dimanche, 22 septembre 2024
En matière de post-vérité, les choses ne sont pas si simples
En matière de post-vérité, les choses ne sont pas si simples
Alexandre Douguine
Source: https://www.geopolitika.ru/it/article/sulla-post-verita-le-cose-non-sono-cosi-semplici
Il n'y aura pas de retour à l'« ancienne vérité », c'est-à-dire à la conception matérialiste et rationaliste de la réalité et aux critères de vérité fondés sur la correspondance positiviste entre le sens et le signifiant, comme nous le croyions dans la modernité. Il n'y aura pas et il ne peut y avoir de retour. Nous l'avons dépassée et, bien que nous soyons encore immergés dans la Modernité, nous n'y sommes pas arrivés de notre plein gré, mais nous avons été entraînés par l'Occident, qui nous a proposé de le suivre, mais nous ne pouvons pas le rattraper.
C'est pourquoi nous avons la modernité et eux la postmodernité. Nous avons encore la « vérité » et ils ont la post-vérité et nous devons cligner des yeux... Se contenter de s'enfermer dans le stade précédent du développement occidental et de crier « nous n'irons pas plus loin » ne fonctionnera pas. Nous devons chercher une autre voie. Un chemin vers la vérité, mais un chemin différent. Pas celle à laquelle nous sommes habitués, car non seulement la post-vérité est occidentale, mais la vérité elle-même est occidentale.
Nous avons besoin de la vérité russe.
Pour la trouver, nous devons remonter loin dans le temps, jusqu'à l'ontologie et la gnoséologie de la vision sacrée du monde, c'est-à-dire jusqu'au Moyen-Âge. C'est ce qu'a suggéré le très perspicace Père Pavel Florensky. Mais même là, il ne s'agit pas d'une vérité matérialiste, mais d'autre chose. La vérité est la correspondance entre notre compréhension d'une chose et la providence divine, que le Créateur a insérée dans la structure de la création. Et la vérité, c'est le Christ. C'est là qu'elle commence et c'est là qu'elle finit.
Inattendu, n'est-ce pas ? Mais il n'y a pas de matière, pas de nature au sens moderne du terme, pas d'atomes, pas de mécanique, pas de rationalité, loin s'en faut. Il n'y a pas non plus de temps linéaire, de progrès et d'évolution. Rien de tout cela n'est vrai. Sommes-nous prêts pour le nouveau Moyen Âge? La question est rhétorique. Bien sûr que non. Elle signifie que des siècles de « modernisation » et de « colonisation mentale » par l'Occident nous empêchent d'accéder à cette vérité.
Nous pouvons encore faire un bond en avant et créer à partir de rien, de nous-mêmes, une réalité (russe) avec sa propre vérité et ses propres critères, mais ce sera la vérité russe (pour les ennemis - ce sera une autre post-vérité - mais une post-vérité qui leur sera hostile !)
On peut essayer de faire les deux en même temps, mais pouvez-vous imaginer les efforts qu'il faudrait déployer pour aller dans l'une ou l'autre de ces directions en même temps ?
Personne en Russie aujourd'hui n'est prêt pour cela. Nous devons donc nous contenter d'une propagande hâtive, une propagande de type "post-vérité" et jeter la couverture sur nous-mêmes sans honte. Il s'agit d'une réponse réactive, comme tout ce que nous pouvons représenter jusqu'à présent. Peu à peu, nous manquerons de ressources pour moderniser notre défense, c'est-à-dire pour tenter d'opposer à l'Occident quelque chose que nous avons appris de l'Occident, mais qui est dirigé contre l'Occident lui-même.
La vérité russe est différente. Il ne s'agit pas simplement d'une « vérité » occidentale renversée. Ce n'est qu'un simulacre qualifiable d'archi-moderne, bien que très patriotique à un niveau superficiel, mais superficiel et quelque peu honteux pour une grande puissance et encore plus pour un État civilisé. Il faudra donc s'efforcer de rechercher, voire d'établir la vérité russe. C'est inévitable. Mais il faut d'abord se rendre compte qu'en rejetant la post-vérité des autres, nous ne connaissons pas encore notre propre vérité. Nous l'avons, nous l'avons certainement, mais même une recherche sérieuse n'a pas encore commencé.
18:18 Publié dans Actualité, Nouvelle Droite, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, russie, alexandre douguine, post-vérité, philosophie, nouvelle droite, nouvelle droite russe | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Le spectre de l’article 16
Le spectre de l’article 16
par Georges Feltin-Tracol
Les 19 juin et 2 juillet derniers, en pleine campagne électorale législative anticipée, Le Journal du Dimanche (JDD) envisageait la possibilité qu’Emmanuel Macron appliquât l’article 16 de la Constitution. Cet article confère au chef de l’État des pouvoirs exceptionnels qui ne sont pas explicités.
Il n’a pour l’heure servi qu’une seule fois. Le 23 avril 1961, au moment du putsch d’Alger, le général de Gaulle déclenchait cette option qu’il maintînt en vigueur jusqu’au 30 septembre 1961. À cette occasion, un décret présidentiel étendit la garde à vue à quinze jours ainsi que les conditions d’internement administratif à l’égard de tous les partisans, armés ou non, de l’Algérie française. Il prolongea en outre la compétence du haut tribunal militaire.
À la sortie de cette information, le camp macroniste et l’Élysée ont aussitôt hurlé à la fausse nouvelle et à la désinformation. Deux activités consubstantielles selon eux de la part de l’hebdomadaire dominical désormais aux mains de Vincent Bolloré. Le complotisme dominerait sa rédaction ! En réalité, le complotiste anticipe ce qui va globalement se passer.
Cette éventualité institutionnelle a néanmoins été reprise par d’autres titres de presse tout aussi conspirationnistes. Passons rapidement sur le numéro estival de juillet – août 2024 de L’Incorrect qui interroge un constitutionnaliste chevronné, Frédéric Rouvillois, sur l’imminence ou pas de l’article 16. Le Point du 15 août 2024 l’évoque sans trop commenter. Sur Polémia à la date du 31 août, Michel Geoffroy n’écarte pas ce cas de figure. Mieux encore, un mois auparavant, Le Monde, quotidien bien connu pour tordre les faits, livrait dans son édition du 27 juillet 2024 un excellent entretien avec Alexandre Guigue, professeur en droit public à l’université Savoie – Mont-Blanc, encore sûrement un repaire d’« allumés » délirants…
Malgré la nomination de Michel Barnier à Matignon, le risque de blocage perdure. L’activation de l’article 16 se conçoit avec l’échéance budgétaire prochaine (financement de l’État et de la Sécurité sociale). L’absence de toute majorité claire à l’Assemblée nationale incite les personnes intéressées à lire avec attention la Constitution et la loi organique relative aux lois de finances. Le Parlement est contraint de débattre dans une période limitée: soixante-dix jours pour le budget et cinquante pour la Sécurité sociale. Si ce temps est dépassé, le gouvernement aurait le droit d’utiliser des ordonnances soumises au seul avis du Conseil d’État. Auparavant, l’exécutif pourrait tout aussi recourir au douzième, c’est-à-dire appliquer chaque mois de 2025 l’équivalent budgétaire de 2024 afin de faire fonctionner les services publics.
La mise en pratique de l’article 16 transférerait les prérogatives ministérielles au seul président de la République. En raison du chaos parlementaire et de la menace qui plane d’une mise en tutelle par la Commission de Bruxelles, le président français jugerait alors que « les institutions de la République [...] ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacés d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu ». Après en avoir informé la nation par un message audio-visuel, le chef de l’État signerait un décret d’adoption du budget de l’État et de la Sécurité sociale dans un sens austéritaire. Excessif ? Dans La démondialisation (Le Seuil, 2012), l’économiste souverainiste Jacques Sapir proposait la sortie de l’euro au moyen de l’article 16...
Pendant toute la durée des pouvoirs exceptionnels, l’Assemblée nationale ne peut être dissoute. Le 18 septembre 1961, le président gaulliste de l’Assemblée nationale, Jacques Chaban-Delmas, distinguait la session de plein droit de la session normale. Il estimait que durant la période correspondant à la réunion de plein droit des chambres sous l’article 16, les travaux du Parlement ne pouvant pas avoir d’aboutissement législatif, le gouvernement est privé du droit de poser la question de confiance sur un projet de loi, ce qui signifie que les députés ne peuvent pas déposer de motion de censure.
Par ailleurs, depuis la révision constitutionnelle sarközyste de 2008, « après trente jours d'exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel peut être saisi par le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs, aux fins d'examiner si les conditions énoncées au premier alinéa demeurent réunies. Il se prononce dans les délais les plus brefs par un avis public. Il procède de plein droit à cet examen et se prononce dans les mêmes conditions au terme de soixante jours d'exercice des pouvoirs exceptionnels et à tout moment au-delà de cette durée ». Mais ce garde-fou est-il solide ? Pas sûr quand on sait que le Conseil constitutionnel se compose de personnalités macronistes et qu’il a déjà entériné sous l’hystérie covidodinguienne l’ensemble des mesures liberticides.
Fin stratège élevé par le lambertisme trotskyste et le mitterrandisme, Jean-Luc Mélanchon prévoit à court ou moyen terme son utilisation, d’où sa proposition récente de destitution de Macron au moyen de l’article 68 de la Constitution. C’est une mise en garde implicite. Cet article permet difficilement la destitution présidentielle par un parlement constitué en haute-cour et sur un vote des deux tiers difficile à obtenir, mais pas impossible si se construit dans les faits une coalition momentanée entre le Nouveau Front pseudo-populaire et le bloc national RN – UDR (Union des droites pour la République ciottiste).
Outre l’adoption forcée d’un budget de rigueur ultra-libéral, l’article 16 pourrait-il offrir à Emmanuel Macron le pouvoir de modifier la Constitution en contournant le Parlement via l’article 11 ? Pas forcément. Sur une saisie des sénateurs gaullistes à propos de l’inconstitutionnalité du traité de Maastricht, le 2 septembre 1992, le Conseil constitutionnel interdit à la considération 19 de la décision 92 – 312 l’usage de l’article 16 dans l’engagement d’une révision constitutionnelle en contournant l’article 89. Or l’article 11 n’est pas mentionné et le Conseil constitutionnel, jouet de l’Élysée, pourrait très bien se raviser.
En s’affranchissant de la décision de 1992 dans le cadre de l’article 16, le président de la République soumettrait aux Français au moins un référendum. Si jamais il n’ose pas tordre la Constitution de 1958, il pourrait cependant soumettre aux électeurs le changement du mode de scrutin législatif en privilégiant la proportionnelle à l’échelle départementale ou régionale.
Un universitaire, juriste de formation, Roger Pinto (1910 – 2005), soutenait que le président pouvait user de l’article 16 pour réviser la Constitution par la voie référendaire. Il reconnaissait volontiers que cette procédure engagerait la responsabilité directe du chef de l’État. Le constitutionnaliste faisait valoir à raison que le texte fondamental ne précise pas si l’ordre constitutionnel à rétablir doit être nécessairement le même qu’avant. Ce référendum de révision constitutionnelle porterait sur trois questions posées simultanément (ou pas): le droit de dissoudre dans l’immédiat la législature élue le soir du 7 juillet 2024, l’instauration d’un mandat présidentiel de six ans avec des élections nationales tous les trois ans, voire la suppression immédiate de la limite à deux mandats présidentiels consécutifs dans la perspective d’une nouvelle candidature en 2027 d’Emmanuel Macron si ce dernier n’entend pas démissionner sous peu.
Dans le cadre de l’article 16, le régime pourrait volontiers entraver la campagne des partisans du non qui subiraient en plus un déluge médiatique de propagande favorable au oui. Cependant, en cas de victoire du non à l’une des deux consultations populaires, voire aux deux, le président de la République aurait-il l’audace de démissionner ou bien se maintiendrait-il en fonction jusqu’en 2027 avec la bénédiction de l’OTAN et de la Commission pseudo-européenne ? L’hypothèse semble bien pessimiste, mais avec Emmanuel Macron, il faut s’attendre à tout, y compris au pire.
GF-T
- « Vigie d’un monde en ébullition », n° 125, mise en ligne le 17 septembre 2024 sur Radio Méridien Zéro.
17:13 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Droit / Constitutions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : droit, constitution, france, europe, affaires européennes, actualité | | del.icio.us | | Digg | Facebook
samedi, 21 septembre 2024
L'énigme libanaise
L'énigme libanaise
Andrea Marcigliano
Source: https://electomagazine.it/enigma-libanese/
La stratégie du gouvernement israélien au Liban semble, à première vue, assez simple. Et, tout compte fait, très simple.
Utiliser des armes terroristes et, de par leur nature même, destinées à des cibles très précises - surtout des figures ennemies de référence - de manière sensiblement indiscriminée et, surtout, massive. Naturellement, pour semer l'insécurité et la terreur dans les rangs de l'ennemi.
En l'occurrence, il s'agit précisément du Hezbollah.
Car il est évident que l'objectif d'Israël, de ses services de renseignement, est, in fine, de mettre le mouvement de Nasrallah en position difficile, voire hors-jeu. Lequel est depuis longtemps, à toutes fins utiles, une épine dans le pied de l'État israélien.
Toutefois, il convient de rappeler que le Hezbollah n'est pas une simple organisation terroriste visant exclusivement à frapper l'ennemi israélien. Il s'agit au contraire d'une organisation complexe, véritable État dans l'État.
En effet, compte tenu des conditions dans lesquelles se trouve le Liban dans son ensemble, le Hezbollah est en fait la seule organisation étatique existant sur ce territoire. Et Nasrallah ne parle pas en tant que chef d'un mouvement terroriste, mais en tant que chef d'État s'adressant à d'autres chefs d'État.
Cela ne plaît peut-être pas à beaucoup, mais c'est ainsi. Et la géopolitique internationale est basée sur la réalité. Pas sur les prédilections plus ou moins abstraites des chancelleries européennes.
Dès lors, la série d'attaques israéliennes - évidemment non revendiquées, mais très claires dans leurs principes et leurs objectifs - sur le territoire libanais, pose des questions d'une importance non négligeable.
Tout d'abord, la finalité de cette offensive terroriste. Qui, de fait, ouvre de nouveaux scénarios dans la longue confrontation/affrontement entre le Hezbollah et Tel Aviv. Qui était, jusqu'à hier, un état de belligérance suspendu. Fait de tensions qui n'ont cependant donné lieu à aucune offensive directe. Seulement un échange, périodiquement constant, de petites « offensives ». Certainement pas de nature à faire parler d'un conflit ouvert.
Mais aujourd'hui, Israël a changé son fusil d'épaule. Et l'offensive actuelle, avec des moyens terroristes généralisés, en est à la fois la preuve et, c'est très probable, ce n'en est que la phase initiale.
Celle-ci sera très probablement suivie d'une véritable offensive de l'armée israélienne sur le territoire libanais. Visant, sinon à neutraliser le Hezbollah, du moins à le mettre hors d'état de nuire pour longtemps.
Et ce, parce que les dirigeants israéliens, politiques comme militaires, sont bien conscients que l'organisation chiite libanaise représente quelque chose de beaucoup plus complexe que le Hamas. Et que l'on ne peut pas, de manière simpliste, tenter de l'anéantir.
Le Hezbollah réduit à la défensive, et affaibli militairement, permettrait à Israël de rendre le Liban neutre, essentiellement, et pour longtemps.
Surtout en affaiblissant l'influence iranienne dans la région. Ce qui est, et reste, le plus gros problème du gouvernement Netanyahou.
Ce dernier pourrait donc poursuivre l'offensive dans la bande de Gaza, visant à éliminer complètement une présence palestinienne significative.
Mais cela reste, pour l'instant, une hypothèse. Difficile, d'ailleurs, à réaliser, compte tenu des résultats, négatifs, des précédentes attaques de l'armée israélienne au Liban. Et, en particulier, en se souvenant de l'échec substantiel de 1982, qui a en effet marqué la croissance politique paradoxale du mouvement chiite libanais.
Cependant, pour Israël, en ce moment, il est essentiel de mettre le Hezbollah dans une situation où il ne peut pas faire de mal. Pour pouvoir procéder plus sereinement à l'opération de Gaza. Où, il faut le dire, l'armée israélienne rencontre encore pas mal de difficultés.
Par ailleurs, il reste à comprendre quelle pourrait être la réaction iranienne à cette offensive israélienne au Liban.
Téhéran, à ce jour, semble incapable de réagir à une attaque terroriste systématique menée au Liban par les Israéliens.
Il ne faut cependant pas se faire d'illusions sur la durée de cette incapacité.
Le gouvernement de Téhéran reste, pour l'instant, fermement entre les mains des ayatollahs. Des mains expérimentées, bien conscientes des difficultés (pour ne pas dire plus) d'une confrontation directe avec Israël. Et, par conséquent, toujours très prudents dans l'évaluation des situations.
Cependant, l'accélération imposée par le gouvernement Netanyahou au Liban ne peut être perçue sans inquiétude par l'Iran. Où de nombreux dirigeants sont convaincus que la confrontation directe avec l'État hébreu est désormais imminente. Une nécessité qui ne peut plus être évitée.
Et cela ouvre, inévitablement, sur des scénarios qu'il ne serait pas exagéré de qualifier d'apocalyptiques.
Tout dépendra de la manière dont Israël, ou plutôt le gouvernement Netanyahou, se comportera dans les prochains jours.
S'il se limitera à la lourde offensive terroriste de ces dernières heures. Ou s'il procédera à une action beaucoup plus profonde et systématique contre le Hezbollah.
Ce qui, évidemment, apparaît lourd de risques et de conséquences. Et, surtout, qui obligerait Téhéran à entrer directement dans le jeu.
Avec force.
18:33 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : huzbollah, actualité, liban, israël, levant, proche-orient | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Subvertir la modernité
Subvertir la modernité
Claude Bourrinet
Le vocable « subvertir » présente la fâcheuse connotation d'une action violente, et l'on notera que sa première attestation, au 12ème siècle, en français, dans le Psautier de Cambridge, appartient au lexique biblique, en l'occurrence vétéro-testamentaire, puisqu'il s'agit de Psaumes, vocabulaire souvent chargé d’énergie belliqueuse. Et ce n'est certes pas là une tonalité inattendue et déconcertante, car, contrairement au « paganisme », qui considérait le supra-humain comme la légitimation du Monde, quoique la piété et l'équité ne soient étrangères ni aux Grecs, ni aux Romains, le judaïsme est une rébellion contre la société établie, immanquablement pervertie par le Mal. C'est pourquoi la première acception du terme, dans notre langue, renvoie à l'idée de destruction, en l'occurrence, dans ce psautier, d'une ville.
La signification du verbe latin – qui s'apparente au mot roman, démarquage savant de clerc - est encore plus précise et détaillée : il est constitué du préfixe « sub- », qui suggère une poussée destructrice du bas vers le haut, et du verbe « vertere », qui signifie « tourner, changer, transformer ». On retrouve la même signification de « tourner » dans le mot « révolution », mouvement de retour à l'origine, comme une boucle. Aussi bien l'idée de « révolution » a-t-elle été, à l'origine, un projet à haute teneur mythique, ou mystique, que l'on remarque aussi bien chez les païens, de l'Inde à l'Océan (et même en Amérique précolombienne), l'avènement de l'Âge d'or, celui de Saturne, que dans les religions issues du judaïsme, lorsque le péché (qui est métaphysiquement la scission d'avec Dieu, la Chute, le Diable étant celui qui scinde) sera résorbé dans la miséricorde divine, l’Éden étant le recouvrement de l'Unicité de Dieu, éprouvée comme une résolution totale dans son sein, l'ego, le petit soi s'anéantissant dans son Amour infini.
L'universalisation du message biblique a engendré un travers pervers. Sa malignité ne provient pas à proprement parler de la violence, parfois féroce, que la dérivation de l'idée de subversion du « Ciel » vers la Terre », de son acception mystique à sa dimension politique et historique, a engendrée, (la brutalité de l'existence étant, toutes choses égales par ailleurs, toujours la même, quelle que soit la croyance commune), mais de l'erreur de perception, une perception quasi diabolique, qu'elle suppose.
On sait que les musulmans distinguent le djihad mineur et le djihad majeur. Les poncifs fleurissant dans notre Occident peuplé de diplômés incultes, il est bon de souligner combien cette conception appartient aussi au christianisme. Saint Bernard (illustration, ci-dessus), au 12ème siècle, a prêché la Guerre Sainte, promettant le salut à celui qui mourrait en combattant l'Infidèle. Ce Djihad guerrier, dont la source se trouve dans la Bible, et dans la tradition essénienne (Saint Bernard ignorait ce dernier point, mais le Nouveau Testament est imprégné de cette spiritualité du désert et du combat – les anas christiques sont garnis de mots belliqueux : le fer, l'incendie, le feu, etc.), se retrouvera plus tard, notamment contre l'Empire ottoman, ou même actuellement, grotesquement, en défense du "judéochristianisme".
Mais, pris de scrupules, l’abbé de Clairvaux ne manque pas de rappeler que la « guerre sainte » se situe aussi, et avant tout, dès le seuil du monastère franchi. Car le djihad majeur est d'abord le combat que l'on mène contre soi-même, contre son amour-propre (l'égocentrisme), contre son propre état de pécheur. Dans ce sens, l'action de « subvertir » consiste à détruire en soi-même les effets de la Chute, et de « retourner », subvertir son âme, pour la diriger vers Dieu.
L'oubli de cette « Guerre sainte » intérieure a ouvert la voie aux pires égarements, et à ce que les religions du Livre nomment l'idolâtrie : fétichisme des bannières guerrières, nationales, communautaires, adulation de sa propre image, de l'action en tant que telle, surtout si elle a la vertu de flatter le narcissisme, amour de l’argent, de la réussite, vue comme signe d’élection, fanatisme, persuasion de sa propre supériorité, par exemple « démocratique », « libérale », ou raciale. L'éventail du crime imbécile est aussi large que l'est la somme des présomptions de l'homme. Cela va de la vanité du peuple se croyant « élu », et, à ce compte, autorisé à réduire en esclavage le reste de l'humanité, voire à en délivrer une grande partie de la surface de la terre, à l'homme qui fait preuve de « bonne volonté » en œuvrant par des actes caritatifs fort médiatisés, et, sans trop même s'en apercevoir, jouit de sa bonté, comme d'autre d'un bon dessert qui flatte les papilles, ou comme un moi hyperbolisé à l’échelle des capacité de diffusion des télévisions et des radios.
On voit par ailleurs que, comme il est maintes fois rappelé dans le Livre, la guerre amène la guerre, le sang, le sang, le fer, le fer. L'expérience historique nous démontre aussi, par la praxis, que la domination et la soumission résultent souvent de la subversion politique, et que les « libérations » promettent inévitablement de nouveaux esclavages, quels qu'ils soient. A cela, nulle surprise, dès lors qu'on ne prend pas en considération le principal ennemi de la véritable liberté : soi-même. Les luttes politiques, guerrières, « révolutionnaires », subversives ont en effet le fatal résultat de conforter le « Vieil homme », de l'endurcir, de le rendre encore plus hautain, orgueilleux, et impitoyable.
Or, notre monde semble se « retourner » : il quitte une séquence dont le début coïncide avec l'Antiquité gréco-romaine et le triomphe des religions du Livre. Ce qui ne signifie nullement que son legs doit disparaître. Mais aucune « épistémè », aucune vision du monde, n'a vocation à l'emporter sur les autres. Cependant, la perspective - un nihilisme plat - la plus communément empruntée, dans notre civilisation technique et matérialiste, consumériste et narcissique, est la négation du Divin, par détestation, mais aussi par un mouvement de dégoût, comme d’un rappel qui plaque sur le pire des désagrément : son propre vide. Rejet qui ne va pas sans soubresauts. On connaît ces explosions de subjectivisme que l'on trouve dans les sectes, des Évangélistes aux bouddhistes de salon, mouvements qui appartiennent autant à la queue frémissante de l'anabaptisme puritain et pourrissant, qu'au New Age. Dans le même temps circule une angoisse diffuse, qui pousse certains à rechercher désespérément, du côté de l'Islam, notamment dans sa mouvance soufie, ou de celui des cloîtres, une voie de salut.
Nul ne sait ce que sera le monde dans cinq cents ans. Nous sommes dans une phase intermédiaire, de transition. Toujours est-il que l'on ne doit pas attendre un temps qui ne sera plus le nôtre, quand on sera mort. Les mystiques insistent souvent sur le caractère urgent de se sauver hic et nunc, ici et maintenant. Christianisme comme Islam présentent ce salut comme la sensation prégnante que l'on échappe au temps lorsque, par l'ascèse, des exercices spirituels, on arrive à s'unir à Dieu dans la vie présente. Cette idée, on peut aussi la rencontrer dans les religions orientales ou dans les Écoles philosophiques de l'Antiquité. A mon sens, la véritable subversion se situe dans cette région de l'existence, non ailleurs.
18:08 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philosophie, modernité, subversion | | del.icio.us | | Digg | Facebook
La Finlande atlantique s'implique dans l'escalade
La Finlande atlantique s'implique dans l'escalade
Markku Siira
Source: https://markkusiira.com/2024/09/13/atlanttinen-suomi-mukana-eskalaatiossa/
De manière presque puérile, certains Finlandais pensaient que Sauli Niinistö, la taupe (ou le renard) occidental(e) qui nous a servi de président, n'avait conduit la Finlande à adhérer à l'OTAN que parce que la Russie avait envahi l'Ukraine. Aucun référendum n'a été organisé, mais la prise de décision antidémocratique a été masquée par le bruit des (faux) médias du pouvoir et par les promesses de « sécurité accrue ».
Cependant, pendant des décennies, la Finlande a abrité, par exemple, la Société atlantique finlandaise, qui diffusait le message de l'idéologie anglo-américaine en matière de politique étrangère et de sécurité, soit l'« atlantisme », et dont les réunions étaient suivies par l'élite politique, attendant avec impatience le moment où la Finlande ferait militairement pleinement « partie de l'Occident », comme le reste de l'Europe, soumise à l'Amérique.
Les atlantistes avaient fait leur travail de fond et le conflit ukrainien constituait un écran de fumée militaire adéquat pour mener l'« option OTAN » jusqu'au bout, comme les États-Unis l'avaient prévu. Désormais, la frontière terrestre de l'OTAN s'étendait jusqu'à la Russie et la mer Baltique devenait un « lac de l'OTAN », comme semblait le répéter le treizième président Alexander Stubb, en oubliant la base russe de Kaliningrad et le nouveau district militaire de Leningrad à la frontière finlandaise.
Avec une illusion de sécurité momentanément renforcée, la Finlande est devenue un participant plus agressif que d'autres dans la guerre hybride de l'OTAN et de l'Occident contre la Russie. Plus tard, ce sera peut-être le tour de la Chine, plus lointaine, mais occupons-nous d'abord de notre voisin oriental, cette "station-service déguisée en superpuissance", en intensifiant la confrontation et en soutenant les diverses offensives.
La rhétorique guerrière s'est également intensifiée sur les plateformes des médias sociaux appartenant aux États-Unis. Le mince vernis de civilité a été effacé et une « russophobie » grossière a envahi les ondes, en particulier sous le couvert de noms anonymes, mais aussi de la part de politiciens finlandais et d'experts en politique étrangère. Les opérations des services de renseignement occidentaux se sont poursuivies et la guerre de l'information et de la désinformation s'est intensifiée.
Si la paix en Europe et les bonnes relations avec la Russie constituaient une menace existentielle pour l'alliance militaire de l'OTAN, la Russie s'est également rendu compte que l'alliance occidentale dirigée par les Anglo-Américains constituait une menace pour l'État-civilisation russe. Cela a conduit à un nouveau contexte de guerre froide et à la menace d'une guerre nucléaire, presque comme un retour aux années 1980 (époque où, contrairement à aujourd'hui, la frontière orientale est restée ouverte).
Certains groupes de réflexion occidentaux semblent croire qu'une telle guerre pourrait être menée de manière limitée et que seule la Russie en souffrirait. Dans ce type de récit, le régime ukrainien s'est arrogé un rôle plus menaçant et a cru à la promesse de l'Occident de porter la guerre en Russie. Kiev n'a pas été prise en trois jours, la Russie est donc un tigre de papier qui ne peut que perdre face aux forces de la « liberté et de la démocratie » (et aux combattants étrangers d'extrême droite).
L'opération Koursk s'est déjà achevée par le massacre des troupes ukrainiennes, mais Zelensky et ses partenaires ont un nouveau plan, dans lequel Washington et Londres jouent à nouveau le rôle de poignards dans le dos. Il est question de « frappes à longue portée », mais pour de telles frappes, l'Ukraine aura à nouveau besoin du savoir-faire militaire de l'OTAN-Occident, des données satellitaires et de la programmation des trajectoires des missiles.
Le président russe a déclaré qu'une telle action « changerait considérablement la nature de ce conflit » et que les États-Unis et la zone euro seraient alors en guerre contre la Russie. Selon M. Poutine, la Russie serait également « forcée de prendre les mesures qui s'imposent ». Ce discours apaisé semble un peu tardif, car l'Occident n'est-il pas en guerre contre la Russie depuis le début du conflit en Ukraine (et même avant) ?
Le chef du Kremlin ne souhaite peut-être pas une escalade de la guerre, mais la réticence de la Russie à répondre aux attaques n'est-elle pas aussi à l'origine de cette situation ? Étant donné que l'Occident ne semble pas avoir la même retenue, la fin de la guerre n'est peut-être pas proche, mais est plutôt à son début, avec une augmentation graduelle d'intensité et d'échelle.
La Finlande pense bêtement que sa participation à la guerre d'usure actuelle n'aura aucune conséquence, mais que, comme les États baltes, elle peut défier la Russie derrière le bouclier protecteur des États-Unis et de l'OTAN jusqu'à la défaite présumée des armées de Poutine. Il pourrait être utile de rappeler le commentaire laconique de Poutine en 2022, lorsqu'il a déclaré: « Nous n'avons encore rien commencé de sérieux ».
17:45 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, otan, atlantisme, finlande, europe, affaires européennes | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Kissinger et la frivolité stratégique
Kissinger et la frivolité stratégique
Nicolas Bonnal
La frivolité stratégique, notion dessinée par Kissinger dans ses œuvres, est devenue une donnée permanente en Occident, à l’heure où nous risquons de sombrer dans un énième et espérons-le définitif holocauste militaire-humanitaire. Mais laissons de côté les risques actuels et rappelons ce que nous disait ce maître sous-estimé et grand amateur (comme votre serviteur modeste) du grand dix-neuvième siècle alors :
« Mais l’histoire punit tôt ou tard la frivolité stratégique. La Première Guerre mondiale a éclaté parce que les dirigeants politiques ont perdu le contrôle de leurs propres tactiques. Pendant près d’un mois après l’assassinat du prince héritier autrichien en juin 1914 par un nationaliste serbe, la diplomatie a été menée sur le modèle dilatoire de nombreuses autres crises surmontées au cours des dernières décennies. Quatre semaines se sont écoulées pendant que l’Autriche préparait un ultimatum. Des consultations ont eu lieu; comme c’était le plein été, les hommes d’État ont pris des vacances. Mais une fois l’ultimatum autrichien soumis en juillet 1914, son échéance a imposé une grande urgence à la prise de décision, et en moins de deux semaines, l’Europe s’est lancée dans une guerre dont elle ne s’est jamais remise. »
Grand défenseur du Traité de Vienne et de l’axe Metternich-Castlereagh, Kissinger ajoute (longuement) sur cette irresponsabilité générale :
« Au cours des quarante années qui ont suivi le règlement de Vienne, l’ordre européen a amorti les conflits. Au cours des quarante années qui ont suivi l’unification de l’Allemagne, le système a aggravé tous les différends. Aucun des dirigeants n’a prévu l’ampleur de la catastrophe imminente que leur système de confrontation routinière soutenu par des machines militaires modernes rendait presque certaine tôt ou tard. Et ils y ont tous contribué, inconscients du fait qu’ils étaient en train de démanteler un ordre international: la France par sa détermination implacable à reconquérir l’Alsace-Lorraine, ce qui nécessitait la guerre ; l’Autriche par son ambivalence entre ses responsabilités nationales et ses responsabilités en Europe centrale ; l’Allemagne en essayant de surmonter sa peur d’un encerclement en affrontant en série la France et la Russie côte à côte avec un renforcement des forces navales, apparemment aveugle aux leçons de l’histoire selon lesquelles la Grande-Bretagne s’opposerait certainement à la plus grande puissance terrestre du continent si elle agissait simultanément comme si elle avait l’intention de menacer la prééminence navale de la Grande-Bretagne. La Russie, par ses incursions constantes dans toutes les directions, menaçait simultanément l’Autriche et les vestiges de l’Empire ottoman. Et la Grande-Bretagne, par son ambiguïté occultant le degré de son engagement croissant aux côtés des Alliés, combinait les inconvénients de chaque option. Son soutien rendit la France et la Russie inflexibles; son attitude distante a semé la confusion chez certains dirigeants allemands, qui ont cru que la Grande-Bretagne pourrait rester neutre dans une guerre européenne. »
Aucune guerre occidentale à mon sens n’est nécessaire. Et de la même manière qu’en expliquant à Chesterton que les idées chrétiennes ont toujours été folles (que ce soit sous la forme croisée, renaissanciste, wokiste, bergoglienne ou inquisitoriale ou hérétique et/ou réformée), on pourrait dire à Kissinger que la stratégie en occident a toujours été frivole. C’est Daniélou qui a raison: l’Occidental est un aryen prédateur et destructeur, rien d’autre. Ah oui, il se claironne humanitaire en même temps…
Kissinger :
« Il est généralement inutile de réfléchir à ce qui aurait pu se passer dans des scénarios historiques alternatifs. Mais la guerre qui a bouleversé la civilisation occidentale n’avait aucune nécessité inévitable. Elle est née d’une série d’erreurs de calcul commises par des dirigeants sérieux qui n’ont pas compris les conséquences de leur planification, et d’un tourbillon final déclenché par une attaque terroriste survenue dans une année généralement considérée comme une période de calme. En fin de compte, la planification militaire a pris le pas sur la diplomatie. C’est une leçon que les générations futures ne doivent pas oublier. »
Tout cela est dans World Order. On va citer Wikipédia qui ajoute (dans son excellente version anglaise) sur notre France éternelle et bonapartiste :
« Kissinger avait introduit la notion de frivolité dans son livre « Diplomatie » (1994), décrivant les actions des hommes d’État de la seconde moitié du 19ème siècle qui ont finalement conduit à la Grande Guerre . Il a notamment souligné les actions de Napoléon III qui considérait la politique étrangère de la France, selon les mots du baron Hübner , comme « un instrument qu’il utilise pour assurer son règne en France ». « La frivolité est une indulgence coûteuse d’un homme d’État », et Napoléon s’est rapidement retrouvé piégé dans les crises qu’il a provoquées sans réfléchir aux conséquences à long terme : après avoir contrarié la Russie en rejoignant la guerre de Crimée en 1853 et en soutenant la révolte polonaise (1863), il n’a trouvé aucun soutien contre l’affirmation de soi allemande dès 1864 pendant la deuxième guerre du Schleswig . Le contrôle sur les arrangements de pouvoir en Allemagne, dont la France jouissait depuis des siècles (depuis le cardinal de Richelieu ), a été perdu en un éclair. »
Rôle affolant et criminel des médias toujours (repenser et compléter la Galaxie Gutenberg de McLuhan) :
« Dans « L'ordre mondial », Kissinger décrit comment les résolutions diplomatiques de la première crise marocaine , de la deuxième crise marocaine et de la crise bosniaque ont donné l'impression que la prise de risques pour apaiser les journalistes nationalistes et l'opinion publique agitée était une manière normale de mener la politique étrangère. Les hommes d'État s'étaient habitués à faire pression sur les autres grandes puissances sur des questions d'intérêt secondaire, comptant sur les diplomates pour trouver des moyens d'éviter de véritables guerres. Le statu quo européen global était en fait acceptable pour toutes les grandes puissances (il n'y avait pas de conflits territoriaux en Europe à l'exception de l'Alsace-Lorraine ), mais il n'a fallu que deux semaines entre l'ultimatum en 10 points et le début des hostilités. L'Europe ne s'est jamais remise de cette indulgence. »
Kissinger a été prolongé et complété par le penseur russe Timothée Bordachev (photo). Malheureusement je trouve (et on constate) que l’opération militaire spéciale qui va déboucher sur un holocauste (et à déjà tué, déplacé et ruiné des millions de personnes) relève de la même frivolité stratégique. Cette au départ tranquille promenade militaire va dégénérer en holocauste : voir PCR.
Une histoire pleine de fureur, et écrite par des idiots... Il semble d’ailleurs que Kissinger ne se faisait pas trop d’illusions sur notre futur en fureur.
Sources :
https://www.chinhnghia.com/H_Kissinger_-_World_Order.pdf
https://en.wikipedia.org/wiki/Strategic_frivolity
https://www.paulcraigroberts.org/2024/09/19/the-british-p...
17:29 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, diplomatie, henry kissinger, nicolas bonnal | | del.icio.us | | Digg | Facebook
vendredi, 20 septembre 2024
Mitsuhiro Kimura: le Japon est devenu un peu plus conscient de l'Opération militaire spéciale et le WEF 2024 a donné de l'espoir
Mitsuhiro Kimura: le Japon est devenu un peu plus conscient de l'Opération militaire spéciale et le WEF 2024 a donné de l'espoir
Anna Tcherkassova, auteur de Ukraina.ru
Source: https://ukraina.ru/20240905/1057270535.html
Un patriote japonais a commenté le contenu de la session plénière du WEF-2024 avec la participation de Vladimir Poutine et a expliqué comment Moscou et Tokyo peuvent améliorer leurs relations.
Le président de l'organisation japonaise « Issui-Kai », Mitsuhiro Kimura, en a parlé dans une interview exclusive à Ukraina.ru.
« Issui Kai » (du japonais 一水会, “Société d'une seule goutte”) - Parti de droite japonais, l'un des plus grands partis nationalistes au Japon.
Les membres de l'Issui Kai, comme l'explique Kimura, se définissent comme les « nouveaux patriotes » du Japon et leurs principaux efforts visent à lutter pour l'indépendance du Japon vis-à-vis des États-Unis.
L'événement le plus important du WEF-2024, la session plénière avec Vladimir Poutine, Anwar Ibrahim et Han Zheng, s'est tenu le 5 septembre sur l'île de Russky, à l'Université fédérale d'Extrême-Orient (FEFU).
- Kimura-san, quelles sont vos impressions sur cet événement ? Les questions urgentes de la coopération internationale ont-elles été suffisamment abordées ?
- Je pense que les principaux points et questions importants ont effectivement été abordés. Par exemple, le fait que la Russie ait fait des efforts pour parvenir à un accord de paix afin de résoudre la question ukrainienne à Istanbul en mai 2022.
En particulier, il a été noté que l'accord était presque paraphé par la partie ukrainienne, mais le Premier ministre britannique, M. Johnson, est apparu et a déclaré qu'il était nécessaire de continuer à se battre jusqu'au dernier Ukrainien. Il s'agit là d'un sujet assez spécifique qui traite d'une situation internationale importante.
Sur la question palestinienne, qui est d'actualité, et sur les relations d'Israël avec le Hamas, il y a également eu une déclaration sur la position russe. La Russie ne modifie pas sa position initiale de base en fonction d'une situation temporaire. La Russie est fondamentalement favorable à la création de deux États indépendants.
Les négociations nécessitent les efforts de médiateurs, s'il y en a. En outre, un dialogue bilatéral entre les parties est également nécessaire.
Je pense personnellement que pour parvenir à certains accords, il faut s'efforcer de créer des conditions propices. C'est ce qui a été clairement et lucidement exprimé au cours de la discussion.
- Quelles attentes aviez-vous personnellement à l'égard du forum et ont-elles été satisfaites ? Êtes-vous satisfait des résultats de l'événement ?
- Vous savez, je ne dirais pas ce qui m'a surpris, ce à quoi je m'attendais, ce que j'ai aimé ou pas.
Ce que j'ai trouvé intéressant, c'est la participation même des Malaisiens et des Chinois à la discussion avec le président russe. Le Premier ministre malaisien a soulevé la question du rôle de la Russie dans le développement de la région de l'Extrême-Orient, affirmant qu'aujourd'hui, sans la Russie, le développement mondial est impossible. C'était une façon intéressante de poser la question.
J'ai également apprécié la thèse selon laquelle le destin futur de la Russie dépend du développement de l'Extrême-Orient. Ce sont les points qui m'ont impressionné.
Je représente les cercles patriotiques conservateurs au Japon. Dans notre pays, nous avons malheureusement une mauvaise attitude à l'égard de la Russie. Mais le 4 septembre, lors du forum « L'Asie du Sud-Est dans un monde multipolaire », nous avons constaté qu'il était nécessaire de construire un nouvel ordre mondial.
Donc, pour moi, les points susmentionnés que j'ai rencontrés, que j'ai vus lors de cet événement, me donnent une nouvelle force, m'inspirent à penser de nouvelles pensées, à réfléchir davantage et mieux à la situation. Et de l'aborder précisément du point de vue du développement de la région [Asie du Sud-Est].
- Que pensent les Japonais de la Russie et des événements actuels en Ukraine?
- Comme je l'ai dit, la plupart des Japonais ont une opinion extrêmement négative et critique de la Russie. C'est ce qui caractérise le Japon moderne.
Quatre-vingts ans se sont écoulés depuis la défaite du Japon lors de la Seconde Guerre mondiale. En conséquence, les Américains ont mis en place un système d'occupation qui oppose négativement les Japonais à la Russie.
Le Japon se souvient avant tout de la perte de la guerre et des prisonniers de guerre japonais qui se trouvaient en Union soviétique. Le Japon se souvient avec ressentiment de la perte au bénéfice de la Russie des territoires dits septentrionaux et du problème des Kouriles du Sud.
Tout cela crée un arrière-plan négatif dans l'esprit et les sentiments des Japonais à l'égard de la Russie.
- La Russie et le Japon ont-ils une chance de se comprendre et de coopérer?
- Je pense que oui. Bien sûr que oui. Mais il faut créer des opportunités.
J'insiste sur le fait qu'un traité de paix doit être signé entre la Russie et le Japon. C'est très important !
Regardez : les Russes aiment le Japon, le respectent, lui sont reconnaissants et lui portent un grand intérêt. Il est donc extrêmement important d'informer constamment le public japonais que, malgré l'attitude négative des Japonais au début de l'opération militaire spéciale (OMS), la situation a commencé à changer. L'essence de l'OMS, ses objectifs et sa nécessité commencent à être un peu mieux compris au Japon.
En d'autres termes, il existe une base permettant d'adoucir l'attitude négative du Japon à l'égard de la Russie.
* * *
Comment le WEF-2024 est devenu une plateforme de rapprochement entre la Russie et la Malaisie - dans l'article d'Anna Tcherkassova "Sans l'Ukraine. La Russie et la Malaisie sont devenues encore plus proches l'une de l'autre au WEF-2024".
20:22 Publié dans Actualité, Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, japon, russie, asie, affaires asiatiques, entretien, mitsuhiro kimura | | del.icio.us | | Digg | Facebook
La présence de la Chine en Afrique - les atouts géopolitiques de l'Éthiopie
La présence de la Chine en Afrique - les atouts géopolitiques de l'Éthiopie
Peter W. Logghe
Source : Nieuwsbrief Knooppunt Delta, n°192, septembre 2024
Un moment clé de cette histoire géopolitique est l'année 2023, lorsque la Chine et l'Éthiopie ont porté leur coopération au niveau d'un « partenariat stratégique de tous les temps ». Une formulation que la Chine n'avait jusqu'alors utilisée que pour sa politique étrangère à l'égard de ses alliés les plus proches, tels que le Sri Lanka, le Pakistan, le Belarus, l'Ouzbékistan et le Venezuela. Elle souligne l'importance de l'Éthiopie dans la politique africaine de la Chine. Il est clair que l'Éthiopie soutiendra la politique de la Chine lors des réunions des Nations unies et de l'Organisation de l'unité africaine. Le « partenariat stratégique de tous les temps » pour l'Éthiopie n'a été mentionné nulle part dans nos grands médias flamands, pour autant que je sois bien informé.
Je mentionne simplement en passant que l'Éthiopie est probablement le seul pays du continent africain à avoir réussi à échapper à la colonisation européenne, et ce grâce à ses progrès en matière de modernisation, à sa résistance militaire et aussi à sa diplomatie, qui tente d'équilibrer les différentes superpuissances.
L'Éthiopie est un pays important en Afrique : elle compte environ 127 millions d'habitants, ce qui en fait le pays le plus peuplé du continent noir après le Nigeria.
Importance géopolitique de l'Éthiopie
L'Éthiopie est un pays important en Afrique, comme nous l'avons écrit plus haut, mais pas seulement en raison de sa forte population. Contrairement au Nigeria et à l'Angola, par exemple, ce pays d'Afrique de l'Est dispose de peu de ressources telles que le pétrole ou le gaz pour expliquer l'importance de la présence chinoise. En revanche, l'Éthiopie dispose d'autres atouts tout aussi importants, qui sont d'ordre géopolitique s'entend.
La Corne de l'Afrique est une région clé pour la Chine, comme pour tous les pays dont le commerce emprunte la route maritime de la mer Rouge, du canal de Suez et du golfe d'Aden. En outre, la Corne de l'Afrique est importante pour la Chine dans le cadre de sa stratégie de la route de la soie maritime. L'Éthiopie est le pays le plus important de cette Corne de l'Afrique. Le port de Djibouti (à l'est de l'Éthiopie) est le plus important de la région, occupant une position stratégique dans le golfe de Tadjoura et le détroit de Bab el-Mandeb, à l'entrée du canal de Suez. C'est à Djibouti que la Chine a installé sa première base navale à l'étranger en 2017. Les Américains, les Français, les Japonais et les Italiens disposent également de bases navales, ce qui souligne l'importance géostratégique de Djibouti et de l'ensemble de la Corne de l'Afrique. Il est donc important de préserver l'accès des navires à la mer Rouge, surtout avec la menace des rebelles houthis du Yémen, ce pays arabe situé juste en face du détroit de Bab el-Mandeb.
L'Éthiopie est vitale pour la Chine, mais l'Éthiopie peut-elle se passer de la Chine ?
Depuis 2020, la Chine a adopté pour elle-même un modèle de développement à « double circulation » : une stratégie dans laquelle le marché intérieur est le principal moteur de la croissance économique, mais où le marché intérieur et le marché international se renforcent mutuellement. L'objectif intérieur était de devenir autosuffisant en matière de technologie et de matières premières. Sur le plan international, la Chine souhaitait conquérir les marchés des principaux pays émergents à forte croissance économique.
Il est clair que l'Afrique est un acteur clé de ce double flux économique : son marché est immense, les matières premières y sont abondantes et les opportunités d'investissement y sont nombreuses. L'Afrique possède 30% des ressources minérales, 8% des réserves de gaz et 12% des réserves de pétrole. 30% des matières premières rares telles que le lithium et le nickel se trouvent en Afrique. Il est clair que les États-Unis et l'Europe souhaitent également coopérer avec les pays africains.
La Chine joue ses atouts en Afrique de manière très ciblée : elle met l'accent sur les infrastructures, l'énergie, l'exploitation minière et les télécommunications lorsqu'elle investit en Afrique. La Chine est généreuse en matière de financement, ce qui confère aux entreprises (publiques) chinoises un avantage compétitif sur leurs concurrents étrangers.
Ce n'est pas seulement sur le plan économique et financier que l'Afrique est un acteur important pour la Chine. Il va de soi que l'influence politique en découle également. En 2015, par exemple, le Forum multilatéral sur la coopération sino-africaine (FOCAC) a été mis en place, structurant les relations commerciales, diplomatiques, sécuritaires et financières entre la Chine et les pays africains.
Quelques chiffres pour illustrer ce propos
La Chine est devenue le principal partenaire économique de nombreux pays africains au cours des 20 dernières années. En 2022, la Chine était le premier pays importateur de pétrole et de gaz de l'Angola. Peu après, c'est au tour de la République démocratique du Congo (pour l'argent et le cobalt) et de l'Afrique du Sud (or, diamants, platine). Les cinq premières destinations des IDE (investissements directs étrangers) de la Chine en Afrique en 2022 sont l'Afrique du Sud, le Niger, la République démocratique du Congo, l'Égypte et la Côte d'Ivoire.
Où se trouve donc l'Éthiopie ? Selon le Rapport sur l'investissement dans le monde 2023 de la CNUCED, l'Éthiopie est le troisième État qui a le plus bénéficié des investissements étrangers de la Chine. Pour les années 2022/2023, le chiffre serait de 3,4 milliards de dollars. La Turquie arrive en deuxième position en termes d'investissements en Éthiopie (avec 2,5 milliards de dollars), suivie par l'Inde.
L'influence chinoise se fait également sentir dans l'accumulation de la dette de l'Éthiopie: la Chine représente 50 % de la dette extérieure de l'Éthiopie. C'est un signe révélateur pour la Chine et l'Éthiopie: selon de nombreux observateurs, la Chine ne s'intéresse pas à des partenaires qui ne sont plus en mesure de rembourser leurs dettes. Certes, la Chine veut accroître son pouvoir économique et politique, mais cet objectif peut être mieux atteint avec des partenaires capables de faire face économiquement et financièrement.
Entre 2000 et 2022, la Chine a prêté un total de 170 milliards de dollars à 47 pays africains, entreprises publiques ou institutions multilatérales. L'Éthiopie arrive en deuxième position (après l'Angola avec 42 milliards de dollars) avec un total de 13,7 milliards de dollars.
En conclusion, les problèmes de l'Éthiopie sont-ils autant d'opportunités pour la Chine ?
On connaît le slogan des nationalistes irlandais : « Les difficultés de la Grande-Bretagne sont les opportunités de l'Irlande ». Ces dernières années ont été dramatiques pour l'Éthiopie, avec une guerre civile dans le Tigré au nord du pays. Bien que la guerre ait pris fin en 2022, elle a été suivie d'une sécheresse extrême dans la région et d'une famine. La croissance économique de l'Éthiopie, qui s'élevait jusqu'alors à 10% par an en moyenne, s'est arrêtée. Des problèmes financiers et économiques, mais aussi des opportunités pour la Chine.
Un deuxième élément jouant en faveur de la Chine a été l'inclusion de l'Éthiopie en tant que nouveau membre du club des BRICS, le groupe des puissances économiques émergentes. En 2023, le moment était venu pour l'Éthiopie de rejoindre l'Argentine, l'Iran, l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l'Égypte. Ce qui a encore accru l'influence de la Chine dans le club des BRICS.
Troisième point d'intérêt de ces décisions : malgré une croissance économique de 6,1% d'ici 2023, l'Éthiopie est devenue le troisième État africain, après la Zambie et le Ghana, à être officiellement qualifié d'« État en difficulté de paiement ». L'Éthiopie a réussi à se mettre d'accord sur de nouvelles règles de remboursement avec le Royaume-Uni, les États-Unis et la Chine, qui acceptent la suspension des remboursements dans un certain délai. Mais les experts estiment que l'Éthiopie pourrait devoir dévaluer sa monnaie.
C'est dans ce contexte qu'il convient de considérer le « partenariat stratégique de tous les temps » entre l'Éthiopie et la Chine. D'un point de vue géopolitique, la carte du monde a complètement changé en 20 ans, y compris en Afrique. Il est temps que nos décideurs politiques fassent preuve de réalisme et développent également des visions à long terme, avant que nous ne perdions tous nos points d'ancrage.
Peter W. Logghe
20:09 Publié dans Actualité, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, géopolitique, éthiopie, corne de l'afrique, afrique, affaires africaines, chine | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Pax Americana et « totalitarisme »
Pax Americana et « totalitarisme »
Carlos X. Blanco
L’ordre mondial établi en 1945, après la défaite du Troisième Reich, est sur le point de prendre fin. Ceci dit, en 2024, il va sans dire que la fin d'une ère géopolitique peut ressembler à l'agonie d'un individu humain: atteint d'une maladie incurable, il est comme un mauvais patient qui, loin de reconnaître l'imminence de sa mort, utilise ses dernières forces à rendre malheureux ceux qui vivent avec lui et répand ainsi le souffle de la mort dans tout son environnement. C’est ce qui arrive aujourd'hui à l’Occident malade.
L’empire yankee a réussi à mettre en œuvre son ordre mondial en 1945, sa pax Americana, mais il l’a fait de manière incomplète et avec un contrepoids important: le communisme. C’est l’Union soviétique qui a véritablement libéré l’Europe de la terreur nationale-socialiste et fasciste. C’est cet « empire communiste » qui a réussi à rassembler de nombreux pays en voie de décolonisation et d’émancipation, créant ainsi un Second Ordre Mondial qui contrecarrait les prétentions universelles des Yankees. Le régime communiste soviétique a démontré une capacité titanesque à se défendre contre une agression anglo-américaine plus que possible en 1945 ou peu après. Après avoir sacrifié des millions de vies de Russes, de Slaves d’autres pays et de personnes d’autres ethnies asiatiques liées à la Russie, l’URSS n’était pas du tout disposée à se laisser envahir et coloniser par les puissances anglo-américaines.
Au prix d'énormes sacrifices en vies et en libertés, les Soviétiques ont échappé à la Troisième Guerre Mondiale, une continuation immédiate de la Seconde Guerre mondiale, une guerre nucléaire qui était déjà représentée dans l'esprit des planificateurs occidentaux avant même qu'Hitler ne s'écarte du chemin et que les Allemands se soient rendus. Une fois le nazisme vaincu, il fallait vaincre le communisme, même au prix de la dévastation du « vieux continent ». La Russie, la Russie éternelle et sainte baptisée et amplifiée en URSS, nous en a libérés.
Mais à partir de cette histoire, il ne faut pas penser que les considérations idéologiques étaient la priorité. En science géopolitique, l’idéologie en tant que facteur capable de renforcer des alliances ou de dessiner des fronts de guerre n’est que cela, un facteur. Ce facteur est « activé » en composition avec d'autres, et à partir de la configuration historique, économique et politique particulière du moment, l'idéologie mobilise et est une force causale, d'une part, ou bien c'est une rhétorique qui peut être oubliée ou, plutôt, modulée, d'autre part.
Au tout début de la Seconde Guerre mondiale, et dans une partie de son développement, le rôle des grandes sociétés multinationales américaines soutenant les « totalitaires » Hitler et Staline était notoire. Au point qu’on ne pouvait parler d’une histoire du « totalitarisme » sans inscrire ce concept particulier dans le cours général de l’histoire du capitalisme. Le capitalisme, et en particulier le capitalisme impérialiste dans sa version anglo-saxonne, est la clé explicative qui rend compte – dans une part matériellement significative – de ces régimes qui, une fois le conflit éclaté, furent rapidement diabolisés après avoir été payés en dollars.
Les terribles démons qu'étaient les « bruns » et ,es « rouges », qui dévastaient l’Europe et écrasaient les libertés occidentales, selon les théories de ce Disneyland philosophique si actif depuis la Seconde Guerre mondiale, avaient aussi besoin du pétrole et des finances de ces mêmes Occidentaux qui, hier comme aujourd’hui, répètent l’histoire de l'apprenti sorcier. Hier, ils nourrissaient les bruns et les rouges, aujourd'hui ils nourrissent les djihadistes.
D’un autre côté, on sait que les deux représentants présumés du totalitarisme non occidental au 20ème siècle, Hitler et Staline, étaient également partenaires et alliés l’un avec l’autre quand cela leur convenait, et ils ont cessé de l’être lorsque les conditions d’avant la terrible épidémie de 1939 n'étaient plus satisfaisantes. On peut en dire autant des liens des deux "monstres" avec le capital yankee. L’idéologie n’est pas la seule chose qui compte.
La construction du terme « totalitarisme » fait partie de l’armement de l’Occident libéral, une arme de concepts et de termes aussi efficace que l’armée américaine ou l’OTAN elle-même. Hannah Arendt et d’autres intellectuels exilés dans les universités américaines, intellectuels russes et allemands, pour la plupart juifs, ont « vécu » de revenus engrangés avec le petit mot « totalitaire ». Créés sur la base de caractéristiques purement formelles et très abstraites (culte du leader, étatisme, militarisation de la société, parti unique...) les régimes national-socialiste, fasciste, bolchevique, etc. ont été mis dans le même sac, au-delà de différences pourtant abyssales. Mais ces mêmes traits génériques et formels servaient, en réalité, à orner le vrai sens du mot: totalitaire est, en réalité, pour les idéologues subventionnés par la Maison Blanche, le Pentagone et la CIA, synonyme de régime antilibéral. Tout le reste n’a pas d’importance: cela désigne un régime non libéral et non soumis à la domination yankee.
Cette synonymie est l’une des clés de la fondation et de la compréhension de l’Ordre mondial né en 1945 ainsi que de la reprise de la guerre froide (ou Troisième Guerre mondiale inachevée), la guerre qui a commencé en 1949, date de fondation de l’OTAN. En fin de compte, au-delà des traits purement formels qui recherchent la similitude entre un régime nazi et un régime bolchevique, au-delà des idéologies, ce qui a été précisément conçu par l'ensemble des penseurs comme Arendt , Popper ou les Francfortiens , c'est ceci: une image négative du régime capitaliste occidental, lui-même essentiellement totalitaire. Tout ordre mondial a besoin de cette image négative pour pouvoir désigner, identifier et fusionner les ennemis, et les nouveaux maîtres de l’Occident y sont parvenus avec une efficacité étonnante.
Une fois l’URSS tombée, et avec elle le « bloc rouge », le tout dans un processus très rapide entre 1989 et 1991, l’hégémon de la première théorie politique, selon les termes de Douguine, s’est retrouvé sans la seconde (socialisme et communisme). L’empire yankee utilise alors tout son arsenal philosophico-politique accumulé dans l’après-guerre et pendant la guerre froide: le fascisme (Troisième théorie politique) devrait être la seule alternative au monde « libre ». C’est aussi simple que cela: libéralisme ou barbarie, et la barbarie universelle est le fascisme. Tous ceux qui n’étaient pas partenaires et amis de l’empire yankee pourraient finir par recevoir l’étiquette infamante de « totalitaires ». C'étaient des sociétés fermées, où les règles du fair-play libéral ne s'appliquaient pas.
Nous le voyons maintenant: la démocratie russe, multipartite et avec des élections périodiques, est une « autocratie » et Poutine est présenté comme un nouveau tsar ou un nouveau « petit père » (comme Staline). La République populaire de Chine est également qualifiée de totalitaire et autocratique, un pays où le gouvernement est infiltré dans la société elle-même à tous les niveaux à travers un Parti communiste chinois et d'autres partis différents du PCC , tous fidèles à la nation, contrairement à celui de l'Espagne, et où aucun de ces partis n'a la motivation nécessaire pour gagner les élections et travailler pour les lobbies. Eh bien, c'est aussi du totalitarisme...
Certes, tout système politique qui a affronté la puissance nord-américaine, l'OTAN et les règles du jeu de l'Occident « démo-libéral » présentera des caractéristiques totalitaires sales et maléfiques telles que diagnostiquées par le quartier général des renseignements démo-libéraux, puisque cette catégorie, prétendument équidistante chez Arendt ou chez les Francfortiens, ainsi que dans le reste du renseignement OTANiste apparu après 1945, sert à tout.
Actuellement, l’Empire Yankee et ses instruments sont une puissance qui se retire de nombreux scénarios, désireux de rassembler des réserves pour le conflit avec la Chine dans le Pacifique. Cela a laissé en Europe des pions ridicules qui donnent des leçons sur le totalitarisme dans les mêmes termes en lesquels l’Occident a défini une telle construction politique. Chez Borrell, von der Leyen, Macron et co. On y retrouve tous les ingrédients: répression de la dissidence, censure d'internet, trucage des élections, création de corsets idéologiques (russophobie, otanisme, Agenda 2030, promotion des minorités « arc-en-ciel », etc.). Totalitarisme du même genre que celui de ses rivaux.
Mais face à ces pions ridicules, que Washington sacrifiera un jour, il y a tout un bloc en mouvement (potentiel, puisqu'il lui faut encore intégrer beaucoup plus) de pays très divers par leur tradition, leur climat spirituel, leurs systèmes idéologiques, qui ne soyez pas intimidé par le sambenito qui semble tant nous conditionner, nous les Occidentaux, et ce sont les BRICS.
Au niveau local, par exemple ici en Espagne, nombreux sont les penseurs qui se laissent encore conditionner par cette sorte de police de la pensée qui crie et insulte sur les réseaux sociaux: être pris pour un « fasciste » peut signifier pour certaines personnalités publiques une sorte de mort sociale, pour peu que la victime soit timide ou ait une mentalité provinciale, pour laquelle l'environnement local des lecteurs est une priorité. Cependant, quand on pense à une échelle globale et que le penseur voit le large horizon du monde, où un empire « totalitaire » comme celui des Yankees décline et où un monde potentiellement plus libre et plus diversifié progresse, le sambenito devient presque un indice d'honneur : les chiens aboient, la caravane passe.
19:29 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : actualité, totalitarisme, définition, pax americana | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Tucker Carlson et le syndrome Churchill
Tucker Carlson et le syndrome Churchill
Nicolas Bonnal
Tucker Carlson discutant avec Darryl Cooper a dit courageusement que les conséquences de la victoire anglo-saxonne en 1945 ont été mauvaises pour nous – et pour les peules anglo-saxons, grand-remplacés et soumis à la tyrannie mondialiste-néo-communiste-antiraciste-écologiste ; et en même temps il a découvert le syndrome Churchill (voir le texte de McDonald sur Unz.com): c’est la rage d’anéantir le monde « pour en faire un lieu sûr pour la démocratie ». On a vu les résultats de l’intervention de Wilson en 1917-18: destruction de l’Europe encore chrétienne, impériale ou traditionnelle, avènement non des cosaques et du Saint-Esprit mais des bolchéviques et du communisme, et surtout préparation de la guerre suivante comme le devina Bainville (qui avait aussi pressenti «l’incendie à venir lié au sionisme», voyez mes textes). Un auteur italien traduit par notre ami Robert Steuckers, parlant de la nuisance anglaise, a parlé de retour de Grand Jeu dans ces préparatifs de guerre terminale contre la Russie. Je dirais qu’on a plutôt affaire au syndrome Churchill.
Churchill est l’homme politique le plus nul possible (voir le livre de John Charmley) sur le plan pratique, et qui ne se sentait à l’aise que dans des guerres totales et d’extermination contre les Allemands, qui étaient la cible de l’époque. Or sur ordre des néo-cons, beaucoup plus inspirés par Churchill que par Strauss, les hommes politiques nuls ou même obscènes que nous avons en Occident veulent se lancer dans une guerre éternelle de type orwellien contre la Russie ; dans l’espoir que ces chefs de guerre insensés seront célébrés par des foules toujours plus abruties. Ils oublient que Churchill fut jeté dehors par ses électeurs british en 1945, preuve sans doute que la satisfaction n’était pas à la hauteur des aspirations du chéri des journalistes.On va citer le capitaine Grenfell, auteur de Haine inconditionnelle, ami du romancier à clefs John Buchan, sur les buts aberrants de Churchill, car ce pseudo-conservateur se mit à déifier le stalinisme pour écraser l’hitlérisme (qui lui avait proposé dix fois la paix).
Je cite la traduction de mes amis du Saker francophone :
« Mais, en supposant que la suppression par la force des tyrannies dans des pays étrangers constituât le devoir des Britanniques, pourquoi trouvait-on une autre tyrannie, partenaire des Britanniques dans ce processus? La tyrannie communiste, en Russie, était pire que la tyrannie nazie en Allemagne ; les conditions générales de vie du peuple russe étaient largement inférieures à celles des Allemands ; le travail de forçat en Russie était employé à grande échelle, en comparaison à la même pratique sur le sol allemand, la cruauté n’y avait rien à envier à celle du côté allemand, et de nombreux observateurs la décrivent même comme bien plus importante.
La technique répugnante des purges, des interrogatoires brutaux amenant à “confession”, et l’espionnage domestique généralisé était déjà à l’œuvre en Russie depuis des années avant qu’Hitler n’introduise ces mêmes méthodes en Allemagne, qu’il copia probablement de l’exemple russe. Mais M. Churchill encensait la Russie comme allié des plus bienvenus, quand elle se trouva embarquée dans la guerre. »
Plus loin Grenfell souligne le bilan effrayant et ruineux de cette guerre pour l’Angleterre :
« Il s’était montré prêt à tout sacrifier pour parvenir à cette victoire, et les sacrifices consentis par lui laissèrent ses co-vainqueurs britanniques à moitié ruinés, rationnés, emprisonnés financièrement dans le camp de concentration de leur île, assistant à la désintégration de leur Empire, leur propre pays occupé par des soldats américains, et leur économie nationale dépendant de la charité étasunienne. Tout cela pour quoi ? Pour que les Allemands se vissent désarmés de manière permanente? À peine trois ou quatre années passées, nous suppliions les Allemands de se réarmer aussi rapidement que possible. »
C’est l’ambiance de 1984. Avec une guerre interminable à venir.
Grenfell a tout résumé : on a détruit le pays et l’Europe pour rien, pour se retrouver avec une URSS plus forte que jamais. Puis avec une Europe « anglo-américaine » (ils ont bon dos les Anglo-Saxons parfois…) plus belliciste que jamais…
Ce n’est pas un hasard si Orwell a écrit son 1984 pendant cette triste époque. Voyez l’enfant aux cheveux verts de Losey ; on est passé de l’Angleterre edwardienne maîtresse du monde vers 1900 à un pays prolétarisé et clochardisé y compris sur le plan culturel et sociétal. Et c’est Churchill et sa rage guerrière qui ont précipité tout cela. Mais puisqu’on vous dit qu’il a sauvé le monde et la paix…
Les nazis volaient des territoires ? Grenfell, qui n’est pas russophile pour un sou, remarque justement (et cela explique la claque de Kaliningrad…) :
« Pourtant, à Yalta, il accepta que des centaines de milliers de kilomètres carrés de territoire polonais (sans parler des territoires lettons, lituaniens ou estoniens) fussent accordés, sans l’aval des habitants, aux gâteurs d’âme, en désaccord flagrant de la Charte Atlantique que lui-même et le président des USA avaient claironné au monde au cours de la même guerre, et en déni flagrant de la déclaration de guerre britannique contre l’Allemagne de 1939, qui précisément garantissait l’inviolabilité du territoire polonais. En outre, les compensations accordées aux Polonais sous forme de territoire d’Allemagne orientale, et l’allocation de la moitié du reste de l’Allemagne à une occupation russe, eurent pour effet de supprimer la zone tampon historique entre Moscou et les pays bordant l’Atlantique. »
Et Grenfell d’ajouter justement :
« Aucune raison réaliste n’existait de considérer l’alliance de la Russie comme loyale et digne de confiance. »
Sur Roosevelt, Grenfell rejoint les libertariens américains :
« On peut également admettre que le président Roosevelt, à cette époque, était dans un état d’hallucination fascinée quant à la pureté virginale des motivations du maréchal Staline… »
Revenons à la situation présente : nos élites s’inspirent et se réclament d’un homme politique opportuniste, belliqueux et corrompu, aussi incapable en temps de guerre qu’en temps de paix, et qui fut prêt à tout pour gagner une guerre déshonorante (un million de civils allemands carbonisés sous les bombes, quatorze millions de déplacés, etc.) et déplorable sur le plan des résultats (shoah, massacres, ruine, etc.).
Comprenez donc qu’ils vous affameront, vous priveront d’eau, d’électricité, de bagnole, de liberté (mais pas d’infos ou de vaccin…), mais qu’ils continueront dans leur aberration guerrière jusqu’au bout. Tout sera bon pour exterminer la Russie (ennemi de certains sur le long terme, revoir notre texte sur Emmanuel Todd et sur Nietzsche) qui a fièrement retrouvé sa place, une fois l’Allemagne écrasée.
Sources :
https://www.dedefensa.org/article/emmanuel-todd-et-le-con...
https://www.unz.com/article/the-carlson-cooper-podcast-a-...
http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2024/09/16/l...
https://www.revuemethode.org/sf021722.html
https://www.amazon.fr/HITLER-VERSAILLES-PETITS-ESSAIS-HIS...
19:03 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tucker carlson, winston churchill, deuxième guerre mondiale, seconde guerre mondiale, royaume-uni, histoire | | del.icio.us | | Digg | Facebook
jeudi, 19 septembre 2024
Andrei Fursov : De l'état de décadence redouté par Staline à une nouvelle société
Andrei Fursov: De l'état de décadence redouté par Staline à une nouvelle société
Markku Siira
Source: https://markkusiira.com/2024/09/18/andrei-fursov-stalinin-pelkaamasta-rappiotilasta-uuteen-yhteiskuntaan/
« L'histoire est un choc de volontés et une compétition entre alternatives : dès que l'une d'entre elles l'emporte, les autres alternatives cèdent tout simplement. Mais tant qu'il n'y a pas de vainqueur et que la lutte continue, l'histoire est de nature probabiliste », explique l'historien russe Andrei Fursov.
Les dirigeants soviétiques ont abandonné leur propre version de l'avenir au milieu des années 1960 et se sont progressivement intégrés au système capitaliste, estimant que, parce qu'ils disposaient d'armes nucléaires et de pétrole, ils pouvaient s'asseoir à la même table que l'élite mondiale. Les puissances occidentales ont joué le jeu pendant un certain temps, mais elles ont été plus malignes que les Russes.
« Bien que les États-Unis aient traversé une grave crise à la fin des années 1960 et au début des années 1970, les dirigeants soviétiques n'ont pas saisi l'occasion, mais ont au contraire cru à la soi-disant « détente » proposée par l'Occident », explique M. Fursov.
Fursov rappelle que les dirigeants soviétiques [de l'époque de Khrouchtchev] ont abandonné l'anticapitalisme systémique et rejoint le système capitaliste mondial, déclenchant ainsi la dégénérescence politique que Joseph Staline avait redoutée et qui a finalement conduit à l'éclatement de l'Union soviétique.
Avec la chute de l'Union soviétique, le capitalisme a gagné du temps. Sous la seconde présidence de Bill Clinton, les États-Unis ont dégagé un excédent budgétaire pour la première fois en trente ans. « Cela s'est fait au prix du pillage du camp socialiste », affirme l'universitaire russe.
Cependant, en 2008, les phénomènes de crise se sont à nouveau manifestés - ils ont bien sûr été temporairement bloqués par l'argent, mais la crise elle-même n'a pas disparu, elle persiste toujours. Aujourd'hui, l'économie mondiale est au bord de la catastrophe.
« De plus, contrairement à la crise financière de 1929-1939 ou à la dépression de 1873-1896, qui étaient des sortes de crises structurelles, le système financier est aujourd'hui confronté à une crise systémique finale. Le capitalisme a fait son travail et il faut quelque chose de nouveau », analyse M. Fursov.
Si le plan des dirigeants actuels se réalise, le vieux système délabré sera remplacé par une structure jeune et agressive. Le nouveau système post-capitaliste sera encore plus dur que l'ancien en ce qui concerne la vie quotidienne des citoyens.
Avec le déclin du féodalisme et l'émergence du capitalisme, l'apport calorique de la population s'est effondré. L'historien Fernand Braudel écrit que les Français et les Allemands du 16ème siècle se souvenaient avec étonnement de la quantité de viande que mangeaient leurs grands-parents. Ce n'est que vers le milieu du 19ème siècle que les niveaux de consommation en Europe se sont redressés. « L'époque des débuts du capitalisme était tout simplement un enfer social », affirme M. Fursov.
De même, l'Union soviétique des années 1920 et 1930 a été une période d'« anticapitalisme systémique ». Il s'agissait également d'un régime jeune et brutal, qui ne s'est transformé que plus tard en un « socialisme humain » plus doux. Bien que ce socialisme brejnévien n'ait pas été un si mauvais système, sa stagnation a « grignoté l'avenir ».
Le nouvel ordre social qui émerge aujourd'hui ne sera probablement pas très agréable. D'autre part, Fursov ne croit même pas qu'il y aura un « système global » totalement unifié dans le monde.
« Des régions entières seront tout simplement exclues du processus historique. Il ne restera que quelques douzaines, peut-être une centaine, d'enclaves où tout sera encore propre et brillant, mais où tout sera strictement contrôlé », dystopise-t-il.
Si le système de notation sociale est complété par l'intelligence artificielle, nous aurons une image de l'avenir. Fursov pense (et espère) que ce processus technologique ne se déroulera pas sans heurts en Russie : « quelque chose se cassera, quelqu'un volera quelque chose et tout tombera dans un désordre bureaucratique ». L'échec national peut au moins sauver les Russes d'un contrôle total, mais qu'en est-il ailleurs ?
Les processus de changement sont désormais très rapides. Au milieu des années 1990, M. Fursov a fait une prédiction sur le 21ème siècle, mais il estime aujourd'hui qu'il a commis une erreur de chronologie. Ce que le penseur russe imaginait n'arriver qu'après 2030 s'est déjà produit dans les années 2010, tandis que beaucoup de choses risquent de se produire dans les années 2020 que ni M. Fursov ni aucun autre futurologue n'aurait pu prévoir.
17:28 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, andreï fursov, union soviétique, urss, russie | | del.icio.us | | Digg | Facebook
L'éveil africain
L'éveil africain
Andrea Marcigliano
Source: https://electomagazine.it/risveglio-africano/
Le Burkina Faso nationalise deux mines d'or. Des mines jusqu'à présent contrôlées par une major britannique, considérée comme le premier producteur d'or au monde.
Les nouvelles sont rares. Et, de surcroît, elle n'est pas donnée par les grands médias. Elle circule sur le net. Et ce n'est pas grand-chose non plus. Après tout, qui s'en soucie ? Il y a plus important pour les conformistes d'Italie et d'Europe. Beaucoup plus important au niveau de l'actualité... la pression sur le gouvernement, pour le gaspillage du comportement (disons) de San Giuliano... Les hypothétiques politiques d'aide à la naissance... Pour ceux qui s'intéressent - mais ils sont certes très peu nombreux - à ce qu'on appelle les affaires étrangères, il y a la situation en Ukraine, il y a le comportement d'Israël au Moyen-Orient....
Et pourtant, les nouvelles du Burkina Faso sont importantes. Beaucoup plus qu'on ne le pense à première vue.
Parce qu'elle représente un signe clair et décisif de la volonté de l'Afrique de sortir d'une longue, trop longue, condition de minorité. De soumission à l'Occident.
Beaucoup, beaucoup trop d'années se sont écoulées depuis que Marco Cochi - un grand africaniste et surtout un ami inoubliable - a écrit son « Afrique. Le continent oublié ». Un ouvrage aujourd'hui presque introuvable, mais qui devrait être réédité et surtout relu. Avec beaucoup d'attention.
Car Cochi a pressenti et anticipé ce qui se passe aujourd'hui. La crise, irréversible, du pouvoir européen sur l'Afrique. Et surtout de ce vilain rêve qu'était la Françafrique. Mauvaise pour les Africains, bien sûr, qui ont été exploités et saignés à blanc sans état d'âme. Et, surtout, sans rien recevoir en retour.
Lorsque Cochi écrivait, il y a une trentaine d'années, il prédisait déjà le réveil de l'Afrique noire, à partir précisément du Burkina Faso où, malgré une répression impitoyable, la mémoire de Sankara restait vivante.
Et c'est précisément du Burkina que cette nouvelle nous parvient aujourd'hui. Le Burkina n'est plus un soulèvement isolé, comme à l'époque de Sankara, qui a payé de sa vie cet isolement politique.
Car, aujourd'hui, la situation de l'Afrique du Nord et de l'Afrique Centrale, ou de ce qu'il convient d'appeler l'Afrique Noire, a profondément changé.
Outre le Burkina, les Français et même les Britanniques sont chassés de la plupart des États de la région, Niger, Mali, Tchad... et cette révolte africaine s'étend.
Un réveil des élites locales, qui ont pris conscience d'elles-mêmes. Qui ne veulent plus vivre dans la corruption pour un salaire de misère, laissant leurs peuples à la famine et surtout à l'exploitation.
Des élites, il faut le dire, essentiellement militaires. Formées en Europe et aux États-Unis. Donc bien conscientes du rôle des grands « frères » de l'Occident. Et qui, aujourd'hui, veulent prendre en main le destin de cette partie de l'Afrique. La racheter de l'exploitation séculaire. La transformer en une nouvelle réalité, active tant sur le plan économique que géopolitique.
Le Burkina Faso qui revendique la propriété de ses mines d'or et chasse les Français qui les exploitaient n'en est qu'un signe.
Bientôt, tout le monde devra compter avec cette nouvelle Afrique.
Des comptes difficiles pour les Européens, qui peinent encore à prendre conscience de cette nouvelle réalité.
15:52 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, burkina faso, afrique, affaires africaines, or, mines d'or, sahel | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Limonov, un film plein de lacunes sur une figure artistique et politique complexe
Limonov, un film plein de lacunes sur une figure artistique et politique complexe
Luca Bagatin
Source: https://electomagazine.it/limonov-un-film-pieno-di-lacune-su-un-artista-politico-complesso/
Eddy, classe 1943, né en Union soviétique, jeune poète/écrivain agité, assoiffé d'amour, du côté de ceux qui n'ont rien à perdre, ce qu'il a toujours été.
C'était et c'est toujours Eduard Limonov. Depuis les années 1960.
Je ne saurais dire si le film de Kirill Serebrennikov « Limonov » ou « Limonov. La Ballade » du même Kirill Serebrennikov, qui vient de sortir dans les salles italiennes, l'a vraiment représenté.
Je ne saurais le dire, bien que j'aie vu le film hier.
Il en a probablement fait une représentation. Une parodie (Ben Whishaw, l'acteur qui l'interprète, semble presque se moquer de lui, dans ses mouvements et ses attitudes. Mais Ben Whishaw reste un très bon acteur, en général).
Une parodie fictive dont il ressort trois choses, à mon avis.
1) Que la bande-annonce du film est plus excitante et palpitante que le film lui-même.
2) Que le roman du même nom de Carrère (qui joue son propre rôle dans le film, ne serait-ce que quelques minutes), est meilleur et plus complet que le film lui-même. Un film dans lequel il manque des parties importantes de la vie de notre Seigneur, même pour une parodie fictive.
3) Que Carrère et Serebrennikov approfondissent le personnage de Limonov davantage du point de vue du courant dominant que de celui de Limonov ou de ceux qui l'ont réellement connu, ou s'ils le font, ils ne le font que partiellement.
Edouard Limonov était certainement une personnalité complexe, et ceux qui veulent l'approfondir ne peuvent certainement pas se contenter du livre de Carrère sur lequel est basé le film de Serebrennikov.
Le film de Serebrennikov, je dirais, n'est à son meilleur que dans la première partie, finissant cependant par s'attarder sur une histoire d'amour, celle avec Elena, qui n'était certainement pas aussi importante que celle avec Nataliya (Medvedeva), totalement effacée du film.
Tout comme les années 80 de Limonov sont totalement effacées du film, années au cours desquelles il a commencé à mûrir son aversion pour un Occident capitaliste libéral, opulent et hypocrite.
Ce sont les années où il a écrit, en fait, « Le grand hospice occidental » (que j'ai également chroniqué sur mon blog à ce lien : https://amoreeliberta.blogspot.com/2023/08/il-grande-ospizio-occidentale-di-eduard.html), dans lequel il analyse et démolit les faux mythes de l'Occident, en montrant - entre autres - comment les libertés et les richesses tant vantées ne sont l'apanage que de ceux qui peuvent se les offrir et comment les citoyens sont « choyés » par l'Hospice, au point qu'ils n'ont plus d'opinion propre.
Dans le film de Serebrennikov, tout cela n'existe pas.
Les années 80 défilent en revue de Notre Homme, ou plutôt de Ben Whishaw qui l'incarne, courant dans un immense décor de cinéma. Ainsi, les années de formation de Limonov sont écartées.
Elles le furent aussi grâce à sa troisième épouse, Nataliya Medvedeva (photo, ci-dessus), chanteuse de punk-rock, écrivain et poète, auteur, en 1993, d'un appel contre le coup d'État de Boris Eltsine, qui avait assiégé et bombardé le Parlement soviétique, en toute illégalité.
Nataliya, dans le film, n'est tout simplement pas là.
Tout comme on voit très peu le Limonov « politique ».
Dans le film, il est présenté comme un homme exalté qui dirigerait de fantomatiques « skinheads nationalistes » tout en muscles, alors qu'en fait, les jeunes du Parti national bolchevique (dont beaucoup étaient des filles minces et graciles, loin de tout muscle et souvent, en effet, très douces et charmantes, dans leur simplicité et leur gentillesse) étaient des jeunes gens qui n'avaient rien à voir avec le monde extérieur, souvent très doux et charmants dans leur simplicité), étaient des artistes, des musiciens, des écrivains, des freaks, des marginaux, bien sûr, parce qu'ils avaient été rendus pauvres et marginaux par l'effondrement de l'URSS à la demande d'une oligarchie dirigée par Eltsine et soutenue par un Occident hypocrite et colonialiste depuis le début.
Les jeunes nazis étaient, selon la défunte journaliste Anna Politkovskaïa, qui les a toujours défendus jusqu'à l'épée dans tous les procès (jugés uniquement parce qu'ils organisaient des manifestations pacifiques et non violentes contre le gouvernement capitaliste libéral, d'abord d'Eltsine puis de Poutine) : « des jeunes gens courageux et propres, les seuls ou presque qui permettaient d'envisager avec confiance l'avenir moral du pays ». Politkovskaïa a longuement parlé du parti de Limonov dans son « Journal russe », publié en Italie par Adelphi, rappelant qu'il s'agissait du parti de gauche le plus actif de la Russie post-soviétique.
Du film de Serebrennikov, j'ai essentiellement apprécié la première partie, plus érotique, et la musique aux accents underground, ainsi que les reconstitutions des vêtements utilisés par Limonov à l'époque et certaines scènes, qui évoquent des photographies réellement prises par Limonov et Elena Shchapova à l'époque.
Mais qui était Edouard Limonov ?
S'il était effectivement égocentrique, comme beaucoup pourraient facilement le croire suite à une lecture superficielle, il avait tous les droits de l'être.
Il a été un grand écrivain précisément parce qu'il était un observateur attentif qui expérimente tout sur lui-même.
Et il le fait parce qu'il déteste la banalité, la médiocrité, l'ennui, les clichés, les grands événements et les bons salons qui gangrènent la société, aussi bien la société soviétique de l'époque que la société capitaliste américaine.
Il déteste la vieillesse et le temps qui passe.
Il n'est pas pour les bien-pensants, Eddy.
Car il ne pense pas mal, bien au contraire. Mais il n'est pas hypocrite.
Eddy observe et vit l'amour et le sexe, même extrême, mais uniquement avec ceux qu'il aime profondément.
Eddy observe et vit la pauvreté et la dégradation des bidonvilles de New York.
Eddy observe et vit la guerre (en ex-Yougoslavie et en Transnistrie, un autre aspect omis dans le film).
Eddy observe et vit la politique.
Et son point de vue est celui d'un écrivain qui n'est pas étranger à tout cela. Il n'est pas un observateur passif, mais, comme D'Annunzio et Pasolini, Limonov incarne la figure d'un héros moderne.
Du côté des opprimés, des dépossédés, de ceux qui sont fatigués d'être colonisés, sanctionnés, exploités, considérés comme des animaux dans un zoo exotique à photographier.
Qui ne se considèrent pas comme des victimes, mais veulent être les protagonistes de leur propre destin, et Limonov veut les entraîner dans une marche révolutionnaire (surtout d'un point de vue intérieur) contre les riches, les bourgeois, les médiocres, les hypocrites.
En cela, Limonov est profondément prophétique, face à la décadence actuelle d'un Occident libéral capitaliste, riche, confus et ennuyé, et au développement d'un Sud mondial affamé de rédemption, jeune et en quête d'un avenir d'émancipation qu'il n'a jamais eu.
Limonov est de ceux qui disent à tout le monde d'aller se faire foutre. Bien sûr, il le fait. Et il le fait bien.
Limonov sait que l'argent tue l'amour, il en a fait l'expérience. C'est pourquoi il méprise les riches et la richesse.
Il a désespérément besoin d'amour et d'affection et, lorsqu'il n'en trouve pas, il devient un dur à cuire.
Pour Eddy, l'amour est le sens de la vie.
Il est fidèle à lui-même, Eddy. Il est fidèle à ses femmes, Eddy. Il est fidèle à ses camarades de parti, Eddy. Et il est fidèle à son éternelle adolescence, Eddy.
Et c'est sa fidélité qui le rend héroïque, mais en même temps souvent incompris par ceux qui n'ont pas la patience de regarder au-delà de ses épaisses lunettes de myope.
J'ai personnellement écrit un essai sur lui, « L'autre Russie d'Edouard Limonov » (https://ilmiolibro.kataweb.it/libro/saggistica/617218/laltra-russia-di-eduard-limonov-2/), qui contient également une interview que j'ai réalisée avec lui un an avant sa mort.
Et ce n'était pas une interview facile. Je suis sûr qu'il voulait aussi me dire d'aller me faire foutre. Et il aurait probablement réussi. En fait, il aurait certainement réussi. Parce que, comme il me l'a dit, les interviews sont une mauvaise forme de littérature.
Bye Eddy-baby, où que vous soyez, je vous aime comme j'ai aimé Andrea G. Pinketts et Peter Boom et comme j'aime tous ceux qui, comme nous, ont une conception de la vie et du monde qui est hérétique, héroïque, héroïque et pas du tout banale ou évidente.
Et j'emmerde ceux qui ne nous comprennent pas !
15:35 Publié dans Cinéma, Film, Littérature | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : russie, edouard limonov, lettres, lettres russes, littérature russe, littérature, national-bolchevisme, luca bagatin | | del.icio.us | | Digg | Facebook
L'occidentologie: un concept clé pour la décolonisation de la Russie
L'occidentologie: un concept clé pour la décolonisation de la Russie
Alexandre Douguine
Source: https://www.geopolitika.ru/es/article/occidentologia-un-concepto-clave-para-la-descolonizacion-de-rusia?utm_referrer=https%3a%2f%2fl.facebook.com%2f
Le célèbre philosophe russe et directeur de l'Institut Tsargrad, Alexandre Douguine, a publié un important article scientifique consacré à l'occidentologie, une discipline qui étudie la manière dont la science russe doit considérer les « avancées » de l'Occident afin de ne pas rester à la traîne. À première vue, il semblerait que le destin de la Russie se joue actuellement sur les champs de bataille où elle affronte l'Occident collectif, mais il s'agit en réalité d'un processus beaucoup plus profond. L'idéologie de la supériorité de l'Occident sur les nations orientales « arriérées » est profondément enracinée dans plusieurs pays du monde, et l'État russe ne fait malheureusement pas exception. Des changements majeurs sont nécessaires à cet égard, faute de quoi il pourrait être trop tard.
La Russie se réveille
L'article d'Alexandre Douguine intitulé « Occidentologie : vers une science russe souveraine » a été publié dans le troisième numéro de la revue scientifique du Bulletin de l'université d'État de l'éducation, dans la série « Histoire et sciences politiques ». Cette revue est incluse dans la liste de la Commission scientifique panrusse (VAK), l'organe suprême qui délivre les diplômes universitaires et réglemente également l'activité des conseils de thèse. En bref, le fait que cet article ait été publié dans la VAK signifie qu'il a été considéré comme innovant et scientifique.
Il est très difficile de surestimer l'importance de cet article d'Alexandre Douguine. Le sujet de l'occidentologie semble à première vue incompréhensible, mais dans les premiers paragraphes, le philosophe explique qu'il s'agit de la lutte de la Russie pour gagner sa propre souveraineté scientifique vu les conditions dans lesquelles la science occidentale a été activement imposée aux scientifiques russes comme étant l'ultime vérité et cela, pendant plusieurs siècles. L'auteur souligne que « l'occidentologie est un nouveau concept qui devrait être adopté maintenant que le conflit entre la Russie et les pays de l'OTAN s'est intensifié en raison des opérations militaires en Ukraine, surtout si nous prenons en compte le fait que ce conflit, qui a commencé comme un conflit purement politique, s'est progressivement et irréversiblement transformé en un conflit entre les deux civilisations ».
Cependant, il serait erroné de réduire l'ensemble du débat sur l'occidentologie à une lutte pour la création d'une science souveraine. Dans ce cas, il vaudrait mieux l'appeler « russologie » ou « eurasiologie ». Mais l'objet principal de ce champ d'étude est l'Occident. Pourquoi ? Parce qu'il est nécessaire de changer notre approche de la science occidentale en tant qu'avancée, en tant que « progrès ». Maintenant que l'Occident s'est désengagé, il est impératif d'accroître notre souveraineté dans tous les domaines, y compris la science. Le décret présidentiel n°809 sur la politique d'État visant la préservation et le renforcement des valeurs spirituelles et morales russes traditionnelles affirme sans ambiguïté la nécessité de défendre la vision du monde de la Russie, qui est à la base de ses valeurs traditionnelles.
C'est sur cette base que nous pouvons adopter une attitude totalement différente non seulement à l'égard de la science occidentale, mais de l'Occident en général : sa culture, ses valeurs, son rôle historique dans le monde, son peuple, ses opinions, son progrès, ses articles ménagers, ses manières, son attitude à l'égard des enfants, du mariage, des familles, des autres nations, des droits de ces autres nations, du concept de liberté, de la foi, du sens de l'existence et de bien d'autres points encore. Le philosophe affirme: « En d'autres termes, reconnaître la Russie comme un État civilisationnel et donner une importance politique à nos lumières historiques, ainsi qu'à la protection de nos valeurs traditionnelles, nous oblige à repenser l'attitude à l'égard de la civilisation et de la culture occidentales qui s'est établie au cours des dernières décennies et peut-être même des derniers siècles.
Il y avait une barrière, mais elle a été détruite
Selon Douguine, l'origine de l'occidentologie remonte à la confrontation entre les occidentalistes et les slavophiles dans la Russie du 19ème siècle, dont nous avons tous entendu parler à l'école, et, aussi étrange que cela puisse paraître, le conflit entre ces deux camps, qui semblait être une relique du passé, n'est pas moins pertinent dans la Russie d'aujourd'hui qu'il ne l'était alors.
Après tout, ce sont les slavophiles qui ont dit ce que nous sommes obligés de répéter aujourd'hui (et si quelqu'un pense que nous ne sommes pas obligés, après le désir ouvertement exprimé par l'Occident de détruire la Russie, de dire le contraire n'a tout simplement pas de sens): la Russie est une civilisation slave orientale et byzantine-orthodoxe distincte de l'Occident.
Les Occidentaux, divisés entre libéraux et sociaux-démocrates, ont soutenu que la Russie faisait partie de la civilisation de l'Europe occidentale et que la tâche de notre pays était de suivre toutes les avancées et innovations de l'Occident. Douguine écrit dans l'article que « cette approche excluait l'identité de la Russie et la considérait donc comme une société arriérée et périphérique, soumise à la modernisation et à l'occidentalisation. Les occidentalistes considéraient les valeurs traditionnelles et l'identité originale de la Russie comme un obstacle à l'occidentalisation du pays.
Cependant, les choses se sont compliquées à partir de ce moment-là. L'Empire russe a été remplacé par l'Union soviétique et les Occidentaux en ont été exclus: à cette époque, il est devenu non seulement démodé, mais aussi dangereux de suivre les idées de l'Occident, qu'il faut « rattraper et dépasser ».
Douguine souligne que l'URSS a fini par développer un système scientifique qui critiquait la société bourgeoise, ce qui a permis à nos scientifiques de maintenir une distance nécessaire avec l'idéologie libérale de l'Occident, qui est devenue dominante aux États-Unis et en Europe après la défaite de l'Allemagne nazie. Toutefois, cette distance a commencé à se réduire au fil des ans. Selon Douguine, « cette distance a été complètement abolie à la suite de l'effondrement de l'URSS et du rejet de l'idéologie soviétique. Cette fois, c'est la version libérale de l'occidentalisme qui a remporté la victoire dans les sciences sociales, et c'est précisément cette idéologie libérale qui continue de dominer dans la Fédération de Russie jusqu'à aujourd'hui ».
Douguine souligne que la responsabilité en incombe à la politique officielle de l'État qui avait explicitement accepté le postulat selon lequel la Russie faisait partie du monde occidental. En conséquence, la science nationale a commencé à copier les idées occidentales dans des domaines tels que les sciences humaines, la philosophie, l'histoire, la sociologie et la psychologie.
Dans une conversation avec Tsargrad, Alexandre Douguine a commenté les conséquences de ce qui s'est passé après l'effondrement de l'URSS comme suit : « L'occidentologie n'est pas une discipline, mais une approche particulière de la philosophie et de la science, principalement dans le domaine des sciences humaines et sociales. Nous entendons par « science » avant tout la science occidentale, qui n'est rien d'autre que le reflet des valeurs, des critères, des priorités et des normes de la civilisation occidentale. La science occidentale se veut universelle, ce qui cache un racisme et un colonialisme implicites ».
L'occidentologie est un ensemble d'outils qui devraient aider la Russie à atteindre la souveraineté, un processus qui est déjà en cours, mais qui est au point mort. Lors d'une conversation avec Tsargrad, Douguine a déclaré : « L'occidentologie est une approche fondamentale à grande échelle pour libérer notre société de l'illusion de l'universalité de l'Occident et de sa vision du monde. Au 19ème siècle, cette question a été soulevée par les slavophiles russes, qui ont entamé le difficile processus de restauration de la conscience sociale russe. Au 20ème siècle, ce travail a été poursuivi par les Eurasiens et les adeptes de la vision monarchique orthodoxe du monde. Même les bolcheviks, conscients de la différence entre notre société et la société occidentale, ont tenté d'exprimer leurs idées en critiquant les sciences bourgeoises ».
Le « satanisme » occidental colonise le monde
Mais pour comprendre ce à quoi il faut absolument renoncer, il faut connaître les idées de l'ennemi, comme le dit l'adage. En effet, tout le monde ne considère pas aujourd'hui les attitudes occidentales en matière de sciences humaines comme néfastes. Il existe encore l'idée que nous sommes supposés être capables d'assimiler organiquement ce qui nous est étranger, bien qu'un tel processus soit impossible sans les outils nécessaires à cette tâche.
Dans son article, Douguine cite le discours prononcé par Vladimir Poutine le 30 septembre 2022, lorsque le président s'est adressé au peuple russe avant de signer les traités d'acceptation des régions RND (Donbass), RNL (Lougansk), Zaporojie et Kherson au sein de la Fédération de Russie: "La dictature des élites occidentales est dirigée contre toutes les sociétés, y compris les peuples des pays occidentaux eux-mêmes. Elles promeuvent avec défi la négation complète de l'homme, la subversion de la foi et des valeurs traditionnelles, ainsi que la suppression de la liberté, ont acquis les caractéristiques d'une religion, d'un satanisme ouvert <...>. Pour eux, notre pensée et notre philosophie sont une menace directe, c'est pourquoi ils attaquent nos philosophes. Notre culture et notre art sont un danger pour eux, c'est pourquoi ils essaient de les interdire. Notre développement et notre prospérité sont également une menace pour eux: la concurrence s'intensifie. Ils n'ont pas besoin de la Russie, mais nous si. Je voudrais leur rappeler que les prétentions à la domination du monde dans le passé ont été écrasées plus d'une fois par le courage et la fermeté de notre peuple. La Russie sera toujours la Russie".
Alexandre Douguine aborde ensuite les origines du « satanisme » occidental tel que défini par Poutine, qu'il considère comme le fondement de cette supériorité revendiquée par l'Occident. Bien sûr, ces origines se trouvent partiellement à Washington, où les Américains ont proclamé leur indépendance et ont commencé à se considérer comme le nombril du monde tout en exterminant les populations indigènes d'Amérique du Nord.
Ces origines sont bien plus profondes et se trouvent dans les débuts de la culture gréco-romaine, qui fut un temps renversée par le catholicisme. Plus tard, la Renaissance, la Réforme et les Temps Nouveaux ont contribué de manière significative au rejet des fondements moraux et éthiques du christianisme médiéval traditionnel.
La modernité, qui succède à la Renaissance médiévale, prône la supériorité de la machine; c'est à cette époque qu'apparaissent les premières usines et que l'on commence à dire que l'homme lui-même n'est rien d'autre qu'un ensemble de rouages qui interagissent entre eux. L'étude de l'homme est devenue plus importante que l'étude de Dieu et du monde, et l'on a fini par conclure que l'homme était le centre de l'univers (les scientifiques appellent également ce terme « anthropocentrisme »).
Ce sont ces idées qui ont ensuite donné naissance au postmodernisme. Par exemple, le mépris du sexe de naissance et l'affirmation que l'homme devrait avoir le droit de le choisir pour lui-même découlent de ces idées. L'homme doit avoir le droit de pécher, sinon ses droits civiques sont violés, de sorte que la loi est presque plus importante que le droit et que la démocratie n'est plus considérée comme une ancienne utopie, mais comme un moyen pour l'homme d'être en guerre contre tout ce qui existait avant lui. Enfin, tout ce processus s'achève avec le transhumanisme, qui affirme que l'homme devrait avoir le droit à l'immortalité. Cela élimine toute discussion sur la famille, le divorce, l'avortement, les valeurs traditionnelles.....
Tout ce qui précède montre que le système de pensée occidental n'est pas seulement étranger à la Russie, mais qu'il nous est apparu comme un moyen de nous manipuler et de nous dominer. Or Douguine, répondant à l'une de nos questions sur la pertinence de l'entologie occidentale, estime que ce processus « s'est accompagné de subventions, d'invitations à des conférences en Occident, d'une scientométrie idéologiquement motivée, d'indices scientifiques et de systèmes d'évaluation. C'est ainsi que nous nous sommes rapidement retrouvés sous occupation. Conscientes de la situation critique, aggravée par la dure confrontation civilisationnelle et militaire avec l'Occident, les autorités russes ont ressenti le besoin de souverainiser le savoir scientifique ».
Qu'en est-il aujourd'hui ?
Il est évident que la Russie se trouve à nouveau à un point de rupture avec ses attitudes politiques et idéologiques antérieures. Après avoir vécu sous le « talon de l'Occident » dans tous les domaines depuis les années 90 du siècle dernier (il convient également de rappeler les prêts accordés par le FMI, dont Vladimir Poutine a fini par se débarrasser), le pays se détache aujourd'hui du marécage libéral de l'Occident et sauve ce qu'il devrait chérir: les valeurs d'un État traditionnel, la foi en Dieu, la foi en l'armée et en nos héros, en notre production, en nos « cerveaux » qui, comme on le savait déjà pendant ces années horribles, sont toujours les meilleurs du monde.
Cependant, la faction des libéraux occidentaux est encore très forte. Leurs représentants dirigent toujours les principales universités du pays, les structures politiques et même l'Institut de philosophie de l'Académie des sciences de Russie, la grande majorité des employés ne pouvant décider le matin s'ils doivent porter des vêtements arborant les symboles du drapeau américain ou ukrainien.
C'est pourquoi la science nationale doit être fondée non seulement sur des slogans concernant l'identité de la Russie, mais aussi sur un ensemble d'outils permettant de contrer les tentatives agressives de transformer la Russie en une colonie idéologique par le biais des sciences humaines, de la sociologie et de l'économie occidentale. L'occidentologie fournit les outils nécessaires à cette fin. Alexandre Douguine, commentant son article, a déclaré que « la science occidentale est l'étude de la science occidentale en tant que phénomène régional local. Il existe des sciences dans d'autres civilisations, telles que les civilisations musulmane, indienne, chinoise, russe, etc. L'objectif de la science occidentale est de décoloniser notre conscience, elle est donc très utile et nécessaire pour nous ». Lorsque nous avons demandé à Douguine ce que l'occidentologie nous apporterait si nous rejetions les postulats et les dogmes occidentaux, il a répondu succinctement : « Elle nous apportera la victoire ».
14:56 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : alexandre douguine, occidentologie, occidentalisme, occidentisme, actualité, russie | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mercredi, 18 septembre 2024
Pragmatisme, réalisme, volonté de puissance: les fondamentaux de l'archéofuturisme selon Guillaume Faye
Pragmatisme, réalisme, volonté de puissance: les fondamentaux de l'archéofuturisme selon Guillaume Faye
Claudio Capo
Source: https://www.facebook.com/claudio.capo.1800
Il ne faut jamais juger un livre à sa couverture, mais l'image d'une technologie indéfinie se découpant sur la toile de fond de l'Erechthéion à l'aube possède en elle-même un pouvoir évocateur extraordinaire. Se plaçant dans le sillage de la philosophie du dépassement et de la « fidélité à la terre » de Nietzsche, Guillaume Faye déclenche une violente tempête idéologique contre la morale égalitaire et humaniste. L'archéofuturisme est le coup de tonnerre qui fend le ciel de la modernité. Synthétisant pragmatisme, réalisme et volonté de puissance, le penseur français aboutit à une formulation politico-idéologique mobilisatrice.
Pour Faye, la civilisation actuelle ne peut pas durer. Ses fondements sont en décalage avec la réalité. L'idéologie hégémonique, épuisée et sclérosée, n'a plus rien à dire et s'achemine vers une « convergence de catastrophes » destinée à décréter son échec. La modernité, blessée et moribonde, se dissimule pour tenter d'effectuer un « dernier tour de manège », tandis que tout rapport concret au monde est vidé de son sens et remplacé par un simulacre - référence très appropriée à Baudrillard. Pour sortir de ce cercle vicieux, Faye affirme la nécessité d'extraire continuellement le pouvoir du monde, en l'orientant vers la réalisation d'une pensée radicale et révolutionnaire capable de subvertir toutes les valeurs établies.
L'archéofuturisme est la déclinaison politique du « constructivisme vitaliste », une tentative philosophique de concilier les avancées de la technoscience avec un retour à des visions du monde qui remontent à la nuit des temps. La synthèse entre l'archaïque et le futuriste est la voie principale de la renaissance de l'Europe : tandis que le premier lemme du syntagme se réfère au fondement biologique et anthropologique des peuples indo-européens, le second incarne leur idiome distinctif de la création, de l'invention permanente. Paraphrasant Heidegger, Faye veut traverser le sentier de la forêt et affronter de nouveaux dangers : la logique du recul, de l'arrêt ou de la continuation progressive du présent n'est pas envisagée.
Téchne et l'Europe sont intrinsèquement inséparables, mais leur union est en soi insuffisante. La technologie, isolée, n'est pas décisive : ce n'est que si elle est guidée par un axe directionnel enraciné dans les valeurs de la tradition et dans l'élan archaïque des peuples qu'elle peut devenir le facteur décisif pour repenser la civilisation dans une perspective authentiquement européenne. Seule une mentalité authentiquement néo-archaïque, aristocratique et inégalitaire permettrait d'exploiter pleinement les potentialités aujourd'hui bridées - parmi beaucoup d'autres, Faye met l'accent sur un eugénisme positif visant à l'amélioration biologique et héréditaire de l'espèce.
La technique doit être greffée sur des bases immuables : ce n'est qu'ainsi que son enrichissement indéfini est souhaitable. Il ne faut pas renforcer l'archaïque, ni le conserver dans ses formes historiques, ni le déformer pour le fétichisme du progrès.
Il n'y a pas de différence qualitative entre une trirème grecque naviguant dans la mer Égée et les missions spatiales Apollo, pas de fossé ontologique entre un bâton pointu et un missile intercontinental. La différence réside dans le degré de puissance qu'ils sont capables d'exploiter et d'exprimer.
L'avenir de la technologie européenne sera d'autant plus brillant que le retour aux racines obscures de l'archaïque sera profond. C'est pourquoi Faye propose une double approche : d'une part, une épistémologie de la technique qui favorise la déflagration des cadres égalitaires ; d'autre part, la redécouverte des dieux qui habitent la terre et des hommes qui la fécondent. Apollon et Dionysos, ensemble, pour construire l'avenir d'une Europe déployée sur quatorze méridiens.
« Nous, descendants de peuples apparentés, avons la chance de partager un espace potentiel qui pourrait devenir pour nos enfants ce dont Charles Quint a rêvé, sans pouvoir le préserver : « L'Empire sur lequel le soleil ne se couche jamais ». Quand il est midi à Brest, il est deux heures du matin sur le détroit de Béring. C'est un idéal, peut-être l'un des rares qu'il nous reste en ces temps de pessimisme et de noirceur : construire notre Empire, c'est le rêve qui nous taraude ».
12:56 Publié dans Définitions, Nouvelle Droite | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : guillaume faye, archéofuturisme, nouvelle droite, définition | | del.icio.us | | Digg | Facebook
L'effondrement du monopole d'interprétation de la gauche
L'effondrement du monopole d'interprétation de la gauche
par Klaus Kunze
Source: http://klauskunze.com/blog/2024/09/14/der-zusammenbruch-des-linken-interpretationsmonopols/
La souveraineté interprétative s'effrite
Les châteaux de cartes s'effondrent lorsqu'on les empile trop haut. Cela vaut aussi pour les théories politiques. On peut éternellement ajouter une carte à l'autre jusqu'aux hauteurs aériennes du ciel des idées, mais cela se heurte à la réalité. La gravitation l'interdit. C'est ce qui arrive aujourd'hui sous nos yeux aux chimères de gauche et de droite: la réalité les brise impitoyablement, toutes.
Pauline Voss a écrit tout récemment sur NIUS :
La gauche avait enfin obtenu le pouvoir absolu d'interprétation et d'action. Maintenant, leurs idées s'effondrent les unes après les autres. Tout ce qui leur reste, c'est le déni de la réalité et la diffamation de tous ceux qui nomment cette réalité.
Pauline Voss, Wir haben das Falsche aus der Geschichte gelernt, (= Nous avons appris le faux de l'histoire), NIUS 13.9.2024.
Mais Mme Voss, qui a été de gauche, se trompe en affirmant que ses anciens camarades ont acquis, outre le pouvoir d'action du gouvernement fédéral, le « pouvoir d'interprétation absolu ». C'est le contraire qui est vrai.
Il n'y a pas de pouvoir d'interprétation absolu
« Interpréter » est une production de sens. Les augures de l'Antiquité interprétaient le vol des oiseaux en fonction des événements à venir, les commentateurs télévisés « interprètent » les résultats des élections, et les juristes ont la tâche ingrate d'interpréter le sens parfois bien caché de formulations juridiques obscures. La plupart du temps, ils parviennent à une conclusion qui favorise les intérêts qu'ils défendent.
"Celui à qui est confiée « l'interprétation des oracles de la justice » pourra, par expérience, « persuader cette déesse de ne rien répondre qui soit contraire à son propre avantage" [1].
Samuel von Pufendorf 1667 ; Klaus Kunze, Mut zur Freiheit, 1995.
Tant qu'il y aura des hommes, il y aura différentes visions du monde et ils attribueront un sens très différent aux faits réels.
Samuel von Pufendorf (1632-1694)
Les conflits d'intérêts privés sont réglés par un litige judiciaire, mais les conflits collectifs sont réglés par la lutte pour le pouvoir politique. Dans les deux cas, il se déroule au niveau linguistique, c'est-à-dire au niveau symbolique : le vainqueur impose son interprétation des formules vides qui sont contestées, il conquiert et stabilise ainsi son pouvoir.
Les formules vides sont des notions abstraites qui se sont imposées de manière générale, mais auxquelles chaque partie donne un sens différent, dans son propre intérêt.
Les formules vides sont toujours des formules de domination, des instruments de domination, et la « querelle des mots » est, comme l'a expliqué Hermann Lübbe, la véritable lutte démocratique pour obtenir le consentement du public.
Helmut Schelsky, Der selbständige und der betreute Mensch, Francfort/M., 1978, p.119.
Helmut Schelsky (1912-1984)
(Photo : Archives de l'Université de Bielefeld)
De tels instruments de domination sont, par exemple, l'interprétation obligatoire de termes tels que « certifié d'extrême droite », la justice sociale ou la démocratie. Chaque partie cherche à s'approprier la souveraineté d'interprétation de ces concepts abstraits et à s'assurer un monopole d'interprétation. Un consensus peut être possible sur une notion abstraite, mais la définition de son contenu est une question de pouvoir.
Le consensus s'appuie - nécessairement et le plus souvent - sur des formules vides, car elles laissent de côté les points litigieux. Ainsi, le consensus n'est rien d'autre que la mise entre parenthèses ou la suspension de la revendication d'un monopole d'interprétation[s]. De telles formules vides qui font consensus sont : Démocratie, règne du peuple, etc. La formule vide est si large que personne n'est obligé de poser la question du monopole d'interprétation - et sa largeur garantit que tout le monde peut la poser à un moment ou à un autre. En d'autres termes: le consensus n'est pas possible si tout le monde pose constamment la question de l'interprétation; et il n'est pas non plus possible si personne n'a le droit de la poser !
Panajotis Kondylis (1943-1998), Nachgelassene Notate (= notes posthumes), n° 1736[2].
Panajotis Kondylis (1943-1998)
Le pouvoir de domination est total dès que les dominés n'ont plus le droit ou la possibilité factuelle de poser la question de l'interprétation. Ensuite, 2+2 = 5, comme dans la dystopie « 1984 » de George Orwell, dès que le parti dominant l'ordonne. Un homme est alors une femme par la loi, non pas parce qu'il l'est réellement, mais parce qu'il veut l'être, comme dans le conte de Grimm d'« il y a longtemps, quand le désir aidait encore ».
La réalité ne peut pas être trompée
Comme Pauline Voss l'a écrit dans NIUS et comme le claironnent tous les oiseaux depuis des mois, le monde réel ne s'est pas incliné devant nos faiseurs de sens gouvernementaux et leurs chimères. Les prophètes ont toujours été gênés lorsque les catastrophes annoncées ne se produisaient pas, mais que d'autres, tout à fait inattendues, se produisaient. En l'an 1000, on a prêché la fin du monde et le jour du jugement dernier. « D'accord », ont ensuite admis les prédicateurs à voix basse, “alors nous avons juste fait une petite erreur de calcul”. C'est à leur école qu'est allé notre ministre de l'économie, un beau parleur : « Très bien, les entreprises ne sont pas en faillite, elles n'ont juste plus d'argent » [3].
Mais pour les croyants, la réalité n'a pas d'importance. Ils ont leur propre monde, très personnel, dans leur tête et pour eux seuls. Si un buisson d'épines brûle, ils en entendent la voix de leur dieu tribal, s'il pleut, ils achètent des bouées de sauvetage pour ne pas se noyer dans la mer qui s'est élevée à cause du changement climatique provoqué par l'homme, si le soleil brille, ils l'interprètent comme une indication du réchauffement global de la planète. Les gens sont très créatifs pour se perdre dans la matrice d'un monde illusoire entre le confessionnal, le jeu informatique et la folie, qui ne connaît plus d'issue.
Il est possible d'abstraire des concepts jusqu'à des hauteurs mentales telles qu'ils perdent leur ancrage réel. C'est alors l'heure de leurs interprètes et de leurs interprètes de sens.
(Photo : tribunal de première instance de Clausthal-Zellerfeld)
Ces gens ont peur d'ouvrir les yeux sur la réalité empirique et d'accepter ce qu'ils voient. Mais cela les rend faciles à diriger, à contrôler et à manipuler à volonté. Il suffit de leur faire peur devant un fantasme et de se proposer en même temps comme sauveur. Cette technique de domination cesse de fonctionner dès que les gens la comprennent et n'ont (plus) peur. C'est pourquoi le premier impératif de tous les techniciens de la domination est de conquérir leur souveraineté d'interprétation et d'installer un monopole d'interprétation.
Il existe de nombreux romans de science-fiction qui se déroulent dans de telles sociétés utopiques : 1984, Fahrenheit 451 et d'autres encore. Mais nous sommes encore loin d'en être là en Allemagne. Historiquement, aucun monopole d'interprétation sans faille n'a jamais pu être établi. En témoignent les « hérétiques » brûlés au début des temps modernes, les hommes de lettres sous le stalinisme et les résistants sous le national-socialisme en 1933-45 et sous le socialisme en 1948-89.
Aujourd'hui, il existe un réseau varié et dynamique de médias et de journalistes alternatifs qui nous prouvent chaque jour, au petit déjeuner, que les heures de gloire de l'extrême gauche sont révolues. A l'échelle internationale, des personnes fortunées comme Elon Musk ont compris les dangers que représentent les attaques de la gauche (Brésil, UE) pour leur propre liberté. Leurs médias forment un contre-public de plus en plus fort et sûr de lui. Et en Allemagne ? Soyons honnêtes : qui, à l'exception de quelques irréductibles, croit encore à la clique de gauche et à sa propagande d'État ?
Plus notre société est devenue hétérogène, plus il est illusoire d'imaginer un monopole d'interprétation qui transcende et homogénéise tous les acteurs.
Pas de monopole d'interprétation au niveau juridique
Au niveau juridique, il n'existe pas non plus de monopole d'interprétation complet. Le Bundestag, en tant que législateur, n'en a de toute façon pas le droit en ce qui concerne ses propres lois :
Il méconnaît ainsi le fait que le normalisateur n'a déjà pas le droit d'interpréter ses normes de manière autoritaire ou authentique. Le législateur n'a pas le monopole de l'interprétation.
Tribunal administratif de Stuttgart, décision du 4 mai 2021 - 16 K 2291/21 -, point 18, juris.
Le monopole d'interprétation de la Cour constitutionnelle fédérale n'est pas un monopole complet pour diriger la société, mais il est limité à certains égards.
"Avec les inévitables marges de manœuvre dans l'interprétation de la Constitution, la question de savoir qui est habilité à interpréter la Constitution acquiert une importance décisive. En effet, dans la mesure où la marge de manœuvre est importante, le résultat dépend non seulement de la méthode, mais aussi des choix de la personne qui interprète. Des interprètes différents peuvent parvenir à des résultats différents. La compétence d'interprétation ne doit pas non plus être monopolisée, mais peut être répartie entre différents organes. La question n'est alors pas seulement de savoir qui est habilité à interpréter la Constitution, mais aussi de savoir qui est habilité à le faire et dans quelle mesure".
Martin Borowski dans : Isensee/Kirchhof, Handbuch des Staatsrechts, 3e éd. 2014, § 274 Subjekte der Verfassungsinterpretation, point 9.
Borowski attire l'attention sur différentes théories juridiques:
"On peut comprendre la notion d'interprète constitutionnel de manière étroite ou large. A une extrémité du spectre, il s'agirait de donner à la Cour constitutionnelle un monopole d'interprétation. Selon une conception moins étroite de l'interprète de la Constitution, d'autres organes de l'État ou tous les organes de l'État sont également appelés à interpréter la Constitution, dans la mesure où les tâches qui leur sont attribuées l'impliquent. Enfin, selon la notion la plus large, tous les acteurs de l'ordre juridique, y compris les particuliers, sont des interprètes de la Constitution".
Borowski dans : Isensee/Kirchhof, Handbuch des Staatsrechts, 3e éd. 2014, § 274 Subjekte der Verfassungsinterpretation, Rd.10.
Martin Borowski (*1966)
On ne peut parler de monopole de la Cour constitutionnelle que dans des limites bien définies, à savoir l'interprétation juridique de normes concrètes et de leur portée.
"Georg Jellinek a déjà souligné que les parlements, les tribunaux et les autorités interprètent également la Constitution [4]. Et la signification des dispositions constitutionnelles n'est pas seulement importante dans les procédures devant la Cour constitutionnelle, mais aussi dans la vie constitutionnelle. Lorsque le président fédéral fait usage de sa compétence en matière de contrôle des lois à promulguer, la loi est jugée à l'aune de la Constitution. La Constitution, en tant que critère, doit être concrétisée par une interprétation [5]. En vertu de l'article 100, paragraphe 1 de la Loi fondamentale, les tribunaux spécialisés n'ont certes pas la compétence de rejeter les lois formelles post-constitutionnelles, mais ils sont habilités et tenus de vérifier leur constitutionnalité, ce qui implique également une interprétation de la Constitution".
Borowski dans : Isensee/Kirchhof, Handbuch des Staatsrechts, 3e éd. 2014, § 274 Subjekte der Verfassungsinterpretation, point 11.
Mais socialement, aucune personne privée n'est obligée d'y croire. Chacun est libre de critiquer comme ridicule une justification woke, égalitariste ou quasi-religieuse trop poussée d'une décision de la Cour constitutionnelle.
Les limites de la souveraineté interprétative
Il existe en effet une différence essentielle entre une application du droit qui respecte et applique la loi écrite et une imposition de l'État qui consiste à croire en des justifications métaphysiques ultimes d'une telle norme. Le fait que les législateurs de la Loi fondamentale aient déclaré la dignité (Würde) humaine inviolable par l'État était un acquis de la liberté. Mais au lieu de la déduire de la loi (fondamentale) à partir de normes « pré-étatiques », c'est-à-dire quasi-religieuses, et de déclarer cette interprétation juridiquement contraignante, cela a ouvert la voie à une prétention, à un monopole d'interprétation de l'État, qui est à son tour anticonstitutionnel.
La Loi fondamentale prépare déjà cette voie erronée avec sa « reconnaissance » de droits « pré-étatiques ». Les droits pré-étatiques peuvent être fondés sur un Dieu bienveillant et ses commandements ou ne pas l'être du tout. Il n'y a jamais de loi sans législateur.
Un État respectueux de la dignité humaine ne peut pas interpréter ses propres lois de manière à exiger du citoyen plus que l'obéissance aux lois. Il ne doit pas exiger du citoyen qu'il croie à des révélations métaphysiques quasi-religieuses. Or, l'essence de toute valeur prétendument objective consiste précisément à croire en elle comme en des révélations religieuses. C'est précisément cette croyance qui lui est demandée lorsqu'il comprend officiellement par dignité de l'homme une « égalité fondamentale des hommes » et qu'il doit en même temps y croire en attribuant à ce « fondamental » un contenu religieux, moral ou métaphysique.
Udo Di Fabio (*1954)
"La conception occidentale de la liberté et de l'égalité peut être une mise en place arbitraire, bien plus proche d'une révélation que de la stricte logique déductive" [6].
Cela a bien été mis en exergue par l'ancien juge constitutionnel fédéral Udo Di Fabio. Exiger du citoyen qu'il « croie » à une « égalité fondamentale entre les hommes » qui n'est pas inscrite dans la loi et qui n'a été distillée que par des formules de protection de la Constitution, porterait pour sa part gravement atteinte à la dignité du citoyen. Le contenu essentiel de sa dignité est en effet de croire ce qu'il veut.
Tout homme peut le faire à tout moment, et c'est ce qui doit faire échouer toute tentative d'établir un monopole d'interprétation qui irait au-delà de l'obéissance à la loi écrite, à la loi positivée.
Notes:
[1] Samuel von Pufendorf, De statu Imperii Germanici, 1667, Die Verfassung des Deutschen Reiches, éd. Horst Denzer, Frankfurt/M.1994, p.165.
[2] Panajotis Kondylis, Das Politische und der Mensch, Grundzüge der Sozialontologie, Nachgelassene Notate zu den konzipierten Bänden, Gesellschaft als politisches Kollektiv (Band II), Identität, Macht, Kultur (Band III), Aus dem Griechischen übersetzt und mit Einleitung und Registern versehen (= Le politique et l'homme, Fondements de l'ontologie sociale, Notes posthumes sur les volumes conçus, Société en tant que collectif politique (volume II), Identité, pouvoir, culture (volume III), traduit du grec et accompagné d'une introduction et d'index), par Fotis Dimitriou, 2021.
[3] Selon certaines informations, il aurait dit "en substance".
[4] Georg Jellinek, Verfassungsänderung und Verfassungswandlung, 1906, p.9 et suivantes.
[5] Le critère exact de contrôle - (1) contrôle purement formel, (2) contrôle formel et matériel limité ou (3) contrôle formel et matériel complet - est controversé. Dans tous les cas, cependant, le critère doit être concrétisé par le président fédéral en interprétant la Constitution.
[6] Udo Di Fabio, Die Kultur der Freiheit (= La culture de la liberté), 2005, p. 114.
12:40 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Droit / Constitutions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : allemagne, europe, affaires européennes, droit, constitution, constitution allemande | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Kamala Harris, la candidate des guerres sans fin
Kamala Harris, la candidate des guerres sans fin
Source: https://www.sinistrainrete.info/articoli-brevi/28848-kamala-harris-la-candidata-delle-guerre-infinitepiccole-note.html
La déclaration de l'ancienne vice-présidente de George W. Bush a le mérite de dissiper les malentendus.
Le parti des « guerres sans fin » se range derrière Kamala Harris
Le soutien de Dick Cheney à Kamala Harris a une forte valeur symbolique. Les néoconservateurs reconnaissent en effet dans la candidate démocrate la présidente qui perpétuera les guerres sans fin en préservant le rêve, cauchemardesque pour le reste du monde, d'un retour à l'unipolarité américaine, qu'une politique étrangère franchement destructrice est censée réaliser.
Cheney et le parti des guerres sans fin votent Kamala
Pas de coup d'éclat pour le vice-président de George W. Bush, puisque le sentiment des néo-conservateurs pour Kamala était déjà inscrit dans les faits et que nous avions naguère écrit à ce sujet lorsque des centaines de collaborateurs de Bush, McCain et Romney avaient exprimé leur préférence pour l'ancienne magistrate, récemment prêtée à la politique.
D'autre part, la façon dont Kamala a été nommée à la Maison Blanche participe également du sens de la démocratie que cultivent les néo-con, une démocratie que leur programme appelle à exporter à coup de bombes.
Cheney a joué un rôle clé dans le coup d'État qui a permis aux néocons de s'emparer du pouvoir impérial après le 11 septembre, réduisant Bush à un rôle fantomatique. Une dynamique qui s'est répétée avec l'éviction de Biden de la course à la présidence - lui aussi réduit à un fantôme - et la promotion d'une représentante de la caste des brahmanes, la caste la plus élevée et la plus sacrée de l'hindouisme.
Les néocons reviennent ainsi à leur terreau originel, car leur mouvement est né à gauche - dans les cénacles de la gauche progressiste américaine, bien éloignée de la gauche européenne - puis s'est fondu dans le parti républicain, dans lequel ils ont introduit l'idée de révolution, dénaturant ce qui fut un parti conservateur, et donc opposé à cette option.
Vingt ans (et plus) de tragédies
Appliquée à la politique étrangère, l'idée révolutionnaire (en politique étrangère) a conduit aux désastres que l'on peut constater, le monde étant contraint de s'enfermer dans les horizons étroits qu'imposent les écrans de fumée des néocons à coups de bombes, mais avec des résultats différents de ceux qu'ils espéraient.
L'idée révolutionnaire des néocons débouche sur un idéalisme qui ne tient pas compte de la réalité, celle-ci devant être sans cesse modelée et dépassée pour créer le nouvel ordre, selon la phrase didactique attribuée au principal conseiller de George W. Bush, Karl Rove : « Nous sommes maintenant un empire et lorsque nous agissons, nous créons notre propre réalité ». Rien à voir avec le réalisme et le pragmatisme du Grand Old Party, incarné de manière exemplaire par Henry Kissinger.
Non pas que les Républicains aient été une aimable compagnie de bienfaiteurs de l'humanité avant de se soumettre à l'hégémonie idéologique néoconservatrice: il suffit de regarder l'itinéraire plutôt sanglante de Kissinger. La différence est que le réalisme politique de ce dernier reconnaissait des limites aux actions de la superpuissance, à tous les niveaux, et connaissait l'art du compromis. Les néoconservateurs ne reconnaissent aucune limite à la politique étrangère américaine et abhorrent l'idée même de compromis.
Pour prendre un exemple simple, l'idée d'un conflit mondial, qui fait partie des options des néocons, n'était même pas présente chez Ronald Reagan. Elle n'était tout simplement pas envisageable (même si le danger existait déjà à l'époque de la guerre froide).
Nous avons déjà souligné que l'idéalisme révolutionnaire des néocons est parfaitement superposable à l'interventionnisme libéral d'origine wilsonienne qui innerve le parti démocrate et à propos duquel le président John Quincy Adams (portrait, ci-dessus) s'était alarmé du fait qu'une politique fondée sur la « recherche de monstres à détruire » était tragiquement erronée. Inutile, donc, de se répéter sur ce point.
Ainsi, si la perspective de la politique étrangère d'une présidence Harris est de perpétuer - et d'accroître compte tenu de son évanescence - les guerres sans fin qui accompagnent les révolutions colorées, on peut se demander ce que pourrait être celle de Trump.
Inutile de rappeler qu'America First réactualise l'isolationnisme américain, mais ce qui est plus intéressant, c'est qu'un tel isolationnisme contraste fortement avec la perspective de mener des guerres sans fin. De plus, l'horizon vers lequel cet isolationnisme se dirige est celui d'un accord global entre les puissances. Trump l'a dit implicitement le 20 juillet : « Poutine et Xi sont intelligents [...] ils aiment leur pays ».
Synthétiquement, cette déclaration reprend l'idée de base qu'il a détricotée durant sa présidence, celle de trouver un accord avec la Russie et la Chine pour rétablir un équilibre dans le monde devenu fou produit par l'hégémonie néocon-libérale.
C'est-à-dire créer un nouveau Yalta, en traçant des lignes rouges à la manière de celles qui avaient empêché la guerre froide de dégénérer en guerre thermonucléaire. Malgré ses airs grandiloquents, Trump s'est efforcé de réaliser ce dessein équilibré au cours de ses quatre années à la Maison Blanche, mais à chaque fois qu'il a fait un pas de détente vers l'une des deux superpuissances, il a été stoppé par quelque mésaventure déclenchée par ses ennemis intérieurs.
Pour montrer clairement que c'est précisément la perspective vers laquelle Trump s'oriente, il y a eu, à l'opposé, l'habituelle et loquace Victoria Nuland, l'ancien pilier du département d'État, qui, dans un entretien avec le journaliste russe Mikhail Zygar début septembre, a déclaré : « En aucun cas les États-Unis ne signeront un nouvel accord de “Yalta” avec la Russie et la Chine, un accord sur un nouvel ordre mondial » (c'est ainsi que le résume le journal Strana).
Une telle perspective entre apparemment en conflit avec la vision de la Chine et de la Russie qui œuvrent pour accroître et consolider le multipolarisme, mais il n'en reste pas moins qu'une Amérique isolationniste s'inscrit bien dans un tel cadre et que les lignes rouges mentionnées ci-dessus doivent être établies dans le cadre d'un compromis similaire à celui qui a créé le monde de Yalta. Mais la tâche que s'est fixée Trump reste redoutable, à supposer qu'il parvienne à se présenter aux élections et à les gagner.
Dans cette perspective, un corollaire: les dirigeants de l'UE, à l'époque de la querelle Trump-Clinton et pendant sa présidence, se sont opposés à l'idée d'un nouveau Yalta à tous égards. Hormis ceux qui s'y opposaient par foi néocon ou libérale, nombre d'entre eux la rejetaient sincèrement parce qu'elle semblait faire de l'ombre au Vieux Continent, qui n'était même pas admis en tant qu'observateur à la table du nouveau Yalta. En d'autres termes, ils étaient convaincus qu'elle conduirait au déclin de l'UE.
Par une hétérogénéité de fins que l'on pouvait déjà deviner à l'époque, la perspective opposée n'était pas celle, irénique, imaginée par la caste de l'UE, qui s'illusionnait de participer au banquet unipolaire. L'affirmation, avec Biden, de l'interventionnisme libéral a en effet incinéré le Vieux Continent, le condamnant à vivre une guerre sans fin, coûteuse, de larmes et de peines, au risque de s'étendre au continent et au monde.
L'unipolarisme ne connaît ni alliés ni partenaires, mais des serviteurs sacrifiables en cas de besoin, comme l'a démontré la guerre par procuration qui se déroule en Ukraine, qui a consumé une nation et décimé sa population. En outre, la caste de l'UE ne semble pas tenir compte du fait que cette option comporte une guerre mondiale à l'horizon, ce qui en dit long sur sa lucidité et sa prévoyance.
11:50 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : néocons, kamalaharris, états-unis, actualité, politique internationale | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Comment peut-on être aussi stupide? Scholz et Pistorius sur l'achat de nouveaux systèmes anti-missiles
Comment peut-on être aussi stupide? Scholz et Pistorius sur l'achat de nouveaux systèmes anti-missiles
par Gilbert Doctorow
Source: https://www.sinistrainrete.info/articoli-brevi/28847-gilbert-doctorow-stupidi-come-sono-scholz-e-pistorius-sull-acquisto-di-nuovi-sistemi-antimissile.html
Nous savons depuis plus d'un an que la ministre allemande des affaires étrangères, Annalena Baerbock, est une honte pour le gouvernement qu'elle sert. Elle n'est pas assez intelligente pour confectionner et servir des hamburgers chez McDonalds, et encore moins pour siéger au cabinet fédéral et se prononcer sur la guerre et la paix. Elle ne fera jamais oublier qu'elle a déclaré que Vladimir Poutine devrait changer de cap à 360 degrés.
En revanche, j'ai toujours considéré le chancelier Olaf Scholz comme un renard rusé. Bien sûr, j'ai toujours su qu'il était un vrai lâche, un vendu aux intérêts américains au détriment de sa propre nation. Son silence sur le sabotage du gazoduc Nord Stream en est la preuve. Ce que lui et son ministre de la défense Boris Pistorius ont dit ces deux derniers jours en marge de la réunion de Ramstein, où s'étaient concertés les sponsors de l'effort de guerre en Ukraine, ne laisse guère de doute sur le fait qu'il est aussi un sacré imbécile.
Je fais référence à l'annonce de M. Scholz selon laquelle l'Allemagne va budgétiser de nouvelles capacités de défense aérienne et rejoindre d'autres pays européens dans leurs projets de construction de ce que l'on pourrait appeler un « dôme de fer », si l'on peut emprunter le lexique israélien dans ce contexte pour décrire un écran impénétrable contre les attaques de missiles.
Si, il y a une semaine, une telle annonce aurait pu sembler patriotique et constituer un investissement dans la sécurité de son pays, les événements de ces derniers jours ont balayé toutes les considérations de ce type. Après les attaques de missiles russes sur Poltava, Lviv, Krivoy Rog et de nombreuses autres villes ukrainiennes où se trouvent de grandes concentrations d'officiers, de conseillers principaux et d'instructeurs de l'OTAN, l'idée qu'il existe une quelconque défense contre les missiles hypersoniques russes a été réfutée sans l'ombre d'un doute.
Les Russes affirment que leur attaque contre l'institut de communication de Poltava, qui pourrait avoir tué 200 personnes et en avoir envoyé 500 autres à l'hôpital avec des blessures graves, a été menée avec une variante du missile Iskander, qui a une vitesse maximale de Mach 6.
Si l'on admet que Poltava disposait d'excellents systèmes antimissiles, la situation était exactement inverse à Lviv, qui était protégée par un système américain Patriot et d'autres systèmes fabriqués en Allemagne, en Italie et ailleurs au sein de l'OTAN. Pour cette cible bien protégée, les Russes ont utilisé leur missile Kinzhal, qui se déplace à Mach 10. Comme si cela ne suffisait pas, ils disposent également de missiles de la famille Avangard, qui atteignent Mach 20. Il n'existe absolument aucune défense aérienne connue capable de protéger contre ces missiles actuellement dans l'arsenal russe, et nous pouvons supposer que lorsque les Allemands achèteront et mettront en service ce qu'ils prévoient maintenant d'acheter, les Russes disposeront de missiles d'attaque encore plus avancés et plus puissants.
Quant aux missiles à longue portée dotés d'ogives nucléaires que les États-Unis prévoient de livrer à l'Allemagne en 2026 avec l'accord de M. Scholz, ils n'auront pour effet que de tracer les contours d'une grande cible sur la carte son pays. De plus, il s'agit d'une provocation qui pourrait déclencher une attaque préventive de la part de la Russie.
Ne serait-il pas plus logique que les dirigeants allemands regardent la réalité en face : la capacité de la Russie à détruire leur pays dépasse, dans un avenir proche, leur capacité à se protéger, avec ou sans l'aide des États-Unis. Cette admission devrait les inciter à faire ce qui est évident : s'asseoir à la table de négociation avec les Russes et se mettre d'accord sur une nouvelle architecture de sécurité pour l'Europe avec laquelle tout le monde, je dis bien TOUT le monde, peut vivre.
Je conclurai par quelques observations supplémentaires sur ce que les Russes ont fait cette semaine. À Lviv, ils ont non seulement éliminé de nombreux membres du personnel de l'OTAN, mais ils ont également détruit un train qui venait d'arriver de Pologne et qui transportait une grande quantité d'armes de pointe pour l'Ukraine. En ciblant des installations dans plusieurs villes où résident des officiers de l'OTAN, le Kremlin a envoyé un message sans équivoque à l'Alliance et à son principal décideur, les États-Unis, indiquant qu'il a la volonté et les moyens d'affronter directement l'OTAN à chaque fois qu'il estime que ses « lignes rouges » ont été franchies. Il est également possible qu'à Washington, ce message ait été reçu... et compris. Pour autant que je sache, les pleurnicheries de Zelensky à Ramstein pour obtenir la permission d'utiliser des missiles à longue portée fournis par l'OTAN pour attaquer le cœur de la Russie sont tombées dans l'oreille d'un sourd.
Source : gilbertdoctorow.com
Lien : https://gilbertdoctorow.com/2024/09/07/dumb-as-they-come-scholz-and-pistorius-on-procurement-of-new-missile-defense-systems/
11:10 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, missiles russes, allemagne, europe, affaires européennes, politique internationale, olaf scholz, boris pistorius | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mardi, 17 septembre 2024
Tocqueville et la fabrication du pauvre britannique
Tocqueville et la fabrication du pauvre britannique
Nicolas Bonnal
L’Angleterre et ses dominions orwelliens paraissent aujourd’hui les entités administratives (il n’y a plus d’Etat) les plus totalitaires du monde; difficile de savoir quelle élite, locale ou globale, a décidé de l’édification du cauchemar british, carbonique ou antiraciste. Un épisode raconté par Tocqueville va nous rappeler qu’en la terre d’Utopie, de Bensalem (Bacon) et de 1984 tout a toujours indiqué un inquiétant cauchemar bien éloigné des libertés vantées ici ou là par les agents de l’Empire. Hugo semble s’en être rendu compte dans l’Homme qui rit, qui dénonce d’une façon inédite et géniale les méfaits de la kleptocratie la plus dure et résiliente du monde. Mais on y reviendra.
Les émeutes britanniques montrent que le pauvre anglais est toujours d’aussi mauvaise qualité. L’élite ne vaut guère mieux (Todd a expliqué pourquoi) mais ce n’est pas notre problème aujourd’hui. Là elles se sont trouvées un adversaire à leur hauteur ces élites britanniques, et c’est le pauvre anglais contre lequel elles s’acharnent depuis Hastings, et qui finira l’année numérisé, avant nous donc; car cette bataille de Hastings (1066 donc, avec son livre du Jugement dernier à la clé) est la bataille qui sert de modèle à la globalisation: une élite néo-féodale aura toute la terre, le reste crèvera. Guillaume avait fait détruire des centaines de villages pour étaler ses territoires de chasse. Il chassa aussi le clergé saxon avec l’aide papale (ce fut la première croisade en fait, et c’est dommage qu’on ne le comprenne pas) et une élite ORTHODOXE trouva refuge à Constantinople.
Tolkien savait ces choses, et lui qui détestait les Normands et se concentrait sur le vieux génie saxon (voyez mon livre) avait compris que la dystopie et le monde moderne avaient lieu en Angleterre. Lisez enfin l’Homme qui rit de Hugo (l’Homme qui rit est l’ancêtre du Joker de Batman) qui décrit magnifiquement (plus grand roman du monde, a dit justement – tout arrive – Ayn Rand) le sort du pauvre dans l’île noire d’Hergé, mère de toutes les dystopies. Certains disent que l’élite possède encore 50% des terres britanniques, d’autres 85%. Elle a concentré sa population INDUSTRIELLE dans cinq villes depuis un siècle et demi comme dans ses dominions (90% de la population australienne ou canadienne vit dans cinq ou six villes) et tout le monde est content-vacciné-numérisé-alcoolisé-connecté. Le contrôle du pauvre par la cruauté (toujours exemplaire) ou du britannique moyen par la presse et par les médias (voyez McLuhan) a toujours été sans égal. Le flegme britannique ou soumission imbécile aura fait le reste à travers les âges: voir les guerres fratricides contre une Allemagne qui ne demandait que la paix (cf. nos textes sur Grenfell et Churchill).
Mais pour être parfaite une élite diabolique doit aussi et surtout être humanitaire et progressiste (voyez Dorian Gray et son couple festif, homo, socialiste, amateur d’exotismes, collectionneur et anarchisant). Comme dit Trotski dans un texte célèbre que j’ai recensé, « pour chaque brigandage elle (l’élite bancaire US) sert un mort d’ordre humanitaire ». De ce point de vue le christianisme avec sa tartuferie ontologique et millénaire et ses capacités baroques à se transformer lui servira jusqu’au bout d’accompagnateur fidèle.
Elite la plus dure du monde, la féodalité british a toujours su y faire avec le paupérisme au point de cultiver son pauvre depuis la Réforme. Elle a créé le pauvre soumis, industriel, numérisé, absous et béni, pauvre qui n’a pas le droit de bouger de sa paroisse. Et elle l’a fait sous Elisabeth, au moment où Shakespeare (dix fois moins sulfureux et informé que Marlowe, mais c’est un autre problème) dessine la mondialisation dans la Tempête avec ses Caliban. C’est ce que nous explique Tocqueville donc dans son incroyable étude sur le paupérisme qui décrit en quelques pages le monde à venir du « mendiant ingrat », comme dit Léon Bloy :
« Mais je suis profondément convaincu que tout système régulier, permanent, administratif, dont le but sera de pourvoir aux besoins du pauvre, fera naître plus de misères qu'il n'en peut guérir, dépravera la population qu'il veut secourir et consoler, réduira avec le temps les riches à n'être que les fermiers des pauvres, tarira les sources de l'épargne, arrêtera l'accumulation des capitaux, comprimera l'essor du commerce, engourdira l'activité et l'industrie humaines et finira par amener une révolution violente dans l'État, lorsque le nombre de ceux qui reçoivent l'aumône sera devenu presque aussi grand que le nombre de ceux qui la donnent, et que l'indigent ne pouvant plus tirer des riches appauvris de quoi pourvoir à ses besoins trouvera plus facile de les dépouiller tout à coup de leurs biens que de demander leurs secours (1835). »
Il y a beaucoup de pauvres en Angleterre donc :
« Pénétrez maintenant dans l'intérieur des communes ; examinez les registres des paroisses, et vous découvrirez avec un inexprimable étonnement que le sixième des habitants de ce florissant royaume vit aux dépens de la charité publique. »
Et de distinguer les deux charités, la traditionnelle (enfin, l’ancienne, la chrétienne) et la moderne:
« Il y a deux espèces de bienfaisances: l'une, qui porte chaque individu à soulager, suivant ses moyens, les maux qui se trouvent à sa portée. Celle-là est aussi vieille que le monde ; elle a commencé avec les misères humaines; le christianisme en a fait une vertu divine, et l'a appelée la charité.
L'autre, moins instinctive, plus raisonnée, moins enthousiaste, et souvent plus puissante, porte la société elle-même à s'occuper des malheurs de ses membres et à veiller systématiquement au soulagement de leurs douleurs. Celle-ci est née du protestantisme et ne s’est développée que dans les sociétés modernes. »
La deuxième charité est inédite et dangereuse (rappelons que c’est elle qui promeut depuis le théosophisme l’invasion de pays européens promis au brassage numérique des troupeaux de Laban – voyez mon livre sur Internet) :
« La première est une vertu privée, elle échappe à l'action sociale ; la seconde est au contraire produite et régularisée par la société. C'est donc de celle-là qu'il faut spécialement nous occuper. »
Atelier du monde moderne. Voici comment Tocqueville décrit notre Angleterre (quel est son secret ? Voyez le Repaire du ver blanc, livre de Bram Stoker et film de Ken Russell avec l’inévitable-inquiétant-omniprésent Hugh Grant):
« Le seul pays de l'Europe qui ait systématisé et appliqué en grand les théories de la charité publique est l'Angleterre. A l'époque de la révolution religieuse qui changea la face de l'Angleterre, sous Henri VIII, presque toutes les communautés charitables du royaume furent supprimées, et comme les biens de ces communautés passèrent aux nobles et ne furent point partagés entre les mains du peuple, il s'ensuivit que le nombre de pauvres alors existants resta le même, tandis que les moyens de pourvoir à leurs besoins étaient en partie détruits. »
Conséquence : on fabrique du pauvre…
« Le nombre des pauvres s'accrut donc outre mesure, et Élisabeth, la fille de Henri VIII, frappée de l'aspect repoussant des misères du peuple, songea à substituer aux aumônes que la suppression des couvents avait fort réduites, une subvention annuelle, fournie par les communes. »
Pas besoin de communisme, même sacerdotal. Albion fabrique et contrôle son pauvre Made in England:
« Une loi promulguée dans la quarante-troisième année du règne de cette princesse dispose que dans chaque paroisse des inspecteurs des pauvres seront nommés; que ces inspecteurs auront le droit de taxer les habitants à l'effet de nourrir les indigents infirmes, et de fournir du travail aux autres. A mesure que le temps avançait dans sa marche, l'Angleterre était de plus en plus entraînée à adopter le principe de la charité légale. Le paupérisme croissait plus rapidement dans la Grande-Bretagne que partout ailleurs. »
Tocqueville rappelle aussi que la terre se concentre entre quelques mains (cf. l’Ukraine ou la France en ce moment d’extermination des paysans):
« Il arrive depuis un siècle, chez les Anglais, un événement qu'on peut considérer comme un phénomène, si l'on fait attention au spectacle offert par le reste du monde. Depuis cent ans, la propriété foncière se divise sans cesse dans les pays connus; en Angleterre, elle s'agglomère sans cesse. Les terres de moyenne grandeur disparaissent dans les vastes domaines, la grande culture succède à la petite. »
Tocqueville rappelle qu’il vaudrait mieux ne pas trop pousser tout le monde à l’oisiveté :
« Il y a pourtant deux motifs qui le portent au travail: le besoin de vivre, le désir d’améliorer les conditions de l’existence. L’expérience a prouvé que la plupart des hommes ne pouvaient être suffisamment excités au travail que par le premier de ces motifs, et que le second n’était puissant que sur un petit nombre. Or un établissement charitable, ouvert indistinctement à tous ceux qui sont dans le besoin, ou une loi qui donne à tous les pauvres, quelle que soit l’origine de la pauvreté, un droit au secours du public, affaiblit ou détruit le premier stimulant et ne laisse intact que le second. »
Résultats ? Avant la Ferme des Animaux donc, beaucoup de pauvres, surtout beaucoup de surveillants :
« Les Anglais ont été obligés de placer des surveillants des pauvres dans chaque commune. »
On crée une nouvelle classe, celle des assistés :
« Toute mesure qui fonde la charité légale sur une base permanente et qui lui donne une forme administrative crée donc une classe oisive et paresseuse, vivant aux dépens de la classe industrielle et travaillante. C'est là, sinon son résultat immédiat, du moins sa conséquence inévitable. Elle reproduit tous les vices du système monacal, moins les hautes idées de moralité et de religion qui souvent venaient s'y joindre. »
Un abaissement moral du pauvre et même du riche trop taxé (on le rassure : les ultra-riches ne le sont nulle part, taxés) en découle :
« Mais le droit qu'a le pauvre d'obtenir les secours de la société a cela de particulier, qu'au lieu d'élever le cœur de l'homme qui l'exerce, il l'abaisse. Le pauvre qui réclame l'aumône au nom de la loi est donc dans une position plus humiliante encore que l'indigent qui la demande à la pitié de ses semblables au nom de celui qui voit d'un même œil et qui soumet à d'égales lois le pauvre et le riche.
La charité légale laisse subsister l'aumône, mais elle lui ôte sa moralité. Le riche, que la loi dépouille d'une partie de son superflu sans le consulter, ne voit dans le pauvre qu'un avide étranger appelé par le législateur au partage de ses biens. »
Aucune gratitude à attendre (Léon Bloy a donc raison) :
« Le pauvre, de son côté, ne sent aucune gratitude pour un bienfait qu'on ne peut lui refuser et qui ne saurait d'ailleurs le satisfaire ; car l'aumône publique, qui assure la vie, ne la rend pas plus heureuse et plus aisée que ne le ferait l'aumône individuelle; la charité légale n'empêche donc point qu'il n'y ait dans la société des pauvres et des riches, que les uns ne jettent autour d'eux des regards pleins de haine et de crainte, que les autres ne songent à leurs maux avec désespoir et avec envie. »
Comme un implacable et méchant libéral (mot qui ne veut rien dire depuis des siècles) ou même libertarien (voyez mon recueil), Tocqueville explique donc :
« J'ai dit que le résultat inévitable de la charité légale était de maintenir dans l'oisiveté le plus grand nombre des pauvres et d'entretenir leurs loisirs aux dépens de ceux qui travaillent. »
Les sceptiques pourront relire Jack London et sa description des pauvres londoniens (sic) victimes non pas du capitalisme mais de la charité trop bien ordonnée. Tocqueville écrit alors, comme un bon taoïste chinois:
« Si l'oisiveté dans la richesse, l'oisiveté héréditaire, achetée par des services ou des travaux, l'oisiveté entourée de la considération publique, accompagnée du contentement d'esprit, intéressée par les plaisirs de l'intelligence, moralisée par l'exercice de la pensée: si cette oisiveté, dis-je, a été la mère de tant de vices, que sera-ce d'une oisiveté dégradée acquise par la lâcheté, méritée par l'inconduite, dont on jouit au milieu de l'ignominie et qui ne devient supportable qu'à mesure que l'âme de celui qui la souffre achève de se corrompre et de se dégrader ? »
Et d’observer l’étendue des dégâts :
« Lisez tous les livres écrits en Angleterre sur le paupérisme ; étudiez les enquêtes ordonnées par le Parlement britannique ; parcourez-les discussions qui ont eu lieu à la Chambre les Lords et à celle des communes sur cette difficile question ; une seule plainte retentira à vos oreilles : on déplore l'état de dégradation où sont tombées les classes inférieures de ce grand peuple ! Le nombre des enfants naturels augmente sans cesse, celui des criminels s'accroît rapidement ; la population indigente se développe outre mesure ; l'esprit de prévoyance et d'épargne se montre de plus en plus étranger au pauvre ; tandis que dans le reste de la nation les lumières se répandent, les mœurs s'adoucissent, les goûts deviennent plus délicats, les habitudes plus polies, - lui, reste immobile, ou plutôt il rétrograde ; on dirait qu'il recule vers la barbarie, et, placé au milieu des merveilles de la civilisation, il semble se rapprocher par ses idées et par ses penchants de l'homme sauvage. »
Problème enfin : cette société de charité promeut le contrôle et la SURVEILLANCE (remarquez, c’est ce que fait la religion : Dieu t’espionne, te contrôle, puis te juge, peut-être avec Microsoft pour vérifier l’étendue et le nombre de tes péchés). Le pauvre n’a donc plus le droit de quitter sa commune.
« Or, comme dans un pays où la charité publique est organisée, la charité individuelle est à peu près inconnue, il en résulte que celui que des malheurs ou des vices rendent incapable de gagner sa vie est condamné, sous peine de mort, à ne pas quitter le lieu où il est né. S'il s'en éloigne, il ne marche qu'en pays ennemi ; l'intérêt individuel des communes, bien autrement puissant et bien plus actif que ne saurait l'être la police nationale la mieux organisée, dénonce son arrivée, épie ses démarches, et s'il veut se fixer dans un nouveau séjour, le désigne à la force publique qui le ramène au lieu du départ. Par leur législation sur les pauvres, les Anglais ont immobilisé un sixième de leur population. Ils l'ont attaché à la terre comme l'étaient les paysans du Moyen Age. »
Tocqueville vaticine ensuite une apocalypse qui est toujours à venir :
« Mais je suis profondément convaincu que tout système régulier, permanent, administratif, dont le but sera de pourvoir aux besoins du pauvre, fera naître plus de misères qu'il n'en peut guérir, dépravera la population qu'il veut secourir et consoler, réduira avec le temps les riches à n'être que les fermiers des pauvres, tarira les sources de l'épargne, arrêtera l'accumulation des capitaux, comprimera l'essor du commerce, engourdira l'activité et l'industrie humaines et finira par amener une révolution violente dans l'État, lorsque le nombre de ceux qui reçoivent l'aumône sera devenu presque aussi grand que le nombre de ceux qui la donnent, et que l'indigent ne pouvant plus tirer des riches appauvris de quoi pourvoir à ses besoins trouvera plus facile de les dépouiller tout à coup de leurs biens que de demander leurs secours. »
Conclusion :
« Je ne dirai point que ce désir universel et immodéré des fonctions publiques est un grand mal social ; qu’il détruit, chez chaque citoyen, l’esprit d’indépendance, et répand dans tout le corps de la nation une humeur vénale et servile ; qu’il y étouffe les vertus viriles ; je ne ferai point observer non plus qu’une industrie de cette espèce ne crée qu’une activité improductive et agite le pays sans le féconder : tout cela se comprend aisément. Mais je veux remarquer que le gouvernement qui favorise une semblable tendance risque sa tranquillité et met sa vie même en grand péril. »
On verra : le gouvernement travailliste est très capable de mettre la vie du pauvre anglais en péril pour des raisons climatiques (sauver le climat en tuant le pauvre donc) tout en revendiquant et en provoquant l’apocalypse nucléaire avec la Russie ? Comme dit Debord, « cette société n’a été que trop patiente jusque-là. »
Sources principales:
https://lesakerfrancophone.fr/le-syndrome-churchill-et-la...
https://www.amazon.fr/Tocqueville-politiquement-incorrect...
https://www.erudit.org/fr/revues/riac/1986-n16-riac02301/...
http://classiques.uqac.ca/classiques/De_tocqueville_alexi...
https://www.amazon.fr/grands-auteurs-traditionnels-Contre...
https://blogs.mediapart.fr/danyves/blog/220117/comment-tr...
20:37 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : histoire, alexis de tocqueville, tocqueville, paupérisme, angleterre, pauvreté | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Anatomie de la chute: déclin régulier de l'industrie européenne
Anatomie de la chute: déclin régulier de l'industrie européenne
par Stefano Salvini
Source: https://orientalreview.su/2024/09/09/anatomy-of-the-fall-steady-decline-of-europes-industry/
La désindustrialisation n'est pas un mot nouveau dans les politiques économiques, il a été utilisé pour décrire la transition dans l'économie mondiale, causée par les crises des années 1970 et 1980, souvent liée aux noms de Ronald Reagan et Margaret Thatcher dont les législations ont également été à l'origine du passage de la société industrielle au post-industrialisme avec une plus grande utilisation de l'information et des nouvelles technologies, entraînant la délocalisation de l'industrie manufacturière vers les pays les moins développés. Mais pourquoi aujourd'hui, au cours des trois dernières années, voyons-nous et entendons-nous beaucoup plus de messages et d'articles sur le sujet de la désindustrialisation en Europe ?
Au cours des dernières décennies, la production industrielle en Europe a constitué une part importante de son économie et c'est toujours le cas. Environ un sixième de la valeur ajoutée brute (VAB) de l'UE a été généré dans le secteur manufacturier en 2021. Mais la part de la VAB industrielle dans les grandes nations industrialisées d'Europe s'est réduite depuis lors. Le déclin est plus évident par rapport au début du siècle: la France a perdu environ 6 % de la part industrielle de sa VAB, c'est également le cas de l'Italie, et de l'Allemagne, qui a atteint le sommet de sa production industrielle en 2017 et a connu depuis lors un déclin constant, qui s'est accéléré après 2022.
Pourquoi la baisse généralisée de la production industrielle en Europe est-elle une réalité pour laquelle beaucoup d'experts et d'hommes politiques tirent la sonnette d'alarme ? Un certain nombre de facteurs freinent la production européenne et la rendent difficile à concurrencer avec d'autres destinations pour les investissements, principalement la Chine et les États-Unis.
Le conflit entre la Russie et l'Ukraine, qui dure depuis février 2022, a eu un impact significatif sur les prix de l'énergie et les chaînes d'approvisionnement en Europe, entraînant une hausse des coûts des intrants pour l'industrie européenne et une baisse de la demande de la part des consommateurs européens. En 2021, la Russie était le principal exportateur de pétrole, d'essence et de gaz vers l'Europe, fournissant 21% des importations européennes de pétrole et d'essence et 23% des importations de gaz naturel. Depuis lors, l'approvisionnement en gaz a fortement diminué, principalement en raison de l'explosion des gazoducs « Nordstream » et des sanctions des États-Unis et de l'Union européenne contre la Russie, ce qui a provoqué une grave crise énergétique. La crise actuelle du gaz et de l'énergie frappe l'industrie de plein fouet, étant donné que ce secteur de l'économie, avec les transports, est l'un des plus gros consommateurs d'énergie. Les industries chimiques et métallurgiques sont les plus touchées par cette crise en raison de leur forte consommation d'énergie. L'Europe tente de s'adapter à l'utilisation du GNL en provenance des États-Unis, qui est plus cher que le gaz russe et plus difficile à livrer, ce qui augmente encore les coûts. De plus, les restrictions européennes « vertes » souvent démagogiques obligent les fabricants à dépenser plus d'argent pour mettre en œuvre de nouvelles technologies respectueuses de l'environnement.
Un autre facteur qui entrave la croissance de la production européenne est le coût de la main-d'œuvre, qui est traditionnellement plus élevé qu'en Chine où, malgré l'augmentation constante du niveau d'éducation ces dernières années, le coût moyen de la main-d'œuvre reste nettement inférieur à celui de l'Occident. Dans d'autres pays asiatiques, comme l'Inde, le Viêt Nam ou la Thaïlande, le coût de la main-d'œuvre est même inférieur à celui de la Chine. Aux États-Unis, au contraire, le coût de la main-d'œuvre est légèrement supérieur à la moyenne de l'Union européenne, mais il reste inférieur à celui de l'Allemagne ou de la France, et à peu près équivalent à celui de l'Italie. Cela s'explique principalement par le fait qu'à côté des pays où le coût de la main-d'œuvre est élevé, comme l'Allemagne et la France, il existe dans l'UE des pays où les salaires sont moins élevés, comme l'Espagne ou les États d'Europe de l'Est. Les restrictions « vertes » souvent démagogiques obligent, encore une fois, les fabricants à dépenser plus d'argent pour mettre en œuvre de nouvelles technologies respectueuses de l'environnement.
La perturbation des chaînes d'approvisionnement habituelles due à la situation en mer Rouge, où les Houthis yéménites attaquent les navires étrangers, est l'un des derniers facteurs à avoir eu un impact négatif sur le secteur manufacturier européen. En raison de la réorientation des navires, le délai de livraison entre l'Asie et l'UE a augmenté de 10 à 15 jours, et les coûts ont augmenté d'environ 400%.
Tous ces facteurs font qu'il est difficile pour les États européens de rivaliser avec la Chine, les États-Unis et les États d'Asie du Sud-Est en termes d'attractivité pour la production industrielle. En outre, le niveau de tension entre l'UE et les États-Unis a augmenté après que Joe Biden a signé l'Inflation Reduction Act en août 2022, qui vise la transition de l'industrie américaine vers des rails « verts » et accorde certains privilèges aux entreprises basées aux États-Unis, ce qui rend l'installation aux États-Unis encore plus attrayante pour les fabricants. En outre, la situation sur le marché européen se détériore également, car les fabricants européens sont contraints de rivaliser avec les produits chinois et américains moins chers.
Quels sont donc les signes réels de la désindustrialisation européenne que nous pouvons observer aujourd'hui ? Dans certains cas, on observe une réduction des plans d'expansion et des investissements. D'autres signes de désindustrialisation sont plus évidents, comme la délocalisation des lignes de production et la réduction des effectifs. Par exemple, le géant allemand de la chimie BASF a annoncé la fermeture de l'une des deux usines de production d'ammoniac en Allemagne et a également décidé d'arrêter les usines de production d'engrais. Ces mesures ont entraîné la suppression de 2500 emplois. En février, BASF a annoncé des mesures supplémentaires de réduction des coûts.
Le fabricant suisse de panneaux solaires Meyer Burger Technology AG a annoncé en février 2024 qu'il cesserait la production de modules solaires à Fribourg, en Allemagne. L'entreprise a décidé de se concentrer sur l'augmentation de sa capacité de production aux États-Unis, invoquant la détérioration des conditions du marché en Europe. Le groupe allemand BMW a annoncé en 2022 qu'il prévoyait d'investir 1,7 milliard de dollars dans la production de véhicules électriques et de batteries aux États-Unis. Volkswagen a également décidé de profiter des mesures d'incitation en faveur des constructeurs de voitures électriques en Amérique et de construire une usine de 2 milliards de dollars en Caroline du Sud pour produire des SUV électriques. Le groupe BMW a également renforcé sa présence en Chine en 2022 en démarrant la production de véhicules électriques dans la nouvelle usine Lydia à Shenyang, dans la province de Liaoning, au nord-est du pays. Ce projet, d'une valeur de 15 milliards de yuans (2,1 milliards de dollars), est devenu l'investissement le plus important de BMW sur le marché chinois.
En conclusion, on peut dire que l'industrie européenne se trouve aujourd'hui dans une position très difficile avec la crise énergétique actuelle et la concurrence croissante des États-Unis et de la Chine. La poursuite de la désindustrialisation mettra en péril la prospérité européenne et les emplois de 32 millions de personnes, ainsi que de nombreuses autres qui travaillent dans différents domaines liés à l'industrie. Néanmoins, l'Europe conserve de nombreux avantages en tant que site industriel, tels que la qualité élevée de la main-d'œuvre, la forte densité d'entreprises et les courtes distances qui en résultent entre les entreprises et leurs fournisseurs. En outre, l'Europe reste un marché de vente important et prospère dans de nombreux domaines. La question est donc de savoir si les responsables politiques européens seront capables de changer de stratégie et de se concentrer sur la sauvegarde de leur propre production, sans se retourner vers les États-Unis, qui profitent de la situation difficile de leur allié.
19:37 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, europe, déclin industriel, industrie, affaires européennes, économie | | del.icio.us | | Digg | Facebook
La Chine et la frontière hybride dans le cyberespace
La Chine et la frontière hybride dans le cyberespace
par Leonid Savin
Source: https://orientalreview.su/2024/09/16/china-and-the-hybrid-fontier-in-cyberspace/?doing_wp_cron=1726564797.6432549953460693359375
Il s'agissait du premier lancement du projet G60, mis en œuvre par Shanghai Spacecom Satellite Technology en coopération avec le gouvernement municipal de Shanghai, qui vise à fournir un accès à l'internet à haut débit d'ici 2025 et une couverture mondiale d'ici 2027.
Cela dit, le projet G60 (la Chine a lancé le premier satellite d'essai 6G au monde en janvier) n'est que l'une des trois méga-constellations de satellites que la Chine prévoit de déployer, avec le projet Guowang mis en œuvre par la société publique China Satellite Services et la constellation Honghu-3 mise en œuvre par la Shanghai Lanjian Hongqing Technology Company. Ces constellations fournissent l'infrastructure nécessaire pour soutenir le secteur spatial commercial chinois en pleine expansion, y compris ses initiatives d'Internet par satellite, qui se développent rapidement.
En mai 2024, la Chine a commencé à fournir le premier essai de services de communication Internet haut débit par satellite en orbite basse à l'étranger (Thaïlande) et, en juin, la société chinoise OneLinQ a lancé le premier service Internet civil domestique par satellite, indiquant qu'il s'étendrait aux pays qui rejoignent l'initiative chinoise « Une ceinture, une route ».
À cet égard, les objectifs stratégiques de la Chine sont plus ambitieux que les simples services Internet par satellite.
Les orbites des satellites sont principalement divisées en trois types: 1) l'orbite terrestre géostationnaire (GEO), 2) l'orbite terrestre moyenne (MEO) et 3) l'orbite terrestre basse (LEO). Par rapport aux deux autres catégories, les satellites LEO présentent un certain nombre d'avantages, notamment la proximité de la Terre, un délai de transmission minimal, de faibles pertes de lignes et des capacités de lancement flexibles. Ils font partie intégrante d'un futur réseau intégré couvrant l'espace aérien, spatial et maritime.
La Chine s'est engagée dans le développement coordonné de satellites GEO, MEO et LEO afin de créer un réseau d'information intégré Espace-Terre, où les systèmes de communication par satellite interagiront avec les systèmes de communication d'information au sol. C'est ce que prévoit le 14ème plan quinquennal (2021-2025) pour le développement économique et social de la République populaire de Chine, publié par le ministère de l'industrie et des technologies de l'information.
Il est évident que l'Internet spatial chinois sera en concurrence sur le marché de l'Internet commercial par satellite avec SpaceX Starlink d'Elon Musk, c'est-à-dire, en fait, avec les États-Unis. Mais comme l'Occident soutient officiellement la concurrence en tant qu'élément du système libéral capitaliste, la Chine a d'autres raisons politiques de critiquer ses projets.
En Occident, et en particulier aux États-Unis, ces succès de la Chine ne sont qualifiés que d'autoritarisme numérique, que le Parti communiste chinois propage par le biais de l'initiative « la Ceinture et la Route » et des liens bilatéraux avec divers pays.
Ce n'est pas la première année que l'on spécule sur des « violations des droits de l'homme » en Chine dans la sphère de l'internet. Les opposants à la Chine ont déjà déclaré que si les services Internet par satellite sont lancés, le monde pourrait « assister à l'émergence d'un nouveau rideau de fer numérique s'étendant depuis l'espace, divisant la libre circulation de l'information et établissant un contrôle étatique à l'échelle mondiale. »
Enfin, il est également dit que les autorités chinoises peuvent potentiellement avoir accès à toutes les données transmises par les services Internet par satellite chinois.
En fait, l'approche chinoise de la gouvernance de l'internet repose sur le concept de cybersouveraineté. La Russie partage également ces principes, selon lesquels chaque État a le droit de gérer son espace numérique, y compris les restrictions et la censure. Mais la Chine a réussi à obtenir une véritable autonomie en créant une architecture nationale de l'internet, qui a été surnommée rien de moins que la « Grande Muraille de feu chinoise ».
Pour cette raison, ainsi que pour l'incapacité à contrôler le marché numérique chinois, l'Occident tombe dans une violente hystérie, inventant toutes sortes de faux récits et de théories de la conspiration.
Dans le même temps, l'importance du contrôle de l'espace extra-atmosphérique est bien comprise là-bas.
Le 26 août, Donald Trump, lors d'un discours à la conférence annuelle de l'Association de la Garde nationale à Détroit, a promis de créer la Garde nationale de l'espace, car, selon lui, « le temps est venu de créer la Garde nationale de l'espace en tant que principale réserve de combat des forces spatiales américaines ».
En effet, l'administration Biden avait proposé de combiner environ 1000 soldats de la Garde nationale issus d'unités orientées vers l'espace pour en faire des forces spatiales en service actif. L'idée était de créer un système flexible qui permettrait au personnel de sécurité de passer d'un emploi à temps plein à un emploi à temps partiel. Le plan a été rejeté à la fois par les dirigeants de la Garde et par les gouverneurs des 50 États et des cinq territoires des États-Unis.
Il convient de rappeler que c'est sous Trump que les forces spatiales ont été créées en 2019, et qu'un projet de loi visant à créer la Garde spatiale nationale a déjà été proposé cette année, bien qu'il n'y ait pas de consensus au Congrès sur cette question. L'un des auteurs du projet de loi était le sénateur Marco Rubio, républicain de Floride.
Par ailleurs, Donald Trump a récemment annoncé qu'il pourrait donner à Elon Musk le pouvoir d'auditer les agences américaines. Il est intéressant de noter que Tesla a reçu des subventions du gouvernement de Joe Biden pour le projet de véhicule électrique, mais des projets tels que Starlink de SpaceX, qui sont liés à l'activité spatiale de Musk, sont susceptibles de bénéficier de nouveaux contrats fédéraux, car la plateforme du Parti républicain appelle à une augmentation des investissements dans les satellites et à l'accélération de l'exploration spatiale vers Mars.
Cependant, malgré les succès de SpaceX et la rhétorique optimiste de Donald Trump, tout n'est pas si lisse aux États-Unis dans le secteur spatial.
Les problèmes survenus avec le vaisseau spatial Starliner, à cause desquels deux astronautes américains devront rester sur l'ISS pendant de nombreux mois au lieu de la semaine prévue, laissent penser que la NASA, ainsi que le principal contractant dans le domaine de l'aérospatiale aux États-Unis, Boeing (rappelons ici d'autres problèmes avec des avions), traverse une grave crise.
Bien qu'il y ait des partisans de la coopération avec la Chine dans le domaine de l'exploration spatiale aux États-Unis. Apparemment, ils font partie de ceux qui comprennent que l'Amérique est en train de perdre la course à l'espace avec la Chine.
Sur le plan technologique et géopolitique, tout cela témoigne de la lutte permanente pour une frontière hybride dans l'espace et le cyberespace.
19:08 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, chine, cyberspace | | del.icio.us | | Digg | Facebook
lundi, 16 septembre 2024
Londres en guerre avec Moscou pour détruire l'Europe
Londres en guerre avec Moscou pour détruire l'Europe
Augusto Grandi
Source: https://electomagazine.it/londra-in-guerra-contro-mosca-per-distruggere-leuropa/
Il ne s'agit pas d'une continuation du "nouveau grand jeu", avec l'affrontement entre les États-Unis et l'URSS pour le contrôle de l'Asie centrale. Mais une reprise du Grand Jeu originel, celui qui opposait la Russie tsariste à la Grande-Bretagne au 19ème siècle. Car Londres n'a jamais aimé la réalité qui a vu la disparition de l'Empire britannique, la fin de l'exploitation coloniale, la perte progressive de pertinence sur la scène internationale.
Non, pas au niveau de l'Italie, qui se réjouit d'être devenue une colonie américaine et célèbre avec enthousiasme les bombardements anglo-américains qui ont massacré femmes, vieillards et enfants. En revanche, le gouvernement italien n'a même pas le courage de condamner les crimes d'Israël à Gaza. Don Anbondio, comparé aux ministres italiens, était un super-héros.
Mais il ne suffit pas à Londres d'éviter d'être réduite comme Rome. Et elle a profité du conflit en Ukraine pour relever la tête en essayant d'infliger le plus de dégâts possibles à son ennemi de toujours: la Russie. Et peu importe aux bellicistes britanniques qu'affaiblir la Russie revienne à renforcer la Chine, précisément en Asie centrale. Car, en fin de compte, Londres est plus intéressé à pénaliser l'Europe qu'à frapper Pékin.
C'est pourquoi les Britanniques ont fomenté le premier soulèvement en Ukraine, afin d'évincer le président qui avait été dûment élu mais était favorable à la Russie. C'est pourquoi ils ont fait échouer les accords de Minsk. C'est pourquoi ils s'opposent à la paix. Car plus la guerre dure, plus les jeunes Russes et les jeunes Ukrainiens meurent. Et plus l'Europe s'appauvrit à entretenir cette guerre, à imposer des sanctions, à faire tout ce qui nuit certes à la Russie mais, en premier lieu, à elle-même.
En Asie centrale, Londres ne reviendra jamais. Elle ne retournera pas non plus à New Delhi. Les Indiens parlent aussi anglais, mais ils n'oublient pas le million de morts de la répression britannique lors d'un soulèvement. Ils n'oublient pas les massacres et les vols. Et ils n'oublient pas les Africains. Et les Latino-Américains.
Les seuls à avoir tout oublié sont les Italiens. Mais ils ne sont pas d'une grande utilité pour les projets britanniques. Oui, ils sont bons, les Italiens. Chaque éternuement de la maison royale britannique devient une affaire d'État pour les journalistes italiens. Mais Rome attend toujours les ordres de Washington. Mieux vaut utiliser les Polonais, les Suédois, les Finlandais. Des amis qui envoient déjà leurs garçons mourir en Ukraine.
Vous pouvez donc quitter l'UE tout en continuant à la conditionner par l'intermédiaire de vos amis salariés. En les poussant vers une guerre qui mettrait fin au rêve d'une Europe forte, indépendante et capable de dialoguer avec le monde.
Non, les Britanniques n'aiment pas cette Europe. Ils s'en tiennent au classique : « Milord, il y a du brouillard sur la Manche, le continent est isolé ».
20:14 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : politique internationale, grand jeun géopolitique, grande-bretagne, ukraine, europe, affaires européennes | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Excédent fiscal: tout ce qui brille n'est pas de l'or
Rapport d'Argentine
Excédent fiscal: tout ce qui brille n'est pas de l'or
Pablo Davoli (*)
Source: https://euro-sinergias.blogspot.com/2024/08/reporte-argentino-superavit-fiscal-no.html
Avec son euphorie habituelle, le président Javier Milei se vante publiquement d'avoir atteint un excédent fiscal record, toute en soulignant que, pour la première fois depuis des années, les résultats des comptes publics nationaux de l'Argentine sont positifs. Selon des sources officielles, en juillet 2024, les résultats suivants ont été obtenus:
- Un excédent budgétaire primaire de 0,908,253 million de dollars (0,962 million de dollars américains) ; ce qui est la première fois en cinq ans qu'un résultat primaire positif est atteint au cours du septième mois (juillet enregistre saisonnièrement des dépenses plus élevées, en raison des paiements du salaire annuel complémentaire ou aguinaldo).
- Accumuler sept mois consécutifs d'excédent budgétaire primaire, dont le total équivaut à environ 1,4% du PIB du pays.
- Accumuler un excédent financier équivalent à 0,4% du PIB.
- Accumuler une réduction des dépenses primaires de 31% par rapport à l'année précédente en termes réels.
Cependant, pour interpréter et pondérer correctement ces données qui, à première vue, semblent si favorables, il est nécessaire de:
(a) prendre en considération le fait que, le même mois, le premier déficit financier depuis l'investiture du président en exercice a été enregistré.
À cet égard, les sources officielles elles-mêmes ont admis que le résultat financier était négatif de 600.957 millions de dollars (636 millions de dollars américains).
(b) Aborder deux questions fondamentales. A savoir:
b.1. comment les résultats positifs en question ont-ils été obtenus ?
b.2. à quoi ont servi les fonds ainsi obtenus.
Prenons ces questions l'une après l'autre :
b.1. l 'excédent en question a été obtenu grâce à la mise en œuvre de deux mesures majeures. Il s'agit de:
b.1.1. l'arrêt brutal et irréfléchie des travaux publics.
A l'heure actuelle, plus de 2.000 travaux publics sont à l'arrêt. Et ce, bien que nombre d'entre eux soient hautement souhaitables pour l'économie nationale. En fait, certains d'entre eux sont strictement nécessaires au déploiement de l'économie nationale.
Un exemple: au 01/04/24, les travaux sur le « Réacteur CAREM argentin » et le « Réacteur nucléaire polyvalent argentin RA-10 » de la Commission nationale de l'énergie atomique (C.N.E.A.) ont été paralysés en raison du manque de ressources financières. Au moment de ces arrêts, l'exécution des deux projets était déjà avancée: « CAREM » à 70% et « RA-10 » à 85%. Il convient également de noter que les deux réacteurs pourraient assurer l'approvisionnement en énergie de zones éloignées des grandes villes et des centres industriels à forte consommation d'énergie, tout en favorisant l'exportation de réacteurs argentins, ce qui rapporterait des millions de dollars au pays. En outre, la suspension des travaux a affecté des centaines de travailleurs, qui ont perdu leur emploi [1].
b.1.2. une diminution substantielle du pouvoir d'achat des salaires, des pensions, des retraites et des plans sociaux payés par le trésor public national.
Cette miniaturisation impitoyable de la valeur réelle de ces paiements a été produite sans relâche par l'inflation. Une inflation que, comme l'explique Héctor L. Giuliano, Milei lui-même s'est chargé d'augmenter de manière significative à partir de décembre 2023, lorsqu'elle est brusquement passée de 10/12% mensuels à 25,5% mensuels, pour atteindre, en janvier, 20,6% cumulés et pour atteindre 125% cumulés en juin [2]. Ainsi, comme le rapporte Infobae, l'Argentine a de nouveau enregistré l'inflation la plus élevée au monde en juin. Et s'il est vrai que l'inflation semble diminuer, il n'en est pas moins vrai que cela ne signifie pas une baisse des prix, mais simplement un ralentissement de la hausse des prix, causé par une forte baisse de la consommation. En d'autres termes, la hausse des prix persiste, mais plus lentement et, de surcroît, pour des raisons qui sont loin d'être favorables (nous nous pencherons sur cette question dans un prochain rapport).
Comme on le sait, l'inflation implique une augmentation généralisée des prix, dont la vitesse est nettement supérieure à l'augmentation conséquente des salaires (le général Juan D. Perón a enseigné que, lorsqu'il y a inflation, « les salaires montent l'escalier, tandis que les prix prennent l'ascenseur »). Ainsi, au cours des douze derniers mois, les salaires réels ont diminué de 30%; mais, plus précisément, au cours des sept derniers mois, cette diminution s'est située entre 18% et 20%, en moyenne.
Il va sans dire que la tentative de liquéfier les dépenses publiques avec une telle recette, outre qu'elle manque d'originalité, est désastreuse, comme le démontrent clairement les plus de 5 millions de retraités et pensionnés qui, selon le Médiateur des personnes âgées, vivent en dessous du seuil de pauvreté.
b.2 L'excédent fiscal ainsi obtenu a été utilisé presque entièrement pour payer les intérêts de la dette publique nationale (une dette gigantesque que Milei lui-même s'est déjà chargé d'augmenter de manière importante). En juillet, l'État argentin a payé plus de 3 milliards de dollars d'intérêts. C'est ce que dénonce Giuliano, déjà cité, avec une profusion de détails et de précisions (dans un autre rapport, nous approfondirons ce problème).
En résumé: à la lumière des éclaircissements ci-dessus, on voit bien que l'excédent dont se targue Milei est loin d'être un motif de réjouissance. Il semble s'agir d'une bonne nouvelle, mais la vérité est que, à proprement parler, ce n'en est PAS une...
La situation présentée révèle une contradiction grotesque et scandaleuse: celui qui a mené une campagne électorale en apostrophant l'État comme une « association illicite », en proclamant qu'il se « couperait le bras » avant que l'impôt ne soit introduit et en promettant que « l'ajustement » se ferait par « la caste », celui-là même qui, une fois au pouvoir, s'est vu refuser l'accès à l'impôt; est la même personne qui, une fois au pouvoir, a mis en œuvre l'« impôt inflationniste » et d'autres mesures très préjudiciables, dans le but de liquéfier les dépenses publiques pour rembourser une dette publique déjà exorbitante et toujours croissante, au prix d'une complication supplémentaire de l'économie nationale malmenée et d'un impact massif sur le peuple argentin, avec une cruauté particulière à l'égard des plus vulnérables. La menace ouverte du président d'opposer son veto à la loi sur la mobilité des retraites, qui vient d'être adoptée par le Congrès national, en est une confirmation très claire...
Rosario, 24 août 2024.
(*) Avocat. Analyste politique. Professeur d'université. Conseiller législatif au Congrès argentin. Représentant de l'A.A.E.S.A. en Argentine.
Sources consultées:
- Article L'Argentine enregistre un excédent primaire en juillet et le premier déficit financier de l'ère Milei. El Economista. 17/08/24. https://www.eleconomista.es/economia/noticias/12951283/08/24/argentina-registra-un-superavit-primario-en-julio-y-el-primer-deficit-financiero-de-la-era-milei.html#:~:text=Seg%C3%BAn%20fuentes%20oficiales%2C%20Argentina%20registr%C3%B3,el%20s%C3%A9ptimo%20mes%20del%20a%C3%B1o .
- Article "Chiffre alarmant : plus de 5 millions de retraités et pensionnés sont en dessous du seuil de pauvreté". Ámbito Financiero. 24/08/24. https://www.ambito.com/economia/cifra-alarmante-mas-5-millones-jubilados-y-pensionados-estan-la-linea-pobreza-n6052416.
- Article "Une banque met en garde contre une accélération de la chute de la consommation en juillet : les chiffres et les raisons". Ámbito Financiero. 20/08/24. https://www.ambito.com/economia/un-banco-alerta-aceleracion-la-caida-del-consumo-julio-los-numeros-y-las-razones-n6050845.
- D'Imperio, Julián, "Le gouvernement a réduit le budget pour la construction de la centrale nucléaire de Carem et les emplois de 570 employés sont en danger". Perfil. 01/05/24. https://www.perfil.com/noticias/politica/el-gobierno-corto-el-presupuesto-para-la-construccion-de-la-central-nuclear-carem-y-570-empleados-quedaron-sin-trabajo.html.
- Interview radiophonique de Carlos Codesos à Lic. Héctor L. Giuliano du 14/08/24 (l'auteur dispose d'un enregistrement de l'interview).
- Interview télévisée de Juan Merino avec Lic. Héctor L. Giuliano en date du 15/08/24. https://www.youtube.com/watch?v=GLaRXEbKYKo.
- Site web du ministère argentin de l'économie : https://www.economia.gob.ar/datos/ .
- Rosen, Nazareno. "De cuánto fue la inflación de junio 2024, según el INDEC". Infobae. 17/07/24.
https://www.infobae.com/economia/2024/07/17/de-cuanto-fue... /.
Notes:
[1] Compte tenu de l'interruption des travaux en question, le sénateur national Antonio J. Rodas a présenté un projet de communication pour que le Sénat demande des informations détaillées au pouvoir exécutif national sur le problème susmentionné (dossier S-464/24 du Sénat argentin). La présentation de cette initiative a été accompagnée par les sénatrices María T. M. González, Cándida C. López et Alicia M. A. Kirchner.
[2] Selon l'Institut national de la statistique et du recensement (INDEC), au cours de la période du 24 janvier au 24 juin, l'inflation a atteint 71,9%.
19:52 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, javier miléi, argentine, amérique ibérique, amérique du sud, amérique latine | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Périclès et la démocratie totalitaire
Périclès et la démocratie totalitaire
Nicolas Bonnal
L’expression "démocratie totalitaire" est de Bertrand de Jouvenel. Mais son inventeur est le bon vieux Périclès; l’explosion de la dépense publique, les grands travaux du Parthénon, la guerre interminable (pour la Grèce) du Péloponnèse, la transformation d’un grand peuple en plèbe d’assistés et d’accros au théâtre gratuit, c’est lui, idole par ailleurs de nos bons profs d’histoire, tous fonctionnaires.
John T. Flynn est lui un pamphlétaire de la première moitié du siècle dernier. Il a écrit après la Guerre un best-seller contre Roosevelt, The Roosevelt Myth. Dès les années trente, il reprochait au New Deal sa gabegie, son inutilité, sa dette immonde. Pour lui comme pour Georges Bernanos et les libertariens de haute école, New Deal, fascisme et socialisme incarnaient une seule et même chose, l’Etat moderne qui met fin à notre simple autonomie.
Dans ses Leçons oubliées, Flynn compare Roosevelt au fameux stratège athénien Périclès: dette énorme, gesticulations médiatiques, grands travaux, constructions de prestige, bases, colonies (les bases US !), et une belle guerre mondiale et surtout perpétuelle. Tout rapproche Périclès de Roosevelt, y compris le prestige historique de ces deux grandes et catastrophiques figures. Roosevelt démantela les empires coloniaux et brada notre Europe - comme Périclès la Grèce avec la Guerre du Péloponnèse.
Flynn se réfère à Plutarque, au merveilleux Plutarque.
On cite la Vie des hommes illustres, Périclès, chapitre IX et suivants.
« Beaucoup d'autres prétendent que c'est lui qui le premier habitua le peuple aux clérouchies, aux distributions d'argent pour le théâtre et autres indemnités diverses ; mesures qui, de sage et travailleur qu'il était, le rendirent prodigue et indocile. Demandons aux faits eux-mêmes les raisons de cette transformation. »
J’ai déjà cité Démosthène qui un siècle après Périclès se plaint dans la Réforme de la gabegie de l’argent public et du divertissement athénien. Plutarque encore :
« Périclès, vaincu en popularité, eut recours à des largesses faites avec les revenus de l’Etat. Le voilà sur-le-champ qui corrompt en grand toute la multitude avec les fonds des spectacles, avec des salaires attribués aux juges, par toutes sortes d'allocations et de largesses ; puis de cette multitude il se fait une arme contre l'Aréopage. Il n'en était pas membre, le sort ne l'ayant jamais désigné pour les fonctions d'archonte, de roi, de polémarque ou de thesmothète… ».
Périclès déclare des guerres juridiques et administratives, quand il ne chasse pas la concurrence politique par ostracisme:
« Ainsi Périclès, fort de l'appui du peuple, abattit la puissance de ce tribunal (l’aréopage). Il se vit dépossédé de la plupart de ses juridictions par l'entremise d'Ephialte; Cimon fut banni comme ami des Lacédémoniens, et ennemi de la démocratie (misodèmon), — Cimon qui ne le cédait à personne en naissance et en richesses, qui avait remporté de brillantes victoires sur les Barbares, qui avait rempli la ville de dépouilles et de trésors, comme je l'ai raconté dans sa Vie. — Tel était sur la multitude l'ascendant de Périclès (kratos en to démo Perikleou) ».
Puis Plutarque s’emporte, qui pourtant est fasciné par Périclès !
« XI Aussi Périclès, de plus en plus, lâcha la bride au peuple, et rechercha la popularité; il s'ingéniait pour qu'il y eût toujours à Athènes des assemblées générales, des banquets, de belles cérémonies, enfin il offrait à la ville toutes sortes de divertissements du meilleur goût. »
Mais ce spectaculaire beurre ne suffit pas. Guerre social-démocrate: on ajoute les canons et on joue au petit soldat, au colonisateur. Comme le disait Rothbard l’Etat militariste accompagne l’Etat socialiste.
« Chaque année, il envoyait soixante trières montées pendant huit mois par un grand nombre de citoyens qui recevaient un salaire… Il envoya en outre dans la Chersonèse mille colons; à Naxos, cinq cents; à Andros, deux cent cinquante.
En Thrace il prescrivit à mille citoyens d'habiter chez les Bisaltes ; il en envoya d'autres en Italie lors de la reconstruction de Sybaris sous le nom de Thurium: tout cela, pour alléger Athènes d'une populace sans ouvrage, et par là même remuante; pour soulager la misère du peuple et pour installer enfin, auprès des alliés (summaxois), comme garantie contre toute espèce de révolte, des garnisons, et par conséquent la crainte (phobos). »
La force athénienne repose bien sûr sur la terreur. Or quand on est le plus fort, on se sert le premier. On ruine le trésor de Délos pour édifier les babioles que vont adorer les touristes deux mille ans après:
XII Mais ce qui fit le plus de plaisir à Athènes, et ce qui devint le plus bel ornement de la ville ; ce qui fut pour tout l’univers un objet d’admiration ; la seule chose enfin qui atteste aujourd’hui la vérité de ce qu’on a dit de la puissance de la Grèce et de sa splendeur d’autrefois, ce fut la magnificence des édifices construits par Périclès. »
Certains esprits ne sont pas contents (Plutarque évoque les anciennes élites et les… poètes comiques !) :
« Et la Grèce n’a-t-elle pas raison de se croire insultée, et outrageusement tyrannisée, quand elle voit que les sommes déposées par elle dans le trésor commun, et qu’elle destinait à fournir aux frais des guerres nationales, nous les dépensons, nous, à couvrir notre ville de dorures et d’ornements recherchés, comme une femme coquette accablée sous le poids des pierreries ; à la parsemer de statues ; à construire des temples de mille talents ? »
Le bon Périclès trouve normal de s’être servi. Et comme n’importe quel président US qui nous invite à payer plus pour aller casser la gueule à notre voisin russe:
« Périclès tenait un tout autre langage : « Vous ne devez à vos alliés nul compte de ces deniers, disait-il au peuple, puisque c’est vous qui faites la guerre pour eux, et qui retenez les barbares loin de la Grèce, tandis qu’eux ne vous fournissent pas un cheval, pas un vaisseau, pas un homme, et qu’ils ne contribuent que de leur argent. Or, l’argent, du moment qu’il est donné, n’est plus à celui qui l’a donné, mais à celui qui l’a reçu, pourvu seulement que celui-ci remplisse les engagements qu’il a contractés en le recevant. Or, vous avez rempli tous vos engagements, en ce qui concerne la guerre. »
Les grands travaux occupent tout le monde, comme les gares et les barrages (ça se visite aussi, non?), et les aéroports et toutes les pyramides du Louvre. Périclès :
« Une foule de besoins nouveaux ont été créés, qui ont éveillé tous les talents, occupé tous les bras, et fait, de presque tous les citoyens, des salariés de l’État : ainsi, la ville ne tire que d’elle-même et ses embellissements et sa subsistance. Ceux que leur âge et leurs forces rendent propres au service militaire reçoivent, sur le fonds commun, la paye qui leur est due. Quant à la multitude des ouvriers que leurs professions exemptent présentement du service militaire, j’ai voulu qu’elle ne restât point privée des mêmes avantages, mais sans y faire participer la paresse et l’oisiveté. Voilà pourquoi j’ai entrepris, dans l’intérêt du peuple, ces grandes constructions, ces travaux de tous genres, qui réclament tous les arts et toutes les industries, et qui les réclameront longtemps. »
On ostracise les rares mécontents :
« Enfin, la lutte avec Thucydide (pas l’historien, un rival politique) en vient à un tel point que Périclès se résout à courir les risques de l'ostracisme, obtient le bannissement de son adversaire, qui est suivi de la dissolution du parti. »
Périclès semble gagner son pari avant la peste et les premières défaites. Il est le Roi du Monde façon Roosevelt:
« Il semblait qu’il n’y eût plus d’inimitiés politiques, et qu’il n’y eût désormais, dans Athènes, qu’un même sentiment, une même âme. On pourrait dire qu’alors Athènes, c’était Périclès. Gouvernement, finances, armées, trirèmes, empire des îles et de la mer, puissance absolue sur les Grecs, puissance absolue sur les nations barbares, sur tous les peuples soumis et muets, fortifiée par les amitiés, les alliances des rois puissants, il attira tout à lui, il tenait tout dans ses mains. »
Et la « mégalo-thymie », l’ubris de Fukuyama frappe la cité athénienne :
« Périclès inspirait à ses concitoyens une opinion de plus en plus haute d’eux-mêmes, en sorte qu’ils se croyaient appelés à une puissance plus grande encore. »
En dépit de ses dépenses et ses erreurs, Périclès est resté une figure de légende, comme ce FDR jugé le plus prestigieux des présidents US par la smalah des universitaires et des profs de collège; Roosevelt qui appauvrit son pays et l’endetta, qui aggrava la crise de 29 et la rendit pérenne, Roosevelt enfin qui provoqua le Japon de la manière la plus cynique (Morgenstern), massacra l’Allemagne prête à négocier dès 1943 et donna la moitié de l’Europe à Staline – et la Chine au maoïsme.
Ralph Raico remarque enfin que le complexe militaro-universitaire a fait de Truman un grand président américain: Otan, Corée, Hiroshima. Sans oublier le social et l’antiracisme, à l’armée puis partout.
Sources antiques et libertariennes :
PLUTARQUE, VIE DE PERICLES TRADUIT PAR UNE SOCIETE DE PROFESSEURS ET D’HELLENISTES – PARIS, LIBRAIRIE HACHETTE, 1893 (Gallica BNF)
Edition bilingue. Vie des Hommes Illustres. Traduction Alexis Pierron, 1853 (Remacle.org)
Démosthène – Discours sur les réformes publiques (Remacle.org)
John T. Flynn – A Roosevelt Myth; forgotten lessons. Mises.org
The costs of war; American pyrrhic victories, edited par John V. Denson
Ralph Raico- A libertarian rebuttal (Mises.org).
19:32 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : périclès, nicolas bonnal, grèce antique, démocratie, démocratie totalitaire, athènes | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Gros plan sur... Luc-Olivier d'Algange
Gros plan sur... Luc-Olivier d'Algange
propos recueillis par Frédéric Andreu
Écrivain à la fois solitaire et solidaire, discret et disponible, Luc-Olivier d'Algange semble préférer les plateaux montagneux où planent les aigles royaux, aux plateaux de télévision ! Afin d'essayer d'entrer, sur la pointe des pieds, dans son œuvre protéiforme faite de poésie et d'essai, nous lui avons adressé sept questions.
Pourquoi sept ? Parce que tel est le nombre sacré des légendes qu'il affectionne par dessus tout. Le but de notre démarche ? Tenter de mieux situer un auteur rare. Guetteur du bel apparaître dans un temps disgracieux du paraître, Luc-Olivier d'Algange, qui êtes-vous ?
I : Votre page «wikipédia», consultable sur la toile, indique que vous êtes né à Göttingen. Quel souvenir personnel gardez-vous de cette cité allemande célébrée notamment par la chanteuse Barbara ?
Je n'ai aucun souvenir de Göttingen, je n'ai fais qu'y naître, mais en revanche je me souviens bien de Cassel, où je vécu jusqu'à l'âge de six ans, et surtout de Einbeck où vivait ma grand-mère du côté maternel. J'y passais de nombreuses vacances, surtout en hiver. Je me souviens, en particulier, des têtes de sangliers qui ornaient les murs et de la petite véranda où régnait un fatras fantastique, et qui servait aussi de frigidaire, voire de congélateur, les températures en hiver descendant communément au moins vingt. Je me souviens du poêle à charbon et de la cave, un peu effrayante, où il fallait aller chercher le noir combustible. Je me souviens de ma luge, avec laquelle, rétrospectivement, je suis heureux de ne m'être pas tué. Je me souviens des amis de ma grand-mère, joviaux et nostalgiques ; de la ferme de mes cousins et des animaux que, petit citadin, je découvrais. Je me souviens surtout des forêts alentours, - et le sentiment m'en reviens chaque fois que je relis Heidegger, dont la prose est parfois rugueuse comme celle d'un vieil arbre. Les interrogations fondamentales, depuis les présocratiques, sont liées à l'enfance : « Pourquoi y a t-il quelque chose plutôt que rien ? »
II : A quel âge avez-vous commencé à écrire ? Gardez-vous souvenir de ces textes initiaux?
Curieux des livres, des lettres, des crayons, j'ai commencé à écrire, avant d'aller à l'école, des histoires de chevaux dans un allemand phonétique. Un camarade plus âgé m'avait appris l'alphabet:il n'en faut pas plus. Je pensais alors que les chevaux, bien que nous leur commandions, étaient plus intelligents que les humains, et je serais presque enclin à le penser toujours... Mais je n'ai commencé à écrire véritablement, et en français, qu'au collège, avec les encouragements d'un professeur d'exception qui avait le don de nous faire entrer dans le monde d'un poème simplement en le lisant à voix haute, sans le déclamer, mais sur le souffle, le rythme profond. Ses « explications de texte » étaient de véritables herméneutiques et les sujets de rédaction qu'il nous proposait de prodigieuses provocations à l'imagination. « Imaginez le monde des Hommes-Oiseaux » ou encore « Imaginez un dialogue entre l'Ondine de Giraudoux et l'Ophélie de Shakespeare ». Ce professeur, au demeurant, me défendit avec fougue contre la direction du collège qui voulait me mettre en « fin d'étude » nonobstant mon inclination à l'école buissonnière et, peut-être, quelques juvéniles insolences. Je lui dois d'avoir découvert ces auteurs qui m'accompagnent encore aujourd'hui : Rimbaud, Mallarmé, Saint-John Perse, Edgar Poe, Lovecraft, Giraudoux, Stéphan George, Ernst Jünger,... Enfin nommons le : Jacques Delort, - rien à voir avec le Ministre – et auteur d'un beau livre sur la poésie et le sacré. Ce fut lui, aussi, qui me fit publier mon premier article, sur Saint-Pol-Roux, dans la revue Etudes et Récherches.
III : Les écrivains observent souvent des «rites» propitiatoires à l'écriture. Certains ne peuvent écrire qu'en écoutant de la musique ; d'autres, a contrario, ne le peuvent que dans le silence d'une thébaïde retirée du monde? Qu'en est-il de Luc-Olivier d'Algange?
Le rite serait, par quelque prière, d'être, avant même de commencer à écrire, en accord avec un paysage intérieur, venu du souvenir ou de l'imagination, si tant est qu'il faille distinguer l'un de l'autre. Mieux encore est d'installer son scriptorium dans un tel lieu, chose aisée puisque j'écris à la main et que suffisent un carnet et un stylo. Nul besoin de ces machines, toujours un peu encombrantes et qui exigent une prise électrique. Il m'a toujours semblé lecteur ou écrivain, que les phrases naissaient des paysages, qu'elles en prolongeaient les couleurs et les rumeurs. Pour écrire, il me faut, de préférence, un ciel au-dessus de la tête. Quand bien même les phrases que nous écrivons n'en disent rien directement, ne le décrivent aucunement, le paysage s'infuse dans les mots qui en gardent les essences et les secrets. Les propos, même les plus abstraits à première vue, se chargent de l'esprit des lieux où ils furent conçus. J'évoquais, à propos de Heidegger, la Forêt, et pareillement et de toute évidence, nous percevons, lisant Nietzsche, la lumière de l'Engadine.
IV : Pouvez-vous citer un ou deux ouvrages qui ont bouleversé votre vision du monde?
Venons aux tout premiers, dans l'ordre d'apparition, même, bien sûr, il y en eut d'autres. Le Zarathoustra de Nietzsche, tout d'abord, qu'un jeune homme ne peut lire sans le cœur ne batte la chamade. ; Hyperion d'Hölderlin, qui ouvre à la poésie absolue, véritable foudre d'Apollon ; et Les Contes cruels de Villiers de l'Isle-Adam qui firent que, face à notre temps, soudain nous nous sentions moins seuls dans nos refus et dans nos songes.
V : Les mots "légende", "songe", "orée tremblante", "chant du merle" blasonnent souvent vos textes. On se demande : quelles sont les contes, les fées – voire, les contes de fée - qui vous inspirent ces jolis mots?
La « vraie vie » commence toujours dans le conte et la légende, sitôt nous quittons la fiction sinistre que le monde abstrait, le monde planifié, nous impose . Seul un écran nous sépare du monde légendaire. Tout ce dont parlent les contes existe bel et bien. Bel et bien, - dans la beauté et dans la bonté que nous retrouvons lorsque les écailles nous tombent des yeux. Bel et bien, et partout, même dans les lieux les plus déshérités et les plus sinistres. Chaque heure est le blason d'une réalité visible-invisible : tremblantes orées. Ce n'est que par soumission, aveuglement, surdité spirituelle que nous cessons de les percevoir, par crainte aussi, - car le monde légendaire, en ses périls et merveilles menace à chaque instant ce que nous pensons être nos certitudes. Les forêts sont profondes, les océans, incertains, et l'on risque fort de s'y métamorphoser.
VI : Dans d'autres textes, on entend tinter les maillons d'une "chaîne d'or". C'est ce que vous désignez, je crois bien, par la «cadena aurea de la tradition». Que signifie pour vous cette locution latine plus guère usitée de nos jours?
La chaine d'or, la catena aurea existe en dehors de nous. Elle est un influx, une tradition qu'un concours de chances nous permets parfois de reconnaître. Entre les Ennéades de Plotin et le vaste poème de Schelley, Epispsychidion, - ce qui veut dire l'Ame de l'âme, - il y a bien plus qu'un simple jeu d'influences littéraires. Un tradere s'est perpétué dont on trouve des signes de tous temps et je me suis efforcé, dans certains de mes livres, d'en interpréter d'une façon qui n'est pas seulement historique ou chronologique. Certains auteurs retrouvent ces ressources sans presque rien savoir de leurs prédécesseurs. Une même expérience leur fut donnée : celle de la multiplicité chromatique des états de la conscience et de l'être.. L'érudition, certes, est belle, mais elle n'est que le satellite de cette expérience intérieure, de cet ensoleillement de l'être.
VII : L'action de votre prochain roman se déroule, paraît-il, au Portugal? Voulez-vous tirer pour nos curieux lecteurs, un coin de voile sur ce projet en cours?
Ce roman, pour lors, est à mi-chemin, et au point où j'en suis, il me faudrait pouvoir séjourner quelque temps sur les rives du Tage, et en attendre la suite comme le sébastianiste attend, un soir de brume, le retour du Roi Caché. En d'autres temps, un mécène eût pourvu à mes frugalités... Le songe demeure cependant d'un roman comme un « feu de roue » alchimique, d'une temporalité sphérique recréée, en tonalités et a-tonalités, dans une forme où le « résolument moderne » rimbaldien ne contredit pas mais accomplit la Tradition.
Il existe des "livres fenêtre", il existe des "livres chemin". Il existe aussi des "livres pour faire réfléchir nos têtes" et des "livres qui nous prennent par la main". Propos réfractaires est un peu tout cela à la fois, fenêtre et chemin. Tout dépend, bien sûr, des attentes du lecteur... Lu et approuvé pendant l'hiver, j'attendais, pour ma part, un "livre chaleur" qui m'aide à lutter contre le froid. Contre le froid hivernal qui commence en décembre et contre le froid civilisationnel qui a commencé un peu plus tôt. Le jour où les Bourgeois ont remplacé les Aristocrates et les machines ont remplacé les dieux.
À la fois ennemie du ressentiment et amie des légendes, la pensée de Luc-Olivier d'Algange est sans concession contre les apories de cette époque sans rivage que nous avons la disgrâce de vivre. Son titre Propos Réfractaires, « est venu de lui-même et presque malgré nous » prévient l'auteur dès la première ligne. Un titre qui en effet ne dit peut-être pas le tout du livre, mais en dit beaucoup. On reconnaît un livre à son titre comme on reconnaît un arbre à ses fruits. « Livre fenêtre » de nos étés trop chauds, Propos Réfractaires est aussi un « livre brique réfractaire » pour nos hivers trop froids. Au-delà des analogies joueuses de votre serviteur, cher Luc-Olivier, l'auteur de ces pauvres lignes veut vous dire encore ceci : l'important est que votre « livre brique » diffuse la chaleur lente et sereine des légendes qui, comme nous le rappelle Patrice de la Tour du Pin, « empêchent les peuples de mourir de froid ».
Propos Réfractaires, 21 euros, Editions L'Harmattan, collection Théôria.
https://www.editions-harmattan.fr
OUVRE TES YEUX...
Ouvre tes yeux éclusés de lumière,
pour que la lointaine chaleur des étoiles
redescende sur Terre ;
pour que le parfum des rares fleurs,
défroissent les ailes de l'âme !
Et pour que les mots fassent de tes jardins rayés, des ambassades du ciel !
Toutes les paroles ne s'envolent pas.
Certaines s'impriment sur la roche tendre
des nuages. Sur les pages des jours heureux se dépose la signature des rencontres.
On ne se souviendra de ce pays d'enfance
que des mouches joueuses,
des alluvions d'Éternité aux sourires des passantes.
De ces dames, un je ne sais quoi de guindé et d'attirant à la fois...
À cette fierté à briser les lampes des au-revoirs...
Je préfère les petites bougies d'églises.
Je ne prie pas pour elles,
je prie pour leurs âmes
VA-T-ELLE SUCCOMBER À MON POÈME ?
On croit avoir déjà tout dit,
Et puis, on trouve cet espace entre les roches lisses du langage...
Ta seule présence faisait trembler tous les mots de mon corps. Ta froide poitrine déposait sa goutte de lait dans le creux de mes mains.
Les amis de toujours se demandaient pourquoi tes étoiles cherchaient à passer par les serrures de mon âme ?
Ils n'ont pas séjourné sous ton rosier sauvage. Ils n'ont pas trouvé le diamant perdu de notre rencontre.
Ils voient tout cela comme un événement lointain.
L'amour réside entre le fruit et l'absence.
Ces fruits de ta bouche que je mange, tes dents blanches qui vont chercher en moi le rouge des mots tendres... en mordillant un peu mon cœur.
UN PROJET POÉTIQUE (en hommage à Luc-Olivier d'Algange)
Je reviens de cette lecture les poches pleines de rêves,
Le talent de dire le pays. La chaleur des mots dans les yeux. L'accent qui fait toute la différence ! Voilà plus d'une heure que la bougie attend la fin de la nuit. Ma lecture vacillante s'achève sur un début qui ne fait que "commencer" par un nouveau pas de danse...
A mon tour, je partirai récolter les couleurs de l'eau.
Je toucherai une à une les gouttes du silence,
pour que la chaîne des mots ne tombe pas entre de mauvaises nuits,
je voisinerai les champs de blé travaillés de bonne heure,
les maisons mitoyennes qui baillent dans la forêt,
au balcon les filles bardées d'aventure !
Je parle peut-être en esthète de l'inutile. Incompris de la plupart ? - Pour me faire comprendre, je me déferai de tout sauf de la bague d'allégeance avec la poésie.
Enfin ! J'ai trouvé l'accent qui manquait à la fleur cueillie ! Une aile d'encre envolée dans le poème ! Je la tiens pincée entre deux doigts. Comme pour la montrer à l'invisible ; pour voir dans la fleur, le sceptre ; et dans le pays, le royaume !
- La légende disait donc vrai !
la reine d'Islande est plus belle que la neige,
ses pas éclairés de joliesse
ne reflètent que des pieds innocents
- Mon poème pour sa Majesté
est une rose de sang...
Dans son pays, les enfants parlent aux animaux ;
il n'y a pas une fleur qui ne connaissent son nom ;
Pourtant, des batailles éclatent avec tout ce qui nuit à la lumière.
Mais, même tenus dans le silence, les mots qui suivent diront tout de mon amour.
LA BELLE ENTRAÎNEUSE
L'été s'achève dans le cycle du rire, les grands chemins blancs de neige, toutes ces histoires déjà écrites dans l'avenir.
Le livre des Amours est resté grand ouvert,
et nos doigts essaient de l'ouvrir avec la force du rêve...
n'ôtant que le vernis de nos incrédulités.
Celle qui se dévoile ce matin est trop belle pour se suffire à un monde ! Sa démarche la multiplie en autant de nuits qu'il nous reste à vivre. Il existe une échelle pour la mesurer à l'aune des étoiles. - Oserais-je lui donner le nom d'une constellation ?
Un seul coup d'œil en sa direction, et voici que les filtres de mon regard se mettent à brûler,
ne laissant qu'une silhouette de mot accrochée aux cimaises du vent.
Bérénice aux cheveux servant de luge à mes désirs ! - la neige tombera et me donnera raison !
En attendant, les poissons nagent dans mon sang. Seul le silence est témoin de cet amour intérieur qu'il faut pour écrire !
19:09 Publié dans Entretiens, Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : luc-olivier d'algange, littérature, lettres, lettres françaises, littérature française, entretiens | | del.icio.us | | Digg | Facebook