depuis bien longtemps le fait de l’islamisme. À force de tout maintenir sous une chape de plomb, il ne faut pas s’étonner que la pression monte et que tout explose.

En ce qui concerne la Grèce, c’est la réaction d’une nation qui en a assez d’être soumise aux lois européennes. C’est une gifle administrée à une technocratie qui empêche un pays de s’organiser selon son propre modèle. On observe une imparable logique dans l’alliance de la gauche radicale avec le parti des Grecs indépendants dès lors que ces deux formations sont souverainistes, qu’elles refusent l’austérité, et sont animées d’une semblable volonté de renégociation de la dette.

Rien d’étonnant non plus à voir Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon saluer quasi de concert le nouveau Premier ministre grec, les extrêmes se retrouvant sur ce même créneau. Centralisatrice et souverainiste, Marine Le Pen a, au reste, gauchisé son programme économique. La souffrance identitaire des banlieues, tout comme l’émergence d’une France périphérique, ou bien encore la revendication par les Français de leurs propres racines et, par-delà nos frontières, le réveil du peuple en Grèce, sont autant de preuves de l’échec du politique.

— D’où cette montée des populismes, pourtant âprement décriée...

Le vocable est devenu aujourd’hui synonyme de démagogie, mais ce n’est qu’un argument de propagande. Il est employé comme injure pour ostraciser des partis ou mouvements politiques qui seraient composés d’imbéciles, de brutes, voire de demeurés au service d’un programme idiot, ce terme d’idiot étant pris dans son acception moderne : un esprit stupide, mais aussi, dans sa signification ancienne, un esprit imbu de sa particularité. L’idiotès grec est celui qui n’envisage le monde qu’à partir de son regard propre, il manque d’objectivité et demeure méfiant à l’égard de l’universel, à l’inverse du citoyen qui, lui, se caractérise par son universalité, sa capacité à considérer la société du point de vue du bien commun. L’idiot grec veut conserver son argent et refuse de payer des impôts. Il cultive son champ et se dérobe face à la guerre, réclamant que l’on paye pour cela des mercenaires. À l’écoute des idiotès, les démagogues grecs attisaient les passions individuelles au sein du peuple, jouant sur le bien-être contre le Bien, le présent contre l’avenir, les émotions et les intérêts primaires contre les intérêts sociaux, si bien qu’au fond, les particularités populaires peuvent être considérées comme mauvaises pour la démocratie. Voilà l’origine. Rien de plus simple, dès lors, pour nos modernes élites, de procéder à l’amalgame entre populisme et démagogie, avec ce paradoxe que les électeurs des « populismes » seront les premiers à se sacrifier lors d’une guerre, car ils ne renonceront jamais à leurs racines ni au bien public, au nom de valeurs qu’ils n’ont pas oubliées. Il est absolument normal qu’une démocratie lutte contre la démagogie, qui représente un fléau mortifère, mais ici il ne s’agit pas de cela : les électeurs des « populismes » ne sont pas des gens qui préfèrent leurs intérêts particuliers au bien commun, ce sont des gens qui préfèrent leur patrie au monde, le concret à l’universel abstrait, ce qui est autre chose. Et cela, on ne veut pas l’entendre.

chantal delsol,entretien,théorie politique,politologie,sciences politiques,philosophie,populisme,philosophie politiqueChez les Grecs, comme plus tard chez les chrétiens, l’universel (par exemple celui qui fait le citoyen) est une promesse, non pas un programme écrit, c’est un horizon vers lequel on tend sans cesse. Or il s’est produit une rupture historique au moment des Lumières, quand l’universalisme s’est figé en idéologie avec la théorie émancipatrice : dès lors, toute conception ou attitude n’allant pas dans le sens du progrès sera aussitôt considérée non pas comme une opinion, normale en démocratie, mais comme un crime à bannir. Quiconque défendra un enracinement familial, patriotique ou religieux sera accusé de « repli identitaire », expression désormais consacrée. C’est la fameuse « France moisie ». Les champs lexicaux sont toujours éclairants...

— Diriez-vous que nous vivons dans un nouveau terrorisme intellectuel ?

Un terrorisme sournois, qui se refuse à considérer comme des arguments tout ce qui défend l’enracinement et les limites proposées à l’émancipation. On appelle populiste, vocable injurieux, toute opinion qui souhaite proposer des limites à la mondialisation, à l’ouverture, à la liberté de tout faire, bref à l’hubris en général. L’idéologie émancipatrice fut le cheval de bataille de Lénine, populiste au sens premier du terme (à l’époque où populiste signifiait populaire — aujourd’hui, la gauche est populaire et la droite populiste, ce qui marque bien la différence), ne vivant que pour le peuple ; mais quand il dut reconnaître que ni les ouvriers ni les paysans ne voulaient de sa révolution, limitant leurs aspirations à un confort minimal dans les usines, à la jouissance de leurs terres et à la pratique de leur religion, il choisit délibérément la voie de la terreur. Il s’en est justifié, arguant que le peuple ne voyait pas clair.

Mutatis mutandis, c’est ce que nous vivons aujourd’hui avec nos technocraties européennes et, particulièrement, nos socialistes qui estiment connaître notre bien mieux que nous. M. Hollande et Mme Taubira nous ont imposé leur « réforme de civilisation » avec une telle arrogance, un tel mépris, que le divorce entre les élites et le peuple est désormais patent. À force de ne pas l’écouter, la gauche a perdu le peuple. L’éloignement de plus en plus grand des mandataires démocratiques pousse le peuple à se chercher un chef qui lui ressemble, et on va appeler populisme le résultat de cette rupture. Si par « gauche » on entend la recherche de la justice sociale, à laquelle la droite se consacre plutôt moins, le peuple peut assurément être de gauche, mais dès lors que l’élite s’engouffre dans l’idéologie, le peuple ne suit plus, simplement parce qu’il a les yeux ouverts, les pieds sur terre, parce qu’il sait d’instinct ce qui est nécessaire pour la société, guidé qu’il est par un bon sens qui fait défaut à nos narcissiques cercles germanopratins. Ce n’est pas au cœur de nos provinces qu’on trouvera les plus farouches défenseurs du mariage entre personnes du même sexe, de la PMA, de la GPA, voire du transhumanisme. Je ne suis pas, quant à moi, pour l’enracinement à tout crin (n’est-ce pas cette évolution qui a fini par abolir l’esclavage au XIXe, et par abolir récemment l’infantilisation des femmes ?), mais il faut comprendre que les humains ne sont pas voués à une liberté et à une égalité anarchiques et exponentielles, lesquelles ne manqueront pas de se détruire l’une l’autre, mais à un équilibre entre émancipation et enracinement. Équilibre avec lequel nous avons rompu. C’est une grave erreur.

— N’entrevoyez-vous pas une possibilité de sortie du purgatoire pour le populisme ?

Ne serait-ce que par son poids grandissant dans les urnes, il sera de plus en plus difficile de rejeter ses électeurs en les traitant de demeurés ou de salauds, et cela d’autant plus qu’une forte frange de la France périphérique définie par le géographe Christophe Guilluy vote désormais Front national. Marine Le Pen se banalise et, toutes proportions gardées, son parti apparaît de plus en plus comme une sorte de post-RPR, celui qui existait il y a vingt ans, avec les Séguin, Pasqua et autres fortes têtes centralisatrices et souverainistes — la presque seule différence étant dans l’indigence des élites FN : qui, parmi nos intellectuels, se réclame aujourd’hui de ce parti ? Mon analyse est que l’Europe court derrière une idéologie émancipatrice qui, au fond, est assez proche d’une suite du communisme, la terreur en moins : un dogme de l’émancipation absolue, considérée non plus comme un idéal, mais comme un programme. Ainsi sont récusées toutes les limites, ce qui rend la société d’autant plus vulnérable à des éléments durs comme le fondamentalisme islamique. Depuis quelques années, un fossé immense se creuse entre des gens qui, du mariage pour tous au transhumanisme, n’ont plus de repères, et des archaïsants qui veulent imposer la charia. Mais nous ne voulons rien entendre. Nous ne voulons pas comprendre que ces archaïsants sont des gens qui réclament des limites. Il est pathétique de penser que devant le vide imposé par la laïcité arrogante, cet obscurantisme irréligieux, le besoin tout humain de religion vient se donner au fondamentalisme islamique — dans le vide imposé, seuls s’imposent les extrêmes, parce qu’ils ont tous les culots.

Dans ce contexte, il n’est pas impossible que les pays anglo-saxons, et notamment les États-Unis, s’en sortent mieux que nous, car il y perdure une transcendance et nombre de règles fondatrices repérables dans les constitutions, et qui structurent les discours politiques.

— Au point qu’une certaine américanisation de nos mœurs pourrait nous retenir ?

Si paradoxal que cela paraisse, je répondrai par l’affirmative. Au fond, même si l’on en constate les prodromes chez les Anciens, et notamment dans La République de Cicéron, le progrès émancipateur est venu du christianisme, mais il ne saurait demeurer raisonnable sans une transcendance au-dessus. Je dirais que l’élan du temps fléché allant au progrès, qui est né ici en Occident, a été construit pour avancer sous le couvert de la transcendance, qui garantit son caractère d’idéal et de promesse, l’enracine toujours dans la terre, et l’empêche de dériver vers des utopies mortifères. Tranchez la transcendance pour ne conserver que l’émancipation et vous voilà à bord d’un bateau ivre. C’est pourquoi je préfère les Lumières écossaises et américaines, qui sont biblico-révolutionnaires, aux Lumières françaises, forcément terroristes.

— À propos de limites, comment analysez-vous l’adoption par le président de la République et le gouvernement du slogan : « Je suis Charlie » ?

Le pouvoir a surfé sur la vague, avec succès d’ailleurs, mais on n’était que dans la communication et l’artifice : gros succès pour la réunion des chefs d’État, avec une manifestation dont les chiffres augmentaient avant même que les gens ne soient sur place ! François Hollande a fait en sorte que sa cote grimpe dans les sondages, et tel fut le cas, mais tout cela risque de se déballonner dès lors que le pays se retrouvera avec ses soucis majeurs. Quant à la caricature de Mahomet réitérée après l’attentat, même avec son caractère ambigu et doucereux, elle demeure pour le milliard six cent millions de musulmans — presque un quart de la population planétaire — une provocation. Il est étrange de voir des gens qui se disent constamment éloignés de l’idée du « choc de civilisations » en train de susciter, avec enthousiasme (par bravade, par sottise : voyez l’âge mental de ces dessins...), une guerre de civilisations...

FigaroVox : « L’Union européenne est une variante du despotisme éclairé »

La certitude de détenir la vérité conduit les dirigeants de l’UE à négliger le sentiment populaire, argumente l’universitaire.

— Faut-il analyser les élections en Grèce comme un réveil populiste ?

Il est intéressant de voir que le parti Syriza n’est pas appelé « populiste » par les médias, mais « gauche radicale ». Le terme « populiste » est une injure, et en général réservé à la droite. Ce n’est pas une épithète objective. Personne ne s’en prévaut, sauf exception. On ne peut donc pas dire de Syriza qu’il est populiste. Et cela affole les boussoles de nos commentateurs : le premier à faire un pied de nez à l’Europe institutionnelle n’est pas un parti populiste…

— Comment expliquer la défiance des peuples européens qui s’exprime d’élections en sondages vis-à-vis de l’Union européenne ?

Les peuples européens ont le sentiment de n’être plus maîtres de leur destin, et ce sentiment est justifié. Ils ont été pris en main et en charge par des super-gouvernants qui pensent connaître leur bien mieux qu’eux-mêmes. C’est ni plus ni moins une variante du despotisme éclairé, ce qui à l’âge contemporain s’appelle une technocratie : le gouvernement ressortit à une science, entre les mains de quelques compétents.

Avant chaque élection, on dit aux peuples ce qu’ils doivent voter, et on injurie ceux qui n’ont pas l’intention de voter correctement. S’ils votent mal, on attend un peu et on les fait voter à nouveau jusqu’à obtenir finalement le résultat attendu. Les instances européennes ne se soucient pas d’écouter les peuples, et répètent que les peuples ont besoin de davantage d’explications, comme s’il s’agissait d’une classe enfantine et non de groupes de citoyens.

L’Action française 2000 : Les Lumières contre le populisme, les Lumières comme messianisme

Extrait de son entretien :

« Le moment des Lumières est crucial. C’est le moment où le monde occidental se saisit de l’idéal émancipateur issu du christianisme, et le sépare de la transcendance : immanence et impatience qui vont ensemble – le ciel est fermé, tout doit donc s’accomplir tout de suite. C’est surtout vrai pour les Lumières françaises. Ce qui était promesse devient donc programme. Ce qui était un chemin, lent accomplissement dans l’histoire terrestre qui était en même temps l’histoire du Salut, devient utopie idéologique à accomplir radicalement et en tordant la réalité. Pour le dire autrement : devenir un citoyen du monde, c’était, pour Socrate (et pour Diogène, ce Socrate devenu fou), un idéal qui ne récusait pas l’amour de la cité proche (dont Socrate est mort pour ne pas contredire les lois). Être citoyen du monde, pour les chrétiens, c’était une promesse de communion, la Pentecôte du Salut.

Mais pour les révolutionnaires des Lumières, dont nos gouvernants sont les fils, être citoyen du monde signifie tout de suite commencer à ridiculiser la patrie terrestre et les appartenances particulières – la famille, le voisinage, etc. Lénine a bien décrit comment s’opère le passage dans Que faire ? – il veut faire le bien du peuple, mais il s’aperçoit que le peuple est trade-unioniste, il veut simplement mieux vivre au sein de ses groupes d’appartenance, tandis que lui, Lénine, veut faire la révolution pour changer le monde et entrer dans l’universel : il va donc s’opposer au peuple, pour son bien, dit-il. C’est le cas de nos élites européennes, qui s’opposent constamment au peuple pour son bien (soi-disant). Pour voir à quel point l’enracinement est haï et l’universel porté aux nues, il suffit de voir la haine qui accompagne la phrase de Hume citée par Le Pen “Je préfère ma cousine à ma voisine, ma sœur à ma cousine, etc.”, pendant qu’est portée aux nues la célèbre phrase de Montesquieu : “Si je savais quelque chose utile à ma famille et qui ne le fût pas à ma patrie, je chercherais à l’oublier. Si je savais quelque chose utile à ma patrie, et qui fût préjudiciable à l’Europe, ou bien qui fût utile à l’Europe et préjudiciable au genre humain, je le regarderais comme un crime.” Or nous avons besoin des deux, car nous sommes des êtres à la fois incarnés et animés par
la promesse de l’universel. »

 

« Populisme. Les demeurés de l’Histoire »
de Chantal Delsol,
aux Éditions du Rocher,
à Monaco,
en 2015,
267 pages,
17,90 €.

vendredi, 27 février 2015

Interview d’Hélène Carrère d’Encausse, Secrétaire perpétuel de l’Académie française

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«Cessons de juger les Russes à l’aune de nos critères»

Interview d’Hélène Carrère d’Encausse, Secrétaire perpétuel de l’Académie française

Ex: http://www.horizons-et-debats.ch

Le Figaro: Le président Hollande et la chancelière allemande rencontrent successivement le président Porochenko à Kiev et le président Poutine à Moscou. Que peut-on attendre de ces rencontres?

Hélène Carrère d’Encausse: François Hollande et Angela Merkel ont emprunté le seul chemin, celui d’une solution politique, qui peut permettre d’éviter le retour à un climat de guerre froide en Europe. Ils le font au moment où se pose la question de livraisons d’armes à l’Ukraine, ce qui serait infiniment dangereux et improductif. On a vu ce qu’a donné l’envoi d’armes lors du conflit en Syrie et de l’intervention en Libye: une dispersion des armes, incontrôlables, qui aboutissent dans tous les camps. Un envoi d’armes, notamment de la part des pays de l’OTAN, ne peut qu’aggraver les relations avec la Russie. Les Accords de Minsk peuvent être repris pour base de la recherche d’un compromis. Ils prévoyaient la libération de tous les prisonniers et des otages et, pour les séparatistes, devaient ouvrir la voie à un «statut spécial», à défaut d’un statut fédéral, pour les régions de Donetsk et Louhansk, où vit une importante population russe ou russophone. Ce statut, le gouvernement ukrainien refuse même d’en discuter. N’oublions pas que le feu a été allumé, en février 2014, lorsque le nouveau Parlement ukrainien, la Rada, a prétendu refuser aux Russophones des régions peuplées de Russes l’usage de leur langue. Cette décision souleva la Crimée et offrit à Vladimir Poutine la possibilité de s’en emparer.
Aujourd’hui, le président ukrainien, Petro Porochenko, continue de dire sa volonté d’intégrer l’OTAN, ce qui est pour Vladimir Poutine un véritable chiffon rouge. Il objecte à cela que, lorsque Gorbatchev a accepté la réunification de l’Allemagne en 1990 – aucune grande puissance ne l’y poussait –, il a obtenu l’engagement que l’OTAN n’avancerait pas dans le futur jusqu’aux frontières de son pays. L’Ukraine dans l’OTAN, cela signifie une longue frontière Russie-OTAN. L’Allemagne et la France soutiennent la position de Poutine.

Poutine peut-il camper longtemps sur une position qui nuit à l’économie de son pays (réduction du PIB, fuite des capitaux, baisse du prix du pétrole)?

Les sanctions économiques sont très gênantes pour la Russie, mais il y a pire. Le plus grave est la baisse du cours du pétrole organisée par les Etats-Unis et l’Arabie saoudite. La Russie avait déjà dû faire face à une telle manœuvre en 1984 à la veille de l’arrivée au pouvoir de Gorbatchev. Cette baisse de rentrées financières va peser sur l’économie russe, déjà au bord de la récession, et avant tout sur les classes moyennes, actives et éduquées, qui se sont développées ces dernières années et qui sont le pilier de la Russie moderne. Une remise en cause de leur mode de vie se répercutera sur la popularité de Poutine, voire le déstabilisera.
Autre risque, le mépris de l’Occident que les Russes ressentent heurte leur sentiment de fierté nationale. Et il peut pousser la Russie à se tourner davantage vers l’Asie. Pour l’Europe, cela aurait pour conséquence de l’écarter de l’Asie où se joue désormais la vie internationale, et à laquelle la Russie la relie. La Russie est le pont nécessaire entre Europe et Asie.

Poutine peut-il vraiment compter sur la Chine qui s’est abstenue au Conseil de sécurité lors du vote sur l’annexion de la Crimée par la Russie?

La Chine et la Russie ont beaucoup d’intérêts communs, notamment les alliances où ces deux pays sont engagés: l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) dont la prochaine réunion, en marge du sommet du G20, se tiendra dans un an à Pékin et quelques autres situées en Asie. Les deux pays partagent également des complémentarités dans le domaine économique et des capacités à agir dans le monde. L’Extrême-Orient russe constitue un pont entre ces deux pays, où la vie des populations s’interpénètre, c’est donc une véritable plate-forme pour le développement de l’Eurasie.

Pourquoi Poutine ne profite-t-il pas de son influence historique au Moyen-Orient pour se rendre utile dans la lutte contre le terrorisme et renouer ainsi avec l’Occident?

Nous pourrions renverser la question: pourquoi l’Occident n’en appelle-t-il pas à la Russie sur le dossier du Moyen-Orient qu’il n’est pas capable de régler seul. Pourquoi l’Occident combat-il sur deux fronts à la fois, celui de l’Ukraine et celui du Moyen-Orient? Ne serait-il pas plus simple de lâcher la pression sur le dossier ukrainien en assurant que l’OTAN ne s’y étendra pas et demander à Poutine, alors rassuré, son aide au Moyen-Orient dans les dossiers syrien et iranien et contre l’extrémisme? Le président russe craint encore plus que nous l’islam radical. La Russie a à sa porte l’Afghanistan dont l’avenir, avec le retrait des forces militaires occidentales, est plus qu’inquiétant. En outre, le pays compte 20 millions de musulmans dans ses frontières, rassemblés dans de puissants petits Etats tels les Républiques tatare ou tchétchène qui ressentent leurs solidarités musulmanes. La contagion de l’extrémisme doit être envisagée.
Face aux enjeux du terrorisme que connaît actuellement la planète, il serait donc temps que l’Europe et les Etats-Unis aient une vision d’ensemble des crises présentes et établissent une hiérarchie. N’est-il pas plus urgent de freiner l’extrémisme, de rétablir la paix au Moyen-Orient que de vouloir réduire la place de la Russie en Europe?

En se rapprochant de la Grèce du nouveau Premier ministre Alexis Tsipras, Poutine cherche-t-il à déstabiliser l’Europe?

Cela est douteux. D’abord c’est Alexis Tsipras qui cherche à séduire Poutine. De plus la Grèce peut faire de l’agitation mais elle n’a pas vraiment de capacités de peser dans la crise actuelle. Poutine est un fin manœuvrier qui sait saisir les situations, il l’a montré en Crimée, mais il n’a aucun intérêt à pousser à l’explosion de l’euro, comme le souhaiteraient certains. Il sait d’ailleurs que son opinion ne le suivrait pas.

Qu’y a-t-il exactement dans la tête de Poutine? Veut-il créer une grande Russie, totalement opposée à l’Occident, et fondée sur la religion orthodoxe?

On présente Poutine en dictateur, chauvin, pétri d’idées extrêmes – eurasisme de Douguine1 –, c’est excessif. Le président russe a fait des études supérieures, il est fasciné par l’histoire, surtout celle du passé russe découverte après la chute en 1991 de l’URSS. Poutine est avant tout un patriote fervent. Il veut que son pays qui a une très grande histoire et une très grande culture soit reconnu comme tel, ce n’est pas toujours le cas.
Il n’est pas foncièrement antioccidental. Simplement il demande si pour moderniser un pays il faut copier exactement l’Occident. Pour les Russes, c’est un très ancien débat. Il a divisé au XIXe siècle les occidentalistes et les slavophiles qui n’étaient ni des «fascistes», ni des apprentis dictateurs, mais de très grands intellectuels. Il revendique dans la marche à la modernité le droit de prendre en compte la culture russe; et la religion y a sa place. Elle lui paraît d’autant plus nécessaire que l’Eglise orthodoxe, longtemps persécutée, a participé à la renaissance de la Russie et de la conscience collective dans les années 1980. Si nous cessons de les juger à l’aune de nos seuls critères, cela aidera à rétablir une solidarité et un climat pacifié en Europe, et permettra de sauver l’unité de l’Ukraine, ce qui est indispensable.    •

Source: Le Figaro du 6/2/15, © Marie-Laetitia Bonavita

1    L’eurasisme est une doctrine géopolitique d’abord élaborée en 1920 par des intellectuels russes de l’émigration. Ils considéraient l’ensemble formé par la Russie et ses voisins proches comme une «entité continentale» opposée à l’Occident. Alexandre Douguine est un représentant du néo-eurasisme. En 2003, il a fondé le Mouvement international eurasiatique. (ndt.)

Hélène Carrère d’Encausse, née le 6 juillet 1929, est une historienne française, spécialiste de l’histoire de la Russie et de l’Union soviétique. Elue à l’Académie française en 1990, elle y occupe depuis 1999 le poste de Secrétaire perpétuel. Dans l’histoire de cette prestigieuse institution fondée en 1634, Hélène Carrère est la première femme à accéder à cette fonction dirigeante. De 1994 à 1999, elle a été membre du Parlement européen et vice-présidente de la Commission des affaires étrangères, de la sécurité est de la politique de défense. En 2011, elle a obtenu la distinction de grand-croix de la Légion d’honneur. Au cours des derniers 40 ans, elle a publié un grand nombre d’études et de biographies concernant l’histoire russe.

mercredi, 25 février 2015

Entretien avec le philosophe Jean-François Mattéi (2009)

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Entretien avec le philosophe Jean-François Mattéi (2009)

Ex: http://marcalpozzo.blogspirit.com

Rappel: Jean-François Mattéi, Diagnostic d'une crise du sens

Marc Alpozzo : Votre pensée philosophique n’est pas, je dirais, une pensée de la décadence, mais de l’épuisement.

 

Jean-François Mattéi : Un peu, en effet. Certes, c’est une pensée qui n’est finalement pas très originale si je peux en juger moi-même. Mais dans la même lignée que Baudelaire, Poe, puis Valéry et, plus près de nous, Georges Steiner, à ce qui leur semble et me semble également, je soutiens que les intuitions majeures de la pensée européenne sont en train de s’affaiblir. Tout se passe comme si la culture universelle que l’Europe a apportée au XVIIIe siècle, le siècle des Lumières, était en train de s’affaiblir dans ses principes. Ses principes n’enrichissent plus suffisamment la réalité.

 

Je pense qu’il y a un choc des différentes cultures, non pas entre la culture arabo-musulmane et européenne par exemple, mais entre des visions différentes de la culture de notre temps : la vision ethnologique, l’approche anthropologique, la culture des banlieues, la culture des bourgeois, la contre-culture, etc. Il y a désormais une sorte d’éclatement de ce que l’on appelait autrefois classiquement la Culture.

 

Vous pensez à une dévalorisation, voire à un dépérissement de la Culture, avec l’apparition d’une diversité de cultures mises toutes sur le même pied d’égalité ?

 

Prenez Michel Maffesoli, le sociologue bien connu. Bien qu’il vive comme un grand bourgeois, il s’intéresse aux « tribus », au sens moderne évidemment, c’est-à-dire qu’il étudie et défend les cultures indigènes, de la drogue, des banlieues. Plus c’est éclaté, mieux c’est, même s’il n’y participe pas à titre personnel. Il défend sociologiquement les micros-cultures. Il n’y a selon lui aucune culture universelle, ni en réalité ni en projet, il n’y a que des micros-cultures. Par exemple, il est très intéressé par ces personnes qui font des « rave-party », des « drogue-party », ou encore les « gothiques ».

 

Mais n’avez-vous pas le sentiment que cette pensée sociologique-là, favorise le communautarisme ?

 

Beaucoup. Voilà pourquoi je suis réservé sur le sujet, non pas seulement philosophiquement mais politiquement, car je crois que la culture explose entre plusieurs petites communautés qui se fragmentent jusqu’à l’infini et qui se replient sur elles-mêmes, comme aux États-Unis. Pour moi, la culture est une ouverture sur l’universel. Un universel potentiel peut-être, mais un universel avisé. Au sens de Kant par exemple.

 

Votre ouvrage est celui d’un philosophe qui a une conscience politique, et qui constate le dépérissement progressif de la notion d’Europe, et de la notion d’altérité.

J’ai en effet tout un chapitre critique sur Jacques Derrida, même s’il est ambigu étant donné que l’auteur d’un côté défend l’eurocentrisme, puis de l’autre critique ce même eurocentrisme, etc. C’est le principe même de la déconstruction que Derrida a répété durant quarante ans : telle réalité ou tel concept n’est ni ceci ni cela : c’est la « double dénégation ». L’Europe n’est ni le centre du monde, dit-il, ni une société particulière, ni une société universelle, ni une société singulière. On trouve également d’autres auteurs, comme par exemple Marc Crépon, qui avancent que l’Europe a toujours été autre, et que donc elle ne recouvre plus rien car elle ne renvoie qu’à des altérités : l’altérité arabe, viking, américaine, communiste. Seulement, jamais une seule fois on ne se pose la question de savoir si toutes ces altérités, en tant qu’autres, ne renvoient pas à une identité, car pour être l’autre de quelque chose il faut que l’autre de son autre soit cependant lui-même.

 

Vous interrogez précisément la question de l’identité de l’Europe, et à travers cette question, vous mettez en problème la question des identités. L’âme européenne, c’est le souci du monde, c’est donc le souci de l’altérité. Contre les « sanglots de l’homme blanc », vous montrez subtilement dans ce livre que l’on a beau critiquer la culture européenne ou occidentale, à savoir la supériorité supposée affichée de sa culture, elle n’en a pas moins été soucieuse d’entrer en contact avec les autres cultures, et de les comprendre.

 

J’ai l’impression que l’Europe est une « méta-culture » au sens où l’on parle en logique et en mathématique d’un « métalangage » depuis Bertrand Russel : un langage qui permet de parler d’autres langages moins puissants. Je dirais volontiers que l’Europe et l’Occident, c’est-à-dire la culture universelle, est une « méta-culture ». On ne peut pas vraiment dire qu’elle serait supérieure aux autres par rapport à des critères absolus ; mais elle est une métalangue culturelle qui lui permet de s’attacher aux autres cultures avec l’invention de la philosophie, de l’ethnologie, de l’anthropologie, ou de la sociologie comparée. Vous noterez, entre parenthèses, que vous avez dans toutes ces sciences la présence même du mot logos : quand on dit que l’on va détruire le logos européen, le logocentrisme en tant qu’ethnocentrisme selon Derrida, ce logos revient par la fenêtre alors qu’on a tenté de le chasser par la porte. Il me semble que la culture européenne est une méta-philosophie et une méta-culture à trois niveaux : 1) Méta-méthodologie : aucune autre culture n’a étudié l’Europe ; elles ne se sont pas même étudiées entres elles. Marco Polo est allé en Chine pour la connaître, mais on n’a vu aucun chinois venir à Venise. 2) Méta-ontologie : puisque son noyau, l’universalité, au moins depuis Platon, est métaphysique. Tandis que les autres cultures dans le monde n’ont cherché à communiquer avec aucune autre. 3) Méta-éthique au sens moral, car toutes les autres cultures ont eu une morale qui ne renvoyait finalement qu’à elle-même, tandis que la morale de l’Europe, à tort ou à raison, se présente comme une morale universelle. Donc, à chaque fois, il y a un principe universel ontologique, méthodologique ou éthique qui régit la culture européenne.

 

Et c’est là toute l’ambiguïté de l’Europe. Elle est à la fois elle-même, mais aussi hors d’elle-même, non seulement parce qu’elle va absorber les autres peuples - ce sont les colonisations culturelles qui ne sont pas entièrement militaires ou religieuses -  mais parce qu’elle est une absence à soi. L’Europe a toujours besoin d’absorber quelque chose d’autre. L’auteur qui l’a le mieux remarqué en philosophie c’est Hegel. Lorsqu’il parle de la Raison qui intègre les autres formes de culture, il montre qu’il y a une sorte de volonté métaphysique de l’Europe de sortir de soi[1] ; c’est toujours la même idée de sortir de soi ou d’être arraché de sa terre pour aller ailleurs.

 

Je n’irais pas jusqu’à dire que vous ne croyez plus en l’Europe, mais vous êtes actuellement dans le doute. A vous lire, on a le sentiment que notre Europe actuelle n’est plus une Europe de l’universel, c’est une Europe éclatée qui ne prend plus en compte, tel que vous venez à l’instant de l’expliquer, cette méta-culture, métamorale, etc.

 

Je me demande s’il n’y a pas actuellement une clôture de l’Europe sur son passé qui correspondrait à ce que Heidegger dit de la fin de la métaphysique, ou à ce que pressentait déjà Nietzsche, repris par Heidegger, de la fin de la philosophie et de la fin du platonisme. Nietzsche dès les années 1880 constate que la philosophie rattachée au platonisme, donc à l’universel et à la dialectique, est en train de se refermer sur elle-même, et que c’en est fini des grandes aventures de la pensée et de la culture. Heidegger, plus métaphysicien que Nietzsche, soutient que nous vivons le temps de la fin de la métaphysique et qu’autre chose va arriver à l’humanité avec une autre forme de pensée. Il y a toujours cette intuition qu’il y a une fin de l’Histoire.

 

JEAN-FRANCOIS-MATTEI.jpgJ’allais y arriver, car vous évoquez précisément dans votre précédent ouvrage une crise du sens[2] en Occident (fin de l’art, fin du monde, crise morale, etc.)

 

Mais les artistes du vingtième siècle l’avaient déjà dit : le dadaïsme, Ben, l’école de Nice, etc. Il y a beaucoup de théoriciens de l’art qui seraient même plus sérieux que Ben, par exemple Arthur Danto aux États-Unis, qui affirment que l’art n’est plus qu’une foire économique dans laquelle les galeristes font monter et descendre la côte des artistes. Le monde de l’art est devenu un grand marché de la consommation.

 

En effet, vous vous demandez d’ailleurs si par exemple Le vide de Klein ce serait si sérieux que cela. Vous avez un discours très critique et même sceptique quant à l’art contemporain.

 

Oui, par rapport à l’art conceptuel ou performatif comme on l’appelle. Le vide de Klein n’était rien d’autre qu’un discours « performatif », au sens linguistique du terme. Cela revient à dire : « Je déclare, par le seul fait de le déclarer, que cette exposition sur le vide est une œuvre d’art. » Lors de l’exposition sur Le vide de Klein il n’y avait rien dans la galerie d’art parisienne, et à l’inverse, avec l’exposition suivante, dans la même galerie, Le plein d’Arman, il y avait des tas de ferraille jusqu’au plafond, les invités ne pouvaient pas entrer dans la salle.

 

Penseriez-vous alors, à l’instar du très hégélien Fukuyama, à une fin de l’Histoire ? Ou penseriez-vous plutôt à une histoire des fins, c’est-à-dire une histoire qui se termine sur plusieurs type de fins, qui auront peut-être leurs métamorphoses, mais nous n’en savons encore rien ?

 

La seconde proposition correspondrait plutôt à mon intuition, même si on ne peut pas encore savoir ce qui se passera au XXIe siècle : y aura-t-il une catastrophe sous la forme d’une troisième guerre mondiale, un cataclysme écologique, ou une sorte de mutation ? Après tout, rappelez-vous, quel penseur antique, que ce soit Cicéron, Sénèque ou Saint-Augustin, aurait pensé à l’effondrement de l’Empire romain ? Même Saint-Augustin, l’auteur de La cité de Dieu, un berbère qui avait fait toutes ses études à Milan et à Rome, qui parlait latin comme nous parlons le français, ne pensait pas une minute que la vie allait s’arrêter sur terre ; il ne savait cependant pas ce qu’il y aurait historiquement ensuite. Nous en sommes au même point : à la croisée des chemins. Le développement de la science et des techniques est devenu quasiment exponentiel : voyez par exemple toutes les inventions qui bouleversent les systèmes de communication comme Internet, tous les systèmes de transmissions de l’information au point que l’on ne sait plus bien où l’on en est aujourd’hui. Quelle voie prendra l’humanité ? D’autant qu’il y a aujourd’hui ce que l’on appelle la mondialisation : est-elle d’ailleurs une manifestation de l’universel, c’est-à-dire de la culture, ou est-ce une mondialisation éclatée, qui va entraîner, comme le dirait Samuel Huntington[3], des chocs de civilisations ?… N’y aura-t-il pas une possibilité d’effondrement ou alors au contraire d’unification encore plus violente ?…

 

Dans les deux cas, on ne saura pas s’il y aura une évolution pour autant. Car, bien évidemment, l’idée chez Hegel, c’est que l’évolution est nécessaire aux différentes étapes que franchit l’humanité dans son histoire. Lorsqu’il évoque la fin de l’Histoire, il la date à sa propre époque, bien qu’il ne l’imaginât pas tant que cela au dix-neuvième, mais la philosophie ne saurait prédire. A présent, il semble que l’humanité soit parvenue à une phase finale d’arrachement au déterminisme de la nature, et Fukuyama par exemple, pense que l’humanité est advenue, par la démocratie libérale, et ses prouesses scientifiques et techniques, à son terme final et que l’on ne pourra pas dépasser cela.

 

Tous ces auteurs - qui sont pour la plupart des auteurs allemands, de Kant avec son Anthropologie jusqu’à Hegel, et au-delà comme Fukuyama qui est un hégélien tardif - pensent que nous sommes arrivés à un plateau, après avoir franchi un grand nombre de marches, notamment au siècle dernier, et que ce plateau est indéfini devant nous, mais qu’il n’y a pas de marche supérieure à venir. C’est donc cela la fin de l’Histoire. Pour illustrer cette idée, je vous rapporterai cette réflexion récente de M. Jean-Louis Guigou qui faisait à Marseille un exposé sur l’Union méditerranéenne, voulue par Nicolas Sarkozy, au Conseil économique et social de la région PACA où j’ai été récemment élu. Bien qu’il soit socialiste, le chercheur a reconnu que nous étions arrivés à la fin de l’économie. Cela recoupe ce que vous disiez. On ne peut pas dépasser le capitalisme, et on ne peut pas imaginer un autre système que le système rationnel libéral. Beaucoup de penseurs et de praticiens n’imaginent pas qu’il puisse y avoir autre chose. Certes, on peut faire en science des spéculations géologiques ou physiques ; mais des spéculations philosophiques ou économiques seraient beaucoup plus difficile, car comme le disait Bergson à un journaliste qui lui demandait ce que serait le théâtre de demain : « Cher Monsieur, si je le savais, je le ferais .» Cela veut bien dire qu’aucun schéma nouveau ne peut être proposé aujourd’hui. Par exemple, en matière de politique, quel système nouveau pourriez-vous proposer qui ne soit pas la démocratie ? On répète sans cesse : il faut plus de démocratie. Mais lorsque vous avez atteint l’égalité des individus, vous allez demander quoi ? Vous allez raboter les personnes les plus grandes pour que tout le monde ait la même taille ? On ne voit pas d’autre système politique que la démocratie. On n’a pas d’idée d’une nouvelle mathématique par exemple, ou voire même d’une nouvelle philosophie. C’est ce que Paul Valéry voulait dire en disant que les « noyaux pensants » de l’Europe sont épuisés. Ils sont là toujours, mais… Nietzsche l’avait annoncé également en disant que l’on avait tout sous la main : on ne fait donc plus que de l’ « histoire antiquaire ». Ce qui veut dire qu’on ne peut que repasser les vieux plats en les modernisant. Qu’est-ce qu’on a aujourd’hui de nouveau que ce soit sur Internet ou ailleurs ? Wikipédia ? Google ? Mais que crée-t-on vraiment  de neuf ?

 

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Vous citez Nietzsche, la mort de Dieu, le dépérissement de l’Universel. La fin des absolus.

 

Ces idées sont chez Nietzsche et ont été reprises par quasiment tous les auteurs du XXe siècle, Spengler dans Le déclin de l’Occident[4], Bernanos, Saint-Exupéry… Quand vous considérez les grands penseurs ou même les poètes comme René Char, vous vous apercevez que, tous, y compris les théoriciens de gauche, Walter Benjamin, Adorno, les marxistes purs et durs, style 1930, disaient que l’Occident capitaliste était en train de s’effondrer. Walter Benjamin dit par exemple, à propos de l’œuvre d’art, qu’elle s’épuise complètement. Il écrivait cela de l’époque de la reproductibilité mécanique des œuvres, alors qu’il ne connaissait pas encore la reprographie, les photocopies à l’infini, ce qui fait aujourd’hui qu’il n’y a plus d’objet original. On le voit par exemple avec les sérigraphies de Marilyn par Warhol qui sont absolument partout, alors qu’il n’y a pas d’original ou presque plus.

 

Même l’urinoir de Duchamp n’est plus un original, puisque l’original a été cassé.

 

Et le deuxième a été déclaré, par la société qui a repris Duchamp : original de Duchamp. Donc, comme nous le disions tout à l’heure, tout devient performatif. « Je déclare que cet urinoir est une œuvre d’art. » Mais si je la casse ? Alors je prends un autre urinoir, et je re-déclare : « cet urinoir est une œuvre d’art » ! On s’aperçoit que c’est la seule preuve de l’existence de l’œuvre d’art : l’acte de parole. C’est le fait de performer le dire qui fait la performance… Regardez Ben : « tout est art », « tout le monde est artiste ». Le mot, comme dirait Foucault, se substitue à la chose, et le discours se substitue à la réalité…

 

Diriez-vous derrière un Finkielkraut par exemple, qu’il faut être un critique pertinent du processus de la démocratie ? Ne pensez-vous pas que nous vivons une époque qui a épuisé toutes les idéologies ?

 

C’est ce que Jean-François Lyotard avait appelé « la fin des grands récits ». L’auteur a lancé dans les années 70 l’idée de post-modernisme[5]. Il a d’abord été marxiste, mais quand il a vu ce que c’était le marxisme à Budapest, et ailleurs, comme la plupart de ceux qui attendaient une grande révolution, il a compris que ça n’était même pas une idéologie, mais une illusion. Donc, tous les grands récits, c’est-à-dire la mise en ordre des événements comme dans un roman, lorsque l’on essaye de raconter l’histoire, se sont effondrés : le récit d’Auguste Comte, le positivisme, s’est effondré, le récit hégélien s’est effondré, le récit marxiste s’est effondré, le récit idéologique du libéralisme de type Adam Smith s’est effondré. Oui, comme vous le dites, c’est la fin des idéologies, et en même temps, comme il s’agit du même mot, c’est peut-être la fin des idéaux.

 

Et c’est probablement la raison pour laquelle vous n’êtes pas d’accord avec l’idée d’une fin de l’Histoire, puisque cela correspond avec l’avènement du Grand soir, et là, finalement, ce serait cohérent avec la fin de votre livre qui s’achève sur une gravure de Goya, Los Desastres de la Guerra. Car avec la fin du mythe, avec la fin des grands récits, avec la fin de la transcendance et la mort de Dieu, - Nietzsche avait tout dit ! -, votre épilogue est terrible, vous être en train de dire que l’Occident n’a plus ni boussole ni carte, se retrouvant désormais dans la même posture que des aveugles se guidant les uns les autres. A ce propos, vous citez fort à propos le tableau de Breughel commentant la parole du Christ aux Pharisiens dans La parabole des aveugles, disant « Si un aveugle guide un autre aveugle, tous les deux tomberont dans un trou[6]. » 

 

En effet, je ne crois pas qu’il y ait un avènement. Nous continuons d’avancer en titubant. Quand j’ai écrit ce livre, je ne savais pas comment terminer, et comme je connaissais bien cette estampe de Goya, je me suis demandé si Goya n’avait pas voulu illustrer la belle peinture de Breughel. Cela dit, nous finirons tous dans un trou. Nous n’avons pas attendu Heidegger pour apprendre que l’homme était un « être-pour-la-mort ». Mais ce qu’il y a de frappant, c’est que les Grecs ou les Romains croyaient en leurs dieux, croyaient en une vie après la mort, ou tout du moins en des actions d’éclats comme celles d’Ulysse ou d’Achille, qui laisseraient une trace. Les premiers chrétiens n’avaient aucun problème, il croyaient dans leur salut. Les musulmans, les juifs croyants aussi n’ont aucun souci de ce côté. Mais pour celui qui n’a aucune espérance métaphysique, religieuse ou politique, qu’est-ce qui reste ? La télévision ? Star academy ?

Alors comment vivre aujourd’hui ?

Vivre en aveugle, ou faire ce que nous demandent Nietzsche et Camus : créer quelque chose. C’est l’idée du Zarathoustra : il faut assumer le surhomme, c’est-à-dire, l’idée qu’il faut la création, et même si l’univers, - Camus dit « le monde » -, même si le monde m’écrase, de façon toute pascalienne, il faut imaginer Sisyphe heureux. Heureux parce qu’il crée une œuvre. Et même s’il n’y a rien derrière ni devant, même s’il n’y a que l’attente de la mort, et la dislocation de toute chose, on peut essayer de donner un sens à cette vie par la création. Mais c’est une morale extrêmement aristocratique. D’où la critique de la démocratie chez Nietzsche et même chez Camus qui était pourtant un homme de gauche à l’origine. Vous ne pouvez pas proposer ce programme politique à six milliards d’êtres humains. Alors il ne nous reste plus qu’une attitude stoïcienne, ou le pessimisme d’un Cioran par exemple. Soit une vision tragique du monde, soit une vision pessimiste.

 

Penser la politique à partir de l’Europe, croyez-vous que cela soit possible ? Est-ce qu’on pourrait par exemple penser une politique européenne qui pourrait valoir pour le monde entier ?

 

Je l’écrivais dans un article du Figaro récemment[7] : pour faire l’Europe, on doit commencer par se mettre d’accord sur la définition même du mot « Europe ». J’en parle également dans mon livre. Alors qu’est-ce que cela recoupe le terme d’ E-U-R-O-P-E ? Cela renvoie-t-il seulement à un grand marché libre ?… Qu’est-ce que ça a de spécifique l’Europe ? On ne fera pas l’Europe politique, et même économique, si l’on ne se met pas d’accord sur les fondamentaux culturels, comme on parle de fondamentaux à l’école, c’est-à-dire : apprendre à lire, écrire et compter. Or, quels sont les fondamentaux européens ? Je ne suis pas sûr que l’école ou les Universités européennes les transmettent aujourd’hui, et ce, en dépit des programmes Erasmus. Voilà pourquoi les étudiants n’ont plus un sentiment vraiment européen. On n’a pas le cœur européen. Ni le cœur ni la tête ! Alors qu’est-ce qui reste ? La consommation et la télévision ?

 

Ce qui renvoie d’ailleurs au titre même de votre ouvrage Le Regard vide.

 

Vous avez noté que mon livre commence par un texte d’Edgar Poe : « Il entrait successivement dans toutes les boutiques, ne marchandait rien, ne disait pas un mot, et jetait sur tous les objets un regard fixe, effaré, vide. » Voyez la gradation qu’à fait Poe, et que Baudelaire, son traducteur, a bien suivi : « fixe, effaré, vide » ! C’est même plus fort dans la langue originale, car le mot anglais « vacant » signifie à la fois « vide », « privé de vie » et « ouvert sur rien ». Donc, « anéantissant ». J’ai repris cette image, car ce qui définit la pensée européenne, c’est un regard porté sur le monde, sur la cité, et sur l’homme. Toujours la même idée d’un regard distant, l’esprit de la critique dialectique depuis Socrate, ou la critique chez Voltaire, Diderot, etc. Tout le monde convient que l’Europe a inventé l’esprit critique au bon sens du terme. Ça n’est pas le scepticisme en un sens négatif. Voyez le texte de Rousseau que je cite : celui qui veut connaître les hommes doit regarder autour de lui, mais celui qui veut connaître l’Homme doit « porter ses regards au loin ». Il faut donc un regard éloigné, d’où le livre d’anthropologie de Claude Lévi-Strauss, Le regard éloigné, que je cite dans mon dernier chapitre[8].

 

D’où également le lien que vous faîtes avec Tocqueville et sa vision sceptique de la démocratie.

 

Il y a un phénomène d’épuisement de la démocratie qui est utilisée à tort et à travers et se trouve dissoute dans n’importe quoi. Certains auteurs disent aux Etats-Unis qu’il faut reconnaître un droit aux animaux et aux végétaux, une sorte de démocratie naturaliste en quelque sorte où tout ce qui est vivant aurait les mêmes droits que les êtres humains.

 

Par rapport à ces dérives, vous n’êtes pas très optimiste.

 

Pour revenir à l’idée développée plus haut, j’ai de plus en plus l’impression que l’on avance en aveugle : peut-être y aura-t-il un nouveau départ de l’Europe… Il se trouve que c’est en Europe que la culture dite universelle s’est développée au point d’être aujourd’hui mondialisée ; mais ce qui est mondialisé est peut-être ce qu’il y a de moins intéressant dans la culture. Une sorte d’économie de marché, mais qui n’a ni contenu spirituel ou intellectuel. Le fait de trouver des Mc Donald’s ou des Virgin partout, c’est surtout une manifestation de la culture économique ou financière, mais est-ce que cela donne un espoir de vivre aux êtres humains ?

 

Vous êtes un analyste critique de cette fin de la transcendance, et vous dîtes que nous sommes complètement englués dans l’immanence, pis, que nous sommes prisonniers d’un labyrinthe sans issue.

 

Regardez Joseph K. et le labyrinthe sans issue du Procès ou de l’Arpenteur du Château chez Kafka. Regardez Borges. Mais, une fois encore, Nietzsche a tout dit lorsqu’il écrit dans le Gai savoir que Dieu est mort (« L’insensé » : paragraphe 125). Il dit alors que la terre est dévastée de tout soleil. Vers où allons-nous à présent ? en haut en bas ? à droite à gauche ? On ne sait pas. Tout est éclaté. S’il n’y a plus de ciel, il n’y a plus de terre. Nietzsche a parfaitement compris, même si, pour parler comme Aragon, il ne croyait pas au ciel chrétien ni aux arrières-mondes platoniciens, que lorsqu’on détruit les arrières-mondes, on détruit en même temps le monde qui est accroché à lui en un accrochage symbolique. En bref, si vous détruisez la montagne, vous détruisez en même temps la vallée. Nous nous retrouvons alors dans un monde uniformément plat. Or une vallée ne se comprend qu’entre deux montagnes. Et voilà pourquoi Zarathoustra nous dit qu’il va nous ré-apprendre le sens de la terre. Il faut tout recommencer à zéro ; d’où la théorie d’un retour éternel chez Nietzsche. Mais il sait très bien que c’est anti-démocratique, et que seuls quelques esprits privilégiés pourront faire cela. En clair, ils donneront un sens à leur vie avant de mourir. Quant aux autres, Nietzsche est encore plus pessimiste que Pascal qui disait : « le dernier acte humain est sanglant », quoi qu’on dise, on jette un corps dans un trou avec quelques pelletées de terre dessus. Comme s’il n’y avait rien après. C’est le Pascal croyant qui disait cela... Mais Pascal s’en sort tout de même avec son argument du pari. Or, si vraiment on est mort pour rien, autant se pendre tout de suite ! Quand on voit la souffrance partout ! Le seul sens trouvé par Nietzsche ou Arendt, c’est la création : laisser quelque chose derrière soi…

 

Mais pour répondre à votre question, on ne sait pas si Nietzsche, d’autres penseurs ou d’autres artistes vont créer une nouvelle voie pour la recherche en général, étant entendu qu’il y a quand même une condition humaine qui jusqu’à présent n’a pas changé. Même si on vous change de cœur ou on fait de vous un anthropoïde, il y a une loi qui commande l’homme, ou le Dasein comme disait Heidegger, à savoir que toute chose est mortelle. Ce n’est pas simplement l’homme, mais tout dans l’univers, qui doit disparaître. C’est le principe de la dégradation de l’énergie. Tout va finir à la casse : une bouteille se vide, une pile électrique aussi. Même l’univers, ou du moins le nôtre, disparaîtra ! Et quand bien même continuerait-il à tourner, il n’y aurait de toute façon à terme plus personne pour le voir tourner. Et donc le monde, et tout ce qui existe, aura servira à quoi ? À rien ! Avec Nietzsche en revanche, on efface tout et on recommence. Mais qui va recommencer si on a tout effacé ?  

 

Jean-François Mattéi, membre de l’Institut universitaire de France, est professeur émérite de philosophie à l’université de Nice-Sophia Antipolis et à l’Institut d’études Politiques d’Aix-en-Provence. Parmi une longue bibliographie d’œuvres philosophiques, il est notamment l’auteur de Le Regard vide, Essai sur l’épuisement de la culture européenne (Flammarion, 2007, Prix Montyon de littérature et de philosophie décerné par l’Académie française en 2008), L’Énigme de la pensée (Les Paradigmes, 2006), De l’indignation (La Table ronde, 2005), et de La Barbarie intérieure, Essai sur l’immonde moderne (PUF, Quadrige, 2004). 

 

(Texte établi à partir de Le Regard vide, Essai sur l'épuisement de
la culture européenne
, Flammarion, 2007.)
(Entretien paru dans Les carnets de la philosophie, n°5, oct-nov-déc 2008.)

vendredi, 20 février 2015

Jean-Claude Michéa: «Si l’on pense sans peur, on ne peut être politiquement orthodoxe»

Jean-Claude Michéa: «Si l’on pense sans peur, on ne peut être politiquement orthodoxe»

 
Ex: http://fortune.fdesouche.com
 
Entretien avec Jean-Claude Michéa qui occupe une place à part dans la pensée critique contemporaine: le philosophe montpelliérain s’est fait connaître en réhabilitant le socialisme populaire, anticapitaliste et anti-autoritaire d’Orwell, se tient loin des médias, loue les vertus du football, affectionne le populisme, tance l’Université et éreinte à l’envi les intellectuels de la gauche plus ou moins radicale.

Rixes et noms d’oiseaux : Lordon, Corcuff, Halimi, Boltanski, Fassin, Garo et Amselle (rien moins) ont ferraillé contre celui, désormais proche des mouvements décroissants, qu’ils accusent de ravitailler la droite réactionnaire. Michéa semble s’en moquer éperdument, amusé, peut-être, à l’idée de scandaliser ceux qu’il assimile à la gauche « bohème » et « petite-bourgeoise » autant qu’à l’extrême gauche « culturelle ».

Le penseur prise les phrases aux allures de piques: il arrive que l’on se perde en chemin mais son œuvre a le mérite de saler les plaies d’une gauche qui, trop souvent, a rompu les ponts avec les classes populaires.

Vous venez du PCF et possédez, à la base, une formation marxiste. Comment en êtes-vous venu à vous intéresser à ces « frères ennemis », pour reprendre la formule de Guérin, que sont Bakounine, Proudhon, Rocker, Camus, Durruti, Voline, Goodman, Louise Michel, Albert Thierry, Chomsky, Landauer, James C. Scott ou Graeber, que vous ne cessez de citer au fil de vos textes ?

Bien des problèmes rencontrés par le mouvement anticapitaliste moderne tiennent au fait que le terme de « socialisme » recouvre, depuis l’origine, deux choses qu’il serait temps de réapprendre à distinguer.

Il s’applique aussi bien, en effet, à la critique radicale du nouvel ordre capitaliste issu des effets croisés de la révolution industrielle et du libéralisme des Lumières qu’aux innombrables descriptions positives de la société sans classe qui était censée succéder à cet ordre, qu’il s’agisse du Voyage en Icarie de Cabet, du nouveau monde sociétaire de Charles Fourier ou de la Critique du programme de Gotha de Karl Marx.

Or il s’agit là de deux moments philosophiquement distincts. On peut très bien, par exemple, accepter l’essentiel de la critique marxiste de la dynamique du capital (la loi de la valeur, le fétichisme de la marchandise, la baisse tendancielle du taux de profit, le développement du capital fictif etc.) sans pour autant souscrire – à l’instar d’un Lénine ou d’un Kautsky – à l’idéal d’une société reposant sur le seul principe de la grande industrie « socialisée » et, par conséquent, sur l’appel au développement illimité des « forces productives » et à la gestion centralisée de la vie collective (pour ne rien dire des différentes mythologies de l’« homme nouveau » – ou artificiellement reconstruit – qu’appelle logiquement cette vision « progressiste »).

C’est donc l’échec, rétrospectivement inévitable, du modèle « soviétique » (modèle qui supposait de surcroît – comme l’école de la Wertkritik l’a bien montré – l’occultation systématique de certains des aspects les plus radicaux de la critique de Marx) qui m’a graduellement conduit à redécouvrir les textes de l’autre tradition du mouvement socialiste originel, disons celle du socialisme coopératif et antiautoritaire, tradition que l’hégémonie intellectuelle du léninisme avait longtemps contribué à discréditer comme « petite-bourgeoise » et « réactionnaire ».

« C’est avant tout la lecture de Guy Debord et de l’Internationale situationniste (suivie de celle d’Orwell, de Lasch et d’Illich) qui m’a rendue possible cette sortie philosophique du modèle léniniste. »

J’ajoute que dans mon cas personnel, c’est avant tout la lecture – au début des années 1970 – des écrits de Guy Debord et de l’Internationale situationniste (suivie, un peu plus tard, de celle de George Orwell, de Christopher Lasch et d’Ivan Illich) qui m’a progressivement rendue possible cette sortie philosophique du modèle léniniste.

Les analyses de l’I.S. permettaient à la fois, en effet, de penser le capitalisme moderne comme un « fait social total » (tel est bien le sens du concept de « société du Spectacle » comme forme accomplie de la logique marchande) et d’en fonder la critique sur ce principe d’autonomie individuelle et collective qui était au cœur du socialisme coopératif et de l’« anarcho-syndicalisme ».

Et cela, au moment même où la plupart des intellectuels déçus par le stalinisme et le maoïsme amorçaient leur repli stratégique sur cet individualisme libéral du XVIIIe siècle – la synthèse de l’économie de marché et des « droits de l’homme » – dont le socialisme originel s’était précisément donné pour but de dénoncer l’abstraction constitutive et les implications désocialisantes.

Mais, au fond, on sent que la tradition libertaire est chez vous une profonde assise morale et philosophique bien plus qu’un programme politique (pourtant présent, aujourd’hui encore, dans tous les mouvements anarchistes constitués de par le monde). Quelles sont les limites théoriques et pratiques que vous lui trouvez et qui vous empêchent de vous en revendiquer pleinement ?

C’est une question assurément très complexe. Il est clair, en effet, que la plupart des anarchistes du XIXe siècle se considéraient comme une partie intégrante du mouvement socialiste originel (il suffit de se référer aux débats de la première internationale).

Mais alors qu’il n’y aurait guère de sens à parler de « socialisme » avant la révolution industrielle (selon la formule d’un historien des années cinquante, le « pauvre » de Babeuf n’était pas encore le « prolétaire » de Sismondi), il y en a clairement un, en revanche, à poser l’existence d’une sensibilité « anarchiste » dès la plus haute Antiquité (et peut-être même, si l’on suit Pierre Clastres, dans le cas de certaines sociétés dites « primitives »).

C’est ce qui avait, par exemple, conduit Jaime Semprun et l’Encyclopédie des nuisances à voir dans l’œuvre de Pao King-yen et de Hsi K’ang – deux penseurs chinois du troisième siècle – un véritable « éloge de l’anarchie » (Éloge de l’anarchie par deux excentriques chinois, paru en 2004).

Cela s’explique avant tout par le fait que la question du pouvoir est aussi ancienne que l’humanité – contrairement aux formes de domination capitalistes qui ne devraient constituer, du moins faut-il l’espérer, qu’une simple parenthèse dans l’histoire de cette dernière. Il s’est toujours trouvé, en effet, des peuples, ou des individus, si farouchement attachés à leur autonomie qu’ils mettaient systématiquement leur point d’honneur à refuser toute forme de servitude, que celle-ci leur soit imposée du dehors ou, ce qui est évidemment encore plus aliénant, qu’elle finisse, comme dans le capitalisme de consommation moderne, par devenir « volontaire ».

En ce sens, il existe incontestablement une tradition « anarchiste » (ou « libertaire ») dont les principes débordent largement les conditions spécifiques de la modernité libérale (songeons, par exemple, à l’œuvre de La Boétie ou à celle des cyniques grecs) et dont l’assise principale – je reprends votre formule – est effectivement beaucoup plus « morale et philosophique » (j’ajouterais même « psychologique ») que politique, au sens étroit du terme.

« La critique anarchiste originelle laisse peu à peu la place à un simple mouvement d’extrême gauche parmi d’autres, ou même, dans les cas les plus extrêmes, à une posture purement œdipienne. »

jean-claude michéa,entretien,décroissance,philosophie,philosophie politique,politologie,sciences politiques,théorie politiqueC’est évidemment la persistance historique de cette sensibilité morale et philosophique (l’idée, en somme, que toute acceptation de la servitude est forcément déshonorante pour un être humain digne de ce nom) qui explique le développement, au sein du mouvement socialiste originel – et notamment parmi ces artisans et ces ouvriers de métier que leur savoir-faire protégeait encore d’une dépendance totale envers la logique du salariat – d’un puissant courant  libertaire, allergique, par nature, à tout « socialisme d’État », à tout « gouvernement des savants » (Bakounine) et à toute discipline de parti calquée, en dernière instance, sur les seules formes hiérarchiques de l’usine bourgeoise.

Le problème c’est qu’au fur et à mesure que la dynamique de l’accumulation du capital conduisait inexorablement à remplacer la logique du métier par celle de l’emploi (dans une société fondée sur le primat de la valeur d’usage et du travail concret, une telle logique devra forcément être inversée), le socialisme libertaire allait progressivement voir une grande partie de sa base populaire initiale fondre comme neige au soleil.

Avec le risque, devenu patent aujourd’hui, que la critique anarchiste originelle – celle qui se fondait d’abord sur une « assise morale et philosophique » – laisse peu à peu la place à un simple mouvement d’extrême gauche parmi d’autres, ou même, dans les cas les plus extrêmes, à une posture purement œdipienne (c’est ainsi que dans un entretien récent avec Raoul Vaneigem, Mustapha Khayati rappelait qu’une partie des querelles internes de l’I.S. pouvaient s’expliquer par le fait qu’« un certain nombre d’entre nous, autour de Debord, avait un problème à régler, un problème avec le père »).

La multiplication des conflits de pouvoir au sein de nombreuses organisations dites « libertaires » – conflits dont les scissions répétitives et la violence des polémiques ou des excommunications sont un symptôme particulièrement navrant – illustre malheureusement de façon très claire cette lente dégradation idéologique d’une partie du mouvement anarchiste moderne : celle dont les capacités de résistance morale et intellectuelle au maelstrom libéral sont, par définition, les plus faibles – comme c’est très souvent le cas, par exemple, chez les enfants perdus des nouvelles classes moyennes métropolitaines (le microcosme parisien constituant, de ce point de vue, un véritable cas d’école ).

De là, effectivement, mes réticences à me situer aujourd’hui par rapport au seul mouvement anarchiste orthodoxe et, surtout, mon insistance continuelle (dans le sillage, entre autres, d’Albert Camus et d’André Prudhommeaux) à défendre cette idée de « décence commune » dont l’oubli, ou le refus de principe, conduit presque toujours un mouvement révolutionnaire à céder, tôt ou tard, à la fascination du pouvoir et à se couper ainsi des classes populaires réellement existantes.

On a du mal à savoir ce que vous pensez précisément de l’État – une problématique pourtant chère aux marxistes comme aux anarchistes…

Je n’ai effectivement pas écrit grand-chose sur cette question (sauf, un peu, dans la Double pensée et dans mon entretien avec le Mauss), tant elle me semble polluée par les querelles terminologiques. Ce que marxistes et anarchistes, en effet, critiquaient sous le nom d’État au XIXe siècle ne correspond plus entièrement à ce qu’on range aujourd’hui sous ce nom (pour ne rien dire de la critique libérale de l’État qui relève d’une autre logique, malheureusement trop facilement acceptée par certains « anarchistes » parisiens tendance Largo Winch).

Le mieux est donc de rappeler ici quelques principes de bon sens élémentaire. Ce qui commande une critique socialiste/anarchiste de l’État, c’est avant tout la défense de l’autonomie populaire sous toutes ses formes (cela suppose naturellement une confiance de principe dans la capacité des gens ordinaires à s’autogouverner dans toute une série de domaines essentiels de leur vie).

Autonomie dont le point d’ancrage premier est forcément toujours local (la « commune » pris au sens large du mot – cf. Marx –, c’est-à-dire là où un certain degré de face-à-face, donc de démocratie directe – est en droit encore possible). Cela implique donc :

a) la critique de tout pouvoir bureaucratique séparé et qui entendrait organiser d’en haut la totalité de la vie commune.

b) la critique de la mythologie républicaine de « l’Universel » dont l’État serait le fonctionnaire, du moins si par « universel » on entend l’universel abstrait, pensé comme séparé du particulier et opposé à lui. L’idée en somme que les communautés de base devraient renoncer à tout ce qui les particularise pour pouvoir entrer dans la grande famille uniformisée de la Nation ou du genre humain.

En bon hégélien, je pense au contraire que l’universel concret est toujours un résultat – par définition provisoire – et qu’il intègre la particularité à titre de moment essentiel (c’est-à-dire non pas comme « moindre mal », mais comme condition sine qua non de son effectivité réelle).

C’est pourquoi – mais on l’a déjà dit mille fois – l’État et l’Individu modernes (autrement dit, l’État « universaliste » et l’individu « séparé de l’homme et de la communauté », Marx) définissent depuis le début une opposition en trompe l’œil (c’est Hobbes qui a génialement démontré, le premier, que l’individu absolu – celui que vante le « rebelle » libertarien – ne pouvait trouver sa vérité que dans l’État absolu [et réciproquement]).

 « Ce que marxistes et anarchistes critiquaient sous le nom d’État au XIXe siècle ne correspond plus entièrement à ce qu’on range aujourd’hui sous ce nom. »

jean-claude michéa,entretien,décroissance,philosophie,philosophie politique,politologie,sciences politiques,théorie politiqueL’individu hors-sol et intégralement déraciné (le « self made man » des libéraux) n’est, en réalité, que le complément logique du Marché uniformisateur et de l’État « citoyen » et abstrait (tout cela était déjà admirablement décrit par Marx dans la question juive). La base de toute société socialiste sera donc, à l’inverse, l’homme comme « animal social » (Marx) et capable, à ce titre, de convivialité (le contraire, en somme de l’individu stirnero-hobbesien).

Le dernier livre de David Graeber sur la dette (qui prolonge les travaux du Mauss), contient, du reste, des passages remarquables sur ce point (c’est même la réfutation la plus cruelle qui soit du néo-utilitarisme de Lordon et des bourdivins). C’est pourquoi une critique socialiste/anarchiste de l’État n’a de sens que si elle inclut une critique parallèle de l’individualisme absolu. On ne peut pas dire que ce lien soit toujours bien compris de nos jours !

Pour autant, et à moins de rêver d’une fédération mondiale de communes autarciques dont le mode de vie serait nécessairement paléolithique, il est clair qu’une société socialiste développée et étendue à l’ensemble de la planète suppose une organisation beaucoup plus complexe à la fois pour rendre possible la coopération amicale entre les communautés et les peuples à tous les niveaux et pour donner tout son sens au principe de subsidiarité (on ne délègue au niveau supérieur que les tâches qui ne peuvent pas être réalisé au niveau inférieur [ce qui est exactement le contraire de la façon de procéder liée à l’Europe libérale]).

C’est évidemment ici que doit se situer la réflexion – compliquée – sur le statut, le rôle et les limites des services publics, de la monnaie, du crédit public, de la planification, de l’enseignement, des biens communs etc.

Tout comme Chomsky, je ne suis donc pas trop gêné – surtout en ces temps libéraux – par l’emploi du mot « étatique » s’il ne s’agit que de désigner par là ces structures de coordination de l’action commune (avec, bien entendu, les effets d’autorité et de discipline qu’elles incluent) qu’une société complexe appelle nécessairement (que ce soit au niveau régional, national ou mondial).

L’important devient alors de s’assurer du plus grand contrôle démocratique possible de ces structures par les collectivités de base (principe de rotation des fonctions, tirages au sort, interdiction d’exercer plus d’un mandat, contrôle des experts, référendums d’initiatives populaires, reddition des comptes, etc., etc.).

Dans l’idéal, la contradiction dialectique entre la base et le « sommet » (et le mouvement perpétuel de va-et-vient entre les deux) pourrait alors cesser d’être « antagoniste ». Mais, vous le voyez, je n’ai improvisé là que quelques banalités de base.

Comme vous le savez, le terme « libertaire » a été inventé par Déjacque en opposition au terme « libéral », lors d’une querelle avec Proudhon. Vous n’avez pas de mots assez durs contre les « libéraux-libertaires » chers, si l’on peut dire, à Clouscard. Comment expliquez-vous cette alliance a priori incongrue ?

« De là le rôle philosophique que les premiers socialistes accordaient aux concepts de “communauté” (on a presque fini par oublier que le terme “socialisme” s’opposait à celui d’”individualisme”) et leur critique du dogme libéral. »

On aura une idée supplémentaire de toutes ces difficultés sémantiques si l’on ajoute que la traduction américaine du mot « libertaire » (le journal de Joseph Déjacque était certes publié à New-York, mais uniquement en français) est libertarian. Or ce dernier terme (qu’on a curieusement retraduit par « libertarien ») en est peu à peu venu à désigner, aux États-Unis, la forme la plus radicale du libéralisme économique, politique et culturel – celle qu’incarnent notamment Murray Rothbard et David Friedman – au point d’être parfois considéré aujourd’hui comme un simple équivalent de celui d’« anarcho-capitaliste » !

Pour dissiper ce nuage d’encre, il est donc temps d’en revenir aux fondements mêmes de la critique socialiste originelle de l’anthropologie libérale. On sait, en effet, que pour les libéraux – il suffit de lire John Rawls – l’homme doit toujours être considéré comme un être « indépendant par nature » et qui ne peut donc chercher à nouer des liens avec ses semblables (ne serait-ce – écrit ironiquement David Graeber – que pour pouvoir « échanger des peaux de castor ») que dans la stricte mesure où ce type d’engagement contractuel lui paraît « juste », c’est-à-dire, en dernière instance, conforme à son « intérêt bien compris ».

jean-claude michéa,entretien,décroissance,philosophie,philosophie politique,politologie,sciences politiques,théorie politiqueDans cette perspective à la Robinson Crusoé (Marx voyait significativement dans le cash nexus des économistes libéraux – terme qu’il avait emprunté au « réactionnaire » Carlyle – une pure et simple « robinsonnade »), il va de soi qu’aucune norme morale, philosophique ou religieuse ne saurait venir limiter du dehors le droit « naturel » de tout individu à vivre en fonction de son seul intérêt égoïste (y compris dans sa vie familiale et affective), si ce n’est, bien entendu, la liberté équivalente dont sont supposés disposer symétriquement les autres membres d’une société libérale (les interventions de l’État « minimal » n’ayant alors plus d’autre prétexte officiel que la nécessité permanente de protéger ces libertés individuelles, que ce soit sur le plan politique et culturel – la défense des « droits de l’homme », y compris en Irak, au Mali ou en Afghanistan – ou économique – la défense de la libre concurrence et de la liberté intégrale d’entreprendre, de vendre et d’acheter).

Or si la plupart des fondateurs du socialisme partageaient effectivement l’idéal émancipateur des Lumières et leur défense de l’esprit critique (ils étaient évidemment tout aussi hostiles que les libéraux aux sociétés oppressives et inégalitaires d’ancien régime), ils n’en dénonçaient pas moins l’anthropologie individualiste et abstraite sur laquelle cet idéal était structurellement fondé. À leurs yeux il allait de soi, en effet, que l’homme était d’abord un être social, dont la prétendue « indépendance naturelle » (déjà contredite par la moindre observation ethnologique) impliquait – comme Marx l’écrivait en 1857 – une « chose aussi absurde que le serait le développement du langage sans la présence d’individus vivant et parlant ensemble ».

 « La liberté d’expression c’est d’abord et toujours, selon la formule de Rosa Luxemburg, la liberté de celui qui pense autrement. »

De là, naturellement, le rôle philosophique absolument central que ces premiers socialistes accordaient aux concepts d’entraide et de « communauté » (on a presque fini par oublier que le terme de « socialisme » s’opposait, à l’origine, à celui d’« individualisme ») et leur critique corrélative du dogme libéral selon lequel l’émancipation intégrale des individus ne pourrait trouver ses ultimes conditions que dans la transformation correspondante de la société – pour reprendre une formule de l’école saint-simonienne – en une simple « agrégation d’individus sans liens, sans relations, et n’ayant pour mobile que l’impulsion de l’égoïsme » (la coexistence « pacifique » des individus ainsi atomisés devant alors être assurée par les seuls mécanismes anonymes et impersonnels du Droit et du Marché, eux-mêmes placés sous l’égide métaphysique du Progrès continuel de la Science et des « nouvelles technologies »). Il suffit, dès lors, de réactiver ce clivage originel (ce qui suppose, vous vous en doutez bien, une rupture radicale avec tous les postulats idéologiques de la gauche et de l’extrême gauche contemporaines) pour redécouvrir aussitôt ce qui sépare fondamentalement un authentique libertaire – celui dont la volonté d’émancipation personnelle, à l’image de celle d’un Kropotkine, d’un Gustav Landauer, ou d’un Nestor Makhno, s’inscrit nécessairement dans un horizon collectif et prend toujours appui sur les « liens qui libèrent » (comme, par exemple, l’amour, l’amitié ou l’esprit d’entraide) – d’un « libertaire » libéral (ou « anarcho-capitaliste ») aux yeux duquel un tel travail d’émancipation personnelle ne saurait être l’œuvre que d’un sujet « séparé de l’homme et de la communauté » (Marx), c’est-à-dire, en définitive, essentiellement narcissique (Lasch) et replié sur ses caprices individuels et son « intérêt bien compris » (quand ce n’est pas sur sa seule volonté de puissance, comme c’était par exemple le cas chez le Marquis de Sade).

jean-claude michéa,entretien,décroissance,philosophie,philosophie politique,politologie,sciences politiques,théorie politiqueC’est d’ailleurs cette triste perversion libérale de l’esprit « libertaire » que Proudhon avait su décrire, dès 1858, comme le règne de « l’absolutisme individuel multiplié par le nombre de coquilles d’huîtres qui l’expriment ». Description, hélas, rétrospectivement bien prophétique et qui explique, pour une grande part, le désastreux naufrage intellectuel de la gauche occidentale moderne et, notamment, son incapacité croissante à admettre que la liberté d’expression c’est d’abord et toujours, selon la formule de Rosa Luxemburg, la liberté de celui qui pense autrement.

L’an passé, Le Monde libertaire vous a consacré quelques pages. S’il louait un certain nombre de vos analyses, il vous reprochait votre usage du terme « matriarcat », votre conception de l’internationalisme et de l’immigration, et, surtout, ce qu’il percevait comme une complaisance à l’endroit des penseurs et des formations nationalistes ou néofascistes – au prétexte qu’ils seraient antilibéraux et que cela constituerait votre clivage essentiel, quitte à fouler aux pieds tout ce qui, dans ces traditions, s’oppose brutalement à l’émancipation de chacune des composantes du corps social. Comprenez-vous que vous puissiez créer ce « malaise », pour reprendre leur terme, au sein de tendances (socialistes, libertaires, communistes, révolutionnaires, etc.) dont vous vous revendiquez pourtant ?

Passons d’abord sur l’idée grotesque – et visiblement inspirée par le courant féministe dit « matérialiste » – selon laquelle l’accumulation mondialisée du capital (dont David Harvey rappelait encore récemment qu’elle constituait la dynamique de base à partir de laquelle notre vie était quotidiennement façonnée) trouverait sa condition anthropologique première dans le développement du « patriarcat » – lui-même allègrement confondu avec cette domination masculine qui peut très bien prospérer, à l’occasion, à l’abri du matriarcat psychologique.

Une telle idée incite évidemment à oublier – comme le soulignait déjà Marx – que le processus d’atomisation marchande de la vie collective conduit, au contraire, « à fouler aux pieds toutes les relations patriarcales » et, d’une manière générale, à noyer toutes les relations humaines « dans les eaux glacées du calcul égoïste ».

« La conception de la solidarité internationale défendue par les fondateurs du mouvement ouvrier était impossible à confondre avec ce culte de la « mobilité » et de la « flexibilité » au cœur de l’idéologie capitaliste moderne. »

Passons également sur cette assimilation pour le moins hâtive (et que l’extrême gauche post-mitterrandienne ne songe même plus à interroger) de l’internationalisme du mouvement ouvrier originel à cette nouvelle idéologie « mobilitaire » (dont la libre circulation mondiale de la force de travail et le tourisme de masse ne représentent, du reste, qu’un aspect secondaire) qui constitue désormais – comme le rappelait Kristin Ross – « le premier impératif catégorique de l’ordre économique » libéral.

Mes critiques semblent avoir oublié, là encore, que l’une des raisons d’être premières de l’association internationale des travailleurs, au XIXe siècle, était précisément la nécessité de coordonner le combat des différentes classes ouvrières nationales contre ce recours massif à la main d’œuvre étrangère qui apparaissait déjà, à l’époque, comme l’une des armes économiques les plus efficaces de la grande bourgeoisie industrielle.

Comme le soulignaient, par exemple, les représentants du mouvement ouvrier anglais (dans un célèbre appel de novembre 1863 adressé au prolétariat français), « la fraternité des peuples est extrêmement nécessaire dans l’intérêt des ouvriers. Car chaque fois que nous essayons d’améliorer notre condition sociale au moyen de la réduction de la journée de travail ou de l’augmentation des salaires, on nous menace toujours de faire venir des Français, des Allemands, des Belges qui travaillent à meilleur compte ».

Naturellement, les syndicalistes anglais – étrangers, par principe, à toute xénophobie – s’empressaient aussitôt d’ajouter que la « faute n’en est certes pas aux frères du continent, mais exclusivement à l’absence de liaison systématique entre les classes industrielles des différents pays. Nous espérons que de tels rapports s’établiront bientôt [de fait, l’association internationale des travailleurs sera fondée l’année suivante] et auront pour résultat d’élever les gages trop bas au niveau de ceux qui sont mieux partagés, d’empêcher les maîtres de nous mettre dans une concurrence qui nous rabaisse à l’état le plus déplorable qui convient à leur misérable avarice » (notons qu’on trouvait déjà une analyse semblable des effets négatifs de la politique libérale d’immigration dans l’ouvrage d’Engels sur la situation de la classe laborieuse en Angleterre).

Comme on le voit, la conception de la solidarité internationale défendue par les fondateurs du mouvement ouvrier était donc un peu plus complexe (et surtout impossible à confondre avec ce culte de la « mobilité » et de la « flexibilité » qui est au cœur de l’idéologie capitaliste moderne) que celle du brave Olivier Besancenot ou de n’importe quel autre représentant de cette nouvelle extrême gauche qui apparaît désormais – pour reprendre une expression de Marx – « au-dessous de toute critique ».

jean-claude michéa,entretien,décroissance,philosophie,philosophie politique,politologie,sciences politiques,théorie politiqueQuant à l’idée selon laquelle ma critique du capitalisme entretiendrait un rapport ambigu, certains disent même structurel, avec le « néofascisme » – idée notamment propagée par Philippe Corcuff, Luc Boltanski et Jean-Loup Amselle –, elle me semble pour le moins difficile à concilier avec cet autre reproche (que m’adressent paradoxalement les mêmes auteurs) selon lequel j’accorderais trop d’importance à cette notion de common decency qui constituait aux yeux d’Orwell le seul fondement moral possible de tout antifascisme véritable.

Il est vrai que les incohérences inhérentes à ce type de croisade (dont le signal de départ avait été donné, en 2002, par la très libérale Fondation Saint-Simon, avec la publication du pamphlet de Daniel Lindenberg sur les « nouveaux réactionnaires ») perdent une grande partie de leur mystère une fois que l’on a compris que l’objectif premier des nouveaux évangélistes libéraux était de rendre progressivement impossible toute analyse sérieuse (ou même tout souvenir concret) de l’histoire véritable des « années trente » et du fascisme réellement existant.

« Faire place nette à cet “antifascisme” abstrait et instrumental sous lequel, depuis 1984, la gauche moderne ne cesse de dissimuler sa conversion définitive au libéralisme. »

Et cela, bien sûr, afin de faire place nette – ce qui n’offre plus aucune difficulté majeure dans le monde de Youtube et des « réseaux sociaux » – à cet « antifascisme » abstrait et purement instrumental sous lequel, depuis 1984, la gauche moderne ne cesse de dissimuler sa conversion définitive au libéralisme. Bernard-Henri Lévy l’avait d’ailleurs reconnu lui-même lorsqu’il écrivait, à l’époque, que « le seul débat de notre temps [autrement dit, le seul qui puisse être encore médiatiquement autorisé] doit être celui du fascisme et l’antifascisme ».

Or on ne peut rien comprendre à l’écho que le fascisme a pu rencontrer, tout au long du XXe siècle, dans de vastes secteurs des classes populaires, et des classes moyennes, si l’on ne commence pas – à la suite d’Orwell – par prendre acte du fait qu’il constituait d’abord, du moins dans sa rhétorique officielle, une forme pervertie, dégradée, voire parodique du projet socialiste originel (« tout ce qu’il y a de bon dans le fascisme – n’hésitait pas à écrire Orwell – est aussi implicitement contenu dans le socialisme »).

Ce qui veut tout simplement dire que cette idéologie ontologiquement criminelle (analyse qui vaudrait également pour les autres formes de totalitarisme, y compris celles qui s’abritent aujourd’hui sous l’étendard de la religion) trouvait, au même titre que le socialisme, son point de départ moral et psychologique privilégié dans le désespoir et l’exaspération croissante d’une partie des classes populaires devant cette progressive « dissolution de tous les liens sociaux » (Debord) que le principe de neutralité axiologique libéral engendre inexorablement (processus qu’Engels décrivait, pour sa part, comme la « désagrégation de l’humanité en monades dont chacune à un principe de vie particulier et une fin particulière »).

Naturellement, la fétichisation du concept d’unité nationale (qui ne peut qu’entretenir l’illusion d’une collaboration « équitable » entre le travail et le capital) et sa nostalgie romantique des anciennes aristocraties guerrières (avec son culte du paganisme, de la hiérarchie et de la force brutale) interdisaient par définition au fascisme de désigner de façon cohérente les causes réelles du désarroi ressenti par les classes populaires, tout comme la véritable logique de l’exploitation à laquelle elles se trouvaient quotidiennement soumises.

De là, entre autres, cet « antisémitisme structurel » (Robert Kurz) qui « ne fait que renforcer le préjugé populaire du “capital accapareur” rendu responsable de tous les maux de la société et qui, depuis deux cents ans, est associé aux juifs » (Robert Kurz ne manquait d’ailleurs pas de souligner, après Moishe Postone, que cet antisémitisme continuait d’irriguer, « de façon consciente ou inconsciente » – et, le plus souvent, sous le masque d’une prétendue solidarité avec le peuple palestinien – une grande partie des discours de l’extrême gauche contemporaine).

Il n’en reste pas moins que l’idéologie fasciste – comme c’était d’ailleurs déjà le cas, au XIXe siècle, de celle d’une partie de la droite monarchiste et catholique (on se souvient, par exemple, du tollé provoqué sur les bancs de la gauche par Paul Lafargue – en décembre 1891 – lorsqu’il avait osé saluer dans une intervention du député catholique Albert de Mun « l’un des meilleurs discours socialistes qui aient été prononcés ici ») – incorpore, tout en les dénaturant, un certain nombre d’éléments qui appartiennent de plein droit à la tradition socialiste originelle.

« On aurait le plus grand mal à trouver dans l’œuvre de Fassin une seule page qui puisse inciter les gens ordinaires à remettre en question la dynamique aveugle du capital. »

Tel est bien le cas, entre autres, de la critique de l’atomisation marchande du monde, de l’idée que l’égalité essentiellement abstraite des « citoyens » masque toujours le pouvoir réel de minorités qui contrôlent la richesse et l’information, ou encore de la thèse selon laquelle aucun monde véritablement commun ne saurait s’édifier sur l’exigence libérale de « neutralité axiologique » (d’ailleurs généralement confondue, de nos jours, avec le principe de « laïcité ») ni, par conséquent, sur ce relativisme moral et culturel « postmoderne » qui en est l’expression philosophique achevée (à l’inverse, on aurait effectivement le plus grand mal à trouver, dans toute l’œuvre d’Eric Fassin, une seule page qui puisse réellement inciter les gens ordinaires à remettre en question la dynamique aveugle du capital ou l’imaginaire de la croissance et de la consommation).

C’est naturellement l’existence de ces points d’intersection entre la critique fasciste de la modernité libérale (ou, d’une manière générale, sa critique « réactionnaire ») et celle qui était originellement portée par le mouvement ouvrier socialiste, qui allait donc permettre aux think tanks libéraux (Fondation Saint-Simon, Institut Montaigne, Terra Nova, etc.) de mettre très vite au point – au lendemain de la chute de l’empire soviétique – cette nouvelle stratégie Godwin (ou de reductio ad hitlerum) qui en est progressivement venue à prendre la place de l’ancienne rhétorique maccarthyste.

Stratégie particulièrement économe en matière grise – d’où le succès qu’elle rencontre chez beaucoup d’intellectuels de gauche – puisqu’il suffira désormais aux innombrables spin doctors du libéralisme de dénoncer rituellement comme « fasciste » (ou, à tout le moins, de nature à engendrer un regrettable « brouillage idéologique ») toute cette partie de l’héritage socialiste dont une droite antilibérale se montre toujours capable, par définition, de revendiquer certains aspects – moyennant, bien sûr, les inévitables ajustements que son logiciel inégalitaire et nationaliste lui impose par ailleurs.

À tel point que les représentants les plus intelligents de cette droite antilibérale ont eux-mêmes fini par comprendre, en bons lecteurs de Gramsci, tout le bénéfice qu’il leur était à présent possible de tirer de leurs hommages sans cesse plus appuyés – et sans doute parfois sincères – à l’œuvre de Marx, de Debord ou de Castoriadis.

Un tel type de récupération est, du reste, d’autant plus inévitable que le disque dur métaphysique de la gauche moderne – à présent « prisonnière de l’ontologie capitaliste » (Kurz) – ne lui permet plus, désormais, de regarder en face la moindre réalité sociologique concrète (comme dans le célèbre conte d’Andersen sur les Habits neufs de l’Empereur) et, par conséquent, de percevoir dans la détresse et l’exaspération grandissantes des classes populaires (qu’elle interprète nécessairement comme un signe de leur incapacité frileuse à s’adapter « aux exigences du monde moderne ») tout ce qui relève, au contraire, d’une protestation légitime (je renvoie ici au remarquable essai de Stephen Marglin sur The Dismal science) contre le démantèlement continuel de leurs identités et de leurs conditions matérielles de vie par la dynamique transgressive du marché mondialisé et de sa culture « postmoderne » (« cette agitation et cette insécurité perpétuelles » – écrivait déjà Marx – « qui distinguent l’époque bourgeoise de toutes les précédentes »).

« La nouvelle stratégie Godwin apparaît bien comme l’héritière directe de la “Nouvelle Philosophie” de la fin des années soixante-dix. »

jean-claude michéa,entretien,décroissance,philosophie,philosophie politique,politologie,sciences politiques,théorie politiqueDe là, bien entendu, l’étonnante facilité avec laquelle il est devenu aujourd’hui possible de discréditer a priori toutes ces mises en question de la logique marchande et de la société du Spectacle qui, il y a quelques décennies encore, étaient clairement le signe d’une pensée radicale – qu’il s’agisse de l’École de Francfort, de l’Internationale situationniste ou des écrits d’Ivan Illich.

Si, par exemple, le Front National – tournant le dos à la rhétorique reaganienne de son fondateur – en vient, de nos jours, à soutenir l’idée que les politiques libérales mises en œuvre par la Commission européenne, et le déchaînement correspondant de la spéculation financière internationale, sont l’une des causes majeures du chômage de masse (tout en prenant évidemment bien soin de dissocier ce processus de financiarisation « néolibéral » des contradictions systémiques que la mise en valeur du capital productif rencontre depuis le début des années soixante-dix), on devra donc désormais y voir la preuve irréfutable que toute critique de l’euro et des politiques menées depuis trente ans par l’oligarchie bruxelloise ne peut être que le fait d’un esprit « populiste », « europhobe » ou même « rouge-brun » (et peu importe, au passage, que le terme d’« europhobie » ait lui-même été forgé par la propagande hitlérienne, au cours de la Seconde Guerre mondiale, dans le but de stigmatiser la résistance héroïque des peuples anglais et serbe à l’avènement d’une Europe nouvelle !).

En ce sens, la nouvelle stratégie Godwin apparaît bien comme l’héritière directe de la « Nouvelle Philosophie » de la fin des années soixante-dix. À ceci près, que là où un Glucksmann ou un BHL se contentaient d’affirmer que toute contestation radicale du capitalisme conduisait nécessairement au Goulag, la grande innovation théorique des Godwiniens aura été de remplacer la Kolyma et les îles Solovski par Auschwitz, Sobibor et Treblinka. De ce point de vue, Jean-Loup Amselle – avec son récent pamphlet sur les « nouveaux Rouges-Bruns » et le « racisme qui vient » – est incontestablement celui qui a su conférer à ces nouveaux « éléments de langage » libéraux une sorte de perfection platonicienne.

Au terme d’une analyse fondée sur le postulat selon lequel « la culture n’existe pas, il n’y a que des individus » (hommage à peine voilé à la célèbre formule de Margaret Thatcher), il réussit, en effet, le tour de force de dénoncer dans le projet d’une « organisation sociale et économique reposant sur les principes d’échange non marchand, de don, de réciprocité et de redistribution » – autrement dit dans le projet socialiste traditionnel – l’une des incarnations les plus insidieuses, du fait de son supposé « primitivisme », de cette « posture rouge-brune qui fait le lit du Front national et de Riposte laïque » (il est vrai qu’aux yeux de cet étrange anthropologue de gauche, les partisans de la décroissance, les écologistes et les « anarchistes de tout poil » avaient déjà, depuis longtemps, largement contribué à cette lente fascisation des esprits).

Le fait qu’une pensée aussi délirante ait pu rencontrer un écho favorable auprès de tant d’« antifascistes » auto-proclamés (pour ne rien dire des éloges dithyrambiques d’un Laurent Joffrin) nous en apprend donc énormément sur l’ampleur du confusionnisme qui règne aujourd’hui dans les rangs de la gauche et de l’extrême gauche post-mitterrandiennes – mouvement anarchiste compris.

« Je suis sincèrement désolé pour tous ces braves policiers de la pensée qui ne font, après tout, que le travail pour lequel l’Université les paye. »

jean-claude michéa,entretien,décroissance,philosophie,philosophie politique,politologie,sciences politiques,théorie politiqueEt, comme par hasard, c’est précisément dans un tel contexte idéologique – contexte dans lequel tous les dés ont ainsi été pipés d’avance – que tous ceux qui tiennent la critique socialiste de Marx, d’Orwell ou de Guy Debord pour plus actuelle que jamais et contestent donc encore, avec un minimum de cohérence, le « monde unifié du capital » (Robert Kurz), se retrouvent désormais sommés par les plus enragés des « moutons de l’intelligentsia » (Debord) de s’expliquer en permanence sur la « complaisance » que cette critique entretiendrait nécessairement avec les idéologies les plus noires du XXe siècle.

Avec à la clé – j’imagine – l’espoir des évangélistes libéraux d’amener ainsi tous ces mauvais esprits à mettre, à la longue, un peu d’eau dans leur vin, de peur de passer pour « passéistes » ou « réactionnaires ». Tout comme, sous le précédent règne du maccarthysme, c’était, à l’opposé, la peur d’être assimilés à des « agents de Moscou » qui était censée paralyser les esprits les plus critiques.

Il se trouve hélas (et j’en suis sincèrement désolé pour tous ces braves policiers de la pensée qui ne font, après tout, que le travail pour lequel l’Université les paye) qu’il y a déjà bien longtemps que j’ai perdu l’habitude de me découvrir – dans la crainte et le tremblement – devant chaque nouvelle procession du clergé « progressiste » (ou, si l’on préfère, devant chaque nouvelle étape du développement capitaliste). Mais n’est-ce pas George Orwell lui-même qui nous rappelait qu’« il faut penser sans peur » et que « si l’on pense sans peur, on ne peut être politiquement orthodoxe » ?

Ballast

jeudi, 19 février 2015

Chantal Delsol réhabilite le populisme...

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Chantal Delsol, auteur de l'essai intitulé Populisme, les demeurés de l'histoire (Rocher, 2015), était reçu le 12 février 2015 par Martial Bild, dans le cadre du journal de TV Libertés. Elle a évoqué à cette occasion la question du populisme au travers de la rupture entre les élites et le peuple...

 

mercredi, 18 février 2015

DIEGO FUSARO: La globalizzazione come falsa multiculturalità

DIEGO FUSARO: La globalizzazione come falsa multiculturalità

 

mardi, 17 février 2015

DIEGO FUSARO: Bernard-Henri Lévy e i "Nouveaux Philosophes"

DIEGO FUSARO: Bernard-Henri Lévy e i "Nouveaux Philosophes"

 

dimanche, 15 février 2015

Io, Limonov. Noi siamo l’Europa. E l’Ucraina è un’invenzione

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Io, Limonov. Noi siamo l’Europa. E l’Ucraina è un’invenzione

di Paolo Valentino

Fonte: Corriere della Sera

«Nell’ultimo anno la società russa è cambiata radicalmente. Abbiamo vissuto più di due decenni di umiliazioni, come Paese e come popolo. Abbiamo subìto sconfitta dopo sconfitta. Il Paese che i russi avevano costruito, l’Unione Sovietica, si è suicidato. È stato un suicidio assistito da stranieri interessati. Per 23 anni siamo stati in piena depressione collettiva. Il popolo di un grande Paese ha un costante bisogno di vittorie, non necessariamente militari, ma deve vedersi vincente. La riunione della Crimea alla Russia è stata vista dai russi come la vittoria che ci era mancata per così tanto tempo. Finalmente. È stata qualcosa di paragonabile alla Reconquista spagnola».

vol07.jpgÈ stato tutto nella sua vita, Eduard Veniaminovich Savenko, alias Eduard Limonov. Teppista di periferia, giornalista, forse agente del Kgb, mendicante, vagabondo, maggiordomo di un nababbo progressista americano, poeta, scrittore à la page nei salon parigini, dissidente, irresistibile seduttore, cecchino nelle Tigri di Arkan durante la decomposizione della Jugoslavia, leader politico, fondatore del Partito nazional-bolscevico, prima di vederlo sciolto e di creare L’Altra Russia.

Ma Limonov, aspro come l’agrume da cui viene il suo pseudonimo, è soprattutto un antieroe, un esteta del gesto, un outsider che ha sempre scelto di proposito la parte sbagliata, senza mai essere un perdente. Al fondo, Eduard Limonov è un grande esibizionista, che però non ha mai avuto paura di rischiare e di pagare prezzi anche molto alti, per tutti i due anni di prigionia, culminati nel 2003 nei due mesi trascorsi nella colonia penale numero 13, nelle steppe intorno a Saratov. Può quindi sembrare paradossale che, per la prima volta nella sua vita spericolata, il personaggio reso celebre dall’omonimo libro di Emmanuel Carrère si ritrovi non più ai margini, non più nelle catacombe della conversazione nazionale russa, eccentrico carismatico in grado di appassionare poche decine di desperados, ma sia in pieno mainstream, aedo dell’afflato nazionalista, che i fatti d’Ucraina e la reazione dei Paesi occidentali hanno acceso nello spirito collettivo della nazione.

Limonov riceve «la Lettura» nel suo piccolo appartamento nel centro di Mosca, non lontano dalla Piazza Majakovskij. Un giovane alto e robusto viene a prenderci per strada, accompagnandoci su per le scale. Un altro marcantonio ci apre la porta blindata. Sono i suoi militanti, che gli fanno da guardie del corpo. Avrà anche 71 anni, ma a parte i capelli argentei, ne dimostra venti di meno. Magro, il volto affilato, il famoso pizzo, l’orecchino, è tutto vestito di nero, pantaloni attillati e giubbotto senza maniche su golf a collo alto. Parla con una voce sottile, leggermente stridula. Ha modi molto miti e gentili, totalmente fuori tema con i furori che hanno segnato la sua vita. «Voi occidentali non state capendo nulla », esordisce, mentre offre una tazza di tè.

Che cosa non capiamo?
«Che il Donbass è popolato da russi. E che non c’è alcuna differenza con i russi che abitano nelle regioni sud-occidentali della Federazione, come Krasnodar o Stavropol: stesso popolo, stesso dialetto, stessa storia. Putin sbaglia a non dirlo chiaramente agli Usa e all’Europa. È nel nostro interesse nazionale».

Quindi l’Ucraina per lei è Russia?
«Non tutta. L’Ucraina è un piccolo impero, è composta dai territori presi alla Russia e da quelli presi a Polonia, Cecoslovacchia, Romania e Ungheria. I suoi confini sono le frontiere amministrative della Repubblica Socialista Sovietica dell’Ucraina. Non sono mai esistiti. È territorio immaginario che, ripeto, esisteva solo a scopi burocratici. Prenda Leopoli, cosiddetta capitale del nazionalismo ucraino: lo sapeva che l’Ucraina l’ha ricevuta nel 1939 per effetto della firma del Patto Molotov-Ribbentrop? In quel momento il 57% della popolazione era polacca, il resto erano ebrei. Di ucraini poche tracce. Il Sud del Paese poi venne dato all’Ucraina dopo essere stato conquistato dall’Armata Rossa. Questa è la storia. Ma quando l’Ucraina ha lasciato l’Urss non ha restituito quei territori, a cominciare dalla Crimea ovviamente, che le era stata regalata da Krusciov nel 1954. Non capisco perché Putin abbia ancora paura di dire che Donbass e Russia sono la stessa cosa».

Forse perché ci sono confini riconosciuti a livello internazionale.
«A nessuno fregò nulla dei confini internazionalmente riconosciuti nel 1991, quando l’Unione Sovietica fu sciolta. Qualcuno disse qualcosa? No. Questa è la mia accusa all’Occidente: applica due standard alle relazioni internazionali, uno per i Paesi come la Russia e uno per se stesso. Non ci sarà pace in Ucraina fin quando non lascerà libere le colonie, intendo il Donbass. L’errore di Putin è non dirlo apertamente».

Forse Putin fa così perché non vuole annettere il Donbass come ha fatto con la Crimea, perché sono solo problemi.
«Forse lei ha ragione. Forse non avrebbe voluto neppure la Crimea. Ma il problema è suo, gli piaccia o meno. È il capo di Stato della Russia. E rischia la reputazione».

Non si direbbe, a giudicare dalla sua popolarità, che rimane superiore all’80%.
«È ancora l’effetto inerziale della Crimea. Ma se abbandonasse il Donbass al suo destino, lasciandolo a Kiev, con migliaia di volontari russi sicuramente destinati a essere uccisi, la sua popolarità si scioglierebbe come neve al sole. Non sembra, ma Putin è in un angolo».

Che cosa farà, secondo lei?
«Reagisce bene. Si sta radicalizzando. Ha capito che gli accordi di Minsk sono una balla, aiutano solo il presidente ucraino Poroshenko. Anche se controvoglia, dovrà agire. Quando un anno fa emerse il problema della Crimea, Putin era preso dall’Olimpiade di Sochi, che considerava l’impresa della vita. Era felice. Ma fu obbligato a usare i piani operativi dell’esercito russo, che ovviamente esistevano da tempo. Certo la Crimea è stata la sua vittoria, anche se malgré lui. Il Donbass non era affatto nel suo orizzonte. In Occidente tutti lo accusano di volerlo annettere, in realtà è molto esitante».

Limonov-mes-prisons.jpegDopo l’Ucraina quale sarà il prossimo territorio da riconquistare, i Paesi baltici?
«Intanto non penso che i Paesi baltici abbiano nulla a che fare con la Russia. Quanto all’Ucraina, credo che dovrebbe esistere come Stato, composto dalle nove province occidentali che possono essere considerate ucraine. Non sarò io a negare la loro cultura eccezionale e la loro bella lingua. Ma, ripeto, lascino i territori russi».

Lei lo ha attaccato molto in passato: Putin è o no il leader giusto per la Russia?
«Siamo un regime autoritario. E Putin è il leader che ci ritroviamo. Non c’è alcuna possibilità di mandarlo via. Ma c’è una differenza tra il Putin dei due primi mandati e quello di oggi. Il primo fu pessimo, soprattutto impegnato a gestire il suo complesso d’inferiorità del piccolo ufficiale del Kgb. Gli piaceva la compagnia dei leader internazionali, Bush junior, Schröder, Berlusconi. Ma nel tempo ha imparato. È migliorato. Ha detto addio alle luci del varietà e si è messo al lavoro sul serio. Vive tempi difficili, ma fa ciò che è necessario. E non è possibile oggi chiedergli di non essere autoritario».

Ma la Russia può non essere un Paese autoritario?
«Se Obama continua a dire che ci devono punire, ci costringe a darci dei leader autoritari».

Che cos’è per lei la Russia?
«La più grande nazione europea. Siamo il doppio dei tedeschi. A dirla tutta, noi siamo l’Europa. La parte occidentale è una piccola appendice, non solo in termini di territorio, ma anche di ricchezze».

Per la verità l’Ue è la prima potenza commerciale al mondo.
«Ci sono cose più importanti del commercio e dei mercati».

Ma se siete la più grande potenza europea, perché siete così nazionalisti?
«Non siamo più nazionalisti di francesi o tedeschi. Siamo una potenza più imperiale che nazionalista. Le ricordo che in Russia vivono più di 20 milioni di musulmani, ma non sono immigrati, sono qui da sempre. Noi siamo anti-separatisti. Certo, in Russia c’è anche un nazionalismo etnico, per fortuna minoritario, ma per noi significa soltanto guai. Io non sono un nazionalista russo, non lo sono mai stato. Mi considero un imperialista, voglio un Paese con tante diversità ma riunito sotto la civiltà, la cultura e la storia russe. La Russia può esistere solo come mosaico».

Ma siete o no parte del mondo occidentale?
«Non è importante. È una questione dogmatica, senza significato reale. La Corea del Sud è parte del mondo occidentale? No, eppure viene considerata come tale. Dov’è la frontiera dell’Occidente? Non è rilevante per i russi».

Che cosa contraddistingue l’identità russa?
«La nostra storia. Noi non siamo migliori degli altri, ma non siamo neppure peggiori. Non accettiamo di essere trattati come inferiori, snobbati o peggio umiliati. Questo ci fa molto arrabbiare. È il nostro stato d’animo attuale».

Ma, per esempio, l’Occidente si richiama ai valori della Rivoluzione francese, democrazia, divisione dei poteri, diritti umani. La democrazia è parte dei vostri valori?
«Per i russi la nozione più importante e fondamentale è quella di spravedlivost, che significa giustizia, nel senso di giustizia sociale, equità, avversione alle disuguaglianze. Penso che la nostra spravedlivost sia molto vicina a quella che voi chiamate democrazia».

Le sanzioni e la crisi economica possono minacciare il consenso di Putin?
«Penso che l’economia nel mondo di oggi sia sopravvalutata. Il motore della storia sono le passioni. Alle pressioni economiche si può resistere. E resisteremo. Certo Putin deve fare la sua parte in Donbass. Guardi alla nostra storia: l’assedio di Leningrado, la battaglia di Stalingrado. Possiamo farcela. In molti hanno provato a colpirci, da Napoleone a Hitler. Ma l’orgoglio nazionale russo pesa più delle politiche economiche e credo di conoscere bene il carattere del mio popolo».


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jeudi, 12 février 2015

Emir Kusturica : « L’Ukraine, un remake de la Yougoslavie »

bih1.jpgEmir Kusturica : « L’Ukraine, un remake de la Yougoslavie »

 
Le Cinéaste, musicien, écrivain, acteur serbe, Emir Kusturica

Rencontrer le cinéaste franco-serbe, c’est l’assurance d’un entretien nourri par l’actualité, les questions de géopolitique internationale et les méfaits de la mondialisation capitaliste. Emir Kusturica, auteur d’un recueil de nouvelles paru le 7 janvier, « Étranger dans le mariage », n’est jamais avare de lumineuses digressions.

D’ordinaire, Emir Kusturica exploite sa fibre artistique dans la musique et le cinéma : le guitariste du No Smoking Orchestra est aussi le lauréat de deux palmes d’or pour « Papa est en voyage d’affaires » et « Underground ». Le cinéaste franco- serbe s’était déjà essayé à la littérature dans une autobiographie, « Où suis-je dans cette histoire ? ». Il tente aujourd’hui une incursion dans la fiction avec « Étranger dans le mariage », un recueil de six nouvelles autour de la famille, de la guerre et de l’absurdité du quotidien dans la Yougoslavie des années 1970. Certes, les récits apparaissent très inégaux et la truculence de Kusturica, pourtant très cinématographique, peine à provoquer les mêmes émotions qu’à l’écran. Reste que s’il ne réussit pas tout à fait son passage à l’écrit, il demeure une voix singulière incontournable face au formatage des choses de l’esprit.

HD. Pourquoi avez-vous choisi de vous exprimer par le biais de la littérature ?

EMIR KUSTURICA. J’ai compris que je pouvais être créatif en réalisant mon film « Guernica » pendant mes études à l’école de cinéma de Prague. Depuis, ma créativité n’a jamais cessé. J’ai eu la chance de me trouver. Je peux mettre en place ma vie en rapport avec mes différents projets. Depuis mes premiers films, j’ai une bonne relation avec le public. C’est probablement parce que je ne cherchais pas à communiquer mais à faire mes films. J’explore au plus profond mon histoire familiale. J’essaie d’aller vers l’obscurité. Mais cela tient d’abord à un désir. L’art est certes l’aboutissement d’une communication mais l’artiste ne communique pas avec le public mais avec son propre besoin de créer.

HD. Pour quelles raisons vos histoires sont-elles si personnelles ?

E. K. Je suis très lié au langage cinématographique du début des années 1970. Ce sont des années dorées pour le cinéma et l’art en général. Les États-Unis, qui façonnent le monde militairement et artistiquement, étaient dans les années 1970 beaucoup plus libres qu’aujourd’hui. Après le Vietnam, il y a eu beaucoup de films sur la guerre perdue des Américains. Depuis, l’expression libre est devenue une expression contrôlée. Aujourd’hui, la NSA (Agence nationale de sécurité – NDLR) écoute tous les citoyens américains. C’est effrayant. Dans les années 1970, l’Amérique parlait du fascisme, du nazisme. Souvenez-vous de « Cabaret », le film de Bob Fosse, de « Macadam Cowboy », de « Cinq pièces faciles ». Il y avait presque une philosophie existentialiste, parlant librement de la vie, de la défaite au Vietnam, écrivant des livres. Et puis patatras, au cinéma, George Lucas a commencé à recréer l’univers, Spielberg a fait ses « ET ». La conception de Ronald Reagan de divertir l’esprit, en particulier des Américains pour les éloigner d’une position critique, et de transformer les films en pur divertissement l’a emporté. Les gens qui ont continué à faire ce qu’ils voulaient ont été marginalisés, leurs films peu ou mal diffusés. Aujourd’hui, nous en subissons toujours les conséquences. En Europe, le cinéma est davantage tourné vers le cinéma d’auteur. Mais la pression économique rend les auteurs de plus en plus politiquement corrects.

« L’UKRAINE MARQUE UN TOURNANT. LA RUSSIE N’ACCEPTE PLUS SON ENCERCLEMENT AVEC L’ÉLARGISSEMENT CONTINU DE L’OTAN. »

HD. Que vous inspirent les événements en Ukraine ?

E. K. La guerre humanitaire est en fait une légalisation de la guerre. Wall Street dépend de la guerre. La valeur psychologique d’une action dépend de la manière dont vous êtes agressif dans certaines parties du monde. Plusieurs guerres, de tailles réduites, se déroulent un peu partout à travers la planète. Désormais, l’option des conflits de basse intensité apparaît épuisée. Et l’Ukraine marque un tournant. La Russie n’accepte plus son encerclement avec l’élargissement continu de l’OTAN. L’idéologue américain Zbigniew Brzezinski a largement écrit sur « l’enjeu eurasien », capital à ses yeux, à savoir la maîtrise et la colonisation de la Russie et de l’espace ex-soviétique. L’Ukraine est donc une première étape vers ce démantèlement imaginé par Brzezinski.

HD. Ne vous rappelle-t-il pas ce qui s’est produit en ex-Yougoslavie ?

E. K. À Kiev, l’histoire des snipers qui ont ouvert le feu sur la place Maïdan ressemble de manière troublante aux événements de Sarajevo en 1992. Durant le siège de la ville, des tireurs isolés ont terrorisé les habitants et personne à Sarajevo ne savait d’où venaient ces snipers. Exactement comme à Kiev. On ne sait toujours pas qui a ouvert le feu sur les manifestants et les forces de l’ordre. Aujourd’hui, une autre vérité que celle imposée par les médias apparaît. C’est ce que tentait de décrire mon film « Underground » : une autre réalité. Il a été réalisé en 1995. La vérité sur ces deux événements, les dirigeants la connaissent. Ils en sont même parties prenantes et essaient de nous abuser en feignant d’être des imbéciles. Les grandes puissances jouent sur un échiquier où l’Ukraine et l’ex-Yougoslavie apparaissent comme des pions. Il s’agit d’une répétition d’un scénario qui s’est produit en Yougoslavie et a mené à son éclatement pour des enjeux similaires : l’extension de l’OTAN et de l’UE. La construction de l’UE est responsable des deux drames. Afin de s’agrandir et accroître son influence, elle divise les États pour imposer sa loi à de petits territoires. Pour moi, ce qui est inacceptable, c’est que les gens s’en accommodent. Heureusement, il y a des instants d’espoir.

« LES ÉTATS-UNIS ET LE CAMP ATLANTISTE IMPOSENT LEUR VÉRITÉ ET SE COMPORTENT EN VAINQUEURS DE LA GUERRE FROIDE. »

L’arrivée au pouvoir des communistes en Grèce en fait partie. Leur victoire est historique et peut, comme en Amérique latine, porter un véritable élan. Ce phénomène se répétera dans les années qui viennent. La montée de l’extrême droite et des partis fascistes, voire nazis comme en Ukraine où ils sont au pouvoir, créera en face une résistance. Le clash est inévitable.

HD. L’hystérie de la presse à l’égard de la Russie et de Poutine vous rappelle le traitement médiatique à l’égard des Serbes durant la guerre de Yougoslavie ?

milo60360.jpgE. K. Cela a été le point de départ. En 1992, les divers acteurs ont mis en avant certains aspects pour créer une atmosphère favorisant un conflit. Ils ont ensuite légalisé une intervention au nom de l’aide humanitaire. Toute possibilité de paix a été écartée et la Yougoslavie a été démembrée à leur guise, laissant Slobodan Milosevic pour seul responsable. Le Kosovo est un bel exemple de leur mensonge et de leur justice aléatoire. Ils ont soutenu la séparation de cette région au nom du droit des peuples mais la refusent à la Crimée ! Les États-Unis et le camp atlantiste imposent leur vérité car ils se comportent en vainqueurs de la guerre froide. Ils estiment avoir triomphé du marxisme et tué le communisme.

Tous les événements qui ont suivi la chute du mur de Berlin révèlent les fausses promesses faites à Mikhaïl Gorbatchev sur la non-extension de l’OTAN. Cela résume leur conception de la diplomatie pour assurer leur suprématie. L’extension de l’orbite euro-atlantique est impérative. Le siècle qui vient pour les États-Unis sera un tournant. L’accroissement de leur richesse et de leur influence dépend de leur domination du modèle libéral. Ce modèle qu’ils ont imposé au reste de la planète à travers la mondialisation est fondé sur la compétition, l’exploitation et les inégalités. Cette compétition, les États-Unis ne pourront plus la remporter indéfiniment avec la montée de puissances émergentes. Devant cette phase de déclin, ils trichent. Mais ils n’avaient pas prévu que l’Eurasie se dresserait contre la domination de l’euro-atlantisme. La proximité géographique compte et la Russie et la Chine finiront par coopérer.

HD. Vous critiquez beaucoup le capitalisme, pourquoi alors avoir participé à une fête à Davos ?

E. K. J’étais à Davos pour une banque russe. J’avais besoin d’argent pour payer les musiciens de mon festival de Kunstendorf. On m’a donné beaucoup d’argent, avec lequel j’ai pu financer ce festival.

Entretien réalisé par VADIM KAMENKA et MICHAËL MÉLINARD

L’Humanité Dimanche, 5 FÉVRIER, 2015

KUSTURICA EN CINQ FILMS
1985. « Papa est en voyage D’affaires ». Pour son deuxième long métrage, le réalisateur, alors yougoslave, décroche sa première palme d’or, à seulement 31 ans.
1989. « Le temps des gitans ». il reçoit le prix de la mise en scène à Cannes.
1993. « Arizona Dream ». Pour sa première expérience américaine, Emir Kusturica s’offre un casting de rêve (Johnny Depp, Jerry Lewis, faye Dunaway) et fait voler des poissons sur une chanson d’iggy Pop. il est récompensé par un ours d’argent à Berlin.
1995. « UnDergroUnD ». il obtient sa deuxième palme d’or avec cette fresque historico-familiale de la Yougoslavie sur 50 ans, des années
1940 jusqu’à son éclatement dans les années 1990. Le film déclenche une polémique autour du caractère supposé pro-serbe de l’oeuvre.
1998. « CHat noir, CHat BLanC ». après avoir un temps songé à arrêter de tourner, Kusturica revient à la réalisation avec un film apaisé et décroche le lion d’argent du meilleur réalisateur à Venise.
A Lire :
« ÉTRANGER DANS LE MARIAGE », D’EMIR KUSTURICA, TRADUIT DU SERBO-CROATE PAR ALAIN CAPPON. ÉDITIONS JC LATTÈS, 270 PAGES, 20 EUROS.
 

mercredi, 11 février 2015

Bassam Tahhan: "En Syrie, Bachar Al-Assad est légitime"

 

TVL : Bassam Tahhan:

"En Syrie, Bachar Al-Assad est légitime"

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lundi, 09 février 2015

Entretien avec le survivaliste Piero San Giorgio

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dimanche, 08 février 2015

Laurent Ozon: Reconstruire sur des ruines

Reconstruire sur des ruines : Emmanuel Ratier reçoit Laurent Ozon

Emission enregistrée le 15 octobre 2014

Dans son Libre Journal de la Résistance Française, Emmanuel Ratier recevait le 15 octobre Laurent Ozon, fondateur de Maison Commune, un mouvement de pensée d'inspiration localiste, protectionniste et écologiste, et, en septembre 2014, du Mouvement pour la Remigration (le discours inaugural tenu lors de la journée de fondation de ce mouvement est disponible sur cette chaine vidéo).

Sous l’intitulé « Reconstruire sur des ruines », la discussion s’articulait autour du livre que vient de faire paraître Laurent Ozon aux éditions Bios : « France, les années décisives ».

Partants du constat dramatique de la situation où se trouve aujourd’hui la France, entre crise économique et identitaire, faillite financière et éthique, ensauvagement et submersion migratoire, situation provoquée par plus de trente années de politique lamentable et destructrice, de gauche comme de droite, Laurent Ozon et Emmanuel Ratier évoquaient l’avenir et les conséquences inévitables qui ne peuvent que découler d’une telle catastrophe voulue, organisée par nos chères « élites ».

Sûr du fait que le rebond français ne peut qu’arriver, qu’il est seulement une question de temps, et pourrait d’ailleurs arriver bien plus rapidement qu’on ne le pense, compte tenu de l’emballement toujours possible des évènements économiques et géopolitiques aux niveaux européen ou mondial, Laurent Ozon envisage et travaille à des solutions pragmatiques dans tout un tas de domaines à même de permettre au peuple français de reprendre la main, notamment en matière d’écologie et de production, avec la relocalisation industrielle et agricole, ou en matière d’identité et de civilisation, avec non seulement l’arrêt de l’immigration, mais plus encore la remigration vers leurs pays d’origine des populations allogènes qui ne se sont pas intégrées dans le creuset français.

Une discussion prospective et positive passionnante, à même de nous permettre de mieux appréhender les années qui s’annoncent, et qui risquent fort, comme le dit Laurent Ozon, d’être décisives.

Marc LEROY – La Plume à Gratter

« Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux » La Boétie

www.laplumeagratter.fr

Les Etats-Unis, évincés d’Asie centrale?

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Les Etats-Unis, évincés d’Asie centrale?

Entretien avec le Dr. Johannes Hübner, député du Nationalrat autrichien, spécialiste des questions internationales. Sur l’Axe Moscou-Pékin. Sur la situation géopolitique en Asie orientale et en Asie centrale

Propos recueillis par Bernhard Tomaschitz

Q. : Dans le sillage du sommet de la Coopération Economique pour l’Asie-Pacifique, on a assisté à un nouveau rapprochement entre la Russie et la Chine. Peut-on dorénavant parler d’un « Axe stratégique Moscou-Pékin » ?

JH : Cet axe stratégique existe déjà depuis cinq ou six ans au moins. Jusqu’ici, il se concrétisait principalement dans l’Organisation de Coopération de Shanghai. Dorénavant, en effet, on devra évoquer une pluralité de liens entre les deux géants eurasiens : sur ce chapitre, il faudra surtout souligner les deux accords importants sur l’énergie, celui qui a été conclu en mai et celui qui vient d’être signé en novembre 2014. Ces deux accords renforcent puissamment les liens entre les deux économies. Plusieurs indices semblent accréditer désormais la thèse que la Chine considère in fine qu’une coexistence harmonieuse avec les Etats-Unis n’est plus possible sur le long terme. Voilà pourquoi, elle mise aujourd’hui sur la Russie malgré les désavantages qu’il y a à chercher en ce moment même une alliance avec Moscou.

Q. : Et quels seraient ces désavantages ?

JH : Il faut aller les chercher dans le domaine économique : face à cette nouvelle alliance eurasienne, les Etats-Unis vont essayer de saboter de leur mieux les accords de libre-échange que la Chine a forgé avec les Etats de toute la région extrême-orientale, surtout avec la Corée du Sud et le Japon, et dans le cadre des accords ASEAN. Il faudra aussi s’attendre à ce que le langage médiatique se fasse plus rude à l’endroit de la Chine, ce qui signifie que l’on entendra à nouveau parler du Tibet, des droits de l’homme en Chine, de l’opposition qui s’agite à Hong Kong ou d’autres thématiques similaires.

Q. : A quelles mesures faudra-t-il encore s’attendre, car on ne peut tout de même pas partir du principe que les Etats-Unis vont baisser les bras et se borner à observer une situation contraire à leurs intérêts, où la Chine et la Russie coopèreront toujours davantage en les excluant de leur jeu ?

JH : Il y a déjà une chose que l’on peut observer depuis plus d’un an, c’est l’aggravation du conflit pour les groupes d’îles de la Mer de Chine du Sud. Officiellement, et pour la galerie, les Etats-Unis préconisent une politique de « désescalade ». Ils ne cessent d’affirmer qu’ils mettront tout en œuvre pour que les conflits trouvent une solution par le dialogue. Mais, en coulisses, ils chercheront à renforcer les Etats qui prendront des positions fermes et tranchées face à la Chine. Ils essaieront à coup sûr d’exercer toute leur influence sur les Philippines, où existe certes un ressentiment hostile aux Américains mais où l’on se méfie aussi des menées chinoises parce que la Chine est un puissant voisin et que les Philippines abritent une forte minorité chinoise. Avec le Vietnam, ce sera moins facile. En effet, malgré les manifestations brutales de nationalisme antichinois de ces derniers temps, où des magasins de citoyens vietnamiens d’origine chinoise ont été saccagés et incendiés, les gouvernements des deux pays restent communistes et sont donc plus proches qu’on ne pourrait bien l’imaginer. Chinois et Vietnamiens ne changeront vraisemblablement pas de politique.

chinaNavy_1551150c.jpgQ. : La Chine craint d’être encerclée par les Etats-Unis ; Washington cherche à installer un système antimissiles en Asie orientale, sous le prétexte du danger nord-coréen. Dans quelle mesure ces plans pourront-ils contribuer à envenimer le climat dans l’espace Asie-Pacifique ?

JH : Il faut d’abord attendre pour voir si ce système antimissiles se mettra vraiment en place. N’oublions pas que le fameux bouclier antimissiles, prévu, disait-on dans les milieux atlantistes, pour contrer les fusées iraniennes, n’a jamais vraiment été installé en Europe centrale et orientale. Le plus important aujourd’hui est, me semble-t-il, d’observer comment se développeront les futures relations sino-japonaises. On a pu assister à un certain dégel pendant le sommet de la Coopération économique pour l’Asie-Pacifique mais cet apaisement circonstanciel ne me semble guère significatif ; on ne perçoit pas encore clairement de quel côté viendront les gestes d’apaisement : d’un Japon très influencé par les Etats-Unis qui a tendance, sous cette pression constante, à adopter des positions hostiles à l’égard de la Chine et à provoquer délibérément son voisin continental ? D’une Chine qui, pour des raisons de politique intérieure et parce que les sentiments antijaponais persistent, préfèrera jouer la carte antijaponaise car celle-ci est plus facilement « articulable » qu’un anti-américanisme frontal ? Adopter une politique délibérément anti-américaine est dangereuse pour la Chine, bien plus dangereuse que d’utiliser la vieille image de l’ennemi japonais, héritée de la deuxième guerre mondiale.

Q. : Dans les futurs échanges gaziers entre Russes et Chinois, que vous avez maintes fois évoqués, les factures seront établies en roubles ou en renminbi. Cette décision doit alarmer les Etats-Unis car ce choix est une attaque directe contre le dollar qui, jusqu’ici, était la devise mondiale adoptée pour les échanges internationaux…

JH : C’est le cas, effectivement. Russes et Chinois conçoivent bel et bien ce choix de devises nouvelles comme une déclaration de guerre au système économique mondial dominé jusqu’ici par les Américains. Nous devons toutefois attendre et voir si cette facturation en roubles ou en renminbi pourra ou non s’imposer sur le long terme. L’accord énergétique ne prévoit pas, expressis verbis, que les factures ne seront établies qu’en devises locales ; plus exactement, il est dit qu’elles pourront, le cas échéant, être établies en devises locales, si les tractations commerciales réciproques le permettent. La Chine avait déjà pratiqué la même politique avec d’autres partenaires commerciaux comme la Mongolie ou certains Etats d’Asie centrale. Elle tente donc bel et bien d’internationaliser le renminbi. Mais ses tentatives sont très prudentes car l’internationalisation du yuan exposerait celui-ci, et avec lui l’économie chinoise, aux spéculateurs internationaux.

Q. : Dans les années 90 du 20ème siècle, les nouvelles républiques indépendantes d’Asie centrale, dont certaines sont très riches en matières premières, ont attiré l’attention des stratégistes américains. Plus tard, la Russie et la Chine ont créé l’Organisation de Coopération de Shanghai. Le « Grand Jeu » en Asie central est-il terminé... ?

JH : Il semble en effet que les Américains soient hors jeu dans la région. Après le dernier changement de gouvernement au Kirghizistan et après que les Américains aient dû rendre la base de Manas, il n’y a plus de présence militaire ou policière américaine visible en cette zone. Les ONG sont, elles, toujours présentes, ce qui a donc pour corollaire une présence très forte des services secrets qui tenteront de détacher les gouvernements centre-asiatiques de l’alliance qui les lie à la Russie et qui essaieront aussi de les détourner de tous rapports commerciaux de grande envergure avec la Chine. Dans le cas du Kazakhstan, ils n’ont pas réussi, même si certaines tensions ont troublé cette année les rapports entre ce pays et la Russie. Le Kirghizistan semble s’acheminer de manière irréversible vers une adhésion à la Communauté Economique Eurasienne. Quant aux autres Etats d’Asie centrale, toutes les options sont ouvertes. L’Ouzbékistan poursuit sa politique indépendante. Le Turkménistan aussi et le Tadjikistan est, finalement, un Etat sans guère d’importance pour les nouvelles dynamiques à l’oeuvre.

Q. : Quelles potentialités recèlent les plans chinois de relier l’Extrême-Orient asiatique à l’Europe, via l’Asie centrale, par des lignes de chemin de fer à haute vitesse et à gros gabarit ?

JH : Ces plans pour une nouvelle route de la soie ont déjà bien progressé et reçoivent un soutien financier massif de la Chine. Il s’agit certes de la route de la soie terrestre par l’Asie centrale, que je viens d’évoquer, mais aussi de sa consoeur maritime qui doit passer par l’Asie du Sud-Est, par Singapour, pour aboutir en Inde et dans la région arabe. Il s’agit là d’une priorité centrale pour la Chine car elle doit impérativement assurer la sécurité de ses voies commerciales et de ses voies d’acheminement de matières premières. Elle doit aussi créer une zone neutre d’influence, libre de toute ingérence américaine, où les Etats-Unis ne pourront plus orchestrer des manœuvres antichinoises. Je ne dis pas une zone d’influence strictement chinoise car la Chine n’en aura pas les moyens.

Q. : Percevez-vous le danger de la formation de deux blocs avec, d’une part, les démocraties libérales, soit les Etats-Unis et les Etats membres de l’UE, et, d’autre part, une alliance d’Etats posés comme « autoritaires », comme le Chine, ou considérés comme des « démocraties non libérales » comme la Russie ?

JH : La formation de deux blocs, pareils à ceux que vous me décrivez, est effectivement en train de se faire et je pense aussi qu’une telle formation est souhaitée quelque part. Une telle division du monde va bien dans le sens des intérêts stratégiques américains car, d’un côté, ce nouveau clivage binaire justifie la perpétuation de l’OTAN ; d’un autre côté, il donne un prétexte parfait pour maintenir la présence de troupes américaines en Europe. Enfin, troisième raison qui me permet de conclure à l’hypothèse d’une nouvelle division du monde en deux blocs : celle-ci oblige les Européens à se soumettre sans restriction aux objectifs politiques des Américains.

(entretien paru dans « zur Zeit », n°47/2014, Vienne, http://www.zurzeit.at ).

jeudi, 05 février 2015

Charles Martel et les « Sarrasins » : Lorànt Deutsch répond aux universitaires du Front de Gauche

Charles Martel et les « Sarrasins » : Lorànt Deutsch répond aux universitaires du Front de Gauche

Invité jeudi 3 octobre de l’émission « C à vous » sur France 5, Lorànt Deutsch a répondu aux critiques formulées par quelques historiens et des membres du Front de gauche qui tentent depuis quelques jours de discréditer son nouveau livre Hexagone : Sur les routes de l’Histoire de France (tiré à 220 000 exemplaires) et l’héroïsation qu’il fait de Charles Martel et de la bataille de Poitiers, en 732, au cours de laquelle les « Sarrasins » ont été repoussés.

 

« Je n’ai rien inventé, se défend Lorànt Deutsch. Je me suis basé sur des auteurs, des historiens très qualifiés, (…) je vous conseille la biographie de Charles Martel, de Jean Deviosse. »

L’acteur féru d’histoire, accusé par ses détracteurs de glorifier une référence des groupes identitaires et de l’extrême droite, dénonce des « gens encartés », notamment Alexis Corbière, secrétaire national du Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon, élu du Conseil de Paris :

« Il y a 500 pages et ils ne retiennent qu’une page sur la bataille de Poitiers. (…) Il ne faut jamais juger l’histoire avec les yeux du 21e siècle. Leur problème, c’est qu’ils quittent le champ sémantique de l’histoire pour faire de la politique. Je n’ai rien à leur répondre. »

Sources : France 5 / Le Journal du Siècle

lundi, 02 février 2015

Ivan Blot: « L’État doit se recentrer sur ce qui est son essence même: la fonction militaire »

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Ivan Blot: « L’État doit se recentrer sur ce qui est son essence même: la fonction militaire »

Ivan Blot, haut fonctionnaire, auteur et homme politique, grand promoteur de la démocratie directe, a répondu aux questions du Bréviaire des patriotes.

La Russie parviendra-t-elle selon vous à remettre en cause la vision unipolaire du monde selon les États-Unis par l’union qu’elle tente de dessiner entre pays émergents ? À votre avis, quelle est son regard sur l’UE et la France actuelle ?

Dans mon livre « l’Europe colonisée » (Apopsix, 2014), je cite De Gaulle qui dans ses mémoires d’espoirs, écrit : « si les Occidentaux de l’ancien monde demeurent subordonnés au nouveau monde, jamais l’Europe ne sera européenne et jamais non plus elle ne pourra rassembler ses deux moitiés ».

La Russie conteste, comme De Gaulle, la prétention de l’Amérique à se considérer comme au-dessus du droit international. A la session fin octobre à Sotchi du club international de Valdai, dont je suis membre, le président Poutine a demandé à ce que tout le monde respecte l’ordre international et ne prenne pas d’initiative guerrière en dehors du cadre de l’ONU. Mais il a aussi précisé que pour lui, la Russie fait partie de l’Europe et partage sa civilisation. Si elle coopère avec d’autres continents et notamment l’Asie, qui l’intéresse pour des raisons géographiques évidentes, elle ne veut aucunement renoncer à sa vocation européenne.

J’ai récemment discuté avec Philippe de Villiers qui doit créer deux parcs du type du « Puy du Fou » en Russie, l’un près de Moscou et l’autre en Crimée. Villiers a rencontré longuement Poutine. Il m’a dit que celui-ci était bien sûr tout d’abord le président de la Russie mais qu’il avait le sentiment que Poutine se voyait aussi en gardien de la Chrétienté, en gardien des valeurs traditionnelles de la civilisation européenne.

Lors d’une rencontre avec François Hollande à Paris, peu après l’élection de ce dernier comme président de la République, un journaliste avait demandé au président russe s’ils avaient discuté du bouclier antimissile que les Etats-Unis voulaient implanter en Europe de l’Est. Poutine a répondu : un tel dialogue n’est pas possible car la France a renoncé à son indépendance militaire. Elle est membre de l’OTAN, une organisation dominée par les Etats-Unis. Lorsqu’il s’agit de débat sur des questions de haute stratégie militaire, la Russie n’a qu’un seul interlocuteur possible, les Etats-Unis : la Russie et les Etats-Unis sont des pays indépendants militairement, ce qui n’est pas le cas de la France.

La Russie regrette cette situation de l’Europe colonisée, tant par le haut (les Etats-Unis) que par le bas (l’immigration non qualifiée du tiers-monde). Il a dit un jour que la France risquait d’être colonisée par ses propres colonies.

On voit bien que les sanctions économiques antirusses adoptées avec le prétexte ukrainien, conduisent sans doute la Russie à passer des accords commerciaux considérables avec la Chine et avec l’Inde. N’oublions pas que ces trois pays fort différents ont un grand point commun : le patriotisme est une valeur essentielle qui anime leur politique, bien plus que les abstractions droit de l’hommistes de l’Occident. Sur les droits de l’homme, Poutine admet leur valeur mais constate qu’ils servent de prétexte à détruire les anciennes traditions nationales et religieuses.

 

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L’Occident américanisé n’a aucune légitimité pour se considérer comme une Cour suprême mondiale qui jugerait comment les autres peuples doivent penser et se comporter. Cette façon de voir, qui fut celle du colonialisme autrefois, est d’ailleurs dépassée. Le monde est devenu multipolaire et cela va s’accélérant. Regardez les pays qui ont le PNB le plus important du monde : l’Europe occidentale perd pieds et la Chine rattrape les Etats-Unis. En 2013, d’après le Fonds monétaire international (FMI), les Etats-Unis ont produit 16 768 milliards de dollars et la Chine 16 149 milliards. Ce qui est aussi nouveau est la troisième place de l’Inde avec 6 776 devant le Japon qui est quatrième ( 4 667 milliards). En position cinq arrive l’Allemagne, premier pays d’Europe occidentale avec 3 512 et la Russie est sixième avec 3 491 milliards de dollars. Soit dit en passant, ce très bon score russe est incompatible avec les discours superficiels selon lesquels la Russie ne vendrait et ne produirait que des matières premières. Seule la Russie produit les fusées Soyouz, seules capables d’emmener des hommes dans la station spatiale orbitale et elle exporte des centrales nucléaires notamment en Inde.

La France n’a fait que reculer ces dernières années et est désormais 8ème derrière le Brésil qui vient de la doubler, et suivie de près par l’Indonésie et le Royaume Uni.

La Chine, l’Inde et la Russie totalisent 25 500 milliards de PNB contre 16 700 pour les USA. Cela fait peur aux Américains qui craignent la concurrence d’une puissante Eurasie et cela montre aussi le ridicule de Washington qui menace « d’isoler la Russie » : il suffit de voir une carte pour comprendre que c’est impossible !

La Russie a toujours et veut toujours faire une grande Europe d’échanges libres du Portugal à Vladivostok mais, puisque l’Union européenne, sur l’ordre des USA refuse de dialoguer vraiment avec elle, elle met en place en attendant une Union eurasiatique avec la Biélorussie, le Kazakhstan et l’Arménie. Elle aurait bien voulu inclure l’Ukraine mais le coup d’Etat de Kiev a retardé la réalisation de cet espoir. Quoi qu’il en soit, la Russie ne veut aucunement rompre les ponts avec l’Europe. Je constate d’ailleurs qu’elle a de puissants alliés sur ce terrain avec les milieux économiques des pays européens qui s’inquiètent de la stagnation et du chômage.

Même avec les Etats-Unis, la Russie les considère comme un allié contre le terrorisme islamique et non comme un ennemi. L’agressivité du gouvernement américain est unilatérale. Elle est inspirée par la vieille géo stratégie de Zbigniew Brzezinsky qui commence à dater. Dans son livre, « le grand échiquier », il disait que les USA ne peuvent pas tolérer une puissance concurrente en Eurasie et qu’il fallait pour cela détacher l’Ukraine de la Russie puis découper la Russie en plusieurs Etats. C’est difficile d’être plus agressif que cet ancien conseiller du président Carter, resté officieusement conseiller à la Maison Blanche. Une bonne moitié du peuple américain en a assez des aventures internationales et il se peut qu’un jour les Américains reviennent à de meilleurs sentiments, mais ils ne comprennent que les rapports de force.

Les récents contrats entre l’Inde et la Russie, la Chine et la Russie, qui portent sur du pétrole, le gaz ou des centrales nucléaires, peuvent les faire évoluer.

Que penser de l’UE et de la France ? Ces pays sont colonisés. Economiquement, ils dépendent du dollar pour le commerce international ; Politiquement et militairement ils sont satellisés à la commission de Bruxelles d’une part, à l’OTAN d’autre part. Culturellement, ils sont influencés par l’Amérique qui impose ses programmes et ses médias. Seul De Gaulle a voulu vraiment sortir de cette situation mais c’était alors difficile en raison de la menace soviétique. Aujourd’hui, la nouvelle Russie pourrait s’allier à l’Europe de l’ouest mais celle-ci reste au niveau de ses élites, trop dépendante des Etats-Unis.

 

Certains disent que le modèle de démocratie directe à la Suisse serait impossible ou dangereux s’il était appliqué à la France. Que leur répondez-vous ?

C’est comme si l’on disait que l’économie de marché serait impossible en France. La démocratie directe en politique est analogue à ce qu’est l’économie de marché. On fait confiance à l’expérience des personnes qui sont sur le terrain plutôt qu’aux bureaucraties. En fait, on vit en oligarchie et non en démocratie, comme je l’ai expliqué dans mon livre « l’oligarchie au pouvoir » (Economica, 2011). Les députés de la majorité sont aux ordres du gouvernement et les décisions de ce dernier sont préparées dans les ministères par les hauts fonctionnaires qui sont les vrais gouvernants de fait. Ils gouvernent avec les dirigeants des médias et des syndicats. Tout cela est oligarchique et non démocratique.

Seule la démocratie directe, les référendums d’initiative populaire, permettent au peuple de s’exprimer vraiment sur les lois. Le système n’existe pas qu’en Suisse, pays où c’est un vrai succès. Le système existe aussi en Italie depuis 1964 où un référendum initié par une pétition de 500 000 signatures peut annuler une loi votée par le parlement. C’est cela qui a fait échouer la loi Berlusconi qui mettait le premier ministre au-dessus de toute les lois en lui accordant l’impunité totale.

Le système existe aussi en Allemagne au niveau des communes et des Länder. Il existe aussi dans 25 des 50 états fédérés américains, surtout sur la côte ouest. C’est pour cela que les impôts sont 30% plus bas sur la côte ouest américaine que sur la côte est : résultat, le taux de croissance de l’économie est plus fort à l’ouest dans les Etats de Washington ou de Californie.

Plusieurs ex pays de l’est autorisent les référendums d’initiative populaire, ainsi que l’Uruguay en Amérique latine. Je ne vois pas pourquoi ce qui réussit dans tous ces pays (voir mon livre : la démocratie directe ; économica, 2012) échouerait en France alors que le régime actuel ne fonctionne pas. C’est le régime actuel qui est dangereux !

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Quelle vision de l’Etat avez-vous ? Celle d’un Etat obèse et omnipotent comme le pointent les libéraux ? Ou celle d’un Etat timoré et amaigri face au marché et à l’UE comme le pointent d’autres ?

Aujourd’hui, la réflexion en termes de philosophie politique est indigente. Il faut relire les travaux de l’académicien Georges Dumézil sur les trois fonctions sociales. Il existe trois fonctions sociales hiérarchisées dans toutes les anciennes sociétés européennes : la fonction de souveraineté, la fonction guerrière et la troisième fonction vouée à la production et la reproduction. L’Etat est lié aux deux premières fonctions qui aujourd’hui sont marginalisées. Or, c’est grave pour la moralité, c’est-à-dire le vivre ensemble de toute la société. Les fonctions de souveraineté et guerrières correspondaient à la noblesse et au clergé autrefois, c’est-à-dire à des corps voués au service d’autrui. Dans un monde dominé par la troisième fonction, à dominante économique, l’égoïsme n’est plus compensé par rien.

Le philosophe existentiel Heidegger appelle une telle société le « Gestell », un système d’arraisonnement utilitaire où l’homme devient un rouage de la machinerie techno-économique. L’homme n’est plus considéré que comme matière première et c’est une affreuse régression que le système tente de masquer avec sa rhétorique des droits de l’homme. Le patriarche Cyrille Premier de toutes les Russies dans son remarquable ouvrage, trop peu lu, « l’Evangile et a liberté : les valeurs de la tradition dans la société laïque » (éditions du Cerf), montre qu’en Occident, on parle sans arrêt des droits de l’homme mais on piétine la dignité humaine, et on oublie les devoirs de l’homme qui définissent sa noblesse. Un homme capable de sacrifier sa vie pour sa patrie, c’est-à-dire sa mère, a une valeur morale nécessairement supérieure à celui qui n’en est pas capable.

L’Etat n’a pas à gérer l’économie car il en est incapable. Par contre l’Etat doit protéger les valeurs qui permettent aux hommes de se transcender et de ne pas être de simples animaux : l’armée et l’église jouent ici un rôle essentiel, comme en Russie. En Occident, les valeurs dominantes sont celles du Gestell : l’égo dans sa vanité remplace Dieu, l’argent remplace l’honneur, les masses sont glorifiées à la place de la personnalité et des grands hommes, la technique est idolâtrée et se substitue aux racines que sont la famille et la patrie. Cela entraine, comme l’a souligné le président Poutine au club de Valdai il y a un an, une incapacité à défendre la vie : la natalité s’effondre, le crime progresse et l’Occident va à sa perte sous le poids d’une immigration de masse qui ne s’intègre pas.

Il n’y a pas de contradiction à demander que les libertés et la propriété soient respectées par l’Etat et à vouloir que l’Etat joue son vrai rôle, son rôle éthique : cela suppose que l’Etat se recentre sur ce qui est son essence même : la fonction militaire. De Gaulle a écrit : «  la colonne vertébrale, c’est l’armée, c’est le pôle principal. S’il cède, les pôles secondaires cèderont aussi : la justice, la police, l’administration ».

Vous voyez qu’on est très au-dessus des débats médiocres sur l’Etat gras ou l’Etat maigre : je ne dis pas qu’il n’y a pas là un sujet mais c’est restreindre le débat au corps de l’Etat et ignorer l’essentiel, à savoir son âme : on fait pareil pour l’homme ; on ignore son âme et l’homme régresse vers la bête. Etonnez- vous qu’après cela, on soit incapable de s’opposer spirituellement à l’Islamisme radical !

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Quels sont vos projets à court et moyen terme à travers votre association ?

Je n’ai pas une association mais deux, avec deux sites : l’institut néo socratique (www.insoc.fr ) et l’association « agir pour la démocratie directe » (www.democratiedirecte.fr ).

La première est philosophique et veut contribuer à nous sortir de la décadence du Gestell matérialiste dans la ligne des philosophes existentiels, ligne qui va de Pascal à Nietzsche, Kierkegaard et Heidegger. Il n’y aura pas de renaissance politique sans renouveau philosophique mais la classe politique actuelle est, à part quelques rares exceptions, trop inculte et trop égocentrée, pour comprendre cette vérité et agir en conséquence. Il nous faut comme en Russie, une classe gouvernante issue des milieux vraiment patriotiques, donc l’armée, et non des milieux étroitement carriéristes, ceux de l’administration civile, à part, encore une fois, quelques exceptions.

La deuxième association cherche un recours contre la décadence dans le peuple français lui-même en lui redonnant la possibilité de décider de son destin à travers la démocratie directe. Autrement dit, il nous faut un président qui ait l’esprit militaire, avec le courage qui va avec, et un recours au peuple chaque fois que c’est nécessaire pour contourner les féodalités égoïstes, administratives, médiatiques, syndicales, associatives, qui veulent s’imposer au détriment de l’intérêt général.

Les moyens sont d’influencer une partie, la moins décadente, de la classe dirigeante pour qu’elle donne la parole au peuple : pour cela, il faut réformer l’article 11 de la constitution, pour permettre le référendum d’initiative populaire. Le président Sarkozy en 2008 a fait un premier pas dans ce sens en permettant au référendum déclenché par une pétition populaire d’exister. Mais les conditions mises, qui ont été rédigées par des juristes à courte vue, sont trop restrictives : il faut demander comme en Italie 500 000 signatures pour déclencher un référendum, enlever la nécessité d’avoir des signatures de parlementaires (ce sont des citoyens comme les autres : à bas les privilèges !) et rendre la tenue du référendum automatique plutôt que de donner le choix au président de la république de le faire ou non : contrairement à ce que croient certains, c’est affaiblir le président de lui donner cette compétence, car s’il choisit de refuser de faire un référendum, il aura l’air de quoi ?

Sa légitimité démocratique s’en ressentira, et ce sera mauvais pour l’Etat. Il faut un chef à l’Etat et qui soit soutenu par le peuple parce qu’il fait la politique que le peuple souhaite : en ce sens, pour moi, Poutine est plus démocrate qu’Hollande que 80% des Français rejettent.

Propos recueillis par Guillaume N.