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dimanche, 11 janvier 2009

Niger: la sale guerre de l'uranium

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Francesca DESSI :

Niger : la sale guerre de l’uranium

« Le monde s’intéresse à la tragédie du Niger ». Les combattants du « Front des Forces pour le Salut » ont revendiqué l’enlèvement et la séquestration de l’envoyé spécial de l’ONU, Robert Fowler, qui avait disparu début décembre au Niger, en même temps qu’un autre diplomate canadien, Louis Guay, et leur chauffeur. Dans une note, parue le 16 décembre sur le site internet du FFS, on pouvait lire : « Le 15 décembre 2008, les combattants du FFS ont mené une opération militaire dans la région de Tillabéry, où ils ont retenu quatre personnes, dont un diplomate canadien, Robert Fowler ».

La revendication est venue après deux jours de silence total. Les traces du diplomate Fowler, qui était arrivé le 11 décembre 2008 au Niger pour assister aux célébrations de la journée de la République à Tillabéry, ont été perdues dans la journée du dimanche 14 décembre, où l’automobile des deux diplomates a été retrouvée dans la zone de Karma, non loin de la capitale Niamey.

D’après le texte de la note, le Front vise à « sensibiliser tous les diplomates qui collaborent avec le régime génocidaire de Mamadou Tandja (le président) » et à « vouloir envoyer un signal fort au Canada parce que ce pays est l’une des mains qui arment Tandja pour combattre les populations autochtones du Nord et du Sud du Niger ».

Le message se terminait par une revendication claire : « nous ne cèderons aucune portion de nos terres avant que des consultations au niveau local n’aient eu lieu, sans une contrepartie et seulement après que l’on ait tout fait pour éviter le risque d’abîmer l’environnement en procédant à l’extraction d’uranium ». Le Front, constitué le 30 mai 2008, combat aux côtés d’un mouvement plus connu, le « Mouvement Nigérien pour la Justice (MNJ) », contre le gouvernement central pour obtenir des investissements plus substantiels et une politique du développement dans les territoires habités par les nomades touaregs, durement éprouvés ces dernières années par l’extraction radioactive de l’uranium de la région.

Les revendications, qui n’ont reçu aucune confirmation officielle jusqu’ici, ont toutefois réussi à nouveau à braquer les spots médiatiques internationaux sur une question fort délicate que l’on avait délibérément « oubliée » : il y a, au Niger, une guerre pour l’uranium ; elle oppose la population du pays au gouvernement de Niamey, qu’on suppose financé par la France qui entend appuyer ses propres intérêts et ceux d’AVEVA, son groupe nucléaire.

En réalité, les dunes sahariennes du pays, riches en ressources inestimables, où ont toujours habité les Touaregs, sont devenues depuis peu terrain de chasse pour divers pays animés par une fringale énergétique, parmi lesquels les Etats-Unis, la Chine, l’Inde, la Russie et aussi, bien entendu, l’Europe. Les firmes énergétiques internationales s’opposent entre elles pour pouvoir obtenir accès aux gisements d’uranium, qui, jusqu’à la fin des années 70 se trouvaient quasi intégralement sous le contrôle monopolistique de la France, qui avait décidé ainsi de se soustraire aux incertitudes du marché de l’uranium brut et de se rendre auto-suffisante sur le plan énergétique. A partir de ce moment-là, le pillage minéralier a pu s’opérer dans le silence, sans inquiéter outre mesure la communauté internationale, avec la complicité des dirigeants officiels du Niger. Bien peu de cénacles ou d’organisations s’intéressaient au sort désespérant et inhumain où végétait la population nigérienne, à ces conditions atroces qui ont forcé les Touaregs à choisir entre trois éventualités : a) mourir d’attrition et disparaître dans le désintérêt de tous, b) survivre vaille que vaille dans des bidonvilles de baraques et de tentes autour des villes nigériennes ou c) combattre. C’est cette dernière option qu’ont choisi les combattants du FFS et, surtout, du MNJ, qui accusent le gouvernement central d’ « exploiter de manière inconsidérée les concessions minières, afin d’obtenir les moyens nécessaires pour mener une politique parricide » et « permettre à l’AVEVA de voler les ressources minières du Niger ».

Les deux mouvements ne demandent pas au gouvernement de Niamey de fermer les robinets miniers mais de mieux répartir les gains et d’accorder davantage d’attention à la santé de la population et, par voie de conséquence, à l’environnement. Mais Tandja, à plusieurs reprises, a claqué la porte des négociations et refusé le dialogue entre les parties, en affirmant que le Niger est une démocratie et que les Touaregs jouissent du droit de participer aux élections et de faire valoir leurs revendications ; il accuse donc les Touaregs de privilégier la révolte armée. Le problème, c’est que la démocratie du Niger est une démocratie faible, dans un pays dont les frontières ont été tracées à la règle et à l’équerre sur une carte en Europe et que l’on y a séparé les déserts et les ethnies sans tenir compte de rien, ni du passé ni de la géographie ni de l’hydrographie : par conséquent, les minorités sont trop faibles et trop fragilisées pour obtenir un poids suffisant dans la politique du pays. Il ne leur reste plus que la lutte armée ou l’enlèvement de quelques diplomates occidentaux pour conserver l’oreille des médias dans le monde et leur rappeler ce qui se passe dans ce petit coin perdu du continent noir.

Francesca DESSI.

(article paru dans le quotidien romain « Rinascita », 17 décembre 2008 ; trad.. franc. : Robert Steuckers).

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Poutine règle ses comptes...

POUTINE REGLE SES COMPTES


Nous sommes opposés à l’élargissement de l’OTAN en général. L’OTAN a été créée en 1949. Son objectif était la défense et la confrontation avec l’Union Soviétique, pour se protéger d’une éventuelle agression, comme on le pensait à l’époque. L’Union soviétique n’existe plus, la menace non plus, mais l’Organisation est restée. D’où la question : contre qui faites-vous "ami-ami" ? (...) Elargir l’OTAN, c’est ériger de nouvelles frontières en Europe, de nouveaux murs de Berlin, invisibles cette fois mais pas moins dangereux. La défiance mutuelle s’installe. C’est néfaste. Les blocs militaro-politiques conduisent à une limitation de la souveraineté de tout pays membre en imposant une discipline interne, comme dans une caserne. Nous savons bien où les décisions sont prises : dans un des pays leaders de ce bloc. (...)


Je ferai une autre remarque : la démocratie, c’est le pouvoir du peuple. En Ukraine, près de 80 % de la population est hostile à une adhésion à l’OTAN. Nos partenaires disent pourtant que le pays y entrera. Tout se décide donc par avance, à la place de l’Ukraine. L’opinion de la population n’intéresse plus personne ? C’est ça, la démocratie ? »



Vladimir Poutine, interviewé par Le Monde, 31 mai 2008

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Adieu à Frank Goovaerts

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1991

 

 

Adieu à Frank Goovaerts

 

C'est fin août 1990 que nous nous sommes vu pour la dernière fois, mon cher Frank. Nous avons ri, trinqué, plaisanté sous la chaleur accablante et orageuse de ce dernier week-end d'août. Le lendemain, je partais tôt pour la Provence, que tu aimais tant et dont tu parlais avec un enthousiasme si cha­leureux. Huit jours plus tard, tu mou­rais tué d'un coup de couteau à la gorge par un illuminé, probablement un drogué, et je ne l'ai su que trois semaines après ton en­terrement. Quand un ami commun me l'a annoncé, j'ai été sans voix. Et je le suis resté jusqu'aujourd'hui, où je griffonne ces quel­ques pauvres mots, maladroitement, avec émotion. Frank, tu m'avais expliqué ta jeu­nesse, dans les quartiers ouvriers du port d'Anvers, où tu as grandi et où tu t'es im­posé, disais-tu, à coups de poing, dans la jungle que créent tous les gamins, de quel­que classe sociale qu'ils proviennent. Chez toi, cependant, c'était plus âpre que dans les beaux quartiers de Bruxelles. Très tôt, tu es allé travailler dans les chantiers navals, lieu peu propice à l'éclosion de la culture, di­raient les bourgeois coincés, qui meurent bê­tes, archi-bêtes, entre leur pis­cine et leur tennis, leurs cocktails mondains et leurs spé­culations en bourse. Toi, après avoir re­peint et reboulonné les tôles des gros cargos, tu te plongeais dans des bouquins ardus et philosophiques, en quatre langues. Et c'est ainsi que tu es venu à nous, pour nous pro­poser tes recensions, tes commen­taires. Tes textes étaient vivants, Frank, plus vivants, plus charnels, plus essentiels que tout ce que nous aurions pu écrire dans nos bu­reaux et bibliothèques poussiéreuses. Tu al­lais à l'essentiel directement, Frank, parce que tu étais bien davantage que nous tous confronté à l'élémentaire, au froid, au vent, à la dureté des tôles, aux bruits dés­agréables des mécaniques, etc. On attendait tes artic­les avec impatience. Je dois te dire que, sou­vent, c'était les tiens que je lisais en premier lieu.

 

Quand tu me disais que tu partais avec tes copains anglais et allemands à moto pour la Provence, que tu suivais les cours d'un maî­tre de Haïkkido et que tu t'es embarqué au Japon, je me disais que tu ressemblais à Jack London ou à Knut Hamsun quand il était à Chicago. Je t'ai écouté quand tu m'as parlé de Mistral, de ta visite à sa maison na­tale. Et puis, tu as été un découvreur d'é­crivains et de personnalités, avant les histo­riens professionnels. On te doit un texte ma­gnifique sur l'anarcho-fasciste hollan­dais Erich Wichman. J'avais promis de la tra­duire et, aujourd'hui, je suis plein de re­mords de ne pas l'avoir fait. Mais je le fe­rais. Tu as étudié, avec un remarquable es­prit de synthèse, l'œuvre du prêtre-philo­sophe Odiel Spruytte, auquel Pieter Jan Ver­straete vient de consacrer la première étu­de scientifique complète (1). Grâce à toi, j'ai découvert aussi les travaux de l'an­thropologue Gustaaf Schamelhout. Tes ar­ticles sur Arnold Meijer, Sir Roger Case­ment, sur la révolution conservatrice alle­mande, sur Schopenhauer, Codreanu, Speng­­ler, George Kettman, sur le Kendo, le Sep­pukku et sur Mishima méritent tous le détour et j'espère qu'on en fera une petite anthologie pour les amis qui te lisaient. Tu étais devenu un spécialiste de la bataille de Woeringen et tu connaissais la vie de Jean Ier, Duc de Brabant, Chevalier et poète, mieux que nous tous. C'est aussi à ton ini­tia­tive, écrit Roeland Raes, dans l'hommage qu'il te rend, que la première étude collective en néerlandais sur Julius Evola a vu le jour (2).

 

Tu étais un rebelle, un rebelle qui riait, un rebelle qui vivait, tu étais de la veine de ces Uilenspiegel qui deviennent rares, en ces temps obscurs, où notre peuple se recroque­ville, atteint des sommets de médiocrité in­descriptibles. Ta truculence, ta joie de vivre, ton sens aigu des valeurs littéraires et idéo­logiques, ont fait de toi un jeune maître pour beaucoup d'entre nous. Tu étais un homme à facettes multiples: tu étais l'ouvrier des docks, le motard, le praticien des arts mar­tiaux japonais, le spécialiste d'Evola, un bon connaisseur de quelques facettes de l'his­toi­re nationale, un polyglotte qui a cul­tivé son don des langues dans la vie et non dans une officine scolaire, un solide disciple de Bac­chus et du Roi Gambrinus, un pour­fendeur des étroitesses bourgeoises, un maître du lan­gage patoisant avec toute sa richesse. Ta mort, c'est la perte de cette syn­thèse unique que tu incarnais. Le souvenir que tu laisses doit nous faire méditer inces­samment sur le caractère unique de chaque personne. Une unicité qui disparaît avec la mort, sauf si elle vit dans le cœur de ceux que tu as fas­cinés, étonnés, éduqués, amu­sés, engueu­lés. Excuse-moi encore t'avoir tant tardé à te rendre l'hommage que tu mé­rites mais, vois-tu, c'est la première fois que je fais cela dans ma vie, moi qui suis tout de même ton cadet. Et je n'ai pas honte de le dire, j'ai les larmes aux yeux, les mêmes larmes que j'entendais au téléphone, peu après ta mort, dans la voix de notre ami commun, ce vieux combattant, Bert van Bo­ghout, que tu laisses avec un profond cha­grin. Pendant de longs mois, j'ai eu peur de radoter, de gribouiller des bêtises. Et je l'ai sans doute fait dans les lignes que tu viens de lire. Mais tu me par­donneras. Vaarwel, Frank!

 

Ton ami sincère,

Robert Steuckers.     

 

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samedi, 10 janvier 2009

Affiche: Ja / Nee!

http://klauwaert.blogspot.com

 

La Shanghai Cooperation Organization ed il nuovo "Grande Gioco"

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La Shanghai Cooperation Organization ed il nuovo «Grande Gioco»

http://www.eurasia-rivista.org

di Andrei Areshev*

Lo sviluppo di agosto nel Caucaso e la crisi finanziaria globale dei paesi occidental, risultante dalle politiche avventurose che hanno condotto gli Stati Uniti, hanno predeterminato il bisogno di un nuovo posizionamento dei principali giocatori del mondo e del loro atteggiamento nei confronti dei punti chiave sull'agenda globale. Ciò si applica alla Russia, in primo luogo.

Convalidando le misure da prendere per evitare le minacce poste alla Russia dal sistema di difesa antimissile degli Stati Uniti, il presidente russo Dmitry Medvedev, nel suo indirizzo alla nazione del 5 novembre, ha sottolineato la loro natura forzata, “abbiamo ripetutamente detto ai nostri partner che siamo aperti alla cooperazione positiva. Vorremmo neutralizzare le minacce comuni ed agiamo in tal modo insieme. Purtroppo, siamo notevolmente afflitti dalla riluttanza dei nostri partner ad ascoltarci”.

L'elezione di Barack Obama ha incontrato un grande ottimismo, sia in Europa che da determinate parti nella Russia, non dovrebbe ingannare: basta ricordare Clinton e gli attacchi aerei alla Jugoslavia che aveva ordinato. “Dovremo prendere decisioni molto difficili, anche quelle pertinenti gli affari internazionali… Ho lavorato sotto sette presidenti. Garantisco che così sarà. Posso offrirvi cinque o sei varianti, per esempio, il Medio Oriente o la Russia”. [all'inverso nella traduzione dal Russo. - edit.], ha detto durante la campagna elettorale Joseph Biden, asso degli affari esteri e nuovo vice presidente.

In questo contesto, un più dinamico ‘vettore orientale’ nella politica estera russa, volta alla cooperazione economica e militar-politica con gli alleati della Russia in Asia centrale e nella regione dell’Asia Pacifica, dovrebbe essere considerata come una cosa naturale. Stabilito negli anni ’90, come semplice meccanismo per le consultazioni sulle questioni di frontiera, l'organizzazione della cooperazione di Schang-Hai (SCO) sta trasformandosi gradualmente in un fattore importante della politica globale. Ciò è dimostrata, definitivamente, dal suo lavoro dinamico e dal vivo interesse da parte di nuovi potenziali membri. Basti dire che quattro stati nucleari, compreso l'India ed il Pakistan, finora sono stati coinvolti direttamente o indirettamente nelle sue attività. La tendenza verso l'ampliamento dell'organizzazione indica che i paesi euroasiatici più importanti sono delusi dagli Stati Uniti e stanno provando a risolvere i problemi regionali riunendo le loro forze e senza alcun mediatore.

A seguito della crisi di agosto nel Caucaso, le consultazioni politiche all'interno del SCO si sono intensificate. La sessione del Consiglio dei Ministri del SCO ha approvato un progetto di regolamento sullo status di partner dialogante dell'Organizzazione della Cooperazione di Schang-Hai, a Dushanbe, fin dal 25 luglio.

Il 28 agosto 2008 ha visto la firma della dichiarazione di Dushanbe, con le questioni economiche poste come e loro priorità, “a dispetto del contestuale rallentamento economico globale, la valuta responsabile e le politiche finanziarie, il controllo dei movimento di capitale, la sicurezza energetica ed alimentare”. Verso la fine di ottobre, Astana, la capitale del Kazakhstan, ha ospitato la sessione dei capi di governo del SCO assistiti dai primi ministri Kirghiso, Russo, Tajiko, Cinese, Uzbeco e Kazako. La sessione ha adottato le risoluzioni interessate a registrare il piano d'azione per ottenere l'attuazione del programma del commercio multilaterale e della cooperazione economica degli stati membri del SCO, specialmente, le risoluzioni sul rendiconto finanziario del SCO nel 2007, il preventivo per il 2009 ed un certo numero di altri argomenti organizzativi.

I capi di governo del SCO hanno firmato un comunicato congiunto sul risultato della sessione ed erano presenti alla firma del protocollo sullo scambio delle informazioni e sul controllo dei movimenti delle fonti di energia da parte dei servizi della dogana degli stati membri del SCO. Malgrado la mancanza di accordi innovativi, la sessione è stata tra quelle più fruttuose, poiché la crisi finanziaria alimenta l’interesse reciproco di Russia e Cina nelle varie forme di coordinazione regionale. Sarebbero state espresse l’intenzione che Mosca e Pechino vogliano usare lo SCO come moltiplicatore di forza nella promozione più dinamica delle loro idee per la riforma del sistema dei cambi attuale.

Lo SCO è divenuto un argomento influente della geopolitica. Una dichiarazione del ministero degli esteri del Kazakhstan, chiede che lo SCO sia trasformato gradualmente in un'organizzazione regionale completa.

Gli sforzi dinamici del SCO hanno apertamente infastidito Washington, che vi vede, regolarmente, il progetto di un cosiddetto 'egemonismo Cinese' e 'Imperialismo russo’. Il loro fastidio parla da sé, dati pilastri su cui si basa la politica estera di Washington in Eurasia, “malgrado i desideri dei politici francesi e cinesi, nessuna situazione di compensazioni o federazione ristabilirà un sistema di equilibrio dei poteri analogo a quello dell’Europa dei secoli diciottesimi e diciannovesimi, almeno non nell'immediato futuro.

Malgrado i desideri degli idealisti, nessuna istituzione internazionale ha dimostrato d’essere capace di un’efficace azione, in assenza del potere generato ed esercitato dagli stati [Storia ed Iperpotenze di Cohen E. La Russia nella politica globale. 2004, 5° edizione]”. Naturalmente, quando una tal alleanza o persino un suo suggerimento emerge, gli strateghi degli Stati Uniti fanno del loro meglio per screditarla e piantare un cuneo fra i suoi membri - e più presto agiscono, è miglio è. Secondo Cohen, “l'organizzazione della cooperazione di Schang-Hai è uno strumento con cui la Cina aumenta la sua influenza in Asia centrale. Questa organizzazione impedisce agli Stati Uniti di parteciparvi come osservatore, benché questa condizione sia stata data al Pakistan, all’India e all'Iran. Possibilmente, la Cina, la Russia e l'Iran proveranno almeno ad impedire a Washington di ampliare la sua presenza nella regione, se non di spodestare gli Stati Uniti dalla regione”.

Anche se tale apprensione è stata giustificata, non c’è, ovviamente, alternativa a stabilire un coordinamento fra i paesi eurasiatici, basandosi sulla fiducia e sulla massima affidabilità. Come è noto, il supporto ai mojaheddin afgani, negli anni ‘70 e ‘80, ha trasformato un paese precedentemente benestante (sul piano regionale, naturalmente) in una terra devastata e fonte del traffico di droga e del terrorismo internazionale. A seguito dell'approvazione dell'Iniziativa d’Istanbul, dell'accesso negli stati arabi del Golfo Persico, dell'entrata delle forze militari nell'Afghanistan, dell’istituzione di basi militari in Asia centrale e della disponibilità di una Georgia addomesticata e del baluardo locale della NATO, la Turchia, l'introduzione della supremazia totale degli Stati Uniti nel heartland euroasiatico sembrava avere la strada spianata. Allora, vi furono il blitzkrieg all'Irak, con l'Iran indicato quale obiettivo seguente, ma la fortuna di Bush non è durata affatto a lungo, a quel punto. Ora, la guerra permanente in Irak, costa al contribuente degli Stati Uniti oltre gli 8 miliardi di dollari al mese. Ora che i 'peacekeepers' internazionali, soprattutto Americani, hanno occupato virtualmente l'Afghanistan, ognuno ammette che la droga prodotta nel paese e, quindi, il traffico di droga ha fatto un balzo in avanti di varie volte, almeno. Ora, dopo sette anni di combattimenti in Afghanistan, vi sono colloqui per un altro accordo fra la coalizione occidentale ed i Taliban. Un tal accordo può creare i prerequisiti supplementari per l’ulteriore destabilizzazione dell'Asia centrale.

La situazione in Irak non è migliore, dove nessuno calcola le perdite civili causate dall'aggressione degli Stati Uniti. Un attacco degli Stati Uniti all'Iran, che rimane all'ordine del giorno, può provocare anche un maggior disordine sul cortile meridionale della Russia.

Nessun dubbio gli Americani stanno cercando freneticamente un'efficace risposta ai tentativi di Mosca, Pechino e dei loro alleati del SCO d’istituire un sistema di sicurezza regionale. Determinati eventi in Asia centrale indicano i possibili pericoli e le minacce alla regione nell'immediato futuro. L'idea di una penetrazione accelerata e del soggiorno a lungo termine in Asia centrale, ricca d’energia, degli Stati Uniti è lontano dall’essere vuota chiacchiera o pio desiderio.

Circola l’idea d’instaurare un forum regionale gabbato come Partnership for Cooperation and Development of Greater Central Asia per progettare, coordinare e fare funzionare un’ampia serie di programmi inventati dagli Stati Uniti. Secondo gli strateghi degli Stati Uniti, se gli Stati Uniti vorranno agire unilateralmente, dovranno ricorrere a una leadership ragionevole e, senza considerevoli spese, fungere da ostetrica per la rinascita di un’intera regione d’importanza globale.

Passi pratici sono stati pure presi. Per esempio, il ministero del commercio e l'agenzia per lo sviluppo degli Stati Uniti hanno concesso al Tajikistan 875.300 dollari per affrontare la scarsità d’energia elettrica. L'ambasciata degli Stati Uniti, a Dushanbe, ha dichiarato che gli Stati Uniti inoltre hanno assegnato due concessioni per complessivamente 13,4 milioni di dollari al Tajikistan, per rafforzare il confine con l'Afghanistan, il principale fornitore di droghe in Russia ed Europa, secondo la Reuters. 6,5 milioni di dollari, inoltre, sono stati spesi per la costruzione di edifici della dogana e l’equipaggiamento della guardia di frontiera al checkpoint di Power Panj. In quella zona, 180 chilometri a sud di Dushanbe, un ponte stradale da 28 milioni di dollari sponsorizzato dagli Stati Uniti, è stato ordinato nel 2007. Tuttavia, è una domanda legittima chiedersi dove la generosa cura della sicurezza degli stati centro-asiatici recentemente indipendenti si conclude e lo schieramento d'infrastrutture militari, con gli altisonanti slogan sulla 'transizione alla democrazia' comincia.

Attualmente gli Stati Uniti sono i partner commerciali più importanti del Kazakhstan. Nei primi sei mesi del 2008, il giro d'affari dei due paesi ha superato gli 1,1 miliardi di dollari. La precedente enfasi sull'investimento degli Stati Uniti nel settore dell'energia e delle materie prime, probabilmente nel complesso persisterà. L'America ha attribuito importanza al Kazakhstan nel campo della sicurezza regionale, interessata al settore chiave della cooperazione bilaterale, cosa determinata dalla situazione in Afghanistan e dagli sforzi antiterroristi degli USA. Questo punto di vista è stato sostenuto dalla visita dell'ottobre 2008 del ministro degli esteri degli Stati Uniti Condoleezza Rice ad Almaty. La signora Rice ha notato che il Kazakhstan è rimasto un pilastro della politica degli Stati Uniti in Asia centrale, durante i contrasti nella sicurezza che vanno dalla Georgia all'Afghanistan.

Washington crede che sia impossibile non solo perseguire una politica afgana, la lotta al traffico di droga e al terrorismo internazionale, ma anche organizzare un sistema di sicurezza per l’Europa e l'Asia centrale senza la cooperazione completa fra l'occidente ed il Kazakhstan. Il Kazakhstan inoltre è un partner chiave della NATO nella regione. Washington funge da forza motrice nella cooperazione fra la NATO e il Kazakhstan. Fra gli stati asiatici centrali, il Kazakhstan ha i rapporti più stretti con l'alleanza. Con l'approvazione del piano d'azione specifico d’associazione, all'inizio del 2006, il Kazakhstan ha aumentato la sua integrazione con l'alleanza Nord-Atlantica.

L'atteggiamento dei principali giocatori internazionali verso l’Uzbekistan sopra nei passati anni, si sta rivelando anch’esso. Dopo la rivolta d’Andijan il presidente Islam Karimov ha compiuto una visita a Pechino, in cui gli è stato offerto un considerevole supporto economico e politico. Quindi il presidente Uzbeco ha visitato Mosca, dopo di che il suo atteggiamento nei confronti degli Stati Uniti e la loro base aerea a Karshi-Khanabad, è diventato più duro.

La risoluzione del summit del SCO tenutosi ad Astana nel 2005, stipulato dai firmatari del SCO determinerà più accuratamente il momento per dare ospitalità alle basi militari antiterroriste degli Stati Uniti sul loro territorio, stabilito nell'ambito del pretesto della campagna antiterrorista in Afghanistan.

Inoltre Tashkent ha chiesto agli Stati Uniti di ritirare le loro forze dalla base aerea di Karshi-Khabad, ma è stato sottoposto, invece, ad una pressione politica ed economica senza precedenti, avviata da Washington e dai suoi alleati europei. Tuttavia la reazione quasi isterica dell'occidente, ha condotto rapidamente ad un marcato ripensamento verso l'Uzbekistan. Il Generale degli Stati Uniti, Martin Dempsey, Comandante del CENTCOM è andato a Tashkent il 28 agosto. La sua visita, si pensa, avesse lo scopo di un possibile ristabilimento della presenza militare degli Stati Uniti in quanto paese centro-asiatico d’importanza strategica.

Dmitry Trenin, un autorevole ricercatore del centro Carnegie di Mosca, spiega il vero significato delle installazioni militari degli Stati Uniti nella regione, “dal punto di vista di Beijing, la presenza militare degli Stati Uniti in Asia centrale è un potenziale ‘Fronte occidentale’ degli Stati Uniti contro la Cina. Utilizzando le loro basi in Uzbekistan e in Afghanistan, gli Stati Uniti possono coprire con i voli aerei, gli obiettivi strategici nella zona occidentale della Cina, compresi i suoi impianti nucleari. Inoltre, nel caso di un conflitto, gli Stati Uniti potranno colpire sia la costa Est della Cina, che le sue linee di comunicazione terrestri occidentali.

Sembra che questi fattori, che sono chiamati 'multilateralismo' in modo politicamente corretto, non dovrebbero essere trascurati, mentre sono perplesso sulla riservatezza mostrata dagli alleati della Russia nel SCO, durante la crisi osseta del sud di agosto ed al successivo riconoscimento ufficiale di Mosca dell'indipendenza delle due ex regioni autonome georgiane. I membri del SCO sono noti per sostenere completamente la Russia a porte chiusi ma ufficialmente per limitarsi all'approvazione degli sforzi della Russia a mantenere la pace in Ossetia del sud, mentre allo stesso tempo riaffermano la loro adesione al principio dell’integrità nazionale degli stati. Allo stesso tempo, è assolutamente chiaro che le dichiarazioni convenzionali dei funzionari di Pechino, nel sostenere l'integrità nazionale della Georgia, non garantiscono affatto le autorità cinesi dai problemi nelle loro zone autonome del Xinjiang e del Tibet. Questi problemi erano molto in vista sia prima che durante le Olimpiadi a Pechino.

Come è risaputo, l'interesse di Washington verso i separatisti tibetani ed i Uiguri, data da parecchio tempo ed è a lungo termine. Nel caso dell’intenzionale alimentazione del focolaio di tensioni, una 'forza internazionale per il mantenimento della pace' può ben essere schierata al confine occidentale della Cina, in modo simile allo schieramento in Kosovo. Le dure dichiarazioni ripetute contro la Cina, dai funzionari degli Stati Uniti, sono sufficienti nel fare supporre che i tentativi di destabilizzare la situazione nella PRC saranno limitati, se saranno interessati dalla situazione il Kazakhstan, il Kirghizstan, il Tajikistan e l’Uzbekistan. È più conveniente prevenire le minacce alla frontiera e cercare soluzioni comuni contro il problema afgano nel quadro del SCO.

L'approfondimento di questa cooperazione porrà i prerequisiti per una coordinazione più stretta della politica estera della Russia con quelle della Cina e degli altri alleati, anche in altri settori.. Vi è l’opinione che il principale ostacolo sulla via di una maggior efficienza dell'organizzazione della cooperazione di Schang-Hai sia la rivalità fra la Russia e la Cina. La discussione su tale rivalità è stato alimentata da vari think tanks in Russia, non risparmiando sforzi per infondere nel ceto dirigente e nel pubblico russi il timore della 'espansione Cinese', 'Reclami territoriali cinesi alla Russia', ecc.

Nel frattempo, il timore può solo facilitare la presa di decisioni chiave su argomenti strategici. Il corso generale dei rapporti all'interno del triangolo Russia - Stati Uniti - Cina difficilmente sembra evolversi verso un confronto fra Mosca e Pechino. Il PRC e la Russia hanno iniziato a competere con gli Stati Uniti per il più efficace dominio in Asia centrale. Ciò non è affatto un capriccio o una manifestazione di cosiddette ambizioni imperiali, ma un assai pertinente problema di sicurezza nazionale russa, nel contesto delle limitate infrastrutture della guardia di frontiera della Russia, al sud, e nella debolezza dei suoi alleati della coalizione antiterroristica, nella possibilità di una provocazione del crescente estremismo radicale islamico politicizzato, nella regione.

In una parola, la strategia euroasiatica degli Stati Uniti ha notevolmente facilitato la cooperazione fra la Russia e la Cina, che superano la loro rivalità. Nella nuova situazione internazionale, è vitale per la Russia che ci sia stabilità effettiva nelle zone adiacenti al suo confine. Ciò armonizza l’interesse vitale di questo paese con gli stessi interessi della Cina, dell'India e dei firmatari centro-asiatici del SCO.

Fino a che gli stadi del SCO sono interessati, l'organizzazione non sarà un blocco militare come la NATO, né una conferenza permanente aperta sulla sicurezza come l’ASEAN, ma qualcosa nel mezzo. La trasformazione del SCO in un'organizzazione capace di una efficace risoluzione, inter alia, delle questioni di difesa comune, diventerà assai più rilevante con il crescere delle tensioni sul continente euroasiatico, che viene è provocato da esterni, ed aumenterà ulteriormente. In una tal situazione, è importante prepararsi trovando le giuste risposte alle sfide di domani, impiegando l’intera gamma di mezzi disponibili.

*Strategic Culture Foundation http://en.fondsk.ru/article.php?id=1821 24.12.2008
MILITARY DIPLOMAT - 2008 - N 4-5 - p. 3-10



Traduzione di Alessandro Lattanzio
http://www.aurora03.da.ru/
http://sitoaurora.altervista.org/
http://sitoaurora.narod.ru/
http://xoomer.virgilio.it/aurorafile

Regard éclairé d'un Américain sur l'Iran

REGARD ECLAIRE D’UN AMERICAIN SUR L’IRAN


Ahmadinejad « L'important, c'est le pétrole. Nous autres, Américains, sommes beaucoup plus dépendants d'un pétrole bon marché que les Français. Or l'Iran pourrait très bien prendre le contrôle du golfe Persique en fermant le détroit d'Ormuz, et détruire en quelques minutes (grâce à ses batteries de missiles) les installations pétrolières saoudiennes. Il priverait donc très facilement le marché mondial de 17 milliards de barils. Il ne le fera pas, mais cette menace constitue une force de dissuasion qui empêche les Etats-Unis d'envahir ou d'attaquer le pays. De plus, 90% des habitants du Golfe sont chiites, et pour l'heure sont sensibles à l'influence de l'Iran.


Soyons lucides : les Arabes, qu'il s'agisse des Palestiniens, des Egyptiens ou des Jordaniens, ont mené contre Israël un combat complètement inefficace. Seul le Hezbollah chiite, soutenu par l'Iran, a pu faire reculer les Israéliens. Les Arabes sont donc forcés de se tourner vers l'Iran, qui devient ainsi un empire par procuration, et qui excelle dans ce rôle. Le peuple iranien est intelligent, et sa civilisation est millénaire. Il est sans aucun doute beaucoup plus ouvert à la modernité que les Arabes. C'est un pays stratégiquement très patient qui calcule ses coups à long terme face à un ennemi américain incapable de planifier son action plus d'une semaine à l'avance. La situation pourrait se résumer ainsi : l'Iran est le pays le plus stable, le plus influent et le plus puissant du Moyen- Orient, et les Etats-Unis devront, ou bien le combattre pendant les trente années à venir, ou bien parvenir à un accord de coexistence. (...)


C'est un empire hybride, fondé à la fois sur un armement ultramoderne et sur une stratégie de guérilla et de guerre asymétrique. (...) L'Iran est parvenu à convaincre les Arabes qu'il est le seul à combattre le colonialisme. Le secret de l'Iran, c'est d'accorder à ses alliés, Hezbollah compris, du pouvoir et du respect. Ses agents ont formé Hassan Nasrallah à ne pas recevoir d'ordres, mais à compter sur ses propres forces et à s'affirmer comme leader autonome. Et Nasrallah ne reviendra pas là-dessus. (...) Ce système de délégation de pouvoir ne se fonde ni sur l'argent ni sur la contrainte, mais sur une foi partagée. Tel est le message iranien : seul l'Iran est capable de mettre fin à la domination occidentale au Proche-Orient. L'Iran représente donc, ne serait-ce que par défaut, le seul espoir crédible. (...)


Les Américains font preuve d’un aveuglement délibéré, au même titre que celui qui a conduit à la crise des subprimes. Il relève d'un optimisme sans aucun fondement, qui a également présidé à l'invasion de l'Irak, que même le New-York Times soutenait. Cet aveuglement est également le fruit d'une ignorance de toute la civilisation iranienne, qu'on réduit à la seule personne d'Ahmadinejad. A la sortie de mon livre aux Etats-Unis, on m'a pris pour un fou ! Mais je persiste à penser qu'il faut admettre de considérer l'Iran comme un interlocuteur valable, sous peine de devoir lui livrer une guerre de trente ans, ce que les Etats-Unis ne peuvent certainement pas se permettre. Il faudrait mobiliser un million d'hommes et dépenser jusqu'au dernier dollar. Et au nom de quoi, cette guerre ? De la démocratie ? Du sionisme ? Ce serait pure folie. Le golfe Persique s'embraserait, le prix du pétrole atteindrait les 400 dollars le baril, et l'économie américaine serait sous un nouveau choc. (...)


Malgré ses points faibles, l’Iran est un pays capable de mobiliser un million d'hommes : soldats de l'armée régulière (d'une remarquable efficacité), gardiens de la révolution, sans compter les milices chiites à l'extérieur qui lui permettent d'intervenir par procuration. Et beaucoup d'Iraniens, même les étudiants hostiles au régime, approuvent la politique étrangère de leur gouvernement. (...)


A Washington sévit un lobby politico-médiatique qui agite toujours le même discours. On ne fait que brandir la menace de la bombe iranienne, d'un nouvel Holocauste, avec Ahmadinejad comme épouvantail. (...) Je ne crois pas plus à la bombe iranienne que je n'ai cru aux armes de destruction massive de Saddam Hussein ! C'est toujours la même propagande. La guerre d'Irak a au moins eu le mérite de faire comprendre qu'il est impossible, ne serait-ce qu'économiquement, de créer un empire néocolonial. Elle a entraîné une diminution du pouvoir réel et du prestige des Etats-Unis dans le monde. A cet égard, la crise financière peut influer dans le bon sens la politique étrangère de mon pays. Car si les Etats-Unis vivent dans l'illusion de disposer d'un argent et d'un pouvoir illimités, cela conduit toujours à la catastrophe. »



Robert Baer, ex-agent de la CIA, auteur de "Iran : l’Irrésistible Ascension", interviewé par Le Nouvel Observateur, 18 décembre 2008

 

La guerra del gas

 

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La guerra del gas

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Si è tenuta oggi a Bruxelles la riunione tra il direttore esecutivo Gazprom Alexei Miller e i dirigenti della Commissione europea, per illustrare lo stato attuale della crisi di fornitura e di transito del gas attraverso il territorio ucraino. La Russia riattiverà le forniture se l'Ucraina acconsentirà l'ispezione degli osservatori europei, e garantirà successivamente il transito.

Dopo soli pochi giorni di tagli alle forniture di gas, molti Stati Europei cominciano ad essere vittima del caos e del panico, oltre che del freddo, nonostante le rassicurazioni impassibili dei rispettivi Governi.  Continua dunque ad imperversare quella che può essere definita "la guerra del gas", scatenata da Russia e Ucraina senza nessun preavviso o misura cautela per preservare tutte le controparti coinvolte, ripetendo testardamente lo stesso errore del 2006. Tra l’altro, le schermaglie dei due litiganti hanno dato vita ad una diffusa disinformazione, tra accuse reciproche e intimidazioni, sintomo evidente della reciproca responsabilità dei due operatori energetici. La regione europea orientale, e la stessa Germania, sono rimaste senza gas, e chi ne ha la possibilità ricorre alle riserve strategiche. I Balcani non hanno alcun approvvigionamento di gas, che non può essere compensato con il ricorso agli stoccaggi, ma solo alla riconversione energetica con altri combustibili più costosi. Anche l’Italia non riceve da due giorni il gas russo, registrando secondo quanto riportato dall’ENI una sostanziale interruzione del gas proveniente dal gasdotto TAG, vedendosi così costretta ad aumentare il ricorso agli stoccaggi per compensare il calo delle importazioni. Il Ministro dello Sviluppo Economico, Claudio Scajola ha stimato un’autonomia non superiore alle tre settimane, in considerazione del fatto che l’apparato infrastrutturale italiano non ha avuto negli ultimi anni delle migliorie sensibili che possano compensare l’ammanco delle forniture provenienti della Russia. Si cerca dunque di massimizzare gli approvvigionamenti dagli altri Paesi fornitori (Algeria, Libia, Norvegia, Olanda, Gran Bretagna), ma anche dalla Slovenia, a cui sono stati già richiesti circa 200 mila m3 di gas al giorno.


Nel frattempo, si è tenuta oggi a Bruxelles la riunione tra il direttore esecutivo Gazprom Alexei Miller e i dirigenti della Commissione europea, per illustrare lo stato attuale della crisi di fornitura e di transito del gas attraverso il territorio ucraino. Miller ha incontrato il Commissario europeo per l'Energia Andris Piebalgs, il Presidente della Commissione Europea José Manuel Barroso e il Presidente del Parlamento europeo Hans-Gert Pottering. Allo stesso tempo, nella nottata tra la giornata di mercoledì e giovedì, si è avuto un faccia-a-faccia tra i dirigenti  Gazprom e Naftogaz  Ukraine a Mosca, quali Alexei Miller e Oleg Dubina, per giungere ad un compromesso per porre fine alla crisi.   Mosca rimane ferma sulla tesi secondo cui Gazprom ha sospeso le forniture di gas verso l'Ucraina dopo che non era stato raggiunto nessun compromesso sull’accordo commerciale per il 2009 e la liquidazione degli arretrati: una minaccia inutile se non attuata. Pur assicurando che il taglio interessava solo le esportazioni di gas destinate al consumo interno dell’Ucraina, Gazprom si è detta costretta a sospendere tutte le forniture sul territorio ucraino, in quanto la società energetica ucraina Naftogas  ha deviato più di 86 milioni di metri cubi di gas russo destinato al mercato europeo,  mentre la società RosUkrEnergo non ha ricevuto 25 milioni di metri cubi dalla UGS Ucraina. Il gigante russo ha poi intimato la società ucraina di restituire, mediante le proprie riserve, il gas che non è stato ricevuto dai consumatori europei.  Al contrario, il Vice Presidente della  Naftogaz Vladimir Trikolich accusa apertamente Gazprom, e afferma che "la Russia non ha neanche cercanto di riaprire il deposito del transito del gas attraverso l'Ucraina",  e che "Gazprom ha completamente bloccato le forniture di gas per l'Ucraina e lo stesso transito di gas verso l'Europa".  Secondo Kiev, la propaganda russa è deliberatamente volta a screditare la Naftogas e lo stesso Stato ucraino, a cui vengono imputando tutte le responsabilità per la cessazione della fornitura di gas ai Paesi Europei.


 Ora la Russia chiede che sia garantito il transito del gas e l’autorizzazione del controllo da parte di osservatori internazionali come condizione per la ripresa delle forniture di gas alle frontiere.  Il Presidente russo Dmitri Medvedev ha infatti ribadito che, prima di riaprire le condutture, è necessario autorizzare il monitoraggio da parte di rappresentanti  Gazprom, Naftogaz, le autorità ministeriali dei due Paesi e gli osservatori della UE.  La controparte ucraina, da parte sua, si dice pronta a fornire il transito di gas russo verso l'Europa, come affermato da Oleg Dubina nel corso di una conferenza stampa con i giornalisti al termine dei colloqui a Mosca con Miller. "La situazione attuale e le incomprensioni derivano da questioni economiche, non da problemi politici. Essi devono essere risolte in conformità degli interessi economici delle parti", afferma Dubina, aggiungendo che l'Ucraina è pronta a garantire il transito di gas verso l’Europa, e che la parte russa deve comunque garantire la fornitura di una certa quantità di gas necessaria al funzionamento del compressore e delle stazioni di transito.  Allo stesso modo si dice favorevole ad ammettere l’ingresso sul territorio degli osservatori dell'Unione Europea per il monitoraggio di gas. "I nostri uomini sono pronti ad entrare sul territorio ucraino. Stiamo aspettando l'esito della riunione tra i capi di Gazprom e Naftogaz", ha riferito  Pottering dopo l'incontro con il Vice Primo Ministro d'Ucraina Grigory Nemyreem.


In un modo o nell’altro, sembra che la situazione stia lentamente tornando alla normalità, dopo che Mosca e Bruxelles hanno dettato delle precise condizione per lo sblocco della crisi energetica. Molto probabilmente l’emergenza rientrerà da qui a pochi giorni, viste le forti pressioni giunte dai vertici delle Istituzioni Europee e dei singoli Stati membri.  L'esito della grande crisi sarà comunque negativo, in quanto i prezzi saranno aumentati e i Paesi fornitori si sentiranno,  a maggior ragione, in balia della lotta perpetua di Mosca per il controllo della regione, sia dal punto di vista energetico che politico. Il rapporto fornitore-consumatore è stato in qualche modo incrinato, non essendovi nei fatti una strategia di cooperazione reale, al punto che basta una lite commerciale per decretare il taglio secco e totale dell’energia, senza la minima considerazione per i possibili danni economici e reali che si provocano. Il tutto si riduce ad un gioco-forza per ottenere il dominio delle proprie zone di influenza. La "guerra del gas" dichiara sconfitta innanzitutto l’Europa, impotente e impreparata nonostante le grandi strategie di diversificazione, ma anche l’Ucraina, che non è riuscita ancora una volta nel suo "colpo di Stato" contro la Russia.  Ogni strategia è stata dispiegata per portare a compimento il progetto dell’Opec del gas, e ribadire il fatto che l’Europa, l’Ucraina ed ogni altro Stato che dipende da tali fonti di energia, non possono fare a meno della Russia.

 

Fulvia Novellino

 

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La ville, sa figure moderne

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Archives de SYNERGIES EUROPÉENNES - VOULOIR (Bruxelles) - Juillet 1994

Fabrice MISTRAL:

La ville, sa figure moderne

 

“La forme de la ville a, depuis la révolution industrielle, toujours changé plus vite que le coeur des mortels (...)”, écrit Annie Fourcaut, remarquable historienne de l’urbanisme contemporain. C’est en banlieue, territoire de constitution récente, moins marqué par les héritages que ne le sont les vieux centres urbains, que la modernité urbaine s’incarne le plus fortement (1). Bouleversement des images de la ville comme de son fonctionnement, nouveaux réseaux de communication, télescopage entre la rapidité potentielle des déplacements et l’engorgement effectif, ...: la ville témoigne au plus haut point des contradictions sociales à l’oeuvre.   Deux aspects principaux, particulièrement marqués en banlieue, peuvent  être repérés:

- la fin de tout holisme urbain,

- la nouvelle nature des communications physiques.

 

a) Contrairement à la ville traditionnelle, la ville moderne n’est plus perceptible comme un tout. Georges Teyssot écrit qu’elle “outrepasse définitivement le monde de l’expérience sensible” (2). De là nait une profusion des “images”  de la ville produites par les architectes et les bureaux d’études: précisement parce que cette image fait problème, et ne relève plus de l’évidence. Jacques Guillerme écrit: “La puissance de la figuration tient essentiellement à la dénotation qui lui est associable”. En d’autres termes, imaginer, c’est dévoiler. Heidegger l’exprime à sa façon: “L’ouverture d’un monde donne aux choses leur mouvement et leur repos, leur éloignement et leur proximité, leur ampleur et leur étroitesse” (3). Pour cette ouverture, des repères sont nécessaires: sans cartes, le territoire n’existe plus. A l’inverse, avec la prolifération des représentations, le territoire disparait aussi. On peut faire l’hypothèse suivante: “La catastrophe urbaine aurait résidé en l’impossibilité de maîtriser la représentation de la ville” (4). Conséquence de cette multiplication des points de vue sur la ville: la fin du “holisme” urbain, c’est-à-dire d’un sentiment commun d’appartenance. Vient alors le temps des remises en scène. L’objectif (voir “Banlieues 89”, le secteur politique de la ville du ministère de la culture, etc) est de génerer un “nouvel art d’habiter”, et la possibilité d’appropriations collectives des lieux. Le problème est qu’une trop fréquente méconnaissance des pratiques urbaines  de la part des urbanistes, plus encore de leurs maîtres d’ouvrage, rend fragiles ces remises en scène. Difficulté des tentatives “baroques” (5) de réenchantement de la ville: elles sont fondées généralement sur une naturalisation de l’histoire plus que sur sa réinvention. A cette aune, la différence entre l’urbanisme des libéraux - qui rejette le zonage au nom du refus des règles - et l’urbanisme des sociaux-démocrates - interventionnistes au nom d’un équilibre à rétablir - est, sinon “illusoire”, comme l’écrit Guiheux, du moins secondaire. Dans les deux cas, l’urbanisme (moderne) est système d’objets. Dans les deux cas, ceux-ci ne font pas corps avec la ville.

 

Le baroquisme consolide en outre la césure entre l’intérieur et l’extérieur dans la ville, entre l’habitat et la rue. Dans la ville traditionnelle, le dedans n’est qu’un “pli du dehors” (Henri Gaudin). Pour autant, ce pli rend les intérieurs habitables. Car il y a opacité de l’étoffe. Dans la ville moderne, le mythe de la transparence tend à supprimer les intérieurs en tant que lieux habités. Et la tentative baroque de conjurer la banalité par la naturalisation de l’histoire renforce l’incommunication.

 

b) La seconde caractéristique de la modernité urbaine concerne la nature des communications matérielles et d’abord la nouvelle conception de leurs intersections. Les voies de communication se multiplient qui correspondent à une direction, mais ne se rencontrent pas avec d’autres voies: un  échangeur n’est  pas un point, mais un noeud. C’est “une intersection sans carrefour” note Michel Serres. L’échangeur “reçoit et redistribue, il trie sans mélanger” (6). La route moderne - celle des autoroutes et des “voies rapides” - est par nature unidimensionnelle, elle ne correspond qu’à un trajet et un seul: de l’embranchement ouest de l’autoroute X à la sortie sud de telle ville. Le trajet est ainsi en quelque sorte irréversible. En cas d’erreur d’aiguillage, “même si nous retournons sur le point, nous serons néanmoins sur une autre voie” (Georges Teyssot). Ces trajectoires pré-déterminées, faites pour éviter de nous “perdre”, aboutissent à une formidable dépossession de la liberté humaine d’interpréter un territoire - comme un musicien interprète une partition.

 

La nouvelle nature des réseaux de transport amène à s’interroger sur les rapports entre la modernité urbaine et la communication. Chantal de Gournay rappelle que pour communiquer, il faut “savoir s’effacer (derrière une facade, un rôle” (7). En ce sens, la banalité, par opposition à la distinction, est précisément ce qui permet la communication: c’est dans la mesure où nous sommes partiellement inauthentiques que la communication est possible. De ce fait, il n’y a pas coincidence entre les activités de conscience et les manières d’apparaître. La conséquence urbaine en est qu’un lieu de communication est un lieu “de tous le monde et de personne” - comme à Marseille la Canebière que Marcel Roncayolo définit comme un “no man’s land”. Par là, elle est qualifiée comme lieu inconsommable et inappropriable. Banal, mais à sa façon.

 

Le problème est que, dans la ville moderne, ou dans celle parfois qualifiée de post-moderne, l’espace public répond à la recherche d’un style. Or, cet espace public  fonctionne comme tel précisement s’il “correspond à un degré zéro de la mise en scène”, écrit Chantal de Gournay qui ajoute: “L’espace public post-moderne, fait “sur mesure” sinon à la mesure de son “public”, est à la grande ville industrielle ce que le “narrowcasting” est à la télévision de masse” (8).

 

La place de l’espace public est ainsi un repère capital dans la génèse de la ville moderne. Tout d’abord, cet espace est caractérisée par la rue. Celle-ci devient au XIXème siècle espace d’auto-mise en scène de la socialité pour elle-même (comme l’illustrent bien les peintures de Monet). Elle l’est notamment au travers des grands magasins, qui consacrent à la fois le triomphe de la consommation et de l’individualisme. Se manifeste ainsi une rupture avec la Renaissance: la ville moderne ne se contente plus de se représenter. Elle se donne en spectacle.

 

La modernité urbaine dans ses premiers moments a représenté une transition dans laquelle coexistaient des aspects modernes et traditionnels qu’a bien vu Walter Benjamin. La rue n’est plus “pli sinueux”, mais ruban géométrique.  “Ce n’est pas dans l’errance que l’homme se livre à la rue, écrit-il dans Le livre des passages (Le Cerf, 1989); il succombe au contraire à la fascination du ruban monotone qui se déroule devant lui.”

 

“Le labyrinthe, poursuit Benjamin, représente toutefois la synthèse de ces deux types de terreur; c’est une errance monotone” (9). En conséquence, c’est avec raison que C. de Gournay peut écrire: “L’espace public, loin d’être pour le flaneur un champ d’interaction humaine, est un lieu de perte où l’homme se dissout dans l’équivalence qui régit désormais l’univers de la marchandise” (10). Une des formes de cette perte est  l’expérience fusionnelle qui se produit dans la ville moderne sous la forme de la fascination par la marchandise, -  la “communion avec la marchandise” dont  parle Walter Benjamin. Paradoxe apparent: ce qui triomphe à partir du 19ème siècle, c’est le simulacre d’une communion ou d’une fusion qui cache maladroitement la réalité de l’homme des foules (le flaneur de Baudelaire), ou de l’homme sans qualité (Musil). En effet, “la socialité, précise Isaac Joseph, en tant que celle-ci implique une concertation, est tout le contraire d’une expérience fusionnelle” (11). Cette socialité implique une communication et non la simple présence à son rôle social. Elle est tout autre que la danse devant le feu d’artifice des marchandises.

 

Aussi, au travers de la communication, peut-on approfondir l’opposition typologique entre la ville traditionnelle et la ville moderne. Dans la première, le réseau de communication physique relève du labyrinthe, où la réversibilité est toujours possible. Ce labyrinthe, ponctué de carrefours, est “régi, note G. Teyssot, par des schémas d’axialité, formé d’une hiérarchie d’espaces caractérisés”  - les avenues, les places, les rues, les galeries, ... C’est un moyen d’apprivoiser l’espace. Il permet les repères, et surtout les arrêts. La ville traditionnelle  est ainsi celle qui permet de revenir sur ses pas. Dans la mesure où elle se lit au travers des rues, elle permet de prendre ce qu’André Breton appelait “le vent de l’éventuel” - et est l’un des lieux du politique tout comme de la disponibilité sexuelle.  La ville traditionnelle est celle dans laquelle la déambulation est possible, - et le projet non obligatoire.

 

Dans la ville moderne et hyper-moderne, l’urbanisme des voies non réversibles est aussi celui des “rubans”: rubans des équipements culturels,  des sièges de société, etc. A l’échelle des agglomérations est reprise l’idée de la ville linéaire de Le Corbusier. Ainsi le “grand espace” de la ville moderne, qui est l’espace de l’agglomération, est-il un espace d’homogénéisation. Il s’oppose à l’esthétique du divers (Victor Segalen) et du mélange. Il est ponctué, dans sa variante hyper-moderne, non de rues, même si on observe parfois une composition en terme d’axe (néo-hausmannisme), mais surtout de “pôles d’excellence”: (Massy-Rungis, Cergy-Pontoise, ...) ou de “zones de restructuration” (Seine-amont, la boucle de Genevilliers,...).  Dans tous les cas de figures, ces pôles doivent “communiquer” entre eux plus qu’avec leur environnement respectif. Plus que destinataires ou émetteurs de communication, ils doivent être vecteurs de communication eux-mêmes. 

 

Observateur attentif de ces signes, Marc Augé appelle sur-modernité “la surabondance évênementielle, la surabondance spatiale et l’individualisme des réferences” (12). La sur-modernité est selon lui caractérisée par les  non-lieux. Explication: le lieu, “identitaire, relationnel et historique”, s’incrit dans un territoire, façonné par les pratiques des hommes. Alors que le non-lieu, couplé avec un espace neutre et “mathématique” (que dire de l’espace, sinon sa surface ?), est une simple portion d’espace. Le non-lieu n’habite pas l’espace; il est donc lui-même inhabitable. Conséquence: il ne permet pas la mutation de l’espace en territoire, ensemble de lieux  humanisé et historicisé. La sur-modernité apparait ainsi une forme d’hyper-modernité, à quoi se réduit pour Kostas Axelos la “post-modernité”. Nous en sommes là. Il en est désormais de la modernité comme de l’Occident défini par Cioran: c’est “une pourriture qui sent bon”. A ce stade, l’a-venir ne peut être qu’un retournement. La clé en est la sortie du règne de la marchandise, donc de l’auto-symbolisation par l’économie. C’est dire que le travail vivant doit cesser d’être au service de l’accumulation et au contraire devenir l’objet premier de valorisation. A ces conditions, un dépassement tant de la ville traditionnelle que de la ville moderne pourrait donner lieu à une ville authentiquement post-moderne.

 

Fabrice MISTRAL

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(1): précisons d’emblée que nous partageons le point de vue de Kostas Axelos comme quoi le post-moderne n’est que de “l’hyper-moderne”: l’exacerbation du moderne, non sa négation.

(2): la métropole mise en représentation, in Urbanisme: la ville entre image et projet, Cahiers du C.C.I. n°5, Centre Georges Pompidou.

(3): L’origine de l’oeuvre d’art, in Chemins qui ne mènent nulle part, Gallimard, 1962.

(4): Alain Guiheux, Cahiers du C.C.I, op. cit.

(5): le thème de la ville baroque a été popularisé par Jean-Pierre Le Dantec. Voir Dédale le héros, Balland, 1991.

(6): Hermès 2. L’interférence, éditions de Minuit, 1976.

(7): in Cahiers du C.C.I., op. cit.

(8): id.

(9): Walter Benjamin écrit: “Le labyrinthe est la patrie de celui qui hésite. Le chemin de celui qui appréhende de parvenir au but dessinera facilement un labyrinthe. Ainsi fait la pulsion sexuelle dans les épisodes qui précèdent sa libération.” Il note encore, avec une justesse saisissante: “Le labyrinthe est le bon chemin pour celui qui arrive bien assez tôt au but. Ce but est le marché”.

(10): in Cahiers du C.C.I.

(11): I. Joseph, communication pour le colloque “Vie publique, vie privée”, Lyon, octobre 1980. La socialité est ici entendue au sens de sociabilité (selon la distinction que fait Bourdieu entre cette dernière et la sociétabilité).  

(12): Non lieux, Introduction à l’anthropologie de la surmodernité, Seuil, 1992.

 

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vendredi, 09 janvier 2009

Le Bulletin Célinien n°304

Le Bulletin célinien

Au sommaire du n°304 - janvier 2009 :

Marc Laudelout : Bloc-notes
Henri Godard : Un monument célinien ("Dictionnaire des personnages dans l'œuvre romanesque de Céline")
Marc Laudelout : Le monde de la dédicace
André Rousseaux : Justice pour Céline écrivain (1961)
Deux lettres de Céline à André Rousseaux
Marc Laudelout : À propos de Céline et Karl Epting
Vera Maurice : Les paradoxes de la Rose des Vents
Marc Laudelout : Un blog consacré à Céline

Bulletin célinien
B. P. 70
B 1000 Bruxelles 22

celinebc@skynet.be

La Suisse renvoie Carla del Ponte en Argentine

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LA SUISSE RENVOIE CARLA DEL PONTE EN ARGENTINE

Par Andreï FEDIACHINE

RIA Novosti, 10 avril 2008 (Un article ancien, que nous avions omis de publier, mais qui mérite lecture et esbaudissement)

L'ancienne procureure du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) Carla del Ponte a tout de même été réprimandée. Elle a été tellement habituée à faire tout ce qu'elle voulait qu'elle a même réussi à mettre en colère le toujours pondéré département fédéral des Affaires étrangères (diplomatie suisse), pour lequel elle travaille à présent. Un télégramme spécial adressé à Carla del Ponte lui prescrit de retourner immédiatement à Buenos Aires, où elle assume le poste d'ambassadrice de la Confédération helvétique en Argentine, et lui interdit de participer à la présentation de son nouveau livre “La Caccia. Io e i criminali di guerra” (La Chasse. Moi et les criminels de guerre), qui devait avoir lieu début avril à Milan. Le porte-parole du DFAE Jean-Philippe Jeannerat a fait savoir le 8 avril dans une déclaration spéciale à la presse que la présentation publique de cet ouvrage était incompatible avec le poste d'ambassadrice, car “il comporte des déclarations inadmissibles pour un représentant de la Suisse”.

Cette réprimande publique aurait mis pour longtemps sur la touche n'importe quel autre diplomate. Mais, puisque la “Suissesse de fer” en a vu d'autres, elle a tranquillement quitté l'Italie pour regagner son lieu de travail. En effet, cette petite piqûre du DFAE n'est rien par rapport à la fierté étrange qu'elle tire de l'énumération des nombreux sobriquets, pas toujours flatteurs, que lui ont attribués ceux qui ont eu affaire à l'ancienne procureure générale de Suisse et ancienne procureure du TPIY (entre 1999 et 2007). Ce dernier poste lui a valu le surnom de “nouvelle Gestapo”. La Cosa Nostra italienne, quant à elle, l'appelle “La Puttana” (un mot qu'il est superflu de traduire), alors que les banquiers helvètes ont affublé cette femme originaire de la Suisse italienne du doux sobriquet de “missile non guidé”.

Carla affirme que ces étiquettes ne la troublent nullement, car elles ne font que témoigner du bon travail qu'elle a accompli. Même le fait que feu son ancien collègue, le juge Falcone, l'ait qualifiée “d'obstination incarnée” la laisse impassible. Cette approche des appréciations qui sont portées sur elle est certainement étrange, mais il suffit de voir Carla del Ponte, ne serait-ce qu'une seule fois en chair et en os, pour que ces nombreuses interrogations tombent d'elles-mêmes.

Son ouvrage de 416 pages édité par la maison italienne Feltrinelli relate son travail au poste de procureure du Tribunal de la Haye. Pour l'instant, il a paru en italien, mais des versions anglaise et française sont déjà prêtes. Pour 20 euros, on peut plonger dans l'univers de la procureure. Le livre est ennuyeux et il l'aurait été encore plus si Carla n'avait pas recouru aux services de Chuck Sudetic, reporter du New York Times, coauteur de l'ouvrage, pour l'aider à s'écarter un tant soit peu du style procédurier.

En fait, Carla del Ponte n'a dévoilé aucun secret. Ce qu'elle écrit, y compris ses “confidences” à propos des prélèvements d'organes sur des Serbes prisonniers des Albanais du Kosovo, organes par la suite envoyés en Occident, était déjà plus ou moins connu. Des réfugiés serbes en avaient parlé. Seulement, dans les années 90, il ne “fallait” pas croire les Serbes, alors que cette révélation faite par une ex-procureure de la Confédération helvétique est bien plus crédible. Cependant, on ne peut s'empêcher de se poser la question suivante : pourquoi Carla del Ponte n'a-t-elle alors rien fait pour retrouver les coupables et les traduire en justice ?

Elle affirme qu'elle ne pouvait rien faire, car il était très difficile de recueillir des preuves au Kosovo, littéralement truffé “de bandits et de criminels”, où les témoins avaient été intimidés et parce que même les juges de La Haye avaient peur des Albanais kosovars. Elle écrit : “J'estime que certains juges du Tribunal pour l'ex-Yougoslavie avaient peur que les Albanais viennent eux-mêmes s'occuper d'eux”. Cela semble aujourd'hui beaucoup affliger Carla del Ponte.

Elena Gouskova, experte spécialisée dans les Balkans, chef du Centre d'étude de la crise balkanique contemporaine de l'Institut d'études slaves de l'Académie russe des sciences, n'est pas la seule à estimer que le TPIY est un établissement très étrange. Elle y a travaillé en qualité d'expert scientifique en 2003, au cours du procès du général serbe Stanislav Galic. “Le tribunal a été spécialement créé pour justifier les actions de l'OTAN en Yougoslavie, estime Elena Gouskova. Les chefs du tribunal n'examinent pas l'essence du procès, ils ne font que manipuler les faits en les adaptant au schéma de la culpabilité d'une des parties. En général, j'avais l'impression que l'accusation avait une mauvaise connaissance des dossiers. Certains juges n'avaient aucune notion des Balkans avant d'arriver à La Haye. Au Tribunal de La Haye, le résultat est connu d'avance, du moins concernant les Serbes: ils seront tous reconnus coupables.”

Le fait que Carla del Ponte ait été choisie pour le dossier yougoslave en vue de compromettre définitivement la réputation des Serbes n'a rien d'étonnant. En Suisse, à la fin des années 90, le “missile non guidé” se sentait déjà à l'étroit. En fait, malgré sa petite taille, ses ambitions et son énergie sont comparables aux Alpes. Elle a toujours atteint ses objectifs en agissant implacablement, et a tellement porté jusqu'à l'absurde son application de la loi que même ses collègues, étonnés, se demandaient: comment peut-on parvenir à faire en sorte qu'il ne reste pas de place pour le bon sens et la justice entre la loi et la réalité ?

Sa carrière abonde en affaires retentissantes, entre autres, des affaires politiques à scandale. Les mauvaises langues disent que Carla del Ponte les acceptait avec un plaisir non dissimulé, car elle savait qu'elles lui donneraient un nom. D'autres n'hésitent pas même à affirmer que toutes ces affaires avaient été commandées (il fallait justifier la démonisation des Serbes), ou bien qu'elles étaient fondées sur des jugements préconçus (Carla del Ponte ne cache pas son hostilité pour la Serbie et la Russie), alors que les affaires vraiment importantes ont été véritablement jugées par d'autres, et non pas par Carla.

Carla del Ponte voulait également juger dans les années 90 l'affaire Mabetex, dans le cadre de laquelle ont été accusés Boris Eltsine et ses filles, dont les importantes dépenses auraient été couvertes par cette société. Elle avait aussi “gelé” les comptes en Suisse de l'ex-première ministre du Pakistan, feue Benazir Bhutto. Il serait intéressant de se pencher à nouveau sur ces deux histoires, mais personne ne veut s'en occuper.

Moscou s'inquiète de la situation à la frontière israélo-libanaise

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Moscou s’inquiète de la situation à la frontière israélo-libanaise

http://fr.altermedia.info

La Russie a exprimé sa préoccupation par l’aggravation des tensions à la frontière israélo-libanaise où des échanges de tirs ont retenti jeudi matin, sur fond d’hostilités dans la bande de Gaza.

“Nous préconisons le strict respect de la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU qui, on le sait, appelle Israël et le Liban à maintenir le cessez-le-feu, à oeuvrer pour un règlement durable sur la base du respect global de la Ligne bleue et à prendre des mesures de sécurité pour empêcher la reprise des hostilités”, a déclaré le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué publié sur son site Internet.

La diplomatie russe a appelé Israéliens et Libanais à “faire preuve de retenue et de responsabilité”.

“Il faut éviter toute provocation susceptible de détériorer la situation dans la région où tout est interdépendant, où les tensions se sont aggravées à l’extrême en raison de la confrontation israélo-palestinienne dans la bande de Gaza”, précise le communiqué.

Quatre roquettes de type Katioucha sont tombées jeudi matin à proximité de la ville israélienne de Nahariya, faisant deux blessés. Ce tir a été revendiqué par le groupe Front populaire de la libération de la Palestine-Commandement. L’armée israélienne a aussitôt répliqué par plusieurs salves d’artillerie en direction du Liban, et des avions survolent actuellement le Liban-Sud.

Vicino Oriente in fiamme: la Turchia piu' vicina a Gaza, piu' lontana da Tel Aviv

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VICINO ORIENTE IN FIAMME : LA TURCHIA PIU’ VICINA A GAZA, PIU’ LONTANA DA TEL AVIV

http://www.eurasia-rivista.org/

di Aldo Braccio*

Il Primo ministro turco Erdoğan ha denunciato l’attacco israeliano a Gaza come un crimine contro l’umanità, ritenendo del tutto sproporzionato l’uso della forza di fronte ai lanci di razzi palestinesi. Gli attacchi israeliani, ha ribadito Erdoğan, rappresentano un attacco alla pace. Il ministro degli esteri Babacan ha da parte sua comunicato che gli incontri triangolari Turchia – Israele – Siria per la soluzione del contenzioso tra Tel Aviv e Damasco sono interrotti : “La scelta israeliana di condurre un’azione di guerra contro i palestinesi ci ha profondamente deluso”, ha commentato Babacan.
Nel frattempo quattro esponenti dell’AKP, il partito di governo, hanno abbandonato – in segno di protesta – il gruppo parlamentare “di amicizia turco – israeliana”, mentre lo stesso Consiglio di sicurezza nazionale ha condannato l’azione di Tel Aviv, chiedendo che i bombardamenti cessino immediatamente e che gli aiuti umanitari per la popolazione di Gaza (provenienti anche dalla Turchia) possano subito giungere a disposizione.
Erdoğan ha raggiunto per colloqui urgenti Damasco e Amman; secondo notizie non confermate nella capitale siriana avrebbe anche incontrato Khaled Méchaal, capo dell’ufficio politico di Hamas in esilio.
Ad Ankara, Istanbul e in parecchie altre città si susseguono iniziative e manifestazioni contro la guerra promossa da Israele : in particolare a Istanbul la municipalità ha deciso di annullare la tradizionale festa di capodanno in piazza Taksim, in segno di lutto.

*Aldo Braccio, redattore di Eurasia, è esperto di questioni turche e del Vicino Oriente.

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Un point de vue lucide sur la crise!

ENFIN UN POINT DE VUE LUCIDE SUR LA CRISE !


SOS « Avec plus de 10’000 milliards de francs suisses, les mesures prises – pour le moment – par les différents pouvoirs publics mondiaux pour sauver le système bancaire sont d’une ampleur inconnue jusqu’ici ! Et je dis bien pour le moment. Le président de la Réserve fédérale américaine Ben Bernanke a annoncé le 21 octobre qu’il était pour un deuxième plan plan de relance. Du jamais vu ! (...) Avec le plan de sauvetage suisse de 68 milliards de francs, pour le moment pour la seule UBS, nous avons affaire à des chiffres tout à fait impressionnants puisque cela représente 12% du produit intérieur brut (PIB, la richesse produite) de la Suisse. (...)


L’Etat est intervenu massivement pour sauver le système bancaire. Mais aujourd’hui, il y a une très grande différence (avec la crise de 1929). Un acteur est presque complètement absent : le mouvement ouvrier. A l’époque, il a défendu des solutions qui allaient dans le sens d’une alternative au capitalisme. En 1934, par exemple, l’USS (Union Syndicale Suisse) a lancé une initiative de crise qui demandait le contrôle des banques, des cartels, des trusts et de l’exportation des capitaux par les pouvoirs publics. Aujourd’hui, l’USS ou le Parti Socialiste Suisse demandent la limitation des bonus et des revenus des dirigeants des banques. C’est très loin d’être une réponse à la hauteur. (...)


Nous sommes face à la plus grande crise capitaliste depuis les années 1930. C’est la preuve que le capitalisme est un système qui ne marche pas. On assiste actuellement à la démonstration dans les faits que l’ensemble du discours néolibéral qu’on nous assène depuis des années, selon lequel le marché est capable de s’autoréguler lui-même, que le capitalisme amène croissance et bien-être à tous, que moins il y a d’Etat et de services publics mieux on se porte est faux de A à Z. Il y a donc un problème idéologique énorme pour tous les défenseurs du système. (...) Tous les efforts des idéologues de la bourgeoisie et du grand patronat sont menés pour dire que ce n’est pas la faute du capitalisme. Ils individualisent et personnalisent la question en mettant la responsabilité sur les dirigeants bancaires trop avides. C’est ce qui se cache derrière cette question sur les bonus et revenus exorbitants. On doit certes les dénoncer, mais ce n’est pas le fond du problème. Cette crise renvoie à des contradictions systémiques. Ce sont les règles du jeu lui-même qui sont à transformer.


La principale contradiction, c’est que le système capitaliste est basé sur la recherche du taux de profit maximum. Les quelques freins qui avaient été mis durant les années 1930 et la Deuxième Guerre mondiale ont été supprimés durant les trente dernières années par les néolibéraux. Dans le secteur industriel, on a donc une baisse relative des salaires et un transfert massif des richesses des salariés vers le patronat. Mais comme tous les patrons limitent les salaires, il y a une contradiction puisque l’on n’arrive plus à vendre les marchandises. C’est pourquoi les capitaux ne sont plus réinvestis dans la sphère productive, mais se dirigent vers la sphère financière où des profits plus élevés peuvent être obtenus car on y stimule l’endettement, les montages financiers et la spéculation, qui "résolvent" provisoirement le problème de la limitation des salaires. Il se forme donc une bulle financière qui finit inévitablement par éclater car elle n’est plus du tout en rapport avec l’économie réelle. C’est le mécanisme à la base de quasiment toutes les crises financières qui, depuis plus d’un siècle, se reproduisent avec une régularité de métronome.


L’Etat est juste là pour socialiser les pertes, c’est-à-dire sauver les principaux actionnaires sur le dos de la population laborieuse, puis il se retirera. En Suisse, L’Etat n’entre même pas provisoirement dans le capital. Le prêt-convertible de 6 milliards de la Confédération peut se transformer en actions, mais le Directeur de l’Administration fédérale des finances, membre du Parti Socialiste, le dit déjà dans Le Temps du 21 octobre : "Pour nous il a toujours été clair que nous ne voulions pas entrer directement dans le capital d’une banque". (...) L’autorégulation, c’est autoriser le renard dans le poulailler à déterminer lui-même ses règles de comportement. On a vu à quoi ça aboutit : plus de 100 milliards de pertes pour la seule UBS. Pourtant, le Conseil fédéral et la BNS veulent continuer dans cette voie avec quelques règles pour des fonds propres plus élevés. Mais la pression du profit est telle que même ces règles dérisoires sont faites pour être transgressées. (...)


Il faudrait une socialisation des banques, c’est-à-dire transformer le système du crédit en véritable service public, contrôlé par les usagers et les pouvoirs publics. L’idée peut sembler utopique. Elle ne l’est pas. C’est grosso modo l’idée qui était à l’origine des banques cantonales. C’était une revendication du Parti Radical des années 1840-50 et du mouvement démocratique des années 1860-70 : faire des établissements de crédit publics au service du développement économique de la région, au service de l’ensemble de la population. (...)


On entre dans une crise majeure dont le prix sera un chômage supplémentaire de millions de personnes, une baisse des salaires, des plans d’austérité et donc une baisse des prestations sociales. Et il faudra encore payer le service de la dette qui explose en raison des plans de sauvetage des actionnaires bancaires. Les impôts vont forcément augmenter ou l’inflation se chargera de faire payer la note aux salariés. Un nombre restreint de super-banques vont alors émerger. Avec une nouvelle crise dans quelques années, si les règles du jeu ne sont pas changées.


Il y a quelque chose de particulièrement obscène dans cette crise. En quelques semaines, des gouvernements débloquent 10’000 milliards de francs suisses pour sauver leurs banques et rester dans la course inter-capitaliste. Mais depuis des années, les mêmes gouvernements nous disent qu’il n’y a pas d’argent lorsqu’il s’agit d’une revendication sociale visant à améliorer la vie de la population. A l’échelle mondiale, pour résoudre les questions centrales — faim, accès à l’eau potable, éducation de base gratuite, soins gynécologiques pour les femmes, suppressions de toutes les maladies et pandémies soignables — il faudrait un investissement d’un peu plus de 100 milliards de francs par année durant 12 ans. Là, il n’y avait pas l’argent. Et en quelques semaines, c’est six fois cette somme qui est déboursée, sans problème, en l’absence de toute démocratie. »



Sébastien Guex, professeur à l’Université de Lausanne, spécialiste en histoire politique, économique et sociale, interviewé par le journal du syndicat Comédie, novembre 2008

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Une modernité en état critique

 

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Archives de SYNERGIES EUROPÉENNES -

VOULOIR (Bruxelles) - Juillet 1994

 

 

Fabrice MISTRAL:

Une modernité en état critique

 

 

Il n’y a pas si longtemps, il fallait absolument être moderne. Aujourd’hui, on s’interroge. La modernité n’est plus à la mode. Alain Touraine propose une “critique de la modernité”. Bruno Latour écrit: “Nous n’avons jamais été modernes”. Reste à savoir de quoi parle-t-on ? La modernité philosophique semble se caractériser, indique Didier Paquette, par “l’affirmation plus appuyée du “sujet pensant” et par une “capacité à penser les relations entre des plans d’existence ou de réalité jusque là posés sans liens définis” (1). Pour B. Latour, si la modernité a consisté à penser séparement l’homme et le monde, la nature et la culture, nous n’avons pas pensé intelligemment les écarts entre chacun des deux termes. Et surtout, nous n’avons cessé de produire des objets hybrides sans en faire l’analyse. La mentalité pré-moderne partait du principe de non-séparabilité entre la nature et l’homme; elle rendait donc impossible toute expérimentation sur la nature à grande échelle puisqu’elle eut signifié une transformation de la société de même ampleur. Avec la mentalité moderne, nous en sommes au stade d’une action transformatrice de la nature qui transforme l’homme lui-même, dans ses dimensions tant économiques que non-économiques - anthroponomiques (2). Les transformations de l’homme-producteur concernent l’homme tout entier. Mais l’inconvénient est que nous pensons très insuffisamment l’effet de ces transformations. “Nous n’avons jamais été modernes” (3); c’est-à-dire que nous n’avons jamais bien pensé l’unité de ce que nous avons “découpé”: l’homme, Dieu (ou les dieux), les différents champs de l’existence.

 

Alain Touraine critique la modernité d’un autre point de vue. Selon lui, la modernité a consisté a assigner des tâches à la raison et à la conscience: comprendre le monde et l’humaniser. Il propose de “reprendre le projet moderne” là où il a “dérapé”, quand la raison, classant et articulant les différents plans de l’existence et du réel, serait devenue folle. Moment de l’accident: le siècle des Lumières. Circonstance: la collision de la raison et de la laïcisation. Avatar: le lancement des philosophies de l’histoire comme “mise-à-la-raison” totalisante du monde. Dans le détail, les choses sont un peu plus complexes. Retour sur image(s).

 

 

Au début du 18ème siècle, le rationalisme est solidement installé dans la pensée française. Entendons par là que s’est imposé depuis Descartes l’idée que la certitude de l‘existence de Dieu avait comme corollaire la valeur certaine de nos idées “claires et précises” sur le monde.  Si Dieu a créé l’homme, il a aussi créé ses idées, ajoute Malebranche. A partir de cet “acquis” se déploie le dualisme cartésien: d’un coté Dieu créateur du monde (y compris l’homme), de l’autre l’homme connaisseur - et en charge - du monde. Comme l’a justement remarqué Jean-François Revel, Descartes ne révise pas les fins de la philosophie, il en ajuste simplement les moyens (4). A savoir qu’il donne à la raison une force et un domaine d’application inégalés jusqu’alors. Cette raison triomphante est fondée sur l’évidence (le “bon sens”), l’analyse, le dénombrement et la synthèse. Il reste - on doit le remarquer - peu de place pour l’incertain, l’aléatoire, le contingent, le problématique.

 

La tâche à accomplir ne fait désormais pas de doute au début du 18è siècle. L’abbé Terrasson  choisit pour idéal (1715) la droite raison et la belle nature  (5). La nature s’entend comme l’extérieur de l’homme mais aussi comme les phénomènes intérieurs à celui-ci. Le projet philosophique consiste alors à mettre en cohérence l’homme et la nature.

 

D’une part, le rationalisme de Descartes a affirmé les droits de la raison à la souveraineté du savoir, d’autre part, ce savoir se laïcise: puisque Dieu a donné la raison à l’homme, celui-ci a le droit de tout connaître. Plus, devant la force de la raison, tout est connaissable. Tout est susceptible d’investigation, de classement, d’analyse. Et par là de transformation.

 

La philosophie des Lumières complète cette initiation à la modernité. Tout d’abord en affirmant que l’homme a des droits “naturels”, puis que, précisément au nom de ces droits - “les droits de l’homme” - la nature est corvéable et taillable à merci. Nous avons à nous rendre, dit Kant, “maîtres et possesseurs de la nature”. L’homme, “trop mauvais pour le hasard” (Kant toujours), doit corriger le monde et lui-même par la morale, et la condition en est l’autonomie de la volonté (l’étymologie de “morale” renvoie justement à “volonté, usage, moeurs” indiquant ainsi que la volonté n’est pas pensable hors de l’habitus).

 

La difficulté, c’est qu’il existe un continuum entre l’homme et la nature (le monde des objets animés et inanimés). Et que l’exploitation sans réserve de la nature aboutit à l’exploitation de l’homme par l’homme.

 

Alain Touraine incrimine dans le divorce du sujet et du monde l’”orgueil” de la philosophie des Lumières, puis l’envol des philosophies de l’histoire. Celles-ci ont prétendu interpréter l’histoire par un grand facteur explicatif. Pour faire court: la lutte des classes chez Marx, la lutte des races chez Disraëli, le développement du progrès chez A. Comte. Le rôle des philosophies de l’histoire a été celui de “grands récits” déréalisants. Ils ont abouti à une tendance à la dissociation de la vie publique et de la vie privée qui signe le divorce entre entre la modernité et la subjectivité. Alain Touraine en souligne justement le danger: “La séparation complète de la vie publique et de la vie privée entrainerait le triomphe de pouvoirs qui ne seraient plus définis qu’en terme de gestion et de stratégie, et face auxquels la plupart se replieraient sur un espace privé, ce qui ne laisserait qu’un gouffre sans fond là où se trouvait l’espace public, social et politique et où étaient nées les démocraties modernes”. De son coté, Gilles Polycarpe remarque: “L’annulation des lieux de symbolisation du pouvoir menace la vie démocratique”(6). C’est le revers du même problème: la visibilité du pouvoir est la condition de la participation démocratique.

 

 

Dans les sociétés post-socialistes (dorénavant !) comme dans les sociétés occidentales (néo-capitalistes), la dissociation du public et du privé est le produit d’un assèchement du monde. Par le libéralisme capitaliste comme par une certaine utopie du socialisme productiviste. Camus écrivait: “Quand on veut unifier le monde au nom d’une théorie, il n’est pas d’autre voie que de rendre ce monde aussi décharné, aveugle et sourd que la théorie elle-même” (7).

 

Mais on ne peut s’en tenir, dans la critique de la modernité, au dérapage dü à l’orgueil. Le rabattement de l’histoire sur la “nature”, et de celle-ci sur des lois universelles est dans les prémices de la modernité. Kant écrit (dans son Idée d’une histoire universelle du point de vue cosmopolite, 1784): “quel que soit le concept qu’on se fait, du point de vue métaphysique, de la liberté du vouloir, ses manifestations phénomènales, les actions humaines, n’en sont pas moins déterminées, exactement comme tout évênement naturel, selon les lois universelles de la nature”. Cette idée de naturalité de l’homme, de religion naturelle et de caractère naturel de la raison est l’idée dominante au 18è siècle, à la notable exception de Rousseau. Elle prolonge le projet “moderne” de Marsile Ficin de montrer l’ordonnancement “à Dieu et par Dieu” de la création (Jean-Claude Margolin). Ainsi la raison de Descartes s’enracine dans le “bon sens”, considéré comme une disposition “naturelle” de l’homme. Toutefois, face au constat de l’imperfection de la situation de l’homme dans le monde, bien que tous deux - homme et monde - créés par Dieu, il s’impose assez vite l’idée que le “bon sens”, ça se cultive, et qu’il n’est pas forcément partagé par tous, enfin, que les sociétés sont faites pour être perfectionnées. Ce qui, après un détour par l’idée de “despotisme éclairé” amène à celle de la nécessaire arrivée au pouvoir des “compétents” (et surtout de ceux qui l’ont prouvé en sachant s’enrichir).

 

 

Le cercle est ainsi bouclé. “Le “développement de la raison” inscrit à l’ordre du jour, est absolument lié à l’”accroissement du bonheur”, que permet le règne d’une liberté entière”, note François Azouvi (8). Le travail est ce par quoi la raison développe son emprise en vue du bonheur commun. C’est ce qui permet la détermination du droit naturel. Quesnay écrit: “Le droit naturel est indéterminé dans l’ordre de la nature; il le devient dans l’ordre de la justice par le travail” (9). Les physiocrates pensent, comme Mercier de La Rivière que “tous nos intérêts, toutes nos volontés viennent se réunir et former pour notre bonheur commun une harmonie qu’on peut regarder comme l’ouvrage d’une divinité bienfaisante qui veut que la terre soit couverte d’hommes heureux” (10). “Bonheur commun” ? quel bonheur ? La réponse est fournie par l’imagerie et la statuaire. A Reims, les allégories du piédestal de la statue de Louis XV représentent "une femme dont le visage serein exprime la douceur du gouvernement  et un citoyen heureux assis sur un ballot de marchandises “(11). Evidemment, le bonheur marchand a un coût. Pour ceux qui en sont privés d’abord, et qui sont ainsi dépossédés non seulement de tout statut social, mais de tout statut proprement humain. Un pauvre, dans notre société, n’est pas seulement un pauvre, c’est aussi “un pauvre type”, note Alain Caillé, car il est supposé inefficace et raté - par le système et dans le système. C’est donc une nuisance.

 

La modernité a aussi un coût qui concerne “exclus” comme “intégrés”. “On se modernise pour survivre, mais on se détruit pour être moderne”, indique Serge Latouche. La modernité nous a dépouillé, remarque Jean Chesneaux, de “la pratique des marches de nuit sous les étoiles, (de) l’odeur des tomates lentement muries au soleil, (de) la douceur intacte de paysages édifiés de siècle en millénaire” (12). C’est un peu cher payé.

 

 

 

 

 

Fabrice MISTRAL

 

 

_____________________

(1) Société-magazine, n°5, juillet-aout 1990.

(2) le concept d’anthroponomie se trouve utilisé principalement chez Jean-Paul de Gaudemar et Paul Boccara. Ce dernier la définit comme “les aspects non économiques de la société et rapports sociaux de la reproduction ou de la régénération des hommes eux-mêmes” (Issues, n°32, 1988). Cf. aussi Jean Lojkine, cinq ans de recherches anthroponomiques, in La Pensée, n°258, juillet-aût 1987.

(3) B. Latour, nous n’avons jamais été modernes. Essai d’anthropologie symétrique. La Découverte, 1991.

(4) Histoire de la philosophie occidentale, tome 2, Stock, 1970 et Le livre de poche.

J-F Revel est l’auteur d’un vigoureux pamphlet contre Descartes, ruinant l’interprétation le mettant à l’origine de la science moderne: Descartes inutile et incertain (Stock, 1976). Dans un autre registre, son livre fameux Pourquoi des philosophes (Livre de poche, 1979) avait fait l’objet d’une attentive récension par Jacques Milhau (cf. Chroniques philosophiques, éditions sociales, 1972). Milhau s’y trouvait d’accord avec Revel sur de nombreux points.

(5) cité in La littérature du siècle philosophique, PUF, 1947. 

(6) Révolution, 29 novembre 1991.

(7) Actuelles 1, Le témoin de la liberté, 1948.

(8) Introduction à L’institution de la raison, sous la dir. de F. Azouvi, Vrin/EHESS, 1992. Les citations en italique sont de Destutt de Tracy, Elements d’idéologie, 1803.

(9) cité par Roger Daval, histoire des idées en France, PUF, 1977, p. 65.

(10) idem.

(11) Jean-Louis Harouel, histoire de l’urbanisme, PUF, 1981, p. 58.

(12) Modernité-monde (Brave modern world), La Découverte, 1989.

 

 

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jeudi, 08 janvier 2009

Crise au Proche Orient: le début d'une troisième guerre mondiale?

Crise au Proche-Orient: le début d’une troisième guerre mondiale?

http://fr.altermedia.info

conflit

Par Dmitri Kossyrev,

C’est le procès du “lanceur de chaussures” Mountazer Al-Zaidi qui aurait pu devenir le principal événement du 31 décembre, le dernier jour de l’année 2008. Le 14 décembre, ce journaliste a lancé ses deux chaussures à la figure du président américain (qui était en train de donner une conférence de presse à Bagdad), en criant “C’est le baiser d’adieu du peuple irakien, espèce de chien!”.

 

Mais ce ne fut pas le cas. Un autre événement, qui, lui, n’a rien de comique, est venu éclipser l’incident des chaussures. A savoir une guerre, déclenchée dans une région voisine, et qui a déjà fait un grand nombre de victimes parmi la population civile.

Au premier abord, il s’agit d’un territoire très restreint au Proche-Orient. Certes, il y a des morts, mais cela arrive, malheureusement, beaucoup plus souvent qu’on ne le souhaite, n’est-ce pas? Mais peut-il arriver - théoriquement - qu’une troisième guerre mondiale éclate juste après les fêtes? Une opération punitive sera sans doute lancée prochainement dans la bande de Gaza, opération qui aura pour objectif de démanteler définitivement le “foyer terroriste” du Hamas. Or, son résultat sera douteux. Plusieurs attentats seront perpétrés par la suite sur le territoire israélien, auxquels il faudra aussi répondre.

Dans ce cas, la prochaine étape de l’évolution du conflit touchera le Liban et la Syrie, ces deux territoires arabes que Moscou essaie depuis de longues années d’inclure dans le processus de règlement du conflit au Proche-Orient. Israël pourrait attaquer ces pays également. Intérieurement, le monde arabe concède que le Hamas est composé de radicaux dangereux qui ont provoqué eux-mêmes ce conflit. Mais si Israël refuse de s’arrêter, le tableau changera.

Par exemple, le “facteur iranien” pourrait surgir comme par hasard, et notamment le fait que Téhéran, à ce qu’on prétend, finance aussi bien les membres du Hamas que leurs confrères libanais du Hezbollah, tout en aidant en outre la Syrie. Et si l’Iran ose faire un geste un tant soit peu menaçant…

Que pourra alors faire Israël? Bombarder quelques sites en Iran? Et si l’Iran décide alors de répondre à la provocation? L’Iran ne possède pas encore d’arme nucléaire, mais Israël en dispose et peut y recourir, si les choses tournent mal.

Il s’agit du pire scénario possible. Dans l’espoir de l’éviter, tout le monde, toutes sympathies confondues, appelle aujourd’hui les autorités israéliennes à arrêter la guerre et à revenir au point initial. Ainsi qu’à participer par la suite, l’année prochaine, à une Conférence sur le Proche-Orient à Moscou, pour évoquer finalement pour de bon la question de la paix. Mais déjà les positions seront beaucoup moins avantageuses pour Israël comme pour tous les autres.

Par exemple, Israël n’est pas du tout enclin à écouter ceux qui l’appellent à cesser les hostilités. Qui plus est, il se comporte de la même façon que le régime de Saakachvili en Géorgie, en essayant d’engager dans la guerre son principal protecteur, les Etats-Unis; ou bien de régler ses propres problèmes pendant la période de changement d’administration aux Etats-Unis. Mais les situations de ce genre sont toujours anormales: elles signifient que l’ancienne politique (en l’occurrence, celle des Etats-Unis) a été absolument erronée. Dans le même ordre d’idées, l’isolement du Hamas, qui jouit manifestement d’un large soutien de la population de la bande de Gaza, a été aussi une erreur. Tout ceci signifie également que les grandes puissances (ou la communauté internationale) seront désormais obligées d’exercer une pression sur Israël pour l’inciter à ne plus bombarder les quartiers résidentiels de la bande de Gaza, sur le Hamas pour qu’il mette fin aux attentats, sur l’Iran pour qu’il cesse de terroriser le monde avec son programme nucléaire, etc. Mais qui est aujourd’hui à même de mener un dialogue avec Israël, l’Iran et le Hamas en adoptant une position ferme?

Source: Novosti

Les idées politiques de Louis-Ferdinand Céline par J. Morand

Trouvé sur: http://ettuttiquanti.blogspot.com/

Les idées politiques de Louis-Ferdinand Céline par J. Morand

Extrait de Les idées politiques de Louis-Ferdinand Céline de Jacqueline Morand, 1972 :

Le paradoxe. Céline engagé volontaire des deux guerres
.

« Ce pacifiste forcené, qui dénonçait si violemment la guerre, la déliant d'un mépris gigantesque, qui allait jusqu'à faire l'apologie de la lâcheté et de la roublardise dans son premier roman et se déclarait en 1938 « objecteur de conscience 700 pour 100 » fut un volontaire des deux guerres, médaillé militaire en 1914, cité à l’Ordre de l'armée, mutilé 75 %. Là réside le paradoxe, la réelle contradiction entre l'œuvre de Céline et sa vie. Un patriotisme d'Epinal ne cessa jamais au fond de l'habiter. Cette première guerre mondiale qu'il jugeait monstrueuse, absurde, et haïssable, il était fier de l'avoir faite avec bravoure, fier des blessures reçues au service de son pays, versant dans ces « sentiments » dont il disait devoir se méfier.

Les dernières pages de Mort à crédit présentent l'engagement à l’armée du jeune L.F. Destouches comme la révolte d'un adolescent qui pense échapper ainsi à l'emprise devenue pesante de sa famille. De fait Céline s'engagea volontairement en 1912 pour une durée de 3 ans. Il put choisir sa garnison, Rambouillet, 12è régiment de cuirassiers. Il avait 18 ans. Maréchal des logis sur le front des Flandres, il fut en novembre 1914 volontaire pour une mission dangereuse à Poekapelle en Flandre occidentale dont il se tira avec bravoure. Grièvement blessé au bras et à la tête, considéré comme invalide à 75%, il fut cité à l’ordre du jour de l’armée et reçut la Médaille militaire. Cet acte héroïque lui valut d’être représenté en couverture de L’Illustré national (10). La gravure montre le jeune Destouches galopant à cheval sous le feu nourri de l’ennemi. La légende inscrite au bas de la gravure explique :

« Le maréchal des logis Destouches, du 12è régiment de cui¬rassiers, a reçu la médaille militaire pour s'être offert spontané¬ment (alors qu'il était en liaison entre un régiment d'infanterie et sa brigade) pour porter, sous un feu violent, un ordre que les agents de liaison d'infanterie hésitaient à transmettre. Après avoir porté cet ordre, il fut malheureusement grièvement blessé au retour de sa mission. »

Ces blessures expliquent qu'il fût affecté, début 1915, à Londres, comme attaché au bureau des passeports, ce qui lui occasionna des rencontres étranges, celle de Mata-Hari entre autres. Il fut, en 1916, envoyé au Cameroun, réformé temporairement et retourna à Londres, versé dans les services de l'Armement. Il obtint en 1917 son deuxième baccalauréat à Bordeaux, fit des tournées de conférences en Bretagne pour la Fondation Rockfeller, en vue de la propagande anti-tuberculeuse, et commença en 1918 ses études de médecine à Rennes. En 1939, Céline, âgé de 45 ans, reprend volontairement du service dans l'armée. Il devient médecin de la marine de guerre (3è classe) et embarque à bord du Shella, un paquebot de la compagnie « Paquet ». Lors d'un trajet Casablanca-Marseille, le bateau est touché par une torpille allemande au large de Gibraltar ; il entre ensuite en collision avec un patrouilleur anglais, le Kingston Cornelian et les deux navires font naufrage. Renfloué, le Shella est coulé par les Allemands en regagnant Marseille.

Où irai-je ? s'interroge Céline dans une lettre envoyée de Gibraltar le 9 jan¬vier 1940 à un de ses amis.

Ah ! le destin se montre féroce en ces jours courants. J'espère que vu ma vaillance et ma discipline, on me découvrira une nouvelle planque où je finirai bien par gagner la timbale des bonnes vies bien mouvementées.

Et de poursuivre avec amertume :
De toi à moi, jamais je ne me suis tant ennuyé. La belle époque tu vois c'était le XVIIIè. On y faisait facilement une vie par semaine. De nos jours dits rapides, on guerroye en limace.

A son retour en France, Céline remplace le médecin mobilisé du dispensaire de Sartrouville. Il accompagne sur les routes de l'exode jusqu'à La Rochelle une ambulance d'enfants qu'il ramènera à Sartrouville en octobre (11). Durant l'occupation, il vit à Paris, rue Girardon et travaille au dispensaire de Bezons. Il quittera Paris pour l'Allemagne, en juillet 1944.

Il y a donc désaccord entre les idées pacifistes de Céline qui logiquement aurait dû le conduire à l'objection de conscience et les réflexes qui le poussèrent à s'engager volontairement une fois la guerre déclarée. Cette contradiction correspond chez lui à l'oppo¬sition entre un antimilitarisme ardent et un patriotisme à la Déroulède, et dans cet affrontement entre l'antimilitarisme qui chez lui tient plutôt de l'idée, et le patriotisme qui relève surtout du sentiment, c'est ce dernier qui l'emporta. Il est à noter aussi que les deux guerres l'ont très différemment marqué : la guerre de 1914 l'a poussé ainsi qu'un grand nombre d'intellectuels de sa génération à un pacifisme véhément. La guerre de 1940 l'a laissé plus indifférent, détachement que procure l'âge, lassitude que crée l'habitude. Le pacifisme de Céline reste étroitement lié à la guerre de 1914, aux corps à corps des poilus, et aux champs couverts de jeunes cadavres en uniformes bleu horizon.

Mais le refus forcené du romancier du Voyage atteint à l'intemporalité et à l'universalité. Il semble inspirer le pacifisme intransigeant de certains mouvements de jeunes des années 1970, en réplique à l'optimisme quelque peu pervers de « la paix par la terreur » ? Au-delà de la soif de fraternité entre les hommes, au-delà des bons sentiments, face à la menace atomique et à la banalisation de la guerre, l'impulsion angoissée de Bardamu s'arroge le droit d'envahir nos sociétés contemporaines. »

Notes
10. Voir, L'Illustré national, Histoire anecdotique de la guerre européenne, novembre 1914.
11. Durant quinze jours, Céline sera médecin à l'hôpital de La Rochelle. On lui proposa alors d'embarquer à bord d'un bateau en par¬tance pour l'Angleterre. Il refusa, ne voulant pas abandonner son ambulance.


A lire:
>>> Les idées politiques de Louis-Ferdinand Céline par J. Morand (1)
>>> Les idées politiques de Louis-Ferdinand Céline par J. Morand (2)
>>> Les idées politiques de Louis-Ferdinand Céline par J. Morand (3)

L'oeuvre de Herman Wirth

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L'oeuvre de Herman WIRTH (1885-1981)

 

 

par Robert Steuckers

 

Né le 6 mai 1885 à Utrecht aux Pays-Bas, Herman Wirth étudie la philologie néerlandaise, la philologie germanique, l'ethnologie, l'histoire et la musicologie aux universités d'Utrecht, de Leipzig et de Bâle. Son premier poste universitaire est une chaire de philologie néerlandaise à Berlin qu'il occupe de 1909 à 1919. Il enseigne à Bruxelles en 1917/18 et y appuie l'activisme flamand germanophile. Séduit par le mouvement de jeunesse contestataire et anarchisant d'avant 1914, le célèbre Wandervogel,   il tente de lancer l'idée aux Pays-Bas à partir de 1920, sous l'appelation de Dietse Trekvogel  (Oiseaux migrateurs thiois). En 1921, il entame ses études sur les symboles et l'art populaire en traitant des uleborden, les poutres à décoration animalière des pignons des vieilles fermes frisonnes. Convaincu de la profonde signification symbolique des motifs décoratifs traditionnels ornant les pignons, façades, objets usuels, pains et pâtisseries, Wirth mène une enquête serrée, interrogeant les vieux paysans encore dépositaires des traditions orales. Il tire la conclusion que les symboles géométriques simples remontent à la préhistoire et constituent le premier langage graphique de l'homme, objet d'une science qu'il appelle à approfondir: la paléo-épigraphie. Le symbole est une trace plus sûre que le mythe car il demeure constant à travers les siècles et les millénaires, tandis que le mythe subit au fil des temps quantités de distorsions. En posant cette affirmation, Wirth énonce une thèse sur la naissance des alphabets. Les signes alphabétiques dérivent, selon Wirth, de symboles désignant les mouvements des astres. Vu leur configuration, ils seraient apparus en Europe du Nord, à une époque où le pôle se situait au Sud du Groenland, soit pendant l'ère glacière où le niveau de la mer était inférieur de 200 m, ce qui laisse supposer que l'étendue océanique actuelle, recouvrant l'espace sis entre la Galice et l'Irlande, aurait été une zone de toundras, idéale pour l'élevage du renne. La montée des eaux, due au réchauffement du climat et au basculement du pôle vers sa position actuelle, aurait provoqué un reflux des chasseurs-éleveurs de rennes vers le sud de la Gaule et les Asturies d'abord, vers le reste de l'Europe, en particulier la Scandinavie à peine libérée des glaces, ensuite. Une autre branche aurait rejoint les plaines d'Amérique du Nord, pour y rencontrer une population asiatique et créer, par mixage avec elle, une race nouvelle. De cette hypothèse sur l'origine des populations europides et amérindiennes, Wirth déduit la théorie d'un diffusionnisme racial/racisant, accompagné d'une thèse audacieuse sur le matriarchat originel, prenant le relais de celle de Bachofen.

 

Wirth croyait qu'un manuscrit frison du Moyen-Age, l'Oera-Linda bok, recopié à chaque génération depuis environ le Xième siècle jusqu'au XVIIIième, contenait in nuce  le récit de l'inondation des toundras atlantiques et de la zone du Dogger Bank. Cette affirmation de Wirth n'a guère été prise au sérieux et l'a mis au ban de la communauté scientifique. Toutefois, le débat sur l'Oera-Linda bok n'est pas encore clos aux Pays-Bas aujourd'hui.

 

Très en vogue parmi les ethnologues, les folkloristes et les «symbolologues» en Allemagne, en Flandre, aux Pays-Bas et en Scandinavie avant-guerre, Wirth a été oublié, en même temps que les théoriciens allemands et néerlandais de la race, compromis avec le IIIième Reich. Or Wirth ne peut être classé dans la même catégorie qu'eux: d'abord parce qu'il estimait que la recherche des racines de la germanité, objectif positif, était primordiale, et que l'antisémitisme, attitude négative, était «une perte de temps»; ensuite, en butte à l'hostilité de Rosenberg, il est interdit de publication. Il reçoit temporairement l'appui de Himmler mais rompt avec lui en 1938, jugeant que les prétoriens du IIIième Reich, les SS,  sont une incarnation moderne des Männerbünde  (des associations masculines) qui ont éradiqué, par le truchement du wotanisme puis du christianisme, les cultes des mères, propres à la culture matricielle atlanto-arctique et à son matriarchat apaisant, remontant à la fin du pliocène. Arrêté par les Américains en 1945, il est rapidement relaché, les enquêteurs ayant conclu qu'il avait été un «naïf abusé». Infatigable, il poursuit après guerre ses travaux, notamment dans le site mégalithique des Externsteine dans le centre de l'Allemagne et organise pendant deux ans, de 1974 à 1976, une exposition sur les communautés préhistoriques d'Europe. Il meurt à Kusel dans le Palatinat le 16 février 1981. Sans corroborer toutes les thèses de Wirth, les recherches des Britanniques Renfrew et Hawkins et du Français Jean Deruelle ont permis de revaloriser les civilisations mégalithiques ouest-européennes et de démontrer, notamment grâce au carbone 14, leur antériorité par rapport aux civilisations égyptienne, crétoise et mésopotamienne.

 

L'ascension de l'humanité (Der Aufgang der Menschheit), 1928

 

Ouvrage majeur de Wirth, Der Aufgang der Menschheit  se déploie à partir d'une volonté de reconnaître le divin dans le monde et de dépasser l'autorité de type augustinien, reposant sur la révélation d'un Dieu extérieur aux hommes. Wirth entend poursuivre le travail amorcé par la Réforme, pour qui l'homme a le droit de connaître les vérités éternelles car Dieu l'a voulu ainsi. Wirth procède à une typologie racisée/localisée des religiosités: celles qui acceptent la révélation sont méridionales et orientales; celles qui favorisent le déploiement à l'infini de la connaissance sont «nordiques». La tâche à parfaire, selon Wirth, c'est de dépasser l'irreligion contemporaine, produit de la mécanisation et de l'économisme, en se plongeant dans l'exploration de notre passé. Seule une connaissance du passé le plus lointain permet de susciter une vie intérieure fondée, de renouer avec une religiosité spécifique, sans abandonner la démarche scientifique de recherche et sans sombrer dans les religiosités superficielles de substitution (pour Wirth: le néo-catholicisme, la théosophie ou l'anthroposophie de Steiner). Les travaux archéologiques ont permis aux Européens de replonger dans leur passé et de reculer très loin dans le temps les débuts hypothétiques de l'histoire. Parmi les découvertes de l'archéologie: les signes symboliques abstraits des sites «préhistoriques» de Gourdan, La Madeleine, Rochebertier et Traz-os-Montes (Portugal), dans le Sud-Ouest européen atlantique. Pour la science universitaire officielle, l'alphabet phénicien était considéré comme le premier système d'écriture alphabétique d'où découlaient tous les autres. Les signes des sites atlantiques ibériques et aquitains n'étaient, dans l'optique des archéologues classiques, que des «griffonnages ludiques». L'œuvre de Wirth s'insurge contre cette position qui refuse de reconnaître le caractère d'abord symbolique du signe qui ne deviendra phonétique que bien ultérieurement. L'origine de l'écriture remonte donc au Magdalénien: l'alphabet servait alors de calendrier et indiquait, à l'aide de symboles graphiques abstraits, la position des astres. Vu la présence de cette écriture linéaire, indice de civilisation, la distinction entre «histoire» et «préhistoire» n'a plus aucun sens: notre chronologie doit être reculée de 10.000 années au moins, conclut Wirth. L'écriture linéaire des populations du Magdalénien atlantique d'Ibérie, d'Aquitaine et de l'Atlas constituerait de ce fait l'écriture primordiale et les systèmes égyptiens et sumériens en seraient des dégénérescences imagées, moins abstraites. Théorie qui inverse toutes les interprétations conventionnelles de l'histoire et de la «pré-histoire» (terme que conteste Wirth). Der Aufgang der Menschheit  commence par une «histoire de l'origine des races humaines» (Zur Urgeschichte der Rassen).  Celle-ci débute à la fin de l'ère tertiaire, quand le rameau humain se sépare des autres rameaux des primates et qu'apparaissent les différents groupes sanguins (pour Wirth, le groupe I, de la race originelle —Urrasse—  arctique-nordique, précédant la race nordique proprement dite, et le groupe III de la race originelle sud-asiatique). Ce processus de différenciation raciale s'opère pendant l'éocène, l'oligocène, le miocène et le pliocène. A la fin de ces ères tertiaires, s'opère un basculement du pôle arctique qui inaugure une ère glaciaire en Amérique du Nord (glaciation de Kansan). Au début du quaternaire, cette glaciation se poursuit (en Amérique: glaciations de Günz, de l'Illinois et de l'Iowa; en Europe, glaciation de Mindel). Ces glaciations sont contemporaines des premiers balbutiements du paléolithique (culture des éolithes) et, pour Wirth, des premières migrations de la race originelle arctique-nordique vers l'Amérique du Nord, l'Atlantique Nord et l'Asie septentrionale, ce qui donne en Europe les cultures «pré-historiques» du Strépyen et du Pré-Chelléen. Le réchauffement du climat, à l'ère chelléenne, permet aux éléphants, rhinocéros et hippopotames de vivre en Europe. L'Acheuléen inaugure un rafraîchissement du climat, qui fait disparaître cette faune; ensuite, à l'ère moustérienne, s'enclenche une nouvelle glaciation (dite de Riß ou de Würm; en Amérique, première glaciation du Wisconsin). Sur le plan racial, l'Europe est peuplée par la race de Néanderthal et les hommes du Moustier, de Spy, de la Chapelle-aux-Saints, de La Ferrasie, de La Quina et de Krapina. Lors d'un léger réchauffement du climat, apparaît la race d'Aurignac, influencée par des éléments de la race arctique-nordique-atlantique, porteuse des premiers signes graphiques symboliques. C'est l'époque des cultures préhistoriques de l'Europe du Sud-Ouest, de la zone franco-cantabrique (squelette de Cro-Magnon, type humain mélangé, où se croise le sang arctique nordique et celui des populations non nordiques de l'Europe), à l'ère dite du Magdalénien (I & II). Epoque-charnière dans l'optique de Wirth, puisqu'apparaissent, sur les parois des cavernes, notamment celles de La Madeleine, de Gourdan et du Font de Gaume en France, d'Altamira en Espagne, les dessins rupestres et les premières signes symboliques. Vers 12.000 avant notre ère, le climat se réchauffe et le processus de mixage entre populations arctiques-atlantiques-nordiques et Pré-Finnois de l'aire baltique (culture de Maglemose au Danemark) ou éléments alpinoïdes continentaux se poursuit, formant les différentes sous-races européennes. La Mer du Nord n'existe pas encore et l'espace du Dogger Bank (pour Wirth, le Polsete-Land) est occupé par le peuple Tuatha, de souche arctique-nordique, qui conquiert, à l'Est, le Nord-Ouest de l'Europe et, à l'Ouest, l'Irlande, qu'il arrache aux tribus «sud-atlantiques», les Fomoriens. La Mer du Nord disparaît sous les flots et, selon la thèse très contestée de Wirth, les populations arctiques-nordiques émigrent par vagues successives pendant plusieurs millénaires dans toute l'Europe, le bassin méditerranéen et le Moyen-Orient, transmettant et amplifiant leur culture originelle, celle des mégalithes. En Europe orientale, elles fondent les cultures dites de Tripolje, Vinça et Tordos, détruisent les palais crétois vers 1400 avant notre ère, importent l'écriture linéaire dans l'espace sumérien et élamite, atteignent les frontières occidentales de la Chine, s'installent en Palestine (les Amourou du Pays de Canaan vers -3000 puis les Polasata et les Thakara vers -1300/-1200), donnent naissance à la culture phénicienne qui rationalise et fonctionnalise leurs signes symboliques en un alphabet utilitaire, introduisent les dolmens en Afrique du Nord et la première écriture linéaire pré-dynastique en Egypte (-3300), etc.

 

Pour prouver l'existence d'une patrie originelle arctique, Wirth a recours aux théories de la dérive des continents de W. Köppen et A. Wegener (Die Entstehung der Kontinente und Ozeane, 1922) et aux résultats de l'exploration des fonds maritimes arctiques et des restes de flore qu'O. Heer y a découverts (Flora fossilis artica,  Zürich, 1868-1883). A la fin du tertiaire et aux débuts du quaternaire, les continents européen et américain étaient encore soudés l'un à l'autre. La dérive de l'Amérique vers l'ouest et vers le sud aurait commencé lors de la grande glaciation du pléistocène. Le Groenland, les Iles Spitzbergen, l'Islande et la Terre de Grinell, avec le plateau continental qui les entoure, seraient donc la terre originelle de la race arctique-nordique, selon Wirth. Le plateau continental, aujourd'hui submergé, s'étendant de l'Ecosse et l'Irlande aux côtes galiciennes et asturiennes serait, toujours selon Wirth, la seconde patrie d'origine de ces populations. Comme preuve supplémentaire de l'origine «circum-polaire» des populations arctiques-nordiques ultérieurement émigrées jusqu'aux confins de la Chine et aux Indes, Wirth cite l'Avesta, texte sacré de l'Iran ancien, qui parle de dix mois d'hiver et de deux mois d'été, d'un hiver si rigoureux qu'il ne permettait plus aux hommes et au bétail de survivre, d'inondations post-hivernales, etc. La tradition indienne, explorée par Bal Gangâdhar Tilak (The Arctic Home in the Vedas, 1903), parle, elle, d'une année qui compte un seul jour et une seule nuit, ce qui est le cas au niveau du pôle. Aucun squelette de type arctique-nordique n'a été retrouvé, ni en Ecosse ou en Irlande, zones arctiques non inondées, ni le long des routes des premières migrations (Dordogne/Aquitaine, Espagne, Atlas, etc. jusqu'en Indonésie), parce que les morts étaient d'abord enfouis six mois dans le giron de la Terre-mère pour être ensuite exhumés et exposés sur une dalle plate, un pré-dolmen, pour être offerts à la lumière, pour renaître et retourner à la lumière, comme l'atteste le Vendidad iranien, la tradition des Parses et les coutumes funéraires des Indiens d'Amérique du Nord.

L'organisation sociale des premiers groupes de migrants arctiques-nordiques est purement matriarcale: les femmes y détiennent les rôles dominants et sont dépositaires de la sagesse.

 

En posant cette série d'affirmations, difficiles à étayer par l'archéologie, Wirth lance un défi aux théories des indo-européanisants qui affirment l'origine européenne/continentale des «Indo-Européens» nordiques (appelation que Wirth conteste parce qu'il juge qu'elle jette la confusion). La race nordique et, partant, les «Indo-Européens» ne trouvent pas, pour Wirth, leur origine sur le continent européen ou asiatique. Il n'y aurait jamais eu, selon lui, d'Urvolk indo-européen en Europe car les nordiques apparaissent toujours mélangés sur cette terre; les populations originelles de l'Europe sont finno-asiatiques. Les Nordiques ont pénétré en Europe par l'Ouest, en longeant les voies fluviales, en quittant leurs terres progressivement inondées par la fonte des glaces arctiques. Cette migration a rencontré la vague des Cro-Magnons sud-atlantiques (légèrement métissés d'arcto-nordiques depuis l'époque des Aurignaciens) progressant vers l'Est. La culture centre-européenne du néolithique est donc le produit d'un vaste métissage de Sud-Atlantiques, de Nordiques et de Finno-asiatiques, que prouvent les études sérologiques et la présence des symboles. Les Celtes procèdent de ce mélange et ont constitué une civilisation qui a progressé en inversant les routes migratoires et en revenant en Irlande et dans la zone franco-cantabrique, emmenant dans leur sillage des éléments raciaux finno-asiatiques. En longeant le Rhin, ils ont traversé la Mer du Nord et soumis en Irlande le peuple nordique des Tuatha, venu de la zone inondée du Dogger Bank (Polsete-Land) et évoqué dans les traditions mythologiques celto-irlandaises. L'irruption des Celtes met fin à la culture matriarcale et monothéiste des Tuatha de l'ère mégalithique pour la remplacer par le patriarcat polythéiste d'origine asiatique, organisé par une caste de chamans, les druides. Wirth se réfère à Ammien Marcellin (1. XV, c.9, §4) pour étayer sa thèse: celui-ci parle des trois races de l'Irlande: l'autochtone, celle venue des «îles lointaines» et celle venue du Rhin, soit la sud-atlantique fomorienne, les Tuatha arcto-nordiques et les Celtes.

 

Le symbolisme graphique abstrait, que nous ont laissé ces peuples arcto-nordiques, temoigne d'une religiosité cosmique, d'un regard jeté sur le divin cosmique, d'une religiosité basée sur l'expérience du «mystère sacré» de la lumière boréale, de la renaissance solaire au solstice d'hiver. Dans cette religiosité, les hommes sont imbriqués entièrement dans la grande loi qui préside aux mutations cosmiques, marquée par l'éternel retour. La mort est alors un re-devenir (ein Wieder-Werden). Le divin est père, Weltgeist, depuis toujours présent et duquel procèdent toutes choses. Il envoie son fils, porteur de la «lumière des terres», pour se révéler aux hommes. Les hiéroglyphes qui expriment la présence de ce dieu impersonnel, qui se révèle par le soleil, se réfèrent au cycle annuel, aux rotations de l'univers, aux mutations incessantes qui l'animent, au cosmos, au ciel et à la terre. L'étymologie de tu-ath  (vieil-irl.), ou de ses équivalents lituanien (ta-uta), osque (to-uto), vieux-saxon (thi-od),  dérive des racines *ti, *to, *tu  (dieu) et *ot, *ut, *at  (vie, souffle, âme).

 

Ce peuple, connaisseur du «souffle divin», soit du mouvement des astres, a élaboré un système de signes correspondant à la position des planètes et des étoiles. Les modifications de ces systèmes de signes astronomiques étaient entraînées par les mouvements des corps célestes. Toute la civilisation mégalithique, explique Wirth, avant Renfrew, Hawkins et Deruelle, procède d'une religiosité astronomique. Elle est née en Europe occidentale et septentrionale et a essaimé dans le monde entier: en Amérique du Nord, au Maghreb (les mégalithes de l'Atlas), en Egypte, en Mésopotamie et, vraisemblablement, jusqu'en Indonésie et peut-être en Nouvelle-Zélande (les Maoris).

 

(Robert Steuckers).   

         

- Bibliographie: Pour une bibliographie très complète, se référer au travail d'Eberhard Baumann, Verzeichnis der Schriften von Herman Felix WIRTH Roeper Bosch von 1911 bis 1980 sowie die Schriften für, gegen, zu und über die Person und das Werk von Herman Wirth, Gesellschaft für Europäische Urgemeinschaftskunde e.V., Kolbenmoor, 1988. Notre liste ci-dessous ne reprend que les ouvrages principaux: Der Untergang des niederländischen Volksliedes, La Haye, 1911; Um die wissenschaftliche Erkenntnis und den nordischen Gedanken, Berlin, 1929 (?); Der Aufgang der Menschheit,  Iéna, 1928 (2ième éd., 1934); Die Heilige Urschrift der Menschheit,  Leipzig, 1931-36; Was heißt deutsch? Ein urgeistgeschichtlicher Rückblick zur Selbstbestimmung und Selbstbesinnung,  Iéna, 1931 (2ième éd., 1934); Führer durch die Erste urreligionsgeschichtliche Ausstellung "Der Heilbringer". Von Thule bis Galiläa und von Galiläa bis Thule, Berlin/Leipzig, 1933; Die Ura-Linda-Chronik,  Leipzig, 1933; Die Ura-Linda-Chronik. Textausgabe (texte de la Chronique d'Oera-Linda traduit par H.W.), Leipzig, 1933; Um den Ursinn des Menschseins,  Vienne, 1960; Der neue Externsteine-Führer, Marbourg, 1969; Allmutter. Die Entdeckung der "altitalischen" Inschriften in der Pfalz und ihre Deutung,  Marbourg, 1974; Führer durch das Ur-Europa-Museum mit Einführung in die Ursymbolik und Urreligion,  Marbourg, 1975; Europäische Urreligion und die Externsteine,  Vienne, 1980.

 

- Sur Wirth: consulter la bibliographie complète de Eberhard Baumann (op. cit.); cf. également: Eberhard Baumann, Der Aufgang und Untergang der frühen Hochkulturen in Nord- und Mitteleuropa als Ausdruck umfassender oder geringer Selbstverwirklung (oder Bewußtseinsentfaltung) dargestellt am Beispiel des Erforschers der Symbolgeschichte Professor Dr. Herman Felix Wirth, Herborn-Schönbach, 1990 (disponible chez l'auteur: Dr. E. Baumann, Linzer Str. 12, D-8390 Passau). Cf. également: Walter Drees, Herman Wirth bewies: die arktisch-atlantische Kulturgrundlage schuf die Frau, Vlotho-Valdorf, chez l'auteur (Kleeweg 6, D-4973 Vlotho-Valdorf); Dr. A. Lambardt, Ursymbole der Megalithkultur. Zeugnisse der Geistesurgeschichte, Heitz u. Höffkes, Essen, s.d.       

 

 

mercredi, 07 janvier 2009

Démocratie à la russe: pouvoir et contre-pouvoir en Russie

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trouvé sur: http://polemia.com

« Démocratie à la russe : pouvoir et contre-pouvoir en Russie »

Par Jean-Robert Raviot

 

« Démocratie à la russe » est un ouvrage passionnant. Jean-Robert Raviot, maître de conférences à Nanterre et à Sciences-Po, y procède à un froid décryptage de la vie politique russe. Avant de nous livrer à une comparaison décapante avec la « démocratie à l’européenne », livrons-nous à quelques explications :

En moins de vingt ans la Russie est passée du « parlementarisme balbutiant de la fin de l’empire » à la « démocratie présidentialiste post-soviétique » (1) et les Russes sont rapidement devenus des adeptes de l’ « athéisme démocratique » (2), sceptiques sur les élites qui les représentent.

Le nombre des partis siégeant au Parlement n’a cessé de se réduire : dix dans la chambre élue le 12 décembre 1993 ; quatre seulement dans la Douma d’Etat élue le 2 décembre 2007.

Le vote « de conviction » ou « d’élimination » qui marquait les scrutins du début des années 1990 a cédé la place à un vote « clientéliste » et d’ « allégeance » (3), un « vote d’allégeance » qui s’est porté, en 2007, à 70% sur Russie Unie, la grande force centrale, « centriste », qui a émergé, puis s’est imposée, comme force dominante en renvoyant sur les marges extrêmes les libéraux et les communistes.

Pour Russie Unie, « la démocratie est au service de la souveraineté nationale et de la puissance » (4) ; la démocratie vise moins à « être représentative que constructive ».

C’est ainsi que la Russie est devenue avec Russie Unie un pays à parti dominant. Cette situation était déjà connue auparavant dans d’autres pays réputés démocratiques tels que le Japon, avec le Parti libéral-démocrate depuis 1945, Taiwan, avec le Kouo-Min-Tang de 1950 à 1991, le Mexique, avec le Parti révolutionnaire institutionnel de 1930 à 2003, et la Suède, avec le Parti social démocrate de 1932 à 1976.

Bien sûr, la tentation est grande dans les médias occidentaux de condamner l’évolution de la Russie dont la vie politique s’éloignerait à leurs yeux de l’idéal type de la démocratie. Jean-Robert Raviot ne cède pas à ce confort intellectuel facile. Bien au contraire, il se plaît à souligner – horresco referens – les points de convergence entre la démocratie post-soviétique et la post-démocratie européenne :

– l’inégalité d’accès aux grands médias ;
– la vie politique qui se transforme en feuilleton télévisé à épisodes ;
– le débat politique simplifié à l’extrême et n’ayant qu’une incidente réduite sur la délibération ;
– le changement des modes de scrutin ;
– la lutte contre l’ « extrémisme » pour mobiliser ses partisans et déconsidérer son opposition : certes, en Russie ce sont les « libéraux » qui jouent le rôle d’ « extrémistes » dévolu en Occident aux « nationaux », mais la mécanique de manipulation de l’opinion est la même ;
– la dictature du politiquement correct même si le politiquement correct n’est pas le même à l’est et à l’ouest : c’est le patriotisme en Russie (Russie Unie se définit comme « le parti de la réussite, du redressement national ») ; c’est le mondialisme et l’antiracisme en Occident (où l’on veut construire « une humanité hors sol et hors histoire », selon Marcel Gauchet) ;
– des procédures électives qui dans les faits visent moins à permettre au peuple de choisir ses dirigeants qu’à assurer une légitimité à l’élite au pouvoir.

A rebours du « démocratiquement correct », Jean-Robert Raviot estime finalement que loin « d’accuser un quelconque retard la Russie post-soviétique est au contraire en avance sur son temps » (5). Et d’enfoncer ainsi le clou : « Le vernis de la modernité démocratique triomphante craque et les innombrables faux-semblants politiques de l’Occident apparaissent en pleine lumière. Aux Etats-Unis, le césarisme et le népotisme, qui constituent depuis toujours la part d’ombre du système politique, se manifestent avec une évidence sans pareille. Le « phénomène bureaucratique » se déploie avec un systématisme presque caricatural dans la « construction européenne ». Les préceptes du « politiquement correct » ont partout pris les apparences d’une nouvelle religion civile officielle. Les clientélismes de toute nature semblent constituer les vrais arcanes de la décision politique. La connivence des fortunes privées et des pouvoirs publics semble devenir la règle et la possession d’un patrimoine important est la clef du succès d’un nombre croissant d’entreprises de conquête du pouvoir politique. Enfin, l’impératif de sécurité est invoqué à l’appui de dispositions généralement plébiscitées qui substituent progressivement un état d’exception permanent à l’ordre constitutionnel. A l’heure où les recettes de la « gouvernance » se substituent à l’art du gouvernement des hommes, « la démocratie occidentale redescend du piédestal sur lequel l’histoire de l’après-1945 l’avait placée dans une comparaison, forcément avantageuse, avec les totalitarismes national-socialiste et communiste (6) ».

Les Occidentaux jugent sévèrement la démocratie à la russe au regard de l’idéal démocratique. Mais la démocratie à la russe renvoie en miroir à l’Occident la vision de sa propre réalité, toujours plus éloignée des grands principes censés la fonder.

Et pourtant l’Occident continue à s’ériger en donneur de leçons alors même qu’il est plus que douteux que les chefs politiques occidentaux bénéficient auprès de leur peuple d’une estime et d’une popularité réelles aussi flatteuses que celles dont bénéficient Vladimir Poutine et Dimitri Medvedev !

Guillaume Bénec’h
Polémia
08/12/08

(1 « Démocratie à la Russe », p. 5.
(2) Op. cit., p. 8.
(3) Op. cit., p. 48.
(4) Site Internet de Russie Unie, cité dans « Démocratie à la russe », p. 10.
(5) Op. cit., p. 118.
(6) Ibid.Jean-Robert Raviot,  « La Démocratie à la russe », Ellipses, avril 2008, 160 p., 17,10 euros.

 

Guillaume Bénec’h

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"Danseuse" par Arno Breker

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Walter Flex: une éthique du sacrifice au-delà de tous les égoïsmes

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Robert STEUCKERS:

Walter Flex: une éthique du sacrifice au-delà de tous les égoïsmes

 

Né à Eisenach en 1887, Walter Flex a grandi dans une famille de quatre garçons: son frère aîné, Konrad, qui a survécu à la tourmente de la guerre, et deux cadets, Martin, qui mourra des suites de ses blessures et d'une pneumonie en 1919, et Otto, qui tombera en France en 1914. Son père décèdera en juillet 1918 et sa mère en octobre 1919. Konrad Flex, seul survivant de cette famille unie, préfacera en 1925 les deux volumes des œuvres complètes de son frère. Le père Rudolf Flex était un grand admirateur de Bismarck; esprit religieux, mais éloigné des églises, il est un croyant plus ou moins panthéiste, proche de la nature, qui s'engage résolument dans un combat politique national-libéral, pétri de l'esprit du «Chancelier de Fer». A l'occasion, Rudolf Flex rédige des poèmes ou des petites pièces de théâtre d'inspiration nationale, que jouent en partie sa propre femme et ses enfants. Homme du peuple, issu de lignées de paysans et d'artisans, parfaitement au diapason de ses concitoyens, Rudolf Flex s'intéresse au dialecte d'Eisenach, sur lequel il publie deux petits travaux de philologie. Sa mère, née Margarete Pollack, lui transmet un héritage plus précis, bien qu'hétérogène à première vue: enthousiasme pour l'aventure prussienne et l'éthique qui la sous-tend, religiosité encadrée par l'église évangélique, culte du premier empereur Hohenzollern. Dans la transmission de cet héritage, explique Konrad Flex, il n'y a aucune sécheresse: Margarete Pollack-Flex possède les dons de l'imagination et de la narration, assortis d'une bonne culture littéraire. La mère des quatre frères Flex a de nombreuses activités publiques dans les œuvres de bienfaisance de la ville d'Eisenach, notamment dans les associations caritatives placées à l'enseigne du roi de Suède, Gustave-Adolphe, champion de l'Europe septentrionale protestante au XVIIième siècle. Cet engagement social dans le cadre protestant-luthérien montre l'impact profond de ce protestantisme national dans le milieu familial de Walter Flex. Les associations caritatives protestantes tentaient de faire pièce à leurs équivalentes catholiques ou socialistes. Pendant la guerre, Margarete Pollack-Flex s'est engagée dans les associations qui venaient en aide aux soldats revenus du front.

 

Konrad Flex conclut: «L'intérêt pour les choses de l'Etat et pour l'histoire, la volonté d'œuvrer dans les affaires publiques, la volonté de créer une œuvre littéraire, de dominer la langue par la poésie, l'humour, le talent d'imiter les paroles des autres et le sens des arts plastiques sont des qualités que Walter Flex a essentiellement hérité de son père; en revanche, sa mère lui a légué cette pulsion décidée et consciente d'accomplissement de soi et de négation de soi dans un cadre éthique, un sens aigu de l'observation de soi, l'imagination, le talent narratif, la pensée abstraite, un intérêt fort motivé pour la philosophie et, dans une moindre mesure, le souci des questions sociales».

 

Le jeune Walter Flex rédigera très tôt, à onze ans, ses premiers poèmes et sa première pièce de théâtre. Son tout premier poème fut rédigé à l'occasion du décès du Prince Bismarck. Pendant la guerre des Boers, il a pris passionnément le parti des colons hollandais, allemands et huguenots en lutte contre l'armée britannique. Ce sera encore l'occasion de quelques poèmes. A dix-sept ans, une petite pièce de théâtre, intitulée Die Bauernführer (Les chefs paysans) est jouée dans son Gymnasium et connaît un indéniable succès. Un peu plus tard, le lycéen Walter Flex rédige un drame plus élaboré, Demetrius,  basé sur une des thématiques les plus poignantes de l'histoire russe, débutant par la mort mystérieuse de Dmitri, fils d'Ivan le Terrible, vraisemblablement assassiné; à la suite de la mort de ce dernier descendant direct du chef varègue Rurik, trois faux Dmitri revendiquent successivement le trône occupé par Boris Goudounov, plongeant la Russie dans une suite ininterrompue de guerres civiles au début du XVIIième siècle. La version définitive de ce drame de Walter Flex ne paraîtra que quelques années plus tard, quand il sera à l'université. Le Théâtre de la Ville d'Eisenach le jouera en 1909.

 

Après le Gymnasium, il étudiera la philologie germanique et l'histoire à Erlangen et à Strasbourg entre 1906 et 1910. Pendant ses années d'études, il adhérera à une corporation d'étudiants, la Bubenruthia. Malgré un handicap à la main droite, qui le forçait à être gaucher, il était bon en escrime et redouté par ses challengeurs dans les duels traditionnels des étudiants allemands (la Mensur). Le 31 octobre 1910, il défend son mémoire sur «le développement de la problématique tragique dans les drames allemands sur la thématique de Demetrius, de Schiller à aujourd'hui».

 

De 1910 à 1914, il deviendra le percepteur des enfants de la famille Bismarck. D'abord de Nicolas de Bismarck, puis de Gottfried et Wilhelm. Outre cette fonction de précepteur, il assume la tâche de ranger et de classer les archives de la famille. Ce qui lui donne l'occasion de rédiger sa nouvelle historique Zwölf Bismarcks  (= Douze Bismarcks) et sa tragédie Klaus von Bismarck.  Ces ouvrages paraissent en 1913; la tragédie est jouée la même année au Théâtre de la Cour à Cobourg en présence du Duc. Ces récits sont pour l'essentiel pure fiction; il ne s'agit donc pas d'une chronique sur la famille Bismarck mais l'intention de l'auteur est de camper des profils psychologiques, qui affrontent le réel, le modèle selon leurs canons éthiques, politiques ou esthétiques ou connaissent l'échec en restant stoïques. En 1913, il publie également Die evangelische Frauenrevolte in Löwenberg (La révolte protestante des femmes à Löwenberg), au profit de la Gustav-Adolf-Frauenverein (Association féminine Gustav-Adolf) que présidait sa mère.

 

Ensuite Walter Flex devient précepteur des enfants du Baron von Leesen à Retchke en Posnanie. C'est là qu'il se trouve quand éclate la guerre en août 1914; il se porte tout de suite volontaire, en dépit de sa légère infirmité à la main droite qui l'avait auparavant dispensé du service militaire. Armé de ses convictions éthiques et stoïques, il se jure de mobiliser tous ses efforts pour vaincre les résistances du terrain, de la souffrance, de ses faiblesses physiques. Il demande à servir dans l'infanterie. Soldat-poète, ses vers enthousiasmeront ses contemporains, engagés sur tous les fronts d'Europe. Walter Flex combattra d'abord sur le front occidental, dans la Forêt d'Argonne. C'est le 3 octobre 1914 qu'il pénètre sur le territoire français avec son régiment. Il écrit, le 5, à ses parents: «Au moment où, avant-hier, nous franchissions la frontière française, il y avait un magnifique clair de lune à trois heures du matin. Nous pensions à la scène du Serment de Rütli dans le récit de Guillaume Tell et nous nous en sommes réjouis. Hier nous avons eu une longue marche, que je n'ai pas trouvé extraordinaire; nous avons pris nos quartiers de nuit dans la paille d'une écurie: au-dessus de nous un ciel tout éclairé par la lune que nous contemplions à travers le trou percé dans le toit par un obus. Du côté des hauteurs devant nous, vers lesquelles nous marchions, nous entendions le fracas des canons et le crépitement des fusils. Pendant la nuit nous pouvions apercevoir le bombardement de Verdun. Au-dessus des collines, des ballons captifs. Hier soir, j'ai passé la soirée autour d'un feu avec trois femmes françaises, heureuses d'entendre quelqu'un leur parler dans leur langue; elles me répétaient sans cesse: nous aussi nous serons Allemands».

 

Le 7 octobre, toujours dans une lettre à ses parents, sa philosophie générale de la guerre se précise: «Nos souffrances sont très grandes, mais c'est un sentiment sensationnel d'engager ses forces dans la lutte de notre peuple pour son existence». Quelques jours plus tard: «Le froid des nuits dans les hauteurs ardennaises nous transperce les os quand on est couché en plein champ ou dans les tranchées. Malgré cela, c'est un sentiment extraordinaire de se sentir membre de cette fraternité de fer qui protège notre peuple». Jamais la tendresse n'est absente quand il écrit à sa mère: «Très chère maman! Hier je t'ai envoyé trois violettes cueillies devant nos tranchées, et la première chose que je reçois aujourd'hui et qui m'illumine de joie, c'est ton cher courrier de campagne qui contient trois petites violettes d'Eisenach. N'est-ce pas l'adorable symbole de notre communauté de cœur?». A la veille de Noël, le 17 décembre 1914, nous trouvons cette première réflexion importante sur la mort, suite à la disparition de son jeune frère Otto: «Je pense que, réunis tous en cette veillée sacrée à Eisenach, vous lirez ma lettre. Pour nous tous, c'est un jour grave, difficile, mais qui reste beau tout de même. Comme moi, vous penserez à notre Petzlein (= Otto) et à toutes les touchantes transformations qu'a connues ce jeune être de vingt ans, vous penserez tantôt au bambin en tablier tantôt au jeune randonneur aux yeux graves, intelligents et bons, et il sera presque vivant au milieu de la pièce où vous célèbrerez la Noël. Mais ces souvenirs ne doivent pas nous affaiblir. Nous devons rester modestes et savoir que, nous les vivants, ne pourrons jamais voir, avec nos sens amoindris et malhabiles, la dernière et sans doute la plus belle des mutations de l'être aimé, mutation qui l'a arraché à notre cercle et l'a placé au-dessus de nous, sans pour autant mettre fin aux effets qu'il suscite encore en nous et par nous. Sans doute ceux que nous appelons les morts ressentent-ils l'état dans lequel nous nous trouvons, nous, les vivants, comme un état antérieur à la naissance et ils attendent que nous venions, après eux, à la vraie vie. La mort et la naissance ne me semblent pas être en opposition, mais sont comme des stades supérieur et inférieur dans le développement de la vie... Ceux qui sont tombés pour le soleil de leur terre et pour protéger la joie des générations futures ne veulent pas que nous les trahissions par des deuils qui ne sont indices que de nos faiblesses, des deuils qui ne pleurent que la part que nous aurions pu avoir dans les moissons de leur vie. Une douleur sans limite est si terne, si dépourvue de vie, alors que nos chers morts sont tombés pour que nous soyions forts en nos cœurs et en nos œuvres. Nous n'avons pas le droit de regarder l'éclat des bougies de Noël avec les yeux embués de larmes, parce qu'elles nous renvoient comme le reflet d'une âme aimée, lointaine mais tout de même si proche!...».

 

Au printemps de 1915, Walter Flex est envoyé au Warthelager (Le Camp de la Warthe), pour y subir une formation d'officier. C'est là qu'il rencontrera Ernst Wurche. L'été venu, le climat plus clément, Walter Flex écrit à ses parents, le 2 juin, cette lettre qui exprime la joie de la vie militaire en campagne sur le Front de l'Est, avec des mots d'une simplicité qui étonne, où l'éternité des choses de la nature semble primer par rapport au cataclysme guerrier qui embrase l'Europe d'Ouest en Est. Cette lettre du 2 juin 1915 est aussi la première qui fait mention de Wurche: «C'est en direction de cette languette de terre, à l'Ouest [du Lac Kolno], que j'ai commandé une patrouille il y a quelques jours; j'ai brisé la résistance d'un détachement russe de 23 hommes avec mes quatre gaillards; j'ai personnellement capturé un Yvan dans le marais; il nous a communiqué des renseignements intéressants. Le pistolet Mauser qui j'ai acheté avec notre chère maman m'a donc porté bonheur. Je me sens très heureux dans ma nouvelle position et, sans doute, ce moment est-il le plus heureux de ma vie. Cette nuit, j'ai occupé une nouvelle position avec mon peloton; elle doit encore être aménagée. Je viens d'instruire mon état-major de chefs de patrouille des plans de travail et j'ai réparti les postes. Dans mon dos, il y a un petit pavillon d'été non encore entièrement construit, que je pourrai sans doute occuper dès demain. Cette nuit, j'ai servi de pâture aux moustiques dans la forêt. Parmi mes hommes, il y a beaucoup de gars bien, utilisables, beaucoup sont de Rhénanie et, quand ils parlent, ils me rappellent Bonn et notre cher Petzlein. Mon ordonnance Hammer est lui aussi Rhénan, c'est un garçon jardinier fort habile qui aménage tout autour de moi avec grand soin et beaucoup de complaisance. Un jour, il m'a dressé une table de jardin sous de hauts sapins, et c'est là que je suis en ce moment et que je vois le soleil et les moustiques jouer au-dessus du marais et de la forêt...  Avec moi, il y a un Lieutenant issu de Rawitsch  —Wurche—  détaché par les “50” à la même compagnie, c'est un fameux gaillard, dont j'apprécie beaucoup la présence. Ne vous faites pas de souci pour moi. J'aime vous raconter des petites choses et d'autres sur mon vécu quotidien et je sais que je puis le faire sans vous inquiéter».

 

Le 24 août, Flex a le pénible devoir d'envoyer une lettre aux parents du Lieutenant Wurche, annonçant la mort de leur fils au combat. «Jamais je n'ai tant eu de peine à écrire une lettre mais j'ai demandé au chef de compagnie de votre cher fils de me permettre d'être le premier à vous écrire et à vous dire ce que Dieu vient d'infliger à votre famille. Car je voulais que l'annonce de la mort héroïque de votre garçon, si formidable, si bon, soit faite par un homme qui l'aimait. Depuis la mort de mon propre frère cadet, il y a presque un an, rien ne m'a touché aussi profondément que la mort de votre fils, mon excellent ami, de cet homme fidèle et droit, chaleureux et sensible à l'égard de tout ce qui est beau et profond. Mais permettez-moi de vous dire que, après sa mort, quand je me suis agenouillé pour prendre longuement, silencieusement, solitairement congé de lui, et que j'ai regardé son visage pur et fier, je n'ai eu qu'un seul souhait pour ses parents: s'ils pouvaient le voir couché comme je le vois, ils accepteraient plus sereinement leur douleur. En effet, leur fils Ernst avait toujours su susciter de la joie en mon cœur le plus profond parce que ses sentiments étaient toujours d'une exceptionnelle clarté, parce qu'il ignorait la peur qui tenaille si souvent les hommes et parce qu'il était toujours prêt en son âme à accepter tous les sacrifices que Dieu et sa patrie lui auraient demandés. Et le voilà étendu devant moi, il avait consenti au sacrifice suprême et ultime et sur ses traits jeunes, je lisais l'expression solenelle et formidable de cette sublime disposition d'âme, de ce don de soi, reposant dans la volonté de Dieu. Nous, votre cher fils et moi-même, nous nous trouvions la nuit dernière, chacun à la tête de nos services de garde respectifs, séparés par une distance d'environ trois kilomètres, sur les hauteurs bordant le lac, à Simno, à l'Ouest d'Olita. Soudain, le téléphone de campagne de la dixième compagnie, à laquelle il avait été très récemment affecté, m'apprend que le Lieutenant Wurche est tombé face à l'ennemi en effectuant sa patrouille. J'ai attendu, le cœur complètement déchiré, pendant toute cette longue nuit, parce que je ne pouvais pas abandonner mon poste, et, enfin, peu après quatre heures du matin, à bord d'une charrette russe, j'ai pu me rendre à Posiminicze, où il était basé en tant que responsable de la garde et où l'on avait ramené son corps. Une main devait l'amener au repos éternel, une main appartenant à quelqu'un qui l'aimait d'un amour fraternel, sans qu'il n'en soit sans doute entièrement conscient. C'est alors que je me suis trouvé devant lui, que j'ai vu la fierté tranquille et la paix dominicale de son visage pur et que j'ai eu honte de ma douleur et de mon déchirement.

 

Ernst était parti en patrouille pendant la nuit, pour aller voir à quelle distance s'étaient retirés les Russes qui fléchissaient et abandonnaient les positions qu'ils occupaient face à nous. Il a rampé seul, selon son habitude de chef de s'engager toujours en tête, il a avancé ainsi à 150 mètres devant ses hommes face à une position russe, dont ne ne savions pas si elle était encore occupée ou non. Une sentinelle ennemie l'a remarqué et a aussitôt fait feu sur lui. Une balle lui a traversé le corps, en lacérant plusieurs grosses veines, ce qui a provoqué la mort en peu de temps. Ses hommes l'ont ramené de la ligne de feu. Quand ils le portaient, l'un d'eux lui a demandé «Ça va ainsi, mon Lieutenant?». Il a encore pu répondre, calme comme toujours, «Bien, très bien». Il a alors perdu connaissance, et est mort sans souffrir.

 

Ce matin, je me suis hâté d'arriver à Posiminicze, afin de faire préparer sa tombe de héros, sous deux beaux tilleuls dressés devant une ferme lettone, se trouvant dans un petit bois à l'Ouest du Lac de Simno. Dans la tombe toute bordée de verdure, je l'ai fait descendre, portant tout son équipement d'officier, avec son casque et sa baïonnette; dans la main je lui ai glissé une grande tige de tournesol, avec trois belles fleurs dorées. Sur le petit monticule recouvert de gazon, se dressent une autre fleur de tournesol et une croix. Sur celle-ci figure l'inscription: “Lieutenant Wurche, R.I. 138, mort pour la patrie, le 23.8.1915”. Enfin, sur la croix, j'ai accroché une couronne tressée de cent fleurs aux couleurs éclatantes; pour la confectionner, ses hommes ont pillé tous les parterres des paysans lettons. Votre Ernst repose dans la plus belle tombe de soldat que je connaisse. Devant la tombe ouverte, j'ai récité un “Notre Père”, dont les paroles se sont noyées dans mes larmes, et j'ai jeté les trois premières poignées de terre sur lui, ensuite, ce fut le tour de sa fidèle ordonnance, puis de tous les autres. Ensuite, j'ai fait fermer et décorer la tombe, comme je vous l'ai décrite. J'ai demandé à un dessinateur, que j'ai fait venir de ma propre compagnie, de réaliser pendant la cérémonie un petit dessin du modeste tumulus sous lequel repose notre héros. Je vous le ferai parvenir dès qu'il sera possible de faire ce genre d'envoi, avec une esquisse en forme de carte indiquant le lieu, de même que ses objets de valeur. Je demande à notre compagnie de vous faire parvenir, à votre adresse, ses affaires personnelles. Je dois cependant vous dire que de tels envois venus du front demandent souvent beaucoup de temps. Mais vous recevrez assez vite le dessin de sa tombe, du moins si Dieu me laisse la vie. Comme l'ordre de marche vient d'arriver par le téléphone de campagne, je dois partir au galop jusqu'à mon poste de garde et m'élancer, à la tête de ma compagnie, à la poursuite de l'ennemi qui recule. Nous allons emprunter le chemin qu'il a découvert en fidèle éclaireur avec sa patrouille au sacrifice de sa vie. Maintenant, nous nous terrons dans une ferme que les Russes bombardent au shrapnel et nous attendons les ordres de la division. Je profite de ce bref répit qui me reste, pour vous écrire ce message de deuil sur ces fiches de rapport (c'est le seul papier que j'ai sur moi). Que Dieu donne à vos cœurs de parents une parcelle de la force et de la fierté de son âme héroïque! Croyez-moi, donnez-lui ce dernier témoignage d'amour, en acceptant sa mort comme il en a été digne, et comme il l'aurait souhaité! Que Dieu permette que ses frères et sœurs, à qui il vouait un grand amour fraternel, grandissent pareils à lui en fidélité, en bravoure, avec une âme aussi vaste et aussi profonde que la sienne! Avec mes sentiments les plus respectueux. Dr. Walter Flex, Lieutenant de réserve».

 

Dans une lettre à ses propres parents, le 29 août, il fait un récit plus concis de la mort de son camarade, mais exprime aussi d'autres sentiments, impossibles à dire au père et à la mère de Wurche, dans une première lettre de circonstance: «Wurche est mort. Il est tombé lors d'une reconnaissance audacieuse, en commandant un poste de garde à Posiminicze sur les rives du Lac Simno. Moi, j'étais de garde à Zajle  —à cinq kilomètres de là—  et j'ai appris la nouvelle par le téléphone de campagne et je n'ai pu me rendre auprès de lui que le matin, car je ne pouvais pas abandonner mon poste. A cinq heures, notre bataillon devait reprendre la marche et je n'ai donc eu qu'une heure et demie pour le voir une dernière fois et le faire enterrer. J'ai dû, revolver au poing, forcer un paysan à atteler un équipage et à me conduire à travers champs à P. J'ai enterré ce fidèle compagnon entre deux tilleuls et j'ai placé entre ses mains une fleur de tournesol aussi haute qu'un homme, avant qu'on ne le descende dans la tombe. Ses derniers mots, avant de partir pour son poste de garde, ont été: «Flex, revenez donc encore me voir à P.!». Je lui ai répondu que moi aussi j'étais de garde. Mais je suis tout de même retourné à P.! La mort de Wurche, je l'ai ressentie comme une deuxième mort de Petzlein, à qui il ressemblait beaucoup, par sa jeunesse, son idéalisme, sa pureté  —lui aussi était Wandervogel!—. Mais cette douleur-là élargit aussi les horizons du cœur, qui refuse désormais de s'imposer des exigences [individuelles] et bat désormais au même rythme que celui du peuple. Sa montre fonctionnait encore, quand je la lui ai enlevée. Je la prend souvent dans le creux de la main et je sens cette douce et lente pulsation de vie, que ses propres mains ont impulsée. Ne croyez pas que je sois triste, j'ai désappris la tristesse. A côté de la volonté et du don de soi, il n'y a plus de place pour ce sentiment-là...».

 

Dans une lettre du 4 novembre 1915, adressée à son père seul, le ton est plus philosophique, plus dur aussi, comme si Walter Flex tentait d'épargner à sa mère, qu'il adorait, des récits qui auraient pu accroître son chagrin et son inquiétude: «... Nous sommes tous devenus bien différents parce que nous avons vécu des moments que nul mot humain ne peut exprimer, nous sommes devenus plus riches, plus graves, et les souhaits que nous nous formulons dépassent le niveau purement personnel et se portent sur des choses qui se trouvent certes en nos propres cœurs mais s'élèvent quand même bien au-dessus de nous. Les désirs pressés, exprimant l'espoir de se revoir bientôt pendant assez longtemps, s'estompent pour faire place à des désirs tenaces, que nous cultivons en nous, auxquels nous préparons nos âmes, le désir d'arriver enfin à réaliser les objectifs que s'est donnée la patrie. C'est avec ce qui est arrivé ce matin que mon cœur s'est renforcé dans ce sens, avec beauté et gravité. Lors d'une patrouille, un homme de ma compagnie a reçu une balle dans l'articulation de la hanche, la blessure était très sérieuse. Avec quelques hommes munis d'une toile de tente, je suis sorti pour le ramener dans nos positions. Le pauvre gars était exposé aux vents du nord-est et à une neige mordante, complètement désemparé, et il perdait beaucoup de sang. Il appartenait à la réserve la plus récente qui était arrivée en septembre seulement. Je lui ai demandé: «Alors, mon garçon, vous souffrez beaucoup?» - «Non, mon Lieutenant!», soupira-t-il en serrant les dents, «mais... mais... cela me fait enrager que le gars d'en face m'ait eu ainsi!» - «Quoi!», lui répondis-je, «quand on a fait son devoir aussi bien que vous, on a le droit de passer quelques bonnes semaines dans un beau lit tout blanc à l'hôpital de campagne allemand» - «Mais mon Lieutenant», me répondit ce brave garçon en avalant sa colère et en se raidissant, «je ne suis au front que depuis quelques semaines et je dois déjà partir!». Il a haleté brièvement et s'est mis à pleurer de colère, et les larmes coulaient sur son visage sale. Croyez-moi, une telle attitude est rare malgré les idées reçues qui nous évoquent l'impavide héroïsme de la multitude. Mais rien que le fait que cela arrive tout de même, est une grande et belle chose, et ce courageux petit bonhomme mérite bien de s'en sortir... Nos hommes endurent des privations, des souffrances et des peines indescriptibles, mais seul a de la valeur et du poids ce qu'ils font et supportent volontairement, en faisant fièrement et en toute conscience le don de leurs propres personnes...».

 

En décembre 1915, Walter Flex écrit deux lettres qui précisent encore sa vision de la vie, comme “pont entre deux mondes”, thématique essentielle de Der Wanderer zwischen beiden Welten. La première de ces lettres date du 16 décembre, est adressée aux parents de Wurche et a été rédigée lors d'une permission à Eisenach: «... J'ai oublié de vous dire quelque chose. Votre Ernst avait souvent l'habitude de dire, quand nous parlions de nos soldats morts au combat: «La plus belle chose que l'on puisse dire sur la mort en héros, c'est ce qu'a dit un Pasteur quand son propre fils est tombé: «Quoi qu'il ait pu réaliser dans sa vie, il n'aurait jamais pu atteindre quelque chose d'aussi haut». Cette vision, si belle et si sublime, que cultivait votre cher fils, doit avoir le pouvoir de vous réconforter, vous aussi».

 

La seconde date du 25 décembre, est adressée à un ami et nous révèle les premières intentions de l'auteur, d'écrire le livre qui le rendra immortel: «Enfants, nous avions chacun une branche à nous sur l'arbre de Noël, où brûlait une bougie que nous réétoffions sans cesse jalousement à l'aide de la cire qui coulait, afin qu'elle soit la dernière à brûler. Hier soir, lorsque je regardais scintiller notre petit arbre russe dans mon abri souterrain gelé, chaque petite bougie semblait avoir un nom. J'étais aux côtés de beaucoup d'êtres que j'avais aimés, et quand la dernière bougie s'est éteinte, j'étais assis dans un cercle formé de beaucoup de morts. Petzlein était près de moi, ainsi qu'un ami, Ernst Wurche, que j'ai connu et perdu à la guerre et que j'ai enterré près de Posiminisze. Dans les moments où les morts sont si proches de moi, je me sens bien, et seule la compagnie des vivants m'apparaît étroite. Fidèle, tu m'écris si souvent; ne sois pas fâché si je t'écris plus rarement; je ne suis pas moins cordial à l'égard du seul vivant qui me reste. Mais la compagnie des morts fait que l'on devient plus tranquille et que l'on se contente de penser aux uns et aux autres. Les quelques mots que l'on jette sur le papier semblent si pauvres et si démunis à côtés des relations si vivantes que l'on peut entretenir dans nos rêves et nos souvenirs...  La plupart des gens ne valent pas grand'chose; si nos pensées s'occupent trop de cette multitude, ne fût-ce que par colère et par rejet, nos souvenirs ne sont plus qu'un fatras hétéroclite. Il ne faut pas que cela soit ainsi. Le divin est dans l'homme comme l'oiseau niche dans une haie d'épines, il ne faut qu'écouter son chant et ne pas regarder les épines. Les yeux, les oreilles et les lèvres doivent se fermer devant toutes les petites mesquineries, laideurs et misères, et l'âme toute entière doit se consacrer aux moments, aux choses et aux personnes qui nous révèlent le beau: voilà tout l'art de la vie. Ernst Wurche, que j'ai évoqué dans quelques-unes des lettres que je t'ai écrites, avait une manière si fine, si exemplaire, de passer à côté de toutes ces laideurs humaines, il en riait et récitait son petit vers de Goethe favori: “Voyageur, c'est contre cette misère-là que tu veux t'insurger? Tourbillon, étron séché, laisse le virevolter, se pulvériser!”. L'immense fatigue physique et nerveuse est passée, dès que nous avons repris la guerre de mouvement; je suis sur le point d'écrire mes souvenirs d'Ernst Wurche et toutes mes expériences de la guerre deviendront ainsi le vécu de cet homme tout de beauté et de richesse d'âme...».

 

A Mazuti, le 11 mars 1916, Walter Flex écrit à sa correspondante Fine Hüls, jeune femme du mouvement Wandervogel, une lettre dans laquelle sont précisées ses intentions de consacrer un livre à Ernst Wurche: «Je me suis mis depuis plusieurs semaines à un travail, auquel je consacre mes meilleurs instants et qui résumera mes souvenirs d'un ami tué au combat. Lui aussi était un Wandervogel et je puis dire déjà que mon travail fera ressortir de la manière la plus vivante qui soit l'esprit du Wandervogel, sublime et illuminant, tel qu'il m'est apparu chez ce garçon. Car c'est cet esprit-là dont l'Allemagne aura besoin dans l'avenir. Moi même, je n'ai jamais été Wandervogel, mais mon jeune frère l'était, et j'ai habité pendant de longs mois le même abri souterrain avec l'autre [Wandervogel que j'ai connu], le mort sur qui je vais écrire [mon livre]...».

 

Le 14 mars 1916, toujours à Mazuti, Walter Flex écrit à son frère et précise plus nettement encore ses intentions quant au livre qu'il prépare et rédige sur la figure sublime du Wandervogel  Ernst Wurche. Outre des réflexions philosophiques intenses, simples, essentielles pour entrevoir la première mouture de son ouvrage en gestation, la lettre révèle qu'il a toujours caché à ses parents, et surtout à sa mère, les vraies horreurs du quotidien de la guerre, horreurs qu'il accepte avec un remarquable et admirable stoïcisme, parce, comme toute souffrance, ou toute maladie, elle construit la personnalité: «...Plus cette guerre durera, plus elle prendra des formes destructrices, et il serait effronté de calculer et de songer à mener sa petite mission dans ce grand jeu, tout en espérant échapper à la mort. En disant cela, je ne cherche pas à te faire peur  —bien sûr, ne montre pas cette lettre à nos parents—  mais je veux tout simplement te signaler des évidences que tout officier d'infanterie te confirmera et qui, personnellement, ne m'inquiètent pas le moins du monde, sauf quand je pense à notre maison. Mon grand ami Ernst Wurche m'a un jour dit à peu près ce qui suit: «Si [nous savons que] le sens et le but de la vie humaine sont de parvenir au-delà de la forme humaine, alors nous avons déjà accompli notre part dans le [grand processus] de la Vie, et quelle que soit la fin qui nous advienne aujourd'hui ou demain, nous savons davantage que le centenaire ou le sage. Personne n'a jamais vu tomber autant de masques, de coquilles vides, vu autant de bassesse, de lâcheté, de faiblesse, d'égoïsme, de vanité, vu autant de dignité et de noblesse d'âme silencieuse que nous. Nous n'avons plus grand'chose à exiger de la vie: elle nous a davantage révélé qu'à d'autres, et au-delà de cela il n'y a pas d'exigence humaine [à formuler]; attendons calmement, ce que la vie va nous demander. Si elle nous demande tout, alors qu'elle nous a tout de même déjà tout donné, les factures s'équilibrent». Ces paroles proviennent de la dernière conversation tranquille que j'ai eue avec Wurche; elles ne me quittent plus, elles sont si vraies, un profane resté en dehors de cette guerre peut à peine les comprendre et les sentir, mais ce n'est pas une phrase creuse que je t'écris quand je te dis qu'en ce qui concerne ma personne, je suis totalement serein. Mais peut-être qu'une tâche t'attend, surtout à l'égard de maman, dont je ne peux guère mesurer l'ampleur. Nous devons être capables de parler de cela en adultes et en toute sérénité, sans nous émouvoir. Je pense que tu dois te préparer et t'armer à l'avance pour affronter cette tâche, si elle t'échoit. Savoir comment tu la mèneras à bien, est ton affaire...».

 

Sa philosophie éthique se précise encore plus nettement dans une lettre du 28 avril 1917 à Fine Hüls: «Je me suis porté volontaire avec quelques camarades, parmi lesquels un vieux major, un type formidable, pour le front de l'Ouest. C'est pénible quand je pense à ma mère qui ne le sait pas encore. Pour le reste, vous connaissez ma pensée. Il ne suffit pas de poser des exigences d'ordre éthique, il faut les accomplir, pour leur donner vie. Goût de l'aventure et idéalisme ont souvent été confondus au début de cette guerre, et l'idéalisme inflexible, refusant toute concession, où seul compte le salut présent et futur de notre peuple, est devenu rare... Vous m'écrivez: «Toutes sortes de soucis me troublent l'âme, quand je pense à vous». Très chère madame, il n'y a aucune raison de se soucier. Ce souci ne serait fondé que si j'avais enfreint, en renonçant à mon engagement, le principe de cette unité d'action et de pensée, pour des raisons de cœur. En mon fors intérieur, je suis tout autant volontaire de guerre qu'au premier jour. Je ne le suis pas et je ne l'étais pas, comme beaucoup le croient, par fanatisme nationaliste, mais par fanatisme éthique. Ce sont des exigences éthiques, et non pas des exigences nationales, que je mets en avant et que je défends. Ce que j'ai écrit sur l'«éternité du peuple allemand» et sur la mission rédemptrice de la Germanité dans et pour le monde, n'a rien à voir avec l'égoïsme national, mais relève d'une foi éthique, qui pourra même se réaliser dans la défaite ou, comme Ernst Wurche l'aurait dit, dans la mort héroïque au combat de tout un peuple. Je n'ai jamais été le poète du parti pangermaniste, comme on le croit un peu partout, et j'avoue que ma pensée politique n'est pas trop claire, qu'elle n'a jamais hésité ni réfléchi outre mesure sur les nécessités de la politique intérieure et extérieure. Je m'en suis toujours tenu à une pensée claire et limitée: je crois, en effet, que l'évolution de l'humanité a atteint sa forme la plus parfaite, pour l'individu comme pour son évolution intérieure, dans le peuple, et que le patriotisme pan-humanitaire représente une dissolution, qui libère une nouvelle fois l'égoïsme personnel, normalement bridé par l'amour porté au peuple, et fait revenir l'humanité entière à l'égoïsme dans sa forme la plus crue... Voici ce que je crois: l'esprit allemand en août 1914, et après, a atteint un degré d'élévation inouï, comme chez aucun peuple auparavant. Heureux celui qui a pu atteindre ce sommet et n'a plus eu besoin d'en redescendre. Les descendants de notre peuple et des autres peuples verront la trace de ce déluge voulu par Dieu, au-dessus d'eux, le long des rives vers lesquelles ils s'avanceront. Voilà donc ce que je crois, voilà ma fierté et ma joie, qui m'arrachent à tous les soucis personnels».

 

A partir de mars 1915, Flex a donc servi continuellement sur le front russe, avec un repos de quelques mois au ministère de la guerre en 1917, où il participera à la rédaction d'une histoire officielle de la guerre en cours. Il a toujours refusé les nominations au département de la presse, qu'on lui a souvent proposées, préférant servir au feu. C'est à la fin de 1916 que paraît Der Wanderer zwischen beiden Welten, chez Beck. En deux ans, 250.000 exemplaires seront vendus (en 1940, le chiffre sera de 682.000 exemplaires). Walter Flex a donc eu le bonheur de connaître le succès de son livre et la joie de recevoir un courrier très abondant de soldats et d'officiers du front, qui lui disaient avoir trouvé dans ce texte consolation, force et sérénité. En décembre 1916, Walter Flex part en permission à Eisenach chez ses parents, avec, dans son sac, une nouvelle pièce de théâtre, Die schwimmende Insel  (L'Ile flottante), à thématique mythologique. Elle sera jouée peu avant Noël au théâtre de la ville. Mais cette version originale n'est demeurée qu'un premier jet et n'a jamais été retravaillée. Walter Flex se jette alors corps et âme dans la rédaction d'un nouvel ouvrage, Wolf Eschenlohr,  qui restera à l'état de fragment. Il se porte volontaire pour le Front de l'Ouest, mais sa demande est rejetée. Il continuera donc le combat contre les Russes, avec un répit à l'état-major à Berlin, où on lui demande de rédiger un rapport précis sur l'offensive russe du printemps 1916 («Die russische Frühjahrsoffensive 1916»), qui figurera dans un ouvrage collectif édité par l'armée et paraîtra aussi sous forme de livre après sa mort. A Berlin, il fait la connaissance d'une jeune femme du Wandervogel,  Fine Hüls, à qui il enverra des lettres poignantes, révélant clairement ses positions. Fine Hüls était une collaboratrice de la Tägliche Rundschau, et avait fait mettre en musique certains poèmes de Walter Flex pour les cercles berlinois du Wandervogel.  Le 6 juillet 1917, il reçoit la Croix de Fer de première classe. Fin août 1917, il rejoint son Régiment dans le “Baltikum”. Il participe au franchissement de la Duna et à la prise de Riga. Ensuite, sa compagnie est envoyée sur l'île d'Oesel, face aux côtes lettones et estoniennes. Mais l'obsession de la mort demeure, malgré cette progression fulgurante des armées du Kaiser qui contraste avec le piétinement à l'Ouest. Il écrit à Fine Hüls: « De tous mes camarades qui sont partis à l'Ouest il y a quelques mois, un seul est encore en vie. Parmi eux, il y avait quelques hommes formidables, avec qui j'aurais aimé partir. Je les revois encore dans la gare, qui me font signe du train qui partait. «Dommage que vous ne puissiez venir avec nous!», me criait Erichson, un Mecklembourgeois, qui formait avec Wurche et moi un trio de chefs de peloton de la 9ième Compagnie devant Augustov[o]. Maintenant il est enterré en face de Verdun. S'il avait su que nous aurions pris Tarnopol et Riga peu après, il serait sûrement resté avec nous. Où serais-je si mon engagement de l'époque n'avait pas été refusé? Est le hasard ou le destin? Je suis toujours reconnaissant de conserver cette égalité d'âme, qui n'a jamais été sérieusement ébranlée. Non pas que j'aie le sentiment d'être différent des autres ou supérieurs à eux, mais j'ai la conviction tranquille et intérieure que tout ce qui peut m'arriver est une parcelle de l'évolution de la vie, sur laquelle la mort n'a nulle emprise...».

 

Le 15 octobre 1917, le jour où cette lettre arrive à Berlin, une balle mortelle atteint Walter Flex sur l'île d'Oesel. Plusieurs lettres existent, qui témoignent de sa mort, ainsi qu'un rapport rédigé par la Général von Hutier, commandeur du Régiment. Voici comment Konrad Flex résume l'ensemble de ces récits et rapports dans son introduction aux œuvres complètes de son frère: «Dans la cour du domaine de Peudehof, près du village de Leval, s'était retranché un fort parti de Russes avec leurs chariots à bagages. Le représentant du corps des officiers, Weschkalnitz, est allé de l'avant et a demandé aux Russes de se rendre. Un officier russe lui a mis la main sur l'épaule et lui a dit: «Non, vous êtes mon prisonnier». Weschkalnitz a fait un bond en arrière et a cherché à s'abriter derrière un rocher, tandis que les Russes ouvraient le feu sur lui. C'est alors que Flex a sauté sur un cheval cosaque qui n'était plus monté, a sorti son épée du fourreau et s'est élancé vers l'ennemi. W. lui a crié: «Mon Lieutenant, ils ne veulent pas se rendre!». Au même moment, plusieurs balles ont été tirées. L'une d'elles a sectionné l'index de la main droite du cavalier qui avançait et puis s'est logée dans le corps. Walter Flex est tombé de cheval et a crié à W., qu'il devait prendre le commandement de la compagnie. Un homme du Landsturm allemand (= équivalent de la Territoriale française) s'est élancé furieux, pour massacrer à coups de crosse le tireur russe, mais mon frère lui a dit: «Laisse-le, lui aussi n'a fait que son devoir». Immédiatement, les Russes ont abandonné le combat et déposé les armes. Le blessé a été amené par ses hommes dans une petite maison le long d'un chemin, où un sous-officier du service sanitaire lui a prodigué les premiers soins. Sa première question a été de s'enquérir de la situation à la suite de cet engagement. La réponse l'a satisfait et il s'est affaissé. Dans le château du domaine de Peudehof, les Russes avaient installé un hôpital de campagne, qui venait de tomber aux mains des Allemands. Le blessé y a été transporté sur un chariot et pansé par les médecins russes. Peu après, un médecin militaire allemand est arrivé à son chevet, après s'être concerté avec ses collègues russes, il a jugé qu'une opération était exclue, car le blessé avait perdu trop de sang et était trop affaibli. La balle avait traversé le ventre et manifestement touché des organes vitaux. A Zimmer, sa fidèle ordonnance, mon frère a dicté la carte suivante: «Chers parents, j'ai dicté cette carte, parce que je suis légèrement blessé à l'index de la main droite. Autrement tout va très bien. Ne vous faites aucun souci. Salutations chaleureuses. Votre Walter». Lorsque Zimmer lui a demandé s'il devait écrire comme mon frère avait l'habitude de le faire «A Monsieur le professeur et Madame Flex», il a dit en souriant: «Non, Zimmer, n'écrivez cette fois que “Professeur Flex”, pour que ma mère ne soit pas effrayée». Pendant la nuit, Zimmer est venu plusieurs fois au chevet de son Lieutenant et l'a toujours trouvé apaisé, les yeux fermés. Lorsqu'il lui a demandé s'il avait mal, Walter Flex a répondu par la négative, mais lui a parlé de difficultés au niveau du cœur. Le matin du jour suivant, il a reçu la visite du Pasteur de la Division, von Lutzki, qui, à sa grande joie, lui a apporté le salut du Régiment. Comme le blessé était fort affaibli, von Lutzki n'a pu rester que quelques instants. Il a demandé s'il devait saluer le Régiment pour lui, et mon frère a répondu: «Bien sûr que oui! Excusez-moi de ne pas vous le dire moi-même, mais avec tout ça, je me sens tout de même un peu perturbé». Le Pasteur von Lutzki voulait revenir l'après-midi. Lorsque mon frère, pour prendre congé de lui, a lancé un «Au revoir», il a remarqué un geste chez le prêtre et a ajouté sur un ton mi-plaisant mi-interrogateur: «Quoi qu'il en soit, nous nous reverrons tout de même, n'est-ce pas?». Son état de faiblesse s'est alors rapidement amplifié. Beaucoup voulaient rendre une visite au blessé, mais personne n'y a été autorisé. Walter Flex est mort au début de l'après-midi du 16 octobre. Le jour de sa mort correspondait au jour de l'anniversaire de son frère Otto, qui l'avait précédé dans la mort du soldat. Le corps de Walter a été ensuite amené dans un petit pavillon du parc. Normalement, le régiment entier aurait dû prendre part aux obsèques, mais, le soir même, il a reçu l'ordre d'aller de l'avant. Ainsi, seuls neuf hommes de sa chère compagnie ont pu rester, pour lui faire une dernière escorte, accompagnés par quelques médecins militaires allemands. L'enterrement a eu lieu dans le cimetière du village de Peude, à dix minutes de là. Sa tombe se trouve juste en face du caveau de la famille von Aderkas, à qui appartenait le domaine avant qu'il ne soit exproprié. Il y a quelques semaines, je me suis rendu à Peude. La croix de bois, érigée par nos soldats, s'est décomposée depuis et a été remplacée par une autre, payée par des fonds récoltés dans les cercles baltes. Sur un petit socle de granit, se dresse, fine et élégante, une croix de fer forgé peinte en blanc, pourvue d'une plaque de laiton portant le nom et les dates de naissance et de décès du défunt. Cette croix est provisoire, mais elle a été dressée par des cœurs fidèles et des bonnes volontés. C'est une croix de soldat comme des milliers d'autres et je l'aime telle qu'elle est, comme je l'ai vue pour la première fois ce jour-là, tôt dans la matinée. C'est pourquoi je pense qu'elle peut rester quelque temps, jusqu'à ce qu'elle se décompose à son tour et qu'elle soit remplacée par une pierre tombale définitive. Le cimetière de Peude est tout encombré de gros arbres, un peu négligé, ce qui le rend d'autant plus pittoresque».

 

Au moment de sa mort, paraît un recueil de poèmes sur ses expériences de guerre, Im Felde zwischen Nacht und Tag, qui, la même année a connu vingt-et-une éditions. Walter Flex a pu lire et corriger les épreuves mais n'a jamais vu son livre. Les droits d'auteur devaient revenir à une fondation créée en faveur des orphelins de guerre.

 

Sa nouvelle de guerre, Wolf Eschenlohr, est restée inachevée. Le 23 août 1917, il avait envoyé le premier chapitre à son éditeur. Le manuscrit du second se trouvait dans un porte-cartes, qu'il a eu le temps de remettre à son ordonnance, en lui demandant d'y veiller tout particulièrement. Zimmer expédia tout à la famille. Ce manuscrit, un cahier noir et d'autres papiers ont été transpercés par la balle fatale. Konrad Flex écrit: «Le livre aurait dû décrire les expériences de guerre du poète, les expériences extérieures et intérieures, dans une intrigue purement fictive. L'auteur voulait prendre position face aux nombreuses questions, notamment de natures religieuse et éthique, que la guerre avait éveillées en lui. Il voulait aussi y traiter de la question sociale et de l'opposition entre les classes (...)».

 

Le noyau de la vision poétique de Flex, qui est aussi une vision de l'homme et de la mission qu'il a à accomplir sur la Terre, constitue une réflexion intense, soumise constamment au contrôle du vécu, sur le rapport entre l'individu et la société (ou la communauté; le poète Flex n'opère pas de distinction entre les deux concepts comme les sociologues). Dans ses pièces de théâtre, le social est la condition existentielle qui permettra à l'individu de vivre en adéquation avec ses propres canons éthiques. L'individu qui croit pouvoir s'élever au-dessus des conditions sociales, qui croit détenir un savoir supérieur ou mener seul une mission sublime, d'essence métaphysique ou divine, ou qui s'isole en déployant seul une éthique pure de tout contact avec le réel, est irrémédiablement condamné à l'échec.

 

Libre de tout engagement politique, Walter Flex n'introduit aucun ferment idéologique dans sa poésie, ses drames et sa prose. De même, jamais, ni dans ses poèmes ni dans ses récits ni dans ses fictions ni dans les lettres qu'il adressait à ses parents, ses frères et ses amis, il n'écrit un seul mot désobligeant envers l'ennemi français ou russe. Pour lui, le peuple (Volk) est mis en équation avec l'ethos: car ce Volk est le cadre spatio-temporel où, lui, Allemand, où l'autre, Russe ou Français, doit stoïquement, sans fléchir, incarner l'éthique du service à la communauté, devant les tourments et les souffrances de la guerre, qui est la tragédie portée au pinacle, l'örlog  de l'Edda, le chaos déchaîné qui reste finalement le fond-de-monde auquel nous sommes livrés, de par notre conditio humana. On est sur Terre pour servir et pour souffrir, non pour recevoir ou pour jouir. Ainsi, Walter Flex touche à l'essentiel et garde un cœur pur, limpide: des souffrances qu'il endure, avec ses millions de camarades du front, il n'attend aucune récompense, aucune promotion, ni même aucune victoire. La guerre est l'occasion, pour lui, de vivre pleinement la condition humaine.

 

Der Wanderer zwischen beiden Welten est un monument à son ami Ernst Wurche, un jeune officier issu des Wandervögel, le mouvement de jeunesse idéaliste né sous l'impulsion de Karl Fischer, à Steglitz, dans la banlieue de Berlin en 1896. Wurche avait étudié la théologie, participé à ce mouvement de jeunesse en quête du “Graal” au moment où la société se vidait de toute éthique sous les coups de l'industrialisme, de la consommation, de la publicité, des plaisirs frivoles et commercialisables. Wurche incarnait l'intégrité, la pureté des idéaux, une grâce forte et virile, une dignité sereine, la Gelassenheit:  bref, toutes les qualités du mouvement Wandervogel.  Si Flex, plus âgé que Wurche, hérite encore de l'ancienne notion prussienne du service, plus âpre, plus militaire, plus politique, plus ancrée dans une histoire institutionnelle précise, le jeune officier issu des Wandervögel, développe un idéalisme au-delà de ces circonstances historiques spécifiquement prussiennes, donc un idéalisme plus pur, visant, en fait, à dompter les tensions et les contradictions multiples qui traversaient la nation allemande. Les clivages entre confessions religieuses et idéologies politiques, entre intérêts divergents et opposés, doivent disparaître au profit d'une synthèse nouvelle, qui ne sera pas bruyamment nationaliste, mais rigoureusement et sereinement éthique. La germanité nouvelle, rêvée autour des feux de camp du Wandervogel  puis des bivouacs de l'armée impériale en campagne, serait une synthèse entre la foi du Christ, la sagesse vitaliste de Goethe et l'idéal de la surhumanité nietzschéenne. Cet homme nouveau, ce nouveau Germain stoïque et serein, calme et maître de soi, devra avoir le sens du sacrifice suprême, sans poses et sans coups de gueule. Son sacrifice, sa mort au combat, comme celle de Wurche qui, en ce sens, est exemplaire, n'est pas une perte irréparable, ne réclame pas vengeance: elle est une consécration religieuse, un accès au sacré. Comme la Passion du Christ. Dans cette perspective qui reste absolument chrétienne, et plutôt de facture évangélique-luthérienne, Flex écrit, dans Nachtgedanken:  «La guerre est l'un des dévoilements les plus sacrés et les plus importants, par lequel Dieu répand de la lumière dans notre vie. La mort et le sacrifice des meilleurs de notre peuple ne sont qu'une répétition, voulue par Dieu, du miracle le plus profond de la vie qu'ait jamais connu la Terre, c'est-à-dire de la souffrance vicariale de Jésus Christ».

 

De cette vision de la vie et de la mort, de la souffrance et du don de soi, doit découler une pédagogie nationale, dont le dessein premier est d'insuffler une vigueur morale de telle ampleur, que le peuple qui la pratique échappe à la mort. La véritable vie du moi se situe dans le don au toi. Il y a dès lors primauté de l'éthique sur le national et sur le social (qui offrent chacun un contenant à la pratique de l'éthique). Le social n'est rien en soi mais est tout pour l'individu, parce qu'il lui présente toutes les facettes de ce Protée qu'est le toi, et lui offre donc la possibilité d'être altruiste. Dès les dernières années de son Gymnasium, Walter Flex a élaboré sa philosophie du service et de l'altruisme, où se mêlent, dans une synthèse sans doute assez maladroite, le vieil idéal prussien du service et une sorte de social-darwinisme coopératif; jeune lycéen il écrit: «J'ai trouvé l'ancienne montagne magnétique, vers laquelle convergent tous les efforts humains: c'est le groupe, la patrie». C'est la vie en groupe qui donne son sens à l'individu: «La volonté vise un but, et ce but, c'est la durée. Or le moi n'a pas de durée. La durée, c'est la famille, c'est la patrie».  Mais l'égoïsme est une force indéniable parmi les multiples mobiles humains. L'individu, par le truchement des institutions nationales, du cadre nationalitaire, du Volk  organisé en Etat, sublime ses pulsions égoïstes naturelles et les hisse à un niveau plus élevé, celui du service à la collectivité. Cette vision éthique et politique peut être considérée comme l'expression simplifiée d'un hégélianisme nationaliste, encore fort teinté des premiers écrits romantiques de Hegel, avant qu'il ne s'insurge contre les simplismes des “teutomanes”. Le Volk  est, dans cette optique, le fondement à partir duquel se déploie une éthique, une morale, une Sittlichkeit  unique, non interchangeable, non transmissible à d'autres Völker.  Par le truchement du droit, des institutions politiques et de l'Etat, cette Sittlichkeit  peut s'ancrer dans les esprits et créer de véritables “organismes politiques”, lesquels postulent qu'il y ait identité entre les gouvernants et les gouvernés, que les uns commes les autres participent de la même Sittlichkeit,  dérivée du même humus, c'est-à-dire de la même substance populaire, du même Volk.  La Sittlichkeit  politique de facture hégélo-nationale s'oppose ainsi, comme le constate le philosophe italien Domenico Losurdo à la suite d'une enquête minutieuse, au strict individualisme kantien et aux sentimentalismes irrationalistes et mystiques, qualifiés de “criticismes stériles”. La Sittlichkeit  n'a rien à voir avec la Schwärmerei  (= l'enthousiasme) romantique, refuse les “évasions consolatrices”. Elle se déploie dans un cadre politique, dans un cadre national, dans une éthique du service, au-delà des intérêts personnels et des idéologies qui leur servent de justifications. Si Flex n'a jamais rien écrit de systématique sur ses options politiques, il est évident qu'il a vécu tout compénétré de cet hégélianisme implicite du monde protestant allemand.

 

Walter Flex propose ainsi un idéal de l'accomplissement de soi par la négation de soi, un dépassement de l'égoïsme personnel. Notre vie sur terre ne constitue nullement un but en soi, mais n'est seulement qu'une parcelle infime de notre être éternel, qui nous pousse graduellement, par la lente action du temps, vers le divin. Les souffrances que nous affrontons, et que les soldats de la première guerre mondiale affrontent, rendent les forts plus forts et les faibles plus faibles. En ce sens, la guerre est révélatrice: elle montre les créatures de Dieu telles qu'elles sont vraiment, sans fard, sans masque.

 

La germaniste Irmela von der Lühe écrit, dans une étude consacrée à Flex: «Les valeurs spirituelles, vis-à-vis desquelles il se sent obligé et responsable, sont simples et droites. L'étudiant en théologie Ernst Wurche lit Goethe et, dans les tranchées, il apprend encore des poèmes par cœur, il lit aussi les aphorismes poético-philosophiques du Zarathoustra de Nietzsche, trimbale ce livre partout avec lui, et il ne cesse d'en citer des passages ainsi que de l'édition de campagne du Nouveau Testament. Ce qu'il cite (...) il le cite sans crispation intellectuelle. La beauté de l'art, l'idéal du combat pour le bien et contre le mal, et la prière comme requête pour obtenir la force et la bravoure du soldat: voilà les valeurs qui remplissent la bibliothèque du soldat Ernst Wurche. Y transparaît surtout son christianisme guerrier. Le Dieu d'Ernst Wurche est un ennemi des faibles, il porte lui aussi l'épée, qui brille pure et claire dans le soleil...».

 

Symbole de l'homme parfait, de cet homme nouveau que doit imposer la pédagogie populaire et nationale souhaitée par Walter Flex (et par Fine Hüls dans ses écrits d'hommage au poète dans la presse du Wandervogel, après la guerre), Ernst Wurche traverse deux mondes, le monde terrestre et le monde du divin, qui fusionnent dans l'intensité brève et incandescente de l'assaut ou dans la mort héroïque. En France, Pierre Drieu La Rochelle écrira des pages aussi sublimes sur l'assaut dans La comédie de Charleroi.

 

Dans les poésies de Flex  —et dans sa philosophie implicite de la vie que l'on rencontre très souvent dans sa prose—,  se dégage une sorte de proximité avec la nature, de volonté de fusion avec la cosmicité, proche à maints égards des pensées asiatiques. Observateur français critique, proche de l'Action Française, Maurice Muret, écrit dans La Revue universelle,  en août 1921, que l'anti-asiatisme bruyant  —violent et très agressif lors de la Guerre des Boxers—  de Guillaume II, vitupérant sans discontinuité contre le “péril jaune”, a fait place à une “asiatomanie” anti-occidentale parce qu'anti-rationaliste et, partant, anti-française et anti-anglaise. Le néo-orientalisme allemand est, aux yeux des critiques germanophobes et antisémites français, dont Muret, une sorte de néo-rousseauisme, véhiculé par les cercles et les publications de la Freideutsche Jugend  et par des philosophes comme Rudolf Pannwitz (très critique à l'égard des formes militaristes du nationalisme et de l'impérialisme allemands) ou Martin Buber (traducteur des Discours et similitudes  du sage taoïste chinois Tchouangtsé). Muret insiste également, pour appuyer sa thèse de l'“asiatisme” des Allemands, sur le succès que connaissait, dans l'Allemagne vaincue, l'auteur indien Rabindranath Tagore, qui condamnait l'Angleterre, se montrait indulgent pour le Reich battu et définissait les nations occidentales comme celles de l'“égoïsme organisé” où triomphait la “mécanisation sans idéal”. Tagore, avec le langage des traditions védique et bouddhique pluri-millénaires, tentait de prouver que le bouddhisme ne prêchait nullement l'anéantissement de soi-même, mais l'éternisation de soi-même, non seulement par l'abolition de la personnalité mais aussi et surtout par son ascension dans le spirituel. Ce sera Henri Massis, dans un texte célèbre de 1925, Défense de l'Occident,  qui donnera une forme et un argumentaire définitif à cette critique occidentale de l'asiatisme de la pensée allemande. On peut tracer à l'évidence un parallèle avec Flex, même si celui-ci n'a aucune référence orientale. Sans oublier de dire quand on aborde ce contexte, que cette “asiatomanie” que Muret et les germanophobes antisémites de la place de Paris dans les années 20 attribuent à un ressentiment allemand devant la défaite et le Traité de Versailles, est en fait beaucoup plus ancienne et remonte à Schopenhauer.

 

Celui-ci avait annoncé la fin de l'euro-centrisme en philosophie et un retour à la philosophie indienne. Cette reconnaissance de la pertinence des philosophies extra-européennes ne s'accompagne pourtant pas, chez Schopenhauer, d'une fébrilité de converti, d'une “désertion de l'Europe”. En réhabilitant la pensée indienne, Schopenhauer et ses émules parmi les philosophes allemands du début du siècle réintroduisent dans le discours philosophique des linéaments aussi importants que l'idée du malheur structurel et incontournable, inhérent à la vie humaine et animale, l'égalité en rang du règne animal et humain, un principe de réalité non intellectuel, etc. Car, dans cette perspective, l'unité fondamentale de toute chose et de toute vie ne peut se saisir que par une mystique. La mystique, en effet, saisit la réalité au-delà de tout disible et de tout pensable. C'est la réalité d'avant le langage (donc d'avant tous les travestissements, les calculs anthropocentriques, les dérivatifs qu'il induit), la réalité non cognitive, laquelle se borne à “se montrer”, se dévoiler. Le langage et les concepts abstraits, tout comme les conventions sociales dénoncées par le Wandervogel  ou les idéologies des groupes politiques conventionnels de droite et de gauche, masquent le réel, masquent la prolixité féconde et ubiquitaire de l'indicible et de l'impensable, de l'incommensurable.

 

Flex opte, dans le contexte de cette postérité schopenhauerienne où il est finalement inconscient de l'héritage de Schopenhauer, pour une contemplation de la nature, source d'inspiration spirituelle du poète. En effet, toute son œuvre poétique est imprégnée de notations révélatrices du sentiment d'intime participation à l'organicité du monde. Au-delà des raisons “hégéliennes” que nous évoquons par ailleurs, au-delà des héritages luthériens de sa famille, Flex fait usage d'une terminologie extra-philosophique, faisant implicitement et inconsciemment référence à un “socle” préexistant à tout concept abstrait, à toute religiosité plaquée sur le tronc germanique et européen, c'est-à-dire, schopenhaueriennement parlant, à cette réalité d'avant le langage, d'avant tout disible et tout pensable... Le reconnaissance, tout naturelle, parfois joyeuse et confiante, acceptante, de ce socle est la nouveauté religieuse et métaphysique apportée par l'homo novus  germanique, à la fois “goethéen, chrétien et nietzschéen”, en guerre contre le “vieux monde” occidental. Ce naturalisme spiritualisé ou cette spiritualité naturelle justifient l'engagement allemand dans le premier conflit mondial. L'homo novus, assez proche de l'“ange” de Rilke, n'apporte pas aux hommes, humains trop humains, une idéologie rationnellement construite ou des principes intangibles  ou des concepts juridiques ou des préceptes moraux qu'il s'agit de défendre comme les fondements immuables,  —soustraits à toutes les vicissitudes de la vie—,  d'une civilisation avancée sur la ligne du “progrès” mais appelle à préserver une certaine forme d'être contre cette modernité mercantile et ce matérialisme démocratique défendus par l'Entente. Cette forme d'être, c'est finalement l'homme pleinement relié au cosmos.

 

De Schopenhauer à Keyserling puis à Hauer, la pensée allemande a effectivement redécouvert l'hindouisme et le bouddhisme. Elle y voit une forme particulière de la sensibilité indo-européenne, orientale certes, mais préservée finalement de l'influence chrétienne. La rencontre est d'autant plus profondément ressentie qu'elle croise et confirme l'intuition romantique qui ne cesse de se développer depuis la fin du XVIIIième contre l'esprit des Lumières.

 

Les poèmes de Flex rendent compte de cette rupture. Les invocations au soleil de gloire, aux corps libres, au sang lumineux, à la terre fraîche, aux forêts du Septentrion, parlent avec émotion de la fusion sensuelle au mystère du monde. Le choix du Pélerin-migrateur, dans le titre, associé à l'Oie Sauvage, comme leitmotiv, renvoie à un folklore dont l'origine, en Europe du Nord, se perd dans la nuit des temps: «Symbole d'une très ancienne sagesse, la messagère qui unit le ciel et la terre [...], l'oie ou le cygne sauvage, qui parcourent le continent d'un bout à l'autre, symbolisent l'âme transmigrant de vie en vie [...], spirale mystique symbolisant la difficile pérégrination de l'âme vers le centre, le sanctuaire intérieur et caché, où elle rencontrera son Etre essentiel, la permanence de son impermanence, ce qui [...] ressemble à l'itinéraire intérieur accompli en zazen»  (Jacques Brosse, Zen et Occident,  Albin Michel, Paris, 1992).

 

Dans les poèmes de Flex, on ne compte plus les allusions aux tournesols, aux fleurs de soleil associées à l'éclat de l'or apollinien:

“Es deckt des Sonnenjünglings Brust

Als Sonnenwappen des Blütenbrust

Der gold'nen Blumenlanze”.

[Il couvre la poitrine de cet homme jeune et solaire, comme des armoiries solaires orneraient un buste en pleine croissance, comme une lance de fleurs toute dorée...].

Image du porteur de lumière:

“Als Fackel trägt er in weißer Hand

Eine goldene Sonnenblume”.

[Dans sa main blanche, il porte comme un flambeau un fleur de tournesol dorée].

Ou encore:

“Glüh', Sonne, Sonne glühe!

Die Welt braucht soviel Glanz!”.

[Resplendis, ô Soleil, ô Soleil, resplendis!

Le monde a bien besoin d'autant d'éclat!].

 

La mort elle-même devient expérience vivante, rupture sans abandon, intensification du lien spirituel et attachement charnel à la glèbe habitée. L'évocation du coup sur la nuque lors du rappel intense de l'absent correspond précisément à l'expérience décrite par Carlos Castañeda lors de circonstances similaires. L'énigme du monde n'est plus simple champ de spéculations dialectiques (de l'aristotélo-thomisme au pur formalisme teinté d'hégélianisme) mais domaine de réalisation tangible de sa propre nature (le gnothi seauton  apollinien). Soit un recours à l'extra-philosophique, comme le réclamait Schopenhauer dans un certain désordre et une certaine confusion, mais en demeurant au niveau du sublime.  Nous touchons là à la Voie du Guerrier telle que l'a pratiquée aussi bien l'Inde que le Japon ou l'Amérique précolombienne (cf. Bernard Dubant, La Voie du Guerrier,  Ed. de la Maisnie, Paris, 1981).

 

Autre signe: le culte de l'épée.

“Das Schwert, so oft beschaut mit Lust

Glüht still in eig'nem Glanze”.

[L'épée, si souvent contemplée avec désir, repose, tranquille, dans son propre éclat].

On songe à la réponse du chef alain auquel un prélat chrétien, à l'époque de la grande migration des peuples, consécutive à l'assaut des Huns et l'effondrement des structures romaines, demandait quel était son dieu, l'Alain planta son épée dans une motte: «Voilà mon dieu». L'épée est indissociable de la lumière de la torche:

“Dann bricht er mit Fackel und Schwert hervor

Und leuchtet durch der Ewigkeit Tor”.

[Alors, il s'élance avec flambeau et épée et illumine le chemin qui passe par la porte de l'éternité].

Vient la synthèse, dans cette description poétique de Wurche mort, dans sa tombe, une fleur de tournesol entre les mains:

“Drin schläft ein Jüngling mit Fackel und Schwert

Unter des Kreuzes Pfosten”.

[Là (dans cette tombe) dort un homme jeune, avec flambeau et épée, sous la croix].

Nous sommes proches finalement de cette tradition christo-païenne de la littérature médiévale courtoise; le Graal n'est pas loin dans ces deux vers évoquant l'ami Wandervogel:

“Er war ein Hüter, getreu und rein,

Des Feuers auf Deutschlands Herde”.

[Il était un gardien, fidèle et pur, du feu qui brûle en l'âtre de la Terre Thioise]. Flex nous offre finalement une synthèse de paganisme viril,  —au sens de vir, l'homme accompli—  et de compassion bouddhique.

 

Der Wanderer zwischen beiden Welten,  les lettres et les poèmes de guerre de Walter Flex sont avant toute chose une réflexion intense sur la mort. Le mystère de la mort tourmente puis fascine Walter Flex. Sa lettre, où il évoque les bougies du sapin de Noël de son abri sur le front russe et le “cercle des morts” où siègent Petzlein et Wurche, nous indique bien que leur troupe est la troupe des purs, celle des saints artisans qui «tirent l'acier du roc de nos âmes et le mettent à jour». La mort arrache les meilleurs soldats à la terre et les envoie dans son “royaume élyséen”. Ce sont bien les meilleurs qui ne reviennent pas, car ils sont appelés à incarner pour toujours, pour les siècles des siècles, l'idéal éthique; leur pureté et leur intangibilité en font des exemples immortels pour le peuple. Le Royaume des Morts, dans la vision de Flex, est le Royaume des vrais Vivants, il est comme l'idéal face aux imperfections du réel. Ces vrais Vivants, ces Purs, échappent aux viles petites passions des humains, englués dans leurs égoïsmes non sublimés. Mais s'ils sont exemples, et s'ils demeurent, dans la vision de Flex, haut dans l'empyrée des modèles impassables, ils sont aussi réfugiés, retournés, dans un sein maternel et tellurique. Leur tombe froide et l'image de la douceur du sein maternel fusionnent dans la poèsie et l'imaginaire passionnés du poète: car ces Morts, ces Purs, voyagent de leur empyrée sublime et idéale aux mystérieuses profondeurs fécondes de la terre, où ils rencontrent et illuminent ceux qui attendent encore leur naissance. Ils placent en eux la semence de leur excellence. Afin que le peuple puisse, plus tard, engranger une nouvelle moisson de héros. Significatif à cet égard est le poème Chor der deutschen Toten in Polen,  où le poète prédit un grand avenir au peuple polonais, parce que, dans sa terre, demeure pour l'éternité une vaste cohorte de héros allemands, qui communiqueront leur excellence aux fils et aux filles de Pologne.

 

Der Wanderer zwischen beiden Welten  a été le bréviaire de toute une génération. Il a redonné confiance et procuré consolation aux Allemands vaincus, après novembre 1918. Il a été un livre important. Qui a marqué le siècle, au même titre que les souvenirs de guerre d'Ernst Jünger (Orages d'acier, Le Boqueteau 125)  ou A l'Ouest, rien de nouveau  du pacifiste Erich Maria Remarque, très éloigné des valeurs des nationalistes, et aussi, finalement, de l'éthique hégélienne de la vieille Prusse. Il reste un immense travail de comparaison à faire sur l'impact philosophico-idéologique de la Grande Guerre et sur les innombrables écrits qu'elle a suscités. On a pu dire, dans notre insouciance, dans notre volonté de faire du passé table rase, dans notre course suicidaire à la consommation, que la Grande Guerre appartient définitivement au passé, qu'elle n'a plus rien à nous communiquer, qu'elle est la preuve la plus manifeste de la folie des hommes. Ces opinions ont peut-être leur logique, recèlent sans doute quelque pertinence positiviste, il n'empêche que sur le plan littéraire, elle a suscité des monuments éternels de la littérature universelle, elle a provoqué d'indicibles souffrances à des millions d'hommes, elle a porté au pinacle les affres de notre déréliction terrestre, les a démultipliés de manière exponentielle. Mais cette déréliction est un fait de monde incontournable. On n'échappe pas, on n'échappera jamais à la douleur en dépit des vœux pieux des intellectuels, des rêveurs, des eudémonistes de tous poils qui tentent de vendre leur camelote inessentielle. On n'abolira pas la mort qui obsédait Walter Flex et Ernst Wurche. Elle demeure, pour nous tous, au bout du chemin. Il faut l'assumer. En nous rapportant les paroles d'un tout jeune théologien jeté dans la guerre, en les immortalisant, en forgeant les mots simples qui ont touché et marqué durablement les combattants et tout son peuple, Walter Flex nous oblige à regarder ce destin en face, sans aucune grandiloquence  —car il abominait la grandiloquence—, avec des mots d'une sublime simplicité, où le cœur garde la toute première place, où jamais l'immense tendresse du poète et du fils, de l'ami et du pédagogue n'est absente. Car l'œuvre de Flex est aussi une grande leçon de tendresse, surtout quand elle jaillit du pire carnage guerrier de ce siècle. Walter Flex, et par son intermédiaire, Ernst Wurche, et derrière Ernst Wurche, les jeunes idéalistes du Wandervogel,  demeurés inconnus, dormant au fond d'une tombe à Langemarck ou ailleurs, nous ont légué un bréviaire, un livre de stoïcisme, à ranger dans nos bibliothèques à côté de Sénèque, de Marc-Aurèle et de l'Imitation de Jésus-Christ  de Thomas  à Kempis. (*)

 

Robert Steuckers,

Forest, janvier-avril 1995.

 

Sources:

- Nicola COSPITO, I Wandervögel. La gioventú tedesca da Gugliemo II al Nazionalsocialismo,  editrice il corallo, Padova, 1984.

- Walter FLEX, Gesammelte Werke,  2 vol., Beck'sche Verlagsbuchhandlung, München, s.d. (Introduction de Konrad Flex).

- Walter FLEX, Für dich, mein Vaterland. Ein Auswahl aus den Kriegsbriefen,  C.H. Beck'sche Verlagsbuchhandlung, München, 1939.

- Walter FLEX, Der Wanderer zwischen beiden Welten. Ein Kriegserlebnis,  Orion-Heimreiter-Verlag, Heusenstamm, 1978 (postface de Martin Flex).

- Michael GOLLBACH, Die Wiederkehr des Weltkrieges in der Literatur. Zu den Frontromanen der späteren Zwanziger Jahre, Scriptor Verlag, Kronberg/Ts., 1978.

- Hermann HELLER, Hegel und der nationale Machtstaatsgedanke in Deutschland. Ein Beitrag zur politischen Geistesgeschichte,  Aalen, Otto Zeller Verlagsbuchhandlung, 1963.

-Ernst KELLER, Nationalismus und Literatur. Langemarck. Weimar. Stalingrad,  Francke Verlag, Bern/München, 1970.

- Hellmuth LANGENBUCHER, Die deutsche Gegenwartsdichtung. Eine Einführung in das volkhafte Schrifttum unserer Zeit,  Junker u. Dünnhaupt Verlag, Berlin, 1940.

- Walter LAQUEUR, Die deutsche Jugendbewegung. Eine historische Studie, Verlag Wissenschaft und Politik/Berend von Nottbeck, Köln, 1978.

- Eric J. LEED, Terra di nessuno. Esperienza bellica e identità personale nella prima guerra mondiale,  Il Mulino, Bologna, 1985.

- Robert LEGROS, Le jeune Hegel et la naissance de la pensée romantique,  Ousia, Bruxelles, 1980.

- Domenico LOSURDO, Hegel. Questione nazionale. Restaurazione. Presupposti e sviluppi di una battaglia politica, Università degli studi di Urbino, Urbino, 1983.

- Irmela von der LÜHE, «Der Wanderer zwischen beiden Welten von Walter Flex», in Marianne Weil (Hrsg.), Wehrwolf und Biene Maja. Der deutsche Bücherschrank zwischen den Kriegen,  Verlag Ästhetik und Kommunikation/Edition Mythos, Berlin, 1986.

- Reinhard MARGREITER, «Die achtfache Wurzel der Aktualität Schopenhauers», in Wolfgang SCHIRMACHER (Hrsg.), Schopenhauers Aktualität. Ein Philosoph wird neu gelesen, Passagen Verlag, Wien, 1988. A propos de ce livre, lire en français: Robert STEUCKERS, «Un ouvrage collectif sur Schopenhauer ou huit raisons de le relire», in Orientations, n°11, juillet-août 1989.

- Henri MASSIS, L'Occident et son destin,  Grasset, Paris, 1956 (ce volume reprend in extenso le texte «Défense de l'Occident» de 1925).

- Arno MULOT, Der Soldat in der deutschen Dichtung unserer Zeit,  J.B. Metzlersche Verlagsbuchhandlung, Stuttgart, 1938.

- Maurice MURET, «La pensée allemande et l'Orient», in La Revue Universelle, Tome VI, n°10, 15 août 1921.

- Rita THALMANN, Protestantisme et nationalisme en Allemagne (de 1900 à 1945),  Librairie Klincksieck, 1976.

- Michel TODA,  Henri Massis, un témoin de la droite intellectuelle,  La Table Ronde, Paris, 1987.

 

(*) Moine germano-néerlandais, né à Kempten en 1379 ou en 1380 et décédé à Agnietenberg près de Zwolle en 1471,  auteur de cette Imitation de Jésus-Christ  qui influença considérablement la pratique quotidienne du christianisme catholique jusqu'en ce siècle, probablement plus que les quatre évangiles! Thomas à Kempis  met davantage l'accent sur l'ascétisme que sur la mystique et demande à ses lecteurs de pratiquer une austérité modérée, non extrême, nouant ainsi avec un leitmotiv à la fois hellénique et nordique: celui de la mesure. Mais l'essentiel de cet ouvrage, écrit dans un contexte religieux particulier, celui des Frères de la Vie Commune, dévoués à l'éducation des plus démunis et à la charité. Le sens du service y est très présent. Le texte réclame l'engagement personnel total au profit d'autrui. Dans une perspective politique, et non plus simplement religieuse, cet engagement pourrait être étendu à la Cité entière. Le parallèle que l'on pourrait tracer entre l'Imitation de Jésus-Christ  et Der Wanderer zwischen beiden Welten,  c'est que les deux ouvrages, l'un religieux, l'autre laïc et militaire, sont des bréviaires anti-individualistes qui ont façonné en profondeur des générations; pendant des siècles pour l'œuvre majeure de Thomas à Kempis; pendant deux à trois décennies pour celle de Flex.

mardi, 06 janvier 2009

America indiolatina ed Eurasia: i pilastri del nuovo sistema multipolare

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America indiolatina ed Eurasia: i pilastri del nuovo sistema multipolare

Tiberio Graziani / http://www.eurasia-rivista.org

L’avventurismo statunitense in Georgia e la profonda crisi economico-finanziaria che investe l’intero sistema occidentale hanno definitivamente evidenziato l’incapacità degli Stati Uniti di gestire l’attuale momento storico. I paradigmi interpretativi basati sulle dicotomie est-ovest, nord-sud, centro-periferia non sembrano più essere validi per delineare i prossimi scenari geopolitici. Una lettura continentale e multipolare delle alleanze e delle tensioni fra gli attori globali ci permette di individuare nell’America indiolatina e nell’Eurasia i pilastri del nuovo sistema internazionale.


L’incapacità statunitense di governare


La recente questione georgiana ha definitivamente posto una pietra tombale sul cosiddetto unipolarismo statunitense e, soprattutto, sembra aver reso effettivo un sistema geopolitico articolato ormai su poli continentali, cioè un sistema multipolare.

Ciò non è stato affatto colto dalla maggior parte degli osservatori ed analisti, i quali, pur consapevoli del tramonto della “nazione indispensabile” (secondo l’ardita definizione dell’ex Segretario di Stato Madeleine Albright), in margine alla crisi agostana tra Mosca e Tiblisi hanno ripetutamente fatto riferimento ad un nuovo bipolarismo e ad una riformulazione della “guerra fredda”. In realtà, siamo ben lontani dalla riedizione del vecchio sistema bipolare, e non soltanto perché le motivazioni ideologiche (tra cui l’antitesi comunismo-capitalismo, totalitarismo-democrazia), che hanno caratterizzato il dopoguerra dal 1945 al 1989, e dunque fornito linfa all’equilibrio bipolare, sono venute meno, ma, soprattutto, perché grandi paesi di dimensione continentale, come la Cina, l’India e il Brasile, in conseguenza del loro sviluppo economico e grazie alla coscienza geopolitica che anima da circa un buon decennio le loro rispettive classi dirigenti, ambiscono, responsabilmente, ad assumere impegni politici, economici e sociali a livello planetario.

Bisogna subito dire, però, che il declino del sistema unipolare a guida statunitense non significa affatto la fine dell’egemonia di Washington, tuttora presente, anche militarmente, in vaste aree del Pianeta. Quella di Washington è per il momento un’egemonia ridotta, con cui le nuove entità geopolitiche dovranno confrontarsi ancora per qualche anno. Un’egemonia, teniamo a sottolineare, forse più pericolosa del passato per la stabilità internazionale, perché appunto traballante e suscettibile, pertanto, di essere gestita da Washington e dal Pentagono con scarso equilibrio, come la crisi georgiana ha ampiamente dimostrato.

La profonda crisi strutturale dell’economia degli USA (1) ha contribuito soltanto ad accelerare un processo di ridimensionamento dell’intero “sistema occidentale” che, iniziato a metà degli anni ’90, veniva tuttavia registrato solo nei primi anni dell’attuale secolo da autori come Chalmer Johnson ed Emmanuel Todd nella rispettive analisi sulle conseguenze cui gli Stati Uniti, quale unica potenza mondiale egemone, sarebbero presto andati incontro (2) e sulla decomposizione del sistema statunitense (3).

Johnson, profondo conoscitore dell’Asia, e del Giappone in particolare, osservava, tra il 1999 e il 2000, che gli USA non sarebbero stati in grado di gestire il loro rapporto con l’Asia, se avessero perseguito i “reiterati tentativi del loro governo di dominare la scena mondiale” (4). Tra i cambiamenti, già visibili, che avrebbero nel prossimo futuro delineato un nuovo quadro geopolitico, Johnson poneva la propria attenzione al crescente tentativo della Cina di emulare le altre economie dell’Asia orientale a crescita intensiva (5). Lo stesso autore, riferendosi all’impietosa analisi illustrata da David Calleo (6) nel lontano 1987 sulla disgregazione del sistema internazionale, riteneva che gli Stati Uniti di fine secolo fossero “un egemone rapace” “dotato di scarso senso d’equilibrio”.

Anche il francese Todd, come l’americano Johnson, riteneva che gli USA, a causa delle guerre in Medio Oriente e in Jugoslavia, fossero diventati, ormai, un elemento di disordine per l’intero sistema internazionale; secondo Todd, inoltre, l’interdipendenza economica era a netto svantaggio dell’economia statunitense, come la crescita del deficit economico dell’ultimo decennio indubbiamente dimostrava.

Alcuni anni dopo, nel gennaio del 2005, un acuto e brillante osservatore come Michael Lind della New America Foundation sosteneva, in un importante articolo pubblicato sul “Financial Times” (7), che alcuni Paesi eurasiatici (principalmente la Cina e la Russia) e dell’America meridionale stavano “silenziosamente” prendendo misure il cui effetto sarebbe stato quello di “ridimensionare” la potenza nordamericana.

Più recentemente (2007), Luca Lauriola (8) ha sostanzialmente ribadito gli stessi concetti, che qui riportiamo nelle parole di Claudio Mutti: “Lauriola intende dimostrare alcune tesi che possono essere schematicamente riassunte nei termini seguenti: 1) gli USA non sono più la maggiore potenza mondiale; 2) la potenza tecnologica russa supera oggi quella statunitense; 3) l'intesa strategica tra Russia, Cina e India configura un'area geopolitica alternativa a quella statunitense; 4) gli USA si trovano in una gravissima crisi finanziaria ed economica che prelude ad un vero e proprio crollo; 5) in tale situazione, la potenza statunitense è "smarrita e impazzita", sicché Mosca, Pechino e Nuova Delhi la trattano cercando di non provocare reazioni che potrebbero causare catastrofi mondiali; 6) l'amministrazione Bush prosegue imperterrita verso il precipizio, inventando continuamente menzogne che giustifichino la funzione mondiale degli USA; 7) le condizioni di vita di gran parte della popolazione statunitense sono simili a quelle di molti paesi sottosviluppati; 8) l'immagine odierna degli USA non è un'eccezione della loro storia, ma riproduce fedelmente quella di sempre (dal genocidio dei Pellirosse al terrorismo praticato in Vietnam); 8) negli USA, un ruolo politico eminente viene svolto da quella medesima lobby messianica che aveva primeggiato nella nomenklatura sovietica” (9).

Ma come mai l’iperpotenza statunitense, nel breve volgere di neanche un ventennio, è sul punto di collassare? Perché un attore globale come gli USA non è stato in grado di governare ed imporre il suo tanto declamato “New Order”, democratico e liberista?

Le risposte a tali quesiti non vanno ricercate soltanto nelle, tutto sommato, facili analisi care agli economisti e/o nelle contraddizioni politiche in seno al sistema occidentale. Vanno, a nostro avviso, cercate proprio nell’analisi delle dottrine geopolitiche della potenza statunitense. Gli Stati Uniti d’America — potenza talassocratica mondiale — hanno sempre perseguito, fin dalla loro espansione nel subcontinente sudamericano, una prassi geopolitica che in altra sede abbiamo definita “del caos” (10), vale a dire la geopolitica della “perturbazione continua” degli spazi territoriali suscettibili di essere posti sotto la propria influenza o il proprio dominio; da qui l’incapacità di realizzare un vero ed articolato ordine internazionale, quale ci si dovrebbe aspettare da chi ambisce alla leadership mondiale.

Due geopolitici italiani, Agostino Degli Espinosa e Carlo Maria Santoro, in epoche diverse e molto lontane tra loro, rispettivamente negli anni ’30 e ’90, hanno constatato una importante caratteristica degli USA, quella di essere inadatti a governare, ad amministrare.

Scriveva nel lontano 1932 Agostino Degli Espinosa: “L'America non vuole governare, vuole semplicemente possedere nel modo più semplice, ossia con il dominio dei suoi dollari”, e proseguiva affermando che governare “non significa unicamente imporre delle leggi e delle volontà: significa dettare una legge a cui lo spirito del popolo o dei popoli aderisca in modo che fra governo e governati si formi un’unità spirituale organizzata” (11).

Ribadiva, a distanza di oltre sessant’anni, Carlo Maria Santoro: “le potenze marittime […] non sanno immaginare, neppure concettualmente, la conquista e l’amministrazione, ovvero la suddivisione gerarchica dei grandi Imperi continentali” (12).

La specificità talassocratica degli USA, individuata da Santoro, e l’incapacità di governare, nel senso sopra magistralmente esposto da Degli Espinosa, spiegano meglio di ogni altra analisi il declino della Potenza nordamericana. A ciò, ovviamente, vanno aggiunti anche gli elementi critici connessi al grado di espansione dell’imperialismo statunitense: dispiegamento militare, spesa pubblica, scarso senso della diplomazia.

Ad affermare l’inettitudine degli USA nel gestire l’attuale momento storico è giunto, recentemente, anche l’economista francese Jacques Sapir. Per il direttore della scuola di Parigi per gli studi delle scienze sociali (EHESS), anzi, già la crisi del 1997-1999 aveva mostrato ”que les Ètats-Unis étaient incapables de maîtriser la libéralisation financière internationale qu’ils avaient suscitée et imposée à nombreux pays” (13). Ovviamente, per Sapir la mondializzazione è un aspetto dell’espansionismo statunitense, essendo in larga misura l’applicazione della politica americana che egli ritiene essere “una politica volontarista di apertura finanziaria e commerciale” (14). All’epoca, quando le ricette liberiste statunitensi, veicolate attraverso i diktat del Fondo monetario internazionale, fallivano in Indonesia e venivano, a ragione, duramente rifiutate da Kuala Lumpur, fu, significativamente, sottolinea Sapir, la responsabile politica economica adottata da Pechino ad assicurare la stabilità dell’Estremo Oriente.

È interessante notare che l’accelerazione del processo di ridimensionamento economico e politico degli USA (2007-2008) è avvenuto proprio quando alla guida del paese permane una gruppo di potere che si rifà alle idee dei think tank neoconservatori. I neocons, è noto, hanno spinto il più possibile Washington ad attuare negli ultimi anni — a partire almeno dal 1998, anno in cui inizia la “rivoluzione negli affari militari” — una politica estera aggressiva ed espansionista; tale politica è stata condotta in stretta coerenza con i principi veterotestamentari (l’impulso messianico come componente del patriottismo statunitense e come costante del carattere nazionale) che li contraddistinguono e con la particolare declinazione, in senso conservatore, della nota tesi trockista della rivoluzione permanente. Questa tesi, oltre a costituire, per alcuni versi, il sostrato teorico della strategia della “permanent war”, definita dal vice presidente Dick Cheney ed attuata con solerzia dall’Amministrazione Bush nel corso degli ultimi due mandati presidenziali (2000-2008), rinverdisce la caratteristica “geopolitica del caos” di Washington.

America indiolatina ed Eurasia


Se gli USA, stretti tra necessità d’ordine geostrategico (controllo della Russia e della Cina in Eurasia, del Brasile, dell’Argentina e dell’area caraibica nel proprio emisfero) e una profonda crisi economico-finanziaria, sembrano essere confusi ed oscillare tra una politica estera persino più aggressiva e muscolare rispetto al recente passato e un ripensamento realistico del proprio ruolo mondiale, i maggiori paesi eurasiatici, Russia e Cina in testa, ed i più importati paesi sudamericani, Argentina e Brasile, appaiono sempre più consapevoli delle proprie potenzialità economiche, politiche e geostrategiche.

Ciò obbliga gli analisti e i decisori politici ad utilizzare nuovi paradigmi per interpretare il presente. Gli schemi interpretativi del passato, basati sulle dicotomie est-ovest, nord-sud, centro-periferia, non sembrano valere più. Sarà bene analizzare il presente, al fine di cogliere gli elementi necessari per delineare i futuri possibili scenari geopolitici, da una prospettiva continentale e multipolare delle alleanze e delle tensioni fra gli attori globali; in particolare, occorrerà concentrare l’attenzione sugli assi intercontinentali tra i due emisferi del Pianeta.

Il BRIC (Brasile, Russia, India e Cina), il nuovo asse geoeconomico tra l’Eurasia e l’America indiolatina, è ormai una realtà ben definita, capace di attrarre, nel prossimo futuro, altri paesi eurasiatici e sudamericani. Se, nel breve-medio periodo, tale asse si consoliderà, il sogno “occidentalista” inglese di una comunità euroatlantica, dalla Turchia alla California (15), e quello mondialista degli USA, incardinato sulla triade Nordmerica, Europa e Giappone, saranno destinati a rimanere tali.

Il recente vertice dei Ministri degli esteri dei paesi del BRIC (maggio 2008, Ekaterinburg, Russia), che ha confermato l’intenzione dei nuovi paesi emergenti ad intessere ulteriormente le relazioni economiche e politiche, è stato percepito dagli USA come un vero e proprio affronto. A ciò occorre anche aggiungere la riunione dei Big Five (Brasile, India, Cina, Messico e Sud Africa), tenutasi a Sapporo nel luglio del 2008 in concomitanza con il vertice di Hokkaido del G8.

È con l’insediamento di Putin a primo ministro della Federazione russa (agosto 1999) che iniziano ad avviarsi consistenti relazioni economiche tra la Russia e i paesi sudamericani, per poi intensificarsi nel corso degli ultimi anni fino ad assumere una decisa dimensione politica.

Mentre risale all’aprile del 2001 l’interesse della Cina verso l’America meridionale, con la storica visita del presidente Jian Zemin a diverse nazione del subcontinente americano. La Cina, alla ricerca di materie prime e di risorse energetiche per il proprio sviluppo industriale, ritiene il Brasile, il Venezuela ed il Cile partner privilegiati e strategici (si contano, ad oggi, tra i 400 e 500 accordi commerciali tra Pechino, i principali paesi sudamericani e il Messico), tanto da investirvi cospicui capitali per la realizzazione di importanti infrastrutture.

Gli interessi russi e cinesi in America meridionale, dunque, aumentano giorno dopo giorno. Il colosso russo Gazprom (insieme all’italiana ENI) sigla contratti con il Venezuela (settembre 2008) per l’esplorazione delle aree Blanquilla Est e Tortuga, nel Mar dei Caraibi, a circa 120 chilometri a nord dalla città di Puerto la Cruz (Venezuela settentrionale), e Mosca vara un piano per la creazione di un consorzio petrolifero in America meridionale. Inoltre, mentre la Lukoil firma un memorandum d´intesa con la compagnia petrolifera venezuelana, la PDVSA, Chávez si reca a Pechino (settembre 2008) per firmare una ventina di accordi commerciali con Hu Jintao, relativi a forniture agricole, tecnologiche e petrolchimiche e si impegna a fornire 500 mila barili/giorno di petrolio entro il 2010 e 1 milione entro il 2012.

Inoltre, Pechino e Caracas, facendo seguito a intese intercorse nel maggio del 2008, a settembre dello stesso anno, prendono accordi per l'installazione di una raffineria di proprietà comune in Venezuela e per la realizzazione congiunta di una flotta di quattro petroliere giganti e per l'aumento delle spedizioni di petrolio in Cina.

L’America caraibica e meridionale non sembra più essere il “cortile di casa” di Washington. Le preoccupazioni aumentano per Washington, quando il Nicaragua riconosce le repubbliche dell’Ossezia del sud e dell’Abkhazia, quando il Venezuela ospita bombardieri strategici russi a lungo raggio e, soprattutto, quando il processo di integrazione dell’America meridionale viene accelerato dalle strettissime intese tra Buenos Aires e Brasilia. Le relazioni tra i due maggiori paesi del subcontinente americano si sono recentemente (settembre 2008) concretizzate nell’adozione del sistema di pagamento in moneta locale (SML) per l’interscambio economico-commerciale. L’adozione del SML al posto del dollaro statunitense rappresenta un vero e proprio primo passo verso l’integrazione monetaria dell’intera area Mercosur e l’embrionale costituzione di un “polo regionale” che, verosimilmente, grazie soprattutto agli ormai consolidati rapporti con la Russia e la Cina in campo economico e commerciale, potrebbe svilupparsi nel breve volgere di un lustro.
Il nervosismo di Washington sale, inoltre, quando Pechino e Russia espandono la loro influenza in Africa e trattengono rapporti di collaborazione con l’Iran e la Siria.

Tuttavia, oltre i pur importanti e necessari accordi economici, commerciali e politici, affinché il nuovo sistema multipolare possa adeguatamente svilupparsi, i suoi due pilastri, l’Eurasia nell’emisfero nordorientale e l’America indiolatina in quello sudoccidentale, dovranno assumere, necessariamente, il controllo dei propri litorali e contenere le tensioni interne (spesso suscitate artificialmente da Washington e Londra), il loro vero tallone d’Achille.

Infatti, per far fronte agli USA — per trovare, cioè, soluzioni ragionevoli ed equilibrate che ne riducano, a livello planetario, senza ulteriori sconvolgimenti, il grado di perturbazione — Cina e Russia devono considerare che, attualmente, l’ex iperpotenza è, sì, sicuramente una nazione “smarrita”, ma pur sempre un’entità geopolitica dalle dimensioni continentali, padrona dei propri litorali e con ancora una potente flotta navale (16), presente su tutti gli scacchieri del Pianeta. Recentemente, ricordiamo, Washington ha riattivato la Quarta Flotta (per ora costituita da 11 navi, un sommergibile nucleare e una portaerei) per dimostrare, minacciosamente, il proprio impegno presso i loro partner centroamericani e sudamericani. La pur sempre temibile potenza statunitense impone all’Eurasia, principalmente alla Russia che ne costituisce il fulcro, ma anche alla Cina, di attivare una politica di integrazione, o maggiore collaborazione, verso l’area peninsulare ed insulare della massa continentale, cioè verso l’Europa ed il Giappone. È in tale contesto che occorre considerare la nuova politica del presidente Medvedev in relazione al potenziamento delle forze armate russe e, in particolare, al riammodernamento della marina militare (17). Pur se ci troviamo nell’era della cosiddetta “geopolitica dello spazio” e della geostrategia dei missili e degli scudi spaziali, l’elemento navale rappresenta, già da oggi, un importante banco di prova sul quale gli attori globali sono chiamati a sperimentare le proprie strategie per almeno il prossimo decennio, sia nei “mari interni” (Mediterraneo, Nero e Caraibico) sia negli oceani.

Al fine di comprendere appieno le future mosse della potenza d’oltreoceano, Pechino e Mosca farebbero bene a tenere a mente quanto scriveva, anni or sono, Henry Kissinger,: “Geopoliticamente l’America è un’isola al largo del grande continente eurasiatico. Il predominio da parte di una sola potenza di una delle due sfere principali dell’Eurasia — Europa o Asia — costituisce una buona definizione di pericolo strategico per gli Stati Uniti, una guerra fredda o meno. Quel pericolo dovrebbe essere sventato anche se quella potenza non mostrasse intenzioni aggressive, poiché, se queste dovessero diventare tali in seguito, l’America si troverebbe con una capacità di resistenza efficace molto diminuita e una incapacità crescente di condizionare gli avvenimenti” (18).

In maniera perfettamente speculare a quello per l’Eurasia, un analogo discorso vale anche per l’America indiolatina. L’America indiolatina — cioè per il momento, il Brasile, l’Argentina ed il Venezuela — è obbligata per evidenti motivi geostrategici, a contenere le tensioni che alimentano l’instabilità di una parte dell’arco andino (19), in particolare quella boliviana, che costituisce il tratto territoriale che collega la costa occidentale a quella orientale del subcontinente americano. Brasilia, Buenos Aires, Santiago e Caracas — se veramente vogliono sottrarsi alla tutela statunitense — dovranno necessariamente incrementare le loro relazioni politiche e militari e porre particolare attenzione al potenziamento delle proprie flotte marine, civili e militari. Le condizioni attuali, grazie all’“amico lontano” rappresentato dalle potenze eurasiatiche, sembrano giocare a loro favore. Le condizioni attuali, è doveroso dirlo, giocano a favore anche dell’Europa e del Giappone.

Per l’equilibrio del Pianeta, tuttavia, c’è solo da sperare che gli USA prendano ragionevolmente atto del loro ridimensionamento, e non perseguano, quindi, insensate strategie di rivincita.


Note
1. L’odierna crisi economico-finanziaria risale, secondo alcuni specialisti, tra cui Jacques Sapir, a quella del triennio 1997-1999. Jacques Sapir, Le nouveau XXI siècle. Du siècle «américaine» au retour des nations, Seuil, Paris 2008, p.11. Ricordiamo che gli USA, dal 1992 al 1997, nella convinzione di essere ormai l’unica potenza mondiale, veicolarono, a sostegno della loro strategia di dominio mondiale, una “campagna ideologica volta ad aprire le economie del mondo al libero commercio e al libero movimento dei capitali su scala globale” (Chalmer Johnson, Gli ultimi giorni dell'impero americano, Garzanti, Milano 2001, p. 290).
2. Chalmer Johnson, Gli ultimi giorni dell'impero americano, Garzanti, Milano 2001, ediz. orig. Blowback, The Costs and Consequences of American Empire, Little Brown and Company, London 2000.
3. Emmanuel Todd, Après l’empire. Essai sur la décomposition du système américain, Gallimard, Paris 2002. Ed. italiana, Dopo l’impero, Tropea, Milano 2003.
4. Chalmer Johnson, op. cit., p. 59.
5. Chalmer Johnson, op. cit., p. 58.
6. “Il sistema internazionale va disgregandosi non solo perché nuove potenze aggressive dotate di scarso senso dell’equilibrio cercano di dominare i paesi confinanti, ma anche perché le potenze in via di declino, anziché regolarsi e adattarsi, cercano di cementare il proprio barcollante predominio trasformandolo in un’egemonia rapace”, David. P. Calleo, Beyond American Hegemony: The future of the Western Alliance, New York 1987, p. 142, citazione tratta da Chalmer Johnson, op. cit., p. 312.
7. Michael Lind, How the U.S. Became the World's Dispensable Nation in “Financial Times”, 26 gennaio 2005.
8. Luca Lauriola, Scacco matto all'America e a Israele. Fine dell’ultimo Impero, Palomar, Bari 2007.
9. Claudio Mutti, Recensione a L. Lauriola, Scacco matto all’America e a Israele, www.eurasia-org, 27 gennaio 2008.
10. Tiberio Graziani, Geopolitica e diritto internazionale nell’epoca dell’occidentalizzazione del pianeta, in “Eurasia. Rivista di studi geopolitici”, 4/2007, p. 7.
11. Agostino Degli Espinosa, Imperialismo USA, Augustea, Roma-Milano 1932-X, p.521.
12. Carlo Maria Santoro, Studi di Geopolitica, G. Giappichelli, Milano 1997, p. 84.
13. Jacques Sapir, op. cit., pp. 11-12.
14. Jacques Sapir, op. cit., pp. 63-64.
15. Sergio Romano, in merito alla politica inglese antieuropea, così rispondeva a due lettori del quotidiano “Corriere della sera”: “L' obiettivo inglese è una grande comunità atlantica, dalla Turchia alla California, di cui Londra, beninteso, sarebbe il perno e la cerniera”, Sergio Romano, Perché è difficile fare l' Europa con la Gran Bretagna, Corriere della sera, 12 giugno 2005, p. 39.
16. Riporta Alessandro Lattazione che “la flotta USA, dieci anni fa, possedeva 14 portaerei e relativi gruppi di battaglia. Oggi ne ha, sulla carta, 10 ma solo 5/6 sono operative”. Alessandro Lattanzio, La guerra è finita?, relazione presentata al FestivalStoria, Torino, 16 ottobre 2008.
17. Alessandro Lattanzio, Il rilancio navale della Russia, www.eurasia-rivista.org, 1 ottobre 2008.
18. Henry Kissinger, L’arte della diplomazia, Sperling & Kupfer Editori, Milano 2006, pp.634-635.
19. Come noto, gli analisti suddividono l’America meridionale in due archi: l’arco andino, costituito da Venezuela, Colombia, Ecuador, Perú, Bolivia, Paraguay e l’arco atlantico, costituito da Brasile, Uruguay, Argentina e Cile.

Blackwater: l'ascension de l'armée privée la plus puissante du monde

Blackwater : L'ascension de l'armée privée la plus puissante du monde

Présentation de l'éditeur
Comment une société privée américaine a-t-elle pu décrocher des marchés publics dans le secteur de la défense et de la sécurité intérieure pour se rendre, peu à peu, indispensable? Où la firme a-t-elle recruté ses centaines de milliers de "réservistes" ? Quel est son rôle en Irak et dans les transferts "spéciaux" de prisonniers? Comment a-t-elle réussi à s'enrichir lors de l'ouragan Katrina? Pourquoi a-t-elle bénéficié de la menace iranienne? Quels sont ses projets pour l'ère post-Bush? A travers une enquête passionnante, Jeremy Scahill révèle la privatisation partielle d'un service public. Un peu partout dans le monde sont engagés des mercenaires d'un type nouveau, agissant parfois hors la loi. Les pires crimes de guerre commis par des hommes de Blackwater en Irak n'ont, à ce jour, pas été jugés. Les enjeux internationaux du nouveau business de la guerre et de la sécurité deviennent ainsi tangibles. Désormais, chaque conflit armé ou chaque guerre peut avoir recours à ces mercenaires privés, dont les budgets ne dépendent pas des parlements.

John Scahill, Blackwater : L'ascension de l'armée privée la plus puissante du monde, Acte Sud, 2008.

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lundi, 05 janvier 2009

Le Front Populaire contre les étrangers

Le Front Populaire contre les étrangers

Le Front Populaire contre les étrangers
"Les élections législatives des 26 avril et 3 mai 1936 voient la victoire du Front populaire. 378 sièges pour la gauche contre 222 pour la droite. Pour la première fois de son histoire, le parti socialiste, avec 149 sièges et 27 apparentés, est le plus important de l'Assemblée. Plus de soixante-dix ans plus tard, la gauche française revendique encore l'héritage de cette victoire. Les images d'Épinal ne manquent pas pour décrire cette période qui s'acheva le 18 avril 1938 avec la démission de Léon Blum. La gauche n'a pas oublié ces années de lutte : les congés payés ; la semaine de quarante heures ; la création de délégués du personnel dans les entreprises de plus de dix salariés ; les nationalisations.

Et la politique des socialistes à l'égard des étrangers ? La gauche l'a inconsciemment effacée de sa mémoire car elle ne correspond pas à sa mythologie. Et pour cause. Si elle se souvenait, elle croirait que les élections de 1936 ont vu l'accession au pouvoir d'une droite réactionnaire et xénophobe. Elle en viendrait à renier Roger Salengro, ministre de l'Intérieur du Front populaire, érigé en héros après qu'il se soit suicidé à la suite d'une campagne de presse attribuée à l'hebdomadaire d'extrême droite Gringoire. Le 2 octobre 1936, Salengro répond à une question posée par un député de la Moselle sur les expulsions récentes d'ouvriers étrangers de Lorraine. Sa réponse ferait aujourd'hui scandale : « Les décisions prises à l'égard des étrangers expulsés à la suite des incidents de Moyeuvre-Grande ont toutes étaient motivées par des raisons graves : l'attitude particulièrement violente des intéressés qui, parfois, ont manqué de la correction la plus élémentaire à l'égard des autorités locales, justifie pleinement de telles mesures. Si le gouvernement entend rester fidèle à tous les principes humanitaires et faire tout spécialement honneur aux traditions d'hospitalité, il ne saurait tolérer que les étrangers abusent de l'asile qui leur est offert en intervenant dans les conflits politiques et sociaux. » Une expulsion pour un manquement aux règles de la correction. Le refus de voir les étrangers s'immiscer dans la vie politique et sociale de la France. Délires de Jean-Marie Le Pen ? Non, simplement la position d'une des figures légendaires du Front populaire.

Roger Salengro ne s'arrête pas en si bon chemin. Le 14 août 1936, il adresse aux préfets une circulaire appelant à la plus grande fermeté face aux réfugiés allemands. Le ton est donné. L'heure n'est pas au laxisme : « Il importe de ne plus laisser, désormais, pénétrer en France, aucun émigré allemand et de procéder au refoulement de tout étranger, sujet allemand ou venant d'Allemagne, qui, entré postérieurement au 5 août 1936, ne serait pas muni des pièces nécessaires (passeport régulièrement visé ou autorisation spéciale), ou chercherait à se maintenir au-delà du délai fixé par son visa consulaire... Ces mesures de bienveillance et d'attente ne devront pas jouer, bien entendu, à l'égard de ceux qui vous paraîtraient, par leur attitude, leur conduite ou la gravité des faits ayant motivée la sanction intervenue, mettre manifestement en péril l'ordre public et la sécurité nationale. » Nous étions en 1936. Hitler était au pouvoir. Les persécutions à l'égard des juifs et des communistes avaient commencé. Les socialistes français le savaient. Roger Salengro ne pouvait l'ignorer. Pourtant, il refuse l'accueil des étrangers fuyant le régime nazi. Quant à ceux qui mettraient en danger l'ordre public et la sécurité nationale, ils ne méritent qu'une sanction : l'expulsion. Que pouvait suggérer le ministre socialiste par de tels comportements ? Peut-être une manifestation discrète contre le gouvernement allemand ? Sans doute une protestation contre un régime manifestement totalitaire. Rien de très organisé. Rien de particulièrement violent. Et, en tout état de cause, la mise en danger de l'ordre public ne pouvait résulter que de quelques individus isolés. Nous étions loin de Villiers-le-Bel. Loin des policiers agressés. Loin des écoles, des voitures et des bibliothèques incendiées. À mille lieux des insurrections urbaines qui agitent la France depuis plusieurs années. Pourtant, la gauche française, avec le soutien de la droite, n'hésitait pas à employer les grands moyens face à des étrangers qu'elle estimait, à tort ou à raison, dangereux pour l'ordre public. Personne, à l'époque, n'aurait osé crier à l'extrémisme ou au fascisme.

Le Front populaire ne s'arrête pas à ces interventions et circulaires de Roger Salengro. Le 11 décembre 1936, le gouvernement prend dix décrets de protection de la main-d'œuvre nationale, en application de la loi du 10 août 1932. Dans dix secteurs d'activité, chaque décret fixe la proportion maxima de travailleurs de nationalité étrangère. C'est ainsi que, dans les laiteries et fromageries du Cher, le maximum est fixé à 10% dès l'application du décret et à 5% six mois après. En Meurthe et Moselle, ce sont les fabriques de produits céramiques, de chaux, plâtre et ciment, de faïence et porcelaine qui sont tenues de limiter l'emploi de main-d'oeuvre étrangère. Dans le département du Pas-de-Calais, terre ouvrière par excellence, les tuileries et briqueteries sont tenues de ne pas employer trop d'étrangers. C'est également le cas des fabriques de bouchons et objets en liège des Bouches-du-Rhône. N'échappent pas non plus aux quotas les chantiers de construction et de réfection des voies ferrées d'une multitude de départements comme l'Ardèche, l'Aube ou la Lozère. Autrement dit, pour la gauche des années 1930, défense des travailleurs rime avec préférence nationale. D'ailleurs, cette politique porte ses fruits puisque, de 1931 à 1936, la population étrangère en France serait passée de 2,9 millions à 2,5 millions. La gauche ne voit pas de contradiction entre cette politique et les valeurs républicaines qui inspirent son action. Tout juste un décalage entre les contraintes du réel et son idéal internationaliste ?

Si les étrangers doivent s'éclipser au profit des Français en matière de travail, on les oblige aussi à se tenir tranquilles. Il n'est pas question qu'ils participent à la moindre agitation politique. Le 26 janvier 1937, un décret dissout le mouvement de l'indépendantiste algérien Messali Hadj, l'Étoile Nord-Africaine, dont le siège se trouve rue Daguerre à Paris14. Cette politique, qui soulèverait aujourd'hui l'indignation de la gauche française et de l'ensemble des associations anti-racistes, indispose-t-elle le parti communiste de l'époque ? En aucune manière. Celui-ci en rajoute même dans la propagande nationaliste. Avant même l'avènement du Front populaire, Jacques Duclos signait un article en première page de L'Humanité au titre éloquent : « La France au Français ». Deux ans plus tard, le parti n'a pas varié. Le 28 septembre 1937, Maurice Thorez, son secrétaire général, s'exclame lors d'un meeting au Vélodrome d'hiver : « Asile sacré aux travailleurs immigrés chassés de leur pays par le fascisme, mais répression impitoyable contre les agents étrangers de l'espionnage et du terrorisme fasciste et contre leurs complices français. Nulle xénophobie ne nous anime quand nous crions « La France aux Français ». Pourrait-on imaginer aujourd'hui Marie-Georges Buffet reprendre à son compte un slogan pourtant moins agressif : « Les Français d'abord » ?"

Source : Thierry Bouclier, La République amnésique, Perrin, 2008.

H. Laxness : Katholik; Kommunist, Befreiungsnationalist

Katholik, Kommunist, Befreiungsnationalist

http://www.deutsche-stimme.de/

Vor 10 Jahren starb der isländische Nobelpreisträger Halldór Laxness

Interessant an dem großen isländischen Erzähler Halldór Laxness ist nicht so sehr die Tatsache, daß er als junger Mann vom Protestantismus zum Katholizismus konvertierte (Taufe: 6. Januar 1923). Auch nicht, daß er schon wenige Jahre später ein eifriger Parteigänger der Sache Lenins und Stalins wurde (den Beitritt zur isländischen Volksfrontpartei aus Sozialisten und Kommunisten jedoch bis 1938 hinauszögerte).

Laxness, der in seiner katholischen Lebensphase mit dem Gedanken spielte, Benediktiner- oder Jesuitenpater zu werden, übertrug seine Glaubensinbrunst auf den Kommunismus. Von besonderem Interesse an seinem Leben ist eher der Umstand, daß er als Angehöriger eines jahrhundertelang unterdrückten Volkes auch in seinen kommunistischen Lebensjahrzehnten Ansichten äußerte, die man heute eher dem modernen Befreiungsnationalismus zuordnen würde.
Der Nationalismus kann sich mit anderen Ideologien verbinden. So gibt es nationalkonservative, nationalliberale, nationalsozialistische und nationalkonservative Strömungen. Laxness verstand den Kommunismus als wirksame Befreiungslehre gegen den Imperialismus des 20. Jahrhunderts, der auch sein Volk bedrohte.

Laxness hätte kein Verständnis dafür gehabt, wenn man um der Reinheit der marxistisch-leninistischen Lehre willen von ihm verlangt hätte, Volk und Nation als dominierende Lebenswirklichkeiten zu negieren. Am 8. November 1939 schrieb er in einer isländischen Zeitung: »Der Imperialismus hat nichts mit Nationalität zu tun, sondern ist seiner Natur nach eine internationale Verschwörung von Dieben, die allzeit bereit sind, sich darum zu schlagen und zu prügeln, wer das Vorrecht haben sollte, die Welt zu bestehlen und zu plündern, unschuldige Völker zu knechten, sich die Reichtümer der Nationen anzueignen und diese zu ihrem Zweck zu versklaven; und die Methode, ihre noblen Interessen zu verfolgen, ist die, die Nationen in Blut zu ertränken.«

Gegen den Imperialismus

Freilich erkannte Laxness damals nicht, daß alle diese negativen Kennzeichnungen auch auf den Sowjetimperialismus zutrafen. Dies ging ihm erst andeutungsweise auf, als er im Zuge der Entstalinisierung nach 1953 seine kommunistische Verbohrtheit verlor und 1956 durch die sowjetische Vergewaltigung Ungarns geschockt wurde.

Worauf gründete die nationale Einstellung des Isländers Laxness? Maßstab gerade für eine kleine Nation ist, so Laxness, die Kultur, die sie hervorbringt. Er selbst fühlte sich berufen, in diesem Sinne die kleine isländische Kulturnation in die Modernität des 20. Jahrhunderts zu führen. 1932 brachte er es in einem Brief auf die Formel: »Es ist ein Unglück für einen Schriftsteller, in einem kleinen Land am Rande der Welt geboren zu sein, verdammt zu einer Sprache, die keiner versteht. Aber ich hoffe, daß die Steine Islands eines Tages zur ganzen Welt sprechen werden, durch mich.«
Die Verleihung des Nobelpreises für Literatur (1955) bestätigte ihm, daß sein Werk »Land und Volk zu Ruhm und Ehre« gereichen konnte. Nationalität und Humanität gehörten für ihn, wie er beim Empfang des Preises betonte, zusammen: »Wenn ein isländischer Dichter seine Herkunft vergißt, die in der Tiefe der Volksseele liegt, dort, wo die Saga zu Hause ist, wenn er seine Verbindung und seine Verpflichtung gegenüber dem bedrohten Leben verliert, dem Leben, das mich meine alte Großmutter gelehrt hat, dann ist der Ruhm so gut wie wertlos; und ebenso das Glück, das Geld beschert.«

Für die Freiheit seines Volkes

Ein Hurrapatriotismus war nicht Laxness‘ Sache. Im Mai 1939 sagte er bei einem Treffen sozialistischer Jugendverbände auf Island: »Nicht der ist der größte Patriot, der die Heldensagen der Nation am lautesten preist und ständig die Namen der berühmtesten Männer auf den Lippen führt, sondern der, der zugleich auch die Leiden seines Volkes versteht, den schweigenden Kampf der zahlreichen namenlosen Menschen, die es nie auf die Seiten der Geschichtsbücher gebracht haben … Der Patriot erkennt nicht nur die Stärke seines Volkes und dessen Erfolge gebührend an, er weiß auch, besser als jeder andere, wo die Erniedrigung am bittersten, die Niederlage am größten war.«
Das Wissen um die jahrhundertelange dänische Unterjochung Islands sensibilisierte Laxness für den Freiheitskampf seines Volkes. Erst am 1. Dezember 1918 konnte die bedingte Unabhängigkeit Islands errungen werden; der dänische König blieb jedoch in Personalunion noch Staatsoberhaupt der Republik (!) Island.

Am Unabhängigkeitstag des Jahres 1935 durfte Laxness bei den Feierlichkeiten die Hauptrede halten, die vom Rundfunk übertragen wurde. Er nutzte die Gelegenheit, um Befreiungsnationalismus und Volksfrontpolitik miteinander zu verknüpfen: »Wir stehen jetzt am Höhepunkt des Freiheitskampfes des isländischen Volkes: Isländische Männer, isländische Frauen, nehmt den Kampf noch heute auf, haltet diesen Tag der Unabhängigkeit und der Freiheit heilig, indem ihr euch vereint in der Volksfront, der Union aller Kräfte… gegen die ausländische und inländische Unterdrückungsmacht in Form des Bankenkapitals, des Finanzgroßkapitals, dieser schlimmsten Feinde der lebendigen und sich mühenden Menschheit auf Erden, die auch in diesen Tagen danach streben, ihre Pranken auf unser Land zu legen, auf jede einzelne atmende Brust.«

Erst 1944 erlangte Island die völlige Trennung von Dänemark. Laxness: »Es war bemerkenswert, wie jeder Einwohner des Landes in diesen Tagen das Leben der Nation als sein eigenes empfand, als ob jeder Mensch, gebildet oder ungebildet, die lebendige Geschichte des Landes in seiner Brust spürte.«
Laxness war ein sehr merkwürdiger Kommunist, denn was er hier beschrieb, war nichts anderes als die punktuelle Realisierung eines uralten nationalistischen Ideals: des Gedankens der Volksgemeinschaft. Dem isländischen Befreiungsnationalismus setzte Laxness mit seinem Roman »Die Islandglocke« (3 Bde., 1943 – 1946; deutsch: 1951 bzw. 1993) ein Denkmal. Die Glocke wird darin zum Symbol für Erniedrigung und Wiederauferstehung des isländischen Volkes.

Im Kampf gegen die USA

Weist »Die Islandglocke« ins 17. und 18. Jahrhundert zurück, so spielt der Roman »Atomstation« (1948, deutsch: 1955 bzw. 1993) in der Zeit nach dem Zweiten Weltkrieg. Mit diesem Roman und zahlreichen Artikeln kämpfte Laxness gegen die Abtretung von Landrechten an die USA (zwecks Errichtung eines militärischen Stützpunktes). Seine Parolen lauteten damals: »Island darf nie eine Atomstation ausländischer Kriegsgewinnler werden« und »Wir Isländer wollen das uneingeschränkte Hoheitsrecht über unser ganzes Land«.
In deutscher Sprache ist das großartige Erzählwerk dieses Isländers inzwischen in der elfbändigen Werkausgabe (abgeschlossen 2002) leicht zugänglich. Im Dritten Reich konnte nur ein Titel des Autors erscheinen.
Nach dem Zweiten Weltkrieg wurde Laxness in der DDR stark gefördert, obwohl seine fiktionalen Werke nur in sehr begrenztem Umfang Träger einer sozialistisch-kommunistischen Botschaft waren und auch nicht den Vorgaben des sozialistischen Realismus entsprachen.

1958, zu einem Zeitpunkt, als er schon stark von seiner früheren kommunistischen Begeisterung abgerückt war, mokierte sich Laxness in einem Brief an seine Frau über die »miese Atmosphäre in Ostdeutschland«. Für die Politik der DDR hatte er nur ein vernichtendes Urteil übrig: »Ich glaube, Ostdeutschland verdient den Preis des übelsten Dreckslandes, in das ich je gekommen bin, schließlich geht es nicht mit rechten Dingen zu, daß innerhalb weniger Jahre 3 Millionen Menschen aus dem Land geflohen sind. Im Vergleich zu den Bevölkerungszahlen in Skandinavien wäre es dasselbe, wenn in weniger als zehn Jahren alle Norweger aus Skandinavien fliehen würden.«

Wenig schmeichelhaft ist auch, was Laxness 1970 einem Freund über die Untertänigkeitshaltung in beiden Teilen Rumpfdeutschlands mitteilte: »Übrigens, wie ich aus den beiden Teilen Deutschlands höre, sind alle mit ihren jeweiligen Besatzungstruppen zufrieden.« Eine solche Beobachtung verwundert nicht: Laxness´ Blick war durch die Beschäftigung mit der jahrhundertelangen dänischen Besatzungspolitik in Island hinreichend geschärft.

Josef M. Rauenthal

Entrevue avec Domenico Fisichella sur la notion de totalitarisme

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1987

Entrevue avec Domenico Fisichella sur la notion de totalitarisme

par Giovanni SEMPLICE

Il a cinquante-deux ans et les porte bien. C'est un savant qui jouit d'un prestige international et ses travaux sont publiés à Oxford, à l'Université de Californie, à la Sorbonne, au Centre d'Etudes constitutionnelles de Madrid. Son nom: Domenico Fisichella, professeur ordinaire de Science de la Politique auprès de la Faculté des Sciences Politiques de l'Université "La Sapienza" à Rome. Il enseigne aussi à l'Université Libre Internationale des Etudes Sociales (LUISS). Pour le grand public, il est connu comme étant l'éditorialiste du quotidien  La Nazione de Florence, auquel il a collaboré d'avril 1971 à mars 1977, et comme chroniqueur à Il Tempo de Rome.

Son livre le plus récent, Totalitarismo. Un regime del nostro tempo (La Nuova Italia Scientifica, Ro-me, 1987) constitue une vaste recherche, toute emprein-te de lucidité. L'analyse théorique y est enrichie d'une énorme érudition historique et l'auteur réussit un tour de force: préciser avec minutie un concept central pour la compréhension de l'un des phéno-mè-nes politiques protestataires des plus inquiétants qu'ait jamais connu l'histoire.

C'est de cet ouvrage fondamental que nous nous sommes entretenu avec Domenico Fisichella dans le bureau de sa belle maison de Parioli.

Ma première question concerne directement la loca-li-sation historique du phénomène to-ta-litaire. Pourquoi celui-ci s'inscrit-il dans notre temps? Qu'est-ce qui le distingue des autres formes autocratiques que l'hu-manité a connues jusqu'ici?

Ma réponse renvoie aux caractères propres du XXème siècle. Nous avons une société massifiée, mar-quée par la disparition des distinctions de classe traditionnelles, nous constatons l'émergence de ni-veaux significatifs dans le développement technolo-gique, nous observons des crises de légitimité dans de nombreux pays ainsi que des soubresauts dus à la transformation radicale soit des processus politiques soit des processus socio-économiques ou socio-culturels: sur un tel terrain peut s'alimenter le grand et terrible projet des mouvements totalitaires, qui est de créer l'homme nouveau et l'ordre nouveau. Ces fac-teurs, combinés les uns aux autres, ne se sont jamais rencontrés conjointement dans aucune réalité anté-rieure. Le totalitarisme est donc bien fils de notre temps parce qu'il exprime, dans ses formes et dans son contenu, lesquels sont dramatiquement exas-pérés, distordus, désordonnés et dépourvus de toute espèce de discrimination, l'anxiété des hommes face à l'innovation et à la transformation du monde dans lequel nous vivons.

Placé sous cet angle, quelle est la différence entre un régime totalitaire et un régime autoritaire?

Les différences sont multiples. Je me limiterai à en si-gnaler deux. Pour commencer, tous les régimes totalitaires sont à parti unique, tandis que nous con-nais-sons des régimes autoritaires sans partis, à un seul parti ou à plusieurs partis (dans ce dernier cas, toutefois, dans un contexte non compétitif). Ceci dit, tandis que dans les régimes autoritaires monoparti-tes, l'Etat demeure ou tend à demeurer dans une po-si-tion supérieure et primordiale par rapport au parti, comme dans le cas de l'Espagne franquiste voire dans celui de l'Italie fasciste; dans les régimes tota-li-taires, au contraire, le parti prévaut par rapport à l'E-tat et évide ce dernier de sa signification générale pour s'en appro-prier au nom de l'idée que représente le parti et celui-ci devient ainsi le noyau où germe la société nouvelle: ce processus vaut pour les cas du bolchévisme soviétique, du communisme chinois, du national-socialisme allemand. Et nous pouvons pas-ser à la seconde différence. C'est, en gros, celle du rapport entre régime et société, entre régime et culture. L'autoritarisme montre une compatibilité avec les divers niveaux significatifs du pluralisme so-cial (dans la double dimension économique et culturelle) et les respecte en règle générale. Mais il nie le pluralisme politique. Le totalitarisme, en re-van-che, est intimement anti-pluraliste à tous les ni-veaux et se doit, en conséquence, de détruire toutes les articulations et toutes les autonomies de la vieille société afin de bâtir l'ordre nouveau.

Quand on prend acte de ce schéma, quelle plausibilité acquiert la thèse qui décrit le national-socialisme comme un mouvement et un système de pouvoir bourgeois, comme le produit et la "longue main" des intérêts du capitalisme et de ses exigences en matières de marché et d'hégémonie civile?

A mon avis, de telles interprétations sont désormais am-plement réfutées, vu que nous connaissons l'is-sue tragique du nazisme. Le parti nazi, loin d'être une projection de la bourgeoisie, de ses valeurs et de ses intérêts, en est profondément éloigné. Tout com-me sont très distinctes l'orientation globale du con-servatisme et l'orientation globale du national-socia-lisme. Sans aucun doute, dans la phase d'érosion de la République de Weimar, quand les nazis partirent à la conquête du pouvoir, il y a eu de nombreuses col-lu-sions entre les milieux conservateurs et les mi-lieux nazis, toutes dues, il faut le dire, à une mé-com-pré-hension de la nature véritable du mouvement hitlé-rien. Toutefois, tandis que la polémique conserva-trice dirigée contre la République de Weimar et son système démocratique tendait plutôt à instaurer un ré-gime autoritaire "qualitatif", l'action des natio-naux-socialistes s'efforçait de construire un régime to-talitaire "quantitatif", basé sur les masses. Il est vrai que parfois le capitalisme bourgeois peut, pour as-surer la sauvegarde de ses intérêts économiques, recourir à un instrument politique de type autoritaire, mais penser que ce capitalisme puisse aspirer à un régime totalitaire est une contradiction dans les ter-mes, surtout parce que le totalitarisme, précisément, vise à établir une économie non économique, c'est-à-dire une économie totalement subordonnée à la po-litique, alors que le bourgeoisisme se montre jaloux de préserver sa conquête: l'autonomie de la dimen-sion éco-no-mique.

Le thème central des deux cents solides pa-ges de  Totalitarismo. Un regime del nostro tempo met en exergue un trait distinctif du type politique totalitaire: la révolution permanente. Le totalitarisme est, en deux mots, un régime de révolution, d'une révolution qui ne s'arrête pas. Comment alors ce régime de révolution est-il compatible, lui qui postule une fracture dans le flux de l'his-toire, avec l'idée de permanence, qui sous-tend toujours, de quelque mode que ce soit, le principe de continuité?

Votre observation est subtile. L'apparente con-tradic-tion s'estompe si nous parvenons à percevoir la ré-vo-lution comme un processus et l'histoire comme une succession de déstabilisations induites, et ce, dans une optique de mouvement, de lutte continue. L'idée de "lutte continue", en fait, est proprement to-talitaire. Dès que le pouvoir est conquis, le mouve-ment poursuit la révolution, en l'appliquant cette fois du haut et en déstabilisant la société par une succes-sion d'"ondes" subversives. Cela peut paraître paradoxal, mais le désordre est le trait le plus spécifique du totalitarisme, qui "attend" l'avènement d'un or-dre nouveau qui n'arrive jamais.

(Interview extrait de la revue  Intervento n°82-83, août-octobre 1987; traduction franç.: R. Steuckers; adresse: Intervento, c/o Gruppo Editoriale Ciarra-pi-co, Piazza Monte Grappa 4, I-00195 Roma; abon-nement pour 6 numéros: 40.000 Lire).