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dimanche, 19 décembre 2010

Mouvements et résistances

Mouvements et résistances

Ex: http://www.mecanopolis.org/

A l’aube de la guerre civile généralisée en Europe, un bref constat semble nécessaire. Les forces dictatoriales contrôlant les processus qui fondent notre réalité quotidienne se sont récemment doté de nouveaux atouts. Des atouts qui, évidemment, ont été patiemment maturé en partie grâce à la distillation de propagandes diverses et variées. Le but recherché est (et a toujours été) le même : étendre l’Empire. De Jules César à David Rockefeller & consorts, les choses n’ont vraisemblablement que peu changé. Les moyens sont différents, mais le but reste le même.

Les moyens sont devenus suffisamment subtils pour entretenir un conditionnement social et mental permanent. Conséquence : L’extrême Majorité des revendications proposées par les collectifs, associations citoyennes, etc., sont en réalité voulues par et pour le système. La promesse de la « mondialisation heureuse » et sans-frontiériste a fait du chemin depuis Médecins Sans Frontières et Bernard Kouchner. Il ne s’agit plus seulement de se servir des maux de l’humanité pour introduire le droit d’ingérence (1) mais également de créer et/ou reprendre chaque combat pour étendre la globalisation de l’Empire.

Face aux quelques États rebelles persistants, Wikileaks (2), la CIA et les associations dites « de défense des droits de l’homme » (mais jamais des droits de l’homme *et du citoyen*), développent une propagande digne des heures les plus sombres de l’occident moderne. Pendant ce temps, la crise économique persiste et l’éclatement des Nations européennes s’active. Et ceci, au profit de l’euro-régionalisme, qui permet notamment la création de patrouilles policières et militaires binationales : A la frontière franco-espagnole (3), franco-allemande (4), etc. (645 soldats allemands d’ici 2012 en Alsace). Combien de temps avant que ces patrouilles ne deviennent intégralement européennes puis mondiales ? Mais surtout, combien de temps avant qu’elles disposent des derniers moyens technologiques à l’initiative de la Rand Corporation ? (5)

En parallèle, les « révolutions » menées par les différentes factions politiques se révèlent toutes plus naïves les unes que les autres : de la CNT à Attac, en passant par M. Mélenchon et son pseudo-combat contre le groupe le Siècle. Les prétendants au titre de « force d’opposition » ne manquent pas et recyclent continuellement les mêmes thèmes moraux : antifascisme, antiracisme, féminisme, anti-libéralisme, tiers-mondisme, etc. ; alibis de leur incapacité à proposer une véritable solution au problème. C’est pourtant le rôle que la « gauche » devrait jouer. Rôle qu’elle ne peut manifestement plus jouer, tant ses outils d’analyses sont à des années lumières de la réalité politique et sociale.

Un point commun à tous les prétendus opposants au système les réunit dans leur incompétence, celui de l’incapacité d’analyser la situation, et de se servir d’outils justes et limpides. Combien d’entre-eux appellent à la critique du libéralisme, sans jamais avoir pris conscience qu’il s’agit d’autre chose ? Le libéralisme n’a jamais appelé à la privatisation des biens publics ni à la mise en place d’une économie de marché mondialisée. Le libéralisme s’érige contre la surcharge législative qui est un étau pour l’homme. Dans un système libéral : les lois doivent êtres peu nombreuses, claires et connues. Soit tout le contraire de ce à quoi nous assistons : la normativité à tout prix.

Le néo-libéralisme quant à lui, qui n’a pour fonction que de coaliser les États alliés au système de domination mondiale, impose à ces derniers l’intégration des communautés et autres lobbys. Ces derniers donnent leur(s) avis, et cela à l’encontre du bien commun. En France, cela pose évidemment un problème constitutionnel, mais tout a été fait pour passer outre. En effet, la République est censée être indivisible et anticommunautaire, et ainsi garantir l’égalité de chaque citoyen et cela peu importe son origine, sa communauté ou ses possibles orientations personnelles. Mais, c’est exactement l’inverse qui se produit. Et l’Europe suit la même trame : Chaque lobby souhaite y imposer sa loi. Il y a donc une volonté farouche de poser des règles et des ordonnances là où il n’y en avait pas auparavant – ce qui est précisément l’inverse du libéralisme.

Comment expliquer que les forces d’oppositions persistent dans leur incompétente critique ? Leurs porte -paroles sont bien souvent issus du monde universitaire, que l’on sait être particulièrement reclus, voire sectaire. L’école des hautes études en sciences sociales (EHESS), et dont la création n’aurait pas été possible sans l’appui financier de la Fondation Rockefeller, forme nombre de ces chercheurs incapables de trouver le moindre début de solution aux problématiques actuelles. (6) Il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’ils ne puissent sérieusement analyser la situation – encore moins disposer d’outils d’analyse perspicaces. Alors il se recyclent en défenseurs d’un ordre moral, qui n’a aucun rapport avec les véritables valeurs de la gauche progressiste. Au contraire, ils adoptent une posture réactionnaire typiquement totalitaire sur le plan idéologique. Rappelons-leurs que les penseurs, politiciens et chercheurs sont là pour servir le bien commun et non pour fixer les règles à suivre. C’est en cela que le système peut être bien plus pernicieux que ce que l’on croit : Il se présente sous de multiples formes.

On ne peut donc rien attendre de ce système, ni des partis politiques. Les quelques authentiques opposants au système de domination ne seront jamais élus, et n’obtiendront jamais suffisamment de couverture médiatique pour instruire la population. Nous le savons. Que reste-il donc ? Que faire face à la gravité d’une telle situation ?

Il est temps de s’allier, de se réunir – non pas pour combattre un système imbattable – mais pour organiser une résistance active : celle de l’avenir, de la vie. Il est temps de se demander ce dont on a réellement besoin pour la vie, de s’organiser afin de ne pas avoir à subir la dictature à venir. Combien de temps avant qu’une police mondiale équipée des derniers nano-drones et autres futures armes nécro-technologiques, vienne s’occuper de chaque opposant réel au système ?

Peu de temps. Trop peu de temps. Il est inutile d’énumérer les nuisances produites par le système de domination mondiale, elles sont trop nombreuses, trop insidieuses, pour pouvoir en comprendre le sens. On pourrait même se demander si elles sont vraiment assimilables pour un esprit humain ? L’homme a son destin entre les mains, c’est donc à nous – personnes un minimum lucides – de montrer la voie : Ne plus avoir peur de revenir à la source de la vie humaine, avoir le courage de se libérer de l’aliénation matérialiste, retourner à ce qui est sain, vrai, assimilable même pour un enfant de 8 ans encore jeune et innocent.

Julien Teil, pour Mecanopolis

Notes :

(1) A ce propos, lire Impérialisme humanitaire de Jean Bricmont

(2) Article du NouvelObs et du Réseau Voltaire

(3) Police : la coopération franco-espagnole

(4) En Alsace, installation délicate mais symbolique de soldats allemands

(5) A la recherche du nouvel ennemi, 2001-2025 : Rudiments d’histoire contemporaine ; Pièces et Main d’œuvre

(6) Les sciences sociales françaises sous perfusion de la CIA, RéseauVoltaire


The Return of Carl Schmitt

The Return of Carl Schmitt

 Scott Horton

 

"Woe unto him who has no enemy, for at the Last Judgment I shall be his enemy."
- Carl Schmitt, Ex Captivitate Salus (1950)

 

Schmitt_nomos_de_la_terre-23a63.jpgA recent study points to 108 deaths in detention in the War on Terror, with a substantial part clearly linked to the Bush Administration’s controversial new coercive interrogation practices. Some of the most egregious cases involve the CIA. In this week’s New Yorker, Jane Mayer takes a close look at one case – that of Manadel al-Jamadi. Approximately two years ago, Jamadi died at the infamous Abu Ghraib prison near Baghdad. His death was quickly ruled a homicide, a CIA investigation found clear indicia of criminal wrongdoing, and with that the matter was placed in the hands of Paul McNulty – the U.S. Attorney for the Eastern District of Virginia and now the Bush Administration’s new nominee to serve as Deputy Attorney General. Since that time, from all appearances nothing has been done – the file has languished “in a Justice Department drawer,” in the words of one of Mayer’s informants.

Mayer, whose earlier writings have greatly contributed to the public understanding of the detainee abuse scandal, astutely recognizes the wide-ranging significance of the case. Justice in a homicide case is important enough, but this case raises another and potentially far more troublesome question: Has the Department of Justice been corrupted by its “torture memoranda”? Would a prosecution expose indelible links between the crime and the highest echelons of the Department of Justice? The question is not far-fetched. Indeed, its potential to rock the Bush Administration dwarfs that of the Plamegate scandal. As Marty Lederman established in a lengthy series of posts, the “torture memoranda” served a concrete double function: they overcame Agency objections that certain interrogation techniques violated the law (by furnishing an Attorney General opinion that they were lawful), and they offered effective impunity to CIA agents who uses these techniques. I caution that this is the function they were intended to serve. Whether memoranda of the Office of Legal Counsel can actually shield those who rely on them from prosecution is doubtful.

Let us assume that the techniques employed on Jamadi – including the likely fatal “Palestinian hanging” approach – were within the scope of the torture memoranda. Were charges to be brought against the agent who had custody of Jamadi and used the fatal technique, he would certainly plead the torture memoranda as an affirmative defense. Confronted with such claims, a truly independent prosecutor would have to consider the possibility that the authors of these memoranda counseled the use of lethal and unlawful techniques, and therefore face criminal culpability themselves. That, after all, is the teaching of United States v. Altstötter, the Nuremberg case brought against German Justice Department lawyers whose memoranda crafted the basis for implementation of the infamous “Night and Fog Decree.” Who can imagine Paul McNulty, now nominated to serve as Alberto Gonzales’ deputy, undertaking such an investigation of his boss? Hence, McNulty’s dilemma is understandable, but his failure to act should not be lightly dismissed.

Mayer’s article raises fair and compelling questions about McNulty’s handling of the Jamadi homicide case – and about the role of the Department of Justice in the investigation of detainee homicides generally.

But Mayer’s article is significant for another reason. It sheds new light on one of two of the “torture memoranda” which is not yet in the public domain, but has long been viewed as critical to understanding the inhumane practices that became commonplace in Iraq beginning in the fall of 2003.



A March [14], 2003, classified memo was “breathtaking,” the same source said. The document dismissed virtually all national and international laws regulating the treatment of prisoners, including war-crimes and assault statutes, and it was radical in its view that in wartime the President can fight enemies by whatever means he sees fit. According to the memo, Congress has no constitutional right to interfere with the President in his role as Commander-in-Chief, including making laws that limit the ways in which prisoners may be interrogated. Another classified Justice Department memo, issued in August, 2002, is said to authorize numerous “enhanced” interrogation techniques for the C.I.A. These two memos sanction such extreme measures that, even if the agency wanted to discipline or prosecute agents who stray beyond its own comfort level, the legal tools to do so may no longer exist. Like the torture memo, these documents are believed to have been signed by Jay Bybee, the former head of the Office of Legal Counsel, but written by a Justice Department lawyer, John Yoo, who is now a professor of law at Berkeley.



As has been noted in this space before, the March 14, 2003 Yoo memorandum has assumed a “Rosetta Stone” quality. It was transmitted to the Department of Defense as advice at a critical juncture – as the Iraq War moved off the drawing boards and into reality, and questions were repeatedly raised about how the Geneva Conventions were to be applied. But that's not all. Mayer's article now suggests the existence of other advice which explicitly addressed the situation in Iraq:

By the summer of 2003, the insurgency against the U.S. occupation of Iraq had grown into a confounding and lethal insurrection, and the Pentagon and the White House were pressing C.I.A. agents and members of the Special Forces to get the kind of intelligence needed to crush it. On orders from Secretary of Defense Donald Rumsfeld, General Geoffrey Miller, who had overseen coercive interrogations of terrorist suspects at Guantánamo, imposed similar methods at Abu Ghraib. In October of that year, however—a month before Jamadi’s death—the Justice Department’s Office of Legal Counsel issued an opinion stating that Iraqi insurgents were covered by the Geneva Conventions, which require the humane treatment of prisoners and forbid coercive interrogations. The ruling reversed an earlier interpretation, which had concluded, erroneously, that Iraqi insurgents were not protected by international law.



SCHMITT_HamletHecuba_MED.gifDocuments which have circulated in connection with the Fay/Jones and Taguba Reports made clear that following the issuance of high-level legal advice outside normal Department of Defense channels, command authorities in Iraq no longer considered the Geneva Conventions to restrain them in their handling of detainees. Internal email traffic among military intelligence units is consistent: Once you label the insurgent detainees as “terrorists,” “they have no rights, Geneva or otherwise.” It seems highly improbable that officers carefully trained in the Geneva rules would suddenly discard them on their own initiative. To the contrary, it is reasonably clear that instructions to that effect were transmitted from a very high source. The Yoo memoranda are critical to understanding what happened, and the March 14, 2003 combined with the initial OLC advice concerning treatment of insurgents in Iraq are likely the most significant pieces of the puzzle not yet in place.

But where exactly did Yoo come up with the analysis that led to the purported conclusions that the Executive was not restrained by the Geneva Conventions and similar international instruments in its conduct of the war in Iraq? Yoo’s public arguments and statements suggest the strong influence of one thinker: Carl Schmitt.

The Friend/Foe Paradigm
Perhaps the most significant German international law scholar of the era between the wars, Schmitt was obsessed with what he viewed as the inherent weakness of liberal democracy. He considered liberalism, particularly as manifested in the Weimar Constitution, to be inadequate to the task of protecting state and society menaced by the great evil of Communism. This led him to ridicule international humanitarian law in a tone and with words almost identical to those recently employed by Yoo and several of his colleagues.


Beyond this, Yoo’s prescription for solving the “dilemma” is also taken straight from the Schmittian playbook. According to Schmitt, the norms of international law respecting armed conflict reflect the romantic illusions of an age of chivalry. They are “unrealistic” as applied to modern ideological warfare against an enemy not constrained by notions of a nation-state, adopting terrorist methods and fighting with irregular formations that hardly equate to traditional armies. (Schmitt is, of course, concerned with the Soviet Union here; he appears prepared to accept that the Geneva and Hague rules would apply on the Western Front in dealing with countries such as Britain and the United States). For Schmitt, the key to successful prosecution of warfare against such a foe is demonization. The enemy must be seen as absolute. He must be stripped of all legal rights, of whatever nature. The Executive must be free to use whatever tools he can find to fight and vanquish this foe. And conversely, the power to prosecute the war must be vested without reservation in the Executive – in the words of Reich Ministerial Director Franz Schlegelberger (eerily echoed in a brief submission by Bush Administration Solicitor General Paul D. Clement), “in time of war, the Executive is constituted the sole leader, sole legislator, sole judge.” (I take the liberty of substituting Yoo’s word, Executive; for Schmitt or Schlegelberger, the word would, of course, have been Führer). In Schmitt’s classic formulation: “a total war calls for a total enemy.” This is not to say that in Schmitt’s view the enemy was somehow “morally evil or aesthetically unpleasing;” it sufficed that he was “the other, the outsider, something different and alien.” These thoughts are developed throughout Schmitt’s work, but particularly in Der Begriff des Politischen (1927), Frieden oder Pazifismus (1933) and Totaler Feind, totaler Krieg, totaler Staat (1937).

A Practical Guide to Evasion of the Geneva Conventions
Given this philosophical predisposition, how was a lawyer then to evade the application of the Geneva and Hague Conventions? Here an answer can be drawn not from Schmitt’s academic works, but from a series of determinations by the German General Staff which quite transparently reflected the influence of the then-Prussian State Councilor Carl Schmitt. A careful review of the original materials shows that the following rationales were advanced for decisions not to apply or to restrict the application of the Geneva Conventions of 1929 and the Hague Convention of 1907 during the Second World War:




(1) Particularly on the Eastern Front, the conflict was a nonconventional sort of warfare being waged against a “barbaric” enemy which engaged in “terrorist” practices, and which itself did not observe the law of armed conflict.
(2) Individual combatants who engaged in “terrorist” practices, or who fought in military formations engaged in such practices, were not entitled to protections under international humanitarian law, and the adjudicatory provisions of the Geneva Conventions could therefore be avoided together with the substantive protections.
(3) The Geneva and Hague Conventions were “obsolete” and ill-suited to the sort of ideologically driven warfare in which the Nazis were engaged on the Eastern Front, though they might have limited application with respect to the Western Allies.
(4) Application of the Geneva Conventions was not in the enlightened self-interest of Germany because its enemies would not reciprocate such conduct by treating German prisoners in a humane fashion.
(5) Construction of international law should be driven in the first instance by a clear understanding of the national interest as determined by the executive. To this end niggling, hypertechnical interpretations of the Conventions that disregarded the plain text, international practice and even Germany’s prior practice in order to justify their nonapplication were entirely appropriate.
(6) In any event, the rules of international law were subordinated to the military interests of the German state and to the law as determined and stated by the German Führer.


The similarity between these rationalizations and those offered by John Yoo in his hitherto published Justice Department memoranda and books and articles is staggering. It is of course possible that John Yoo came upon all of this on his own, like a scholar laboring in some parallel universe unaware of the work of others. Possible. But not probable.

It is more likely that Yoo’s work is a faithful, through crude and occasionally flawed interpretation of Schmitt. I say "crude" principally because Schmitt expresses from the outset the severest moral reservations about his concept of "demonization." It is, he fears, subject to "high political manipulation" which "must at all costs be avoided." The use of this technique, he writes, may only be available when "the survival of the people is at stake." Der Begriff des Politischen, pp. 20-33. Yoo expresses no comparable hesitation, preferring simply to place all confidence in the Executive, and justifying this implausibly in the writings of the Founding Fathers.

But Yoo's conclusions are rendered even more inexplicable by another point. After World War II was over and the full horror of what the Axis Powers had done was apparent, a consensus was reached to overhaul the Geneva Conventions with the express intention of repudiating the German evasions of the Conventions listed above. So, while these positions may have been arguable with respect to the two 1929 Geneva Conventions, they hardly could be invoked with respect to the 1949 Conventions. But Yoo continues to cite them, oblivious to the shifts in text and commentary that occurred in 1949.

So how does Yoo come by the work of Carl Schmitt, and why does he fail to acknowledge it in his publications? Yoo is currently a scholar in residence at the American Enterprise Institute, the center stage of the American Neoconservative movement. That movement traces itself back to Leo Strauss, the political philosopher who lived and taught for many years in Chicago. Though a Jew forced to flee Nazi Germany, Strauss was a lifelong admirer of Carl Schmitt, a scholar and teacher of his works. Moreover, Strauss’ early work in Germany played a key role in development of the Begriff des Politischen, and Schmitt’s intercession helped Strauss obtain a key scholarship that made his escape from Germany possible. Though arrested by the Americans and accused of complicity in Nazi crimes, Schmitt achieved a partial rehabilitation late in his life - thanks in large part to Leo Strauss. Indeed, Schmitt emerged as an essential part of the Neocon canon, and his work – including all the relatively obscure works cited here – were translated into English and published by the University of Chicago Press (also Yoo’s publisher). It is therefore hardly plausible to suggest that Yoo would be unfamiliar with the writings of Carl Schmitt. On the other hand, it is easy to surmise why he would fail to acknowledge his reliance on such a highly stigmatized writer. After all, Schmitt was a notorious antisemite best known for crafting the legal cover for Hitler's Machtergreifung.

Why Carl Schmitt Hates America
Carl Schmitt was a rational man, but he was marked by a hatred of America that bordered on the irrational. He viewed American articulations of international law as fraught with hypocrisy, and saw in American practice in the late nineteenth and early twentieth centuries a menacing new form of imperialism (“this form of imperialism… presents a particular threat to a people forced in a defensive posture, like we Germans; it presents us with the greater threat of military occupation and economic exploitation” he writes in 1932 – at a time of almost unprecedented American isolationism)(Die USA und die völkerrechtlichen Formen des modernen Imperialismus, p. 365). He saw in the peculiarly American notion of consensus-democracy an unsustainable foolishness, and in the Jeffersonian vision of small government with a maximum space for individual freedom a threat to his peculiar Catholic values.

Today, President Bush has again defended his indefensible treatment of detainees and claimed for himself rights that all his predecessors firmly disavowed. As president, he has cast aside the values of George Washington, Abraham Lincoln and Dwight Eisenhower – values on which the country was founded and built – and embraced instead those of Carl Schmitt, the lawyer who prostituted his genius to the cause of Fascism and fervently prayed for America’s destruction. What a great irony.

John Yoo and his colleagues present their critique of international humanitarian law as a validation of the sovereigntist tradition of the American Founding Fathers. That such claims can be taken seriously reflects a failure of critical thought in contemporary America. Yoo’s views on international humanitarian law have absolutely nothing to do with the Founding Fathers. They are a cheap, discredited Middle European import from the twenties and thirties. Viewed this way, it becomes increasingly clear where they would lead us.

mercredi, 15 décembre 2010

Nationalisme et populisme en Suisse

« Nationalisme et Populisme en Suisse. La radicalisation de la nouvelle UDC » de Oscar Mazzoleni

Ex: http://www.polemia.com/

 

mazzbouqu.jpgCe livre montre l’évolution étonnante de la situation politique de la Suisse. A partir de 1991, l’Union Démocratique du Centre (UDC ; en Suisse alémanique SVP : Schweizerische Volkspartei), passe de 11,9% des voix à 28,9% en 2007. Dans le même temps, les partis « bourgeois » démocrate chrétien et radical démocratique passent de 18 à 14% et de 21 à 15%. Les petits partis de droite comme l’Action Nationale ou le parti des Automobilistes disparaissent. La confiance dans les partis en général passe de 50 à 30%

. Le carré magique de l’UDC

Selon l’auteur, l’Union Démocratique du Centre s’est renouvelée, rajeunie et radicalisée en appliquant une « formule gagnante » originale. Cette formule gagnante correspond à quatre thèmes dominants :

  • - La critique de l’establishment et de la classe politique (pour Blocher, des bluffeurs prétentieux assoiffés de privilèges) au nom de la démocratie véritable ;
  • - La défense de l’exception suisse et de l’identité nationale, notamment face à l’Europe et surtout face à l’immigration ;
  • - Le libéralisme économique nuancé par la préférence nationale en matière sociale et la protection des agriculteurs ;
  • - Le conservatisme moral fondé sur la lutte contre l’insécurité notamment.

Tradition et innovation, conservatisme et modernité

Le leader de l’UDC, Christoph Blocher, déclare : « notre secret, c’est que nous avançons sciemment et avec conviction sur la voie que nous nous sommes tracés entre tradition et innovation, entre conservatisme et modernité », les traditions étant pour lui les raisons profondes du succès du pays. D’après l’auteur, Blocher a renouvelé les méthodes du parti à partir de sa section de Zurich. Il a des moyens financiers importants une presse non négligeable avec notamment l’hebdomadaire national de haut niveau « Weltwoche ». Il dispose aussi d’une puissante association « l’association pour une Suisse neutre et indépendante ». Il a su mobiliser la clientèle des déçus du système politique, des abstentionnistes et de nombreux jeunes tout en fidélisant ses partisans.

L’originalité aussi de l’Union Démocratique du Centre est sa participation au gouvernement avec deux conseillers fédéraux (ministres) sur 7 de 2003 à 2007 : Samuel Schmidt et Christoph Blocher. Ainsi, le parti est à la fois dans le gouvernement et dans l’opposition mais c’est dû au système consensuel suisse d’élection des conseillers fédéraux (ministres) où tout parti important est représenté.

L’UDC : un mouvement démocrate identitaire

A la fin, l’auteur s’interroge sur l’étiquette à donner à un tel parti. Il récuse les mots « extrême droite » ou « droite radicale » ou « national conservatisme » pour préférer le national populisme. En réalité, l’auteur ne veut pas franchir le pas et reconnaître le caractère profondément démocratique de l’UDC d’où le choix du mot dévalorisant de « populisme ». On est en présence d’un parti démocrate national ou démocrate identitaire. Mais sa « formule gagnante est non double mais quadruple : démocratie directe (critique de l’oligarchie au pouvoir), conservatisme des valeurs (critique du laxisme et discours sécuritaire notamment), libéralisme économique (critique du fiscalisme et de l’étatisme) et défense de la nation (face à une immigration incontrôlée notamment). Ce faisant, l’UDC a remporté des victoires électorales uniques dans l’histoire récente de la Suisse sans compter ses succès dans les initiatives et référendums qu’elle a suscité en profitant de l’atout de la démocratie directe.

Yvan Blot
02/12/2010

Oscar Mazzoleni, Nationalisme et populisme en suisse. la radicalisation de la nouvelle UDC, Presses polytechniques et universitaires romandes, Collection : le savoir suisse, 2008 ; 141 pages.

Correspondance Polémia – 07/12/2010

vendredi, 10 décembre 2010

Mondialisation, délocalisations, dumping

Mondialisation, délocalisations, dumping

Ex: http://fortune.fdesouche.com/

Tribune libre de Paysan Savoyard, faisant suite à celles parues les 08 avril 2010, 13 juin 2010 et 24 septembre 2010, ces différents articles composant une série consacrée aux politiques économiques et sociales suivies depuis cinquante ans.

Le processus de libéralisation entrepris dans les pays industrialisés à la fin des années 1970 (voir la tribune parue le 24 septembre 2010) s’est accompagné de la mondialisation de l’économie de marché. La mondialisation est le processus qui conduit d’une part la plupart des pays de la planète à adopter l’économie de marché et qui les amène d’autre part à développer entre eux des échanges économiques croissants, échanges qui concernent les biens, les services et les capitaux.

  • La mondialisation : une application des thèses libérales

La mondialisation constitue une application des thèses économiques libérales :

- Le libéralisme préconise en effet que les différents marchés nationaux soient ouverts les uns aux autres. L’ouverture des marchés est profitable pour deux raisons. Elle accroît la concurrence, puisque les acteurs sont plus nombreux, en bénéficiant aux entreprises efficaces à qui elle permet une augmentation du nombre de leurs clients. Elle permet également à ces entreprises des « économies d’échelle » dans le processus de production. Pour ces raisons, le libéralisme prohibe le système inverse : le protectionnisme.

 

- La théorie économique libérale, en second lieu, considère comme souhaitable que s’organise une spécialisation des différents pays en fonction de leurs « avantages comparatifs ». Par exemple il sera profitable aux différents acteurs de l’économie mondiale que les activités industrielles utilisant une main d’oeuvre nombreuse soient concentrées dans les pays où les salaires sont faibles.

Dans la pratique, les États peuvent être tentés de profiter de l’ouverture des autres pays, tout en pratiquant à leurs frontières un protectionnisme plus ou moins discret (c’est le cas des États-Unis, du Japon et de la Chine notamment).

 

  • Les étapes de la mondialisation : diminution des barrières douanières et libération des mouvements de capitaux

La libéralisation des échanges commerciaux va être mise en oeuvre après la guerre entre occidentaux, à l’inspiration des États-Unis. Dès la conférence de Bretton-Woods (1944), un cycle de négociations s’engage pour libéraliser le commerce mondial : il s’agit de procéder à un abaissement des droits de douane et de faire disparaître les normes nationales à effet protectionniste. Ces négociations, cependant, ne concernent pour l’essentiel que les occidentaux et quelques pays non occidentaux membres de l’OCDE, comme le Japon.

La libéralisation du commerce international va changer de dimension et devenir vraiment mondiale à compter du moment où la Chine décide, au début des années 1980, tout en restant dirigée sur un mode autoritaire par le parti communiste, de participer elle aussi progressivement à la mondialisation de l’économie. La chute du « Mur » (1989) et la disparition des blocs accentuent à leur tour la mondialisation. L’économie libérale, qui ne concernait jusque-là que l’occident, va dès lors être adoptée par la quasi-totalité des pays de la planète.

Dans ce contexte d’élargissement géographique de la mondialisation, les États vont prendre à partir des années 1980 deux types de décisions pour développer les échanges commerciaux internationaux :

- Ils vont d’abord décider d’accentuer la libéralisation du commerce extérieur. Les cycles de négociation du GATT, devenu OMC, ne concernent plus cette fois les seuls occidentaux mais la majorité des pays. Ces négociations aboutissent à la poursuite de la politique d’abaissement des droits de douane et des barrières non tarifaires d’une part ; et à l’ouverture de secteurs jusque-là protégés de la concurrence internationale (comme le textile) d’autre part.

Un nouveau cycle de négociation est en cours depuis plusieurs années («  Doha round »), qui a pour objectif de libéraliser les échanges dans le secteur des services et dans celui de l’agriculture (si cette négociation aboutit, elle devrait se traduire notamment par une profonde modification de la politique agricole commune européenne, PAC, et par un abaissement des subventions et garanties dont bénéficient jusqu’à présent les agriculteurs européens).

- Les États participant à la mondialisation vont décider d’autre part de libéraliser les mouvements internationaux de capitaux. Jusqu’aux années 1980 il existait dans la plupart des pays un « contrôle des changes » : toute opération de change de monnaie (par exemple la conversion de francs en marks) ne pouvait s’effectuer qu’avec l’accord des autorités publiques, l’objectif du contrôle des changes étant d’empêcher les sorties massives de capitaux hors du territoire national et de protéger la valeur de la monnaie nationale (en France le contrôle des changes prenait en pratique la forme suivante : au-delà d’un certain montant, la sortie de capitaux nécessitait une autorisation administrative ; en deçà, l’opération de sortie de capitaux faisait l’objet d’une pénalisation financière sous forme d’une obligation de dépôts non rémunérés à la Banque de France).

Dans les années 1980, conformément aux principes de l’économie libérale, les États (occidentaux du moins) qui pratiquaient un contrôle des changes ont décidé de le supprimer et de libéraliser les mouvements de capitaux. En France la décision de supprimer le contrôle des changes est prise par le gouvernement (socialiste) en 1985, avec effet au 1er juillet 1986. Dans le cadre de l’Union européenne, cette décision prend la forme d’une directive adoptée par les gouvernements des États membres le 24 juin 1988).

Ces différentes décisions vont permettre, comme c’était l’objectif, une forte augmentation du commerce mondial, qui va croître à un rythme toujours nettement supérieur à celui de la production (voir les données de l’OCDE).

Ces politiques de libéralisation vont également avoir trois autres conséquences majeures : le développement des délocalisations ; la mise en œuvre d’un processus mondial de dumping ; et la financiarisation de l’économie (il sera traité de ce dernier point dans le cadre du prochain article de la présente série).

 

  • Les conséquences de la mondialisation : délocalisations, désindustrialisation, chômage

Les politiques de libéralisation vont tout d’abord conduire au phénomène des délocalisations. Une partie importante des industries utilisant une main-d’œuvre nombreuse vont être délocalisées dans les pays à bas coûts (concrètement la délocalisation s’effectue de la façon suivante : l’entreprise, française par exemple, qui veut délocaliser sa production crée une filiale dans le pays dans lequel elle veut délocaliser, ferme une unité de production en France, puis transfère la production dans une unité créée ou rachetée par sa filiale ; la production est donc sous-traitée à la filiale ; l’entreprise rapatriera ensuite la partie de la production qu’elle souhaite vendre sur le marché français. Le rapatriement de cette production délocalisée sera considéré par la comptabilité nationale française comme une importation ; du point de vue de l’entreprise il ne s’agira que d’un « échange intra-firme »).

Indice de l’ampleur des délocalisations, le commerce intra-firme représente une part croissance des échanges internationaux (actuellement environ un tiers).

La délocalisation présente pour les entreprises un quadruple avantage : les salaires directs versés dans les pays destinataires sont nettement plus faibles (une délocalisation en Chine permet couramment de diviser le coût salarial par dix) ; la protection sociale, qui augmente le coût salarial, y est faible ou inexistante ; le droit du travail y est peu contraignant ou inexistant ; il en est de même des contraintes environnementales.

Depuis une décennie, ce sont maintenant une partie des emplois de services qui font également l’objet de délocalisations. Sont concernés notamment les centres d’appel ou encore les opérations d’administration des entreprises comme l’affacturage ou l’établissement de la paie.

Ce phénomène de délocalisation stricto sensu (sous-traitance à une filiale d’une production jusque-là située sur le sol national) se double d’un second phénomène d’effet identique : l’importation de biens produits dans des pays à bas coûts par des entreprises étrangères (et non plus, comme dans le cas des délocalisations au sens strict, par des filiales d’entreprises françaises). Ces importations viennent évincer les productions nationales devenues non compétitives (par exemple les centrales d’achat des hypermarchés sont au premier rang des importateurs de produits chinois en France).

De nombreuses zones ont été destinataires de ces opérations de délocalisation (Asie, Maghreb, Europe de l’est…). Cependant le principal acteur du mouvement est la Chine devenu comme on le sait en moins de 20 ans le principal « atelier du monde » (selon un analyste, la part de la Chine dans la production manufacturière mondiale est passée de 7,5 % en 1999 à 18,6 % en 2009 ; Le Monde du 22/11/10)

 

Quels sont les effets des délocalisations ?

Les délocalisations et les importations en provenance de pays à bas coût entraînent dans des pays comme la France un important phénomène de désindustrialisation. La part occupée par le secteur industriel dans le PIB s’est ainsi fortement réduite (elle est passée de 44 % en 1959 à 30 % en 2006 ; sce Insee Première n°1136 mai 2007) ; la part de l’emploi industriel dans l’emploi total s’est contractée encore plus fortement, en raison notamment de l’ampleur des investissements de productivité dans l’industrie, et n’est plus que de 14 % ; voir ce document de l’INSEE ). (Sans que cela change la signification de ces données, il convient d’apporter certaines nuances : par exemple de nombreuses entreprises sous-traitent désormais à des sociétés de service des fonctions périphériques, comme le nettoyage des locaux, qu’elles effectuaient elles-mêmes par le passé ; ce phénomène a pour effet de gonfler la part des services dans le PIB sans incidence sur la réalité de l’activité).

La conséquence majeure reste la suivante : il est extrêmement probable que ce phénomène de délocalisation et de désindustrialisation soit la cause principale du chômage massif auquel un pays comme la France est confronté depuis plusieurs décennies.

 

Il faut ici évoquer les thèses des partisans de la mondialisation, qui affirment tout au contraire que, dans les pays « développés », le commerce international aboutit à créer davantage d’emplois qu’il n’en supprime (voir par exemple INSEE Économie et statistiques 427-428, 2009, p.21 et suivantes). Leur argumentaire repose en particulier sur les éléments suivants :

-Les partisans de la mondialisation considèrent que des pays comme la France sont en effet nécessairement conduits, en raison des inévitables délocalisations, à abandonner les productions « traditionnelles » fortement utilisatrices de main d’œuvre. Ces pays peuvent en revanche – et le doivent – se spécialiser sur des productions « à forte valeur ajoutée » et utilisant des technologies avancées.

Les délocalisations et la croissance des échanges permettent en effet le développement des pays émergents, leur enrichissement et la création dans ces pays d’une classe moyenne et d’un marché intérieur de consommation : ces pays constituent dès lors un débouché pour nos exportations de biens d’équipement et de biens de consommation.

Si elle conduit des pays comme la France à perdre les emplois ouvriers traditionnels, l’économie mondialisée leur permet donc en revanche de développer des emplois qualifiés (conception, marketing, commerce…) dans les secteurs à forte valeur ajoutée. Ce processus de remplacement d’emplois peu qualifiés par des emplois hautement qualifiés correspond à la logique du développement économique des pays avancés.

-Les partisans de la mondialisation font valoir deuxièmement que la délocalisation de certaines productions n’empêche pas la valeur ajoutée attachée à ces productions de rester localisée pour l’essentiel dans les pays développés (en effet dans le prix de vente des produits distribués en Europe ou aux États-Unis, la part correspondant aux coûts de production est devenue faible ; en raison des délocalisations l’essentiel du prix est désormais constitué de la valeur du brevet, de celle du logiciel, du marketing et de la commercialisation. Or ces différentes valeurs restent produites dans les pays occidentaux, dont elles alimentent le PIB).

-Les zélateurs de la mondialisation ajoutent que les salaires et les revenus élevés distribués par l’économie mondialisée sont également à l’origine de la création, dans les pays riches, de nouveaux emplois de service (services à la personne notamment ; par exemple un trader peut créer un emploi de femme de ménage à domicile, ce que ne pouvait faire un ouvrier smicard).

-Les économistes que la mondialisation séduit expliquent enfin que le développement des pays émergents va conduire leurs salariés à obtenir des hausses de salaires, lesquelles égaliseront progressivement les conditions de concurrence et supprimeront à terme les processus de délocalisations.

 

Cet argumentaire mondialiste nous paraît fortement contestable (et pour tout dire grossièrement mensonger) :

-Le scénario de la mondialisation heureuse suppose tout d’abord que des pays comme la France soient à même de maintenir durablement leur position dans les secteurs à forte valeur ajoutée. Or il n’est pas assuré que des pays comme la Chine ou l’Inde ne soient pas capables à terme de développer eux aussi (et à moindre coût) une production dans les domaines de haute technologie (informatique, télécommunications, biotechnologies, nanotechnologies…).

-L’argumentaire pro mondialisation n’est pas recevable, en second lieu, parce que le nombre des emplois supprimés par la désindustrialisation est de toute évidence très supérieur au nombre des emplois générés par la nouvelle économie mondialisée (dans les secteurs de la haute technologie, de la finance …). Le constat découle mécaniquement de la nature même du processus de délocalisation. Les activités à haute valeur ajoutée incorporent davantage de technologie, c’est-à-dire qu’elles requièrent davantage de « facteur capital ». Les types de productions délocalisées sont celles qui au contraire utilisent un « facteur travail » important. Pour le pays qui délocalise et se spécialise sur la production fortement capitalistique, le solde en emplois liés directement à la spécialisation internationale est donc nécessairement négatif.

- En outre les emplois créés par l’économie mondialisée ne sont pas de même nature que les emplois détruits. L’économie mondialisée génère dans nos pays deux types d’emplois, des emplois fortement qualifiés d’une part et des emplois d’exécution sans qualification d’autre part (transport et livraison, services à la personne…). Or les emplois industriels s’adressaient eux à une population à qualification intermédiaire, souvent acquise « sur le tas » au sein de l’entreprise. La désindustrialisation risque donc de se traduire par le « déclassement » d’une partie des emplois et par le basculement d’une partie importante de la population active vers des emplois sans qualification.

-Il faut voir en outre que les emplois industriels supprimés et les emplois de la nouvelle économie ne sont pas situés au même endroit sur le territoire national (du moins dans le cas de la France). On voit mal comment les régions touchées par la désindustrialisation (qui ne sont généralement pas, qui plus est, des régions touristiques) vont pouvoir bénéficier des emplois de haute technologie et de services qui, eux, sont concentrés dans les grandes agglomérations.

-Les partisans de la mondialisation insistent, on l’a vu, sur le fait que les pays développés, s’ils doivent abandonner les emplois industriels peu qualifiés au processus de délocalisation, peuvent en revanche conserver les emplois qualifiés liés aux activités hautement technologiques. Or l’on constate que la délocalisation concerne désormais également des emplois qualifiés. C’est ainsi que les activités de recherche-développement des entreprises font désormais également l’objet de délocalisations.

-L’argument selon lequel le rattrapage progressif des salaires dans les pays émergents supprimera à terme l’intérêt de procéder à des délocalisations ne nous paraît pas davantage recevable. Le processus de rattrapage, en effet, s’il se produit jamais, sera d’une durée telle qu’il n’empêchera pas la désindustrialisation complète des pays occidentaux de se produire d’ici là. On peut de toute façon parier qu’il existera encore longtemps des pays à bas coût qui pourront constituer des réceptacles pour les délocalisations (c’est ainsi par exemple que lorsque les dragons d’Asie du sud-est sont devenus des pays développés, le Japon a automatiquement déplacé ses délocalisations sur le Vietnam).

-Enfin l’argument mondialiste selon lequel les pays d’accueil de nos délocalisations pourront constituer des zones de débouché pour nos exportations est parfaitement illusoire. Les pays dont il s’agit sont en effet fortement protectionnistes (leurs importations représentent une part faible de leurs exportations). Ces pays n’ont de cesse que de développer, à l’abri du protectionnisme et grâce aux transferts de technologie que nous leur consentons, un secteur industriel qui sera à même, le moment venu, de se passer de nos exportations (on se doute bien par exemple que les ventes d’avions, de TGV ou de centrales nucléaires resteront des opérations one shot ; grâce au transfert de technologie que nous accordons, dans une logique d’avidité court-termiste, grâce au copiage et à la contrefaçon, grâce à l’espionnage industriel intense auquel se livrent les chinois, notamment par le biais de leurs étudiants disséminés en occident, la Chine devrait être rapidement en mesure de développer ses propres productions, qui viendront à terme concurrencer les nôtres sur le terrain des prix. Le plus farce, dans le cas de la France du moins, est que les grands contrats d’exportations que nous obtenons à grands renforts de cocoricos sont assortis non seulement de transferts de technologie suicidaires mais également de crédits-acheteurs avantageux supportés par le Trésor français – et in fine le plus souvent par le contribuable – et même parfois d’aides budgétaires aux États acquéreurs). Cette réflexion attribuée à Lénine prend ici tout son sens : « Ils nous vendront jusqu’à la corde avec laquelle nous les pendrons ».

 

Ajoutons ce dernier élément. Les partisans de la mondialisation et des délocalisations s’appuient sur l’exemple de l’Allemagne pour illustrer le fait que la mondialisation peut tout à fait permettre aux anciens pays industriels de rester compétitifs et de dégager d’importants excédents de leur commerce extérieur. L’argument, là encore, ne nous paraît pas probant :

-Le succès du commerce extérieur allemand, en premier lieu, repose sur le fait que les produits allemands bénéficient d’une image de marque qui conduit les consommateurs à accepter d’acquitter un prix élevé (« l’effet qualité l’emporte sur l’effet prix »).  Il reste à démontrer que cet avantage pourra subsister sur le long terme, lorsque les producteurs des pays émergents auront pu, le temps passant, construire eux-aussi des effets de marque.

-Le succès allemand est fondé également sur la politique de contraction salariale qui a été conduite par l’Allemagne cette dernière décennie (alors que le coût salarial allemand était en 2000 encore supérieur à ce qu’il était en France, il est aujourd’hui nettement inférieur ; cf. ce document de l’INSEE). Cette politique constitue une application de la concurrence par le dumping, engendrée par la mondialisation, au détriment des salariés (cf. le paragraphe suivant). La généralisation de cette politique à toute l’Europe se traduirait pour la majorité de la population, par une régression sociale significative.

-Il faut prendre en compte, en outre, le fait que l’Allemagne construit sa compétitivité en procédant elle-même à des délocalisations massives dans les pays à bas coût, notamment dans les pays d’Europe centrale nouveaux adhérents de l’UE. Les produits sous-traités sont packagés et marketés sous marque allemande tout en ayant été fabriqués pour l’essentiel dans les pays à bas coûts. Là encore l’Allemagne utilise les techniques offertes par la mondialisation au détriment des salariés des autres pays européens.

-Enfin l’essentiel des excédents allemands résulte des échanges commerciaux de l’Allemagne avec ses voisins européens. Le succès isolé de l’Allemagne, au détriment des pays européens qui ne se sont pas adaptés au même degré à la nouvelle donne économique, ne signifie donc pas que les pays « développés » pourront collectivement tirer parti de la mondialisation.

 

Le dossier des délocalisations soulève cette dernière question. Si les conséquences de la mondialisation sur l’emploi dans un pays comme la France paraissent fortement négatives, peut-on soutenir que les consommateurs ont toutefois profité de la baisse des prix des produits fabriqués à bas coût ? Les ouvriers devenus chômeurs sont-ils du moins des consommateurs heureux ?

L’appréciation de l’évolution des prix des produits en question est rendue délicate par le fait que, grâce aux progrès techniques, les industriels ont pu introduire dans leurs productions des améliorations qui profitent au consommateur (à prix égal la qualité des voitures, par exemple, s’est améliorée et les prestations se sont étendues). Même si nous n’avons pas de données chiffrées à faire valoir, il nous paraît cependant possible d’affirmer, en écho à ce que ressentent la plupart des consommateurs, qu’à l’évidence les producteurs n’ont pas intégralement répercuté dans leurs prix la très importante baisse des coûts de production engendrée par les délocalisations intervenues ces deux dernières décennies, augmentant par là-même, de façon sans doute significative, leur taux de profit.

 

 

  • Les conséquences de la mondialisation : dumping social, fiscal et environnemental

La seconde conséquence majeure de l’évolution initiée depuis une trentaine d’années est la suivante : la mondialisation débouche sur une généralisation des phénomènes de dumping, à la fois social, fiscal et environnemental, en raison du mécanisme suivant :

Dans l’économie non mondialisée et fortement encadrée par les États qui préexistait à la mondialisation, la puissance publique, comme on l’a vu dans un article précédent, pratiquait des politiques de régulation et d’intervention (impôts élevés, contraintes sociales et fiscales sur les entreprises…). Les détenteurs de patrimoines, propriétaires et dirigeants des entreprises, étaient contraints de s’inscrire dans ce cadre : ils ne pouvaient échapper à ces règles et à ces prélèvements puisque, en raison du contrôle des changes, il leur était impossible de transférer leurs capitaux hors de leur pays de résidence (sauf à tenter en fraude de placer le contenu de « valises de billets » dans des paradis fiscaux, opération dont la nature limitait nécessairement l’ampleur). A compter du moment où le contrôle des changes a été supprimé, les détenteurs de capitaux ont pu décider librement de les transférer dans les pays les plus « accommodants », pratiquant une fiscalité faible et appliquant des règles sociales (niveau de salaires, droit du travail) peu contraignantes pour les employeurs.

Va alors s’exercer un effet de dumping général. Afin que tous les capitaux et hauts revenus ne soient pas transférés dans les pays « accommodants » (ce qui ruinerait et bloquerait l’activité économique des pays « développés », d’Europe occidentale en particulier), ces pays développés sont conduits à aligner dans une certaine mesure leurs standards fiscaux et sociaux sur ceux des pays pratiquant le dumping. Pour ces pays développés, l’abaissement des standards sociaux est également nécessaire pour que les productions restant localisées en Europe conservent une certaine compétitivité face aux importations des pays à bas coûts.

Cet effet de dumping social et fiscal contribue à expliquer l’ensemble des mesures qui ont été prises par les pouvoirs publics dans les pays d’Europe occidentale depuis le début des années 1980, et dont la précédente « tribune », consacrée à la politique de libéralisation, dressait une liste : baisse générale des impôts sur les hauts revenus, sur les patrimoines et sur les bénéfices des sociétés ; libéralisation des conditions d’utilisation du travail à temps partiel, en intérim et des contrats à durée déterminée…

De leur côté les entreprises se sont efforcées de réduire la masse salariale par des investissements de productivité et par la limitation des salaires (c’est ainsi que, comme on l’a vu plus haut, les efforts salariaux demandés aux salariés allemands depuis une décennie contribuent à expliquer le maintien d’un important excédent commercial de l’Allemagne).

 

 

  • La mondialisation a été décidée et organisée par les dirigeants occidentaux

Il faut ici insister sur un point décisif. La mondialisation, contrairement à ce que cherchent à faire croire les politiciens et les oligarques, ne s’est nullement imposée aux pays occidentaux. Ce ne sont pas la disparition du bloc de l’Est et le changement de politique de la Chine qui expliquent, à eux-seuls et au premier chef, les délocalisations et l’effet de dumping général qui les accompagne. Délocalisations et dumping n’ont été rendue possibles que grâce aux décisions stratégiques évoquées plus haut, prises en toute conscience par les dirigeants occidentaux, sous l’influence des Etats-Unis : l’abaissement des barrières douanières et la libération des mouvements de capitaux.

Sans liberté des mouvements internationaux de capitaux, en effet, il n’y a pas de délocalisation possible, car une délocalisation suppose une conversion de fonds en monnaie étrangère. Par exemple un industriel qui souhaite fermer une unité de production en France pour la transférer à l’étranger doit, pour y financer l’achat d’une unité de production, convertir des francs (aujourd’hui des euros) en la monnaie étrangère pratiquée dans le pays d’implantation (il s’agit le plus souvent du dollar). En système de contrôle des changes, cet industriel doit obtenir l’autorisation de l’Etat, qui peut la refuser soit pour protéger la monnaie soit précisément pour éviter les délocalisations. L’opération est en revanche sans contrainte en système de liberté des changes.

Les délocalisations supposent d’autre part un abaissement suffisant des droits de douane. En effet les produits fabriqués de façon délocalisés sont le plus souvent consommés dans les anciens pays de production, l’Europe et les Etats-Unis, les populations des pays émergents ne disposant pas, pour l’heure, d’un pouvoir d’achat suffisant pour les acquérir. Les produits délocalisés sont donc importés par les pays de consommation. Cette importation n’est réalisable que si les droits de douane sont faibles.

On le voit, les deux types de décision étaient nécessairement liées, l’une supposant nécessairement l’autre : sans décision de procéder à la libération des mouvements internationaux de capitaux et sans décision de réduire les barrières douanières, il n’y avait pas de délocalisations possibles.

*

Nous terminerons en soulignant ces trois points :

- Redisons d’abord que la mondialisation est directement liée à la politique de libéralisation qui a été décrite dans le précédent article, et ce doublement :

La mondialisation, tout d’abord, est la mondialisation de l’économie de marché, gérée de façon libérale (en rupture avec le système d’économie mixte pratiquée en Europe occidentale jusqu’au début des années 1980). Mondialisation et libéralisation sont en quelque sorte les deux faces d’une même pièce.

D’autre part les deux phénomènes, comme on l’a vu, s’alimentent et se renforcent l’un l’autre. Un système mondialisé n’est possible que si des mesures de libéralisation sont prises au préalable (baisse des droits de douane, suppression du contrôle des changes). Une fois mis en place, la mondialisation pousse à son tour à de nouvelles mesures de libéralisation (par effet de dumping généralisé).

- Second élément de conclusion: la catégorie des salariés (c’est-à-dire la grande majorité de la population) a pâti de la mondialisation à de nombreux égards (c’est également le cas par voie de conséquence des artisans, commerçants ou agents des services publics situés dans les régions désindustrialisées) : chômage massif ; déqualification d’une partie du stock d’emplois ; pression à la baisse sur les salaires et les conditions d’emploi ; report sur les salariés des charges d’impôt dont se sont débarrassés, à la faveur du phénomène de dumping fiscal, les titulaires de hauts revenus et les détenteurs de patrimoines… Voulue par une petite minorité, la mondialisation n’a profité qu’à celle-ci.

- Autorisons-nous pour finir à quitter quelque peu le registre de la pondération formelle et la tournure d’expression distanciée qui sied au traitement de ces sujets controversés. Les gouvernants qui se succèdent depuis le début du processus de mondialisation (restons ici sur le cas de la France) viennent, à tour de rôle, dire leur désolation devant les conséquences sociales du phénomène, compatir aux malheurs du temps et promettre avec résolution des mesures énergiques pour que les lendemains se remettent à chanter. La caste des journalistes serviles est, elle, chargée de monter en épingle, pour désarmer les critiques et calmer la plèbe, les quelques cas de relocalisation qui paraît-il se produisent (et qui portent sur une poignée d’emplois). La preuve la plus patente de l’hypocrisie de ces oligarques est qu’aucun d’entre eux, jamais, ne songe à remettre en cause la mondialisation. Mieux, leur priorité absolue est de condamner sans relâche « les tentations protectionnistes ».

Appuyons une fois encore sur ce point nodal : la mondialisation n’est en rien le fruit d’évolutions qui échappaient quoi qu’ils fissent aux gouvernements des pays développés ; elle ne constitue aucunement une évolution naturelle qui nolens volens s’imposait. Les mutations géopolitiques (ouverture économique de la Chine, disparition des blocs) ont certes accentué et donné toute sa dimension au processus de mondialisation : mais celui-ci, insistons-y, n’a été rendu possible que par la volonté exprès des gouvernements occidentaux.

La libéralisation et la mondialisation de l’économie revêtent également un autre aspect, celui de la financiarisation, qui constituera le sujet du prochain article.

Machtansprüche

Machtansprüche

Panajotis_Kondylis.gifDer existenzielle Ernst der Lage macht ... den Diskurs nicht nur unmöglich, sondern auch überflüssig, es sei denn, einer der Feinde zeigt sich geneigt, seine Identität (teilweise) aufzugeben bzw. die Objektivierung seiner Entscheidung zurückzunehmen.... Diesen Grundgegebenheiten kann niemand entgehen, so sehr er auch die Notwendigkeit des ’vernünftigen' Diskurses hervorhebt. Selbst dieser Akt hat aber einen polemischen Sinn, er... drückt... die Machtansprüche derjenigen aus, die die eigene starke Seite im Debattieren und Argumentieren erblicken, d.h. er artikuliert in sublimierter Form die Hoffnungen der Kleinbürger des Geistes, sie könnten härteren Kampfformen ausweichen, denen sie nicht gewachsen sind und in denen ihre Stimme und Existenz völlig bedeutungslos wäre.

Panajotis Kondylis, Macht und Entscheidung. Die Herausbildung der Weltbilder und die Wertfrage. Stuttgart, 1984.
 
Gefunden auf: http://rezistant.blogspot.com/

mardi, 07 décembre 2010

Amitié et patrie

Amitié et patrie

par Julien Freund

Ex: http://dhdc2917.eu/

« Du moment que la concorde est amitié, elle a également pour base une certaine identité des sentiments qui se concrétise dans la notion de patrie. Aucune collectivité ne saurait demeurer unie ni durer si ses membres n’éprouvent pas la nécessité de participer pour ainsi dire affectivement à l’ensemble social qu’ils constituent. Un pays sans patrimoine commun, qu’il soit d’ordre culturel, ethnique, linguistique ou autre, n’est qu’une création artificielle, incapable de résister aux épreuves de la politique. On a beau ironiser sur le concept de patrie et concevoir l’humanité sur le mode anarchique et abstrait comme composée uniquement d’individus isolés aspirant à leur seule liberté personnelle, il n’empêche que la patrie est une réalité sociale concrète, introduisant l’homogénéité et le sens de la collaboration entre les hommes. Elle est même une des sources essentielles du dynamisme collectif, de la stabilité et de la continuité d’une unité politique dans le temps. Sans elle, il n’y a ni puissance ni grandeur ni gloire, mais non plus de solidarité entre ceux qui vivent sur un même territoire. On ne saurait donc dire avec Voltaire, à l’article Patrie de son Dictionnaire philosophique que « souhaiter la grandeur de son pays, c’est souhaiter du mal à ses voisins ». En effet, si le patriotisme est un sentiment normal de l’être humain au même titre que la piété familiale, tout homme raisonnable comprend aisément que l’étranger puisse éprouver le même sentiment. Pas plus que l’on ne saurait conclure de la persistance de crimes passionnels à l’inanité de l’amour, on ne saurait prendre prétexte de certains abus du chauvinisme pour dénigrer le patriotisme. Il est même une forme de la justice morale. C’est avec raison qu’A. Comte a vu dans la patrie la médiation entre la forme la plus immédiate du groupement, la famille et la forme la plus universelle de la collectivité, l’humanité. Elle a pour raison le particularisme qui est inhérent au politique. Dans la mesure où la patrie cesse d’être une réalité vivante, la société se délabre non pas comme le croient les uns au profit de la liberté de l’individu ni non plus comme le croient d’autres à celui de l’humanité ; une collectivité politique qui n’est plus une patrie pour ses membres cesse d’être défendue pour tomber plus ou moins rapidement sous la dépendance d’une autre unité politique. Là où il n’y a pas de patrie, les mercenaires ou l’étranger deviennent les maîtres. Sans doute devons-nous notre patrie au hasard de la naissance, mais il s’agit d’un hasard qui nous délivre d’autres. »

Julien Freund, « Qu’est-ce que la politique ? », Le but spécifique du politique ; 4. La concorde intérieure et la prospérité. Points, 1967.

samedi, 04 décembre 2010

Violence & "Soft Commerce"

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Violence & “Soft Commerce,” Part 1

Dominique VENNER

Translated by Greg Johnson / Ex: http://www.counter-currents.com/

Violence is not merely a matter of arms. For half a century, a world system has been imposed, the system of “soft commerce.” Soft as bombs. It dominates peoples under the guise of democracy, breaking down the most sacred customs. This new violence reigns thanks to the drugs of consumption and guilt. It is not, however, without resistance.

Georges Sorel is famous for having published his often reprinted Reflections on Violence in 1906.[1] A partisan of revolutionary socialism read by Lenin and Mussolini alike, Sorel made himself the apologist of violence as the motor of history.

In his essay, he worried about an anemic dearth of social violence that he thought he observed in Western Europe and in the United States:

Education is dedicated to so attenuate our tendencies to violence that we are instinctively led to think that any act of violence is a demonstration of a regression towards cruelty. . . . One has to wonder if there is not some silliness in the admiration of our contemporaries for softness.

These remarks, going back one century, could be from today. They certainly grab one’s attention and interest.

Less than ten years after Sorel’s morose report, the Great War commenced, showing something quite different from a general penchant for softness. This war was followed in Russia and Europe by a series of revolutions and civil wars, whose dominating feature was not peace. And the Second World War which followed, together with after-effects like the generalization of terrorism, was also not a demonstration of peaceful tendencies.

Europe in Dormition & Repentance

In other words, one is often misled by forecasts that imagine the future as an extension of the present. Under the effect of unexpected emotions or collective commotions, the softness or flabbiness of one time can suddenly be cast off in irresistible violence. The history of peoples and societies is not governed by a principle of continuity, but by unforeseeable accidents.

In Europe today (but not elsewhere), everything leads one to suppose that history with its violence and politics has reached its final end.  Those who have read my Siècle de 1914 (Century of 1914) know that I have interpreted the time that followed the Second World War as Europe’s entry into dormition after half a century of violent follies. This dormition is not unrelated to a project of culpabilization and demoralization without parallel.

With courage and clarity, this project was analyzed in 2003 by intellectuals worried by the rise in France of anti-Semitism because of Maghrebian immigration. According to these authors, this immigration had been supported by certain Jews who, “making a tragic mistake, believed in a possible alliance between the assertion of Jewish identity and the celebration of minorities and localisms, in short, of ‘the Other’ against the nation.”[2] Intense immigrationist propaganda was seen as an error.

But, the authors said, it was necessary to go back to the 1960s to find the roots of French and European demoralization, when the memory of the “Shoah was imposed as . . . a decisive reference mark of a culpability that does not concern just the Nazis but . . . everyone in Europe, the people as a whole.” For “the Shoah forbids the European people any historical hope and locks up them in remorse.” A disturbing report. Fifty years after, Europeans doze on, crushed by remorse, “outcasts of history.” For how long? That we do not know. But it cannot be forever.

Dreams of Happiness, “Soft Commerce,” &  Violence

In Europe, the anticipated end of history and dreams of hedonism cannot be isolated from a public discourse nourished by the myth of “soft commerce” invented long ago by Adam Smith.

What were its practical effects on lived history? The experience of the last two centuries shows that “soft commerce” is rarely a guarantee against violence. Least of all because it replaces politics (reason) with morality (emotion). Emotion sells more than reason. But, in addition to daydreams, it is often the purveyor of slaughter, both religious wars and in the ideological wars of the twentieth century.

In spite of Adam Smith’s promises, the intensive exercise of “soft commerce” on a global scale was accompanied by not exactly moderate amounts of violence. If one looks at the nineteenth century, there were, inter alia, the Opium Wars (1840–1842, 1858, 1860) in which France and Great Britain forced open the frontiers of China. This was necessary to give China the benefit of biblical morality and opium traffic, at the cost of the destruction of thousand year old traditions. Carried out for the profit of “soft commerce,” the Franco-British armed interventions eventually led China to a series of revolutions, which were preludes to the great slaughters of Maoism.[3]

One can chalk up many more colonial and national conflicts to the benefit of “soft commerce.” It played a large role in the two World Wars, which were not free of economic motives.[4] Globalizing the Anglo-American “free market” was not done without a little breakage . . . One of the more recent instances of damage, masked by moral and democratic justifications (a redundancy), is the war in Iraq begun in 2003. The control of an important source of hydrocarbons necessary to “soft commerce” is the likely reason that Saddam’s Iraq, a regime that was rather brutal (which is nothing unusual) but also stable, was put to fire and sword.

Notes

1. One of the contributions of Georges Sorel (1847–1922) to political thought is the concept of myth to designate the mobilizing images around which great historical movements are constituted (Nouvelle Revue d’Histoire, no. 13, pp. 20–22).

2. Article published in Le Monde, December 30, 2003, under the signature of Gilles Bernheim, chief rabbi and philosopher, Elisabeth de Fontenay, professor of philosophy, Philippe de Lara, professor of philosophy, Alain Finkielkraut, writer and professor, Philippe Raynaud, professor of philosophy, Paul Thibaud, essayist, Michel Zaoui, lawyer.

3. See La Chine et l’Occident, Nouvelle Revue d’Histoire no. 19, July–August 2005.

4. Georges-Henri Soutou, L’or et le sang. Les buts de guerre économiques de la Première Guerre mondiale (Paris: Fayard, 1989). We have discussed this subject in many issues of Nouvelle Revue d’Histoire, notably in nos. 14 and 32.

Source: http://www.dominiquevenner.fr/#/doux-commerce/3272231

Violence & “Soft Commerce,” Part 2

Now that “soft commerce” has been globalized since the end of the 20th century, one must grant that it has the advantage of a plasticity and a capacity for survival enjoyed by few regimes up to the present.

“Soft commerce” is sheathed in abstract concepts like “capitalism” or “liberalism.” But because those have been used for so many indigestible cuisines, their significance is exhausted. Another concept, more recent, is “cosmocracy.” It was coined by American authors and was taken up again by Samuel Huntington in his last book Who are We?[1] I myself have used it. It is explicit. It suggests the character that the globalist oligarchy acquired little by little since the 1960s.[2]

But let us return for a moment to the internal logic of “soft commerce.” What is its goal?  It is the individual financial profit of the capitalist, regardless of the cost to others. Having become dominant in our societies, this objective was promoted to the rank of supreme value, justifying everything, in particular what was at once condemned by common sense and the most elementary social morals. In the Communist Manifesto of 1848, Karl Marx aptly described the unlimited destructive power of the system that he called “bourgeois,” even though the personal behavior of many bourgeois individuals contradicted his thesis. Recall his famous lines:

Everywhere where it seizes power, the bourgeoisie trampled underfoot feudal, patriarchal, and idyllic relations. All the complex and varied ties which linked feudal man to his natural superiors, were mercilessly shattered so that no other tie remained between men but cold self-interest. . . . This constant social upheaval, this agitation, and this perpetual insecurity distinguish the bourgeois era from all preceding ones.

Marx was delighted by soft commerce’s constant pressures against the old European order. In this eyes, they presaged the advent of post-bourgeois society, i.e., of the communist utopia. They presaged a homogenized world and the end of history with a capital “H.” Marx was almost right. He just needed this nuance: “Soft commerce” has ultimately showed itself to be far more durable, although no less perverse, than the communist utopia, some aspirations of which it carries out by other means.

The Convergence between Communism and “Soft Commerce”

The convergence of the two systems was remarkably analyzed by Flora Montcorbier in a wrongfully forgotten book.[3] Economist and philosopher, with a vigorous clarity, she gives us a key to plausibly interpreting the organized chaos that replaced our traditional societies.

No one before her cared to understand the curious outcome of the cold war, the great upheaval. Exactly who won on this fake war? The United States, of course, and “soft commerce.” But also their common religion, the religion of Humanity (with a capital “H”), one, uniform, and universal. And it was not their only affinity.

What did the Communists want? They wanted a planned management of the wealth of humanity. They also wanted the creation of a new man, a rational and universal man, freed of the “obstacles” of roots, nature, and culture. They wanted, finally, to satisfy their hatred of concrete men, the bearers of difference; their hatred of old Europe, multiple and tragic.

And “soft commerce,” in other words, the American West, what did it want?[4] Pretty much the same thing. The differences were in their methods. Rejecting planning and forced collectivism (terror), “soft commerce” sees the financial market as the principal factor of economic rationality and the desired changes.

“Soft commerce,” another name for globalism, does not only share its radiant vision of the final goal with its Soviet brother and former enemy. To change the world, it must also change man, manufacture the Homo oeconomicus of the future, the zombie, the New Man: homogeneous, empty, possessed by the spirit of the universal and unlimited market. The zombie is happy. Happiness consists in satisfying all his desires, the desires caused by the market.

Notes

1. Samuel P. Huntington, Who Are We: The Challenges to America’s National Identity (New York: Simon and Schuster, 2005).

2. Dominique Venner, Le Siècle de 1914 (Paris: Pygmalion, 2006), ch. 10.

3. Flora Montcorbier, Le Communisme de marché [Communism and the Market] (Paris: L’Age d’Homme, 2000).

4. We do not confuse the “Western-American system” with Americans taken individually, who often suffer from it.

Source: http://www.dominiquevenner.fr/#/doux-commerce/3272231

Violence & “Soft Commerce,” Part 3

The System is Nourished by Fake Opposition

One of the characteristics of the system is that it is nourished by its seemingly most extreme opponents. If one is astonished by this surprising fact, one is forgetting that the opposition known as the “left” and the system share the religion of humanity and thirst for deconstruction; they are the same in essence. Thus nobody laughed when the papers of an implacable rebel (Guy Debord) were classified as a “national treasure” by the director of the National Archives in June 2009.

Explanation: “soft commerce” needs the counter-culture and its opposition to nourish the unlimited appetite for “pleasure without boundaries” which feeds the market. The fake rebellion of the cultural realm has been co-opted and institutionalized. The experiments of people who are more than a little crazy renew the language of advertising and haute couture which nourish innovation and excitement. The rights of minorities—ethnic, sexual, etc.—are also extended without limit since they constitute new markets and offer moral support to the system.

The unlimited is the horizon of “soft commerce.” It nourishes the work of moles in the realms of culture, the stage, teaching, the university, medicine, justice, or the prisons. Those who are naively indignant when delirious and repugnant buffooneries are extolled do not understand that they have been promoted to the rank of commodities, and as such they are both ennobled and essential.

The only dissent that the system cannot absorb is that which challenges the religion of humanity and stands for respecting diverse identities. The irreducible ones who cannot be dissolved by “soft commerce” are those who are attached to their city, their tribe, their culture, or their nation, and also honor the attachments of others.  This is why, in spite of their possible electoral representation in the European Parliament, these dissidents are subjected to rigid segregation (except in Italy).

This uncomfortable fate could lead them to think they have only one political option when the system is disrupted and distracted by an emergency, Politics might regain its rights.[1] Then “soft commerce” could be put back in the subordinate and dependent place where it belongs in a world in order.

Appendix: Two Different & Opposed Conceptions of the Economy: Adam Smith & Friedrich List.

Adam Smith (1723–1790). British economist born in Scotland. Traveling to France, he connected with the physiocrats (Turgot). In 1776 he completed his great work, An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations, which made him the theorist of economic liberalism. For Smith, the psychological engine of all economic activity is self-interest and the hedonist principle which drive men to seek maximum satisfaction with minimum effort. He believes in the spontaneity and beneficial character of economic activity (the “hidden hand” and “soft commerce”). It realizes the designs of Providence. The State must “laisser faire, laisser passer.” Adam Smith justifies international free trade which is appropriate for maritime powers like Great Britain and later the United States.

Friedrich List (1789–1846). German economist. Partisan of the abolition of tariff barriers between the German States (Zollverein), he could not make himself heard and thus exiled himself to the United States (1824), where he made a fortune. After his return to Germany, when the Zollverein was achieved (1834), he pioneered railroad construction. Ruined by a financial crisis, he committed suicide in 1846. He theorized the autarky of great spaces: an economy that is protectionist externally and liberal internally. Unlike Adam Smith, List did not believe in the mutual enrichment of nations by “soft commerce” but in eternal economic war. His principle, “strong economy and strong army,” would be applied by the great powers: The United States practiced protectionism while prohibiting it for the rest of the world.

Notes

1. Politics with a capital “P” designates the superior principles of power (to command, to judge, to protect. Politics with a small “p” designates practice.

mercredi, 01 décembre 2010

Les échecs des théories macroéconomiques en temps de crise

Les échecs des théories macroénomiques en temps de crise (résumé)

 

XXVIe université annuelle du Club de l’Horloge « La France en faillite ? Pourquoi nous croulons sous les dettes et les impôts » 9-10 octobre 2010

 
Intervention de Bertrand Lemennicier
économiste professeur à l'université Paris II

keynes.jpgLa macroéconomie enseignée dans les départements de sciences économiques est à l'origine de la crise économique mondiale de 2008 et contribue à la faire durer, parce qu'elle cautionne le laxisme budgétaire et monétaire des gouvernements et des banques centrales.

On doit la discipline que l'on appelle macroéconomie à J.M. Keynes. Dans son livre intitulé : La théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, c'est la première fois qu'un économiste raisonne en termes d'agrégats. Bien que le modèle développé par Keynes soit difficile à comprendre, d'où les débats récurrents sur ce que voulait dire Keynes, en revanche, le message politique que l'on pouvait tirer de ce livre était clair : laisser à lui même le marché était dans l'incapacité de sortir d'un « équilibre » de sous-emploi. Le gouvernement devait donc résoudre le problème du chômage, non pas en supprimant la « dole » (indemnité de chômage), comme le suggérait les économistes de son temps, mais en soutenant la demande agrégée.

Le modèle de Keynes ne pouvait être intégré dans la théorie traditionnelle, tant il était hors de la tradition, c'est une interprétation des idées de Keynes et de son modèle qui ont été intégrée dans la théorie économique. Cette interprétation est celle de Hicks-Hansen.

La macroéconomie moderne n'est qu'une variante, même 40 ans après, de l'interprétation hicksienne de la théorie générale de Keynes (lire Mr Keynes and the Classics paru dans Economica de 1937). Cette interprétation personnelle fortement éloignée du livre n'a pas été véritablement désavouée par Keynes lui-même, qui est décédé après la dernière guerre mondiale. C'est aussi la raison pour laquelle cette interprétation est toujours enseignée. Le modèle de Hicks a finalement été complété par l'« opus magnus » de Don Patinkin Money, Prices and Interest, qui achève l'intégration de la pensée de Keynes dans la théorie néo-classique dans les années 1965. Aujourd'hui, le modèle de Keynes est canonisé au travers du modèle d'offre et de demande agrégée (modèle DZ ou AS-AD) que l'on enseigne dans tous les départements de sciences économiques.

Ce modèle dévoile explicitement ce qui est resté de Keynes :

  1.  le raisonnement en termes d'agrégats;
  2.  l'idée d'une incapacité du mécanisme des prix à « équilibrer » les marchés pour des raisons institutionnelles;
  3. l'idée qu'en accroissant les dépenses agrégées par des politiques budgétaire ou monétaire, on peut assurer de manière permanente la prospérité et le plein emploi.

La remise en cause de la macroéconomie provient en fait de quatre sources :

  1.  l'échec des politiques de stabilisation budgétaire ou monétaire, avec les périodes de sous- emploi et d'inflation croissante;
  2.  l'impossibilité de prédire quel peut être l'impact d'une hausse de la demande agrégée sur les prix comme sur le niveau du produit national;
  3.  la révolution des anticipations rationnelles, avec son interprétation pessimiste sur l'impact des politiques économiques monétaire ou budgétaire;
  4.  la théorie des choix publics avec son interprétation de l'usage fait par les hommes politiques des politiques budgétaire et monétaire pour assurer les réélections des gouvernements au pouvoir.

Comme le rappelait Keynes lui-même, en attaquant les hommes politiques de son temps, ces derniers mettent en pratique les théories (sous-entendu dépassées) d'un économiste défunt. Cet adage de Keynes s'applique aussi à la théorie macroéconomique de Keynes. Les hommes politiques contemporains, en mettant en pratique cette théorie, sont, sans le comprendre, les responsables de la crise financière actuelle. En effet, ils mettent en œuvre à des fins électorales des politiques monétaires et budgétaires nuisibles pour l'ensemble de la collectivité :

1) une politique permanente de taux d'intérêt bas pour favoriser l'achat de logement (quand le bâtiment va, tout va). Cette politique engendre un excès permanent de demande de crédit sur l'offre d'épargne. Selon Knut Wicksell, L. von Mises et F. Hayek, elle maintient de manière permanente un taux d'intérêt inférieur au taux « naturel » du marché et elle est créatrice de crises financières et économiques et de déformations de la structure de production. Ces auteurs, qui ont développé cette explication des crises monétaires et bancaires, redeviennent d'une actualité brûlante et contredisent une croyance bien établie dans les milieux universitaires : les théories des anciens sont toujours dépassées par celles des jeunes !

2) une politique budgétaire expansionniste (un déficit public permanent pour satisfaire toutes les demandes de subventions de leurs clientèles électorales respectives) qui engendre un niveau de dettes publiques de plus en plus insoutenable.

Bertrand Lemennicier
économiste professeur à l'université Paris II

Correspondance Polémia – 28/10/2010

La "tension psychologique insurrectionnelle"

La « tension psychologique insurrectionnelle »

Par Philippe Grasset

Ex: http://fortune.fdesouche.com/

(…) Dans Notes sur l’impossible “révolution” du 24 septembre 2009, sur dedefensa.org, était exprimée la conviction que les mouve

Honoré Daumier, "L'insurrection" (1860)

ments d’insurrection et de révolte auxquels nous avons l’habitude de nous référer sont définitivement dépassés parce que totalement inefficaces, voire contreproductifs.

Pour diverses raisons exposées dans l’analyse, de tels mouvements sont condamnés par avance s’ils prétendent obtenir directement un résultat décisif correspondant au but d’insurrection de ceux qui l’initient. Pour moi, c’est un fait indiscutable, même si le mouvement parvient à un résultat tangible.

 

(Résultats tangibles de telles actions, si elles pouvaient avoir lieu ? Soit changer le régime des retraites, soit, plus hypothétiquement, prendre d’assaut le Palais de l’Elysée et habiller Sarko en sans-culotte ou en scout du Secours Catholique ; soit même, pour des Irlandais colériques et qu’on sait être coriaces et courageux, des émeutes insurrectionnelles ne menant qu’au même cul de sac de la prise d’un pouvoir politique dont ils ne sauraient que faire puisque leur pays, comme les autres, n’est qu’un maillon du système et rien d’autre. Le seul cas où une action politique réelle peut donner directement un résultat décisif, par son caractère intrinsèque de psychologie insurrectionnelle réalisant effectivement une attaque contre le cœur de la psychologie du système, c’est l’éclatement de l’Amérique avec la destruction de l’American Dream qui s’ensuit, – perspective qui, soit dit en passant, ne doit pas nous paraître rocambolesque lorsqu’on lit le dernier article de Paul Krugman.)

Cette affirmation de “l’impossibilité d’une révolution” selon le sens classique ne doit certainement pas être prise comme une affirmation désespérée, désenchantée et nihiliste si vous voulez, mais simplement comme la prise en compte du fait que nous sommes dans une époque différente, où les forces en action sont complètement différentes de celles qu’on observait dans l’époque précédente (Epoque psychopolitique et plus du tout géopolitique, où il n’y a plus aucun rapport de cause à effet entre une action politique de rupture violente, même réussie, et un changement décisif du système).

Voilà mon postulat de base, qui s’applique essentiellement dans les pays du bloc occidentaliste-américaniste, – c’est-à-dire dans les seules situation où vous pouvez toucher le système au cœur ; dans ces conditions nouvelles, “toucher au cœur le système” deviendrait alors, plutôt qu’effectivement parvenir à sa destruction d’une façon directe, accélérer puissamment, voire décisivement, son mouvement de destruction interne déjà en cours, du fait de ses propres tares fondamentales.

Je vais tenter d’expliquer les caractères de cette nouvelle situation d’abord, ce qui peut être fait ensuite, comment ce qui peut être fait peut être exploité efficacement, sinon décisivement, enfin.

La psychologie, l’arme de l’insurrection

Je mets en avant bien entendu, avant toute chose, le facteur de la psychologie, qui est complètement essentiel dans mon propos. C’est par lui que tout passe, à cause de la puissance du système de la communication, instauré par le système général mais qui, à cause de ses spécificités contradictoires, joue un “double jeu”, alors que l’autre composante du système général, le système du technologisme, est dans une crise si profonde qu’elle pourrait être qualifiée de terminale, – ce qui est ma conviction.

(Sur ce dernier point, quelques mots… Je me demande chaque jour, chaque heure, chaque minute, comment on peut encore substantiver en termes de capacités politiques et militaristes également efficaces jusqu’à lui prêter un caractère de quasi invincibilité, un système dotée de cette puissante effectivement colossale, qui étouffe littéralement sous l’accumulation de centaines et de centaines de milliards de dollars annuels, qui est incapable de fabriquer un avion de combat [JSF], incapable de prendre une décision contractuelle [KC-X], incapable au bout de neuf ans de comprendre les données fondamentales absolument primaires de la guerre où elle se débat comme dans un pot de mélasse [Afghanistan], etc. Et l’on croirait, par exemple, qu’un excrément bureaucratique de plus [le “concept stratégique de l’OTAN”] irait changer quelque chose, sinon accroître encore le désordre général et la paralysie ossifiée de cette bureaucratie ? Il y a parfois l’impression qu’une telle observation du système par ceux qui professent leur immense aversion pour lui, témoigne également de la part de ces mêmes critiques d’une singulière fascination pour lui, comme une croyance paradoxale dans la magie de ce même système. C’est lui faire bien de l’honneur, et s’en informer fort mal.)

Poursuivons… Donc le système de la communication est un Janus. Il sert le système général mais, également, il le trahit joyeusement dès que les arguments auxquels il est sensible (sensationnalisme, méthodologie de l’effet, etc.) se retrouvent dans des appréciations contestataires du système, non par goût de la trahison mais par goût de l’apparat et de l’effet de ces informations, qui ont alors sa faveur puisqu’elles font marcher la machine (Vous savez, cette remarque désolée que fait parfois tel ou tel président, tel ou tel ministre, aux journalistes, même des journalistes-Pravda ses fidèles alliés : “mais pourquoi mettez-vous toujours l’accent sur les mauvaises nouvelles ?” Pardi, parce que c’est ça qui est “sensationnel”, qui fait marcher le système de la communication, et parce qu’il n’y a rien de mieux que les “mauvaises nouvelles” pour faire marcher le système, et qu’en plus il n’y a plus aujourd’hui que des “mauvaises nouvelles”).

Par conséquent, Janus est de tous les coups, il marche avec son temps (“il n’y a plus aujourd’hui que des mauvaises nouvelles”) et il est ainsi devenu, sans intention délibérée, la plus formidable machine à influencer les psychologies dans le sens de la déstructuration du système.

En répercutant les commentaires alarmistes des serviteurs du système concernant les dangers d’insurrection des populations de notre système pourtant si cajolées de mots ronflants, le système de la communication contribue grandement à créer un climat psychologique insurrectionnel. Mais ce climat n’engendre rien de décisif dans ce qu’on juge être décisif, – l’action “révolutionnaire”, – parce que nul ne sait comment s’insurger efficacement de cette façon-là.

C’est cette idée de cette situation sans précédent, qui renverse complètement les situations connues : hier, tout le monde savait ce que serait une “révolte”, c’est-à-dire par le moyen de la “violence révolutionnaire”, l’inconnue résidant dans le fait qu’on ignorait quand existerait une volonté ou une occasion de la faire ; aujourd’hui, tout le monde admet qu’il existe partout une volonté d’insurrection, l’inconnue résidant dans le fait qu’on ignore quelle forme pourrait et devrait prendre cette insurrection.

Alors, il y a partout des protestations, des manifestations, des initiatives spontanées parfois étranges, qui ne débouchent sur rien de définitif, et l’on s’en désole ; mais l’on n’a pas raison parce qu’elles ont aussi l’effet d’accroître constamment cette tension psychologique insurrectionnelle.

L’essentiel est dans ce bouillonnement psychologique. Prenez le cas d’Eric Cantona (voir le texte du 22 novembre 2010) ; type pas sérieux, Cantona, provocateur, people et ainsi de suite. Ce qui est accessoire en l’espèce – mais d’ailleurs sans préjuger des effets éventuels de cette “initiative spontanée” (retrait massif d’argent des banques), car nous ne sommes pas au bout de nos surprises –, c’est de prendre trop au sérieux la proposition de Cantona, en disant et expliquant “ça marchera”, ou bien “ridicule, ça ne marchera pas”.

Pour l’instant (cette restriction bien comprise), l’analyse de la chose n’a strictement aucun intérêt. Ce qui importe et rien d’autre, c’est la contribution involontaire de Cantona, idole people des foules, à la montée de la tension psychologique insurrectionnelle. On pourrait définir ce que je nomme “psychologie insurrectionnelle”, un exemple très précis et extrême à cet égard, dans un texte de l’écrivain et poète US Linh Dinh, sur OnLineJournal, le 15 novembre 2010.

Première phrase du texte : « Revolt is in the air » [La révolte est dans l'air]. Puis un long catalogue des révoltes qui pourraient avoir lieu aux USA, jusqu’à la sécession, jusqu’aux révoltes armées, etc., mais chaque fois avec l’observation que cela ne se fera pas, parce que la population est trop apathique, les conditions ne s’y prêtent pas, etc. Donc, constat pessimiste, sinon désespérant ?

Et puis cette conclusion, qui contredit tout le reste, – sauf la première phrase : «I have a feeling, however, that we may be nearing the end of being jerked back and forth like this, that even the most insensate and silly among us is about to explode » [J'ai le sentiment, toutefois, que nous pourrions bientôt finir d'être trimballés en avant et en arrière comme cela, que même le plus insensé et stupides d'entre nous est sur le point d'exploser].

…Tout cela conduisait, dans le même texte référencé (sur Cantona), à cette conclusion qui me paraît digne d’intérêt pour cette réflexion : «Peut-être déterminera-t-on finalement, selon l’évolution de ce “climat” de la recherche d’une nouvelle forme de révolte et de la tension psychologique que cela ne cesse de renforcer, que c’est le développement même de ce climat qui est, en soi, la nouvelle forme de la révolte…» (Encore une fois, le mot “révolte” n’aurait pas dû être employé, mais bien celui d’“insurrection”.)

Pour conclure cet aspect de l’analyse par une tentative de chronologie datée, je proposerais l’hypothèse que cette phase d’“insurrection psychologique” où nous sommes entrés est la phase suivante de l’évolution des peuples face à la grande crise de notre système et contre ceux qui servent encore ce système, après ce que je nommerais la phase de “résistance psychologique” qui s’est développée entre les années 2003-2004 et 2008-2009…

Cela correspond par ailleurs, et ceci n’est pas sans rapport avec cela, avec ce que j’estime être, dans l’année que nous terminons, l’entrée dans la phase active de la crise eschatologique du monde, cette crise qui se développe comme un volcan entre en activité vers son éruption, au travers de la pression des crises de l’environnement, des ressources, de la crise climatique, etc.

TINA pour nous aussi

Comment analyser d’une façon générale cette situation dans la perspective de ce qui devrait être fait, sinon de ce qui pourrait être fait ?

Je dirais que le but de l’“insurrection” ne doit pas être, n’est pas de “prendre le pouvoir” (c’est-à-dire le système, bien sûr), mais de “détruire” le pouvoir (le système). Il n’est même pas intéressant de l’“affaiblir” avant de le frapper, ce pouvoir, mais, au contraire, de le frapper pour le détruire alors qu’il est au faîte de sa puissance…

Car il est au faîte de sa puissance et le restera, y compris et surtout en conduisant lui-même son processus d’autodestruction, – plus il est puissant, plus sera puissant son processus d’autodestruction, – cela, à l’ombre d’une autre contradiction qui caractérise sa crise terminale : plus il est puissant, plus il est impuissant.

Mises à part les considérations humanitaires dont on connaît l’illusoire vertu et la grandiose inutilité, je dirais que le cynique qui veut la peau du système ne comprendrait pas une seconde ceux qui, se disant eux-mêmes adversaires du système, réclament à grands cris et espèrent ardemment le retrait américaniste d’Afghanistan, même pour les meilleurs motifs du monde.

Que l’OTAN et l’U.S. Army y restent, en Afghanistan, qu’elles y déploient toute leur puissance, tant il est évident qu’elles sont en train de se dévorer elles-mêmes, en aggravant chaque jour leur crise structurelle et la crise psychologique de ceux qui ordonnent et conduisent cette guerre sans but, sans motifs, sans commencement ni fin, sans rien du tout sinon la destruction de soi-même.

Et tout cela doit bien être compris pour ce qui est, au risque de me répéter, pour bien embrasser le caractère complètement inédit de cette situation…

Il n’y a là-dedans ni affrontement classique, ni une sorte de “guerre civile” au sens où nous l’entendons, ni “révolte” justement, comme j’en indiquais la définition au sens classique. Il y a une “attaque” qui est un mélange de pression psychologique et d’action désordonnée suscitées par cette pression psychologique et l’accentuant en retour, – et là, effectivement, nous abordons le champ de l’action qui est possible aujourd’hui, à la place des mouvements “révolutionnaires” classiques et totalement discrédités.

Cette attaque par la “pression psychologique insurrectionnelle” touche le système (ses représentants mais lui-même en tant qu’entité, dirait-on) dans sa propre psychologie, affaiblit cette psychologie dans le sens du déséquilibre, avec toutes les fautes qui en découlent, ce qui accélère effectivement le retournement de sa propre immense puissance contre lui-même.

En attaquant “le pouvoir” (le système), vous attaquez le système, comme l’indiquent justement les parenthèses ; vous n’attaquez pas des hommes mais un système (anthropotechnique si vous voulez, mais aussi bien anthropotechnocratique, etc.), dont j’ai déjà dit ma conviction qu’il évolue de façon absolument autonome, hors de tout contrôle humain, mais au contraire en entretenant une servitude humaine à son avantage, dont celle des dirigeants politiques est une des formes les plus actives.

Ce dernier point indique qu’à la limite, mais une limite qui prend de plus en plus d’importance dans le contexte, l’insurrection réclamée, qui est d’abord une “insurrection psychologique” manifestée par une tension grandissante, doit aussi, et peut-être d’abord, avoir comme objectif naturel de son influence, dans ce cas définie presque comme bienveillante, la psychologie des directions et élites politiques, comme pour venir à leur secours.

Dans cette situation extraordinaire et, contrairement à tous les dogmes et théories sur l’influence, la manipulation, etc., les dernières psychologies “sous influence” de la manipulation du système sont celles des directions et élites politiques, nullement celles des populations. Ces directions et élites politiques sont beaucoup plus prisonnières par auto conditionnement (virtualisme), par aveuglement ou par dérangement psychologique, que complices conscientes et cyniques.

La pression de l’“insurrection psychologique” des peuples doit agir sur elles pour affaiblir leur “dépendance” psychologique du système, pour subvertir leur démarche de soumission et leur position d’asservissement, – en vérité, et j’ironise à peine, pour les libérer, rien de moins…

Pour cette sorte d’action, dont la composante psychologique est essentielle, il faut des mouvements confus, incompréhensibles, parce que justement ces mouvements constituent une force psychologique insurrectionnelle brute semeuse de troubles sans fin dans les psychologies prisonnières du système, qui croient encore à la bonne ordonnance du système, qui craignent le désordre par dessus tout, et ce désordre commençant par la confusion psychologique.

Le seul but, – inconscient, bien plus que conscient, sans aucun doute, – de cette sorte d’action de ces “mouvements confus” est effectivement de “détruire” le pouvoir (le système) ; ces actions ont un aspect nihiliste qui se reflète dans leur confusion, mais ce nihilisme agit comme un contre feu, contre le nihilisme institutionnalisée du système, et elles acquièrent par logique contradictoire un aspect structurant antisystème extrêmement positif… Tout cela, comme vous le constatez, se déroule toujours dans le champ de la psychologie.

Bien entendu, il y a l’exemple de Tea Party. Ne nous lamentons pas si nous ne comprenons pas vraiment le but de Tea Party, bien au contraire ; surtout, surtout, il faut éviter tout jugement idéologique, de celui qu’affectionnent les vieilles lunes de notre establishment progressiste qui se donnent encore la sensation d’exister comme dans les belles années du XXème siècle, autour de la Deuxième Guerre mondiale, en agitant l’épouvantail de l’extrême droite et du “populisme”.

Politiquement, Tea Party c’est tout et rien, et c’est n’importe quoi, – et c’est tant mieux ; c’est, par contre, l’archétype du mouvement né d’une “psychologie insurrectionnelle”, qui doit être considéré pour cette dynamique, cette pression de l’insurrection psychologique qu’il fabrique et nullement pour ses motifs confus… L’on conviendra que tout cela n’est pas sans résultats, et quels résultats quand on voit l’évolution vertigineuse de la panique du système washingtonien.

Depuis le 2 novembre, l’establishment washingtonien ne cesse de grossir Tea Party, son action, son influence, bien plus que ne le justifieraient ses résultats aux élections. On construit à partir de lui des monstres qu’on pensait impossibles à Washington, comme l’annonce d’une aile “neo-isolationniste” au sein du parti républicain, laquelle, à force d’annonces et d’avertissements répétés, finit par exister vraiment.

On envisage des réductions dans le budget de la défense et Paul Krugman nous annonce un affrontement politique de rupture à Washington pour le printemps prochain, où Tea Party ne laissera sa place à personne. C’est cela, “détruire” le pouvoir (le système), le forcer à fabriquer lui-même, dans sa toute puissance, les monstres qu’il abomine et qui vont le dévorer. Et le moteur de tout cela, c’est bien la perception d’une irrésistible tension psychologique insurrectionnelle.

Enfin, dira-t-on en pianotant nerveusement sur la table, devant son écran d’ordinateur, lisant ce texte, où tout cela va-t-il mener ? L’esprit et la raison ne peuvent se départir de leur passion pour l’organisation du monde qui soit à leur mesure, où ils tiennent une place essentielle, dont ils peuvent proclamer la gloire à leur avantage… Bien entendu, la question est hors de propos. Pour l’instant on frappe, on frappe et on frappe encore, et l’on frappe principalement par cette pression psychologique insurrectionnelle…

Et le système fait le reste devant cette pression qu’il ne comprend pas mais qui l’enserre, il transforme son immense et invincible puissance en une force contre lui-même par des réactions stupides, absurdes, des maladresses extraordinaires.

Vous dites que le système est très, peut-être trop puissant ? Qui a parlé de le vaincre sur son terrain ? Surtout pas, il faut retourner contre lui, comme un gant, sa puissance énorme, comme le recommande l’honorable Sun tzi. Il s’effondrera ; d’ailleurs, cela est en cours, l’effondrement…

Et après ? Quel monde organiser? Oh, quelle ambition est-ce là… Laissez donc la montagne de fromage pourri et les murs de Jericho s’écrouler avant d’envisager ce qu’on peut mettre à la place, – non, pardon, avant d’envisager ce qui se mettra en place, de soi-même et irrésistiblement, par la grâce de forces puissantes.

Par cette formule, je veux avancer ceci : si l’hypothèse se vérifie et si la “pression psychologique insurrectionnelle” parvient effectivement à participer, sinon décisivement du moins considérablement, à la déstabilisation et à la déstructuration du système jusqu’à son effondrement, c’est que des forces fondamentales, supérieures à nous, auront évidemment favorisé cette issue qui n’est pas de l’empire de la raison, mais plutôt suggérée par l’intuition ; ces forces resteront présentes pour l’étape d’après la Chute et joueront leur rôle, fondamental à mesure…

Pour ce qui nous concerne, pour l’immédiat, nous autres brillants sapiens de l’espèce vulgum pecus, nous n’avons, à l’image du système, que la perspective TINA (There Is No Alternative) ; mais cela, dans une position de contre force, contre le système, car il n’y a pour nous pas d’alternative à la concentration de toutes nos forces dans le but ardent de la destruction d’un tel système, cette “source de tous les maux” dont l’unique but est aujourd’hui la destruction du monde.

Les sapiens revenus sur terre, à leur place, dans le chaos qu’ils ont tant contribué à créer, sont des acteurs parmi d’autres, et pas les plus grandioses, – certainement nous sommes cela, avec une bonne cure d’humilité à suivre, considérant le monstre extraordinaire que notre “génie” pleinement exprimé dans la modernité a contribué à créer.

Qu’ils s’en tiennent, les sapiens, à ce rôle qui n’est pas sans beauté ni dignité, comme l’est l’humilité devant l’ébranlement du monde dont nous ne tenons plus les fils. Ainsi bien compris, ce rôle n’est pas inutile.

Dedefensa

Un grand catholique: Carl Schmitt

Un grand catholique : Carl Schmitt

par Rémi Soulié

Ex: http://stalker.hautetfort.com/ 

Série: (Infréquentables, 6) - Tous les infréquentables.

Le texte de Rémi Soulié, ci-dessous légèrement amendé, a paru dans le numéro spécial de La Presse littéraire consacré aux écrivains infréquentables.

«Je tiens Carl Schmitt pour un profond penseur catholique…»
Jacob Taubes.


carl_schmitt9999.jpgAucun bricolage néo-kantien ne pourra longtemps masquer le nihilisme démocratique et la vacuité moderne – d’autant moins d’ailleurs que cet excellent lecteur de Kant que fut Jacobi diagnostiqua parmi les premiers la maladie nihiliste que les trois Critiques incubèrent fort peu de temps avant qu’elle ne se déclare. L’Europe, c’est-à-dire très exactement la chrétienté selon Novalis, ne pourra réagir qu’en opposant son antidote souverain : le catholicisme. On peut prendre la question dans tous les sens, ce n’est qu’en réactivant l’interrogation théologico-politique, comme l’ont compris Joseph de Maistre, Donoso Cortès, Carl Schmitt, mais aussi Leo Strauss et Jacob Taubes d’un point de vue juif, donc, en dernière analyse, chrétien, que l’on pourra faire rendre gorge au néant. L’adhésion très temporaire de Carl Schmitt au NSDAP (après d’ailleurs qu’il a mis tout Weimar en garde, dès 1932, sur le danger national-socialiste et l’urgence à interdire, par l’article 48 de la Constitution, les partis communiste et nazi) ne s’explique là encore que par la mystique au sens de Péguy – et non la politique: le catholique conséquent croyant en l’existence de l’univers invisible et donc des mauvais anges peut être abusé par les ruses et les séductions de l’Ennemi (au sens schmittien, d’une certaine façon, nous y reviendrons) jusqu’à prendre des vessies pour des lanternes et le point culminant du nihilisme actif (et non passif, celui-ci relevant de la juridiction démocratique) pour le paroxysme de la vérité. À la lettre oxymorique, il côtoie toujours les cimes des abîmes, comme un abbé Donissan ou un curé d’Ambricourt et à la différence de n’importe quel démocrate-chrétien. Les enfileurs de perles et les analystes du rien, hommes du ni oui ni non, font aujourd’hui écran au théologien politique, homme des affirmations absolues et des négations souveraines fidèle à l’Évangile («Que votre oui soit oui, que votre non soit non», Mt 5, 37) alors que ce dernier est évidemment requis par la tiédeur infernale. Le libéralisme, hostile à toute forme de vision, ne voit bien entendu se profiler aucune eschatologie à l’horizon de sa myopie : il rassemble l’alpha et l’oméga de l’Histoire – formule inadéquate quoique révélatrice de la parodie – dans l’alternance, le marché, l’hédonisme, le sentimentalisme et l’humanitarisme (ce que Schmitt appellera, non sans mépris, «la décision morale et politique dans l’ici-bas paradisiaque d’une vie immédiate, naturelle, et d’une «corporéité» sans problèmes» ou «les faits sociaux purs de toute politique»). Qui décidera de l’état d’exception en cas de guerre civile ? Le souverain, soit, personne (l’anti-personne démoniaque – en ceci, le désespoir demeure en politique une sottise absolue, puisque aussi bien le diable porte pierre).

Né en 1888 dans une famille catholique de Rhénanie lointainement originaire de Lorraine, le jeune Carl Schmitt se définit ainsi : «J’étais un jeune homme obscur, d’ascendance modeste […]. Je n’appartenais ni aux couches dirigeantes, ni à l’opposition […]. La pauvreté et la modestie sociale étaient les anges gardiens qui me tenaient dans l’ombre. C’était un peu comme si, me tenant dans un noir total […] j’avais depuis mon poste observé une pièce vivement éclairée […]. La tristesse qui me remplissait me rendait plus distant et suscitait chez les autres distance et antipathie. Pour les couches dirigeantes, quiconque ne vibrait pas à l’idée de les côtoyer était un corps étranger. Il s’agissait de s’adapter ou de se retirer. Je demeurai donc à l’extérieur.» Il poursuit : «Pour moi, la foi catholique est la religion de mes ancêtres. Je suis catholique non pas seulement par confession, mais par origine historique, et si j’ose dire, par la race» (où l’on notera, avec ce dernier terme, l’influence de Péguy).
Lecteur de L’Action Française, francophile, classique, latin, Carl Schmitt s’inscrit également dans la lignée des penseurs qui refusèrent l’absolutisation de la raison trop humaine aux côtés du Karl Barth commentateur de l’Épître aux Romains dans le domaine protestant ou de Martin Buber dans les études juives, fussent-elles hétérodoxes. Si, comme il l’affirme, tous les concepts fondamentaux de la théorie moderne de l’État sont des concepts théologiques sécularisés – ainsi, par exemple, de l’état d’urgence pensé en analogie avec le miracle puisque dans l’un et l’autre cas, la législation naturelle ou politique est rompue par ceux-là mêmes qui l’ont instituée –, seule la théologie permettra de cerner la vérité des sociétés qui croient s’être affranchies de l’une et de l’autre. Le libéralisme nie l’essence de la haute politique qui suppose, en termes schmittiens, un ennemi c’est-à-dire un conflit (chez les pères de l’Église et saint Augustin en particulier, l’Ennemi, c’est le Mauvais, ce qui peut être également le cas chez Schmitt dès lors que la dramaturgie historique oppose in fine le Christ et l’Antéchrist). En niant l’immortalité de l’âme ou en renvoyant cette croyance dans la sphère privée – ce qui revient au même –, le libéral tente de remplacer la tragédie par le vaudeville. La haute politique présuppose la croyance dans le péché originel, la discrimination de l’ami et de l’ennemi qu’elle induit, la dénonciation des leurres de l’Antéchrist – paix perpétuelle, harmonie universelle, gouvernement mondial («Vous savez vous-mêmes que le Jour du Seigneur arrive comme un voleur en pleine nuit. Quand les hommes se diront : Paix et Sécurité ! c’est alors que tout d’un coup fondra sur eux la perdition, comme les douleurs sur la femme enceinte, et ils ne pourront y échapper» (I Thessaloniciens, 5, 2-3) -, l’acceptation de notre condition de créature, donc d’être limité voué à la mort voire au «sérieux» du sacrifice, la décision, enfin, dont l’infaillibilité pontificale pourrait être l’un des modèles. Avec Donoso Cortès, Carl Schmitt considère que le libéralisme et la démocratie consistent soit à ne pas répondre à la question «le Christ ou Barrabas ?» en multipliant les motions de renvoi en commission ou, mieux, en créant une commission d’enquête, soit à y répondre nécessairement par la libération de Barabbas, comme Hans Kelsen en convient d’ailleurs mais pour s’en féliciter, c’est-à-dire par la mise à mort de Dieu – ou, dirait Benny Lévy d’un point de vue juif donc chrétien, par le «meurtre du Pasteur». (L’établissement de la République, en France, releva encore partiellement du domaine politique et donc non libéral puisque les républicains avaient désigné en l’Église catholique l’ennemi «schmittien», et c’était de bonne guerre cela va de soi; la «lutte millénaire entre le christianisme et l’islam» (La Notion de politique ) en est un autre exemple).
Comme aucun discours véridique ne peut être proféré sans que son auteur ne subisse d’une manière ou d’une autre la persécution de ceux-là mêmes à qui il s’adresse ou qu’il défend – toute l’histoire biblique l’atteste –, Schmitt, à l’instar de Maurras, souffrit par l’Église catholique. Sur un coup de tête, il épouse à Munich, pendant la Grande Guerre, une affreuse mythomane originaire de Bohême, Paula Dorotic, qui s’enfuit peu de temps après avec, comble de l’horreur, une partie de sa bibliothèque. Le mariage est annulé civilement le 18 janvier 1924 mais la «bureaucratie de célibataires» que peut être aussi la sainte Église catholique, apostolique et romaine refuse par deux fois d’annuler cette union malencontreuse. Schmitt se résout à se remarier et fut ainsi privé des sacrements jusqu’en 1950, date de la mort de sa seconde épouse. Voilà un signe supplémentaire attestant de son élection.
Excellent papiste, il prend la défense de l’Inquisition, même s’il déplore qu’elle ait été hélas pervertie par l’usage de la torture : «Ce fut une mesure terriblement humaine que la création du «droit inquisitorial» par le pape Innocent III. L’Inquisition fut sans doute l’institution la plus humaine qu’on puisse imaginer, puisqu’elle partait de l’idée qu’aucun accusé ne pouvait être condamné sans aveux […]. En termes d’histoire du droit, l’idée d’Inquisition ne peut guère être contestée, même aujourd’hui» (1).
(On ne s’étonnera pas qu’il argumente une fois encore dans des termes voisins de ceux de Péguy, dans un ordre comparable : «La politique de frapper les têtes (les mauvaises têtes) est une politique d’économie, et même la seule politique d’économie […]. Rien n’est humain comme la fermeté. C’est Richelieu qui est humain – et c’est Robespierre qui est humain. C’est la Convention nationale qui est en temps de guerre le régime de douceur et de tendresse. Et c’est l’Assemblée de Bordeaux et le gouvernement de Versailles qui est la brutalité de la brute et l’horreur et la cruauté. [… ] Tout mon vieux sang révolutionnaire me remonte et […] je ne mets rien au- dessus de ces excellentes institutions d’ancien régime, qui se nomment le Tribunal Révolutionnaire et le Comité de Salut Public et même je pense le Comité de Sûreté Générale… […] et je ne mets rien au-dessus de Robespierre dans l’ancien régime»).

Car Schmitt défendra bien entendu le Grand Inquisiteur contre l’orthodoxe Dostoïevski. En ces temps qui sont les derniers, autrement dit en régime apocalyptique, il écoute les derniers prophètes : «Remarquez-le bien, il n’y a déjà plus de résistances ni morales ni matérielles. Il n’y a plus de résistances matérielles : les bateaux à vapeur et les chemins de fer ont supprimé les frontières, et le télégraphe électrique a supprimé les distances. Il n’y a plus de résistances morales : tous les esprits sont divisés, tous les patriotismes sont morts […]. Il s’agit de choisir entre la dictature qui vient d’en bas et la dictature qui vient d’en haut : je choisis celle qui vient d’en haut, parce qu’elle vient de régions plus pures et plus sereines. Il s’agit de choisir, enfin, entre la dictature du poignard et la dictature du sabre : je choisis la dictature du sabre, parce qu’elle est plus noble».
Une chose est sûre : «Le monde avance à grands pas vers l’établissement du despotisme le plus violent et le plus destructeur que les hommes aient jamais connu […]. Je tiens pour assurer et évident que, jusqu’à la fin, le mal triomphera du bien et que le triomphe sur le mal sera, en quelque sorte, réservé à Notre Seigneur. Il n’est donc aucune période historique qui ne soit destinée à s’achever en catastrophe.»
Ainsi s’exprimait Donoso Cortès au parlement espagnol le 4 janvier 1849 dans son Discours sur la dictature. À Ernst Jünger, Schmitt confiera qu’il considère ce texte comme «le plus extraordinaire discours de la littérature mondiale sans excepter ni Périclès et Démosthène, ni Cicéron ou Mirabeau ou Burke».
Carl Schmitt continue de lire Dostoïevski, Sorel, Bloy, pour qui il a de la «vénération» – c’est lui qui introduit d’ailleurs Jünger à la lecture du Belluaire. Il saluera plus tard «la magnifique confrontation d’un Allemand avec Léon Bloy» dans le Journal de Jünger, qui est «le plus grand document de la spiritualité européenne contemporaine.» Comme tout homme bien né, Schmitt attend donc les Cosaques et le Saint-Esprit, soit, la Rédemption – d’où son influence sur Benjamin, qui lui envoie ses Origines du drame baroque allemand et l’assure de l’influence méthodologique de La Dictature sur ses propres réflexions esthétiques mais aussi de sa dette à l’endroit de sa «présentation de la doctrine de la souveraineté au XVIIe siècle», sur Leo Strauss également ou sur l’«archijuif» – comme il se définissait lui-même – Jacob Taubes. Une étude sérieuse des relations entre Carl Schmitt, les Juifs et le judaïsme, que l’on attend toujours (2), devrait également intégrer la notion cardinale de Nomos : si Schmitt se refuse de la traduire par «loi», ce qui pourrait être hâtivement interprété comme une oblitération du judaïsme, il la comprend à partir des trois catégories fondamentales qui y sont incluses – prendre, partager et paître – ce dernier terme engageant certes le Bon Pasteur christique mais également… David ou Moïse (3). Sans mythe structurant, les agnostiques modernes, eux, collaborent pendant ce temps à la damnation du monde tout en jacassant.
Mais c’est surtout par l’analyse de la figure essentielle du katékhon que Carl Schmitt manifeste une hauteur de vue et un sens aigu de l’Histoire toujours sainte dont la pertinence demeure bouleversante. Pour la comprendre, il faut se reporter à un passage particulièrement difficile de la deuxième Épître aux Thessaloniens de saint Paul concernant ce qui précèdera la parousie : «Il faut que vienne d’abord l’apostasie et que se révèle l’Homme de l’impiété, le Fils de la perdition […]. Et maintenant, vous savez ce qui le retient [tò katékhon], pour qu’il ne soit révélé qu’en son temps. Car le mystère de l’impiété est déjà à l’œuvre; il suffit que soit écarté celui qui le retient [ho katékhon] à présent. Alors se révèlera l’Impie, que le Seigneur Jésus détruira du souffle de sa bouche» (2, 3-9). Qui est ce Katékhon, ce «Rétenteur» ou «Retardateur» dont le rôle est ambigu puisqu’à la fois il empêche la survenue des catastrophes finales mais en même temps retarde d’autant la seconde venue du Christ en gloire et donc de la fin de l’histoire puis du Jugement ? Est-il personnel ? Impersonnel ? Saint Jérôme et saint Jean Chrysostome l’identifièrent avec l’Empire romain; dans la terminologie schmitienne, ce rôle semble tenu successivement par le dictateur commis ou souverain, le défenseur de la Constitution ou le Léviathan, ceci étant révélateur de sa propre hésitation entre la nécessité de conserver partiellement ce qui est et sa non moins nécessaire liquidation partielle ou totale (où Bloy s’impatiente, Schmitt temporise). Voilà pour l’interprétation positive. Sur un plan mystique, ce thème manifeste la nécessité de maintenir ouverte la brèche qui déchire la terre, monte au ciel et plonge en enfer, pendant le règne vermineux du dernier homme (règne possiblement antéchristisque, ce qui infirmerait la pérennité de l’action katékhontique). En elle est serti le roc de Pierre, le Corps visible de Jésus-Christ que cette tension ne parvient pas à écarteler. La mission katékhontique relève peut-être de l’Église catholique, et en particulier de l’ordre jésuite, comme Schmitt le suggère dans son Glossarium : elle seule détiendrait le pouvoir mystérieux de prononcer en même temps le «Marana Tha» de l’Apocalypse – «Viens, Seigneur Jésus !» – et la demande d’un délai de grâce (Schmitt sait que le temps n’est pensable qu’en terme de délai, comme tous les Juifs conséquents). D’une manière énigmatique, comme il convient d’évoquer ces questions, il écrit à Pierre Linn en 1932 : «Vous connaissez ma théorie du katékhon. Je crois qu’il y a en chaque siècle un porteur concret de cette force et qu’il s’agit de le trouver. Je me garderai d’en parler aux théologiens, car je connais le sort déplorable du grand et pauvre Donoso Cortès. Il s’agit d’une présence totale cachée sous les voiles de l’histoire». Jacob Taubes, grand interlocuteur de Schmitt, comprend simplement le katékhon, dans sa Théologie politique de Paul, comme une tentative de dominer le chaos par la forme.
À ceux qui prétendent que l’Église catholique a désamorcé la charge évangélique, Schmitt répond que la juridisation est la réalisation : «Car qu’est-ce que le droit ? La réponse de Hegel est : le droit est l’Esprit se rendant effectif. […] L’Église romaine est réalité historique». Théodore Paléologue a donc raison de considérer que «la politisation schmittienne du katékhon répond à la conviction que l’Esprit doit se rendre effectif et que toute idée chrétienne est une idée incarnée».
«Homme de contemplation», comme il se définissait lui-même, dont «le centre inoccupable» de la pensée «n’est pas une idée, mais un événement historique, l’Incarnation du Fils de Dieu», grand démystificateur des impuissances libérales et de leur juridisme – lequel ne serait que ridicule s’il n’était enclin au totalitarisme – Carl Schmitt a dénoncé le misérable «affect anti-romain» sous la domination duquel nous survivons. Comme Heidegger, dit Jacob Taubes, il a posé des questions fondamentales, en ceci précisément intolérables au libéralisme (qui ne tolère que les insignifiantes), d’où son éviction et la «récitation» obligatoire, dit toujours Taubes, de «l’ABC démocratique» qui doit s’en suivre. Schmitt définit «la clé secrète de toute [son] existence spirituelle et de toute [son] activité d’auteur» comme «le combat pour la radicalisation authentiquement catholique», laquelle constitue sans doute aussi le «savoir intègre» qu’il appelait de ses vœux, au service de la «pensée concrète de l’ordre». Une certitude néanmoins : «Jusqu’au retour du Christ, le monde ne connaîtra pas l’ordre».

Carl Schmitt est mort le dimanche de Pâques 7 avril 1985.

Notes
(1) En 1936 (N.d.a.), Schmitt s’inscrit ici dans la lignée de Joseph de Maistre pour qui «L’inquisition est, de sa nature, bonne, douce, conservatrice».
(2) Je ne méconnais pas l’étude de Raphaël Gross, Carl Schmitt et les Juifs (PUF, 2005, préface d’Yves-Charles Zarka, traduction de Denis Trierweiler) mais elle est hélas exclusivement à charge.
(3) Voir, à nouveau, le très beau livre de Benny Lévy, Le Meurtre du Pasteur (Grasset, 2002) mais, également, Rémi Soulié, Avec Benny Lévy (Le Cerf, 2009).

Bibliographie succincte
- Carl Schmitt, Théologie politique (Gallimard, 1988).
- Heinrich Meier, Carl Schmitt, Leo Strauss et la notion de politique. Un dialogue entre absents (Julliard, 1990).
- Sous la direction de Carlos-Miguel Herrera, Le droit, le politique. Autour de Max Weber, Hans Kelsen, Carl Schmitt (L’Harmattan, 1995).
- Jacob Taubes, La Théologie politique de Paul. Schmitt, Benjamin, Nietzsche et Freud, Seuil, 1999 et En divergent accord. À propos de Carl Schmitt (Payot, 2003).
- Théodore Paléologue, Sous l’œil du Grand Inquisiteur. Carl Schmitt et l’héritage de la théologie politique (Cerf, 2004).
- David Cumin, Carl Schmitt. Biographie politique et intellectuelle (Cerf, 2005).
- Gopal Balakrishnan, L’Ennemi. Un portrait intellectuel de Carl Schmitt (Éditions Amsterdam, 2006).

L'auteur
Rémi Soulié, né en 1968 en Rouergue. Essayiste, critique littéraire au Figaro Magazine, il a récemment consacré un essai à Benny Lévy (Le Cerf, 2009) et prépare une étude, De l'Histoire sainte : Joseph de Maistre, Donoso Cortès, Carl Schmitt.

mardi, 30 novembre 2010

La guerre des empires selon F. Lenglet

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La guerre des empires (F. Lenglet)

 

Pour François Lenglet (FL), la « guerre des empires » est inéluctable. L’hypothèse d’une alliance structurelle USA-Chine est, à ses yeux, une « bulle géopolitique » qui finira par exploser, et sans doute assez vite. Nous sommes d’accord, même si (on le verra plus loin), nous marquons quelques fortes divergences avec l’analyse de l’auteur, à notre avis trop pro-US.

La thèse, dans les  grandes lignes :

FL établit un parallèle inquiétant entre le rapport actuel Washington-Pékin et le rapport Londres-Berlin en 1899. Deux économies interdépendantes, l’une ayant longtemps été en avance sur l’autre, plus puissante et plus avancée. Puis, progressivement, l’économie «  à la remorque » se renforce, et finit par battre son alliée à son propre jeu. Dès lors, l’alliance n’est plus possible, parce qu’on ne sait plus qui est le maître de qui. La rivalité commence.

 

Les arguments qu’on oppose à ce parallèle ne satisfont par FL.

La Chine, se démocratiser ? Pur occidentalo-centrisme. Pour qui voit les choses du point de vue chinois, quel est le meilleur régime politique : une démocratie occidentale corrompue, dévorée par le cancer financier, virtualisée par le marketing tout puissant, ou un régime pékinois autoritaire, mais qui garantit à son peuple le doublement du PIB tous les sept ans ? A part le droit de vote, dont ils ne sauraient sans doute pas quoi faire, les Chinois n’ont rien à gagner à se « démocratiser », si la « démocratie » veut dire, concrètement, le règne de Goldman Sachs.

La Chine, puissance pacifique qui ne s’intéresse qu’à elle-même ? Niaiserie. Il existe un très fort ressentiment chinois. Pour Pékin, les guerres de l’opium et le « siècle de l’humiliation », qui suivit, jouent un peu le rôle du traité de Versailles dans l’Allemagne de Weimar : une honte, et surtout, une injustice. Les occidentaux ont souvent tendance à croire que leur suprématie mondiale de ces deux derniers siècles traduit un ordre des choses quasi-essentialisable. Illusion : c’est oublier qu’à l’échelle du temps long, le pays le plus développé et le plus puissant du monde a été, le plus souvent, la Chine. Et de cela, les Chinois, eux, se souviennent parfaitement.

Alors, USA, Chine : un fauteuil pour deux ?

Première question : comment en est-on arrivé là ?

FL commence par rappeler l’histoire des relations américano-chinoises. La visite de Nixon, en 1972, a été le coup d’envoi d’un partenariat USA/Chine qui, pour ne pas avoir été sans nuages, s’est bon an mal an maintenu pendant quatre décennies.

Au départ, pour les  USA, il s’agit surtout de contrer l’URSS. Exemple, l’opération Chestnut, lancée en 1979, permet aux Américains d’implanter une station d’écoute ultra-perfectionnée dans le désert occidental chinois. Pour écouter qui ? Les soviétiques, sur le point d’entrer en Afghanistan (où la CIA s’active, afin précisément d’attirer Moscou dans le piège). Face à l’enjeu représenté par le soutien chinois contre l’URSS, l’amitié avec Taiwan ne pèse pas lourd, aux yeux des conservateurs réalistes (Kissinger, puis Brzezinski).

Pour la Chine, dès le départ, l’alliance aigre-douce avec les USA est surtout une affaire économique  Pékin n’a pas vraiment besoin des investissements occidentaux (la Chine n’a jamais manqué de capital, parce qu’avec un coût du travail quasi-nul, on n’a pas besoin de capitaux importants pour produire – le travail, au besoin, fabrique le capital productif). Mais la Chine a en revanche désespérément besoin des technologies occidentales.

Dans les années 80, Deng lance donc la modernisation à marche forcée de l’économie chinoise, et pour récupérer de la technologie sans permettre l’implantation en profondeur des USA, il invente une solution aussi simple que redoutable : les « zones économiques spéciales », sorte de Far West chinois ultra-capitaliste, qui va servir de filtre (la technologie occidentale passe, mais, le pouvoir restant aux Chinois dans les joint-ventures, l’influence est bloquée). Les firmes américaines, qui pensent leur planification à beaucoup moins long terme que Pékin, vont se laisser attirer dans le piège, fascinées qu’elles sont par le gigantesque marché chinois. Un marché de dupe, où la dupe n’est pas celui qu’on croit : les capitalistes occidentaux sont persuadés qu’ils viennent de gagner la guerre contre leurs propres peuples (en mettant en concurrence le salarié occidental et l’esclave chinois) ; c’est vrai, mais ils ont aussi, sans le savoir, perdu la guerre à l’échelle géopolitique, contre une oligarchie rivale…

Quoi qu’il en soit sur le long terme, au fil des années 80-90, une sorte de symbiose s’instaure progressivement entre les deux géants. Pékin offre aux firmes US sa main d’œuvre quasiment illimitée, très bon marché et remarquablement docile. Les Américains, en retour, offrent la technologie, le savoir-faire, et un appui massif à la Chine pour son intégration dans l’économie mondiale (clause de la nation la plus favorisée, puis OMC).

Mais cette symbiose n’a jamais été sans ambiguïté et nuages. Dès 1982, les Chinois se sont rendu compte que, contrairement aux accords passés, la CIA construisait des réseaux sur leur sol (plus tard, cela débouchera sur la secte Falun Gong). Aussitôt, exploitant la diaspora, profitant de l’envoi aux USA de dizaines puis de centaines de milliers d’étudiants, ils bâtissent leurs propres réseaux (les services secrets chinois sont potentiellement plus puissants que la CIA elle-même – nous y reviendrons dans une note de lecture ultérieure).

Surtout, le mode de développement choisi par Pékin présente un inconvénient pour la population : une génération entière est sacrifiée. Le PIB chinois présente en effet, à partir de la fin des années 80, une structure tout à fait atypique : exportations gigantesques (jusqu’à 35 % certaines années, soit un taux d’extraversion absurde pour une économie de cette taille), investissement fabuleux (jusqu’à 50 % certaines années, un taux qui ferait presque passer le décollage japonais pour une entreprise au rabais !)… et, donc, obligatoirement, une part du PIB réservée à la consommation très faible (certaines années, à peine 20 %).

L’avantage de cette formule, évidemment, c’est que le développement des capacités productives se fait à une vitesse foudroyante. Si vous investissez 50 % de votre PIB, étant donné que dans les conditions chinoises, 5 points d’investissement rapportent à peu près 1 point de capacité productive, vous faîtes croître vos capacités de production de 10 % par an (ce que feront les Chinois pendant trente ans). Mais si en plus, vous exportez 30/35 % de votre PIB (pour accumuler des réserves de change et acheter, en réalité, de la technologie), il vous reste peu pour la consommation. Conséquence : les salaires versés aux ouvriers qui produisent pour l’investissement ou l’exportation n’ont pas de contrepartie dans le marché intérieur, et le risque de surchauffe inflationniste est permanent. La Chine pourrait en sortir en remplaçant les exportations par le marché intérieur, mais comme Pékin veut absolument acheter de la technologie (et de l’influence), le choix sera maintenu durablement en faveur de ce modèle qu’on pourrait qualifier de « stakhanovisme à l’échelle d’un pays-continent ».

Comme le rappelle FL, le « printemps de Pékin » en 1989 fut donc beaucoup plus une demande de remise en cause de ce modèle (moins d’exportation, plus de consommation) qu’une revendication démocratique (même si, peut-être du fait de l’existence de réseaux CIA, les étudiants pékinois mirent en avant la revendication politique stricto sensu). Et donc, la boucherie de Tian Anmen ne signifiait pas que le « communisme » était maintenu, mais plus simplement que la Chine, pour ne pas avoir à tolérer l’influence occidentale (en échange des technologies) continuerait à acheter du savoir-faire en exportant à tout va – au prix de sa « génération sacrifiée ».

Ce message, d’ailleurs, fut reçu en Occident : pour la galerie, Bush père prit quelques sanctions peu durables ; mais en arrière-plan, le très puissant lobby patronal US-China Business Council a parfaitement décodé Tian Anmen : pour lui, cela veut dire, tout simplement, que la Chine va poursuivre son développement en sacrifiant une génération, et qu’il y a donc beaucoup, beaucoup d’argent à gagner dans les « zones économiques spéciales ». De fait, ce qui s’est décidé à Tian Anmen, c’est donc une alliance objective entre l’oligarchie postcommuniste chinoise et l’oligarchie néolibérale US – alliance dont les consommateurs surendettés américains et les ouvriers surexploités chinois vont faire les frais (une analyse que, bien entendu, FL s’abstient de formuler aussi brutalement – ici, c’est nous qui décodons).

Les années 1990-2008 voient le triomphe de la « Chinamérique ». Les flux commerciaux croissent vertigineusement, au rythme de la bulle financière occidentale et de l’économie productive asiatique. Il en découle une période de forte croissance apparemment globale, en réalité purement chinoise ; l’Amérique réelle est en train d’imploser – même si, au départ, personne n’accepte de le voir.

Ici, FL propose une analyse qui, à notre humble avis, fait la part trop belle aux élites occidentales. Pour lui, les dirigeants du capitalisme occidental auraient toléré la dévaluation de 50 % du Yuan en 1994 parce qu’ils souhaitaient maintenir coûte que coûte les liens avec la Chine (et non, comme nous le pensons, parce qu’ils y voyaient un moyen d’intensifier la guerre de classes en Occident même). Idem, FL estime que lorsque les taux longs US n’ont pas immédiatement suivi la remontée des taux courts en 2005, les dirigeants US n’ont pas compris que cela venait des achats chinois de bons du trésor US (sans rire ?). Et il ajoute que la crise des subprimes trouve son origine dans le dérèglement du marché des taux par les achats chinois à partir de cette date, ce qui est tout simplement faux (l’explosion du marché des subprimes est antérieur de trois ans au décrochage des taux longs, il remonte à 2001/2002, et il trouve son origine dans les taux directeurs bas de la FED – lire à ce sujet « Crise ou coup d’Etat ? »).
Bref, l’analyse de FL fait à notre avis la part un peu trop belle au discours officiel US ; nous croyons quant à nous que les USA ont accepté le Yuan comme monnaie de guerre chinoise parce que cette monnaie de guerre était, aussi, celle de leur propre guerre, contre leurs propres peuples, en vue d’un ajustement brutal de la structure de classe.

Quoi qu’il en soit, le double marché de dupes s’est maintenu pendant deux décennies, de 1990 à 2008. Ni l’incident de 1994 (bâtiment chinois intercepté car soupçonné de livrer des armes chimiques à l’Iran), ni celui de 1999 (bombardement « par erreur » de l’ambassade de Chine à Belgrade lors de l’opération US/Otan pour le Kosovo) n’ont remis en cause les dynamiques commerciales formidables enclenchées par la « Chinamérique »…

Jusqu’au moment où ces dynamiques ont produit ce qu’elles devaient produire : le basculement du centre de gravité du capitalisme global. Voilà comment nous en sommes arrivés où nous sommes aujourd’hui.

Deuxième question : et où va-t-on, après ?

Fondamentalement, le heurt va opposer deux puissances qui sont, et l’une, et l’autre, des empires. Il ne faut pas ici tomber dans le simplisme : il n’y a pas d’un côté une puissance malsaine, de l’autre une puissance saine. Il y a deux systèmes de pouvoirs immenses, l’un sur le déclin (donc plus prédateur à court terme), l’autre en expansion (donc n’ayant pas besoin d’être prédateur à court terme), mais aussi brutaux l’un que l’autre.

Oui, oui, on sait, l’Amérique est « démocratique », pas la Chine – mais allez donc poser la question à Bagdad, vous allez voir… Et oui, oui, on sait, la Chine n’a pas attaqué de pays récemment – mais allez poser la question de son « émergence pacifique » aux millions d’esclaves qui triment dans ses usines, et là aussi, vous verrez…

FL nous apprend qu’en 1999, deux colonels de l’armée chinoise inventent le concept de « guerre hors limite », notion pratiquement identique au concept US du « Fourth Generation Warfare » : la guerre qui se déploie sur tous les fronts, en impliquant tous les aspects de la vie politique, économique et culturelle, parce que la confrontation directe, par l’armement, est devenue impensable (trop grande puissance de destruction). Et quand les USA inventent la « lutte contre le terrorisme » pour justifier leur impérialisme, la Chine conçoit la théorie de « l’émergence pacifique » pour désamorcer les critiques que son offensive économique tous azimuts pourraient susciter.

Chine et USA jouent chacun avec leurs atouts propres, mais en réalité, ils jouent sur le même échiquier, et avec des logiques de puissance précontraintes par la nature même de leur affrontement. Les Chinois font semblant de ne pas avoir de prétention à la domination globale (sauf quand il s’agit de mettre la main sur le pétrole du Soudan et du Tchad – alors là, on y va franchement, soutien militaire inclus), et les Américains font semblant de coopérer sans arrière-pensée (sauf quand une firme chinoise veut s’emparer d’Unocal – alors là, pas touche, il y va du contrôle US sur le pétrole d’Asie centrale…).

A ce petit jeu, la puissance montante part a priori gagnante. Plus grand marché du monde, Pékin va progressivement supplanter les USA comme le pays qui définit les normes (une des sources de la puissance US au XX° siècle). Ayant désormais refait l’essentiel de son retard technologique, la Chine n’a plus vraiment besoin des USA ; ce qu’elle achetait jusqu’ici à l’Ouest, c’était de la technologie ; mais désormais, la technologie, elle peut dans une large mesure la produire elle-même.

Plus structurant peut-être, le modèle de « socialisme de marché » inventé par Pékin (l’Etat possède en réalité l’outil de production, mais tolère l’enrichissement du management) semble, à ce stade, mieux fonctionner qu’un modèle US néolibéral en chute libre. Comme le rappelle FL, depuis 30 ans, la Chine fait exactement le contraire de ce qui est préconisé par le FMI – et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle s’en sort mieux que ceux qui ont obéi au « consensus de Washington ».

Privatiser l’économie, dit le FMI. Restructurer les entreprises d’Etat, répond Pékin. Libéraliser le compte de capital du pays, dit le FMI. Contrôle des changes, répond Pékin. Banque centrale indépendante, dit le FMI. Contrôle politique sur le crédit, répond Pékin.

Jusque dans la gestion de la crise financière, Pékin donne une leçon de pragmatisme et d’efficacité à l’Occident : sauver les banques, dit l’Occident ; relancer par l’économie productive, répond Pékin (l’UE sauve les créanciers de la Grèce, la Chine investit dans ses usines…).

En somme, pour FL, ce qui vient de se passer, en 2008, c’est une rupture d’environnement géostratégique : ce n’est pas la chute du capitalisme, non. C’est la chute du capitalisme occidental néolibéral. Un mur vient de tomber : celui que l’Occident avait érigé autour de son pouvoir global. La chute de ce mur-là joue, pour les Chinois, le rôle joué par la chute du Mur de Berlin pour les Occidentaux : l’annonce qu’on vient de gagner une guerre « de quatrième génération ». Nous ne dirons pas le contraire. Lire à ce sujet « Crise économique ou crise du sens ? ».

Conséquence  de cette rupture géostratégique : la « Chinamérique » va exploser.

Ici, deux théories s’opposent : le « découplage » (la Chine poursuivra sa croissance sans la « Chinamérique ») et la crise globale (les USA entraîneront la Chine dans leur faillite, car Pékin ne pourra pas maintenir sa croissance folle une fois la « Chinamérique » disparue).

Sur ce point précis, nous marquons un désaccord avec l’auteur de « La guerre des empires ».
FL prend position pour la crise globale, donc contre le « découplage ». Il invoque pour cela les premières conséquences de la crise, qui aura entraîné un effondrement des exportations chinoises (voir « Crise ou coup d’Etat ? »). La croissance chinoise réelle passe sensiblement sous le seuil des 8 % annuels (nécessaire pour éviter la hausse du chômage, dans un pays qui voit un gigantesque exode rural interne).
Pour notre part, nous doutons de la viabilité de cette analyse. Que dans un premier temps, la Chine subisse un ralentissement de croissance est évident, logique. Mais nous estimons que le marché intérieur chinois pourrait très rapidement prendre la relève des exportations ; encore une fois, ce qui explique la croissance chinoise, c’est un taux d’investissement énorme et des débouchés solvables (l’exportation) ; si les exportations calent, il reste le développement du marché intérieur, et rien n’empêche Pékin de le lancer, à présent, puisque l’acquisition des technologies est en passe d’être achevée (donc plus besoin des exportations pour financer l’acquisition de technologie), et les ressources financières existent (taux d’épargne élevé, réserves de change énorme : marché solvable).
Peut-être la crise US arrive-t-elle quelques années trop tôt pour la Chine ; mais à moyen terme, à notre avis, sauf problème écologique ou énergétique, on ne voit pas ce qui empêcherait la Chine de se développer par l’investissement et la consommation (lire, à ce sujet, « Crise économique ou crise du sens ? »).
Le fond du désaccord : FL pense que la relance chinoise par l’investissement va enclencher un cycle inflationniste ; à notre avis, il oublie que si la Chine développe son marché intérieur au lieu d’exporter, le risque social lié à la surchauffe va beaucoup baisser (puisque les salaires augmenteront avec l’inflation, laquelle sera contenue par un afflux de produits enfin destinés au marché intérieur). FL pense que la dette chinoise est trop importante pour développer le marché intérieur : à notre avis, il oublie qu’une dette totale (tous acteurs confondus) à 200 % du PIB (son estimation, à notre avis maximaliste) n’est pas insurmontable, si le taux d’épargne est élevé (il l’est en Chine) et, surtout, si la croissance permet de couvrir les intérêts (à ce stade, elle le permet). En outre, il ne faut pas négliger que les flux du commerce international peuvent très bien rebondir via les pays émergents entre eux (c’est d’ailleurs ce qui se passe depuis un an).
Bref, comme FL, nous croyons effectivement que la crise marque la fin d’un système : la mondialisation néolibérale occidentalo-centrée ; mais à la différence de cet auteur, nous estimons que la théorie du « découplage » est tout sauf absurde. Il ne s’agit pas de nier que la Chine va éprouver des difficultés (on ne reconvertit pas sans casse une industrie bâtie pour l’export), mais simplement d’estimer, tout bien considéré, que Pékin a de fortes chances de surmonter ces difficultés. Encore une fois, avec 10 % de croissance et un fort taux d’épargne, on couvre les intérêts d’une dette totale, tous acteurs confondus, à 200 % du PIB (situation chinoise). Alors qu’avec une croissance faible (2, 3 %), voire nulle, et une épargne anéantie, on ne couvre pas une dette totale (tous acteurs confondus) qui doit maintenant dépasser largement 300 % du PIB (situation US).
Donc, disons-nous, la Chine va souffrir – mais elle passera le cap (ce qui ne sera pas le cas des USA).
L’avenir dira qui avait raison…

FL est en revanche tout à fait intéressant quand il nous renseigne sur les premières étapes de l’explosion de la « Chinamérique ».

Du côté américain, deux tendances s’affrontent. Les « gentils garçons » veulent la paix avec la Chine (on les appelle les « panda huggers », les « embrasseurs de panda ») ; Obama, a priori, appartient à cette école « mondialisation avant tout » (son demi-frère est d’ailleurs marié à une chinoise), tout comme une bonne partie de son administration. Mais une autre tendance, qui prime au Congrès, « America first » en quelque sorte, veut la confrontation. Arme envisagée : le protectionnisme (enfin, on y vient) – la campagne de presse en cours aux USA sur la sécurité des biens fabriqués en Chine, ou encore les tentatives du Congrès pour faire accuser la Chine de manipulation monétaire, traduisent d’ailleurs une volonté de faire sentir aux Chinois que les « panda huggers » ne sont pas forcément les seuls à décider, à Washington.

On ne s’étonnera pas ici que l’administration Obama (financement : Soros donc Rothschild ; conseil stratégique : Brzezinski dont Rockefeller) soit « panda hugger » (finir de gagner la guerre de classes), tandis que le Congrès (soumis au vote de l’Amérique profonde et en partie financé par l’industrie US) soit nettement plus hard avec la Chine (préserver la puissance US)…

Du côté chinois, on prend progressivement conscience de sa puissance, et on teste le rival, à petites touches. Remise en cause du dollar comme monnaie de réserve mondiale (discours de Zhou Xiaochuan, gouverneur de la banque centrale chinoise). Pesée au sein du FMI en faveur d’une monnaie de réserve mondiale constituée d’un panier de monnaie. Accords avec des pays asiatiques qui officialisent le rôle de monnaie internationale régionale du Yuan.

Ce qu’il faut bien comprendre, en tout cas (et là-dessus, FL est très clair), c’est que le discours officiel sur la Chine « manipulatrice de monnaie » est surtout rhétorique. En réalité, les USA souhaitent d’un côté la réévaluation du Yuan (pour regagner des parts de marché), et la redoutent d’un autre côté (si le Yuan est réévalué, la puissance financière de Pékin, déjà considérable, deviendrait peut-être suffisante pour que la Chine remplace les USA comme première puissance monétaire du monde – ce qui lui permettrait de racheter les entreprises un peu partout, y compris en Occident).

En fait, Chine et USA sont, l’un comme l’autre, enfermés dans une manipulation commune qu’ils ont tolérée pour des raisons symétriques, et dont ils ne savent plus comment sortir.

Le problème, c’est qu’en sortant de cette manipulation commune, les USA et la Chine vont s’apercevoir qu’une fois le Yuan et le dollar convertibles, il n’y aura qu’un seul gagnant. Une des deux puissances va se trouver en situation de modeler l’économie mondiale – et il n’est pas du tout certain que ce soit les USA.

Conclusion de FL : tous les ingrédients sont réunis pour une nouvelle guerre planétaire – la quatrième (après les deux guerres mondiales et la guerre froide).

Troisième et dernière question : puisque ce qui vient, c’est une guerre, à quoi ressemblera cette guerre ?

Réponse : la « guerre sans limite », pour parler chinois, ou encore la « guerre de quatrième génération », pour parler US.

La guerre des mers : la Chine est en train  de construire une flotte capable de rivaliser avec l’US Navy. C’est logique : puisque les Chinois mettent la main sur les matières premières partout où ils peuvent, avec leurs réserves  de devise, ils veulent aussi pouvoir sécuriser les routes maritimes vers ces matières premières.

C’est aussi une mesure défensive : pour Pékin (que FL juge paranoïaque et que nous estimons simplement prudente), la Mer de Chine est un poste avancé. Surtout qu’il y a, au large, une bombe diplomatique prête à exploser : Taiwan, qui, en déclarant officiellement son indépendance, pourrait provoquer une intervention chinoise.

La Chine peut-elle rivaliser à termes avec la puissance militaire US ? Réponse : oui. Officiellement, Pékin dépense 10 fois moins que Washington en dépenses militaires (60 milliards de dollars contre 600 milliards). Mais la réalité serait, d’après FL, toute autre. Le chiffre réel des dépenses chinoises serait probablement du double du chiffre avoué, et comme les salaires chinois sont beaucoup plus faibles que les salaires US, on peut considérer que les 60 milliards officiels équivalent à 120 milliards réels au taux de change courant, et à 250 milliards à parité de pouvoir d’achat. Pékin dépenserait donc à peu près 40 % de ce que dépense Washington – et, en outre, n’ayant pas à financer d’expéditions coûteuses en Irak et en Afghanistan, ses dépenses d’équipement ne sont pas rognées par les dépenses de fonctionnement.

Au final, il semble peu probable que Pékin puisse jamais se donner les moyens de gagner une guerre conventionnelle contre les USA. Mais il est probable, en revanche, qu’elle puisse interdire à l’Amérique de considérer possible une victoire dans ce domaine.

Ce qui reportera le conflit vers d’autres théâtres d’opération, extérieurs à la sphère militaire…

La guerre du cyberespace : ils ont l’air malin, ceux qui annonçaient que l’Occident pouvait abandonner sans remord l’économie physique, puisqu’il allait gagner l’économie de la connaissance !

La Chine possède désormais le supercalculateur le plus puissant du monde. Elle possède aussi des entreprises performantes dans le secteur des télécoms. Elle compte 400 millions d’internautes. Elle forme chaque année des centaines de milliers d’ingénieurs dans les technologies de l’information. Le quart des tentatives de piratage observées dans le monde proviendrait de Chine. Le moteur de recherche Baidu domine Google en Chine même, tandis que les encyclopédies en ligne Baidu Baike et Hudong, contrôlée par le gouvernement chinois, n’ont même pas de concurrent (wikipedia est bloquée).

La Chine n’a pas le contrôle d’Internet, mais celui de son Internet. La Chine se met en situation de gagner, en tout cas sur son sol, la « guerre de l’information ». L’opération « faux SMS » conduite semble-t-il par la CIA en Iran, après la réélection d’Ahmadinedjad, n’est tout simplement pas « jouable » en Chine.

La guerre de l’or noir : la Chine n’a pas de pétrole. Pendant longtemps, ça ne l’a pas empêchée de dédaigner la grande stratégie globale : elle n’avait besoin du pétrole, n’ayant pas d’industrie. Cette période est révolue : la Chine va désormais se projeter à l’extérieur, contrairement à sa longue tradition, pour le pétrole (et d’autres matières premières).

Au total, et sur ces opérations récentes, la Chine s’est assurée l’exploitation de 8 milliards de barils hors de ses frontières (environ quatre ans de sa consommation au rythme actuel). Il est à noter que 30 % de cette manne vient d’Afrique… et 30 % d’Iran (où un seul champ représente 2,5 milliards de barils). Où l’on comprend pourquoi « l’axe du Mal » associe le Soudan et l’Iran…

En 2008, les investissements chinois à l’étranger ont dépassé 50 milliards de dollars, soit plus que les investissements étrangers en Chine. L’essentiel de cet effort porte sur les matières premières et les hydrocarbures.

La guerre du capital : la Chine n’a pas de pétrole, mais elle a tellement de devises qu’elle peut se permettre d’acheter bien d’autres choses encore.

On a récemment fait remarquer que l’évaluation de l’investissement nécessaire pour remettre en état l’ensemble du parc d’infrastructures des Etats-Unis (totalement délabré après 30 ans de néolibéralisme) correspond approximativement au montant des réserves de change chinoises. Ou pour le dire autrement (et cela donne une idée du raid financier qui se prépare potentiellement), les USA pourraient rembourser 20 ans de consommation de produits chinois à bas prix en vendant à la Chine… leurs ports, leurs routes, leurs aéroports, leurs ponts et leurs chemins de fer ! (où l’on comprend, encore une fois, que la réévaluation du Yuan est à la fois souhaitée et redoutée par Washington).

On n’en est pas là. Mais ça commence. Savez-vous que Volvo est, depuis quelques mois, une entreprise chinoise ? Et que si EDF s’est désengagée de l’électricité britannique, c’est parce que son concurrent chinois alignait les zéros ?

La guerre des modèles : le déluge d’argent chinois qui peut à tout moment fondre sur les entreprises occidentales va imposer au capital une révision drastique de son discours dominant (antiprotectionniste jusqu’ici). Ce n’est pas tant qu’il s’agisse de défendre le marché intérieur (les capitalistes occidentaux ne s’en préoccupent pas vraiment, ils pensent global avant tout) ; c’est qu’il va falloir défendre le contrôle exercé sur les entreprises par les institutions financières occidentales.

Cette défense va réhabiliter l’idée de compétition entre deux modèles. Non plus « la démocratie de marché » contre « l’économie dirigée par le Parti Unique », mais le néolibéralisme US contre le néo-colbertisme chinois. Or, dans cette guerre, il n’est pas certain que le modèle occidental prédomine. Si l’Amérique s’est longtemps imposée, rappelle FL, c’est parce qu’elle faisait rêver. Mais aujourd’hui, c’est la croissance chinoise qui fait rêver (en tout cas les peuples pauvres).

La Chine a d’ailleurs commencé cette guerre. Elle forme les élites des pays émergents. Il y a des milliers d’étudiants africains à Pékin. Partout, la Chine propose aux peuples longtemps dominés par l’Occident un modèle de rechange (lire la note de lecture sur « La Chinafrique »)… et cela ne se limite pas aux fonctions techniques ou d’encadrement intermédiaire : le directeur d’HEC s’est récemment étonné de la capacité des Chinois à rattraper leur retard dans la formation des gestionnaires !

La guerre culturelle : verrons-nous un jour un cinéma français proposer non plus trois films US (très bien faits) et un film français  (minable), mais trois films chinois (très bien faits) et un film français (toujours aussi minable) ? Pas impossible, même si c’est peut-être le seul terrain où les USA dominent encore …

Le mandarin va-t-il remplacer l’anglais comme langue la plus usitée  sur Internet ? Qui a répondu : jamais ? – perdu, c’est déjà le cas.

Pékin est pragmatique : pour développer l’apprentissage du chinois, le pouvoir chinois a copié rigoureusement le système des « alliances françaises », avec les « instituts Confucius » (60 dans le monde). En 2010, 30 millions de courageux ont entrepris l’apprentissage du Chinois (simplifié, tout de même – sinon, c’est dix ans d’études à raison de 4.000 idéogrammes par an).

Nous ne nous rendons pas compte de cet effort culturel, parce qu’il porte prioritairement sur la périphérie de l’Empire chinois. Pour l’instant, ce que veulent les dirigeants de Pékin, c’est réaffirmer leur prédominance culturelle sur les anciens Etats tributaires du système mandarinal.

Mais demain ?...

La guerre monétaire : Ce sera le terrain décisif. L’équation est simple : tant que le Yuan n’est pas réévalué, le dollar reste monnaie de réserve, mais l’Amérique implose. Le jour où le Yuan est réévalué, et où il devient convertible, il y aura deux monnaies de réserve possibles pour le monde (trois si l’euro existe encore, ce dont beaucoup doutent ici).

On en est peut-être très proche : voici un véritable symbole, la firme Mc Donald vient d’annoncer qu’elle s’endetterait en Yuans pour financer son implantation en Chine…

Le jour où le Yuan sera réévalué et convertible, on verra se produire un évènement décisif : les USA seront obligés soit d’emprunter en Yuan, ou, s’ils le font encore en dollars, de rembourser avec des dollars stabilisés, appuyés sur des actifs réels.

Ce jour-là, estime FL, l’Empire thalassocratique anglo-saxon aura perdu la suprématie mondiale. Et la guerre pourra opposer deux camps, parce qu’il y aura deux camps.

On pourra alors vérifier, pour la centième fois dans l’Histoire, que l’interdépendance économique ne garantit pas la paix. Au contraire : elle crée des opportunités de guerre, parce qu’elle oblige à définir le sens de la dépendance.

 

dimanche, 28 novembre 2010

Josef Schüsslburner: Konsensdemokratie

Josef Schüßlburner: Konsensdemokratie
Felix MENZEL - http://www.sezession.de/

In der aktuellen Staffel der Reihe kaplaken hat der Jurist Josef Schüßlburner die „Konsensdemokratie“ hinterfragt. Sezession hat ihm drei Fragen dazu gestellt. Schüßlburner erklärt in diesem kurzen Gespräch, warum Deutschland ein Korrektiv zur linken Mitte braucht und wie es um die Erfolgsaussichten einer rechten Partei steht.

Herr Schüßlburner, wie wirkt es sich auf unseren Staat aus, wenn die großen Volksparteien kaum noch Unterschiede aufweisen?

18615_0.jpgDie ideologische Konvergenz der sich über die „Mitte“-Verortung für das Volk setzenden Volks-Parteien belegt, daß sich das „eherne Gesetz der Oligarchie“ (Robert Michels) durchgesetzt hat. Es hat sich eine politische Klasse mit einer einheitlichen Weltsicht gebildet, die sich gegenüber maßgeblichen Forderungen aus dem Wahlvolk, das die Oligarchie über eine „Konsensdemokratie“ zu vertreten beansprucht, immunisiert. Die Tendenz zur Oligarchie bestätigt an sich die rechte Weltsicht gegenüber linken „demokratischen“ Wunschvorstellungen, jedoch ist es zum Zwecke der Wahrung des demokratischen Charakters der parlamentarischen Demokratie erforderlich, diesem „ehernen Gesetz“ entgegenzuwirken. Die Linke hat kein Interesse, da sie ja die Ideologie der oligarchischen Mitte bestimmt.

Warum braucht eine funktionierende Demokratie eine starke Linke und eine starke Rechte?

Der offene Links-Rechts-Antagonismus wirkt dem „ehernen Gesetz der Oligarchie“ entgegen und garantiert den repräsentativen Charakter der parlamentarischen Demokratie. Die Tatsache, daß diese repräsentative Situation in der Bundesrepublik Deutschland nicht gegeben ist, ergibt sich auch aus offiziösen Verlautbarungen, wonach 30 Prozent der Bevölkerung etwa ein „geschlossenes rechtes Weltbild“ und dergleichen haben würden, was ja gerade bei einem Verhältniswahlrecht dazu führen müßte, daß etwa ein Drittel der Bundestagsabgeordneten ein solches Weltbild haben sollten.

Diese Divergenz von Volk und Repräsentanten zeigt auch, daß die Demokratie in der Bundesrepublik ihren klassischen Anspruch nicht einlöst, die Freiheit des Volkes zu garantieren. Diese Freiheit zeigt sich neben der Tatsache, daß man sich etwa als „rechts“ einstufen darf, ohne durch Antidiskriminierungsgesetze diskriminiert zu werden, nicht zuletzt daran, daß dem Wahlvolk klare Alternativoptionen zur Verfügung stehen, welche sich dann auch in politischen Entscheidungen niederschlagen.

Aufgrund der aktuellen Debatte um eine „Sarrazin-Partei“ muß natürlich noch eine Frage folgen: Glauben Sie, daß sich in den nächsten Jahren eine erfolgreiche Rechtspartei bilden könnte?

Der Verwirklichung einer normalen westlichen Demokratie mit einem freien und offenen Links-Rechts-Antagonismus stehen in der Bundesrepublik Deutschland starke Hindernisse entgegen. So sorgt das Konzept eines post-demokratischen „Europa“, das die Oligarchisierung beschleunigt, ohnehin dafür, daß die Wahlentscheidungen und damit das eigentlich demokratische Element immer weniger relevant werden, was allerdings mit einer ideologischen Aufwertung von Demokratie zu einer Zivilreligion einhergeht. Man muß auch einräumen, daß diese Zivilreligion der Oligarchie, die insbesondere in der „Bewältigung“ besteht, ihre Untertanen doch sehr im Griff hat. Vereinfacht: Ohne einen deutschen Berlusconi wird es nicht möglich sein, die nur freiheitliche Demokratie der linken Mitte in eine freie Demokratie des offenen Links-Rechts-Antagonismus zu überführen.

Vielen Dank für das Gespräch!

Comunità e Comunitarismo

Comunità e Comunitarismo

di Luca Lionello Rimbotti

Ex: http://www.centroitalicum.it/

index.jpgLa lotta che l’individualismo liberaldemocratico ha ingaggiato per demolire ogni realtà e rappresentazione comunitaria ha il significato di un finale regolamento di conti tra l’umano e il disumano. Al fondo, si apre una divaricazione tra visioni del mondo che è oltre la sociologia, oltre la storia, investendo l’antropologia e la vita di base di ognuno. Chi cura l’appartenere e percepisce il legame, avverte la precisa sensazione, e la avverte come verità di evidenze, che l’individuo è preceduto da qualcosa che lo connota e lo distingue, cioè la comunità che gli dona individuazione anche come singolo soggetto, e senza la quale l’essere non è appunto individuabile, non è descrivibile, non rivela nulla di sé, se non la solitudine astratta e il nonsenso concreto. Chi giudica che la società venga prima dell’individuo pensa socialmente, pensa comunitariamente, pensa plurale. Chi invece giudica che sia l’individuo a venire prima della società ragiona in termini di monade semplice e ottusa: l’essere umano assembrato casualmente, riunito in folla per necessità e bisogno. I “contrattualisti”, quei liberali che pensano la società come nata dall’incontro dei meri bisogni, costituiscono i grandi demolitori moderni dell’idea comunitaria. Coloro che da secoli tendono l’insidia ad ogni costituirsi di tessuti relazionali e di legami politici e metapolitici. Essi pensano unicamente entro categorie individuali: l’interesse, la sicurezza, il profitto.


Costoro sono ancora tra di noi a recare danno. Con le iniezioni di emigranti ad alto dosaggio il pensiero unico è vicino alla meta di creare un mondo di disgregazione, in cui abbia rilievo sociale unicamente l’individuo e invece alle comunità – storiche, geografiche, etniche – venga costantemente innalzata la forca, come a isole di conservatorismo, di oscurantismo, di razzismo da demonizzare e perseguitare. Dopotutto, ancora oggi è in pieno svolgimento la lotta ottocentesca tra la comunità e la società. E, come un paio di secoli fa, abbiamo i poteri centrali assolutisti che minano le realtà locali, le svellono e le annichiliscono a suon di immigrazione e di propaganda “multietnica”: il che vuol dire “anti-etnica”. La società è quel luogo in cui tutte le identità vengono negate e in cui la Modernità compie il suo prodigio cosmopolita. La comunità è al contrario quel luogo in cui l’identità viene protetta con le unghie e coi denti, in cui i patrimoni biostorici vengono rivendicati, le appartenenze si armano a difesa e si rinsaldano. Il dominio assoluto del pensiero neo-illuminista prevede la disintegrazione della realtà di popolo, alla quale si sostituisce quella di popolazione, la massa priva di volto e di carattere. «Storicamente, la filosofia illuminista – ha scritto recentemente de Benoist – se l’è presa prima di tutto con le comunità organiche, delle quali attaccava il modo di vita considerandolo impregnato di “superstizioni” irrazionali e di “pregiudizi”, proponendosi di sostituirle con una società di individui».
Questo lavoro secolare è prossimo alla realizzazione finale. Anche se, nel frattempo, qua e là per l’Europa si colgono sintomi di risveglio della “provincia” profonda, partiti “contadini” che nascono, movimenti di difesa etnica che sembrano muovere i primi passi, magari ottenendo anche buoni risultati elettorali a scorno dell’europeismo bancario e mondialista.


Il comunitarismo organico ha poco a che vedere con la linea di pensiero di eguale nome che ad esempio in America raccoglie qualche avversario del liberismo. Laggiù, si tratta ancora e di nuovo di un equivoco: far passare per anti-liberale ciò che è di fatto libertario e “democratico” nel senso deteriore, depotenziato, del termine. Il “comunitarismo” made in Usa è un balocco intellettuale nato in qualche campus, è il vezzo di qualche professor e l’esca di qualche outsider, non ha la sostanza di un retaggio concreto e non è per nulla radicato a realtà etniche e storiche connotate. Per comunitarismo, qui da noi in Europa, si intende da sempre un’altra cosa. L’appartenenza a una bio-storia con tanto di geografia, di lingua, di paesaggio e di tradizione. Non un metodo “democratico”, ma un fatto antropologico. In Europa, il comunitarismo non è un’opzione nata in aule universitarie di alternativa borghese, ma una realtà sgorgata dalla terra e dalla storia, un accumulo secolare che alla fine ha dato una somma totale: l’identità. In Europa la “regione” è un fatto. E l’autogoverno microcomunitario è storia. Gli assolutismi illuministi vecchi e nuovi negano questo fatto e questa storia, ma essi esistono ugualmente e vivono, più o meno sottotraccia. Gli imperi erano sistemi di “regioni”, di regionalismi comunitari, di città libere, di comunità di villaggio, di assemblee locali, di autogestione delle economie, di cooperazione sociale, di suddivisione del lavoro, di corporazoni di mestiere, di statuti autonomi, di competenze ereditate. L’Europa delle nazioni, nata dal feudalesimo comunitario, è il frutto della solidificazione politica delle diverse comunità viventi. I centralismi giacobini, adusi alla violenta negazione della “periferia”, oggi ripetono la loro aggressiva politica di spoliazione identitaria attraverso strumenti artificiali, semi-massonici, del tipo del baraccone mondialista di Bruxelles, epicentro della voluta dis-integrazione.
In Europa, persino le dittature totalitarie sono state fortemente comunitariste – in senso non solo nazionale, ma di territorialità locale. Ad onta di un potere centrale forte (ma che certi storici hanno invece definito “debole”), esse dettero fiato politico alla comunità di zona, alla regione, fino alla vallata o al territorio storico, al Gau, al Kreis, alla circoscrizione, al distretto. Per dire, persino il fascismo “centralista” e autoritario riconosceva le “piccole patrie”, incoraggiava il tradizionalismo locale, l’identificazione territoriale, addirittura i dialetti, i folcklori, gli immaginari contadini legati alla zolla, e al suo interno poterono avere il loro ruolo riconosciuto proto-leghismi ben strutturati, del tipo di “Strapaese”. Si santificavano i luoghi dell’identità, da Fiume alla Dalmazia, e si sacralizzavano i diversi ceppi etnici: le “forti genti del Cadore”, i “fanti della Peloritana”...E persino il Terzo Reich, anzi, proprio il Terzo Reich, con un imprinting di tipo propriamente neoimperiale, fece una politica di disgregazione dello Stato nazionale liberalmassonico e di riscoperta delle aggregazioni etniche: la Slovacchia, la Vallonia, le Fiandre, l’Austria tornata “marca orientale” come nel Medioevo, il Voralpenland – che, alla maniera di un Gianfranco Miglio quarant’anni dopo, concepiva solidarismi transnazionali, macroregionali, di aree geografiche omogenee – e si pensava niente di meno che a riesumare qualcosa come la Borgogna, l’Alvernia, il Gotenland, etc. Per dire, ai congressi del partito, si recitava una preghiera patriottica – lo Spatengruss – in cui ogni comunità di schiatta proclamava la sua provenienza (Pomerania, Slesia, Renania...) e recava una manciata della sua terra, da fondere simbolicamente a tutte le altre...e questo molto prima che Bossi raccogliesse nell’ampolla l’acqua del Po alle feste popolari della Lega Nord.... L’Europa nata dal crollo sovietico è andata spontaneamente in questa direzione, senza stare a sentire i diktat globalisti: gli Stati artificiali nati dai trattati di pace – come la Cecoslovacchia o la Jugoslavia – si sono disintegrati automaticamente e hanno dato vita a quello che già esisteva nel 1941: la Croazia, la Slovacchia, la Boemia- Cechia, la Serbia...persino l’Ucraina indipendente, quale l’aveva concepita lo Stato Maggiore guglielmino nel 1918, è risorta tale e quale. I nazionalismi oggi rilanciati, i regionalismi recentemente rianimati, dalla Corsica alle Fiandre, dalla Catalogna alla Padania alla Bretagna, sono il segnale di un comunitarismo di nuovo vivace e concreto, l’unico vero, l’unico storicamente rilevabile. Che bene o male è popolo, suolo comune e storia condivisa.


Tutto questo ci parla di due volontà, due direttrici in opposizione tra loro. Da un lato il termitaio di Cosmopoli, dall’altro la comunità. Dalla più grande, lo Stato nazionale o possibilmente un domani la federazione tra Stati polarizzati da un forte centro politico-simbolico, fino alla più piccola, la famiglia, il nucleo parentale, il ceppo ereditario. Cosa del tutto naturale è che i cosmopoliti abbiano in odio questo comunitarismo territoriale, che lo infamino quale rifugio di ogni male: gretto conservatorismo, causa di “frammentazione sociale”, di chiusura autistica al mondo...mentre la verità è all’opposto. Soltanto una matura consapevolezza identitaria, fortemente difesa e rinsaldata di fronte agli assalti della Modernità, è in grado di garantire continuità alle differenze. Dove regna l’indistinto, lì si ha davvero non il “multiculturalismo”, ma la soppressione di ogni cultura.


Contrariamente a quanto pensa de Benoist, non ritengo che l’ascesa recente delle comunità sia «concomitante all’esaurimento dello Stato nazionale ». Lo Stato nazionale, anche quello scompaginato dei nostri giorni, è tutt’altro che alla fine del suo ruolo storico. E i nuovi comunitarismi che sorgono al suo interno ne testimoniano, a mio parere, anziché il declino, il rafforzamento e l’immutato significato di essenziale contenitore. Come di cosa viva, che non sta in piedi per apparato burocratico, ma per convivenza conciliatrice tra realtà omogenee ma differenziate, simili ma non necessariamente uguali, che tendono all’affermazione, alla visibilità, al riconoscimento. Il regionalismo non nega, ma presuppone lo Stato nazionale. In assenza di qualche forma imperiale di Europa, o di un unico potere che gestisca l’autorità di tutto il continente – poiché l’autorità sovrana può essere solo una e indivisa - lo Stato nazionale è il perfetto veicolo delle differenziazioni comunitarie. In questo contesto, gli imbrogli lessicali, che tendono a separare concettualmente la comunità organica tradizionale da un supposto “comunitarismo” progressista, non fanno parte della scena storica, ma di quella di una tarda ideologia post-marxista, alla ricerca disperata di un rilancio qualsiasi. Sono asserzioni fuori contesto, che saltano a pie’ pari e per pregiudizio egualitarista ogni tratto qualificante, ogni centro di individuazione, in primis il dato etnico-biologico che dà forma fisica al contenuto culturale. Il “comunitarismo” che oggi ha qualche voce in capitolo negli Stati Uniti, è chiaramente un altro mondo, che nulla ha a che fare con il fenomeno europeo di cui ha usurpato il nome. Di là dall’Atlantico, chiunque può dirsi “comunitarista” a poco prezzo. Anche tra i più tenaci globalizzatori si può sempre trovare qualcuno che dica di avere una sfumatura un po’ diversa...come dire, meno appiattita sul liberismo, più “di base”, ma pur sempre alla maniera americana: “comunitaristi”, a quei livelli, si può essere senza alcun impegno, dai Clinton a certi confessionalismi bacchettoni, fino ai famosi neoconservatives...notoriamente portatori di un “comunitarismo” morale, chiesastico, alla quacchera, che nulla accomuna al senso della vera comunità solidale totale: questa prevede una stirpe ben connotata, un territorio, una tradizione, una Kultur. Il falso “comunitarismo” all’americana è un codice razionale, è la riproposta del vecchio “patto sociale” di sicurezza tra individui e gruppi, di matrice illuminista, è insomma la solita minestra sui “diritti”, è un tragico universalismo e non un sano e realistico relativismo. Riecheggia in queste formule il prepotere repubblicano dei giacobini e il patriottismo debole dei costituzionalisti puritani. Lo stesso MacIntyre, il campione di questa versione contraffatta di “comunitarismo”, che pure seziona l’universalismo liberale nelle tradizioni particolari e che parla di ritorno ad Aristotele, in fondo non fa che ripresentare la nostalgia americana – un po’ reazionaria e molto bigotta – per tutte quelle belle civic virtues celebrate dal Tocqueville...Aristotele, in tutto questo, davvero non c’entra. Lui aveva in mente un’altra cosa, la sua – se vogliamo dirla tutta - era la filosofia politica della comunità gerarchica e guerriera che non si vergogna di parlare chiaro, fino al punto di limitare il privilegio dell’appartenenza ai soli eredi di un retaggio antropologico preciso.


Poiché, tradizionalmente, per l’appunto, l’appartenenza alla comunità è un privilegio, e per nulla un diritto. Ciò che, in Europa, si è da qualche secolo incaricato di dare forma politica a questo privilegio è lo Stato nazionale. Può non piacere, ma è così. Qui il federalismo è altra cosa da quello americano. Il federalismo europeo è concettualmente e storicamente più un impero che una confederazione...lo stesso suono delle parole indica l’opposizione dei significati: da una parte, sacrale comunità giurata di eredi; dall’altra, profana aggregazione di individui per interesse, sulla base del contratto costituzionale. Due universi incomunicanti.


È chiaro che lo Stato nazionale a cui facciamo riferimento, come al migliore contenitore delle differenze di sotto-aggregazione regionalistica, non è quello liberaldemocratico. Questo si nega votandosi all’autodistruzione multietnica. Lo Stato nazionale, al contrario, se è “nazionale” di fatto e non di nome, non può non essere innestato sull’omogeneità di base delle sue componenti. Si ha in vista cioè una differenziazione tra simili, non una convivenza coatta tra dissimili. Oggi occorre diffidare di certi sposalizi morganatici tra post-marxisti e neo-liberali. Sono nozze d’interesse che producono una figliolanza ibrida e di sesso incerto: l’ideologia “comunitarista” così concepita rappresenta un ulteriore stadio di sfaldamento dei significati. La comunità vera e reale, e non quella disegnata sulle cattedre, vive nel segno di poche, ma certissime cose. Significa comunanza di nascita, di terra su cui si vive, di progetti e di destini condivisi, di lavoro inteso a tutti i livelli: dalla produzione materiale alla solidarietà sociale, dal volontariato reciproco alla protezione e alla sicurezza. E fino alla sovranità popolare vera, all’autogestione degli spazi, dei sistemi e dei programmi di vita. Il luogo è il recinto del legame. Un limes lo circonda, lo individua, lo rende percepibile. Questo luogo è lo spazio comunitario in cui un popolo vive e vuole vivere, creando la sua ineguagliabile, irripetibile identità.

vendredi, 26 novembre 2010

El Reich neoconservador de Edgar J. Jung

EL REICH NEOCONSERVADOR DE EDGAR J. JUNG

Alexander Jacob
 
 
El movimiento neo-conservador en la República de Weimar fue una empresa política elitista que pretendía devolver a Alemania a su mundo espiritual original y posición como líder del Sacro Imperio Romano-Germánico medieval de la nación alemana. Constituido por intelectuales como Oswald Spengler, Arthur Moeller van den Bruck, y Edgar Julius Jung, los neo-conservadores estaban destinados a destruir la situación socio-política y ética de la República de Weimar liberal que se había impuesto a Alemania por sus enemigos. La mayoría de los neo-conservadores eran miembros de los clubes de élite de la época, el Juniklub, fundada por Moeller van den Bruck, y su sucesor, el Herrenklub, y se oponían tanto a todos los populistas de los sistemas democráticos liberales.
De los neo-conservadores, tal vez el más influyente teórico y activista político fue, sin duda, el abogado de Munich, Edgar Julio Jung. Jung no era solamente un pensador y propagandista, sino también un político activo en la República de Weimar, después de haber comenzado su carrera política al mismo tiempo que su práctica jurídica poco después de la primera Guerra Mundial. Jung nació en 1894 en el Palatinado bávaro y sirvió como voluntario en la guerra. Después de la guerra, se unió a una unidad del Cuerpo Libre y participó en la liberación de Munich de la República Soviética de Baviera en la primavera de 1919. Antes de la ocupación franco-belga del Ruhr (1923-25), Jung había terminado su doctorado en Derecho y comenzó la práctica en Zweibrücken. Sus actividades políticas durante este tiempo incluyen la organización de la resistencia y de las actividades terroristas contra la ocupación del Ruhr, formando parte del directorio del Deutsche Volkspartei.
Después de la crisis del Ruhr, Jung se estableció como abogado en Munich, donde vivió hasta su muerte. Jung adquirió fama a través de su política de varios escritos en el Deutsche Rundschau, y su tratado político más importante, Die Herrschaft der Minderwertigen (segunda edición, 1929, 30), que, según Jean Neuhrohr, fue considerado como una especie de "biblia del neo- conservadurismo".
En enero de 1930, Jung se unió a la Volkskonservative Vereinigung, un partido de extrema derecha formado inicialmente por doce diputados del Reichstag, que se habían separado de la Volkspartei Deutschnationale dirigido por Alfred Hugenberg. La actitud de Jung frente al Partido Socialista Nacional de Hitler era tibia, a pesar de su admiración por las "energías positivas" del movimiento. Hitler se había postulado a la nación como un ídolo para hipnotizar a las masas ignorantes, mientras que un cierto movimiento conservador trataba de elevar a las masas mediante la invocación de la santificación de su liderazgo. Los partidos de extrema derecha sin embargo estaban demasiado divididos para formar una alternativa sólida a las fuerzas nacionalistas, especialmente después de una segunda secesión de la DNV, que creó otro partido escindido, el Volkspartei Konservative.
El intento de Jung para imponer su propia marca de 'conservadurismo revolucionario' en la VKV se reunió con poco éxito, y cuando la DNV y KVP unieron fuerzas en diciembre de 1930 la dirección de la nueva coalición fue entregada no a Jung, pero sí a Pablo Lejeune-Jung. En enero del año siguiente, Jung y algunos de los conservadores de Baviera formaron la «Bewegung zu Volkskonservative Bewegung deutscher 'como una política de origen"para todos aquellos que, al margen de las consignas y las fórmulas mágicas de la vida política partidaria, estaban dispuestos a mirar los problemas políticos contemporáneos desde la perspectiva exclusiva de la misión histórica del pueblo alemán".
Sin embargo, la negativa de Jung a cooperar con los conservadores más moderados como Heinrich Brüning y los recursos de Treviranus, a fin de promover su propia marca de conservadurismo revolucionario, no ayudó a su movimiento, que había perdido casi toda la fuerza política en la primavera de 1931. La carencia de entusiasmo de Jung por el canciller Brüning fue explicada por él en un borrador de una carta a Pechel de fecha 14 de agosto 1931:
"Sólo cuando el gobierno está en camino de volver al concepto de autoridad y se libera de la esterilidad del parlamentarismo alemán, puede que estas fuerzas se pongan al servicio de la nación en su conjunto. En la reorganización del gabinete, el objetivo debe ser el abandono total de su base del partido. No es la aprobación de las partes, pero la práctica y la competencia profesional deben determinar la selección de aquellos a quienes usted, canciller respetado, tendrán que ayudarle en el dominio de estas tareas difíciles."
Cuando Hitler y el Partido Nacional Socialista obtuveron las victorias masivas en la región y las elecciones estatales del 24 de abril de 1932, Jung dio la bienvenida a la realidad jurídica de la adhesión de los nazis al poder. Porque, aunque Jung estaba temeroso de las tendencias extremistas de los nazis, esperaba que con este proceso legal, se evitaría la debacle de un ataque forzoso a la voluntad política mayoritaria. Además, la marea de entusiasmo nazi en el país era imparable y la alianza conservadora se vió impotente cuando el NSDAP obtuvo una resonante victoria en las elecciones del Reichstag de noviembre de 1932. Jung quedó naturalmente sorprendido cuando Hitler astutamente unió fuerzas con el conservador Von Papen para formar un gobierno de coalición en enero de 1933. Jung siempre mantuvo una actitud de superioridad con el populismo de Hitler, y creía que, puesto que los conservadores eran "responsables de que este hombre llegase al poder, ahora tenemos que deshacernos de él".
Así que, cuando Franz von Papen fue nombrado vicecanciller de Brüning, en 1933, Jung escribió a Papen que ofrecía sus servicios como escritor de discursos y asesor intelectual. Por consejo de su estrecho colaborador, Hans Haumann, Papen invitó a Jung a unirse con su gobierno en una organización con capacidad de asesoramiento. La intención de Jung en el servicio a la administración de Papen fue "para proteger [a Papen] con una pared de los conservadores" que proporcionaría el rector un enriquecimiento moral necesario frente a un rápido ascenso de Hitler al poder. Con la esperanza de frenar el extremismo de Hitler con su ideología conservadora, Jung se destacó como redactor de los discursos para Papen, cuando éste, Hugenberg y Seldte Franz de la Stalhelm se unieron para formar el conservador Kampfront Schwarz-Rot-Weiss. Sus discursos fueron diseñados para impresionar a la nueva coalición de fuerzas de extrema derecha con un sello conservador en lugar del extremista nazi. Jung defendió el gobierno de Papen contra los nazis "de las acusaciones de reaccionarios”, haciendo hincapié en el carácter revolucionario de la nueva derecha y poniendo de relieve lo espiritual y los defectos ideológicos de Hitler y su partido.
Mientras Papen trataba de luchar contra el movimiento nazi desde un punto de vista conservador, Jung escribió una crítica del fenómeno nazi en su Sinndeutung der deutschen Revolución (1933), en el que reiteró sus acusaciones de neoliberalismo y democratismo, al tiempo que destacaba que "el objetivo de la nacional-revolución tiene que ser la despolitización de las masas y su exclusión de la dirección del Estado".
Jung llama a un nuevo estado basado en la religión y en el mundo visto universalmente. No las masas, sino una nueva nobleza, o una élite auto-consciente, debe informar al nuevo gobierno, y el cristianismo debe ser la fuerza moral en el estado. La propia sociedad debe ser organizada jerárquicamente y más allá de los límites del nacionalismo, a pesar de que debe basarse en "una base völkisch indestructible”. La referencia a ir más allá de los límites del nacionalismo fue, por supuesto, motivada por su deseo de restituir un Reich federalista europeo. El conservadurismo de Jung se distinguió también por su llamamiento para la creación de una monarquía electiva y el nombramiento de un regente imperial como el director espiritual del nuevo Reich europeo-germánico. Sin embargo, tanto el proyecto de Reich como el énfasis puesto en las asociaciones völkisch, se llevaron a cabo de forma más dramática y temeraria por Hitler que por cualquiera de los líderes conservadores.
La oposición de Jung a Hitler tomó una forma más concreta a principios de 1934, cuando emprendió numerosos viajes por toda Alemania para desarrollar una red de simpatizantes conservadores que ayudasen a derrocar el régimen de Hitler. El propio Papen no estaba al tanto de los esfuerzos de Jung en esta dirección y la asistencia de Jung vino de Herbert von Bose, Günther von Tschirschky y Ketteler. Jung incluso contemplaba personalmente asesinar a Hitler, a pesar de los temores de que esta acción drástica podría descalificarlo para asumir un papel protagonista en la nueva dirección. Después adoptó la alternativa académica de escribir otro discurso para Papen, última entrega que se desarrolló en la Universidad de Marburg el 17 de junio de 1934. Los repetidos ataques sobre la ilegitimidad del régimen de Hitler y los fracasos políticos de este régimen en este discurso, obligaron a Hitler, bajo el consejo de Goering, Himmler y Heydrich, su asistente, para deshacerse de la amenaza planteada por Jung. Así, junto con Röhm y los oficiales SA, que se había convertido en rebeldes para los nazis, Jung perdió la vida en la "Noche de los cuchillos largos", el 30 de junio de 1934.
Retrospectivamente, podemos considerar la carrera política de Jung como ambivalente. Motivado por un lado, por su filosofía y la visión de un Reich alemán neo-medieval que debía destruir el sistema parlamentario nocivo de los liberales, la oposición de Jung a Hitler y su negativa a comprometerse con sus compañeros conservadores de la derecha fueron, claramente, impulsados por su ambición personal y, tal vez incluso, por la envidia de los éxitos políticos de Hitler. De hecho, el proyecto conservador propuesto por Jung difería de un extremista como Hitler sólo en grado y no en especie. La comunidad en que Jung deseaba convertir al pueblo alemán, en realidad se presentaba, de una forma similar a la diseñada por de Hitler, como un gigantesco movimiento de masas. Por supuesto, este populismo carecía de la sustancia espiritual que Jung había estipulado para la comunidad, pero los nazis, al menos, podían argumentar que fueron ellos los que sentaron las bases völkisch necesarias para una cultura espiritual uniforme. Además, la dramática política extranjera de Hitler, después de la muerte de Jung, en realidad se parecía demasiado al imperialismo cultural propuesto por Jung para el Reich alemán que debía liderar al resto de Europa.

samedi, 20 novembre 2010

Quella rivoluzione dal basso

La Riflessione di Albertoni, presidente del Consiglio regionale lombardo
Quella rivoluzione dal basso
Il pensiero di Miglio mai così attuale in questa fase storico-politica del paese

Ex: http://www.leganord.org/

Miglio-300x250.jpgLe idee politiche sono paragonabili a quei fiumi “carsici” che nei loro tortuosi e rapidi percorsi sprofondano nelle viscere delle montagne per riaffiorare, poi e a distanza di molti chilometri, improvvisamente e più impetuosi di prima.

È successo storicamente ed in forma davvero strabiliante con l’idea federale di Carlo Cattaneo e sta ora succedendo anche con le idee confederaliste di Gianfranco Miglio.
Non casualmente proprio a lui in vista dell’imminente discussione nel Consiglio Regionale della Lombardia del nuovo Statuto di Autonomia (già fissata per i giorni 11-12-13 marzo pv) sarà dedicato un importante Convegno di studio e di attualità istituzionale sabato 23 febbraio pv a Como (ore 15 – Hotel Palace – Lungolario Trieste, 16).
Al II Congresso della Lega Lombarda (tenuto ad Assago, Milano, il 12 dicembre 1993) venne presentato dall’eminente studioso comasco, allora già senatore eletto come indipendente nella lista della Lega Nord, il vitalissimo documento noto come “Decalogo di Assago”. L’architettura della Repubblica ivi disegnata prevedeva la libera associazione delle attuali 15 Regioni a Statuto Ordinario in tre “Macroregioni” e l’associazione ad esse delle cinque Regioni a Statuto Speciale. Da allora sono trascorsi quindici anni, che hanno registrato quattro fallimenti nel tentativo di realizzare una riforma significativa della Costituzione vigente: 1994, Commissione De Mita–Jotti; 1997, Commissione Bicamerale D’Alema; 2006 voto popolare contrario alla proposta federalista della “Devolution”; 2006-2008 costatata incapacità totale del Governo Prodi e della maggioranza di centro-sinistra persino di attuare l’unica riforma approvata e riguardante il Titolo V, Parte II, articoli 114-133 relativi a Comuni, Province, Città metropolitane e Stato.
Se facciamo un salto all’indietro e torniamo all’aprile 1999, Gianfranco Miglio (1918-2001) nel suo ultimo, lucidissimo Saggio intitolato al famoso “asino di Buridano”, prendendo atto di alcuni di questi fallimenti (di cui fu testimone), sostenne con convinzione che «[…] le Costituzioni omni-comprensive perderanno d’importanza, sostituite da pluralità di “Statuti”, raccordati fra loro dall’azione della giurisprudenza». E in chiusura dello stesso Saggio prevedeva che «[…] si dovrebbe cominciare con riforme modeste; le quali, a loro volta, rendono poi indispensabili altri cambiamenti, che alla fine approdano ad un ordinamento complessivo abbastanza nuovo ed organico.
Una specie di “riforma involontaria”, fatta in virtù di necessità pratiche quotidiane».
E’ quello che ha fatto e sta concludendo il Consiglio Regionale della Lombardia dal luglio 2006 ad oggi con il superamento della distinzione tra Regioni a Statuto Ordinario e Speciale, applicando l’articolo 116-III comma Costituzione e prevedendo in dodici fondamentali materie più ampie e complete autonomie (procedura già conclusa dalla Regione il 3 aprile 2007), ma anche con il Federalismo fiscale previsto dall’articolo 119-II comma Costituzione che prevede la “compartecipazione” della Regione e di Comuni, Province e Città metropolitane con lo Stato sul gettito fiscale prodotto dal territorio (“Progetto di legge al Parlamento” Rosi Mauro, approvato dalla Regione il 19 giugno 2007).
La conclusione di questa “rivoluzione dal basso” sarà alla metà del prossimo marzo con la prima approvazione del nuovo Statuto di Autonomia.
Le idee della Lega e quelle di Gianfranco Miglio scorrono, quindi, ora più impetuose che mai. Non è certo un caso che l’unica riforma costituzionale approvata e vigente, quella del 2001, che fu approvata dal solo centro-sinistra, rechi in sé una cospicua quota della irresistibile forza ideale e culturale del Federalismo. L’esempio che viene dalla Lombardia e dalle sue formali, trasparenti e grandemente condivise proposte di applicazione della riforma costituzionale del 2001 sta a dimostrare la seria possibilità di dare vita ad un ben diverso e riformatore “ordinamento politico e costituzionale” della Repubblica da realizzare in un futuro assai ravvicinato ma alla condizione di avere come interlocutori un Governo ed un Parlamento corretti e leali.

Articolo tratto da laPadania del 15/02/2008

vendredi, 19 novembre 2010

Miglio: "Un nuovo Federalismo per le identità"

Così Gianfranco Miglio rispondeva, nel 1993, a Massimo Cacciari
“Un nuovo Federalismo per le identità”
Per secoli la cultura europea ha ossessivamente coltivato i miti del centralismo statale

Questa lettera fu scritta nel 1993 da Gianfranco Miglio a Massimo Cacciari, nell’ambito dell’incalzante dibattito sul Federalismo.

Ex: http://www.leganord.org/

miglio.jpgGIANFRANCO MIGLIO
Caro Massimo, ho gradito la tua lettera, anche perché mi conferma che il nuovo impegno in campo amministrativo non cancellerà la tua preziosa partecipazione ai dibattiti in tema di pensiero politico.
Quello che ormai la cultura americana chiama il “nuovo federalismo “, è (come del resto anche tu riconosci) una vera e propria “rivoluzione”: è forse la più importante delle molteplici rivoluzioni che si intrecciano a illuminare la meravigliosa “fine secolo” in cui viviamo. Mentre il vecchio “federalismo” era uno strumento (tollerato) per generare, presto o tardi, uno Stato unitario il “nuovo federalismo” è un modello istituzionale creato per riconoscere, garantire e gestire le diversità. Per quattro secoli la cultura europea ha, ossessivamente, coltivato i miti dell’unità e dell’omogeneità, funzionali allo “Stato moderno”. Dentro lo Stato tutti uniti e solidali, nell’ordine e nella pace; fuori dello Stato la guerra e la legge della jungla. Prestissimo, nei miei “Arcana Imperii”, uscirà la traduzione dei libro di Patrick Riley sulla Volontà generale, in cui si scoprono le origini teologiche del mito dell’unità.
Con il declino dello Stato “unitario” (“nazionale”) tramontano anche i miti della sovranità e dei confini.
Circa la prima, ciò che contrassegna il vero ordinamento federale è la presenza di una pluralità di “sovranità”; almeno due: quella degli Stati- membri e quella dello Stato-federazione. Ma pluralità di sovranità equivalenti significa: nessuna sovranità.
Circa i “confini” essi sono uno sciagurato prodotto dello “Stato moderno” (e, prima ancora, dell’egemonia degli agrimensori nella costruzione del diritto romano di proprietà): prima del Seicento, e sopra tutto nel mondo medioevale, i confini non erano un “destino”.
Ma il flauto che guida la danza del cambiamento, è il (periodico!) declino del “patto politico” (fedeltà) e l’emergere del contratto-scambio. Il “federalismo”(dai tempi di Giovanni Althusio!) è sempre stato legato al primato del “contratto”: e un contratto non crea mai un potere “sovrano”, perché l’efficacia di un sistema di contratti riposa sul fatto che i contraenti hanno interesse ad osservarli, sotto pena di essere esclusi dalla convivenza di coloro i quali “scambiano”. La fortuna attuale del diritto internazionale “privato” nasce da qui, e non dal fatto che esista la Corte dell’Aja.
Noi stiamo entrando in un’età caratterizzata dal primato del “contratto” e dall’eclissi del patto di fedeltà (pensa alla fine dell’indissolubilità` del matrimonio!). Dopo due secoli di ossessivo e crescente appello al patto di fedeltà (e alla “politica”) il pendolo della storia ci porta verso l’individualismo e la libertà di contratto.
Già oggi dappertutto l’esercizio del potere decisionale ha perso il suo carattere di “Machtspruch”, di “pronuncia di potenza”, e ha preso la forma di “arbitrato” e di “negoziato”. E gli ordinamenti “federali” sono sistemi in cui si tratta e si negozia senza soste.
Un altro punto cruciale: poiché le “diversità” continuano ad evolversi e ad emergere, le Costituzioni federali saranno sempre più “a tempo determinato”, e non “atemporali” come il vecchio Stato unitario (fondato per l’eternità): saranno Costituzioni modificabili ogni trenta-cinquant’anni.
Ma la più grande rivoluzione che si compie sotto i nostri occhi, con il declino dello “Stato unitario” (sovrano e “nazionale”) è la ricomposizione della originaria “convivenza delle genti”: prima che nascesse lo “Stato moderno”, e la così detta “Comunità internazionale”, sul piano giuridico e concettuale, non c’era un “dentro” e un “fuori” – un “dentro” legittimo e legale, e un Risposta a Cacciari di Gianfranco Miglio Annttoollooggiiaa 142 - Quaderni Padani Anno VIl, N. 37/38 - Settembre-Dicembre 2001 “fuori” abbandonato alla legge del più forte (o del più fortunato) -. Tutte le regole erano prodotto non di istanze “sovrane” (pensa alla debolezza delle pronunce papali o imperiali) ma di relazioni contrattuali. Oggi la gestione dei problemi interni degli Stati tende sempre più ad assomigliare a quella delle controversie un tempo chiamate “internazionali”; e la svolta è stata rappresentata dalla fine del “bipolarismo”: apogeo dell’”ordine” statal-internazionale, e quindi dei vecchio sistema.
Sono queste considerazioni che vanno tenute presenti se si vuole capire il “nuovo federalismo” ed il suo significato storico: sopra tutto se si vuol distinguere il vero federalismo dal vari “autonomismi” e “regionalismi” in circolazione, che rappresentano soltanto travestimenti del vecchio Stato unitario.
Io sto concentrando tutte le mie idee a proposito di questi temi, in una “plaquette” Costituzione federale. La ragione contro il pregiudizio; ma la farò uscire dopo le elezioni: quando si aprirà (se si aprirà!) il dibattito sulle riforme costituzionali (che tu, giustamente, giudichi indispensabile).
Sono convinto che, fra quarant’anni, tutti gli ordinamenti dei paesi civili (tranne forse quello italiano) saranno “neofederali”.
Certo (come sempre) decisivo è il problema di fissare (riconoscere) i due punti di aggregazione (“cantone”, o come lo si vorrà chiamare, versus “autorità federale”) per fondare il rapporto dialettico permanente su cui poggerà il sistema. Non per attribuire all’uno o all’altro una inutile “sovranità”: perché il potere di decidere le controversie sarà intermittente e suscitato da una clausola del contratto di fondazione.
Tu hai ragione quando avverti che è molto importante determinare le funzioni e le strutture delle aggregazioni interne (a valle) dei soggetti membri della federazione (Municipi, Regioni, eccetera). È un capitolo tutto da inventare.
Ma qui debbo rivelarti un dubbio che mi rattrista: come si atteggerà la tecnica dell’antico “jus publicum europaeum” (vulgo: cosa faranno i giuspubblicisti) davanti al compito enorme di “reinventare” il nuovo modello di ordinamento politico europeo? Ho paura che la capacità creativa della nostra cultura giuridica sia ormai spenta, e che arrivi quindi priva di forze all’appuntamento con la storia. Spero di sbagliarmi.

Articolo tratto da laPadania del 14/02/2008

Se vogliamo le riforme dobbiamo farcele, perché nessuno le farebbe al nostro posto.
Numerose saranno le riforme della Costituzione che io intendo far partire dalla devoluzione.
Non è difficile sognare. È difficile, invece, sognare confrontandosi con la realtà per cambiarla.

Umberto Bossi

lundi, 15 novembre 2010

El neoliberalismo, la derecha y lo politico

El neoliberalismo, la derecha y lo político

Jéronimo MOLINA

Ex: http://www.galeon.com/razonespanola/

minerve.jpg1. Aquello que con tanta impropiedad como intención se denomina «a la derecha» se ha convertido, como el socialismo utópico y el liberalismo político en el siglo XIX, en el chivo expiatorio de la política superideologizada que se impuso en Europa desde el fin de la I guerra mundial. Entre tanto, «la izquierda», como todo el mundo sabe, se ha erigido en administradora «urbi et orbe» de la culpa y la penitencia del hemisferio político rival. La izquierda, consecuentemente, ha devenido el patrón de la verdad política; así pues, imperando universalmente la opinión pública, su infalibilidad no puede tomarse a broma. Por otro lado, la retahíla de verdades establecidas y neoconceptos políticos alumbrados por el «siglo socialista» no tiene cuento.

Removidas en su dignidad académica las disciplinas políticas polares (el Derecho político y la Filosofía política), caracterizadas por un rigor y una precisión terminológicas que hoy se nos antojan, al menos de momento, inigualables, el problema radical que atenaza al estudioso de la Ciencia política tiene una índole epistemológica, pues las palabras fallan en lo esencial y ni siquiera alcanzan, abusadas, a denunciar realidades. Agotado hasta la médula el lenguaje político de la época contemporánea, nadie que aspire a un mínimo rigor intelectual debe apearse del prejuicio de que «ya nada puede ser lo que parece». En esta actitud espiritual, dolorosamente escéptica por lo demás, descansa probablemente la más incomprendida de las mentalidades políticas, la del Reaccionario, que casi todo el mundo contrapone equívocamente al vicio del pensamiento político conocido como progresismo.

2. En las circunstancias actuales, configuradoras, como recordaba no hace mucho Dalmacio Negro, de una «época estúpida», lo último que se debe hacer, por tanto, es confiar en el sentido inmaculado de las palabras. Todas mienten, algunas incluso matan o, cuando menos, podrían inducir al suicidio colectivo, no ya de un partido o facción, sino de la «unidad política de un pueblo». Hay empero raras excepciones en la semántica política que curiosamente conducen al pensamiento hacia los dominios de la teología política (politische Theologie) cultivada por Carl Schmitt, Alvaro d'Ors y unos pocos más escritores europeos. Parece que en dicha instancia todavía conservan los conceptos su sentido. De la importancia radical de lo teológico político, reñida con la consideración que estos asuntos merecen de una opinión pública adocenada, pueden dar buena cuenta los esfuerzos del llamado republicanismo (Republicanism) para acabar con toda teología política, uno de cuyos postulados trascendentales es que todo poder humano es limitado, lo detente el Amigo del pueblo, el Moloch fiscal, la Administración social de la eurocracia de Bruselas o los guerreros filantrópicos neoyorquinos de la Organización de las Naciones Unidas. Este nuevo republicanismo, ideología cosmopolítica inspirada en el secularismo protestante adonde está llegando en arribada forzosa el socialismo académico, no tiene que ver únicamente con el problema de la forma de gobierno. Alrededor suyo, más bien, se ha urdido un complejo de insospechada potencia intelectual, un internacionalismo usufructuario de los viejos poderes indirectos, cuya fe se abarca con las reiterativas y, como recordaba Michel Villey, antijurídicas declaraciones universales y continentales de derechos humanos. Todo sea para arrumbar la teología política, reducto ultramínimo, junto al realismo y al liberalismo políticos tal vez, de la inteligencia política y la contención del poder. Ahora bien, este republicanismo cosmopolítico, que paradójicamente quiere moralizar una supuesta política desteologizada, no es otra cosa que una política teológica, íncubo famoso y despolitizador progeniado por Augusto Comte con más nobles intenciones.

3. A medida que el mito de la izquierda, el último de los grandes mitos de la vieja política, va desprendiéndose del oropel, los creyentes se ven en la tesitura de racionalizar míticamente el fracaso de su religión política secular. Una salida fácil, bendecida por casi todos, especialmente por los agraciados con alguna canonjía internacional, encuéntrase precisamente en el republicanismo mundial y pacifista, sombra ideológica de la globalización económica. Vergonzantes lectores del Librito Rojo y apóstatas venales de la acción directa predican ahora el amor fraternal en las altas esferas supraestatales y salvan de la opresión a los pueblos oprimidos, recordando a Occidente, una vez más, su obligación de «mourir pour Dantzig!». Estas actitudes pueden dar o acaso continuar el argumento de las vidas personales de los «intelectuales denunciantes», como llamaba Fernández-Carvajal a los «soixante huitards», mas resultan poca cosa para contribuir al sostenimiento de la paz y la armonía mundiales. Tal vez para equilibrar la balanza se ha postulado con grande alarde la «tercera vía», postrera enfermedad infantil del socialismo, como aconsejaría decir el cinismo de Lenin. Ahora bien, esta prestidigitante herejía política se había venido configurando a lo largo del siglo XX, aunque a saltos y como por aluvión. Pero no tiene porvenir esta huida del mito hacia el logos; otra cosa es que el intelectual, obligado por su magisterio, lo crea posible. Esta suerte de aventuras intelectuales termina habitualmente en la formación de ídolos.

Aunque de momento no lo parezca, a juzgar sobre todo por los artistas e intelectuales que marcan la pauta, la izquierda ha dejado ya de ser sujeto de la historia. ¿Cómo se explica, pues, su paradójica huida de los tópicos que constituyen su sustrato histórico? ¿A dónde emigra? ¿Alguien le ha encomendado a la izquierda por otro lado, la custodia de las fronteras de la tradición política europea? La respuesta conduce a la inteligencia de la autoelisión de la derecha.

Suena a paradoja, pero la huida mítico-política de la izquierda contemporánea parece tener como meta el realismo y el liberalismo políticos. Este proceso, iniciado hace casi treinta años con la aparición en Italia de los primeros schmittianos de izquierda, está llamado a marcar la política del primer tercio del siglo XXI. No cabe esperar que pueda ventilarse antes la cuestión de la herencia yacente de la política europea. Ahora bien, lo decisivo aquí, la variable independiente valdría decir, no es el derrotero que marque la izquierda, pues, arrastrada por la inercia, apenas tiene ya libertad de elección. Como en otras coyunturas históricas, heraldos de un tiempo nuevo, lo sustantivo o esencial tendrá que decidir sobre todo lo demás.

El horizonte de las empresas políticas del futuro se dibuja sobre las fronteras del Estado como forma política concreta de una época histórica. El «movimiento», la corrupción que tiraniza todos los asuntos humanos, liga a la «obra de arte» estatal con los avatares de las naciones, de las generaciones y, de manera especial, a los de la elite del poder. La virtud de sus miembros, la entereza de carácter, incluso el ojo clínico político determinan, como advirtió Pareto, el futuro de las instituciones políticas; a veces, como ha sucedido en España, también su pasado.

4. Precisamente, el cinismo sociológico paretiano -a una elite sucede otra elite, a un régimen otro régimen, etcétera- ayuda a comprender mejor la autoelisión de la derecha. La circulación de las elites coincide actualmente con el ocaso de la mentalidad político-ideológica, representada por el izquierdismo y el derechismo. En términos generales, la situación tiene algún parangón con la mutación de la mentalidad político-social, propia del siglo XIX. Entonces, las elites políticas e intelectuales, atenazadas por los remordimientos, evitaron, con muy pocas excepciones, tomar decisiones políticas. Llegó incluso a considerarse ofensivo el marbete «liberal», especialmente después de las miserables polémicas que entre 1870 y 1900 estigmatizaron el liberalismo económico. Son famosas las diatribas con que el socialista de cátedra Gustav Schmoller, factótum de la Universidad alemana, mortificó al pacífico profesor de economía vienés Karl Menger. Así pues, aunque los economistas se mantuvieron beligerantes -escuela de Bastiat y Molinari-, los hombres políticos del momento iniciaron transición al liberalismo social o socialliberalismo. La defección léxica estuvo acompañada de un gran vacío de poder, pues la elite europea había decidido no decidir; entre tanto, los aspirantes a la potestad, devenida res nullius. acostumbrados a desempeñar el papel de poder indirecto, que nada se juega y nada puede perder en el arbitrismo, creyeron que la política era sólo cuestión de buenas intenciones.

El mundo político adolece hoy de un vacío de poder semejante a aquel. La derecha, según es notorio, ha decidido suspender sine die toda decisión, mientras que la izquierda, jugando sus últimas bazas históricas, busca refugio en el plano de la «conciencia crítica de la sociedad». En cierto modo, Daniel Bell ya se ocupó de las consecuencias de este vacío de poder o «anarquía» en su famoso libro Sobre el agotamiento de las ideas políticas en los años cincuenta (1960). Al margen de su preocupación por la configuración de una «organización social que se corresponda con las nuevas formas de la tecnología», asunto entonces en boga, y, así mismo, con independencia de la reiterativa lectura de esta obra miscelánea en el sentido del anuncio del fin de las ideologías, Bell se aproximó a la realidad norteamericana de la izquierda para explicar su premonitorio fracaso. El movimiento socialista, del que dice que fue un sueño ilimitado, «no podía entrar en relación con los problemas específicos de la acción social en el mundo político del aquí y del ahora, del dar y tomar». La aparente ingenuidad de estas palabras condensa empero una verdad política: nada hay que sustituya al poder.

6. El florentinismo político de la izquierda, que en esto, como en otros asuntos, ha tenido grandes maestros, ha distinguido siempre, más o menos abiertamente, entre el poder de mando o poder político en sentido estricto, el poder de gestión o administrativo y el poder cultural, espiritual o indirecto. La derecha, en cambio, más preocupada por la cuestiones sustanciales y no de la mera administración táctica y estratégica de las bazas políticas, ha abordado el asunto del poder desde la óptica de la casuística jurídica política: legitimidad de origen y de ejercicio; reglas de derecho y reglas de aplicación del derecho; etcétera. La izquierda, además, ha sabido desarrollar una extraordinaria sensibilidad para detectar en cada momento la instancia decisiva y neutralizadora de las demás -pues el dominio sobre aquella siempre lleva implícito el usufructo indiscutido de la potestad-. De ahí que nunca haya perdido de vista desde los años 1950 lo que Julien Freund llamó «lo cultural».

En parte por azar, en parte por sentido de la política (ideológica), la izquierda europea más lúcida hace años que ha emprendido su peculiar reconversión a lo político, acaso para no quedarse fuera de la historia. Lo curioso es que este movimiento de la opinión se ha visto favorecido, cuando no alentado, por la «autoelisión de la derecha» o, dicho de otra manera, por la renuncia a lo político practicada sin motivo y contra natura por sus próceres.

La izquierda europea, depositaria del poder cultural y sabedora de la trascendencia del poder de mando, permítese abandonar o entregar magnánimamente a otros el poder de gestión o administrativo, si no hay más remedio y siempre pro tempore, naturalizando el espejismo de que ya no hay grandes decisiones políticas que adoptar. Resulta fascinante, por tanto, desde un punto de vista netamente político, el examen de lo que parece formalmente una repolitización de la izquierda, que en los próximos años, si bien a beneficio de inventario, podría culminar la apropiación intelectual del realismo y del liberalismo políticos, dejando al adversario -neoliberalismo, liberalismo económico, anarcocapitalismo- que se las vea en campo franco y a cuerpo descubierto con la «ciencia triste». Aflorarán entonces las consecuencias del abandono neoliberal de lo político.



Jerónimo Molina

dimanche, 14 novembre 2010

Communal Freedom and Democracy

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Communal Freedom and Democracy

Adolf Gasser’s attempt of a conceptual clarification

by Dr phil René Roca, historian, Switzerland

Ex: http://www.currentconcerns.ch/

The historian Adolf Gasser (1903 – 1985) suggests that democracy is a historically evolved but rather fragile achievement. In his major work “Gemeindefreiheit als Rettung Europas” (Communal freedom as the salvation of Europe)1 and in many further contributions he reflects on a definition of the term “democracy” which should be as comprehensive as possible. For Gasser the term has a historical, an ethical and an educational dimension. The term “communal freedom” is at the center of his considerations. Starting point of his theoretical considerations is a historical paper on “sound and fragile democracies” in Europe after World War I.

In 1919 all European states up to the Russian border were characterized by democratic structures. But during the next two decades the democratic beginnings disappeared in favor of authoritarian or totalitarian systems of government in many states. This could particularly be observed in states, which had introduced a democracy for the first time after World War I. Gasser does not consider the principal reason for this “widespread dying of European democracies” a foreign problem, but a domestic one. Democracy particularly failed in those states, in which it did not succeed to combine freedom and order to an “organic compound”. Those states, which had a specifically shaped democratic tradition, resisted the totalitarian temptation despite the world economic crisis and World War II. Among them were, besides the Anglo-Saxon countries USA and Great Britain, the Scandinavian states, Holland and Switzerland. This, Gasser says, proves that there are two kinds of democracies, sound ones and fragile ones:

“Therefore we are to refrain from claiming that somehow democracy as such or an interlinked economic system has failed. We rather have to keep in mind that the uniform term ‘democracy’ is a quite unrealistic abstraction. In reality the term democracy, like all other social auxiliary terms, reveals a different trait from country to country. ‘Democracy’ and ‘democracy’ can be rather different things despite corresponding constitutional features; particularly, its nature is determined by the spiritual-political attitude of the individual people. In other words: After all, democracy is not a matter determined by the kind of state order, but a matter determined by the people’s convictions.”2

Thus Gasser describes a feature, which makes it possible to differentiate clearly between the sound and the fragile democracies at any time. The terms “spiritual-political attitude” and “people’s convictions” illuminate an ethical dimension of democracy. To Gasser, this dimension is not ideationally inflated or ideologically curtailed, but linked with a fundamental structural feature. The feature is the organization of the communal and regional autonomy. All sound democracies, as different as they may be, have a

“traditional and extremely lively self-governing system of their local and regional subsidiary associations. Widespread decentralization of the administration: that is the essential characteristic of these ‹old and free people’s states›.”3

Gasser considers the contrast between decentralized and centralistic administrative systems to be the key to the problem, which explains why some democracies were successful and sustainable and others were not.
For Gasser, the starting point for decentralized public administration is the “free”4 commune, which has cooperative roots. The cooperative as “a particularly finely-woven organizing element”5 defines itself by the three so-called “selves”: self-governing, self-determination and self-help. If free communes, organized in such a manner, come together to build a state, this state is federal, thus structured in a decentralized way. The human dimension in this structure must be based on certain ethical principles. The people, based on their specific cultural background, develop into these socio-economic structures; they shape and advance them. The ethical principles provide the stability, security and predictability:

“State formations, which grew from bottom to top and which represent the concept of self-governing, are usually communities of a very special kind; because they are primarily held together by spiritual and ethical forces while power-political braces are subordinate.”6

The ethical dimension of communal freedom

With the description of different principles Gasser tries to define the ethical dimension more clearly. In this context, he speaks of a kind of “synthesis of civic watchfulness on the one hand and civic self-discipline on the other”7. This mental-moral dimension cannot simply be introduced by a written constitution. It does also not follow automatically, if a commune is free. In order to make this dimension humane, moral values are required, which are to be taught in education and set as an example within the political level. The free commune, Gasser writes, educates the citizens not to a quantitative, but to a qualitative way of civic thinking. This important element shows the commune as “autonomous small-scale organization”, as “a school for citizenship”8 in an educational context, which is both founded on values and creates them.
In the following Gasser’s different ethical principles will be described in more detail.

The principle of co-ordination

Civic community life is only possible in the context of an organizing principle. The two possible organizing principles are the principle of subordination and that of co-ordination. In other words, the principle of administration by authoritarian dominance opposes that of co-operative self-governing.

“Either the stately order becomes secured by an authoritarian command and power apparatus, or it is based on the free social will of a people’s collectivity.”9

In the first case the structure of the state develops essentially from top to bottom, in the second case from ground to top. Either the people have to get used to being commanded or (most of them) to obeying, or they are guided by the will to co-operate freely. In this context, Gasser mentions that there are of course mixed forms; however, all the examples show a certain tendency towards one of the two organizing principles.
For Gasser, the contrast “rule vs. cooperative” is the most important contrast social history knows. It sheds light on the most elementary foundations of human community life and has mental and moral consequences.

The principle of voluntariness

Co-operatively organized communes require free, social co-operation. The working together represents a synthesis of freedom and order and is possible only if the will to free collective co-operation is inseparably combined with the will to free collective integration. The free acceptance of voluntary and adjunct work in addition to the regular duties results in a militia system, which is indispensable for the smoothest possible social procedures on all national levels.

“A sound development of democracy on a large scale will only be possible where it is practiced and realized on a small scale every day.”10

The principle of shared responsibility

16.jpgThe voluntary cooperation, which is practiced within the manageable area of the commune, naturally leads to a further ethical principle, the principle of the shared responsibility. It develops, as Gasser expresses, an “internal bond to reality”,11 i.e. primarily to the commune, which shapes a “system of collective readiness to share responsibility and to political tolerance”.12 Freedom must combine itself with a feeling of duty for the public matters, because

“[…] where there is a lack of genuine will for responsibility, for shared responsibility, there is an immediate threat that freedom will dege nerate into bare individualism and egoism.”13

However, the individual does not completely dissolve in the collective; it must not subordinate to the community:

“Starting point of the cooperative, decentralized states is not the individual freedom, but the communal freedom. But there is a seed of individual freedom to be found inevitably in the communal freedom […].”14

The principle of the collective respect for law

A collective conviction of what is right is central to the communal freedom. Those national state systems that were developed from bottom to top, that are based on communal freedom, show a completely different development of the law than centralistic authoritarian states. The “ancient right” (or also the “ancient freedom”) developed in co-operative and decentralized political systems has become a tradition throughout the centuries, and in conflict situations it represents an important point of reference in each case. The old civic and legal education – often verbally delivered and condensed in a kind of customary law – was of great importance, because it was backed by the collective. This backing of the existing order, often expressed in rituals and symbols, is only possible if the order is considered to be absolutely legal in its basic outlines. If this legal order is to be changed and adapted, it is usually developed, but not destroyed.

The principle of collective confidence

According to Gasser, the co-operative combination of freedom and right creates forces of “outrageous moral strength”15. For Gasser, this is above all general political and social confidence. The individual’s readiness for confidence is a prerequisite for a collective fundament of trust. Under these circumstances, no communal citizen must fear a political breach of law by fellow citizens. This “being free from fear” represents a substantial characteristic of all co-operative and decentralized communities for Gasser. Where the communal freedom exists, people steadfastly stick to the decentralized organizing, self-governing principle, and usually native confidants are entrusted with certain executive functions. So bi-partisan readiness for confidence can develop, which leads to the acceptance of the democratic majority principle:

“Only from deep-rooted confidence in communalism, i.e. to the free community will, one is able to generally take it as natural that a majority considers the free will of a minority if possible – and a minority is for its part morally obliged to submit by its own free will to the free will of a people’s and a parliament majority.”16

The principle of collective tolerance

In the free commune, Gasser says, everyone is forced to compromise with the political opponent. If the communal citizen gets accustomed to being responsibly moderate in this small, assessable area, then “from the beginning strong forces of reconciliation and mediation are involved.”17
The “communal freedom” is not able to manufacture heavenly conditions. Human passions and feeling of hate remain components of human nature. However, these often destructive forces repeatedly encounter “wholesome barriers” in the free commune, which “diminish their political explosive effects”, Gasser states.18 One of these “barriers” is the readiness to compromise:

“Striving for clear compromises backed by genuine consideration for the justified vital interests and attitudes of our fellow citizens, also of those organized in other parties, must become second nature somehow, if the liberal democracy were to become a firmly rooted way of life.19

From this collective tolerance emerges a high readiness to accept good faith as a guiding value. Thus one cannot absolutely guarantee but effectively secure the inner and outer peace of a community nevertheless.

Conclusion: the principle of ethical collectivism

Gasser’s term “communal ethics” is determined by the described mental and moral principles, to which the individual must feel bound. For its existence and advancement, the free commune requires such a “collective will to bind oneself”20 or, expressed differently, an “ethical collectivism”21. Gasser thus sheds light on the “internal nature”22 of democracy and gives his definition a socio-psychological dimension by including ethical principles.
Gasser always refers to this dimension in his texts. He starts out from a positive concept of man: Man is good by nature.23 As a person, each human being has certain rights and duties and can establish his necessary social relations at best in the surroundings of a free commune. Thus people develop their skills and forces and are able to solve the problems together with others. Thus, the autonomous small areas form the basis, and take influence on greater stately regions, regardless of their structure.
“Moral bonds” secure the peace of a society against inside threats as well as threats from outside. All communal and federal democracies, built from bottom to the top, have a basically pacifist tendency, Gasser claims. With its synthesis of freedom and order, the decentralized structure including free communes reaches a degree of social justice, which curbs militarist and expansive forces. The individual is more content, feels safe and cannot easily be seduced to foreign policy war adventures.

Educational dimension of communal freedom

Finally the “educational dimension” of communal freedom is to be presented briefly, as Gasser repeatedly mentions it. For him, the commune is a “humanitarian school for citizenship”24 and in a lively democracy it serves an educational purpose which should not be underestimated:

“Only in an assessable, natural community the normal citizen is able to acquire what we use to call political sense of proportion, a feeling for the human proportions. It is the only place where he can learn to understand and consider the justified requests of his neighbors and their different ideas and interests in the daily discussion; it is the only place where the necessary minimum of communal structure develops on the ground of freedom, which is able to effectively impede the tendency to authoritarianism as well as to anarchy. In this sense autonomous small areas remain irreplaceable schools for citizenship, without which the free democratic state would wither from the roots.”25

A lively democracy does not only require educated humans, who master cultural techniques and who acquire certain abilities and skills and develop them. A democracy also requires as it were the people’s “emotional intelligence”.26 This intelligence must develop in the family first, as well as in the assessable, natural community first; later on it can also be effective beyond that sphere. As far as educational issues are concerned, Gasser always refers to the work of Heinrich Pestalozzi (1746 – 1827). In digesting and summarizing the different historical aspects and the ideas of progressive thinkers, Gasser can be called the actual discoverer of the “small region” and “assessability” as the basic conditions of a working democracy. Therefore it is certainly worthwhile to apply his ideas, modified by new research, to the question how direct democracy was historically developed in Switzerland.•

Translation Current Concerns

1 Adolf Gasser, Gemeindefreiheit als Rettung Europas. Grundlinien einer ethischen Geschichtsauffassung, Second, grossly extended edition, Basel 1947, p. 7–12.
2 Gasser, Gemeindefreiheit, p. 10.
3 Gasser, Gemeindefreiheit, p. 10f.
4 Gasser uses the term “free” or “freedom” in the context of a national political category of the “commune” quite comprehensively. He does not limit it to the political rights of co-determination. Those were limited in Switzerland in the “ancient régime” to the citizens of a single commune, i.e. they were exclusive. Only in times of the Helvetica and then again during Regeneration the rights of co-determination were extended on a cantonal level. Women were excluded longest.
5 Gasser, Gemeindefreiheit, p. 15.
6 Gasser, Gemeindefreiheit, p. 17.
7 Adolf Gasser, Bürgermitverantwortung als Grundlage echter Demokratie, in: Gasser,A., Staatlicher Grossraum und autonome Kleinräume, Basel 1976, p. 43
8 Adolf Gasser, Staatlicher Grossraum und autonome Kleinräume, Basel 1976, p. 147
9 Gasser, Gemeindefreiheit, p. 12
10 Gasser, Gemeindefreiheit, p. 11
11 Gasser, Gemeindefreiheit, p. 19
12 Adolf Gasser, Der europäische Mensch in der Gemeinschaft, in: Gasser, A., Staatlicher Grossraum und autonome Kleinräume, Basel 1976, p. 4
13 Gasser, Bürgermitverantwortung, p. 33
14 Gasser, Gemeindefreiheit, p. 27
15 Gasser, Gemeindefreiheit, p. 20
16 Gasser, Gemeindefreiheit, p. 97
17 Gasser, Gemeindefreiheit, p. 24
18 Gasser, Gemeindefreiheit, p. 24
19 Gasser, Gemeindefreiheit, p. 24
20 Gasser, Gemeindefreiheit, p. 16
21 Gasser, Der europäische Mensch …, p. 4
22 Gasser, Gemeindefreiheit, p. 10
23 Gasser, Gemeindefreiheit, p. 255
24 cf. Adolf Gasser, Die Schweizer Gemeinde als Bürgerschule (1959), in: Gasser, A., Staatlicher Grossraum und autonome Kleinräume, Basel 1976, p. 85–91
25 Adolf Gasser, Zum Problem der autonomen Kleinräume. Zweierlei Staatsstrukturen in der freien Welt, in: Aus Politik und Zeitgeschichte, Attachment to the weekly magazine Das Parlament, vol. 31/77, p. 4
26 cf. Daniel Goleman, Emotional Intelligence, New York, 1996

Adolf Gasser

The Swiss historian Adolf Gasser (1903–1985) completed his studies in Heidelberg and Zurich with doctorates in history and classical philology. From 1928 to 1969 he taught as a grammar school teacher in Basel. In the course of his lectureships he became private lecturer in 1936 and an adjunct professor in 1942; from 1950 to 1985 he taught as an extraordinary professor for constitutional history at the University of Basel. After World War II he started an active lecturing activity in the Federal Republic of Germany. Gasser was joint founder of the Council of European Municipalities and Regions, from 1953 to 1968 he was a Liberal member of the Grand Council of Basel, and he was a president of the FDP of the canton Basel.
 

His works include (published in German language, all titles are translated here for better understanding):
– The territorial development of Switzerland. Confederation 1291–1797, 1932
– History of the People’s Freedom and Democracy, 1939
– Communal freedom as salvation of Europe, 1943
– On the foundations of the state, 1950

El organicismo de Maetzu

El organicismo de Maeztu

Pedro Carlos Gonzàlez Cuevas

Ex: http://www.galeon.com/razonespanola/

1. EL CORPORATIVISMO INGLES

maeztu.jpgEn 1912, Maeztu había empezado a interesarse por las ideas sindicalistas y corporativistas que comenzaban a dominar en algunos círculos intelectuales europeos. No encontró, desde luego, el sindicalismo revolucionario de raíz soreliana un simpatizante en Maeztu, quien rechazó de plano sus actitudes violentas y, sobre todo, un irracionalismo tomado de Bergson; era «antiintelectual y antiinteligente», heredero de la «sofistería moderna»1. Se equivocaban, además, Sorel y sus acólitos en la percepción de la realidad social, al sostener, como el marxismo, la visión dicotómica de las clases sociales; lo que suponía, tanto a nivel teórico como práctico, una enorme simplificación, que prescindía de sectores tan decisivos como el campesinado y toda la clase media -comerciantes, industriales, pequeños rentistas, intelectuales, etc.-. El fundamento real del sindicalismo, por el contrario, era la pluralidad de las clases sociales, que, a través de sus organizaciones sindicales, se disponían a defender sus intereses. «Se funda en que las clases sociales son muchas. Y en esta multiplicidad de intereses de clase es necesario precisar y concretar los de la clase obrera, si ha de evitarse que los trabajadores tomen por propios los intereses de otras clases sociales2.

Al lado del sindicalismo revolucionario existía otro, de carácter conservador, defendido en Gran Bretaña por Hilaire Belloc y los hermanos Chesterton; en Francia por León Duguit. Maeztu consideraba a esta tendencia mucho más seria que la anterior. No obstante, rechazaba, por entonces, los planteamientos de Duguit, cuyo «solidarismo» tanto influiría en la gestación de La crisis del humanismo. El corporativismo de Duguit significaba, para el Maeztu todavía liberal, un intento de retorno a la Edad Media, ya que pretendía reducir al individuo a una mera dimensión profesional, aboliendo la individual y política, es decir, la subjetividad, producto de la emancipación lograda desde el Renacimiento3. Chesterton y Belloc eran comparables a Charles Maurras y León Daudet4.

Con todo, tanto los sindicalistas revolucionarios como los conservadores incidían en aspectos reales de la vida social; en particular su insistencia en el carácter objetivo de las clases sociales como portadoras de intereses materiales específicos, que los parlamentos de las sociedades liberales, anclados todavía en una filosofía social profundamente individualista, se obstinaban en ignorar, incluso en marginar: «La idea política se trueca en retórica que cubre un interés; el interés rapaz se cubre con piel de cordero. Todo por no reconocer al hombre su doble carácter de profesional y de hombre, de miembro de una clase y de miembro de la comunidad»5.

Como ya habían propugnado los krausistas, el corporativismo podía servir de correctivo al individualismo liberal; y, por otra parte, a la racionalización del pluralismo social. En ese sentido, Maeztu abogaba por un sistema de tipo bicameral, que diera asiento diferenciado a la representación corporativa. Una de las cámaras se organizaría mediante el sufragio universal; mientras que la otra se basaría en la representación por clases, profesiones y grupos de interés, «hacendados, industriales, comerciantes, labradores, obreros, abogados, médicos, personal pedagógico, etc»6.

A este tipo de corporativismo tampoco era ajeno su contacto con los intelectuales reunidos en torno a la revista «The New Age», que dirigía el antiguo fabiano Alfred Richard Orage; quien, con la ayuda económica del dramaturgo Bernard Shaw, había logrado sacarla a la luz en 19077. «The New Age» se convirtió en el órgano doctrinal del socialismo guildista, iniciado bajo la inspiración de William Morris y John Ruskin; y cuyo origen más próximo se encontraba en los escritos del arquitecto Arthur Joseph Penty, sobre todo en The Restoration of the guild system, en donde abogaba por el retorno del artesanado, y la producción simple bajo la inspiración reguladora de los «gremios». Dos miembros de «The New Age» Samuel George Hobson y Alfred Richard Orage -su director- aprovecharon las ideas de Penty, que también colaboraba en la revista, convirtiéndolas en algo diferente. Ninguno de ellos compartía el medievalismo de Penty; y eran partidarios de las nuevas formas de producción y concebían los gremios como grandes agencias democráticamente controladas para encargarse de la industria8.

El «guildismo» se oponía tanto al marxismo como al socialismo de raíz fabiana, cuyo estatismo rechazaba. Sobre la base de empresas organizadas en cooperativas de producción elevaba un sistema social que confiaba al Estado un papel subsidiario, es decir, el cuidado de las funciones de interés general, dejando la solución de los otros problemas a las comunidades inferiores. Así, las funciones que abandonaba el Estado eran ocupadas por la guilda, que era, en la concepción de Hobson, una asociación de todos los trabajadores, de todas las categorías de la administración, de la dirección y de la producción en la industria. Dentro de la revista existían, sin embargo, diferentes orientaciones y tendencias. Mientras Hobson y Orage defendían una estructura gremial que controlase y organizase la producción bajo la inspección del Estado; otros, como Cole, se mostraban contrarios a la idea de Estado soberano y proponían la doctrina del «pluralismo», basada en el principio de «función»9.

Esta teoría, sobre la que Maeztu edificaría su doctrina de la sociedad defendida en La crisis del humanismo, suponía indudablemente un desafío a las ideas dominantes sobre el sistema demoliberal y el gobierno representativo y, según reconocería el propio Cole, podía armonizarse perfectamente tanto con el liberalismo como con un ideario de carácter antiliberal10.

Para Maeztu, el guildismo era, y así lo expresó en una carta a su amigo Ortega, un auténtico reto intelectual, dado que aún no estaba suficientemente teorizado, tarea que él se proponía abordar: «El socialismo gremial tiene una ventaja y una desventaja. No está aún pensado. Hay que inventarlo»11.

«The New Age» se convirtió en un importante centro de discusión sobre temas económicos, sociales y filosóficos, donde acudían y colaboraban intelectuales de distinta militancia política e ideológica. Allí conoció al poeta Ezra Pound12, a los hermanos Chesterton, Percy Widham Lewis, Hilaire Belloc, Orage, Penty, etc. Maeztu simpatizó con Orage, a quien consideraba un pensador carente de originalidad, pero de gran capacidad de divulgación, que «pulió, fijó y dio esplendor a cuantas percibió y le parecían interesantes por ser nuevas»13. La influencia de Penty fue mucho mayor en Maeztu, sobre todo, por sus críticas a la civilización industrial. Penty le enseñó «la necesidad de restaurar la supremacía del espíritu sobre el culto supersticioso de las máquinas a que fian los modernos sus esperanzas de un mundo mejor»14.

De la misma forma, el «distributismo» de Belloc, que insistía como Penty, en la restauración de la pequeña propiedad, del artesanado y de los gremios, mediante la creación de juntas de oficios y profesiones, tuvo influencia en la ulterior trayectoria política e intelectual de Maeztu. Se trataba del «mayor enemigo que ha encontrado en Inglaterra la propaganda socialista y el defensor más brillante de la única alternativa democrática al colectivismo, a saber: el Estado distributivo, es decir, un Estado en que la riqueza se halle distribuida entre la inmensa mayoria de los ciudadanos»15.

Mención aparte merece, por su impronta en Maeztu, la figura de otro de los colaboradores de «The New Age», el escritor y filósofo Thomas Ernst Hulme. Miembro de una comoda familia, Hulme había nacido en Endon, en 1883; y se educó en prestigiosos colegios de Cambridge, de donde fue expulsado por su carácter pendenciero y bohemio. Luego, residió en Canadá y Bruselas. Amigo de Henri Bergson, gracias a su ayuda logró la readmisión en Cambridge16. Hulme era conocido entonces como traductor de las obras de su amigo Bergson y de las Reflexiones sobre la violencia de George Sorel. Amigo de Ezra Pound y colaborador de «The New Age», su perspectiva ideológica era deudora del intuionismo de Bergson, de las ideas estéticas de Charles Maurras y Pierre Lasserre, y de las críticas de Sorel al hedonismo y relativismo característicos de la sociedad finisecular. Hulme sostenía que la cultura moderna, cuyos orígenes se encontraban en el Renacimiento, llevaba a la Humanidad hacia un callejón sin salida. El humanismo renacentista supuso la eliminación radical del distanciamiento medieval del hombre con la civitas terrena y del mundo natural con respecto al sobrenatural. Y, en consecuencia, su principal error consistió en destruir la objetividad de los valores, interpretándolos «en términos de categorías de vida»; lo que conducía a un peligroso relativismo ético17. Por contra, el pensamiento medieval, a diferencia del humanismo, tenía por base la objetividad de los valores y la imperfección radical del hombre; y ello en virtud de los principios religiosos que le servían de fundamento. A la luz de los principios religiosos, el hombre aparecía, no como la medida de todas las cosas, sino como un ser radicalmente imperfecto, lastrado por el pecado original, al que solo mediante la disciplina y la religión podía conseguirse algo de valor. Ello tenía su manifestación en el arte, en las diferencias entre la vitalidad del arte renacentista y la tendencia a la abstracción del medieval. El resurgir de la abstracción, con su simbolismo geométrico y desantropomorfizado, presagiaba el ocaso del humanismo y la vuelta a los principios tradicionales de servidumbre a supuestos suprahumanos.

Tanto el humanismo como la ética medieval habían sufrido, a lo largo del XVIII y XIX, una renovación, que llevaba a una contínua confrontación entre el romanticismo, como concreción estética y política del sinuoso proceso de desarrollo de la subjetividad que arranca del Renacimiento, y el clasicismo, con su perspectiva pesimista, que llevaba a supuestos políticos de carácter conservador, como habían propugnado Charles Maurras y Pierre Lasserre. En ese sentido, Hulme estaba convencido de que se iba gestando en el interior de la cultura contemporánea un profundo cambio ideológico que llevaba a un renacimiento del espíritu clásico frente a los supuestos relativistas del proyecto de la modernidad; y ello era visible en los escritos de George Sorel: «Hay muchos -señalaba- que empiezan a estar desilusionados de la democracia liberal y pacifista, aunque huyan de la ideología opuesta a causa de sus asociaciones reaccionarias. Para estas gentes, Sorel, revolucionario en economía, pero clásico en ética, puede resultar un liberador»18.

Fiel a sus ideas, Hulme murió luchando en Francia durante la Gran Guerra, cerca de Newport el 28 de septiembre de 1917. Comentando la huella que Hulme dejó en su pensamiento, Maeztu afirmó que su influencia no se redujo al ámbito doctrinal y filosófico; fue importante también su ejemplo de heroismo y valor cívico «sobreponiéndose a las flaquezas de la carne»19.

La huella de Hulme fue perceptible igualmente en figuras cimeras de la intelectualidad inglesa: T.S. Eliot, Ezra Pound, David H. Lawrence, etc20.





2. «LA CRISIS DEL HUMANISMO», O EL APOCALIPSIS DE LA MODERNIDAD



Así, el estallido de la Gran Guerra sorprendió a Maeztu en plena evolución ideológica. Su opción, sin embargo, no fue dudosa, y a pesar de su admiración intelectual por Alemania, estuvo en todo momento a favor de Inglaterra. El vasco nunca dudó de la victoria final de Gran Bretaña y sus aliados: «Inglaterra -dirá a Ortega en una carta- ha estado dormida en estos años, pero empieza a despertar. Y, no lo dude usted, acabará por ganar la guerra»21. No obstante, celebraba que España permaneciese neutral en el conflicto; hecho que atribuyó a la presión de los intelectuales y de las clases populares frente «a la germanofilia de las clases conservadoras22»

Su progresivo cambio de perspectiva ideológica tuvo su concreción en la fundamentación religiosa-católica de su militancia aliadófila. Alemania era la representante de la «herejía germánica», consecuencia directa de la Reforma protestante y su doctrina de la justificación por la fe, frente a la doctrina católica del pecado original y la justificación por las obras. El luteranismo había afirmado la dominación del sujeto en lo relativo a la capacidad de atenerse a sus propias intelecciones; y en consecuencia, dejó al hombre libre de ataduras de orden ético y moral. La consecuencia lógica de aquel proceso fue la independencia del Estado en relación a la autoridad ética de la Iglesia, debido a los principios subjetivistas que le servían de base. Libre de cualquier poder ajeno a sí mismo, se convirtió con Hegel en un valor completamente autónomo; lo cual explicaba la crueldad de los alemanes a lo largo del conflicto23.

Pero la guerra no era sólo producto de esa mentalidad religiosa; y mucho menos de las disputas entre imperios rivales. Ni Francia, ni Gran Bretaña, ni Rusia habían amenazado el poder de Alemania. El estallido de la guerra había sido, muy al contrario, producto de la voluntad de la nobleza, el Ejército y el Kaiser para conservar su hegemonía en el interior de Alemania frente al empuje de la burguesía, los intelectuales y la clase obrera24.

Enviado como corresponsal al frente, Maeztu se mostró, en algunas de sus crónicas, entusiasmado por el espectáculo de la guerra. Y es que pensaba que las consecuencias sociales del conflicto podían ser, a la larga, positivas, porque la convivencia en las trincheras contribuiría poderosamente al establecimiento de vínculos permanentes entre las distintas clases sociales. Además, la guerra enseñaría a «trabajar mejor y más deprisa, y con mejor organización, disciplina y solidaridad25. El propio Ejército se había convertido en el modelo de sociedad jerárquica, estable y disciplinada: «No es lo justo que los hombres desiguales sean tratados como iguales. Lo justo es que se dé lo suyo a cada uno y el respeto a todos. Aquí, en el Ejército, el soldado es soldado y el general es general». Al mismo tiempo, volvía a aparecer en sus escritos el elemento nietzscheano de su juventud. La guerra era incluso un factor de regeneración moral, tanto a nivel individual como colectivo, porque suscitaba el impulso heroico: «El cañoneo entiende la sangre. Se vive como un redoble permanente. Se recupera el sentido de la aventura. Las historias dejan de ser historias. Se es uno mismo historia. Y aunque no se vea nada desde nuestro agujero, se siente uno mismo centro de la Historia»26.

Bajo la impresión del desarrollo del conflicto, Maeztu redactó en 1916, a partir de una serie de escritos publicados en «The New Age» y otros diarios y revistas, Autority, liberty and function in the light of the war, traducido posteriormente, en 1919, al español con el título de La crisis del humanismo. Los principios de autoridad, libertad y función a la luz de la guerra27.

El punto de partida de la obra era la dramática situación en la que se debatían las sociedades europeas, cuya raíz se encontraba en el subjetivismo y relativismo característicos de la modernidad. En el Renacimiento se había generado un sentimiento fuertemente mundano del hombre, que comenzaba a hallarse confinado en la esfera y dimensión de lo puramente corporal, en los acontecimientos vitales; y, en consecuencia, tuvo lugar la aparición de un nuevo tipo de hombre, seguro de su individualidad, que lo define todo, y, por lo tanto, cada vez más alejado de la transcendencia. La individualidad se encontró libre de frenos, y la ética se antropoformizó, relativizándose. El hombre se convirtió, pues, en «un esclavo de sus propias pasiones». Y en este relativismo ético se encuentra la génesis de los dos errores característicos de la modernidad, dominante en las sociedades contemporáneas: el liberalismo y el socialismo. El liberalismo tenía como sustrato el individualismo atomista que no contemplaba otra fuente de certeza y de moralidad que el individuo aislado; sobre la cual era imposible fundamentar una sociedad bien organizada. De la misma forma, el socialismo, a pesar de sus diferencias ideológicas con el liberalismo, tenía su raíz última en el relativismo subjetivista, sustituyendo la arbitrariedad individual por la del Estado, error en el que igualmente habían caído Hegel y la mayoría de la intelligentsia alemana. El proyecto socialista convertía en el único propietario de los medios de producción al Estado, que, de esta forma asumía en relación a la sociedad civil las funciones de juez y parte, encarnados en una burocracia despótica, cuya situación era, en el fondo, análoga, incluso más tiránica, a la de la vieja oligarquía del dinero.

Frente a todo ello, Maeztu propugnaba la superación del relativismo inherente al proyecto de la modernidad, mediante el retorno al principio de la «objetividad de las cosas». Continuando su evolución ideológica iniciada en su interpretación de la filosofía kantiana, en la que, como sabemos, encontró los supuestos absolutos que transcienden a la relatividad asociada al mundo empírico, Maeztu se decide por el intento de renovación de la vieja pretensión ontológica de entender el mundo bajo el signo de un idealismo objetivo y de volver a ensamblar metafísicamente los momentos de la razón disociados en la evolución cultural del mundo moderno, como medio para poner coto a la desintegración de la jerarquía de los valores comúnmente aceptados. Como ya hizo Hulme. Maeztu toma, para ello, de George E. Moore la noción de «bien objetivo», de valor intrínseco de la objetividad de los principios morales. La objetividad de las cosas abre a los hombres el acceso al mundo suprahistórico. Cuando Maeztu hace referencia a la «primacía de las cosas» se refiere a los valores eternos, que se encuentran por encima de la subjetividad y del mundo material, tales como la Verdad, la Justicia, el Amor y el Poder, cuya unidad se encarna en Dios. Desde esta perspectiva, se llega a la conclusión de que el hombre no se encuentra en el mundo para seguir su personal arbitrio, sino como servidor de esos valores objetivos. Tal es el supuesto en el que descansa el «clasicismo cristiano», debelador del romanticismo y del humanismo, de su ilusoria creencia, sobre todo, en la bondad natural del hombre. El catolicismo era consciente de que el optimismo antropológico conducía a la disolución social; y sólo mediante la autoridad que domeñara su naturaleza corrupta, consecuencia del pecado original, podía conseguirse la armonía y la estabilidad.

Sobre la base de esté moral objetiva, era posible edificar una teoría objetiva de la sociedad. Maeztu se sirve para ello, de las aportaciones de León Duguit, en cuanto éste negaba la noción de derecho subjetivo individual y admite los derechos objetivos, nacidos de la función de cada uno en el conjunto social. La organización de la sociedad en torno al principio de «función» puesta al servicio de los valores objetivos conduce a una estructura gremialista. El conflicto entre autoridad y libertad, individuo y sociedad es superado mediante la restauración de los gremios, que servirían de corrección tanto al individualismo anárquico de los liberales como a la burocracia despótica de los socialistas y estatistas.

Maeztu entiende por «gremio» una asociación autónoma e independiente del Estado, en la que se encuentran organizadas todas las clases sociales y grupos de interés. La razón de ser del gremialismo es la pluralidad de clases sociales y sus respectivos intereses. El principio «funcional» comprende todas las actividades del hombre y sanciona cada una de ellas con los derechos correspondientes a la «función». En el reparto de funciones y competencias se encuentra la garantía de las libertades reales. Maeztu se inclina por las tesis propias del «pluralismo» británico frente al concepto de soberanía estatal. No había razón alguna para dar por buena la tesis del poder soberano del Estado, ni nadie que mirara con los ojos la realidad social podía admitir la existencia de la voluntad general de Rousseau o la estatolatría de Hegel. Antes al contrario, la sociedad ofrecía el espectáculo de una multitud de grupos y corporaciones, dueños cada uno de su propia esfera y servidores de sus diversos fines y funciones. De esta forma, Maeztu se muestra partidario de una cierta forma de anarquismo legal, es decir, de la relativa disolución de los poderes del Estado, donde pueden ser ejercidos directamente por los ciudadanos y las instituciones gremiales.

El contenido de La crisis del humanismo en modo alguno pasó inadvertido para sus contemporáneos. Quizá fue Salvador de Madariaga, amigo de Maeztu por aquel entonces e igualmente relacionado con los escritores de «The New Age»28, el primer comentarista de la obra, que no dudó en calificar de «excelente»29. En un sentido igualmente elogioso, se manifestó el escritor catalán Eugenio d'Ors, que vio en La crisis una «excelente y nueva teorización del gremialismo»30. Años después, Antonio Sardinha, líder intelectual del Integralismo Lusitano, la consideró breviario de pensamiento tradicionalista, por su insistencia en el principio del pecado original y en la instauración de un sistema gremial31.

La crisis del humanismo despertó igualmente el interés de los católicos. No era para menos; dado que hasta entonces Maeztu había sido uno de los representantes del liberalismo intelectual en España. Pero la valoración de sus contenidos fue, en gran medida, ambivalente. Así, Rafael García y García de Castro -futuro obispo de Granada- vio en ella el afortunado abandono por parte de Maeztu de los principios liberales; pero también le reprochó una insuficiente asimilación de la dogmática católica. Maeztu valoraba en mayor medida los factores menos transcendentes del catolicismo, es decir, la jerarquía, el culto y la propagación de los sentimientos de identidad y de comunidad. En el fondo, parecía que para Maeztu la religión brotaba más de una «necesidad de coherencia social» que de «las relaciones del hombre con Dios»32.

La crítica de las izquierdas fue más dura. Luis Araquistain le reprochó sus objeciones al socialismo. Lejos de configurar un absolutismo de Estado, era un absolutismo de la sociedad. No obstante, la idea más combatida por Araquistain fue la de objetividad de las cosas y su primacía, cuya consecuencia podía ser, a su juicio, una regresión hacia un sistema de carácter teocrático, «a una civilización como la china, o a una sociedad tan estéril y terrible como algunas congregaciones religiosas»33. Otro socialista, Fernando de los Ríos, se apresuró a dejar bien claro que su interpretación del Renacimiento -sustentada en su obra El sentido humanista del socialismo- era por entero diferente a la de Maeztu. Por otra parte denunciaba el principio de «función» como puramente «formalista», sin contenido real, pues resultaba incompatible tanto con el sistema capitalista como con el socialista34.

Con mayor acritud se expresó el discípulo de Giner de los Ríos e institucionista de pro, Francisco Rivera Pastor, quien, recordando la anterior compenetración de Maeztu con el pensamiento moderno, consideró La crisis como una regresión intelectual. Ahora, Maeztu aparecía como un auténtico tradicionalismta negador del progreso y defensor del pecado original; todo lo cual equivalía políticamente al «ruralismo, a los arcaicos latifundios patriarcalistas, a la concepción pseudoaristocrática de una decadente república platónica…»35.

Más recientemente, La crisis del humanismo ha sido vista, al menos por algunos historiadores del pensamiento español contemporáneo, como precedente ideológico del fascismo e incluso del régimen del general Franco. Así, José María de Areilza calificó la obra como «lejana predicción de los fascismos europeos»36. Posterioremente, Salvador de Madariaga -cuyas alabanzas a La crisis del humanismo ya conocemos- sostendrá una tesis semejante en su discutible ensayo España. La obra de Maeztu era «una de las primeras y mejores definiciones del Estado autoritario funcional que se ha escrito en Europa»; y llama al escritor vasco «precursor del falangismo y aún quizás del fascismo»37. En la misma línea, el historiador marxista Manuel Tuñón de Lara afirma que Maeztu, se adelanta a Mussolini en la concepción de una «sociedad sindicalista»38.

¿Qué decir de tales aseveraciones? Ante todo, destacar su superficialidad. En el caso de Areilza, su opinión era comprensible en un momento, como 1941, de exaltación totalitaria, tras el final de la guerra civil. Madariaga, por su parte, fue siempre un historiador sumamente superficial, que, salvo en su célebre biografía de Bolívar, no pasó del afán divulgativo39. La opinión de Tuñón de Lara, como de costumbre en la obra de este autor, era más política que propiamente historiográfica. Se trataba, en el fondo, de interpretar a Maeztu como fascista; y con él al sistema político nacido de la guerra civil.

En ninguno de los casos, hubo un análisis mínimamente serio de la obra. Y es que, a diferencia de lo sustentado por estos autores, la concepción corporativista de Maeztu dista mucho de ser favorable a cualquier forma de totalitarismo, pues uno de sus aspectos centrales consiste en la limitación del poder estatal, que se reduce, en la práctica, a la función de armonizar la vida social. De hecho, uno de los grandes teóricos del totalitarismo, Carl Schmitt, vio en el guildismo y en el pluralismo británicos, base de la concepción social de Maeztu, una teoría que encubría el dominio político de los «poderes indirectos» frente a la soberanía estatal40.

Por otra parte, las reflexiones de Maeztu se inscribían claramente en la crisis del Estado liberal de Derecho característica del período posterior a la Gran Guerra, que implicó la creación de nuevos marcos institucionales de distribución de poder que llevaban a un desplazamiento en favor de las fuerzas sociales organizadas de la economía y la sociedad en detrimento de un parlamentarismo debilitado41. Como en el resto de Europa, la sociedad española -si bien con cierto retraso, dado su menor desarrollo económico- comenzó a articularse en organizaciones que representaban, desde distintos prismas ideológicos, los diversos grupos e intereses sociales. Este proceso de «corporativización» fue clave tanto por el desarrollo que experimentaron como por el protagonismo que lograron las distintas asociaciones42.



Pedro Carlos González Cuevas

samedi, 13 novembre 2010

How the Left Won the Cold War

How the Left Won the Cold War

 
 
fascist-leftists.jpgThe following address was delivered to the HL Mencken Club's annual meeting in Baltimore, October 22, 2010.
I’m often asked why there is need for an independent or non-aligned Right. Aren’t Sean Hannity, Sarah Palin and Rich Lowry covering all our bases? Why should we create a movement on the right when FOX and those middle-aged people marching around at Tea Parties with costume-store wigs, are doing our job? Why give ammunition to the Democrats by showing that our side is divided? We should be pulling together so we can pummel Nancy Pelosi and Harry Reid in next month’s referendum on Obamacare.

Engaging this question fully would require more than a ten-page exposition. Indeed there is no way to address it without being in this instance a Hegelian. It was the great German philosopher Hegel who argued that the true definitions of concepts and movements are necessarily genetic. Such definitions can not be dealt with properly, unless we go back to the origin of what is being defined. A tree is not what it first appears to be, but the history of that object, from the time it was a seedling. So too there is no way to understand where we are at the present time without noticing where we were before. The present state of any institution or movement reflects a dialectical process teeming with strife. It is only when, according to Hegel, conflicting forces can be brought together in a permanent synthesis that the inherent contradictions are resolved. Before that point is reached, the dialectic must go on, as something integral to what is being formed.

My intention is not to belabor you with Hegelian concepts. It is rather to bring up the unfinished dialectic of the right, for understanding why we do not belong to the authorized “conservative movement” and why that movement has become an echo of the Left. Allow me then to start with this generalization. In the second half of the 20th century, the other side, from our perspective, won almost everywhere in the West. But the Left that prevailed was not the gerontocracy and garrison socialism associated with Soviet rule. This Left had little to do with occupation armies in baggy pants, with inefficiently distributed goods and services, and with an arsenal of atomic missiles. The Left that triumphed was a truly radical one, and it celebrated its victories in Western countries that were straining to practice more egalitarian forms of democracy.

Whether the American civil rights movement and its later implications for feminists, gays, transvestites, and illegals, the ascent of antifascism and tiers-mondialisme in France, Italy, Spain and the Lowlands, or the morbid preoccupation of Germans with their undemocratic past and troubling Sonderweg, the post-Communist Left has had a constant task. It seeks to right the wrongs of the past, and specifically those wrongs that are blamed on White Christian, Indo-European civilization.

It may be superfluous to go over here the characteristics of this Left, since most of you are aware of what is being described. I might also recommend my book The Strange Death of European Marxism, which shows how the present Left differs from both Marxism in theory and Communism in practice. This movement is conventionally referred to as cultural Marxism, and it is now at war with anything that is not sufficiently radical in the social sphere. It adherents blame bourgeois society for such evils as “racism,” “sexism,” “homophobia,” and the horrors of Hitler’s Third Reich. This post-Marxist Left appeals to the guilty conscience of the West for having held down everyone else and for not having fought with enough determination against “fascism.”

Though in Europe this Left defends Communist regimes and typically plays down the crimes of Stalin’s Russia, it is not primarily interested in socialism. It is interested above all in reconstructing society, in integrating Western nation states into global organizations and in opening Western countries to Third World immigration and to popularizing non-Christian or non-Judeo-Christian religions. For those who may have noticed, the EU has become a major instrument for this desired social experiment in Europe.

Where this Left overlaps Christian theology is in its stress on guilt and the need for atonement. But the Christian attitudes have been recycled into a replacement theology, one that develops a cult of revolutionary saints and victims, and one that produces a liturgical calendar centered on politically correct remembrance. In this replacement theology victimizing groups are expected to exhibit unconditional atonement toward those considered historical victims.

This post-Marxist Left began to supplant Communism as the major leftist ideology in the West before the fall of the Soviet Empire. Already in the 1960s, a youth culture rejecting bourgeois standards of conduct and in close alliance with anti-colonial Third World revolutionaries, had taken root in Europe. Energy began to flow in the large Communist parties in France and Italy away from traditional party cadres toward young radicals. This rising elite were concerned with combating discrimination against women and immigrants and the marginalization of gays more than they were with the nationalization of productive forces. Although the emerging order became more apparent after the violent demonstrations of the soixante-huitards in Paris in May 1968 and the organization of Red Brigades in Germany and Italy, signs of a changing guard were present before.

In a perceptive work, Sognando la rivoluzione: La sinstra italiana e le origini dei sessantottanti, the Milanese political historian Danilo Breschi shows how Communist youth organizations and workers’ strikes fell into the hands of what the old cadre called “decadent bourgeois adolescents.” While those who showed up for strikes in the 1960s in Turin, Genoa, Milan, Bologna and other cities in the northern industrial belt were self-proclaimed anti-capitalist radicals, recruited from Catholic Action, Trotskyist factions, and ethnic minorities, for the under-30 demonstrators, the real agenda was more ambitious -- but also more feasible. It was a social-cultural transformation to be engineered from above. Longtime advocates of Marxism, like film-maker P.P. Pasolini and Marx-scholar Lucio Colletti, raged against these usurpers, and they called for ousting them from respectable leftist gatherings. Colletti went so far as to call the police to eject these “decadents” from his office; and Pasolini saw their agitation on the Italian Left with growing apprehension and referred to their statements as a “verbal disease.”

This post-Marxist, anti-bourgeois Left had less sympathy for Communist parties than they do for other socialist groups, and they have gotten on particularly well with the Greens. As the Greens shifted their focus from environmentalism to filling Western countries with the Third World poor and with promoting alternative lifestyles, they became indistinguishable from the post-Marxist Left. By the end of the Cold War, Communism in the West had become obsolete because the cultural Marxist Left had taken its place and because this replacement Left was shaping the left side of the political spectrum in western Europe.

The Communist parties in France, Italy, and Germany continued to function as one of several bastions of Cultural Marxism but not usually as its vital center. A similar process unfolded in the Soviet empire more slowly. Under the noses of Communist officials in East Germany, cultural radicals, and most prominently Stasi informant and now head of the German Party of the Democratic Left, Gregor Gysi, were coming into their own. The DDR’s collapse allowed these radicals to join those in the West who were pushing the same antibourgeois projects, namely, gay and feminist rights, harping on fascist dangers, and turning nation states into branches of a global managerial regime.

One might try to challenge the eventual direction of my argument by insisting this has nothing to do with FOX or Glenn Beck. The conservative movement proclaims itself to be anti-leftist. It mocks the glorification of Islam and upholds Western democratic and feminist ideas; and it defends the sovereignty of the American state against international organizations. A well-paid GOP satirist, Mark Steyn, actually derides Europeans and Canadians nonstop for catering to anti-Western fanatics. I could not therefore be suggesting that our official conservatives represent cultural Marxist or liberal Christian quirks.

In fact I am suggesting precisely this view.

And I would make the further point that what separates our authorized right-center from the post-Marxist Left, in Europe and on the American and Canadian Left, is mostly quantitative. While the Left pushes Political Correctness without buts or ifs, the conservative movement expresses it in a less extreme form. But both groups reflect in varying degrees the same general cultural movement. Like our Left and like the dominant ideology in Western Europe, our 30- and 40-some conservative publicists are immersed in a leftist culture. And the result is something that all of them believe things that adults in the 1950s, including Communist sympathizers, would barely have understood.

It would be no exaggeration to say that Sarah Palin, who is an outspoken advocate of anti-discrimination laws for women, is more radical socially than were French and Italian Communist leaders sixty years ago. While old-fashioned CP members favored a centrally controlled economy and rooted for the Soviet side in the Cold War, unlike Sarah, they were not eager to punish sexists. And they didn’t give a hoot about gays, up until the time Communist parties were under siege from the post-Marxist Left. It is inconceivable that Communists of this era would have followed Jonah Goldberg, Charles Krauthammer, John Podhoretz, the neocon New York Post and the WSJ in affirming government-enforced “gay rights.” Two historians of the post-World War Two Communist movements in France and Italy, Annie Kriegel and Andrea Ragusa, depict a party leadership that belonged, even in spite of itself, to a bourgeois age. They stress the degree to which Communist parties embodied the social attitudes of the pre-Vatican Two Church.

Acceptable critics of the Islamic invasion of Europe like Steyn and Christopher Caldwell are targeting (and this must be noted) a specifically European experiment in multiculturalism. America’s willingness to take in and naturalize just about anybody does not bother these critics; presumably our big tent can hold lots more than we already have. By declaring ourselves to be a “propositional nation” held together by human rights and the belief in universal democratic equality, we are opening our doors to the world, or at least to those in the world who affirm our universalist creed.

I’ve also learned over the last two decades thanks to movement conservative celebrities: that Martin Luther King was acting specifically as a conservative Christian theologian when he spearheaded the civil rights revolution; that gay marriage, properly understood, may be a conservative “family value;” and that we are duty-bound to convert Muslims to our current notion of women’s rights and gay rights. It is precisely these ideas that make us “Western”; and if we truly value the glories of our civilization, which came into existence during some recent phase of late modernity, we should work to spread everywhere our high ideals. Equally relevant, those who have challenged our human rights beliefs, and most outrageously 19th-century counterrevolutionaries were actually “liberals.” Otherwise these mislabeled conservatives would have embraced the American creed of democratic equality!

A striking example of how deeply leftist thought patterns have affected the Right can be discerned in William F. Buckley responses to the attacks in the liberal/neocon press against the “anti-Semites” Joe Sobran and Pat Buchanan. In National Review in December 1991 and March 1992 and in his subsequent In Search of Anti-Semitism, Buckley distinguishes between those who are anti-Semites by conviction and those who are “contextually” anti-Jewish. His key distinction goes back to the Marxist notion of being an “objective reactionary,” meaning someone who challenges the preferences of the Communist Party. Buckley’s argument from context likewise recalls the charge in Europe against those who challenge multiculturalism, as greasing the skids for neo-Nazis.

From this standpoint, it does not matter whether or not one says something that is objectively correct. What counts is not upsetting certain VIPs. In Buckley’s brief, neither the malefactors nor the victims have anything to do with the European Holocaust. The catastrophe is being placed at the doorstep of anyone who allows himself to be intimidated into accepting it. Furthermore, the blame in this instance affects American Christians, who are required to show prescribed sensitivity toward particular American Jews. There are surrogate victims and surrogate victimizers, the first being Buckley’s dinner companions and those journalists who felt outraged, and the second being those who made offending remarks but who had nothing to do with Nazi crimes. Offenders had to be driven off the pages of National Review and out of polite society. They are or were the equivalent of what the Communists used to call “social fascists” and what the European guardians of PC consider “fascistoid.” Such antisocial types are contextually dangerous and therefore must be ostracized lest they do harm.

Note that our two contextual anti-Semites were not abetting violence against Jews, any more than European critics of Muslim immigration or German scholars who question the exclusive blame of their country for every major war are trying to unleash pogroms. They have simply run afoul of certain elite groups, by reopening an inconvenient debate. The conservative movement plays this game by declaring any question it doesn’t want raised forever closed. Such questions now include, among a myriad of other things, objecting in any way to the major congressional legislation of the 1960s.   

 

What did remain in the conservative movement from the 1950s through the 1980s was anti-Communism. American conservatives throughout this period were in favor of resistance to Communist expansion and generally viewed the Soviets as an evil empire. But the movement’s arguments against the evil empire changed over the decades, from defending Western civilization against a godless foe to standing up for global democratic values against a reactionary homophobic Russian enemy.

And these changing reasons for an anti-Soviet stand tell much about the movement’s leftward drift. This drift became a forced march after the neoconservatives ascended to power, and its consequences help explain why there is an independent Right. We more than others have resisted the post-Marxist Left. We remain at war with the cultural and political forces that reshaped the Left in the 1960s; the conservative movement by contrast has made its peace with those forces -- while emphatically denying what has happened.

The authorized conservative movement has worked to blur this truth. The “victory of the West” in the Cold War is placed into an invented series of conservative triumphs, going from Reagan’s “conservative revolution” in the 1980s through the presidency of Bush II. In the Heritage Foundation’s embellishment, even the Clinton presidency belonged to an “ongoing conservative revolution” that began with Reagan and culminated in Dubya’s democratic crusading. Like Reagan and Bush I and II, Clinton supposedly practiced fiscal conservatism and advanced American concepts of human rights, albeit not as effectively as his Republican rivals. There have also been “good” Europeans who aided this conservative march, including an otherwise run-of-the-mill social leftist Tony Blair, who rallied to the Bush administration. Thatcher and Kohl were two other friends, who supported us during the Cold War. The German chancellor Kohl was obsequious enough, that is, “conservative” enough in the current Pickwickian sense, to make sure that his country’s unification would be a passing stage in his country’s merger with an international body. “Conservative” outside the U.S. means going along with neoconservative policies.

 

Movement conservatives have also applied the “C” label to things that have nothing to do with any genuine Right. Democratic equality and moderate feminism are two such preferred values that the conservative movement has claimed for itself. Conservative think-tanks have also reinvented self-described leftists as men and women of the Right. The reinventions of King, Joe Lieberman, and Pat Moynihan as “conservative” heroes all exemplify this practice. And such manipulations have their use. The movement can claim to be doing well, even when the Left triumphs.

Conservative publicists have also reconstructed the 1960s, by divorcing its cultural radicalism from its politics. Although nasty hippies, we are told, fouled the air by not brushing their teeth and by smoking pot, the 1960s also produced legislative reforms that would have pleased Edmund Burke. It was the Civil Rights Act that according to Jonah Goldberg bestowed on our country economic freedom -- for the first time. And the Voting Rights Act was another “conservative” landmark, because thereafter the federal government made sure that all citizens would be able to vote. In fact it kept certain parts of the country under perpetual federal surveillance, lest the Black-voting proportion fell below certain expected turnouts. After all, voting for one or both of our two institutionalized parties is a “conservative” practice. And presumably the more people of different pigmentation vote, the more “conservative” we become. And equally important, the Immigration Reform of 1965 filled the U.S. with a “conservative” Catholic electorate, the benefits (or conservatism) of which have still to be ascertained.

In the 1950s and 1960s conservatives held markedly different views. While they held no brief for those who were occupying university buildings or taking drugs, they were at least equally unhappy with that era’s political reforms. Not even in their wildest dreams could most of them have imagined that such far-reaching attempts at remaking our country attitudinally and ethnically would one day be declared conservative. And I would make the obvious point that one doesn’t have to applaud Jim Crow laws (and I for one don’t) in order to recognize that measures that were taken to end “discrimination” have created a permanent governmental straightjacket from which we’re not likely to extricate ourselves. There was nothing “conservative” about the congressional and bureaucratic measures by which that straightjacket was constructed.

But today’s conservative movement is about preserving the 1960s. It has turned that decade’s transformative legislation into the cornerstone of “conservative” politics. And then there was that other questionable triumph for the Right. Supposedly the collapse of the Soviet Empire belonged to a series of conservative victories in the West, associated with Reagan, Thatcher, and their successors. But the end of Soviet hegemony in Eastern Europe did not cause the ideological shift that is sometimes ascribed to it. The Soviets left the stage of History after a more radical Left had taken over; and this occurred preeminently in the West, which had never suffered the fate of a Soviet occupation. This replacement Left reshaped Communist organizations long before the collapse of the Soviet Empire, and in its milder form, it determined the general political culture in Western countries, including that of a transformed American Right.

One cannot complete the story of why there is an independent Right without also looking at the big picture. We are part of that picture, as much as those who now oppose us. But unlike those movement conservatives who do know the truth, we are not given to manipulating the facts. In the West, there were no conservative victors in the Cold War; such victors, if they existed, were the renascent nations of Eastern Europe. And even these deserving victors may be threatened with moral defeat, if the Left that has triumphed in the West, including this country, continues to gain ground.

Paul E. Gottfried

Paul E. Gottfried

Paul Gottfried has spent the last thirty years writing books and generating hostility among authorized media-approved conservatives. His most recent work is his autobiography Encounters; and he is currently preparing a long study of Leo Strauss and his disciples. His works sell better in Rumanian, Spanish,Russian and German translations than they do in the original English, and particularly in the Beltway. Until his retirement two years hence, he will continue to be Raffensperger Professor of Humanities at Elizabethtown College in Elizabethtown, PA.

dimanche, 07 novembre 2010

A Forgotten Thinker On Nation-States vs. Empire

A Forgotten Thinker On Nation-States vs. Empire

Paul Gottfried

Ex: http://www.freespeechproject.com/

Carl_Schmitt_-_The_Enemy_bigger_crop.jpgGerman legal theorist Carl Schmitt (1888-1985[!]) has enjoyed a widespread following among European academics and among that part of the European Right that is most resistant to Americanization. In the U.S. it is a different matter. Outside of the editors and readers of Telos magazine, which has heavily featured his work, Schmitt's American groupies are becoming harder and harder to find.

My intellectual biography of this thinker, which Greenwood Press published in 1990, has sold rather badly. An earlier, much denser biography, by Joseph W. Bendersky, put out by Princeton in 1983, obtained a broader market. In the eighties, academically well-connected commentators, including George Schwab, Ellen Kennedy, Gary Ulmen, and Bendersky, built up for Schmitt a scholarly reputation on these shores by trying to relate his thought to then-contemporary political issues. This caused so much concern among American global democrats that The New Republic (August 22, 1988) published a grim tirade by Stephen Holmes against the Schmittian legacy. An echo could be found in the New York Review of Books (May 15, 1997), in a screed by another neoconservative, Mark Lila. Though the Schmitt scholars sent in responses, the New York Review would not publish any of them. Apparently the political conversation in Midtown Manhattan is not broad enough to include non-globalists.

Schmitt is properly criticized for having joined the Nazi Party in May 1933. But he clearly did so for opportunistic reasons. Attempts to draw a straight line between his association with the Party and his writings of the twenties and early thirties, when he was closely associated with the Catholic Center Party, a predecessor of the Christian Democrats, ignore certain inconvenient facts. In 1931 and 1932, Schmitt urged Weimar president Paul von Hindenburg to suppress the Nazi Party and to jail its leaders. He sharply opposed those in the Center Party who thought the Nazis could be tamed if they were forced to form a coalition government. While an authoritarian of the Right, who later had kind words about the caretaker regime of Franco, he never quite made himself into a plausible Nazi. From 1935 on, the SS kept Schmitt under continuing surveillance.

There are two ideas raised in Schmitt's corpus that deserve attention in our elite-decreed multicultural society. In The Concept of the Political (a tract that first appeared in 1927 and was then published in English in 1976 by Rutgers University) Schmitt explains that the friend/enemy distinction is a necessary feature of all political communities. Indeed what defines the "political" as opposed to other human activities is the intensity of feeling toward friends and enemies, or toward one's own and those perceived as hostile outsiders.

This feeling does not cease to exist in the absence of nation-states. Schmitt argued that friend/enemy distinctions had characterized ancient communities and would likely persist in the more and more ideological environment in which nation-states had grown weaker. The European state system, beginning with the end of the Thirty Years War, had in fact provided the immense service of taming the "political."

The subsequent assaults on that system of nation-states, with their specific and limited geopolitical interests, made the Western world a more feverishly political one, a point that Schmitt develops in his postwar magnum opus Nomos der Erde (now being translated for Telos Press by Gary Ulmen). From the French Revolution on, wars were being increasingly fought over moral doctrines - most recently over claims to be representing "human rights." Such a tendency has replicated the mistakes of the Age of Religious Wars. It turned armed force from a means to achieve limited territorial goals, when diplomatic resources fail, to a crusade for universal goodness against a demonized enemy.

A related idea treated by Schmitt is the tendency toward a universal state (a “New World Order”?). Such a tendency seemed closely linked to Anglo-American hegemony, a theme that Schmitt took up in his commentaries during and after the Second World War.

German historians in the early twentieth century had typically drawn comparisons between, on the one side, Germany and Sparta and, on the other, England (and later the U.S.) and Athens - between what they saw as disciplined land powers and mercantile, expansive naval ones. The Anglo-American powers, which relied on naval might, had less of a sense of territorial limits than landed states. Sea-based powers had evolved into empires, from the Athenians onward.

But while Schmitt falls back, at least indirectly, on this already belabored comparison, he also brings up the more telling point: Americans aspire to a world state because they make universal claims for their way of life. They view "liberal democracy" as something they are morally bound to export. They are pushed by ideology, as well as by the nature of their power, toward a universal friend/enemy distinction.

Although in the forties and fifties Schmitt hoped that the devastated nation-state system would be replaced by a new "political pluralism," the creation of spheres of control by regional powers, he also doubted this would work. The post-World War II period brought with it polarization between the Communist bloc and the anti-Communists, led by the U.S. Schmitt clearly feared and detested the Communists. But he also distrusted the American side for personal and analytic reasons. From September 1945 until May 1947, Schmitt had been a prisoner of the American occupational forces in Germany. Though released on the grounds that he played no significant role as a Nazi ideologue, he was traumatized by the experience. Throughout the internment he had been asked to give evidence of his belief in liberal democracy. Unlike the Soviets, in whose zone of occupation he had resided for a while, the Americans seemed to be ideologically driven and not merely vengeful conquerors.

Schmitt came to dread American globalism more deeply than its Soviet form, which he thought to be primitive military despotism allied with Western intellectual faddishness. In the end, he welcomed the "bipolarity" of the Cold War, seeing in Soviet power a means of limiting American "human rights" crusades.

A learned critic of American expansionists, Schmitt did perceive the by-now inescapably ideological character of American politics.

In the post-Cold War era, despite the irritation he arouses among American imperialists, his commentaries seem fresher and more relevant than ever before.    

Paul Gottfried is Professor of Humanities at Elizabethtown College, PA. He is the author of After Liberalism and Carl Schmitt: Politics and Theory.  

jeudi, 28 octobre 2010

Red Velvet: The Neocons' New Coalition Partners

Red Velvet

The Neocons' New Coalition Partners

 
 
 
Red Velvet  
 Mary Cheney, Alex Knepper, and David Frum

Richard Spencer’s references to Alex Knepper and his erotic activities while working as David Frum’s assistant bring up what is not an isolated embarrassment. It betokens what may be a widening problem for the neoconservative camp and given the influence of the neoconservatives, for the entire authorized Right. (Fortunately our side will not be involved, since we have no more investment in the present conservative movement than we do in the Obama administration.) It is highly doubtful that Knepper’s solicitation of sexual favors, “posting many pieces on a chat site for gay teens,” began the day before yesterday. Presumably there was a cover-up going on for a while, that is, as long as Frum could keep Alex’s critics at bay. Finally despite his value as a gutter journalist, Knepper became too much of a liability to be kept any longer (pardon the double entendre), and so Frum gave him the heave ho with expressions of “regret and remorse.”

I do recall a time when those who stupidly or opportunistically tried to see the good side of their new masters assured me that the ascending neocons were “serious about family issues.” They might have sounded like a cross between Trotsky and Ariel Sharon on foreign policy; and they might have drooled incessantly over Latino immigration, the Civil Rights Act, and the memories of their anti-Stalinist Marxist favs. But when family issues came up, one could supposedly count on them. This may have been the case for a few years, but by now the old story has worn thin. On family issues, the neocons are social-cultural leftists, and it is likely they’re going to drag all their dependents and lickspittles, and particularly their Christian stooges, in the same direction.

The neoconservatives have had a cozy relation with gays for some time, a truth that can be ascertained by looking at the staff of New Criterion, the catamites of Allan Bloom, and many neocon friendships in the New York-Washington Corridor. This however is no reason to ascribe ideological positions to those who feel comfortable around gays. De gustibus non disputandum! And one can always point to the fact that truer conservatives in an earlier period showed the same erotic propensities and were often exposed by the Left for their indiscretions.

 

The difference between then and now however is that none of these earlier homosexual conservatives or their well-wishers went around legitimating alternative lifestyles. It was simply assumed that individuals, including conservatives who thought of themselves as Christians, had their failings; and it was they who would have to cope with such flaws as idiosyncratic sexual preferences. But since the early 1990s, when the Wall Street Journal began bashing Buchanan for insulting the “San Francisco Democrats,” which was taken as a coded reference to gays, the neocon camp has been keen on homosexual rights, even pushing in some well-publicized instances the institution of gay marriage.

Jonah Goldberg, David Frum, and John Podhoretz are only three of the more prominent advocates in the “conservative” communion of extending marriage to gays. And for the last ten days, we’ve been treated to one tirade after the other against New York gubernatorial candidate Carl Paladino, for failing to show sufficient respect for Gay Pride parades. Paladino’s remark before a gathering of Hasidic Rabbis in Brooklyn that they should not “allow their children to be brainwashed” by those who treat homosexual relations as a norm, was perfectly appropriate. Such brainwashing goes on in our public schools incessantly; and I’m sure that Frederic Dicker of the New York Post, Charles Krauthammer on FOX, and other neocon talking heads know what Paladino said is directly related to reality.

But he is clearly not on the same page with Human Events’s “conservative of the year” in 2009, Dick Cheney. Unlike the scorned Paladino, Cheney is passionately in favor of gay marriage and showcases his lesbian daughter. While Cheney’s value as a “conservative” has more to do with his foreign policy belligerence than with his conception of marriage, indisputably his work as a gay activist has not damaged his “conservative” image. By contrast, the spunky Italian hard hat Paladino is being savaged night and day by neocons for taking the opposite position.

Earlier in the year, when every neocon celebrity came out enthusiastically for Obama’s concession to the social Left, to get rid of the “don’t ask, don’t tell” policy on gays in the military, I naively assumed that the reason was the one I heard Krauthammer give: “We’re going to need the military and so why exclude anyone who wants to serve on the basis of sexual preference.” I won’t get into the arguments that could be marshaled on the other side, for example, about gay officers trying to extract favors from those with lower ranks. But presumably if I thought like a neocon, that the primary mission of the U.S. is to get repeatedly into military crusades for democracy, I might have seen Krauthammer’s point.

Unfortunately, by now the neocons, and especially the children of the founding fathers, seem to be intent on accommodating gays, that is, people they’re more likely to run into in Starbucks than their well-wishers who live in fly-over country. And I don’t blame the neocons for preferring sexually ambiguous Jewish publicists whom they meet in their own social world to the cognitively deprived goyim who hang on their every word. I might prefer the company of urbane metrosexuals to those fools who weep over Glenn Beck’s incoherent encomia to MLK.

My question is what will happen when the latest neocon move to the left becomes an authorized position in their movement. Will those who depend on neocon favors go along with the move or will there be some opposition? My prediction is as follows. The drones will fall into line, with their usual rhetorical dishonesty. Just as in the case of the transformation of the Reverend Dr. King, from a quasi-Marxist philanderer and crass plagiarizer into a conservative theologian and Augustinian Christian, gay marriage will become a new exemplification of “family values.” There is no way one could do verbal justice to the sleaziness of kowtowing movement conservatives. I still vividly recall the way The Gambler, Bill Bennett, came out for hyper-Zionist Lieberman for vice-president in 2008, after having devoted years of his life to inveighing against abortion. Supposedly Lieberman, who voted for late-term abortion, was good on “democratic values” and therefore deserved to be president. Perhaps Bennett’s sponsors threw him payola for this highly publicized endorsement.

The most breath-taking example of servility toward the neocon master class that I’ve encountered came in a book of essays by a minor art critic dealing with postmodernist academics. The book treated the violently anti-Western, anti-Christian, and anti-rational ideas of three professors at prestigious universities, all of whom, not incidentally, had conspicuously Russian Jewish names. Although the Jewish backgrounds of these postmodernists may not tell everything about their intellectual journeys, such biographical data is certainly relevant for understanding them. American Jews, like American Irish, are disproportionately on the left but the fact that the Jews go disproportionately into the academic profession may have something to do with the leftist orientation of universities. Moreover, the attraction to postmodernism, as a vehicle for deconstructing a culture that one finds oppressive to one’s ethnic group, would be understandable in a group that feels rightly or wrongly marginalized in a Christian society.

There are certainly ways of expressing this self-evident connection between leftwing postmodernism and Jewish alienation without being unduly offensive. But the author in question had no desire to bring up a taboo subject, which might have cost him a cushy post in the neocon empire. Instead he devoted the last part of his book to beating up on German straw men, which is a favorite neocon pastime, perhaps best exemplified by Alan Bloom’s rant against “the German connection” in The Closing of the American Mind. Apparently recognizably Jewish representatives of leftwing postmodernism had been reading too much Martin Heidegger and were being corrupted by the same ideas that led to the Holocaust.

Now I for one admire Heidegger’s work and, presumably unlike our art critic, I have read his Sein and Zeit several times with growing admiration. I could also never imagine myself believing any of the trash the author in question attributes to Heidegger’s philosophy of being; and I’m not sure it’s even there. And I doubt he believes his other subjects picked up their subversive thinking (or anti-thinking) from Heideggerian ontology. The neocon art critic is obviously trying to kill two birds with one stone, both aimed at pleasing his masters, savaging the goddamned Krauts, who were once ruled by Hitler, and stripping Jewish leftists of any significant Jewish association. Those who play such abject games should have no trouble recognizing gay parades and gay marriage as paradigmatic “family values.” They will be depicted as the newest stage of the Civil Rights revolution, which was a “conservative” event from Selma through Stonewall.

Paul E. Gottfried

paul2.jpgPaul Gottfried has spent the last thirty years writing books and generating hostility among authorized media-approved conservatives. His most recent work is his autobiography Encounters; and he is currently preparing a long study of Leo Strauss and his disciples. His works sell better in Rumanian, Spanish,Russian and German translations than they do in the original English, and particularly in the Beltway. Until his retirement two years hence, he will continue to be Raffensperger Professor of Humanities at Elizabethtown College in Elizabethtown, PA.

mardi, 26 octobre 2010

Démocratie directe: la grande peur des bien-pensants!

Démocratie directe : la grande peur des bien-pensants !

 

landsgemeinde1.jpgEx: http://www.polemia.com/

La Fondation pour l’innovation politique (Fondapol), créée par Jérôme Monod, organise, le 16 octobre 2010, à Lille, un colloque sur « Ce que le web fait à la démocratie représentative ». Un sujet dont l’intitulé paraît étroit (quid de la démocratie directe ?) et craintif.

Ce qui a conduit Yvan Blot, contributeur régulier de Polémia, et président de l’Association « Agir pour la démocratie directe » à proposer à la Fondapol une étude purement factuelle sur la démocratie directe. Il s’agissait d’un parangonnage portant sur les expériences suisse allemande italienne et américaine Un sujet intéressant d’autant que depuis 2008 la constitution française prévoit la possibilité d’organiser des référendums d’initiative populaire (à condition toutefois que la demande soit formulée par un cinquième des membres du Parlement et un dixième des électeurs).
Polémia

La peur du peuple

La réponse négative qu’il a reçue du Secrétaire général de la Fondapol, Mathieu Zagrodzki, est très révélatrice :

« Après réflexion et concertation approfondies, nous estimons que notre priorité aujourd’hui est de défendre la démocratie représentative. Notre sentiment est que la démocratie directe constitue l’une de ces voies de passage qui favorisent aujourd’hui l’expression du populisme, le risque le plus élevé se trouvant dans la rencontre entre cette procédure de décision et les questions très sensibles posées par l’immigration, comme l’a démontré le récent exemple de la votation citoyenne en Suisse sur l’interdiction des minarets. A l’heure où les divisions au sein de la société tendent à s’accroître, l’appropriation de la décision publique par des communautés locales nous semble plus de nature à créer de nouveaux problèmes qu’à fournir des solutions. En outre, une fondation pro-européenne comme la nôtre ne peut soutenir le développement de référendums locaux sans songer aux risques de blocage de l’intégration européenne qu’ils pourraient générer. Nous préférons ainsi vous annoncer à ce stade notre décision de ne pas engager le travail que vous nous proposez. »

Démocratie réelle ou démocratie de façade ?

La réponse d’Yvan Blot met les pieds dans le plat :
« Merci de votre franche réponse qui me permet de mieux situer les contours de l'oligarchie gouvernante actuelle. Vous savez fort bien que la démocratie représentative est une façade : les lois sont faites par les hauts fonctionnaires (dont je suis) et par les lobbies et médias qui gravitent autour, et certainement pas par les députés (je l'ai été). Le choix réel n'est pas aujourd'hui entre la démocratie dite représentative et la démocratie directe mais entre l'oligarchie actuelle et la démocratie réelle qui doit comporter à la fois des éléments directs et représentatifs comme en Suisse.

Les grandes menaces d'aujourd'hui, endettement des Etats jusqu'à la faillite par exemple, ne sont pas le fruit du « populisme» mais des décisions des oligarques régnants. Ceux-ci nous mènent à la catastrophe et c'est alors que vous verrez le triomphe du populisme qui vous fait peur. Quant à l'Europe, vouloir l'intégrer à marche forcée en ignorant les peuples, c'est bâtir sur du sable.

Forces oligarchiques contre forces démocratiques

Nos opinions divergent donc clairement. Je crois que l'idéologie oligarchique que vous incarnez ressemble à celle de l'Ancien Régime en 1789. J'espère que les événements qui vont produire sa chute de façon inévitable seront le moins violents possible. Je crains qu'en refusant la démocratisation de notre système politique, l'oligarchie qui s'approprie actuellement le pouvoir ne creuse sa propre tombe. C'est déjà arrivé dans l'histoire. L'attitude réactionnaire, même affublée du masque du progressisme, est une attitude perdante.

Je suis ravi de ce dialogue révélateur des forces oligarchiques et démocratiques en présence. J'espère au moins qu'elles pourront dialoguer et que la tentation de la censure des voix des citoyens ne l'emportera pas : toute censure est vaine et vaincue à terme. »

Yvan Blot
06/10/2010

Correspondance Polémia – 15/10/2010

lundi, 25 octobre 2010

Néolibéralisme et euthanasie des classes moyennes

Néolibéralisme et euthanasie des classes moyennes

Ex: http://www.mecanopolis.org/

Par Bernard Conte

Pendant que le néolibéralisme fait son travail de sape, nos élites complices, grassement rémunérées, tentent de détourner l’attention des populations. À l’instar des prestidigitateurs, elles pointent des faits, des « évidences », des idées, des théories… pour mieux dissimuler la réalité et manipuler les opinions.

Après avoir longtemps nié le phénomène du laminage des classes moyennes en Occident, les néolibéraux – de « gauche », comme de « droite »2 [1] – l’admettent, au moins implicitement, aujourd’hui. Mais pour eux, ce phénomène serait tout à fait « naturel », car il se doublerait de l’apparition et de l’essor de classes moyennes au Sud et plus particulièrement dans les pays émergents.

Quoi de plus équitable ? Les pays du Sud n’ont-ils pas un « droit » inaliénable au développement et leurs populations ne peuvent-elles prétendre à « s’embourgeoiser » à leur tour ? La mondialisation néolibérale, tant décriée, aurait des effets positifs sur les classes moyennes au Sud. Face à la dynamique inéluctable de délocalisation des classes moyennes au Sud, les réactions égoïstes des « petits » bourgeois du Nord visant à protéger leur niveau de vie – en s’attachant à leurs privilèges, en revendiquant, en manifestant dans les rues, par exemple – seraient aussi vaines qu’inutiles, voire, à la limite, racistes.

Ce discours est totalement biaisé car la dynamique des classes moyennes suit un cycle au cours duquel elle passe par une phase de croissance, suivie d’une période de décroissement. Ces périodes sont déterminées par la nature des liens entre les classes moyennes et le capital. Pendant la phase ascendante, la classe moyenne prospère parce qu’elle est « l’alliée » du capital. Lorsqu’elle devient son « ennemie », la classe moyenne périclite. Dans les deux cas, c’est l’État, entre les mains de la classe politique, qui gère la production ou la destruction de la classe moyenne.

La dynamique cyclique des classes moyennes : entre densification et éclaircissement

Au cours des Trente glorieuses au Nord et pendant la période du développement introverti3 [2] au Sud, la classe moyenne s’est densifiée, avec plus ou moins d’intensité, dans de nombreuses zones de la planète. L’adoption de politiques néolibérales, de désinflation compétitive au Nord et d’ajustement structurel au Sud, a inversé la tendance en éclaircissant les rangs des classes moyennes. Cette évolution donne à penser que la dynamique des classes moyennes suit une trajectoire cyclique.

L’évolution de la classe moyenne en Afrique : l’exemple de la Côte d’Ivoire

L’expérience de la Côte d’Ivoire, pendant et après le « miracle » économique, illustre bien cette dynamique. Sous l’égide de son Président, Félix Houphouët-Boigny, la Côte d’Ivoire a mis en œuvre un modèle de développement « au caractère libéral et ouvert officiellement affirmé, devait présenter trois étapes successives : le capitalisme privé étranger, le capitalisme d’État, avant la relève par le capitalisme privé national, encouragé par un processus de rétrocession. La stratégie industrielle retenue était la substitution des importations. La politique industrielle s’est appuyée sur l’État et les intérêts français dont les profits étaient garantis par le code des investissements promulgué en 1959 et par la protection du marché interne4 [3] ».

Il s’agissait, pour l’État, de susciter l’apparition d’une classe « motrice », moyenne et supérieure, qui puisse prendre en main le développement national. À cette fin, l’État a mis en œuvre une stratégie multiforme notamment fondée sur :

  1. l’éducation – formation : « en 1960, l’État consacrait 22% de son budget à la formation ; cette proportion passait à 33% en 1973, pour atteindre 54,9% en 19835 [4] ».
  2. l’ivoirisation du capital et de l’emploi (et particulièrement des cadres) par la relève des étrangers dans la fonction publique, dans le secteur de l’immobilier et des PME et dans les grandes entreprises (le plus souvent filiales de sociétés transnationales) ainsi que par l’extension de l’appareil d’État et du secteur public6 [5].

« L’appareil d’État sert de précurseur, de trait d’union et de tremplin à l’intégration des nationaux aux postes économiques. L’État joue le rôle d’agent moteur, créant les conditions de l’accès aux participations économiques, ne se substituant jamais à l’initiative privée là où elle existe, et toujours de manière à ce que ces initiatives soient compatibles avec les orientations du passé. La promotion des nouvelles initiatives tend à se faire dans des secteurs réservés7 [6] ».

Ainsi, grâce à l’action publique, les classes moyennes émergent. Par exemple, « avec un effectif de 78 000 emplois en janvier 1978, l’Administration est le premier employeur du pays. Comme le secteur parapublic représente pour sa part 61 000 emplois (y compris les sociétés d’économie mixte) c’est près de 40 % de l’emploi moderne qui est, directement ou indirectement, contrôlé par l’État8 [7] ». De même, dans son étude sur l’emploi en Côte d’Ivoire, Françoise Binet dénombre, en 1978, 4 832 patrons d’entreprises à Abidjan dont 41,2 % sont ivoiriens9 [8]. Ces chiffres traduisent l’émergence et la densification progressive de classes moyennes salariées et entrepreneuriales au cours des Vingt glorieuses (ou du miracle ivoirien), aussi marquées par un taux de croissance du PIB réel d’environ 7 % par an en moyenne, une performance qui a engendré l’entrée de la Côte d’Ivoire dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire selon la classification de la Banque mondiale. Dans les années 1970, la Côte d’Ivoire bénéficie du niveau de vie le plus élevé d’Afrique de l’Ouest.

Le tournant se situe au début des années 1980 avec la chute des cours internationaux du cacao et du café, principales exportations de la Côte d’Ivoire. A partir de 1981, s’ouvre la période de l’ajustement. En raison de l’intangibilité revendiquée de la parité du franc CFA vis-à-vis du franc français, l’ajustement sera tout d’abord désinflationniste (en termes réels ), puis en 1994, il comportera la dévaluation de 50 % du CFA. Les mesures d’abaissement de la dépense publique, de réduction des effectifs de la fonction publique, la privatisation, la disparition pure et simple d’entreprises publiques ou d’entreprises liées à l’industrialisation par substitution des importations… vont se traduire par un appauvrissement de la majorité de la population avec un creusement des inégalités. En considérant l’indice du PIB réel par habitant égal à 100 en 1980, sa valeur n’était plus que de 79,7 en 198810 [9]. La réduction des emplois publics grossit les rangs du secteur informel et inverse le flux de l’exode rural: « en ce début des années 1990, nombre d’autochtones, montés dans les villes car ayant bénéficié du programme gouvernemental de 1978, dit d’ivoirisation de la fonction publique, sont forcés de revenir dans leurs villages d’origine suite à la suppression de nombreux emplois administratifs11 [10] ». Ces populations, appartenant à la classe moyenne « ajustée », « compressée », sont victimes d’un déclassement. On assiste à « l’extension de la pauvreté et à l’accroissement des inégalités12 [11] ». L’augmentation de la pauvreté, qui en « 2008 a atteint un seuil critique de 48,9 % contre seulement 10 % en 198513 [12] », traduit le fait que la classe moyenne se paupérise.

En Côte d’Ivoire, de l’indépendance à la fin des années 1970, la classe moyenne s’est constituée dans le cadre du modèle de développement mis en œuvre par Félix Houhpouët-Boigny. Cette classe a vu ses rangs s’éclaircir progressivement avec les programmes d’ajustement structurel néolibéraux. On observe cette même dynamique sous d’autres cieux.

Argentine : « la classe moyenne est détruite14 [13] »

En Amérique Latine, l’exemple de l’Argentine révèle que la période des ajustements a délité la classe moyenne nombreuse qui s’était constituée auparavant. En effet, jusqu’à la fin des années 1970, « l’Argentine était une société relativement bien intégrée – tout au moins si on la compare aux autres pays d’Amérique Latine – caractérisée par une vaste classe moyenne, résultat d’un processus de mobilité sociale ascendante dont la continuité n’avait jamais été remise en cause15 [14] ». A partir des années 1980, la classe moyenne se délite. «  On observe notamment l’entrée dans le monde de la pauvreté d’individus issus de la classe moyenne : il s’agit des « nouveaux pauvres » dont le nombre a cru de 338 % entre 1980 et 199016 [15] ». Cette tendance s’est poursuivie, si bien qu’en janvier 2002, le Président argentin nouvellement élu, Eduardo Duhalde, révélait « qu’en 2001, la classe moyenne [avait] perdu 730 000 argentins, venus grossir les rangs des 15 millions de pauvres, soit 40 % de la population du pays17 [16] ». A cette occasion, le Chef de l’État déclarait : « la classe moyenne est détruite18 [17] ».

La fin du « miracle » asiatique et le laminage des classes moyennes

En Asie du Sud-Est, de 1970 à 1995, les pays émergents ont enregistré une forte croissance économique, si bien que l’on a parlé de « miracle ». Au cours de cette période, une classe moyenne essentiellement urbaine a progressivement émergé. La grave dépression de 1997-1998 a fortement impacté « la classe moyenne des pays du Sud-Est asiatique [qui] a payé le prix fort de cette crise : de nombreuses personnes ont perdu simultanément leur emploi et les économies de plusieurs années19 [18] ». Le phénomène tend à se poursuivre avec la crise actuelle. En Corée du Sud par exemple, la crise actuelle (2008) « évoque celle de 1998. Du coup, les jeunes se ruent vers les sociétés d’État, où les emplois sont plus stables. En une décennie, la classe moyenne coréenne a diminué de 10 %. Beaucoup forment aujourd’hui une nouvelle classe de pauvres20 [19] ».

Au Nord : l’euthanasie progressive des classes moyennes

Au Nord, depuis le début des années 1980, on assiste à « l’euthanasie » de la classe moyenne constituée pendant les Trente glorieuses21 [20]. Aux États-Unis, « s’il existe un point sur lequel les années 1980 ont réussi à créer un accord (de toute façon a posteriori) entre des économistes de différentes tendances, c’est précisément sur la diminution quantitative de la classe moyenne : « the big squeeze » de l’économie domestique située au niveau des revenus intermédiaires, la mobilité vers le bas des « cols blancs », les dumpies (downwardly mobile professionals selon la définition de Business Week) ont remplacé les yuppies plus connus du début des années 198022 [21] ». La tendance au délitement a été masquée, jusqu’à la crise des « sous-primes », grâce à « un accès au crédit excessivement laxiste » qui « a permis à une grande partie des ménages moins nantis de maintenir un niveau de vie aisé » et qui « a généré ce qu’on pourrait appeler une ‘fausse classe moyenne’ aux États-Unis23 [22] ». En Allemagne, selon une étude scientifique récente de l’institut DIW, au cours des dix dernières années, « les classes moyennes se sont « rétrécies24 [23] » car elles sont « les perdantes des transformations qu’a subi la répartition des revenus au cours de la dernière décennie25 [24] ». En France, la dynamique d’atrophie des classes moyennes est moins perceptible, en raison de l’existence initiale d’un État-providence renforcé et de sa plus lente destruction. Louis Chauvel montre que, pendant les Trente glorieuses, l’ascenseur social a permis à un grand nombre de jeunes, issus du milieu agricole ou ouvrier, d’accéder à la classe moyenne qui s’est développée rapidement au cours de cette période26 [25]. C’était l’âge d’or de la classe moyenne en France. Mais, à partir du début des années 1980, la situation se détériore progressivement. « Sans nier l’importance des difficultés des classes populaires et de ceux qui font face à la marginalisation sociale, c’est au tour des catégories centrales de la société d’expérimenter une forme de précarité civilisationnelle27 [26] ».

Il apparaît que les classes moyennes se sont développées dans des lieux et à des moments différents, pendant des périodes de durée variable, mais caractérisées par une croissance économique relativement élevée. Lorsque l’environnement s’est révélé moins favorable, ces classes moyennes sont entrées en crise. La dynamique des classes moyennes semble suivre une chronologie caractérisée par une période de croissance, prolongée par une phase de décroissement.

Dans cette hypothèse, il est utile de s’interroger sur les facteurs explicatifs de la dynamique cyclique des classes moyennes.

Quelques pistes de réflexion sur les déterminants de la dynamique cyclique des classes moyennes

Notre hypothèse suggère que l’on assiste, dans le temps, à une montée des classes moyennes suivie de leur décrue. Une raison de cette trajectoire pourrait se situer dans le rôle ambigu des classes moyennes dans le processus de développement. En effet, les classes moyennes apparaissent à la fois comme un facteur de développement économique et comme un frein à la croissance des profits. Le cheminement cyclique pourrait s’expliquer par un échelonnement différencié dans le temps des effets précités. Dans tous les cas, il apparaît que l’évolution de la classe moyenne est intimement liée à l’intervention de l’État. C’est l’État (ou plutôt les élites politiques au pouvoir) qui décide de (dé)règlementer et de légiférer pour promouvoir ou enrayer le développement de la classe moyenne. La loi est (presque) toujours instrumentalisée pour servir les intérêts du capital qui peuvent coïncider avec ceux de la classe moyenne à un moment donné et en diverger à une autre période. En cas de convergence d’intérêts, la loi favorise la densification de la classe moyenne, en cas de divergence, la loi organise l’euthanasie de la classe moyenne jugée inutile, hostile et coûteuse pour le capital.

La classe moyenne « alliée » du capitalisme industriel

Dans certaines circonstances, la classe moyenne apparaît comme un facteur de développement de par son impact sur l’offre et sur la demande. Par exemple, au cours de la période des Trente glorieuses, la classe moyenne (intégrant une bonne partie de la classe ouvrière) a largement participé au bon fonctionnement du système fordiste, caractérisé par la production de masse et la consommation de masse. Pour son développement, le capitalisme industriel avait besoin d’un grand marché ainsi que de capacités productives résidentes pour l’approvisionner.

La classe moyenne a tenu un rôle important dans la création et le soutien de la demande tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Grâce à un pouvoir d’achat en progression régulière, elle a consommé des quantités croissantes de biens et de services standardisés, mais elle a aussi accepté de payer un prix plus élevé pour la « qualité », ce qui a stimulé l’investissement pour l’innovation, la différenciation et la commercialisation de nouveaux biens et services28 [27].

Du côté de l’offre, certains considèrent la classe moyenne comme un vecteur important de l’entrepreneuriat et de l’innovation des petites entreprises. La classe moyenne s’est aussi constituée à partir de la main-d’œuvre qualifiée dont les entreprises et l’État (l’État providence) avaient besoin pour leur développement. Grâce à l’effort d’éducation – formation, ladite classe a fourni le capital humain nécessaire tout en permettant à une masse d’individus issus de milieux modestes de rejoindre ses rangs. Au total, « la classe moyenne apparaît comme la source de tous les intrants requis pour assurer la croissance en termes d’économie néoclassique – idées nouvelles, accumulation du capital physique et accumulation du capital humain29 [28] ».

Ainsi, les Trente glorieuses ont scellé un compromis (une « alliance ») temporaire entre la classe moyenne, essentiellement salariée, et le capital industriel. La superposition géographique des aires de production et de consommation était un élément décisif du compromis. Grosso modo, ce qui était essentiellement produit au Nord était consommé au Nord. Ce faisant, la fraction de la valeur ajoutée à laquelle les capitalistes renonçaient dans le processus productif, pour la verser sous forme de salaire direct et indirect, revenait dans leur escarcelle lors de l’achat des biens et services par les salariés. En d’autres termes, le salaire était à la fois un coût et un vecteur de profit pour l’entreprise. La coïncidence géographique de la production et de la consommation engendrait un cercle vertueux conduisant au développement autocentré.

Dans une certaine mesure, on a constaté la mise en place de compromis similaires dans les pays du Sud, au cours de la période du nationalisme – clientéliste, notamment caractérisé par l’industrialisation par substitution des importations. En Côte d’Ivoire, par exemple, le compromis initiateur de la classe moyenne était fondé sur la redistribution de la rente agricole issue des filières cacao-café, sur le développement du secteur industriel ainsi que sur les apports d’aide extérieure30 [29]. Le capital international récupérait la rente par le biais des importations et de la production nationale qu’il assurait majoritairement.

Lorsque le contexte évolue, les intérêts des protagonistes peuvent se mettre à diverger et le compromis peut être remis en cause. Dans ce cas, la classe moyenne et le capital deviennent ennemis.

La classe moyenne « ennemie » du capitalisme financier

La survenance d’une série d’évènements va graduellement modifier le contexte de l’économie mondiale : la fin du système de taux de change fixes en 1971, les chocs pétrolier de 1973 et de 1979, la stagflation, la crise de la dette des pays du Sud en 1982, la chute du mur de Berlin et l’implosion du bloc soviétique. L’évolution va permettre l’accélération et l’approfondissement de la mondialisation néolibérale, financière et économique.

Le capitalisme se financiarise et la production industrielle est relocalisée principalement sur le continent asiatique qui dispose d’une main d’œuvre à très bas salaires. La désindustrialisation frappe les pays du Nord31 [30], mais également les pays du Sud32 [31] qui avaient, dans le cadre du nationalisme – clientéliste, adopté des stratégies d’industrialisation par substitution des importations.

Le libre-échange permet d’inonder les marchés de produits à bas prix qui concurrencent (de façon déloyale ?) les productions nationales, révélant leur défaut de « compétitivité ». (Re)devenir compétitif33 [32] implique l’abaissement des coûts de production directs et indirects. Cette démarche passe par la réduction des salaires réels, des avantages sociaux… et, plus généralement, des dépenses « clientélistes » (assimilées à de la corruption) et des dépenses liées à l’État providence (présentées comme inéquitables, car essentiellement corporatistes).

Sous prétexte de concurrence, il s’agit de rehausser les profits. Pour ce faire, il convient d’ajuster les structures économiques et sociales nationales aux règles du « laisser-faire » – « laisser-passer », étendu à l’ensemble de la planète. « Parmi la population, comme les pauvres le sont trop et que les riches sont exemptés34 [33], c’est sur la classe moyenne que reposera l’essentiel de la charge de l’ajustement35 [34] ».

Ainsi, la classe moyenne devient « l’ennemie » du capitalisme financiarisé car son existence injustifiée – puisque sous d’autres cieux, des populations assurent les mêmes tâches productives à moindre coût – réduit les profits. Le capitalisme dénonce le compromis conclu précédemment et fait procéder à l’euthanasie de la classe moyenne parasite. Pour ce faire, l’intervention de l’État, guidée par les élites politiques complices, apparaît indispensable.

La classe moyenne produite ou détruite par l’État

L’intervention de l’État est impérative pour assurer le développement de la classe moyenne ou son euthanasie, car c’est lui qui légifère, règlemente, incite, réprime… contrôlant ainsi, plus ou moins directement, une large part de la production et de la redistribution des richesses. L’État prend et donne, fait et défait, tricote et détricote… Par le biais de la loi, du secteur public, de la fiscalité – redistribution…, l’État façonne, corrige et adapte la structure sociale nationale. Les élites politiques (issues du suffrage universel en démocratie) assurent la direction de l’État, proposent et votent les lois. Ce sont donc lesdites élites politiques nationales qui portent la responsabilité de la densification ou de l’éclaircissement de la classe moyenne.

Durant la phase ascendante du cycle, le compromis entre le capital et la classe moyenne autorise les élites politiques à œuvrer en sa faveur. L’État intervient pour assurer un bien-être accru par la loi et la réglementation, pour créer des emplois, pour mettre en place des services publics de qualité…, ce qui a pour effet de densifier la classe moyenne36 [35] tout en permettant au capital de se valoriser pleinement. On assiste à la construction de l’État providence et de l’État nationaliste – clientéliste. Au cours de cette phase, dans les pays du Sud, une bonne partie du surplus dégagé sur le territoire national, principalement sous forme de rente (agricole, minière, énergétique…), est mobilisé par l’État et distribué sur place. C’est la période des « Pères de la nation » (Houphouet-Boigny, N’Krumah, Nyerere…). Au Nord, le fordisme permet la croissance autocentrée, génératrice de surplus largement redistribué. Sur le plan politique, le climat est assez serein. En effet, en démocratie, les élites politiques émanent, pour une large part, de la classe moyenne. Elles fondent leur discours sur les concessions, obtenues ou à négocier avec les capitalistes37 [36], au profit de la classe moyenne essentiellement. De ce fait, la classe politique se trouve relativement en phase avec l’électorat38 [37].

Au cours de la période descendante du cycle, qui coïncide avec la divergence des intérêts du capital et de la classe moyenne, l’État œuvre à la destruction de cette dernière. Cela signifie la défaisance39 [38] des dispositifs mis en place au cours de la période précédente : l’État providence au Nord et l’État nationaliste – clientéliste au Sud. En régime démocratique, cette démarche présente un risque majeur pour les élites dirigeantes qui doivent mettre en œuvre des politiques contraires aux intérêts de leur électorat traditionnel40 [39]. Le contournement de cet obstacle politique implique l’atomisation du pouvoir de l’Etat central41 [40], l’organisation de la démocratie virtuelle42 [41], la promotion de l’idéologie du marché, la manipulation de l’opinion publique, le changement des élites par leur internationalisation43 [42]… Les élites, au pouvoir ou susceptible d’y accéder, réunies autour du projet néolibéral (monétariste ou ordolibéral) qu’elles déclinent avec le vocabulaire propre à leur position « officielle » sur l’échiquier politique, produisent un discours étriqué et peu différencié, qui tente de cacher la réalité de la dynamique de paupérisation du plus grand nombre, imposée par le capitalisme financiarisé. Le fossé se creuse entre la classe politique et les électeurs qui expriment leur désintérêt par une abstention massive aux scrutins électoraux. Malgré cela, les élites s’impliquent de plus en plus au service du capital contre les populations et particulièrement contre la classe moyenne. Pour elles, les règles du marché qui sont censées récompenser les prudents44 [43] et sanctionner les téméraires ne s’appliquent pas aux capitalistes financiers. La crise de 2008, montre que les élites ont fait en sorte que « les téméraires semblent être les bénéficiaires de la crise qu’ils ont provoquée, tandis que le reste de la société [et particulièrement la classe moyenne] porte le fardeau de leur insouciance45 [44] ». L’instrumentalisation de l’État et des institutions supranationales au service du capitalisme financiarisé engendre une crise globale de légitimité des élites, qu’elles soient nationales ou internationales.

Au total, selon que la classe moyenne sert ou dessert le capital, les élites utilisent l’État pour en densifier ou pour en éclaircir les rangs.

Conclusion

De nombreux scientifiques et commentateurs ont souligné l’importance des classes moyennes dans le processus de développement. Les performances des pays du G7 qui, de 1965 à 2004 ont représenté une part quasi stable de 65 % du PIB mondial peuvent être, en grande partie, attribuées à une classe moyenne nombreuse46 [45]. « Ce sont les classes moyennes qui ont bâti l’économie française du XXème siècle ; elles en ont été les plus grandes bénéficiaires47 [46] ». Plus généralement, « sur le long terme (200 ans), l’économie de marché occidentale a resserré les inégalités entre les classes sociales [et] ce sont les classes moyennes qui ont le plus bénéficié de ce resserrement des inégalités48 [47] ». La tendance s’inverse à partir de la fin des années 1970 avec la mondialisation néolibérale qui lamine progressivement les classes moyennes. Face à ce constat, d’aucuns49 [48] avancent que la « réduction » des classes moyennes dans certaines zones géographiques serait surcompensée par la densification de ces mêmes classes dans d’autres zones du globe.

On s’interroge sur l’apparition et la densification des classes moyennes dans les pays émergents (Chine, Inde…). Selon notre analyse, dans un contexte de mondialisation néolibérale, de libre-échange, de déréglementation, de libre mouvement des capitaux… et de non-intervention incitatrice et protectrice de l’État, les classes moyennes ne seront qu’un phénomène éphémère. En effet, le marché mondial mettant en concurrence tous les peuples, les revenus sont forcément plafonnés par la nécessité de rester compétitifs par rapport aux nouveaux entrants sur ledit marché (par exemple : la Chine par rapport au VietNam…, etc). Dans ces conditions, une classe moyenne ne peut se développer durablement. Dès que, dans un pays, les revenus atteignent un certain seuil, les coûts de production deviennent trop élevés pour affronter la concurrence tant sur le marché national que mondial. Les productions concernées sont alors délocalisées vers des pays ou des régions plus compétitives, où se créent des embryons de classe moyenne au « détriment » de celle du pays d’origine. Il s’agit d’une sorte de jeu à somme nulle où l’un gagne ce que l’autre perd50 [49].

Pour se densifier durablement, la classe moyenne a besoin de l’intervention incitatrice et protectrice de l’État qui ne peut intervenir dans un contexte de mondialisation néolibérale. Il faut donc réhabiliter l’État. De plus, les élites politiques à la tête de l’État (ou susceptibles de l’être) doivent privilégier les intérêts de la classe moyenne par rapport à ceux du capital.

Depuis de nombreuses années, l’expérience nous montre qu’au niveau mondial – à quelques rares exceptions près51 [50] – les élites au pouvoir, au capital social internationalisé, semblent plutôt être à la solde du capital financier. Cela signifie que l’avenir radieux des classes moyennes implique le changement des élites qui ne se fera certainement pas sans violence52 [51].

Benard Conte, pour Mecanopolis [52]

Bernard Conte est économiste politique et maître de conférences à l’Université Montesquieu-Bordeaux IV 

Visiter le blog de Bernard Conte [53]

Notes :

1 [54] Cet article est une version épurée d’une communication [55] présentée au Congrès des études africaines en France, CEAN – IEP de Bordeaux, septembre 2010.
2 [56] En France, on les nomme : droite « bling bling » et gauche « caviar », sur le plan des idées politiques, une épaisseur de moins d’un cheveu les sépare.
3 [57] Au Sud pendant cette période, « de nombreux pays optent pour un développement introverti en mettant en œuvre des stratégies d’industrialisation par substitution des importations (ISI), aptes à lutter contre la détérioration des termes de l’échange (DTE). Il s’agit de remplacer progressivement les importations de produits manufacturés par la production nationale dans une stratégie de remontée de filière. Pour ce faire, le marché domestique doit être protégé (au moins temporairement) et l’État joue un rôle majeur dans la mise en œuvre de ladite stratégie (state-led-development) », Bernard Conte, Clientélisme, ajustement et conflit [58], Bordeaux, CED, DT n° 101, 2004, p. 1.
4 [59] Bernard Conte, Clientélisme, ajustement et conflit, op. cit. p. 5.
5 [60] Bernard Conte, La division internationale du travail et le développement interne : le cas de la Côte d’Ivoire, op. cit. p. 359.
6 [61] Ibidem, p. 321-376.
7 [62] Bonnie Campbell, « Quand l’ivoirisation secrète une couche dominante », Le Monde diplomatique, novembre 1981.
8 [63] République de Côte d’Ivoire, Ministère du plan, Plan de développement économique social et culturel, 1981-1985, Abidjan, 1982, p. 744.
9 [64] Bilan national de l’emploi en Côte d’Ivoire, Ministère des relations extérieures, Etudes et documents, n° 47, Paris, mai 1982, p. 132.
10 [65] Jean-Paul Azam, La faisabilité politique de l’ajustement en Côte d’Ivoire (1981 – 1990), (version révisée n°3) études du Centre de développement, OCDE, Paris, 1994, p. 71.
11 [66] « Cote d’Ivoire, compétition capitaliste aigüe autour de la répartition de la rente issue de l’exploitation des ressources naturelles », La lettre de mouvement communiste, n° 15 ; janvier 2005, http://www.mouvement-communiste.com/pdf/letter/LTMC0515.pdf [67] consulté le 19 août 2010.
12 [68] Denis Cogneau et Sandrine Mesplé-Somps, L’économie ivoirienne, la fin du mirage ? Dial, Paris, Document de travail DT/2002/18, Décembre 2002, p. 88.
13 [69]Afrik.com, « Côte d’Ivoire : la pauvreté atteint le seuil critique de 48,9 % », 6 janvier 2009,
http://www.afrik.com/breve15294.html [70] consulté le 19 août 2010.
14 [71] Gabriel Kessler, « L’expérience de paupérisation de la classe moyenne argentine », Cultures & Conflits, 35, 1999, http://www.conflits.org/index173.html [72] Consulté le 17 juillet 2010. Le délitement de la classe moyenne s’observe aussi au Brésil, cf. par exemple : Larissa Morais, «  La classe moyenne brésilienne », Jornal do Brasil, 12 mai 2004, traduction Elizabeth Borghino pour Autres Brésils, http://www.autresbresils.net/spip.php?article73 [73] consulté le 8 août 2010.
15 [74] Gabriel Kessler, « L’expérience de paupérisation de la classe moyenne argentine », art.cit.
16 [75] Idem.
17 [76] Latinreporters.com, « Argentine: le péroniste Eduardo Duhalde, 5e président en deux semaines », http://www.latinreporters.com/argentinepol020102.html [77] , consulté le 1er août 2010.
18 [78] Idem. Le délitement de la classe moyenne s’observe aussi au Brésil, cf. par exemple : Larissa Morais, «  La classe moyenne brésilienne », Jornal do Brasil, 12 mai 2004, traduction Elizabeth Borghino pour Autres Brésils, http://www.autresbresils.net/spip.php?article73 [73] consulté le 8 août 2010.
19 [79] Geneviève Brunet, « Crise des pays émergents. De bons élèves lourdement punis », L’Hebdo, http://www.hebdo.ch/crise_des_pays_emergents_de_bons_elev... [80] consulté le 1er août 2010. Voir aussi : John Evans, « Impact social de la crise asiatique. » Le Monde diplomatique, mai 1998, pp. 3.
20 [81] Alain Wang, « Asie : la crise frappe les classes moyennes », », Courriercadres.com http://www.courriercadres.com/content/asie-la-crise-frapp... [82] 19 mars 2009, consulté le 2 août 2010.
21 [83] Cf. Bernard Conte, La Tiers-Mondialisation de la planète [84], Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, 2009.
22 [85] Christian Marazzi, « Middle-class confusion de terme, confusion de concept », Collectif d’analyse politique, http://cap.qc.ca.edu/a-la-redecouverte-du-concept-de-clas... [86] Première publication en juillet 1994, Mise en ligne le lundi 7 juillet 2003, consulté le 2 août 2010.
23 [87] Marc-André Gagnon, « La ‘fausse classe moyenne’ piégée », Le journal des alternatives, http://www.alternatives.ca/fra/journal-alternatives/publications/archives/2009/vol-15-no-8-mai-2009/article/la-fausse-classe-moyenne-piegee 30 avril 2009 [88], consulté le 2 août 2010.
24 [89] « Elles constituent désormais moins des deux tiers de la société », Cf. note suivante.
25 [90] Cidal, « L’érosion des classes moyennes se poursuit en Allemagne », Centre d’information et de documentation sur l’Allemagne, Paris, http://www.cidal.diplo.de/Vertretung/cidal/fr/__pr/actual... [91] , publié le 17/06/2010, consulté le 4 août 2010. L’étude est disponible à cette adresse : http://www.diw-berlin.de/documents/publikationen/73/diw_0... [92]
26 [93] Louis Chauvel, Les classes moyennes à la dérive, Paris, Seuil, 2006.
27 [94] Louis Chauvel, « Classes moyennes, le grand retournement », Le Monde, 3 mai 2006. p. 24.
28 [95] Kevin Murphy, Andrei Shleifer et Robert Vishny, “Income Distribution, Market Size and Industrialization,” Quarterly Journal of Economics, (août 1989), p. 537-564.
29 [96] Homi Kharas, The emerging middle class in developing countries [97], Working Paper n° 285, Paris, OCDE, Development Centre, janvier 2010, p. 7. Traduction de l’auteur.
30 [98] Cf. Bernard Conte, « Côte d’Ivoire : du clientélisme ‘éclairé’ au clientélisme ‘appauvri’ », Strategic-Road.com, 19/04/2003, http://www.strategic-road.com/pays/pubs/cote_divoire_clie... [99] consulté le 27 août 2010.
31 [100] « [En France], de 1997 à 2007, la part de l’industrie dans le PIB est passée de 18,4% à 12,1% et les emplois industriels ont diminué de 2 millions en trente ans », Pascal Salin, « Faut-il craindre la désindustrialisation ? », La Tribune, 10/03/2010.
32 [101] « L’ajustement structurel a contribué, contrairement à ce que laisse entendre le FMI, à la désindustrialisation de l’Afrique », Joseph Stiglitz, « L’Afrique doit compter davantage sur elle-même », Les Afriques, 08/02/2010, http://www.lesafriques.com/actualite/joseph-stiglitz-l-af... [102] consulté le 26/08/2010.
33 [103] La compétitivité devient obsessionnelle. Cf. par exemple : T. Biggs, M. Miller, M. Otto, C. et G. Tyler, « Africa Can Compete! Export Opportunities and Challenges for Garments and Home Products in the European Market, » World Bank – Discussion Papers 300, World Bank. 1996.
34 [104] Les riches sont les seuls censés produire de la croissance, il faut les protéger, par exemple grâce à un « bouclier » fiscal.
35 [105] Bernard Conte, « Le oui irlandais débloque l’Europe ordolibérale », Contre Info.info, 10/10/2009, http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2835 [106] consulté le 27/08/2010.
36 [107] Au Chili, « les couches moyennes ont joui d’une redistribution favorable – à l’intérieur de l’ensemble des salariés – des dépenses publiques dans les domaines de la santé, de l’éducation et surtout du logement, sous les différents gouvernements démocratiques qui ont précédé la dictature », Rosa Jimenez et René Urbina, « Les avatars des couches moyennes dans le Chili d’aujourd’hui [108] », in. Tiers-Monde, 1985, tome 26, n° 101. Classe moyenne : la montée et la crise, p. 154-174. citation p. 161.
37 [109] Il semble que les capitalistes soient prêts à accorder la majorité des concessions, car elles vont dans le sens de la marche du fordisme et du nationalisme – clientéliste.
38 [110] Les promesses électorales peuvent être globalement tenues.
39 [111] C’est à dessein que j’emploie le terme du vocabulaire financier « défaisance », car il s’agit d’une exigence du capitalisme financier.
40 [112] En régime « moins » démocratique, la démarche peut conduire au conflit, éventuellement armé. Cf. Bernard Conte, « Afrique de l’Ouest : clientélisme, mondialisation et instabilité », Paris, Encyclopaedia Universalis, 2004, p. Du même auteur : « La responsabilité du FMI et de la Banque mondiale dans le conflit en Côte d’Ivoire [113] », Etudes internationales, vol. XXXVI, n° 2, juin 2005. p. 219-228.
41 [114] Cf. Bernard Conte, La Tiers-Mondialisation de la planète, op. cit. p. 194-199.
42 [115] Ibidem, p. 199-203.
43 [116] Cf. Yves Dezalay et Bryant G. Garth. La mondialisation des guerres de palais. Paris, Le Seuil, 2002 ; Zbigniew Brzezinski, Between Two Ages : America’s Role in the Technetronic Era, New York, Viking Press, 1970.
44 [117] Ceux qui prennent des risques « calculés » par opposition à ceux qui prennent des risques « inconsidérés ».
45 [118] George Friedman, “The Global Crisis of Legitimacy”, Stratfor, global intelligence, 4 mai 2010. http://www.stratfor.com/weekly/20100503_global_crisis_leg... [119] consulté le 19 août 2010. Traduction libre.
46 [120] “Underpinning the performance of the G7, and indeed driving the global economy, is a large middle class”, Homi Kharas, The emerging middle class in developing countries, op. cit.
47 [121] Xavier Théry, « Comment les classes moyennes ont divorcé des élites », Marianne 2, 27/09/2009, http://www.marianne2.fr/Comment-les-classes-moyennes-ont-... [122] consulté le 30/08/2010.
48 [123] Ibidem.
49 [124] Les néolibéraux évidemment.
50 [125] Par contre, le capital est toujours gagnant.
51 [126] On peut citer le Venezuela.
52 [127] Les révolutions ont souvent eu pour origine la classe moyenne.


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Swami Vivekananda e il suo tempo, tra modernità e tradizione

Swami Vivekananda e il suo tempo, tra modernità e tradizione

Elena BORGHI

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Swami Vivekananda e il suo tempo, tra modernità e tradizione

Il quadro storico

Il periodo storico in cui visse ed operò Swami Vivekananda, la seconda metà dell’Ottocento, fu per l’India un momento particolarmente intenso.

Sul piano politico, caratterizzò questi anni il passaggio del governo dell’India dalla Compagnia delle Indie Orientali alla Corona inglese, che assunse il controllo diretto del Paese nel 1858, a seguito del Mutiny. Considerato da alcuni il primo scoppio del fervore nazionalista ed indipendentista, questo evento ebbe come principali conseguenze un’ondata terribile di violenze e la deriva ancor più autoritaria del governo inglese in India. Certamente, la rivolta fu indicativa del carattere predatorio della Compagnia e del livello di esasperazione da essa indotto nella popolazione, che cominciava a mal sopportare il peso del dominio inglese. Se, infatti, il regime coloniale trasformava gradualmente l’India in una nazione moderna – introducendo infrastrutture, reti di comunicazione, organizzazione della burocrazia e della società civile – d’altro canto il Paese pagava un prezzo altissimo in termini economici, sociali e politici.

Sul piano economico, l’India subì in questo periodo la devastazione causata dai legami sproporzionati tra centro e periferia dell’impero, che distrussero la preesistente economia, anche se, per quanto sfrenato, lo sfruttamento economico dell’India garantiva alla Gran Bretagna guadagni complessivamente piuttosto limitati. L’apporto fondamentale della colonia, infatti, rimase sempre la sua funzione di bacino potenzialmente inesauribile di reclutamento di uomini per l’esercito inglese in India, per l’apparato burocratico coloniale e per l’indentured labour, il sistema di “lavoro a contratto” che sostituì gli schiavi africani con migliaia di contadini e braccianti indiani, trasferiti nelle piantagioni e nelle miniere dei luoghi più disparati, legati a contratti che mascheravano uno stato di effettiva schiavitù.

Questi erano tra gli aspetti che, naturalmente, contribuivano a disintegrare il tessuto sociale indiano; vi si aggiungeva il portato del bagaglio ideologico introdotto dal regime coloniale, che cooperò enormemente alla cristallizzazione delle differenze castali e religiose e, dunque, alla frammentazione della società indiana in una miriade di blocchi contrapposti ed ostili, chiusi a livello endogamico, regolati da criteri gerarchici e definiti su basi di purezza razziale e rituale.


I movimenti di riforma

Di pari passo con il potere coloniale, cresceva lo scontento ed il senso di inadeguatezza di alcune categorie, perlopiù intellettuali di classe media ed estrazione urbana, figli di un’educazione di stampo occidentale, dalla cui iniziativa scaturì quel processo di rinnovamento sociale e culturale – nonché di ridefinizione identitaria, presa di coscienza nazionale e critica del regime coloniale – che investì l’India nel periodo in esame.

Si trattò di un periodo di fermento culturale e di tentativi di riforma sociale e religiosa, volti a ripensare le pratiche considerate più aberranti della tradizione hindu (come la sati, l’immolazione delle vedove sulla pira del marito, o il matrimonio infantile), a diffondere un’istruzione di tipo moderno, a ridiscutere la condizione femminile. Motore e scopo ultimo di questi movimenti era l’acquisizione di strumenti atti ad affrontare «l’esibita superiorità dell’Occidente cristiano nei confronti della cultura e delle religioni indiane»1, come dimostrarono, in particolare, le misure a favore dell’istruzione femminile. Auspicate dai riformatori per motivi che poco avevano a che fare con il reale desiderio di apportare miglioramenti alla generale condizione delle donne, queste misure si rivelarono, in realtà, necessarie ad altri scopi: confutare le teorie europee – secondo le quali la discriminazione cui erano sottoposte le donne in India e la loro condizione erano immagine dell’arretratezza del Paese in generale –, dando prova dell’adeguatezza dell’India all’autogoverno; creare “nuove donne indiane” capaci di essere mogli e madri più adatte alle necessità (pratiche, ma anche identitarie e d’immagine) della classe emergente, e di socializzarne i valori e le aspirazioni, pur entro i confini della tradizione patriarcale, che restava per i riformatori un punto fermo e indiscutibile.2

In ambito religioso, la riforma si concretizzò nelle figure di alcuni pensatori e nella fondazione di istituzioni, volte a rivedere le più grandi tradizioni indiane – hindu e musulmana – alla luce di uno spirito più moderno e razionale.

È tra questi riformatori che si colloca Vivekananda, al secolo Narendranath Datta, nato in quella Calcutta all’epoca centro della vita politica e culturale del Paese, e in una famiglia di scienziati e pensatori illustri.

Fin da bambino profondamente interessato ai temi dell’Hinduismo e della meditazione e dotato di un carisma e di una passione per la ricerca della verità inusuali per la sua età, Narendranath ricevette un’istruzione di stampo occidentale, appassionandosi in particolare alla filosofia, e coltivando allo stesso tempo lo studio della poesia sanscrita, dei testi sacri e degli scritti del riformatore suo contemporaneo Rammohan Ray.

Razionale, dedito al ragionamento logico e sprezzante dei dogmi religiosi tradizionali, Narendranath si avvicinò al Brahma Samaj, l’istituzione fondata a Calcutta nel 1828 da Rammohan Ray al fine di operare una trasformazione dello Hinduismo in senso moderno, depurando la religione dalle pratiche più barbare ed introducendo nello studio della stessa il principio di ragione. Narendranath, affascinato dalle arringhe dei riformatori che facevano parte del movimento, sembrava destinato ad una carriera del tutto simile, borghese e socialmente impegnata, fino a quando un incontro introdusse nel suo percorso un cambiamento di rotta.


Da Narendranath a Vivekananda

Era il 1880, quando Narendranath incontrò per la prima volta Ramakrishna, il sacerdote officiante di un tempio situato a Dakshineshwar, un sobborgo di Calcutta, e dedicato ad una forma del dio Shiva, che veniva lì adorato insieme alla dea Kali. Brahmano di estrazione contadina, con un’istruzione limitata cui sopperivano buon senso, mitezza e profonda devozione, costui era un rinunciante di eccezionale spessore, un rappresentante della corrente mistica della bhakti, la “devozione”, e un punto di riferimento per gli intellettuali bengalesi, affascinati dalla schiettezza dei suoi insegnamenti.

Quell’incontro provocò un imponente cambiamento nella vita del giovane Narendranath, che in pochi anni, durante i quali proseguì nel tentativo di conciliare il materialismo delle scienze occidentali e lo spiritualismo in cui lo precipitavano i momenti a Dakshineshwar, divenne il discepolo prediletto di Ramakrishna. Come il suo Maestro, divenne un Advaitavedantin, un sostenitore dell’indirizzo dottrinale del non-dualismo, che predicava l’unità tra Sé individuale e Assoluto. Da questi insegnamenti Narendranath avrebbe in seguito derivato la convinzione della divinità degli esseri umani, dunque la considerazione di tutte le forme dell’esistenza quali manifestazioni dello spirito divino.

Nel 1886 Ramakrishna, dopo aver iniziato i discepoli alla loro nuova condizione di sanyasin3, indicò Narendranath come loro guida. Fu così che egli divenne Vivekananda, “colui che ha la beatitudine della discriminazione spirituale”. Due anni più tardi Vivekananda cominciò la sua vita di parivrajaka, “monaco errante”, partendo per un pellegrinaggio che durò anni, un viaggio solitario compiuto a piedi sulle strade polverose dell’India, dallo Himalaya fino a Kanyakumari. Questa esperienza fornì a Vivekananda una conoscenza profonda del Paese, quale non aveva mai posseduto. Alla fine del viaggio, quando finalmente raggiunse Kanyakumari, Vivekananda rifletté su tutto quello che aveva visto: «Un Paese dove milioni di persone vivono dei fiori della pianta mohua, e un milione o due di sadhu e circa cento milioni di brahmani succhiano il sangue di queste persone, senza fare il minimo sforzo per migliorare la loro condizione, è un Paese o l’inferno? È quella una religione, o la danza del diavolo?»4

Partito con l’obiettivo di portare unità tra le varie sette e confessioni indiane, radunandole sotto l’ombrello del messaggio vedantico, Vivekananda comprese che al suo Paese servivano istruzione e cibo, più che insegnamenti religiosi. Ripensò a quel che aveva sentito dire alcuni mesi prima, circa l’organizzazione a Chicago del World’s Parliament of Religions, un congresso che avrebbe ospitato rappresentanti di ogni religione del mondo; Vivekananda decise che si sarebbe recato negli Stati Uniti, per predicare il messaggio vedantico e chiedere in cambio il sostegno economico necessario a fondare in India istituzioni educative e caritative per le classi più svantaggiate.

Pochi mesi più tardi ebbe inizio la sua missione in Occidente, che lo vide tenere innumerevoli conferenze e radunare intorno a sé molti sostenitori.


Un pensiero moderno e rivoluzionario

Attualizzando gli aspetti religioso-filosofici della dottrina vedantica, all’interno di un pensiero in cui la speculazione teorica e dogmatica veniva costantemente riportata alle necessità pratiche del suo tempo e del suo luogo – percepite come urgenti ed imprescindibili –, Vivekananda divenne l’esempio di una nuova tipologia di riformatore, capace di coniugare gli insegnamenti ancestrali del pensiero vedantico con l’attualità dell’India più comune. Questa narrazione, dunque – a differenza di quelle costruite da altri riformatori, che auspicavano un ripensamento, quando non un distacco, della “tradizione” sociale e religiosa, sentita come ostacolo al “progresso” –, non presupponeva una revisione in chiave filo-occidentale del bagaglio culturale e religioso indiano, bensì glorificava quel passato, proponendolo come la chiave che avrebbe aperto all’India le porte della giustizia sociale, dell’istruzione, dello sviluppo materiale e spirituale.

«La società più grande è quella in cui le verità più alte diventano concrete»5, sosteneva Vivekananda, facendo riferimento alla necessità di costruire una società strutturata in modo da permettere la realizzazione della divinità umana. Da questa convinzione di base, derivata dalla filosofia vedantica, egli ricavò il suo progetto di società utopica, che si sarebbe retta sul pilastro dell’uguaglianza tra gli uomini. Il fatto che egli ritenesse necessarie all’avverarsi di questa idea da un lato la diffusione dell’istruzione – che doveva diventare di massa, affinché gli strati più svantaggiati acquisissero forza e coscienza del proprio valore – e, dall’altro, la soppressione di ogni privilegio – politico, economico o religioso che fosse – dimostra il carattere rivoluzionario del pensiero di Vivekananda. Diversamente da molti suoi contemporanei, egli non era disposto a prevedere risultati parziali; eppure, l’imponenza di questo progetto e il suo carattere utopico non compromettevano in alcun modo la fede di Vivekananda nella sua realizzabilità.

«Pane! Pane! Non credo in un Dio che non riesce a darmi il pane in questo mondo, mentre mi promette la beatitudine eterna nei cieli! Bah! L’India deve essere affrancata, i poveri devono essere nutriti, l’istruzione deve essere diffusa, e la piaga del potere sacerdotale deve essere eliminata».6

Anche nel suo rapporto ideale con l’Occidente Vivekananda differiva dal resto dei riformatori: non prevedendo né una forma di riverente assimilazione ai suoi valori, né il rifiuto astioso di essi, egli auspicava una sorta di collaborazione e di mutuo scambio di eccellenze: «Direi che la combinazione della mente greca, rappresentata dall’energia dell’Europa, e della spiritualità hindu darebbe origine a una società ideale in India. […] L’India deve imparare dall’Europa la conquista del mondo esteriore, e l’Europa deve imparare dall’India la conquista del mondo interiore. Allora non ci saranno hindu ed europei: ci sarà un’umanità ideale, che ha conquistato entrambi i mondi, quello esterno e quello interno. Noi abbiamo sviluppato una parte dell’umanità, e loro un’altra. È l’unione delle due ciò cui dobbiamo aspirare».7

Ancora, la modernità del pensiero di Vivekananda si espresse nella sua considerazione del gesto filantropico che, come in ambito cristiano, fino a quel momento era stato reputato dal sistema hindu tradizionale una questione privata tra donatore e beneficiario. Egli fu il primo a proporre un’etica del seva (il “servizio”) istituzionalizzata – così come è divenuta la filantropia, un po’ ovunque nel mondo, in tempi recenti –, con lo scopo di garantire una ripartizione equa e il più possibile estesa di azioni di solidarietà nei confronti di persone bisognose: “Fare del bene agli altri è l’unica grande religione universale”8, sosteneva Vivekananda, accordando alla pratica del seva un significato che andava ben oltre la semplice azione filantropica. Teorizzò, inoltre, che la figura sociale più autorevole in India – e dunque più adatta a diffondere un pensiero in certo modo rivoluzionario – era quella del sanyasin. Mentre i suoi contemporanei proponevano modelli borghesi, di uomini d’alta casta colti e mondani, o figure eroiche della tradizione storica e religiosa indiana, Vivekananda individuava nel monaco, nell’asceta e nel rinunciante la sede della saggezza e della credibilità presso il popolo; era a queste figure, estranee ai meccanismi del potere, all’avidità e al perseguimento dell’interesse personale, che Vivekananda avrebbe affidato il compito di diffondere il messaggio, dimostrando ancora una volta l’intransigenza che guidava il suo pensiero.

Su questi pilastri poggiava la Ramakrishna Mission, istituita da Vivekananda a fine secolo quale organizzazione impegnata in ambito sociale e strettamente connessa alla vita del monastero dell’Ordine di Ramakrishna, i cui monaci fondevano nella propria esperienza quotidiana lavoro sociale e pratica spirituale – due aspetti che, completandosi a vicenda, fungevano l’uno da motore dell’altro. Intervenendo inizialmente soprattutto in ambito educativo e nella lotta alla povertà, la Ramakrishna Mission cominciò così in quegli anni il suo servizio all’India, che Vivekananda descriveva in termini angosciati:

«Fiumi ampi e profondi, gonfi e impetuosi, affascinanti giardini sulle rive del fiume, da fare invidia al celestiale Nandana-Kanana; tra questi meravigliosi giardini si ergono, svettanti verso il cielo, superbi palazzi di marmo, decorati da preziose finiture; ai lati, davanti e dietro, agglomerati di baracche, con muri di fango sgretolati e tetti sconnessi […]; figure emaciate si aggirano qua e là coperte di stracci, con i volti segnati dai solchi profondi di una disperazione e di una povertà vecchie di secoli […]; questa è l’India dei nostri giorni!

[…] Devastazione causata da peste e colera; malaria che consuma le forze del Paese; morte per fame come condizione naturale; carestie mortali che spesso danzano il loro macabro ballo; un kurukshetra di malattie e miseria, un enorme campo per le cremazioni disseminato dalle ossa della speranza perduta.

[…] Un agglomerato di trecento milioni di anime, solo apparentemente umane, gettate fuori dalla vita dall’oppressione della loro stessa gente e delle nazioni straniere, dall’oppressione di coloro che professano la loro stessa religione e di coloro che predicano altre fedi; pazienti nella fatica e nella sofferenza e privati di ogni iniziativa, come schiavi, senza alcuna speranza, senza passato, senza futuro, desiderosi solo di mantenersi in vita in qualche modo, per quanto precario; di natura malinconica, come si confà agli schiavi, per i quali la prosperità dei loro simili è insopportabile. […] Trecento milioni di anime come queste brulicano sul corpo dell’India come altrettanti vermi su una carcassa marcia e puzzolente. Questo è il quadro che si presenta agli occhi dei funzionari inglesi».9

Costituito inizialmente da appena una dozzina di monaci, nei cento e più anni che ci separano dalla sua fondazione l’Ordine di Ramakrishna è oggi un movimento transnazionale di proporzioni enormi, simbolo di pace ed ecumenismo, fondato sulla pratica del servizio disinteressato come metodo per la realizzazione del divino e caratterizzato da un approccio razionale alla religione – considerata non un apparato ritualistico ma una scienza dell’essere e del divenire –, da una tradizione colta e dall’efficacia dei suoi interventi in campo sociale.

Definiscono Ramakrishna Mission e Ramakrishna Math (rispettivamente la componente pratica del movimento e l’organizzazione monastica) le tre caratteristiche che sono state segni distintivi di Vivekananda e del suo operato e che, risultando a tutt’oggi innovative, dimostrano la statura di un riformatore illuminato, rivoluzionario per il tempo e il luogo in cui visse: la modernità – che si esprime nell’attualizzazione dei principi vedantici, e nel collocare nel presente il pensiero guida dell’operato di queste istituzioni; l’universalità – data dal rivolgersi non ad un unico Paese o ad uno specifico gruppo di persone, ma all’umanità intera; e la concretezza – che risiede nel porre i principi teorici e spirituali a servizio del miglioramento delle quotidiane condizioni di vita delle persone.


* Elena Borghi, dottoressa in Studi linguistici e antropologici sull’Eurasia e il Mediterraneo (Università “Ca’ Foscari” di Venezia), è autrice di Sai Baba di Shirdi. Il santo dei mille miracoli (Red, Milano 2010) e Vivekananda. La verità è il mio unico dio (Red, Milano 2009)


1 Torri, M., Storia dell’India, Editori Laterza, Roma-Bari 2000, p. 453.

2 Jayawardena, K., Feminism and Nationalism in the Third World, Zed Books, Londra 1986.

3 Asceta errabondo, che ha rinunciato ad ogni piacere mondano e ad ogni forma di possesso materiale ed umano, per dedicarsi unicamente al conseguimento della liberazione, il moksha. Il monaco rinunciante trascorre la propria vita in solitario cammino, elemosinando il cibo, coltivando il silenzio e il raccoglimento, inaccessibile ad ogni desiderio e ad ogni umana debolezza. La contemplazione dello Spirito supremo, il distacco, la disciplina e la meditazione profonda sono i suoi compiti, che lo preparano ad abbandonare per sempre la dimora terrena ed il corpo mortale, liberandolo dal ciclo di rinascita e rimorte.

4 The complete Works of Swami Vivekananda, Mayavati Memorial Editing, Advaita Ashrama, Calutta 1992-95, vol. VI, p. 254.

5 Ibid., vol. II, p. 85.

6 Ibid., vol. IV, p. 368.

7 Ibid., vol. V, p. 216.

8 Ibid., vol. IV, p. 403.

9 Ibid., vol. V, p. 441-442.