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mercredi, 14 avril 2021

Gouvernance globale et guerre civile mondiale

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Gouvernance globale et guerre civile mondiale

Par Pierre-Antoine Plaquevent

Auteur de « Soros et la société ouverte, métapolitique du globalisme » aux éditions « cultures et racines ».

Ex: https://strategika.fr/2021/04/14/

Au vu de la tension croissante entre USA et Chine/Russie, la toile bruisse de rumeurs de guerre et beaucoup se posent légitimement la question de savoir si une guerre mondiale ouverte pourrait suivre la séquence du Covid commencée fin 2019. Tenter de répondre à cette question nécessite d’aborder cette problématique complexe sous trois aspects principaux : politique, géopolitique et stratégique. Trois niveaux d’analyse qui peuvent permettre de sonder quelles sont les ruptures en cours susceptibles ou non d’entraîner une fracturation de l’ordre mondial et ainsi conduire à une guerre ouverte entre les faces occidentale et orientale de la gouvernance mondiale.

I – Sur la forme politique de l’ordre mondial actuel

Pour qu’ait lieu une guerre mondiale, il faudrait que se produise une fracture systémique au sein de la gouvernance globale. Cette gouvernance constitue un ordre mondial doté de divers niveaux d’intégration et d’interaction qui varient selon la capacité d’influence et de puissance des acteurs de différents types qui la constituent.

Parmi ces acteurs on trouve principalement :

  • les institutions et instances internationales juridiques, militaires ou économiques du type : ONU, OMS, OMC, FMI, CIJ, CPI, UE, OTAN, COE, G20, UEE, ALENA etc. ;
  • les firmes multinationales les plus puissantes (GAFAM et autres) ;
  • les fondations et organisations non gouvernementales influentes (du type Bill & Melinda Gates Foundation, Forum économique mondial, Open Society Foundations, fondation Rockefeller, fondation Ford etc.) ;
  • les États (environ deux cents).

Ces derniers, issus de la continuité et de la légitimité historique, constituent théoriquement le cadre normatif et même symbolique du système contemporain des relations internationales. Dans l’esprit des populations, ils continuent toujours d’incarner la souveraineté et la légitimité politique ; dans les faits, ils sont absorbés par les instances supra ou para-étatiques et en deviennent toujours plus subsidiaires.

Comme le Covid-19 est venu le rappeler aux peuples, les États apparaissent toujours plus dépendants d’instances de prises de décision qui échappent au regard du grand public ou que ce dernier peine à discerner. Dans le langage de la gouvernance mondiale, s’interroger sur les instances réelles de prise de décision relève du « complotisme ».

Dans les faits, l’ensemble de ces institutions non élues para ou supra-étatiques, se chargent de fixer les grands objectifs stratégiques de la gouvernance mondiale : lutte contre le réchauffement climatique, intégration cosmopolitique, planification écologique mondiale, planification sanitaire planétaire, décarbonation de l’industrie, décroissance démographique, imposition de l’agenda gender/LGBTI etc. Ces institutions et leurs bailleurs de fonds privés (type Gates, Rockefeller, Soros etc.) ont à cœur de développer le « multilatéralisme inclusif » et le juridisme institutionnel afin de réduire toujours plus le champ d’action des États et leur capacité de décision autonome.

Première rupture : quel léviathan pour freiner la stasis globale ?

Nous pensons qu’une première rupture interne à l’ordre mondial actuel tient justement au rôle que la gouvernance mondiale assigne aux États et jusqu’où ces derniers sont prêts à être absorbés en son sein. Car, à mesure que les États-nations abandonnent, transfèrent ou diluent leurs prérogatives régaliennes vers les institutions macro-régionales (type UE) ou mondiale de la gouvernance globale, ces États abandonnent aussi en retour leur monopole de la violence légitime[1]. Ils voient dès lors cette violence se répandre en retour au sein des sociétés dont ils ont théoriquement la charge et la responsabilité.

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À mesure que progresse l’intégration cosmopolitique promue par les instances et les décideurs de la gouvernance globale, dans le même temps, l’ordre politique international se dilue toujours plus en une forme de guerre civile mondialisée à sa base, au niveau des États-nations menacées d’éclatement. Le Léviathan stato-national ne remplit plus son rôle de frein à la guerre latente de tous contre tous et les tendances centrifuges s’accélèrent alors en son sein jusqu’à atteindre une situation critique proche de la rupture[2]. Les sociétaires ne se sentant plus protégés de la mondialisation par l’État à qui ils ont délégué la légitimité et la souveraineté politique, chacun se sent alors libre de rompre le contrat social et rentre de manière plus ou moins consciente en sédition avec l’État central devenu dès lors une menace à éviter au lieu d’un protecteur.

Une forme d’« unité et scission »[3] de l’ordre géopolitique mondial apparait et tend à s’universaliser : convergence des États à leur sommet en direction de l’intégration cosmopolitique, fracturation et émiettement à leur base. C’est au niveau de la base des sociétés occidentales que les transformations de l’ordre mondial en cours exercent les pressions les plus violentes et les plus difficiles à supporter. C’est selon nous aussi pour freiner cette tendance à la parcellisation et à la fragmentation que quasiment TOUS les États (sauf rares exceptions type Suède ou Belarus[4]) ont appliqués avec zèle les mesures sanitaires d’exception depuis un an. Dans un contexte de rétraction globale de l’économie mondialisée, ces mesures sont venues geler la plupart des antagonismes sociaux en cours dans le monde avant l’irruption du Covid-19. On citera entre autres : les Gilets jaunes en France, les nombreux mouvements de contestation en Amérique latine courant 2019[5], les soulèvements de masse à Hong-Kong face à la Chine, l’opposition civique croissante contre Erdogan à Istanbul etc. Avec des niveaux d’intensité différents et affectant indistinctement des régimes libéraux ou illibéraux, la contagion d’une contestation politique internationale fut freinée l’an dernier par les mesures sanitaires planétaires d’exception et tous les régimes politiques fragilisés par des tensions internes ont accueillis avec soulagement cette mi-temps politique bienvenue. Un couvercle sanitaire mondial a ainsi été déposé sur le feu des révoltes en cours mais pour combien de temps ?

Cette stasis mondialisée rampante peut déboucher à terme sur une rupture plus profonde au sein du système des relations internationales. Rupture entre la gouvernance globale et les États qui refuseraient de poursuivre le processus de délitement de leur souveraineté et de leur légitimité. Une dilution de l’ordre stato-national qui génère un appauvrissement de la population et subséquemment une montée du chaos social qui menace physiquement le personnel politique des gouvernements des États-nations. Un personnel politique en première ligne face à la colère populaire comme l’a montré la sainte colère des Gilets jaunes en France ou plus récemment l’attaque du Capitole aux USA.

Ce processus de transfert des fonctions essentielles des États-nations vers des instances politiques et juridiques supranationales constitue la tendance politique axiale de notre époque ; c’est elle qui est la cause première de la plupart des problématiques politiques contemporaines. Avec l’élection de Trump en 2016, ce processus de dilution accélérée des États (ou de leurs restes) commença de se gripper sérieusement en Occident. Les États-Unis n’acceptant pas de subir à la suite de l’Europe une égalisation économique en cours avec le troisième pilier géoéconomique de la gouvernance mondiale : la Chine. Toute la présidence de Trump fut ainsi marquée par ce clivage entre une gouvernance mondiale en crise et un État américain qui en avait été jusqu’ici le fer de lance et le bras armé tant que cette gouvernance globale allait de pair avec un leadership géoéconomique mondial favorable aux États-Unis.

C’est ce programme de révision interne de la gouvernance mondiale par l’administration Trump qu’avait exposé le précédent secrétaire d’État américain, Michael R. Pompeo en 2018 lors d’une allocution prononcée au sein du German Marshall Fund of the United States, allocutiondans laquelle M. Pompeo exposait les grands axes de la politique étrangère de l’administration Trump et appelait à aider les USA à construire un « nouvel ordre libéral »[6] afin de « Rétablir le rôle de l’État-nation dans l’ordre libéral international »[7].

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Suite à la séquence politique de 2020 (Covid + opération Black Lives Matter + fraude électorale) qui a conduit au vol de l’élection américaine, la menace d’une Amérique en rupture avec la gouvernance mondiale est actuellement écartée. Dès lors cette friction entre gouvernance mondiale et États qui refusent de concéder plus de leur souveraineté ressurgit face à la Chine et à la Russie. Deux États complètement intégrés aux institutions internationales et à l’ordre mondial mais qui posent un problème structurel à la gouvernance globale de par le rôle central que continue d’y jouer l’État en tant que stratège et organisateur principal du développement politique et économique du pays.

C’est autour de ce rôle stratégique central de l’État que la ligne de tension entre la face occidentale et orientale de la gouvernance mondiale va se durcir toujours plus.

Alors que la Chine est très  influente au sein des institutions internationales, elle n’entend pas soumettre son État-parti à ces institutions internationales qu’elle utilise par ailleurs pour démultiplier son influence et sans lesquelles elle n’aurait pas pu atteindre ce niveau actuel de puissance et d’influence. En témoignent les difficultés récurrentes que rencontrent les scientifiques de l’OMS chargés d’enquêter en Chine sur les origines du Covid-19. La Chine exerçant un rôle politique prépondérant au sein de l’OMS [8].

Comme au XXème siècle face à l’Union Soviétique, si l’idéal internationaliste du libéralisme cosmopolitique est théoriquement le même que celui du Parti communiste chinois, la ligne de confrontation entre ces deux systèmes se manifeste essentiellement autour du rôle que doit jouer l’État national au sein de la gouvernance mondiale. Pour les libéraux-globalistes, l’État-nation doit être subsidiaire des instances globales et d’un possible futur gouvernement mondial en gestation. Pour les tenants d’une forme de stato-globalisme nationalisé, l’État, bien qu’intégré au sein des institutions internationales, reste au centre de toutes les perspectives stratégiques de développement et demeure l’instance souveraine ultime détentrice du monopole de la décision politique.

L’enjeu principal de la tension actuelle entre Occident / Eurasie (Chine-Russie) au sein de la gouvernance mondiale nous semble relever de cette friction entre deux niveaux différents de souveraineté et de légitimité politique au sein de l’ordre international : Léviathan stato-national continental vs Léviathan mondial post-national.

Il s’agit en dernière instance de définir quelle sera la forme et le rôle que devra prendre et assumer le Léviathan au XXIème siècle : sera-t-il essentiellement national, continental, mondial ? Hybride ? Une question que presse la stasis globalisée qui ronge l’ordre international contemporain.

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II – Sur la forme géoéconomique de l’ordre mondial contemporain

Pour décrire l’ordre mondial sur lequel s’exerce cette gouvernance mondiale polymorphe que nous avons précédemment décrit, on pourrait ici employer les catégories forgées par l’économiste marxiste Immanuel Wallerstein en les adaptant. Ce dernier décrit un système géoéconomique planétaire réparti en trois grandes zones :

  • Une zone centrale : la sphère Occidentale (Amérique du nord et ses alliés stratégiques – type Taïwan ou Japon, Royaume-Uni, Canada, Australie, Union Européenne, Israël etc.). Le « nord riche » mais aussi le nord « stratégique », au sens d’un ensemble géo-économique international doté d’une orientation géostratégique commune malgré des frictions internes. Un ensemble qui constitue encore la locomotive géopolitique de l’ordre mondial contemporain. C’est aussi la zone où le capitalisme est toujours moins encadré par les États et monopolisés par les firmes multinationales qui elles-mêmes cherchent à diluer toujours plus les États ou à les absorber.  
  • Une zone en transition ou émergente (ou « la semi-périphérie », incluant les grands pays connaissant un développement vers le capitalisme : la Chine, l’Inde, le Brésil, certains pays de la zone Pacifique, ainsi que la Russie, qui par inertie préserve son important potentiel stratégique, économique et énergétique – cf. Pour une théorie du monde multipolaire, Alexandre Douguine). Zone en transition entre capitalisme d’État autoritaire et libéralisme globalisé.
  • Un monde périphérique (les « pays pauvres du Sud », la périphérie). Monde qui recèle certaines des ressources et matières premières stratégiques pour les puissances de la zone centrale et de la zone périphérique

L’intégration politique renforcée de la gouvernance mondiale vient brouiller toujours plus cette représentation quelque peu schématique (comme toute représentation). Par exemple des poches toujours plus larges de la zone émergente voire même de la zone périphérique se retrouvent au cœur de la zone centrale et inversement.

Malgré tout, cette division du monde décrit d’une manière assez fonctionnelle la répartition géo-économique mondiale actuelle.

La zone centrale rentre en contact avec la zone émergente et la zone périphérique au niveau de l’Amérique centrale, de l’Europe Orientale, de l’Afrique du Nord, du Moyen-Orient, de l’Asie du Sud-Est. Autant de territoires où se déroulent certaines des « crises » les plus sanglantes de notre temps.

Au niveau de la géographie politique, la masse continentale nord-américaine constitue la masse principale de la zone centrale et l’Union européenne son prolongement sur les côtes Ouest de l’Eurasie.

Les deux cœurs stratégiques de la sphère occidentale que sont le Royaume Uni et les USA ont toujours conçu et compris l’Europe et l’Eurasie comme une continuité d’empires continentaux et de puissances géopolitiques essentiellement terrestres, rivales de sa puissance maritime internationalisée.

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Seconde rupture : l’intégration économique du « rimland » eurasiatique

Les stratèges impériaux anglo-américains ont toujours considéré l’Eurasie comme un tout, un continuum géopolitique qu’il faut appréhender dans son ensemble (Europe + Asie dans leur intégralité) afin de pouvoir le maitriser.

Leur plus grande crainte a toujours été qu’une puissance d’Eurasie ne devienne assez forte et influente pour réussir à relier et unifier entre eux les territoires économiquement les plus avancés et les plus dynamiques d’Eurasie. Territoires riches qui sont pour la plupart situés sur les zones côtières de la masse continentale eurasiatique. Unifier et intégrer économiquement cette zone que l’un des pères de la géopolitique américaine, Nicholas J. Spykman (1893-1943), désignait sous le nom de Rimland (ou « inner crescent, croissant intérieur eurasiatique) : vaste ceinture littorale bi-continentale composée de l’Europe de l’Ouest, du Moyen-Orient, et de l’Extrême-Orient. Pour Spykman, la clef de voute du contrôle du système-monde passe par le contrôle du Rimland.

Influencé par les travaux du géographe britannique Halford J. Mackinder, Spykman reprendra la géographie politique proposé par Mackinder mais déplacera la clef de voute du contrôle de l’Eurasie du Heartland vers le Rimland, sur les côtes riches de l’ « île du monde » eurasiatique : « Spykman nuance le grandiose schéma d’opposition terre-mer induit par la centralité géohistorique du Heartland de Mackinder, et préfère souligner le danger qu’une unification des rimlands peut représenter pour les États-Unis : géostratégiquement “encerclés”, ces derniers se retrouveraient confrontés à un Titan combinant force terrestre et maritime, capable de projeter sa puissance par-delà les océans Atlantique ou Pacifique. À terme, prévient Spykman, Washington ne pourrait que perdre un tel face-à-face, si celui-ci devait dégénérer en conflit. En conséquence, le fil rouge de la politique de sécurité américaine se déduit de lui-même : combattre résolument toute tentative d’hégémonie dans les territoires correspondant à ce que l’on pourrait qualifier d’Eurasie “utile”. » [10]

On connait la célèbre formule de Mackinder qui affirmait en son temps que : « Qui contrôle l’Europe de l’Est domine le Heartland ; qui domine le Heartland domine l’Île mondiale ; qui domine l’Île mondiale domine le monde. » [11]

Spykman reprendra cette formule et la modifiera ainsi : « Qui contrôle le rimland gouverne l’Eurasie. Qui gouverne l’Eurasie contrôle les destinées du monde. »[12], marquant ainsi la centralité des bandes côtières eurasiatiques en tant que territoires stratégiques pour le contrôle et la stabilité (du point de vue américain) de l’ordre mondial.

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Le Rimland eurasiatique chez Spykman – source : https://www.councilpacificaffairs.org/news-media/ou-lon-r...

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L’encerclement de l’Eurasie – source de l’auteur tiré de Americas Strategy In World Politics, Nicholas John Spykman, 1942

Spykman soulignera aussi avec force la nécessité stratégique vitale pour les États-Unis de s’impliquer en Eurasie afin d’éviter l’encerclement par les puissances dynamiques du Rimland eurasiatique : « Les États-Unis doivent admettre, une nouvelle fois et de manière définitive, que la constellation de puissances en Europe et en Asie est une perpétuelle source de préoccupation, que ce soit en temps de guerre ou de paix. »[13]

Animé d’un idéalisme cosmopolitique qui affirme la nécessité pour les puissances « libérales » de savoir employer le réalisme politique et stratégique, Nicholas Spykman identifiait en outre les bases de la puissance d’un État autour de dix éléments stratégiques clefs :

« Selon Spykman, les éléments qui font la puissance d’un État sont :

1) La superficie du territoire

2) La nature des frontières

3) Le volume de la population

4) L’absence ou la présence de matières premières

5) Le développement économique ou technologique

6) La force financière

7) L’homogénéité ethnique

8) Le degré d’intégration sociale

9) La stabilité politique

10) L’esprit national » [14]

Caractéristiques que la Chine possède précisément toujours plus à mesure qu’elles s’étiolent en Occident.

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Spykman.

Zbigniew Brzezinski (1928-2017) qui fut l’un des plus influents stratèges de la puissance américaine de la fin du XXème siècle[15], reprendra et développera l’idée de la centralité de l’enjeu eurasiatique dont il fera un axe de ses vues dans son célèbre traité de géostratégie Le Grand Échiquier, paru en 1997. Le grand échiquier c’est précisément l’Eurasie, là où se joue le destin et la forme de l’ordre mondial. Territoire stratégique qui recèle les principales ressources de la planète et dont le contrôle s’avère fondamental pour les États-Unis :

« (…) La façon dont les États-Unis « gèrent » l’Eurasie est d’une importance cruciale. Le plus grand continent à la surface du globe en est aussi l’axe géopolitique. Toute puissance qui le contrôle, contrôle par là même deux des trois régions les plus développées et les plus productives. (…) On dénombre environ 75 % de la population mondiale en Eurasie, ainsi que la plus grande partie des richesses physiques, sous forme d’entreprises ou de gisements de matières premières. L’addition des produits nationaux bruts du continent compte pour quelque 60 % du total mondial. Les trois quarts des ressources énergétiques connues y sont concentrées. Là aussi se sont développé la plupart des États politiquement dynamiques et capables d’initiatives. Derrière les États-Unis, les six économies les plus prospères et les six plus gros budgets de la défense s’y trouvent, ainsi que tous les pays détenteurs de l’arme nucléaire (les « officiels » comme les « présumés », à une exception près dans chaque cas). Parmi les États qui aspirent à détenir une hégémonie régionale et à exercer une influence planétaire, les deux plus peuplés sont situés, en Eurasie. Tous les rivaux politiques ou économiques des Etats-Unis aussi. Leur puissance cumulée dépasse de loin celle de l’Amérique. Heureusement pour cette dernière. Le continent est trop vaste pour réaliser son unité politique. » [16]

À l’époque où il écrivait ces lignes, la Russie était marquée par une instabilité structurelle et la Chine n’était pas encore devenue la puissance économique actuelle mais Brzezinski anticipait déjà la manière dont cette dernière risquait à terme de bouleverser l’ordre géopolitique établi :

« (…) Aujourd’hui, c’est une puissance extérieure qui prévaut en Eurasie. Et sa primauté globale dépend étroitement de sa capacité à conserver cette position. À l’évidence, cette situation n’aura qu’un temps. Mais de sa durée et de son issue dépendent non seulement le bien-être des États-Unis, mais aussi plus généralement la paix dans le monde.

(…) Un scénario présenterait un grand danger potentiel : la naissance d’une grande coalition entre la Chine, la Russie et peut-être l’Iran (…). Similaire par son envergure et sa portée au bloc sino-soviétique, elle serait cette fois dirigée par la Chine. Afin d’éviter cette éventualité, aujourd’hui peu probable, les États-Unis devront déployer toute leur habileté géostratégique sur une bonne partie du périmètre de l’Eurasie, et au moins, à l’ouest, à l’est et au sud. » [17]

Désormais première puissance économique mondiale[18] devant les États-Unis, la Chine peut parvenir à stabiliser l’échiquier eurasiatique et tenter de sanctuariser ses positions acquises au sein du périlleux système international actuel.

Or, l’intégration économique du rimland eurasiatique de la Chine à l’Europe fait partie des objectifs stratégiques de la Chine pour le XXIème siècle au travers des fameuses « nouvelles routes de la soie ».

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Le « bloc » sino-soviétique de l’époque de la fin de la guerre froide et ses trois fronts stratégiques. A l’époque le système socialiste sous ses formes concurrentes russe et chinoise occupait la majeure partie de la masse eurasiatique, contenant le système capitaliste sur une partie du rimland eurasiatique. Une alliance russo-chinoise contemporaine sous les traits d’un capitalisme dirigé high-tech sino-russe représente un vrai défi d’intégration pour l’ordre mondial. Source : Le grand échiquier, Zbigniew Brzezinski, 1997

Le projet OBOR et l’intégration économique continentale

Officiellement dénommé « One Belt, One Road » (OBOR) ou aussi BRI (Belt and Road Initiative), le projet des nouvelles routes de la soie a pour ambition de s’étendre du Pacifique jusqu’à la mer Baltique et inclut 64 pays asiatiques, moyen-orientaux, africains et européens[19]. Doté d’un budget de 800 à 1 000 milliards de dollars[20] (cinq à six fois le budget du plan Marshall), ce projet pourrait permettre à la Chine de réaliser le grand objectif stratégique du Parti communiste chinois : l’intégration économique du continent eurasiatique et d’une partie de l’Afrique à l’horizon 2049, date anniversaire de la fondation de la République Populaire de Chine. Une intégration économique qui déplacerait le centre des affaires mondiales de l’Occident vers l’Eurasie mais une Eurasie pilotée par la Chine et non par l’Europe ou la Russie.

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C’est autour du projet chinois BRI (Belt and Road Initiative) que se manifeste toujours plus la ligne de tension principale au sein de la gouvernance mondiale.

Tension qui pourrait conduire à terme à :

Cela de l’aveu même de certains stratèges influents de la gouvernance mondiale tels qu’Henry Kissinger, George Soros ou Klaus Schwab. Ces derniers diffèrent par ailleurs entre eux quant à l’attitude que doit adopter la gouvernance mondiale face à la montée de la Chine. Pour Soros elle doit être empêchée, pour Kissinger elle doit être contenue et pour Schwab elle doit être appuyée et encadrée. L’un des acteurs privés les plus influents au sein de la gouvernance mondiale, Bill Gates, a quant à lui déjà semé des graines de son empire philanthropique en Chine au travers du China Global Philanthropy Institute auquel il a versé 10 millions de dollars depuis sa création en 2015 [21].

La croissance de la Chine au sein de la gouvernance mondiale se déploient ainsi simultanément sous la forme de l’intégration et de la tension. Du point de vue de l’État chinois, des frictions (au sens que Clausewitz donne à ce terme) se manifestent et viennent freiner l’ascension de la Chine au sein du système-monde.

La Chine qui poursuit des objectifs de contrôle cyberpolitique et biopolitique total de sa population, ne représente pas une alternative de fond face aux tendances totalitaires vers lesquelles évolue actuellement le globalisme politique. Mais la politique d’intégration économique de l’Eurasie et de l’Afrique poursuivie actuellement par la Chine au travers du réseau BRI (Belt and Road Initiative) représente une forme de globalisme économique qui vient concurrencer les intérêts des puissances majeures déjà installées en tête de la gouvernance mondiale.

Cette intégration économique accélérée de l’Eurasie portée par la Chine ainsi que le rôle joué par l’État chinois comme centre d’orientation et de protection des intérêts stratégiques vitaux chinois, nous semblent constituer les deux causes majeures de la tension actuelle entre la Chine et les puissances installées qui dominent encore la forme actuelle de la gouvernance mondiale. 

Si dans l’esprit des architectes de la gouvernance mondiale favorables à la Chine comme Klaus Schwab[22], l’Occident et l’Orient géopolitique mondial doivent à terme se rejoindre et se compléter, la pierre d’achoppement sur laquelle vient buter l’idéal cosmocratique nous apparaît être ici le rôle que le système politique chinois assigne à l’État, à l’armée et au Parti communiste qui les contrôle. Rôle que la gouvernance mondiale dans sa version occidentale entend faire jouer aux multinationales et au secteur privé.

Au stade actuel de son évolution, le globalisme économique planétarisée rencontre un concurrent structurel qui prend la forme du capitalisme dirigé chinois et russe.

III – Guerre civile mondiale et guerre hors limites

Evoquer la question d’une possible guerre ouverte entre les puissances eurasiatiques russe et chinoise et la sphère occidentale ne peut se faire sans interroger la nature même que revêt la guerre à notre époque.

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Peu de temps après la parution du Grand échiquier de Zbigniew Brzezinski, paraissait un livre de stratégie intitulé La Guerre hors limites. Co-écrit par les stratégistes militaires chinois Qiao Liang et Wang Xiangsui[23], cet ouvrage essentiel interrogeait la nature et les mutations de la conflictualité contemporaine. Pour les auteurs, les moyens employés pour mener les guerres contemporaines débordent désormais les limites assignées au phénomène guerrier par l’analyse polémologique traditionnelle. Un phénomène que les deux auteurs commentaient ainsi en 1999 :

« Quand se fera jour la tendance en faveur du recul, consenti avec joie, face à l’emploi de la force armée pour résoudre les conflits, la guerre renaîtra sous une autre forme et dans une autre arène pour devenir un instrument d’une énorme puissance entre les mains de tous ceux qui entretiennent le désir de dominer d’autres pays ou régions. En ce sens, c’est une raison pour nous d’affirmer que l’attaque financière de George Soros contre l’Asie orientale, l’attaque terroriste d’Oussama Ben Laden contre l’ambassade américaine, l’attaque au gaz du métro de Tokyo par les disciples de la secte Aum, et le chaos causé par Morris Jr. et ses pareils sur Internet, où le degré de destruction n’est en rien inférieure à celui d’une guerre, représentent une demi-guerre, une quasi-guerre et une sous-guerre, c’est-à-dire, la forme embryonnaire d’un nouveau type de guerre. » [24]

Une analyse qui nous aide à identifier une tendance qui n’a fait que se renforcer depuis la rédaction de La guerre hors limites. Le refus, voire l’impossibilité, d’employer la force armée directe entre puissances nucléaires rivales ainsi que la nécessité de respecter une narration « démocratique » pour les belligérants, conduisent à des mutations inédites des moyens polémologiques mais surtout dissolvent les limites entre la guerre et la paix, entre le temps de la guerre et celui de la paix, entre la sphère civile et la sphère militaire. Dès lors les guerres entre puissances se font désormais avant tout par des moyens de subversion furtifs et dissimulés qui instrumentalisent des secteurs de la société autrefois épargnés ou moins mobilisés lors des situations de conflit. On citera ici entre autres exemples : les mobilisations des sociétés civiles au travers des « révolutions colorés » et des mouvements type Black Lives Matter[25], les mobilisations des populations en difficulté économique employées comme « arme de migration de masse »[26], les questions sanitaires (le Covid comme moyen de transformation politique et social[27]) etc. Et quand les conflits nécessitent l’emploi de la force armée directe, les moyens employés sont alors ceux de la guerre de partisans du type des « brigades internationales » islamistes employées en Syrie contre l’État syrien par l’ensemble des forces régionales et mondiales qui souhaitaient sa chute.

Le conflit syrien nous offre un cas emblématique, voire archétypal de la nouvelle norme polémologique contemporaine : une guerre qui n’a jamais été déclarée ; menée par des puissances employant principalement des supplétifs étrangers ;  troupes mercenaires ou idéologiquement motivées présentées au monde par les mass-médias dominants comme des dissidents du régime en place ; un État légitime présenté comme l’agresseur et son dirigeant comme un criminel contre l’humanité par les ONG sorosiennes du type Human Rights Watch, organisations qui exercent elles-mêmes une action d’influence centrale auprès des institutions internationales.

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La répartition des rôles entre les grandes puissances occidentales et eurasiatiques fut aussi très significative durant toute l’évolution du conflit syrien. Des puissances qui sont intervenues dans le conflit selon leurs intérêts régionaux respectifs sans jamais aller jusqu’à la rupture et conservant toujours le lien diplomatique et politique nécessaire malgré les opérations militaires et les accrochages en cours sur le terrain.

Le cas syrien mais aussi l’ensemble des crises récentes qui ne « dérapent » jamais vers la guerre ouverte entre les grandes puissances qui y sont impliquées, semblent nous indiquer que les affrontements contemporains devraient plutôt être perçus comme des luttes internes au sein d’un ordre mondial intégré mais un ordre travaillé par des contradictions internes et qui cherchent à parvenir à une forme plus aboutie, plutôt qu’aux prolégomènes d’une rupture complète en son sein.

Au-delà des discours et des accrochages indirects, dans les faits tous les acteurs majeurs du choc contemporain des puissances semblent être d’accord sur une norme commune : la gouvernance globale est inéluctable mais chacun cherche logiquement à l’orienter stratégiquement dans le sens des intérêts.

Ainsi, comme nous l’écrivions il y a deux ans lors du dernier forum géopolitique de Chisinau : « À mesure que la société ouverte dissout l’ordre normal des relations internationales en le parasitant de l’intérieur via les instances supra-étatiques et transnationales, s’installe alors une forme de guerre civile universelle dont les flammes ne cessent d’éclairer l’actualité. En témoignent les conflits contemporains qui sont de moins en moins des guerres inter-étatiques déclarées mais des conflits asymétriques et hybrides où s’affrontent les « partisans » et les pirates d’une société liquide universelle au sein de théâtres des opérations toujours plus flous, brutaux et non conventionnels. Dans l’esprit mondialiste, ces guerres sont les prolégomènes et le processus nécessaires vers une fin prochaine des antagonismes internationaux. »[28]

Ce qui est à craindre, selon nous, relève plutôt du durcissement en cours de la gouvernance globale vers une forme de dictature planétaire qui chercherait ainsi à freiner les tendances centrifuges trop nombreuses en son sein. Dévoiement totalitaire en cours depuis plusieurs années et qui a franchi une étape décisive à la faveur des mesures sanitaires mondiales :

« À mesure que progresse le cosmopolitisme et son millénarisme anti-étatique[29], progresse de concert la guerre civile mondiale. Pour freiner cette tendance inéluctable et de manière similaire au communisme des origines, l’idéal d’une fin de l’Etat et d’une parousie post-politique aboutira de fait au retour d’un arbitraire plus violent que ce qu’aucun Etat n’aura jamais infligé à ses citoyens dans l’Histoire. Si les Etats-nations sont défaits, émergera alors un Léviathan mondial d’une brutalité inédite et sans frein. »[30]

Une tendance qui va là encore renforcer la concurrence entre la gouvernance mondiale et les léviathans continentaux russe et chinois. Gouvernance mondiale qui use des méthodes de contrôle politique indirecte sous prétexte sanitaire (biopolitique) pour accroître ses prérogatives là les États-nations lui sont subordonnés (principalement la sphère occidentale : UE, USA, Israël etc). Les léviathans continentaux russe et chinois continuent quant à eux d’exercer, voire de renforcer leur monopole étatique, y compris en imitant à leur échelle les normes biopolitiques en cours et en les adaptant. Léviathans continentaux qui seuls possèdent la masse, la puissance et pour l’instant la population nécessaire, pour tenter de garder leur monopole de souveraineté politique et leur intégrité territoriale (toujours menacée sur leurs bords ou leur étranger proche : Xinjiang, Ukraine etc) au sein de la gouvernance mondiale.

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Antonio Guterres.

À ce titre il est intéressant de rappeler ici une intervention de l’actuel Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, durant la cérémonie de l’Assemblée générale marquant le soixante-quinzième anniversaire des Nations Unies, le 21 septembre 2020. A. Guterres y a exposé que le monde « n’a pas besoin d’un gouvernement mondial mais bien d’une gouvernance mondiale améliorée maintenant que la COVID-19 a mis à nu ses fragilités »[31]. Comme pour faire taire les suspicions en la matière après une année d’autoritarisme politico-sanitaire mondial, l’actuel secrétaire des Nations unies (et ancien président de l’Internationale socialiste[32]) a tenu à préciser que :

« Personne ne souhaite de gouvernement mondial – mais nous devons œuvrer de concert pour améliorer la gouvernance mondiale.  Dans un monde interconnecté, nous avons besoin d’un multilatéralisme en réseau, dans lequel la famille des Nations Unies, les institutions financières internationales, les organisations régionales, les blocs commerciaux et d’autres collaborent plus étroitement et plus efficacement. (…) Un multilatéralisme qui soit inclusif et s’appuie sur la société civile, les villes, les entreprises, les collectivités et, de plus en plus, sur la jeunesse. » [33]

On voit ici précisément exposée la dilution progressive de la souveraineté des États que nous avons déjà évoquée sous couvert de l’habituel « multilatéralisme inclusif ». Un multilatéralisme qui fut justement le thème principal de l’intervention du président chinois Xi Jinping au cours de son intervention lors de l’édition virtuelle de l’agenda du Forum économique mondial (FEM) qui se tenait en janvier dernier, peu avant l’éclatement de la crise au Myanmar. Intitulé : « Que le flambeau du multilatéralisme éclaire la marche en avant de l’humanité », le discours de Xi Jinping fut qualifié d’historique par le président du FEM, Klaus Schwab, qui salua le multilatéralisme chinois et la poursuite par la Chine des grands objectifs stratégiques de la gouvernance mondiale : lutte contre le réchauffement climatique, intégration cosmopolitique, décarbonation de l’industrie etc [34].

Le plus grand danger pour l’ordre mondial actuel semble ainsi plutôt relever de l’implosion et de la démolition contrôlée des sociétés que de leur explosion comme au XXème siècle.

Guerre hors-limites et guerre nucléaire ouverte

Pour qu’une rupture systémique se produise actuellement au sein de la gouvernance mondiale et vienne ruiner tous les efforts successifs entrepris depuis des décennies vers l’intégration cosmopolitique, il faudrait que les intérêts stratégiques ou économiques vitaux de l’un des acteurs géoéconomiques principaux de cette gouvernance se trouvent directement menacés. Il faudrait que les incendies perpétuellement allumés sur les lignes de rupture de la tectonique géopolitique contemporaine entre Eurasie et Occident, de l’Ukraine à la Birmanie, en viennent à menacer les centres stratégiques des puissances chinoises et russes et plus seulement leur périphérie. Il faudrait que l’une des puissances principales qui forment l’architecture de l’ordre mondial actuel se décide à rompre cet état de guerre civile mondiale froide perpétuelle et se lance dans un aventurisme guerrier aux conséquences difficilement calculable en termes de coût humain et matériel.

Il faudrait que l’emploi des vecteurs indirects propres à la guerre hors limites contemporaines que nous avons déjà évoqués, s’avèrent incapables de maintenir les intérêts vitaux des acteurs principaux de la gouvernance mondiale et que le statu quo stratégique actuel entre puissances dominantes en vienne alors à être brisé.

Un statu quo qui semble pour l’instant privilégier la pression exercée vers le bas, sur les populations, que vers le haut, c’est-à-dire entre les États et les sommets stratégiques de la gouvernance globale.

Pour autant, un scénario de rupture régionale qui pourrait dégénérer n’est pas à écarter ainsi que le rappelaient les membres du Centre de Réflexion Interarmées (CRI). Ces derniers dénonçaient en juin dernier, l’actuelle stratégie nucléaire US-OTAN qui constitue pour eux un danger pour l’Europe et « un concept qui marque un retour à la guerre froide »[35]. Ils s’alarmaient aussi d’une possible normalisation de l’emploi de l’arme nucléaire de théâtre (ou tactique) dans la doctrine nucléaire américaine contemporaine[36]. Arme nucléaire tactique qui pourrait être employée sur un théâtre d’opération d’Europe orientale face à la Russie.

L’emploi d’armes nucléaires tactiques de théâtre qui aboutiraient par escalade à l’emploi d’armes nucléaires anti-cités est une hypothèse de travail qui a conduit des chercheurs de l’université de Princeton à simuler un conflit entre USA et Russie, conflit qui dégênerait en une guerre nucléaire totale. Un scénario qui aboutirait d’après cette simulation à environ 90 millions de morts, principalement sur le territoire européen. Une projection qui apparaît manquer de rigueur pour certains analystes : l’agresseur étant bien entendu la Russie et surtout les réactions des puissances nucléaires européennes que sont la Grande-Bretagne et la France n’étant pas vraiment prises en considération. Pour autant il est significatif que de telles recherches soient menées sur la base d’éléments dont certains semblent assez réalistes [37].

Une autre hypothèse de rupture pouvant conduire à un embrasement de l’ordre mondial reste celle d’un acteur géopolitique « irrationnel » qui viendrait bousculer les rapports de force et les équilibres précaires existants. C’est une possibilité que nous avons déjà évoquée à propos d’Israël dans notre livre Soros et la société ouverte. Il s’agit de l’option « Samson » que se réserverait une partie de l’appareil militaire et politique israélien :

« Samson est ce héros hébreu connu pour avoir fait s’effondrer sur lui-même et ses assaillants un temple de Philistins, cela au moment où il se sentait acculé par un trop grand nombre d’ennemis. Une idée qui remonterait aux années 60 d’après le journaliste américain Seymour Hersh, auteur en 1991 d’un livre sur l’histoire de l’arme atomique israélienne : « The Samson Option: Israel’s Nuclear Arsenal and American Foreign Policy ». L’historien militaire Martin Levi Van Creveld évoquera a son tour cette « doctrine » militaire de dernier recours :

« Nous possédons plusieurs centaines d’ogives atomiques et de missiles et pouvons les lancer sur des cibles dans toutes les directions, peut-être même contre Rome. La plupart des capitales européennes sont des cibles pour notre force aérienne. Permettez-moi de citer le général Moshe Dayan : “Israël doit être comme un chien fou, trop dangereux pour être embêté” Je considère tout cela comme désespéré à ce stade. Nous devrons essayer d’empêcher les choses d’en arriver là, si cela est possible. Nos forces armées, cependant, ne sont pas la trentième force au monde mais plutôt la deuxième ou la troisième. Nous avons la capacité de faire tomber le monde avec nous. Et je peux vous assurer que cela arrivera avant qu’Israël ne disparaisse » [38]

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Une option militaire qui peut apparaître tellement extrême qu’elle semble en devenir irréaliste, mais qui s’inscrit en fait dans le temps long des représentations bibliques, comme en témoigne cette vision du prophète Zacharie : « Voici la plaie dont l’éternel frappera tous les peuples qui auront combattu contre Jérusalem : leur chair tombera en pourriture tandis qu’ils seront sur leurs pieds, leurs yeux tomberont en pourriture dans leurs orbites, et leur langue tombera en pourriture dans leur bouche. » [39]

Comme nous l’avons régulièrement exposé, nous pensons que les acteurs de la puissance sont en dernière analyse guidés même de manière inconsciente par des représentations et des conceptions politiques qui découlent généralement de concepts et de notions religieuses sécularisées. C’est le domaine de la théopolitique qu’a longuement étudié en son temps Carl Schmitt [40].

En définitive, la forme que prendra l’ordre mondial dépendra aussi des idéologies et visions du monde qui sous-tendent les prises de décision des acteurs géopolitiques qui le forment. En dernier instance et comme toujours dans l’Histoire, ce sera la responsabilité humaine qui devra trancher et déterminer la forme future de cet ordre mondial actuellement en gestation. Et comme disait Karl Marx : « les hommes font l’Histoire, mais ils ne savent pas l’Histoire qu’ils font ».

Pierre-Antoine Plaquevent – avril 2021


[1] Cf. la notion de Max Weber : Monopol legitimer physischer Gewaltsamkeit

[2] Cf. Thomas Hobbes, Le Leviathan, chapitre XXX : De la fonction du Représentant souverain, 1651.

« La fonction du souverain, qu’il soit monarque ou une assemblée, consiste dans la fin pour laquelle le pouvoir souverain lui a été confié, à savoir procurer au peuple la sécurité, fonction à laquelle il est obligé par la loi de nature, et il est obligé d’en rendre compte à Dieu, l’auteur de cette loi, et à personne d’autre. » Voir aussi : L’abolition de l’État de droit et la renaissance de la violence politique – Youssef Hindi
https://strategika.fr/2021/04/12/labolition-de-letat-de-d...

[3] Cf. Soros et la société ouverte : métapolitique du globalisme (édition augmentée), Pierre-Antoine Plaquevent, éditions Culture et Racines, 2020 https://www.cultureetracines.com/essais/5-soros-et-la-soc...

[4] Rappelons que d’après le président biélorusse Alexandre Lukachenko, la Banque Mondiale aurait proposé au Bélarus un financement 940 millions de dollars si l’État y appliquait le même type de mesures sanitaires et sociales qu’en Europe occidentale : quarantaine, isolement, couvre-feu etc. « Nous ne danserons sur la musique de personne » avait commenté le président biélorusse au sujet de ces révélations. Voir ici : https://www.belta.by/president/view/net-bolshej-tsennosti... ou ici  https://www.geopolintel.fr/article2383.html

[5] Amérique latine : où en sont les mouvements de contestation ?

https://www.lefigaro.fr/international/amerique-latine-ou-...

mardi, 13 avril 2021

S’attendre à la prochaine grande guerre: Riyadh contre Bagdad

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S’attendre à la prochaine grande guerre: Riyadh contre Bagdad

Damir Nazarov

Ex : https://www.geopolitica.ru

Alors que la communauté mondiale est occupée à "résoudre" les crises en Libye et au Yémen et à mener des "espèces de simili-négociations" sur la Syrie, un autre conflit majeur, mais tout à fait attendu, mûrit dans le labyrinthe du Moyen-Orient. Ses origines remontent à l'agression de Saddam contre la République islamique d’Iran, mais après l'émergence de DAESH, il est devenu évident que nous pourrions très bientôt assister au début d'une confrontation directe entre les protagonistes. Nous évoquons ici une lutte potentielle entre l'Arabie saoudite et l'Irak (du moins sa partie pro-iranienne). Saddam et ISIS* (vous pouvez mettre un signe égal ici) sont depuis quelque temps la principale force de frappe des impérialistes contre Téhéran, mais malgré l'influence majeure des élites anglo-saxonnes, on ne peut ignorer l'énorme contribution(1) de la plus grande autocratie de la péninsule arabique au potentiel de combat des agresseurs du Baathisme*. Le subtil enchevêtrement entre pétrodollars et idéologie (arabisme, takfirisme) a fait l'affaire.

La première vague de "réveil islamique" a déclenché un mouvement tectonique dans la région et a mis à nu les anciennes contradictions antagonistes entre les partisans de la révolution islamique, d'une part, et les dictatures pro-occidentales, d'autre part. Ainsi, en 2012, les services de renseignement saoudiens avaient accusé le Conseil suprême de la révolution islamique d'Irak de fournir des armes aux révolutionnaires des zones chiites d'Arabie saoudite. C'est précisément en raison des nouvelles réalités, dans lesquelles la République islamique est devenue le premier allié des peuples rebelles de l'Oumma et les Saoudiens le premier ennemi intérieur (le sionisme est l'ennemi extérieur numéro un, après tout), que Riyad a commencé à agir directement contre la RII, ce qui a directement affecté l'Irak. Par exemple, en 2013, la milice irakienne Jaish al Mukhtar a tiré des roquettes sur les Saoudiens en représailles à une attaque terroriste contre l'ambassade d'Iran à Beyrouth.

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Mais l'année 2019 a marqué un certain tournant, les services de renseignement américains signalant que les Irakiens ont attaqué les Saoudiens pour la première fois d'une ‘’nouvelle manière’’ (2). L'ombre du soupçon s'est abattue sur la Brigade du Hezbollah. Que cela soit vrai ou non n'a aucune importance, car il est devenu évident que l'"ancien" conflit est entré dans une nouvelle phase. Cette année encore, nous avons pu assister à un échange de coups. Le 21 janvier, les services spéciaux saoudiens, sous couvert d'ISIS, ont organisé une attaque à Bagdad, et deux jours plus tard, la ‘’Brigade de la vraie promesse’’ a utilisé un drone pour attaquer le palais royal.

L'omniprésence des Américains dans la région a également permis d'établir un lien entre l'organisation nouvellement fondée et le Hezbollah irakien. Acte de terreur, contre-attaque de guérilla, nous serons probablement témoins, encore et encore, d'un acte de terreur des Saoudiens et d'actions de guérilla de représailles des Irakiens qui illustrent qui est le guerrier et qui est le terroriste dans cette guerre.

Il est difficile de prédire à quelle faction de la Résistance islamique appartiennent les groupes qui attaquent la dictature saoudienne, mais sur un point, les Américains ont sans doute raison, le corps du Hezbollah d'Irak a vraiment des capacités énormes. Avec le soutien de la RABD et de l'IRGC, la ‘’Brigade du Hezbollah’’ a réussi à construire son propre "État profond" et à poursuivre son développement avec succès sur divers fronts. Dans ce contexte, il convient d'ajouter que les "partisans irakiens de Wilayat al-Faqih" ont établi des relations solides avec diverses forces politiques islamiques dans le pays, ce qui témoigne de leur crédibilité personnelle et de leur capacité à être des tacticiens flexibles.

Conclusion : peut-on encore affirmer qu'une nouvelle guerre à grande échelle nous attend ? Certainement oui (3), toute la question est celle du timing. Une guerre au plein sens du terme entre les éléments clés des deux alliances (4) est à prévoir dans un avenir proche, mais la "guerre froide" locale, utilisant des tactiques de sabotage, bat déjà son plein et trouve son origine dans l'intervention de Washington en Irak. Personnellement, je suis sûr que l'aventure yéménite n'aura absolument aucun effet sur les ambitions de la cour saoudienne. Il ne s'agit même pas ici de "folie politique", mais plutôt de "continuer la politique par d'autres moyens". Car ce n'est qu'une question de temps avant que l'Irak ne devienne "islamo-révolutionnaire", après quoi la présence des colonialistes commencera à reculer de manière accélérée, et leur départ imminent affectera certainement les marionnettes pro-occidentales de la région. Mais ce qui effraie le plus la Maison des Saoud, c'est qu'un État jeune et ambitieux, doté d'une nouvelle idéologie, émerge à côté d'une autocratie décrépite, Etat jeune qui a bien l'intention d'exporter des idées révolutionnaires. Riyad comprend que, dans ce scénario, le "nouvel Irak" ne se limitera manifestement pas à soutenir les enclaves chiites de l'Arabie saoudite; l'essentiel de l'aide ira aux forces sunnites et salafistes locales qui s'opposent au régime.

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En décrivant le régime saoudien au pouvoir comme un agresseur intransigeant, on peut se référer aux conclusions du camp du "Grand Satan". En 2019, le Washington Post a décrit Mohammad bin Salman (MBS) comme le "nouveau Saddam". Et si l'on compare les années 80 à notre époque, on constate effectivement de nombreuses similitudes. Le régime de Saddam, profitant du soutien des grandes puissances mondiales des deux camps de l'époque, a attaqué la jeune république révolutionnaire, et n'a pas caché la raison de l'agression - en pointant du doigt l'idéologie islamique de la révolution. Aujourd'hui en Irak, avec quelques réserves, mais il y a bien un "changement révolutionnaire", symbolisé par Hashad al-Shaabi et ses alliés. Le renforcement du facteur islamique dans un pays voisin, n'est-il pas une raison pour tenter une intervention visant à détruire l'institution de pouvoir nouvellement apparue et indépendante ? Une analogie avec le comportement de l'Irak baasiste à la fin du XXe siècle s'impose.

Le "Saddam saoudien" a déjà déclenché un massacre contre la Révolution (événements au Yémen), en échouant lamentablement, mais il faut savoir que le prince héritier n'est qu'un des nombreux intrigants ambitieux qui ne manqueront pas de saisir l'occasion pour éteindre la lumière d'un "nouveau soulèvement" ou déclencher une autre guerre au nom de leurs propres intérêts et d'une tentative de plaire au sionisme. En particulier lorsque les ressources pro-occidentales brossent le tableau d'un "Irak faible" avec une abondance de problèmes internes, le désir d'organiser une "guerre victorieuse éclair" est multiplié. La faiblesse de l'appareil d'État, gangrené par la corruption et protégé par les Américains, les tendances séparatistes au Kurdistan et à Anbar, la lutte à l'intérieur du camp chiite (Sistani, laïcs, chiraziens contre l'Iran), tous ces éléments présentent à première vue une perspective assez favorable à une nouvelle aventure saoudienne, surtout avec le soutien actif du sionisme et des États-Unis, mais Riyad se rend-il compte des conséquences évidentes ? Probablement pas, et l'histoire du Yémen en est la preuve.

Les Américains sont déjà activement engagés dans le développement de scénarios pour une future guerre entre les Saoudiens et l'Irak. Ainsi, The Economist, citant des "responsables irakiens", parle d'une prétendue "milice armée de 1400 missiles qui se rassemble près de la frontière avec l'Arabie saoudite". N'est-ce pas une remise en jeu provocante ?

Le soutien de Riyad aux Takfiris a été symbolisé par les propos du prince Saoud al-Faisal, alors ministre des Affaires étrangères, qui a déclaré au secrétaire d'État John Kerry à l'automne 2014: "ISIS est notre réponse à votre soutien au parti Dawa'a".

 

  • (1) Ce soutien se poursuit à ce jour, même en termes de logistique, les Saoudiens fournissent aux Takfiris tout ce dont ils ont besoin. Exemple avec les voitures, les Saoudiens en ont fourni à DAESH depuis début 2014 jusqu'à aujourd'hui.
  • (2) Signifie le rôle important du corps du Hezbollah dans le cadre de la force de mobilisation populaire irakienne.
  • (3) "La guerre ne peut être évitée, elle ne peut être que retardée - à l'avantage de votre ennemi", Nicolo Machiavelli.
  • (4) Il s'agit ici de la confrontation entre le bloc pro-américain, où les Saoudiens jouent un rôle majeur, et le bloc pro-iranien, pour lequel l'Irak est le principal maillon de l'Axe de la Résistance.

DAESH (ISIS) - interdit dans la Fédération de Russie.

lundi, 12 avril 2021

Le cœur de l'Asie espère la paix, la stabilité et la prospérité pour l'Afghanistan

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Le cœur de l'Asie espère la paix, la stabilité et la prospérité pour l'Afghanistan

Zamir Ahmed Awan

Ex: https://www.geopolitica.ru/it/article/

Le processus Heart of Asia-Istanbul (HoA-IP), établi le 2 novembre 2011 à Istanbul, en Turquie, est une initiative partagée par l'Afghanistan et la Turquie. Il s'agit d'une plate-forme pour une coopération régionale sincère et axée sur des résultats tangibles, qui place l'Afghanistan au centre de ses préoccupations, en reconnaissance tout simplement le fait qu'un Afghanistan sûr et stable est vital pour la prospérité de la région sise au cœur de l'Asie. La plateforme vise à relever les défis et les intérêts communs de l'Afghanistan et de ses voisins et partenaires régionaux. Heart of Asia comprend 15 pays participants, 17 pays de soutien et 12 organisations de soutien régionales et internationales. Les membres impliqués dans le processus sont la Russie, la Chine, l'Inde, le Pakistan, l'Afghanistan, l'Iran, le Kazakhstan, le Kirghizstan, le Tadjikistan, le Turkménistan, l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l'Azerbaïdjan, l'Ouzbékistan et la Turquie. L'objectif est de promouvoir la sécurité régionale et la coopération économique et politique, axée sur l'Afghanistan par le biais du dialogue et d'une série de mesures de confiance.

La neuvième conférence ministérielle "Heart of Asia - Istanbul Process" s'est tenue les 30 et 31 mars 2021 à Douchanbé, au Tadjikistan. L'envoyé spécial des États-Unis pour l'Afghanistan et des représentants des talibans ont assisté à la conférence.

L'Afghanistan souffre d'instabilité, de guerre et de troubles politiques depuis près de quatre décennies. Le pays a été gravement détruit, les infrastructures, la production d'énergie, l'industrie, l'agriculture, presque tous les secteurs économiques sont gravement endommagés. L'éducation, les soins de santé et la vie sociale sont presque inexistants. La souffrance du peuple afghan a atteint un point culminant et doit cesser immédiatement. Les Afghans ne sont pas le peuple d'un Dieu inférieur. Il existe un consensus total entre les parties prenantes et les nations régionales pour rétablir la paix et la stabilité en Afghanistan.

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L'Afghanistan est un voisin important et un pays frère du Pakistan avec des liens historiques, religieux et culturels forts; les deux nations possèdent des liens étroits et un destin commun. Aucune autre nation ne peut prétendre avoir des liens aussi immuables avec l'Afghanistan et donc être plus désireuse de paix et de progrès en Afghanistan que le Pakistan. En fait, le Pakistan a sacrifié 80.000 vies précieuses, subi de lourdes pertes économiques et des répercussions négatives sur le tissu social à cause de l'intolérance, de l'extrémisme, du terrorisme, de la culture des armes à feu et de la drogue, du trafic et de la contrebande, etc.

Le Pakistan est le premier pays à vouloir un Afghanistan pacifié, stable et prospère. Le Pakistan a toujours contribué à la paix en Afghanistan et a joué un rôle essentiel pour amener les talibans à la table des négociations à Doha. L'accord de paix entre les États-Unis et les talibans a été signé en février 2020 et constitue une réussite importante. Il est temps d'appliquer l'accord de paix. La mise en œuvre de l'accord est une garantie de paix et de stabilité durables.

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L'ancien président Trump a tenu sa promesse et a réduit le niveau des troupes à seulement 2500 avant de quitter son poste. Selon l'accord, les troupes restantes doivent être évacuées avant le 1er mai 2021. Toutefois, les déclarations sont contradictoires quant au retrait des troupes d'ici la date limite et une prolongation de six mois supplémentaires pourrait être proposée. Les Talibans ne sont pas disposés à accorder un quelconque délai supplémentaire et insistent pour appliquer l'accord à la lettre.

Dans son discours tenu au cœur de la conférence interministérielle asiatique, le ministre pakistanais des affaires étrangères a déclaré que "nous avons constamment mis en garde contre le rôle des fauteurs de troubles à l'intérieur et à l'extérieur de l'Afghanistan". En fait, il existe une résistance à la paix de la part de quelques factions à l'intérieur de l'Afghanistan, qui ne sont pas censées jouer un rôle dans les futurs arrangements politiques en Afghanistan et s'opposent donc à tout accord de paix qui se ferait sans eux. Quelques pays exploitaient l'instabilité de l'Afghanistan pour leurs propres intérêts et menaient des actions terroristes et de sabotage depuis le sol afghan jusqu'au Pakistan. Ils constituent certainement un obstacle au processus de paix en Afghanistan. La communauté internationale doit prendre note de ces facteurs et être vigilante pour les endiguer à temps.

Le ministre pakistanais des affaires étrangères a suggéré que nous devrions nous concentrer sur les points suivants :

- Consolider et renforcer les progrès réalisés au cours du processus de Doha.

- Préserver les investissements de la communauté internationale et les gains de développement qui en ont résulté au fil des ans.

- Assurer un retrait ordonné et responsable.

- Veiller à ce que la réduction de la violence et le cessez-le-feu soient réalisés le plus rapidement possible.

- Amener le processus mené par les Afghans, et dont ils sont les protagonistes spécifiques et autochtones, à un règlement politique durable.

- Obtenir l'engagement financier de la communauté internationale pour soutenir l'Afghanistan sur la voie d’un progrès post-conflit.

- Planifier la reconstruction et le développement économique à long terme de l'Afghanistan.

- Créer des facteurs d'attraction pour les réfugiés afghans afin qu'ils puissent rentrer chez eux dans la dignité et l'honneur grâce à un plan à ressources limitées doté de ressources adéquates.

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Le Pakistan a engagé un milliard de dollars pour le développement et la reconstruction de l'Afghanistan. Sur ce montant, environ 500 millions de dollars ont déjà été consacrés à des projets d'infrastructure et de renforcement des capacités du pays. Le Pakistan a instauré un nouveau régime de visas pour faciliter les voyages et, malgré le COVID-19, cinq postes frontières ont été ouverts pour promouvoir le commerce et le transit bilatéraux. Le Pakistan a également rendu le port de Gwadar opérationnel pour le trafic et le transit afghan.

Il est à espérer que la communauté internationale mettra en œuvre l'accord de paix, rétablira une paix permanente et résoudra la question une fois pour toutes.

Article original de Zamir Ahmed Awan :

https://www.geopolitica.ru/en/article/heart-asia-hopes-afghan-peace-stability-and-prosperity

Assurer le contrôle géostratégique sur la construction d'un nouveau corridor énergétique

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Assurer le contrôle géostratégique sur la construction d'un nouveau corridor énergétique

Pooya Mirzaei

Ex : https://www.geopolitica.ru/it/

L'énergie est devenue à la fois un fardeau et un levier de pression permettant d'influencer les relations internationales et la géopolitique. Par conséquent, la sécurité énergétique a été considérée comme vitale et importante dans le monde entier, ce qui a souvent conduit à la construction d'urgence d'un corridor ou d'un passage énergétique stratégique et tactique comme moyen d'assurer la sécurité.

L'énergie est l'un des principaux éléments qui facilitent le développement économique du monde. La course mondiale au développement a créé une instabilité et des déséquilibres dans l'offre et la demande d'énergie. Par conséquent, l’accessibilité à une quelconque ressource énergétique nécessite, au niveau des nations, d’adopter une approche d'urgence au niveau mondial. Car cela détermine la capacité d'un pays à influencer les tendances économiques mondiales, la géopolitique et les relations internationales.

Le principal problème relatif aux corridors énergétiques est qu'ils n'ont pas pour support une vision ou un concept spécifiques. De nombreux penseurs ont proposé leurs propres idées et concepts pour préciser ce qu’est un corridor énergétique. James McPherson (2013) a défini le concept de " corridor énergétique " [1] dans le Dakota du Nord comme un corridor pouvant transporter le pétrole, le gaz naturel, l'électricité et l'eau depuis les zones de l'ouest du Dakota du Nord. Selon l'analyse énergétique mondiale (BP, 2018), l'énergie comprend les éléments suivants: l'électricité, le gaz naturel, le charbon et le pétrole brut.

Par conséquent, on peut dire qu’un corridor énergétique est un passage qui comprend une ou plusieurs routes entre deux points ; le transport du pétrole, du gaz, de l'électricité et du charbon s’effectue alors par une liaison directe à la zone d'approvisionnement et de consommation d'énergie. Duma et al. (2003) ont considéré une approche spatiale et ont défini un corridor de transport comme une zone géographique située entre deux points, reliant différents centres et permettant le déplacement des personnes et du temps. Un corridor est constitué d'une ou plusieurs routes qui relient des centres d'activité économique. Ces voies d’accès sont constituées de niveaux dimensionnels différents mais ont un point de transmission commun qui est connecté au même point final (perception de la Banque mondiale 2015).

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Selon Meltem et BasKan (2011), le corridor énergétique entre le Caucase, l'Asie centrale et l'Union européenne (UE) pourrait réduire la dépendance de l'UE vis-à-vis de la Russie en matière de sécurité énergétique, ce qui constituerait un avantage important pour l'UE. Selon la Commission européenne (2006), le corridor énergétique entre le Caucase, l'Asie centrale et l'Union européenne pourrait aider la Turquie à exploiter pleinement son potentiel pour devenir une importante plaque tournante du transit énergétique. Selon Fazilov et Chen (2013), Higashi (2009), Kulkarni et Nathan (2016), le corridor énergétique Asie centrale/Chine répond à la plupart des besoins d'importation de gaz de la Chine et a également une stratégie diversifiée d'exportation d'énergie vers l'Asie centrale.

Kubicek (2013) a analysé les objectifs stratégiques des principaux participants au corridor énergétique de la Caspienne: "L'objectif de la Russie est de maintenir sa domination, celui des États-Unis est de se diversifier, celui de la Chine est d'atteindre sa position, et les membres de l'Union européenne sont désireux de diversifier leurs ressources énergétiques parce qu'ils n'ont désormais presque aucune confiance dans leurs ressources actuelles, bien qu'ils possèdent de facto 30 % du pétrole et du gaz russes’’. En résumé, le corridor énergétique joue un rôle important dans la réalisation des objectifs énergétiques stratégiques des pays situés à sa proximité.

L'Iran occupe l'importante route du Moyen-Orient. En d'autres termes, l'Iran est le support vital de la région, qui est susceptible d'ouvrir une route pratique reliant le trafic maritime eurasien et de servir de pont reliant les régions pétrolières du Moyen-Orient et d'Asie centrale. L'Iran est une nation riche en ressources pétrolières et gazières.

Le détroit d'Ormuz, qui est le principal passage ou corridor pour l'importation de pétrole et de gaz dans la région de l'Asie occidentale, est contrôlé par l'Iran. Selon Zhang (2007), l'Iran s'efforce de briser la barrière économique et l'isolement politique que lui impose l'Occident en créant un corridor énergétique transfrontalier afin de diversifier ses exportations énergétiques et d'en assurer la sécurité.

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Selon l'analyse de Chen (2009), la Chine est le plus grand consommateur et importateur d'énergie brute au monde (Cao et Bluth, 2013 ; EIA, 2014 ; BP, 2018). La poursuite de la coopération internationale en matière d'énergie, l'établissement de nouveaux corridors énergétiques et de nouvelles voies d'approvisionnement, ainsi que la diversification des corridors énergétiques et des zones d'importation d'énergie sont les nouvelles prises en considération de la sécurité énergétique et stratégique de la Chine.

(Bureau du conseiller économique et commercial, 2014). Le Pakistan, qui jouxte le Moyen-Orient et l'Asie centrale au nord, tout en étant limitrophe de l'Inde et de la Chine à l'est, dispose de plusieurs routes maritimes importantes depuis l'Afrique, l'Europe, en passant par la mer Rouge, le détroit d'Ormuz et le golfe Persique, jusqu'à la région Asie-Pacifique, toutes passant par la côte sud du Pakistan. En ce sens, le Pakistan est un pays situé sur la "route du corridor énergétique".

Cependant, ses réserves énergétiques sont épuisées et il espère pouvoir bientôt disposer des oléoducs et des gazoducs en provenance du golfe Persique, de l'Asie occidentale et de l'Asie centrale pour atténuer la précarité de son problème énergétique national. Mais la pression pour construire un corridor énergétique afin d'autonomiser l'énergie domestique est forte, et le Pakistan doit donc rechercher une collaboration internationale dans le secteur de l'énergie.

D'après la perception de Cetin et Oguz (2007a ; 2007b), la Turquie n'a pas d'énergie et sa consommation de gaz naturel dépend des importations.

Mais la Turquie est une destination stratégique tout en étant l’un des plus grands consommateurs d'énergie au monde. La Turquie est le point de connexion entre l'Europe et les pays riches en énergie d'Asie centrale et du Moyen-Orient. Par conséquent, la Turquie a l'intention d'agir comme une plaque tournante énergétique à la mesure de la structure géopolitique de la région (Correlje & Van der Linden, 2006). La promotion de la diversification des ressources énergétiques et les efforts visant à créer des pôles/des hubs énergétiques [2] sont des objectifs stratégiques importants pour la Turquie.

L'analyse montre que le corridor énergétique Chine-Pakistan-Iran-Turquie est un corridor ou passage énergétique stratégique reliant quatre pays et que la création de ce corridor est conforme aux objectifs énergétiques et stratégiques des pays situés autour du corridor. La Chine est donc à la fois importatrice et consommatrice d'énergie. Le Pakistan est non seulement un importateur et un consommateur d'énergie, mais aussi un pays de transit énergétique.

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L'Iran est à la fois un fournisseur d'énergie et un pays de transit pour le Pakistan et la Turquie ; cette dernière est un importateur d'énergie et un pays de transit pour l'Union européenne. On peut également en déduire que la construction du corridor énergétique est conforme aux objectifs énergétiques stratégiques de certaines nations du Moyen-Orient (Chine, Pakistan, Iran et Turquie). Cependant, même avec la construction du corridor, il existe des faiblesses et des dangers, mais les perspectives restent élevées. Les pays de ce corridor doivent renforcer leur collaboration en termes de communication politique, de connectivité mutuelle, d'énergie, de mécanismes et de collaboration en matière de sécurité.

Notes :

[1] https://ilfarosulmondo.it/geostrategic-scrutiny-construct...

[2] https://pejournal.online/getting-east-mediterranean-energ...

Article original de Pooya Mirzaei : https://pejournal.online/construction-of-a-new-energy-cor...

dimanche, 11 avril 2021

La géopolitique et la géostratégie de l'Iran

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Ronald Lasecki :

La géopolitique et la géostratégie de l'Iran

Ex: https://xportal.pl/?p=38885

L'assassinat du général iranien Kasem Suleimani et du commandant de la milice chiite irakienne Kataib Hezbollah, Abu-Mahdi al-Mohandes, par les Américains à Bagdad le 3 janvier 2020, et la forte augmentation de la tension qui s'en est suivie dans les relations entre Washington et Téhéran, ont à nouveau tourné l'attention du monde vers l'Iran.

Une forteresse rocheuse naturelle

C'est le pays le plus grand et le plus peuplé de la région, avec une superficie de 1.648.000 km², ce qui en fait le 19e plus grand pays du monde, et une population de 83 millions d'habitants, ce qui en fait le 17e plus grand pays du monde [1]. À titre de comparaison, l'Irak voisin a une superficie de seulement 438.000 km² et une population de 40 millions d'habitants [2], tandis que l'Afghanistan, au nord-est, a une superficie de 652.000 km² et une population de 34 millions d'habitants. L'Iran est donc une fois et demie plus grand que l'Irak et l'Afghanistan réunis, et sa population est plus importante que les populations combinées de ses deux petits voisins. Si une carte de l'Iran était superposée à une carte de l'Europe, elle serait plus grande que toute l'Europe occidentale: Péninsule ibérique, France, Benelux et Allemagne [3].

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La deuxième caractéristique du pays réside dans ses frontières géopolitiques naturelles: à l'ouest se trouve la chaîne de montagnes du Zagros, composée de plusieurs chaînes parallèles, qui s'étend sur 1600 km. et se raccordant au nord aux montagnes kurdes et au Taurus arménien; au nord se trouve la chaîne d'Elburn; à la frontière avec la plaine touranienne, au nord-est se trouve la chaîne de Kopet-Dag, qui fait partie des montagnes turkmènes (Khorosan); à la frontière avec l'Afghanistan se trouvent de nombreuses chaînes des montagnes afghanes centrales qui convergent vers l'est en direction de l'Hindu Kush ; au sud se trouvent les montagnes Suleiman qui s'étendent vers le sud; sur la côte du golfe d'Oman se trouvent des montagnes peu élevées (jusqu'à 2500 m. d'altitude - Monts Mekran) [4]. Toutes ces chaînes forment une forteresse rocheuse naturelle, extrêmement difficile à conquérir de l'extérieur.

La longueur totale des frontières de l'Iran est de 8640 km, dont 566 km sur la frontière avec la Turquie, naturellement fortifiée par des montagnes, 756 km sur la frontière, également sécurisée, avec l'Azerbaïdjan, et 45 km sur la frontière avec l'Arménie [5]. L'expansion nord-ouest de l'Iran se heurte non seulement à des obstacles politiques relatifs sous la forme des centres de pouvoir turcs et russes, mais aussi à des obstacles géographiques et climatiques objectifs sous la forme de chaînes de montagnes difficiles à franchir. La frontière avec le Turkménistan, longue de 1190 km, cache de l'autre côté le désert aride et sablonneux de Karakoum. D'une longueur totale de 1843,9 km. D’autres montagnes couvrent les frontières de l'Iran avec l'Afghanistan et le Pakistan ; ici, l'expansion de part et d'autre est découragée par le terrain et l'aridité des terres des deux côtés de la frontière.

La frontière maritime septentrionale de l'Iran s'étend sur 843 km et comprend la côte de la mer Caspienne, dont les monts Elbours sont séparés par l'étroite plaine de la Transcaspienne (ce relief a été exploité par les pêcheurs du 18e siècle). La Russie a conquis temporairement les provinces perses de Mazanderan et d'Astrabad durant les années 1723-1732 [6]). Le littoral sud est de 2106 km de long et s'étend sur le golfe Persique, le golfe d'Oman et le détroit d'Ormuz. Au rétrécissement formé par ce dernier se trouve le port le plus important d'Iran dans la ville de Bandar Abbas. Il s'agit d'un point stratégiquement sensible et, en l'absence d'autres ports importants, l'Iran ne peut aspirer à être une puissance maritime, restant avant tout une puissance terrestre.

Frontière entre l'Irak et l'Iran

Les conditions géopolitiques les plus favorables à l'expansion de l'Iran sont créées par les 1608 km de la longue frontière de ce pays avec l'Irak. Les montagnes kurdes mentionnées ci-dessus disparaissent du côté irakien de la frontière, au sud du Kurdistan irakien. Du côté iranien s'élève la chaîne des Zagros, qui fait office de mur défensif (plus de 4 000 m d'altitude), tandis que du côté irakien s'étend la plaine plate et fertile de la Mésopotamie. En combinant son propre potentiel démographique avec le potentiel économique de la plaine mésopotamienne, avec les conditions qui lui donnent un avantage territorial et démographique significatif sur l'Irak, l'Iran serait en mesure d'atteindre la position d'une superpuissance. Le déroulement de la guerre Irak-Iran de 1980-1988 indique que, malgré la supériorité technique et la meilleure organisation des habitants des plaines, les tentatives d'attaque de la forteresse naturelle iranienne, entourée de chaînes de montagnes, s'avèrent trop difficiles pour eux.

56e854cb58d3d3d4ae550cb30c672c10.jpgLes racines du conflit Irak-Iran remontent à un passé lointain, lorsqu'en 1847, la frontière terrestre séparant les deux pays a été tracée de manière inexacte. Dans les années 1950 et 1960, l'objet du litige était le mouillage de Khoramshahr et l'île d'Abadan, revendiqués par l’Irak, qui exigeait que les navires iraniens soient escortés par des pilotes irakiens. En avril 1969, Bagdad s'est déclaré propriétaire du fleuve Shatt al-Arab et a interdit aux navires étrangers d'y pénétrer. Cette déclaration n'a pas été acceptée par l'Iran, qui a envoyé des navires de guerre pour protéger ses propres navires. Le différend a été temporairement réglé par l'accord de compromis signé à Alger en 1975.

Les plans opérationnels de l'armée irakienne dans la guerre contre l'Iran, qui a débuté le 22 septembre 1980 par une attaque aérienne de l'Irak sur les positions iraniennes, prévoyaient la destruction de l'armée iranienne dans un délai de 10 à 14 jours et la prise des zones contestées du Khuzestan et de certaines parties de la province d'Ilam, après quoi Téhéran devait proposer des pourparlers au cours desquels il était prévu de négocier un traité de paix favorable à l'Irak. L'objectif de l'armée de l'air irakienne dans les premières semaines de la guerre était de prendre le contrôle de l'air, de détruire les bases aériennes iraniennes, de bombarder les zones de dislocation des forces terrestres iraniennes, ainsi que les installations industrielles de Téhéran, Abadan, Kermanshah et Ispahan, et les installations minières et de pompage de l'île de Khark. Malgré la réalisation de 100 à 150 vols de combat par jour jusqu'à la fin du mois de septembre, les Irakiens n'ont pas réussi à atteindre ces objectifs en raison, notamment, d'une mauvaise reconnaissance de l'emplacement des installations et de leurs défenses et de l'inexpérience des pilotes dans la destruction d'installations terrestres relativement petites et souvent cachées. À la fin du mois de décembre 1980, l'offensive terrestre irakienne s'est également effondrée, rencontrant initialement une résistance relativement faible de la part des volontaires, de la police, des unités de gendarmerie et d'un petit nombre d'unités d'artillerie défendant des nœuds de communication et des emplacements particuliers, mais entravée par les conditions naturelles sous la forme d'un terrain montagneux et d'un climat rigoureux [7].

Une exception au type de frontière Irak-Iran décrit ci-dessus est la province iranienne du Khuzestan, qui s'étend sur une longueur de 200 km, avec le fleuve Shatt el-Arab, qui est le débouché commun de l'Euphrate et du Tigre dans le golfe Persique. Le Khuzestan est une région de plaines et de marécages, donc bien qu'elle soit située sur le versant occidental des monts Zagros, elle est parfaitement adaptée à la défense contre d'éventuels agresseurs venant de l'ouest, et elle a effectivement joué ce rôle lors de la lutte contre l'agression irakienne dans les années 1980. Cependant, la province est habitée par des Arabes de souche organisés selon des modes de loyauté essentiellement claniques, plutôt que persanes, ce qui, dans le passé, avait déjà été un facteur de déstabilisation du pouvoir iranien sur place.

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A la fin du 19e siècle, le Khuzestan était surtout connu pour ses vols et ses enlèvements. Les fonctionnaires de la cour impériale des Qajars ne venaient que rarement dans ses steppes sauvages et toujours sous escorte militaire. Le Khuzestan était dirigé par le cheikh Khazal de Muhamrah, qui tirait ses revenus de la collecte de tributs auprès des caravanes commerciales. La Perse confie toutefois l'administration des douanes aux Belges, ce qui incite le cheikh à demander un protectorat à Londres en 1898. L'ambassadeur britannique de l'époque à Téhéran, Sir Mortimer Durand, a donné une réponse évasive, ne voulant pas fâcher le Shah. Au même moment, cependant, le voyageur australien William Knox D'Arcy découvre des gisements de pétrole au Khuzestan et obtient du Shah une concession pour leur exploitation exclusive. Dans cette situation, un autre ambassadeur britannique, Sir Arthur Hardinge, a fait en sorte que le Khuzestan soit placé sous protectorat britannique en 1909. En contrepartie, les tribus subordonnées au cheikh Khazal ont promis de ne pas attaquer les installations de l'Anglo-Persian Oil Company et de ne pas kidnapper le personnel en charge du forage.

La situation n'a été renversée qu'après la révolution nationaliste de 1921, par le futur Shah Reza, lorsqu'en 1924 le Khuzestan a été contrôlé par des garnisons de l'armée iranienne et que le Sheikh Khazal a été amené à Téhéran sous bonne garde. Cependant, cela n'a pas diminué l'influence de l'Anglo-Persian Oil Company (rebaptisée Anglo-Iranian Oil Company en 1933), qui a même maintenu sa propre force de police à Abadan. Cet état de fait a duré jusqu'en 1951, lorsque le pétrole iranien a été nationalisé par le Premier ministre Mohammad Mossadegh, qui a été renversé deux ans plus tard par un coup d'État organisé par les Américains. La reconquête définitive du Khuzestan par les Iraniens n'a eu lieu qu'après la révolution de 1979. Ce fait revêt une grande importance pour l'Iran, puisque 85% du pétrole et du gaz produits par le pays proviennent de cette région [8].

La Mésopotamie, clé de la puissance de l'Iran

Jusqu'au développement de la navigation océanique, les routes les plus importantes reliant l'Inde et la Méditerranée passaient par l'Iran. Les monts Zagros, habités par les Perses, constituent en fait un pont terrestre entre l'Asie occidentale et la péninsule indienne. Cependant, il s'agit d'une route ardue en raison du terrain montagneux défavorable. Il est extrêmement coûteux de développer des infrastructures et de l'industrie sur les pentes de ces montagnes. Le transport de matériel et de troupes à plus grande échelle est impossible. Ce sont les raisons pour lesquelles les tentatives successives d'occupation de l'Iran par des forces extérieures ont échoué. Mais c'est aussi un facteur déterminant de l'efficacité relativement faible de l'économie iranienne et de la pauvreté relative de sa population: le PIB/personne mesuré en termes de pouvoir d'achat était en 2019 de 17.600 dollars, ce qui plaçait l'Iran au 95e rang mondial [9]. Le marché du pétrole et du gaz protège l'Iran d'une dégradation économique complète, mais ne constitue pas une source de ressources suffisante pour sortir le pays de la pauvreté. La situation est exacerbée par les sanctions imposées par les États-Unis depuis l'automne 2018 et l'embargo absolu imposé en mai 2019 par Washington sur les importations de pétrole iranien.

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Enfin, la dernière conséquence de la forme spécifique de l'espace iranien est la difficulté stratégique de lancer des attaques à partir de celui-ci vers les plaines à l'ouest; les difficultés de transport dans les chaînes de Zagros limitent les options non seulement des forces d'invasion extérieures potentielles mais aussi des Iraniens eux-mêmes. Afin d'étendre son influence en Irak, Téhéran doit faire appel aux acteurs nationaux manifestant des sympathies pro-iraniennes dans le pays. Lorsque l'Iran a combattu le gouvernement irakien politiquement intégré dans les années 80, il n'a rien gagné, malgré de lourdes pertes. Positionné contre un Irak post-Saddam après 2003, avec une majorité chiite tournée vers Téhéran, il est rapidement devenu un acteur majeur et a eu accès à des ressources pour poursuivre son expansion dans la région. Un facteur clé de la géostratégie iranienne est donc de gagner des alliés dans les basses terres fertiles de la Mésopotamie, ce qui est actuellement facilité par la proximité religieuse des chiites des deux côtés de la frontière Iran-Irak.

Pendant la guerre de 1980-1988, la stratégie de l'Iran était dictée par sa géopolitique: la guerre devait être résiliente et préventive du point de vue iranien; l'offensive irakienne devait être contenue dans des positions fortement défendues dans les monts Zagros, à la périphérie des villes d'Abadan, de Khoramshahr, d'Alwaz, de Dezful, de Shushtar, de Musian et de Mehran, pour ensuite vaincre l'agresseur dans une contre-offensive et déplacer les hostilités en territoire irakien. Après une pause de trois semaines dans les hostilités, l'Iran lance une attaque contre les positions irakiennes en janvier 1981, débloquant (au prix de lourdes pertes) la liaison avec Abadan qui avait été perdue à l'automne. En septembre de la même année, l'offensive "Thamil ul Aimma" est menée. Le 22 mars 1982, l'Iran a mené avec succès l'opération "Fath", qui a permis de libérer environ 2000 km² du territoire iranien de l'occupation irakienne. Une autre offensive iranienne réussie, "Quds", a débuté le 30 avril 1982 et a permis de reprendre Khoramshahr, de libérer de l'occupation irakienne 5000 km² supplémentaires de territoire iranien dans le Khuzestan, et de repousser définitivement l'agresseur au-delà des frontières de l'Iran.

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La partie iranienne a eu moins de succès dans ses tentatives d'introduire des opérations militaires en territoire irakien: en 1988, Téhéran avait mené 23 opérations offensives, au cours desquelles les Iraniens n'ont pas réussi à percer les défenses très efficaces des forces irakiennes bien équipées sur la ligne défensive fortifiée créée par l'Irak. Les plus importantes de ces offensives ont été: l'opération "Ramadan béni" visant à s'emparer de Bassora et à couper l'Irak du golfe Persique. (13 juillet-5 août 1982), au cours de laquelle la partie iranienne a perdu 18.000 soldats, 220 chars et 133 véhicules de transport, ce qui a permis de déplacer la ligne de front de 7 km seulement vers l'ouest; l'offensive "Badr" visait à couper Bassora du reste de l'Irak (mars 1985) ; dans cette opération, l'Iran a perdu 15.000 à 30.000 tués et blessés; l'offensive "Wal-Fajr 8" visant à capturer le port d'Al-Faw et la base navale d'Umm-Kasr (février-mars 1986) qui s'est soldée par un demi-succès avec la prise du port d'Al-Faw et d'une partie de la péninsule du même nom. Malgré le fait que l'Iran ait engagé des forces importantes en hommes et en matériel, il n'a pas réussi dans deux offensives ultérieures, "Karbala" et "Fath"(mai 1986-décembre 1987), à provoquer l'effondrement militaire de l'Irak, qui, lors de sa propre offensive en avril-juin 1988 a repris la péninsule d'Al-Faw aux Iraniens, et a repoussé leurs troupes de la région de Bassora, Madjun, Zubaidat et Mehran [10]. Le 20 août 1988, une trêve est signée, et le 10 février 1991, après que l'Irak ait fait des concessions sous la pression de l'ONU en réponse à l'attaque irakienne contre le Koweït le 2 août 1990, un traité de paix est signé rétablissant le statu quo ante bellum [11].

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Volontaires afghans pendant la guerre Iran/Irak.

La guerre Irak-Iran est donc un exemple rare de conflit qui s'est soldé par une défaite relative des deux parties: l'Irak a échoué sur le plan stratégique, l'Iran sur le plan tactique. Le bilan du conflit pour l'Iran comprend un million de victimes (dont 300.000 morts), un coût de 645 milliards d'euros avec, en sus, la ruine des infrastructures et de l'économie [12]. Le conflit a mis en évidence l'importance de la chaîne de montagnes du Zagros: d'une part, l'impossibilité pour le pouvoir en place en Mésopotamie de vaincre le pouvoir perse, et d'autre part, l'insuffisance du potentiel du pouvoir perse issu de la ceinture de peuplement Zagros-Elburs pour soumettre la Mésopotamie seul avec un soutien insuffisant des forces locales.

La direction de l'est

Si l'on considère la géographie de l'Iran, il faut enfin mentionner brièvement les régions situées à l'est de la principale ceinture de peuplement de Zagros-Elburs: ce sont des régions inhospitalières et parmi les moins accueillantes pour l'homme. Les zones de plaine sont principalement le Grand désert de sel à l'est de Téhéran et de Koum, et le désert du Dasht-e Lut qui s'étend vers le Baloutchistan. La surface du premier, comme son nom l'indique, est une couche de sel mélangée à une épaisse couche de poussière (désert de salpêtre). Ce dernier est un désert de type sableux. Des températures de 70°C y ont été enregistrées et c'est l'un des endroits les plus secs et les plus chauds du monde. Les deux déserts sont inhabités et inhabitables. Les chaînes de montagnes arides environnantes entre les villes de Yazd et de Karman sont les régions dans lesquelles les reliques religieuses de Mazda ont finalement été repoussées après des siècles d'islamisation de l'Iran [13].

Les déserts des hauts plateaux iraniens sont de vastes plaines avec des couches sédimentaires horizontales résistantes au dégel et altérées, de type conglomérat. Les chaînes de montagnes Elburn, Kopet-Dag, les montagnes centrales d’Iran et les montagnes du Tabask, entourant le Grand Désert de Sel, et les chaînes de montagnes Kuh-e Behan (au sud-ouest) et les montagne de l’Est iranien (au nord-est) entourant le Dasht-e Lut empêchent l'entrée de masses d'air humide, ce qui détermine des précipitations extrêmement faibles (60-100 mm) et des températures de l'air très élevées en même temps. Le climat des deux déserts est de type continental subtropical. Presque toute l'année, le ciel est sans nuage, l'air est sec, en été il y a une grande chaleur, des brouillards secs et des tempêtes de poussière. Dans la partie centrale des deux déserts, on trouve des bandes de sables barchan qui, dans le cas du Dash-e Lut (où leur étendue est plus grande), se déplacent si rapidement qu'elles provoquent l'enfouissement des installations humaines: puits, postes d'eau, terres cultivées et structures. La végétation naturelle est très rare et se limite à de petits buissons de tamaris et à deux ou trois espèces de marais salants [14].

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Dasht i-Lut.

Dans ce contexte, l'activité limitée de l'Iran dans l'est et le nord-est n'est pas surprenante: son épisode le plus notable était de nature réactive et se limitait à une augmentation temporaire de la tension dans les relations entre Téhéran et Kaboul - il s'agissait de la réaction de l'Iran au meurtre de dix diplomates iraniens et d'un correspondant de l'IRNA par les Talibans lors de l'assaut du consulat iranien à Mazar-i-Sharif en septembre 1998. L'Iran a alors mobilisé 70.000 soldats à la frontière avec l'Afghanistan et l'indignation générale en Iran a laissé entrevoir la possibilité d'une nouvelle escalade des tensions [15]. Les négociations sur la libération des otages iraniens ont été pilotées depuis Téhéran par le général K. Suleimani, qui a également participé à la préparation des plans stratégiques pour une éventuelle guerre contre l'Afghanistan. À cette époque, le général Suleimani était également chargé d'assurer la sécurité de la frontière orientale du pays, où passent les routes de la contrebande de drogue en provenance d'Afghanistan [16].

L'activité la plus récente de Téhéran en Afghanistan et au Pakistan s'est limitée à la mobilisation de volontaires chiites dans ces pays pour combattre en Syrie. Dans le cas de l'Afghanistan, ils sont appelés "Fatemjun" et sont recrutés parmi les Khazars chiites et les réfugiés afghans en Iran. La tradition de l'implication de Fatemjun aux côtés de Téhéran remonte aux années de la guerre Irak-Iran. Beaucoup moins nombreux sont les volontaires chiites du Pakistan appelés "Zajnabjum". Ces deux catégories de volontaires ne reçoivent qu'une formation militaire de base dispensée par l'Iran ou le Hezbollah, qui dure généralement de 20 à 45 jours [17] et leurs pertes humaines dans la guerre en Syrie ont été très élevées [18].

Principes et instruments de la stratégie de l'Iran

La portée des activités de l'Iran à l'ouest, en Irak, est beaucoup plus large. La percée s'est produite avec l'agression américaine contre l'Irak le 19 mars 2003, qui a conduit, trois semaines plus tard, à la chute de Saddam Hussein - un objectif que l'Iran n'avait pas réussi à atteindre pendant la guerre de huit ans avec l'Irak en 1980-1988. En quelques mois, l'Iran a mis en œuvre une stratégie d'actions hybrides visant à augmenter le coût de l'occupation yankee de l'Irak et à façonner sa scène politique dans le sens d'une complémentarité avec les intérêts de Téhéran. La stratégie de l'Iran a tenu compte de sa faible puissance militaire et de sa faible efficacité dans un conflit conventionnel à grande échelle, en se concentrant sur les opérations asymétriques et en évitant les affrontements avec des concurrents plus forts. Cette stratégie a apporté à Téhéran un succès sans précédent et, en 2011, lorsque l'occupation américaine de l'Irak a officiellement pris fin, elle a élevé son statut international à celui d'une puissance régionale internationalement reconnue.

La base doctrinale de l'interventionnisme iranien au nom du chiisme, de l'islam en tant que tel, ainsi que la reconnaissance de "l'indépendance, de la liberté et du règne de la justice et de la vérité" comme droit de "tous les peuples du monde" et le soutien à "la lutte des combattants de la liberté contre les oppresseurs dans tous les coins du globe" sont contenus dans la Constitution de la République islamique d'Iran du 3. décembre 1979 (Préambule, article 3 (Objectifs de l'État), article 152 (Principes de la politique étrangère), article 154 (Indépendance, soutien à la lutte juste) et article 155 (Asile) [19]. Une autre source est le "Règlement général des forces armées de l'Iran" de 1992 qui fait référence à la fois au facteur géostratégique sous la forme du terrain de l'Iran ainsi qu'au rôle des forces armées conventionnelles (notamment les forces disposant de missiles) et à l'importance du moral sous la forme de l'énergie islamique révolutionnaire. L'armée de la République islamique d'Iran (Artesh-e Jomuri-ye Islami-je Iran, en abrégé Artesh) et le Corps des gardiens de la révolution islamique (Sepah-e Pasdaran-e Enghelab-e Islami, connu sous son acronyme anglais IRGC) [20] doivent être à la base de la mise en œuvre de la stratégie militaire de l'Iran.

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L'IRGC, fondé le 22 avril 1979 sur ordre de l'Ayatollah Ruhollah Khomeini (1902-1989), joue un rôle particulier dans la mise en œuvre de la stratégie militaire de l'Iran. L'article 150 de la Constitution iranienne lui confie la tâche de "défendre la Révolution et ses réalisations" [21]. Elle compte 190.000 soldats (dont: forces terrestres – 150.000, marine – 20.000, armée de l'air – 15.000, force Quds – 5.000) et 450.000 réservistes sous la forme de la milice Basij [22]. Une unité spéciale au sein de l'IRGC est la Force Quds (Force de Jérusalem), dont la tâche décrite par l'ayatollah Ali Khamenei en 1990 est "d'établir des cellules populaires du Hezbollah dans le monde entier", tandis que le commandant de l'IRGC, le général Mohammad Ali Jafari, a déclaré en 2016 que "la mission de la Force Quds est une mission extraterritoriale visant à aider les mouvements islamiques, à étendre la Révolution islamique et à renforcer la résistance et l'endurance des peuples qui souffrent dans le monde et des personnes qui ont besoin d'aide dans des pays comme le Liban, la Syrie et l'Irak"[23]. Le premier commandant de la force Quds était le général de brigade Ahmad Vahidi, remplacé par le général K. Suleimani vers 1998 [24]. Pendant la période où il commandait les Quds, la formation a établi une vingtaine de camps d'entraînement rien qu'en Iran, ainsi que des centres similaires au Liban et probablement au Soudan [25].

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Le point de référence de la force Quds est l'"axe de la résistance", formé par des acteurs étatiques et non étatiques soutenus par l'Iran dans la région du Moyen-Orient: la Syrie sous Bachar el-Assad, le Hezbollah libanais (45.000 combattants), les milices chiites en Irak (75.000 à 145.000 combattants actifs dans plus de 35 milices), les Houthis au Yémen (10.000 à 30.000. combattants), l'opposition au Bahreïn [26] et les organisations palestiniennes (sunnites) Hamas (25.000 combattants), Jihad islamique palestinien (8.000 combattants) et Front populaire de libération de la Palestine - Commandement général (800 combattants) [27]. Cependant, l'importance de l'Iran s'accroît également en Afrique, où ses alliés comprennent le Mouvement islamique chiite du Nigeria, qui est persécuté par les autorités sunnites d'Abuja et est dirigé par le cheikh Ibrahim Zakzaky [28].

Le théâtre d'opérations irakien après 2003

Cependant, le domaine clé de la stratégie politique de l'Iran après 2003 est devenu l'Irak voisin. En gagnant de l'influence en Irak, Téhéran se construit une profondeur stratégique et un canal d'influence sur des entités telles que le Kurdistan, la Jordanie, le Koweït et l'Arabie saoudite. La stratégie de l'Iran en Irak consiste essentiellement à gagner des alliés parmi la majorité chiite locale. Bien que la plupart des chiites irakiens n'aient aucun penchant pour le khomeinisme, un nombre important de leurs militants ont reçu une formation en Iran, ont trouvé refuge en Iran par le passé ou ont bénéficié de l'aide de Téhéran.

imasciri.jpgLe premier allié chronologique de l'Iran a été le Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (SCIRI), fondé dès 1982, dont le bras armé est devenu le Corps Badr, rebaptisé ensuite Organisation Badr, qui est devenu à son tour indépendant du SCIRI. Badr était initialement composé de prisonniers de guerre chiites de la guerre Irak/Iran et, plus tard, également de réfugiés politiques chiites de l'Irak de Saddam. Après 2003, il s'agissait déjà d'un groupe bien formé, idéologiquement mûr et discipliné, dont le chef Hadi al-Ameri prônait des liens étroits entre les chiites irakiens et l'Iran. D'autres organisations similaires comprennent Asaib Ahl al-Haq sous la direction de Quais al-Khazali, Kataib Sajid al-Szuhada sous la direction d'Abu Mustafa al-Szaibani, et Kataib Hezbollah sous le commandement du commandant Jamal Jafar Mohammad al-Ibrahimi (également connu sous le nom d'Abu Mahdi al-Mohandes [30]), qui a été assassiné en même temps que K. Suleimani.

Après les succès de l'offensive de l'ISIS en Irak en juin 2014, Bagdad, sous la pression de Téhéran, a lancé le programme des forces de mobilisation populaire (également connu sous le nom d'unités de mobilisation populaire, al-Hashd al-Shabi), dans le cadre duquel les milices qui combattent l’ISIS reçoivent des salaires versés par les autorités irakiennes, sont approvisionnées en armes à leurs frais et agissent officiellement comme des organes de l'État. La base idéologique des activités d'al-Hashd al-Shabi a été fournie par la fatwa du grand ayatollah Ali al-Sistani, également émise en juin 2014. En décembre 2016, les milices al-Hashd al-Shabi ont été officiellement intégrées aux forces armées irakiennes et, depuis mars 2018, elles ont droit aux mêmes privilèges que les autres fonctionnaires du ministère irakien de la Défense.

Moqtada al-Sadr speaks during a news conference in Najaf, Iraq May 17, 2018. REUTERSA OK.jpg

Muktada as-Sadr.

La souveraineté officielle de Bagdad n'a que peu d'influence sur les loyautés et les orientations politiques réelles des différentes milices; certaines reconnaissent la souveraineté du Grand Ayatollah Ali al-Sistani, d'autres celle de Muktada as-Sadr, et d'autres encore sont fidèles à l'Iran. Les milices opèrent dans toutes les muhafazahs d'Irak, à l'exception de la région du Kurdistan irakien. La plupart de leurs combattants sont des Arabes chiites, mais il y a aussi des Arabes sunnites, des Turkmènes et même des chrétiens. Le catalyseur de l'importance de l'Iran dans al-Hashd al-Shabi a été l'assassinat par les Américains, le 3 janvier 2020, d’Abu Mahdi al-Mohandes, officiellement commandant adjoint de cette formation et également commandant de la milice Kataib Hezbollah. Né en 1954, il a passé la majeure partie de sa vie adulte en tant que réfugié politique en Iran et parle couramment le farsi en plus de l'arabe. Faleh al-Fajad, le commandant nominal d'al-Hachd al-Shabi de 2014 à 2018, n'a jamais exercé une influence ou une autorité similaire à celle d'Abou Mahdi al-Mohandes et a été démis de son poste purement symbolique par le président Haider al-Abadi en septembre 2018. Depuis lors, le poste de commandant d'al-Hashd al-Shabi est resté vacant, tandis qu'Abu Mahdi al-Mohandes est resté jusqu'à sa mort leur plus haut officier hiérarchique, responsable notamment de la logistique, de l'approvisionnement, du personnel administratif et de la politique générale de la milice.

Les alliés irakiens de Téhéran

Sa milice Kataib Hezbollah appartient à la catégorie des milices les plus proches de l'Iran qui s'orientent vers Téhéran pour des raisons idéologiques: reconnaître le principe chiite de la "vigilance" des interprètes de la loi islamique (oulémas) sur les fidèles (Velâyat-e Faqih). Pour eux, la lutte contre ISIS fait partie d'un combat plus large contre les Anglo-Saxons infidèles et les États sunnites traîtres qui les servent. La République islamique d'Iran est le fer de lance de cette lutte et le maillon le plus important de l'Axe de la Résistance. Le Kataib Hezbollah se décrit comme une "force de résistance" et souligne ouvertement ses liens avec l'Iran et sa participation aux attaques contre les occupants américains de l'Irak et leurs collaborateurs. La milice dissidente Kataib Sajid al-Szuhada du Hezbollah, dirigée par Abu Ali al-Walaija et al-Szaibani. Les raisons de la scission entre les deux formations ne sont pas claires ; selon A. A. al-Walaija, cependant, elles n'étaient pas de nature idéologique [31]. Kataib Sajid al-Shahada est avant tout un groupe armé, et dans une moindre mesure un groupe politique, se décrivant comme un "parti de résistance soutenu par la République islamique d'Iran" [32]. Pour les milices qui entrent dans la catégorie des alliés idéologiques de l'Iran, rompre les liens avec Téhéran nécessiterait une réinterprétation radicale de leur propre identité et de leur sens de l'action de leur part, cela semble donc peu probable, et les entités de cette catégorie figurent parmi les alliés les plus fiables de Téhéran en Irak.

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La deuxième catégorie peut être décrite comme des "alliés politiques", partageant les idées du khomeinisme en principe, mais soulignant en même temps leur identité irakienne et essayant d'adapter le khomeinisme au contexte irakien. Cette catégorie comprend l'organisation Badr, qui fonctionne à la fois comme une milice armée et comme l'un des acteurs les plus importants de la scène politique irakienne. Le chef de l'organisation, Hadi al-Ameri, a occupé le poste de ministre des Transports de la République d'Irak de 2010 à 2014, tandis que l'influent ministère de l'Intérieur et la formation de la police fédérale placée sous son autorité sont devenus un secteur de l'administration centrale dont la gestion a été officieusement confiée à des membres de l'organisation Badr. Parmi les militants de l'Organisation Badr figuraient le ministre de l'Intérieur Mohammad al-Ghabban et son successeur de 2017-2018 Kasim al-Araji. L'organisation Badr est sans doute la plus grande entité au sein d'al-Hashd al-Shabi, représentant également un niveau relativement élevé de professionnalisme et de compétence technologique. Ses dirigeants et cadres ne se présentent pas comme des exécutants de la volonté de Téhéran, mais comme des Irakiens qui tentent d'adapter les idées de la révolution islamique iranienne aux conditions locales.

Dans la catégorie des alliés politiques de Téhéran figure également Asaib Ahl al-Haq, initialement fidèle à Muktada as-Sadr mais qui a rompu avec lui à la suite de divergences idéologiques entre M. as-Sadr et son chef Quais al-Khazali. Asaib Ahl al-Haq est armé et entraîné par l'Iran et le Hezbollah libanais dans au moins trois camps d'entraînement en Iran. L'argent, les armes et les équipements destinés à Asaib Ahl al-Haq sont introduits clandestinement à travers la frontière Iran/Irak dans le cadre du programme "Groupes spéciaux" mis en œuvre par la force Quds depuis 2005. Depuis le retrait des troupes américaines d'Irak en 2011, Asaib Ahl al-Haq a été présent sur la scène politique irakienne et ses représentants siègent au parlement irakien. L'identité du groupe a évolué, passant du nationalisme irakien de la ligne de Muktada as-Sadr à l'idée transnationale de l'Axe de la résistance promue par Téhéran, comme en témoigne la participation des combattants de la milice aux combats en Syrie et la visite de Quaisem al-Khazali à la frontière syro-israëlienne en Palestine en décembre 2017.

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Emblème de Saraja Ashura.

Le cas de la milice Saraja Ashura affiliée au Conseil suprême islamique d'Irak (ISCI) est légèrement différent. Il semble s'éloigner de la rhétorique révolutionnaire de Téhéran, tandis que son ancien dirigeant Ammar al-Hakim a rompu avec l'ISCI, se présentant aux élections parlementaires de 2018 dans le cadre du ‘’Mouvement de la sagesse nationale’’ nouvellement lancé. Cependant, le groupe partage toujours une plateforme religieuse avec l'Iran sous la forme d'une version chiite de l'Islam, le fait de ses liens de longue date avec Téhéran et peut-être sa dépendance matérielle toujours existante vis-à-vis de l'Iran jouent également leur rôle. Ces trois facteurs font qu'il est difficile, et certainement lent, pour l'ISCI de s'écarter de la ligne politique de Téhéran.

La troisième catégorie d'alliés de l'Iran parmi les milices irakiennes est constituée d'entités que l'on pourrait qualifier d'"opportunistes". Il s'agit de milices qui ont été formées sous l'inspiration de l'Iran en 2012-2013 pour combattre en Syrie, puis en juin 2014 ont été intégrées à l’al-Hashd al-Shabi et ont combattu dans son cadre, également sous le commandement iranien de facto, contre ISIS à l'intérieur de l'Irak. Ces organisations n'ont aucune influence politique indépendante en Irak, elles doivent tout à la partie iranienne. S'il n'y avait pas l'Iran, elles n'existeraient probablement pas. Leurs dirigeants font montre d’un faible niveau intellectuel et n'ont très probablement aucune éducation formelle derrière eux. Le niveau intellectuel et moral des militants de base, souvent recrutés dans les couches inférieures de la société irakienne, est encore plus bas. C'est cette catégorie de milices qui est responsable des abus de guerre de la part des opposants à ISIS en 2014-2015. Des milices telles que Jund al-Imam, Saraja al-Chorasani et Harakat al-Nujaba, par exemple, qui a été formé en tant que groupe dissident d'Asaib Ahl al-Haq et dirigé par Akram al-Kaabi - un ancien commandant de l'armée du Mahdi et d'Asaib Ahl al-Haq - appartiennent à cette catégorie. Ils affichent tous haut et fort leur loyauté envers l'Iran et son guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, mais cette loyauté n'est pas profondément idéologique ou intellectuelle, et la dépendance matérielle et fonctionnelle vis-à-vis de l'Iran joue probablement un rôle clé. Si l'aide iranienne devait être interrompue, ces groupes pourraient chercher un nouveau mécène.

Le dernier groupe d'alliés de Téhéran au sein d'al-Hashd al Shabi sont des alliés qui partagent des objectifs ad hoc avec l'Iran. C'est le cas de la milice sunnite Liwa Salahaddin (51e brigade) qui opère dans la partie nord de la muhafaza de Salahaddin (près de la région de Badji, où se trouvent les plus riches champs pétrolifères d'Irak) sous le commandement de Jazan al-Jaburi. Il utilise des armes et des renseignements fournis par l’Iran, ce qui lui permet de dépasser le cercle religieux chiite et de gagner des alliés parmi les sunnites d'Irak également. Le recrutement d'Asaib Ahl al-Haq au sein de la tribu arabe sunnite des Karawi dans la Mojaza nord de Dijala a une base similaire. Cela permet à l’Iran d'élargir son cercle d'influence politique, tandis que les Karawi gagnent un soutien matériel et une légitimité politique en tant qu'entité liée à l’al-Hashd al-Shabi. L'Iran étend également son influence sur les groupes chiites non affiliés: les membres de l'administration des mosquées Imam Ali et Imam Hussein de Nadjaf et de Karbala, politiquement affiliés à l'Ayatollah A. al-Sistani, par décision d'A. M. al-Muhandis, bénéficient d'une formation militaire organisée en Irak par des vétérans de l'Organisation Badr.

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al-Hashd al-Shabi.

En dehors du système al-Hashd al-Shabi, l'espace d'influence de l'Iran est constitué des secteurs de l'administration irakienne contrôlés par les membres de l'Organisation Badr et d'autres réémigrants d'Iran. Il s'agit de la police fédérale, de l'unité d'intervention d'urgence du ministère de l'intérieur, de la 5e division et de la 8e division de l'armée irakienne, ainsi que des services de sécurité et de la bureaucratie du ministère de l'intérieur. L'influence iranienne dans l'administration irakienne facilite l'accès aux ressources matérielles et aux informations ainsi que le fonctionnement des milices pro-iraniennes au sein d'al-Hashd al-Shabi, et paralyse le développement éventuel d'un nationalisme irakien à orientation anti-iranienne dans des segments clés de l'appareil institutionnel de l'État irakien.

Pendant les combats contre ISIS en 2014, l'Iran a également fourni un soutien militaire tactique aux forces peshmergas - notamment dans les zones contrôlées par l'Union patriotique du Kurdistan (UPK). Ce soutien comprenait la fourniture d'armes, de munitions, d'équipements militaires, la présence de conseillers militaires iraniens et même d'unités d'artillerie iraniennes. Pour l’Iran, il s'agissait d'éloigner la menace d'ISIS des régions situées le long de la frontière entre l'Irak et l'Iran, de diversifier le soutien aux Kurdes et de réduire ainsi leur dépendance à l'égard des États-Unis, ainsi que de réduire l'opposition kurde à la présence des milices pro-iraniennes al-Hashd al-Shabi dans les "territoires contestés" dont le gouvernement central irakien et le gouvernement régional kurde (GRK) revendiquent le contrôle.

Les infrastructures des bases militaires déjà existantes de l'armée irakienne sont utilisées comme bases logistiques et centres de soutien pour al-Hashd al-Shabi, ce qui permet aux alliés de l'Iran non seulement d'avoir accès aux infrastructures irakiennes mais aussi de compliquer politiquement d'éventuelles frappes américaines contre les centres de dislocation de ces milices. Dans le même temps, la plupart des bases utilisées par al-Hashd al-Shabi sont situées dans des zones religieusement ou ethniquement mixtes, ou dans des régions dominées par les Arabes sunnites.

Une mesure de l'importance des milices chiites en Irak peut être observée dans les résultats de deux élections parlementaires consécutives, en 2014 et 2018. En 2014, la coalition de l'État de droit du Premier ministre Nouri al-Maliki l'a emporté (24 %), l'alliance Al-Muwatim dirigée par A. al-Hakim est arrivée en deuxième position (7,5 %) et le bloc sadriste Al-Ahrar en troisième position (7 %). En 2018, la coalition Sajrun de M. as-Sadr l'a emporté (14,3 %), tandis que la deuxième place est revenue à la coalition Fatah (13 %) formée par les forces pro-iraniennes, devant l'alliance Nasr du Premier ministre Haider al-Abadi (10,9 %). Les participations parlementaires de l'Organisation Badr n'ont pas augmenté par rapport à 2014, tandis que le nombre de parlementaires d'Asaib Ahl al-Haq a augmenté. Si l'on ajoute à cela le succès électoral des sadristes qui utilisent une rhétorique anti-oligarchique similaire, cela indique une augmentation des attitudes de contestation dans la société irakienne et une augmentation de l'électorat protestataire.

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Lors des élections de 2018, sur les 329 sièges du Conseil des représentants [33], les partis affiliés à al-Hashd al-Shabi ont remporté un total de 101 sièges (Sajrun - 54, Organisation Badr - 22, Asaib Ahl al-Haq - 15, autres milices liées à l'Iran - 10), tandis que la Coalition pour l'État de droit a remporté 25 sièges, l'Alliance Nasr - 42 sièges, les partis kurdes - 56 sièges, les partis sunnites - 60 sièges, et tous les autres partis - 100 sièges. En incluant le sadriste Sajrun[34], les partis chiites favorables à l'Iran disposent ainsi de la représentation parlementaire la plus nombreuse.

Le meurtre du général K. Suleimani et du commandant A. M. al-Mohandes le 3 janvier 2020 a porté un coup sévère à la politique étrangère de l'Iran, car les deux hommes assassinés représentaient une ancienne génération de militants, formée pendant la guerre Irak-Iran et l'exil politique irakien en Iran. Ces expériences ont rapproché les militants irakiens et iraniens et ont créé des liens personnels uniques entre eux. A. M. al-Mohandes a ainsi pu être le pilier de l'influence de l'Iran auprès de son voisin occidental, tandis que le général K. Suleimani a été l'architecte de toute la politique moyen-orientale de Téhéran. Les nouveaux militants, comme le remplaçant du général K. Suleimani au poste de commandant de la force Quds, le général Esmail Ghaani, auront plus de mal à maintenir ce type de lien spécifique avec la partie irakienne.

La stratégie hybride de l'Iran

Les succès géopolitiques de Téhéran après 2003 ont été rendus possibles par la mise en œuvre habile d'une stratégie hybride, évitant l'engagement de forces propres importantes et donc une surcharge stratégique, et évitant la confrontation frontale avec des adversaires plus puissants. Cette stratégie comprenait la création, l'armement, le financement, l'entraînement, le transport et la reconnaissance d'un certain nombre de milices chiites (et parfois sunnites) capables de combattre simultanément plusieurs adversaires de l’Iran sur des théâtres de guerre distincts. L'Iran a ainsi acquis la capacité de mener (par des intermédiaires) plusieurs guerres simultanément. Le nombre d'alliés de l'Iran au Moyen-Orient après 2011 a atteint les 200.000 combattants. Le degré de contrôle de Téhéran sur ces alliés et la forme de son soutien dépendaient des caractéristiques des alliés eux-mêmes, notamment de leur niveau de sophistication technologique et organisationnelle, et des exigences d'un théâtre d'opérations donné - plus élevé dans le cas des milices syriennes et des milices irakiennes dont il est question ici, et plus faible dans le cas des Houthis yéménites et du Hezbollah libanais. L'Iran a également réussi à gagner des segments de la communauté arabe sunnite (mouvements palestiniens, certaines milices irakiennes), ouvrant ainsi une brèche dans la solidarité nationaliste traditionnelle entre Arabes et Perses, et dans la solidarité confessionnelle entre Sunnites et Chiites.

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L'Iran engage des officiers supérieurs de la force Quds en tant que conseillers dans des conflits individuels; il fournit un soutien logistique, matériel et cybernétique à ses alliés; et forme des milices dans sa sphère d'influence à la fois sur son propre territoire et sur le terrain pour améliorer leur valeur idéologique ainsi que leur efficacité et leur sophistication technologique; il engage de petits groupes de spécialistes de la Force Quds et du Corps des gardiens de la révolution islamique dans des conflits spécifiques; elle fournit des armements avancés d'un type adapté aux exigences d'un théâtre d'opérations donné - technologie du renseignement, drones de combat (UAV), technologie des missiles avancés, pénétrateurs formés par explosion (EFP), bateaux explosifs télécommandés; elle forme des forces alliées selon le modèle du Hezbollah libanais [35].

L'implication de l'Iran et l'expansion de son influence sont devenues possibles dans les conditions suivantes: la désorganisation de l'État au sein duquel l'expansion de l'influence a lieu et la désorganisation des forces existantes en son sein qui sont disposées à contrer la politique de Téhéran; l'existence d'une communauté chiite qui se perçoit comme menacée dans son existence et qui s'oriente donc vers le soutien d'acteurs extérieurs; l'existence d'une voie de transport permettant à l'Iran de fournir à ses alliés des armes, du matériel et des ressources humaines, et d'acheminer vers son territoire des combattants qui suivent un entraînement ultérieur; l'absence d'acteurs capables et désireux de contrer la politique de Téhéran, et donc l'absence des fameuses "lignes rouges" marquant les limites de l'influence de l'Iran.

Stratégie multidirectionnelle et large pour l'Irak

Parmi les théâtres d'opérations dans lesquels l'Iran est engagé, l'Irak est le plus important. La situation en Irak peut avoir un impact décisif sur la stabilité et la sécurité internes de l'Iran, comme l'illustrent à la fois la guerre Irak-Iran de 1980-1988 et l'offensive d'ISIS de juin 2014 dans le nord de l'Irak. L'Irak est également le couloir de transport nécessaire pour que l'Iran reste connecté à son allié syrien et au Hezbollah libanais. Comme nous l'avons noté au début, l'Irak, qui est plus petit et moins peuplé que son voisin oriental, est plus densément peuplé et situé dans des zones de plaine plus propices à l'agriculture. La participation éventuelle de l'Iran à la reconstruction de l'Irak après la guerre et l'établissement de liens économiques étroits avec ce pays élargiraient la base économique iranienne au niveau nécessaire pour maintenir la position de l'Iran en tant que superpuissance et hégémon régional. Pour engager les capacités de l'Irak en fonction de ses besoins, l'Iran a toutefois besoin d'alliés sur le terrain qui lui sont favorables et partagent son orientation, sans lesquels son potentiel de mobilisation de sa puissance est insuffisant pour guider les politiques de Bagdad.

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Depuis le renversement de Saddam Hussein par les Américains en 2003, l'Iran a donc profondément pénétré la communauté chiite irakienne et, dans une moindre mesure, d'autres acteurs en Irak, dans le but de façonner la politique interne et l'orientation stratégique du pays dans une direction conforme à ses exigences en matière de sécurité. Les principaux objectifs de Téhéran en Irak restent le retrait des Américains et l'influence sur le processus de formation de l'État irakien. À cette fin, l'Iran a investi des ressources importantes dans un certain nombre de groupes politiques et militaires souvent rivaux en Irak.

La communauté chiite irakienne est si hétérogène sur le plan interne (par exemple, les sadristes nationalistes contre les milices khomeinistes, l'organisation Badr systémique contre l'Asaib Ahl al-Haq anti-systémique) qu'il sera impossible dans un avenir prévisible de l'organiser en une formule politique et militaire unifiée sur le modèle du Hezbollah libanais. Au lieu de cela, Téhéran gagne à ses propres fins les rivalités politiques au sein du système politique irakien et du conglomérat d'acteurs divers qui le favorisent. L'Iran influence le processus décisionnel irakien non pas en dictant des solutions, mais en établissant des relations amicales avec tous ses participants réels et potentiels, afin qu'aucun acteur obtenant un avantage en Irak ne soit hostile à l'Iran ou à ses intérêts clés.

L'Iran se construit une position de protecteur des décideurs plutôt que de décideur, acceptant la rivalité des différentes milices dans sa sphère d'influence et des camps politiques au-dessus d'elles - tant qu'elle ne se transforme pas en conflit au sein du camp pro-iranien, ce qui pourrait miner l'influence de Téhéran en tant que telle. L'Iran agit en Irak comme un courtier en puissance et un médiateur des différends, et non comme un souverain politique ou un hégémon. La politique de Téhéran en Irak consiste à créer et à laisser ouvertes autant d'options que possible, et non à essayer d'imposer des solutions et une orientation politique qui pourraient conduire à un conflit concluant dans lequel l'Iran et ses alliés pourraient échouer.

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La constitution par l'Iran d'un vaste portefeuille politique en Irak immunise Téhéran contre les changements de la conjoncture politique chez son voisin occidental et rend presque impossible pour Téhéran de porter un coup fatal aux Iraniens dans la politique irakienne. Dans des conditions où l'Iran entretient des relations amicales et exerce une influence d'intensité variable sur une grande partie des participants rivaux du système politique irakien, le coup porté par un acteur tiers à une faction soutenue par l'Iran renforce automatiquement d'autres factions - également soutenues par l'Iran. La tentative des Américains de jouer le mécontentement populaire en Irak contre l'influence iranienne s'est surtout retournée contre eux: lors des élections législatives de 2018, le soutien à l'Organisation Badr pro-iranienne, considérée comme une force de l'establishment, a diminué, mais le soutien à l'Asaib Ahl al-Haq pro-iranien, également considéré comme anti-establishment, a augmenté dans le même temps.

L'objectif à long terme de la politique iranienne est de coordonner les activités et l'alignement politique des différentes milices irakiennes qui lui sont favorables. Suite aux assassinats du général K. Sulemnani et de A. M. al-Mohandes le 3 janvier 2020, l'Iran a pris plusieurs initiatives, une série de réunions ont eu lieu à Beyrouth et à Kum du 9 au 13 janvier entre les militants des unités pro-iraniennes d'al-Hashd al-Shabi afin de surmonter leurs différences, d'empêcher la désorganisation d'al-Hashd al-Shabi après la mort de leurs fondateurs K. Suleimani et A. M. al-Mohandes, et de créer un mouvement de résistance uni contre la présence politique et militaire américaine en Irak. Les chefs des milices irakiennes ont commencé à parler de "groupes de résistance internationaux", de "régiments de résistance internationaux" et d'un "front de résistance irakien". Le nationaliste chiite irakien rival M. as-Sadr et le sympathisant iranien H. al-Ameri ont uni leurs forces pour l'adoption par le Conseil des représentants, le 5 janvier, d'une résolution demandant le départ des troupes américaines d'Irak. Le 14 janvier, M. as-Sadr a également annoncé une marche anti-Yankee à Bagdad le 24 janvier, co-organisée par la milice pro-iranienne al-Hashd al-Shabi, qu'il avait jusqu'ici traitée avec dédain. Avant même sa mort, le général K. Suleimani travaillait à la création d'une autre milice pro-iranienne: Saraya Imam al-Hussein al-Istishhadiya [36]. Ainsi, il semble que l'assassinat de K. Suleimani et de A. M. al-Mohandes par les Yankees puisse s'avérer être un facteur catalysant le rapprochement mutuel des milices au sein d'al-Hashd al-Shabi et consolidant l'opposition à l'occupation américaine de l'Irak.

Les défis de la stratégie de l'Iran

Un défi immédiat pour la politique irakienne de Téhéran a été l'assassinat par les Américains de ses principaux architectes, le général K. Suleimani et Abu Madi al-Mohandis. Avec le temps, la disparition, due à l'âge, de l'activité des militants suivants, qui ont construit leur conscience et leur identité politiques en exil en Iran pendant la guerre de 1980-1988 et dans les années suivantes de la dictature de Saddam Hussein, prendra de l'importance. Pour la jeune génération de militants irakiens, l'aide iranienne ne joue plus le rôle d'une expérience de vie formatrice comme c'était le cas pour les militants plus âgés.

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L'avenir des milices irakiennes pro-iraniennes est également une question qui doit être abordée. Leur existence même semble être assurée, en raison de la présence continue en Irak des troupes américaines d'occupation et des satellites de Washington (dont, malheureusement, la Pologne) et des troupes turques. L'environnement politique de l'Irak reste également caractérisé par un haut niveau d'incertitude - une flambée de conflits sectaires ou politico-sociaux est possible (comme les manifestations anti-gouvernementales soutenues par les États-Unis qui reviennent depuis l'été 2018), l'avenir du Kurdistan irakien reste une question ouverte, les épigones de Daesh restent actifs. La zone de friction, en revanche, sera la place des milices dans la structure politique irakienne: en l'état actuel des choses, l'existence de milices influencées ou parfois directement contrôlées par l'Iran prive l'Irak du monopole de la violence sur son propre territoire national, qui est l'un des attributs fondamentaux de tout État. L'Irak, qui finance al-Hash al-Shabi sur son propre budget, pourrait s'efforcer à l'avenir de placer les milices sous son contrôle plus étroit.

Les limites de la base financière et économique de l’Iran peuvent s'avérer une difficulté pour étendre davantage l'influence de la superpuissance iranienne. Si l'Iran s'engage sur les théâtres d'opérations où il dispose d'une présence minimale en termes de ressources humaines, il engage également d'importantes ressources financières à son échelle - sous forme de transferts en espèces, de fournitures pétrolières, d'armes et d'équipements militaires provenant de ses propres stocks. Les dépenses comprennent la rémunération et l'entraînement de milliers de combattants et le coût d'exploitation des avions militaires iraniens et des compagnies aériennes civiles utilisées pour le transport des fournitures et du matériel. Les dépenses engagées pour soutenir les alliés en Syrie, en Irak et au Yémen sont estimées à 16 milliards de dollars au cours des huit dernières années. Indépendamment de cela, l'Iran transfère 700 millions de dollars par an pour soutenir le Hezbollah libanais et plusieurs millions de dollars pour soutenir les organisations palestiniennes. Le volume de l'aide iranienne à la Syrie en 2011 a été un record pour l'aide étrangère jamais accordée dans l'histoire de l'Iran à ce jour. L'ONU a estimé en 2015 l'aide annuelle de l'Iran à la Syrie à 6 milliards de dollars. Selon le FMI, l'Iran a accordé à la Syrie un prêt de 1,9 milliard d'euros en 2013. En 2014, 3 milliards d'euros ; en 2015, 0,97 milliard d'euros. En outre, l'Iran fournissait à la Syrie 60.000 barils de pétrole par jour [37].

Un autre obstacle à la politique de superpuissance de l'Iran s'avère être l'insuffisance de sophistication technologique de ses propres moyens militaires. Ce constat s'impose au vu de la faiblesse et du retard technologique de l'Artesh et de l'IRGC dans des domaines tels que l'aviation [38] et les missiles [39], ainsi que de l'absence d'armes nucléaires propres à l'Iran [40]. Cette faiblesse est devenue apparente dans les conditions révélées par les printemps arabes et de l'implication croissante de l'Iran en Syrie. Dans la première phase des événements, la force Quds s'est avérée trop faible pour vaincre les appareils de sécurité des États arabes sunnites de la région du Golfe, et l'Iran n'est pas parvenu à déclencher une rébellion durable au sein des populations chiites de ces pays, y compris au Bahreïn, qui a fait l'objet d'efforts particuliers de la part de Téhéran.

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Dans la deuxième phase, celle de la guerre civile en Syrie, la situation fut similaire, malgré des succès partiels comme la libération de Quasyr en mai 2013 (qui a débloqué la connexion avec la vallée de la Bekaa au Liban, foyer du Hezbollah, débloqué aussi la connexion entre Damas et la côte méditerranéenne de la Syrie, foyer des partisans de B. al-Assad, et bloqué Homs, foyer de l'opposition).Cette deuxième phase s'est révélée être un puits sans fond pour l'Iran. Selon des sources iraniennes, en 2015, 18 officiers supérieurs de l'IRGC et au moins 400 volontaires iraniens et afghans étaient tombés en Syrie. En août de la même année, les forces gouvernementales syriennes ne contrôlaient plus qu'un sixième du pays. Les Iraniens qui combattent à leurs côtés, dirigés par le général K. Suleimani (il a personnellement commandé une partie des forces syriennes et libanaises lors de la bataille de Quasyr), manquent d'appui en aviation de combat, d'artillerie avancée, de systèmes de coordination des missiles et de forces spéciales expérimentées. La fortune n'a été inversée que lorsque la Russie a rejoint la guerre le 30 septembre 2015.

Un pouvoir post-moderne

Les stratégies de Téhéran vis-à-vis de l'Irak et de l'ensemble du Moyen-Orient ont pour point de départ la prise de conscience par l'élite iranienne de la faiblesse objective de son État et de son incapacité à imposer directement sa volonté à d'autres entités. Au lieu de structures verticales de subordination hiérarchique, l'Iran met en place des structures de réseau horizontales. L'Iran est une puissance postmoderne, qui greffe des réplicateurs politiques autonomes, souvent auto-originaires et auto-répliquants en divers points de l'espace environnant, adaptant ses propres idées de la révolution islamique et de l'axe de la résistance aux conditions locales. Le réseau dynamique iranien est une structure asymétrique, hétérogène, flexible, polymorphe et polycentrique. Téhéran joue habilement de l'indétermination, de la relativité et de la nébuleuse de la réalité postmoderne et de son "devenir" sujets/objets (la frontière entre le sujet et l'objet politique est floue dans la postmodernité). Comprendre le phénomène des succès de la politique iranienne actuelle est possible avec une compréhension à la fois des lois de la géopolitique et, surtout, de la structure et de la nature de la réalité postmoderne (l'ontologie de la postmodernité). L'appareil de la philosophie postmoderne et de la géopolitique devrait donc être utilisé pour analyser et interpréter la politique iranienne.

Ronald Lasecki

(article publié dans le trimestriel Polityka Polska)

Notes:

[1]https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbo... (10.01.2020).

[2]https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbo... (10.01.2020).

[3]The Geopolitics of Iran: Holding the Center of a Mountain Fortress, https://worldview.stratfor.com/article/geopolitics-iran-h... (10.02.2020).

[4]J. Makowski, Geografia fizyczna świata, Wydawnictwo Naukowe PWN, Warszawa 2007, s. 138.

[5] Toutes les données sur la longueur des frontières de l'Iran: Iran Statistical Yearbook 2016-2017 (1395), s. 55.

[6]L. Bazylow, P. Wieczorkiewicz, Historia Rosji, Zakład Narodowy im. Ossolińskich – Wydawnictwo, Wrocław-Warszawa-Kraków 2005, s. 143, 157.

[7]J. Modrzejewska-Leśniewska, Walka o hegemonię w rejonie Zatoki Perskiej. Wojna iracko-irańska (1980-1988), [w:] A. Bartnicki (red.), Zarys dziejów Afryki i Azji 1869-1996. Historia konfliktów, Wydawnictwo „Książka i Wiedza”, Warszawa 1996, s. 438-440, 443-445.

[8]Por. W. Giełżyński, Byłem gościem Chomeiniego, Książka i Wiedza 1981, s. 175-182.

[9]https://www.imf.org/external/pubs/ft/weo/2019/02/weodata/...= (18.01.2020).

[10]J. Modrzejewska-Leśniewska, dz. cyt., s. 441, 445-447.

[11]J. Kukułka, Historia stosunków międzynarodowych 1945-2000, Wydawnictwo Naukowe SCHOLAR, Warszawa 2003, s. 412.

[12]Iran’s Networks of Influence in the Middle EastChapter One: Tehran’s Strategic Intent, https://www.iiss.org/publications/strategic-dossiers/iran... (11.02.2020).

[13]Por. T. Margul, Jak umierały religie. Szkice z tanatologii religii, Warszawa 1983, s. 249-250.

[14]M. P. Pietrow, Pustynie kuli ziemskiej, Państwowe Wydawnictwo Naukowe, Warszawa 1976, s. 41-46.

[15]Douglas Jehl, For Death of Its Diplomats Iran Vows Blood for Blood, https://www.nytimes.com/1998/09/12/world/for-death-of-its... (11.02.2020). J. Kukułka pisze o 200 tys. zmobilizowanych. Zob. J. Kukułka, dz. cyt., s. 809-810.

[16]Iran’s Networks…, art. cyt. (11.02.2020).

[17]Iran Military Power. Ensuring Regime Survival and Securing Regional Dominance, Defence Intelligence Agency 2019, s. 61 – ramka Shia Foreign Fighters.

[18]Ibid. (11.02.2020).

[19] Citations de la Constitution de la République islamique d'Iran: http://www.servat.unibe.ch/icl/ir00000_.html (11.02.2020).

[20]Por. S. R. Ward, The Continuing Evolution of Iran’s Military Doctrine, „Middle East Journal” t. 59 nr 4 (jesień 2005), s. 559-576, por. także P. Bracken, Pożar na Wschodzie. Narodziny azjatyckiej potęgi militarnej i drugi wiek nuklearny, Bertelsmann Media Sp. z o.o., Warszawa 2000.

[21]http://www.servat.unibe.ch/icl/ir00000_.html (11.02.2020).

[22]Iran Military Power… s. 11.

[23] Les deux devis: Iran’s Networks… (art.cyt.).

[24] K. Suleimani est né en mars 1957 dans une famille de paysans du sud-est de l'Iran. À l'âge de 13 ans, il a été contraint de quitter la maison familiale et de chercher un moyen de subsistance. Il a trouvé un emploi à l'institution locale de gestion de l'eau à Kerman. Il n'a pas participé à la révolution de 1979, mais pendant la guerre contre l'Irak, il était chargé de fournir de l'eau aux soldats combattant sur le front. En raison de lourdes pertes du côté iranien, il a été redéployé sur le champ de bataille. Malgré l'absence d'éducation et de formation militaire formelle, il a fait preuve de courage et de talents militaires, ce qui a déclenché la suite de sa carrière et ses promotions - d'abord dans l'armée, puis dans les services spéciaux.

[25]Ibid.

[26]Iran Military Power…, s. 15 – ramka „Axis of Resistence”.

[27]Ibid., s. 59-63.

[28]H. S. Tangaza, Islamic Movement in Nigeria: The Iranian Inspired Shia Group, https://www.bbc.com/news/world-africa-49175639 (11.02.2020).

[29]M. Alami, Hezbollah Allegedly training Nigerian Shiites to expand Influence in West Africa, https://www.mei.edu/publications/hezbollah-allegedly-trai... (11.02.2020).

[30]Iran’s Network… (art. cyt)., (11.02-2020).

[31]Iran’s Network of Influence Chapter Four: Iraq,https://www.iiss.org/publications/strategic-dossiers/iran... (12.02.2020).

[32]Ibid.

[33]Zgodnie w Konstytucją z 15. października 2005 r. parlament Iraku jest jednoizbowy.

[34] Cependant, il faut garder à l'esprit les gestes de Muktada as-Sadr indiquant sa volonté de se démarquer du concept iranien de l'Axe de la Résistance au profit du nationalisme irakien : en juillet 2017. M. as-Sadr s'est rendu en Arabie saoudite, en décembre 2017 il a appelé à la dissolution des milices armées.

[35]Iran’s Networks of Influence in the Middle EastChapter One: Tehran’s Strategic Intent, (art. cyt.) (12.02.2020).

[36]K. Lawlor, Warning Intelligence Update:Iran Increases Pressure on U.S. Forces in Iraq, http://www.understandingwar.org/backgrounder/warning-inte... (12.02.2020).

[37]Ibid.

[38]Zob. Iran Military Power…(dz cyt.), s. 64-71.

[39] Ibid, s. 30-31, 43-47.

[40]Ibid, s. 19-21.

 

 

Les écoles géopolitiques de la Chine

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Les écoles géopolitiques de la Chine

Ex: https://katehon.com/ru/

Le développement des théories géopolitiques en Chine a commencé relativement tard. Ce n'est qu'en 2010 qu'une vague de recherches sur la "géoécologie" a commencé en Chine ; cette vague est due à la recherche d'une voie indépendante conforme aux conditions réelles de la Chine, basée sur le paradigme des études occidentales classiques et critiques de géopolitique.

La recherche géoécologique nationale actuelle en Chine a été initiée par des scientifiques (pour la plupart) et a connu un certain succès. À l'heure actuelle, la recherche géopolitique comprend de nombreuses écoles. Parmi celles-ci figurent la ‘’géoécologie multi-échelle’’, la ‘’géopolitique technologique’’, la ‘’géopolitique critique’’, la ‘’politique environnementale’’ et la ‘’géopolitique énergétique’’.

Cet ensemble comprend également des études nationales et régionales, la politique de l'opinion publique, la comparaison de l'ordre du pouvoir et de la terre entre la Chine et l'Occident, et la nouvelle relation entre les hommes et la terre créée par la nouvelle révolution technologique. La politique à grande échelle, la géographie politique marxiste, la géographie politique historique et la théorie des relations de pouvoir spatiales basée sur les méthodes de gouvernance de Foucault sont également présentes. Plusieurs des écoles citées occuperont une place importante dans les recherches futures. Examinons-les.

 

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L'architecte belge Vincent Callebaut a récemment conçu les plans d'une ville pour le moins futuriste et entièrement écologique destinée à être érigée à Kunming, dans la province chinoise du Yunnan.
Les habitations coniques, les espaces verts sur le toit des bâtiments, les voitures sans chauffeur, le système de filtrage automatique de l'eau, les potagers communs… la ville futuriste de Vincent Callebaut a vraiment tout pour surprendre.
Selon l'architecte, son projet aurait été motivé par l'envie de combiner les avantages des modes de vie urbains et ruraux.
Ex: http://french.china.org.cn/foreign/txt/2014-03/04/content_31669165.htm

Hu Zhiding : vaste recherche géoécologique

À l'avenir, une tâche importante de la recherche géopolitique chinoise sera d'approfondir les études géo-environnementales à différentes échelles: régionale, nationale, locale et mondiale. L'analyse des différentes échelles du géo-environnement comprend différents points de vue, ce qui est principalement dû aux différences dans les problèmes à analyser et à résoudre à différentes échelles. Toutefois, il existe actuellement une lacune évidente: la Chine semble mal connaître l'environnement géographique (y compris l'environnement géographique naturel et l'environnement socio-économique humaniste), qui a été considéré comme relativement bien étudié depuis l'époque des grandes découvertes géographiques.

Pour la surmonter, il faut non seulement analyser les changements dans les différents domaines du géo-environnement, notamment les domaines politique, militaire, social, économique et culturel, mais aussi l'influence mutuelle des différents domaines et la formation d'un ensemble unifié. Parce qu'il n'y a qu'un seul environnement géographique pour cette échelle de recherche, et que toutes les études de classification sont appropriées pour mieux comprendre l'environnement géographique.

Liu Chenliang : Géopolitique des sciences et des technologies

La science et la technologie sont déjà devenues une force décisive influençant le pouvoir économique, politique, militaire et culturel des pays modernes et les positions dominantes dans la compétition entre les grandes puissances. Le changement dans la façon dont le pouvoir est exercé par la concurrence et la coopération technologiques a remodelé le paysage économique et politique mondial sur la base des nouvelles technologies. Et elle continue d'avoir des effets profonds sur la composition du pouvoir, les comparaisons entre pouvoirs, les relations spatiales et l'influence stratégique nationale.

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Liu Chenliang.

La géopolitique des sciences et des technologies est un domaine complet et interdisciplinaire, il est donc urgent d'établir et d'améliorer le système théorique des sciences et technologies géographiques. La Chine veut prendre l'initiative de servir la puissance scientifique et technologique nationale, le développement de l'innovation et la stratégie de développement de la mondialisation technologique. Il est nécessaire de décrire en profondeur le réseau mondial d'innovation et les changements de la mondialisation technologique, de clarifier les risques et les problèmes de sécurité nationale dans le cadre de la réorganisation de la structure du pouvoir technologique, et de comparer et d'analyser la technologie chinoise et mondiale.

Il y a un renforcement du développement scientifique et technologique du pays et une amélioration de la géostratégie, ce qui permet d'assurer la sécurité dans cette zone. En termes de méthodes, elles comprennent l'intégration des big data, l'intelligence artificielle, la science de la complexité, l'informatique géographique et d'autres outils techniques. Cela est nécessaire pour modéliser les scénarios géoscientifiques et technologiques, analyser les mécanismes et les innovations dans les modèles de systèmes d'aide à la décision.

Ahn Ning : Géopolitique critique

La géopolitique critique est (principalement) une critique de la géopolitique classique. Les classiques de la géopolitique estiment que les facteurs géographiques (en particulier l'environnement naturel) influencent, voire déterminent, le destin d'un pays, et les appliquent aux théories et pratiques des relations internationales: par exemple, les célèbres "théories de la domination terrestre" et "théories de la puissance maritime" sont exploitées à ce niveau.

Cependant, la géopolitique classique a accordé trop d'importance à l'influence des facteurs naturels sur la politique internationale et est tombée dans le piège du "déterminisme environnemental", ignorant l'influence de la volonté humaine dans le façonnement du modèle géopolitique. En outre, la géopolitique classique présente également certaines limites quant à la portée de l'étude, réduisant principalement la discussion de la géopolitique à l'échelle nationale, ignorant des facteurs tels que les organisations multinationales, les organisations non gouvernementales et les médias.

Combinées au statut actuel des études géopolitiques critiques, elles peuvent être promues en Chine selon les trois axes suivants :

  • Il convient d'introduire des théories liées à la géopolitique critique de l'Occident, notamment la géopolitique populaire, la géopolitique féministe, la géopolitique postcoloniale, la géopolitique non représentative, etc., et de discuter sur cette base de leur applicabilité au contexte chinois (par exemple, la capacité à se faire une idée de la géopolitique confucéenne) ;
  • Les pratiques de la Chine sur la scène politique et économique internationale, telles que l'initiative "Une ceinture, une route" et le Forum de coopération Chine-Afrique, devraient être réunies pour explorer la possibilité de localiser les projets de développement chinois à l'étranger afin d'obtenir un certain impact social ;
  • En réponse au paradigme de recherche du ‘’dé-nationalisme’’, la Chine entend étendre la structure de l'analyse géopolitique à d'autres échelles d'analyse spatiale en dehors de l'État. Il convient de noter ici qu'il ne s'agit pas d'une négation de l'échelle d'analyse nationale, mais d'un élargissement du champ de recherche basé sur celle-ci.

Yang Yu : Géopolitique de l'énergie

La répartition géographique de l'énergie mondiale, la dislocation des zones de production et de commerce, la structure géopolitique de l'énergie et les changements de pouvoir énergétique causés par le flux du commerce de l'énergie, et l'impact sur la sécurité énergétique nationale sont les principaux points de la recherche sur l'énergie mondiale.

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La Chine se trouve dans une période critique de son développement, devenant le plus grand consommateur et importateur d'énergie au monde. Assurer la sécurité de l'approvisionnement énergétique est une stratégie importante liée au développement économique national et à la sécurité nationale. En 2018, la dépendance extérieure de la Chine vis-à-vis du pétrole brut et du gaz naturel a atteint 70,9 % et 45,3 %, bien au-delà de la ligne rouge de la sécurité énergétique.

Après que la révolution du gaz de schiste a assuré l'indépendance énergétique des États-Unis, l'énergie est devenue un outil stratégique pour étendre encore l'hégémonie américaine. Les principales régions importatrices de pétrole et de gaz de la Chine - le Moyen-Orient, le Venezuela, l'Afrique et l'Asie centrale - sont confrontées à des crises géopolitiques à des degrés divers. Les énergies traditionnelles, les énergies modernes et de nombreux autres domaines interagissent les uns avec les autres, ce qui complique la géopolitique énergétique mondiale.

Li Zhenfu : L'interconnexion des pays dans le monde

La théorie géopolitique porte l'empreinte du temps, est le produit du développement social et historique de différentes périodes, et se développe avec le changement de la situation internationale. Dans le passé, les théories géopolitiques occidentales ont trop suivi le "state-centrisme", mettant l'accent sur la relation de concurrence entre les forces maritimes et terrestres dans le but ultime d'atteindre la puissance et la domination (avec une hégémonie évidente et un expansionnisme colonial).

C'est pourquoi le chercheur chinois Li Zhenfu a avancé la "théorie de l'interconnexion du pays dans le monde". "L'interconnexion des pays dans le monde" est une théorie géopolitique évolutive qui s'appuie sur l'idée de communauté avec un avenir commun pour l'humanité et le concept d'interconnexion mondiale pour comprendre et analyser la géopolitique, la géoéconomie et la géoculture nationales et internationales. Elle repose sur l'idée d'une communauté avec un avenir commun pour l'humanité, fondée sur les intérêts communs de tous les pays du monde.

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Li Zhenfu

La théorie vise à promouvoir la coopération, la compréhension mutuelle et la conformité entre les pays et les régions dans les domaines de la géopolitique, de la géoéconomie et de la géoculture. La tendance générale du développement mondial est de construire ensemble la voie du développement, de développer ses perspectives et de partager les réalisations. La théorie de "l'interconnexion du pays dans le monde" met l'accent sur le fait que si nous voulons avoir une forte influence sur la communauté internationale, nous devons intégrer le développement national dans le système mondial et renforcer l'interconnexion entre les pays.

Par rapport à la théorie géopolitique traditionnelle, l'"interconnexion des pays dans le monde" ne met pas l'accent sur la recherche de la puissance, mais vise à atteindre l'harmonie mondiale, la prospérité nationale et le bien-être par la communication, l'échange et la coopération politiques, économiques et culturels. En d'autres termes, grâce à la combinaison de la géopolitique, de la géoéconomie et de la géoculture, la réalisation de "l'interconnexion du pays dans le monde" est une condition préalable à la réalisation de la prospérité partagée du monde.

Cette façon de penser permet de rejeter les programmes égocentriques d'expansion territoriale excessive, de confrontation terre-mer et de centrage sur l'État. La recherche chinoise dans cette direction se concentre sur l'exploration des relations et des différences entre la "théorie du pouvoir universel" et les théories géopolitiques traditionnelles, et sur l'analyse de l'hérédité et de l'extension de la "théorie du pouvoir universel" aux théories géopolitiques traditionnelles, ce qui facilitera la tâche des pays et des universitaires occidentaux.

Conclusion

Les écoles mentionnées ci-dessus sont fondamentales pour les études géopolitiques chinoises, et les théories géopolitiques étrangères occidentales ont servi de bon point de départ et de base pour le développement de la géopolitique chinoise. Par conséquent, l'approche rationnelle de la recherche géopolitique occidentale et la gestion adéquate de la relation entre localisation et internationalisation sont des questions importantes liées à l'orientation de la géographie politique et de la géopolitique de la Chine.

Erdogan a confirmé la décision de principe de la Turquie de ne pas reconnaître "l'annexion de la Crimée"

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Erdogan a confirmé la décision de principe de la Turquie de ne pas reconnaître "l'annexion de la Crimée"

Ex: https://katehon.com/ru/news/

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré samedi que, lors de ses entretiens avec son homologue ukrainien Vladimir Zelensky à Istanbul, il a confirmé la décision d'Ankara de ne pas reconnaître "l'annexion de la Crimée". Le dirigeant turc a tenu ces propos lors d'une conférence de presse diffusée par la chaîne de télévision TRT.

"Nous défendons l'intégrité territoriale et la souveraineté de l'Ukraine. Nous avons confirmé notre décision de principe de ne pas reconnaître l'annexion de la Crimée. Nous avons déclaré que nous soutenons l'initiative de l'Ukraine sous la forme de la "Plate-forme Crimée", qui vise à rapprocher les vues de la communauté internationale sur la Crimée. Nous espérons que cette initiative aura des résultats positifs pour tous les peuples de Crimée, y compris les Tatars de Crimée, et pour l'Ukraine", a déclaré M. Erdogan.

En outre, Erdogan a déclaré que la Turquie et l'Ukraine avaient des projets communs dans la construction de logements et de mosquées pour les "Tatars de Crimée qui nous sont apparentés."

"En ce qui concerne le projet de construction de logements, nous venons de faire le premier pas concret. Nous espérons également progresser dans le projet de bâtir une mosquée dans un avenir proche", a ajouté le président de la république.

Il a également noté que la Turquie et l'Ukraine ont convenu de poursuivre leur partenariat stratégique.

La Turquie considère que son objectif est d'assurer la sécurité et la tranquillité dans la mer Noire, a déclaré M. Erdogan.

Il a affirmé que la coopération entre la Turquie et l'Ukraine dans le domaine de la défense n'est pas dirigée contre une tierce partie.

"Nous avons commencé de nouvelles consultations selon la règle 2+2 (discussions entre les ministres des affaires étrangères et les ministres de la défense des deux pays), de cette façon nous renforçons la coordination entre nos pays. Notre coopération dans le domaine de la défense n'est en aucun cas une initiative contre des pays tiers", a déclaré le président turc.

Fin mars, des unités de l'AFU ont effectué des exercices au-dessus de la mer Noire, au large des côtes de la région de Kherson, où elles se sont entraînées à l'utilisation d'avions de reconnaissance sans pilote du type Bayraktar TB2, de fabrication turque.

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En 2019, l'Ukraine a acheté et testé le Bayraktar TB2, qui devrait être équipé de bombes aériennes MAM-L de haute précision fabriquées par la société turque Roketsan. Vadym Nozdrya, directeur général de l'entreprise publique Ukrspetseksport, a déclaré en octobre 2020 que Kiev était intéressé par la production conjointe du Bayraktar TB2 en Ukraine et que l'armée ukrainienne prévoyait d'acheter 48 de ces appareils pour une production conjointe, qui devrait être réalisée au chantier naval "Ocean" à Nikolaev.

Source : TASS

vendredi, 09 avril 2021

Yémen : La Guerre Perdue de l'Arabie Saoudite ?

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Café Noir N.18:

Yémen: La Guerre Perdue de l'Arabie Saoudite?

Café Noir – Un Autre Regard sur le Monde.
Émission du Vendredi 09 avril 2021 avec Pierre Le Vigan & Gilbert Dawed.
 
Guerre Civile, Guerre Internationale, Islamisme, Houthi, Nationalisme Arabe, Marxisme Léninisme, Iran, etc.
 

Quo vadis Erdogan? Quo vadis Turquie?

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Quo vadis Erdogan? Quo vadis Turquie?

Irnerio Seminatore

L'affront à l'Europe pour la gifle diplomatique infligée à Mme von der Leyen est un bluff protocolaire sans fondement. Erdogan a appliqué avec froideur la règle bien connue du: «Ubi major, minor cessat». Selon les règles, il y a un seul représentant officiel de l'Union, le Président du Conseil Européen, ayant rang de Chef d’État et, comme tel, du droit de préséance dans les relations extérieures. En tant que Cheffe de l'exécutif, Mme von der Leyen a eu le traitement conforme au protocole. Où est il le problème? L'Ego de Madame est il supérieur aux institutions des 27? Le droit de préséance est il fondé sur les mérites que la présidente de la Commission a acquis dans la gestion catastrophique de la pandémie du Covid 19? Si l'unité de l'Europe s'imposera de l'extérieur, comme le remarqua avec lucidité Z. Brzezinski dans « le Grand Échiquier », vu l'essoufflement de l'idée et de l'idéal d'origine, sa prise en charge sera le lot d'un appareil bureaucratique lourd et éloigné de l'adhésion populaire. Dans ces conditions l'atout de cet élan nécessaire pourra-t-il venir d'un protocole institutionnel trahi, par l'abandon de la part de l'UE, de toute conception de l'histoire, de la puissance et de l'aliment démocratique du pouvoir? Sur ce plan la Turquie est le seul pays au monde qui occupe militairement, à Chypre, une portion de l'espace européen, qui opère par chantage vis à vis de l'Union Européenne, la menaçant d'ouvrir les vannes à grande échelle de l'immigration, contre l'extorsion de 6 milliard d'euros pour leur entretien au termes d'un pacte migratoire d'un effroyable cynisme; qui a soutenu le Djihad islamique militairement et tactiquement, qui n'hésite pas à modifier les équilibres politiques et territoriaux entre l’Azerbaïdjan et l'Arménie, et entre le Maréchal K.Haftar et le Gouvernement de Tripoli en Libye. C'est encore le pouvoir étatico-confessionnel qui aida militairement la Bosnie-Herzégovine au courant des guerres balkaniques et pendant la dissolution de la vieille Yougoslavie et ça a été l'aide de la Turquie, en soutien du Kosovo contre la Serbie et celle du Djihad contre les kurdes et les azéris, qui ont fait plier sans honneur les socio-démocrates européens. Erdogan est le « trouble jeu » de la Méditerranée dans ses prospections pétrolières en eaux territoriales grecques, qui joue au double jeu au sein de l'Otan, en achetant des systèmes d'armes à la Russie et en abattant des avions russes par des accidents « involontaires ». La Turquie c'est encore le pays, en mesure de déstabiliser irréversiblement l'Union Européenne, par le poids représentatifs qu'elle aurait au sein du Conseil Européen, dépassant le poids de l'Allemagne et c'est son orientation islamique et son sunnisme militant, qui représentent l'antagonisme historique des États-chrétiens de jadis, qui ferait d'elle le fossoyeur de l'empire de la « norme » d'Occident, après avoir été l'héritier de Mehemmet, fossoyeur de Byzance et de l'empire romain romain d'Orient. Quel sera le positionnement de la Turquie dans le scénario d'une nouvelle « guerre froide », technologique et stratégique et des défis globaux entre la Chine et les États-Unis?

Le monde d'aujourd'hui, multipolaire et planétaire, est fragmenté e difficile à gérer et tend à créer des tensions excentriques, qui défient tout à la fois la puissance établie et la puissance émergente. La réponse de Joe Biden, par la voie de Richard Haass et de Charles Kuchpchan du « Council on Forein Relations » a été un test classique du dialogue stratégique entre le grandes puissances. Ce modèle est celui du Congrès de Vienne, mais dans l'absense d'un pouvoir dominant et d'un principe de légitimité commun et partagé. Or, dans le contraste entre la nouvelle alliance des technocraties-démocratiques contre les technocraties-autocratiques, promues dans le but historique de donner de la stabilité au système, assuré jusqu’ici par les États-Unis, puissance prépondérante, l'avantage comparatif des États-Unis reste celui des alliances. « Quid boni » de l'association de la Turquie, comme facteur d'incertitude et de dissolution? Puisque la configuration des deux alliances dépendra de la qualité des associés et de la confiance qu'ils inspirent, quel message de politique globale Charles Michel et Mme U. von der Leyen sont ils aller proposer à Erdogan et symétriquement Borrel à Lavrov, dans la compétition qui se dessine et quel mélange entre légitimité et intérêts géopolitiques, qui rende « compatible » et donc viable, la participation de la Turquie à la coopération/confrontation du XXIème siècle? Le grand tribunal de l'histoire pourra-t-il convertir les condamnations à mort par pendaison, en démissions forcée de leurs fonctions, pour haute trahison de l'Europe, à Mme Merkel et à Mme von der Leyen?

(Ci-joint le texte "L'Union européenne, La Turquie et l'Eurasie" publié sur la "Revue Générale" belge N.11/12 de Décembre 2014)

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L'UNION EUROPÉENNE, LA TURQUIE ET L'EURASIE

Analyse géopolitique des deux hypothèses adhésion ou « partenariat privilégié » ?

Les relations entre l'Europe et la Turquie sont inscrites dans une géopolitique eurasienne, caractérisée par une triple métamorphose: de la géographie, de la puissance et des équilibres stratégiques. La première transformation concerne la masse continentale la plus importante du monde, celle de l'Eurasie, cœur géopolitique de l'Histoire ; la deuxième, le rôle accru des espaces océaniques ; la troisième, la stabilité stratégique qui, après la période de la bipolarité se commue en son contraire, l'instabilité, le déséquilibre et la fragmentation politique.

En revenant à la première transformation, celle-ci a pour objet le changement des paradigmes géopolitiques structurants qui imposent une nouvelle lecture du système international et donc un nouveau rapport entre le « Rimland » et le « Heartland ». Ce changement est fondamental. En effet dans le cadre de cette lecture, l'Europe et la Turquie appartiennent à des configurations géopolitiques distinctes : la Turquie fait partie du « Heartland », le « pivot des terres » ou encore « pivot géographique de l'Histoire » et l'Europe au « Rimland » planétaire, l'anneau des terres, qui va de la péninsule de Kamtchaka au Golfe Persique. Il en découle que la Turquie et l'Europe constituent deux entités géographiques aux projections diverses et que leurs stratégies sont déliées l'une de l'autre. Après l'effondrement de l'Empire soviétique, la Turquie retrouve son « espace vital » dans la masse centrale des continents, le « pivot des terres » où elle redécouvre ses sources linguistiques et son Histoire profonde, autrement dit, l'idéologisation du passé et les origines de l'Empire Ottoman. Selon cette lecture l'Europe se caractérise comme isthme occidental de l'Asie ou « Rimland » eurasien, car elle fait partie intégrante du « Rimland » planétaire, valorisé par le système maritime mondial et l'unité des océans. Le « Rimland » eurasien est dominé par les débouchés maritimes, le régime des eaux et les échanges par la voie des océans.

Pour les Etats européens de la bordure Atlantique après la fin des années 1990, le « paradigme géopolitique » dominant devient l'Eurasie à la place de l'Europe, qui fut le théâtre central du conflit Est-Ouest. Ainsi, le vieux pivot géographique du monde de Halford J. Mackinder se déplace vers le « pivot des mers », le « sealand » inter-océanique de l'Océan indien.

Dans ces nouvelles conditions, la politique d'élargissement de l'UE comme politique de stabilisation à la marge de la péninsule eurasienne perd de sa pertinence et montre sa précarité historique. Elle perd de son sens originel, qui était fondé sur une perspective d'intégration de l'Europe de l'Est et de la Russie. La politique d'élargissement à de nouveaux pays impose comme une loi du gouvernement politique, un noyau restreint de direction politique et d'abandon de toute politique de dilution du pouvoir.
Sous cet angle sont à adopter les alliances permanentes, les partenariats privilégiés et les coalitions ad hoc. Ces choix géopolitiques mettent en exergue la fragilité institutionnelle et politique de la construction européenne. En effet, les constantes géographiques et les legs de l'Histoire imposent aux fédérations en gestation l'impératif d'un pouvoir fort, sous peine de se dissoudre. L'UE doit éviter les dilutions successives aux marges extérieures du continent car elle doit contrer les déséquilibres qui en découlent à l'intérieur. Re-conceptualiser les paradigmes structurants du système international actuel c'est faire œuvre de lucidité politique, d'intuition stratégique et de perspective historique.

Ainsi vis-à-vis de la Turquie, l'approche en termes de « partenariat privilégié » découle de préoccupations réalistes, de souci d'autonomie et de convergence d'intérêts. La vocation géopolitique de la Turquie est continentale et consiste à renouer avec son passé. Son premier objectif demeure une politique de stabilisation autour de la Mer Noire, du Caucase du Sud, de la Mer Caspienne et de l'Asie Centrale, et cela en accord avec l'Union Européenne. En revanche, l'approche globale de l'Europe s'inscrit dans une perspective à trois volets, intercontinental, océanique et identitaire :

- La perspective intercontinentale inclut l'espace eurasien et la dimension africaine ;

- La perspective inter-océanique se définit par un réseau de bases, d'escales et de points clés maritimes, découlant des accords avec les pays d'Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP), qui font de l'Europe, ancienne puissance coloniale, un acteur géostratégique mondial ;

- La perspective d'ordre identitaire pousse à la distinction entre l'Europe et l'Amérique et donc à la définition politique et culturelle de deux Occidents, un Occident européen et un Occident américain.

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Or re-conceptualiser la politique d'élargissement et de voisinage, c'est tout d'abord reformuler les paradigmes structurants de l'ordre international, ce qui implique l'identification du pivot stratégique de la planète et de l'acteur ou des acteurs qui se disputent son contrôle. Cette reconfiguration permet de définir les régions décisives de rivalité mondiale et a au-delà, les grands enjeux qui ont scandé les affrontements décisifs de l'humanité. Au XXIème siècle la bataille décisive pour l'Hégémonie et pour le leadership mondial se fera en Eurasie, entre la puissance extérieure du cœur géopolitique du monde et l'acteur prééminent de la masse continentale dominante. Elle se fera sur le front marginal des continents (façades subcontinentales et péninsulaires) et de ce fait sur les rivages, les littoraux et les routes maritimes intercontinentales du « Rimland » mondial. C'est la raison pour laquelle l'Europe, pour définir une stratégie unitaire dans le monde, devra valoriser prioritairement l'approche inter-océanique (Océans Atlantique, Pacifique et Indien) et insérer le projet d'Union des pays riverains de la Méditerranée, du Proche et Moyen-Orient et du Golfe, dans une perspective continentale (Mer Noire, Caucase du Sud et Asie Centrale). La Turquie et le plateau iranien font partie de cette deuxième perspective, principalement continentale. Pour l'Europe occidentale et pour la Turquie, la géopolitique décisive se précisera par le choix que la première fera de sa relation historique avec la Fédération de Russie. Ce choix de long terme est historique et sera largement déterminé par trois acteurs essentiels, l'Allemagne, les Etats-Unis et la Chine.

A la périphérie occidentale des bouleversements de l'échiquier eurasien, l'Europe et la Turquie font la politique de leur géographie. La Turquie accroît son influence vers les terres d'Asie Centrale et en direction du Golfe et exerce un équilibre de pouvoir entre la Russie, pivot de l'Eurasie et l'Océan Indien, cœur des masses océaniques. Dans le Caucase, elle influe sur le containment de la Russie et de l'Iran. En Méditerranée et dans le Golfe, elle est serrée entre Israël et l'Egypte, qui a renoué avec Moscou. Dans cette même région, les Kurdes, alliés d’Israël, effectuent une percée militaire vers les puits de pétrole et repoussent l'embrasement du Califat et de l'Etat islamique, qui s'élargit à ses portes.

Si la bipolarité avait enfermé l’Europe dans la partie occidentale du continent, la nouvelle phase de l’histoire restitue à l’Europe son passé et sa diversité lointains. L’élargissement de l’UE et ses perspectives lui permettent de prendre à revers les puissances terrestres euroasiatiques par l’étendue de la projection des forces que justifie sa puissance navale et péninsulaire. Cette projection est rendue possible par l’accès aux zones côtières de la Méditerranée, de la mer Noire et de la Caspienne, et à celle du Golfe, à l’océan Indien et à l’Asie du Sud.. En survol et sur l'échiquier eurasien, l'Europe est un joueur incomplet et imparfait tandis que les Etats-Unis sont un arbitre global, un pivot géopolitique clé et un acteur dominant. 

Les limites de l'Europe et les capacités d'absorption de l'UE

Pour ce qui est des « frontières extérieures » de l’Europe, elles sont devenues un sujet d’actualité et d’interrogation institutionnelle, à partir de la décision du Conseil du 17 décembre 2004 d’ouvrir les négociations d’adhésion avec la Turquie.
La crainte d’une Union qui ne connaît plus de limites, ni à l’Est ni au Sud-Est du continent exige la définition d’un cadre organisateur général des relations extérieures de l’UE. Ainsi, deux dimensions problématiques sont concernées, une, de nature institutionnelle et, l’autre, de nature sécuritaire.

- La première est liée aux « capacités d’absorption » de l’Union Européenne, et concerne le poids et l’équilibre institutionnel au sein du Conseil des ministres de l’Union, mais aussi les capacités budgétaires et les politiques de solidarité et de cohésion.
- La deuxième se réfère aux relations de proximité, les Balkans occidentaux, zone à très forte instabilité politique et à haut potentiel de conflits et à la présence de ressources et de revendications territoriales, aiguisant les crises latentes ou gelées.

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La réorganisation des partenariats actifs des pays du Sud/Sud-Est de l’Europe constitue la base de lancement de la part de l'UE d'un « pacte de stabilité du Caucase du Sud et de la grande mer Noire », comme concept organisateur et cadre géopolitique de la réorientation régionale en matière de sécurité.

Ainsi un meilleur accès aux ressources énergétiques de l’Asie Centrale influencera le vent de libéralisation et de pluralisme politique des pays ex-soviétiques. Dans la logique de leur intérêts bien compris, cela devrait favoriser le retour de l’Europe dans le « grand jeu » qui est mené en Asie Centrale et dans la bordure des « Balkans eurasiens »1, par les États-Unis, la Chine, le Pakistan et l’Inde.

Cette réorientation du processus d’élargissement comporte une transformation de l’équation stratégique, du Caucase à l’Asie centrale et du Heartland, au golfe Persique, incluant la Turquie. 

Projection de l’UE vers le Caucase et l’Asie centrale

La projection de l’Union Européenne et de la Turquie vers le Caucase et l’Asie centrale pourrait répondre à une série d’objectifs :
- fixer les limites de l’UE, donc des demandes d’adhésion recevables ;
- faire de l’Europe un partenaire influent dans une politique mondiale redéfinie ;
- favoriser le dialogue et la planification, par l’identification des défis à affronter collectivement (détérioration de l’environnement, surpopulation, fanatismes, pandémies, catastrophes naturelles) ;
- fixer un agenda de sécurité planétaire pour le XXIe siècle, 

L'Union Européenne, les Etats-Unis et la Turquie

L'objectif commun de l'UE et des États-Unis dans le monde est la gestion d'un système maîtrisable et d'une structure de coopération géopolitique qui s'oppose à l'anarchie – exigeant une coopération étroite et un partage des responsabilités. Au-delà de la région euro-atlantique qui trouve ses frontières géographiques dans les tracés de la géopolitique russe établie au XVIIIème siècle, la disparité et le pluralisme des intérêts et des valeurs ne permettent pas l'intime association du leadership cooptatif et d'une hégémonie démocratique, propre à l'espace euro-atlantique.

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Ces considérations expliquent la non-recevabilité de la demande d'adhésion de la Turquie à l'UE. La Turquie appartient à l'extérieur de ce tracé continental, ce qui lui impose une politique étrangère et de sécurité dictée par sa position de carrefour à la croisée de trois continents.

La géopolitique du plateau turc dictée par la fonction de jonction eurasienne interdit une vision stratégique commune à l'Europe, mais justifie en revanche celle d'un « partenariat privilégié » aux contenus et formes variables.

La Turquie entre intégration et conflit

La Turquie est placée à mi-chemin entre deux espaces, d'intégration et de pacification relatives propres de l'Europe Occidentale et de revendications d'autonomie et d'indépendance, circonscrits par la région du Moyen et Proche Orient, du Golfe et de la Méditerranée Orientale.

La géopolitique suggère à la Turquie une stratégie eurasienne, enracinée dans son Histoire.

En revanche, l'Europe occidentale est poussée à concevoir une stratégie globale de projection de puissance en tant que péninsule de la masse continentale.

Peut-il y avoir, dans cette antinomie, un avenir commun entre l'UE et la Turquie transcendant les déterminismes de la géographie et la crise des négociations bilatérales, depuis l'acceptation du statut de candidat à l'adhésion en 1999 ? Sur quels sujets, de politique intérieure et internationale, peuvent-ils se reporter leurs objectifs communs ? Sur quelles conceptions de la sécurité, régionale et mondiale et sur quels vulnérabilités et défis ? Y a-t-il une convergence lisible en matière de régime politique, ou même en matière de croissance et de conception de la relance économique, sur lesquelles divergent par ailleurs les deux principaux pays européens, la France et l'Allemagne ?

L'ambiguïté stratégique de l'UE

Les ambiguïtés européennes inhérentes aux « limites » de l'Europe sont une cause de tension de l'UE avec la Russie, à propos des pays du Partenariat Oriental et avec la Turquie, en ce qui concerne le Sud-Est du continent. Ces ambiguïtés posent un premier problème, consistant à savoir si les États-Unis, la Russie et la Chine sont prêts à reconnaître à l'Europe un rôle de parité et donc de partenariat. Il faudrait évidemment, pour se voir reconnaître un tel rôle, que l´Europe retrouve une vitalité démographique et économique qui lui font défaut et se dote des moyens, y compris militaires, de ses ambitions (sans oublier le fameux numéro de téléphone réclamé par M. Kissinger !)

En deuxième lieu, il s'agit de savoir si l'Europe aura à l'avenir une identité propre sur le plan politique et militaire, avant de poursuivre les élargissements qui disloquent son centre de gravité politique.

Enfin, il s'agira de voir si l'UE pourra s'accommoder des conceptions françaises concernant la distribution des pouvoirs au sein des institutions transatlantiques ou à l'inverse, si elle se pliera au leadership allemand, soutenu par les États-Unis.

Les conséquences régionales de la crise ukrainienne

Les querelles continentales sur les issues de la crise ukrainienne, le rôle de négociateur incontournable de la part de l'Allemagne vis-à-vis de la Russie et la présence ultime des États-Unis sur le continent, dans la Mer Noire et dans la Caspienne, influent sur la nature des relations entre l'UE et la Turquie.

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La nouvelle centralité de l'Allemagne en Europe après l'effondrement de la bipolarité, ne lui requiert plus d'être le rempart historique contre l'Est, exercé pendant la longue période médiévale et poursuivi jusqu'en 1945, rôle qui lui a attribué sur le continent la fonction conjointe de créateur d'ordre et d'hégémon.

Comme l'a récemment déclaré Henry Kissinger, ancien Secrétaire d'Etat américain, « l'Allemagne est condamnée à prendre plus de responsabilités » dans les affaires du monde »2. Elle s'affirme sur la scène diplomatique et devient la clé de l'entrée des pays des Balkans occidentaux dans l'Union (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Macédoine, Monténégro, Serbie), jouant également l'intermédiaire entre V. Poutine et P. Porochenko.
Ainsi, la crise ukrainienne pose le problème de l'équilibre continental avec la Russie et donc les différentes perspectives d'équilibre euro-russe, au vue des deux lectures nationales de la stratégie européenne, française et allemande.

En effet, l'adhésion de la Turquie à l'UE perturberait non seulement les relations franco-allemandes en Europe, mais également les relations bilatérales franco- et germano-russes, influant directement sur les ambitions européennes dans leur ensemble, autrement dit sur le projet d'Union comme dessein d'ordre politique continental.

Le projet européen et les tensions extérieures

Par ailleurs, le projet européen, bien que soutenu par une dynamique historique et politique propre, comporte trois tensions extérieures : une venant de la Russie, la deuxième de l'Amérique et la troisième du Moyen-Orient, du Golfe et de la Méditerranée. L’Europe ne pourra se réaliser sous l'égide exclusive de l'Allemagne, ni sur une hostilité ou une nouvelle coalition contre elle, car ces dilemmes imposeraient des choix difficiles aux États-Unis et porteraient atteinte aux ambitions de la France sur la spécificité de son rôle international.

La Turquie, la « question russe » et le déséquilibre stratégique dans le Sud-Est du continent

Ainsi la crise ukrainienne et l'annexion de la Crimée ont remis à l'ordre du jour la « question russe » (appelée autrefois la « question d'Orient ») et donc le contrôle de la Mer Noire et des détroits du Bosphore, bref le rôle de la Turquie et celui antinomique des États-Unis sur la porte d'accès occidentale à l'Eurasie, où se joue le sort du monde.

La déstabilisation de l'Ukraine représente une distorsion géopolitique dont les répercussions en Méditerranée orientale ne tarderont pas à se faire sentir.

Il serait hasardeux voire erroné de soutenir que l'UE comme ensemble post-national pourrait trouver un rééquilibrage avec l'adhésion de la Turquie et dans une implication conséquente dans la zone de turbulence du Proche et Moyen-Orient et du Golfe.

L'Europe, la Turquie, la Russie, les États-Unis et l'Eurasie

Une partie délicate se joue entre l'Europe, les États-Unis et la Russie, depuis la chute de l'Union Soviétique, pour le contrôle de l'Eurasie. Cette partie concerne tout aussi bien des acteurs pivots régionaux comme l'Ukraine, l'Azerbaïdjan, la Turquie et l'Iran, que des acteurs géostratégiques de taille : la Russie, l'Inde, le Japon et l'Indonésie.

Le rôle d'arbitre de ce « jeu » est assuré par les États-Unis, puissance extérieure au grand échiquier de l'Eurasie, qui essaient de réduire l'influence de la Russie par la constitution d'un axe Tachkent – Bakou, Tiblissi – Kiev, et d'un corridor énergétique Bakou – Ceyhan permettant l'exportation d'hydrocarbures de la Mer Caspienne, par l'évitement du transit à travers la Russie.

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La politique de l'UE vis-à-vis de la demande d'adhésion de la Turquie a consisté à repousser son entrée dans l'Union, car l'adhésion ferait de celle-ci un joueur équivalent à l'Allemagne en termes de représentation, de décision et de souveraineté partagée au sein du Conseil et de Parlement Européens3. Cela bouleverserait la logique profonde de l'Union, dont le projet de réconciliation concerne des États européens et repose sur une communauté d'origine, la chrétienté et l'héritage de Rome (primauté du droit, équilibre des pouvoirs et séparation augustinienne du spirituel et du politique), tradition reprise ensuite par le Saint-Empire Romain Germanique. Cette adhésion serait porteuse d'un double paradoxe : elle ferait d'un État extra-européen un des États les plus importants de l'Union et de la « communitas christiana », une communauté  musulmane de confession sunnite et islamo-conservatrice, provoquant un changement stratégique fondamental vis-à-vis du reste du monde.

L'entrée de la Turquie dans l'UE aurait également pour effet de rabaisser le rôle de la France et d'associer l'Europe à un partenariat cooptatif avec l'Amérique, renforçant le pouvoir de celle-ci pour toute entreprise d'influence et de domination extérieure à caractère global.

En termes géopolitiques, la Turquie est inscrite dans l'espace des « Balkans eurasiens », aux problèmes ethniques et culturels d'une très grande complexité. Ces problèmes ont été aggravés en Ukraine, Syrie, Iran, dans le Golfe, en Afghanistan et en Asie Centrale dans le but d'affaiblir la Russie, par une politique de roll back et au sein de l'Union Européenne, par l’absence d'un stratégie internationale lisible. Cet affaiblissement de l'UE demeure sans solution immédiate dans la région qui va de la Géorgie à la Moldavie, Transnistrie et Roumanie, et s'ajoute comme frein stratégique et financier à l'adhésion de la République turque. A ses portes, l'éventuel Etat du Kurdistan représente un danger pour la stabilité politique du gouvernement islamo-conservateur et pour la cohésion nationale turque. L'ouverture vers les Etats arabes, consécutive à la « rupture » diplomatique du Ministre des Affaires Etrangères, A. Davutoglu, et résumée par la formule « zéro ennemi» (2000) a inversé la politique nationaliste antérieure.

Dans ces conditions, les revirements de la politique étrangère de la Turquie ne peuvent figurer comme des éléments de stabilisation régionale, particulièrement nécessaire, après les révoltes arabes et le tournant pris par celles-ci en Syrie, Irak et Egypte.

Les dirigeants turcs n'ont pas pris la mesure des changements intervenus dans le monde et en particulier au Grand Moyen-Orient, au Golfe, en Méditerranée et en Afrique sub-saharienne. Ce n'est plus l'Etat-nation, post-colonial, faible, vulnérable ou en déliquescence, qui demeure la structure de régulation d'ensembles sociaux disparates mais les religions radicalisées et la violence obscurantiste des petites sociétés prémodernes, djihadistes ou guerrières, affirmant leurs souverainetés par le Califat, le nihilisme et le chaos. Dans ces conditions, les dirigeants turcs ont appris qu'il n'y a plus d'interlocuteurs fiables, identifiés et légitimes avec qui négocier.

Les États-Unis et le Grand Echiquier

Les États-Unis, sortis gagnants de la Guerre Froide, maîtrisent de moins en moins

- un système international devenu non seulement multipolaire mais polycentrique et

- les zones de non-droit.

Ils ont besoin de réassurer leurs alliés de l'OTAN pour dissiper les doutes du déclin et de l'incapacité du Président Obama à jouer le rôle de leader de l'Occident. L'exercice de cette nouvelle version de l'Empire, déterritorialisé et en réseau, a cependant besoin de se déployer dans l'espace physique et de gouverner des hommes, selon les régimes politiques qui correspondent à leurs traditions anciennes, étrangères à l'idée d'Europe et à celles d’État et de démocratie.

Ainsi, la première contradiction de la gouvernance mondiale est qu'elle ne peut s'exercer ni dans le cadre de la démocratie représentative, ni dans le respect des convictions des minorités religieuses et donc dans les formes de la laïcité occidentale. En effet, le rejet de la séparation augustinienne du domaine temporel et spirituel, que l'intégrisme djihadiste exècre et combat, impose l'apostasie et la fidélité à une seule divinité, au prix de massacres et de barbaries d'un autre âge et donc l'obéissance aveugle à un seul régime : celui du Califat, qui désinstitutionnalise l’État-moderne, issu du Traité de Westphalie (1648).

L'UE et les trois options de politique étrangère de la Turquie

Si, comme le remarque avec lucidité Z. Brzezinski dans Le Grand Echiquier, « l'unification européenne apparaît de plus en plus comme un processus qui s'impose de l'extérieur et pas comme un idéal auquel on croit » et si l'idée européenne a été prise en charge par un appareil bureaucratique lourd et éloigné de l'adhésion populaire, de telle sorte que l'Union Européenne donne l'impression d'un conglomérat de soLciétés affectées par un malaise social chronique, quelle impulsion la Turquie peut-elle donner à un organisme qui a perdu son élan intérieur ?

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A la chute de l'empire soviétique dans les années 1990, la Turquie, qui est l'un des pivots géopolitiques clés de l'Eurasie et dispose d'atouts dépassant les conditionnalités léguées par la géographie, a tenté de redéfinir son identité et sa cohésion nationales.

Parmi les trois options qui se sont offertes à sa classe dirigeante:
- l'adhésion à l'Union Européenne, dans le but de devenir un État occidental laïc et moderne, suivant en cela l'héritage d'Atatürk ;

- l'orientation islamiste modérée, prétendant à une conciliation entre Islam et démocratie et ayant comme corrélat l'ouverture vers les autres pays arabes de la région dans le but de créer une zone de stabilité dans la région, cette option s'est traduite par une rupture stratégique. Cette option « zéro ennemi » (de Davutoglu 2000) s'est traduite par une rupture stratégique, prenant la forme d'un appui à l'opposition islamiste de Bashar Al-Assad, soutenu par la Russie et l'Iran et balayant les ambitions de stabilité régionale, mise à mal par les crises successives des pays arabes ;

- le néo-nationalisme, suggéré par la grande histoire ottomane, lui faisant découvrir une nouvelle mission envers les peuples turcophones et musulmans de la Mer Caspienne et de l'Asie Centrale.

Ces trois orientations, aux axes stratégiques divergents, ont introduit une série d'incertitudes dans la politique étrangère de la Turquie. En effet, elles l'ont engluée :
- dans les conflits ethniques et religieux qui minent la région, cumulant les difficultés et provoquant l'exode de populations Kurdo- turques (soit 20 % de la population à l'Est du pays). Ces derniers réclament l'indépendance nationale dans une lutte qui les engage à côté des Kurdes irakiens et syriens.

- dans des aventures contre-productives en Méditerranée, avec l'épisode de la flottille de militants pro-palestiniens envoyée à Gaza dans le but de rompre le blocus israélien, ce qui a eu pour effet de rapprocher Israël des Kurdes, de la Grèce et de Chypre.
dans le refus d'aider à la résolution du conflit gelé avec l'Azerbaïdjan, ce qui a poussé l'Arménie à rejoindre le projet eurasiatique de Moscou.

Dans un contexte international en pleine métamorphose, l'hostilité de l'Iran à l'égard des États-Unis et de l'Occident a incité Téhéran à adopter une politique plus accommodante vis-à-vis du Kremlin, autre adversaire historique, tandis que la politique étrangère de la Turquie, leader potentiel d'une communauté turcophone eurasienne imprécise et mal définie, s'est tournée vers l'Asie Centrale.

Propositions pour un « Partenariat Privilégié » entre l'UE et la Turquie

L'idée d'adopter un « partenariat privilégié » comme entente stratégique réfléchie entre l'UE et la Turquie est fondée sur série d'évidences ayant pour base de nouveaux paradigmes:
- l'Eurasie à la place de l'Europe
- l'anarchie internationale au lieu de l'intégration
- la définition des intérêts vitaux et donc une politique de sécurité et de défense au lieu de l'idéologisation des valeurs (la démocratie et les droits de l'Homme)
- le passage probable d'une « logique de négociation » permanente » entre Etats européens à une phase d'équilibres de compétition ou de chacun pour soi.

Si la tâche principale de l’UE a été le développement étendu de la stabilité internationale qui constitue le cadre conceptuel de l’intégration du continent le prolongement de cette responsabilité dans la région du plateau turc, du Caucase du Sud et de la grande mer Noire, lui permet d’atteindre un niveau de responsabilités politiques qui dépassent la sphère régionale et atteignent la stabilité mondiale.

En particulier, dans la zone visée aucun des grands partenaires régionaux n’a les moyens, ni dispose d’un consensus stratégique lui permettant de prétendre à la prééminence régionale.

La signature de partenariats privilégiés et actifs, avec les pays ayant choisi le régime qui assure au mieux leur vocation au changement politique et à l’ouverture internationale, est la seule solution compatible avec le maintien du projet européen et la préservation de son message. C’est à partir de cette perspective commune à l'UE et à la Turquie et guère d’une dangereuse dilution de l’Europe, que peut s'établir une entente stratégique.

Au niveau du système international, la gestion des relations extérieures et les retournements des situations imposent à l’UE d’avoir une personnalité politique forte, une structure de décision efficace et des « limites extérieures » qui ne demeurent une source de perceptions erronées. Ceci exige une vision réaliste du monde, car la coexistence de la paix et de la guerre est toujours immanente, la dialectique des antagonismes toujours à l’œuvre et la conscience de l’hétérogénéité du monde toujours là, pour prouver que les individus et les peuples n’obéissent pas aux mêmes conceptions du juste et de l’injuste, de démocratie et de liberté et que la diversité des régimes politiques et des corps sociaux engendre différents types d’inégalités, d’inimitiés et de conflits et avec ceux-ci des génocides et des guerres.

Notes

1 Les « Balkans eurasiens » constituent, selon Brzezinski, une mosaïque ethnique, le cœur d’une vaste « zone de pouvoir vacant » et d’instabilité interne. Ils regroupent neuf pays : le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan, le Turkménistan, l’Azerbaïdjan, l’Arménie, la Géorgie et l’Afghanistan. On peut y inclure la Turquie et l’Iran (voir carte en annexe).

2 Extrait du journal Le Monde 26 août 2014

jeudi, 08 avril 2021

L'entrée de l'Ukraine dans l'OTAN : contre la Russie, les USA sont prêts à sacrifier l'Europe

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L'entrée de l'Ukraine dans l'OTAN : contre la Russie, les USA sont prêts à sacrifier l'Europe

par Karine Bechet-Golovko

Ex: http://russiepolitics.blogspot.com/2021/04/

Les Etats-Unis déclarent soutenir l'entrée de l'Ukraine dans l'OTAN, alors qu'un conflit militaire est actif sur son territoire et que la question territoriale est discutée par la communauté internationale. De son côté, la Russie prévient que ce pas, non seulement ne réglerait pas la question du Donbass, mais compliquerait encore plus la situation. Finalement, n'est-ce pas le but de ce conflit, n'est-ce pas là le rôle dévolu à l'Ukraine, comme à tous ces pays qui vendent leur souveraineté ? A savoir, devenir un jouet entre des mains, qui l'utiliseront jusqu'à ce qu'il soit cassé. Alors, un autre fera l'affaire. Les pays européens devraient en tirer - d'urgence - les conséquences, avant que d'être mis à la poubelle de l'histoire. Car quel est leur intérêt dans cette folle aventure ?

Depuis le Maïdan, l'Ukraine ne cesse de déclarer son voeu le plus cher d'entrer dans l'OTAN, d'en être un membre actif, véritable à part entière, allant jusqu'à l'absurde. Mais sérieusement, comment un Gouvernement digne de ce nom peut déclarer dans une loi, en 2016, que l'entrée dans l'OTAN est le but principal de la politique nationale ? Comment peut-on s'abaisser au point de même inscrire dans la Constitution ukrainienne en 2019, que le pays va vers une intégration dans l'Union européenne et dans l'OTAN ? Comment peut-on se prostituer à ce point, ouvertement, sans états d'âme, sans sursaut de dignité ? Comment peut-on imposer à son peuple la soumission, l'instrumentalisation, finalement la mise en esclavage au profit d'autres intérêts ?

Depuis, les missions de l'OTAN se sont parfaitement et ouvertement implantées en Ukraine, forment l'armée ukrainienne, qui va ainsi plus efficacement pouvoir tuer des civils à l'Est de son pays. Et ainsi, l'Ukraine permet de maintenir une tension extrême avec la Russie, qu'elle a déjà payée de la perte de la Crimée, qui sans le Maïdan serait toujours ukrainienne, et à ce rythme-là, elle peut conduire la Russie à intégrer le Donbass pour sauver les populations promises à un génocide annoncé, alors que la Russie ne cesse d'en appeler aux Accords de Minsk, selon lesquels le Donbass est et doit rester ukrainien.

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Mais lorsqu'un pays joue un jeu qui le dépasse, qu'il ne maîtrise pas, il paie le prix qui lui est imposé par ses maîtres, ceux-là mêmes qui l'on autorisé à entrouvrir la porte de la cour des grands, et cela lui a déjà coûté tellement cher que s'arrêter en cours de route n'est plus possible.

Et le conflit dans le Donbass continue, se renforce maintenant que l'armée ukrainienne a été "formée" par l'OTAN. Et les "va-t'en-guerre", grisés par l'opération fulgurante dans le Haut-Karabakh, d'espérer  répéter l'histoire avec le Donbass. Ils n'ont certainement pas tiré la leçon des aventures géorgiennes, elles aussi en deux temps, qui se sont soldées par une défaite pour eux - la seconde fois, la Russie étant intervenue. Et la Russie, même si elle ne veut pas entrer dans un conflit armé à ses frontières, même s'il est impensable pour elle d'initier un conflit militaire, elle ne pourra laisser massacrer le Donbass, que ce génocide soit commis sous drapeau ukrainien ou derrière l'oriflamme de l'OTAN, elle n'aura d'autre choix que d'intervenir. Les pays membre de l'OTAN devraient réfléchir et se demander quels sont réellement leurs intérêts nationaux dans la région, car ce sont leurs hommes qu'ils peuvent envoyer mourir pour ces intérêts ...

Depuis le temps que l'Ukraine se prépare à entrer dans l'OTAN, depuis le temps que l'OTAN la fait attendre, patienter, la caressant de temps en temps, avant de l'utiliser, puis de la faire à nouveau attendre, la situation pourrait-elle vraiment changer ? Tout dépend de la volonté politique.

Les Etats-Unis déclarent soutenir l'entrée de l'Ukraine dans l'OTAN, car ils soutiennent son "intégrité territoriale", mais la décision doit être prise par les membres de l'OTAN. Traduire : les Etats-Unis veulent continuer à développer le conflit en Ukraine dans le combat contre la Russie, mais c'est aux pays membre de l'OTAN, bien travaillés en avance par la construction de la figure de l'ennemi, de prendre la responsabilité collective de la montée d'un cran du conflit avec la Russie et du risque d'un affrontement direct. Bien loin des Etats-Unis, ce conflit peut engloutir ce qu'il reste de l'Europe.

De son côté, Zelensky, parfaitement briefé, déclare estimer que seule une entrée de l'Ukraine dans l'OTAN permettrait de mettre fin au conflit dans le Donbass.

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Pourquoi ? Parce que la Russie est censée trembler de peur devant l'Occident conquérant dans la fantasmagorie globaliste ... Une fantasmagorie refroidie par une déclaration immédiate du porte-parole du Kremlin. D'une part, Dmitri Peskov prévient que ce genre de décision ne peut se prendre sans l'appui de son peuple, or la population de l'Est du pays est majoritairement opposée à l'entrée de l'Ukraine dans l'OTAN. Cette démarche ne va donc pas, évidemment, calmer la situation intérieure du pays. D'autre part, le ministère russe des affaires étrangères a rappelé que les provocations par l'armée ukrainienne ne cessent d'augmenter sur la ligne de front, mettant en danger les populations civiles, notamment les citoyens russes du Donbass et que la Russie est prête à défendre sa sécurité, quel que soit le scénario. Comme l'a également souligné Peskov et sans entrer dans les détails, la sécurité du pays et des citoyens russes reste la priorité et de l'Etat et du Président personnellement.

Pendant que le discours ne cesse de s'envenimer, des vidéos de témoins sont apparues dans les réseaux sociaux, montrant des blindés de l'OTAN entrant en Ukraine par la Pologne et se dirigeant vers la ligne de front. Cela s'ajoute à l'accumulation de l'artillerie, de l'infanterie, de l'aviation, etc ukrainienne et des "conseillers de l'OTAN" aux frontières du Donbass (voir en détail l'état des lieux par E. Castel ici). En mars 2021, le regroupement des forces ukrainienne et leurs mouvements étaient à peu près celui-ci :

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Et comme l'a déclaré aujourd'hui le dirigeant de la république de Donetsk, dans sa conférence de presse diffusée dans l'émission politique 60 minutes, Denys Pouchiline, "en cas d'attaque de l'armée ukrainienne, les forces du Donbass ne s'arrêteront pas à la frontière des anciennes régions de Donetsk et Lugansk.". 

mercredi, 07 avril 2021

Le pacte de la mer Noire. Quand l'axe Turquie-Ukraine irrite Poutine

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Le pacte de la mer Noire. Quand l'axe Turquie-Ukraine irrite Poutine

Par Gregorio Baggiani

Ex : https://formiche.net/

Avertissement : ce document émane d’une structure de l’OTAN. Il nous apparaît cependant intéressant à plus d’un titre : il souligne le double jeu de la Turquie, révèle son rôle toujours important au sein de l’Alliance Atlantique, montre que l’intérêt d’Ankara pour Kiev prépare, en quelque sorte, l’inclusion de l‘Ukraine dans l’Otan.

De l'énergie à l'armement, la Turquie et l'Ukraine se rapprochent de plus en plus, et sont désormais officiellement jumelées. Une entente en mer Noire qui inquiète la Russie dans une large mesure et qui pourrait également avoir des répercussions au Moyen-Orient. L'analyse de Gregorio Baggiani, analyste de la Fondation du Collège de défense de l'OTAN.

L'intensification des relations turco-ukrainiennes est l'une des principales nouveautés de ces dernières années. Elle représente un important facteur de stabilité, puisqu'elle rétablit un équilibre des forces qui avait été perturbé par l'annexion russe de la Crimée en mars 2014, certes illégale du point de vue du respect du droit international, mais qui s'est déroulée dans un contexte de forte escalade des tensions internationales au niveau systémique en raison de la crise ukrainienne.

La Russie et la Turquie sont "unies" par des intérêts communs tels que le commerce de l'énergie, la vente de systèmes d'armes (en particulier le système de missiles S-400, qui permet de contrôler l'ensemble de la mer Noire et une partie de la Méditerranée, une zone sur laquelle la Turquie lorgne de manière de plus en plus agressive), une aversion commune pour les systèmes politiques libéraux et surtout par la nécessité de maintenir la mer Noire sous la domination exclusive des principales puissances côtières.

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Sans compter que la Turquie reste un membre fondamental de l'OTAN, même si elle n'est plus considérée comme un allié fiable par de nombreux autres États membres. Erdogan utilise habilement, autant que très peu scrupuleusement, l'appartenance à l'OTAN pour s'opposer à la Russie lorsque cela est nécessaire, tout en menaçant d'étendre les relations avec la Russie pour obtenir des concessions de la part de l'OTAN, dans la mesure où celle-ci joue un rôle clé dans la protection militaire des États-Unis au Moyen-Orient et au-delà.

Mais ces éléments ne suffisent pas à déterminer une entente durable entre les grandes puissances de la mer Noire, car la Russie et la Turquie sont également divisées par des problèmes régionaux; voir le Caucase du Sud, et le Nagorny-Karabakh en particulier, ainsi que la Syrie et la Méditerranée orientale, où le panturquisme, ou le pantouranisme, se heurte inévitablement aux visées expansionnistes du voisin russe. Ceux-ci inspirent évidemment la peur, même dans un État militairement puissant comme la Turquie (dont la force militaire s'est de toute façon affaiblie après les purges de l'armée qui ont suivi la tentative de coup d'État de juillet 2016).

Dans ce contexte, on assiste donc à une intensification des relations commerciales par le biais d'un accord de libre-échange et de coopération militaire, mais aussi diplomatique, entre la Turquie et l'Ukraine, les deux États littoraux les plus importants après la Russie.

La Turquie soutient sans réserve ou sans ambiguïté la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Ukraine à l'intérieur de frontières internationalement reconnues et se félicite donc de la coopération dans le cadre de la Plate-forme pour la désoccupation de la Crimée à laquelle Moscou s'oppose évidemment de manière unilatérale, mais ferme, parce qu'elle remet en cause une question qu'elle considère comme désormais close.

Les ministères de la défense et les autres départements concernés des deux pays doivent assurer le succès de tous les projets bilatéraux. Ils ont l'intention d'achever dès que possible les négociations sur un accord de libre-échange entre l'Ukraine et la Turquie, d'intensifier la coopération au sein de la Commission intergouvernementale pour le commerce et la coopération économique et d'accroître les investissements turcs dans les projets d'infrastructure en Ukraine.

Les deux pays accueilleront l'« Année de l'Ukraine » en Turquie et l'« Année de la Turquie » en Ukraine. En outre, une sorte de jumelage est prévu, dans le sens où l'Ukraine a exprimé son intérêt à promouvoir la coopération avec la Turquie dans le domaine religieux également.

Cela inclut même la construction d'une nouvelle mosquée importante à Kiev, une manière de reconnaître et de récompenser la petite communauté musulmane ukrainienne, tout en présentant l'Ukraine comme ouverte au monde musulman, faisant de la mer Noire une mer de commerce et de communication interreligieuse.

Au niveau diplomatique international, cette alliance unique entre la Turquie et l'Ukraine finira par faire basculer les votes de nombreux États islamiques vers l'Ukraine lorsque l'ONU sera appelée à se prononcer sur la question de la Crimée, une occupation par le passé déjà sanctionnée par l'ONU à plus d'une reprise.

Ce qui est clair, c'est une sorte de compétition acharnée entre la Russie et l'Ukraine pour s'attirer les faveurs du monde arabe, et de ce qu'on appelle le tiers-monde en général au niveau international et surtout au sein des Nations unies, (il n'est pas surprenant de constater dernièrement un fort activisme russe à la recherche de voix pour résister aux résolutions de condamnation à l'ONU pour l'occupation de la Crimée et des débouchés commerciaux et géopolitiques en Afrique, surtout le long de la côte sud de la mer Rouge, en particulier à Port Soudan, un avant-poste stratégique pour le contrôle de la navigation en transit vers le golfe Persique et l'océan Indien, où s'effectue une part importante du trafic commercial et énergétique mondial) et un autre pour l'accès aux marchés du Moyen-Orient, pour lequel le contrôle de la mer Noire est absolument essentiel, comme pour l'extraction du gaz et du pétrole, dont la mer Noire est riche et dont l'extraction contestée par la Russie représente un élément supplémentaire de tension et de discorde entre Moscou et Kiev qui, idéalement, devrait être discuté dans le cadre de négociations multilatérales complexes qui, cependant, semblent inévitablement se heurter à des difficultés.

Il va sans dire que cette convergence d'intentions et d'intérêts entre la Turquie et l'Ukraine est fortement désapprouvée par Moscou et suivie avec une certaine inquiétude dans la mesure où elle vise intrinsèquement à contenir les aspirations expansionnistes de la Russie en Mer Noire même (et surtout comme projection en Méditerranée orientale et en Syrie), malgré le fait qu'il existe entre la Russie et la Turquie une importante collaboration de type sectoriel, donc non organique et structurelle du point de vue politique.

D'autre part, certains acteurs extérieurs à la région, les États-Unis en particulier, voient d'un bon œil une alliance entre Ankara et Kiev, comme une alliance visant spécifiquement à empêcher Moscou de satisfaire ses besoins de projection stratégique, ce qui l'aiderait à augmenter le volume des échanges commerciaux et politico-diplomatiques avec le reste du monde. Cela accroît de manière directement proportionnelle son statut politique et diplomatique et lui permet de devenir ou d'être l'un des pôles indépendants de la politique mondiale, ce que l'on appelle le nouvel ordre multipolaire, auquel les dirigeants et, dans une certaine mesure, la population russe elle-même aspirent fortement, et qui est illustré par le concept de velikoderzavnost ou de grande puissance.

mardi, 06 avril 2021

Comprendre les PSYOPs anti-Poutine : une préparation à la guerre

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Comprendre les PSYOPs anti-Poutine: une préparation à la guerre

Source The Saker Blog

Il n’est pas exagéré de dire que dans la mythologie de l’Empire anglo-sioniste, Poutine est quelque chose d’apparenté à Satan ou, du moins, qu’il est une sorte de « Sauron » qui incarne le mal. Et nous avons tous entendu que récemment Biden, au cours d’une interview enregistrée, a déclaré que Poutine est « un tueur ». Lorsqu’on lui a donné la possibilité d’adoucir une telle déclaration, Jen Psaki n’a rien fait de tel. Nous pouvons donc conclure qu’il s’agissait d’une caractérisation officielle, délibérément planifiée, du dirigeant russe.

Ce type de langage n’a jamais été utilisé par les responsables occidentaux pendant la guerre froide, du moins pas au plus haut niveau. Alors pourquoi cette haine bouillonnante envers Poutine ?

Intro : Une cause pour un prétexte

Ce n’est pas parce qu’il est un ex employé du PGU, KGB, SSSR. Yuri Andropov était un ancien président du KGB, et il a beaucoup fait pour renforcer le KGB, son personnel et ses opérations. Pourtant, personne ne l’a jamais traité de tueur. Ce n’est pas non plus à cause de la Crimée ou du Donbass, du moins pas directement, car lorsque l’URSS a envahi la Tchécoslovaquie et, avant cela, la Hongrie, les politiciens occidentaux n’ont pas traité Khrouchtchev ou Brejnev de « tueurs ». Ce n’est pas pour avoir descendu le MH-17 (les dirigeants occidentaux savent tous que ce sont des mensonges créés par les services spéciaux occidentaux), parce qu’il y a eu pas mal d’avions de ligne civils abattus par divers États, mais cela n’a pas donné lieu à ce genre de diabolisation totale des dirigeants de ces États. Je pourrais continuer, mais vous avez compris : même si nous analysons soigneusement toutes les accusations portées contre Poutine, nous constatons que le type de diabolisation totale dont il a fait l’objet est assez unique dans son intensité et sa portée.

Il y a une énorme différence entre les concepts de « cause » et de « prétexte », et tous les exemples que j’ai donnés ne sont que des prétextes. Nous allons donc examiner les causes réelles d’une telle haine aveugle pour Poutine.

Voici une autre liste de raisons possibles : tout d’abord, il est indéniable que si Eltsine a presque détruit la Russie en tant que pays, Poutine a, à lui seul, « ressuscité » la Russie en un temps étonnamment court. D’un pays en lambeaux et d’une population qui ne souhaitait rien d’autre que de devenir la prochaine Allemagne ou, à défaut, la prochaine Pologne, Poutine a fait de la Russie la plus forte puissance militaire de la planète et a complètement remodelé la perception que les Russes ont d’eux-mêmes et de la Russie. En outre, Poutine a utilisé la moindre mesure prise par l’Occident (comme les sanctions, les boycotts ou les menaces) pour renforcer davantage la Russie (par des moyens tels que la substitution des importations, les conférences internationales et les manœuvres militaires). Plus important encore, Poutine a dissocié la Russie d’un grand nombre d’institutions ou de mécanismes contrôlés par les États-Unis, un geste qui a aussi énormément servi la Russie.

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Les politiciens américains ont parlé d’un pays dont l’économie était « en lambeaux » et d’une « station-service se faisant passer pour un pays ». Mais dans le monde réel (zone B), l’économie russe s’est bien mieux comportée que les économies occidentales et, quant à la « guerre de l’énergie » entre les États-Unis, l’Arabie saoudite et la Russie, elle s’est soldée par une défaite catastrophique pour les États-Unis et un triomphe pour la Russie et, dans une moindre mesure, l’Arabie saoudite.

Puis vint la Covid-19 et le désastre épique pour mauvaise gestion de cette crise par l’Occident. De plus, le contraste entre la façon dont la Russie (et la Chine !) a géré la crise et ce que l’Occident a fait ne pouvait pas être plus grand. Quant au fait que la Russie soit le premier pays à créer un vaccin (à l’heure actuelle, pas moins de trois en fait ; la Russie est sur le point de commercialiser un autre vaccin, cette fois pour protéger les animaux contre la Covid-19) et, pire encore, le pays qui a créé le meilleur vaccin de la planète – c’est un désastre de relations publiques pour l’Occident et il n’y a rien que l’Occident puisse faire pour en atténuer le choc. Au contraire, les choses ne font qu’empirer, comme le montrent tous les blocages à venir en Europe – à mettre en parallèle avec cette photo de l’heureux Lavrov en Chine portant un masque sur lequel est écrit « FCKNG QRNTN » ! [merde à la quarantaine, NdT]

Mais ce n’est pas non plus la vraie raison, comme le montre le fait que l’Occident détestait déjà Poutine bien avant la Covid-19.

La victoire « volée » de la guerre froide

En vérité, l’Occident a une très longue liste de raisons de haïr Poutine et tout ce qui est russe, mais je crois qu’il y a une raison qui les surpasse toutes : les dirigeants occidentaux croyaient sincèrement avoir vaincu l’URSS pendant la guerre froide (des médailles ont même été fabriquées pour commémorer cet événement) et, après l’effondrement de l’ancienne superpuissance et l’arrivée au pouvoir d’une marionnette alcoolique et désemparée, le triomphe de l’Occident était total. Du moins en apparence. La réalité, comme toujours, étant beaucoup plus compliquée.

[Aparté : les causes et les mécanismes de l'effondrement de l'Union soviétique 
ne sont pas notre sujet aujourd'hui, je me contenterai donc d'indiquer que je
ne crois pas que l'URSS se soit "effondrée" mais qu'elle a été délibérément
détruite par l'appareil du PCUS qui a décidé de briser le pays afin que le
Parti et la Nomenklatura restent au pouvoir, non pas à la tête de l'URSS,
mais à la tête des différentes républiques ex-soviétiques. Les dirigeants
faibles et les idéologies auxquelles personne ne croit vraiment n'incitent
pas les gens à se battre pour leurs dirigeants. C'est pourquoi la monarchie
russe s'est effondrée, c'est pourquoi la démocratie maçonnique de Kerenski
s'est effondrée et c'est pourquoi l'Union soviétique s'est effondrée (c'est
aussi l'une des raisons les plus probables de l'effondrement final des
États-Unis en tant qu'État)].

Poutine, qui n’était pas très connu en Occident ni, d’ailleurs, en Russie, est arrivé au pouvoir et a immédiatement inversé la chute de la Russie dans l’abîme. Il s’est d’abord attaqué aux deux menaces les plus urgentes, les oligarques et l’insurrection wahhabite dans le Caucase. De nombreux Russes, dont moi-même, ont été absolument stupéfaits par la rapidité et la détermination de ses actions. En conséquence, Poutine s’est soudainement retrouvé l’un des dirigeants les plus populaires de l’histoire de la Russie. Dans un premier temps, l’Occident a subi une sorte de choc, puis s’est installé dans un processus rappelant le « modèle Kübler-Ross » et, enfin, dans une frénésie russophobe jamais vue depuis le régime nazi allemand, pendant la Seconde Guerre mondiale.

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Pour comprendre pourquoi Poutine est le Diable incarné, nous devons comprendre que les dirigeants de l’Occident collectif ont vraiment pensé que cette fois-ci, après un millénaire d’échecs et de défaites embarrassantes, l’Occident avait finalement « vaincu » la Russie qui deviendrait maintenant un territoire sans leader, sans culture, sans spiritualité et, bien sûr, sans histoire, dont la seule utilité serait de fournir des ressources à « l’Occident triomphant ».

Ensuite, les dirigeants anglo-sionistes de l’Empire ont exécuté l’opération sous faux drapeau du 11 septembre qui leur a donné le prétexte nécessaire à la Grande Guerre contre le Terrorisme, mais a complètement détourné leur attention de la soi-disant « menace russe », simplement parce qu’en 2001, il n’y avait pas de menace russe. Il y avait donc une certaine logique derrière ces mouvements. Et puis, « soudainement » (du moins pour les dirigeants occidentaux), la Russie fut « de retour » : en 2013, la Russie a bloqué l’attaque prévue des États-Unis et de l’OTAN contre la Syrie (le prétexte ici était les armes chimiques syriennes). En 2014, la Russie a apporté son soutien au soulèvement de la Novorussie contre le régime ukrainien de Kiev et, la même année, la Russie a également utilisé son armée pour permettre à la population locale de voter lors d’un référendum pour rejoindre la Russie. Enfin, en 2015, la Russie a stupéfié l’Occident avec une intervention militaire extrêmement efficace en Syrie.

Dans cette séquence, la Russie a commis deux types de « crimes » très différents (du point de vue anglo-sioniste, bien sûr) :

  • Le crime mineur de faire ce que la Russie a réellement fait et
  • le crime beaucoup plus grave de ne jamais avoir demandé à l’Empire la permission de le faire.

L’Occident aime traiter le reste de la planète comme une sorte de partenaire junior, avec un champ d’action très limitée et presque aucune autonomie réelle (le meilleur exemple est ce que les États-Unis ont fait à des pays comme la Pologne ou la Bulgarie). Si et quand un tel pays « junior » veut faire quelque chose pour sa politique étrangère, il doit absolument demander la permission à son grand frère anglo-sioniste. Ne pas le faire s’apparente à de la sédition et de la révolte. Dans le passé, de nombreux pays ont été « punis » pour avoir osé avoir une opinion ou, plus encore, pour avoir osé agir en conséquence.

Il ne serait pas inexact de résumer tout cela en disant que Poutine a fait un doigt d’honneur à l’Empire et à ses dirigeants. C’est ce « crime des crimes » qui a réellement déclenché l’hystérie anti-russe actuelle. Très vite, cependant, les dirigeants (pour la plupart désemparés) de l’Empire se sont heurtés à un problème extrêmement frustrant : alors que l’hystérie russophobe a eu beaucoup d’écho en Occident, elle a provoqué un puissant retour de flamme en Russie en raison d’un mouvement typique de « judo » à la Poutine : loin d’essayer de supprimer la propagande anti-russe de l’Occident, le Kremlin a utilisé son pouvoir pour la rendre largement disponible (en russe !) par le biais des médias russes (j’ai écrit à ce sujet en détail ici et ici). Le résultat direct a été double : premièrement, l’« opposition » dirigée par la CIA/MI6 a commencé à être fortement associée aux ennemis russophobes de la Russie et, deuxièmement, le grand public russe s’est rallié à Poutine et à sa position inflexible. En d’autres termes, en qualifiant Poutine de dictateur et, bien sûr, de « nouvel Hitler », les PSYOP occidentales ont obtenu un avantage limité dans l’opinion publique occidentale, mais se sont totalement tiré une balle dans le pied vis à vis du public russe.

J’appelle cette étape la « phase un de la PSYOP stratégique anti-Poutine ». Quant au résultat de cette PSYOP, je dirais non seulement qu’elle a presque complètement échoué, mais je pense qu’elle a eu, en Russie, l’effet inverse de celui escompté.
Un changement de cap s’imposait donc de toute urgence.

La réorientation des PSYOP américaines contre Poutine et la Russie

Je dois admettre que j’ai une très mauvaise opinion de la communauté du renseignement américain, y compris de ses analystes. Mais même l’ennuyeux « spécialiste de la zone Russie » a fini par comprendre que dire à l’opinion publique russe que Poutine était un « dictateur », un « tueur de dissidents » ou un « empoisonneur chimique d’exilés » entraînait un mélange typiquement russe de rires et de soutien au Kremlin. Il fallait faire quelque chose.

C’est ainsi qu’un petit malin, quelque part dans un sous-sol, a eu l’idée suivante : il est absurde d’accuser Poutine de choses qui le rendent populaire dans son pays, alors dressons une nouvelle liste d’accusations soigneusement adaptées au public russe.

Appelons cela la « phase deux de l’opération PSYOP anti-Poutine ».

Et c’est ainsi qu’a commencé l’affaire des « Poutine est de mèche avec ». Plus précisément, ces accusations ont été déployées par les PSYOP américaines et ceux qui sont à leur solde :

  • Poutine désarme la Syrie
  • Poutine va vendre le Donbass
  • Poutine est une marionnette d’Israël et, en particulier, de Netanyahu.
  • Poutine est un traître corrompu ne tenant pas compte des intérêts nationaux russes.
  • Poutine autorise Israël à bombarder la Syrie (voir ici)
  • Poutine vend les richesses de la Sibérie à la Chine et/ou Poutine soumet la Russie à la Chine.
  • Poutine est corrompu, faible et même lâche.
  • Poutine a été vaincu par Erdogan dans la guerre du Haut-Karabakh.

Les points ci-dessus sont les principaux sujets de discussion immédiatement approuvés et exécutés par les PSYOPs stratégiques américaines contre la Russie.

Ont-elles été efficaces ?

Oui, dans une certaine mesure. D’une part, ces « PSYOPS anti-russes améliorées » ont été immédiatement reprises par au moins une partie de ce que l’on pourrait appeler « l’opposition patriotique interne » (dont une grande partie est très sincère et sans aucune conscience d’être habilement manipulée). Plus toxique encore a été l’émergence d’un mouvement néo-communiste (ou, comme Ruslan Ostashko les appelle souvent « emo-marxistes ») assez bruyant (que j’appelle personnellement une sixième colonne) qui a commencé une campagne de propagande interne anti-Kremlin centrée sur les thèmes suivants :

  • « Tout est perdu » (всепропальщики) : c’est la thèse qui dit que rien en Russie n’est bien, tout est soit faux soit mauvais, le pays s’effondre, ainsi que son économie, sa science, son armée, etc. etc. etc. C’est juste une sorte de défaitisme, rien de plus.
  • « Rien n’a été accompli depuis l’arrivée de Poutine au pouvoir » : cette position est étrange, car il faut une gymnastique mentale absolument spectaculaire pour ne pas voir que Poutine a littéralement sauvé la Russie de la destruction totale. Cette position n’explique pas non plus pourquoi Poutine est si détesté par l’Empire (si Poutine faisait tout de travers, comme, disons, Eltsine, il serait adoré en Occident, pas détesté !)
  • « Toutes les élections en Russie ont été volées. » Ici, la 5e colonne (dirigée par la CIA/MI6) et la 6e colonne doivent être d’accord : selon les deux, il est absolument impossible que la plupart des Russes aient soutenu Poutine pendant tant d’années et il est impossible qu’ils le soutiennent encore maintenant. Sans parler du fait que la grande majorité des sondages montrent que Poutine était, et est toujours, la personnalité politique la plus populaire de Russie.

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Enfin, le grand dérapage de la réforme des retraites n’a certainement pas aidé Poutine à améliorer sa cote de popularité. Il a donc dû prendre des mesures : il a « adouci » certaines des pires dispositions de cette réforme et, finalement, il a réussi à mettre sur la touche certains des pires intégrationnistes atlantiques, dont Medvedev lui-même.

Malheureusement, certains sites web, blogs et individus prétendument pro-russes ont montré leur vrai visage en prenant le train en marche de cette deuxième campagne stratégique de PSYOP, probablement dans l’espoir d’être plus remarqués ou d’obtenir des fonds, ou les deux. D’où toutes les sornettes sur la collaboration entre la Russie et Israël ou sur un Poutine « vendu », que nous avons vues si souvent ces derniers temps. Le pire, c’est que ces sites web, ces blogs et ces personnes ont gravement induit en erreur et perturbé certains des meilleurs amis réels de la Russie en Occident.

Aucun d’entre eux ne répond jamais à une question très simple : si Poutine est un tel vendu, et si tout est perdu, pourquoi l’empire anglo-sioniste déteste-t-il autant Poutine ? En presque 1000 ans de guerre (spirituelle, culturelle, politique, économique et militaire) contre la Russie, les dirigeants de l’Occident ont toujours détesté les vrais patriotes russes et ils ont toujours aimé les (hélas nombreux) traîtres à la Russie. Et maintenant, ils détestent Poutine parce qu’il serait un mauvais dirigeant ?

Cela n’a absolument aucun sens.

Conclusion : une guerre est-elle inévitable maintenant ?

Les États-Unis et l’OTAN ne s’engagent pas dans des opérations stratégiques de maintien de la paix simplement parce qu’ils aiment ou n’aiment pas quelqu’un. L’objectif principal de ces PSYOPs est de briser la volonté de résistance de l’autre partie. C’était également l’objectif principal des deux PSYOP anti-Poutine (phase 1 et phase 2). Je suis heureux d’annoncer que les deux phases de ces PSYOPs ont échoué. Le danger ici est que ces échecs n’ont pas réussi à convaincre les dirigeants de l’Empire de la nécessité de changer de cap de toute urgence et d’accepter la « réalité russe », même si elle ne leur plaît pas.

Depuis que l’administration « Biden » (le « Biden collectif », bien sûr, pas la plante en pot) a pris (illégalement) le pouvoir, nous avons assisté à une forte escalade des déclarations anti-russes. D’où le dernier « hou, c’est un tueur » – ce n’était pas l’erreur d’un esprit sénile, c’était une déclaration soigneusement préparée. Pire encore, l’Empire ne s’est pas limité à des paroles, il a également effectué quelques « mouvements de corps » importants pour signaler sa détermination à rechercher une confrontation encore plus poussée avec la Russie :

  • Il y a eu beaucoup de bruits de sabre en provenance de l’Ouest, et surtout des manœuvres militaires plutôt malavisées (voire carrément stupides) près de la frontière russe ou le long de celle-ci. Comme je l’ai expliqué un milliard de fois, ces manœuvres sont vouées à l’échec d’un point de vue militaire (plus on se rapproche de la frontière russe, plus les forces militaires occidentales sont en danger). Politiquement, cependant, elles sont extrêmement provocantes et, par conséquent, dangereuses.
  • La grande majorité des analystes russes ne croient pas que les États-Unis et l’OTAN attaqueront ouvertement la Russie, ne serait-ce que parce que ce serait suicidaire (l’équilibre militaire actuel en Europe est fortement en faveur de la Russie, même sans utiliser d’armes hypersoniques). Ce que beaucoup d’entre eux craignent maintenant, c’est que « Biden » déclenche les forces ukrainiennes contre le Donbass, « punissant » ainsi l’Ukraine et la Russie (la première pour son rôle dans la campagne présidentielle américaine). Je suis plutôt d’accord avec ces deux déclarations.

En fin de compte, l’empire anglo-sioniste a toujours été raciste à la base, et cet empire l’est toujours : pour ses dirigeants, le peuple ukrainien n’est que de la chair à canon, une nation de troisième ordre sans intérêt et sans dirigeants qui a dépassé son utilité (les analystes américains comprennent que le plan américain pour l’Ukraine s’est soldé par un nouveau fiasco spectaculaire, comme ces plans délirants finissent toujours par le faire, même s’ils ne le disent pas publiquement). Alors pourquoi ne pas lancer ces gens dans une guerre suicidaire contre non seulement la LDNR mais aussi la Russie elle-même ? Bien sûr, la Russie gagnera rapidement et de manière décisive la guerre militaire, mais politiquement, ce sera un désastre en termes de relations publiques pour la Russie, car l’« Occident démocratique » accusera toujours la Russie, même si elle n’a clairement pas attaqué la première (comme ce fut le cas le 08.08.08) [En Géorgie, NdT].

J’ai déjà écrit sur la situation absolument désastreuse de l’Ukraine il y a trois semaines, je ne vais donc pas tout répéter ici, je dirai simplement que depuis ce jour, les choses ont encore empiré : il suffit de dire que l’Ukraine a déplacé beaucoup de blindés lourds vers la ligne de contact, tandis que le régime de Kiev a maintenant interdit l’importation de papier toilette russe (ce qui montre ce que la bande au pouvoir considère comme des mesures importantes et nécessaires). S’il est vrai que l’Ukraine est devenue un État totalement défaillant depuis le coup d’État néonazi, on constate aujourd’hui une nette accélération de l’effondrement non seulement du régime ou de l’État, mais aussi du pays dans son ensemble. L’Ukraine s’effondre si rapidement que l’on pourrait créer un site web entier pour suivre l’évolution de cette horreur, non pas jour après jour, mais heure après heure. Il suffit de dire que « Ze » s’est avéré être encore pire que Porochenko. La seule chose que Porochenko a fait et que « Ze » n’a pas fait (encore !) est de déclencher une guerre. À part cela, le reste de ce qu’il a fait (par action ou inaction) ne peut être qualifié que de « encore la même chose, mais en pire ».

La guerre peut-elle être évitée ?

Je ne sais pas. Poutine a donné aux Ukronazis un avertissement très sévère (« des conséquences graves pour le statut d’État de l’Ukraine en tant que tel »). Je ne crois pas une seconde que quiconque au pouvoir à Kiev se soucie de l’Ukraine ou de son statut d’État, mais ils sont assez intelligents pour comprendre qu’une contre-attaque russe pour défendre la LDNR et, plus encore, la Crimée, pourrait inclure des frappes de précision ciblées sur « le leadership » avec des missiles avancés. Les dirigeants ukronazis seraient bien avisés de réaliser qu’ils ont tous une cible peint sur la tête. Ils pourraient également réfléchir à ceci : qu’est-il arrivé à tous les chefs de gangs wahhabites en Tchétchénie depuis la fin de la deuxième guerre de Tchétchénie ? (Indice : ils ont tous été retrouvés et exécutés). Cela suffira-t-il à les arrêter ?

Peut-être. Espérons-le.

Mais nous devons maintenant garder à l’esprit que dans un avenir prévisible, il ne reste que deux options pour l’Ukraine : « une fin horrible ou une horreur sans fin » (expression russe).

Le meilleur scénario pour la population ukrainienne serait une scission (relativement pacifique, espérons-le) du pays en plusieurs parties gérables.
La pire option serait sans aucun doute une guerre à grande échelle contre la Russie.

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À en juger par la rhétorique qui émane de Kiev ces jours-ci, la plupart des politiciens ukrainiens soutiennent fermement l’option n° 2, d’autant plus que c’est également la seule option acceptable pour leurs maîtres étrangers. Les Ukrainiens ont également adopté une nouvelle doctrine militaire (qu’ils appellent « stratégie de sécurité militaire de l’Ukraine ») qui déclare la Russie État agresseur et adversaire militaire de l’Ukraine (voir ici pour une traduction automatique du texte officiel).

Cela pourrait être la raison pour laquelle Merkel et Macron ont récemment eu une vidéoconférence avec Poutine (« Ze » n’était pas invité) : Poutine pourrait essayer de convaincre Merkel et Macron qu’une telle guerre serait un désastre pour l’Europe. Pendant ce temps, la Russie renforce rapidement ses forces le long de la frontière ukrainienne, y compris en Crimée.

Mais toutes ces mesures ne peuvent pas dissuader un régime qui n’a pas de dirigeants. L’issue sera décidée à Washington DC, pas à Kiev. Je crains que le sentiment traditionnel d’impunité totale des dirigeants politiques américains ne leur donne, une fois de plus, l’impression qu’il y a très peu de risques (pour eux personnellement ou pour les États-Unis) à déclencher une guerre en Ukraine. Les dernières nouvelles sur le front américano-ukrainien sont la livraison par l’US Navy de 350 tonnes d’équipement militaire à Odessa. Pas assez pour être militairement significatif, mais plus que suffisant pour inciter le régime de Kiev à attaquer le Donbass et/ou la Crimée.

En fait, je ne m’étonnerais même pas que « Biden » lance une attaque contre l’Iran pendant que le monde regarde l’Ukraine et la Russie se faire la guerre. Après tout, l’autre pays dont la position géostratégique s’est gravement dégradée depuis que la Russie a déplacé ses forces en Syrie est Israël, le seul pays que tous les politiciens américains serviront fidèlement et quel qu’en soit le coût (y compris le coût humain pour les États-Unis). Les Israéliens exigent une guerre contre l’Iran depuis au moins 2007, et il serait très naïf d’espérer qu’ils ne finissent pas par obtenir gain de cause. Enfin, et ce n’est pas le moins important, il y a la crise que le chutzpah condescendant qu’est Bliken a déclenchée avec la Chine et qui, jusqu’à présent, n’a abouti qu’à une guerre économique, mais qui pourrait aussi s’intensifier à tout moment, surtout si l’on considère les nombreuses provocations anti-chinoises récentes de la marine américaine.

Actuellement, les conditions météorologiques dans l’est de l’Ukraine ne sont pas propices à des opérations militaires offensives. La neige continue de fondre, créant des conditions routières très difficiles et boueuses (appelées « rasputitsa » en russe) qui entravent considérablement le mouvement des forces et des troupes. Ces conditions vont toutefois changer avec l’arrivée de la saison chaude, et les forces ukrainiennes seront alors idéalement positionnées pour une attaque.

En d’autres termes, à moins d’un développement majeur, nous pourrions être à quelques semaines seulement d’une guerre majeure.

The Saker

Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone

lundi, 05 avril 2021

La tension dans le Donbass est toujours plus forte

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La tension dans le Donbass est toujours plus forte

par Emanuel Pietrobon

Source : Insideover & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/la-tensione-nel-d...

Le mois de mars a été marqué par une augmentation sensible des niveaux de confrontation et de tension le long des points de contact dans l'est de l'Ukraine, sous la forme de violations croissantes du cessez-le-feu et d'un inquiétant rassemblement de troupes et d'armements par Kiev, et s'est terminé par une vidéo-trilatérale entre Vladimir Poutine, Angela Merkel et Emmanuel Macron visant à rechercher une désescalade.

Ce qui se passe

Le gouvernement ukrainien a tiré la sonnette d'alarme fin mars à propos de certains mouvements de troupes russes le long des frontières orientales du pays. Aucune invasion ne se profile à l'horizon selon Dmitrij Peskov, le porte-parole officiel de Poutine, mais un simple (et légitime) transfert de forces armées à l'intérieur des frontières territoriales de la Russie, qui, en tant que tel, ne devrait ni susciter d'inquiétude ni être utilisé pour alimenter les tensions dans le Donbass.

La nervosité est toutefois palpable des deux côtés: la dernière semaine de mars a vu l'augmentation du niveau d'alerte en Europe par l'EuCom, l'approbation d'un document stratégique par l'Ukraine dans lequel elle définit Moscou comme un "adversaire militaire", réitère sa volonté d'adhérer à l'Alliance atlantique et son objectif de désoccuper la Crimée, tandis que dans le Donbass quatre soldats ukrainiens et un civil ont été tués. Ce tableau, qui est tout sauf rose, est encadré par un exercice massif des forces armées russes dans la péninsule de Crimée, qui s'est déroulé du 16 au 19, un appel à la mobilisation dans la république de Donetsk pour tous les hommes nés jusqu'en 2003 et, le long du Donbass, d'innombrables violations de la trêve par les Ukrainiens - 54 entre le 2 et le 16 seulement - accompagnées d'une augmentation des fournitures d'armes lourdes aux troupes déployées sur place et d'un exercice militaire qui a vu l'utilisation de chars.

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La conférence à trois entre Poutine, Merkel et Macron a été organisée à la suite de cette série d'événements et dans le but précis de tenter d'amorcer un processus de désescalade par la reprise du dialogue entre les garants des séparatistes (Russie) et de l'Ukraine (Allemagne et France). L'événement, au cours duquel la coopération en matière de vaccination et d'autres sujets ont également été abordés, semble avoir été marqué par l'harmonie et la concorde et s'est terminé par un appel commun à la fin des provocations.

Qui provoque qui ?

Les chiffres en main, par exemple ceux du nombre croissant de violations du cessez-le-feu par les Ukrainiens, semblent tous indiquer qu'une opération bien conçue et planifiée de destruction progressive du cessez-le-feu est en cours dans le Donbass. Le processus d'escalade se déroule par étapes, avec des attaques chirurgicales de drones et des échanges de tirs impromptus mais de plus en plus fréquents, et peut être retracé de manière indicative jusqu'en novembre dernier, mois à partir duquel une augmentation constante des irrégularités a été observée.

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Moscou et Kiev s'accusent mutuellement d'être à l'origine de la détérioration de la situation et d'aspirer à une reprise des hostilités en vue d'un éventuel élargissement du conflit à l'ensemble du territoire ukrainien. Le Kremlin, cependant, n'a aucun intérêt à ce qu'un tel scénario devienne réalité, et ce pour de multiples raisons :

  1. Les retombées potentiellement mortelles sur Donetsk et Lugansk. Les deux républiques séparatistes sont dangereusement vulnérables compte tenu de l'accumulation de troupes et d'armements par l'Ukraine le long de leurs frontières.
  2. Risques pour la Crimée. La mer Noire est agitée par les manœuvres des flottes américaine, roumaine et turque et la péninsule fait l'objet d'un intérêt quasi obsessionnel du côté ukrainien, qui a récemment dévoilé une "plateforme de désoccupation" dans laquelle de nouvelles pressions à plusieurs niveaux sur Moscou sont annoncées dans le but de rendre l'annexion "non rentable". Rouvrir le front du Donbass reviendrait à détourner l'attention du Kremlin de la péninsule, l'exposant ainsi aux sabotages et autres opérations asymétriques.
  3. Le facteur Biden. À la Maison Blanche se trouvent les codirecteurs de l'Euromaïdan, c'est-à-dire Joe Biden et Antony Blinken, qui ont envoyé des signaux clairs et sans équivoque concernant la volonté d'intensifier la confrontation hégémonique avec la Russie. Bien au fait du dossier ukrainien, ainsi que de la formulation du plan de sanctions, Biden et Blinken sauraient comment maximiser leurs profits d'un retour à la guerre dans le Donbass.
  4. Le dialogue avec l'Union européenne. Le Donbass est l'une des principales raisons du régime des sanctions euro-américaines et de la consolidation du flanc oriental de l'Alliance atlantique, c'est pourquoi la reprise des combats ne pourrait qu'avoir des effets immédiats et pernicieux sur les relations (déjà précaires) entre Bruxelles et Moscou.

En bref, une éventuelle réouverture des hostilités irait à l'encontre des intérêts actuels du Kremlin et en faveur de ceux de Kiev qui, par le déclenchement d'une crise, pourrait geler davantage les relations entre les blocs, brisant le timide réchauffement intervenu au nom de la coopération vaccinale, et donner une impulsion au processus d'incorporation dans l'orbite euro-américaine. Des opérations sous faux drapeau pourraient être à portée de main : prenez garde à ce qui se passe.

Le retour de Carthage : la nouvelle politique étrangère du Royaume-Uni

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Le retour de Carthage : la nouvelle politique étrangère du Royaume-Uni

Traduction par Juan Gabriel Caro Rivera

Le 16 mars 2021, le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord a présenté un nouveau document qui définit la stratégie de la politique étrangère et de la défense britannique pour les 30 prochaines années. Le document s'intitule "La Grande-Bretagne dans un monde compétitif". Un examen complet a donc été élaboré à Londres sur les questions de sécurité, de défense, de développement et de politique étrangère.

Selon le document, les dirigeants actuels de la Grande-Bretagne considèrent la Chine et la Russie comme la principale menace pour leur pays. Bien que le document indique clairement que la priorité doit être accordée à la région indo-pacifique (la lutte contre la Chine), l'accent est mis sur l'Europe de l'Est (l'"endiguement" de la Russie).

Londres utilisera à la fois les sanctions économiques et la pression militaire contre ses ennemis. Pour y parvenir, le Royaume-Uni procédera à une modernisation de ses armements, cybernétique, spatial, naval et nucléaire. En 2030, les forces armées britanniques prévoient de disposer de 260 têtes nucléaires. Ainsi, l'armée britannique sera présente partout dans le monde et l'île britannique deviendra "un résolveur de problèmes et un gestionnaire de conflits à l'échelle mondiale".

La Grande-Bretagne et la société ouverte

Le concept d'une Grande-Bretagne mondiale n'est en aucun cas nouveau. Il a toujours été la bannière d'une partie du pouvoir conservateur britannique qui était favorable au Brexit. Il faut garder à l'esprit que deux courants distincts étaient favorables à la sortie de la Grande-Bretagne de l'UE: d'une part, les populistes, très désabusés par l'UE en tant qu'institution transnationale et libérale, et, d'autre part, les ultra-libéraux (également connus sous le nom de néo-conservateurs). Pour ces derniers, l'UE n'était pas assez libérale et était trop "continentale" par rapport à la Grande-Bretagne, qui a historiquement lié son destin à la défense de sa mission particulière de puissance maritime, au libre marché et à la promotion de la "démocratie" dans le monde. Ce sont précisément ces forces personnifiées dans le néoconservateur britannique, l’intellectuel à l'origine du Brexit, Michael Gove, et l'ancien maire de Londres, Boris Johnson, qui ont finalement gagné et écarté les populistes qui avaient des idées beaucoup plus traditionalistes comme Nigel Farrage.

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La stratégie actuelle des élites britanniques consiste à faire de leur pays une île par laquelle transitent tous les flux financiers, informatiques et toutes sortes de "réseaux" mondiaux (le terme "réseau" est utilisé 52 fois dans le document), en faisant partie intégrante des réseaux de sécurité internationaux. Le Chatham House (Royal Institute of International Affairs) (1) avait déjà proposé plusieurs idées similaires concernant la politique internationale (la Grande-Bretagne étant une sorte de corridor mondial où convergeraient toutes les contradictions mondiales). Nous pouvons dire que le gouvernement britannique et le plus important groupe de réflexion britannique ont les mêmes idées mondialistes sur l'avenir de la Grande-Bretagne.

Le document affirme ouvertement qu'il existe une "compétition idéologique" entre les puissances libérales et "autoritaires" ; puissances autoritaires qui agissent contre les démocraties, et que Londres doit devenir l'un des principaux champions des "démocraties" dans le monde.

Le document indique que "le premier objectif de la Grande-Bretagne, en tant que ‘’force du bien’’ projetée dans le monde, doit être de soutenir toutes les sociétés ouvertes et de protéger les droits de l'homme".

Le document est caractérisé par une image manichéenne du monde divisé en noir et blanc. Dans ce sens, les ennemis (c'est-à-dire la Russie et la Chine) sont considérés comme le mal absolu et les Britanniques eux-mêmes sont considérés comme parties prenantes des "forces du bien". En outre, le concept de "société ouverte" est mentionné tout au long du document.

La mission des ‘’États puniques’’ et la ‘’Grande Reconstruction’’

Le 13 novembre 2018, la Henry Jackson Society a discuté en profondeur du concept de Grande-Bretagne mondiale dans une perspective géopolitique. La Henry Jackson Society est un think tank très influent qui compte parmi ses membres plusieurs députés britanniques (parmi lesquels on peut compter l'un des amis des enquêteurs de Bellingcat, le vétéran du renseignement militaire anti-russe Robert Seely), des journalistes (comme Mark Urban, l'un des confidents de Skripal, qui est un spécialiste des questions de renseignement et des assassinats secrets), l'ancien chef du MI-6 Sir Richard Dearlove, l'ancien chef de la CIA James Woolsey, le néoconservateur William Kristol et également certains membres qui dirigent l'Atlantic Council (organisation interdite en Russie). A également participé à ce forum le cerveau derrière le Brexit : Michael Gove.

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Lors de cette réunion de 2018, le professeur Andrew Lambert, qui appartient à la Royal Military Academy Sandhurst, l'institution militaire la plus prestigieuse du Royaume-Uni, a exposé en détail la mission historique de la Grande-Bretagne en tant que Sea Power (2). Pour Lambert, comme pour tous ceux qui ont participé à la réunion, le Sea Power constitue un type d'identité très particulier assumé dans l'Antiquité par les Phéniciens et les Carthaginois, puis par les Vénitiens, les Néerlandais et les Britanniques.

Cette identité considère le commerce comme un principe fondamental. Les puissances maritimes estiment que le marché doit être ouvert tout comme la mer est ouverte à la navigation. En outre, les puissances maritimes ne se caractérisent pas par l'utilisation directe et ouverte de forces militaires, mais pratiquent plutôt l'équilibre par le contrôle de certains points nodaux importants. La pensée des puissances "maritimes" tente de transférer les principes juridiques de la mer aux relations sociales terrestres, puisque les frontières n'existent pas en mer et que le libre-échange se développe (bien que les forces militaires puissent également se déplacer librement). Il est intéressant de voir que cette analyse reprend point par point les idées de Carl Schmitt, qui décrivait la confrontation entre Terre et Mer comme des principes géopolitiques antagonistes.

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Prof. Andrew Lambert.

Cependant, il est incroyable que l'élite britannique utilise ouvertement ces catégories et se considère comme les continuateurs de l'empire commercial carthaginois qui était l'ennemi de Rome. Le professeur Lambert voit également la Russie d'aujourd'hui comme la continuation de "Rome", tandis que l'Occident libéral est une sorte de ‘’Carthage collective’’. La Chine est considérée comme une puissance terrestre.

Tout cela aide à comprendre pourquoi Lambert préconise l'ordre fondé sur des règles, "un ordre fondé sur des règles claires". C'est l'ordre auquel Londres exhorte toujours Moscou et Pékin à revenir.

Selon Lambert, l'ordre international n'est pas seulement un "cadeau" que la puissance navale britannique a fait au monde. Tout cela s'est construit grâce aux "navires à vapeur, aux câbles télégraphiques sous-marins, aux communications sans fil, aux services bancaires, au transport maritime et à la finance internationale".

Lambert affirme que "le Royaume-Uni a créé tous ces services parce qu'ils faisaient partie de ses intérêts nationaux. Nous n'avons pas créé tout cela par charité ; un ordre fondé sur des règles claires n'est pas bon en soi, il n'est bon que dans la mesure où il sert les objectifs pour lesquels il a été créé.

La nouvelle stratégie de politique étrangère et de défense du Royaume-Uni reprend plusieurs de ces thèses, arguant que "le système international qui repose sur les règles du jeu créées après la guerre froide a largement profité au Royaume-Uni et à d'autres nations du monde". Il est donc entendu que la Russie et la Chine doivent revenir à l'ordre unipolaire qui existait auparavant et reconnaître la domination mondiale de l'idéologie libérale comme la seule idéologie possible.

En ce sens, la "société ouverte" est comprise comme une société qui doit être soumise à des influences extérieures, ou s'autodétruire, de la même manière que les Britanniques ont "ouvert" la Chine au XIXe siècle afin d'imposer le libre commerce de l'opium. Les puissances maritimes sont favorables à une société ouverte pour les mêmes raisons qu'elles ont favorisé l'ouverture des mers ou le libre-échange.

Il est également intéressant de constater que l'élite géopolitique britannique se considère comme les continuateurs de la mission de "conquête" de Carthage contre Rome. L'ancienne Carthage a perdu, dit Andrew Lambert, mais ses successeurs ont eu beaucoup de succès en étant capables de créer la civilisation occidentale moderne.

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Désormais, le rôle du prince Charles en tant qu'architecte de la "Grande Reconstruction" est clair. La volonté d'imposer l'unipolarité par la force fait désormais partie de l'agenda des libéraux britanniques et européens (Prince Charles et Klaus Schwab). Les États-Unis, malgré toute leur puissance, ont montré qu'après avoir élu et soutenu Trump, ils restent au fond trop provinciaux et sont trop liés à des principes "terrestres", ce qui les différencie beaucoup de l'ex-métropole.

Un parcours plutôt problématique

Mais il ne faut pas se leurrer: cette indépendance, ou plutôt la nouvelle autonomie de Londres par rapport à la politique de Washington, thème sur lequel insistent les partisans d'une "World Britain", ne doit pas être sous-estimée. Avec cette autonomie, Londres ne se défait pas des États-Unis, elle entend simplement les remettre sur les rails. L'empire décrépit des États-Unis, représenté par le dément Biden, doit être aidé tant qu'il n'abandonne pas sa mission libérale d'hégémon mondial. La Grande-Bretagne doit donc maintenant commencer à assumer sa responsabilité en tant que puissance maritime afin de faire face aux puissances continentales qui remettent en cause l'ordre mondial.

La Russie doit donc surveiller de près les activités de la Grande-Bretagne en Europe de l'Est et surtout en Ukraine à partir de maintenant. Les services spéciaux britanniques et ses forces armées coopèrent activement avec le régime de Kiev depuis longtemps. En ce sens, la montée des tensions militaires autour du Donbass et la future guerre qui est sur le point d'éclater sont sans doute liées à la nouvelle politique que Londres promeut. Les médias ukrainiens ont écrit sur la façon dont l'organisation britannico-néerlandaise Bellingcat fait chanter Vladimir Zelensky et menace d'ouvrir une enquête contre lui pour une prétendue "trahison" pendant son administration. Il y a aussi des preuves que Zelensky essaie de résoudre tout cela avec l'aide du MI-6.

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Dominick Chilcott et Erdogan.

Un autre grand problème auquel la Russie est confrontée est la Turquie. Londres entend aider Ankara tant sur le plan économique que sur celui de la sécurité, notamment parce qu'elle reconnaît la croissance rapide de ce pays en tant que puissance. Suite à la publication de la nouvelle stratégie de politique étrangère, l'ambassadeur britannique en Turquie, Dominic Chilcott, a déclaré sur Twitter que Londres souhaitait "travailler avec la Turquie car il s'agit d'une puissance régionale importante qui peut aider à résoudre les problèmes de Chypre et de la Libye ainsi qu'à renforcer le système international basé sur des règles du jeu claires" (3).

N'oublions pas non plus que l'actuel chef du MI-6, Richard Moore, a été ambassadeur en Turquie, et qu'Ersin Tatar, actuel président de la République turque de Chypre du Nord, qui a fait ses études secondaires en Angleterre et ses études universitaires à Cambridge, peuvent avoir des relations entre eux. Il est important de prendre en compte les réseaux d'influence britanniques dans les pays arabes du Moyen-Orient, y compris la Syrie.

Cependant, il est impossible d'ignorer l'ingérence continue de la Grande-Bretagne en Afrique et l'"empire" britannique PMC qui opère sans aucune interférence sur ce continent.

Guerre informatique

Il est curieux de constater que dans le document publié le 16 mars, qui nous donne un aperçu de la stratégie de la Grande-Bretagne dans le monde, une section est consacrée à un programme de lutte contre la désinformation et de développement des médias. Ce programme fait partie du Fonds pour les conflits, la stabilité et la sécurité du ministère britannique des affaires étrangères, connu pour avoir parrainé les Casques blancs qui ont soutenu les groupes terroristes syriens.

Le programme a commencé à fonctionner en 2017 et vise les médias qui publient en russe. Auparavant, le portail américain Grayzone (4) était soutenu par Reuters, la BBC et Bellingcat, toutes des agences financées par ce programme de contre-information.

Chaque année, ce programme dispose d'environ 23 à 25 millions de livres sterling (leur site officiel ne montre qu'une petite fraction de la somme d'argent fournie par l'APD - Aide publique au développement), qui sont dépensées :

Renforcer les médias indépendants et les ONG ;

Interagir avec des publics potentiellement vulnérables à la désinformation ;

Tous types de projets de communication stratégique, y compris le suivi, l'évaluation et la recherche sur les médias ennemis ;

Interagir avec les parties prenantes et évaluer les coûts de la mise en œuvre du programme.

Toutes sortes de projets de communication stratégique, y compris le suivi, l'évaluation et la recherche des médias ennemis ;

Interagir avec les parties prenantes et évaluer les coûts de mise en œuvre du programme.

Le site web du gouvernement britannique contient très peu d'informations sur ce programme et indique simplement qu'un certain nombre d'"ONG" et d'autres organisations connexes y participent. Cependant, la section sur les "coûts de mise en œuvre du programme et les participants intéressés par le programme" est vide. Il est simplement indiqué qu'ils sont laissés de côté pour des "raisons de sécurité", ce qui semble indiquer que les services spéciaux britanniques sont en contact direct avec les personnes "intéressées par ce projet".

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Parmi les partenaires directs de ce programme figurent le Foreign Office et le ministère britannique de la défense, ce qui indique que tout cela fait partie d'une guerre informatique dirigée contre la Russie. Et cette guerre va non seulement se poursuivre, mais aussi s'intensifier dans les années à venir.

Le papier World Britain in a Competitive World. A Comprehensive Review of Security, Defence, Development and Foreign Policy Issues indique que Londres cherche à renforcer son rôle sur la scène internationale en étant l'une des principales forces libérales promouvant la "Grande Reconstruction". Cela signifie qu'une guerre ouverte a été déclarée contre la Russie et la Chine. Sur le front idéologique, cette guerre prend la forme d'une lutte pour la "démocratie" et la "société ouverte" mondiales en tant que "forces du bien" qui doivent éliminer le mal. Il ne faut pas faire de prisonniers. Carthage dit que "Rome" doit être détruite.

Notes :

  1. (1) https://www.chathamhouse.org/2021/01/global-britain-global-broker
  2. (2) https://henryjacksonsociety.org/members-content/the-future-of-global-bri...
  3. (3) https://twitter.com/DChilcottFCDO/status/1372091995443855361
  4. (4) https://thegrayzone.com/2021/02/20/reuters-bbc-uk-foreign-office-russian-media/

Source : https://katehon.com/

dimanche, 04 avril 2021

Accord Iran-Chine : Montesquieu à Pékin

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Accord Iran-Chine : Montesquieu à Pékin

Le grand fait d’actualité, c'est la signature du partenariat stratégique global de 25 ans entre l'Iran et la Chine

Les infrastructures contre l'énergie : un classique

Par Pierluigi Fagan

Ex : http://www.elzeviro.eu/

À court terme, l'Iran, qui se trouve sur la ligne de faille Ouest-Est comme la Russie, la Turquie, la Syrie, a été empêché de se tourner vers l'Ouest. Il se tourne alors tout naturellement vers l'Est et la Chine obtient ainsi de l'énergie pour son propre développement. Mais c'est à moyen et long terme que l'on pourra observer les futures vicissitudes les plus intéressantes.

Pékin obtient un maillon important dans sa stratégie de créer des infrastructures commerciales, selon son projet connu sous le nom d'initiative Belt and Road Initiative. L'Iran est une charnière territoriale/géopolitique fondamentale dans ce projet (en effet, l'accord intervient après cinq ans de négociations, rien n'a été improvisé ici), voyons pourquoi :

1) Le partenariat avec l'Iran. Le partenariat avec l'Iran permet d'offrir une alternative à la route de la Chine vers les républiques d'Asie centrale (via la Chine occidentale ou le Xinjiang, où ont surgi, comme par hasard (?) les problèmes avec les Ouïgours). Elle peut aller au nord vers la Russie ou au sud, vers l'Iran.

2) Une autre voie passe par la frontière avec le Pakistan. Une fois au Pakistan, vous pouvez aller au sud et exploiter les ports côtiers comme une alternative mixte terre-mer pour contourner les éventuels points d’étranglement autour de Malacca, ou vous pouvez aller à l'ouest et entrer en Iran pour continuer la route est-ouest où, comme nous le verrons au point 5, de nouvelles alternatives portuaires se présentent.

3) La stratégie des ports directs sur l'océan Indien. Après la Malaisie, la Thaïlande et surtout le Myanmar (ensuite le Sri Lanka, les Maldives?), le tout pour contourner les éventuels blocages à hauteur de Malacca ou pour éviter les turbulences prévisibles en mer de Chine méridionale, Pékin a envisagé d'autres alternatives avec le Pakistan et l'Iran.

4) L'ensemble de cette affaire affecte les relations contradictoires entre la Chine et l'Inde. Les deux sont géo-historiquement condamnés à coexister, mais l'Inde a deux longueurs de retard sur la Chine en termes de développement de tous les facteurs nécessaires à la puissance, donc fait montre de peu de collaboration et de peu d'envie de compétition.

Dans cette césure, les États-Unis se sont insérés. La stratégie des alternatives qui encerclent l'Inde lui enlève son pouvoir de négociation. Mais la DSP avec l'Iran crée également un problème supplémentaire, car l'Inde a conclu un accord de collaboration tout aussi stratégique avec la Russie et l'Iran lui-même, une sorte de mini-route du coton à laquelle les Indiens tiennent. De plus, l'Inde importe de l'énergie de l'Iran.

5) La majeure partie des jeux se déroule évidemment en Iran. En Iran, dans le sud-est, vous pouvez avoir un autre port permettant de sortir de l’enclavement. Vous pourriez conclure des accords raisonnables avec l'Inde pour tirer parti de leur trilatérale avec la Russie et l'Iran. Vous pourriez remplacer l'Inde dans la trilatérale si les Indiens vous infligent une rebuffade difficile à digérer.

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De la frontière ouest de l'Iran, on peut aller en Irak (6) et le reconstruire, de là en Syrie (7) ce qui signifie accéder à la Méditerranée, faire pression sur la Turquie (8) pour la pousser à accepter le "plat riche que je vais lui cuisiner" en l’obligeant à avaler le crapaud ouïghour (les Ouïghours sont un peuple turc et les Chinois savent que les dernières bandes armées djihadistes irréductibles dans le nord de la Syrie, sont composées d’Ouïghours sponsorisés par Ankara), passer par la Jordanie en Israël (9), quitte à ce que celui-ci se fasse l’ami des Chinois comme des Palestiniens.

N'oubliez pas que sur la côte israélienne, il existe déjà un port ami auquel on peut accéder depuis le golfe d'Aqaba, une alternative si d’aucuns bloquent Suez.

10) Mais considérez que vous avez également d'excellentes relations avec tous les Arabes sunnites, indistinctement (Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Oman, Koweït, etc.). Mais il est toujours préférable d'avoir des alternatives et donc, si vous avez des sunnites dans votre jeu, vous devez aussi avoir des chiites, afin de vous équilibrer. Vous êtes peut-être le moyen terme d'une relation complexe, ce qui vous rend égaux, et en plus vous êtes "athées".

Vous obtenez donc la première et la plus importante des choses utiles dans un monde multipolaire: les amis. Amis, non pas parce que vous vous appréciez, bien sûr, mais parce que vous avez des intérêts en commun, des intérêts économiques et commerciaux, le plus ancien atout dans les relations internationales. L'avantage géopolitique suit (armes, ports, bases militaires à éviter mais demain on ne sait jamais).

Le projet BRI offre plusieurs avantages

  1. A) il crée un tissu d'accords bilatéraux stratégiques, c'est-à-dire multidimensionnels ;
  2. B) conçu sur la base d'une priorité commerciale et économique, il met pacifiquement les relations au diapason les unes des autres ;
  3. C) il est redondante, c'est-à-dire qu'il offre des alternatives aux alternatives, ce qui le rend "résilient" ;
  4. D) puisque chaque partenaire bilatéral n'est pas essentiel, il faut avoir des alternatives partielles, des négociations futures sur des nœuds qui se présenteront d'eux-mêmes ou parce qu'ils seront poussés par des adversaires (US) vous voit dans une position de force relative, vous avez les alternatives, le partenaire ne les a pas ;
  5. E) il met les partenaires en concurrence potentielle les uns avec les autres, en diminuant leurs attentes ;
  6. F) enfin, il envoie un message aux Européens de ce genre: ‘’si vous aviez été libres de développer votre propre stratégie géopolitique, nous aurions traité avec vous ainsi qu'avec les pays du Moyen-Orient puisque cette zone aurait eu votre influence, mais comme vous êtes esclaves des Américains, nous comblons le vide créé par votre inaction et votre insipidité. Pensez-y...

Quant au grand match Chine contre États-Unis…

J'ai écrit il y a des années, dans le livre que j'avais alors publié, qu'en fin de compte, la question est très simple: les Chinois ont de l'argent, les Américains ont des armes. Un peu le contraire de la guerre froide gagnée parce que l'argent bat les armes, toujours. Mais jouer avec les Soviétiques n'est pas la même chose que jouer avec les Chinois. Donc à moyen-long terme il n'y a pas de jeu, les Chinois auront toujours plus d'argent (technologies, produits, infrastructures, savoir-faire, marchés de débouchés, etc.) et, dans les pays disputés, les armes ne se mangent pas, elles ne font pas aimer les dirigeants locaux, elles ne donnent pas de stabilité, de puissance et de développement.

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De plus, le pragmatisme chinois, étant forcément pragmatique et réaliste et non basé sur des valeurs "idéalistes", met tout le monde d'accord, chiites et sunnites, Indiens et Pakistanais, Turcs et peut-être même Kurdes. Il y a aussi des Kurdes dans le nord de l'Iran, dont le territoire doit être traversé pour se rendre chez les Turcs.

Comme ils le savent bien au Moyen-Orient où la tradition mercantile est profondément ancrée dans l'histoire (tout comme en Chine), le meilleur accord est celui où tout le monde gagne ou presque. Les Américains ne peuvent alors que contenir, créer des frictions (plus ou moins artificielles ou fabriquées), ralentir, ce qu'ils feront certainement. (La première personne à citer "Le piège de Thucydide" sera bannie, je plaisante...)

Philosophiquement, dans la "philosophie des relations entre les peuples de la planète Terre", la stratégie chinoise fait allusion au vieux "doux commerce" de Montesquieu. Traduire "doux" par "gentil" : "... c'est une règle presque générale que là où il y a des coutumes douces, il y a du commerce ; et que là où il y a du commerce, il y a des coutumes douces" (Esprit des Lois) avec un contraste final entre les "nations douces" et les nations "grossières et barbares".

En réalité, il semble que le concept remonte à Montaigne et a enchanté ensuite Voltaire, Smith, Hume, Kant. Une analyse de ce concept en termes d'histoire des idées peut être trouvée dans A. O. Hirschman (O. Hirschman, Le passioni e gli interessi, Feltrinelli, p. 47). Où, en outre, il y a aussi des considérations sur les moqueries de Marx et Engels.

Nous avons donc des nations qui se déclarent au moins socialistes (Chine) et qui agissent sur la base de principes critiqués par Marx mais promus par des libéraux européens dont les héritiers contemporains (États-Unis, Royaume-Uni) sont pourtant d'accord avec Marx. Eh, qu'est-ce que vous pouvez faire, l'ère du complexe est compliquée.

Ce que je peux vous dire, c'est : soyez prudent. Ce qui aujourd'hui, dans l'esprit partisan qui vous faisait applaudir les Indiens contre les cow-boys dans les films américains des années 70, vous fait applaudir David contre Goliath, demain quand David sera Goliath, il créera une contradiction. La Chine représente à elle seule près d'un cinquième de l'humanité. Pensez-y.

États-Unis et Grande-Bretagne : guerre, commerce et piraterie

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États-Unis et Grande-Bretagne : guerre, commerce et piraterie

par Cristian Taborda

Ex : http://novaresistencia.org/2021/03/28/

Suite à plusieurs défaites subies dans le monde au cours de ces dernières années, un rapprochement stratégique entre les États-Unis et la Grande-Bretagne s’est opéré récemment, surtout ces dernières semaines, avec l'arrivée au pouvoir de Joe Biden et avec une Grande-Bretagne qui est sortie de l'Union européenne. L'objectif est de préserver autant que possible les possessions et l'influence des grandes puissances atlantistes dans le monde.

Avec la sortie de l'UE, le Royaume-Uni avait l'intention et la prétention de reprendre ses liens privilégiés avec les États-Unis et de forger une alliance stratégique pour en quelque sorte reconstruire l'impérialisme anglo-américain, ou du moins préserver son hégémonie et son contrôle en Amérique et en Europe, face à l'avancée de la Chine et parallèlement au harcèlement contre la Russie. Il ne s’agit plus de préserver cette hégémonie par le consensus et le multilatéralisme, mais dorénavant par la force et la violence économique. Cette position a été rendue publique et ouvertement dévoilée par le gouvernement et le Foreign Office britanniques, ainsi que par les États-Unis et la nouvelle administration de Joe Biden.

Il y a quelques mois, le Premier ministre britannique a annoncé le plus grand investissement dans la défense depuis trente ans, le plus important depuis la "guerre froide", 21,9 milliards de dollars, et il a déclaré que "le Royaume-Uni doit être fidèle à son histoire et soutenir ses alliés", un message direct adressé aux États-Unis. Boris Johnson a d'ailleurs été l'un des premiers dirigeants à féliciter Joe Biden après les élections frauduleuses que furent les dernières présidentielles: "Les États-Unis sont notre allié le plus important et j'espère que nous travaillerons en étroite collaboration sur nos priorités communes, du changement climatique au commerce et à la sécurité", a tweeté Boris Johnson. Pour sa part, M. Biden, dans son discours d'investiture, a rendu la politesse et a appelé à la reconquête des alliances historiques. Cela s'est concrétisé par un appel téléphonique au début de l'année, au cours duquel les Britanniques ont félicité Biden pour son retour dans l'accord de Paris sur le changement climatique et dans l'Organisation mondiale de la santé, dont Trump s'était retiré ; les deux puissances ont également commencé à tracer des lignes directrices pour un accord de libre-échange.

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Mais l'irruption du coronavirus a compliqué la stratégie. Jusqu'à présent, le principal bénéficiaire de la "pandémie" a été la Chine, qui parvient à imposer son système de contrôle et de surveillance dans le monde entier, et la crise des vaccins provoquée par le consortium pharmaceutique britannique Astrazeneca confère à la Russie de Poutine une influence géopolitique encore plus grande que celle qu'elle avait déjà. La Russie vise en effet à déstabiliser la bipolarité entre les États-Unis et la Chine, avec des avancées dans le développement scientifique et technologique, le contrôle des ressources, par exemple la fourniture de gaz à l'Europe, et la puissance militaire, grâce à ses capacités en matière de missiles balistiques. Un autre point clé est la diplomatie et la gestion par le Kremlin de l'opinion publique mondiale, malgré l'opposition des médias occidentaux hégémoniques. La géopolitique du coronavirus a déstabilisé le pouvoir absolu des Etats-Unis et largement ruiné les prétentions britanniques.

Cette situation a modifié l'humeur de la Grande-Bretagne et des États-Unis, qui commencent à voir leurs "leaderships" vulnérabilisés et délégitimés par la crise du coronavirus. Le déclin des puissances maritimes est en cours.

Celui qui a le mieux décrit, sans le savoir, le fondement de l'atlantisme, soit la puissance par la maîtrise de la mer, ou, comme le dit très justement Peter Sloterdijk, qui a élaboré une "théorie de la mondialisation", c'est Goethe dans Faust :

"Guerre, commerce et piraterie. Ils sont trois en un, inséparables."

Cette phrase résume la politique étrangère britannique et c'est dans un tel contexte que l'on peut comprendre les dernières déclarations de Boris Johnson contre l'Argentine et celles de Biden contre la Russie.

Ils n'ont plus suffisamment d’approbation ou de consensus dans le monde pour "stabiliser" celui-ci à leur guise et à leur avantage, alors ils font recours à la menace et à la coercition, qu'ils n'ont cependant jamais abandonnées. C'est le désespoir de voir qu’il n’est plus possible de revenir à un monde libéral unipolaire, parce qu’un tel monde n'existe plus. "S'il n'y a plus de piraterie possible et plus de commerce libéral, qu'il y ait alors la guerre" semble être la devise du mondialisme aujourd’hui. Et les disciples de ce mondialisme obéissent à l'ordre : Boris Johnson n'a pas hésité à menacer l'Argentine et indirectement l'Espagne quand elle revendique Gibraltar, selon le rapport publié par The Telegraph, disant aussi qu'il utilisera la force pour défendre les îles Malouines, c'est-à-dire utiliser les forces armées pour "assurer la sécurité des 14 territoires d'outre-mer". Territoires par ailleurs usurpés. Elle ajoute qu'elle "dissuadera et contestera les incursions dans les eaux territoriales britanniques à partir de Gibraltar" et "maintiendra une présence permanente dans les îles Falkland, l'île de l'Ascension et les territoires britanniques de l'océan Indien".

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Presque au même moment, Joe Biden a fait des déclarations dans les médias, qualifiant Vladimir Poutine de "killer" et menaçant de lui faire "payer le prix" pour sa prétendue ingérence dans les élections, ces mêmes élections où plus de morts que de vivants ont voté pour Biden, dans des États où il y a eu plus de votes que d'électeurs, et où le magazine Time a mis en lumière et révélé l'alliance entre le secteur financier de Silicon Valley Big Tech et le parti démocrate pour modifier l'ingénierie électorale en faveur des démocrates par le biais du vote par correspondance avec des contributions importantes. Tout un éventail de fondations ont contribué pour des dizaines de millions de dollars de leurs propres fonds à l'administration des élections. C'est le cas de l'initiative Chan Zuckerberg, qui a apporté 300 millions de dollars dans l’affaire.

D'abord Boris Johnson, puis Joe Biden. Tous deux opèrent en liaison avec des déclarations retentissantes et avec une intentionnalité manifeste. L'un fulmine contre ceux qui ont su résister et affronter l'impérialisme anglo-américain de l'époque, comme l'Argentine de Perón. L'autre fustige ceux qui expriment aujourd'hui une résistance au mondialisme progressiste et à la destruction des valeurs. La distinction entre amis et ennemis est toujours essentielle en politique, ils l'ont bien définie. Tous ceux qui ont osé défendre leur souveraineté et initier une résistance à l'hégémonie anglo-américaine sont des ennemis. L'impérialisme économique a beau se présenter comme égalitaire, avec une rhétorique gauchiste ou un langage inclusif et des drapeaux arc-en-ciel dans une main, il porte toujours le bâton dans l'autre.

Source : Geopolitica.ru

samedi, 03 avril 2021

« L’Amérique qui est de retour » se heurte à la réalité multipolaire

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« L’Amérique qui est de retour » se heurte à la réalité multipolaire

Par Moon of Alabama

L’Organisation mondiale de la santé a récemment publié son rapport sur l’origine du virus SARS-CoV-2 qui a provoqué la pandémie de Covid-19. La plupart des scientifiques s’accordent à dire que le virus est d’origine zoonotique et non une construction humaine ou une fuite accidentelle d’un laboratoire. Mais les États-Unis veulent faire pression sur la Chine et ont conseillé au directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom, de continuer à mettre l’accent sur la culpabilité potentielle de la Chine. Il a agi en conséquence lorsqu’il a commenté le rapport de son agence :

Bien que l'équipe ait conclu qu'une fuite de laboratoire est l'hypothèse la moins 
probable, cela nécessite une enquête plus approfondie, éventuellement avec des
missions supplémentaires impliquant des experts spécialisés, que je suis prêt
à déployer.

Le département d’État américain a sauté sur l’occasion en demandant à ses alliés de signer sa déclaration commune sur l’étude des origines de la COVID-19 menée par l’OMS, qui demande un accès plus libre en Chine :

Les gouvernements de l'Australie, du Canada, de la Tchécoslovaquie, du Danemark, 
de l'Estonie, d'Israël, du Japon, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Norvège,
de la République de Corée, de la Slovénie, du Royaume-Uni et des États-Unis
d'Amérique restent fermement résolus à collaborer avec l'Organisation mondiale
de la santé (OMS), les experts internationaux qui ont une mission essentielle,
et la communauté internationale pour comprendre les origines de cette pandémie
afin d'améliorer notre sécurité sanitaire mondiale collective et notre réponse
à cette pandémie. Ensemble, nous soutenons une analyse et une évaluation
transparentes et indépendantes, exemptes d'interférences et d'influences
indues, des origines de la pandémie de la COVID-19. À cet égard, nous partageons
les mêmes préoccupations concernant la récente étude menée par l'OMS en Chine,
tout en soulignant l'importance, pour l’avenir, de travailler ensemble à
l'élaboration et à l'utilisation d'un processus rapide, efficace, transparent,
scientifique et indépendant pour les évaluations internationales de telles
épidémies d'origine inconnue.

Le plus intéressant dans cette déclaration est la liste des pays alliés des États-Unis qui n’ont pas signé cette déclaration.

La plupart des principaux pays de l’UE, notamment la France, l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne, en sont absents. Tout comme la Nouvelle-Zélande, membre des Five-Eyes. L’Inde, alliée des États-Unis dans l’initiative anti-chinoise Quad, n’a pas non plus signé. Cette liste de signataires de la déclaration conjointe est un résultat étonnamment maigre pour une initiative « conjointe » des États-Unis. Elle est sans précédent. C’est le signe que quelque chose a craqué et que le monde ne sera plus jamais le même.

Les premiers mois de l’administration Biden ont vu une rupture dans le système globaliste. Tout d’abord, la Russie a réprimandé l’UE pour ses critiques hypocrites de problèmes internes à la Russie. Biden a ensuite qualifié Poutine de « tueur ». Puis le ministre chinois des affaires étrangères a dit à l’administration Biden de fermer sa gueule au sujet des problèmes domestiques chinois. Peu après, les ministres des affaires étrangères de la Russie et de la Chine se sont rencontrés et ont convenu de renforcer leur alliance et d’éviter le dollar américain. Ensuite, le ministre chinois des affaires étrangères est parti en tournée au Moyen-Orient. Il y a rappelé leur souveraineté aux alliés des États-Unis  :

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Wang a déclaré que les objectifs attendus avaient été atteints en ce qui concerne 
une initiative en cinq points sur la réalisation de la sécurité et de la stabilité
au Moyen-Orient, qui a été proposée pendant la visite. "La Chine soutient les pays de la région pour qu'ils puissent résister aux pressions
et aux interférences extérieures, pour qu'ils explorent de manière indépendante
des voies de développement adaptées à leurs réalités régionales"
, a déclaré Wang,

ajoutant que les pays devraient "s'affranchir de l'ombre de la rivalité géopolitique
des grandes puissances et résoudre les conflits et les différends régionaux en
tant que maîtres de la région."

La tournée de Wang a été couronnée par la signature d’un accord avec l’Iran qui a changé la donne :

Il est évident que le pacte Chine-Iran s'inscrit profondément dans une nouvelle 
matrice que Pékin espère créer avec les États arabes du golfe Persique et l'Iran.
Le pacte fait partie d'un nouveau récit sur la sécurité et la stabilité régionales.

« L’ordre international fondé sur des règles décidées par les États-Unis » est enfin terminé. La Russie et la Chine l’ont enterré :

Les pays d'Asie et d'ailleurs suivent de près le développement de cet ordre 
international alternatif, dirigé par Moscou et Pékin. Et ils peuvent également
reconnaître les signes du déclin économique et politique croissant des États-Unis. Il s'agit d'un nouveau type de guerre froide, mais qui n'est pas fondée sur
l'idéologie. C'est une guerre pour la légitimité internationale, une lutte
pour les cœurs, les esprits et l'argent dans la très grande partie du monde
qui n'est pas alignée sur les États-Unis ou l'OTAN. Les États-Unis et leurs alliés continueront d'agir dans le cadre de leur
narrative, tandis que la Russie et la Chine feront valoir une narrative
concurrente. C'est ce qui est apparu clairement au cours de ces quelques
importantes journées de diplomatie des grandes puissances. L'équilibre mondial du pouvoir est en train de changer et, pour de nombreux
pays, il serait judicieux de miser désormais sur la Russie et la Chine.

La contre-mesure américaine évidente à l’initiative russo-chinoise consiste à unir ses alliés dans une nouvelle guerre froide contre la Russie et la Chine. Mais comme le montre la déclaration commune ci-dessus, la plupart de ces alliés ne veulent pas suivre cette voie. La Chine est un trop bon client pour être évincée. Parler des droits de l’homme dans d’autres pays peut plaire à l’électorat local, mais ce qui compte finalement, ce sont les affaires.

Même certaines entreprises américaines trouvent que la voie hostile suivie par l’administration Biden ne peut que leur porter préjudice. Certaines demandent à la bande à Biden de baisser le ton :

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Dave Calhoun.

Dave Calhoun, directeur général de [Boeing], a déclaré à un forum d'affaires en 
ligne qu'il pensait qu'un important différend avec l'Europe concernant les
subventions aux avions pourrait être résolu après 16 ans de querelles au sein
de l'Organisation mondiale du commerce, mais il a comparé cette situation aux
perspectives de la Chine. "Je pense que politiquement (la Chine) est un problème plus difficile pour cette
administration que pour la précédente. Mais nous devons toujours commercer avec
notre plus grand partenaire au monde : La Chine"
, a-t-il déclaré lors du sommet

de l'aviation de la Chambre de commerce des États-Unis. Faisant état des multiples différents, il a ajouté : "J'espère que nous pourrons
en quelque sorte séparer les problèmes de propriété intellectuelle, de droits
de l'homme et autres de ceux concernant le commerce et continuer à encourager
un environnement de libre-échange entre ces deux poids lourds économique. ...
Nous ne pouvons pas nous permettre d'être exclus de ce marché. Notre concurrent
s'y engouffrera immédiatement."

Avant la débâcle de son 737 MAX, Boeing était le plus gros exportateur américain et la Chine était son plus gros client. Le MAX n’a pas encore été recertifié en Chine. Si Washington maintient son ton hostile à l’égard de la Chine, Boeing sera perdant et l’européen Airbus fera un malheur.

Biden annonce donc que « l’Amérique est de retour » pour s’entendre dire qu’elle n’est plus nécessaire dans le rôle surdimensionné qu’elle jouait auparavant. Si Washington n’est pas capable d’accepter le fait qu’il ne peut plus jouer « unilatéralement » mais qu’il doit suivre les vraies règles du droit international, nous pourrions vivre des moments intéressants :

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Glen Diesen.

Question : Enfin, craignez-vous que la détérioration des tensions internationales 
ne conduise à une guerre ?  

Glenn Diesen : Oui, nous devrions tous être inquiets. Les tensions ne cessent

de s'intensifier et il y a de plus en plus de conflits qui pourraient déclencher
une guerre majeure. Une guerre pourrait éclater à propos de la Syrie, de l'Ukraine,
de la mer Noire, de l'Arctique, de la mer de Chine méridionale et d'autres régions. Ce qui rend tous ces conflits dangereux, c'est qu'ils s'inscrivent dans une
logique de "gagnant-vaincu". Le fait de souhaiter ou de pousser activement
à l'effondrement de la Russie, de la Chine, de l'UE ou des États-Unis est
également une indication d’une mentalité « gagnant-vaincu ». Dans ces conditions,
les grandes puissances sont davantage prêtes à accepter des risques plus importants
à un moment où le système international se transforme. La rhétorique de la défense
des valeurs démocratiques libérales a également des connotations claires de jeu à
somme nulle, car elle implique que la Russie et la Chine doivent accepter
l'autorité morale de l'Occident et faire des concessions unilatérales. L'évolution rapide de la répartition internationale du pouvoir crée des problèmes
qui ne peuvent être résolus que par une véritable diplomatie. Les grandes puissances
doivent reconnaître que leurs intérêts nationaux divergent, puis s'efforcer de
trouver des compromis et des solutions communes.

Le président russe Vladimir Poutine a demandé à plusieurs reprises la tenue d’un sommet des dirigeants des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU :

Poutine a fait valoir que les pays qui ont créé un nouvel ordre mondial après la 
Seconde Guerre mondiale devraient coopérer pour résoudre les problèmes d'aujourd'hui. "Les pays fondateurs des Nations unies, les cinq États qui ont la responsabilité
particulière de sauver la civilisation, peuvent et doivent être un exemple"
,

a-t-il déclaré lors d’une sombre cérémonie commémorative. Une telle réunion "jouera un grand rôle dans la recherche de réponses collectives
aux défis et menaces modernes"
, a déclaré Poutine, ajoutant que la Russie était

"prête pour une conversation aussi sérieuse."

Un tel sommet serait l’occasion de travailler sur un nouveau système mondial qui éviterait l’unilatéralisme et la mentalité de bloc. Comme les États-Unis apprennent aujourd’hui que leurs alliés ne sont pas disposés à suivre leurs politiques anti-chinoise et antirusse, ils pourraient être disposés à négocier un nouveau système international.

Mais tant que Washington restera incapable de reconnaître son propre déclin, une tentative de résoudre le problème une fois pour toutes par la violence n’en est que plus probable.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone

vendredi, 02 avril 2021

La stratégie de Biden pour les pays d'Amérique centrale

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La stratégie de Biden pour les pays d'Amérique centrale

Colonel Cassad

Ex: https://www.geopolitica.ru/es/article/la-estrategia-de-biden-para-los-paises-centroamericanos

Traduction par Juan Gabriel Caro Rivera

Les politiciens de droite en Amérique centrale ont applaudi avec enthousiasme les projets de Biden pour leurs pays. La nouvelle stratégie de Washington consiste à faire plusieurs promesses quant à l'augmentation des investissements des entreprises américaines en échange de réformes néolibérales sur le marché intérieur. En outre, cette stratégie vise à maintenir les pays d'Amérique centrale dans la "sphère d'influence" des États-Unis et à empêcher ainsi la progression des avancées chinoises et russes dans la région. Pendant ce temps, un changement de régime est attendu au Nicaragua, un pays dont le gouvernement est de gauche. L'administration de Joe Biden considère l'Amérique centrale comme l'une de ses priorités en matière de politique étrangère. C'est pourquoi elle a promis un total de 4 milliards de dollars pour financer la transformation de cette région appauvrie des Amériques. Il s’agit principalement d’investissements par des sociétés étrangères en échange de réformes néolibérales agressives sur le marché ‘’libre’’. Selon le programme de l'administration Biden, les gouvernements d'Amérique centrale devront réduire les lois protégeant leurs travailleurs, faute de quoi lesinvestisseurs seront incapables de garantir que "les pratiques de travail ne les désavantagent pas sur le marché mondial concurrentiel". D'autre part, ce programme veut renforcer les accords de "libre-échange" avec les États-Unis et "réduire les obstacles aux investissements du secteur privé", permettant ainsi aux sociétés américaines d'avoir plus de contrôle sur la région. Ce plan vise aussi clairement à isoler la Chine et la Russie et à maintenir l'hégémonie de Washington dans tout l'hémisphère occidental.

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Plusieurs anciens fonctionnaires du département d'État de l'ère Obama ont tenu une conférence virtuelle promue par l'organisation Inter-American Dialogue. Ces conseillers travaillent désormais dans un groupe de réflexion financé par le gouvernement américain, espérant ainsi collaborer activement avec l'administration Biden. L'objectif de ces plans, qui ont été formulés par l'équipe de politique étrangère de Biden, est d'investir dans des organisations de la "société civile" dans toute l'Amérique latine, car elles sont considérées comme un moyen de maintenir les intérêts américains dans la région. Cela peut expliquer pourquoi les ONG sont "les interlocuteurs privilégiés de l'administration Biden dans l'élaboration et la mise en œuvre de ses politiques en Amérique latine".

À la suite de la conférence virtuelle, le Dialogue interaméricain a publié un communiqué commun signé par un cercle de dirigeants conservateurs d'Amérique centrale. Le document indique qu'ils sont "heureux" et se sentent très "encouragés" par les projets de M. Biden. Ils insistent également sur le fait que ces investissements seront "mutuellement bénéfiques" et "le point de départ de l'articulation d'une vision commune entre le gouvernement américain et la région d'Amérique centrale". Le communiqué souligne que ces politiciens centraméricains de droite "partagent les mêmes idéaux et objectifs" que "l'Union européenne et le Japon". En bref, ils promettent d'entraver les intérêts chinois et russes dans la région en échange d'une augmentation des investissements commerciaux américains dans leurs pays.

* * *

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L'homme politique Brizuela a insisté sur la nécessité d’articuler toute une série de réformes néolibérales en Amérique centrale, affirmant que la seule façon pour ses pays de se développer est de recourir à "l'investissement privé", à "l'esprit d'entreprise" et aux "partenariats public-privé".

Brizuela affirme également que "le partenariat avec les États-Unis est très important" et appelle à une amélioration des relations avec l'Union européenne et le Japon. Il souligne également que la nouvelle guerre froide de Washington contre Pékin est une opportunité économique pour l'Amérique centrale.

* * *

On a également laissé entendre que l'Amérique centrale se rangerait fermement du côté de Washington contre la Russie et la Chine si les entreprises américaines réalisaient de gros investissements dans la région.

jeudi, 01 avril 2021

Le Donbass et la mer Noire se réchauffent, voilà ce qui se passe

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Le Donbass et la mer Noire se réchauffent, voilà ce qui se passe

Par Emanuel Pietrobon & Paolo Mauri

Ex : https://it.insideover.com/

La température dans l'est de l'Ukraine et dans la mer Noire est en forte hausse, et ce n'est pas une référence à la météo, mais au rassemblement de troupes et de moyens militaires des deux côtés et à l'augmentation des violations du cessez-le-feu le long des points de contact au Donbass. Une situation similaire se produit en mer Noire, où des exercices militaires et des mouvements de flotte sont enregistrés. Une question se pose : que se passe-t-il dans la périphérie orientale du Vieux Continent ?

Le Donbass s'échauffe

Depuis novembre dernier, une augmentation constante des violations du cessez-le-feu a été observée le long des points de contact du Donbass. Cinquante-quatre violations auraient été commises par les troupes ukrainiennes au cours de la seule période du 2 au 16 mars. Les parties, à savoir les séparatistes et le gouvernement, s'accusent mutuellement de la multiplication des incidents, des morts et des blessés, et brandissent le spectre d'une prétendue escalade de la part de l'autre partie afin d'envenimer la situation.

L'augmentation des violations a également été certifiée par la Mission spéciale de surveillance de l'OSCE, selon laquelle ‘’la trêve tient mais est affaiblie par cette tendance’’. Sur fond de transgressions, la surveillance du territoire a permis de découvrir un phénomène inquiétant: depuis le 1er mars, la fourniture d'armes lourdes aux troupes ukrainiennes déployées le long de Donetsk et de Lougansk a augmenté.

Le Kremlin n'en doute pas: la croissance de la ‘’bellicosité’’ et l'augmentation de l'arsenal dont dispose le gouvernement ukrainien - sur fond d'accroissement des troupes ukrainiennes déployées sur le terrain - seraient le reflet d'un projet d'escalade visant l'effondrement de la trêve et, à terme, la caducité de la résolution, raison pour laquelle le mois de mars a été ponctué par le lancement d'avertissements et de mises en garde en direction de Kiev et des deux autres membres du ‘’groupe Normandie’’, à savoir Paris et Berlin.

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Infographie d'Alberto Bellotto

Que se passe-t-il dans la mer Noire ?

Le 19 mars, un croiseur américain de classe Ticonderoga, l'USS Monterey (Cg-61) appartenant au CSG (Carrier Strike Group) du porte-avions Eisenhower qui croise actuellement en Méditerranée orientale, a traversé le Bosphore pour entrer dans la mer Noire. Le jour suivant, un destroyer de la classe Arleigh Burke, le USS Thomas Hudner (DDG 116) faisant toujours partie de l'escorte du "Ike", a également suivi le croiseur.

Des navires américains sont entrés dans la mer Noire pour participer à l'exercice Sea Shield dirigé par la Roumanie. Le but ultime de ces opérations est de perfectionner les procédures conjointes de défense aérienne afin de mieux défendre les navires de guerre et d'établir une supériorité aérienne et maritime permettant la liberté de navigation dans toutes les eaux et tous les espaces aériens internationaux, selon la déclaration officielle de l'U.S. Navy.

Dans le détail, l'exercice Sea Shield voit la participation de dix-huit navires de guerre et de dix avions de huit États, et se déroulera jusqu'au 29 mars prochain. Les forces participantes viennent de Bulgarie, de Grèce, de Hollande, de Pologne, de Roumanie, d'Espagne, des États-Unis d'Amérique et de Turquie.

Le Commandement maritime allié de l'OTAN participe à ces opérations avec le Groupe maritime permanent de l’OTAN (SNMG-2). Mercredi dernier, quelques jours avant l'entrée du croiseur américain en mer Noire, le Mendez Nunez, une frégate de la marine espagnole, a traversé le Bosphore, suivi vendredi par le Cristobal Colon, une autre unité du même type.

La flotte russe de la mer Noire s'est immédiatement mise "en état d'alerte" et a pris la mer pour suivre les manœuvres de l'OTAN: il semble en effet que, samedi matin, tous les sous-marins russes chasseurs-tueurs (SSK) aient pris la mer en quittant leur base de Sébastopol.

Les unités américaines, en particulier, ont quitté leur tâche d'escorte de l'"Ike" après que le CSG s'est exercé avec la Grèce et la Turquie en Méditerranée orientale: les manœuvres impliquant Athènes ont été plus élaborées et ont également vu l'implication des F-16 de l'armée de l'air hellénique, tandis que celles effectuées avec Ankara n'étaient qu'un "passex", ou des exercices effectués "en passant" pendant la croisière du porte-avions. Un signe que Washington porte un "regard particulier" sur la Grèce.

Le Donbass et la mer Noire sont-ils liés ?

L'entrée d'unités navales américaines dans la mer Noire et l'exercice Sea Shield ne doivent cependant pas être mal interprétés et liés directement aux mouvements de troupes en Ukraine. Premièrement, les exercices, de part et d'autre, sont établis avec une grande marge de temps et communiqués tout aussi rapidement. Deuxièmement, il s'agit d'un cadre stratégique plus large - qui inclut aussi l'Ukraine, sans aucun doute - et qui est lié à l'importance que l'Alliance atlantique - en premier lieu, les États-Unis - accorde à la mer Noire.

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Depuis que la Turquie est devenue un partenaire "non fiable" pour sa position sur les armements de fabrication russe et pour la déstabilisation de la Méditerranée orientale dans sa confrontation avec la Grèce, cette portion de mer et les pays qui la surplombent, liés à Washington et Bruxelles, sont devenus de plus en plus centraux dans la stratégie de l'endiguement de la Russie.

Ainsi, la Roumanie, la Bulgarie (déjà membres de l'OTAN) ainsi que la Géorgie, l'Ukraine et même la Moldavie, ont fait l'objet ces dernières années d'une attention particulière de la part des États-Unis et de l'Alliance atlantique: lorsque, le 5 février dernier, le destroyer USS Donald Cook a effectué une "visite de courtoisie" au port géorgien de Batumi, après être entré en mer Noire avec le USS Porter quelques jours auparavant, il ne s'agissait pas seulement d'un fait lié au "renforcement des solides relations de défense et de sécurité entre les États-Unis et la Géorgie", mais d'un signal clair et précis vers l'extérieur (la Russie) et vers l'intérieur de l'Alliance (la Turquie). En outre, cette étendue de mer et le ciel qui la surplombe connaissent depuis un certain temps un trafic militaire plus important que la cruciale Méditerranée - où la Russie est d'ailleurs désormais chez elle -, ce qui indique que, tout comme la Baltique et les mers arctiques, les États-Unis et l'OTAN n'ont pas l'intention de relâcher la pression sur Moscou, même si, à Washington, le centre de gravité de la confrontation militaire s'est déplacé vers la Chine.

Joe Biden dévoile sa « stratégie » à l’égard de la Chine

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Joe Biden dévoile sa « stratégie » à l’égard de la Chine

Par Salman Rafi Sheikh

Source New Eastern Outlook

L’administration de Joe Biden n’a pas mis longtemps à finaliser sa stratégie envers la Chine. La conversation téléphonique entre Biden et Xi, qui s’est déroulée dans une soi-disant « bonne ambiance », a déjà laissé place à une « stratégie chinoise » qui n’est pas différente de celle de l’administration Trump. Cependant, certains développements récents montrent que l’administration Biden n’a pas seulement décidé de faire monter les enchères contre la Chine, mais qu’elle est aussi pleinement concentrée sur la confrontation de cette dernière au niveau mondial. L’urgence et la primauté que l’administration Biden accorde à la Chine sont évidentes dans la manière dont Biden & Co. ont décidé de rencontrer leurs alliés dits QUAD avant les alliés les plus proches des États-Unis en Europe. Si l’une des raisons de cette décision est la distance croissante entre les États-Unis et l’Europe, il est également vrai que l’UE n’est pas un partenaire volontaire des États-Unis dans le conflit qui les oppose à la Chine. Comme le montrent les derniers chiffres d’Eurostat, l’office statistique officiel de l’UE, la Chine a déjà détrôné les États-Unis en tant que premier partenaire de l’UE pour les échanges de marchandises.

L’UE n’a donc aucune raison de considérer la Chine comme un rival. Bien qu’il existe un sentiment de concurrence entre l’UE et la Chine, il existe également un sentiment de coopération qui se développe rapidement et que l’Europe considère comme vital pour sa propre position mondiale et son autonomie par rapport aux États-Unis. En l’état actuel des choses, si les États-Unis et l’Europe partagent de nombreuses valeurs, l’appétit pour le risque est différent de part et d’autre de l’Atlantique. Après le discours de Joe Biden à la conférence de Munich il y a environ deux semaines, dans lequel il a insisté sur le leadership américain, la chancelière Angela Merkel et le président Emmanuel Macron ont tous deux fait des remarques mettant davantage l’accent sur la nécessité de coopérer avec la Chine. L’administration Biden n’a donc eu d’autre choix que de recourir une fois de plus au groupe QUAD pour « contenir » la Chine, au moins dans la région indo-pacifique, sinon en Europe.

Selon une récente déclaration de la Maison Blanche, le président Biden organiserait un sommet virtuel QUAD pour partager sa « stratégie chinoise » avec les alliés des États-Unis. Alors que le candidat Joe Biden avait donné l’impression qu’il suivrait une « approche différente » vis-à-vis de la Chine, son approche montre que la seule différence est qu’il pense pouvoir élaborer une stratégie beaucoup plus efficace et rassembler des alliés contre la Chine. La stratégie de Joe Biden à l’égard de la Chine est déjà décrite comme « dure, mais soutenue par une alliance », rassemblant des nations partageant les mêmes idées.

Il est évident que l’administration de Joe Biden s’éloigne de son approche précédente qui mettait l’accent sur le dialogue. Un haut responsable de la Maison-Blanche l’a confirmé en déclarant que les États-Unis n’allaient pas abandonner le dialogue, mais qu’ils souhaitaient d’abord explorer des terrains d’entente avec leurs alliés. « Nous accordons une grande importance à un partage approfondi des points de vue avec nos partenaires et alliés pour nous aider à nous doter de perspectives stratégiques », a déclaré le responsable.

En effet, l’administration Biden a déjà mis en place une « stratégie vaccinale » pour contrer l’influence chinoise en Asie et dans le Pacifique. Un autre fonctionnaire de la Maison Blanche aurait déclaré que la « stratégie vaccinale » fait partie des « dernières étapes de préparation des États-Unis pour ce qu’ils espèrent être une initiative majeure et audacieuse dans la région Indo-Pacifique » [contre la Chine].

Le fait que Biden ait réactivé le QUAD montre comment la nouvelle administration accélère sa « stratégie chinoise ». La raison sous-jacente reste la capacité croissante de la Chine à défier l’hégémonie américaine. C’est ce qu’a très bien expliqué Antony Blinken dans son premier grand discours de politique étrangère prononcé la semaine dernière. M. Blinken n’a pas mâché ses mots lorsqu’il a déclaré que la Chine était « le plus grand test géopolitique du 21e siècle » pour les États-Unis.

Décrivant l’approche fondamentale envers la Chine, Blinken a insisté sur la nécessité d’un retour en arrière et de forcer la Chine à le faire :

La Chine est le seul pays à disposer de la puissance économique, diplomatique, militaire et technologique nécessaire pour remettre sérieusement en question le système international stable et ouvert, c’est-à-dire l’ensemble des règles, des valeurs et des relations qui font que le monde fonctionne comme nous le souhaitons, parce qu’il sert en définitive les intérêts et reflète les valeurs du peuple américain. Notre relation avec la Chine sera compétitive lorsqu’elle doit l’être, collaborative lorsqu’elle peut l’être et conflictuelle lorsqu’elle doit l’être. Le dénominateur commun est la nécessité d’engager la Chine en position de force. Cela nécessite de travailler avec les alliés et les partenaires, et non de les dénigrer, car il est beaucoup plus difficile pour la Chine d’ignorer notre poids combiné. Cela nécessite de s’engager dans la diplomatie et dans les organisations internationales, car là où nous nous sommes retirés, la Chine a pris le relais.

Comme l’explique Blinken, leur motivation première reste de rétablir le leadership américain et d’empêcher tout autre pays de les remplacer. Cette conviction est ancrée dans une approche néo-impérialiste classique qui met l’accent sur le leadership américain comme seul moyen de suivre un ordre international « fondé sur des règles ». L’administration de Joe Biden, ne voyant pas comment l’influence et le leadership des États-Unis ne comptent déjà plus en Europe, continue de croire qu’ils comptent en Asie et dans le Pacifique. Comme l’a noté Blinken :

… Le leadership et l’engagement américains comptent. C’est ce que nous entendons maintenant de la part de nos amis. Ils sont heureux que nous soyons de retour. Que nous le voulions ou non, le monde ne s’organise pas tout seul. Lorsque les États-Unis se retirent, l’une des deux choses suivantes risque de se produire : soit un autre pays essaie de prendre notre place, mais pas d’une manière qui favorise nos intérêts et nos valeurs ; soit, et c’est peut-être tout aussi grave, personne ne prend la relève, et c’est alors le chaos et tous les dangers qu’il engendre. Dans tous les cas, ce n’est pas bon pour l’Amérique.

Le passage de l’approche de Joe Biden du dialogue à la confrontation virtuelle et au repli s’inscrit dans le contexte de la présence rapide et apparemment inarrêtable de la Chine dans les pays du monde entier.

Ironie du sort, la Chine continue de développer des liens avec les pays du QUAD, ce qui limite la capacité des États-Unis à obtenir le soutien des pays membres contre la Chine. Les États-Unis ont déjà perdu l’Europe face à la Chine. Il est tout à fait possible que les liens économiques croissants de la Chine avec les pays d’Asie et du Pacifique puissent faire de même pour les États-Unis. Cela est particulièrement vrai pour la région de l’ANASE, une région qui a déjà signé un pacte commercial global impliquant la Chine. Toute aventure américaine doit d’abord neutraliser ce pacte commercial qui promet un développement et un commerce d’une ampleur sans précédent. Les États-Unis, quant à eux, continuent de proposer la confrontation, un message qui ne passe pas bien lorsqu’on le compare à l’approche multilatérale de la Chine qui met l’accent sur la coopération plutôt que sur la concurrence.

Salman Rafi Sheikh

Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone

Le secrétaire d'État Blinken ne parviendra pas à rompre les liens entre la Chine et l'UE

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Le secrétaire d'État Blinken ne parviendra pas à rompre les liens entre la Chine et l'UE

Par Andrew Korybko

Ex : http://oneworld.press/

L'amélioration continue des relations entre la Chine et l'UE est irréversible car elle incarne la force motrice de l'histoire, notamment en ce qui concerne l'intégration inévitable du supercontinent eurasiatique, résultat de l'ordre mondial multipolaire émergent.

La Chine et l'UE sont des partenaires économiquement complémentaires et des civilisations d’une égale richesse qui étendent tout naturellement leur coopération jusqu’ici inédite grâce à l'accord global sur l'investissement (CAI) conclu en décembre dernier. Cet accord leur permet de relier plus étroitement leurs économies et de rechercher des résultats mutuellement bénéfiques grâce à leur philosophie commune, celle du ‘’gagnant-gagnant’’. Néanmoins, l'Amérique a tenté de briser agressivement leurs liens bilatéraux par jalousie hégémonique, furieuse de voir se réaliser le scénario pour lequel ses partenaires transatlantiques avant opté, évoluant ainsi du statut d'États vassaux à celui d’acteurs indépendants dans les relations internationales.

En témoigne le voyage du secrétaire d'État américain Blinken dans les pays du bloc atlantique la semaine dernière, où il a cherché à monter les 27 États membres de l’UE contre la République populaire de Chine. La relance de ce dialogue inter-atlantique, précédemment gelé sous l'ancienne administration Trump, n'a d'autre but que de faire avancer les efforts américains pour semer la division entre l'UE et la Chine. Cette relance a été précédée par l'imposition par Bruxelles de premières sanctions contre Pékin depuis plus de 30 ans, suite aux pressions exercées par Washington pour que l’UE suive la ligne imposée par la propagande américaines, pour l’instant principalement axée sur les allégations (démenties) de violations des droits de l'homme au Xinjiang.

La République populaire a rapidement répondu d'une manière symétrique, tout à fait conforme à ses droits en vertu du droit international, et a ainsi procédé à un ‘’échange de tirs’’ destiné à montrer qu'aucune provocation ne restera jamais sans réponse, mais que Pékin n'a pas non plus l'intention d'envenimer les choses avec Bruxelles. Ces deux gestes sont pour la plupart symboliques, mais ils montrent de manière inquiétante que Washington tente de regagner toute son influence hégémonique sur l'UE. Les 27 membres de l'Union européenne doivent donc se méfier de leur partenaire transatlantique historique, qui n'a pas du tout leurs intérêts en tête.

L'amélioration continue des relations entre la Chine et l'UE est irréversible car elle est portée par la force motrice de l'histoire, notamment en ce qui concerne l'intégration inévitable du supercontinent eurasien, résultat de l'ordre mondial multipolaire émergent. Les relations internationales sont en train de passer d'une perspective à somme nulle à une nouvelle perspective d'engagement gagnant-gagnant, sous l'impulsion des efforts actifs de la Chine pour populariser cette philosophie dans le monde entier. De nombreux progrès ont déjà été accomplis et, bien que les ingérences extérieures puissent entraîner quelques difficultés en cours de route, la voie à suivre reste claire et souhaitée par les deux parties.

La prochaine étape pour renforcer les liens entre la Chine et l'UE face à la résistance des États-Unis est d'étendre leur coopération existante à d'autres sphères stratégiques telles que l'endiguement conjoint de la pandémie du COVID-19, la lutte contre le changement climatique et la collaboration sur les solutions technologiques 5G pour faciliter la quatrième révolution industrielle. Certains États membres de l'UE subissent une forte pression américaine pour choisir entre leur partenaire transatlantique traditionnel et leur nouveau partenaire est-asiatique dans ces domaines, mais ce choix à somme nulle est faux et ne leur est imposé que pour des raisons hégémoniques. En réalité, ils peuvent et doivent coopérer avec les deux pays.

Contrairement aux États-Unis, la Chine ne fait pas pression sur ses partenaires, qu'il s'agisse de n'importe quel aspect de leurs liens bilatéraux ou surtout pas de leurs relations avec une tierce partie. Tout ce que Pékin demande, c'est que leur coopération pragmatique reste libre de toute influence extérieure et se concentre uniquement sur la recherche de résultats bénéfiques pour tous. Cela montre à quel point la Chine chérit les principes de la multipolarité tels qu'ils sont énoncés dans la Charte des Nations unies, ce qui contraste avec l'approche américaine consistant à exploiter les éléments stratégiques de ses relations avec certains États dans le but d'obtenir des résultats à somme nulle vis-à-vis de ceux qu'elle considère comme ses rivaux, tels que la Chine.

Le monde est au beau milieu d'un processus de changement de paradigme à large spectre qui ouvrira un avenir passionnant pour tous. Chacun a tout à gagner à ce que les relations internationales deviennent de plus en plus multipolaires, ce qui ouvrira de nouvelles possibilités de développement qui, à leur tour, amélioreront le niveau de vie des populations. L'UE doit résister aux pressions américaines visant à revenir au modèle discrédité de la pensée à somme nulle et adopter fièrement la philosophie ‘’gagnant-gagnant’’ qui définit le nouveau modèle des relations internationales. C'est le seul moyen pour l'UE de renforcer son indépendance stratégique et de rester véritablement un acteur important dans les affaires mondiales.

La grande stratégie de Biden est délirante et dangereuse

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La grande stratégie de Biden est délirante et dangereuse

Par Andrew Korybko

Ex : http://oneworld.press/

L'administration Biden continue de promouvoir sa grande stratégie délirante et dangereuse, qui ne sert même pas les intérêts des États-Unis, mais uniquement les intérêts étroits et à court terme d'une certaine partie de son élite économique et politique.

La grande stratégie du président américain Joe Biden est un mélange de signaux hétéroclites, faits de valeurs démocrates et d'agressivité républicaine, ce qui représente in fine une combinaison délirante et dangereuse. Le premier constat est tout simplement attesté parce que cette ‘’grande stratégie’’ et l’administration qui la promeut met l'accent sur les idéaux de la soi-disant "démocratie" et des "droits de l'homme". En témoignent ses campagnes de guerre cognitive contre la Chine et la Russie, guerre cognitive qui repose évidemment sur ces fausses bases. Le second constat, quant à lui, est étayé par ses inlassables tentatives de constituer des alliances pour contenir ces deux pays sous les prétextes habituels, en utilisant la Quadrilatérale, l'OTAN et la nouvelle proposition des États-Unis de créer un concurrent à l'initiative Belt & Road (BRI) de la Chine.

À propos du dernier de ces trois moyens, M. Biden a déclaré à son homologue britannique vendredi après-midi: "J'ai suggéré que nous devrions avoir, essentiellement, une initiative similaire, tirant parti des États démocratiques, aidant ces communautés dans le monde qui, en fait, ont besoin d'aide’’. C'est la définition même du délire pour plusieurs raisons. Premièrement, le développement économique est un faisceau de faits purement apolitique et ne devrait pas aller à l'encontre du choix souverain d'un État de se gouverner de la manière qu'il juge la meilleure. Deuxièmement, pour cette raison et, étant donné son énorme portée et son échelle, l’initiative chinoise BRI n'a pas de concurrents mais seulement des partenaires. Troisièmement, nombre de ces partenaires sont des alliés des États-Unis.

Par exemple, le partenariat économique global régional (RCEP) de novembre dernier a réuni la Chine, l'ANASE, l'Australie, le Japon, la Nouvelle-Zélande et la République de Corée en un seul bloc commercial, dont les quatre derniers partenaires ainsi que les Philippines et la Thaïlande (partie prenante de l'ANASE) sont des alliés des Américains. Un mois plus tard, l'accord global sur l'investissement (CAI) entre la Chine et l'UE a vu de nombreux membres de l'OTAN accepter d'étendre leurs liens financiers et autres avec la République populaire. Enfin, la visite du ministre chinois des affaires étrangères Wang Yi en Asie occidentale la semaine dernière a renforcé les liens économiques de son pays avec les alliés régionaux des États-Unis, comme l'Arabie saoudite.

Malgré les relations croissantes de la Chine avec l'Europe, l'Asie occidentale, l'Asie de l'Est et du Sud-Est - que l'on peut regrouper sous le terme d'Eurasie - les États-Unis pensent toujours qu'ils peuvent retourner certains de ces pays, notamment leurs alliés traditionnels, contre la République populaire. C'est ici que l'illusion devient dangereuse, car le pire scénario d'ingérence américaine pourrait se traduire par de graves dommages économiques infligés à ses soi-disant "alliés". Mais les États-Unis se gobergent tellement dans l'illusion qu'ils ne se soucient vraiment pas des intérêts des autres, ne voient que les leurs, ce qui explique pourquoi ils sont prêts à sacrifier les intérêts de leurs "alliés" au profit de leurs intérêts à somme nulle.

C'est là que réside le principal problème, à savoir l’incompréhensible refus des États-Unis d'accepter l’évidence : en effet, la mentalité agressive à somme nulle, qui est responsable de leur déclin progressif sur la scène internationale, est dépassée, car le nouveau modèle chinois de relations internationales a réussi à remplacer cette philosophie contre-productive par une philosophie ‘’gagnant-gagnant’’. L'administration Biden pensait pouvoir apporter des changements cosmétiques à la politique américaine, comme tonitruer une rhétorique multilatérale pour tenter de se différencier de son prédécesseur, mais la réalité est que rien de significatif n'a changé depuis l'ancien président Trump.

Même les propositions de paix tant vantées de l'administration Biden en Afghanistan et au Yémen sont en train d'échouer : en Afghanistan, c’est déjà l’échec après que Biden a annoncé que les troupes américaines pourraient ne pas se retirer d’ici mai du pays déchiré par la guerre depuis plus de quarante ans, comme son prédécesseur l'avait précédemment convenu, ce qui a incité les talibans à proférer de nouvelles menaces, tandis qu’au Yémen les propositions de Biden n'ont pas réussi à avoir un impact significatif sur la dynamique militaire sur place. En outre, les États-Unis continuent d'occuper illégalement l'Irak et la Syrie, tandis que la Libye reste embourbée dans une instabilité provoquée par les Américains. Toute la rhétorique sur la reprise de la coopération avec les alliés n'est qu'un écran de fumée pour les convaincre de rejoindre les nouvelles coalitions antichinoises et antirusses articulées par les États-Unis.

Heureusement, le monde semble avoir appris quelques leçons au cours des quatre années tumultueuses du mandat de Trump. Les alliés de l'Amérique ne sont plus aussi disposés qu'avant à suivre aveuglément l’exemple américain. Ils ont compris que les États-Unis ne sont pas fiables et qu'ils n'ont pas toujours les intérêts de leurs ‘’alliés’’ en tête. Cela devient de plus en plus évident à mesure que l'administration Biden continue de promouvoir sa grande stratégie délirante et dangereuse, qui ne sert même pas les intérêts propres des États-Unis, mais uniquement les intérêts étroits et à court terme d'un certain segment de son élite économique et politique. La situation ne s'améliorera pour les Américains moyens que si leurs dirigeants adoptent enfin la philosophie du ‘’gagnant-gagnant’’.

mardi, 30 mars 2021

L'Iran signe un accord stratégique avec la Chine pour déjouer les sanctions américaines

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L'Iran signe un accord stratégique avec la Chine pour déjouer les sanctions américaines

par Michele Giorgio

Source : Il Manifesto & https://www.ariannaeditrice.it

Tous deux dans le collimateur des Etats-Unis, Pékin et Téhéran ont signé hier l'accord de coopération de 25 ans dont on parle avec insistance depuis l'été dernier. La poignée de main entre le chef de la diplomatie de Téhéran, Mohammad Javad Zarif, et le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, en visite en République islamique, a sanctionné un pacte entre les deux pays que les médias chinois qualifient de "coopération stratégique, au niveau politique et économique’’. Lors des sommets iraniens, l'ambiance a été tout simplement euphorique. Les investissements de 400 milliards de dollars que la Chine va réaliser dans la République islamique en échange d'un approvisionnement avantageux en pétrole, ne sont pas seulement un moyen d'annuler partiellement les sanctions américaines qui étranglent l'économie iranienne. Ils montrent que l'Iran est capable de se défendre et de résister au blocus asphyxiant mis en place par l'administration Trump passée et que le nouveau président Joe Biden ne lèvera que si Téhéran fait des concessions majeures, et pas seulement sur ses ambitions nucléaires.

Pékin fait comprendre une fois pour toutes qu'elle n'a plus seulement des ambitions économiques au Moyen-Orient. Elle proclame qu'elle est prête à jouer un rôle de premier plan à la table de la relance du JCPOA - l'accord international sur le nucléaire iranien dont Donald Trump est sorti en 2018 - et à celles de la diplomatie régionale, en concurrence avec Washington. "La coopération entre l'Iran et la Chine aidera à la mise en œuvre de l'accord nucléaire par les signataires européens et au respect des engagements pris dans le cadre de l'accord", a déclaré le président iranien Hassan Rohani, espérant le soutien de la Chine contre l'unilatéralisme américain. Il y a quelques jours, Pékin a proposé d'accueillir un sommet international avec les Israéliens et les Palestiniens. "Pour que la région sorte du chaos et bénéficie de la stabilité, elle doit se libérer de l'ombre de la rivalité géopolitique des grandes puissances... Elle doit construire une architecture de sécurité qui réponde aux préoccupations légitimes de toutes les parties", a ensuite déclaré un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. Traduction: nous sommes présents maintenant là aussi où il n’y a plus seulement les Américains (et les Russes) qui dictent leur volonté. Et ce n'est probablement pas une coïncidence si Wang est arrivé à Téhéran pour signer l'accord une semaine après le clash de la réunion d'Anchorage entre les États-Unis et la Chine. Une sorte de réponse sèche de Pékin aux intimidations de Washington.

Les projets à mettre en œuvre sont ambitieux. Des télécommunications au secteur bancaire, en passant par les ports et les chemins de fer jusqu'au système de santé. En échange, l'Iran vendra du pétrole à la Chine à des prix avantageux et en quantités suffisantes pour répondre aux besoins croissants de Pékin. Les deux pays coopéreront également sur le plan militaire en organisant des exercices conjoints. Le New York Times, qui a une vision américaine de l'accord, doute de la réalisation de nombreux projets tant que la question du programme nucléaire iranien n'est pas résolue: "Si l'accord nucléaire s'effondre complètement, écrivait-il hier, les entreprises chinoises pourraient également devoir faire face à des sanctions secondaires de la part de Washington".

En vérité, les critiques ne manquent pas, même en terres iraniennes où certains avertissent que trop d'espace et d'influence ont été accordés à la Chine. Mais Téhéran, en grande difficulté à cause de la pandémie et des sanctions économiques américaines, n'avait pas d'alternative à l'énorme investissement promis par la Chine. "Pendant trop longtemps, nous avons mis tous nos œufs dans le panier de l'Occident et cela n'a pas donné de résultats", a déclaré Ali Shariati, un analyste iranien, "maintenant si nous changeons notre politique et regardons vers l'Est, ce ne sera pas plus mal".

lundi, 29 mars 2021

Joe l’Endormi s’est réveillé : Syrie, Russie et Chine. Qu’est-ce qui va suivre?

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Joe l’Endormi s’est réveillé : Syrie, Russie et Chine. Qu’est-ce qui va suivre?

Par Giorgio Spagnol

Ex: http://ieri.be

Joe Biden a été surnommé "l’endormi" par Donald Trump. Quoi qu'il en soit, après seulement 30 jours de présidence, il s'est réveillé et a bombardé la Syrie. Le 25 février, Biden a ordonné de frapper la Syrie en réponse à des attaques à la roquette contre les forces américaines dans la région, suscitant l'inquiétude des législateurs démocrates car il n'avait pas demandé l'autorisation nécessaire au Congrès.

Le 16 mars, M. Biden a accusé Poutine d'être un "tueur" et l'a averti qu'il "paierait le prix fort" pour l'ingérence présumée des services russes dans les élections américaines.

Le 18 mars, la première réunion de haut niveau entre les États-Unis et la Chine sous la présidence de M. Biden s'est ouverte à Anchorage, en Alaska, les deux parties s'échangeant des injures dès le début.

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L'état des lieux

La frappe contre la Syrie a suscité des critiques de la part des députés, qui ont reproché à la Maison-Blanche de ne pas les avoir informés à l'avance. Le site bombardé n'était pas spécifiquement lié aux tirs de roquettes contre les Américains, mais était simplement censé être utilisé par les milices chiites soutenues par l'Iran qui ciblent les forces américaines en Irak. Reuters a cité des rapports locaux selon lesquels au moins 17 personnes avaient été tuées dans le bombardement, tandis que l'Observatoire syrien des droits de l'homme a fait état de 22 morts.

La Russie a nié les allégations d'ingérence, formulées de longue date. Les Russes ont dit qu’elles étaient sans fondement et ont déclaré que leur ambassadeur quittait les États-Unis et qu'il discuterait des "moyens de rectifier les liens entre la Russie et les États-Unis, qui sont en crise" à son arrivée à Moscou. Il a ajouté que "certaines déclarations irréfléchies de hauts responsables américains ont mis les relations, déjà excessivement conflictuelles, sous la menace d'un effondrement".

Le 18 mars, Poutine a répondu au commentaire de Biden, qui le posait comme un ‘’tueur’’, en disant "il en faut être un pour en connaître un autre", ajoutant qu'il souhaitait à Biden une ‘’bonne santé’’ (il convient de mentionner que Biden a survécu à deux anévrismes cérébraux à la fin des années 1980 et que son état s'est ensuite compliqué d'une thrombose veineuse profonde et d'une embolie pulmonaire). Quoi qu'il en soit, Poutine a mis Biden au défi de tester ses facultés dans un débat en ligne.

Poutine a fait remarquer que la Russie continuerait à coopérer avec les États-Unis lorsqu'ils soutiennent les intérêts de Moscou, ajoutant que "beaucoup de personnes honnêtes et décentes aux États-Unis souhaitent la paix et l'amitié avec la Russie." Mais après ce tac au tac, les relations entre les États-Unis et la Russie ont été en chute libre. En adoptant une position ferme à l'égard de la Russie, M. Biden a déclaré que l'époque où les États-Unis se pliaient à Poutine était révolue.

La réunion entre les hauts fonctionnaires américains et chinois a été entachée d’une série de réparties mordantes entre les deux superpuissances, les envoyés des deux pays échangeant des critiques acerbes sur la gouvernance et les défauts de l'autre.

Le début des discussions de deux jours à Anchorage, en Alaska, a été marqué par les propos du secrétaire d'État américain Antony Blinken, qui a déclaré à ses homologues chinois que les États-Unis allaient faire part de leurs "profondes préoccupations" concernant les politiques de la Chine au Xinjiang, à Hong Kong et à Taiwan.

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La Chine, représentée par le ministre des affaires étrangères Wang Yi, a répliqué que les États-Unis et la Chine avaient chacun leur propre style de démocratie et que Pékin s'opposait fermement à l'ingérence de Washington dans ses affaires intérieures, ajoutant que les relations avec la Chine devaient être fondées sur le respect mutuel.

Les États-Unis ont ensuite publié une déclaration accusant la Chine de faire de la figuration et de prononcer un discours d'ouverture qui a largement dépassé les deux minutes initialement convenues.

Plus tard, lors d'un briefing suivant la réunion, des responsables chinois ont déclaré que les États-Unis avaient lancé des attaques déraisonnables contre les politiques intérieure et extérieure de la Chine en ajoutant : "Ce n'est pas une manière d’agir car elle n’est pas conforme à l'étiquette diplomatique".

Biden et la Russie

En janvier dernier, le vice-ministre russe des affaires étrangères, M. Ryabkov, avait accusé l'administration du président Joe Biden de "russophobie", déclarant qu'il s'attendait à ce que les relations avec les États-Unis aillent "de mal en pis".

Les relations entre Moscou et Washington se sont détériorées ces dernières années sur des questions telles que la saisie par la Russie de la région ukrainienne de la Crimée en 2014, son rôle dans les guerres dans l'est de l'Ukraine, en Syrie et en Libye, son ingérence présumée dans les élections aux États-Unis , et une série de cyberattaques majeures imputées aux Russes.

La Russie, bien qu'incapable d'agir comme une grande puissance mondiale, est la quantité qui, en jetant son poids sur la balance, peut être décisive, grâce à son formidable arsenal nucléaire, dans le match entre les États-Unis et la Chine.

La Russie existe et résiste en tant qu'empire depuis au moins six siècles. C'est un État puissant armé jusqu'aux dents, dirigé par un leader charismatique sans opposition, mais bien conscient qu'il ne peut pas se précipiter seul dans des aventures militaires contre des voisins comme les États-Unis ou l'OTAN.

L'espace, la culture et l'ambition impériale permettent à Moscou de disposer d'une élite russe dotée d'une ambition géopolitique. En raison de sa position géographique, la Russie est un élément central de la sécurité en Eurasie, son territoire étant contigu à toutes les grandes zones de crise dans le monde.

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Biden et la Chine

Les liens économiques, géopolitiques et sécuritaires entre les régions du Pacifique occidental et de l'océan Indien ont créé un système stratégique dans lequel l'océan Indien a remplacé l'Atlantique en tant que corridor commercial le plus fréquenté et le plus important sur le plan stratégique, transportant deux tiers des expéditions mondiales de pétrole et un tiers des marchandises en vrac.

Environ 80 % des importations de pétrole de la Chine sont acheminées du Moyen-Orient et/ou de l'Afrique via l'océan Indien. L'Indo-Pacifique devient ainsi le centre de gravité économique et stratégique du monde. Les intérêts, les capacités et les vulnérabilités de la Chine s'étendent à l'ensemble de l'océan Indien et c'est pourquoi la Chine a établi en 2017 une énorme base navale militaire à Djibouti, dans la Corne de l'Afrique.

Les liens stratégiques entre la Chine et la Russie

La Chine et la Russie entretiennent actuellement des relations difficiles avec les États-Unis suite à l'imposition de droits de douane à la Chine et aux sanctions infligées à la Russie. Pour la première fois, les deux grandes puissances sont considérées comme "révisionnistes, concurrentes stratégiques et rivales" dans la série des documents stratégiques américains de 2017 et 2018.

La Chine et la Russie ont récemment envoyé des messages forts par le biais de mesures telles que des patrouilles stratégiques aériennes conjointes et la critique commune de l'unilatéralisme américain.

Il convient de mentionner que lors de deux événements distincts, la Russie et la Chine ont publiquement annoncé une nouvelle ère de diplomatie entre les deux pays: avec l'exercice Vostok 2018 et l'exercice Joint Sea 2019, la Russie et la Chine ont signalé à l'Occident qu'elles travaillent plus étroitement ensemble pour faire contrepoids à l'"impérialisme" américain.

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En particulier, Vostok 2018, un exercice militaire russo-chinois de grande envergure, a impliqué plus de 300.000 soldats, 1.000 avions et plusieurs navires de guerre, tandis que Joint Sea 2019 a impliqué de nombreux sous-marins, navires, avions, hélicoptères et marines des deux pays.

Ce qui lie ces puissances entre elles, c'est leur accord sur la nécessité de réviser le statu quo. La Russie essaie tant bien que mal de reconstituer son aire d’influence du temps de l'Union soviétique. La Chine n'a pas l'intention de se contenter d'un rôle secondaire dans les affaires mondiales, pas plus qu'elle n'acceptera le degré actuel d'influence des États-Unis en Asie et le statu quo territorial qui y règne.

Les dirigeants des deux pays sont également d'accord pour dire que la puissance américaine est le principal obstacle à la réalisation de leurs objectifs révisionnistes. Leur hostilité à l'égard de Washington et de son ordre est à la fois offensive et défensive: non seulement ils espèrent que le déclin de la puissance américaine facilitera la réorganisation de leurs régions, mais ils craignent également que Washington ne tente de les renverser en cas de discordes durables au sein de leurs pays.

C'est pourquoi ils tiennent dûment compte de la devise divide et impera (diviser pour régner) qui est née de besoins pratiques: Rome, matériellement, ne pouvait pas faire face à son ennemi lorsqu'il était uni.

Biden pousse-t-il la Chine et la Russie à se rapprocher ?

Les relations sino-russes sont principalement façonnées par la pression exercée par les États-Unis sur ces deux États.

L'évolution de la politique américaine à l'égard de la Chine - qui s'éloigne de tout engagement pour se rapprocher de la stratégie du néo-contrôle - a survalorisé la coopération potentielle plus étroite entre Moscou et Pékin, devenu l’ennemi principal. Les relations sino-russes se sont particulièrement épanouies dans des domaines tels que l'opposition politique et normative envers l'Occident, l'énergie, la sécurité, le nucléaire et l'espace.

Parallèlement, la rhétorique anti-américaine de Xi Jinping a commencé à ressembler à celle de Vladimir Poutine. La Russie et la Chine ont également amélioré leur position au sein du système des Nations unies, notamment en se faisant élire au Conseil des droits de l'homme.

Biden avait prévu de tendre la main à l'Union européenne afin d'apprivoiser l'influence de la Chine au niveau régional et mondial. Ces plans ont été compliqués par la décision de l'UE d'aller de l'avant avec un nouvel accord d'investissement avec la Chine quelques semaines seulement avant que Biden n’entre en fonction.

Actuellement, la politique intérieure russe offre un terrain fertile pour des relations plus étroites avec Pékin: le Kremlin ne considère pas que la puissance croissante de la Chine sape sa légitimité intérieure ou menace la survie du régime, tandis que la Chine apprécie également le soutien de la Russie.

C'est cet alignement normatif qui illustre le plus clairement leur position anti-occidentale. Il est certain que la Chine et la Russie considèrent que les problèmes internes de l'Occident (Brexit, manifestations de Black Lives Matter, etc.) légitiment davantage leurs propres régimes.

Considérations

Si vous êtes président des États-Unis, vous ne pouvez pas dire "Poutine est un tueur". Vous ne pouvez pas le dire, vous n'êtes pas obligé de le dire. Trump, le président des excès, ne l'avait pas dit non plus. L'attaque vise aussi à faire barrage à tout achat du vaccin russe Spoutnik V. Est-ce aussi une façon détournée d'imposer subrepticement des sanctions contre toutes les entreprises de l'UE qui participent à l'achèvement du gazoduc Nord Stream 2 reliant la Russie à l'Allemagne?

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Les relations des États-Unis avec la Chine ont plongé à leur point le plus bas depuis la visite de Nixon dans l'État communiste dans les années 1970. Les liens entre les États-Unis et la Russie sont, quant à eux, à leur point le plus difficile depuis la chute de l'Union soviétique.

Toute tentative de faire ouvertement fléchir le pouvoir au sein de deux puissances nucléaires constitue une action extrêmement dangereuse. C'est dangereux lorsque les hommes les plus puissants du monde, dont les doigts peuvent presser les boutons déclenchant le feu nucléaire, se retranchent dans des impasses rhétoriques et risquent ainsi une épreuve de force entre superpuissances.

Malgré la fanfaronnade de Biden, "L'Amérique est de retour", les États-Unis sont affaiblis par deux décennies d’offensives et de retraits au Moyen-Orient, par leurs divisions politiques paralysantes et par les pires réponses apportées à une pandémie mondiale.

Et la Chine s'est hérissée d'une déclaration conjointe des États-Unis et du Japon cette semaine, qui fait partie d'un effort de l'administration Biden pour créer un front uni d'alliés afin de contrer la puissance économique, stratégique et militaire de la Chine et de forcer Pékin à accepter des règles internationales que la Chine rejette comme étant une tentative de limiter son pouvoir.

Conclusion

Après qu'une foule a pris d'assaut le Capitole américain, Xi et Poutine se demandent probablement: "Est-ce là la nation dont nous devons avoir peur ? Est-ce là la nation qui veut être l'exemple paradigmatique de la démocratie et qui veut exporter sa démocratie dans le monde entier ?".

Biden aura sûrement du mal à convaincre la Chine et la Russie qu'il s'agissait d'un événement isolé, passager, et que la démocratie américaine est plus forte que jamais. Il aura encore plus de mal à les convaincre qu'une Amérique aussi divisée est, malgré tout, consensuelle, cohérente et unie, prête à faire face à toute menace extérieure possible et à diriger le monde.

Biden devrait définir une stratégie d'équilibrage avec la Chine avant que les deux nations ne dépassent les limites de ce que les cercles stratégiques appellent la "nouvelle guerre froide" pour entrer dans un véritable conflit direct, faisant ainsi entrer dans la réalité le fameux "piège de Thucydide".

Nous ne pouvons qu'espérer que la situation fortement concurrentielle entre les États-Unis et la Chine se retrouvera très vite entre des mains plus sereines. Après tout, ce qui met réellement en danger la paix et la stabilité mondiales, ainsi que l'avenir des relations entre les États-Unis et la Chine, ce n'est pas une "concurrence stratégique" entre les deux grandes puissances, mais l'incertitude résultant d'une concurrence dans laquelle aucune des deux puissances ne suit les règles du jeu traditionnelles, mais se comporte arbitrairement en fonction de son seul intérêt personnel, lequel est très étroitement défini.

En résumé, la Chine peut aujourd'hui compter sur la Russie, le plus grand pays du monde qui s'étend sur la masse continentale eurasienne. Les deux principaux acteurs ‘’orientaux’’ sont à bien des égards complémentaires: la Russie possède des ressources naturelles, des sciences fondamentales et des armes; la Chine possède des capitaux, des technologies commerciales et des industries lourdes. La Russie a un problème de sous-population, la Chine le contraire. Un principe ancien "l'ennemi de mon ennemi est mon ami" lie Pékin et Moscou.

L'une des leçons de la politique étrangère américaine de ces dernières décennies est que les plans élaborés à Washington ne survivent souvent pas au contact avec le monde extérieur. Et il n'est pas certain que les alliés des États-Unis adhèrent à la stratégie Biden: comme je viens de le souligner, ils ont envoyé un signal en concluant un accord commercial avec la Chine juste avant que Biden ne prenne ses fonctions.

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vendredi, 26 mars 2021

Géopolitique et Empire britannique: l'impérialisme libéral de Halford Mackinder

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Géopolitique et Empire britannique: l'impérialisme libéral de Halford J. Mackinder

Ben Richardson

Source : https://katehon.com/en/

Les racines de la discipline que sont devenues les études sur les relations internationales font aujourd’hui l'objet d'une enquête ‘’postcoloniale’’. Une figure intellectuelle qui nécessite un tel examen est Halford John Mackinder, un des pères fondateurs de la géopolitique. Les idées de Mackinder, qui ont maintenant plus d'un siècle, conservent une réelle influence de nos jours. C'est notamment son bref essai de 1904 intitulé The Geographical Pivot of History, qui traite de l'importance stratégique de l'Eurasie, qui a été cité avec insistance par les faucons défendant l'invasion de l'Afghanistan et de l'Irak par les États-Unis. Comme eux, Mackinder avait aussi des ambitions impériales. L'œuvre de sa vie a été consacrée au renouveau de l'Empire britannique, dont il craignait qu'il ne soit dépassé par les puissances continentales rivales. Fidèle à sa foi dans la praxis de la connaissance géographique et dans la maîtrise des territoires par les États, Mackinder a également cherché à faire carrière en politique. Les premiers signes de cette transition apparaissent en 1900, lorsqu'il se présente aux élections générales, c’est en soutien à une faction largement oubliée du parti libéral, celle qui s’autoproclamait ‘’impérialiste libérale’’. L'histoire de ses mésaventures électorales permet d'éclairer le contexte idéologique dans lequel la géopolitique a émergé et les buts qu'elle a poursuivis.

Mackinder a commencé le nouveau siècle comme un homme en pleine ascension. Le 22 janvier 1900, il arrive triomphalement à la Royal Geographical Society pour donner une conférence sur son ascension du mont Kenya. Il fut non seulement le premier Européen à atteindre le sommet de cette montagne africaine, mais aussi le premier à présenter ses résultats à la Société en utilisant la photographie couleur. En combinant le prestige national et l'avancement scientifique, l'expédition a étoffé la réputation de Mackinder en tant que pionnier de la géographie. À ce moment-là, il était surtout connu pour ses contributions scientifiques en tant que directeur du Reading College et que lecteur à l'Oxford School of Geography, deux établissements récemment créés grâce à ses efforts. Au printemps de l’année 1900, il parcourut le pays pour donner des conférences sur le mont Kenya et le 3 octobre - jour du scrutin des élections générales - il devait s'adresser aux nouveaux étudiants à l'hôtel de ville de Reading et recevoir les demandes de bourses pour Oxford. Mais à deux semaines de l'échéance, il met ces projets de côté et décide de se présenter lui-même aux élections dans la circonscription de Warwick et Leamington, dans les Midlands.

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Cette décision soudaine est curieuse. Mackinder n'avait aucun sponsor politique à cette époque et aucun lien avec la circonscription où il se présentait, si ce n'est qu’il avait donné quelques cours complémentaires du programme de l'université à l'hôtel de ville de Leamington, une décennie auparavant. Il est possible qu'il ait été recommandé à l'association libérale locale par J. Saxon Mills, un ancien maître du Leamington College et devint ainsi le premier choix de ce caucus politique comme candidat. Mills aurait connu Mackinder par le biais du mouvement pour l’extension de l'université et aurait eu des opinions similaires aux siennes sur les questions relatives à l’Empire. Mais pourquoi entrer dans la course électorale si tard dans la campagne? Peut-être Mackinder cherchait-il à se distraire. Alors qu'il recevait l'adulation du public pour ses exploits en Afrique de l'Est, dans sa vie privée, il traversait une séparation douloureuse avec sa femme. Tout ce que nous savons avec certitude, c'est que le jour où il reçut l'offre de l'association libérale de Leamington, il a immédiatement télégraphié en retour et est parti les rencontrer le soir même.

L'élection générale de 1900 fut une élection ‘’kaki’’, ainsi nommée parce qu'elle fut dominée par des questions militaires relatives à l'annexion britannique des États indépendants des Boers. Mackinder est sans équivoque sur cette question. Il soutient la guerre des Boers et pense que tout sentiment pacifiste ou anti-impérial doit être mis de côté afin que la Grande-Bretagne puisse demeurer dans le monde ‘’une force pour la liberté’’. Désireux de faire comprendre sa position à l'Association libérale, Mackinder lui dit : « Si nous tenons à nos libertés britanniques, nous devons être prêts à défendre ces libertés lorsque l'occasion se présente, non seulement contre de petites puissances, mais contre de grandes puissances mondiales, presque aussi grandes que nous. Par conséquent... il est impossible à notre époque, quels que soient nos souhaits, de rester des ‘’petits Anglais’’ ». Mackinder était donc un impérialiste libéral, mais ne croyait pas pour autant que toutes les guerres étaient bonnes, car la guerre est toujours un désastre - (‘’écoutez, écoutez’’) – mais, ajoutait-il, ‘’il ne serait pas partie prenante pour omettre quoi que ce soit qui rendrait moins facile pour eux d'apprécier leurs libertés britanniques ou de conserver le pouvoir d'étendre ces libertés’’.

C'est un message qu'il répète tout au long de sa campagne, insistant sur la nécessité pour la Grande-Bretagne de se protéger contre les puissances en développement rapide qu’étaient à l’époque l'Allemagne et les États-Unis ; cette protection devrait s’articuler, pendait-il, par la mise en place d’une fédération impériale avec l'Australie (blanche), le Canada et l'Afrique du Sud: "une ligue de démocraties, défendue par une marine unie et une armée efficace". Sa position optimiste et son éloquence renommée inquiètent manifestement l'opposition, à tel point que le gros bonnet unioniste Joseph Chamberlain se rend à Warwick et Leamington à la veille des élections pour parler en faveur du candidat sortant. Après des remarques introductives dans lesquelles Mackinder était qualifié de "bâtard" en raison de son appartenance politique indéfinissable, Chamberlain ridiculisa ensuite son allégeance mal placée, déclarant : ‘’la seule faute que je trouve à M. Mackinder, c'est qu'il n'est pas membre de notre parti... J'espère qu'après cette élection, il jugera bon de rejoindre les Liberal Unionists’’.

En fait, les arguments de Mackinder en faveur de l'impérialisme libéral n'ont pas convaincu l'électorat. Bien qu'il ait manqué toute l'élection parce qu’il s’occupait d’affaires gouvernementales en Afrique du Sud, son adversaire Alfred Lyttelton a consolidé sa majorité et a gagné avec 59 % des voix. De manière quelque peu vaniteuse, Mackinder attribue cette défaite à la mauvaise organisation de l'association libérale locale, en leur rappelant que "les élections ne sont pas gagnées par des réunions publiques": « Les élections ne se sont pas jouées dans les réunions publiques, aussi enthousiastes aient-elles été, sinon nous les aurions gagnées ». Malgré cette défaite et ces reproches, l'association l’a dûment remercié et l'a acclamé avec le célèbre refrain de He's a jolly good fellow.

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Sir Alfred Lyttelton.

Mais Mackinder n'en avait pas encore fini avec la politique politicienne. Trois ans plus tard, une élection partielle fut convoquée, car Lyttelton avait été promu au poste de secrétaire aux Colonies et  un candidat devait se représenter dans sa circonscription. Cette promotion de Lyttelton fait suite à la démission de Joseph Chamberlain, qui dut quitter le cabinet suite à une controverse ; il se mit alors à faire campagne en faveur d'une réforme tarifaire. Mackinder est en plein accord avec le désir de Chamberlain de faire de l'Empire britannique un bloc commercial protégé. Il rejoint la Tariff Reform League et, répondant à l'espoir de Chamberlain, passe effectivement dans le camp des Unionistes. Il propose même de se rendre à Leamington pour parler en faveur de son ancien adversaire, ce qui est, selon ses propres termes, "le seul comportement viril que je puisse adopter". La réaction du Liberal Club de la ville a été de décrocher la photo de Mackinder du mur, de la lacérer et de brûler ce qui en restait. On a conseillé à Mackinder de ne pas se rendre dans la ville.

Au moins, Lyttelton a apprécié l'offre. L'année suivante, en tant que secrétaire aux Colonies, il a présidé à la conférence de Mackinder sur l'Empire britannique, soutenue par de nombreuses illustrations. La teneur de cette conférence  -et les illustrations qui l’accompagnaient-  devaient être utilisées dans les écoles pour édifier des émules patriotiques, prêtes à servir l’Empire. Le projet se concrétisera dans les manuels préparés pour le Visual Instruction Committee du Colonial Office, que Lyttelton encourage les gouverneurs coloniaux à adopter. La relation entre les deux hommes se cimenta lors des élections générales de 1906, lorsque Mackinder proposa à nouveau de parler pour Lyttelton, ainsi que pour Arthur Steel-Maitland, un autre réformateur du tarif douanier, qui faisait campagne dans la circonscription voisine de Rugby. Cette fois-ci, l'offre fut acceptée, mais une fois encore, elle tourna mal. Comme le rapporta le London Daily News, lorsque Mackinder se lèva pour prendre la parole lors d'une réunion publique dans une école de Leamington: ‘’ce fut le signal d'une scène de tumulte assourdissant, au-dessus duquel s'élevaient des cris de Mongrel. Il est resté debout pendant cinq minutes en souriant d'un air quelque peu sardonique, puis, demandant un tableau noir, il a écrit à la craie Be fair, as Englishman. De nouveau, prenant place sur l'estrade, M. Mackinder attend patiemment l'occasion, qui ne se présentera jamais, de s'adresser aux électeurs’’.

Sans se décourager, les deux hommes poursuivent leur programme commun et le lendemain, Mackinder prononça un long discours en faveur de la position unioniste sur la réforme tarifaire, qu'il décrivit comme "une question de vie ou de mort pour le pays". Il s'efforça en particulier de discréditer l'affirmation du Parti libéral selon laquelle les tarifs protectionnistes entraîneraient une hausse des prix des denrées alimentaires, ce que Mackinder pensait pouvoir éviter en exploitant "les vastes champs du Canada" comme fournisseur garanti de céréales bon marché. Les électeurs ne sont toujours pas d'accord et Lyttelton perd son siège lors du raz-de-marée libéral qui balaie l'alliance des conservateurs et des unionistes.

Mackinder entre finalement au Parlement en 1910 en tant que député conservateur et unioniste pour la circonscription de Camlachie à Glasgow, mais au début des années 1920, il abandonne complètement la politique partisane pour un rôle technocratique à la présidence de l'Imperial Shipping Committee. Il s'était méfié de la menace que représentait la démocratie représentative pour les experts et l'ordre social ; une réponse directe à ce qu'il considérait comme l'endoctrinement socialiste des travailleurs par le parti travailliste, mais peut-être aussi une amertume persistante à l'égard de ses premières expériences, qui avaient meurtri son ego à Warwick et Leamington. Il avait également le sentiment qu'au Parlement, il n'avait rendu justice ni à son talent ni à sa cause, n'ayant jamais été introduit dans le cercle restreint du gouvernement. À la fin de sa vie, il regrettera de "ne pas s'en être tenu à la géographie seule". Peut-être les choses se seraient-elles passées différemment s'il ne s'était pas précipité dans la politique, surtout pour un parti auquel il allait plus tard tourner le dos. Mais bon, qui a entendu parler d'un impérialiste prudent ?