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vendredi, 11 novembre 2016

Patrick Buisson: "Il est temps de refermer le cycle des Lumières"

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"Il est temps de refermer le cycle des Lumières"

Entretien exclusif avec Patrick Buisson

Propos recueillis par Philippe Maxence

Ex: http://www.hommenouveau.fr

Si nous n’avions écouté que les grands médias et ceux qui les répercutent, nous n’aurions pas lu le livre de Patrick Buisson, La Cause du peuple (Perrin). La critique des années Sarkozy et le portrait sur le vif de celui-ci ne nous intéressent pas plus que ceux concernant François Hollande, sinon à titre d’études des symptômes révélant la maladie. Mais, comme souvent, au lieu de regarder ce que désigne le doigt, les médias, dans un réflexe pavlovien se sont arrêtés au doigt lui-même.

En lisant La Cause du peuple, nous avons été au contraire surpris d’y voir d’abord une analyse fondée sur les grands principes de notre civilisation et non simplement sur les dernières transes d’une actualité en mal de sensation. Nous y avons découvert un auteur se décrivant comme un « objecteur de modernité », ce qui, au-delà du bonheur de la formule, semble pointer du doigt la racine même des maux profonds auxquels nous sommes confrontés.

À L’Homme Nouveau, nous essayons de nous imposer une ascèse, généralement mal comprise de nos propres amis. Nous tentons d’étudier les causes des faits plutôt que de réagir impulsivement à ces derniers et d’en dépendre sans cesse. Nous préférons la perspective du temps long au rétrécissement de l’immédiateté et de l’éphémère. Nous voulons souligner les permanences plutôt que le fugitif. En un mot, nous souhaitons tracer des itinéraires de civilisation plutôt que de nous laisser envahir par le culte de l’évanescent. Ce but est à la fois exigeant et implique une forme de pauvreté ascétique dans le travail. Elle vise pourtant à la vraie liberté de l’intelligence, même au regard des réflexes qui guident les personnes et les milieux dont nous sommes proches.

Nous remercions Patrick Buisson pour le temps qu’il nous a accordé, à la fois au moment de notre rencontre, où nous l’avons assailli de nos questions, et lors de la relecture et de la réécriture de cet entretien. Nous aurions souhaité aller encore plus loin, avec lui, notamment sur deux points : sur la nature profonde du système, qui ne se limite pas selon nous aux institutions de la Ve République, mais incarne les objectifs de la modernité et ensuite sur les moyens de refermer définitivement le cycle des Lumières sans être réduits au rôle d’éternels supplétifs de ceux qui finissent toujours par ramasser la mise à leur profit.

Cet entretien unique en son genre sera disponible gratuitement pendant une durée limitée sur notre site (sauf pour nos abonnés) avant d’être proposé à l’achat. Nous demandons à ceux qui le citent de respecter le droit de la presse en ne le reproduisant pas dans son intégralité et en citant clairement les sources, notamment en renvoyant vers le site de L’Homme Nouveau. Nous mettons cet entretien à disposition de tous dans le cadre de la bataille des idées. Mais cela n’enlève rien au fait qu’un vrai travail de presse implique un coût et que pour continuer cette bataille, plus que jamais nécessaire, il est important que tous ceux qui en profitent y participent financièrement. En attendant, bonne lecture !

Philippe Maxence

buisson-1_5707629.jpgN’y a-t-il pas maldonne sur ce qu’est votre livre, présenté généralement comme un livre de vengeance alors qu’il apparaît à sa lecture comme un livre d’idées ou du moins, d’analyse ?

Patrick Buisson : La télé-démocratie a besoin de scandales comme autant de combustibles. Elle fonctionne à l’émotion ou à l’indignation et dans une ingénierie des affects d’où la réflexion est proscrite. La règle d’or des médiagogues, c’est l’hégémonie des sentiments. À partir du moment où vous avez été acteur de la tragi-comédie du pouvoir même en coulisses – je dirai surtout en coulisses car l’ombre agite les fantasmes – cela fait de vous le dépositaire d’un certain nombre de choses plus ou moins secrètes qui suscitent l’intérêt et la curiosité, souvent malsaine d’ailleurs, des médias centraux. Mon livre ne les a intéressés qu’en tant que supposé règlement de comptes envers l’ancien président de la République. Ils l’ont donc investi d’une dimension polémique largement surfaite. Or je n’ai rien rapporté dans ce livre qui ne serve d’illustration à un propos politique, c’est-à-dire à une démarche d’analyse, de réflexion, autour de l’exercice du pouvoir en France et de la déliquescence de l’appareil d’État dans son fonctionnement comme dans son incarnation au plus haut sommet. Il ne me reste plus à espérer que les lecteurs qui auront acheté ce livre pour de mauvaises raisons finissent par le lire pour de bonnes.

Ce qui frappe d’abord dans la lecture de votre ouvrage, c’est votre réflexion sur le pouvoir et la crise des institutions de la Ve République. Est-on arrivé au terme d’un processus ?

La critique que je fais de la présidence de Sarkozy vaut pour celle de Hollande. Le principe fondateur de la Ve République a été de rompre avec cette volonté d’abstraction qui remonte à la révolution de 1789, et de renouer avec une tradition plus longue, plus ancienne et plus profondément enracinée, selon laquelle en France, pays latin de culture chrétienne, le pouvoir suprême s’exerce non par délégation, mais par incarnation. Ce que Marcel Gauchet résume excellemment quand il décrit ledit pouvoir comme un « concentré de religion à visage humain ». Or aussi bien Sarkozy que Hollande n’auront eu de cesse de s’inscrire par leurs actes dans une logique d’abaissement et de trivialisation de la fonction présidentielle. L’un au nom de la « modernité », l’autre au nom de la « normalité » ont conclu à l’impérieuse nécessité d’une sécularisation du pouvoir, au dépouillement de son armature symbolique, protocolaire et rituelle. Ils ont, pour reprendre la terminologie de la théologie politique venue du Moyen Âge, dépouillé le corps mystique du roi tout en profanant son corps physique. Nul plus que les deux derniers titulaires de la charge n’auront sapé les fondements de la fonction présidentielle en transposant au sommet de l’État le processus d’individuation et d’infantilisation qui affecte la société française. Avec eux c’est l’esprit de 68 qui a investi l’Élysée : désormais c’est l’individu qui l’emporte sur la fonction et qui à travers un jubilé permanent de sa propre personne, se montre moins préoccupé de l’intérêt général que de « jouir sans entraves ».

N’est-ce pas la légitimité du pouvoir qui se trouve dès lors remise en cause ?

Si et en profondeur. L’idée que l’autorité politique ne constitue pas un dominium, un droit de propriété rapporté à un individu mais un ministerium, c’est-à-dire un office exercé au nom de tous est au cœur de la pensée occidentale. Elle est au cœur de la doctrine de la chrétienté médiévale récapitulée par saint Thomas d’Aquin quand celui-ci stipule que « le bien commun est toujours plus divin que le bien de l’individu ». Et l’Aquinate d’ajouter : « Le pouvoir est un sacrifice, seul le service rendu fonde la légitimité ». À l’aune de ce critère, les présidences de Sarkozy et de Hollande livrées à la toute-jouissance du pouvoir, se trouvent frappées d’illégitimité et comme telles n’ont eu le droit ni au respect ni à l’obéissance des Français. L’erreur profonde de nos dirigeants est de croire que la proximité et non la grandeur est source de popularité. Aujourd’hui le souci du politique est de gommer tout ce qui le distingue du commun. En premier lieu l’altitudo qui, chez les anciens monarques, désignait à la fois l’élévation et la profondeur. Autrement dit, leur but est de s’offrir non plus en exemple ou en modèle comme le faisaient autrefois les hommes d’État mais en support.

La dégradation de la fonction présidentielle ne serait à vous lire que la transposition au sommet de l’État d’une évolution en profondeur, le passage, dites-vous, de la société gouvernée à la société gouvernante…

En effet : dans une société où ni la force de caractère ni la force d’âme ne sont plus portées au crédit de ceux qui en font montre, mais assimilées aux vertus les plus archaïques, le politique se croit tenu de s’abaisser pour s’humaniser et de s’étaler pour se signaler. Il se fait une obligation de montrer sa faiblesse pour tenter de remuer le cœur des foules sentimentales. Le pouvoir, faute d’une autorité qui le légitime, est devenu pour reprendre la formule d’Hannah Arendt, un « pouvoir qui ne vaut rien », un lieu vide, sans tête, de moins en moins incarné mais de plus en plus narcissique. En dernière analyse, c’est la postmodernité qui a eu raison de la fonction présidentielle comme elle a emporté tous les « grands signifiants despotiques » de l’autorité. Soit ce vaste processus qui vise à délégitimer, décrédibiliser et finalement destituer tout rapport à la transcendance et à l’immatériel. Le défi de l’homme postmoderne est de vouloir affronter le monde sans la protection du roi, du prêtre, du soldat et autres figures à l’ombre tutélaire desquelles les générations précédentes s’étaient, durant des siècles, abritées. De Giscard à Hollande en passant par Sarkozy, la crise de la fonction présidentielle n’aura eu en définitive qu’une seule origine : le refus des présidents successifs d’incarner la place du sacré dans la société.

Charles-de-Gaulle-president-de-la-Republique-francaise_large.jpgAu-delà des défaillances des personnes, le système partisan n’a-t-il pas également une part de responsabilité ?

En faisant ratifier par les Français le principe de l’élection du président de la République au suffrage universel, De Gaulle a voulu parachever l’œuvre qui consistait à conjurer le spectre du régime des partis. Depuis, la partitocratie n’a eu de cesse que de chercher à récupérer à son profit le monopole du processus de sélection des candidats à la magistrature suprême. Elle y est si bien parvenue qu’elle a surtout apporté la preuve éclatante de son inaptitude profonde à sélectionner des hommes capables de se hisser à la hauteur de la charge. Les candidats à la primaire de la droite sont tous, à une exception près, des produits de l’endogamie partisane. De ce mode de reproduction des pseudo-élites ne peut sortir qu’un personnel estampillé d’un même brevet de conformité à l’idéologie dominante, gouverné par l’anthropologie dérisoire de l’économisme qui prétend réduire les hommes à la seule poursuite de leur intérêt, dépourvu de toute vision autre que l’horizon indépassable de la matière et des chiffres. Et pour finir aussi inaccessible à la dimension symbolique du pouvoir qu’imperméable au legs de la tradition et de l’histoire nationale. Pour reconstituer le corps politique du chef de l’État, lui redonner la faculté d’incarner la communauté et opérer à travers sa personne la symbiose entre la nation et la fonction, il faut mettre fin à ce que Jacques Julliard appelle la « mise en propriété privée des moyens de gouvernement » que le système des partis a réalisée à son profit.

Pour en revenir au contresens volontaire des médias au sujet de votre livre, n’est-ce pas révélateur aussi d’un rapport au temps qui nous place d’emblée dans l’accélération permanente, créant de facto cette dictature de l’éphémère qui exclut inévitablement la question des idées ?

Cette accélération permanente, cette tyrannie de l’immédiat et de l’éphémère, ce bougisme invertébré et décervelé que vous évoquez n’est pas seulement la maladie de Parkinson de la sphère médiatique où se recrutent en priorité les agités du global. Ces pathologies ont gagné la politique. C’est ainsi que Sarkozy aura été l’inventeur et le promoteur d’une téléprésidence instantanée. Il y a eu d’emblée quelque chose de circulaire entre la frénésie épiphanique d’un président cathodique et l’insatiable voyeurisme des chaînes d’information continue. La question que pose la politique aujourd’hui n’est plus « que faire ? » mais « que dire ? ». Pour l’actuelle classe dirigeante, l’urgence de dire dispense, en quelque sorte, de l’obligation de faire. L’administration des choses et le gouvernement des hommes ont cédé la place à un exercice de narratologie. Le laboratoire en aura été l’Amérique du début des années soixante où la construction du mythe Kennedy a donné naissance à ce qu’il convient d’appeler le storytelling. Soit l’élaboration d’un grand récit médiatique destiné à créer au bénéfice des dirigeants politiques une identité narrative qui recouvre leur identité réelle. Au terme de l’opération, le faux doit apparaître plus vrai que le vrai. L’importance ainsi accordée à la fabrication de cet artéfact rend compte du fait que la communication et ses techniques a peu à peu supplanté la politique.

En a-t-on mesuré toutes les conséquences ?

Les Français en ont, en tout cas, perçu quelques-uns des effets pervers à travers les deux derniers présidents qui en ont fait un usage inconsidéré. En fait, ce qui apparaît de plus en plus, c’est que bien communiquer et bien gouverner sont deux exercices totalement antinomiques. Communiquer c’est chercher à séduire, gouverner c’est privilégier le bien commun au risque de déplaire et d’être impopulaire. Communiquer c’est établir le primat des apparences, gouverner c’est prendre à bras-le-corps le réel. Communiquer c’est obéir au temps court de la tyrannie médiatique ; gouverner c’est s’inscrire dans la durée et le temps long de l’histoire. Communiquer c’est produire de l’émotion, gouverner c’est développer une réflexion qui embraye sur l’action.

Vous avez été conseiller politique d’un candidat puis d’un président de la République. Pensiez-vous alors que le système était réformable de l’intérieur et qu’il valait la peine de le tenter ?

Je n’ai jamais nourri l’idée chimérique de vouloir réformer le système de l’intérieur. Je pensai et je pense toujours que la politique, c’est d’abord l’art de gérer les symboles. En période de crise, ces rétributions symboliques sont d’autant plus importantes qu’un certain nombre d’engagements programmatiques deviennent difficiles voire impossibles à tenir. Face à l’offensive massive de dénigrement du passé national, il m’est apparu très vite que je pouvais contribuer à la nécessaire œuvre de réarmement en faisant en sorte que le président puisse proposer aux Français des sujets de fierté légitime, des pages et des figures héroïques tirés de ce qu’il est convenu d’appeler, depuis Michelet, le « roman national ». J’ai tenté de convaincre Nicolas Sarkozy de l’urgence qu’il y avait, pour reprendre la formule de Victor Hugo, à faire la « guerre aux démolisseurs », c’est-à-dire à nous défendre contre toutes les entreprises de dissolution de la sociabilité nationale. Et à préserver ce prodigieux capital immatériel que représentent une mémoire profonde, des mœurs communes, un imaginaire historique. Je n’ai pas toujours été suivi. On a préféré Guy Môquet à Honoré d’Estienne d’Orves, Camus à Péguy.

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Vous l’avez été au moins sur la reconnaissance publique par le candidat puis par le chef de l’État des racines chrétiennes de la France. Ce que son prédécesseur s’était obstinément refusé à faire…

C’est sans doute la raison pour laquelle, je n’éprouve pas avec le recul le sentiment d’un complet gâchis, d’une expérience humainement coûteuse et politiquement inutile. Jamais un président de la République française n’aura aussi pleinement assumé l’héritage chrétien de la France, un héritage de civilisation et de culture. Dans la basilique du Latran comme au Puy-en-Velay en passant par la Lorraine à Domrémy et Vaucouleurs pour le 600e anniversaire de la naissance de Jeanne d’Arc. Peu importe la part d’insincérité et de calcul électoral qui entra alors dans le propos présidentiel. L’essentiel est bien que ces paroles aient été prononcées et que même en partie à son insu le sixième président de la Ve République ait renoué avec la Gesta Dei per Francos, la geste de Dieu pour les Francs. Plus que la célébration du catholicisme comme composante majeure de l’identité nationale et en tant que culte « historial » de la France, le grand mérite, peut-être le seul, de Sarkozy, aura été de comprendre que l’étymologie du mot « religion » – religare et relegere, c’est-à-dire relier et rassembler – définissait l’essence même du politique. Ce fut le sens du discours du Latran sur la « laïcité positive » et de la redécouverte du fait que la religion n’était pas une affaire purement privée qui fondait le rapport de l’individu à l’au-delà mais ce qui reliait les individus entre eux, un élément important et même comme le pensait Tocqueville, le fondement du lien social. Bref, qu’il y avait là une ressource de socialité immédiatement disponible là où l’intégrisme laïque échouait à produire du sens et du partage faute d’être adossé à une espérance. Il est d’ailleurs paradoxal que certains aillent chercher dans les religions séculières un modèle de sociabilité alors que l’Église a été à travers l’histoire et singulièrement celle de la France la grande pourvoyeuse de lien social quand notre modernité technologique ne sait fabriquer qu’une socialité de synthèse, des relations humaines aussi virtuelles qu’artificielles dont facebook et twitter sont les paradigmes les plus en vogue.

À vous entendre, la déchristianisation de la France aurait eu des conséquences politiques ?

C’est l’évidence même. Le retrait du sacré n’est pas qu’une malédiction spirituelle. Il est aussi synonyme de déréliction sociale. On pense au mot d’Heidegger : « L’homme dépourvu de transcendance erre sans but sur la terre dévastée ». De techno-parade en rave-party, d’Halloween en marches blanches : autant d’ersatz rituels qui tous consacrent la perte de sens dans les deux acceptions du terme ; à la fois perte de signification et absence d’orientation. On pense aussi à ce mot de Nietzsche à propos de celui qu’il appelle « le dernier homme », l’homme qui a « inventé le bonheur » : « Malheur ! Viendra le temps où aucun homme ne saura plus enfanter une étoile ! C’est le temps du plus méprisable qui ne sait plus se mépriser lui-même ».

Vous appelez de vos vœux ce que vous nommez une « politique de civilisation ». Quelle place le christianisme peut-il tenir dans celle-ci ?

Le phénomène de déchristianisation propre à notre modernité et au développement du mythe du progrès n’a été rien d’autre, à bien l’examiner, qu’un christianisme inversé. Il a correspondu à ce moment de l’histoire – la sécularisation – où les grands thèmes théologiques ont été non pas abandonnés mais retranscrits sous une forme profane. De ce point de vue, il est parfaitement exact de dire que capitalisme et communisme qui se disputent le monopole de l’idéologie du progrès depuis le XIXe siècle, relèvent d’idées chrétiennes ramenées sur terre, de ces « idées chrétiennes devenues folles » dont parlait Chesterton. D’un côté, la prédestination protestante. De l’autre, le déterminisme marxiste. D’une part, l’obéissance à la volonté divine jusqu’à la négation de la liberté humaine. D’autre part, l’amour de l’homme jusqu’à la mort de Dieu. La ruine de ces deux idéologies à la fois rivales et jumelles laisse le champ libre à une politique de l’espérance. Le grand mystère chrétien laïcisé, désormais libéré de ces derniers avatars, se trouve disponible pour une autre incarnation, une autre aventure. Régis Debray notait que le fait majeur de la fin du XXe siècle aura été « la fin de la politique comme religion et le retour de la religion comme politique ». C’est vrai pour l’islam et nous ne le savons que trop. En France comme dans les pays qui formaient jadis la chrétienté, un État théologico-politique n’est nullement souhaitable. Mais nous disposons en revanche d’un patrimoine historique et spirituel dont peuvent renaître les déterminants directs de l’établissement. En d’autres termes, une politique de civilisation répondant à la volonté, de plus en plus manifeste, du peuple français, de retrouver en partage un monde commun de valeurs, de signes et de symboles qui ne demande qu’à resurgir à la faveur des épreuves présentes et des épreuves à venir.

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Vous citez dans l’épilogue de votre ouvrage cette phrase de Péguy : « Il faut que France, il faut que chrétienté continue ». Est-ce pour vous un programme politique ?

Métapolitique plutôt que politique. Par chrétienté Péguy entendait non pas tant une adhésion confessionnelle que cette amitié supérieure, cet assemblage unique au monde qui lie les Français entre eux, une fraternité authentique qui a façonné notre sociabilité nationale. L’invocation incantatoire et répétitive par la classe dirigeante des « valeurs républicaines » depuis que la vague terroriste s’est abattue sur la France, a eu au moins pour vertu de réveiller des pans entiers de la mémoire nationale. Lorsque François Hollande s’écrie « tuer un prêtre, c’est profaner la République » au lendemain de la décapitation du Père Hamel dans l’église de Saint-Étienne du Rouvray, au-delà d’une tentative dérisoire pour sacraliser la République – on ne peut profaner que ce qui est sacré – il profère un mensonge historique puisqu’aussi bien chacun sait que la République s’est fondée sur la persécution, la déportation et le massacre des prêtres. Plus que d’être restaurée, la République a besoin d’être réorientée et de retrouver son cours plus originel que l’absolu commencement qu’elle prétend être. Car ses « valeurs », qu’on le veuille ou non, procèdent d’une inspiration chrétienne, dénaturée et dévoyée certes, mais essentiellement chrétienne. On oublie trop aisément la dernière partie de sa devise initiale : « Liberté, égalité, fraternité ou la mort ». L’Évangile, par opposition, inaugure une fraternité vraie parce que gratuite, ni une fraternité d’extermination (« Sois mon frère où je te tue »), ni une fraternité d’inversion (« Sois mon frère et que je t’utilise »). On n’y est pas frère contre, on y est frère avec. C’est ce trésor inestimable que nous avons reçu en dépôt et qu’il nous faut maintenant défendre contre des mystiques venues d’ailleurs. Des mystiques qui sont la négation de notre esprit, de notre manière d’être et de vivre.

Vous dites que la réponse ne viendra pas de la politique ordinaire, mais d’une réforme intellectuelle et morale qui finira par surgir. En voyez-vous les prémisses ?

L’économiste américain Hirschman oppose les périodes où prédominent les intérêts à celles où excellent les valeurs. Au lendemain la présidence Sarkozy qui est apparue aux yeux de beaucoup comme la consécration d’une droite strictement identifiée à l’argent, d’une droite qui, au fil de l’histoire, avait subi une reductio ad pecuniam, une inflexion singulière s’est produite avec « La Manif pour tous ». Au-delà d’une protestation contre une réforme sociétale, ce mouvement s’est distingué par une profonde remise en cause de notre société exclusivement marchande et matérialiste. Ce qui était visé à travers la dénonciation du « mariage » homosexuel, c’était la complémentarité dialectique du capitalisme consumériste et du progressisme hédoniste. Ce fut d’abord et contre toute attente une insurrection contre le nouveau Mammon libéral-libertaire dont la loi Taubira n’aura été que l’un des multiples produits dérivés. Le fait politique majeur est là : pour la première fois depuis des lustres, une droite a défilé pour affirmer le primat du sacré sur le marché en se réappropriant la garde de l’être contre la société de l’avoir.

Ce n’est pas le cas de la droite de gouvernement qui, à en croire le débat des primaires, est sur une tout autre ligne que celle-là. Vous êtes très sévère avec cette droite que vous qualifiez de « droite situationnelle ».

La méprise dure depuis plus de deux siècles. Il ne suffit pas d’être classé à droite pour être de droite. C’est ce qui est arrivé au libéralisme qui n’était pourtant que l’une des déclinaisons de la philosophie des Lumières. On assiste, aujourd’hui, à un repositionnement des idéologies sur le spectre politique. Un temps fixé à droite, le libéralisme retourne à sa source originelle au terme de la trajectoire inverse de celle qu’il avait empruntée entre le XVIIIe et le XXe siècle. Longtemps, on a voulu distinguer comme pour le cholestérol entre un bon libéralisme (le libéralisme économique) et un mauvais (le libéralisme culturel ou sociétal). Ce distinguo n’a plus été possible dès lors que la financiarisation de l’économie a mis en évidence l’unité philosophique du libéralisme à travers ces deux faces complémentaires qui conduisent, dans une totalité dialectique, à étendre la logique de la marchandise à la sphère non marchande des activités humaines.

lequilibre-et-lharmonie-gustave-thibon.jpgGustave Thibon auquel vous avez consacré un film, met en évidence dans Diagnostics l’artificialité des notions de droite et de gauche dont il dit qu’elles « mutilent l’homme ». Quelle analyse portez-vous à la fois sur les propos de Thibon et sur la permanence malgré tout d’un système reposant sur le couple droite-gauche ?

Le diagnostic de Thibon porte sur la droite attachée à l’argent-chiffre, à l’argent-signe. Celle qui n’a jamais été, à travers l’histoire, autre chose qu’une force de conservation des privilèges des classes dominantes. Cette droite-là est, par définition, incapable de comprendre qu’avec l’avènement de l’économisme comme réenchantement du monde, quelque chose d’humain a pris fin selon le beau mot de Pasolini. Le fait marquant de ces dernières années réside dans l’apparition, au sein de ce qu’il est convenu d’appeler la droite, d’un mouvement antimoderne récusant le présupposé du libéralisme qui fait de la société une collection d’individus n’obéissant qu’aux lois mécaniques de la rationalité et de la poursuite de leur seul intérêt. Ce mouvement est en train de renouer, dans une fidélité inventive aux racines d’une droite plus originelle, avec l’idée qu’une société ne peut reposer exclusivement sur le contrat c’est-à-dire sur le calcul, mais sur l’adhésion à un projet qui fait d’elle une communauté. Le cycle ouvert par les Lumières est en train de se refermer. Nous ne sommes qu’à l’aurore d’une nouvelle ère et nous voudrions déjà cueillir les fruits de la maturité. En fait, nous ne supportons pas l’idée que ces grandes questions de civilisation ne reçoivent pas de réponse dans la temporalité qui est celle de nos vies humaines. Toutes les raisons d’espérer sont pourtant réunies. À commencer par celle qu’exposait le vers fameux d’Hölderlin : « Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve ».

Patrick Buisson, La cause du peuple, Perrin, 464 p., 21,90 €.

jeudi, 10 novembre 2016

Royauté et Sacré dans les civilisations

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Royauté et Sacré dans les civilisations

 

Dans l’histoire de l’humanité, politique et transcendance sont intimement liées. A la lecture du dernier essai de Christophe Levalois, on découvre même que ce lien est commun à bien des sociétés et des civilisations : de la Chine à l’Egypte, de l’Inde ancienne au Moyen-Orient jusqu’à l’Europe moderne, royauté et sacré ne font qu’un. C’est cette unicité, ce lien entre royauté et sacré que Storiavoce vous propose de découvrir. Qu’est-ce qu’un roi ? Au nom de quoi règne-t-il ? Quelles relations entretient-il avec ces autres pouvoirs que sont le clergé, l’armée, le peuple ? Et, surtout, peut-on édifier une théorie de la royauté par-delà la diversité des temps et des lieux ? S’appuyant sur les fondements et les légendes, les récits et les rites de la monarchie, mais aussi sur les faits de l’histoire, Christophe Levalois répond à ces questions avec simplicité, pédagogie et érudition.


Christophe Levalois, La royauté et le sacré, Editions du Cerf, Coll. Lexio, 128 pages, 10€.

En savoir plus…

  • Christophe Levalois sur le site des éditions du Cerf: lien.
  • Le blog de Christophe Levalois: lien.
  • Le discours de Benoît XVI à Westminster, 17 septembre 2010: lien.

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Une nouvelle révolution atlantique?

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Une nouvelle révolution atlantique?

Ex: http://cerclenonconforme.hautetfort.com

La victoire de Trump s'inscrit dans une dynamique d'ensemble de l'Occident que nous allons tenter de décrypter.

Les « révolutions atlantiques »

A la suite de Jacques Godechot auteur de La Grande Nation en 1956, de Robert R. Palmer avec The Age of Democratic Revolution en 1959 et 1964 puis des Atlantic Studies s'affirme le concept de « révolutions atlantiques ». Il s'agit d'une approche globale des mouvements d'idées et des révolutions de la deuxième moitié du XVIIIeme siècle qui permet d'appréhender les bouleversements aux Amériques et en Europe comme un phénomène commun.

En effet, outre les Lumières, véritable phénomène européen qui s'exporte aux Etats-Unis notamment via Jefferson (ambassadeur en France sous Louis XVI), le monde occidental subit de nombreux bouleversements autour de 1780/1790. Les deux principales révolutions, américaine (1774-1783) et française (1789-1799) auxquelles on peut ajouter celle des Caraïbes dès 1791 puis d'autres révolutions, inachevées, en Belgique (1786-1791) ou en Pologne (1791-1794) ou même l'échec aux Provinces-Unies de la révolte contre le Stadhouter (1783 – 1787).

Aux Etats-Unis et en France, les deux révolutions ont une certaine proximité. Elles mobilisent toutes les deux une symbolique et des préoccupations issues de l'Antiquité gréco-romaine comme l'affirmation du citoyen, idéal du propriétaire terrien (1) qui doit être un soldat et un acteur de la vie publique. Toutes deux excluent les femmes de la citoyenneté. Le député montagnard Amar proclamera même devant la Convention le 30 octobre 1793 : « En général, les femmes sont peu capables de conceptions sérieuses. [...] Nous croyons donc qu'une femme ne doit pas sortir de sa famille pour s'immiscer dans les affaires du gouvernement. ». Plus tard, Bonaparte, dans le Code Civil, placera le père au centre du foyer et les femmes seront considérées comme mineures. Les Noirs aux Etats-Unis et les étrangers en France, terre d'invention de la « nation », sont aussi exclus de la citoyenneté.

Si, dans le monde protestant, les révolutions sont plutôt lockienne (de John Locke) ou hobbesienne (de Hobbes) et centrées sur les libertés individuelles, en France celle-ci sera plutôt rousseauiste et centrée sur les libertés collectives. De là le fédéralisme d'un côté et le jacobinisme de l'autre.

On le comprend, depuis les Grandes Découvertes initiées par les Portugais puis par les Espagnols, l'Europe a basculé vers l'Atlantique et cette « mer occidentale » est le théâtre sur lequel s'est joué une partie de notre histoire comme l'atteste l'exemple des « révolutions atlantiques ».

Du 9 novembre au 9 novembre

Le 9 novembre 1989, les habitants de Berlin-est font une brèche puis franchissent le mur de Berlin. C'est alors un vent de liberté qui souffle en Occident et, avec la fin de l'URSS en 1991, c'est la fin du bloc de l'est et du communisme dont il subsiste toutefois quelques scories comme en Corée du Nord ou quelques nostalgies comme en Russie. Fukuyama publie en 1992 La fin de l'histoire ou le dernier homme. L'idée d'un monde en paix, unifié et uniformisé par le libre-échange sous le regard paternaliste des Etats-Unis fait alors son chemin.

Oui mais voilà, la mondialisation heureuse est en réalité depuis 25 ans un cauchemar qui n'a profité qu'aux 1% les plus riches et à une caste d'oligarques et d'apparatchiks qui a su s'entendre avec ces 1%. Le reste ? Ils n'ont plus que la consommation et la société du spectacle pour seul horizon. Endettement, chômage, délocalisation, précarisation, violence, communautarisme, terrorisme, sans oublier le basculement vers le Pacifique, le quotidien des sociétés occidentales s'est profondément dégradé depuis 1991 et l'influence des puissances occidentales a progressivement diminué. Le chaos multiethnique sous fond d'économies arasées par la finance et les pays asiatiques.

A l'international, si quelques puissances émergentes tirent leur épingle du jeu c'est au détriment des conditions de travail, de l'environnement ou des populations autochtones comme les nombreuses populations amérindiennes menacées en Amérique du sud ou les minorités ethno-confessionnelles décimées au Moyen-orient (Chrétiens, Yezidis). Les conflits pour les ressources n'ont fait que s'accroître pour nourrir la bête de la consommation et enrichir quelques privilégiés occasionnant des guerres à répétition en particulier au Moyen-Orient mais aussi en Afrique. Aujourd'hui, la mer de Chine est un territoire explosif du fait des prétentions chinoises.

L'idéologie mondialiste s'est diffusée partout via les médias, le cinéma et la terreur politique : aux Etats-Unis, un propos jugé offensif peut vous valoir une diffusion publique sur Youtube par un.e cinglé.e qui prétend défendre les « minorités » ethniques et sexuelles. Le politiquement correct est omniprésent, les grosses entreprises pratiquent la discrimination positive, vous pouvez être traqué chez vous ou sur votre lieu de travail si vous refusez l'utopie multiculturelle de la mondialisation heureuse.

Voila ce que le peuple des Etats-Unis a envoyé valser le 9 novembre 2016.

Une nouvelle révolution atlantique ?

Après la constitution du groupe de Visegrad, la victoire volée au FPÖ en Autriche, les hauts scores du Front National, le Brexit, voilà que les Etats-Unis portent Trump à la plus haute fonction sur un programme assez clair : rendre l'Amérique grande à nouveau. Comment ? Et bien en s'attaquant à la finance, à l'immigration illégale ou au terrorisme islamiste. Le fera-t-il ? Difficile à dire. Mais ce n'est pas important, comme au XVIIIème siècle, car malgré les différences évidentes entre l'Europe et l'Amérique, l'Occident bat en rythme autour des mêmes préoccupations. Cocus de la mondialisation, menacés dans leur identité, les classes moyennes et populaires blanches, pour la plupart, ont entamé un processus de reprise en main du pouvoir, de rejet de l'oligarchie, de la défense de leurs pays d'un même pas. Le FPÖ, le FN, le Brexit ou Trump sont autant un symptôme qu'un baromètre, à l'instar de ce que fut le « printemps-arabe » dans l'ère civilisationnelle arabo-islamique.

Si Christophe Guilluy parlait de « France périphérique », on pourrait désormais parler « d'Occident périphérique » tant les cartes électorales se ressemblent. Les grandes métropoles multiethniques et les territoires gagnants de la mondialisation soutiennent systématiquement les candidats du Système (Vienne, Paris, Londres, New-York, Los Angeles, etc...) là où les territoires des périphéries et des marges voient leur électorat soutenir massivement les candidats « anti-Système » ou anti-establishment. Même un milliardaire comme Trump car il représente le capitalisme entrepreneurial national et non le capitalisme financier international. Si ce phénomène était isolé à la seule France, on pourrait en tirer des conclusions nationales, mais aujourd'hui, ce n'est plus possible. La victoire de Trump, c'est la victoire des « petits blancs » de l'Amérique oubliée. La victoire de ceux qui en ont marre de subir la culpabilisation en plus du déclassement et de la criminalité.

Dans les années 60 les Occidentaux battaient en rythme autour de la libération des mœurs, du rock n' roll ou des revendications politiques contre la guerre du Vietnam, désormais ils ont des inquiétudes en lien avec les différentes formes d’insécurités : économique, sociale, culturelle ou identitaire. N'en déplaise aux anti-occidentalistes et aux anti-américains primaires, l'Occident fonctionne comme un organisme. Aujourd'hui c'est un organisme qui se défend. La victoire de Trump est donc bien plus significative pour nous que la main mise de Poutine sur la Russie. Pourquoi ? Car Poutine est dans la tradition russe de l'impérialisme tsariste d'origine eurasiatique là où Trump porte une contestation de la mondialisation dans son cœur, les Etats-Unis. La Russie a une histoire très différente de l'Occident sur le plan politique et son rythme lui est propre. L'Angleterre, les Etats-Unis ou la France sont des piliers de la civilisation occidentale (telle que déterminée par Huntington). La victoire de Trump valide donc au moins symboliquement nos orientations récentes sur la Russie et l'Occident.

L'imprévu dans l'histoire ?

Dominique Venner était un passionné de l'histoire des Etats-Unis et il avait bien vu qu'il existait deux Amériques. Mais peut-on pour autant affirmer que l'imprévu dans l'histoire vient de l'élection de Trump ?

Le développement du numérique a beaucoup contribué à ce phénomène, au même titre que l'imprimerie avait pu favoriser le développement de la Réforme au XVIeme siècle qui était un mouvement d'émancipation de Rome assez classique chez les populations germano-nordiques. Perçu comme un moyen de connecter l'humanité, internet a au contraire accentué le phénomène de tribalisation en regroupant les utilisateurs par groupes d'intérêts. Les mouvements patriotes, identitaires et populistes ont su tirer profit d'internet qui permet de contourner la presse officielle, acquise à la mondialisation, par le biais des medias de réinformation. L'imprévu dans l'histoire porte peut-être un nom : Julian Assange. Les révélations de Wikileaks ont grandement aidé Trump, bien qu'évidemment aucun média traditionnel n'en ait parlé. Cela vient en tout cas appuyer une idée que j'ai depuis longtemps et qui déplaira à une partie de notre lectorat, les hackers sont plus utiles que des bataillons de militants impuissants. La victoire de Trump scellera par exemple probablement le sort du TAFTA, ce que n'aurait permis aucun collage d'affiche et aucune manifestation.

La victoire de Trump illustre un phénomène assez récurent : l'homme qui porte les aspirations de son époque et bénéficie des nouvelles méthodes de communication. Même si cela pourra paraître caricatural, reconnaissons que l'excommunication de Luther ne l'a jamais empêché d'impulser la Réforme, car il pouvait s'appuyer sur la création de l'imprimerie dans des territoires qui lui étaient favorables. De la même façon, les mandats d'arrêts contre Julian Assange n'ont pas pu empêcher l’œuvre de Wikileaks. La « nouvelle opinion publique occidentale » est désormais une réalité et elle a peut-être conquis la première puissance mondiale. Il ne s'agit pas ici de voir Trump comme le héraut d'une révolution quelconque, mais d'analyser le phénomène comme un événement de l'histoire immédiate dans le temps long historique.

Une question se pose désormais : la France sera-t-elle à la hauteur de son histoire dès 2017 ?

Jean / C.N.C.

Note du C.N.C.: Toute reproduction éventuelle de ce contenu doit mentionner la source.

Relire notre article : Trump sans l'aimer ?

Notes :

1 Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, article 2 : « le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression. »

Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, article 17 : « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé [...]»

mercredi, 09 novembre 2016

Progressive Foreign Policy Fails Again

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Progressive Foreign Policy Fails Again

impech.jpgWhat happened in Libya and Syria is simply a manifestation of a very dangerous mindset known as progressivism.  Progressivism amounts to a blind faith that government force can improve any given situation.  It is usually associated with domestic policy but progressivism also operates in foreign policy. Progressives ignore costs and consequences.  Progressives plunge into situations they do not understand, heedless of the consequences.  When progressives fail, they invariably attribute the failure to not using enough government force.  Thus, Obama, explaining his failure in Libya, stated, “I think we underestimated... the need to come in full force.”[1]

Thus, it is not merely Obama and Clinton who need to be held responsible.  Their underlying ideology also needs to be called to account.  We need to impeach progressivism too lest that dangerous ideology leads us into an endless series of future foreign policy disasters as it has already led us into 100 years filled with them. 

It is important to understand that a callous disregard of consequences is intrinsic to progressivism,[2] whether applied to domestic or foreign policy. One consequence of foreign intervention which the progressives utterly ignore is blowback in the form of terrorist attacks in direct retaliation against the intervention.  It is probably a Freudian slip that those who supported overthrowing Gaddafi and Assad were oblivious to the consequences as these men had few ties to terrorism in recent years.  However, if all that was said about them was true, then they should have been concerned about such retaliation.  There is no similar excuse concerning ISIS, however.  And true to form, ISIS has delivered, in Paris, in the skies of Egypt and in San Bernardino and Orlando.  As of November of 2015, ISIS had engaged in over 1500 terrorist attacks.[3]

Another consequence of war that is rarely discussed in advance is the legal risk of engaging in war.  When a state is attacked, it has the legal right to respond and defend itself.[4]  Such a response may include attacking any military facility in the attacking state. Obviously, any such attacks in modern war run the risk of civilian casualties.  Since this is rarely if ever mentioned by politicians, they apparently expect us to simply put all of this out of our minds.

What is truly revolting is this.  Obama and Clinton, who are protected by heavy security, have launched the United States into wars against parties likely to retaliate against innocent and vulnerable civilians, when the perpetrators of these illegal wars are utterly incapable of stopping such attacks or protecting such civilians.  The only legal remedy for such moral depravity is impeachment. 

Although foreign progressivism is a species of the same genus as domestic progressivism, it is important to understand that foreign progressivism is even worse.  Foreign progressive intervention has several features that differ from the domestic variety.  First, progressives know even less about foreign lands than they do about their own country where they still make huge policy blunders.  They are particularly unaware of the age-old conflicts among racial, ethnic and religious groups. They bring with them a Western-style assumption, rooted in archism, that national borders are rational, just and sacrosanct.  Thus, they are blind to the fact that the state boundaries in most parts of the world are unjust, arbitrary and usually imposed by imperial powers after violent conquest.  Of course, as progressives (and archists), the notion that states need to be broken up into smaller parts that would allow the various warring tribes and groups to run their own nations, is loathsome to them.  Centralization is a primary progressive value.  So, for example, after the U. S. conquest of the artificial state of Iraq, they insisted on its continued integrity.  It was thus predictable that the Shiite majority would control the entire state after elections and impose its will on the minority Sunnis and Kurds, leading to the inevitable civil war.  Hillary Clinton, who voted for the Iraq War, was herself blissfully unaware of this inevitability.

progrostrow.jpgSecond, people in foreign lands have never approved in any way the progressives’ intervention into their own country.  Third, that being the case, while domestic intervention has a number of tools at its disposal, foreign intervention has only one primary tool, war.  War involves killing people and destroying property.  Not only does this directly engender resistance and retaliation but it also strips away the protective coating of propaganda that usually cloaks state action.  For example, since most people comply with tax laws, the state only rarely has to use actual force to collect them.  Thus, the violent nature of taxation is hidden underneath the usual avalanche of birth-to-death progressive propaganda.  For example, it is based on voluntary compliance; it is the citizens’ duty, and it’s all good because it was democratically approved.  While all these rationalizations are nonsense, it is not easy to cut through the propaganda when the audience spent twelve years in a government school being brainwashed.  In sharp contrast, when a bomb blows up an apartment building and kills thirty people, the facts are plain and the ability of propaganda to make people think that black is white, is minimal.  Naturally, they tend to react, resist and retaliate.

To sum up, progressivism fails in foreign policy for a number of important reasons.  First, the progressives are pervasively ignorant about the countries they are invading and conquering.  Second, such intervention fails to deal with the underlying causes of problems, usually being related to the preexisting culture and character of a people or the arbitrary borders into which disparate ethnic, racial and religious groups have been consigned.  Third, such intervention sparks resistance and retaliation among the victims. Finally, such intervention usually results in unforeseen and unintended bad consequences.

Thus, the lesson of this book is not just that Obama and Clinton blundered by intervening into Libya and Syria but that, once again, progressives applied their utopian theory beyond the borders of the United States with the usual disastrous consequences.

Notes:

[1] T. Friedman, “Obama on the World,” nytimes.com, Aug. 8, 2014 (emphasis added); Progressivism: A Primer, supra at 21, et seq.

[2] And archism as well.

[3] M. Keneally & J. Diehm, “Sobering Chart Shows ISIS Is the Terror Group With Most Mass Killings Since 2000,” abcnews.go.com, Nov 16, 2015.

[4] See, United Nations Charter, Article 51.

James Ostrowski is a trial and appellate lawyer in Buffalo, NY. He is CEO of Libertymovement.org and author of several books including Progressivism: A Primer on the Idea Destroying America. See his website.

LE VRAI VISAGE DE TOLKIEN, CATHOLIQUE ET RÉACTIONNAIRE

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LE VRAI VISAGE DE TOLKIEN, CATHOLIQUE ET RÉACTIONNAIRE

A mille lieues de l’image d’un auteur d’heroic fantasy imprégné d’ésotérisme new age et adulé par les hippies, Tolkien était avant-tout un catholique traditionaliste, anti-moderne, réactionnaire et conservateur. Pétri de latin, il a fondé son oeuvre en s’inspirant de la mythologie nordique et de ce catholicisme médiéval plein de mystères et de légendes. Marqué par la Première guerre mondiale, il restera jusqu’à sa mort fidèle à ses idéaux, trouvant refuge dans son univers pour se couper de ce progrès qu’il haïssait tant. Dans ce nouvel épisode de La Petite Histoire, Christopher Lannes vous comte la véritable histoire de l’auteur du Seigneur des Anneaux. Un visage méconnu et fascinant.


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Le chaos s’éclaircit: voici pourquoi les USA utilisent l’ISIS pour conquérir l’Eurasie

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Le chaos s’éclaircit: voici pourquoi les USA utilisent l’ISIS pour conquérir l’Eurasie

 
omme tout document exceptionnel, le texte qu’Arrêt sur Info reproduit ci-dessous, rédigé en 2014, demeure d’actualité.

L’auteur développe là une analyse unique en son genre, comparant les pratiques de premières frappes préventives des USA et de leurs associés à celles des guerres de course menées par les corsaires et les pirates… il y a seulement quelques siècles. Il y aborde notamment les risques d’une troisième guerre mondiale, le Pape, ISIS, les Baptistes, l’Ukraine, la question kurde…


mort-1c26a45.pngAu XVIe siècle, les pirates et les corsaires semaient la terreur sur les mers

Les corsaires étaient des particuliers (souvent des armateurs), qui engageaient des capitaines habiles dans la navigation, pour poursuivre leurs propres intérêts, en collaboration avec les intérêts politiques d’une puissance, qui leur fournissait, justement, une « lettre de course ». Cette lettre les habilitait à attaquer et à piller les vaisseaux d’autres puissances, sous certaines conditions (en général une guerre).

Les activités des pirates et celles des corsaires étaient pratiquement les mêmes. Seules changeaient les couvertures politiques officielles. Certains corsaires finissaient leur carrière comme pirates, parfois pendus par les mêmes gouvernements qui les avaient engagés.

De fait, les corsaires pouvaient se permettre de faire les choses qu’un État considérait comme politiquement ou économiquement imprudent de faire lui-même.

Les Compagnies commerciales constituaient une variante à bien plus grande échelle, et bien plus organisée. Elles étaient dotées de privilèges, comme la célèbre Compagnie anglaise des Indes orientales, qui, quoique totalement privée (la Couronne anglaise ne possédait pas même une action des Compagnies anglaises), jouissait du nihil obstat [1] [l’autorisation donnée par l’autorité compétente, NdT] pour conduire des guerres et des activités de gouvernement.

« Corsaires » et pirates ont suscité les fantaisies romantiques et libertaires de générations de gens qui, par contre, fronçaient le nez devant les entreprises de leurs mandants.

Aujourd’hui, l’histoire se répète, en pire

Depuis plus de 30 ans, les groupes armés des soi-disant fondamentalistes islamiques constituent une forme encore plus perverse de ces grandes compagnies d’aventuriers, au service de l’Empire étatsunien. Les bases de cette alliance-service furent jetées pendant la Première Guerre mondiale par des gens comme St. John Philby [2] et Gertrude Bell [3], brillants agents anglais parfaitement préparés, qui travaillaient en contact étroit avec les princes saoudiens.

On a vu cette alliance à l’œuvre en Afghanistan dans les années 80, sous la savante conduite criminelle de Zbigniew Brzezinski [4], puis en Bosnie, au Kosovo, en Tchétchénie, en Libye, en Syrie et maintenant en Irak. Il est vraisemblable que son bras long s’étendra jusqu’en Inde, via le Pakistan, et jusqu’au Xinjiang ouighour, en Chine.

L’ISIS, c’est-à-dire l’État Islamique de l’Irak et du Levant (Syrie), est la forme la plus sophistiquée de cette stratégie corsaire. Plus encore qu’Israël [5], l’ISIS est la quadrature du cercle : un État-non-État qui, étant par définition une entité terroriste, a le « droit » d’être en dehors de quelque légalité que ce soit. Les USA ont raison, de leur point de vue, de l’appeler « organisation terroriste » : le soutien politique direct, le soutien organisationnel via l’Arabie saoudite, et, justement, cette définition elle-même, constituent la « lettre de course » que la Superpuissance leur fournit. En d’autres termes, ils ont le droit-devoir d’être des terroristes.

Exactement comme c’était le cas des corsaires jadis, sous le déguisement de « combattants de la liberté » (anti-Assad), ils ont suscité les fantaisies romantiques d’humanistes ingénus (parfois, hélas, ils sont même tombés dans la mortelle toile d’araignée) et de soi-disant internationalistes, dont Jupiter avait décidé la perte. Nous pouvons supposer qu’à présent ils se sentent un peu perdus. Nous, au contraire, nous commençons à voir plus clairement les contours d’un dessin assez précis.

La stratégie des premières attaques, analogue à celle des corsaires avec leurs Guerres de course

Dans les années 80 déjà, la Rand Corporation [6] avait « prévu » que les guerres futures seraient un mixte de conflits stellaires et de conflits prémodernes menés par des entités infra-étatiques. Prévision aisée à faire, puisque la Rand faisait partie du complexe qui était en train de préparer ce scénario.

Cette stratégie s’appuie sur une parfaite logique. En fait, les « guerres des étoiles », menées jusqu’à leurs dernières conséquences, ne peuvent que se transformer en conflits nucléaires. Par contre, la guerre de course, par l’intermédiaire d’entités infra-étatiques, conduite par les USA, après les premiers coups « orthodoxes » portés par l’engeance des Bush et Clinton, a permis à la Superpuissance de lancer cette série de premières attaques (first strikes), qui auraient été très risqués, et donc impossibles, sous forme de guerres orthodoxes entre États, même si la nouvelle attitude nucléaire (New Nuclear Posture [7]) élaborée par les néo-cons sous Bush Jr. ne les excluait pas.

La débandade initiale des rivaux stratégiques démontre qu’il y avait là un coup de génie, évidemment criminel. On a même l’impression que ces rivaux préfèrent courir le risque de guerres terroristes infra-étatiques plutôt que celui d’un conflit ouvert avec un adversaire sans scrupules, et de plus en plus agressif, parce que de plus en plus en difficulté. Une difficulté toutefois relative, que nous chercherons à préciser.

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Un État-non-État à l’abri de son drapeau noir de pirate

Qu’y a-t-il de mieux pour les USA que d’installer dans le centre névralgique de l’Eurasie (déjà objet des cauchemars et des désirs du conseiller de Carter pour la sécurité, le « prophétique » Zbigniew Brzezinski) un État-non- État, un État-zombie, un être-non-être, une organisation territoriale qui, à l’abri de son drapeau noir de pirate, peut menacer d’actions effroyables tous les États voisins, depuis la Syrie, la Russie, l’Iran, la Chine, les républiques centre-asiatiques, puis, tout au long du corridor qui, à travers du Pakistan, pénètre en Inde et qui, à travers le Xinjiang ouighour, prend la Chine à revers ? Difficile d’imaginer meilleure arme non conventionnelle. Très difficile. C’est un terrible pieu planté au beau milieu de l’Organisation de coopération de Shanghaï.

Mais ce n’est pas tout : même l’Europe peut être menacée (cela n’a-t-il pas déjà été fait ?). Cela peut être utile, si elle se montrait trop récalcitrante face au projet néo-impérialiste états-unien, avec des annexes et des connexions du type du criminel Traité transatlantique de libre-échange (TTIP).

La difficulté où se trouveraient, disions-nous, les USA, ne réside pas dans un éventuel déclin inexorable du pays, selon on ne sait quelles lois géopolitiques ou économiques. En réalité, la difficulté réside dans le système capitaliste même, qui est aujourd’hui encore centré sur les USA, ce qu’on ne peut contester que si l’on pense que le système capitaliste est mesurable en termes de profits, Produit intérieur brut, échanges commerciaux et réserves de devises. Cela compte aussi, mais pas uniquement, parce que le système capitaliste est un système de pouvoir.

De plus, les puissances émergentes ont émergé, pour ainsi dire, « en retard » (il ne pouvait en être autrement), c’est-à-dire que les capacités destructrices militaires, industrielles, écologiques et financières mondiales ont déjà été massivement hypothéquées par un État-continent appelé États-Unis d’Amérique et par ses vassaux. Il est vrai que nous, pays capitalistes occidentaux à capitalisme mûr, ne comptons que pour 1/7e de la population mondiale, mais c’est justement ce qui donne l’inquiétante mesure du problème, puisque nous comptons immensément plus pour ce qui est de la capacité destructrice.

Une totale absence de scrupules

Le réalisateur Oliver Stone et l’historien Peter Kuznick ont fait remarquer, avec beaucoup d’acuité, qu’avec Hiroshima et Nagasaki, les USA ne voulaient pas seulement démontrer qu’ils étaient surpuissants, mais aussi (ce qui encore plus préoccupant) qu’ils n’auraient aucun scrupule dans la défense de leurs intérêts propres : ils étaient prêts à réduire massivement en cendres hommes, femmes et enfants.

Les populations libyennes, syriennes et irakiennes, martyrisées par les corsaires fondamentalistes, sont l’effroyable démonstration de cette absence de scrupules : ces épisodes de génocides par étapes sont accomplis en lieu et place de l’unique extermination nucléaire, jugée trop risquée. Dans ce sens précis, l’ISIS est utilisée comme une arme de destruction massive échelonnée.

En Occident, cette stratégie reste incompréhensible pour la plupart des gens

Il est vrai qu’elle est complexe, parce qu’elle se fonde sur un jeu complexe d’intérêts différenciés, depuis des intérêts purement idéologiques jusqu’à des intérêts purement maffieux. Cela n’en reste pas moins surprenant, parce que, outre que cette stratégie est désormais claire dans ses objectifs (évidemment parce que les USA eux-mêmes les ont éclaircis), elle est, comme on l’a vu, la réédition d’une stratégie connue et bien connue.

Sa perception pouvait être confuse pendant le conflit afghan des années 80. Il pouvait alors être difficile de comprendre la connexion entre choc des cultures, invasion soviétique et naissance de la guérilla islamiste, soutenue et organisée par les USA. Pourtant, certains chercheurs, en petit nombre, il est vrai, et traités comme des excentriques, avaient déjà fait remarquer les connexions entre crise systémique, reaganomics [8], financiarisation, conflits géopolitiques, et la reprise d’initiative néo-impériale des USA après la défaite au Vietnam (combien de fois a-t-on présenté les USA comme fichus !). Je veux parler des chercheurs regroupés dans l’école du « système-monde ».

Il est en tout cas curieux qu’une gauche aussi déterminée dans les années 60 et 70 à lutter pour la défense du prosoviétique Vietnam se soit retrouvée, très peu d’années après, à faire des clins d’œil aux fondamentalistes soutenus par les USA contre une Union soviétique maintenant considérée comme l’Empire à détruire à tout prix.

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Les ex-militants de gauche sont devenus des supporters de la nouvelle politique impériale

Avec les Tours jumelles, début de la Troisième Guerre Mondiale par zones dont parle même aujourd’hui le Pape (a-t-il vraiment fallu 13 ans au Vatican pour le comprendre ?), la dérive totale de la gauche était pré-annoncée par un spectaculaire chant du cygne : les énormes manifestations contre les guerres de Bush Jr. et les politiques néo-libérales globalisées. On était sur la bonne voie, car c’étaient là exactement les deux aspects complémentaires du mariage entre argent et pouvoir, mis à nu par la crise systémique. Et pourtant, il a suffi de l’approfondissement de cette crise et de son irruption dans les centres capitalistes occidentaux, puis de l’élection sanctifiée de Barack Hussein Obama, pour faire dérailler tout raisonnement : et des centaines de milliers d’ex-militants ont été transformés en supporters actifs, passifs ou inconscients de la nouvelle politique impériale. Ce n’est pas une exagération : il suffit de comparer les 3 millions de personnes dans la rue à Rome en 2003 contre la guerre contre l’Irak et les 300 (trois cents !) personnes dans la rue à Rome en 2011 contre la guerre contre la Libye.

Mais le pire, c’est que ce n’est pas le résultat d’un programme de conditionnement sophistiqué ! C’est le succès des stratégies de communication introduites en leur temps par le Nazi Goebbels, redistribuées à travers les vieux et les nouveaux médias, avec une variante décisive : non seulement des mensonges gros comme des maisons répétés partout à l’unisson et par tous les médias, mais, en plus, assaisonnés avec les termes et les concepts qui plaisent le plus à la gauche. Si lancer des bombes fait froncer le nez, il suffit de dire qu’elles sont intelligentes ou même humanitaires, voire qu’elles constituent tout bonnement des aides humanitaires.

L’Empire parle alors un langage d’un registre étendu, depuis le registre réactionnaire, jusqu’au registre du progrès technique, social et politique. Ce n’est pas vraiment une nouveauté, mais sa cible est une société en voie de désarticulation, à cause de la crise toujours plus féroce, abandonnée et même trahie par les intellectuels et les politiciens auxquels elle s’était confiée, et où, hélas, même dans les quelques bastions de résistance qui restent, les effets mutagènes du langage impérial exercent leurs ravages.

Comme le commenta alors [2011] une vignette d’Altan [Dessinateur humoriste italien, NdT], il y a un truc, cela se voit parfaitement, mais tout le monde s’en fiche. Les raisons devraient en être étudiées de façon beaucoup plus approfondie que dans les rapides propositions qui précèdent, pour comprendre comment on peut sortir de ces limbes suspendus au-dessus du gouffre.

De toute façon, la « guerre contre le terrorisme » n’a abattu aucun terrorisme, parce qu’il n’y avait aucun terrorisme à abattre. En revanche, elle a détruit des États, d’abord l’Afghanistan, puis l’Irak.

Entre temps, le terrorisme est entré en sommeil, et n’est réapparu que pour donner quelques nécessaires preuves de vie, à Madrid et Londres, au cœur de l’Europe. En réalité, il était en phase de réorganisation, dans le sens où on était en train de le réorganiser pour les nouveaux théâtres d’opérations, peut-être, au début, pas encore très clairs dans l’esprit des stratèges états-uniens parce que, dans les crises systémiques, même celui qui génère et utilise le chaos en ressent les conséquences.

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La gauche a déployé une stupéfiante capacité à ne rien comprendre

Avec Obama, les objectifs et la stratégie s’éclaircissent progressivement. Une fois la nouvelle armée corsaire réorganisée et montée en puissance, éclate la nouvelle offensive, moyennant deux préludes : le discours d’Obama à l’Université du Caire en 2009 et les « printemps arabes » commencés l’année suivante.

Dans les deux cas, la gauche a déployé une stupéfiante capacité à ne rien comprendre. Ayant désormais complètement séparé l’anticapitalisme de l’antiimpérialisme, la plus grande partie du « peuple de gauche » s’est laissé envelopper dans la mélasse du couple « bonnes intentions-droits humanitaires » [… ], élevant n’importe quel bla-bla au rang de concept, puis de Verbe. Il suffit qu’Obama parle, et on s’écrie en chœur : que c’est beau ! Quelle différence entre Obama et ce belliciste antimusulman de Bush ! Vous avez entendu ce qu’il a dit au Caire ?

Pas le plus léger soupçon que l’Empire est en train d’exposer sa nouvelle doctrine d’alliance avec l’Islam politique (alliance qui a son centre logistique, financier et organisationnel en Arabie saoudite, le partisan le plus fidèle et le plus ancien des USA au Moyen-Orient).

C’est encore pire avec les « printemps arabes »

Même alors que les bombardements sur la Libye ont commencé, la gauche n’a pas le bon sens de réviser son enthousiasme pour ces « révoltes ». Paradigmatique fut le démentiel et déplaisant appel de Rossana Rossanda [9] à s’enrôler dans les rangs des égorgeurs de Benghazi (dont le chef venait directement de Guantanamo, avec couverture de l’Otan), « comme les antifascistes l’avaient fait en Espagne ». Cet appel était le signe de la corruption aristotélicienne, non pas d’un cerveau de vieillard, mais de plusieurs générations de rêveurs ayant grandi sous le ciel de l’empire américain, naturel comme le firmament, et invisible comme le temps, donc non perceptible. Sous cette coupole étoilée et globalisée, le capitalisme devenait non plus un rapport social vivant dans une société et des lieux géographiques matériels, mais un simple concept qui s’opposait à un autre concept, celui du capital à celui du travail. Rien de moins matérialiste depuis les temps des discussions sur le sexe des anges.

Désaccoupler le capitalisme de l’impérialisme c’est comme prétendre dissocier l’hydrogène de l’oxygène, tout en voulant en même temps conserver l’eau. Pour un chrétien, c’est comme dissocier le Christ du Saint-Esprit : il en reste quelque chose, qui hésite entre l’érudition livresque et les bons sentiments instinctifs, livré comme une proie à tout démon fourbe et déterminé.

On est arrivé au point qu’un chef d’état-major étatsunien, le général Wesley Clark, révèle que la Libye et la Syrie étaient déjà en 2001 sur une liste d’objectifs sélectionné par le Pentagone, et que de soi-disant marxistes continuent, tranquillement, à croire à des « révoltes populaires », ces révoltes populaires qu’eux-mêmes n’ont pas été et ne sont pas capables de susciter dans leur propre pays. Bref, ce sont là les effets de crises d’abstinence.

Le Mouvement 5 étoiles et Sinistra Ecologia Libertà, apportent un peu de lucidité en Italie

Mais ce sont là désormais des détails résiduels, qui concernent des résidus historiques, privés de valeur politique. Ils servent tout au plus à illustrer le bien plus grave phénomène de toute une gauche confrontée à la Troisième Guerre Mondiale, et qui y arrive dans un état d’impréparation totale, sur les plans théorique, politique et idéologique. Elle est plus désarmée que le « peuple de droite », et souvent se range ouvertement dans le camp des bellicistes.

Ah ! Pasolini, comme tu avais raison de tonner contre les « irresponsables intellectuels de gauche » ! Jusqu’où sommes-nous arrivés !

Il n’y a qu’un petit rayon dans cet été si nuageux. On ne peut qu’être d’accord avec le Mouvement 5 étoiles [10] et le Sinistra Ecologia Libertà [11] sur leur opposition à l’envoi d’armes aux Kurdes (d’ailleurs à quels Kurdes ?). Divers raisonnements s’unissent ici, comme l’indécence d’exporter des armes et l’inutilité de la chose pour résoudre le conflit. Mais la vraie inutilité et l’indécence résident dans le fait que ce conflit est un jeu à somme nulle, dans lequel se trouveront prises des milliers de personnes, à 90 % des civils, comme c’est le cas dans tous les conflits modernes, et comme nous en avertissent des organisations comme Emergency.

Les preuves de ces forfaitures sont là, il suffit de les regarder

Le sénateur John McCain, en apparence franc-tireur, mais en réalité agent plénipotentiaire de la politique de chaos terroriste d’Obama, s’est mis d’accord aussi bien avec les leaders du Gouvernement régional kurde en Irak qu’avec le Calife de l’ISIS, Abu Bakr al- Baghdadi, ex Abu Du’a, ex Ibrahim al-Badri, un des cinq terroristes les plus recherchés par les USA, avec une récompense de 10 millions de dollars.

Il y a des témoignages et des preuves photographiques. Et c’est sur ces photos que se fonde la dénonciation devant l’autorité judiciaire, présentée par leurs familles, du sénateur McCain comme complice de l’enlèvement au Liban, par l’ISIS, de plusieurs personnes.

De même que Mussolini avait besoin d’un millier de morts à jeter sur la table des négociations de paix, les USA, l’ISIS et les dirigeants kurdo-irakiens ont besoin de quelques milliers de morts (civils) à jeter sur la scène de la tragédie moyen-orientale, afin de mener à bien la tripartition de l’Irak et le vol de zones du nord-est de la Syrie (ce qui est le contraire d’une union contre les terroristes de la Syrie et des USA, comme l’écrivent des voyous frivoles dont la plume est vendue au régime). Le tout au bénéfice du réalisme du spectacle.

[…]

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En 1979, Zbigniew Brzezinski avait compris et écrit que le futur problème des USA était l’Eurasie et qu’il fallait donc la balkaniser, en particulier la Russie et la Chine.

Au début du siècle passé, en pleine hégémonie mondiale de l’Empire britannique, le géographe anglais Halford Mackinder [12] écrivait « Qui contrôle l’est de l’Europe commande le Heartland, qui contrôle le Heartland commande l’Ile-Monde, qui contrôle L’Ile-Monde commande le monde ».

Les infatigables déambulations de McCain entre Ukraine et Moyen-Orient ne sont donc pas un hasard. La pensée dominante est toujours la même. Ce qui a changé, c’est que les USA ont compris qu’il n’est pas nécessaire que ce soit ses propres troupes qui fassent tout le sale boulot.

Piotr | 25 Août 2014

[1] Nihil obstat est une locution latine signifiant proprement « rien ne s’oppose ».

[2] Harry St. John Bridger Philby (né le 3 avril 1885 à Badulla, Ceylan – mort le 30 septembre 1960 à Beyrouth, Liban), également connu sous les noms de Jack Philby ou Sheikh Abdullah (الشيخ عبدالله), fut espion britannique, explorateur, écrivain, et ornithologue (wikipedia, français).

[3] Gertrude Margaret Lowthian Bell, née le 14 juillet 1868 à Washington Hall dans le comté de Durham en Angleterre et décédée le 12 juillet 1926 à Bagdad, était une femme de lettres, analyste politique, archéologue, alpiniste, espionne et fonctionnaire britannique (wikipedia, français).

[4] Zbigniew Kazimierz Brzeziński (né le 28 mars 1928 à Varsovie en Pologne) est un politologue américain d’origine polonaise. Il a été conseiller à la sécurité nationale du Président des États-Unis Jimmy Carter, de 1977 à 1981 (wikipedia, français). Il est l’auteur du fameux livre Le grand échiquier (les-crises.fr, français).

[5] Étant formellement un État internationalement reconnu, Israël doit se soumettre à la légalité internationale, même s’il ne le fait pratiquement jamais (il se prévaut de larges dérogations), et il a une organisation politico-institutionnelle complexe (mais celle-ci compte de moins en moins, comme chez nous [en Europe, NdT]).

[6] La RAND Corporation, fondée en 1945, est une institution américaine à but non lucratif qui a pour objectif d’améliorer la politique et le processus décisionnel par la recherche et l’analyse (wikipedia, français).

[7] A New Nuclear Posture (armscontrol.org, anglais, 05-2010)

[8] Le terme de Reaganomics, mot-valise de « Reagan » et « economics » se réfère aux politiques en matière d’économie du président américain Ronald Reagan. Ses quatre piliers furent d’augmenter les dépenses du gouvernement, notamment militaires, de réduire les impôts sur le revenu du travail et du capital, de réduire la régulation, et de contrôler l’argent utilisé pour réduire l’inflation (wikipedia, français).

[9] Rossana Rossanda (Pola, aujourd’hui en Croatie, 23 avril 1924), est une journaliste et une femme politique italienne, dirigeante du Parti communiste italien dans les années 1950 et 1960 (wikipedia, français).

[10] Le Mouvement 5 étoiles (en italien, Movimento 5 Stelle ou Cinque Stelle, M5S) est un mouvement politique italien qui se qualifie d’« association libre de citoyens » (wikipedia, français).

[11] Gauche, écologie et liberté, un des petits partis à gauche de la gauche (wikipedia, français).

[12] Halford John Mackinder (15 février 1861 – 6 mars 1947) est un géographe et géopoliticien britannique. D’après sa théorie du Heartland, on observerait ainsi la planète comme une totalité sur laquelle se distinguerait d’une « île mondiale », Heartland (pour 2/12e de la Terre, composée des continents eurasiatique et africain), des « îles périphériques », les Outlyings Islands (pour 1/12e, l’Amérique, l’Australie), au sein d’un « océan mondial » (pour 9/12e). Il estime que pour dominer le monde, il faut tenir ce heartland, principalement la plaine s’étendant de l’Europe centrale à la Sibérie occidentale, qui rayonne sur la mer Méditerranée, le Moyen-Orient, l’Asie du Sud et la Chine (wikipedia, français).

Note du traducteur : Nous avons supprimé deux courts passages concernant la politique intérieure italienne, qui nous paraissent trop spécifiques pour le public francophone. Nous les avons signalés par la mention […].

Original : Perché gli USA usano l’ISIS per conquistare l’Eurasia

Traduit par Rosa Llorens 

Source:https://blogs.mediapart.fr/danyves/blog/030914/le-chaos-s... 

mardi, 08 novembre 2016

Historiker: Deutschland droht Staatszerfall

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Historiker: Deutschland droht Staatszerfall

Ex: http://www.mmnews.de

Das Wertesystem der Kanzlerin, die Folgen der Flüchtlingspolitik, die Erosion des staatlichen Gewaltmonopols - wie geht es weiter in Deutschland? Historiker Prof. Baberowski im Gespräch mit Joachim Steinhöfel.

„Herr Professor Baberowski, wenn man sie fragt: ‚Für welche drei Dinge steht Angela Merkel als Politikerin ohne Wenn und Aber ein?‘ Was fällt Ihnen dazu ein?“ Die Antwort sollte jeder gehört haben!

Joachim Steinhöfel im Gespräch mit dem Historiker Prof. Dr. Jörg Baberowski über Merkel, die Folgen der Flüchtlingspolitik und die Erosion des staatlichen Gewaltmonopols.

Baberowski glaubt nicht, das sich an der Flüchtlimgspolitik der Regierung etwas ändert. Wenn jedoch in den nächsten Jahren nichts passiert, dann wird es laut Baberowski nicht nur zu einer Staatskrise sondern zu einem Staatszerfall kommen.

 

 

Le Bug !...

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Le Bug !...

Nous reproduisons ci-dessous l'éditorial du dernier numéro de Centurie News (n°9, 4 novembre 2016) qui est consacré aux élections américaines et à ce qu'elles révèlent...

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Le Bug

 

Les élections aux Etats-Unis se terminent le 8 novembre au soir. A moins d’une semaine de ces élections, les sondages semblent encore donner une avance en terme de nombre de sièges de grands électeurs à Clinton, tandis que Trump s’approche et dépasse parfois cette dernière en pourcentage d'intentions de vote. Le résultat est incertain et à cette heure, rien ne permet d'anticiper les résultats. Mais quoi qu’il en soit, cette élection marquera un tournant de l’histoire du monde et ce, pour plusieurs raisons.

 

D’une part, au cœur de la puissance politique, économique et militaire de notre époque, une véritable opposition s’est manifestée. Les élections, qui étaient depuis 30 ans l’occasion d’une opposition factice entre membres modérés d’une élite globalement solidaire, ont laissé la place à un affrontement direct, dur et sous l’œil de l’opinion publique internationale, entre deux candidats que presque tout oppose (Voir Centurie News n°2). Cette opposition fixe la ligne de fracture entre deux destins devenus irréconciliables pour l’Amérique : redevenir une nation ou rester le bras armé d’un empire financier transnational.

 

Cette campagne a mis en lumière les gouffres d’intérêts entre deux camps qui s’appuient sur des populations bien distinctes : d’un côté, une élite aux pratiques mafieuses (chaque nouvelle publication de Wikileaks permet d’en mesurer l’étendue) appuyée sur des bourgeoisies libérales, des minorités sexuelles ou des minorités ethniques qu’elle manipule, alimente et promeut grâce à une politique sociale structurellement déficitaire. Le remboursement des intérêts de ces déficits alimente d’ailleurs un cœur financier resté pour l’essentiel dans l’ombre. De l’autre, une classe moyenne blanche sinistrée par la mondialisation soutenue par des bourgeoisies conservatrices, rejointe par des travailleurs, artisans, employés et entrepreneurs encore insérés économiquement et socialement mais inquiets des effets visibles de la mise en oeuvre de l'agendade la société ouverte : immigration, chômage, pauvreté, déstructuration des normes, marchandisation, violence, destruction de la nature, etc.

 

sad_mac.jpgSur le plan médiatique, cette campagne fut tout aussi marquée. D’un coté, les médias de masse occidentaux, renforcés par le géant Google (Facebook et Twitter étant globalement restés plutôt neutres) et une armada d’ONG, de spécialistes rémunérés, de publicitaires, de people et de journalistes. De l’autre, une population sans médias ou presque, partageant son stress, son enthousiasme, ses informations et ses colères sur les réseaux et les courriers des lecteurs avec une myriade de petites ONG et de médias alternatifs, et une contribution qui restera historique, celle de la communauté informatique alternative mondiale qui, sous la houlette de Wikileaks, a joué un rôle clé dans cette titanesque confrontation.

 

On ne peut évidemment pas ignorer les possibles contributions financières, technologiques ou autres, d’Etats étrangers à cette campagne dont il reste difficile de mesurer l’importance exacte. Le rôle d’une partie des cadres de l’Administration  américaine, qui ne veulent pas se résoudre à ce que leur pays poursuive sa course vers la société ouverte, reste lui aussi à déterminer. En effet, l’intervention du FBI à une grosse semaine de l’échéance et les soutiens militaires dont bénéficie Trump ne laissent aucun doute sur le rôle discret de ces acteurs du jeu. 

 

Autre effet de cette campagne, l’incroyable amateurisme du clan Clinton a dévoilé au monde entier, et dans le détail, une part significative de ses connexions, ses accointances, ses faiblesses et ses orientations stratégiques. La divulgation de dizaines de milliers d’emails du cœur organisationnel d’Hillary Clinton, connecté à celui de la Maison Blanche et à des réseaux financiers, médiatiques et fédéraux, rendra probablement très compliqué l’exercice de son mandat, au moins dans un premier temps. A cela s’ajoutent les risques réels pesant sur elle et son mari d’inculpations dans un grand nombre d’affaires graves dans les mois à venir.

 

Les Français eux, se sont une nouvelle fois regardés dans le miroir de leurs politiques et de leurs médias. Sur ce point, comme sur presque tous les autres, les médias français n’ont pu, à aucun moment, restituer les enjeux réels de cette élection. Dans le protectorat qu’est devenue la France, la colère gronde aussi car les fossés révélés aux Etats-Unis y sont parfaitement transposables : l’élection encore possible de Donald Trump grâce à Julien Assange et sa communauté, aurait un effet d’accélérateur sur le processus de renouvèlement des élites de toute l’Europe occidentale dans les prochaines années. Le bug approche.

 

Centurie News n°9, 4 novembre 2016

Revue de presse par Pierre Bérard Novembre 2016 (1)

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Revue de presse par Pierre Bérard

Novembre 2016 (1)

Pierre Bérard

Au sommaire :

Régis Debray recevait dans le cadre de son émission de France culture intitulée discussions du soir successivement le général Vincent Desportes, auteur de La dernière bataille de France (Gallimard-Le débat) puis Caroline Galacteros qui vient d'écrire Manière du monde, manière de guerre, préfacé par Hubert Védrine et paru aux éditions Nuvis.  
 
Avec le premier il remarque que la guerre est l'enfant pauvre des sciences humaines, ce qui est dommageable car, contrairement à ce que pensent les Européens, elle n'a pas disparu de notre horizon. En témoigne l'inflation des opérations militaires françaises à l'extérieur accompagnant paradoxalement la déflation continue de notre budget de défense. Pour Desportes, si l'armée est faite pour gagner la bataille, la guerre, elle, est un objet purement politique dont la France académique se désintéresse. Le militaire qui rappelle le tragique du monde est en Europe repoussé aux marges du social comme si on ne voulait pas entendre ce qu'il a à nous dire afin de continuer à se bercer de nos illusions post-héroïques. L'Europe somnambulique n'étant pas parvenue en 60 ans à accoucher d'une défense commune, et n'étant aucunement disposée à l'édifier puisqu'elle croit pouvoir s'en remettre au protecteur américain, le moment est sans doute venu de penser une défense proprement nationale, un art de la guerre exclusivement français. Et, ce, sans sombrer dans une superstition technologique d'imitation du modèle américain dévorant les crédits pour des résultats négatifs, car si il y a une "force" américaine qui permet de remporter des batailles, il n'y a pas de "puissance" américaine. La preuve : ils perdent toutes leurs guerres depuis la Corée. Une bataille gagnée ne peut à elle seule produire un résultat stratégique, celui-ci demeurant de l'ordre du politique. Hyperbole du vocabulaire : nous sommes, paraît-il en guerre. Foutaise verbale puisque cette proclamation ne s'accompagne pas des moyens de la guerre. Qu'avons nous face à nous ? Un bande mystique d'illuminés répond Régis Debray. Qu'est-ce qu'une guerre qui n'a pas de fin (dans tous les sens du mot)? La guerre a muté, selon Desportes, car l'épée seule même quand elle est extrêmement aiguisée ne produit pas de résultats. D'ou cette pensée subversive, on ne peut songer à convertir une bataille gagnée en puissance stratégique qu'au sein de notre monde de valeurs. Ailleurs, dans les autres cultures l'occupant sera toujours vu comme un ennemi. L'ignorance des états-major américains, et de nos politiques, vis à vis d'une discipline comme l'ethnologie est ainsi pointée du doigt. La discussion se termine par une reconnaissance de la valeur cardinale de l'indigénat.
 
Avec Caroline Galacteros, réfléchissant sur la manière qu'a l'Occident de faire la guerre il en vient à penser qu'elle projette à l'extérieur sa propre anthropologie culturelle post-moderne. Ainsi y a-t-il une intrication de plus en plus prégnante entre la stratégie intérieure et celle de l'extérieur. Ce qui se vérifie à propos des opérations menées en Syrie et en Libye qui ont un impact direct sur notre sécurité intérieure avec les vagues migratoires et les attentats. Dans le cadre de la globalisation la mobilité des marchandises et des capitaux implique celle des hommes, abolissant du même coup la notion de frontière et celle d'une transcendance nationale régissant les peuples. Face à ces défis, Caroline Galacteros pose la question des finalités du politique. Après la fin de la guerre froide, l'Europe s'est imaginée qu'une harmonie utopique était possible, voire même exportable. D'où les déconvenues qu'elle enregistre aujourd'hui. Alors que la sophistication technologique des armées occidentales est à la hausse, leurs résultats finaux sont à la baisse. Cela s'accompagne d'une régression éthique alors que l'Occident ne parle plus que morale et sermonne l'univers presque entier. L'idéalisme paradoxal qui soutient cette attitude est complètement hors-sol selon nos deux débatteurs qui décèlent sous les orémus orbi et  urbi le masque le plus accompli du cynisme. En résumé, la France possède un outil militaire performant mais n'a plus de vision stratégique cohérente, ainsi en Syrie où nos politiques, complètement schizophrènes, soutiennent les monarchies du Golfe alors qu'ils combattent le djihadisme armé qui en est la résultante effective. Politique de gribouille. L'Europe et la France, entrainées par leur tropisme américain se sont trompées sur toute la ligne. Des discussions passionnantes et d'une grande lucidité :
 
 
 
regisdebray.jpgRégis Debray s'entretient avec Marianne à propos de son livre Allons aux faits, Croyances historiques, réalités religieuses (Gallimard). Sa vision du monde est aux antipodes de celle qui nous est livrée communément par les médiatiques avançant au pas cadencé. La menace burlesque du président Hollande de traduire Poutine devant une cour pénale internationale pour crimes de guerre en Syrie le fait sourire et il met en cause la "géopolitique du tiroir-caisse" consistant à flétrir la Russie et à flatter l'opulente Arabie coupable pourtant d'exactions similaires contre les civils au Yemen, sans même mentionner nos "amis" Américains dont les "frappes chirurgicales" en Serbie, en Afghanistan, en Irak, en Syrie ou en Libye laissent sur le terrain des dizaines de milliers de cadavres innocents. Toute cette hypocrisie  parce que nous sommes inféodés à une ligne qui se décide à Washington. L'Europe vit dans "un paradis kantien" et ne se soucie guère d'affronter "le monde de Hobbes" qui est celui de la réalité crue, c'est la raison pour laquelle elle peut se permettre d'adresser à la terre entière des leçons de morale (elle ne connait que "la langue des valeurs") tandis qu'elle s'exclue de l'Histoire et ne compte plus sur le théâtre du monde. Est-on en train de revenir à la normale ? Peut-être si l'on entend par là revenir "à des conflits de puissances adossées à de grandes continuités civilisationnelles". "En cas de crises, dit-il, le tribal, le clanique, qui précède bien entendu le national, refont surface. L'enfance revient en vieillissant. La couche civique la plus raffinée et donc la plus précaire se décompose et les fondamentaux remontent en force, pour restructurer l'ensemble.Voilà qui n'est pas prévu dans la théorie naïve du progrès...". Selon Debray, la France "a plus à craindre d'une américanisation achevée de ses moeurs, de ses idées et de ses institutions, que d'une islamisation. Il en appelle, pour finir, à une réforme intellectuelle et morale, ce dont il doute tant que ne surviendra pas un péril majeur. Coruscant entretien :
 
 
Pierre Le Vigan procède à une critique très positive du livre d'Olivier Zajec, Introduction à l'analyse géopolitique, paru récemment au Rocher. Définissant la géopolitique comme la prise en compte des dimensions spatiales des relations internationales, il précise qu'elle n'est ni une science ni une idéologie mais un ensemble de connaissances mises au service de l'action. Le territoire s'y définit bien au delà de sa dimension spatiale par des caractères symboliques. Elle ne débouche pas automatiquement sur des préconisations de politique extérieure puisque il existe des géopolitiques concurrentes. Elle reste donc une discipline ouverte qui laisse le libre choix de la décision. Excellente mise au point :
 
 
Thomas Flichy de la Neuville et Gregor Mathias, membres du Centre Roland Mousnier de la Sorbonne insistent sur la déconnexion entre les électeurs pro-Trump qu'ils disent être majoritaires et le parti des médias qui se révèle, sans surprise, massivement pour la candidate démocrate Hillary Clinton. Si le candidat républicain était élu, ils pronostiquent des inflexions de la politique extérieure qui seraient favorables à la Russie, l'Arabie saoudite et la Turquie. Si Hillary Clinton, candidate du "système" l'emporte, elle augmentera le budget militaire au service d'une politique beaucoup plus interventionniste. Leur conclusion est la suivante : "Face à leur propre déclin, les États-Unis vont-ils être tentés - sous l'impulsion des lobbies de l'armement - d'intensifier les guerres en cours afin de relancer l'économie ou à l'inverse décideront-ils de réduire le nombre de leurs ennemis en permettant à une politique étrangère réaliste d'opérer un retour ?" :  
 
 
La leçon d'histoire de Thomas Flichy de la Neuville. L'éternel combat entre la banque et le désir d'affirmation nationale :
 
 
 
Jean-Frédéric_Poisson_(cropped).jpgJean-Frédéric Poisson saisi d'hallucinations a cru distinguer l'influence des "lobbies sionistes et de Wall-street" à l'arrière plan de la candidature d'Hillary Clinton. Des propos qui aux États-Unis ne soulèveraient aucun scandale, chacun sachant que madame Clinton a obtenu le soutien des géants de la finance et de l'AIPAC (American Israël Public Affairs Committee) qui se vante partout de son influence sur l'échiquier politique local. Toujours est-il que Poisson a eu droit à une mémorable volée de bois vert de la part de l'ensemble du monde médiatico-politique qui dans un réflexe pavlovien a tout fait pour enterrer ce fâcheux sous des accusations grotesques. Il est vrai que le CRIF (Conseil Représentatif des Institutions juives de France) dont on ne sait s'il lutte contre l'antisémitisme ou s'il s'en nourrit avait donné le top-départ à la curée par un communiqué horrifié où Poisson se voyait assimilé à un vulgaire antisémite colportant l'imaginaire paranoïaque de la conspiration. Dès lors ses six concurrents à la primaire de la droite et du centre, tous commensaux du dîner (de cons) du Crif, ont fustigé ses propos et flétri son antisémitisme. La palme de la bassesse  revenant sans conteste à NKM  la cafteuse qui a immédiatement écrit un libelle de délation (comme durant les années les plus sombres ?) à l'instance chargée de la primaire. Dans sa diatribe elle invoquait l'antisémitisme et les théories du complot afin de révoquer la présence de Poisson au concours de la droite. Elle n'a pas du lire Le lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine de John J. Mearsheimer et Stephen M. Walt publié il y a quelques années par les éditions La découverte bien connues pour diffuser un discours conspirationniste. Philippot a cru devoir rajouter, dans un ultime souci de respectabilité, qu'il y avait "une épidémie de complotisme dans la vie politique française" et que de toute manière "il ne partageait rien avec lui". On ne sait pas si le diligent numéro deux du FN désignait par là les déclarations du même Poisson, l'un des seuls élus de la "droite" qui s'est montré favorable à la fin du cordon sanitaire séparant la droite parlementaire du Front National.
 
Tandis que les médias parlent de "dérapage" pour qualifier les propos d'un homme qui se refusant à la cécité volontaire, appelle un chat un chat, Poisson entreprend une très pénible séquence de rétropédalage, implorant le pardon de ceux qu'il a offensé, et s'aplatissant en justifications oiseuses devant un lobby qui n'existe pas.  Après avoir dénoncé le lobby sioniste (aux E-U) il condamne ensuite l'antisionisme. Comprenne qui pourra.
 
Certes il fait assaut de scrupules mais ne retire rien au fond de ce qu'il a dit. Condamné pour ce qu'il a osé dire publiquement il en maintient la substance selon les règles éprouvées de la casuistique jésuitique. Il s'est pris les pieds dans le tapis mais semble s'en sortir à peu près indemne. Joints en annexe les pièces du dossier rassemblées par Olivier Berruyer (première référence) suivie de l'opinion de Jean Bricmont (seconde référence), et enfin Poisson convoqué au tribunal des médias par le procureur Jean-Michel Aphatie le  Fouquier Tinville (à moins que ce ne soit le Vinchisky) de notre triste époque (troisième référence)  :
 
 
 
 
Slobodan Despot rappelle dans sa chronique du 6 novembre qu'avec l'élection du président américain se joue aussi notre destin d'Européens et dit tout ce qu'il faut savoir sur les turpitudes d'Hillary Clinton. Rappelons que l'abonnement à Antipresse est gratuit :
 
 
Même son de cloche, atténué cependant, chez Natacha Polony qui s'exprimait récemment dans Le Figaro :
 
 
On appreciera mieux les liens de subordination financières d'Hillary Clinton en prenant connaissance de cet article du site suisse Arrêt sur Info qui détaille la liste des grands donateurs de sa campagne c'est à dire principalement les banques puis les grands médias (première référence), enfin l'opinion de Bruno Guigue, ex-haut fonctionnaire des affaires étrangères :
 
 
 
Hillary et Trump font assaut d'obséquiosité vis à vis de l'AIPAC (American Israël Public Affairs Committee) considéré comme un des lobbies les plus puissants des États-Unis selon wikipédia. Une mise au point de Bruno Guigue :
 
 
jean michel vernochet 3.jpgJean-Michel Vernochet interviewé par François Dop au sujet de L'élection présidentielle américaine du 8 novembre. Il met en valeur les liens de subordination de madame Clinton vis à vis du complexe militaro-industriel, de Wall-street, des médias, de l'Arabie saoudite et de l'Aipac (contrairement aux assertions du Crif qui voudrait nous faire prendre les vessies pour des lanternes) et insiste sur le programme  de celle qui se propose d'abonder dans le sens du régime-change en intervenant partout où les États-Unis considéreront que les "droits de l'homme" sont en péril :
 
 
Suivant Frédéric Villaret, de la fondation Polémia, l'élection du 8 novembre prochain aux États-Unis opposerait une candidate mondialiste et impérialiste à son compétiteur localiste.  Exposé convainquant  :
 
 
Pour la lettre d'information Centurie News le choix entre Donald Trump et Hillary Clinton fixe la ligne de fracture entre deux destins devenus irréconciliables pour les États-Unis ; redevenir une nation ou rester le bras armé d'un empire financier transnational :
 
 
Interview de Julian Assange sur RT par John Pilger sur les liens qui unissent Hillary Clinton, l'Arabie Saoudite et Daesh :
 
https://francais.rt.com/international/28446-julian-assang...                                                                                                                                                                                
Jean-Paul Basquiast voit dans l'affrontement Trump/Clinton l'expression d'une profonde scission au sein de l'État profond américain. Deux options stratégique serait ainsi en confrontation dans l'establishment :
 
 
Entretien captivant avec la revue Conflits de Martin Motte, ancien élève de l'école normale supérieure d'Ulm, professeur aux écoles militaire de Saint-Cyr Coëtquidan et à l'École de Guerre.
 
Il s'exprime sur la géopolitique de la mer et envisage différents aspects comme les rapports de force et leurs relations avec la maritimisation et la littoralisation :
 
 
Eric_Zemmour_-_001.jpgDans ses chroniques de RTL Éric Zemmour souligne tout d'abord les cotés paradoxaux du candidat Trump (première référence). Il enregistre dans une autre chronique les zigs-zags et les errements de la politique extérieure française vis à vis de la Russie de Poutine, la sanctionnant puis tentant de se rabibocher avec elle. Dernier exemple en date, l'annulation de la visite que devait effectuer Poutine en France le 19 octobre (seconde référence) puis il aborde la question turque, soulignant que tous ceux qui s'étaient réjouis de la prochaine admission dans l'Union de ce pays au régime "d'islamisme modéré" fustigent aujourd'hui la dérive autoritaire d'Erdogan. Ces éternels gogos ont été floués, assure Zemmour, puisque d'Erdogan s'est servi d'eux pour réduire l'influence de son armée, dernier bastion du kémalisme laïque. Et voici que "le grand calife" veut rétablir la peine de mort, histoire d'en finir une bonne fois pour toutes avec ses adversaires. C'en est trop pour les Européens ! Mais il les tient  par le chantage : qu'il ferme sa frontière et l'Europe respire, qu'il menace de l'ouvrir au flot des "réfugiés" et c'est la panique à bord du Titanic européen. Nous sommes sous l'emprise de sa menace (troisième référence)  :
 
 
 
 
renaudg.jpgRenaud Girard grand reporter au Figaro et bon connaisseur du Proche-Orient déclare dans cet entretien que quand il y a guerre il y a toujours crime de guerre contrairement à une vision naïve de l'histoire. Ceux qui sont les véritables auteurs des tueries de masse sont ceux qui pensent  "que leur idée de la justice, de la démocratie et des droits de l'homme est plus importante que la paix" c'est à dire les néo-conservateurs et leurs émules. Il réhabilite la realpolitik qui dans les actes se montre beaucoup plus conforme aux idéaux de paix. Son raisonnement est nourri de l'exemple emblématique de l'Irak. Le réalisme consiste à négocier avec Bachar dès que l'on a choisi Daech et ses clones comme ennemi principal, car Bachar n'est responsable d'aucun des attentats qui ont frappé la France. Alors qu'Al-Nosra affilié à Al-Qaeda (qui "fait du bon boulot", dixit Fabius) a émis un communiqué après les attentats de novembre 2015 pour féliciter Daech. La France, assure-t-il, a malheureusement complètement disparu du Proche- Orient alors qu'elle avait un rôle très important à jouer. Nous ne sommes même plus invités aux grandes conférences sur la Syrie alors que nous sommes l'ancienne puissance mandataire. Pourquoi ? Notre pays a commis l'erreur de devenir "le caniche des États-Unis" or les caniches n'ont aucune utilité. Un point de vue perspicace prônant pour la région un fédéralisme tempéré, bien éloigné de la rhétorique creuse que partagent tous les médias de grand chemin qui font chez nous la pluie et le beau temps : 
 
 
Philippe Conrad et Bernard Lugan font avec brio une présentation du dernier livre de celui-ci, Histoire de l'Afrique du nord sur Tv-Libertés (à partir de la trentième minute) :
 
Fiasco. Pour Bernard Lugan l'échec de la diplomatie française est total en République Centre Africaine. Les tergiversations (habituelles) de Hollande et la mission sans ordres clairs de nos armées n'a pas permis de rétablir la paix dans ce pays où les massacres continuent de plus belle. En mettant fin à l'opération Sangaris le 30 octobre dernier le pouvoir français met un terme à sa gesticulation humanitaire mais l'on doute que ce constat d'échec soit reconnu et que d'utiles leçons en soient tirées :
 
 
Et pour finir en beauté un extrait d'une émission de débat sur LCPElisabeth Guigou, éminente représentante de la "gauche caviar" et membre de la commission des Affaires Étrangères, se prend claque sur claque au sujet des incohérences de notre "impolitique" au Proche-Orient. Elle y montre toute l'abyssale inculture qui est la sienne face à des hommes qui savent de quoi ils parlent :
 
 

Victor SEGALEN – Un siècle d'écrivain (Documentaire, 1995)

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Victor SEGALEN – Un siècle d'écrivain (Documentaire, 1995)

 

Émission « Un siècle d'écrivains », numéro 47, diffusée sur France 3, le 22 novembre 1995, et réalisée par Olivier Horn.

seg9782253160571-T.jpgMise en ligne par Arthur Yasmine, poète vivant.

Site officiel : http://www.arthuryasmine.com/

Facebook : http://ow.ly/ZRq2X

Tout savoir sur Segalen : https://goo.gl/UOpbHT

D’autres poètes contemporains : http://ow.ly/ONcK302Mhzb

Le reste est dans les plis du voleur : http://ow.ly/Zqubf
Blog de l'Association Segalen : http://associationvictorsegalen6.blog...

 

lundi, 07 novembre 2016

Guillaume Faye - Le laxisme généralisé en France

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Guillaume Faye - Le laxisme généralisé en France

http://www.gfaye.com/

https://www.amazon.fr/Comprendre-lIsl...

00:32 Les attaques sur les policiers et la guerre civile.
07:44 Les professeurs agressés et laxisme d'état.
16:22 Les élections françaises, américaines et la Russie.
22:43 Quelle possibilité pour l'avenir, quelle visibilité ?
31:00 Sur la médiocrité des politiques.

Curzio Malaparte (1898-1957): Une vie, une oeuvre [2012]

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Curzio Malaparte (1898-1957): Une vie, une oeuvre [2012]

http://le-semaphore.blogspot.fr/2015/.... http://le-semaphore.blogspot.fr/2015/.... Le 09 juin 2012, l'émission “Une vie, une oeuvre”, dirigée par Matthieu Garrigou-Lagrange et diffusée tous les samedis sur les ondes de France Culture, évoquait la vie et l'oeuvre de l'écrivain italien, Curzio Malaparte (1898-1957). Photographie : Malaparte en mars 1934, pendant son confinement aux îles Lipari. Par François Caunac - Réalisation : Anne Franchini. De cette vie ouvertement romanesque, faite de bruit et de fureur, subsiste comme une odeur étrange, de soufre, de fer incendié et de putréfaction. Infatigable travailleur et prosateur épique par excellence, Malaparte aura été l’écrivain de la violence dans l’histoire. Sa grande affaire, la guerre, livrée sous la forme d’un triptyque fameux : « Technique du coup d’état », « Kaputt », « la Peau », où il décortique à la pointe sèche, la barbarie sous toutes les coutures.


Grand séducteur et grand solitaire, Malaparte fit de sa vie, une œuvre à part entière. Il conçut une maison à la mesure de sa démesure, minimaliste et sublime, la « Casa come me », sur les hauteurs de Capri ; séjour des dieux où Jean-Luc Godard décida un beau jour de donner rendez-vous à Brigitte Bardot !

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Si Malaparte reste aujourd’hui un incompris, voire un infréquentable, il le doit sans doute à quelques sauts périlleux incontrôlés, entre fascisme et communisme. Engagé très dégagé, Malaparte laisse une œuvre qui ne cesse de proliférer. Hydre inclassable remuant les inédits, les cahiers retrouvés et les nouvelles traductions. Un auteur à suivre !…

Avec:
Maurizio Serra, diplomate
Pierre Pachet, écrivain
Bruno Tessarech, écrivain
Jean Gili, historien du cinéma
Et Karl Lagerfeld (sous réserve).
Archives INA et RAI : voix de Curzio Malaparte (1951-52).

Thèmes : Arts & Spectacles| Littérature Etrangère| Curzio Malaparte

Source : France Culture

dimanche, 06 novembre 2016

World Religion of the Future

World War II was not a struggle between nationalism and globalism. It was a battle between conflicting visions of world order: a deracinating, soulless global marketplace vs. an Indo-European planetary hegemony based on a future pan-Aryan religion. At least, that is how the leader of the Kyoto School saw it.

tomo.jpgDespite his claim that the cultural crisis brought on by worldwide technological advancement could not be solved by a wholesale adoption of Eastern traditions such as Zen Buddhism, Martin Heidegger engaged in many conversations with… Japanese scholars throughout his philosophical career. His first and perhaps most significant encounter with the East took place as early as 1919, eight years before the publication of Being and Time. After having attended Heidegger’s 1918 lectures, one of his Japanese students, Tomonobu Imamichi, introduced Heidegger to the concept of “being in the world.” In The Book of Tea (1906), Tomonobu’s teacher, Okakura Kakuzo had used these words to describe an aspect of Zhuangzi’s spiritual vision.

tea03864558-us-300.jpgThe Book of Tea uses the tea ceremony to explore the wabi-sabi aesthetic experience cultivated in Japanese Zen arts and crafts. The early German translation of The Book of Tea uses the words das-in-der-Welt-sein, which, via Imamichi, found their way into the heart and soul of Heidegger’s 1927 magnum opus. Interestingly, Heidegger’s philosophical career not only begins under Japanese influence, it also ends with it. One of the essays in his last work On the Way to Language is “A Dialogue on Language” between “a Japanese and an inquirer” who remain significantly unnamed

In his “Introduction to Heideggerian Existentialism”, Leo Strauss makes much of Heidegger’s ‘Eastern’ response to the crisis of world-enframing technology in the absence of a genuine global society. Strauss observes that modern technology is forcing the material conditions of a World Society upon us, without a common world culture as its basis. It is the unification of mankind on the basis of the lowest common denominator. This leads to “lonely crowds” suffering from a pervasive sense of alienation and anomie. Furthermore, Strauss recognizes that no genuine culture in the world has ever arisen without a religious basis, without addressing man’s need for something noble and great beyond himself. So the world society, being wrought largely as a consequence of apparently valueless technological forces, is ironically one in need, not merely of a universal ethics, but of one world religion. The world religion must emerge out of the deepest reflection on the crisis of cultural relativism, and on the essence of the technological forces bringing it about:

[Heidegger] called it the “night of the world.” It means indeed, as Marx had predicted, the victory of an ever more completely urbanized, ever more completely technological West over the whole planet – complete leveling and uniformity… unity of the human race on the lowest level, complete emptiness of life… How can there be hope? Fundamentally, because there is something in man which cannot be satisfied by the world society: the desire for the genuine, for the noble, for the great. The desire has expressed itself in man’s ideals, but all previous ideals have proved to be related to societies which were not world societies. The old ideals will not enable man to overcome the power, to weaken the power, of technology. We may also say: a world society can be human only if there is a world culture, a culture genuinely uniting all men. But there never has been a high culture without a religious basis: the world society can be human only if all men are genuinely united by a world religion.

Explicating Heidegger, Strauss explains that in order for it to be possible to overcome technology, which is not at all the same as rejecting it, there must be a sphere of thought or contemplation beyond the rationalism developed by the Greeks and forwarded in Western science and technology. This must be an understanding of the world from behind or beneath the will to mathematize all beings with a view to instrumental manipulation of them on demand (bestand). It must understand the difference between Being and beings, and that Being is no-thing that can be mastered. The to be which is always as present at hand, is taken by Rationalism as the standard of being – that which really is, is always present, available, accessible. Instead, Strauss thinks that: “a more adequate understanding of being is intimated by the assertion that to be means to be elusive or to be a mystery.” Strauss claims that “this is the Eastern understanding of Being” and he adds that: “We can hope beyond technological world society, we can hope for a genuine world society, only if we become capable of learning from the East… Heidegger is the only man who has an inkling of the dimensions of the problem of a world society.”

nishida001-7a112.jpg…The thinkers of the Kyoto School of Philosophy were in favor of the war and have been collectively referred to as the “philosophers of nothingness”. Some of them had a constructive vision of how the Buddhist understanding of the void could complement the techno-scientific thinking of the West in order to bring about a new global civilization. Key figures among them, such as Nishida Kitaro, were students of Heidegger as early as the 1920s, and like Heidegger they saw the world war as the means to bring about a global culture that would ground techno-scientific development in a spirituality transcending insular and traditional values.

Remember that the Indian caste system that Nietzsche so admired, and that was based on regimented and hierarchically stratified class divisions, was a function of the Aryan conquest of the native Dravidian population of India. This origin is reflected in the Sanskrit name for the “caste” of the caste system, varna, which literally means “color” so that it was once a color-coding system. The four classes were: the Brahmins – the Vedic priests or scholars (including those who engaged in various proto-scientific practices); the Kshatriyas – the caste of knightly warriors, including feudal lords as chief amongst them; the Vaishyas – the business class, including both farmers and various types of merchants; and the Shudras – menial laborers, usually involved in undignified or hard labor. Finally, there were also “outcaste untouchables” that were relegated to an inhumanly low status. “Prince” Siddhartha Gotama belonged to the Kshatriya class.

The Buddha was a light-skinned blue eyed Aryan whose father was a feudal lord and who was expected to become a knight. In his late writings, Nishida Kitaro explains how it is that “Indian culture”, from which Japan inherited Buddhism (including the symbol of the swastika that is ubiquitous at Japanese temples) and which shares the Aryan or ‘Indo-European’ ethnic roots of European culture, “has evolved as an opposite pole to modern European culture… and may thereby be able to contribute to a global modern culture from its own vantage point.” What is the “global modern culture” that Nishida envisions?

Well, he certainly views it as having a religious basis and he thinks that the world war during which he is writing is a means to achieving it: “And does not the spirit of modern times seek a religion of infinite compassion rather than that of the Lord of ten thousand hosts? It demands reflection in the spirit of Buddhist compassion. This is the spirit which says that the present world war must be for the sake of negating world wars, for the sake of eternal peace.” In every true religion the divine is an absolute love that embraces its opposite, to the extent of even becoming Satan, and this is the meaning of the concept of upaya or shrewdly bringing to bear “skillful means” in Mahayana Buddhism so that “the miracles” of “this world may be said to be… the Buddha’s expedient means.” This all-embracing character of the divine, as that which encompasses what one would take to be its opposite, “is the basic reason why we are beings who can be compassionate to others and who can experience the compassion of others. Compassion always signifies that opposites are one in the dynamic reciprocity of their own contradictory identity.”

A God who is the Lord (Dominus) in the sense of an ultimately transcendent substance cannot be a truly creative God. Creation ex nihilo would be both arbitrary and superfluous; it must be out of love that God or Buddha creatively manifests the world from out of its own self-negation. Nishida believes that the school of Prajnaparamita thought in Mahayana Buddhism, established by Nagarjuna, has a deeper and more adequate understanding of this than pantheistic Western thinkers of dialectical synthesis, such as the Hegelians, who remain within the realm of reason even in their negative theologies. Nishida nevertheless refers to his ontology of the absolute’s self-expression and transformation as “Trinitarian” and compares it to Neo-Platonic thought.

However, Neo-Platonism and all pagan western thought falls short insofar as it fails to see Satan or “absolute evil” as an aspect of God. He adds: “The absolute God must include absolute negation within himself, and must be the God who descends into ultimate evil. The highest form must be one that transforms the lowest matter into itself. Absolute agape must reach even to the absolutely evil man. This is again the paradox of God: God is hidden even within the heart of the absolutely evil man. A God who merely judges the good and the bad is not truly absolute.” In passages such as these we see that Shunyata (in Sanskrit, Mu in Japanese) is not the Nothing of Descartes at all. Quite to the contrary of serving as an entirely distinct polar opposite of a Perfect Being that would exonerate the latter from being the source of any imperfection, this Nothingness is an inner dynamic tension within Being – as expressed in the spectral incompleteness and interdependent interpenetration of all beings. The battle between God and Nothingness in the heart of man, the “dynamic equilibrium” between “is” and “is not”, may be paradoxical but it is also the existential ‘ground’ of the volitional person. “Radical evil” lies ineradicably at the root of our freedom. We are always already “both satanic and divine.” Nishida claims that the Buddha – or any other conception of divinity – outside of one’s own existential potentiality is not the true Buddha:

Only in this existential experience of religious remorse does the self encounter what Rudolf Otto calls the numinous. Subjectively speaking, the encounter is a deep reflection upon the existential depths of the self itself; and as the Buddhists say, it means to see our essential nature, to see the true self. In Buddhism, this seeing means, not to see Buddha objectively outside, but to see into the bottomless depths of one’s own soul. If we see God externally, it is merely magic. …Illusion is the fountainhead of all evil. Illusion arises when we conceive of the objectified self as the true self. The source of illusion is in seeing the self in terms of object logic. It is for this reason that Mahayana Buddhism says that we are saved through enlightenment. But this enlightenment is generally misunderstood. For it does not mean to see anything objectively… It is rather an ultimate seeing of the bottomless nothingness of the self that is simultaneously a seeing of the fountainhead of sin and evil.

In this Zen injunction to kill any conception of a Buddha outside oneself, Nishida does not deny the cycle of birth and death or samsara as an empirical or phenomenological fact, he simply insists that the truly religious consciousness is one that has recognized the identity of samsara and nirvana. On his terms, and according to the sages of the esoteric Buddhist tradition, nirvana does not mean to attain some state distinct from and after samsara but to recognize that in every moment of the cycle of reincarnation the perfection beyond the impurity of karma is already present. This does not mean that the self “transcends its own historical actuality – it does not transcend its own karma – but rather that it realizes the bottomless bottom of its own karma.”

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This relatively late Mahayanist view is anathema to the teaching of Siddhartha Gotama and the early Indian Buddhism founded on it. According to the Buddha Dharma, just as there are physical, biological, and psychological laws operative in the cosmos, there is also an ethical law. The law of karma is a lawful relationship between one’s actions, including verbal and unspoken mental acts that express one’s volition (cetana), and both the realm within which one is reborn as well as the conditions of life that one experiences within this realm. The ethical quality of one’s volition is supposed to resonate with the qualitative character of a certain realm of existence, and to tune into this realm, as it were, as a consequence of being on the same wavelength. Within these more general parameters what one experiences within a given realm of existence is conditioned by one’s actions both within the present life and in past lives. The fundamental presupposition here is that even if an action or intention does not appear to bear fruit (phala) presently, it reverberates in ways that one may remain unconscious of until it finally yields some tangible results (vipaka) – possibly later in one’s present life, but perhaps not until a future life.

While psychological research in the wake of the coming spectral revolution in Science might validate certain classes of phenomena associated with Buddhism as genuine natural phenomena, it is likely to reveal significant Buddhist misunderstandings of these very same phenomena and to profoundly challenge Buddhist codes of ethics. This is the case with the Reincarnation research of the late Dr. Ian Stevenson… What would disturb Buddhists most about Stevenson’s apparent validation of one of the central tenants of their religion is that the ethical idea of karma is untenable in light of his scientific research into the reality of Reincarnation as a natural phenomenon. What Stevenson found is that a person’s strong psychic impression of localized bodily injury at the time of a violent death or terrible accident, could affect fetal development of the body to be subsequently inhabited by that person to produce a birthmark or birth defect corresponding to the site of injury and even the shape or type of injury. In other words there are many cases of the following type: an innocent person is attacked and has his arm hacked off by a murderer and while the victim is reborn with that arm badly deformed, the murderer not only gets away scot free in his present incarnation, he also does not suffer any apparent ill effects in his subsequent incarnation.

Nirvana is the goal of the path, the aim of the Buddha Dharma. Yet, it is the most obscure element of Gotama’s teachings and, unlike karma, meditation, and the moral disciplines, it is one of the ideas most unique to his understanding of the Dharma as compared to the various pre-Buddhist forms of Sanatana Dharma (aka. ‘Hinduism). It is referred to at times as an element or a state, a state of supreme bliss, and yet it is supposed to be beyond any conditioned state, whether painful or even pleasurable. At times Siddhartha discusses Nirvana as if it were attainable amidst the present life and at other times it seems like a total annihilation that a perfectly enlightened person can pass into upon the disintegration of what will be his final body. What, then, is the difference between this annihilation and the so-called “annihilationism” that is one of the wrong views most destructive of an ethical life? Is the Buddha Dharma, in its original form, essentially a grand doctrine of suicide? Does it opt out of actual suicide because it will not do any good, since the underlying tendencies of the psyche are still active and will reorganize around a new physical aggregate, so that suicide can only be truly successful by unbinding the threads of this psyche – by disintegrating the soul?

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Nirvana means “snuffing out” or “blowing out”, as in putting out a flame or fire. Orthodox Buddhists of the Theravada tradition most directly descended from the teachings of Gotama suggest that the answer to the perplexing question as to who attains Nirvana and where he attains it, namely as to whether a Buddha or arahant exists in Nirvana after death or is annihilated and passes into nothingness, can be simply answered by saying that the perfectly enlightened person simply “goes out” or is “put out.” He was a flame burning with the fire of life, but this fire of ceaseless suffering has been put out. Phew! Can there be a more pessimistic and nihilistic view of life? At least the man who actually commits suicide affirms a life that would be worth living by comparison to his own, which he judges intolerable only as compared to some ideal. He would also be affirming a sense of history wherein the future can be meaningfully different from any past epoch, an understanding of time that warrants a historical struggle – even if not one that he can personally bear to participate in here and now. It is above all in Japan where this early Buddhist nihilism gave way to the world-historical ethos of the fiery forge.

Nishida draws a distinction between physical, biological, and historical life. The teleological irreversibility of time in the course of organic development is key to his distinction between the first two. Whereas the world of biological life forms remains partially spatial and material, in the human world time negates space and the spatialized chronological ‘time’ relevant to inorganic physics. As Nishida puts it: “We can even say that there is no death for a merely biological being. For death entails that a self enter into eternal nothingness. It is because a self enters into eternal nothingness that it is historically irrepeatable, unique, and individual.” Only in the face of this “eternal death” qua nothingness is genuine individuation possible and only the real individual becomes agitated by the religious question. A being who carries out its moral duty for duty’s sake, in other words out of adherence to what Kant frames as the categorical imperative, would have no individuality; religion can have no meaning for such an abstract subject without any concrete will. Groundless nothingness (Shunyata) is the unstable and ghostly horizon of one’s finite existence, and existential awareness of this ultimate and inescapable negation of one’s self is not a merely noetic reflection.

Nishida approvingly attributes to Fyodor Dostoyevsky the “standpoint of freedom” which holds that: “There is nothing at all that determines the self at the very ground of the self.” From the vantage point of his own time, Nishida sees the spirit of Dostoyevsky as the closest point of contact between Japanese spirituality and the West. He admonishes the Japanese for having remained too insular and that the spiritual sense for the ordinary and everyday that Japan shares with Dostoyevsky has hitherto been too superficial. “At this juncture,” he says, “it must come to possess an acute Dostoievskian spirit in an eschatological sense, as the Japanese spirit participating in world history.” Nishida hopes that “in this way” the hybridized Japanese civilization “can become a point of departure for a new global culture.” Nishida sees the way that the Yahweh “folk religion of the Jewish race” evolved into a world religion, and one that served as the basis for a medieval European culture that he clearly admires, as a model for a potential globalizing evolution of Japanese tradition. The “scientific” secularization characteristic of modern Western civilization, wherein “old worlds lose their specific traditions”, is a necessary phase in the formation of “a global humanity.” It is, in a dialectical sense, a negatively determinative moment in “the world’s transformation.” However, it must be recognized that “science is also a form of culture” and that “the world of science may also be said to be religious.” The failure to recognize this has been chiefly responsible for the fact that “such a thing as the decline and fall of the West has been proclaimed.”

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Dostoyevsky diagnosed the causes of this decline perspicaciously in Notes From Underground (1864), which is widely considered the first existentialist novel. It is a response to the situation of the Cartesian ego, which… is sadistically enmeshed in murderous machinery over which he takes himself to have no control. The underground man is crippled by his hyperconsciousness. He is unlike the common man of action insofar as he can trace all effects back to ever receding causes such that, for example, he is incapable of mistaking vengeance for justice, since the would-be target of a retributive act is not ultimately responsible for it. He is also unlike people who are cruel only out of stupidity, because he cannot even stop at the egoistic passions that they take to be primary causes. Under a more intensely rational scrutiny, comprehending these passions also dissolves them as any solid basis for action. The underground man challenges the claim that other materialistic rationalists make, to the effect that a person cannot but act in such a way as is to his advantage.

nishesp.jpgDostoevsky asks us to suppose that we were able to arrive at a formulation of the laws of nature, including biological and psychological laws, so precise that we could calculate, in every case, what a man will do by knowing what is at that moment to his advantage – not as an individual – but as an organism that microcosmically expresses the survivalist egoism of Nature. A man who became aware of this calculation would spitefully do something else, anything else, just to prove that he was not “a piano key” or an “organ pedal” whose thoughts and passions could in principle be encompassed by a formula, tabulated, and predicted according to statistical probability. Dostoevsky equates the sum total of any comprehensive formula for the laws of nature, of the kind that physicists today are still searching for under the rubric of a theory of everything, with “an endlessly recurring zero” because it nullifies meaningful action.

The underground man would act contrary to his advantage, he would humiliatingly sacrifice himself to others, to be beaten and brutalized, to be impoverished through impossible generosity, and in every other way to fail and suffer in life just so as to demonstrate that life “is not simply extracting square roots.” On the one hand, he knows that “two times two makes four”, in other words the laws of nature cannot be changed and so “there is nothing left for you to do or to understand.” On the other hand, he has a painful awareness that “Consciousness… is infinitely superior to two times two makes four.” The underground man decides that “if you stick to consciousness, even though you attain the same result, you can at least flog yourself at times, and that will, at any rate, liven you up. It may be reactionary, but corporal punishment is still better than nothing.”

If “natural science and mathematics” were able to prove to him that even this reaction were predictable in accordance with some “mathematical formula”, he “would purposely go mad in order to be rid of reason” and moreover, he would try to hurl the whole of the world into an abyss of “chaos and darkness and curses.” This is what the underground man is referring to when he admits:

The long and the short of it is, gentlemen, that it is better to do nothing! Better conscious inertia! And so hurrah for underground! …But after all, even now I am lying! I am lying because I know myself as surely as two times two makes four, that it is not at all underground that is better, but something different, quite different, for which I long but which I cannot find! Damn underground!

Nishida is in search of what the underground man could not find as a cure to the mechanistic materialism dominating science under the Cartesian paradigm, but what he believed that Dostoevsky himself did find – albeit in an overly Judeo-Christian form that would benefit from a deconstructive encounter with the abyssal void of Zen.

Consciousness always consists of both an extending out over oneself as one’s world and a determination of oneself by that world, so that ‘subjectivity’ and ‘objectivity’ are abstractions of a creative world-forming process that one can intuit in the abyssal or groundless inner depths of the self prior to the interpretation of it as an ego. Nishida thinks “discovery in the scientific domain exemplifies the same point”, namely “seeing by becoming things and hearing by becoming things.” Nishida goes so far as to proclaim the ontological priority of the religious form of life over both scientific practice and social mores: “Both science and morality have their basis in the religious form of life.” Nishida later repeats this point with respect to scientific practice: “Active intuition is fundamental even for science. Science itself is grounded in the fact that we see by becoming things and hear by becoming things. Active intuition refers to that standpoint which Dogen characterizes as achieving enlightenment ‘by all things advancing.’” According to Nishida, the religious form of life is more fundamental than scientific cognition and the knowledge gained by means of it; the quest for scientific knowledge is a mode of the essentially religious character of our existence:

I hold that even scientific cognition is grounded in this structure of spirituality. Scientific knowledge cannot be grounded in the standpoint of the merely abstract conscious self. As I have said in another place, it rather derives from the standpoint of the embodied self’s own self-awareness. And therefore, as a fundamental fact of human life, the religious form of life is not the exclusive possession of special individuals. The religious mind is present in everyone. One who does not notice this cannot be a philosopher.

Nishida proclaims that, “A new cultural direction has now to be sought. A new mankind must be born… a new global culture.” Although Nishida admits that “the new age must primarily be scientific”, he sees a radicalization of the immanent view of divinity in Dostoyevsky and Russian mysticism in general through an encounter with Japanese Buddhism as playing a key role in defining “the religion of the future.” Yet the Buddhism that contributes to the formation of the religion of the new age, the religion of the global culture, must transcend the racial character of the Japanese: “From the perspective of present-day global history, it will perhaps be Buddhism that contributes to the formation of the new historical age. But if it too is only the conventional Buddhism of bygone days, it will merely be a relic of the past. The universal religions, insofar as they are already crystallized, have distinctive features corresponding to the times and places of the races that formed them.” It is inevitable that our ethos reflects a national character, but “the nation does not save our souls.” A true nation or civilization must be based on a world religion, and not the other way around.

The has been an excerpt from “Kill A Buddha On The Way,” the tenth chapter of Prometheus and Atlas (Arktos, 2016).

Right On Radio: #8 – The Promethean Destiny of Man with Jason Reza Jorjani

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Prometheus and Atlas

In Prometheus & Atlas, Dr. Jorjani endeavors to deconstruct the nihilistic materialism and rootless rationalism of the modern West by showing how it was grounded on a dishonest suppression of the spectral and why it has a parasitic relationship with Abrahamic religious fundamentalism. Rejecting the marginalization of ESP and psychokinesis as “paranormal,” Prometheus & Atlas […]

Price: $36.50

Mondialisme, globalisme, multiculturalisme: analyse en profondeur de trois armes de déconstruction massive

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Mondialisme, globalisme, multiculturalisme: analyse en profondeur de trois armes de déconstruction massive

Dominique Baettig
Médecin, Ancien Conseiller national
Ex: http://www.lesobservateurs.ch

S’il est un ouvrage récent qu’il faut lire, quand on veut s’appuyer sur la « droite des valeurs » et sa juste voie de révolution conservatrice, c’est bien « Le multiculturalisme comme religion politique » du québécois Mathieu Bock-Côté (Editions du Cerf, 2016). Passionnant, convaincant, un travail complet de déconstruction de l’idéologie utopique de la révolution permanente, de « l’adaptation permanente aux exigences de la modernité ». La lutte historique des classes ayant montré ses limites pour faire avancer la Révolution mondiale, les régimes mis en place dans la ligne soviétique ayant furieusement tendance à réactiver des valeurs honnies comme la hiérarchie, le sens de l’Etat, la voie nationale, l’héroïsme de la lutte, l’esprit de sacrifice, la « nouvelle  gauche » soixante-huitarde a franchi une nouvelle étape du démontage vers une société fluide. Atomisée, autoritairement démunie de toute norme, différence, mémoire, enracinement, Etat-Nation, valeur spirituelle, religion, concepts qu’elle appelle « fascisme » par commodité, simplicité  de diabolisation.

Et cette lutte est totale, totalitaire, avec une police vigilante de la pensée qui traque tous ceux qui auraient la velléité de faire référence au Mal absolu et ses stéréotypes : nation, culture, hiérarchie, différence/ complémentarité des sexes, rituels religieux,  existence de Dieu, différence des générations, mémoire historique, souveraineté, démocratie de majorité, bon sens commun. La gauche s’étant ralliée à la Loi du Marché libéral  et à la social-démocratie, alors que la droite économique applique les valeurs hédonistes et de relativisation culturelle, sur fonds de globalisation de l’Economie, il ne reste plus que la surenchère maximaliste de déconstruction des valeurs pour concurrencer la gauche moraliste et la droite du pouvoir économique et financier. On y est. Les partis « libéraux » cèdent complètement sur les valeurs de bon sens pour laisser se déconstruire la cellule familiale, le mariage hétérosexuel, l’identité menacée par les flux migratoires incontrôlables, l’Etat social protecteur qui édicte des règles, des normes, met en place des digues régulatrices pour tempérer la concurrence sauvage et déloyale. Le démontage de la prospérité sociale par imposition de migrants, sur le modèle de l’inclusion (renoncement au principe de la vraie intégration/assimilation),  la judiciarisation de la vie politique avec menaces de faire condamner toute critique. Le conservatisme, critique raisonnable du mythe du progrès permanent est appelé phobie maladive, préjugé, repli frileux sur soi, homophobie, racisme, populisme, machisme, autoritarisme comme l’Ecole de Francfort caractérise la civilisation européenne chrétienne et gréco-romaine.

Ce modèle dominateur n’est pas démocratique, il ne compare pas son projet avec des alternatives, il s’impose comme le Bien, au service d’un « empire humanitaire universel »supérieur, sur le modèle des droits humains, à la démocratie et la gouvernance politique souveraine. Et condamne ses ennemis, les psychiatrise (la personnalité autoritaire, la paranoïa des critiques « complotistes », le pervers narcissique machiste qui ose se défendre contre des accusations), les ringardise, les rééduque comme dans la bonne société soviétique de l’URSS.

L’égalitarisme absolu, la judiciarisation du politique, la gouvernance morale ombrageuse d’en haut, la globalisation de la gouvernance (qui s’appuie sur le mythe du réchauffement climatique alors que l’écologie est une attitude éthique et responsable) est un rouleau compresseur qui s’accélère lorsque la résistance apparaît. Il faut en faire plus, intervenir militairement et humanitairement contre les vestiges autoritaires du passé, condamner plus, activer les flux migratoires, amplifier la stratégie du chaos et de la gouvernance mondiale. Activer la nouvelle démocratie égalitariste diversitaire, la  méfiance de soi, la repentance, la diabolisation du passé et de la mémoire. Ce livre est éclairant et il va jusqu’au noyau de la pensée totalitaire subversive. Il n’y manque que la réponse à la question : dans un monde sans frontières, sans identité, où l’humain est mis à nu, dépossédé de soi, sans valeurs d’enracinement et de vrai respect des différences, apparemment sans hiérarchie visible (tu seras condamné si tu t’opposes ou même ose y penser !) qui est aux commandes et qui  profite de cette machinerie totalitaire ?

Dominique Baettig, médecin, ancien Conseiller national, 3.11.2016

Laurent Obertone à Lyon!

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2ème Forum de la Dissidence

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samedi, 05 novembre 2016

Jean Sévillia: "Pour empêcher que le monde se défasse"

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Jean Sévillia: "Pour empêcher que le monde se défasse"

Jean Sévillia est le rédacteur en chef adjoint du Figaro Magazine. L’écrivain et journaliste est surtout connu pour ses “écrits historiques de combat” parmi lesquels figurent 3 ouvrages indispensables : Historiquement correct, Moralement correct et Le terrorisme intellectuel. Depuis des années, contre la bien-pensance, Jean Sévillia s’efforce de rétablir un certain nombre de vérités que l’histoire officielle se refusait de diffuser. Grâce à un travail inlassable, l’auteur a permis de contrebalancer un passé réécrit où règne le manichéisme et l’anachronisme. Aujourd’hui, les Français peuvent porter un regard différent sur certains événements historiques comme la Révolution française et les guerres de Vendée. Pour Jean Sévillia, qui a été le premier intellectuel à dénoncer le politiquement correct, une véritable “révolution conservatrice” avance à visage découvert en France, malgré des maux qui ont pour nom le relativisme (le “tout à l’égo” raillé par Régis Debray) ou le multiculturalisme. Les Editions Perrin ont eu l’excellente idée de réunir les principaux essais historiques de Jean Sévillia en un seul ouvrage enrichi et réactualisé. Cela donne une somme indispensable pour comprendre que le rôle de Sévillia, pour reprendre une belle formule d’Albert Camus, est “d’empêcher que le monde se défasse”.



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Piero San Giorgio - Captain Fantastic

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Piero San Giorgio - Captain Fantastic

La démocratie vacille

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La démocratie vacille

Caïn Marchenoir
Ex: http://www.lesobservateurs.ch

Lorsqu’un individu reçoit une part de pouvoir lui permettant d’imposer ses vues à autrui, le risque existe qu’il en veuille de plus en plus. Plus il cumule de pouvoirs, plus la probabilité que ceux-ci soient pris sur les libertés de ceux qu’il doit théoriquement aider à évoluer dans l’harmonie est grande. Cette volonté de puissance, si elle dépasse certaines limites, peut tendre vers la dictature, la tyrannie ou même le totalitarisme. Elle peut conduire jusqu’à la suppression pure et simple de la liberté d’exister de certains groupes dans le cas des génocides. L’histoire regorge de cas où, pour satisfaire leur envie de pouvoir, des dirigeants s’en sont pris aux peuples qu’ils devaient servir.

L’idée de la démocratie est apparue, je pense, dès lors que les êtres humains ont compris qu’on ne peut déléguer à autrui le pouvoir de gouverner sans qu’il ne soit tenter d’augmenter massivement ce pouvoir au détriment d’autrui. Il s’agit donc d’une parade pour se prémunir des tentations du pouvoir. Sa finalité ne consiste pas tant à permettre à la majorité de gouverner que de protéger les peuples des excès de ceux qui possèdent le pouvoir.

La démocratie, une question de limites

Chaque démocratie a ainsi développé son propre arsenal d’outils permettant de limiter le pouvoir consenti à ceux qui prennent en main le destin de la communauté.  Afin d’éviter des dérapages durables, elles ont mis sur pied le principe de périodicité des élections. Une personne n’est élue que pour un certain temps et si elle ne correspond pas aux attentes de la population, qu’elle cherche à acquérir trop de pouvoir, alors elle peut être sanctionnée d’un non-renouvellement du mandat. Cette crainte de voir une tyrannie se prolonger dans le temps est si présente qu’un deuxième mécanisme, à savoir celui de la limitation du nombre de mandats consécutifs que peut exercer un individu, s’est développé dans de nombreux pays.

Un deuxième resserrement des possibilités des dirigeants s’est effectué au sujet du type des pouvoirs qu’ils peuvent exercer. On a pris soin de ne plus laisser dans les mêmes mains le législatif, l’exécutif et le judiciaire. Comme d’ailleurs le temporel et le spirituel.

Les textes fondamentaux tels que les constitutions ou la déclaration des droits de l’homme ont quant à eux pour rôle de délimiter clairement les rapports entre les individus et le pouvoir, de protéger une sphère de liberté autour des premiers et de borner les possibilités du second à leur égard. Dans le cas de la Suisse, cette délimitation s’est même doublée d’une capacité offerte à la population d’altérer les décisions et silences de l’autorité ne lui semblant pas convenables par le biais des référendums et initiatives.

La zone physique sur laquelle le pouvoir a le droit de s’exercer est elle aussi définie. Les frontières ont la tâche de permettre aux diverses communautés démocratiques d’établir clairement la limite territoriale qu’elles assignent à leur pouvoir tout comme à celui des pouvoirs voisins. Dans un ordre d’idée similaire, l’intérieur du territoire de notre pays est lui aussi divisé et scindé en échelons communaux, cantonaux et fédéraux.

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La leçon des totalitarismes

Promouvoir une culture démocratique consiste donc à se protéger des dérives des régnants en restreignant au maximum l’exercice de leurs prérogatives et fixant un espace de liberté dans lequel chacun doit être au maximum préserver de leur intrusion.

Bien entendu, les régnants ne voient pas toujours d’un bon œil les bornes qui leur sont imposées. Surtout si leur soif de pouvoir est grande.  Ils peuvent donc tenter de repousser les limites. Cela peut être conscient comme inconscient. Les pires de tous ont même réussi à s’affranchir d’à peu près toutes les restrictions. Ils sont à l’origine des régimes totalitaires dont la spécificité a été justement de ne plus laisser une bribe de libertés aux individus.

Comme la force ne suffit pas et que les hommes n’admettent que difficilement de se soumettre corps et âme à autrui, il leur a fallu ruser. Ils y sont arrivés par le biais d’une astuce, à savoir camoufler leur irrépressible envie de domination derrière la promotion d’idéaux, la défense de grandes valeurs. Ce n’est qu’à cette condition-là qu’il leur fut possible de convaincre leur peuple de baisser plus ou moins totalement la garde. Les soviétiques ont mis des foules entières à leurs pieds en se servant d’un prétexte égalitaire alors que les nazis, eux, se sont appuyé sur la défense de valeurs plus traditionnelles. L’inadéquation totale des règnes des uns comme des autres avec ce qu’ils prônaient doit nous servir de leçon et nous faire comprendre que la défense de grands principes peut n’être que poudre aux yeux en vue d’acquérir un pouvoir plus grand.

Cet apprentissage est d’autant plus impératif que nous vivons une curieuse et inquiétante période dans laquelle les gardes fous mis sur pied par les authentiques démocrates sont mis à rude épreuve.  Il n’est point ici question de la Syrie ou d’une autre terre lointaine mais bien de notre chère Helvétie. Tout comme de nos proches voisins. En y regardant de plus près, sans se laisser berner par le discours sur les valeurs, un constat s’impose : les protections mises sur pied pour protéger les faibles des puissants reculent. Et cet effacement se fait bien souvent sous couvert de défendre des valeurs supérieures.

Une séparation des pouvoirs qui commence à devenir floue

S’il ne semble pas y avoir actuellement d’assaut mené contre la périodicité des élections, en revanche on a pu voir dernièrement certaines individualités (Anne Catherine Lyon par exemple) tenter de s’opposer à la limitation des mandats auxquels ils avaient droit. Pour le moment, le principe semble toutefois tenir la route. Mais il n’est pas certain que cela dure éternellement.

La séparation des pouvoirs est un des principes clés de la démocratie. Pourtant, les frontières entre les uns et les autres ne sont pas toujours aussi nettes que l’on pourrait croire. Et cette distinction a même tendance à devenir de plus en plus incertaine. La croissance de l’administration fédérale a engendré une situation dans laquelle son poids est de plus en plus important en matière d’impulsions législatives. Toujours plus nombreuses sont les lois proposées par l’exécutif et ses services. Une prérogative qui devrait pourtant plus ressortir du domaine du législatif. Mais ceci reste encore dans des limites acceptables.

Plus contestable est la situation au niveau européen. On ne le dit pas assez, mais la Commission Européenne, sorte d’exécutif continental, est titulaire d’un monopole en matière d’initiative législative. Ce qui signifie que le parlement européen ne propose aucune loi. Il peut s’opposer, voir amender les différents textes, mais la seule instance capable de créer des lois est l’exécutif. La séparation de ces deux pouvoirs n’existe donc pas au niveau européen. Et, par ricochet, comme les accords entre la Suisse et l’Union européenne sont de plus en plus contraignants et nombreux, notre parlement se voit dans l’obligation d’avaliser toute une série de décisions ne provenant plus de notre pôle législatif mais bien d’un exécutif hors sol !

Les textes fondamentaux vacillent et sont retournés contre ceux qu’ils doivent protéger !

Plus nette encore est l’évolution des textes fondamentaux ces dernières années. Initialement des garde-fous pour empêcher le pouvoir d’abuser de ses prérogatives, ils sont aujourd’hui utilisés pour mettre au pas les peuples récalcitrants ! Grâce au prétexte-étendard de la lutte contre les diverses discriminations, les droits de l’homme sont instrumentalisés pour mener la chasse à ceux qui s’opposent à certaines évolutions sociétales contestables voulue par le pouvoir. Et ce alors que leur rôle initial consiste, au contraire, à protéger ces mêmes individus des incursions du pouvoir dans leur sphère de liberté (d’expression notamment).

Notre constitution nationale est également sévèrement bafouée. Ses dernières évolutions (datant du 9 février 2014) ne sont tout simplement pas respectées. Certains vont jusqu’à vouloir la mettre en conformité avec ce que décident parlement et gouvernement (bilatérales notamment) ! Dans n’importe quel état de droit, c’est l’inverse qui prévaut : ce sont les lois qui doivent être en conformité avec la loi fondamentale et pas le contraire ! Entre de vulgaires accords commerciaux et un texte fondamental, aucun réel démocrate ne tergiverse ! Mais nous, nous en sommes à un point où le gouvernement se permet même de signer de nouveaux accords internationaux (traité de libre circulation avec la Croatie) alors qu’ils sont interdits par la constitution.

schtrouph.jpgCertains (par exemple, Robert Cramer) tentent de justifier cela en prétextant que nous vivons une situation un peu particulière et que c’est dans l’urgence que le pouvoir doit agir en attendant de pouvoir modifier la constitution (RASA et son/ses éventuel(s) contre-projet(s)). Pour ceux qui préfèrent que les choses soient dites concrètement, cela signifie que nous vivons un moment dans lequel une partie de la constitution est suspendue, que nos autorités disposent d’une situation de plein pouvoirs en la matière. Cela porte un nom : « dictature » même si personne n’ose le dire clairement.

Cette opposition radicale à la constitution constitue également une réduction massive du pouvoir imparti à la population de s’opposer aux (non) décisions du pouvoir et signifie que peu importe ce que celle-ci désire, le pouvoir décide en définitive. Cette tendance va s’accentuant ces dernières années puisque des propositions concrètes de réduction du droit d’initiative populaire sont apparue dans la sphère publique. Soit en augmentant le niveau d’exigences à remplir soit par un contrôle préalable de leur applicabilité par les instances de pouvoir. Ici aussi, les droits de l’homme sont brandis pour faire taire les populations qui ne veulent pas du modèle que leur propose le pouvoir. Et ce alors que, répétons-le, les droits fondamentaux sont en principe une protection pour les populations contre l’arbitraire des régnants !

Les bornes physiques

Les bornes physiques ne sont pas non plus épargnées. Tant au niveau communal qu’au niveau cantonal, une tendance à la fusion a fait son apparition. Et qui dit fusion dit 1) augmentation du pouvoir de ceux qui dirigent la nouvelle entité 2) diminution de la multiplicité des pouvoirs. Le plus étrange dans tout cela est vraisemblablement l’argument selon lequel il faut agir ainsi parce que le monde se complexifie. Or, en faisant de la sorte, la complexité de la situation à gérer augmente encore plus. Tout raisonnement sain voudrait, au contraire, que si complexification il y a, alors une simplification de la quantité des affaires à gérer par un même pouvoir s’impose !

L’effacement des frontières avance encore plus nettement. Ceux qui ne se satisfont pas de leur pouvoir martèlent un discours agressif basé sur des valeurs d’ouverture et autre tolérance afin de camoufler leurs réelles intentions. Etre réaliste à ce propos consiste à passer outre ce qui est dit et constater que ce décloisonnement induit une augmentation massive de la zone (du Portugal jusqu'au fin fond de la Grèce) où s’exerce un pouvoir unique. Lorsque la Suisse accepte de céder ses prérogatives en matière de gestion migratoire ou des frontières, c’est l’étendue du pouvoir de l’UE qu’elle augmente. Un pouvoir de plus en plus absolu, de moins en moins borné. Dans le même temps, c’est le nombre d’individus soumis à sa propre influence que le pouvoir suisse accroit. Avec les ressources qui vont avec. Il s’agit donc d’un échange Win Win entre deux entités en recherche d’un pouvoir plus grand. Cela l’est d’autant plus que le séant de nos dirigeants semble irrésistiblement attiré par la douceur des fauteuils bruxellois.

Un petit mot sur l’islam

Ce rapide et inquiétant tour d’horizon de la situation de la démocratie suisse ne serait pas complet sans dire quelques mots au sujet de l’islam. Il s’agit là d’une religion dont la philosophie est totalement inverse à celle de la démocratie ici même décrite. L’islam a pour ambition de réunir la planète entière sous sa bannière. Un étendard qui n’admet aucune distinction entre pouvoir spirituel et temporel. De manière générale, il n’y a point de limitation démocratique à avoir pour les disciples d’Allah puisque le Coran a pour ambition de régler l’ensemble de nos existences.

Dès lors que cette grille d’analyse est adoptée, l’islamophilie radicale de nos dirigeants s’éclaire et devient limpide.  L’islam est l’allié idéal de quiconque cherche un pouvoir absolu et sans aucune limite puisque son ADN est de la même nature. A la nuance près qu’au final il ne pourra rester qu’un dominant : l’islam ou nos zélites. Celles-ci sont si prétentieuses et imbues d’elles-mêmes qu’elles ne voient pas ce qui se profile à l’horizon…

Pour lesObservateurs.ch, Cain Marchenoir, le 3 novembre 2016

L'idée choc étudiée en Islande: et si on retirait aux banques la capacité de créer de la monnaie?

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L'idée choc étudiée en Islande: et si on retirait aux banques la capacité de créer de la monnaie?

Auteur : Romaric Godin

Ex: http://zejournal.mobi

Un rapport parlementaire islandais suggère de donner à la seule banque centrale le monopole de la création monétaire. Une vraie révolution, si l'idée était appliquée...

Décidément, l'Islande est le pays de la créativité financière. Après avoir montré, en 2009, qu'il existait bien une alternative au transfert de la dette bancaire vers la dette publique, l'île nordique pourrait s'apprêter à réaliser une grande expérience monétaire.

Le 31 mars dernier, en effet, le président du comité des affaires économiques de l'Althingi, le parlement islandais, Frosti Sigurdjonsson, a remis un rapport au premier ministre, Sigmundur Gunnlaugsson, sur la réforme du système monétaire islandais. Et c'est une véritable révolution qu'il propose.

L'absence de maîtrise de la banque centrale sur le système monétaire

Le rapport cherche en effet à réduire le risque de bulles et de crises dans le pays. En 2009, l'Islande a connu une crise très aiguë qui a fait suite à une explosion du crédit alimenté par un système bancaire devenu beaucoup trop généreux dans ses prêts et beaucoup trop inconscient dans sa gestion des risques.

Ni l'Etat, ni la Banque centrale islandaise (Sedlabanki) n'ont pu stopper cette frénésie. « Entre 2003 et 2006, rappelle Frosti Sigurdjonsson, la Sedlabanki a relevé son taux d'intérêt et mis en garde contre une surchauffe, ce qui n'a pas empêché les banques d'accroître encore la masse monétaire ».

Comment fonctionne le système actuel

Dans le système actuel, ce sont en effet les banques commerciales qui créent l'essentiel de la masse monétaire, en accordant des prêts à discrétion. La banque centrale ne peut que tenter de décourager ou d'encourager, par le mouvement des taux ou par des mesures non conventionnelles, cette création. Mais la transmission de la politique monétaire aux banques n'est jamais une garantie.

Malgré la hausse des taux de la Sedlabanki, la confiance et l'euphorie qui régnait en Islande au début des années 2000 a soutenu le processus de création monétaire. Lorsque la demande existe, rien ne peut empêcher les banques de prêter. Lorsqu'elle disparaît, rien ne peut les contraindre à le faire. Et souvent, ces mouvements sont excessifs, ce qui créé des déséquilibres, puis des corrections par des crises où l'Etat doit souvent venir au secours des banques. Et lorsqu'il faut faire repartir l'activité, les banques centrales ont souvent des difficultés à être entendue.

Le cas de la zone euro en est une preuve. Il a fallu que la BCE use de moyens immenses, l'annonce d'un QE de 1.140 milliards d'euros, pour que le crédit commence à se redresser dans la zone euro et encore, de façon fort limitée pour l'instant.

Une idée ancienne

D'où cette idée centrale du rapport de Frosti Sigurdjonsson : ôter aux banques le pouvoir de création monétaire. Comme le souligne l'ancien président de l'autorité financière britannique, Aldair Turner, qui préface le rapport, « la création monétaire est une matière trop importante pour être laissée aux banquiers ».

Cette idée n'est, en réalité, pas neuve. Après la crise de 1929, des économistes étatsuniens avaient proposé en 1933 le « plan de Chicago » qui proposait d'abolir la capacité des banques à créer par elle-même de la monnaie. Il avait eu un grand succès, mais pas de traduction concrète véritable.

En 1939, l'économiste Irving Fischer, un de ceux qui avaient examiné de plus près la crise de 1929, avait proposé de transférer le monopole de la création monétaire à la banque centrale. James Tobin, Milton Friedman et d'autres ont également réfléchi sur ce sujet. Mais la proposition islandaise, que Frosti Sigurdjonsson présente comme « une base de discussion » pour le pays, est la première proposition de passage à un autre système qu'il appelle le « système monétaire souverain ».

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Décider de la création monétaire dans l'intérêt de l'économie

Quel est-il ? Le rapport indique que l'Islande « étant un Etat souverain avec une monnaie indépendante est libre de réformer son système monétaire actuel, qui est instable et de mettre en place un système monétaire de meilleure qualité ». Dans ce système, seule la Banque centrale aura le monopole de la création monétaire, aucune couronne ne pourra circuler si elle n'a pas été émise par la Sedlabanki à l'origine.

Cette dernière pourra donc faire évoluer la masse monétaire en fonction de ses objectifs « dans l'intérêt de l'économie et de toute la société ». Frosti Sigurdjonsson propose qu'un « comité indépendant du gouvernement prenne des décisions sur la politique monétaire de façon transparente ».

La Banque centrale créera de la monnaie en accordant des prêts aux banques commerciales pour qu'elles prêtent ensuite des sommes équivalentes aux entreprises et aux particuliers, mais aussi en finançant des augmentations de dépenses publiques ou des exemptions d'impôts, ou encore par le rachat de dettes publiques. Pour empêcher la création monétaire par le système bancaire, deux types de comptes auprès de la banque centrale seront créés.

Comptes de transactions et d'investissements

Les premiers seront les « comptes de transactions ». Ces comptes représenteront les dépôts des particuliers et des entreprises. Les banques commerciales administreront ces comptes, mais ne pourront pas en modifier les montants. L'argent déposé sur ses comptes ne rapportera pas d'intérêt, mais sera garantie en totalité par la banque centrale.

Un deuxième type de comptes, les « comptes d'investissements », sera créé en parallèle. Les agents économiques pourront transférer des fonds des comptes de transaction vers les comptes d'investissements. L'argent placé sur ses comptes seront investis par les banques et seront bloqués durant une période déterminée.

Les banques pourront alors proposer à ceux qui placent leur argent dans ces fonds différents types de produits, notamment des produits risqués à haut rendement. Il s'agit concrètement de séparer autant qu'il est possible l'argent du crédit. Le risque lié au crédit ne disparaît pas, mais il est limité par l'obligation de ne prêter que l'argent déposé sur ces comptes d'investissements.

Plus de Bank Runs

Pour Frosti Sigurdjonsson, ce système permettra une gestion plus réaliste de la masse monétaire non plus dans l'intérêt des agents privés, mais dans celui de la collectivité. La garantie sur les dépôts permettra d'éviter une course aux guichets (Bank Run), sans réduire, du reste, la responsabilité de ceux qui auraient investi dans des produits à risque.

Avec ce système, une séparation bancaire entre banque d'investissement et banque de dépôts n'est pas nécessaire, puisque l'activité de banque de dépôts sera garantie par la banque centrale. Du reste, la garantie implicite de l'Etat dont bénéficient les grandes banques disparaîtra d'elle-même.

armoiries_ISLANDE (2).gifGérer la transition

Pour la transition, Frosti Sigurdjonsson propose de transférer les dépôts détenus dans les banques commerciales vers les comptes de transaction. Ce transfert se fera par l'émission d'une créance sur les banques qui sera détenue par la Sedlabanki et qui sera payée sur plusieurs années par les banques.

Ce « passif de conversion » s'élèverait à 450 milliards de couronnes islandaises, soit 3,05 milliards d'euros. Cet argent issu des banques commerciales sera donc progressivement remplacé par de l'argent issue de la banque centrale. Dans cette phase de transition, les sommes versées par les banques pourraient servir soit à réduire la dette publique, soit à réduire, si besoin, la masse monétaire, par l'annulation d'une partie des fonds versés.

Les problèmes posés

Cette proposition ne règlera certes pas tous les problèmes. Certes, les prêts seront sans doute moins importants et la croissance de l'économie sans doute moins forte. Mais le projet est d'avoir une économie plus stable et, sur le long terme, tout aussi performante. Plutôt que de voir l'économie croître de 5 % par an, puis de corriger de 3 % ; on pourrait avoir une croissance stable de 2 % par an sans à-coup...

L'indépendance du comité de la Banque centrale sera très hypothétique, car l'Etat sera une courroie naturelle de la création monétaire et un risque d'excès n'est pas, ici, à exclure, même si l'Etat peut aussi bien prétendre représenter l'intérêt général que ce comité indépendant.

Mais une ambiguïté peut ici être problématique. Les liens avec les autres systèmes monétaires classiques pour une petite économie comme l'Islande sont encore à explorer. Matthew Klein, dans le Financial Times, a souligné également que ce nouveau système ne réduit pas le risque de financement d'investissements à long terme par des investissements à court terme qui avait été à l'origine de la crise de 2007-2008.

Enfin, il ne s'agit là que d'une proposition. Le premier ministre a bien accueilli le rapport. Mais ira-t-il jusqu'à lancer un tel chambardement de grand ampleur ? Les Islandais seront-ils prêts à franchir le pas ? La discussion est, du moins, lancée.

Lire (en anglais) le rapport du parlement islandais ici.


- Source : La Tribune

vendredi, 04 novembre 2016

Soft power, hard power et smart power: le pouvoir selon Joseph Nye

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Soft power, hard power et smart power: le pouvoir selon Joseph Nye

Recension:
The Future of Power
Éditeur : PublicAffairs
320 pages / 12,97 € sur
 
Résumé : Avec ce nouvel ouvrage, l'internationaliste américain poursuit sa réflexion sur la notion du pouvoir étatique au XXIe siècle. Après avoir défini le soft et le smart power , comment Joseph Nye voit-il le futur du pouvoir ?
 
Ex: http://www.nonfiction.fr

Nye.jpgEn Relations Internationales, rien n'exprime mieux le succès d'une théorie que sa reprise par la sphère politique. Au XXIe siècle, seuls deux exemples ont atteint cet état : le choc des civilisations de Samuel Huntington et le soft power de Joseph Nye. Deux théories américaines, reprises par des administrations américaines. Deux théories qui, de même, ont d'abord été commentées dans les cercles internationalistes, avant de s'ouvrir aux sphères politiques et médiatiques.

Le soft power comme réponse au déclinisme

Joseph Nye, sous-secrétaire d'Etat sous l'administration Carter, puis secrétaire adjoint à la Défense sous celle de Bill Clinton, avance la notion de soft power dès 1990 dans son ouvrage Bound to Lead. Depuis, il ne cesse de l'affiner, en particulier en 2004 avec Soft Power: The Means to Success in World Politics. Initialement, le soft power, tel que pensé par Nye, est une réponse à l'historien britannique Paul Kennedy qui, en 1987, avance que le déclin américain est inéluctable . Pour Nye, la thèse de Kennedy est erronée ne serait-ce que pour une raison conceptuelle : le pouvoir, en cette fin du XXe siècle, a muté. Et il ne peut être analysé de la même manière aujourd'hui qu'en 1500, date choisie par Robert Kennedy comme point de départ de sa réflexion. En forçant le trait, on pourrait dire que l'Etat qui aligne le plus de divisions blindées ou de têtes nucléaires n'est pas forcément le plus puissant. Aucun déclin donc pour le penseur américain, mais plus simplement un changement de paradigme.

Ce basculement de la notion de puissance est rendu possible grâce au concept même de soft power. Le soft, par définition, s'oppose au hard, la force coercitive, militaire le plus généralement, mais aussi économique, qui comprend la détention de ressources naturelles. Le soft, lui, ne se mesure ni en « carottes » ni en « bâtons », pour reprendre une image chère à l'auteur. Stricto sensu, le soft power est la capacité d'un Etat à obtenir ce qu'il souhaite de la part d'un autre Etat sans que celui-ci n'en soit même conscient (« Co-opt people rather than coerce them » ).

Time to get smart ?

Face aux (très nombreuses) critiques, en particulier sur l'efficacité concrète du soft power, mais aussi sur son évaluation, Joseph Nye va faire le choix d'introduire un nouveau concept : le smart power. La puissance étatique ne peut être que soft ou que hard. Théoriquement, un Etat au soft power développé sans capacité de se défendre militairement au besoin ne peut être considéré comme puissant. Tout au plus influent, et encore dans des limites évidentes. A l'inverse, un Etat au hard power important pourra réussir des opérations militaires, éviter certains conflits ou imposer ses vues sur la scène internationales pour un temps, mais aura du mal à capitaliser politiquement sur ces « victoires ». L'idéal selon Nye ? Assez logiquement, un (savant) mélange de soft et de hard. Du pouvoir « intelligent » : le smart power.

Avec son dernier ouvrage, The Future of Power, Joseph Nye ne révolutionne pas sa réflexion sur le pouvoir. On pourrait même dire qu'il se contente de la récapituler et de se livrer à un (intéressant) exercice de prospective... Dans une première partie, il exprime longuement sa vision du pouvoir dans les relations internationales (chapitre 1) et s'attache ensuite à différencier pouvoir militaire (chapitre 2), économique (chapitre 3) et, bien sûr, soft power (chapitre 4). La seconde partie de l'ouvrage porte quant à elle sur le futur du pouvoir (chapitre 5), en particulier à l'aune du « cyber » (internet, cyber war et cyber attaques étatiques ou provenant de la société civile, etc.). Dans son 6e chapitre, Joseph Nye en revient, une fois encore, à la question, obsédante, du déclin américain. La littérature qu'il a déjà rédigée sur le sujet ne lui semblant sûrement pas suffisante, Joseph Nye reprend donc son bâton de pèlerin pour nous expliquer que non, décidément, les Etats-Unis sont loin d'être en déclin.

Vers la fin des hégémonies

Et il n'y va pas par quatre chemins : la fin de l'hégémonie américaine ne signifie en rien l'abrupte déclin de cette grande puissance qui s'affaisserait sous propre poids, voire même chuterait brutalement. La fin de l'hégémonie des Etats-Unis est tout simplement celle du principe hégémonique, même s'il reste mal défini. Il n'y aura plus de Rome, c'est un fait. Cette disparation de ce principe structurant des relations internationales est la conséquence de la revitalisation de la sphère internationale qui a fait émerger de nouveaux pôles de puissance concurrents des Etats-Unis. De puissants Etats commencent désormais à faire entendre leur voix sur la scène mondiale, à l'image du Brésil, du Nigeria ou encore de la Corée du sud, quand d'autres continuent leur marche forcée vers la puissance comme la Chine, le Japon et l'Inde. Malgré cette multipolarité, le statut prééminent des Etats-Unis n'est pas en danger. Pour Joseph Nye, un déclassement sur l'échiquier n'est même pas une possibilité envisageable et les différentes théories du déclin américain nous apprendraient davantage sur la psychologie collective que sur des faits tangibles à venir. « Un brin de pessimisme est simplement très américain » ) ose même ironiser l'auteur.

Même la Chine ne semble pas, selon lui, en mesure d'inquiéter réellement les Etats-Unis. L'Empire du milieu ne s'édifiera pas en puissance hégémonique, à l'instar des immenses empires des siècles passés. Selon lui, la raison principale en est la compétition asiatique interne, principalement avec le Japon. Ainsi, « une Asie unie n'est pas un challenger plausible pour détrôner les Etats-Unis » affirme-t-il ). Les intérêts chinois et japonais, s'ils se recoupent finalement entre les ennemis intimes, ne dépasseront pas les antagonismes historiques entre les deux pays et la Chine ne pourra projeter l'intégralité de sa puissance sur le Pacifique, laissant ainsi une marge de manœuvre aux Etats-Unis. Cette réflexion ne prend cependant pas en compte la dimension involontaire d'une union, par exemple culturelle à travers les cycles d'influence mis en place par la culture mondialisée . Enfin, la Chine devra composer avec d'autres puissances galopantes, telle l'Inde. Et tous ces facteurs ne permettront pas à la Chine, selon Joseph Nye, d'assurer une transition hégémonique à son profit. Elle défiera les Etats-Unis sur le Pacifique, mais ne pourra prétendre porter l'opposition sur la scène internationale.

De la stratégie de puissance au XXIe siècle

Si la fin des alternances hégémoniques, et tout simplement de l'hégémonie, devrait s'affirmer comme une constante nouvelle des relations internationales, le XXIe siècle ne modifiera pas complètement la donne en termes des ressources et formes de la puissance. La fin du XXe siècle a déjà montré la pluralité de ses formes, comme avec le développement considérable du soft power via la culture mondialisée, et les ressources, exceptées énergétiques, sont pour la plupart connues. Désormais, une grande puissance sera de plus en plus définie comme telle par la bonne utilisation, et non la simple possession, de ses ressources et vecteurs d'influence. En effet, « trop de puissance, en termes de ressources, peut être une malédiction plus qu'un bénéfice, si cela mène à une confiance excessive et des stratégies inappropriées de conversion de la puissance » ).

softpoweer14DUBNWQEL.jpgDe là naît la nécessité pour les Etats, et principalement les Etats-Unis, de définir une véritable stratégie de puissance, de smart power. En effet, un Etat ne doit pas faire le choix d'une puissance, mais celui de la puissance dans sa globalité, sous tous ses aspects et englobant l'intégralité de ses vecteurs. Ce choix de maîtriser sa puissance n'exclue pas le recours aux autres nations. L'heure est à la coopération, voire à la copétition, et non plus au raid solitaire sur la sphère internationale. Même les Etats-Unis ne pourront plus projeter pleinement leur puissance sans maîtriser les organisations internationales et régionales, ni même sans recourir aux alliances bilatérales ou multilatérales. Ils sont voués à montrer l'exemple en assurant l'articulation politique de la multipolarité. Pour ce faire, les Etats-Unis devront aller de l'avant en conservant une cohésion nationale, malgré les déboires de la guerre en Irak, et en améliorant le niveau de vie de leur population, notamment par la réduction de la mortalité infantile. Cohésion et niveau de vie sont respectivement vus par l'auteur comme les garants d'un hard et d'un soft power durables. A contrario, l'immigration, décriée par différents observateurs comme une faiblesse américaine, serait une chance pour l'auteur car elle est permettrait à la fois une mixité culturelle et la propagation de l'american dream auprès des populations démunies du monde entier.

En face, la Chine, malgré sa forte population, n'a pas la chance d'avoir de multiples cultures qui s'influencent les unes les autres pour soutenir son influence culturelle. Le soft power américain, lui, a une capacité de renouvellement inhérente à l'immigration de populations, tout en s'appuyant sur « [des] valeurs [qui] sont une part intrinsèque de la politique étrangère américaine »(« values are an intrinsic part of American foreign policy » (p.218))). Ces valeurs serviront notamment à convaincre les « Musulmans mondialisés »  de se ranger du côté de la démocratie, plutôt que d'Etats islamistes. De même, malgré les crises économiques et les ralentissements, l'économie américaine, si elle ne sert pas de modèle, devra rester stable au niveau de sa production, de l'essor de l'esprit d'entreprise et surtout améliorer la redistribution des richesses sur le territoire. Ces enjeux amèneront « les Etats-Unis [à]redécouvrir comment être une puissance intelligente » ).

Le futur du pouvoir selon Joseph Nye

L'ouvrage de Joseph Nye, s'il apporte des éléments nouveaux dans la définition contemporaine de la puissance, permet également d'entrevoir le point de vue d'un Américain - et pas n'importe lequel... - sur le futur des relations internationales. L'auteur a conscience que « le XXIe siècle débute avec une distribution très inégale [et bien évidemment favorable aux Etats-Unis] des ressources de la puissance » ). Pour autant, il se montre critique envers la volonté permanente de contrôle du géant américain. Certes, les forces armées et l'économie restent une nécessité pour la projection du hard power, mais l'époque est à l'influence. Et cette influence, si elle est en partie culturelle, s'avère être aussi politique et multilatérale. Le soft power prend du temps dans sa mise-en-œuvre, notamment lorsqu'il touche aux valeurs politiques, telle la démocratie. Ce temps long est gage de réussite, pour Joseph Nye, à l'inverse des tentatives d'imposition par Georges Bush Junior, qui n'avait pas compris que « les nobles causes peuvent avoir de terribles conséquences » ).

Dans cette quête pour la démocratisation et le partage des valeurs américaines, la coopération interétatique jouera un rôle central. Pour lui, les Etats-Unis sont non seulement un acteur majeur, mais ont surtout une responsabilité directe dans le développement du monde. La puissance doit, en effet, permettre de lutter pour ses intérêts, tout en relevant les grands défis du XXIe siècle communs à tous, comme la gestion de l'Islam politique et la prévention des catastrophes économiques, sanitaires et écologiques. Les Etats-Unis vont ainsi demeurer le coeur du système international et, Joseph Nye d'ajouter, « penser la transition de puissance au XXIe siècle comme la conséquence d'un déclin des Etats-unis est inexact et trompeur [...] L'Amérique n'est pas en absolu déclin, et est vouée à rester plus puissant que n'importe quel autre Etat dans les décennies à venir » ).

Comment dès lors résumer le futur des relations internationales selon Joseph Nye ? Les Etats-Unis ne déclineront pas, la Chine ne les dépassera pas, des Etats s'affirmeront sur la scène mondiale et le XXIe siècle apportera son lot d'enjeux sans pour autant mettre à mal le statut central des Etats-Unis dans la coopération internationale. Dès lors, à en croire l'auteur, le futur de la puissance ne serait-il pas déjà derrière nous ?

 
Théo CORBUCCI, Pierre-William FREGONESE

Une histoire de la NSA par Claude Delesse

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Une histoire de la NSA par Claude Delesse

L’auteure qui enseignait à la BEM Management School Bordeaux, est une spécialiste des sciences de l’information et de la communication. Elle a déjà exploré le sujet en étudiant le système Echelon (1). Une histoire de la NSA des origines à nos jours comble un vide car il y a bien peu d’écrits en langue française. L’analyse, dense de la richesse de la documentation basée sur des sources ouvertes, occupe la majeure partie du livre, une autre étant consacrée aux notes et aux annexes.

nsa-delesse.jpgL’étude replace toujours l’action de l’agence dans le contexte historique tant international qu’étatsunien avec, en creux, une critique de la politique hégémonique des Etats-Unis. Comme elle l’avait fait dans son livre précédent avec Echelon (2) , l’auteure se penche sur les stratégies de domination technologique et informationnelle de la NSA et montre sans détour combien la maîtrise de l’information est un enjeu fondamental de suprématie pour des Etats-Unis de plus en plus concurrencés en tant que puissance mondiale. Et au XXIe siècle, l’enjeu est de garder la main dans le nouveau champ qu’est le cyberespace. La guerre globale contre le terrorisme au nom de la défense des valeurs démocratiques et de la sécurité des Etats-Unis n’est alors qu’un prétexte à maintenir un leadership mondial de plus en plus contesté. Détentrice du pouvoir de renseigner, la NSA constitue l’un des instruments de la puissance américaine et de la sauvegarde d’intérêts de plus en plus menacés.

L’analyse est méthodique et comprend quatre parties. La première rappelle quels furent les précurseurs de ce service de renseignement tourné vers les écoutes électromagnétiques. La NSA fut créée en 1952 afin d’intercepter, de collecter par les moyens clandestins et de déchiffrer les transmissions étrangères d’origine électromagnétique. La mission consiste à pénétrer le renseignement des signaux, le SigInt pour les Signals Intelligence mais aussi à protéger les communications et les systèmes de l’Etat indispensables à la sécurité des Etats-Unis (p 15). Cette entité gouvernementale relève du département de la Défense, elle apporte une aide à la décision aux dirigeants politiques, particulièrement au président des Etats-Unis et aux chefs militaires devenant une machine à produire du renseignement pour les trois armées et le corps des marines. Elle agit aussi pour l’ensemble de la communauté américaine du renseignement : CIA, FBI….ce qui n’empêche pas leur cloisonnement, leur manque de communication, leur compétition interne et leurs jeux d’influence. Elle est restée une puissance de l’ombre jusqu’aux révélations vite oubliées de deux anciens analystes, à la fin des années 1950 renouvelées par nombre de lanceurs d’alerte jusqu’à celles dévoilant le système Echelon à la fin des années 1990 et enfin celles d’Edouard Snowden, en 2013.

Dès sa création et durant toute la période de la guerre froide, elle alimente en informations le gouvernement sur les crises en cours, elle ne cesse de chercher à casser les systèmes cryptographiques soviétiques et à repérer d’autres menaces ce qui l’oblige à une course technologique permanente à la recherche de méthodes d’interception et de traitement des informations sophistiqués ainsi que d’équipements informatiques les plus performants. Etant un service secret, elle s’affranchit des règles internationales telles que le survol des espaces aériens. Elle est aussi à l’origine de manipulations et de contre-manipulations, d’information et de désinformation. La fin de la guerre froide provoque une mutation du renseignement au profit de l’intelligence économique qui est l’espionnage économique car les rapports des forces mondiaux et les enjeux ont changé.

La deuxième partie décortique le fonctionnement, l’organisation, le budget colossal et les ressources humaines de l’agence elles aussi en constante croissance. Son quartier général situé à Fort Meade dans le Maryland ressemble à une véritable ville : SigInt City ou Crypto City (p 103). Il est au cœur d’une gigantesque toile d’araignée avec des centres régionaux, des stations et des moyens mobiles d’interception mais surtout la coopération avec ses alliés. Bien que la NSA les espionne aussi ce qui est la règle dans le monde du renseignement, les Etats-Unis ont constitué plusieurs cercles d’alliances dont le premier est celui des Five Eyes issu de l’accord secret BRUSA de 1943 entre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne étendu aux membres du Commenwealth (3) par l’accord UKUSA en 1946 qui fait des agences anglo-saxonnes les « Second Party Nations » (p 37, 171). Un cercle très fermé qui se répartit le renseignement SigInt en zones planétaires. Le fonctionnement implique des relations avec le Congrès qui a le droit de contrôler les activités de l’Exécutif considérées comme secrètes tout en ayant la responsabilité de protéger les secrets de la défense nationale quitte à limiter les pouvoirs de l’agence laquelle doit respecter les lois protégeant les libertés individuelle et la vie privée garanties par le 4e commandement de la Constitution. Son rôle est en réalité très ambiguë fait d’intransigeance et de connivence du fait du jeu des lobbies.

Enfin, afin que l’agence détienne la puissance de calcul et domine l’infosphère, elle est engagée dans une course technologique en mobilisant la communauté des chercheurs dans les domaines de pointe car le pôle RD de la NSA ambitionne de dominer les réseaux informatiques et de communication au niveau mondial et de transformer la surinformation en avantage stratégique (p 205). Pour y parvenir, elle noue des partenariats avec des laboratoires universitaires et cherche à attirer les meilleurs experts et les étudiants prometteurs.

La troisième partie porte sur les dérives et les paranoïas de l’agence. Pour cela, l’auteure revient sur les limites du renseignement électromagnétique tactique, les échecs puis les relations avec les partenaires industriels, les opérateurs télécoms et les fournisseurs d’accès à Internet très motivées par le patriotisme et l’appât du gain bien que, depuis les révélations d’Edouard Snowden, certains résistent. Sont dévoilés les mensonges, les manipulations et les infractions de la haute autorité de l’agence et enfin les compromissions des commissions parlementaires souvent présidées par de fidèles partisans de la NSA. Elle montre l’habillage pseudo-démocratique de la Présidence y compris du président Obama justifiant les transgressions de la Constitution et des libertés civiles au nom de la sécurité nationale. Elle s’appuie sur sa promesse faite en 2013 de réforme du US Patriot Act et d’un meilleur encadrement des activités de surveillance de la NSA par la loi US Freedom Act de 2015 qui n’apporte guère de changement. Et l’auteure de conclure à une violation délibérée des libertés et de la vie privée qui a fini par provoquer critiques et résistances des citoyens. Les médias soutenant les autorités ou défendant les libertés afin de préserver la démocratie menacée à l’ère numérique.

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La dernière partie est tournée vers les relations étrangères et les guerres secrètes actuelles menées dans le cyberespace. Hormis le pilier des Five Eyes, les Tier A avec lesquels l’agence partage des procédures communes, des données et des opérations militaires tout en imposant sa domination, elle calibre ses relations avec d’autres pays : le groupe Third Party. La collaboration est ponctuelle et ciblée lors de programmes spécifiques encadrés par des accords où chacun trouve un avantage. Sur la trentaine, une vingtaine constitue le Computer Network Operations. La NSA entretient des coopérations limitées avec des partenaires de troisième rang comme la France et Israël. Parmi les partenaires de la NSA, certains collaborant entre eux en fonction d’intérêts géographiques ou stratégiques comme les membres de l’OTAN qui discutent des questions SigInt au sein du NATO Advisory Committee on Special Intelligence :NACSI. Et depuis Londres, siège du SigInt seniors Europe : SSEUR, le groupe des Five Eyes s’est ouvert à des Européens dont la France au sein des 14-Eyes en vue d’une coalition contre-terroriste européenne en matière de renseignement électromagnétique militaire. Ce fut le cas pour l’Afghanistan. Il existe une coalition similaire pour l’Asie-Pacifique : les 10-Eyes.

Il reste un dernier niveau autour de coopérations exceptionnelles avec des pays plus ou moins hostiles aux intérêts américains et classés de « l’amical » au « neutre ». A l’heure de la guerre froide digitale, toute cette architecture est tournée contre les pays cibles : Chine, Russie, Iran, Venezuela, Syrie, Corée du nord. Les généralités posées, l’auteure détaille les ententes ambigües avec Israël et la France. A ce propos, l’étude aurait gagné à ajouter aux sources ouvertes un entretien avec le vice-amiral Arnaud Coustillière qui, à l’EMA, est l’OGCyber. Elle passe en revue un certain nombre de tensions comme celles liées à l’affaire Snowden et met l’accent sur les défis liés au cyberespace du point de vue de la gouvernance d’Internet qui pose la question de la souveraineté numérique. Le cœur du chapitre montre comment la NSA adapte son organisation en créant un US Cyber Command dans le seul but de gagner les guerres numériques futures afin de contrôler le cyberespace par la domination technologique et la maîtrise de l’information. Car depuis la création de la NSA, en 1952, son objectif n’a pas varié : espionner sans retenue afin de dominer, de répandre les valeurs américaines dans le monde tout en protégeant les intérêts américains.

  1. Echelon et le renseignement électronique américain, Editions Ouest-France, collection espionnage, 2012, 175 p.
  2. Il s’agit d’un système intégré de surveillance et d’espionnage planétaire des télécommunications, placé sous l’égide de la NSA, en collaboration avec les agences de renseignement électromagnétique des alliés du premier cercle UKUSA.
  3. Canada, Australie et Nouvelle-Zélande.
  • Claude Delesse, NSA, Tallandier, 2016.

Martine Cuttier

Der Dollar als Leitwährung - Ein unverschämtes Privileg

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Der Dollar als Leitwährung
Ein unverschämtes Privileg
 
von Thomas Fuster 
Ex: http://www.nzz.ch
 
Seit Jahrzehnten kommt dem Dollar die Rolle einer internationalen Leitwährung zu. Für die USA hat dies handfeste Vorteile. Ist ein Ende des Privilegs absehbar?

Dank der weltweiten Akzeptanz des Dollars können sich die USA zu günstigeren Konditionen verschulden.

Wer auch immer das Rennen um das Weisse Haus für sich entscheiden wird: Sie – oder er – wird sich von anderen Staatschefs zumindest in einem Punkt abheben können: Nur in den USA wacht der Präsident über ein Land, deren Heimwährung zugleich die internationale Leitwährung ist. Diese Besonderheit bringt Vorteile, die im Ausland oft für Irritationen und Verärgerung sorgen. Eher undiplomatisch formulierte diesen Unmut in den 1960er Jahren der damalige französische Finanzminister Valéry Giscard d'Estaing: Er attestierte Amerika ein «exorbitantes Privileg».

Grösste Flagge im Wind

Wie exorbitant ist dieses Privileg tatsächlich? Allein mit Statistiken lässt sich die Frage kaum beantworten. Denn eine Währung ist ein nationales Symbol, ähnlich einer Flagge. Und wenn eine einzelne Flagge auf weit grösserem Tuch im Wind flattert als alle anderen, nagt dies am Selbstbewusstsein der übrigen Fahnenträger. In Debatten zur Rolle des Dollars ist denn auch oft von Hegemonie oder monetärem Imperialismus die Rede. Es fallen Begriffe, die eher wenig mit Ökonomie zu tun haben. Dünnhäutig agieren dabei vor allem jene, die mit ihrer Währung ebenfalls ins Scheinwerferlicht drängen, etwa die Machthaber Chinas.

Kurz, der Neid auf den Dollar ist gross – und dessen Dominanz ebenso. Laut der Bank für Internationalen Zahlungsausgleich (BIZ) ist die amerikanische Währung an 88% aller Devisentransaktionen beteiligt. Für den Euro gilt dies nur bei 31%, und der chinesische Renminbi liegt mit 4% lediglich auf dem achten Platz der am häufigsten gehandelten Währungen. Auch bei den Devisenreserven ist die Sachlage klar: 63% aller beim Internationalen Währungsfonds gemeldeten Devisenreserven lauten auf Dollar, nur 20% auf Euro. Das globale Finanzsystem dreht sich vor allem um den Greenback.

Subventionierter Lebensstil

Für Amerikas Regierung hat diese Dominanz handfeste Vorzüge: Sie kann sich zu tieferen Zinssätzen verschulden, da ihre Schuldpapiere weltweit von Notenbanken zu Reservezwecken gehalten werden. Weil der Emittent der Leitwährung allein kraft seiner Grösse als sicher empfunden wird, tätigen auch andere Investoren einen Grossteil ihrer Anlagen im Dollar. Entsprechend liquid ist Amerikas Kapitalmarkt. Dies drückt die Renditen zusätzlich und erlaubt es den USA, zu günstigeren Kosten ein höheres Handelsbilanzdefizit finanzieren zu können als andere Staaten. Damit subventioniert das Ausland indirekt die Zwillingsdefizite (Handel und Haushalt) der USA und deren schuldenfinanzierten Lebensstil, so der oft artikulierte Groll ausserhalb Amerikas.

Doch subventioniert wird nicht nur der Staat. Gleiches gilt für Amerikas Unternehmen. Ihnen bleiben teure Absicherungsgeschäfte erspart, da ein Grossteil des Handels und die meisten Rohstoffe (etwa Erdöl) ohnehin in Dollar fakturiert werden. Währungsschwankungen spielen für sie daher eine weit geringere Rolle als für ausländische Konkurrenten, was einen Wettbewerbsvorteil begründet. Auch geht mit dem Privileg, im Herkunftsort der Leitwährung zu operieren, ein gewisser Versicherungsschutz gegen finanzielle Schocks einher: Selbst nach Krisen, die von den USA ausgehen – etwa der Kollaps von Lehman Brothers im Herbst 2008 – fliesst erfahrungsgemäss weiterhin viel Geld in den Dollar, da es den Investoren schlicht an ähnlich liquiden Alternativen mangelt.

Kein Ende absehbar

Nicht zu unterschätzen ist auch der pekuniäre Vorteil eines höheren Gewinns aus der Geldschöpfung (Seigniorage); gemeint ist damit die Differenz zwischen den Produktionskosten und dem Nennwert einer Geldeinheit. So kostet es die USA laut Fed derzeit nur 14,3 Cents, um eine 100-Dollar-Note zu drucken. Andere Länder müssen hingegen Güter oder Dienstleistungen im Wert von 100 Dollar anbieten, um einen solchen Geldschein zu erhalten. Da von einer Leitwährung naturgemäss auch im Ausland grosse Mengen zirkulieren, fällt dieser einmalige Gewinn entsprechend grösser aus. So schätzt das Fed, dass derzeit die Hälfte bis zwei Drittel aller im Umlauf sich befindlichen Dollar im Ausland gehalten werden.

Ist ein baldiges Ende des Dollar-Privilegs absehbar? Eher nicht. Zwar wird die Weltwirtschaft mit dem Aufstieg von Schwellenländern wie China oder Indien immer multipolarer – ein Trend, der anhalten dürfte. Dennoch sind keine Währungen erkennbar, die dem Dollar die Führungsposition in absehbarer Zukunft streitig machen könnten. Am ehesten in Frage kämen der Euro und Renminbi. Doch der amerikanische Ökonom Barry Eichengreen bringt in seinem Buch «Exorbitant Privilege» die Nachteile dieser zwei Rivalen in knappen Worten auf den Punkt: Der Euro ist eine Währung ohne Staat – und der Renminbi eine Währung mit zu viel Staat.

Bonus des Amtsinhabers

Was heisst das? Gerät der Euro-Raum in eine Krise, existiert keine handlungsfähige Regierung, die Gegensteuer geben kann. Das beschämende Hickhack nationaler Regierungen seit Ausbruch der Euro-Krise zeigt dies deutlich. Dem Vertrauen in Europas Einheitswährung war dies wenig förderlich. Chinas Regime hingegen beharrt auf einem Zuviel an Handlungskompetenz und pocht auf Kapitalverkehrskontrollen. Man tut sich schwer damit, den heimischen Finanzmarkt für ausländische Akteure vollständig zu öffnen. Die zwei zentralen Voraussetzungen für eine Leitwährung – Vertrauen in die Stabilität des Währungsraums und Existenz eines reifen Kapitalmarkts mit frei konvertierbarer Währung – erfüllen daher weder der Euro noch der Renminbi.

Wie bei politischen Wahlen kommt dem Dollar der Bonus des «Amtsinhabers» zugute. Es ist also für den Dollar bei der Verteidigung seines internationalen Führungsanspruchs von gewichtigem Vorteil, die Führung bereits beanspruchen zu können. Dies deshalb, weil es sich für Exporteure oder Anleger meist lohnt, dieselbe Währung zu nutzen wie andere Exporteure oder Anleger. Dieser Netzwerkeffekt, der den Status quo stärkt, ist vergleichbar mit dem Nebeneinander konkurrierender Computerprogramme. Wer sicher sein will, dass sein per Email verschicktes Dokument vom Empfänger problemlos gelesen werden kann, tut gut daran, das am Markt führende Programm zu benutzen. Nicht anders ist es mit dem Dollar – er bleibt die wichtigste Software der Weltwirtschaft.

 

Sylvain Tesson: Sur les chemins noirs

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Sylvain Tesson: Sur les chemins noirs

Ex: http://cerclenonconforme.hautetfort.com

Sylvain Tesson est géographe, aventurier et écrivain. Aucun de ces trois termes n'est usurpé pour le qualifier.

Géographe, Sylvain Tesson l'est par ses diplômes – un DEA de géographie – mais aussi, et peut-être surtout, par son regard sur le monde.

Aventurier, car il a fait un pas de côté pour se rendre dans les confins du monde : la Sibérie, les altitudes de l'Himalaya et bien d'autres territoires inaccessibles.

Ecrivain, avec une vingtaine d'ouvrages dont le dernier, Sur les chemins noirs, paru en 2016 chez Gallimard, que nous allons présenter.

Sylvain Tesson a perdu sa mère et aussi l'équilibre, se fracassant huit mètres plus bas du toit où il faisait le pitre. Les deux événements, tragiques, vont agir sur lui comme un révélateur. Perdre sa mère et une partie de ses facultés quand on est un cœur aventureux, voilà deux épreuves que l'on doit surmonter. Si le deuil est inévitable, les limites physiques, elles, peuvent être repoussées. C'est ainsi qu'à sa sortie de l'hôpital, Sylvain Tesson se décide à une aventure assez banale pour un aventurier du bout du monde : traverser la France du sud-est (aux alentours du Mercantour) vers le nord-ouest (la presqu'île du Cotentin, en Normandie).

tessoncouv.gifPendant deux mois et demi, du 24 août au 8 novembre, Sylvain Tesson va parcourir ce qu'il nomme les chemins noirs, d'après le titre du livre de René Frégni, Les chemins noirs. S'appuyant sur un très sérieux rapport traitant de « l'hyper-ruralité », il va bâtir sa route grâce aux précieuses cartes IGN au 1/25000e. Une façon au passage de nous rappeler que nos cartographes ont effectué de très notables progrès depuis la guerre de 1870... Il pourrait paraître étonnant que notre écrivain baroudeur ne se soit pas aventuré sur la route du sud-ouest au nord-est, la fameuse « diagonale du vide » aujourd'hui appelée « diagonale des faibles densités », mais il n'en est rien car son objectif est de rallier la Manche pour terminer son périple du haut des falaises surplombant l'horizon maritime.

Le regard de Sylvain Tesson sur la France est, fait rare chez lui, empli de nostalgie. Témoin impuissant d'une France rurale et enracinée qui disparaît sous les coups de boutoir de l'aménagement du territoire, de l'Union européenne et de la mondialisation, ce périple constitue un témoignage nécessaire autant que cynique. Agrémenté de nombreuses réflexions personnelles et de quelques développements que ne renieraient pas la géographie libertaire des éditions l'Echapée, puisant ses références dans un panel varié de philosophes et d'auteurs comme Xénophon, Jünger, Maurras, Braudel ou Vidal de la Blache, cheminer avec Sylvain Tesson est riche d'enseignement et ne peut laisser insensible le lecteur.

Bien qu'assez court, 142 pages, on ne sait pas dire en refermant le livre si on en voudrait plus ou pas. Peu de mots suffisent parfois à capturer une réalité complexe et Sylvain Tesson est passé maître dans l'art de faire fuser ses phrases comme des balles. Véritable géographe du sensible, il porte un regard acéré sur le monde, faisant sienne une philosophie qui puise dans la géographie. Celle de Tesson a une âme, elle n'est pas la discipline parfois rébarbative des bancs de l'école ou celle des Commissaires au plan, des gestionnaires ou des économistes.

A la lecture du livre, pour ceux qui en doutent on mesure que la France n'est pas juste un territoire qui doit être compétitif et que « l'hyper-ruralité » ce concept terrible, n'est pas une malédiction ? Les croyants en la religion du progrès peuvent-ils vraiment comprendre cela ? Comprennent-ils la France éternelle ? La lecture de Sylvain tesson sonnera sûrement comme une sentence : ceux qui refusent cette France des ZAC, des ZUP, des périph' et autres stigmates sont de la confrérie des chemins noirs.

« Certains hommes espéraient entrer dans l'Histoire. Nous étions quelques-uns à préferer disparaître dans la géographie. »

Un livre à lire et à offrir, pour que les chemins noirs de la littérature ramènent nos contemporains dans le réel. Une ode à la redécouverte de notre pays et au dépassement de soi. Un signe des temps.

Jean / C.N.C.

Note du C.N.C.: Toute reproduction éventuelle de ce contenu doit mentionner la source.

 

Laurent Obertone à Lille

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