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mercredi, 13 mai 2015

Réflexions générales sur le concept d’ « Eurasie »

 

 
 
Robert Steuckers :
Réflexions générales sur le concept d’ « Eurasie »
 
 
Conférence préparée pour une rencontre eurasiste à Marseille, le 12 juillet 2014, présentée lors des « Rencontres eurasistes » de Bruxelles, le 18 octobre 2014
 
Quand on parle d’eurasisme actuellement, on a tendance à y voir une sorte d’ersatz des idéologies défuntes, qui devrait incessamment en prendre le relais, comme le voulaient par ailleurs les eurasistes des années 20 et 30, dont les démarches ont été analysées avec minutie par le Professeur Marlène Laruelle (1). Celle-ci démontre le caractère éminemment russe de la démarche eurasiste des années 20 et 30. Par conséquent, si l’Europe, le sous-continent indien, la Chine et d’autres puissances d’Asie centrale ou d’Asie orientale adoptent une stratégie « eurasienne » ou « eurasiste », le concept d’un eurasisme nouveau, conforme aux aspirations de l’Europe ou de ces autres puissances petites ou grandes, doit certes garder son noyau théorique russe, vu la qualité des arguments développés par les eurasistes de l’émigration russe de Berlin, Prague, Bruxelles et Paris entre 1920 et 1940 mais il doit aussi être élargi pour en faire la pratique naturelle des puissances du BRICS et donner corps à la géopolitique pragmatique suggérée à tous par le président kazakh Nazarbaïev, qui assure aujourd’hui les destinées de l’Etat le plus central de la masse continentale eurasienne, du « Heartland » tel qu’il fut théorisé par Sir Halford John Mackinder en 1904. 
 
Les Chinois et les Japonais (la filière géopolitique « mandchoue » de l’école dite de Tokyo, inspirée par les thèses grandes-continentales de Karl Haushofer) apporteront certainement leur pierre au nouvel édifice et la tâche de futures « rencontres eurasistes » pourraient fort bien être d’illustrer et de commenter des travaux réalisés à l’autre extrémité de la masse continentale eurasienne car la raison pragmatique nous induit tout naturellement à penser que l’avenir de l’Extrême-Orient aurait bien sûr tout à gagner d’un apaisement des tensions récentes entre la Chine et le Japon et à une réactivation des projets d’une grande « sphère de coprospérité est-asiatique » (Daitoa Kyoeiken), théorisés immédiatement avant la seconde guerre mondiale par le Prince Konoe, par le ministre japonais des affaires étrangères Matsuoka Yosuke et par le géopolitologue Sato Hiroshi (qui parlait également d’une « sphère de coprospérité des mers du Sud ») (2). Sato Hiroshi se réclamait de Haushofer dans la mesure où celui-ci estimait dans ses écrits que le Japon avait pour mission historique de contrôler les espaces de la « zone des moussons », dont la géopolitique américaine d’aujourd’hui reparle d’ailleurs avec grande précision, formulant un projet de contrôle serré de cette zone au départ de bases situées dans l’Océan Indien pour que Washington hérite définitivement, ou du moins durablement, des atouts que possédait l’Empire britannique jusqu’en 1947, année où les deux puissances rivales du sous-continent indien ont acquis leur indépendance (3).
 
De Krymski a Beckwith
Pour nous Européens de l’Extrême-Occident de la masse continentale eurasienne, une théorie eurasiste n’est possible qu’à la condition d’intégrer dans toute démarche politique ou diplomatique future et « eurasienne » le fait archéologique et linguistique indo-européen, comme l’admettait aussi un historien russe pré-eurasiste mais indo-européanisant du 19ème siècle, Agafangel Efrimovitch Krymski (1871-1942). En effet, avant la ruée des cosaques du Tsar vers le Pacifique, à partir de la fin du 16ème siècle, les peuples européens n’ont connu de projection vers le centre de la masse eurasienne qu’à l’époque de la conquête de ces vastes espaces steppiques par des peuples cavaliers proto-iraniens, comme le démontre avec une remarquable érudition le Professeur Christopher I. Beckwith (4) qui voit l’idéal politico-religieux le plus emblématique des peuples d’Eurasie formulé implicitement dès l’époque axiale de cette première migration vers le centre de l’Asie, vers les hauts plateaux iraniens puis vers la Chine (au-delà de la Dzoungarie), migration portée par des guerriers montés sur chars, aventureux, regroupés en « comitatus » autour d’un « prince » énergique, fondateur de structures politiques solides, figure charismatique qu’il faut imiter et reproduire sans cesse pour la gloire du peuple ou de la lignée dont on est issu. Pour Beckwith, l’idée eurasienne, l’idée seule capable de donner vigueur aux « empires de la Route de la soie » et des périphéries que Mackinder nommaient les « rimlands », est directement issue de ces premières vagues de la diaspora indo-européenne en Asie centrale, en Iran (y compris dans le royaume moyen-oriental de Mitanni) et au-delà de l’Indus dans le sous-continent indien, sous l’impulsion de la caste des kshatryas.
 
Pour Beckwith, ce modèle est certes d’origine européenne, se manifeste pour la première fois chez ces Proto-Iraniens, mais il a été repris successivement par tous les fondateurs d’empires de cette très vaste région, qu’ils aient été européens, huns, turcs, mongols, mandchous, etc. Tout théoricien ouest-européen d’un eurasisme nouveau doit donc intégrer ce fait protohistorique de la diaspora indo-européenne (ou proto-iranienne) dans ses réflexions (géo)-politiques, savoir qu’elle a un droit d’aînesse sur le plan axiologique, les ressacs qui ont suivi cette première expansion proto-iranienne, à partir des invasions hunniques ayant acculé l’Europe dans le cul-de-sac de la péninsule européenne, entre Mer Noire et Atlantique (res nullius à l’époque).
 
L’Europe-cul-de-sac
Aucune perspective géopolitique valable ne peut vouloir ce statut médiocre d’isolé en cul-de-sac, où semblent aujourd’hui se complaire les eurocrates, animés par des idéologies boiteuses, amnésiques, méprisables qui font dire à l’écrivain russe contemporain Edouard Limonov que l’Europe occidentale est devenue un « Grand Hospice ». Déjà au 12ème siècle, l’érudit anglais Guillaume de Malmesbury justifiait les Croisades non pas par le désir pathologique de faire la guerre à ses voisins mais de sortir de ce cul-de-sac pour récupérer les ports d’accès aux routes de la soie, pour ne pas mariner dans un isolement qui conduit à l’implosion, ce que confirme par ailleurs la grande spécialiste allemande contemporaine de l’histoire d’Arménie, Tessa Hofmann (5), quand elle évoque les royaumes arméniens de Cilicie aux 13ème et 14ème siècles. Après avoir reçu l’amical aval du grand Empereur Frédéric I Barberousse, ceux-ci branchaient, via les éléments croisés qui structuraient et protégeaient la région, l’Europe occidentale du moyen-âge sur le commerce d’Asie, première tentative de rompre l’encerclement, l’enclavement, qui étouffait l’Europe en occupant durablement la région d’Antioche, en tenant à distance les éléments seldjouks qui prétendaient couper les communications. Les Arméniens du « Comté d’Edesse » ont initié les caravaniers italiens aux routes de la Soie : c’est au départ des ports ciliciens, aux mains des Arméniens et des Croisés, que Nicola et Marco Polo entreprendront leurs voyages vers les immensités asiatiques ou vers la Cour du Grand Khan.
 
« Shatterbelt » et « gateway regions »
 
Quand on se complait dans l’idée médiocre d’une « Europe-cul-de-sac », on pose les limites orientales de l’Europe, limites purement théoriques, totalement dépourvues de pertinence, sur les Monts Oural alors que le sommet le plus élevé de cette chaine de collines est de 1600 m, exactement comme le Chasseral dans le Jura suisse. Entre l’Europe proprement dite, celle de l’espace civilisationnel médiéval, et les autres espaces impériaux d’Asie, de Perse et d’Inde, se situe un « shatterbelt » de zones mixtes, de zones de transit que le géopolitologue américain contemporain Saul B. Cohen (6) nomme également les « gateway regions » ou les « gateway states » : la Cilicie arménienne du temps des Croisades était une porte d’accès au « gateway » géant qu’est la Route de la soie ; l’Ukraine d’aujourd’hui est une autre « gateway region » et c’est, par la force des choses, une zone de fortes turbulences géopolitiques, tout comme le Nord de la Syrie et tout l’espace bouleversé par les forces de l’EIIL, un espace qui est bel et bien le correspondant actuel et l’extension vers la Perse de la Cilicie des 13 et 14ème siècles, mais un espace cette fois bouleversé de fond en comble, au point de ne plus pouvoir jouer pleinement son rôle de « gateway ». Début 2015, les observateurs les plus pertinents des effervescences en gestation pronostiquent d’ores et déjà de nouvelles zones de turbulence en Moldavie et au Turkménistan voire un affaiblissement programmé de l’Europe par une variante nouvelle des  « révolutions de couleur », sous la forme d’une confrontation entre populations autochtones (opérations PEGIDA en Allemagne et « Je suis Charlie » en France) et immigrés musulmans qui grèvera dangereusement les budgets des Etats et fragiliseront l’euro, suite à la crise grecque et à la victoire probable de l’extrême-gauche hellénique.
 
Cette brûlante actualité doit nous obliger à signaler les débuts d’une constante de l’histoire : les cavaliers proto-iraniens de la protohistoire, et leurs successeurs scythes ou alains, ont lié le vaste « shatterbelt » entre l’Europe et l’Inde, entre l’Europe et la Chine. Cette réalisation n’a suscité que nostalgies : l’Empire romain voulait rétablir la liaison avec l’Inde et la Chine, on le sait désormais comme le prouve l’importance de certains ports antiques en Mer Rouge, le site caravanier transarabique de Pétra en Jordanie ou les campagnes des empereurs romains en Mésopotamie. L’histoire des vagues successives de peuples cavaliers indo-européens vers l’Inde et la Chine devrait donc relever d’un savoir indispensable, digne complément des anciennes « humanités » (sabotées par des politiciens veules et criminels), nécessaire noyau d’une future paedia renaissanciste, dont les jalons ont été posés par Iaroslav Lebedynsky, auteur de monographies précises sur chacun des peuples cavaliers de la grande « gateway region » steppique entre Europe et Chine.
 
Attila pénètre dans la trouée pannonienne
 
Les momies du Tarim (7), comme les démonstrations du Prof. Christopher I. Beckwith, et les analyses grammaticales et sémantiques de la langue tokharienne, parlée par les ressortissants de ce peuple dont proviennent les momies, prouvent l’influence prépondérante de ces peuples cavaliers, charistes et tisserands sur le développement initial de la civilisation chinoise. Ces peuples, descendants des Proto-Iraniens, ainsi que les Tokhariens et apparentés, garderont une maîtrise complète de l’espace steppique eurasien dont la qualité stratégique est celle d’un « shatterbelt » selon Cohen, jusqu’en + /- 200 av. J. C. A ce moment-là une confédération de peuples nomades hunniques, qui reprend à son compte le haut degré d’organisation sociale des Proto-Iraniens et de leurs descendants, que l’on peut dire inspirés par les valeurs insignes et fondatrices du proto-zoroastrisme, provoque, par ses coups de butoir, le reflux des Indo-Européens en Asie centrale. Leurs successeurs huns se heurteront au barrage des empires : la Chine tient le coup, Rome s’effondre dès que les cavaliers du chef Attila pénètrent dans la trouée pannonienne, le territoire de l’actuelle Hongrie, point central et névralgique du dispositif impérial romain sur l’axe fluvial danubien. Le choc survenu en Pannonie provoque l’effondrement de l’Empire romain, y compris en Méditerranée. Celle-ci, bien que d’importance cardinale, ne suffisait pas pour en conserver la cohérence et l’unité.
 
 
Les tenants d’une vision scolaire et étriquée de l’histoire antique de Rome considèrent que celle-ci est une civilisation exclusivement « méditerranéenne », axée sur ce que Mussolini, pétri de nostalgie romaine, appelait la « Mare Nostrum ». Rome, on l’oublie trop souvent, était également une civilisation rhénane-mosellane autour de Trêves et de Cologne. Elle se déployait également le long de l’axe danubien. Donc le long de deux voies de circulation posées sur un axe Ouest-Est, la Méditerranée et le Danube, lequel était toutefois partiellement interrompu à hauteur des « portes de fer » (sur l’actuelle frontière serbo-roumaine) ou « cataractes de l’Ister ». Tout empire, qu’il soit perse, romain ou chinois, est aussi un réseau de communications : Rome, et par conséquence, l’Europe, reposait dans l’antiquité 1) sur les voies maritimes méditerranéennes dès que Caïus Julius reçoit le titre de « Caesar » pour avoir vaincu les pirates de la Méditerranée (son premier triomphe) ; 2) sur les voies de communications terrestres que furent les routes romaines ; 3) sur les voies fluviales au départ de la rive occidentale du Rhin et de la rive méridionale du Danube. L’impérialité romaine en Europe est donc la maîtrise de ces trois modes de communications que la restauration impériale pippinide/carolingienne voudra remettre en état de fonctionnement après la déchéance des derniers Mérovingiens : l’effondrement du Bas Empire avait été suivi d’une désagrégation du système des routes romaines, si bien que seules les communications par voies d’eau permettaient encore le transport de masse.
 
Le partage de Verdun de 843
 
On ne répétera jamais assez que le fameux partage de Verdun de 843 partage en fait des systèmes fluviaux entre les héritiers du fils de Charlemagne : à la Francie occidentale, les bassins de la Somme, de la Seine, de la Loire et de la Garonne, soit ce que les historiens et cartographes appellent désormais l’ « espace gallique » ; à la Lotharingie centrale, dévolue à l’aîné Lothaire et détentrice de la titulature impériale, les bassins de la Meuse, du Rhin, du Rhône et du Pô ; à la Francie orientale, dévolue au jeune et vigoureux Louis, les bassins fluviaux parallèles de la grande plaine nord-européenne et le devoir de reconquérir le Danube sur toute sa longueur, jusqu’à la Mer Noire, accès à la mythique Colchide des Argonautes et porte de la Perse. Louis établit ses capitales à Francfort sur le Main, entre la Rhénanie urbanisée et le reste de son royaume, et à Ratisbonne (Regensburg) sur le Danube, afin, justement, de se projeter vers l’aval du grand fleuve central. Ce partage de Verdun était sage et la mort prématurée de Lothaire donnera au jeune Louis la titulature impériale, après quelques vicissitudes guerrières, soit le double « espace lotharingien et germanique », au détriment de Charles le Chauve, roi de la Francie occidentale, dont les successeurs n’auront de cesse de vouloir usurper l’héritage de Lothaire, en le grignotant pendant près de dix siècles, arrêtant sa fringale territoriale par l’annexion illégitime de la Savoie en 1861 et ne laissant comme lambeaux intacts qu’une Belgique écervelée et amnésique, un Luxembourg comme coffre-fort, une Hollande isolée au nord du Rhin et de la Meuse et aliénée mentalement par un calvinisme anti-impérial (bien décrit par le philosophe allemand Christoph Steding), une Italie padanienne prospère mais liée à l’Adriatique et à la zone alpine, une Suisse, dont le territoire romand s’étend entre l’arrière-pays jurassien au sud de Bâle et Genève, là où les fleuves commencent seulement à être navigables, rendant cette Suisse au-delà de Bâle et de Genève inintéressante, contrairement au réseau routier de la Franche-Comté, pour les impérialistes galliques ou ouest-franciens, à partir de Philippe le Bel et de Louis XI. Les querelles innombrables et incessantes qui ont suivi la mort du malheureux Lothaire vont donc déterminer pendant plus de mille ans l’histoire de la péninsule occidentale de la masse territoriale eurasienne et l’empêcher de faire le grand bon en avant pour récupérer en Asie centrale son droit d’aînesse, héritage des « comitati » rassemblés autour de princes cavaliers énergiques, une quinzaine de siècles avant notre ère. 
 
 
Toynbee et la Bithynie
 
L’objectif des sages qui ont présidé à l’élaboration du Traité de Verdun était donc de laisser le bassin danubien au plus jeune et au plus vigoureux des héritiers du fils de Charlemagne, pour qu’il puisse faire face aux Hongrois et réorganiser le Danube jusqu’à son delta, afin d’y restaurer une impérialité « romaine », portée cette fois par les Francs et/ou les Germains. Le but était d’atteindre la Mer Noire et de renouer avec un système de communications permettant de commercer avec les Byzantins et les Perses voire avec tous les peuples qui vivaient au-delà de cette Perse mythique, de cet Orient qui avait été « indo-européen » avant d’être récemment islamisé. La Mer Noire, mer intérieure, est, pour les Européens de l’Ouest, la porte vers l’Eurasie, tout comme elle est, pour les Russes, un accès potentiel à la Méditerranée orientale, nécessité que postule leur volonté d’être tout à la fois les héritiers de la civilisation grecque (qui fut un Axe nord-sud, pontique/est-méditerranéen, dont le Bosphore était un goulot d’étranglement en position centrale) et de l’impérialité byzantine. Arnold Toynbee, qui a animé le « Royal Institute of International Affairs », instance compilant une immense documentation et téléguidant l’action des diplomates et stratégistes britanniques, était byzantinologue : pour lui, la civilisation grecque, posée comme matrice de la civilisation européenne (ce qui n’est que partiellement vrai à nos yeux !), est une civilisation qui lie l’espace aride du bout de la péninsule balkanique baignée par l’Egée mais tire ses substances vitales, son blé, son bois, de la maîtrise de l’espace pontique. Il n’y a pas de civilisation grecque sans les ressources de la Crimée, qui passent par le Bosphore. Autour de ce Bosphore, plus particulièrement en Bithynie, écrit Toynbee, se trouve un territoire qui, si on le domine durablement, donne tout à la fois la clef de la Méditerranée, l’accès aux routes de la soie ou à la « gateway region » de Scythie (l’actuelle Ukraine !), permet aussi l’accès à la Perse par la Colchide transcaucasienne, etc. Rome hérite de cette puissance en conquérant la Bithynie : elle sera, immédiatement après César, maîtresse du Danube, de la Crimée et de l’espace pontique et entrera en conflit avec l’Empire perse qui, lui, cherchera à se projeter vers la Méditerranée orientale : Byzance, puis l’Empire ottoman, hériteront de ce clivage Rome/Perse. Et l’adversaire ottoman de l’Europe entre le 14ème et le 18ème siècle a acquis sa puissance et sa force d’expansion immédiatement après avoir consolidé ses positions en Bithynie, ce qui lui a permis de conquérir l’Anatolie occidentale et une bonne partie des Balkans, avant même la chute de Constantinople. 
 

 

Charlemagne, incarnation d’une impérialité devenue romano-germanique, ne s’opposait nullement à Byzance, à l’Empire romain d’Orient, dirigé par le Basileus : le modèle qui le fascine, et qu’il adoptera pour embellir sa capitale d’Aix-la-Chapelle, sera précisément byzantin. Le Dom d’Aix-la-Chapelle, édifié sur un plan octogonal, reflète une splendeur byzantine, surtout depuis sa restauration récente. Charlemagne respectait donc le droit d’aînesse de l’Empire romain d’Orient et visait à lier territorialement son Empire franc à celui du Basileus. Pour y parvenir, il fallait dégager la trouée pannonienne au niveau de la puszta hongroise et rétablir le contact avec les Byzantins à hauteur des « portes de fer ». Pour réaliser un tel projet impérial, il fallait creuser une voie d’eau entre le Main et le Danube, entre le bassin rhénan dont les eaux se jettent dans la Mer du Nord et le bassin danubien, dont les eaux coulent vers la Mer Noire. En 793, Charlemagne ordonne le creusement d’un canal, que l’on appellera la fosse caroline ou fossa carolina ou Karlsgraben. Elle servira pendant un temps assez long au cours du haut moyen-âge, avant de s’enliser et de décourager les marchands vu la difficulté que constituait le système des biefs élémentaires de l’époque, mais elle s’avèrera utile dans les opérations logistiques, d’abord pour mettre un terme définitif à la domination des Avars sous Charlemagne, ensuite pour repousser les envahisseurs magyars, définitivement battus par Othon I en 955 à Lechfeld, permettant l’établissement définitif du Saint Empire Romain de la Nation germanique. Il y a à nouveau impérialité en Europe, à partir de la victoire d’Othon, parce qu’il n’y a plus de blocage hostile, porté par un élément quelconque niant ou ignorant l’héritage romain, en Pannonie.
 
Restaurer l’Empire par la maîtrise de la Pannonie
L’objectif stratégique de Charlemagne à Othon I a bel et bien été la maîtrise du Danube et de la plaine pannonienne car, dès que ce plan se réalise, il y a alors retour automatique à une impérialité à la romaine puisque Rome entretenait de nombreuses légions en Hongrie actuelle, dont les bains chauds de Budapest sont un souvenir remarquable, au même titre que ceux d’Aix-la-Chapelle. Autre preuve de restauration impériale : l’impérialité romaine était l’alliance de la sédentarité latine et de la mobilité cavalière (et eurasienne !) des foederati iazyges et roxolans (étudiés par Lebedynsky), dont les humanités un peu figées de nos curricula scolaires d’antan ne nous parlaient pas encore. Rome en effet, comme Athènes jadis avec sa police scythe, tablait sur le concours de cavaliers aguerris issus de la steppe : on les appelle surtout des Sarmates dans les sources classiques mais les unités qui servaient en Pannonie portaient les noms tribaux de Iazyges et de Roxolans. Ces cavaliers expérimentés étaient chargés de protéger cette trouée pannonienne contre les attaques des Daces ou des tribus germaniques comme les Quades ou les Marcomans. 
 
Par la conversion des Hongrois, la Pannonie, après la victoire d’Othon I, retrouve une garnison permanente de cavaliers de la steppe, de cavaliers eurasiens, qui promettent fidélité à l’Europe (à la « chrétienté » dans le langage médiéval), de toujours se ranger du côté de celle-ci et d’interdire à toute invasion venue de la steppe de bouleverser encore l’ordre néo-romain. Les Hongrois ont toujours tenu cette promesse, en laissant passer les Croisés, en luttant héroïquement contre les Turcs aux 15ème et 16ème siècles, en se sacrifiant deux fois dans les rues de Budapest en 1945 (pour protéger Vienne) et en 1956. Aujourd’hui toutefois, le parti nationaliste hongrois Jobbik, dégoûté sans nul doute par la veulerie et l’impéritie criminelle des cliques eurocratiques (qui cultivent avec une obstination pathologique le déni de toute romanité donc de toute européanité vraie et héritée), parie pour un eurasisme pantouranien, renouant avec quelques antécédents : les idées pantouraniennes des transfuges hongrois, devenus généraux dans l’armée ottomane, après la révolte de 1847-1848 matée par les Autrichiens ; les visions du turcologue judéo-hongrois Armin Vambéry, théoricien d’un pantouranisme dont les Hongrois de l’Empire des Habsbourgs seraient partie prenante, tout comme pour son homologue et coreligionnaire judéo-lorrain David Léon Cahun ; l’idéologie pantouranienne du géographe Pal Teleki (1879-1941, suicidé), futur ministre des affaires étrangères et premier ministre anglophile du gouvernement Horthy avant la deuxième guerre mondiale. Il semble que ce pantouranisme hongrois d’avant le néo-nationalisme actuel du mouvement Jobbik ait été une manœuvre occidentale, franco-britannique, pour disloquer l’Empire des Habsbourgs, ruiner tout nouveau tandem austro-hongrois ou germano-hongrois et balkaniser la Mitteleuropa, comme l’a fait le Traité de Versailles de 1919.  
 
 
Des Sicambres à Parzival
 
L’impérialité romaine puis l’impérialité othonienne recèlent donc toutes deux une dimension eurasienne, non retenues par les humanités édulcorées et figées ad usum Delphini ou par certains eurasistes russes des années 20 et 30 qui fustigeaient la civilisation « romano-germanique » en la décrétant imperméable à tout dynamisme d’origine eurasienne ou fondamentalement étrangère à la civilisation byzantine. Les éléments scythes puis sarmates ont été déterminants dans le façonnage du mental germanique, dépositaire de la titulature impériale, comme le note bien le Prof. Beckwith. Par ailleurs, de nouvelles études tendent à prouver que les éléments sicambres de la confédération franque, originaires de Cologne et de sa région et dont sont issus les Mérovingiens, avaient des origines sarmates (8), tout comme les mythes arthuriens, faussement dits « celtiques », en Britannia. Les idéaux sarmates, ceux du « comitatus » proto-iranien selon Beckwith, serviront, tout comme le « fottowat » musulman imprégné de traditions persanes (Saladin !) et non arabes, à faire éclore, dans le sillage des Croisades, le noyau dur de la civilisation européenne médiévale, c’est-à-dire les ordres de chevalerie, exprimée notamment par le mythe de Parzival (Perceval chez Chrétien de Troyes) dans l’œuvre de Wolfram von Eschenbach, qui s’inspire des mythes arthuriens, considérés aujourd’hui comme relevant du sarmatisme romain, et les introduit en Germanie continentale. Perceval est le frère en esprit du Perse Feirefiz, dont la mère est de « peau brune ». Le mythe forgé par Wolfram von Eschenbach vise à ramener au souvenir des chevaliers la tradition cavalière, chevaleresque du « comitatus » proto-iranien (et eurasien) partagée par l’impérialité germanique et l’impérialité kurde ou persane, tout en constatant une différenciation d’ordre racial. 
 
Revenons à l’époque carolingienne. Si l’objectif de Charlemagne et de ses successeurs compétents était de restaurer la communication sur le Danube, de déboucher en Mer Noire et de relier l’Ouest et l’Est à hauteur du Bosphore byzantin, à la même époque, des éléments européens non romanisés, très éloignés du monde romain et méditerranéen, entreprennent une percée plus à l’Est : les Vikings scandinaves et les Varègues suédois, dont la plaque tournante stratégique et commerciale a été le port de Haithabu, atteignent la Volga et le comptoir de Bolgar et restaurent de la sorte un commerce eurasien en prise tout à la fois sur la Volga qui mène à la Caspienne et de la Caspienne à la Perse et de la Perse à Bagdad et sur les routes de la Soie menant vers le centre de la masse continentale eurasienne et vers la Chine.  
 
 
Limes danubien et axe gothique
 
Rome était certes, depuis l’issue des guerres puniques, une puissance méditerranéenne mais elle était présente aussi sur la rive occidentale du Rhin, avec des villes comme Trêves, Cologne, Bonn, Mayence, Arlon, Tongres, Metz, Strasbourg, et sur la rive méridionale du Danube avec Castra Regina (Regensburg/Ratisbonne), Vindobona (Vienne), Aquincum (Budapest) et Colonia Singidunum (Belgrade). Plus loin, au-delà des « portes de fer », en province de Moesia Inferior, avec Novae (Svishtov), Durostorum (Silistra), etc. Jean de Brem, dans son Testament d’un Européen, d’inspiration romanisante et byzantinisante (les eurasistes russes les plus sourcilleux ne pourront nous reprocher cette lecture…), rappelle l’évacuation des régions aujourd’hui bavaroises et le remplacement de la population celte romanisée ou de souche italienne par les nouveaux venus, les Bajuwaren germaniques. Face à ce limes du delta hollandais jusqu’à celui du Danube, se regroupent une masse d’Européens non romanisés, les Germains, principalement, et leurs alliés, issus de peuples divers. Ils occupent la rive orientale du Rhin et la rive septentrionale du Danube et, surtout sous l’impulsion des Goths, maîtrisent, à l’époque du Bas-Empire ce qu’il conviendra ultérieurement d’appeler l’ « axe gothique », soit la ligne qui va de la Mer Baltique à la Mer Noire, jusqu’à la Volga. Il s’agit de l’extension d’une culture dite de Wielbark, surgie sur les rives de la Baltique, à l’embouchure de la Vistule, suite à une occupation de populations venues de l’actuelle Gothie suédoise et de l’île de Gotland, pour s’étendre au 3ème siècle jusqu’au delta du Danube et jusqu’à l’embouchure du Dniestr, sous le nom de culture de Tcherniakov. 

 

 
Portées par les Goths, préalablement issus de la Suède actuelle, les cultures de Wielbark et de Tcherniakov contribuent au « membrage » territorial de l’Europe en dehors de l’orbe romaine. La juxtaposition conflictuelle de ces deux blocs, dont le premier est avéré, ancré dans l’histoire antique, et l’autre en gestation, va créer au-delà de l’espace romanisé un barrage gothique dans le « shatterbelt » ukrainien, sarmatisé après avoir été dominé par les Scythes, et une sarmatisation partielle de l’élément goth, créant, de ce fait, une fusion germano-eurasienne féconde et relativement homogène, qui ne sera que de brève durée et n’aura pas le temps de se cristalliser : en 369, les Huns ­ -qui ont soumis les Alains, autre peuple cavalier indo-européen dont descendent les actuels Ossètes-, franchissent le Don, limite fluviale du pouvoir d’Ermanarich, roi wisigoth. Le verrou gothique du « shatterbelt » steppique ukrainien a sauté : les Huns seront rapidement sur le Danube et sur le Rhin. Rome vacille puis s’effondre. L’Empire finira par disparaître car sans verrou gothique et sans verrou romain, il n’y a pas d’impérialité possible en Europe.
 
La présence tatar/mongole empêche tout membrage de l’axe gothique
 
Mais si les Huns et les Alains ont indubitablement repris à leur compte l’idéal du « comitatus » des cavaliers proto-iraniens, leur pouvoir sur les peuples est éphémère, sans doute à cause d’une hypertrophie impériale, les cavaliers hunniques et leurs alliés contraints s’étant trop éloignés de l’espace premier de leur rassemblement. Plus tard, les Avars ont pris leur relais dans la plaine pannonienne, ont parfois été les alliés des Byzantins et ont influencé tous les peuples slaves et germaniques du bassin danubien, de la zone anciennement dace des Carpathes et de la Bohème. Ils seront progressivement éliminés par les Pippinides et les Carolingiens. Les Magyars seront battus par Othon I. De même, les Mongols et les Tatars, présents en Russie et en Ukraine de 1235 à 1480, n’exigent qu’allégeance et tribut sans occuper réellement le terrain. L’Europe a failli tomber à la même époque car les hordes mongoles arrivent sur la Vistule et battent les armées impériales et polonaises à Liegnitz en Silésie et atteignent l’Adriatique après avoir battu les Hongrois puis les Croates. La mort du Grand Khan Ögödei oblige les Mongols, respectueux de leurs coutumes, de retourner vers leurs bases de départ pour participer à l’élection d’un nouveau chef suprême. Le joug tatar, comme l’appellent les Russes, après s’être imposé de 1235 à 1480, a empêché un nouveau « membrage » territorial sur l’ancien « axe gothique », détruit en sa période de gestation par la première invasion hunnique, annihilé une seconde fois quand s’écroule la Russie kiévienne, expression d’une fusion varèguo-slave. Le choc avec les hordes tataro-mongoles, pourtant peu nombreuses, a brisé le « membrage » en gestation du binôme Varègues/Slaves sur l’axe baltique/pontique, tourné vers Byzance, donc vers l’espace pontique, le Bosphore, l’Egée et le bassin oriental de la Méditerranée et capable, comme le diront plus tard Catherine II de toutes les Russie et son ministre Potemkin, de souder une civilisation néo-hellénique, rajeunie par les éléments slaves, baltes et germaniques. Ce projet n’a jamais pu être réalisé. L’Europe reste alors enclavée, elle fait du sur-place ou ne réussit que de petites opérations ponctuelles de « désenclavement » (9), dont aucune n’a une réelle ampleur, confirmant le constat de Guillaume de Malmesbury : l’Europe est un sous-continent assiégé, battu en brèche par des ennemis acharnés. Son expansion future n’est pas due à sa malignité, à un désir sauvage de dominer autrui mais à une nécessité de se désenclaver, d’échapper à des étaux mortels, mis en œuvre eux, par des adversaires qui n’ont ni nos scrupules ni un souci de l’ « Autre » comme on le dit aujourd’hui, suite aux réflexions du philosophe Levinas.
 
Un seul objectif : se désenclaver !
 
Pour le Prof. Jean-Michel Sallmann, l’histoire de l’Europe est constitué d’une série de tentatives, d’abord timides ensuite grandioses, de désenclavement.  1) Les Croisades seront une première tentative de sortir de l’étau imposé par les Seldjoukides et leurs successeurs après leur victoire contre les Byzantins à Manzikert en 1071. L’appel d’Urbain II (alias Eudes de Châtillon) aux Francs à Clermont-Ferrand le 27 novembre 1095 demande, suite aux appels du Basileus Alexis I, de libérer la « Romania », soit l’espace jadis romain, d’une « race étrangère », mais non pas une race au sens ethnologique du terme (concept biologisant et darwinien inconnu à l’époque). Par « race », Urbain II et ses contemporains entendent un ensemble uni par une même idée et une même fidélité à l’Empire ou à ce qui demeure de cet Empire dans les esprits (comme l’explique parfaitement Jean de Brem dans son Testament d’un Européen). Finalement, ces expéditions vers le Levant furent un échec géopolitique dès la fin du 13ème siècle, sauf qu’elles permirent une deuxième forme de désenclavement, celle amorcée en parallèle à ces Croisades, soit 2) le développement des entreprises commerciales italiennes, essentiellement génoises et vénitiennes, lesquelles s’implantent en Crimée (en Tauride) pour se brancher sur les routes de la Soie du nord, grâce à une tolérance mongole pour le commerce que n’auront plus les Tatars de Crimée et d’Ukraine quand ils chercheront la protection des Turcs contre les Russes dans cette « gateway region ». Là aussi, les Italiens seront évincés du commerce centre-asiatique, au bénéfice d’un autre commerce, transatlantique celui-là, que domineront durablement des puissances atlantiques désormais liées aux Amériques. Il faudra attendre l’entrée en Crimée des troupes de Catherine II de Russie pour restaurer potentiellement un commerce liant le reste de l’Europe à l’Asie centrale, et au-delà de ses immensités territoriales, de ses déserts et de ses massifs montagneux (Altaï, Himalaya), à la Chine et à l’Inde, deux « marchés » plus accessibles au commerce maritime, plus rapide et moins onéreux, dominé par les Anglais.
 
Trois tentatives de faire sauter les verrous tatar et ottoman
 
Il y aura trois tentatives majeures pour faire sauter les verrous tatar et/ou ottoman : une offensive russe, une volonté portugaise de contourner l’Afrique et la longue guerre mené par l’Espagne pour maîtriser toute la Méditerranée. Sous l’impulsion de marchands anglais, qui se souvenaient vraisemblablement des initiatives scandinaves entre les 9ème et 12ème siècles, le Tsar Ivan le Terrible voudra rétablir sous son autorité un ensemble territorial partant de la Mer Blanche pour aboutir à la Caspienne, à Astrakhan, tout en rassemblant les terres que baigne la Volga au profit de son empire qui se pose comme l’héritier de Byzance, éliminée par le Sultan Mehmet II en 1453. Il y réussira mais sans rouvrir les routes commerciales de Marco Polo, à cause du maintien d’une présence tatar sous la protection de la Sublime Porte ottomane en Ukraine actuelle, en une zone pleinement qualifiable de « gateway area ». En compensation, l’œuvre géopolitique d’Ivan le Terrible rouvre la voie sibérienne aux cosaques, qui atteindront le Pacifique après un siècle de chevauchées. L’action géopolitique ante litteram d’Ivan le Terrible amorce le reflux tatar/mongol mais renforce simultanément la volonté de résistance ottomane qui, paradoxalement et en dépit de la volonté russe de devenir la « Troisième Rome », adopte les stratégies byzantines « antilatines » et « anticatholiques » en Méditerranée, en Mer Noire et dans le bassin danubien, autant d’actualisations des stratégies jadis préconisées par Justinien et ses généraux. Il y a eu fusion entre la géopolitique byzantine et la géopolitique ottomane dès la prise de Constantinople : le fameux film turc à grand spectacle relatant l’œuvre militaire de Mehmet II met en scène des Grecs pro-ottomans.

 

 
La tentative portugaise est plus grandiose. Sous l’impulsion du Prince Henri le Navigateur (1394-1460), Anglais du clan des Lancastre par sa mère, une école s’établit à Sagres au Portugal qui compile le savoir géographique disponible à l’époque, attirant à elle des savants de toutes origines. Dès l’âge de vingt ans, l’Infant Henri obtient de son père Jean I qu’il lance une campagne contre les pirates maures de Ceuta. La conquête de ce nid de pirates barbaresques permet de découvrir que la richesse des royaumes maures de l’actuel Maroc et de l’Andalousie musulmane provenait des richesses africaines, dont l’or de l’actuel Ghana, ramenées par les caravanes transsahariennes. Tout en préconisant un harcèlement systématique de la côte marocaine afin de contrer toute contre-offensive maure, Henri conçoit alors le projet de lancer des expéditions maritimes par cabotage le long des côtes atlantiques de l’Afrique pour contourner ces pistes caravanières et pour assurer un transport plus rapide et quantitativement plus important au bénéfice du Portugal. Les recherches de l’école géographique de Sagres permettent d’amorcer le désenclavement de l’Europe via les côtes africaines et via les immensités océaniques de l’Atlantique :   en 1419-1420, les explorateurs Joao Gonçalves Zarco et Tristao Vaz Teixeira découvrent Madère ; en 1427, Diego de Silves découvre les Açores ; en 1434, Gil Eanes franchit le Cap Bojador ; en 1444, année de la bataille fatidique de Varna contre les Ottomans, Nuno Tristao arrive jusqu’à l’embouchure du fleuve Sénégal ; après la mort de l’Infant Henri, Rui de Sequiera arrive au Bénin en 1472 puis, entre 1482 et 1486, Diego Cam atteint l’embouchure du fleuve Congo et pousse jusqu’aux côtes de l’actuelle Namibie. Entre 1487 et 1488, Bartolomeu Dias double le Cap de Bonne Espérance. En 1498, Vasco de Gama arrive à Calicut en Inde. La route vers le sous-continent indien, vers les épices et vers les régions du monde que les Romains aspiraient à explorer, est enfin accessible aux Européens, qui viennent de réussir à se désenclaver, grâce à l’impulsion première de l’Infant Henri, grâce au travail intellectuel de l’école de Sagres. L’ère de la suprématie européenne commence. 

 

 

L’Espagne ne cherchera pas à contourner la masse continentale africaine, projet qu’elle estime sans doute démesuré, et envisage de maîtriser d’abord les deux bassins de la Méditerranée, contre les Ottomans et les Barbaresques, puis de donner, à terme, des coups de bélier sur les côtes orientales de la Grande Bleue afin de rouvrir les voies classiques du commerce eurasien au départ des ports syriens et d’Alexandrie. Cette aventure –le rêve alexandrin de Charles-Quint et de Philippe II-  avait commencé dès les 13ème et 14ème siècles par les conquêtes aragonaises des îles (Baléares, Sardaigne, Sicile, Italie du Sud et parties du Péloponnèse grec). En 1565, Philippe II prend Malte. La prise de Chypre par les Ottomans ne sera pas compensée par la victoire de Lépante en 1571. Les projets espagnols de désenclaver l’Europe par le « fond » de la Méditerranée n’aboutiront pas, en partie à cause de l’alliance entre les monarques français et l’ennemi ottoman, exemple flagrant de trahison civilisationnelle, à l’origine du déclin irrémédiable de l’Europe aujourd’hui et explication au tropisme musulmaniste de la « République » maçonnique et laïcarde, en dépit d’une incompatibilité de cette idéologie stupide et vulgaire avec toute position religieuse de grande profondeur temporelle, quelle qu’elle soit. L’Espagne se tournera alors vers l’exploitation des Amériques et gardera ses conquêtes dans le Nouveau Monde jusqu’au début du 19ème siècle.
 
Cette rétrospective sur les tentatives européennes de désenclaver notre sous-continent nous montre que les conflits sont permanents et que les zones-clefs de la géostratégie peuvent redevenir, après les périodes plus ou moins longues d’apaisement, des enjeux déclencheurs de nouveaux conflits chauds. Les confrontations pour maîtriser ces zones-clefs sont donc des permanences de l’histoire qu’aucune idéologie iréniste, qu’aucun discours pacifiste, ne peuvent effacer ou rendre caduques. Nous avons vu que le conflit franco-allemand de 1870 à 1945 (ou à 1963, lors de la rencontre De Gaulle/Adenauer qui scelle la nouvelle amitié franco-allemande) a été un conflit pour la maîtrise de l’espace dit « lotharingien » puis pour le Danube et surtout le Pô, parce que les rois de France voulaient une fenêtre sur l’Adriatique pour avoir accès justement au commerce que tentait de rétablir Venise. Au-delà de cet enjeu des guerres d’Italie, de la conquête de la Franche-Comté (« El camino espanol ») par Louis XIV et des campagnes de Napoléon III en Lombardie au 19ème siècle, ces guerres incessantes visaient aussi, quelque part, à établir des têtes de pont est-méditerranéennes ou pontiques pour accéder aux routes de la soie : les croisades françaises visent à prendre Alexandrie, de même que le commerce italien qui entend également conserver et consolider ses avantageux avant-postes en Crimée, jusqu’au moment où les Tatars, oublieux des sagesses de leurs khans antérieurs, s’allieront aux Ottomans qui verrouilleront tous les accès méditerranéens et pontiques au commerce eurasien pour ne laisser aux Européens que les routes ouvertes par les Portugais ou l’exploitation du Nouveau Monde.
 
Le projet ? Ré-enclaver l’Europe !
 
Aujourd’hui, le Levant est ravagé par les miliciens de l’EIIL jusqu’en Mésopotamie, empêchant du même coup tout développement de la région au profit d’une synergie eurasienne. La « gateway region » ukrainienne est bloquée au niveau du Donbass par une guerre permanente que l’on voudra maintenir et entretenir sur la très longue durée, afin d’installer un « abcès de fixation » purulent qui aura pour double fonction d’entraver l’acheminement d’hydrocarbures russes vers l’Ouest et de fragiliser l’Ukraine, privée ainsi de ses régions industrielles et mise à charge d’une Union Européenne déjà financièrement exsangue. La Crimée va bientôt être coincée entre ce Donbass bloqué par une guerre interne aux conséquences imprévisibles et une Moldavie/Transnistrie que l’on s’apprête, dans certains cénacles de stratégistes d’Outre-Atlantique, à porter en ébullition pour imposer un nouveau verrou qui parachèvera le ré-enclavement de l’Europe, ennemi principal de Washington. A ces deux foyers de turbulences sur le « gateway » ukrainien et à l’implosion du Levant et de l’Irak, s’ajoutent la réactivation probable des conflits tchétchène et daghestanais, du conflit russo-géorgien, de manière à créer des blocages de longue durée non seulement de part et d’autre de la Crimée, mais aussi entre l’espace maritime pontique et la Caspienne. Par ailleurs, au départ d’un Afghanistan abandonné par les soldats de la coalition atlantiste, des djihadistes, que l’on posera comme « incontrôlables », s’infiltreront au Turkménistan pour bloquer les communications au-delà de la Caspienne. L’ancienne route maritime portugaise, dans l’Océan indien, le long des côtes de l’Afrique orientale, est, elle, partiellement interrompue en une zone océanique importante, au large de la Somalie par la piraterie que l’on combat soi-disant avec les flottes ultra-modernes de l’OTAN mais qui fait preuve d’une résilience finalement fort suspecte, tant et si bien que deux verrous y sont présents implicitement : entre Madagascar et la côte orientale de l’Afrique, au niveau du Kenya, et à la sortie de la Mer Rouge. On le voit : l’ennemi, c’est l’Europe qu’il faut ré-enclaver et qu’il faut faire imploser de l’intérieur en la livrant en permanence à des politiciens écervelés et en y déversant constamment des populations hétérogènes et inassimilables, débarquant à Lampedusa et sur les îles de l’Egée grecque. Toutes les avancées de l’Europe hors de son enclavement médiéval sont rendues nulles et non avenues par les stratégistes américains, héritiers des thèses et projets de Brzezinski.
 
Un chaos « néo-mongol » en Asie centrale ?
 
L’objectif essentiel des volontés européennes de désenclaver notre sous-continent était de renouer des relations commerciales avec l’Inde et la Chine, qui, à elles deux, faisaient au total au moins 35% du commerce mondial jusqu’au milieu du 19ème siècle. Dans l’Océan Indien, qui devient une « route de la soie » maritime et remplace les voies terrestres, les Britanniques prendront le relais des Portugais et des Hollandais mais excluront le reste de l’Europe : la France de Louis XV est chassée des Indes, la compagnie d’Ostende au service de l’Empereur d’Autriche est également sabotée, tandis que la Russie avance ses pions en Asie centrale, menaçant à terme les Indes anglaises. La maîtrise russe de la « terre du milieu » (avant que le géographe Halford John Mackinder ne forge le concept en 1904) s’oppose à la maîtrise britannique de l’« océan du milieu », en une confrontation binaire Terre/Mer que soulignera notamment Carl Schmitt. Cette dialectique induit la notion de « Grand Jeu », où le protagoniste russe cherche, au 19ème siècle, surtout sous Alexandre II, à parachever l’œuvre d’Ivan le Terrible en « rassemblant les terres » au sud de ses conquêtes antérieures de Sibérie septentrionale, région très inhospitalière où ne passait aucune « route de la soie ». En poussant vers la Perse et vers les terres islamisées et iranisées des Turkménistan et Ouzbékistan actuels, la Russie tsariste s’emparait de plusieurs tracés des anciennes routes de la soie, reliant notamment les villes de Samarkand, de Merv et de Boukhara. Un embranchement de ce réseau de voies terrestres partait vers l’Inde sur le chemin emprunté jadis par les conquérants perses et afghans de la vallée du Gange : à Londres, on imaginait déjà que les cosaques du Tsar allaient s’élancer sur les mêmes pistes et arriver à Bénarès et à Calcutta. Simultanément, surtout après le complètement du chemin de fer transsibérien jusqu’à Vladivostok et Kharbin en Mandchourie, les Russes s’emparent de l’espace où s’étaient rassemblées, vers 200 avant notre ère, les premières coalitions hunniques et mongoles qui avaient éliminé d’Asie centrale les royaumes indo-européens, tokhariens ou autres, avant de disloquer l’Empire gothique en gestation en Ukraine et, par suite, l’Empire romain. La conquête russe de cet antique espace de rassemblement hunno-mongol rend impossible, jusqu’à nos jours, toute nouvelle dislocation, par coups de butoir hunniques ou mongols, de cet immense espace réunifié cette fois par les Tsars –et non plus par des khans mongols qui ont trop souvent souhaité le vide et la « désurbanisation » totale en ces terres immenses entre la Mandchourie et l’Ukraine. Les Tsars, eux, font œuvre « romaine » en construisant des voies de communications, telles les tracés du chemin de fer transsibérien, et en jalonnant ce tracé de nouveaux centres urbains. Raison pour laquelle certains observateurs n’ont pas hésité à qualifier la volonté américaine de bouleverser l’Asie centrale, parfois par djihadismes interposés, de « néo-mongolisme », vu qu’elle a parfois souhaité un chaos généralisé et durable, afin d’affaiblir les empires périphériques, russe ou chinois. Serait dès lors « néo-mongole » la stratégie de bouleverser le Turkménistan et peut-être aussi l’Ouzbékistan (plus lié à l’Organisation de Shanghaï) par des nouveaux talibans venus d’un Afghanistan laissé volontairement dans le chaos le plus absolu, après le départ des troupes américaines qui ont, bien évidemment, subtilement préparé ce désordre artificiel… sans en avoir l’air et surtout contrairement aux intentions proclamées par les médias. Le Turkménistan détient d’immenses réserves d’hydrocarbures, exportables vers l’Europe, qui cherche des alternatives à une trop grande dépendance russe : le projet de bouleverser la paix intérieure dont jouit encore ce pays, sous prétexte que son pouvoir présidentiel serait trop « fort », et donc pas assez « démocratique » au regard des innombrables ONG américaines, n’est pas seulement un projet antirusse mais avant tout un projet antieuropéen, qui vise à freiner encore davantage l’approvisionnement en hydrocarbures de notre sous-continent. 
 
Accès à la Mer Rouge
 
Il faudra cependant attendre 1783 pour que Catherine II, Impératrice de toutes les Russies, reprenne la Crimée aux Tatars inféodés aux Ottomans. Du coup, la Russie, auparavant éloignée de tout littoral utile, bénéficie du tremplin pontique de l’antique civilisation hellénique et des comptoirs génois et vénitiens, mais en l’articulant forcément dans une direction nord-sud. Ce nouvel état de choses menace la puissance devenue quasi globale de l’Angleterre depuis la guerre de Sept Ans, où elle a évincé la France des Indes et du Canada. Albion craint une pression permanente et dangereuse sur la future artère méditerranéenne qu’elle compte bien ouvrir en s’emparant de l’Egypte et en creusant un canal entre la Méditerranée et la Mer Rouge pour réactiver le commerce avec l’Inde que les Romains entretenaient au départ des ports égyptiens de Bérénice et de Myos-Hormus en direction du Yémen et du Gujerat indien. Le bassin oriental de la Méditerranée et l’accès à la Mer Rouge doivent dès lors demeurer sous contrôle anglais et sans aucune pression venue d’ailleurs en Europe : ni d’une Autriche qui se découvrirait une vocation adriatique, égéenne et est-méditerranéenne ni d’une Russie qui se projetterait de l’espace pontique vers Alexandrie et la vallée du Nil ni d’une France révolutionnaire ou bonapartiste qui s’installerait en Egypte, à l’ombre des pyramides « d’où quarante siècles la contempleraient » ni d’une France de la Restauration qui appuierait trop généreusement Mehmet Ali. Parce que sa puissance globale en gestation postule de conserver le sous-continent indien et de maîtriser l’Océan du Milieu, soit l’Océan Indien, l’Angleterre des Pitt et de leurs successeurs doit être la seule puissance capable de contrôler le corridor Méditerranée à son profit, à l’exclusion de toutes les autres puissances européennes. L’installation des Russes en Crimée est donc un casus belli potentiel, tout comme la campagne d’Egypte de Bonaparte sera considérée comme un danger mortel pour le dispositif anglais entre la métropole britannique et les possessions indiennes.
 
L’eurasisme informel du 18ème siècle
 
En effet, entre la fin de la guerre de Sept Ans et la Révolution française, surtout sous le règne de Louis XVI, une sorte d’unité stratégique eurasienne existe, même si, au départ, elle était encore privée de la mobilité qu’offrent les flottes. Louis XVI fait la paix avec l’Autriche de Marie-Thérèse et de Joseph II ; l’Autriche est alliée des Russes contre les Ottomans dans le bassin danubien et en Mer Noire. L’Europe connaît un bond en avant en tous domaines, vu la neutralisation de l’ennemi ottoman pluriséculaire, puis les explorations maritimes, favorisées par Louis XVI, par la Tsarine et ses successeurs, vont bon train (10) : les puissances de cette alliance informelle se dotent, après la Guerre de Sept Ans, de flottes capables d’exercer la pression que craignent les Pitt à Londres. Aujourd’hui, cette tradition européenne et eurasienne, au sens de cette alliance informelle du 18ème siècle, est reprise par Don Sixto Enrique de Borbon, héritier, pour les légitimistes carlistes, de la Couronne d’Espagne (11) et non pas seulement par des nostalgiques marginalisés d’une forme ou d’une autre de « national-bolchevisme ». Après la parenthèse des guerres contre la Révolution française et l’Empire napoléonien, l’Europe, cette fois avec l’Angleterre, cherchera à restaurer cet espace pacifié de l’Atlantique au Pacifique par la mise en œuvre d’un nouveau système, celui de la Sainte-Alliance, née lors du Congrès de Vienne de 1814 que l’historien allemand contemporain Eberhard Straub considère comme un exemple de sagesse politique, dans la mesure où son système de sécurité collective a procuré un siècle de paix à l’Europe, qui a pu ainsi s’imposer au monde tout en conservant sa diversité (12).
 
La Doctrine de Monroe
 
L’alliance franco-austro-russe du 18ème siècle, bien qu’informelle, et la Sainte-Alliance du Congrès de Vienne ont été des espaces eurasiens unis, stratégiquement unifiés. Ils ont toutefois été de courte durée. La Révolution française, que quelques historiens français comme Olivier Blanc (13) considèrent comme une fabrication des services de Pitt, bouleverse l’équilibre européen en déployant une idéologie délirante et déstabilisatrice qui a ruiné toute coopération harmonieuse entre la France, l’Autriche et la Russie. Blanc a exploré les archives de manière méticuleuse pour étayer ses thèses. Au départ de son travail, on peut avancer l’hypothèse que les services de Pitt visaient à faire exploser la France de Louis XVI qui misait sur le développement d’une flotte capable d’intervenir en tous points du globe, d’une flotte qui avait battu les Anglais à Yorktown en 1783. L’objectif de Pitt était aussi de saboter les efforts austro-russes contre l’Empire ottoman pour éviter cette double pression sur le Bosphore et la Méditerranée orientale et pour obliger les Autrichiens à affronter les hordes révolutionnaires française aux Pays-Bas méridionaux et en Rhénanie. Il s’agissait de générer le chaos dans toute l’Europe pour éviter une alliance paneuropéenne ou la domination du sous-continent par une puissance trop hégémonique. D’où, pour Straub, la phobie de Metternich et des congressistes viennois pour les théories dites « démocratiques », plus ou moins dérivées des idées révolutionnaires françaises, parce qu’on les devinait génératrices d’un chaos sans fin.
 
Dans une première phase, qui a duré une bonne douzaine d’années, le bloc européen de la Sainte-Alliance suscite les craintes d’une puissance émergente, viscéralement hostile à la vieille Europe au nom d’un fondamentalisme protestant et bibliste, camouflé derrière un rationalisme et un « déisme » de façade et de circonstances, détaché de tout héritage historique concret : les Etats-Unis d’Amérique. Ceux-ci craignaient que les puissances européennes ne portent assistance à l’Espagne confrontée aux nouveaux nationalismes démocratiques des populations indigènes et créoles des vice-royaumes du Nouveau Monde. En 1823, en réaction au danger potentiel que représentait la Sainte-Alliance eurasienne, le Président James Monroe énonce sa célèbre doctrine de « l’Amérique aux Américains », forgeant de la sorte une politique qui deviendra constante : celle du refus de toute ingérence européenne dans le Nouveau Monde. Les Etats-Unis ne craignaient pas seulement un éventuel secours porté à l’Espagne ruinée et désormais incapable de se réaffirmer dans les Amériques : ils craignaient aussi et surtout la présence russe en Alaska et en Californie, voire aussi la possible alliance entre Russes et Espagnols sur la côte pacifique de l’Amérique du Nord, qui aurait verrouillé la marche en avant des Etats-Unis vers la bi-océanité, clef de leur future puissance globale. On oublie souvent de mentionner que Monroe, quand il a énoncé sa doctrine, avait l’aval plus ou moins secret de la Grande-Bretagne qui, elle aussi et en dépit de la guerre qui venait de l’opposer aux jeunes Etats-Unis en 1812, ne désirait pas voir d’autres puissances européennes intervenir dans les Amériques, où elle cherchait à contrôler seule certains marchés, notamment en Argentine. La Doctrine de Monroe sera complétée par le « corollaire Roosevelt » après la guerre hispano-américaine de 1898, qui arrache à l’Espagne Cuba et les Philippines, un corollaire qui stipule que toute politique que les Etats-Unis pourraient considérer comme contraire à leurs intérêts serait traitée comme un acte d’agression. C’est ce « corollaire Roosevelt » qui justifie encore et toujours aujourd’hui les interventions américaines dans le monde, ainsi que l’espionnage des réseaux ECHELON et Prism (l’affaire Snowden) dirigé essentiellement contre l’Europe. Le « corollaire Roosevelt » est interprété de manière très vaste : le développement optimal d’une technologie quelconque, mais surtout aéronautique ou spatiale, même dans un pays « allié », est considéré comme une agression contre les intérêts des firmes concurrentes américaines donc contre l’intérêt des Etats-Unis en tant que puissance.
 
Crise grecque et question d’Orient
 
La cohérence eurasienne de la Sainte-Alliance sera, nous l’avons dit, de courte durée. Ce seront principalement les deux puissances occidentales, la France et la Grande-Bretagne, qui la saborderont progressivement. Les premières lézardes à l’édifice eurasien, que fut la Sainte-Alliance, ont été : le soutien aux Grecs révoltés contre la Sublime Porte ; l’indépendance belge ; la Guerre de Crimée, qui sanctionne la rupture entre un Occident colonial, qui n’est plus centré sur l’Europe même (14), et un « Orient » centre-européen et russe, toujours fidèle à l’esprit premier de la Sainte-Alliance ; l’intervention anglo-française en Chine, lors des guerres dites de l’opium. Eberhard Straub montre que cette Sainte-Alliance, soucieuse de maintenir l’Europe en état de stabilité durable, garantissait l’intégrité de l’Empire ottoman. La révolte grecque et le mouvement des Philhellènes (dont Lord Byron) induisent trois puissances de la Sainte-Alliance à rompre avec l’idéal metternichien et antirévolutionnaire de stabilité européenne : l’objectif n’est pas tant de sauver les Grecs du joug ottoman, car on ne s’était jamais fort soucié d’eux, mais d’obtenir des concessions, des bases pour prendre Constantinople et se projeter vers la Méditerranée (les Russes) ou pour s’installer dans la capitale ottomane et verrouiller le Bosphore pour éviter justement cette projection russe vers Chypre, l’Egée et l’Egypte. Metternich voit dans ce soutien, purement tactique, une amorce de « balkanisation » de l’Europe, une balkanisation qui ne serait pas tant territoriale que mentale : les Européens cesseraient de poursuivre ensemble, dans la cohérence, des politiques stabilisantes communes, qui constitueraient l’essence même du nouvel ordre équilibré voulu par les congressistes de Vienne. Le Tsar Nicolas I voulait toutefois un partage des dépouilles ottomanes, où chaque bénéficiaire trouverait son intérêt mais les deux puissances occidentales, qui agissaient davantage dans les intérêts des Ottomans que dans ceux des Russes, ont refusé cet expédient qui aurait pu, finalement, sauver la cohérence de la Sainte-Alliance. Anglais et Français, rappelle Straub, se méfiaient du résultat à long terme d’un accord général qui affaiblirait définitivement l’Empire ottoman qui n’aurait alors plus eu d’autre solution que de demander son inféodation à l’Empire russe, exactement comme aujourd’hui, la Turquie d’Erdogan et de Davutoglu joue sur deux tableaux, sur l’Occident et sur la Russie, dans l’espoir de se hisser au rang d’une puissance régionale incontournable. Metternich, face à la première crise grecque des années 20 du 19ème siècle qui déclenche ce que l’on a appelé la « question d’Orient », accuse Lord Palmerston d’être un « tyran » dans la mesure où c’est l’Angleterre qui mène une politique égoïste, contraire aux intérêts du continent dans son ensemble. L’objectif anglais, lui, était de contrôler la Méditerranée sans aucune possibilité d’être contrecarré par une autre puissance européenne, quitte à soutenir toute sorte de mouvements séditieux de nature révolutionnaire (selon Metternich), comme aujourd’hui une politique comparable se déploie en Syrie afin qu’aucun môle de puissance régionale, alliée à la Russie ou à une autre puissance européenne, qui se montrerait challengeuse, ne puisse émerger.
 
Indépendance belge et Guerre de Crimée
 
Deuxième lézarde dans l’édifice de la Sainte-Alliance : l’indépendance belge. Une fois de plus, c’est l’Angleterre qui craint le développement du Royaume-Uni des Pays-Bas, disposant d’une flotte hollandaise de haute qualité, d’une industrie textile en Flandre (la Lys autour de Courtrai et Wijnegem) et en Wallonie (vallée de la Vesdre), d’un binôme charbon/acier à Mons, Charleroi et Liège, d’une présence en Insulinde à la charnière de l’Océan Indien et du Pacifique, d’anciennes colonies en Afrique du Sud (colonie du Cap) et dans l’île Maurice qui auraient pu revenir dans le giron néerlandais et surtout d’une aura dans une Allemagne du Nord qui parle des dialectes très proches du néerlandais. Ce Royaume-Uni des Pays-Bas aurait parfaitement pu attirer à lui, plutôt que la Prusse, les régions d’Allemagne du Nord. Pour briser ce môle germanique continental potentiel en face de ses côtes, à une nuit de navigation du cœur de Londres, jadis incendiée par la flotte de l’Amiral de Ruyter lors des guerres anglo-hollandaises du 17ème siècle, il fallait lui faire subir une sécession définitive, affaiblissant les deux lambeaux subsistants. 
 
Troisième lézarde, encore plus profonde : la Guerre de Crimée. Après le soutien français apporté en 1839-1840 au khédive d’Egypte, Mehmet Ali, en révolte contre la Sublime Porte, les deux puissances occidentales, la France et l’Angleterre, se muent en protectrices de l’Empire ottoman pour contenir la Russie au nord du Bosphore. Bismarck reste neutre, de même que la Belgique de Léopold I, qui est un ancien officier de l’armée du Tsar Alexandre. Cette intervention franco-anglaise en Mer Noire vise l’endiguement de la Russie, le maintien d’un Empire ottoman désarticulé, affaibli, incapable d’autonomie et à la merci des pressions occidentales qui entendent garder les mains complètement libres en Méditerranée orientale et en Egypte. Elle génère également l’anti-occidentalisme russe, comme l’attestent d’ailleurs le Journal d’un écrivain de Dostoïevski et les souvenirs de Tolstoï, officier combattant sur le front de Crimée. La Guerre de Crimée provoque donc une rupture profonde entre l’Ouest et la Russie qui alimentera toutes les idéologies antioccidentales qui germeront ultérieurement, qu’elles aient été de facture slavophile ou eurasiste et que cet eurasisme ait été tsariste ou communiste (stalinien). 
 
 
La ruine de la Chine des Qing
 
Parallèlement à ces trois lézardes –question grecque, révolution belge et Guerre de Crimée-  les deux puissances occidentales participent à la ruine de la Chine, présente dans le Sinkiang (le « Turkestan chinois ») et au Tibet, deux composantes importantes du puzzle centre-asiatique à l’époque de gloire des routes de la soie. La première guerre de l’opium, menée par l’Angleterre contre le Céleste Empire, se déclenche parce que le protectionnisme chinois, porté par une bureaucratie bien organisée, barre l’accès au commerce que les Anglais voudraient illimité. Le protectionnisme des empereurs Qing crée un déséquilibre commercial en défaveur des Anglais qui importent plus de marchandises chinoises qu’ils n’en exportent vers le Céleste Empire. Obligés de payer en lingots d’argent, métal précieux qu’ils ne possèdent pas en grandes quantités, les Anglais, pour importer leur thé, vendent de l’opium indien contre l’argent qu’ils ont préalablement cédé pour obtenir le breuvage traditionnel des après-midi londoniens. Ils inversent alors le déséquilibre commercial : l’Empereur, en envoyant son haut fonctionnaire zélé Lin Zexu, riposte en interdisant les fumeries d’opium, en confisquant les ballots de drogue et en imposant de sévères restrictions. Ces mesures entraînent l’intervention britannique et la première guerre de l’opium (1839-1842) qui s’achève par le Traité de Nankin, où la Grande-Bretagne obtient pleine satisfaction. La seconde guerre de l’opium (1856-1860) se déclenche immédiatement après la Guerre de Crimée, sous prétexte d’un non respect des clauses du Traité de Nankin de 1842. La France, alliée de l’Angleterre, participe à la curée et, en 1860, cette guerre se solde par la prise de Pékin et le pillage du Palais d’été. La Chine est contrainte d’accepter les stipulations de la Convention de Pékin (1860), qui reprennent les clauses humiliantes des traités précédents. Cette défaite entame considérablement le prestige des empereurs Qing : la Chine, auparavant superpuissance économique, déchoit en un pays déficitaire, rétif à la modernisation technique, et en une nation esclave de la consommation d’opium. La situation déplait à de larges strates de la population chinoise, ce qui aboutit à la révolte dite des Taiping, qui éclate dès 1851. Le pouvoir central mettra quinze ans à mater ce soulèvement, dirigé par un certain Hong Ziuquan, qui se prenait pour le frère de sang de Jésus-Christ (15). 
 
 
Dislocation de l’Empire des Qing
 
L’affaiblissement du pouvoir impérial permet aux Britanniques de progresser en Birmanie, ancien Etat tributaire de la Chine, et aux Français de s’emparer de l’Annam et de tout le Vietnam dans les années 80 du 19ème siècle. Les maoïstes s’inspireront de cette révolte des Taiping, 80 ou 90 ans plus tard, car elle prêchait un certain égalitarisme et rejetait les hiérarchies politiques traditionnelles, qui venaient de prouver leur incompétence à maintenir la Chine dans son statut de grande puissance impériale. Simultanément, vu le discrédit dans lequel le pouvoir Qing était tombé, d’autres révoltes secouent la Chine au même moment, risquant de précipiter l’Empire dans un chaos indescriptible où s’affrontent des entités rivales. La révolte des Taiping constitue sans doute la guerre civile la plus meurtrière de l’histoire : de vingt à trente millions de morts. La Chine en ressort démographiquement affaiblie. Elle passe de 410 millions d’habitants en 1851 à 350 millions en 1873 (16). Indépendamment des ravages cruels que cette révolte a fait subir à la Chine, elle servira, en dépit d’une inspiration chrétienne bizarre donc non chinoise, non autochtone, de modèle aux nationalismes futurs et au maoïsme (qui est un nationalisme chinois à la sauce communiste). L’idéologie des nationalismes et communismes chinois, irréductibles à leurs modèles européens car sinisés en profondeur, a pour socle principal un refus des « traités inégaux », pareils à ceux imposés par les Britanniques suite aux deux guerres de l’opium, ce qui induit aujourd’hui, alors que la Chine se redresse et reprend la place prépondérante qu’elle détenait jadis dans l’économie mondiale, une volonté de laisser à chaque entité politique le droit de déterminer librement ses choix, sans que ceux-ci ne soient oblitérés par des idéologies universalistes (17), imposées par des puissances hégémoniques occidentales et contraires aux principes du mos majorum à la chinoise, c’est-à-dire du culte des ancêtres, et à la sage notion de perpétuation des schémas connus qu’il convient de ne pas modifier, au nom d’un équilibre et d’une harmonie issus d’une méditation des pensées taoïstes. Les Taiping, en s’inspirant d’une interprétation très biscornue des évangiles, n’avaient pas opté pour un « schéma connu », confucéen ou taoïste, parce que les schémas connus, à leurs yeux, avaient justement déchu et précipité la Chine dans une incapacité à saisir les clefs de la puissance moderne, elles, bien instrumentalisées par l’ennemi britannique. Après la longue guerre civile, l’Impératrice régente Cixi lancera timidement la Chine sur la voie d’une modernisation technologique insuffisante, selon un rythme trop lent, jugeront plus tard les révolutionnaires du Kuomintang du Dr. Sun Ya Tsen, qui proclameront la république en 1912.
 
L’extraversion des deux puissances occidentales s’est traduit, tout au long du 19ème siècle, par des interventions répétées sur des théâtres non européens, par un désintérêt croissant et par un mépris affiché pour les autres puissances européennes non extraverties (selon la terminologie adoptée par Constantin Frantz), dont elles n’ont jamais tenu compte des besoins et des aspirations. Elles n’ont eu de cesse de camoufler leur mépris derrière des discours ronflants, idéologiques ou moralisants, avec l’appui d’une presse haineuse déversant des flots de logorrhées bellicistes ou dépréciatives contre les Russes, par exemple, ou contre les Allemands et les Autrichiens, considérés comme des « barbares » grossiers, incultes parce que ne partageant pas les schémas révolutionnaires, jacobins ou manchesteriens. Cette attitude, en ruinant la pentarchie de la Sainte-Alliance, a provoqué quantité de déséquilibres stratégiques en Europe, comme l’avait prévu Frantz, ce qui a conduit à l’explosion d’août 1914. Et à la fin de l’excellence européenne.
 
De la dangerosité perverse des modernités
 
Toutefois, aux yeux du Prof. Beckwith, les modernisations/centralisations, par l’action des communistes, affecteront les grandes entités politiques de la masse continentale eurasiatique, surtout la Chine et la Russie maitresses des vastes régions de l’Asie centrale, où des syncrétismes séduisants avaient été forgés par des cultures aujourd’hui disparues. Ces modernisations vont éradiquer la diversité linguistique et religieuse, les synthèses fécondes qui ont innervé la région, laissant derrière elles un désert culturel, que les postcommunismes actuels ne parviennent pas à combler, surtout que la planète entière subit, depuis la chute du Mur de Berlin, un tropisme « néolibéral » préoccupant, bien plus incapable de restaurer les assises des vieilles cultures centre-asiatiques que ne l’étaient les communismes dans leurs diverses moutures. Beckwith conclut à la dangerosité perverse des modernités. L’explorateur italien Giuseppe Tucci (1894-1984), polyglotte et orientaliste, est sans nul doute celui qui nous a, de la manière la plus didactique, dressé un tableau des religions syncrétiques de cette Asie centrale et du Tibet (18) : un dossier à ouvrir afin de parfaire le long travail de restauration qu’il faudra bien entreprendre pour guérir l’humanité des maux de la modernité et des faux traditionalismes qu’elle génère dans son sillage pour perpétrer par procuration, par succession ininterrompue d’opérations « fausse bannière », son œuvre de destruction et de mort, comme le montre l’instrumentalisation du fondamentalisme des salafistes et des wahhabites, dont les pauvres schémas n’arrivent pas à la cheville des anciens syncrétismes, à dominante musulmane, nés et morts à Samarkand et à Boukhhara.
 
Pour sortir la Chine de la misère où l’avaient plongé les guerres de l’opium et les pressions britanniques, le premier mouvement républicain, le Kuo Mintang du Dr. Sun Yatsen, s’inspirera indirectement, après sa prise du pouvoir en 1911-1912, des thèses de l’Allemand Friedrich List, qui entendaient généraliser un développement intérieur, c’est-à-dire un colonialisme intérieur et non pas tourné vers l’extérieur et vers les périphéries non européennes. List a inspiré le développement des communications par canaux et voies de chemin de fer en Allemagne (projet concret visant à réaliser le testament politique du Roi Frédéric II de Prusse) et en Belgique (à l’invitation de Léopold I). Sollicité comme « expert ès-développement » avant la lettre, il a également influencé l’organisation territoriale des Etats-Unis dans la première moitié du 19ème siècle, préconisant, notamment, de relier la région des grands lacs, fertile en céréales, à l’Atlantique par un système de canaux, donnant ainsi le coup d’envoi à la puissance agricole que sont demeurés les Etats-Unis depuis lors, dont la meilleur arme, selon Eagleburger, assistant de Kissinger et conseiller de Nixon, est la surproduction de denrées alimentaires (« Food is the best weapon in our arsenal »). Plus tard, List a été considéré comme le théoricien du développement autonome et de l’indépendance économique nationale ou continentale, surtout dans les pays du dit « tiers monde » qui venaient d’accéder à l’indépendance. Il avait des disciples chinois, dont le dernier en date est assurément Deng Xiaoping, promoteur de la Chine post-maoïste. Dans la France gaullienne, l’économiste François Perroux se plaçait dans son sillage et plaidait en faveur d’une indépendance semi-autarcique que d’autres, comme André Grjébine, moderniseront dans le cadre européen, sans obtenir l’oreille des eurocrates.
 
Kang Youwei et Liang Qichao
 
Les idées de List vont bien entendu inspirer les précurseurs chinois du mouvement national et républicain du Kuo Mintang. Dans un ouvrage largement distribué dans les pays anglo-saxons et en Allemagne, l’historien indien du développement  Pankaj Mishra (19), qui enseigne en Angleterre, rappelle le travail patient des hauts mandarins chinois qui ne voulaient pas voir leur patrie impériale sombrer dans un marasme définitif. Parmi eux, Liang Qichao et son maître Kang Youwei. Tous deux entendaient imiter le mouvement Meiji japonais, moderniser et généraliser l’enseignement, les structures de l’Etat et les forces armées. Ils se heurteront à une forte résistance des éléments passéistes. Les nationalistes étatistes du Kuo Mintang et les communistes de Mao seront tous deux, à leur manière, les héritiers de cette volonté modernisatrice de Liang Qichao et Kang Youwei, pionniers du renouveau chinois, inspirés par l’ère Meiji japonaise, dès la fin du 19ème siècle. Les idées de Liang Qichao et de Kang Youwei sont néanmoins pétries de confucianisme, catalogue de principes inébranlables dont ils ne se déferont jamais, alors que la tentation des premiers nationalistes du Kuo Mintang était de rejeter l’héritage confucéen comme responsable du retard et des défaites chinoises. De même, en dépit des discours communistes lors de la « longue marche » et de la prise du pouvoir, en dépit de la révolution culturelle maoïste des années 60 du 20ème siècle, mise ultérieurement sur le dos de la « Bande des quatre » (dont la veuve de Mao), le confucianisme n’a cessé d’irriguer la pensée politique chinoise dans sa volonté de récupérer son statut de grand empire historique : il a marqué les avatars du Kuo Mintang dans la gestion de l’île de Formose, devenue la « Chine nationaliste » ; il a marqué tout aussi profondément la gestion communiste de la Chine continentale. Il a accompagné le pays dans sa marche hors du premier carcan communiste pour le faire évoluer vers le système original qui, aujourd’hui, lui a redonné une puissance incontournable, bien qu’elle soit, in fine, plus quantitative que qualitative, car calquée sur le modèle occidental et social-darwiniste, comme l’avait d’ailleurs prévu un disciple de Kang Youwei, fasciné par le social-darwinisme occidental à la fin du 19ème siècle, Tan Sitong, décapité sur ordre de l’Impératrice douairière en 1898, suite à l’éviction de l’héritier réformiste du trône chinois, Guangxu. Celui-ci avait reçu, sans les formalités inutiles de la vieille étiquette impériale, Liang Qichao, Kang Youwei et Tan Sitong pour faire passer, sur le mode accéléré, des réformes modernisatrices, bien que toujours confucéennes dans leur esprit, suite à l’écrasante défaite subie par la Chine face aux armées japonaises en 1895 : l’expérience a duré exactement 103 jours, explique Pankaj Mishra, avant d’être brutalement réprimée par Cixi, appuyée par le vieux mandarinat et les partisans obtus des vieilles structures vermoulues de la dynastie Qing. Il ne restait plus que la voie nationaliste et républicaine, antimandchoue, celle d’un bouleversement radical comme le voulait Sun Yatsen. Elle aboutira en 1911-1912.
 
Rigidités mentales de l’occidentalisme et du fondamentalisme
 
En dépit du sort tragique du malheureux Tan Sitong  -qui avait délibérément choisi le martyr, parce qu’un homme insigne, disait-il, devait accepter la mort pour assurer le triomphe final de ses idées qui ne voulaient que le bien public-  le mélange éclectique de pensées pragmatiques confucéennes et d’idées occidentales, libérales, nationalistes ou communistes, procure à la Chine contemporaine une pensée politique finalement plus souple que l’actuelle panacée occidentale où dominent, en dépit des paroles en apparence « progressistes », des rigidités mentales dérivées des calvinisme et puritanisme fondamentalistes, alliés au wahhabisme et au salafisme dans le monde musulman. De telles pensées refusent obstinément les syncrétismes et les éclectismes idéologiques et philosophiques qui, au cours de l’histoire, ont apporté l’harmonie aux empires et aux Etats. Ce sont des schémas para-théologiques fondamentalistes qui se profilent derrière les idéologies figées que professe l’Occident et qui contribue à son ressac. Elles se présentent sous des couleurs politiques différentes, tout en partageant en filigrane les mêmes postulats fondamentalistes, souvent déguisés en « progressismes », en pseudo-avatars de l’idéologie des « Lumières » : c’est tantôt ce que l’on appelait justement le « libéralisme doctrinaire » au 19ème siècle, revenu à l’avant-plan, suite à Thatcher et Reagan, sous le nom de « néo-libéralisme », tantôt le marxisme non marxien (car Marx ne répétait pas des schémas figés et irréalistes comme ses piètres disciples), tantôt le discours sur les droits de l’homme, où ceux-ci servent de référence au prêchi-prêcha du « politiquement correct » et d’instruments de subversion maniés par les services américains pour bouleverser les Etats qui résistent à leur hégémonie ou entendent garder des barrières quelconques pour préserver leurs outils industriels nationaux. Via une quantité d’ONG, ces idéologies figées et répétitives servent d’instruments dans une lutte sans répit contre les syncrétismes féconds dans les mondes arabe, turc ou orthodoxe. Le monde asiatique avait réagi contre cette instrumentalisation du discours sur les droits de l’homme dès le début des années 90, où les diverses doctrines de Clinton avaient imposé ce discours comme référentiel unique et non critiquable. Au fil du temps, ce référentiel, soustrait à toute critique, est devenu le socle inamovible du « politiquement correct », débouchant sur ce que Georges Orwell avait défini comme le « goodthink ». L’alliance paradoxale du « politiquement correct » et des fondamentalismes télé-évangéliques, chrétiens-sionistes ou salafistes a conduit la planète au blocage actuel, au chaos qui agite le « rimland » géopolitique de la Libye aux frontières de l’Iran et au Pakistan, à la confusion totale qui marque les esprits en Occident, où la caste politique est désormais incapable de distinguer ce qui peut consolider le Bien public de ce qui le disloque et le ruine. 
 
Ce chaos sur les « rimlands » méditerranéens, moyen-orientaux ou musulmans, de la frontière tunisienne à l’Indus est né de la volonté de l’hegemon américain. Au départ d’un soutien à apporter aux mudjahiddins afghans contre les protecteurs soviétiques d’un régime laïque à Kaboul, Zbigniew Brzezinski voulait se servir du levier islamiste pour finir par contrôler la Route de la Soie dans l’Asie centrale musulmane, soviétique jusqu’à la dislocation de l’URSS. Le fondamentalisme islamiste était alors un pur instrument et on n’imaginait pas à Washington que des éléments de ce golem à têtes multiples pourraient un jour devenir incontrôlables et poursuivre un agenda non dicté par une tierce puissance ou se montrer indisciplinés et commettre des actions non souhaitées par leurs commanditaires de départ. En 2012, Brzezinski lui-même constate l’échec de son projet stratégique (20) mais, malgré cet aveu, bien étayé, Washington a réactivé en 2013-2014 la stratégie qu’il préconisait en Ukraine. 
 
 
De la position centrale de l’Iran
 
Sur fond de quel autre projet, cette réactivation des projets initiaux de Brzezinski sur la « gateway region » ukrainienne  s’est-elle déployée ? Le projet de contrôler la Route de la Soie centre-asiatique est, simultanément, un projet d’unir politiquement, sous la férule d’un hégémonisme américain, la zone d’intervention virtuelle de l’USCENTCOM, le commandement militaire américain au centre de la masse continentale eurasiatique. L’espace géographique dévolu à l’USCENTCOM a pour centre l’Iran. Dans un premier temps, les Etats-Unis visaient à annuler le pouvoir d’attraction que ce centre iranien pouvait éventuellement déployer dans sa périphérie, de l’Egypte à l’Inde. Le rayonnement de la « civilisation iranienne » était un projet du Shah qui était parvenu à faire la paix avec les Saoudiens (annulant de la sorte l’antagonisme chiites/sunnites revenu à l’avant-plan pour ravager le Proche et le Moyen Orient aujourd’hui), à soutenir financièrement l’Afghanistan voisin, à tisser des liens féconds avec l’Inde, à forger des accords industriels et énergétiques avec l’Europe et à pactiser dans un projet gazier avec l’URSS de Brejnev. Il fallait briser ce rayonnement iranien sur le « rimland » de l’Océan Indien et le nouveau tandem pétrolier irano-saoudien. Le Shah, bien qu’officiellement « allié », devait dès lors être éliminé : on lui a balancé la révolution de Khomeiny pour ruiner ses projets et affaiblir ses partenaires européens qui venaient de vivre les Trente Glorieuses. Mais le golem Khomeiny s’est avéré récalcitrant et les projets atomiques, que l’ayatollah ne souhaitait pas développer (il avait lancé une « fatwa » contre les armes atomiques), ont été repris par Ahmadinedjad, figure diabolisée à souhait par le pouvoir médiatique américain sur la planète. L’Iran était décrété « Etat voyou ». Son pouvoir d’attraction n’était pas entièrement éliminé mais sérieusement limité. Cependant, l’Iran, de par sa centralité sur le territoire dévolu à l’USCENTCOM ou au « Greater Middle East », est incontournable. L’intervention en Afghanistan n’a apporté aucun autre résultat que le chaos au bout de quatorze ans. Onze ans de présence américaine en Irak se solde par un déchaînement de violence encore plus spectaculaire. D’où certains stratégistes envisagent une autre stratégie (21) : ôter à l’Iran le statut d’ « Etat voyou » et en refaire un allié afin de dominer le centre même de l’espace du « Plus grand Moyen Orient ». Cette stratégie, d’abord complètement isolée dans un « paysage idéologique américain » dominé par le bellicisme intransigeant des « néo-conservateurs » faisant chorus autour des deux présidents Bush, est désormais envisagée comme une solution possible par davantage de stratégistes, sans nul doute parce que les clivages religieux du Moyen Orient se sont avérés plus résilients que prévus. Les différences entre chiites et sunnites avaient été considérées comme superficielles, comme des enfantillages archaïques appelés à disparaître. La suite des événements a prouvé le contraire : les peuples du Moyen Orient tiennent à leurs religions et ne veulent pas se noyer dans l’océan des hommes sans substance et sans qualités que génère le libéralisme occidental. En Irak, le pouvoir chiite, mis en place par les Américains suite à l’élimination du nationaliste arabe sunnite Saddam Hussein, se sent plus proche de la « civilisation iranienne », dominée par l’islam chiite, que du wahhabisme sunnite saoudien, qui soutient désormais des forces djihadistes sunnites en Irak, pour éviter une extension géopolitique indirecte des « Perses », par chiites irakiens interposés, alors que, pourtant, ces chiites irakiens avaient été hissés au pouvoir par les Américains, alliés des Saoudiens : une contradiction majeure des stratégistes d’Outre-Atlantique qui aura des répercussions inattendues et catastrophiques. De même, l’Afghanistan, de langue iranienne (indo-européenne), où les Pachtounes dominants sont sunnites et où la minorité asiatique persophone des Hazaras est chiite, n’est toujours pas pacifié : les bases arrières pakistanaises des talibans, d’abord alliés puis ennemis, plongent le Pakistan dans le chaos ; l’Iran, lui, reste stable dans un environnement totalement bouleversé. L’élection de Hassan Rohani en 2013 a facilité l’apaisement mais le jeu demeure complexe et les relations irano-américaines ambigües, surtout parce qu’un alignement sur les BRICS pourrait s’avérer tout aussi intéressant pour l’Iran qu’un retour dans le système atlantiste global visant l’endiguement permanent de la Russie et de la Chine. Israël, qui a bénéficié jusqu’ici du statut de seul allié privilégié des Etats-Unis, craint le rapprochement irano-américain qui relativiserait considérablement sa position au Proche et au Moyen Orient où son ennemi le plus tenace reste le Hezbollah chiite libanais, iranophile par une sorte de nouvelle convergence panchiite, peu perceptible sur l’échiquier régional avant l’intervention américaine en Irak. Le regard à porter sur une éventuelle position rétrogradée d’Israël doit tenir compte d’une mutation notable : la tradition juive avait toujours été de s’allier avec les Perses contre les puissances venues de l’Ouest (les Romains puis les Byzantins), dans le souvenir du Cyrus de la Bible, expliquant aussi le patriotisme des juifs d’Iran ; Netanyahu, lui, pratique une politique juive « hérodienne », favorable à la puissance hégémonique venue de l’Ouest, en l’occurrence les Etats-Unis, qui prennent le relais d’une Angleterre que les ancêtres idéologiques du Likoud, son parti, avait soit combattue au nom de l’anticolonialisme soit favorisée au nom d’une alliance contre le fascisme et le nazisme.
 
De la stratégie eurasienne d’Obama
 
Dans ce contexte trouble et bouleversé, quelle est donc la stratégie eurasienne d’Obama ? Quels en sont les contours et les visées ?
 
 Obama vise, semble-t-il, à contrôler la Mer Noire, à réaliser à son profit les clauses du Traité de Paris de 1856 : arracher la Mer Noire à toute forme d’hégémonisme russe. L’objectif d’Obama est de contrôler ou d’empêcher l’utilisation maximale des gazoducs et oléoducs « South Stream » ; cette politique, une fois de plus, vise davantage l’Europe, premier concurrent des Etats-Unis et « ennemi métaphysique » dans la mesure où c’est l’Allemagne qui en est le centre névralgique et que tout retour de l’Allemagne à l’avant-plan sur l’échiquier politique et économique international, surtout par le biais d’un tandem énergétique germano-russe, est la hantise des anciens trotskistes devenus « néo-conservateurs » et bellicistes à tous crins car leur idéologie est inspirée in fine par les puritanismes les plus échevelés, ennemis de toute forme de diplomatie harmonieuse et d’équilibres syncrétiques.
 
2)     Le contrôle de la Mer Noire implique un retour des Etats-Unis et de l’OTAN en Géorgie et en Azerbaïdjan, en exploitant les ressources de l’allié turc, exactement comme au temps de la Guerre de Crimée.
 
3)     Ce projet de domination de l’espace pontique implique aussi d’aider financièrement l’Arménie à se désenclaver, alors qu’elle est un allié-clef de la Russie et, accessoirement, de l’Iran dans le Caucase.
 
4)     Même si cela n’apparaît pas directement aujourd’hui, ce faisceau de stratégies dans l’espace pontique doit aussi compter sur une réactivation de la subversion wahhabite en Tchétchénie et au Daghestan, de façon, cette fois, à interrompre potentiellement le transit des hydrocarbures non plus seulement à hauteur du Donbass ukrainien mais cette fois dans l’espace transcaucasien, entre la Mer Noire et la Caspienne. Nous aurions affaire, si cette stratégie finit par s’inscrire dans les faits, à une double interruption des flux énergétiques en direction de l’Europe. 
 
5)     La visée finale de cette stratégie pontique de l’ « administration » Obama est bien sûr d’affaiblir l’Europe, puisque la Russie vend alors ses hydrocarbures ailleurs en Asie, à des clients que les Etats-Unis ne peuvent guère influencer. Pour les Russes, la partie est nulle. Le North Stream achemine le gaz vers l’Allemagne, à l’abri de toute subversion dans l’espace pontique, mais le reste de l’Europe orientale et centrale est affaibli par le fonctionnement déficitaire du système South Stream, ce qui implique ipso facto un affaiblissement du centre germanique de l’Europe et une balkanisation es volontés européennes, mutatis mutandis, comme le craignait Metternich. 
 
6)     Au-delà de cet affaiblissement de l’Europe toute entière, la stratégie américaine actuelle semble vouloir joindre l’espace pontique à l’espace iranien, justement en agissant dans le Caucase, en Géorgie (l’antique Colchide), en Azerbaïdjan, en Arménie et sur le flanc septentrional de la chaîne montagneuse caucasienne. De la Roumanie à l’Afghanistan, nous verrions alors se reconstituer le verrou d’endiguement, rêvé par tous les stratégistes anglo-saxons depuis Pitt. Simultanément, ce verrou géopolitique sur le rimland qui courrait d’Ouest en Est serait doublé d’un verrou placé sur un axe nord-sud et couperait l’Europe, ennemi principal, de ses approvisionnements russes et caucasiens, ou ne tolérerait qu’un approvisionnement qui passerait par un contrôle turc, tandis que les hydrocarbures iraniens seraient déviés vers d’autres Etats clients. 
 
7)     Autre facette de cette stratégie entre Danube et Indus (sur l’antique territoire de l’Empire macédonien d’Alexandre le Grand) : centrer autour de l’Iran, redevenu ami, dépouillé de son statut infâmant d’ « Etat voyou », les territoires placés, de manière informelle et virtuelle, dans l’orbite de l’USCENTCOM ; simultanément, pour couper l’Europe et la Chine voire l’Inde d’autres approvisionnements en matières premières diverses et indispensables, puis pour prendre solidement pied en Afrique, en développant l’AFRICOM.
 
8)     La Chine ne doit pas seulement être contenue en Afrique, où elle a déployé une diplomatie sans imposer de contraintes idéologiques comme le fait l’Occident, mais aussi ailleurs, surtout dans le Pacifique. Il faut empêcher, mais ce sera difficile, son approvisionnement optimal en hydrocarbures, comme cela avait été pratiqué contre le Japon en 1940-1941. Pour parvenir à endiguer la Chine, on réhabilite l’OTASE, équivalent en Asie orientale de l’OTAN. On cherche à embrigader la Thaïlande et le Vietnam dans une politique d’endiguement et à empêcher la Birmanie (le Myanmar) de faire aboutir dans ses ports les terminaux pétroliers et gaziers de la Chine dans le Golfe du Bengale.
 
Cette politique internationale belligène d’Obama, qui n’est jamais qu’un avatar logique des stratégies guerrières pensées par les néoconservateurs avant ses mandats, a suscité, on s’en doute, la riposte « eurasienne » de la Russie et de la Chine :
 
1)     Les gazoducs sibériens acheminent désormais une bonne partie du pétrole et du gaz russes vers la Chine et non plus vers l’Europe, en passant par l’Ukraine secouée par des troubles civils, fabriqués par les ONG américaines.
 
2)     Remplacer le dollar par d’autres devises pour les échanges internationaux.
 
3)     Inclure l’Iran dans l’Organisation de Shanghai donc dans le groupe BRICS.
 
Cette priorité, qui consiste, en fin de compte, à contrôler tout le rimland de la Grèce à la Mer de Chine du Sud, est handicapée par le chaos persistant qui bouleverse le Proche Orient et la Mésopotamie irakienne. Ce chaos empêche l’organisation optimale, pourtant promise, d’un « Plus Grand Moyen Orient ». Ces désordres sanglants ne peuvent constituer un modèle séduisant. D’autres acteurs, en apparence alliés des Etats-Unis, poursuivent d’autres projets, comme le Qatar ou l’Arabie Saoudite qui ne se soucient guère de l’établissement d’un « Greater Middle East » et donnent la priorité à l’élimination de toutes les factions musulmanes qui ne s’alignent pas sur les canons rigoristes du wahhabisme saoudien. Cette priorité induit un état de guerre permanent de tous contre tous qui n’autorise aucune installation d’un pouvoir solide, syncrétique et pacificateur. Du coup, des voix s’élèvent pour dire « qu’il manque un Saddam » (22), corroborant ainsi les paroles prophétiques prononcées par le Raïs vaincu et écrasé au pied de la potence… L’Irak, disait-il, en cet instant fatidique, « était plongé dans un enfer ». Le baathisme, même sous la poigne très rude des militaires irakiens, était un système plus efficace, plus générateur d’ordre et de paix civile, que le chaos installé depuis l’invasion américaine. De même, Bachar El-Assad apparaît comme un allié potentiel contre les débordements incontrôlables de l’EIIL, en dépit des diabolisations qu’il a subies dans les médias au début de la guerre civile syrienne. La stratégie consistant à armer des factieux déséquilibrés ou d’anciens vaincus de guerres civiles antérieures ou des minorités religieuses et/ou ethniques ou des politiciens falots et véreux aspirant à s’emparer d’un pouvoir qu’ils ne pourraient pas tenir avec leurs seules forces s’avère un fiasco : il aurait mieux valu préconiser un développement harmonieux à la chinoise.
 
L’harmonie confucéenne, idéologie chinoise, asiatique, confucéenne ou bouddhiste recèle plus de possibles féconds que les fondamentalismes puritains américains ou wahhabites saoudiens. Et quand le fanatisme puritain se camoufle derrière une interprétation facile, médiatisable et caricaturale de l’idéologie des droits de l’homme, qui confine à l’hystérie avec Carter, Bill et Hillary Clinton ou encore Bernard-Henri Lévy, le chaos s’installe et l’enfer (pavé de bonnes intentions) descend sur terre comme en Libye, en Syrie, en Irak ou dans le Donbass. Les droits de l’homme, dans leur application, disaient déjà les Chinois au début des années 90 du 20ème siècle, doivent être tempérés par les messages pacificateurs des religions traditionnelles, surtout le confucianisme qui prêche l’harmonie. Qui dit religion apaisante dit automatiquement capacité à forger des syncrétismes harmonieux et féconds, comme le voulait le Shah avec son idée de « civilisation iranienne » qui est parvenu à signer une paix avec le roi Fayçal d’Arabie Saoudite, réduisant à néant, dans les années 70 du 20ème siècle, le contentieux pluriséculaire entre Chiites et Sunnites. Autre syncrétisme pacificateur : les baathismes syrien et irakien qui, bien que devenus ennemis, ont chacun procuré la paix intérieure à leurs pays respectifs. Quant au kémalisme, reposant sur le syncrétisme alaouite turc et sur l’appareil militaire (hostile aux fondamentalismes et aux terribles simplifications des zélotes religieux), il offrait, finalement, une plus large marge de manœuvre à la Turquie et ses dernières manifestations, avant la mise au pas fondamentaliste perpétrée par Erdogan, avaient fait montre de velléités eurasistes, liées idéologiquement à ses positions parfois pantouraniennes, plus conformes à la position pontique de la Turquie, réduite sur le plan territorial suite aux clauses du Traité de Lausanne de 1923 et dépouillée des ressources énergétiques de l’actuel Kurdistan irakien (gisements de Kirkouk et de Mossoul). 
 
L’alliance entre les puritains de Boston (avec leurs avatars télé-évangélistes, chrétiens-sionistes et autres), les trotskistes de la côte est, mués en néoconservateurs pour qui la notion trotskiste de « révolution permanente » s’est transformée en pratique de la « guerre permanente », et les wahhabites djihadistes saoudiens qui ont plongé la Libye, la Syrie et l’Irak dans le chaos, est une alliance que l’on peut sereinement qualifier de calamiteuse, vu l’absence de résultats acceptables au regard de la simple bienséance. Face à elle, l’eurasisme est donc un antidote où entrent en jeu les valeurs asiatiques, bouddhistes et confucéennes non dérivées du tronc abrahamique et les volontés syncrétiques des grands khans mongols dont Marco Polo fut un conseiller pendant dix-sept ans. A ce corpus de religions asiatiques et à cette volonté de syncrétisme s’ajoutent les idéaux équilibrants et apaisants que nous lègue Aristote, avec son idée de « nomos » de la terre, reprise au 20ème siècle par Carl Schmitt. Il ne s’agit nullement d’un « nomos » figé, comme pourrait nous le faire croire l’aristotélisme scolastique ou la pratique metternichienne en marge de la Sainte-Alliance, mais d’un « nomos » dynamique, que le philosophe Heidegger, sous l’impulsion du futur archévêque de Fribourg Conrad Gröber, a exploré, prouvant que les concepts grecs étaient plus « fluides », plus souples, que ne l’avaient imaginé les scolastiques : ceux-ci, prêtaient le flanc aux critiques, souvent antireligieux, qui percevaient l’aristotélisme des « Anciens » comme une charpente trop rigide, rejetée par les « Modernes ». Confucianisme chinois et aristotélisme tablant sur un « nomos » irrigué de concepts fluides impliquent la mise en œuvre d’une diplomatie planétaire diamétralement différente de la pratique occidentale dominante aujourd’hui et opposée à l’anti-diplomatie du néoconservateur Robert Kagan à l’époque du fameux Axe Paris-Berlin-Moscou de 2003 quand l’Europe et la Russie se sont opposées, de concert mais hélas trop brièvement, au bellicisme américain en Irak. Cet axe éphémère était une réactualisation de l’alliance implicite franco-austro-russe du 18ème siècle, flanquée des bonnes politiques maritimes du Roi Louis XVI et de la Tsarine Catherine. 
 
La réémergence d’un Axe Paris-Berlin-Moscou, difficile à raviver depuis la trahison du gaullisme par Sarkozy et Hollande, renoue avec les meilleurs traditions du siècle des Lumières, où les Lumières n’étaient pas réduites aux piètres schémas vociférés par un Bernard-Henri Lévy. Il s’agissait de neutraliser le cycle infernal des guerres mondiales et des guerres permanentes commencé avec la Guerre de Sept Ans en 1756 (23). L’eurasisme est donc cette réponse nécessaire et équilibrante à des forces génératrices de désordres criminels et destructeurs.
 
Robert Steuckers, octobre 2014 (rédaction finale, janvier 2015). 
 
Notes :
 
(1) Marlène LARUELLE, L’idéologie eurasiste russe ou comment penser l’empire, L’Harmattan, Paris, 1999.
(2) Christian W. SPANG, Karl Haushofer und Japan – Die Rezeption seiner geopolitischen Theorien in der deutschen und japanischen Politik, Iudicium Verlag, München, 2013.
(3) Robert KAPLAN, Monsoon – The Indian Ocean and the Future of American Power, Random House, New York, 2011.
(4) Christopher I. BECKWITH, Empires of the Silk Road – A History of Central Eurasia from the Bronze Age to the Present, Princeton University Press, Princeton, 2009.
(5) Tessa HOFMANN, Annäherung an Armenien – Geschichte und Gegenwart, Verlag C. H. Beck, München, 1997-2006.
(6) Sur Saul B. Cohen, cf. David CRIEKEMANS, Geopolitiek – ‘Geografisch geweten’ van de buitenlandse politiek ?, Garant, Antwerpen/Apeldoorn, 2007.
(7)   J. P. MALLORY & Victor H. MAIR, The Tarim Mummies. Ancient China and the Mystery of the Earliest Peoples from the West, Thames & Hudson, London, 2000.

(8) Reinhard SCHMOECKEL, Die Indoeuropäer - Aufbruch aus der Vorgeschichte, Verlag Bublies, Schnellbach, s.d.

 (9) Jean-Michel SALLMANN, Le grand désenclavement du monde – 1200-1600, Payot, Paris, 2011.
(10) Pour comprendre la volonté russe de se projeter vers le Pacifique, lire: Owen MATTHEWS, Glorious Misadventures – Nikolai Rezanov and the Dream of a Russian America, London, Bloomsbury, 2013-2014.
(12) Eberhard STRAUB, Der Wiener Kongress – Das grosse Fest und die Neuordnung Europas, Stuttgart, Klett-Cotta, 2014.
(13) Olivier BLANC, Les hommes de Londres – Histoire secrète de la Terreur, Paris, Albin Michel, 1989.
(14) Cf. notre article consacré à Constantin Frantz : in Jean-François MATTEI, Les Œuvres philosophiques (deux tomes), volume III de l'Encyclopédie philosophique universelle, Paris, PUF, 1992.
(16) John KING FAIRBANK, The Great Chinese Revolution 1800-1985, 1986, p. 81.
(17) Robert STEUCKERS, “Les amendements chinois au nouvel ordre mondial”, sur http://robertsteuckers.blogspot.be/2014/04/les-amendements-chinois-au-nouvel-ordre.html
(18) Giuseppe TUCCI, Les religions du Tibet et de la Mongolie, Payot, 1973.
(19) Pankaj MISHRA, Aus den Ruinen des Empires – Die Revolte gegen den Westen und der Wiederaufstieg Asiens, S. Fischer, Frankfurt a. M., 2013.
(20) Robert STEUCKERS, « Etonnantes révisions chez les grands stratégistes américains », cf. http://robertsteuckers.blogspot.be/2013/08/etonnantes-revisions-chez-les-grands.html
(21) Robert BAER, Iran – l’irrésistible ascension, J.C. Lattès, Paris, 2008; Trita PARSI, Treacherous Alliance – The Secret Dealings of Israel, Iran, and the U.S., Yale University Press, 2007; Barbara SLAVIN, Bitter Friends, Bosom Enemies – Iran, the U.S., and the Twisted Path to Confrontation, St. Martins Press, New York, 2007.
(22) Wayne MADSEN, “Missing Saddam”, cf. http://euro-synergies.hautetfort.com/apps/search/?s=missing+saddam
(23) Robert STEUCKERS, “Historical Reflections on the Notion of “World War””, cf. http://robertsteuckers.blogspot.be/2014/02/historical-reflections-on-notion-of.html

Un monde arabe de plus en plus fragmenté…

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L’envers des cartes.

Un monde arabe de plus en plus fragmenté…

Richard Labévière
Journaliste, Rédacteur en chef  du magazine en ligne : prochetmoyen-orient.ch
Ex: http://www.lesobservateurs.ch

L’information est périssable. Elle n’est pas une science exacte, encore moins une mémoire et force la modestie... Dans notre précédente livraison (Numéro 20 – 27 avril), nous annoncions la fin de la phase des bombardements intensifs de la Coalition menée par Riyad contre le Yémen. Annoncée par le Palais, cette décision n’aura prévalu que quelques jours… Au moins cinq raids aériens ont visé, le 26 avril dernier, des positions militaires et les abords du palais présidentiel dans la capitale yéménite Sanaa. Près du port d’Aden, des navires saoudiens ont pilonné des positions des rebelles chi’ites Houthis.

Ce retournement s’est accompagné d’une nouvelle révolution de palais ! Le 29 avril, le roi Salman a écarté les « colombes » en faveur d’une consolidation de la trêve au profit des « faucons » de la monarchie, notamment les deux ministres les plus puissants du régime : Mohamed Ben Nayef/MBN (intérieur) et Mohamed Ben Salman/MBS (défense) qui confortent leurs positions au sein de l’exécutif saoudien.

Fin janvier, lors du couronnement de Salman, le premier - MBN - (55 ans) qui avait été nommé vice-prince héritier est maintenant promu prince héritier, en remplacement du prince Muqrin, le plus jeune des fils encore en vie d’Abdelaziz, fondateur de la dynastie. Le second (30 ans) - le fils préféré du roi -, remplace MBN et devient ainsi second dans l’ordre de succession, tout en conservant son portefeuille de ministre. Enfin, le roi Salman a remplacé l’insubmersible Saoud Al-Fayçal, à la tête de la diplomatie saoudienne depuis quarante ans, par l’ambassadeur de la monarchie à Washington, Adel Al-Jubeïr, très lié aux responsables du complexe militaro-industriel américain. Cette reprise en main confirme l’inexorable avancée de MBN vers le pouvoir suprême.

Selon la version officielle, le prince Muqrin aurait lui-même mis fin à ses fonctions en prétextant des « raisons très personnelles ». En fait, il a surtout pâti des effets jugés « très négatifs » de l’annonce de la suspension des bombardements au Yémen et de sa mère d’origine yéménite…

Le roi Abdallah l’avait nommé vice-prince héritier en 2013 pour - avant tout -  faire barrage au clan des Soudeïris, l’un des clans les plus puissants de la famille Séoud, alors incarné par Salman. En le sortant du jeu, quelques mois seulement après avoir écarté deux fils d’Abdallah, le nouveau monarque consolide ainsi l’hégémonie retrouvée des Soudeïris. Les trois postes les plus importants de la monarchie wahhabite sont désormais occupées par des membres de cette filiation historique, puisque MBN en est lui aussi issu.

Appelé à prendre une place croissante, vu l’âge avancé du roi Salman (79 ans) et sa maladie d’Alzheïmer déclarée, MBN devra s’accommoder d’un autre ambitieux : Mohamed Ben Salman, son cadet d’au moins vingt ans. Déjà en charge des responsabilités de directeur du cabinet de son père, en plus de celles  de ministre de la défense, il poursuit, en obtenant la charge de vice-prince héritier, une progression foudroyante dans la hiérarchie saoudienne. A l’issue de cette dernière révolution de palais, une clarification est faite : la plupart des proches du roi Abdallah ont été écartés au profit du clan soudeïri. Ce mini coup d’Etat est reçu très positivement à Washington où le Département d’Etat, la CIA et les pétroliers déroulent le tapis rouge aux deux princes qui incarnent la continuité de la diplomatie « kissingérienne » de « fragmentation » du monde arabe.

En effet, la nomination du binôme MBN/MBS confirme l’obsession de l’encerclement du royaume par les « méchants » Chi’ites… Du reste, comme ministre de l’Intérieur, MBN gère la minorité chi’ite de la province orientale où des affrontements ont régulièrement lieu avec les forces de l’ordre sans transparaître dans les médias. Mais la poursuite d’une fitna, d’une exacerbation de la confrontation Sunnites/Chi’ites - au Yémen, mais aussi en Irak, en Syrie et au Liban -, ne manquera pas de continuer à diviser les pays et les nations arabes.

Dans ce contexte, Israël soutient ouvertement les terroristes de Nosra engagés sur le plateau du Golan, le long d’une ligne allant de Qouneitra à Deraa, tandis que l’Egypte multiplie les interventions armées dans les zones pétrolières de Cyrénaïque, le long de sa frontière ouest !

Plus que jamais, le monde arabe est en voie de fragmentation, conformément aux vœux de David Ben Gourion qui, dès 1948, appelait à une instrumentalisation des minorités arabes afin d’en affaiblir les Etat-nations. En 1982, la note d’un analyste du ministère israélien des Affaires étrangères - Oded Yinon - préconisait la poursuite du morcellement des nations arabes par la création d’un Etat druze sur le Golan, de deux émirats sunnite à Damas et Alep, d’un réduit alaouite dans les montagnes de Lattaquié, etc. Et l’analyste ajoutait que l’intérêt stratégique de Tel-Aviv consistait en la multiplication et la généralisation de tels micros Etats à l’ensemble du monde arabo-islamique.

Selon cette vieille formule de l’imperium romain  - « diviser pour régner » -, il concluait tranquillement qu’il ne s’agissait pas moins que de « re-tribaliser » les pays voisins d’Israël pour mieux les affaiblir… Le plus surprenant, n’est-il pas de voir aujourd’hui l’Arabie saoudite participer, en première ligne, à ce plan néocolonial ?   

Richard Labévière, 10 mai 2015 

mardi, 12 mai 2015

La Macedonia sarà un’altra Majdan

La Macedonia sarà un’altra Majdan

Dovrebbe essere interesse primario del nostro governo fornire tutto l'aiuto possibile al premier Gruevski per garantire la stabilità del territorio macedone. Se, come il nordafrica, anche i balcani precipitano nel caos, l'Italia in primis, ma l'Europa tutta, si troverà circondata da guerre guerreggiate.
 
 
 
Ex: http://www.lintellettualedissidente.it 
 

Macedoine-municipalites-map.gifSoros, Nuland e la loro felice compagnia stanno cercando in ogni modo di mettere a ferro e fuoco la Repubblica di Macedonia. I loro burattini all’ interno del territorio macedone, ovvero l’attuale leader dell’ opposizione nonchè presidente del partito social democratico Zoran Zaev, insieme al vecchio presidente macedone Branko Cervenkovski, stanno però fallendo una mossa dopo l’altra. Non è servito a nulla comprare giornali locali, fare centinaia di siti internet uniti ad una propaganda pressante sui siti web, non è servito neppure possedere le televisioni “24 Vesti” o “Telma”, il popolo Macedone è ben informato e sta eroicamente resistendo, tenendo bene a mente i fatti ucraini di piazza Majdan. Nonostante abbia un PIL di poco più di 10 miliardi di dollari, nulla se paragonato ad esempio al denaro gestito dai grandi fondi d’investimento internazionali come i 4000 miliardi di Blackrock, l’attuale presidente Gruevski sta lottando con onestà e coraggio per evitare lo scenario peggiore, resistendo ad ogni tipo di attacco, come ad esempio l’accusa di aver spiato 20000 macedoni, in realtà operazione orchestrata dalla CIA come ha ammesso in un incontro privato, segretamente ripreso, proprio Zoran Zaev.  I motivi  per cui la Macedonia è sotto attacco sono: il ruolo di anello debole dei paesi balcanici per la costruzione del gasdotto Turkish stream – Balkan stream e oltretutto la pace nei balcani favorirebbe la messa in atto della “nuova via della seta cinese” collegando commercialmente il porto greco del Pireo all’ Ungheria, dunque al cuore dell europa attraverso Macedonia e Serbia.

Ma gli squali della grande finanza non si arrendono così facilmente e stanno puntando tutto sulla manifestazione del 17 maggio. Lo scopo dei manifestanti sarà quello di rimanere in piazza con le tende per giorni, replicando il copione delle altre rivolte colorate o delle primavere arabe. L’atmosfera viene riscaldata dai recentissimi eventi di Kumanovo, dove 80 uomini armati si sono scontrati con la polizia causando diversi feriti e 8 morti tra le forze di sicurezza. La stampa occidentale e l’opposizione macedone hanno subito accusato il governo di aver orchestrato tutto. In realtà si è trattata di un operazione eterodiretta, quei guerriglieri provenivano certamente dal Kosovo e fanno parte di quei mercenari a basso costo che l’intelligence del west tiene sempre pronti all’ attacco come dei cani da combattimento. Il governo Serbo si è subito dimostrato attento ed ha mandato proprie forze armate al confine con la Macedonia per evitare il diffondersi della violenza. Gruevski avrà la capacità di resistere, si spera riuscendo ad evitare scenari da guerra civile. Anche il governo albanese ha oggi esortato le comunità albanesi della Macedonia a non restare in piazza. Ma il governo macedone non può essere abbandonato da noi europei.Dovrebbe essere interesse primario del nostro governo fornire tutto l’aiuto possibile al premier Gruevski per garantire la stabilità del territorio macedone. Se, come il nordafrica, anche i balcani precipitano nel caos, l’Italia in primis, ma l’Europa tutta, si troverà circondata da guerre guerreggiate.

 

La CIA déclenche une attaque sous faux drapeau en Macédoine

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La CIA déclenche une attaque sous faux drapeau en Macédoine pour contrer le projet gazier russo-grec

par Yann de Kerguezec
Ex: http://breizatao.com

Alors que la Russie vient de nouer un partenariat énergétique stratégique avec la Turquie et la Grèce pour un gazoduc commun devant rejoindre la Serbie, la Hongrie, l’Autriche et l’Italie. La CIA a réagi en déclenchant une agitation islamo-nationaliste albanaise depuis le Kosovo en Macédoine. Un exemple caricatural de l’alliance stratégique islamo-atlantiste en Europe.

Alternative au projet South Stream

De la même façon que la Russie achemine son gaz en Allemagne via le gazoduc “North Stream” (“Courant Nord”), Moscou entend garantir son partenariat avec l’Union Européenne en développant un projet analogue pour l’Europe méridionale et centrale, “South Stream” (“Courant Sud”) tout en contournant l’Ukraine.

Les USA, soucieux de briser une alliance stratégique euro-russe afin de s’assurer de la domination mondiale au détriment des Européens et des Russes, tentent en effet de créer un “cordon sanitaire” tourné contre Moscou partant des états baltes jusqu’à la Mer Noire, Ukraine incluse. D’où le coup d’état mené à Kiev par la CIA dans ce pays en février 2014.

Suite à cet événement, Washington a obtenu l’abandon du soutien bulgare au projet “South Stream” qui devait voir le jour :

 

Vladimir Poutine, actant de la soumission de la Bulgarie aux USA, annonçait formellement, début décembre 2014, l’abandon du projet “South Stream” (source) :

“Comme nous n’avons toujours pas reçu la permission de la Bulgarie, nous pensons que dans la situation actuelle la Russie ne peut pas poursuivre la réalisation de ce projet”.

Accord russo-turco-grec

La Turquie ambitionnait de faire transiter du gaz d’Asie Centrale et d’Orient –  en concertation avec les USA – sur son territoire vers l’Europe dans le cadre du projet de gazoduc “Nabucco”. Ce concurrent direct au projet “South Stream” a été progressivement abandonné et Moscou vient d’offrir à Ankara une alternative : le “Turkish Stream”.

Ce gazoduc permettra de livrer, dès 2016, la Turquie en gaz à un prix revu à la baisse par Gazprom (source). Avec l’arrivée d’Alexis Tsipras au pouvoir à Athènes, le nouveau gouvernement grec est à la recherche de toutes les opportunités économiques possibles.

Moscou a profité de ce changement politique pour proposer aux Grecs l’extension du projet turco-russe à la Grèce. Ce qu’a rapidement accepté le gouvernement d’extrême-gauche. Cet accord entre la Russie et la Grèce avait été salué par l’Allemagne, Berlin s’opposant de plus en plus fermement à l’ingérence américaine dans les affaires euro-russes (source).

La Macédoine en ligne de mire de la CIA

Avec la création de ce “Turkish Stream”, la Russie dispose d’une alternative au South Stream pour l’acheminement de son gaz vers l’Italie, la Serbie et la Hongrie. Aussi, les efforts américains en Ukraine et en Bulgarie pour couper l’accès du gaz russe au marché européen sont-ils sérieusement menacés d’échec.

Cette perspective d’un accord entre la Grèce et la Russie fait littéralement paniquer Washington qui a envoyé il y a deux jours un émissaire à Athènes pour exiger de la Grèce qu’elle abandonne son partenariat avec Moscou (source). Le ministre de l’Energie grec a redit la volonté de la Grèce de maintenir son projet de participation au projet russe.

Mais pour réaliser le “Balkans Stream”, alternative au “South Stream”, il faut que la Russie puisse faire transiter le gazoduc conjoint par la Macédoine.

Agitation albano-islamiste fomentée par la CIA

La CIA a donc décidé d’agiter ses fidèles vassaux de la mafia albanaise. Ainsi, une attaque menée depuis le Kosovo, un non-état où est située une des plus grandes bases américaines en Europe (Camp Bondsteel), a frappé le territoire macédonien au non d’un séparatisme albanais sur les frontières de l’actuelle Macédoine. Après avoir tué 22 personnes, les assaillants se sont ensuite repliés vers leur base arrière, protégés par les forces de l’OTAN.

Le but de la manoeuvre est clair : faire échec à l’alternative d’acheminement de gaz russe en Europe en menaçant de guerre indirectes les autorités macédoniennes susceptibles de rejoindre l’accord entre Russes, Grecs et Turcs.

En guise de hors d’oeuvre, les Macédoniens ont vu une résurgence récente de l’action des musulmans albanais sur leur territoire. D’abord une action contre 4 policiers s’était déroulée fin avril (source).

Le but est bien sûr de mener une guerre non-conventionnelle identique à celle menée en Syrie par les USA et leurs vassaux,  en agitant leurs alliés musulmans locaux.

Dans le même temps, des provocations multiples de la part des ultranationalistes musulmans d’Albanie ont visé la Serbie, comme l’annonce faite en avril d’une annexion “inéluctable” du Kosovo par Tirana (source). Une façon indirecte pour Washington de faire chanter Belgrade, au cas où le gouvernement serbe accepterait de faire transiter le gaz russe vers l’Europe centrale, Hongrie et Autriche notamment.

Révolution colorée en Macédoine

En parallèle, l’OTAN et les USA pourraient tenter de créer une crise politique visant à mettre au pouvoir un gouvernement fantoche, sur le modèle ukrainien, afin de contrecarrer le projet russe établi en concertation avec les Serbes, les Grecs et les Hongrois.


- Source : Yann de Kerguezec

The Media Misses the Point on ‘Proxy War’

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What's Really Going On

The Media Misses the Point on ‘Proxy War’

by GARETH PORTER
Ex: http://www.counterpunch.org

The term “proxy war” has experienced a new popularity in stories on the Middle East. Various news sources began using the term to describe the conflict in Yemen immediately, as if on cue, after Saudi Arabia launched its bombing campaign against Houthi targets in Yemen on 25 March.  “The Yemen Conflict Devolves into Proxy War,” The Wall Street Journal headlined the following day.  “Who’s fighting whom in Yemen’s proxy war?” a blogger for Reuters asked on 27 March.

And on the same day the Journal pronounced Yemen a proxy war, NBC News declared that the entire Middle East was now engulfed in a proxy war between Iran and Saudi Arabia.

It is certainly time to discuss the problem of proxy war in the Middle East, because a series of such wars are the heart of the destabilisation and chaos engulfing the region. The problem with the recent stories featuring the term is that it is being used in a way that obscures some basic realities that some news media are apparently not comfortable acknowledging.

The real problem of proxy war must begin with the fact that the United States and its NATO allies opened the floodgates for regional proxy wars by the two major wars for regime change in Iraq and Libya. Those two profoundly destabilising wars provided obvious opportunities and motives for Sunni states across the Middle East to pursue their own sectarian and political power objectives through proxy war.

Is Yemen really a proxy war?

Prominent 20th century political scientist Karl Deutsch defined “proxy war” as “an international conflict between two foreign powers, fought out on the soil of a third country, disguised as a conflict over an internal issue of the country and using some of that country’s manpower, resources and territory as a means of achieving preponderantly foreign goals and foreign strategies”.

Deutsch’s definition makes it clear that proxy war involves the use of another country’s fighters rather than the direct use of force by the foreign power or powers. So it obvious that the Saudi bombing in Yemen, which has killed mostly civilians and used cluster bombs that have been outlawed by much of the world, is no proxy war but a straightforward external military aggression.

The fact that the news media began labelling Yemen a proxy war in response to the Saudi bombing strongly suggests that the term was a way of softening the harsh reality of Saudi aggression.

The assumption underlying that application of “proxy war” is, of course, that Iran had already turned Yemen into such a war by its support for the Houthis. But it ignores the crucial question of whether the Houthis had been carrying out “preponderantly foreign goals and foreign strategies”. Although Iran has certainly had ties with the Houthis, the Saudi propaganda line that the Houthis have long been Iranian proxies is not supported by the evidence.

Far from proving the Iranian proxy argument, the Houthi takeover of Sanaa last year has actually provided definitive evidence to the contrary. US intelligence sources recently told the Huffington Post that before the Houthis entered the capital, the Iranians had advised against such a move, but that the Houthis ignored that advice. Gabriele vom Bruck, a leading academic specialist on Yemen at the School of Oriental and African Studies, said in an e-mail to this writer that senior Yemeni officials with links to intelligence had told her the same thing weeks before the story was leaked.

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The Houthis rejected the Iranian caution, vom Bruck believes, because former President Ali Abdullah Saleh and his son Ahmed Ali Saleh (the former commander of the Republican Guard) had indicated to them that troops that were still loyal to them would not resist the Houthi units advancing on the capital unless the Houthis attacked them.

So the Houthis clearly don’t intend to serve an Iranian strategy for Yemen. “Certainly the Houthis do not want to replace the Saudis with the Iranians,” says vom Bruck, even though they still employ slogans borrowed from Iran.

Regional proxy war?

The NBC story on a “regional proxy war” completely misses the seriousness of the problem. It turns its proxy war concept into an abstract and virtually antiseptic problem of limiting Iranian influence in the region through the US bombing Iraq. It ignores the fact that the regional actors behind the wars in Syria, Iraq and Libya are pulling the region into a new era of unbridled sectarian violence and instability.

The crimes committed by the Syrian regime in the war are unconscionable, but the policies of external countries pursuing a proxy war to overthrow the existing regime have created a far more ominous threat to the entire region. Washington Post columnist David Ignatius hasdetailed the process by which Turkey, Saudi Arabia and Qatar competed with one another to create proxy forces with which to overthrow the Assad regime.

Such an unbridled competition in the creation of armies for regime change was by its very essence a reckless and cynical use of power that carried the obvious risk of even worse chaos and violence of the war in Syria. But they have made the costs of proxy war far greater by targeting the most aggressive armed groups they could find as their clients, and their weapons soon “made their way to the terrorist groups,” wrote Ignatius, to which the Turks and Qataris “turned a blind eye”.

Once it became clear that Sunni states were creating a proxy war in Syria that could tip the balance against the Syrian regime, Iran and Hezbollah intervened in support of the regime.

But what the conventional view of the Syrian proxy war leaves out is the linkage between Syria in Iran’s deterrence strategy. Iran is militarily weak in relation with Israel and US military power in the Middle East, and has been the target of US and Israeli military threats going back to the 1990s.

Iran’s deterrent to such attacks has depended on the threat of retaliatory rocket attacks against Israel by Hezbollah from Southern Lebanon – destroying the ability of Hezbollah to retaliate for an attack was the single biggest reason for Israel’s 2006 war against Hezbollah.

The Assad regime was part of the Iranian deterrent as well.  Not only did Syria have a force ofseveral hundred missiles that Israel would have to take into account but also, Syrian territory is the shortest route for Iranian resupply of Hezbollah.

The Saudi fixation with bringing down the Iraqi Shi’a regime appears to reflect the sentiment that Prince Bandar bin Sultan expressed to Richard Dearlove, then head MI6, before 9/11. “The time is not far off in the Middle East, Richard,” said Bandar, “when it will be literally ‘God help the Shia’. More than a billion Sunnis have simply had enough of them.”

The Saudis have never been reconciled to the establishment of a Shiite regime in Iraq since the United States occupied the country and set up a Shia-dominated regime. They began facilitating the dispatch of Sunni extremists to Iraq to overthrow the Shiite regime early in the US war. After the US withdrawal from Iraq, the funding from the Saudis and other Gulf Sheikdoms for Sunni fighters in Iraq and arms moved toward the best organised forces, which ultimately meant ISIS.

The NATO war for regime change Libya, like the US occupation of Iraq, opened a path for the regional proxy war that followed. That war took the form of competitive intervention by regional actors leading to worsening violence. This time Qatar and the UAE were competing for power through their support for Libyan expatriates in their own countries.

The Qataris steered their support to the Libyan Islamic Fighting Group, which the US State Department had identified as a terrorist organisation as early as 2004. The Sisi regime in Egypt joined the proxy war as the chief sponsor of counter-terrorism.  The UAE aligned with that position, while Qatar remained in opposition. The regional proxy war has led to a longer-term structure of conflict.

The media stories have offered only anodyne references to the problem of proxy war. What is needed in media coverage is a focus on the nasty realities of proxy war and their origins.

Gareth Porter is an independent investigative journalist and historian writing on US national security policy.  His latest book, “Manufactured Crisis: The Untold Story of the Iran Nuclear Scare,” was published in February 2014.

This article originally appeared in Middle East Eye.

lundi, 11 mai 2015

Le Groupe État islamique en Ukraine

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Le Groupe État islamique en Ukraine: les États-Unis lâchent leurs « agents du chaos » en Eurasie

Auteur : Mahdi Darius Nazemroaya
Traduction Julie Lévesque
Ex: http://zejournal.mobi

Le soi-disant État islamique en Irak et en Syrie (EI) ou Daech est-il actif dans l’Ukraine post-Euromaïdan? On ne peut répondre exactement à cette question. Autrement dit, la réponse est à la fois oui et non.

Cela dit, qu’est-ce que Daech? Il s’agit d’un groupe peu structuré de milices, tout comme son prédécesseur Al-Qaïda. Son réseau comprend des groupes originaires du Caucase, lesquels se battent en Syrie et en Irak. Ceux-ci sont maintenant en Ukraine et l’utilise comme tremplin vers l’Europe.

Les Agents du chaos et la guerre pour l’Eurasie

Les conflits en Ukraine, en Syrie, en Irak, en Libye et au Yémen sont tous des fronts de la guerre multidimensionnelle menée par les États-Unis et leurs alliés. Cette guerre vise à encercler l’Eurasie et la Chine, l’Iran et la Russie sont les principaux objectifs.

Les États-Unis veulent également conquérir ces pays dans l’ordre suivant : d’abord l’Iran, suivi de la Russie et enfin la Chine comme dernière partie de l’ensemble que compose cette « Triple-Entente eurasienne ». Ce n’est pas une coïncidence si les conflits en Ukraine, en Syrie, en Irak, en Libye et au Yémen sont près des frontières de l’Iran et de la Russie, puisque Téhéran et Moscou sont les premiers objectifs à long terme de Washington.

Les conflits en Ukraine, en Syrie, en Irak, en Libye et au Yémen sont liés au même titre que les forces violentes, racistes, xénophobes et religieuses déchaînées pour agir comme « agents du chaos ». Ce n’est pas une simple coïncidence si le 10 septembre, 2014, Newsweek publiait un article titré « Des combattants volontaires nationalistes ukrainiens commettent des crimes de guerre rappelant l’États islamique ». Qu’elles le sachent ou non, ces forces déviantes, qu’il s’agisse des milices ultranationalistes Pravy Sektor en Ukraine ou des coupeurs de tête Al-Nosra et Daech, servent toutes un même maître. Ces agents du chaos créent différentes vagues de « chaos constructif » afin d’empêcher l’intégration eurasienne et un ordre mondial libre de diktats étasuniens.

Le « chaos constructif » déclenché en Eurasie finira par faire des ravages en Inde. Si New Delhi pense qu’on le laissera tranquille, il se trompe. Les mêmes agents du chaos le tourmenteront aussi. L’Inde constitue elle aussi une cible, tout comme la Chine, l’Iran et la Russie.

Étrange alliance entre Daech et les ultranationalistes ukrainiens

Que des liens ténus existent entre les divers agents du chaos ne devrait surprendre personne. Ces agents servent le même maître et ils ont les mêmes ennemis, dont l’un est la Fédération de Russie.

C’est dans ce contexte que Marcin Mamon a signalé la connexion de Dasech avec l’Ukraine. Il explique même que certains combattants du Caucase sentent qu’ils ont une dette envers les Ukrainiens comme Alexander Muzychko.

Mamon est un cinéaste et documentariste polonais ayant produit un certain nombre de documentaires sur la Tchétchénie, comme The Smell of Paradise (L’Odeur du paradis, 2005) avec Mariusz Pilis, pour le programme Storyville de la British Broadcasting Corporation. Il est également ouvertement sympathique à la cause des séparatistes tchétchènes contre la Russie dans le Caucase du Nord.

Les voyages de Mamon en Afghanistan et son interaction avec les combattants séparatistes tchétchènes ont amené le cinéaste polonais à avoir des contacts avec Daech en Syrie et en Turquie. Cela l’a incroyablement conduit vers une nouvelle voie : l’Ukraine.

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« À ce moment là, je ne savais même pas qui j’allais rencontrer. Je savais seulement que Khalid, mon contact en Turquie avec l’État islamique, m’avait dit que ses “frères” étaient en Ukraine et que je pouvais leur faire confiance », écrit-il à propos de sa rencontre dans une « rue pleine de nids-de-poule à Kiev, à l’est du fleuve Dniepr, dans une zone connue sous le nom de « Rive gauche ». Dans un article précédent, Mamon explique que ces soi-disant « ”frères” sont des membres de l’EI et d’autres organisations islamiques clandestines, [présentes] sur tous les continents et dans presque tous les pays, y compris désormais en Ukraine ». Il explique également que « Khalid, qui utilise un pseudonyme, dirige une branche clandestine de l’État islamique à Istanbul. Il est venu de Syrie pour aider à contrôler le flot de volontaires qui arrivent en Turquie de partout dans le monde et veulent se joindre au djihad mondial. Il voulait alors me mettre en contact avec Ruslan, un “frère” luttant avec les musulmans en Ukraine ».

Les ultranationalistes ukrainiens comme Muzychko sont également devenus des « frères » et ont été acceptés dans ce réseau. Mamon explique que les combattants tchétchènes l’ont accepté « même s’il ne s’est’ jamais converti à l’islam » et que « Muzyczko et d’autres volontaires ukrainiens s’étaient joints aux combattants tchétchènes et avaient participé à la première guerre tchétchène contre la Russie, [où ils avaient] commandé un groupe d’Ukrainiens bénévoles appelé Viking, lesquels ont combattu sous les ordres du célèbre chef militant tchétchène Chamil Bassaïev ».

Pourquoi l’EI est-il au service de bataillons privés en Ukraine?

Que faut-il comprendre lorsque des séparatistes tchétchènes et le réseau transnational de « frères » liés à l’EI sont recrutés ou utilisés pour remplir les rangs des milices privées utilisées par des oligarques ukrainiens? C’est une question très importante qui démontre par ailleurs clairement comment ces éléments sont des agents du chaos.

Marcin Mamon a voyagé en Ukraine pour rencontrer le combattant tchétchène Isa Munaïev. Il explique ainsi ses antécédents : « Même avant son arrivée en Ukraine, Munaïev était bien connu. Il a lutté contre les forces russes dans les deux guerres de Tchétchénie. Dans la seconde, il était le commandant à Grozny. Après la prise de la capitale tchétchène par les forces russes entre 1999 et 2000, Munaïev et ses hommes se sont réfugiés dans les montagnes, d’où il a combattu jusqu’en 2005, lorsqu’il a été grièvement blessé et est allé suivre un traitement en Europe. Munaïev a vécu au Danemark jusqu’en 2014. Puis, la guerre a éclaté en Ukraine et il a décidé qu’il était temps de se battre à nouveau contre les Russes. »

Ce qui précède est un passage important, car il illustre la façon dont les États-Unis et l’UE ont soutenu les militants qui luttent contre la Russie. Aux États-Unis comme dans l’UE, le refuge que le Danemark a donné à Isa Munaïev n’est pas remis en cause, alors que l’appui allégué de Moscou aux soldats des Républiques populaires de Donetsk et Lougansk est considéré comme criminel. Pourquoi le deux poids deux mesures? Pourquoi est-il acceptable que les États-Unis, l’UE et l’OTAN soutiennent des mouvements séparatistes et des milices dans d’autres parties du monde, chose que l’on interdit aux autres pays qui sont critiqués lorsqu’ils font de même?

« Un homme plus âgé portant une veste en cuir m’a présenté à Munaïev. « Notre bon frère Khalid a recommandé cet homme, dit-il. (Khalid est aujourd’hui l’un des leaders les plus importants de l’État islamique. Khalid et Munaïev se sont connus durant les années passées à lutter ensemble en Tchétchénie) », explique Marcin Mamon sur les liens entre les séparatistes tchétchènes et Daech.

Munaïev est venu en Ukraine pour établir « un bataillon privé qui se multiplierait par la suite en plusieurs dizaines de bataillons privés qui ont surgi pour se battre aux côtés du gouvernement ukrainien et fonctionnent séparément de l’armée ». Sa milice, le bataillon Djokhar Doudaïev, porte le nom du président séparatiste de Tchétchénie.

dimanche, 10 mai 2015

Zentralasien – Die neue Zielscheibe für die USA

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Zentralasien – Die neue Zielscheibe für die USA

F. William Engdahl

Seit der Zeit, als die CIA mehr als 100 Mudschahedin, islamische Gotteskrieger – unter ihnen ein fanatischer Saudi namens Osama bin Laden – für einen zehn Jahre währenden Stellvertreterkrieg gegen Einheiten der Sowjetarmee in Afghanistan bezahlte und ausbildete, ist Washington von der Idee besessen, weit nach Zentralasien vorzudringen, um einen Keil zwischen China und Russland zu treiben.

Ersten Versuchen während der Anwesenheit amerikanischer Truppen in Afghanistan nach dem 11. September 2001 war nur mäßiger Erfolg beschieden. Jetzt will es Washington offenbar erneut versuchen. US-Botschafter Richard M. Miles wurde sogar aus dem Ruhestand zurückgerufen, um eine neue Farbenrevolution in die Wege zu leiten.

Washington fühlt sich offenbar zu der neuen Konzentration auf Zentralasien gedrängt. Denn weit davon entfernt, sich den finanziellen Sanktionen der USA und der EU zu beugen, wirkt Russland dynamischer denn je und schließt allerorten strategisch wichtige Verträge über wirtschaftliche und militärische Zusammenarbeit ab. Und Russlands eurasischer Nachbar, die Volksrepublik China, präsentiert Pläne für den Bau von Öl- und Gaspipelines und Hochgeschwindigkeits-Eisenbahnverbindungen quer über den eurasischen Kontinent bis nach Russland. Darauf scheint Washington nun zu reagieren.

Das Problem der Neokonservativen in Washington liegt in ihrer mangelnden Kreativität, die Folgen ihres Vorgehens zu verstehen, genauer gesagt: Sie sind reichlich dumm. Und ihre Tricks sind inzwischen allgemein bekannt, nicht nur in Moskau, sondern auch in Usbekistan, Kirgistan und anderen ehemaligen zentralasiatischen Teilrepubliken der Sowjetunion.

Der kommende Wirtschaftsboom in Zentralasien

Die zentralasiatischen Republiken, insbesondere Kirgistan und Usbekistan, liegen strategisch wichtig zwischen China, Kasachstan und Russland. Das bedeutet: Sie liegen im Zentrum des zukünftigen Wirtschaftsbooms, der mit Chinas neuem Hochgeschwindigkeits-Eisenbahnnetz der Neuen Seidenstraße kommen wird. Durch diese Eisenbahnverbindungen entsteht eine hocheffiziente Überlandverbindung, die auch bei möglichen Unterbrechungen des Seeweges durch die USA offenstehen und in ganz Eurasien rapide wachsenden Handel ermöglichen –potenziell auch den Handel mit Europa, wenn die EU jemals den Mut aufbringt, sich Washington zu widersetzen.

Weiterlesen:

http://info.kopp-verlag.de/hintergruende/geostrategie/f-william-engdahl/zentralasien-die-neue-zielscheibe-fuer-die-usa.html

Nazarbaev rieletto Presidente del Kazakhstan: significato e reinterpretazioni

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Nazarbaev rieletto Presidente del Kazakhstan: significato e reinterpretazioni

Dal nostro corrispondente ad Astana Dario Citati, Direttore del Programma “Eurasia” dell’IsAG

Ex: http://www.geopolitica-rivista.org


Le quinte elezioni presidenziali nella storia del Kazakhstan indipendente, tenutesi domenica 26 aprile 2015, si sono concluse con l’ampiamente prevista vittoria del Presidente uscente Nursultan Nazarbaev, che guida lo Stato centroasiatico dal 1991, anno in cui il Paese ottenne la piena sovranità dopo la dissoluzione dell’Unione Sovietica. Il verdetto delle urne è risultato un autentico plebiscito, con il 97,7% delle preferenze che hanno premiato Nazarbaev. I due avversari, il candidato “verde” Abelgazi Kussainov e Tunguz Syzdykov del Partito Comunista del Popolo, hanno raccolto rispettivamente l’1,6% e lo 0,7%.

Prima ancora delle valutazioni sul significato di tali percentuali – cioè nei briefing e nelle conferenze stampa tenutesi nella giornata del voto quando non si conoscevano i risultati definitivi – molti degli osservatori internazionali hanno tenuto a sottolineare la piena regolarità procedurale del voto. Per l’Italia erano presenti, in qualità di osservatori OSCE, il Sen. Sergio Divina e l’On. Riccardo Migliori, Presidente emerito dell’Assemblea Interparlamentare OSCE. Entrambi hanno affermato che le operazioni di voto si sono svolte con trasparenza, in un clima di elevata partecipazione ai seggi e quasi di “festa nazionale”. Il Segretario Generale dell’Organizzazione per la Cooperazione di Shangai, Sergej Mezencev, ha parimenti confermato la regolarità delle operazioni di voto in tutti i seggi visitati.

Per quanto attiene invece al significato politico della tornata elettorale, nonché al livello di democratizzazione del Paese, altri osservatori indipendenti hanno fornito elementi importanti di valutazione. Secondo Richard Weitz dello Hudson Institute di Washington, ad esempio, “le elezioni del 2015 confermano che in Kazakhstan gli istituti di rappresentanza si sviluppano positivamente”. Per comprendere l’enorme divario di percentuali tra il vincitore e gli sconfitti, ha quindi sostenuto che “la qualità intrinseca delle elezioni non può essere valutata in base ai criteri europeo-occidentali, perché simili paragoni indurrebbero a un giudizio sbagliato sugli sforzi del Paese nell’implementazione delle proprie riforme: queste ultime vanno invece valutate alla luce dell’eredità storica del Kazakhstan, nonché del suo livello di sviluppo sociale”.

Anche un altro osservatore occidentale, Daniel Witt, ha affermato che “il giudizio sulla qualità democratica delle elezioni non si può basare solo sulla descrizione di un singolo evento”, in quanto “gli appuntamenti elettorali sono un processo continuo di perfezionamento, da condurre attraverso la comparazione tra le elezioni di oggi e quelle del passato, per verificare il progresso raggiunto a ogni tornata elettorale”.

In base a questi giudizi si può affermare che il senso politico di queste elezioni presidenziali del 2015 sta soprattutto in un test di fiducia della popolazione verso lo stesso Nursultan Nazarbaev, l’uomo che incarna il destino stesso del Kazakhstan indipendente. Un test che avviene peraltro in un momento delicato di transizione, segnato da uno scenario geopolitico molto teso su cui influiscono la stessa crisi ucraina e le sanzioni in Russia che hanno avuto ripercussioni anche sul mercato kazako. D’altra parte, queste elezioni presidenziali avrebbero dovuto tenersi nel 2016, ma sono state anticipate al 2015 sia per evitare la sovrapposizione con le elezioni parlamentari, sia per consentire una programmazione più sistematica per iniziative di grande rilievo nel futuro prossimo come l’Expo2017.

Si è soliti affermare che per un Paese come il Kazakhstan, ventiquattro anni dopo l’ottenimento dell’indipendenza, la stabilità e la garanzia di uno sviluppo pacifico sono ancora oggi più importanti di una concezione della democrazia all’occidentale, segnata cioè dal multipartitismo e dall’assenza di una figura personale carismatica. Ciò è senz’altro plausibile: al momento dello scioglimento dell’URSS, il Kazakhstan era considerato fra i Paesi più a rischio implosione e caos. Il suo percorso di stabilizzazione interna, nonché l’apertura alle organizzazioni e alla cooperazione internazionale sono in genere unanimemente riconosciuti come positivi, se valutati in base alle condizioni di partenza, e restano un elemento imprescindibile per comprendere le ragioni di un consenso così vasto per Nazarbaev.

Ma c’è un fattore non meno rilevante per collocare in un’ottica più vasta il senso di queste elezioni. Forse più di qualsiasi altro Paese ex sovietico, il Kazakhstan è riuscito a diminuire significativamente la presenza nello Stato nell’economia e a favorire la libertà d’impresa privata (a livello di piccola e media imprenditoria e senza liberalizzazioni “traumatiche”), spesso in tempi rapidissimi. Vale la pena ricordare che solo tra il 2012 e il 2013 esso è passato dal 71° al 51° posto tra i Paesi a maggiore competitività economica nell’annuale classifica mondiale stilata dal World Economic Forum e ancora oggi è indicizzato come un Paese estremamente conveniente per esportazioni e investimenti.

È ben noto quanto, nelle società contemporanee, la concorrenza economica e la libertà d’impresa siano strettamente legate allo sviluppo della democrazia e della competizione politica. La modernizzazione di questa repubblica centroasiatica è cominciata soprattutto a partire dalla graduale concessione delle libertà economiche dopo settant’anni di monopolio di Stato. La riconferma di Nazarbaev può essere letta quindi anche come un riconoscimento per l’aumento di tali libertà, a cui la generazione nata e cresciuta nel Kazakhstan indipendente dovrà far seguire un consequenziale sviluppo politico e civile.

Sancties tegen Rusland treffen centraal Azië hard

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Door: Henk Jurgens

Ex: http://www.doorbraak.be

Sancties tegen Rusland treffen centraal Azië hard

De Centraal-Aziatische republieken lijden zwaar onder het Europees embargo van Russische producten.

In Rusland werken miljoenen gastarbeiders uit de voormalige Sovjetrepublieken. Velen van hen zijn er illegaal. Allen sturen ze geld naar hun families thuis, veel geld. Volgens de Wereldbank hangt 21% van de Armeense economie, 31,5% van de economie van Kirgizië, 42% van de Tadzjiekse en 12% van de Oezbeekse economie af van deze geldzendingen. Veel van de arme gezinnen op het platteland zijn hiervan volledig afhankelijk.

Volgens The Guardian werken er 2,4 miljoen Oezbeken in Rusland. Zes tot zevenhonderdduizend zijn legaal, de anderen leven zonder geldige papieren. Oezbekistan heeft ongeveer 29 miljoen inwoners. The Moscow Times berichtte dat er in 2014 meer dan 200 000 illegale Tadzjieken door de Russen de grens zijn overgezet. Er wordt geschat dat er nog ruim een miljoen Tadzjieken in Rusland leven. Tadzjikistan heeft acht miljoen inwoners.

De exacte cijfers over de gastarbeiders zijn onbekend. Zoals overal op de wereld doen ook de gastarbeiders het werk dat de autochtonen niet willen doen. En nu het economisch slechter gaat als gevolg van de lage olieprijs en de sancties verdringen de Russen de gastarbeiders weer uit hun slecht betaald, ongeschoold werk. In het eerste kwartaal van 2015 is de Russische economie al met 2% gekrompen. De centrale bank van Rusland voorziet voor het jaar 2015 een economische krimp van 4%. Begin dit jaar heeft de Russische regering wetgeving afgekondigd waardoor het moeilijker wordt voor gastarbeiders van buiten de EEU om een verblijfsvergunning te krijgen. De EEU, de Euraziatische Economische Unie, is door Rusland opgericht om een vrijhandelszone tussen de voormalige Sovjetrepublieken, vergelijkbaar met die van de EU, te krijgen. Kazachstan, Wit-Rusland, Armenië en Kirgizië zijn lid, Oezbekistan en Tadzjikistan niet. Immigranten van buiten de EEU moeten voor ze een verblijfsvergunning krijgen eerst inburgeringcursussen volgen en examens afleggen in de Russische taal en de Russische geschiedenis. Verder betalen ze drie keer zoveel voor een werkvergunning in Moskou dan immigranten uit de EEU. In 2010 werkten 72% van de Tadzjiekse gastarbeiders in Moskou.


Als gevolg van de sancties tegen Rusland en de lage olieprijs is de Russische roebel gedevalueerd. Het naar huis gestuurde geld is daardoor minder waard. Niet alleen is er voor de gastarbeiders minder werk, hun inkomen daalde ook dramatisch. De Wereldbank verwacht dat ze in 2015 voor 10 miljard USD minder naar huis kunnen sturen. Volgens The Economist overweegt een kwart van de gastarbeiders om weer naar huis te gaan, maar thuis is er geen werk. De vrees voor sociale onrust als gevolg van werkloosheid en armoede is bij de politieke elite van de thuislanden groot.

Een land als Tadzjikistan staat onder grote politieke druk vanuit Moskou om lid van de EEU te worden. Door de devaluaties van de roebel is de somoni, de Tadzjiekse munt, ten opzichte van de roebel 35% meer waard geworden. De export naar Rusland staat daardoor onder grote druk.
Ook Oezbekistan overweegt, volgens The Diplomat, zich bij de EEU aan te sluiten. Het land was een belangrijke partner voor de Verenigde Staten tijdens hun oorlog in Afghanistan maar nu Amerika zich uit Afghanistan terug trekt vervalt de noodzaak hun bevoorrading via Oezbekistan te laten lopen.


Kirgizië is inmiddels tot de EEU toegetreden. Het is een klein, arm land met 5,5 miljoen inwoners. Volgens The Diplomat controleert Rusland de economie van Kirgizistan. Buiten de Vallei van Fergana, de vallei tussen Kirgizië, Oezbekistan en Tadzjikistan, met zijn vruchtbare landbouwgronden is er weinig economische activiteit. Alleen de toeristenindustrie is een beetje in opkomst zoals ik tijdens mijn verjaardag in 2009 in Bishkek, de hoofdstad, heb mogen ervaren.

Net als in Turkmenistan en Oezbekistan hangt ook de export van de Kazachse olie en gas af van Russische pijpleidingen. Kazachstan heeft nauwe economische banden met Rusland. In 2013 bedroeg de Russische export naar Kazachstan 17,7 miljard USD en de Kazachse export naar Rusland $5,8 miljard. Afgelopen jaar is de handel met Rusland echter met 20% afgenomen. Het land heeft vooral veel last van goedkope Russische producten die de markt overspoelen. In februari vroegen ondernemers de regering de import van een aantal Russische producten, waaronder auto's, voedsel en fruit drastisch te beperken. Goedkope Russische producten verdringen de Kazachse. De Tenge, de Kazachse munt, is het afgelopen jaar met 20% ten opzichte van de US dollar gedevalueerd maar de roebel devalueerde nog veel meer. Een roebel was in juni 2014 nog 5,44 tenge waard, begin 2015 was dit gedaald tot 3 tenge.

Het Amerikaanse ratingbureau Standard & Poor verwacht dat het bruto nationaal product van Kazachstan in 2015 met 1,5% zal dalen. Dit komt voornamelijk door de lage olieprijzen. Ruim 20% van het bnp en ruim 60% van de export komt voor rekening van de olie- en gasindustrie. De Kazachse begroting gaat uit van een olieprijs van 80 USD per vat. Op het ogenblik ligt dit rond de $60. Het land zit dan ook door de sancties tegen Rusland en de lage olie- en gasprijs op de wereldmarkt in grote economische problemen. Het is dan ook geen wonder dat president Nazarbaev samen met Lukashenko, de president van Wit-Rusland, er alles aan doet om de burgeroorlog in de Oekraïne te beëindigen en daardoor de sancties tegen Rusland te laten opheffen. Afgelopen december sloot hij een contract met Kiev om Kazachse steenkool aan Oekraïne te gaan leveren. Ook de Minsk-akkoorden die min of meer tot een staakt-het-vuren in Oost Oekraïne hebben geleid zijn na bemiddeling van de beide presidenten tot stand gekomen.

Er zijn berichten dat ook ambassadeurs van de Europese Unie met Russische parlementariërs gaan praten over een mogelijke beëindiging van de sancties. Om de burgeroorlog in de Oekraïne definitief te beëindigen is een dialoog met Rusland noodzakelijk. Ook de NAVO-top die jarenlang in het geheim met de Russische militairen in gesprek was moet weer met de Russen gaan praten. Het is onverantwoord dat deze discussies zijn stil gevallen.
Natuurlijk moeten de Russen zich uiteindelijk uit Oost-Oekraïne terug trekken, maar dat geldt ook voor de ruim duizend Amerikaanse trainers en waarnemers die het leger van Kiev 'adviseren'.


Voor de arme gezinnen op het platteland van Centraal-Azië is beëindiging van de sancties tegen Rusland op kort termijn noodzakelijk.

 

Egipto, Grecia y Chipre crean un frente unido contra la Turquía de Erdogan

Ex: http://www.elespiadigital.com

Por segunda vez en seis meses los líderes de Egipto, Grecia y Chipre (la parte greco-chipriota) se han reunido la pasada semana en Nicosia, la capital chipriota, con el fin de crear una coalición antiturca en Oriente Medio y el Este del Mediterráneo. Ellos también discutieron la situación en Palestina, la explotación de las reservas de gas y la lucha contra el terrorismo.

La cumbre tripartita -a la que acudió el presidente egipcio, Abdel Fattah al Sisi, el de Chipre, Nicos Anastasiades, y el primer ministro griego, Alexis Tsipras- discutió temas de tipo económico, político y de seguridad y tuvo lugar dentro del marco dirigido a crear un frente unido contra Turquía en un momento en el que este último país hace gala de una actitud expansionista y de agresión contra sus vecinos.

En relación al terrorismo la cumbre discutió los asuntos regionales, en especial el crecimiento del EI y sus actividades en la región del Mediterráneo, desde el Norte del Sinaí hasta las costas de Libia. Sisi dijo que el EI supone una amenaza directa a Egipto, y Grecia y Chipre mostraron también su preocupación por las actividades del grupo terrorista en el Mediterráneo. Grecia señaló que Turquía permite al EI cruzar su territorio, sin ningún obstáculo, para dirigirse a Siria e Iraq.

En el tema de Palestina, los participantes llamaron a una reanudación de las negociaciones de paz con vistas al establecimiento de un estado palestino con su capital en Jerusalén Este. La declaración final de la cumbre también subrayó que “Egipto hará esfuerzos para lograr un acuerdo de cese el fuego a largo plazo en la Franja de Gaza”.

Cooperación contra Turquía

Por su parte, los tres líderes han acordado ejercer un contrapeso al impacto negativo de las políticas turcas en la región y, sobre todo, su apoyo al terrorismo. Ellos mostraron la necesidad de colaborar en este sentido para alcanzar la estabilidad en la región a la vez que promueven los intereses económicos de los tres países.

Existe también una disputa histórica en lo que respecta a la ocupación del Norte de Chipre por Turquía desde hace 40 años. Grecia está preocupada por las aspiraciones expansionistas del presidente turco, Recep Tayyip Erdogan, y su respaldo a las organizaciones terroristas. Egipto, por su parte, ve a Turquía como una amenaza a la estabilidad por su apoyo al grupo de los Hermanos Musulmanes.

Grecia y Chipre están considerados como los mayores apoyos de Sisi en la Unión Europea y han trabajado para impedir la imposición de sanciones contra el Egipto de Sisi tras el derrocamiento de Mohammed Mursi y de los Hermanos Musulmanes.

samedi, 09 mai 2015

Nigeria recibe ayuda de Putin, y no de Obama, contra Boko Haram

por Pedro González Barbadillo

Más vergüenza para Occidente, Europa, la OTAN, Estados Unidos… Para combatir a esos enemigos de la Humanidad que son los terroristas de Boko Haram, Nigeria recibe ayuda de otros países.

En el Congreso sobre los cristianos perseguidos en el mundo que organizaron la semana pasada las asociaciones MasLibres, HazteOir y CitizenGO, un obispo nigeriano dio una buena noticia.

El Ejército nigeriano está recuperando territorio en el norte del país a los terroristas de Boko Haram y en parte se debe a la ayuda militar que le están prestando los Gobiernos de Sudáfrica, que quiere ser la gran potencia africana, y ¡de Rusia!

Y bien puede ser cierto. El Gobierno nigeriano, abandonado por la OTAN, al igual que los cristianos árabes, o los libios, a los que Cameron, Sarkozy, Zapatero y Chacón liberaron de Gadafi, ha recurrido a la Rusia de Vladímir Putin.

Hace unos meses, Nigeria compró helicópteros y otro armamento a Rusia para combatir a esos terroristas que en nombre del islam matan a cristianos y a otros musulmanes. ¡Porque el presidente Obama no quiso vendérselo! Obama tampoco permitió el uso de drones para obtener información de los movimientos de los terroristas. Y además persuadió a los demás miembros de la OTAN para no colaborar con Lagos. Por último, canceló todas las compras de petróleo nigeriano.

En EEUU se dice que es un favor de Obama a un amiguete suyo que ha montado un chiringuito de campañas electorales y que tiene como cliente a un ex general musulmán del norte del país… y que ha ganado las elecciones

Los hechos son que Obama, paladín del mundo libre y de los derechos de los gays y los osos polares, se lava las manos frente a Boko Haram, mientras que el ex oficial del KGB Vladímir Putin presta ayuda para acabar con esos salvajes.

¡Qué difícil nos están poniendo a los europeos los Obama, Soros, Henri-Levy y demás panda hipócrita que dejemos de pensar en Rusia como protectora de Europa!

Los que hemos rezado por la conversión de Rusia, ¿tendremos que rezar ahora por la conversión de Europa y, también, por las intenciones de Putin, como cuenta el padre Jorge González Guadalix?

CODA: Por cierto, qué mal se han comportado los obispos españoles con sus hermanos pastores de comunidades que están siendo martirizadas. Al Congreso sólo acudieron monseñor Martínez Camino, uno de los obispos auxiliares de Madrid, y el portavoz de la Conferencia Episcopal Española, José María Gil Tamayo. Los dos arzobispos de Madrid, el titular, monseñor Carlos Osoro, y el emérito, cardenal Rouco, no acudieron ni a saludar ni a concelebrar la misa del domingo, en la parroquia de la Merced, que al menos estuvo llena de fieles que no entienden del “qué dirán”.

Fuente: Bokabulario

Berceau historique des Arabes, le Yémen sera-t-il le tombeau des wahhabites?

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Berceau historique des Arabes, le Yémen sera-t-il le tombeau des wahhabites?

par Majed Nehme

Ex: http://www.eburnienews.net

Vingt-quatre heures avant la reprise des pourparlers américano-iraniens sur le dossier nucléaire à Lausanne, et au moment où Washington et Téhéran sont engagés côte à côte en Irak contre l’État islamique, nouvel épouvantail à combattre, voilà qu’une coalition hétéroclite de dix pays menée par le royaume wahhabite déclare la guerre au Yémen.

yemen3.jpgL’opération, dans le plus pur style hollywoodien, a été baptisée « Tempête de la fermeté». Elle a été annoncée non pas depuis Riyad par les plus hauts responsables du gouvernement, mais par l’ambassadeur saoudien aux États-Unis, Adel Jubayr. La raison officielle de cet engagement, jusqu’ici aérien, est le soutien au président Abd Rabbo Mansour Hadi, un personnage sans charisme, une marionnette entre les mains des pays du Golfe, face à l’avancée combinée foudroyante des rebelles houthis (soutenus par l’Iran et le Hezbollah) et d’une grande partie de l’armée régulière restée fidèle à l’ancien président, Ali Abdallah Saleh, issu de la plus grande fédération tribale sunnite, les Hached.

Hiver yéménite

Parler, comme le font certains médias, de guerre entre chiites et sunnites, est donc de la poudre aux yeux. Faut-il rappeler que Saleh, dont les troupes constituent le fer de lance de la reconquête du pouvoir, est sunnite, alors que ses alliés de circonstance, les houthis, sont issus de la communauté zaydite (branche du chiisme, 40 % de la population) ? Celle-là même qui avait gouverné sous le régime de l’imamat au Yémen du Nord pendant des siècles, avant que son représentant, le roi Muhammad al-Badr, ne soit renversé par un coup d’État militaire en 1962 soutenu par Nasser. Le putsch aboutit à l’avènement du premier régime républicain, dans une péninsule arabique qui ne comptait jusqu’alors que des monarchies moyenâgeuses de droit divin. Pris de panique, le royaume wahhabite croisa alors le fer avec Nasser, figure emblématique du panarabisme, sur la terre yéménite. Une guerre qui épuisera l’armée égyptienne et sera l’une des raisons de sa débâcle dans la guerre de juin 1967 contre Israël.

Malgré l’aide massive du roi Fayçal aux monarchistes zaydites, ceux-ci ne parviendront pas à renverser le régime républicain. À l’époque, personne ne souligna que le royaume wahhabite soutenait un imam zaydite, donc chiite ! Il convient aussi de rappeler qu’en 1934, le roi Abdelaziz Ibn Séoud entra en guerre contre le Yémen, qui fut amputé de ses trois provinces d’Assir, de Najran et de Jizan. Cette annexion est toujours ressentie par les Yéménites comme un affront national qu’il faudra un jour laver. Paradoxalement, c’est l’ancien président Ali Abdallah Saleh qui a géré ce dossier explosif et ouvert une nouvelle page de coopération avec son voisin wahhabite. Il sera mal récompensé. Au début du « printemps yéménite », en 2011, l’Arabie Saoudite l’a lâché et obligé à quitter le pouvoir en 2012, prenant fait et cause pour ses adversaires tribaux et islamistes. En s’alliant avec les ennemis d’hier, les houthis, les alliés de l’Iran qu’il avait impitoyablement combattus, Ali Abdallah Saleh s’emploie en fait à prendre sa revanche sur ceux qui l’ont poignardé dans le dos.

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Le virage du parrain américain

À la grande frayeur des monarchies du Golfe – et de leurs obligés et supplétifs – qui envoient leurs bombardiers frapper le Yémen. La coalition: monarchies du Golfe, à la notable abstention du sultanat d’Oman, Jordanie, Maroc, Pakistan, Soudan et… Égypte ! est une fiction. Tous les obligés, ou presque, sont des États faillis. On se demande d’ailleurs pourquoi la Somalie n’en fait pas partie ! Ce ne sont pas ces pays qui seront d’un quelconque secours pour le régime saoudien, si les démons de la boîte de Pandore qu’il vient d’ouvrir lui sautent au visage et si la contestation gagne le royaume lui-même… Il y a de quoi: l’Arabie est gangrenée par le cancer takfiri qu’il a généré et qu’il a exporté vers l’Irak, la Syrie, le Maghreb et maintenant le Yémen, pays d’origine de Ben Laden. Les deux principaux membres de cette coalition sont le Pakistan et l’Égypte. Le premier a déjà du mal à venir à bout des mouvements terroristes qu’il a créés, avec l’aide de la CIA, pour combattre l’Union soviétique en Afghanistan. La deuxième peine à éradiquer le terrorisme sur son propre territoire, notamment au Sinaï ; l’Égypte n’a pas encore oublié l’amère aventure yéménite dans les années 1960, et doit mobiliser toutes ses énergies pour endiguer le danger qui la guette et qui pourrait venir de la Libye.

En cherchant à enterrer la hache de guerre avec l’Iran et en repensant leur alliance avec Israël, les États-Unis, ont mis leur protégé wahhabite dans tous ses états. Cette évolution du parrain américain intervient après les échecs essuyés en Syrie et en Irak. Le saut du royaume saoudien dans l’inconnu yéménite est symptomatique d’un pouvoir anachronique et au bout du rouleau, qui a longtemps cru que sa survie ne pourrait être assurée que par la destruction de ses adversaires supposés: l’Égypte nassérienne, l’Irak de Saddam puis l’Irak de Maliki, la Syrie des Assad, la Libye de Kadhafi… En essayant de rééditer la même stratégie avec l’Iran, il s’est cassé les dents. À moins d’un improbable sursaut de lucidité, il court à sa perte. Une perte somme toute salutaire.

Par Majed Nehme

Source: Afrique-Asie

Aveuglement européen devant les offensives des pays du Golfe

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Aveuglement européen devant les offensives des pays du Golfe

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Le pouvoir en France se réjouit du fait que François Hollande ait été l'«invité d'honneur» du sommet du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Ce serait le premier chef d'Etat occidental à bénéficier de cet « honneur », ce dont Barack Obama, jusque là l'allié le plus fidèle des dits pays du Golfe, n'a jamais pu faire.
 
Pourquoi cette défaveur momentanée des Etats-Unis? Parce que ceux-ci négocient un accord avec l'Iran sur le nucléaire. Parce que, également, les intérêts américains dans le Golfe ne recoupent pas nécessairement ceux de certains des Etats du Conseil de Coopération. François Hollande ne souffre pas de ces handicaps. Il s'est montré l'héritier le plus fidèle de la politique américaine des années précédentes. Il a même à plusieurs occasions endossé les aspects les plus extrémistes de cette politique, contre Bashar al Assad notamment. Il peut par ailleurs jouer un rôle utile d'intermédiaire entre les pays du Golfe et l'Union européenne, notamment lorsque celle-ci manifeste des inquiétudes en matière de droits de l'Homme ou de liberté de la concurrence.

Bien évidemment, les services rendus par la France aux monarchies pétrolières justifient quelques contreparties. C'est le cas notamment du contrat Rafale au Qatar, qui pourrait être suivi d'un contrat du même ordre en provenance de l'Arabie saoudite. Pour que la France ne se fasse pas d'illusions cependant, le Qatar et ses alliées du Golfe n'ont pas tardé à présenter la contre-partie attendue de ce modeste avantage, notamment l'ouverture de lignes aériennes supplémentaires pour Qatar-Airways, au détriment immédiat du groupe Air-France/Lufthansa. Ce dernier vient de rappeler qu'il risque de ne pas s'en relever. Déjà en difficulté, il pourra ne pas résister à la concurrence des compagnies du Golfe. Concernant Air France, en s'installant dans des aéroports régionaux français, les avions qataris risquent de détourner le trafic vers le hub de Doha, au détriment de Paris. Air France sera sans doute obligé de revoir le nombre de ses vols, entrainant les pertes d'emplois en conséquence.

Les Émirats arabes unis, qui sont, eux aussi, intéressés par des avions de combat, pourraient faire la même demande auprès des autorités françaises pour leur compagnie aérienne Etihad. L'Etat, bien que participant au capital d'Air France, ne fera pas pourtant la moindre objection.

On ne fait pas les comptes

Cette affaire a mis en évidence une situation défavorable à l'Europe que nul gouvernement n'ignorait mais que tous acceptent car on ne discute pas avec des Etats arabes riches des milliards que nous leurs versons indirectement par notre insatiable appétit de pétrole, au lieu de rechercher avec plus de détermination des énergies de substitution. Aucune autorité ne fait le bilan de ce que rapportent aux Européens les cadeaux de certains Etats du Golfe, en contrepartie des coûts actuels et futurs des pertes de souveraineté qu'ils leur consentent. Concernant les compagnies aériennes, ainsi, l'Europe qui continue à afficher haut et fort sa volonté de faire régner en son sein une concurrence libre et non faussée, ferme les yeux sur la concurrence déloyale des compagnies du Golfe, qui touchent de la part de leur gouvernement des subventions estimées à plus de 40 milliards de dollars pour ces dernières années.

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Ces subventions permettent, entre autres, à ces compagnies d'acquérir les dernières générations d'avions, d'y offrir des services aux passagers sans égal et bien évidemment de travailler à perte aussi longtemps que nécessaire pour éliminer la concurrence. Elles peuvent aussi, plus directement acheter purement et simplement des compagnies européennes en difficulté, comme ce fut récemment le cas d'Alitalia rachetée agressivement par la compagnie d'Abou Dhabi Etihad. Si les Etats européens ne réagissent pas pour imposer, y compris au sein de la Commission européenne, un néo-protectionnismedans les secteurs stratégiques, ce sera bientôt aussi le sort d'Air France et de Lufhansa. Le passager européens naïf croira continuer à voler sous les couleurs européennes, sans s'apercevoir qu'il sert dorénavant les intérêts d'ennemis déterminés de l'Europe.

Les autres secteurs stratégiques

La cas des compagnies aériennes n'est que la façade aujourd'hui visible de l'entrée, concurrence libre et non faussée oblige, des capitaux pétro-arabes dans de nombreuses entreprises et services publics européens. Certains de ceux-ci ne sont pas considérés comme stratégiques (comme en ce qui concerne le Musée du Louvre...encore que...), mais d'autres le sont évidemment, comme en ce qui concerne les industries de technologies avancées, travaillant ou non pour la défense.

Or les capitaux du Golfe ne se bornent pas à rester dans le rôle de « sleeping partners » ou partenaires dormant, uniquement soucieux de récupérer quelques profits. Ils participent directement à une conquête de l'Europe, non seulement économique mais politique. Celle-ci se fait bien évidemment en premier lieu au détriment des travailleurs et des représentations politiques européennes. Le lobbying exercé par les représentants occultes de ces capitaux arabe s'exerce en permanence et influence dorénavant toutes les décisions, tant des Etats nationaux que de la Commission européenne. Mais personne n'en parle.

Qui connait dans nos démocraties l'influence sur les décisions diplomatiques et économiques du prince saoudien multi-milliardaire Al Waleed bin Talal bin Abdulaziz al Saud. Soyez certains qu'il ne se borne pas à investir dans les casinos. L'avenir de l'Europe repose dorénavant en partie entre ses mains et celles de ses semblables.

Jean Paul Baquiast

vendredi, 08 mai 2015

«L’Arabie saoudite a déjà perdu la partie» au Yémen

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«L’Arabie saoudite a déjà perdu la partie» au Yémen

Majed Nehmé, directeur du magazine « Afrique-Asie » et auteur de nombreux ouvrages autour des questions géopolitiques, fait le bilan après 3 semaines du début de « Tempête de la fermeté ».

Ex: http://www.lorientlejour.com

Trois semaines après le début de la campagne aérienne de la coalition constituée sous l'égide de l'Arabie saoudite, l'épreuve de force se poursuit au Yémen. Les raids aériens n'ont jusque-là pas permis une inversion du rapport de force sur le terrain. Après le refus, vendredi, du Pakistan d'envoyer des troupes et du matériel militaire en renfort à son allié saoudien, Riyad a confirmé, hier, la formation d'une commission avec l'Égypte pour tenir de « grandes » manœuvres militaires conjointes dans le royaume saoudien. Il semblerait ainsi que les bénéfices politiques de l'Arabie saoudite restent subordonnés aux gains militaires. En ce sens, la résolution adoptée mardi soir au Conseil de sécurité imposant en embargo sur les armes contre les rebelles houthis viserait à favoriser un changement dans la configuration du rapport de force sur le terrain. Néanmoins, le scepticisme demeure quant aux résultats escomptés. Majed Nehmé, directeur du magazine Afrique/Asie et auteur de nombreux ouvrages autour des questions géopolitiques, livre son analyse de la situation.


Revenant sur les épisodes des derniers jours, M. Nehmé estime que le refus du Pakistan « va amener Riyad à comprendre que tout n'est pas monnayable ». En effet, l'exigence saoudienne de la mise à disposition de troupes composées de militaires exclusivement sunnites aurait constitué une menace pour l'unité de l'armée pakistanaise et entraîné des conséquences graves sur le plan interne dans un pays où la situation intercommunautaire est extrêmement tendue. Selon lui, la position du Pakistan, allié historique de l'Arabie mais qui bénéficie aujourd'hui d'une plus grande marge de manœuvre, « va pousser les sages du royaume à faire entendre leur voix et à revoir la stratégie des ultras », portée par le tout nouveau ministre de la Défense Mohammad ben Salman et l'indéboulonable ministre des Affaires étrangères Saoud al-Fayçal. Il estime qu'« un changement dramatique au sein de la famille régnante n'est pas à exclure ». Selon lui, donc, le refus pakistanais semble fragiliser la position saoudienne en entamant la cohérence de la coalition.

Manœuvres conjointes sans effet sur le terrain


L'organisation de manœuvres conjointes s'apparente davantage, selon Majed Nehmé, à une démonstration de force sans conséquences sur le terrain. Elle ne vise pas à créer une offensive mais peut avoir un effet dissuasif en cas d'attaque sur le territoire saoudien, scénario qui semble néanmoins exclu. « Cette gesticulation est en fait destinée à améliorer les conditions d'une solution politique qui permettrait aux Saoudiens de sauver la face ». Selon lui, même la résolution adoptée par le Conseil de sécurité prévoyant un embargo sur l'équipement militaire livré aux rebelles ne bouleverserait pas la donne dans la mesure où les houthis disposent de stocks d'armements suffisamment importants pour tenir un conflit long de plusieurs mois.


Par ailleurs, la campagne aérienne menée contre un mouvement de guérilla disposant d'une base populaire a des effets limités et toute évolution dans le rapport de force sur le terrain impliquerait une campagne terrestre. Or M. Nehmé rappelle que « l'armée égyptienne n'en a ni les moyens ni la volonté. Elle a d'autres problèmes à gérer notamment dans le Sinaï où elle peine à venir à bout des groupes jihadistes. Une offensive serait suicidaire. Et à part quelques incursions terrestres, je ne vois pas comment une armée saoudienne, suréquipée certes, mais inexpérimentée, pourrait faire face à une guérilla qui a déjà infligé de lourdes pertes à cette armée en 2009 ». Cette année-là, les rebelles houthis avaient mené une incursion en Arabie.

Solution négociée


Le réalisme politique pourrait-il prendre la forme de la proposition turque de se poser en médiateur et du plan iranien de sortie de crise. Pour Majed Nehmé, la recherche d'un compromis permettrait de rééquilibrer le rapport de force et préserver l'influence saoudienne, mais elle n'en resterait pas moins une défaite pour Riyad. « L'Arabie saoudite a déjà perdu la partie. La dernière résolution du Conseil de sécurité lui permet de s'engager dans des négociations avec les houthis et l'armée de l'ex-président Ali Abdallah Saleh. Il y aura forcément un partage de pouvoir entre les différentes factions antagonistes, mais la part du lion reviendra au camp antisaoudien. Les Américains poussent dans ce sens car une poursuite du conflit va renforcer el-Qaëda, estime-t-il. Ce compromis devrait se traduire par une négociation globale avec l'Iran qui va freiner le soutien saoudien aux forces hostiles au régime syrien. »

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mercredi, 06 mai 2015

Une coalition sino-russo-iranienne opposée à l’Otan débute-t-elle à Moscou?

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Une coalition sino-russo-iranienne opposée à l’Otan débute-t-elle à Moscou?

La Conférence de Moscou sur la sécurité internationale, en avril, a été une occasion de faire savoir aux Etats-Unis et à l’OTAN que d’autres puissances mondiales ne les laisseront pas faire comme ils l’entendent.

Le thème portait sur les efforts communs de la Chine, de l’Inde, de la Russie et de l’Iran contre l’expansion de l’OTAN, renforcés par des projets de pourparlers militaires tripartites entre Pékin, Moscou et Téhéran.

Des ministres de la Défense et des responsables militaires venus du monde entier se sont réunis le 16 avril au Radisson Royal ou Hotel Ukraina, l’une des plus belles réalisations de l’architecture soviétique à Moscou, connue comme l’une des Sept sœurs construites à l’époque de Joseph Staline.

L’événement de deux jours, organisé par le ministère russe de la Défense était la quatrième édition de la Conférence annuelle de Moscou sur la sécurité internationale (CMSI/MCIS).

Des civils et des militaires de plus de soixante-dix pays, y compris des membres de l’OTAN, y ont assisté. A part la Grèce, toutefois, les ministres de la Défense des pays de l’OTAN n’ont pas participé à la conférence.

Contrairement à l’année dernière, les organisateurs de la CMSI n’ont pas transmis d’invitation à l’Ukraine pour la conférence de 2015. Selon le vice-ministre russe de la Défense Anatoly Antonov, «à ce niveau d’antagonisme brutal dans l’information par rapport à la crise dans le sud-est de l’Ukraine, nous avons décidé de ne pas envenimer la situation à la conférence et, à ce stade, nous avons pris la décision de ne pas inviter nos collègues ukrainiens à l’événement.»

A titre personnel, le sujet m’intéresse, j’ai suivi ce genre de conférences pendant des années, parce qu’il en émane souvent des déclarations importantes sur les politiques étrangères et de sécurité. Cette année, j’étais désireux d’assister à l’ouverture de cette conférence particulière sur la sécurité. A part le fait qu’elle avait lieu à un moment où le paysage géopolitique du globe est en train de changer rapidement, depuis que l’ambassade russe au Canada m’avait demandé en 2014 si j’étais intéressé à assister à la CMSI IV, j’étais curieux de voir ce que cette conférence produirait.

Le reste du monde parle: à l’écoute des problèmes de sécurité non euro-atlantiques

La Conférence de Moscou est l’équivalent russe de la Conférence de Munich sur la sécurité qui se tient à l’hôtel Bayerischer Hof en Allemagne. Il y a cependant des différences essentielles entre les deux événements.

Alors que la Conférence sur la sécurité de Munich est organisée autour de la sécurité euro-atlantique et considère la sécurité globale du point de vue atlantiste de l’OTAN, la CMSI représente une perspective mondiale beaucoup plus large et diversifiée. Elle représente les problèmes de sécurité du reste du monde non euro-atlantique, en particulier le Moyen-Orient et l’Asie-Pacifique. Mais qui vont de l’Argentine, de l’Inde et du Vietnam à l’Egypte et à l’Afrique du Sud.  La conférence a réuni à l’hôtel Ukraina tout un éventail de grands et petits joueurs à la table, dont les voix et les intérêts en matière de sécurité, d’une manière ou d’une autre, sont par ailleurs sapés et ignorés à Munich par les dirigeants de l’OTAN et des Etats-Unis.

Le ministre russe de la Défense Sergey Shoigu, qui a un rang d’officier équivalent à celui d’un général quatre étoiles dans la plupart des pays de l’OTAN, a ouvert la conférence. Assis près de Shoigu, le ministre des Affaires étrangères Sergey Lavrov a aussi pris la parole, et d’autres responsables de haut rang. Tous ont parlé du bellicisme tous azimuts de Washington, qui a recouru aux révolutions de couleur, comme l’Euro-Maïdan à Kiev et la Révolution des roses en Géorgie pour obtenir un changement de régime. Shoigu a cité le Venezuela et la région administrative spéciale chinoise de Hong Kong comme exemples de révolutions de couleur qui ont échoué.

Le ministre des Affaires étrangères Lavrov a rappelé que les possibilités d’un dangereux conflit mondial allaient croissant en raison de l’absence de préoccupation, de la part des Etats-Unis et de l’OTAN, pour la sécurité des autres et l’absence de dialogue constructif. Dans son argumentation, Lavrov a cité le président américain Franklin Roosevelt, qui a dit:

«Il n’y a pas de juste milieu ici. Nous aurons à prendre la responsabilité de la collaboration mondiale, ou nous aurons à porter la responsabilité d’un autre conflit mondial «Je crois qu’ils ont formulé l’une des principales leçons du conflit mondial le plus dévastateur de l’Histoire: il est seulement possible de relever les défis communs et de préserver la paix par des efforts collectifs, basés sur le respect des intérêts légitimes de tous les partenaires » , a-t-il expliqué à propos de ce que les dirigeants mondiaux avaient appris de la Seconde Guerre mondiale.

Shoigu a eu plus de dix réunions bilatérales avec les différents ministres et responsables de la Défense qui sont venus à Moscou pour la CMSI. Lors d’une réunion avec le ministre serbe de la Défense Bratislav Gasic, Shoigu a dit que Moscou considère Belgrade comme un partenaire fiable en termes de coopération militaire.

Russie

De g. à dr.: Sergei Lavrov, ministre des Affaires étrangères, Sergei Shoigu, ministre de la Défense, Nikolai Patrushev, secrétaire au Conseil de sécurité et Valery Gerasimov, chef de l’état-major général, participant à la 4e Conférence de Moscou sur la sécurité (RIA Novosti / Iliya Pitalev)

Une coalition sino-russo-iranienne: le cauchemar de Washington

Le mythe que la Russie est isolée sur le plan international a de nouveau été démoli pendant la conférence, qui a aussi débouché sur quelques annonces importantes.

Le ministre kazakh de la Défense Imangali Tasmagambetov et Shoigu ont annoncé que la mise en œuvre d’un système de défense aérienne commun entre le Kazakhstan et la Russie a commencé. Cela n’indique pas seulement l’intégration de l’espace aérien de l’Organisation du traité de sécurité collective, cela définit aussi une tendance. Cela a été le prélude à d’autres annonces contre le bouclier de défense antimissile de l’OTAN.

La déclaration la plus vigoureuse est venue du ministre iranien de la Défense Hossein Dehghan. Le brigadier-général Dehghan a dit que l’Iran voulait que la Chine, l’Inde et la Russie s’unissent pour s’opposer conjointement à l’expansion à l’est de l’OTAN et à la menace à leur sécurité collective que constitue le projet de bouclier antimissile de l’Alliance.

Lors d’une réunion avec le ministre chinois des Affaires étrangères Chang Wanquan, Shoigu a souligné que les liens militaires de Moscou avec Beijing étaient sa «priorité absolue». Dans une autre rencontre bilatérale, les gros bonnets de la défense iraniens et russes ont confirmé que leur coopération sera une des pierres angulaires d’un nouvel ordre multipolaire et que Moscou et Téhéran étaient en harmonie quant à leur approche stratégique des Etats-Unis.

Après la rencontre de Hossein Dehghan et la délégation iranienne avec leurs homologues russes, il a été annoncé qu’un sommet tripartite se tiendrait entre Beijing, Moscou et Téhéran. L’idée a été avalisée ensuite par la délégation chinoise.

Le contexte géopolitique change et il n’est pas favorable aux intérêts états-uniens. Non seulement l’Union économique eurasienne a été formée par l’Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan et la Russie au cœur post-soviétique de l’Eurasie, mais Pékin, Moscou et Téhéran – la Triple entente eurasienne – sont entrés dans un long processus de rapprochement politique, stratégique, économique, diplomatique et militaire.

L’harmonie et l’intégration eurasiennes contestent la position des Etats-Unis sur leur perchoir occidental et leur statut de tête de pont en Europe, et même incitent les alliés des Etats-Unis à agir de manière plus indépendante. C’est l’un des thèmes centraux examinés dans mon livre The Globalization of NATO [La mondialisation de l’OTAN].

L’ancien grand ponte états-unien de la sécurité Zbigniew Brzezinski a mis en garde les élites américaines contre la formation d’une coalition eurasienne «qui pourrait éventuellement chercher à contester la primauté de l’Amérique». Selon Brzezinski, une telle alliance eurasienne pourrait naître d’une «coalition sino-russo-iranienne» avec Beijing pour centre.

«Pour les stratèges chinois, face à la coalition trilatérale de l’Amérique, de l’Europe et du Japon, la riposte géopolitique la plus efficace pourrait bien être de tenter et de façonner une triple alliance qui leur soit propre, liant la Chine à l’Iran dans la région golfe Persique/Moyen-Orient et avec la Russie dans la région de l’ancienne Union soviétique», avertit Brzezinski.

«Dans l’évaluation des futures options de la Chine, il faut aussi considérer la possibilité qu’une Chine florissante économiquement et confiante en elle politiquement – mais qui se sent exclue du système mondial et qui décide de devenir à la fois l’avocat et le leader des Etats démunis dans le monde –  décide d’opposer non seulement une doctrine claire mais aussi un puissant défi géopolitique au monde trilatéral dominant», explique-t-il.

C’est plus ou moins la piste que les Chinois sont en train de suivre. Le ministre Wanquan a carrément dit à la CMSI qu’un ordre mondial équitable était nécessaire.

La menace pour les Etats-Unis est qu’une coalition sino-russo-iranienne puisse, selon les propres mots de Brzezinski, «être un aimant puissant pour les autres Etats mécontents du statu quo».

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Un soldat pendant un exercice impliquant les systèmes de missiles sol-air S-300/SA sur le terrain d’entraînement d’Ashuluk, dans la région  d’Astrakhan (RIA Novosti / Pavel Lisitsyn)

Contrer le bouclier anti-missile des Etats-Unis et de l’OTAN en Eurasie

Washington érige un nouveau Rideau de fer autour de la Chine, de l’Iran, de la Russie et de leurs alliés au moyen de l’infrastructure de missiles des Etats-Unis et de l’OTAN.

L’objectif du Pentagone est de neutraliser toutes les ripostes défensives de la Russie et des autres puissances eurasiennes à une attaque de missiles balistiques US, qui pourrait inclure une première frappe nucléaire. Washington ne veut pas permettre à la Russie ou à d’autres d’être capables d’une seconde frappe ou, en d’autres termes, ne veut pas permettre à la Russie ou à d’autres d’être en mesure de riposter à une attaque par le Pentagone.

En 2011, il a été rapporté que le vice-Premier ministre Dmitri Rogozine, qui était alors envoyé de Moscou auprès de l’OTAN, se rendrait à Téhéran pour parler du projet de bouclier antimissile de l’OTAN. Divers articles ont été publiés, y compris par le Tehran Times, affirmant que les gouvernements de Russie, d’Iran et de Chine projetaient de créer un bouclier antimissile commun pour contrer les Etats-Unis et l’OTAN. Rogozine, toutefois, a réfuté ces articles. Il a dit que cette défense antimissile était discutée entre le Kremlin et ses alliés militaires dans le cadre de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC).

L’idée de coopération dans la défense entre la Chine, l’Iran et la Russie, contre le bouclier antimissile de l’OTAN est restée d’actualité depuis 2011. Dès lors, l’Iran s’est rapproché pour devenir un observateur dans l’OTSC, comme l’Afghanistan et la Serbie. Beijing, Moscou et Téhéran se sont rapprochés aussi en raison de problèmes comme la Syrie, l’Euro-Maïdan et le pivot vers l’Asie du Pentagone. L’appel de Hossein Dehghan à une approche collective par la Chine, l’Inde, l’Iran et la Russie contre le bouclier antimissile et l’expansion de l’OTAN, couplé aux annonces faites à la CMSI sur des pourparlers militaires tripartites entre la Chine, l’Iran et la Russie, vont aussi dans ce sens.

Les systèmes de défense aérienne russes S-300 et S-400 sont en cours de déploiement dans toute l’Eurasie, depuis l’Arménie et la Biélorussie jusqu’au Kamchatka, dans le cadre d’une contre-manœuvre au nouveau Rideau de fer.  Ces systèmes de défense aérienne rendent beaucoup plus difficiles les objectifs de Washington de neutraliser toute possibilité de réaction ou de seconde frappe.

Même les responsables de l’OTAN et le Pentagone, qui se sont référés aux S-300 comme le système SA-20, l’admettent. « Nous l’avons étudié nous sommes formés pour le contrer depuis des années. Nous n’en avons pas peur, mais nous respectons le S-300 pour ce qu’il est: un système de missiles très mobile, précis et mortel », a écrit le colonel de l’US Air Force Clint Hinote pour le Conseil des relations étrangères basé à Washington.

Bien qu’il y ait eu des spéculations sur le fait que la vente des systèmes S-300 à l’Iran serait le point de départ d’un pactole provenant de Téhéran dû aux ventes internationales d’armes, résultat des négociations de Lausanne, et que Moscou cherche à avoir un avantage concurrentiel dans la réouverture du marché iranien, en réalité la situation et les motivations sont très différentes. Même si Téhéran achète différentes quantités de matériel militaire à la Russie et à d’autres sources étrangères, il a une politique d’autosuffisance militaire et fabrique principalement ses propres armes. Toute une série de matériel militaire – allant des chars d’assaut, missiles, avions de combat, détecteurs de radar, fusils et drones, hélicoptères, torpilles, obus de mortier, navires de guerre et sous-marins – est fabriqué à l’intérieur de l’Iran. L’armée iranienne soutient même que leur système de défense aérienne Bavar-373 est plus ou moins l’équivalent du S-300.

La livraison par Moscou du paquet de S-300 à Téhéran est plus qu’une simple affaire commerciale. Elle est destinée à sceller la coopération militaire russo-iranienne et à renforcer la coopération eurasienne contre l’encerclement du bouclier anti-missiles de Washington. C’est un pas de plus dans la création d’un réseau de défense aérienne eurasienne contre la menace que font peser les missiles des Etats-Unis et de l’OTAN sur des pays qui osent ne pas s’agenouiller devant Washington.

Par Mahdi Darius Nazemroaya –  23 avril 2015

Mahdi Darius Nazemroaya est sociologue, un auteur primé et un analyste géopolitique.

Article original : http://rt.com/op-edge/252469-moscow-conference-international-security-nato/

Traduit de l’anglais par Diane Gilliard

URL de cet article : http://arretsurinfo.ch/une-coalition-sino-russo-iranienne-opposee-a-lotan-debute-t-elle-a-moscou/

mardi, 05 mai 2015

La Turchia presidia il mar di Levante e costruisce una portaerei

A distanza di quarant’anni l’isola di Cipro rimane spezzata tra due mondi, quello greco del sud e quello turco del nord. Tra le due repubbliche (la prima riconosciuta dalla comunità internazionale, la seconda solo da Ankara) corre una zona cuscinetto lunga 180 chilometri che separa il territorio. Una separazione che non può colmare o risolvere decenni d’odio, diffidenza e rancori.

A Cipro tutto rimane sospeso. In una tregua precaria. Ciclicamente le due parti annunciano negoziati e incontri, ma regolarmente tutto finisce in baruffa e l’ingarbugliata situazione isolana resta ancor più intricata. A peggiorare, se possibile, vi è poi, da qualche anno, la questione degli immensi giacimenti offshore — subito dai greci ribattezzati Afrodite, mentre gli israeliani hanno preferito nomi più crudi come Leviathan e Karish (squalo)… — scoperti nel mar di Levante, tra l’isola e la costa asiatica. Una partita complicata quanto strategica che vede coinvolti più attori: Israele, l’Egitto, il Libano, la Siria, i palestinesi di Gaza e le due entità cipriote.

Lo scorso autunno Erdogan — grande protettore dei ciprioti del Nord — ha spedito una propria nave di ricerca davanti alle coste settentrionali dell’isola. Immediata la reazione di Atene — custode, ormai scalcinata ma attenta, dei diritti della repubblica ufficiale — che ha immediatamente protestato in tutte le sedi europee. Indifferente ai turbamenti ellenici, il governo neo ottomano di Ankara ha rilanciato inviando nelle acque contestate le proprie navi da guerra per un’esercitazione militare che ha sfiorato a più riprese la nave di perforazione italiana Saipem 10000.

Alcun risultato è sortito neppure dalla risoluzione di condanna dell’Unione Europea (effetto Mogherini?) dello scorso 13 novembre: la Turchia ha annunciato che proseguirà le sue ricerche e ha rivendicato per se e il satellite cipriota un ampliamento deciso delle reciproche zone economiche marine.

A confermare ulteriormente le ambizioni marittime di Ankara (e le mire energetiche), il consiglio di sicurezza nazionale turco ha deciso di trasformare radicalmente il progetto della nave anfibia in costruzione nei cantieri Sedef: l’unità diverrà una vera e propria portaerei (sviluppando il concetto dell’ammiraglia spagnola Juan Carlos, nella foto) e verrà equipaggiata per imbarcare velivoli F35b. La consegna è prevista per il 2019. Il mar di Levante si fa burrascoso.

dimanche, 03 mai 2015

Geopolitica dell’acqua

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Geopolitica dell’acqua

Molto più che il petrolio, l'acqua sta diventando la nuova risorsa strategica nel controllo di popolazioni e intere regioni. Il suo monopolio potrebbe alterare notevolmente la geopolitica, alimentare conflitti socio-politici e militari.
 
 
Ex: http://www.lintellettualedissidente.it 
 

La cinematografia è stata in grado molto spesso di descrivere problematiche socio-politiche in modo assai più accurato della saggistica o dei manuali universitari. Nel film della saga di James Bond Quantum of Solace, uscito nel 2008, l’imprenditore Dominc Greene cerca di ottenere il controllo dei bacini di approvvigionamento idrico della Bolivia, al fine di imporre un monopolio di mercato su questa importante risorsa. Per buona parte del film, si è portati a credere che il vero piano sia il controllo di un giacimento petrolifero. L’oro nero è stato infatti per decenni la principale risorsa energetica da controllare, al punto da provocare crisi economiche, instabilità socio-politiche, colpi di Stato e conflitti militari. Da qui a qualche anno il quadro di riferimento potrebbe mutare radicalmente e, proprio come descritto nel film di James Bond, l’acqua diventerà la nuova risorsa su cui nazioni, società, imprenditori e trafficanti tenteranno di imporre il proprio monopolio.

L’importanza dell’approvvigionamento idrico non è infatti sentita unicamente da associazioni ambientaliste o attivisti no-global, ma anche da autorevoli esponenti dei governi e studiosi di relazioni internazionali. Il generale Colin Powell, comandante in capo dell’Esercito statunitense durante la Guerra del Golfo e Segretario di Stato nell’amministrazione Bush Jr., spiegò infatti che: “Lo sviluppo sostenibile è un obbligo morale e umanitario, ma è anche un imperativo per la sicurezza. Povertà, degrado ambientale e diseguaglianze portano alla distruzione di popolazioni, società, nazioni. Questa triade nefasta può destabilizzare stati e persino intere aree geografiche”. Un duro richiamo all’importanza delle risorse ambientali è stato fatto anche dal Segretario Generale dell’Onu Ban Ki Moon, il quale, congiuntamente alla crisi ucraina e siriana, ha ricordato i rischi che una sottovalutazione delle conseguenze di una crisi dell’acqua può avere per la sicurezza internazionale.

Di “guerre dell’acqua” si parla infatti già da qualche decennio e nel 1989, l’ex Segretario UN Boutros-Ghali, all’epoca Ministro degli esteri egiziano, denunciò che la sicurezza nazionale dell’Egitto era nelle mani di almeno altri otto Paesi africani. L’appello chiarisce bene che il controllo della risorsa idrica non ha valore unicamente come fattore ambientale, ma influisce pesantemente sul piano economico, politico e strategico di una Nazione; il potere di pressione che possiedono i paesi a monte dei fiumi è chiaramente maggiore di coloro che si trovano a valle. La minaccia di una guerra per il controllo del petrolio è cosa data per acquisita, ma in un futuro di medio-termine l’acqua rischia di accendere molti più conflitti politico-militari dell’oro nero. In alcune aree del mondo, corrispondenti a quasi il 40% della popolazione mondiale, la scarsità di acqua potrebbe avere gli stessi effetti della crisi dei prezzi del petrolio nel 1973.

L’India e il Bangladesh sono in competizione da anni per il controllo del Gange, il Messico e gli Stati Uniti per il Colorado, la Repubblica Ceca e l’Ungheria per Danubio e nell’Asia centrale cinque repubbliche ex sovietiche si contendono i già risibili bacini dell’Amu Darja e del Sjr Darja. Ma è sopratutto nel Medio Oriente che i conflitti per il controllo idrico potrebbero modellare fortemente gli scenari geopolitici ed economici. Tornando all’Egitto, nel Paese oltre 60 milioni di abitanti dipendono per lo più interamente dalle acque del Nilo, sebbene le origini del fiume si trovino in altre regioni. L’85% delle acque sono infatti generate dalla piovisità dell’Etiopia dove scorrono come Nilo azzurro verso il Sudan e soltanto dopo raggiungono il paese dei Faraoni. Il restante 15% dipende dal cosi detto Nilo bianco, ossia il sistema fluviale che nasce dal lago Vittoria in Tanzania e raggiunge la controparte azzurra nei pressi di Khartoum, capitale sudanese.

In base ad accordi del 1959 con il Sudan, l’Egitto ha diritto a 55,5 miliardi di metri cubi di acqua (su 84) mentre a Khartoum ne spettano 18,5. Per completare il fabbisogno idrico, l’Egitto integra con modesti metri cubi di acque freatiche, drenaggio agricolo e acque di scolo municipali trattate. Ma la richiesta di acqua non è costante nel tempo e, secondo le stime, entro un decennio il paese potrebbe aver bisogno di oltre 70 miliardi di metri cubi di acqua. I nuovi accordi tra i paesi africani che beneficiano delle acque del Nilo hanno invece già portato il Cairo a rivolgersi al Consiglio di Sicurezza dell’Onu ritenendo violati i propri diritti di approvvigionamento idrico. La problematica affrontata dall’Egitto è però, come detto, comune a decine di paesi: Botswana, Bulgaria, Cambogia, Ungheria, Congo, Lussemburgo, Mauritania, Paesi Bassi, Romania, Siria, Israele, tutti ricevono più del 75% delle loro risorse idriche da paesi vicini che si trovano a monte.

Una soluzione politica al conflitto israelo-palestinese si è arenata negli anni ’50 anche per via di inconciliabili posizioni sulle acque del Giordano, che servono da fonte idrica tanto per i territori palestinesi quanto per Israele. L’avvenire dello sfruttamento di questo fiume è motivo di discussione tra i paesi della regione e si somma alle preoccupazioni per la scarsità generale di acqua in tutto il quadrante mediorientale. Calcoli relativi agli sviluppi demografici, all’evoluzione climatica e idrologica, sembrano anticipare forti gap nel rapporto domanda-offerta delle risorse idriche negli anni che verranno, con conseguenti tensioni politiche. Il 70% delle acque mediorientali è infatti destinato alle colture irrigue, sebbene esse siano in una fase di forte declino; questo perché, agli occhi dei governanti arabi, l’autarchia alimentare, l’esigenza di contenere fenomeni di inurbamento incontrollabili e le pressioni esercitate dalle lobby degli agricoltori, sono fattori molto più importanti nella scelta di allocazione delle risorse.

Il controllo delle acque è evidente sarà sempre più importante e strategico, forse perfino più del petrolio. L’accendersi o lo scongiurarsi di conflitti militari e di crisi economico-sociali potrebbero rapidamente dipendere da un bene che si è troppo spesso dato per scontato. Ormai, come insegna la Libia e la Siria, anche un conflitto regionale può avere conseguenze di portata geopolitica ampie e pericolose. Sfortunamente, James Bond potrà disinnescare le speculazioni di avidi imprenditori soltanto nella celluloide.

Sommet de l'ASEAN: Washington n'obtiendra pas de mobilisation contre Pékin

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Sommet de l'ASEAN: Washington n'obtiendra pas de mobilisation contre Pékin

par Jean Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Le 26e Sommet de l'ASEAN ayant pour thème "Notre peuple, notre communauté, notre vision" a été inauguré le 27 avril dans la capitale malaisienne Kuala Lumpur.
 
Lors de ce sommet, les dirigeants des dix pays membres de l'ASEAN discuteront des orientations et des mesures destinées à continuer d'impulser l'édification de la Communauté de l'ASEAN en 2015. Il s'agira aussi de discuter de l'élaboration de la Vision de l'ASEAN pour l'après 2015, de l'amélioration de l'appareil et du mode de travail, du renforcement des relations extérieures du bloc régional et de son rôle central, de ses défis et de leur traitement. Enfin, ils échangeront des considérations à propos de la situation régionale et internationale. , a-t-il poursuivi.

Devant les dirigeants de l'ASEAN, le Premier ministre malaisien Najib Razak a insisté à plusieurs reprises sur l'objectif de l'ASEAN centré sur le peuple, qui demande aux pays membres une bonne gouvernance pour améliorer les conditions de vie de leurs citoyens, accélérer le développement durable, promouvoir l'autonomisation des femmes, et créer davantage d'opportunités pour tous. Il a également insisté sur la nécessité de régler de façon pacifique les désaccords dans la région, y compris les revendications de souveraineté dans les zones maritimes dite de la Mer orientale en évitant d'aggraver les tensions. Selon lui, les dernières évolutions ont accru les préoccupations concernant la question de la Mer Orientale et témoignent de l'importance des lignes de transport international pour le commerce international. Il est nécessaire que l'ASEAN règle ces évolutions de façon constructive et positive.

Derrière ces considérations officielles, que nous reprenons sans commentaire, se trouve un affrontement grandissant entre les Etats-Unis et la Chine. Celui-ci résulte de la volonté américaine de renforcer sa présence militaire et diplomatique dans la zone. Elle est contrée par une volonté chinoise d'affirmer sa propre présence. Les pays membres de l' ASEAN sont très sensibles aux interventions américaines. Beaucoup se considèrent comme des alliés des Etats-Unis. Néanmoins, ils ne veulent pas affronter, même dans les propos, le grand voisin chinois.

Un Otan asiatique?

Washington ne manque pas une occasion permettant de renforcer les antagonismes avec la Chine. Dans le cadre du « pivot vers l'Asie », il avait paru à beaucoup d'observateurs que Barack Obama rêvait de mettre en place un Otan asiatique composé sous le leadership américain d'un certain nombre des pays de l'ASEAN. Pour cela il compte beaucoup sur la volonté du Vietnam, des Philippines, de la Malaisie et de Brunei, notamment, de conserver des positions stratégiques en Mer de Chine.

Les jours précédents le sommet, la CIA a fait circuler des photos satellites montrant une flottille de bateau chinois draguant du sable autour du Mischief Reef, atoll corallien proche des Philippines et réclamé par Manille. L'objectif serait d'y construire une ile artificielle dotée d'un aéroport dont la Chine se réserverait l'usage.

Le président des Philippines Benigno Aquino a de son côté relayé des protestations de Manille concernant des menaces exercées par des garde-côtes chinois à l'encontre de flottilles de pèche. Il a laissé entendre que la Chine voulait se donner les bases d'une présence permanente en Mer de Chine.

Les Philippines et Manille, fortement incitées par Washington, souhaitaient que le Sommet soit l'occasion d'une forte réaction à l'égard de la Chine, pouvant éventuellement prendre la forme de menaces d'affrontements navals. Mais les autres membres de l'ASEAN sont très attachés à conserver de bonnes relations avec Pékin, diplomatiques mais aussi commerciales. Par ailleurs ils s'intéressent moins que les Philippines et la Malaisie aux questions de souveraineté en Mer de Chine

Il semble donc, au soir du premier jour du sommet, que celui-ci se bornera à recommander la mise en place d'un code de bonne conduite visant à protéger la paix en Mer de Chine. Les discussions sur les termes de celui-ci avaient commencé en 2013. Elles risqueront de se poursuivre encore un certain temps, au grand déplaisir des Etats-Unis.

En marge du Sommet, il faut noter que plusieurs islamistes soupçonnés de préparer des attentats à Manille et se réclamant d'Al Qaida en Asie ont été arrêtes. Le risque n'est pas mineur, vu que la Malaisie est en majorité musulmane. Des centaines de djihadistes malais et indonésiens auraient déjà rejoint l'Etat islamique en Syrie.

PS. Voir un compte rendu du sommet à la date du 28 avril, publié par le World Socialist Web Site. Il nous parait très objectif

http://www.wsws.org/en/articles/2015/04/28/asea-a28.html

Note

Wikipedia Asean http://fr.wikipedia.org/wiki/Association_des_nations_de_l%27Asie_du_Sud-Est

Jean Paul Baquiast

samedi, 02 mai 2015

7ème SOMMET DES AMÉRIQUES

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7ème SOMMET DES AMÉRIQUES
Cuba retrouve la famille et le Venezuela reste la brebis galeuse

Michel Lhomme
Ex: http://metamag.fr

Le 7ème Sommet des Amériques s’est déroulé les 10 et 11 avril au Panama. C'est déjà en soi un sommet historique car il est le premier sommet des Amériques à accueillir Cuba. C'est donc le premier signe visible sur le plan international du  rapprochement cubano-étasunien dont on parle depuis des mois et qui fut annoncé en décembre. 


Une rencontre directe entre les présidents Raul Castro et Barack Obama a été réalisée. Le duel idéologique entre les deux pays est cependant loin d'être clos. Cuba est donc toujours sur la sellette mais moins que le Venezuela, en pleine crise économique. Des antigouvernementaux vénézuéliens ont été judicieusement invités, entre autres Mitzy Capriles et Lilian Tintori, les épouses respectives des opposants Antonio Ledezma, le maire de Caracas, et Leopoldo Lopez, tous deux actuellement incarcérés. 28 organisations internationales vont demander au Venezuela présidé par Nicolas Maduro de cesser « d’intimider et de harceler » les défenseurs des droits de l’homme et 19 ex-présidents latino-américains réclament la libération des « prisonniers politiques » vénézuéliens. De son côté le professeur d’université panaméen, Olmedo Beluche, l’un des organisateurs d’un autre événement parallèle, le Sommet des Peuples, estime que le Forum de la société civile est « manipulé » par les États-Unis.


En fait, le 9 mars, Barack Obama a signé un décret que l'on a très peu commenté en Europe mais qui a fait beaucoup de bruit en Amérique latine. Ce décret déclare que le Venezuela constitue une « menace extraordinaire et inhabituelle pour la sécurité nationale et la politique extérieure des États-Unis ». Le décret a été signé dans un double contexte : les accusations officielles du gouvernement vénézuélien d'un coup d'état organisé par les Etats-Unis avec de jeunes officiers vénézuéliens qui auraient été déjoué en janvier mais aussi dans celui de la politique intérieure américaine, Obama cherchant par ce décret à endiguer l’opposition de la majorité parlementaire républicaine au rétablissement des pleines relations diplomatiques avec La Havane.


Ce qui est certain c'est que le département d'Etat a conféré cette année toute son importance au 7ème Sommet des Amériques. Obama semble vouloir donner cette année un relief particulier et une impulsion nouvelle grâce à ce sommet. Avec les années, elle était devenue une institution endormie. 


Le Sommet des Amériques, avait été fondée à l’initiative des États-Unis sous la présidence de Bill Clinton, en 1994 à Miami. Lors du premier sommet, Cuba était exclu, 34 chefs d’État latino-américains y avaient participé puis lancé ce qui fait toujours partie du grand objectif stratégique pour les Etats-Unis dans le sous-continent, la création progressive d'une vaste zone de libre-échange des Amériques (ZLEA ou, ALCA selon son sigle espagnol). 


De l’Alaska à la Terre de Feu, cette zone devait constituer un marché de 850 millions d’habitants. Avec le traité Trans-Pacifique et le prochain traité Trans-Atlantique, la ZLEA constitue un maillon clef de la pax americana mondialiste en préparation.


Or, cette ambition d'une vaste zone de libre-échange regroupant toute l'Amérique du Sud fut torpillée au 4ème Sommet des Amériques, de Mar del Plata, en 2005 en Argentine.  Ce fut l’opposition féroce et le résultat de l’influence alors des présidents vénézuélien et argentin, Hugo Chavez et Nestor Kirchner, mais aussi les conséquences des ambitions régionales du Brésil qui signifièrent la fin du grand rêve américain et du projet de la ZLEA, défendu alors par un président étasunien George W. Bush, très isolé et critiqué sur la scène internationale. Aux deux Sommets des Amériques suivants, le 5ème en 2009 à Puerto España (Trinité-et-Tobago) et le 6ème en 2012 à Carthagène (Colombie), les États-Unis étaient déjà représentés par Barack Obama mais mus de divisions internes très fortes (Venezuela, Argentine et Brésil). Aucun de ces deux sommets ne put émettre un communiqué final, le principal obstacle ayant été l’exclusion de Cuba exigée par les États-Unis et l’embargo imposé à l’île par Washington depuis 1962. Ce fut la cause principale de l’absence de consensus et ce sont ces deux échecs successifs des Sommets des Amériques qui expliquent en grande partie la volonté d'Obama de détendre l'atmosphère avec La Havane. De plus, le Venezuela de l'après Chavez est très affaibli et n'a plus aucun charisme mais Dilma Roussef malgré sa victoire électorale de 2014 vient aussi de subir des manifestations populaires anti-gouvernementales très violentes. L'Argentine ne va pas non plus très bien : récession interne et problèmes de corruption endémique de ses ministres. 


Le revirement des Etats-Unis sur Cuba a modifié les rapports de force à l'intérieur du sommet même si indéniablement l’influence régionale des États-Unis a rétréci et limité les marges de manœuvre étatsunienne dans la région. En revanche les Etats-Unis veulent en tout cas la peau du Venezuela. Or, pour l'instant, l’Amérique latine continue d'appuyer le Venezuela même si la Colombie souhaite un changement de régime à Caracas et que le Pérou ou le Chili le font du bout des lèvres. En levant son interdit à l’intégration de Cuba à la plus haute instance de concertation interaméricaine, Washington a rouvert sur le continent des voies de dialogue politiques et économiques possibles qu’une solidarité latino-américaine inattendue, renforcée l'année dernière par le scandale des écoutes de Roussef lui fermait graduellement.

 
Toute la vision du leadership étasunien a été illustrée par le thème de ce 7ème Sommet des Amériques, « Prospérité avec équité », manière en fait de refourguer le projet du libre-échangisme total à l'échelle continental, en somme  qu’on reparle encore de la ZLEA, qu'on remette une fois de plus sur le tapis les ambitions du premier sommet de Miami, d'un grand marché continental, fût-ce sous un autre nom alors que de l'autre côté de l'Atlantique, le traité transatlantique se négocie toujours dans le plus grand secret.

Geopolitics of Japan: A New Warrior Benkei Spirit is Needed to Move Closer to China and Russia

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Geopolitics of Japan: A New Warrior Benkei Spirit is Needed to Move Closer to China and Russia

Lee Jay Walker

Modern Tokyo Times

Since the post-World War Two period it is abundantly obvious that America predominates when it comes to the foreign policy of Japan. Indeed, the relationship, despite having some ups and downs, continues to blossom based on elites in Tokyo being preoccupied with placating Washington when possible. This reality occupies the geopolitical space of Japan despite certain negatives in relation to China and the Russian Federation. Therefore, political elites in Beijing and Moscow keep a close eye on the ambitions of America in Northeast Asia based on utilizing the territorial integrity of Japan.

Of course, nothing is that clear-cut because Japan often tries to boost America based on favorable exchange rates in recent times, helping to preserve the strength of the US dollar, supporting America financially in the area of military support in Afghanistan and Iraq – and in many other important areas. Similarly, Japan maintains a more balanced approach to Middle East issues in relation to Israel and surrounding nations. Therefore, Japan isn’t afraid to say “no” when the time demands but overall it is clear that relations between America and Japan remain extremely potent.

However, the post-World War Two legacy should now be firmly put aside because the changing sands now highlight a robust Russian Federation. This notably applies to the area of foreign policy, energy networks, a powerful military arms industry, space technology, the utilization of the United Nations and an array of other important areas – for example having favorable relations with all major emerging economic powers within BRIC and so forth.

At the same time, it is clear that the Russian Federation could boost Japan dramatically throughout Central Asia, Northeast Asia and the vast space of Eurasia. This notably applies to energy related areas and enabling Japan to foster more powerful relations with nations throughout the “geopolitical space” of the Russian Federation. Indeed, northern Japan and the Sea of Japan economic zone would also gain greatly from improved economic, political and military relations between Moscow and Tokyo.

Therefore, Japan should realize that America doesn’t resemble the loyalty of the esteemed Saito no Musashibo Benkei. Likewise, the geopolitical containment policy of America, with regards to China and the Russian Federation, means that Japan is being dragged into a powerful reality that doesn’t serve the future interests of the land of the rising sun. After all, despite China facing internal dangers in relation to the one-party-state, Tibet and the mainly Muslim regions of Western China (Han migration is altering the demographic landscape of both Tibet and Xinjiang); it still appears that China will continue to grow in influence within the global economy. Therefore, China and the Russian Federation could easily boost Japan in many vital areas and this also applies to stability throughout Northeast Asia.

In another article about Benkei by Modern Tokyo Times it was stated: In Japanese culture, history and art, it is clear that Saito no Musashibo Benkei left a lasting impression and this continues today in modern culture. This legendary warrior monk belongs to the intriguing period of the 12th century in Japan. He was born in 1155 and died in 1189 after serving the famous Minamoto no Yoshitsune … Benkei is famous within Japanese Folklore because of his enormous strength and amazing loyalty.”

Not surprisingly, the warrior class bestowed great admiration towards Benkei based on his strength, loyalty and wisdom. Yet unlike political elites in modern Japan the dynamics of Benkei apply to internal loyalty. This is a far cry from the internal political reality of modern Japan because often this nation placates America even when it creates geopolitical headaches for Tokyo. Therefore, Japan should focus on its loyalty towards itself rather than placating the whims of Washington.

Of course, Japan needs to maintain strong relations with America but these relations should not be detrimental towards China and the Russian Federation. Similarly, within Japan the military of America is not purely negative despite major tensions in Okinawa. For example, America could be deemed to be “a protectionist power” based on the military might of the armed forces of this nation. Likewise, during several devastating earthquakes and the utter havoc generated by the brutal tsunami, then clearly the armed forces of America helped the people of Japan based on bravery and genuine support. Therefore, the geopolitical and military relationship between America and Japan does suit both nations even if changes may occur in the future. However, Japan should not put everything into “one American basket” – therefore growing ties with China and the Russia Federation is in the interest of the land of the rising sun.

The Toshidama Gallery says Benkei: “… was raised by monks who were both religious and military. As a young man he positioned himself at one end of Gojo Bridge and disarmed travelers of their swords. On reaching his 999th sword he fought with a young nobleman, Minamoto no Yoshitsune, who won the battle of the bridge and thereafter Benkei served as his principal retainer. They fought in the Gempei Wars between the Taira clan and their own Minamoto clan.”

However, while the loyalty of Benkei isn’t up to questioning can the same be said about America and Japan relations in the modern world? Also, while Japan is being loyal towards Washington can the same be said about America in the long-term?

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On top of this, would Benkei endanger “the bigger picture” based on an unbalanced relationship with two powerful regional powers? Therefore, while America and Japan will continue to consolidate the current relationship between both nations, this doesn’t guarantee future stability. After all, if China continues to grow in the area of economics then will America jump ship and gradually focus on Beijing being the future essential pivot?

Irrespective of the answer, it appears that Japan should rethink its current foreign policy entanglements based on America’s containment policies towards China and the Russian Federation. Instead, Japan should focus heavily on internal loyalty and adopt a foreign policy based on self-interests, pragmatism and developing closer ties with China and the Russian Federation. If so, then political elites in Beijing and Moscow will take Tokyo seriously even if powerful relations between America and Japan continue.

http://www.toshidama-japanese-prints.com/item_473/Toshihide-Portraits-of-Sansho–Ichikawa-Danjuro-IX-as-Benkei-1893.htm

http://www.toshidama-japanese-prints.com/item_391/Kunisada-Benkei-and-Yoshitsune-fighting-on-Gojo-Bridge.htm

http://www.toshidama-japanese-prints.com/item_237/Kunisada-Portrait-of-Benkei.htm

http://www.toshidama-japanese-prints.com/item_246/Yoshitaki-Benkei-and-Yoshitsune-at-Gojo-Bridge.htm

mtt

 

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vendredi, 01 mai 2015

Putin, der Westen und die Ostukraine

Veranstaltung:

thfasbender_2.jpgSämtliche Veranstaltungen finden in der Bibliothek des Konservatismus, Fasanenstraße 4, 10623 Berlin (Charlottenburg) statt. Anmeldung erforderlich.

Anmeldungen, wenn nicht anders angegeben, bitte per E-Mail an veranstaltungen@fkbf.de oder per Fax an 030-315 17 37 21.

Es werden keine individuellen Anmeldebestätigungen versandt. Sofern Sie keine gegenteilige Nachricht von uns erhalten, gilt Ihre Anmeldung als bestätigt.

 

 

 

Montag, 11. Mai, 19 Uhr: Vortrag mit Diskussion

Thomas Fasbender, Moskau

Freiheit statt Demokratie – Putin, der Westen und die Ostukraine

Eindrucksvoll schildert Thomas Fasbender in seinem Buch „Freiheit statt Demokratie“, wie anders Rußland ist. Anders als die westeuropäischen Vorurteile glauben machen und anders als das westeuropäische Ideal einer zeitgemäßen Demokratie.

Sein Fazit: Rußland will den Weg des Westens nicht gehen, und Rußland wird ihn nicht gehen. Und das beileibe nicht wegen seines Präsidenten. Der russische Mensch hat sein eigenes Verständnis von Freiheit, und das verträgt sich nicht mit der europäischen Verliebtheit in Vernunft- und Gesetzestreue.

thfass.jpgIm Ukraine-Konflikt haben sich zwei geschlossene Logikkreise herausgeschält. Der Westen sieht in der Ukraine den endgültigen Aufbruch zu Freiheit und Demokratie; Rußland sieht eine Putschregierung unter Beteiligung von Faschisten. Der Westen bezeichnet den Anschluß der Krim als völkerrechtswidrige Annexion; Rußland bezeichnet die Unabhängigkeit des Kosovo als völkerrechtswidrige Sezession. Beide Seiten bezeichnen die Argumente der jeweils anderen als haltlos. Das Ganze spielt zudem vor dem Hintergrund des ersten weltanschaulichen Konflikts  in Europa seit dem Ende des Kommunismus. Spätestens 2013 haben sich die russischen Eliten offen von dem säkularen, individualistischen Weltbild der westlichen Demokratien distanziert. Darin werden sie von der überwiegenden Mehrheit der russischen Gesellschaft unterstützt.

Dr. Thomas Fasbender, Publizist und Kaufmann, in Hamburg aufgewachsen, lebt seit 1992 in Moskau. Der promovierte Philosoph ist Journalist, Unternehmer und Blogger. 2014 ist im Manuscriptum Verlag sein Buch „Freiheit statt Demokratie. Rußlands Weg und die Illusionen des Westens“ erschienen.

jeudi, 30 avril 2015

La cécité de l’Union européenne face à la stratégie militaire des États-Unis

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La cécité de l’Union européenne face à la stratégie militaire des États-Unis

Auteur : Thierry Meyssan
Ex: http://zejournal.mobi

Les responsables de l’Union européenne se trompent complètement sur les attentats islamistes en Europe et les migrations vers l’Union de gens fuyant les guerres. Thierry Meyssan montre ici que tout ceci n’est pas la conséquence accidentelle des conflits au Moyen-Orient élargi et en Afrique, mais un objectif stratégique des États-Unis.

Les dirigents de l’Union européenne se trouvent soudainement confrontés à des situations inattendues. D’une part des attentats ou tentatives d’attentats perpétrées ou préparées par des individus n’appartenant pas à des groupes politiques identifiés ; d’autre part un afflux de migrants via la Méditerranée, dont plusieurs milliers meurent à leurs portes.

En l’absence d’analyse stratégique, ces deux événements sont considérés a priori comme sans relation et sont traités par des administrations différentes. Les premiers ressortent du Renseignement et de la police, les seconds des douanes et de la Défense. Ils ont pourtant une origine commune : l’instabilité politique au Levant et en Afrique.

L'Union européenne s’est privée des moyens de comprendre

Si les académies militaires de l’Union européenne avaient fait leur travail, elles auraient étudié depuis une quinzaine d’années la doctrine du « grand frère » états-unien. En effet, depuis de très longues années, le Pentagone publie toutes sortes de documents sur la « théorie du chaos » empruntée au philosophe Leo Strauss. Il y a quelques mois encore, un fonctionnaire qui aurait dû être à la retraite depuis plus de 25 ans, Andrew Marshall, disposait d’un budget de 10 millions de dollars annuels pour mener des recherches à ce sujet. Mais aucune académie militaire de l’Union n’a sérieusement étudié cette doctrine et ses conséquences. À la fois parce que c’est une forme de guerre barbare et parce qu’elle a été conçue par un maître à penser des élites juives états-uniennes. Or, c’est bien connu, les États-Unis-qui-nous-ont-sauvés-du-nazisme ne peuvent préconiser de telles atrocités.

Si les hommes politiques de l’Union européenne avaient voyagé un tant soit peu, non seulement en Irak, en Syrie, en Libye, dans la corne de l’Afrique, au Nigeria et au Mali, mais aussi en Ukraine, ils auraient vu de leurs propres yeux l’application de cette doctrine stratégique. Mais, ils se sont contentés de venir parler dans un bâtiment de la zone verte à Bagdad, sur une estrade à Tripoli ou sur la place Maïdan de Kiev. Ils ignorent ce que vivent les populations et, sur requête de leur « grand frère », ont souvent fermé leurs ambassades de sorte qu’ils se sont privés d’yeux et d’oreilles sur place. Mieux, ils ont souscrit, toujours à la requête de leur « grand frère », à des embargos, de sorte qu’aucun homme d’affaire n’ira non plus sur place voir ce qui s’y passe.

Le chaos n’est pas un accident, c’est le but

Contrairement à ce qu’a dit le président François Hollande, la migration des Libyens n’est pas la conséquence d’un « manque de suivi » de l’opération « Protecteur unifié », mais le résultat recherché par cette opération dans laquelle son pays jouait un rôle leader. Le chaos ne s’est pas installé parce que les « révolutionnaires libyens » n’ont pas su se mettre d’accord entre eux après la « chute » de Mouammar el-Kadhafi, il était le but stratégique des États-Unis. Et ceux-ci y sont parvenus. Il n’y a jamais eu de « révolution démocratique » en Libye, mais une sécession de la Cyrénaïque. Il n’y a jamais eu d’application du mandat de l’Onu visant à « protéger la population », mais le massacre de 160 000 Libyens, dont trois quart de civils, sous les bombardements de l’Alliance (chiffres de la Croix-Rouge internationale).

Je me souviens, avant que je n’intègre le gouvernement de la Jamahiriya arabe libyenne, avoir été sollicité pour servir de témoin lors d’une rencontre à Tripoli entre une délégation états-unienne et des représentants libyens. Lors de cette longue conversation, le chef de la délégation US a expliqué à ses interlocuteurs que le Pentagone était prêt à les sauver d’une mort certaine, mais exigeait que le Guide leur soit livré. Il a ajouté que lorsque el-Kadhafi serait mort, la société tribale ne parviendrait pas à valider un nouveau leader avant au moins une génération, le pays serait alors plongé dans un chaos qu’il n’a jamais connu. J’ai relaté cet entretien dans de nombreuses circonstances et n’ai cessé, dès le lynchage du Guide, en octobre 2011, de prédire ce qui advient aujourd’hui.

La « théorie du chaos »

Lorsqu’en 2003, la presse états-unienne a commencé à évoquer la « théorie du chaos », la Maison-Blanche a riposté en évoquant un « chaos constructeur », laissant entendre que l’on détruirait des structures d’oppression pour que la vie puisse jaillir sans contrainte. Mais jamais Leo Strauss, ni le Pentagone jusque-là, n’avaient employé cette expression. Au contraire, selon eux, le chaos devait être tel que rien ne puisse s’y structurer, hormis la volonté du Créateur de l’Ordre nouveau, les États-Unis.

Le principe de cette doctrine stratégique peut être résumé ainsi : le plus simple pour piller les ressources naturelles d’un pays sur une longue période, ce n’est pas de l’occuper, mais de détruire l’État. Sans État, pas d’armée. Sans armée ennemie, aucun risque de défaite. Dès lors, le but stratégique de l’armée US et de l’alliance qu’elle dirige, l’Otan, c’est exclusivement de détruire des États. Ce que deviennent les populations concernées n’est pas le problème de Washington.

Ce projet est inconcevable pour des Européens qui, depuis la guerre civile anglaise, ont été convaincus par le Léviathan de Thomas Hobbes qu’il est nécessaire de renoncer à certaines libertés, voire même d’accepter un État tyrannique, plutôt que d’être plongé dans le chaos.

L’Union européenne dénie sa complicité dans les crimes US

Les guerres d’Afghanistan et d’Irak ont déjà coûté la vie à 4 millions de personnes. Elles ont été présentées au Conseil de sécurité comme des ripostes nécessaires « en légitime défense », mais il est admit aujourd’hui qu’elles avaient été planifiées bien avant le 11-Septembre dans un contexte beaucoup plus large de « remodelage du Moyen-Orient élargi » et que les raisons évoquées pour les déclencher n’étaient que des fabrications de propagande.

Il est d’usage de reconnaître les génocides commis par le colonialisme européen, mais rares sont ceux qui aujourd’hui admettent ces 4 millions de morts malgré les études scientifiques qui l’attestent. C’est que nos parents étaient « mauvais », mais nous sommes « bons » et ne pouvons pas être complices de ces horreurs.

Il est commun de se moquer de ce pauvre peuple allemand qui conserva jusque à la fin sa confiance dans ses dirigeants nazis et ne prit conscience qu’après sa défaite des crimes commis en son nom. Mais nous agissons exactement pareil. Nous conservons notre confiance dans notre « grand frère » et ne voulons pas voir les crimes dans lesquels il nous implique. Surement, nos enfants se moqueront de nous…

Les erreurs d’interprétation de l’Union européenne

- Aucun dirigeant ouest-européen, absolument aucun, n’a osé envisager publiquement que les réfugiés d’Irak, de Syrie, de Libye, de la corne de l’Afrique, du Nigeria et du Mali ne fuient pas des dictatures, mais le chaos dans lequel nous avons volontairement, mais inconsciemment, plongé leurs pays.

- Aucun dirigeant ouest-européen, absolument aucun, n’a osé envisager publiquement que les attentats « islamistes » qui touchent l’Europe ne sont pas l’extension des guerres du « Moyen-Orient élargi », mais sont commandités par ceux qui ont également commandités le chaos dans cette région. Nous préférons continuer à penser que les « islamistes » en veulent aux juifs et aux chrétiens, alors que l’immense majorité de leurs victimes ne sont ni juives, ni chrétiennes, mais musulmanes. Avec aplomb, nous les accusons de promouvoir la « guerre des civilisations », alors que ce concept a été forgé au sein du Conseil de sécurité nationale des États-Unis et reste étranger à leur culture.

- Aucun dirigeant ouest-européen, absolument aucun, n’a osé envisager publiquement que la prochaine étape sera l’ « islamisation » des réseaux de diffusion de drogues sur le modèle des Contras du Nicaragua vendant des drogues dans la communauté noire de Californie avec l’aide et sous les ordres de la CIA. Nous avons décidé d’ignorer que la famille Karzaï a retiré la distribution de l’héroïne afghane à la mafia kosovare et l’a transmise à Daesh.

Les États-Unis n’ont jamais voulu que l’Ukraine rejoigne l’Union

Les académies militaires de l’Union européennes n’ont pas étudié la « théorie du chaos » parce qu’elle se le sont vu interdire. Les quelques enseignants et chercheurs qui se sont aventurés sur ce terrain ont été lourdement sanctionnés, tandis que la presse a qualifié de « conspirationnistes » les auteurs civils qui s’y intéressaient.

Les politiciens de l’Union européenne pensaient que les événements de la place Maïdan étaient spontanés et que les manifestants souhaitaient quitter l’orbite autoritaire russe et entrer dans le paradis de l’Union. Ils ont été stupéfaits lors de la publication de la conversation de la sous-secrétaire d’État, Victoria Nuland, évoquant son contrôle secret des événements et affirmant que son but était de « baiser l’Union » (sic). À partir de ce moment-là, ils n’ont plus rien compris à ce qui se passait.

S’ils avaient laissé la recherche libre dans leurs pays, ils auraient compris qu’en intervenant en Ukraine et en y organisant le « changement du régime », les États-Unis s’assuraient que l’Union européenne resterait à leur service. La grande angoisse de Washington, depuis le discours de Vladimir Poutine à la Conférence sur la sécurité de Munich de 2007, c’est que l’Allemagne réalise où se trouve son intérêt : pas avec Washington, mais avec Moscou. En détruisant progressivement l’État ukrainien, les États-Unis coupent la principale voie de communication entre l’Union européenne et la Russie. Vous pourrez tourner et retourner dans tous les sens la succession d’événements, vous ne pourrez pas leur trouver d’autre sens. Washington ne souhaite pas que l’Ukraine rejoigne l’Union, comme l’attestent les propos de Madame Nuland. Son unique but est de transformer ce territoire en une zone dangereuse à traverser.

La planification militaire US

Nous voici donc face à deux problèmes qui se développent très rapidement : les attentats « islamistes » ne font que commencer. Les migrations ont triplé en Méditerranée en une seule année.

Si mon analyse est exacte, nous verrons au cours de la prochaine décennie les attentats « islamistes » liés au Moyen-Orient élargi et à l’Afrique se doubler d’attentats « nazis » liés à l’Ukraine. On découvrira alors qu’al-Qaïda et les nazis ukrainiens sont connectés depuis leur congrès commun, en 2007 à Ternopol (Ukraine). En réalité, les grands-parents des uns et des autres se connaissaient depuis la Seconde Guerre mondiale. Les nazis avaient alors recruté des musulmans soviétiques pour lutter contre Moscou (c’était le programme de Gerhard von Mende à l’Ostministerium). À la fin de la guerre, les uns et les autres avaient été récupérés par la CIA (le programme de Frank Wisner avec l’AmComLib) pour conduire des opérations de sabotage en URSS.

Les migrations en Méditerranée, qui pour le moment ne sont qu’un problème humanitaire (200 000 personnes en 2014), continueront à croître jusqu’à devenir un grave problème économique. Les récentes décisions de l’Union d’aller couler les navires des trafiquants en Libye ne serviront pas à enrayer les migrations, mais à justifier de nouvelles opérations militaires pour maintenir le chaos en Libye (et non pour le résoudre).

Tout cela provoquera des troubles importants dans l’Union européenne qui paraît aujourd’hui un havre de paix. Il n’est pas question pour Washington de détruire ce marché qui lui reste indispensable, mais de s’assurer qu’il ne se placera jamais en compétition face à lui, et de limiter son développement.

En 1991, le président Bush père chargea un disciple de Leo Strauss, Paul Wolfowitz (alors inconnu du grand public), d’élaborer une stratégie pour l’ère post-soviétique. La « Doctrine Wolfowitz » expliquait que la suprématie des États-Unis sur le reste du monde exige, pour être garantie, de brider l’Union européenne. En 2008, lors de la crise financière aux États-Unis, la présidente du Conseil économique de la Maison-Blanche, l’historienne Christina Rohmer, expliqua que le seul moyen de renflouer les banques était de fermer les paradis fiscaux des pays tiers, puis de provoquer des troubles en Europe de sorte que les capitaux refluent vers les États-Unis. En définitive, Washington se propose aujourd’hui de faire fusionner l’Alena et l’Union européenne, le dollar et l’euro, et de rabaisser les États membres de l’Union au niveau du Mexique.

Malheureusement pour eux, ni les Peuples de l’Union européenne, ni leurs dirigeants n’ont conscience de ce que le président Barack Obama leur prépare.

- Source : Thierry Meyssan

« LE PRINTEMPS ARABE EST UN CONCEPT OCCIDENTAL »

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« LE PRINTEMPS ARABE EST UN CONCEPT OCCIDENTAL »

Entretien avec Michel Raimbaud*

Ex: http://metamag.fr
Mondafrique
Ancien ambassadeur français en Mauritanie, au Soudan et au Zimbabwe, l’écrivain Michel Raimbaud, qui vient de publier "Tempête sur le Grand Moyen-Orient", revient dans un entretien passionnant sur le projet élaboré par les néoconservateurs américains et qui a déstabilisé le monde arabo-musulman... et l'Europe.

41LJf7j6I-L._SY344_BO1,204,203,200_.jpgAfrique Asie. Vous avez placé en épigraphe de votre livre cette citation de Voltaire : « Pour savoir qui vous dirige vraiment, il suffit de regarder ceux que vous ne pouvez pas critiquer. » De qui parlez-vous ?
Michel Raimbaud: Il suffit de voir autour de soi. La maxime s’applique à ce qu’on appelle le « pouvoir profond »… On ne peut pas critiquer certaines catégories de personnes et les sujets qui vont avec, dont ceux que je traite dans ce livre. Ce sont ces sujets sensibles.

Vous dites que l’expression « printemps arabe » n’est pas un concept arabe, mais occidental. Le nouveau président tunisien l’a confirmé. Est-ce cela qui explique ce qui s’est passé dans le monde arabe ?
La naissance de ce concept est le fait d’intellectuels et de journalistes français. Il se réfère aux printemps démocratiques, celui de 1848 qui a tenté de bousculer les vieilles monarchies européennes vermoulues, le printemps de Prague en 1968, Mai-68 en France… Cette assimilation historique est un peu hâtive. Sans compter qu’en Tunisie, le printemps du jasmin, c’était en hiver !

Vous n’avez pas de mots assez durs pour évoquer le printemps arabe : « Une appellation plutôt usurpée pour une saison sinistre n’ayant guère d’arabe, à part le nom, qu’une vague façade en carton-pâte derrière laquelle se tapissent un fanatisme islamiste de la pire espèce, des pompes à finances wahhabites inépuisables », etc.
Je le pense depuis le début. Tous les pays arabes ont été touchés sauf les monarchies. Le Bahreïn est une exception à cause de sa « minorité » chiite qui constitue plus de 70 % de la population. Au Yémen, on a découvert à l’occasion de la guerre civile qu’il existe une minorité chiite, les zaydites, représentant 40 % de la population. Il y a des chiites cachés en Turquie, il en existe aussi au Pakistan, entre 20 % et 25 % de la population.

Qu’entendez-vous par un Grand Moyen-Orient situé entre l’empire atlantique et l’Eurasie ? Peut-on encore parler, à propos de l’Otan, d’un empire ? Quant à l’Eurasie, elle est encore embryonnaire. N’est-ce pas une anticipation ?
Oui c’est une anticipation. L’expression du Grand Moyen-Orient elle-même est de George Bush. Ce n’est plus un Moyen-Orient dans la mesure où il va de la Méditerranée à la Chine centrale. L’Eurasie est en gestation, certes, mais le changement se produit sous nos yeux. Les Brics sont en formation, surtout son noyau euro-asiatique. Cet ensemble a de l’avenir.

Mais le Grand Moyen-Orient n’est-il pas une vue de l’esprit ? On a l’impression, plutôt, d’un monde éclaté…
C’est le monde arabo-musulman d’aujourd’hui qui est éclaté. L’expression Grand Moyen-Orient est concise et couvre une vaste région. L’empire Atlantique se place face au bloc euro-asiatique. Ces blocs existent déjà et le deuxième est en voie d’organisation. "Pour la Chine et la Russie, il n'y aura plus jamais de résolution de l'ONU du type de celle de la Libye en 2011"

Comment expliquer que le mal nommé « printemps » ait pu réveiller la guerre froide ? Et que la Russie et la Chine se soient liguées pour contrer ce projet ?
Cette opposition russo-chinoise est une grande première. Jusqu’en 1991, le monde est bipolaire avec, entre les deux blocs, une Chine qui trouble un peu le jeu. Au milieu se trouvent les pays non-alignés, terre de mission pour les deux camps. En 1991, à la chute de l’URSS, on a cru en l’avènement du monde multipolaire. Ce n’était pas vrai : ce que l’on a vu, c’est l’avènement du monde unipolaire, le monde américain. L’Occident va alors pouvoir gouverner au nom de la « communauté internationale », sans opposition, pendant vingt ans, jusqu’en 2011. Puis il va s’évanouir avec les crises de la Libye et de la Syrie. Tout capote avec ces pays, et nulle part ailleurs. Avant, les Russes et les Chinois étaient tétanisés, ils étaient dans une période d’attente, hésitaient entre coopération et confrontation. Les deux pays s’abstenaient sur le Darfour, ou sur d’autres résolutions de ce type. La Chine était surtout occupée à assurer son développement et à devenir la deuxième puissance mondiale. Puis, peu à peu, Poutine réalise qu’il n’y a pas de coopération possible. Le coup d’arrêt à ses hésitations, c’est la guerre de Géorgie. L’Occident va trop loin, surtout avec le bouclier antimissiles. La Chine va se joindre à la Russie lors de la guerre de Libye, le vrai point de rupture. Auparavant, les deux pays avaient été mis en condition pour accepter la résolution 1973, avec l’idée qu’il fallait protéger la population civile. C’est la mise en œuvre de cette résolution qui a fait déborder le vase. Ils se sont rendu compte qu’ils avaient été bernés, et qu’ils avaient fait une erreur en s’abstenant. Les bombardements commencent le lendemain de l’adoption de la résolution des Nations unies. L’Otan, qui n’y était mentionnée nulle part, entre en guerre, bombarde tout, démolit tout. En toute illégalité. Si on regarde le chapitre 7 de la charte des Nations unies, on constate que toutes les dispositions qui encadrent les interventions ont été violées. Y compris celles au prétexte humanitaire. Pour la Chine et la Russie, il n’y aura plus jamais de résolutions à la libyenne. Elles s’opposent six mois plus tard à la résolution sur la Syrie, apposant quatre fois leur veto. Je ne comprends pas que les Occidentaux n’aient pas compris que la Russie et la Chine ne rejoindraient plus jamais la fameuse communauté internationale pour ce genre d’aventures.

La Syrie est donc fondatrice de la nouvelle donne internationale…
C’est l’épicentre d’un conflit global qui dure depuis quatre ans. Si le gouvernement légal de la Syrie était tombé comme les autres auparavant, ou si le régime avait été renversé comme celui de Kadhafi, il y aurait eu d’autres printemps arabes. Mais la Syrie en a été le coup d’arrêt. Les Russes ne voulaient pas tant soutenir la Syrie, mais ils y ont trouvé un partenaire, un point d’ancrage solide. Avant l’Ukraine… Ils ont cultivé l’alliance et rameuté les Brics autour d’eux, à commencer par la Chine. Quatre vétos sur la Syrie : la Chine garde un profil discret, mais ferme. Impressionnant. Au summum de la crise sur les armes chimiques en Syrie, en 2013, il y avait certes les gesticulations russes et américaines, mais il y avait aussi des navires de guerre chinois au large des côtes syriennes. C’est une première et cela devrait faire réfléchir les Occidentaux. "Quand les Américains n'utilisent plus les mouvements terroristes, ils les bombardent".

Afrique, Asie, pourquoi l’Occident séculier soutient-il des mouvements islamistes qu’il combat chez lui ?
Par absence de logique. À ce propos, il faut distinguer les États-Unis et ses alliés au Conseil de sécurité, qui ont des traditions de grandes puissances, et les alliés privilégiés des États-Unis, mais qui n’ont pas les mêmes motivations. Globalement, les Américains sont ceux qui commandent et ont mis en œuvre une stratégie du chaos. Ils ont continué à soutenir les gens d’Al-Qaïda, dont ils sont les créateurs avec l’Arabie Saoudite et le Pakistan. Puis, quand ils n’en ont plus eu besoin, ils les ont laissé tomber en leur disant « débrouillez-vous ». Mais toute cette affaire s’est retournée contre eux avec les attentats du 11-Septembre. Les mouvements terroristes internationaux, comme ceux qui sévissent en Syrie et ailleurs dans le Moyen-Orient ou le monde musulman, sont des héritiers d’Al-Qaïda. Les États-Unis n’ont pas de raison de ne pas s’en servir, tout en sachant que ce n’est pas leur modèle social. Ils les utilisent puis, quand ils ne s’en servent plus, ils les bombardent. Je ne crois pas que les États-Unis aient une sympathie particulière pour les mouvements islamistes, ni pour les Arabes d’ailleurs – cela se saurait. Mais ils peuvent s’accommoder de tout. Leurs meilleurs alliés sont des gouvernements islamistes. Ils ont du mal à trouver des alliés progressistes : ils n’en ont jamais eu dans l’Histoire.
 
"Ce qui fait courir les occidentaux en Arabie: c'est le pétrole et ... les intérêts d'Israël".

Vous étiez en poste en Arabie Saoudite, où l’on vient d’assister à une scène de succession moyenâgeuse. Tous les chefs d’État occidentaux s’y sont rués pour prêter allégeance au nouveau roi d’Arabie. Qu’est-ce qui les fait vraiment courir, à part le brut ?
Le pétrole et les intérêts d’Israël. Dans tout le monde arabe, il existe un terreau favorable à la contestation, mais on n’a pas le droit d’y intervenir et de bombarder sous prétexte que les peuples sont menacés par des tyrans. D’autant qu’on se rend compte que ce type d’opération est menée pour changer le régime ou détruire le pays. Il est plus facile d’exploiter le pétrole avec des pays fragilisés. Le pétrole détourné d’Irak et de Syrie va notamment vers Israël, sans besoin d’oléoducs. Vendu en contrebande à 15 dollars le baril lorsque celui-ci était à 120 dollars, ce pétrole a rapporté des revenus conséquents : 5 milliards de dollars. Des sommes qu’on ne transporte pas dans des matelas ! Il faut des banques, des complices pour les mettre sur le marché. Les circuits parallèles fonctionnent.

Des documents secrets du Pentagone à propos de la Libye viennent de donner une autre explication à cette guerre. Hillary Clinton, conseillée par les Frères musulmans, aurait caché à Obama que Kadhafi était en négociation avec le Pentagone pour passer la main, et que l’histoire du génocide menaçant les habitants de Benghazi était inventée de toutes pièces. L’Occident joue-t-il contre son propre camp ? Il existe tellement de machinations qu’on finit par se prendre les pieds dans le tapis. Il y a toujours des histoires des services spéciaux, etc. Les renseignements sont pipés. Les services jouent un grand rôle là-dedans. Cela dit, Hillary Clinton n’est pas la finesse même sur la Libye, la façon dont elle rit à l’annonce de la mort de Kadhafi le prouve. Un ambassadeur américain a été tué de la même façon que lui pourtant.

Pourquoi la Syrie a-t-elle été jusqu’ici l’exception, et comment analyser l’émergence de l’État islamique ?
J’espère que la Syrie restera l’exception, du moins dans ce contexte-là. L’affaire est loin d’être terminée, mais il y a plusieurs raisons. Bachar al-Assad, quoi qu’on en dise, a une légitimité, il est populaire chez la majorité de ceux qui vivent en Syrie. Quels que soient les défauts de son régime, il est perçu dans le contexte actuel comme un rempart contre le démantèlement du pays. Il a des alliés chiites comme le Hezbollah, l’Iran, certainement une vieille alliance qui date du temps du shah. Il a un véritable partenariat avec la Russie : la Russie défend la Syrie, mais la Syrie défend aussi la Russie. Si la Syrie devait subir le sort des autres pays, la Russie le sentirait passer. Et son prestige international s’en ressentirait.

Quel est le jeu d’Israël?
Israël est derrière toutes les crises du monde arabe, toujours à l’affût. La sécession du Sud-Soudan est un triomphe de la diplomatie américaine et de la diplomatie israélienne. Il fallait transformer le Sud-Soudan en base israélienne, pour le complot contre ce qui reste du Soudan. Ils veulent affaiblissement de ce pays non pas parce qu’ils sont islamistes, mais parce qu’ils ont soutenu Saddam. Ils ne veulent pas la peau de Tourabi ou Al-Bachir, ils veulent couper le Soudan en morceaux. Ils ont réussi, et cela continue avec le Darfour. "Moubarak, puis les islamistes, puis Morsi, puis Sissi, ce n'est pas logique, c'est la logique du chaos".

Mais le nouvel État, le Soudan du Sud, n’est pas brillant…
Mais lequel des régimes nés des « printemps arabe » est-il brillant ? L’industrie de production de la démocratie américaine au nouveau Grand Moyen-Orient est un trompe-l’œil qui vient des années 1980-1990. Cela n’a rien à voir avec la démocratie et les droits de l’homme : cette stratégie sert à casser le monde arabo-musulman, comme cela est attesté dans de nombreux documents. Car les Américains font ce qu’ils disent, et disent ce qu’ils font.

Il y a un plan, ce n’est pas de la conspiration. Quels que soient les avatars pour soutenir tel ou tel camp, les options restent ouvertes. Au Bahreïn par exemple, ils soutiennent à la fois la rébellion, ce qui leur permet de dire qu’ils défendent les droits de l’homme et la démocratie, et la monarchie pro-saoudite sunnite. Et ils sont gagnants de toute façon. Ils ont fait la même chose au Yémen, et en Égypte, même chose : d’abord Moubarak, puis les islamistes, puis Morsi et maintenant Sissi. Ce n’est pas logique, c’est la logique du chaos. Et elle est bel et bien là.

Comment expliquer que le savoir-faire français sur le Moyen-Orient s’avère inopérant ? 
De Gaulle était un grand homme je pense. Il avait bien une politique arabe exemplaire, il a renversé le cours des relations franco-arabes après l’indépendance de l’Algérie et réussi à changer d’alliance après la guerre des Six-Jours. Après les néfastes conséquences de l’expédition de Suez, c’était un exploit. Une politique arabe a persisté dans une espèce de consensus politique en France. Puis, après le coup d’honneur sur l’Irak, en 2003, la France a commencé à rentrer dans le bercail occidental. Fini la récréation. Le bilan est désastreux. Elle a pourtant un savoir-faire et avait une grande tradition diplomatique. C’est un grand pays, pas dans le sens d’un pays braillard qui manigance à tout prix… Un grand pays au sens positif du terme. Son retrait peut peut-être changer, mais je ne vois pas venir le changement maintenant.

"La France soutient à la fois les terroristes modérés et les djihadistes démocratiques"
François Hollande continue de dire que l’État islamique et le régime de Bachar, c’est blanc bonnet et bonnet blanc, deux ennemis à combattre…Depuis quatre ans, on continue de dire le pire sur Bachar, qu’il va tomber d’une minute à l’autre… En réalité, ce sont les Américains qui peuvent changer d’avis et sont en train de le faire. Les alliés privilégiés de la France sont le Qatar, la Turquie et l’Arabie Saoudite. On a vu défiler les six monarques du Golfe à Paris, nos alliés. On soutient à la fois les terroristes modérés et les djihadistes démocratiques. C’est une position difficilement tenable, de la haute acrobatie. Les Américains, eux ne l’ont pas fait en même temps : d’abord alliés d’Al-Qaïda, puis leurs ennemis. Ils changent d’avis sans se gêner(...)

L’État islamique est-il une création indirecte de l’Occident ?
Il est le résultat de l’invasion américaine de l’Irak. On peut dire cela à tous les coups. Les Américains ont cassé toutes les institutions irakiennes (armée, police, gouvernement, parti baath, etc.) et facilité la prise de pouvoir par les chiites et des Kurdes au détriment des sunnites. Quand les officiers baathistes ont été mis en prison où séjournaient déjà les islamistes, les deux groupes ont fait connaissance. La prison a été le centre d’étude et de fusion entre des gens qui ne se seraient pas rencontrés autrement – comme cela arrive ailleurs (...)

L’Occident semble préférer le chaos aux États souverainistes…
C’est ce qui apparaît. Le chaos, c’est le but des néoconservateurs qui ont une vieille théorie : il fallait maîtriser toute la zone qui ceinturait le monde communiste soviétique et chinois, et d’autre part sécuriser les intérêts occidentaux. Les Américains se sont aperçus que cette zone était entièrement constituée de pays musulmans. C’est la ceinture verte musulmane, ce qui est devenu le Grand Moyen-Orient de Bush, gonflé au fil des pulsions américaines. Il y avait deux catégories de pays dans cette zone : les États forts, comme l’Iran du shah, ou la Turquie entrée dans l’Otan, peut être aussi l’Irak, des régimes amis de l’Occident. Et les autres qu’il fallait affaiblir, où il fallait provoquer des changements de régime, renverser les pouvoirs en place. Puis des États ont viré de bord, comme l’Iran avec la révolution islamique. Quand la configuration est défavorable, on essaie de changer le régime, et si on n’y arrive pas, on casse l’État – en particulier les armées du monde arabe –, on ruine le pays. Cette stratégie figure dans beaucoup de documents américains ou israéliens. Ça s’est produit avec les armées égyptienne, irakienne, syrienne et sans doute algérienne.

Mais le chaos est contagieux et peut toucher les monarchies du Golfe. Celles-ci seraient-elles les grandes perdantes face à l’axe chiite ?
Dans l’esprit de certains dirigeants américains, c’est ce qui va arriver. Un ancien directeur de la CIA a dit qu’il fallait s’occuper des pays comme la Syrie et l’Égypte, déstabiliser huit pays… L’idée, c’est de leur « préparer » un islam qui leur convienne et d’aider les musulmans à accéder au pouvoir. Quand ces pays auront bien été déstabilisés, alors on pourra s’occuper de l’Arabie Saoudite. Le pacte de Quincy signé en 1945 a été renouvelé en 2005 pour soixante ans, mais il ne durera pas. Les États-Unis n’ont pas aidé le shah à se maintenir au pouvoir. Il n’était plus fréquentable, il a été renversé. Résultat, l’ayatollah Khomeiny a aussitôt pris le pouvoir, et l’Iran est devenu un des ennemis publics numéro un de l’Amérique. Jusqu’en 1979, ce pays était pourtant l’allié stratégique, y compris l’allié nucléaire. Il existait une vraie coopération entre l’Iran et les États-Unis dans ce domaine, avec un traité, des laboratoires, etc.

La question nucléaire a été mise à l’ordre du jour en 2002. Après que l’Iran eut le temps de s’occuper de l’Irak… Avant on n’en parlait pas. Puis les Européens, avec des Américains qui en arrière-plan soutenaient la démarche, se sont benoîtement rappelé du traité de non-prolifération… "En France, on a tendance à saucissonner. Or le rapport entre la crise syrienne et la crise ukrainienne est évident".

On est au cœur d’une nouvelle guerre froide avec l’Ukraine. Jusqu’où ce conflit va-t-il reconfigurer le nouvel ordre mondial en gestation ? Quels sont les effets sur le Grand Moyen-Orient ?
En France, on fait rarement un lien entre les différents problèmes, on a tendance à les saucissonner. Cela empêche une compréhension de la situation. J’ai peu entendu les gens établir un rapport entre la crise syrienne et la crise ukrainienne. Pourtant, il est évident. Il n’y aurait pas eu de relance de la crise ukrainienne s’il n’y avait pas eu la crise syrienne. Autrement dit, si la Russie avait laissé tomber Bachar, il n’y aurait pas eu une crise ukrainienne à ce niveau de gravité. On s’en serait accommodés. On a fait la surenchère surtout pour enquiquiner la Russie.

Sans la crise ukrainienne, les Brics auraient-ils pris la même importance sur la scène internationale ?
Sans la crise syrienne il faut dire. Car la crise ukrainienne est un développement de la guerre en Syrie. La guerre d’Ukraine s’inscrit dans le grand mouvement qui a déclenché les printemps arabes. En même temps qu’on essaie de contrôler des pays arabes musulmans et d’étendre petit à petit la zone de crise, on tente de casser ce qu’était l’URSS, réduite à la Russie. On veut contrôler la zone d’influence russe et la réduire au strict minimum. La Yougoslavie, en tant que pays communiste indépendant, était la partie la plus exposée; elle sera dépecée. Pour permettre l’intégration de toute l’Allemagne réunifiée dans l’Otan, le chancelier Kohl et Bush avaient promis à Gorbatchev que l’élargissement de l’Otan s’arrêtait là. Gorbatchev a reconnu avoir été berné. Cela a sonné la fin de la stabilité internationale. Le pacte de Varsovie a vécu, d’anciens États adhèrent à l’Union européenne et passent à l’Otan. Avec l’entrée des pays baltes dans cette organisation, la Russie est encerclée. Mais c’est la Géorgie qui a été la ligne rouge, puis l’Ukraine. La Géorgie a été le symbole du tournant de Poutine, qui avait au début décidé de collaborer avec les Occidentaux.

Quel est l’avenir du projet du Grand Moyen-Orient ?
Le projet démocratique certainement, même si, à mon avis, il n’y aura pas de démocratie, ni de printemps arabes. Le projet de domination reste, même s’il ne va pas forcément se réaliser. L’enjeu est toujours là pour les Américains. La ceinture verte est toujours utile pour encercler le postcommunisme. Même si la Chine est un régime aménagé, il est prudent de le « contenir » en quelque sorte. Les Occidentaux parlent toujours d’une opposition modérée en Syrie, je ne sais pas où ils la voient, mais c’est leur discours. Ils arment une opposition qui est en fait celle des djihadistes… L’alliance qui s’est forgée progressivement entre la Turquie, l’Arabie Saoudite et les Occidentaux, notamment États-Unis, France, Angleterre, alliance de circonstance s’il en est, résiste encore.

La Syrie peut-elle reprendre son autorité sur l’ensemble du territoire ?
Si on la laisse faire, je pense que oui. Le discours sur la démocratie est de moins en moins crédible. On n’a pas à intervenir dans les pays, même pas en Arabie Saoudite qui doit évoluer toute seule.

Pourquoi l’Arabie Saoudite exporte-t-elle son idéologie?
Elle exporte son idéologie pour éviter d’être attaquée à son tour. Mais celui qui a une vision universaliste, c’est le leader turc Erdogan. Les projets qu’il concoctait avant le printemps arabe étaient différents. Il était proche de la Syrie et de la Libye. Maintenant, il est le soutien des Frères musulmans. Il reçoit les visiteurs étrangers dans le palais du Sultan avec une garde d’honneur de de vingt-huit soldats qui représentent vingt-huit provinces ottomanes. Ce gouvernement islamiste turc est nostalgique de l'Empire perdu.

* Michel Raimbaud est l'auteur de "Tempête sur le Grand Moyen-Orient", Éditions Ellipses, 576 p., 24 euros.
 

TVL : Michel Raimbaud démonte le mythe des printemps arabes

 

mercredi, 29 avril 2015

Plans for the Ukrainization of Moldova

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Plans for the Ukrainization of Moldova

Ex: http://www.valdaiclub.com

The possible “unfreezing” of the Transnistrian conflict would mainly benefit the US and could create new problems for Russia, Rostislav Ishchenko says.


After talks with his Romanian counterpart, Ukrainian President Petro Poroshenko said they had agreed to “unfreeze” the conflict in Transnistria. But the statement was false. The Romanians did not confirm it. Needless to say, it was intended primarily for domestic Ukrainian consumption: Poroshenko wanted to show to his supporters that he not only wiped out the “Altai armored militia” but can also thumb his nose at Russia on the diplomatic front. Nevertheless, the incident was revealing.


First, the Ukrainian president’s understanding of Moldovan sovereignty is amusing. Note that according to Poroshenko, Ukraine and Romania can decide on their own to unfreeze an internal Moldovan conflict, frozen by Chisinau, which, incidentally, has pledged to solve the problem solely through negotiations. In other words, Ukraine seeks both to annul international agreements signed by Moldova and to resolve Chisinau’s internal political problems. And enlisting Romania’s support doesn’t change anything in this respect.


This is a disturbing sign. Of course, it could be ignored, chalked up to the stupidity and ineptitude of the Ukrainian leadership, but we have already seen the losses that this stupidity and ineptitude have led to in Ukraine.


Second, the Moldovan leadership, which sees the Kiev regime as being of the same “pro-Western blood,” too often tries to curry favor with Kiev with reckless moves – for example, by denying Russian journalists and politicians entry to Moldova based on blacklists drawn up by the Ukrainian Security Service or by trying to obstruct economic ties and transport links between Russia and Transnistria. In short, by provoking a conflict to please Kiev.
Moldova.pngThird, the attempt to resurrect the conflict in Transnistria fully fits into the US policy of creating problems for Russia wherever possible, forcing Moscow to spread its forces, attention and resources thin on the ground so that it ultimately becomes overstretched and is unable to pursue an independent foreign policy.


In other words, even though Romania is obviously unprepared to get involved in this conflict at this time, while Moldova has not even been consulted, a provocation against Transnistria, both in the form of a complete economic and transport blockade and in the form of direct military aggression, is quite possible. Furthermore, the Chisinau leadership has in recent weeks intensified its media and political attacks against Russia and Transnistria.


By the way, Kiev was the first to mass troops on the border with Transnistria back in April-June 2014. Were it not for the heroic resistance of Donbass, it’s plausible that Transnistria would have already come under attack.


Implications for Moldova


We won’t waste any time on analyzing the possible consequences of a new conflict zone for Russia. Certainly, a conflict is not good for Russia. And not only because it has no direct overland or sea links with Transnistria, but also because Moscow will once again be accused of aggression and an attempt to restore the Soviet Union by force. Instead, let’s consider the threats of an unfrozen conflict for Moldova.


First, over the years, Transnistria has created a stable administrative system and powerful armed forces that, in a confrontation with the Moldovan army, can not only defend themselves but also attack. Of course, their strategic situation is tough. Their rear is blocked by Ukrainian troops. Nevertheless, it borders the Odessa region, where opposition to the Kiev regime is strong. If a front were to emerge 20 or 30 km from Odessa, these resistance forces could disrupt the rear of the Kiev troops.


This is especially relevant now that Igor Kolomoisky has come into conflict with Poroshenko and withdrawn his punitive battalions from Odessa, which controlled the city in Kiev’s interests. For all intents and purposes, he is provoking an anti-Kiev uprising in Odessa so as to tie Poroshenko’s hands with the “Odessa people’s republic” and force him to abandon his attacks on the Dnepropetrovsk governor.


Second, the situation in Transnistria is a replay of the situation in Abkhazia and South Ossetia in August 2008. Russian peacekeepers are deployed there under international agreements, whose mandate is to prevent military contact between the sides. So an attack on Transnistria would be an attack on Russian peacekeepers. That is to say, it would be an act of aggression not only against Transnistria but also against Russia, with all the ensuing consequences.


The consequences are well known from the Georgian precedent. Not only did the Georgian army cease to exist as an organized force within days, Russia also recognized Abkhazia and South Ossetia as independent states, and Russian military bases were opened on their soil.


Third, Moldova is encumbered with the Gagauz problem, which intensified recently over Chisinau’s attempt to effectively rescind Gagauz autonomy. This attempt met with strong resistance, which all but led to a clash between law enforcement controlled by Chisinau and Komrat. It can be assumed that if the Transnistrian conflict is “unfrozen” the Gagauz people will be galvanized into action, as was the case in the early 1990s, during the first armed confrontation over Transnistria.


Fourth, the legitimacy of the Chisinau government is justifiably questioned, not least due to the unfairness and lack of transparency in the recent elections, in which the incumbent authorities were able to retain control of parliament only through the crude and no-holds-barred use of its administrative clout.


The opposition in Moldova is strong and pro-Russian, and commands the support of significant segments of the population. In other words, this conflict will automatically lead to serious internal destabilization in Moldova, putting it on the verge of civil war.


Finally, fifth, there is also the Romanian problem. Bucharest has never abandoned the idea of integrating Moldova into the Romanian state. Ever since the early 1990s, the Romanians have repeatedly indicated that they are prepared to give up Transnistria.


A conflict with Transnistria, provoking Russia’s participation in this conflict and internal destabilization in Moldova, would give the pro-Romanian forces in Chisinau cause to ask Bucharest for political, diplomatic and military assistance without which the Chisinau government simply could not survive. Nor would Kiev be able to provide meaningful assistance.

A Kiev-Washington project


So, the “unfreezing” of the Transnistrian conflict would imminently lead to the Ukrainization of Moldova. The story would follow the same script as in Ukraine after the February 2014 coup.


First, there would be civil war, which presents greater danger for Moldova as it is much smaller than Ukraine, meaning that Chisinau would be unable to stay above the fray for an entire year. This would be followed by the loss of sovereignty and the country’s division into a Romanian part and the Transnistrian republic, which, in the course of a brief conflict, could even expand its borders.


This outcome is good for the US, as it would create a new problem for Russia. In part, in the short term, it is also good for Kiev, as it would temporarily divert some of Russia’s resources to resolve this conflict. However, in the medium term, Kiev risks seeing not only the Transnistrian Moldovan republic in the south but also an allied Odessa people’s republic.


Such an outcome could suit Moldova’s pro-Romanian parties and politicians, since they will be able to leave for Romania with a chunk of territory and become Romanian politicians.


However, this outcome is beneficial neither for the Moldovan state nor for the overwhelming majority of the Moldovan people because it does them no good except to destroy the remains of the economy and quite possibly also hundreds or even thousands of lives in the course of a civil conflict, which will be almost immediately compounded by multilateral interference from the outside.


So there is hope that the Kiev-Washington project for the Ukrainization of Moldova by “unfreezing” the Transnistrian conflict will remain on the drawing boards.


Yet, there is the danger that the situation will spiral out of control, which should not be underestimated. Moldova’s reasonable forces should take preventive measures to ensure that Chisinau returns to a sensible policy.


Rostislav Ishchenko, President of the Center for System Analysis and Forecasting.
This article was originally published in Russian on www.ria.ru

Chine, Pakistan ...et Inde

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Chine, Pakistan ...et Inde

par Jean Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Il n'est pas impossible que la Chine et l'Inde qui jusqu'ici semblaient s'accorder pour coopérer à l'intérieur du groupe Brics, commencent à devoir élargir leurs perspectives.

Certes, Chine et Inde partagent de nombreux domaines où la coopération n'ira pas de soi vu la concurrence inévitable entre ces deux grands pays. Mais on peut penser qu'un autre sujet pourrait rapidement susciter des méfiances, tout au moins en Inde. Il s'agirait des projets de coopération qu'entretiennent la Chine et le Pakistan. Le Pakistan est un pays musulman, de plus en plus d'ailleurs pénétré de mouvements islamistes, voire éventuellement djihadistes. L'Inde est hindouiste. Dès leur indépendance, les deux pays se sont affrontés sur de nombreux points, y compris en termes de puissance militaire.

On se souvient qu'il y a quelques mois, une visite en Inde de Barack Obama, qui devait inaugurer une grandiose coopération américano-indienne, n'a pas eu tous les résultats espérés par les Américains, notamment en termes industriels. Narendra Modi, déjà au pouvoir à l'époque, avait (à juste titre) suspecté Barack Obama de vouloir mettre les technologies américaines au service, non seulement de l'Inde, mais du Pakistan.

Aujourd'hui un grand programme chinois vise à développer un "corridor" sur le territoire pakistanais, dans une des versions de la grandiose route de la soie permettant à la Chine de s'étendre vers l'ouest. Il s'agit d'un programme discuté parmi plus d'une cinquantaine d'autres d'un montant total de 28 milliards de dollars, les 20 et 21 avril, au cours de la visite officielle du président chinois Xi Jinping au Pakistan. Cette visite a été reçue par les autorités pakistanaises comme un événement majeur

Dans ce programme de corridor, le Pakistan deviendra un maillon essentiel de la relation que la Chine veut établir vers la mer d'Oman et le Moyen-Orient. Le port de Gwadar, à l'extrémité sud-ouest du Pakistan, à 100 km de l'Iran, devrait être relié avec Kashgar, ville importante de l'ouest du Xinjiang chinois, non loin de la frontière pakistanaise. La liaison devrait comporter des routes, des lignes de chemins de fer et des pipelines.Deux routes seront possibles, l'une au sud, plus longue mais plus sûre, l'autre au nord (voir la carte ci dessus, proposée sur le site du journal Le Monde).

La visite s'est conclue sur une déclaration du premier ministre pakistanais Nawaz Sharif : « Ce corridor permettra de transformer le Pakistan en carrefour régional, notre amitié avec la Chine est la pierre angulaire de notre politique étrangère » a-t-il affirmé. On peut penser que cet enthousiasme ne sera pas entièrement partagé par les autorités indiennes.

Addendum

Pour l'ancien diplomate indien et grand chroniqueur MK Bhadrakumar, que nous citons souvent, la visite de Xi au Pakistan et l'accueil qu'il a reçu pourraient significativement changer l'ensemble des perspectives diplomatiques en Asie. Il a noté sur son blog 10 points dont chacun, à l'en croire, pourrait être à lui seul une petite révolution : http://blogs.rediff.com/mkbhadrakumar/author/bhadrakumaranrediffmailcom/

  1. Les relations entre la Chine et le Pakistan se transforment. Les investissements chinois massifs profiteront, non seulement à la Chine, mais au Pakistan. Il s'agira d'une relation gagnant-gagnant. Le « corridor » prévu permettra à la Chine, non seulement d'accéder aux marchés mondiaux mais d'investir massivement au Pakistan. Elle devient ainsi garante de la stabilité et la sécurité du Pakistan, qui voit son statut international conforté.

  2. La Chine fait confiance au Pakistan, dans le présent comme dans le futur. Celui-ci pourra donc se débarrasser de son image d'Etat failli servant de repaire à des groupes terroristes. Xi a d'ailleurs félicité le Pakistan pour ses actions anti-terroristes.

  1. La Chine remplace les Etats-Unis dans le rôle de premier allié du Pakistan. Il va s'établir une alliance de peuple à peuple entre la Chine et le Pakistan, au contraire des relations avec l'Amérique qui est à la fois crainte et détestée par la population.

  2. Grâce à l'alliance chinoise, les différences de puissance entre l'Inde et le Pakistan diminueront, que ce soit au plan économique ou militaire. Le Pakistan pourra ainsi devenir attractif pour les investisseurs étrangers. Le label « made in Pakistan » concurrencera le « made in India ». Ceci d'autant plus que les indicateurs économiques et budgétaires pakistanais sont meilleurs que ceux de l'Inde. La Chine pourra ainsi favoriser l'entrée du Pakistan dans le groupe des Brics.

  1. Il en résultera d'importantes réorientations stratégiques au Pakistan. Les élites jusqu'ici traditionnellement portées vers l'Occident, malgré l'hostilité de la population, se tourneront vers d'autres horizons, notamment vers les membres du Brics, en premier lieu, sans compter la Chine, vers la Russie, puis à terme l'Iran, les Etats d'Asie centrale et même l'Inde.

  2. Le renforcement de l'influence chinoise au Pakistan contribuera à la stabilisation de la situation politique en Afghanistan, ce que les Etats-Unis n'ont jamais réussi à faire. La Chine permettra également aux membres du Brics de stabiliser leurs relations avec l'Afghanistan.

  3. La marine chinoise (navires de surface et sous-marins) pourra utiliser le port pakistanais de Gwadar, ce qui renforcera la présence chinoise dans le golfe d'Oman et l'océan indien.

  4. Les capitales du sud-est asiatique observeront attentivement comment évoluera la relation sino-pakistanaise, afin de ne pas en être exclues, tant au plan économique que politique. .

  5. La stratégie américaine, anti-russe et anti-chinoise, visant notamment à isoler la Chine, considérée comme un ennemi potentiel, devra être revue. La Russie, de son côté, jusqu'ici préoccupée par les mouvements islamistes radicaux au Pakistan, pourra devenir moins méfiante. La Chine et la Russie renforceront leurs liens avec l'Iran simultanément de ceux avec le Pakistan. Il en résultera que l'Iran et le Pakistan seront encouragés à devenir membres de l'organisation de Coopération de Shanghai.

  6. L'Inde devra elle aussi modifier profondément sa stratégie internationale. Elle est confrontée à un dilemme « existentiel ». Elle ne pourra pas poursuive une politique de méfiance à l'égard de la Chine. Au contraire, elle devra se joindre aux projets de coopération et d'investissements proposés par cette dernière. La visite de Xi au Pakistan obligera Narandra Modi, jusqu'ici très méfiant à l'égard de la Chine, à se faire plus coopératif. Ceci devrait changer le sens du déplacement de Modi à Pékin prévue dans trois semaines. D'une façon générale, l'Inde devra modifier en profondeur ses relations avec la Chine, afin de profiter de ses capacités d'investissement. En contrepartie, elle devra perdre de son intérêt pour ses relations avec l'occident, qui ne lui ont jamais rien rapporté. Modi pour ce qui le concerne doit faire confiance à la Chine de la même façon que celle-ci fait confiance au Pakistan, malgré le poids qu'y ont encore les éléments islamistes radicaux.


Notre commentaire

Manifestement, MK Bhadrakumar n'aime guère Narendra Modi. Ceci le conduit à voir avec sans doute un peu trop d'optimiste les relations de l'Inde avec la Chine et et celles de la Chine avec le Pakistan. Il n'est pas certain que l'Inde dans ses profondeurs puisse rapidement abandonner son hostilité profonde vis-à-vis du Pakistan. MK Bhadrakumar est peut-être aussi un peu trop optimiste concernant les changements radicaux de paradigmes politiques qu'apporteraient en Asie et même dans le reste du monde le rapprochement Chine-Pakistan. Néanmoins, pour l'essentiel, ses analyses paraissent pertinentes.

Comme lui, par ailleurs, on peut penser que le rapprochement Chine-Pakistan marque un nouveau revers pour la politique militariste d'Obama contre la Chine, résultant du « pivot vers l'Asie » que celui-ci avait entrepris. Nous ne nous en plaindrons pas.

 

Jean Paul Baquiast