Gustave Flaubert et notre eschatologie française
par Nicolas Bonnal
Ex: http://www.dedefensa.org
Lire la correspondance de Flaubert, c’est comme visiter ce beau pays qu’on ne connaissait que par les films ou les cartes postales. C’est le découvrir lui par-delà des personnages et des histoires. Même le style est mieux, qui échappe aux aigres remarques de notre Roland Barthes. Un mot revient : assommant, un autre : ennui. Tout est vain, tout est mort, tout a été, comme dira Nietzsche.
Commençons par la bonne femme. Il n’y va pas avec le dos de cuiller Flaubert, d’autant qu’Istanbul est déjà saturé de tourisme.
« La femme orientale est une machine, et rien de plus ; elle ne fait aucune différence entre un homme et un autre homme.
Fumer, aller au bain, se peindre les paupières et boire du café, tel est le cercle d'occupations où tourne son existence.
Quant à la jouissance physique, elle-même doit être fort légère puisqu'on leur coupe de bonne heure ce fameux bouton, siège d'icelle. »
La suite avec Chesterton et son évocation du féminisme.
Après il s’énerve avec notre paysan à la française, et il annonce notre condition de zombies du présent perpétuel (Hegel, Kojève, Debord). C’est que la race est partie, évanouie, comme dira à la même époque Mallarmé, de vingt son cadet (à Flaubert, pas au paysan), dans Igitur :
« Tout cela est assommant. Quelle basse crapule aussi que tous ces paysans ! Oh ! la race, comme j'y crois ! Mais il n'y a plus de race ! Le sang aristocratique est épuisé ; ses derniers globules, sans doute, se sont coagulés dans quelques âmes.
Si rien ne change (et c'est possible), avant un demi-siècle peut-être l'Europe languira dans de grandes ténèbres et ces sombres époques de l'histoire, où rien ne luit, reviendront. »
Lisait-il Gobineau ? Puis vient le petit rêve comme toujours chez Flaubert. C’est le syndrome saint-Julien :
« Alors quelques-uns, les purs, ceux-là, garderont entre eux, à l'abri du vent, et cachée, l'impérissable petite chandelle, le feu sacré, où toutes les illuminations et explosions viennent prendre flamme. »
On parlait de zombies. Avant de mourir, les purs devront saluer les tombeaux (avec les touristes) ?
« Je ferai comme ceux qui, avant de partir pour un long voyage, vont dire adieu à des tombeaux chers. »
L’Alhambra, le Taj Mahal, on le sait, c’est bourré et pollué. Et aussi tout est remplacé, même mon généralife.
Et comme on parlait des paysans :
« Ils écoutaient sans répondre, comme le père Gouy, prêt à accepter tout gouvernement, pourvu qu’on diminuât les impôts. »
Mais je triche, c’est dans Bouvard.
Avant Bloy et son âme d’empereur, Flaubert comprend Napoléon (ce génie incompris) et il envoie promener Lamartine, ce « couillon qui n’a jamais pissé que de l’eau claire » :
« J'ai lu avant−hier, dans mon lit, presque tout un volume de l'Histoire de la Restauration de Lamartine (la bataille de Waterloo). Quel homme médiocre que ce Lamartine ! Il n'a pas compris la beauté de Napoléon décadent, cette rage de géant contre les myrmidons qui l'écrasent. Rien d'ému, rien d'élevé, rien de pittoresque. Même Alexandre Dumas eût été sublime à côté. »
Car Lamartine c’est déjà du Hollande avec du style (attention que pour Joyce, Graziella est le meilleur récit en prose de notre langue) et des dettes. Thoreau dit qu’on peut très bien vivre sans savoir que la révolution a eu lieu – ou le bombardement en Syrie. Flaubert est d’accord, et cela donne :
« J'ai eu aujourd'hui un grand enseignement donné par ma cuisinière. Cette fille, qui a vingt−cinq ans et est Française, ne savait pas que Louis−Philippe n'était plus roi de France, qu'il y avait eu une république, etc. Tout cela ne l'intéresse pas (textuel). Et je me regarde comme un homme intelligent ! Mais je ne suis qu'un triple imbécile. C'est comme cette femme qu'il faut être. »
Oui, il faut être. Etre informé (ou infirmé) c’est ne pas être.
Mais restons polémique avec cette humanité moderne abrutie qui l’exaspère à chaque instant ; elle gesticule, elle bouffe, elle voyage, elle communique, elle réagit. Et en plus elle s’aime :
« C'est une chose curieuse comme l'humanité, à mesure qu'elle se fait autolâtre, devient stupide. Les inepties qui excitent maintenant son enthousiasme compensent par leur quantité le peu d'inepties, mais plus sérieuses, devant lesquelles elle se prosternait jadis. Ô socialistes ! C'est là votre ulcère : l'idéal vous manque et cette matière même, que vous poursuivez, vous échappe des mains comme une onde. L'adoration de l'humanité pour elle-même et par elle-même (ce qui conduit à la doctrine de l'utile dans l'Art, aux théories de salut public et de raison d'état, à toutes les injustices et à tous les rétrécissements, à l'immolation du droit, au nivellement du beau), ce culte du ventre, dis-je, engendre du vent (passez-moi le calembour), et il n'y a sorte de sottises que ne fasse et qui ne charme cette époque si sage. »
Après il fait une énumération tordante à la Rabelais, ce bon docteur qu’il adorait. Les slogans politiques se mêlent dans l’accumulation bédouine de nos adorations modernes, dans ce catalogue Wal-Mart de nos consommations chafouines :
« Car la canaillerie n'empêche pas le crétinisme. J'ai déjà assisté, pour ma part, au choléra qui dévorait les gigots que l'on envoyait dans les nuages sur des cerfs-volants, au serpent de mer, à Gaspar Hauser, au chou colossal, orgueil de la Chine, aux escargots sympathiques, à la sublime devise «liberté, égalité, fraternité», inscrite au fronton des hôpitaux, des prisons et des mairies, à la peur des Rouges, au grand parti de l'ordre ! Maintenant nous avons «le principe d'autorité qu'il faut rétablir». J'oubliais les «travailleurs», le savon Ponce, les rasoirs Foubert, la girafe, etc. Mettons dans le même sac tous les littérateurs qui n'ont rien écrit (et qui ont des réputations solides, sérieuses) et que le public admire d'autant plus, c'est-à-dire la moitié au moins de l'école doctrinaire, à savoir les hommes qui ont réellement gouverné la France pendant vingt ans. »
Un autre qui rigole bien avec le sujet à cette époque est Dostoïevski (né la même année). C’est dans le Crocodile (voyez mon livre) :
« Qu’importe que la pitié aille à un mammifère ou à l’autre ? N’est-ce pas à l’européenne ? On y plaint aussi les crocodiles, en Europe ! Hi ! hi ! hi ! »
Les crocodiles on les plaint en Europe, mais pas les chrétiens d’Irak ou de Syrie.
Du coup notre doctrinaire en devient aristocrate. A ce propos revoyez en DVD – faute de mieux – le plaisir de Dieu et notre cher duc de Plessis-Vaudreuil, le seul personnage estimable de la télé française avec Nounours. Le premier épisode de cette eschatologique série (la préférée de mon ami Jean Phaure) montrait la séparation de l’Eglise et de l’Etat, le dernier la séparation de la France et de l’Histoire. Bernanos vers 1945 :
« Aujourd'hui même les journaux nous apprennent la nouvelle que la langue française ne sera pas considérée à San Francisco comme une langue diplomatique. Nos représentants devront donc faire traduire leurs discours en anglais, en espagnol ou en russe. Nous voilà loin du temps où l'Académie de Berlin proposait son fameux sujet de concours “Les raisons de la supériorité de la langue française” ».
Mais laissons Flaubert s’exprimer :
« Eh bien, oui, je deviens aristocrate, aristocrate enragé !
Sans que j'aie, Dieu merci, jamais souffert des hommes et (bien) que la vie, pour moi, n'ait pas manqué de coussins où je me calais dans des coins, en oubliant les autres, je déteste fort mes semblables et ne me sens pas leur semblable. »
Flaubert voit le patriotisme municipal disparaitre (comme Tocqueville), la fierté de libertés municipales aussi (Bernanos toujours) et le néant humanitaire de nos champions des Droits de l’Homme se poindre.
« Il fut un temps où le patriotisme s'étendait à la cité. Puis le sentiment, peu à peu, s'est élargi avec le territoire (à l'inverse des culottes : c'est d'abord le ventre qui grossit).
Maintenant l'idée de patrie est, Dieu merci, à peu près morte et on en est au socialisme, à l'humanitarisme (si l'on peut s'exprimer ainsi). »
Ce n’est pas qu’il ait eu de grandes aspirations passéistes non plus (qu’il dit) :
« Je crois que plus tard on reconnaîtra que l'amour de l'humanité est quelque chose d'aussi piètre que l'amour de Dieu. On aimera le Juste en soi, pour soi, le Beau pour le beau. Le comble de la civilisation sera de n'avoir besoin d'aucun bon sentiment, ce qui s'appelle. »
Mais voici le néant qui s’approche et qui n’a d’ailleurs rien de mallarméen, celui de Maastricht, de la théorie du genre, et du reste :
« La France a été constituée du jour que les provinces sont mortes, et le sentiment humanitaire commence à naître sur les ruines des patries. Il arrivera un temps où quelque chose de plus large et de plus haut le remplacera, et l'homme alors aimera le néant même, tant il s'en sentira participant. »
Puis il résume l’histoire de France récente, et notre condamnation au présent permanent, devinée par Kojève, Hegel ou par Cournot :
« 89 a démoli la royauté et la noblesse, 48 la bourgeoisie et 51 le peuple. Il n'y a plus rien, qu'une tourbe canaille et imbécile. »
Après c’est l’art pour tous et tout pour tous. Sur 1851 lire et relire le Dix-Huit Brumaire de Karl Marx, sans oublier les Châtiments quand même (les allusions à Fould…).
« Nous sommes tous enfoncés au même niveau dans une médiocrité commune. L'égalité sociale a passé dans l'esprit. On fait des livres pour tout le monde, de l'art pour tout le monde, de la science pour tout le monde, comme on construit des chemins de fer et des chauffoirs publics. L'humanité a la rage de l'abaissement moral, et je lui en veux de ce que je fais partie d'elle. »
Encore un peu d’allusion à Julien (le guerrier, le chasseur) pour survivre à tout cela :
« Je pense à de grandes chasses féodales, à des vies de château. Sous de larges cheminées, on entend bramer les cerfs au bord des lacs, et les bois frémir. »
Une petite claque contre Balzac. C’est Proust qui dira qu’il était bas, Balzac (« Je ne parle pas de la vulgarité de son langage… »). Il le cogne encore mieux que dans Bouvard et Pécuchet :
« Les héros pervers de Balzac ont, je crois, tourné la tête à bien des gens. La grêle génération qui s'agite maintenant à Paris autour du pouvoir et de la renommée a puisé, dans ces lectures, l'admiration bête d'une certaine immoralité bourgeoise à quoi elle s'efforce d'atteindre. J'ai eu des confidences à ce sujet. Ce n'est plus Werther ou St-Preux que l'on veut être, mais Rastignac ou Lucien de Rubempré. »
Après les Rastignac de Prisunic en prennent un peu plus dans la lampe comme on dit :
« D'ailleurs tous ces fameux gaillards pratiques, actifs, qui connaissent les hommes, admirent peu l'admiration, visent au solide, font du bruit, se démènent comme des galériens, etc., tous ces malins, dis-je, me font pitié, et au point de vue même de leur malice, car je les vois sans cesse tendre la gueule après l'ombre et lâcher la viande. »
Un peu de Jésus (Flaubert est notre dernier mystique), celui qui vint s’écraser nu contre Julien au moyen âge et qu’il invite ici à déblayer le terrain des supermarchés et des salles de change :
« Oh Jésus, Jésus, redescends donc pour chasser les vendeurs du temple ! Et que les lanières dont tu les cingleras soient faites de boyaux de tigre ! Qu'on les ait trempées dans du vitriol, dans de l'arsenic ! Qu'elles les brûlent comme des fers rouges ! Qu'elles les hachent comme des sabres et qu'elles les écrasent comme ferait le poids de toutes tes cathédrales accumulées sur ces infâmes ! »
Ailleurs, comme Gautier dans son poème sur le peintre espagnol Ribera (il adore Gautier, et aussi Leconte d’ailleurs, et comme il a raison !), il explique pourquoi l’on souffre.
« Chose étrange, à mesure qu'on s'élève dans l'échelle des êtres, la faculté nerveuse augmente, c'est−à−dire la faculté de souffrir. Souffrir et penser seraient−ils donc même chose ? Le génie, après tout, n'est peut−être qu'un raffinement de la douleur, c'est−à−dire une plus complète et intense pénétration de l'objectif à travers notre âme. La tristesse de Molière, sans doute, venait de toute la bêtise de l'Humanité qu'il sentait comprise en lui. »
Gautier disait cela je crois (je récite de mémoire avec un trémolo dans la voix) :
« Les plus grands cœurs, hélas, ont les plus grandes peines !
Dans la coupe profonde il tient plus de douleurs…
Le ciel se venge ainsi sur les gloires humaines ! »
Mais aujourd’hui c’est tout le monde démocratique qui souffre. Alors on prend des médicaments et surtout des congés-maladie.
Cousin Nietzsche s’amusera aussi avec son dernier homme :
« Un peu de poison de-ci de-là, pour se procurer des rêves agréables. Et beaucoup de poisons enfin, pour mourir agréablement. »
Il est fort ce Nietzsche. Lui est vraiment mort en génie – en embrassant un cheval.
Encore un petit coup contre les humanitaires :
« Le seul moyen de vivre en paix, c'est de se placer tout d'un bond au-dessus de l'humanité entière et de n'avoir avec elle rien de commun, qu'un rapport d'œil. Cela scandaliserait les Pelletan, les Lamartine et toute la race stérile et sèche (inactive dans le bien comme dans l'idéal) des humanitaires, républicains, etc. Tant pis ! Qu'ils commencent par payer leurs dettes avant de prêcher la charité, par être seulement honnêtes avant de vouloir être vertueux. La fraternité est une des plus belles inventions de l'hypocrisie sociale ».
Que faire ? Se consoler bien sûr. La musique avec Schopenhauer (il en parle trop bien) et Bruckner (l’adagio de la septième !) et puis le plus grand des (Trois) contes :
« Le père et la mère de Julien habitaient un château, au milieu des bois, sur la pente d'une colline. »
C’est joli cela, aussi :
« Il affranchit des peuples. Il délivra des reines enfermées dans des tours. C'est lui, et pas un autre, qui assomma la guivre de Milan et le dragon d'Oberbirbach. »
Et voyez cette phrase pas très ratée enfin :
« Julien accourut à son aide détruisit l'armée des infidèles, assiégea la ville, tua le calife, coupa sa tête, et la jeta comme une boule par-dessus les remparts. »
C’est Borges qui dit que Flaubert a inventé le roman avec Bovary et qu’il l’a liquidé avec Bouvard et Pécuchet ; il y en a depuis qui jouent aux écrivains.
« El hombre que con Madame- Bovary forjó la novela realista fue también el primero en romperla.”
Littérature moderne ! Avant Flaubert il n’y avait rien, et après il n’y a plus eu grand-chose (Hermann Broch et son Virgile peut-être ?). Plus exactement : il n’y avait besoin de rien avant, et il n’y eut plus besoin de grand-chose (de notre Ada, peut-être ?).
Tiens, un peu de Flaubert pour quelque Sainte Célébration à venir :
« Alors le Lépreux l'étreignit ; et ses yeux tout à coup prirent une clarté d'étoiles ; ses cheveux s'allongèrent comme les rais du soleil ; le souffle de ses narines avait la douceur des roses ; un nuage d'encens s'éleva du foyer, les flots chantaient. Cependant une abondance de délices, une joie surhumaine descendait comme une inondation dans l'âme de Julien pâmé ; et celui dont les bras le serraient toujours grandissait, grandissait, touchant de sa tête et de ses pieds les deux murs de la cabane. Le toit s'envola, le firmament se déployait ; et Julien monta vers les espaces bleus, face à face avec Notre Seigneur Jésus, qui l'emportait dans le ciel. »
Les bonnes sources
Nicolas Bonnal – Chroniques culturelles et politiques (1, 2, 3 et bientôt 4) ; Dostoïevski et la modernité occidentale (sur ma page amazon.fr) ; le voyageur éveillé (Les Belles Lettres)
Jorge-Luis Borges – Discussion
Fiodor Dostoïevski – Le crocodile (Gutenberg.org) ; les possédés (ebooksgratuits.com)
Gustave Flaubert – Trois contes (ebooksgratuits.com) ; la légende de saint-Julien l’Hospitalier ; Correspondance (2ème série, 1850-1854, sur ebookslib.com).
Alphonse de Lamartine – Graziella (ebooksgratuits.com)
Stéphane Mallarmé - Igitur ou la Folie d’Elbehnon (wikisource.com)
Karl Marx – le 18 Brumaire de Louis-Napoléon Bonaparte
Frédéric Nietzsche - Ainsi parlait Zarathoustra (prologue)
Marcel Proust – Contre Sainte-Beuve
Arthur Schopenhauer – le monde comme volonté et comme représentation, pp.599-626
(Numérisé par Guy Heff - www.schopenhauer.fr)
Henry Thoreau – Walden (If one may judge who rarely looks into the newspapers, nothing new does ever happen in foreign parts, a French revolution not excepted.)
Bibliographie extra
Roland Barthes – Le degré zéro de l’écriture
Georges Bernanos – La France contre les robots
Léon Bloy – L’âme de Napoléon
Hermann Broch – La mort de Virgile
Nicolas Bonnal – Céline, la colère et les mots (Ed. Avatar)
Vladimir Nabokov – Ada
Gilbert Keith Chesterton – Heretics; What I saw in America (Gutenberg.org)
Théophile Gautier – Poèmes choisis (de mémoire)
Arthur de Gobineau – Essai sur les races humaines (sur uqac.ca)
Philippe Grasset – La Grâce de l’Histoire (éditions mols)
Victor Hugo – Les Châtiments
Alexis de Tocqueville – L’Ancien régime et la révolution
Télévision
Au plaisir de Dieu (1977) – de Robert Mazoyer, avec Jacques Dumesnil – Episode 1, les Inventaires (traditionnellement et incorrectement orienté) _ Episode 5, la déchirure (grand moment entre le duc et le général Von Stulpnagel, futur martyr du nazisme) ; Episode 6, le vent du soir (la fin du domaine et de la France au sens où l’entendent ceux qui ont une âme et une mémoire)
Editions Koba Films vidéo. Présentation de notre sympathique russe blanc Pierre Tchernia, qui rappelle que quinze millions de Français suivaient alors cet outrage télévisuel à la modernité républicaine, et que les bons Français donnaient du Monsieur le Duc à Notre Jacques Dumesnil dans la rue. Tout cela pourra-t-il renaître ?
Flaubert : « Eh bien, oui, je deviens aristocrate, aristocrate enragé ! »
Es gibt kaum eine Tradition, die heute stärker kritisiert, verachtet und bekämpft wird, als der Stierkampf. Die blutige Tötung eines Stieres mutet als archaisches Überbleibsel einer vergangenen Zeit an – gerade aus mitteleuropäischer Sicht. Der typische Stierkampf existiert so nur noch in Spanien, einigen ehemaligen Kolonien und im Süden Frankreichs. Doch auch in Spanien tobt ein moralischer Kampf um den „corrida de toros“. Vor einigen Jahren wurde in der Provinz Katalonien der Stierkampf gesetzlich verboten. Im Oktober 2016 kassierte diesen Beschluss das spanische Verfassungsgericht jedoch wieder. Nach mehrjähriger Abstinenz dürfen wieder Stierkämpfe veranstaltet werden.
Emotionale Tradition gegen rationale Postmoderne
Doch auch in anderen Gefilden kämpft die Tradition gegen die rationale Postmoderne .Kirchen, Glaube, Nation, Gefühl, Schönheit, Eros. Das sind alles Kategorien, die nicht gemessen und nicht gekauft werden können und rücken deshalb ins Hintertreffen. Die wenigsten Leute verstehen die Anhänger solcher Paradigmen, belächeln und hassen sie. Und wenn dabei noch Blut fließt, ein Tier, das größer als eine Mücke ist, sein Leben lässt, ist es mit der Toleranz schnell vorbei. Der Tierschutz wird auf den Plan gerufen und verstärkt das Unverständnis gegenüber einer Tradition mit ideologischer Aufladung.
Henry de Montherlant (1895-1972) verfasste 1926 den Roman Tiermenschen mit autobiographischen Zügen über die Erlebnisse des jungen adligen Albans, der aus dem wohlbehüteten, aber langweiligen Frankreich in die andalusische Welt der Stierkämpfe aufbricht, um … Ja, warum eigentlich? Die Motivation des jungen Helden ist so vielschichtig und unerklärlich, und doch zieht sie ihn mit stählernem Zwang in den Staub der Arena zu seinen geliebten Stieren. Nur wenige Autoren schaffen es, eine andere Zeit und eine fremde Welt so unglaublich nah und vollkommen plausibel erscheinen zu lassen, dass der Kampf gegen den „Bösen Engel“, einen tückischen und unberechenbaren Kampfstier, die logische Konsequenz für den unerfahrenen, aber ehrenhaften Alban bedeutet.
Nach der Anti-Stierkampf-Demo geht’s zu Burger King
Das gesamte Buch arbeitet auf diese mystische und religiöse Katharsis hin, die dem Leser die Bedeutung des Stierkampfes immer klarer hervortreten lässt, bis man sich wünscht auch an diesen Spektakeln teilzunehmen. Die greifbare Spannung des Finales des Buches ist von unvorstellbarer Brillanz. Man vermutet, dass der Autor Montherlant an den Corridas selbst teilgenommen haben muss, um diese Fülle von Emotionen und Gedanken zu schreiben und dem Leser plausibel erscheinen zu lassen. Auch auf die Vorbehalte vieler Stierkampfgegner geht Montherlant in seinem Buch ein und lässt seinen Helden vieles erklären. Zwar kann er einem Außenstehenden nicht den „Sinn“ der Corridas erklären, da man diesen fühlen müsse, doch ist die Kritik vieler Gegner heuchlerisch, wie Alban ausführt:
„Welche Partei findet heute bei uns das Gemetzel der Stierkämpfe skandalös? Die gleiche, die mit allen Mitteln die eine Hälfte der Nation zum Gemetzel der anderen aufstachelt. […] Sie erhebt Protest gegen den Pferdemord in der Arena, aber sie würden nicht protestieren, wenn man in der Arena Andersdenkende vor die Hörner schicken würde.“
Auch das Leben eines Kampfstieres ist alles anders als schrecklich. Früher, wie auch heute, sind die meisten Kampfstiere schon einige Jahre alt, bevor sie in die Arena gebracht werden. In ihrem Leben vor dem Stierkampf bewegen sie sich frei über das spanische Land, da Zäune oder Ställe sie ihrer Fähigkeiten als gute Kampfstiere berauben würden. Ein derartiges Leben, mit einem anschließenden Kampf, sollte jeder Massentierhaltung vorzuziehen sein. Doch betrachten Kritiker und Aktivisten nur das blutige Finale und lassen nicht weiter mit sich reden. Meist sind es diejenigen, die nach der Stierkampf-Demo noch schnell bei Burger King vorbeischauen.
Urinstinkt und große Literatur
Zurück zu Albans Erlebnissen auf dem Weg zu seinem großen Kampf. Auch die Liebe zu Soledad, der Tochter des ebenfalls adligen Stierzüchters, gerät im Hinblick auf den spirituellen Zweikampf immer weiter ins Hintertreffen und sinkt in die Bedeutungslosigkeit. Sie, die Alban an seiner Ehre packte und ihn zwang gegen den „Bösen Engel“ zu kämpfen, wird im Zeichen Albans Bestimmung nicht einmal mehr bedacht, geschweige denn in das Ende des Buches einbezogen. Der junge Held hat mehr erlebt und gelernt, als sich weiterhin von dieser verzogenen Frau abhängig zu machen.
Dieser Urinstinkt, der Alban etwas Größeres, Spiritistisches erkennen lässt, ist Balsam auf die geschundene Leserseele, die in den letzten Jahren immer mehr von belangloserer Literatur geplagt wurde. Die zeitgenössischen Bücher à la Darm mit Charme, Feuchtgebiete oder dem restlichen Gewäsch drittklassiger Schreiber, die das 21. Jahrhundert nur noch durch Tabubrüche und feminisierte Lebensgeschichten entwürdigen, verlieren im Wettkampf mit Montherlants staubigen Stierabenteuer gänzlich an Wert.
Männlichkeitsideale und Gesellschaftskritik
Spannend ist ebenfalls das Gesellschaftsbild während der Auflösungserscheinungen des alten, snobistischen Adels, den Alban verachtet, da dieser nur aufgrund der gesellschaftlichen Bedeutung den Stierkämpfen beiwohnt. Generell kommen Adlige und die spanische „High-Society“ schlecht weg. Selbst sein ihn protegierender adliger Ziehvater, der ihm den Kampf vermittelt, wird gelegentlich von Alban verachtet. Montherlant sucht längst einen neuen Adel mit anderen Attributen, dessen Eigenschaften er teilweise im andalusischen Volk, aber generell im noch nicht verdorbenen Charakter der südländischen Menschen erkennt. Nur im Stierkampf können diese vergessenen Ideale noch hervortreten. Selbst der kleine Jesús, ein verarmter spanischer Junge, der als Helfer am entscheidenden Kampf teilnimmt, hat mehr „Rasse“ und Ehrgefühl, als die Loge der Blaublüter und die „Schattenseite“ der Arena zusammen. (Die schattigen Plätze in der Arena konnten sich nur die reicheren Bürger leisten.)
Man ist keineswegs befriedigt nach dem Ende dieses großartigen Buches. Stattdessen will man mehr erfahren über den Brauch des Stierkampfes, uralte Ideale und die Jahre vor dem ersten großen Krieg. So schafft es Henry de Montherlant mit seiner stimmungsvollen Erzählung, dass man sich wünscht Spanier zu sein, um den Stierkampf zu verstehen, und Franzose zu sein, um den Roman in seiner Originalsprache lesen zu können. Wo wir gerade beim Wünschen sind. Man wünscht sich ebenfalls auf ein derartiges Buch zu stoßen, das unserer Zeit entspringt. Bis es soweit ist, kann man ja in der Vergangenheit kramen.
Für die Jünger-Fans eine abschließende Anekdote: Beide Autoren, aufgrund ähnlichen Alters und geistiger Nähe, waren gute Bekannte. Montherlant, vom Leid gezeichnet und schwer an Krebs erkrankt, beendete sein Leben im Zeichen seiner eigenen, konsequenten Ideale. Er verhinderte den fortschreitenden körperlichen und geistigen Verfall, indem er sich am 21. September 1972 in seiner Wohnung in Paris in den Kopf schoss und gleichzeitig mit Zyankali vergiftete. Das Blut seines zerschossenen Gehirnes tropfte auf ein zuvor niedergeschriebenes Zitat Ernst Jüngers: „Le suicide fait partie du capitalde l‚humanite“ (Der Selbstmord ist Teil des Kapitals der Menschheit.)
Henry de Montherlant: Tiermenschen. Zuletzt erschienen 1998 im Steidl-Verlag. Erstmals auf Deutsch 1929 im Insel-Verlag. Auf Amazon ab 0,01 Euro erhältlich!