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samedi, 17 janvier 2009

La notion d' "Etat manqué" chez Noam Chomsky

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La notion d’ « Etat manqué » chez Noam Chomsky

 

Aux Etats-Unis nous trouvons d’autres façons de penser que la façon « officielle » de la Maison Blanche, du Pentagone, de Wall Street et des médias amis de l’élite au pouvoir comme Fox et CNN… La figure de proue de cette autre Amérique est un professeur d’université à la retraite, le linguiste Noam Chomsky qui, en 2005, avait été promu par les lecteurs du magazine américain « Foreign Policy » d’ « intellectuel contemporain le plus influent ». Dans ses écrits, nous découvrons une approche critique de la politique générale de la seule superpuissance encore en lice. Cette année est parue la traduction néerlandaise de son ouvrage le plus récent, « Mislukte Staten » (en français : « Les Etats manqués », dans la collection 10-18, n°4163).  Aux Etats-Unis, on parle d’ « Etat manqué » lorsque l’Etat, dont question, constitue un danger potentiel pour les Etats-Unis. Noam Chomsky se demande si les Etats-Unis ne présentent pas eux-mêmes tous les symptômes d’un « Etat manqué ».

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Dans la première partie de son ouvrage, notre auteur analyse comment les Etats-Unis foulent aux pieds le droit international et, dans la seconde partie, il traite des institutions démocratiques du pays. La partie la plus importante du livre concerne effectivement l’analyse de la démocratie, telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui aux Etats-Unis, et a pour titre : « Etendre la démocratie aux Etats-Unis ». Chomsky désigne les Etats-Unis comme une « démocratie stato-capitaliste ».

 

John Dewey, le principal des philosophes/sociologues américains du 20ème siècle, définissait la politique comme l’ombre que le « big business » jetait sur la société. Sa conclusion ? Rien ne changera tant que le pouvoir demeurera aux mains des dirigeants du monde des affaires, qui veulent du profit par le truchement d’un contrôle privé sur le système bancaire, sur l’immobilier et sur l’industrie. En plus, le monde des affaires renforce son pouvoir en mettant la main sur la presse, la publicité et la propagande. Selon Chomsky, le système politique actuel aux Etats-Unis est encore plus ou moins comparable à l’esquisse de départ, du moins sur le plan formel, mais les concepteurs initiaux de la démocratie américaine seraient tous atterrés de voir comment cette esquisse a évolué pour aboutir au « Zeitgeist » contemporain.

 

Il y a surtout un fait déroutant: le système juridique adapte le droit des personnes aux besoins des « entités collectives », c’est-à-dire des sociétés. Principe important dans le droit anglo-américain de l’entreprise : celle-ci doit exclusivement viser le profit matériel. Elle peuvent avoir des activités philanthropiques ou caritatives mais uniquement si celles-ci ont une influence positive sur leur image de marque et, donc, sur leurs profits. « Tout pas supplémentaire en cette direction apporte une entorse sérieuse aux principes libéraux classiques, à la démocratie et au fonctionnement du marché », écrit Chomsky.

 

Le penseur le plus significatif en ce domaine est un certain James Madison. Il affirmait que le pouvoir devait être entre les mains de « la richesse de la nation… des hommes les plus compétents ». « Ceux qui n’ont pas de propriété ne peuvent guère comprendre les droits de la propriété et des possédants. C’est pourquoi ils ne peuvent exercer aucun pouvoir sur ceux-ci. Les possédants doivent en conséquence avoir davantage de droits que les simples citoyens ». Le problème que soulève là Madison n’est pas nouveau. Loin s’en faut. Il remonte au premier des classiques de la science politique, à la « Politika » d’Aristote. Ce philosophe grec était un partisan de la démocratie, certes réduite aux hommes libres, exactement comme Madison deux mille ans après lui. Aristote reconnaît que cette forme de gestion de la Cité présente des lacunes. « Si la richesse est trop concentrée, les pauvres utilisent leur puissance, en tant que majorité, pour répartir plus équitablement la richesse. La où quelques-uns possèdent beaucoup et d’autres rien, surgit le danger d’une démocratie extrême . Et celle-ci ne reconnaît pas les droits des riches ». Aristote et Madison parlent du même problème mais tirent des conclusions différentes. Aristote entendait évoquer le développement d’un Etat de bien-être qui devait maintenir les inégalités dans des limites acceptables car, seulement de cette façon, disait-il, les riches conserveront l’estime de tous et leurs privilèges et possessions ne seront pas contestés.

 

« Bien que les luttes populaires à travers les siècles aient enregistré de nombreux succès pour la liberté et la démocratie, cette progression fut un chemin ardu. Et bien que la spirale soit normalement ascendante, le recul est parfois si important que la population est presque mise entièrement hors jeu par le biais de pseudo-élections comme celles, caricaturales, de 2000 et celles, encore pires, de 2004 », écrit Chomsky à la p. 231 de la version néerlandaise de son ouvrage. Aujourd’hui, les réactions négatives face à la politique du président George Bush junior et son équipe signalent que l’inquiétude des Américains et du monde est profonde, une inquiétude qui n’a eu que peu ou pas d’antécédents. Dans les revues scientifiques, on se demande si le système politique américain est encore viable à terme. Certains auteurs comparent le ministère de la justice sous Bush à celui des nazis, d’autres perçoivent un parallélisme entre la gestion par Bush et le Japon « fasciste ».

 

De même, les mesures prises aujourd’hui pour tenir le peuple américain en laisse rappellent de curieux souvenirs. Fritz Stern, un spécialiste de l’histoire allemande, écrivit naguère un livre intitulé : « Le déclin de l’Allemagne : de la civilisation à la barbarie ». Dans ce livre, Stern rappelle à ses lecteurs qu’il a lui-même, avec de nombreux autres, trouvé une terre d’asile aux Etats-Unis dans les années 30 du 20ème siècle. Aujourd’hui, cet ancien réfugié se fait de gros soucis quant à l’avenir des Etats-Unis. Selon Stern, personne ne peut ignorer le parallélisme entre l’époque révolue du nazisme et notre époque.

 

Fritz Stern évoque l’appel diabolique d’Hitler qui qualifiait sa mission de « divine » et se posait comme « le sauveur de l’Allemagne ». Ensuite, il évoque aussi le fait que Hitler a voulu faire de la politique une donnée pseudo-religieuse qui cadrait parfaitement avec la doctrine traditionnelle chrétienne. Stern nous exhorte à ne pas oublier que le déclin rapide de l’Allemagne a eu lieu précisément dans le pays de la science, de la philosophie et de l’art, dans un pays qui faisait la fierté de la civilisation occidentale. Avant que la propagande délirante des années de guerre n’ait fait son effet entre 1915 et 1918, les plus éminents représentants de la science politique aux Etats-Unis considéraient que l’Allemagne était un modèle exemplaire de démocratie. On ne doit pas oublier non plus que les nazis ont appris leurs techniques de propagande auprès des agences anglo-américaines, qui les avait testées et utilisées pour la première fois. Ils ont cherché refuge, en quelque sorte, dans des symboles simplistes et des slogans sommaires, qu’ils répétaient à satiété, parce qu’ils éveillaient des peurs et d’autres émotions de base, exactement comme les slogans publicitaires.

 

Joseph Goebbels insistait pour dire « qu’il utiliserait des méthodes publicitaires américaines pour vendre le national-socialisme ». Noam Chomsky : « Le ‘messianisme diabolique’ est bien l’ingrédient naturel des groupes dominants qui cherchent, bien décidés, à faire valoir leurs intérêts à court terme dans un éventail limité de secteurs-clés de la puissance politique ou pour viser la domination mondiale. Il faut être frappé de cécité pour ne pas comprendre que ce « messianisme diabolique » n’est pas le moteur de l’actuelle politique américaine. Les buts fixés par le gouvernement et les méthodes qu’il utilise se heurtent à la résistance de l’opinion publique. Voilà pourquoi il s’avère nécessaire de manipuler le public, de lui induire une attitude préconçue, par tous les moyens. Et Noam Chomsky conclut : « Les citoyens doivent s’engager au quotidien pour créer les bases d’une culture démocratique qui puisse fonctionner ou pour les réinventer. Une culture démocratique où le public a sa voix dans le concert politique. Non seulement dans l’arène politique elle-même mais aussi dans l’arène économique, si importante, justement là où on l’empêche par définition d’exprimer » (p. 290 de l’édition néerlandaise).

 

Dans ce livre, notre auteur décortique clairement, avec l’appui d’une bonne documentation, avec 34 pages de notes explicatives, l’actuelle politique de l’élite au pouvoir aux Etats-Unis. Sa lecture est un « must » pour tous ceux qui veulent faire connaissance avec « l’autre Amérique », avec ces penseurs et idéologues de la gauche progressiste américaine, actifs outre-Atlantique et influents dans les cercles de gauche du parti démocrate qui, malgré tout, ont contribué à la victoire de Barack Obama.

 

Miel DULLAERT.

(recension parue dans « Meervoud », Bruxelles, n°141, novembre 2008 ; trad.. franc. : Robert Steuckers).

 

Noam Chomsky, « Mislukte Staten – Machtmisbruik en de aanslag op de démocratie », traduction de Wim Van Verre, éd. EPO vzw, 335 pages, 2008.

London - urbanes Testlabor der "One World"

London – urbanes Testlabor der »One World«

Gefunden : http://www.deutsche-stimme.de

Moscheen, Synagogen, Hindutempel – so wie die Themsestadt könnten bald auch deutsche Städte aussehen

Von wegen »britische« Polizei – auch die Behörden
in Großbritannien sind längst auf »Multikulti«-Kurs

Die Stadt an der Themse war einst unbestrittener Nabelpunkt der Welt und das Zentrum transnationaler Handels- und Kolonialpolitik. Auf einem Viertel des Erdballs flatterte der Union Jack, bis die vorletzte Jahrhundertwende den Höhepunkt des kolonialen Hegemonialanspruchs Großbritanniens markierte.

Seither befand sich die Hauptstadt des Vereinigten Königreichs in stetigem Wandel. London ist nicht mehr der Ausgangspunkt des britischen Expansionsdranges, sondern ein multikultureller Schmelztiegel ganz nach dem Geschmack großkapitalistischer »Global Players«. Stadt und Umgebung mutierten zum Babylon Europas. Im einstigen Zentrum des britischen Weltreiches werden heute 300 Sprachen gesprochen, es gibt 183 Synagogen, 130 Moscheen und 37 Hindu-Tempel – Europas Babylondon.

Großbritanniens koloniales Erbe und die weiterhin enge Verbindung des Inselstaats mit den ehemaligen Kolonien im Commonwealth schuf jenen besonderen Einwanderungsdruck, dessen Intensität mit einem Pendelschwung zu vergleichen ist. Während die britische Geschichte infolge der Vormachtstellung des Königreichs auf See von starken Auswanderungswellen geprägt war, in deren Verlauf Engländer, Schotten und Waliser fremde Kontinente besielten und wirtschaftlich erschlossen, änderte sich die Richtung der Menschströme schlagartig in den siebziger Jahren.

Oberste Devise der jeweiligen Kolonialverwaltungen war es, die überseeischen Landstriche eng an das »britische Mutterland« zu binden und Schulwesen und Rechtsprechung kopiert und möglichst unverfälscht auf die jeweiligen Kolonien zu übertragen. Es ist daher nicht verwunderlich, daß mit Beginn der siebziger Jahre die erste große Einwanderungswelle aus der Karibik, aus Indien, Pakistan und Bangladesch auf London hereinbrach.

Natürliche migrations-hemmende Barrieren wie die Unkenntnis der Sprache, der landesüblichen Gepflogenheiten, der Gesetzeslage und der kultureller Exklusivität stellten kaum Hindernisse für die einreisenden Fremden dar. Um die letzte Jahrhundertwende zogen dann vermehrt reiche Russen nach London. Rund 250 000 Russen haben London zum »Moskau an der Themse« gemacht – mit drei florierenden russischen Tageszeitungen und vier eigenen Schulen.

Keine Meldepflicht für Immigranten

Im Zuge der EU-Osterweiterung 2004 kamen schließlich Polen, Slowenen, Tschechen und Slowaken ins Königreich. Die meisten der osteuropäischen Zuwanderer stammen aus Polen. Sonntags sind beispielsweise nunmehr die Besucher von katholischen Gottesdiensten gegenüber den traditionellen Briten als Anglikaner in der Überzahl.

Allein seit 2004 sind schätzungsweise 1,8 Millionen Ausländer ins Land gekommen, allein nach London 650.000 Einwanderer, so der Daily Telegraph. Es fehlen aber präzise Zahlen, weil es im Vereinigten Königreich keine Meldepflicht gibt.

Zwei entscheidende Gründe machten diesen zweiten großen Zustrom möglich. Erstens: Die Labour-Regierung unter Tony Blair verzichtete 2004 nach dem Beitritt der osteuropäischen Staaten in die Europäische Union auf eine entsprechende Regulierung für den heimischen Arbeitsmarkt. Dieser freiwillige Verzicht auf eine Begrenzung hinsichtlich des Schutzes einheimischer Arbeitskräfte wurde bitter bestraft und begünstigte die Masseneinwanderung massiv.

Da – zweitens - infolge eines konjunkturellen Aufschwungs in den Jahren zwischen 1997 und 2007 mehr als zwei Millionen Arbeitsstellen geschaffen wurden, beugte sich die Labour-Regierung dem Druck der Wirtschaftslobbyisten und schuf jenen verhängnisvollen Umstand, den der konservative Politiker Chris Graylingin die Worte faßte: »Die Regierung schuf britische Jobs für ausländische Arbeitskräfte«. Auf keinen Fall herrscht in Großbritannien auch nach dieser »Job-Offensive« Vollbeschäftigung. Das Arbeitsministerium mußte einräumen, daß mehr als 80 Prozent aller neuen Stellen von Ausländern besetzt wurden.

Afrikanische Autohändler in Elephant&Castle

»Die Welt in einer Stadt« – mit diesem Motto bewarb sich London in der Bewerbungskampagne zur Austragung der olympischen Spiele 2012. In den vergangenen zehn Jahren sind mehr Ausländer nach London gezogen als nach New York. Die »Tube« – die Londoner Untergrundbahn verbindet ganze Erdteile miteinander. Von den polnischen Delikateß-Läden in West-London über den Currymarkt in Southall führt die Fahrt den Reisenden bis zu afrikanischen Autohandelsplätzen in Elephant&Castle.

Derzeit ist in London mit seinen Vororten jeder dritte gemeldete Einwohner außerhalb Großbritanniens geboren worden – in der Stadt London selbst mit mehr als sieben Millionen Einwohnern sind es fast 40 Prozent. Nur noch zwei von drei Londonern sind weiß, da auch statistisch Angehörige der zweiten und dritten Generation in Großbritannien nicht mehr als Ausländer erfaßt werden.

Auch andere britische Städte sind ein Vielvölkergemisch. Die Statistik besagt zwar, daß der Ausländeranteil in Deutschland höher liegt, aber das trügt: In Großbritannien kann man sich viel leichter einbürgern lassen, und deshalb werden die meisten Ausländer auf den Inseln irgendwann als Passport-»Briten« geführt.

Ohne Ausweiskontrollen, Einreisekriterien und Anstellungskontingente wird der Moloch laut Zukunftsprognosen weiter anschwellen. Ein Blick auf die Fernsehbildschirme, die sich in der Berichterstattung zu den Bombenanschlägen im Juni 2005 überschlugen, offenbart dem Zuschauer nicht mehr die Sicht auf eine europäische Stadt. Träger von Turban, Kaftan und Burka dominieren Londons Straßenbild.

In der Innenstadt Londons (City of London, das Viertel der globalen Hochfinanz) hört man häufig Englisch mit Akzent: 27 Prozent aller Beschäftigten in der City sind Ausländer. Die Schwerreichen aus Rußland, Amerika, Indien, den Golfstaaten und vielen anderen Teilen der ganzen Welt profitieren von den Steuerprivilegien für Ausländer.

Einheimische – nur noch Minderheit unter vielen

Nur britische Einkünfte müssen an den Staat versteuert werden – alle anderen Einnahmen bleiben steuerfrei. Zwar sollen Ausländer, die länger als sieben Jahre in Großbritannien wohnen, ab April dieses Jahres einen Pauschalbetrag von jährlich 30.000 Pfund bezahlen. Doch »für die wirklich Reichen wird dies nicht mehr als ein lästiger Flohbiß sein«, sagt Vince Cable, finanzpolitischer Sprecher der Liberaldemokraten.

Rund 66 Prozent der Edel-immobilien mit einem Preis von mehr als zwei Millionen Pfund (2,7 Millionen Euro) sind nach Angaben der Maklerfirma Knight Frank im Besitz von Ausländern.

Das Privatleben der Hochfinanz findet immer noch weitgehend in den westlich gelegenen Edelstadtteilen Kensington und Chelsea, Knightsbridge, Mayfair und Notting Hill statt. Hier leben die begüterten Briten und Ausländer, und hier verschwimmen die Grenzen zwischen den Nationalitäten – die Wohlhabenden und Superreichen bilden eine Multikulti-Klasse für sich. Die Mehrheit der zugereisten Fremden bleibt naturgemäß ethnozentrisch und weiterhin unter sich und die Ghettoisierung einzelner Volksgruppen prägen die Viertel Londons.

Europas erstes Babylon ist unzweifelhaft London. Andere Städte wie Paris, Stuttgart, Freiburg und Mannheim werden dem Beispiel Londons in Kürze folgen. Es ist nur eine Frage der Zeit, bis das abendländische Antlitz deutscher Städte nicht nur verschwommen, sondern gänzlich unkenntlich sein geht. Es liegt am Willen des Volkes, es nicht soweit kommen zu lassen.

Mathias Krebs

L'héritage de Sparte

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Archives de SYNERGIES EUROPÉENNES - CRITICON (Munich) - ORIENTATIONS (Bruxelles) - Février 1990

L'héritage de Sparte:

Hommage à la Prusse de la Grèce antique

par Gerd-Klaus KALTENBRUNNER,

Si la Prusse-Brandebourg fut le "pôle nord" et l'Autriche le "pôle sud" de l'histoire allemande mo-derne, la politique et la civilisation hellé-niques furent marquées pendant des siècles par l'opposition entre Athènes et Sparte. L'Autriche et la Prusse ne furent pas seulement des constructions étatiques: elles ont également in-carné une manière d'être, un état d'esprit, un style, une éthique. Il en est de même pour Athènes et Sparte. Ce dualisme resta d'ailleurs bien vivace longtemps après que les deux cités-Etats grecques eurent perdu leur puissance et même leur indépendance. A l'instar de l'ancien Empire allemand, qui comprenait une multitude d'Etats dont certains étaient de taille mi-cro-sco-pique, la Grèce antique ne formait pas une unité politique; c'était une mosaïque de villes et de confédé-rations, toutes jalouses de leur indépen-dance. Cer-taines de ces poleis  jouèrent, en leur temps, un rôle éminent, politiquement ou cultu-rellement. Citons par exemple les villes grecques d'Asie mineure, Ephèse, Milet et Smyrne, les colonies grecques de la Mer Noire, de Sicile ou d'Italie du Sud. Sur le continent hellénique, ce furent Corinthe et Thèbes, Argos et Némée, Eleusis et Delphes, sans oublier les nombreuses villes-Etats de la Mer Egée: la Crète, Chypre, Rhodes, Samos, Lesbos, Delos, Chios, etc...

Chacun de ces noms renvoie à une facette de l'"hel-lénité", incarne un aspect unique, irré-ductible, de la culture grecque. Pourtant, seules Athènes et Sparte ont acquis une dimension historique mondiale. C'est qu'elles furent, avant tout, des "idées" au sens plato-nicien, c'est-à-dire susceptibles, selon les circons-tances, de se réactualiser, de se réincarner sans cesse. Elles ne furent pas des concepts abstraits mais des modèles vivants d'existence historique pouvant à tout moment orienter l'histoire réelle. La Guerre du Pélo-ponnèse, cette "guerre mondiale grec-que" selon la formule magistrale de Thucydide, constitue l'épiphanie de cette opposition, où se résorbe l'insurmontable dualité Sparte-Athènes. Pour Platon mais aussi pour Rousseau et, plus récemment, pour Maurice Barrès, Sparte était l'archétype de l'"Etat vrai". Or, cet arché-type sert depuis longtemps de repoussoir à une politologie qui s'est dégradée en "science de la démocra-tie" au service de l'"esprit du temps".

Sparte ou Spartacus?

On peut, bien entendu, être spartakiste, puisque ce terme ne renvoie pas à un groupe d'extrême-droite mais à un mouvement communiste (le communisme passant déjà pour une forme de démocratie). Etre spartakiste, cela n'a plus rien de dégradant. Le sparta-kisme, c'est de gauche, donc c'est bien. Le mot n'évoque-t-il pas l'es-clave Spartacus, originaire, non de Sparte, mais de Thrace, qui avait organisé la révolte contre ses maîtres romains? Sparte, en revanche, voilà le diable. La "spartitude", c'est synonyme de ru-desse, de dureté, de vexations inutiles... Mais que valent les beaux discours sur la "démo-cratie" quand survient l'Ernstfall:  le cas d'ur-gen-ce, la situation périlleuse, exception-nelle? L'ins-tant où la question n'est plus de savoir si l'on va se permettre un peu plus ou un peu moins de confort "démocratique"? Où le défi existen-tiel se résume en deux mots: se battre ou dispa-raî-tre...

Combien pèsent, sur le plateau de la balance, les so-phismes libéraux-démocratiques le jour où les armées ennemies franchissent la frontière, saluées par des cin-quièmes colonnes qui déroulent joyeusement le drapeau de l'étranger et s'ali-gnent pour la collabora-tion? A ce moment-là, la seule alternative n'est-elle pas: Aut Spartiates aut Spartacus  (Etre Spartiate ou Spartakiste)?

Aujourd'hui, au nom de Sparte, qui se souvient du mythe d'Hélène, la plus belle femme du mon-de? Qui se souvient que Castor et Pollux, le cou-ple inséparable des deux frères héros qui recevra plus tard une patrie céleste en devenant la constellation zodiacale des Gé-meaux, étaient d'o-ri-gine spartiate et furent honorés à Sparte? On a oublié que Cythère, île fortunée dédiée à Aphro-dite, faisait partie du territoire de Sparte. Révolu est le temps où les écoliers découvraient, le coeur bat-tant, les légendes de l'Antiquité classi-que et s'enthousiasmaient de ce que Sparte, pour-tant située au centre de la plaine de l'Eurotas, ait renoncé, jusqu'à la période hellénistique, à se construire des remparts. Si les Spartiates n'ont pas voulu ériger des fortifica-tions artificielles et des forteresses, c'est parce qu'à Sparte, les hommes, c'était l'Etat. Ces hoplites, qui misaient sur la force de leurs poings et de leurs armes, savaient que chacun était une pierre d'un rempart vi-vant: l'esprit de défense de la Polis. Qui se rappelle en-fin ce que rapportaient Aris-tote, Plutarque et d'autres écrivains antiques: nulle part ailleurs, dans aucun autre Etat grec, la femme n'avait autant de droits civils et publics que dans cette cité dorienne qui exaltait comme nulle autre la fraternité virile?

La Gérousie

On oublie souvent, semble-t-il, que Sparte fut le pre-mier Etat au monde à posséder une sorte de tribunal constitutionnel. Il s'agit des cinq épho-res ou "gardiens des lois" qui pouvaient même traduire les rois (il y en avait toujours deux à la tête de la polis) devant leur ju-ridiction. Il faut rappeler que Sparte, justement parce que sa constitution était "spartiate", a toujours su étouf-fer dans l'oeuf l'émergence de tyrans populaires, ce qui ne fut pas le cas des autres cités-Etats grecques. Soucieux de donner une expression politique à la sa-gacité, à l'expérience et à la sa-gesse des Anciens, les Spartiates créèrent la Gé-rousie: aucune affaire impor-tante de l'Etat ne pouvait être tranchée sans l'assentiment préala-ble de ce Conseil des Anciens qui, avec les deux rois représentant le couple de Gémeaux mythologi-ques, Castor et Pollux, comprenait trente mem-bres au total. Pour siéger à la Gérousie, il fallait avoir au moins soixante ans. L'appartenance à ce corps, incarnation politique du principe de sénio-rité, était définitive: seule la mort pouvait y met-tre fin. Il ne fait guère de doute que la stabilité politique de Sparte, pendant des siècles, était due en partie à cette institu-tion, capable de dé-jouer à temps tous les projets préci-pités, les ini-tiatives inconsidérées ou les idées non mû-ries.

Mais ni la belle Hélène ni les dioscures siégeant au firmament étoilé ni la sagesse du Conseil des Anciens n'ont aujourd'hui droit de cité lorsqu'il est question de Sparte. Même le poète Tyrtée, qui vivait au VIIième siècle avant notre ère et dont les éloges de Sparte sont nombreux, paraît oublié. Et pourtant, Tyrtée était Athénien de naissance. On dit qu'il boitait et avait été maître d'école. Ce n'est que plus tard qu'il devint pa-né-gyriste de Lacédémone et citoyen spartiate. Plus de deux mille ans après, le Souabe Hegel allait bien à Berlin où il devint... philosophe de l'Etat prussien! C'est dans la guerre, disait Hegel, que se manifeste la cohésion de chacun avec l'ensemble. Et il ajoutait que la guerre était l'esprit et la forme où se focalisait l'essentiel de la sub-stance éthique d'un peuple ou d'une nation.

Quant à Tyrtée, j'hésite à le citer car, s'il vivait de nos jours, ses éloges de l'héroïsme spartiate lui vaudraient certainement d'être marqué du signe infamant d'"extrémiste de droite". Une de ses élégies, consa-crée aux héros de la deuxième guerre médique, paraî-trait presque obscène à des oreilles pacifistes, à l'instar du fameux vers d'Ho-race selon lequel "il est doux et honorable de mourir pour la patrie" (Carmina  III, 2, 13), ou encore de Hölderlin dont on s'obstine —sans suc-cès— à faire un Jacobin en puissance:

"Sois grande, ô ma patrie,

Et ne compte point les morts;

pour toi, ma bien-aimée

Aucun mort ne sera de trop!".

Le Romain Horace et l'Allemand Hölderlin sont en fait des fils posthumes de Tyrtée, Spartiate d'adoption, qui, dès le VIIième siècle avant no-tre ère, proclamait son mépris pour l'homme, fût-il par ailleurs de qualité ou de haut rang, qui ne fît pas ses preuves sur un champ de bataille. Voici les premiers vers d'une élégie à laquelle se réfère explicitement Platon dans son dia-logue Des Lois  (629, a-e):

"Je ne ferais nulle mention ni ne tiendrais compte d'un homme,

Quand il serait couronné à la course ou à la lutte,

Aurait la taille et la force d'un cyclope,

serait aussi rapide que le vent de Thrace,

Serait plus beau que Tithonos

Et plus riche que, jadis, Midas et Kinyras;

quand il serait de sang plus noble que Pélops, fils de Tantale,

et aurait la magie du verbe d'Adraste,

et serait grand en toutes choses,

s'il n'est pas grand dans la tourmente du combat!

Car il ne sera pas brave à la guerre

Celui qui ne supporte pas de regarder la tuerie sanglante

Et n'attaque pas l'adversaire

en l'affrontant de près.

C'est la vraie vertu, le plus beau et le meilleur des prix

Que le jeune sang puisse un jour conquérir (1)".

L'Etat guerrier

Les vers de Tyrtée, Spartiate d'adoption, nous rap-pel-lent sans équivoque possible que Sparte fut un Etat guerrier au sens le plus vrai du terme. Un Etat enca-serné, a-t-on pu dire, un Etat pratiquant l'élitisme eu-géniste et dont certains as-pects évoquent le commu-nisme de guerre. Le mo-dèle de la politeia  selon Pla-ton, aristocrate athénien mais spartanophile. Une synthèse appa-remment perverse entre prussianisme et so-cia-lisme. Et le cauchemar de tous les libéraux, de Wil-helm von Humboldt à Karl Popper et à Hen-ri Marrou.

Il ne faut pas s'illusionner: toutes ces descrip-tions, même exagérées dans les détails, même caricaturales (et caricaturées pour les besoins de la polémique) ont un fond de vérité. Athènes exceptée, aucun autre Etat antique ne nous est mieux connu que celui des Spar-tiates qui se nom-maient eux-mêmes Lacédémoniens (le Spartiate était l'homme libre, citoyen à part entière). Les anecdotes les plus effarantes reposent sur de so-lides témoignages. Il est hors de doute que Spar-te, même et surtout à une époque avancée de l'his-toire an-tique, était, comparée à Athènes, un Etat extrême-ment archaïque, rude et xénophobe. Et il est indéniable que jusqu'à la fin, cet Etat a veillé jalousement et or-gueilleusement à préser-ver cette différence-là. Inutile de broder sur l'orgueil ostentatoire, sur la morgue du Spartiate, fût-il citoyen ordinaire. Chaque Spartiate était moi-tié roi moitié brigand. Les textes authen-ti-ques de Tyrtée lui-même sont là pour infirmer toute tentative de banalisation. Tyrtée nous mon-tre sans conteste un Etat où le guerrier l'empor-tait sur le bel esprit et le marchand. Toute la cul-ture était axée sur la chose mi-litaire et l'idéal était le sous-officier d'active. Quand une mère avait perdu son fils à la bataille, elle refusait la-co-niquement (c'est le cas de le dire) toutes con-do--léances: "Je n'ignorais pas qu'il était mortel", et ce que proclame solennellement le choeur de la pièce de Schiller Die Braut von Messina:  "La vie n'est pas le bien suprême" (acte 4, scène 10), était, à Sparte, le b.a.-ba de la formation po-li-tique de n'importe quelle recrue. L'épigramme du lyrique Simonidès dédié aux Spartiates tom-bés aux Thermopyles exprime lapidai-rement ce que l'on attendait du soldat:

"Passant, va dire à Sparte

Que tu nous as trouvés, gisants

Conformément à ses lois".

Vouloir minimiser a posteriori la sévérité spar-tiate est une entreprise vouée à l'échec. La civi-lisation lacédé-monienne n'était guère littéraire mais très athlétique. A Sparte, la poésie fut un produit d'importation, comme en témoigne l'exem-ple des trois grands poètes, Tyrtée, Ter-pandros et Thaletas: le premier venait d'Athènes, le second d'Antissa (Ile de Lesbos), le troisième de Crète. Sparte les fit venir comme poètes offi-ciels, un peu comme la Prusse prendra à son service les Souabes Hegel et Schelling, le Baron de Stein, origi-naire de Nassau, le Hessois Sa-vigny et le Saxon Ranke. La cuisine était aus-tère, c'était le cauchemar des gosiers corinthiens, crétois ou sybarites. Les dis-tributions collectives de "soupe au sang" étaient considérées, hors de Sparte, comme un vomitif.

Un système d'éducation terrible

A sept ans révolus, les enfants appartenaient à l'Etat qui prenait en charge leur éducation. Les garçons, no-tamment, devaient gravir, échelon par échelon, les étapes de la hiérarchie dans les formations de la jeu-nesse d'Etat. La musique et la poésie étaient considé-rées comme des acces-soires de la pédagogie d'Etat. L'autonomie du sens et du goût esthétiques n'était guère prisée: la danse réduite à un exercice gymnique, la poé-sie au rôle d'auxiliaire de l'éducation politique et la musique à un instrument de drill et de dres-sage. Outre le chant choral, musique militaire et chansons de marche au son de la flûte (qui jouait dans l'Antiquité, on le sait, le rôle de nos tam-bours et trompettes): tel était le parnasse spar-tiate.

La vertu suprême était le patriotisme poussé jus-qu'au sacrifice et la subordination des intérêts in-dividuels au salut de l'Etat. Obéissance, endurcis-se-ment des corps et des âmes, frugalité et dis-cipline faisaient partie des règles de vie les plus na-turelles. La discipline, surtout, imprégnait et mo-delait toutes choses: celle des enfants et des adul-tes, discipline à l'école, discipline à table, discipline du corps et de l'esprit, de la concep-tion à la tombe: c'était l'art de gouverner à la spartiate. Est-il besoin de souligner que dans cet-te polis dorienne, la pédérastie, amours "inver-ses d'homme à homme", comme disait Hans Blü-her, était omniprésente? Force est de la considé-rer comme une devotio lacedaemonia,  spéci-fique d'un Etat organisé en Männerbund  (con-frérie virile). Dans ce domaine comme dans d'au-tres, n'enjolivons rien.

Le Taygète

Même observation à propos d'une loi que Plu-tarque fait remonter à Lycurgue, le législateur semi-légendaire de Lacédémone: à sa naissance, l'enfant est examiné par les Anciens du clan. S'il est jugé sain, bien fait et vigoureux, il est dé-claré digne d'être éduqué. Si en re-vanche, le Con-seil des Anciens le trouve malingre et mal constitué, l'enfant est "exposé" au fond d'un précipice rocailleux du Taygète. Car "ils pensaient que pour un être incapable, dès le début de sa vie, de se développer et de devenir sain et fort, il vaut mieux ne pas vivre du tout car il ne sera utile ni à lui-même ni à l'Etat" (Lycurgue, 16).

De l'eugénisme spartiate à l'avortement libéral

Cette loi est à mes yeux la seule dans la constitution de Sparte qui devrait trouver grâce auprès des tenants ac-tuels de l'ordre libéral-dé-mo-cratique, quoique pour des raisons opposées: les Lacédémoniens formés à l'école de Lycurgue avaient une pensée eugéniste alors que nos parasites obéissent à des motivations essentielle-ment individualistes et hédonistes: ce n'est pas pour "améliorer la race", c'est pour augmenter leurs chances d'"épanouissement personnel" qu'ils souscri-vent à l'adage selon lequel "être né ne confère aucun droit à la vie": de nos jours, le "citoyen adulte" ne se laisse nullement prescrire si l'enfant venu au monde doit vivre ou non. Le Conseil des Anciens, institution "réactionnaire", a été remplacé, en ce qui concerne le sort du nouveau-né ou du foetus, par l'auto-détermi-na-tion du "conseil parental" et, si ur-gence il y a, par le droit de la mère dans le sein de laquelle se développe, tel un abcès, le fruit de ses en-trailles. La possibilité, admise par la société, de prati-quer, comme à Sparte, l'"exposition" de l'enfant (à ce détail près que l'opération est chronologiquement avancée au stade du foetus) contraste favorablement avec les méthodes "barbares" de Sparte où la mort n'était même pas intra-utérine. L'avancement progres-sif du meurtre silencieux à une période comprise entre le premier et le si-xième mois de la grossesse, et son remplace-ment, au niveau du vocabulaire, par un doux eu-phémisme, l'"interruption de grossesse" (IVG), sont considérés comme des acquis d'une civili-sation qui paraît avoir définitivement surmonté Sparte. C'est ainsi qu'en Allemagne par exem-ple, on considère comme un "progrès" le meurtre d'enfants par le Ge-bärstreik  ou "grève des ventres" bien que cette grève-là fasse cha-que année mille fois plus de victimes en-fantines que n'en fit, en sept siècles d'histoire spartiate, l'exposition rituelle sur le Taygète...

 

La liberté de la femme

La sympathie du démocrate sincère est toujours allée à Athènes, jamais à Sparte. L'homme de par-ti, l'honnête homme respectueux de l'ordre libéral-démocratique, se voudrait Périclès, au moins en miniature. Personne, en revanche, ne souhaite passer pour un héritier ou un disciple de Lycurgue! Athènes est synonyme, on le sait, de Lumière, de Culture, de Démocratie et Périclès est la superstar de ces divinités éthérées. Par contre, la Sparte de Lycurgue passe pour avoir été pire que la Prusse frédéricienne, pres-que une préfiguration an-tique de l'Etat national-so-cialiste!

"Louons ce qui nous affaiblit et nous désarme! Mé-fions-nous de ceux qui nous parlent d'union, de force, de grandeur, de discipline, de cohésion! Ou nous ris-querions de glisser vers le fascisme —et Hitler de re-venir!". C'est à peu près le discours que tient, la main sur le coeur, l'Occident démocratiste et bien-pensant. L'objur-gation, tantôt articulée du bout des lèvres tantôt hurlée, se gonfle démesurément dans le bour-don-ne-ment des médias. Il existe donc bien ce que j'ap-pe-lerais une réaction émotionnelle antispar-tia-te. Elle nour-rit la lutte contre tout ce qui, de près ou de loin, pourrait évoquer l'ascèse, l'hé-roïsme ou la disci-pline. Se recommander de Spar-te, admirer Sparte comme paradigme d'éta-tici-té sévère, certes, mais puis-sante et capable, voilà qui, aujourd'hui, choque. Comme pou-vait choquer, voici cinq siècles, le fait de nier la tri-nité divine ou l'incarnation du Christ.

Et pourtant, sur les traces de Plutarque et de Platon, j'ai rassemblé ici quelques bons points en faveur de Sparte. Il faut tout d'abord signaler que dans cette Sparte au "conservatisme" rigide, les femmes pou-vaient faire tout ce qui leur était strictement interdit à Athènes-la-libérale. A La-cé-dé-mone, les femmes étaient beaucoup plus libres que les hommes. Non seulement en amour mais en affaires. Elles jouissaient de droits in-connus partout ailleurs. Au IIIième siècle, par exem-ple, les femmes spartiates possédaient plus de richesses (y compris des biens fonciers éten-dus) que leurs maris, leurs frères ou leurs amants (Plutarque, Agis,  5, 23, 29). Aristote, déjà, reprochait à Ly-curgue de n'avoir pas extir-pé le "dérèglement et le matriarcat" des femmes spartiates (Politique,  2, 1270a, 6). A l'étranger habitué à un strict et exclusif patriarcat, la ville de Sparte offrait presque le spectacle d'un Etat "exotique", dominé par les femmes (Plu-tarque, Numa,  25,3): "Les femmes spartiates ont sans doute été assez irrévérencieuses et se sont sans doute comportées de façon extrêmement virile, surtout à l'égard de leurs maris puisqu'à la maison, elles déte-naient un pouvoir sans partage et qu'à l'extérieur elles intervenaient en toute liberté dans les affaires d'Etat les plus impor-tantes". Et pourtant, elles n'avaient rien de spa-dassins hirsutes et grivois: leur charme un peu abrupt était proverbial dans toute l'Hellade. Leur li-berté semblait excessive même aux Athéniens les plus "progressistes" et les plus "éclairés".

La rigueur d'un Etat guerrier résolument viril était adoucie par la grâce souriante, la malice, l'élégance spontanée de ses jeunes femmes qui, contrairement à leurs soeurs d'Athènes, avaient accès aux exercices sportifs et gymniques. Com-me les hommes, les fem-mes lacédémo-nien-nes étaient célèbres pour leur sens de la répartie et leur laconisme (le mot, d'ailleurs, nous est resté: Sparte est située au centre de la Laco-nie). Plu-sieurs anecdotes témoignent de cette vivacité de l'esprit, de cette concision propres aux Spartia-tes. Comme une étrangère disait à Gorgo, épou-se de Léo-nidas, roi de Sparte: "Vous autres La-cédémoniennes êtes bien les seules à pouvoir dominer vos maris", Gorgo répliqua avec su-perbe: "Après tout, c'est nous, et nous seules, qui les mettons au monde!" (Plutarque, Lycur-gue,  14, conclusion).

Sans Sparte, pas d'Athènes

Mais concluons. Nous venons d'inscrire le nom de Léonidas. Nous avions, au début de ce texte, cité Si-mo-nidès célébrant les Lacédémoniens morts aux Ther-mopyles face à la supériorité numérique des Perses: "Voyageur, va dire à Spar-te...". Disons-le la-conique-ment: si l'on con-si-dère la civilisation grecque comme le fon-dement permanent de la culture euro-péenne, on ne peut ignorer Sparte. Toute la culture de la Grèce classique, que l'on identifie volontiers à Athènes, n'aurait jamais pu s'épanouir si un peuple de guerriers, comparativement prosaïque, discipliné, en odeur de quasi barbarie, n'avait pas combattu jusqu'à la mort, pour sauver l'Hel-lade, aux Thermopyles, à Sa-la-mine et à Platée. Les victoires militaires, qui ne fu-rent possibles que grâce à la présence spartiate, ont alors conquis, préservé et élargi cet espace où purent s'épanouir librement le théâtre grec, la philo-so-phie grecque, la science grecque et même la démocratie grec-que. C'est ce qu'il faut se garder d'oublier.

Regardons Sparte, presque étrangère dans sa rudesse. Cette société a pu pervertir jusqu'à la caricature des traits qui ont existé, à un degré moindre, dans toute polis grecque. Mais surtout, Sparte, qui incarnait au plus haut point toutes les potentialités de la polis, nous rappelle brutale-ment combien toute l'Antiquité clas-si-que nous apparaîtrait étrangère si nous cessions d'y pro-jeter notre propre humanisme. Sparte nous fait éga-lement saisir le sens du mot "politeia" à l'état chi-miquement pur: l'Etat, "le plus froid de tous les mons-tres froids", comme l'affirme le Zarathoustra de Nietzsche. On peut ne pas aimer Sparte. Mais qui-con-que se sent une attirance pour l'héritage grec doit se souvenir que toutes ces merveilles, toute cette splen-deur, tout ce qui, en nous, "parle" et nous en-thou-siasme (au sens étymologique du terme), que tout cela n'a pu s'épanouir et se déployer que dans un monde soustrait à la menace du despotisme oriental par le sacrifice suprême de quelques dizaines de milliers d'hommes.

Mais Sparte nous remet aussi en mémoire les fonde-ments de la culture européenne sur les-quels on fait si volontiers l'impasse aujourd'hui: l'espace où cette cul-tu-re a pu éclore n'était certes pas défendu par des déserteurs ou des objecteurs de conscience! Il était dé-fendu par des soldats résolus face à la supériorité nu-mérique écrasante de l'adversaire. Les meilleurs guer-riers, la plus belle discipline militaire, étaient à Lacé-démone. Après la victoire sur les Perses, aucun équi-libre harmonieux ne put s'établir entre les deux types de société grecque qu'incarnaient respective-ment Spar--te et Athènes. Peut-être fut-ce là la grande tragédie de la Grèce antique. Culturellement, Sparte fut une im-passe. Mais Athènes elle-même, la "voie" athénienne, nous le pres-sentons aujourd'hui, pouvait-elle se poursuivre en ligne droite jusqu'à nous?

Peut-être, après tout, la culture n'est-elle qu'un inter-mède, un gaspillage stérile d'énergie sur l'arrière-plan des espaces cosmiques infinis. Un certain défaitisme gagne autour de nous. Il déclare publiquement que l'orientalisation de l'Eu-rope, si elle s'était accomplie beaucoup plus tôt, nous aurait épargné bien des maux. Pour ce genre de discours, les victoires grecques sur les Perses ne signifient donc rien. Mais c'est déjà une autre histoire. Il reste que Sparte nous rap-pelera tou-jours, de façon lancinante, une vérité éternelle, large-ment occultée de nos jours: sans un certain degré de "spartitude", non seulement aucun Etat n'est possible, mais aucune civilisation ne peut vivre et… survivre.

Il faut redécouvrir notre héritage lacédémonien.

Gerd-Klaus KALTENBRUNNER.

(texte paru dans Criticón, n°100, März-Juni 1987; traduction française: Jean-Louis Pesteil; adresse de Criticón: Knöbelstraße 36/V, D-8000 München 22; prix de l'abonnement annuel (six numéros): DM 57; étudiants: DM 38).

Note

(1) Dans le dialogue de Platon, Clinias ajoute: "C'est un fait que (ces poèmes) sont venus jusque chez nous, im-portés de Lacédé-mone" (ndt).  

vendredi, 16 janvier 2009

L'Europa delle patrie

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Citaat v. Nicolas Gomez Davila

 

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"Geweld is niet nodig om een beschaving te vernietigen. Elke beschaving sterft aan de onverschilligheid tegenover de unieke waarden waaruit ze ontstaan is."


Nicolás Gómez Dávila (Colombiaans filosoof)

Tintin a 80 ans et fait toujours polémique

http://ettuttiquanti.blogspot.com

Tintin a 80 ans et fait toujours polémique

Hergé, anti-coco ?
"L'anti-bolchévisme du tout premier tome, Tintin chez les Soviets est plus ou moins assumé en 1973, par Hergé qui, interrogé sur le sujet dans l'émission de l'ORTF "Ouvrez les guillemets" animée par un Bernard Pivot tout jeunot, confirme que Tintin est né dans une publication "catholique, d'extrême droite, dans un contexte alors très anti-blochévique". Ambigü, Hergé se réfugie cependant derrière la caricature lorsque la conversation dévie sur le colonialisme et le racisme de Tintin au Congo, également réédité en 73. Idem en 1976, dans un débat télévisé lors du festival du livre de Nice : Hergé, qui se voit repprocher sa vision idéalisée de la colonisation sans avoir jamais été en Afrique, ainsi que sa misogynie, invoque encore la caricature. Pourtant Hergé a bien émis des regrets en 1978, mais sur la manière dont il traite les animaux dans Tintin au Congo... dans l'émission 30 millions d'amis !

Hergé, collabo ?
Ces dernières années ont également vu fleurir des biographies et autres essais critiques sur Hergé, comme celles de Pierre Assouline, 1998, et de Benoît Peeters qui reviennent sur la participation du dessinateur au journal collaborationniste Le Soir sous l'Occupation. Certains vont plus loin comme Maxime Benoît-Jeannin qui, en 2006 avec Les guerres d'Hergé : Essai de paranoïa-critique analyse Tintin comme le médium privilégié des idées de la classe dominante du long XXème siècle : du colonialisme au racisme et à l'antisémitisme, et de l'anticommunisme à la collaboration. Mais la palme de la virulence revient certainement à Emile Brami qui publie en 2004, Céline, Hergé et l'Affaire Haddock dans lequel il établit un parallèle entre l'apparition en 1938 du personnage du capitaine Haddock et ses célèbres bordées d'injures très littéraires mais borderline, voire carrément racistes, et la publication du pamphlet antisémite de Bagatelles pour un massacre de Louis Ferdinand Céline qui en interdira lui-même la réédition.

Tintin, homo ?
L'ancien député conservateur britannique Matthew Parris s'est quant à lui amusé, dans un article très acide paru dans le Times, à prouver par A+B l'homosexualité de Tintin, depuis fort longtemps supposée. Sans passé, comme nombre jeunes gays qui débarquent en ville après avoir coupé les ponts avec leur famille, il finit par s'installer chez le capitaine Haddock ! Sans oublier la passion douteuse des jumeaux Dupond et Dupont (Thompson et Tompson en anglais) pour les déguisements exotiques... Ainsi déjà en 73, chez Pivot, la question est sous-entendue par les chroniqueurs qui soulignent l'absence de femmes. Hergé lui-même semble avouer le penchant de son personnage lorsqu'il évoque son album préféré, Tintin au Tibet, dans lequel le reporter part à la recherche de son ami Tchang. Pour son créateur, il s'agit d' "une histoire simple, sans méchants, juste une histoire forte d'amitié, voire même d'amour."
Cependant la dernière biographie officielle d'Hergé signée Philippe Goddin et parue à l'occasion de son centenaire en 2007 réfute les rumeurs d'homosexualité du dessinateur. Décrivant un homme à femmes, marié deux fois et peu fidèle, Goddin sous-entend qu'Hergé serait en fait mort du SIDA suite à des transfusions de sang contaminé. D'où les rumeurs d'homosexualité dans un début des années 80 bien homophobes."

Source

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Géopolitique de l'Afrique australe

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES / Orientations (Bruxelles) - 1986

"Un point d'appui pour soulever le monde"

Géopolitique de l'Afrique australe

 

par Robert STEUCKERS

Conférence prononcé à l'Université de Genève, pour le "Cercle Proudhon", juin 1986

 

 

Depuis l'accession de Reagan au pouvoir, les Etats-Unis ont adopté une attitude "pragmatique" à l'égard de la RSA, ont décidé de pratiquer "a constructive engagement",  à la condition expresse toutefois que l'Afrique du Sud renonce à son modèle de développement autonome et accepte les critères économiques dictés par l'Amé­ri­que, critères que celle-ci drape dans la "moralité". De manière expresse, les porte-paroles de la Maison Blanche ont déclaré que les propositions sud-africaines en matière de défense commune des eaux de l'Atlantique Sud et de l'Océan Indien passaient au second plan et que les réformes intérieures, c'est-à-dire l'abrogation de l'apartheid, constituaient l'objectif numéro un de la diplomatie américaine dans cette région du monde (Cf. "US policy on SA has a basic condition", The Sunday Times, 4/11/1984). C'est pourquoi, en dépit des propositions d'allian­ces militaires suggérées par la RSA, les Etats-Unis font pression sur leurs propres firmes pour qu'elles cessent d'investir en Afrique Australe.

 

Une subordination du militaire à la "morale"?

 

En guise de conclusion, nous serions tentés de dire que les Etats-Unis placent la "morale" au-dessus de leurs in­térêts militaires les plus évidents... Mais une telle attitude contredit de manière trop flagrante les principes d'ac­tion les plus naturels de la diplomatie et les règles les plus élémentaires du struggle for life  entre les na­tions. Il serait naïf de déclarer que les Etats-Unis pratiquent en Afrique Australe une diplomatie masochiste, con­traire à leurs intérêts de grande puissance. Si les Etats-Unis placent aujourd'hui avec Reagan comme hier avec Carter la "morale" au-dessus d'une politique d'alliance militaire, c'est que leurs intérêts nationaux, en l'oc­currence leurs intérêts économiques, coïncident avec cette subordination du militaire à la "morale".

 

Comment expliquer cette subordination, en apparence contraire à toute saine logique politique? Par l'histoire même de l'Afrique du Sud. Les "treks" des Boers entre 1835 et 1837 correspondent à une vieille nostalgie euro­péenne, celle de former des républiques paysannes libres, autonomes, économiquement auto-centrées, purement agraires et libres de toute immixtion étrangère, notamment celle de la couronne britannique qui venait de s'arro­ger la Province du Cap. Après une quantité d'escarmouches, une première guerre des Boers, en 1881, se termi­ne par la déconfiture britannique. Entre-temps, les mines d'or connaissent une expansion croissante, ce qui at­ti­re les capitaux internationaux et les convoitises des banquiers de Lombardstreet (la Wall Street du XIXème). Ce monde de la finance internationale incitera le gouvernement britannique à déclencher une seconde guerre des Boers, la plus connue, afin de s'emparer définitivement des deux républiques paysannes libres de l'Etat d'Orange et du Transvaal. Cette guerre atroce, qui inaugure tristement l'ère concentrationnaire, détruit 60% de la richesse nationale des républiques boers. La "liberté" au vieux sens européen du terme cède le pas à l'économie mon­dia­liste: les républiques sont englobées dans le système économique mondial et perdent ipso facto leur auto­no­mie. La famille Oppenheimer peut commencer à construire son empire capitaliste. Mais, dans les quatre "co­lo­nies" britanniques, la résistance nationale va contrecarrer ce projet. De 1910, année où ces quatre colonies de­viennent un dominion, celui de l'Union Sud-africaine, jusqu'en 1961, où cette union proclame son indé­pen­dance totale à l'égard de la Grande-Bretagne et du Commonwealth, le combat Boer n'a pas cessé contre le li­bé­ra­lisme mondialiste britannique.

 

L'affrontement de deux économies

 

Aux Volkskongressen (congrès du Peuple) de 1938 et 1939, les nationalistes Kestell et du Plessis réclament la cons­titution d'une puissance économique autonome pour les Afrikaaners. Du Plessis, adepte d'un socialisme prag­matique et populiste, entonne un plaidoyer pour la création d'un capital coopératif. Et il ajoute: "une puis­sance d'argent basée sur du sable ne constitue nullement l'objectif de nos efforts, car cette puissance serait aux mains de l'étranger. Ce n'est pas là la voie qu'ont choisie les Afrikaaners". Dès cette époque, au-delà de la que­relle raciale, deux économies vont s'affronter: l'économie mondialiste, portée par les Britanniques d'Afrique du Sud et par le système Oppenheimer, et l'économie nationale, portée par les descendants des Trekkers. Sur le plan géopolitique, cette opposition va se révéler porteuse d'histoire.

 

Le défi de Cecil Rhodes

 

En effet, à cette époque où l'impérialisme est roi, Cecil Rhodes rêve de relier Le Caire au Cap par chemin de fer et de placer l'intégralité de cette ligne sous contrôle britannique. Pour réaliser ce plan, il faut sauter au-dessus de l'obstacle que constituent les deux petites républiques boers. La guerre des Boers se déclenchera dès lors pour trois raisons: 1) l'inclusion des mines d'or et de diamants dans la sphère d'une économie mondialisée, 2) l'annihilation d'un système politique de paysannat libre qui incite les peuples d'Europe à rejeter les jougs ab­so­lutistes et, enfin, 3) la réalisation du plan de Cecil Rhodes. Les Britanniques auront la rage de vaincre les deux républiques paysannes car ils savent que l'Europe, en son for intérieur, prend parti pour les Boers. Les Allemands y investissent des capitaux colossaux et construisent, avec l'aide des Hollandais, un chemin de fer entre Witwatersand et la côte mozambicaine de l'Océan Indien, sous juridiction portugaise. Cette ouverture sur une mer entièrement dominée par l'Empire britannique de trois puissances européennes est considérée par l'An­gleterre comme un insupportable défi. C'est Bismarck, européocentriste, qui empêchera une coalition euro­péenne contre l'Angleterre, arguant que l'équilibre de notre continent était trop fragile pour être mis en jeu. L'Em­pereur d'Allemagne Guillaume II est, lui, moins prudent: il rappelle sans cesse les liens de sang qui unis­sent Boers et Allemands; à la suite d'un putsch avorté au Transvaal, fomenté par Rhodes, il congratule ouverte­ment le gouvernement Krüger et le félicite d'avoir contrecarré les visées britanniques. Les Boers s'imaginent dès lors que l'Allemagne interviendra à leurs côtés. L'Angleterre adopte la stratégie suivante: elle exige que les ré­publiques donnent le droit de vote aux mineurs et chercheurs d'or blancs n'ayant pas la nationalité de l'Etat du Transvaal ou de l'Etat d'Orange. Krüger refuse pour la simple raison que son peuple n'est plus majoritaire dans son pays, du fait que le boom minier a draîné une population très hétérogène mais essentiellement blanche (les "Uitlanders") dans les villes nouvelles qui s'étendent comme des champignons. Krüger déclare au dernier mes­sager britannique venu le voir: «Vous ne voulez pas le droit de vote, vous voulez nous voler notre pays!». La guerre éclate, l'Allemagne livre du matériel mais n'intervient pas directement, l'Europe prend parti pour les Boers mais l'Angleterre emporte la victoire.

 

Lénine pour l'apartheid?

 

Mais cette victoire n'imposera pas définitivement le principe d'égalité, c'est-à-dire, en fait et nonobstant la co­lo­ration "morale", la capitulation des fondateurs des deux républiques au profit des Britanniques. Cinq années après la signature du traité de paix, la démocratie de style britannique porte les anciens "jusqu'au-boutistes" Botha, Smuts et Hertzog au pouvoir. En 1910, le 31 mai, les deux républiques, la colonie du Cap et le Natal for­ment ensemble l'Union sud-africaine et adoptent une constitution ségrégationniste. Tous les Blancs y adhè­rent, Britanniques comme Afrikaaners. Mais la lutte entre le principe libéral de mondialisation de l'économie et le principe autarcique des nationalistes boers n'est pas terminée pour autant. En 1922, les socialistes et les syn­dicalistes se révoltent contre l'admission de Noirs à certaines professions. Leur slogan: "Prolétaires de tous les pays, luttez pour une Afrique du Sud blanche!". Lénine approuve. La troupe tire sur les émeutiers. La mo­rale à tirer, aujourd'hui, de cet événement historique, c'est qu'il y a soixante ou septante ans, la gauche prenait parti pour les Boers et la politique de ségrégation et la droite libérale favorisait l'intégration des races. Et de cette morale, nous devons tirer la leçon suivante: la situation actuelle en RSA ne peut en aucun cas s'analyser se­lon les schémas manichéens que propagent les médias d'Occident. Le clivage gauche/droite est ici également inopérant: la gauche ouest-européenne, avec des théoriciens comme Lipietz du parti des Verts à Paris, Grjébine proche du CERES, Lambert de la Revue Nouvelle  et du parti Ecolo à Bruxelles, Werner Mayer-Larsen du Spiegel, Philippe Messine du Monde Diplomatique, Samir Amin, l'économiste égyptien qui réclame la dé­connexion des économies du Tiers-Monde par rapport au système mondial, etc., cette gauche donc, s'est faite, avec raison, l'avocate de l'auto-centrage de nos économies, favorise les projets d'investissements locaux ou grand-européens et prône, à l'instar des Kathedersozialisten  du XIXème, l'autarcie européenne. Comment peut-elle dès lors refuser aux Boers ce qu'elle réclame pour la classe ouvrière européenne? A droite, où l'on aime au­jourd'hui se pavaner dans les frusques du libéralisme, version XVIIIème, on n'est pas plus logique quand on dé­fend l'Afrique du Sud. Quand un Jean-Marie Le Pen, ou tout autre polémiste, politicien ou journaliste dit de "droite", manifeste sa solidarité avec l'Afrique du Sud conjointement à son hostilité aux syndicats français, on est parfaitement en droit de lui demander quelle est la logique de ce bricolage de slogans? Et on est en droit de lui poser une question perfide: que pensez-vous, Monsieur Le Pen, en tant qu'historien, de la révolte des ouvriers sud-africains de 1922?

 

Une très grande Afrique du Sud

 

Mais ce pilpoul des cafés de commerce européens nous occulte l'enjeu réel que représente l'Afrique australe. Re­venons à l'histoire. En s'affirmant petit à petit, entre 1910 et 1931, année où l'Union sud-africaine accède à l'indépendance formelle au sein du Commonwealth, les Afrikaaners chercheront à créer une plus grande Afrique du Sud, "a Greater South Africa". Première étape: l'absorption du Betschuanaland (l'actuel Botswana), du Swa­zi­land et du Basutoland (l'actuel Lesotho). Deuxième étape: arriver à créer une grande confédération sud-équa­to­riale avec les possessions portugaises et le Congo belge (l'actuel Zaïre). Le projet renoue là avec une vieille idée allemande, celle de la Mittelafrika, s'étendant de l'Atlantique Sud à l'Océan Indien, de l'embouchure du fleu­ve Congo à Zanzibar. Pas étonnant dès lors que les Britanniques chercheront à tout prix à torpiller ce pro­jet. Comment opèreront-ils? En essayant de créer un dominion fidèle au nord de l'Union, dominion ras­sem­blant la Rhodésie du Nord (l'actuelle Zambie), le protectorat du Nyassaland (l'actuel Malawi) et la Rhodésie du Sud (l'actuel Zimbabwé). Pour les Britanniques, ce nouveau dominion plus aisément contrôlable servirait de bar­rage à l'expansion boer et surtout de pion contre la constitution d'une vaste zone semi-autarcique au sud de l'Equateur, indépendante du système d'échanges internes qu'était le Commonwealth.

 

Car c'est bien là que réside le problème sud-africain tout entier: le refus par les Britanniques d'abord, par les Amé­ricains ensuite, de voir se créer une zone totalement auto-suffisante dans l'hémisphère australe, capable de se passer de toute aide et de toute importation européenne ou américaine et, de surcroît, maîtresse des minerais. La stratégie de la balkanisation, celle de diviser pour régner, s'impose en Afrique équatoriale comme en Europe et surtout comme partout ailleurs sur le continent africain, ce qui a scellé l'effondrement de l'espoir panafricain, de la troisième voie panafricaine, dont rêvent tous les indépendantistes du continent noir. De plus, ce pôle aus­tral se situerait à mi-chemin entre l'Australie et l'Amérique Latine, position géopolitique qui permettrait le con­trôle de la circulation maritime de l'Atlantique Sud et de l'Océan Indien. La Grande-Bretagne impériale du dé­but de ce siècle refusait à toute puissance l'accès direct à l'Océan Indien: ce fut le cas quand les Russes prirent pied en Asie Centrale, quand les Allemands construisirent le chemin de fer Berlin-Bagdad, quand les Italiens oc­cupèrent l'Abyssinie. A fortiori, elle refusait qu'une de ses colonies, devenue indépendante, réitère la révolution américaine, se détache de la couronne et pratique une politique impériale dans une région où elle règne sans par­tage.

 

Les succès d'une diplomatie

 

Cette volonté d'empêcher le renforcement du pôle sud-africain, les Etats-Unis l'ont reprise à leur compte, tout en déclarant vouloir "a constructive engagement", un "engagement constructif". Ces dernières années en effet, la diplomatie sud-africaine avait enregistré des succès prometteurs. Le 16 février 1984, la RSA et l'Angola se met­tent d'accord pour faire cesser les hostilités par personnes interposées entre les deux pays. L'Angola, avec ses 8,56 millions d'habitants est un pays agricole si riche qu'il pourrait être totalement suffisant. En plus, il possède du pétrole et une aile de son parti communisant au pouvoir (le MPLA) est prête à un dialogue plus re­serré encore avec la RSA. Je me permets ici une petite question perfide: cette aile serait-elle la seule fidèle aux idées de Lénine? Le Malawi également est auto-suffisant au niveau alimentaire et entretient de bonnes relations avec la RSA. Le 16 mars 1984, Pieter Botha signe un pacte de bon voisinage et de non-agression avec le Mo­zam­bique de Samora Machel. Mais ce pacte est torpillé par les rebelles du RNM, qui font échouer le rap­pro­chement entre les deux pays et la mise en œuvre d'une complémentarité industrielle. L'île Maurice entretient dé­sormais de meilleures relations avec la RSA, grâce aux initiatives du leader social-démocrate Gaétan Duval, homme toutefois  sérieusement contesté au sein de son propre parti.

 

Autre indice de l'hostilité des thalassocraties à l'encontre de la RSA: l'embargo rigoureux sur les ventes d'armes et de matériels, durant les années 60 et 70, notamment des pièces de rechange pour frégates et des hélicoptères anti-sous-marins de type Wasp. Pourtant, lors du Simonstown Agreement, pris à Londres en 1955, Britan­ni­ques et Sud-Africains étaient convenus de renforcer substantiellement la marine de Pretoria et de mettre sur pied une force d'intervention capable d'agir au-delà des frontières sud-africaines. Ces accords londoniens ont été pris dans le cadre de l'OTAN, organisation qui tirait seule les bénéfices de l'opération, puisque la RSA mettait à l'entière disposition de l'Alliance Atlantique sa base navale de Simonstown. Certes les lignes maritimes sud-atlantiques n'étaient pas fréquentées, à l'époque, par les navires de guerre soviétiques. Ce qui ne faisait pas ap­pa­raître la région comme menacée. Au cours des années 60, la Grande-Bretagne retire ses navires de l'Atlan­ti­que Sud. Johnson décrète l'embargo sur les ventes d'armes en 1967 et interdit à l'US Navy de fréquenter les ports sud-africains. La riposte de Pretoria, qui tente de briser le boycott, prend en 1966 la forme d'une politique de dialogue avec les Etats latino-américains, appuyée par le Portugal encore maître de l'Angola et du Mo­zam­bique. L'Argentine est le premier Etat à répondre aux offres sud-africaines, suivie ensuite par le Brésil. En 1968 et en 1969, des manœuvres rassemblent les marines brésilienne, argentine, portugaise et sud-africaine. Le "Cinquième Empire", dont rêvait Dominique de Roux, prenait forme. Qui plus est, la RSA équipe alors son aviation de "Mirages" français, exprimant là, en quelque sorte, son soutien au désengagement gaullien vis-àvis de l'OTAN. Sous les pressions de l'opinion publique internationale, le Brésil quitte cette ébauche d'alliance.

 

Double embargo américain

 

Avec l'arrivée au pouvoir du conservateur Heath à Londres et du républicain Nixon à Washington, Pretoria croit que son isolement va prendre fin. Au contraire, rien ne bouge. Nixon ne change rien aux dispositions pri­ses par Johnson. Quand le travailliste Wilson succède au conservateur Heath, la Grande-Bretagne renforce son em­bargo et dénonce les accords de Simonstown. La France, abandonnant la stratégie gaullienne, se joindra aux partisans de l'embargo en 1977. La RSA, parfaitement capable de devenir maîtresse du pôle austral de l'Afri­que, ne peut opérer son décollage naval et n'acquiert de ce fait pas l'outil pour forger sa politique économique, pour concrétiser son projet de confédération sud-équatorial. Les Etats latino-américains ne sont pas mieux lotis. Washington prend ombrage de leurs initiatives et jugule le développement de leurs marines. Les Etats-Unis dissuadent leurs "alliés" sud-américains de se lancer dans l'acquisition d'armements modernes et insistent pour qu'ils consacrent davantage d'efforts à leur développement économique. Résultat de ces pressions: les Etats latino-américains se tournent vers l'Europe. Mais là encore, les Etats-Unis s'interposeront. Ils feront pression sur la République Fédérale pour faire annuler le contrat de livraison d'une centrale nucléaire au Brésil. Le Brésil ripostera en dénonçant tous les accords militaires qui le lient aux Etats-Unis. Mais la crise sera de courte durée.

 

Avec Reagan, la collaboration reprend tant avec les Sud-Africains qu'avec les Latino-Américains pour s'enliser une fois de plus après la Guerre des Malouines. Comme le souligne très justement le géopoliticien français Her­vé Coutau-Bégarie, l'Occident orchestré par Washington ne cherche pas à ce que se constituent dans l'At­lan­tique Sud des blocs autonomes, en matières de défense et d'économie. Les Américains pratiquent là une poli­ti­que semblable à celle qu'ils pratiquent en Europe: ils refusent que le pilier européen de l'OTAN acquière une cer­taine autonomie. L'affaire Kiessling, qui avait mobilisé les médias en janvier 1984, le prouve amplement. Ce général ouest-allemand, bras droit de Rodgers au QG de l'OTAN à Mons-Casteau, souhaitait que les Euro­péens de l'OTAN puissent s'organiser de manière plus autonome et puissent répondre plus souplement à des défis diplomatiques régionaux. Kiessling voulait que se poursuive la Doctrine Harmel de dialogue inter-euro­péen et que soit abandonnée la nouvelle guerre froide inaugurée par l'Administration Reagan. Mieux: Kiessling voulait que l'OTAN abandonne sa stratégie de limitation au théâtre européen d'un éventuel conflit nucléaire en Europe. En tant qu'Allemand, Kiessling ne pouvait admettre que sa patrie serve de terrain de combat sans pou­voir tenter au moins une solution diplomatique.

 

La géopolitique allemande avait une dimension européenne et c'est heureux que la pensée politique française soit en train de la redécouvrir et de la rééditer aujourd'hui. Elle souhaitait avant-guerre que les relations interna­tio­nales ne soient plus dominées par les seules thalassocraties britannique et américaine, qui avaient éliminé la marine allemande à Versailles en 1919 et imposé une limitation de tonnage à la France et à l'Italie en 1923 (Georges Valois s'insurgera contre ses mesures). Dans plusieurs régions du monde, en Inde, dans le cône sud du continent latino-américain, en Europe et en RSA, se dressent de nouvelles puissances qui ne peuvent ac­cepter sans conditions la tutelle imposée par Washington, sous prétexte que Moscou risque de frapper. Or Mos­cou a plutôt montré une radicale incompétence en Afrique. Les liens tissés entre Machel et Botha, le dia­lo­gue entre l'Angola et l'Afrique du Sud, prouve que la présence soviétique en Afrique n'est finalement plus qu'un souvenir. Le défi du XXIème siècle qui frappe à notre porte, c'est précisément de remplacer une économie mon­dialiste qui craque de toutes parts par des zones semi-autarciques auto-centrées.

 

Gagner la bataille des médias

 

Les nations candidates à jouer un rôle déterminant dans ces futures confédérations doivent gagner la bataille des médias. Pour la RSA, il s'agit de rappeler, notamment aux forces de gauche, que Lénine bénissait l'apartheid et condamnait la politique des grands groupes capitalistes en Afrique australe, favorables, eux, à l'égalité des droits. Et qu'en conséquence, les discours anti-sud-africains aujourd'hui apparaissent particulièrement puérils quand on se réclame par ailleurs de la tradition socialiste ou marxiste européenne. Plus importante à mes yeux est cette option actuelle de la gauche politique et intellectuelle qui préconise l'auto-centrage des économies et la déconnexion vis-à-vis des institutions mondialistes. Auto-centrage et déconnexion qui trouvent d'ailleurs un large écho dans le Tiers-Monde: la Chine de Mao l'a pratiquée hier en enthousiasmant les jeunes contestataires européens, Kwame Nkrumah s'est fait l'avocat de cette forme moderne d'autarcie en Afrique Noire, l'Egyptien Samir Amin vient d'exprimer cet espoir avec brio dans un livre récemment paru à Paris... Et c'est là pré­ci­sément que le bât blesse puisqu'on peut être simultanément partisan de l'émancipation du Tiers-Monde sur base de l'auto-centrage des économies et admettre que l'Afrique du Sud, en accord avec les forces qui sous-tendent son histoire, puisse se trouver une solution confédéraliste conforme à son passé et impliquant aussi une forme d'auto-centrage économique, tel que l'avaient préconisé les orateurs nationalistes Kestell et du Plessis en 1938 et en 1939. Dans les discours médiatiques européens d'aujourd'hui, tant la gauche que la droite manquent de cohérence et cette absence de cohérence provoque une dépolitisation par irréalisme et par inculture historique. Ces deux maux constituent l'assise de l'assomption de l'Europe dans les limbes de la transhistoire, où végètent nos peuples faute d'informateurs sérieux et d'hommes politiques valables.

 

Reste la question raciale. Les discours dits "racistes" ou assimilés comme tels ne sont finalement que paroles, tout comme sont vaines paroles les discours anti-racistes propagés par les médias occidentales. Ces discours relèvent du domaine des sentiments, pas du domaine de l'analyse politique sérieuse qui, lui, ne retient que les phénomènes de puissance politique. Le fond du problème racial sud-africain réside dans la distribution inéqui­table des terres. Le géopoliticien allemand Walther Pahl avait déjà milité, entre 1937 et 1939, pour une redis­tri­bution des terres aux paysans noirs, de manière à ne pas condamner les ethnies non blanches à la dépendance économique totale. Comme le déclarait un citoyen sud-africain à Michel Droit: "Nul ici ne devrait avoir le pou­voir de dominer l'autre. Ni le plus fort numériquement ni le plus fort techniquement et culturellement". La tâ­che des Sud-Africains est immense; elle doit parvenir à harmoniser les desiderata de plusieurs dizaines d'eth­nies sans léser personne. Mais n'est-ce pas le cas également en Europe, où la nécessité d'unir les efforts de tous nos peuples se heurte bien souvent à des mécompréhensions dramatiques, dictées parfois par de bonnes inten­tions, comme dans le dialogue franco-allemand sans cesse avorté? Ou dans le dialogue avec le monde slave, dont nous ignorons tout de l'histoire, ici à l'Ouest?

 

Les dettes en guise d'épée de Damoclès

 

L'avenir des relations entre l'Europe et la RSA dépendra de l'interdépendance entre les deux régions mais aussi du degré d'autonomie économique qu'elles pourront chacune acquérir. Certes l'Afrique du Sud doit vendre ses minerais dans l'hémisphère nord si elle veut survivre économiquement. Mais si les banques américaines accu­lent la RSA à l'illiquidité, un appauvrissement généralisé frappera toutes les ethnies de l'Afrique australe qui ré­pondra, comme l'URSS, par la création d'une industrie autonome produisant des biens de moindre qualité mais suffisants pour son marché intérieur soustrait, à cause du boycott, à la concurrence internationale. La RSA se verra alors contrainte de refuser de payer ses dettes aux banques américaines et de tenter au moins d'honorer celles qu'elle a contracté avec les banques européennes. La politique de Washington va-t-elle de ce fait rapprocher les Européens des Sud-Africains? Nous pouvons l'espérer mais rien ne se dessine à l'horizon pour reprendre la politique d'un De Gaulle qui avait livré des Mirages à la RSA, sans se préoccuper des boycotts anglais et américains.

 

Un humanisme de la différence

 

Si les Etats-Unis ont proclamé la Doctrine de Monroe en 1823 et voulu par là que l'Amérique soit aux Amé­ricains, nous voulons, nous, que l'Afrique soit aux Africains, blancs ou noirs, et que l'Europe soit aux Euro­péens, à tous les Européens qu'ils vivent aujourd'hui à l'Est ou à l'Ouest du Rideau de Fer. Ce souhait im­plique précisément une autre logique des relations internationales et un rejet des doctrines et des praxis qui postulent une mondialisation de l'économie et un arasement total des cultures et des modes de vie qui ont fait l'histoire, les littératures, les créations artistiques des peuples de notre planète. Ce que nous voulons voir triom­pher, c'est l'idée d'un confédéralisme, que ce soit celui suggéré par la RSA, ou celui présenté par l'URSS, avec ses potentialités et ses lacunes, l'URSS qui est, ne l'oublions pas, une "fédération d'Etats" ou par les di­vers projets qui en Scandinavie, en Europe Centrale ou dans les Balkans n'ont pas encore abouti. Dans la con­fédération, les principes fondamentaux de l'humanisme sont préservés, c'est-à-dire les principes fondamentaux de celui ou celle qui puit dire "rien d'humain ne m'est étranger". Humain signifiant ici, bien sûr, production originale, organique et non schéma conceptuel désincarné.

 

Robert STEUCKERS.

Le 4 juin 1986.

jeudi, 15 janvier 2009

La révolution protectionniste selon Emmanuel Todd

 

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La révolution protectionniste selon Emmanuel Todd

http://www.europemaxima.com/

dimanche 2 novembre 2008, par Pierre Le Vigan

Pour bien comprendre les réflexions de Pierre Le Vigan, il est important au préalable de lire l’entretien qu’Emmanuel Todd accorde à Élisabeth Lévy pour l’hebdomadaire Le Point, n° 1 884, du 23 octobre 2008. Historien des structures familiales, auteur en 1976 de La chute finale sur l’effondrement prochain de l’U.R.S.S. (après avoir largement puisé dans les travaux de Jules Monnerot sans d’ailleurs le citer), il a publié en 1998 L’illusion économique, en 2002 Après l’empire et maintenant Après la démocratie, tous chez Gallimard. Hostile au libre-échange et ayant préfacé la réédition en 1998 Système national d’économie politique de Friedrich List, Emmanuel Todd a ouvert en 2004 à la demande de Dominique de Villepin la Conférence sur l’emploi et les salaires par un plaidoyer en faveur du protectionnisme. En 2005, et adversaire de Maastricht appelle à voter « oui » (avec réticence toutefois) au Traité constitutionnel européen - La rédaction


Les propos de Emmanuel Todd sont généralement intéressants même si on ne les partage pas tous. Le protectionnisme européen est bien sûr la condition de l’emploi et de la cohésion sociale. Il est aussi parfaitement exact que les élites qui ont choisi le libre échangisme mondial jouent contre la démocratie et détruisent les conditions de son effectivité.

Par contre, la notion de « pogrom antirépublicain » avancée par Finkielkraut à propos des émeutes en banlieues est-elle si inadaptée que semble le penser Emmanuel Todd ? La formule est forte, mais la réalité était brutale. Comment appeler l’acte de gens qui brûlent des écoles, des gymnases mais qui essaient de piller les magasins de vêtements, et non de les brûler ? Des gens qui ont certes peu d’argent mais adorent ses symboles ? Et qui détruisent ce que la République met à leur disposition ? Todd écrit : « Lorsqu’une bande mêlée, de toutes les couleurs, caillasse la police, c’est que l’assimilation fonctionne ». Cela laisse perplexe. Il ne suffit pas d’énoncer des propos paradoxaux pour qu’ils soient justes. Quand des Russes émigrés après 1917 allaient à l’embauche aux usines Renault, cela prouverait que l’assimilation ne marchait pas alors que quand une famille vit aujourd’hui des aides sociales et que ses enfants brûlent les écoles, cela prouverait que cette assimilation fonctionne ?

Ensuite, le libre échange et les délocalisations sont-elles les seules causes de la situation et du malaise de nombre de jeunes de banlieues ? Bien sûr, le fait que l’emploi ne soit pas aussi abondant que dans les années soixante ne favorise pas l’intégration. Mais ces jeunes cherchent-ils vraiment du travail ? Sont-ils prêts à se lever tôt ? Ont-ils vraiment acquis un savoir-faire qui rend apte à l’emploi ? Pour nombre d’entre eux, la réponse est bien sûr : non.

Quand au déclin culturel que Todd conteste, il suffit pour en être convaincu de comparer l’orthographe de nos grands-parents qui quittaient l’école à onze ou quatorze ans à celle des jeunes qui peuvent y rester jusqu’à dix-huit ans, sans rien y faire pour beaucoup, et on comprendra qu’il y a vraiment déclin culturel. On peut aussi écouter les conversations au pied d’une barre H.L.M. pour avoir son opinion. La vérité que E. Todd ne veut pas voir c’est que l’immigration de masse est un désastre humain et culturel. Pour les accueillis et pour les accueillants.

Finissons sur un point d’accord : « La narcissisation des comportements, l’implosion centripète des individus et des groupes vont tellement loin que le mythe national instrumentalisé par le couple Sarkozy / Guaino n’embraye sur aucune réalité. De ce point de vue, le peuple ne vaut pas mieux que l’élite. Et l’Europe ne va pas mieux que la France. Le sens du collectif se dérobe. » Mais on peut en tirer diverses conclusions. E. Todd appelle à « l’adoption d’un protectionnisme coopératif, mis en œuvre au niveau d’un collectif supranational, délivré de tout mythe fondateur ethnique ou étatique ». Sans mythe fondateur, il ne reste que l’économie, et le protectionnisme nécessaire n’est pas suffisant. Il faut un mythe englobant l’économie. L’Europe doit être ce mythe, celui d’une Grande Patrie englobant les Patries nationales et régionales, un mythe animé par le souffle d’un Peuple-source (1), comme écrit le philosophe Philippe Forget, un Peuple bâtisseur d’histoire.

Pierre Le Vigan

Note

1 : Philippe Forget, « Culte de la “ diversité ” et dépècement du peuple souverain », mis en ligne par L’Esprit européen, http://www.esprit-europeen.fr/agora_enjeux_france_europe-3#forget_diversite.

 

Het dogma van groen: "de aarde warmt op"

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Het dogma van groen:” de aarde warmt op”

http://klauwaert.blogspot.com

Tot voor kort had ik nog nooit gehoord van de Nederlandse klimatoloog, professor dokter Solomon Kroonenberg.
Maar dankzij een artikel in het Laatste Nieuws van afgelopen weekeinde heeft deze man mij de ogen geopend.

Er zijn nu meerdere waarnemingen die erop wijzen dat de aarde wel degelijk afkoelt.
a) Het warmste decennium van de vorige eeuw waren de jaren dertig en NIET de jaren negentig.

b) Het afsmelten van de gletsjers in het Himalayagebergte heeft weinig of niets met een opwarming te maken maar alles met een plaatselijke "atmosferische wolk" veroorzaakt door luchtverontreiniging (China?) dit volgens een recent milieurapport van de verenigde naties.

c) De middeleeuwse mens hier ten lande van ongeveer duizend jaar geleden (wat een korte tijdspanne is in de klimaatwetenschap) heeft in een tijdsbestek van enkele tientallen jaren veel hogere temperaturen gekend dan in de jaren negentig. (recent wetenschappelijk onderzoek).
d) Op het noordelijk halfrond is vorige winter de grootste hoeveelheid sneeuw gevallen sinds 1966. In de Alpen zijn nu de beste ski-omstandigheden sedert meer dan twintig jaar bekend, onder meer wat betreft de sneeuwdikte.

De stad Las Vegas in de Verenigde Staten van Amerika werd in december 2008 geteisterd door de ergste sneeuwstorm in meer dan dertig jaar. In de Alpen zijn nu de beste ski-omstandigheden sedert meer dan twintig jaar gemeld.
e) De hoeveelheid pakijs in alle oceanen is nu aangegroeid tot het niveau van 1979. Op de noordpool is de ijsksap met 500.000 vierkante meter aangegroeid in ongeveer tien maanden tijd, de aangroei in september 2008 is de grootste maandelijkse aangroei ooit opgemeten.

Volgens sommige biologen bereikt de ijsbeer alweer record aantallen.
f). Afgelopen meteorologisch jaar dat liep van december 2007 tot november 2008 was het koudste in acht jaar en dit volgens de onverdachte bron zijnde de NASA.
Goede Klauwaertvrienden, waarom horen we hier niets over in de andere media? Zou het kunnen dat deze info te veel de belangen van de groenen en andere linksen schaadt?

Die gemeenschap leeft immers van het algemeen doemdenken en van de sinistrose onder de bevolking. Men probeert de moderne mens met een schuldgevoel op te zadelen zodat hij weer maakbaar wordt en volgzaam en iedere draconische maatregel zal slikken. Een voorbeeld hiervan is de negentig km/u bij smogalarm waarvan iedere milieudeskundige weet dat het geen snars uithaalt om de luchtkwaliteit te verbeteren op korte termijn.

Laat jullie dus niet op sleeptouw nemen door deze politici informeer u en oordeel zelf.

En ja er bestaan evenzeer argumenten om aan te tonen dat de aarde zou opwarmen maar dan nog is de vraag of dit hoofdzakelijk te wijten zou zijn aan de menselijke activiteit en ook daar zijn de wetenschappers het niet over eens….

Jan zonder Land

 

"Leda" de Victor Rousseau

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Kiezen tussen de Utopische Samenleving en de Naïeve Anarch

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Kiezen tussen de Utopische Samenleving en de Naïeve Anarch

A Posthumous Conversation With Arnold Gehlen

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A Posthumous Conversation With Arnold Gehlen

Thomas Molnar

My only "encounter" with Arnold Gehlen was on the pages of Criticon: He was the subject of the Autorenportrat in the first issue of the review; I was the subject in the second. This is not much, yet I have mentally "conversed" with him several times, thereafter as a conservative social anthropologist. I employ conservative both as a term of praise and disagreement. Facing his progressive colleagues, a conservative social philosopher is one who does not indulge in wishful imaginings that he presents as the inevitable future of mankind. At the same time, he runs the risk of becoming intellectually rigid when he assumes that man, less plastic than the evolutionists believe, is determined by successive civilizational forms, from that of the hunter-gatherers to postindustrial society.
       
        Gehlen is part of a school of thought whose members divide history--not l'histoire evenementielle but sociotechnical history--into boxes, then shuffle their contents and are visibly annoyed when the cards from one box spill over to another box. A good illustration of this method of over classification is found in the works of the cultural anthropologist Pitirim Sorokin who involves himself in so many cross-references that the reader finally loses the line of argument and can only hold on to a few passages for their illustrative value.
       
        In the above paragraph, I tried to unmask the scholarly processes of these men when I called their professional object "sociotechnical history." It seems to me that most, if not all, of these admirable thinkers are over impressed by our "age of technology," and have become its victims in the sense that they regard it as the end of history, culture, and the human condition. To be sure, this view may be more defensible than that of their progressive colleagues. These latter are similarly overimpressed but build temples to technology, congratulating each other that they can now pray at the same shrine, members of the same ultimate cult. Gehlen and his colleagues were less naïve; they did not like what they saw. Yet they, too, considered technological civilization as the ultimate human achievement, though perhaps in the negative sense, as if man's being turned into a machine were inscribed in the natural order of things.
       

History As Positive Achievement
       
        What can one do after reaching such a conclusion? Two possibilities are left. One is given by the pessimistic historian Oswald Spengler: the replaying of the whole scenario from infancy to senility in some other geographical setting, endlessly. The fatalism of this process shuts off all discussion. The other possibility was explored by Gehlen: the explanation of our supposedly final civilizational shape as seen in reference to former ages, now perceived as approaches to the present level of mechanized living. Facing Spengler's picture of a cyclical history, Gehlen declares the course of history irreversible and, as such, a positive achievement.
       
        The French philosopher Henri Bergson at least contemplated a pair of alternatives, one of them negative, and the other positive. The élan vital had two choices, one of which ended in the cul-de-sac of perfect but mechanized instincts (the lepidoptera); the other of which flowed in the direction of an incalculable freedom and in the direction of man--the open intelligence, the creative artist, mystic, saint. Gehlen, however, insists on basic human constants--stability, regularity, and domination over nature--and is led to such a strange rapprochement: equation between the magical practices of archaic man and modern technological inventions. In both cases, Gehlen holds, man projects his need for regularity and routing onto the outside world. Magic brings him the obedience of the organic universe (or what his animism regards as organic); governing technology brings him the scientific laws of inorganic matter.
       
        This is, of course, reductionism of a rather materialistic kind. Marx and Engels, and before them, Helvetius and the Renaissance adepts of Epicurus, could have subscribed to it: Religion is merely a method of influencing imaginary superior forces. Once these forces are harnessed, scientific laws and their technical embodiments take over--and give us at least as much satisfaction as religion. The logic of this position does not stop here; it compels us to distinguish between our dependence on animate forces (in the age of magic) and our freedom today, as we manipulate the inanimate world. Max Weber's concept Entzauberung may be relevant here; that is, nature's desacralization as not merely an option, but an inevitable and irreversible transformation. As Gehlen writes, with man's switch from near passive object to active-dominant subject of historical and productive forces, the moral ideal has also changed. Is this not the line of argument of all utopian thinkers, from Joachim of Fiore to Teilhard de Chardin, not to mention the solid phalanx of progressive social scientist and ideologues?

       
A Rationalistic Future

       
        I hope the reader sees now the nature of my objection to Gehlen's quasi-deterministic vision. It is a vision that German thinkers adopted at the end of the last century, and that they have had certain reasons to cultivate in this one. Writes Gehlen: "The future no longer holds any prospect of a resurgence of mystical consciousness, since the industrial culture now conquering the globe is rationalistic through and through" (Man in the Age of Technology, p. 122). He proceeds to analyze industrialization's dreary consequences, the bureaucratization of life, mechanization of work, and institutional dissolution. This is Max Weber and Oswald Spengler again, themselves influenced by Vico, Burckhardt, and Tocqueville, and in their turn influencing Toynbee, Ortega, and others. Gehlen is by no means along; in fact, the cultural mood he represents has become all-pervasive, a sign of the times. But no matter how many brilliant names subscribe to and illustrate this mood and trend of thought, it is no more than a vision of the world closing in upon us.
       
        If I read Gehlen correctly, his philosophical anthropology contains two principal propositions. The first is that one may speak of culture only in a magical ritualistic sense, which suggests man views himself as a fragile being. This would also explain the human need for institutions because they mediate the sphere of transcendence to communities, at least to Gemeinschaften. And it further explains why, according to Gehlen, the place of institutions in our time is taken over by organizations (Gesellschaften). These temporary products of social relationships regulate themselves without pointing to a beyond and express ad hoc subjective desires.
       
        Gehlen's second proposition is that the consciousness of an age alters in response to changes in culture, in the form of human settlement or method of production. In our industrial civilization, then, culture has come to an end, and our consciousness is shaped by vast, manipulated, and manipulatory forces (the media, commercial publicity, government propaganda). The small enclave, in which each of us lives his impoverished private existence, with neither gods nor genuine human contacts to console us, has no cultural motivation and is easily adaptable to a hedonistic life-style.
       
        Although Arnold Gehlen and the other philosophers of civilization neither make excessive use of the so-called objective methods of measurement nor reject value judgments such as "decadence," "moral decline," and "social fragility," their central weakness is their inability to rise above the typological view of history. They ought to take into account the fact that every age proceeds to divide historical time according to its own convenience or prejudice, distributing praise, difference, or hostility by means of labels it nails to the various time-sections. "Middle Ages" contains a negative verdict, "Enlightenment" a positive one, while "ecumenic age" has a question mark attached to it.
       
        No wonder, then, that our preoccupation with industry and technology has introduced and encouraged a new classification based on the ways and methods of production. This is why we discovered in retrospect the nomadic gatherers; the clans of hunters and fishermen; the settled agriculturists and animal breeders; the urban population; artisanship and trade; large-scale, indeed global, industry; then, with an anxious look at the future, the age of nuclear energy and spatial navigation. The postulate that overarches this enumeration is irreversibility. As Gehlen writes, we cannot return from the industrial to the mythical consciousness because the former destroyed the later with its cold, rationalistic methods and has expanded throughout the planet.
       

The Shaping Of Societal Consciousness
       
        Where is my disagreement with Gehlen and the school to which he belongs? It is questionable to what extent the consciousness of a society is shaped by its material substratum, productive forces, and social relationships. It was the Marxist Lucien Goldman who tried (in Le Dieu cache) to demonstrate that Pascal's and Racine's work can be explained in terms of the new sociological position of the noblesse de robe--a thesis brilliantly demolished by a young scholar, Gerard Ferrey-rolles. Similar attempts at a basically Marxist analysis abound in the works of sociologists of knowledge like Karl Mannheim, and, of course, Georg Lukacs and the
Frankfurt School.
       
        Gehlen did not belong to any of these groups, yet he shares with them a number of intellectual ancestors and presuppositions. Industrial society was so traumatic for scholars holding a tradition-based worldview that some drew apocalyptic conclusions from its predominant position and gradual annexation of various areas of daily and cultural life. Let us not forget that in the nineteenth century not scholars but primarily artists opposed scientific progress (Blake, Baudelaire, Flaubert, then Pound, Yeats, Eliot); most intellectuals were swept off their feet by the prospect of utopia, but art historians soon joined the artists in their opposition to technology and mechanization (Sedlmayr, Ortega, Weidle).
       
        We must, however, question the theories of civilization built on nineteenth century culture shock, and regard fully developed technological society not as the last phase of a sadly declining history, but as a dead-end street, in the sense that lepidoptera represent an exhausted biological line in Bergson's system. (This is not a general approval of his Evolution cretrice!) Ghelen was impressed by the gradual buildup of the civilizational stages from the nomadic food gatherers to the present, cybernetic era. When the nomads made fire with a flint, that act was profoundly needed; hence, it was sponsored by a god (Agni in the Hindu pantheon, Vulcanus in the Roman), and it was an organic, unremovable part of civilization. This quality of permanence integrated "fire" with theology, philosophy (from the pre-Socratics until the Stoics), the magical worldview, alchemy, mining, poetry, and images of love and passion.
       
        Cybernetics, no matter what its giant achievements, cannot create counterparts in imagination nor install them in the pantheon. It is in the strictest sense unneeded, an embarrassing burden, a manipulative device; since nobody really wants it, it cannot catch our fancy. It is not part of the human condition. In short, there will never be a "cybernetic consciousness", only the learning by specialists of an auxiliary branch of industrial technology. No matter what sophisticated machines we build, man remains man, and machines, insofar as they enter our imagination at all, will be strange, freakish, monstrous, or ridiculous Frankensteins.
       
The Building Of A "Lepidopteran" World

       
        Thus industrial civilization, which so overwhelms us today, is a Bergsonian quasi-impasse in the succession of civilizations. I mentioned that its first opponents were those nineteenth-century artists who rebelled against photography, the railroad, the grisaille of factory life, functional architecture, the smoke that defiles the air of cities--not mere Luddites but clear-sighted insurgents against mechanization. Of course, this kind of milieu created its own human type, utilitarian man, who judges beauty in terms of supermarkets and building speculation.
       
        However, the whole thing can be diagnosed as a "lepidopteran" undertaking: Technology will simply not fuse with consciousness, it will frighten it, alienate it. The machine encourages things like the Centre Pompidou; it may even reach a kind of apotheosis in a night skyline mirrored in the river, as the illuminated cubes of
Manhattan. Such a vista is impressive, but it does not speak to the emotional roots where time, exaltation, awe, and humility enter into alchemic combination.
       
        Like many of his colleagues, Gehlen feared, in fact, the end of history, a typical and understandable rightist response to the present dehumanization and vulgarity of bureaucracy and mass culture. An abundance of histories of civilization has been written in the last hundred years. The authors either spoke openly of the decadence of the West or tried to balance Western civilization on the point of a needle, guessing whether it would remain or fall. At any rate, the authors believed they were publishing the last book before the end of the world, an end to come in an apocalypse or a whimper, as T.S. Eliot suggested. The books themselves were conceived on the model of inventories, the last tour d'horizon before all books are closed.
       
        Yet, history continues, and it is not irreversible. Indeed, irreversibility itself is a mechanical concept, exemplified by the machine that never stops functioning. But how could we say of Chartres or a Mozart symphony that it is irreversible, or that Augustine and Michelangelo did forever? Such statements, we know deep inside, do not make sense. Likewise, we know that a mechanical product, like the Centre Pompidou, regardless of how long it stands, will not be assimilated by historical consciousness.
       
        The modern reductionist methodology is responsible for Gehlen's pessimism about civilizations. It may be tempting and spectacular to equate archaic magic with the mathematical certainties derived from scientific technology, but it is a false equation. Magic was not solely an attempt to secure desired results--it suggested that the cosmos is one totality, the unimaginably vast scene of cross-influences by all its myriad components, human and other. Even when the magician obtained negative or no results, he felt the safety of belonging to a meaningful whole.
       
        The contemporary engineer has no such support. Our civilization, built on a "second nature" as it were, cannot be intimately ours. We will leave it behind and proceed to new configurations in the light of which dehumanizing technology and its computer brain may again appear as marginal--abandoned by post-technological man. Industrial society does not have to be followed by "more of the same"; envisioning the next civilization postulates is not in our power.

The Argument For Divine Censorship
       
        A final point. Gehlen expected, like many modern thinkers, that mankind would formulate a new, sound moral relationship with industrial culture. This may take the form of an "ethics of responsibility" (Hans Jonas) inspired by ecological considerations, a new awareness of our growing and perhaps unlimited power over nature. It must be noted, however, that morals are not formulated and observed in vacuo; they are creations of an ontological penetration into the universe by which human relations, too, are seen in a new light.
       
        Even if we accept the classification of previous historical epochs as sedentarization, agriculture, city building, and so on, it is obvious that each presented itself under the sponsorship of divinities who fulfilled two essential civilizational functions: They offered their followers a meaning of, and justification for, what gods and men were doing, thereby suggesting myths, rituals, and art forms. Their second function was setting the limits that the given technical instruments were unable to transcend--unless the gods themselves changed, but that act created another civilization.
       
        No such relationship exists between the technological age and what I have called the ontological penetration. Science has cleared the cosmos of the sacred presence; technology simply fills the empty place thus left, the way chairs fill the stage in Ionesco's Les Chaises: relentlessly, endlessly, even after the curtain falls. In other words, for a morality to exist as an active agent, the universe must have a meaning, and therefore techne must have limits. As if he had anticipated Hans Jonas' call for an "ethics of responsibility", Gehlen warned that Western man has had two centuries of conditioning in an uncritical admiration of technology. I think we must go farther and realize that we do have a system of ethics adjusted to science and technology, just as we have a system of esthetics. The trouble is that both are false: "Technological esthetics" is represented by the Centre Pompidou, while "technological ethics" is contained in the phrase, What is technically feasible is also moral. Neither system harmonizes with man's deeper vision of himself and the world.
       
        Thus my final disagreement with Gehlen can now be summarized. If there were a law according to which a new and different moral vision must coincide with every major change in technology, then the weight of importance in spiritual anthropology would have to shift from the moral demand as such to what technology can offer. In short, technology would determine morality, and anthropologists would merely register this fact. This is a fashionable view, which recently found a brilliant expression in Le desenchantement du monde, by Marcel Gauchet. The French writer's work is predicated on an also fashionable "historical entropy": We have left the religious worldview behind and have descended, as if from the mountains to the endlessly stretching plain, onto a self-regulating society.
       
        However attractive this thesis may appear, it is merely speculation for people ideologically committed to the infrastructure/superstructure process of history: With changes in the material and psychological preconditions, moral truth also shifts in a predetermined direction. But how do we measure the ratio that exists between, let us say, the structure of production or ownership, and the moral judgement? To my knowledge, there is no formula for the calculation of such a ratio, and speculation about the existence of one is the fading legacy of nineteenth-century positivism. There is thus no demonstrable relationship between infrastructure and superstructure, to use these loaded terms. The freedom and specificity of man--and if we do not postulate them, we might as well abandon all thought of an anthropology--are ultimately not tied to his material condition. Otherwise, given the present state of civilization, this "conversation with Arnold Gehlen" could not take place or would be without meaning.

Thomas Molnar is professor of religion at Yale. He is the author of The Pagan Temptation; The Decline of the Intellectual; Sartre: Ideologue of Our Time; and God and Knowledge of Reality.

[The World and I (New York), November, 1989]

 

mercredi, 14 janvier 2009

Gaza: Israël n'a rien à gagner sur le plan politique

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Günther DESCHNER :

Gaza : Israël n’a rien à gagner sur le plan politique

 

On est plutôt prompt à penser que la culpabilisation, que l’acte de désigner le coupable, est l’affaire des lobbyistes. La plupart des hommes politiques et des journalistes s’emparent aujourd’hui de la nouvelle guerre au Proche Orient, que mène actuellement Israël, et prennent parti avec tant d’aplomb qu’on a l’impression qu’ils considèrent comme inopportunes et incorrectes toute connaissance approfondie de la question, toute objectivité et toute indépendance d’esprit. Trop de faiseurs d’opinion, de pontes médiatiques et de politiciens posent aujourd’hui des jugements à l’emporte-pièce, préfabriqués, tant et si bien qu’on pourrait penser, si l’on venait d’une planète lointaine, que l’histoire du Proche Orient vient à peine de commencer il y a deux semaines, quand, tout à coup, une bande ensauvagée de fous islamistes et antisémites, la barbe drue, aurait jailli du cloaque de Gaza et aurait, tout de go, commencé à tirer des fusées, par eux-mêmes bricolées, sur Israël, une Etat qui ne veut que la paix. Et que maintenant l’aviation israélienne leur donne la leçon qu’ils ont pleinement méritée. La plus pénible fut la Chancelière Angela Merkel qui sombra dans les simplismes outranciers, en déclarant : « Seul le Hamas est responsable de l’escalade ».

 

Mais, voilà, l’histoire n’est ni aussi simple ni aussi unidimensionnelle. Cela nous rappelle un peu la fameuse notion de « ruse de l’histoire » chez Hegel, lorsque nous lisons dans les journaux que ce sont surtout les frappes du Hamas, depuis Gaza, contre la ville littorale d’Achkalon, qui ont justifié les attaques d’Israël contre la Bande de Gaza. Or ce sont justement les Palestiniens qui vivaient à Achkalon et dans sa région, une ville qui s’appelait à l’époque Madchal, qui ont été dépossédés et expulsés en 1948 par les Israéliens. Ils se sont retrouvés à Gaza. Ce sont eux, ou plutôt leurs enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants qui constituent une bonne part du million et demi de fugitifs palestiniens parqués sur les 360 km2 que l’on a appelé, depuis lors, la Bande de Gaza. Les dimensions de celle-ci correspondent à peu près à la moitié de la superficie de l’agglomération de Hambourg et la densité démographique y est deux fois plus importante. Voilà le noyau du problème. Tous ces gens n’ont jamais eu aucune raison ni aucune occasion d’oublier la conquête de leurs terres, l’expulsion des leurs et la misère de leur condition de réfugiés. Cela n’excuse pas certaines de leurs réactions anti-israéliennes, mais cela les expliquent.

 

Depuis qu’existe Israël, donc depuis soixante ans, les tensions irrésolues n’ont cessé de s’accumuler et elles sont les plus perceptibles à Gaza. Cette ville est un cauchemar pour les deux partis. Déjà David Ben Gourion avait exprimé sa crainte en 1948, quand il a donné l’ordre aux troupes sionistes d’entrer dans la région. Dans les années 90, les premiers ministres israéliens Yitchak Rabin et Shimon Peres souhaitaient clairement la disparition de Gaza ; ils disaient qu’il fallait tout simplement couler la Bande et l’expédier au fond de la mer.

 

On ne sait pas quand le sang cessera bientôt de couler à Gaza : quoi qu’il en soit, la pause et le répit ne seront que les préludes de nouvelles catastrophes. Les experts ès questions militaires se demandent ce qu’Israël cherche à gagner en lançant ses troupes à l’assaut de la Bande. Car le but officiel de toute l’opération, selon le ministre de la défense Ehud Barak, reste vague. Les militaires israéliens disent vouloir forcer « un changement radical de la situation en matière de sécurité dans le Sud d’Israël », afin que cette partie du pays ne soit plus menacée dans l’avenir par les tirs de missiles des Palestiniens. Ne s’agit-il pas plutôt qu’un coup politicien en vue des élections prochaines, qui auront lieu en février ? Ou s’agit-il vraiment de conjurer une menace mortelle ?

 

Ceux qui critiquent l’action de l’armée israélienne évoquent la disproportion des moyens : au cours de ces sept dernières années, 17 Israéliens ont été tués par des missiles tirés depuis la Bande de Gaza. Certes, Israël a le droit indiscutable de ne pas accepter plus longtemps cette menace qui pèse sur ses citoyens et d’invoquer son droit à se défendre. En Occident, mais aussi à Berlin, ce droit est posé comme « non négociable ». Dans le même laps de temps, plus de 4000 Palestiniens ont été tués lors d’opérations israéliennes. En Cisjordanie, d’où aucun missile n’est lancé, 45 Palestiniens ont été tués par les Israéliens, rien qu’en 2008. Les Palestiniens, dès lors, évoquent, eux aussi, leur droit à se défendre. Ils ne comprennent pas pourquoi personne ne considère ce droit comme « non négociable » ou le dénonce comme du « terrorisme ».

 

Assurément, Israël, qui est la principale puissance militaire du Proche Orient, emportera la victoire dans l’actuelle « Guerre de Gaza », du moins sur le plan militaire. Mais, en revanche, sur le plan politique, Israël ne gagnera rien. L’opération militaire, qui n’est pas la première, loin s’en faut, ne préparera pas le terrain, à Gaza, pour des partis politiques fiables et compétents, que les Israéliens pourront prendre comme interlocuteurs. Les groupes radicaux ne mettront jamais vraiment un terme à leurs attaques, si les conditions politiques et économiques ne changent pas. Même Israël, tout puissant, n’a pas réussi à empêcher ces attaques lorsque ses armées occupaient Gaza et tenaient la région sous son contrôle. Le Hamas ne disparaîtra pas si on le boycotte et si, simultanément, on affame 1,5 million de Palestiniens.

 

Les objectifs du Hamas sont les suivants : arrêter les opérations militaires, mettre un terme au blocus de la Bande de Gaza et ouvrir tous les points de passage sur la frontière. Depuis avril 2008, dans les rangs du Hamas, on discute ferme pour savoir si l’on reconnaîtra Israël ou non, du moins dans les frontières de 1967, telles qu’elles sont reconnues par le droit international. Cela correspond exactement au plan que l’Arabie Saoudite, en tant que puissance très influente du monde arabe, a suggéré maintes fois. Négocier sur base de telles requêtes rapporterait plus à Israël que cette succession interminable de guerres,  d’armistices, d’actions de représailles, d’attaques suicides et d’assassinats « ciblés », qu’il connaît depuis plus de soixante ans. Quant à l’influence iranienne, qu’Israël perçoit comme une menace pour ses intérêts vitaux, elle ne cessera de croître au fur et à mesure que disparaîtra l’espoir des Palestiniens d’obtenir un Etat, qui soit le leur

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Günther DESCHNER.

(article paru dans « Junge Freiheit », Berlin, n°3/2009 ; trad. franç. : Robert Steuckers).

Terre & Peuple n°38: Capitalisme, non merci! - Pour une troisième voie identitaire!

Terre et Peuple Magazine

n°38

Hiver 2008

 

 

Sommaire - TP Mag n°38

TERRE ET PEUPLE MAGAZINE - Terre et Peuple Magazine n°38 - Hiver 2008
Samedi, 18 Octobre 2008 01:59

Éditorial de Pierre Vial :

Pour une Troisième Voie identitaire

En Bref
- Nouvelles d'ici et d'ailleurs

Identité
- La ligue des Peuples d'Europe

Origines
- Nos racines généalogiques

Nos traditions
- Les fourneaux d'Epona

Indo Européens
- Les Faussaires de l'Histoire

XIII° table Ronde de Terre et Peuple
- Le combat Culturel, pour quoi faire ?

Culture
Patrimoine
- Prora, une mémoire Allemande
- Le mur Slave de Jaromarsburg

- Notes de lectures

DOSSIER - Capitalisme ? Non Merci !  Pour une Troisième Voie

Editorial - TP Mag n°38

TERRE ET PEUPLE MAGAZINE - Terre et Peuple Magazine n°38 - Hiver 2008
Samedi, 18 Octobre 2008 00:00
Pour une Troisième Voie identitaire

Face à la crise qui ébranle si fortement le système capitaliste (jusqu’où ? L’avenir le dira…) il est indispensable d’apporter une réponse alternative. Une réponse qui ne peut être que révolutionnaire. On ne se refait pas…Frileux s’abstenir.

Comme le rappelle l’entretien que nous publions dans notre dossier « Capitalisme ? Non merci ! », le concept de Troisième Voie a été très formateur pour toute une génération de militants (et militantes !) dans les années 1980. Il est nécessaire de le revivifier aujourd’hui car il est au cœur de notre combat idéologique – et plus que jamais nécessaire au vu de la situation présente.

Certains esprits chagrins vont critiquer ce choix. D’abord parce que critiquer les autres, tous les autres, est leur passe-temps favori, d’autant plus qu’en retour ils ne proposent rien, incapables qu’ils sont d’avoir une pensée positive. Ensuite, au mauvais prétexte qu’une Troisième Voie n’est plus de saison puisque la Troisième Voie des années 1980 se définissait tout à la fois contre l’impérialisme américain et contre l’impérialisme soviétique. Or celui-ci a disparu… Certes. Mais c’est confondre, volontairement ou involontairement, système soviétique et marxisme. Or celui-ci est toujours vivant, bien vivant, trop vivant puisqu’il imbibe, sans le dire (c’est le b-a ba de la subversion), tous les pouvoirs en place. Bien sûr, se dire marxiste n’est plus autant à la mode que dans le passé. Mais le marxisme n’en exerce pas moins, sous une forme souvent banalisée, son contrôle sur le pouvoir culturel, lequel (merci Gramsci !) conditionne la conscience de nos contemporains – si bien que, fin du fin, beaucoup d’acteurs de la vie publique font du marxisme sans le savoir, en dignes successeurs de Monsieur Jourdain.

Sur le plan politique, une ligne Troisième Voie permet de dénoncer droite et gauche comme les deux faces de la même (fausse) monnaie (exemple criant : le mondialisme libéral et l’altermondialisme gauchiste ont en commun d’affirmer la nécessité d’un mondialisme). Une Troisième Voie est une nécessité absolue pour sortir du jeu de tricheurs, utilisant des fausses cartes, qu’est le Système en place.

Les turpitudes des socialistes ont l’avantage d’étaler sur la place publique une vérité accablante pour les cœurs sincères qui croient encore au socialisme : le Parti qui parle en leur nom accepte le système capitaliste sous prétexte qu’on pourrait le réformer, l’aménager, le rendre supportable. Cela s’appelle la sociale-démocratie. C’est à dire le frère jumeau du capitalisme libéral. Comme en a fait l’aveu publiquement Delanoë, qui est d’après Le Nouvel Observateur (22 mai 2008) « le candidat préféré des électeurs de gauche pour la prochaine présidentielle ». Et qui annonce tranquillement : « La gauche que je défends est par essence libérale (…) Je suis donc libéral et socialiste ». Si les mots ont encore un sens, cela apparaît comme le mariage de la carpe et du lapin. Mais ce mariage n’a pas empêché Martine Aubry, qui veut nous la jouer « plus pure et plus dure socialiste que moi, tu meurs », d’accepter dans son escarcelle les voix de Delanoë pour venir à bout, bien difficilement d’ailleurs, de Ségolène Royal, en battant le rappel de tous les dinosaures du PS.

La déclaration de Delanoë, présentée dans les media comme une grande nouveauté et une belle audace, n’est en fait nouvelle et audacieuse en rien. Elle correspond en effet parfaitement à un jeu de dupes qui remonte au XIXe siècle, lorsque les radicaux-socialistes de la IIIe République firent en sorte de neutraliser, en acceptant le jeu constitutionnel et électoral, les ardeurs révolutionnaires des vrais socialistes français, héritiers de Proudhon et de Blanqui, marqués par le beau rêve de la Commune de Paris. Ces hommes et ces femmes (honneur à Louise Michel !) que les bourgeois versaillais traitaient dédaigneusement de « Communards », incarnaient une tradition politique qui, comme l’a rappelé Alain de Benoist dans son bel édito du n° 126 d’Eléments (automne 2007), « impliquait à la fois le refus de l’exploitation du travail, de l’égoïsme prédateur et du nihilisme jouisseur, en même temps qu’un certain conservatisme moral, le sens de l’honneur et de la parole donné, le goût de la loyauté, de l’entraide et de la solidarité ». Une telle conception, forgée dans les luttes contre la bourgeoisie louis-philipparde et héritière du compagnonnage,  transcendait le clivage artificiel gauche-droite, conçu pour couper les peuples en deux – pour le plus grand profit des usuriers cosmopolites. Un tel idéal a survécu au fil du temps avec l’aventure boulangiste, avec Maurice Barrès candidat aux élections de 1898 à Nancy sous l’étiquette « nationaliste-socialiste », avec le Cercle Proudhon fondé en 1911 sous l’influence de Sorel et du premier Maurras (« une des premières tentatives d’union des forces révolutionnaires de droite et de gauche en vue d’un syndicalisme à la fois socialiste et nationaliste », Dictionnaire de la politique française, 1967), avec ces « non-conformistes des années 30 » (Mounier, Maulnier, Rougemont et tant d’autres) bien étudiés par Jean-Louis Loubet del Bayle, avec les néo-socialistes de Déat, Marquet, Montagnon et Renaudel, avec le PPF de Doriot. Au-delà de leur diversité, ces hommes, ces mouvements étaient en quête d’une Troisième Voie, comme l’étaient, entre 1919 et 1945, Jose-Antonio, Ramiro Ledesma Ramos et Onesimo Redondo en Espagne, Degrelle et Henri de Man en Belgique, le premier fascisme (et le retour aux sources avec la République Sociale) en Italie, les courants nationaux-révolutionnaires et volkisch, à l’intérieur et à l’extérieur de la NSDAP, en Allemagne, et tant d’autres courants comparables dans la plupart des pays européens.

Après 1945 – et pour ne parler que de la France – François Perroux, le « gaullisme de gauche », le groupe « Patrie et Progrès », les courants Algérie Française au sein de la SFIO et du Parti Radical (Jean-André Faucher et ses amis), Maurice Bardèche et son Défense de l’Occident, Jeune Nation puis Europe-Action et, bien sûr, Troisième Voie, ont représenté peu ou prou, chacun à leur façon et dans des registres évidemment très différents, la volonté d’une ligne anticapitaliste et antimarxiste.

Aujourd’hui, face au marxisme rampant (travesti en droitsdelhommisme larmoyant) et au libéralisme sûr de lui et dominateur, s’impose la nécessité d’une Troisième Voie clairement affirmée. Elle doit reposer sur la nécessaire primauté d’un pouvoir politique exerçant sa légitime souveraineté sur l’outil économique, pour imposer la justice sociale. Elle doit reposer aussi sur la notion d’identité : dans la mesure où marxisme et libéralisme s’accordent sur le primat de l’économique et la nécessité d’un mondialisme tueur de peuples, niveleur et destructeur des appartenances organiques, ethniques, c’est l’affirmation des patries charnelles enracinées et du droit du sang qui fonde la légitimité d’une référence « Troisième Voie ».

Il faut le dire à ceux qui croient sincèrement au socialisme : le seul socialisme authentique est celui qui affirme la primauté des droits de la communauté sur les droits de l’individu et qui rappelle à celui-ci la nécessité des devoirs envers sa communauté. C’est en cela qu’il n’est pas compatible avec le libéralisme, lequel est indissociable de l’individualisme, source d’un égoïsme narcissique. Or les seules communautés légitimes sont les communautés organiques, populaires, qui reposent sur l’identité ethnique.

C’est pourquoi la Troisième Voie que nous voulons est celle d’un socialisme fidèle à ses origines, un socialisme identitaire, solidariste et fédéraliste, qui mettra en application la nécessaire justice sociale en éradiquant l’exploitation capitaliste mondialiste, sûre d’elle et dominatrice, cause véritable de l’invasion de notre terre par des populations victimes du Système et qui devront, pour retrouver une vie équilibrée et satisfaisante, retourner sur leurs terres d’origine. Ce qui permettra, alors, de passer avec elles des accords bilatéraux destinés à permettre à tous les peuples d’affirmer avec force, face au mondialisme niveleur, dans un monde multipolaire, leur droit à l’identité ethnique.



Pierre VIAL
 

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De nazaten van Djengis Khan

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De nazaten van Djengis Khan
http://klauwaert.blogspot.com/
Hoe de christenen een gouden kans om de opmars van de islam tot staan te brengen uit hun handen lieten glippen en waarom het westerse schuldcomplex met bijbehorende zelfkastijding onzinnig is –een lesje uit de geschiedenis.

Djengis Khan, geboren als Temudjin rond 1167, verloor al op jonge leeftijd zijn vader en leefde als uitgestotene jarenlang in uiterst precaire omstandigheden. Na vele omzwervingen en tegenslagen werd hij in 1206 in een kuriltai (samenkomst van alle stamleiders) verkozen tot Grote Khan van de door hem verenigde Mongolenstammen. Hij teisterde als een ‘gesel Gods’ het grootste deel van Azië, met een door hem gecreëerde, schier onoverwinnelijke strijdmacht.


Niet alleen was dit leger optimaal toegerust (door de inzet van reservepaarden, het dragen van een zijden onderhemd dat het verwijderen van pijlen uit schotwonden vergemakkelijkte, het gebruik van een geavanceerde composietboog), ook de strijdwijze was zeer effectief. Mongolen vernietigden hun tegenstanders door manoeuvrerend op hun snelle paarden een regen van pijlen af te schieten en het vrijwel nooit op een man-tegen-man gevecht te laten aankomen (daarbij waren ze kwetsbaar). Ook adopteerden ze gretig de militaire innovaties van over-wonnen tegenstanders: belegeringswerktuigen, buskruid, zelfs schepen. Ze verpletterden niet alleen de fine fleur van het Europese ridderschap, maar ook de tot dan toe zo succesvolle moslimlegers.

Djengis had vele concubines, maar de enige nakomelingen van belang waren de vier zonen die hij verwekte bij zijn vrouw Börte. De afkomst van de oudste, Jodji, was verdacht (kort na hun huwelijk werd Börte door tegenstanders van Djengis ontvoerd en verkracht), maar hij behandelde hem niet anders. Alle zoons kregen grote leengebieden (ulus) toegewezen. Djengis stierf in 1227 en werd opgevold door zijn bekwame, maar drank-beluste derde zoon Ögödei, die de scepter doorgaf aan zijn verwaten spruit Güyük. Deze volgde hem spoedig in het graf, waarmee deze tak als factor van betekenis uitstierf. De nazaten van zijn drie andere zonen vestigden afzonderlijke khanaten.

Batu, de tweede zoon van de eveneens in 1227 gestorven Jodji, breidde het hem toegewezen leengebied in het noordwesten van het rijk met behulp van de briljante generaal Subodai uit tot voorbij Moskou en roofde Polen en Hongarije leeg. Hij perste zulke gigantische tributen af van zijn Russische vazallen, dat zijn fabelachtig rijke clan de bijnaam de Gouden Horde kreeg. Na een zeer korte heerschappij van zijn zoon en kleinzoon ging de macht naar zijn tot de islam bekeerde jongere broer Berke. De laatste nazaat van Djengis, Berdebek, stierf in 1335, maar de Gouden Horde overleefde onder andere leiders tot 1502.

De bescheiden tweede zoon Djaghatai, die aan het hoofd van het dagelijkse bestuur van het rijk stond, kreeg de gebieden van de Kara-Kitai en Transoxanie in Centraal Azië (het huidige Afghanistan en de omringende landen) en had het daarmee niet echt goed getroffen.

Tolui kreeg het ‘hart van Mongolië, waarop hij als laatstgeboren zoon vanuit de traditie recht had. Hij stierf in 1233, maar dankzij de capaciteiten van zijn vrouw Sorghahtani Beki, een geboortige christin die door een Perzische historicus werd beschreven als “buitengewoon intelligent en bekwaam en hoog boven alle andere vrouwen op aarde verheven”, werd deze lijn de meest succesvolle. Ze sloot een bondgenootschap met Batu en wist in 1251 haar oudste zoon Möngke tot Grote Khan te laten kronen. Deze werd acht jaar later opgevolgd door zijn jongere broer Kubilai, na een burgeroorlog met de jongste zoon Arik Böke, die populair was onder de conservatievere Mongolenleiders omdat hij niet ‘verpest’ was door een leven in luxe.

Möngke en Kubilai onderwierpen China (dat door hun voorgangers alleen was geteisterd met roofovervallen) en Kubilai, de grootste van de Grote Khans, wijdde vrijwel al zijn tijd aan het bestuur van dit rijk. Door het herstellen van rust en orde, het bevorderen van de landbouw en het aanknopen van handelsbetrekkingen bloeide China weer op. Hij stichtte een nieuwe dynastie, de Juan, die een eeuw later door een volksopstand onder leiding van de eerste Ming-keizer aan zijn eind kwam.

Hülagü, de tweede zoon van Tolui, liep Perzië onder de voet en hield op afschrikwekkende wijze huis in het Midden-Oosten: hij veroverde o.a. Baghdad en ruimde bijna 200 ‘Assassijnen-nesten’ op (waarvoor velen hem zeer dankbaar waren). Hij was de christenen gunstig gezind: een belangrijk deel van zijn leger bestond uit Armeense en Georgische christenen en de christenen in de veroverde steden werden gespaard, terwijl alle moslimmannen aan het zwaard geregen werden en de vrouwen en kinderen als slaven naar het oosten werden versleept. Hij bood de kruisridders en de christelijke vorsten in Europa herhaalde malen een bondgenootschap tegen de islamieten aan, maar de eersten verkozen de kat uit de boom te kijken en de laatsten waren de ravage die door Batu in Oost-Europa was aangericht nog niet vergeten. Ze gingen niet op het aanbod in –een fatale vergissing. Hülagü’s positie werd bovendien verzwakt door een conflict met Berke, die liever niet zag dat zijn moslimbroeders in het Midden-Oosten werden uitgeroeid.

Iedere keer als een Grote Khan stierf werden van heide en verre leiders bijeengeroepen om in een kuriltai een nieuw opperhoofd te kiezen. De veroveringstochten werden dan afgebroken. Zo trok Batu zich bij een dergelijk gelegenheid terug uit Polen, Hongarije en het westelijk deel van Rusland en Hülagü uit het Midden-Oosten. Vaak was men het niet onmiddellijk eens en duurde het jaren voor de opvolger bekend was. Dit betekende uiteindelijk de redding van Oost-Europa en de islam in het Midden-Oosten.

Nadat Hülagü zich met het grootste deel van zijn troepen had teruggetrokken uit Syrië en het stroomgebied van de Eufraat bleef er nog slechts een klein Mongolenleger achter. Kortzichtige kruisvaarders besloten de Egyptische Mamelukken-generaal Qutuz vrije doortocht te verlenen en deze wist de Mongolen, die onder bevel stonden van de christelijke generaal Ked-Buka, bij Ain Jalut een vernietigende nederlaag toe te brengen -de eerste en de laatste keer dat de Mongolen verslagen zijn. Het Midden-Oosten was voor de islam veilig gesteld en kort daarop vielen de laatste kruisvaarderbolwerken.

Het rijk van Hülagü en zijn nazaten (de Ilkhans) beperkte zich voortaan tot Perzië. Het gebied bleef onrustig en Ghazan de Hervormer, die in 1295 aan de macht kwam, besloot de banden met zijn onderdanen aan te halen door zich tot de islam te bekeren. Hij werd nagevolgd door de meeste van zijn bevelhebbers. Zijn neef Abu Sa’id was de eerste khan met een islamitische naam –en tevens de laatste, want hij had geen kinderen. De resterende Mongolen gingen geruisloos in de Perzische bevolking op.

De nazaten van Djaghatai, ook tot de islam bekeerd, leken in Centraal Azië aan het kortste eind getrokken te hebben, maar hielden het uiteindelijk nog het langste vol. Een aanvankelijk onbeduidende prins, Babur, kwam op de vlucht voor binnenlandse onrusten in Noord-India terecht en stichtte aan het begin van de 16e eeuw het Moghul Rijk, dat (uiteindelijk in sterk afgeslankte vorm) tot 1857 zou bestaan.

Bij hun veroveringstochten gingen de Mongolen met ongekende wreedheid te werk. De minste weerstand had totale vernietiging tot gevolg, maar ook de bevolkingen van steden die zich direct overgaven werden soms uitgeroeid, louter om schrik aan te jagen. Bij de verovering van Baghdad kwamen volgens Perzische bronnen tussen de 800.000 en 2.000.000 mensen om het leven. Zelfs als men aanneemt dat deze cijfers zwaar overdreven zijn, liep het aantal doden in de honderdduizenden. Daarbij vallen de 2700 islamitische krijgsgevangenen die Richard Leeuwenhart bij de strijd om Akko liet executeren en zelfs de 40.000 burgers die sneefden bij de verovering van Jeruzalem volkomen in het niet. [Het beestachtige gedrag van de Mongolen is men echter vergeten, het aanzienlijk minder beestachtige gedrag van de Kruisvaarders niet.] De rooftochten van Djengis en Ögödei in China kostten volgens schattingen ca. 30 miljoen Chinezen het leven. Dat hadden er nog heel wat meer kunnen zijn, want generaal Subodai kon er slechts met moeite van weerhouden worden 10 miljoen Noord-Chinese boeren over de kling te jagen om hun land te kunnen benutten als weidegrond voor Mongoolse paarden.

De huidige Mongolen denken echter niet met afschuw terug aan de bloederige daden van hun nietsontziende voorouders. Integendeel: de herinnering aan Djengis Khan is de reddingboei waaraan dit door het communisme vernederde volk, verdeeld over een Russische vazalstaat en een Chinese provincie, zich vastklampt. Zijn portret prijkt op talloze voorwerpen, van wodkaflessen tot tapijten, en wekt niets dan trots en nostalgie op.

Vergeleken met de vernietigingstochten van de Mongolen waren de koloniale expedities van het Westen een toonbeeld van beschaving en ingetogenheid. Hoog tijd dus om maar eens op te houden ons te wentelen in schuldgevoelens. Die zijn nergens voor nodig, want in het rijtje van de grootste schurken uit de geschiedenis nemen westerse koloniale veroveraars zeer bescheiden posities in.

Jeremia 5 januari 2009

Bron
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Vers un nouveau récit du monde?

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Vers un nouveau récit du monde ?

 

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dimanche 9 novembre 2008, par Noël Rivière


Le monde a toujours fait l’objet de lectures en termes de grands récits. Il s’agit de narrations du monde, de ses origines et de son sens. Très liés à la mythologie, les grands récits se sont partagés entre grands récits païens ou monothéistes. La Bible hébraïque est bien entendu un cas singulier. L’aspect de révélation est à bien des égards éclipsé par ce qui relève de la Loi dès l’origine du récit. Ce qui est bien est immédiatement distingué de ce qui est mal. De là le fondement très rationnel de la Bible hébraïque. « Le récit de l’Ancien Testament tranche par bien des traits sur d’autres récits de création, de fondLe monde a toujours fait l’objet de lectures en termes de grands récits. Il s’agit de narrations du monde, de ses origines et de son sens. Très liés à la mythologie, les grands récits se sont partagés entre grands récits païens ou monothéistes. La Bible hébraïque est bien entendu un cas singulier. L’aspect de révélation est à bien des égards éclipsé par ce qui relève de la Loi dés l’origine du récit. Ce qui est bien est immédiatement distingué de ce qui est mal. De là le fondement très rationnel de la Bible hébraïque. « Le récit de l’Ancien Testament tranche par bien des traits sur d’autres récits de création, de fondation ou… d’établissement de peuples » écrit Claude-Raphael Samama. Dans la Bible hébraïque mais aussi, à sa suite, dans le Nouveau Testament, l’homme est le but et la fin d’une création divine.

À l’inverse, les mythes grecs constituent une autre forme de grands récits. Dans ceux-ci se déploie le monde entre terre et ciel, et aussi ce qui permet son jeu, à savoir le vide, la béance ou encore le chaos, le « Grand Ouvert ». Il n’y alors pas de Loi qui soit donnée aux hommes.

Il y a d’autres grands récits comme celui de Vico au XVIIIe siècle qui fait de l’homme le narrateur de sa propre relation au monde. Vico fait se succéder l’âge des dieux, l’âge des héros, l’âge des hommes. Le sens de l’histoire est une appropriation par les hommes de leurs actes. Au final, les hommes obéissent à « la loi de la conscience, de la raison et du devoir ».

Avec Hegel, c’est un autre grand récit qui est élaboré et qui se veut la réalisation d’une essence, l’Esprit absolu. Marx prolonge cette ambition mais sous une forme matérialiste et dialectique, non essentialiste. À la suite de cela, Le Déclin de l’Occident de Spengler, malgré la puissance de ses intuitions ne débouche absolument pas sur une théorie du monde.

Nous sommes ainsi maintenant dans un certain vide où le seul grand récit qui a essayé de se mettre en place – en vain – a été celui de Fukuyama, à savoir celui de la fin de l’histoire (idée qu’il développe dés l’été 1989) par triomphe définitif de ce qu’on a appelé libéralisme mais qui est bien plutôt la démocratie soluble et liquéfiée dans le marché.

Un double scepticisme s’installe. Le premier est le scepticisme face aux récits du monde existants, et ce qui subsiste est moins le récit du Progrès (en faillite) que le récit du « il n’y a qu’une politique possible », hier le développement à outrance, maintenant ce que l’on appelle le « développement durable ». Le second scepticisme est celui qui doute même de la nécessité d’un récit du monde. Quand il n’y a plus d’idéaux à représenter et à faire vivre, il ne reste que la « bonne gouvernance » à exercer et l’humanitarisme impolitique du côté de la pseudo-société civile et de ses multiples associations d’autant plus stipendiées qu’elles ne représentent qu’elles-mêmes.

Dans cette situation, pourquoi ne pas se tourner vers le grand récit de la création qu’est le big bang ? Il a bel et bien une vertu de prédictivité puisque le rayonnement rouge a été confirmé par Arno Penzias et Robert Wilson. Il ne manque pas à ce grand récit non plus la dimension esthétique. Il obtient même un temps l’onction papale par Pie XII avant sa rétraction. Mais il manque quelque chose au grand récit du big bang : c’est de pouvoir servir de règle pour l’ordonnancement des attitudes, des mœurs, des comportements humains. Quelle est la place de l’homme dans le monde ? Et de quoi est-il responsable ? Voilà ce à quoi aucune théorie purement cosmologique ne peut répondre. Le big bang ne débouche ni sur une loi morale ni sur une éthique de l’homme face au monde.

Les grands récits non monothéistes qui unifient la vision de l’homme et du monde ne sont pas nombreux. La pensée romaine est l’un de ceux-là. Chez les Romains la culture agricole en fonction des états du ciel (Tempus) a toujours été liée à la nécessaire « culture de soi » (Cicéron). Les droits humains et les droits divins sont liés. Les humanités (Humanitas) sont à la fois une discipline, un effort de culture et l’apprentissage des douceurs. Enfin, la grandeur de la liberté s’inscrit toujours dans un héritage, une mémoire. Tempus fugit, non autem memoria. Ce sont là les signes d’un vrai grand récit. Aujourd’hui, face à l’extinction du pouvoir de création historique et d’enchantement des fabulations antérieures, notamment la fable du Progrès, il faut inventer de nouvelles grandes figures pour peupler la terre de signes, de sens, et de beauté. Il faut pour cela des poètes qui soient aussi des mages. Le monde est lui-même un poème qui se déploie entre les affects et le signes. Il est, comme écrit Jean-Pierre Luminet, « un Songe aux ailes rognées par le Chiffre ». Seuls des poètes qui soient aussi des mages et des oracles pourront donner du sens aux signes. N’oublions pas que l’oracle est la réponse et le lieu de la réponse. Face au nomadisme et à une civilisation du hors site, il restaure le topos. Peut-être l’exaltation de la pleine liberté créatrice de l’homo faber, à l’opposé des dispositifs de mécanicisation de l’homme peut elle être ce nouveau mythe de force et de joie. « En définitive, l’intelligence, envisagée dans ce qui en paraît être la démarche originelle, est la faculté de fabriquer les objets artificiels, en particulier des outils à faire des outils, et d’en varier indéfiniment la fabrication » écrivait Bergson (L’évolution créatrice, 1907). Indéfiniment, disait Bergson. Une conception de l’homo faber qui voit sa nature dans l’inventivité et non dans la répétitivité et la mécanisation monotone. Dans un ouvrage de Tchekhov, Gourov dit à Anna : « Nous allons bien trouver quelque chose ».

Cela va venir.

Noël Rivière

• Revue dirigé par Philippe Forget, L’Art du Comprendre, « Récits du monde, récits de l’homme », n° 17, juin 2008, 324 p., 23 €. Diffusion Vrin : 6 place de la Sorbonne, F - 75005 Paris.

 

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Hitlérisme, stalinisme, reaganisme

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Archives de SYNERGIES EUROPÉENNES / ORIENTATIONS (Bruxelles) - juillet 1988

 

 

Hitlérisme, stalinisme, reaganisme

 

 

John GALTUNG, Hitlerismus, Stalinismus, Reaganismus. Drei Variationen zu einem Thema von Orwell,  mit einem Vorwort von Dieter S. Lutz, Nomos Verlagsgesellschaft, Baden-Baden, 1987, 169 S., DM

 

 

Ouvrage pour le moins étonnant, ce livre de John Galtung, inspiré des visions de George Orwell, se veut une critique tous azimuts des grandes options politiques de notre siècle. Ces grandes idéologies ont toutes cherché à domestiquer le psychisme humain, à créer les conditions de leur propre non-dépassement, à effacer les souvenirs légués par l'histoire, à forger des loisirs sur mesure, à se décréter infaillibles, à manipuler mots et concepts pour les détourner de leur sens premier. Pour retrouver les racines de ce phénomène totalitaire, propre à notre époque, Galtung procède à une "analyse cosmologique" comparative et ré-su-me ses thèses dans deux tableaux. Le premier de ces tableaux juxtapose les caractéristiques de l'homo occidentalis  (HO), de l'homo teutonicus  (HT) et de l'homo hitlerensis  (HH), où l'homo teutonicus, imprégné de cette autorité théologienne de facture luthérienne, est l'homo occidentalis in extremis  et l'homo hitlerensis,  l'homo teutonicus in extremis.  Si l'HO place l'homme au-dessus de la nature, l'HT voue un culte romantique à la nature et l'HH conçoit une unité mystique entre l'homme et la nature. Après la disparition de l'HH, le monde a été dominé par l'homo sovieticus (HS), dont la forme extrême est l'homo stalinensis (HSt) et par l'homo americanus (HA), dont la forme extrême est l'homo reaganensis (HR). Cette classification peut apparaître spécieuse, empreinte de naïveté américaine; mais la conclusion de Galtung, c'est d'affirmer que toutes ces façons de mal être homme en ce siècle sont des variantes perverses de l'homo occidentalis expansator  (HOEx), qui doit son existence au christianisme, lui-même dérivé de la Bible, réceptacle d'autoritarisme, de mentalité inquisitoriale, d'intolérance, d'esprit de vengeance. Certes, ce sont là les caractéristiques de la version du-re  du christianisme, non de la version douce,  incarnée par exemple par un François d'Assise. Mais dans la sphère politique, ce sont les laïcisations de la version dure qui se sont seules affirmées, si bien que celui qui prend ce christianisme-là pour modèle de comportement, finit par se prendre pour un dieu unique et omnipotent et par devenir une menace pour autrui. Ce-lui qui s'imagine être un instrument du Dieu judéo-chrétien et fait appel à des récits bibliques fortement intériorisés par la population, finit par devenir aussi une menace pour autrui (cf. Reagan). Le résultat politique contemporain du christianisme dur, c'est un monde de type orwellien, comme dans 1984  ou dans Animal Farm,  avec des oripeaux idéologiques variables mais un égal résultat stérilisateur.

(Robert STEUCKERS).

 

"L'Amazone blessée" de Franz von Stuck

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mardi, 13 janvier 2009

Für Israel ist die EU nur als Zahlmeister willkommen

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Abfuhr für Europa

Für Israel ist die EU nur als Zahlmeister willkommen 

Von Andreas Mölzer

Nun hat die Europäische Union versucht, im blutigen Gazakonflikt zu vermitteln. Allerdings erfolglos, denn Israel zeigte nicht die geringste Bereitschaft, auf den Vorschlag Brüssels – UNO-Beobachter in das Kriegsgebiet zu entsenden – einzugehen. Offenbar versucht Jerusalem zu verhindern, daß die Welt die volle Tragweite dessen erfährt, was in dem schmalen Landstreifen an der Mittelmeerküste alles vor sich geht. Und daß die Vermittlungsbemühungen der EU gescheitert sind, mag auch daran liegen, daß die Europäer in der Vergangenheit eine ausgewogenere Haltung als die USA gezeigt und sich nicht ausschließlich an den Interessen der sogenannten „einzigen Demokratie“ im Nahen Osten orientiert haben.

Willkommen ist die Europäische Union für Israel freilich immer dann, wenn es darum geht, die von ihm bei verschiedenen Kriegen und Militäroperationen verursachten Schäden zu beseitigen. Im Jahr 2006 etwa, nachdem die israelische Armee bei ihrem Angriffskrieg weite Teile des Libanons in Schutt und Asche gelegt hatte, stellten die EU und ihre Mitgliedstaaten 77 Millionen Euro an humanitärer Hilfe zur Verfügung. Und man darf davon ausgehen, daß Jerusalem auf den „Zahlmeister“ Europa zurückgreifen wird, wenn es darum gehen wird, die im Gazastreifen verursachten Zerstörungen zu beseitigen.

Was den Krieg gegen die Palästinenser im Gazastreifen betrifft, so ist die sogenannte Brüsseler Wertegemeinschaft gut beraten, den Notwehrexzeß Israels klar und unmißverständlich zu verurteilen. Schließlich sind seit Ausbruch der Kampfhandlungen Hunderte Palästinenser ums Leben gekommen, darunter unzählige Frauen und Kinder, und die Lage der Zivilbevölkerung ist mehr als katastrophal. Anderseits müßte auch der Hamas klargemacht werden, daß der Beschuß südisraelischer Orte mit Raketen einzustellen ist und daß sie sich vom Terror zu distanzieren und das Lebensrecht Israels anzuerkennen hat. Sollte sich die Hamas vom Terror distanzieren, dann müßte Brüssel diese Organisation ohne Wenn und Aber als Gesprächs- und Verhandlungspartner anerkennen. Denn immerhin ist die Hamas im Jänner 2006 eindeutig als stärkste Partei aus den demokratischen Wahlen in den palästinensischen Autonomiegebieten hervorgegangen. Auch wenn deren politisches Programm den politisch korrekten Moral- und Bedenkenträgern in Europa nicht gefallen mag, so entspricht ihre Stärke dem Wählerwillen der Palästinenser.

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Crise mondialiste: les mondialistes y voient la preuve... qu'il n'y a pas assez de mondialisme

Novopress, 9/1/2009 : "Pour la commissaire à la Concurrence européenne Neelie Kroes (photo), « la crise actuelle ne peut être résolue par des approches locales, protectionnistes, ou par une résurgence des nationalismes ». Dans le contexte de la crise, « il peut être tentant de paniquer et d’avoir recours au protectionnisme. De dé-globaliser, en quelque sorte». Et «c’est ce qui se passe dans certains pays», a-t-elle déploré. « Il n’y a pas d’alternative à la mondialisation » a-t-elle prévenu, ajoutant qu’il ne faut pas « tout reformuler », mais « garder ce qui marche et changer ce qui ne marche pas ». « Nous avons besoin de réponses mondiales. Sur le front des politiques de concurrence la tendance va dans la bonne direction ».

« Nous avons besoin des interventions de l’Etat et d’une meilleure régulation pour fixer les règles du jeu », a néanmoins reconnu la commissaire, afin d’« éviter que le capitalisme dégénère en casino ou en copinage ». Des propos qui ont été repris au bond par Nicolas Sarkozy qui vient de mettre en garde les Etats-Unis contre toute tentation de bloquer l’adoption de mesures de « refondation du capitalisme » lors du prochain sommet du G20 à Londres. « Il ne peut plus y avoir un seul pays qui explique aux autres “payez la dette qui est la nôtre”, il ne peut plus y avoir un seul modèle », a doctement expliqué à ses amis américains un Nicolas Sarkozy qui semble avoir oublié qu’il préside aux destinées d’un pays « en faillite » selon les termes mêmes de son Premier ministre, et qui croule sous le poids d’une dette abyssale…

Les propos très natio-centrés du président de la République ont suscité l’ironie de président du Front National. « Auréolés d’une gloire factice, éblouis par des idées qu’ils croyaient modernes, ils ont détruit les nations, les Etats constitués (…) les services publics, tous livrés aux lois de la marchandisation universelle » a lancé M. Le Pen lors de ses vœux à la presse, au nouveau siège du parti à Nanterre. « Les voilà tous, avec l’ardeur des néophytes, des nouveaux convertis, défenseurs des nations protectrices, des intérêts de la communauté nationale, adeptes du contrôle et des réglementations, eux qui ne juraient hier que par le “laissez faire, laissez aller” ! » a-t-il ironisé."

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Los supermercados y la crisis alimentario mundial

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Los supermercados y la crisis alimentaria mundial (extracto)

La crisis alimentaria ha dejado sin comida a miles de personas en todo el mundo, el Banco Mundial añade cien millones de hambrientos más fruto de la crisis actual…

Esther Vivas * (Adital 04.12.08)
El “tsunami” del hambre no tiene nada de natural, sino que es resultado de las políticas neoliberales impuestas durante décadas por las instituciones internacionales. Hoy, el problema no es la falta de alimentos sino la imposibilidad para acceder a ellos debido a sus altos precios.

Esta crisis alimentaria deja tras sí a una larga lista de perdedores y de ganadores. Entre los más afectados, se encuentran mujeres, niños y niñas,… En definitiva, aquellos que engrosan las filas de los oprimidos del sistema capitalista. Entre los ganadores, encontramos a las multinacionales de la industria agroalimentaria que controlan de origen a fin la cadena de producción, transformación y comercialización de los alimentos. De este modo, mientras la situación de crisis azota, principalmente, a los países del sur global, las multinacionales del sector ven multiplicar sus ganancias.

Monopolios

La cadena agroalimentaria está controlada en cada uno de sus tramos (semillas, fertilizantes, transformación, distribución, etc.) por multinacionales que consiguen grandes beneficios gracias a un modelo agroindustrial liberalizado y desregularizado. Un sistema que cuenta con el apoyo explícito de las élites políticas y de las instituciones internacionales que anteponen los beneficios de estas empresas a las necesidades alimenticias de las personas y el respeto al medio ambiente.

La gran distribución, al igual que otros sectores, cuenta con una alta concentración empresarial. En Europa, entre los años 1987 y 2005, la cuota de mercado de las diez mayores multinacionales de la distribución significaba un 45% del total y se pronosticaba que ésta podría llegar a un 75% en los próximos 10-15 años. En países como Suecia, tres cadenas de supermercados controlan alrededor del 95,1% de la cuota de mercado; y en países como Dinamarca, Bélgica, España, Francia, Holanda, Gran Bretaña y Argentina, unas pocas empresas dominan entre el 60% y el 45% del total. Las megafusiones son la dinámica habitual en el sector. De este modo, las grandes corporaciones, con su matriz en los países occidentales, absorben a cadenas más pequeñas en todo el planeta asegurándose su expansión a nivel internacional y, especialmente, en los países del sur global.

Este monopolio y concentración permite un fuerte control a la hora de determinar lo qué consumimos, a qué precio lo compramos, de quién procede, cómo ha sido elaborado, con qué productos, etc. En el año 2006, la segunda empresa más grande del mundo por volumen de ventas fue Wal-Mart y en el listado de las cincuenta mayores empresas mundiales se encontraban también, por orden de facturación, Carrefour, Tesco, Kroger, Royal Ahold y Costco. Nuestra alimentación depende cada día más de los intereses de estas grandes cadenas de venta al detalle y su poder se evidencia con toda crudeza en una situación de crisis.

De hecho, en abril del 2008 y frente a la situación de crisis alimentaria mundial, las dos mayores cadenas de supermercados de Estados Unidos, Sam’s Club (propiedad de Wal-Mart) y Costco (de venta a mayoristas), apostaron por racionar la venta de arroz en sus establecimientos aludiendo a una posible restricción en el suministro de este cereal. En Sam’s Club, se limitó la venta de tres variedades de arroz (basmati, jasmine y grano largo) así como la compra de sacos de arroz de nueve o más quilos a un total de cuatro por cliente; en Costco se restringió la venta de harina y de arroz frente al aumento de la demanda. En Gran Bretaña, Tilda (la principal importadora de arroz basmati a nivel mundial) también estableció restricciones a la venta de arroz en algunos establecimientos al por mayor. Con esta medida se puso en evidencia la capacidad de las grandes cadenas de distribución de incidir en la compra y venta de determinados productos, limitar su distribución e influir en la fijación de sus precios. Un hecho que ni siquiera se había producido en Estados Unidos tras la II Guerra Mundial, cuando sí se restringió el acopio de petróleo, neumáticos y bombillas, pero no de alimentos.

Cambio de hábitos

Otra dinámica que se ha puesto de relieve frente a la situación de crisis alimentaria ha sido el cambio de hábitos a la hora de hacer la compra. Ante la necesidad, por parte de los clientes, de abrocharse el cinturón y buscar aquellos establecimientos con precios más baratos, las cadenas de descuento han sido las que han salido ganando. En Italia, Gran Bretaña, España, Portugal y Francia, estos supermercados han visto aumentar sus ventas entre un 13% y un 9% el primer trimestre del 2008 respecto al año anterior.

Otro indicador del cambio de tendencia es el aumento de las ventas de marcas blancas que ya suponen, según datos del primer trimestre del 2008, en Gran Bretaña un 43,7% del volumen total de ventas, en el España un 32,8%, en Alemania un 31,6% y en Portugal y Francia alrededor del 30%. Cuando son, precisamente, las marcas blancas las que dan un mayor beneficio a las grandes cadenas de distribución y permiten una mayor fidelización de sus clientes.

Pero más allá del papel que la gran distribución pueda jugar en una situación de crisis (con restricciones a la venta de algunos de sus productos; cambios en los hábitos de compra, etc.), este modelo de distribución ejerce a nivel estructural un fuerte control e impacto negativo en los distintos actores que participan en la cadena de distribución de alimentos: campesinos/as, proveedores, consumidores/as, trabajadores/as, etc. De hecho, la aparición de los supermercados, hipermercados, cadenas de descuento, autoservicios…, en el transcurso del siglo XX, ha contribuido a la mercantilización del qué, el cómo y el dónde compramos supeditando la alimentación, la agricultura y el consumo a la lógica del capital y del mercado
*Coautora del libro Supermercados, no gracias (Icaria editorial, 2007)
Autor: Esther Vivas- Fecha: 2009-01-06

Le recours aux frontières

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Le recours aux frontières

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vendredi 2 janvier 2009, par Georges Feltin-Tracol


La crise financière actuelle devrait réjouir les tenants de l’État puisqu’il sauve d’une ruine certaine bien des établissements bancaires. S’il faut en effet se féliciter de la fin du primat des « marchés » et des places financières, on ne peut que rester sceptique sur l’avenir de la crise. Assistons-nous aux prémices d’un effondrement général comme le prévoyait dès 1998 Guillaume Faye ou ne faut-il pas craindre que cette dramatique péripétie accélère plutôt le dessein d’intégration mondialiste ? Le réaliste pessimiste tend vers cette dernière hypothèse, car le F.M.I. souhaiterait devenir une Banque centrale planétaire. Si ce vœu se réalise, gageons que viendront ensuite une monnaie unique universelle (le mondo ?), puis un État mondial et, enfin, une société globale métissée. Cette marche insensée ne peut être empêchée (ou retardée) que si les États transgressent aujourd’hui un tabou et réhabilitent l’idée de frontières (peu importe ici le singulier ou le pluriel).

Il ne fait guère de doute que les « ploutoligarchies » transnationales exècrent cette idée qui contrarie leurs ambitions mortifères. C’est pourquoi, tout en injectant des sommes considérables dans des institutions financières en faillite, consacrant de la sorte un « communisme de marché » (1) dans lequel l’hyper-classe privatise des bénéfices gigantesques et « nationalise / étatise » des pertes faramineuses, les gouvernements se gardent de récuser le dogme du libre-échange (rien à voir ici avec les turpitudes strictement privées d’un haut-responsable français en poste à Washington). Pour la nouvelle classe dépeinte par Christopher Lasch, le protectionnisme (taxé de tous les maux dont le populisme et la xénophobie) n’est pas la réponse adéquate et, quand on ne le vilipende pas, les médias conservent un silence révélateur. En France, pendant longtemps, à part Maurice Allais, Emmanuel Todd soutint des thèses protectionnistes dans un cadre européen, mais d’une façon inaudible. Sa faible audience ne s’explique-t-elle pas aussi par l’incohérence de sa réflexion ? Favorable à un protectionnisme économique raisonnable, ce nationiste hostile aux souverainistes hexagonaux développe un discours républicain fortement intégrationniste. Or il n’a pas vu (ou compris) que nos sociétés d’Europe occidentale pâtissent d’une intense globalisation. L’anglicisme entend montrer le double phénomène qui frappe, entre autre, la France depuis deux générations :

— d’une part, une mondialisation extérieure initiée au début du XXe siècle, entérinée par les accords de Bretton Woods, le G.A.T.T. et le plan Marshall et amplifiée au milieu des années 1980 par la « révolution atlantique néo-libérale » reagano-thatchérienne de déréglementation de la circulation des capitaux et de l’ouverture progressive des marchés intérieurs européens à la concurrence intercontinentale,

— d’autre part, une mondialisation intérieure avec l’arrivée massive d’une immigration extra-européenne qui encourage l’islamisation, l’africanisation et la tiers-mondisation de l’Europe, et ce, combinée en même temps à une américanisation des mentalités et des attitudes ; ces processus ravageurs transforment par conséquent de vieilles sociétés solides en ensembles sociaux instables.

Vouloir le retour des frontières ne signifie pas seulement contester la mondialisation économique. Il s’agit aussi de contrer l’annihilation du politique.

Refonder des frontières (géo)politiques

Remettre dans les esprits et dans les faits l’idée de frontières exige au préalable l’abandon définitif du projet fumeux de « société ouverte ». La fermeture s’impose, car c’est une évidence incontestable que « la société politique est toujours société close, écrit Julien Freund. […] Elle a des frontières, c’est-à-dire elle exerce une juridiction exclusive sur un territoire délimité. […] Elle est l’âme des particularismes. En effet, toute société politique perdurable constitue une patrie et comporte un patrimoine » (2). Cependant, à rebours de la pensée uniforme la plus établie, il précise aussitôt que « clos n’est pas identique à statique, immobile, figé. Bien que close, la société politique n’est pas du tout repliée sur elle-même ni imperméable à ce qui se passe dans le reste du monde. Au contraire les bouleversements, modifications et innovations dans une société ont immanquablement un retentissement dans les autres sociétés (3) ». Ces incessantes interactions incitent au maintien de cette unité politique inscrite dans l’espace et le temps qu’est l’État qu’on ne saurait confondre avec l’État-nation qui n’en est qu’une des nombreuses manifestations historiques.

Malgré l’apparition d’acteurs nouveaux non étatiques marqués par l’émergence de réseaux transnationaux criminels (les maffias, Al-Qaida) ou religieux (Église catholique, sectes évangéliques, mouvements bouddhistes, etc.) et par la persistance de puissantes entreprises multinationales, le fait étatique subsiste, persiste, résiste, y compris pour des entités concernées à un processus d’intégration régionale telle que le Mercosur. L’exemple le plus flagrant reste la construction européenne avec l’Espace Schengen. Alors que les frontières intérieures de l’Union (entre les États-membres ou avec des voisins « sûrs » comme la Suisse, la Norvège ou l’Islande) s’estompent et se changent progressivement en quasi-limites administratives similaires au tracé séparant l’Île-de-France de la Bourgogne, ses frontières extérieures se renforcent théoriquement : on érige des murs high tech et on donne à l’Ukraine ou la Libye des millions d’euros pour qu’elles arrêtent chez elles toute la misère du monde. On comprend dès lors le dépit infantile des sans-frontièristes, ardents soutiens des hors-la-loi clandestins, qui éructent contre une « Europe-forteresse » fort peu fortifiée en réalité, car l’idéologie dominante mondialiste en fait une passoire indéniable.

Bien qu’elle s’inscrive dans une logique anti-stato-nationale, l’Union européenne sait bien qu’il lui faut des frontières, car une structure politique ne peut déployer son autorité que sur un espace plus ou moins strictement arpenté. Les eurocrates de Bruxelles cherchent à biaiser cette réalité par des élargissements toujours plus lointains. Ils préparent l’adhésion à moyenne échéance de la Turquie, du Maroc et d’Israël et songent d’y inclure un jour lointain l’Afghanistan, le Soudan et, pourquoi pas ?, la Papouasie - Nouvelle-Guinée… Il est cependant inéluctable que cette « Europe mondiale » se fracassera tôt ou tard sur le mur cruel des événements tragiques.

L’erreur originaire, ontologique même, des pères de la construction européenne fut de ne pas fixer dès le départ une limite ultime à leur ambitieux projet. Un européaniste exalté tel que Jean Thiriart en imagina plusieurs, de l’Irlande aux marches moldaves d’abord, de l’Islande à l’Union soviétique ensuite, de l’« Euro-U.R.S.S. » élargie à la Turquie, au Proche-Orient et à l’Afrique du Nord, enfin. Toutefois aussi étendus que fussent ces espaces géopolitiques fantasmés, ils savaient se donner des bornes. D’autres « européanistes » plus pragmatiques (Dominique Venner ou Henri de Grossouvre) évoquent plutôt un « noyau carolingien » basé sur une complémentarité franco-allemande ou sur un axe Paris - Berlin - Moscou. Ces considérations sur les limites ultimes d’une Europe idéale paraissent fort oiseuses à un moment où le machin de Bruxelles demeure un ectoplasme sectaire. Le repli vers les États et/ou les nations serait-il la solution en attendant mieux ? Méfions-nous toutefois de ce mirage : le cadre étatique et/ou national risque d’être comme ces chênes d’apparence robuste et en fait totalement pourris de l’intérieur, dévastés par le « cosmopolitisme » et des délocalisations industrielles massives.

Repenser des frontières économiques

Relancer le protectionnisme et sortir de l’O.M.C. seraient-elles des solutions judicieuses à la crise ? Des économistes bien-pensants rappellent que la Grande Dépression de 1929 s’installa durablement en raison du relèvement des barrières douanières et de l’adoption par Londres et Paris d’une « préférence impériale » fondée sur leurs colonies. Comparaisons n’est pas raison et on n’est plus dans les années 1930. Il serait temps de débarrasser le protectionnisme de toute connotation péjorative. Ce n’est pas la célébration d’une quelconque autarcie associée, parfois, à la décroissance (4), mais l’édification raisonnable d’« écluses » douanières qui freineraient, arrêteraient ou détourneraient les torrents de la marchandisation mondiale. On peut en outre exiger le retour des frontières en économie sans pour autant verser dans un excès protectionniste. D’autres voies anti-conformistes sont toujours envisageables.

Janpier Dutrieux suggère par exemple de « transcender le libre-échangisme et le protectionnisme, qui sont sources de conflits, et [de] leur opposer un système qui enrichit tout le monde. Ce système, c’est la mutualité commerciale » (5). Sans entrer dans les détails, il s’enchâsserait dans une « économie créditrice » avec « un étalon monétaire stable et fixe : l’eurostable » et « un nouveau système monétaire international autour d’une Union monétaire de compensation internationale qui fondera un mutualisme financier international » (6).

« De quoi s’agit-il, s’interroge donc Janpier Dutrieux ? Il s’agirait de mutualiser les avantages retirés de l’échange entre deux pays afin de ne pas léser la branche ou le secteur de production du pays exportateur (comme le fait le protectionnisme), ni pénaliser celui du pays importateur (comme le fait le libre-échangisme). Techniquement, il s’agirait d’appliquer une taxe sur les exportations (et non sur les importations), prélevée par la douane du pays exportateur. Cette taxe serait égale à la moitié de la rente de situation différentielle que possède la marchandise exportée par rapport à la même marchandise produite par le pays importateur. Le pays exportateur compenserait la branche professionnelle du pays importateur qui fait les frais de cette exportation. Ces échanges pourraient se faire dans le cadre d’une Alliance internationale de mutualité commerciale qui viendra s’opposer aux principes de l’Organisation mondiale du commerce […]. Le produit de cette taxe sur les exportations viendra financer les pertes à gagner des producteurs du pays importateur et permettre à ses branches de production d’améliorer leur compétitivité. (7) »

Il est vraisemblable que cette troisième voie commerciale libérerait l’économie dite « réelle » (les P.M.E., les artisans, les petits producteurs, les consommateurs, les couches populaires et moyennes) de l’emprise de la finance folle. Avec la mutualité commerciale, « les pays importateurs sont gagnants, ils n’ont pas à sacrifier leurs branches de production, ni à délocaliser leurs usines. Les pays exportateurs sont également gagnants, ils peuvent vendre leurs marchandises aux pays plus riches, et ainsi progressivement s’enrichir eux-mêmes. Dans ces conditions, ils pourront faire vivre leurs nationaux. La mutualité commerciale ré-enracine les populations. Elle stoppera les flux migratoires qui déstructurent l’humanité » (8). Voilà comment une réforme radicale des échanges internationaux permettrait aux entités politiques pourvues de frontières restaurées de reprendre le contrôle des déplacements mondiaux d’hommes, de les restreindre, voire de les renverser…

Admettre des frontières sociologiques

On se contente bien souvent de n’examiner les frontières que selon un angle politique et économique en délaissant complètement leur portée sociale ou « sociétale ». Le recours indispensable aux frontières entraîne inévitablement une remise en cause radicale du paradigme égalitaire moderne. Nous vivons, d’après Louis Dumont, à l’ère de l’homo æqualis triomphant (9). Or la destruction des corps intermédiaires et l’absence d’une armature organique participent à la négation des frontières, en l’occurrence sociales, ce qui engendre une quête frénétique, névrotique, quasi-pathologique, de la moindre distinction et l’émergence de l’astre noir de la Modernité, le racisme, qu’il faut considérer comme la nostalgie malsaine d’un désir d’homogénéité égalitaire. On découvre là l’« astre noir » de l’idéologie des Lumières et de son rêve dément d’ingénierie humaine. « L’homme moderne, et cela commence au XVIIIe siècle, observe finement Philippe Ariès, tolère de moins en moins des voisins qui ne sont pas conformes à son modèle. Il tend à les isoler, puis à les expulser, comme notre organisme réagit à un corps étranger. Les sociétés pré-industrielles ignoraient cet appétit d’identité » (10). Au nom d’une « égalité différentielle » exprimée par le slogan aporique « Tous différents, tous égaux ! », le discours multiculturaliste suscite des reconnaissances collectives, plus ou moins provoquées, autour d’affinités culturelles, sociales, sexuelles, linguistiques, confessionnelles…, qui opèrent de facto des clivages, des frontières, à l’intérieur d’une société voulue égalitaire. Certains s’écrient alors au « communautarisme », mais toute société n’est-elle pas un assemblage de multiples collectivités plus restreintes ? Et puis ce phénomène paradoxal de « différenciation égalitaire » ne répond-il pas à la pulvérisation (11) de nos sociétés minées par le couple infernal du productivisme et de l’argent ?

Quelques beaux esprits, égalitaristes frénétiques ou conservateurs patentés, condamnent le communautarisme qui saperait l’État. Ils ne décèlent pas qu’on quitte la Modernité pour un âge dit « néo-moderne », « hyper- moderne », « post-moderne » ou « archéofuturiste ». Ces modernes bientôt hors-jeu ne perçoivent toujours pas que l’individu, détaché de tout lien traditionnel ancestral, dépérit dans une unidimensionalité aliénante qui le réduit en homo consumans - homo faber alors qu’il s’épanouit quand il retrouve des entourages communautaires (12). D’autres le pressentent et multiplient en réponse de ce manque des occasions artificielles festives : les « nuits blanches », les raves parties, les grandes kermesses politico-musicales. L’homme moderne doit oublier sa condition de déraciné en promouvant l’homo festivus. Néanmoins, si les sociétés traditionnelles s’affirmaient par la prédominance du groupe sur l’individu tandis que les sociétés modernes s’analysent par la domination de l’individu sur le groupe, les sociétés post-modernes se définiraient plutôt par un équilibre toujours subtil, parfois conflictuel, entre un individualisme - qu’on ne peut renier et, faute de mieux, qu’on doit assumer - et un vivre-ensemble organique à (ré-)inventer sans sombrer dans l’absorption dangereuse (totalitaire) du privé par le public. La frontière y exerce dès lors par conséquent un rôle déterminant dans la « reholisation » des comportements collectifs.

Quitte à irriter, prenons un exemple provocateur. Le port du foulard islamique par les musulmanes dans nos sociétés participe indirectement à la réhabilitation des frontières. Certes, le tchador marque la volonté d’imposer l’islam sur les terres d’Europe. Oui, son port outrage la femme européenne qui - ne l’oublions jamais - assure la maîtrise du foyer chez nos peuples boréens (Pénélope, Guenièvre, Iseut sont des figures majeures de notre imaginaire forestier, maritime et montagnard qui ne disent rien à un fidèle venu du désert) (13) et ne concerne que des converties. Son port sur notre sol signifie en réalité que la musulmane établit une frontière tangible entre elle et les autres. Ce simple morceau de tissu visualise par conséquent une nette séparation entre l’Oumma et la « Maison de la guerre ». Va-t-on le déplorer comme se lamentent les républicains et humanitaristes ou bien faut-il vraiment se formaliser de cette distinction réelle entre elles (et par delà elles, eux) et nous ?

Indispensables discriminations

Dans le langage courant, la discrimination - toujours mis au pluriel - fait figure de mal absolu. Contre elle, on dilapide chaque année des milliers d’euros dans des campagnes de propagande. L’« idéologie » anti-discriminatoire s’est depuis longtemps infiltrée dans tous les pans de la société. Ainsi, les établissements scolaires ont retiré l’estrade sur laquelle se trouvait le bureau du professeur qui surplombait sa classe si bien que l’enseignant se retrouve maintenant placé au même niveau que ses élèves. Cependant, malgré des réticences, le monde si généreux des pédagogues continue à discriminer par des notes, en distinguant les bonnes copies des mauvaises. La haine contre les enseignants ne serait-elle pas un effet indirect - et inconscient - d’un environnement saturé de thèmes anti-discriminatoires ? Loin d’être politique, la lutte contre les discriminations relève de la moraline et verse souvent dans l’impolitique.

La pensée unique critique donc ces discriminations majeures que sont les frontières, car elles constituent une introduction aux différences. « Traverser une frontière, constate Julien Freund, c’est le plus souvent être dépaysé (au sens plein du terme), parce qu’on entre dans une sorte d’autre monde avec d’autres institutions, d’autres coutumes, d’autres modes de vie, un autre esprit. (14) » Comment ce changement est-il possible ? Parce que, poursuit-il, « la frontière exclut le reste. C’est elle qui donne un sens à l’acte de guerre, c’est elle qui définit l’étranger, c’est elle aussi qui détermine les situations qui désorientent l’être humain et le troublent parfois jusqu’au plus profond de lui-même : celles de l’exilé, du banni, du proscrit, du réfugié, de l’expulsé, de l’émigré, du déporté, etc. » (15). Bref, les frontières sont inévitables, d’autant que « la répartition des humains par unités politiques particulières répond […] à certains besoins de l’homme : celui de se distinguer et celui de “ se situer ”, pour employer une expression du vocabulaire contemporain. La reconnaissance de l’homme par l’homme n’efface jamais les particularités : elles sont aussi vraies que l’homme lui-même. La multiplicité des unités politiques fournit à chacun la possibilité de se définir extérieurement, la discrimination politique étant la plus simple, la plus nette, la plus manifeste et la plus compréhensible » (16). Il en résulte que la discrimination est une donnée irréfragable propre à l’homme.

Il y a dans la Bible un fameux passage dans lequel on sépare l’ivraie du bon grain. N’est-ce pas une métaphore discriminatoire ? Les agences matrimoniales fondent leur réussite et leur réputation sur des discriminations puisque les candidats au mariage recherchent le partenaire idéal à partir de critères précis (le sexe, l’âge, le niveau intellectuel, la profession, la taille, le poids, la couleur des yeux et des cheveux, les goûts, les loisirs…) qu’ils définissent soigneusement. Verra-t-on bientôt, sous peine de Goulag aseptisé, ces agences seulement mentionner : « Être humain recherche quelqu’un » ? Si cette folie anti-discriminatoire prend de l’ampleur, on peut imaginer que tous les mâles jaloux de voir l’actrice Angelina Jolie vivre avec l’acteur Brad Pitt leur intenter un procès pour discrimination parce qu’ils n’auront pas été choisis… Discriminer appartient au politique, au vivant, et non à une morale supposée universelle. L’anti-discrimination s’apparente en dernière analyse à une tentative échevelée de l’égalitarisme pris dans des contradictions inextricables. Ainsi, suite aux pressions féministes, il existe dorénavant à Mexico des compartiments strictement réservés aux femmes dans le métro ; à quand des compartiments pour les végétariens ou pour les porteurs de lunettes (ou pour les gens de non-couleur) (17) ? Cette tendance paradoxale de discrimination anti-discriminatoire est au fond logique puisque « la division de la société en sociétés particulières procède du concept même de politique, explique Julien Freund. La politique provoque la discrimination et la division, car elle en vit. Tout homme appartient donc à une communauté déterminée et il ne peut la quitter que pour une autre » (18). Le combat contre les discriminations qui favorise dans un premier temps une indifférenciation globale, crée, dans un second temps, de nouvelles distinctions plus sournoises encore que les anciennes et dont les natifs européens sont les premières victimes.

Quand on stigmatise l’opposition (la frontière) entre le citoyen et l’étranger au nom du genre humain, on va à l’encontre de sa nature politique. Qu’est-ce qu’un étranger ? « Être un étranger signifie précisément : habiter un pays dont on n’est pas citoyen. (19) » Ce rappel est inacceptable pour l’idéologie actuelle. Réhabiliter le politique, reconstituer la citoyenneté, restaurer l’État régalien (ce qui signifie par exemple de revenir au monopole de battre monnaie et de rétablir le châtiment capital) suppose au préalable de revendiquer et d’appliquer le concept vital de préférence identitaire d’ordre politique (nationale, européenne et/ou régionale) ou ethnique. Il est légitime que chez nous, les nôtres soient prioritaires par rapport aux autres. Une mère de famille se souciera d’abord de nourrir ses enfants avant de donner une bouchée de pain aux rejetons de la famille voisine, à moins qu’agissent des mécanismes de solidarité communautaire qui permettront de dépasser le simple égoïsme pour une coopération équitable entre personnes du même cercle d’appartenance d’une part, entre divers cercles d’appartenance d’autre part. Les enchâssements communautaires (ou les attaches collectives, naturelles ou subjectives) autour de la personne humaine ne sont pas exclusifs, mais plutôt cumulatifs et / ou synergiques. Les mesures anti-discriminatoires en cours dénotent une véritable phobie de l’originalité alors que « le particularisme est une condition vitale de toute société politique » (20). Soulignons en outre que ces lubies affaiblissent dangereusement le corps social qui perd son homogénéité spirituelle (ses traditions, sa mémoire, sa conscience d’être et d’agir au monde) au profit d’une hétérogénéité ethnique et d’une uniformité culturelle inquiétantes. Or « une société qui n’a plus conscience de défendre un bien commun qui lui est particulier, c’est-à-dire toute société qui renonce à son originalité, avertit Julien Freund, perd du même coup toute cohésion interne, se disperse lentement et se trouve condamnée à plus ou moins longue échéance à subir la loi extérieure » (21).

Redoutable machine de guerre contre l’esprit humain et le politique, l’anti-discrimination travaille l’opinion afin de lui inculquer une signification trompeuse. Les discriminations prennent sous son influence le sens de « traitements inégaux », de « préjugés inqualifiables (et désuets) ». Quant à la « discrimination positive », c’est-à-dire admettre une préférence envers des minorités reconnues aux dépens de la majorité et des autres minorités non qualifiées, car ignorées, elle apparaît surtout comme un favoritisme créateur à moyen terme de discordes internes, voire de guerre civile. Par ailleurs, les mesures de « préférence étrangère » posent les jalons de la ségrégation.

S’opposer à la ségrégation, stade suprême de la pulvérisation sociale

Par ségrégation, on désigne premièrement l’action de séparer quelqu’un ou quelque chose d’un ensemble, puis secondement la nette séparation entre groupes ethniques coexistant sur le même territoire. Ce terme connaît actuellement une éclipse relative dans le vocabulaire courant. Il subsiste volontiers quand on évoque la situation du Sud des États-Unis jusqu’aux années 1960 ou l’apartheid (qui se concevait à l’origine comme un développement ethnique séparé) en Afrique du Sud. En réalité, il y a ségrégation quand le primat égalitaire innerve la société et que la majorité pulvérisée, fragmentée, segmentée, égalisée, inquiète pour l’avenir de sa suprématie, réagit par une systématisation radicale de l’exclusion. Les sociétés traditionnelles ne nient pas les inégalités, elles les assument plutôt pleinement. Louis Dumont et Alain Daniélou (22) ont démontré l’inexistence de ségrégations dans le système hindou des castes.

Au contraire, la ségrégation, qui accroît l’anomie de nos sociétés, provient de l’indifférenciation généralisée des conditions d’existence et de l’oubli systématique des frontières. Les relever signifierait du même coup reconstituer un pluralisme authentique, car, si elles séparent, les frontières aussi unissent. Ce sont des interfaces, des lieux d’échanges (pacifiques ou non), entre différents mondes sociaux et culturels. Julien Freund estime que « la frontière est un chiffre de l’existence sociale de l’homme en tant qu’il est citoyen : elle sépare les hommes et en même temps elle est agent de cohésion des groupes et formatrice des communautés, celles-ci restant toujours particulières » (23). C’est « en affirmant la légitimité de certaines discriminations et la vertu des inégalités, de l’originalité et de l’expérimentation sociale, [que la frontière] exprime à sa manière le destin de l’homme par le refus du conformisme social auquel le public est sans cesse tenté de succomber » (24).

La frontière permet au Même de dialoguer avec l’Autre alors que la ségrégation nie, refuse, oublie, occulte, détruit l’altérité, la différence. Sans frontières, l’Autre cesse d’être ce qu’il est pour devenir quelconque ou rien. Les frontières ne nuisent jamais à la diversité humaine, bien au contraire ! Dans ce monde toujours plus terne, le recours aux frontières s’impose indubitablement au nom de l’écologie des cultures et de la variété immarcescible des peuples encore vivants.

Georges Feltin-Tracol

Notes

1 : Cf. Flora Montcorbier, Le communisme de marché, L’Âge d’Homme, coll. « Mobiles géopolitiques », 2000.

2 : Julien Freund, L’essence du politique, Dalloz, 2004, pp. 38 - 39.

3 : Julien Freund, op. cit., p. 42.

4 : Il est compréhensible de craindre que l’application de la décroissance entraîne une perte de puissance pour les États qui l’adopteraient (sauf si une instance mondiale l’impose à tous). Les faits semblent démontrer le contraire. Il existe actuellement un État au monde qui pratique une certaine décroissance économique sans que cela n’obère d’ailleurs sa puissance relative puisqu’il a contraint les États-Unis à céder : c’est la Corée du Nord. Mais à quel prix pour sa population civile…

5 : Janpier Dutrieux, « Nomadisme et enracinement : les nouveaux enjeux économiques, commerciaux et financiers », in sous la direction de Benjamin Guillemaind, La mondialisation est-elle une fatalité ?, Via Romana, 2006, p. 51.

6 : Janpier Dutrieux, art. cit., p. 49.

7 : Idem, pp. 51 - 52. Il importe aussi de relocaliser les économies et d’exhorter les pays émergents, présents et futurs, à cesser d’imiter le modèle occidental. Il revient donc à l’Europe de montrer une fois de plus une nouvelle orientation, la voie de la désoccidentalisation.

8 : Idem, p. 52.

9 : Sur Louis Dumont, cf. Homo hierarchicus. Le système des castes et ses implications, Gallimard, 1970 ; Homo æqualis I. Genèse et épanouissement de l’idéologie économique, Gallimard, 1977 ; Homo æqualis II. L’idéologie allemande. France - Allemagne et retour, Gallimard, 1991 ; Essais sur l’individualisme. Une perspective anthropologique sur l’idéologie moderne, Le Seuil, 1983.

10 : Philippe Ariès, « Le racisme dans notre société industrielle », in Le Présent quotidien 1955 - 1966, Le Seuil, 1997, p. 262.

11 : Pour comprendre ce concept de « pulvérisation », cf. Éric Werner, Vous avez dit guerre civile ?, Éditions Thael, 1990.

12 : Le démembrement du cadre communautaire de l’être humain par la Modernité « relève d’une volonté de puissance déréglée fondée sur une boursouflure de l’ego. Qu’est-ce que cet ego ? Ce “ moi ” n’a rien à voir avec le cerveau rationnel ; il exprime les instincts du cerveau reptilien associés au cerveau limbique.

La maladie dont souffre l’Amérique et l’Occident est de type métaphysique (et anthropologique) : dans la société “ moderne ” où ne compte que ce qui est fonctionnel au service des instincts animaux, le “ moi ” est divinisé. Dans le cadre collectif, cette divinisation du “ moi ” se traduit par un égalitarisme haineux fondé sur le désir de vengeance. Dans une pareille situation, le système politique lui-même ne peut plus fonctionner normalement », écrit judicieusement Yvan Blot, « Vers un “ fascisme ” gay ? », Polémia, www.polemia.com, 9 décembre 2008.

13 : Dans la trilogie du Seigneur des Anneaux de J.R.R. Tolkien, Eowyn, nièce du roi du Rohan, incarne superbement l’archétype de la féminité européenne et on ne peut la comparer à Schéhérazade des Mille et une nuits.

14 : Julien Freund, op. cit., p. 39.

15 : Idem, p. 39, souligné par nous.

16 : Idem, p. 38.

17 : L’idéologie anti-discriminatoire sombre dans des querelles inextricables. Pour preuve, le 4 novembre 2008, les Californiens approuvent par référendum la proposition 8 qui interdit le « mariage » homosexuel. Les études post-électorales montrent que 70 % des Afro-Américains ont voté en faveur de cette interdiction. En critiquant ce vote populaire, les gays ne versent-ils pas dans la négrophobie tandis que les Noirs donneraient dans l’homophobie ?

18 : Julien Freund, op. cit., p. 38.

19 : Idem, p. 367.

20 : Idem, p. 39.

21 : Idem, p. 39.

22 : Sur Alain Daniélou, cf. Shiva et Dionysos. La religion de la Nature et de l’Éros. De la préhistoire à l’avenir, Éditions Arthème Fayard, 1979 ; Les quatre sens de la Vie. Et la structure sociale de l’Inde traditionnelle, Le Rocher, 1992 ; Le Destin du Monde d’après la tradition shivaïte, Albin-Michel, 1992 ; La Civilisation des différences, Éditions Kailash, coll. « Les Cahiers du Mleccha, volume II », 2003. On lira aussi avec profit d’Alain Daniélou « Le système des castes et le racisme », pp. 37 - 62, in sous la direction de Julien Freund et d’André Béjin, Racismes Antiracismes, Méridiens Klincksieck, 1986, ainsi que dans le même recueil l’excellente contribution de Michel Maffesoli, « Le polyculturalisme. Petite apologie de la confusion », pp. 91 - 117.

23 : Julien Freund, op. cit., p. 39.

24 : Idem, p. 313.

 

Remembering Johann Herder

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Remembering Johann Herder

M. Raphael Johnson

Surprisingly, very few of those who call themselves ethnic-nationalist know anything of its history and development. Johann Herder, writing in the early 19th century, is largely considered the major founder of nationalist theory in western Europe. A pro-Slavic German, Herder laid out a vision of the cultural order where the globe was made of innumerable ethnic groups, united by culture and language, each with its own purpose and “genius.” These were all to be self-governing, as the state was to have a minimal role, leaving actual governance to local institutions and tradition. Of all the nationalist theorists of history, Herder is likely the most widely read today, and is even given a modicum of respect within academic intellectual history and political science. 

Ethno-nationalism, in spite of the myths pouring out of the academic presses, is a rejection of the gnostic-Enlightenment view of man, morality and epistemology. Unless one understands this negative connection, one cannot understand the moral and historical and moral basis of nationalism and the ethno-community. Therefore, it is absolutely central that the work of Johann Herder be dealt with, for, in many respects, the revolt against Enlightenment "liberalism" and "practical" conservatism comes from him rather than from Burke, whose theoretical prowess has been overestimated in many respects.

Herder's critique of the Enlightenment rests on one major proposition: that the study of man is radically different from the study of nature. In other words, the object with which any specific community or civilization provides the "social scientist" with does not bear the same marks as an object as in the natural sciences. The sciences themselves impose an ideological and a priori grid upon nature, the quantitative measures to which science reduces all visible phenomena. To treat man as an object of science is to standardize him, to standardize him is to reject all that is human about him, to reduce him to a mechanical being, a being easily manipulated from outside; the esoteria of the social sciences. In other words, this sort of standardization is to reduce civilization -- for Herder the ethno-nation -- to a set of material causes and effects which ensures that only the most formal and formalizable aspects of the people under study will be understood. Even here, though, precisely because that which is formal (or formalizable) is removed from the rest, that then is misunderstood. Peoples are distorted if they are a priori standardized in a quantitative formula. This is the central proposition of Herder's social theory, and, importantly, the starting point for the countercritique of Enlightenment mythology.

Herder, as nearly all anti-Enlightenment thinkers, rejected the intellectually vapid notion of a "social contract." If such contracting individuals were to exist to enter into some contractual obligations, then the contract would have already been settled. In other words, the civilizational apparatus that would allow a scholar to even conceive of a "contract" is already in existence as the contracting parties are coming together. "Social contract" theory is an intellectually dishonest slight of hand: its primary purpose is to reject all aspects of history, civilization and nationhood in order to rebuild the society on the demands of the contracting parties. These, as always, mean the wealthy and powerful who demand the institutionalization of their own interests and call them "universal human rights."

Communities derive primarily from the fact that men are born radically helpless and dependent, not free and equal. Only the existence of the community ensures that human beings exist at all. Therefore, all arts and sciences derive from this natural, communal union, and exist as a product of the communal mind, rather than specifically the minds of great men. In other words, that the man of genius, undoubtedly a reality in human history, should be demystified in that his genius has been nurtured by the community around him. The books he has read, lectures attended, apprenticeships, language, education, in short, everything necessary to develop the talents of genius are communally created, not individually created. Therefore, the proper study of human society is not the "great man" but rather the community, the nation, the ethnos. This is the proper unit of history, and it is it that works through the great men, economic institutions, armies and books that a historian might study. Genius exists, as do classes or great ideas, but they do not come into existence in isolation.

What Herder and his followers revolted against is the mechanization of nature and human societies, the dominance of methodology over mankind and the idea that various nations and cultures are commensurate with the newest conceptual apparatus of modern science. On the contrary, Herder believed that nations and cultures were basically incommensurable, and that, in order to understand any one, they needed to be understood from the point of view of how they understood themselves. Modern historical theorizing generally judges historical societies to the extent they have manifested the much more contemporary ideas of liberalism and secularism. Of course, such a method is not history, but a crude ideological polemic that passes for erudition in American universities. A nation is not "successful" if it is wealthy, if indeed, wealth is not a mark of success. American historians will prattle on about the wealth, freedom or repression in a certain historical culture, without bothering to inquire whether or not such things were considered important, or if the average person considered liberal ideas of jurisprudence to be wise or not. Herder fought this trend in his own day, and the battle seems still to be lost.

The basic epistemological idea here is that, in order to understand anything, the conceptualization of the data (always incomplete) must come a posteriori. Objects can only be understood within and through the group mind of the ethno-community. Contemporary scientific methods take an a priori notion of conceptualization such as "rational choice" theory or a class- or "gender"-based analysis, for example, and impose it upon any society or group whatever. In political science, so it is regularly claimed, any data set whatsoever can easily be quantified and placed within a regression model. The connection between the real, concrete data and its quantification and analysis is rarely questioned. Everything is standardized and everything follows the same crass laws of cause and effect, even man.

For Herder and so many others, what must come first is first-hand, lived experience with the data, with a concrete sense of what an object is, as defined by the specific community under question. Rejecting qualities as "accidents" or "residuals" is an epistemological error, for it rejects what is a part of the object under study, part of what makes it unique and thus worth studying in the first place. In other words, for Herder, any object needs to be understood in the sense of its value or lack of it within the culture which it is found. Epistemology is intensely social, and to divorce it from social life and the development of national consciousness (and therefore language) is to divorce knowledge from reality. Reality, for the analytic philosopher, is a set of concepts expressed in words, not actual objects; and actual objects, to be thus, are always a product of culture, traditions or traditional norms. Objects only become so in the nexus of national and cultural tradition, or they are not objects at all.

For the Enlightenment, the notion of "progress" has been an allegedly continuous move from "myth" to "fact;" myth is the sensuous and concrete aestheticization of nature and mankind into something socially recognizable and intelligible. Progress has its esoteric side of being the "demystification" or "unmasking" of such concrete realities into the abstractions of modern scientific and moral ideology. For Herder, this is a regress. Modern scientific methodology has eliminated the concrete object in favor of a sterile concept. The older idea of myth was not falsehood in any sense, but is a key to the heart and mind of a specific people and civilization. To aestheticize nature is to imprint the "general will" upon it, to provide it with cultural reality by integrating it into the vortex of the nation. The nation, then, seeks to unify all things to itself: nature, technics and economics. These are provided with the imprint of the historical memory of a people. Nothing is strange, everything becomes recognizable.

While it might be true that technics derives from a certain conceptualization of matter, it does no follow that the mythos, or the aestheticization of matter is therefore "backward" or "false." The notion of myth, however conceived, is a means whereby objects of nature and art are brought into the cultural gestalt of the community, the nation. To render objects as mere concepts is to destroy them; it is, in a magical and occult sense, to recreate them in the image of man. In turn, they are taken out of the realm of experience and exist solely in the realm of ideas to then be renamed and reconceptualized by those with the power to perform such magic community-wide. It is a dangerous form of alienation that removes the individual from the realm of the concrete, the realm of reality, or real consequences and the real personal identity, into the realm of ideas, of the realm of images that can easily be transformed by the wishes of those who control the vocabulary and projection of images in modern life. Myth therefore, is not falsity, but it is something integrative and gives nature the stamp of nationhood, or the identity of the collective self.

More importantly for mankind, what is important is a view towards what the various communities and nations deem important or worthy in life. The "idea of order" that animates the community carved out of what ordinarily would be chaos is what needs to be analyzed, not, on the other hand, that strictly modern sense of placing a stylized pattern of "rational choice," "utility maximization," structural-functionalism, psychoanalysis, or whatever and placing it over every and any people. Such modern methods are not based on "science," but on a set of axiomatic assumptions that cannot be proven, namely, that stripping away the cultural "accretions" of a people leads to their "essence," their "demystification." The proposition: "all peoples function according to strict rational choice and utility maximization models," is a completely nonscientific statement. It is an non-provable assumption, made more dangerous that it must be taken on faith, a priori, and merely applied. One then assumes that the product of such analysis actually reflects the "real world" of things.

The vapidity and coldness of analytic methods do, in fact, communicate true cultural life: they are not the universal truths of the faculty lounge dreamers, but rather that of the emptiness of modern western life, where "tradition" and "culture" are largely non-existent, completely administered by the handful of families that control the flow of images and the resultant stimulus. Analytic philosophy, indeed, far from being the search for the universal inherent in the text under study, is nothing more than a brutalization of the texts of western philosophy, the imposition of the mindlessness of Anglo-American liberalism and nihilism upon texts the authors of which could never understand.

For Herder, and for ethno-nationalism in general, one approaches an artifact of a culture, of a nation, precisely as that. Something that reflects, not the specific idiosyncrasies of the artist, craftsman or writer, but of a whole people. Any artifact contains within itself the soul of an ethno-nation and a civilization, of the folk. it reflects years of development long before the object ever came into existence, and a set of influences so nuanced, and going back so far into history that it radically resists any form of quantification, or even of understanding except in the most pedestrian of senses.

In other words, objects of a culture are "organic." That word is used over and over again, and only in the rarest of papers it it ever defined. The best and most meaningful use of the word is that the whole is manifest in the part. That is, each object manifests the whole in which it has been created. Because each man, no matter how much an "individualist" he might delude himself into thinking he is, is the product of time, culture (or lack of it), language and national and communal history that defines the fears and hopes of society at large. Because of the intrinsic connection between human development and one's immersion into a national tradition and self-identification, it follows that the acts of such an individual are, in fact, acts of the nation, of the people.  

The notion of "organic," (or, "integral," for that matter) then, refers to the fact that it is not proper to split off the disciplines from one another: morality is dependent upon an understanding of history, philosophy on culture, culture on language, etc. Each is necessary to reinforce the other, and any specific text of a culture, therefore, contains all of them, to one extent or another, however ultimately distorted. To remove moral views from historical development or epistemology or language is to completely distort the actual historical process of these things coming into existence and taking hold over a people.  

Hence every nationality must be considered solely in its place with everything that it is and has; deliberate isolation, rejection of individual phases and customs will not result in history. To gather such collections one steps into a charnel-house, into a lumber room and wardrobe of the nationalities, but not into the living creature, into that great garden in which the nationalities grow like plants and of which they are a part; in which everything -- air, earth, water, sun, light, even the caterpillar which crawls upon the plants an the worm which destroys them -- belong to it. (xviii 248) 

For Herder, as for nationalism properly understood, nationalities are not states, nor do they need them. States are the creation of men, the ruling classes; nations, on the other hand, are creations of nature, creatures of the dependence and weakness of the individual alone against the elements. Herder writes in a celebrated passage: 

Millions of people on the globe live without states....Father and mother, man and wife, child and brother, friend and man -- these are natural relationships through which we become happy; what the state can give us is an artificial contrivance; unfortunately it can also deprive us of something far more essential -- rob us of ourselves. (xiii 341) 

One of the most significant difficulties in the American literature on nationalism is the extent to which the state is confused with the nation. However, it is understandable, for the dominance of analytic methods in the social sciences has extreme difficulty dealing with the unquantifiable and complex set of nuances and subtle folkways that are actually the stuff of nationality. The state, with its conveniently arranged bureaucratic offices, numbers of soldiers and massive budgets, is a far more amenable object of study. Unsurprisingly, the nation became synonymous with the development of the state administration. The development of nationalist thinking under Herder was completely lost as the social sciences found the state far more amendable to their careers and intellects.

One of the central aspects of Herder's vision for the development of counterrevolutionary thinking is just this distinction between culture and law, between the ethnos and the state. If culture is strong and vibrant, passed down from the church and family unit, then the arm of the state is unnecessary. The Russian Old Believers, Serbia under Dushan or the feudal West are examples of "states" whose constitution consisted of autonomous communities where the state was very weak or non-existent except in the realm of foreign policy and general taxation. Under the medieval royal systems, each community was self-governing under only those laws necessary to the proper functioning of each autonomous institution. The culture, found in the Church and its myriad manifestations, maintained the identity and order of each community, each with its own specific mission and sense of self. As later as nineteenth century Russia, the rural commune was self governing, and the state's presence in rural life was nearly non-existent. The liberalism of Alexander II and his serf emancipation served one purpose: to allow the state to enter into the formerly self-governing sphere of commune-landlord relations and impose a more centralized regime. In other words, either in the Germano-Latin, Polish, Serbian or Russian cultural milieu in the middle ages, the state's power was not conceived of in a liberal and centralized fashion of an "administration," but the nation -- the ethno-cultural community -- was given free reign to rule and maintain order.

Very much like the Russian Slavophiles of the 1840's, Herder did reject the "consent" theory of government. Custom, tradition and nationality are not things that one consents to: they are the conditions for one to consent to anything. When one, in a purely theoretical way, "consents" to become a citizen of a certain polity, one already must have a rather well developed sense of moral life, culture and self in order to make such a decision. The idea of liberal "consent" is a fraud, for no one has ever consented to be ruled by a certain ruling class, but the idea of 'consent" is intrinsically connected to the lie of "contract theory."

If custom and national tradition has its place, providing the natural and organic sources of authority that one comes to understand from one's birth, then the state or any external authority become unnecessary. The medieval state was a distant entity, an object of veneration because of its function as the protector of the real, that is, the protector of the church and tradition. A monarch or great general is an object of veneration, a bureaucrat is not. The extent to which the state becomes a set of neatly organized bureaucratic offices, distanced and often contemptuous of the communal locality, it ceases to be representative. The modern notion of "representation" is just another of the contemporary frauds that masquerade as "political theory" in the halls of academia. The extent to which the state is consolidated, centralized and self-interested (defined as the bureaucratic regime developing its own corporate interests), it automatically becomes non-representative. This has nothing to do with campaigns or elections, for the bureaucracy in every "advanced" western society, along with the courts, economic centers and mass media, hold real cultural and therefore social power. The destruction of communal cultural unity is always to the benefit of the bureaucratic regime and its demand for neat organization, conceptualization and standardization. Herder writes: 

The most natural state is one naturally with one national character. This it retains for ages and this is most naturally formed when it is the object of its native genius for a nationality is as much a plant with nature as a family, only with more branches. nothing appears so indirectly opposite to the end of government as the unnatural enlargement of states, the wild mixing of all kinds of people and nationalities under one scepter....Glued together indeed they may be into a fragile machine, termed a machine of state, but it will be destitute of inner life and mutual sympathy of the parts. (xiii 384) 

This may well be termed, as well as the political vision the work as attempted to put forth, a vision of ethno-national anarchism. That is, the lack of state power means the proportionate growth of a local patriotism, a local ethno-traditionalism and a local cultural nationalism that provides for the loyalty of healthy citizens far more than the recruiting sergeant or revenue director. Bureaucracy cannot be separated from a epistemological methodology that demands all data be standardized, conceptualized and subject to the same testing. An epistemology that refuses to see the uniqueness of objects, but rather, for the sake of communicability and neatness of presentation, reduces all objects of whatever kind to their definitional "essences," becomes whatever the powerful in any society want them to be. Herder refused to make the common distinctions between reason and imagination, or sensate experience and culture, all were intimately bound together. One cannot remove the feeling of romance from reason, for it is precisely these feeling that provides for the continued interest in the world. The spirit of loyalty and ethnic tradition is what maintains loyalty, not mathematical equations. One has never done statistical analyses to figure out whether or not one loves his family or native village. These relations are immediate, and they are immediate because it is these that make conceptual mediation (i.e. reason) possible in the first place. Post-modernism is easily predicted when the cultural bases of reason (making reason contingent rather than culture) disappear. When this happens, reason takes a back seat to the "will to power." Without ethno-nationalism, reason dies.

The nature of this tradition, if one is forced to"conceptualize" it, is language. For Herder, language was the primary ingredient in nationality. Words represent the "common symbolism" of memory, the basic structure of which is traditional praxis. It is not surprising that Herder believed words to be ideas, and ideas, words. There is no such thing as an abstract thought that then finds a linguistic outer coating, called a "word." All thought is done through language and therefore, language precedes conceptualization. If language precedes conceptualization, and language is the "concretization" of historical memory or tradition, then reason, a certain structure of thought, is based ultimately on tradition. The basic philosophical distinction between self, idea, word and world is for Herder completely false. Each of these is to be found in the others and is intimated and suggested by the others. Tradition, self, ideas and language are basically one and the same concept; complex to be sure, but related in such a way as to make their arbitrary analytic separation impossible or unintelligible.

The self is not sui generis -- to put this more simply -- but rather the product of the cultural milieu in which it was created: the language, customs, hopes, memories and fears which nurture the self from infancy into adulthood. Only when the culture breaks down through alien peoples and ideas (including the state) does this connection become severed, and the most horrid of situations, alienation, becomes a social reality, leading to social pathology and ultimately, social death.

Man is shaped by his association with others. This association is governed, indeed made possible at all, though similarity -- language, concepts, morality and historical experience. When this memory become clouded -- as in the present day -- though outside intervention of self-interested self-deception then the basic nature of the association is destroyed. The abstractions of liberalism or neo-conservatism cannot rescue it, but are the very products of this decay.

For Herder, nations are formed by various variables, which are primarily climate, basic physical environment, relations with others (or lack of them) and heredity. They develop slowly, but have as their primary goal the binding of strangers into a unity. For Herder, nations in the modern sense are the most holistic form of community: small enough to maintain a basic linguistic and cultural commonality, but large enough to be self defending and economically secure. Obviously the Greek city state was extremely vulnerable, as the large empires were bereft of any ordering principle, as they were made of myriad religions, ethnic groups and languages. For Herder, the very subject of history is the development, thriving and demise of these various nations. Or, put differently, history is the story of how specific peoples controlled and directed the potentially infinite human impulses. Without harmonization, the human will will seek its own pleasure an domination. Culture and historical memory serve to direct the will into a unity of form and function, initiating the man into a world of order in a chaotic and fallen nature.

There can be no doubt that the notion of the cultural community, that is, nationality, for Herder was the primary method of actual and real representation. For him, the nation was the collective consciousness of the people who composed it. In a certain sense, the Rousseauian notion of a general will makes a bit of sense. Now, Rousseau cannot be the ground for nationalism of the Herderian stripe, but there is a sense in which that the idea of a selfless will, dedicated to the common good, can meet in time through historical memory and customary fears and hopes, all expressed a common language that embodies these. This idea of cultural unity is a manifestation of the general will, and is a far more interesting use of the phrase than that "insane Socrates." Herder made a careful distinction between the people, that is, the true representatives of the nation, the folk, and the "rabble," or the frenzied mobs of alienated and acultural "societies" (such as in the modern era) that have only their anger and bitterness to unite them. That there is an "idea" of order that the imagination can partly grasp for Herder is central to their being a nation or a national character at all.

"Progress," one of the phony buzzwords of Enlightenment mythology, is also something that comes to make sense only in a national context. The idea of order that makes sense out of an association, and is developed by it, is what produces the various goals and strivings of a people. Therefore "progress" as an ethical notion can only begin there. The constant uses of the terms "backward" or "progressive" are non-universal, and can only be utilized in the context of the communal structures of a specific nation. What is valued and respected by the community is the extent to which something is progressive or not. To the extent that policy moves towards what is valued versus something else is the proper use of the terms "backward." A "progressive" society, therefore, is one that continually improves its manifestation of its idea of order, or that "general will" that truly represents the historical memory of a people. A "regressive" society is one that moves away from it. "Injustice" comes to be the introduction of policy that rejects the communal consciousness of a people, and therefore, the people's inherent sense of propriety.

Johann Herder is at present, a threat to the modern world and its academic establishment. He is a living refutation of their ideas of progress and conceptual uniformity. He is a danger for he has the potential to unite the anarchists of the "left" with the ethno-nationalist of the "right" against the demands of Enlightenment, empirico-capitalism, in both its vapid liberal and conservative forms. His battle was primarily against the notion of cosmopolitanism, or the idea that man's faculties are sui generis, and therefore owing no loyalty to any specific community. Such a person is barely human, living accordingly only to his desires and impulses: he is inherently sociopathic. The proof of Herder's ideas here is evident in the present day. Herder writes, mocking the pretensions of the modern cosmopolitan spirit: 

All national characters, thank God, have become extinct; we all love one another ,or, rather no one feels the need of loving anyone else. We all associate with one another, all are completely equal -- cultured, polite, very happy; we have, it is true no fatherland, no one for whom we live; but we are philanthropists and citizens of the world. most of the rulers already speak French, and soon we all shall do so. And then -- bliss! The golden era is dawning again when all the world has one tongue and one language; there shall be one flock and one shepherd! (v, 550) 

Therefore, Herder is forgotten, but is is equally clear that the building upon the ruins of the plastic liberal/conservative divide will need his services once more.

[The Idyllic, August 9, 2003]

lundi, 12 janvier 2009

Revue "Entropia": trop d'utilité?

Revue Entropia : Trop d’utilité ?

Tandis que s’étrécit le champ des possibles en partage, le trop excède en tout : trop d’injustices, trop d’insignifiances, trop de violences, de crises écologiques et de désastres sociaux…
Cette situation ne serait-elle pas en relation paradoxale avec l’importance démesurée accordée à l’utilité ? L’utilitarisme est une doctrine - née en 1827 - selon laquelle l’utile est le principe de toutes les valeurs, dans le domaine de la connaissance comme dans celui de l’action.

Cette peste moderne a conduit l’espèce humaine au bord du gouffre. Confondant le nécessaire et l’utile, elle ampute l’être humain des registres de la gratuité, de l’inutilité et de la sensibilité de la pensée qui sont pourtant les signes universels de sa singularité plurivoque. Elle mutile tous les rapports sociaux en les soumettant aux diktats de la marchandise. On peut avancer que, par nombre de ses aspects, l’idée de décroissance est née d’un sursaut de rébellion contre cet égarement.

Depuis sa création, en 1981, le MAUSS - Mouvement Anti-utilitariste dans les Sciences Sociales - a exploré le terrain d’un anti-économisme effectif. Sans renier cette filiation parmi d’autres, l’objection de croissance a choisi de radicaliser l’analyse et de bouleverser l’offre théorique et politique face à une crise anthropologique sans précédent.

La discussion de famille engagée entre ces deux mouvements d’idées se devait de devenir publique. Serait-ce, là, une autre façon d’oser ranimer le vieux débat entre réforme et révolution ?

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Maatschappij allarmerend individualistisch

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Maatschappij allarmerend individualistisch

http://klauwaert.blogspot.com
Bijna een op tien Vlamingen heeft geen vrienden

Bijna 1 op 10 van de Vlamingen, of 8 procent, zegt dat hij of zij geen vrienden heeft. Dat staat in het januarinummer van het gratis tijdschrift "çava? " van de Christelijke Mutualiteit (CM) Midden-Vlaanderen.

(belga) - CM Midden-Vlaanderen ondervroeg zo'n 1.500 Vlamingen over vriendschappen. Hoewel 8 procent zei dat ze geen vrienden heeft, telde de Vlaming toch gemiddeld zeven vrienden. Gemiddeld waren er daarvan 2,5 beste vrienden.

Vier op tien leerde zijn vrienden kennen op het werk, ruim een derde via het verenigingsleven en meer dan een vierde via het uitgaansleven. Bijna de helft gaf aan dat ze hun vrienden leerden kennen via gemeenschappelijke vrienden.

Opvallend is dat een derde van de ondervraagden zei online vrienden te hebben. Dat was eerder het geval bij mannen dan bij vrouwen, met respectievelijk 40 procent en 27 procent. Vrouwen sluiten vriendschappen vooral via fora, mannen via gamen of bloggen. Wel zei ruim een vierde dat ze die vrienden nooit in werkelijkheid zien. Ook zou een op acht zich anders voordoen op het net dan in werkelijkheid. Drie kwart van de ondervraagden maakte een onderscheid tussen online vrienden en andere: ruim de helft vond die eerste oppervlakkiger.

Tenslotte zou meer dan een derde een afspraak met vrienden laten doorgaan, ook als de baas zou vragen om over te werken. Als de partner een vriend als liefdesrivaal zou beschouwen zou bijna 9 op 10 van de Vlamingen een en ander proberen uit te praten. Van de ondervraagden zou 3 procent de vriendschap laten vallen, 2 procent zou de relatie beëindigen. Zes procent zou de vriend stiekem blijven ontmoeten.


Het huidige beleid dat steeds meer de nadruk legt op het individu en egoisme ten koste van de gemeenschap, het middenveld en het gezin.
Het beleid dat steeds opnieuw tracht tradities te breken, onze cultuur te vernietigen, en multicultuur in te voeren zodat mensen van elkaar vervreemden, heeft zijn vruchten afgeworpen.
Het middenveld gaat kapot, gezinnen vallen uit elkaar, tradities gaan verloren en de Vlaming vereenzaamd.