Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jeudi, 31 décembre 2020

Une révision de l’échelle F d’Adorno, censée mesurer le degré de « fascisme » en chaque individu

adornoGA-600x413.jpg

Une révision de l’échelle F d’Adorno, censée mesurer le degré de « fascisme » en chaque individu

Par Gilad Atzmon

Ex : https://www.unz.com

En revenant sur les travaux de Theodore W. Adorno sur la "personnalité autoritaire" et l'"échelle F", on constate qu'en 2020, ce sont en fait les libéraux, les progressistes et la soi-disant "gauche" qui manifestent huit des neuf attitudes les plus problématiques, antidémocratiques et autoritaires.

La théorie d'une personnalité autoritaire a été introduite dans les années 1930 pour tenter d'expliquer l'attrait massif qu’exerçait le fascisme et les idéologies de droite. Elle a vu le jour à la suite d'une forte hausse de la popularité des mouvements fascistes dans de nombreuses sociétés européennes pendant l'entre-deux-guerres.

À l'époque, de nombreux idéologues et intellectuels européens étaient profondément inspirés par Marx et Freud. Le marxisme avait prédit que la grande dépression se traduirait par un vaste changement de conscience dans la classe ouvrière, se matérialisant par une révolution socialiste mondiale. Bien sûr, cela ne s'est pas produit. La crise économique a plutôt entraîné un soutien massif aux mouvements nationalistes et fascistes qui étaient souvent profondément antisémites.

Le raisonnement qui sous-tend cette modification de la prophétie marxiste a emprunté certains mécanismes théoriques freudiens. L'"explication" donnée était la suivante : "Les gens sont des autoritaires" : dans certaines conditions menaçantes, les "personnages autoritaires" sont émotionnellement et cognitivement vulnérables à l'attrait des idéologies fascistes et nationalistes.

unnamedtwaap.jpgDans les années 1930, une vingtaine d'intellectuels juifs allemands, principalement (mais pas tous) associés à l'école de Francfort (par exemple, Wilhelm Reich), se sont engagés à mettre en évidence les conditions psychologiques et socio-économiques responsables de la formation de la personnalité autoritaire.

Dans son ouvrage de 1933, The Mass Psychology of Fascism, Wilhelm Reich a tenté d'expliquer la victoire éclatante du fascisme "réactionnaire" sur le communisme "progressiste". Reich cherchait désespérément à sauver la pertinence du marxisme révolutionnaire. Pour ce faire, il a élaboré une nouvelle perspective théorique "post-marxiste" afin d'expliquer pourquoi les Allemands de son temps préféraient l'"autoritarisme" à une révolution communiste "souhaitable".

Reich estime que l'attrait des politiques "réactionnaires" et "conservatrices" et le penchant pour le fascisme sont dus à une longue histoire de patriarcat rigide et autoritaire qui affecte la famille, la parentalité, l'éducation primaire et, finalement, la société dans son ensemble. Dans une tentative de sauver la société du fascisme, Reich a synthétisé Marx et Freud pour théoriser une "révolution sexuelle".

En 1950, l'éminent intellectuel de l'école de Francfort, Theodor W. Adorno, ainsi que d'autres, ont publié The Authoritarian Personality, un recueil d'études qui a été hissé au rang de texte académique de premier plan dans le domaine des sciences sociales. Dans ce volume, Adorno et d'autres se sont penchés sur la théorie de la personnalité autoritaire et ont présenté les résultats d'une décennie de recherche visant à tester cette théorie.

Compte tenu des origines de bon nombre de ses membres et de l'objectif intellectuel premier de l'école de Francfort, il n'est pas surprenant que l'enquête ait commencé par une tentative d'explication des racines psychologiques de l'antisémitisme : l'hypothèse était que les personnalités autoritaires manifestent certains schémas ethnocentriques qui se manifestent par des inclinations xénophobes et une aversion pour les groupes et les minorités.

adorno_360x450.jpg

Adorno & co. ont réduit la personnalité autoritaire à un ensemble de neuf attitudes et croyances "implicitement antidémocratiques". Adorno pensait qu'il était possible d'identifier les personnalités autoritaires en fonction du degré d'accord des gens avec ces neuf attitudes. Les neuf attitudes fascistes sont brièvement résumées ici :

  • Le conventionnalisme : Adhésion aux valeurs conventionnelles.
  • Soumission autoritaire : Vers des figures d'autorité au sein du groupe.
  • Agressivité autoritaire : Contre les personnes qui violent les valeurs conventionnelles.
  • Anti-intraception : Opposition à la subjectivité et à l'imagination.
  • Superstition et stéréotypie : Croyance dans le destin individuel ; pensée en catégories rigides.
  • Puissance et dureté : Souci de soumission et de domination ; affirmation de la force.
  • Destructivité et cynisme : hostilité à la nature humaine.
  • Projectivité : Perception du monde comme dangereux ; tendance à projeter des pulsions inconscientes.
  • Sexe : Trop préoccupé par les pratiques sexuelles modernes.

L'examen de la pertinence du point de vue d'Adorno sur l'autoritarisme à la lumière de l'hystérie pandémique mondiale actuelle ou de la bataille sur l'intégrité de l'élection présidentielle américaine peut révéler que, selon l'échelle F, ce sont en fait les progressistes, les libéraux et la soi-disant "gauche" qui manifestent les modèles autoritaires antidémocratiques les plus problématiques :

  1. Selon Adorno, les fascistes "adhèrent à des valeurs conventionnelles".

En 2020, les "valeurs conventionnelles" sont pratiquement dictées par les "normes communautaires" dites "libérales" et "progressistes" définies par Twitter, FB et Google. Ces valeurs conventionnelles sont souvent validées par des "vérificateurs de faits", parfois étayées par des conventions plutôt que par tout ce qui ressemble à une recherche factuelle, à une étude universitaire ou théorique.

  1. Adorno insiste sur le fait que les Autoritaires se soumettent à des figures d'autorité au sein du groupe.

Mais en 2020, ce sont en fait les progressistes et les libéraux qui adhèrent à "l'autorité épidémiologique de groupe" de Bill Gates. De même, Anthony Fauci est pour les progressistes un juge suprême en matière de santé publique. Combien de bévues colossales devrions-nous accepter de la part de l'Imperial College de Londres avant que cette institution ne soit démantelée ? De même, vous pouvez vous demander qui, en Amérique, a tendance à croire ses enquêteurs "de groupe" malgré le fait qu'ils se révèlent être colossalement faux à chaque fois ?

  1. Adorno nous dit que les fascistes manifestent une agressivité autoritaire contre les personnes qui violent les valeurs conventionnelles.

Dans l'état actuel des choses, "annuler la culture" (cancel culture) est en fait un modus operandi progressiste/libéral. Les peuples voient leur culture ancestrale annulée parce que, par le biais de celle-ci, ils adoptent spontanément des points de vue critiques à l’encontre des pensées conventionnelles qui sont, elles, importantissimes pour maintenir en selle les engouements des progressistes. Ce n'est un secret pour personne que le grand public craint de plus en plus d'exprimer des critiques, et encore moins des doutes sur un certain nombre de questions intellectuellement et médiatiquement dominées et articulées par les progressistes, car une telle conduite pourrait conduire à se faire vilainement agresser.

  1. Adorno insiste sur le fait que les fascistes s'opposent à la subjectivité et à l'imagination.

En réalité, ce sont des algorithmes progressistes qui sont mis en place par les "libéraux" sur Twitter et FB pour traquer et punir ceux qui osent exprimer des idées subjectives sur le COVID-19, sur Trump, sur le gendérisme, sur la Palestine ou sur Soros. La notion progressiste de « politiquement correct » est en soi un appel tyrannique visant à supprimer toute forme de subjectivité ou d'imagination.

authoritarian-syndrome-theodor-adorno-l.jpg

  1. Selon Adorno, les fascistes sont superstitieux et pensent de manière stéréotypée, ils croient au destin individuel et pensent en catégories rigides.

Malheureusement, ce sont en fait les progressistes et les libéraux qui succombent à des catégories rigides telles que "blanc", "privilégié", "théoriciens du complot", "antisémites", "suprémacistes", "racistes déplorables" et ainsi de suite. Dans le monde dans lequel nous vivons, un nombre important d'électeurs américains expriment des doutes sur l'intégrité des dernières élections, mais leur voix est institutionnellement ignorée parce qu'ils sont "blancs", "conspirateurs" et généralement "déplorables". De même, de nombreux Occidentaux expriment leur scepticisme à l'égard des vaccins COVID-19, mais les grands médias dits "libéraux" ne veulent pas que leur voix soit entendue et encore moins explorée. Les sceptiques du COVID sont présentés comme des "délirants" et des "théoriciens de la conspiration". Que ce soit effectivement le cas ou non, il est assez évident que ce sont les progressistes et les libéraux qui opèrent réellement dans un domaine intellectuel rigide fait de catégories strictes.

  1. Adorno insiste sur le fait que les fascistes sont obsédés par la domination.

En 2020, ce sont en fait les géants libéraux et progressistes de l'internet, de Google à Amazon, qui célèbrent leur pouvoir de domination en éliminant ceux avec lesquels ils ne sont pas d'accord, en supprimant leurs pages, en tripotant leurs classements et en éliminant pratiquement leurs pensées. C'est ce que correspond à brûler des livres en 2020. Vous pouvez également vous demander qui exerce le plus souvent de la violence contre les statues, en adhérant à la croyance insensée selon laquelle dégrader une statue équivaut à "réécrire l'histoire".

slide_9.jpg

  1. Les personnalités autoritaires ne peuvent pas supporter le cynisme. Ils sont hostiles à la nature humaine, dit Adorno

Je me demande qui poursuit les comédiens, les artistes, les auteurs, les scientifiques qui osent se moquer des discours hégémoniques contemporains. Combien de livres ont été brûlés par Amazon ? Combien de conférences et de vidéos ont été supprimées par Google/YouTube ? Dans le monde dans lequel nous vivons, les libéraux et les progressistes censurent les élus politiques et leurs commentaires.

  1. Adorno pense que les fascistes perçoivent le monde comme un endroit dangereux et qu'ils ont tendance à attribuer leurs propres pulsions inconscientes aux autres

Dans le monde à l'envers où nous vivons aujourd’hui, ce sont en fait les soi-disant droites et nationalistes qui refusent constamment d'être tourmentés par les menaces dites mondiales : qu'il s'agisse du réchauffement climatique ou des pandémies. C'est la "gauche", les libéraux et les progressistes qui succombent à toutes les mises en garde mondialisées possibles, qu'elles soient factuelles ou imaginaires. Comme nous le verrons tout à l'heure, dans le monde où nous vivons, ce n'est pas la droite ou le nationalisme qui "projette" ses symptômes. Ce sont en fait les Américains de droite qui sont ostracisés et réprimés au point qu'ils luttent pour que leur vision soit entendue ou au moins discutée par les grands médias.

  1. Adorno pense que les fascistes et les autoritaires sont trop préoccupés par les pratiques sexuelles modernes.

C'est le seul critère qui se rapporte véritablement aux conservateurs contemporains. Il est juste d'affirmer que les conservateurs succombent encore à l'idée que le genre est une question binaire. Ils adhèrent également aux valeurs familiales et ecclésiastiques. Toutefois, cela n'a pas nécessairement à voir avec le "fascisme" ou l'"autoritarisme". Les personnes qui croient que le genre est une question binaire peuvent souvent plaider leur cause et aussi discuter de tout autre sujet de la manière la plus franche.

imagesfoinsdfgdghf.jpgUn examen actuel de l'échelle F d'Adorno, censée définir la personnalité autoritaire, révèle que ce sont en fait les progressistes et les libéraux qui manifestent la quintessence des tendances fascistes. Alors que la corrélation des conservateurs et des nationalistes contemporains avec l'échelle F ne peut pas dépasser 0,12 (1 trait sur 9), la corrélation des libéraux et des progressistes avec l'échelle F d'Adorno peut atteindre 0,88 (8 sur 9).

Adorno avait-il alors totalement tort ? Pas nécessairement. L'échelle F d'Adorno décrit la condition autoritaire qui est caractéristique de l'hégémonie, de la domination et d'une vision du monde particulièrement exceptionnaliste. Dans les années 1930, certains idéologues nationalistes européens de droite ont évolué vers un exceptionnalisme radical. L'échelle F décrit leur attitude avec précision. Aujourd'hui, ce sentiment d'exceptionnalisme et d'élitisme est un territoire idéologique progressiste, car les progressistes se trouvent être des personnes qui croient que les autres sont réactionnaires. Les progressistes, en tant que tels, sont des personnes qui se croient élues.

La lutte contre l'antisémitisme et la tentative de comprendre ses racines étaient au cœur du travail d'Adorno et de l'école de Francfort. Bizarrement, l'échelle F d'Adorno est une description adéquate de la condition mentale juive. Chacun des traits autoritaires de l'échelle F d'Adorno peut être ramenée au cœur des croyances et de la pensée juives ; le judaïsme est une adhésion autoritaire rigide au Mitzvoth (aux valeurs conventionnelles). Il exige le règne total des rabbins (soumission autoritaire). Il ne tolère aucune forme de déviation (agression autoritaire). Il est superstitieux et fait entrer le "goyim" dans un stéréotype (superstition et stéréotypie), etc. Il est donc plausible que les "attitudes" qu'Adorno attribuait aux fascistes par projection soient celles qu'Adorno a effectivement trouvées en lui-même. Une telle observation du projet d'Adorno validerait le travail du grand philosophe Otto Weininger, qui a proclamé que ce que nous détestons chez les autres est ce que nous détestons en nous-mêmes.

Mishima, la mort comme antidote & Mishima et la recherche de l'empereur caché

yukoku_by_ameangirl_d6z60sh-fullview.jpg

Mishima, la mort comme antidote

Alejandro Linconao

Ex: https://grupominerva.com.ar

La mort comme antidote. L'acier

Mishima interprète l'existence à partir des coordonnées d'un de ses livres de chevet, le Hagakure. Dans L'éthique des samouraïs dans le Japon moderne (Publishing Alliance, 2013), notre auteur fait une analyse de ce classique de l'art martial japonais, visant à donner des réponses à son époque, qui est largement la nôtre. Selon son interprétation du texte classique, nos sociétés sont déséquilibrées. La vie a régné sur l'existence humaine, mais c’est une vie, apathique, superficielle. Une vie de frimeur, une vie opposée à la vertu cachée. Une vie qui a perdu de son intensité parce qu'elle a banni la limite de la mort. Sans cette limite, l'existence est incontrôlable, sans horizons ni objectifs qui méritent d'être nommés ainsi.

le_japon_moderne_et_l_ethique_samourai_165.jpgMishima, dans la lignée de la tradition japonaise, a conçu l'existence comme un équilibre entre des hypothèses opposées, la liberté et la répression, la vie et la mort. La vie est mieux contemplée dans l'ombre de la mort ; sous la teinte mortelle, le vital est lumineux, rayonnant. Embrasser l'existence implique d'embrasser à la fois la vie et la mort, et de cette fusion découlera la vitalité. La vie doit nécessairement être équilibrée avec la mort, sinon la vie sera informe, grotesque, désordonnée.

Là encore, la pensée japonaise partage des coordonnées avec la pensée occidentale classique. Chez les Grecs, les pères de la philosophie occidentale, l'indésirable est la disproportion, l'illimité, ce qu'ils appelaient l'hybris. Les excès dans tous les domaines, tant dans l'humilité que dans le faste, dans le plaisir et dans la guerre, étaient des déséquilibres répréhensibles. Des déséquilibres qui attirent la colère des dieux et pour lesquels les divinités elles-mêmes peuvent être punies.

L'Occident, déjà perdu dans la pensée de ses origines, détourne son regard de cette condamnation de l'excès et sombre dans l'absurdité de la modernité. La modernité libérale avec sa culture de surproduction, d'hédonisme illimité et de consommation vorace ne donne pas lieu à l'équilibre, à la modération. Tout doit être tiré dans les profondeurs. Pour cette vision d'une jouissance sans douleur, la mort volontaire de Mishima devient un acte de folie. Aveugles au symbole, ils confondent le sacrifice avec le mépris de la vie. Ils ne discernent pas l'acte sacré, le rite qui cherche à rétablir un ordre, à rétablir un équilibre perdu.

Extrait de Mishima et la mort comme antidote dans Mishima Inmortal, Grupo Minerva Ediciones, 2020.

Mishima et la recherche de l'empereur caché

Andrea Scarabelli           

Il est évident que la dimension politique est présente dans l’oeuvre de Mishima. Cette oeuvre n'est jamais une chronique, elle ne s'aplatit pas dans la simple réalité, elle s'efforce toujours d'aller au-delà, en passant par des sites métapolitiques inattendus. La Ligue des vents divins fonctionne certes sur le plan politique mais essentiellement sur la base de points de référence spirituels. Il suffit de considérer la division en trois chapitres : le premier consacré à la consultation des dieux, le second à l'action et le troisième à l'épilogue sanglant, au seppuku comme ouverture à la transcendance, à l'anticipation du geste de Mishima et au portrait d'un petit groupe d'hommes jetés au-delà du présent, au-delà de et contre l'histoire, décidés à lutter au nom de toute une civilisation, opprimée par la barbarie. "Ces flammes qui dansaient, partout, à travers l'air dirigé vers le ciel, témoignaient de la fureur avec laquelle les camarades attaquaient. Avec imagination, chacun a vu les courageux personnages de leurs frères d'armes, fidèles jusqu’à la mort, traverser le feu vertigineux, alors qu'ils attaquaient l'ennemi avec des épées brillantes. L'heure tant attendue était arrivée et pour l'atteindre, ils durent retenir longtemps leur colère féroce, tout en aiguisant leurs lames en silence. La poitrine d'Otaguro était enflammée par un vent de joie incontrôlable. "Tous les hommes se battent", murmura-t-il. "Chaque homme".

c1fIqrSZ6d60goqc5eTecqQyqso.jpg

Ennemi des valeurs modernes et amoureux du Japon traditionnel, Mishima a décidé de faire de sa propre vie le témoignage d'une autre façon d'être au présent : "Je ne fais que répéter les vieux idéaux comme un perroquet, idéaux qui sont maintenant perdus. C'est, si l'on veut, le manifeste de ceux qui se retrouvent nés dans le monde moderne malgré leur appartenance interne à une réalité très différente, thèmes qui relient ce "type humain" à "l'homme différencié" décrit par Julius Evola dans Cavalccare la tigre, 1961. Dans le cas de Mishima, cette "double citoyenneté" est similaire à la "doctrine des deux États" de Sénèque : chacun de nous est simultanément membre de deux communautés, l'une céleste et l'autre terrestre. Bien que nous connaissions tous le monde terrestre, l'autre monde est défini par Evola : « C'est une patrie qui ne peut jamais être envahie, à laquelle on appartient par une naissance différente de la naissance physique, par une dignité différente de toutes celles du monde mondain et qui unit en une chaîne incassable les hommes qui peuvent paraître dispersés dans le monde, dans l'espace et le temps, dans les nations ».

Lorsque la seconde patrie, la patrie céleste, nous oblige à nier les (faux) principes de la première, la mondaine, la désobéissance ne se traduit pas par un anarchisme confus, mais constitue la seule façon de rester fidèle à son propre être. Mais chaque communauté a un empereur, la terrestre a un empereur terrestre, la céleste un empereur céleste. Lorsque l'empereur terrestre laisse tomber son sceptre, ou le donne aux envahisseurs, c'est à l'empereur céleste qu'il faut être fidèle. Une révolution traditionnelle à tous égards, en somme, qui lui fera écrire, en parlant des membres de la Ligue du Vent Divin : "Plus les dieux adoraient, plus ils étaient inquiets de la situation politique du pays. Et au fil du temps, leur ressentiment contre les autorités s'est accru, car ils avaient la preuve qu'ils s'éloignaient de l'idéal de Maître Oen, si bien qu'il fallait vénérer les dieux comme dans les temps anciens. Il est possible que toute la vie de Mishima ait été une recherche ininterrompue de cet empereur occulte.

Gendokan-ato.JPG

Japon: monument à Maître Oen.

 

Vladimir Avdeev et Eddy O’Sulllivan : In memoriam

B9724928241Z.1_20201014175944_000+GRQGSEAE1.1-0.jpg

Vladimir Avdeev et Eddy O’Sulllivan : In memoriam

Par Enric Ravello Barber

Ex : https://www.enricravellobarber.eu

ur8mMV7Tc3Yfa.jpgAprès plusieurs années de santé défaillante, Vladimir Avdeyev est mort du COVID le 5 décembre à Moscou. J'avais rencontré Avdeev lors de la première rencontre dite « du monde blanc » (2006) organisée par le philosophe russe identitaire Pavel Tulaev.Cette initiative fut un jalon dansle combat métapolitique pour la défense de notre identité et de notre civilisation, une première étape dans la collaboration entre divers penseurs de l'identité de l’Europe, de la Russie et de l'Amérique européenne. Nous avons tous deux prononcé nos discours respectifs, tout comme les autres participants, dans un environnement véritablement stimulant sur le plan intellectuel. Après la clôture des conférences de ce premier « Congrès du monde blanc », un concert de musique classique a été organisé dans la Maison de la musique slave en l'honneur des participants par l'Orchestre de l'Académie nationale russe dirigé par le maestro Anatoly Poletaev, qui a dirigé des morceaux de Grieg, Glinka, Tchaïkovski et Rachmaninov. Le lendemain, visite de la galerie Tretiakov où nous avons pu apprécier des chefs-d'œuvre de l'art russe, et enfin visite du musée du peintre Konstantin Vassiliev, une remarquable peinture de l'époque soviétique à thèmes historiques et mythologiques.

J'ai donc rencontré Vladimir Avdeev à deux reprises lors des congrès successifs organisés par Pavel Tulaev dans la capitale russe (2007-2009), j'ai eu l'honneur de me faire montrer et expliquer par lui le Moscou historique, monumental et orthodoxe. Amusant et affable, il combinait ces traits avec une profonde rigueur scientifique et un dévouement absolu à sa passion : l'anthropologie humaine dont il était une figure de référence mondiale. Il était enthousiaste à l'idée de créer une structure métapolitique avec tous les participants à ces congrès. Je me souviens de nos longues conversations avec Guillaume Faye, David Duke, le brillant intellectuel finlandais Kai Murros et Pavel Tulaev lui-même à ce sujet.

Depuis des années, nous entretenions une relation permanente par courrier électronique, axée sur les questions anthropologiques, historiques et métapolitiques.

424839_178222265654834_865231158_n.jpg

Eddy O’Sullivan

Quelques jours plus tard, le 14 décembre, Eddy O'Sullivan, un vétéran de la lutte pour l'identité britannique, se rendait là où les combattants reposent éternellement. Quelques jours après avoir surmonté le COVID, il n'a pas pu faire de même avec un cancer vicieux récemment détecté.

Eddy était le militant typique forgé dans les rudes partis identitaires britanniques des années 1970 et 1980 : courageux, merveilleusement convaincu de sa cause, dévoué, loyal jusqu'au bout et même au-delà. En tant que responsable local du BNP, il a organisé en 2012, avec le futur éditeurManuel Quesada, une de mes conférences à Manchester, une occasion dont nous avons profité pour nous informer sur la situation de l'immigration dans la troisième ville anglaise, qui était vraiment dramatique avec de grandes parties de la ville totalement islamisées. Je me souviens que nous avons passé les portes de plusieurs écoles lorsque les enfants étaient partis, avec la grande majorité des mères portant voile ou burqa. À l'époque, le BNP, garant d'un nationalisme identitaire fort, avait atteint 6,5 % des voix et obtenu deux députés européens, dont Nick Griffin ; ces deux personnalités se sont rencontrés par l'intermédiaire d'Eddy, le lendemain de ma conférence dans la belle ville de Chester, où je me souviens que nous avions parlé des incursions anglo-saxonnes détectées dès les premier et deuxième siècles après J.-C., c'est-à-dire des siècles avant l'invasion massive, et des différentes façons d'articuler les forces identitaires dans toute l'Europe.

Deux ans plus tard, Eddy a profité de ses courtes vacances à Benidorm pour promouvoir le BNP auprès de la population britannique locale. Je m’y suis rendu aussi pour l’aider dans cette tâche : pour lui, il n'y avait pas de vacances, pas de jours fériés, pas d'heures creuses : tout fragment de temps était pur dévouement à la cause.

En 2017, profitant d'un voyage personnel à Manchester – pour moi, il n'y a jamais de voyage personnel sans activité politique - nous nous sommes revus. Il avait organisé une interview pour une station de radio nationaliste britannique dans laquelle j'ai expliqué la situation politique et migratoire en Catalogne, et je pense que j'ai été la première personne à parler de la Catalogne dans les médias nationalistes britanniques. Ensuite, nous sommes allés dîner et avons commandé de la bière anglaise (ale) et du fish and chips dans la version plus traditionnelle. Nous étions en avance parce qu'Eddy s'était levé tôt le lendemain, pour faire tourner sa petite entreprise de transport, mais je me souviens que sur le chemin, dans sa voiture, nous avions encore eu le temps de rire de la ridicule propagande "antiraciste" qu'ils avaient mise en place à un arrêt de bus. C'est ainsi qu'il était, pure passion, pure force, et surtout homme d’honneur et de dignité.

Deux amis, l'un russe et l'autre anglais, qui nous laissent leurs souvenirs, leur témoignage et leur rêve de créer et de coordonner une élite identitaire européenne, ce qui est aussi mon rêve et mon espoir.

Eddy a toujours répondu face aux difficultés en disant : "Ne jamais se rendre". Il ne se sera jamais rendu - où qu'il était. Nous non plus nous ne nous rendrons jamais et nous continuerons à former les générations qui poursuivront dans cette lutte sacrée et éternelle pour notre vie et pour l'existence de la civilisation européenne. Que personne ne pense jamais à notre possible reddition !

Sleipnir, le cheval à huit jambes de la mythologie nordique

EHeIAq2XYAE8wX_.jpg

Sleipnir, le cheval à huit jambes de la mythologie nordique
 
Via Facebook: Léa Maes
 
Sleipnir est dans la mythologie nordique un cheval fabuleux à huit jambes capable de se déplacer sur le mer et dans les airs, il a des runes gravées sur les dents, connu pour être connu pour être la monture du dieu Odin.
 
Sleipnir est tout d'abord une créature chamanique qui permet à l'Ase suprême de voyager entre les différents mondes.
 
C'est aussi un cheval psychopompe qui emmène les guerriers morts au combat jusqu'à la Valhöll. En sa compagnie, Odin franchit Bifröst, le pont arc-en-ciel qui relie Ásgard et Midgardr et dont la garde est confiée au dieu Heimdallr, lui qui entend l'herbe pousser et chaque feuille tomber, qui voit jusqu'aux confins du monde et n'a nul besoin de sommeil. Ils chevauchent jusqu'aux champs de bataille des hommes et Sleipnir escorte les guerriers valeureux, morts au combat, les Einherjars jusqu'à la prestigieuse halle de son maître, la Vallhöll. Là, les Walkyries, les filles d’Odin, les accueillent et leur offrent l'hydromel de la chèvre Heidrún qui, perchée sur le toit du palais, broute les pousses tendres du frêne Yggdrasil.
 
Cette fonction psychopompe se retrouve dans les coutumes funéraires aristocratiques païennes où un ou plusieurs chevaux sont inhumés ou incinérés à proximité du mort.
 
Il est aussi l’un des seuls chevaux avec Helfest, la monture de Hel à trois jambes à pouvoir se rendre dans le royaume de Hel, la déesse gardienne des morts. Ainsi, lorsque Baldr meurt, Hermódr, un autre fils d'Odin, emprunte Sleipnir à son père afin de se rendre dans le royaume de Hel, supplier la déesse de laisser revenir le dieu.
 
Sleipnir est également fortement lié à l'arbre du monde Yggdrasill, support des neuf mondes de la cosmogonie viking, et il se confond avec lui. Comme l'arbre, Sleipnir peut voyager et relier les mondes entre eux. Chaque jour, Odin le chevauche afin de se rendre au conseil des dieux qui se déroule au pied du frêne Yggdrasil, près de la source d'Urdr. Lorsqu'Odin se pend neuf jours et neuf nuits à l'arbre, afin de connaître le secret des runes, Sleipnir est d'abord attaché au frêne.
 

132736009_845825019582724_6176253904520656839_n.jpg

Lorsque survient le solstice d'hiver, Sleipnir mène la chasse sauvage du dieu à travers le ciel et les bois, galopant devant les Walkyries et les Einherjars. Au jour du crépuscule des Dieux, en ce jour funeste du Ragnarök, Sleipnir mène au combat son maître Odin coiffé d'un casque d'or.
 
Il est le fils de Loki, le seul de ses monstrueux enfants que les dieux gardent près d’eux, père de Grani qui est la monture de Sigurdr.
 
Mon groupe Facebook sur la mythologie nordique/celte :
https://www.facebook.com/groups/718251369069227/

mercredi, 30 décembre 2020

La formation de la mentalité américaine

Depositphotos_59925895_m-2015.jpg

La formation de la mentalité américaine

par Ernesto Milà

Ex: https://legio-victrix.blogspot.com

Peu à peu, la mentalité américaine a pris forme dans ce que l'on appelle aujourd'hui l'American way of life. La "Terre promise" ne pouvait être atteinte que par la souffrance et le travail. Persister dans cette ligne conduirait graduellement à une progression infinie dont le but logique serait la reconstruction du Paradis originel.

Lorsque les impulsions religieuses initiales se sont atténuées, l'idée séculaire d'un progrès et d'un travail infini a persisté. L'enracinement du calvinisme aux États-Unis fut immédiat; pour cette doctrine, la fortune et le succès constituaient le signe indubitable avec lequel la divinité marquait les élus. Le juste était le multimillionnaire, l'homme qui réussissait, et le paria dans sa misère semblait être coupable devant la loi de Dieu.

De tels concepts ne pouvaient qu'aboutir à faire des colons du Nouveau Monde quelque chose de radicalement différent des sujets la métropole. Le problème théologique consistait à expliquer comment le mal était apparu dans le Nouveau Monde, considéré comme une réédition du Paradis, et était même comme le Paradis lui-même. L'explication, d'un manichéisme exaspérant, reliait fondamentalement l'entrée du mal en Amérique à la présence de colons catholiques, français et espagnols. Ce sont eux qui ont armé les indigènes et qui leur ont inculqué leurs mauvaises habitudes. Ce sont eux qui avaient amené l'Antéchrist en Amérique. Les "pères pèlerins" devaient construire un mur contre le mal : ils devaient terminer le cours traditionnel de l'histoire et commencer quelque chose d’entièrement nouveau.

indians.jpg

C'est de ce point de vue que l'on peut comprendre l'inclusion de l'adjectif "New" dans la plupart de leurs fondations : "New York", "Nouvelle-Angleterre", "New Harbor", "Nouvelle-Écosse", etc. Ce n'était rien d'autre que la traduction d'une impulsion intérieure ancrée dans la mentalité des colons : il s'agissait de renouveler le monde.

Bientôt, lorsque l'impulsion religieuse originelle a cédé la place, en sécularisant l'idéal eschatologique, les conceptions du progrès infini et du culte de la jeunesse ont pris forme. Le slogan psychologique associé à la société américaine de ce siècle est "le pays où tout le monde peut devenir président". Harry S. Truman n'était-il pas, par hasard, un vendeur de chemises ? Et Clinton ? N'est-il pas le fils du bourgeois moyen et honnête ?

Comme nous le voyons, l'un des moteurs organisationnels de l'américanisme était la franc-maçonnerie, des institutions qui étaient également influencées par cet esprit. Là, ils ont pris la forme de légendes maçonniques spécifiquement américaines qui distillaient l'identique esprit messianique et régénérateur du monde. L'un d'eux - pourtant en usage dans les magasins américains - affirme qu'un groupe de Templiers a réussi à atteindre les côtes américaines après la persécution de Philippe le Bel. Ils y ont apporté des trésors, des reliques et des rites qui allaient passer à la maçonnerie locale. On dit que les Templiers ont apporté le Graal au Nouveau Monde. Les Indiens n'ont pas partagé cette version...

Du bon sauvage et de l'homme naturel

L'affrontement avec les Indiens a été immédiat : dès les premiers moments de la colonisation, il y a eu confrontation avec les "païens". Les Indiens, bien ancrés dans leur conception du monde, n'étaient pas prêts à embrasser le puritanisme ; leurs principes religieux étaient fortement ancrés dans leur vie sociale, la conversion n'aurait pas représenté seulement l'adoption d'une nouvelle foi, mais le renoncement à la totalité de leur mode de vie.

lazarus.jpgEn 1624, Thomas Morton, un avocat anglais, un des fondateurs du Massachusetts, vendait déjà des armes aux indigènes au nom du vieux paganisme. En 1629, les puritains l'arrêtent après avoir organisé une fête du "mât de mai", équivalent des rites païens de consécration de l'arbre de vie. Ceux qui assistaient à la fête portaient des cornes de cerf et pratiquaient des rites orgiaques. Brûlé à son domicile et arrêté, il est déporté en Angleterre ; il retourne en 1643 en Amérique et est arrêté à nouveau, il meurt en 1647.

Thomas Morton nous met sur la piste d'un élément nouveau qui apparaît dans certains collectifs de la société américaine des origines : des restes déformés du paganisme européen, probablement des cultes telluriens et cinétiques qui, survivants au Moyen Age, ont été assimilés aux rites sataniques du vieux continent. Clandestins et cachés en Europe, ils ont pu s'exprimer avec plus de liberté et de confiance dans le Nouveau Monde.

Le point de vue de Morton ne diffère pas de celui qui a donné la vie aux États-Unis : pour Morton, il s'agissait aussi de retrouver sur le sol américain la pureté des origines. L'Amérique était la patrie du "bon sauvage" ou si vous voulez de "l'homme naturel".

Malgré les activités de Morton en faveur des Indiens, qu'il considérait comme de "bons sauvages", ces derniers avaient, en les puritains, qui exprimaient la tendance dominante de la société américaine, leurs ennemis les plus impitoyables. Les puritains ne pouvaient pas admettre que les "bons sauvages" non seulement ignoraient le message du Christ, mais étaient aussi imperméables à leur prédication.

Depuis le début du XVIIe siècle, parallèlement à la colonisation, les Indiens ont été décimés ; mais ce ne fut pas le cas sur l'ensemble du territoire. Seulement dans le Nord et le Nord-Ouest. Il est curieux de constater que pendant la guerre civile, les tribus indiennes les plus combatives constituaient des unités de cavalerie régulières qui combattaient aux côtés des Confédérés du Sud chez qui le puritanisme était presque totalement absent. Les Indiens Cherokee, les Séminoles, les Choctaws, les Creeks, ont non seulement versé leur sang pour la Confédération et mis leur valeur à son service mais, en plus, ont été les dernières troupes confédérées à se rendre. Il faut savoir que les deux brigades de cavalerie légère, dirigées par le chef cherokee Stan Watie, ont déposé les armes deux mois après la reddition du général Lee.

7cd2af45f1e7b7ee5e0df1f6bab0e430.jpg

imagescavcherokee.jpg

Cavalier cherokee, armée confédérée.

Les puritains voulaient s'adapter au schéma qui avait créé leur fanatisme religieux : eux et pas d'autres étaient les "hommes naturels", les "bons sauvages". Ils vénéraient la simplicité et considéraient l'intelligence comme un trait diabolique : "Plus vous cultivez l'intelligence, plus vous travaillez pour Satan", a exprimé John Cotton. Là où un fermier puritain vivait dans les plaines, il y avait un homme juste. Les villes ont été rejetées comme étant des foyers de corruption dont les ports du vieux continent étaient l’expression la plus extrême et la plus décadente.

Cette conception constitue l'une des origines de l'antagonisme entre les États du Nord et du Sud, qui a conduit d'abord à la guerre d'indépendance, puis à la guerre de sécession. Les colons puritains ont d'abord pensé que la condition sine qua non pour l'avènement du "millénaire" était le retour à la pureté du christianisme primitif, qui se heurtait aux forces démoniaques venues d'Europe, à leurs gentlemen urbains oisifs et vicieux, bref, à la pratique religieuse anglaise comme culte voué à l'Antéchrist.

Mircea Eliade reconnaît que dans la marche vers l'indépendance "l'Angleterre prend la place de Rome", dès que le Sud sera considéré comme l'ennemi pour son raffinement, devant le Nord qui n'a pas hésité à proclamer sa supériorité morale en reconnaissant avec jubilation son infériorité culturelle. Il est frappant de voir comment, pendant la guerre civile américaine, les troupes de Grant, Sherman et Sheridan ont pillé les grandes villes du Sud avec une singulière bonne conscience. Et pourtant, il est strictement vrai que l'esprit missionnaire, puritain et messianique était présent dans une certaine mesure dans les États et les peuples du Sud. Le plus grand des généraux du Sud, Jonathan Jackson, s'est fait l'écho du même esprit lorsqu'il a écrit à sa femme : "Dieu a voulu accorder à ma brigade le rôle le plus important. Je dis cela uniquement pour vous informer d'où vient ma gloire". L'une des raisons de la victoire du Nord sur le Sud est son homogénéité : en effet, le Sud est un agrégat de tendances, parfois opposées, dont le seul élément cimentant est d’être né sur un même territoire.

VHE_StonewallJackson.1946.41.jpg

Général Thomas Jonathan Jackson, armée confédérée.

La vie urbaine n'a été considérée comme respectable que dans les dernières années du XIXe siècle. Et même à cette époque, la vie urbaine était suspecte. Lorsque la révolution industrielle aux États-Unis a triomphé et que les grandes villes ont été créées, les magnats de l'industrie ont mené des activités et offert des dons philanthropiques pour tenter de démontrer que la science et la technologie pouvaient également contribuer à faire triompher les valeurs spirituelles.

Pendant ce temps, l'Europe languissait dans les bouleversements qui ont précédé le renversement de l'ancien régime absolutiste. Les Américains étaient considérés depuis l'Europe, surtout par l'idéologie des Lumières, comme des hommes simples, ressemblant dans leur essence à l'état d'enfance primitive et dotés d’une ingéniosité naturelle spontanée. Leur situation et leurs habitudes contrastaient avec la décadence sophistiquée de la noblesse poudrée, celle des perruques et du tabac à priser, qui détenait le pouvoir en Europe. C'était précisément la vertu la plus appréciée des puritains: la simplicité rustique des gens qui rejetaient la culture parce qu'ils la considéraient comme une démonstration de satanisme emblématique. On peut ainsi comprendre la haine puritaine des Jésuites, grands cultivateurs d'intelligence au service de la papauté. Les "bons sauvages" jouissaient sur le vieux continent d'une réputation exotique étrangère à la mentalité nord-américaine.

C'est précisément cette opinion qui a sauvé l'Europe de l'influence de la mentalité américaine. Tout au long du XVIIIe siècle et après une longue guerre d'émancipation, les colonies du Nouveau Monde ont été libérées de la métropole. La nouvelle société qui y est créée suscite une certaine admiration dans les milieux intellectuels européens, mais c'est précisément cette simplicité primitive qui constitue un obstacle incontournable pour que ces conceptions influencent l'Europe. Ils étaient considérés comme des gens simples et pieux, tolérants, et on les tenait pour des philosophes nés, des hommes justes qui avaient éradiqué le luxe, les privilèges et la corruption ; pourtant, ils demeuraient quelque chose d'impossible à traduire dans les faits quotidiens en Europe.

Il fallait qu'un homme providentiel vienne établir un pont entre le Nouveau Monde et la Vieille Europe. Cet homme fut Benjamin Franklin.

a2c5d65fe2_50141962_franklin-1000.jpg

Franklin est arrivé en Europe avec la réputation d'être un homme juste, simple et sage. La plupart des sources le dépeignent dans le dernier quart du XVIIIe siècle, légèrement chauve, tirant vers l’avant le peu de cheveux qui lui restaient ; un beau jour, alors qu'il voyageait à bord du "Reprisal", il a jeté sa perruque par-dessus bord et ne l'a plus jamais portée. Ce fait apparemment banal a fait sensation dans la société française, où même ses représentants les plus progressistes n'ont pas pu se passer de cet ornement inutile. Ils ont vu dans ce geste une démonstration de simplicité et de pragmatisme. L'anecdote, mille fois répétée dans les salons intellectuels français, suscite un courant de sympathie pour le personnage ; Franklin sait canaliser ce flot d'adhésions au profit des intérêts de la nouvelle nation américaine et de ses idéaux qu'il diffuse en Europe avec un zèle missionnaire.

Condorcet a écrit à propos de Franklin : "C'était le seul homme en Amérique qui avait une solide réputation en Europe... Son arrivée a fait de lui un objet de vénération. On considérait comme un honneur de l'avoir vu : tout ce qu’il disait était répété. Dans chaque invitation mondaine qu'il a dû accepter, dans chaque maison où il a consenti à aller, il a gagné de nouveaux admirateurs dans la société, ce qui a eu pour résultat de faire naître de nombreux autres partisans de la révolution américaine". Voltaire a dit des Quakers américains - une dérivation du puritanisme - que « ces primitifs sont les hommes les plus respectables de toute l'humanité ». Le philosophe allemand Immanuel Kant a écrit à propos de Franklin que « c'est le nouveau Prométhée qui a volé le feu du ciel ». En 1767, il rencontre Mirabeau, au cours de son premier voyage en Europe, l'un des grands animateurs de la future Révolution française. Mirabeau l'a chaleureusement loué : "Franklin est l'homme qui a le plus contribué à étendre la conquête des droits de l'homme sur terre. L'historien Bernard Fay reconnaît l'importance qu'il a eue dans la gestation de la Révolution française : "Tout le groupe des futurs révolutionnaires est autour de lui : Brissot, Robespierre, Danton, La Fayette, Marat, Bailly, Target, Pétion, le duc d'Orléans, Rochefoucauld". Van Doren reconnaît également ce rôle : "Pour les Français, il est le chef de leur rébellion : celle de l'Etat de la nature contre la corruption de l'ordre ancien".

4445988bfa1c370b91a1a9499412c1e6.jpg

Benjamin Franklin a sans doute été le diffuseur des idées de la Révolution américaine en Europe. Certes, certaines de ses valeurs coïncidaient avec celles de l'encyclopédisme, mais, pour celui-ci, il s'agissait d'une idée philosophique, très bien considérée par la monarchie (D'Holbach, un des grands encyclopédistes français a décrit Louis XVI - plus tard guillotiné – comme un "monarque juste, humain, bienfaisant ; père de son peuple et protecteur des pauvres"). Il manquait à l'encyclopédisme un modèle de société alternatif à l'"ancien régime", un lieu réel où il avait été réalisé et où il avait montré sa capacité à vertébrer un nouveau modèle d'organisation sociale. Depuis l'arrivée de Franklin en Europe, la levure révolutionnaire a acquis un modèle et un exemple à suivre.

Mais la promptitude avec laquelle Franklin se fit connaître dans les Gaules est inconcevable si l'on fait abstraction d'un élément capital : l'appartenance du missionnaire américain à la franc-maçonnerie et l'importance exceptionnelle qu'avaient les loges maçonniques pour faire fermenter les idées des intellectuels lors des prémisses de la Révolution française.

Le parti maçonnique est autant le parti de la révolution américaine que celui de la révolution française.

00:49 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, états-unis, mentalité américaine | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

L'art poétique de Pierre Boutang

b5b56b2ae93d3dc958cf0c21c9383b18_XL.jpg

L'art poétique de Pierre Boutang

par Luc-Olivier d'Algange

Dans un texte lumineux, intitulé Sur les traces d'Homère, Pierre Boutang écrit: « Nous ne sommes que des rêveurs, songeurs et chanteurs». Cette affirmation, rien moins que gratuite, situe d'emblée la méditation de Pierre Boutang, quand bien même elle emprunte les voies du discours didactique, dans la perspective d'un Art poétique. Elle ne se laisse comprendre que si nous faisons nôtre une mystérieuse alliance de la poésie et de la raison. La logique du songeur et du chanteur, la logique de l'Art poétique, refuse à la fois l'alternative, qui nous somme de choisir entre la raison et le chant, et le compromis, à savoir l'hypothèse absurde d'une poésie « raisonnable ».

8c8aff71db8663bfa4833d098dc90407.jpgPour Pierre Boutang, comme pour Dante ou pour Maurice Scève, la raison procède de la poésie, et non l'inverse. La raison poétique est la meilleure, car elle est une raison d'être. La poésie ouvre la voie de l'ontologie et de la métaphysique. En amont de la raison (mais non contre elle, comme le préconisaient les Surréalistes qui demeurent là, à leur façon, des positivistes) l'être est l'ensoleillement intérieur du Logos, sa gloire secrète. La poésie est raison d'être, car elle est victoire sur l'oubli de l'être, ressouvenir et pressentiment d'une civilité perdue. Qui entendre et de qui se faire entendre, si le chant ne domine point, si un Songe plus vaste que nous ne nous environne ? Pierre Boutang est poète, car il nous délivre de l'humanisme de la démesure, de l'humanisme outrecuidant.

Poète,  Pierre Boutang, nous délivre des fausses alternatives, qui sont le propre du prosaïsme (l'alternative de l'individu et de la collectivité, par exemple). Qu'opposer, sans fanatisme, mais avec fermeté à l'humanisme de la démesure si ce n'est précisément la Mesure éminente et surnaturelle des retrouvailles avec « la simple dignité des êtres et des choses » dont parlait Charles Maurras. L'entendement du poète est semblable à une voûte romane: songeuse et pleine de raison.

L'œuvre de Pierre Boutang donne confiance: elle ressaisit la pensée avant qu'elle ne soit dévastée par l'écueil nihiliste. Pierre Boutang nous enseigne l'humilité. Or, point d'herméneutique sans humilité. Il faut accueillir en soi (« en soi » et non enfermer dans le Moi, dans la subjectivité) le doux ou violent rayonnement des mots et des choses, le sentiment fugace ou permanent de la présence. Telle est la raison d'être d'une civilité étendue aux plus humbles manifestations, comme aux plus grandioses.

51tNxorEOlL._SX324_BO1,204,203,200_.jpgDélivrée de la subjectivité qui outrecuide, et de la bête de troupeau, l'aventure odysséenne de la pensée débute sous des auspices heureux :  « Cette trace que nous suivons, lumineuse dans les mémoires, indistincte sous la poussière des livres, soudain fraîche comme les joues de la belle Théano, est celle de l'Aède divin. Tout ce qui est de lui nous trouble et nous enchante ». L'humilité est de consentir au ressouvenir et au trouble et à l'enchantement. Les retrouvailles de la poésie et de la raison disent ce consentement de la grande âme reçue par la grandeur du monde. L'intelligence n'est pas l'ennemie de l'enchantement. L'exactitude est enchanteresse, elle compose pour nous, à travers nous, un chant dont nous sommes les messagers. Nous traversons notre chant et ses possibilités prodigieuses de pensée comme Ulysse la mer violette, lorsque l'orage menace, que surviennent les éclaircies, que la chance magnifique est offerte.

Boutang va, à certains égards, plus loin que Maurras. Il nous délivre non seulement de l'illusion de l'individu, il nous délivre de la subjectivité et, mieux encore, des subjectivités agrégées que constituent les « masses » du monde moderne. Nous, c'est-à-dire, quelques rares heureux, quelques audacieux « ondoyants et divers », selon la formule de Montaigne. Ce sens de la minorité n'est pas de l'orgueil; il est l'humilité même, il est la Mesure de la limite agissante de toute parole. C'est folie d'orgueil, démesure maléfique que d'imaginer qu'une parole humaine dût engager dans sa formulation l'avenir de tous les hommes. L'humilité essentielle tient un autre langage, moins flatteur. C'est le langage de l'être lui-même, c'est-à-dire de la possibilité universelle. En toute connaissance de cause, selon la plus harmonieuse et la plus mesurée des raisons d'être, c'est la possibilité universelle qu'il faut sauvegarder. Tel est le sens de la vocation héroïque de Pierre Boutang.

9782710303459.gifPierre Boutang, et c'est tout l'enseignement de son Art poétique, ne croit pas en la formulation, il croit au silence antérieur, au silence lumineux de la toute-possibilité. Le « nationalisme » de Pierre Boutang ne se fonde pas sur un quelconque idéal « identitaire » (l'atrocité du néologisme trahissant déjà l'impasse de la pensée). Notons, en passant que De Gaulle ne parle pas davantage d'identité française, mais d'Idée, dans un sens platonicien. Certes, la formulation n'est pas hasardeuse, gratuite ou aléatoire, mais elle n'est point le tout. Elle témoigne d'une possibilité souveraine qui la dépasse et que Pierre Boutang nomme la « vox cordis », la voix du cœur : « A la différence de tous les "nationalitaires", écrit Pierre Boutang, comme Fichte, dont procèdent toutes les hérésies allemandes racistes ou national-socialistes, Maurras maintenait l'unité de l'esprit humain et se bornait à reconnaître dans la beauté athénienne, l'ordre romain et la civilisation française classique des réussites presque miraculeuses de l'humanité essentielle ».

Il ressortira de ce principe, par le mémorable entretien de Pierre Boutang avec Georges Steiner, une théorie de la traduction. Il est pertinent d'interroger l'œuvre d'un philosophe à partir de sa théorie de la traduction. Pierre Boutang ne croit point que la parole humaine et le Logos dussent se réduire à la particularité immanente des langues. Il ne croit pas que le sens séjourne tout entier dans le langage comme un objet à l'intérieur d'un objet. Le genre littéraire que le préjugé moderne considère comme le plus radicalement intraduisible, la poésie, c'est par lui que Pierre Boutang, dans son magistral Art poétique entend démontrer l'antériorité du Sens sur le signe. Tout poème est traduisible car il est lui-même traduit d'une réalité poétique antérieure au langage. La question est cruciale, non seulement pour le linguiste ou le philologue, mais pour le philosophe, voire pour le politique. Dire la possibilité de la traduction, c'est dire la vive tradition. Si la traduction était impossible, si chaque langue était à jamais emprisonnée dans sa spécificité pour ainsi dire matérielle, la subjectivité triompherait et l'universalité deviendrait impensable. La voix que le poète écoute, dont il témoigne, dont sa langue divulgue les splendeurs, est la « voix du coeur ».

61vvgt52toL.jpgLe poète se tient dans le silence royal et sacré, il appartiendra au traducteur d'oser le même séjour, de faire par l'imagination créatrice ce retour au temps et au site excellents où l'image se manifestera, où elle surgira, prompte et souveraine, pour se saisir des mots qui n'attendaient qu'elle pour renaître des écorces de cendre de leurs usages profanes et profanateurs. Croire en la possibilité de la traduction, c'est parier sur l'esprit qui vivifie contre la lettre morte, c'est interroger la lettre, la prier, l'exhorter, la ravir amoureusement jusqu'à ce qu'elle cède et révèle la lumière incréée. Les lettres qu'écrivent les poètes sont des lettres de feu; elles scintillent dans les ténèbres avant d'être de nuit d'encre sur le papier. Elles sont la trace lumineuse, la trace de la lumière qui, hors d'elle, retrace dans l'entendement du traducteur, un autre poème, qui est le même.

         La traduction, pour Pierre Boutang est une résurrection, non seulement de l'esprit du poème mais aussi du corps et de l'âme du poème. Si la traduction est possible, elle l'est dans sa plénitude. Là encore se tiennent dans une même clarté la raison et la poésie. Le traducteur ne fait pas seulement passer ce qui, du poème, serait raison, en laissant derrière lui comme un bien précieux mais intransmissible, ce qui ne serait que « poétique ».  Le traducteur qui trouve « l'accès au sans accès » du poème, reconnaît, par son aventure même, que l'abstrait et le concret, ou, plus exactement, le sensible et l'intelligible, ressuscitent ensemble car le point d'où le poète et le traducteur les considèrent est le même et qu'il précède leur distinction. Ce n'est que du point de vue du sensible que l'intelligible et le sensible sont distincts. La vox cordis dit leur unité essentielle.

Ainsi, celui qui comprend le mystère de la traduction s'ouvre au Mystère plus haut de l'Incarnation et fait sienne la fidélité, si audacieuse et si novatrice en notre fin de siècle cynique et dérélictoire, qui relie l'œuvre de Pierre Boutang à la Théologie médiévale. Tel est le sens de la traduction qu'il ne peut être compris ni par une banale « perspective historique » ni certes par l'abusive et mensongère immobilité de « l'identité », mais bien par ce mouvement de la pensée qui suit le mouvement de la rosace. Le lecteur qui médite l'œuvre de Pierre Boutang est conduit par un tel mouvement. Peu importe la discipline dont la pensée emprunte le cours pourvu qu'elle revienne au terme de sa course à la vox cordis qui la vivifie, au cœur de la rosace méditée.

 Luc-Olivier d’Algange.

Mythologie personnelle versus équation libérale, ou comment la vie véritable ne peut être qu'"illibérale"

8d7b5d55a68194e713ab378c4ef3bd75.jpg

Mythologie personnelle versus équation libérale, ou comment la vie véritable ne peut être qu'"illibérale"

Par Frédéric Andreu-Véricel

Quelques heures à Paris... entre deux voyages, quelques heures en compagnie de Pierre le Vigan. Quelques heures assez lentes pour que la petite place de Contrescarpe se découvre à sa magie particulière et que la rue Mouffetard entre dans ma "mythologie personnelle".

comme_le_temps_passe-131267-264-432.jpg"Mythologie personnelle", une belle expression, n'est-ce pas ? Cette formule est une invention de Robert Brasillach. Une formule qui m'a fait comprendre - au sens premier du terme de "prendre avec moi"- son roman Comme le temps passe. Un roman, une histoire, une fresque de sentiments qui parle immédiatement à l'âme et de l'âme et qui scintille dans ma mémoire comme un diamant au fond d'une mine.

Comme toutes ces choses qui nous précèdent et nous dépassent, notre "mythologie personnelle" sous-entend un sous-sol, un secret, une vie cachée. Entre voilement et dévoilement de ce que contient la vie véritable, je comprends, grâce à Brasillach, que notre "mythologie personnelle" nous cherche autant que nous la cherchons. Cette relation de chercheur-cherché me parait essentielle à la vie véritable. Bien qu'elle ne donne pouvoir sur rien, elle donne souveraineté sur tout.

Certes, il n'est pas facile de se mettre à l'écoute de sa "mythologie personnelle" au milieu des bruits de la méga-machine libérale car cette machine - la plus redoutable jamais inventée par l'Homme - "refuse le halo autour des choses" et, comme le dit encore Roger Milliot, elle "appelle solidarité la cohabitation".

Le "halo autour des choses" autre belle expression, n'est-ce pas ? On ne peut pas tous être de grands poètes comme Brasillach ou Milliot pour trouver des expressions aussi belles et justes. Cependant, nous pouvons au moins  refuser les mots qui nous nient. Nous pouvons refuser d'être les porteurs de valises remplies de ces concepts trompeurs tels que "libéralisme". Appelons un chat un chat, un Macron un Macron, un connard un connard, par les termes idoines.

Le "libéralisme", qu'est-ce que c'est ? Sinon le logiciel idéologique, en apparence inoffensif, d'une machine qui coupe et qui broie tout sur son passage. C'est pourquoi je préfère à libéralisme le terme de "méga-machine" pour désigner ce processus planétarisé du déboisement de l'imaginaire et de l'appauvrissement des sols.

Ce processus nihiliste (que pourfend très courageusement Pierre le Vigan) est aussi et surtout une dépossession de nos légendes et de nos vies. Il a sa géopolitique propre (le triangle des Bermudes : New York, Tel Aviv, Riad), son dispositif (le déchaînement de la technoscience), son axiome (there is no alternative) et ses thuriféraires, tel qu’Emmanuel Macron déclare : "il n'y a pas de culture française".

Pas de culture française puisque pas de peuple, que des individus "producteurs-consommateurs" dont la finalité sur terre consiste à résoudre une équation individuelle. Pas de mythologie personnelle ou collective, pas d'augures, bon ou mauvais, pas de poésie, mais une équation à résoudre, c'est tout. Alors, quelle place laissée à la vie véritable ? Aucune.

2014_33luddites.jpg

Étrangère à la vie, la "méga-machine" ne reconnaît que l'ordre transparent du nombre, le quantitatif et la planification. Que la planification soit communiste ou libérale, au fond, cela importe peu tant que le bulldozer continue son travail d'expansion infinie.

La mythologie personnelle, la vie comme récit, voire comme récital, doit se réduire au format de l'équation chiffrée ou l'individu rationnel a remplacé la personne, la famille, la patrie et ou le qualitatif est remplacé par le quantitatif. Le monde libéral ne connaît aucun dieu, il ne procure que des joies tristes et des enfers climatisés (Henri Miller).

Que nous votions à gauche ou à droite est aujourd'hui devenu secondaire, l'important, pour le système, est que vous ne sortiez pas de votre équation à trois inconnues. Que les libéraux se rassurent, avec un immobilier parisien qui dépasse désormais les 10.000 euros le m2, il y a toutes les chances que vos vies se réduisent à ces trois inconnues :

-L'inconnue Logement

-L'inconnue Emploi

-L'inconnue Temps de transport entre logement et emploi.

Inutile de dire que cette vie-là laisse peu de place à la mythologie narrative. Nous sommes donc tous plus ou moins (y compris ceux qui tirent apparemment profit du libéralisme) prisonniers de cette équation à trois inconnues. Vous parvenez à résoudre une de ces trois inconnues et c'est alors une autre inconnue qui s'impose à vous, et ainsi de suite. Un jeu de chaise musicale sans musique : voici peut être la définition la plus précise du libéralisme qui me vient à l'esprit.

Mythologie personnelle versus équation libérale, voici en tout cas les termes d'un combat de l'âme. Cela tombe bien, Noël est aussi le théâtre du solstice d'hiver, le combat cosmique entre la lumière et l'ombre. La période de l'année, suivie de douze jours sacrés, où l'équation individuelle est sensée laisser place à sa "mythologie personnelle", où le sapin dressé dans le foyer refait le lien entre la terre et le ciel, où la famille, séparée le reste du temps, refait "mythologie commune".

Voici, peut être, ce que sous-entendent ces "Joyeux Noël !" et "Bonne année !" que l'on scande entre nous sans trop savoir ce qu'ils contiennent. A mon tour de vous souhaiter une mythologie de Noël et du nouvel an la plus réparatrice possible - la plus anti-libérale, a-libérale et il-libérale possible. Je vous laisse le choix de l'adjectif.

Frédéric Andreu-Véricel.

Contact : fredericandreu@yahoo.fr

Kinsey, Rockefeller et la CIA : philanthropie et révolution sexuelle au service du Nouvel ordre mondial

makinsey.jpg

Kinsey, Rockefeller et la CIA : philanthropie et révolution sexuelle au service du Nouvel ordre mondial

Par Judith Reisman et Marion Sigaut

Ex: https://strategika.fr

Dévouée depuis quarante ans à la défense des enfants contre la pieuvre pédosadique, Judith Reisman nous livre sa dernière analyse des liens entre la révolution sexuelle, la philanthropie des Rockefeller et les manipulations de la CIA. Ou la collusion entre la dépravation sexuelle, la science sans conscience et les services secrets.

Marion Sigaut 

Cette traduction et présentation du dernier livre de Judith Reisman est le fruit d’un travail collaboratif. Aussi elle peut comporter des coquilles. Ce dossier vous est offert gratuitement, n’hésitez pas à nous soutenir.  La rédaction de Strategika

RÉSUMÉ

kinsey-la-face-obscure-de-la-revolution-sexuelle.jpgEn 1932, le communiste W.Z. Foster a prédit que la destruction de plusieurs facteurs – « enseignement, moralité, éthique, science, art, patriotisme, religion » – était nécessaire pour l’établissement d’un « Nouvel Ordre Mondial »[1]. La stabilité sociale, économique et sexuelle de l’Amérique reposait jusqu’alors sur les croyances et les lois judéo-chrétiennes : abstinence avant et fidélité pendant un mariage hétérosexuel consenti. La santé et la prospérité américaines attestaient du succès de ce modèle biopsychologique sexuel normal. À partir de 1941, quand l’Amérique s’engagea dans la Deuxième Guerre mondiale, la Rockefeller Foundation (Fondation Rockefeller) commença de financer les travaux du Dr Alfred Kinsey, qu’elle connaissait pour être un sadomasochiste bi- et homosexuel. Le soutien de la Fondation Rockefeller assura un succès immédiat au livre publié par Kinsey en 1948 sous le titre « Sexual Behavior in the Human Male » [Le comportement sexuel de l’homme] ; l’« échelle Kinsey » codifia la « fluidité sexuelle » pour la postérité, assurant à l’auteur une célébrité internationale durable. La Fondation Rockefeller mit Kinsey en relation avec un réseau plus vaste de scientifiques financés également par elle. À partir de 1946 environ, Kinsey travailla en partenariat avec le Columbia-Greystone Brain Project de la Fondation Rockefeller au « Snake Pit »[2] de New York, le Rockland Mental Hospital. Les résultats des études de Kinsey faisant état des réactions sexuelles de patients lobotomisés sont exposés de façon édulcorée dans le livre de l’intéressé paru en 1953 sous le titre « Sexual Behavior in the Human Female » [Le comportement sexuel de la femme].

Le présent document fournit de nouvelles preuves que les 2.034 enfants et bébés (nombre approximatif) violés sexuellement pour établir la « preuve scientifique » – affirmée par Kinsey et appelée à révolutionner le monde – d’un orgasme chez l’enfant et le bébé, ont été trouvés notamment dans ces institutions. 82% des expériences réalisées par Kinsey sur des enfants sont l’équivalent des « techniques d’interrogatoire renforcées » utilisées sur les détenus de Guantanamo Bay soupçonnés de terrorisme. Comme la définition de l’« orgasme » par Kinsey repose sur une symptomatologie qu’on ne peut distinguer d’une crise d’épilepsie, d’un accès de terreur ou de détresse et (ou) d’un traitement par électrochocs, les réactions physiologiques en lesquelles il prétend identifier  un « orgasme » enfantin étaient en réalité d’authentiques réactions traumatiques. Il s’agit donc là d’une fraude kinseyienne découverte récemment, alors qu’elle était présentée comme relevant de la « science » par ceux qui finançaient l’intéressé à la Fondation Rockefeller. Bien loin de confirmer l’authenticité du « choc » organique dans lequel on a voulu voir une spectaculaire découverte scientifique, le présent ouvrage soutient que les travaux sexuels de Kinsey ont servi en partie à des opérations psychologiques (ou OPSPSY)[3] plus poussées servant à justifier un changement social complet.

Alfred Kinsey.jpgDernièrement encore, en 2020, la Fondation Rockefeller s’est vantée d’avoir « financé une révolution sexuelle » par le biais des « rapports Kinsey ». Depuis 1954, on assiste à un blocage efficace des efforts déployés au Congrès pour enquêter sur les travaux sexuels de Kinsey et sur le lien de cause à effet entre la pornographie et l’augmentation incessante des abus sexuels commis sur des enfants. Ceux qui agissent pour les intérêts des Rockefeller ont empêché toute dénonciation publique de Kinsey, non sans promouvoir encore ses conclusions. C’est par l’intermédiaire de Playboy que Hefner, le « héraut de Kinsey », a vendu les mensonges de la Fondation Rockefeller et du protégé de celle-ci.

La retenue sexuelle des générations antérieures – celles qui ont construit l’Amérique – a été travestie en un monceau de fabulations hypocrites ; les relations sexuelles préconjugales, extraconjugales, insignifiantes et sans amour ont été présentées sous un jour séduisant ; et une génération entière ayant Hefner pour gourou a adhéré au cynisme vis-à-vis des relations humaines, au nihilisme et au rejet de toute sagesse reçue. Le Code pénal modèle (MPC) – financé par la Fondation Rockefeller en 1955, élaboré par une équipe ayant l’approbation de celle-ci et citant Kinsey – prétendait inverser les lois relatives au comportement sexuel, y compris celles de 1957 réprimant l’obscénité, et il banalisait les abus sexuels. En 1964, le Conseil d’information et d’éducation sur la sexualité des États-Unis (SIECUS), créé par Playboy et ayant son siège à l’Institut Kinsey (KI), enseignait aux écoles à dénigrer la chasteté, l’hétérosexualité et la monogamie. Bientôt, les dérogations à la législation contre l’obscénité autorisées dans le domaine de l’« enseignement » permirent au projet d’éducation sexuelle K-12 (du jardin d’enfants à la Terminale) d’enseigner aux enfants des comportements sexuels érotiques. Il en a inévitablement découlé une progression constante des viols d’enfants, de la pornographie et des maladies sexuellement transmissibles (MST). En 2014, l’Institut Kinsey a obtenu un statut consultatif auprès des Nations Unies s’agissant des matériels « éducatifs » qui ont pour but de surmonter les instincts d’autoprotection les plus fondamentaux des enfants de tous âges, préparant efficacement ceux-ci à coopérer avec le programme de changement social de la Fondation Rockefeller. Depuis 2019, l’application du KI intitulée « Kinsey Reporter » incite les « scientifiques citoyens » (de tous âges) à enregistrer et signaler anonymement tous les actes ou crimes sexuels. Une enquête congressionnelle sur le réseau criminel constitué par la Fondation Rockefeller, KI, Big Pharma, Big Porn, Big Abort[4], ainsi que les pourvoyeurs et éducateurs en « santé sexuelle », passés et actuels, s’impose d’urgence afin de mettre un terme aux dommages que ces entités ont infligés à trois générations successives dans leur volonté obsessionnelle de mettre en place un Nouvel Ordre Mondial.

la-subversion-sexuelle-nee-des-rapports-kinsey.jpg


[1] William Z. Foster (1932-2016). Toward Soviet America, Hauraki Publishing, Kindle Edition, p. 313.

[2] NdT (Wikipedia) : Mary Jane Ward (ou M. J. Ward), née en 1905 dans l’Indiana et décédée en 1981, était une musicienne et romancière américaine connue pour son roman « La Fosse aux serpents » (The Snake Pit) publié en 1946, puis devenu un film sous le même titre en 1948. Elle s’est mariée à vingt-huit ans à un statisticien. Elle souffrait de troubles psychotiques lorsqu’elle a été hospitalisée au Rockland State Hospital de New York en 1941.

[3] Opérations psychologiques…destinées à faire passer des informations et des indicateurs choisis à des publics dans le but d’influencer leurs émotions, leurs motifs, leur raisonnement objectif, de même que le comportement des gouvernements, organisations, groupes et individus.

[4] NdT : c’est-à-dire – outre la Fondation Rockefeller et l’Institut Kinsey – les grands laboratoires, les éditeurs de pornographie et les partisans de l’avortement.

Présentation vidéo du dossier de Judith Reisman par Marion Sigaut :

00:04 Publié dans Sociologie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sociologie, rapport kinsey, sexualité, états-unis | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mardi, 29 décembre 2020

H.G. Wells’ Dystopic Vision Comes Alive With the Great Reset Agenda

 
Matthew Ehret
 
Ex: https://www.strategic-culture.org
 

700.jpgIn the Time Machine, society one million years in the future has evolved into two separate species called Morlocks and Eloi. The Morlocks represent the ugly dirty producers who by this future age, all live under ground and run the world’s manufacturing. The Eloi are the effect of the inbreeding of the elite, who by this time are simple-minded, Aryan, above-ground dwellers living in idleness and consuming only what the Morlocks produce. What was the trade off?

The Morlocks periodically rise above ground in hunting parties to kidnap and eat unsuspecting Eloi in this symbiotically vicious circle of life.

This famous story was written by a young British writer in 1893 whose ideas and pioneering work in shaping new techniques of cultural warfare which profoundly affected the next 130 years of human history. These ideas led to the innovation of novel techniques of “predictive programming”, and to mass psychological warfare. In contrast to the optimistic views of mankind and the future potential envisioned by the great science fiction writer Jules Verne earlier, Wells’ misanthropic tales had the intended effect of reducing the creative potential and love of humanity that Verne’s work awoke.

To restate the technique more clearly: By shaping society’s imagination of the future, and embedding existential/nihilistic outcomes within his plotlines, Wells realized that the entire zeitgeist of humanity could be affected on a profound level than simple conscious reason would permit. Since he robed his poison in the cloth of “fiction” the minds of those receiving his stories would find their critical thinking faculties disengaged and would simply take in all trojan horses embedded in the stories into their unconsciousness. This has been an insight used for over a century by social engineers and intelligence agencies whose aim has always been the willing enslavement of all people of the earth.

While he is best known for such fiction works as The War of the Worlds, The World Set Free, The Invisible Man, The Island of Doctor Morrow, and The Time Machine, Wells’ lesser-known non-fiction writings like The Open Conspiracy, The New World Order, The Outline of History, The Science of Life and The World Brain served as guiding strategic blueprints for the entire 20th century war against sovereign nation states and the very idea of a society built on the premise of mankind made in the image of God.

Thomas Huxley’s Revolution

The members of the London-centered oligarchy to which Wells had devoted himself at an early age had found themselves stuck in a rut by the turn of the 19th century. These inbred families and retainers who managed the dying British Empire had long been encrusted by the vices of decadence by the time a young man of low breeding and high talent arose amidst the London-ghettos treating syphilis patients as a surgeon’s assistant. This young surgeon’s name was Thomas Huxley.

WYR_BMGH_8379-001.jpg

Huxley possessed a sardonic wit, a deep misanthropy, and an intelligence that were soon discovered by powerful patrons, and by his mid-20’s, this young man found himself a rising star in Britain’s Royal Academy of Science. Here he quickly became a leading creative force, shaping Britain’s powerful X Club, serving as Darwin’s bulldog promoting popular debates featuring himself against literalist members of the clergy. In these debates he argued for Darwin’s chaos-bound interpretation of evolution. He also founded Nature magazine as a propaganda instrument which has been used to enforce scientific consensus favorable to a world empire to this very day.

Huxley chose his opponents carefully, ensuring that he could easily and publicly obliterate the arguments of simple-minded Anglican clergy, and thus convince all onlookers that the only choice they had to account for the evolution of new species was either literal Biblical creationism or his brand of Darwinian evolution. The many alternative scientific theories of the 19th century (such as those found in the works of Karl Ernst von Baer, Georges Cuvier, Lamarck and James D. Dana) which accounted for both the evolution of species, and the harmonics of all parts to a whole, as well as creative leaps were forgotten amidst this false dichotomy which this author unpacked in a recent interview.

https://youtu.be/5yAitkCMvP0

Wells Picks up Huxley’s Torch

During his later years, Huxley mentored a young H.G. Wells, together with a whole generation of new imperial practitioners of the arts of social engineering (and social Darwinism). This social engineering soon took the form of Galton’s eugenics quickly becoming an accepted science practiced across the western world.

51TkzlASuKL._SX315_BO1,204,203,200_.jpgWells was himself the son of a lowly gardener, but, like Huxley, exhibited a strong misanthropic wit, passion and creativity lacking in the high nobility, and he was thus raised from the lower ranks of society into the order of oligarchical management by the 1890s. During this moment of vast potential- and – it cannot be restated enough- the oligarchical order that had grown overconfident during the 200+ years of hegemony were petrified to see the nations of the earth rapidly breaking free from this hegemony thanks to the under the international spread of Lincoln’s American System across Germany, Russia, Japan, South America, France, Canada and even China with Sun Yat-sen’s 1911 republican revolution.

As outlined in Cynthia Chung’s ‘Why Russia Saved the USA’, the oligarchy just no longer seemed to have the creative vitality and sophistication required to snuff out these revolutionary flames.

Wells described this problem in the following terms:

“The undeniable contraction of the British outlook in the opening decade of the new century is one that has exercised my mind very greatly… Gradually, the belief in the possible world leadership of England had been deflated by the economic development of America and the militant boldness of Germany. The long reign of Queen Victoria, so prosperous, progressive and effortless, had produced habits of political indolence and cheap assurance. As a people we had got out of training, and when the challenge of these new rivals became open, it took our breath away at once. We did not know how to meet it…”

The science of population control advanced by Huxley, Galton, Wells, Mackinder, Milner and Bertrand Russell was the basis for a new scientific priesthood and “world government” that would put a stop to the startling disequilibrium unleashed by the electric spread of sovereign nation states, protectionism and commitment to scientific and technological progress.

Fabians, Round Tablers and Coefficients: New Think Tanks Emerge

FabianSociety.jpgH.G Wells, Russell and other early social engineers of this new priesthood organized themselves in several interconnected think tanks known as 1) the Fabian Society of Sidney and Beatrice Webb which operated through the London School of Economics, 2) the Round Table Movement begun by the fortunes left to posterity by the racist diamond magnate Cecil Rhodes which also gave rise to the Rhodes Trust, and Rhodes Scholarship programs established to indoctrinate young talent in the halls of Oxford, and finally 3) the Co-Efficients Club of London. As noted by Georgetown Professor Carol Quigley, in his 1981 The Anglo-American Establishment, membership in all three organizations was virtually interchangeable.

Wells described the rise of these original think tanks and documented the inner elite’s inability to meet the challenge of the times saying: “Our ruling class, protected in its advantages by a universal snobbery was broad-minded, easy going and profoundly lazy… Our liberalism was no longer a larger enterprise, it had become a generous indolence. But minds were waking up to this. Over our table at St Ermin’s Hotel wrangle Maxse, Bellairs, Hewins, Amery and Mackinder, all stung by the small but humiliating tale of disasters in the South African war, all sensitive to the threat of business recession, and all profoundly alarmed by the naval and military aggressiveness of Germany.”

Fearful of the prospect of a US-Russia-China alliance outlined in depth by Fabian/Roundtable members Halford Mackinder and Lord Alfred Milner, the solution was simple: kick over the chess board and get everyone to just slaughter each other. Accounts of the British imperial efforts to orchestrate this war have been told in many locations, but none as efficiently as the 2008 documentary 1932: Speak Not of Parties.

In the wake of the destruction which left 9 million dead on all sides and ruined countless lives, Wells, Russell and the Milner Roundtable became leading voices for world government under the League of Nations (c. 1919) advocating “enlightened cosmopolitanism” to replace the era of “selfish nation states”.

The Battle For World Government

A decade after its founding, the League was less successful than Wells and his co-thinkers would have liked, with nationalists from around the world recognizing the evil hand of empire lurking behind the apparent language of “liberal values and world peace”. Sun Yat-sen, among many others was among the anti-Wellsian voices and warned his fellow Chinese in 1924 not to fall into this trap saying:

“The nations which are employing imperialism to conquer others and which are trying to maintain their own favored positions as sovereign lords of the whole world are advocating cosmopolitanism [aka: global governance/globalization -ed] and want the world to join them… Nationalism is that precious possession by which humanity maintains its existence. If nationalism decays, then when cosmopolitanism flourishes we will be unable to survive and will be eliminated”.

61IsEwG-mWL.jpg

In response to this patriotic resistance across the world, a new strategy had to be concocted. This took the form of H.G. Welles’ 1928 The Open Conspiracy: Blueprint for a World Revolution. This little-known book served as a guiding blueprint for the next century of imperial grand strategy calling for a new world religion and social order. According to Wells:

“The old faiths have become unconvincing, unsubstantial and insincere, and though there are clear intimations of a new faith in the world, it still awaits embodiment in formulae and organizations that will bring it into effective reaction upon human affairs as a whole.”

couverture_lnom_v2-600x877.jpg

In his book, Welles outlines the need for a new scientific gospel to supersede the Judeo-Christian faiths of the western world. This new gospel consisted of a series of tomes which he and his colleague Julian Huxley composed, entitled: 1) The Outline of History (1920) where Wells re-wrote all of history wishing this analysis to replace the book of Genesis, 2)The Science of Life (1930), co-written with Sir Julian Huxley (Thomas Huxley’s Grandson who continued the family tradition along with Aldous), and 3) The Work, Wealth and Happiness of Mankind (1932).

Part of this immense project to create a new coherent synthetic religion to re-organize humanity involved a re-packaging of a Darwinism that was falling out of favor with many scientists of the 1920’s. They recognized its failure to account for obvious features of nature such as directionality in evolution, spirit, intention, ideas and design.

hg-wells-things-to-come.jpg

This re-packaging took the form of the “New Evolutionary Synthesis” which attempted to save Darwin’s theory and its eugenic corollaries using Jesuit priest Pierre Teilhard de Chardin’s doctrine of the “Omega Man”. De Chardin’s system synthesized the foundation of Darwinian assumptions with an acknowledgment of evolutionary directionality, the possibility of spirit, and the existence of mind as a force of nature. The destructive slight of hand used by Chardin was that all of these “transcendent” features of design- spirit, mind, reason, etc.- were: 1) bound to a finite future point of no change which dominated and guided all apparent change in living space time, and 2) binding the world of mind and spirit to the forces of the material world. The Chardin-Huxley-Wells remix kept Darwin’s laws relevant and kept science compatible with imperial modes of social organization.

Outlining the aims of The Open Conspiracy, Wells writes: “Firstly, the entirely provisional nature of all existing governments, and the entirely provisional nature therefore, of all loyalties associated therewith; Secondly, the supreme importance of population control in human biology and the possibility it affords us of a release from the pressure of the struggle for existence on ourselves; and Thirdly, the urgent necessity of protective resistance against the present traditional drift towards war.”

By 1933, the planned Bankers’ Dictatorship, meant to solve the four years’ long great depression and organized during the months-long London Conference, was on the verge of being sabotaged by the recently-elected American President Franklin Delano Roosevelt. It was then that Wells published a new manifesto in the form of a fiction book called ‘Shape of Things to Come: The Ultimate Revolution’. This book (soon made into a Hollywood movie), served as an early tool of mass predictive programming showcasing a world destroyed by decades of global war, pandemic, and anarchy- all caused by… sovereign nation states.

h-g-wells-things-to-come-poster-1936.jpg

The “solution” to these dark ages took the form of a masonic society of social engineers who descended from planes (Wells’ ‘Benevolent Dictatorship of the Air’) to restore order under a world government. Wells had his main character (a social psychologist) state “while the World Council was fighting for and directing and carrying on the unified World State, the Educational Control was remoulding mankind”. The social psychologists managing the World Government were “becoming the whole literature, philosophy and general thought of the world… the reasoning soul in the body of the race.”

The greatest problem to overcome, stated Wells, was “the variability of mental resistance to direction and limits set by nature to the ideal of an acquiescent cooperative world.”

Wells’ hero, Gustav de Windt, was “pre-occupied by his gigantic schemes for world organization, had treated the ‘spirit of opposition’ as purely evil, as a vice to be guarded against, as a trouble in the machinery which was to be minimized as completely as possible.”

In 1932, Wells gave an Oxford speech championing a global order run by liberal fascists saying: “I am asking for liberal Fascisti, for enlightened Nazis”. This was not paradoxical when one realizes that the rise of fascism was never a “nationalist” phenomenon as popular history books have asserted for decades but rather was the artificial consequence of a supranational financier-oligarchy from above who wished to use “enforcers” to bend their societies to a higher will.

The World Brain

WorldBrain.jpgBy the time World War II began, Wells’ ideas had evolved new insidious components that later gave rise to such mechanisms as Wikipedia and Twitter in the form of “The World Brain” (1937) where Wells calls for reducing the English language to a “basic English” of 850 accepted words which would make up a world language. In this book, Wells states that “thinkers of the forward-looking type whose ideas we are now considering, are beginning to realize that the most hopeful line for the development of our racial intelligence lies rather in the direction of creating a new world organ for the collection, indexing, summarizing and release of knowledge, than in any further tinkering with the highly conservative and resistant university system, local, national and traditional in texture, which already exits. These innovators, who may be dreamers today, but who hope to become very active organizers tomorrow, project a unified, if not centralized, world organ to pull the mind of the world together.”

By 1940, Wells wrote the The New World Order which again amplified his message. In writing this,  he coordinated his efforts with the many Fabians and Rhodes Scholars who had infiltrated western foreign policy establishments in order to shape the the war, but more importantly, the post-war global structure. These were the networks that hated Franklin Roosevelt, Vice-President Henry Wallace, Harry Hopkins and other genuine “New Dealers” who wanted nothing more than to destroy colonialism once and for all in the wake of the war.

Wells insists that the “new age of brotherhood” that must guide the new United Nations must not tolerate sovereign nation states as FDR dreamed (and as was formally enshrined in the UN Charter) but must rather be guided by his caste of social engineers pulling the levers of production and consumption within a system of mass “collectivization” saying:

“Collectivisation means the handling of the common affairs of mankind by a common control responsible to the whole community. It means the suppression of go-as-you-please in social and economic affairs just as much as in international affairs. It means the frank abolition of profit-seeking and of every device by which human beings contrive to be parasitic on their fellow man. It is the practical realisation of the brotherhood of man through a common control”.

If Wells’ outlines look similar to those ideas recently made public by the World Economic Forum’s Great Reset, then don’t be surprised.

jasanoff_1-072320.jpg

Wells’ Death and the Continuity of a Bad Idea

With Wells’ 1946 death, other Fabians and social engineers continued his work during the Cold War. One of the leading figures here being Wells’ associate, Lord Bertrand Russell, who wrote in his 1952 The Impact of Science on Society:

“I think the subject which will be of most importance politically is mass psychology…. Its importance has been enormously increased by the growth of modern methods of propaganda. Of these the most influential is what is called ‘education’. Religion plays a part, though a diminishing one; the press, the cinema and the radio play an increasing part… it may be hoped that in time anybody will be able to persuade anybody of anything if he can catch the patient young and is provided by the state with money and equipment.”

“The subject will make great strides when it is taken up by scientists under a scientific dictatorship. The social psychologists of the future will have a number of classes of school children on whom they will try different methods of producing an unshakable conviction that snow is black. Various results will soon be arrived at. First that the influence of home is obstructive. Second that not much can be done unless indoctrination begins before the age of ten. Thirdly verses set to music and repeatedly intoned are very effective. Fourth that the opinion that snow is white must be held to show a morbid taste for eccentricity. But I anticipate. It is for future scientists to make these maxims precise and discover exactly how much it costs per head to make children believe that snow is black, and how much less it would cost to make them believe it is dark gray.”

51Qtrz4m2-L._SX373_BO1,204,203,200_.jpgAlthough the bodies of Wells, Russell and Huxley have long since rotted away, their rotten ideas continue to animate their disciples like Sir Henry Kissinger, George Soros, Klaus Schwab, Bill Gates, Lord Malloch-Brown (whose disturbing celebration of the Coronavirus as a golden opportunity to finally restructure civilization) should concern any thinking citizen. The idea of a “Great Reset” expounded by these modern mouthpieces of history’s bad ideas signals nothing more than a new Dark Age which should turn the stomach of any moral being.

It is here useful to hold the words of Kissinger in mind who had channeled the spectre of Wells telling a group of technocrats in Evian, France in 1992:

“Today, America would be outraged if U.N. troops entered Los Angeles to restore order. Tomorrow they will be grateful! This is especially true if they were told that there were an outside threat from beyond whether real or promulgated, that threatened our very existence. It is then that all peoples of the world will plead to deliver them from this evil. The one thing every man fears is the unknown. When presented with this scenario, individual rights will be willingly relinquished for the guarantee of their well-being granted to them by the World Government.”

Le colonel de réserve Richard Black révèle les vraies raisons de la survie de l'OTAN

C25KMf4XcAEZVIk.jpg

L'OTAN doit être dissoute

Le colonel de réserve Richard Black révèle les vraies raisons de la survie de l'OTAN

Par le Colonel Richard Black

Ex : https://www.tradicionviva.es

SEN. RICHARD BLACK : Je suis très heureux d'être ici à la tribune de l'Institut Schiller, et je veux que vous sachiez à l'avance que j'y viens en tant que « superpatriote américain ». J'ai risqué ma vie des centaines de fois au combat.

Je suis donc très patriote, mais je suis très préoccupé par l'OTAN.

L'OTAN, à mon avis, représente une menace très sérieuse pour la paix mondiale. En fait, c'est la pièce maîtresse de l'état profond. En 1949, l'OTAN a été créée en tant qu'alliance défensive contre l'Union soviétique, qui avait une forte puissance nucléaire. L'Union soviétique, en réponse, a formé le Pacte de Varsovie, six ans plus tard, en 1955. De nombreuses années de guerre froide ont passé. Heureusement, il n'y a pas eu de guerre nucléaire ni de guerre conventionnelle.

La guerre froide a pris fin en 1991, lorsque l'Union soviétique a été dissoute et que le communisme a été définitivement discrédité. Le pacte de Varsovie a été dissous la même année.

Or, en 1991, l'OTAN n'avait aucun but pratique et aurait dû être dissoute. Sa dissolution aurait été une grande chose pour la paix dans le monde. Les perspectives de paix permanente sont très prometteuses.

Col. Richard H. Black (USA Ret.), former head of the Army’s Criminal Law Division of The Pentagon, former State Senator (Va.) Delivered to the Schiller Institute conference December 12, 2020 https://bit.ly/2KMogqn

La distance entre l'Allemagne et le cœur de la Russie était de plus de 3.000 miles, une grande zone tampon contre tout type de lancement accidentel de missile ou d'invasion hostile, d'une manière ou d'une autre. Ainsi, à cette époque, les perspectives d'une troisième guerre mondiale étaient extrêmement éloignées et c'était un très bon moment de l’histoire récente.

Un an plus tôt, en 1990, le président George H. W. Bush et la direction de l'OTAN avaient garanti que si laRussie n'intervenait pas dans la réunification de l'Allemagne, l'OTAN ne se déplacerait pas d'un pouce vers l'est, en direction de la Russie, et celle-ci a accepté cet accord et l'a fidèlement respecté. Mais, l'OTAN a menti, et ils ont menti démesurément. Au lieu de tenir sa promesse, l'OTAN a agi rapidement, jusqu'à aujourd'hui, ils sont à 20 miles de la frontière russe. L'OTAN a donc avancé à peu près sur la même distance que d'un océan à l'autre aux États-Unis, de New York à San Francisco.

Au lieu de dissoudre l'OTAN, l'Alliance est passée de 16 à 30 membres, et ils l'ont fait en présentant faussement la Russie comme la réincarnation de l'Union soviétique, ce qu'elle n'était pas du tout.

ng3lt66hc6051.png

Maintenant, il est important de réaliser que la population de la Russie représente la moitié de celle des États-Unis et que son économie n'a que la taille de celle de l'Italie. Une bonne mesure du risque réel pour la Russie est que l'Allemagne, qui est la plus grande puissance industrielle de l'Europe, a évalué la menace d'une invasion russe comme étant si peu probable qu'elle a réduit le nombre de ses chars de 5000 pendant la guerre froide à 200 aujourd'hui. Presque rien.

Aujourd'hui, Donald Trump a fait campagne pour se retirer de l'OTAN, parce qu'elle était obsolète, et il s'est engagé à normaliser les relations avec la Russie et la Syrie ; cependant, le problème est que cela aurait détruit la {raison d'être}, la raison même de l'existence de l'OTAN et de l'état profond.

Et c'est cette raison principale, à mon avis, qui a fait subir au président Trump des coups continus, qui ont commencé avant son élection et qui ont culminé dans la fraude électorale massive à laquelle nous venons d’assister.

La fausse nouvelle d’une intervention russe dans les processus électoraux américains a mis le président Trump dos au mur. Il a été forcé de changer sa rhétorique anti-OTAN en une demande d'achat d'armes supplémentaires par l'OTAN. Ils l'ont fait et, bien sûr, cela n'a fait qu'exacerber la course aux armements entre l'OTAN et la Russie.

L'OTAN et le complexe militaro-industriel, tout l'État profond, qui emploie des millions de bureaucrates influents, dépendent de la perception par le public de menaces imminentes à leur existence. Des millions d'emplois liés à la défense sont concernés. Mais le fait est que, à l'exception de quelques escarmouches mineures à la frontière avec le Mexique, les États-Unis n'ont jamais été envahis par une nation étrangère depuis la guerre de 1812. À l'époque, nous étions une petite nation faible, et aujourd'hui, nous sommes un gros monolithe dans le monde. Le budget de la défense des États-Unis est si important qu'il dépasse aujourd'hui les dix plus gros budgets de défense de toutes les autres nations. Nous avons trois fois le budget de la Chine, quinze fois celui de la Russie et quarante fois celui de l'Iran. La marine américaine a un tonnage trois fois supérieur à celui de la Russie ou de la Chine. Leurs marines sont primitives : pourtant, nous disposons de 11 énormes forces opérationnelles autour de porte-avions pour projeter notre puissance dans le monde.

aav7_2.jpg

Les troupes de la marine, l'infanterie de marine, sont une indice très parlant de la puissance d'une nation, de sa capacité à envahir d'autres pays par la mer.

Les États-Unis ont quinze fois plus de troupes navales que la Russie et huit fois plus que la Chine.

Ainsi, quiconque imagine que nous pourrions être menacés par une sorte d'invasion n'a qu'à regarder la taille du Corps des marines américains. Et la taille de leurs forces navales et, par suite, de constater que c'est un fantasme.

Avec les États-Unis aux commandes, l'OTAN a opté imprudemment pour des mesures provocatrices contre la Russie, pour augmenter délibérément les tensions, faisant déployer à plusieurs reprises des missions aériennes avec des capacités nucléaires aux abords immédiats de la frontière russe, et juste avant d'atteindre celle-ci, ils décollent et se dirigent dans leur direction. Rien qu'au mois d'août 2020, elle a obligé la Russie à faire décoller ses propres avions pour intercepter ces bombardiers et ce, à 27 occasions différentes.

Les provocations, tant navales qu'aériennes, sont devenues si provocatrices et si risquées qu'en 2019, le président Poutine a pris la décision de révéler son programme d'armes nucléaires hypersoniques, jusqu'alors secret.

Il l'a fait, non pas pour se vanter et impressionner le monde, mais pour éviter toute éventuelle action offensive contre la Russie. Il a ensuite annoncé qu'il allait armer la marine russe et la force sous-marine russe avec des missiles hypersoniques.

En l'absence quasi totale de zone tampon entre l'OTAN et la Russie, ces missiles, qui ne peuvent être interceptés, peuvent atteindre Washington ou New York depuis la Russie en une heure, et pour les missiles tirés par les sous-marins russes en haute mer, en quelques minutes. Ils peuvent littéralement anéantir toute la population de Washington ou de New York.

flotte-wavier-1440x950.jpg

Il s'agit d'un danger extraordinaire auquel le peuple américain est exposé à cause de l’OTAN et de l’Etat profond. Il y a une chose qu'il faut comprendre : {la Russie ne veut pas la guerre.} Ils ne veulent certainement pas d'une guerre nucléaire. Et ils ne peuvent pas combattre les États-Unis et l'OTAN de manière conventionnelle. Mais les États-Unis ont démantelé tous les accords nucléaires, presque tous les traités de désarmement nucléaire.

Ils avaient été péniblement négociés pendant des décennies, et maintenant nous développons des armes nucléaires à petite échelle dont le seul but est de faire de la guerre nucléaire une réalité plus pratique.

Ainsi, l'OTAN, qui défendait autrefois l'Europe, mène maintenant des guerres agressives au Moyen-Orient et est sollicitée pour affronter la Chine et se joindre à cette entreprise, ce qui risque fort de se produire.

Chacune de ces expansions de l'OTAN soulève le spectre d'une guerre nucléaire. Si la troisième guerre mondiale éclate, elle tuera un grand nombre de citoyens américains, et l'OTAN sera tenue pour responsable. Le nombre de morts dépassera celui de toutes les guerres qui ont été menées dans l’histoire ! Il empoisonnerait la Terre avec des radiations. Cela provoquerait un effondrement total du commerce, des transports et de la production alimentaire. Cela pourrait anéantir complètement la civilisation.

Maintenant, il est important pour les Américains de comprendre la géographie du monde. Les États-Unis ont eu la chance d'avoir des océans de dimensions immenses sur leurs deux côtes : le Pacifique, l'Atlantique, qui s'étend sur plusieurs milliers de miles.

Nous ne sommes donc pas menacés. Aucune nation ne peut envahir les États-Unis, et à moins de menacer les autres, il n'y a absolument aucune crainte réaliste de voir éclater une guerre. Les Américains ordinaires ne tirent aucun profit des guerres sans fin que nous menons, sous l'égide de l'OTAN et de nos alliés. Et il est important de comprendre que lorsque le monde sera précipité dans une conflagration nucléaire, les hauts fonctionnaires et les oligarques mondiaux se réfugieront dans des villes souterraines préparées depuis longtemps. Mais le reste d'entre nous sera incinéré à cause de leur folie. Nous devrons alors remercier l'OTAN pour la disparition de la civilisation occidentale.

Merci beaucoup.

Etat du monde: Rétrospective 2020

imagemonde.jpg

Etat du monde: Rétrospective 2020

par

Ex: https://www.polemia.com

En cette fin d’année, retour sur les 10 articles les plus lus en 2020 sur le site de Polémia. Neuvième article le plus consulté cette année, un texte d’analyse géopolitique de Michel Geoffroy, contributeur bien connu de nos lecteurs.
Merci à tous pour votre fidélité et rendez-vous en 2021 pour une nouvelle année de résistance.
Polémia

Par Michel Geoffroy, auteur de La Super-classe mondiale contre les peuples ♦ L’assassinat du général iranien Qassem Soleimani, revendiqué par les Etats-Unis, apporte une nouvelle preuve que la quatrième guerre mondiale a bien commencé. Nous sommes en effet entrés dans la quatrième guerre mondiale, qui a succédé à la troisième – la guerre froide. C’est une véritable guerre des mondes car elle voit s’opposer différentes représentations du monde et aussi parce qu’elle a la stabilité du monde pour enjeu.

Le monde unipolaire contre le monde polycentrique

Cette guerre oppose avant tout les Etats-Unis, de plus en plus souvent alliés à l’islamisme, qui ne comprennent pas que le monde unipolaire a cessé de fonctionner, aux civilisations émergentes de l’Eurasie – principalement la Chine, l’Inde et la Russie – qui contestent de plus en plus leur prétention à diriger le monde.

ukraine_etats-unis1.jpg

Les Etats-Unis, bras armé de la super classe mondiale, veulent en effet maintenir leur rôle dirigeant mondial, acquis après la chute de l’URSS, car ils continuent de se voir comme une « nation unique », comme n’avait pas hésité à l’affirmer encore le président Obama devant une assemblée générale des Nations Unies stupéfaite !

Même affaiblis, ils entendent conserver leur hégémonie par n’importe que moyen, y compris militaires. Avec leurs alliés occidentaux transformés en valets d’armes, ils font donc la guerre au monde polycentrique, c’est-à-dire aux cultures, aux civilisations et aux peuples qui ne veulent pas d’un monde unidimensionnel.

Monde unipolaire versus monde polycentrique, voilà la matrice de la quatrième guerre mondiale.

La dé-civilisation occidentale

Ce que l’on nomme aujourd’hui l’Occident, correspond à un espace dominé et formaté par les Etats-Unis, et n’a plus qu’un rapport lointain avec la civilisation qui l’a vu naître, la civilisation européenne.

L’Occident aujourd’hui correspond à l’espace qu’occupe l’idéologie de l’américanisme : le matérialisme, l’individualisme fanatique, le culte de l’argent, le multiculturalisme, le féminisme hystérique, le messianisme, l’idéologie libérale/libertaire, et une certaine appétence pour la violence, principalement.

corporate_pandemonium_26_by_andi3olotic.png

Cet Occident fait la guerre aux autres civilisations, y compris à la civilisation européenne, car les « valeurs » qu’il se croit en droit de promouvoir partout par la force, sont en réalité des antivaleurs, des valeurs mortelles de dé-civilisation. Pour cette raison aussi, la civilisation européenne entre en décadence, alors que la plupart des autres civilisations renaissent au 21ème siècle

La quatrième guerre mondiale recouvre donc un affrontement civilisationnel : le choc entre les civilisations renaissantes de l’Eurasie et la culture de mort véhiculée par l’américanisme.

Et ce choc contredit la croyance cosmopolite en l’émergence d’une unique civilisation mondiale.

Le mythe américain de la paix démocratique

Depuis la chute de l’URSS, les Etats-Unis sont passés d’une stratégie d’endiguement du communisme à une stratégie d’élargissement de leur modèle de société à tous les peuples, comme l’a annoncé sans détour Bill Clinton devant l’Assemblée générale des Nations Unies en 1993 : « Notre but premier doit être d’étendre et de renforcer la communauté mondiale des démocraties fondées sur le marché »[1].

Cette stratégie expansive correspond à la croyance dans la « paix démocratique » selon laquelle les Etats démocratiques seraient pacifiques par nature et parce que le modèle américain serait profitable à tous.

Mais, comme le souligne Christopher Layne[2], il s’agit d’une illusion : car rien ne vient confirmer que l’instauration de la démocratie au niveau d’un Etat annule les effets structuraux de la pluralité contradictoire des puissances et des intérêts au plan international.

1323071150_140_921_big.jpg

Mais, surtout, la croyance dans la paix démocratique conduit nécessairement à souhaiter le renversement des Etats « non démocratiques » – les Etats-voyous selon le langage imagé nord-américain contemporain – pour que des démocraties leur succèdent. Mais cette présomptueuse volonté de changement de régime[3] – qui a beaucoup de points communs avec l’islamisme implique une ingérence conflictuelle dans les affaires intérieures des autres Etats.

L’impérialisme de la démocratie n’a donc rien à envier au plan belliqueux à tous les autres impérialismes et ce n’est pas un hasard si dans leur courte histoire, les Etats-Unis ont été si souvent en guerre[4] !

La guerre chaotique occidentale

La quatrième guerre mondiale se déroule pour le moment principalement dans l’ordre géoéconomique : elle a pour enjeu la maîtrise des ressources énergétiques mondiales et celle des flux économiques et financiers et notamment la remise en cause de la domination du dollar, instrument de la domination globale des Etats-Unis puisqu’il leur permet de financer facilement leur arsenal militaire démesuré.

Mais elle se déroule aussi sur le terrain des guerres infra-étatiques et des « guerres civiles » internationalisées car commanditées de l’extérieur.

Depuis la fin du bloc soviétique, les Occidentaux, emmenés par les Etats-Unis, n’ont eu de cesse en effet d’encourager la destruction chaotique des puissances susceptibles de contrer leur projet de domination mondiale. Il s’agit de créer partout des poussières d’Etats impuissants et rivaux en application du vieux principe « diviser pour régner » !

La destruction de la Yougoslavie (1989-1992), suivi de la guerre illégale de l’OTAN au Kossovo (1998-1999) a constitué le coup d’envoi de la quatrième guerre mondiale.

Ces conflits ont contribué à affaiblir la périphérie de la Russie et aussi, par contre coup, à déstabiliser l’Union Européenne : désormais ingouvernable à 28 ou à 27 états et dirigée de fait par une Allemagne atlantiste, l’Union Européenne, ne compte quasiment pas sur la scène internationale comme acteur indépendant !

ob_3b3cd8_ob-1828fb-otan-encercle-russie.jpg

Encercler la Russie

De même, la fin de l’URSS n’a nullement mis fin à la politique américaine d’encerclement de la Russie. Comme on le dit parfois avec humour : « la preuve que la Russie est menaçante : elle à mis ses frontières exprès à côté des bases de l’OTAN ! »

Car il s’agit de programmer l’émiettement de la puissance russe : notamment en encourageant la sécession Tchétchène (guerre de 1994 à 2000) et en soutenant les révolutions de couleur[5] qui organisent à chaque fois la mise en place de nouvelles équipes politiques anti-russes. Et bien sûr en s’efforçant de satelliser l’Ukraine grâce à la « révolution » d’Euromaïdan (hiver 2013 à février 2014), ayant, par un heureux hasard, abouti à la destitution illégale du président Yanoukovytch qui souhaitait le maintien des relations privilégiées avec la Russie[6]. Et aussi, par contre coup, à la séparation de la Crimée et à la guerre dans le Donbass.

Le scénario Euromaïdan s’est d’ailleurs aussi reproduit en Amérique Latine : avec le renversement en 2017 du président de l’Equateur, le radical Rafael Correa en 2017 et son remplacement par un pro-occidental, Lenin Moreno ; la tentative de déstabilisation du président du Venezuela, Nicolàs Maduro en fin 2018 ; les menaces contre Ortéga Président du Nicaragua et contre Cuba [7], présentés comme « la troïka de la tyrannie » par les Etats-Unis ; le renversement du président de la Bolivie Evo Morales en 2019, suite à un coup d’état institutionnel ayant conduit à… annuler sa réélection.

La guerre civile partout !

Mais c’est au Moyen et au Proche-Orient que la stratégie chaotique occidentale est la plus aboutie.

Avec la « guerre contre le terrorisme » en Afghanistan qui dure depuis… 18 ans, la seconde guerre d’Irak (2003) ; la déstabilisation de la Lybie, menée par la France (opération Harmattan), la Grande Bretagne et l’OTAN de mars à octobre 2011 – qui a provoqué par contrecoup la « crise migratoire » de 2015 en Europe et un chaos civil qui n’en finit pas[8]– et enfin la « guerre civile » en Syrie à partir de 2011, qui se termine en 2019 avec la défaite totale de l’Etat Islamique, suite à l’intervention décisive de la Russie à partir de 2015 ; sans oublier la guerre au Yemen.

unnamedarmsyr.jpg

Les uns après les autres, les Etats susceptibles de constituer un pôle de puissance et de stabilité, dans une région qui représente un enjeu énergétique majeur, mais aussi une mosaïque de peuples, de religions et où aucune frontière n’est jamais sûre, ont ainsi été attaqués et durablement déstabilisés. Avec toujours le même résultat : non pas la « démocratie », mais le chaos, la guerre civile, des milliers de morts civils et la voie ouverte à l’islamisme radical. Et la mainmise américaine sur les ressources énergétiques comme en Syrie.

Comme l’écrit le géopoliticien Alexandre Del Valle, il « suffit pour s’en convaincre de voir ce que sont devenus les Etats afghan, irakien, libyen, ou même l’ex-Yougoslavie, aujourd’hui morcelée en mille morceaux «multiconflictuels» comme la Macédoine, la Bosnie-Herzégovine ou le Kossovo, autant de pays déstabilisés durablement par les stratégies cyniques pro-islamistes et ou anti-russes et anti-bassistes des stratèges étatsuniens [9]».

Et toujours selon le même scénario : des bobards médiatiques à répétition (soutien du terrorisme, épuration ethnique, armes de destruction massive, utilisation de gaz contre la populationetc…) servent à présenter à l’opinion occidentale l’agression contre des Etats souverains, en violation des principes des Nations Unies, comme une opération humanitaire !

L’Iran prochaine victime ?

Les Etats-Unis n’ont jamais caché que l’Iran était le prochain sur la liste du « changement de régime ». L’assassinat du général Qassem Soleimani, revendiqué par les Etats-Unis , venant après la récusation américaine du Traité sur le nucléaire iranien et le soutien américain ostensible aux manifestations en Iran, s’inscrivent à l’évidence dans une stratégie de changement de régime en devenir.

Mideast-Iran-Armed-Fo_Muha.jpg

Même s’il s’agit d’un très gros morceau à avaler.

L’Iran, avec plus de 82 millions d’habitants en 2019, retrouve en effet progressivement son rôle de puissance régionale, héritière lointaine de l’empire Perse, qu’il jouait au temps du Shah. Il dispose aussi des 4èmes réserves prouvées de pétrole et des 1ères réserves de gaz mondiales….

L’Iran chiite développe son influence politique et religieuse sur un arc qui part de sa frontière afghane pour rejoindre l’Irak, la Syrie et le Liban. Il concurrence l’islam sunnite sous domination Saoudienne et soutenu par les Etats-Unis, qui regroupe, lui, l’Egypte, la Jordanie, les Etats du Golfe et la péninsule arabique. La confrontation avec l’Iran constitue un enjeu majeur pour l’Arabie Saoudite, d’autant que sa minorité chiite se concentre dans sa région pétrolifère et aussi pour Israël.

Dans un tel contexte, un conflit, direct ou indirect, entre les Etats-Unis et l’Iran ne pourrait qu’avoir de très graves répercussions mondiales.

Les Etats-Unis, véritable Etat-voyou

Le président Trump, qu’une certaine droite adule curieusement alors qu’il embarque allègrement les Européens dans la quatrième guerre mondiale, adopte à l’évidence un comportement qui tranche avec la relative prudence de ses prédécesseurs. Même si la ligne politique de cette nation messianique reste la même.

Radio-Hour-Yemen-127-4x3-Crop_2.jpg

En fait, les Etats-Unis se croient désormais tout permis, en véritable Etat-voyou : récuser les traités qu’ils ont signé, relancer la course aux armements nucléaires[10], imposer des « sanctions » unilatérales à toute la planète sans aucun mandat du conseil de sécurité des Nations Unies, espionner les communications mondiales y compris celles de leurs « alliés », s’ingérer dans les affaires intérieures des Etats, taxer arbitrairement les importations, tuer des responsables politiques et militaires étrangers sans aucune déclaration de guerre etc…

Et l’on s’étonne encore que l’image de marque des Etats-Unis et de leurs « croisés » occidentaux, décline dans le monde, en particulier dans le monde musulman ?

Comme le souligne Alexeï Pouchkov[11] , ancien président de la commission des affaires étrangères de la Douma, la présidence Trump incarne une Amérique fiévreuse et nerveuse car elle a pris conscience de sa fragilité croissante dans le monde polycentrique qui vient. Une Amérique qui se tourne aussi de plus en plus vers elle-même pour faire face à ses problèmes intérieurs croissants.

Make America Great Again – rendre l’Amérique de nouveau grande -, le slogan de campagne du candidat Trump, revient à reconnaître que, justement, l’Amérique a perdu de sa superbe alors qu’elle ne se résout pas à abandonner sa suprématie.

Une contradiction dangereuse pour la paix du monde !

Michel Geoffroy
Initialement publié le 07/01/2020

Notes:

[1] Le 27 septembre 1993

[2] Christopher Layne « Le mythe de la paix démocratique » in Nouvelle Ecole N° 55, 2005

[3] Regime change en anglais

[4] On dénombre pas moins de 140 conflits et interventions américaines dans le monde depuis le 18ème siècle même s’ils sont évidemment d’ampleur très variables

[5] Révolution des roses en Géorgie (2003), révolution orange en Ukraine (2004) et révolution des tulipes au Kirghizstan (2005); sans oublier la deuxième guerre d’Ossétie du Sud opposant en août 2008 la Géorgie à sa province « séparatiste » d’Ossétie du Sud et à la Russie ; un conflit étendu ensuite à une autre province géorgienne , l’Abkhazie.

[6] Une Ukraine dans l’UE et dans l’OTAN provoquerait le contrôle américain de la mer Noire

[7] Après «l’empire du mal», qui désignait l’URSS dans les années 1980 et «l’axe du mal», qui qualifiait les pays réputés soutenir le terrorisme dans les années 2000, un nouveau concept est venu de Washington pour identifier les ennemis des États-Unis: c’est la «troïka de la tyrannie».Dans un discours sur la politique de Washington concernant l’Amérique latine, John Bolton, conseiller à la sécurité du Président américain a désigné en novembre 2018 : le Venezuela bolivarien de Nicolas Maduro, le Nicaragua de Daniel Ortega et Cuba, où Miguel Diaz-Canel a succédé aux frères Castro.

[8]Le pays est actuellement secoué par le conflit armé entre les forces du maréchal Khalifa Haftar, et son rival installé à Tripoli, le Gouvernement d’union nationale (GNA) reconnu par l’ONU

[9] RT France du 10 avril 2019

[10] Les Etats -Unis se sont retirés le 1er février 2019 du traité sur les armes nucléaires de portée intermédiaire (en anglais : intermediate-range nuclear force treaty INF) – signé en 1987 par Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev, et l’un des grands symboles de la fin de la guerre froide – Ils se montrent déjà réticents à prolonger pour cinq ans le traité New Start – ou Start III – sur les armements nucléaires stratégiques qui, signé en 2011, arrive à échéance en 2021.Les Etats-Unis se sont aussi retirés du traité ABM en 2001

[11] Conférence de présentation de son ouvrage « Le Jeu Russe sur l’Echiquier Global » le 14 novembre 2019

 
Michel Geoffroy, ENA. Essayiste, contributeur régulier à la Fondation Polémia ; a publié en collaboration avec Jean-Yves Le Gallou différentes éditions du “Dictionnaire de Novlangue”.

Que deviendra l'Europe de la défense sans Trump ?

Soldat-devant-drapeau-européen.jpg

Que deviendra l'Europe de la défense sans Trump ?

L'Union européenne continuera à être seule face à ses démons

Par Raul Suevos

Ex : https://www.tradicionviva.es

Nous sommes en pleine période d'euphorie depuis la victoire de Biden ; il semble que le « président de l'Europe » ait été élu sur base d'innombrables articles dans la presse européenne et espagnole. On mesure la rapidité avec laquelle les dirigeants de chaque pays se sont félicités ou, selon le cas, on interprète l'absence de réaction. Il en va toujours de même avec l'intronisation du nouveau César, dans tout l'Empire, des gestes sont attendus, d'une manière ou d'une autre.

Il y a un aspect, je crois, que les analystes n'ont pas encore abordé et qui cache une importance de tout premier ordre pour l'avenir de l'Europe. C'est la Défense, la Défense européenne, avec des majuscules, un élément sous-jacent dès le début, dès la création même du sujet politique européen. La défense est évidemment un élément intégrateur auquel Donald Trump avait donné, indirectement, la plus grande impulsion depuis la naissance de l'Union avec la Communauté européenne du charbon et de l'acier en 1951, un instrument destiné uniquement, au départ, au maintien indéfini de la paix sur le continent et qui a fini par donner naissance à un géant économique.

La politique étrangère de Trump a été farouchement isolationniste, avec des manifestations constantes de désaffection envers les pays européens, individuellement et dans leur ensemble. Certains de ses débordements resteront dans l'histoire de la diplomatie mais, dans l'ensemble, ils ont servi à mettre la peur dans le corps des dirigeants européens qui, ces dernières années, coïncidant avec sa présidence, ont mené un énorme effort dans la construction de cette nécessaire Défense européenne, avec le Fonds européen de Défense, au sein de la Coopération structurée permanente : il s’agit là d’une réalisation majeure parmi d'autres également significatives.

Il reste beaucoup à faire, surtout dans le domaine des opérations à l'étranger, où des vies nationales sont perdues et avec elles le soutien électoral dans le pays, mais la situation actuelle est bien meilleure qu'à la fin du mandat d'Obama. Les attentes sont grandes maintenant avec l'arrivée de Biden, mais je ne suis pas sûr que cela suscitera un avenir brillant.

europe_defense_-_la_croix.png

Il est difficile de croire que le nouveau président va soudainement changer la politique étrangère isolationniste ; sa préoccupation restera la Chine, vers laquelle Obama a déjà infléchi l'intérêt des États-Unis. Et Poutine, malgré sa guerre et ses préoccupations politiques - il vient d'obtenir un cessez-le-feu dans le Haut-Karabakh dont le principal bénéficiaire sera Erdogan - ne sera pas une raison suffisante pour modifier le retrait américain en Europe. L'Union européenne continuera à être seule avec ses démons.

Le problème est qu'une lecture superficielle peut amener de nombreux partenaires à penser qu'avec Biden ici, il ne vaut plus la peine de poursuivre la construction de la Défense européenne, et cela nous laisse nus au milieu d'un monde en ébullition, alors qu’aucune des menaces n’a disparu, bien au contraire.

lundi, 28 décembre 2020

Hommage à Stefan George

Stefan-George-the-best-photo.jpg

Hommage à Stefan George

par Luc-Olivier d'Algange

La poésie est un combat. Aussi sereine, désinvolte ou légère qu’on la veuille, si éprise de songes vagues ou du halo des mots qui surgissent, comme l’écume, de l’immensité houleuse de ce qui n’est pas encore dit, la poésie n’existe en ce monde que par le dévouement, le courage, l’oblation martiale de ses Serviteurs. A ce titre, toute poésie est militante, non en ce qu’elle se voudrait au service d’une idéologie mais par la mise en demeure qu’elle fait à ceux qui la servent de ne servir qu’elle. Nul plus que Stefan George ne fut conscient de cette exigence à la fois héroïque et sacerdotale qui pose la destinée humaine dans sa relation avec la totalité de l’être, entre le tout et le rien, entre le noble et l’ignoble, entre l’aurore et le crépuscule, entre la dureté du métal et « l’onde du printemps» :

 

« Toi, toujours début et fin et milieu pour nous

Nos louanges de ta trajectoire ici-bas

S’élèvent Seigneur du Tournant vers ton étoile… »(1)

 

Melchior_Lechter,_Zeichnung_für_Stefan_George,_Der_siebente_Ring,_1907.jpg

Le cours ordinaire des jours tend à nous faire oublier que nous vivons brièvement entre deux vastitudes incertaines qui n’appartiennent point à ce que l’homme peut concevoir en terme de vie personnelle, et qu’à chaque instant une chance nous est offerte d’atteindre à la beauté et à la grandeur en même temps que nous sommes exposés au risque d’être subjugués par la laideur et la petitesse. Depuis que nous ne prions plus guère et que nos combats ne sont plus que des luttes intestines pour le confort ou la vanité sociale, ce qu’il y a de terrible ou d’enchanteur dans notre condition nous fait défaut. Nous voici au règne des « derniers des hommes » dont parlait Nietzsche. Pour Stefan George, la poésie est un combat car le monde, tel qu’il se configure, n’en veut pas. La poésie n’est pas seulement le combat de l’artiste avec la matière première de son art, elle est aussi un combat contre le monde, un « contre-monde » selon la formule de Ludwig Lehnen, qui est, pour des raisons précises, le contraire d’une utopie. Pour Stefan George, ce n’est pas la poésie qui est l’utopie, le nulle part, mais ce monde tel qu’il va, ce monde du dernier des hommes auquel la poésie résiste :

 

« Ainsi le cri dolent vers le noyau vivant

Retentit dans notre conjuration fervente » (2)

 

On peut, certes, et ce sera la première tentation du Moderne, considérer cette majestueuse, hiératique et solennelle construction georgéenne comme une illusion et, de la sorte, croire la récuser. Il n’en demeure pas moins que cette illusion est belle, que cette illusion, si illusion il y a, entraîne en elle, pour exercer les pouvoirs du langage humain, le sens de la grandeur et du sacrifice, l’exaltation réciproque du sensible et de l’intelligible. Force est de reconnaître que cette « illusion » si l’on tient à ainsi la nommer, est à la fois la cause et la conséquence d’une façon d’être et de penser plus intense et plus riche que celles que nous proposent ces autres illusions, ces illusions subalternes dispensées par les sociétés techniciennes ou mercantiles, voire par les idéologies dont les griseries sont monotones et fugaces :

« Et renferme bien en ta mémoire que sur cette terre

Aucun duc aucun sauveur ne le devient sans avoir respiré

Avec son premier souffle l’air rempli de la musique des prophètes

Sans qu’autour de son berceau n’eût tremblé un chant héroïque. » (3)

 

Stefan_George_-_Der_siebente_Ring._Blätter_für_die_Kunst,_1907.jpg

L’éthique georgéenne s’ordonne à des Symboles et à une discipline qui resserre l’exigence autour du poïen. Ascèse de la centralité, du retour à l’essentiel, de l’épure, cette éthique rétablit la précellence d’une vérité qui se laisse prouver par la beauté en toute connaissance de cause. Pour Stefan George, rien n’est moins fortuit que la poésie. Loin d’être le règne des significations aléatoires ou de vagues divagations de l’inconscient, la poésie est l’expression de la conscience ardente, de la lucidité extrême. L’Intellect n’est point l’ennemi de la vision, bien au contraire. L’Image n’advient à la conscience humaine que par le miroir de la spéculation. Toute poésie est métaphysique et toute métaphysique, poésie. On peut considérer cette poésie métaphysique comme une illusion, Stefan George se refusant à en faire un dogme, mais cette illusion demeure une illusion supérieure dont la supériorité se prouve par la ferveur et la discipline qu’elle suscite :

« Seul peut d’aider ce qu’avec toi tu as fait naître –

Ne gronde pas ton mal tu es ton mal lui-même…

Fais retour dans l’image retour dans le son ! » (4)

Notons, par ailleurs, que ceux-là mêmes qui « déconstruisent » et « démystifient » avec le plus d’entrain les métaphysiques sont aussi ceux qui s’interrogent le moins sur les constructions et les illusions banales comme si, du seul fait d’être majoritaires à tel moment de l’Histoire, elles échappaient à toute critique, voire à toute analyse. La pensée de Stefan George se refuse à cette complaisance. Peu lui importe le jugement ou les habitudes de la majorité. Plus humaniste, au vrai sens du terme que des détracteurs, Stefan George prend sa propre conscience comme point de référence à la conscience humaine. Il éprouve la conscience, la valeur, la volonté, la possibilité et la création à partir de son propre exemple et de sa propre expérience : méthode singulière où l’on peut voir aussi bien un immense orgueil qu’une humilité pragmatique qui consisterait à ne juger qu’à partir de ce que l’on peut connaître directement, soi-même, et non par ouïe dire, précisément à partir d’un « soi-même » dont l’exemplarité vaut bien toutes les représentations et tous les stéréotypes du temps :

« Seuls ceux qui ont fui vers le domaine

Sacré sur des trirèmes d’or qui jouent

Mes harpes et font les sacrifices au temple..

Et qui cherchent encore le chemin tendant

Des bras fervent dans le soir – d’eux seuls

Je suis encore le pas avec bienveillance

Et tout le reste est nuit et néant. » (5)

stefan_george_by_peregrinus86_d2wai71-pre.jpg

Pour Stefan George, croire que sa propre conscience ne puisse nullement être exemplaire de la conscience humaine, ce serait consentir à une démission fondamentale, saper le fondement même du « connais-toi toi-même » c’est-à-dire le fondement de la pensée grecque du Logos qui tient en elle le secret de la liberté humaine. Si un seul homme ne peut, en toute légitimité, donner tort à ses contemporains, fussent-ils en majorité absolue, toute pensée s’effondre dans un établissement automatique et général de la barbarie, voire dans une régression zoologique : le triomphe de l’homme-insecte. Toutefois, à la différence de Stirner, George ne s’appuie pas exclusivement sur l’unique. Sa propre expérience de la valeur, il consent à la confronter à l’Histoire, ou, plus exactement à la tradition. Son « contre-monde » se fonde à la fois sur l’expérimentation du « connais-toi toi-même » et sur la tradition qui nous juge autant que nous la jugeons. L’humanitas, en effet, ne se réduit pas aux derniers venus quand bien même ils s’en prétendent être l’accomplissement ultime et merveilleux. Ce que le dépassement de sa propre conscience exige de lui, ce qu’exige son sens de la beauté et de la grandeur, son refus des valeurs des « derniers des hommes », Stefan George le confronte à ce que furent, dans leurs œuvres, les hommes de l’Antiquité et du Moyen-Age, les Prophètes, les Aèdes, les moines guerriers ou contemplatifs, non pour être strictement à leur ressemblance mais pour consentir à leur regard, pour mesurer à l’aune de leurs œuvres et de leurs styles, ce que sa solitude en son temps lui inspire, ce que sa liberté exige, ce que son pressentiment lui laisse entrevoir :

« Nommez-le foudre qui frappa signe et guida :

Ce qui à mon heure venait en moi…

Nommez-le étincelle jaillie du néant

Nommez-le retour de la pensée circulaire :

Les sentences ne le saisissent : force et flamme

Remplissez-en images et mondes et dieux !

Je ne viens annoncer un nouvel Une-fois :

De l’ère de la volonté droite comme une flèche

J’emmène vers la ronde j’entraîne vers l’anneau » (6)

curt-stoeving-stefan-george.jpg

Si la joie de Stefan George n’était que nostalgie, elle ne serait point ce salubre péril pour notre temps. La nostalgie n’est que le frémissement du pressentiment, semblable à ces ridules marines qui, sous le souffle prophétique, précèdent la haute vague. Il ne s’agit pas, pour George, de plaindre son temps ou de s’en plaindre mais de le réveiller ou de s’en réveiller, par une décision résolue, comme d’un mauvais rêve. La décision georgéenne n’est nullement une outrecuidance ; elle a pour contraire non point une indécision, qui pourrait se targuer de laisser les hommes et le monde à eux-mêmes, mais une décision inverse, également résolue :

« Possédant tout sachant tout ils gémissent :

‘’Vie avare ! Détresse et faim partout !

La plénitude manque !’’

Je sais des greniers en haut de chaque maison

Remplis de blé qui vole et de nouveau s’amoncelle –

Personne ne prend… » (7)

De même que l’on ne peut nuire à la sottise que par l’intelligence, on ne peut nuire à la laideur que par la beauté. Les promoteurs du laid sous toutes ses formes sont si intimement persuadés que la beauté leur nuit qu’ils n’ont de cesse d’en médire. La beauté, selon eux, serait archaïque ou élitiste et, quoiqu’il en soit, une odieuse offense faite à la morale démocratique et aux vertus grégaires. Le plus expédient est de dire qu’elle n’existe pas : fiction aristocratique et platonicienne dépassée par le relativisme moderne. Sans entrer dans la dispute fameuse concernant l’existence ou l’inexistence de la beauté en soi (et devrait-elle même exister pour être la cause de ce qui existe ?) les démonstrations en faveur de l’une ou de l’autre hypothèse tiennent sans doute plus à ce que l’on éprouve qu’à ce que l’on raisonne. La beauté telle que la célèbrent Platon ou Plotin est moins une catégorie abstraite qu’une ascension, une montée, une ivresse. Cette beauté particulière, sensible, lorsqu’elle nous émeut, lorsque nous en éprouvons le retentissement à la fois dans notre corps, dans notre âme et dans notre esprit, nous la voulons éternelle. La pensée platonicienne, surtout lorsque s’en emparent les poètes, autrement dit le platonisme qui n’est laissé pas exclusivement à l’usage didactique, est une ivresse, une extase dionysienne qui, par gradations infinies, entraîne l’âme du sensible vers l’intelligible qui est un sensible plus intense et plus subtil. Entre le Sens et les sens, Stefan George refuse le divorce. Sa théorie de la beauté, et le mot « théorie » renvoie ici à son étymologie de contemplation, dépend de ce qu’elle donne ou non à éprouver à travers ses diverses manifestations. Eprouvée jusqu’à la pointe exquise de l’ivresse, la beauté devient éternelle. On peut certes discuter de la relativité des critères esthétiques, selon les temps et les lieux, il n’en demeure pas moins que par l’expérience que nous en faisons, la beauté nous arrache à la temporalité linéaire pour nous précipiter dans un autre temps, un temps rayonnant, sphérique, harmonique, qui n’est plus le temps de l’usure, ni celui de la finalité. Confrontée à cette expérience, la pensée platonicienne édifie la théorie de la beauté comme splendeur du vrai qui n’exclut nullement l’exclamation rimbaldienne : «  O mon bien, ô mon beau ! » car cette beauté en soi n’est « en soi » que parce qu’elle se manifeste en nous. Elle nous doit autant que nous lui devons et réalise ce que les métaphysiciens nomment une « unité supérieure à la somme des parties » :

« … Instant intemporel

Où le paysage devient spirituel et le rêve présence.

Un frisson nous enveloppa… Instant du plus grand heur

Qui couronnait toute une vie terrestre en la résumant

Et ne laissait plus de place à l’envie de la splendeur

De la mer parsemée d’îles de la mer divine. »(8)

Stefan_George.jpg

La beauté n’appartient ni à l’Esprit, ni à la chair mais à leur fusion ardente. Sauver la cohésion du monde, son unité supérieure pour garder en soi la multiplicité, la richesse des contradictions, la polyphonie des passions, ce vœu exactement contraire à celui des Modernes, Stefan George en appellera pour le réaliser « aux Forts, aux Sereins aux Légers », qu’il veut armer contre les faibles, les excités et les lourds, autrement dit les hommes grégaires, acharnés à peupler le monde de leurs abominations sonores non sans, par surcroît, être de pompeux moralisateurs et les infatigables publicistes de leur excellence, au point de considérer tous les génies antérieurs comme leurs précurseurs. Tout Moderne imbu de sa modernité est un dictateur en puissance éperdu d’auto-adulation mais en même temps extraordinairement soumis, soucieux de conformité sociale, « bien-pensant », zélé, esclave heureux jamais lassé de s’orner des signes distinctifs de son esclavage. Le Moderne « croit en l’homme », c’est-à-dire en lui-même, mais ce « lui-même », il consent à ce qu’il soit bien peu, sinon rien ! Rien ne lui importe que d’être à ses propres yeux supérieur à ses ancêtres. La belle affaire ! Ceux-ci étant morts, il s’en persuade plus aisément.

« Ne me parlez d’un Bien suprême : avant d’expier

Vous le ravalez à vos existences basses…

Dieu est une ombre si vous-mêmes pourrissez !

(…) Ne parlez pas du peuple : aucun de vous ne soupçonne

Le joint de la glèbe avec l’aire pavée de pierres

La juste co-extension montée et descente –

Le filet renoué des fils d’or fissurés. »(9)

L’œuvre est ainsi un rituel de résistance à l’indifférenciation, c’est-à-dire à la mort : rituel magique, exorcisme au sens artaldien où la sorcellerie évocatoire et l’intelligence aiguë s’associent en un même combat contre Caliban. Pour Stefan George, rien n’est dû et tout est à conquérir, ce qui relève tout autant d’une haute morale que d’une juste pragmatique. Chaque espace de véritable liberté contemplative ou créatrice est conquis de haute lutte contre les autres et contre soi-même. Il n’est d’autre guerre sainte, pour Stefan George, que celle qui sauve, qui sanctifie la beauté de l’instant.

9783743735040.jpg

A l’heure où l’Europe fourvoyée se désagrège, on peut voir en Stefan George l’œuvre ultime de la culture européenne. Cet Allemand nostalgique de la France, disciple de Shakespeare et de Dante, ce poète demeuré fidèle dans ses plus radicales audaces formelles aux exigences et aux libertés de la pensée grecque nous donne à penser que l’Europe existe en poésie. Une idée, une forme européenne serait ainsi possible mais qui ne saurait se réaliser en dehors ou contre les nations. Pour Stefan George, l’Idée européenne jaillit des profondeurs de l’Allemagne secrète, autrement dit de ces puissances cachées, étymologique, ésotériques qui gisent dans le palimpseste de la langue nationale. Evitons un malentendu. Certes, la poésie, comme nous en informe Mallarmé, est faite non avec des sentiments ou des significations mais avec des mots, mais ces mots participent d’une poétique qui engage la totalité de l’homme et du monde. La poésie qui n’est point confrontation avec la totalité de l’être n’est que babil, « inanité sonore ». Toute chose possède son double hideux ; celui de la poésie est la publicité.

La poésie de Stefan George est militante, mais en faveur d’elle-même, où, plus exactement, en faveur de la souveraineté du Symbole dont elle témoigne, du dessein dont elle est l’accomplissement. La poésie est au service de son propre dessein qui, loin de se réduire aux mots, s’abandonne aux resplendissements de l’Esprit dont les mots procèdent et qu’ils tentent de rejoindre sur ces frêles embarcations que sont les destinées humaines. Stefan George dissipe ainsi le malentendu post-mallarméen. Son œuvre restitue aux vocables leur souveraineté. On distingue d’ordinaire dans l’œuvre de Stefan George deux époques, l’une serait vouée à « l’art pour l’art », dans l’influence de Villiers de l’Isle-Adam et de Mallarmé, l’autre, qui lui succède, serait militante, au service de l’Idée et de l’Allemagne secrète. L’une n’en est pas moins la condition de l’autre. Mallarmé et Villiers sont pour  Stefan George, « les soldats sanglants de l’Idée ». Villiers est un écrivain engagé contre le « progrès » et contre l’embourgeoisement du monde. Mallarmé poursuit une « explication orphique de la terre ». C’est en accomplissant l’exigence de la poésie, en amont, que la poésie et la politique se rejoignent. Toute politique procède de la poésie. Rétablir la souveraineté de la poésie, c’est aussi rétablir celle de la politique contre le monde des insectes, contre le triomphe du subalterne sur l’essentiel.

Luc-Olivier d’Algange.

  • L’Etoile de l’Alliance, éditions de la Différence, page 9
  • , page 19
  • Ibid., page 29
  • , page 37
  • , page 49
  • Ibid., page 43
  • Ibid., page 51
  • Ibid., page 139
  • Ibid., page 59

Stefan George, L’Etoile de l’Alliance, Traduit de l’allemand et postfacé par Ludwig Lehnen (éditions de la Différence)

51BNTJn7yUL.jpg

 

Quatre Livres d'Histoire pour Mieux Comprendre le Monde

visuel.jpg

Café Noir N.03

Quatre Livres d'Histoire pour Mieux Comprendre le Monde

Café Noir – Un Autre Regard sur le Monde.
Émission du Vendredi 25 décembre 2020 avec Pierre Le Vigan et Gilbert Dawed. 
 
François Reynaert – La Grande Histoire du Monde (Livre de Poche) https://bit.ly/3mKqt2Y
François Reynaert – La Grande Histoire du Monde Arabe (Livre de Poche) https://bit.ly/38yjaqc
Sébastien Rauline – L'Histoire pour Tous (Ellipse) https://bit.ly/2JksULY
Hugh Thomas – Histoire Inachevée du Monde (Robert Laffont) https://bit.ly/3aJ0dUr
 

00:24 Publié dans Actualité, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, histoire | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Les intellectuels populistes en Amérique latine. Quelques perspectives

5d49c4485f1b9.png

Les intellectuels populistes en Amérique latine. Quelques perspectives

Par Cristián Barros

Ex : https://www.geopolitica.ru

Pour une grande partie de l'opinion académique et libérale, le populisme est un terme aussi vague que péjoratif. Le populisme est grégaire, moraliste, clientéliste, charismatique, cathartique et irrationnel, et il poursuit un programme économique de redistribution à court terme, purement conjoncturel. En tant que mouvement, il est nostalgique de la petite propriété et abhorre à la fois la centralisation bureaucratique et la division du travail. Sa base démographique tend à être constituée de groupes prémodernes tels que la paysannerie et les artisans - ou encore le Lumpenproletariat. Très souvent, le populisme est considéré comme le terreau de courants politiques autoritaires. Ainsi énoncé, le stigmate peut facilement devenir un anathème : le populisme représente finalement l'avatar inconscient du fascisme.

Ce n’est pas étonnant car le populisme constitue une étiquette hétérogène voire hétéroclite, parce qu’elle désigne des phénomènes très différents, et dont la fonction taxonomique est de prolonger un cordon sanitaire autour d'une entité suspecte et rebelle. Cependant, la construction rhétorique du populisme par l'orthodoxie académique trahit les craintes mêmes des citadins libéraux et des universitaires du courant dominant, qui regardent avec méfiance l'émergence de la politique sans médiation, de l'action directe et de la démocratie plébiscitaire. En conséquence, le populisme et les intellectuels ont toujours semblé en désaccord, puisque le populisme proclame la futilité - voire la perniciosité - d'une classe cléricale.

81Zj9GuPi8L.jpg

Néanmoins, le populisme est en soi une tradition intellectuelle respectable, dont les partisans ont engagé dès le début un dialogue controversé avec le rationalisme politique dans ses versions libérales et marxistes - et ont résolument influencé le second ! Certes, les Narodniki russes de la fin du XIXe siècle ont été les pionniers du populisme et du socialisme agraire, et les premiers à élaborer une critique solide des téléologies libérales et marxistes, défiant l'idée de progrès dans ses formes tant linéaires que dialectiques.

220px-Voroncov,_Vasilij_Pavlovich.jpgLe populisme russe a scandalisé la rationalité bourgeoise car il visait à suspendre les travaux du capital et à rétrograder l'économie vers l'agriculture et le pastoralisme communaux. En ce sens, le populisme était non-téléologique et non-universaliste, soulignant le caractère exceptionnel du développement périphérique russe. Néanmoins, le rejet de la modernité capitaliste par les populistes était loin d'être une utopie romantique négative. Vassily Vorontsov (photo), un économiste populiste, considérait la Russie, une nation modernisatrice tardive, incapable de rattraper les pays capitalistes matures, compte tenu de l'accès restreint de la Russie aux marchés et technologies internationaux. En effet, le populisme avait une vision plus vive, plus sophistiquée et moins mécanique des « relations cœur-périphérie » que le marxisme vulgaire. Il est intéressant de noter que les auteurs narodniki ont exploré les contextes de dépendance du capitalisme mondial, et ont ainsi anticipé la théorie du développement inégal et combiné -notion attribuée à tort à Trotsky.

220px-Ткачёв_Пётр_Никитич.jpgIl est vrai que le marxisme canonique n'avait même pas de théorie de l'impérialisme, que Lénine a improvisée après avoir bricolé avec les thèses sur l'impérialisme formulées par Hobson, sans les connotations antisémites. Marx lui-même a atténué sa vision naïvement progressiste et whiggish du capitalisme grâce aux études de Kovalevsky sur l'obschina et la question agraire (1879). Le populiste Tkachev (photo) a également influencé Lénine sur les questions tactiques. De plus, Podolinsky a fait progresser les calculs énergétiques et écologiques, afin d'affiner l'analyse métabolique du capitalisme. Après l'Octobre rouge, le sociologue agrarien Tchaïanov a conçu un modèle rigoureux d'économie domestique paysanne. Pendant ce temps, Kondratieff - membre du Parti social révolutionnaire, une version du populisme parlementaire - a tracé les cycles à long terme de l'expansion technologique et financière depuis les années 1750, sans nul doute une oeuvre géniale.

II

Vers les années 1900, l'Amérique latine ressemblait à la Russie sous plusieurs aspects. Les deux régions languissaient dans un retard relatif, l'inertie étant par intermittence dynamisée par les aubaines que pouvaient constituer les exportations ponctuelles de matières premières. Bien que l'autocratie éclairée soit une caractéristique particulière de la Russie (et aussi du Brésil jusqu'en 1889), le reste de l'Amérique latine abondait en républiques peu représentatives, de style Potemkine, dominées par des cliques mercantiles. Sur le plan démographique, les paysans et les anciens serfs peuplaient les vastes espaces des deux blocs continentaux, tandis que l'analphabétisme et l'urbanisation chaotique ont donné naissance à une intelligentsia déracinée et inorganique.

Personnalités_des_arts_et_des_lettres_-_Alexandre_Herzen.jpgLa bohème russe et les rastaquouères sud-américains se sont retrouvés au carrefour que fut Paris à la Belle Époque, ressentant leur propre étrangeté aux portes de la culture métropolitaine. D'où un sentiment commun d'aliénation. D'où aussi la ruée vers la refonte et la mise à jour de leurs propres sociétés. Mais était-ce possible ? Était-ce même souhaitable ? Le zèle des Russes et des Latino-Américains pour l'aggiornamento s'est très vite éteint et s'est transformé en frustration. Le progrès matériel semblait être un horizon toujours plus lointain et, s'il était enfin réalisable, ses sombres conséquences décourageaient l'émulation. Telle était, par exemple, l'attitude de Herzen (photo) après de longs séjours à l'Ouest - Herzen lui-même un libéral repenti qui devint le doyen et le mentor du narodnischestvo. Les provinciaux hésitaient à adhérer pleinement au projet de modernité universelle et à sa fugue vers l'avenir.

Parallèlement, la réponse latino-américaine à l'Angst (l’angoisse) moderne fut l'Arielismo, la poétisation du retard économique en tant que forteresse contre l'industrialisme et le pragmatisme anglo-saxons. Ariel était l'esprit de légèreté qui s'opposait au génie terrestre Caliban, les personnages antagonistes de Shakespeare dans le cadre épique de La Tempête. Ariel incarnait la plupart des vertus prétendument latines de l'honneur et de la religion, tandis que Caliban était un daimon tellurique dont le déchaînement précipiterait le monde dans le matérialisme de base. Il est clair que ce discours n'était qu'une consolation esthétique, bien qu'il révèle un certain complexe d'infériorité. Jusqu'à présent, l'arielismo était un thème agréable et inoffensif pour les conversations d'après-dîner sous les régimes libéraux oligarchiques. Ce n'est que dans les années 1910, en particulier avec le déclenchement de la révolution mexicaine, que l'opinion publique a connu un changement radical. Les masses rurales ont commencé à se révolter.

III

Ironiquement, celui qui est souvent reconnu comme le premier marxiste d'Amérique latine est en réalité son premier populiste théorique. L'écrivain et activiste Juan Carlos Mariátegui est l'auteur des Sept thèses interprétatives sur la réalité péruvienne (1928), essai qui revendique la prééminence des contextes locaux et nationaux sur la pensée sociale eurocentrique appliquée passivement. Il a critiqué le positivisme formulé de la Seconde Internationale, ainsi que le scolastique soviétique naissante. Il a plaidé pour une interprétation contextuelle, organique et in situ des réalités sociales, en évitant le doctrinarisme abstrait.

imagesmariat.jpgEn même temps, il assimile les thèmes volontaristes précédemment posés par le syndicaliste révolutionnaire Georges Sorel, notamment la grève générale, d'où découle un nouvel élan mythique pour les luttes populaires. Pendant son exil en Italie dans les années 20, Mariátegui a été témoin du double processus, que fut la montée du communisme et du fascisme, héritier de la décomposition de la social-démocratie révisionniste. Ce phénomène qui l'a intrigué. À ce titre, il a adopté un point de vue indigéniste concernant la population autochtone du Pérou, une approche qui rappelle le vieux populisme. Bien qu'il soit un socialiste engagé, Mariátegui a subtilement nuancé le protagonisme du prolétariat moderne. Rétrospectivement, le volontarisme et l'indigénisme - sans parler de l'analyse de la dépendance coloniale - peuvent rapprocher Mariátegui de la matrice populiste plutôt que du marxisme officiel.

portada.jpgEn fait, l'indigénisme reste un élément fort du populisme latino-américain, en particulier au Mexique et dans les pays andins. Sa principale éclosion s'est produite dans le sillage de la révolution mexicaine, qui s'est cristallisée dans une législation corporatiste protégeant les propriétés foncières collectives indiennes (ejidos) et donc l'agriculture de subsistance. Quoi qu'il en soit, l'institutionnalisation complète de la révolution mexicaine n'a eu lieu que sous le gouvernement de Lázaro Cárdenas (1934-1940), connu pour sa nationalisation du pétrole et l'approfondissement de la réforme agraire. La figure clé de toute cette période est José Vasconcelos, éducateur, polymathe éclectique et apologiste de la synthèse culturelle et raciale du peuple mexicain.

L'essai de Vasconcelos intitulé La race cosmique (1925) présente un rare mélange de darwinisme social optimiste et de messianisme laïc. Pour le dire avec humour, Vasconcelos est une sorte de Spengler à l'envers, puisque l'auteur mexicain exalte le métissage et postule un avenir extatique en perspective, où toutes les différences humaines pourraient trouver une réconciliation finale. De manière inattendue, sa réputation d'humaniste a subi un sérieux revers après avoir soutenu les puissances de l'Axe. Il admire les expériences fascistes pour leur élan mobilisateur lors des turbulentes vicissitudes, une situation qui ressemble alors à un scénario mexicain. Bien qu'antiraciste accompli, Vasconcelos professait toujours un patriotisme métaphysique pittoresque - d'où la tension entre son universalisme et son nativisme. Tout au long de sa carrière, Vasconcelos a été un détracteur acharné des puissances atlantiques. 

Jose-Vasconcelos-1914.jpg

cover.jpg

Vivant sur les rives du Pacifique, Víctor Raúl Haya de la Torre a été une figure importante au Pérou et au Mexique, où il a trouvé refuge après avoir été expulsé de son propre pays pour des raisons politiques. Né au Pérou en 1895, Haya de la Torre a fondé peut-être le seul parti national d'Amérique latine avec de véritables projections continentales. Il est à l'origine, en 1924, de l'Alliance populaire révolutionnaire américaine (APRA), un mouvement formellement social-démocrate avec de forts tropismes populistes, qui a fini par dégénérer en démagogie, en corruption parlementaire et en clientélisme rampant. Malgré cela, les débuts de l'APRA étaient prometteurs. L'APRA a inspiré la formation du Parti socialiste du Chili en 1933, qui a adhéré à un programme anti-impérialiste et anti-oligarchique, n'accordant qu'un intérêt de pure forme aux orthodoxies figées des marxistes. À cette époque, des purges internes ont eu lieu parce que les rivalités entre staliniens et trotskystes entravaient l'action politique des partis communistes locaux, laissant un vide bientôt comblé par ce nouveau socialisme populiste.

Victorraulhayadelatorre.jpg

aa.jpg

IV

Selon la sagesse populaire, Lázaro Cárdenas au Mexique, Gétulio Vargas au Brésil et José Domingo Perón en Argentine ont incarné les aventures du populisme à travers le continent. Le péronisme est probablement le cas le plus étudié des trois, étant aussi le plus dramatique et le plus important dans la modélisation du système politique argentin jusqu'à présent. Caméléonesque et mercuriel, le péronisme a recueilli en son sein un éventail disparate de tendances : Intégrisme maurrassien, syndicalisme, fascisme, coopérativisme et même trotskysme. Bien que la position pro-travailliste soit apparue très tôt à l'époque de Perón, la ferveur anti-impérialiste s'est réellement enflammée après la révolution cubaine (1959), épisode qui a déclenché l'émergence de guérillas urbaines pendant l'exil de Perón dans l'Espagne franquiste. À l'origine, l'archétype évident du péronisme était le fascisme italien, dont le général argentin a copié à la fois la politique et le style. Logiquement, la législation sociale a suscité le soutien véhément de la classe ouvrière, en particulier des travailleurs de l'arrière-pays métis, les cabecitas negras – les "petites têtes noires", une comparaison ornithologique plutôt que raciste.

05d50fe89e9cb25342d250079a0deb8b.png

Curieusement, un groupe d'anciens intellectuels sociaux-libéraux désenchantés a préparé la voie au péronisme en tant qu'idéologie. Ils ont formé un conclave d'historiens révisionnistes, qui ont jugé de façon critique les truismes libéraux sur le passé républicain de l'Argentine, lui-même marqué par la dépendance coloniale envers la Grande-Bretagne - ainsi, l'avènement de la modernité pour l'Argentine n'a pas été une libération politique mais simplement un asservissement impérial. Le nom du groupe, FORJA (forge, creuset), était censé transmettre un sentiment de rectification virile par l'effort et l'endurance, et proposait une renaissance industrielle. FORJA a officiellement duré une décennie entière (1935-1945), bien que ses échos prosélytes résonnent encore aujourd'hui. Ses membres les plus prolifiques furent Arturo Jauretche et Raúl Scalabrini Ortiz, propagandistes zélés d'un évangile nationaliste de gauche.

Gaffeurpatenté d'origine basque et rustique, Jauretche dénonce le système de la Banque centrale et l'entrée de l'Argentine au FMI (Plan Prebisch, 1956) comme des mécanismes de dépendance mis en place par l'impérialisme atlantique. Il s'aligne avec conviction sur Perón, dont la première administration (1946-1955) a réussi à isoler l'Argentine des exigences de la finance internationale. De même, Jauretche a été une figure importante du révisionnisme historique latino-américain, contrevenant ainsi aux mythes conventionnels du dogme libéral depuis l'indépendance (1810). Il a anticipé la plupart des résultats de la théorie des dépendances, bien qu'il les ait exprimés avec un flair journalistique tout personnel et intellectuellement instable. Dans l'ensemble, il était l'économiste du pauvre, occupant le poste de directeur de banque au début du péronisme. Jauretche lui-même a eu un certain impact sur le jeune Ernesto Laclau, le père de ce dernier étant en bons termes avec Jauretche - On Populist Reason (2005), livre de Laclau a récemment renouvelé les études sur notre sujet, celui de la redoute post-marxiste.

1946_-Eva-Perón.jpg

Rétrospectivement, on peut affirmer que 1910, 1929 et 1959 ont marqué les itinéraires axiaux du populisme pour l'Amérique latine. La révolution mexicaine a fourni les thèmes agraires et indigénistes, tandis que le crash de Wall Street a bouleversé les économies latino-américaines orientées vers l'exportation, provoquant des réactions protectionnistes et développementales d'un hémisphère en ruines. Trois décennies plus tard, la Révolution cubaine a électrisé les nouvelles générations et a poussé le nationalisme plébéien dans une position ouvertement anti-impérialiste. Soit dit en passant, le virage à gauche de l'Église catholique a fait apparaître un autre moment intéressant pour l'effervescence populiste. Cette évolution a été incarnée avec éloquence par les conférences épiscopales de Medellín (1968) et de Puebla (1979). En conséquence, la Théologie de la Libération a revigoré les traditions missionnaires de la Contre-Réforme et a catalysé une vague de communautés paysannes militantes, notamment au Nicaragua et au Brésil, où le Sandinisme et le MST (« Mouvement des Sans Terre ») sont actuellement des acteurs majeurs sur la scène politique.

Le souverain, c’est la communauté et non l'État

Alberto-Buela-min.jpg

Le souverain, c’est la communauté et non l'État

Alberto Buela (*)

Il faut essayer d'appeler les choses par leur nom pour pouvoir comprendre ce dont on parle. Ainsi, lorsque nous essayons de parler de l'État, nous devons clarifier une série de concepts adjacents tels que communauté, société, gouvernement, nation, peuple afin de comprendre de quoi nous parlons.

Répétons tout cela une fois de plus.

La communauté est un groupe de personnes qui vivent sur un territoire et partagent des valeurs et des expériences. La société, c’est le même groupe humain, mais au lieu de partager des valeurs, ils partagent des contrats, c'est pourquoi Marx pourrait dire que l'entreprise est le cœur de la société civile. Nous vivons ensemble, nous devons prendre soin les uns des autres, tandis que dans la communauté, nous nous complétons et nous nous aidons les uns les autres. La proximité qui existe avec les autres est un élément de la communauté. Dans la société, la philanthropie s'exprime à travers l'idée de fraternité, tandis que dans la communauté, la charité est la règle. Aujourd'hui, dans un échange intellectuel, la dernière encyclique Fratelli Tutti mélange tout, la fraternité avec la charité, la communauté avec la société dans un salmigondis inextricable où "un âne est pareil à un grand maître".

Le gouvernement est l’instance qui détient le pouvoir et c'est donc lui qui conçoit les fins à atteindre. Alors que l'État arbitre les moyens pour y parvenir. Le gouvernement est centralisé en un seul pouvoir exécutif et l'État est décentralisé en tant qu'organe exécutif.

Les fonctionnaires de l'État (à partir du niveau de directeur) sont les administrateurs des biens publics afin que les mesures prises par le gouvernement (ministres, secrétaires et sous-secrétaires) soient appliquées efficacement.

L'État n'a pas d' « être en soi » mais n'est et n'existe que dans son appareil, c'est-à-dire les différents ministères et secrétariats.

Cette distinction entre gouvernement et État, qui est claire et évidente dans le péronisme, ne se retrouve ni dans les différentes formes de démocratie ni dans le socialisme ni dans le fascisme.

43218_dalmacio_negro_pavon__imagen__youtube_.jpg

Dalmacio Negro Pavon.

À ce sujet, le philosophe et politologue Negro Pavón affirme : "Le gouvernement existe depuis le début des temps en tant qu'institution naturelle ou normale de la politique, l'État étant une exception (moderne, ajoutons-nous). Les formes historiques de la politique ont été, sont et seront probablement des gouvernements sans Etat".

L'État a été créé en tant que sujet neutre, présidant la coexistence de groupes humains antagonistes, pour éviter les guerres de religion entre catholiques et protestants. Sa période historique, à proprement parler, commence avec les révolutions américaine et française de 1776 et 1789. Bien qu'historiquement le premier État moderne soit l'État espagnol avec l'union des couronnes de Castille et d'Aragon.

41sP7gf7NnL._SX285_BO1,204,203,200_.jpgL'État moderne qui est né dans le cadre de l'économie capitaliste libérale s'est soumis à la loi aveugle de l'offre et de la demande comme seul critère de justice, mais ses contradictions et les demandes du peuple, surtout à partir du milieu du XIXe siècle, ont produit un changement qui s'est réalisé à partir de la troisième décennie du XXe siècle.

Ainsi, l'État-providence est apparu là où l'État a acquis plus de pouvoir afin de remplir la fonction de régulation de l'économie. Cette période a duré jusqu'aux années 1980, après quoi l'État est devenu obèse comme un éléphant, multipliant le nombre de ses employés et couvrant des zones qui ne lui revenaient pas. En même temps, l'économie privée s'est développée, en grande partie à partir d'entreprises corrompues en lien avec le même État inefficace, créant des sociétés quantitativement supérieures aux États eux-mêmes. Et aujourd'hui, nous vivons le paradoxe suivant : l'État est attaqué sur deux fronts : d'en haut, par les grands consortiums de l'économie internationale, par l'impérialisme international de la monnaie, et d'en bas, par les nationalismes régionaux et les minorités financées par ce même État, qui cherchent à le fragmenter.

Il y a de nombreuses années, en 1987, nous avions écrit : "L'État est l'instrument politique moderne ultime créé par l'homme. Bien sûr, en raison de son gigantisme incommensurable, il a fait croire à beaucoup de gens qu'il avait sa propre « existence », son propre « être ». Mais la vérité est que l'État, malgré son gigantisme, continue de n'être qu’un moyen et, en tant que tel, a son être dans une autre orbite. Par conséquent, s'interroger sur l'essence de l'État ou sur l'État lui-même est une fausse question. Ou une question qui n'a de réponse que si, comme Hegel, on a hypostasié l'État et on en a fait une figure divine correspondant à "l'esprit éthique et/ou à une volonté substantielle révélée qui pense et sait, qui exécute ce qu'elle sait et dans la mesure où elle sait". Mais il s'agit d'un raisonnement spéculatif et nous sommes passés à un niveau de réflexion. 

L'État, comme nous l'avons dit, n'est pas "un être en soi" mais est un simple artifice qui met en œuvre la souveraineté d'une nation. La nation est une entité historique qui implique une communauté organisée qui s'exprime à travers l'ethos : les usages, les manières, les coutumes et les croyances d'un peuple.

51JKll-em+L.jpgPour toutes ces raisons, nous devons parler, comme l'enseigne ce grand penseur du droit et de la politique qu'est le Dalmacio Negro Pavon, de Nation-Etat plutôt que d'État-nation, comme on le fait habituellement.

Il y a de nombreuses années, l'un des premiers philosophes argentins, Saúl Taborda (1885-1944), observait en 1933 que : "L'État est aujourd'hui esclave des intérêts économiques des groupes et des partis... Il n'y a pas de témoignage plus évident de sa mort que l'extraordinaire essor que prend la dictature sous toutes les latitudes de la terre".

Le concept de nation fait référence à l'unité historico-politique d'un peuple ayant la capacité d'agir et la conscience de son caractère unique dans le concert des nations du monde. Alors que le peuple qui n'existe pas en tant que nation, par exemple les Juifs avant 1948, est un groupe d'êtres humains unis par une conscience ethnique, culturelle, linguistique et religieuse, mais pas nécessairement politique.

Nous voyons que le concept de nation exige un double mouvement de conscience, celui d'un peuple en tant qu'unité politique devant lui-même et celui de son unicité historique devant les autres nations. Tout cela est exprimé dans un programme ou un projet national qui indique son destin et sa volonté d'exister avec ses propres caractéristiques. Tout cela peut ou non être exprimé dans une constitution. Si elle est exprimée dans une constitution, cette nation devient un État national, qui par définition n'est rien d'autre que "la nation légalement organisée".

Le concept de peuple est limité à un groupe important d'êtres humains unis par la conscience commune d'appartenir à des valeurs ethniques, morales, culturelles, linguistiques et religieuses. Et en tant que telle, elle n'a pas accès à l'activité politique tant qu'elle n'est pas intégrée dans une communauté organisée. Mais pour ce faire, elle doit se constituer en nation.

Après avoir clarifié ce que nous entendions faire des concepts d'État, de gouvernement, de société, de communauté, de nation et de peuple, nous ne pouvons que réaffirmer le titre de cet article : le souverain est la communauté et non l'État.

(*) buela.alberto@gmail.com

Notes :

1) Sur ce thème, le libre de Ferdinand Tönnies garde toute sa pertinence: Comunidad y Sociedad (1912). Ensuite les textes de Peron dans Discursos de Descartes y la Comunidad Organizada.

2) Negro Pavón, Dalmacio: Gobierno y Estado dos modos de pensamiento, Anales de la real academia de Cs. Morales y políticas, curso académico 2015-2016, Madrid, 2017

3) Hegel: Principios de la filosofía del derecho, parágrafo 257

4) Buela, Alberto: Aportes al pensamiento nacional, Ed. Grupo Abasto, 2da. ed., Buenos Aires, 2011, p. 93

5) Taborda, Saul: La crisis espiritual y el ideario argentino, Univ. Nac. Del Litorial, Santa Fe, 1958

unnamedabaportes.jpg

portada-buela-dalmacio.jpg

dimanche, 27 décembre 2020

Ni réactionnaire ni progressiste mais archéofuturiste ! Hommage à Guillaume Faye

926744033.jpg

Ni réactionnaire ni progressiste mais archéofuturiste !

Hommage à Guillaume Faye

Dans cette première vidéo, nous voyons le concept d'archéofuturisme, tel qu'il fut pensé par Guillaume Faye pour échapper au clivage réactionnaire/progressiste. Peut-être une troisième voie judicieuse pour penser l'avenir ?
 
 
Les premières réactions à la création de ce nouveau compte "youtube":
La tradition (européenne), c’est l’innovation, disait-il. Merci pour cet exposé synthétique et cristallin qui fait honneur à la pensée et l’œuvre de feu Faye.
Très bel exposé d'un concept novateur et d'un excellent auteur, par ailleurs. Félicitations pour ce premier travail !
Merci pour cette synthèse du concept de Guillaume Faye. Maintenant, je n'attend que de le lire pour approfondir le sujet. Je suis tombé sur votre chaîne au hasard de mes recherches, et je penses que vos futures vidéos seront tout aussi intéressantes !
Bel exposé, intelligemment présenté et construit ! Bonne chance pour la suite !
Une chaîne qui promet... à suivre !!!

Excellent travail. Merci de revenir sur ce concept d'une importance capitale. L'idée archéofuturiste dépasse l'opposition conservateur / progressiste par une troisième voie ; celle de l'innovation et de la conquête tout en préservant notre identité, notre Germen, notre substrat biologique. Une position qui transcende celle des partisans d'une décroissance radicale (Kaczynski) autant que celles des progressistes fous qui détruisent faune et flore au nom d'une vision hégélienne de l'Histoire. Hâte de voir tes prochaines vidéos.

Le Soleil d’Outre-temps - Variation sur la puissance et le pouvoir

0a98532762_50076533_sol21.jpg

Luc-Olivier d'Algange:

Le Soleil d’Outre-temps

Variation sur la puissance et le pouvoir

 

« Est deus in nobis, agitante calescimus illo »

Ovide

« Que je sois - la balle d'or lancée dans le soleil levant. Que je sois - le pendule qui revient au point mort chercher la verticale du soleil »

Stanislas Rodanski.

 

Confondre la puissance et le pouvoir nous expose à maintes erreurs et déroutes. Il n'est rien, quoiqu'en veuillent les moralisateurs, de plus profondément ancré dans le cœur de l'homme que le goût de la puissance, et son malheur est de croire qu'elle lui sera donnée, ou rendue, comme un bien immémorial dont il fut spolié, par l'exercice du pouvoir. Il échange ainsi la présence réelle contre la représentation (tout pouvoir étant toujours de représentation), le feu contre la cendre, la souveraineté du possible contre la servitude d'une condition asservie à d'autres conditions.

La puissance en acte est gaité, et confiance; le pouvoir, lui, sauf au moment de la conquête du pouvoir, lequel n'est alors encore qu'en puissance, est morose et méfiant. Le plus petit pouvoir, celui du guichetier qui nous fait attendre indûment, comme le plus grand, celui du chef d'Etat, subordonne le pouvoir qu'il exerce, ou qu'il croit exercer, sur nous, précisément au guichet ou à l'Etat, - qui n'est rien d'autre qu'un immense guichet. L'idéologie démocratique, loin de nous avoir délivrés du pouvoir, l'a multiplié, accentué, rendu plus sinistre et plus obstiné, jusque dans la sphère privée.

La disparition des hiérarchies traditionnelle fait, certes, de chaque individu un « pouvoir » susceptible de mesurer sa force avec ses voisins et ses proches, mais seulement dans la mesure où ce pouvoir le prive, lui et les siens, de toute promesse de puissance. Cette idéologie, vaguement psychologisante, au service d'une « individualité » dépersonnalisée, se fondant, par surcroît, sur ce qu'il y a de plus vil en nous, la rivalité mesquine et la jalousie, convient au mieux au système de contrôle dont la fonction est de réduire notre entendement aux fonctions « utiles », celles qui « rapportent », au détriment du poïen, et de la puissance.

9782226066008-475x500-1.jpgL'homme de peu de pouvoir, et que ce pouvoir déjà embarrasse et humilie, en viendra ainsi, dans le piège qui lui est tendu, à désirer non pas l'écart, le « recours aux forêts », la souveraineté perdue, mais un « plus de pouvoir », croyant ainsi, par ce pouvoir plus grand, qui est en réalité une plus grande servitude, se délivrer du pouvoir plus petit, sans voir qu'il augmente ce dont il souffre en croyant s'en départir. La puissance, lors, s'éloigne de plus en plus, au point de paraître irréelle, alors qu'elle est le cœur même du réel, la vérité fulgurante de tout acte d'être, « l'éclair dans l'Eclair » dont parlait Angélus Silésius.

Cette puissance lointaine, comme perdue dans quelque brume d'or aux confins de notre conscience et de notre nostalgie, quelle est-elle ? Par quels signes manifeste-t-elle sa présence, de telle sorte que nous la reconnaissions ? Est-il, d'elle en nous, une recouvrance possible ? Lointaine, secrète, entrevue, désirée, pressentie, un chant nous en vient, porté par les ailes de la réminiscence et par le témoignage des œuvres.

Ce qui nous en sépare, mais d'une séparation radicale, est peu de chose, peut-être n'est-ce que la seule conviction, implantée en nous, d'en être séparé ; et que cette séparation, si désolante qu'elle soit dans le cours des jours, n'en est pas moins un « bien moral » ? Or, lorsqu’intervient, comme l'instrument du pouvoir, l'armée des moralisateurs, ceux-ci nous disent aussi, sans le vouloir, que le pouvoir qu'ils étayent est fragile et que, sans notre consentement niais, il ne tiendrait guère. Le pouvoir qui moralise est vincible, voici déjà une bonne nouvelle ! La puissance peut nous être rendue; et la preuve en est qu'en certaines circonstances de la vie, elle l'est, pour quelques-uns, ne fût-ce que dans l'entrevision ou l'instant enchanté sans lesquels nous ne saurions même concevoir la différence entre le pouvoir et la puissance.

Contre le pouvoir qui nous avilit, que nous le subissions ou que nous l'exercions, les deux occurrences étant parfaitement interchangeables, des alliés nous sont donnés, qu'il faut apprendre à discerner dans la confusion des apparences. Ces alliés infimes ou immenses, dans l'extrême proximité ou le plus grand lointain, les hommes, jadis, les nommaient les dieux.

Participer de la puissance des dieux en les servant, c'est-à-dire en y étant attentifs, était une façon de s'inscrire dans l'écriture du monde, d'accorder notre chant au plus vaste chant, - afin de s'y perdre, de se détacher des écorces mortes, pour s'y retrouver, en soi. L'Odyssée, l'Enéide, les Argonautiques nous montrent que les dieux, puissances en acte, ont partie liée avec l'imprévisible autant qu'avec le destin. Tant que, dans l'aventure, les dieux et les déesses veillent, rien n'est dit. Les circonstances les plus hostiles ou les plus favorables peuvent tourner et se retourner. Ce « toujours possible » est la puissance même, celle qui nous porte à échapper au monde des planificateurs et des statisticiens. En leurs épiphanies, les dieux sont les alliés de notre puissance. Les hymnes que les hommes dirent en leur honneur sont gratitude, puissance recueillie.

De cette puissance se composent les temples, les chants et les joies humaines, - ce que naguère encore nous pouvions nommer une civilisation avant que son écorce morte, la société, ne vienne à en réduire drastiquement les ressources spirituelles. Nous vivons en ce temps où la société est devenue non seulement l’écorce morte mais l'ennemie déclarée de la civilisation. Tout ce qui « fonctionne », c'est-à-dire tout ce qui contrôle, par l'argent, la technique, la « communication », semble avoir pour fin la destruction, l'oubli, la disparition de notre civilisation, autrement dit la disparition de cette prodigieuse arborescence qui relie Valéry à Virgile, Nerval à Dante, Proust à Saint-Simon, Fénelon à Homère, Shelley à Plotin, Nietzsche à Héraclite, ou encore Dino Campana à Orphée.

le-feu-de-l-alchimie.jpg

Avec ces arborescences, qui tant offusquent les mentalités linéaires et planificatrices, - ces faux amis de l'ordre qui le ne conçoivent que quadrillé, en catégories, comme autant de cellules carcérales où chacun est réduit à une identité abstraite, - disparaissent aussi les nuances, autrement dit ce qui apparente le mouvement de la pensée à celui des nuages. D'un seul geste nous sont alors ôtés la forme surgie de la terre, l'arbre, mythologique et concret, et le ciel où il se dresse, la puissance tellurique et la puissance ouranienne. Qu'elles nous soient ôtées, dans ce « cauchemar climatisé » qu'est le monde moderne, ne signifient pas qu'elles n'existent plus. Elles existent, magnifiquement, là où nous avons cessés d'exister, là où notre « être-là » n'est plus là, -, là où nous ne sommes plus car nous nous sommes refugiés derrières les écrans et les représentations.

Le propre de l'ordre abstrait que les modernes ont instauré, sous les espèces de la société de contrôle, est d'être anti-musical, littéralement l'ennemi des Muses, le contraire d'un ordre harmonique. Face à l'ordre abstrait nul ne sera jamais assez anarchiste, quand bien même c'est au nom de certains principes et du Logos qu'il refusera le logiciel qui lui est imposé. Cette société, en effet, dès que nous consentons, par faiblesse, à y participer, nous rançonne à l'envi, au bénéfice des plus irresponsables qui, pour ce faire, nous maintiennent dans la stupeur d'un troupeau aveugle, et la question se pose: de quelles ombres, sur les murs de quelle caverne cybernétique, veut-t-elle nous façonner ? A quelle immatérialité d'ombre veut-t-elle nous confondre ?

fdinoCporph.jpgLe dessein est obscur, échappant sans doute, dans ses fins dernières, à ceux-là même qui le promeuvent, mais son mode opératoire, en revanche, est des plus clairs. Nous ne savons pas exactement qui est l'Ennemi, mais nous pouvons voir quels sont les adversaires de cet Ennemi: le sensible et l'intelligible dans leurs variations et leurs pointes extrêmes. On pourrait le dire d'un mot, chargé du sens de ce qui précède: le poème, non certes en tant que « travail du texte » mais comme expérience orphique, telle que la connut, dans son péril, Dino Campana, telle qu'elle s'irise dans les dizains de la Délie de Maurice Scève. Le poème, non comme épiphénomène mais comme la trame secrète sur laquelle reposent la raison et le réel; le poème comme reconnaissance que nous sommes bien là, dans un esprit, une âme et un corps, un dans trois et trois dans un. Le monde binaire, celui des moralisateurs et des informaticiens, en méconnaissant l'âme, nous prive, en les séparant, de l'esprit et du corps, lesquels se réduisent alors, l'un par la pensée calculante, l'autre comme objet publicitaire, à n'être que des enjeux de pouvoir.

La puissance nous reviendra par les ressources d'une civilisation, la nôtre, qui sut faire corps de l'esprit, c'est-à-dire des œuvres, et inventer des corps qui avaient de l'esprit, des corps libres et sensibles, au rebours des puritanismes barbares. Au demeurant, les œuvres sont moins lointaines qu'il n'y paraît. Ces prodigieuses puissances encloses dans certains livres, si tout est fait pour nous en distraire, nous les faire oublier, ou nous en dégoûter par des exégèses universitaires « narratologiques », ou simplement malveillantes, demeurent cependant à notre portée, cachées dans leurs évidences, comme la lettre volée d'Edgar Poe. Le monde moderne, ayant perfectionné la méthodologie totalitaire, ne songe plus guère à brûler les livres, il lui suffit d'en médire, et de multiplier les entendements qui ne pourront plus les comprendre, et en tireront une étrange fierté. La stratégie est au point, flatter l'ignorance, au détriment des méchants « élitistes », - hypnotiser, abrutir, dissiper, avec l'assentiment de la morale commune.

Les pédagogistes, ce petit personnel de la grande entreprise de crétinisation planétaire, avec leurs pauvres arguties bourdieusiennes, n'éloignèrent de tous, précisément pour la réserver aux « héritiers » honnis (qui la plupart du temps ne savent qu'en faire), ces œuvres majeures de la haute culture européenne, de crainte qu'explosant en des âmes ingénues, elles n'en éveillent les puissances, suscitant ainsi des hommes ardents et légers, capables, par exemple de reprendre Fiume, et généralement peu contrôlables.

69430d49901bf1882eadf528661b9769.jpg

Qu'un enthousiasme naisse, dans un jeune esprit, de la lecture de Homère, Virgile ou de Marc Aurèle, cela s'est vu, et celui que rien ne prédestinait, de ces seules puissances encloses dans les mots, peut devenir Vate, fonder un état au service des Muses, qu'il rêva épicentre d'une plus vaste reconquête, à Fiume précisément, et s'il n'y parvint durablement, la politique des gestionnaire ayant repris sa place indue, demeure le ressouvenir de la belle aventure où les arditi se joignirent aux poètes exquis, où l'avant-garde retint les échos d'un soleil latin antérieur, d'un outre-soleil, Logos héliaque, tel que le songea l'Empereur Julien. Oui, ces œuvres sont bien dangereuses, et les pédagogistes savent ce qu'ils font en les tenant à l'écart sous des prétextes fallacieux. Un ressac pourrait en venir, et des âmes bien nées s'en laisser porter, emportant du même mouvement, pour les disperser, ces moroses « superstructures » où l'on prétend nous tenir.  

Plus nous entrons dans une phase critique et plus l'inimitié du pouvoir à l'égard de la puissance, de la société (de ce qu'elle est devenue) pour la civilisation, se fait jour. Ce n'est plus seulement l'indifférence de l'écorce morte pour ce qu'elle enserre mais un effort constant pour éteindre, partout où il risque d'apparaître, le feu sacré. Le beau symbole zoroastrien du feu perpétué d'âge en âge par une attention bienveillante, donne, par ces temps ruineux, l'idée de ce qu'il nous reste à accomplir. La passation du feu contre le parti des éteignoirs, - de la puissance du feu, qui transmute, contre les pouvoirs qui nous assignent au plus petit dénominateur commun.

 A celui qui a fréquenté ses semblables, quelque peu, hors de sa famille et de son travail, - lieux de pouvoir par excellence,-  l'opportunité a parfois été donnée de rencontrer des êtres de puissance, c'est-à-dire des hommes et des femmes qui, ne voulant les restreindre mais au contraire les accroître, et laissant le recours à leur guise, se proposèrent, par l'exemple, par le génie de l'impromptu, voire par une forme de désinvolture heureuse, à brûle-pourpoint, comme une chance d'être.

f30b5f872d6238863fe729daed289a5emanuvre-a-labarre-60x60.jpg

Ces chances sont rares, et méconnues. Ces êtres magnifiques, nous passons à leurs côtés sans les voir, sans les discerner, sans les reconnaitre et souvent quelque ressentiment, plus ou moins enfoui, nous gendarme contre eux et nous interdit d'en recevoir les bienfaits. Face à l'homme de puissance, l'homme de pouvoir, ne pouvant l'exercer tel qu'il le songe, est ramené à la vanité de son pouvoir et à l'inutilité de sa servitude et devient ainsi homme de la vengeance et dépit.

L'homme de puissance, au contraire, auquel, selon le mot de Nietzsche, «  il répugne de suivre autant que de guider », déroute les aspirations les plus faciles, à commencer par celles des idéologues qui sont au service du pouvoir, fût-il utopique. Le vingtième siècle, qui fut le grand siècle des idéologues, fut profus de ces discours qui, si contradictoires qu'ils paraissent, n'eurent jamais d'autre but que de nous priver de nos plus innocentes libertés ou de nous en punir. Successeurs des formes religieuses les plus asservissantes, de l'exotérisme dominateur le plus obtus, les idéologues, mus par la haine de tout mouvement libre, autrement dit, de l'âme elle-même, voulurent faire le Paradis ici-bas, mais sur les monceaux de cadavre de ceux qui croyaient l'avoir déjà trouvé humblement. Le propre des idéologies modernes, ce qu'elles ont de commun avec le pire des fondamentalismes religieux, - accordé, comme l'écrivit Ernst Jünger, au règne des Titans -, est, chaque fois, d'expliquer le divers par un seul de ses aspects et de l'y vouloir soumettre. Le multiple n'est plus alors l'émanation de l'Un, mais nié en tant que tel. Rien n'est moins plotinien que cette uniformisation qui méconnait les gradations entre l'Un et le Multiple, l'intelligible et le sensible.

daumier.pngQuoique vous pensiez, l'idéologue, successeur de l'Inquisiteur, sait mieux que vous pourquoi vous le pensez. Vos intuitions, vos aperçus, ne sont pour lui qu'une façon de vous classer dans telle ou telle catégorie plus ou moins répréhensible, selon qu'il vous jugera plus ou moins hostile ou utile à ce qu'il voudrait prévoir, établir, consolider, - le tout aboutissant généralement à de sinistres désastres et des champs de ruines.

N'attendons pas d'un idéologue que l'histoire lui soit de quelque enseignement, ni le réel, ni l'évidence; sa pensée n'est là que pour les nier. Ce qui est donné lui fait horreur; et le don en soi, cette preuve de puissance qui échappe aux logiques du calcul ou de l'utilité. Une forme d'humanité chafouine, abstraite, monomaniaque, contrôlée, punitive, triste, est l'horizon de cette volonté servie par le ressentiment, - ce diaballein. Nous y sommes presque, et de ne pas y être encore entièrement, mais d'en être si proches nous donne, ou devrait nous donner, à comprendre à quel irréparable nous sommes exposés, à quelle solitude effroyable nous serons livrés dans un monde parfaitement collectif et globalisé, et dont la laideur, en proie à la démesure, ne cessera de croître et de se répandre.

La beauté et la laideur, loin de n'intéresser que ceux que l'on nomme, de façon quelque peu condescendante, les « esthètes », sont d'abord des choses qui s'éprouvent. Pour subir l'influence profonde la beauté ou de la laideur, point n'est nécessaire d'avoir la capacité de les considérer ou de les estimer, et moins encore celle de les « expertiser ». On sait les Modernes, qui ratiocinent, ennemis de toutes les évidences. De vagues sophismes relativistes leur suffisent à intervertir la beauté et la laideur, à donner l'une pour l'autre, pour finir par nous dire qu'elles n'existent pas. L'art contemporain est, en grande partie, la spectaculaire représentation de ce relativisme vulgaire qui finit par accorder à la laideur et à l'insignifiance sa préférence, après nous avoir dit que « tout se vaut » et que « tous les hommes sont artistes », - sinon que certains sont plus habiles que d'autres à esbaudir le bourgeois et à capter les subventions publiques. La puissance de la beauté et le pouvoir de la laideur agissent sur l'âme. L'une la fait rayonner et chanter, l'autre l'assombrit, la rabougrit, l'aveulit et la livre au mutisme et au bruit, - ces mondes sans issues où dépérissent les Muses.

Weber_blog_Im-guten-Glauben1.jpg

A la puissance de la beauté s'oppose le pouvoir, exercice de la laideur. Celui qui vit dans la beauté d'un paysage ou d'une cité n'a nul besoin de se représenter cette beauté pour en recevoir l'influence bienfaitrice. De même que celui est condamné et livré à la laideur en subit l'influence sans la concevoir. Les poètes en eurent l'intuition: la beauté est antérieure. Elle vient d'avant, d'un outre-temps, ressac et réminiscence d'un monde à la naissance, là où l'Idée se forme et devient forme formatrice. L'antérieure beauté affleure dans la beauté présente; elle opère la passation entre ce qui fut et ce qui demeure; elle s'accomplit dans l'initiation, la naissance nouvelle éclose dans le regard auquel la beauté est offerte, non comme un spectacle mais comme une vérité intérieure.

Voici la puissance même, l'éclat du premier matin du monde, qui est de toujours, voici le temps où elle advint, le temps fécond, et non celui de l'usure, voici les hommes dont elle est favorisée, « les Forts, les Sereins, les Légers », dont parlait Stefan George, et que tout pouvoir vise à faire disparaître, mais qui persistent, vivaces, dans l'amitié fidèle que nous leur portons.

Luc-Olivier d'Algange

 

Eliade et Cioran : l’échange épistolaire sur la fin de l'Europe

9ad9095659e4f72e45a8120f04f2b9ee.jpg

Eliade et Cioran : l’échange épistolaire sur la fin de l'Europe

Par Andrea Scarabelli

Ex : https://blog.ilgiornale.it/scarabelli

Le 22 avril 1986, Mircea Eliade meurt à Chicago. Il avait perdu connaissance deux jours auparavant, abandonné dans sa chaise de lecture : il tenait dans ses mains un livre fraîchement imprimé, contenant un portrait de lui-même, aussi net que sacrément génial. Il s'agissait du livre Exercices d'admiration ; son auteur, Emil Cioran, il l’avait rencontré pour la première fois, de nombreuses années auparavant, autant dires plusieurs vies antérieures, en 1932 de l'autre côté de l'océan. L'"ontologue" Constantin Noica le lui avait présenté. De retour d'une conférence sur Tagore, Eliade était alors l'enfant prodige de la "jeune génération" qui s'était surtout rassemblée autour du "Socrate roumain" Nae Ionescu, chef spirituel d'un groupe d'intellectuels nés à l'aube du XXe siècle, dont beaucoup se sont ensuite répandus à travers l'Europe et le monde dans ce qui fut l'une des dernières diasporas modernes. L'une des plus fécondes, comme l'a souligné Adolfo Morganti il y a quelques années dans le numéro d'Antarès consacré à ce sujet. Elle a dispersé dans le monde entier des génies absolus tels que Cioran et Eliade mais aussi, notamment, Ioan Petru Culianu et Paul Celan, sans oublier Eugène Ionesco, Camilian Demetrescu et Vintilă Horia (selon qui, comme l'indique le titre de l'une de ses œuvres les plus célèbres, même Dieu est né en exil).

41V8pVT+FQL._SX308_BO1,204,203,200_.jpgEntre les deux hommes, presque des contemporains, séparés par seulement quatre ans de vie, est née une amitié qui - entre les hauts et les bas de l’existence, comme cela arrive souvent aux hommes dotés de caractère et de profondeur spirituelle - a duré jusqu'à la fin des jours d'Eliade (Cioran le suivra en 1995). Un monument littéraire à cette relation de longue durée entre deux géants de l’esprit est Una segreta complicità  (Adelphi), la première édition mondiale de la correspondance entre les deux exilés roumains, d'où émerge une incroyable complémentarité, mêlée d'antagonisme, souvent non exempte de virulente controverse, comme le rappellent les deux éditeurs, Massimo Carloni et Horia Corneliu Cicortaş, mais toujours sous la bannière d’une entente secrète que Cioran a témoigné à Eliade le jour de Noël 1935 :

"Bien que j'éprouve une sympathie infinie pour vous, je ressens parfois le désir de vous attaquer, sans argument, sans preuve, et sans idées. Chaque fois que j'ai eu l'occasion d'écrire quelque chose contre vous, mon affection s'est accrue. Envers tous les gens que j'aime, j'ai un sentiment si complexe, chaotique et ambigu, que le simple fait d'y penser me donne le vertige. Je suis peut-être le seul, parmi les amis que vous avez, à comprendre vos accès de colère, votre désir de supprimer la continuité de la vie".

C'est, après tout, l'expression vivante d'un personnage titanesque, qui survit non seulement dans la lutte, mais peut-être précisément grâce à la lutte, l'incarnation d'une vision tragique du cosmos, mais en même temps une force vitaliste et foudroyante (ceux qui croient que le sentiment tragique implique une conception sombre et pessimiste de l'existence devraient lire quelque passagers de l’oeuvre de Nietzsche).

Mais l'intérêt de cette correspondance n'est pas seulement biographique. En plus d'enregistrer les étapes et les bifurcations de deux vies exemplaires et paradigmatiques, la succession des lettres - surtout les toutes premières, plus intéressantes de ce point de vue - rend compte directement d'une civilisation à l'agonie, étouffée par la pression des événements, un kaléidoscope des tragédies du XXe siècle, un sinistre prélude à la catastrophe finale, qui retirera à jamais l'Ancien Monde de la liste des acteurs de l'Histoire du Monde. Eliade écrivit à Cioran ce qui suit en novembre 1935, depuis Bucarest:

"Ces dernières semaines, je n'ai fait que penser à la fin apocalyptique de notre époque. J'ai la conviction que tout va s'arrêter très bientôt, peut-être même dans trente, quarante ans ; l'art, la culture, la philosophie - tout ira en enfer. Tout ce qui concerne notre époque (Kali-yuga) va s'effondrer de manière apocalyptique. L'Europe est en train de craquer - de stupidité, d'orgueil, de luciférisme, de confusion. J'espère que la Roumanie n'appartient plus à ce continent qui a découvert les sciences profanes, la philosophie et l'égalité sociale".

Ceux qui naguère auraient défini ces mots comme des "prophéties noires" n'ont qu'à considérer l'état "culturel" actuel de notre civilisation. En comparaison, ces perspectives ne sont peut-être que trop édifiantes.

17928284.jpgDe même, la différence entre deux visions du monde opposées concernant l'Est et l'Ouest apparaît chez les deux hommes, Cioran cherchant pour ainsi dire à trouver un Est dans l'Ouest, et Eliade étant poussé à aller dans la direction opposée, sans toutefois se laisser aller à l'exotisme facile, tant à la mode à l’époque que maintenant. Il écrit à Cioran le 23 avril 1941 depuis Lisbonne, où il séjourne en tant qu'attaché de presse à la légation roumaine (le magnifique Journal portugais, publié en italien par Jaca Book, témoigne de son séjour en terres lusitaniennes) : "Vivant face à l'Atlantique, je me sens de plus en plus attiré par des géographies qui m'étaient autrefois insignifiantes. J'essaie de trouver mon salut en dehors de l'Europe. Vasco de Gama est toujours arrivé en Inde".

D'ailleurs, avant que son imagination ne revienne des rives ensoleillées de la Lusitanie, l'historien des religions avait été physiquement en Inde une décennie plus tôt. De 1928 à 1931, pour être précis, avant d'être diplômé en 1933 de l'université de Bucarest. Il avait retravaillé et élargi sa thèse de doctorat (dont la version originale a été récemment publiée par les Edizioni Mediterranee, éditée par Cicortaş) pour en faire le volume Yoga. Essai sur les origines du mysticisme indien, publié en 1936 et rapidement envoyé à Cioran, qui le commente comme suit : "En lisant votre Yoga, j'ai réalisé à quel point je suis européen. À chaque étape, j'ai comparé Nietzsche avec lui. Je me sens plus proche des derniers bolcheviks ou derniers hitlériens que de la technique de la méditation. Vos raisons de revenir d'Inde me lient à une vision politique de l'univers".

9782070328444_1_75.jpgLeur relation épistolaire et humaine survivra à cette Europe dont ils avaient tous deux rédigé le rapport d’autopsie, vivant en ses derniers moments comme l’on vit la fin d'une saison, avec cette amère conscience qui transparaît d'une note du Journal portugais d'Eliade datant de novembre 1942 (un an après la lettre précitée) et écrite dans la ville espagnole d'Aranjuez avec ses mille palais et jardins caressés par le Tage : "Le palais rose. Les magnolias. A côté du palais, des groupes de statues en marbre. Vous pouvez entendre le bruit des eaux du Tage qui se déversent dans la cascade. Une promenade dans le parc du palais : de nombreuses feuilles sur le sol. L'automne est arrivé. Les rossignols. Le minuscule labyrinthe d'arbustes. Des bancs, des ronds-points. Nous sommes les derniers". J'aime à penser que dans cette lointaine année 1942, dans l'œil de la tempête, Eliade parlait implicitement de lui et de son vieil ami, à des centaines de kilomètres de là, mais partageant avec lui un destin bien plus élevé, que même la tragédie européenne qui a suivi n'a pas pu écraser.

A partir de 1945, pendant onze ans, ils vivent tous deux à Paris, puis Eliade s'installe aux Etats-Unis, où il reste jusqu'à la fin de ses jours, rencontrant Cioran en France pendant les vacances d'été. Ces "deux Roumains de la ‘jeune génération’, jetés par le destin en Occident" ne cesseront jamais de s'écrire, avec leur patrie tourmentée désormais loin derrière eux, dans une relation destinée à dépasser ce Minuit de l'Histoire qu'était le XXe siècle ("Tout est religieux, puisque l'histoire ne l'est pas" écrivait Cioran à Eliade en 1935, faisant inconsciemment écho au concept de terreur de l'histoire qu'Eliade développerait dans ses écrits, l'idée qu'en dehors de la sphère du sacré, l'histoire s'épuise dans un ensemble d'abattoirs).

Leur relation n'a cessé de se poursuivre, au-delà de l'histoire, au-delà de la douleur: en découvrant le portrait dessiné par son ami, il semble qu'Eliade, juste avant de fermer les yeux et de ne plus jamais les ouvrir, ait souri.

Le culte celtique du gui

Gui2_Unicusx-stock.adobe_.com-800.jpg

Le culte celtique du gui
 
 
En chamanisme celtique le gui, plante sacrée par excellence, est utilisé dans les rituels de guérison.
 
Le gui symbolise l'immortalité parce qu'il reste toujours vert et vivant alors que l'arbre qui le porte en hiver parait mort.
 
Le culte de gui éternellement vert et prospère, remonte à la nuit des temps. Parce que rare sur le châtaignier et le chêne, le gui de ces arbres était vénéré chez les Celtes, les Germains, les Grecs et les Romains. Dans toutes ces civilisations, il était associé à une multitude de légendes et de traditions populaires.
 
Dans la culture celte, la cueillette du gui était l'objet de grandes solennités. Elle se pratiquait pendant le solstice d'hiver, lorsque la lune était dans son sixième jour de croissance. Le druide coupait alors, les rameaux de gui avec une faucille d'or, dont le plat de la lame était en forme de lune. Il en faisait des brassées, qui ne devaient pas toucher le sol. C'est pourquoi, des aides tenaient de grands linges tendus autour du chêne hôte. Cette récolte, uniquement pratiquée par le druide, donnait lieu à une grande fête, appelée: fête du solstice d'hiver. Dans toute l'Europe, cette pratique à survécu longtemps à la civilisation celte.

au-gui-l-an-neuf.jpg

L'expression " au gui l'an neuf " rappelle cette cérémonie de récolte.
 
Le gui est le symbole de l'union dans son sens le plus élevé et le plus spirituel. Le gui symbolise l'unité, la communion. Le gui forme un tout, une unité ronde. Il croît en touffe arrondie autour d'un centre dont tout procède et où tout doit retourner.
 
Harmonieuse union de vie " semi-parasitaire " où chacun apporte les éléments dont l'autre à besoin. Suspendu au plafond de la salle commune ou à la tête du lit des époux, un rameau de gui, apporte l'unité de la famille ou du couple en même temps que sa protection. Au Nouvel An, les vœux sont offerts sous une touffe de gui. Dans beaucoup de nos campagnes encore aujourd'hui, cette tradition persiste.
 
Chez les Celtes, le gui est le symbole de tout "ce qui est". C'est pourquoi, il est présent lors de toutes les manifestations. Il est l'emblème de l'universalité de l'Existence dans l'Humanité entière. Pour l'Individu, le gui représente l'existence certaine, l'éternelle vérité. Il est l'image vivante de la force qui anime et gouverne le monde tout en permettant la communication avec Dieu. Le gui efface les impuretés de l'âme et la met en rapport avec l'esprit. Il incarne le chemin de la purification qui aboutit à la communion de l'âme et de l'esprit. Quand un Gaulois mourait, on plaçait à la porte de sa maison une vasque remplie d'eau lustrale*. Ceux qui venaient saluer le mort et la famille en deuil, y trempaient une branche de gui pour asperger le défunt et sa famille avant de quitter la demeure mortuaire.

ba406f6b4d63c7591272999d8a7701b6.jpg

Le gui est aussi le symbole de la protection. Il assure la protection contre les malices des Esprits de la nature. Autrefois, des branches de gui étaient placées dans ou au-dessus des berceaux pour assurer la protection de l'enfant contre les fées, afin qu'elles ne le transforment pas en petit lutin.
 
Il semblerait que les arbres porteurs de gui résistent mieux que les autres aux maladies ; de plus il favoriserait la croissance des fruits et plus spécialement des pommes. Au contraire, dans certaines régions on ne consommerait pas les fruits d'un arbre "guités" de peur d'être empoisonné. Le gui est alors appelé " balais de sorcières" ou "rameaux des spectres".
 
Le gui est une plante émancipée autant des forces solaires que des forces terrestres. Il absorbe le trop plein de force éthériques de l'arbre sur lequel il pousse. Cet excès est provoqué naturellement (onde nocive, tellurisme, perturbations magnétiques) ou artificiellement (centrale nucléaire, pollution diverse).
 
Si, de tout temps, le gui a bénéficié d'une "aura" mythique, c'est en raison de sa croissance et de son mode de vie particulier. En effet le gui n'est pas vraiment une plante adaptée à la vie sur terre, il ne peut s'implanter sur le sol. A la différence des autres végétaux, il ne suit ni le phototropisme, ni le géotropisme. Au contraire il forme des touffes arrondies et se crée presque un espace intérieur, qu'il pénètre de vie, ce qui est le propre de l'animal. Par ailleurs, les branches, même âgées de 20 ans, sont toujours vertes, ce qui les différencie des autres plantes. Sa graine est, aussi, particulière à tel point qu'on la nomme embryon, comme pour le règne animal. L'embryon reste toujours vivant dans son enveloppe de mucosité, il traverse l'intestin de l'oiseau, au lieu, comme les autres graines de végétaux, de reposer un certain temps dans la terre. A aucun moment de son cycle végétatif, le gui n'a de contact avec la terre.
 
Son utilisation médicinale est assez ancienne. Il est réputé assurer une protection contre la maladie dont il amène la guérison. Accroché au-dessus du lit, il évite les cauchemars. Pour les Gaulois, le gui est "celui qui guérit tout". C'est un antidote des poisons, donne la fécondité et guérit de l'épilepsie ou " haut-mal ", car il ne touche jamais terre. Les feuilles de gui, mâchées et appliquées en cataplasme cicatrisaient les ulcères. En Gallois, le gui est nommé oll-iach, c'est à dire "panacée".

00:45 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gui, celtisme, druidisme, traditions | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Laurence Debray: Souvenirs d’une jeune fille bien rangée

Laurence-Debray-regle-ses-comptes-avec-son-pere.jpg

Laurence Debray: Souvenirs d’une jeune fille bien rangée

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Livre-Debray.jpgIl n’y a pas de grand homme pour son valet de chambre. Il n’y a pas non plus de grand penseur pour sa fille aînée. Avec Fille de révolutionnaires, la journaliste macronienne Laurence Debray a ravi tous les détracteurs de son père, Régis Debray. La photographie du bandeau de la couverture attire déjà l’attention. On la voit presque au garde-à-vous devant une porte tenant un fusil. À l’âge de dix ans, elle séjourne en juillet dans un camp des Jeunesses communistes à Cuba où elle apprend entre autres à manipuler des armes. Un mois plus tard, elle participe à un camp de jeunes aux États-Unis. En accord avec sa mère d’origine vénézuélienne, Elizabeth Burgos, son père veut qu’elle prenne enfin partie. À Cuba, la jeune fille découvre que chaque matin commence par la cérémonie des couleurs cubaines et des autres nationalités présentes. Elle observe que « si le communisme prêche l’égalité, un bon communiste est meilleur que les autres et doit sans cesse le prouver (p. 246) ». Entre le modèle castriste et l’exemple yankee, elle choisit finalement « la vieille Europe, assez modérée et confortable : on y mange bien, lit bien, dort bien (p. 253) ».

Adulte, après une scolarité franco-espagnole ponctuée de nombreuses fugues, Laurence Debray travaille deux années dans une banque à New York avant de se reconvertir dans le journalisme et d’écrire une biographie sur son héros qui a dû dernièrement bien la décevoir, le félon royal Juan-Carlos. Épouse d’Émile Servan-Schreiber, fils de Jean-Jacques, elle côtoie depuis l’enfance tout le petit monde germano-pratin de la gauche bien-pensante. Elle a discuté avec Danièle Mitterrand et Lucie Aubrac. Elle a aussi bénéficié de cours particuliers de la part du couple Blandine Kriegel – Alexandre Adler. Certains traumatismes ne guérissent jamais. L’auteur ne cache pourtant pas son admiration pour sa grand-mère paternelle, Janine Alexandre – Debray, conseillère de Paris et éphémère sénatrice gaulliste de la capitale. Elle signale que sa famille est apparentée aux Ritzen. Elle aurait pû rappeler que l’oncle de son père était Pierre Debray-Ritzen, ce médecin proche de la Nouvelle Droite hostile à la psychanalyse.

770f0d966f0540bae7baf410856bfce1.jpgElle dépeint des parents entièrement préoccupés par la politique au point qu’ils ne s’en occupent guère. Ses jeunes années sont surtout marquées par l’incessante traque parentale de Klaus Barbie dont le procès télévisé va marquer le début de l’ère de l’hypermnésie victimaire. Elle insiste en outre longuement sur les années de son père passées à La Havane aux côtés de Fidel Castro et du Che ainsi que sur sa période de guérillero en Bolivie et sur les conditions éprouvantes de détention. Ambassadeur de France à La Paz, l’ancienne barbouze en chef anti-OAS, Dominique Ponchardier, aidera beaucoup le détenu et ses parents.

Au cours de sa détention, Régis Debray écrit une lettre restée confidentielle au Général de Gaulle. Sa fille relève que « certains déclarent aujourd’hui que le gaullisme paternel lui est venu sur le tard, après son désenchantement mitterrandien. Ils ne savaient pas que mon père avait collé sur un mur de sa cellule la couverture d’un Paris Match montrant le général en uniforme (p. 120) ». Ainsi À demain de Gaulle (1990) révèle-t-il une inclination plus ancienne, déjà perceptible dans La puissance et les rêves (1984) et Les Empires contre l’Europe (1985).

Laurence Debray pose un regard désabusé sur son adolescence. Du manque d’implication de ses parents dans son éducation et des oppositions vives qui en découlent, elle reconnaît volontiers : « Je compris plus tard que j’habitais plus une langue qu’un pays. Je n’ai plaisir qu’à lire et écrire en français; l’espagnol et l’anglais resteront des langues utilitaires et fonctionnelles. J’ai une patrie littéraire qui me tient bien de patrie tangible. Elle est très pratique, on peut l’emmener partout avec soi (p. 244). » Quand le nomadisme adopte un Ersatz d’enracinement…

Fille de révolutionnaires traduit bien l’introspection d’une pauvre petite fille des beaux quartiers de Paris, aujourd’hui mère de famille, nostalgique d’une confrontation toujours reportée avec l’autorité parentale. Les effets sociétaux de Mai 68 nuisent à tous, y compris et surtout à la progéniture des révolutionnaires de gauche.

Georges Feltin-Tracol

• Laurence Debray, Fille de révolutionnaires, Stock, 2017, 312 p., 20 €.

Le livre est désormais disponible en version "poche":

9782253091738-001-T.jpg

samedi, 26 décembre 2020

Le moment postlibéral

lgbt_youth.jpg

Le moment postlibéral

par Jure Georges Vujic

Ex: https://www.polemia.com

Par Jure Georges Vujic, écrivain franco-croate, politologue ♦ Après la chute du mur de Berlin, alors que le paradigme de la « fin de l’histoire » de Fukuyama et le triomphe du modèle de la démocratie libérale de marché au niveau planétaire prévalaient, la technocratisation des élites dirigeantes mondialistes et leur séparation du peuple ont remis en question la légitimité démocratique d’un tel mode de gouvernement oligarchique.

La pandémie de Covid-19 en tant que crise sanitaire mondiale est un indicateur de la crise actuelle du modèle politique, économique et social du libéralisme, soulevant ainsi la question de l’efficacité et de la responsabilité du modèle dominant de gouvernance libérale, en particulier en temps de crise. L’un de ces problèmes découle directement des pénuries, c’est-à-dire des pénuries successives dans divers secteurs clés de l’économie et de la santé publique, causées par l’absence de production nationale autosuffisante, qui révèle l’état de dépendance économique et sanitaire. La pandémie a révélé le cœur de la crise contemporaine du libéralisme postmoderne, à savoir la crise de l’hybris, de la démesure de la croissance, de la consommation et du progrès, et du déséquilibre dans la production nationale. Il n’est donc pas étonnant que de sérieuses options idéologiques et politiques alternatives conservatrices, souverainistes et populistes soient proposées comme correctif aux dynamiques néo-libérales destructrices, parce qu’elles satisfont le besoin de trouver un nouvel équilibre : le besoin de modération dans l’innovation, la production et la consommation, et la stabilité dans l’échange. C’est pourquoi, certains ont d’ores et déjà vu dans la crise globale du Covid-19 la fin de la « mondialisation heureuse ». Même si certains parlent de défaite du néo-libéralisme, en louant le retour de l’État-providence, de l’État-nation souverain, d’autres appellent à un retour aux sources du libéralisme classique. Il semblerait que la vague postlibérale soit loin d’annoncer une rupture radicale avec le modèle libéral dominant, dans la mesure où notre imaginaire individuel et collectif reste bien ancré dans la conception économiciste de la vie moderne conditionnant la pensée, les réflexes et les modes de vie.

3333435642_1_3_ZdYTPbLU.jpg

Tout comme le postmoderne, le terme postlibéral même reste contradictoire car il est difficile de dépasser ce qui a vocation au renouvellement permanent, tout comme la modernité libérale. Le « post-isme » libéral serait alors une notion « fourre-tout », fédératrice de diverses familles de pensée, évoluant comme un caméléon sous diverses formes en fonction de l’époque. Tout comme il existe une nébuleuse postmoderne, il y a une nébuleuse postlibérale qui, loin de s’inscrire dans une structure, une hiérarchie, s’inscrit dans un univers horizontal, fluide, « liquide » et hétérogène… D’autre part, alors que la « raison d’être », le sens du libéralisme se situait dans la reproduction économiciste de l’ordre politiquement social spontané, en réponse à l’absolutisme de l’État, le postlibéralisme fonde sa légitimité, son «éthos » sur la gestion exceptionnaliste du désordre du chaos. En effet, le libéralisme a toujours fait bon ménage avec des mesures répressives d’exception lorsque l’ordre libéral était menacé, alors que la religion des droits de l’homme ne l’a pas empêché de s’accommoder des pires régimes totalitaires, de sorte que l’on peut à juste titre parler de régime de liberté liberticide.

812gqiYOWEL.jpg

Le libéralisme, une anthropologie politique pathogène

L’émergence du postlibéralisme pose en effet la question paradoxale du succès du libéralisme, mais aussi de son dépassement nécessaire. En ce sens, Patrick J. Deneen, professeur à l’université Notre-Dame aux États-Unis, dans son livre Why Liberalism Failed constate ce paradoxe : « Le libéralisme a échoué précisément parce qu’il a réussi. » Deneen soutient que la défaite du libéralisme est le produit de ses contradictions internes qui créent constamment des pathologies sociales, lesquelles menacent non seulement le libéralisme en soi mais la stabilité politique et sociale en général. Depuis les débuts de la théorie du libéralisme de Francis Bacon, Thomas Hobbes, à John Locke, Deneen estime que les prémisses originelles du libéralisme se fondent sur une « fausse » anthropologie philosophique, qui repose sur deux piliers : le volontarisme et l’individualisme. Il n’est pas étonnant que le postlibéralisme contemporain cherche à promouvoir et à articuler une nouvelle anthropologie anthropocène biopolitique sous la forme d’une vision transhumaniste de la condition humaine, qui est le résultat socio-pathologique direct de la première anthropologie classique, protolibérale progressiste et anthropocentrique, ainsi qu’une expression de la conception évolutionniste du monde. Bien sûr, le libéralisme a aussi ses courants alternatifs et dissidents sous forme de libertarisme ou de paléo-libéralisme, qui prônent la réhabilitation du libéralisme classique en réponse aux excès des expériences déviantes du néo-libéralisme. Dans Les Métamorphoses de la lutte des classes, le philosophe français Michel Clouscard montre combien le libéralisme, en tant que discours légitimateur de la dynamique du marché capitaliste, sait s’adapter et se transformer en fonction de la nouvelle anthropologie culturelle et politique du moment. L’individualisme et la permissivité, loin de remettre en cause radicalement les fondements de la société bourgeoise, ont en fait permis la réalisation de nouveaux marchés pour une nouvelle forme de capitalisme de divertissement et de « séduction ». De plus, David Harvey dans sa Brève histoire du néo-libéralisme place le phénomène du néo-libéralisme dans un large éventail historique, du règne de Reagan aux États-Unis, Margaret Thatcher en Grande-Bretagne, à la Chine de Deng et au Chili de Pinochet, soulignant la grande adaptabilité reproductive de ce phénomène politique et économique. On retrouve ses transformations dans le modèle néo-libéral du Mexique dans les années 80, de la Russie dans les années 90 et même en Suède en tant que modèle néo-libéral à part. Le sociologue Michel Freitag estime que le libéralisme a détruit le système symbolique de la société et la possibilité d’une coexistence harmonieuse parce que toute relation humaine, comme la société, est basée sur un système de codes symboliques. Selon lui, dans la société de la Grèce antique, nous trouvons la conception la plus riche de la liberté politique, qui combine les principes d’aidos (solidarité) et de diké (justice) qui font défaut dans les sociétés libérales atomisées et hyperindividualistes. Le néo-libéralisme contemporain est une négation du politique en tant que res publica, une lutte pour le bien commun, tandis que sa dynamique darwiniste de marché détruit la capacité d’action collective et la création d’une coexistence réfléchie et raisonnable.

117efdd7354deb750e9a239ac1228154-of9b41b5ojfi08p2sz6w4w91b8e2g385vmkxuzqflc.jpg

Nouvelle règle anthropocène globale

Néanmoins, le postlibéralisme, qui implique qu’à ce jour la société et la politique ont été dominées par des paradigmes spécifiquement libéraux (ou déjà néo-libéraux), tels que la démocratie, le libre marché, le mondialisme et l’individualisme culturel, ne signifie pas que nous avons dépassé aujourd’hui cette matrice politico-sociale libérale. Cette notion suggérerait que nous avons laissé le vieux monde dominé par le libéralisme dans toutes ses composantes de gauche social-démocrate ou de droite libérale et que nous entrons dans un monde où de nouveaux paradigmes illibéraux ou antilibéraux domineront l’espace public. Cependant, en tant que produit des transformations constantes du libéralisme tout au long de l’histoire, le postlibéralisme est actuellement un phénomène politique historique hybride, en émergence, qui, selon certains analystes, aurait rompu avec le libéralisme classique (protolibéralisme) et le néo-libéralisme. Comme ses prédécesseurs, le postlibéralisme reposerait sur ses propres postulats, ses « régimes de vérité », et de pouvoir. Selon Michel Foucault, il s’agirait donc de la « loi », c’est le nomos de la biopolitique, c’est-à-dire un mode de gouvernance qui repose sur sa propre rationalité, sa pratique, sa technologie et sa norme postpolitiques propres. De la théorie libérale, le postlibéralisme retient le mythe du progrès, le discours et le « comportement social », et, de la théorie économique néo-libérale, il accepte l’idée qu’un marché qui produit empiriquement une concurrence et des prix harmonieux n’est pas naturel mais résulterait d’une construction sociale fragile. Le postlibéralisme, à travers la radicalisation des mécanismes de gestion de la vie humaine, redéfinit l’expérience humaine, en profondeur voire ontologiquement, en combinant le « sujet libéral égoïste » et « l’entrepreneur néo-libéral du libre-échange » avec le modèle bio-humain. Contrairement au libéralisme et au néo-libéralisme classiques, le postlibéralisme réduit la différence entre l’individu et la collectivité par ce que l’on peut appeler le gouvernement de domination thérapeutique des corps individuels dans le sillage de la nouvelle biopolitique globale. En effet, les mesures biopolitiques qui ont été conçues en réponse à la propagation du virus du Covid-19, ont configuré une nouvelle forme de gouvernance appliquée au niveau planétaire, en s’appuyant sur les technologies de gouvernance numérique pour faire appliquer la règle anthropocène. Bien que n’étant pas le résultat de consultations entre États souverains, la gestion de crise pandémique mondiale implique la mise en œuvre de systèmes d’évaluation des risques en temps réel basés sur les mathématiques et l’informatique, qui incluent des mesures de contrôle de la population et l’imposition de mesures sécuritaires et de restrictions sanitaires (dites de distanciation sociale, utilisation de drones détecteurs de présence, géolocalisation). Ainsi, aujourd’hui, la plupart des démocraties libérales occidentales appliquent des mesures biopolitiques en réponse à la propagation des virus, qui dessinent les contours de la règle globale du biopouvoir. Giorgio Agamben parle de la nouvelle condition humaine de « vie nue » (homo sacer), laquelle a marqué l’entrée dans l’ère anthropocène (le moment où l’humanité s’est érigée en force géologique qui a transformé irréversiblement son cadre de vie). Il s’agit d’une rupture totale entre les vies politiques et biologiques de l’individu, et l’homo sacer, dans sa nouvelle condition biologique, se trouve soumis à la souveraineté de l’état d’exception. La règle postlibérale serait le reflet du pouvoir anthropocène qui devrait trouver des réponses à la situation d’instabilité générale et mondiale causée par le développement d’une économie postmoderne basée sur l’utilisation illimitée des ressources naturelles, une instabilité qui affecte tous les êtres vivants et à laquelle les États-nations modernes ne peuvent pas répondre. Si la règle politique moderne était basée sur une anthropologie exclusive qui opposerait l’humanité à la nature (en tant que facteur externe), le pouvoir anthropocène encouragerait l’anthropologie inclusive, qui intégrerait la nature dans un système censé être contrôlé et intégré.

p027b1pn.jpg

De l’État Léviathan et à l’État cyborg

Le virus du Covid-19, qui apparaît en tant que « game changer », fonctionnerait comme moteur disruptif d’une nouvelle politique postlibérale. La pandémie a permis l’activation d’un gouvernement mondial opaque, qui était déjà opérationnel, mais qui n’était pas encore visible en tant que tel sous la forme de biopouvoir. La crise globale sanitaire du Covid-19 serait « un accélérateur de transformation » permettant la mise en place de stratégies de choc, selon la thèse de Schumpeter de la « destruction créatrice », alors que la pandémie au niveau planétaire serait une opportunité pour accélérer la mise en place de la règle globale anthropocène. Ainsi, les transformations successives du libéralisme au cours des quarante dernières années cèdent aujourd’hui la place au postlibéralisme en tant que nouvelle forme de gouvernement de transition, qui fait de l’économie un moyen de transformation anthropologique et transhumaniste de l’espèce humaine dans le cadre d’un nouvel « environnement hostile » planétaire. En ce sens, l’analyse proposée par Barbara Stiegler dans « Il faut s’adapter » à partir des travaux de Walter Lippmann (connu pour sa thèse sur la « fabrique du consentement ») démontre que le but du néo-libéralisme n’est pas seulement de nature économique mais aussi anthropologique ; il s’inscrit dans la filiation évolutionniste et constructiviste (d’inspiration darwiniste) de l’espèce humaine, tandis que Lippmann y ajoute un objectif politique : organiser massivement l’adaptation de l’espèce humaine au nouvel état du monde, imposé par la mondialisation du marché. Ainsi, le néo-libéralisme mais aussi l’ordolibéralisme allemand légitiment le recours au rôle organisateur ou régulateur de l’État. Dans le nouveau contexte du biopouvoir mondial, l’État libéral devient le principal levier de la domination globale anthropocène, qui doit intervenir dans le sens de la survie et du renouvellement de l’espèce humaine. Mais ce modèle d’État libéral n’est plus celui qui incarne l’autorité transcendante du Léviathan hobbesien. À l’ère postlibérale, le fonctionnement de l’État libéral consiste essentiellement à mettre en place un cadre normatif qui surveille, encourage et contrôle les transformations anthropologiques du corps social en temps réel. Finalement, l’État libéral du Léviathan cède sa place au profit d’un cyborg-État postlibéral et biopolitique qui cherche à intégrer toutes les dimensions de l’existence, du minéral au psychique en passant par le biologique. La pandémie est certes un « accélérateur de transformation », mais aussi un bon indicateur de l’usure des vieilles idéologies modernes comme le libéralisme de la modernité. D’où les appels qui émanent de sphères politiques, académiques ou économiques, comme celle de l’ancien secrétaire d’État américain Henry Kissinger ou de Robert Kagan, ou ceux des mondialistes de Davos, comme Klaus Schwab, qui prônent une « nouvelle réinitialisation globale » et un nouveau « capitalisme inclusif », en appelant à « l’humanisation » du capitalisme néo-libéral dans le sens de la conscience écologique. Le discours moralisateur du dépassement du libéralisme, en tant qu’imposture, s’inscrirait alors dans l’inversion debordienne : « le vrai est un moment du faux ». Bien sûr, il faut y voir les dispositifs narratifs destinés à légitimer les transformations émergentes de l’ordre postlibéral avec l’adaptation de l’espèce humaine à la nouvelle configuration globale du biopouvoir.

Jure Georges Vujic
24/12/2020

Source : Correspondance Polémia

L'influence de Carl Schmitt en Chine

CarlSchmitt.jpg

L'influence de Carl Schmitt en Chine

Par Daniele Perra

Ex: https://www.eurasia-rivista.com

"πόλεμος πάντων μὲν πατήρ ἐστι, πάντων δὲ βασιλεύς, καὶ τοὺς μὲν θεοὺς ἔδειξε τοὺς δὲ ἀνθρώπους, τοὺς μὲν δούλους ἐποίησε τοὺς δὲ ἐλευθέρους."

"Conflit, de toutes choses père, de toutes choses roi, de quelques-uns il a fait des dieux, d’autres il a fait des mortels, d'autres des serviteurs, d'autres encore, il a fait des hommes libres"

(Héraclite, fragment 53)

Dans une lettre datée de 1933, Martin Heidegger, félicitait le juriste Carl Schmitt, son compatriote, pour le succès de l'ouvrage La notion du politique, qui en était alors à sa troisième édition. Heidegger le félicitait pour la citation que Schmitt avait faite du fragment 53 d'Héraclite et de l'interprétation correcte qu'il avait donnée des concepts fondamentaux de πόλεμος (polemos) et βασιλεύς (basileus). Dans le même temps, Heidegger a non seulement révélé à Schmitt qu'il préparait sa propre interprétation du fragment héraclitéen, directement lié au concept de ἀλήθεια (aletheia), mais aussi qu'il traversait lui-même une forme de "conflit".

Heidegger; Schmidtt Studium-Kahlmeyer.png

Heidegger et Schmitt étaient tous deux bien conscients que le Superbe d'Ephèse, avec le terme "conflit", ne voulait pas indiquer uniquement et exclusivement une lutte armée. En fait, cela devait être compris également dans le sens de conflit interne. Ce πόλεμος, pour Heidegger, n'était autre que ce "travail de l'ego" qui l'a conduit à ce qu'il a lui-même défini comme un "combat au corps à corps avec son propre moi", à abandonner l'enseignement pendant plusieurs années, mais aussi à produire par la suite quelques ouvrages fondamentaux comme la volumineuse étude sur Nietzsche et Holzwege (Les chemins qui ne mènent nulle part) [1].

Le choix de commencer par le fragment 53 d'Héraclite pour cette réflexion sur l'influence de la pensée de Carl Schmitt en Chine n'est pas fortuit. Le conflit dont s'occupe le penseur grec, et dont Heidegger a compris l'essence, appartient à juste titre à la liste de ces concepts théologiques qui, selon Schmitt, ont été "sécularisés" par la doctrine moderne de l'État.

photo-rabbin-daniel-farhi-héraclite.jpgDans le contexte islamique, puisque la révélation y est à la fois prophétie et loi, le sens réel du terme conflit utilisé par Héraclite apparaît avec toute sa force perturbatrice dans le concept théologique de djihad. Cela, rappelons-le, signifie littéralement "effort" et indique l'engagement de l'homme à s'améliorer, à devenir un "vrai" être humain, paraphrasant l'interprétation qu'en donne l'imam Khomeiny [2].

Le djihad, tel que rapporté dans un hadith bien connu du prophète Muhammad, peut être de deux types : majeur (ou intérieur) et mineur (ou extérieur). Le djihad majeur consiste en la lutte intérieure, comme nous venons de le dire, pour devenir un véritable homme ; tandis que le djihad mineur indique en fait la lutte armée contre un ennemi extérieur au dar al-Islam (maison de l'Islam). Donc, contre quelqu'un qui se trouve dans le dar al-harb (maison de la guerre).

Ce concept se retrouve déjà dans la civilisation chinoise traditionnelle. Au-delà des frontières impériales, en effet, se trouvait l'espace des "barbares" : une région "inculte", un royaume de la guerre et un espace purement quantitatif dans lequel les vertus de jen (solidarité de groupe) et de yi (équité) n'étaient pas pleinement réalisées.

En termes de théorie géopolitique classique, les concepts de conflit interne et externe peuvent facilement être appliqués à l'idée organique de l'État (une entité vivante qui est à la fois morale et spirituelle) développée par Friedrich Ratzel [3]. Ainsi, si l'État est considéré comme un organisme, son conflit intérieur est son effort pour devenir une entité forte, unie et pleinement souveraine, capable d'agir indépendamment et sur un pied d'égalité avec les autres acteurs internationaux dans un théâtre régional ou mondial. Et il est clair que cet effort interne représente la condition préalable essentielle de l'effort externe et, par rapport à ce dernier, joue un rôle primordial.

Maintenant, en voulant transposer l'idée, que nous venons de reconstruire dans le présent texte, à l'actualité géopolitique de la République populaire de Chine, il apparaît évident que les concepts schmittiens de la politique comme "conflit" et de l'opposition dichotomique ami/ennemi ont connu une diffusion notable (et peut-être même inconsciente) à Pékin.

La politique de la "Chine unique" menée par la République populaire se traduit en effet ouvertement par un effort interne dont l'objectif est la réalisation d'une unité nationale complète non seulement en termes territoriaux (rétablissement de la souveraineté sur Taiwan, par exemple), mais aussi en termes idéologiques, en luttant contre cet "ennemi interne" qui se présente sous les différentes formes de séparatisme soutenu par l'Occident : du modèle terroriste du Mouvement islamique du Turkestan oriental (qui a été supprimé récemment de la liste des organisations terroristes par les États-Unis par pure coïncidence) à la rébellion "sorosienne" à Hong Kong, jusqu'à l'influence exercée par des sectes anti-traditionnelles comme le Falun Gong, aujourd'hui revigorée par l'alliance avec le phénomène des QAnon.

liu-xiaofeng-academic-2ed230ed-ff7b-4de1-a858-c85cf5d4a1b-resize-750.jpg

Le chercheur chinois Liu Xiaofeng (profondément influencé par Schmitt), dans son recueil d'essais Sino-Théologie et philosophie de l'histoire, souligne les différences entre le concept européen d'État-nation et le substrat idéologique dans lequel s'est développé l'État chinois actuel. Les meilleurs penseurs politiques chinois, dit le professeur de l'université de Renmin, ont parfaitement compris que l'impérialisme européen moderne était loin de l'ancien concept d'Empire (plus proche, à certains égards, de celui des Perses et des Chinois). Et ils ont réalisé qu'à l'époque moderne, il n'y avait pas qu'un seul impérialisme, mais plusieurs formes d'impérialisme contradictoires, une pour chaque État-nation[4].

coverimage.jpgDans ce contexte, selon l'historien et homme politique Liang Qichao, qui a vécu au tournant des XIXe et XXe siècles à l'époque du déclin inexorable et de la partition impérialiste de l'espace chinois, la solution ne pouvait être que la création d'une forme de nationalisme chinois. Cependant, ce que Qichao considérait comme du nationalisme était une forme de conscience politique et culturelle nationale, mais pas du nationalisme au sens européen du terme. En fait, ce concept est resté complètement étranger à la forme impériale traditionnelle qui, même aujourd'hui, dans son expression modernisée et influencée par le marxisme-léninisme, ressemble davantage au modèle achéménide qu'à l'idée européenne de l'État-nation et de ses impulsions impérialistes. Et, en tant que telle, elle s'est imposée dès son origine comme un dépassement en nuance de cette idée.

L'historiographie occidentale, à travers ce qu'on appelle l'histoire globale, a tenté de dépasser le système eurocentrique basé sur l'État-nation, en le remplaçant par une idée de l'histoire axée sur le changement des structures sociales. Liu Xiaofeng, contrairement à certains de ses collègues et compatriotes, a eu le mérite de réaliser que cette histoire mondiale n'est pas née avec l'essai de William H. McNeill de 1963, The Rise of the West. A History of Human Community [6]. Il a également compris que le désir de surmonter l'eurocentrisme a simplement abouti à une forme assez paradoxale de cosmopolitisme qui cache un impérialisme naturel de matrice anglo-américaine (celui qui est sorti vainqueur du choc avec les autres formes d'impérialisme européen). Ce cosmopolitisme, en effet, continue de considérer le canon "occidental", inspiré des valeurs du capitalisme libéral, comme le meilleur modèle dans l’absolu. Cependant, ce cosmopolitisme occidental examine d'autres modèles avec la bienveillance due au bon sauvage que l’on étudie selon les canons de l’anthropologie et, peut-être, que l’on éduquera à terme (même par le biais du "bombardement humanitaire") pour l'émanciper de lui-même.

81Oe29BuvPL.jpgAinsi, l'histoire mondiale n'a été que la superstructure historiographique du libéralisme occidental à l'époque de la guerre froide et de l'instant unipolaire.

Bien avant l'essai de McNeill, comme le rappelle à nouveau Xiaofeng, Carl Schmitt a publié Le Nomos de la Terre, un ouvrage qui, plutôt que de subvertir l'eurocentrisme aujourd'hui disparu, a pleinement réalisé qu'il avait déjà été remplacé par un système centré sur l'Amérique [7]. Mais Schmitt, contrairement aux prophètes de l'histoire mondiale, utilisait encore un modèle historiographique centré sur les entités étatiques. L'idée fondamentale de Schmitt était de comprendre que les affrontements entre États resteraient fréquents et intenses, indépendamment du mythe cosmopolite de la citoyenneté mondiale, et que cela deviendrait même extrême dans certains cas.

Schmitt, en effet, a compris que la création et la croissance/le développement des États-Unis se sont déroulés dans un contexte où le jus publicum europaeum (celui qui régissait la guerre entre les monarchies chrétiennes européennes sur le sol du Vieux Continent) n'avait aucune valeur.

31V21xQ3hSL._SX327_BO1,204,203,200_.jpgLes États-Unis sont nés dans un "espace libre" où prévalait la loi du plus fort, celle de l'état de nature et sur le fond idéologico-religieux du thème biblique de l'Exode et de la conviction messianique de la construction du "Nouvel Israël" et de la "Jérusalem sur terre" : des principes qui sont à la base de l'idée puritaine de supériorité morale et de prédestination et qui représentent les fondements existentiels de l'américanisme. Les États-Unis sont nés en totale opposition au modèle européen. Leur entrée sur le Vieux Continent marque le passage de la guerre "légale" à la guerre "idéologique" : l'ennemi doit non seulement être vaincu, mais diabolisé, criminalisé et donc anéanti. Ce que les États-Unis ont fait, c'est ramener en Europe la loi du plus fort, en la considérant, comme les Européens l'avaient fait avec l'hémisphère occidental à l'époque moderne, comme un "espace libre" à soumettre à la simple conquête.

Xiaofeng applique ces idées schmittiennes à la situation géopolitique actuelle en Extrême-Orient et en Chine en particulier. La Chine, à un moment où la « lutte intérieure », que nous évoquions, n'avait pas encore abouti à la formation d'un État fort et pleinement souverain qui lui permettrait de participer pleinement (et équitablement) au forum international, a dû opter pour un accès "technique" au système, par l'entrée dans les institutions internationales. Cette méthode était opposée à celle purement politico-militaire utilisée par le Japon au tournant des XIXe et XXe siècles, lorsque le processus de modernisation endogène réalisé par l'Empire nippon lui a permis de s'affirmer comme une puissance mondiale.

Cependant, l'erreur fondamentale de la classe politique chinoise dans la première moitié du XXe siècle a été de croire que le droit international s'appliquait avec équité à tous les membres de la communauté qui acceptaient ses normes. Xiaofeng rappelle que Tchang Kaï-chek restait fermement convaincu, malgré l'avertissement du conseiller militaire allemand Alexander von Falkenhausen, que les puissances européennes (France et Grande-Bretagne) et les États-Unis viendraient au secours de la Chine face à l'agression japonaise à la fin des années 1930 [8]. De toute évidence, rien de tout cela ne s'est produit et ce n'est qu'avec le début de la Seconde Guerre mondiale et l'entrée des États-Unis dans le conflit que la situation a commencé à changer. 

La nature réelle du droit international a été bien décrite au délégué en URSS de la République de Chine de l'époque, Chiang Ching-kuo, par Joseph Staline. Le "Vozhd", très franchement, lui a dit : "tous les traités sont des chiffons de papier, ce qui compte, c'est la force" [9].

1037148717_0 339 2499 1692_1000x541_80_0_0_768cf3854202f4659865420f7d5f1c44.jpg

En effet, la méthode "technique" décrite par Xiaofeng, par laquelle la Chine a d'abord essayé de se garantir une participation au système des relations internationales, ne lui a pas permis d'atteindre pleinement un équilibre des pouvoirs avec les puissances européennes ou avec les Etats-Unis. Ce n'est qu'avec la révolution maoïste et la victoire dans la guerre de Corée que la possibilité de cet objectif a commencé à se manifester.

Il est bon de rappeler que les États-Unis ont historiquement appliqué à la Chine, avant et après Mao (et bien qu'en phases alternées), une stratégie appelée "politique de la porte ouverte". Dans la période unipolaire, cette politique stratégique a pris la forme d'une sorte d'accord (théoriquement parfait) selon lequel la Chine, exportateur de biens et importateur de liquidités, prenait en charge les titres de la dette américaine, tandis que les États-Unis, consommateur et débiteur, pouvaient compter sur une suprématie militaire durable en se concentrant sur une nouvelle révolution technologique, pour laquelle la concurrence chinoise n'était même pas prise en considération. Comme le dit l'historien Aldo Giannuli : "Dans la vision néo-libérale, l'ouverture mondiale des marchés aurait dû faire de la Chine le principal centre manufacturier du système mondial, mais à condition que le fossé technologique reste constant, voire s'élargisse, et que la balance commerciale ne penche pas trop vers l'Est" [10].

Cependant, avec la crise de 2008, cette entente s'est rapidement fissurée et s'est détériorée déjà sous l'administration Obama qui, dans une tentative de se mettre à l'abri, a opté pour la stratégie géopolitique du « Pivot vers l'Asie » en relation avec le déplacement rapide du centre du commerce mondial vers l'Extrême-Orient. Une stratégie que l'administration Trump a tenté de pousser à l'extrême par une militarisation constante des mers adjacentes aux côtes chinoises et en incitant aux opérations de sabotage le long des voies de communication de la nouvelle route de la soie.

7790761723_l-armee-populaire-de-liberation-a-l-aeroport-xiamen-gaoqi-le-3-septembre-2017.jpg

L'erreur de jugement américaine a donc une origine beaucoup plus lointaine que ce qui est constamment proposé dans les analyses géopolitiques actuelles. Avec la traversée du fleuve Yalu et l'entrée des volontaires chinois en Corée, Pékin avait déjà envoyé un signal assez clair aux États-Unis : vous n'êtes pas les bienvenus de l'autre côté du 38e parallèle. Avec les réformes et les politiques d'ouverture de Deng Xiaoping au début des années 1980 et l'échec du soulèvement de la place Tienanmen, Pékin a envoyé un autre signal aux États-Unis : la Chine n'est plus un "espace libre" où l'on peut opérer à volonté (comme l'a fait Washington en Europe) ou divisible par des moyens économiques et des politiques d'infiltration culturelle.

L'ascension rapide de la Chine hors du "contexte libéral" et en vertu d'un système "illibéral", profondément étatiste et bien décrit également dans le nouveau plan quinquennal du PCC centré sur le principe de la double circulation (demande interne/demande externe), a envoyé un nouveau signal: la fin du système mondial centré sur les États-Unis est proche.

L'accord de libre-échange RCEP - Regional Comprehensive Economic Partnership est le premier pas vers la construction d'une sphère de coopération asiatique libérée de la présence déstabilisatrice de l'Amérique du Nord.

Il est clair qu'une telle éventualité ne sera pas acceptée de plein gré par les États-Unis. Mais aujourd'hui, Pékin, consciente de la nécessité d'un État fort, y compris en termes d'homogénéité idéologique et d'objectifs, est également bien préparée à la lutte contre l'ennemi extérieur.

index.jpgNOTES

[1] J’ai traité ce sujet dans mon livre Essere e Rivoluzione. Ontologia heideggeriana e politica di liberazione, NovaEuropa, Milano 2018.

[2]Cf. R. Khomeini, La più grande lotta. Per liberarsi dalla prigione dell’ego ed ascendere verso Dio, Irfan Edizioni, Roma 2008.

[3]Cf. F. Ratzel, Lo Stato come organismo, “Eurasia. Rivista di studi geopolitici” 3/2018.

[4]L. Xiaofeng, Sino-Theology and the philosophy of history. A collection of essays by Liu Xiaofeng, Brill, Boston 2015, p. 99.

[5]Ibidem.

[6]L. Xiaofeng, New China and the end of the international American law, www.americanaffairsjournal.org.

[7]Cf. C. Schmitt, Il nomos della terra, Adelphi Edizioni, Milano 1991.

[8]New China and the end of the international American law, ivi cit.

[9]Ibidem.

[10]A. Giannuli, Coronavirus. Globalizzazione e servizi segreti, Ponte alle Grazie, Milano 2020, p. 236.

 

 

Dundar condamné : pour avoir découvert l'« autoroute du djihad »

93b6da42379c8c18ae098797006724a3f6290ccd.jpg

Dundar condamné : pour avoir découvert l'« autoroute du djihad »

par Alberto Negri

Source : Il Manifesto & https://www.ariannaeditrice.it

La Turquie d'Erdogan, membre de l'OTAN, a fourni des armes à Al-Qaïda et à l’Etat islamique: les États-Unis le savaient parfaitement, ainsi que les services occidentaux et les monarchies du Golfe qui ont participé à la déstabilisation du régime syrien. Le journaliste Dundar, qui a publié les preuves, a été condamné à 27 ans de prison.

C'est lui qui a découvert la preuve irréfutable sur la "route du djihad". Can Dundar, ancien directeur de Cumhuriyet a été condamné en Turquie à plus de 27 ans de prison. Aujourd'hui, il vit en exil en Allemagne. Il est le journaliste qui avait publié en 2015 des images des véhicules des services de renseignement d'Ankara traversant la frontière syrienne pour fournir des armes aux combattants islamistes, engagés dans la guerre civile contre Bachar al-Assad.

La Turquie d'Erdogan, membre de l'OTAN, fournissait Al-Qaïda, I’Etat islamique et d'autres groupes radicaux : les Américains le savaient parfaitement, tout comme les services de renseignements occidentaux et les monarchies du Golfe qui ont participé à la déstabilisation du régime syrien. Il n’y a pas que cela. La Turquie a continué à soutenir les djihadistes dans la province syrienne d'Idlib, pour les utiliser contre les Kurdes du Rojava, lorsque les Américains se sont retirés en 2019, abandonnant sans vergogne leurs alliés contre le califat au massacre des troupes pro-turques. Ce sont les mêmes djihadistes qu'Erdogan a lancés en Libye pour soutenir "notre" gouvernement à Tripoli, assiégé par le général Haftar, puis les          a envoyés au Haut-Karabakh pour aider l'offensive azerbaïdjanaise contre les Arméniens.

L'autoroute du djihad a de nombreuses branches, au moins autant que les intérêts de la géopolitique omnidirectionnelle d'Erdogan : mais, dans nos pays, nous faisons semblant de ne rien voir car en Libye nous sommes les hôtes du sultan turc qui doit déjà être très irrité par les faiblesses de notre gouvernement à l’égard Haftar pour libérer les pêcheurs de Mazara del Vallo.

erdogan-isis-turkey-syria-kurds-altagreer.gif

Le tribunal d'Istanbul a condamné Dundar pour espionnage et pour avoir soutenu en 2016 le coup d'État manqué, attribué à l'imam Gülen : ce sont les accusations habituelles avec lesquelles le régime écarte les journalistes, les intellectuels et les parlementaires gênants de l'opposition. A tel point que la condamnation de Dundar a été précédée d'une autre, le 21 décembre, par le tribunal de Diyarbakir, contre l'ancienne députée du parti pro-kurde HDP, Leyla Güven, qui devra purger 22 ans de prison pour "association avec une organisation terroriste armée" et "propagande terroriste".

C'est la farce habituelle : en ces heures, la Cour de Strasbourg a ordonné à la Turquie de libérer le leader kurde du HDP Selahattin Demirtas, qui est en prison depuis quatre ans, estimant que ses droits ont été violés. Les juges européens ont jugé que sa détention est sans fondement. La "culpabilité" de Dundar est d'avoir révélé la fourniture d'armes à l’Etat islamique dans la guerre contre Assad. Un secret de polichinelle, puisque des dizaines de milliers de djihadistes du monde entier ont facilement atteint la Syrie et l'Irak en passant par les aéroports turcs, et que l’Etat islamique a vendu le pétrole nécessaire pour faire alimenter sa machine de guerre par la Turquie.

C'est Khaled Meshal, chef du Hamas parti en exil à Damas (et ensuite au Qatar), qui en 2011, a convaincu le ministre turc des affaires étrangères Davutoglu et Erdogan lui-même que la révolte contre Assad serait un succès. C'est à cette époque que des plans ont été élaborés pour ouvrir la "route du djihad" de la Turquie à la Syrie, ce qui a entraîné l'afflux de milliers de djihadistes dans le Levant arabe avec les effets dévastateurs que l'on sait.

Tout cela a été écrit et dénoncé par des journalistes turcs comme Dundar, vu par des reporters qui ont suivi les combats de Syrie sur le terrain, et également relaté dans une interview en prison avec la Sécurité intérieure par "l'ambassadeur" du califat Abu Mansour al Maghrabi, un ingénieur marocain arrivé en Syrie en 2013. "Mon travail consistait à recevoir des combattants étrangers en Turquie et à surveiller la frontière turco-syrienne. Il y avait des accords entre les services de renseignement turcs et l’Etat islamique. Je rencontrerais directement le MIT, les services de sécurité turcs et aussi des représentants des forces armées. La plupart des réunions ont eu lieu aux postes frontières, d'autres fois à Gaziantep ou à Ankara. Mais leurs agents étaient aussi avec nous, à l'intérieur du califat".

Turkey_Supports_ISIS.jpg

L’Etat islamique, dit Mansour, se trouvait au nord de la Syrie et, pour le compte d’Ankara, visait à contrôler la frontière avec la Syrie et l'Irak, de Kessab à Mossoul : il s’avérait fonctionnel pour les plans anti-kurdes d'Erdogan et pour son ambition d'annexer Alep, un objectif perdu avec l'intervention de la Russie et de l'Iran. Et lorsque le califat, après la chute de Mossoul, a négocié en 2014 avec Erdogan la libération des diplomates turcs, il a obtenu en échange la libération de 500 djihadistes pour combattre au Siraq. "La Turquie a protégé nos arrières pendant 300 kilomètres : nous avions une route toujours ouverte pour soigner les blessés et avoir des fournitures de toutes sortes, tandis que nous vendions la plupart de notre pétrole à la Turquie". Mansour s'était hissé au rang d'émir dans les hiérarchies du califat en raison de son rôle et recevait des fonds directement du Qatar.

Voilà l’histoire que Dundar a racontée pour la première fois à l'opinion publique turque et qui continue d'agacer, et pas seulement la Turquie d'Erdogan.

00:40 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : çan dundar, turquie, état islamique, levant, proche-orient, syrie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Quand Truffaut était de droite et critiquait les films idéologiques

3120445.jpg

Quand Truffaut était de droite et critiquait les films idéologiques

Proche des hussards, le futur régisseur a signé des critiques enflammées. Ellessont maintenant disponible en un volume

Claudio Siniscalchi

Ex: https://www.ilgiornale.it

En novembre 1955, un jeune critique de cinéma à succès, François Truffaut, décide de rencontrer un ancien collègue (c'est ainsi qu'il l’appelle), Lucien Rebatet. Truffaut a 23 ans et se précipite dans les escaliers.

Rebatet a 52 ans, et est affaibli de corps et d'esprit. Ils déjeunent tous les deux le long de la Seine, à bord d'un bateau-mouche. Rebatet, plus connu à cette époque sous son pseudonyme François Vinneuil, écrivit à partir de 1930 sur le cinéma pour L'Action française (jusqu'en 1939) puis, à partir de 1935, pour l'hebdomadaire Je suis partout. En 1941, il publie un pamphlet sulfureux, dans lequel il dénonce la "grande invasion" des Juifs dans le cinéma et le théâtre français. L'année suivante, il devient une célébrité avec un volumineux acte d'accusation contre le Front populaire et la France de Vichy, Les décombres. Fervent partisan de l'alliance franco-allemande, et antisémite agressif, Rebatet est condamné à mort pour ces motifs en 1946 (peine qui sera transformée en prison à vie en 1947). En juillet 1952, il est remis en liberté. Mais il était devenu un paria. La patrie le rejette, malgré Les Deux Etendards, publié en deux volumes par Gallimard en 1951. François Mitterrand, parlant de ce roman sans fin d'amour et de métaphysique, a dit que le monde est divisé en deux : ceux qui l'ont lu et ceux qui ne l'ont pas lu. Truffaut, le "jeune amant", a décidé de rencontrer le "vieux critique", défiant ainsi les conventions.

L'idée de provoquer, de scandaliser, est un trait essentiel de la personnalité de Truffaut. Mais il y a quelque chose de plus profond qui scelle la rencontre. Rebatet, qu'on le veuille ou non, appartient à l'une des grandes traditions anticonformistes de la culture française, qui commence avec Charles Maurras et débouche chez les Hussards. Et, à toutes fins utiles, Truffaut est le chef de file de la critique cinématographique des Hussards. Il vient de s'imposer sur la scène française avec un écrit  explosif, intitulé Une certaine tendance du cinéma français, paru dans le premier numéro de 1954 du mensuel Cahiers du cinéma. C'est "une attaque à la baïonnette", dans laquelle Truffaut réécrit l'histoire du cinéma français. Si le produit national est devenu aussi bâclé et répétitif, c'est la faute des réalisateurs qui n'ont aucun courage et des scénaristes attachés à "inventer sans trahir", qui privilégient le mot à l'élément visuel. Le réalisateur est finalement réduit à une présence insignifiante: un prêteur de main d'œuvre, payé pour ne faire que de beaux plans. Truffaut a l'idée géniale de réadapter, au milieu des années 1950, la querelle déjà proposée par les écrivains romantiques du XIXe siècle, entre "anciens" et "modernes". Pour le "Rimbaud de la critique", la controverse représente presque une "nécessité morale". Mais il a besoin d'un forum approprié pour devenir le "broyeur du cinéma français", l'homme le plus détesté de Paris, une sorte de terroriste en perpétuel mouvement.

truffaut-chroniques.jpg

Le meilleur forum pour faire exploser le talent de Truffaut fut Arts, la vitrine hebdomadaire des Hussards, fondée en 1952. En 1954, le nouveau directeur en est Jacques Laurent, à la recherche de jeunes talents anticonformistes qu’il pourra jeter dans la mêlée. Si Breton était le pape du surréalisme et Sartre de l'existentialisme, Laurent était le pape des Hussards. Il ouvre les portes du magazine aux écrivains marginalisés après la Libération : Jacques Chardonne, Paul Morand, Marcel Jouhandeau, Marcel Aymé, Henry de Montherlant. Et en même temps, il promeut les nouveaux écrivains hostiles à l'engagement politique de gauche : Roger Nimier, Michel Déon, Antoine Blondin. Le terme « hussard » a été emprunté au roman de Roger Nimier, Le hussard bleu (1950). Sur le plan littéraire, les hussards se sont opposés à la "dictature sartrienne". La littérature, telle qu'elle est comprise par le philosophe devenu l’intellectuel des médias, est mélangée à un engagement politique (marxiste) et métaphysique (existentialiste). Ouvrir le feu contre les hussards, ce fut la tâche de la revue Les Temps modernes. L'article polémique, que Sartre y publie, analyse l'éveil intellectuel fasciste dans un long essai en 1952. L’impact des Hussards, réactionnaires turbulents, est un signe inquiétant pour la revue de Sartre: "Comme tous les fascistes, écrit Bernard Frank, ils détestent la discussion, la temporisation, les idées". Truffaut a collaboré avec l'hebdomadaire des Hussards de février 1954 à décembre 1958, en rédigeant 460 articles, rassemblés par Gallimard dans les Chroniques d'Arts-Spectacle 1954-1958 (528 pages, 24 euros). Pour ceux qui veulent comprendre la culture française, et pas seulement le cinéma, des années 50, que l'on croit à tort dominée par Sartre et ses imitateurs, un vide est comblé. Les écrits de Truffaut qui ont paru dans les Cahiers du cinéma ont été surtout mis en exergue. L'icône de l'artiste de gauche qui, en 1968, a mis fin au Festival de Cannes et qui, en 1960, a signé le Manifeste des 121 en faveur des soldats déserteurs en Algérie est en quelque sorte ternie. La collaboration avec Arts inscrit à juste titre le jeune critique dans le panorama de la droite littéraire. Ses adversaires qualifient Truffaut de fasciste, de désengagé, de provocateur de droite.

81HOQN04SxL.jpg

Son style nerveux et agressif exalte le cinéma français des bien-aimés Jean Renoir, Sacha Guitry, Max Ophuls, Robert Bresson. Il déteste carrément Jean Delannoy et Claude Autant-Lara. Il défend Roberto Rossellini. Réfractaire à tout message idéologique, il préfère les films américains, même de série B, aux productions soviétiques. Il a soutenu les jeunes réalisateurs Alain Resnais, Agnès Varda et surtout Roger Vadim. Lorsque Et Dieu créa la femme sortit en décembre 1956, il fut l'un des rares à le défendre. Brigitte Bardot apparaît magnifique dans un film qui est typique "de notre génération parce qu'il est amoral (en ce qu'il rejette la morale actuelle et n'en propose pas d'autre) et puritain (en ce qu'il est conscient de cette amoralité et qu'il en est perturbé)". Le seul défaut de cette splendide publication est la note d'introduction de Barnard Bastide, un long exercice d'équilibre qui n'aborde pas le véritable cœur de la collection. Des colonnes d’Arts, François Truffaut a construit, brique par brique, une critique d'extrême droite du cinéma actuel, de grande qualité stylistique, loin des modes dominantes. Mais on ne peut pas tout obtenir d'un livre.

20277334lpw-20277390-article-francois-truffaut-jpg_7068197_1250x625.jpg