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Informatique et nouvel ordre mondial: un rappel de Claude Lévi-Strauss
Nicolas Bonnal
Le nouvel ordre mondial se met en place sur fond d’apparent effondrement américain : en réalité GAFA et oligarques se foutent du peuple américain, devenu un troupeau réductible et contrôlable comme un autre. Certains risquent d’être déçus par le comportement des Talibans qui se sont vus régaler le pays, relâchés par les Américains, et dont certains leaders ont été préparés par le Dr Seligman et les procédés de Guantanamo.
En réalité on se prépare à la monstrueuse fourmilière électronique dans tous les pays, musulmans, chinois ou autre, et on cherche comme en France et en Europe à contrôler la masse par le « virus » et par cette informatique qui nous a réduits à l’état de bêtes ou pour mieux dire d’insectes (prédiction de Kojève, voyez mon texte). On a vu que le Ghana sera le premier pays à utiliser la biométrie sans contact dans le programme national de vaccination.
On ignore les corps, on attaque l’esprit, et cet esprit, conformément aux prédictions de Tocqueville (et de Thulsa Doom du film Conan) permet de faire agir le groupe de primates comme la colonie de fourmis.
En France on comprend enfin que leur Informatique sert à recréer des castes. Ceux qui ne seront pas vaccinés seront traités un certain temps comme des sous-hommes en attendant leur extermination par une élite qui, comme Enthoven, les trouve fous et dangereux.
Il faut donc revoir le fondamental texte de Lévi-Strauss sur les origines de l'écriture: comme l’informatique, l’écriture a servi au contrôle et à l’esclavage, pas à faire de la littérature et de la poésie – qui elles-mêmes auront surtout servi à sélectionner des profs et des élèves. Pour Lévi-Strauss, « la fonction primaire de la communication écrite est de faciliter l'asservissement. »
Elle ne fut pas facteur de progrès cette écriture, tout comme cette informatique qui accélère l’effondrement culturel, musical, politique, cinématographique ou autre de notre ex-civilisation:
« Inversement, depuis l'invention de l'écriture jusqu'à la naissance de la science moderne, le monde occidental a vécu quelque cinq mille années pendant lesquelles ses connaissances ont fluctué plus qu'elles ne se sont accrues. On a souvent remarqué qu'entre le genre de vie d'un citoyen grec ou romain et celui d'un bourgeois européen du XVIIIe siècle il n'y avait pas grande différence. Au néolithique, l'humanité a accompli des pas de géant sans le secours de l'écriture ; avec elle, les civilisations historiques de l'Occident ont longtemps stagné. Sans doute concevrait-on mal l'épanouissement scientifique du XIXe et du XXe siècle sans écriture. Mais cette condition nécessaire n'est certainement pas suffisante pour l'expliquer. »
Esclavage, castes, contrôle, voilà la fonction de l’écriture (et de l’informatique des techno-féodaux dont je parlais il y a vingt ans avant d’être plagié) :
« Si l'on veut mettre en corrélation l'apparition de l'écriture avec certains traits caractéristiques de la civilisation, il faut chercher dans une autre direction. Le seul phénomène qui l'ait fidèlement accompagnée est la formation des cités et des empires, c'est-à-dire l'intégration dans un système politique d'un nombre considérable d'individus et leur hiérarchisation en castes et en classes. Telle est, en tout cas, l'évolution typique à laquelle on assiste, depuis l'Égypte jusqu'à la Chine, au moment où l'écriture fait son début: elle paraît favoriser l'exploitation des hommes avant leur illumination. Cette exploitation, qui permettait de rassembler des milliers de travailleurs pour les astreindre à des tâches exténuantes, rend mieux compte de la naissance de l'architecture que la relation directe envisagée tout à l'heure. Si mon hypothèse est exacte, il faut admettre que la fonction primaire de la communication écrite est de faciliter l'asservissement. »
Ne pas trop se faire d’illusions sur la poésie : « l'emploi de l'écriture à des fins désintéressées, en vue de tirer des satisfactions intellectuelles et esthétiques, est un résultat secondaire, si même il ne se réduit pas le plus souvent à un moyen pour renforcer, justifier ou dissimuler l'autre. »
Rappelons-nous que Platon dans le dialogue Phèdre tort aussi le cou à l’écriture. Le pharaon Thamous déclare au dieu Thot qui vient de l’inventer:
Le roi répondit : Industrieux Theuth, tel homme est capable d’enfanter les arts, tel autre d’apprécier les avantages ou les désavantages qui peuvent résulter de leur emploi ; [275a] et toi, père de l’écriture, par une bienveillance naturelle pour ton ouvrage, tu l’as vu tout autre qu’il n’est : il ne produira que l’oubli dans l’esprit de ceux qui apprennent, en leur faisant négliger la mémoire. En effet, ils laisseront à ces caractères étrangers le soin de leur rappeler ce qu’ils auront confié à l’écriture, et n’en garderont eux-mêmes aucun souvenir. Tu n’as donc point trouvé un moyen pour la mémoire, mais pour la simple réminiscence, et tu n’offres à tes disciples que le nom de la science sans la réalité ; car, lorsqu’ils auront lu beaucoup de choses [275b] sans maîtres, ils se croiront de nombreuses connaissances, tout ignorants qu’ils seront pour la plupart, et la fausse opinion qu’ils auront de leur science les rendra insupportables dans le commerce de la vie. »
Revenons à Lévi-Strauss qui voit aussi les pièges de l’alphabétisation au dix-neuvième siècle:
« Si l'écriture n'a pas suffi à consolider les connaissances, elle était peut-être indispensable pour affermir les dominations. Regardons plus près de nous : l'action systématique des États européens en faveur de l'instruction obligatoire, qui se développe au cours du XIXe siècle, va de pair avec l'extension du service militaire et la prolétarisation. La lutte contre l'analphabétisme se confond ainsi avec le renforcement du contrôle des citoyens par le Pouvoir. Car il faut que tous sachent lire pour que ce dernier puisse dire : nul n'est censé ignorer la loi. »
Et notre grand esprit de comprendre que tout le monde copie les Occidentaux ne fût-ce que pour les remplacer :
« Du plan national, l'entreprise est passée sur le plan international, grâce à cette complicité qui s'est nouée, entre de jeunes États - confrontés à des problèmes qui furent les nôtres il y a un ou deux siècles - et une société internationale de nantis, inquiète de la menace que représentent pour sa stabilité les réactions de peuples mal entraînés par la parole écrite à penser en formules modifiables à volonté, et à donner prise aux efforts d'édification. En accédant au savoir entassé dans les bibliothèques, ces peuples se rendent vulnérables aux mensonges que les documents imprimés propagent en proportion encore plus grande. »
L’instruction serait un mensonge ? Mazette...
Sources:
Claude Lévi-Strauss, Tristes tropiques,1955, p. 346-347.
Pedro Castillo a officiellement pris ses fonctions de président du Pérou le 28 juillet.
Peu de gens ont remarqué que le parti Pérou Libre, dont Castillo est issu, se décrit comme marxiste-léniniste, ce qui est un cas sans précédent pour le Pérou et l'Amérique latine elle-même. Fait important, le nouveau président est un opposant à l'avortement et au mariage homosexuel, ce qui est atypique pour la gauche latino-américaine. L'élection d'une nouvelle figure reflète clairement les aspirations des masses à des politiques plus souveraines et plus justes. Il s'agit maintenant pour M. Castillo d'être à la hauteur de cette confiance et d'entamer une coopération intensive avec des collègues d'autres pays qui partagent une vision de l'indépendance et d'un avenir décent pour leurs peuples.
Compte tenu du climat actuel sur le continent, une situation très intéressante se dessine. De l'héritage du tournant de gauche du début des années 2000, seul le Venezuela a survécu à la bataille contre l'hégémonie américaine, et, il faut l'ajouter, cette résistance s'est déployée avec grande difficulté. La Bolivie a été mise hors jeu pendant un certain temps, mais a réussi à se remettre sur les rails après la dernière élection présidentielle. L'Équateur et, plus tôt encore, le Honduras sont tombés. En Argentine, les péronistes sont revenus au pouvoir après le néolibéral Mauricio Macri. Il y a une chance qu'au Brésil, la gauche puisse reprendre le pouvoir. Lors des élections régionales de la fin de l'année dernière, ils ont remporté une majorité de sièges. Le Mexique, lui aussi, suit une voie souveraine pragmatique tout en comprenant la nécessité d'un engagement formel avec les États-Unis. Ajoutez à cela Cuba, qui est effectivement un avant-poste de la résistance à l'hégémonie américaine. Le résultat est un axe géopolitique dont les membres résistent à la domination de Washington et cherchent à relancer les processus d'intégration qui ont été bloqués ou affaiblis par des forces extérieures et des contradictions internes.
La crise de l'OEA et le retour de l'intégration régionale
À la veille de l'investiture de Pedro Castillo, le président mexicain López Obrador a sévèrement critiqué les actions des États-Unis et de leur structure mandataire appelée Organisation des États américains (OEA). Le président a ouvertement déclaré qu'il enverrait de l'aide humanitaire à Cuba malgré l'embargo américain. Les actions de Washington ont été qualifiées d'"inhumaines et barbares". Quant à l'OEA, elle était à l'origine un instrument de l'influence américaine dans les Amériques. "L'Union panaméricaine", qui a précédé l'OEA, a été créée pour mettre en œuvre la stratégie de la "doctrine Monroe". L'OEA a son siège à Washington, ce qui indique sans équivoque la position hégémonique des États-Unis. Comme de nombreuses structures dépassées telles que la SEATO et la SENTO, l'OEA n'a également plus aucune raison d'exister si ce n'est de continuer à servir les intérêts de la Maison Blanche. La proposition du président mexicain López Obrador est donc opportune et pertinente. Dans un monde de plus en plus multipolaire, un nouveau mécanisme est nécessaire pour le dialogue politique dans les Amériques.
Efrain Guadarrama (photo), directeur des institutions et mécanismes régionaux américains du ministère mexicain des affaires étrangères, a commenté les propos du président mexicain comme suit :
"Le discours du président López Obrador reflète la réalité dans laquelle nous vivons dans notre hémisphère. Nous avons actuellement une "Organisation des États américains" qui ne se concentre que sur les questions qui sont controversées et qui divisent. Cela n'est pas acceptable et constitue un symptôme clair que la SV ne fonctionne pas et n'est pas adaptée aux circonstances".
Interrogé par les médias sur la perspective d'un rétablissement de l'intégration régionale en Amérique latine et dans les Caraïbes, M. Guadarrama a déclaré que "c'est certainement une image positive et encourageante. Lorsque le Mexique a assumé la présidence intérimaire de la CELAC en janvier 2020, les différences entre les États membres sont apparues clairement. D'autre part, lors de cette dernière réunion des ministres des affaires étrangères, nous avons vu qu'absolument tous les pays sont venus avec des attitudes coopératives, en se concentrant sur les défis communs auxquels nous sommes confrontés en tant que région, principalement à cause de la pandémie. La pandémie nous a obligés à nous asseoir et à chercher des stratégies régionales pour faire face à la situation. Nos programmes de collaboration les plus importants, menés par la CELAC, étaient donc basés sur une distribution beaucoup plus équitable des vaccins. Cela nous a permis de faire bénéficier sept pays de vaccins et de nombreux autres de l'EVD. Notre analyse montre que plus de 50 % des gouvernements du bloc ont bénéficié de nos programmes de collaboration pendant la pandémie.
La crise pandémique a permis aux pays d'Amérique latine de se réengager dans la coopération et la collaboration.
Les élections présidentielles au Chili auront lieu en novembre, ce qui sera également important pour l'Amérique du Sud. Le principal vecteur des intérêts américains reste la Colombie, qui est secouée depuis des mois par de nombreuses manifestations et émeutes. Le Nicaragua organisera également des élections générales en novembre - et il existe déjà des preuves d'ingérence de Washington et de ses agents (ainsi que des tentatives actuelles d'organiser des émeutes à Cuba). Dans l'ensemble, la situation actuelle est encourageante. L'inclusion de l'"axe du bien" (pour citer Hugo Chávez), c'est-à-dire l'Iran et la RPDC, ainsi que le soutien de la Russie et de la Chine, pourraient constituer des facteurs supplémentaires pour la création rapide d'un pôle géopolitique ibéro-américain.
Les talibans sont revenus au pouvoir après vingt ans et pour l'Afghanistan, l'Asie centrale et l'Eurasie, à moins d'un revirement radical, une nouvelle phase historique s'ouvre. Une phase qui, selon certains, pourrait être marquée par un retour à l'instabilité de type terroriste des premières années des années 2000 - l'ère de la guerre contre la terreur - mais qui, selon d'autres, pourrait réserver de grandes et imprévisibles surprises - parmi lesquelles une stabilisation du théâtre afghan fonctionnelle pour catalyser la matérialisation des rêves eurasiens de la Russie et de la Chine et, donc, pour accélérer la multipolarisation du système international.
Ce sont les événements d'un avenir proche qui donneront raison aux premiers ou aux seconds, c'est-à-dire à ceux qui craignent les talibans ou à ceux qui se réjouissent de leur ascension, mais en attendant, nous disposons déjà de quelques éléments utiles à la formulation d'une prédiction. Nous savons, par exemple, que les talibans de Hibatullah Akhundzada ne cherchent pas l'auto-marginalisation, mais la reconnaissance internationale. Et nous savons qu'ils aimeraient acquérir la légitimité qui leur fait défaut aujourd'hui de diverses manières: amnistie générale pour les concitoyens ayant travaillé avec l'Alliance atlantique, ouverture aux investissements étrangers, inauguration d'un processus de réconciliation nationale et, enfin et surtout, mise en place d'un régime politique (très) conservateur mais non fondamentaliste.
Encore une fois, ce seront les événements du futur proche qui confirmeront ou non la bonté des proclamations des Talibans 2.0 - qui, par rapport à leurs prédécesseurs, semblent être plus "sociaux", c'est-à-dire plus enclins à utiliser le Net pour promouvoir leur image - mais une chose est sûre comme l'or: ils sont et restent des pragmatiques, ils sont et restent la manifestation la plus puissante de la géopolitique pakistanaise et ils sont et restent les porte-parole d'une force sociale plutôt nombreuse et représentative de l'Afghanistan pluri-ethnique - cela ne s'expliquerait pas, sinon, l'incapacité de l'Occident à offrir aux Afghans une alternative culturelle valable pour les érudits du Coran - dont les véritables origines remontent au Grand Jeu - Dost Mohammed Khan -, dont les valeurs s'inspirent du code d'honneur pachtoune (Pashtunwali) et dont l'interprétation de l'Islam est ancrée dans les enseignements de l'école déobandi.
La méthode pachtoune
Les tribus qui peuplent les terres sauvages et montagneuses d'Afghanistan vivent de dictons et de proverbes: ils sont leur pain quotidien, l'un de leurs principaux moyens d'exprimer leurs sentiments, leurs émotions et leurs pensées. Et si vous voulez comprendre l'éternel et incompréhensible puzzle qu'est l'Afghanistan, il vous suffit d'étudier les dires des gens qui y vivent, en particulier les Pachtounes.
Parce que les Pachtounes sont le groupe ethnique prédominant en Afghanistan. Ce sont les Pachtounes qui, inflexibles, indomptables, pugnaces et fiers, sont au centre des chroniques des conquérants européens depuis l'époque d'Alexandre le Grand. Et ce sont les Pachtounes qui, dit-on, trouvent toujours un chemin, même lorsqu'ils atteignent le sommet d'une montagne escarpée, et portent toujours une épée pour défendre l'honneur de l'Islam et de leurs frères.
Il est essentiel de pénétrer dans l'esprit et le cœur des Pachtounes : le mouvement taliban est en effet une manifestation politico-religieuse appartenant largement à l'univers pachtoune, comme le montrent et le prouvent l'identité ethnique, les valeurs, le système organisationnel et la foi de ses membres. Parce que les Talibans, tout comme les Pachtounes, croient au Pashtunwali (la voie des Pachtounes, également connue sous le nom de code de vie) - même s'ils l'ont déformé et instrumentalisé pour satisfaire leur propre agenda -, ils se réunissent en jirga (l'assemblée des anciens), respectent les chefs tribaux (Khans) et pratiquent une forme particulière et hétérodoxe d'Islam (Deobandi).
Par certains aspects, le Pashtunwali rappelle l'ancien code d'honneur albanais, le Kanun, et repose sur treize piliers, dont trois sont considérés comme fondamentaux. Les trois piliers fondamentaux sont l'hospitalité envers le visiteur (melmastia), l'octroi de la protection et de la reddition aux ennemis qui le demandent (nanawatai) et la vengeance sanglante (nyaw aw Badal), qui ne connaît ni limites ni trêve.
Les dix autres piliers, que le temps a rendu aussi importants que les trois premiers, sont le devoir de courage face aux envahisseurs (turah), la loyauté envers la famille, les amis et la tribu (wapa), le respect de son prochain et de la création (khegara), le respect de soi-même et de sa famille (pat aw Wyar), la défense de l'honneur des femmes (namus) et des faibles (nang), la chevalerie (merana), la défense des coutumes et des traditions (hewad), la résolution des conflits par l'arbitrage (jirga) et la loyauté inébranlable envers Dieu (groh).
Le groh explique, par exemple, pourquoi les talibans sont opposés à toute forme de sécularisation et d'exclusion du sacré hors de la vie publique. Le nanawatai, en revanche, explique pourquoi les érudits du Coran ont pardonné les policiers, les soldats et les agents du gouvernement qui ont déposé les armes et changé de couleur au premier (et unique) avertissement. Et le turah est le pilier qui, depuis l'époque d'Alexandre le Grand, encourage les Pachtounes à défendre leur terre avec un sens de l'abnégation plus unique que rare.
L'affreux nyaw aw Badal, en revanche, est la charnière qui légitime toutes les brutalités que les talibans ont coutume de commettre contre les ennemis qui ne se rendent pas ou ne renient pas leurs croyances : des lapidations aux pendaisons, et des tortures aux viols. Le nyaw aw Badal est la raison pour laquelle le dernier président de la République démocratique d'Afghanistan a été écorché vif, sans aucune pitié, puis pendu en plein centre de Kaboul. Le nyaw aw Badal explique pourquoi des hordes d'Afghans tentent de quitter le pays et pourquoi de nombreuses autres personnes, là où il n'y a ni caméras ni témoins, sont exécutées sur ordre des tribunaux talibans.
La foi des Talibans
Le Pachtoune, le redoutable berger-guerrier qui, au fil des siècles, a vaincu les Macédoniens, les Britanniques, les Soviétiques et les Américains, transformant l'Afghanistan en cimetière des empires, vit non seulement en respectant les règles non écrites du Pachtounewali, mais aussi en observant strictement les dictats des imams et des oulémas de l'école Deobandi.
Le déobandisme est né à l'époque du Grand Jeu dans l'Inde actuelle. Les fondateurs, parmi lesquels nous nous souvenons de Fazlur Rahman Usmani, Mehtab Ali, Nehal Ahmad, Muhammad Qasim Nanautavi et Sayyid Muhammad Abid, croyaient que la colonisation britannique du sous-continent aurait déterminé un processus de décadence des coutumes avec pour terminus une désislamisation totale. Un scénario auquel les musulmans indiens ne pouvaient échapper que d'une seule manière: en créant un nouvel islam, plus rigide, plus pur, plus ethnocentrique et, surtout, plus anti-impérialiste.
Ce type d'islam, conçu pour résister à la colonisation civilisatrice des occupants britanniques, aurait été forgé au sein de l'école Darul Uloom Deoband - créée à Deoband, dans l'Uttar Pradesh, en 1866 - dont il tire son nom. Influencé par le hanafisme, le maturidisme et les pratiques dérivées du soufisme, le déobandisme a historiquement invité les fidèles à vivre l'islam comme les purs ancêtres (al-salaf al-ṣāliḥīn) - à l'instar du wahhabisme - et a connu une première phase d'expansion qui a duré jusqu'au premier quart du XXe siècle, le répandant entre La Mecque et Kuala Lumpur.
Le facteur ethnocentrique, l'accent mis sur le retour aux origines et la centralité de l'approche anti-impérialiste ont toutefois pris le dessus avec le temps sur l'universalisme et la modération, pour finir par déterminer une radicalisation de cette intéressante et intrigante école de pensée qu'est (ou était?) le déobandisme.
La radicalisation des enseignements déobandi est un phénomène qui a précédé et, en partie, accompagné l'émergence de la question afghane, et donc des moudjahidines et des talibans. Car, si au moment de la fondation, l'Ennemi était représenté par les Britanniques, avec l'avancée de la guerre froide, il deviendra l'Union soviétique. Et les musulmans qui acceptent moins l'impérialisme, en 1979 comme en 1866, trouveront dans le déobandisme une ancre à laquelle ils pourront s'accrocher pour résister à la force écrasante de la massification et défendre leur foi et leur ethnie.
En fin de compte, les Talibans ont réussi à surmonter l'obstacle imposant de la fragmentation ethno-tribale de l'Afghanistan en s'appuyant sur le pouvoir adhésif de ces deux facteurs que sont la culture (Pashtunwali) et la religion (Deobandi). Deux "substances adhérentes" qui leur ont permis, d'abord, de légitimer l'établissement d'un émirat aussi fermé (pachtoune) qu'ouvert (islamique) et ensuite de survivre pendant les années de l'occupation euro-américaine, en prospérant et en se reproduisant dans les montagnes et les zones rurales, d'où ils ont patiemment préparé la reconquête de tout le Pays.
La chute de Kaboul ouvre des scénarios nouveaux: qui prendra la place laissée vacante par le retrait des États-Unis? Peut-être personne. Peut-être tous, en divisant le pays. Ou peut-être y aura-t-il une puissance capable de l'emporter sur une autre. Pour l'instant, il est impossible de faire des prédictions. Ce qui est certain, en revanche, c'est que la diplomatie des autres puissances régionales s'est employée, depuis quelque temps, à enrayer une catastrophe largement prévisible.
Après avoir sécurisé le personnel, les chancelleries travaillent maintenant sur la manière de gérer ce qui semble désormais être définitivement un nouveau régime : l'Émirat islamique d'Afghanistan. L'envoyé du Kremlin en Afghanistan, Zamir Kabulov, a confirmé que l'ambassadeur à Kaboul rencontrera les talibans mardi. M. Kabulov a déclaré à Radio Echo Moskvj que la réunion ne constituait toutefois pas un accord pré-écrit: "La reconnaissance ou non dépendra de ce que fera le nouveau régime". Le représentant russe à Kaboul, l'ambassadeur Dmitry Zhirnov, a expliqué à Russia 24 que les talibans avaient garanti leur engagement en faveur d'un "Afghanistan exempt de terrorisme et de trafic de drogue, où les droits de l'homme seront respectés". "Un pays qui aura de bonnes relations avec le monde entier". Mais l'ambassadeur lui-même s'est montré prudent. L'ordre qui est venu de Moscou semble être d'accorder une attention particulière à la situation nouvelle: les talibans, après tout, sont très bien connus dans les hiérarchies militaires et politiques russes. Et c'est pourquoi de nombreuses variables vont peser sur la reconnaissance de l'émirat : à commencer par la question du terrorisme, très chère au Kremlin. La Russie ne semble pas particulièrement satisfaite de ce qui se passe en Asie centrale, et c'est l'une des raisons pour lesquelles elle a mobilisé ses troupes pour des exercices qui ressemblent aussi à un avertissement.
La reconnaissance du gouvernement taliban interroge également Pékin. La Chine n'a jamais nié avoir tissé un réseau de relations avec les "étudiants coraniques", comme en témoigne la rencontre à Tianjin, en juillet, entre le ministre Wang Yi et une délégation de talibans dirigée par le mollah Abdul Ghani Baradar. Ainsi, au lendemain de la chute de Kaboul, le gouvernement de la République populaire a donné ses premières instructions. La porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères, Hua Chunying, a déclaré que son pays avait l'intention d'entretenir une "coopération de bon voisinage et amicale" avec l'Afghanistan, en assumant "un rôle constructif dans la paix et la reconstruction".
L'objectif est d'intégrer le pays dans le projet stratégique "One Belt One Road". Toutefois, comme le rapporte Agi, il ne faut pas oublier les liens du nouvel émirat avec les fondamentalistes islamiques, qui inquiètent également la Chine. C'est ce qu'a expliqué l'ancien ambassadeur en Iran, Hua Linming, au South China Morning Post. "Le groupe a des liens tellement profonds et complexes avec des groupes extrémistes et terroristes, a déclaré le diplomate chinois, qu'il est trop tôt pour dire à quel point la Chine doit être inquiète." Ouverture, donc, mais sans dose excessive d'optimisme. Le chaos et l'insurrection islamiste sont des éléments qui font réfléchir tout le monde, même le Politburo chinois. Et il est clair qu'il sera important de comprendre non seulement comment la Chine se comportera, mais aussi ce que fera le rival stratégique qui pourrait entrer dans le jeu en Asie centrale : l'Inde.
La Turquie, le seul pays de l'OTAN qui semble s'intéresser à l'Afghanistan, aussi pour des intérêts stratégiques purement nationaux, observe également avec attention ce qui se passe à Kaboul. Recep Tayyip Erdogan, qui avait proposé de rester en charge de l'aéroport de la capitale afghane après le retrait des forces occidentales, craint désormais une vague de réfugiés prêts à franchir la frontière turque après avoir traversé l'Iran. Comme le rapporte l'agence Anadolu, le président turc s'est exprimé depuis Istanbul avec son homologue pakistanais, Arif Alvi, pour rappeler l'engagement conjoint d'Ankara et d'Islamabad en faveur de la sécurité en Afghanistan. C'est un élément à prendre en compte, étant donné que les relations entre les deux pays se sont également renforcées sur le plan militaire. Ce n'est pas un hasard si les deux dirigeants se sont rencontrés à Istanbul pour le lancement d'un navire construit dans les arsenaux turcs. Erdogan a également téléphoné au Premier ministre pakistanais, Imran Khan, pour décider des prochaines étapes. Un axe intéressant qui parle aussi chinois, sachant que le Pakistan a depuis longtemps renforcé ses liens stratégiques avec Pékin et que la Turquie, oscillant constamment entre l'Ouest et l'Est, n'a jamais nié avoir une forte attirance pour les sirènes de l'Est.
Les propos du propre envoyé de la Russie pour l'Afghanistan pèsent également sur la Turquie. Dans une interview accordée à Echo Moskvj, Kabulov a pointé du doigt précisément les fonds du Golfe Persique. Et il est clair que si la délégation des Talibans se trouvait à Doha, au Qatar, la connexion avec les Turcs risque d'être trop facile. L'alliance entre le dirigeant turc et le Qatar est bien connue. Et ces mots sur les Talibans "soutenus par certains fonds islamiques, principalement basés dans la région du Golfe Persique" risquent d'être un message russe à toutes les forces impliquées dans la région. Ankara inclus.
Professeur, il a dit un gros mot, mettez-le dehors, punissez-le. J'ai l'impression d'être de retour à l'école primaire, ou plutôt au jardin d'enfants. Essayez un instant de séparer les accusations récurrentes des motivations habituelles et du fond idéologique obsessionnel, du politiquement correct qui les soutient. Essayez de voir le mécanisme qui se met en place chaque fois que le Durigon de service fait une blague inconvenante sur le fascisme, les gays, les transsexuels et les lesbiennes, les femmes à forte poitrine, les noirs et les migrants, les juifs ou les laissez-passer verts (ndt: Durigon est un député italien au franc parler). Le premier ruffian commence, il se lève et moucharde le professeur, puis la petite voix commence à serpenter jusqu'à devenir un chœur, une meute de chiens enragés, écumant de la bouche et prenant plaisir à aboyer et mordre ensemble. Et puis la flagellation commence, la poursuite, l'exigence d'excuses, de repentir et d'un cordon sanitaire, avec une demande pressante aux compagnons du réprouvé de se séparer de lui et d'abattre leur ami, afin de les diviser, de les embarrasser et de les affaiblir ; puis l'accusation d'expulsion tombe péremptoirement, l'appel à l'instituteur, au directeur, d'appeler les concierges et de le mettre hors de la classe.
Récemment, le lynchage a évolué ou est devenu immature, vous l'avez dit, car des signatures sont collectées pour faire interdire la bête qui a prononcé le mot infâme. Les signatures au parlement et dans les journaux, les prochaines seront les signatures au poste de police ou au tribunal. Il y a des vipères ou des serpents qui s'énervent ou s'enivrent dès qu'ils entendent que quelqu'un a transgressé, pour pouvoir sauter sur la cathèdre et jouer les professeurs censeurs, les bons avec leur petit doigt levé; combien de chacals et de hyènes, même avec leur sourire, qui cherchent toujours les méchants pour se sentir supérieurs, inflexibles et purificateurs. Mettez-le dehors, dit le petit mot interdit. Peu importe ce que vous avez fait jusqu'ici dans la vie, votre comportement général, votre CV, vos mérites et vos démérites. Un petit mot et vous êtes ruiné. Un mauvais mot efface tout. Il a dit le mauvais mot, Professeur...
C'est comme un jeu de l'oie dans une sorte de variante perverse ; si tu touches une case, tu quittes le jeu, tu restes immobile pendant un tour ou tu retournes plusieurs cases en arrière: et si tu touches le scandale suprême, tu finis dans la case de la mort, et comme disaient les enfants du sud, statte accuorte picciré, ssi vai inda a'mort a'fortune inzerr a'port (attention petit, si tu entres dans la boîte avec la tête de mort, la fortune ferme la porte). Il ne se passe pas une semaine, ou peut-être un jour, sans qu'il y ait un méchant à lapider, à mettre derrière le tableau noir et peut-être à mettre à la porte.
Bien sûr, il ne manque pas de contre-punks qui prononcent le mot interdit pour gagner un quart d'heure de célébrité ou pour s'attirer la sympathie des méchants, autrement dit, pour s'attirer la sympathie et le soutien du camp adverse. Mais il me semble que tout se déroule dans une atmosphère qui rappelle le Cuore d'Edmondo de Amicis à l'envers ; appelons-le le Bile d'Immondo de Nemicis...
Comment juger cette régression puérile de la politique à laquelle se prêtent même les chefs de parti et les personnalités institutionnelles ? Un mauvais mélange d'acidité et d'infantilisme, d'arrogance puérile et d'arrogance rancunière, un cas de guppery idéologique...
Quand la dénonciation et l'agression du troupeau dépassent-elles le stade infantile pour entrer sur la scène politique ?
Quand on se rend compte qu'on ne peut pas être accusé et accusateur à tour de rôle, au hasard, quand ça arrive, mais qu'il y a une partie des écoliers qui est toujours sous la menace du jugement et une autre partie qui juge toujours et propose des punitions et des expulsions. Quelqu'un à l'école primaire avait l'habitude de dire : c'est le tableau noir du bien et du mal, en général ils sont toujours les mêmes. Oui, mais lorsque certains appartiennent à un camp et d'autres à l'autre, alors vous vous rendez compte que vous êtes proclamé bon ou mauvais en fonction de votre affiliation. Si l'on exclut la différence de mérites et de cursus, il reste deux hypothèses : soit il existe une différence ethnique, raciale, soit il existe une différence de classe, entre maîtres et subordonnés. Le bien contre le mal.
Le côté pathologique de la chose est que les personnes ne sont pas jugées sur la base de lois universelles, comme c'est le cas pour les codes civils et pénaux, mais sur la base d'un code politico-idéologique auquel certains adhèrent et d'autres s'y opposent, qui ont manifestement une échelle de priorités différente. L'anomalie est donc qu'une race ou une classe décide du bien et du mal sur la base d'un système de "valeurs" partisan, partagé par un seul camp. Vous déterminez qui fait le mal et qui ne le fait pas, et décidez des sanctions qui en découlent en fonction de votre code idéologique. Le joueur est en même temps l'arbitre du jeu. Vous jugez, il est accusé, toujours. Résultat : farce ou guerre civile, ou les deux.
Comment s'en sortir ? Soit nous nous mettons d'accord sur un périmètre précis et universel de valeurs partagées, puis nous respectons mutuellement les valeurs qui nous divisent, soit si une partie juge l'ensemble, nous sommes dans un régime coercitif, et les gens se sentiront à nouveau sous dictature ou surveillance et voteront peut-être pour se rebeller. Fin du raisonnement, ou plutôt raisonnement sans fin, cela ne sert à rien, demain on reprend les frasques punitives. Suivant.
Même si la Thaïlande est toujours dans la confusion et ne parvient pas à trouver sa propre voie pour faire avancer l'économie du pays, les pays du monde entier commencent à prévoir leurs prochaines années. Ils ont dit qu'il y aurait l'expansion de l'économie internationale et des chaînes de valeur mondiales: GVCs. En outre, l'assouplissement des mesures préventives de la COVID-19 se produira de telle sorte que les gens devront s'y tenir et faire avancer l'économie en même temps.
Dmisa Malaroat
Dans cet article, je vais tenter de prédire l'avenir de la situation logistique générale dans le monde qui est sur le point de changer avec le passage du pouvoir dans la géographie économique et avec le COVID-19 comme impulsion supplémentaire. J'accorde de l'importance aux changements dans le système logistique car la Thaïlande, en ce domaine, fait partie des chaînes de valeur mondiales. De plus, la Thaïlande est un importateur et un exportateur tant au niveau de la production que de la consommation. Le fait de faire partie des chaînes de valeur mondiales favorise l'expansion de l'emploi, la croissance économique et la réduction de la pauvreté. Cependant, les chaînes de valeur mondiales ne peuvent pas exister si toutes les procédures du système logistique ne fonctionnent pas bien ou présentent des obstacles. Voici les prédictions de l'analyse de l'intelligence stratégique concernant l'aspect logistique.
1) La complication persistante apportée par le COVID-19 a entraîné une pénurie de conteneurs, et les taux de fret étaient si élevés qu'ils ne valaient pas la peine d'être négociés.
De 2020 à aujourd'hui, les transports maritimes et aériens sont toujours incapables de fonctionner normalement. Sans compter le gel du secteur manufacturier dans certains pays, qui fait que le cargo, dont le nombre de voyages est déjà en baisse, n'a pas de cargaison et que les conteneurs ne sont pas chargés lors de certains voyages. De plus, cela fait que les conteneurs transportant des marchandises vers le pays consommateur ne reviennent pas vers le pays producteur. Par conséquent, un problème qui se posera à court terme (1 à 2 ans) avant que la chaîne de valeur internationale ne soit à pleine capacité comme avant la pandémie du COVID-19 est la pénurie de conteneurs et les frais de fret plus élevés.
La navigation à vide, c'est-à-dire la navigation de navires avec des conteneurs qui retournent au pays producteur sans être chargés, fait que les taux de fret actuels (juin 2021) pour les expéditions vers les Amériques et l'Europe ont augmenté de 200 % à 300 % par rapport à la même période l'année dernière (1) (Visit Limlurcha, 2021). De plus, les mesures d'assouplissement, qui réduiront le coût des conteneurs entrants vides, que le gouvernement a prises pendant l'épidémie du COVID-19, ne sont pas claires quant à leur poursuite ou non.
Cette situation place les entrepreneurs thaïlandais dans une position risquée en raison de l'augmentation continue des coûts d'expédition. En tant que producteurs, les entrepreneurs thaïlandais fixent généralement le prix de leurs marchandises pour la livraison au port (Free on Board : FOB), et les importateurs ou les acheteurs à destination sont responsables du fret. Pour cette raison, les entrepreneurs thaïlandais peuvent produire mais ne peuvent pas exporter car l'importateur ne peut pas supporter le coût du transport. Ils se tournent alors vers d'autres fabricants pour commander des produits dont le coût peut être plus élevé, mais dont la source de production est plus proche, ce qui réduit le coût du transport. En particulier, les clients des fabricants thaïlandais ayant un pouvoir d'achat élevé en Europe et en Amérique.
2) Impact sur le système logistique en cas de confrontation en mer de Chine méridionale.
La zone de la mer de Chine méridionale, dans l'océan Pacifique, est une zone de conflit entre les nations et les zones économiques suite à de vieux différends territoriaux. De plus, il s'agit d'une zone de revendication économique exclusive entre la République populaire de Chine, la République de Chine (Taiwan), les Philippines, le Vietnam, la Malaisie et l'Indonésie. Par conséquent, les stratégies de sécurité des États-Unis et l'expansion de leur rôle dans les dimensions économique et sécuritaire font que les États-Unis apparaissent comme un autre fauteur de conflit dans la région. De même, les patrouilles de navires et d'avions de guerre dans les eaux territoriales contestées et la revendication du droit de sauvegarder la liberté et la sécurité de la navigation constituent des vecteurs de turbulences. Sans compter que les États-Unis ont soutenu les armes et financé les affaires militaires des pays qui sont parties prenants dans ces conflits locaux.
D'autre part, la Chine a également agi de manière provocante, notamment en construisant une île artificielle, en suscitant un affrontement entre la Chine et le Vietnam au sujet des eaux territoriales et des possibilités d'exploration des ressources en juillet 2019. Sans parler du lancement de la nouvelle loi qui donne le droit à la défense maritime de la République populaire de Chine d'utiliser des armes contre les navires étrangers sans restreindre leur application [2] (Kobchai Chooto, 2021).
Les conflits dans les eaux sensibles surviennent pour plusieurs raisons, notamment les conflits au sujet de réminiscences historiques et de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (Convention on the Law of the Sea : UNCLOS), publiée en 1982, le conflit entre la Chine et Taïwan, la ruée vers les ressources naturelles, notamment la pêche, le pétrole brut et le gaz naturel, et les conflits entre les superpuissances, en particulier la Chine et les États-Unis (Council on Foreign Relations, 2021).
Bien sûr, si la situation litigieuse en mer de Chine méridionale atteint le point de rupture et que les forces du pays le plus puissant sont utilisées pour contrôler la zone, ce qui est possible à l'avenir. Si l'on considère les changements dans l'ordre mondial et la possibilité d'une confrontation entre les États-Unis et la Chine, une chose qui sera affectée est le transport maritime de l'océan Pacifique et les routes logistiques le reliant à l'océan Indien, soit l'une des plus importantes routes maritimes du monde. En outre, dans le pire des cas, il pourrait être impossible de faire naviguer des navires et des avions dans la zone contestée, ce qui affectera sérieusement la dimension économique.
Selon l'étude de Cosar et Thomas (2020), le modèle du système d'information géographique (SIG) et le modèle d'équilibre général calculable (EGC) ont été utilisés pour tester l'hypothèse. Selon cette étude, si le navire ne peut pas naviguer à travers la mer de Chine méridionale et les îles indonésiennes, il doit emprunter une route maritime allant de l'océan Indien à l'Australie avant de couper à nouveau dans l'océan Pacifique. En outre, elle suppose que les ports du Cambodge, de Hong Kong, de l'Indonésie, de la Malaisie, des Philippines, de Singapour, de Taïwan, de la Thaïlande et du Vietnam seront fermés.
Selon cette étude, le niveau de bien-être social (satisfaction du public) des pays d'Asie de l'Est, d'Asie du Sud-Est et des îles de l'océan Pacifique chutera de 6,2 % à 12,4 %. En outre, le niveau de bien-être social de la Thaïlande a diminué entre 9,15 % et 20,97 %, ce qui en fait la cinquième économie la plus touchée après Taïwan, Singapour, Hong Kong et le Vietnam. Sans parler du fait que les pays de ce groupe connaîtront des réductions importantes de leur PIB réel. Notamment, les pays ayant des dépenses militaires plus élevées auront des baisses de PIB réel encore plus importantes [4] (Coşar et Thomas, 2020).
3) Transport ferroviaire reliant l'Asie du Sud-Est à l'Europe dans le cadre de l'initiative "Belt and Road" (BRI)
Le projet BRI est un projet initié par la Chine, il s'est développé de manière continue depuis 2012/2013. Le 2 décembre 2021, les lignes ferroviaires à grande vitesse la ligne Laos-Chine, d'une distance de 417 kilomètres, seront officiellement ouvertes au service. La gare est située près du pied du premier pont de l'amitié (Nong Khai - Vientiane). Le transport du nord-est de la Thaïlande à Kunming, la principale ville de la province du Yunnan, peut être effectué en 10 à 15 heures [5] (Xinhua, 2021). De plus, si l'on considère les lignes de chemin de fer en Chine et celles qui relient la Chine au nouveau corridor économique du pont terrestre eurasien vers l'Europe occidentale et la Scandinavie, dont les trains sont déjà en service. Un conteneur de 22.000 kg sera livré de la frontière thaïlandaise à n'importe quel endroit en Europe en 20 à 22 jours (contre 40 à 50 jours par fret maritime). Le coût du transport de la Chine vers l'Europe est d'environ 8000 dollars par conteneur (contre 4000 USD/conteneur si le transport se fait par bateau et 32.000 USD/conteneur si le transport se fait par avion).
Par conséquent, l'avenir sur lequel il faut se concentrer est le changement des routes commerciales et le changement de perspective de la Thaïlande vis-à-vis de la Chine. À l'origine, la Chine était considérée comme la source des matières premières et des produits que la Thaïlande importait pour la production et la distribution. De même, la Chine est considérée comme le plus grand marché du monde où la Thaïlande souhaite exporter. Cependant, à court terme, le statut de la Chine en tant que lien logistique important reliant l'Asie et l'Europe deviendra une nouvelle force et une influence importante de la Chine dans l'arène géopolitique.
Cependant, la Thaïlande doit repenser le projet de train à grande vitesse. En particulier, la ligne nord-est (Bangkok - Nong Khai) et la ligne sud (Bangkok - Padang Besar), quand ces deux lignes seront-elles achevées? Aujourd'hui, l'avancement du projet est très en retard par rapport à l'objectif antérieurement fixé. Ces deux lignes ferroviaires seront connectées au système ferroviaire du Laos et de la Malaisie, reliant ainsi le commerce continental au détroit de Malacca et à Singapour.
La raison de ce projet est qu'aujourd'hui, la situation de la Thaïlande est un chaînon manquant du système logistique. Si elle peut être reliée, la Thaïlande en bénéficiera grandement, tant sur le plan économique que sur celui de la stabilité, car elle est le centre de la liaison ferroviaire dans la région.
4) Investissements dans les infrastructures liés à la logistique routière.
La Thaïlande occupe une position stratégique en tant que plaque tournante des transports en Asie du Sud-Est. De plus, depuis les années 1990, la Thaïlande et les pays de la sous-région du Grand Mékong (GMS) ont reçu le soutien de la Banque asiatique de développement pour connecter de nombreux réseaux routiers et le développement de corridors économiques avec la Thaïlande qui fera office de plaque tournante dans la nouvelle connexion.
En outre, la Thaïlande a développé des infrastructures et amélioré la réglementation, notamment en offrant des avantages sous la forme de zones économiques spéciales (ZES) totalisant 10 zones. En outre, le projet de corridor économique oriental (EEC) reliera la Thaïlande et les pays voisins, notamment le long des trois principaux corridors économiques (voir la carte) [7] [8] (Banque asiatique de développement, 2018 ; Bureau du Conseil national de développement économique et social, 2021).
Voici les 3 principaux corridors économiques.
Le premier est le corridor économique nord-sud ou l'autoroute n°3 (R3), qui relie Kunming, la principale ville de la province du Yunnan, en Chine. Il traverse la Thaïlande en passant par Chiang Rai et descend vers le sud pour rejoindre la Malaisie dans les provinces de Songkhla et Narathiwat. Cette zone est une extension que la Banque asiatique de développement considère comme potentielle. En outre, la Thaïlande a positionné la zone spéciale de développement économique dans la province de Chiang Rai (3 districts, 21 sous-districts, superficie de 1.523,63 km2), la province de Songkhla (district de Sadao, 4 sous-districts, superficie de 552,30 km2) et la province de Narathiwat (5 districts, 5 sous-districts, superficie de 235,17 km2).
La suivante est le corridor économique Est-Ouest ou l'autoroute n°2 (R2), qui relie Pathein (dans le prolongement), Myanmar à la Thaïlande via la province de Tak, et se connecte au Laos au deuxième pont de l'amitié dans la province de Mukdahan. L'autoroute se termine à Danang, qui est la troisième ville portuaire du Vietnam. La Thaïlande a positionné le développement économique spécial pour quatre zones: la première zone est la province de Tak (3 districts, 14 sous-districts, superficie de 1419 km2), la seconde est la province de Mukdahan (3 districts, 11 sous-districts, superficie de 578,5 km2), la zone suivante est la province de Nakhon Phanom, une zone de développement économique spécial (2 districts, 13 sous-districts, superficie de 794 km2). La dernière zone est la province de Nong Khai (2 districts, 13 sous-districts, 474,67 km2), qui sera la station terminale du système ferroviaire à grande vitesse du Nord-Est qui sera relié au projet de train à grande vitesse Laos-Chine.
Le dernier est le corridor économique du Sud ou l'autoroute n°1 qui relie la baie du Bengale à Dawei Myanmar à Kanchanaburi. (La zone spéciale de développement économique de Kanchanaburi comprend 2 sous-districts du district de Mueang, 260,79 km2). Elle sera reliée à Bangkok par des autoroutes interurbaines avant de se diviser en deux lignes; la direction nord sera reliée au Cambodge dans la province de Sa Kaeo (la zone spéciale de développement économique de Sa Kaeo comprend 2 districts, 4 sous-districts, 332 km2), la direction sud passera par le projet de corridor économique oriental (EEC) dans les provinces de Chachoengsao, Chonburi et Rayong. En outre, elle comprendra la zone de développement économique spécial de la province de Trat (3 sous-districts du district de Khlong Yai, superficie de 50,20 km2) avant de se connecter à la ville portuaire de Prah Sihanouk au Cambodge.
Selon une étude de Dobronogov et Farole (2012), la mesure la plus importante du succès du développement des ZES est l'emplacement géographique. Elle permet de lier le secteur manufacturier à ses atouts en matière de ressources naturelles, de ressources humaines et de grands marchés dans les zones ciblées [9]. Comme on l'a déjà noté, si la Thaïlande gère ces zones en collaboration avec les pays voisins de l'ANASE de manière efficace, tout en donnant la priorité au soutien des ressources de manière égale sans accorder trop d'importance à une zone. Par conséquent, l'avenir de ces zones frontalières deviendra de nouvelles frontières qui ouvriront de futures opportunités de commerce et d'investissement internationaux.
Rudyard Kipling a dédié ses plus beaux poèmes - The Barrak Room Ballads - aux humbles soldats de la reine Victoria, aux pauvres Tommies qui défendaient les limes de Britannia, le grand royaume de la veuve Windsor. Les vers racontent le labeur et la misère, l'héroïsme et la tragédie: le fardeau de l'empire à travers les yeux de la fine ligne rouge, cette fine ligne rouge qui s'étend de l'Afrique et de Hong Kong jusqu'aux portes de l'Afghanistan, la frontière du Nord-Ouest. Une fine ligne rouge de fusils, d'uniformes, d'hommes.
Une "ballade" en particulier frappe par sa crudité. Dans Le jeune soldat britannique, le vétéran donne à la recrue de précieux conseils, qu'ils soient d'ordre pratique ou comportemental, jusqu'à l'horrible vérité finale: "Et quand tu seras blessé et abandonné,/et que les femmes afghanes viendront découper ce qui reste,/Tire ton fusil et tire-toi une balle dans la tête/et va vers ton Dieu de soldat".
Un avertissement qui n'est pas anodin et qui confirme combien le souvenir des guerres anglo-afghanes (1839-42 et 1878-80) était encore brûlant à l'aube du 20ème siècle. Pour les Britanniques, ce fut un véritable cauchemar, synonyme de terribles défaites - bien pires, pour la tranquillité de nos anglophiles, qu'Amba Alagi ou Adua... - dont le point culminant fut la folle retraite de Kaboul en 1842: une marche vers la mort qui engloutit 4500 soldats et plus de 14.000 civils.
Mieux vaut oublier. Rien d'étrange: les Britanniques (et leurs historiens...) sont des spécialistes de l'effacement, de l'amnésie. Les guerres afghanes (comme les défaites devant les Zoulous et les sanglantes escarmouches du Soudan avec les Mahdistes) ne sont que des détails. Minimaux. Sans importance. Pour l'édition britannique, donc, l'épiphanie de l'empire mort est toujours une bonne affaire. Ceux d'outre-Manche, comme l'intendance de la mémoire napoléonienne, suivent le mouvement.
Heureusement, un historien écossais, William Dalrymple, s'est enfin attaqué au désastre de l'armée anglo-indienne en Asie centrale. Avec un regard neuf. Dans son livre Return of a King. The battle for Afghanistan (Bloomsbury, 2013), l'universitaire calédonien a enquêté sur l'échec des expéditions d'Albion en Asie centrale. Il a essayé de comprendre les raisons, les motifs et les contextes.
Le diagnostic de Dalrymple est impitoyable. Pour Londres, aux XIXe et XXe siècles, l'Afghanistan était le bastion avancé contre l'avancée des Russes tsaristes (le Grand Jeu décrit par Kipling dans Kim) vers les mers chaudes et l'Inde, le joyau de la couronne. D'où l'idée irréfléchie de conquérir une terre invincible. Une folie militaire et une folie politique. L'auteur souligne méticuleusement l'inexpérience des généraux et leur sous-estimation des capacités militaires des tribus pachtounes et tadjikes, sans oublier l'incapacité des politiciens à comprendre la complexité de la réalité tribale afghane.
Les histoires d'avant-hier sont terriblement similaires à celles d'hier (l'invasion soviétique) et d'aujourd'hui (la "mission" occidentale). Les similitudes sont pressantes, les coïncidences surprenantes. Les mêmes frontières, les mêmes clans, les mêmes routes, les mêmes lieux. Le résultat est identique: la retraite, la descente du drapeau. Une défaite, aujourd'hui, qui est malheureusement aussi italienne. L'Afghanistan, une fois de plus, se confirme comme le "tombeau des empires".
D'où les questions. Pourquoi ce pays inhospitalier et extrêmement pauvre a-t-il toujours été la cible de conquêtes et le théâtre de conflits ? Pourquoi cette terre désolée et désolante est-elle incontrôlable et ses peuples - une mosaïque d'ethnies, un puzzle de clans et de familles - indomptables? Depuis Alexandre le Grand, l'Afghanistan reste pour les étrangers une énigme, une équation impossible. Pourquoi?
Eugenio Di Rienzo apporte une réponse sérieuse, articulée et non conventionnelle dans son livre Afghanistan,il Grande Gioco. Ce professeur, qui enseigne l'histoire moderne à l'université Sapienza de Rome et dirige la glorieuse Nuova Rivista Storica, reconstitue les événements d'Afghanistan avec une formidable impertinence, les replaçant magistralement dans les processus géopolitiques de l'époque. S'appuyant sur une excellente documentation (fruit d'un remarquable travail d'archivage), Di Rienzo explique les événements actuels en nous ramenant en 1914. Aux "canons d'août". Quand tout a commencé.
Quelques jours après l'assassinat à Sarajevo de l'héritier de François-Joseph, l'Europe explose. La longue vague meurtrière a également atteint le lointain émirat de Kaboul, la destination la plus ingrate (hormis le Tibet théocratique et les divers confettis de la péninsule arabique) pour tout diplomate de carrière. Soudain, cet État asiatique reculé est devenu partie intégrante d'un conflit mondial. Au milieu de mille difficultés, une mission germano-ottomane atteint la capitale pour convaincre l'émir Habibullah de rejoindre un hypothétique mouvement panislamique et de déclencher une guerre contre l'Inde britannique et la Russie tsariste. Un choix stratégique et géopolitique intelligent mais irréaliste. La grande révolte musulmane reste une illusion et les lignes de front se stabilisent loin, trop loin, du regard du monarque.
Le prudent souverain - bien qu'anglophobe et russophobe - fait la sourde oreille, se met à l'affût des armées turco-germaniques et, finalement, éconduit poliment le Lawrence teutonique avec beaucoup de belles paroles mais sans engagement. La mission est un échec - comme toutes les autres tentatives insurrectionnelles pro-germaniques au Moyen-Orient et en Asie - mais Berlin n'a pas oublié Kaboul. Après la chute du Kaiser, la République de Weimar - un État beaucoup plus sérieux que l'image fatale qui l'entoure encore - a relancé une politique asiatique aussi dénuée de préjugés qu'ambitieuse, fixant l'Afghanistan comme l'un de ses repères géo-économiques.
Entre 1923 et 1939, l'Allemagne, redevenue une puissance industrielle sans appétit territorial, se propose comme le partenaire idéal de l'émirat misérable mais fier et investit des capitaux importants pour la modernisation du Pays. Une présence dynamique qui a immédiatement alarmé ses encombrants voisins: le gouvernement britannique à Delhi et l'Union soviétique. Au fil des ans, les deux puissances ont cherché à marginaliser les Allemands envahissants et ont tenté de satelliser le pays à leur avantage. Dans un inquiétant "jeu d'ombres", les Soviétiques et les Britanniques ont à plusieurs reprises fomenté des troubles internes et menacé d'invasion et de chantage économique. En vain. Chose incroyable, malgré les crises dynastiques, les querelles de clans et la terrible misère du peuple, Kaboul a su préserver sa liberté d'action et une politique étrangère autonome, apparemment ambiguë, mais payante.
À cette époque, comme le rappelle le Prof. Di Rienzo, l'Italie de Mussolini tentait également de se tailler un espace politique et économique en Asie centrale. Avec des résultats mitigés. Malgré les efforts de nos diplomates - au premier rang desquels l'ambassadeur Piero Quaroni (photo) - les relations et les échanges sont restés modestes. La faute, une fois de plus, à des visions étroites et dépassées. Passatiste. Le mot de l'auteur: "Comme cela s'est produit pour l'affaire de l'exploitation des ressources pétrolières irakiennes, la politique étrangère italienne, ancrée au dogme de l'"acquisition territoriale" et incapable de comprendre le concept moderne de "sphère d'influence", s'est révélée inadéquate pour affronter la diplomatie expérimentée des anciens États coloniaux, en écartant l'absence d'un dessein stratégique différent de la protection des intérêts de l'"arrière-cour méditerranéenne". Un retard culturel qui marquera (et pénalisera) l'intervention guerrière italienne de juin 1940 et les événements ultérieurs. Un fait important sur lequel Mme Mogherini devrait réfléchir.
Passons à l'année 1939. Cette année-là, les inquiétudes britanniques atteignent leur paroxysme avec l'annonce du pacte Molotov-Ribbentrop. L'accord entre les deux principales puissances totalitaires - un processus complexe, admirablement étudié par le professeur et Eugenio Gin dans Le potenze dell'Asse e l'Unione Sovietica (Rubbettino editore) - a bouleversé le cadre géopolitique de l'époque. Partout. Même en Afghanistan. Comme le souligne Di Rienzo, "grâce à cet accord, les anciennes ambitions russes d'atteindre les Dardanelles, le golfe Persique et le golfe du Bengale se sont combinées à celles du Troisième Reich, qui était déterminé à démanteler les positions de suprématie acquises par la France et l'Angleterre au Moyen-Orient, en Asie et en Inde, en utilisant l'accord construit entre l'irrédentisme arabe, l'extrémisme islamique et le nazisme".
Une opportunité unique, pleine d'implications extraordinaires mais incroyablement perdue. Gaspillée. Quoi qu'il en soit, au cours de ces mois, l'Afghanistan est redevenu central. La cour poussiéreuse de Kaboul était au centre de mille manœuvres, complots et conspirations; le col de Khyber, la frontière, se transformait soudain en un petit front de la grande guerre mondiale. Les tribus (bien payées par les agents de l'Axe) se soulèvent, les nationalistes indiens attendent fébrilement les ennemis de la Grande-Bretagne. Un jeu inconnu mais mortel dans lequel l'Italie, grâce à Quaroni, a joué un rôle important. Ensuite, tout s'est enchaîné rapidement: la rupture entre Hitler et Staline, la campagne de Russie, Stalingrad, l'effondrement de l'Allemagne. En 1943, avec pragmatisme, les seigneurs afghans oublient leurs sympathies hitlériennes et reprennent leur politique d'équilibre entre l'URSS et l'Occident. Les Britanniques n'étant plus dans le coup, c'est au tour des Américains et (à nouveau) des Soviétiques. Le roi Zaher Shah (un homme cultivé et désenchanté, amoureux de l'Italie) et son Premier ministre (ainsi que son beau-frère) Mohammed Daoud demandent à tous de l'argent, des armes et la tranquillité. Un équilibre précaire, mais fonctionnel. Pour l'Afghanistan et le monde.
En haut, Zaher Shah; en bas, Mohammed Daoud qui le renversa en 1973.
Tout s'est arrêté en 1973. Daoud détrône son parent royal et proclame une république bizarre avec le soutien de généraux pro-soviétiques. En 1978, en guise de remerciement, les communistes locaux ingrats l'ont massacré, lui et toute sa famille, ont inventé une improbable révolution ouvrière afghane, puis ont immédiatement commencé à se massacrer entre eux. En décembre 1979, dégoûté par les camarades afghans, le sénescent secrétaire général du Parti communiste soviétique, Leonid Brejnev, ordonne l'invasion. Ce qui devait être une simple opération de police (l'aide habituelle à un "parti frère") est devenu une tragédie qui a déclenché la (sacro-sainte) rébellion contre l'Armée rouge et déterminé - encadré dans les manœuvres ambiguës des Saoudiens et des Pakistanais - le soutien des USA aux fondamentalistes de partout (y compris le jeune et "fiable" milliardaire saoudien d'alors, Oussama Ben Laden).
Tout s'est terminé en 1989 avec l'implosion de l'URSS. Une victoire pour l'Occident. Du moins, apparemment. Peu, très peu ont compris (et comprennent) les risques et les dangers que réservent le "scorpion afghan" et cette tranche aride et vide du globe. L'incroyable myopie des chancelleries, l'étrange insouciance des services secrets doivent faire réfléchir.
Eugenio Di Rienzo ne fait aucune concession. Lorsque l'"empire du mal" soviétique s'est effondré, aucun président, aucun analyste et aucun général "n'a prévu à ce moment-là que la même force qui avait écrasé l'Armée rouge violerait, un matin de septembre 2001, le ciel de New York, transformant pour des milliers d'Américains la guerre des autres en une guerre chez eux".
En conclusion, l'heure est au réalisme politique. D'analyse et de froideur. De projets historiques. Malheureusement, depuis des décennies, le monde occidental est à court de "nouveauté", il a cessé de penser en termes de grande politique. Les erreurs sont lourdes, peut-être sans remède. Au Levant, en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie centrale. En Afghanistan. L'auteur est pessimiste. Nous avons peur à juste titre.
"Et les femmes afghanes viennent couper ce qui reste,/ Te traîner jusqu'à ton fusil et te tirer dans la tête/ Et aller à ton Dieu comme un soldat".
Eugenio Di Rienzo, AFGHANISTAN, il Grande Gioco, Salerno editrice, Rome 2014, 189 p., 12,00 euros
Terreur républicaine et dictature sanitaire: un retour sur Taine et son anglaise anonyme
Nicolas Bonnal
La France se paie de mots depuis 1789, droits de l’homme, liberté. Ces mots mènent à l’abattoir ou à la dictature, et ce de manière récurrente et régulière. J’en ai parlé déjà en citant Cochin ou Guénon.
De 1792 à 1795, une Anglaise anonyme (une espionne ! Une espionne !) décrit les horreurs librement consenties de la Révolution Française. Taine préface. Florilège de citations du Séjour en France alors ; la première est notre préférée. Le Français supporte la tyrannie si on lui laisse (déjà) miroiter un petit amusement au bout de son code QR :
« Au lieu d’imposer sa douleur à la société, un Français est toujours prêt à accepter des consolations et à se joindre aux divertissements. Si vous lui racontez que vous avez perdu votre femme ou vos parents, il vous dit froidement : “ Il faut vous consoler ” — et s’il vous voit atteint d’une maladie : “ Il faut prendre patience. ” — Lorsque vous leur dites que vous êtes ruiné, leurs traits s’allongent davantage, leurs épaules se lèvent un peu plus et c’est avec plus de commisération qu’ils répondent : “ C’est bien malheureux; mais enfin, que voulez-vous ? ” Et, au même instant, ils vous racontent leur bonne fortune aux cartes ou s’extasient sur un ragoût. »
Les Français adorent leur administration, surtout si elle est oppressive (Macron a compris que plus il tape, plus il est respecté) :
« Les Français semblent n’avoir d’énergie que pour détruire, et ils ne s’insurgent que contre la douceur ou l’enfance. Ils se courbent devant une administration oppressive; mais ils deviennent agités et turbulents devant un prince pacifique ou pendant une minorité. »
Les préfets, les commissaires, les experts, les décideurs, on adore ça :
« La plupart des départements sont sous la juridiction d’un de ces souverains dont l’autorité est presque illimitée. Nous avons en ce moment dans la ville deux députés qui arrêtent et emprisonnent selon leur bon plaisir. Vingt et un habitants d’Amiens ont été saisis, il y a quelques nuits, et sont encore enfermés, sans qu’on ait spécifié aucune charge contre eux.
Les grilles de la ville sont fermées; on ne permet à personne d’entrer ni de sortir sans un ordre de la municipalité, et on exige cet ordre même pour les habitants des faubourgs. Les fermiers et les paysans qui viennent à cheval sont obligés de faire noter sur leur passeport les traits et la couleur de leur bête aussi bien que les leurs. »
Parfois on se rend compte que tout va mal, mais, comme dit notre Anglaise (elle en a fait autant pour la Liberté que mon Tolkien), le courage s’évapore en conversations :
« Vous pouvez voir maintenant combien la liberté s’est accrue en France depuis la révolution, la déposition du roi et l’avènement d’une république. Quoique les Français subissent ce despotisme sans oser en murmurer ouvertement, on voit beaucoup de chuchotements mélancoliques et de petits mouvements d’épaules significatifs. Le mécontentement politique a même un langage approprié qui, quoique peu explicite, n’en est pas moins parfaitement compris. Ainsi, quand vous entendez un homme dire à un autre : “ Ah ! mon Dieu ! on est bien malheureux dans ce moment-ci ! ” — “ Nous sommes dans une position très-critique; ” — ou : “ Je voudrais bien voir la fin de tout cela ! — vous pouvez être sûr qu’il désire ardemment la restauration d’une monarchie et qu’il espère avec une égale ferveur vivre assez longtemps pour voir pendre la Convention. Cependant leur courage s’évapore en conversations ; ils avouent que leur pays est perdu, qu’ils sont gouvernés par des brigands; puis ils rentrent chez eux et cachent tous leurs objets précieux qui sont encore exposés. Cela fait, ils reçoivent avec une complaisance obséquieuse la prochaine visite domiciliaire. La masse du peuple, quoique aussi peu énergique, est plus obstinée et naturellement moins traitable. Mais quoiqu’ils murmurent et usent de délais, ils ne résistent pas, et tout se termine généralement par leur soumission implicite. »
Guerre contre le virus, contre l’islam, contre la Russie, contre l’Allemagne, contre l’Europe ? On est toujours en guerre et on recrute le surplus de population affamée :
« Les députés-commissaires dont je vous ai parlé ont passé quelque temps à Amiens pour hâter la levée des recrues. Les dimanches et jours de fête, ils ordonnaient aux habitants de se rendre à la cathédrale, où ils les haranguaient en conséquence, les appelant à la vengeance contre les despotes coalisés, s’étendant sur l’amour de la gloire et sur le plaisir de mourir pour son pays. »
La clé c’est l’absence de courage :
« Enfin, après beaucoup de murmures, la présence des commissaires et de quelques dragons a fini par arranger les choses très-pacifiquement. Beaucoup sont partis, et, si les dragons restent, les derniers suivront bientôt. Ceci est un compte rendu exact de l’état des choses entre la Convention et le peuple; tout est effectué par la crainte, rien par l’attachement; l’une n’est obéie que parce que l’autre n’a pas le courage de résister. »
La presse est aussi manipulée et monocorde qu’aujourd’hui (pas besoin des oligarques !) :
« Tous les journaux français sont remplis des descriptions de l’enthousiasme avec lequel les jeunes gens s’élancent aux armes à la voix de leur patrie. »
Crise financière et économique, une question d’habitude :
« La défiance contre les assignats et la rareté du pain ont fait promulguer une loi qui oblige les fermiers, sur tous les points de la république, à vendre leur blé à un certain prix, infiniment au-dessous de celui qu’ils exigeaient depuis quelques mois. La conséquence fut qu’aux marchés suivants il n’y eut aucun arrivage de blés, et maintenant les dragons sont forcés de courir la contrée pour nous préserver de la famine. »
Notre écrivaine note dans un bel élan le beau bilan :
« Dans ces douze mois, le gouvernement de la France a été renversé, son commerce est détruit, les campagnes sont dépeuplées par la conscription, le peuple est privé du pain qui le faisait vivre. On a établi un despotisme plus absolu que celui de la Turquie, les moeurs de la nation sont corrompues, son caractère moral est flétri aux yeux de toute l’Europe. Une rage de barbares a dévasté les plus beaux monuments de l’art; tout ce qui embellit la société ou contribue à adoucir l’existence a disparu sous le règne de ces Goths modernes. Même les choses nécessaires à la vie deviennent rares et insuffisantes pour la consommation le riche est pillé et persécuté, et cependant le pauvre manque de tout. »
La dette immonde est déjà là, c’est une habitude révolutionnaire qu’on ne perdra jamais :
« Le crédit national est arrivé au dernier degré d’abaissement, et cependant on crée une dette immense qui s’accroît tous les jours; enfin l’appréhension, la méfiance et la misère sont presque universelles. Tout ceci est l’oeuvre d’une bande d’aventuriers qui sont maintenant divisés contre eux-mêmes, qui s’accusent les uns les autres des crimes que le monde leur impute à tous, et qui, sentant qu’ils ne peuvent plus longtemps tromper la nation, gouvernent avec des craintes et des soupçons de tyrans. Tout est sacrifié à l’armée et à Paris; on vole aux gens leur subsistance pour subvenir aux besoins d’une métropole inique et d’une force militaire qui les opprime et les terrorise... »
Vive les commissaires qui en profitent pour se venger (on dénonce et guillotine aussi les prêtres qui confessent) :
« Tous les points de la France sont infestés par des commissaires qui disposent sans appel de la liberté et de la propriété de tout le département où ils sont envoyés…ces hommes sont délégués dans des villes où ils ont déjà résidé; ils ont ainsi une opportunité de satisfaire leur haine personnelle contre tous ceux qui sont assez malheureux pour leur avoir déplu. »
Dans cette maison des morts digne de Dostoïevski (cf. l’homme qui s’habitue à tout – voyez mon livre), on exige en plus le sourire :
« L’homme est enclin à tout supporter, et souvent la volonté de faire le mal suffit pour nous donner un plein pouvoir sur le bonheur des autres. Mais le système de la Convention est plus original; non contente de réduire le peuple à l’esclavage le plus abject, elle exige un semblant de satisfaction et édicte des peines, à des époques déterminées, contre ceux qui refusent de sourire...Il y a à Paris de splendides fêtes où chaque mouvement est réglé d’avance par un commissaire; les départements, qui ne peuvent imiter la magnificence de la capitale, sont obligés néanmoins de témoigner leur satisfaction. Dans toutes les occasions où une réjouissance publique est ordonnée, on garde la même discipline; et les aristocrates, dont les craintes surmontent généralement les principes, ne sont pas les moins zélés... L’extrême despotisme du gouvernement semble avoir confondu tous les principes de bien et de mal, d’honneur et de déshonneur. »
La soumission des imbéciles est telle qu’on n’a plus besoin de les arrêter. Ils vont d’eux-mêmes à la prison. Un email, pardon, un message suffit :
« Cependant, telle est la soumission du peuple à un gouvernement qu’il abhorre, qu’on juge à peine nécessaire maintenant d’arrêter quelqu’un dans les formes. Souvent ceux dont on veut s’assurer ne reçoivent rien de plus qu’un mandat écrit, leur enjoignant de se rendre à telle prison et ils sont plus ponctuels à ce désagréable rendez-vous qu’à la visite la plus cérémonieuse ou à la plus galante assignation. On empaquette à la hâte quelques objets nécessaires, on fait ses adieux, on va à pied à la prison et on place son lit dans le coin désigné, comme si la chose était toute naturelle. »
La centralisation rêvée, la voici :
« Le comité de salut public marche rapidement à la concentration absolue du pouvoir suprême, et la Convention, qui est l’instrument de l’oppression universelle, devient elle-même un corps insignifiant, dont les membres sont peut-être moins en sûreté que ceux qu’il tyrannise. Ils cessent de discuter et même de parler. »
On arrêtera là. Les amateurs pourront aussi découvrir un grand livre en quatre volumes recommandé par Taine : l’Histoire de la Terreur de Mortiner-Ternaux. C’est en six volumes.
Les Talibans s'empressent de prendre le contrôle de toutes les villes afghanes, avec l'objectif non encore déclaré de prendre Kaboul. Des nouvelles déchirantes nous parviennent du pays, où des multitudes fuient devant l'avancée des milices islamiques.
Il convient de noter que les informations sur ce qui se passe sont dramatiques, contrairement à d'autres guerres, comme celle du Yémen, où les raids aériens de l'alliance dirigée par l'Arabie saoudite, qui massacrent des civils et des enfants depuis des années, n'ont pas obtenu un millième de la couverture médiatique accordée à la guerre contre les Talibans.
Mais ce n'est pas sur l'habituelle myopie des médias que nous voulons nous concentrer, mais sur les nouvelles elles-mêmes.
Comme d'habitude, il est difficile de s'extraire du chaos informationnel, et le bombardement médiatique empêche souvent de poser les questions les plus banales.
En particulier, sur la férocité des milices en question. Si vous remarquez, il n'y a pas de reportages sur les massacres de civils, qu'ils soient massifs ou plus limités.
Tout au plus, les médias font-ils état de mariages forcés, les talibans entrant dans les maisons et mariant les femmes de force. Une pratique odieuse, mais qui pourrait aussi être le fruit de la propagande, qui utilise des événements réels en les amplifiant au-delà de toute proportion.
En ce sens, la réitération automatique de telles nouvelles, qui rebondissent sur les médias toujours de la même manière, comme cela se passe pour les nouvelles diffusées sur le réseau par les bots, est suspecte.
Il ne s'agit pas d'une campagne à la Isis
Mais au-delà de la véracité de la nouvelle, il reste qu'il s'agit de la pratique la plus féroce dénoncée à ce jour. On ne parle pas de massacres aveugles, même si les morts ne manquent pas.
Compte tenu de l'emphase médiatique ci-dessus, cela signifie simplement que, du moins pour le moment, aucun massacre n'a lieu. C'est-à-dire que les milices islamiques, lorsqu'elles prennent le contrôle d'une zone, n'infligent pas autant de violence à la population.
Nous ne disons pas qu'ils distribuent des fleurs en arrivant à un endroit, ni que la guerre en cours est une bonne chose, que toutes les guerres ont leurs horreurs, mais que c'est une guerre comme une autre et surtout complètement différente de celle menée en Syrie et en Irak par Isis et al Nusra - milices auxquelles les talibans sont souvent associés - dont les conquêtes ont été émaillées d'horreurs innommables.
Ce à quoi nous assistons est, avec toutes les limites de l'affaire, une guerre de libération: après vingt ans d'occupation américaine, les Afghans reprennent leur pays.
Bien sûr, elle est dirigée par des milices islamiques, mais ceux qui voulaient combattre l'envahisseur n'avaient pas d'autre choix qu'eux. Et de nombreux Afghans ordinaires, qui considéraient la présence américaine comme une honte, se sont joints à eux.
Parmi ceux-ci, certainement aussi beaucoup qui ont vu leurs proches exterminés par des drones de fabrication américaine (" accidents " qui peuvent arriver, surtout si des centaines de milliers de bombes sont larguées du ciel, comme le titre du magazine du MIT: "Life in the most bombed country in the world").
En outre, les rebelles n'ont pas l'exclusivité de la férocité, étant donné que Rashid Dostum, un ancien chef de guerre au CV jonché de crimes innommables, a été appelé à diriger l'armée de Kaboul (si ce n'est sur la suggestion des États-Unis, en tout cas avec leur placet).
L'Afghanistan comme le Vietnam
Dans les médias américains, la guerre afghane trouve souvent des parallèles avec celle du Vietnam, qui s'est également terminée par le retrait précipité des troupes américaines.
Si précipité que lorsque les marines se sont retirés de l'aéroport stratégique et symbolique de Bagram, ils l'ont fait de nuit, sans même en informer les Afghans stationnés sur la base.
Les médias américains s'interrogent sur la défaite, car c'est bien de cela qu'il s'agit, comme cela est désormais clair pour tous. Et sur le fait que ce résultat était clair depuis un certain temps.
À tel point qu'Ishaan Tharoor, dans le Washington Post, explique que les présidents américains étaient au courant dès 2005-2006, mais ont décidé de fermer les yeux. C'est exactement ce qui s'est passé avec le Vietnam.
Car, comme pour le Vietnam, aucun d'entre eux ne veut entrer dans l'histoire comme le président qui a perdu une guerre, ni surtout n'a eu le courage de défier frontalement les faucons, sauf Trump à la fin de son mandat.
Biden a eu ce courage et s'est retiré, réalisant la promesse de Trump (et s'attirant la haine des faucons, qui montent une campagne pour rester dans le pays: l'emphase médiatique ci-dessus sert à cela).
Des engagements violés. Par qui ?
Bien sûr, les pactes prévoyaient que les Talibans concluent un accord avec Kaboul. Mais quelqu'un a rompu les pactes, et peut-être pas seulement les talibans, puisque la campagne d'opposition à la décision présidentielle s'est accompagnée de quelques bombardements effectués par des B-52, dont les bombes sont encore moins intelligentes que les autres (et qui ne sont probablement que la partie émergée de l'iceberg d'opérations plus obscures et secrètes).
De plus, l'accord était très difficile. Si l'on se met à la place des talibans - mutatis mutandis - c'est comme si, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, on avait demandé à Paris de trouver un accord avec Vichy.
Ainsi, la parole reste aux armes, à l'armée afghane, armée et entraînée par les Etats-Unis, qui fond comme neige au soleil, alors qu'elle est trois fois supérieure à l'ennemi.
L'effondrement de l'armée a été décrété par les défections massives, qui indiquent le taux d'adhésion à la prétendue "démocratie" afghane créée par Washington, mais qui ont également permis d'éviter des affrontements plus féroces.
Pour l'instant, Biden maintient son point de vue, étant même capable d'afficher l'immense coût de la guerre en Afghanistan (1,5 trillion de dollars) face à des résultats aussi minimes. Mais la situation est magmatique et évolutive: comme pour les autres pays dévastés par des guerres sans fin, le chaos variable produit par ces guerres défie toute prévision et tout contrôle.
Réflexions sur les thèses de Cornelius Castoriadis: Image de soi et servilité
par Joakim Andersen
Dans nos tentatives de comprendre la psyché de la gauche libérale dans toute sa complexité auto-contradictoire, nous avons remarqué qu'elle semble fonctionner à plusieurs niveaux. Le niveau rhétorique, la ritournelle qui dit que "la diversité est passionnante", ne correspond pas toujours, ni même souvent, à la vision du monde qui semble sous-tendre la pratique réelle (où, à intervalles réguliers, on entend le mot d'ordre suivant: "maintenant, nous nous distançons de cette diversité"). Ce phénomène ne se limite pas à la "diversité", mais semble être fortement lié, faute d'un meilleur terme, aux priorités discursives du pouvoir. Dans certaines questions politiques, le pouvoir, l'establishment ou les élites sont contrariés; être de la "gauche libérale" est lié à une capacité développée de sentir quand les choses se produisent puis d'ajuster ses positions en conséquence. La femme politique de gauche germano-iranienne Sahra Wagenknecht a mentionné dans son dernier livre Die Selbstgerechten, les slogans tels"réfugiés bienvenus", les discours écologistes sur le climat, le phénomène BLM et la pandémie comme exemples de ces marquages imposés par l'élite. Il semble possible d'établir un cycle dans lequel le pouvoir, tel un boxeur, nourrit son adversaire, le peuple, de coups de poing. Une fois que le peuple et les éléments subalternes des élites ont appris à gérer, disons, le facteur BLM, soit à la fois les arguments avancés par ce facteur et l'hystérie systémique initialement très effrayante qu'il a provoquée, il est temps de passer au coup suivant. Ce qui viendra après la pandémie est encore difficile à deviner, il pourrait s'agir d'un ennemi interne tels les "nationalistes blancs".
Quoi qu'il en soit, cela nous amène involontairement à une observation du penseur franco-grec Cornelius Castoriadis (1922-1997). Castoriadis est surtout connu aujourd'hui comme l'un des fondateurs et l'un des contributeurs les plus fréquents de Socialisme ou Barbarie, un groupe libertaire qui critiquait notamment l'empiètement de la bureaucratie à l'Est comme à l'Ouest. Il s'est inspiré du marxisme mais a également développé une critique parfois cinglante de certains de ses éléments. Castoriadis est souvent aussi prolifique que Debord et Burnham dans son analyse de la bureaucratisation de la société moderne (ses idées sur les personnes autonomes, les types humains et la "société de l'oubli" ont déjà été abordées à Motpol).
Dans Une société à la dérive, il explique comment nos sociétés étaient déjà fondamentalement antidémocratiques en 1992, "nos régimes sont faussement appelés démocratiques, alors qu'en réalité ce sont des oligarchies libérales". Aujourd'hui, une telle combinaison de mots au mauvais moment aurait pu faire bannir Castoriadis de Facebook; il a amorcé une analyse, pour savoir comment cet état de fait s'est produit et s'est reproduit. Selon cette analyse, "la domination d'une oligarchie et la passivité et la privatisation du peuple sont les deux faces d'une même médaille". Le terme "privatisation" était utilisé ici dans un sens légèrement différent de celui que l'on utilise dans la Suède d'aujourd'hui, Castoriadis faisant référence au retrait des personnes dans la sphère privée de la consommation et autres niches dépolitisées. Quant à l'économie, Castoriadis souhaitait en 1992 "un véritable marché, et non, comme aujourd'hui, un marché dominé par des monopoles et des oligopoles - ou par l'intervention de l'État".
Mais revenons au sujet. Castoriadis a posé l'hypothèse d'une dichotomie anthropologique. Pour être libre (ou autonome dans la terminologie castorienne), l'homme doit vouloir être libre. De solides forces et tendances s'y opposent, notamment la canalisation de l'énergie individuelle et collective par la société de consommation. Aujourd'hui, nous observons des tendances totalitaires plus évidentes qu'à l'époque de Cornelius Castoriadis; les citoyens ont des raisons bien réelles de craindre les dirigeants d'aujourd'hui. Et c'est précisément pour cela que ce n'est pas quelque chose que l'on dit à voix haute dans une société civilisée.
Le lien entre cette situation et les quatre niveaux du politiquement correct est, à mon humble avis, le suivant. La plupart des gens reconnaissent l'existence de conséquences prévisibles et imprévisibles pour ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas jouer un rôle dans les questions où les élites ont placé et imposé leurs balises. Tout le monde sait aujourd'hui quiconque remet en question la politique d'immigration sera puni, soit directement par l'État, soit par d'autres avec le consentement plus ou moins tacite de l'État. Prétendre le contraire, c'est jouer les idiots. La "privatisation" et la logique bureaucratique que Castoriadis a identifiées signifient cependant que peu de personnes sont prêtes à risquer ces conséquences, notamment parce que beaucoup pensent qu'elles le feront seules et en vain (cette perception qu'il y a moins de critiques qu'il n'y en a réellement, d'ailleurs, sert une fonction politique et ne devrait jamais être encouragée).
En clair, ce sont des lâches; dans les milieux dissidents, on les qualifie souvent de "moutons". Il est clair, cependant, que cela ne fait pas partie de l'image qu'ils ont d'eux-mêmes, sauf dans des cas exceptionnels. L'image de soi est cruciale pour la plupart des gens. Un mécanisme psychologique veut donc qu'ils maintiennent à la fois leur image de soi et leur conformité au langage et aux réflexes idéologiques imposés en affectant une stupidité et un aveuglement sélectifs. Ils se convainquent de la justesse d'affirmations qu'ils ne peuvent pas vérifier, dialectiquement parlant, ils sont à la fois convaincus et non convaincus (tout comme ils peuvent être conscients ou non de leur stupidité sélective). Il faut savoir dans ce contexte que ce n'est pas la force des arguments qui les convainc, mais un autre processus, plus complexe. Pour certains, cette réminiscence (de la stupidité sélective pour laquelle ils ont opté) peut provoquer de forts sentiments d'agressivité à l'encontre du messager. Pour d'autres, cela peut être contre-productif, peut-être surtout pour ceux dont l'intégrité personnelle est plus forte. En tout cas, présenter les élites comme plus fortes ou plus unies, et le peuple comme plus faible, qu'ils ne le sont réellement, semble extrêmement contre-productif dans cette optique. Se déplacer uniquement sur le plan rhétorique et répondre à des arguments qui ne sont même pas honnêtes, peut dans de nombreux cas être une stratégie mieux combinée avec une méta- et/ou une psychanalyse plus risquée. Se limiter à une analyse individuelle, "tu es un mouton", n'est pas non plus juste et tactiquement correct lorsqu'il existe un contexte structurel à la lâcheté de l'individu.
Ces dernières années, les régulateurs chinois se sont progressivement efforcés de combler les lacunes fiscales et d’améliorer les réglementations, en particulier dans le contexte de l’escalade continue des tensions avec les États-Unis, qui ont engagé la superpuissance économique naissante dans une guerre commerciale et technologique se chiffrant en centaines de milliards de dollars.
Les médias économiques américains et britanniques s’insurgent contre le plan récemment dévoilé par le gouvernement chinois visant à renforcer son contrôle sur des secteurs stratégiques clés de l’économie, notamment la technologie, les soins de santé, la production alimentaire et les produits pharmaceutiques.
Mercredi, Xinhuapubliait les directives approuvées par le Conseil d’État (c’est-à-dire le cabinet) et le Comité central du Parti communiste chinois, intitulées « Sur la mise en œuvre de la construction d’un gouvernement de droit (2021-2025) ».
Ce document, qui doit être mis en œuvre par toutes les régions et tous les départements gouvernementaux, décrit une série de mesures visant à améliorer « considérablement » l’administration, à délimiter clairement le pouvoir administratif, à optimiser les fonctions des agences d’État, à accélérer la construction d’un « gouvernement axé sur les services » et à « continuer à optimiser un environnement commercial régi par la loi. » L’approche « centrée sur le peuple » est censée être guidée par le système socialiste chinois et la pensée de Xi Jinping sur le socialisme aux caractéristiques chinoises pour une nouvelle ère.
Le document appelle notamment à la création d’un « environnement commercial stable, équitable, transparent et prévisible dans le cadre de l’État de droit », y compris la protection des droits de propriété et la gestion indépendante des entreprises, ainsi que des règles visant à « empêcher l’abus du pouvoir administratif pour éliminer et restreindre la concurrence. »
Elle préconise également l’accélération de « la construction de la crédibilité dans les affaires gouvernementales », notamment en créant et en s’efforçant d’améliorer la responsabilité « en cas de malhonnêteté du gouvernement, en renforçant les sanctions pour malhonnêteté et en se concentrant sur les comportements malhonnêtes dans des domaines tels que le financement de la dette, les marchés publics, les appels d’offres et la promotion des investissements ».
La stratégie espère atteindre ses objectifs en partie grâce à l’utilisation de la technologie, notamment la numérisation continue de l’administration à l’aide d’Internet, du big data, de l’IA et de l’application de la loi assistée par la technologie (c’est-à-dire des choses comme la surveillance à distance), plus la création d’une nouvelle base de données nationale d’application du droit administratif.
Dans l’ensemble, le document s’inscrit dans le droit fil des réformes engagées par Xi Jingping depuis son arrivée au pouvoir en 2012 pour inverser et réduire progressivement la dépendance économique de la Chine vis-à-vis de l’Occident, pour « réaliser la modernisation socialiste et le rajeunissement national » et pour améliorer la « gouvernance fondée sur le droit. »
Les médias occidentaux expriment leurs inquiétudes concernant cette stratégie, la caractérisant comme la dernière tentative de Pékin de « réprimer le monde des affaires ».
Dans son article sur le plan quinquennal, le Financial Times suggère qu’il s’agit d’une tentative du Parti communiste d’affirmer sa « suprématie sur la deuxième économie mondiale », les nouvelles mesures de surveillance étant décrites comme la « dernière étape d’un assaut réglementaire ».
Au même moment, Bloombergavertit que le nouveau « plan quinquennal appelant à une réglementation accrue de vastes pans de l’économie » a « laissé les investisseurs perplexes » et fournit « un cadre général pour une plus forte répression des industries clés ».
Bloomberg constate que les investisseurs en Chine ont déjà « cherché à donner un sens à cet assaut réglementaire » qui a eu lieu ces derniers mois, « en particulier après que les autorités ont interdit tout bénéfice dans le secteur du soutien scolaire, évalué à 100 milliards de dollars. »
Le journal économique souligne que l’année dernière a été marquée par des enquêtes anti-monopoles sur les géants technologiques du pays, notamment Alibaba Group (qui a été condamné à une amende de 2,8 milliards de dollars en avril pour avoir abusé de sa position sur le marché), et par la mise en place de contrôles obligatoires de la cybersécurité des sociétés étrangères cotées en bourse.
BBC Business a quant à lui intitulé son article« La Chine annonce que la répression de ses entreprises va durer des années », et se plaint également du fait que les actions des sociétés chinoises cotées sur les marchés boursiers des États-Unis, de Hong Kong et de la Chine continentale ont déjà « fortement chuté cette année en raison des préoccupations croissantes des investisseurs concernant cette répression ».
Bruce Pang, responsable de la recherche chez China Renaissance, une importante banque d’investissement et de conseil, se montre moins alarmiste dans son évaluation des réformes de Pékin en matière d’État de droit, déclarant au Financial Times que « les organismes de réglementation chinois continueront à examiner minutieusement les entreprises des secteurs liés à l’internet et aux technologies sur une série de problèmes, telles que les cotations à l’étranger, la sécurité des données, la vie privée des consommateurs, les pratiques anticoncurrentielles et les irrégularités en matière de fusion. »
« Les décideurs politiques souhaitent aborder et résoudre les questions sociales de manière efficace et efficiente afin de garantir l’équité sociale, la justice, l’égalité et la sécurité nationale, ainsi que la prévention des risques », a ajouté M. Pang.
Le plan quinquennal « État de droit » ne doit pas être confondu avec le plan quinquennal national, un document de planification complet qui décrit la stratégie de développement économique du pays pour les années 2021-2025. Ce plan a été approuvé lors d’un plénum du Comité central en octobre 2020 et prévoit de faire de la Chine une économie « modérément développée » d’ici 2035, avec un PIB par habitant d’environ 30 000 dollars. Le plan prévoit également de soutenir la poursuite de la mise en œuvre de l’ambitieuse stratégie mondiale d’infrastructure des Nouvelles Routes de la soie, des initiatives en matière d’énergie verte visant à réduire les émissions de carbone et à augmenter la production de véhicules hybrides, ainsi que des mesures visant à renforcer les capacités scientifiques et les dépenses du pays en matière de recherche et de développement, à la fois par le biais de directives économiques et d’incitations fiscales.
Ilya Tsukanov
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone
Eurasia. Rivista di studi geopolitici a récemment consacré deux numéros (II et III de 2021) à la "géopolitique des sectes" et au rôle que certains de ces groupes religieux (ou pseudo-religieux), souvent hétéro-dirigés, peuvent jouer dans la poursuite de buts précis qui dépassent le côté exclusivement "spirituel". Les événements récents dans la région de la mer des Caraïbes ne sont pas étrangers à cette dynamique. Dans cette analyse, nous tenterons de démontrer pourquoi et de comprendre l'évolution géopolitique de la région.
Le 7 juillet, un commando de mercenaires a attaqué la résidence du président haïtien Jovenel Moïse. D'après les déclarations de certaines personnes impliquées dans l'attaque (sur laquelle planent encore beaucoup d'obscurités, notamment en termes de lacunes dans le système de sécurité, étant donné que, curieusement, aucun membre de la garde présidentielle n'a été blessé dans l'affrontement), l'objectif initial était d'enlever le Président. Au lieu de cela, l'opération s'est terminée par son assassinat et par de graves blessures infligées à sa femme.
Dans les heures qui ont suivi l'attaque, la police haïtienne a affirmé que le pasteur évangélique Christian Emmanuel Sanon, originaire d'Haïti mais résidant en Floride depuis plusieurs décennies, était le cerveau de l'opération. Selon le New York Times, Sanon a affirmé qu'il avait été désigné par Dieu (et les États-Unis) pour remplacer Moise et changer son pays, en commençant par remplacer la langue française par l'anglais.
Dans ce but précis, Sanon aurait recruté un groupe de mercenaires par le biais de la société CTU Security, basée en Floride et dirigée par le "réfugié" vénézuélien Antonio Emmanuel Intriago Valera. Le commando était composé de 28 hommes: 26 Colombiens (pour la plupart d'anciens soldats) et deux Américains d'origine haïtienne. Nombre de ces hommes, selon l'aveu du ministère américain de la défense, ont reçu une formation aux États-Unis alors qu'ils faisaient encore partie de l'armée colombienne. Certains d'entre eux, en outre, semblent être étroitement liés à la DEA et au FBI[2].
Après l'assassinat du président en exercice, une partie du commando aurait pénétré dans le périmètre de l'ambassade de Taïwan, où la police a arrêté au moins onze d'entre eux. Là encore, on ne sait pas exactement comment les mercenaires ont réussi à se rapprocher de l'ambassade et à y pénétrer sans difficulté particulière. Toutefois, la porte-parole du ministère taïwanais des Affaires étrangères, Joanne Ou, a laissé entendre que le personnel diplomatique avait immédiatement prévenu la police lorsque les membres des commandos sont entrés dans le bâtiment. Il reste à savoir pourquoi les mercenaires ont choisi de s'y réfugier.
À cet égard, il convient de rappeler qu'Haïti est l'un des 17 pays qui entretiennent des relations diplomatiques complètes avec Taïwan. Le rôle de ce que Pékin définit comme une "province séparatiste" ne doit en aucun cas être sous-estimé dans le cas d'Haïti. Comme cela a été rapporté à plusieurs reprises dans les pages d'Eurasia, le renforcement de la coopération commerciale entre les États-Unis et Taïwan a été le cheval de bataille de l'administration Trump ces derniers mois. Le choix par le nouveau président Joseph R. Biden du conseiller en stratégie indo-pacifique Kurt M. Campbell (un ancien théoricien obamaïen du pivot vers l'Asie) a réaffirmé la nécessité de poursuivre dans la même direction que Mike Pompeo [3].
Les séparatistes taïwanais ont également une histoire de collaboration étroite avec la secte connue sous le nom de Falun Gong (définie comme "un instrument d'attaque contre la Chine" dans un article intéressant du rédacteur en chef adjoint d'Eurasia Stefano Vernole) [4], qui est à son tour étroitement liée aux évangéliques nord-américains et au groupe QAnon [5].
Nous ne voulons pas entrer ici dans le bien-fondé des accusations de corruption et de mauvaise gestion des affaires publiques adressées au défunt président haïtien. Ces considérations concernent ceux qui s'occupent de journalisme géopolitique (un domaine dans lequel l'information italienne est désormais saturée). Ce qui est intéressant pour les besoins de cette analyse, c'est de constater que, depuis 2018, de nombreux articles sont parus dans les médias se référant plus ou moins directement au gouvernement taïwanais, dans lesquels est formulée l'hypothèse que la République populaire de Chine tente de tromper les alliés de la "province séparatiste" en leur garantissant des prêts sans intérêt. Outre l'exemple de pays comme le Burkina Faso, le Salvador et la République dominicaine (qui ont récemment abandonné leurs liens diplomatiques avec Taïwan au profit de Pékin), Haïti est clairement mentionné dans ces articles [6]. Le journal pro-occidental South China Morning Post, à peu près au même moment, a avancé l'hypothèse que le président Moïse (en poste depuis 2017), intéressé par les projets de la Nouvelle route de la soie, était même prêt à un renversement soudain de l'approche diplomatique haïtienne traditionnelle envers Taïwan [7].
À ce stade, il n'est pas surprenant qu'il y a quelques jours seulement, plusieurs membres du Congrès américain aient ouvertement accusé la Chine de s'ingérer dans la politique intérieure d'Haïti et aient également affirmé que cette ingérence se propage rapidement dans tout le bassin des Caraïbes.
Indépendamment de l'hypocrisie habituelle de ceux qui opèrent militairement dans les mers des autres mais revendiquent un contrôle absolu sur les zones proches de leurs propres côtes, une telle perspective, en termes géopolitiques, ne peut être considérée que comme une menace existentielle par les États-Unis. En effet, depuis l'époque de la Doctrine Monroe et des théories de l'amiral Alfred T. Mahan sur l'influence de la puissance maritime dans l'histoire, le bassin des Caraïbes, avec le Golfe du Mexique, est considéré par les stratèges nord-américains comme la "Méditerranée des États-Unis": un espace maritime dans lequel aucune menace à l'hégémonie nord-américaine ne peut être tolérée (aucune autre puissance ne peut y opérer impunément). Les exemples les plus évidents de cette hypothèse sont la crise des missiles cubains dans les années 1960 et la tentative d'invasion manquée de la baie des Cochons (également à l'époque grâce à l'imbrication des services secrets, des "dissidents" et des groupes criminels organisés basés en Floride). Un exemple plus récent est la tentative d'imposer un blocus naval au Venezuela bolivarien.
La Doctrine Monroe, formulée en 1823, mérite un bref examen car elle fait souvent l'objet de malentendus flagrants. Ce qui est historiquement considéré comme une manifestation de l'isolationnisme nord-américain est en réalité la première formulation programmatique de l'impérialisme américain, surtout lorsqu'il est passé d'une doctrine applicable à un "grand espace" géographiquement défini à un principe universaliste valable pour le monde entier avec Wilson. Aujourd'hui, la position isolationniste est surtout soutenue par ceux qui pensent qu'un renforcement intérieur est une condition et une prémisse indispensable à une future et nouvelle projection extérieure de puissance. C'est, par exemple, ce que le trumpisme a essayé de faire, trompant même certains eurasistes naïfs (espérons-le) qui ont essayé de construire une alliance tactique avec le trumpisme.
En dépit de la rhétorique du "retour de l'Amérique", cette stratégie est la même que celle que l'administration Biden tente de poursuivre (bien qu'avec des mots d'ordre différents). L'objectif, en fait, est celui d'une reconstruction de la cohésion sociale interne et d'une "normalisation" du "patio trasero" en vue d'une confrontation prochaine et peut-être décisive avec les forces de l'Eurasie, afin d'éviter ce qui semble de toute façon être une évolution inévitable de l'ordre mondial vers la multipolarité.
Les préoccupations relatives à la normalisation de l'"arrière-cour" ont largement caractérisé l'ère Trump. Ce processus, en fait, était considéré par l'administration précédente comme moins coûteux que les opérations extracontinentales. Le succès de la déstabilisation des réalités les plus hostiles aux États-Unis dans la région (Cuba, Nicaragua et Venezuela en premier lieu) a également été considéré comme utile en vue de la campagne électorale de 2020. Cette approche, conforme à l'habituelle continuité géopolitique entre les administrations américaines, est héritée de la tristement célèbre doctrine Cebrowski-Rumsfeld, qui visait à éliminer toutes les entités étatiques qui n'étaient pas directement soumises à l'hégémonie américaine dans deux zones très spécifiques: le Proche et le Moyen-Orient et la mer des Caraïbes.
Sur la base de ces hypothèses, l'amiral Kurt W. Tidd (photo) a élaboré en 2018 une doctrine précise de déstabilisation du Venezuela ("dictature de gauche infectant toute la région") construite sur quelques points précis: aggraver le mécontentement populaire par la hausse des prix et la pénurie de produits de première nécessité (nourriture et médicaments); favoriser et accroître l'instabilité interne [9].
Cette stratégie est la même que celle utilisée depuis plusieurs décennies, à travers l'embargo économique, contre Cuba, qui se trouve aujourd'hui au centre d'une nouvelle tentative de déstabilisation.
Le cas cubain est assez complexe et, dans ce contexte, nous ne voulons pas nier l'existence de certains facteurs critiquables dans le système qui régit l'île. Cependant, ce qu'a été la stratégie nord-américaine à l'égard de Cuba, encore renouvelée avec plus de 200 nouvelles mesures restrictives imposées par l'administration Trump, peut être bien résumée par les mots du diplomate nord-américain Lester Mallory (photo, ci-dessous), prononcés dès les années 1960: "La seule façon d'arracher un soutien interne (à Fidel et à la Révolution) est la déception et l'insatisfaction populaires qui découlent du malaise économique [...] Nous devons rapidement employer tous les moyens possibles pour débiliter la vie économique de Cuba [...] une ligne de conduite qui, étant la plus habile et discrète possible, obtient les plus grands avantages par la privation d'argent pour soutenir les salaires réels, provoque la faim, le désespoir et la chute possible du gouvernement."
J'ai affirmé à plusieurs reprises que le Covid-19, quelle que soit son origine, peut toujours être utilisé comme une arme (même simplement en termes de propagande). Les manifestations cubaines, en fait, auraient été déclenchées par une augmentation rapide (et plutôt suspecte) du nombre de cas sur l'île. Une nouveauté importante si l'on considère que Cuba, pendant toute la première année de la pandémie, a réussi à maîtriser les contagions et les décès et même à développer deux vaccins (Soberana 02 et Abdala) qui semblent avoir une efficacité considérable contre le virus.
Outre la géopolitique des vaccins (l'"Occident" dirigé par l'Amérique du Nord, terre de compétition capitaliste, n'admet pas de concurrents à un moment de l'histoire où il est nécessaire de se regrouper), il ne faut pas oublier qu'en mai de cette année, dans le sillage du Plan conjoint de coopération 2021-2026 pour la mise en œuvre du protocole d'accord entre le gouvernement de la République de Cuba et la Commission économique eurasienne du 31 mai 2018, Cuba a ratifié une disposition visant à établir une coopération effective avec les pays de l'Union économique eurasienne: un projet qui, à long terme, pourrait détacher l'île de l'étau de l'embargo nord-américain [10].
Il va sans dire que dans le discours annonçant cette ratification, le président cubain Miguel Diaz-Canel Bermudez (photo, ci-dessus) a ouvertement dénoncé les tentatives occidentales répétées de discréditer et de déstabiliser le Belarus, y compris la tentative d'assassinat de son président Aljaksandr Lukashenko.
À vrai dire, et pour étayer partiellement la thèse de la "spontanéité" initiale des manifestations (mais pas de la "mèche"), il faut dire que beaucoup de ceux qui sont descendus dans les rues des villes cubaines pour protester ont presque immédiatement pris leurs distances avec les fauteurs de troubles et les infiltrés, réaffirmant leur loyauté envers la Révolution et dénonçant les tentatives flagrantes d'exploitation "occidentale".
Dans les années 1980, le "géopoliticien militant" (définition de Claudio Mutti) Jean Thiriart, dans son style purement pragmatique, soutenait qu'une Europe unie et souveraine (de Dublin à Vladivostok), dans un hypothétique ordre multipolaire devrait avoir le courage de "renoncer" au mythe de la révolution cubaine (et donc laisser l'île à un nouveau destin de destination exotique pour les touristes et les joueurs nord-américains) en échange du contrôle absolu de la Méditerranée et de l'élimination de cet avant-poste "occidental" (source d'instabilité permanente) que représente l'entité sioniste.
Un tel plan, à ce jour, reste très éloigné. Par conséquent, toute personne qui s'oppose fermement à l'impérialisme nord-américain, quelles que soient ses différences idéologiques, ne peut qu'adopter une position de défense claire de la souveraineté cubaine contre toute forme d'ingérence extérieure.
NOTES:
[1] Cf. Why is a Florida-based pastor under arrest for the assassination of Haiti’s President?, www.time.com.
[2] Jovenel Moise: ‘Colombia ex-soldiers in plot to kill Haiti president’, www.bbc.com.
[3] Sur le récent renforcement de la coopération Etats-Unis/Taïwan, cf. Il ruolo strategico del Mare Cinese Meridionale, “Eurasia. Rivista di studi geopolitici”, nr. 1/2021. Topujours dans les colonnes d'Eurasia (nr. 2/2021) voir également l'article intitulé “Da Trump a Biden”.
[4] S. Vernole, Falun Gong: strumento di attacco contro la Cina, “Eurasia. Rivista di studi geopolitici”, nr. 2/2021.
[5] Sur les relations entre QAnon et d'autres phénomènes pseudo-religieux de matrice nord-américaine, on pourra consulter: QAnon: radici ideologiche e ruolo geopolitico, “Eurasia. Rivista di studi geopolitici”, nr. 2/2021.
[6] Cf. China tries to lure Haiti away from Taiwan with interest-free loans, www.taiwannews.com.
[7] Cf. Beijing targets Haiti as a bid to isolate Taiwan from its diplomatic allies heads to the Caribbean, www.scmp.com.
[8] Cf. US lawmakers warn of chinese meddling in Haiti-Taiwan ties, www.focustaiwan.tw.
[9] Plan to overthrow the Venezuelan Dictatorship – Masterstroke, su www.voltairenet.org.
[10] Cf. Cuba ratifica la disposizione di stabilire con una cooperazione effettiva con gli Stati membri dell’Unione Economica Eurasiatica, www.granma.cu.
Daniele Perra
Depuis 2017, Daniele Perra collabore activement à la revue Eurasia. Rivista di studi geopolitici et le site informatique qui y est lié. Ses analyses portent principalement sur les relations entre la géopolitique, la philosophie et l'histoire des religions. Diplômé en sciences politiques et en relations internationales, il a obtenu en 2015 un master en études moyen-orientales de l'ASERI - Alta Scuola di Economia e Relazioni Internazionali de l'Università Cattolica del Sacro Cuore de Milan. En 2018, son essai Sulla necessitàdell'impero come entità geopolitica unitaria per l'Eurasia a été inclus dans le vol. VI des Quaderni della Sapienza publiés par Irfan Edizioni. Il collabore assidûment avec de nombreux sites Internet italiens et étrangers et a accordé plusieurs interviews à la radio iranienne Radio Irib. Il est l'auteur du livre Être et Révolution. Ontologie heideggérienne et politique de la libération, préface de C. Mutti (Nova Europa 2019).
Les manigances des grands groupes pharmaceutiques, exposées dans La constance du jardinier, un roman de John Le Carré, ne relèvent pas non plus de la pure fiction. Le livre, adapté au cinéma, est basé sur le scandale du Trovan (ou trovafloxacine), au Nigeria. Plusieurs procès ont suivi un essai « sauvage » de cet antibiotique, réalisé en 1996 par Pfizer. Le médicament, mis sur le marché en 1997, a été retiré en raison de ses effets secondaires.
L’Amazonie fait rêver alors même que cet espace est mal connu. Espace vaste, divers, pas uniquement composé de forêt, il est peu hospitalier pour les populations qui l’habitent. Son aménagement est un enjeu majeur pour le Brésil et le monde.
Samedi 5 juillet 2021, Recep Tayyip Erdogan a officiellement inauguré les travaux du Kanal Istanbul, une voie navigable de 45 kilomètres de long, 150 mètres de large et 25 mètres de profondeur qui reliera la mer Noire à la mer de Marmara. Aussi grand, sinon plus, que Suez et Panama, l'ouvrage contournera le détroit du Bosphore, décongestionnant le passage maritime encombré (48.000 transits par an en moyenne) et transformant la partie européenne de la métropole turque en une véritable cité insulaire.
Après plus de 20 ans, la maison d'édition Luni editrice a décidé de republier "Curzio Malaparte" de Giuseppe Pardini, qui, à la différence de la biographie de Giordano Bruno Guerri L'arcitaliano (Bompiani, 1980), se concentre sur l'aspect purement politique de l'écrivain de Prato, reconstruisant son idéologie comme "plus linéaire et plus solide" que ce qui est communément jugé, voyant dans l'histoire personnelle de Malaparte pas mal d'éléments d'incertitude, de remise en question et de contradiction.
Julian Assange et l’Espionnage Act (1/6) : Histoire des menaces à la liberté de la presse
Dès leurs premières années, les États-Unis ont trouvé des moyens de nier les droits d’une presse libre lorsqu’il était politiquement opportun de le faire. L’un des derniers moyens a été d’arrêter l’éditeur de WikiLeaks, Julian Assange, il y a 29 mois, le 11 avril 2019, et de l’inculper – c’est la première fois qu’un éditeur et journaliste est inculpé en vertu de l’Espionnage Act de 1917 pour possession et publication de secrets d’État.
Les révélations de Daniel Hale sur le crime aveugle des drones américains
Daniel Hale a révélé le meurtre généralisé et aveugle de non-combattants dans la guerre mondiale des drones américains. Pour son héroïsme, il a été condamné à 45 mois de prison tandis que ceux qui dirigent ces crimes de guerre continuent leur folie meurtrière.
L'OTAN, l'alliance militaire qui est devenue religion
Un article intéressant de Jon Schwarz dans The Intercept retrace l'histoire de l'OTAN et réfléchit à sa pertinence aujourd'hui. Il rappelle que l'OTAN est née dans l'urgence après la Seconde Guerre mondiale, en 1949, à une époque où l'Europe était détruite et où "la puissance des États-Unis était si prépondérante qu'elle pouvait simplement dicter leur conduite à ses alliés".
Une des lignes de fracture de notre époque est la question de savoir si les gens peuvent décider de leurs propres affaires ou bien dans quelle mesure des experts peuvent décider pour eux.
La Russie travaille activement à une alternative au canal de Suez
Pour la réussite économique, on le sait, il ne suffit pas de produire des biens. Il faut aussi les livrer à l’acheteur. C’est pourquoi les voies de transport deviennent chaque jour plus critiques. Et c’est pourquoi, parallèlement à l’utilisation de voies de transport déjà connues, la Chine, par exemple, crée sa propre Nouvelle route de la soie, construit, au Nicaragua, une alternative au canal de Panama, tandis que la Turquie construit un canal d’Istanbul parallèlement à son traditionnel Bosphore. Ces efforts ont été stimulés par l’incident du 28 mai bloquant le canal de Suez, qui a conduit de nombreux pays à chercher des alternatives à cette artère de transport égyptienne. Le PDG du géant danois du transport maritime Moller-Maersk, Soren Skou, a parlé au Financial Times de cette accélération inconditionnelle des changements dans la chaîne d’approvisionnement mondiale des marchandises, après le blocage du canal de Suez. Étant donné l’importance particulière, dans ces conditions, de la création d’une voie de transport durable et rentable pour les participants au commerce international entre l’Europe et l’Asie du Sud-Est, la Russie a participé activement à la recherche d’alternatives.
Article de Vladimir Poutine : De l’unité historique des Russes et des Ukrainiens
« Lors de la récente Ligne directe [échange annuel de Vladimir Poutine avec des citoyens russes], interrogé sur les relations russo-ukrainiennes, j’ai déclaré que les Russes et les Ukrainiens formaient un seul peuple, un tout. Ces paroles n’étaient pas motivées par des considérations à court terme ou par le contexte politique actuel. C’est ce que j’ai dit à de nombreuses occasions et ce que je crois fermement. J’estime donc nécessaire d’expliquer ma position en détail et de partager mes analyses de la situation actuelle. »
Les passeports vaccinaux dans les grandes villes seront considérés comme un abus de pouvoir politique à des fins inavouées, écrit Robert Bridge.
Des conditions d'apartheid sont créées dans les pays occidentaux entre les vaccinés et les "anti-vaccinistes". Et avec l'introduction des passeports vaccinaux, qui pourraient théoriquement refuser les services les plus élémentaires et les plus essentiels aux personnes non vaccinées, les choses pourraient empirer très rapidement. Cela n'a pas été le cas. Ce qui a commencé comme un "15 jours pour aplanir la courbe", puis comme un programme de vaccination volontaire, est en train de se transformer en une forme de gouvernement surdimensionné, car les choses simples que les gens considéraient comme allant de soi - aller au restaurant, au théâtre et prendre le train - nécessiteront bientôt des passeports de vaccination obligatoires. Les citoyens accepteront-ils tranquillement ces mesures sans précédent sans se battre ? Jusqu'à présent, cela ne semble pas évident.
Alors que le consommateur moyen des médias grand public en entend rarement parler, des manifestations et des blocages massifs contre les vaccins, dont la taille des foules n'avait pas été vue depuis les jours précédant la guerre d'Irak en 2003, ont secoué toutes les régions du monde occidental. La semaine dernière, par exemple, des milliers de personnes ont fait fi de l'interdiction des mesures anti-covid en Allemagne et sont descendues dans la rue pour protester en masse. Un manifestant serait mort après avoir forcé une barricade de la police. Plusieurs policiers ont été blessés dans la mêlée qui a conduit à l'arrestation de 600 manifestants. Et alors que les gouvernements commencent à déployer leurs passes sanitaires dans un contexte de scepticisme généralisé quant à la sécurité des vaccins Covid, la résistance promet de s'intensifier.
La France, par exemple, alors même que l'immunité collective naturelle et les taux de vaccination au sein de la population augmentent, jette les bases d'un système national de passeport vaccinal. Le 9 août, les citoyens français devront présenter une preuve de vaccination, un test négatif pour le coronavirus ou la preuve qu'ils se sont récemment rétablis de Covid-19 pour pouvoir entrer dans une série d'espaces publics, notamment les restaurants, les musées et les transports en commun. L'Italie a commencé un programme similaire le 6 août. Imaginez ce que dira un Italien ou un Français lorsqu'on l'empêchera d'entrer dans son café préféré du coin, faute de documents. En attendant, les professionnels de la santé en France devront être vaccinés d'ici la mi-septembre. Les travailleurs syndiqués disent qu'ils protesteront contre ces demandes.
Comme on pouvait s'y attendre, les Français, qui connaissent bien les mouvements révolutionnaires, n'ont pas pris la nouvelle à la légère. Depuis que le président Emmanuel Macron a fait cette annonce il y a trois semaines, les citoyens ont organisé des manifestations de masse, attaqué des centres de vaccination et se sont généralement comportés comme le font les foules en colère.
Avec la suffisance et le manque total de conscience de soi qui le caractérisent, M. Macron s'est moqué des manifestants, qui trouvent la perspective de jouer aux échelles bureaucratiques pour le reste de leur vie tout à fait répugnante, voire carrément tyrannique.
"Quelques dizaines de milliers de personnes ont perdu la raison à tel point qu'elles sont capables de dire que nous vivons dans une dictature", a déclaré Macron dans une interview à Paris Match, selon des extraits mis en ligne avant la publication de l'article jeudi. "Leur attitude est une menace pour la démocratie. Ils mélangent tout". Il est étrange que le dirigeant français ne voie pas que menacer les moyens de subsistance de millions de personnes - qui souhaitent simplement avoir une voix et peut-être même un vote sur ce qui est fait à leur corps au nom de la science - est la véritable "menace pour la démocratie".
Pendant ce temps, le peuple australien connaît des conditions qui pourraient être décrites comme une loi martiale de facto. Sydney, capitale de la Nouvelle-Galles du Sud, approche de la septième semaine d'un blocus de neuf semaines au cours duquel les citoyens n'ont pas le droit de quitter leur domicile, sauf pour acheter de la nourriture, se faire soigner et effectuer des travaux "essentiels". Le long blocus de la plus grande ville d'Australie a déclenché des manifestations de rue massives, de nombreuses personnes ne comprenant pas la réaction à seulement 10 décès dus au COVID-19 liés à l'épidémie actuelle.
Quelque 300 soldats collaborent avec la police pour surveiller les personnes mises en quarantaine et organiser des contrôles routiers, ce qui constitue l'un des ordres de confinement les plus stricts jamais imposés en Australie. Les véhicules contenant plus de deux personnes sont arrêtés pour inspection.
Alors que le blocus de Sydney ne devrait pas prendre fin avant le 28 août, des rumeurs circulent déjà selon lesquelles le gouvernement va prolonger les ordres de blocus alors que des rapports de décès liés à la variante Delta circulent.
Pendant ce temps, aux États-Unis, la pandémie de Covid semble souvent être davantage une bête de somme partisane qu'un fléau médical. L'écrivain conservateur Victor Davis Hanson a résumé le climat de discorde qui règne dans le pays lorsqu'il a rappelé que c'est l'administration Biden, en collaboration avec les grands médias, qui a "accusé les "super-vaccinés" de contaminer parfois les personnes déjà vaccinées, comme si les plus de 100 millions d'adultes qui ne sont pas encore complètement vaccinés étaient des "red-state taps" qui fréquentent les bars honky-tonk et les rassemblements de motards. Montrant que la réalité est bien différente, Hanson a rappelé que l'été dernier "plus de 1000 prestataires médicaux avaient accordé des exemptions générales exclusivement aux manifestants de BLM, se massant dangereusement dans les rues pendant des semaines pour manifester."
Il a également souligné le désastre à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, où "deux millions d'étrangers en situation irrégulière devraient franchir la frontière sud l'année prochaine, en toute impunité mais sans vaccinations, sans tests COVID-19 et sans restrictions de la part de Washington. "
Dans le même temps, une récente épidémie de COVID-19 à Provincetown, dans le Massachusetts, "n'était pas due à des Néandertaliens de droite", a noté M. Hanson. "Elle était imputable aux célébrations annuelles de la gay pride au cours desquelles plusieurs milliers de fêtards ont déferlé dans les bars, clubs, restaurants et hôtels."
Ce n'est certainement pas quelque chose que les médias traditionnels pensaient couvrir. À cette hypocrisie flagrante s'ajoute un climat oppressant de censure qui a stoppé net les recherches médicales, comme si le scepticisme et le progrès scientifique s'excluaient mutuellement. En effet, même les médecins qui osent remettre en question le bien-fondé de l'utilisation d'urgence, des vaccins non approuvés par la FDA, de l'utilisation de masques et des règles de distanciation sociale deviennent des parias des médias sociaux et disparaissent. Malgré, ou à cause, de l'absence manifeste de débat libre et ouvert sur la science qui sous-tend le Covid, les villes et les États démocratiques se précipitent pour mettre en place des passeports vaccinaux comme ceux qui émergent en Europe.
À partir du 13 septembre, la ville de New York, contrairement à la sagesse dont fait preuve la Californie, qui est le précurseur national, exclura les personnes non vaccinées des clubs de fitness, des restaurants et des théâtres. En plus de porter potentiellement le coup de grâce à de nombreuses petites entreprises de la mégapole, le soi-disant "Key Pass to New York" alimentera probablement l'exode de la Big Apple qui a commencé en mars 2020. Pour les New-Yorkais qui choisissent de rester, tout en refusant le vaccin, il sera difficile de contenir leur ressentiment et leur colère d'être privés des choses qui rendent la vie urbaine possible.
Pendant ce temps, à l'autre bout du pays, dans un autre super-État libéral, Los Angeles étudie une proposition similaire à celle de New York, bien que celle-ci inclue les "magasins de détail". En d'autres termes, sans carte de vaccination, de nombreuses personnes pourraient avoir de grandes difficultés à acheter de la nourriture et des médicaments.
Avec des millions d'Américains toujours réticents à recevoir un vaccin qui n'a pas été entièrement approuvé par la Food and Drug Administration, l'introduction de laissez-passer pour les vaccins dans les deux plus grandes villes américaines - poussée avec une aide non négligeable de CNN, semble-t-il - va accroître les tensions à un moment où de nombreuses personnes sont déjà préoccupées par la nécessité de garder de la nourriture sur la table en période économique imprévisible.
En somme, l'autorisation des passeports vaccinaux dans les grandes villes du monde ne sera pas considérée comme un outil médical nécessaire pour maintenir les gens en bonne santé, mais plutôt comme un abus de pouvoir politique pour des motifs inavoués qui n'ont rien à voir avec la démocratie.
T. Hobbes, de "l'état de nature" ou de l'insociabilité de l'homme
La "Loi contre le Séparatisme" en France et la "Guerre Civile" menaçante
Hobbes, la société sans maître et la dictature consulaire
L'impérialité mutipolaire et ses guerres
Diplomatie et guerre. Sur les grandes rivalités hégémoniques
Le "Mémorandum Crowe" et la rivalité anglo-allemande
La "Déclaration Stoltenberg" et la rivalité sino-américaine
La prise de conscience historique et la subordination de la démocratie à l'hégémonie
La dés-occidentalisation du monde et l'asymétrie des volontés
L'amplification des dangers et la guerre de demain
Hétérogénéité du système et multipolarité
Fin de la stabilité hégémonique et monde post-occidental
"Conflits en chaîne" ou "révolution systémique"?
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Paix et guerre, une coexistence historique
Scruter les signes c'est maîtriser l'avenir, car tout est signe et indice dans les plus hautes combinaisons stratégiques! Dans le domaine de la menace et du défi de la mort imminente, toute mutation exige déchiffrement et interprétation, car le réel est instable et s'habille de configurations transitoires en mutation permanente. Agir c'est non seulement prévoir, mais interpréter les formes, à partir de manifestations infimes. En effet on peut passer soudainement de la prééminence stabilisatrice d'une politique sans combat, la dissuasion réciproque, à une stratégie de frappe en premier. Ce qui est constant dans l'affrontement belliqueux, c'est la destruction sanglante et la mort à grande échelle. Les pays faibles ou affaiblis deviennent des proies pour leurs rivaux prédateurs, car dans la guerre la violence est originelle et comporte, comme idée maîtresse, le principe d'anéantissement. En tant qu'action guerrière elle conjugue stratégie et politique et oppose l'affrontement à l'évitement du combat. Elle doit porter un préjudice à l'ennemi et pas seulement le tromper par la ruse. Pour les réalistes, une fois déchaînée, la guerre s'érige en sujet et refuse tout modèle et toute maîtrise à son encontre,car elle se commue en royaume de l'incertitude et en brouillard. Elle devient un pari, pris sur la décision et une affaire aventureuse et aléatoire. Puisque la guerre, en tant que conflit de grands intérêts reglé par le sang, est un acte de violence poussé à ses limites extrêmes et destiné à contraindre l'adversaire à exécuter notre volonté, quelle est sa nouvelle nature et quel sont les signes avant coureurs de la guerre de demain? Une ambition, une nécessité politique, une rupture? Si le centre de gravité de la guerre repose sur la psychologie des duellistes et sur leurs volontés de se battre, le fondement de leur nature est dans l'homme lui même. La concrète historicité du conflit repose sur les moyens, les modalités et les techniques, mais le principe de la guerre est an-historique. Ce principe est ancré dans l'inimitié et l'hostilité radicales, constamment renouvelés par la politique. Il est enraciné dans la nature imparfaite de l'homme et de la société, ainsi que dans le prix du sang à payer pour la course improbable vers le principe de coopération et la métaphysique de la paix. La guerre n'est pas une arène de la raison, même si l'histoire mondiale est un tribunal qui a pour mission de gouverner le monde. L'aphorisme d’Héraclite selon lequel "Polemos, pater panton" (la guerre est le père de toutes choses), exprime l'idée selon laquelle la loi plus générale, inexorable et immuable de la nature exige un gouvernement par l'homme des instincts fondamentaux et primaires, la bellicosité et la "jealous emulation", qui mènent irréversiblement à la guerre. Celle-ci cependant a un but constant, de créer de nouvelles relations de coopération, bref une paix plus sûre et meilleure. Gouverner au même temps la paix et la guerre est la tâche suprême de la politique mondiale, car la paix et la guerre, qui coexistent dans le monde, constituent les deux revers d'une même médaille, l'expression de l'autonomie de l'hommes des conditionnements de la vie sur terre, naturels et sociaux, surnaturels et physiques, coercitifs et libres.
Gouverner la guerre?
Gouverner la guerre! C'était l'ambition de la grandeur, de César à Napoléon, à Hitler! Gouverner le conflit c'est l'ambition du politique; bref de la politique et de l’État, ou de l'ubiquité du culturel et du social, par la contrainte du stratégique et du militaire. Les théories de la guerre et les philosophies de l'histoire constituent les deux revers de l'être et du devoir être, comme contradiction du réel et de l'idéal, sous la législation de l'intention hostile et de l'Histoire turbulente, autrement dit, d'une idée pessimiste de l'homme, gouverné par la chute, par le Mal et par la nature insociable de l'homme (Hobbes). L'homme gouverné par le fanatisme du Bien ne peut être conduit que par l'idée d'une croisade ou par une inspiration faible, celle de la paix, de la seule coopération et d'un multilatéralisme de groupe, bref, par une "gouvernance civile" et a-stratégique (Union européenne) ou par une "défense collective" (OTAN), menées sous la houlette d'un tutorat brutal (américain).
Le prix de la mort et de la destruction inhérent à la guerre exige une qualité civique, la citoyenneté et une légitimité incontestable, celle d'un pouvoir souverain, maître de la décision d'exception, l'ouverture des hostilités, du commandement politique, l'ordre de mourir, et de l'insatiable volonté de nuire et de détruire, plier la volonté de l'autre ou des autres.
La guerre commence, s’affirme et se termine par la destruction de tout système dogmatique de pensée. Elle résulte à chaque fois et d'abord d’une percée intellectuelle. Or, le système dogmatique de nous jours, en Europe, consiste à émousser par le droit, l’économie, le scientisme et l’humanitaire, l’effet brutal de l’épée, du sang, de la destruction et de la mort. En effet c’est l’élément culturel qui constitue le concept d’ennemi et avec lui tout concept de guerre.
T. Hobbes, l'état de nature ou l'insociabilité de l'homme
Thomas Hobbes, lorsqu’il s'exprime sur la guerre avait été précédé par Machiavel, Grotius et Pufendorf et ces deux derniers par la prééminence philosophique d'Aristote et de Cicéron. Leurs postulats implicites vont commander aux spéculations sur la guerre de demain, en distinguant ce qui est variable, l'historicité des moyens et des modes de combat, soient-ils stratégiques ou tactiques, de leurs traits invariants et marquants, le caractère politique de la guerre et l'occurrence an-historique de l'affrontement belliqueux. Les occasions infiniment renouvelées d'hostilités entre les hommes et entre les États imposent la distinction sur les différents usages de la violence brute, puisque la guerre implique la mise un œuvre planifiée et à long terme d'une politique de défense et de sécurité, à caractère proprement géopolitique et stratégique. La politique de défense est fondée sur la taille de l'ennemi, la passionalité du peuple, l'espérance politico-stratégique de gain, les prévisions des buts, le calcul des moyens, les renseignements disponibles, l'état de la société et l'univers de la parole et des images, qui sont des pouvoirs puissants et inséparables de la pratique de la guerre. Il s'agit des aspects tactiques et opérationnels, ceux de la bataille, des duels et de la conquête des cœurs. Tout autre est par contre l'importance, pour la transformation du champ diplomatique et par les acteurs aux prises, de la constitution de coalitions et d'alliances, afin d'équilibrer ou déstabiliser le jeu adverse et maintenir ou consolider la cohésion entre les alliés, autour de principes communs. Le débat actuel sur la guerre de demain, robotisée, numérisée, atomique et spatiale appartient au domaine du combat et du terrain, tandis que l'état d'insécurité appartient à l'ordre dominant des États, à la condition hiérarchique et au même temps chaotique des unités politiques, à leurs équilibres et rapports de forces, ou en d'autres termes, à l'état de nature perpétuelle "des monstres froids". Cependant l'expérience de la guerre entre les États, qui a été lourdement oubliée par les européens, n'ajoute rien à la guerre civile entre citoyens et non citoyens, à l'intérieur des différents pays-membres (entre croyants en la valeur de l'autorité établie et opposants de toute nature au principe d'autorité et de leadership, principalement étrangers). La guerre entre puissances souveraines est en effet de même nature que celle entre races, ethnies et peuples, décolonisés, insurgés, anarchistes, LGBT, wokistes et black-matters, qui vivent dans les entrailles des sociétés et pullulent dans le désordre de ses ruines. Il s'agit d'assemblages chaotiques de masses sans "surmoi", encore endormies dans l'esclavage intellectuelle de l'humanité, qui n'a jamais cessé d'exister et qui perdure dans l'illusoire robotisation des esprits, sous le vernis hideux de l'égalité et de la civilité apparente.
La "Loi contre le Séparatisme" en France et la "Guerre Civile" menaçante
Tout vaux mieux, pour Hobbes, que la guerre civile. La France voudrait l'éviter, tardivement, par la "loi contre le séparatisme" et pour le "Respect des principes de la République", votée à l'Assemblée Nationale le 23 juillet 2021. A propos de la guerre civile,dont le risque est cachée sous le terme de "séparatisme", une analogie s'impose. En situant "l'état de nature" qui caractérise las rapports inter-étatiques au même niveau que celui des rapports internes, Hobbes donne tout son sens aux relations d'hostilités qui assimilent en profondeur les deux types de guerre, la crainte permanente de la mort violente, ou encore la désagrégation des États. Ainsi "l'état de société" ressemble à "l'état de nature", et celui-ci est déjà la guerre de demain, mais de l'intérieur. Or, puisque "l'état de nature" est identifié à l'hostilité et au chaos, l'état d'insécurité qui en résulte est une condition de déchirement, où le pouvoir commun cesse d'assurer l'ordre et la sécurité et chacun reprend en main son droit de se défendre par lui même (Jus gladii privati). Cette condition de dissolution et de calamité, si semblable aux "zones de non droit" des banlieues françaises, soumises à une loi incompatible avec celle de l’État en place, la Charia, fait naître le besoin d'un maître, car n'importe quel régime ou quelle tyrannie vaux mieux, dit Hobbes, qu'une société sans maître et sans lois. Sans un gouvernement "d'arbitrage", au sens de l'équilibrage des forces et de gouvernement des affaires courantes, les hommes et les groupes vivraient dans un état de "guerre civile permanente".
Hobbes, la société sans maître et la dictature consulaire
Là où les regroupements sociaux ont de surcroît des appartenances culturelles et civilisations antagonistes et étrangères, comme en beaucoup de pays occidentaux, la fonction d'arbitrage du pouvoir doit s'imposer comme autorité inconditionnelle et, si nécessaire, comme "dictature consulaire" ou dictature transitoire, appuyée sur les légions, plutôt que sur le Sénat, sur la décision plutôt que sur la délibération sans fin. La dictature consulaire n'est guère à confondre avec la tyrannie, qui est l'abus de pouvoir de gouvernants qui se placent eux mêmes en état de guerre contre le consensus des dominés, suscitant une "rébellion". Un tel recours à l'arbitraire de la part des gouvernants, typique de l'état de nature et de l'absence de lois qui le caractérise, provoquerait, chez les individus, d'après Locke, le droit naturel de se défendre. Le but d'éviter une rechute dans le chaos et d'éviter la dissolution de la société, qu'elle puisse s'appeler, France, Allemagne ou Europe, rend plausible, suivant les classiques, un recours à un gouvernement, qui embrasse à la fois les deux concepts, de paix et de guerre,afin de préserver la cohésion sociale De paix, puisque la paix n'existe pas en nature et elle est l’œuvre de la politique et de l’État et de guerre, sanglante et brutale, car la guerre, en vue de la paix civile est un moyen en vue de sa fin,autrement dit, la pacification durable des hommes. En réalité, si la paix a pour cadre général et artificiel la société civile, elle s'accomplit dans la cité et dans la nation. En Europe, selon le modèle augustinien de la séparation des deux cités, de Dieu et de César, en Islam, selon la loi divine, supérieure et unique du Coran. Guerre de religions et guerre des dieux ? C'est l’enjeu de la guerre de demain sur le plan intérieur. La guerre, comme gouvernement de la coexistence entre les États, implique une coexistence complexe de la paix et de la guerre et donc un difficile gouvernement du système-monde. Le désordre chaotique des États et de leurs regroupements géopolitiques doivent en somme cohabiter avec "l'insociable sociabilité" des sociétés civiles de Hobbes. Dans ce cas, l'idée de paix fait figure d'ultime rationalité de l'espoir humain.
L'impérialité mutipolaire et ses guerres
La guerre inter-étatique de demain sera dictée, comme toujours, par un cumul de crises sans issues. La recherche d'un espace de liberté de la part des unités politiques majeures sera portée par la logique de prééminence ou de suprématie, qui ne coïncidera pas toujours avec le concept d'impérialité hégémonique et sa vision. La naissance de celle-ci a précédé la naissance de l'Europe et a comporté une série séculaire d'affrontements sanglants. Quant à l'Europe d'aujourd'hui, structurellement allergique à tout projet de prise de souveraineté et à toute culture agonistique, ses guerres seront dictées et presque imposées par son avenir eurasien et euro-atlantique, une posture inconfortable qui la lie, par l'histoire à son passé civilisationnel et par la géopolitique à sa dimension euro-continentale. Les formes politiques de ces enchevêtrement de conflits ne serons plus celles menées par les démocraties parlementaires des États nationaux, mais celles autocratiques ou présidentialistes des empires continentaux de jadis.
L'Europe des nations, issue du reflux de la mondialisation (2015-2021), n'est plus celle des nationalismes offensifs et rivaux des entre deux guerres, mais celle de la sauvegarde de leurs identités menacées. Le contenu de l'idée nationale est autre aujourd'hui que par le passé. La politique de dissociation nationale (Brexit) et d'intégration impériale (atlantisme), répugne à la France, isolée et déclinante, mais séduit l'Allemagne montante, dépourvue de la vieille conscience historique et passée de la doctrine du "peuple-maître" à celle du "peuple-partenaire", mal cousue dans les habits d'un fédéralisme administratif et d'un européanisme exsangue. La France, minée de l'intérieur par l'effondrement de l'autorité est à l'aube d'une "surprise stratégique" venant de l'intérieur, par la remise en cause, qui lui sera fatale, de son unité constitutive, le peuple-nation.
Quelle que soit la part de l'Europe dans les batailles pour la suprématie du système, la victoire militaire, au plan historique, sera t-elle encore, celle des puissances maritimes, auxquelles elle appartient? Dans une conjoncture totalement inédite, les guerres majeures de demain seront des guerres d'une impérialité multipolaire, à échiquier systémique, à projection planétaire et au choc violent et rapide, dévalorisant le principe de l'équilibre des forces. Les acteurs mineurs, européens et asiatiques, joueront leur partition robo-numérique, en vassales de chaque pôle, sous la coordination autoritaire des trois maîtres dominants de bloc (États-Unis, Chine et Russie), et les buts de guerre assignés, excluront toute paix de compromis.
Il s'agira de guerres d'anéantissement ou de soumission, car la violence paroxystique de leurs concepts stratégiques excluront toute coexistence civilisationnelle. L'enjeu sera, dès le début, une impérialité sans partage et celle-ci aura une dominance, scientifique, cognitive et intellectuelle, qui soumettra l'affrontement global, aux ambitions et aux projets de leurs maîtres.
Le monde des Impérialités établies sera soumis à une sorte de "soft balancing" de la part des puissances régionales existantes, réagissant, en contre-tendance, à toute politique de primauté. Cette évolution n’infirme pas la considération de fond que la solution des problèmes majeurs exigera toujours une intervention ou un soutien de la part des puissances majeures. L’avenir du multilatéralisme, asservi à la logique des grandes puissances sera un multilatéralisme de groupe, qui pourra jouer un rôle influent, à la condition qu'il y soient inclus les grands acteurs du système.
Quoi donc de la future distribution des pouvoirs intermédiaires, ou encore de la démographie et des ressources? Quoi de la justification et de la légitimité des nouvelles hiérarchies et des nouveaux souverains-gouverneurs? Dans ce nouveau Moyen-Age post-moderne de l'affrontement, nous assisterons à l'émergence d'une nouvelle sacralité du pouvoir,ritualisé avec des liturgies modernisés, à la manière des anciens royaumes, légitimant, aux jeux des opinions, la victoire de la robotique guerrière et de la puissance numérique. Entre l’Égypte des Pharaons et la ruche des abeilles, l'architecture des souverainetés impériales choisira les formes de soumission du travail planétaire et le nouveau servage des continents, où des lutte pour la liberté, marginales et rebelles, rappellerons l'ancien mythe de Sisyphe.
Les masses dépolitisées des ingénieurs, scientifiques, business-man et financiers, apporterons leurs savoirs et compétences aux plate-formes systémiques des États majeurs, jusqu'à la surveillance semi-permanente des données sensibles. La géopolitique des données constituera le reflet et la substance de cette rupture culturelle et scientifique .
In fine, dans ce tournant décisif du procès historique, l'opprobre impérial tombera sur la démocratie, l'égalité et l'histoire sociale du progrès et la nouvelle ère sera inégalitaire, positiviste, post-humaniste et post-hégélienne, dessinée par la force de transformation des rivalités de la triade (Chine, États-Unis et Russie) et par la montée des périphéries du monde.
A partir d'ici, l'histoire du futur engendrera une nouvelle guerre contre la renaissance de la dialectique de la raison, philosophiquement iconoclaste et l'Impérialité s'en défendra avec acharnement. Le rêve même de la grande Harmonie se désagrégera alors de l'intérieur et tombera en ruine, enfermé par la grande muraille de l'oubli et des utopies.
Un débat se fait jour dans l'immédiat sur la guerre inter-étatique de demain, s'interrogeant sur la forme que prendra le conflit, de haute intensité, de "guerre sans limites", ou encore de "guerre invisible", secrète et souterraine? La conjoncture que nous vivons, par sa réticence dans l'emploi de la force militaire de la part des acteurs majeurs de la scène internationale et de de l'extension visible des domaines de l'affrontement, impliquera "un changement de la grammaire stratégique, mais pas de la logique de la guerre" (Clausewitz). Il en résultera un nouveau visage de la guerre, profondément modelé par la révolution technétronique et par le complexe militaro-numérique, qui affecte la stratégie des moyens et le champ de bataille, provoquant une inversion de l'innovation qui va désormais du civil au militaire et du stratégique au politique.
L'impérialité, comme tendance à la suprématie et à l'empire découle d'une vision moniste de l'histoire, à la différence de la multipolarité, fondée sur l'hétérogénéité et le pluralisme des États, unifiés par l'unicité du système et distincts par la race, par la culture et l'histoire.
Diplomatie et guerre. Sur les grandes rivalités Hégémoniques
Le "Mémorandum Crowe" et la rivalité anglo-allemande
Dans le contexte des théories sur la "montée pacifique" de la Chine et sur l'avènement d'un "monde harmonieux", le niveau d'assurance de ces déclarations dépend du niveau de crédibilité de la diplomatie et du degré de confiance, induit par la stabilité régionale. Ces deux référents peuvent être compromis par le développement de la technologie et des systèmes d'armes, conçus en vue d'acquérir une avancée stratégique significative et cet impact amène en retour à une course aux armements et à des risques de conflits. C'est au sujet d'une analyse comparée des équilibres internationaux du concert européen du XIXème et des perturbations dans le calcul des rapports de force, successifs à l'unification de l'Empire allemand en 1871, que le débat sur le destin national de la Chine (2007-2010), a suscité une quête sur les sources de la confiance d'un pays millénaire, la tradition, l'idéologie et l'esprit national. L'analyse historique semble avoir démontré que les causes du conflit de la première guerre mondiale en Europe furent moins les structure des rapports de forces issus de l'unification allemande, que les enjeux et les ambitions des élites de l'Empire et, parmi d'autres importants facteurs, le plus influents de tous, le nationalisme et les irrédentismes diffus. La rivalité anglo-allemande, qui se greffait sur cette tension permanente, domina la politique européenne de la fin du XIXème, lorsque le monde se résumait à l'Europe et fut caractérisée par les difficultés d"une diplomatie rigide et sans flexibilité, limitant le champ d'action des principaux pays du concert européen. En effet, compte tenu de l'unification de l'Allemagne montante, qui se sentait entourée d'hostilité et de limites à son influence, poussa le Foreign Office britannique à s'interroger sur la menace objective de l'Empire allemand, pour sa survie et pour la compatibilité de la montée en puissance, surtout navale, d'un pays continental, avec l'existence même de l'Empire britannique.
Aujourd'hui comme hier la compétition est devenue stratégique et la limitation des espaces de manœuvre consentis, a provoqué la lente création de deux blocs d'alliances rivales, auxquelles le nationalisme ou le souverainisme renaissants fournissent l'aliment idéologique pour les futurs belligérants. En ce qui concerne l'analogie historique, toujours imprécise, entre la situation européenne du XIXème et celle eurasienne du XXIème, la question de fond,qui préoccupait la Grande Bretagne de l'époque et les États-Unis d'aujourd'hui, était de savoir si la crise d'hégémonie et le problème de l'alternance qui iraient se manifester, étaient dus à la structure générale de la configuration du système ou à une politique spécifique de l'un ou de l'autre des deux "compétitors" et si, in fine, l'existence même de l'empire américain serait menacée et avec elle, celle de l'Occident et de la civilisation occidentale, jusqu'à sa variante russo-orthodoxe. Le "Mémorandum Crowe", dans le cas de l'Allemagne montante et dans le cadre d'une analyse de la structure de la puissance, concluait pour l'incompatibilité entre les deux pouvoirs, britannique et allemand, et excluait la confiance et la coopération de la part de la Grande Bretagne. Ainsi l'importance des enjeux, interdisait à celle-ci d'assumer des risques et l'obligeait à prévoir le pire. Ce qui arrivera avec la première et deuxième guerre mondiales.
La "déclaration Stoltenberg" et la rivalité sino-américaine
Y t-il quelque chose d'équivalent du "Mémorandum Crowe" dans la crise d'hégémonie des États-Unis et dans la montée en puissance de la Chine, comparable à celle des deux pouvoirs anglo-allemand du XIX /XXème siècle et, dans notre cas à l'existence même de l'Occident?
Partie et juge de ce "Grand-Jeu" d'alternance historique, l'Alliance Atlantique, devenue une alliance de sécurité à perspective globale, par la voix de son Secrétaire Général, Jens Stoltenberg, a souligné l'importance du "moment charnière" de l'OTAN, dans le but de relever la gravité de l' inversion de prééminence entre États-Unis et Chine et l'exigence, pour les puissances occidentales, d'en relever le défi.
L'hégémonie chinoise paraît inacceptable à l'Amérique impériale, comme l'allemande à la Grande Bretagne du XIXème siècle et, par l'intermédiaire de l'OTAN en Europe et de l'Anzus en Extrême Orient, elle doit apparaître comme telle, à une grande partie de ces pays.
Ainsi le Sommet du 15 juin 2021 à Bruxelles pourra-t-il avoir la même signification et portée pour les États-Unis que le "Mémorandum Crowe" pour l'empire britannique du XIXème? L’ambiguïté des interprétations n'exclut pas le risque du pire. Donner la priorité à l'isolement de la Chine et à la désescalade avec la Russie, en a été la lecture plus optimiste pour le destin de l'Occident L'idée de créer une alliance mondiale des démocraties à deux pôles, l'OTAN, pour le théâtre européen et le Quad (Usa, Japon Australie et Inde) pour l'Asie-Pacifique, a justifié, en arrière fond, deux projets concordants, une indépendance politique et une autonomie stratégique de l'Europe vis à vis des États-Unis et simultanément la recherche d'un apaisement vis à vis de la Russie. Face à la résilience de l'Alliance atlantique et à l'influence grandissante de la Chine, la menace immédiate est apparue cependant celle de la Russie (Ukraine, Bélarus et Pays Baltes), restaurant la confiance contradictoire des élites asservies à l'Amérique déclinante.
La prise de conscience historique et la subordination de la démocratie à l'hégémonie
Ainsi, sommes nous étonnés qu'une alliance politique et militaire (l'OTAN), à un "moment charnière" de son histoire, fonde, par une déclaration de son Secrétaire général, sa prise de conscience historique sur un tournant décisif dans l'évolution du monde comme géopolitique accomplie et qu'elle présente ce moment comme une leçon pour l'avenir et comme une liaison du présent et du passé? Moment éclairant ou paradoxe sans précédents? Que signifie-t-elle cette conscience, si non l'inscription de notre futur proche dans les déterminismes des grandes forces historiques, autrement dit dans les traits originaux d'une conjoncture planétaire, où une seule question est essentielle: "Le "Grand Jeu" du XXIème siècle se passera-t-il à l'intérieur du système ou sera-t-il une remise en cause de ce dernier, remettant en question la structure et la hiérarchie de celui-ci et renversant la civilisation de l'Occident?" Dans cette perspective le dilemme de la paix et de la guerre n'est plus une pure hypothèse, mais un alignement nécessaire à Hégémon, dont la portée transcende le conjoncture et concerne l'histoire de l'humanité toute entière. Avoir l'idée d'être engagés dans l'histoire suppose, pour une collectivité donnée,d'avoir une vision plus large de la simple connaissance, incluant un choix d'action, comme un engagement "libre" et à haut risque.
Concrètement et stratégiquement l'antagonisme sino-américain au Sommet de Bruxelles, a pris le dessus sur le rapprochement russo-chinois, de telle sorte que la logique de la contingence transforme la nature traditionnelle des concepts et que la démocratie devient un instrument de l'hégémonie (et pas le contraire); une modalité pour garder ou pour atteindre le pouvoir global, puisque la protection et la sécurité sont conditionnées par l'obéissance (Hobbes).
Dès lors le débat sur le "destin national" (Liu Mingfu), qui s'est tenu en Chine dans les années 2010, a quitté le terrain du politique pour devenir le mode de penser d'une civilisation en marche et d'un puissant univers qui ré-émerge et s'affirme (Chine) à l'échelle mondiale.
La menace régionale est devenue systémique et elle n'est plus seulement d'ordre militaire mais repose sur l'unité organique d'un "sens", qui mobilise les esprits et les forces de toute une époque et trouve sa forme accomplie non pas dans un régime politique précaire et abstrait (la démocratie et l'universalisme politique régnant et contingent), mais dans l'empire, la forme "perfectissima" du gouvernement des hommes, transcendant la politique et les changements séculaires des équilibres des pouvoirs.
Pouvons nous dire avec certitude qu'une hégémonie politico-culturelle sur l'Eurasie, plus encore qu'une supériorité politico-stratégique menace l'indépendance des autres États du monde et l'existence même de leur souveraineté?
La logique du doute est de méthode, car le critère de l'ami et de l'ennemi reste latent dans la politique intérieure et sert à briser toute opposition (Navalny, Hong-Kong, Taïwan, Xinjiang), remettant en cause la distinction traditionnelle de légalité et de légitimité, poussée à son extrême dans la politique internationale. L'ennemi devient une puissance objective et hostile et c'est là, dans les "moments charnière" de Stoltenberg, que la tension latente devient active et maintient l'histoire du monde en mouvement
La confiance stratégique et la coopération authentique d'un Sommet de l'OTAN pourront elles interdire, freiner ou retarder la confrontation ou le "duel du siècle"? De la part de qui et sous quelle forme viendra-t-elle la décision? Sera-t-elle individuelle ou collective, proche ou à long terme, vue l'énormité des enjeux et la rupture de la digue, fissurée par l'antagonisme des mondes, qui retient l’Himalaya et le Tibet de leur glissement tectonique vers les deux Océans, Indien et Pacifique, eux mêmes périclitants.
La désoccidentalisation du monde et l'asymétrie des volontés
Les formes de antagonisme dans les différentes régions de la planète est l'un des thèmes majeurs du "Rapport de la CIA sur l’État du monde en 2020", publié en 2005, au titre significatif: "La désoccidentalisation du monde". Celle-ci peut être résumée à une augmentation des dépenses militaires, bien supérieures à celles de l'Europe et donc à une inversion de l'asymétrie des moyens, comme preuve d'une asymétrie des volontés.
Dilemme global, dans un cadre géopolitique planétaire et contraignant, celui d'un système international en pleine transformation, dont les principes constitutifs, la hiérarchie et les interdépendances, sont contestés et remises en cause politiquement.
Le concept-clé de cette remise en discussion est celui de monde multipolaire et le cadre dominant celui de sa triade, États-Unis, Russie et Chine. L'Europe en revanche est entrée à nouveau dans un processus d'instabilité et de désagrégation (Brexit, fissuration est-ouest, tensions euro-turques, crises migratoires etc). Le terme extrême et radical de cette transformation s'appelle "guerre" et celle ci concerne la configuration système lui même, sa hiérarchie et sa philosophie, bref, son pouvoir et son impérialité historique.
L'amplification des dangers et la guerre de demain
Scruter les signes de cette évolution c'est maîtriser l'avenir, car tout est signe et indice dans les plus hautes combinaisons stratégiques! En effet on ne combat pas les accidents mais les vagues montantes et irrésistibles. Or, la guerre de demain c'est la menace d'aujourd'hui, qui grandit sous un nouveau visage et au cœur des défis les plus grands. La guerre de demain n'est pas seulement limitée à la modification du visage apparent de la guerre ou à sa "grammaire", mais, et encore plus, à l'extension de sa "logique" profonde, politique et systémique.
Cette logique s'appelle direction de l'histoire, ou, en d'autres termes, inversion d'une hégémonie montante, que nous appelons une 'impérialité, élevée à la sommité des événements par le sentiment métaphysique de l’homme. Or dans les guerres s'affrontent les peuples qui partagent les mêmes métaphysiques ou les mêmes dieux et toutes les divinités de la lutte, même endormies, sont réveillés par les passionalités des peuples en situation de danger.
Ainsi nous pouvons dire, par une sorte d'analogie hasardeuse, que la perte de l'unité stratégique de l'Occident, la crise des démocraties, l'émergence des régimes autoritaires et l'ère de la démondialisation actuelle, coïncident avec une période d'amplification des dangers, représentés par des ruptures de la rationalité dissuasive et, au niveau conventionnel, par des combats déréglés, hybrides et hors limites.
Hétérogénéité du système et multipolarité
Enfin, compte tenu de l'hétérogénéité du système, cette situation engendre une stratégie défensive de la part d'Hégémon, consistant à anticiper la dissidence de membres importants de la communauté d'appartenance (sortie de la Grande Bretagne de l'UE et l'éloignement de l'UE des États-Unis), en maintenant au même temps la cohésion des alliances (OTAN/ANZUS).
Au niveau des nouvelles incertitudes et des nouveaux défis, l'Europe aura des difficultés à établir une connexion entre la diplomatie multilatéraliste, pratiquée jusqu'ici et la diplomatie multipolariste dominante dans la scène planétaire. Le multipolarisme s'affirme comme tendance à la régularité classique des regroupements politiques dans l'organisation des relations internationales et la compréhension de cette évolution exige, aux vues de la puissance dominante du système (les États-Unis), de faire recours à deux grandes interrogations :
- Quelle stratégie adopter vis à vis d'une grande coalition eurasienne et anti-hégémonique, Russie-Chine-Iran ?
- Quelles hypothèses de conflits ouverts entre pôles et quels scénarios de belligérance entre pôles continentaux et pôles insulaires.
Fin de la stabilité hégémonique et monde post-ioccidental
La question qui émerge du débat sur le rôle des États-Unis, dans la conjoncture actuelle, en Europe et dans le monde, est de savoir si la "stabilité hégémonique" (R. Gilpin), qui a été assurée pendant soixante dix ans par l'Amérique, est en train de disparaître, entraînant le déclin d'Hégémon et de la civilisation occidentale, ou si nous sommes confrontés à une alternance hégémonique et à un monde post-occidental. La transition de la fin de la guerre froide au système unipolaire à intégration hiérarchique incomplète s'est précisé comme une évolution vers un pouvoir partagé et un leadership relatif.
La transition nouvelle (celle de la nouvelle guerre froide), s'est manifestée comme :
- l'incapacité d'Hégémon d'imposer un ordre planétaire contraignant et comme lente décomposition du moment américain (déclin progressif de l'unipolarisme capacitaire et de l'unilatéralisme décisionnel).
Cela s'est traduit:
- par le passage de la "global dominance" de la période unipolaire au "global leadership", qui définit une série d'équilibres de réseaux et une fonction d'arbitrage que la puissance dominante (USA) exerce au sein de ses équilibres de réseaux.
En ce sens, le "leadership global" des États-Unis, face a la Russie et à la Chine, dispose d'un large éventail d'options, lui permettant de faire recours à une panoplie des moyens politiques plus différenciés :
*un réseau mondial inégalé d’alliances militaires; des partenariats stratégiques de choix, à l’extrémité ouest du Heartland (Europe), ou dans la jonction intercontinentale du plateau turc et sur la façade littorale de Moyen Orient (Israël), ainsi qu'une constellation insulaire et péninsulaire des "pays pivots", tout au long du Rimland (Japon, Inde, Golfe)
* in fine, un multilatéralisme institutionnel et informel, alternatif et de convenance.
Au passif des États-Unis, ces atouts ne peuvent cacher les déconvenues et les échecs, dont le plus retentissant a été l'Afghanistan. Ici les leçons apparaissent en toute lumière: la reconquête du pouvoir par les taliban, la poursuite et l'extension de l’instabilité en Asie centrale au détriment de l’Ouzbékistan, du Tadjikistan et du Pakistan, et, indirectement de la Russie, mais à l'avantage de la Chine. La poursuite du conflit n'a d'autre but que de déstabiliser l'Iran.
En termes plus imaginatifs on pourrait traduire cette situation comme celle des souverains des trois empires qui, dans la "Grande salle du Millenium", enfouie au cœur du Karakorum, se disputent le monde, le billiard à côté du cercueil, le Groenland contre la Terre du feu et l’Arctique contre l'Antarctique aux confins des Océans, et sous le regard perçant de la Force, de la Justice et de la Morale.
Conflits en chaîne ou "révolution systémique"?
L'interrogation qui s'accompagne à ce déclin et à la transition vers un système multipolaire articulé, est également centrale et peut être formulée ainsi: "Quelle forme prendra-t-elle cette transition?"
La forme, déjà connue, d'une série de conflits en chaîne, selon le modèle de Raymond Aron calqué sur le XXème siècle, ou la forme plus profonde, d'un changement bouleversant de la civilisation, de l'idée de société et de la figure de l'homme, selon le modèle des "révolutions systémiques", de Stausz-Hupé, embrassant l'univers des relations socio-politiques du monde occidental et couvrant les grandes aires de civilisations connues? Dans ce cas, il apparaît évident que cette transition ne marquera pas un accord sur des principes de légitimité, pouvant assurer la stabilité du monde, comme aux temps du Congrès de Vienne de 1815, mais la concordance fatale d'un condominium sur le monde entre les États-Unis et la Chine, ou une guerre générale et totale pour la prééminence impériale, comme dans la guerre du Péloponnèse. Concordance inexorable, inhérente à la dimension contingente de l'histoire humaine et à la fatalité des destins politiques, selon l'interprétation globale du devenir et selon les modèles stylisés de "rupture", qui n'ont épargné aucune grande civilisation. Hier, comme aujourd'hui, la réflexion sur la guerre est à la base de toute philosophie de la paix, car la ruine d'un système est aussi la naissance d'un autre, lié à une autre idée constitutive, ou à une autre civilisation.
Bruxelles, le 11 Août 2021
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VIDEOS
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Les vidéos ci jointes ébauchent une réflexion sur une pédagogie européenne et internationale alternative et préludent à cinq réalisations thématiques, produites il y a cinq ans (2017).
Les meilleurs analystes politiques ont déjà compris que la distinction droite/gauche est obsolète. Dans la pratique, il s'est toujours agi d'une simplification artificielle, mais aujourd'hui encore, cette simplification ne permet plus de penser la politique contemporaine. Nous vivons à l'ère du populisme, dans laquelle des leaders patriotes (ou du moins ceux qui ont un discours patriotique) dotés d'une relation personnelle avec les masses affrontent des institutions politiques alignées sur la promotion du mondialisme.
La droite et la gauche sont des catégories construites artificiellement par convention sociale pour désigner des communautés politiques aux traits convergents ou analogues sur une idée névralgique référentielle minimale qui permet d'identifier des personnes, des systèmes de pensée et des mouvements dans un espace politique. Définir l'espace politique comme "la zone de conflit politique qui sous-tend la relation entre les électeurs et les partis dans un système politique donné à un certain moment historique. Tout système politique est caractérisé par un certain nombre de conflits : conflits sur la répartition des revenus, sur l'intervention de l'État dans l'économie, sur les relations entre l'État et l'Église, ou encore conflits de nature linguistique, ethnique, etc." (Bobbio, 1998:530).
En général, la dynamique de la dyade gauche-droite, en tant que simplification uninominale, a généralement été considérée comme étant caractérisée par une ambivalence inhérente, c'est-à-dire qu'elle varie en fonction de l'accord mutuel (exprimé ou tacite) du moment sociopolitique, comme la raison principale pour soutenir - à un niveau familier - sa nature dépassée en ce qui concerne la tentative de refléter, de manière fiable, les phénomènes politiques contemporains. Dans ce sens :
"Des doctrines très différentes les unes des autres sont couvertes par les bannières respectives de la gauche et de la droite. Du moins, s'il existait entre ces doctrines un élément commun fixe et permanent, qui permettrait de les opposer sous des appellations différentes, nous pourrions encore parler avec convenance et dire qu'elles représentent des concepts différents. Rien de fixe et de permanent, cependant, ne caractérise la droite et la gauche. Le christianisme primitif d'aujourd'hui pourrait être qualifié de gauche par rapport à l'ordre hégémonique de l'antiquité païenne ; le même christianisme serait de droite face à la rébellion de la Réforme et à l'humanisme qui a surgi au début de l'histoire moderne. Le libéralisme révolutionnaire et de gauche de 89 est aujourd'hui une attitude bourgeoise et de droite si on le confronte aux mouvements épileptiques du communisme bolchevique" (Pico, 1928 : 103).
Il est vrai que cette ambiguïté dénotée est évidente, cependant, ce n'est pas la raison pour laquelle l'allusion est caduque ou non dans son plein sens, comme nous le verrons plus loin, car indépendamment de cette apparente entropie incohérente avec laquelle la dyade nous est montrée dans différents scénarios, il est possible d'identifier cette idée névralgique référentielle minimale, qui nous permet, jusqu'à aujourd'hui, de continuer à parler de gauche et de droite.
Cette idée découle de la praxis historique des acteurs dont l'action politique a donné un sens aux secteurs respectifs dans l'espace politique, et qui s'est projetée (avec les nuances du cas) dans le temps et dans la forme au cours des deux derniers siècles. De la droite comme la communauté politique qui se caractérise par la défense du maintien d'un statu quo ou d'un ordre des choses (un système sociopolitique, économique ou moral) avec des changements minimes ; et de la gauche comme le changement profond des structures qui sous-tendent cet ordre des choses. Dans la même veine :
" La gauche représente une réaction contre toute tentative de stabilité ou de fixité ; un renouvellement des formes qui cherchent à s'opposer au courant destructeur du temps. En revanche, nous devons comprendre le sens du mot droit (...) de l'homme de droite et celui de l'homme de gauche. Le premier est attaché au présent ou au passé proche dans la mesure où il est présent ou passé proche ; le second juge le futur comme bon pour la simple raison qu'il est nouveau. Une attitude instinctive ou sentimentale, simple expression d'un tempérament primaire, est ensuite décorée par l'apparition de doctrines raisonnées qui scellent la différenciation doctrinale de l'instinct" (Pico, 1928:104).
Ce sont les approches qui, pour certains, soutiennent que la dyade, bien que non dénuée de problèmes inhérents à sa nature ductile, reste utile pour la représentation graphique, en termes généraux, des dynamiques politiques actuelles. C'est la position de Norberto Bobbio (1998) et de Giovanni Sartori (2005).
Mais que se passe-t-il lorsque la population mondiale (et le Pérou n'y est pas étranger) se sent de plus en plus éloignée des politiciens et des partis, et plus proche de sa famille, de ses amis, de ses collègues de travail et de ses clients comme moyen de construire des opinions politiques, s'éloignant ainsi des partis de gauche et de droite. C'est la véritable raison pour laquelle nous avons actuellement des positions contradictoires sur la question de savoir si cette dyade reste fiable pour la catégorisation des programmes et propositions politiques, ainsi que sur la position de penseurs tels qu'Alberto Buela, Diego Fusaro et Aleksander Dugin. Il s'agit d'un fait symptomatique, lorsque la population exige des politiciens de gauche la justice sociale et la défense des droits des travailleurs, mais obtient la défense des droits des LGBT, du féminisme radical, de l'avortement et de l'euthanasie sans restriction ; ou exige des politiciens de droite l'ordre et la stabilité, mais obtient la corruption, le marchandage et des politiques économiques au bénéfice exclusif des grandes entreprises. En d'autres termes, il existe une rupture entre ce que l'électorat attend des hommes politiques en fonction de leur position dans l'espace politique, et la réalité politique où il semble que (malgré des fractions dissidentes) la gauche et la droite se soient libéralisées. À cet égard, le penseur russe Alexandre Douguine (14.12. 2019) identifie la situation comme la décomposition structurelle des gauches et des droits, dans le sens où il y a eu une dissociation entre la droite et la gauche en ce qui concerne leurs récits économiques et politiques, l'aspect économique primant à droite (au détriment de la défense des valeurs et traditions populaires comme principes politiques), et l'aspect politique à gauche (au détriment de l'aspect économique de classe en faveur des travailleurs), et c'est précisément cette perturbation qui crée le sentiment d'identité ou de similitude entre la gauche et la droite.
C'est cette situation qui a jeté les bases de l'émergence de ce que l'on appelle le phénomène du populisme contemporain en tant que distanciation progressive des masses populaires par rapport à la dyade gauche-droite et leur rapprochement avec des alternatives considérées comme périphériques à cette dyade (ce qui explique la validité et la montée des options messianiques (a), nationalistes (b) et conservatrices (c) dans la politique péruvienne, comme l'ethnocacerismo a.1 (photo, ci-desous), le FREPAP a.2, l'Unión por el Perú b.1, le RUNA b.2, le Perú Libre b.3 et la Renovación Popular c.1, pour ne citer que quelques exemples concrets). À cet égard :
"Le populisme se situe dans l'espace idéologique où se rencontrent la lutte des travailleurs contre les capitalistes, oubliée par la gauche libérale, et la défense et la lutte pour les valeurs traditionnelles, oubliée par la droite libérale. (...)
...George Bernanos a dit que si la bourgeoisie est de gauche et de droite, le peuple ne l'est pas. Le peuple est entièrement le peuple, ils sont inséparables. Le peuple veut la justice sociale et les valeurs traditionnelles. Le peuple ne se soucie pas de savoir si cela est cohérent ou correspond aux idéologies dominantes de la gauche ou de la droite. Le peuple veut une société fondée sur les principes de la justice et il veut préserver son identité et ses traditions, ses institutions..." (Dugin, 14.12.2001).
Cependant, Douguine lui-même affirme l'existence de populismes de droite et de gauche (ce qui nous amène à affirmer que nous sommes dans une phase de transition et que la dyade est encore utile, bien que de manière contingente), mais que par leur nature populaire même, ils sont capables d'atteindre des points de convergence communs pour les mêmes raisons qu'il nous semble aujourd'hui que la gauche et la droite sont des similitudes politiques. Cela entérine le fait que la métaphysique inhérente au populisme, c'est-à-dire que la cause première de ce phénomène réside dans le fait "...que derrière la lutte de la réaction populiste se cache une idéologie du populisme intégral qui unit la justice sociale et la défense des valeurs traditionnelles" (Dugin, 14.12.2019).
Source : Giorgio Agamben & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/la-vera-posta-in-gioco
Ce qui est frappant dans les discussions sur le passeport vert et le vaccin, c'est que, comme cela se produit lorsqu'un pays glisse sans s'en apercevoir vers la peur et l'intolérance - et c'est sans doute ce qui se passe en Italie aujourd'hui - c'est que les raisons perçues comme contraires non seulement ne sont aucunement prises au sérieux, mais sont hâtivement rejetées, quand elles ne deviennent pas purement et simplement l'objet de sarcasmes et d'insultes. On pourrait dire que le vaccin est devenu un symbole religieux, qui, comme toute croyance, agit comme une division entre les amis et les ennemis, les sauvés et les damnés. Comment une thèse qui s'abstient d'examiner les thèses divergentes peut-elle être considérée comme scientifique et non religieuse ?
C'est pourquoi il est important de préciser tout d'abord que le problème pour moi n'est pas le vaccin, tout comme dans mes interventions précédentes ce n'était pas la pandémie, mais l'utilisation politique qui en est faite, c'est-à-dire la manière dont elle a été gouvernée depuis le début.
Aux craintes qui apparaissaient dans le document que j'ai signé avec Massimo Cacciari, quelqu'un a sagement objecté qu'il ne fallait pas s'inquiéter, "parce que nous sommes en démocratie". Comment est-il possible que nous ne nous rendions pas compte qu'un pays qui est en état d'exception depuis près de deux ans et dans lequel les décisions qui restreignent fortement les libertés individuelles sont prises par décret (il est significatif que les médias parlent même d'un "décret Draghi", comme s'il émanait d'un seul homme) n'est en fait plus une démocratie ? Comment est-il possible que la concentration exclusive de nos attentions sur les contagions et la santé empêche de percevoir la Grande Transformation qui est en train de se produire dans la sphère politique, dans laquelle, comme cela s'est produit avec le fascisme, un changement radical peut effectivement avoir lieu sans qu'il soit nécessaire de modifier le texte de la Constitution ?
Et ne faut-il pas réfléchir au fait que les mesures exceptionnelles et les mesures ponctuelles ne sont pas dotées d'une échéance définitive, mais sont sans cesse renouvelées, comme pour confirmer que, comme les gouvernements ne se lassent pas de le répéter, rien ne sera plus jamais comme avant et que certaines libertés et certaines structures fondamentales de la vie sociale auxquelles nous étions habitués sont annulées sine die ? S'il est vrai que cette transformation - et la dépolitisation croissante de la société qui en résulte - est en cours depuis un certain temps, n'est-il pas d'autant plus urgent de faire une pause pour évaluer ses résultats extrêmes pendant qu'il est encore temps ? Il a été observé que le modèle qui nous gouverne n'est plus la société de discipline, mais la société de contrôle - mais jusqu'où pouvons-nous accepter ce contrôle ?
C'est dans ce contexte que le problème politique du passeport vert doit être posé, sans le confondre avec le problème médical du vaccin, auquel il n'est pas forcément lié (on a fait toutes sortes de vaccins dans le passé, sans que cela ne soit jamais discriminatoire pour deux catégories de citoyens). Le problème n'est pas, en effet, seulement celui, certes grave, de la discrimination d'une classe de citoyens de seconde zone: c'est aussi celui, qui tient certainement plus à cœur aux autres gouvernements, du contrôle généralisé et illimité qu'il permet sur les titulaires bêtement fiers de leur "carte verte".
Comment est-il possible - demandons-nous encore une fois - qu'ils ne se rendent pas compte que, obligés de montrer leur passeport même pour aller au cinéma ou au restaurant, ils seront contrôlés dans chacun de leurs mouvements ?
Dans notre document, nous avons établi une analogie avec la "propiska", c'est-à-dire le passeport que les citoyens de l'Union soviétique devaient présenter lorsqu'ils voyageaient d'un endroit à l'autre. C'est l'occasion de préciser, comme cela semble malheureusement nécessaire, ce qu'est une analogie juridico-politique. Nous avons été accusés, de manière injustifiée, d'établir une comparaison entre la discrimination résultant du passeport vert et la persécution des Juifs. Il devrait être clair une fois pour toutes que seul un imbécile mettrait sur un pied d'égalité ces deux phénomènes, qui sont évidemment très différents. Mais il ne serait pas moins stupide s'il refusait d'examiner l'analogie purement juridique - je suis un juriste de formation - entre deux lois, comme la législation fasciste sur les Juifs et celle sur l'institution du laissez-passer vert. Il n'est peut-être pas inutile de rappeler que les deux dispositions ont été adoptées par décret-loi et que toutes deux, pour ceux qui n'ont pas une conception purement positiviste du droit, sont inacceptables, car - quelles que soient les raisons invoquées - elles produisent nécessairement cette discrimination d'une catégorie d'êtres humains à laquelle un Juif devrait être particulièrement sensible.
Encore une fois, toutes ces mesures, pour ceux qui ont un minimum d'imagination politique, doivent être placées dans le contexte de la Grande Transformation que les gouvernements des sociétés semblent avoir à l'esprit - en supposant qu'il ne s'agisse pas plutôt, comme c'est possible, de l'avancée aveugle d'une machine technologique qui a désormais échappé à tout contrôle. Il y a de nombreuses années, une commission du gouvernement français m'a convoqué pour donner mon avis sur la création d'un nouveau document d'identité européen, qui contenait une puce avec toutes les données biologiques de la personne et toute autre information possible la concernant. Il me semble évident que la carte verte est la première étape vers ce document dont l'introduction a été retardée pour une raison quelconque.
Il y a une dernière chose que je voudrais porter à l'attention de ceux qui sont prêts à dialoguer sans insulter. L'être humain ne peut pas vivre s'il ne se donne pas des raisons et des justifications pour sa vie, qui, de tout temps, ont pris la forme de religions, de mythes, de croyances politiques, de philosophies et d'idéaux de toutes sortes. Ces justifications semblent aujourd'hui - du moins dans la partie la plus riche et la plus technologisée de l'humanité - avoir disparu, et les hommes sont peut-être pour la première fois confrontés à leur pure survie biologique, qu'ils semblent incapables d'accepter.
Cela seul peut expliquer pourquoi, au lieu d'assumer le simple et aimable fait de vivre côte à côte, on a ressenti le besoin d'établir une implacable terreur sanitaire, où la vie sans justification plus idéale est menacée et punie à chaque instant par la maladie et la mort. De même qu'il est insensé de sacrifier la liberté au nom de la liberté, il n'est pas possible de renoncer, au nom de la vie nue, à ce qui fait que la vie vaut la peine d'être vécue.
Pour la réussite économique, on le sait, il ne suffit pas de produire des biens. Il faut aussi les livrer à l’acheteur. C’est pourquoi les voies de transport deviennent chaque jour plus critiques. Et c’est pourquoi, parallèlement à l’utilisation de voies de transport déjà connues, la Chine, par exemple, crée sa propre Nouvelle route de la soie, construit, au Nicaragua, une alternative au canal de Panama, tandis que la Turquie construit un canal d’Istanbul parallèlement à son traditionnel Bosphore. Ces efforts ont été stimulés par l’incident du 28 mai bloquant le canal de Suez, qui a conduit de nombreux pays à chercher des alternatives à cette artère de transport égyptienne. Le PDG du géant danois du transport maritime Moller-Maersk, Soren Skou, a parlé au Financial Times de cette accélération inconditionnelle des changements dans la chaîne d’approvisionnement mondiale des marchandises, après le blocage du canal de Suez .
Étant donné l’importance particulière, dans ces conditions, de la création d’une voie de transport durable et rentable pour les participants au commerce international entre l’Europe et l’Asie du Sud-Est, la Russie a participé activement à la recherche d’alternatives.
Comme indiqué dans un précédent article, l’une des plus grandes entreprises de logistique de la planète, le groupe danois Moller-Maersk, spécialisé dans le transport de conteneurs, a déjà pris le parti d’augmenter son trafic de marchandises à travers la Russie en envoyant des conteneurs d’Asie, par voie maritime jusqu’au port de Vostochny (Primorsky Krai), puis par voie ferroviaire en traversant la Russie. Les conteneurs seront livrés via les voies de transport russes au port de Novorossiysk (Krasnodar Krai), d’où ils seront transportés par bateau vers la Méditerranée orientale. Cette nouvelle activité transcontinentale, admettent les Danois, permettra de réduire de moitié le temps de transport. En 2019, la compagnie danoise a lancé une autre route similaire entre les ports russes de Vostochny et Saint-Pétersbourg, transportant environ 2000 conteneurs depuis le début de 2021.
Russian Railways a déclaré qu’ils voient un afflux constant de nouveaux clients avec des commandes de transport de conteneurs, et pas seulement dans le contexte du blocage du canal de Suez. Depuis avril 2020, début de la pandémie, Russian Railways a enregistré une augmentation considérable du volume de conteneurs en transit sur l’axe Chine-Europe-Chine. La vitesse moyenne d’expédition des conteneurs sur les principaux itinéraires est en moyenne de 1100 à 1200 kilomètres par jour, en tenant compte des frontières douanières. Selon Russian Railways, cette vitesse est beaucoup plus élevée que celle du transport maritime, plus élevée que celle du transport routier, et comparable à celle de l’aviation – en tenant compte des premiers et derniers kilomètres et de toutes les opérations de manutention des conteneurs dans les terminaux. En outre, Russian Railways note la mise à disposition d’une politique tarifaire stable : les tarifs de transit des conteneurs par le réseau de Russian Railways n’ont pas augmenté depuis 2011. La société a déclaré qu’elle était prête à faire face à la croissance des volumes et qu’elle développerait les services nécessaires à cet effet.
Comme l’a déclaré à plusieurs reprises l’entrepreneur russe Oleg Deripaska, son idée de reconstruire les principales voies ferrées de la « route du cèdre de Sibérie », pourrait devenir une alternative compétitive à la Nouvelle route de la soie chinoise, offrant ainsi à la Russie la possibilité de devenir une plaque tournante essentielle, un lien à part entière entre l’Europe et l’Asie. Selon lui, il est nécessaire de faire de cette initiative un projet national.
Un autre projet est l’autoroute Europe occidentale-Chine occidentale (WE-WC). Ses points clés : Saint-Pétersbourg, Moscou avec des tronçons de la M11 et du périphérique central, Samara et Orenbourg, accès au Kazakhstan puis à la Chine. L’avantage significatif du projet réside dans les unions douanières de l’EAEU et de l’Union européenne – les transporteurs n’ont à passer que deux dédouanements sur l’ensemble du parcours – à la frontière avec la Chine et avec l’Union européenne. Un mémorandum sur le projet a été signé en 2008, et la construction a commencé au même moment. En 2021, la Chine et le Kazakhstan ont déjà lancé leurs sections, tandis que la Russie ne s’est occupée que de l’autoroute M11.
En plus de ces options, la route maritime du Nord (NSR) a récemment été de plus en plus désignée comme l’une des alternatives de transport russe. Fin mai, le ministère de l’industrie et du commerce de la Fédération de Russie a proposé de transporter du pétrole et du gaz le long de la route maritime du Nord à l’aide de navires de construction russe qui seraient capables de transporter du charbon et des hydrocarbures, ainsi que de faire du cabotage, du dégelage et du pilotage. Les autorités russes ont proposé que la NSR soit considérée comme une alternative à la route passant par la mer Rouge pour aller de l’Asie à l’Europe, en cherchant à rendre le trafic le long de la route maritime du Nord praticable toute l’année grâce à une flotte de brise-glace, que la Russie construit activement.
L’autre jour, les plans d’ouverture d’une nouvelle alternative de transport russe, le corridor international fluvial de transport nord-sud, ont été connus. Alexei Rakhmanov, directeur général de l’United Shipbuilding Corporation (USC) russe, en a fait part au président Vladimir Poutine le 22 juillet, ainsi que la conception d’un porte-conteneurs capable de livrer des marchandises de la Caspienne à la mer Baltique.
Il a notamment été proposé de faire passer la cargaison par le nord de l’Iran ou l’ouest de la Chine et, par conséquent, par le port d’Olya, dans la région d’Astrakhan, pour la livrer à Helsinki dans un délai de sept à huit jours. Selon le directeur général de l’USC, les porte-conteneurs peuvent livrer des cargaisons le long de la Volga, puis par la voie navigable Volga-Baltique, et plus au nord jusqu’à Saint-Pétersbourg. Si nécessaire, il est également possible de livrer des cargaisons jusqu’à la mer Blanche. Le corridor international de transport Nord-Sud est destiné principalement à l’Iran, à l’Inde et à d’autres pays qui bordent l’océan Indien. Il est supposé que le flux principal de marchandises passera par le port de Mumbai, puis par la mer jusqu’au port de Chabahar en Iran, après quoi il sera livré par voiture ou par rail à travers l’Iran jusqu’à la mer Caspienne, puis par voie d’eau jusqu’à Olya. Le reste du chemin, à travers le territoire russe, sera une question de faisabilité économique. Rappelons que des lancements tests de cette route ont eu lieu de 2014 à 2017.
Pour les marchandises en provenance de l’Empire céleste, la Russie construit le corridor de transport Est-Ouest et le corridor de transport Europe occidentale-Chine occidentale. Ce dernier, en particulier, est prévu sous la forme d’un réseau d’autoroutes, dont une partie essentielle sera la M-12. Dans ce cas, les marchandises s’accumuleront dans le port kazakh d’Aktau, sur la mer Caspienne.
Ainsi, la route Astrakhan-Helsinki prendra une partie du fret en transit du canal de Suez. Pour l’Europe du Nord, une telle route est plus rapide que de passer par l’Égypte. Bien entendu, il est encore trop tôt pour se prononcer sur le coût de cette route et sur l’argent qu’elle rapportera à la Russie. Toutefois, il est d’ores et déjà clair que ce projet est essentiel pour ce pays, dans la mesure où il assurera des commandes de construction navale russes.
Valery Kulikov
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone
La folie interventionniste des "néo-con" - des ex-trotskystes pour la plupart - sous l'administration de George Bush a provoqué un irréalisme belliciste qui a eu pour point d'orgue les invasions de l'Irak et de l'Afghanistan.
En réalité, la présence américaine en Afghanistan remonte à bien plus loin, avant même l'intervention soviétique, comme le reconnaît lui-même Zbigniew Brzezinski : "C'est le 3 juillet 1979 que le président Carter a signé la première directive sur l'assistance clandestine aux opposants au régime pro-soviétique de Kaboul. Et j'ai écrit une note au Président expliquant qu'à mon avis, une telle assistance provoquerait une intervention militaire soviétique" (1).
Après 20 ans de présence militaire et, selon un récent rapport du Watson Institute de l'Université Brown (Providence, Rhode Island), une dépense économique estimée à 2261 milliards de dollars et un bilan humain de 238.000 morts, tués dans des opérations anti-talibans tant en Afghanistan qu'au Pakistan, le président américain Joe Biden a déclaré le 8 juillet: "Nous avons mis fin à la plus longue guerre de l'histoire" (2). Si l'objectif de la guerre était de mettre fin au règne des talibans, et que Biden annonce le retrait tout en reconnaissant le contrôle des talibans sur l'Afghanistan, il est clair que le bilan de la guerre est la défaite des États-Unis, qui après de nombreuses années de présence militaire n'ont pas atteint leur objectif, bien au contraire.
Les interventions américaines en Irak et en Afghanistan, qui ont toutes deux échoué, ont conduit les États-Unis à une impasse géostratégique pendant deux décennies clés. Son erreur lui a permis de passer du stade où ils étaient la seule puissance mondiale hégémonique à celui de l'ascension imparable de la Chine et de la réémergence de la Russie en tant que puissance mondiale - après l'effondrement de l'URSS -, notamment après la deuxième guerre de Tchétchénie, un tournant dans l'ascension militaire de Moscou.
Ayant accepté leur défaite militaire, les États-Unis ont convenu avec les talibans de se retirer d'Afghanistan. Washington est conscient que dans quelques mois, les talibans renverseront le gouvernement actuel et domineront l'ensemble du territoire afghan, et pas seulement celui de la majorité pachtoune - à laquelle ils appartiennent. Les talibans ont tiré les leçons des erreurs du passé et ont désormais pris le contrôle militaire de toutes les frontières du pays, laissant les seigneurs de guerre non pachtounes totalement isolés de tout contact extérieur et rendant leur position militaire aussi ridicule qu'intenable.
Les négociations de l'administration Biden avec les talibans se concentrent sur les deux points que la Maison Blanche entend continuer à contrôler après son retrait militaire.
- Contrôle du commerce de l'opium. Comme l'administration américaine l'a répété à plusieurs reprises, "nous ne sommes pas venus en Afghanistan pour lutter contre le commerce de l'opium", non seulement ils l'ont toléré, mais, de surcroit, ils ont collaboré avec ce commerce de l'opium tout au long du processus interventionniste. L'opium afghan représente 80 % de l'opium mondial et est principalement contrôlé par les talibans et accessoirement par le gouvernement actuel, en phase terminale, de Kaboul.
Washington y a toujours été impliqué, prenant une part importante en échange de la non-intervention. L'argent de la drogue est utilisé pour payer les services de renseignement et les opérations spéciales "secrètes". Le contrôle de l'opium présente un second intérêt dans la mesure où l'opium atteint, entre autres, la Russie, où la consommation d'opium chez les jeunes Russes constitue un problème majeur de santé publique. Une autre branche de la route de l'opium atteint l'Europe occidentale via la Turquie, mais la consommation de ces opiacés en Europe occidentale est assez faible.
- L'Afghanistan, sous le contrôle des talibans, est un centre d'expansion du djihadisme islamique, en particulier dans deux directions : dans la province chinoise du Xianjang, ce qui pose des problèmes à Pékin, et en Asie centrale et dans les républiques musulmanes de Russie, ce qui pose des problèmes à Moscou. En fait, les Talibans ont soutenu le Mouvement islamique d'Ouzbékistan, qui a attaqué l'ancienne république soviétique depuis ses bases afghanes. Cette attaque a été la seule occasion où il a été nécessaire de mobiliser l'Organisation du traité de sécurité collective (une alliance militaire défensive dont la Russie est le noyau) pour repousser une agression extérieure contre l'un de ses États membres.
La Chine et la Russie ont défini leurs stratégies.
Ni la Russie ni la Chine n'ont la moindre intention de laisser les talibans faire de l'Afghanistan le déstabilisateur islamiste de l'Asie centrale, ce que la Maison Blanche souhaite en revanche. Moscou et Pékin ont leur propre stratégie et les deux gouvernements ont organisé des rencontres avec les chefs talibans, qu'ils reconnaissent déjà comme des interlocuteurs valables, en ignorant l'actuel gouvernement terminal de Kaboul.
Du côté russe, le 9 juillet à Moscou, un entretien a eu lieu avec une délégation de talibans dirigée par Abadul Latif Mansur (3). La Russie s'intéresse à l'Asie centrale pour étendre la Communauté économique eurasienne et contrôler l'islamisme dans la région. Elle n'est pas disposée à laisser le nouveau gouvernement taliban faire dérailler ses plans, ni à permettre aux talibans de s'allier à la Turquie pour renforcer la présence de cette dernière dans cette région clé de l'Asie centrale. La Russie a clairement fait savoir qu'elle n'était pas disposée à répéter des situations telles que l'attaque naguère lancée par le Mouvement islamique d'Ouzbékistan. Moscou, qui a fait plusieurs démonstrations récentes de son énorme puissance militaire, a clairement exprimé sa position.
Le géopolitologue russe Alexandre Douguine a écrit dans un article (4) que "la Russie doit agir activement pour empêcher la situation en Asie centrale de dégénérer en chaos et en instabilité, et à cette fin, Moscou doit agir en coopération avec l'Iran, le Pakistan, mais aussi avec la Chine, l'Inde et les États du Golfe, en accordant un rôle crucial dans la stabilité de la région à la coopération avec la Turquie". Douguine poursuit en affirmant que "l'Occident", c'est-à-dire les États-Unis et l'Union européenne, devrait être exclu du théâtre de l'Asie centrale. La vérité est que l'UE n'a aucune chance d'agir sur cette scène clé pour la stabilité mondiale, et - comme dans le cas de la Syrie - son seul rôle sera celui d'une victime de l'instabilité créée dans cette région. Le retrait chaotique des États-Unis provoquera une nouvelle crise des réfugiés en Europe occidentale. En d'autres termes, l'erreur stratégique de la Maison Blanche sera payée de cette manière par l'Europe (5).
Du côté chinois, la rencontre entre la délégation des talibans, conduite par le mollah Abul Ghani, et le ministre des affaires étrangères de Pékin, Wang Yi, a eu lieu le 28 juillet dans la ville chinoise de Tianjin. Pékin a pu imposer aux Afghans l'engagement que Kaboul ne soutiendrait pas le Mouvement islamique du Turkestan oriental, un groupe musulman ouïghour actif dans la région chinoise du Xinjiang, peuplée de musulmans. D'autre part, le départ des États-Unis et une nouvelle situation politique en Afghanistan permettront d'importants investissements économiques chinois, principalement dans les infrastructures, qui seront très bien accueillis par le futur gouvernement taliban (6). Car, comme le rappelle la journaliste italo-suisse Chantal Fantuzzi, il est clair pour la Chine que le retrait de ses troupes est une défaite pour les Etats-Unis, et Pékin va profiter de cette défaite (7).
Intellectuels et Race: un livre percutant de Thomas Sowell
par Francis Richard
Ex: https://lesobservateurs.ch/2021/08/10/intellectuels-et-race/ & Francis Richard
Thomas Sowell définit les deux termes du titre de son livre, qui, comme le dit Laurent Obertone dans sa préface, sent bon la mort sociale:
- La race [...] constitue un concept social avec une base biologique.
- Les intellectuels sont des gens exerçant une profession particulière: à savoir, des gens dont le travail débute et prend fin avec des idées.
Une des caractéristiques des intellectuels est qu'ils ne paient aucun prix pour avoir tort, quel qu'il soit et quelles que soient les conséquences catastrophiques pour des millions d'autres gens.
(les hommes politiques partagent ce privilège...)
Dans ce livre, donc, l'auteur parle des idées qu'ont émises les intellectuels, l'intelligentsia, au cours du XXe siècle, au sujet de la race, plus précisément aux États-Unis où il est né.
L'ÈRE PROGRESSISTE
Au début du siècle passé, ces intellectuels, qui n'étaient ni des incultes, ni des excentriques, promouvaient le déterminisme génétique pour expliquer les disparités entre les groupes raciaux et étaient adeptes de l'eugénisme.
Pour affirmer une telle chose, ces progressistes se basaient sur des données empiriques telles que taux de criminalité, taux de maladies, résultats aux tests d'intelligence et performances scolaires.
Seulement ces intellectuels eurent tendance à ignorer le vieil avertissement venu des statisticiens que corrélation n'est pas causalité.
Seulement ces intellectuels ne tinrent pas compte des nombreuses raisons historiques, géographiques et démographiques, qui font que des groupes diffèrent les uns des autres dans leurs compétences, expériences, cultures et valeurs.
Thomas Sowell a donc beau jeu, par exemple, de montrer, faits à l'appui, que ce que nous savons, concernant race et intelligence, est un petit îlot de savoir dans un vaste océan d'inconnu.
L'ÈRE "LIBERAL1"
Si l'hérédité était l'orthodoxie régnante de l'ère progressiste, l'environnement devint l'orthodoxie régnante de l'ère "liberal".
Cette ère commence surtout au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Par environnement, il faut entendre l'environnement extérieur contemporain plutôt que l'environnement culturel interne des minorités elles-mêmes:
Si les minorités étaient considérées comme le problème avant, la majorité était considérée comme le problème désormais.
Aux États-Unis, la discrimination que la majorité blanche exercerait sur les minorités, notamment la minorité noire, expliquerait les résultats économiques et autres de celles-ci.
Ces idéologies de la doléance et de la victimisation proviennent des médias, des institutions éducatives et d'autres institutions imprégnées de la vision de l'intelligentsia.
Seulement l'intelligentsia ne voit pas que les résultats économiques et autres de la minorité noire n'ont pas de rapport avec l'évolution du degré de racisme dans la société américaine.
Ces résultats ont, au contraire, par exemple, un rapport avec l'évolution dans le temps du salaire minimum, institué pas le Fair Labor Standards Act2, qui a un impact vérifiable sur le taux de participation et de chômage de la force de travail noire.
L'ÈRE MULTICULTURELLE
Thomas Sowell voit dans cette nouvelle ère de la fin du siècle précédent une extension de la précédente, parce que l'adoption des lois et politiques des droits civiques n'a pas permis les avancées économiques et sociales escomptées.
L'intelligentsia réfute sans arguments, sinon d'autorité, que les cultures particulières des minorités puissent être accusées des disparités de revenus, d'éducation, de taux de criminalité ni de désintégration familiale.
Ce faisant, elle incite les gens qui composent celles-ci, plutôt que de changer, c'est-à-dire de chercher à s'améliorer, à se figer là où le hasard de la naissance les a mis et à mettre en cause le système externe plutôt que leur culture interne.
Ce n'est pas propre à la minorité noire des États-Unis. Thomas Sowell donne l'exemple des Blancs de classes inférieures en Grande-Bretagne qui sont poussés par l'intelligentsia à cultiver l'envie et le ressentiment:
Lorsqu'une race de gens ayant produit Shakespeare et Sir Isaac Newton produit désormais un grand nombre de jeunes gens qui sont fonctionnellement analphabètes et incapables d'arithmétique simple, est-il besoin d'invoquer les gènes ou la discrimination pour expliquer cette dégénérescence?
L'ÉTAT-PROVIDENCE ET L'INDUSTRIE RACIALE
Ce qui a intensifié ces types de comportement, c'est l'État-providence:
Une fois mis en place, l'État-providence peut subventionner des comportements contre-productifs, que l'État-providence excuse ou encourage, mais qui seraient impossibles à voir perdurer sans l'argent des contribuables.
Ce qui n'a rien arrangé, c'est l'industrie raciale, avec sa justice sociale (et l'excuse préconçue), sa discrimination positive (et ses effets négatifs) et son dogme de l'effet disparate de certaines normes (sur le taux de réussite de différents groupes):
La question des races est plus qu'une catégorie biologique ou une catégorie sociale. Elle est devenue une industrie, avec sa propre infrastructure, ses secteurs, ses incitations et ses ambitions.
L'ÉGALITÉ
Parmi les idées en vogue chez l'intelligentsia, il y a enfin le concept d'égalité, avec ses multiples significations, qui peut être une source fertile de danger pour les individus, les races et les sociétés entières:
L'égalité de traitement par la loi, par exemple, est très différente de l'égalité des résultats économiques, et l'égalité des potentialités est très différente de l'égalité des capacités développées.
Or ce ne sont pas les moyens préconisés par l'intelligentsia qui ont permis, permettent et permettront l'ascension de groupes, de l'extrême pauvreté à la richesse, mais des moyens banals et souvent ardus:
Les réalisations méritées, qu'elles soient modestes ou spectaculaires, apportent un respect de soi, ainsi que le respect des autres, que l'on peut rarement obtenir en jouant même avec succès un rôle de parasite au nom d'une "égalité" factice.
Francis Richard
NB
Thomas Sowell, économiste né en 1930 en Caroline du Nord, est noir. Ou Afro-américain, comme on dit au pays de Malcolm X. Il dispose ainsi d'une sorte de pass sanitaire, pour aller au fond d'un sujet dont nul académicien blanc ne pourrait même esquisser les contours de manière honnête, sans y perdre carrière et réputation.
(Préface de Laurent Obertone)
Notes:
1- Au sens américain
2- Par Franklin Roosevelt en 1938.
Intellectuels et Race, Thomas Sowell, 184 pages, Éditions Résurgence (traduit de l'anglais par Stéphane Geyres, Daivy Merlijs et Pascal Boutingorry)
Le petit caporal Macron a pris en 2017, le pouvoir à la hussarde. Une affaire réglée en quelques mois et à la surprise des vieilles badernes du PS, et de LR. Devenu Président, nous dirons « général », il a engagé une nouvelle campagne pour se maintenir au pouvoir. Comme pour la précédente, il prend des risques et surprend.
LE PAYS DIVISÉ EN DEUX
Les commentateurs et les conseillers s'affolent : une partie de la population s'est mobilisée, dans la rue, en plein été, contre les mesures « Passe-Sanitaire ». Du jamais vu… Tout au moins à notre époque. On se souvient que les « évènements » de mai 68 ont été enterrés par les vacances... Aujourd'hui, c'est l'inverse qui se produit. Les manifestations grossissent, pendant les vacances. Les échéances successives qui imposent à la population la vaccination, poussent dans la rue de plus en plus de Français. L'action du Gouvernement est en train de créer, de toute pièce, une opposition irréductible. Macron divise les Français en deux camps, un camp important, ceux qui bénéficient du « passe-sanitaire », les vaccinés (deux fois pour le moment) et les autres. Ces deux camps sont de taille inégale, les Kollabos sont une large majorité, mais les manifestants sont certainement les plus déterminés. Ils sont à la limite de la révolte, face à l'agression qu'ils subissent. Ils ont conscience d'être pris dans un piège. Ils le vivent très mal. Ils sentent bien qu'ils sont pris dans une nasse, et pris pour des cons.
Macron veut qu'ils se soumettent. Et pour les faire céder, Macron va jusqu'à leur faire perdre leur emploi (et sans droit au chômage, un scandale pur, pour des gens qui ont cotisé !), ne plus pouvoir se faire soigner, ne plus pouvoir se déplacer, ne plus pouvoir s'approvisionner dans les grands centres commerciaux. Ils se retrouvent, par la volonté du Prince, privés de services pour lesquels ils payé impôts et cotisations... Volés, comme dans un bois !
BOUTE FEU
Il est clair que Macron veut mettre le feu au pays. La manœuvre est évidente, grossière. Et personne, parmi les leaders, ne proteste. Aucune dénonciation (à part Philippot). Les syndicats sont couchés -à part Force Ouvrière- et quelques syndicats catégoriels. Comment les Centrales syndicales peuvent-elles accepter une agression pareille contre les salariés ? L'absence de réaction en dit long sur l'état du mouvement syndical en France. Les syndicats vivent des subventions de l'Etat. Ils ne sont plus une arme de défense des salariés. Ils sont un instrument aux mains du pouvoir.
Même silence, incroyable, du monde politique. Macron ne semble pas avoir d'opposant. La classe politique s'est compromise depuis des mois dans la glu des mesures « politiques » de lutte contre l'épidémie : pas de masques, masques obligatoires ; enfermement, libération, enfermement, libération... ; Remdesivir, puis plus de Remdesivir ; vaccins libérateurs, puis vaccins obligatoires... Elle semble sidérée comme la majorité de la population... Les politiques ont peur. Ils attendent ! Macron est seul sur scène, et il fait le spectacle tout seul. Il mène la danse, les journalistes battent la mesure et font la claque. Les mesures qu'il prend et qui risquent de mettre le pays à feu et à sang, semblent même approuvées par l'opposition. Il va pouvoir les justifier par « l'épidémie », et jouer le « sauveur ». Quand la rue sera en feu, le boutefeu deviendra pompier. Comme De Gaulle en 68, il recueillera les suffrages de la peur...
Tout au moins, voilà sa manœuvre. N'oublions pas qu'il y a eu un premier acte à cette méthode, l'affaire des gilets jaunes. La répression (sanglante) et sans pitié a permis à Macron de remonter dans les sondages. Parce que, même avec presque rien à perdre, l'électeur veut de l'ordre... Un climat social tendu, ce serait pour Macron l'assurance d'une réélection... Il a vérifié, avec les gilets jaunes, que ça marche.
L'INCONNUE DE LA JEUNESSE
C'est une constante de l'histoire, qu'une population jeune est propice à la guerre ou aux mouvements sociaux violents. C'est ce que nous avons vu, récemment, avec les « Printemps Arabes ». Aujourd'hui, la mobilisation estivale touche une population peu politisée, qui se situe à droite ou à gauche...des actifs, ou des retraités, des femmes autant que des hommes. Les jeunes, lycéens et étudiants ne sont pas présents.
Mais que se passera-t-il à la rentrée ? Même si la population française est relativement âgée, la jeunesse qui est rassemblée pendant la période scolaire dans les centres-villes des Métropoles, peut entrer dans les manifestations de protestation. Ce qui ne s'était pas passé au moment du mouvement des gilets jaunes. Les motifs de mobilisation touchent directement les préoccupations des jeunes et des adolescents : la possibilité de voyager, de sortir en boite, d'aller aux concerts, aux spectacles, de trouver des jobs d'étudiant...
Le thème de la liberté, et de l'avenir est très sensible. Et que dire de l'inconnue des effets à long terme des vaccins qui ne sont que des produits expérimentaux ? Difficile que cette crainte ne touche pas les plus jeunes.
Même s'il a eu la prudence d'exonérer les forces de l'ordre des obligations vaccinale, même s'il a désamorcé la bombe que constitue le transport routier en permettant aux chauffeurs de continuer à travailler sans être vaccinés, Macron prend un risque politique. Il reste l'inconnue de l'ampleur de la réaction du monde étudiant. Macron compte certainement sur ses supplétifs que sont les black-blocks pour diviser le mouvement de protestation. Pour monter les manifestants de droite contre les manifestants de gauche... Mais cette méthode qui a si bien réussi contre les gilets jaunes, fonctionnera-t-elle cette fois encore ?
"Vous êtes invité à une série de sessions en ligne de "Social Dreaming" qui se dérouleront chez Zoom de 12 à 13h15 (GMT / BST) tous les jeudis du 18 mars au 24 juin 2021, y compris un bilan post-matrice."
"Les participants partagent leurs rêves de la nuit et s'associent librement aux rêves proposés dans la matrice pour trouver des liens, établir des connexions et révéler un nouveau sens et une nouvelle compréhension du contexte social et de l'environnement sociopolitique actuels, en particulier, la pandémie de COVID-19, un an après."
Il y a quelques mois, un de mes amis chercheurs, très au fait du fonctionnement des mécanismes de contrôle du pouvoir sur le monde, m'avait parlé des derniers développements et des bizarreries de la recherche dans laquelle était plongé le célèbre Institut Tavistock pour les relations humaines. "Il faut que tu voies ça", m'a-t-il prévenu. Mais je ne me suis pas immédiatement lancé. Je l'ai laissé reposer jusqu'à un moment qui me paraissait plus opportun.
La visite du directeur de la CIA en Colombie a déclenché une série d'événements qui, avec l'opération médiatique coûteuse et bien planifiée contre Cuba, ont déclenché une série de messages sur les médias sociaux qui m'ont ramené à Tavistock.
"J'ai fait un rêve, et ce rêve, hier 11 juillet 2021, a commencé à se réaliser. J'ai rêvé d'un Cuba libéré de la dictature, libéré de la répression, libre de s'exprimer et sans conditions. Ensemble nous pouvons, frères, luttons pour notre rêve de voir Cuba libre #SOSCuba #CubaLibre".
Le message du bot a déclenché quelque chose dans mon esprit. L'éternelle question du fonctionnement de ces mécanismes qui permettent à des millions d'êtres humains de laisser de grandes inégalités et des injustices sociales passer inaperçues. Ce n'est pas du cynisme ou de la naïveté, c'est un grand rêve collectif auquel nous avons été conduits.
Un mécanisme artificiel où la science et la technologie convergent pour mettre un filtre sur les faits du monde, un code qui introduit (input) la réalité et produit des émotions et des actions (outputs) à l'image et à la ressemblance de ceux qui ont suffisamment de pouvoir pour tisser l'enchevêtrement de messages, de contenus et d'idées qui voyagent à travers l'immensité des réseaux sociaux numériques et qui atteignent nos esprits à travers des dispositifs de consommation dont l'interface reconnaissable est un écran.
L'état de semi-conscience collective
Au Tavistock, ils ont une préoccupation en ce moment. Quels types de rêves partagés ont été générés dans le contexte de la pandémie. Comme l'explique Mannie Sher, l'un de leurs consultants et principaux chercheurs :
"Le but du rêve social est d'explorer les couches profondes de la signification des phénomènes sociaux et culturels par le biais des rêves et des associations de rêves. Le rêve social est une méthode de recherche visant à identifier les connaissances sociales et culturelles par l'application d'une analyse scientifique des rêves", affirme-t-il.
Les événements qui ont un impact sur la population constituent un contexte idéal à cet effet. Du 11 septembre 2001 à la conjoncture imposée par le coronavirus, en passant par les incidents de protestation sociale à Tel Aviv en 2011 et le mouvement Occupy London, le Tavistock Institute s'apprête à s'attaquer à l'inconscient collectif (ou, dans le jargon scientifique, à surveiller les groupes de contrôle et les groupes expérimentaux) afin d'obtenir une image claire de la manière dont se construit le sens collectif de ces temps.
Ce n'est pas une mince affaire. Tavistock fournit des études et des recherches qui sont utilisées par un nombre important d'entreprises et de groupes de réflexion dans le monde entier. Les clients dont les analyses décident des armes et/ou des politiques financières. En bref, ils servent à redessiner ou à ajuster les engrenages de la planète.
A ce stade, il convient de se demander où se situe ce projet de matrice de rêves sociaux et les événements qui explosent dans la région. Eh bien, voici l'hypothèse de travail.
La pandémie de COVID-19 et les mesures de restriction de la mobilité humaine ont transformé le monde en une grande scène. Assis sur leur canapé, des millions d'êtres humains ont soudain constaté que l'accès à la réalité était conditionné par des plates-formes technologiques de diffusion de contenus audiovisuels offrant bien plus qu'un simple divertissement.
Ce n'est pas sans précédent. Melinda Davies a prévenu, il y a quelque temps, que l'espèce humaine était confrontée à un "exode massif de l'univers physique", et que la réalité commençait à devenir entièrement mentale.
L'exposition à l'écran offrait aux humains non plus un univers alternatif, mais l'univers lui-même. Le fait est, comme le propose Davies, que "les valeurs, les images, les processus et les modèles de l'écran primaire façonnent même ce qui se passe en dehors de celui-ci. L'écran primaire est la nouvelle vie réelle, le macro-cadre dans lequel nous vivons".
Quelle coïncidence que moins d'un mois après le début des manifestations à Cuba, Netflix nous offre un baptême du feu avec la série Comment ils sont devenus des tyrans, avec une sélection de tyrannies taillées tout droit dans la planche à dessin de l'OTAN. Vous voyez généralement Saddam Hussein, Staline, les Kims et Mouammar Kadhafi. Bien sûr, il n'y a toujours rien dans votre programme sur Pinochet, Stroessner ou Franco. Peut-être pour la deuxième saison ?
Dans un monde où, comme le démontre Manuel Castells, les intérêts financiers, politiques et militaires finissent par converger vers les mêmes nœuds de contrôle qui gèrent ce que nous voyons, comment nous le voyons et quand nous le faisons, l'augmentation de l'exposition aux écrans et aux contenus pilotés par les algorithmes des sociétés de production technologique et audiovisuelle a plongé la planète entière dans un état de semi-conscience collective qui produit les mêmes effets que le cinéma ou la télévision.
Christian Metz (photo), critique et spécialiste français du cinéma, a expliqué que l'effet de l'expérience cinématographique s'apparentait à une "hallucination". Le cinéma implique en quelque sorte la réduction des "défenses du moi".
" Pour que cela se produise, il faut une " instance voyante " (qui constitue le film lui-même comme un discours, comme une instance qui expose l'histoire et la fait voir). En outre, l'état de submotricité renvoie à l'état de passivité des spectateurs qui absorbent tout par les yeux, rien par le corps", a expliqué M. Metz.
Lorsque nous constatons, non plus depuis la toile des bots, mais à travers des êtres humains en chair et en os, que la balance de l'indignation ne bouge que dans les cadres imposés par les images, les idées, les concepts que leur dictent les algorithmes des plateformes de streaming et des applications numériques, nous reconnaissons que nous sommes absolument dépassés par une guerre imaginative franchement asymétrique. Ce n'est pas qu'ils omettent délibérément les outrages commis contre les Palestiniens ou contre la ligne de front des citoyens colombiens, ou contre les centaines d'êtres humains plongés dans l'obscurité par les carabiniers chiliens. Ils ne peuvent tout simplement pas les voir.
Comme l'explique l'anthropologue Marc Augé (photo), la bataille clé de notre époque est celle de "l'abstraction du regard", ou plus directement du détournement de notre attention.
Un regard qui est en soi le seul qui nous appartient et où entre en jeu ce que nous sommes. Il ne s'agit pas du kidnapping de nos yeux dix heures par jour à travers un écran. Il s'agit de la monopolisation de nos référents, symboles, attentes, souvenirs et utopies.
Pour tous ceux qui ont pu apprécier le film Inception, dont l'intrigue tourne autour de la possibilité d'installer une idée dans le subconscient, il est beaucoup plus facile de relier les processus et les acteurs qui servent à faire bouger et à maintenir les rouages du contrôle social.
"Le processus d'initiation fonctionne, nous dit-on, en plaçant la forme la plus simple d'une idée au plus profond du subconscient d'un personnage pendant qu'il rêve, par le biais d'une série de suggestions qui amènent effectivement le personnage à se donner l'idée (selon les mots du maître faussaire de Tom Hardy, Eames). Et le subconscient, nous dit-on, est motivé par l'émotion, pas par la raison, et qu'une émotion positive l'emporte sur une émotion négative. Le niveau le plus profond du subconscient est représenté par un coffre-fort ou une chambre forte, à l'intérieur duquel l'esprit stocke ses pensées et/ou ses souvenirs les plus privés".
Alors, quel est le fond de l'idée qu'ils essaient de planter ? C'est simple. Que tout projet politique et social différent de l'ordre hégémonique est un échec et n'est pas viable. Un éternel retour à la fin de l'histoire, déguisé par des algorithmes et des interfaces graphiques prétentieux.
Il ne s'agit pas seulement de défendre des intérêts économiques, il ne s'agit pas seulement des produits pharmaceutiques, ou des banques et de leur avancée contre les crypto-monnaies, il s'agit de maintenir intouchables les piliers idéologiques et spirituels qui soutiennent l'ordre lui-même.
Le vaccin Spoutnik V, sans parler de l'Abdala, a déclenché des signaux d'alarme dans la matrice. Le système est terrifié par les capsules rouges.
Il ne peut y avoir de contre-exemples réussis, surtout s'ils parviennent à sauver la vie de millions d'êtres humains. C'est pourquoi toute expérience alternative est boycottée par des sanctions, des coups d'état, des blocus, des séditions internes, l'assassinat des leaders émergents. Si ceux qui tissent les fils du pouvoir mondial permettent l'insertion dans le système de messages qui contredisent leur récit symbolique par des faits, il y a un risque d'effondrement. Un réveil collectif, comme ils l'appellent.
Le discours de Xi Jinping à l'occasion du 100e anniversaire du Parti communiste chinois a été analysé dans le monde entier, et il ne pouvait en être autrement compte tenu du rôle désormais mondial de Pékin.
Le choix de Xi de jouer Mao Zedong a été noté. Un choix, en effet, et non une obligation, qui doit être considéré comme tel dans sa référence à la révolution chinoise, qui a ensuite été détournée avec la révolution culturelle de la "bande des quatre", causant du tort à l'Empire du Milieu.
Une telle référence n'est pas le fruit du hasard, étant donné que Xi Jinping a combattu les continuateurs de ce moment sombre de la Chine et a été élu président précisément après avoir battu ceux qui, au sein du parti communiste, dirigé par Bo Xilai, rêvaient d'un retour à ces gloires.
La "bande des quatre" lors de son procès.
Bo Xilai écoutant le verdict qui le condamne à la perpétuité.
Le discours de Xi était évidemment un péan aux "fortunes et progressions magnifiques" de son pays, et il ne pouvait en être autrement. On a voulu voir dans ses propos un défi au monde, notamment au moment où il a souligné que ceux qui tentent de s'opposer à la Chine "finiront la tête cassée et en sang".
En fait, le clin d'œil du président chinois était autre chose : non pas une menace pour le monde, mais une mise en garde contre une éventuelle agression. "Nous n'avons jamais maltraité, opprimé ou assujetti le peuple d'aucun autre pays", a-t-il déclaré, "et nous ne le ferons jamais", comme l'histoire le confirme.
Mais il a prévenu: "Le peuple chinois ne permettra jamais à des forces étrangères de nous dominer, de nous opprimer ou de nous asservir. Quiconque se fait des illusions à cet égard se cassera la tête et versera du sang sur la Grande Muraille d'acier faite de la chair et du sang de 1,4 milliard de Chinois.
Et à propos de la campagne anti-chinoise, il a ajouté: "Nous n'accepterons pas les prédications hypocrites de ceux qui se sentent autorisés à nous faire la morale", une référence pas du tout voilée aux États-Unis et à la Grande-Bretagne.
Il ne pouvait pas non plus manquer de mentionner Taïwan: "Résoudre la question de Taïwan et réaliser la réunification complète de la Chine est une mission historique et un engagement inébranlable du Parti communiste chinois".
"Nous tous, compatriotes des deux côtés du détroit de Taïwan, devons nous unir et avancer à l'unisson. Nous devons prendre des mesures résolues pour faire échec à toute tentative d'indépendance de Taïwan."
D'autre part, l'idée de l'indépendance de Taïwan est très récente et va de pair avec la recherche d'un ébranlement du géant asiatique, brisant la doctrine de la Chine unique, pivot de la géopolitique asiatique globale.
En fin de compte, ce fut un discours tissé d'évidences factuelles, rehaussé simplement par l'habit de type maoïste que portait Xi et accentué par l'agitation géopolitique du jour. Bien sûr, l'attitude décisive du président chinois peut être frappante, mais elle découle de la politique intérieure, qui est moins monolithique qu'il n'y paraît.
Et cela découle d'une initiative rapportée par l'influent magazine américain Politico au début du mois de juin: "Dans un discours prononcé lors d'une session d'étude du Politburo cette semaine, Xi a stupéfié les observateurs les plus chevronnés par certains commentaires qui semblaient signaler un adoucissement spectaculaire de la rhétorique dure que Pékin tenait ces dernières années en référence aux États-Unis, à l'Europe et à d'autres nations".
En fait, il a demandé aux dirigeants du pays de se concentrer sur la diffusion d'une image "fiable, aimable et respectable" de la Chine. Et Xinhua, le média officiel de Pékin, a même suggéré que le pays pourrait adopter une approche "humble" dans ses relations avec le monde extérieur".
Il est probable que, comme dans d'autres circonstances, Xi Jinping a été accusé d'être trop mou par la faction nationaliste, d'où la nécessité pour lui de s'affirmer dans son discours du centenaire.
Policiers et manifestants à Hong Kong.
Ce n'est pas une nouvelle controverse au sein de la Chine: également sur la question de Hong Kong, lors du soulèvement indépendantiste, Xi avait fait preuve de patience, s'opposant aux siens qui auraient voulu une intervention à somme nulle, avec un compromis ultérieur (fin des libertés dont jouit la ville, mais pas de bain de sang).
Il n'est pas non plus concevable que la Chine renonce à Taïwan, dont la déclaration d'indépendance sonnerait comme une déclaration de guerre, un peu comme le Texas se séparant des États-Unis (un thème qui a d'ailleurs retrouvé une actualité floue).
Bien sûr, Xi n'a pas épargné le monde des avertissements, mais le sujet n'est pas la troisième guerre mondiale, ni une poussée de Pékin pour conquérir le monde, mais pour accroître son influence mondiale.
Cela ne conduirait pas à la domination chinoise du globe, puisque, comme Pékin le reconnaît lui-même, la primauté américaine est destinée à durer, mais cela donnerait naissance à ce multilatéralisme que les partisans de l'unilatéralisme américain considèrent comme une menace existentielle.
Il est dommage que ces tétragones de la reductio ad unum soient associés à divers cercles qui, tout en rejetant cette vision obscure, sont incapables de renoncer à l'idée de l'exceptionnalisme américain, qui, au-delà des nobles intentions de ceux qui l'idéalisent, est une "pensée magique" - comme le définit Ishaan Tharoor dans le Washington Post - qui apporte de l'eau à cet obscurantisme.
Le discours de Xi devrait donc être réduit à la chronique géopolitique du moment, n'ajoutant rien et ne retirant rien à la situation critique actuelle. Des critiques qui sont malheureusement vouées à durer, alors qu'il serait urgent de parvenir à une convergence, que la propagande adverse rend impossible.
Un article intéressant de Jon Schwarz dans The Intercept retrace l'histoire de l'OTAN et réfléchit à sa pertinence aujourd'hui. Il rappelle que l'OTAN est née dans l'urgence après la Seconde Guerre mondiale, en 1949, à une époque où l'Europe était détruite et où "la puissance des États-Unis était si prépondérante qu'elle pouvait simplement dicter leur conduite à ses alliés".
Les interlocuteurs de Washington étaient si impuissants que l'Alliance a été discutée "en secret pendant quinze jours au Pentagone". D'où le rôle prépondérant des États-Unis, auxquels les alliés sont de facto attelés.
Bien sûr, il y avait un risque que l'Union soviétique et le communisme s'étendent au Vieux Continent, notamment en raison de la force des partis communistes occidentaux. Mais Schwarz rappelle que les victimes russes de la guerre étaient au nombre de 27 millions, soit un Russe sur six. Un tribut de sang pour lequel "même Staline aurait eu du mal à motiver son propre pays à se lancer immédiatement dans une autre aventure similaire".
L'OTAN, le Pacte de Varsovie et la guerre froide
De plus, les partisans de l'OTAN considèrent l'Alliance comme une réponse indispensable à la guerre froide imposée par les Russes. Mais l'histoire nous dit le contraire, puisque le Pacte de Varsovie est né six ans plus tard. Ainsi, "une lecture plus fidèle de l'histoire suggère que la formation de l'OTAN a contribué à intensifier et à institutionnaliser la guerre froide" plutôt qu'à l'endiguer.
Le Pacte de Varsovie reflète le modèle antagoniste de l'OTAN, ne différant que par le numéro de l'article engageant les pays membres à la défense mutuelle : non pas l'article 5, mais l'article 4.
L'objectif déclaré de l'OTAN était de se défendre contre la menace de l'Union soviétique et du communisme en général, y compris les partis communistes de l'Ouest, que l'organisme militaire devait empêcher d'accéder au pouvoir, en prodiguant "confiance et énergie" aux forces démocratiques, avec des déclinaisons encore à découvrir dans les méandres obscurs de l'histoire de l'Italie (stratégie de la tension, etc.) et de celles des autres pays.
Mais l'objectif implicite de l'OTAN, et du Pacte, était de faire des pays adhérents des satellites de leurs dominateurs respectifs, les États-Unis et l'Union soviétique. D'autre part, depuis l'époque de la Ligue Delio-Atlantique, "accorder une protection est le moyen essentiel par lequel les pays puissants lient à eux les pays moins puissants". En d'autres termes, il s'agissait de structurer et de garantir l'irrévocabilité de la "sphère d'influence" des deux puissances.
L'OTAN ne s'arrête pas, elle se transforme
Une fois l'Union soviétique dissoute, l'ennemi qui rendait l'OTAN nécessaire a disparu et elle aurait dès lors dû se dissoudre. Au contraire, ses objectifs ont changé, la rendant indispensable pour faire face aux nouvelles menaces, qui auraient certainement pu être traitées par des moyens différents qui, tout en préservant la convergence du plus grand nombre, auraient été moins contraignants pour les États subordonnés.
"Le temps a donné raison aux critiques les plus virulents de l'OTAN, qui affirmaient qu'elle était surtout un instrument agressif de la puissance américaine". La nouvelle doctrine a en effet permis à l'OTAN de s'engager dans des guerres d'une nature différente de celle envisagée par ses premiers impulseurs : il ne s'agit plus de la défense d'un État membre, mais de guerres agressives, légitimées de diverses manières sous l'égide de l'ONU, comme la guerre en ex-Yougoslavie et en Libye.
La subordination de l'OTAN à la doctrine des guerres sans fin a donc généré de nouvelles critiques dans le monde, tandis que d'autres ont été produites par des événements moins conflictuels, mais non moins déstabilisants, comme l'élargissement de l'alliance militaire en Europe de l'Est.
L'élargissement en Europe de l'Est
Une expansion qui a d'ailleurs rompu le pacte passé avec l'ancien ennemi, comme le note The Intercept, rappelant la promesse solennelle faite par James Baker, le secrétaire d'État de George H. W. Bush, à Gorbatchev, qui lui avait fait une promesse de paix. Bush, en effet, avait émis cette promesse à Gorbatchev, qui avait demandé d'éviter l'élargissement de l'OTAN dans l'ancien espace soviétique, que Moscou aurait perçu comme une menace existentielle.
James Baker a rassuré son interlocuteur "non pas une mais trois fois que cela ne se produirait pas". Pas un pouce de la juridiction militaire actuelle de l'OTAN ne s'étendra en direction de l'Est", avait-t-il promis. Depuis lors, la quasi-totalité de l'Europe de l'Est a été absorbée par l'Alliance.
"La Russie, note The Intercept, a accueilli de tels événements avec le même enthousiasme que celui qu'auraient les États-Unis si le Mexique, le Canada et un Texas nouvellement indépendant se joignaient à une alliance militaire dirigée par la Russie.....
Aujourd'hui, "l'OTAN regarde plus loin, son horizon est la planète entière", à tel point qu'elle a mis la Chine, qui se trouve sur les rives du Pacifique, dans sa ligne de mire. Et comme par le passé, elle poussera d'autres pays à la rejoindre en les convainquant de diverses manières. Et "tout comme l'OTAN a contribué à créer la guerre froide à l'époque, elle est en train d'en créer une autre aujourd'hui".
La religion otaniste
La remarque finale de Schwarz est très pertinente: "Tragiquement, il n'y a pas de débat à ce sujet, ni aux États-Unis ni en Europe. Comme l'a dit Biden, le petit nombre d'élites impliquées dans ces débats considère l'OTAN comme une instance 'sacrée'."
"De même, lorsqu'il a préconisé la création de l'OTAN, le ministre britannique des Affaires étrangères de l'époque, Ernest Bevin, a déclaré qu'elle était nécessaire pour 'le salut de l'Occident'."
"Aussi étrange que cela puisse paraître aux gens normaux, pour les élites occidentales, l'Otan est devenue une institution de nature religieuse et ne peut donc être remise en question, pas plus que le pape n'est ouvert au débat sur la Sainte Trinité. Et nous savons tous comment les religions peuvent mener à la guerre".
Les nouveaux chiens de garde et le passe sanitaire
par Nicolas Bonnal
La presse française, qui appartient à quelques oligarques (dont Bernard LVMH, qui pèse aujourd’hui MILLE milliards…de francs) et est subventionnée à hauteur de 500 millions d’euros, dégoûte les Français, tant elle aura été crasse et ignoble depuis le début de cette histoire : affolement, confinements, masques, vaccins, meurtres de masse, passes sanitaires, chantage et menaces, elle nous aura tout imposé. Malheureusement il n’y a rien de nouveau sous le soleil: depuis les années Mitterrand et le passage du col Mao au Rotary (Hocquenghem) nous sommes dans un présent permanent d’omerta (Coignard), d’abjection et de désinformation. Nous sommes là pour enrichir les riches et pour empoisonner les Français, disent les gardiens de camp médiatique et électronique.
C’est que les gens dont nous parlons sont des chiens de garde. Et quels dobermans ! Et quels roquets ! Revenons-en alors au maître-livre de Serge Halimi, trublion du Mondediplomatique, qui rappelait dans son très documenté pamphlet que le journaliste est avant tout un enthousiaste :
« La censure est cependant plus efficace quand elle n’a pas besoin de se dire, quand les intérêts du patron miraculeusement coïncident avec ceux de « l’information ». Le journaliste est alors prodigieusement libre. Et il est heureux. On lui octroie en prime le droit de se croire puissant. Fêtard sur la brèche d’un mur de Berlin qui s’ouvre à la liberté et au marché, petit soldat ébloui par l’armada de l’OTAN héliportant au Kosovo la guerre « chirurgicale » et les croisés de l’Occident, avocat quotidien de l’Europe libérale au moment du référendum constitutionnel : reporters et commentateurs eurent alors carte blanche pour exprimer leur enthousiasme. Le monde avait basculé dans la « société de l’information », avec ses hiérarchies « en réseau », ses blogs et ses nouveaux seigneurs. »
La presse fut chargée d’encenser Davos :
« Le capitalisme a ses charités, ses philanthropes dont la mission est d’enjoliver un système peu amène envers ceux qu’il ne comble pas de ses bienfaits. La presse trône au premier plan de ces campagnes de blanchiment. Ainsi, Davos, autrefois conclave des « global leaders » soucieux de « créer de la valeur » pour leurs actionnaires, serait presque devenu un lieu de virée pour patrons copains et citoyens. »
Halimi tacle au passage l’effarant Joffrin :
« N’accablons pas Laurent Joffrin. Lui qui, pendant les années Reagan, célébra les États- Unis et le libéralisme (l’émission « Vive la crise ! » fut en partie son œuvre) n’a fait que traduire à sa modeste échelle ce que, sous la double pression de la concentration capitaliste et d’une concurrence commerciale favorisant le conformisme et la bêtise, le journalisme est devenu presque partout : creux et révérencieux. »
La géographie ça sert d’abord à faire la guerre, disait Yves Lacoste. La presse encore plus, surtout dans une puissance belligène et coloniale :
« Pendant les guerres, la presse se soucie moins de consensus, de pédagogie, de complexité, et davantage de réchauffer l’ardeur des combattants. Presque tout a été dit sur l’effondrement de l’esprit critique lors de la guerre du Golfe où, mis à part L’Humanité et La Croix (par intermittence), chacun des directeurs de quotidien se plaça au service de nos soldats. Quasiment unanimes, les hebdos, radios et télévisions firent chorus, se transformant en classe de recyclage pour officier au rancart vaincu en Algérie trente ans plus tôt et soucieux de prendre, dans les médias, sa revanche sur les Arabes. »
Halimi souligne cette haine pathologique du peuple. On la sentit venir en 1992 au moment de Maastricht. Juste là confinée au nationaliste pauvre (raciste, fasciste, nazi, antisémite, etc.), cette haine se communiqua à tout le peuple de gauche, du centre ou d’ailleurs :
« En 1992, la campagne du référendum sur le traité de Maastricht répéta les « dérives » observées pendant la guerre du Golfe. Là encore, beaucoup de choses se conjuguèrent : la volonté d’encourager l’élite éclairée qui construit l’avenir (« l’Europe») alors que le peuple ne sait qu’exhaler ses nostalgies, sa « xénophobie » et ses « peurs » ; la préférence instinctive pour les options du centre, surtout lorsqu’elles s’opposent aux extrêmes « populiste » et « nationaliste » ; enfin la place accordée aux avis des experts et des intellectuels, eux aussi particulièrement sensibles aux ressorts précédents. Intelligence contre irrationalité, ouverture contre repli, avenir contre passé, ordre contre meute : tous ces fragments d’un discours méprisant de caste et de classe resurgirent au moment du référendum de mai 2005 sur le traité constitutionnel européen. »
Et comme on continue de chercher la petite bête immonde ici et ailleurs, Halimi rappelle :
« Il a fallu attendre la fin du second septennat de François Mitterrand pour découvrir que l’ancien président de la République avait, sciemment et longtemps après la guerre, continué à fréquenter un haut dignitaire de Vichy impliqué dans les basses œuvres de ce régime, qu’il avait envoyé à la guillotine des militants de l’indépendance algérienne…Tant d’enquêteurs et tant de journaux se prétendant concurrents pour arriver à ce résultat-là!»
Ce qui est juif, disait Goebbels à Fritz Lang, nous en décidons. Ce qui est antisémite aussi.
Concluons philosophiquement comme l’andouille Ferry. La presse française est crevée depuis longtemps. Comme l’Eglise ou les partis, elle survit en hystérésis, grâce à nos subventions.