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vendredi, 03 octobre 2008

L'Amérique et le désordre mondial

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http://www.polemia.com
EDITO du 13 Septembre 2008   
L’Amérique et le désordre mondial

Les grands médias parisiens somment les Français de s’intéresser à l’élection présidentielle américaine.
Les intellectuels progressistes et les partisans du métissage n’ont d’yeux que pour Barack Obama. Quant aux milieux plus traditionalistes, ils peuvent se consoler avec l’entrée en scène, auprès de John McCain, de la très conservatrice Sarah Palin.
Reste que les Français ne participeront pas à l’élection du futur président des Etats-Unis. De toute façon la marge de manœuvre du nouvel élu, quel qu’il soit, sera particulièrement faible : la politique américaine restera largement déterminée par les intérêts de l’hyper classe mondiale et des grands lobbies. Or ce sont eux qui imposent aux Etats Unis une diplomatie et une politique qui contribuent au désordre mondial.
Explications :

Diplomatie : de l’équilibre des forces à l’unilatéralisme
Les périodes de paix ou, en tout cas, de conflits limités correspondent à l’application de règles simples : l’acceptation de l’équilibre des puissances, le respect des frontières des Etats et la non-ingérence des autres dans leurs affaires intérieures.
Ces règles sont sans doute imparfaites et moralement discutables mais elles ont assuré de longues périodes de paix : au XIXe siècle, dans la suite du Congrès de Vienne (qui n’avait pas cherché à « punir » la France révolutionnaire) ; dans la deuxième partie du XXe siècle où « l’équilibre de la terreur » entre grandes puissances nucléaires évita toute conflagration générale.
L’effondrement de l’Union soviétique puis de la Yougoslavie a conduit l’Occident, sous la direction unilatérale des Etats-Unis, à oublier les règles d’équilibre et de stabilité de l’ordre international :
– en multipliant des bases américaines aux frontières mêmes de la Russie ; – en projetant d’intégrer à l’OTAN des pays clairement dans l’orbite de la géopolitique russe, tels que la Géorgie ou l’Ukraine ;
– en annulant unilatéralement le traité ABM interdisant les défenses antimissiles et en relançant la course aux armements ;
– en construisant un bouclier antimissiles en Pologne visant notamment à permettre éventuellement la destruction de la Russie sans riposte possible de sa part ;
– enfin, en reconnaissant unilatéralement l’indépendance du Kosovo et le démembrement de la Serbie, contrairement aux résolutions de l’ONU.
Cette politique a conduit au raidissement russe et explique, à défaut de la justifier, la reconnaissance par Moscou de l’indépendance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud ; indépendances de confettis d’Etat, au demeurant, ni moins (ni plus) légitimes que celle du Kosovo.
Reste que la remise en cause des frontières reconnues en Europe mais aussi dans le reste du monde est une bombe à fragmentation qui peut déboucher sur la balkanisation de la planète ; balkanisation qui peut être recherchée par les tenants de l’affaiblissement des Etats au profit d’un empire mondial.

Politique économique : l’irresponsabilité financière américaine
Critiquer la Banque centrale européenne (BCE) est le pont aux ânes des hommes politiques français. Or cette institution financière a reçu pour mission dans le Traité de Maastricht (voté par les Français sur recommandations du RPR, de l’UDF et du PS), d’assurer la stabilité de l’euro et de lutter contre l’inflation. En limitant l’émission de monnaie, la BCE remplit son rôle et adopte une gestion de bon père de famille : la politique de la BCE n’a d’ailleurs créé aucun problème au monde.
Comme le note l’économiste libéral Florin Aftalion, dans « Les 4 vérités » (http://www.les4verites.com/archives/auteurs-Aftalion-Florin-85.html) : « La FED a, à 2%, un taux de base bien trop bas. Le crédit n'étant pas cher, les Américains empruntent beaucoup trop. (…) La BCE, de son côté, ne modifie pas non plus son taux de base, mais il serait plus sérieux, à 4,25%. »
Cette politique irresponsable de la Banque fédérale américaine a créé de la masse monétaire sans contrepartie réelle ; c’est elle qui est à l’origine de la crise immobilière et de l’inflation des matières premières (malgré le calme relatif revenu sur le marché du pétrole).
Cette politique a permis à la fois l’enrichissement de l’hyper classe mondiale et l’accès à la propriété de leur logement de nombreux membres insolvables des minorités ethniques.
Cette politique se solde aujourd’hui par des pertes dans le monde entier, un appauvrissement des classes moyennes et l’appel aux fonds des contribuables – pas seulement américains et anglais – pour recapitaliser des établissements financiers menacés de faillite.
Là aussi c’est l’hybris américaine – financière cette fois – qui est à l’origine de la crise mondiale.

Le leurre du changement

Reprenant un thème électoral éculé (mais toujours efficace), Barack Obama et John McCain promettent le changement. C’est évidemment un leurre car les forces sociologiques et politiques américaines qui ont intérêt au statu quo restent extrêmement puissantes :
– c’est le cas, notamment en politique étrangère, du lobby militaro-industriel, du lobby pétrolier et du lobby israélien qui a placé Joe Biden comme candidat vice-président d’Obama et Joe Lieberman comme candidat secrétaire d’Etat de McCain ;
– c’est le cas du lobby « antiraciste » et « antidiscrimination » qui pèsera de tout son poids pour maintenir les avantages de l’Etat providence et du crédit bon marché au profit des minorités ethniques, notamment noires et hispaniques ;
– plus généralement, c’est l’ensemble des Américains qui sont dépendants du reste du monde pour leur consommation (qui excède leur production) et leur accès aux matières premières énergétiques dont ils restent les plus demandeurs de la planète.
La politique américaine inflationniste de crédit bon marché a donc de beaux jours devant elle ; tout comme la diplomatie impériale des Etats-Unis ou leur politique militaire interventionniste.
Polémia
11/09/08

00:15 Publié dans Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : etats-unis, finance, géoéconomie, politique, diplomatie, banque, fmi | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

jeudi, 02 octobre 2008

Europäer sollen US-Wirtschaft retten

Europäer sollen US-Wirtschaft retten

Ex: http://www.deutsche-stimme.de

Das Ende der Investmentbanken in den USA ist eingeläutet: Die beiden verbliebenen Investmentbanken Goldman Sachs und Morgan Stanley wollen nun „normale“ Banken werden. Die amerikanische Notenbank hat in der Nacht zum Montag dem Begehren der beiden letzten der bis vor kurzen fünf großen Investmentbanken stattgegeben, zu Bank-Holdings zu werden. Das erleichtert es ihnen, durch die staatliche Federal Deposit Insurance Corporation versicherte Kundeneinlagen entgegenzunehmen. Bisher finanzierten sie sich hauptsächlich durch kurzfristige Mittelaufnahmen auf den Finanzmärkten, eine Geldquelle, die in den letzten Tagen zunehmend zu versiegen drohte. Die Vorteile dieser Statusänderung haben allerdings ihren Preis. Die beiden Finanzinstitute werden strengeren Eigenkapitalvorschriften unterliegen und außerdem einer erheblich strikteren regulatorischen Aufsicht unterstehen. Die Diskussion, wie Investmentbanken künftig zu beaufsichtigen sein werden, ist mit dieser Statusänderung praktisch über Nacht weitgehend gegenstandslos geworden.
Der Liberalkapitalismus und sein immer wieder gepriesenes Wirtschaftssystem pfeifen aus dem letzten Loch. Der amerikanische Staat greift nun mit Verstaatlichung von Banken und einem „Rettungsplan“ in Milliardenhöhe in den Markt ein. Mit dem weitreichendsten Eingriff in das Finanzsystem seit der großen Depression der 30iger Jahre versucht die US-amerikanische Regierung, den Zusammenbruch des Finanzmarktes zu stoppen.

Das Rettungspaket für die Wall Street wird täglich größer. Der Finanzminister der USA, Paulson, der zuvor als Chef der Investmentbank Goldman Sachs kräftig beim Spekulationsroulett mitgespielt hat, möchte nun gerne auch Europäer und Asiaten an den Kosten zur Rettung der US-Wirtschaft beteiligen. Erst hat die USA die Finanzkrise in die Welt exportiert, nun sollen europäische Steuerzahler den Schaden abfedern. Diese Forderungen sind eigentlich als schamlos zurückzuweisen.
Viele europäische Banken haben nämlich schon die fragwürdigen Kreditersatzpapiere gekauft und müssen nun den erheblichen Wertverlust tragen. Da sich aus Deutschland vor allem öffentlich-rechtliche Banken am Monopoly der Weltwirtschaft beteiligt haben, sind deutsche Steuerzahler nun ohnehin schon an den Kosten der Finanzkrise beteiligt. Das ist traurig genug und als Beitrag zur Finanzierung der Krise wirklich ausreichend.

Das amerikanische Schatzamt will nun aber „Rettungsanleihen“ im Wert von 700 Milliarden Dollar ausgeben. Diese Anleihen werden dann wohl wieder zu großen Teilen von Ausländern aufgekauft werden, die so schon seit Jahren den Lebensstil der Amerikaner auf Pump finanzieren. Deutschland wäre aber in Zeiten wie heute gut beraten, das Geld zusammenzuhalten und nicht wieder dem windigen „Großen Bruder“ in den Rachen zu schmeißen.

Die Weltwirtschaft ist nämlich durch die Krise in eine Rezession gestürzt, die die nächsten Jahre auch auf Deutschland durchschlagen wird. Die Steuerzahlungen der Unternehmen dürften auch in Deutschland in den Keller gehen, die Arbeitslosenzahlen hingegen wieder ansteigen. Angesichts dieser Aussichten ist es unverantwortlich, sich auf Kosten des deutschen Steuerzahlers als Retter der Wall Street aufzuspielen.

dimanche, 28 septembre 2008

Le temps des continents et la déstabilisation de la planète

Le temps des continents et la déstabilisation de la planète


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Mondialisation.ca, Le 17 septembre 2008
Eurasia Rivista di Studi Geopolitici no. 2

La réaffirmation de la Russie comme acteur mondial, avec la puissante croissance économique des deux colosses asiatiques, Chine et Inde, semble avoir définitivement marqué, dans le cadre des relations internationales, la fin de la saison unipolaire sous conduite étasunienne, et posé les conditions, minimales et suffisantes, pour la construction d’un ordre planétaire articulé sur d’avantage de pôles. Les entités géopolitiques qui caractérisent ce nouveau cycle ne seront pas, vraisemblablement, les nations ou les puissances régionales mais bien les grands espaces continentaux.

 

Un nouveau cycle géopolitique

 

Le nouvel ordre international qui s’est réalisé après le 11 septembre 2001 est dû surtout à  trois facteurs concomitants : le premier concerne la politique eurasiatique lancée à Moscou, immédiatement après la fin de la présidence Eltsine, à partir de 2000-2001 ; le second concerne le développement économique particulier de l’antique Empire du Milieu qui, intelligemment intégré par la direction chinoise dans le cadre d’une stratégie géopolitique de longue période, fera de Pékin non seulement un géant économique mais un des principaux protagonistes de la politique mondiale du 21ème siècle. Le troisième, enfin, est strictement connecté à l’action de pénétration militaire des Usa dans l’espace proche et moyen-oriental, que Washington accompagne, de façon synergique, d’une intense activité de pression  politique et économique dans certaines zones critiques  comme celle de l’Asie centrale.

 

Les facteurs rappelés ci-dessus ont mis en évidence certains éléments importants utiles pour l’analyse géopolitique des futurs scénarios mondiaux : la centralité de la Russie comme région pivot de l’Eurasie, l’importance de la Chine comme élément de stabilité dans la masse continentale eurasiatique et d’équilibre pour la planète entière ; les mêmes facteurs, en outre, ont  reproposé à l’échelle mondiale, les tensions permanentes entre d’une part les puissances thalassocratiques, représentées aujourd’hui par les USA, et d’autre part les puissances continentales, constituées principalement par la Russie et la Chine.

 

Pour la première fois depuis la dissolution de l’URSS, nous assistons au renforcement et à la mise au point d’importants dispositifs géopolitiques, comme par exemple l’Organisation de la Conférence de Shanghai et l’Organisation du Traité de Sécurité Collective des Pays de la Confédération des Etats Indépendants, qui rassemblent la Russie et les principaux pays du continent asiatique. De tels dispositifs sont significativement ouverts aussi au Pakistan, à la Turquie et à l’Iran mais excluent les puissances occidentales et les USA. Il faut y ajouter aussi  les tentatives et les aspirations sud-américaines relatives à la constitution d’un système de défense du sous-continent indio-latin, délivré de Washington.

 

L’œuvre patiente et continue de tissage de relations spéciales entre Russie, Inde, Chine, Iran et les pays d’Asie centrale, mise en oeuvre par Poutine, et diligemment poursuivie maintenant par Medvedev, a certainement ralenti l’expansionnisme étasunien au cœur de l’Asie ; elle a aussi irrité fortement ces lobbies européens et d’outre-atlantique qui espéraient, au début des années 90 du siècle dernier, à force de « vagues démocratiques », ou plutôt de « bourrades démocratique » (2) - comme on le verra plus tard avec les agressions et les « guerres humanitaires » de l’Occident américano-centrique contre la Fédération yougoslave, l’Afghanistan, l’Irak - l’unification de la planète sous l’égide de Washington, champion de l’Humanité et, avant tout, la réalisation d’un gouvernement mondial fondé sur des critères libéraux de l’économie de marché.

 

Sur l’échiquier mondial, la formation d’une sorte de bloc eurasiatique, qui en est pour le moment encore à un stade embryonnaire et, du reste, déséquilibré  vers la partie orientale de la masse continentale, à cause principalement de l’absence de l’Europe comme entité politique cohérente et de son insertion artificielle dans le camp « occidentaliste » ; cette formation a, en outre, et par effet de polarisation, indéniablement favorisé les tendances continentalistes de certains gouvernements d’Amérique du Sud (Argentine, Brésil, Venezuela et Bolivie), en mettant ainsi en valeur l’hypothèse, réaliste, d’un scénario multipolaire en cours de constitution, articulé sur des entités géopolitiques continentales (3).

 

Nouvelles et vieilles tensions

 

La crainte d’une jonction des intérêts  géopolitiques entre les grandes puissances eurasiatiques (Russie, Chine et Inde) et les tendances continentalistes de certains gouvernements sud-américains (4) ont éveillé, ces derniers temps, une attention ravivée du Département d’Etat des USA et de certains think tank atlantiques, chargés d’identifier  les zones  de crise et de définir des scénarios géopolitiques qui soient en syntonie avec les desiderata et les intérêts globaux de Washington et du Pentagone ; une attention vers ces régions de la masse continentale eurasiatique – et du sous-continent indio-latin – qui seraient plus exposées aux déchirures causées par des tensions endogènes historiques et encore irrésolues.

 

C’est donc dans la perspective d’opérations de malaise et de pression envers la Chine, la Russie et l’Inde et certains gouvernements latino-américains que, pensons-nous, l’on peut  interpréter avec efficience certaines situations critiques qui sont proposées, avec une particulière emphase, à l’attention de l’opinion publique occidentale, par les principaux organes d’information.

 

Nous faisons ici référence à ce qu’on désigne comme la question de la minorité du peuple Karen et de la « révolte » couleur safran (5) du Myanmar, aux questions du Tibet et de la minorité uigur  en République Populaire de Chine, à la déstabilisation du Pakistan (6), et au maintien d’une crise endémique dans la région afghane.

 

En instrumentalisant les tensions locales de certaines aires géostratégiques, les USA, avec leurs alliés occidentaux, ont lancé un processus de déstabilisation – de longue période -  de tout l’arc himalayen, véritable charnière continentale, qui va impliquer huit pays de l’espace eurasiatique (Népal, Pakistan, Afghanistan, Myanmar, Bangladesh, Tibet, Bhoutan et Inde).

 

Ce processus de déstabilisation se coordonne avec celui déjà ébauché par les USA dans la zone caucasienne, sur la base des indications exposées, il y a plus de dix ans, par Bzezinski dans son ouvrage « Le grand échiquier » (7) ;  ce processus semble en outre se conjuguer  au Projet du Nouveau Grand Moyen-Orient de Bush-Rice-Olmert, destiné à redéfinir les équilibres de toute la zone en faveur des Etats-Unis et de son principal allié régional, Israël, ainsi qu’à reconsidérer les frontières des principaux pays de la zone (Iran, Syrie, Irak et Turquie) le long de lignes confessionnelles et ethniques.

 

Parallèlement à ce processus de déstabilisation, déjà en cours dans l’arc himalayen, il semble, selon l’avis autorisé du professeur Luiz Alberto Moniz Bandeira (8), que les USA en aient lancé  un autre, analogue, dans leur ex-arrière cour, en Bolivie : précisément dans la « région  de la demi-lune » sur la base des tensions ethniques, sociales et politiques qui affectent toute la zone.

 

Dans le cadre des stratégies destinées à fragmenter les espaces continentaux en voie d’intégration, il vaut la peine de souligner le grand rôle qu’ont joué et jouent les Organisations Non Gouvernementales dites humanitaires. Selon Michel Chossudovsky, directeur du Centre pour la recherche sur la mondialisation (CRM-CRG), certaines d’entre elles seraient directement et indirectement reliées à la CIA, par l’intermédiaire de la National Endowment for Democracy, puissante organisation étasunienne créée en 1983, dans le but de renforcer les institutions démocratiques dans le monde au moyen d’actions non gouvernementales (9).

 

L’histoire du 21ème siècle sera donc, selon toutes probabilités, l’histoire de l’affrontement entre deux tendances opposées : celle de la fragmentation (10) de la planète, pour le moment voulue par les USA, et celle des intégrations continentales, souhaitée par les plus grandes puissances eurasiatiques et par certains gouvernements du sous-continent indio-latin.

 

 

EURASIA. RIVISTA DI STUDI GEOPOLITICI.  n. 2 – 2008

Editorial du numéro 2 Mai-août 2008


Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

 

 

1. Marco Bagozzi, Accordi Brasile-Venezuela: verso una alleanza militare sudamericana svincolata da Washington,

www.eurasia-rivista.org, 25 aprile 2008.

2. Samuel Huntington, La terza ondata. I processi di democratizzazione alla fine del XX secolo, Il Mulino, Bologna, 1995.

3. Richard Hass, président du Council on Foreign Office, l’influent think tank étasunien, est d’un autre avis : selon lui le 21ème siècle se dirigerait vers un système de non polarité, caractérisé par une ample diffusion de pouvoir étalé sur plusieurs objets (Etats, Puissances régionales, ONG, Corporations, Organisations internationales, etc.) plutôt que par une concentration sur quelques (rares) pôles. Richard Hass, The Age on Nonpolarity. What Will Follow U.S. Dominance, Foreign Affairs, vol. 87, n. 3, May/June 2008, pp. 44-56.

4. Raúl Zibechi, Il ritorno della Quarta Flotta: un messaggio di guerra, Cuba debate, 9 maggio 2008, in italiano:

www.eurasia-rivista.org, 17 maggio 2008.

5. Voir dans ce même numéro de Eurasia, 2/2008, F. William Engdahl, La posta geopolitica della “rivoluzione color zafferano.

6. Michel Chossudovsky, La destabilizzazione del Pakistan, www.eurasia-rivista.org, 7 gennaio 2008; Alessandro Lattanzio, Il grande gioco riparte da Islamabad, www.eurasia-rivista.org, 29 dicembre 2007; Giovanna Canzano, La morte cruenta della Bhutto, intervista a Tiberio Graziani, www.eurasia-rivista.org, 28 dicembre 2007.

7. Zbigniew Brzezinski, La Grande Scacchiera, Longanesi, Milano, 1998.

8. Luiz Alberto Moniz Bandeira, A Balcanização da Bolívia, Folha de S.Paulo, 15/07/2007. Traduction italienne sur www.eurasia-rivista.org, 25 ottobre 2007. Sur le même thème voir aussi l’interview de Luiz Alberto Moniz Bandeira, Bolivia, Cuba, la seguridad de Brasil, el petróleo y la realidad del dólar, sur :  www.laondadigital.com et en italien sur www.eurasia-rivista.org, 9 maggio 2008.

9. Michel Chossudovsky, Cina e America: l'Operazione psicologica dei diritti umani in Tibet, www.eurasia-rivista.org, 22 aprile 2008.

10. François Thual, Il mondo fatto a pezzi, Edizioni all’insegna del Veltro, Parma, 2008.


 Articles de Tiberio Graziani publiés par Mondialisation.ca

vendredi, 26 septembre 2008

Une affiche de la "Lega Nord"

Ils ont subi l'immigration, maintenant ils vivent dans des réserves ! 
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jeudi, 25 septembre 2008

La décision dans l'oeuvre de Carl Schmitt

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La décision dans l'œuvre de Carl Schmitt

 

par Robert Steuckers

 

Carl Schmitt est considéré comme le théoricien par excellence de la décision. L'objet de cet exposé est:

- de définir ce concept de décision, tel qu'il a été formulé par Carl Schmitt;

- de reconstituer la démarche qui a conduit Carl Schmitt à élaborer ce concept;

- de replacer cette démarche dans le contexte général de son époque.

 

Sa théorie de la décision apparaît dans son ouvrage de 1922, Politische Theologie. Ce livre part du prin­cipe que toute idée poli­tique, toute théorie politique, dérive de concepts théologiques qui se sont laïcisés au cours de la période de sécularisation qui a suivi la Renaissance, la Réforme, la Contre-Réforme, les guerres de reli­gion.

 

«Auctoritas non veritas facit legem»

 

A partir de Hobbes, auteur du Leviathan  au 17ième siècle, on neu­tralise les concepts théologiques et/ou religieux parce qu'ils condui­sent à des guerres civiles, qui plongent les royaumes dans un “état de nature” (une loi de la jungle) caractérisée par la guerre de tous contre tous, où l'homme est un loup pour l'homme. Hobbes ap­pelle “Léviathan” l'Etat où l'autorité souveraine édicte des lois pour pro­téger le peuple contre le chaos de la guerre civile. Par consé­quent, la source des lois est une autorité, incarnée dans une per­sonne physique, exactement selon l'adage «auctoritas non veritas facit le­gem»  (c'est l'autorité et non la vérité qui fait la loi). Ce qui revient à dire qu'il n'y a pas un principe, une norme, qui précède la déci­sion émanant de l'autorité. Telle est la démarche de Hobbes et de la philosophie politique du 17ième siècle. Carl Schmitt, jeune, s'est enthousiasmé pour cette vision des choses.

 

Dans une telle perspective, en cas de normalité, l'autorité peut ne pas jouer, mais en cas d'exception, elle doit décider d'agir, de sévir ou de légiférer. L'exception appelle la décision, au nom du principe «auctoritas non veritas facit legem».  Schmitt écrit à ce sujet: «Dans l'exception, la puissance de la vie réelle perce la croûte d'une mé­canique figée dans la répétition». Schmitt vise dans cette phrase si­gnificative, enthou­siaste autant que pertinente, les normes, les mé­caniques, les rigidités, les procédures routinières, que le républica­nisme bourgeois (celui de la IIIième République que dénonçait Sorel et celui de la République de Weimar que dénonçaient les te­nants de la “Révolution Conservatrice”) ou le ronron wilhelminien de 1890 à 1914, avaient généralisées.

 

Restaurer la dimension personnelle du pouvoir

 

L'idéologie républicaine ou bourgeoise a voulu dépersonnaliser les mécanismes de la politique. La norme a avancé, au détriment de l'incarnation du pouvoir. Schmitt veut donc restaurer la dimension personnelle du pouvoir, car seule cette dimension personnelle est susceptible de faire face rapidement à l'exception (Ausnahme, Ausnahmenzustand, Ernstfall, Grenzfall). Pourquoi? Parce que la décision est toujours plus rapide que la lente mécanique des procé­dures. Schmitt s'affirme ainsi un «monarchiste catholique», dont le discours est marqué par le vitalisme, le personnalisme et la théolo­gie. Il n'est pas un fasciste car, pour lui, l'Etat ne reste qu'un moyen et n'est pas une fin (il finira d'ailleurs par ne plus croire à l'Etat et par dire que celui-ci n'est plus en tous les cas le véhicule du poli­tique). Il n'est pas un nationaliste non plus car le concept de nation, à ses yeux et à cette époque, est trop proche de la notion de volonté générale chez Rousseau.

 

Si Schmitt critique les démocraties de son temps, c'est parce qu'elles:

- 1) placent la norme avant la vie;

- 2) imposent des procédures lentes;

- 3) retardent la résolution des problèmes par la discussion (reproche essentiellement adressé au parlementarisme);

- 4) tentent d'évacuer toute dimension personnelle du pouvoir, donc tout recours au concret, à la vie, etc. qui puisse tempérer et adapter la norme.

 

Mais la démocratie recourt parfois aux fortes personnalités: qu'on se souvienne de Clémenceau, applaudi par l'Action Française et la Chambre bleu-horizon en France, de Churchill en Angleterre, du pouvoir direc­torial dans le New Deal et du césarisme reproché à Roosevelt. Si Schmitt, plus tard, a envisagé le recours à la dictature, de forme ponctuelle (selon le modèle romain de Cincinnatus) ou de forme commissariale, c'est pour imaginer un dictateur qui suspend le droit (mais ne le supprime pas), parce qu'il veut incarner tempo­rairement le droit, tant que le droit est ébranlé par une catastrophe ou une guerre civile, pour assu­rer un retour aussi rapide que pos­sible de ce droit. Le dictateur ou le collège des commissaires se pla­cent momentanément  —le temps que dure la situation d'exception—  au-dessus du droit car l'existence du droit implique l'existence de l'Etat, qui garantit le fonctionnement du droit. La dictature selon Schmitt, comme la dictature selon les fas­cistes, est un scandale pour les libéraux parce que le décideur (en l'occurrence le dictateur) est indépendant vis-à-vis de la norme, de l'idéologie dominante, dont on ne pour­rait jamais s'écarter, disent-ils. Schmitt rétorque que le libéralisme-normativisme est néanmoins coercitif, voire plus coer­citif que la coercition exercée par une personne mortelle, car il ne tolère justement aucune forme d'indépendance personnalisée à l'égard de la norme, du discours conventionnel, de l'idéologie éta­blie, etc., qui seraient des principes immortels, impas­sables, appelés à régner en dépit des vicissitudes du réel.

 

La décision du juge

 

Pour justifier son personnalisme, Schmitt raisonne au départ d'un exemple très concret dans la pratique juridique quotidienne: la dé­cision du juge. Le juge, avant de prononcer son verdict est face à une dualité, avec, d'une part, le droit (en tant que texte ou tradi­tion) et, d'autre part, la réalité vitale, existentielle, soit le contexte. Le juge est le pont entre la norme (idéelle) et le cas concret. Dans un petit livre, Gesetz und Urteil  (= La loi et le jugement), Carl Schmitt dit que l'activité du juge, c'est, essentiellement, de rendre le droit, la norme, réel(le), de l'incarner dans les faits. La pratique quotidienne des palais de justice, pratique inévitable, incontour­nable, contredit l'idéal libéral-normativiste qui rêve que le droit, la norme, s'incarneront tous seuls, sans intermédiaire de chair et de sang. En imaginant, dans l'absolu, que l'on puisse faire l'économie de la personne du juge, on introduit une fiction dans le fonctionnement de la justice, fiction qui croit que sans la subjectivité inévitable du juge, on obtiendra un meilleur droit, plus juste, plus objectif, plus sûr. Mais c'est là une impossibilité pratique. Ce raisonnement, Carl Schmitt le transpose dans la sphère du politique, opérant par là, il faut l'avouer, un raccourci assez audacieux.

 

La réalisation, la concrétisation, l'incarnation du droit n'est pas au­tomatique; elle passe par un Vermittler  (un intermédiaire, un in­tercesseur) de chair et de sang, consciemment ou inconsciemment animé par des valeurs ou des sentiments. La légalité passe donc par un charisme inhérent à la fonction de juge. Le juge pose sa décision seul mais il faut qu'elle soit acceptable par ses collègues, ses pairs. Parce qu'il y a iné­vitablement une césure entre la norme et le cas concret, il faut l'intercession d'une personne qui soit une autorité. La loi/la norme ne peut pas s'incarner toute seule.

 

Quis judicabit?

 

Cette impossibilité constitue une difficulté dans le contexte de l'Etat libéral, de l'Etat de droit: ce type d'Etat veut garantir un droit sûr et objectif, abolir la domination de l'homme par l'homme (dans le sens où le juge domine le “jugé”). Le droit se révèle dans la loi qui, elle, se révèle, dans la personne du juge, dit Carl Schmitt pour contredire l'idéalisme pur et désincarné des libéraux. La question qu'adresse Carl Schmitt aux libéraux est alors la suivante, et elle est très simple: Quis judicabit?  Qui juge? Qui décide? Réponse: une personne, une autorité. Cette question et cette réponse, très simples, consti­tuent le démenti le plus flagrant à cette indécrottable espoir libé­ralo-progressisto-normativiste de voir advenir un droit, une norme, une loi, une constitution, dans le réel, par la seule force de sa qua­lité juridique, philosophique, idéelle, etc. Carl Schmitt reconstitue la dimension personnelle du droit (puis de la politique) sur base de sa réflexion sur la décision du juge.

 

Dès lors, la-raison-qui-advient-et-s'accomplit-d'elle-même-et-par-la-seule-vertu-de-son-excellence-dans-le-monde-imparfait-de-la-chair-et-des-faits n'est plus, dans la pensée juridique et politique de Carl Schmitt, le moteur de l'histoire. Ce moteur n'est plus une abstraction mais une personnalité de chair, de sang et de volonté.

 

La légalité: une «cage d'acier»

 

Contemporain de Carl Schmitt, Max Weber, qui est un libéral scep­tique, ne croit plus en la bonne fin du mythe rationaliste. Le sys­tème rationaliste est devenu un système fermé, qu'il appelait une «cage d'acier». En 1922, Rudolf Kayser écrit un livre intitulé Zeit ohne Mythos  (= Une époque sans mythe). Il n'y a plus de mythe, écrit-il, et l'arcanum  de la modernité, c'est désormais la légalité. La légalité, sèche et froide, indifférente aux valeurs, remplace le mythe. Carl Schmitt, qui a lu et Weber et Kayser, opère un rappro­chement entre la «cage d'acier» et la «légalité» d'où, en vertu de ce rapprochement, la décision est morale aux yeux de Schmitt, puisqu'elle permet d'échapper à la «cage d'acier» de la «légalité».

 

Dans les contextes successifs de la longue vie de Carl Schmitt (1888-1985), le décideur a pris trois vi­sages:

1) L'accélarateur (der Beschleuniger);

2) Le mainteneur (der Aufhalter, der Katechon);

3) Le normalisateur (der Normalisierer).

 

Le normalisateur, figure négative chez Carl Schmitt, est celui qui défend la normalité (que l'on peut mettre en parallèle avec la lé­galité des années 20), normalité qui prend la place de Dieu dans l'imaginaire de nos contemporains. En 1970, Carl Schmitt déclare dans un interview qui restera longtemps impublié: «Le monde en­tier semble devenir un artifice, que l'homme s'est fabriqué pour lui-même. Nous ne vivons plus à l'Age du fer, ni bien sûr à l'Age d'or ou d'argent, mais à l'Age du plastique, de la matière artifi­cielle».

 

1. La phase de l'accélérateur (Beschleuniger):

 

La tâche politique de l'accélérateur est d'accroître les potentialités techniques de l'Etat ou de la nation dans les domaines des arme­ments, des communications, de l'information, des mass-media, parce tout accroissement en ces domaines accroît la puissance de l'Etat ou du «grand espace» (Großraum), dominé par une puissance hégémonique. C'est précisément en réfléchissant à l'extension spa­tiale qu'exige l'accélération continue des dynamiques à l'œuvre dans la société allemande des premières décennies de ce siècle que Carl Schmitt a progressivement abandonné la pensée étatique, la pensée en termes d'Etat, pour accéder à une pensée en termes de grands espaces. L'Etat national, de type européen, dont la po­pula­tion oscille entre 3 et 80 millions d'habitants, lui est vite apparu in­suffisant pour faire face à des co­losses démographiques et spatiaux comme les Etats-Unis ou l'URSS. La dimension étatique, réduite, spatialement circonscrite, était condamnée à la domination des plus grands, des plus vastes, donc à perdre toute forme de souveraineté et à sortir de ce fait de la sphère du politique.

 

Les motivations de l'accélérateur sont d'ordres économique et tech­nologique. Elles sont futuristes dans leur projectualité. L'ingénieur joue un rôle primordial dans cette vision, et nous retrouvons là les accents d'une certaine composante de la “révolution conservatrice” de l'époque de la République de Weimar, bien mise en exergue par l'historien des idées Jeffrey Herf (nous avons consulté l'édition italienne de son livre, Il mo­dernismo reazionario. Tecnologia, cultura e politica nella Germania di Weimar e del Terzo Reich, Il Mulino, Bologne, 1988). Herf, observateur critique de cette “révolution conservatrice” weimarienne, évoque un “modernisme réactionnaire”, fourre-tout conceptuel complexe, dans lequel on retrouve pêle-mêle, la vi­sion spenglerienne de l'histoire, le réalisme magique d'Ernst Jünger, la sociologie de Werner Sombart et l'“idéologie des ingénieurs” qui nous intéresse tout particulièrement ici.

 

Ex cursus: l'idéalisme techniciste allemand

 

Cette idéologie moderniste, techniciste, que l'on comparera sans doute utilement aux futurismes italien, russe et portugais, prend son élan, nous explique Herf, au départ des visions technocratiques de Walter Rathenau, de certains éléments de l'école du Bauhaus, dans les idées plus anciennes d'Ulrich Wendt, au­teur en 1906 de Die Technik als Kulturmacht (= La technique comme puissance cultu­relle). Pour Wendt, la technique n'est pas une manifestation de matérialisme comme le croient les marxistes, mais, au con­traire, une manifestation de spiritualité audacieuse qui diffusait l'Esprit (celui de la tradition idéaliste alle­mande) au sein du peuple. Max Eyth, en 1904, avait déclaré dans Lebendige Kräfte  (= Forces vi­vantes) que la technique était avant toute chose une force culturelle qui asservissait la matière plutôt qu'elle ne la servait. Eduard Mayer, en 1906, dans Technik und Kultur,  voit dans la technique une expression de la personnalité de l'ingénieur ou de l'inventeur et non le résultat d'intérêts commerciaux. La technique est dès lors un «instinct de transformation», propre à l'essence de l'homme, une «impulsion créatrice» visant la maîtrise du chaos naturel. En 1912, Julius Schenk, professeur à la Technische Hochschule de Munich, opère une distinction entre l'«économie commerciale», orientée vers le profit, et l'«économie productive», orientée vers l'ingénierie et le travail créateur, indépendamment de toute logique du profit. Il re­valorise la «valeur culturelle de la construction». Ces écrits d'avant 1914 seront exploités, amplifiés et complétés par Manfred Schröter dans les années 30, qui sanctionne ainsi, par ses livres et ses essais, un futurisme allemand, plus discret que son homologue italien, mais plus étayé sur le plan philosophique. Ses col­lègues et disciples Friedrich Dessauer, Carl Weihe, Eberhard Zschimmer, Viktor Engelhardt, Heinrich Hardenstett, Marvin Holzer, poursuivront ses travaux ou l'inspireront. Ce futurisme des ingénieurs, poly­techni­ciens et philosophes de la technique est à rapprocher de la sociolo­gie moderniste et “révolutionnaire-conservatrice” de Hans Freyer, correspondant occasionnel de Carl Schmitt.

 

Cet ex-cursus bref et fort incomplet dans le “futurisme” allemand nous permet de comprendre l'option schmittienne en faveur de l'«accélérateur» dans le contexte de l'époque. L'«accélérateur» est donc ce technicien qui crée pour le plaisir de créer et non pour amasser de l'argent, qui accumule de la puissance pour le seul profit du politique et non d'intérêts privés. De Rathenau à Albert Speer, en passant par les in­génieurs de l'industrie aéronautique al­lemande et le centre de recherches de Peenemünde où œuvrait Werner von Braun, les «accélérateurs» allemands, qu'ils soient dé­mocrates, libéraux, socialistes ou na­tionaux-socialistes, ont visé une extension de leur puissance, considérée par leurs philosophes comme «idéaliste», à l'ensemble du continent européen. A leur yeux, comme la technique était une puissance gratuite, produit d'un génie naturel et spontané, appelé à se manifester sans entraves, les maîtres poli­tiques de la technique devaient dominer le monde contre les maîtres de l'argent ou les figures des anciens régimes pré-techniques. La technique était une émanation du peuple, au même titre que la poésie. Ce rêve techno-futuriste s'effondre bien entendu en 1945, quand le grand espace européen virtuel, rêvé en France par Drieu, croule en même temps que l'Allemagne hitlé­rienne. Comme tous ses compatriotes, Carl Schmitt tombe de haut. Le fait cruel de la défaite militaire le contraint à modifier son op­tique.

 

2. La phase du Katechon:

 

Carl Schmitt après 1945 n'est plus fasciné par la dynamique indus­trielle-technique. Il se rend compte qu'elle conduit à une horreur qui est la «dé-localisation totale», le «déracinement planétaire». Le juriste Carl Schmitt se souvient alors des leçons de Savigny et de Bachofen, pour qui il n'y avait pas de droit sans ancrage dans un sol. L'horreur moderne, dans cette perspective généalogique du droit, c'est l'abolition de tous les loci, les lieux, les enracinements, les im-brications (die Ortungen). Ces dé-localisa­tions, ces Ent-Ortungen, sont dues aux accélarations favorisées par les régimes du 20ième siècle, quelle que soit par ailleurs l'idéologie dont ils se ré­clamaient. Au lendemain de la dernière guerre, Carl Schmitt estime donc qu'il est nécessaire d'opérer un retour aux «ordres élémen­taires de nos existences ter­restres». Après le pathos de l'accélération, partagé avec les futuristes italiens, Carl Schmitt déve­loppe, par réaction, un pathos du tellurique.

 

Dans un tel contexte, de retour au tellurique, la figure du décideur n'est plus l'accélérateur mais le kate­chon, le “mainteneur” qui «va contenir les accélérateurs volontaires ou involontaires qui sont en marche vers une fonctionalisation sans répit». Le katechon est le dernier pilier d'une société en perdition; il arrête le chaos, en main­tient les vecteurs la tête sous l'eau. Mais cette figure du katechon n'est pourtant pas entièrement nouvelle chez Schmitt: on en perçoit les prémices dans sa valorisation du rôle du Reichspräsident  dans la Constitution de Weimar, Reichspräsident qui est le «gardien de la Constitution» (Hüter der Verfassung), ou même celle du Führer  Hitler qui, après avoir ordonné la «nuit des longs cou­teaux» pour éliminer l'aile révolutionnaire et effervescente de son mouvement, apparaît, aux yeux de Schmitt et de bon nombre de conservateurs allemands, comme le «protecteur du droit» contre les forces du chaos révolutionnaire (der Führer schützt das Recht). En effet, selon la logique de Hobbes, que Schmitt a très souvent faite sienne, Röhm et les SA veulent concrétiser par une «seconde révolution» un ab­solu idéologique, quasi religieux, qui conduira à la guerre civile, horreur absolue. Hitler, dans cette lo­gique, agit en “mainteneur”, en “protecteur du droit”, dans le sens où le droit cesse d'exister dans ce nou­vel état de nature qu'est la guerre civile.

 

Terre, droit et lieu - Tellus, ius et locus

 

Mais par son retour au tellurique, au lendemain de la défaite du Reich hitlérien, Schmitt retourne au conser­vatisme implicite qu'il avait tiré de la philosophie de Hobbes; il abandonne l'idée de «mobilisation totale» qu'il avait un moment partagée avec Ernst Jünger. En 1947, il écrit dans son Glossarium, recueil de ses ré­flexions philosophiques et de ses fragments épars: «La totalité de la mobilisation consiste en ceci: le moteur immobile de la philosophie aristotélicienne est lui aussi entré en mouvement et s'est mobilisé. A ce moment-là, l'ancienne distinction entre la contemplation (immobile) et l'activité (mobile) cesse d'être perti­nente; l'observateur aussi se met à bouger [...]. Alors nous devenons tous des observateurs activistes et des activistes observants. [...] C'est alors que devient pertinente la maxime: celui qui n'est pas en route, n'apprend, n'expérimente rien».

 

Cette frénésie, cette mobilité incessante, que les peintres futuristes avaient si bien su croquer sur leurs toiles exaltant la dynamique et la cinétique, nuit à la Terre et au Droit, dit le Carl Schmitt d'après-guerre, car le Droit est lié à la Terre (Das Recht ist erdhaft und auf die Erde bezogen). Le Droit n'existe que parce qu'il y a la Terre. Il n'y a pas de droit sans espace habitable. La Mer, elle, ne connaît pas cette unité de l'espace et du droit, d'ordre et de lieu (Ordnung und Ortung).  Elle échappe à toute tentative de codifica­tion. Elle est a-so­ciale ou, plus exactement, “an-œkuménique”, pour reprendre le lan­gage des géopolito­logues, notamment celui de Friedrich Ratzel.

 

Mer, flux et logbooks

 

La logique de la Mer, constate Carl Schmitt, qui est une logique an­glo-saxonne, transforme tout en flux délocalisés: les flux d'argent, de marchandises ou de désirs (véhiculés par l'audio-visuel). Ces flux, dé­plore toujours Carl Schmitt, recouvrent les «machines impé­riales». Il n'y a plus de “Terre”: nous naviguons et nos livres, ceux que nous écrivons, ne sont plus que des “livres de bord” (Logbooks, Logbücher).  Le jeune philosophe allemand Friedrich Balke a eu l'heureuse idée de comparer les réflexions de Carl Schmitt à celles de Gilles Deleuze et Félix Guattari, consignées notamment dans leurs deux volumes fondateurs: L'Anti-Oedipe  et Mille Plateaux.  Balke constate d'évidents parallèles entre les réflexions de l'un et des autres: Deleuze et Guattari, en évoquant ces flux modernes, surtout ceux d'après 1945 et de l'américanisation des mœurs, parlent d'une «effusion d'anti-production dans la production», c'est-à-dire de stabilité coagulante dans les flux multiples voire désordonnés qui agitent le monde. Pour notre Carl Schmitt d'après 1945, l'«anti-pro­duction», c'est-à-dire le principe de stabilité et d'ordre, c'est le «concept du politique».

 

Mais, dans l'effervescence des flux de l'industrialisme ou de la «production» deleuzo-guattarienne, l'Etat a cédé le pas à la société; nous vivons sous une imbrication délétère de l'Etat et de l'économie et nous n'inscrivons plus de “télos” à l'horizon. Il est donc difficile, dans un tel contexte, de manier le «concept du politique», de l'incarner de façon durable dans le réel. Difficulté qui rend impos­sible un retour à l'Etat pur, au politique pur, du moins tel qu'on le concevait à l'ère étatique, ère qui s'est étendue de Hobbes à l'effondrement du III°Reich, voire à l'échec du gaullisme.

 

Dé-territorialisations et re-territorialisations

 

Deleuze et Guattari constatent, eux aussi, que tout retour durable du politique, toute restauration impa­vide de l'Etat, à la manière du Léviathan de Hobbes ou de l'Etat autarcique fermé de Fichte, est désormais impossible, quand tout est «mer», «flux» ou «production». Et si Schmitt dit que nous naviguons, que nous consi­gnons nos impressions dans des Logbooks, il pourrait s'abandonner au pessimisme du réaction­naire vaincu. Deleuze et Guattari accep­tent le principe de la navigation, mais l'interprètent sans pessi­misme ni optimisme, comme un éventail de jeux complexes de dé-territorialisations (Ent-Ortungen)  et de re-territorialisations (Rück-Ortungen).  Ce que le praticien de la politique traduira sans doute par le mot d'ordre suivant: «Il faut re-territorialiser partout où il est possible de re-territorialiser». Mot d'ordre que je serais person­nellement tenté de suivre... Mais, en dépit de la tristesse ressentie par Schmitt, l'Etat n'est plus la seule forme de re-territorialisation possible. Il y a mille et une possibilités de micro-re-territorialisa­tions, mille et une possibilités d'injecter de l'anti-production dans le flux ininterrompu et ininterrompable de la «production». Gianfranco Miglio, disciple et ami de Schmitt, éminence grise de la Lega Nord d'Umberto Bossi en Lombardie, parle d'espaces potentiels de territorialisation plus réduits, comme la région (ou la commu­nauté autonome des constitutionalistes espagnols), où une concen­tration localisée et circonscrite de politisation, peut tenir partielle­ment en échec des flux trop audacieux, ou guerroyer, à la mode du par­tisan, contre cette domination tyrannique de la «production». Pour étendre leur espace politique, les ré­gions (ou communautés autonomes) peuvent s'unir en confédérations plus ou moins lâches de régions (ou de communautés autonomes), comme dans les initia­tives Alpe-Adria, regroupant plusieurs subdivi­sions étatiques dans les régions alpines et adriatiques, au-delà des Etats résiduaires qui ne sont plus que des relais pour les «flux» et n'incarnent de ce fait plus le politique, au sens où l'entendait Schmitt.

 

L'illusion du «prêt-à-territorialiser»

 

Mais les ersätze de l'Etat, quels qu'ils soient, recèlent un danger, qu'ont clairement perçu Deleuze et Guattari: les sociétés modernes économi­sées, nous avertissent-ils, offrent à la consommation de leurs ci­toyens tous les types de territorialités résiduelles ou artificielles, imaginaires ou symboliques, ou elles les restaurent, afin de coder et d'oblitérer à nouveau les personnes détournées provisoirement des “quantités abs­traites”. Le système de la production aurait donc trouvé la parade en re-territorialisant sur mesure, et provisoire­ment, ceux dont la production, toujours provisoirement, n'aurait plus besoin. Il y a donc en per­manence le danger d'un «prêt-à-territorialiser» illusoire, dérivatif. Si cette éventualité apparaît nettement chez Deleuze-Guattari, si elle est explicitée avec un voca­bulaire inhabituel et parfois surprenant, qui éveille toutefois tou­jours notre attention, elle était déjà consciente et présente chez Schmitt: celui-ci, en effet, avait perçu cette déviance potentielle, évidente dans un phénomène comme le New Age  par exemple. Dans son livre Politische Romantik (1919), il écrivait: «Aucune époque ne peut vivre sans forme, même si elle semble complètement marquée par l'économie. Et si elle ne parvient pas à trouver sa propre forme, elle recourt à mille expédients issus des formes véritables nées en d'autres temps ou chez d'autres peuples, mais pour rejeter immé­diatement ces expédients comme inauthentiques». Bref, des re-territorialisations à la carte, à jeter après, comme des kleenex... Par facilité, Schmitt veux, personnelle­ment, la restauration de la “forme catholique”, en bon héritier et disciple du contre-révolutionnaire espa­gnol Donoso Cortés.

 

3. La phase du normalisateur:

 

La fluidité de la société industrielle actuelle, dont se plaignait Schmitt, est devenue une normalité, qui en­tend conserver ce jeu de dé-normalisation et de re-normalisation en dehors du principe po­litique et de toute dynamique de territorialisation. Le normalisa­teur, troisième figure du décideur chez Schmitt, est celui qui doit empêcher la crise qui conduirait à un retour du politique, à une re-territorialisation de trop longue durée ou définitive. Le normalisa­teur est donc celui qui prévoit et prévient la crise. Vision qui cor­respond peu ou prou à celle du sociologue Niklas Luhmann qui ex­plique qu'est souverain, aujourd'hui, celui qui est en mesure, non plus de décréter l'état d'exception, mais, au contraire, d'empêcher que ne survienne l'état d'exception! Le normalisateur gèle les pro­cessus politiques (d'«anti-production») pour laisser libre cours aux processus économiques (de «production»); il censure les discours qui pourraient conduire à une revalorisation du politique, à la res­tauration des «machines impériales». Une telle œuvre de rigidifica­tion et de censure est le propre de la political correctness, qui structure le «Nouvel Ordre Mondial» (NOM). Nous vivons au sein d'un tel ordre, où s'instaure une quantité d'inversions sémantiques: le NOM est statique, comme l'Etat de Hobbes avait voulu être sta­tique contre le déchaînement des pas­sions dans la guerre civile; mais le retour du politique, espéré par Schmitt, bouleverse des flux divers et multiples, dont la quantité est telle qu'elle ne permet au­cune intervention globale ou, pire, absorbe toute intervention et la neutralise. Paradoxalement le partisan de l'Etat, ou de toute autre instance de re-territorialisation, donc d'une forme ou d'une autre de stabilisation, est au­jourd'hui un “ébranleur” de flux, un déstabilisa­teur malgré lui, un déstabilisateur insconscient, surveillé et neutralisé par le normalisateur. Un cercle vicieux à briser? Sommes-nous là pour ça?

 

Robert Steuckers.

jeudi, 11 septembre 2008

G. Galli: la politique et les mages

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Robert STEUCKERS:

 

 

Giorgio Galli: la politique et les mages

 

Giorgio Galli est un politologue réputé en Italie: on lui doit une Storia del partito armato (1986), une Storia dei partiti politici europei (1990) et un ouvrage sur les partis politiques italiens (I partiti politici italiani, 1991). Depuis deux ou trois ans, le Prof. Galli s'est intéressé à un aspect de la politique que la corporation des politologues universitaires a ignoré délibérément: l'influence des doctrines ésotériques et des “mages” sur l'action des grands hommes politiques. En effet, depuis la nuit des temps, ésotérismes et mages influencent considérablement les grands décideurs et les mobiles de leur action. Depuis que le monde est monde, le simple observateur désengagé constate des phénomènes politiques inquiétants qu'il cherche sans cesse à refouler, à oublier, à nier, ou à exhiber par tous les moyens pour dénoncer ce qu'il rejette ou pour alarmer ses semblables: ces phénomènes sont les rapports (toujours ambigus) entre la politique et la “magie”. Dans l'antiquité on considérait effectivement que ceux qui détenaient le pouvoir étaient des hommes doués de facultés extraordinaires, s'appuyant sur les conseils d'un mage, qu'ils possédaient à leur service et dont ils exploitaient les pouvoirs. Les historiens grecs et romains racontent comment les chefs de guerre célèbres du monde antique s'adonnaient avant la bataille aux “sciences” de la divination.

 

Avec l'avènement du christianisme, les mages semblent disparaître de la scène politique: on les accuse de sorcellerie et de commerce avec le diable. L'Age des Lumières prend ensuite le relais du christianisme et décrète unilatéralement que les “sciences” des mages sont de pures superstitions primitives. Pourtant en dépit de ces discours pieux ou rationalistes, les siècles de logique n'ont pas réussi à évacuer totale­ment les rapports effectifs entre la politique et la magie. Ceux qui détiennent le pouvoir y font encore ap­pel pour se maintenir en selle, pour augmenter leur puissance, pour vaincre leurs ennemis ou pour se donner plus simplement l'illusion de le faire. En dépit des discours rationnels, scientifiques ou logiques, les dirigeants de ce monde font encore appel à des pratiques remontant à la plus haute antiquité, trahis­sant l'immortalité de l'âme primitive qui reste tapie au fond de tout homme. Il y a tout lieu de croire que l'avenir ne sera pas différent.

 

Donnons un exemple: Adolf Hitler, dans les derniers jours de sa vie, au fond du bunker de Berlin, était certes obsédé par l'arrivée imminente des chars soviétiques, mais il l'était encore plus par une légende ancienne et obscure: celle de l'“amandier en fleurs”, qui annonçait la mort en 1945 du “lion gammé”. Dans son nouveau livre, Giorgio Galli rassemble les données étonnantes qu'il a collationnées au cours de nom­breuses années de travail. Galli est désormais un politologue attentif au thème de l'ésotérisme: il repère ses traces dans toute l'histoire politique européenne, depuis Richelieu jusqu'à Reagan. Même les person­nages qui nous apparaissent comme les plus rationnels dans l'histoire et dans la pensée politiques euro­péennes sont au nombre de ceux qui ont eu recours à des pratiques irrationnelles, magiques. Hobbes (avec les “corps invisibles”), Blanqui, Antonin Artaud, Staline, Reagan, Ceaucescu, Dante, Mussolini, Gorbatchev, Peron (avec Lopez Rega), Max Weber, Churchill (avec l'influence de Mackenzie King), Dracula: les dimensions ésotériques de leur pensée ou de leur action sont passées au crible d'une ana­lyse rigoureuse et méticuleuse. La politique européenne semble avoir évolué entre le paranormal et l'occultisme, entre l'alchimie et la magie.

 

Dans son introduction, Galli rappelle que Galilée et Kepler s'intéressaient à l'astrologie et Newton à l'alchimie et que ces intérêts sont à l'origine de leur astronomie ou de leur physique rationnelle et scienti­fique. Officiellement, il semble que l'astrologue de la Cour de Charles 1 Stuart, William Lilly, soit le dernier de sa corporation et ait clos l'ère des astrologues de cour, donc des rapports officiels et acceptés entre politique et ésotérisme. Ce ne fut pourtant pas le cas car l'ésotérisme est revenu, sporadiquement, en coulisses, officieusement, mais sans discontinuité: pendant la Révolution française, dans l'Angleterre victorienne, dans la Roumanie de Codreanu, au Portugal de Pessoa (l'“occultisme ethno-lusitanien”), aux Etats-Unis comme en Argentine, dans l'Italie fasciste, dans la Russie bolchevique.

 

Satanisme marxien et cosmisme russo-soviétique

 

La présence de la Russie bolchevique étonne, car, officiellement, elle représente la récapitulation com­plète et totale d'une modernité sans plus aucun arrière-monde ni au-delà, la manifestation d'un pouvoir politique éminemment matérialiste et rationaliste. Pour Galli, il est possible de parler de “bolchevisme ma­gique”: Karl Marx lui-même, d'après un témoignage maladroit de sa domestique, aurait pratiqué des rituels magiques avant de mourir à Londres. D'autres évoquent le possible “satanisme” de Marx. Parmi eux, Jacques Derrida, qui a procédé à une lecture décryptante des textes et manifeste de l'auteur du Capital. Quoi qu'il en soit, Galli pense qu'une veine d'ésotérisme, difficilement discernable, traverse l'œuvre de Marx. Après lui, Lénine forge une vulgate marxiste, en apparence exempte d'ésotérisme, mais que d'autres communistes russes grefferont sur les filons autochtones de l'ésotérisme russe. Staline aurait-il été fidèle au “satanisme” de Marx, en signant ses premiers écrits des pseudonymes de “Demonochvili” (= émule du Diable) et de “Besochvili” (= Le démoniaque)?

 

Galli pense que les traditions ésotériques russes n'ont pas été interrompues ni éliminées avec la victoire des Bolcheviques. Pour Alexandre Douguine, que cite Galli à la suite de la publication par la revue Orion de son étude sur le “cosmisme” russe, un véritable complot idéologique, sur base ésotérique, a traversé toute l'histoire de l'Union Soviétique: «Par complot idéologique, j'entends l'accord entre certains person­nages et certains groupes portant en avant une idéologie différente et particulière par rapport au mode de pensée généralisé d'une société donnée. Cet accord propose d'imposer un changement radical visant à transformer les rapports idéologiques stabilisés pour instaurer de nouvelles valeurs brusquement et traumatiquement». Douguine, traditionaliste et traducteur de Guénon et d'Evola, estime que le cosmisme, qui a été l'idéologie réelle de l'URSS  —et non pas le communisme comme avatar du rationalisme et du ma­térialisme ouest-européen—,  présentait des aspects positifs (quand il agissait en tant que national-communisme) et des aspects négatifs (quand il agissait pour le compte de l'idéologie mondia­liste/cosmopolite). Le premier doctrinaire du cosmisme russe est Fiedorov, qui prétendait avoir reçu une “illumination” en 1851, lui ayant permis d'écrire son ouvrage majeur et prophétique: La philosophie de la Cause Commune. Fiedorov y présente son projet: favoriser l'avènement de l'«Homme Nouveau Théurgique», à travers des processus scientifiques et psychiques. Au bout du compte, nous aurions eu comme telos  des efforts révolutionnaires: la «Nouvelle Humanité Unifiée Théurgique».

 

Bogdanov et «L'Etoile rouge»

 

Parmi les doctrinaires communistes officiels qui ont répété quasi exactement ce discours de Fiedorov, il y avait Bogdanov, explique Douguine, dont le communisme était effectivement utopique, théurgique et ma­gique. Satan y était présenté comme le “dieu du prolétariat”. Bogdanov écrivait aussi des romans fantasti­ques et futuristes. L'un de ces romans s'intitulait L'Etoile rouge et parlait de la réalisation d'un communis­me pur sur la planète Mars, ce qui, en termes gnostiques et cabbalistiques, signifie Sémélé, figure asso­ciée à Satan. Mieux: Bogdanov a fondé l'Institut de Transfusion du Sang, espérant par des transfusions ré­pétées régé­nérer l'humanité. Cette pratique causera sa propre mort, mais elle est symptomatique des cultes habituel­lement désignés comme “satanistes”.

 

Pour le journaliste contemporain russe lié au FSN, Alexandre Prokhanov, la symbolique égyptienne du mausolée de Lénine, avec sa pyramide tronquée, indique la présence d'un ésotérisme derrière l'édifice rationnel du communisme. Douguine, puis Galli, citent l'interprétation de Prokhanov: «Cet édifice a une signification très particulière, de type mystique. Le bolchevisme des origines était profondément impré­gné de l'idée de la résurrection des morts, de la disparition du processus de putréfaction, de la transfor­mation des chairs mortes en une vie nouvelle». Autre pratique abondant dans ce sens: la conservation du cerveau de Lénine et l'étude de son tissu cellulaire.

 

Quant à Andréï Platonov, autre personnage du communisme officiel que Douguine classe parmi les “cosmistes”, il voulait faire sauter les montagnes du Pamir, de façon à ce que les vents du Sud puissent souffler sur les plaines d'Asie centrale jusqu'aux toundras des bords de l'Arctique afin de les fertiliser. Platonov a passé des années à calculer la quantité de dynamite nécessaire. Mais, à part cela, son œuvre littéraire est très belle, messianique et fantastique, passionante pour les amateurs de science-fiction. Plus tard, toute l'épopée spatiale soviétique porte la trace du cosmisme issu de la pensée “illuminée” de Fiedorov. Les années 60 ont renoué peu ou prou avec l'eschatologie cosmisto-bolchevique des origines: on voit réapparaître les recherches de parapsychologie, de radiesthésie, d'hypnotisme. Gorbatchev, se­lon Douguine, aurait voulu continuer ce néo-cosmisme, dans le sens où le terme de perestroïka se re­trouve dans l'œuvre de Fiedorov et de Vernadsky (père de la bombe atomique soviétique et cosmiste). Eltsine est celui qui aurait fait machine arrière.

 

Galli ne prend pas toutes les affirmations de Douguine pour argent comptant, mais constate que dans tous les camps du monde politique russe actuel, on constate des traces d'ésotérisme ou de pratiques magiques ou pseudo-scientifiques, des prophéties et des horoscopes étonnants. A la lecture de ce cha­pitre consacré à la Russie bolchevique, on est bien forcé d'admettre que le rationalisme et le matérialisme officiels du communisme n'ont été finalement que des façades, derrière lesquels s'activait une idéologie théurgique, plutôt dérivée de Fiedorov et de Rerich (redécouvert et réhabilité par Gorbatchev) que de Marx et des matérialistes occidentaux. A moins que Marx ait été vraiment  —et à fond—  un “sataniste”.

 

Robert STEUCKERS.

 

- Giorgio GALLI, La politica e i maghi. Da Richelieu a Clinton, Rizzoli, Milan, 1995, 322 p., 30.000 Lire, ISBN 88-17-84402-0.

lundi, 08 septembre 2008

Une critique visionnaire du dérèglement économique mondial

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Une critique visionnaire du

dérèglement économique mondial

George FELTRIN-TRACOL

sur: http://www.europemaxima.com/

Au début de la décennie 1930, quand la crise de 1929 commençait à toucher la France, deux jeunes penseurs courageux et originaux, Robert Aron et Arnaud Dandieu, rédigèrent Le cancer américain.

Ces deux noms ne sont pas inconnus pour qui s’intéressent à cet extraordinaire foisonnement intellectuel de la France de l’Entre-Deux-Guerres que Jean-Louis Loubet del Bayle désigna dans un livre magistral et fondateur sous le terme générique de « non-conformistes des années 1930 ». Avec Denis de Rougemont et Alexandre Marc, Robert Aron et Arnaud Dandieu animèrent la revue L’Ordre Nouveau et le groupe éponyme. Situé entre la revue personnaliste Esprit d’Emmanuel Mounier, de sensibilité « progressiste » (ou au moins « humaniste intégral »), et la Jeune Droite d’extraction maurrassienne, L’Ordre Nouveau ne cessa de dialoguer avec elles, occupant ainsi un espace central de la pensée française d’alors sans pour autant renoncer à sa radicalité intrinsèque.

Cette radicalité se manifeste pleinement dans Le cancer américain que L’Âge d’Homme vient enfin de rééditer. À la différence des écrits des autres non-conformistes qui traitent de philosophie, de politique, de moral, Robert Aron et Arnaud Dandieu nous livrent une réflexion économique sur la transformation profonde, capitale, du monde à laquelle ils assistent horrifiés. « Nous voici au changement des temps où il nous faudra choisir entre les routines oppressives d’une tradition faussée et le travail révolutionnaire qui mène à un ordre nouveau. Ce livre sans portée constructive et sans valeur doctrinale, n’a été écrit que pour inviter à ce choix. »

Le cancer américain critique en des termes fort rudes les politiques déflationnistes de l’Étatsunien Hoover et du Français Tardieu. Mais, par delà cette critique conjoncturelle implacable, l’ouvrage dénonce impitoyablement la diffusion de nouveaux modes de production standardisés, la rationalisation des méthodes de travail qui ne se limite pas au seul secteur industriel, le taylorisme et le fordisme qui envahissent les esprits. Il s’en prend aussi au principe de l’assurance et à l’idéal philanthropique des sociétés occidentales qui minent et sapent les communautés humaines. Il en résulte que « pour tous ceux, Français ou étrangers, Américains ou Asiatiques, qui sentent, au sens le plus médiocre comme au plus élevé du mot, leur “ avenir ” menacé et leur existence compromise par des crises qu’ils subissent sans parvenir à les comprendre, pour les peuples qui voient disparaître leurs traditions essentielles, — pour les individus opprimés dans leur bien-être et dans leurs joies — ce livre est un cri d’alarme ». Les auteurs se révoltent donc contre le monde moderne puisqu’ils estiment « le mal dans lequel se débat le monde moderne est bien, comme un cancer, lié à la nature même de ce monde ». En observateurs lucides et soucieux, ils constatent que « le cancer du monde moderne a pris naissance bien loin des charniers de la guerre, en un terrain bien abrité, mieux même qu’on ne le croit souvent. C’est le cancer américain ».

Ce livre, on s’en saurait douté, vitupère contre le système yankee d’autant que « les États-Unis doivent apparaître comme un organisme artificiel et morbide » ! Cependant, les auteurs se nuancent et précisent que « les U.S.A. que nous mettons en cause, c’est une méthode, ce n’est pas un peuple, encore moins une terre. Méthode qui a bien pu se greffer sur tout un groupe humain, comme une maladie ; mais qui n’en garde pas moins sa liberté de propagation et son existence indépendante… ».

Considérant néanmoins que « l’impérialisme américain à base économique et mystique, est l’héritier direct de la tradition coloniale européenne », que « l’esprit américain [est] cancer et détournement de l’esprit véritable » et qu’il « se ramène à une double crise : crise de conscience d’abord, et crise de virilité », Robert Aron et Arnaud Dandieu, doués de prescience, s’indignent de la mise en tutelle des banques européenne par la Federal Reserve Banks via la Banque des Règlements Internationaux, et s’élèvent contre la mise en place d’un système monétaire international qui préfigure et annonce les accords calamiteux de Bretton Woods en 1944.

Comme leurs « homologues » révolutionnaires-conservateurs allemands, Robert Aron et Arnaud Dandieu déplorent le plan Dawes et rejettent le scandaleux plan de remboursement Young qui fragilise les économies européennes. On a tendance à l’oublier aujourd’hui : si les États-Unis ne ratifièrent pas en 1920 le traité de Versailles et choisirent l’isolationnisme, Washington n’en continua pas moins d’exiger de ses débiteurs le paiement complet des prêts de guerre et de leurs intérêts… L’isolationnisme politique yankee s’accorda sans problème avec une solide attention financière intéressée au Vieux Monde. C’est par ce biais que les États-Unis parviennent à s’imposer. « Cette colonisation américaine de l’Europe est évidemment que plus elle devient dangereuse, moins elle est apparente. Et ici se confirme une fois de plus le caractère profondément abstrait de cette colonisation. C’est sur le terrain financier et particulièrement celui du crédit que cette constatation se montre la plus éclatante. À ce titre, et bien qu’il soit bousculé par les événements, le plan Young demeure un objet d’études particulièrement révélateur : son importance subsiste entière et 1929 apparaît comme une étape particulièrement grave dans la colonisation de l’Europe par l’Amérique. Pour la première fois, au moyen d’un organisme bancaire, un protectorat secret sur l’ancien monde était établi de façon assez discrète, pour que nul ne s’en aperçût. Machine admirablement montée, mais encore mieux camouflée, et sur laquelle il faut nous arrêter quelque peu. Véritable charte du colonialisme américain ! » Cette invasion subtile et insidieuse prend des formes surprenantes, que « de la colonisation concrète ayant un but matériel, voire territorial, elle est passée progressivement à ce que l’on pourrait appeler la colonisation abstraite, c’est-à-dire à la colonisation par le commerce, puis par le crédit, puis enfin par le prestige ».

Les auteurs du Cancer américain considèrent par conséquent que la prospérité étatsunienne des « Années folles » s’est bâtie sur les ruines et la reconstruction de l’Europe meurtrie. Or la crise de Wall Street et ses conséquences ne font qu’accentuer ce parasitisme d’une manière dangereuse, car, « que l’Amérique le veuille ou non, c’est à la guerre que mènent inévitablement sa prospérité et ses crises, à la guerre… en Europe », avertissent-ils prophétiquement.

Ils récusent toutefois la solution belliciste. « Ce livre n’est pas un appel à l’on ne sait quelle guerre sainte. La guerre ne peut rien contre les maux de l’esprit, et le cancer américain est avant tout un cancer du spirituel. Ce n’est pas à la guerre contre l’Amérique qu’au-dessus des nationalités il faut appeler l’Europe ; non seulement les canons ne peuvent rien contre le cancer, mais la guerre est un contact plus dangereux que n’importe quel autre, et l’on s’américanise contre l’Amérique plus vite encore que pour elle. Nous n’appelons donc à la guerre, mais à la conjuration. » Ce complot, cette insurrection des cultures populaires enracinées doit aller à l’encontre de l’air du temps et de ses engouements superficiels. Déjà « le rôle que nous nous assignons, dépassant les questions de frontière ou le problème même de race, est d’écrire le Discours contre les excès de la Méthode (1), c’est-à-dire contre les abus d’une méthode jadis bienfaisante, le Discours contre la technique qu’attend notre génération ». Comment ? « Contre l’esprit américain, ce cancer du monde moderne, il n’est aujourd’hui qu’un remède. Pour échapper à l’engloutissement dont nous menacent les déterminismes matérialiste et bancaire, c’est avant tout le mythe de la production qu’il faut attaquer et détruire : c’est avant tout une révolution spirituelle qu’il est de notre devoir de susciter. » MM. Aron et Dandieu suggèrent donc de décoloniser les imaginaires…

Cette « révolution spirituelle » nécessaire, indispensable, vitale même, ne peut que se fonder sur l’idée européenne. Et on comprend mieux tout ce qui sépare la Jeune Droite, restée nationaliste, de L’Ordre Nouveau, véritablement européiste, qui perçoit l’Europe en rempart salutaire au déferlement destructeur de la modernité. « Dans sa Révolution nécessaire, elle rejettera avec indignation tous les colonialismes étrangers ou internes, qui partout, dans les métropoles comme dans les terres d’outre-mer, ne cherchent qu’à brimer les modes d’existence et de pensée indigènes au profit d’autres cancers conçus à l’instar de l’Amérique. » Mieux, l’Europe, pour les auteurs, ne dément pas la juste affirmation des peuples à préserver leurs identités, bien au contraire ! « Diversité et unité peuvent en elles s’appuyer l’une sur l’autre, parce que c’est la diversité des patries et des cultures qui y a lentement, contre la volonté des États et des diplomates, promu au rang de valeur suprême la puissance d’un esprit créateur, spécifiquement humain. Puisque aujourd’hui on s’en prend à ta diversité comme à ton unité, à ta peau comme à ton âme, Europe, réveille-toi ! » Le propos résonne d’une tonalité singulièrement actuelle.

Sorti après Décadence de la nation française (qu’il serait bien que l’éditeur le republie) et avant La Révolution nécessaire (2), Le cancer américain étudie en temps réel la mainmise du système bankstère sur les vieilles nations européennes. Trois quarts de siècle avant la « mondialisation », cet essai signale que loin d’apporter le bonheur et la plénitude individuels entiers, le dérèglement volontaire du capitalisme libéral et sa généralisation virale plongeraient le monde dans un chaos dont l’homme du début du XXIe siècle pâtit encore des affres. Saluons donc L’Âge d’Homme pour cette réédition et méditons les avertissements visionnaires de Robert Aron et d’Arnaud Dandieu afin d’édifier au final cet ordre nouveau souverain, libérateur et européen.

Notes

1 : En 1974, Robert Aron publia chez Plon Discours contre la Méthode, préfacé par Arnaud Dandieu.

2 : La Révolution nécessaire, Grasset, 1933, réédition, Jean-Michel Place, 1993, préface de Nicolas Tenzer.

• Robert Aron et Arnaud Dandieu, Le cancer américain, L’Âge d’Homme, préface de Pierre Arnaud, coll. « Classiques de la pensée politique », 2008, 141 p., 24 €.

mercredi, 03 septembre 2008

R. Steuckers: entretien à "Militant" (1992)

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ARCHIVES: Un entretien de 1992, pour tous ceux qu'intéressent à l'histoire du mouvement identitaire et "néo-droitiste" (en dépit des variétés que cette appelation peut recouvrir). A noter, cet entretien a été accordé à Xavier Cheneseau quelques semaines avant la rupture définitive avec le "canal historique" (et hystérique) de la nouvelle droite centrée autour d'Alain de Benoist et au moment des accords de Maastricht. La donne internationale a considérablement changé depuis. Prière aux lecteurs de 2008 d'en tenir compte!

 

 

Entretien de Robert Steuckers à la revue «Militant»

 

I - Animateur de la «Nouvelle Droite», pensez-vous que votre mouvance a contribué à préparer le terrain pour le Front National, par exemple?

 

Je voudrais d'abord apporter une petite précision: je ne me sens ni ne me considère comme étant de «droi­te», même si j'ai souscrit à bon nombre d'ana­lyses posées par le mouvement d'Alain de Benoist, abusivement baptisé «Nouvelle Droite» par les milieux du journalisme parisien. Dans cette mouvan­ce, c'est essentiellement la «nouveauté» qui m'a sé­duit. Je ne crois pas que la «Nouvelle Droite» d'A­lain de Benoist et de Guillaume Faye ait préparé le terrain pour le Front National. Celui-ci a été porté par une dynamique qui lui est propre. Si le Front Na­tional s'était laissé inspirer par les thèses de la ND, il aurait choisi une orientation moins occiden­taliste et repris à son compte l'anti-américanisme gaul­lien; son programme économique n'aurait pas été directement calqué sur Reagan et Thatcher, mais aurait opté pour un dirigisme à la française (Déat, le néo-socialisme, le gaullisme) ou pour un auto-cen­tra­ge tel que l'a préconisé le grand économiste fran­çais François Perroux. Enfin, le poids de l'intégris­me catholique aurait été moins net dans la presse du FN, si le souffle du «paganisme néo-droitiste» l'a­vait touchée, paganisme qui, en dernière instance, est une religion de la Cité et un refus tranché de tou­te forme de cosmopolitisme.

 

2 - Ne pensez-vous pas que le succès relatif du lepénisme peut apparaître com­me un démenti cinglant à la stra­té­gie métapolitique?

 

Le succès électoral du FN, drôlement étrillé à cause des manipulations de la loi électorale, est une chose. La stratégie métapolitique en est une autre. Celle-ci n'a nullement perdu de sa validité, quand le FN a com­mencé son ascension. Par stratégie métapoli­ti­que, il faut entendre une volonté de réactiver des idées, des pratiques, des programmes, des faits d'his­toire, qui ont été refoulés par les idéologies do­minantes. Devant les effets du déclin, que nous cons­tatons tous, cette stratégie métapolitique possè­de des vertus réparatrices: elle permet, sur base d'u­ne documentation, d'une incessante combinaison de thèmes politiques et historiques, de critiquer les idéo­logies dominantes, d'en montrer les tares et les insuffisances qui conduisent à des faillites reten­tis­santes, ce que prouvent des faits comme la désin­dustrialisation de l'Europe, le chômage de masse, le déclin démographique, l'incapacité de construire une défense européenne cohérente et de fédérer les a­touts industriels de notre continent, et, enfin, le lais­ser-aller généralisé, que les sociologues contempo­rains ont appelé l'«ère du vide» de la «bof-gene­ra­tion». Le FN a obéi à une toute autre logique que celle de la «métapolitique» d'Alain de Benoist: il a réac­tivé les clivages de la IVème République, re­nonçant ainsi à prendre acte des potentialités de l'ère gaullienne: organisation de la société française selon les critères de la «participation», orientations diplo­matiques de Troisième Voie (dialogue euro-arabe, re­lations avec l'Amérique Latine, avec la Chine, l'URSS, l'Inde, etc.), indépendance militaire et nuc­léaire, centrage de l'économie (Elf-Aquitaine), grands projets technologiques (Concorde), etc. La ND, quant à elle, n'a peut-être pas assez insisté sur ces réalités, bien que les livres de Faye constituent un bon tremplin didactique pour les réinjecter dans le débat.

 

3 - Partisan d'une Europe indépen­dan­te, vous préconisez une économie au­to-centrée. Pouvez-vous dire pourquoi et comment vous comptez y arriver?

 

L'idée d'un auto-centrage de notre continent est as­sez ancienne et, dans la littérature économique, elle est récurrente. Je songe aux projets de Friedrich List (1789-1846), qui fut l'artisan du Zollverein alle­mand et des politiques protectionnistes américaines, à l'œuvre d'Anton Zischka, qui traverse le siècle, et aux théories de François Perroux, qui a démontré les atouts du centrage des économies et la nécessité, pour le bon fonctionnement de celles-ci, d'une ho­mo­généité culturelle. C'est dans cette tradition multi­céphale, refoulée, radicalement différente de celles des idéologies dominantes, que je m'inscrit. Ce qu'il faut faire, sur base de ces théories? D'abord mi­liter pour la diffusion de ces alternatives cohé­ren­tes, non utopiques et, abandonner l'a priori anti-éco­nomie des «droites», qui rend leurs programmes to­talement inopérants à long terme. Ensuite, quand ces idées pratiques auront acquis une certaine notoriété, travailler à infléchir la logique actuelle qui est mon­dialiste, qui disperse les capitaux tous azimuts et dé­laisse l'investissement dans nos pays. A l'échelon eu­ropéen, nous nous ferons les défenseurs des fu­sions industrielles internes à notre continent. En clair, nous applaudirons à des fusions comme Ma­tra-Ericsson (le cas du contrat de la CGCT), comme Volvo-Daf, comme Peugeot-Mercedes et nous lutte­rons contre les fusions qui impliquent des parte­nai­res non européens, japonais ou américains. Cette idée, nous la partageons avec beaucoup d'Euro­péens engagés dans d'autres circuits politiques et idéo­logiques que le nôtre. Nous espérons que se réa­lisera un jour la fusion de ces bonnes volontés, en dépit des étiquettes actuelles.

 

4 - La politique euro-arabe préconisée par Benoist-Méchin vous paraît-elle tou­jours applicable?

 

Le monde arabe est pluriel, malgré la force unifi­ca­trice de l'Islam ou les nostalgies nasseriennes. Le rô­le de l'Europe est de jouer la conciliation entre les parties, sans imposer quelque politique que ce soit. Les Arabes sont nos voisins et, si nous sommes réa­listes, nous devons bien admettre qu'il faut s'enten­dre avec eux pour éliminer, chez nous, les effets né­ga­tifs de Yalta. La logique des relations euro-arabes futures ne saurait plus être de type colonialiste, puis­que les Arabes disposent désormais de solides atouts dans leur jeu: pétrole, démographie en haus­se, identité politique, grands espaces. L'Europe, mal­gré son déclin démographique préoccupant, pos­sède encore et toujours les cerveaux techniciens et une infrastructure industrielle remarquable, qui a be­soin de débouchés. Les Arabes ont intérêt à s'en­ten­dre avec les Européens plutôt qu'avec les Amé­ri­cains qui financent une tête de pont dans leur es­pa­ce, Israël, qui bafoue leur dignité et ne serait pas via­ble sans cette aide. Des opérations comme l'orga­nisation de la téléphonie saoudienne par les Suédois d'Ericsson, la vente d'appareils militaires français, la reconquête des zones désertifiées en Algérie par une équipe du Baden-Wurtemberg, les pourparlers (tor­pillés) entre Belges et Libyens ou entre Français et Irakiens en matières nucléaires, les bonnes rela­tions commerciales que continue à entretenir la RFA avec l'Iran, sont autant d'opportunités qui s'offrent à nos pays de sortir de la logique binaire de Yalta, de s'affranchir des dépendances économiques impo­sées par les réseaux transnationaux téléguidés de­puis Washington et d'accroître leurs potentiels in­dus­triels. A la logique de Benoist-Méchin, qui, mal­gré son passé collaborationiste, a infléchi la politi­que de la Vème République dans un sens arabo­phi­le, doit s'ajouter la logique de Zischka, qui en 1952 avait ébauché un plan de reconquête et de renta­bi­lisation du Sahara, plan que les politiciens médio­cres de notre après-guerre n'ont pas retenu (cf. Anton Zischka, Afrique, complément de l'Europe, Laffont, 1952). L'industrialisation et la refertili­sa­tion des zones sahariennes exigeront beaucoup de main-d'œuvre et les immigrés maghrébins d'Europe pourraient y pourvoir. L'immigration, qui crée un an­ta­gonisme euro-arabe compréhensible, est un fruit du libéralisme économique: cette idéologie a tou­jours rejeté les planifications audacieuses, comme cel­les de Zischka, parce que, par idéalisme irréaliste, elle ne reconnaît pas le primat du politique. Le retour à un planisme grandiose permettrait de règler la ques­tion de l'immigration dans un sens positif. Le pé­trole des Libyens et des Saoudiens pourrait large­ment financer des projets agricoles et industriels de ce type. Les fermes libyennes, irriguées selon des pro­cédés modernes, sont d'ores et déjà des modèles du genre.

 

Autre écueil à éviter: prendre parti pour une et une seule idéologie arabe, au détriment de toutes les au­tres. Les Européens, dans leur politique arabe, ne doi­vent privilégier aucun interlocuteur: ni les nassé­riens, ni les intégristes, ni les baathistes, ni les frè­res musulmans, ni les Libyens, ni les Irakiens mais vi­ser la conciliation de tous sans s'immiscer dans les affaires intérieures des pays arabes.

 

5 - La Turquie, Israël, les pays d'Afrique du Nord ont demandé à rejoindre la CEE. Que vous inspirent ces deman­des?

 

On ne crée pas un espace économique auto-centré sans homogénéité culturelle. Les différences entre le Nord et le Sud de l'Europe, entre les pôles latin et germanique, entre les Britanniques et les Continen­taux, etc. rendent le fonctionnement de l'Europe des 12 déjà fort problématique. Si l'on y adjoint le Ma­ghreb et la Turquie, le chaos sera à son comble. Tout centrage économique sans homogénéité cultu­relle conduit à une logique implosive, à un dérè­gle­ment généralisé. Au nom des impératifs géopo­liti­ques, la Turquie et les pays du Maghreb doivent de­venir des alliés de l'Europe, dans des sphères voi­si­nes, intégrées selon les mêmes règles de l'auto-cen­trage. La Turquie, dont l'opposition politique à Tür­güt Özal ne veut pas de la CEE, a intérêt à rejouer un rôle «ottoman» au Proche-Orient et à renouer avec la Syrie, l'Irak et l'Iran, en dépit des conflits récents. Tout axe diplomatique optimal pour la Turquie s'o­riente vers le Golfe Persique, alors que l'axe occi­den­tal, choisi par Özal, conduirait Ankara à n'être qu'un appendice mineur de la CEE, mal industrialisé et incapable de tenir devant les concurrences ouest-eu­ropéennes. Les Nord-Africains, eux, doivent jouer la carte du Grand Maghreb et refuser que leurs ressortissants ne deviennent les nouveaux esclaves de l'Europe industrialisée. L'Europe doit, pour sa part, tolérer l'expansion des Etats nord-africains vers le sud et, en tant que non français, je déplore l'ac­tion retardatrice que joue sur ce plan l'armée fran­çaise au Tchad, faisant ainsi le jeu des Amé­ri­cains, ennemis de toute forme de rassemblements con­tinentaux ou sub-continentaux. Quant à Israël, un seul choix s'offre à lui, qui s'articule comme suit: renoncer à son rôle de tête de pont de l'im­pé­ria­lisme américain en Méditerranée orientale, s'en­ten­dre avec les Palestiniens comme le préconisent les di­plomates européens et l'Internationale Socialiste (cf. la récente visite d'Arafat à Strasbourg), dia­lo­guer avec les Turcs soucieux d'orienter leur diplo­matie dans un sens ottoman. L'option CEE n'est pas un remède pour Israël: en effet, comment pourrait-il y vendre ses fruits devant la concurrence espagnole? De plus, il serait excentré et détaché artificiellement de son voisinage. La faiblesse géographique de l'E­tat hébreux le rend inviable à long terme, a fortiori quand la démographie palestinienne minorise déjà le peuplement juif. Les élites israëliennes, comme les chrétiens du Liban, ont intérêt à réviser leur sio­nis­me ou leur particularisme dans la perspective d'un néo-ottomanisme: c'est pour eux une question de vie ou de mort politiques.

 

6 - L'Acte Unique européen vous paraît-il une bonne base de départ pour l'Em­pire européen à construire?

 

Votre question n'autorise pas de réponse tranchée. L'Ac­te Unique aura pour conséquence d'éliminer des secteurs viables sur le plan national mais aussi des tares locales anachroniques. L'Acte Unique fa­vo­risera les grandes entreprises capitalistes au dé­triment des PME mais créera simultanément des ins­titutions permettant une plus grande mobilité d'ac­tion pour tous. Nous restons conscients du fait que la CEE a été créée jadis pour faciliter la pénétration en Europe des capitaux du Plan Marshall mais que l'idée d'une unité continentale et d'une intégration éco­nomique est plus ancienne et ne provient pas des Etats-Unis. Le défi à affronter, complexe et à fa­cet­tes multiples, est donc le suivant: choisir une poli­ti­que d'auto-centrage mais ne pas confisquer à cer­tains Européens les relations privilégiées qu'ils en­tretiennent avec des Etats européens non membres de la CEE. Le «grand espace» de 1992 ne sera pas d'emblée un paradis, un bijou politique. Le risque d'un gigantisme stérilisant demeure, donc cette Eu­ro­pe en gestation ne doit pas se considérer comme achevée; elle doit être ouverte à toutes les candida­tu­res européennes, fermée aux candidatures non euro­péennes. Prenons quelques exemples: la Suède et la Norvège comptent des industries de pointe remar­quables, avec lesquelles les grands consortiums eu­ro­péens ont intérêt à s'entendre plutôt qu'avec des équi­valents japonais ou américains. La RDA est mem­bre du COMECON mais, par le biais des rela­tions inter-allemandes, elle constitue aussi, officieu­se­ment, le treizième Etat de la CEE; la RFA, à partir de 1992, ne devra pas renoncer à ses liens spéciaux avec la RDA ni avec les autres pays de l'Est euro­péen, car cette situation est l'amorce d'un élargisse­ment généralisé à toute l'Europe. La Grèce souhaite, pour sa part, une accentuation des relations inter-bal­kaniques. Toutes ces dynamiques et ces syner­gies, dont l'impact dépasse le cadre territorial de la CEE, ne seront possibles que quand disparaîtra l'OTAN et l'inféodation à Washington, car sinon ja­mais les Suédois, les Suises, les Autrichiens et les Yougoslaves, qui détiennent des zones cruciales en Europe, ne pourront participer à la construction de notre continent. Mes amis et moi-même, qui consti­tuons une forme de pôle germano-belge de la ND eu­ropéenne, avons souvent été accusés de pro-so­vié­tisme par des camarades français. Nous consta­tons, en revanche, que ces accusateurs sont frappés d'une étrange myopie historique et réduisent l'Eu­rope au territoire de la CEE ou à celui de l'OTAN. A l'heure où la perestroïka  de Gorbatchev est avant tou­te chose un aveu d'impuissance économique, le danger ne vient plus prioritairement de l'Est. Il vient des concurrences capitalistes extra-continentales. Le danger soviétique ne redeviendra primordial que si l'Eu­rope actuelle, celle des libéraux et des mar­chands, reste sur ses positions et refuse les dy­na­mi­ques que je viens d'évoquer. Les Russes n'auront plus qu'une solution: reconduire leur vieille alliance avec l'Amérique. Car il faut savoir que la Russie ne pactice qu'avec le plus fort: avec l'Amérique comme pendant la Guerre de Sécession  —ce qu'avait prévu Tocqueville en 1834—  ou sous Roosevelt (de 1941 à 1945) et Khroutchev (de 1959 à 1962); avec l'Allemagne (de 1939 à 1941) ou l'Europe unie quand celles-ci sont puissantes et fermes.

 

En conclusion, l'Acte Unique peut être le meilleur ou le pire: espérons au moins qu'il balaiera les ana­chronismes nationaux, portés par des politiciens sans envergure, sans mémoire historique et, surtout, sans vision d'avenir grandiose.

 

samedi, 30 août 2008

Conflictmaatschappij en nationaal gevoel

Conflictmaatschappij en Nationaal Gevoel

mercredi, 27 août 2008

Citaat Max Horkheimer

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"De deugdelijkheid van de eigen identiteit in een kwaad daglicht stellen en als racisme bestempelen, is een opvallend voorbeeld van verstandsverbijstering van de rede."

Max Horkheimer

 

mardi, 26 août 2008

Pour un populisme offensif!

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Pour un populisme offensif!

Le terme “populisme” désigne tous les mouvements politico-sociaux qui dérangent et qui ne sont pas assimilables à la gauche classique, au nationalisme traditionnel ou à une forme ou une autre de néo-fascisme ou de néo-nazisme. Le “populisme” est un mouvement politique qui s'adresse directement au peuple, qui est animé par des hommes et des femmes qui sont eux aussi directement issus du peuple, qui, avant de passer à l'action politique, n'appartenaient à aucun réseau "traditionnel”, à aucun parti en place. Le populisme, c'est la spontanéité populaire, c'est la réaction directe du peuple, de la population, surtout dans les grandes villes où, justement, les attaches avec les réseaux partisans conventionnels se sont relâchées et où cette population, venue généralement des quatre coins du pays, ne se reconnaît plus dans les agences politiques de l'établissement.

Le peuple, c'est avant toute chose, les hommes et les femmes qui doivent travailler chaque jour pour gagner leur vie, c'est l'ensemble de ceux qui ne sont pas sûrs du lendemain, que guette le spectre du chômage, ce sont aussi ceux qui n'ont pas la garantie de l'emploi et qui sombrent parfois dans ce chômage désormais omniprésent et dans ses humiliations: faire interminablement la file à la CAPAC pour ne demander rien que son droit le plus strict à des apparatchiks grossiers, subir la scandaleuse tracasserie du pointage, quémander un emploi auprès de fonctionnaires qui se fichent de votre destin et de votre misère comme un poisson d'une pomme. En latin, travailler se dit laborare, ce qui veut également dire souffrir. Le populisme est donc l'idéologie de ceux qui travaillent donc qui souffrent.

Car, chacun le sait, travailler sans souci du lendemain n'est plus une évidence aujourd'hui. Depuis plus de vingt ans, l'incompétence et l'insouciance des partis en place, des coalitions rouges-romaines ou bleues-romaines, a plongé le pays dans une basse conjoncture aux effets négatifs devenus permanents. L'ensemble de la population est appauvri sur fond d'une dette publique colossale, qui fait que chacun d'entre nous, du nourrisson au centenaire et immigrés compris, est endetté pour un million de francs! Cette situation malsaine, la plus malsaine d'Europe en ce qui concerne l'endettement public, fait que le chômage frappe les jeunes, qui ne fondent plus de famille, qui n'ont plus d'enfants, qui vivent dans la précarité et l'instabilité financière, qui sont exclus des circuits du travail, qui alimentent les effectifs de la “nouvelle pauvreté”. Notre pays perd sa population tout simplement parce que les générations ne se renouvellent plus, le mal-vivre ne permettant pas de voir la vie en rose, de cultiver la sérénité qu'il faut avoir pour élever des enfants. Dans une vingtaine ou une trentaine d'années, notre pays sera un gigantesque hospice, financé par une poignée de personnes qui travailleront encore.

L'établissement nous dit: «Mais ce sont les immigrés qui payeront nos pensions...». Ce discours est malhonnête. D'abord pour les immigrés eux-mêmes qui songent tout naturellement aux leurs d'abord, à éduquer leurs propres enfants, et non pas à financer les pensions d'une population qui leur est étrangère et à qui ils reprocheront d'avoir élu de mauvais bergers. Enfin, les immigrés, même ceux qui sont les mieux payés, touchent des bas salaires et ne paient pas suffisamment d'impôts pour financer une aussi gigantesque machine. Ensuite, précarisés eux-mêmes dans un pays qui leur a promis monts et merveilles et ne leur a donné que le chômage, les immigrés font aussi de moins en moins d'enfants. Donc ceux sur qui nos lamentables escrocs comptent pour payer nos pensions, n'existeront tout simplement pas, parce qu'on n'aura pas eu le cœur de les engendrer! Il y a ensuite tout lieu de croire que les flux migratoires vont s'inverser: ne trouvant plus d'emplois stables chez nous, les allocations se faisant de plus en plus congrues, étant de plus en plus bouffées par l'inflation, les jeunes immigrés vigoureux et courageux iront chercher un destin ailleurs, dans des pays où la conjoncture est haute.

Le bilan de tout cela, c'est que personne n'a été intégré: ni les autochtones ni les immigrés. La source de notre malaise, c'est effectivement que les recettes de l'établissement ne permettent plus aucune forme d'intégration sociale. On le constate aisément: les statistiques et les travaux d'observation des grands instituts européens, comme l'OCDE, parlent sans arrêt d'une désagrégation de la société, démontrent que les immigrés sont les premières victimes du chômage donc qu'ils ne sont nullement intégrés et risquent de rester inintégrables, vu le manque de moyens. Tel est donc le langage que nous tient l'OCDE, qui constate la faillite de toutes les formes d'intégration sociale pour les autochtones comme pour les immigrés; mais au lieu de prendre cette misère à bras le corps, de chercher des solutions réalisables, de fixer des projets clairs, satisfaisants pour tous, l'établissement esquive les vrais problèmes et camoufle ses carences derrière un formidable battage publicitaire et médiatique où l'on ne parle plus que d'intégration et où l'on promet le purgatoire et l'enfer à tous ceux qui oseraient douter de l'opportunité de ce miroir aux alouettes.

Personne ne peut être hostile à la notion d'intégration et nous ne le sommes pas a priori, car nous aimerions que chaque concitoyen, que chaque étranger qui est notre hôte, ait son boulot, son atelier, puisse travailler selon son cœur et ses aptitudes. Animés comme tous les populistes par une volonté sincère de donner à chacun son dû, nous sommes tout simplement hostiles aux prometteurs de beaux jours, aux charlatans et aux menteurs: cette intégration tous azimuts n'est malheureusement plus possible et le sera encore moins demain. Nos enfants ne sont déjà plus pleinement intégrés à la société dans laquelle ils vivent et les enfants des immigrés risquent bien de connaître un sort pire, même s'ils ont réussi de brillantes études, comme certains sont en train de le faire.

Pour reprendre un vieux slogan socialiste, les “damnés de la terre” sont revenus à l'avant-plan. Et ces “damnés de la terre”, c'est nous! Cette position peu enviable postule d'organiser la résistance et de s'opposer rationnellement et efficacement à tous ceux qui jouissent de privilèges indûs dans notre société, qui bénéficient de pensions exagérément élevées, qui ne subissent pas le principe du cumul des époux et/ou des cohabitants dans la fiscalisation des pensions, qui bénéficient de clauses de stabilité d'emploi dont les salariés ne bénéficient plus et dont les indépendants ne peuvent que rêver, qui ont obtenu des emplois dans la fonction publique en dépit de l'inutilité de ces postes. La priorité doit être redonnée en matières d'emploi et de lois sociales à tous ceux qui travaillent dans la précarité, qui doivent lutter âprement, chaque jour que Dieu fait, pour vivre, qu'ils soient indépendants ou salariés.

Car se déclarer “populiste”, c'est marquer une volonté d'aller au réel et de ne pas vouloir transformer le monde d'après une idéologie toute faite, d'après des planifications qui ne masquent que très mal les intentions idéologiques de leurs auteurs. En effet, le peuple est un tout complexe, composé de personnalités et d'individus très différents les uns des autres. Développer un discours ou une action populistes ne signifie pas une volonté de mettre au pas ces innombrables différences entre les personnes, mais constater que celles-ci ne peuvent plus déployer leurs originalités, exercer leurs compétences, si le pays est mal gouverné, si l'endettement jugule toutes les initiatives intelligentes. Aussi différentes que soient les personnes qui composent notre peuple, elles partagent une sorte de destin, de fatalité: elles vivent non seulement sur un même espace géographique mais aussi sous un seul régime politique qui finit par les exclure du marché du travail, par leur confisquer leur liberté de créer, par les ligoter dans leur élan par une fiscalité qui sert avant tout à nourrir les suppôts fonctionnarisés du régime ou à payer les intérêts pharamineux de la dette. La démocratie, qu'il ne s'agit pas de nier ici, a prévu l'alternance: si un gouvernement ou une coalition ne donne pas satisfaction, il faut mettre les meilleurs challengeurs au pouvoir, s'ils sont choisis par le peuple. En rendant nulle et non avenue la séparation des trois pouvoirs, en nommant les magistrats en dépit de l'indépendance que devrait avoir le pouvoir judiciaire, en rendant la séparation entre le législatif et l'exécutif illusoire à cause du poids des partis et des chefs de parti, le régime a perdu sa légitimité démocratique: le recours au peuple, à ces innombrables différences qu'il recèle, devient donc une nécessité. Il faut inventer de nouveaux mécanismes de pouvoir ou en réexhumer dans nos traditions politiques.

Le régime se défend, bien évidemment. Il veut conserver la non-démocratie qui le maintient au pouvoir et empêcher tout recours au peuple réel.

- D'où des trains de lois qui décrèteront “raciste” toute question relative au bien-fondé, à l'utilité ou à l'efficacité de l'immigration (répétons-le: nous sommes hostiles au mécanisme économique qui consiste à recourir à l'immigration, nous déplorons la non-intégration de masses immigrées et juvéniles désœuvrées, nous déplorons la petite criminalité qui en découle en en rendant prioritairement responsable le pouvoir et non pas les délinquants, nous refusons toute démarche qui serait a priori hostile à des personnes en vertu de leurs appartenance à une race ou à une religion autres que celles de la majorité de la population).

- D'où les tentatives de juguler l'action des syndicats qui débordent leur encadrement dévoué d'une façon ou d'une autre au pouvoir, notamment aux partis socialistes.

- D'où la suppression subtile de la liberté de la presse par un contrôle systématique des rubriques “courrier des lecteurs”.

- D'où l'augmentation scandaleuse des tarifs postaux pour les éditeurs de revues indépendantes, qui pourraient préparer des équipes à reprendre les affaires en mains (c'est là une manière de ruiner les audacieux qui osent faire usage de leur droit à la parole).

- D'où la déconstruction systématique de l'enseignement, de façon à raréfier l'esprit critique dans les nouvelles générations: l'enseignement gratuit de qualité avait été un des plus beaux acquis démocratiques de ce siècle; le pouvoir est en train de le démonter pour faire de nos enfants un vulgaire troupeau de moutons de Panurge, taillable et manipulable à souhait. C'est la raison pour laquelle les populistes doivent défendre les enseignants et l'enseignement.

Le populisme peut recevoir une interprétation de gauche ou une interprétation de droite. Il est de gauche quand il prend appui sur des injustices sociales flagrantes, quand il vient d'une base ouvrière lésée, quand il prend racine dans des comités de quartiers. Il est de droite quand il veut dépasser les divisions naturelles de la société en mythifiant l'unité de destin des personnes et en évoquant ainsi l'unité mythique de la Nation, quand il se range derrière la bannière d'un chef politique charismatique ou d'une élite de notabilités traditionnelles. Mais les frontières entre populisme de gauche et populisme de droite sont floues et poreuses. Le peuple dans sa plénitude et dans ses différences transcende le clivage d'une gauche ou d'une droite: le peuple est un, il n'y a pas deux demi-peuples.

Le populisme, répétons-le, n'est pas une idéologie pré-fabriquée que l'on plaquerait sur une réalité mouvante et rétive. Le populisme, c'est le recours à la réalité quotidienne.

Dans notre contexte, celui des dix-neuf communes de la Région de Bruxelles-Capitale, la réalité quotidienne ne fonctionne plus correctement parce qu'une immigration incontrôlée, avec beaucoup de clandestins, ne parvient pas à s'intégrer, parce qu'un urbanisme délirant chasse les hommes de chair et de sang pour faire place aux bureaux et aux administrations eurocratiques, parce que la convivialité disparaît. L'immigration n'aurait pas posé beaucoup de problèmes si nos dirigeants avaient respecté scrupuleusement les clauses des accords belgo-marocains, prévoyant des contrats de travail pour cinq ans seulement, sans regroupement familial, dans cinq secteurs précis de l'industrie. Pacta sunt servanda, les traités (pactes et accords) doivent être respectés, dit l'adage latin. Quand les Belges se plaignent de l'immigration, c'est ce que leur répondent les autorités marocaines: si vous aviez respecté nos accords à la lettre, l'immigration n'aurait pas posé de problèmes, vous n'avez donc qu'à vous en prendre à vous-mêmes. Les débordements d'une jeunesse immigrée déboussolée, la non-intégration, le taux de chômage des immigrés sont des effets pervers de la négligence de nos gouvernants et non pas des immigrés ou des autochtones qui seraient brusquement devenus des “racistes”. L'afflux d'immigrés et d'eurocrates, couplé à un urbanisme spéculateur et axé sur la seule construction de bureaux, fait augmenter considérablement le coût du logement à Bruxelles, l'espace se raréfie pour les familles et les enfants, la population de souche doit migrer vers les campagnes ou les communes périphériques du Brabant flamand ou wallon, ce qui fait disparaître la convivialité et monter la tension entre les plus démunis qui restent dans leur ville natale et les nouveaux arrivants qui ne comprennent pas pourquoi ils sont mal reçus.

Chômage, dette, urbanisme spéculateur, disparition de la convivialité ambiante, nécessité de respecter les traités signés pour réguler harmonieusement les flux migratoires: ce sont là autant de problèmes auxquels il s'agit désormais de donner une forme politique, non idéologique, réalitaire et populiste. En forgeant cette forme politique, nous donnerons de la substance à la protestation populaire contre les déraillements de l'établissement et des partis au pouvoir depuis des décennies et des décennies.

Les objectifs d'un nouveau populisme à Bruxelles:

- répondre aux problèmes de la vie quotidienne;

- opposer aux partis établis une logique du bon sens;

- libérer les énergies du peuple réel qui ont été brimées pendant trop longtemps.

Robert STEUCKERS.

(texte de 1999). 

vendredi, 22 août 2008

Die Memoiren von Jaruzelski

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Die Memoiren von Jaruzelski: bemerkenswerte Notizen über die Rolle des Staatsmannes

 

Analyse: Wojciech Jaruzelski, Hinter den Türen der Macht. Der Anfang vom Ende einer Herrschaft,  Militzke Verlag, Leipzig, 1996, 479 S., ISBN 3-86189-089-5.

 

Im Frühsommer 1992 publizierte der polnische General Jaruzelski ein Buch, wo er seine politische Erinnerungen darstellte. Er schilderte die Ereignisse in Polen ab dem 13. Dezember 1981, wenn das Kriegsrecht ausgerufen wurde. Moskau fürchtete, daß das destabilisierte Polen das sowjetische Herrschaftssystem wankeln ließ. Deshalb sollte die kommunistische Moskau-treue Ordnung wiederherstellt werden. Jaruzelski hatte als Aufgabe bekommen, sein Land sowjettreu zu erhalten, eben durch Mittel der Gewalt, wenn nötig. Die Kapitel seines Buches enthüllen wenig bekannte Sachlagen der polnischen Zeitgeschichte in den Jahren 1980-1985. Obwohl “Sozialist” und Anhänger des damals “realexistierenden” Sozialimus sowjetischer Prägung, erscheint uns nach diesen tumultvollen Ereignissen der Militär Jaruzelski als eine Art konservativer “Katechon”, d. h., um die Definition von Carl Schmitt zu wiederholen, als ein Staatsmann, der als Aufgabe hat, die Ordnung zu herstellen und sein Staatswesen vom Chaos und Zerfall zu retten.

 

Selbstverständlich bleibt in unseren Augen der Kommunismus ein Fremdkörper am Leibe der polnischen Nation und die Solidaritätsbewegung Walesas ein spontaner Ausdruck des Volkzornes. Nichtdestoweniger muß heute der neutrale Beobachter doch wohl annehmen, daß fremde Geheimdienste “Solidarnosc” manipuliert haben, genau um das schon morsche Sowjetsystem zu sprengen, am Ort wo es am weichsten war, d. h. zwischen dem sowjetischen Großraum und der DDR (Thüringisches Bollwerk und Speerspitze der Warschauer-Pakt-Verbände). Konservative und militärische Kräfte innerhalb des Sowjetsystems konnte eine solche zwar demokratische aber doch “abenteuerische” Entwicklung in den damaligen Kräftenverhältnissen nicht dulden. Jaruzelski wurde als Retter der Lage eingesetzt: als Militär hat er den Befehlen seiner politischen Vorgesetzten gefolgt. Die Geisteshaltung von Jaruzelski wird im Buch deutlich dargelegt. Sie kann eigentlich als konservativ-erhaltender bzw. katechonischer (im Schmittschen Sinn) Art betrachtet werden. Folgende Aussagen zeugen davon: “Geschichte und Geographie sucht man sich nicht aus. In meiner Generation findet man kaum Menschen, die aus einem Stück Holz geschnitzt sind. Das Leben hat uns aus den Splittern des Schicksals und den Abschnitten des Weges geformt. Wir waren Kinder unserer Zeit, unseres Milieus,  unseres Systems. Jeder ist auf seine Weise aus diesem Rahmen ausgebrochen. Nicht jeder, dem das schnell gelang, verdient Achtung. Und nicht jeder, dem das erst später gelang verdient Verachtung. Das Wichtigste ist, wovon der einzelne Mensch sich leiten ließ, wie er das tat, was er tat, und was für ein Mensch er heute ist”  (S. 8).

 

“Als Soldat weiß ich, daß ein militärischer Führer und überhaupt jeder Vorgesetzte für alles und alle verantwortlich ist. Das Wort ‘Entschuldigung’ mag nichtssagend klingen, aber ein anderes Wort kann ich nicht finden. Ich möchte deshalb um eines bitten: Wenn es Menschen gibt, bei denen die Zeit die Wunden nicht geheilt, den Zorn nicht zum Erlöschen gebracht hat, dann mögen sie diesen Zorn vor allem gegen mich richten, nicht aber gegen diejenigen, die unter den gegebenen Bedingungen, erhlich und in gutem Glauben, viele Jahre lang ihre ganze Arbeitskraft dem Aufbau unseres Vaterlandes geopfert haben”  (S. 9).

In seinem Schluß, äußert sich Jaruzelski in einem klaren “katechonischen” Stil: “Außergewöhnliche Situationen und Maßnahmen führen oft zu Blutvergießen. Wir wissen, daß in vielen Ländern der Ausnahmezustand Tausende und Abertausende von Menschenleben gekostet hat. Wir dagegen trafen diese dramatische Entscheidung eben deshalb, damit es nicht zu einer solchen Tragödie komme. Dies ist uns in hohem Maße gelungen. Hunderprozentig leider nicht. Im Bergwerk “Wujek” kam es zum Schußwaffengebrauch, neun Bergleute kamen ums Leben. Dieses schmerzliche Ereignis wirft bis heute seinen Schatten auf die Gesamtbewertung der damaligen Vorgänge”  (S. 465). 

 

Seine nüchtere Beobachtung der menschlichen Kräfte in der Politik erweisen sich erstaunlich dem konservativ-katechonischen Gedankengut von Denkern wie Donoso Cortés, Joseph de Maistre oder Constantin Franz nah: “Im Machtapparat gab es viele nachdenkliche, gebildete und erfahrene Menschen. Leider führt eine Summe von klugen Köpfen nicht automatisch zu einem Zuwachs an Klugheit. Oftmals wird man von den Dümmeren hinabgezogen, die durch Fanatismus, Demagogie und Schneid dafür sorgen, daß selbst die besten Absichten mit falschem Zungenschlag vorgetragen werden. Sowohl aus objektiven als auch aus subjektiven Gründen ließ sich die Regierungsbasis nicht wesentlich erweitern. Sehr viele wertvolle Menschen, die sich auf keiner der beiden Seiten klar engagieren wollten, gerieten ins Abseits”  (S. 466).

 

Der Unterscheid zwischen Mythologie und Pragmatismus in der Politik sieht der polnische General auch klar: “Die Mythologie ist ein untrennbarer Bestandteil des Gesellschaftsleben. Diese Färbung hat auch der Begriff “Ethos der ‘Solidarnosc’”, obwohl er heute schon merklich an Lebenskraft verliert. Wahrscheinlich war es Pilsudski, der gesagt hat, daß die Polen “nicht in Tatsachen, sondern in Symbolen denken”. Der Pragmatismus hat in der Politik ungeheure Vorteile und sollte eigentlich Wegweiser für alle Führungsmannschaften sein. Aber Pragmatismus allein reicht nicht. Er ist dürr und grau, wenn seine Vertreter nicht gleichzeitig an die emotionalen Grundlagen des kollektiven und des individuellen Bewußtseins appellieren” (S. 469).  Skeptisch bleibt Jaruzelski, wenn er die totale Wirtschafts-Liberalisierung der ehemaligen Ostblokstaaten observiert: “Ich fürchte, daß verschiedene Racheparolen, die zur “Dekommunisierung” aufrufen, unsere Aufmerksamkeit von den wesentlichen Zielen ablenken und zu einer Zersplitterung der Anstrengungen unserer Gesellschaft führen könnten. Das wäre für Polen im wahrsten Sinne des Wortes mörderisch. Es kann den Interessen unseres Landes nur schaden, wenn man sich in dieser von Rivalität, Wettlauf und Konkurrenz geprägten Welt Ersatzziele sucht und die Energie der Gesellschaft darauf verschwendet”  (S. 470).

Jaruzelski hat einen sowjetgeprägten Staat verteidigt und gerettet, ohne anscheinend ein Anhänger der kommunistischen Ideologie zu sein. Warum hat er dann so gehandelt? Kapitel 28 des Buches gibt uns eine sehr detaillierte und interessante Antwort. Hauptsache für den General ist es, die Souveränität Polens zu bewahren: “Gab es für Polen nach dem Zweiten Weltkrieg die Chance, als vollkommen unabhängiger Staat zu existieren, ohne sowjetischen Einfluß? (...) Teheran, Jalta und Potsdam gehören zu jenen Knotenpunkten in der neuzeitlichen Geschichte, über die die Historiker endlos diskutieren werden. (...) Die Mehrheit der damaligen Politiker mußte das Abkommen von Jalta wohl oder übel als gegebene Realität (...) hinnehmen (...). Die existierende Ordnung zwang auch Polen ihre Spielregeln auf und bestimmete seinen Handlungsspielraum. Als Militär konnte ich nicht so tun, als ob ich das nicht wüßte”  (S. 302-303).

Jaruzelski erinnert seine Leser an einen Brief, den er an seine Mutter und seine Schwester 1945 geschrieben hatte: “Ich bin verpflichtet für Polen zu dienen und zu arbeiten, ganz gleich, wie Polen auch aussehen mag und welche Opfer von uns auch gefordert werden mögen”  (S. 304). Der junge damalige Offizier wollte sein Land als ein real-existierende polnischer Staat, für Polen “wie es auch aussehen mag”, und dieses Pflicht allem anderen überordnen. Die nationalen Deutsche werden sehr wahrscheinlich eine solche Bekenntnis als dubiös und unhaltbar betrachtet, sie ist trotzdem wihl oder übel eine typische Haltung des polnischen Offizierentum, wo Dienst und Pflicht wichtiger erscheinen als etwa ethnische oder historische Fakten oder ideologische Konstruktionen. Jaruzelski skizziert in diesem 28. Kapitel die Auseinandersetzungen zwischen den Londoner-Polen um General Anders und den Moskauer-Polen.

 

Die westliche Mächte haben die neue Westgrenzen Polens nie garantiert, im Gegenteil zu Moskau. In den Augen Jaruzelskis, erscheint also die Sowjetunion als ein treuer Garant und ein fester Bundgenosse. Nur Moskau garantierte dem polnischen Staat eine feste und klare Gestalt. Die Londoner-Polen wollten die Grenzen von 1939, was die Sowjets nie akzeptiert hätten, weil Polen Riesengebiete Weißrußlandes und der Ukraine 1921 annektiert hatte, so lief Polen die Gefahr, an der Gestalt des früheren Kongreß-Polen reduziert zu werden, d. h. ein Land, das zergliederte Grenzen gehabt hätte, die nicht zu verteidigen waren.  So wurde das Schicksal der Ostdeutschen besiegelt: das mit der Sowjetunion verbündete Polen mußte seine eigene Ostgebiete abgeben und nach Westen als Kompensation erweitert werden.

Die Feinde Jaruzelskis betonen, Polen war im Warschauer Pakt versklavt. Dazu antwortet der General, daß es zwei Formen der Souveränitätsbeschränkung gibt: 1) Die freiwillige Beschränkung im Interesse des Staates oder einer verbündeten Staatengruppe; 2) Die Beschränkung, die Protektoratscharakter hat. Jaruzelski gibt zu, Polen war ein Protektorat bis 1956, danach war seine Souveränität nur “beschränkt” im Rahmen des Warschauer-Paktes. Funktionsfähigkeit des Staates und Vermeidung des sozialen und wirtschaftlichen Chaos sind die beiden Hauptaufgaben, die Jaruzelski sich gesetzt hatte.

Jaruzelski zitiert noch die Appelle von den Kanzlern Kreisky und Schmidt, die Ordnung zu retten, damit Polen seine vertragliche Verpflichtungen gegenüber anderen Staaten erfülle, und Vernunft und Mäßigung zu pflegen. Weiter finden man den kompletten Wortlaut eines Berichts des polnischen Außenministers Jozef Czyrek über seinen Besuch beim Papsten (S. 353-354), und auch einen Bericht des General Kiszczaks über die sowjetischen, ostdeutschen und tschechischen Manöver an den polnischen Grenzen in Herbst 1981 oder durch Mittel von Geheimdienst-Agenten innerhalb der polnischen Grenzen selbst. Hätte Jaruzelski das Kriegsrecht nicht am 13. Dezember 1981 ausgerufen, wären die Warschauer-Pakt-Verbündeten am 16. einmarschiert, um Polen “vom Wurg der Konterrevolution” zu retten. Genauso wie in Prag 1968.

Die Aktion Jaruzelskis war also, wie der amerikanische antikommunistische “Falke” Zbigniew Brzezinski es geschrieben hat, die Übergang vom “kommunistischen Autoritarismus” zum “postkommunistischen Autoritarismus”. Solidarnosc ist nicht verboten worden, wie auch der Papst es Czyrek gebeten hatte, sondern einfach gezügelt, damit man Polen von einer sowjetischen Invasion, von Chaos und Bankrott bewahren konnte. Man kann skeptisch bleiben, aber die Lektüre dieses Buches ist hoch interessant, nicht weil es uns die Gedankenwelt eines sowjetfreundlichen polnischen Generals, sondern weil es sehr genau das Pflichtbewußtsein eines Militärs in der Politik enthüllt. Militärs, Katholizismus, Russophilie und Kommunismus mischen sich erstaunlicherweise in den Memoiren Jaruzelskis. All diese Ingredienten sind letzter Hand eine unstabile Mischung und entsprechen ganz genau die real-existierende polnische Identität (Robert STEUCKERS).

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mercredi, 20 août 2008

Vandaag Zuid-Ossetië, morgen Vlaanderen?

Vandaag Zuid-Ossetië, morgen Vlaanderen?

mardi, 19 août 2008

V. Eggermont: De Delta Optie

Uit den Ouden Doosch: Gastschrijver Vik Eggermont

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Lo politicamente correcto y la metapolitica

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Alberto BUELA (*):

 

Lo políticamente correcto y la metapolítica

En estos días nos ha llegado desde varios lados un reportaje al militar franco-ruso, ahora devenido ensayista, Vladimir Volkoff sobre lo políticamente correcto. Las respuestas que da Volkoff son acertadas pero insuficientes, pues él limita lo políticamente correcto a un problema del decir: “circula a través de nuestro vocabulario. El vocabulario políticamente correcto es el principal vehículo de contagio”.

Es cierto que lo políticamente correcto, en inglés denominado political correctness, tiene que ver con una forma de decir; por ejemplo a un negro llamarlo "hombre de color",  hablar de interrupción del embarazo en lugar de aborto, invidente en lugar de ciego. Pero hay que dar un paso más en busca de su fundamento, sino simplemente nos quedamos en la descripción del fenómeno.

Así lo políticamente correcto es todo eso que dice Volkoff: el "todo vale", el cristianismo degradado, el socialismo reinvindicativo, el freudismo antimoral, el economicismo marxista, el igualitarismo como punto de llegada y no de partida, la decadencia del espíritu crítico, lo practican los intelectuales desarraigados, confunde el bien y el mal. Pero todo ello no alcanza para asir su naturaleza, esencia y fundamento. Incluso Volkoff afirma que: es de imposible definición.

Además, está el hecho bruto e incontrovertible de que existen temas y problemas políticos de mucho peso en la historia del mundo que no son tratados por ser políticamente incorrecto hacerlo, por ejemplo: el poder judío en las finanzas internacionales y en los medios masivos de comunicación o el poder de las sectas e iglesias cristianas al servicio del imperialismo. Vemos con estos solos ejemplos como lo políticamente correcto no se limita al decir o al dejar de decir, como sostiene Volkoff.

Además hay temas y muchos, que no son tratados ni mediática ni privadamente por ser políticamente incorrectos: la jerarquía, el disenso, la disciplina, el arraigo, la pertenencia, las virtudes, el deber, el heroísmo, la santidad, la lealtad, la autoridad, etc.

Nosotros sin embargo creemos que lo políticamente correcto se apoya y tiene su fundamento en el denominado pensamiento único. Pensamiento que encuentra su justificación en los poderes que manejan y gobiernan este mundo terrenal y finito que vivimos hoy.

Podemos definir lo políticamente correcto como la forma de hacer y decir la política que se adecua al orden constituido y al statu quo reinante. Es por ello que el simulacro y el disimulo, la amplia calle de la acción y el discurso político contemporáneo, tiene en lo políticamente correcto su mejor instrumento. Hoy la política  es entendida y practicada como “un como sí” kantiano. Se piensa y se actúa “como si ” se pensara y se actuara de verdad. Es por ello que los gobiernos no resuelven los conflictos sino que, en el mejor de los casos, los administran. Nos tratan de mantener siempre en una pax apparens como agudamente ve Massimo Cacciari, el filósofo y actual intendente de Venecia.

¿Y por qué hablamos de pensamiento único? Porque hay una convergencia de intereses de los distintos poderes que manejan este mundo que necesita ser justificada y su justificación se halla en el pensamiento único, que está constituido por el pensamiento social, política y académicamente aceptado. Esto prueba como lo han demostrado intelectuales "políticamente incorrectos" como Michel Maffesoli, Massimo Cacciari, Danilo Zolo, Alain de Benoist, Günter Maschke,  y tantos otros, que existe una "policía del pensamiento" (los Habermas, Eco, Henry-Levy, Gass, Saramago -en nuestro país los Aguinis, Sebrelli, Verbisky, Feinmann, Grondona, etc.-) que determina en forma "totalitariamente democrática" quienes son los buenos y quienes los malos. A quien se debe promocionar y a quien denostar o silenciar. Es le totalitarisme doux propre des démocraties occidentales del que nos habla Mafffesoli.

Esta policía del pensamiento es una, como es uno el pensamiento único y como lo es también uno el sistema de intereses de los poderes mundiales, más allá de sus aparentes diferencias ideológicas. Perón a esto lo llamaba sinarquía, que el pensamiento políticamente correcto se encargó de negar y burlarse.

No se puede hablar en profundidad de lo political correctness sin estudiar aquello que constituye la pensée unique tan bien descripta por Alain de Benoist, Ignacio Ramonet o Vitorio Messori. Y no se puede hablar del pensamiento único sin hacer referencia a la unitaria madeja de intereses que sostiene el funcionamiento de los poderes indirectos, en muchos casos más poderosos incluso que los mismos Estado-nación. Todo ello a su vez tiene una fuerza coercitiva que es "la policía del pensamiento" que funciona en forma aceitada hasta en el último pueblito de la tierra.

Esta tenaza poderosa de dinero, poder político y prestigio intelectual es la que presiona sobre la vida de los pueblos para el logro de la homogenización del mundo y las culturas en una sola. Esta tenaza es la expresión acabada de un mecanismo perverso de alienación existencial de las naciones que pueblan la tierra. Y es en vista a la denuncia de este mecanismo perverso, donde se juntan lo políticamente correcto, el pensamiento único, los poderes indirectos y la policía del pensamiento, que buscamos hacer una observación crítica a lo sostenido por Volkoff.

La tarea de desmontaje de lo políticamente correcto es una tarea correspondiente stricto sensu a la metapolítica pues esta disciplina con el estudio de las grandes categorías que condicionan la acción política de los gobiernos de turno es la que nos brinda las mejores condiciones epistemológicas para el conocimiento de aquello que nos hace padecer lo políticamente correcto como vocero del pensamiento único impuesto a su vez por la policía del pensamiento. Lo políticamente correcto al transformar sus propuestas y temas en “el lugar común”, puede ser desarmado con el uso de la metapolítica que para Giacomo Marramao “ convierte a la divergencia en un concepto de comprensión política ”.

Con lo cual llegamos finalmente a constatar que para comprender acabadamente la política y lo político estamos obligados a desmantelar el andamiaje de este círculo vicioso conformado por lo políticamente correcto, el pensamiento único, los poderes indirectos y la policía del pensamiento que se retroalimentan entre sí en una totalidad de sentido, que en nuestra opinión produce ese gran sin sentido que caracteriza a la política mundial de nuestro tiempo.

(*) alberto.buela@gmail.com

lundi, 18 août 2008

Hommage à E. Delvo

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Hommage à Edgard Delvo pour son 90ième anniversaire

 

Edgard Delvo: une quête sans repos de la justice sociale

 

Peter LEMMENS

 

Dans le paysage intellectuel flamand, on rencontre peu de personnages de ce format, peu de personnalités qui, mues par une pulsion intérieure, partent en quête de la vérité sans jamais plus s'arrêter. Ce sont généralement des personnalités qui se mettent en travers de toutes les valeurs et de toutes les idoles conventionnelles, de tous les systèmes jugés éternels et de tous les concepts abstraits; elles suivent l'ordre de leur conscience en dépit de tout et de tous, elles s'avancent sur leur propre chemin. Au beau milieu d'une réalité qui ne cesse de changer, elles sont souvent obligées de redéterminer leurs positions, avec le risque de ne plus être comprises par leur entourage, doté de capacités intellectuelles moindres.

 

Parmi ces rares personnalités en Flandre: Edgard Delvo. L'idée directrice, pour laquelle il a voué sa vie entière, est l'idée de justice sociale. A partir de cette idée, Delvo a toujours cherché à donner des fondements idéologiques solides à sa pensée et à son action. Il était essentiel pour lui de faire concorder doctrine et action. Toujours, Delvo est parti du réel, hic et nunc, et su que ce réel formait toujours l'ultime pierre angulaire sur laquelle reposait l'expérience personnelle, aussi riche soit-elle.

 

Au beau milieu de ce XXième siècle effervescent, cette option pour un réel toujours mouvant l'a contraint à arpenter des che­mins très différents les uns des autres et à mener une existence des plus hasardeuses...

 

Edgard Delvo est né le 20 juin 1905 à Gand dans une famille d'ouvriers pauvres et socialistes. Son milieu familial le prédispo­sait donc à devenir, très jeune, un ouvrier, comme son père et son grand-père. Mais la nature l'a doté d'une intelligence assez vive. Avec l'aide d'une bourse pour élève doué, il peut aller au-delà de l'école primaire et, comme on le disait à l'époque, «faire ses moyennes». Plongé dès le foyer familial dans une ambiance socialiste, son enthousiasme pour cette idéologie ouvrière fut ravivé par l'homme de poigne, le génie du verbe, du socialisme gantois, Edouard Anseele. Plus tard, Delvo témoignera et dira que c'est surtout les dimensions humaines d'Anseele qui l'ont séduit et attiré. L'étape suivante dans l'évolution du jeune Delvo se déroule rapidement: au départ de ses prédispositions naturelles pour le travail intellectuel, Delvo, à partir de l'âge de 16 ans, approfondit ses connaissances du marxisme et devient un socialiste bien écolé et formé.

 

Après avoir obtenu son diplôme d'instituteur, il s'en va travailler dans l'“imprimerie populaire” (Volksdrukkerij), une entreprise appartenant au parti socialiste, qui fonctionnait pourtant pratiquement comme une pure entreprise capitaliste. Delvo s'est alors rapidement aperçu que bien que le socialisme se réclame de la doctrine marxiste (détruire le capitalisme par la lutte des classes et libérer le travailleur par le biais de la dictature du prolétariat), le socialisme belge, en pratique, visait la création, par la voie du réformisme, d'un capitalisme ouvrier, où les travailleurs seraient ipso facto transformés en de “petits bourgeois” de seconde zone. Il y avait donc une profonde césure entre la théorie socialiste et la pratique. Delvo en déduit immédiatement que les théories marxistes ne correspondent pas à la réalité sociale, comme il peut s'en apercevoir de visu dans sa propre entre­prise socialiste.

 

Mais il est encore trop tôt pour tirer toutes les conclusions de ce constat. Le jeune homme Delvo doit encore accumuler de l'expérience. Mais la direction de la Volksdrukkerij  lui donne rapidement l'occasion d'élargir ses horizons: il reçoit l'autorisation de suivre les cours de l'Université d'Etat de Gand à titre d'étudiant libre. Reconnaissant, Delvo, en autodidacte, acquiert un vaste savoir dans une quantité de sciences sociales et humaines, telles la psychologie, la pédagogie, la sociologie et aussi l'économie.

 

En même temps, Delvo s'engage à fond dans le mouvement de jeunesse socialiste. En toute connaissance de cause, il n'opte pas pour la Jonge Wacht  (la “Jeune Garde”), très inféodée au parti, mais pour la SAJ (Socialistische Arbeidersjeugd;  Jeunesse Ouvrière Socialiste), qui s'inspirait davantage des Wandervögel  allemands et prônait, dans ses programmes, une sphère indépendante de la jeunesse dans la société, l'épanouissement culturel de ses membres, un vécu communautaire so­cialiste et une sorte de retour à la nature.

 

Delvo accumule du savoir à l'Université, son intelligence vive est rapidement remarquée par les dirigeants du parti: dès 1928, il occupe le poste de secrétaire flamand de la Centrale d'Education Ouvrière. C'est la première fois qu'un homme aussi jeune  —23 ans—  est appelé à diriger l'écolage des cadres socialistes en Flandre. Une tâche dont Delvo s'acquittera parfaitement, au point d'être hissé au poste de Secrétaire général quatre ans plus tard.

 

Par son expérience quotidienne de la réalité sociale et en approfondissant sans cesse ses idées, Delvo finit par avoir des pro­blèmes de conscience; la doctrine marxiste lui apparaît de moins en moins idoine à servir de fondement idéologique à ses sentiments et ses aspirations socialistes. Heureusement, il trouve un livre qui lui permet de sortir de cette impasse: Psychologie van het socialisme (traduit en français sous le titre d'Au-delà du marxisme), ouvrage publié en 1926 par Henri De Man. Ce livre lui ouvre des perspectives entièrement nouvelles; remotive son engagement socialiste et étaye ses idées.

 

D'après De Man, le socialisme n'était rien d'autre que l'expression d'une idée éternelle de justice sociale, ancrée en l'homme, qui lui permettait d'agir selon sa propre conscience, en tant qu'être responsable, guidé par la raison, et de rechercher juste­ment cette justice sociale. De cette façon, le socialisme apparaissait comme lié indissolublement à une vision humaniste glo­bale. C'est la raison pour laquelle De Man a saisi la nécessité de dégager le socialisme de la doctrine marxiste et d'opposer au marxisme un socialisme à fondement éthique. Au lieu de considérer la question ouvrière et le socialisme comme des phé­nomènes déterminés par l'histoire et la matière, De Man et ses adeptes en viennent à la percevoir comme une problématique essentiellement d'ordre psychologique. Il ne s'agissait plus de réaliser l'émancipation ouvrière par le biais de la lutte des classes et de la dictature du prolétariat; ni de reprendre à son compte les valeurs et la culture du monde bourgeois et capita­liste, comme le socialisme politique l'avait fait en pratique. Non: l'émancipation ouvrière devait être réalisée en donnant au travailleur une valeur propre, en créant pour lui un système de valeurs qui lui soit spécifique. Il s'agissait donc de faire advenir un nouveau type humain, qui n'aurait plus rien à voir avec les vertus bourgeoises, mais développerait ses propres valeurs et ses propres normes, une culture nouvelle, comme bases d'une société socialiste. Le socialisme ne visait donc pas la pure et simple matérialité (rôle du “socialisme-beafsteak”), mais se posait essentiellement comme un souci éthique, culturel et spiri­tuel. Il ne s'agissait plus d'acquérir toujours davantage de biens matériels, mais de mettre au centre de l'éthique des travail­leurs la joie au travail.

 

A la suite de leur vision humaniste intégrale et de leur désir de généraliser la justice sociale, leur souci socialiste ne pouvait plus se limiter à une seule classe sociale, mais devait nécessairement s'élargir à toute la réalité ambiante, où vivaient les hommes de chair et de sang: c'est-à-dire embrasser l'ensemble de la “communauté populaire”. Dès qu'ils eurent opéré leur “renversement copernicien”, De Man et Delvo, sur base de leur postulat d'élargissement, commencèrent à s'intéresser au nationalisme. Cela amena De Man à publier en 1931 une brochure, Nationalisme en Socialisme,  où il accorde une valeur positive au “nationalisme de libération”, concept que nous considérerions comme synonyme de notre “nationalisme populaire” (volksnationalisme).  Mais contrairement à son maître-à-penser, Henri De Man, qui, ultérieurement, s'égarera dans les eaux du “nationalisme d'Etat” (staatsnationalisme), Delvo va approfondir ce concept au cours des années 30, ce qui le conduira à dire que tout sentiment socialiste véritable doit être indissolublement lié à une conscience nationale-populaire (et vice-versa). Sentiment socialiste et conscience nationale convergent tous deux vers un seul et unique but: la construction de la commu­nauté populaire (volksgemeenschap).

 

Delvo est également devenu un protagoniste enthousiaste et convaincu du planisme de De Man. La vision planiste impliquait que toute la vie économique devait contribuer à un équilibre entre les besoins de la consommation et les capacités de produc­tion, où il fallait tabler et utiliser toute la créativité qui résidait en l'homme. Pour les planistes, cet équilibre et ce pari pour la créativité humaine n'étaient possibles que si l'on avançait une vision beaucoup plus nuancée de la propriété que les marxistes. Au lieu de nationaliser purement et simplement les moyens de production et la propriété, il fallait, disaient-ils, partir des di­verses formes de propriété et voir si elles apportaient des avantages ou des incon­vénients au peuple en tant que communauté. Sur base de ce tri, les planistes finirent par juger que les monopoles et les puissances d'argent devaient être freinées dans leurs initiatives et leur expansion, tandis que les initiatives privées qui donnaient des avantages au peuple devaient être stimu­lées. L'idéal consistait donc à construire une économie mixte avec secteurs nationalisé et privé. Mais il était essentiel, dans la vision planiste, que l'autorité et non la propriété soit transférée à l'Etat. Le contrôle de la gestion de la propriété a donc été con­sidéré comme prioritaire par rapport à la possession de l'entreprise.

 

Pour réaliser un tel “Plan”, il fallait, pensaient les planistes, réformer de fond en comble la démocratie, afin de dégager l'Etat de l'emprise des puissances d'argent et des groupes de pression. Pour accéder au stade de cette planification rationnelle, le système démocratique manquait d'une réelle direction, d'auto-discipline et surtout de responsabilité personnelle. Les planistes formulent une série de propositions, afin d'incorporer ces “vertus” dans le système démocratique et de rendre ainsi la démo­cratie plus forte. Le résultat aurait du être, pour De Man, Delvo et les planistes belges, le “socialisme démocratique”. Bien en­tendu, les adversaires de ce planisme socialiste et démocratique n'ont pas hésité à accuser De Man et Delvo de plaider pour une “démocratie autoritaire”. Ce reproche était injuste: les deux hommes sont restés des démocrates convaincus; ils se re­connaissaient pleinement dans le principe des élections libres et du contrôle parlementaire, mais ils voulaient biffer les dys­fonctionnement et les débordements du système, afin de le sauver et non pas de le torpiller définitivement.

 

En 1934, De Man et ses collaborateurs réussissent à mettre le parti socialiste officiellement sur la ligne du planisme et du “socialisme démocratique”. Cela ne signifie pas, évidemment, que les instances du parti ont été convaincues de la justesse des thèses planistes au point de s'y convertir; plus exactement, elles ont dû avouer leurs impuissance à résoudre la crises économiques des années 30 à l'aide des recettes marxistes, devenues au fil du temps, étrangères au monde et inefficaces. Tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du parti, l'opposition au projet planiste s'est rapidement organisée pour barrer la route à toute amorce de réalisation des idées de De Man et de Delvo. Les adversaires du planisme ont, en fin de compte, réussi à empê­cher toute réforme graduelle et rationnelle de la démocratie belge.

 

Vers la fin des années 30, certains nationalistes flamands commencent à manifester un vif intérêt pour les aspirations socia­listes de De Man et de Delvo. Et ceux-ci commencent, pour leur part, à s'intéresser de plus près au nationalisme flamand. Une fraction des intellectuels nationalistes et une fraction des intellectuels socialistes se rapprochaient. A la tête des socia­listes rénovateurs et d'esprit ouvert, Edgard Delvo. En 1939, il entre en contact avec le nationaliste flamand Viktor Leemans et avec le “national-solidariste” Joris Van Severen. Ces rencontres permettent à ces hommes venus d'horizons fort différents de constater qu'au fond ils sont très proches les uns des autres. Ils envisagent de fonder une revue, à laquelle ils collaboreraient tous et où ils confronteraient leurs points de vue dans un but constructif, mais la guerre éclate et ce projet ne peut pas se con­crétiser.

 

Quand les Allemands entrent en Belgique le 10 mai 1940, le régime démocratique et la machine de propagande française suscite au sein de la population belge une psychose de terreur, en décrivant l'armée allemande comme une horde de barbares massacrant tout sur son passage, poussant des centaines de milliers de réfugiés sur les routes et les exposant aux risques de la guerre. Delvo prend cette propagande au mot et décide de combattre l'Allemagne et se présente comme volontaire, d'abord dans un bureau de recrutement de l'armée belge, puis de l'armée française. Mais Delvo ne rencontre que le chaos. Après l'effondrement des armées alliées, il s'aperçoit de la fausseté des propagandes belge et française, constate que les atrocités radiodiffusées ont été inventées de toutes pièces. Cette révélation le dégoûte des régimes démocratiques et il perd toute foi en eux.

 

Delvo décide de réaliser ses aspirations socialistes-démocratiques dans le cadre de l'“Ordre Nouveau”, plus précisément dans le giron du parti nationaliste flamand, le VNV. Deux éléments l'ont pousser à cette option. D'abord, ce fut Viktor Leemans qui le contacta en premier lieu à son retour de France. Plus fondamentalement, c'est un projet du VNV qui le séduit: celui de se transformer en un vaste mouvement d'unité flamande. Cette tentative de dépassement des étroits contingentements politiques de l'avant-guerre et de construction d'un vaste mouvement populaire surplombant les clivages politiciens en Flandre était, pour Delvo, l'occasion rêvée de concrétiser ses visions socialistes et nationales-populaires. Delvo est immédiatement intro­duit dans le “Conseil de Direction” du VNV, où il devient responsable de la formation des militants et membres, de l'école des cadres et de la propagande. Le fait que de telles responsabilités aient été déléguées à un dirigeant important du parti socialiste d'avant-guerre prouve que le VNV prenait effectivement cette opération au sérieux. Mais le projet de mouvement unitaire ne débouche pas sur les résultats escomptés. D'abord, la base, contrairement à la direction, ne souhaite pas dépasser aussi ra­pidement les clivages idéologiques d'avant-guerre et ne propose pas de nouvelle synthèse. Ensuite, les circonstances de la guerre n'autorisaient pas la réalisation d'un tel projet; les Allemands accordaient la priorité aux opérations de guerre, avant toutes autres considérations. En cas de nécessité, ils sacrifiaient d'abord les objectifs de nature idéologique.

 

Cette réticence allemande a conduit Delvo à plaider en faveur d'une collaboration inconditionnelle avec l'Allemagne. Car, à ses yeux, à ce moment-là de la guerre, seule une victoire définitive du Reich national-socialiste permettrait aux Flamands de réaliser chez eux les aspirations socialistes et nationales-populaires, théorisées par Delvo. C'est en voulant joindre les actes à la parole que Delvo s'est présenté un jour comme volontaire pour combattre sur le Front russe, après l'entrée des troupes de Hitler en URSS. Mais Staf De Clercq, chef du VNV, a estimé que la présence de Delvo était plus utile en Flandre que dans les plaines de Russie; il a donc refusé l'engagement de Delvo et l'a obligé à rester au pays.

 

En avril 1942, Delvo devient le chef de l'UTMI/UHGA (Union des Travailleurs Manuels et Intellectuels), une organisation syndicale calquée sur le modèle du “Front du Travail” allemand et destinée à devenir un mouvement syndical unitaire en Belgique selon les modèles préconisés par l'“Ordre Nouveau”. Delvo reçoit donc entre les mains un instrument potentielle­ment puissant, lui permettant de réaliser à terme ses objectifs socialistes et nationaux-populaires. La guerre l'oblige à se limi­ter et à n'ébaucher qu'idéellement la société qu'il appelait de ses vœux.

 

Quand les dernières troupes allemandes évacuent la Belgique, Delvo se replie en Allemagne, bien décidé à s'engager jusqu'au bout pour ses idéaux. Il trouve tout de suite une place dans le gouvernement flamand en exil, le Vlaamse Landsleiding,  où l'on tente, selon Delvo, de faire l'unité de toutes les tendances de la collaboration flamande encore prêtes à combattre aux côtés de l'Allemagne, dans l'espoir de réaliser leurs idées nationalistes, nationales-socialistes ou autres. Delvo devient le “plénipotentiaire” des Affaires Sociales et élabore un programme social, bien dans la ligne de ce qu'il avait suggéré dès le dé­part au VNV.

 

Après l'effondrement définitif du IIIième Reich, Delvo connaîtra des années fort sombres. En 1945, un tribunal militaire belge le condamne à mort par contumace. Sans cesse repéré et poursuivi, il n'avait plus qu'une solution: errer à travers l'Allemagne sous plusieurs fausses identités, séparé de sa femme et de ses enfants. Il exerça toutes sortes de petits boulots pour gagner maigrement sa vie. En 1965, il est frappé d'un infarctus, est dans l'incapacité de travailler et obligé de se livrer aux autorités allemandes. Mais comme il est persécuté pour des raisons politiques, les autorités allemandes le relâchent immédiatement et refusent de le livrer à la Belgique. En 1972, sa condamnation est ramenée à 20 ans de prison, si bien qu'il pourra rentrer au pays après 30 ans d'exil. En 1974, il est de retour en Flandre, mais sous le statut d'apatride.

 

Delvo a survécu à toutes ses années de misère, de difficultés matérielles, physiques et émotionnelles, parce qu'il a approfondi ses idées et ses réflexions, a lu, a continué à se former politiquement et philosophiquement. Le feu sacré qui brûlait dans le cœur du jeune militant socialiste de 1920 ne s'est finalement jamais éteint. Dès son retour, avec l'appui de la grande presse flamande (notamment le quotidien De Standaard), de la très sérieuse maison d'édition De Nederlandse Boekhandel,  des mi­lieux nationalistes de droite et de gauche (Voorpost, VUJO, etc.) et de l'hebdomadaire anversois 't Pallieterke, il tente une dernière fois d'éveiller l'intérêt des intellectuels flamands pour son socialisme populaire et national. Il publie coup sur coup trois ouvrages théoriques et autobiographiques. Delvo était convaincu, à son retour d'exil, que ses conceptions avaient gardé un certain degré d'actualité, tout en comprenant parfaitement que les circonstances avaient changé de fond en comble. Il est dès lors curieux de constater qu'un homme comme Delvo, qui a toujours mis l'accent sur la nécessité de bien coupler pensée et action et de se référer à la réalité actuelle, a limité ses ouvrages d'après-guerre à un regard rétrospectif sur l'histoire et ne nous a pas livré une analyse de la réalité nouvelle.

 

Mais Delvo, dans la seconde moitié des années 70 a été un conférencier fort demandé, surtout dans les milieux nationalistes flamands. Mais lorsque l'on relit aujourd'hui les textes de ces interviews et de ces conférences, on a le sentiment, un peu amer, que ce retour de Delvo dans le milieu nationaliste ou, du moins, chez les nationalistes qui avaient la volonté de suggérer un projet de société nouvelle, a finalement été peu fécond et que les formations nationalistes flamandes qui l'ont invité et écouté, n'ont pas mis à profit ses enseignements.

 

Cette année, Edgard Delvo a fêté son 90ième anniversaire. Il est devenu aveugle, mais son esprit est resté intact, toujours animé par ce formidable feu sacré. Il reste à l'écoute des grands débats par la radio, la télévision, des cassettes audio, des conversations, mais sa cécité l'empêche quand même de juger notre réalité trop changeante, trop effervescente, dans toutes ses nuances. La troisième révolution industrielle a modifié en profondeur la société dans laquelle nous vivons. Par la diminu­tion du temps de travail, par l'attention croissante que portent nos contemporains à leurs loisirs, par le changement des men­talités, le concept de “travail” a perdu bon nombre de ses significations d'antan. La mécanisation et la robotisation croissantes ont produit une nouvelle armée de chômeurs et une nouvelle société duale. Tout cela, et beaucoup d'autres choses encore, font que toute la problématique sociale doit être totalement repensée. Indubitablement, bon nombre d'idées, de méthodes et de structures que Delvo a analysées ont succombé aujourd'hui. Mais l'essentiel de la pensée de Delvo, c'est-à-dire sa volonté de lutter pour une véritable justice sociale et pour un ancrage du sentiment socialiste dans l'humus national, doit demeurer pour nous un leitmotiv. Dans notre travail de re-penser la société, la question sociale et le statut de l'ouvrier, ce fil conducteur est indispensable pour aboutir à une NOUVELLE SYNTHESE.

 

Peter LEMMENS.

(adaptation française: Robert Steuckers)

 

Bibliographie:

- Edgard DELVO, In dienst der arbeidersopvoeding. Handboek voor medewerkers van de Opvoedingscentrale, Deurne, 1937, 244 p.

- E.D., De Belgische arbeidersbeweging. Geschiedkundige studie, Deurne, 1938, 47 p.

- E.D., Hedendaagsch humanistisch streven: democratisch socialisme en zijn beteekenis voor de BWP, Antwerpen, 1939, X-91 p.

- E.D., Arbeiders, mijn Kameraden! Ons geleidt de nieuwe tijd, Brussel, [1940], 31 p.

- E.D., Arbeid en arbeider in de volksche orde, Brugge, 1941, 42 p.

- E.D., Sociale collaboratie. Pleidooi voor een volksnationale sociale politiek, Antwerpen, 1975, 266 p.

- E.D., De mens wikt. Terugblik op een wisselvallig leven, Antwerpen, 1978, 189 p.

- E.D., Democratie in stormtij. Democratisch socialisme in de crisisjaren dertig,  Antwerpen, 1983, 205 p.

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dimanche, 17 août 2008

Poetin wil rol in Cuba terug

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Poetin wil rol in Cuba terug

MOSKOU - De Russische premier Vladimir Poetin wil dat zijn land zijn invloedrijke rol in de voormalige communistische bondgenoot Cuba weer oppakt. Dat hebben Russische media gisteren gemeld.

Er wordt druk gespeculeerd of er sprake is van een tactiek van Rusland om ook militaire aanwezigheid te krijgen op het eiland, op slechts 150 kilometer van de Verenigde Staten.

Rusland zou daarmee reageren op Amerikaanse inspanningen om een raketschild te installeren in Oost-Europa, dat volgens de officiële berichtgeving bedoeld is om aanvallen uit Iran af te weren.

'Het is geen geheim dat het Westen een bufferzone om Rusland heen creëert', zei Leonid Ivasjov, hoofd van de Russische Academie voor Geopolitieke Problemen. 'In reactie daarop breiden we onze militaire activiteiten in het buitenland mogelijk ook uit, waaronder in Cuba.'

Poetin maakte de opmerking na op de hoogte te zijn gebracht van de uitkomst van een bezoek van een Russische delegatie aan Cuba. Vicepremier Igor Sechin sprak in Cuba over samenwerking op het gebied van energie, mijnbouw, landbouw, gezondheidszorg en communicatie, meldde persbureau RIA-Novosti. Het is niet bekend of er ook over militaire samenwerking gesproken is.

http://www.standaard.be/Artikel/Detail.aspx?artikelId=DMF05082008_011&ref=nieuwsoverzicht

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Entretien avec E. Delvo

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Entretien avec Edgar DELVO, ancien secrétaire de la Centrale d'Education Ouvrière du POB (Parti Ouvrier Belge)

 

Propos recueillis par Robert Steuckers

Monsieur Delvo, vous êtes consubstantiellement socialiste; vous êtes né dans une famille socialiste, vous avez été totalement imbriqué dans la vie du mouvement socialiste jusqu'en 1945. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre famille et votre jeunesse?

 

Je suis né à Gand le 20 juin1905, dans une famille et un quartier ouvriers. Pour les gens de très modeste condition, c'était des temps difficiles: nos contemporains, et a fortiori les jeunes gens, ne s'imaginent plus combien pénibles étaient les circons­tan­ces de la vie quotidienne, même pour les bourgeois. La notion de “temps libre” n'existait pas: tout était orienté vers le la­beur, vers les corvées de tous les jours. Impossible, dans un tel contexte, d'imaginer une forme ou une autre d'épanouisse­ment lu­di­que ou culturel. Mon père était un ouvrier métallurgiste, un ouvrier qualifié qui aimait son métier et y mettait tout son cœur. Il était certes mieux payé que les simples manœuvres, mais, comme tout le monde, il avait grand'peine à joindre les deux bouts. Mon grand-père, que j'ai bien connu, était une célébrité dans les cafés de Gand et des environs, non pas parce qu'il aimait trop la bière, mais parce qu'il ne gagnait pas assez d'argent pour nourrir décemment sa ribambelle d'enfants. Il tra­vaillait dix heures par jour et, le soir, il vendait encore de la sciure de bois et du sable pour répandre sur le sol des auberges et des bistrots. Mon père était l'aîné d'une famille de six enfants: sa qualité d'aîné lui donnait quelques privilèges; c'est sur lui que se fondaient les espoirs de la famille. Le principal de ces privilèges était de recevoir une tartine complémentaire après le coucher. Ensuite, il a reçu l'autorisation d'apprendre à lire, alors que l'obligation scolaire n'existait pas encore dans le Ro­yaume de Belgique, et que mon grand-père était analphabète.

 

Savoir lire donnait des avantages énormes: on pouvait apprendre rapidement, on pouvait lire les journaux, à cette époque où il n'y avait ni radio ni télévision. La seule distraction que s'accordait les gens était de jouer au lotto à la lumière d'une chandelle: mais de telles récréations étaient exceptionnelles, un luxe rare. Mon père a été un homme heureux, il était fier de ses talents. Il avait une conscience socialiste, tout comme mon grand-père. Ils avaient abandonné l'église. Mon grand-père avait été profon­dément choqué par l'anti-socialisme et l'anti-syndicalisme de son curé, qui refusait de prendre en compte la misère ouvrière. Cette arrogance avait fait naître un sentiment d'aigreur profonde dans les familles ouvrières: «nous ne valons rien aux yeux des curés». Pourtant, mon père était fier de son travail: il façonnait des moules en argile pour couler des pièces. Il m'amenait le dimanche pour voir son œuvre et il me communiquait sa fierté. Pour nous le travail bien fait était une valeur inestimable et nous ne comprenions pas pourquoi les gens d'église le méprisaient. Mon père pourtant ne cultivait pas de ressentiment et n'était certainement pas un fanatique de la lutte des classes: quand il y avait une grève, il se retirait à la maison et élaborait des plans pour de nouveaux moules.

 

A douze ans, j'ai pu fréquenter l'“école moyenne”, alors qu'il n'y avait toujours pas d'obligation scolaire. J'emmagasinait faci­lement les matières, je travaillais bien, mais je n'oubliais pas non plus que j'étais un enfant de la rue, un enfant qui avait grandi au sein d'une communauté de voisins, solidaires et chaleureux. Malgré la misère ambiante, j'ai vécu une enfance insouciante. Mes parents, qui étaient doux et bienveillants, m'avaient accordé ce qu'ils n'avaient pas eu, eux: du “temps libre”. Mais leur tolérance avait des limites fixées à l'avance: il fallait toujours que nous gardions une attitude digne. Paradoxalement, ces so­cialistes avaient quitté l'église mais vivaient toujours selon les canons de la charité chrétienne. Ils refusaient simplement, mais absolument, la hiérarchie catholique. Pour eux, l'église était l'ennemie du peuple; elle choisissait toujours le camps des nantis et des puissants. Mes parents n'étaient pas actifs dans le mouvement socialiste, mais lisaient le journal socialiste de Gand, Vooruit (= «En avant», équivalent flamand du journal social-démocrate allemand Vorwärts). C'est ainsi qu'ils se te­naient au courant des événements du monde. L'idéologie de Vooruit  était marxiste mais modérée, déjà réformiste. Mais les querelles idéologiques importaient peu: Vooruit  avait le mérite de donner toute sa place au socialisme spontané du peuple.

 

Quand les voisins me demandaient ce que je voulais devenir plus tard, quand j'aurai quitté l'école, je répondais que je voulais devenir instituteur, maître d'école. Je le disais parce que c'était la profession que les gens de mon quartier m'attribuaient d'office: «tu es malin, tu deviendras instituteur». Je fus un des rares fils d'ouvrier à pouvoir accéder en quatrième; le directeur, un francolâtre fanatique qui haïssait tout ce qui était populaire et flamand, m'y avait accepté à contre-cœur. Cet extrémiste in­ventait mille chicanes pour les élèves flamands de condition modeste. J'ai donc conservé un mauvais souvenir de cette école, que je fréquentais grâce à une bourse. Mais j'ai tenu bon et j'ai fait ma cinquième et ma sixième; c'était au début de la pre­mière guerre mondiale; les temps étaient très difficiles. Nous étions à l'arrière du front allemand, en zone militaire et nous ne pouvions pas nous rendre à Bruxelles. Mes parents ne pouvaient plus me payer des chaussures: il a bien fallu que j'aille à l'école en sabots de bois, de beaux petits sabots qu'on m'avait décorés avec amour. J'étais géné. Mon francolâtre de directeur a fait une vie: il ne voulait pas que les élèves viennent en sabots à l'école. Ce fut un prétexte pour démontrer bruyamment son arrogance de classe. Cet incident m'a appris une chose: pour l'ouvrier, ce n'est pas l'argent qu'il gagne qui est important, c'est que l'on respecte sa dignitié.

 

J'ai donc eu de bons parents, qui m'ont éduqué dans la douceur, avec souci de l'avenir, malgré les difficultés. Il m'ont laissé beaucoup de liberté, à condition que je ne suscite pas de plaintes, que j'aie un comportement exemplaire. Ils m'ont aussi transmis le sens de la communauté. A l'école moyenne, j'étais le condisciple d'un fils de fabricant de liqueur assez aisé, qui recevait des jouets merveilleux, notamment un coffret pour faire de la chimie amusante. Ce garçon ne pouvait pas nous fré­quenter, son père le lui interdisait: il restait seul dans un coin avec ses éprouvettes, alors qu'il aurait bien donné tous ses jouets pour partir en randonnée avec nous. L'esprit de communauté est donc supérieur à l'individualisme bourgeois et à l'arrogance de classe: un grande leçon de mon enfance.

 

Comment s'est passé pour vous la première guerre mondiale?

 

A Gand, nous étions à l'arrière immédiat du front, dans ce que les Allemands appelaient l'Etappengebiet.  Pour survivre, il ne nous restait plus que la débrouille, le marché noir, ramasser des escarbilles de charbons, retourner au troc. La Croix-Rouge américaine et le Plan Hoover permettaient aux enfants pauvres de recevoir le matin du cacao et un petit pain, et le midi, une soupe avec du lard, que l'on nous servait dans les bâtiments du théâtre.

 

Nous avons vu passé les uhlans dans notre quartier. Plus tard, des prisonniers russes étaient contraints à des travaux de ter­rassement pour le Canal Gand-Terneuzen. Nous échangions des denrées avec ces prisonniers et nous les réconfortions. Le plus mauvais souvenir de la guerre, a été les réquisitions. Les Allemands ne réquisitionnaient pas les hommes qui avaient du travail. Mais les gens ne le savaient pas. La police gantoise venait demander si on travaillait, les gens ne disaient rien, croyant qu'on allait imposer leurs maigres revenus. Bon nombre de réquisitions se sont effectuées sur de tels quiproquos. Nous avons été frappés par la terrible discipline qui régnait dans l'armée allemande: les officiers giflaient ou bastonnaient leurs soldats en public quand ils avaient commis des pécadilles.

 

Quand êtes-vous devenu un militant socialiste?

 

C'est venu tout seul. Quand j'étais à l'“école normale” pour devenir instituteur, un professeur de néerlandais lisait Multatuli (1), la littérature pacifiste. C'était un socialiste. Il est venu chez moi pour me proposer de devenir correcteur dans l'imprimerie socialiste qui s'était réorganisée et entendait devenir une entreprise commerciale comme les autres, en ne se limitant plus à imprimer des tracts ou des pamphlets socialistes. J'ai d'abord refusé car je voulais achever mes études. Plus tard, j'y suis allé et je suis devenu automatiquement membre du parti: cela allait de soi; on travaillait dans une entreprise socialiste, on était donc militant socialiste. La politique de commercialisation m'a d'abord séduit parce que l'atmosphère n'était pas politisée à outrance. Ce fut pour moi, à seize ans, l'occasion de lire des livres plus sérieux et de me pencher sur l'idéologie socialiste. J'ai lu Marx, non pas pour adhérer à un catéchisme, mais pour prendre le pouls du socialisme à un moment de son histoire. Je n'en suis pas resté à Marx. J'ai voulu connaître le socialisme dans toutes ses moutures, même avant qu'il ne porte le nom de “socialisme”: chez les premiers chrétiens, chez les socialistes utopiques, chez les Indiens d'Amérique. J'ai voulu tout con­naître de l'esprit de charité, de justice.

 

Les typographes étaient des ouvriers, mais ils étaient lettrés. Ils savaient communiquer le fruit de leurs lectures. Dans l'im­pri­me­rie socialiste, j'ai appris aussi à vivre dans un mouvement politique qui prévoyait toute une série de structures d'accueil pour ses membres et sympathisants. Les jeunes avaient le choix: ou bien militer à la Jonge Wacht  (JW; = Jeune Garde) ou bien adhérer à la Socialistische Arbeiderjeugd  (SAJ; = Jeunesse ouvrière socialiste). Ces deux structures étaient bien diffé­rentes l'une de l'autre. Dans la JW se regroupaient les activistes, toujours présents dans les meetings et dans les bistrots, où ils fumaient et buvaient comme les adultes. Les garçons de la SAJ voulaient quitter cette ambiance et retourner à la nature, camper, organiser des randonnées à pied ou à bicyclette. Les JW fréquentaient les dancings. Les SAJ remettaient les vieilles danses populaires à l'honneur. La jeunesse socialiste était donc séparée par deux esprits bien différents. Les SAJ, dont j'étais, avaient un esprit Wandervogel,  c'étaient des amis de la nature; ils voulaient réintégrer l'homme dans la nature. Nous avions l'impression d'aller plus loin, plus en profondeur. Bon nombre de garçons de la JW voulaient d'emblée faire une carrière politique. Les SAJ n'avaient pas cette préoccupation.

 

Petit à petit, l'imprimerie populaire (Volksdrukkerij)  est devenue une entreprise purement capitaliste. La solidarité entre les membres du personnel s'est d'abord estompée puis a disparu. Les linotypistes se sentaient supérieurs aux typographes, qui estimaient valoir plus que les relieurs, qui, eux, n'adressaient pas la parole aux femmes de ménage.

 

Je suis ensuite devenu le chef de la SAJ de Gand. C'est à ce titre que j'ai rencontré pour la première fois Edouard Anseele (père), dit “Eedje Anseele”, un tribun socialiste fort populaire, qui avait le sens de la communauté et qui cherchait de jeunes idéalistes, notamment dans les rangs des SAJ, pour remplir de nouvelles fonctions dans le parti. Il m'a demandé si je con­naissais la “coopérative”. J'avais lu beaucoup de livres et d'articles sur les coopératives, notamment un ouvrage important pour toute mon évolution future, La République coopérative  du Français Ernest Poisson. Edouard Anseele voulait que je dirige une revue d'esprit “coopérativiste”. Son objectif était de relancer le mouvement coopératif afin de concurrencer le secteur capi­taliste en offrant des marchandises à meilleur prix, en sautant au-dessus du maximum d'intermédiaires, notamment en affré­tant une flotte marchande “rouge”. Mais comme le parti, à cette époque, était encore belge-unitaire, le projet coopératif n'a pas trop bien marché, car, rapidement, un clivage a surgi entre Wallons et Flamands. Les Wallons ont refusé l'orientation “coopérativiste”, au profit d'un syndicalisme plus anarchisant, de l'action directe, de la syndicalisation extrême et des grèves dures. Les Flamands, notamment les Gantois, rêvaient de la “République coopérative” d'Ernest Poisson.

 

J'ai toujours admiré Edouard Anseele (le père) car c'était un homme qui avait le sens de la décision, c'était un chef populaire, charismatique, incontesté. Ce leader populaire bénéficiait de la ferveur de son peuple. Son enterrement atteste cette dévotion des petites gens de sa ville. A la suite des conseils d'Anseele, j'ai voulu créer une culture nouvelle, solidaire et socialiste, bien organisée et bien insinuée dans le tissu social. Gand était le modèle de ce socialisme où toutes les branches du mouvement socialiste coopéraient en synergie. A Anvers, la fédération ne travaillait pas de la même façon: au contraire, on contingentait, le plus hermétiquement possible, les différentes instances du mouvement socialiste. Beaucoup de Gantois ont animé le mouve­ment socialiste avec succès, même en dehors de leur ville et dans les hautes sphères du parti. Anvers n'a pas donné de lea­der charismatique au mouvement socialiste belge et flamand. Huysmans et De Man, tous deux Anversois, n'ont pas réussi a capté la ferveur des masses socialistes. De Man était animé de très bonnes intentions, comprenait quels étaient les ratés du parti, mais il est toujours demeuré un solitaire qui communiquait difficilement avec les petites gens. J'ai assisté à la réconci­liation entre De Man et Anseele, mes deux héros, l'un sur le terrain, l'autre dans le monde sublime des théories.

 

Comment avez-vous vécu l'immédiat après-guerre?

 

En dépit de mon évolution future vers le nationalisme, le croquemitaine, pour moi, c'était le malheureux Borms, incarcéré pour collaboration en 1919. Bien entendu, nous ne le connaissions pas. Nous croyions ce que disait de lui la propagande de l'Etat belge. Notre mouvement socialiste suivait à la lettre la “Trêve du Havre”, où le gouvernement belge réfugié en Normandie avait accepté pour la première fois en son sein des ministres socialistes, qui n'avaient peut-être pas reçu de portefeuille mais à qui on avait promis d'accorder le suffrage universel. Ce qui fut fait.

 

Quand avez-vous rencontré De Man pour la première fois?

 

De Man n'était pas né dans un milieu ouvrier comme moi. C'était un bourgeois d'Anvers. Dans notre mouvement, cette ori­gine lui a causé des problèmes, pour une raison fort simple, qu'on comprend assez difficilement aujourd'hui: les ouvriers vi­vaient dans la nécessité, dans une nécessité extrême, et étaient prêts à suivre tous ceux qui leur promettaient ce qu'ils atten­daient. Les bourgeois, eux, pouvaient se permettre d'avoir des principes, dégagés des affres de la nécessité. Les livres de De Man ont participé au renouveau du socialisme, mais, au départ, nous les lisions presque en cachette dans nos groupes de la SAJ. Sa réputation était mauvaise: il ne cessait de dire que le parti ne faisait rien d'essentiel pour le peuple, ce qui ne faisait évidemment pas plaisir aux gars qui trimaient sur le terrain. Pour De Man, la misère des ouvriers n'était pas seulement ma­térielle mais aussi culturelle; en affirmant cette vérité, il se distanciait automatiquement du marxisme, alors qu'il se désignait encore comme marxiste. Un jour, pourtant, la fédération gantoise avaient restauré des orgues pour offrir des soirées musi­cales aux ouvriers: De Man a critiqué cette initiative, au grand mécontentement des militants, qui avaient côtisé et collecté. Coupé du peuple, De Man n'évoquait qu'une culture purement intellectuelle, où les orgues ne trouvaient pas leur place. En dépit de ces travers bien humains, De Man m'a énormément appris. Ses ouvrages étaient fascinants, tant ils modernisaient notre vision socialiste de la politique et de l'économie.

 

Quand je l'ai vu pour la première fois, en 1930, j'étais déjà secrétaire de la Centrale d'Education Ouvrière. Je l'ai invité à Bruxelles pour prononcer une conférence, à la tribune où étaient également venus Norman Angel, Harold Laski, Pietro Nenni, le Suisse Lucien Dubreuil et les Français Gaston Bergery, Lucien Laurat et Francis Delaisi. De Man est venu nous parler du “socialisme et du nationalisme”. Son analyse était très pertinente: il distinguait le socialisme du marxisme et le nationalisme agressif du nationalisme défensif. Une idée a commencé à germer en moi: l'idéal à atteindre c'était l'unité du peuple tout en­tier, organisateur d'un appareil étatique.

 

Plus tard, De Man est venu à Gand. Je l'ai accompagné dans le train. Mais, sur place, nos militants l'ont boudé. Néanmoins, j'ai pu avoir une première longue conversation avec l'inventeur du planisme. De Man refusait la pensée en termes de sys­tèmes. Il évoquait l'homme réel, avec ses défauts et ses qualités. Il parlait de l'“être” et du “devenir” et optait bien entendu pour le deuxième de ces termes: nous, militants socialistes, activistes politiques, étions des hommes “en chemin”, vers un but. Cette idée de devenir lui permettait de dire que Marx avait été le théoricien du “socialisme qui avait été”: la loi du devenir pos­tulait que l'on évolue, que l'on adapte l'idée aux impératifs du temps. L'humanisme véritable ne consistait pas à répéter une doctrine figée mais à se mouler dans les méandres du devenir et des mutations sociales. A la suite de ces conversations et de mes lectures, j'ai expliqué le teneur de son Plan à nos militants. Même si cette matière est ardue, d'une haute densité philoso­phique, nos militants ont compris intuitivement que le Plan, théorisé par De Man, recelait des potentialités immenses pour la classe ouvrière et qu'il n'était pas de la démagogie.

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Etranges conservatismes américains

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Etranges conservatismes américains

 

Par Herbert AMMON

 

En dépit des impulsions culturelles venues des Etats-Unis via Hollywood et la Pop culture, le paysage idéologique et politique de la seule puissance globale (dixit Zbigniew Brzezinski) demeure « terra incognita » pour la plupart des Européens. Les césures spécifiquement américaines, qui séparent les « liberals » des « conservatives » ne se perçoivent jamais clairement, tant et si bien qu’on les classe en Europe de manière binaire : entre une gauche et une droite. Les problèmes s’accumulent lorsque l’on cherche à établir une bonne taxinomie des écoles politiques et idéologiques américaines : les slogans et mots d’ordre sont si nombreux, reçoivent tant de définitions particulières qu’on ne s’y retrouve plus, surtout si l’on évoque une ancienne droite et une nouvelle droite, soit des paléo-conservateurs et des néo-conservateurs.

 

Pour définir les camps politico-idéologiques américains, les définitions habituelles ne sont guère de mise (sauf quand il s’agit, par exemple, du conservatisme tel que l’a défini jadis un Russell Kirk). Européens et Américains ont une expérience différente de l’histoire, nomment donc les choses politiques différemment, ce qui conduit aux confusions et quiproquos actuels. « Cum grano salis », on peut distinguer quelques différences majeures entre conservatismes européens et américains : d’abord, les conservatismes européens sont devenus sceptiques quant à l’histoire à venir ; les conservatismes américains sont nettement orientés vers le futur, sont, dans le fond, anti-historiques, dans la mesure où ils entendent maintenir l’idée fondamentalement américaine d’une société contractuelle (ils n’envisagent pas d’autres modèles). Ensuite, les conservatismes américains sont fiers de leur tradition historique continue, non brisée, que les Européens jugent « courte » ; les conservatismes européens, eux, sont contraints de tenir compte d’une longue histoire, marquée par des ruptures successives. Enfin, les conservateurs américains perçoivent de façon positive le rôle de puissance mondiale que joue leur pays, alors que les Européens se souviennent constamment du « suicide de l’Europe » (dixit Paul Ricoeur) en 1914. Et, last but not least, les conservateurs américains acceptent sans hésitation l’idée libérale d’un libre marché sans entraves, alors que les conservatismes européens critiquent tous le libéralisme.

 

Adhésion sans entraves au libre marché

 

La genèse des notions de « liberal » et de « conservative » nous ramène à l’ère Roosevelt (1933-1945). Les partisans de la politique social-réformiste et interventionniste / étatique du New Deal rooseveltien se dénommaient « liberals ». Les adversaires de Franklin D. Roosevelt venaient d’horizons divers : parmi eux, on trouvait des libéraux au sens économique le plus strict, qui se posaient comme les seuls véritables libéraux ; il y avait ensuite des critiques de la bureaucratie (du « big government »), en train de devenir pléthorique à leurs yeux. Enfin, du moins jusqu’à l’attaque japonaise contre Pearl Harbor, il y avait les défenseurs de l’isolationnisme. Murray Rothbard, un « libertarien », soit un extrémiste du marché, désigne cette coalition hostile à Roosevelt sous le nom de « Vieille Droite » (« Old Right »). D’après Rothbard, le terme « conservateur » n’était guère usité aux Etats-Unis avant la parution en 1953 de « Conservative Mind », le grand livre de Russell Kirk.

 

Les « conservateurs », qui suivaient la forte personnalité de Robert A. Taft, sénateur de l’Ohio (de 1939 à 1953) et rival républicain de Dwight D. Eisenhower en 1952, renonçaient à toute élévation du débat intellectuel en politique. Attitude qui n’a guère changé en dépit de l’émergence de courants de pensée conservateurs mieux profilés. Libéral et théoricien peu original, Peter Viereck, dans « Conservatism Revisited » (1949) s’est posé comme critique des idéologies totalitaires, le « communazisme ». Russell Kirk (1918-1994) fut donc le premier à se positionner comme explicitement conservateur et à être reconnu comme tel par l’établissement « libéral ». En se référant à Edmund Burke, le critique de la révolution française de 1789, perçue comme rupture de la Tradition, Kirk mettait l’accent sur l’origine « conservatrice » de la révolution américaine. Dans ses écrits, Kirk citait, en les comparant à Thomas Jefferson, les pères fondateurs « conservateurs », tels John Adams et les auteurs des « Federalist Papers », se référait également aux critiques européens de la révolution comme Burke ou Tocqueville. Kirk se posait également comme un conservateur écologiste, pratiquant la critique de la culture dominante, ce qui fit de lui une exception parmi les conservateurs américains, optimistes et orientés vers le futur.

 

« On pourrait, pour simplifier, résumer comme suit l’histoire du conservatisme américain : Russell Kirk l’a rendu respectable ; William Buckley l’a rendu populaire et Ronald Reagan l’a rendu éligible » (citation de J. v. Houten). En effet, les conservateurs doivent à William F. Buckley, né en 1925, d’avoir pu accroître leurs influences au sein du parti républicain et d’avoir percé pendant l’ère Reagan. Ils doivent ces succès au réseau de revues et de « think tanks » que Buckley a tissé dès les années cinquante, dont l’ « American Heritage Foundation », créé en 1973.

 

Buckley, comme le rappelle son livre « God and Man at Yale » (1951), était un catholique fervent. Il débarque un beau jour à Yale dans le bastion du « liberalism » à l’américaine, dominé par les agnostiques, les athées et les unitariens post-chrétiens, variante du protestantisme aligné sur l’idéologie des Lumières. En 1955, ce fils d’un millionnaire du pétrole fonde la « National Review », autour de laquelle se rassembleront des personnalités très diverses, toutes étiquetées, à tort ou à raison, comme « conservatrices » : des libertariens à Kirk lui-même. Dans ces années-là, où la « New Left » connaissait son apogée, le groupe « Young Americans for Freedom », lancé par Buckley, constituaient déjà un contrepoids politique. Et puisque Buckley, récemment, a critiqué les stratégies de Bush, quoique de manière très modérée, on peut le considérer aujourd’hui comme un représentant des « paléo-conservateurs ».

 

Le conservatisme américain, nous l’avons constaté, est un champ fort vaste dont les idéologèmes et les stratégies ne se sont cristallisés que depuis quelques décennies, contrairement à ce que l’on observe chez les conservateurs européens. Aujourd’hui, c’est évidemment George W. Bush qui domine l’univers conservateur américain. Bush se déclare « conservateur », plus exactement le continuateur de l’œuvre politique de Reagan que tous vénèrent en oubliant qu’il était au départ un « liberal ». Les Républicains doivent leurs succès électoraux depuis Reagan à un courant profond, agitant toute la base aux Etats-Unis, courant qui englobe le patriotisme (la fierté de s’inscrire dans une tradition de liberté) et les « valeurs » conservatrices (la famille, la religion, la morale, l’assiduité au travail, etc.).

 

Les hommes politiques qui veulent réussir en tant que « conservateurs » sont dès lors contraints de chercher le soutien de la « droite chrétienne ». Par ce vocable, il faut entendre cette immense masse d’électeurs liés aux mouvements religieux du renouveau protestant, animé par les « évangélisateurs ». Ce conservatisme théologien, partiellement fondamentaliste, rassemble des groupements où l’on retrouve les « Southern Baptists », le plus grand groupe protestant organisé, les pentecôtistes (notamment les « Assemblies of God ») et, bien sûr, les « méga-églises » des télé-évangélistes. Tous ensemble, ces mouvements évangéliques alignent quelque 80 millions de croyants, ce qui les place tout juste derrière les catholiques, qui restent le groupe religieux chrétien le plus nombreux aux Etats-Unis.

 

Certains évangélistes toutefois, et pas seulement les Afro-Américains, estiment que leur foi peut s’exprimer chez les démocrates. Religion et race se mêlent souvent : ainsi, Pat Robertson, étiqueté de « droite », et Jesse Jackson, étiqueté de « gauche », appartiennent tous deux au mouvement qui soutient les Baptistes et le sanglant « seigneur de le guerre » Charles Taylor au Libéria.

 

Malgré la très forte pression que la « droite religieuse » exerce aux niveaux locaux, voire dans certains Etats, elle n’a presque aucune influence au niveau fédéral. Ainsi, le candidat à la Présidence, Mitt Romney, appartient à la secte des Mormons, considérée comme éminemment conservatrice, ce qui ne l’a pas empêché d’être élu gouverneur du Massachusetts, Etat à majorité « libérale ». Le pentecôtiste John D. Ashcroft, représentant notoire de la « droite religieuse », fut ministre de la justice dans le premier cabinet de George W. Bush. Il serait faux, toutefois, de dire qu’après le choc du 11 septembre 2001, le bellicisme de l’actuel président américain, qui prétend être un « chrétien re-né » tout comme son adversaire Jimmy Carter, découle en droite ligne de sentiments religieux qui lui seraient propres.

 

La politique extérieure américaine est marquée depuis longtemps par les néo-conservateurs, comme on le constate sous le républicain Reagan avec Jean C. Kirkpatrick ou sous le démocrate Bill Clinton avec Madeleine Albright. Sous Bush Junior, les « neocons » tirent toutes les ficelles seulement depuis le retrait de Colin Powell. L’exécutif qui a programmé la politique moyen-orientale et déclenché la seconde guerre d’Irak alignait des hommes comme Dick Cheney, Donald Rumsfeld, Paul Wolfowitz et Richard Perle.

 

Tous ceux qui ont forgé le vocable « neocons » viennent à l’origine, comme d’ailleurs aussi bon nombre de paléo-conservateurs, du camp de la gauche (des « liberals ») ; on trouve dans leurs rangs des intellectuels de la gauche progressiste, issu des milieux juifs, qui se sont détachés du Parti démocrate au cours des années 70. Les meilleurs plumes de ce groupe furent Irving Kristol, avec sa revue « The Public Interest », Norman Podhoretz, avec « Commentary », et le sociologue Daniel Bell (« La fin des idéologies », 1970).

 

La définition usuelle du néo-conservatisme nous vient de Kristol : « Un conservateur est un homme de gauche, qui a été frappé de plein fouet par le réel ». Ce bon mot ne nous révèle que la moitié de la « réalité » : il pose le néo-conservateur, ex-homme de gauche, simplement comme celui qui n’accepte plus et critique les programmes sociaux pléthoriques lancés par les Démocrates. En fait, le néo-conservateur veut surtout une politique étrangère musclée : ainsi, le fils d’Irving Kristol, William Kristol (revue : « The Weekly Standard ») veut que cette politique étrangère américaine instaurent partout une « démocratisation », selon des critères déterminés depuis longtemps déjà par la vieille gauche interventionniste.

 

Pat Buchanan : vox clamans in deserto

 

Les « anciens conservateurs », ou paléo-conservateurs, qui avaient jadis forcé la mutation sous Reagan, entre 1981 et 1989, ont perdu depuis bien longtemps toute influence. Ainsi, Pat Buchanan n’est plus qu’une voix isolée dans le désert depuis des années, alors qu’il fut l’un des rédacteurs des discours de Nixon, puis conseiller de Reagan. Il tenta, rappelons-le, de lancer un parti réformiste et échoua dans sa candidature à la présidence en 2000. Il est redevenu républicain par la suite. En politique intérieure, Buchanan, catholique traditionnel, dont on se moque en le traitant de « conservateur paléolithique », lutte contre les « libertés » nouvelles que veulent imposer les « liberals » et les libertariens (avortement, mariage homosexuel, euthanasie).

 

Buchanan est protectionniste, s’oppose à la société multiculturelle et à l’immigration qui modifie de fond en comble le visage de l’Amérique. Sur le plan de la politique extérieure, il défend un isolationnisme modéré et s’inquiète des pièges que recèle l’interventionnisme global voulu par les « neocons ».

 

Il me reste à mentionner –et à saluer-  un combattant isolé, qui pourfend le « culte de la faute » choyé par de nombreux « liberals » (et par leurs homologues allemands), culte qui sert à promouvoir l’idéologie de la « correction politique » (les « Gender studies », les codes anti-discriminatoires de tous acabits, le multiculturel, etc.) : ce combattant n’est autre que l’historien des idées Paul Gottfried. Mais, malgré Buchanan et Gottfried, les paléo-conservateurs n’ont plus aucun influence notable, ni dans les universités ni dans les médias, a fortiori dans l’établissement politique.

 

Quelles conclusions peut-on tirer de la topographie que je viens d’esquisser ici ? Après la disparition graduelle des paléo-conservateurs, les nationaux-conservateurs allemands auront bien des difficultés à trouver des alliés Outre-Atlantique. Sans doute, seuls les chrétiens à la foi très stricte trouveront des frères en esprit pour toutes les questions morales chez les évangélisateurs ou les conservateurs catholiques.

 

Personnellement, je ne trouve, dans ce camp conservateur américain (toutes tendances confondues), aucune position qui me sied. Si je suis éclectique, je trouverai peut-être quelques points d’accord avec Russell Kirk, mais seulement quand il appelait en 1976 à voter pour le « démocrate de gauche » Eugene McCarthy. Quand je pense à l’idéologie qui domine la RFA aujourd’hui, je suis souvent d’accord avec Paul Gottfried, qui avait dû quitter, enfant, le IIIième Reich national-socialiste. Enfin, je lis toujours avec beaucoup d’intérêt les textes des intellectuels américains qui s’opposent à l’interventionnisme.

 

Vu que nous assistons à une orientalisation, soit une islamisation croissante de l’Europe occidentale les analyses clairvoyantes de nos temps présents par Samuel P. Huntington méritent que nous y consacrions toute notre attention ; Huntington nous annonce le déclin de l’Occident en général et la perte d’identité européenne des Etats-Unis. Aujourd’hui âgé de 80 ans, ce professeur de Harvard n’est toutefois pas étiqueté « conservative » mais considéré comme un représentant du « liberal establishment ».

 

S’intéresser aux relations intellectuelles transatlantiques est une bonne chose et permet de se comprendre réciproquement. Jusqu’ici, le monde universitaire s’est limité à importer en Allemagne et en Europe le prêchi-prêcha du « politiquement correct » des « liberals », y compris les expressions du mépris que vouent les gauches à Bush qui, quand elles sont satiriques, satisfont leur orgueil blessé. Une poignée de conservateurs allemands critiquent aujourd’hui l’idéologie importée des « liberals » (qui s’expriment en Allemagne sous des oripeaux «écologistes ») mais cette démarche est insuffisante. Face à l’immigration de masse qui menace directement l’existence du peuple allemand, en tant que peuple porteur d’histoire et en tant que nation historique et politique, et l’avenir même de l’Europe toute entière, nous devons, en première instance, procéder à une analyse factuelle et objective de la situation et ne pas ergoter et pinailler sur nos préférences intellectuelles ou rêver à d’hypothétiques coalitions qui ne viendront jamais.

 

La politique extérieure américaine se caractérise depuis l’immixtion des Etats-Unis dans la politique mondiale (au moins depuis 1917) par la double nature de la puissance et de la morale qu’elle révèle. La conscience qu’ont les Américains de mener à bien une « mission » inspire cette politique globale ou planétaire, et vice-versa, dans la mesure où les démarches concrètes de cette politique étayent la vision messianique que distille la religiosité américaine.

 

Henry Kissinger était une exception : il se posait comme « réaliste » et les notions de « mission » ne l’intéressaient pas vraiment. Depuis la montée en puissance des « neocons », qu’ils soient adhérents des démocrates ou des républicains, l’aspect idéologique et para-religieux de la politique extérieure des Etats-Unis est passé à l’avant-plan. Force est de constater que les assises fondamentales de la politique extérieure des Etats-Unis réconcilient, in fine, les « liberals » et les « conservatives » : il nous suffit d’énumérer les grands événements de ces quinze ou vingt dernières années, avec l’élargissement de l’OTAN aux pays d’Europe centrale et orientale, avec la politique balkanique (de Madeleine Albright), avec l’appui qu’apporte Washington à la candidature turque à l’UE, aux conflits qui ensanglantent le Proche- et le Moyen-Orient, etc.

 

Par ailleurs, la politique extérieure américaine se montre souvent fort dépendante des fluctuations de l’opinion publique intérieure. Hillary Clinton et d’autres candidats à la Présidence commencent à caresser cette opinion dans le sens du poil, en songeant à l’investiture de 2008, car, en effet, si les troupes américaines doivent se retirer d’Irak aussi peu glorieusement qu’elles se sont retirées du Vietnam, la politique extérieure américaine se trouvera confrontée à ses propres misères, aux monceaux de ruines qu’elle aura provoquées.

 

Quel rôle jouera la Turquie dans ce scénario ? Rien n’est certain. Quoi qu’il en soit, la paix entre Israël et la Palestine sera, une fois de plus, remise aux calendes grecques.

 

Herbert AMMON.

(article extrait de « Junge Freiheit », n°29/2007; trad. franç. : Robert Steuckers). 

 

samedi, 16 août 2008

E. Delvo: Henri De Man, mon mâitre à penser

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Henri De Man, mon “maître-à-penser”

 

Edgard DELVO/E.d.V.

 

En mai 1940, l'homme politique socialiste flamand Edgard Delvo, 35 ans, se présente comme volontaire dans un bureau de recrutement de l'armée française, pour s'engager dans la lutte contre les “barbares allemands”. Mais un mois plus tard, il devient membre du Conseil de Direction (Raad van Leiding) du VNV (Vlaams Nationaal Verbond), le parti nationaliste flamand dirigé à l'époque par Staf De Clercq. Delvo est prêt en 1941 à s'engager pour le front russe, mais, en 1942, il est appelé à la tête de l'UTMI/UHGA (Union des Travailleurs Manuels et Intellectuels; Unie van Hand- en Geestesarbeiders), le syndicat unifié, pendant belge du Front du Travail allemand. En septembre 1944, il fuit la Belgique, se réfugie en Allemagne et participe au Landsleiding (le gouvernement flamand en exil). Condamné à mort par contumace par un Tribunal militaire belge, Delvo vit trente ans en exil en Allemagne, dont vingt sous une fausse identité. A l'âge de 71 ans, revenu en Flandre, il publie un livre de mémoires Sociale Collaboratie (Collaboration sociale), où il retrace les grandes lignes de son socialisme national-populaire (volksnationaal socialisme) et confie aussi ses souvenirs à E.d.V., chroniqueur historique de l'hebdomadaire sati­rique flamand ‘t Pallieterke (Anvers). Nous en publions un court extrait, où Delvo évoque la figure de Henri De Man, théoricien rénovateur du socialisme européen, très contesté au sein de son propre parti.

 

La plupart des jeunes militants socialistes de la génération de Delvo ne connaissaient même pas le nom de Henri De Man. «Dans les conférences et les cours du mouvement ouvrier belge, on ne le mentionnait pas. Ce n'est que dans un petit cénacle de notre groupe des Jeunesses Ouvrières (AJ; Arbeidersjeugd) que son nom avait bonne réputation et, pour moi personnelle­ment, ses écrits constituaient un message de salut». Voilà ce que nous déclare Delvo qui ajoute que ses amis et lui compre­naient parfaitement qu'il valait mieux ne rien laisser transparaître de leur admiration pour De Man. Il était préférable, disaient-ils, de ne même pas prononcer son nom en dehors des cercles culturels de la jeunesse socialiste. La meilleure et la seule chose qu'ils pouvaient faire, c'était d'étudier ses idées de la manière la plus approfondie et d'en parler le moins possible avec les vieux camarades du parti, et certainement pas «avec les dirigeants».

 

Première rencontre

 

Henri De Man vivait encore en Allemagne quand Delvo et ses amis le lisait en cachette. Quelques années avant la prise du pouvoir par Hitler en 1933, Delvo reçoit l'ordre d'accompagner son maître vénéré à Gand et de présenter De Man aux socia­listes de la ville. De Bruxelles à Gand, De Man et Delvo occupent à eux seuls un compartiment dans le train. Mais ils n'ont pas fait plus ample connaissance. Henri De Man avait vingt de plus que son admirateur; il n'a pas posé à son jeune camarade les questions conventionnelles que l'on pose pour montrer de un intérêt réel ou feint à son interlocuteur. De Man n'interroge donc pas Delvo sur sa jeunesse, son travail, sa façon de penser, ses dififcultés, ses espoirs... Nulle question de ce type. «Ce n'était apparemment pas son habitude de feindre de l'intérêt quand cet intérêt n'existait pas». Delvo était là comme un passant. «Mais n'allez pas croire que De Man était méprisant ou garder ostentativement ses distances. Au contraire. Il n'y avait rien d'affecté ou de blessant dans son attitude. Si je n'avais pas su que je me trouvais en présence de mon idole intellectuelle, je n'aurais rien remarqué de particulier à sa présence tranquille, à cet homme qui fumait confortablement sa pipe et laissait libre cours au vagabondage de ses idées».

 

Nationalisme et socialisme

 

En cours de route, les deux hommes ont échangé quelques mots sans signification, mais au moment où le train s'est approché de la gare de Gand-Saint-Pierre, De Man s'est brusquement animé: son intérêt s'éveillait pour la ville où il avait passé ses an­nées d'étudiant et vécu ses premières expériences dans le mouvement socialiste. Il s'est appuyé sur la fenêtre du comparti­ment et quand nous sommes entrés dans la gare, il a dit: «Il y a bien longtemps! On va voir si on ne m'a pas déjà oublié». Delvo relate cette soirée gantoise: «Non, on ne l'avait pas oublié et, apparemment, on ne lui avait rien pardonné non plus. Pour ce qui concerne le nombre de militants présents, nous n'avions pas à nous plaindre; on s'attendait à une conférence compli­quée qui n'attirait évidemment pas la masse. Un théoricien n'est pas une star du football ou un coureur cycliste victorieux. Nous pouvions aussi être satisfait du niveau intellectuel des assistants; le cercle d'étude socialiste qui avait organisé la confé­rence avait visé les intellectuels. Les dirigeants du parti, eux, ne s'étaient pas montrés. La vieille querelle durait-elle encore? Ou bien l'absence des dirigeants socialistes était-elle plutôt due à leur indifférence à l'égard de la thématique annoncée, “nationalisme et socialisme”, soit un problème auquel le POB n'a jamais voulu consacrer l'attention voulue?

 

«Je ne sais pas si Henri De Man a été déçu ou non de l'absence des dirigeants ouvriers de Gand lors de sa conférence; quoi qu'il en soit il ne l'a pas fait remarqué pendant le voyage de retour. A l'arrivée à Bruxelles-Nord, notre séparation a été brève et sans façons, comme notre tout première rencontre: une forte poignée de main».

 

Amis?

 

Selon Delvo, De Man était «tout naturel, sans contrainte dans son comportement, nullement vaniteux». Il le décrit comme «une personnalité tranquille, maîtresse d'elle-même, avec laquelle on se sentait à l'aise, bien qu'on aurait donné beaucoup pour sa­voir ce qui se passait derrière ce front haut et dans les sentiments de ce homme remarquable, qui ne laissait rien entrevoir de ses attirances et de ses répulsions».

 

Delvo, qui avait vingt-cinq ans quand il a rencontré De Man pour la première fois, n'a pas modifié fondamentalement ses premières impressions du théoricien. On a reproché à De Man «une indifférence blessante à l'endroit de ses semblables»; pour Delvo, ce n'était qu'«une inattention pour son environnement, une évasion totale ou un plongeon profond dans le monde de ses idées».

 

De Man, écrit Delvo, ne se donnait jamais la peine de susciter des effets dans son entourage. Il se comportait comme le dictait sa propre intériorité: «il restait toujours naturel et simple dans ses relations et dans son style de vie; il ne se pavanait pas, n'en mettait jamais plein la vue à ses proches, il ne faisait pas semblant, ne commettait jamais de fanfaronnades». De Man était un exemple pour l'attitude existentielle qu'il prônait lui-même: plus être que paraître, accorder moins d'importance à l'avoir qu'à l'être.

 

C'est précisément cet Henri De Man-là qui n'avait pas d'amis au sens profond de ce mot, écrit Delvo. Mais il semblait n'avoir nul besoin d'amis, «bien que beaucoup de personnes appartenant à son cercle de pensée souhaitaient que les sentiments de proximité qu'il suscitait en eux, reçoivent une réponse de sa part».

 

Assainir la démocratie

 

En 1933, De Man se fixe à Bruxelles. A partir de cette année-là, Delvo aura avec lui «des contacts extrêmement précieux et féconds». Delvo ajoute que De Man n'avait pas quitté l'Allemagne «sous pression», au moment où Hitler a accédé au pouvoir, «comme on l'a dit trop souvent par erreur». D'après Delvo, De Man aurait pu conserver sa chaire sans problème à Francfort, s'il l'avait voulu. «Combien de professeurs allemands compromis politiquement aux yeux des nouveaux détenteurs du pou­voir, pour leurs activités du temps de la République de Weimar, sont restés en Allemagne en dépit du changement de régime, en adaptant tout simplement leurs matières et leurs cours aux circonstances nouvelles, tout comme, ultérieurement, ils se sont réadaptés une seconde fois après 1944, en empruntant une direction nouvelle, dans le cadre du programme démocratique de “rééducation” du peuple allemand».

 

De Man, en revanche, a quitté le Troisième Reich volontairement et librement, parce qu'il «n'était pas prêt à s'adapter à un régime dont il rejetait les fondements». Il a préféré mettre son expérience au service «du mouvement socialiste et de la lutte contre la crise dans son propre pays». Mais Delvo nous rappelle n'est pas simplement rentré en Belgique pour défendre une démocratie menacée et exposée aux coups de la dégénérescence. Non: De Man envisageait une réforme en profondeur de la démocratie belge, son assainissement». De Man croyait à la possibilité de telles réformes. Il voulait protéger la Belgique de «toute expérimentation totalitaire et dictatoriale».

 

Hendrik De Man, dit Delvo, «n'a jamais cessé de nous dire que toute démocratie sans responsabilité et sans autorité person­nelles, sans auto-discipline et sans direction consciente, ne résisterait pas aux manipulations démagogiques et à l'auto-des­truction». Il a opté pour une «démocratie puissante, vitale et “autoritaire”» contre toutes les formes de dictature. Mais, en même temps, De Man concentrait toute son attention aux efforts entrepris par Hitler «pour susciter une solidarité nationale plus cohérente par plus de justice sociale». De Man considérait que «les réalisations sociales du Troisième Reich comme une contribution importante à l'unification spirituelle et psychique, condition préalable à ce sursaut soudain et étonnant du peuple allemand».

 

Peu après son retour en Belgique, Henri De Man devient vice-président du POB/BWP. Cette nomination avait été préparée lors de conversations avec le “patron’, Emile Vandervelde. Dans ces années de crise, tous les espoirs, dans le sérail du POB, reposaient sur Henri De Man. Les socialistes belges du POB ne désiraient plus s'adresser exclusivement et principalement aux ouvriers. En réalisant son fameux “Plan du Travail”, le POB entendait libérer toutes les catégories de la population «de l'emprise des forces économiques et financières monopolistiques».

 

Delvo, fidèle collaborateur à la revue de De Man, Leiding,  adepte convaincu de son socialisme éthique, défenseur passionné des point de vue de son maître-à-penser, contribua à diffuser largement, par la plume et la parole, les thèses de l'auteur d'Au-delà du marxisme. Pendant des années, Delvo est resté en rapports étroits avec De Man. Malgré cela, il n'ose toujours pas dire aujourd'hui, «qu'il a bien connu De Man».

 

«Réformateur du monde»

 

Pour comprendre la nature de leur relation et pour comprendre la personnalité de De Man, citons ces mots que Delvo con­signe dans ses mémoires: «Henri De Man a voulu faire beaucoup de choses pour les gens, mais il n'a pas pu le faire avec  les gens». De Man «était profondément convaincu que les gens avaient besoin de lui». Il s'est toujours senti dans la peau d'un «réformateur du monde». Il voulait littéralement compénétrer les gens de ses idées, qu'il avait bien entendu formulées pour leur bien. Il voulait aller de l'avant et diriger, mais, personnellement, il ne ressentait nullement le besoin d'appartenir à l'humanité! «Il n'a jamais été un homme de communauté», au contraire de son élève Delvo, qui ajoute: «il acceptait le soutien et la collaboration de ceux qui étaient prêts à l'aider, et voyait en eux des hommes partageant les mêmes idées et les mêmes sentiments, des compagnons de combat, et non des amis».

 

Et Spaak?

 

«Pas même Paul-Henri Spaak», nous dit Delvo, «qui a tout de même, avec De Man, été considéré comme le représentant le plus influent du “socialisme national” dans notre pays, et qui a été pour lui, un soutien indispensable quand il s'est heurté, inévi­tablement, au vieux président du parti, Emile Vandervelde, qui possédait encore à cette époque une grande autorité; je le ré­pète, même Paul-Henri Spaak, n'a jamais été son ami. Non, personne n'avait accès à l'intériorité de De Man, n'avait droit à une part de sa vie sentimentale. C'était un homme que l'on appréciait et que l'on respectait, pas un homme à qui on se liait d'amitié».

 

Spaak et De Man, selon Delvo, «étaient liés dans un combat commun, basé sur une vision commune». Mais De Man avait derrière lui un «long processus de maturation». Spaak, au contraire, était devenu un “socialiste national” en répudiant brus­quement son passé à “Action Socialiste”, où violence et extrémisme s'était souvent conjugués. C'est vrai: le retournement soudain dans la pen­sée politique de Spaak s'est opéré quand il est devenu ministre «de manière inespérée et inattendue»; tou­tefois, Delvo pense qu'il s'agit bien d'une conversion soudaine, mais sincère, et non d'un “simple calcul”. Delvo croit pouvoir comprendre cette conversion; il sait qu'il n'est pas le seul jeune “demaniste” qui «à ce moment, sa­vait que Spaak, depuis quelques temps, sous l'influence des concep­tions de De Man, avait soumis son internationalisme prolétarien à une sé­vè­re cri­tique» et était devenu un adepte du “socialisme na­tional”.

 

De Man et Spaak ont-ils été “amis”? «Ils ont été liés politiquement», sans aucun doute. «Mais amis?»: «Non» répond Delvo. Mais ce n'est certainement pas Spaak qui a été le responsable de cette “incom­municabilité”. Tout simplement, De Man n'accordait aucune valeur à l'amitié. Dans ses rapports humains, il ne visait qu'une chose: faire partager à ses interlocuteurs et à ses camarades les mêmes visions de la société et de la politique. Tous les efforts intellectuels de De Man tendaient à améliorer le sort de l'humanité, mais il perdait presque toujours de vue les «hommes vivants», y compris ceux qui évoluaient dans son environnement immédiat. Delvo a très bien perçu cet aspect de la personnalité de De Man: «Celui qui espérait des avantages personnels, entendait assurer son avenir, faisait bien de se ranger derrière la bannière de Spaak, qui ne décevait jamais ses amis et répondait toujours à leurs attentes». Mais ceux qui suivaient De Man pour ses idées ne récoltait qu'un “bénéfice intellectuel”. Aujourd'hui encore, Delvo pense que c'était là le “meilleur choix”. Et si Delvo a opté pour une autre voie que celle de De Man pendant la seconde guerre mondiale, il reste reconnaissant au théoricien du planisme.

 

Magnanimité?

 

Pendant l'été 1940, après la publication de son manifeste  —qui fit tant de vagues, parce qu'il réclamait la dissolution du parti socialiste et appelait à coopérer avec l'occupant allemand—  De Man reçut la visite de nombreux dirigeants socialistes et surtout syndicalistes, à qui il a promis son soutien, bien qu'il était parfaitement convaincu «qu'ils le renieraient plus de trois fois avant que le coq ne chante une seule fois, si la fortune des armes venait à changer de camp».

 

En recevant ces socialistes et ces syndicalistes, De Man a-t-il agit par magnanimité? Ou parce qu'il se souvenait de leur lutte commune au sein du mouvement socialiste belge? Pas du tout, nous répond Delvo. Si De Man a reçu pendant l'été 1940 ses anciens camarades du parti qui venaient lui demander conseil, «sans dire un seul mot à propos de l'attitude hostile qu'ils lui avaient manifestée quelques temps auparavant, sans prononcer le moindre blâme pour le fait qu'ils avaient déserté et aban­donné leurs camarades», cela n'a rien à voir avec la sentimentalité ou la vertu du pardon: De Man a reçu ses anciens cama­rades parce qu'ils avaient besoin de lui, de ses conseils, et qu'il était de son devoir de les aider, au-delà de tout sentiment de sympathie ou d'antipathie, de vénération ou de mépris. Parce que De Man avait décidé de remplir la mission qu'il s'était assi­gnée à ce moment-là de notre histoire: rassembler la population belge derrière son Roi.

 

Leo Magits

 

Delvo n'aime pas qu'on lui pose trop de questions sur l'«homme» Henri De Man, pour la simple et bonne raison, dit-il, qu'il ne peut le faire, qu'il n'en a pas le droit. Mais il souhaite expressément nous dire ceci: lorsque De Man «avait pris une décision, lorsque quelque chose était bon et nécessaire selon son propre jugement, aucune considération ne pouvait plus l'empêcher d'agir selon son idée. Devant ce qu'il considérait être son devoir, tout devait fléchir et il oubliait tout, y compris ses propres enfants».

 

Lorsque Delvo devint en 1932 secrétaire général de la Centrale d'Education Ouvrière, en prenant la succession de Max Buset, il a fallu nommer un nouveau secrétaire flamand. Parmi les candidats: Leo Magits, émigré en 1918 aux Pays-Bas, où il fut actif dans le Syndicat International. Delvo ne connaissait pas Magits personnellement, mais avait lu sa brochure Vlaams socia­lisme [= Socialisme flamand]. Lorsque les deux hommes font connaissance à Bruxelles, deux choses sautent aux yeux de Delvo: «l'attachement absolu de Magits à la démocratie» et «sa vision du nationalisme qui se profilait avantageusement, par rapport à la vision de De Man sur cette question», dans le sens où Magits opérait une distinction beaucoup plus nette entre les concepts de “nation” et d'“Etat”, ne réduisait pas le nationalisme à une simple question de langue; de plus, son analyse des valeurs qu'apporte le fait national dans le mouvement ouvrier, permet des déductions bien plus positives et fécondes que l'œuvre de De Man. Magits avait le mérite de ne pas sous-estimer la valeur de la prise de conscience nationale chez les ou­vriers, dans la mission culturelle que doit s'assigner tout véritable mouvement socialiste.

 

Sous la double impulsion de De Man et de Magits, Delvo va évoluer intellectuellement, et finir par théoriser ce qu'il a appelé le “volksnationaal socialisme”, le socialisme national-populaire.

 

E. de V.

(extrait de la très longue étude de l'auteur, parue dans 't Pallieterke en 1976; cet épisode a été publié le 21 octobre 1976; trad. franç.: Robert Steuckers).

 

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vendredi, 15 août 2008

Ideologische Grundlagen für das egalitäre Weltbild und die differentialistische Alternative

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Robert Steuckers

(Text im Jahre 1991 verfasst)

 

Die ideologischen Grundlagen für das egalitäre Weltbild der westlichen Gesellschaften und die differentialistische Alternative.

Eine Analyse historischer und zeitgenössischer Philosophien

 

Jede vorindustrielle Gesellschaft ist ursprünglich ein Gewebe von mehr oder weniger autonomen und bäuerlichen Gemeinschaften, die zur Nahrungsfreiheit tendieren. Der Geograph und Ethnolog Friedrich Ratzel (1844-1904) und der Soziolog Gustav Ratzenhofer (1842-1904), die alle beiden die Grundlagen der Soziologie und der Völkerkunde festgelegt haben, stellen fest, daß die menschlichen Gemeinschaften sich langsam stabilisieren, wenn sie das Stadium des Nomadismus verlassen, sich ein Boden aneignen und diesen mit ihrem spezifischen Genie prägen. Für Ratzel (s. Völkerkunde,  3 Bände, 1885/1888), die moralisch hochwertige und patriarchalisch-kriegerische Kultur des Nomadismus weicht allmählich vor der moralisch schwächeren, vorstädtischen und matriarchalisch-bäuerlichen Kultur der Seßhaftigkeit. Für Ratzenhofer, kommt die Kulturstufe erst nach die Eroberung von unordentlichen, nomadisierenden, auf einem bestimmten Raum zerstreuten oder durch allerlei Katastrophen sozial zerstörten Haufen durch eine «starke Rasse», die die Besiegten dominiert.

 

Dieser Prozeß der Dominanz erlaubt nach Ratzenhofer und Gumplowicz die Entfaltung der Kultur. Aber sowohl für Ratzel als für Ratzenhofer, d.h. sowohl in der Prozeß des unkriegerischen Seßhaft-Werdens als in der Kulturwerdung durch Eroberung, wirkt der Faktor Zeit als Identitätsschaffend. Landwirtschaft und Dominanz führen zur Schaffung von Identitäten, die nicht notwendigerweise ewig und immer Wandlungsprozeßen ausgesetzt sind.

Diese Identitäten wirken vielfältig und kulturproduzierend. Jede dieser Identitäten entspricht einem Boden, passt sich einen spezifischen Ort an. Diese Vision von Ratzel impliziert kein geschlossenes Weltbild: es gibt Identitätskerne und -randzonen; diese letzten untergehen fruchtbare spezifische Mischungen, die sich später als eigenständige Kulturen erweisen. Die Geschichte ist also ein unendliches Spiel von positiven und kulturschaffenden Differenzierungen innerhalb Identitätskerne. Wenn man das Beispiel Deutschlands nimmt, gibt es selbsverständlich eine Vielfalt von ortsverbundenen Schattierungen innerhalb des deutschen Volkes selbst: Nordseedeutsche (mit Holländern und Skandinaven verbunden), Alpendeutsche (mit Lombarden, Veneten, Slowenen, Welschschweizern verbunden), ostdeutsche Landwirte (die Kontakte zu Westslawen und Balten unterhalten), Rheindeutsche (die über die Elsaß Kontakte mit Lothringern und anderen Gallo-Romanen bzw. Franzosen unterhalten), uzw. Der gleiche Prozeß läßt sich in den romanischen und slawischen Ländern beobachten. Die Differenzierungen sind geographisch bedingt, so daß es unmöglich ist, ihre konkrete Resultate (d.h. die ethnischen Identitäten) philosophisch zu verleugnen, entweder durch die kritiklose Affirmation einer hypothetischen Rassenreinheit oder durch die ebenso kritiklose Affirmation einer durch wahllose Mischung vereinheitlichen Welt. Beide Affirmationen negieren den unentrinnbaren Faktor "Erde", Quelle stetiger preziser Wandlungen. Die Affirmation der Rassenreinheit negiert die manchmal kulturreichen Mischungen der Identitätsrandzonen weil die Affirmation der Weltmischungseuphorie alle möglichen differenzierten und kulturschaffenden Wandlungen prinzipiell ablehnt.     

Diese dynamischen und autonomen Gemeinschaften sind Hindernisse für alle willkürlich-zentralisierenden Gewalten. Um Kontrolle üben zu können, sollten die zentralisierenden Gewalten die Nahrungsfreiheit der freien menschlichen Gemeinschaften auslöschen. Historische Beispiele eines solchen Prozeßes fehlen nicht: Karl der Große erobert Sachsenland und gibt seinen Gefolgsleuten die Allmenden der Sachsen als persönliche Lehen. Die Allmende der Gemeinschaft wird so der persönlichen Feod des karolingischen Herrn. Die nächsten Generationen können also die Lebensquelle Boden nicht mehr richtig umverteilen, so daß ein Prozeß der Re-Nomadisierung entsteht. Junge Norddeutsche müssen durch Not und Mangel an Boden gezwungen ihre Heimat verlassen, kinderlose Mönchen werden, Söldner für fränkische Könige oder für den römischen Papst werden, sich als Sklaven für die Bagdader Kalifen verkaufen, usw. Alle sozialen Unruhen des Mittelalters sind Folgen dieser Feodalisierung. Die neuen historischen Forschungen legen eben den Akzent auf diese Enteignung der Bevölkerung. So z. B. der russische Historiker Porschnew, die Franzosen Bercé, Walter, Bois und Luxardo, der Deutscher Schibel  (1).

Die bäuerlichen Gemeinschaften füssten auf die Unveräußerlichkeit des Bodens. Der Boden war Eigentum der Gemeinschaft, d.h. sowohl der zeitgenössischen Generationen als der Verstorbenen und der Künftigen. Die Feodalisierung durch die karolingische Enteignungspraxis, die Einführung des spätrömischen Rechtes (von Flavius Justitianus kodifiziert) und des Kirchenrechtes (Codex juris canonici) hatte als Resultat, daß der Boden veräußerlich geworden ist, was die Lebenssicherheit der Bevölkerung in Gefahr bringt. So sind auch die Grundlagen der Identität erschüttert. Diese kann sich in der Präkarität nicht optimal entfalten.

Hauptaufgabe der Identitätsbewußten Kräfte der europäischen Geschichte wurde also, diese Präkarität zu beseitigen, damit die geistigen Kräfte sich entfalten können. Die blutigen Etappen dieses Kampfes lässen sich makaber aufzählen: Westfälische Bauerrevolte in 1193, die Revolte der Stedinger in 1234, die Bauernrevolten des XV. Jahrhunderts (Deutschland, Böhmen, England), der große deutsche Bauerkrieg (1525/26), die Aufhebung der niederländischen Städte gegen den spanisch-absolutistischen Joch, die gleichzeitige Revolte der Spanier und Katalanen gegen die königlichen Beamten, die französischen und normandischen Aufhebungen der sog. Croquants  und Nouveaux Croquants  im XVI. Jahrhundert. Alle diese blutig niedergemetzelten Aufhebungen wollten das alte ureuropäische Recht mit dem Prinzip der Unveräußerlichkeit des Bodens wieder einführen.

Wenn während und besonders am Ende des Mittelalters die Figur des Bürgers sich auf der Vorszene hebt, bedeutet das keineswegs das Verschwinden des impliziten Individualismus des hier obenerwähnten spätrömischen Rechtes. Die Städte waren am Anfang Zufluchtsort für besitzlose Bauern. Dort konnten sie innerhalb neuer städtischer Gemeinschaften bzw. Zünfte arbeiten und ihre eventuell angeborene Genie gelten lassen. Zur gleichen Zeit schwärmten aber in diesen mittelalterlichen Städten Spekulanten aller Art, die bald mit den Fürsten Front gegen die Zünfte und die ländliche Bevölkerung machen. Statt dem Willkür des Feodalismus einen Riegel zu setzen, verstärkt diese Spekulantenkaste noch straffer den impliziten Individualismus in Europa. Max Hildebert Boehme schreibt, daß das germanische Rechtsempfinden die Gesellschaft pluralistisch fasst, so daß die verschiedene Körperschaften, aus denen jede bestimmte Gesellschaft besteht, von einer konkreten Autonomie genießen (2). Aber «bereits gegen Ende des Mittelalters setzt sich das etatistische Gegenbewung spätrömischer Prägung durch. Die Fürstengeschlechter richten mit Hilfe der geldspendenden Spekulanten eine absolute Herrschaft im Staate auf, die im allgemeinen in der Richtung einer Straffung der Staatsgewalt und einer Schrumpfung gesellschaftlicher Autonomie wirkt. Nicht im "finstern Mittelalter", sondern in der "aufgeklärten" Neuzeit verfallen weite Teile des Volkes in drückende Leibeigenschaft, und auch der religiöse Befreiungskampf der reformatoren hat zunächst nur einen verstärkten Gewissensdruck des Staates zur Folge. Namentlich im Umkreis des spanischen und französischen Einflusses entwickelt sich zwischen Staat und Volk eine polare Gegensätzlichkeit und scharfe Spannung, die sich dann vor allem in der französischen Revolution entlädt. Durch sie erhält zwar der Gedanke der absoluten Fürstenherrschaft, keineswegs aber die Staatsgewalt selber den entscheidenden Stoß. Das eigentliche Opfer dieser Entwicklung ist die korporative Volksfreiheit, die Volksautonomie, die durch den grundsätzlichen Individualismus und Unitarismus (bzw. Zentralismus) des romanischen Denkens zutiefst in Frage gestellt wird. Das Volk macht sich  —ganz im Sinne der Theorie von Rousseau—  nicht autonom, sondern souverän. Es sichert einen staatsfreien Raum den Menschenrechten im Sinne des neuzeitlichen Individualismus und nicht den Gesellschafts- und Körperschaftsrechten» (M.H. Boehm, op. cit., S. 32-33).  

In einem solchen historischen Kontext, heißt Freiheit angepaßte ortsverbundene bzw. konkrete Sozialitäten schaffen, genauso wie die erste städtische Gemeinschaften Europas, neue konkrete Sozialitäten gegenüber der karolingisch-feudalen Entwurzelung waren. Der Brüsseler Historiker Alphonse Wauters in seinem wichtigen Buch Les libertés communales (Brüssel, 1878) (3) erklärt wie die mittelalterlichen Kommunen Orte der volksverbundenen Kreativität waren. Seine historische Entdeckungen und seine Analyse der Quellen ergänzen glänzend die Theorien des Volkhaften und Volklichen bei Max Hildebert Böhm (4). Die Entstehung der mittelalterlichen Kommunen entspricht die Entstehung einer institutionsschaffenden Freiheit, die der kürzlich verstorbene deutsche Professor Bernard Willms, in Anlehnung an Hobbes, als die Grundfreiheit des Menschen als politisches Wesen theorisiert hatte (5). Wenn die menschliche Grund- und Urfreiheit darin besteht, Institutionen bzw. institutionnelle Begrenzungen zu schaffen, dann ist sie eben konkrete Freiheit. Abstrakt und steril bleibt aber eine absolute konzipierte Freiheit, weil diese dann unproduzierend/unfruchtbar inmitten eines dschungelhaften «Naturzustandes» bleibt. In einem solchen von Hobbes meisterhaft theorisierten dschungelhaften Naturzustand kann die Freiheit sich eben nicht entfalten, weil alle ihre Freiheit absolut gelten lassen wollen. Jede raum- bzw. ortsverbundene Gemeinschaft produziert also seine bedingte aber nur so mögliche Freiheit, damit die positiv-nützlich-notwendigen Eigenschaften der Gemeinschaft sich optimal entfalten können.

Das Denken von Hobbes entsteht in einem Europa, das alle religiösen Stützen verloren hat und mit den harten nackten Fakten der Freiheit und des durch Bürgerkriegen wiedergekommenen Naturzustandes konfrontiert wurde. Die Illusion der mittelalterlichen theologischen Zeitalter war verschwunden. Aber der Mensch liebt die Illusionen, so billig diese sein könnten. Die großen illusionslosen Denker des 17. Jahrhunderts (Hobbes, Balthasar Gracian, Pascal, Galilei, Giordano Bruno) haben künftig nicht viele Schüler gehabt. Eine neue Illusion  —die Aufklärung—   ist gekommen, um den Europäern eine grenzenlose d. h. abstrakte Freiheit zu versprechen. Die aufklärerische Denkweise ist insofern pervers, daß sie alle Institutionen als irrational gegründet ablehnt bzw. kritisiert. Wenn diese Denkweise mittlerweile metapolitisch Fortschritte macht, können die Institutionen nicht mehr optimal funktionnieren. Einige Anhänger der aufklärerischen Denkweise meinen manchmal richtig, daß die Institutionen, die unter der Kritik der Auklärer untergehen, schon im voraus morsch sind. Aber die Aufklärung ist allzuoft nur Kritik und schafft deshalb nicht die Bedingungen einer Rekonstruktion neuer Institutionen nach dem Verschwinden der alten und morschen Institutionen. So kentert die ganze europäische Ideologie in den Schablonen der Abstraktheit und der Unfruchtbarkeit. Pedagogisch gesehen ist also die aufklärerische Denkweise nicht für den Menschen als civis,  als zoon politikon  geeignet. Da die ganze Philosophiegeschichte seit Aristoteles den Menschen primär als zoon politikon, als politisches Wesen, betrachtet, kann man sich wohl fragen, ob die aufklärerische Besessenheit noch eigentlich über ihre üblichen Phrasen menschlich ist.

 

Die Anhänger der Aufklärungsideologie behaupten, ihre philosophische Grundlagen haben dazu beigetragen, die freiheitlichen Institutionen der französischen Revolution zu schaffen. Alle wertfreien Historiker sind aber der Meinung, daß nach zwanzig Jahre aufklärerischer Regime Frankreich definitv geschwächt wurde. Die Aufhebung des Zünftwesens durch die Gesetze von Le Chapelier in 1791 ohne entsprechende Einführung eines preußisch-ähnlichen allgemeinen Erziehungswesens hat zu einer kompletten Desorganisation der konkreten Sozialität Frankreichs geführt und damit in den folgenden Jahrzehnten zu einem gewerblichen Rückzug, die noch heute deutliche Spuren hinterläßt. Die Bauernschaft wurden wie bekannt nicht gespart. Besonders im Westen des Landes wollten die Bauern ihr uraltes Gemeinwesen bewahren, d.h. frei über ihr eigenes Schicksal entscheiden. Dieser ortsverbundener Wille paßten die grenzenlosen bzw. universellen Prinzipien der Aufklärung nicht. So entschieden sich an die Macht gekommene Pariser Intellektuellen aufklärerischer Prägung für eine «Entvölkerungsstrategie» in den aufständischen Gebieten der Bretagne, der Vendée und des Anjous. Etwa 300.000 unschuldige Dorfbewohner (Erwachsene und Kinder beider Geschlechter) dieser westfranzösischen Region wurden so einfach massakriert. Konkrete ortsverbundene Menschen hatten sich gegen Abstrakte Ideen rebelliert.

 

In den von den Revolutionsarmeen eroberten germanischen Gebieten  —die südlichen Niederlanden und Rheinland—  gibt es am Anfang eine wahre Begeisterung für die Revolutionsideen. Tatsächlich verkünden der französische General Dumouriez und seine Freunde, die in Jemappes (Hennegau) die kaiserlichen Armeen besiegen und kurz danach ihren Eintritt in Brüssel machen, daß künftig die Gemeindeversammlungen ihre Bürgermeister und deren Berater direkt für einen Jahr wählen wurden. Dieser Wahlmodus wird generell in Flandern, Brabant und Rheinland akzeptiert. Aber die Pariser Behörden führen dieses rein demokratisches Prinzip nicht ein. Die Convention  entscheidet sich, für die Benennung der Bürgermeister ohne Wahl. Entscheidungsort dieser Benennung: Paris, Hauptstadt der triumphierenden politischen Aufklärung! Dumouriez, ein ehrlicher Mann, nimmt Abschied und flüchtet nach Preussen. Verlooy, ein Schüler Herders, der inzwischen Bürgermeister von Brüssel geworden war, verlässt auch seine Heimat. Viele deutschen Intellektuellen aus dem Rheinlande, unter denen Görres, folgen dem gleichen Pfad. Diese Revolutionsbefürwörter sind sehr schnell Revolutionsfeinde geworden, eben weil die Revolution alle Ortsverbundenheit ablehnte. Die Einführung des hier oben erwähnten Wahlmodus hätte die diversen und differenzierten Wirklichkeiten Europas die Möglichkeit gegeben, sich gelten zu lassen. Ein solcher Wahlmodus rechnet mit den unentbehrlichen Faktoren Raum und Zeit. Jeder Ort hat seine eigene Dynamik. Was hier gilt, gilt nicht notwendigerweise dort. Hier ist der Boden sandig und karg, hier gibt es kaum Verkehr und dort ist der Boden fruchtbar und fett und die Nähe eines Flußes verschnellt den Verkehr. Die Bedürfnisse der verschiedenen Orte sind deshalb grundverschieden und brauchen konsequenterweise eine angepaßte Modulierung. Der am Anfang des Revolutionsprozeßes vorgeschlagene Wahlmodus war eben eine solche Modulierung. Die deutsche Bewegung mit Arndt und Freiherrn von Stein, die südniederländisch-belgischen Traditionalisten-Demokraten (Die zwei Generationen von Rechtsanwälten der Familien Raepsaet aus Gent und Dumortier aus Tournai/Doornik) wurden während der Restauration  —die eben nichts restauriert—  die energischen Vorkämpfer eines solchen angepaßten Wahlmodus.

 

Die Aufklärung wurde auch schon von Kant  —dem kühnsten Denker der Aufklärung aber auch zur gleichen Zeit demjenigen, der die Unzulänglichkeiten der Aufklärung am scharfsten gesehen hat—  als zu mechanistisch beurteilt. In seiner Kritik der Urteilskraft  (1790), unterscheidet Kant die Naturprodukte und die Kunstprodukte. Die Naturprodukte sind keine Produkte eines willkürlichen Willens. Nur Kunstprodukte sind Produkte eines Willens, der sich außerhalb des Produktes selbst befindet. Naturprodukte sind simultan Ursache und Wirkung ihrer selben. Die aufklärerisch-mechanizistischen Denkweise betrachtete die Staaten und Nationen als Uhrwerke, die von dem Wille oder der Laune eines außerlichen Souveräns bzw. Fürsten abhingen. Die Aufklärung ist also nicht demokratisch. Ihre politische Modalität ist die der aufgeklärten Despotie. Die französische Revolution und besonders die Convention  übernehmen bloß diese Modalität ohne Achtung für was Kant die innerliche bildende Kraft eines Naturprodukte genannt hat. Die Nationen und Völker sind eben Naturprodukte, die von einer innerlichen bildenden Kraft beseelt sind. Der von Dumouriez, Verlooy und Görres suggerierte Wahlmodus implizierte eben eine Achtung für diese innerliche bildende Kraft, die von Ort zu Ort und Zeit zu Zeit variiert. Die aufklärerische Convention  ist diesen unersetzlichen Kräften gegenüber taub und blind geblieben. Der romantische Protest in Deutschland ist politisch betrachtet ein Wille, diese Kraft freie Bahn wiederzugeben und zu gestalten bzw. organisieren. Aus dieser Perspektive gesehen, gestaltet die Aufklärung nicht: sie ist unfruchtbar und autoritär im schlechtsten Sinne des Wortes. Das anti-autoritäre Pathos der zeitgenössischen Aufklärung ist deshalb bloße Tarnung, ist auch der Spur eines schlechten Gewissens. Wenn sie bis zur letzten Konsequenz durchgeführt wird, bringt sie die Menschheit in einer neuen Naturzustand, wo eine moderne Fassung des Nomadismus herrscht. Die aktuelle Beispiele der Melting-Pot-Gesellschaft in den Vereinigten Staaten, der Unsicherheit der Pariser Vorstädten und des Hooliganismus in Großbritanien zeugen dafür.

 

Wenn man von diesen Fakten bewußt ist, was sollte man tun? Eine geortete Gemeinschaft zu organisieren heißt heute eine Sozialpolitik neuer Art vorzuschlagen, da die herrschenden Systeme eben zu einem erneuten Naturzustand tendieren. Produkt der Aufklärung ist nämlich die Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen.  Diese Déclaration  ist eine Mischung von aufklärerischem Gedankengut und allgemeingültigen Prinzipien. Da kürzlich bekannte französische Historiker wie Jean-Joël Brégeon und Reynald Sécher die Perversität der politischen (conventionnel)  Aufklärung erörtet haben, dadurch daß sie die Logik der Entvölkerung hervorgehebt haben, brauchen wir hier nicht die aufklärerische Elemente zu analysieren sondern nur die Allgemeingültigen. Diese schaffen die feudalen Reste aus dem Weg. Und das bedeutet konkret, daß jeder Bürger wieder das Recht hat, das Seine zu genießen als Mitglied einer Gemeinschaft. Als Mitlglied einer Gemeinschaft hätte er ein Allod bekommen und die Gesamtgemeinschaft hätte wieder seine Allmende als Lebenssicherheit haben müssen. Die Convention  hat alle kirchliche und aristokratische Güter den reichen Parvenüs verkauft, ohne eine soziale Umverteilung einzuleiten! Damit konfiziert die undemokratische Revolution dem Volke seine Nahrungsfreiheit. Die feudalen Herren werden durch miserablen Parvenüs ersetzt. Darum hat Proudhon vom Eigentum als Diebstal geredet. Der Sozialismus des 19. Jahrhundert, bevor er oligarchisiert wurde (s. Roberto Michels), hat nur eine Teilumverteilung verursacht. Der Kommunismus verstaatlicht alles, was am Ende bedeutet, daß nur die Parteifunktionäre Eigentümer werden.

 

Die heutige Diskussion über das garantierte Grundeinkommen (Opielka in D.; Gorz in F.) in linken non-konformistischen Kreisen wäre eine Lösung, besonders wenn man dazu ein Wahlsystem schweizerisches Modell hinzufügt. Aber solange die Gruppierungen der Linken noch von aufklärerisch-autoritären Ideen verseucht bleiben, ist diese Lösung nicht möglich. Ein garantierte Grundeinkommen an jedem Bürger als Ersatz der Allmende wäre nur möglich in Europa, solange die Bürgerschaft begrenzt gewährt wird. Die Linke kann also nicht konkret das garantierte Grundeinkommen vorschlagen und zur gleichen Zeit die Asylantenflut bejahen. Diese letzte wurde bloß dieses Grundeinkommen lächerlich und jammerlich reduzieren, sodaß die jahrhundertelange Entfremdung doch erhalten bleibt. Um jeder Bürger das Seine zu geben, muß man notwendigerweise und arithmetischerweise den Zugang zur ortsgebundenen Bürgerschaft beschränken. Wie Reinhold Oberlercher es sagte, die Freizügigkeit ist wohl eine der Todsünde der Aufklärung, da sie die Lösung der sozialen Frage unmöglich macht. Hier auch sind Schranken notwendig um eine konkrete Aktion durchführen zu können und auch um überhaupt Politik treiben zu können.

 

Das garantierte Grundeinkommen muß minimal bleiben, damit man nicht davon leben kann, aber damit man trotzdem etwas zum Überleben hat im Ernstfall, wie in vorfeudaler Zeit unsere Bauern ihren Allod hatten. Die Einführung eines garantierten Grundeinkommen ist durchaus möglich, da unsere Staaten dann keine Arbeitslosigkeitszulagen zahlen werden und auch keine Verwaltung dieser Arbeitslosigkeit finanzieren müssen. Durch eine angepaßte Steuerpolitik kann dann der Staat ohne Mühe die Gelder bei denen, die es nicht nötig haben, wieder einkassieren. Diese Regulierung verlangt auch keinen Abbau der sozialen Sicherheit, wie die neo-liberale Welle es vorgeschlagen hatte.

André Gorz, französischer Befürworter des garantierten Grundeinkommens, fügt hinzu, daß dieses Einkommen es für viele Leute ermöglichen würde, andere nicht gewinnbringende Aktivitäten zu leisten, z. B. ökologische sinnvolle Aktivitäten oder die Bildung von Netzen für Kinderversorgung, die dann einfach und problemlos privatisiert werden könnten. Die Bürger werden dann spontan mehr Zeit haben, für lebenswichtige Sachen: die ökologische Nische sauberer halten und ihre Kinder versorgen. Die sozialen Kosten der Verschmutzung und der psychologischen Amoklaufen bei Kindern sind erheblich höher als was ein allgemein garantierten Grundeinkommens dem Staate kosten wurde.  

 

Mit dem garantierten Grundeinkommen als Recht des Bürgers in einer begrenzt gehaltenen Gemeinschaft, sind die Gefahren der Aufklärung, dieser Religiosität der Schrankenlosigkeit, nicht gebannt und ausgeschloßen. Der durch Kredit gefördete Konsum würde die Gelder des garantierten Grundeinkommens rasch aufsaugen. Deshalb muß der Staat als Organisationsinstrument der Sozialität Gesetze einführen, damit Kredite nicht wahllos gewährt werden, besonders an Leuten die diese nur für Konsum benutzen. Solch Gesetze wollte zwei oder drei Jahre her der wallonische Minister Busquin einführen. Sein Projekt ist von den Banken und konservativ-bornierten Politikern torpediert worden.

 

Die Grundlagen des egalitären Denkens liegen also in der «Entgemeinschaftungspraxis» des Feudalismus und in dem mechanizistischen Denkmuster der Aufklärung, und nicht notwendigerweise im Gedankengut der sozialistischen Tradition, eben wenn die linken Gruppierungen einen egalitären Diskurs entwickelt haben, die Ungleicheiten schafft. Egalitarismus im Sinne des Verfassers bedeutet selbstverständlich nicht Gleicheit der Chancen. Das ist eben, was er verallgemeinen will. Egalitarismus ist eher diese gefährliche Ablehnung aller differenzierenden Ortsverbundenheiten, die Zeit und Raum ständig produzieren. Wenn alle Räume der Erde gleichgeschaltet und gezwungen unter den gleichen Mustern ent-organisiert werden, dann ist Chancengleicheit eben unmöglich, da diese nur in einem raum- und zeitlich bedingten Rahmen erreicht werden kann. Der Mensch, als begrenztes Wesen, kann nur Verantwortung für etwas Begrenztes übernehmen. Da der Mensch kein Gott bzw. kein allmächtiges Wesen ist, kann er nur teilmächtig handeln. Der Mensch kann also nur in einem begrenzten Raum und, da er sterblich ist, in einer begrenzten Zeit handeln und nicht universell. Universell denken und handeln wollen heißt deshalb unverantwortlich weilk ortlos denken und handeln. Die große Ideen der Brüderschaft, der Caritas, der Menschenrechte können nur von Menschen in begrenzten Räumen verwirklicht werden. Diese großen Ideen sind nur konkret möglich, wenn man sie im nahen Ort wo man bei Geburt geworfen worden ist und nur da   —um die Sprache des alemanischen Philosophen Martin Heidegger nachzuahmen—  zu verwirklichen versucht. Dieser Ort bleibt für Jeden Sprungbrett in der nahen oder fernen Welt. Die sockellosen Ideologien, sei es die ortfremde Religion im Frühmittelalter oder die gewollt ortlose Aufklärung, verpassen die Möglichkeit, etwas von der ideellen Caritas oder der ideellen Chancengleicheit zu verwirklichen.

Fazit: die differentialistische Alternative verlangt Verantwortung für den Mitmenschen im Ort wo man bei Geburt geworfen worden ist und Aufmerksamkeit für die Geräusche der Welt. Gewiß keine Sackgasse, da die Möglichkeiten dieser Welt unendlich sind, nur wenn man die schöne bunte Welt nicht mit herzlosen Schablonen gleichschalten will.

 

Die multikulturelle Gesellschaft kann dadurch nicht fließend funktionnieren, da sie nämlich eine Gesellschaft und keine Gemeinschaft ist. Harmonie kommt immer nur relativ und mit der Zeit und nicht wenn ständig neue Menschenwellen unordentlich strömen. Der langfristige Prozeß der «Vergemeinschaftung» ist in solchen Umständen unmöglich. Sobald einige Schichten in einer bestimmten Gemeinschaft assimiliert bzw. «vergemeinschaftet» sind, warten noch unruhige und ungeduldige Schichten auf diese versprochene Assimilation, die nur mit langer Zeit zu erreichen ist. Manche Ideologe und Politiker meinen, daß mit einer formellen und verschnellten Einbürgerung eine Lösung zu finden ist. Das ist eine aufklärerische Illusion, die keine Rechnung mit dem äußerst wichtigen Faktor Zeit rechnet. Notwendig wäre, die Substanz der Gesetzgebungen in Europa, die nur die Staatsbürgerschaft nach Fristen von 20 bis 30 Jahren gewährten, mit Aufmerksamkeit zu studieren. Diese Gesetzgebungen waren orts- und zeitbewußt. Die Wiedergeburt Europas braucht keine großen und pompösen Phrasen. Nur ein sachliches, ruhiges Orts- und Zeitsbewußtssein.

 

Fußnoten:

 

(1) Boris Porchnev (franz. Schreibweise für «Porschnew»), Les soulèvements populaires en France au XVIIième siècle,  Paris, Flammarion, 1972; Gérard Walter, Histoire des Paysans de France,  Paris, Flammarion, 1963; Paul Bois, Paysans de l'Ouest, Paris, Flammarion, 1971; Yves-Marie Bercé, Révoltes et révolutions dans l'Europe moderne, XVIième-XVIIIième siècle, Paris, PUF, 1980; Hervé Luxardo, Les Paysans. Les républiques villageoises, 10ième-19ième siècles,  Paris, Aubier, 1981; Karl-Ludwig Schibel, Das alte Recht auf die neue Gesellschaft. Zur Sozialgeschichte der Kommune seit dem Mittelalter,  Sendler, Frankfurt a.M., 1985.

(2) Max Hildebert Boehm, Das eigenständige Volk,  1923.

(3) Alphonse Wauters, Les libertés communales. Essai sur leur origine et leurs premiers développements en Belgique, dans le Nord de la France et sur les bords du Rhin,  Brüssel, 1878 (reprint: Brüssel, 1968).

(4) Für Max Hildebert Boehm ist das Völkische die biologische Grundlage des Volkes; das Volkhafte ist die soziale Grundlage des Volkes und das Volkliche ist die synthetische Gesamtgrundlage aller konstitutiven Elemente des Volkes.

(5) Bernard Willms, s. Idealismus und Nation, 1986; ders., Thomas Hobbes. Das Reich des Leviathan,  1987.

 

Kurze Biographie:

 

Robert STEUCKERS

Geboren am 8. Januar 1956 in Ukkel-bei-Brüssel. Verheiratet. Hat einen Sohn: Cedrik (1988). Hat Germanistik und Anglistik studiert. Diplomübersetzer ILMH (Brüssel). Diplomarbeit über den Begriff «Ideologie» bei Ernst Topitsch. 1981: Redaktionssekretär von Nouvelle Ecole  (Paris). Gründet die Zeitschriften Orientations  (1982) und Vouloir   (1983). Leitet sein eigenes Übersetzungsbüro in Brüssel seit 1985. Wissenschaftlicher Mitarbeiter des «Presses Universitaires de France» seit 1990. Ständiger Mitarbeiter der Zeitschriften Nouvelle Ecole  (Paris), Dissident  (Gent), Trasgressioni  (Florenz), Diorama Letterario  (Florenz), Elementi  (Finale Emilia), Nationalisme et République  (La Roche d'Anthéron), Elemente  (Kassel), The Scorpion  (London/Köln). Mitglied der Abteilung «Studien und Forschungen» des «Groupement de Recherches et d'Etudes sur la Culture Européenne» (Paris).

jeudi, 14 août 2008

Essai de typologie des extrémismes

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Essai de typologie des extrémismes

Uwe BACKES, Politischer Extremismus in demokratischen Verfassungsstaaten. Elemente einer normativen Rahmen­theorie, Westdeutscher Verlag, Opla­den, 1989, 385 S., DM 52, ISBN 3-531-11946-X.

 

Né en 1960, docteur en sciences politiques, en­sei­gnant à l'Université de Bayreuth, Uwe Backes s'est imposé comme l'un des principaux ana­lystes de l'extrémisme politique en Europe. Son ouvrage de base, qui permet de rénover en­tièrement l'approche scientifique des phéno­mè­nes d'extrémisme, commence par une cri­tique des méthodes conventionnelles de re­cherche en ce domaine. Celles-ci partaient géné­ralement d'a priori idéologiques, 68 oblige, opéraient une confusion permanente des concepts, retraçaient des généalogies lacu­naires, transposaient dans le présent des concepts qui ne valaient que pour des phéno­mènes du passé, manipulaient des sché­mas in­terprétatifs monocausaux et refu­saient trop sou­vent de recourir à des fertili­sa­tions croisées entre les recherches posées dans divers pays (le «provincialisme scientifique»). L'auteur passe ensuite à une phénoménologie gé­nérale des ex­trémismes politiques.

A «gau­che», il distingue un filon communiste et un fi­lon anarchiste. Dans le filon communiste, il met les subdivi­sions suivantes en exergue: mar­xisme, léni­nisme, stalinisme, trotskisme, maoïsme, com­munisme de gauche (luxem­bour­gisme et conseillisme), nouvelle gauche et eu­rocommu­nisme. Dans le filon anarchiste, il distingue la zone de flou entre l'anarcho-com­munisme et l'anarcho-libéralisme, l'anarcho-syndicalisme et l'anarchisme pragmatique.

A «droite», espace du «conservatisme antidé­mo­cra­tique», il dis­tingue quatre filons: 1) le mo­narchisme; 2) le nationalisme; 3) le con­ser­va­tisme révolution­naire et le fascisme; 4) la xé­nophobie et le ra­cisme. Dans le filon natio­na­liste, le plus diver­sifié des quatre, Uwe Backes repère les ten­dances suivantes: l'insistance sur la notion de communauté (communauté cultu­relle, idéolo­gique et raciale), le binôme ethno­cen­trisme/ethnopluralisme, le séparatisme (il en­­tend les mouvements régionalistes, y compris ceux qui recourent à la violence) et le populisme (avec une analyse du caractère populiste mâtiné d'ethnocentrisme repérable dans le discours de Le Pen).

Dans un quatrième chapitre, Uwe Backes dresse une typologie des modes d'orga­nisation extrémistes; il y a les cercles de théo­riciens, les associations traditionalistes, les ac­ti­vistes isolés, les sectes politiques, les groupes terroristes, les mouvements rassembleurs et les partis de cadres. Enfin, dans un cinquième cha­­­pitre, Backes procède à une analyse critique des caractéristiques majeures des doctrines ex­trémistes; elles prétendent toutes détenir les clefs de l'absolu, tant dans leurs phases offen­si­ves que dans leurs phases défensives. Elles re­posent sur un dogmatisme; elles visent une uto­pie ou rejettent catégoriquement le principe uto­pique. Backes examine ensuite les stéréotypes de l'ami et de l'ennemi qu'elles génèrent. Il nous parle des théories de la conspiration  —sou­vent mo­trices dans l'aire des extrémismes—   du fa­na­tisme et de l'activisme.

Au départ de tous ces éléments, il est possible de formuler une théorie complexe et complète de l'extrémisme et d'appliquer à chacun des phé­no­mènes particuliers une grille d'analyse ob­jective (Robert Steuckers).

 

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mardi, 12 août 2008

De la contestation mondiale bobo-docile et du souverainisme de libération

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De la contestation mondiale bobo-docile et du souverainisme de libération

http://rebellion.hautetfort.com/


"Si le mouvement national contemporain ne veut pas se contenter de rééditer les anciennes tragédies amères de notre histoire passée, il doit se montrer capable de s’élever au niveau des exigences de l’heure présente". James Connolly (1868-1916), fondateur de l’Irish Republican Socialist Party


"Donnez-moi un point d’appui et un levier et je soulèverai la Terre." Archimède


"Pensez-vous tous ce que vous êtes supposés penser ?"


"Ce que nous devons conquérir, la souveraineté du pays, nous devons l’enlever à quelqu’un qui s’appelle le monopole. Le pouvoir révolutionnaire, ou la souveraineté politique, est l’instrument de la conquête économique pour que la souveraineté nationale soit pleinement réalisée". Ernesto Guevara.


À chaque époque, ses contradictions. L’une des contradictions majeures de notre temps, se déroulant dans la pratique sociale et politique, se présente sous la forme d’une lutte à mort entre les puissances convergeant vers l’homogénéisation planétaire et les mouvements résistant à ce processus. Largement utilisés depuis les années 1980, les termes de mondialisation et de globalisation traduisent l’action des puissances homogénéisantes.


Qu’est-ce que la mondialisation ? L’intégration croissante des économies dans le monde, au moyen des courants d’échanges et des flux financiers. Elle se définit par les transferts internationaux de main-d’oeuvre et de connaissances, et les phénomènes culturels et politiques que ceux-ci engendrent. Les principales caractéristiques en sont : la concentration de la production et du capital sous forme de monopoles ; la fusion du capital bancaire et industriel ; l’exportation massive des capitaux ; la formation d’unions transnationales monopolistes se partageant le monde ; la fin du partage territorial du monde entre les puissances capitalistes.


La mondialisation actuellement en oeuvre est une forme avancée de l’impérialisme capitaliste apparu au début du XXe siècle. Étant donné ses conséquences constatables et prévisibles (mort des cultures, disparition des particularismes, avènement du positivisme néo-kantien bêtifiant, anéantissement de la pensée critique, massification, dressage cognitif, crises économiques et guerres récurrentes, désintégration des religions occidentales et moralisme morbide subséquent, etc.), la mondialisation apparaît, à sa limite, comme un "holocauste mondial", ainsi que l’a définie Jean Baudrillard.


Du côté de la résistance organisée et spectaculaire - les mouvements altermondialistes et antiglobalisation qui défilent dans les médias - règne la confusion la plus grande. L’ambiguïté de la critique qu’ils adressent à la mondialisation et la limite des solutions qu’ils proposent se révèlent patentes si on les passe au tamis d’une critique impartiale. Pétris de bonnes intentions (remarquons à leur actif un notable appel à voter non au référendum sur le Traité européen), les altermondialistes sont aussi, au fond, les meilleurs alliés de la mondialisation capitaliste.



La diversion altermondialiste


D’abord, les altermondialistes sont des gestionnaires, et non des critiques radicaux. José Bové s’en vante : "A Seattle, dit-il, personne ne brandit le drapeau rouge de la révolution chinoise, ni le portrait du Che, ni la victoire révolutionnaire dans un pays devant bouleverser les autres ; c’est bien fini et c’est porteur d’espoir".


Les altermondialistes vitupèrent en effet le capitalisme, mais n’ont en fait nulle intention de le renverser. Ils désirent seulement l’amender. La taxe Tobin, le prélèvement qu’ils veulent instaurer sur les transactions spéculatives, ne s’attaque en réalité qu’à une infime partie de la spéculation et cache le fait que la crise du capitalisme ne porte pas uniquement sur la spéculation mais sur l’ensemble du capitalisme. La crise générale du capitalisme a pour trait distinctif l’accentuation extrême de toutes les contradictions de la société capitaliste. Et ces contradictions sont aujourd’hui portées à un point d’incandescence jamais atteint.


La campagne pour la suppression des paradis fiscaux, autre thème de campagne des altermondialistes, vise quant à elle à moraliser le capitalisme. Mais, à nouveau, la spéculation et les trafics financiers ne sont nullement la cause de la crise. Ils sont seulement la conséquence directe de l’impasse où est acculé le mode de production actuel. Aucune mesure de ce type n’empêchera jamais la crise de se poursuivre ni d’étendre ses ravages.


Au lieu de proposer une alternative efficace, les altermondialistes militent pour un système de redistribution à l’intérieur du capitalisme : les pays riches doivent partager leur richesse avec les pays pauvres, les patrons avec ceux qu’ils exploitent, etc. Ils espèrent ainsi qu’un capitalisme revu et corrigé sera porteur de justice, perpétuant l’utopie d’un capitalisme viable, à orienter dans un sens favorable. Pourtant, il n’y a pas de société "juste" dans le cadre du capitalisme dont l’essence conflictuelle nourrit des antagonismes en cascade. La seule réponse historique valable est de le dépasser, d’abolir le salariat en développant les luttes contre l’exploitation de la force de travail et les rapports capitalistes de production.


Les altermondialistes croient au soft-capitalisme, au capitalisme à visage humain, comme s’ils avaient lu l’oeuvre de Karl Marx avec les lunettes de plage d’Alain Minc. À l’instar de José Bové, avatar actuel de Proudhon, la plupart d’entre eux voudraient retourner au capitalisme de papa, celui des petits producteurs. Leur rêve est de freiner la concentration monopolistique par des institutions internationales qui superviseraient l’économie mondiale. Mais ils oublient que c’est la libre concurrence, constitutive du capitalisme, qui a depuis plus d’un siècle donné naissance aux monopoles mondiaux. C’est la libre concurrence qui a produit le monopole. C’est la libre concurrence du XIXe siècle qui a accouché de la dictature de deux cents multinationales du XXe siècle. Combattre la dictature des multinationales sans combattre en même temps la libre concurrence et le libre marché capitaliste qui les engendrent est un non-sens.


Comme le monopole, la mondialisation est contenue en germe dans le capitalisme : le capitalisme la porte en lui, c’est son produit inéluctable, sa déduction. Les multinationales, les délocalisations, comme les inégalités sociales et la flexibilité, sont les effets naturels de sa logique, le déroulement d’un processus autodynamique irréversible tant que l’on ne se décide pas à le subsumer.


Poussés par le besoin incessant de trouver des débouchés toujours nouveaux, les marchands ont envahi le monde entier. L’exploitation du marché mondial a du coup donné un caractère cosmopolite à la production et à la consommation de tous les pays. Déplorer le coeur sur la main "l’horreur économique" comme Viviane Forrester, scander "no logo" comme Noami Klein , hurler "le monde n’est pas une marchandise" ou manifester sous les murailles des forteresses de Big Brother pour que le monde capitaliste reparte du bon pied, ce n’est pas prendre le problème à la racine : c’est le décentrer. Couper les mauvaises herbes sans désherber, c’est leur permettre de repousser.


Le capitalisme est, par nature, une économie poussant à la mondialisation et à la marchandisation. Or tout est marchandisation en puissance, et puisque Dieu est provisoirement mort, il n’y a plus aucune limite humaine connue à l’expansion universelle de la marchandisation si on la laisse suivre son cours. Les marchands ont tout le temps devant eux, et ce ne sont pas les comités d’éthique officiels qui les empêcheront d’agir. Comme ces institutions spectaculaires nourrissent une pensée théologique coupée du terreau social, les marchands ont raison de prendre patience, car la théologie s’écroule toujours un moment donné de l’histoire, lorsque l’infrastructure la rend caduque.


Pour s’opposer concrètement à la marchandisation du monde, il ne suffit donc pas de minauder sur quelques-unes des conséquences annexes du Système, il faut dénoncer celui-ci dans son ensemble et en son fondement. Il importe en premier lieu de commencer par lui donner un nom, car "ce qui est censé être atteint, combattu, contesté et réfuté", comme disait Carl Schmitt, doit être nommé afin de viser la cible en son coeur : ici, il s’agit du mode de production capitaliste. Et il faut également proposer une alternative radicale, car nuancer, c’est considérer que la mécanique mérite de fonctionner, qu’il suffit de l’adapter et d’y incorporer de menus arrangements régulateurs : c’est au fond rester keynésien et marcher main dans la main avec MM. Attali et Fukuyama. "La compréhension de ce monde ne peut se fonder que sur la contestation, et cette contestation n’a de vérité qu’en tant que contestation de la totalité", écrivait Guy Debord.


Au temps où on évoquait (déjà) les États-Unis d’Europe, un révolutionnaire célèbre avait (déjà) remarqué que les gauchistes - ancêtres des altermondialistes - étaient les meilleurs alliés des opportunistes. Les gauchistes partagent en effet la vision de ceux qui veulent perpétuer le Système à la solde duquel ils vivent. Si l’ex-animateur du Mouvement du 22-Mars, Daniel Cohn-Bendit est devenu le meilleur allié de l’ancien cofondateur du mouvement atlantiste Occident, Alain Madelin, formant ainsi le noyau du libéral-libertarisme, ce n’est pas à cause d’une conjonction astrale fortuite : c’est parce que leurs destins convergents étaient inscrits dès l’origine dans leurs gènes idéologiques. Nous revivons cycliquement cette situation, aujourd’hui avec les altermondialistes, qui ne sont en somme que des antimondialistes de papier.


Les altermondialistes au service de l’oppression


Face la mondialisation du capital, on assiste à une mondialisation des résistances et des luttes. Seulement il ne s’agit pas de courants authentiquement antimondialistes - telle était leur dénomination première, et le changement de terminologie, opéré à leur instigation, est lumineux -, car ils militent de facto pour une "autre mondialisation", comme l’assure et l’assume François Houtart, directeur la revue Alternatives Sud. Susan George, présidente de l’Observatoire de la mondialisation se détermine, elle, en faveur d’une "mondialisation coopérative". Les chefs de file de l’altermondialisme médiatique se veulent ainsi des mondialistes. L’un des livres de Bové s’intitule Paysan du monde. Les altermondialistes revendiquent simplement l’avènement d’un mondialisme plus humain.


Du coup, et ce n’est pas un hasard, les voici réclamant l’avènement de la mondialisation des Droits de l’homme. Lorsque José Bové se rend Cuba, la première pensée qui lui traverse l’esprit, c’est qu’il y a "beaucoup de policiers dans les rues" et "des queues devant les magasins". Ce distrait vient d’oublier les quarante années d’embargo américain. Il aurait pu dire : "La mortalité due à la maternité est dix-sept fois plus basse à Cuba que la moyenne mondiale". Mais il est passé à côté, car il raisonne en métaphysicien, articulant des catégories fixes d’usage obligatoire dans un Système que de telles notions ont pour unique mission de soutenir. Il n’a pas compris que les Droits de l’homme sont devenus l’idéologie par laquelle les pays riches s’ingèrent dans les affaires des pays pauvres (hochet kouchnerien à vocation exterministe, depuis le Vietnam jusqu’à l’Irak, en attendant mieux). Et qu’au final, les Droits de l’homme sont devenus le cheval de Troie des oppresseurs d’aujourd’hui.


Comme l’a démontré Noam Chomsky, c’est en se fondant sur ces principes universels datant de la révolution bourgeoise que les États-Unis ont déclaré toutes leurs guerres depuis cinquante ans. Preuve éclatante de leur manque de logique, MM. Bové et ses amis ne se sont pas demandé qui ferait régner ces Droits précieux sur le monde, ni quelle puissance idéalement autonome parviendrait à lutter contre les diverses influences économiques et politiques pour les appliquer avec impartialité. Ni par qui serait élue cette autorité mondiale suprême. Ni comment elle gouvernerait. Ni quel parti ou quelle tendance de parti la dirigerait. Ni avec quelles forces armées elle se ferait respecter.


La tendance despotique de ce Léviathan serait, de plus, consubstantielle à son existence, puisque l’expérience a prouvé que plus un organisme est éloigné des individus qu’il encadre, plus son déficit démocratique est levé. On peut donc s’étonner que des anarchistes et des gauchistes soutiennent l’édification d’un tel monument d’oppression.


L’utopie des altermondialistes est donc totale. Ils croient en la vertu opératoire de la parole magique : "Monde, ouvre-toi !" , et le trésor des 40 voleurs nous sera acquis. Or le monde est un rapport de forces entre puissances économiques, et il ne suffit pas de vouloir avec détermination, ni de crier à tue-tête que les États-Unis, fer de lance de l’impérialisme, réduisent leur puissance pour que celle-ci décline dans les faits. Croire le contraire relève de la naïveté. Être naïf, c’est se payer le luxe d’être inopérant. Et tout mouvement inopérant encourage nolens volens la persistance du système qu’il prétend combattre.


La nation, comme foyer de guérilla


De glissement en compromis, d’accommodement en complicité objective, les altermondialistes reprennent ainsi dans leurs discours les arguments qui soutiennent le plus puissamment les intérêts des capitalistes. C’est-à-dire qu’ils s’inoculent à haute dose - et inoculent à ceux qui les écoutent - le virus qui justifie l’oppression, en retour.


Le mépris qu’ils affichent pour le fait national, auquel ils substituent un antiracisme formel, sentimental et terroriste, est à ce titre révélateur. Si les peuples désorientés par l’évolution actuelle et le dynamitage des frontières se jettent parfois dans les bras de partis qui semblent ici et là leur proposer un barrage provisoire au mondialisme, ce n’est pas, comme le prétendent les belles âmes de l’altermondialisme, parce qu’ils sombrent dans le fascisme, notion datée et dépassée. C’est d’abord parce que ces populations vivent au quotidien des situations dramatiques et déchirantes, et que nul ne leur propose un avenir digne d’être vécu, les altermondialistes moins que les autres, avec leur programme gauchiste de tabula rasa. C’est sur cette base qu’il faut édifier une réflexion.


A contrario, il est bien sûr parfaitement ridicule de prôner le raidissement identitaire comme solution-miracle. "Le repli sur la tradition, frelaté d’humilité et de présomption, n’est capable de rien par lui-même, sinon de fuite et d’aveuglement devant l’instant historial" écrivait Martin Heidegger. Le désir de rejouer le passé est vain, car "l’histoire ne repasse pas les plats", ainsi que le disait plaisamment Céline. Tout autre est l’affirmation d’une communauté nationale populaire vivante, une communauté de culture et de destin qui entend conserver son indépendance, sa volonté de puissance, sa capacité d’agir sur son avenir en puisant dans un héritage partagé, et qui offrirait la possibilité d’un contrôle populaire réel et conscient sur le pouvoir et l’expression libre des aspirations et des besoins.


La nation, catégorie historique du capitalisme ascendant, demeure en effet, contre de nombreuses prévisions, une réalité à l’époque du capitalisme déclinant. Elle devient même, selon la conception de Fidel Castro, un "bastion", un pôle de résistance révolutionnaire. La défense d’une communauté attaquée dans sa substance s’avère d’autant plus révolutionnaire que l’agression provient d’un système coupeur de têtes et aliénant. Le world-capitalisme a en effet intérêt à trouver devant lui des peuples désagrégés, des traditions mortes, des hommes fébriles et sans attache, disposés à engloutir son évangile standardisé. Ce qui freine la consommation de ses produits mondiaux, ce qui est susceptible de ralentir l’expansion de ses chansons mondiales formatées, de ses films mondiaux compactés, de sa littérature mondiale normalisée, doit disparaître, ou finir digéré dans ses circuits, ce qui revient au même. Le capitalisme est uniformisateur et l’arasement préalable des esprits encourage son entreprise uniformisatrice. Il ravage l’original, les particularismes, sauf ceux qui vont momentanément dans le sens qui lui profite.


Or la communauté, aspiration profonde des hommes, voit dans la forme nationale son actualité la plus aboutie. Passant pour les altermondialistes comme un résidu passéiste, une province pourrissante, un paradoxe historique au temps du cosmopolitisme triomphant, la nation conserve sa justification historique, a minima par le "plébiscite de tous les jours" qu’évoque Ernest Renan. Le patriotisme est un des sentiments les plus profonds, consacré par des siècles et des millénaires. Aujourd’hui, la nation conserve donc un contenu réel, qui, même s’il est épars et dilapidé, est à retrouver et à se réapproprier : "Délivré du fétichisme et des rites formels, le sentiment national n’est-il pas l’amour d’un sol imprégné de présence humaine, l’amour d’une unité spirituelle lentement élaborée par les travaux et les loisirs, les coutumes et la vie quotidienne d’un peuple entier ? ", disait Henri Lefebvre. L’étude du contenu national doit être au cour du programme d’un projet de renaissance.


Évidemment, la démocratie formelle n’a réalisé jusqu’ici qu’une pseudo-communauté abstraite qui frustre la plus grande partie du peuple, à commencer par les couches populaires (classe ouvrière et classes moyennes) sur qui pèse le fardeau le plus lourd. Car le Parlement, fût-il le plus démocratique, là où la propriété des capitalistes et leur pouvoir sont maintenus, reste une machine à réprimer la majorité par une minorité ; la liberté y est d’abord celle de soudoyer l’opinion publique, de faire pression sur elle avec toute la force de la money. La nation telle qu’elle doit être envisagée dans le cadre d’une pensée radicale ne peut qu’aller de pair avec le progrès social et l’alliance internationale avec les forces qui partagent cette ambition subversive totale. L’identité nationale doit être conçue comme une réorganisation sociale sur la base d’une forme élaborée de propriété commune, sous peine de nous ramener à un passé désuet, qui nous conduirait immanquablement au point où nous en sommes.


La nation doit être le cadre de l’émancipation, de l’épanouissement, et non une entité oppressive. C’est seulement comme instrument du progrès qu’elle conserve sa mission historique. Conception qui faisait dire à Lénine : "Nous sommes partisans de la défense de la patrie depuis le 25 octobre 1917 (prise du pouvoir par les bolcheviks en Russie). C’est précisément pour renforcer la liaison avec le socialisme international, qu’il est de notre devoir de défendre la patrie socialiste."


La souveraineté nationale - non pas le souverainisme libéral ou le national-libéralisme, des oxymores dont il faut apprendre à se dépolluer - constitue ainsi, dans le meilleur des cas (exemple frappant du Venezuela bolivarien de Hugo Chávez), un pôle vivant de résistance à l’homogénéisation, une structure servant d’appui à la contestation globale, un foyer possible de guérilla au sens guévarien du terme. Si elle s’intègre dans une lutte émancipatrice au plan national (engagement dans un processus anticapitaliste) et international (retournement des alliances, nouvelle forme d’internationalisme rationnel, et non abstrait ou mystique, c’est-à-dire avec des allés objectifs et partisans), elle ne peut plus être considérée comme un vulgaire sédatif aux luttes sociales, comme elle le fut un temps (le nationalisme bourgeois désunissant les ouvriers pour les placer sous la houlette de la bourgeoisie). Elle devient au contraire l’avant-garde de la radicalité. Sans l’autonomie et l’unité rendues à chaque nation, l’union internationale des résistants au Système (une fraternité, une collaboration et des alliances nouvelles qui ne sont pas à confondre avec la mélasse mondialiste) ne saurait d’ailleurs s’accomplir. C’est lorsqu’un peuple est bien national qu’il peut être le mieux international.


La nation ainsi comprise est tout l’inverse des duperies formalistes à fuir à tout prix : niaiserie sentimentale, chauvinisme étriqué version Coupe du monde, cocardisme sarkozyste à choix multiple, roublardise mystificatrice d’un Déroulède germanopratin digéreant mal l’oeuvre de Charles Péguy, crispation irraisonnée sur les mythes fondateurs, etc. Elle devient l’une des pièces agissantes du renversement du Système. Dans des conditions historiques différentes, Sultan Galiev pour les musulmans, Li Da-zhao pour les Chinois ont en leur temps théorisé une notion approchante, considérant que le peuple musulman, d’un côté, chinois de l’autre, pouvaient, par déplacement dialectique provisoire, être dans leur ensemble considérés comme une classe opprimée en prise avec le Système à renverser. Chaque nation entrant en résistance frontale, pour autant qu’elle s’identifie avec l’émancipation générale, devient ainsi de nouveau historiquement justifiée. On a peut-être une chance de voir alors se produire l’encerclement des villes de l’Empire par les campagnes, les bases arrières et les focos.


Pour un nouveau différentialisme et un souverainisme de libération


Les particularités culturelles, les richesses nationales, individuelles et naturelles sont des armes que le mot d’ordre de world-culture, claironné par les altermondialistes-mondialistes, lors de leurs rassemblements champêtres, désamorce. Plus que quiconque, les artistes - parlons-en - devraient se préoccuper de marquer leurs différences, d’imposer des styles nouveaux et des concepts baroques, d’instiller des idées réactives, de dynamiter les formes étroites dans lesquelles on veut les faire entrer. Eux les premiers devraient se méfier d’instinct de la gadoue musicale qu’on leur propose comme horizon indépassable. Eux les premiers devraient imposer de nouvelles formes poétiques et un style adapté à la lutte contre l’homogénéisation totalitaire qui tend à les émasculer. Leur ouvre est écrasée sous les impératifs de production. La créativité a disparu devant la productivité. Qu’ils se donnent enfin les moyens d’être eux-mêmes : "Que chacun découvre pour la prendre en charge, en usant de ses moyens (la langue, les ouvres, le style) sa différence, écrivait encore Henri Lefebvre, au temps de son Manifeste différentialiste, ajoutant : "Qu’il la situe et l’accentue". Car exister, c’est agir. Et créer.


Dans d’autres domaines, il s’agirait également de repenser la modélisation de la dialectique, le renversement des tabous historiques et idéologiques, la défétichisation des concepts usés jusqu’à la corne par des philosophes ordonnés au Système (ou, pour certains l’ordonnant), de remettre en chantier une théorie de la subjectivité qui ne soit pas subjectiviste, etc. Un laboratoire d’élaboration conceptuelle serait le bienvenu (appelons-le Projet Archimède, du nom du grand scientifique grec de Sicile qui cherchait un point d’appui et un levier pour soulever le monde), sorte de fight-club de la théorie qui se donnerait comme objectif la critique impitoyable de l’existant dans sa totalité. Il faut retrouver l’idée de mouvement, en lui incluant bien sûr une logique de la stabilité qui sied à toute défense identitaire.


Face aux hyperpuissances d’homogénéisation, il est grand temps que l’antimondialisation réelle et efficace présente un front uni et international des différences, un bloc historique constitué par une armada pirate se lançant à l’abordage des vaisseaux de l’Empire.


Avant de réclamer une autre forme de mondialisation, une mondialisation toujours plus ouverte, c’est-à-dire de poursuivre, sur un mode de contestation bobo-docile, la mondialisation capitaliste par d’autres moyens en bradant dès aujourd’hui le monde aux multinationales comme si elles étaient au service de l’Internationale prolétarienne, les mouvements d’altermondialisation-mondialistes-contre-le-capitalisme-sauf-s’il-est-humain doivent prendre conscience que chaque peuple, chaque langue, chaque ethnie, chaque individu, chaque particularité est un reflet de l’universel, un éclat d’humanité. Pour l’avoir oublié, nous sommes entrés dans la norme de la société du "on", où se déploie le Règne de la Quantité annoncé par René Guénon, un monde de grisaille suant la "nullité politique" décrite par Hegel, qui n’est plus régulé que par la seule loi de la valeur capitaliste, l’habitude, l’hébétude et la résignation. Il est temps d’y remettre de la couleur et du mouvement, et, ce faisant, trouver les formes possibles du dépassement de la contradiction actuelle et aider à la prise de conscience de la dialectique de l’histoire présente.


Cette invitation aux particularités ne doit pas se faire de manière parodique ni mimétique, comme nous y invite le Système, mais en Vérité, comme parle l’Évangile, la vérité "révolutionnaire" de Gramsci et celle qui "rend libre" de saint Jean. C’est-à-dire comme un moment essentiel d’un projet de révolution maximale, ayant pour objectif d’inventer un nouveau style de vie. "Tout simplement, je veux une nouvelle civilisation", disait Ezra Pound. C’est bien le moins auquel nous puissions prétendre.


Ce n’est qu’en procédant par étapes que l’on pourra intensifier infiniment la différenciation de l’humanité dans le sens de l’enrichissement et de la diversification de la vie spirituelle, des courants, des aspirations et des nuances idéologiques. Dès à présent, l’internationalisme véritable, au lieu d’être l’idiot utile du capitalisme, doit s’opposer à toutes les tentatives d’homogénéisation mondiale et tendre à défendre sur le mode symphonique les particularismes nationaux, en tant qu’ils peuvent se constituer en fractions d’un souverainisme de libération, mais aussi les particularismes régionaux et individuels. Tel doit être le véritable projet des adversaires du mondialisme. Le reste n’est que bavardage, compromission et désertion en rase campagne.


Que cent fleurs s’épanouissent !


Paul-Eric Blanrue

lundi, 11 août 2008

Homo Americanus - noodlot of bestemming?

Homo Americanus – noodlot of bestemming?

Worden wij allemaal straks ‘homo americanus’, mensen die leven in een compleet geglobaliseerde wereld, die als enige god naast Mammon de Rechten van de mens aanbidt? Worden wij straks allemaal ‘homo americanus’, onder een globaal economisch kapitalistisch systeem, een multicultureel paradijs op aarde (althans als men sommige heilsbrengers en hogepriesters van het nieuwe geloof mag geloven)?

Tomislav Sunic, voormalig professor aan enkele Amerikaanse universiteiten en voormalig Kroatisch diplomaat, vreest van wel en probeert in dit zeer belangrijk werk Homo Americanus: child of the postmodern age (*) duidelijk te maken wat de bronnen zijn van deze ‘homo americanus’ en vooral wat de uitdagingen zijn waarmee de Europeaan – en bij uitbreiding de andere culturen – in de nabije toekomst zal worden geconfronteerd. Hij gaat hierbij interdisciplinair te werk, om zo elk academisch reductionisme tegen te gaan (een zeer on-Amerikaanse manier, want is het academisch reductionisme wijder verspreid dan juist in de VSA?). Tenslotte heeft Sunic aan den lijve het communistisch totalitarisme moeten ondergaan, zodat hij meer dan goed geplaatst is om ook het softtotalitair karakter van de Amerikaanse academische en politieke wereld aan te klagen, dat door een fijnmazig netwerk van media, politiek, universiteiten en andere opiniemakers de politieke en publieke discussie binnen zeer benepen en enge grenzen probeert te houden. Er zijn trouwens voldoende voorbeelden hoe ditzelfde fenomeen zich ondertussen ook in Europa voordoet: het woord “immigrant” of “immigratie” bijvoorbeeld bezigen zonder de verplichte adoratie is reeds voldoende om bepaalde door de staat betaalde inquisitieorganen te alarmeren en in hoogste staat van paraatheid te brengen.

In zijn voorwoord stelt professor Kevin MacDonald van de California State University dat Tomislav Sunic het begin van deze morele en intellectuele legitimiteit situeert met de overwinning van links na de Tweede Wereldoorlog en dat de bestraffing van de misdaden die in naam van het totalitarisme werden begaan, gediend hebben om de linkse dogma’s, vooral die over mens, natie en ras, te versterken. Het belangrijkste instrument in deze institutionalisering was zeker de Frankfurter Schule, die erin slaagde om elke positieve ingesteldheid tegenover etnische cohesie, familie, natie, religie of ras gelijk te stellen met het purgatorium, het vagevuur. Eén stap verwijderd van de hel dus.

De Europese volkeren moesten (en moeten) dus geloven dat hun eigen inzichten over demografie en culturele ondergang irrationeel waren (en zijn) en een indicatie van een psychopathologie. In het licht hiervan krijgt natuurlijk ook het begrip ‘democratie’ een totaal andere betekenis. In de plaats van uitdrukking te zijn van de wil van het volk wordt het eerder de woonplaats van de norm van de intellectueel superieure elites die geen enkel verband meer hebben met de eigenlijke bescherming van de belangen van het volk.

In de laatste hoofdstukken belicht professor Sunic de verhouding ‘Homo Americanus’ en de postmoderniteit. Want hoewel de postmoderniteit de wereld ging verlossen van alle ideologische dwang, is er integendeel sprake van een totale ideologisering van alle uitingen van het maatschappelijk leven, wat zich vooral manifesteert in het gebruik van begrippen als ‘mensenrechten’, ‘fascisme’ en ‘etnie’ of ‘identiteit’. Daardoor blijft er van het zogezegde recht op vrije meningsuiting steeds minder over, de – veelal nieuwe – taboes blijken integendeel nog sterker dan vroeger. Media en andere opiniemakers in Amerika – maar ook steeds vaker in de rest van de wereld – vinden het steeds moeilijker om topics aan te raken die beschouwd worden als tegengesteld aan de postmoderne geest.

Terwijl veel Amerikanen in het besef leven dat de vrije pers een tegengewicht vormen tegen de almachtige politieke wereld, strijden de beide groepen integendeel in een zelfde geest en in een zelfde strijd. Ook Régis Debray stelde hetzelfde vast: “Het zijn de media die eigenlijk de meester van de staat zijn. De staat moet haar overleven onderhandelen met de opiniemakers”.

Officieel zijn er in het postmoderne Amerika geen rassen of etnieën. Nochtans wordt geen land ter wereld zo gedomineerd door het rassenvraagstuk als juist de VSA, in die mate zelfs dat Sunic het beeld van een raciaal opgedeeld of zelfs raciaal uiteenvallend Amerika als redelijk reëel voorkomt. Maar de Amerikaanse overheid reageert op dit fenomeen met een gekende ‘overkill’. Om de dreigende balkanisering van Amerika af te wenden, weigert men de raciale influx te stoppen, integendeel, men meent dat men dit best kan doen door nog méér verscheidenheid in het land binnen te brengen. Gevolg zou het einde van de Angelsaksische desem van de Amerikaanse droom kunnen zijn, zeker is in elk geval dat nog meer etnische en/of raciale verscheidenheid in Amerika zal leiden tot een politieke en demografische marginalisering ervan.

Het enige voordeel van de postmoderniteit is het feit dat ze zelfvernietigend is, aldus de auteur Tomislav Sunic. Maar tegen welke prijs? Het is de vraag hoe Amerika uit deze odyssee zal kom. Het is vooral de vraag op welke manier de Europeanen zullen omgaan met de ervaringen van de Amerikanen.

Dit boek dat onmiddellijk en zonder omwegen naar de kern van de zaak gaat, hoort eigenlijk in de bibliotheek van eenieder thuis! Sunic heeft zijn veruit belangrijkste werk gepubliceerd.

(P.L.)


Titel: Homo Americanus: child of the postmodern Age (214 pag)
Auteur: Sunic Tomislav
Uitgever: in eigen beheer
ISBN: 978 – 1419659843 (2007)

samedi, 09 août 2008

M. Déat: Ein Plansozialist in der Kollaboration

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Marcel Déat: ein Plansozialist in der Kollaboration

Analyse: Reinhold BRENDER, Kollaboration in Frankreich im Zweiten Weltkrieg. Marcel Déat und das Rassemblement National Populaire, Oldenbourg, München, 1992, 228 S., DM 78, ISBN 3-486-55895-1.

Marcel Déat endete seine politische Karriere als “Faschist”. Aber als “Faschist” war er nicht typisch. Philosoph und Soziolog, Lehrer in einem Pariser Eliten-Gymnasium, Theoretiker der neuen Strömungen in der Soziologie, war auch Déat ein sozialistischer Aktivist. Sehr früh stellte er fest, daß der konventionnelle Sozialismus Frankreichs in einer Sackgasse geirrt war. Parteien, Verbände und Gewerkschaften hatten sich, wie schon Michels feststellte, verbonzt, verbürgerlicht und verkalkt. Mit seinem philosophischen Klarblick versuchte Déat in den Jahren 30, den Sozialismus zu erneuern. Der “néo-socialisme” wurde eine neue Partei (1933-1936), die leider politisch scheiterte.

Quelle der Inspiration war für Déat der “Planismus” des belgischen Sozialisten­leiter Hendrik De Man. Nach einer ganzen Reihe hochintellektueller Seminare in Kloster von Pontigny, lehnte doch die Gewerkschaft SFIO den neosozialistischen Planismus ab. Déat wurde tief enttäuscht, sowie seiner Genosse De Man in Brüssel. Da liegt der Hauptgrund ihres späteren kollaborationistischen Engagements. Beide Altkämpfer der europäischen Sozialdemokratie versuchten dann ihre erneuerenden Ideen mit den deutschen Nationalsozialisten zu verwirklichen. Auch das scheiterte. Déat engagierte sich auch für den Frieden. Genauso wie Hendrik De Man, wollte Déat keinen neuen Krieg in Europa. Deshalb entwickelte er eine “außenpolitische Konzessionsbe­reitschaft”, die mit einer “Innenpolitischen Neuorientierung” gepaart wurde.

 

Diese “innen­politische Neuorientierung” mußte in den Augen des sozialisti­schen Patrioten Déat die französische Nation stärken. Die déatistische Zeit­schrift Redressement schlug folgende Politik vor: sich von antika­pita­listischen Tendenzen in Italien und Deutschland inspirieren, damit die französische Wirtschaft ohne zerstörende und unnötige Klassen­strei­tereien genesen und sich weiter entwickeln konnte. Mit einer starken Wirtschaft, einer sozialen Sicherheit und dem innenpolitischen Frieden konnte auch einen europäischen Krieg vermeiden werden. Nach 1940, schlug Déat die Gründung einer Einheitspartei vor, um das Programm des Vorkriegsneosozialismus zu realisieren. Er stoß bei anderen kolla­borationnistichen Verbänden auf Widerstand. Nichtdestoweniger grün­de­te er seinen “Rassemblement National-Populaire”, wo die meisten Ka­der­leute aus den Gewerkschaften kamen. Der Engagement für die deutschfreundliche Kollaboration bedeutete keinesfalls ein Schwung nach rechts.

 

Im Gegenteil schlugen Déats Kameraden Albertini und Zoretti eine “Orientierung nach links” und den Aufbau eines “sozialistischen Frankreichs” vor. Brenders Studie enthält auch eine Übersicht der Ideologie des RNPs: Integration in das “neue Europa”, neue innereuropäischen solidären Perspektiven in der Außenpolitik, eine Re-Organisation der Wirtschaft, die Kreation eines “neuen Menschen” (ausgesprochen ein Ideal von links!), die Einführung in Frankreich der Idee einer Volksgemeinschaft (“communauté populaire”). Brender analysiert auch die Schwächen des französischen “Faschismus”, vergleicht die Kollaboration in Frankreich und im übrigen Europa, erklärt wie das NS-Deutschland die Kollaboration konzipierte. Im Anhang findet der Leser eine Tabelle der Kollaborationsparteien und eine Karte zur geographischen Verbreitung der Kollaborationsparteien in Frankreich 1940-1944.

 

Fazit: die Lektüre dieses streng wissenschaftlichen Buches erlaubt uns, die Kollaboration von links zu verstehen. Die Zusammenarbeit mit den NS-deutschen Besatzer ist nicht nur Sache der konservativen, katholischen oder rechten Kräfte (Pétain und sein Vichy-Regime oder die altkatholischen Elemente im wallonischen Rexismus, usw.), wie es die konformistische antifa-Geschichtsschreibung ständig wiederholt, sondern auch der progressistischen Linken. Die Enttäuschungen der Vorkriegszeit, wo die jungen Kräfte des französischen Sozialismus von den korrupten Bonzen nicht au sérieux genommen wurden, haben in diesem bitteren Engagement zur deutschen Seite eine erhebliche Rolle gespielt. Brender erklärt uns meisterlich dieses Prozeß. Nebenbei sei auch erwähnt, daß De Gaulle teilweise von der Soziologie Déats beeinflußt wurde und daß Déats Genosse Albertini eine schöne Karriere im Nachkriegsfrankreich gemacht hat. Er leitete den “Institut Occidental” und ist heutzutage noch die Hauptreferenz für die französischen Universitäts-Studenten, die die Geschichte des Wirtschaftsdenken studieren. Albertini klassifizierte nämlich die Strömungen des Wirtschaftsdenkens in orthodoxen Strömungen (Liberalen, Manchester-Liberalen, Marxisten, sozial-demokratische Keynes-Anhänger) und heterodoxen Strömungen (Vitalisten, Ökonomen, die von der Lebensphilosophie beeinflußt wurden, die deutsche “historische Schulen”, Institutionalisten, Schumpeter-Schüler). Nonkonformisten und Vorfechter jeder Form eines Dritten Weges sind in diesem Sinn “Heterodoxen”. “Heterodoxen” lehnen den abstrakten Ökonomismus ab und behaupten, die Wirtschaft sei nicht nur von wirtschaftlichen Kategorien geprägt sondern hängt auch von historischen Kontexten und Traditionen ab. Albertini ist Déats Erbe auf höchstem Niveau in der französichen Politologie (Robert STEUCKERS).