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mercredi, 20 décembre 2017

Denis de Rougemont

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Denis de Rougemont

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Toute sa vie, Denis de Rougemont (1906 – 1985) œuvra en faveur de l’unité européenne. Ce n’est guère étonnant, car ce citoyen suisse jugeait la Confédération helvétique comme un exemple de toute véritable construction continentale aboutie.

Ce fils de pasteur d’origine nobiliaire du canton de Neuchâtel, ancienne principauté prussienne, fut très tôt attiré par les livres, les revues et l’édition. Au début de la décennie 1930, il arrive à Paris et y rencontre un autre ardent fédéraliste, Alexandre Marc, et un duo de compères très révolutionnaires-conservateurs, Arnaud Dandieu et Robert Aron. Tous les quatre lancent la revue L’Ordre Nouveau qui va devenir l’un des titres majeurs du « non-conformisme des années 30 », selon l’expression aujourd’hui consacrée de Jean-Louis Loubet del Bayle et qu’Olivier Dard a ensuite intégré dans l’aile spiritualiste des « relèves des années 1930 ».

Rougemontamouretoccident.jpgAnti-matérialiste, Denis de Rougemont le sera toujours. En contact épisodique avec les chefs de file de la « Jeune Droite », Jean de Fabrègue et Thierry Maulnier, il écrit aussi pour la revue Esprit d’Emmanuel Mounier. Ils sont d’ailleurs les premiers à parler de personnalisme. Cependant, Rougemont relie ce concept à une dimension plus ambitieuse, celle d’une Europe fédéraliste appliquant la subsidiarité intégrale. Il se détourne en tout cas de l’étatisme centralisateur républicain français dont il perçoit toute la malfaisance.

La terrible crise économique de 1929 le plonge dans une période de chômage. En 1935 – 1936, ce parfait germanophone devient lecteur à l’Université allemande de Francfort. Il y découvre les premières réalisations du national-socialisme et s’inquiète pour l’avenir immédiat de la paix en Europe. Il assimile bientôt l’hitlérisme à la variante germanique de l’esprit révolutionnaire français de 1793 et voit dans les SA des sans-culottes en chemise brune…

De retour en Suisse, il prône la résistance face aux intentions conquérantes de la nouvelle Allemagne. Mobilisé dans l’armée helvétique, son attitude lui vaut quelques déboires. Toutefois, dès l’été 1940, il traverse l’Atlantique, s’installe aux États-Unis et y rencontre d’autres Européens exilés. Ainsi retrouve-t-il en 1943 le comte Richard Coudenhove – Kalergi déjà vu en 1927. Denis de Rougemont entre aussi en relation avec certains cénacles fédéralistes pré-atlantistes d’Amérique du Nord.

ROUGEMONT_1936_Penser_avec_les_mains_cover_first_edition.jpgRentré en Europe dès 1946, il organise un an plus tard à Montreux en Suisse le 1er Congrès de l’Union européenne des fédéralistes. Un second congrès se tient à La Haye l’année suivante au cours duquel les tenants de l’économisme, Jean Monnet en tête, rompent avec les partisans de l’action culturelle prioritaire. Cette vive scission n’empêche pas Denis de Rougemont de créer le Centre européen de la culture et de militer au sein du Mouvement paneuropéen. Horrifié en août 1945 par les deux bombardements atomiques étatsuniens qu’il estime être l’apothéose du totalitarisme moderne, il soutient dès lors des positions pacifistes, régionalistes, fédéralistes et écologistes. Dans les années 1960 – 1970, aidé par l’intellectuel protestant français Jacques Ellul, il crée l’association Ecoropa.

Denis de Rougemont est surtout connu pour son essai de 1939, L’Amour et l’Occident, dans lequel il exalte l’amour courtois et y célèbre un fédéralisme sentimental et psychologique. Enfin, en homme engagé, il préside de 1950 à 1966 le Congrès pour la liberté de la culture. Cet organisme très anti-communiste bénéficie de larges subsides de la CIA…

Denis de Rougemont est par ailleurs indirectement à l’origine de la neutralisation des institutions de l’Union pseudo-européenne par l’idéologie hideuse des droits de l’homme. L’inutile Conseil de l’Europe et la grotesque Cour européenne des droits de l’homme, toujours en pointe dans le gendérisme, l’homoconjugalité, l’égalité sexuelle, le féminisme, le libéralisme culturel, le financiarisme et l’alignement atlantiste, sont aujourd’hui les manifestations les plus visibles de son action intellectuelle. Denis de Rougement insista sur l’appartenance historique, charnelle et géographique commune des peuples européens sans se douter un instant que son travail serait tronqué et détourné par les cosmopolites.

Georges Feltin-Tracol

• Chronique n° 12, « Les grandes figures identitaires européennes », lue le 5 décembre 2017 à Radio-Courtoisie au « Libre-Journal des Européens » de Thomas Ferrier.

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La Vraie Droite contre-attaque !

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La Vraie Droite contre-attaque !

Recension du livre métapolitique de Daniel Friberg

par Thierry Durolle

Ex: http://www.europemaxima.com

À l’aube du XXIe siècle, certains s’imaginent, à tort, que la Gauche et la Droite sont deux clivages politiques dépassés. L’émergence de formations politiques ou métapolitiques transcourants pourrait en effet nous tromper. Pourtant il n’en n’est rien. Bien que des idées de gauche passent à droite et vice versa (1), il y aura toujours une Gauche et une Droite « éternelles », « métaphysiques »; une Gauche synonyme d’horizontalité et une Droite de verticalité.

En cet âge sombre, où la confusion est reine, ces repères se trouvent donc parfois malmenés. Alors oui, il faut reconnaître que les frontières, dans certains cas, sont poreuses ou bien que le dialogue entre deux camps opposés est possible. L’histoire du Cercle Proudhon est d’ailleurs un bel exemple d’union sacrée. Néanmoins, il ne faut pas que le dialogue, ou l’emprunt de méthodes au camp adverse en vienne à modifier l’ADN des deux ensembles. Que Michel Onfray discute avec Alain de Benoist soit. Est-il devenu un homme de Droite pour autant ?

Évoquer la Droite en France ramène toujours aux libéraux, au patronat, aux affairistes de tout poil, même s’ils présentent une pointe de conservatisme un peu réactionnaire aux yeux des plus progressistes. À ce titre, nombre de ténors de la Droite « classique » sont compatibles avec les idées sociétales du Parti socialiste et d’En Marche. Est-ce la Droite « classique » qui se rabat sur sa gauche ou n’est-elle pas, historiquement parlant, la véritable Gauche, celle qui naquit a de la Révolution bourgeoise de 1789 ?

Dans ce cas-là, qu’en est-il de la véritable Droite ? Le Suédois Daniel Friberg, responsable des éditions Arktos, fondateur du groupe de réflexion métapolitique Motpol, et rédacteur européen de la plate-forme AltRight.com, s’est lui aussi posé cette question. Son livre, Le retour de la vraie droite, est désormais disponible en français. Ce petit recueil comporte six textes (en plus de la préface et de la postface) et d’un « dictionnaire métapolitique ».

DF-RVD.jpgDans son texte, « Le retour de la vraie Droite », l’auteur revient en premier lieu sur l’ascension culturelle de la Gauche et conqtate que « les idéaux de l’Occident ont subi une inversion totale, et des idées qui se situaient initialement à la périphérie de l’extrême gauche ont été élevées au rang de normes sociales qui prévalent aujourd’hui dans l’éducation, les médias, les institutions gouvernementales et les ONG privées (p. 2) ». Un tel résultat, nous explique l’auteur, n’aurait pas pu être possible sans « les sociologues et philosophes marxistes de l’Institut für Sozialforschung de Francfort [qui], au début du XXe siècle, visaient, au travers de la conception de la philosophie et leur analyse sociale sélective, à saper la confiance dans les valeurs et hiérarchies traditionnelles (p. 2) ». Sans doute que d’autres facteurs sont rentrés en ligne de compte concernant l’involution de l’Occident, et non pas uniquement des facteurs politiques, mais cela ne rentre peut-être pas dans la grille de lecture de l’auteur – ce qui n’enlève rien, par ailleurs, à la justesse de ses propos.

Justement, Daniel Friberg souligne que cet essor de la Gauche culturelle (que l’on nomme parfois « marxisme culturel ») fut rendu possible par « trois facteurs principaux ». Tout d’abord, « après la Seconde Guerre mondiale, la Droite a été assimilée au camp des vaincus, en particulier au national-socialisme (p.5) ». Ensuite la « longue marche de la Gauche à travers les institutions […] s’est accélérée dans les années 1960 et 1970 et a culminé dans la mainmise sur les médias, les institutions culturelles et les systèmes éducatifs, c’est-à-dire sur les piliers de la société qui forment précisément les pensées et les opinions des gens (p. 5) ». Enfin, la « nouvelle Gauche a rejeté la classe ouvrière européenne, jugée incurablement réactionnaire par les minorités sexuelles et ethniques (p. 5) ». Mais le plus important reste que « cette évolution a coïncidé avec la montée de puissants nouveaux intérêts et courants économiques et politiques (p. 6) ». N’est-ce pas un résumé de la genèse du paradigme libéral-libertaire actuel ?

Daniel Friberg relate ensuite brièvement l’émergence de la Nouvelle Droite. Est-ce bien nécessaire de revenir sur cet épisode sans doute bien connu du public français ? Dans tous les cas, son influence sur Daniel Friberg et certains de ses camarades déboucha sur la naissance de la Nouvelle Droite suédoise. « S’il fallait dater précisément le début de ces activités, écrit Friberg, on pourrait dire que la Nouvelle Droite suédoise est née en 2005, lorsqu’un petit groupe d’étudiants de droite a commencé à se former à Göteborg; il réunissait ceux d’entre nous qui s’étaient engagés avec enthousiasme dans la lecture d’un certain nombre d’ouvrages révolutionnaires, dont l’édition originale anglaise du livre New Culture, New Right de Michael O’Meara, ainsi que des essais d’Alain de Benoist, Guillaume Faye, Dominique Venner, Pierre Krebs et d’autres penseurs de la Nouvelle Droite continentale (p. 12). » Tout ce bouillonnement culturel « dextriste » donnera, le 10 juillet 2006, la création d’un cercle métapolitique nommé Motpol. D’autres projets alternatifs de Droite apparaîtront en Suède comme Fria Tider ou Avpixlat.

À l’époque, la méthode de conquête finale du pouvoir envisagée par la Nouvelle Droite n’est pas nouvelle en soit, mais son usage par un mouvement de Droite reste inédit. Elle consiste en ce que certains ont appelé un « gramscisme de Droite » à cause de l’adaptation qu’elle fit des théories du communiste italien : préparer les esprits pour parachever la prise de pouvoir politique. Daniel Friberg, en bon disciple des ténors du mouvement susnommé mise lui aussi sur cette méthode. Presque cinquante ans après l’avènement du GRECE en France, le bilan est pourtant décevant, voir médiocre. L’influence de la Nouvelle Droite s’est faite sur les milieux de la Droite nationale, et ce, pour le meilleur (c’est du moins notre avis). Il faut également préciser l’influence préalable d’Europe Action et, dans un registre différent, de Jeune Europe. En revanche, son influence sur le peuple est quasi nul, la faute à une campagne médiatique dont le but fut l’instauration d’un cordon sanitaire entre le peuple et la Nouvelle Droite, mais aussi, à la teneur hautement intellectuelle des travaux et des productions du GRECE ou de la revue Nouvelle École. Ainsi nous sommes assez sceptique sur l’efficacité de la métapolitique à influencer le peuple. En revanche, nous croyons plus à la pertinence d’une initiative comme TV Libertés, ainsi qu’aux autres plate-formes opérant à un travail de ré-information.

Dans le chapitre intitulé « Orientations » (sympathique clin d’œil à un philosophe italien), Daniel Friberg esquisse les grandes lignes de ce qu’il estime appartenir à une véritable pensée de Droite. Là encore le lecteur familier avec les idées de la Nouvelle Droite ne sera pas déstabilisé. Ethno-différencialisme, alter-européisme, anti-libéralisme, anti-impéralisme droit-de-l’hommiste, refus de l’uniformisation du monde et du mondialisme, refus de la méthode révolutionnaire empruntée à l’extrême gauche – « La vraie Droite ne devrait pas chercher à imiter cette stupidité, qui n’est que perte de temps (p. 35) » – figurent parmi ces orientations. Daniel Friberg réitère à propos de la méthode métapolitique qu’il qualifie à juste titre de « transformation graduelle ». La remarque qui nous vient immédiatement à l’esprit est « Avons-nous encore le temps ? » La réponse est sans doute non. Quels sont concrètement les succès de la métapolitique sur le peuple en France ? L’emploi dans les médias et par une infime frange du peuple des expressions comme « Français de souche » (2) et « Grand Remplacement » ? En outre, le discours métapolitique des cercles de réflexions issus de la Nouvelle Droite n’ont que très rarement concordé avec le Front national par exemple, alors qu’en face les gouvernements successifs œuvrent avec succès à notre neutralisation.

Nonobstant ces critiques concernant l’emploi de la métapolitique prôné dans cet ouvrage, Le retour de la vraie droite de Daniel Friberg est surtout digne d’intérêt pour le néophyte. Son langage clair, ses propos synthétiques et son utile dictionnaire métapolitique constitueront un excellent point de départ pour de nombreux jeunes militants.

Thierry Durolle

Notes

1 : Arnaud Imatz l’a parfaitement démontré dans son livre Droite / GauchePour sortir de l’équivoque. Histoire des idées et des valeurs non conformistes du XIXe au XXe siècle, Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2016.

2 : L’un de nos objectifs devrait inclure la réhabilitation du concept de nationalité – et non plus de citoyenneté – française, avec comme tout premier prérequis, sa nature albo-européenne, c’est-à-dire le fait d’être Blanc. Pour cela le travail à effectuer ne concerne pas seulement le domaine bioculturel, mais s’accompagne aussi d’un travail de revalorisation de l’Histoire de France, ou bien encore par la mise en avant d’une philosophie politique adaptée à nos objectifs.

• Daniel Friberg, Le retour de la vraie droite. Un manuel pour la véritable Opposition, Arktos, 117 pages, 2017, 12,72 €.

mardi, 19 décembre 2017

Syrie: le facteur chinois

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Bernhard Tomaschitz :

Syrie: le facteur chinois

Beijing accroît son engagement en Syrie pour mieux asseoir sa stratégie géopolitique après le conflit !

La Chine vient donc d’accroître son engagement en Syrie. Depuis avril 2016, quelque 300 conseillers et instructeurs chinois sont présents en Syrie d’après le Middle East Monitor ; désormais, la Chine veut y envoyer des soldats pour soutenir le Président Bachar El-Assad. On pense que ces soldats appartiendront aux fameuses unités d’élite chinoises, les « Tigres de Sibérie » et les « Tigres de Nuit ». Selon le droit chinois, l’envoi d’expéditions militaires à l’étranger est autorisé, à condition que ce soit pour combattre le terrorisme. Ensuite, on peut dire que les intérêts syriens et chinois coïncident en matière de sécurité. D’après les sources syriennes, quelque 5000 islamistes venus du Xinjiang chinois combattent dans les rangs de Daesh. Les Chinois craignent dès lors que ces hommes, après la défaite subie par l’organisation terroriste, ne reviennent dans leur pays et y commettent des attentats.

La Chine a cependant d’autres intérêts en Syrie, sur le long terme cette fois, car ce pays du Levant aura un rôle important à jouer dans le grand projet chinois de la « route de la soie », l’OBOR. C’est la raison majeure qui amène Beijing à intervenir dans le processus de paix. « En tant que membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU, la Chine a toujours veillé à ce que règne la paix, la stabilité et le développement au Proche-Orient », a déclaré, fin novembre 2017, Geng Shuan, porte-paroles du ministère chinois des affaires étrangères. Geng Shuan s’est avéré encore plus précis : « La Chine soutient les efforts des pays de la région qui cherchent à renforcer la lutte antiterroriste et entendent rétablir l’ordre et la stabilité ». La Chine est prête à échanger des idées avec les pays de la région « qui travailleront à la réalisation du projet OBOR et qui voudront assurer la paix et la stabilité en optant pour une politique de développement ».

La Chine, tout comme la Russie, veut participer à grande échelle à la reconstruction de la Syrie pour gagner en influence dans la région aux dépens des Etats-Unis. Beijing et Moscou profitent du fait que l’Occident, engoncé dans ses marottes idéologiques, cultive encore et toujours l’illusion d’un changement de régime à Damas. « Les Etats occidentaux disent qu’ils apporteront leur soutien à la reconstruction de la Syrie seulement si s’amorce « un processus crédible conduisant à un véritable changement politique soutenu par la majorité du peuple syrien », écrivait l’agence Reuters le 24 novembre 2017. La Chine, elle, ne demande à la Syrie que de faire preuve de ‘flexibilité’, d’esprit de dialogue et de négociation.

Pour se préparer à l’ère de la reconstruction, une rencontre bilatérale sino-syrienne de haut niveau a eu lieu en juillet dernier. Y participait également la « Banque d’investissements structurels asiatique », créée à l’initiative de la Chine. On y a planifié l’édification d’un parc industriel en Syrie, qui serait ouvert aux entrepreneurs chinois et aurait une valeur de deux milliards de dollars. Comme le remarquait Asia Times, « rien n’aurait davantage de sens qu’un engagement chinois ». Finalement, les négociants syriens ont été très actifs sur la route de la soie pour le petit commerce, avant la tragique guerre civile syrienne ». Les Chinois n’ont pas oublié non plus qu’aux temps de l’ancienne route de la soie la Syrie contrôlait le passage des marchandises vers l’Europe et vers l’Afrique.

Aujourd’hui, ajoute Asia Times, le projet OBOR fera inévitablement émerger un « moyeu syrien ». Ce n’est donc pas un hasard si l’ambassadeur syrien en Chine, Imad Mustafa, mise sur cet atout. La Chine, la Russie et l’Iran recevront la priorité demain, après la fin des hostilités, quand il s’agira de lancer les programmes de reconstruction, de rééquipement et d’investissements infrastructurels. Les Etats-Unis et, à leur suite, les Etats de l’Union européenne, resteront sur le carreau.

Avec l’aide de la Chine, Assad pourra sans doute réaliser son rêve des « Quatre mers ». En 2009, il avait déclaré dans un interview : « Dès que l’espace économique entre la Syrie, la Turquie, l’Irak et l’Iran sera intégré, nous deviendrons le lien nodal entre la Méditerranée, la Caspienne, la Mer Noire et le Golfe Persique. Dès que ces mers seront reliées entre elles, nous serons, dans le monde, le point d’intersection optimal pour tous investissements, transports et autres ». On avait planifié en Syrie la construction de routes, de ports et d’oléoducs. De plus, la stratégie dite des « Quatre mers » avait été évoquée dans « Syria today » en janvier 2011 : ce projet, disait le magazine syrien, «montrera que la Syrie, en matière de stabilité, ne dépendra plus des Etats-Unis et de leurs principaux alliés : c’est là un message clair pour beaucoup d’autres pays comme le Venezuela, le Brésil et l’Argentine ».  Assad n’a plus pu réitérer ce message car, très peu de temps après l’avoir formulé une première fois, les Etats-Unis ont déclenché leur guerre contre la Syrie, par terroristes interposés.

Or, sept ans après avoir énoncé ce projet, Assad a, envers et contre tout, consolidé son pouvoir et a offert aux adversaires géopolitiques des Etats-Unis l’occasion de gagner considérablement en influence au Levant. On dirait que l’histoire a puni l’Amérique. L’analyste russe Alex Gorka en tire des conclusions pertinentes : « La Chine peut devenir un acteur très important en Syrie. La Syrie, en effet, doit être reconstruite et la Chine est en mesure d’offrir cette aide. En tant que membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU, le rôle qu’elle peut jour pour parvenir à une solution pacifique est de toute première importance. La participation chinoise fait que le processus de paix sera vraiment international, avec une large représentation de puissances autres qu’occidentales, réduisant du même coup le rôle que pourra jouer l’Ouest ».

Bernhard TOMASCHITZ.

(article paru dans « zur Zeit », Vienne, n°50/2017, http://www.zurzeit.at ).  

Sahra Wagenknecht ou l'art politique de suggérer des alternatives originales

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Alexander Schleyer :

Sahra Wagenknecht ou l’art politique de suggérer des alternatives originales

Dans le « Parti de Gauche » en Allemagne (la « Linkspartei ») la base gronde et grogne. Elle n’est plus vraiment seule : de nombreux élus refusent désormais d’obéir à la présidente du parti, Sahra Wagenknecht. Pourquoi ? Parce que cette femme de caractère formule des critiques serrées du statu quo et se montre adepte d’une Realpolitik bien adaptée aux réalités contemporaines. Du coup, la « Gauche » estime que sa propre présidente est trop à droite !

Sahra Wagenknecht est têtue : elle prend sans hésiter la liberté de dire haut et clair que tout le monde ne peut pas venir s’installer en Allemagne. Cette audace, elle est quasi seule à la partager. Les menées asociales des patrons de l’économie subissent ses critiques les plus vertes, de même que la valetaille politicienne qui est embourbée jusqu’au cou dans les intrigues des soi-disant « employeurs ». Elle a aussi l’outrecuidance de rejeter l’idée qu’un islam politique puisse s’implanter en Allemagne. A la différence de Merkel qui, au titre de secrétaire à la propagande, a toujours su exploiter le système à son profit, Sahra Wagenknecht ruait déjà dans les brancards au temps de la RDA communiste. Elle fit bien quelques tentatives pour rejoindre sa mère à l’Ouest mais sans succès : elle a vécu chez ses grands-parents dans les environs d’Iéna. Sa mère vivait et étudiait à Berlin et aurait bien voulu garder sa fille près d’elle mais la petite Sahra ne s’est adaptée à aucune école maternelle : elle était rebelle ; dans le jargon communiste de la RDA, elle était « incapable de comportement collectif » (« kollektivunfähig »).

SW-buch.jpgSa scolarité a été marquée du même esprit de rétivité : elle était certes une élève très douée, qui obtenait les meilleures notes mais le régime ne lui a pas permis d’accéder à l’enseignement supérieur. Il a condamné la jeune fille rebelle à descendre de l’échelle sociale : elle a dû abandonner ses études et aller travailler comme secrétaire. Très vite, elle donne sa démission, vivote de petits boulots occasionnels, tout en restant une belle jeune femme aux allures altières.

Elle adhère malgré tout à la SED (l’inamovible parti socialo-communiste au pouvoir) pendant l’été 1989, tout en conservant et son idéalisme et son individualisme. Rebelle sous le régime communiste, elle s’affiche communiste dans la République Fédérale néo-libérale. Jamais elle ne reniera son engagement de l’été 1989 : elle restera la dirigeante majeure de la dite « plateforme communiste ». Pourquoi ? La lâcheté de toujours vouloir « se distancer » est le propre des conventionnels sans épine dorsale et des conservateurs de salon qui, en bout de course, finissent par adopter tous les travers de leurs adversaires de gauche. Cette rébellion anti-communiste d’hier et cette fidélité au communisme aujourd’hui rendent justement le discours de Sahra Wagenknecht intéressant dans un paysage politique, uniquement composé désormais d’opportunistes et d’obséquieux.  Sahra Wagenknecht est marxiste : elle défend donc une vision de la politique qui est collectiviste. Mais cela ne l’empêche pas de rester elle-même, la rebelle que personne ne parvient à dompter.

Elle a la langue acerbe et le ton tranchant, ce qui se remarque tout de suite quand elle est invitée sur les plateaux de télévision, notamment aux émissions du modérateur Markus Lanz. Wagenknecht y a exprimé sans fard son euroscepticisme. Lanz, qui est évidemment un conformiste, fut désarçonné et perdit les derniers lambeaux de sympathie qui lui restait auprès du public, surtout après sa dernière question, dépourvue de pertinence, où il demandait combien gagnait Sahra Wagenknecht.

Dans la question des réfugiés, Sahra Wagenknecht campe résolument sur ses positions, même après deux séances houleuses de sa fraction au parlement allemand. Elle a gardé le cap, n’a édulcoré que quelques détails de son discours, où elle avait notamment déclaré : « Juridiquement parlant, le terme ‘droit d’hôte’ (‘Gastrecht’) n’est certainement pas correct ». « Mais la grande majorité le ressent ainsi ». Cette citation ne vise pas les demandeurs d’asile mais ceux qui demandent simplement une protection (provisoire) au nom de la convention de Genève sur les réfugiés. Leur renvoi, que réclame Wagenknecht, est bel et bien inscrit dans le droit en vigueur, prévu depuis toujours. « Le gouvernement n’est pas maître de la situation », a-t-elle répété sans cesse pour fustiger les résultats de la crise provoquée par l’afflux massif de réfugiés en Allemagne. Jamais elle n’a épargné Merkel, personnification du scandale qui ébranle aujourd’hui la société allemande de fond en comble : « Elle a toujours cru que sa fonction consistait à reconnaître pleinement la souveraineté américaine en Allemagne et à l’accepter sans broncher, ce qui signifie, que cette souveraineté étrangère doit être reconnue comme telle et cela, à jamais », a déclaré Sahra Wagenknecht lors d’un entretien accordé à « Russia Today ».

Tout naturellement, son esprit de rébellion et son hostilité à la domination américaine l’ont amenée à considérer que la seule piste pour sortir la Syrie de la crise était d’amorcer « une coopération plus étroite avec la Russie et de ne plus jouer la seule carte de la confrontation ». Pour assurer la paix au monde, il faut « dissoudre l’OTAN et la remplacer par un système de sécurité collective, qui puisse inclure la Russie ». Dans le cadre de l’Allemagne actuelle, l’idéal d’accueil de la chancelière Merkel, qui est évidemment aberrant, a eu pour résultat de créer dans le pays des problèmes insolubles en matière d’intégration. « C’est un problème aux dimensions gigantesques qui jette le doute dans l’esprit des Allemands et rencontre leur désapprobation profonde ».

Ce qui frappe le plus les observateurs de l’histoire politique allemande depuis les années 1950, c’est que cette femme combattive est tout à la fois l’une des dernières à défendre la RDA et son système social et l’une des dernières admiratrices du Chancelier Ludwig Erhard qui avait fait de la République de Bonn un Etat social bien plus acceptable (même pour une communiste !) que la nouvelle République de Berlin, percluse de néolibéralisme asocial. Ce n’est donc pas un hasard si Sahra Wagenknecht s’est toujours portée candidate sur les listes de gauche en Rhénanie du Nord/Westphalie : elle est bien l’avocate des perdants de la réunification à l’Ouest et non celle des anciennes élites de l’Est.

Alexander Schleyer.

(article paru dans « zur Zeit », Vienne, n°49/2017, http://www.zurzeit.at ).

 

Alberto Buela: Populismo e "popularismo" nell'estremo Occidente

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Alberto Buela Lamas:

Populismo e "popularismo" nell'estremo Occidente

 
L’ Europa, ci piaccia o no, spiega il filosofo argentino Alberto Buela Lamas, «ha mille risorse nascoste che può ancora mobilitare. È un'ingenuità affermare che l'Europa è finita, quelli che sono finiti sono i sui dirigenti, influenzati dalla "americanosfera"»

Nel nostro incontro con il professor Alberto Buela Lamas affrontiamo la questione del populismo da altre prospettive: geografica e di pensiero. Buela, infatti, ci porta ad analizzare le differenze che intercorrono tra populismo e “popolarsimo” e tra movimenti europei e movimenti ibero-americani, termine che il Professore sceglie per segnare la differenza con quello comunemente conosciuto, “latinoamericani”, di invenzione francese. Guardando l’Europa dall’“estremo occidente”, il filosofo argentino confida ancora nella centralità europea e nella luce di Roma “ultima datrice di senso delle azioni degli uomini nel mondo.”

Alberto Buela Lamas è un filosofo argentino che ha sviluppato il pensiero ibero-americano.

Ha insegnato presso l'Università Tecnologica Nazionale dell'Argentina e in Spagna presso l'Università di Barcellona. Di formazione classica, è stato il fondatore della visione metapolítica in America, nonché pioniere della “teoria del dissenso” che propagò attraverso le pagine dell’omonima rivista con l’ambizione di edificare un pensiero alternativo rispetto a quello egemonico. Il suo pensiero poggia su autori classici come Platone ed Aristotele, su autori contemporanei europei come Scheler, Heidegger, Bollnow e americani tra cui figurano McIntayre, Wagner de Reyna, Nimio de Anquín, Saúl Taborda.

Il dibattito sul populismo tiene banco sia in ambito accademico, che sui quotidiani. Da filosofo politico potrebbe fornirci una definizione di tale termine e la sua opinione su tale fenomeno?
La politologia, che è una scissione relativamente recente della filosofia, ha considerato storicamente il populismo in forma spregiativa. Essa, infatti, concedendogli una connotazione negativa, lo ha caratterizzato come una patologia politica, secondo Leo Straus, o come “l'Enfant Perdu” della scienza politica ( Bosc René : Un enfant perdu de la science politique: le populisme, en Projet, n.° 96, junio de 1975, pp. 627-638). Uno studio che si è rivelato a dir poco vergognoso per coloro i quali lo hanno partorito. La più rinomata studiosa del tema, l'inglese Margaret Canovan sostiene che: “il termine populismo si usa comunemente a modi diagnosi per una malattia” (Canovan, Margaret: Populism, Hartcourt Jovanovich, Nueva York-Londres, 1981, p.300).

Con riferimento alla definizione di populismo potremmo dire che: si ha populismo dove il governo fa quello che il popolo chiede e non ha altro interesse che l'interesse del popolo stesso.

La mia opinione sul fenomeno populista è che l'installazione politica del populismo in Europa, in questi ultimi anni, ha obbligato i teorici a ripensare la categoria di populismo con l'intenzione di liberarla della connotazione spregiativa che loro stessi gli avevano attribuito in altri tempi, quando il fenomeno del populismo si manifestava nei paesi periferici o del terzo mondo, come furono i casi di Perón, Vargas o Nasser. Oggi, in Europa, abbiamo non suolo il populismo di destra come il caso del Fronte Nazionale francese, bensì anche quello di sinistra come Podemos in Spagna. Ecco allora che il populismo si è trasformato in una corrente orizzontale che va dalla destra alla sinistra, quando in realtà il fenomeno possiede un asse verticale che va dal basso (l’interesse reale del popolo), verso l'alto, (mettendo in discussione la rappresentanza politica demo liberale e borghese dei partiti politici del sistema).

In un suo articolo lei ha parlato di differenza tra populismo e “popolarismo” potrebbe spiegarci di cosa si tratta?
Noi siamo ricorsi ad un neologismo, quello del “popularismo” che solo gli uomini di lingua italiana possono comprendere perfettamente, che sostiene che il popolo è: a) fonte principale di ispirazione; b) termine costante di riferimento; c) depositario esclusivo di valori positivi. Il popolo come forza rigeneratrice è il mito fondante nella lotta per il potere politico. Il popolo è il soggetto principale della politica. L'azione del pensiero unico e politicamente corretto, espresso in queste ultime decadi per la socialdemocrazia e le sue varianti “progressiste”, ha cercato la sparizione del popolo (dell’ethos popolare) per trasformarlo in “pubblico consumatore” al fine di manipolarlo facilmente. Questo è il populismo postmoderno di cui parla Ernesto Laclau nella sua Ragione populista (2005) e sposato anche all’interno del nostro ambiente di pensiero. Per Laclau il popolo è sempre popolo sciolto mentre per il peronismo o i governi popolari il popolo è paese organizzato. In una parola, il popolo è al centro attraverso le sue organizzazioni, le organizzazioni libere del popolo, perché suolo attraverso esse esiste.

Altra cosa da aggiungere è che il populismo postmoderno di Chàvez e Kirchner è moltitudine o pubblico consumatore. Sempre nell’idea di egemonia, espressa da Laclau, il populismo contemporaneo crea “diversi popoli particolari” (chiamati indipendentisti, minoranza gay, indigeni etc. etc.) i quali hanno la pretesa di assumere una dimensione universale.

Per tale ragione utilizziamo il termine “popularismo”, al fine di distinguere il vero populismo dal suo falso impostore.

Leggi le altre interviste della serie "Populismo/i"

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L’attuale modello di crescita si innesta su un pensiero quale quello illuminista, ormai in crisi. Potrebbe ciò aver contribuito alla rinascita del populismo?
Il “popularismo”, o vero populismo, è l'ultima reazione davanti alla democrazia liberale di corte istruita, poiché i suoi meccanismi e le sue istituzioni politiche, non sono più in grado di fornire risposte adeguate alle reali necessità che oggi hanno i popoli. E’ stato provato e comprovato ad nauseam che il sistema democratico liberale borghese non può dare risposte alle nuove necessità del nostro tempo. Allora il “popularismo” si interroga sull’idoneità dell’attuale sistema e reclama cambiamenti inerenti al sistema dei partiti e ai meccanismi di elezione. Per esempio ci si interroga sul monopolio della rappresentatività dei partiti politici come via di accesso al parlamento, proponendo altre forme di accesso. Quest’ultimo aspetto viene denominato, dai teorici statunitensi, “costituzionalismo di comunità” dove le forze della comunità possono accedere direttamente al parlamento senza dover passare attraverso i partiti politici. (In Argentina ci fu un’esperienza simile con la validità della costituzione del Chaco del 1952, conosciuta come “la costituzione del doppio voto”).

Reitero, per rispondere alla sua domanda senza giri, il “popularismo” respinge per incompetenza politica, il pensiero illuminista.

Esistono delle differenze tra populismo europeo e quello latino americano?
Le differenze sussistono e sono abbastanza evidenti. Il populismo ibero-americano (mi rifiuto di parlare di America Latina, perché come sanno tutti gli italiani, latini sono solo quelli del Lazio e la denominazione America Latina è stata un'invenzione francese per potere giustificare il loro intervento nella Nostra America) è stato sempre un nazionalismo di “Patria Grande”. Ha pensato sempre in termini continentali come Suramérica, Hispanoaméria o Iberoamérica, mentre i populismi europei sono di “Patria Piccola”, e tanto più piccole sono, quanto più accrescono le istanze nazionaliste, così abbiamo i valloni in Belgio, i Catalani in Spagna, i corsi in Francia e la Lega Nord in Italia.

I populisti europei sono quasi tutti istruiti mentre i populisti sud-americani sono capi semibárbaros (questo dicono gli istruiti su essi). I populismi europei negano l'esistenza di un ethos nazionale, mentre gli ibero-americani lo affermano come principio indiscutibile della sua esistenza nell’ecúmene culturale che si esprime in una sola lingua: la lingua ispana. E, per come sosteneva Gilberto Freyre, il gran sociologo brasiliano: “noi uomini ispani possiamo parlare e capire con facilità quattro lingue: il portoghese, lo spagnolo, il galiziano ed il catalano”.

Possiamo dunque affermare che, il popularismo ibero-americano è inclusivo mentre il populismo europeo è esclusivista.

In Europa, stiamo assistendo ad una crescita esponenziale di partiti e movimenti nazionalisti. Potrebbe un movimento europeo superare queste istanze nazionalistiche e quale dovrebbe essere il collante e l’idea forza?
L’ Europa, ci piaccia o no, è il centro dell’Occidente. L'Europa ha mille risorse nascoste che può mobilitare. È una stupidità affermare che l'Europa è finita, quelli che sono finiti sono i sui dirigenti, influenzati “dall’americanosfera”, per come la definì Guillame Faye.

La decadenza si ha nelle sue classi dirigenti non nei suoi popoli, i quali detengono una ricchezza di particolarità e differenze come nessuno al mondo. L’Europa, inoltre, ha ancora Roma che è l'ultima datrice di senso delle azioni degli uomini nel mondo.

Parigi volle essere la seconda Roma e non poté, Mosca vuole essere la terza Roma e non può, mentre gli Stati Uniti tagliarono i suoi lacci con l'Europa. L’idea di romanità la troviamo espresso perfettamente in Virgilio, il più grande poeta latino, il quale afferma nell’Eneide: “tu, o Romano, ricordati di reggere i popoli con autorità; (tu avrai queste arti) e di imporre norme alla pace; di risparmiare quelli che si sottomettono e debellare i superbi” (Virgilio: Eneide VI).

Noi dall'estremo Occidente, non siamo né ottimisti né pessimisti, bensì realisti speranzosi, e come tali pesiamo che la “vecchia Europa” reagirà, dal momento che ha gli attributi per farlo. E reagirà sull’idea indicata da Virgilo, il padre di Occidente. In questo la dirigenza italiana, quella più genuina, ha molto da dire e su questo può contare sull'Argentina che è la sua testa di ponte naturale in America

Droit naturel et souveraineté populaire: la conception de la démocratie de Troxler

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Droit naturel et souveraineté populaire, composantes essentielles de la démocratie en Suisse

Ex: http://www.zeit-fragen.ch/fr

La conception de la démocratie d’Ignaz Paul Vital Troxler

Par René Roca, Institut de recherche sur la démocratie directe

Paru dans Zeit fragen | N° 31, 11 décembre 2017

(voir également: Robert Steuckers, "Ignaz Paul Vital Troxler - 1780-1866":

http://robertsteuckers.blogspot.be/2014/01/ignaz-paul-vit... ).

2016 a été l’année commémorative de Troxler. Le 6 mars 1866, soit 150 ans auparavant, mourait Ignaz Paul Vital Troxler (né en 1780). Il avait été médecin, philosophe, pédagogue et homme politique, et dans tous ces domaines ses activités avaient été placées sous le signe de l’excellence. Durant cette année, plusieurs évènements ont été consacrés aux diverses activités de Troxler. On trouvera les comptes-rendus, rapports et autres documents sur le site ww.troxlergedenkjahr2016.ch. Tout l’honneur revient à l’association «Année commémorative de Troxler» et plus particulièrement à Franz Lohri, d’avoir rendu hommage à l’occasion de l’année commémorative, à une personnalité suisse bien trop oubliée mais dont la pensée n’a cependant rien perdu de son actualité ni de sa profondeur. Les recherches sur l’œuvre gigantesque de Troxler se poursuiv­ront.

Le texte ci-dessous correspond à la version écrite d’une conférence tenue par l’auteur, dans le cadre d’un symposium organisé dans l’ancien cloître Saint-Urban {canton de Lucerne), sur l’œuvre de Troxler. La première partie de ce texte met en lumière quelques aspects de sa vie et de l’élaboration de sa philosophie du droit et sa philosophie de l’Etat basées sur le droit naturel. La seconde partie, consacrée à la définition donnée par Troxler de la souveraineté populaire et de sa conception de la démocratie, suivra dans l’un des prochains numéros d’«Horizons et débats».

Première Partie

Introduction

Troxler était un véritable citoyen. Dans tous les domaines où il a exercé, que ce soit comme médecin, philosophe, pédagogue ou comme homme politique, il ne s’est pas arrêté à la théorie, mais s’est consacré à la pratique, à la mise en activité. «Ressentir sans agir, c’est ne vivre qu’à moitié»,2 tel était le credo auquel il s’est conformé toute sa vie. Il était profondément convaincu du fait que l’accomplissement de l’être humain résidait dans l’alliance entre la vie contemplative et la vie active (Vita contemplativa et Vita activa) dans le sens de leur utilisation pour le «Bonum commune», le bien public.

En conséquence de cet état d’esprit, Troxler ne fut jamais un «intellectuel de salon», mais il connut dans sa chair, à cause de ses opinions politiques, la fuite et l’exil avec les siens. Par deux fois, il perdit des postes prometteurs. Il aurait pu se tenir tranquille et se consacrer à sa carrière académique. Il ne put cependant agir autrement, intervint courageusement dans les débats politiques de son temps et remit tout en jeu. Qu’il ait pu malgré tout réussir à trouver tout de même le temps et l’endroit propices à l’indispensable concentration nécessaire à la rédaction d’un livre ou de ses nombreux articles, est extraordinaire! Troxler y parvint grâce au soutien de sa femme et à un large réseau de contacts en Suisse et en Europe. Il aurait certainement désiré écrire davantage et avait constamment de nombreux projets de livres en tête. Dès qu’il posait des réflexions sur le papier, cela attirait l’attention des spécialistes en la matière et des hommes politiques, stimulant les discussions et les recherches approfondies. Troxler ne pouvait que très rarement compter sur la solidarité universitaire et le soutien de ses pairs, mais il réussit pourtant toujours à mener à bien ses projets littéraires – comme par exemple la «Doctrine philosophique du droit» – même si cela n’était toutefois pas au niveau ni à la mesure souhaités. C’est donc méconnaître les circonstances de son existence et le contexte historique de son temps que de lui reprocher «superficialité» et «partialité».3

Troxler était croyant, chrétien et catholique et défendait avec la plus grande véhémence le progrès démocratique. Il est difficile de le catégoriser sur le plan politique. Les uns ne voient en lui que le démocrate radical et méconnaissent ou ignorent ses liens avec le conservatisme, les autres le rangent parmi les conservateurs en ignorant ses aspirations au progressisme. Troxler était sans aucun doute une personnalité qui plaçait la liberté individuelle au centre de ses réflexions, sans pour cela abandonner ses convictions chrétiennes. Dans sa conception de l’humanité, il alliait christianisme et modernisme au sein du droit naturel dans sa quête de la vérité. Certains de ses professeurs et de ses compagnons de route avaient formé et influencé ces opinions.

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Importance du catholicisme réformateur

Troxler accomplit ses études supérieures au Lyzeum de Lucerne. C’est là que deux enseignants le marquèrent particulièrement, Franz Regis Krauer (1739–1806) et Thaddäus Müller (1763–1826), tous deux adeptes du catholicisme éclairé et de la réforme de l’Eglise, soulignant l’importance d’un enseignement et d’une éducation moderne.

En 1756, Krauer avait rejoint l’Ordre des Jésuites et était devenu en 1769 professeur de rhétorique et de poésie des deux classes terminales du collège des jésuites de Lucerne. Bien que l’ordre des Jésuites ait été supprimé en 1773, Krauer enseigna presque jusqu’à sa mort dans le collège entretemps nationalisé. En tant que représentant du catholicisme réformateur, il prit la défense d’une école moderne, et avec le concours de Joseph Ignaz Zimmermann participa à la rénovation des cours d’allemand et de littérature. Il était également en contact avec son frère Nivard Krauer, dont la renommée de pionnier de la réforme de l’enseignement populaire au cloître Saint-Urban, était grande. Ce dernier était devenu directeur de la première école normale de Suisse.4 Saint-Urban et l’influence qu’il exerçait, provoquèrent en Suisse – à l’encontre de la perception historique courante – un «grand bond en avant de l’éducation» des catholiques.5

De 1789 à 1796, Müller enseigna la rhétorique au Gymnase et au Lycée de Lucerne, puis devint de 1796 à 1826 curé de cette même ville et pendant un certain temps, commissaire épiscopal. C’était également un représentant du catholicisme réformateur, perçu comme un adepte convaincu de la République helvétique. Müller s’engagea intensément dans la mise en œuvre des réformes religieuses du vicaire général de Constance Ignaz Heinrich von Wessenberg. Dans tout le canton de Lucerne et au-delà, il jouissait d’un grand respect et fut en 1810 cofondateur de la Schweizerische Gemeinnützige Gesellschaft, la Société suisse d’utilité publique.6


Dans cet environnement stimulant, Troxler se façonna une conception de l’homme et du monde définissant la science dans une perspective républicaine-démocratique, au service d’une humanité chrétienne et selon l’esprit de liberté. Cela donna, sur le modèle de Krauer et Müller, une grande importance à l’éducation et à la formation. Durant toute sa longue existence et allant totalement dans le sens du catholicisme réformateur, Troxler en appela toujours à la tolérance religieuse. Ainsi en 1841, pendant les conflits constitutionnels à Lucerne, déplora-t-il qu’on veuille avec la nouvelle Constitution exclure les non-catholiques de la citoyenneté cantonale. Une telle intolérance «détruit le lien tissé entre les deux communautés chrétiennes par la paix religieuse et exclut comme des pestiférés – selon l’expression de l’un des Suisses parmi les plus nobles – les confédérés protestants des autres cantons de la citoyenneté et des droits cantonaux et locaux des ‹catholicisés›».7


Cette «furie de la discorde» est une «destruction peu chrétienne et inhumaine de la plus haute liberté individuelle – la liberté des cultes et de la conscience».8

Troxler – l’Helvétique sceptique

Dans ses jeunes années, Ignaz Paul Vital Troxler avait accueilli avec enthousiasme les idées de la Révolution française – notamment grâce à l’enseignement de ses professeurs à Lucerne. Il était convaincu qu’après les transformations suite à la République helvétique de 1798, on en viendrait, en Suisse aussi, à la révolution. C’est ainsi qu’il interrompit ses études et se mit au service de l’Etat helvétique en tant que secrétaire du sous-gouverneur d’un arrondissement lucernois. Mais bientôt, les exactions de l’armée française et sa propre impuissance dégrisèrent le jeune fonctionnaire. Troxler quitta son service et partit étudier à Iéna. Cette première expérience politique resta pour lui marquante. D’une part, il s’en tenait fermement aux idées de la Révolution française et à son éveil à la liberté, d’autre part, les vicissitudes et l’arbitraire de la politique le remplissaient d’«horreur et de dégoût».9

Au cours des décennies suivantes, Troxler développa les prémisses d’une philosophie du droit et d’une philosophie de l’Etat. Il s’agissait de relier les traditions démocratiques (pré-)helvétiques avec les résultats de la Révolution française, et donc au droit naturel moderne et au principe de souveraineté du peuple. Désormais, la maxime favorite de Troxler était de mettre ces théories en pratique, ce à quoi il se consacra avec intransigeance et combativité.

En 1814, il soutint l’opposition à la réintroduction des principes aristocratiques à Lucerne. Il y développa un concept politique qu’il adaptait et affinait en permanence, et chercha à argumenter de façon théorique. Il rédigea ainsi une supplique, lança une pétition populaire et encouragea la résistance par la base. Pour Troxler, l’implication populaire à grande échelle était essentielle. Au cours des années qui suivirent, il agit toujours de la même façon et soutint l’organisation d’assemblées publiques rurales pour concrétiser l’initiative politique. Troxler fut l’un des premiers en Suisse à exiger l’élection d’un Conseil constitutionnel, donc d’une réunion constituante dans le cadre d’un bouleversement politique. En aucun cas, le pouvoir législatif en poste (à Lucerne le Grand Conseil) qui, dans de nombreux cantons restaurés avait été désigné en partie de façon indirecte et au moyen d’un mode de suffrage manquant d’égalité (suffrage censitaire), ne devait élaborer une nouvelle Constitution. Il fallait laisser à de nouvelles forces politiques la possibilité de se faire élire au Conseil constitutionnel par un vote direct sans inégalités dans l’éligibilité des citoyens afin de lancer un renouveau cantonal. L’objectif était de mettre sous pression à la fois le gouvernement cantonal et le Parlement. Le Conseil constitutionnel élu ne pouvait cependant pas siéger dans le secret et de manière cloisonnée, mais devait donner à la population la place nécessaire pour susciter des propositions et des souhaits au sein du processus constitutionnel par le biais des pétitions. Dans plusieurs cantons, on réussit à développer ce processus politique et à finaliser avec lui des expériences fondamentales pour les débats démocratiques à venir.10

Troxler apporta ainsi une contribution importante à une culture politique reliée consciemment aux traditions helvétiques, tels que le principe coopératif et la «landsgemeinde». Il parlait à ce propos du «sens d’une confédération éternelle, comme les vrais confédérés l’ont décrite»11 et posait ainsi les bases intellectuelles et pratiques du développement ultérieur de la démocratie directe. Parallèlement, il s’impliquait avec force en faveur de la liberté de la presse, laquelle devait offrir la garantie de faciliter les luttes politiques dans l’espace public. Il rédigeait – en partie sous couvert d’anonymat – presque continuellement des articles pour les quotidiens et les hebdomadaires suisses, des pamphlets et des articles scientifiquement argumentés pour les journaux.12

En conséquence de son engagement politique, Troxler fut plusieurs fois contraint à l’exil dans le canton d’Argovie, plus libéral. A partir de 1823, c’est là qu’en plus de son cabinet médical, il se consacra bénévolement à l’enseignement au sein du «bürgerlicher Lehrverein», la société d’enseignement citoyen. Il dispensait aux élèves et aux étudiants, les «camarades d’enseignement» les connaissances théoriques aussi bien que l’indispensable mise en pratique. On prit de plus en plus conscience des fruits de son activité pédagogique et politique quand, en 1830, il fut nommé à la chaire de philosophie de l’Université de Bâle. A l’époque des transformations politiques de la Régénération après 1830, plusieurs parmi les quelques 200 camarades d’enseignement jouèrent un rôle central. Ils posèrent les fondements républicains pour la Suisse et en consolidèrent les structures démocratiques. Troxler soutint à Bâle – selon ses convictions politiques – la légitimé des prérogatives de Bâle-Campagne par rapport à Bâle-Ville. Ce fut l’un de ses anciens élèves qui lança le débat dans le demi-canton de Bâle-Campagne. Son engagement en faveur de la liberté et de la démocratie lui coûta une fois de plus ses fonctions d’enseignant. De nouveau exilé en Argovie, il s’engagea par la suite en faveur des mouvements révolutionnaires dans divers cantons, dont Lucerne. Là, il soutint, selon ses idées politiques et «animé du sens de la liberté et de l’esprit de coopération lesquels sont innés dans chaque âme suisse»,13 l’organisation des réunions populaires et la rédaction de pétitions et exigea, dans ses articles journalistiques et dans des tracts, un Conseil constitutionnel librement élu.14
Troxler ne voulait cependant pas limiter la volonté de changement au seul niveau cantonal et s’était depuis longtemps déjà attelé à la révision du Pacte fédéral et à la création de l’Etat fédéral. Il le basait sur son concept de la démocratie (cf. ci-dessous) qu’il perfectionna au cours des années 1830. Selon lui, il était essentiel de renforcer les droits du peuple afin d’établir une démocratie «pure» et une «véritable souveraineté populaire».15


Après sa nomination à l’Université de Berne en 1839, Troxler ne représenta plus la modernité, professa une philosophie anti-hégélienne, fut de plus en plus ignoré par ses collègues et ne s’exprima plus que rarement en public.

Cependant, lors du renouvellement de la Confédération de 1848, il intervint une fois encore de façon décisive dans les débats. Troxler défendait depuis longtemps déjà l’idée d’un Etat fédéral doté d’un bicamérisme sur le modèle des Etats-Unis. Son ouvrage à ce sujet «La Constitution des Etats-Unis d’Amérique du Nord, un modèle pour la réforme fédérale suisse»16 fut diffusé par l’un de ses anciens élèves lors de la consultation décisive de la commission compétente. Pour Troxler, il s’agissait d’un compromis entre la souveraineté cantonale et le gouvernement central sur le modèle helvétique, donc entre la Confédération et l’Etat unitaire: «On doit partir de l’idée d’une Confédération négociant entre les deux extrêmes, celui d’un Etat fédéral avec un rapport organique entre l’indépendance cantonale et la dépendance fédérale».17 Cette idée devint réalité, et Troxler marqua ainsi également l’Etat fédéral suisse de son empreinte.

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Le droit naturel, une pierre angulaire

Troxler relia sa philosophie du droit et de l’Etat au droit naturel. En 1816, il publia à Aarau une nouvelle revue, Das Schweizerische Museum [le Musée suisse]. Certes, la revue ne perdura pas plus de deux ans, mais elle fut tout à fait fondamentale pour Troxler concernant son débat avec la République helvétique. Il y publia lui-même des traités de philosophie du droit et de l’Etat relatifs à des sujets tels que «L’idée de l’Etat et la nature de la représentation populaire», «Sur la liberté de la presse en général et en relation particulière avec la Suisse» ainsi que «Sur les notions fondamentales du système de représentation».18

Ces textes, au centre desquels se trouve l’idée de liberté, furent considérés comme un manifeste important du pré-libéralisme. La liberté d’esprit absolue, dont dérive tout le reste, représentait pour Troxler le «droit fondamental» majeur, et donc, la liberté de la presse avait un rôle éminent. A l’époque, il écrivit dans une lettre: «La liberté de la presse est, pour l’instant, comme vous le trouverez vous aussi, ce qu’il y a de plus important. Si nous la conquérons, nous aurons tout gagné».19 Les articles de Troxler dans le Schweizerisches Museum étaient pour celui-ci autant de références servant de base à l’une de ses œuvres maîtresses. Ce traité, la «Doctrine philosophique du droit de la nature et de la loi en prenant en compte les hérésies du libéralisme et de la légitimité»,20 rattache le droit naturel aux valeurs éthiques du christianisme.

Dans la préface, Troxler décrit ce qui l’a poussé à rédiger ce texte: «Depuis des années, je suis fortement attiré par le processus du développement humain au sein de l’Etat – pas juste l’Etat per se.»21 Il définit sa position philosophique, conformément à son sous-titre, par des principes, «tout aussi éloignés de ceux exposés dans le Contrat social de notre Rousseau, que de ceux qu’on peut trouver chez notre Haller».22 Troxler veut tracer par là «une sorte de ligne médiane» et n’a aucun scrupule à se placer «dans l’indépendance et l’impartialité, dans le patriotisme et l’enthousiasme pour la liberté à côté des penseurs cités».23
Dans son introduction, Troxler met en évidence qu’il interprète le droit naturel d’une manière anthropologique:
«La doctrine philosophique exige à bon droit et selon sa nature, une loi intérieure, laquelle détermine d’elle-même, hors de toutes les conditions prérequises, sans facteurs limitants, ce qui est juste et injuste.»24

Et plus loin:
«Cette loi doit être une loi naturelle, mais puisque dans notre mission l’homme est son propre sujet, il ne peut y avoir une autre loi naturelle, que celle venant de la nature humaine et se rapportant à elle. Tout homme doit porter en lui-même cette loi (telle une loi morale).»25
Troxler parle à ce propos de l’«état de nature légal de la personne humaine» et d’une législation interne à l’être humain, qu’il assimile à la conscience. Pour lui, la doctrine philosophique du droit «est équivalente au droit rationnel ou au droit naturel».26
La doctrine du droit s’impose dans l’Etat, non pas comme une simple idée ou un idéal flou, mais comme une véritable loi de la nature, orientant et réformant toute la législation positive en tout temps et en tout lieu. Le droit positif a ainsi besoin d’un fondement sur le droit naturel. Pour Troxler, cette relation était fondamentale et il s’opposait à l’absolutisme tant du droit naturel (Rousseau) que du droit positif (Haller). En outre, il soulignait que la loi de la nature, ainsi qu’il la définissait, était une «loi de la nature divine».27 C’est ainsi qu’il associa le droit naturel chrétien au droit naturel moderne et se rattacha à une tradition déjà fondée au XVIe siècle par l’Ecole de Salamanque.

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L’Ecole de Salamanque était indiscutablement caractéristique de l’époque de la scholastique espagnole tardive et posa la base pour relier le droit naturel moderne et chrétien. Cette école devint un bastion de la résistance au «droit divin», donc cette position légitimiste que Karl Ludwig von Haller se réappropria au début du XIXe siècle pour la propager, et contre laquelle Troxler s’opposa avec sa «doctrine du droit». L’école de Salamanque avait déjà franchi le pas entre le droit naturel et la doctrine des droits de l’homme. Les penseurs éclairés du XVIIIe siècle purent ainsi continuer leur action sur cette base.28

De façon presque simultanée à Jean Bodin (1529/30–1596) développant alors sa théorie de la souveraineté, l’Ecole de Salamanque lança le débat sur le droit naturel et le droit international. Pour Bodin, le droit naturel chrétien constituait une limite claire, à présent élargie par les représentants de l’Ecole de Salamanque. Ils réussirent ainsi à présenter leur argumentation sur le droit naturel avec une approche très libre et en partie nouvelle de la tradition théologique.29

La découverte et la conquête de l’Amérique centrale et de l’Amérique du Sud par les Espagnols et les Portugais, les transformations économiques induites par le basculement du Moyen-Age européen vers les temps modernes ainsi que l’humanisme et la Réforme en composaient l’arrière-plan historique. Les valeurs traditionnelles de l’Eglise catholique romaine furent ainsi, au début du XVIe siècle, l’objet de pressions toujours croissantes et il devint indispensable de définir une véritable éthique coloniale ainsi qu’une nouvelle éthique économique. Cela signifiait la rupture des représentations médiévales de l’être humain et de la communauté ainsi que de leurs relations mutuelles.30

Le juriste et humaniste espagnol Fernando Vázquez de Menchaca (1512–1569) se rapportait à la tradition chrétienne du droit naturel définie par Thomas d’Aquin. Dans cette tradition, on partait de l’idée de la supériorité et de la validité éternelle de la loi divine sur le droit positif. Tout en haut, on trouvait la lex aeterna, la loi éternelle établissant le pouvoir divin, puis venait la lex divina, la loi divine, que Dieu avait transmise directement à l’humanité par les Ecritures. Pour finir, il y avait la lex naturalis, la loi naturelle, que Dieu avait inspiré aux êtres humains pour qu’ils soient en mesure de reconnaître le plan de l’univers. C’était exactement ce que pensait Troxler lorsqu’il parlait de la «loi intérieure» et professait que tout était déjà présent dans la nature humaine, et devait être développé par la formation et l’éducation de la conscience.
Vázquez expliquait que le droit naturel chrétien contenait déjà en lui la représentation de la nature de la raison de l’être humain.31 Cette représentation était le point de contact décisif pour le développement ultérieur du droit naturel laïque moderne.

La référence à Thomas d’Aquin donnait à Vázquez et aux autres représentants de l’Ecole de Salamanque la possibilité d’appréhender les problèmes les plus impératifs de leur époque en les rattachant en théorie au droit naturel chrétien. Certes, Vázquez demeurait de cette façon solidement ancré dans la tradition scholastique et pouvait ainsi argumenter – tout comme les autres représentants de l’école – dans le cadre de sa conception chrétienne fondamentale. Il rendit cependant cette tradition bénéfique pour le droit naturel moderne, fondé sur la liberté originelle et l’égalité de tous les êtres humains.32 Par la suite, Troxler s’y rallia sans toutefois mentionner explicitement les représentants de l’Ecole de Salamanque.

Salamanca._Francisco_de_Vitoria.JPGFrancisco de Vitoria (environ 1483–1546), un autre représentant de cette école, a en outre souligné la nature sociale axée sur la communauté des êtres humains qui les conduit à se regrouper volontairement en communautés. L’Etat est donc le mode d’existence le plus adapté à la nature de l’être humain. Au sein de cette communauté, l’individu peut perfectionner ses capacités, échanger avec les autres et pratiquer l’entraide. Troxler remarquait à ce propos que «la politique est la réconciliation de l’individu avec le monde».33

Ce n’est qu’ainsi, continuait Vitoria, qu’il peut, suivant ses dispositions positives ou négatives, mener une vie digne. En tant que citoyen d’un Etat, l’individu demeure un être libre, qui doit toutefois en cas de conflit subordonner son bien-être personnel au bien public de la communauté – le Bonum commune. Ce principe est également repris dans l’idée de la communauté des nations en tant que Totus orbis – c’est-à-dire des Etats égaux en droits et souverains existant côte à côte et les uns avec les autres, indépendamment de leur religion et de leur culture. Les membres individuels de la communauté des nations peuvent ainsi poursuivre non seulement leurs propres intérêts, mais ils ont également la responsabilité de la promotion du bien commun universel, le Bonum totius orbis.34

Le jésuite Francisco Suárez (1548–1617) qui enseignait notamment à l’Université de Coimbra au Portugal, marqua lui aussi de son empreinte l’Ecole de Salamanque et développa plus avant l’idée de la «souveraineté du peuple». En 1612, dans son «Traité des lois et du Dieu législateur», Suárez écrivit que Dieu était à l’origine de l’autorité étatique (souveraineté) et que l’«ensemble des communautés», donc le peuple, était le récipiendaire du droit naturel et par conséquent, le titulaire de ce pouvoir. Au rebours de la théorie du droit divin, Suarez soutenait que Dieu n’a jamais désigné un individu isolé ou un groupe particulier de personnes pour être détenteur du pouvoir public. S’il est investi du pouvoir public, le peuple peut exercer lui-même ce pouvoir ou le déléguer de son plein gré à un individu ou une entité. Suite à sa déduction de l’Etat du droit divin et du droit naturel, Suárez voyait le peuple comme la force régulatrice et structurante de l’Etat. Dans ce contexte, Suárez déclara que l’exercice du droit de résistance revenait également au peuple.35

Il était significatif pour le débat démocratique que des intellectuels, aussi bien catholiques que protestants (Luthériens et Calvinistes) se sentaient fortement concernés par le droit naturel. L’un des grands médiateurs entre les confessions chrétiennes fut Hugo Grotius (1583–1645) qui connaissait les écrits des représentants importants de l’Ecole de Salamanque. Dans ses écrits, Grotius posa les bases essentielles de la définition du droit naturel moderne et du droit international. Jean Barbeyrac (1674–1744) traduisit les œuvres de Grotius et de Samuel Pufendorf (1632–1694), instaurant ainsi les bases de l’Ecole romande du droit naturel. A la fois pour la Suisse et pour les débats tournant autour de la forme de démocratie, ce processus fut remarquable, et l’«Ecole romande» fut primordiale pour le débat sur le droit naturel moderne en Suisse. Ainsi Rousseau se fonda, lors de sa tentative de clarifier son idée de la souveraineté populaire, sur la doctrine du droit naturel d’un élève de Barbeyrac, Jean-Jacques Burlamaquis (1694–1748).36 Des aspects primordiaux concernant le droit naturel chrétien et rationnel trouvèrent ainsi leur place dans le droit constitutionnel positif, et cela en se basant sur les premières Constitutions américaines depuis 1776. C’est sur ces bases que Troxler établit son concept de démocratie fondé sur le droit naturel.

Dans la «Doctrine philosophique du droit» de Troxler, on ne trouve certes aucune mention de l’Ecole romande du droit naturel, mais il fait référence entre autres à Grotius et Pufendorf dans une courte esquisse de l’histoire du droit naturel.37    •

Par René Roca, Institut de recherche sur la démocratie directe

1)www.fidd.ch
2)Troxler, Ignaz Paul Vital. Volkssouveränität
die ächte und die falsche oder Luzerner! Was ist revolutionär?, in: Rohr, Adolf (Hg.). Ignaz Paul Vital Troxler (1780–1866), Politische Schriften in Auswahl. Zweiter Band, Bern 1989, p. 502–516,
ici p. 506
3)Gschwend, Lukas. Kommentierende Einleitung, in: Troxler, Ignaz Paul Vital, Philosophische Rechtslehre der Natur und des Gesetzes, mit Rücksicht auf die Irrlehren der Liberalität und Legitimität. Würzburg 2006, p. 11–56, ici p. 15
4)Wicki, Hans. Staat, Kirche, Religiosität. Der Kanton Luzern zwischen barocker Tradition und Aufklärung. Luzern 1990, 497f.; auch Marti-Weissenbach, Karin. Art. Franz Regis Krauer, in:
Historisches Lexikon der Schweiz (HLS), Band 7. Basel 2008, p. 429s.
5)Schmidt, Heinrich Richard. Bildungsvorsprung des Schweizer Katholizismus um 1800?. in:
Roca, René. (Hg.), Katholizismus und moderne Schweiz, Beiträge zur Erforschung der Demokratie. Band 1. Basel 2016, p. 81–94, ici p. 89–91
6)Roca, René. Bernhard Meyer und der liberale Katholizismus der Sonderbundszeit. Religion und Politik in Luzern (1830–1848). Bern 2002, p. 41–44; auch Bischof, Franz Xaver. Art.
Thaddäus Müller, in: Historisches Lexikon der Schweiz (HLS), Band 8, Basel 2009, p. 835
7)Troxler, Ignaz Paul Vital. Volkssouveränität, p. 512
8)idem.
9)Troxler, Ignaz Paul Vital. Einige Hauptmomente aus meinem Leben, in: Rohr, Adolf (Hg.).
Ignaz Paul Vital Troxler (1780–1866), Politische Schriften in Auswahl, Erster Band. Bern 1989, p. 383–393, ici p. 390
10)Roca, René. Wenn die Volkssouveränität wirklich eine Wahrheit werden soll … Die schweizerische direkte Demokratie in Theorie und Praxis –
Das Beispiel des Kantons Luzern, Zürich/Basel/Genf 2012, p. 91–93
11) Troxler, Ignaz Paul Vital. Was verloren ist, was
zu gewinnen. Rede in der Versammlung der Helvetischen Gesellschaft, in: Rohr, Alfred, Troxler, Zweiter Band, p. 39–67, ici p. 60
12)Roca, René. Ignaz Paul Vital Troxler und seine Auseinandersetzung mit der Helvetik – Von der repräsentativen zur direkten Demokratie, in:
Zurbuchen, Simone et al. (Hg.). Menschenechte und moderne Verfassung. Die Schweiz im Übergang vom 18. zum 19. Jahrhundert, Genève 2012, p. 97–106, ici p. 100s.
13) Troxler, Ignaz Paul Vital. Ehrerbietige Vorstellungsschrift an den Grossen Rath des Kantons Luzern. Eingereicht durch achtzehn Abgeordnete des Volks am 22. November 1830, in: Rohr, Adolf. Troxler, Zweiter Band, p. 177–187, ici p. 179
14)Roca, René. Ignaz Paul Vital Troxler und der Aarauer Lehrverein. Wie eine private Bildungs­anstalt die Demokratieentwicklung in der Schweiz entscheidend förderte. In: Argovia 2014, Jahres­schrift der Historischen Gesellschaft des Kantons Aargau, Band 126, Baden 2014, p. 140–154, ici
p. 150–153
15)Troxler, Ignaz Paul Vital. Volkssouveränität, p. 505
16) Troxler, Ignaz Paul Vital. Die Verfassung der Vereinigten Staaten Nordamerika’s als Musterbild der Schweizerischen Bundesreform (1848),
in: Rohr, Adolf. Troxler, Erster Band, p. 529–553
17)Troxler, Ignaz Paul Vital. Bemerkungen über den Entwurf des Grundgesetzes für den eidgenössischen Stand Luzern von dem Ausschuss des Verfassungsraths im Jahre 1841, in: Rohr. Troxler. Zweiter Band, p. 477–496, ici p. 486
18)Troxler, Ignaz Paul Vital, Artikel im «Schweizerischen Museum», in: Rohr, Adolf. Troxler, Erster Band, p. 445–568
19) Troxler an Karl August Varnhagen von Ense, 12. Mai 1816, zit. nach Rohr, Adolf. Einleitung
zu Troxlers politischem Schrifttum, Erster Band,
Bern 1989, p. 9–293, ici p. 39
20) Troxler, Ignaz Paul Vital. Philosophische Rechtslehre der Natur und des Gesetzes mit
Rücksicht auf die Irrlehren der Liberalität und Legitimität (EA: 1820), éd. v. Gschwend, Lukas. Würzburg 2006
21)idem., p. 57
22) idem.; on parle ici de l’aristocrate bernois Karl Ludwig von Haller (1768–1854), ayant donné son nom à l’époque suite à son ouvrage «Restauration der Staatswissenschaft» (1816–34). Haller tenta ainsi de légitimer l’Ancien Régime de manière rationaliste et créa avec son attaque contre l’époque moderne un programme fondamentaliste de la contre-révolution.
23) idem.
24)idem., p. 60 (mise en évidence par l’auteur)
25)idem.
26)idem.
27) idem., p. 61
28) Roca, René. Einleitung Katholizismus, p. 38–41
29)Roca, René. Volkssouveränität, p. 32–34
30)Seelmann, Kurt. Die iberische Spätscholastik als historischer Wendeprozess, in: Müller, Klaus E. (Hg.). Historische Wendeprozesse. Ideen, die
Geschichte machten, Freiburg i.B. 2003,
p. 114–127, ici p. 115s.
31)Glockengiesser, Iris. Mensch – Staat – Völkergemeinschaft. Eine rechtsphilosophische Untersuchung zur Schule von Salamanca. Bern 2011, p. 11–13
32) Seelmann, Kurt. Theologische Wurzeln des
säkularen Naturrechts. Das Beispiel Salamanca,
in: Willoweit, Dietmar (Hg.). Die Begründung
des Rechts als historisches Problem, München 2000, p. 215–227, ici p. 215–218
33)Troxler, Ignaz Paul Vital. Rechtslehre, p. 64
34    Glockengiesser, Mensch, p. 103–110
35    Brieskorn, Norbert; Suàrez, Francisco. Francisco – Leben und Werk, in: Suárez, Francisco. Abhand­lung über die Gesetze und Gott den Gesetzgeber (1612), übersetzt, herausgegeben und mit einem Anhang versehen von Norbert Brieskorn. Freiburg i.B. 2002, p. 635–657, ici p. 653–656
36)Roca, René. Volkssouveränität, p. 51–53
37)Troxler, Iganz Paul Vital. Rechtslehre, p. 68

Source: Zeit-fragen.ch/fr

lundi, 18 décembre 2017

« Dans les démocraties libérales, tout est fake news » : entretien avec Alexandre Douguine

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« Dans les démocraties libérales, tout est fake news » : entretien avec Alexandre Douguine

Entretien accordé par Alexandre Douguine aux hebdomadaire Knack (version néerlandaise) et Le Vif à Bruxelles

Propos recueillis par Jeroen Zuallaert

Ex: http://zejournal.mobi

 
Auteur : Jeroen Zuallaert | Editeur : Walt | Lundi, 18 Déc. 2017 - 11h04

« Vous prononcez le mot démocratie comme s’il était sacré. Vous trouvez certainement que les antidémocrates ne sont pas humains ! » Notre confrère de Knack s’est entretenu avec Alexandre Douguine, le prophète autoproclamé de Vladimir Poutine qui rêve d’un empire eurasien où il n’y a pas de place pour les journalistes.

Alexandre Douguine n’est pas l’idéologue maison de Vladimir Poutine. « Ou du moins pas littéralement », admet-il. « À l’heure actuelle, je n’occupe pas de position officielle au sein de l’appareil d’État. Je n’ai pas de ligne directe avec Poutine, je ne l’ai même jamais rencontré. Mais j’ai mes façons de communiquer ».

Pourtant, le terme « idéologue maison » n’est pas mal choisi, estime Douguine. « Si vous comparez mes théories et mes écrits à mon travail, vous pouvez uniquement en conclure que Poutine a suivi pratiquement toutes mes propositions politiques. Il a resserré les liens avec l’Iran et la Turquie et il a annexé la Crimée, ce que je lui recommande depuis des années. Il mise sur les normes et les valeurs traditionnelles. Il a fondé l’Union eurasienne, qui doit constituer la base d’un empire eurasien. Il y a dix ans, j’étais à Washington pour un débat, et on m’a introduit en ces termes : "Ne regardez pas la position de monsieur Douguine, regardez ses écrits et comparez-les aux actes de Poutine". C’est tout à fait ça ».

En Russie, Douguine est surtout populaire dans les cercles militaires, où la lecture de sa Quatrième théorie politique est obligatoire pour les futurs officiers. Cette théorie succède à trois idéologies politiques – le libéralisme, le communisme et le fascisme – qui d’après lui ont perdu leur légitimité. La quatrième théorie politique doit combiner les éléments des trois théories précédentes, même si Douguine semble surtout détester la démocratie libérale. La quatrième théorie politique doit devenir l’idéologie dominante en Eurasie, une alliance géopolitique entre la Russie et l’Europe, qui, tout comme dans 1984 de George Orwell, doit endiguer ce qu’il appelle l’impérialisme américain.

Vous avez qualifié l’investiture de Trump de « l’une des meilleures journées de votre vie ». Êtes-vous toujours de cet avis ?

Alexandre Douguine : Je pouvais à peine en croire mes oreilles ! Pour moi, l’élection de Trump est la preuve que le peuple américain est toujours en vie. Je suis très heureux de l’avènement du trumpisme, même si aujourd’hui il est pris en otage par le Deep State (l’État dans l’État, NLDR). Aujourd’hui, Trump se trouve dans la camisole de force des globalistes américains, on dirait un personnage de Vol au-dessus d’un nid de coucou. Et pourtant, rien que son élection a été une gifle énorme pour l’interventionnisme américain. Grâce à lui, l’Amérique n’est plus le centre de la globalisation. Même s’il n’arrive qu’à implémenter un centième de ce qu’il a promis, ce serait un soutien incroyable pour le projet eurasien.

Assistons-nous à la fin du libéralisme ?

Ce n’est certainement pas encore la fin, mais les aspects négatifs du libéralisme se manifestent de plus en plus clairement. C’est une sorte de fascisme libéral qui considère tout le monde qui ne possède pas au moins un iPhone 6 comme moins humain. La modernité se voit elle-même comme un objectif final, alors que pour les traditionalistes c’est un choix. Heureusement, de plus en plus de personnes comprennent que le libéralisme est fondamentalement une erreur.

Quelle est pour vous l’erreur du libéralisme ?

Il a privé l’homme de toute forme d’identité collective. La religion, les valeurs traditionnelles, la hiérarchie, la conscience nationale : il faut s’en débarrasser. Tout devient optionnel : on peut choisir sa religion, sa nation, et aujourd’hui même son sexe.

Les transgenres sont tout de même une réalité...

Au contraire, c’est l’idéologie pure. L’homme invente ces concepts et la réalité s’y adapte. Les transgenres et l’homosexualité sont une idéologie politique, ils sont le dernier stade du libéralisme.

L’homosexualité a toujours existé, non ?

C’est de la propagande politique pure qui impose des normes de manière totalitaire à la société.

Dans une démocratie libérale, personne n’est contraint à être homosexuel, non ?

À partir du moment où on autorise quelque chose, la norme change. Au fond, les normes sont une sorte de schéma qu’il faut suivre, et si vous tolérez autre chose que la norme, vous en faites automatiquement une nouvelle norme. Si vous autorisez l’homosexualité, vous détruisez la société hétérosexuelle, parce que vous lui enlevez une forme d’identité collective. L’objectif ultime du libéralisme, c’est d’éliminer l’humanité : vous donnez le choix aux gens de poursuivre leur vie comme un cyborg, ou comme un animal.

Il n’y a tout de même personne qui propose ça sincèrement ?

Nous devons comprendre que le libéralisme est un produit de la modernité. Les concepts tels que le racisme, l’esclavage et le totalitarisme sont des concepts européens nés dans la modernité. Quand le libéralisme était encore contraire au fascisme et au communisme, on aurait dit un système antitotalitaire. Mais à présent qu’il n’y a plus de grands ennemis idéologiques, le libéralisme montre son vrai visage. Les idéologues tels que George Soros et Karl Popper divisent le monde en deux groupes : les sociétés ouvertes et fermées. Tout comme les communistes divisaient le monde en capitalistes et prolétaires et les nazis faisaient la distinction entre les ariens et les non-ariens, ils divisent le monde en progressistes – les bons – et les conservateurs – les mauvais.

Cela ne rime à rien, non ? Dans une démocratie libérale, les conservateurs ont tout à fait le droit d’avoir des idées conservatrices.

Dans une démocratie libérale, seuls les conservateurs libéraux sont les bienvenus. Ceux qui ne le sont pas sont immédiatement marginalisés et criminalisés. Les gens comme moi, qui préconisent une démocratie non libérale, sont immédiatement traités de fascistes et de stalinistes. Nous sommes les nouveaux juifs et ouvriers du goulag. Votre société soi-disant ouverte n’accepte que les partisans de la société ouverte.

AD-book4PTH.jpgMais les partis conservateurs sont tout de même autorisés dans les sociétés occidentales ?

Le débat est mené uniquement parmi les partisans du libéralisme. On peut être libéral de droite et libéral de gauche. On peut être libéral d’extrême droite ou libéral d’extrême gauche. Mais il est impossible d’être non libéral.

Considérez-vous le Front national comme un parti libéral ?

Le FN est un parti libéral d’extrême droite, car il est pour la république et la démocratie. Mais même lui est diabolisé et conspué parce qu’il n’est pas assez libéral.

N’est-il pas normal que les opposants politiques se critiquent entre eux ? Le FN peut tout de même simplement participer aux élections.

Mais ses adeptes sont diabolisés, ce sont des parias ! La même chose vaut pour les personnes qui soutiennent Trump. Si vous êtes dans un café à New York et vous dites que vous avez voté Trump, vous risquez de vous prendre une gifle.

Si vous êtes dans un café à Moscou et vous dites que vous détestez Poutine, vous risquez aussi de vous prendre une gifle.

Je ne suis pas d’accord avec cette analogie. En Russie, on peut parfaitement être anti-Poutine. Le seul moment où nous défendons Poutine, c’est quand nous sommes confrontés aux haïsseurs de l’extérieur. C’est une forme de solidarité russe collective.

Selon votre interprétation, l’Eurasie est-elle une démocratie ?

Vous prononcez le mot démocratie comme s’il était sacré. Vous trouvez certainement que les antidémocrates ne sont pas humains !

C’est une simple question. Votre interprétation de l’Eurasie est-elle démocratique ?

Ah, c’est quoi démocratique ? Disons-le ainsi : pour moi, l’Eurasie ne doit pas être non démocratique. Le taux démocratique de l’Eurasie dépend de ce que décide la société.

N’est-il pas logique qu’une telle décision découle d’un processus démocratique ?

Je trouve qu’une société doit pouvoir décider d’être régie par un monarque ou un dictateur. Le résultat d’une telle décision ne doit pas forcément être une démocratie. La seule véritable décision démocratique en Russie a été prise à l’époque du Zemski Sobor, l’assemblée russe qui a élu le premier tsar des Romanov au 17e siècle. Nous avons choisi un monarque, et nous en avons toujours été contents.

Que se passe-t-il si une société change d’avis ?

Tant qu’il n’y a pas de révolution, il y a un accord tacite qui légitime l’autorité du régime. Les libéraux veulent mettre fin à l’histoire et imposer leur idéologie à tout le monde alors que l’histoire politique est ouverte : la démocratie n’est pas une valeur universelle incontestable que le monde entier n’a qu’à accepter.

Ne trouvez-vous pas problématique que la Russie n’ait pas d’élections impartiales ?

Nos élections sont absolument impartiales, car chez nous elles ne servent pas à amener un nouveau régime au pouvoir. En tant que société, nous sommes plus ou moins contents de Poutine. Alors peu importe le pourcentage exact de gens qui votent pour lui.

Pourtant, vous êtes régulièrement critique vis-à-vis de Poutine ?

Je trouve qu’il ne fait pas ce qu’il a à faire, mais cela ne signifie pas que je ne trouve pas qu’il soit le seul leader légitime possible de la Russie. L’esprit russe fonctionne à plusieurs niveaux. Pour nous, la contradiction n’est pas inacceptable.

Quelle est votre principale critique envers Poutine ?

Je lui reproche d’avoir créé un système où il soit le seul individu capable de prendre une décision. En soi, c’est mieux que le chaos total, mais c’est instable. Poutine se comporte comme s’il était immortel. Malheureusement, il ne l’est pas.

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Vous plaidez en faveur d’une dynastie Poutine.

C’est impossible, car pour cela il faut les institutions, et pour fonder ces institutions il faut formuler les principes de votre vision de la société. Il ne le fait pas. Le plus grand problème de Poutine, c’est qu’il n’a pas d’idéologie. C’est un leader génial qui a transformé un pays qui se désagrégeait en puissance souveraine. Aujourd’hui, chacun doit deviner ce qu’il signifie par « démocratie », « tradition », « religion » ou « modernisation ». Et celui qui devine mal, est puni. En 2014, j’ai été éjecté de l’université parce que j’ai critiqué sa politique étrangère. Mais je me suis résigné, je ne m’intéresse pas à ma carrière.

Êtes-vous content de la politique étrangère de Poutine ?

Je la trouve généralement équilibrée. Sa plus grande erreur c’est de ne pas avoir poursuivi la libération de l’Est de l’Ukraine. Il aurait pu pénétrer beaucoup plus loin en Ukraine. On savait à l’avance qu’il y aurait des sanctions économiques. Aujourd’hui, nous payons un prix lourd pour un produit relativement limité.

Voyez-vous un successeur possible ?

Dans le système de Poutine, il n’y a pas de place pour un successeur. Il craint de nommer un héritier qui soit aussi fort que lui, parce qu’il pourrait l’éclipser. Il était impossible de trouver un meilleur dirigeant que lui, mais nous en avons trouvé de pires. Entre 2008 et 2012, Dmitri Medvedev a pratiquement détruit le système, et il est toujours Premier ministre. C’est un danger que Poutine manipule : si vous ne me soutenez pas, je mets le monstre libéral sur le trône, et notre stratégie au Moyen-Orient tombe à l’eau. Rien n’a été réglé formellement. Le problème, c’est que Poutine parie sur deux systèmes : il est tant eurasianiste que libéral. Dans le paradigme économique, il trouve le libéralisme nettement plus important. Il devrait faire un testament où il explique son idée à son héritier.

Vous souhaitez que Poutine détermine à quel point la Russie peut être occidentale.

(hoche la tête) Il doit traduire son intuition individuelle en une doctrine destinée à sécuriser l’ordre futur. Il n’a tout simplement pas d’idéologie déclarée, et cela devient de plus en plus problématique. Chaque Russe sent que cette approche hyper individuelle de Poutine représente un risque énorme. La propagande à la télévision russe devient de plus en plus stupide. Les talk-shows politiques sur Pervyj Kanal (la principale chaîne publique, NLDR) sont carrément stupides. Les présentateurs sont une bande de libéraux qui se font passer pour des conservateurs par considérations financières. C’est une espèce de jeu : si Poutine change d’avis, il faut changer toute la machine de propagande. Là, ils invitent en permanence les mêmes idiots américains et ukrainiens pour faire passer l’Occident pour stupide. Ce n’est plus convaincant. Comprenez-moi bien : l’Occident est mauvais, mais nous devons au moins prendre la peine de l’étudier.

Ne craignez-vous pas que pour beaucoup de Russes les libertés occidentales paraissent attrayantes ?

Les Russes sont plus constants que vous ne le pensez. Dans les années nonante, les Russes ont été séduits par le libéralisme, mais ils ont rapidement senti la réalité amère. Nous ne devons pas craindre les Russes et leur présenter une caricature de la réalité à laquelle personne ne croit. C’est pourquoi je trouve la télévision russe actuelle aussi répugnante.

Cette critique vaut-elle également pour Russia Today et Sputnik ?

C’est tout à fait différent. RT et Sputnik font parfaitement leur travail. Ils promeuvent une alternative à l’agenda libéral globaliste. Ils élargissent l’opinion démocratique. Nous nous défendons uniquement contre l’élargissement agressif de la société moderne. L’Occident devrait accepter que la forme de société libérale soit optionnelle.

Ne trouvez-vous pas problématique que des médias comme Russia Today et Sputnik inventent tout le temps des événements ?

Les médias mentent en permanence. Tout est fake news. On ne peut approcher la réalité de manière neutre. L’esprit humain fonctionne toujours avec de l’information pro-cédée. Si vous cherchez la vérité, je vous conseille de devenir philosophe : vous aurez une vie intéressante. Celui qui travaille dans les médias est par définition un menteur.

De quelle façon est-ce que je mens, monsieur Douguine ?

Vous mentez parce que vous faites passer une réalité codée définie par la société, par les détenteurs de pouvoir qui contrôlent les médias. Antonio Gramsci dirait : vous mentez parce que vous avez conclu un pacte historique avec le capitalisme. Tout est idéologique, dit le marxisme, et l’idéologie est une fausse conscience : un mensonge pur.

AD-putin.jpgMais il y a les faits, tout de même ? Si demain Moscou lâche une bombe sur Bruxelles, et j’écris que Moscou a lâché une bombe sur Bruxelles, ce n’est pas un mensonge ?

(ricane) D’abord et avant tout, vous ne pourrez rien écrire si cela arrive. Vous serez mort.

Mettons que je survive.

Même alors, il vous faut recueillir des informations et vérifier les sources. Qui paiera votre billet pour accéder aux ruines ? Comment allez-vous prouver que Moscou est derrière les bombardements et non Oussama ben Laden ? Aujourd’hui, il n’est même pas clair qui étaient les auteurs du 11 Septembre ! D’abord, c’étaient les Saoudiens, mais à présent le président Trump a suggéré qu’il fallait une nouvelle enquête. Pourquoi est-ce nécessaire ? Parce que tout est fake news.

Vous êtes sérieux là ?

Dans notre société, on ne peut jamais être vraiment sûr que l’avion avec lequel Moscou a soi-disant lâché la bombe ait été détourné au dernier moment par des musulmans. Vous connaissez le film Conspiracy Theory ?

Non.

C’est un film extrêmement intéressant dont le personnage principal voit des complots partout, et qui est traité de fou. Mais finalement, il s’avère qu’il est le seul à avoir eu raison depuis le début.

Mais c’est de la fiction, non ?

Non, c’est le paradigme de la réalité. Nous vivons dans une réalité virtuelle du fake news. Le journalisme aussi est un produit typique de la modernité. La vérité est difficile à trouver, et pour la trouver nous devons éliminer le journalisme.

Vous voulez supprimer le journalisme ?

Il y a des sociétés sans journalisme qui ne sont pas pires que la société occidentale. En même temps je réalise que les mensonges peuvent être diffusés de millions de façons. Nous cherchons tout au plus la sécurité, la tolérance, le confort, et peut-être un peu de justice sociale. Le libéralisme ne s’occupe que d’efficacité et d’accélération, et plus de la recherche de la vérité.

L’autoritarisme s’intéresse encore beaucoup moins à la vérité.

Au contraire, dans l’autoritarisme il y a encore un choix. Le totalitarisme, la théocratie, la société de castes : dans les systèmes autoritaires, nous avons le choix entre plusieurs mensonges, ce qui est nettement plus agréable. En démocratie libérale, il n’y a qu’un mensonge à croire : l’assertion que la démocratie est la moins pire de toutes les formes de gouvernement. (réfléchit) Vous savez, le mal est surtout en nous. Nous mettons trop d’espoir et de confiance en la technologie épistémologique. Par exemple, je suis très préoccupé par la confiance aveugle des sociétés en les réseaux sociaux.

Vous aussi vous êtes un fervent utilisateur des réseaux sociaux.

J’essaie de transformer le poison en remède.

La Russie utilise les réseaux sociaux pour influencer les élections étrangères.

(ricane) Je crains que vous nous surestimiez. Oui, la Russie essaie de s’armer contre les attaques technologiques de l’Occident, mais nous n’y parvenons guère. Au fond, c’est une réaction à la guerre en réseau américaine des années nonante. Il vous faudra encore un peu de patience. Notre cyberprogramme n’en est qu’à ses balbutiements, et on nous accuse déjà d’avoir piraté les élections !


- Source : Le Vif (Belgique)

Ukraine. L'Union européenne à la botte de Washington

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Ukraine. L'Union européenne à la botte de Washington

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

L'Union européenne, lors d'un sommet européen à Bruxelles le 14 décembre, a décidé de reconduire ses sanctions contre la Russie à propos de l'Ukraine. Ces sanctions touchent des banques, des entreprises de défense et des compagnies pétrolières russes, et interdisent aux Européens les investissements financiers en Russie.

Le conflit ukrainien connait actuellement un regain. Les Ukrainiens de Kiev, soutenus et armés jusqu'ici de façon non officielle par les Etats-Unis, ont repris de violentes offensives contre les séparatistes russophones de l'Est. Les Occidentaux accusent la Russie de soutenir les « rebelles » séparatistes, notamment en leur fournissant des armes, ce qui semble exact, bien que Moscou démente catégoriquement la chose. Mais le soutien russe reste modeste. Il n'est en rien comparable à l'aide occidentale. On apprend d'ailleurs aujourd'hui que le Canada a décidé, officiellement, d'armer les Ukrainiens de l'Ouest   https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/...

La décision du sommet européen devra encore être officiellement adoptée par les 28 pays de l'Union européenne, probablement dès la semaine prochaine, selon un porte-parole de l'Estonie, le pays qui assure la présidence tournante de l'Union jusqu'à fin décembre.

Il est regrettable que ni Angela Merkel ni Emmanuel Macron n'aient présenté d'objections à la décision du Conseil, au prétexte que le protocole de Minsk n'était toujours pas appliqué. Mais ils ont paru en imputer la responsabilité à la Russie, sans mentionner la volonté de Kiev, affichée dès le début, de n'en tenir aucun compte,. Depuis quelques mois, elle a repris ses offensives sur une large échelle.

Moscou a réagi calmement, mais il est évident que les relations entre la Russie et les Européens, déjà quasiment au point mort, ne s'amélioreront pas. Dans un premier temps, les contre-sanctions russes, dont souffre principalement l'agriculture françaises, ne seront pas levées.

La récente tournée européenne du secrétaire d'Etat Rex Tillerson a montré que Donald Trump fera tout son possible pour éloigner l'Europe de la Russie...et qu'il y a déjà réussi. Tillerson n'a cessé d'affirmer que la Russie était une menace grandissante pour l'Europe: « L'agression russe en Ukraine reste la plus grande menace actuelle contre la sécurité européenne » “Russia's aggression in Ukraine remains the biggest threat to European security.”. Aucun de ses interlocuteurs européens n'a fait valoir la moindre objection.

Il en résultera qu'au plan géostratégique, l'alliance entre la Russie et la Chine se renforcera. L'Europe sera de moins invitée à s'y joindre, le voudrait-elle. Quant à l'Ukraine, Vladimir Poutine dans sa dernière conférence de presse a mis en garde contre le risque d'un « massacre dans les Etats ukrainiens russophones pire que celui de Srebrenica si les Occidentaux continuaient à renforcer leur aide aux forces ukrainiennes nationalistes de Kiev ». On remarquera qu'avec sa prudence habituelle il n'a pas évoqué dans ce cas une intervention militaire de la Russie en défense des républiques populaires de Lougansk et de Donetz.

Lo clásico español

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Lo clásico español

Carlos X. Blanco

Ex: https://latribunadelpaisvasco.com

La sociedad española debería procurarse una definición de clasicismo. Lo clásico, se dice, es aquello que no pasa de moda. Pero al hablar así, ya el mero contraste entre lo clásico, por un lado, y el efímero fenómeno de las modas, por el otro, indica muchas cosas. La moda no es la antítesis exacta de lo clásico. La moda es una epidermis social circunscrita al capitalismo y al imperio despótico de la mentalidad comercial, y hacer de lo clásico la antítesis de la moda constituye  todo un síntoma. Lo clásico es aquello que no puede estar sujeto a modas, ni tiene nada que ver con ellas, ni siquiera guarda una relación controlable con la temporalidad e historicidad del hombre que, según notables pensadores (Ortega, Spengler, Heidegger, etc.), es aquello que perfila y define precisamente al humano animal.


Lo clásico se acerca, entonces, a lo eterno, a lo perdurable, a lo primigenio y fundador, pero desarrollado hasta su perfección. Lo clásico sería justamente el cénit de una cultura. Spengler nos decía que las culturas siguen un curso vital semejante al de los organismos vivientes. Las culturas son seres vivos que nacen, exploran y juegan como infantes, luego muestran vigor bárbaro de la juventud, y llegan, a la postre, a una madurez "clásica", un mediodía brillante y sin sombras.

La Atenas de Pericles, la República victoriosa de los romanos, el Imperio de los Habsburgo españoles en sus primeros tiempos… estos serían ejemplos de una cultura clásica. Justo a las doce y un minuto de su mediodía, las culturas clásicas comienzan a acartonarse. Devienen poco a poco fósiles de sí mismas, a ellas se les agarrotan los miembros, y sólo logran renovarse por partes, tornándose parcialmente falsas, hasta volverse pseudo-culturas y cadáveres. A las doce del mediodía pasadas, cuando el sol ciega y toda la hermosura producida por un pueblo reluce, ya comienza a convertirse esa cultura, que en el alba era fresca y nueva criatura, en una vieja civilización. La civilización es el cadáver de una cultura, y su existencia en la historia toma entonces la forma imperial. Pero la forma imperial da nacimiento, valga la redundancia, a naciones y formas humanas nuevas, garantiza una paz duradera, estabiliza contradicciones y frena a los bárbaros.


Suele hablarse de civilizaciones y de imperios de una manera indistinta. Esto es así cuando no se entiende por imperio una mera forma de jefatura del Estado, una variante dentro de la clase de las monarquías. De hecho, los imperios ni siquiera precisan ser monárquicos (caso de los romanos antes de Augusto) aunque siempre son sostenidos por cierta aristocracia.
China, más que nación, y nación milenaria, fue civilización y fue imperio. Y hoy, lo es. Su desmesurado tamaño y su ingente población lo atestiguan. Rusia, más que nación, y nación centenaria, es imperio. Imperio con zares e imperio con bolcheviques, pero siempre imperio.

Siempre en el centro de dos o más mundos, haciendo de puente, contención, unión y contrapeso de varias culturas. Entre ellas, la del oriente y la del occidente.


Y España… ¿qué decimos de España? No escribo algo inaudito en La Tribuna del País Vasco al sostener esto: España fue imperio y no puede existir plenariamente salvo en forma de imperio. Es su pasado, pero también es su destino. Pensadores muy diferentes, entre José Antonio y Gustavo Bueno, sostuvieron tal tesis. Quien dice imperio, en su fase clásica, cenital y no decadente, dice vocación universal, vocación "católica". Esto implica no agotarse nunca en la existencia de "nación-estado".


El concepto liberal, trazado con compases masónicos y extranjerizantes de "nación española", canónica y homologable con la francesa, u otras naciones europeas tenidas por "modernas", es un concepto que nunca ha resistido las pruebas del algodón, como dicen los anuncios. Es un concepto que a España se le queda corto, y que hoy en día se ha estirado cual chicle o goma, llevándolo al paroxismo. España, según los políticos de la actual demogresca (tomo prestada la palabra a Juan Manuel de Prada), tiene que ser, por lo visto, una puñetera "nación de naciones".

Hablar de nación de naciones no es otra cosa que aferrarse a la vieja ecuación liberal y burguesa "una nación, un estado", aunque sea para reventarla y violentar de paso la lógica, no es más que perseverar en el error que extranjerizó a Las Españas.

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Antes de las reformas liberales del siglo XIX, mucho antes de 1812, Las Españas ya poseían su Constitución Histórica, como gustaba decir mi buen paisano Melchor Gaspar de Jovellanos (1744-1811). No hizo falta una Constitución con aires afrancesados ni angloliberales para hablar de "libertades" y de "franquicias" pues España ya era –al menos en la forma-  un conjunto de Reinos libres bajo una única Corona, Reinos que en modo alguno se regían de manera absolutista, pese a las pretensiones de sujetos coronados particulares y de caciques y gerifaltes. España era –y es- diversa en su territorialidad y jurisdicción, y el término privilegio, tan en uso antes de 1812, no acarreaba, como acarrea hoy, una situación de desprecio, minusvaloración, ofensa y escarnio de uno de esos Reinos (o señoríos, Principados, etc.) frente a otros. La Constitución Histórica de Las Españas, como decía el gijonés ilustrado, era ya un verdadero "pacto" entre pueblos y soberano, pactos bendecidos y engrasados- al menos teóricamente- por la Santa Madre Iglesia.

Con ideas muy hermanadas con las del pensador asturiano Jovellanos, el "romántico" alemán Adam Müller (1779-1829) habló también de un verdadero doble pacto en la Patria: 1) con los contemporáneos, es decir, con aquellos compatriotas que comparten el solar patrio y con quienes hemos de convivir, y 2) con los coterráneos, esto es, con aquellos muertos que nos precedieron, que nos legaron la tradición, la fe, la lengua, la cultura. Error mayúsculo del jacobinismo francés y del liberalismo anglosajón fue centrar su empeño legislativo en los contemporáneos que, en un mundo globalizado y multicultural, apenas comparten entre sí otra cosa que el suelo y una hipócrita y artificiosa "educación para la ciudadanía o un dudoso respeto a las leyes. La verdadera Constitución Histórica debe ser completa, con el doble pacto vigente, y siempre hundiendo sus raíces en una fe común.


Walter Schubart (1897 -1942), un olvidado filósofo balto-alemán a quien estoy leyendo estos días, comparaba Rusia y España en su obra Europa y el alma de Oriente. La España tradicional (no la degradada sombra de ahora) se presentaba, bajo el signo de la fe, como un Imperio, pudiera decirse que una Civilización, justamente en caso parejo al de Rusia, nación grande en lo territorial, no "nación de naciones" sino Imperio, y un Imperio forjado bajo la Cruz, en denodada lucha contra el islam y las hordas asiáticas, pero también en lucha contra un occidente luterano o calvinista (después liberal y masónico) amenazador.

España y Rusia conservaron su esencia mientras no fueron "occidente", esto es, mientras fueron imperios-civilizaciones. La enorme pérdida de territorios del imperio hispánico, y su contracción a la gris realidad de la península Ibérica (mutilada de la hispana Portugal), más los archipiélagos y plazas norteafricanas, impide ver al hombre moderno, al hombre jacobino y liberal del "Estado-nación", la correcta visión de que lo Hispánico fue una Civilización, como lo ruso, lo romano y lo bizantino, lo helénico, lo chino o lo hindú. Y en toda Civilización hay un momento clásico, un mediodía. Ahora España, perdida en la noche de una época privada de fe, no se reconoce como tal, y sólo siente su alteridad. No fue Europa exactamente, aunque más bien hay que recordar que Europa no es turca gracias a España. España no es Oriente, pues desde Covadonga y la Reconquista España no quiso ser África ni Oriente, quiso ser la nación de la Cruz. No es "liberal", sino por imposición extranjera, y aún hoy España se resiste a hablar inglés, lengua ajena aprendida sólo después de esfuerzos motivados por razones de supervivencia económica.


Cuesta mucho sacar adelante un nacionalismo español precisamente porque España fue, y en su alma es, un Imperio, una "más-que-nación": España es un proyecto de civilización. Por eso ahora cacarean con la "nación de naciones" y el federalismo, porque intuyen oscuramente que España no es nación jacobina… Es mucho más que eso. Es Imperio que, como decía Schubart, admite franquicias y libertades en sus amplios territorios de los Dos Mundos, admite peculiaridades y diferencias, siempre que les una la Fe.

La pérdida de esa fe, no sólo la fe católica en el sentido religioso, sino la fe en el carácter universal de un imperio-civilización, es lo que hace de nosotros, los modernos españoles, los degenerados, unos anti-clásicos.

Y vuelvo al comienzo de mi reflexión. Lo clásico español, como lo clásico grecorromano, o lo clásico cristiano-fáustico (el románico y el gótico), no se entiende bajo esta noche oscura de pérdida de la fe. Hay un remedio para reencontrarse con lo clásico-español, y no es un remedio nacionalista. No se trata de reinventar un nacionalismo para un Imperio-Civilización como el Hispánico que en sí es plural en cuanto a identidades y territorios. Como dijo Robert Steuckers en una entrevista reciente, la idea de Imperio es, ante todo, una idea espiritual.

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Se trata de educar a los muchachos tomando como base nuestro Siglo de Oro (Cervantes, El Escorial, Velázquez), hincando en el suelo de nuestros clásicos y volviendo nuestra legítima herencia (Grecia, Roma). Se trata (y venga ya el atrevimiento, por otro lado nada original) de hispanizar el mundo, empezando por nuestros vecinos al norte de los Pirineos así como los del norte de África. No para dominarles, sino para hacerles saber que nuestro Imperio era (es) mejor y que bajo su Cruz y su Espada la vida era (es) superior. Superior al consumismo laico post-protestante, jacobino o liberal. Superior miles de veces al despotismo mahometano.

dimanche, 17 décembre 2017

René Guénon face à l’orthodoxie du bouddhisme

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René Guénon face à l’orthodoxie du bouddhisme

Dans le règne de la Quantité que nous vivons, la copie semble avoir remplacée l’original, et avec lui tout rapport à l’Origine. La Tradition est absente de nos traditions. Les voies spirituelles se multiplient autant qu’elles semblent se combiner, parfois au sein même d’une unique religion. Le syncrétisme spirituel, nourrit par un matérialisme et un sentimentalisme qui rongent les voies ancestrales, est peut-être le plus grand ennemi de l’esprit de synthèse que toute intelligence métaphysique tend à développer. Si, comme le notait René Guénon, l’Occident chrétien a fermé sa porte aux voies initiatiques depuis le XIIIe siècle et n’est aujourd’hui capable que de retarder l’effondrement absolu de ses propres structures, alors se tourner vers l’Orient semble salutaire. À l’Orient civilisationnel correspond toujours un Orient spirituel, intérieur, qui ne saurait se dégrader dans l’abandon des lignées de transmission. Dans ce défrichement progressif des réceptions occidentales du bouddhisme , les lecteurs de Guénon ont souvent traité avec distance le cas du bouddhisme, ne sachant statuer définitivement sur son orthodoxie. Zone Critique se propose ici d’explorer la question.

« le bouddhisme […] devait aboutir […] tout au moins dans certaines de ses branches, à une révolte contre l’esprit traditionnel, allant jusqu’à la négation de toute autorité, jusqu’à une véritable anarchie, au sens étymologique d’ « absence de principe », dans l’ordre intellectuel et dans l’ordre social »

René Guénon, La Crise du monde moderne

« Le dharma et les dharmas, quiddité unitive et quiddité de l’existence diversifiée : c’est là que réside la base d’une exégèse interreligieuse qui ne cherchera pas à remédier aux conflits historiques en minimisant les facteurs formels ou doctrinaux qui en réalité traduisent des différences de génie spirituel. Loin de minimiser l’importance de pareilles différences au nom d’une bienveillance oecuménique facile et éventuellement faussée, elles seront appréciées pour le message que chacune d’elles apporte de même que comme nécessités surgies de la différenciation de l’humanité elle-même ».

Marco Pallis, Lumières Bouddhiques

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Tout lecteur, aussi inattentif qu’il soit, sait que René Guénon a changé plusieurs fois son jugement concernant le bouddhisme. Ses proches ne furent pas inutiles à ces revirements, notamment ce monstre d’érudition que fût Ananda Coomaraswamy. Avant de statuer sur l’orthodoxie du bouddhisme, que Guénon n’a reconnu que d’une manière boiteuse, il est nécessaire de comprendre à quoi cette orthodoxie se rattache, puisque l’orthodoxie dont il est ici question n’est autre que la fidélité à la Tradition Primordial. Selon Guénon, la Tradition Primordiale représente l’idée suivante : à l’Origine de l’humanité, la Révélation était Une, pour une humanité Une. Cette humanité fonctionnait dans une sorte d’harmonie consensuelle et entière, non sujette à séparations. En tant qu’axe spirituel, la Tradition Primordiale commune à tous était pourvue de fondements métaphysiques auxquels tous les peuples, aussi différents qu’ils soient, se rattachaient. À la suite de la marche du temps, la Tradition Primordiale va se diffuser sur les différents peuples qui l’exprimeront sous une forme culturelle propre et qui permettront de la rejoindre dans son cœur via  la mise en place, à l’intérieur des voies spirituelles exotériques, d’une voie initiatique et ésotérique elle-même fondue dans la civilisation. Cependant et avec l’avancée du progrès dans l’histoire, les traditions vont tendre à se diviser (et non plus simplement à se différencier), elles vont se réformer, se modifier, et s’écarter de leur axe primordial. C’est, selon Guénon et pour ne citer qu’un exemple parmi des centaines, le cas du protestantisme, qui a tellement réformé le christianisme originel qu’il en est venu à dévier de son axe spirituel traditionnel. La Tradition Primordiale est donc toute tendue vers le principe d’Origine métaphysique. Il est inutile de vouloir la situer dans une chronologie historique ou de vouloir la répliquer matériellement, puisque cette Tradition est un fil spirituel supra-humain qui n’est pas sujet à une matérialisation définitive.

Il existe donc, selon Guénon, une connaissance universelle non-humaine à la base de toutes les traditions spirituelles humaines.

Il existe donc, selon Guénon, une connaissance universelle non-humaine à la base de toutes les traditions spirituelles humaines. Comme il le dira dans L’homme et son devenir selon le Védanta à propos des évolutions de la tradition, « si l’exposition peut suivant les époques, se modifier jusqu’à un certain point dans sa forme extérieure pour s’adapter aux circonstances, il n’en est pas moins vrai que le fond reste toujours rigoureusement le même et que ces modifications extérieures n’affectent en rien l’essence de la doctrine ». Selon Guénon, la Tradition Primordiale est donc une quête vers laquelle les traditions spirituelles humaines avancent. La fascination de Guénon pour la tradition hindoue vient du fait même qu’il considérait cette voie comme privilégiée au regard de son orthodoxie, les autres traditions ayant, en quelque sorte, une « dette » spirituelle envers la tradition hindoue. « La situation vraie de l’Occident par rapport à l’Orient n’est, au fond, que celle d’un rameau détaché du tronc .» (Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues). Encore une fois, il ne s’agit pas ici pour Guénon de dire si telle religion est supérieure à une autre, ou si le christianisme dépasse l’Islam dans sa profondeur ésotérique, ce qui, évidemment, n’a absolument aucun sens. Il faut entendre cette filiation comme une remontée généalogique dans l’espace de l’origine métaphysique. A ce titre, il n’existe aucune « religion vraie » ou « religion fausse », mais simplement des voies orthodoxes ou hétérodoxes vis-à-vis de la Tradition Primordiale. C’est d’ailleurs en cela que Guénon fût peut-être plus moderne qu’on ne veut bien le penser habituellement : il encourage ses lecteurs, vivant dans un monde qui ne propose plus, comme ce fût le cas, un cheminement initiatique et ésotérique, à explorer les différentes possibilités traditionnelles qui s’offrent à eux. Ce fût pour Guénon et beaucoup de ses disciples le choix de l’Islam et du soufisme, quand d’autres firent un retour au christianisme (Jean Borella) ou une exploration du bouddhisme (Marco Pallis). A ce titre, il ne s’agit pas pour  Guénon de se convertir à une voie plutôt qu’à une autre, conversion qui sous-entendrait une validation d’une voie contre une autre, mais plutôt de « s’installer » dans une religion qui, par sa forme exotérique, permet l’accès à une voie interne, ésotérique, vers la Tradition Primordiale. Ce qui compte, en définitive, c’est le fond métaphysique et divin commun à tous, et que la civilisation moderne a délaissé. Dans un monde où les spiritualités sont, comme le reste, mondialisées, l’exigence d’investigation de Guénon semble bien plus moderne qu’elle n’y paraît. Gardons donc toujours à l’esprit que Guénon évolue non en tant que musulman au sens commun du terme, mais en tant qu’esprit fidèle à la Tradition qui a besoin d’une voie exotérique pour s’initier à l’ésotérisme. A la suite de cette définition, un problème se pose immédiatement : savoir quelles sont les traditions qui sont déviantes (hétérodoxes) de la Tradition Primordiale, et quelles sont celles qui proposent un cheminement orthodoxe et initiatique vers cette dite Tradition. Dans le cas qui nous intéresse, et ce notamment parce que les intuitions premières de Guénon allaient dans un sens négatif, la question  sera donc : le bouddhisme est-il orthodoxe ?

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 « S’il y a dans le Bouddhisme des éléments apparemment « chrétiens », il y a aussi dans le Christianisme des éléments apparemment « bouddhiques », et il y a du « Christianisme » aussi dans l’Hindouisme, et ainsi de suite ».

Trésors du Bouddhisme, Frithjof Schuon

Comme nous l’avons vu, le concept de Tradition Primordiale sert de référentiel pour les traditions humaines qui se manifestent dans l’histoire. La somme des voies orthodoxes représentent un perspectivisme métaphysique d’une même Possibilité, s’effaçant progressivement dans leur singularité afin de se fondre dans le monde du non-manifesté. Si les critères métaphysiques ne sont pas à confondre avec ceux de la « méthode historique », méthode d’autant combattue par Guénon qu’elle fût dominante chez les orientalistes de son temps, le critère historique ne demeure pas moins inutile pour situer l’orthodoxie du bouddhisme. Coomaraswamy, dans son article Rebirth and Omniscience in Pâli Buddhism, se montrera critique sur cette manière de considérer les textes bouddhiques en enlevant leur partie métaphysique, retrait à l’origine des incompréhensions sur cette tradition spirituelle. Comme le rappelle le Dr Jean-Pierre Schnetzler dans son article des Cahiers de l’Herne, Guénon a soutenu l’hétérodoxie du bouddhisme de 1921 à 1939, notamment dans la première édition de L’Homme et son devenir selon le Védânta et dans l’Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues, ainsi que dans de nombreux articles et lettres rédigés durant la période (voir par exemple dans sa lettre à Coomaraswamy du 2 décembre 1935). On sait que Coomaraswamy ainsi que Marco Pallis furent responsables des changements de vues de Guénon, ce dernier étant si enthousiaste pour la métaphysique hindoue qu’il considéra hâtivement le bouddhisme  comme étant une hérésie dans l’immense sagesse du Véda. On ne reprochera pas à Guénon d’avoir analysé le bouddhisme avec les sources limitées de l’époque. Les préjugés orientalistes sur le bouddhisme étaient innombrables et le jeune Guénon eut vite fait de considérer le Dharma comme une source de libération sociale, un vecteur « anarchique », une « libre pensée », etc. Des erreurs factuelles sont également recensées, qu’il ne s’agit pas ici de lister. Encore aujourd’hui, le bouddhisme est souvent présenté comme une excroissance déviée de l’hindouisme. En ce sens, les questions métaphysiques ne sont pas à poser puisque le bouddhisme est, temporellement, une déviation consciente de la Tradition Primordiale pour des motifs sociaux. C’est l’apport de  Coomaraswamy, notamment dans son livre brillant de clarté Hindouisme et bouddhisme, qui permit de replacer l’enseignement bouddhique dans son orthodoxie métaphysique.

Sur le plan temporel, le bouddhisme possède une orthodoxie qui lui est propre et demeure indépendant de l’hindouisme

Avant de revenir sur ce point, essentiel, il semble nécessaire de montrer en quoi, sur le plan temporel, le bouddhisme a sa propre orthodoxie et demeure indépendant de l’hindouisme (même si les conclusions métaphysiques du Mahayana semblent sur beaucoup de points se joindre presque symétriquement à celles de l’hindouisme tardif). Si l’historiographie pétrie de nationalisme indien a conduit, en Occident, à valider une interprétation du bouddhisme comme réactif au système des brahmanes, nous savons désormais aux vues des recherches indianistes que rien n’est plus faux. Le bouddhisme naît dans les populations dravidiennes situées à l’est de l’Inde, populations qui ont su développer de grandes écoles religieuses fondées sur une pratique ascétique stricte (dont également le jaïnisme). Le rapport religieux des populations dravidiennes est, malgré des différences locales, un rapport pratique qui amène au « salut ». Les populations brahmanes, arrivées plus tardivement (-1000 avant J-C), ont quant à elles un rapport indo-européen à la religion : il s’agit d’établir un ordre social en concordance avec la structure du cosmos. Les brahmanes ont alors leur propre culte basé sur le sacrifice, culte totalement extérieur avec le bouddhisme des origines. D’un côté, des ascètes avec une spiritualité individuelle. De l’autre, une religion dont le but est l’ordonnancement de la société. Il est inutile de dire que ces pratiques se sont progressivement pénétrées les unes les autres aux grès des mouvements de population. Or, le Bouddha ne naît pas dans une région brahmanisée mais dans une société clanique (le clan des Shakya). Les quatre castes des brahmanes validant les fonctions tripartites indo-européennes ne concernent donc pas l’univers mental du Bouddha, qui n’est pas pour autant hors de tout contact avec les brahmanes, ces derniers vivant souvent dans des villes relativement identifiables. Notons ici que le bouddhisme réutilisera le mot de « brahmane » dans son contexte propre, à l’image des versets du Dhammapada qui utilisent le terme comme synonyme de « saint », « Arhat », celui qui a atteint l’Éveil. Ce truchement dans le vocabulaire ajouté à une absence de précision des traducteurs est peut-être à l’origine de nombre de malentendus. Le brahmanisme n’étant alors pas dominant en Inde, le Bouddha n’a donc pas eu à s’y confronter directement comme cela sera le cas pour ses successeurs indiens. L’enseignement du Bouddha ne vient donc ni du brahmanisme, et encore moins de l’hindouisme. Il n’est en rien une branche déviée comme pouvait le penser originellement Guénon. Il faut également rappeler que ce que nous appelons aujourd’hui et communément « hindouisme » est le produit historique des relations entre le jaïnisme et le bouddhisme, relations qui ont progressivement infusées dans le brahmanisme ancien (sacrificiel), ce dernier se transformant alors en religion de libération au même titre que le bouddhisme. C’est donc ce produit « récent » historiquement que l’on nomme hindouisme, le système des castes étant comme une survivance formelle – mais non inutile du point de vue hindou – du brahmanisme ancien dans l’hindouisme tardif. Ce qu’il s’agit de montrer contre l’analyse trop rapide de Guénon est qu’il n’existe aucune une dette temporelle du bouddhisme envers l’hindouisme. Le bouddhisme possède sa propre orthodoxie, attestée d’une transmission, en dehors du système brahmanique dont il n’est pas originaire et n’a, finalement, rien à dire. Si certains individus de basses castes ont trouvé dans le bouddhisme une manière d’échapper à leur position dans le système des brahmanes, ils sont comparables aux paysans qui faisaient le choix du clergé pour échapper à une condition sociale jugée incertaine. L’unique « dette » du bouddhisme envers l’hindouisme est donc une dette à situer sur le plan métaphysique, et pour cela encore faut-il lui reconnaître son orthodoxie et son indépendance à puiser sa source dans cette souche commune de la Tradition. Dans La pensée du Bouddha, récemment traduit en français, l’éminent Richard Gombrich montre bien comment le bouddhisme a d’ailleurs bien plus de liens avec le jaïnisme qu’avec le système hindou, notamment en ce qui concerne l’éthicisation de la loi du karma.

Il faut remercier Guénon d’avoir modifié ses écrits et reconnu son erreur initiale. A la suite des analyses de  Coomaraswamy et de Pallis, Guénon considérera le bouddhisme comme le moyen de transmettre aux non-indiens ce que l’hindouisme avait retenu dans son système fermé. Le bouddhisme, et particulièrement le Mahayana, n’avait plus une situation analogue au protestantisme (une réforme du christianisme), mais était similaire à la mission du christianisme face au judaïsme (une universalisation). Le bouddhisme était reconnu catholique au plein sens du mot. Coomaraswamy[1] remarquait à ce titre que le bouddhisme ne fût admiré en Occident, et particulièrement en Europe, que pour la raison qu’il fût mal compris. Il est probable que la situation n’ait pas énormément changé sur ce point, et une encyclopédie de la réception du bouddhisme par les occidentaux serait à écrire à la suite des travaux de Roger Pol-Droit[2].  Ce revirement a cependant permis à Guénon de préciser que l’hétérodoxie d’une tradition humaine face à la Tradition Primordiale venait de la conception rationaliste tardive qui avait présenté le bouddhisme en occident sous ce seul angle. Comme le remarquait son disciple Denys Roman, il était important de rectifier ce point qui plaçait l’Asie dans l’erreur pour plus de deux millénaires. Cette rectification a conduit de nombreux lecteurs de Guénon à s’installer dans le bouddhisme en tant que structure orthodoxe, et ce pour les raisons pertinemment évoquées par Schnetzler (les lignées de maître-disciples encore vivantes, système ésotérique  fort, ordinations monastiques qui sont de véritables passages initiatiques).

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Orthodoxie du Soi

 « Le Bouddha visible est ce qu’est son essence invisible, il est conforme à la nature des choses. Il a une activité, puisque ses mains parlent, mais cette activité est essentiellement « être » ; il a une extériorité puisqu’il a un corps, mais elle est « intérieure » ; il est manifesté puisqu’il existe, mais il est « manifestation du Vide » (shûnyamûrti). Il est la personnification de l’Impersonnel en même temps que la Personnalité transcendante ou divine des hommes ; que le voile se déchire, et l’âme retourne à sa bouddhéité éternelle comme la lumière, diversifiée par un cristal, retourne à l’unité indifférenciée quand aucun objet ne brise son rayon ».

Trésors du Bouddhisme, Frithjof Schuon

L’apport de Guénon n’est donc pas dans une lecture fine de la pensée sotériologique du Bouddha. Les imprécisions et les affirmations tranchées n’apporteront rien à celui qui compte comprendre le Dharma à partir de Guénon. La relation de Guénon au bouddhisme demeura difficile, malgré l’atténuation des vues initiales. Ce regard suspect semble l’avoir éloigné, comme le soulignait Pierre Feuga dans ses Fragments tantriques, d’une compréhension de la métaphysique bouddhique dans sa pleine puissance. A ce titre, Guénon n’a pas réussi à voir le génie absolu, égal à Aristote, de Nâgârjuna. Que dire également de l’omission du moine gandharais Vasubandhu et de son frère Asanga. Il est difficile de traiter la métaphysique bouddhiste sans évoquer la profondeur exceptionnelle du Madhyamaka ou du Yogacara, et avec ces écoles les débats sur la nature de la vacuité, étant dans un premier cas la résultante logique de l’interdépendance des phénomènes prouvant la non-substantialité, et dans un deuxième cas un pendant idéaliste plaçant le lieu de l’illusion comme lieu de l’éveil dans la conscience. A ce titre et comme le remarquait Jean-Marc Vivenza dans son étude Tout est conscience. Une voie d’éveil bouddhiste, il devient subtil de distinguer nettement les conclusions métaphysique du bouddhisme d’avec les développements tardifs de l’hindouisme philosophique, et il est dommage que Guénon soit passé à côté d’une pensée aussi radicalement négative et idéaliste. Le bouddhisme chinois et japonais Chan (Zen) était sûrement trop anti-intellectualiste dans ses conclusions pour la sensibilité de Guénon, malgré le fort caractère ésotérique d’une voie située « en dehors des écritures » qui commença par le silence même du Bouddha. D’une même manière, Guénon était évidemment loin de soupçonner l’existence de voies comme celle du Shugendô qui, dans le cas du bouddhisme japonais le plus ascétique et ésotérique, n’est pas moins fidèle à une tradition initiatique rigoureuse.

Guénon a très tôt éprouvé dans sa fascination pour l’hindouisme un rejet de la pensée dualiste et un amour pour les doctrines de l’Unité.

Si les imprécisions sur l’orthodoxie temporelle du bouddhisme ont été rectifiée, il s’agit de traiter un point métaphysique fondamental dans ce refus de l’esprit dualiste : l’absence de « soi » dans le bouddhisme. On pourrait rapidement supposer que cette question est secondaire, Guénon semblant plus préoccupé des « techniques » initiatiques et de la fidélité d’une voie à son origine, plutôt qu’à des conclusions métaphysiques précises. En réalité, Guénon a très tôt éprouvé dans sa fascination pour l’hindouisme un rejet de la pensée dualiste et un amour pour les doctrines de l’Unité. Ce facteur n’est d’ailleurs sûrement pas absent de son choix de s’installer dans la tradition islamique. Ce grand Soi, unité totale dans laquelle se fond l’individu qui se quitte lui-même, reste le point terminal de la pensée hindoue, rappelant à bien des égards certains gnostiques chrétiens (Guénon cite notamment Jacob Boehme). Le rejet du « soi » dans le bouddhisme a peut-être été la plus grosse incompréhension occidentale de l’enseignement du Bouddha, et on ne compte pas les orientalistes qui ont entendu ce rejet comme la marque d’une réforme des doctrines hindoues. Encore une fois, Coomaraswamy comme Caroline Rhys Davids ont permis certaines clarifications. Le non-soi (anattâ) n’implique en rien une négation réactive du Soi (Âtma). En fait, tout dépend de quel « soi » nous parlons, et l’usage des majuscules n’est peut-être pas synonyme de meilleure clarté. Le disciple de Guénon Marco Pallis, dans ses Lumières Bouddhiques, soulignait qu’il est fort probable que le Bouddha ait voulu par cette négation du soi souligner une tendance naturelle vis-à-vis de l’égo chez ses disciples, l’enseignement étant dans le bouddhisme toujours contextuel, individuel, et circonstancié. La distinction du « Grand Âtmâ » et du « petit Âtmâ » trouve sa traduction plus nette dans la distinction entre le « Soi » et le « moi ». Le caractère de réalité permanente est niée dans le second cas, puisque ce « moi » n’existe tout simplement pas en tant qu’existence réelle. Il ne peut être permanent puisqu’il procède d’un conditionnement mental dans la réalité relative et mondaine. Il n’y a d’ailleurs pas à combattre le moi ou à le faire disparaître par ce même motif de non-existence absolue. Lorsque l’on dit que l’individualité ne concerne pas le « Soi », cela suppose que, contrairement aux interprétations classiques, il y a un Soi, qui est indépendant du « moi ». Cependant, ce soir n’en est pas pour autant permanent. C’est paradoxalement ce point qui servi d’appui pour statuer de l’hétérodoxie du bouddhisme quant à la tradition hindoue qui semble le plus proche des doctrines du brahmanisme. Dans son article The Reinterpretation of Buddhism, Coomaraswamy nous dit : « Aussi, l’état de l’arhat, qui est libéré du « moi » ou du « petit âtmâ », ne saurait-il en aucune façon être regardé comme une « annihilation » (chose qui est d’ailleurs proprement inconcevable) ; il a cessé d’être « quelqu’un », mais, par cela même, il « est » purement et simplement ; il est vrai qu’il n’est « nulle part » (et ici Mrs Rhys Davids paraît s’être méprise sur le sens ou il faut l’entendre), mais parce que le « Soi » ne saurait évidemment être soumis à l’espace, non plus qu’à la quantité ou à toute autre condition spéciale d’existence. Une autre conséquence importante est que, dans le Bouddhisme pas plus que dans le Brâhmanisme, il ne peut y avoir place pour une « prétendue réincarnation » : le « moi » étant transitoire et impermanent, cesse d’exister par la dissolution du composé qui le constituait, et alors il n’y a rien qui puisse réellement se « réincarner » ; l’« Esprit » seul peut être conçu comme « transmigrant », ou comme passant d’une « habitation » à une autre, mais précisément parce qu’il est, en lui-même, essentiellement indépendant de toute individualité et de tout état contingent ».

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Le bouddhisme ne nie donc pas le « Soi », il précise le propos et restructure les imprécisions, et cela permet d’évacuer automatiquement toute critique qui voudrait faire du bouddhisme un nihilisme. Par ailleurs, cette réintroduction métaphysique du « Soi », un soi qui, on l’a compris, est un non-soi en tant que fixe, se retrouvera indirectement dans les développements plus techniques de l’ālayavijñāna, que Guénon semblait malheureusement méconnaître. Dans le Lankavatarasutra, on expose huit types de consciences, contrairement aux six consciences des Abhidarma classiques. Dans son commentaire sur le même Sûtra, D.T. Suzuki traduit : « De même que les vagues dans leur variété sont l’océan agité, de même la variété de ce qu’on nomme les consciences est-elle produite dans l’alaya. L’esprit pensant, le mental et les consciences sont distincts dans leur aspects, mais, en substance, les huit ne doivent point être séparés les uns des autres, car il n’y a ni qualifié ni qualifiant ». Le rôle de l’ālayavijñāna est de susciter, lors de la remontée en surface des semences karmiques, une activité consciente entachée d’ignorance et de passions qui appréhende un « soi » individuel. C’est la conscience mentale souillée qui se saisi des semences alors devenus des objets manifestés, et qui, par se saisissement, produit un objet d’attachement et d’aversion qui vont créer de nouveaux karman qui, encore une fois, vont déposer une empreinte dans l’ālayavijñāna. Dans son Dictionnaire Encyclopédique du Bouddhisme, Philippe Cornu relève à propos de l’ālayavijñāna que « selon Vasubandhu, « elle évolue en un courant continu comme le flot d’un fleuve ». Sans interruption, elle forme une série homogène tout au long des vies successives : elle est la source des trois domaines, des six destinées et des quatre modes de naissance et porte les semences qu’elle préserve. Pourtant, elle change d’instant en instant, étant cause et fruit, naissance et destruction. Si elle était permanente, elle ne pourrait être « parfumée » et il n’y aurait pas de distinction entre samsara et nirvana. Elle est ainsi le support de la production conditionnée ».

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En ce sens, la disqualification du « moi » est issue d’une simple catégorisation secondaire dans le fonctionnement de l’esprit. Le non-soi bouddhique est un non-soi en tant que substance immuable, mais le soi n’est pas pour autant rejeté. On pourrait dire, comme Dogen le disait, que lorsque le soi est attesté il contient en retrait la vacuité (et donc tous les êtres en tant que co-production conditionnée), et lorsque la vacuité est attestée, elle contient en retrait les individualités en tant que soi. « La vacuité est forme et la forme est vacuité ». L’un des plus grands maître zen du XXe siècle, Kodo Sawaki, dont les propos ont été transmis par son élève Kosho Uchiyama, disait régulièrement que « Zazen est le soi-soyant-le-soi ». A ce titre, Dogen Zenji écrit dans le Genjokoan : « Comprendre la Voie du Bouddha, c’est Comprendre le Soi. Comprendre le Soi, c’est s’oublier. S’oublier c’est se laisser attester par le dharma du Bouddha […]. Comprendre le Soi, c’est s’oublier en tant que soi. S’oublier en tant que soi c’est se laisser attester par le Dharma du Bouddha. Réaliser cela, c’est abandonner son corps et son esprit et toutes notions narcissiques. Dès ce stade sera atteint, vous vous détacherez de l’éveil, tout en continuant à vous y adonner sans y penser. Quand le Dharma authentique est transmis, le Soi-même [le soi véritable] apparaît. Dès l’instant où nous recherchons le Dharma — comme un objet extérieur à obtenir-nous nous éloignons de l’endroit initial où il demeure ».

Concluons ici en disant que René Guénon n’a pas réussi à saisir l’immense profondeur du bouddhisme, et a peut-être été plus fécond par ses disciples (notamment Marco Pallis et Frithjof Schuon) que par ses propres développements.

Concluons ici en disant que René Guénon n’a pas réussi à saisir l’immense profondeur du bouddhisme, et a peut-être été plus fécond par ses disciples (notamment Marco Pallis et Frithjof Schuon) que par ses propres développements. Son opposition fervente contre le syncrétisme se justifiait vis-à-vis de cette fidélité à une Tradition Primordiale ramenant au Principe métaphysique. À ce titre, il eut raison d’opposer radicalement les combinaisons spirituelles croyant se passer d’une tradition instituée. L’intuition métaphysique est moins syncrétiste que synthétique. Ce qui prime chez Guénon n’est jamais l’appartenance à une Voie, mais le concert harmonieux des traditions. Marco Pallis, qui se considérait comme un « pèlerin du bouddhisme tibétain », illustre par un recours à l’histoire chinoise cette jointure entre les traditions humaines, qui dirige l’esprit traditionaliste lorsqu’il passe le seuil d’un temple zen, d’une mosquée ou d’une église (Lumières Bouddhiques) : « En l’an 638 ap. JC, un groupe de chrétien syriens de la secte nestorienne arriva en Chine et se posa la question de savoir si ces étrangers venus de loin devaient être autorisés ou non à fonder un établissement dans le pays. L’empereur T”ai Tsung de la dynastie des T’ang publia un rescrit impérial :« Le Chemin [tao] n’a pas le même nom en tout temps et en tout lieu ; le Sage n’a pas eu le même corps humain en tout temps et en tout lieu. Le Ciel a fait en sorte que soit instituée une religion appropriée à chaque région et climat, afin que toutes les races de l’humanité puissent être sauvées. L’évêques A-lo-pên du royaume de Ta-ch’in, apportant avec lui des sutras et des images, est venu de loin et les a présentés à notre capitale. Ayant soigneusement examiné la portée de son enseignement, nous l’avons trouvé mystérieusement spirituel et d’action silencieuse. Ayant considéré ses points principaux et les plus essentiels, nous sommes arrivé à la conclusion qu’ils recouvrent tout ce qui est le plus important dans la vie… cet enseignement est utile à toutes les créatures et bénéfique à tous les hommes. Qu’il ait donc libre pratique dans tout l’Empire… ».

[1]          The Reinterpretation of Buddhism,  New Indian Antiquary, 1939

[2]          Le culte du néant: les philosophes et le Bouddha, 1997

 

Clément Sans

Un pont-tunnel ferroviaire à travers le détroit de Bering?

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Un pont-tunnel ferroviaire à travers le détroit de Bering?

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Ce projet, plusieurs fois étudié dans le passé, a toujours échoué devant le refus du Canada et des Etats-Unis d'être relié à la Russie. Pourtant il ressurgit dans l'esprit d'un certain nombre d'Etats et d'investisseurs privés susceptibles d'être intéressés par les perspectives d'emplois et de développement économique qu'il générerait.

Il suffit de regarder une carte pour en comprendre l'intérêt. Même si le réchauffement climatique facilitait les trafic maritimes dans les mers adjacentes dites mer des Tchouktches et mer de Sibérie orientale, ces passages resteraient aléatoires voire dangereux une grande partie de l'année. Les liaisons trans-Pacique présentent leurs propres inconvénients. Une voie ferrée rapide doublée d'un pont-tunnel ferroviaire sous le détroit de Bering représenterait un investissement certes coûteux mais qui serait vite rentabilisé par les retombées économiques en résultant.

Le détroit n'est large que de 51 miles nautiques. Le tunnel pourrait selon les premières estimations être construit à des profondeurs d'entre 50 et 100 m, ce qui est tout à fait à la portée , même si l'on tient compte du fait que le sol est gelé, des méthodes modernes d'ingénierie. Il en serait de même des tronçons de ponts permettant d'y accéder.

La Chine a repris le projet dans le cadre de son grand programme d'interconnexion international dit One Belt One Road. La voie ferrée permettrait la circulation de trains à grande vitesse, tant pour les marchandises que pour les voyageurs. Ils relieraient la Chine et la Russie au Canada et aux Etats-Unis. L'Académie Chinoise d'Ingénierie ( Chinese Academy of Engineering) a déjà proposé de nommer la future ligne China-Russia-Canada-America line.

La Chine a besoin de charbon. Elle pourra l'importer des mines de l'Alaska. De même, elle pourra importer du pétrole de l'Alberta, à hauteur de 3 millions de barils par jour. Les défenseurs des énergies nouvelles ne s'en réjouiront pas, mais ils ne seront évidemment pas écoutés. Le coût du tunnel serait d'environ $35 milliards, montant très faible au regard du coût total d'une future liaison ferroviaire reliant Pékin à Moscou et à Washington.

Même si pour le moment, le climat politique à Washington ne peut pas faire espérer un accord des Etats-Unis sur un tel projet, on peut penser que le Canada, le Mexique et même certains Etats d'Amérique centrale y verraient une occasion irremplaçable de se relier à l'ensemble euro-asiatique en cours de mise en place. L'Allemagne, nous l'avons vu dans un article précédent, sera certainement prête à y investir, compte tenu des bénéfices qu'elle en retirerait.

samedi, 16 décembre 2017

Donald Trump et le sionisme chrétien

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Donald Trump et le sionisme chrétien

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Les commentateurs politiques européens se sont étonnés de voir Donald Trump décider de transférer l'ambassadeur américaine à Jérusalem. Trump reconnaissait de fait cette ville comme la capitale d'Israël, Etat s'affirmant juif, alors qu'elle est également revendiquée comme capitale au moins religieuse par les musulmans et par les chrétiens.

Etait-ce une de ses irresponsabilités habituelles, ou une provocation gratuite à l'égard des musulmans de Palestine – lesquels n'ont pas tardé de commencer à réagir?

Ce n'était rien de cela. Il s'agissait de la satisfaction donnée à une partie de son électorat, lequel lui est resté imperturbablement fidèle, et que l'on désigne par les Sionistes Chrétiens ou « Christian Zionist » . Il s'agit d'une croyance religieuse très répandue aux Etats-Unis, parfois qualifiée de christianisme évangélique ou fondamentaliste, dont le vice-Président Mike Pence est le représentant le plus connu. Il en est de même des deux George Bush.

Récemment, devant le sommet annuel des « Christians United for Israel », Mike Pence a rappelé qu'il était temps de voir Donald Trump concrétiser enfin ses promesses électorales de soutien à Israël. Pour les Sionistes Chrétiens, l'actuel Etat d'Israël est la réalisation d'une des prophéties de la Bible et l'avenir des Etats-Unis est lié irrévocablement à celui de cet Etat. Binjamin Netanyahu serait lui aussi un éminent représentant de cette croyance. Disons qu'il n'y a pas fait allusion lors de sa visite à l'Elysée du 10 décembre.

Préparer Armageddon

Pour les Sionistes Chrétiens américains, formant répétons-le une partie importante de l'électorat de Donald Trump, il faut obéir aux injonctions du Messie en se préparant pour la bataille finale d'Armageddon. Selon la Bible, telle qu'ils l'interprètent, Jésus reviendra alors sur la Terre et fera triompher son Royaume. Tous les fidèles d'autres religions, Musulmans, Juifs, Bouddhistes, Hindous Catholiques ou autres, ainsi que les athées, se convertiront à la parole du Seigneur. Sinon ils seront massacrés. Les évangéliques considèrent donc que l'existence même de l'État d'Israël ramènera Jésus sur Terre, le fera définitivement reconnaître comme Messie et assurera le triomphe de Dieu sur les forces du mal.

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Mais pour cela, la terre historique de l'ancien Israël devra être purgée des hérétiques, notamment des musulmans qui l'ont envahie. Ceci ne se fera pas pacifiquement. Comme l'indique le terme d'Armageddon, le retour de Jésus sera précédé d'une série d'évènements catastrophiques, encore imprévisibles. Israël sera détruit pendant l'Apocalypse. Ceux des Juifs que ne regardent pas Jésus comme le Messie seront détruits comme les autres.

Rappelons que pour les Sionistes Chrétiens américains, dont Mike Pence se veut le représentant à la Maison Blanche, sans attendre l'Apocalypse, il faut éliminer d'ores et déjà tous les hérétiques qui pourront l'être, par exemple les médecins qui pratiquent la contraception, ou les homosexuels. Par contre, ils considèrent la force armée américaine, la première au monde, comme devant faire partie des instruments destinés à servir la colère de Dieu contre les hérétiques. Le complexe militaro-industriel américain, même s'il ne partage pas systématiquement cette vision apocalyptique, s'en réjouira. Les crédits ne lui manqueront pas à l'avenir.

On peut espérer que Donald Trump n'est pas aussi convaincu que le sont ses pieux électeurs de la nécessité de préparer l'Armageddon. Mais que ne fera-t-il pas pour conserver et élargir sa base électorale?

Trump : la fin du soft power U.S. ?

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Trump : la fin du soft power U.S. ?

par François-Bernard Huyghe

Ex: http://www.huyghe.fr

Trump peut-il détruire le soft power américain ? Dans tous les cas, il suffit d’ouvrir un journal ou une télévision n’importe où dans le monde pour être au courant de sa provocation quotidienne, des manifestations ou des déclarations qui se déchaînent contre lui, des indignations qu’il suscite. Nixon au moment des bombardements du Vietnam ne provoquait pas plus de rejet, ou, pour employer un mot à la mode, n’était pas plus clivant. Et le contraste entre les mois Trump et les années Obama, dont le passage en France vient de montrer l’incroyable popularité hors frontières souligne le contraste.

Bien entendu, que l’image d’un homme ou d’une politique repousse n’implique pas que l’on parle moins anglais à travers le monde, que l’on porte moins de Nike ou que l’on programme moins de blockbusters, ni même que nos mœurs politiques ou autres s’américanisent moins en profondeur comme le montre Régis Debray dans Civilisation. Mais, si l’on considère que le soft power comprend un volet d’attraction spontanée, celle d’un mode de vie, d’une culture, des goûts des populations(au sens du mainstream, de ce qui plaît à tout le monde, sur toute la planète) mais aussi une part de stratégie délibérée de séduction, de réseaux et de persuasion, le second volet fait singulièrement défaut.

Au-delà du caractère d’un homme ou de l’image d’une politique, l’influence ne se réduit pas au fait d’être gentil ou de bien communiquer.
Comme on le sait, le terme « soft power » a été « inventé », ou au moins popularisé, par Jospeh Nye dans un livre de 1990, Bound to Lead.

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L'émergence de ce concept-valise dans cette période s'inscrivait dans un contexte de soulagement (disparition de l’ennemi) et d'optimisme (la mondialisation heureuse). Il fait la synthèse d'une pluralité d'éléments :

- l'assimilation des industries culturelles américaines à un modèle universel : l'irrésistible attirance du contenu "mainstream" prolonge la prédominance politique et économique de l'hyperpuissance

- l'exemplarité du mode de vie US, que l'on cherche à imiter partout sur la planète, l'admiration pour une société ouverte et prospère

- plus largement encore, la notion qu'une sorte de sens de l'histoire qui menait l'humanité à adopter un même modèle politique, économique et culturel, favorisé par la fin de la grande confrontation Est Ouest et par l'émergence des nouvelles technologies

- le triomphe des valeurs occidentales confirmé par leur victoire contre le communisme

- et la stratégie qui semblait en découler : chercher le plus possible à obtenir le consensus, l'alliance et le soutien de autres nations. Bref, ne pas se montrer autoritaire pour rester séduisant.

Le tout repose sur deux éléments : l'absence de réelle compétition face à un modèle présumé triomphant, et la fin inéluctable de l'hostilité. Contrairement à la vision volontariste et agressive de la diplomatie publique antérieure (la lutte idéologique contre le communisme menée depuis les années 60 sous l’étiquette « diplomatie publique »), il ne s’agissait plus de gagner une compétition entre deux visions du monde ou de déstabiliser l'autre, mais d'assurer paisiblement une transition heureuse sur fond de pax americana. De ne pas contrarier un mouvement auquel tendent les lois de l'économie et de la technique (via la révolution de l'information ). Et d'attirer encore davantage vers ce que tous tendent naturellement à admirer.

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Le 11 septembre bouleversa tout. Autant que la révélation de sa fragilité, l'Amérique fut frappée par le retour du tragique et du conflit. La figure de l'Ennemi revient et avec elle le principe de compétition idéologique. Dans un réflexe presque pavlovien, l'une de premières réactions de l'administration Bush fut de recréer un sous secrétariat d'État à la Diplomatie Publique. Ses missions : répondre à l'angoissante question "Mais pourquoi nous haïssent-ils ?", rétablir l'image de l'Amérique en lançant de nouveaux médias arabophones cette fois (et, modernité oblige quelques sites Internet), mener une politique de séduction envers le monde arabe en séparant ceux avec qui l'Amérique a "des valeurs communes" de "ceux qui haïssent notre liberté et notre mode de vie". Plus tard, on s’essaiera au contre-discours et à la déradicalisation comme réponse psychologique à un problème géopolitique. On commencera aussi à pratiquer quelques interventions pour soutenir des mouvements politiques de type révolutions de couleurs qui devaient liquider les derniers autocrates de la planète, avec de l’argent, des médias et une formation à l’activisme non violent.

 Les schémas de guerre froide trouvent une nouvelle jeunesse dans une perspective de guerre au terrorisme (que l'administration Obama rebaptisera pudiquement "combat contre l'extrémisme violent"). Avec la même notion sous-jacente d'un malentendu : si les gens nous connaissaient vraiment, ils nous aimeraient. L'anti-américanisme est évoqué en termes de "misperception", comme si tout était affaire de mauvaise compréhension. Une bonne communication « basée sur les faits », qu’elle passe par des chaînes internationales ou par les réseaux sociaux (où va se déployer une diplomatie numérique) doivent y porter remède.

Durant les années Obama, l’image du personnage - celle qui lui permet, par exemple, d’avoir été le président américain qui a fait le plus de guerres et le plus longtemps pendant ses mandats tout en ayant la réputation d’être l’archange de la paix - occulte bien des choses.

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D’abord la multiplicité des acteurs qui s’essaient au jeu du soft power. Les autres grandes Nations qui adoptent des stratégies d'image (on parle désormais de "Nation branding") et de communication. La prolifération des chaînes internationales d'information (y compris qatarie, saoudienne, vénézuelienne, russe...) en est un bon symptôme. La Chine, la Russie adoptent les mêmes méthodes : développement de médias internationaux, réseaux d’influence, protections de leur espace Internet et intervention sur celui des autres.

Mais les États ne sont pas seuls à jouer le nouveau jeu : les lobbies internationaux, les mouvements d'idées, les ONG, les groupes activistes transnationaux, etc. sont aussi entrés en lice avec des moyens de dénonciation, d'inspiration, de mobilisation jusque là inconnus. Ils sont désormais à même d'imposer leur thématique, leurs débats, leurs exigences à des États courant souvent derrière l'évolution de l'opinion pour reprendre le contrôle de leur agenda et l'initiative politique. Même les mouvements terroristes (après tout le terrorisme, "propagande par le fait" est aussi un moyen d'influence) fonctionnent avec des moyens d'expression nouveaux que ce soit sur le Net ou à travers des médias classiques (voir le Hezbollah se dotant d'une chaîne de télévision par satellite).

- Les réseaux numériques perturbent la donne. En interne, ils affaiblissent le contrôle des États : la critique venue de l'extérieur ou de l'intérieur, l’appel à la résistance et à l’action se développent avec le Web 1.0 puis 2.0. Tandis que dans le camp des démocraties, le discours officiel est contredit par le journalisme citoyen, la fuite ou le "whistle blowing" (de la circulation des images de sévices à Abou Graibh aux révélations à très grande échelle de Wikileaks). La tendance lourde d'Internet s'est exaspérée (une capacité de communiquer avec la planète entière à la portée de chacun, pourvu qu'il parvienne à mobiliser les réseaux de l'indexation, de la citation, de la recommandation etc, qui permettront à son message d'émerger et d'attirer l'attention de l'opinion en situation de surinformation). Du coup, ce qui enchantait l’Occident au moment du printemps arabe - l’État ne peut contrôler l’expression, les réseaux se jouent des frontières, l’information est produite par tout un chacun, émetteur et prescripteur à la fois - change de signe au moment de l’Ukraine et surtout de l’année de l’élection présidentielle US. C’est désormais la subversion 2.0 que l’on craint.

Avec la propagande djihadiste, les États-Unis ont découvert la résistance de croyances « archaïques » face aux effets sophistiqués des machines à produire du consensus global. En clair le fondamentalisme islamique se renforce du spectacle de nos démocraties et de nos modes de vie. Et, surprise, voilà que se développent des courants populistes, des idéologies « illibérales », assumées à l’est de l’Europe, et que la Russie recommence à exercer attraction et influence hors de ses frontières.

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Le phénomène arroseur arrosé culmine en 2016 et 2017 quand l’appareil d’État américain se met à dénoncer la désinformation et les manipulations que subiraient les U.S.A. L’ingérence venue du froid est devenue une machine à expliquer la conduite des peuples qui votent mal (Brexit, Trump, Catalogne)... Moscou utiliserait conjointement les réseaux humains (sa cinquième colonne) et les réseaux virtuels pour répandre théories conspirationnistes et fake news. Pire, les Russes attaquent sur tous les fronts (cela s’appelle la guerre hybride) : interventions militaires et soutiens à des gouvernements ou mouvements armés, propagande par des médias internationaux (Russia Today et Radio Spoutnik), trolls et pirates en ligne, intrusions dans les ordinateurs du Parti démocrate ou de Macron pour faire fuiter des informations compromettantes, alimentation des réseaux de fausses nouvelles...

Que Trump se fiche du soft power, c’est une évidence. Il s’adresse bizarrement à son électorat, à des gens qui hurlent de joie chaque fois qu’il choque les médias et les élites, des gens qui l’ont, après tout, élu sur un programme isolationniste. Mais derrière Trump cause, il y a Trump symptôme. Celui d’une Amérique qui avait déjà perdu le monopole des moyens et de l’ambition de séduire la planète. Idéologiquement, en tout cas.

Yukio Mishima and the spirit of a genius based on the soul of history: The last great Japanese writer

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Yukio Mishima and the spirit of a genius based on the soul of history: The last great Japanese writer

Lee Jay Walker

Modern Tokyo Times

Japan witnessed many shifting sands since the Meiji Restoration of 1868 based on modernity, liberalism, nationalism, Westernization, reaching out to the past, forging a new future, and other convulsions that ultimately led to a brutal war. In other words, the paths were often contradictory and clashed not only on the political front but also within the soul. Of course, the events of World War Two altered the image of Japan internationally and ultimately enabled America to creep into the psyche of this nation – for good and bad. Hence, the genius of Yukio Mishima is that his books – and thinking – fused the complexities facing individuals in this new world of opportunity – and in the new world of forgetting the past that irked this amazing writer.

In Sun and Steel, Mishima writes, “Was I ignorant, then, when I was seventeen? I think not. I knew everything. A quarter-century’s experience of life since then has added nothing to what I knew. The one difference is that at seventeen I had no ‘realism’.”

mishimasword.jpgIf we take these words out of context but relate them to certain ideas held by Mishima, then these worlds can equally equate to the changing landscape of Japan based on skyscrapers and the dilution of faith and philosophy. In other words, maybe Japan had learned everything under the Meiji Restoration based on the hypocrisy of Western, Catholic, and Islamic empires that utilized fear and control at the drop of a hat. Of course, while Islamization followed the Ottomans and Catholicism followed the Spanish – the British view was that you didn’t have to enslave one hundred percent by destroying indigenous faiths. Instead, the essence of the British Empire was to exploit resources at all costs – while destroying the soul of poor indigenous British nationals based on child labor, the workhouse, and a host of other barbaric realities.

This is the world that modern Japan in the Meiji Era woke up to in the nineteenth century. It was a knowledge that exploitation, power, theft, the adulteration of culture, impinging and enslaving the indigenous through various forms outside of chains, controlling resources, and crushing the psyche of others would ultimately benefit the respective ruling elites of Western, Catholic, and Islamic empires. However, for Japan, the same logic they responded to was to become altered based on the changing shifts of time. Hence, Japan was out of step while the international ruling elites utilized their respective hypocrisy, while still controlling wealth and mindsets by utilizing all the negatives of Christianity and Islam to crush the spirit.

Mishima, fearing the soul of Japan was being lost indefinitely based on aspects of the above and the ravages of modernity in defeating the past – would also turn against “words” in time based on his idea of weakness. It is all these convulsions that Mishima sought to express. This is a far cry from modern and relatively mundane writers including Haruki Murakami, Kenzaburo Oe, Banana Yoshimoto, and others, who could never envisage such a world based on being “typical modern souls.”

yukio_mishima_by_reign_of_phoebus-d36cjrf.jpgMishima said, “If we value so highly the dignity of life, how can we not also value the dignity of death?  No death may be called futile.”

Once more, if we take this out of context but relate it to a psyche that once existed within the body politic of certain Japanese warlords, then Mishima may deem aspects of modern Japan – and modern societies in general – to lack “dignity.” Equally, in the mind of Mishima, many aspects of modernity leads to a “futile” existence based on ignoring the past in relation to culture, society, and history.

Mishima wrote, in The Temple of the Golden Pavilion, “The past does not only draw us back to the past. There are certain memories of the past that have strong steel springs and, when we who live in the present touch them, they are suddenly stretched taut and then they propel us into the future.”

Once more, if these words are taken out of context but relate to ideas held by Mishima, then it appears that the future and past are interwoven providing the past re-emerges. Of course, the degree of the past and its hold on the future is open to interpretation. Yet, in the eyes of Mishima a nation can’t truly be propelled if the past is negated and the new God now becomes modernity, the work ethic without a greater goal, a robotic existence based on national insurance numbers, the usurpation of tax by a self-centered central state, and the destruction of high culture for a quick fix based on trash. Therefore, the final days of Mishima were fused with all the convulsions that he witnessed personally – and based on the history he read – and a changing Japan that he feared would destroy the soul of this nation.

Mishima wrote, “A samurai is a total human being, whereas a man who is completely absorbed in his technical skill has degenerated into a ‘function’, one cog in a machine.”

In a past article, I said, In Mishima’s short memoir, Sun and Steel, it is clear that his obsession during the last ten years was a fusion of writing and bodybuilding to an extreme.  This book was published in 1968 and it reflected the psyche of Mishima in this period of his life. He now fused the pen with physical training and concepts of the new Japan betraying the old and glorified Japan. The book Sun and Steel relates to Mishima throwing away his earlier novel Confessions of a Mask. After all, Mishima was now building up to be a man of strength. In other words, the Nietzsche ubermensch was born within the ego and spirit of Mishima.”

Overall, while parts of the Islamic world are crushing freedom and writers are being butchered by Sunni Islamists in Bangladesh; while in the opposite direction the West is in a self-imposed machinery of narrowness based on the need to follow the politically correct narrative; then Mishima is an individual who is free from not only this world based on his dramatic death but, equally important, this great writer was free during his time on this earth despite all the trappings of modernity that could have crushed his soul. Therefore, in comparison with other contemporary writers in Japan, it is abundantly clear that Mishima is the last great writer who remains unmatched based on his literature and the power of his psyche in the last moments of his life.

 

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vendredi, 15 décembre 2017

Bonne nouvelle: les "archiveseroe" réactivées !

Une bonne nouvelle: le site 

http://www.archiveseroe.eu

vient d'être réactivé ! Vous disposez à nouveau d'une documentation exceptionnelle ! Profitez-en !

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L'Allemagne, la France et l'Eurasie

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L'Allemagne, la France et l'Eurasie

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Dans une Allemagne ou Angela Merkel semble avoir perdu sa capacité à rassembler les différents partis politiques, il est intéressant de constater la montée en influence de Sigmar Gabriel, actuel ministre des Affaires Etrangères et membre influent du SPD, Parti social-démocrate (voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Sigmar_Gabriel).

Ceci est d'autant plus important que Sigmar Gabriel défend des perspectives très intéressantes dans le domaine international. Elles concernent tout autant la France que l'Allemagne. Ainsi, dans un discours-programme sur la politique étrangère, le 5 décembre, il paru prendre acte de la perte d'influence des Etats-Unis en Europe. Mais loin de la regretter, il s'est est quasiment réjoui. Il y voit une occasion pour l'Allemagne de réaffirmer ses ambitions géopolitiques. Il parlait devant des diplomates et experts de haut rang rassemblés dans le cadre du Forum Berlinois sur la politique étrangère organisé par l'influente Fondation Körber 1).

Certains pourraient craindre en France que le concept de Grande Allemagne qui était sous-jacent à son discours corresponde à celui d'Europe allemande. En effet, pour lui, il n'est pas question d'envisager d'une façon ou d'une autre le retrait de l'Union européenne. Cependant, même s'il ne l'a pas dit, obligé à la réserve diplomatique, il considère que l'Allemagne n'a rien à gagner dans l'Europe actuelle, largement au service des intérêts américains, tant économiques omni-présents à Bruxelles que politico-militaires fondamentalement anti-russes au sein de l'Otan.

Par contre, si l'on peut dire les choses d'une façon un peu brutale que Sigmar Gabriel ne voudrait certainement exprimer officiellement, il ambitionne une Europe franco-allemande, ou plutôt alémano-française. Avec réalisme, il admet que si l'Allemagne dispose d'une puissance économique et financière infiniment supérieure à celle de la France, celle-ci aura longtemps, car ces choses ne s'improvisent pas, la supériorité d'une force armée polyvalente, de solides industries de défense et de capacités de déploiement incomparables dans un certain nombre de théâtres mondiaux.

On peut penser qu'aujourd'hui Emmanuel Macron, par divers qualités que nous n'examineront pas ici, est beaucoup plus rassurant pour l'Allemagne que ses prédécesseurs. Macron lui-même avait déjà montré son attrait pour une Europe franco-allemande, mais le moins que l'on puisse dire est qu'Angela Merkel ne l'avait pas encouragé dans cette voie. Les ouvertures d'un Sigmar Gabriel, même si celui-ci ne dispose encore que de pouvoirs limités au sein de l'actuelle ou de la future Grande Coalition, ne pourront que l'intéresser.

Une stratégie eurasiatique

Au plan international, Sigmar Gabriel, dans son discours, s'est radicalement démarqué de ce que l'on pourrait appeler la stratégie américaine de ses prédécesseurs, visant à faire de l'Allemagne le meilleure élève d'une classe européenne dont Washington resterait toujours le magister. Il a expliqué, pour la première fois en Allemagne, dans une instance aussi influente que le Forum Berlinois, qu'il portait un intérêt considérable au grand projet de la Chine, dont nous avons souvent discuté ici, relatif à l'OBOR, “One Belt One Road” ou “nouvelle Route de la Soie”). Il y voit une initiative très prometteuse pour intégrer les politiques économiques, géopolitiques et géostratégiques des nombreux pays qui seront ainsi reliés.

Certes la Chine, responsable de l'initiative, entend en rester le moteur, mais en aucun cas elle ne paraît viser à le faire à son seul profit, non plus qu'à celui de la Russie, son alliée indéfectible. Il a expliqué que «  Nous, en Occident, pourrions être à juste titre critiqués pour n'avoir conçu aucune stratégie comparable ». Il semble y voir, non seulement pour l'Allemagne, mais pour une Europe alémano-française, une occasion irremplaçable permettant de s'intégrer à la construction d'un grand ensemble eurasiatique en gestation. Celui-ci deviendrait sans discussions la première puissance mondiale à tous égards – peut-être la seule puissance capable d'assurer la survie du monde face aux multiples crises qui se préparent.

Il serait inadmissible que la France ne voit pas les enjeux et tarde encore, comme elle le fait actuellement, à rejoindre le grand ensemble eurasiatique qui se mettra d'autant plus vite en place qu'une Allemagne sous la direction d'un Sigmar Gabriel, déciderait sans attendre d'en exploiter les opportunités.

1) Voir
* https://www.deutschland.de/fr/topic/politique/forum-berli...
* https://www.koerber-stiftung.de/en/berlin-foreign-policy-...

Allemagne, le début d’une crise de régime

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Carnets d’outre Rhin:

Allemagne, le début d’une crise de régime

Olivier Tisier ♦
Correspondant de Métamag à Berlin

Ex: http://metamag.fr

La coalition jamaïque a fait du reggae

Après une énième tentative avortée de coalition jamaïcaine, les membres du FDP, le parti libéral qui avait été revigoré par on ne sait quel miracle, ont choisi de se retirer. Cela fut fortement critiqué par les Verts (les Grünen) qui ne voyaient, pour leur part, aucune raison de quitter les négociations puisque leur directeur Cem Özdemir estime que la démocratie naît du compromis. Cela peut sembler dépassé mais pour lui, l’interêt de l’Allemagne doit passer avant les querelles de partis. Le chef du FDP, Christian Linder a déclaré, au contraire, qu’ils n’abandonneraient pas les électeurs de son parti en participant à une coalition contraire à ses valeurs. Il a ajouté qu’il valait mieux ne pas gouverner que de gouverner mal.

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Ainsi, après des semaines de tractations, rien n’est finalement sorti de ces échanges sauf des conflits et de fausses promesses. Il faut dire que le principal thème du désaccord portait sur l’immigration. La plupart des membres de ce qui aurait été la future coalition aurait voulu la réduire. Le FDP parle d’une fenêtre maximale de 150 000 à 250 000 personnes, la CDU de 200 000 tandis que les Verts se refusaient à tout quota qu’ils jugent inacceptable. La dispute a porté aussi sur le regroupement familial. Les Grünen voudraient que chaque réfugié ayant un statut de protection même subsidiaire puisse en bénéficier alors que la CDU et la CSU en particulier y sont totalement opposés.

Désaccord aussi sur le concept de pays d’origine validé. Le FDP veut instaurer un quota maximum de 5% d’immigrés issus du Maghreb. Les Grünen y sont naturellement totalement opposés.

Et Angela Merkel dans tout cela? La chancelière est très déçue de l’arrêt des négociations. Elle déclare vouloir faire tout ce qui est en son pouvoir pour que le pays continue à être bien gouverné. Seulement les Allemands, peuple pragmatique s’il en est, se rendent bien compte que la CDU et la CSU sont conjointement responsables de cette crise de régime en ayant voulu créer une coalition de chimères. Merkel devrait au cours du mois de décembre s’entretenir avec le président Frank Walter Steinmeier.

Que risque-t-il donc se passer ? Un gouvernement ne possédant pas une majorité serait bien trop affaibli pour gouverner, aussi l’Allemagne repassera-t-elle sans doute par la case ”élections”. Rappelons que le SPD, grand absent, avait depuis les résultats des dernières élections décliné fermement toute possibilité de Groko, c’est à dire de GrosseKoalition.

Un professeur d’université dans la tourmente

L’université de Leipzig évalue les poursuites juridiques possibles à l’encontre d’un professeur. Il est en effet reproché au professeur de droit Thomas Rauscher d’être raciste. La direction de l’université a déclaré promouvoir un monde ouvert et être totalement opposée aux idéologies intolérantes et xénophobes. Le professeur Rauscher avait tweeté : «Nous ne devons rien aux Africains et aux Arabes. Ils ont détruit leur propre continent par la corruption, la paresse, les conflits ethniques et religieux et maintenant nous prennent ce que nous avons bâti avec efforts ».

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Rauscher a, de plus, commenté la manifestation d’indépendance à Varsovie en ces termes: « Une Europe blanche de nations frères, c’est pour moi un but merveilleux ».On imagine mal en France ce que fut d’ailleurs cette journée de l’indépendance du 11 novembre à Varsovie dont on n’a pas parlé dans l’hexagone sauf pour dire que c’était une manifestation de l’extrême droite polonaise alors que dans la capitale polonaise, ce fut carrément grandiose : le rassemblement d’une population unie dans un nationalisme réel. Chacun avait son brassard blanc et rouge, les drapeaux étaient fièrement brandis. On sentait alors à Varsovie que le peuple polonais en avait bavé de vivre sous le joug russe et qu’il chérit ainsi plus que tout et avec amour l’indépendance de sa patrie. Mais revenons à Leipzig, où la ministre des Sciences (SPD), Eva Maria Stange a critiqué les idées xénophobes du professeur Rauscher. La responsable du cycle secondaire de l’enseignement, affiliée aux Verts, Claudia Maicher a indiqué que la réaction de l’université était nécessaire et fondée. Encore une fois dans les hautes sphères de l’enseignement, que l’on soit en France ou en Allemagne, on trouve des femmes de gauche, c’est disons classique. On trouve aussi parfois des hommes c’est vrai, enfin des hommes d’un certain type, c’est plus original ! L’association des étudiants socio-démocrates se sont en tout cas empressés de perturber le cours du professeur sous le slogan original « Rauscher dégage ». Ils ont aussi projeté ses tweets sur le mur de la salle d’amphi. Le professeur leur a demandé de ne plus perturber son cours et a critiqué « leurs méthodes de nazi ».

Entre temps, il avait supprimé son compte tweeter. Ce professeur de droit originaire de Franconie enseignait depuis le milieu des années 90 à Leipzig. Il était aussi directeur de l’institut pour les procédures de droit privé européennes ainsi que professeur de droit privé. En fait, cet universitaire représente un certain type d’allemand de plus de 40 ans qui sent que le pays qu’il a connu est en train de partir à volo. Une bonne partie de cette génération ne bronche pas et se console en faisant des voyages à Majorque ou en roulant dans des Mercedes rutilantes. Mais le fait que cette affaire se passe dans l’ancienne Allemagne de l’Est ne nous surprendra pas car les gens y sont plus attachés à leur identité que dans le reste du pays.

Des milliers de suppressions d’emplois annoncés chez Siemens

A Berlin, les employés, le conseil d’entreprise et les syndicats ont protesté contre l’annonce de milliers de licenciements chez Siemens. Déjà, l’annonce du plan avait donné lieu à des manifestations à Leipzig. Siemens souhaite supprimer pour des raisons de changement structurel mondial, 6 900 emplois dans la production. D’après Janina Kugel du comité de direction, c’est le seul moyen pour Siemens de conserver ses parts de marché face à la concurrence. C’est l’ère du capitalisme le plus sauvage, des banksters et ce genre d’événements ne vont hélas que s’amplifier dans l’avenir. A moins de revenir vers un protectionnisme national.

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Ces licenciements concernent plusieurs sites allemands. Les turbines de Görlitzet Leipzig avec 920 suppressions et le site de Erfurt qui sera vraisemblablement vendu. A Berlin, ce sont 870 emplois qui sont concernés. Les sites d’Erlangen et Offenbach devrait être fusionnés. Mülheim dans la Ruhr devrait perdre 640 employés. IG Metall promet de se battre pour chaque emploi. D’après les mots de son représentant qui est aussi membre du conseil de surveillance de Siemens, Jürgen Kernen: «Un plan social d’une telle importance est au regard de la situation globale de l’entreprise absolument inacceptable mais seul compte pour le capitalisme l’augmentation du profit ».

En effet la semaine précédant ces annonces, le PDG de Siemens Joe Kaeser avait présenté le bilan annuel en indiquant que cette année avait été particulièrement bonne. Et c’est presque au même moment que ce dernier s’apprête à jeter dehors quantité de ses salariés. On peut ainsi comprendre le dégoût et la colère des ouvriers. La présidente du conseil d’entreprise  Birgit Steinborn a elle aussi ajouté que ce plan était un coup bas porté aux employés de Siemens. Les représentants du personnel voient aussi dans ces suppressions de postes une trahison du pacte conclu en 2010 concernant la garantie de l’emploi. Mais les promesses, même les garanties sociales des pactes de « flexibilité » ou des ordonnances de « flexi-sécurité » n’engagent à Berlin comme à Paris que ceux qui y croient.

L’ultime vestige du Saint-Empire romain germanique

Le 6 août 1806, sur un ultimatum de Napoléon Ier, l’empereur François II de Habsbourg signait la dissolution du Saint-Empire romain germanique, proclamait l’Empire d’Autriche et prenait le nom de François Ier. Cette décision forcée mettait un terme définitif aux 1 200 – 1 300 entités souveraines de cette étonnante structure géopolitique mitteleuropéenne.

Pourtant, deux cent onze ans plus tard demeure en plein cœur des Alpes entre Suisse et Autriche son dernier vestige : la principauté de Liechtenstein. Ce territoire de 160 km² et de 37 000 habitants, dont la capitale est Vaduz, est surtout connu des Français pour être un ancien « paradis fiscal ». En union économique et douanière avec la Confédération helvétique, cette principauté a rejoint l’ONU en 1990 et participe à l’Association européenne de libre-échange, à l’Espace économique européen ainsi qu’à l’espace Schengen. Le Conseil de l’Europe la surveille néanmoins avec une très grande attention, car les canons de la démocratie oligarchique et ploutocratique n’y sont pas appliqués.

Dans La doctrine anarcho-royaliste (2017, 395 p., 9,90 €), Rodolphe Crevelle, principal responsable du Lys Noir, encense la principauté traitée de « Cuba anarcho-royaliste ». La famille princière a donné son nom au pays si bien que son chef est prince de et à Liechtenstein. La titulature n’est pas anodine. Au début des années 2000, Son Altesse Sérénissime Hans-Adam II fit adopter par référendum une révision constitutionnelle lui accordant de larges prérogatives exécutives, quitte à froisser Montesquieu et son équilibre imbécile des pouvoirs. Avec Monaco, le Liechtenstein est le dernier État d’Europe où le souverain règne et gouverne. Afin de bien montrer aux parlementaires du Landtag qu’il est plus démocrate qu’eux, le prince régnant permet aussi des procédures de démocratie directe et le recours au référendum.

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La situation politique n’est depuis plus figée dans un bipartisme stérile et convenu. Les conservateurs du Parti progressiste des citoyens (35,2 % aux législatives de cette année) et les démocrates chrétiens de l’Union patriotique (33,7 %) qui alternent au gouvernement, ont vu l’apparition de la Liste libre, fondée en 1985, d’obédience sociale-démocrate – écologiste (12,6 %), et, en 2013, des Indépendants (18,4 %) au programme très flou, parfois qualifié de « populiste », voire « libertarien ». Si l’un des premiers élus est un mécanicien travesti, dès 2015, les Indépendants se sont élevés contre les quotas de « migrants » imposés par Bruxelles.

Le gouvernement princier a en effet fait accueillir quelques dizaines de clandestins extra-européens. Il faut reconnaître que l’accueil des réfugiés est une habitude locale. Le Liechtenstein était cher au cœur d’Alexandre Soljenitsyne. Le célèbre dissident soviétique n’oublia jamais qu’en 1945, la principauté accepta la présence de quelque 500 soldats de la 1re Armée nationale russe qui venaient de combattre les Soviétiques aux côtés des forces allemandes. Malgré les pressions diplomatiques formidables des Alliés occidentaux et de Moscou, Vaduz ne céda jamais, refusa de livrer ces Russes blancs au NKVD et tint tête à l’URSS de Joseph Staline. Cet épisode méconnu fit l’objet en 1993 d’un film de Robert Enrico, Vent d’Est.

Ce bel exemple montre que la fermeté de caractère constitue la base déterminante de toute véritable souveraineté politique.

Bonjour chez vous !

Cette chronique hebdomadaire du Village planétaire a été diffusée sur Radio Libertés le 8 décembre 2017.

Allan Bloom et la déconstruction de la civilisation occidentale

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Allan Bloom et la déconstruction de la civilisation occidentale

par Nicolas Bonnal

Ex: http://www.dedefensa.org

En 1986 Allan Bloom publiait un livre retentissant, The closing of american mind dont le titre fut absurdement traduit en français. Cet auguste platonicien plagié peu après par Alain Finkielkraut dressait l’état des lieux de la barbarie universitaire américaine qui depuis lors a gagné la France et l’Europe, et ne s’arrêtera que lorsqu’elle aura tout dévoré. Minorités sexuelles et raciales en bisbille, relativisme moral, délire de société ouverte, interdiction d’interdire, chasse aux préjugés, abrutissement sonore et consumériste, règlementation orwellienne du droit et du langage, tout était fin prêt. Le professeur Bloom écrivait pour une minorité éclairée, reliquat de temps plus cultivés, chassée depuis par le business et les archontes du politiquement correct.

ame_desarmee_1.jpegL’ouvrage est essentiel car depuis le délire a débordé des campus et gagné la société occidentale toute entière. En même temps qu’elle déboulonne les statues, remet en cause le sexe de Dieu et diabolise notre héritage littéraire et culturel, cette société intégriste-sociétale donc menace le monde libre russe, chinois ou musulman (je ne pense pas à Riyad…) qui contrevient à son alacrité intellectuelle. Produit d’un nihilisme néo-nietzschéen, de l’égalitarisme démocratique et aussi de l’ennui des routines intellos (Bloom explique qu’on voulait « débloquer des préjugés, « trouver du nouveau »), la pensée politiquement correcte va tout dévaster comme un feu de forêt de Stockholm à Barcelone et de Londres à Berlin. On va dissoudre les nations et la famille (ou ce qu’il en reste), réduire le monde en cendres au nom du politiquement correct avant d’accueillir dans les larmes un bon milliard de réfugiés. Bloom pointe notre lâcheté dans tout ce processus, celle des responsables et l’indifférence de la masse comme toujours.

Je ne peux que renvoyer mes lecteurs à ce maître-ouvrage qui satisfera autant les antisystèmes de droite que de gauche. J’en délivre juste quelques extraits que je reprends de l’anglais :

• Sur l’éducation civique et les pères fondateurs, dont on déboulonne depuis les statues :

« L'éducation civique s'est détournée de la fondation du pays pour se concentrer sur une ouverture fondée sur l'histoire et les sciences sociales. Il y avait même une tendance générale à démystifier la Fondation, à prouver que les débuts étaient défectueux afin de permettre une plus grande ouverture à la nouveauté. »

Les pères fondateurs ? Racistes, fascistes, machistes, esclavagistes ! Lisez mon texte sur Butler Shaffer à ce sujet : Hitler est plus populaire que Jefferson.

• Sur la chasse à la discrimination et la tabula rasa intellectuelle qui en découle :

« L'indiscriminabilité est donc un impératif moral parce que son contraire est la discrimination. Cette folie signifie que les hommes ne sont pas autorisés à rechercher le bien humain naturel et à l'admirer lorsqu'ils l’ont trouvé, car une telle découverte est contemporaine de la découverte du mal et du mépris à son égard. L'instinct et l'intellect doivent être supprimés par l'éducation. L'âme naturelle doit être remplacée par une âme artificielle. »

• Sur l’ouverture, l’openness, la société ouverte façon Soros,  Allan Bloom écrit :

« L'ouverture visait à offrir une place respectable à ces «groupes» ou «minorités» - pour arracher le respect à ceux qui n'étaient pas disposés à le faire - et à affaiblir le sentiment de supériorité de la majorité dominante (plus récemment appelée WASP, un nom dont le succès montre quelque chose du succès de la sociologie dans la réinterprétation de la conscience nationale). Cette majorité dominante a donné au pays une culture dominante avec ses traditions, sa littérature, ses goûts, sa prétention particulière de connaître et de superviser la langue, et ses religions protestantes. Une grande partie de la machinerie intellectuelle de la pensée politique et des sciences sociales américaines du vingtième siècle a été construite dans le but d'attaquer cette majorité. »

De tout cela il ne reste plus rien maintenant. La société ouverte rejoint la société du vide de Lipovetsky, elle est plus exactement du néant où l’on a tout interdit puisqu’il sera interdit… d’interdire.

Sur le nouveau complexe d’infériorité occidental et l’obsession tiers-mondiste :

« Les aventuriers sexuels comme Margaret Mead et d'autres qui ont trouvé l'Amérique trop étroite nous ont dit que non seulement nous devons connaître d'autres cultures et apprendre à les respecter, mais nous pourrions aussi en tirer profit. Nous pourrions suivre leur exemple et nous détendre, nous libérer de l'idée que nos tabous ne sont rien d'autre que des contraintes sociales. »

En tant que Français je reconnais d’ailleurs qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Relisez Diderot et son voyage de Bougainville… La France dite révolutionnaire n’avait pas attendu les nietzschéens et les pions postmodernes pour ravager son héritage de tyrans, prêtres et autres félons…

Le tout ne débouche pas forcément sur une destruction physique du monde (encore que…), mais sur une nullité généralisée (voyez l’art, nos prix littéraires ou notre cinéma). Allan Bloom souligne la fin de l’humanisme estudiantin et l’avènement de l’abrutissement estudiantin. Sur le premier :

« Tout au contraire. Il y a une indifférence à ces choses, car le relativisme a éteint le véritable motif de l'éducation, la recherche d'une vie bonne. Les jeunes Américains ont de moins en moins de connaissance et d'intérêt pour les lieux étrangers. Dans le passé, il y avait beaucoup d'étudiants qui connaissaient et aimaient l'Angleterre, la France, l'Allemagne ou l'Italie, car ils rêvaient d'y vivre ou pensaient que leur vie serait rendue plus intéressante en assimilant leurs langues et leurs littératures. »

bloomplato.jpgTout cela évoque Henry James mais aussi Hemingway, Gertrude Stein, Scott Fitzgerald, à qui Woody Allen rendait un rare hommage dans son film Minuit à Paris – qui plut à tout le monde, car on remontait à une époque culturelle brillante, non fliquée, censurée. Cette soi-disant « génération perdue » des couillons de la presse n’avait rien à voir avec la nôtre – avec la mienne.

Sur l’étudiant postmoderne, avec son truisme tiers-mondiste/migrant façon Bergoglio :

« Ces étudiants ont presque disparu, remplacés tout au plus par des étudiants intéressés par les problèmes politiques des pays du tiers monde et en les aidant à se moderniser, dans le respect de leurs anciennes cultures, bien sûr. Ce n'est pas apprendre des autres mais la condescendance et une forme déguisée d'un nouvel impérialisme. C'est la mentalité du Peace Corps, qui n'est pas un stimulant à l'apprentissage mais une version sécularisée de faire de bonnes œuvres. »

On sait que c’est cette mentalité de Peace corps qui a ensanglanté la Libye, la Syrie ou le Yémen, en attendant l’Europe.

Ce qui en résulte ? Moralité, relativisme culturel et je-m’en-foutisme intégral (« foutage de gueule, dirait notre rare idole incorrecte OSS 117) :

« Pratiquement tout ce que les jeunes Américains ont aujourd'hui est une conscience inconsistante qu'il y a beaucoup de cultures, accompagnées d'une morale saccharine tirée de cette conscience : nous devrions tous nous entendre. Pourquoi se battre? »

Le bilan pour les étudiants conscients est désastreux, et qu’il est dur de se sentir étrangers en ce monde. Je rappelle que Tolkien écrira dans une lettre en 1972 :

 “I feel like a lost survivor into a new alien world after the real world has passed away.”

Allan Bloom  ajoute sur cette montée du cynisme et de l’indifférence que j’ai bien connue dans les années 80 :

« Les étudiants arrivent maintenant à l'université ignorants, cyniques au sujet de notre héritage politique, manquant des moyens d'être soit inspiré par lui ou sérieusement critique de lui. »

La chasse aux préjugés horripile Allan Bloom :

« Quand j'étais jeune professeur à Cornell, j'ai eu un débat sur l'éducation avec un professeur de psychologie. Il a dit que c'était sa fonction de se débarrasser des préjugés chez ses étudiants. Il les a abattus. J'ai commencé à me demander par quoi il remplaçait ces préjugés. »

Allan Bloom fait même l’éloge des préjugés au nez et à la barbe des présidents banquiers, des ministresses branchées, des députés européens, des lobbyistes sociétaux, des prélats décoincés :

« Les préjugés, les préjugés forts, sont des visions sur la façon dont les choses sont. Ce sont des divinations de l'ordre de l'ensemble des choses, et par conséquent le chemin de la connaissance se produit à travers des opinions erronées. L'erreur est en effet notre ennemi, mais elle seule indique la vérité et mérite donc notre traitement respectueux. L'esprit qui n'a pas de préjugés au départ est vide. »

On en reste au vide…

Bilan des libérations de tout genre :

« Les diverses libérations gaspillaient cette énergie et cette tension merveilleuses, laissant les âmes des étudiants épuisées et flasques, capables de calculer, mais pas de perspicacité passionnée. »

Car le bonhomme de neige, comme on disait quand je passais mon bac, croit être revenu de tout, qui n’est allé nulle part. Cela ne l’empêchera pas de demander sa guerre contre la Russie orthodoxe, la Chine nationaliste, ou l’Iran intégriste. Car sa régression stratégique et intellectuelle aura accompagné sa cruauté humanitaire et son involution moraliste.

Bloom enfin a compris l’usage ad nauseam qu’on fera de la référence hitlérienne : tout est décrété raciste, fasciste, nazi, sexiste dans les campus US dès 1960, secrétaires du rectorat y compris ! Mais lui reprenant Marx ajoute que ce qui passe en 1960 n’est ni plus ni moins une répétition comique du modèle tragique de 1933. Les juristes nazis comme Carl Schmitt décrétaient juive la science qui ne leur convenait pas comme aujourd’hui on la décrète blanche ou sexiste.

Citons Marx d’ailleurs car Bloom dit qu’on l’a bien oublié à notre époque de juges postmodernes :

« Hegel fait quelque part cette remarque que tous les grands événements et personnages historiques se répètent pour ainsi dire deux fois. Il a oublié d’ajouter : la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce. »

On verra si on garde le ton de la farce. Moi je doute : on est trop cons.

Sources

Allan Bloom – The closing of American mind

Nicolas Bonnal – La culture moderne comme arme de destruction massive ; Comment les Français sont morts (Amazon.fr)

Alain Finkielkraut – La défaite de la pensée

Gilles Lipovetsky – L’ère du vide

Marx – Le dix-huit Brumaire de Louis-Napoléon Bonaparte

Nietzsche – Deuxième considération inactuelle, de  l’inconvénient des études historiques…

Platon – Livre VIII de la république (561 d-e)

Tocqueville – De la démocratie en Amérique, II, deuxième et quatrième partie

jeudi, 14 décembre 2017

Ondergang van het Avondland

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Ondergang van het Avondland

Bestaat er wel een wereldziel, een soort geestelijke grammatica die aan de basis van elke grote cultuur ligt?

Dit is zo’n boek dat velen kennen maar weinigen lazen. Het is nochtans, zoals vele van zulke boeken, ruim de moeite waard. Er bestaan maar weinig studies waaruit een dergelijke eruditie spreekt, waar wetenschap, kunst, filosofie, wiskunde, religie, politiek, techniek, landschap … niet als dusdanig worden voorgesteld, maar vanuit hun ziel en dus onderlinge samenhang worden besproken. Eigenlijk vormt dat de grootst mogelijke (hedendaagse) kritiek op deze studie: bestaat dat wel, zo’n overkoepelend, alomvattend systeem dat elke cultuur in al haar veruitwendigingen verklaart? Bestaat er wel een wereldziel, een soort geestelijke grammatica die aan de basis van elke grote cultuur ligt? Gehoorzamen alle culturen aan eenzelfde historische wetmatigheid? Dreigt de werkelijkheid dan niet te worden opgeofferd aan het systeem?

Toen men Hegel opmerkte dat sommige elementen en gebeurtenissen uit de werkelijkheid niet pasten in zijn systeem, zou die koudweg geantwoord hebben: “Dat is dan jammer voor de werkelijkheid.” Is dat in Spenglers ‘morfologie van de culturen’ ook het geval? De manhaftige en (daardoor) aanvechtbare aanpak van Spengler wordt nu voor het eerst volledig in Nederlandse vertaling door Mark Wildschut aangeboden door Uitgeverij Boom. De uitgever lanceert tegelijk ook het digitaal platform LeesSpengler.nl waar u mits een in het boek meegegeven code toegang krijgt op commentaren, samenvattingen en een hele video-voorstelling per hoofdstuk door Ad Verbrugge.

Rome

Ondanks wat veelal wordt beweerd, gaat het in dit boek niet om een pessimisme. Dat veronderstelt immers de mogelijkheid van een weliswaar afgewezen optimistische lezing van de geschiedenis. Spengler bejubelt noch betreurt, nog minder vuurt hij aan tot ‘redding’ uit de ondergang. Die ondergang heeft namelijk geen morele betekenis, alleen een fysionomische. De westerse cultuur, het Avondland, is oud geworden en treedt haar laatste fase in: de civilisatie. Dat leest Spengler af aan haar prioriteiten: een geesteloze pragmatiek, totale metropolisatie en geld als ultieme maat voor de weging van de wereld. Dat is geen veroordeling, een te remediëren toestand, een laakbare historische misstap van enkelen. Zo vergaat het nu eenmaal elke cultuur. Zo betekende Rome de laatste fase, de ondergang van de antieke cultuur.

Europees denken

De antieke cultuur is niet onze voorloper of de primitieve versie van de moderne cultuur, zoals dat vandaag de dag nog steeds wordt verkondigd. De antieke cultuur en de westerse cultuur staan volledig op zichzelf, net als bijvoorbeeld de Chinese, de Indiase, de Babylonische, de Egyptische, de Arabische en de Mexicaanse. Dat zijn ze dan ineens allemaal. Spengler wijst op twee fouten in het bedrijven van cultuurgeschiedenis, met name de (typisch moderne) idee van vooruitgang als bovengeschiedlijke as waarlangs culturen zich opvolgen;  de (even typisch moderne) promotie van de eigen tijd als een historische finaliteit. Culturen zijn namelijk zo goed als onvertaalbaar naar elkaar, dus zeker niet afleidbaar uit elkaar volgens een boventijdelijk schema. Bovendien is er niets speciaals aan het heden, dat heeft geen enkele prevalentie op eender welke andere periode. Elke vorm van eurocentrisme of moderne arrogantie is dus uit den boze. Wél is het zo dat we alleen volgens het westers schema over culturen kunnen nadenken, omdat er nu eenmaal geen buiten-cultureel standpunt bestaat. We denken dus Europees, maar zonder Europa een speciale plaats binnen het wereldgebeuren te geven.

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In die zin start Spengler een redelijk nieuwe geschiedbeoefening op, waarbij culturen vanbinnen uit als organismen worden opgevat, organismen die groeien, bloeien en afsterven. Spengler aanvaardt dus geen overkoepelende geschiedenis waarin culturen elk hun voorbestemde positie innemen, maar wel een organische wetmatigheid, een fysionomie, waaraan elke cultuur gehoorzaamt. Dat wil wel zeggen dat Spenglers geschiedenistheorie een westerse is, noodgedwongen. Eigenlijk is dat zelfs niet eens zo vreemd, omdat het belang dat wordt gehecht aan geschiedenis typisch westers is.

Getal

De westerse cultuur noemt Spengler ‘faustisch’, naar het bekende stuk van Goethe. De antieke cultuur heet dan apollinisch, de Arabische magisch … De faustische ziel wordt geëvoceerd in alle mogelijke facetten van de westerse cultuur: het oneindige (tot haar hoogtepunt gebracht in de infinitesimaalrekening en het ‘limietbegrip’), het muzikale (‘voelbaar’ tot in de architectuur), de innerlijk-reflexieve ziel (het tragische bewustzijn van King Lear versus de tragische situaties bij Oidipous), de hang naar steeds meer tot in het onbereikbare … Dat leest Spengler zelfs af in de manier waarop het Westen het getal ‘cultiveert’. Het is werkelijk fascinerend hoe die in een getal, voor de geciviliseerde westerling een louter rekenmiddel, de basisgrammatica van een hele cultuur kan oproepen. Geduldig ontvouwt Spengler hoe elke cultuur anders omgaat met het getal en hoe die manier telkens weer tekenend is voor die cultuur. Het getal als basissymbool en betekenaar voor de cultuurziel.

Caesarisme

Wat ons te doen staat, is het begrijpen van de actualiteit vanuit die ziel, voornamelijk dan in termen van haar politieke opdracht. Dat laatste maakte trouwens de oorspronkelijke opzet van deze studie uit. Maar om de politiek binnen het culturele raamwerk te kunnen begrijpen, in de ‘diepte’, moest hij eerst in een cultuurhistorische en –filosofische studie voorzien. Die ligt dus nu en hier voor. De westerse ziel is uitgeput, haar beschaving markeert haar eigen ondergang. Nogmaals, Spengler bepleit hier geen politiek die tegen die ondergang ingaat, dat is een foute nazi-lezing. De nazi-ideologen wilden de klok terugdraaien en de waarden en instellingen waarvan Spengler in zijn diagnose de erosie noteerde, nieuw leven inblazen. Dat is nu precies wat Spengler niét zegt. Hij voorspelt een terugval in een ‘primitiever’ politiek stadium, met onder meer een vorm van ‘caesarisme’, iets waarnaar ons huidig populisme misschien verwijst. Immers, democratie is een vervallen politieke vorm waarin geld en wetenschap overnemen van adel en priesterstand. Vervallen, omdat het volgens Spengler nooit om een echte democratie gaat, maar veeleer een verhulde dictatuur waarin het geld via dictatuur van partij en pers wezenlijk het maatschappelijk gebeuren bepaalt. Dat laat een mechanisme toe waar uiteindelijk een charismatisch figuur wars van elk programma of ideologie, utopie of visie, botweg de macht neemt door het handig inzetten van de massa. Het heeft geen enkele zin hier tegenin ter gaan, want zo vergaat het nu eenmaal elke cultuur.

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Cultuurrelativisme

Het verschil tussen het grote historische schema van Hegel en dat van Spengler zit hem hierin dat de eerste een alomvattende geschiedenis ontvouwt terwijl de laatste een westerse geschiedenis van binnenuit uitrolt volgens een universeel programma, geïnspireerd op het levend organisme. Dat leverde hem ten onrechte de titel van ‘cultuurrelativist’. Volgens Spengler kan niemand, zelfs geen cultuurfilosoof, uit de cultuur stappen om vanuit een ‘view fromnowhere’ culturen als objecten te bestuderen. Cultuurrelativisme vooronderstelt namelijk dergelijk abstract gezichtspunt. De vraag naar de cultuurgeschiedenis is zelf typisch voor de westerse cultuur. Ook al bekritiseert hij de bestaande historische modellen en theorieën, toch noemt hij zijn aanpak en methode onvervalst westers.

We komen tussen de regels van deze studie vele voorlopers en volgelingen uit de (westerse) filosofie en wetenschap tegen. We lezen de echo’s van onder meer Dilthey (natuur vs. geschiedenis) en Bergson (ruimte vs. tijd), begrijpen waar onder meer Heidegger (er bestaat geen universele historische dialectiek), Cassirer (symbolische vormen als bouwstenen van cultuur), Gadamer (historische horizontaliteit van het begrijpen) en Fukuyama (apocalyptiek van de westerse beschaving) hun inspiratie vandaan haalden. In die zin kan dus dit monumentale werk van Spengler terecht als mijlpaal worden gelezen.

Guénon et la spiritualité perdue de la monnaie

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Guénon et la spiritualité perdue de la monnaie

par Nicolas Bonnal

Ex: http://www.dedefensa.org

On sait que l’argent ne vaut plus rien. Les prix de l’immobilier ont été multipliés par cent à Paris en soixante ans. J’ai plusieurs exemples en tête.

On se doute que sur ce sujet j’aurai recours à René Guénon, au règne de la quantité (chapitre XVI). Ensuite à Egon Von Greyerz, dont tous les crétins se moquaient récemment encore sur certains soi-disant sites antisystèmes !

Une chose est sûre, le fric, qui ne valait déjà plus rien, va disparaitre. Une autre l’est moins, savoir si on nous volera notre or (quand vous en avez) comme au temps de Roosevelt (Gold Reserve Act, bonne fiche sur Wikipédia-anglais), des nazis et du Front populaire. Il suffira de tuer quelques contrevenants pour faire craquer tous les autres. L’Etat moderne, qui en a vu et fait d’autres, ne s’arrêtera pas là. Lisez l’historien Hoppe pour le comprendre enfin.

Je vais insister théologie ici, parce les choses sont plus graves que ne le pensent les « éconoclastes » : l’annihilation de la monnaie reproduit en ces Temps de la Fin l’annihilation spirituelle de notre civilisation ET MEME DE NOS PERSONNES.

Je rappelle à certains que salaire vient du mot « sel », que espèces viennent du mot « épices » !

Mais venons-en à Guénon qui se surpasse parfois – et pourtant c’est Guénon :

« La question dont il s’agit est celle de la monnaie, et assurément, si l’on s’en tient au simple point de vue « économique » tel qu’on l’entend aujourd’hui, il semble bien que celle-ci soit quelque chose qui appartient aussi complètement que possible au « règne de la quantité » ; c’est d’ailleurs à ce titre qu’elle joue, dans la société moderne, le rôle prépondérant que l’on ne connaît que trop et sur lequel il serait évidemment superflu d’insister ; mais la vérité est que le point de vue « économique » lui-même et la conception exclusivement quantitative de la monnaie qui lui est inhérente ne sont que le produit d’une dégénérescence somme toute assez récente, et que la monnaie a eu à son origine et a conservé pendant longtemps un caractère tout différent et une valeur proprement qualitative, si étonnant que cela puisse paraître à la généralité de nos contemporains. »

Guénon explique ce qu’était une monnaie :

« Il est une remarque qu’il est bien facile de faire, pour peu qu’on ait seulement « des yeux pour voir » : c’est que les monnaies anciennes sont littéralement couvertes de symboles traditionnels, pris même souvent parmi ceux qui présentent un sens plus particulièrement profond ; c’est ainsi qu’on a remarqué notamment que, chez les Celtes, les symboles figurant sur les monnaies ne peuvent s’expliquer que si on les rapporte à des connaissances doctrinales qui étaient propres aux Druides, ce qui implique d’ailleurs une intervention directe de ceux-ci dans ce domaine ; et, bien entendu, ce qui est vrai sous ce rapport pour les Celtes l’est également pour les autres peuples de l’antiquité, en tenant compte naturellement des modalités propres de leurs organisations traditionnelles respectives. »

Le lien entre spirituel et temporel était ainsi établi selon Guénon :

« Le contrôle de l’autorité spirituelle sur la monnaie, sous quelque forme qu’il se soit exercé, n’est d’ailleurs pas un fait limité exclusivement à l’antiquité, et, sans sortir du monde occidental, il y a bien des indices qui montrent qu’il a dû s’y perpétuer jusque vers la fin du moyen âge, c’est-à-dire tant que ce monde a possédé une civilisation traditionnelle. On ne pourrait en effet s’expliquer autrement que certains souverains, à cette époque, aient été accusés d’avoir « altéré les monnaies » ; si leurs contemporains leur en firent un crime, il faut conclure de là qu’ils n’avaient pas la libre disposition du titre de la monnaie et que, en le changeant de leur propre initiative, ils dépassaient les droits reconnus au pouvoir temporel. »

guenon.pngGuénon rajoute dans une note passionnante :

« Voir Autorité spirituelle et pouvoir temporel, p. 111, où nous nous sommes référé plus spécialement au cas de Philippe le Bel, et où nous avons suggéré la possibilité d’un rapport assez étroit entre la destruction de l’Ordre du Temple et l’altération des monnaies, ce qui se comprendrait sans peine si l’on admettait, comme au moins très vraisemblable, que l’Ordre du Temple avait alors, entre autres fonctions, celle d’exercer le contrôle spirituel dans ce domaine ; nous n’y insisterons pas davantage, mais nous rappellerons que c’est précisément à ce moment que nous estimons pouvoir faire remonter les débuts de la déviation moderne proprement dite. »

Relisez Dante…

Fin du caractère sacré :

« Il est donc arrivé là ce qui est arrivé généralement pour toutes les choses qui jouent, à un titre ou à un autre, un rôle dans l’existence humaine : ces choses ont été dépouillées peu à peu de tout caractère « sacré » ou traditionnel, et c’est ainsi que cette existence même, dans son ensemble, est devenue toute profane et s’est trouvée finalement réduite à la basse médiocrité de la « vie ordinaire » telle qu’elle se présente aujourd’hui. »

Guénon donne une bonne explication à la Prison Planet du capitalisme moderne :

« Ce que nous avons dit du caractère quantitatif par excellence de l’industrie moderne et de tout ce qui s’y rapporte permet de le comprendre suffisamment : en entourant constamment l’homme des produits de cette industrie, en ne lui permettant pour ainsi dire plus de voir autre chose (sauf, comme dans les musées par exemple, à titre de simples « curiosités » n’ayant aucun rapport avec les circonstances « réelles » de sa vie, ni par conséquent aucune influence effective sur celle-ci), on le contraint véritablement à s’enfermer dans le cercle étroit de la « vie ordinaire » comme dans une prison sans issue. »

Il explique avant Yellen-Draghi pourquoi la monnaie ne vaut rien (un quarantième de l’or depuis quarante ans, un centième pour le dollar depuis la FED-1913) :

« Pour en revenir plus spécialement à la question de la monnaie, nous devons encore ajouter qu’il s’est produit à cet égard un phénomène qui est bien digne de remarque : c’est que, depuis que la monnaie a perdu toute garantie d’ordre supérieur, elle a vu sa valeur quantitative elle-même, ou ce que le jargon des « économistes » appelle son « pouvoir d’achat », aller sans cesse en diminuant, si bien qu’on peut concevoir que, à une limite dont on s’approche de plus en plus, elle aura perdu toute raison d’être, même simplement « pratique » ou « matérielle », et elle devra disparaître comme d’elle-même de l’existence humaine. »

monnaieathenes.jpg

Et tout cela annonce notre Armageddon :

« Cela peut déjà servir à montrer que, comme nous le disions plus haut, la sécurité de la « vie ordinaire » est en réalité quelque chose de bien précaire, et nous verrons aussi par la suite qu’elle l’est encore à beaucoup d’autres égards ; mais la conclusion qui s’en dégagera sera toujours la même en définitive : le terme réel de la tendance qui entraîne les hommes et les choses vers la quantité pure ne peut être que la dissolution finale du monde actuel. »

Et maintenant je laisse conclure von Greyerz qui n’a peut-être pas lu Guénon mais nous aura prévenus.

« Peu de gens réalisent que leur monnaie n’est qu’une entrée électronique qui peut être annulée en une seconde par le gouvernement. Cela signifie que leur monnaie peut disparaître, pour ne jamais réapparaître. C’est ce que les gouvernements et les banques centrales veulent imposer dans la plupart des pays occidentaux.

Les gens pensent que leur argent est en sécurité à la banque et ne réalisent pas que la monnaie électronique n’est pas introduite par commodité, mais bien pour les empêcher de retirer leur argent lorsque les banques insolvables ayant utilisé à outrance l’effet de levier manqueront de cash. Quiconque possède un compte bancaire doit comprendre qu’un jour, il n’y aura plus d’argent à la banque. Les distributeurs automatiques seront fermés et il n’y aura pas de cash disponible. C’est une façon élégante de régler le problème d’insolvabilité du système financier: il n’y aura pas de monnaie papier disponible, ni de monnaie électronique… plus d’argent à retirer.

bancontact.jpg

À ce moment-là, le gouvernement n’imprimera plus de monnaie pour les particuliers, puisqu’elle sera inutilisable. Il imprimera des coupons à utiliser dans certains magasins et pour d’autres dépenses. C’est déjà le cas dans des pays comme le Zimbabwe. Les gens ne pourront dépenser qu’une quantité très limitée de l’argent déposé sur leur compte bancaire chaque mois, comme nous l’avons vu en Argentine.

Bien sûr, l’impression monétaire massive continuera pour sauver le système financier lorsque tous les actifs imploseront. Une très faible quantité de cette monnaie parviendra aux gens ordinaires. »

La plupart d’entre vous diront que ce scénario est totalement irréaliste, pire qu’apocalyptique. J’espère qu’il ne se réalisera jamais. Mais ce que je veux dire est qu’en remettant des actifs aux banques et, finalement, au gouvernement, qui contrôle les banques, la plupart des gens perdront totalement le contrôle de leurs biens. »

On va citer Dante, pour terminer, sur la destruction des templiers et nos rois maudits. Et je vous préviens : ça n’est pas dépassé du tout. C’est même à l’époque du reptilien Draghi et des dettes (debitum, le péché, en latin) européennes ou yankees terriblement actuel :

Que pourrais-tu nous faire, Avarice, de plus,

après avoir si bien avili tous les miens,

que de leur propre chair ils ont perdu le soin ?

Pour que le mal futur ou fait paraisse moindre,

je vois la fleur de lis entrer dans Anagni

et faire prisonnier le Christ en son vicaire.

Je le vois à nouveau soumis aux moqueries ;

je vois renouveler le vinaigre et le fiel ;

je le vois mettre à mort, où les larrons sont saufs.

Ce Pilate nouveau, je le vois si cruel

qu’il n’en est pas content et pousse jusqu’au Temple,

sans jugement, la nef de sa cupidité.

Sources

Dante –Purgatoire, XX, vers 48-82

René Guénon – Le règne de la quantité et les signes des temps (chapitre XVI)

Elgin Groseclose – Money and man

G. Edward Griffin –The creature from Jekyll Island

Murray Rothbard – The mystery of banking

Stephen Zarlenga – The lost science of money

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La quintessence de l’expérience chinoise

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La quintessence de l’expérience chinoise

HE WENPING*

Ex: https://histoireetsocietes.wordpress.com

Lorsque Deng Xiaoping, architecte en chef de la réforme et de l’ouverture menées en Chine, avait rencontré en août 1985 le président tanzanien de l’époque, Julius Kambarage Nyerere, venu effectuer une visite en Chine, il avait affirmé : « Notre réforme est une expérimentation, aussi bien pour la Chine que pour le monde. Si elle réussit, nous pourrons fournir nos expériences pour qu’elles servent la cause socialiste et le développement dans les pays sous-développés aux quatre coins du globe. »

Aujourd’hui, plus de trente ans après le lancement de la politique de la réforme et de l’ouverture, la Chine polarise l’attention du monde de par son succès économique phénoménal. Elle a non seulement réussi l’exploit de faire sortir plus de 700 millions d’habitants de la pauvreté, mais en plus, elle est parvenue à se hisser au rang de deuxième économie mondiale juste derrière les États-Unis.

Alors comment la Chine a-t-elle pu opérer cette brillante métamorphose ? Tout au long de la réforme, comment le Parti communiste chinois (PCC), en tant que parti au pouvoir, a-t-il fait pour consolider sa capacité à gouverner et gagner constamment en popularité auprès du peuple ?

dengtime.jpgDéveloppement économique et gouvernance politique

Au cours de ces trente dernières années de réforme et d’ouverture, la Chine a accumulée une expérience très riche et variée en matière de développement, qui couvre de multiples domaines : agriculture, industrie, commerce extérieur, réduction de la pauvreté, culture et éducation, développement des ressources humaines, renforcement des capacités de gouvernance, etc.

Depuis longtemps, les réalisations du développement économique chinois s’attirent largement l’admiration et les éloges du monde, y compris les pays occidentaux. Quant aux nombreux pays en développement, ils s’inspirent de l’expérience chinoise, en particulier de celle acquise dans la réduction de la pauvreté et le développement économique, puisqu’il s’agit des deux principaux objectifs ciblés par les gouvernements de ces pays.

Les accomplissements de la Chine dans ces deux domaines sont applaudis et très peu contestés à l’échelle internationale. Toutefois, la route est encore longue et sinueuse avant que le monde parvienne à comprendre pleinement la gouvernance politique de la Chine. D’après certains, la réforme chinoise ne se borne qu’à la dimension économique, alors qu’elle marque le pas dans la dimension politique. À en croire d’autres, la réforme économique chinoise va trop vite, tandis que son régime politique, inadapté, finira par s’effondrer.

À la fin des années 1980 et au début des années 1990, avec l’éclatement de l’URSS et la fin de la Guerre froide, des grands débats et pronostics sur « l’effondrement de la Chine » ont émergé dans le monde occidental, en écho à la thèse de « la fin de l’histoire » prêchée par le chercheur américain d’origine japonaise Francis Fukuyama. Comme la suite l’a démontré, la Chine ne s’est pas effondrée, bien au contraire ! Elle s’est engagée d’un pas plus assuré sur la voie du développement et de la stabilité. Néanmoins, les préjugés et les idées négatives sur la gouvernance politique chinoise, qui ont pris racine dans la méconnaissance de la Chine ou la mentalité digne de la Guerre froide, persistent dans l’opinion publique internationale, à dominante occidentale.

Ce « nuage » formé d’a priori a commencé à se dissiper au début du XXIe siècle, époque caractérisée par un monde plus globalisé et secouée par des bouleversements nouveaux, en particulier dans la dernière décennie. Alors que le monde a subi la crise financière survenue en 2008 et le Printemps arabe amorcé fin 2010, soit deux épreuves d’une portée planétaire menaçant le développement économique et sociopolitique, la Chine socialiste sous la direction du PCC n’a connu ni krach financier en réplique au séisme frappant l’épicentre capitaliste, ni crise sociopolitique tels les troubles connus dans le monde arabe, en dépit des prédictions de certains observateurs occidentaux. A contrario, grâce à son système politique présentant certains avantages, elle s’est avérée plus résiliente aux pressions et aux chocs que les États-Unis et l’Europe, avec leurs systèmes capitalistes.

Ainsi, ces dernières années, la gouvernance politique chinoise est devenue un sujet d’attention pour une foule d’analyses, au même titre que le partage de l’expérience chinoise en matière de développement. En septembre 2014, le livre Xi Jinping : la gouvernance de la Chine a été publié pour la première fois. En seulement deux ans et demi, cet ouvrage traduit en de nombreuses langues (anglais, français, russe, arabe, espagnol, portugais, allemand, japonais, etc.) a été imprimé à plus de six millions d’exemplaires dans une centaine de pays et régions du monde. De plus en plus de gouvernements et partis politiques étrangers, fascinés par les prouesses attribuées à la « voie chinoise », se sont mis à puiser des idées dans la sagesse des dirigeants et du parti au pouvoir chinois. De nombreux pays en développement notamment espèrent trouver, par le biais de l’expérience chinoise, leur propre voie de développement sur l’actuel échiquier international, caractérisé par un multilatéralisme croissant et l’essor du monde non occidental. Ainsi, l’expérience chinoise voit son attractivité dépasser le cadre du développement économique pour atteindre la sphère de la gouvernance politique.

En particulier depuis le XVIIIe Congrès du PCC, les réalisations de la Chine, par exemple dans l’édification du Parti et la lutte contre la corruption, sont au vu et au su de la communauté internationale. Ainsi, tout naturellement, l’intérêt qu’éprouvent les pays en développement pour le « modèle chinois » ne se cantonne plus au développement économique, mais commence à s’étendre au développement politique, qui se traduit par l’édification du Parti et la gouvernance de l’État. Par ailleurs, certaines mesures telles que les formations proposées aux partis politiques étrangers, les dialogues entre les partis et l’établissement de mécanismes d’échanges ont également pris une place importante dans les relations qu’entretiennent les pays en développement avec la Chine.

deng-time-magazine-maos-ghost.jpgRéforme progressive

L’un des principes au cœur de l’expérience chinoise consiste à procéder à la réforme de manière progressive, en pondérant les rapports entre réforme, développement et stabilité, en vertu d’un concept de développement qui évolue avec son temps. Dans un pays en développement en pleine transition, les grandes réformes ont inévitablement des répercussions sur la structure sociale d’origine et sa stabilité. Or, la réforme se doit de considérer la stabilité comme la prémisse et le développement comme la finalité. La voie chinoise de réforme et d’ouverture adhère donc au principe suivant lequel « la stabilité est prioritaire ». Comme le soulignait Deng Xiaoping, « la stabilité passe avant tout ». Il faut apaiser l’agitation sociale et conforter la stabilité avant de rechercher le développement, puis entretenir cette stabilité grâce aux fruits de la réforme et du développement, afin de parvenir à un équilibre coordonné entre stabilité, développement et réforme.

Au cours de la réforme et du développement économiques, le gouvernement chinois a appliqué une « approche par tâtonnements » pour garantir une transition en douceur, considérant qu’une réforme radicale serait susceptible de provoquer des turbulences dans l’économie nationale et ainsi d’accroître le risque et la probabilité d’échec de la réforme. En d’autres termes, il s’attaque aux questions les plus faciles d’abord et les plus difficiles ensuite, étape par étape. En outre, il commence toujours par mettre en œuvre des projets pilotes, puis, en fonction des résultats obtenus, décide ou non de les généraliser et de les promouvoir. Que ce soit l’instauration du système d’exploitation forfaitaire à base familiale en milieu rural ou la promotion des entreprises rurales, que ce soit la réforme des entreprises publiques ou la réforme du secteur financier, sans oublier les réformes opérées dans l’emploi, la sécurité sociale, la répartition des revenus et le registre d’état civil, lesquelles visent à soutenir le passage d’une économie planifiée à une économie de marché… Dans toutes ces réformes, l’objectif a toujours été d’atténuer le choc ressenti par les groupes les plus vulnérables, ainsi que de limiter ou de répartir les coûts et les risques associés.

Dans le domaine politique, c’est également dans le respect de cette prémisse, la stabilité, que les réformes s’opèrent. Celles-ci consistent à élargir graduellement la participation politique, tout en promouvant activement les recherches et essais relatifs aux élections démocratiques (organisées dans un premier temps aux échelons de base) et à la démocratie au sein du Parti, dans le but ultime de réaliser l’égalité politique.

C’est grâce à cette progression graduelle et ordonnée que la réforme chinoise a pu s’approfondir cycle après cycle. Et dans le même temps, cette réforme méthodique a permis à la Chine d’accomplir, dans l’ensemble, une transition socioéconomique particulièrement vaste et profonde, en un laps de temps très court et dans des circonstances relativement harmonieuses et stables.

Depuis le lancement de la réforme et de l’ouverture il y a plus de trente ans, au-delà d’équilibrer les relations réforme-développement-stabilité, le gouvernement chinois, avec les différentes générations de dirigeants, s’attache à guider en tout temps le développement, l’envisageant selon une conception évolutive, pour que celui-ci réponde en permanence aux exigences de l’époque. Considérant que « les problèmes découlant du développement doivent être résolus par le développement » et que « le développement constitue la source et la solution des problèmes », il saisit le « développement » comme une clé multifonction pour engager les diverses réformes.

Tout comme les défis et les tâches auxquels fait face la Chine évoluent en fonction des stades de développement traversés, le concept de développement chinois a été renouvelé à plusieurs reprises ces trente dernières années. Dans les années 1970 et 1980, au sortir de la Révolution culturelle, le plus grand défi à relever pour la Chine consistait à sortir de son état de faiblesse et de pauvreté, et à réaliser les « quatre modernisations » de l’industrie, de l’agriculture, de la défense nationale, ainsi que des sciences et des technologies. Ainsi, l’architecte en chef et pionnier de la réforme et de l’ouverture, Deng Xiaoping, a avancé les fameux préceptes « Le développement est la pierre de touche » ou « Peu importe que le chat soit noir ou blanc, pourvu qu’il attrape les souris ». Guidée par ce concept de développement, l’économie chinoise a suivi une progression fulgurante, avec un taux de croissance à deux chiffres.

Cependant, ce développement exponentiel a produit des effets secondaires, notamment un développement extensif, la pollution de l’environnement et l’accroissement des disparités de revenus. Afin de résoudre les problèmes découlant du développement, la troisième session plénière du XVIe Comité central du PCC, tenue en octobre 2003, a présenté le nouveau concept de développement scientifique. Les grands principes de ce concept sont les suivants : insister sur une planification générale sans pour autant négliger chaque domaine particulier ; placer l’homme au centre de toutes les préoccupations ; établir un concept de développement global, coordonné et durable ; et favoriser le développement à la fois socioéconomique et humain. D’après ce nouveau concept de développement scientifique, il serait simpliste d’assimiler la croissance du PIB au développement et au progrès social, et à ce compte-là, il convient de remédier aux déséquilibres observés dans certains domaines et certaines régions, où les progrès sociaux, la valeur attribuée à l’homme et le bien-être à long terme sont négligés au profit des indices économiques, des acquisitions matérielles et des intérêts immédiats.

dengpc-2001-002.jpgÀ l’heure où l’environnement économique et commercial international est de plus en plus complexe et hasardeux, le Comité central du PCC, avec le camarade Xi Jinping comme noyau dirigeant, a lancé en temps opportun le concept de développement innovant, coordonné, vert, ouvert et partagé. M. Xi a indiqué : « Nous devons prendre conscience que l’économie chinoise, en dépit du volume considérable qu’elle représente, n’est pas encore robuste et qu’en dépit de sa croissance très rapide, elle n’affiche pas une qualité optimale. Notre modèle de développement extensif qui misait principalement sur les facteurs de production, en particulier les ressources, pour stimuler la croissance économique et l’expansion du volume économique n’est pas durable. Il est temps d’accélérer notre transformation pour passer d’un développement essentiellement alimenté par les facteurs de production et l’investissement massif à un développement tiré par l’innovation. »

En conclusion, c’est en persistant dans l’idée de développement, mise au diapason de son époque, que la Chine est devenue sans conteste l’exemple type d’un État développeur.

Gouvernement fort et politiques adéquates

Le second principe au cœur de l’expérience chinoise consiste à avoir un gouvernement fort et engagé dans le développement, ainsi que des dirigeants visionnaires et des politiques adéquates. Dans un pays en pleine transition, il est nécessaire d’avoir, à certaines périodes et pour certains domaines, un « gouvernement fort », doté d’une grande autorité politique et d’une vive capacité en matière de gouvernance. L’objectif étant d’unir la population nationale autour d’une volonté commune et d’un sentiment de cohésion, ainsi que de conjuguer les efforts de tout le pays pour faire progresser de manière ordonnée les réformes économiques, sociales et politiques.

Dans l’histoire humaine, les faits démontrent depuis longtemps que le développement économique peut être atteint dans des circonstances politiques autres que la démocratie occidentale. Dans les années 1960 et 1970, certains pays et régions en développement (à l’instar des « Quatre dragons asiatiques ») ont connu une croissance économique assez rapide. Pour expliquer cet essor des économies émergentes de l’Asie de l’Est, dont la Chine, de nombreux chercheurs occidentaux ont recouru au concept du soi-disant « État développeur ». Selon leur définition, « un État développeur se caractérise par un modèle de développement économique dirigé par un gouvernement fort et faisant preuve d’une ferme volonté de développement économique, un gouvernement capable de mobiliser et de redistribuer efficacement les diverses ressources dans le but de promouvoir le développement national. »

Concernant le régime politique, bien que le système de collaboration multipartite et de consultation politique sous la direction du PCC ait longtemps été interprété par les sociétés occidentales comme « un parti unique au pouvoir de longue date », toutes les analyses faisant preuve d’objectivité reconnaissent qu’« un parti unique au pouvoir de longue date » est plus à même d’assurer une continuité politique. Élaboré pour la première fois en 1949 sous la houlette du PCC, le Plan quinquennal pour le progrès social et le développement économique en est désormais à sa XIIIe édition.

En accord avec les plans quinquennaux successifs, la Chine poursuit ses efforts de manière ordonnée dans la construction d’infrastructures, dans l’aménagement de zones économiques spéciales, ainsi que dans la coopération internationale en matière de capacités de production et pour la construction des Nouvelles Routes de la Soie. De plus, le PCC ne cesse de perfectionner ses équipes de cadres dirigeants aux différents échelons par le biais du système de mandat, de la direction collective, de la sélection au mérite et de la mise en concurrence des candidats aux postes. C’est donc en assurant une « bonne gouvernance » plutôt qu’en poursuivant aveuglément la « démocratisation des élections » que le PCC cherche à renforcer sa popularité, qui constitue le socle de la gouvernance de l’État.

En outre, bien que les réalisations du développement économique chinois soient connues et reconnues du monde entier, très peu de gens semblent se rendre compte que la Chine a mené sa réforme économique en simultané et en symbiose avec sa réforme sociopolitique. Les résultats obtenus à travers la réforme économique sont donc indissociables des efforts déployés dans le cadre de la réforme sociopolitique. Ces trente dernières années, de nombreuses réformes progressives sur la supervision du pouvoir et la mise en œuvre de contre-pouvoirs sont menées, notamment dans le système de direction, le système de nomination des cadres dirigeants, le système électoral (élections internes au Parti, mais aussi élections aux échelons de base), les systèmes législatif et judiciaire, ainsi que le système de prise de décision.

De cette manière, la réforme économique peut progresser en continu et en profondeur, et au cours de la transition socioéconomique majeure, les différentes ethnies et les diverses couches sociales parviennent à vivre en harmonie et à concilier leurs intérêts. Bien sûr, la Chine est encore confrontée à de nombreux défis dans son processus de développement, comme le fossé entre riches et pauvres ou les inégalités entre les différentes régions. Mais du point de vue diachronique, le peuple chinois jouit de droits économiques, sociaux et politiques toujours plus nombreux, aujourd’hui à un niveau sans précédent dans son histoire. C’est sans doute pourquoi le « Consensus de Beijing » axé sur le développement est en mesure de concurrencer le « Consensus de Washington » axé sur la libéralisation économique. D’ailleurs, ce « Consensus de Beijing » est aujourd’hui prisé par un nombre croissant de pays en développement.

*HE WENPING est chercheuse senior à l’Institut Chahar et chercheuse à l’Institut de recherche sur l’Asie de l’Ouest et l’Afrique qui relève de l’Académie des sciences sociales de ChinePropos d’expert

Lire aussi :
• HE Wenping, China-Africa Knowledge Project Research Hub – Jeune Afrique – World Economic Forum.
• Dossier documentaire Economie Chine, Monde en Question.
• Index Économie, Monde en Question.
• Veille informationnelle 中國 Chine, Monde en Question.

La revue de presse de Pierre Bérard - Spécial Olivier Rey :

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La revue de presse de Pierre Bérard

Spécial Olivier Rey :

Le philosophe-mathématicien Olivier Rey s'entretient avec le Cercle Politeia de Bordeaux (7 octobre 2017). Ses réponses sont découpées en huit séquences d’une grande richesse argumentative et très éloignées du glossaire de la cuistrerie :

(1) De la Science et du Cosmos. Les Grecs de la plus haute antiquité désignaient par le mot cosmos le bon ordre, ce qui est harmonieux bien rangé en un mot l’ensemble de ce qui est. Par exemple chez Homère l’armée d’Agamemnon bien rangée en ordre de bataille est dite « cosmique ».
https://www.youtube.com/watch?v=_mFlm4SLuJ4

(2) Sur les travaux de Baptiste Rappin concernant le management et son extension à tous les secteurs de l’existence.
https://www.youtube.com/watch?v=E8k9xYjcm3Q

(3) Sur la notion d’individualisme (rappel de Tonnies).
https://www.youtube.com/watch?v=FXmkOYFrBSg

(4) Féminisme et Patriarcat où il dément sans difficulté la pseudo association entre patriarcat et capitalisme. En revanche, nous dit-il, c’est bien le capitalisme qui par sa dynamique a détruit le patriarcat comme la communauté en commandant le passage de la « communauté » organique à la « société ». Le capitalisme est un puissant opérateur d’indistinction entre les hommes et les femmes. Dans les sociétés traditionnelles dites patriarcales il y avait des travaux d’hommes et des travaux de femmes qui rendait les uns dépendants des autres et si l’homme avait le pouvoir symbolique, cela n’empêchait aucunement la femme de disposer de nombreux pouvoirs réels. Tout cela a disparu avec l’extension du salariat.
https://www.youtube.com/watch?v=RGlNhF5HI8A

(5) Sur l’écologie.
https://www.youtube.com/watch?v=tvuV2R9zKD0

(6) Sur les origines chrétiennes de la modernité. À la question qui lui est posée de savoir si comme d'aucuns le pensent, la modernité est la conséquence de principes chrétiens, il répond que le monde d’aujourd’hui n’aurait pas pu exister sans le christianisme mais pour autant il ne cautionne pas l’opinion suivant laquelle il ne serait que son aboutissement, plaidant plutôt pour une perversion du christianisme dans la modernité. Il opère une distinction très nette entre causes et conditions de possibilité en décrétant que le christianisme n’est pas la cause de la modernité mais qu’il en fut la condition de possibilité.
https://www.youtube.com/watch?v=LEWba64W8E0

(7) Sur la souveraineté et l’organisation politique. Réflexion à propos d’Aristote qui distinguait trois types d’organisation politique pouvant donner lieu à trois types de dégénérescence quand
l’organe doté du pouvoir n’avait plus en ligne de mire le bien commun. La monarchie se dégradait en tyrannie, l’aristocratie en oligarchie et la politeia en démocratie, terme péjoratif dans l’ancienne Grèce.
https://www.youtube.com/watch?v=GlUFJcQeBZ8

(8) Tradition et modernité. Il ne faut pas magnifier le passé mais le considérer comme une ressource, un recours, dans lequel nous pouvons puiser pour faire face aux maux du présent. Et ce, sans opposer de façon manichéenne un passé « idyllique » à un présent « épouvantable ». Il s’élève contre le traditionalisme (à l’opposé de la véritable tradition) qui en voulant transposer tels quels les schémas du passé (à l’exemple de l’islam salafiste) dans un environnement qui a complètement changé fait fit de la tradition authentique. Il reproche à la modernité de s’être coupée de cette tradition. S’inspirant de l’anti-moderne Ivan Illitch, il se refuse à la réaction, se contentant de pointer l’ensemble des promesses de la modernité qui sont demeurées lettre morte.
https://www.youtube.com/watch?v=9KCpYY00XW4

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mardi, 12 décembre 2017

Bulletin célinien n°402

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Bulletin célinien n°402

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- Entretien avec Guy Mazeline (1968)

– Automne 1932 : Céline et le Goncourt

– Dessinateurs de Céline

– Le retour de Lucien Rebatet

Jean Rouaud (bis)

Jean Rouaud, titulaire d’une chronique hebdomadaire dans L’Humanité,  a encore frappé ¹.  « Tout ce qui est excessif est insignifiant » (Talleyrand). Dans le genre, Rouaud excelle, jugez en : « Concernant le nazi de Meudon [sic], il faut être sot ou de mauvaise foi, l’un n’empêchant pas l’autre,  pour  prétendre qu’une cloison étanche empêcherait la contamination des romans par les pamphlets. Comme si la forme était une enveloppe vierge, et non le gabarit d’une morale. On pourrait ainsi en toute impunité crier au génie pour les romans et à l’abomination pour les pamphlets? De la littérature sous préservatif?  On a vu  comment ce refoulé,  soixante-dix ans après Auschwitz, avait refait surface. On a assisté à cette renaissance impensable, à la banalisation progressive des thèses du FN relayées par ses compagnons de déroute: Soral, Dieudonné, Buisson, Zemmour, Ménard, Wauquiez, la Droite forte, Sens commun, Causeur et les idiots inutiles. »  Amalgame  mirobolant  qui  met la sioniste Élisabeth Lévy, directrice de Causeur, dans le même camp (du Mal) que l’auteur de Bagatelles. Nul doute qu’elle appréciera ! Tout cela est tellement bouffon que je m’abstiendrai de commenter plus avant.

Cela étant, c’est sans doute l’occasion de souligner qu’en effet Céline constitue un bloc et qu’il est vain de vouloir dissocier les écrits dits « polémiques » du reste de l’œuvre. D’autant qu’à sa manière Voyage au bout de la nuit est aussi une satire. Et que dire de Féerie pour une autre fois   qui  est  également une  diatribe contre l’épuration et tous ceux qui, dans le petit monde littéraire, tenaient alors le haut du pavé ? Dont Claudel épinglé à la fois pour l’opportunisme de ses odes à Pétain, puis à de Gaulle, et pour son appartenance au conseil d’administration d’une société qui fabriquait pendant la guerre des moteurs d’avion pour l’Allemagne. Les romans de Céline ne sont donc pas “contaminés” par les pamphlets mais, étant l’œuvre du même auteur, reflètent peu ou prou ce qu’il pense. Devinette. De quel livre est extraite cette profession de foi contre le métissage : « Moi qui suis extrêmement raciste, je me méfie, et l’avenir me donnera raison, des extravagances, des croisements… »  Bagatelles ? L’École ? Eh non, c’est dans D’un château l’autre.  J’observe que, si Rouaud est sévère pour l’idéologue, jamais il ne se prononce sur l’artiste. C’est que, pour lui, l’un et l’autre se confondent. Un écrivain qui pense mal doit nécessairement être rejeté dans les ténèbres extérieures. Le raisonnement est d’un simplisme confondant : si un auteur a pu exprimer des idées “nauséabondes”, le style qu’il a utilisé est forcément délétère. Comme je l’ai déjà écrit ici, il eût été préférable, pour sa mémoire, que Céline – je ne cite que cet exemple – s’abstînt sous l’Occupation d’adresser des lettres-articles à des officines de délation, tel Au Pilori dont les rédacteurs suscitaient même le mépris d’un Cousteau ². Céline n’avait d’ailleurs aucune illusion sur l’intégrité de ces folliculaires mais considérait leurs journaux comme des “colonnes Morris” où il “coll[ait] une lettre”. Ce n’en est pas moins désolant. Mais cela relève du domaine moral et non du jugement esthétique que l’on doit porter sur une œuvre qui est, quoiqu’en disent ses contempteurs, essentiellement littéraire et non politique.

  1. Jean Rouaud, « Devoir d’inventaire », L’Humanité, 12 septembre 2017. Voir aussi notre commentaire paru dans le BC de mai 2017, p. 3 : [ http://bulletincelinien.com/jean-rouaud ]
  2. Il le qualifiait de « méprisable journal de chantage ». Cf. Marc Laudelout, « Rebatet et Cousteau jugent Céline », Le Bulletin célinien, n° 379, novembre 2015, p. 7-15.

L’atlantisme: une passion française

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L’atlantisme: une passion française

Auteur : Guillaume Berlat
Ex: http://zejournal.mobi

 

 

« L’OTAN est un faux-semblant. C’est une machine pour déguiser la mainmise de l’Amérique sur l’Europe. Grâce à l’OTAN, l’Europe est placée sous la dépendance des États-Unis sans en avoir l’air » déclarait le 13 février 1963 le général de Gaulle qui en connaissait un rayon sur nos meilleurs amis américains. Manifestement, les choses ont peu évolué dans notre Douce France. Au lieu de se tenir à distance respectable de cette institution avatar de la Guerre Froide comme l’avait fait le premier président de la Cinquième rompant avec la structure militaire intégrée de l’Alliance atlantique, ses successeurs n’ont eu de cesse que de reprendre une place pleine et entière à Evere et à Mons. Malheureusement, le rôle d’idiot utile n’est jamais payant auprès du grand frère américain, pas plus hier qu’aujourd’hui. La théorie de la servitude volontaire chère à Etienne de la Boétie n’a pas pris la moindre ride. Il est pathétique d’entendre déclamer par les servants de la liturgie des éléments de langage de l’OTAN les fadaises sur « l’alliance la plus durable de l’histoire ». Quelques précisions sémantiques s’imposent d’entrée de jeu pour mieux appréhender le concept d’atlantisme qui n’est pas neutre.

PRÉCISIONS SÉMANTIQUES

Avant toute chose de quoi parle-t-on concrètement dans un domaine où la confusion est souvent la règle ? D’un fort ancrage anglo-saxon de l’OTAN que l’on doit compléter par un questionnement sur la finalité de l’Alliance atlantique après la fin de la Guerre froide.

Un fort socle anglo-saxon de l’OTAN

Sur le plan de l’étymologie : le terme d’atlantisme est un dérivé d’atlantique, concept contenu dans l’appellation de l’ « Organisation du traité de l’Atlantique Nord » (OTAN sous son acronyme français et NATO en anglais). Le mot atlantique est issu du grec atlantikos, Atlantique. Il est un dérivé d’Atlas, du nom d’une chaîne de montagnes situées en Afrique du Nord. L’adjectif « atlantique » qualifie ce qui concerne l’Océan atlantique et les pays riverains. L’atlantisme désigne une politique extérieure caractérisée par le soutien apporté aux Etats-Unis, notamment dans le cadre de l’OTAN. Conceptualisé au début de la Guerre froide, l’atlantisme prône une étroite coopération entre les Etats-Unis, le Canada et les pays européens dans les domaines politique, militaire, économique et culturel. L’objectif avoué consiste, en principe, à assurer la sécurité des pays membres de l’OTAN (clause de solidarité de l’article 5 qui veut qu’une attaque contre l’un de ses membres est considérée comme une attaque contre tous) et de protéger les valeurs qui les unissent : démocratie, libertés individuelles et Etat de droit. L’atlantisme désigne aussi l’attitude politique, l’opinion, la doctrine de ceux qui font du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) la base de leur action extérieure et qui, au nom de ces principes, s’alignent de manière plus ou moins systématique, idéologique sur la politique extérieure des Etats-Unis qu’elle soit entièrement justifiée ou totalement infondée, ce qui arrive parfois.

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Un questionnement sur la finalité de l’OTAN dans l’après-guerre froide

Depuis la fin de la Guerre froide, l’atlantisme est souvent dénoncé, dans les mouvements de gauche et altermondialistes de certains pays d’Europe, mais aussi chez ceux qui se revendiquent du gaullo-mitterrandisme, comme un soutien à la politique étrangère des États-Unis et à la défense d’une conception purement anglo-saxonne du libéralisme économique. Les préjugés envers l’atlantisme sont plutôt favorables au Royaume-Uni, en Pologne, dans les pays Baltes, et défavorables en France et en Allemagne. Un atlantiste est un partisan de l’atlantisme. L’adjectif atlantiste qualifie ce qui est relatif à l’atlantisme(1). L’Atlantiste se revendique d’une vision occidentaliste et universaliste du monde consistant à prétendre se substituer aux autres peuples pour définir leurs intérêts, y compris par la force pour les plus récalcitrants d’entre eux (Cf. concept du Grand Moyen-Orient développé par George W. Bush après la guerre en Irak). On peut mesurer les effets négatifs d’une telle conception du monde à travers les expériences afghane, irakienne, libyenne. Cette approche atlantiste peut se résumer sommairement en un amour immodéré de l’OTAN(2) complété par une haine viscérale de la Russie(3).

Un retour en arrière sur l’immédiat après Seconde Guerre mondiale dans notre pays.

LA TENTATION OTANIENNE : UN MARQUEUR DE LA QUATRIÈME RÉPUBLIQUE

Durablement affaiblie sur la scène internationale après « l’étrange défaite » de 1940, la France de la Quatrième République n’a d’autre ressource que de se soumettre aux Diktats de Washington surtout à une époque où le péril soviétique est bien présent en Europe. La défaite de Dien Bien Phu ne redore pas le blason terni d’une France affaiblie politiquement, économiquement et diplomatiquement. En dépit des appels à l’aide lancés à l’Amérique pour l’aider à desserrer l’étau autour de la cuvette de la mort, Washington reste de marbre. Cela lui permettra de remplacer la France en Indochine. L’expédition franco-britannique de Suez est condamnée par les États-Unis. Les premières tentatives d’acquisition de l’arme atomique font l’objet de sévères mises en garde de Washington auquel l’OTAN emboîte le pas.

La France est accusée d’être un pays proliférateur et priée de cesser de jouer dans la cour des grands. La guerre d’Algérie vient ajouter un sujet de mécontentement américain à l’endroit de la « Grande Nation ». Mais, lorsqu’on est affaibli, il faut savoir faire bon cœur contre mauvaise fortune et se montrer un otanien discipliné et servile. Accepter sans coup férir les humiliations répétées, les Oukazes, les rabaissements… venus de Washington. Il faudra attendre le retour du général de Gaulle au pouvoir en 1958 pour que la donne change petit à petit… mais sûrement. Cela va décoiffer chez les esprits formés au moule de la servitude atlantiste.

Le retour du général de Gaulle aux affaires en 1958 constitue de ce point de vue une véritable rupture idéologique vis-à-vis de l’Amérique et de ses outils de domination, en particulier militaires.

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LE CHOIX DE L’INDÉPENDANCE NATIONALE : LE DÉSIR DU GÉNÉRAL

Seul un retour à une économie forte et dynamique permet au premier président de la Cinquième République de gagner son indépendance militaire.

Le retour de l’autonomie économiqueC’est que le général de Gaulle a quelques idées bien arrêtées sur la nature de la relation qu’il entend développer avec les États-Unis qui lui ont donné pas mal de fil à retordre pendant la Seconde Guerre mondiale et à la Libération de la France qui avait vocation à un régime de tutelle. La première de ses préoccupations consiste à rembourser toutes ses dettes aux Américains tout en mettant un terme au conflit algérien pour retrouver les mains libres. Allié fidèle en cas de coup dur, il le sera comme pendant les crises de Berlin et de Cuba. Aligné indéfectible en temps normal, il refusera de l’être choisissant la voie de l’indépendance nationale. Construire une Europe avec un moteur franco-allemand, renforcer le franc, contester la convertibilité du dollar, réclamer voix au chapitre dans les grandes décisions otaniennes… telles sont les grands axes de la politique étrangère du général de Gaulle. Contrairement à certains de ses éminents successeurs, il fait ce qu’il dit. Les actes suivent les paroles au grand dam de nos excellents amis américains très peu portés à la contradiction et au rejet de leur politique hégémonique, pour ne pas dire parfois, leur politique impériale.

Le choix de l’indépendance militaire

Qui dit indépendance économique, dit indépendance diplomatique (parler avec Moscou, établir des relations diplomatiques avec Pékin, critiquer la guerre du Vietnam lors du discours de Phnom Penh ; titiller Washington en Amérique latine et au Québec…) et indépendance militaire (parvenir au seuil nucléaire sans l’aide américaine et faire ses premiers essais nucléaires dès le début des années 1960 dans le Sahara). Toutes choses, on l’imagine, qui ne sont pas du meilleur goût pour nos alliés américains et pour toute la piétaille française grassement rémunérée pour lutter contre le terrorisme mais surtout pour cultiver un état de servitude volontaire vis-à-vis du tuteur américain.

N’ayant obtenu aucune réponse favorable à ses demandes de traitement identique à celui des Britanniques, le général de Gaulle en tire les conséquences : retrait de la structure militaire intégrée, départ de toutes les troupes américaines stationnées en France, déplacement du siège de l’OTAN de Paris à Bruxelles… Circulez, il n’y a rien à voir en France. Allez voir chez nos voisins belges ! Ils seront ravis de vous héberger à Bruxelles et à Mons pour aller vous préparer à faire la guerre… surtout après la fin de la Guerre froide. Le premier président de la République traite directement avec l’ours soviétique et avec Mao sans aller chercher ses instructions à la Maison Blanche.

En France, les vieux démons ont la vie dure. Chassez le naturel, il revient au galop. Sortie par la grande porte de l’histoire gaullienne, la pensée atlantiste revient par la petite fenêtre de l’histoire sarkozyste.

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LE RETOUR AU BERCAIL OTANIEN : LE CHOIX DE NICOLAS SARKOZY

Après quelques hésitations des successeurs directs du général de Gaulle en termes de positionnement par rapport à l’OTAN, c’est l’un de ceux qui se prétendent ses héritiers qui pratiquera la transgression, la trahison.

Les héritiers du général

Les successeurs du général de Gaulle, avec des degrés différents, maintiennent le dogme gaullien tout en se montrant plus souple sur la forme. Georges Pompidou n’aura pas le temps matériel de s’affirmer mais fait le voyage aux États-Unis sous les lazzis. Valery Giscard d’Estaing apprécie ses rencontres avec ses homologues américains, flattant ainsi son ego démesuré. François Mitterrand veut se différencier de l’homme du coup d’état permanent tout en le caricaturant mais doit, au moins au début de son premier quinquennat, montrer pattes blanches en raison de la présence de ministres communistes dans son premier gouvernement. L’affaire Farewell lui permet de démontrer qu’il est un allié fiable dans la lutte contre les menées subversives de l’URSS.

Reconnaissons-lui le mérite d’avoir proposé la création d’une confédération européenne après la chute du mur de Berlin (rejetée avec vigueur par tous nos alliés) et d’avoir interpellé George Bush père lors du sommet de l’OTAN à Rome en 1992, lui rappelant que l’Alliance atlantique n’était pas la Sainte Alliance. Quant à Jacques Chirac, il s’opposera, certes, à la guerre en Irak de 2003 mais fera assaut d’amabilités auprès de Washington pour se faire pardonner sa déviance anti-atlantiste. Il en faudra de peu pour qu’il rejoigne la structure militaire intégrée de l’OTAN. Il y renoncera dans la mesure où les Américains ne lui proposeront pas un grand commandement.

« Sarko l’américain », le capitaine de pédalo et Jupiter

Il faudra attendre l’arrivée au pouvoir en 2007 pour que « Sarko l’américain » brise le tabou en reprenant en 2009 le chemin perdu du Saint des Saints en se rangeant sous la coupe du Pentagone. Les Américains décident, les Français exécutent comme des idiots utiles. En échange, nous recevons un commandement à Norfolk en Virginie (SACT ou Commandement Suprême Allié de la Transformation). Tout est bien qui finit bien pour la France ! Le président de la République multiplie les attentions à l’endroit de ses interlocuteurs américains. Mais, contrairement à ce qu’il escomptait (ceci ne relevait-il pas de la vulgaire farce ?), les Américains et autres Britanniques ne font pas le moindre pas en direction de la politique européenne de sécurité et de défense.

L’argument est imparable en période de restrictions budgétaires, pourquoi faire mal au Berlaymont ce que l’on fait parfaitement à Evere ! C’est le règne du circulez, il n’y a rien à voir. Quant à François Hollande qui avait critiqué la décision de Nicolas Sarkozy alors qu’il était le chef de l’opposition, il n’y trouve rien à redire dès qu’il prend ses fonctions à l’Élysée. Il fait même rédiger un rapport par Hubert Védrine qui souligne les inconvénients d’un nouveau départ de la structure intégrée. Tout est bien qui finit bien. Jupiter écrase la main de Donald Trump mais essuie ses avanies successives (retrait de l’accord sur le climat, décertification de l’accord sur le nucléaire avec l’Iran, retrait de l’UNESCO au moment où une Française, Audrey Azoulay est désignée comme directrice générale Place Fontenoy…). Dans son discours sur la refondation de la Sorbonne, il se prononce pour une défense européenne en concertation avec l’OTAN, le membre de phrase qui tue. Ce qui signifie en clair que tout change pour que rien ne change ! La servitude volontaire a encore de beaux jours devant elle.

La voie est désormais libre pour tout ce que la France compte d’admirateurs de l’Amérique.

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L’AMOUR DE L’AMÉRIQUE : LES NÉOCON TIENNENT LE HAUT DU PAVÉ PARISIEN

L’américanisme touche d’abord une haute administration passée par le même moule de l’ENA qui est majoritairement néo-conservatrice.

Une haute administration passée par le même moule

Mais, il y a plus grave encore dans cette otanomania. Elle concerne toute la haute administration française (formée sur les bancs de l’ENA) qui constitue le meilleur ambassadeur des thèses néoconservatrices en France et dans les institutions internationales. Que nous dit le général Pierre Lorenzi sur le sujet : quand les hauts fonctionnaires civils trustent la quasi-totalité des directions du ministère de la défense (des armées) et des postes interministériels à vocation stratégique ?

La  qualité de l’administration civile française, la valeur de ses hauts fonctionnaires, issus pour un certain nombre de l’ENA et l’ouverture de la Défense à des savoir-faire originaux ne sont pas contestées. La Défense peut se sentir honorée de l’attrait de ces fonctionnaires civils pour la chose militaire. Mais cette tendance très nette à la substitution des personnels d’encadrement aboutissant peu à peu au monopole des personnels civils sur ces postes laisse perplexe quand on connait l’investissement de la Défense – et donc du contribuable français  – dans la sélection et la formation permanente de ses  officiers généraux. Aller chercher ailleurs ce dont la Défense dispose largement en son sein, à un moment où les contraintes budgétaires sont sans cesse rappelées, répond-il à un besoin effectif ?

Pour illustrer ces propos, observons la distribution des rôles dans l’appareil de sécurité et de défense français et les parcours universitaires et professionnels de leurs détenteurs : président de la République : inspecteur des finances ; Premier ministre : conseiller d’Etat ; ministre des Armées : conseillère d’Etat ; Secrétaire Général de la Défense et de la Sécurité Nationale : conseiller maître à la Cour des Comptes ; éphémère prédécesseur du ministre des Armées, directeur des Affaires financières au ministère de la Défense, directeur du Service Historique de la Défense, directeur des Relations Internationales et de la Stratégie au ministère des Armées, directeur de la DGSE, responsable national du contre-terrorisme, coordinateur du renseignement auprès du Président : tous diplômés de l’ENA !

Sans compter le nombre considérable de conseillers, membres et directeurs de cabinets de ces dirigeants, et la diminution considérable du nombre de militaires dans le pilotage des derniers Livres blancs de la Défense, dont l’extension à la sécurité constitue là encore un prétexte supplémentaire à la marginalisation des militaires. Plus largement, on peut s’étonner que le musée de l’air et de l’espace, à forte dimension militaire, ne soit plus dirigé par un officier général de l’armée de l’Air ou que la communication de la défense (DICOD) soit désormais pilotée exclusivement par des civils (4).

Une haute administration majoritairement néo-conservatrice

Ce que l’on dit moins est que notre élite bienpensante pense (le terme est peu approprié), parle anglais, ne rêve que d’un monde unilingue et se nourrit au lait des « think tanks » d’Outre-Atlantique, du cinéma d’Hollywood, de la chanson anglo-saxonne, privilégie le « fast food » à la gastronomie française…. Elle se montre de plus en plus incapable de penser français de parler français. À Abidjan, le président de la République, Emmanuel Macron qui avait vanté la veille à Ouagadougou les vertus de la langue française et de la francophonie (il était accompagné de sa représentante personnelle pour la Francophonie, Leïla Slimani), n’hésite pas à évoquer une task force » (pour évoquer un groupe de travail ou une force opérationnelle) et « l’intelligence » (en parlant du renseignement).

En un mot, elle est néo-conservatrice, plus néo-conservatrice que les néo-conservateurs américains-5). C’est la fable bien connue de l’élève qui dépasse le maître. Cette élite gagnerait à méditer le petit opuscule de Noam Chomsky intitulé « De la guerre comme politique étrangère des États-Unis »(6). On reste confondu au spectacle d’une haute administration formée sur les bancs des meilleures écoles de la République, en particulier de l’ENA, qui succombe aux sirènes américaines sans mesurer les impasses auxquelles conduit la diplomatie (ou l’absence de diplomatie) d’une Amérique rongée par l’hubris alors même qu’elle perd de plus en plus son rôle de nation indispensable dans le monde. Pense-t-elle que la France serait une terre de mission américaine qui se grandirait en s’abaissant au rôle de valet de Washington ?(7)

Cette dérive néo-conservatrice préjudiciable aux intérêts bien compris de la France ne semble émouvoir que quelques esprits chagrins ! Comment parler sérieusement de « souveraineté européenne » comme le fait le président de la République, Emmanuel Macron lors de son discours de la Sorbonne tout en se mettant dans le même temps sous le parapluie américain de moins en moins fiable et de moins en moins crédible depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche (le président jugeant « obsolète » l’OTAN) ? Nous devenons plus otanien que les Américains alors que ces derniers deviennent moins otanien. Méfions-nous que notre atlantisme ne se transforme un jour en Atlantide, cette île mythique évoquée par Platon qui fut engloutie par les flots dans un cataclysme provoqué à l’instigation de Zeus, dieu grec que les Romains appelaient Jupiter… Telle serait la morale de cette passion française, qui dévore nos élites et qui a pour nom l’atlantisme.

Notes:

(1) www.toupie.org/Dictionnaire/Atlantisme.htm 

(2) Jaap de Hoop Scheffer, « La Turquie pose un sérieux problème à l’OTAN », Le Monde, 24 octobre 2017, p. 22.

(3) Gaidz Minassian, L’illusoire « soft power » russe, Le Monde, 24 octobre 2017, p. 22.

(4) www.asafrance.fr/item:la-defense-pilotee-par-des-hauts-fo... , 20 octobre 2017. 

(5) Juliette Grange, Les néoconservateurs, Agora Pocket, 2017.

(6) Noam Chomsky, De la guerre comme politique étrangère des États-Unis, Agone, 2017.

(7) Jean-Michel Autran, La France, terre de mission américaine, Vendémiaire, 2017.