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mercredi, 24 novembre 2010

Jean Parvulesco ou la conspiration permanente - In memoriam Jean Parvulesco

Christopher Gérard - http://archaion.hautetfort.com/

Jean Parvulesco ou la conspiration permanente

In memoriam Jean Parvulesco 

Vous allez nous manquer, vieux conspirateur!

Sit tibi terra levis

 "Notre solitude est la solitude des ténèbres finales"

 

JPmanteau.jpgNous retrouvant il y a peu dans son pigeonnier du XVIème, un spritz à la main, nous refaisons l'Empire, et le voici qui s'exclame: "je suis un conjuré depuis… 1945". Tout est dit de cet écrivain énigmatique (près de quarante volumes publiés, et toujours clandestin comme en 62) qui, livre après livre, creuse le même sillon pourpre, celui du gaullisme de la Forêt Noire, un gaullisme mâtiné de tantrisme et de géopolitique eurasienne. L'homme a connu Heidegger et Pound; il a fréquenté l'amiral Dönitz (après le 8 mai 45, semble-t-il) et Maurice Ronet; il a été l'ami et le confident d'Abellio et du regretté Dominique de Roux. Godard l'a fait apparaître dans A bout de souffle sous les traits de Melville, Rohmer lui a donné un rôle dans L'arbre, le maire et la médiathèque. De son perchoir, le Prêtre Jean reste en contact avec les activistes des profondeurs, de Moscou à Buenos Aires. Mieux, il suit à la trace les écrivains secrets d'aujourd'hui, la fine fleur de l'underground: Dupré, d'Urance, Mata, Bordes, Novac, Mourlet, Marmin et quelques autres rôdeurs.

Deux livres imposants marquent son retour sur la scène, un roman, Un Retour en Colchide, et un recueil d'essais, La Confirmation boréale. Deux aérolithes que nous devons au courage d'éditeurs qu'il convient de saluer. La démarche de Jean Parvulesco peut se définir comme suit: irrationalité dogmatique. Roman de cape et d'épée, journal intime, programme d'action révolutionnaire: le Prêtre Jean mêle le tout pour révéler ses intuitions et poursuive le combat contre "le gouffre noir de l'aliénation ". Comprenne qui devra.

Que faire des sept cents cinquante pages qu'il lance parmi nous comme des grenades à l'assaut? En parler? Difficile, même si Michel d'Urance nous propose une pénétrante préface au Retour en Colchide. Les lire en sirotant un pur malt. Retrouver Vladimir Dimitrijevic et le "sous-sol conspiratif de la rue Férou" en rêvant à la revanche de Nicolas II. Se rendre compte à quel point L'Age d'Homme est une oasis dans un milieu éditorial où toute œuvre non subalterne est impitoyablement neutralisée. Comprendre le message subversif de L'Anglaise et le Duc, de L'Astrée, précieux chefs d'œuvre de son ami Eric Rohmer. Imaginer la résurgence du bloc continental et l'avènement de l'impensable. Repérer les arrière-pensées des théoriciens du meurtre du père. Divaguer sur la conversion du monde orthodoxe à un catholicisme hyperboréen. Oser dire que l'Islam, en tout cas dans sa version exotérique, constitue "le danger absolu, le danger de l'extinction finale de tout ce qui a fait et fait encore l'Histoire européenne du monde, depuis Rome jusqu'à nos jours". Rome, justement, celle que Parvulesco arpentait la nuit après ses visites à Julius Evola. Mémoriser quelques citations, dont celle-ci, de H. Carossa: "cacher et conserver, c'est aux sombres époques le seul office sacré". Invoquer l'Archange Michel, vainqueur des ténèbres, afin qu'il nous guide sur le sentier de l'Etre, le "sentier aryen".

Allez, le missile est tiré.

 

Christopher Gérard

 

Jean Parvulesco, La Confirmation boréale. Investigations, Alexipharmaque, 396 p., 27 euros. Et Un Retour en Colchide, Trédaniel, 356 p., 23 euros.

 

Qui était donc Jean Parvulesco?

Etrange et attachant personnage que cet écrivain mythiquement né à Lisieux en 1929, compatriote d'Eliade, ami d'Abellio (voir son essai Le Soleil rouge de Raymond Abellio, Ed. Trédaniel) comme de Dominique de Roux, lecteur de Bloy, Meyrink, Lovecraft. De Jean Parvulesco un expert en clandestinité tel que Guy Dupré a pu écrire qu’il témoignait de "l'entrée du tantrisme en littérature". Et en effet, chacun des romans de Jean Parvulesco peut aussi être lu comme un rituel de haute magie. C'est dire si l'œuvre reste dans l'ombre, d'autant que son auteur ne mâche pas ses mots sur notre présente déréliction. A ses vaticinations qui prédisent sans trembler un cataclysme purificateur Parvulesco ajoute des visions géopolitiques d'une troublante acuité. Avec une habileté démoniaque, l'écrivain passe d'un registre à l'autre, tantôt aux lisières du burlesque (camouflage?), tantôt prophétique - et toujours servi par une écriture hypnagogique.

050-LES-BLAH_i.jpgEternel conjuré, Jean Parvulesco est surtout un infatigable travailleur: il signe aujourd'hui son dixième roman depuis 1978, parmi lesquels le mythique Les Mystères de la Villa Atlantis (L'Age d'Homme), qui, avec tous les autres, forme une somme où l'ésotérisme et l'érotisme se mêlent au Grand Jeu. Fidèle au mot de son ami de Roux, Parvulesco aura appliqué Nerval en politique …et vice versa. L'homme a survécu aux camps de travail staliniens, s'est évadé d'une geôle titiste, a traîné ses bottes dans les décombres de Vienne, avant de suivre les cours de Jean Wahl à la Sorbonne, d'approcher Heidegger, Evola et Pound.

Jean Parvulesco ou la littérature de l'extrême.

Ses deux récents livres, publiés par Alexipharmaque, l'étonnante maison d'Arnaud Bordes, illustrent bien les obsessions de cet auteur qui incarne une tradition mystique et combattante. Le Sentier perdu nous fait rencontrer Ava Gardner et Dominique de Roux, tout en évoquant (invoquant?) Thérèse de Lisieux ou Leni Riefenstahl. Tout Parvulesco se retrouve dans ces couples improbables. Est-ce un journal, un essai sur le gaullisme révolutionnaire, un roman chiffré, un programme d'action métapolitique? Le sujet: la fin d'un monde en proie à la grande dissolution dans l'attente d'un embrasement cosmique. Une spirale prophétique, pour citer l'un de ses essais. Dans la Forêt de Fontainebleau se présente lui (faussement) comme un roman stratégico-métaphysique sur le rôle messianique de la France, clef de voûte du bloc continental, et du catholicisme comme unique voie de salut. J'ignore ce que pensent les évêques de ce catholicisme mâtiné de tantrisme et de tir au Beretta, mais après tout qu'importe. Enfin, Parvulesco actualise le mythe du Grand Monarque, en l'occurrence Louis XVI, miraculeusement sauvé du néant par une conspiration d'élus. Rites érotiques et meurtres rituels, cisterciens et barbouzes, Versailles et le Vaucluse: pas un temps mort dans ce roman sans pareil!

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mardi, 23 novembre 2010

Derniers livres de Jean Parvulesco

Derniers livres de Jean Parvulesco: le roman fantastique "Un retour en Colchide» et le volume des enquêtes géopolitique "La confirmation boréale"

Ex: http://roncea.ro/

Ganditorul roman de geniu Jean Parvulesco a murit la Paris, la varsta de 81 de ani. Acestea sunt ultimele sale carti, publicate in 2010:

La confirmation boréale – volum aparut pe 08.01.2010

Tendintele actuale ale conspiratiei mondialiste comanda efectelor circumstantiale ale istoriei vizibile. Ai nostri, cei care suntem dincolo de “Europa ca mister”, noi comandam cauzelor, pentru ca sunt cauzele cele care ne comanda, in mod direct. Cauzele invizibile, abisale, escatologice si providentiale, “cauzele primare”. Terorii ratiunii democratice totalitare, noi opunem linia de front a irationalitatii dogmatice a istoriei insasi.

Un retour en Colchide – aparut pe 10.10.2010

Prophétique et activiste, l’oeuvre romanesque de Jean Parvulesco est le vecteur d’un engagement personnel total contre le ” mystère d’iniquité ” et pour l’avènement de l’être sur les décombres apocalyptiques de l’Histoire.
Jusqu’à présent, tous ses romans auront été comme autant de modalités de ce combat final, comme autant de dévoilements de son enjeu mystique. Mais avec Un retour en Colchide, Jean Parvulesco procède à un fantastique retournement de perspective : ce n’est plus dans le monde réel, ou prétendument tel, que tout se joue, mais dans celui des essences pures et de leurs épiphanies, cette Colchide idéale dont l’auteur, troquant la plume du romancier ” noir ” pour le calame du chroniqueur ” blanc “, invente et inventorie ici les voies d’accès, les passes (et aussi les impasses).

Celles-ci ne laissent pas d’être extrêmement singulières (et dangereuses), puisque c’est dans les songes qu’elles se trouvent offertes au noble voyageur. Roman ou chronique, peu importe d’ailleurs puisque le monde des songes est le vrai monde, celui où les puissances infernales tombent le masque et où la Vierge, sous les espèces les plus délicates et les plus inattendues, montre le chemin de son doigt consolateur.

N’hésitons pas à le dire, Un retour en Colchide inaugure un nouveau cycle de la grande littérature occidentale, comme l’Odyssée avait inauguré celui que Jean Parvulesco a lui-même liquidé avec Dans la forés de Fontainebleau. Roman d’extrême avant-garde, donc, qui rompt avec toutes les formes avérées du genre en faveur d’une multiplicité de possibles (dont celui d’une littérature kamikaze). Car les décombres de l’Histoire sont évidemment aussi ceux du roman même, du roman qui a oublié l’être, c’est-à-dire, en fin de compte et tout bien pesé, à peu près tout ce que la littérature de fiction a produit depuis Chrétien de Troyes.
On aura compris qu’avec Un retour en Colchide, Jean Parvulesco ne s’adresse pas aux esprits paresseux et frileux, mais à tous ceux que grisent le vin blanc de l’Antarctique et les grands vents de la bonne aventure. Ceux-là ne seront pas déçus ! Ils verront des corbeaux en veille aux frontières polaires de la Jérusalem céleste, ils franchiront le Dniepr avec Nicolas II dans toute sa gloire, ils liront des dépêches d’agences delphiques, ils rencontreront des putains célestes, Vladimir Poutine et Robert Bresson.
Et une fois la dernière page lue, ils ne pourront résister au désir de revenir à la première et de recommencer.

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Jean Parvulesco a rejoint la Terre du Milieu

Jean Parvulesco a rejoint la Terre du Milieu

anrdh87s.jpgDans son Ouverture de la Chasse publiée en 1968, Dominique de Roux évoque la spécificité géopolitique et eschatologique de la Roumanie en ces termes : "Comme le Tibet, la Roumanie est un pays circulaire, un pays central - une Fondation du Milieu - qui tourne catastrophiquement sur lui-même, de gauche à droite dans ses périodes amères ou fastueuses, de droite à gauche dans les Temps de ses ordalies. Evidemment, les notions eidétiques de gauche, de droite, se trouvent utilisées, là, dans leur sens le plus intérieur, le plus interdit". Et puis, plus loin : "Bucarest c'est l'Assomption de l'Europe comme le dirait Raymond Abellio, une latinité antérieure, innocente ou peut-être pure, dans ses profondeurs interdites, et choisir l'Europe n'est-ce pas choisir cette plus grande latinité".
Après avoir évoqué les grandes lignes de la dynamique de la Tradition, je consacrai la seconde partie de ma conférence donnée le 14 octobre dernier au Doux Raisin sur "l'Esotérisme Révolutionnaire" à l'indication de voies de salut pour ré-orienter soi-même et le monde. Parmi ces voies possibles, j'évoquai l'Empire Eurasiatique de la Fin cher à Jean Parvulesco, ce Roumain du néolithique. Au-delà de ses engagements politiques, centrés sur la volonté de construction d'un pôle carolingien franco-allemand, Parvulesco savait qu'ils se devaient d'être accompagnés d'une nouvelle religion dont un des prophètes était Saint Maximilien Kolbe. Il voulait s'opposer à la conspiration mondiale contre la Vierge, en renouant avec l'orthodoxie russe et en intégrant le shintoïsme minéral à l'Europe johannique intérieure : Jean Parvulesco brûlait du désir de voir un jour la statue de la Vierge au Kremlin, et il se mettait à genoux devant la très sainte figure d'Amaterasu qu'il assimilait à Marie. Il savait que le Graal se trouve dans une des grottes du Fujiyama.
Je l'avais eu au téléphone ce 14 octobre, quelques minutes avant ma conférence : il était excessivement essouflé, et sa voix avait un son rauque et spectral. Il m'avait dit avant de raccrocher : "Je suis couché, je ne peux plus me relever". Avant-hier, alors que je discutai de son oeuvre avec Pierre Hillard à Toulon, j'ai réellement senti une aile de corbeau m'assombrir le visage. Je ne sais pas si Jean Parvulesco lisait Edgar Poe.
 
 Trop tard, on arrive toujours trop tard, tout arrive toujours trop tard.
 
 La personne de Parvulesco était idéalement modelée par Dieu pour servir de phare à une génération assoiffée, la nôtre. Mais nous sommes trop jeunes pour avoir côtoyé Eustache, Parvulesco et Pasolini, et nous sommes trop vieux pour nous trouver d'autres maîtres.

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Le décès de Jean Parvulesco

Le décès de Jean Parvulesco

L’écrivain Jean Parvulesco, né en Roumanie en 1929, est décédé le dimanche 21 novembre à l’âge de 81 ans.

984949610.jpg« Devenir immortel… et puis mourir ». C’était la grande ambition que lui confiait Jean-Luc Godard dans À bout de souffle, qui lui prêtait les traits de Jean-Pierre Melville. L’écrivain d’origine roumaine, Jean Parvulesco s’est éteint le 21 novembre à l’âge de 81 ans. Entre littérature, cinéma, et engagement politique, sa trajectoire artistique se distingue par sa singularité. Il n’a pas 20 ans lorsqu’il fuit le régime communiste de son pays et réussit à rejoindre Paris. Il y fréquente différents milieux artistiques, dont celui de la Nouvelle Vague. Son personnage apparaît dans À bout de souffle, et il a un petit rôle dans un film d’Éric Rohmer. En politique, Parvulesco est proche de la Nouvelle Droite, lié à certains gaullistes, ainsi qu’à l’Organisation de l’Armée secrète (OAS). Il commence à écrire dans les années 1960 et entame une carrière de journaliste. De nombreux articles sont publiés notamment dans le quotidien Combat. Son entrée en littérature ne s’effectue qu’à la fin des années 1970. Le recueils de poèmes, Traité de la chasse au faucon (L'Herne, 1978), est très remarqué. Une dizaine d’essais et une trentaine de romans, dont La servante portugaise (éd. L’âge d’homme), suivront. Un retour en Colchide, son dernier roman, est paru en 2010 chez Guy Trédaniel.

Jean Parvulesco est mort...

Jean Parvulesco est mort...

JeanParvulesco_Paris2000-217x300.jpgJean Parvulesco est né en Roumanie (Valachie) en 1929 et vient de mourir à Paris le soir du dimanche 21 novembre 2010. De la Nouvelle Vague à la littérature, sa vie très singulière a représenté une trajectoire personnelle à la fois solitaire et engagée collectivement.

 

Avant l’âge de 20 ans, vers 1948, il décide de fuir le régime communiste et traverse le Danube à la nage. Il est emprisonné dans des camps politiques de travaux forcés en Yougoslavie et parvient à rejoindre finalement Paris, en 1950, qu’il ne quittera presque plus. Il suit les séminaires de Jean Wahl à la Sorbonne puis fréquente les milieux les plus divers, dans une pauvreté contre laquelle il se débattu toute son existence.

 

Débute alors ce destin étrange et riche, où se mêleront l’écriture et l’action, et de nombreuses rencontres avec des cinéastes, des écrivains, des activistes, et des personnalités de zones différentes de l’échiquier politique. Proche de certains milieux de la Nouvelle Droite, il fut également lié à certains gaullistes, mais aussi à l’OAS, chiraquien atypique, apologiste du traditionalisme de René Guénon, influença le politologue russe Alexandre Douguine… Personnalité indépendante, il fut ami avec Raymond Abellio, Aurora Cornu, avec Louis Pauwels, discuta avec Martin Heidegger, Ezra Pound, Julius Evola… et connut Ava Gardner, Carole Bouquet et bien d’autres. Journaliste, il commence à écrire dans les années 60 et jusqu’à sa mort en passant de Combat à Pariscope, de Nouvelle Ecole à l’Athenaeum, de Rébellionà la Place royale ou Matulu : La tendance politique, l’objet ou la diffusion d’un média ne le préoccupait jamais. Pour lui, seul comptait ce qu’il appelait la littérature, l’acte de dire par le texte, véritable « expérience de la clandestinité».

 

Il mena cette expérience jusqu’à des retranchements personnels toujours mystérieux, où l’écrivain ne se distinguait plus vraiment du personnage, et le personnage de l’homme lui-même. Ce caractère unique, cet esprit qui semblait au-delà de toutes les difficultés du quotidien, à la vitalité exceptionnelle, à la culture secrète et souvent magnifique, lui valut d’être remarqué et apprécié par Eric Rohmer, Jean-Luc Godard ou Barbet Schroeder. Dans A bout de souffle, Jean-Luc Godard fait interpréter par Jean-Pierre Melville le rôle de Parvulesco (voir notre vidéo ci-dessous), qui aura cette réplique restée célèbre à une question sur son « ambition dans la vie » : « Devenir immortel… et puis mourir ». Dans L’Arbre, le maire et la médiathèque d’Eric Rohmer, il joue le rôle de « Jean Walter », proche de celui qu’il était en vrai, au côté d’Arielle Dombasle et de François-Marie Banier.

 

Au-delà de cette présence au cinéma, l’œuvre qui restera est son œuvre littéraire. Il commence à écrire des livres vers 50 ans, avec notamment leTraité de la chasse au faucon (L’Herne, 1978), recueil de poèmes remarqué, et un premier roman, La servante portugaise (L’Age d’Homme, 1987), publié récemment en Russie. Une trentaine de romans et une dizaine d’essais composent son œuvre. Deux éditeurs jouèrent un rôle primordial dans la publication de celle-ci : Guy Trédaniel et Vladimir Dimitrijevic. Sa façon d’écrire, rejetée ou adulée, intéressa fortement des personnalités comme Guy Dupré, pour qui elle constitue « l’entrée du tantrisme en littérature », Dominique de Roux, Michel Mourlet, Michel Marmin, Jean-Pierre Deloux ou Olivier Germain-Thomas (qui lui consacra une émission « Océaniques » sur FR3 en 1988).

 

Le 8 juin 2010, il est invité sur le plateau de l’émission « Ce soir (ou jamais!) » par Frédéric Taddéï sur France 3. Auprès de Dominique de Villepin, de Marek Halter ou Philippe Corcuff, il restera étonnamment silencieux. Son dernier livre, Un retour en Colchide, vient de paraître chez Guy Trédaniel. Il y notait, à sa façon, que « ce n’est pas nous qui décidons de l’heure. Moi, par exemple, je fais tout ce que je peux faire, mais je ne sais pas s’il ne faudra pas que je sois obligé d’abdiquer. D’ailleurs, j’ai l’impression que le moment de la fin arrive ».

 

 

Source Mécanopolis

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samedi, 16 octobre 2010

Maurice Allais

Maurice Allais

ex: http://www.telegraph.co.uk/ 

Maurice Allais, who died on October 9 aged 99, was a Nobel Prize winner who warned against "casino" stockmarket practices that eventually precipitated the current global financial crisis; he also claimed to have disproved Einstein's General Theory of Relativity.

 
Photo: AFP/GETTY

In the 1990s he delighted eurosceptics by his opposition, almost unique among French economists, to the single European currency; europhobes were less enthused when he revealed that he was against it because the currency's introduction should have been preceded by wholesale European political union.

He had won his Nobel for Economics in 1988. But he might also have been a candidate for the award in Physics, a discipline in which he was best known for his discovery that Earth's gravitational pull appears to increase during a solar eclipse.

Fluctuations have since been measured during 20 or so total solar eclipses, but the results remain inconclusive, and the "Allais effect", as it is known, continues to confound scientists. Allais himself had little doubt that the effect indicated a flaw in Einstein's theory of relativity. Indeed, he had little time for Einstein who, he claimed, had plagiarised the work of earlier scientists such as Lorentz and Poincaré in his 1905 papers on special relativity and E=mc2.

As an economist, Allais had reason to complain that others had been given credit that was his due. In his first major work, A la Recherche d'une Discipline Economique (1943), he proved mathematically that an efficient market could be achieved through a system of equilibrium pricing (when prices create a balance in demand with what can be supplied).

It proved vital in guiding the investment and pricing decisions made by younger economists working for the state-owned monopolies that proliferated in Western Europe after the Second World War – and for the authorities regulating private sector monopolies in an age of denationalisation.

He was awarded the Nobel for his "pioneering contributions to the theory of markets and efficient utilisation of resources", but the award was late in coming. His work has been compared favourably with that carried out at the same time or later by the American Paul Samuelson and the British economist John Hicks, both of whom won Nobel Prizes in the 1970s. Allais's work also served as a basis for the analysis of markets and social efficiency carried out by one of his former pupils, Gerard Debreu, who won the Nobel Economics Prize in 1983 after he became an American citizen, and Kenneth Arrow, who won the prize in 1972.

The main reason why Allais was overlooked for so long appears to be that he did not publish in English until late in his career and as a result did not gain the international recognition that was his due. Paul Samuelson felt that, had Allais's early works been in English, "a generation of economic theory would have taken a different course".

The son of a cheese shop owner, Maurice Allais was born in Paris on May 11 1911. After his father died in captivity during the First World War, he was raised by his mother in reduced circumstances.

A brilliant student at the Lycée Louis-le-Grand, Allais trained as an engineer at the Ecole Polytechnique and worked for several years as a mining engineer. He turned to economics after being appalled by the suffering he saw during a visit to the United States during the Great Depression. He taught himself the subject and soon began to teach it at the Ecole Nationale Supérieure des Mines de Paris, introducing a mathematical rigour into the French discipline, which at that time was mostly non-quantitative.

Allais's most important contributions to economic theory were formulated during the Second World War, when French academics, working under German occupation, were largely cut off from the outside world.

John Hicks, one of the first Allied economists in Paris after the liberation, recalled making his way to an attic where, once his eyes had adjusted to the dark, he could see a group with miners' lamps on their heads listening to a lecturer at a board. The lecturer was Allais, and he was talking about whether the interest rate should be zero per cent in a no-growth economy. This foreshadowed his second major publication, Economie et Intérêt (1947), a massive work on capital and interest which has formed the basis for the so-called "golden rule of accumulation". This states that to maximise real income, the optimum rate of interest should equal the growth rate of the economy.

Allais's book also included the suggestion that in stimulating an economy it is helpful to use a simple model consisting of two generations, young and old. At each step, the old generation dies, the young generation grows old, and a new young generation appears. The model, now known as the overlapping generations model, got little attention at the time, but more than a decade later Paul Samuelson introduced the same idea independently.

Allais's work had more than theoretical importance. When France rebuilt its economy on a combination of state dirigisme and market economics, Allais provided the theoretical framework needed to allow planners to resist the short-termism of politicians and set optimum pricing and investment strategies.

During the 1950s he pioneered a new approach when, in examining how people respond to economic stimuli, he asked a group to choose among certain gambles, and then examined their decisions. He discovered that the subjects acted in ways that were inconsistent with the standard theory of utility, which predicts that people will behave as rational economic beings. As a result he created the "Allais Paradox", an equation that predicts responses to risk.

Allais, who served as director of research at the National French Research Council, remained active and independent-minded until well into his eighties. Shortly before the stock market crash of 1987 he wrote a paper warning that the situation presented "three fundamental analogies with that which preceded the Great Depression of 1929-1934: a great development of promises to pay, frenetic speculation, and a resulting potential instability in credit mechanisms, that is, financing long-term investments with short-term deposits."

In 1989 he warned that Wall Street had become a "veritable casino", with loose credit practices, insufficient margin requirements and computerised trading on a non-stop world market – all contributing to a dangerously volatile financial climate.

In a recent article he argued that a "rational protectionism between countries with very different living standards is not only justified but absolutely necessary".

Allais was a prolific writer, both in the length of his pieces (his books typically ran to 800 or 900 pages) and in the variety of subjects he addressed. As well as works on economic theory and physics, he also wrote books on history.

Maurice Allais was appointed an officer of the Légion d'honneur in 1977 and grand officer in 2005. He was promoted to Grand Cross of the Légion d'honneur earlier this year.

His wife, Jacqueline, died in 2003, and he is survived by their daughter.

Maurice ALLAIS (1911-2010)

 Maurice ALLAIS (1911-2010)

(vertaald door Frederik Ranson : Ex: http://n-sa.be/ )

AllaisMauH2.jpgMaurice Allais, die op 9 oktober op 99-jarige leeftijd overleed, was een Nobelprijswinnaar die waarschuwde tegen de "casino"-praktijken op de aandelenmarkt die uiteindelijk hebben geleid tot de huidige wereldwijde financiële crisis; hij beweerde ook Einsteins algemene relativiteitstheorie te hebben weerlegd.

In de jaren 1990 verheugde hij de eurosceptici door zijn verzet, bijna uniek onder de Franse economen, tegen de Europese eenheidsmunt; eurofoben waren minder enthousiast toen hij onthulde dat hij ertegen was omdat de invoering van de munt had moeten worden voorafgegaan door een Europese politieke unie op grote schaal.

Hij won zijn Nobelprijs voor de Economie in 1988. Maar hij had ook kandidaat kunnen zijn voor die in de Natuurkunde, een vakgebied waarin hij het best bekend was voor zijn ontdekking dat zwaartekracht van de aarde lijkt te stijgen tijdens een zonsverduistering.

In 1954 experimenteerde hij met een zelf uitgevonden "paraconische" slinger en hij merkte dat, wanneer de maan voor de zon passeerde, de slinger een beetje sneller bewoog dan hij zou moeten hebben gedaan. Zijn verklaring, uiteengezet in L'Anisotropie de l'espace (1997), was dat ruimte andere eigenschappen vertoont langs verschillende assen en dit als gevolg van beweging door een ether die gedeeltelijk wordt beïnvloed door planetaire lichamen.

Schommelingen zijn inmiddels gemeten tijdens een twintigtal totale zonsverduisteringen, maar de resultaten zijn nog niet overtuigend en het "Allais-effect" (zoals het bekend staat) blijft voor verwarring zorgen onder wetenschappers. Allais zelf twijfelde er niet aan dat het effect een fout in Einsteins relativiteitstheorie aangaf. Inderdaad, hij had weinig tijd voor Einstein, die volgens hem het werk van eerdere wetenschappers zoals Lorentz en Poincaré had geplagieerd in zijn geschriften van 1905 over de speciale relativiteitstheorie en E=mc2.

Als econoom had Allais reden om te klagen dat anderen erkenning hadden gekregen die hem toekwam. In zijn eerste grote werk, A la Recherche d'une discipline économique (1943), bewees hij wiskundig dat een efficiënte markt kan worden bereikt via een systeem van economisch evenwicht (wanneer de prijzen zorgen voor een evenwicht tussen de vraag en wat kan worden geleverd).

Het bleek van vitaal belang in het sturen van de beslissingen over investeringen en prijzen die genomen werden door jongere economen, werkzaam voor de staatsmonopolies die zich uitbreidden in het West-Europa van na de Tweede Wereldoorlog – en voor de overheden die private sectorale monopolies reguleerden in een tijdperk van denationalisering.

Hij werd bekroond met de Nobelprijs voor zijn "baanbrekende bijdragen aan de theorie van de markten en een efficiënt gebruik van middelen", maar de onderscheiding kwam laat. Zijn werk is gunstig vergeleken met dat uitgevoerd op hetzelfde ogenblik of later door de Amerikaan Paul Samuelson en de Britse econoom John Hicks, die beiden Nobelprijzen wonnen in de jaren ‘70. Allais’ werk diende ook als basis voor de analyse van de markten en maatschappelijke efficiëntie uitgevoerd door een van zijn voormalige leerlingen, Gérard Debreu, die de Nobelprijs voor de Economie won in 1983 (nadat hij Amerikaanse staatsburger was geworden) en Kenneth Arrow, die de prijs in 1972 won.

De belangrijkste reden waarom Allais zo lang over het hoofd werd gezien lijkt te zijn dat hij niet in het Engels publiceerde tot laat in zijn carrière en als gevolg daarvan niet de internationale erkenning kreeg die hem toekwam. Paul Samuelson vond dat als Allais’ vroege werken in het Engels waren geweest, "een generatie van economische theorievorming een andere koers zou hebben genomen".

Maurice Allais werd geboren als zoon van de eigenaar van een kaaswinkel in Parijs op 11 mei 1911. Nadat zijn vader tijdens de Eerste Wereldoorlog in krijgsgevangenschap overleed, werd hij opgevoed door zijn moeder in moeilijke omstandigheden.

Als een briljante student aan het Lycée Louis-le-Grand werd Allais opgeleid als ingenieur aan de Ecole Polytechnique en hij werkte enkele jaren als mijningenieur. Hij wendde zich tot de economie na geschokt te zijn door het leed dat hij zag tijdens een bezoek aan de Verenigde Staten tijdens de Grote Depressie. Hij schoolde zichzelf in het onderwerp en begon al snel te les te geven aan de Ecole Nationale Superieure des Mines de Paris, waarbij hij een wiskundige strengheid invoerde in het Franse vakgebied, dat op dat ogenblik voornamelijk niet-kwantitatief was.

Allais’ belangrijkste bijdragen aan de economische theorie werden geformuleerd tijdens de Tweede Wereldoorlog, toen de Franse academici – werkend onder Duitse bezetting – grotendeels van de buitenwereld afgesneden waren.

John Hicks, een van de eerste geallieerde economen in Parijs na de bevrijding, herinnerde zich dat hij zich een weg moest banen naar een zolder waar – eens zijn ogen zich aan het duister hadden aangepast – hij een groep met mijnwerkerslampen op hun hoofd kon zien luisteren naar een leraar voor een bord. Die leraar was Allais en hij was aan het spreken over het feit of de rente nul procent zou moeten zijn in een economie zonder groei. Dit was de voorbode van zijn tweede grote publicatie, Economie et interêt (1947), een enorm werk over kapitaal en rente dat de basis heeft gevormd voor de zogenaamde "gouden regel van de accumulatie". Daarin staat dat om het reële inkomen te maximaliseren de optimale rente gelijk moet zijn aan de groei van de economie.

Allais’ boek bevatte ook de suggestie dat het bij het stimuleren van een economie nuttig is om een eenvoudig model, bestaande uit twee generaties (jong en oud), te gebruiken. Bij elke stap sterft de oude generatie, wordt de jonge generatie ouder en verschijnt een nieuwe jonge generatie. Het model – nu bekend als het overlappende-generatiesmodel – kreeg weinig aandacht op dat ogenblik, maar meer dan een decennium later introduceerde Paul Samuelson  hetzelfde idee onafhankelijk van Allais.

Allais' werk hadden meer dan een theoretisch belang. Toen Frankrijk zijn economie in een combinatie van staatsdirigisme en markteconomie heropbouwde, leverde Allais het theoretische kader dat de planners nodig hadden om het korte-termijndenken van politici te kunnen weerstaan en optimale prijs- en investeringsstrategieën op te stellen.

Tijdens de jaren 1950 bedacht hij als eerste een nieuwe aanpak toen hij, tijdens onderzoek naar hoe mensen reageren op economische prikkels, een groep vroeg om te kiezen tussen bepaalde gokken en vervolgens hun beslissingen onderzocht. Hij ontdekte dat de proefpersonen handelden op manieren die in strijd waren met de standaardtheorie over nut, die voorspelt dat mensen zich zullen gedragen als rationele economische wezens. Als gevolg daarvan bedacht hij de "Allais-paradox", een vergelijking die reacties op risico's voorspelt.

Allais, die werkte als directeur van het Franse Nationale Centrum voor Wetenschappelijk Onderzoek, bleef actief en onafhankelijk denkend tot ver in zijn tachtigerjaren. Kort voor de beurskrach van 1987 schreef hij een opstel waarin hij schreef dat de situatie "drie fundamentele gelijkenissen (vertoonde) met dat wat de Grote Depressie van 1929-1934 voorafging: een bovenmatige ontwikkeling van schuldbewijzen, koortsachtige speculatie en een daaruit voortvloeiende mogelijke instabiliteit in kredietmechanismen, dat wil zeggen: de financiering van investeringen op lange termijn met korte-termijndeposito's".

In 1989 waarschuwde hij dat Wall Street een "waar casino" was geworden, met losse kredietpraktijken, onvoldoende margevereisten en een gecomputeriseerde handel op een non-stop wereldmarkt – die allen bijdragen tot een gevaarlijk wispelturig financieel klimaat.

In een recent artikel betoogde hij dat een "rationeel protectionisme tussen landen met een zeer uiteenlopende levensstandaard niet alleen gerechtvaardigd is, maar zelfs absoluut noodzakelijk".

Allais was een productieve schrijver, zowel in de lengte van zijn stukken (zijn boeken hadden dikwijls 800 à 900 pagina’s) als in de verscheidenheid van onderwerpen die hij behandelde. Naast werken over economische theorie en natuurkunde schreef hij ook boeken over geschiedenis.

Maurice Allais werd benoemd tot officier van het Legion d'honneur in 1977 en Grootofficier in 2005. Hij werd bevorderd tot het Grootkruis van het Legion d'honneur eerder dit jaar.

Zijn vrouw, Jacqueline, overleed in 2003 en hij wordt overleefd door hun dochter.

Bron: Telegraph

mercredi, 13 octobre 2010

Maurice Allais: la mort d'un dissident

Maurice Allais : la mort d'un dissident

 

"Ceux qui détiennent le pouvoir de décision nous laissent le choix entre écouter des ignorants ou des trompeurs" (Maurice Allais)

arton2301.jpgEx: http:://www.polemia.com/

Seul Français prix Nobel d’économie, Maurice Allais, est mort à 99 ans dimanche 10 octobre. Esprit universel, économiste et physicien, il était à la fois couvert d’honneurs et réduit au silence. Car il s’était attaqué aux tabous du temps. Critiquant notamment le libre-échangisme mondial, la financiarisation de l’économie, l’immigration incontrôlée. Annonçant dès 1998 la crise financière, il avait été ensuite réduit au silence : en 2005, le Figaro lui avait même refusé un article critique sur la Constitution européenne que ce grand économiste libéral (libéral-socialiste, aimait-il à dire) avait dû publier dans …l’Humanité.

Rappelons quelques uns de ses axiomes tels que ceux qu’il avait énoncés dans sa « Lettre aux Français contre les tabous indiscutés », publiée - une fois, hélas, n’était pas coutume – dans Marianne du 5 décembre 2009 :

« Le point de vue que j'exprime est celui d'un théoricien à la fois libéral et socialiste. »

« Les grands dirigeants de la planète montrent une nouvelle fois leur ignorance de l'économie qui les conduit à confondre deux sortes de protectionnismes : il en existe certains de néfastes, tandis que d'autres sont entièrement justifiés. Dans la première catégorie se trouve le protectionnisme entre pays à salaires comparables, qui n'est pas souhaitable en général. Par contre, le protectionnisme entre pays de niveaux de vie très différents est non seulement justifié, mais absolument nécessaire. C'est en particulier le cas à propos de la Chine, avec laquelle il est fou d'avoir supprimé les protections douanières aux frontières. Mais c'est aussi vrai avec des pays plus proches, y compris au sein même de l'Europe. »

« Mon analyse étant que le chômage actuel est dû à cette libéralisation totale du commerce, la voie prise par le G20 m'apparaît par conséquent nuisible. Elle va se révéler un facteur d'aggravation de la situation sociale. À ce titre, elle constitue une sottise majeure, à partir d'un contresens incroyable. » (…) Nous faisons face à une ignorance criminelle. »

« Ma position et le système que je préconise ne constitueraient pas une atteinte aux pays en développement. Actuellement, les grandes entreprises les utilisent pour leurs bas coûts, mais elles partiraient si les salaires y augmentaient trop. Ces pays ont intérêt à adopter mon principe et à s'unir à leurs voisins dotés de niveaux de vie semblables, pour développer à leur tour ensemble un marché interne suffisamment vaste pour soutenir leur production, mais suffisamment équilibré aussi pour que la concurrence interne ne repose pas uniquement sur le maintien de salaires bas. Cela pourrait concerner par exemple plusieurs pays de l'est de l'Union européenne, qui ont été intégrés sans réflexion ni délais préalables suffisants, mais aussi ceux d'Afrique ou d'Amérique latine. »

« Les grands dirigeants mondiaux préfèrent, quant à eux, tout ramener à la monnaie, or elle ne représente qu'une partie des causes du problème. Crise et mondialisation : les deux sont liées. »

« Cette ignorance et surtout la volonté de la cacher grâce à certains médias dénotent un pourrissement du débat et de l'intelligence, par le fait d'intérêts particuliers souvent liés à l'argent. Des intérêts qui souhaitent que l'ordre économique actuel, qui fonctionne à leur avantage, perdure tel qu'il est. Parmi eux se trouvent en particulier les multinationales qui sont les principales bénéficiaires, avec les milieux boursiers et bancaires, d'un mécanisme économique qui les enrichit, tandis qu'il appauvrit la majorité de la population française mais aussi mondiale. »

« Question clé : quelle est la liberté véritable des grands médias ? Je parle de leur liberté par rapport au monde de la finance tout autant qu'aux sphères de la politique. »

Polémia qui, à plusieurs reprises, a rendu hommage au Prix Nobel d'économie 1988, signale ici quelques recensions, mises sur son site, de l’œuvre récente de Maurice Allais.

Maurice Allais : les causes du chômage français
Maurice Allais : le coût de l’immigration
Maurice Allais flingue le néo-libéralisme dans une revue financée par Bercy
Les analyses prophétiques de Maurice Allais

Polémia
12/10/2010

mardi, 12 octobre 2010

Maurice Allais, prix Nobel d'économie, meurt à 99 ans

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Maurice Allais, prix Nobel d'économie français, meurt à 99 ans

Le seul Français à avoir reçu le prix Nobel d’économie est décédé samedi à son domicile à l’âge de 99 ans.

 

Né le 31 mai 1911 à Paris, polytechnicien et membre de l’Institut, Maurice Allais a en particulier enseigné à l’École des mines de Paris et dirigé le Centre d’analyse économique.

Il a reçu le prix Nobel en 1988 pour ses contributions à la théorie des marchés et de l’utilisation des ressources.

Maurice Allais n’a pas toujours été bien compris, loin s’en faut. «Beaucoup de lecteurs le considèrent comme un champion du protectionnisme», ce qui est un «jugement profondément inexact», soulignait, lors de la même cérémonie, l’enseignant et chercheur Thierry de Montbrial.

Mais il est vrai qu’à force de vouloir que l’union politique précède l’union économique, Maurice Allais s’était affirmé comme un farouche défenseur d’une Communauté européenne d’abord soucieuse d’assurer sa propre sécurité économique, ce qui l’avait fait passer pour celui qui voulait bâtir une forteresse autour de l’Europe.

Il rappelait ainsi l’an dernier , qu’«un protectionnisme raisonné entre des pays de niveaux de vie très différents est non seulement justifié, mais absolument nécessaire».

Il se définissait lui-même comme un «libéral socialiste». C’est, expliquait-il cette position qui lui faisait souhaiter par exemple, pour éviter une destruction de l’agriculture et de l’industrie françaises, le rétablissement de préférences régionales au sein du commerce international dès lors que les écarts de salaires devenaient trop importants.

Le Figaro

jeudi, 16 septembre 2010

In Memoriam: Jean Varenne (1926-1997)

jean_varenne-f86c2.gifArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1997

 

In memoriam:

Jean Varenne (1926-1997)

 

Indianiste célèbre dans le monde entier, explorateur de l'Inde védique, Jean Varenne replaçait ce formidable héritage indien-védique dans la culture indo-européenne, dont les cosmogonies védiques, objets de sa thèse de doctorat, étaient une expres­sion sublime. Les amis de l'Inde éternelle, qui sont nombreux parmi nous, nombreux à avoir explorer cet immense fond de sagesse, nombreux à avoir fait un pélérinage là-bas, sur les rives du Gange ou sur les hauteurs de l'Himalaya, connaissent très bien l'œuvre de Jean Varenne, qui fut un de leurs maîtres. Jean Varenne est l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages sur l'Inde ancienne, depuis Cosmogonies védiques jusque Aux sources du Yoga, ou sur l'Iran préislamique, avec Zoroastre et Zarathustra et la tradition mazdéenne. IL nous lègue là un formidable corpus, pour étayer, dans la sérénité, notre vue-du-monde traditionnelle. Jean Varenne nous a quitté silencieusement en juillet dernier, sans que la presse français ne rende l'hommage que méritait ce grand savant, qui fit vraiment honneur à son pays et qui était sans doute l'homme capable de rap­procher l'Inde non alignée de la France sortie de l'OTAN, une politique que la Vième République après De Gaulle a négligée honteusement, pour se vautrer dans un occidentalisme vulgaire. Comme pour le politologue Julien Freund, disparu en sep­tembre 1993, les canailles incultes du journalisme parisien n'ont pas cru bon de saluer dignement cet indianiste hors pair. Notre collaborateur Pascal Garnier a eu le bonheur et la joie d'être l'un de ses étudiants. En hommage à son professeur, il a rédigé ce texte spontané et amical, au-delà de la vie et de la mort:

 

JVdicoHind.jpg«C'est avec stupéfaction que j'ai appris le décès de notre ami Jean Varenne. J'avais connu Jean Varenne au cours de sa der­nière année d'enseignement à l'Université de Lyon III en 1986-87, alors que je préparais ma licence d'histoire. Pour moi, Jean Varenne était plus qu'un simple professeur, c'était aussi le Président du GRECE et le directeur de la revue éléments, organe d'un milieu que j'apprenais à connaître à l'époque. Chose étrange pour un si grand savant  —en dehors des cours d'histoire des religions et d'histoire de l'Inde que je suivais, il était professeur de sanskrit—  c'était un pédagogue remarquable ayant une facilité déconcertante à expliquer d'une manière simple des concepts compliqués. Je n'avais jamais pu observer auparavant chez aucun professeur une telle gentillesse et une telle sérénité: il arrivait les mains dans les poches, sans aucune note et parlait pendant deux heures sans jamais se tromper dans le déroulement de son plan et toujours avec une grande jovialité, prompt aussi à répondre aux interrogations des étudiants d'une manière décontractée: il adorait ce jeu, l'immense puit de cul­ture qu'il était n'étant naturellement jamais pris en défaut. C'est grâce à lui que j'ai découvert un certain nombre d'auteurs comme Mircea Eliade ou Louis Dumont, dont la lecture a été capitale pour ma formation. Je n'ai jamais pu comprendre com­ment la mouvance néo-droitiste n'a pas donné dans ses structures une place plus importante à cet homme serein, simple, immensément cultivé, calme et posé. Jean Varenne passait partout, tant chez ses pairs de l'université que chez les gens simples. Cette mouvance, où il a pourtant assuré une présidence hélas formelle et “décorative”, aurait améliorer son image de marque, serait sortie de la psycho-rigidité et de la forfanterie de faux savants qui l'ont hélas trop souvent marquée. Je retien­drais à jamais l'image du savant souriant et débonnaire, qui parlait avec tant d'aisance et d'élégance, qui était reconnu au ni­veau international, qui était célébré par l'UNESCO, qui, fait quasi unique, aimait la vie et donnait de la culture une image si originale et attrayante à la fois. Car ses cours étaient aussi le reflet de sa personnalité riche et brillante, mais qui a pu susciter chez certains esprits médiocres pas mal de jalousie. Peu en sont capables, mais, lui, c'était un professeur qui savait faire un travail métapolitique intelligent...» (Pascal GARNIER).

 

mardi, 14 septembre 2010

Das Stierlein - Zum Tode von Liselotte Jünger

Das Stierlein

Zum Tode von Liselotte Jünger

Von Lutz Hagestedt

Ex: http://www.literaturkritik.de/

1963 wäre Ernst Jünger beinahe das Opfer der tückischen Strömung im Meer an dem sardinischen Badeort Villasimius geworden. Als er sich, quasi in letzter Minute und völlig entkräftet an den Strand retten kann, wirft sich seine Frau, liebevoll „Stierlein“ genannt, über ihn. Ernst und Liselotte Jünger sind auf diesen Schicksalstag des öfteren zu sprechen gekommen: Seit 1962 erst waren sie miteinander verheiratet, für beide war es die zweite Ehe.

Die im Sternbild des Stieres 1917 geborene Liselotte Bäuerle, verwitwete Lohrer, genoss allgemein Respekt. Von zierlicher Gestalt, dabei lebhaft und humorvoll, ertrug sie gefasst die immer wieder aufs Neue entfachten Debatten um das politisch Anstößige ihres Mannes. Der Schriftsteller hatte die promovierte Verlagshistorikerin zwei Jahre nach dem Tod von „Perpetua“ (Gretha von Jeinsen), seiner an Krebs gestorbenen ersten Frau, geheiratet.

Der Autor und sein Stierlein kannten sich schon vor ihrer Ehe, denn nach ihrer Promotion arbeitete Liselotte Lohrer in Marbach und lektorierte Jüngers Werke für den Klett Verlag. Sie war maßgeblich an der ersten und dann auch an der zweiten Werkausgabe beteiligt und fungierte als Herausgeberin des „Schlusssteins“ der „Sämtlichen Werke“.

Die gelernte Bibliothekarin, die mit einer Geschichte des Cotta Verlages promoviert wurde, hat sich um Jüngers Werk und Person verdient gemacht: Sie führte und ordnete seine Korrespondenz, begleitete Jünger auf seinen Reisen, versorgte seine Katzen, führte ihm den Haushalt, wachte über seine Arbeitsruhe, kutschierte ihn in ihrem PKW. Seine Gäste, Staatsgäste zumal, waren auch die ihren: Resolut wachte sie über die Oberförsterei im schwäbischen Wilflingen.

Sie gab einzelne Texte heraus (zum Beispiel Jüngers Fragment „Prinzessin Tarakanow“), betreute den Vorlass und später auch den Nachlass. Großzügig förderte sie die Forschung, und auf Tagungen gab sie unermüdlich Auskunft, so sehr hatte sie sich die Perspektive ihres Mannes zu eigen gemacht. Als bei der Enthüllung von Gerold Jäggles Jünger-Denkmal am Wilflinger Weiher ein Dummer-Jungen-Streich zum Vorschein kam, war sie es, die durch ein herzliches Lachen den Bann brach.

Oft ist in den Tagebüchern von ihr die Rede, zahllose Briefe in Jüngers Namen hat sie unterzeichnet. In der Nacht vom 31. August auf den 1. September ist sie 93-jährig in Überlingen gestorben.

 

Liselotte Jünger gestorben

 
"Die frühere Leiterin des Cotta-Archivs, Liselotte Jünger, ist 93-jährig in Überlingen gestorben. Die zweite Ehefrau des Schriftstellers Ernst Jünger (1895-1998) hatte das Verlags-Archiv in den Jahren 1952 bis 1962 geleitet, das als das bedeutendste und am besten erschlossene Verlagsarchiv des 19. Jahrhundert in Deutschland gilt. Nach der Hochzeit mit Ernst Jünger verließ Liselotte Jünger das Archiv und widmete sich als Archivarin und Lektorin dem Werk ihres Mannes. Trotzdem blieb Liselotte Jünger dem Literaturarchiv in Marbach eng verbunden."
Quelle: Rheinische Post, 3.9.2010 (Print)

"Liselotte Jünger (geb. Bäuerle) ist am 31. August 2010 in Überlingen gestorben. .....Die Germanistin und Historikerin Liselotte Jünger, geboren am 20. Mai 1917, schrieb ihre Promotion an der Universität Gießen über die Komödien von Sebastian Sailer, einem Prediger und schwäbischen Mundartdichter des Barock. Von 1943 bis 1952 war sie Archivarin der J. G. Cotta’schen Buchhandlung, dann in gleicher Funktion Angestellte der »Stuttgarter Zeitung«. Nachdem die von der Stuttgarter Zeitung gestiftete »Cotta'sche Handschriftensammlung« (1952) und die Archivbibliothek (1954) dem Deutschen Literaturarchiv übergeben wurden, hat sie das Cotta-Archiv im Deutschen Literaturarchiv maßgeblich aufgebaut und betreut. Außerdem verfasste Liselotte Jünger u. a. eine Verlagsgeschichte (1959), ein Bestandsverzeichnis (1963) und gab gemeinsam mit Horst Fuhrmann den Schelling-Cotta-Briefwechsel (1965) heraus. .....[I]hr Herzensanliegen war es zuletzt, das ehemalige Wohnhaus Ernst Jüngers im oberschwäbischen Wilflingen als Erinnerungsstätte für Ernst Jünger zu erhalten: Das Ernst-Jünger-Haus wird nun im Frühjahr 2011 nach Sanierung wiedereröffnet. An der Vorbereitung der großen Ernst Jünger-Retrospektive, die das Deutsche Literaturarchiv am 7. November 2010 eröffnen wird, nahm sie bis zuletzt lebhaft Anteil."
Quelle: Literaturarchiv Marbach 039/2010

vendredi, 10 septembre 2010

Nice: hommage à Catherine Ségurane

Nice : Hommage à Catherine Ségurane

NICE (NOVOpress) – En 1543, sur les remparts de Nice, Catherine Ségurane, une lavandière, assomma de son battoir à linge un porte-étendard de l’armée turque qui assiégeait la ville et ceci redonna force et ardeur aux combattants niçois. Ainsi, Nice a résisté à ceux qui depuis soixante-dix ans faisaient trembler l’Europe. Les Turcs se replièrent mais en emmenant en esclavage les populations dont ils avaient pu s’emparer.

Pour la huitième année consécutive les jeunes niçois fier de leur identité ont défilé aux flambeaux le premier dimanche de septembre pour honorer cette héroïne nissarde.

Source des photos : Jouinessa Rebela, les jeunes Identitaires du Pays Niçois [1].

 

 

 

 

 

 


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[1] Jouinessa Rebela, les jeunes Identitaires du Pays Niçois: http://www.jouinessa.com/

vendredi, 20 août 2010

La croisade de Thomas Molnar contre le monde moderne

La croisade de Thomas Molnar contre le monde moderne

par Arnaud FERRAND-LÉGER

Ex: http://www.europemaxima.com/

molnar.jpgDans le monde clos des intellectuels catholiques, Thomas Molnar reste un penseur à part. Philosophe, universitaire, écrivain et journaliste, l’ancien exilé hongrois réfugié aux États-Unis est rentré dans sa patrie dès la chute du communisme. Depuis il enseigne la philosophie religieuse à l’Université de Budapest. Mieux, avec la victoire des jeunes-démocrates de Viktor Orban, le professeur Molnar fut le conseiller culturel du jeune Premier ministre magyar avant de retourner dans l’opposition.

 

En France, les interventions de Thomas Molnar se font maintenant rares dans la presse, y compris parmi les journaux catholiques et nationaux. Il publia longtemps dans le bimensuel Monde et Vie d’où, d’une plume acérée, il diagnostique d’un œil sévère et avisé le délabrement du monde postmoderniste. En revanche, il continue la publication de ses ouvrages. Le dernier, Moi, Symmaque et L’Âme et la Machine, composé de deux essais, porte encore un regard inquiet sur le devenir de la société industrielle occidentale. Rarement, un livre aura justement traduit la crise mentale profonde dans laquelle sont plongés les catholiques de tradition. Il faut croire que l’accélération du monde soit brusque pour que le catholique Molnar se mette à la place du sénateur romain Symmaque, dernier chef du parti païen au IVe siècle. Symmaque fut le dernier à essayer de restaurer les cultes anciens…

 

 

Tel un nouveau Symmaque, Thomas Molnar charge, sabre au clair !, contre le relativisme moral, le multiculturalisme, l’inculture d’État, la perte des valeurs traditionnelles, l’arnaque artistique… Il n’hésite pas à affronter les grandes impostures contemporaines ! Mais le docteur Molnar ouvre un corps social entièrement métastasé.

 

 

Découvrir Thomas Molnar

 

 

Cette nouvelle dénonciation – efficace – permettra-t-elle à son œuvre prodigieuse de sortir enfin du silence artificiel dans lequel la pensée dominante l’a plongée ? Jean Renaud le croit puisqu’il relève le défi. A travers cinq entretiens, précédées d’une étude fine et brillante de l’homme et de ses livres, Jean Renaud se propose de faire découvrir cet étonnant universitaire hongrois. Même si son ouvrage se destine en priorité au public francophone d’Amérique du Nord (Pour les « Américains nés dans un monde unilatéral, programmé, horizontal, indifférencié ! Un de [leurs] ultimes recours, ce sont ces quelques Européens qui, de par le monde, persistent »), le lectorat de l’Ancien Monde peut enfin connaître la pensée originale de cet authentique réactionnaire, entendu ici dans son acception bernanosienne.

 

 

Non sans une pointe d’humour, Jean Renaud présente le professeur Molnar comme « toujours prêt à attaquer et à tenir, même pour soutenir des causes impopulaires, cet ennemi de l’Europe politique, cet exilé en terre d’Amérique mérite néanmoins parfaitement le titre d’Européen. Non seulement possède-t-il les principales langues du vieux continent, il est d’abord et surtout resté fidèle à un héritage, multiple, ondoyant, traversé de lignes harmoniques, de fragiles équilibres. Cet héritage européen n’est point porté par lui comme une cape décorative ornée de nostalgies : il est vivant et doit être protégé par le verbe et par la pensée ». Ce combat qui fait frémir toute la grande conscience humaniste n’est pas « sans taches, puisque [son promoteur] est blanc, mâle et hétérosexuel, ni impertinence, car il n’en manifeste aucune honte ». D’ailleurs, insatisfait d’exposer ses opinions incongrues, il osa s’exprimer dans la presse nationale-catholique et participa à plusieurs colloques du G.R.E.C.E.; c’est dire la dangerosité du personnage !

 

 

Bien sûr, Thomas Molnar n’adhère pas à la Nouvelle Droite. Il en diverge profondément sur des points essentiels. Ce catholique de tradition reste un fervent défenseur du principe national. Il « préfère ce nationalisme que l’on dit “ étroit ” et “ identitaire ” au mondialisme homogénéisé, uniforme, forcément totalitaire. Bref [il ne veut] pas que les “ valeurs ” américaines, après celles de Moscou, soient imposées à l’humanité. […] Les petits peuples, ajoute-t-il, à l’égal des puissants, sont indissolublement attachés à leur identité nationale : langue, littérature, souvenirs historiques incrustés dans les monuments, les chansons, les proverbes et les symboles. Voilà les seuls outils propres à résister aux conquêtes et aux occupations. Pour la même raison, il est impossible d’organiser des alliances ou des fédérations de petites nations : les haines et les méfiances historiques les empêchent de se fédérer. C’est un malheur, mais que voulez-vous ? »

 

 

Contempteur des fausses évidences

 

 

Auteur d’une remarquable contribution à l’histoire de la Contre-Révolution, sa vision de la droite est impitoyable de lucidité. Après avoir montré que « le libéralisme […] est antinational par essence, morceau difficile à avaler pour ces hommes de droite qui se veulent des conservateurs à l’américaine, tels Giscard, Barre et Balladur. […] Il est significatif, continue-t-il, de constater que l’histoire de la droite est jalonnée de grandes illusions et, partant, de grandes déceptions. […] La droite n’a pas de politique, elle a une “ culture ”. La politique ne se trouve qu’à gauche depuis 1945; la droite ne fait que “ réagir ” de temps en temps avec un Pinochet au Chili, un Antall en Hongrie. C’est de courte durée. […] La droite n’a pas le choix : autoexilée de la politique, elle déplore cet exil qui promet d’être permanent, elle ferme les yeux et préfère s’illusionner ».

 

 

Persuadé de l’importance du combat métapolitique et de son enjeu culturel, Thomas Molnar note, avec une précision de chirurgien, que « l’opinion de droite, et la droite catholique en fait partie intégrante, ne s’intéresse guère aux arguments, aux raisonnements, au jeu subtil de la culture. Elle se sent, depuis 1789, lésée dans ses droits, dans sa vérité, et cherche à regagner ses positions d’antan. Elle se laisse enfermer dans un ghetto, pleine de ressentiment, et fait tout pour limiter sa propre influence, son propre poids, afin de pouvoir dire par la suite qu’elle est victime de l’histoire et de ses influences sataniques ». Ce réac suggère des orientations nouvelles qui détonnent dans un milieu sclérosé. Il propose par conséquent une rénovation radicale du discours banalement conservateur.

 

 

La partie la plus intéressante des entretiens concerne toutefois la Modernité, ses conséquences et son avenir. Respectueux d’« un réel multiforme jamais possédé, dans son intégralité, par la raison humaine », Thomas Molnar observe que « le ciel de la modernité est fermé; les certitudes d’antan ont mauvaise presse. Mettons-nous dans la peau de l’homme moderne : ses deux poteaux indicateurs sont l’utopie et la technologie, le miracle politique et le miracle matériel, idéaux éphémères qui s’écroulent à chaque instant. Fini le rêve marxiste, vive le libéralisme ! Plus de voyage dans la lune, vive l’intervention biotechnique ! Le cosmos, jadis peuplé de dieux, ressemble aujourd’hui à quelques gros cailloux qui tourne et éclatent, naissent et s’éteignent ». Voilà le triste bilan de « la philosophie moderne [… qui] est le refus des essences et l’accueil de l’existence brute, du devenir […] plutôt que de l’être. […] La perte de l’essence entraîne celle des structures, puis celle des significations. on peut dire n’importe quoi, à l’instar de la peinture moderne. Nous habitons le paradis des tartuffes et des charlatans, paradis où fleurit la dégringolade du sens ».

 

 

La crise de la Modernité

 

 

Or la désespérance nihiliste est superfétatoire. Pis elle est inutile, car si l’« on se sert, aujourd’hui, de ce mot “ désenchantement ” pour décrire la perte du sacré; n’oublions pas qu’il peut y avoir, dans un avenir proche ou lointain, une perte du profane, plus exactement une perte du noyau de notre civilisation technicienne et mécanicienne ». Il envisage alors tranquillement « l’effondrement graduel (toujours la fatigue des civilisations) de la mentalité technicienne, voire scientifique, par le reflux de la civilisation occidentale, qui a atteint, avec la domination américaine sur la planète, une espèce de nec plus ultra ». Certes, «l’idéologie industrielle, profondément subversive, la publicité, l’étalage du privé sur la place publique, la confusion des sexes, le règne de la machine et des robots bloquent, pour le moment, notre horizon », mais « les modernes ont tout perdu, souligne à son tour Jean Renaud; ils nous ont peut-être profondément offensés, mais ils sont fous. Leur univers est imaginaire. Chacun à notre place, il nous est possible de résister, de tenir quotidiennement, de refuser l’isolement d’aider le jeune et le vieux, d’accumuler ces actes modestes que nous avons désappris, ces actes par lesquels l’âme se fortifie. Le monde moderne existe de moins en moins ». Si les catholiques actuels savaient encore penser et s’ils cessaient de suivre les sirènes de la confusion moderne, le professeur Molnar serait sans conteste leur référence intellectuelle.

 

 

« Pour la liberté de l’âme face à la robotisation », tonne Thomas Molnar qui poursuit ainsi une véritable croisade spirituelle contre un monde déshumanisé et mécanisant, toujours plus négateur de la diversité naturelle. En d’autres temps et en d’autres lieux, Thomas Molnar aurait été un croisé de haute tenue, car il est dans l’âme un Croisé contre le Désordre contemporain. Ode alors à l’homme qui fut la Chrétienté…

 

 

Arnaud Ferrand-Léger

 

 

Moi, Symmaque, suivi de L’Âme et la machine, Éditions L’Âge d’Homme, 167 p.

 

Du mal moderne. Symptômes et antidotes, cinq entretiens de Thomas Molnar avec Jean Renaud, précédé de « Thomas Molnar ou la réaction de l’esprit » par Jean Renaud, Québec, Canada, Éditions de Beffroi, 1996.


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In memoriam: Thomas MOlnar (1921-2010)

In Memoriam: Thomas Molnar (1921–2010)
 
 

MolnTH.jpgThomas Molnar, the esteemed political philosopher and historian, passed away on July 20 at the age of eighty-nine. Dr. Molnar was a friend of ISI from its earliest days. He lectured frequently for the Institute and contributed many articles to the Intercollegiate Review and Modern Age. In 2003 ISI awarded him its Will Herberg Award for Outstanding Faculty Service.

Requiescat in pace.

The following profile of Dr. Molnar was originally published in American Conservatism: An Encyclopedia (ISI Books, 2006). Also, consult the First Principles archival section to read some of Dr. Molnar’s fine essays.

A political philosopher by training, Thomas Molnar was born June 26, 1921, in Budapest and studied in France just before the Second World War, by the end of which he found himself interned in Dachau for anti-German activities. His first book, Bernanos: His Political Thought and Prophecy (1960), was a pioneering study of the work of the famous French Catholic novelist, who had moved from membership in the Action Française to writing on behalf of the French resistance. Taking his cue from Bernanos, Molnar would, like the novelist, go on to become a fiercely independent and contrarian writer, as well as a critic of modern political and economic systems that attempted to deny or transform man’s nature and his place in the cosmos. As Molnar would write of Teilhard de Chardin in perhaps his most wide-ranging book, Utopia: The Perennial Heresy (1967): “[Teilhard’s] public forgets . . . that man cannot step out of the human condition and that no ‘universal mind’ is now being manufactured simply because science has permitted the building of nuclear bombs, spaceships and electronic computers.” Throughout his career, Molnar would remain the enemy of such transformative philosophical endeavors—whether they came in the form of Soviet communism or Western technological hubris. In this respect, his critique of classical and modern “Gnosticism” mirrored the work of the philosophical historian Eric Voegelin.

Revolted by the communist conquest (and 1956 suppression) of his homeland, Molnar early found himself interested in twentieth-century counterrevolutionary movements such as the Action Française and the Spanish Falangists. He examined such movements in his penetrating study The Counter-Revolution (1969), pointing to the quality they shared with their counterparts on the Left: a loathing of the rise of the commercial class and its mores. Regardless of the important constituencies such movements might find in the middle class—Engels was a factory owner’s heir, Maurras got his funding from French manufacturers—Molnar concluded that the animating sentiment of each such movement was hostility to the “bourgeois spirit.”

Molnar’s study of these secular counterrevolutionary movements revealed their limitations and their participation in the modern spirit that aims to “manage” human nature by means of state or party in accord with an ideological plan. Molnar rediscovered his childhood Catholic faith in the early 1960s, and it would ever after serve as the lodestar guiding his political, cultural, and philosophical writings. Among his most important books are Twin Powers: Politics and the Sacred (1988) and The Church: Pilgrim of Centuries (1990), which examine the struggle between church and state in medieval and early-modern history—and this battle’s continuing implications for politics and ecclesiastical governance. Molnar identifies two destructive tendencies rooted in the medieval and early-modern periods whose implications only became obvious in the twentieth century: first, Erastianism, the subjection of spiritual authority to the power of the state or the preferences of civil society; and second, Puritanism, a claim by the state to spiritual power and redemptive purpose.

Molnar was one of the earliest writers and academics to associate himself with the Intercollegiate Society of Individualists (later Intercollegiate Studies Institute), joining its lecture program and frequently publishing in the Intercollegiate Review and Modern Age. His writing also appeared in dozens of other publications and in several European languages on topics ranging from classical history and French literature to foreign policy and modern philosophy. Molnar traveled to every inhabited continent and moved increasingly in his later years toward a global, world-historical (rather than particularly Western) view of events; he retained, however, a firmly Catholic faith that rendered him skeptical of secular undertakings, including the conservative movement. A personal friend of luminaries Russell Kirk and Wilhelm Röpke, Molnar was more pessimistic than either of those thinkers about the prospects of saving the essentials of Western civilization from the advancing effects of the “ideology of technology,” which promised with more apparent plausibility than did previous systems (such as Marx’s) to make man into a different animal, if not in fact a god. Molnar was the author of more than thirty books.

Further Reading
  • Molnar, Thomas. The Decline of the Intellectual. Cleveland: World, 1961.
  • ———. The Emerging Atlantic Culture. New Brunswick, N.J.: Transaction, 1994.
  • ———. The Pagan Temptation. Grand Rapids, Mich.: Eerdmans, 1988.

vendredi, 13 août 2010

Thomas Molnar (1921-2010)

Thomas Molnar (1921-2010)
 
Ex: Nieuwsbrief Deltastichting nr. 38 - Augustus 2010
 
De Hongaars-Amerikaanse politieke filosoof Thomas Molnar werd in 1921 geboren te Boedapest als Molnár Tamás. Hij liep school in de stad Nagyvárad, op de Hongaars-Roemeense grens, die werd ingenomen door Roemeense troepen in 1919. Het jaar nadien bepaalde het Verdrag van Trianon dat de stad, herdoopt als Oradea, zou toebehoren aan Roemenië. Begin jaren ‘40 verhuisde hij naar België om er in het Frans te studeren aan de Université Libre de Bruxelles (ULB). Tijdens de oorlog werd hij er als leider van de katholieke studentenbeweging door de Duitse bezetter geïnterneerd in het KZ Dachau. Na de oorlog keerde hij terug naar Boedapest en was er getuige van de geleidelijke machtsovername door de communisten. Daarop vertrok hij naar de Verenigde Staten, waar hij in 1950 aan de Universiteit van Columbia zijn doctoraat in filosofie en geschiedenis behaalde. Hij droeg vaak bij tot National Review, het in 1955 door William F. Buckley opgerichte conservatieve tijdschrift. Hij doceerde aan verscheidene universiteiten en na de val van het communistisch regime in Hongarije ook aan de Universiteit van Boedapest en de Katholieke Péter-Pázmány-Universiteit. Sinds 1995 was hij ook lid van Hongaarse Academie der Kunsten. Hij is de auteur van meer dan 40 boeken, zowel in het Engels als Frans, en publiceerde in tal van domeinen zoals politiek, religie en opvoeding.
 
Geïnspireerd door Russell Kirks ”The Conservative Mind” ontwikkelde Molnar zich tot een belangrijk denker van het paleoconservatisme, een stroming in het Amerikaanse conservatisme die het Europese erfgoed en traditie wil bewaren en zich afzet tegen het neoconservatisme. Paul Gottfried vermeldt terecht in zijn memoires (Encounters. My Life with Nixon, Marcuse, and Other Friends and Teachers. ISI Books, 2009) dat Molnar in verschillende van zijn geschriften zijn verachting voor de Amerikaanse maatschappij en politiek niet onder stoelen of banken steekt. Zo bespot hij de “boy scout” mentaliteit van Amerikaanse leiders , hun “Disney World”-opvattingen over de toekomst van de democratie en identificeert hij protestantse sektarische driften achter het Amerikaanse democratische geloof. Het Amerikaanse materialisme is volgens hem geëvolueerd van een ondeugd naar een wereldvisie. Het is dus niet toevallig dat Molnar vandaag wordt ‘vergeten’ door mainstream conservatieven aan beide zijden van de Atlantische Oceaan.
 
Molnar trad ook veelvuldig in debat met Europees nieuw rechts. Toen Armin Mohler zijn "Nominalistische Wende" uiteenzette, bediende Molnar hem van een universalistisch antwoord. Als katholiek intellectueel publiceerde Molnar in 1986 samen met Alain de Benoist “L’éclipse du sacré” waarin zij vanuit hun gemeenschappelijke bezorgdheid voor de Europese cultuur de secularisering van het Westen bespreken. “The Pagan Temptation”, dat het jaar nadien verscheen, was Molnars weerlegging van de Benoists “Comment peut-on etre païen?” Molnars eruditie en originaliteit blijken echter onverenigbaar met elk hokjesdenken en dat uitte zich onder meer  in het feit dat hij enderzijds lid was van het comité de patronage van Nouvelle Ecole, het tijdschrift van Alain de Benoist, en anderzijds ook voor de royalisten van de Action Française schreef.
 
Thomas Molnar stierf op 20 juli jongstleden, zes dagen voordat hij 90 zou worden, te Richmond, Virginia.
 
Meer informatie bij het Intercollegiate Studies Institute, waar men tal van artikels en lezingen van Thomas Molnar kan consulteren.
 

lundi, 07 juin 2010

Hommage au Prof. B. Willms: entre Hobbes et Hegel

 

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1991

 

Hommage au Professeur Bernard Willms

 

(7.7.1931 - 27.2.1991)

Entre Hobbes et Hegel

 

par le Dr. Thor von WALDSTEIN

 

A Bochum vient de mourir le Fichte de notre époque, le Professeur Bernard Willms.

 

«C'est parce que vous mentez sur ce qui est, qu'en vous ne naît pas la soif de connaître ce qui adviendra» (Friedrich NIETZSCHE).

 

Lorsqu'une Nation dominée par des puis­san­ces étrangères n'a pas encore définiti­vement renoncé à s'auto-déterminer, elle doit impérativement travailler à une chose en priorité: reconnaître son propre état des lieux. Dans l'Allemagne vaincue d'après 1945, c'est surtout un tel bilan, clair, net, précis, qui a manqué. Privés de souverai­neté, privés de la possibilité de décider pour eux-mêmes, les Allemands ont honoré des valeurs, certes importantes, comme la «dé­mo­cratie», les «droits de l'Homme», la «paix», la «stabilité». Valeurs qui, sans ré­fé­rence à la Nation et sans souveraineté, de­meuraient de tristes coquilles linguis­tiques vides, exportées d'Outre-Atlantique et n'a­yant plus qu'une seule fonction: jeter un voi­le pudique sur l'impuissance impolitique des Allemands. Mais, comme lors de la Guerre des Paysans du XVIième siècle, lors des com­bats pour la libération du territoire en 1813-1814, lors du Vormärz de 1848, à la fin de l'ère wilhelminienne et sous Weimar, l'Al­lemagne a eu des penseurs brillants et courageux; pendant l'éclipse de Bonn aussi: des hommes qui ont su désigner les profi­teurs de notre misère nationale. Plus la dé­mission de la politique allemande s'insti­tu­tio­nalisait, plus la domination étrangère, don­née factuelle éminemment concrète, se dissimulait derrière le rideau de fumée des «valeurs occidentales», plus les régisseurs de la dogmatique politique am­biante, solide­ment installée, réagissaient avec fiel et ai­greur contre les hommes cou­rageux et civi­ques qui dégageaient la réalité de la cangue médiatique, où on l'avait enser­rée, et mon­traient clairement aux Alle­mands dans quel­le situation ils vivaient.

 

Parmi ces hommes: Bernard Willms.

 

En écrivant cette phrase, «L'homme existe po­litiquement ou n'existe pas», dans son re­marquable article intitulé «Antaios oder die Lage der Philosophie ist die Lage der Na­tion» (= Antaios ou la situation de la philoso­phie est la situation de la Nation), Willms, en 1982, réveillait brusquement la philoso­phie universitaire fonctionnarisée de son som­meil théorique et réclamait un ancrage (Ver­ortung)  de la philosophie dans le con­cept de Nation. Willms relançait ainsi dans le débat une thématique que les déten­teurs de chaires universitaires, en Alle­magne de l'Ouest, avaient enfouie pendant quarante ans sous un tas de scories dogma­tiques occi­dentales, prétextant que toute philosophie allemande après Auschwitz avait cessé d'exis­ter. Au cours du renouveau national des années 80, Bernard Willms est devenue une figure-clef de la nouvelle re­naissance allemande, un homme qui «éloigne de soi ce qui est vermoulu, lâche et tiède» (Stefan Geor­ge) et mange le «pain dur de la vérité philosophique» (Willms).

 

Celui qui étudie la biographie de ce philo­so­phe allemand constatera que son évolu­tion, qui le conduira à devenir un nouveau Fichte dans un pays divisé, n'a pas été dictée par les nécessités.

 

Né en 1931 à Mönchengladbach dans un mi­lieu catholique, Willms a étudié la philoso­phie à Cologne et à Münster, après avoir été pendant quelque temps libraire. Il rédige un mémoire à Münster en 1964, dont Joachim Ritter est le promoteur. Titre de ce travail: Die totale Freiheit. Fichtes politische Philo­sophie (= La liberté totale. Philosophie poli­tique de Fichte). Pendant la seconde moitié des années 60, lorsque l'Ecole de Francfort transformait l'Université allemande en un se­cond-mind-shop, Willms était l'assistant du célèbre sociologue conservateur Helmut Schelsky. A cette époque-là, Willms visite éga­lement, de temps en temps, les Sémi­nai­res d'Ebrach, où Ernst Forsthoff attire les esprits indépendants et les soutient. En 1970, Willms est appelé à l'Université de la Ruhr à Bochum, où il acquiert une chaire de profes­seur de sciences politiques avec comme thé­ma­tiques centrales, la théorie politique et l'histoire des idées. Marqué profondément par Hegel  —Willms s'est un jour décrit com­me «hégélien jusqu'à la moëlle»—  il avait abordé et approfondit, depuis son pas­sage chez Schelsky, la philosophie de l'An­glais Thomas Hobbes. En 1970, Willms fait paraître Die Antwort des Leviathans. Tho­mas Hobbes' politische Theorie  (= La ré­pon­se du Léviathan. La théorie politique de Tho­mas Hobbes). En 1980, il complète ses études sur Hobbes en publiant Der Weg des Levia­than. Die Hobbes-Forschung von 1968 bis 1978  (= La voie du Léviathan. Les re­cherches sur Hobbes de 1968 à 1978). En 1987, enfin, il résume ses vingt années de ré­flexions sur le vieux penseur de Malmesbury dans Das Reich des Leviathan  (= Le Règne du Lévia­than). Pendant ces deux dernières décen­nies, Willms est devenu l'un des meil­leurs connaisseurs de la pensée de Hobbes; il était devenu membre du Conseil Honoraire de la International Hobbes Association  à New York et ne cessait de prononcer sur Hobbes quantité de conférences dans les cercles aca­démiques en Allemagne et ail­leurs.

 

Tout en assurant ses positions, en devenant profond connaisseur d'une matière spéciale, Willms n'a jamais perdu le sens de la globa­lité des faits politiques: son souci majeur était de penser conjointement et la philoso­phie et la politique et de placer ce souci au centre de tous ses travaux. De nombreux livres en témoignent: Die politischen Ideen von Hobbes bis Ho Tschi Minh  (= Les idées politiques de Hobbes à Ho Chi Minh, 1971); Entspannung und friedliche Koexistenz  (= Détente et coexistence pacifique, 1974); Selbst­be­hauptung und Anerkennung  (= Au­to-affirmation et reconnaissance, 1977), Ein­führung in die Staatslehre  (= Introduc­tion à la doctrine de l'Etat, 1979) et Politische Ko­existenz  (= Coexistence politique, 1982).

 

Au cours des années 80, Bernard Willms fonde une école de pensée néo-idéaliste, en opérant un recours à la nation. Cette école désigne l'ennemi principal: le libéralisme qui discute et n'agit pas. En 1982, paraît son ouvrage principal, Die Deutsche Nation. Theorie. Lage. Zukunft  (= La nation alle­man­de. Théorie. Situation. Avenir) ainsi qu'un autre petit ouvrage important, Identi­tät und Widerstand  (= Identité et résis­tance). Entre 1986 et 1988, Willms édite en trois vo­lumes un Handbuch zur deutschen Nation  (= Manuel pour la nation allemande), trois recueils contenant les textes scientifiques de base pour amorcer un renouveau national. En 1988, avec Paul Kleinewefers, il publie Erneuerung aus der Mitte. Prag. Wien. Ber­lin. Diesseits von Ost und West  (= Renou­veau au départ du centre. Prague. Vienne. Berlin. De ce côté-ci de l'Est et de l'Ouest), ouvrage qui esquisse une nouvelle approche géopolitique du fait centre-européen (la Mit­teleuropa),  qui a prévu, en quelque sorte, les événements de 1989. Dans son dernier ar­ticle, intitulé Postmoderne und Politik  (= Postmodernité et politique, 1989), Willms re­lie ses références puisées chez Carl Schmitt et chez Arnold Gehlen à la critique française contemporaine de la modernité (Foucault, Lyotard, Derrida, Baudrillard, etc.). Sa dé­monstration suit la trajectoire suivante: la négation de la modernité doit se muer en principe cardinal des nations libres.

 

Si Bernard Willms a bien haï quelque chose dans sa vie, c'est le libéralisme, qu'il conce­vait comme l'idéologie qui fait disparaître le politique: «Le libéralisme par essence est hostile aux institutions; sur le plan politique, il n'a jamais existé qu'à l'état parasitaire. Il se déploie à l'intérieur même des ordres po­litiques que d'autres forces ont forgés. Le li­bé­ralisme est une attitude qui vit par la ma­xi­misation constante de ces exigences et qui ne veut de la liberté que ce qui est agréable». La phrase qu'a prononcée Willms avant la réunification à propos du libéra­lisme réel ouest-allemand n'a rien perdu de sa perti­nen­ce, après l'effondrement du mur. Ju­geons-en: «La République Fédérale n'a des amis qu'à une condition: qu'elle reste ce qu'elle est».

 

Ceux qui, comme Willms, s'attaquent aux «penseurs débiles du libéralisme» et stigma­tisent la «misère de notre classe politique», ne se font pas que des amis. Déjà au début des années 70, quelques énergumènes avaient accroché des banderoles sur les murs de l'Université de Bochum, avec ces mots: «Willms dehors!». Quand, pendant les années 80, les débats inter-universitaires ont tourné au vinaigre, d'autres drôles ont sur­nommé Willms «le Sanglant», démontrant, en commettant cette ahurissante et ridicule sottise, combien ils étaient libéraux, eux, les défenseurs du libéralisme, face à un homme qui, somme toute, ne faisait que sortir des sentiers battus de l'idéologie imposée par les médias et appelait les choses par leur nom. La remarque d'Arno Klönne, qui disait que Willms était le principal philosophe du néo-nationalisme, et le mot du Spiegel,  qui le dé­signait comme «le fasciste le plus intelligent d'Allemagne», sont, face à l'ineptie de ses contradicteurs les plus hystériques, de véri­tables compliments et prouvent ex negativo que ses travaux de Post-Hegelien serviront de fil d'Ariane pour une nouvelle génération d'Allemands qui pourront enfin penser l'Al­lemagne dans des catégories philoso­phiques allemandes, sans rêver aux pompes et aux œuvres d'Adolf Hitler.

 

Bernard Willms était un philosophe qui pre­nait au sérieux le mot de Cicéron, vivere est cogitare,  vivre, c'est penser. Avec sa mort, la nation perd la meilleure de ses têtes philo­sophiques des années d'avant le 9 novembre 1989, jour de la chute du Mur. Ernst Jünger nous a enseigné que la tâche de tout auteur est de fonder une patrie spirituelle. Chose rare, Bernard Willms est l'un de ceux qui ont réussi une telle œuvre d'art. Dans un in­terview, en 1985, il avait répondu: «On écrit des livres dans l'espoir qu'ils seront lus et compris par les hommes qui doivent les lire et les comprendre». Une jeune génération, formée par son école néo-idéaliste, a donc désormais la mission de témoigner de l'idéal national de Willms, d'utiliser ses livres et ses idées comme des armes pour construire, à Berlin et non plus à Bonn, une Allemagne nouvelle, au-delà des gesticulations stériles des bonzes qui la gouvernent aujourd'hui.

 

A Münster en Westphalie, ses disciples l'ont porté en terre sous les premiers rayons d'un pâle soleil de mars. Sur son cercueil, ils avaient fixé une plaque en cuivre, reprodui­sant la page de titre qui figurait sur la pre­mière édition du Léviathan, écrit par le Sage de Malmesbury. Bernard Willms avait l'ha­bitude, au cours des années 80, de pro­noncer une phrase, imitée de Caton, à la suite de chacune de ses nombreuses confé­rences: ceterum censeo Germaniam esse restituen­dam (je crois que l'Allemagne doit être resti­tuée). C'est le message et la mission qu'il nous laisse. Soyons-en digne.

 

Dr. Thor von WALDSTEIN,

14 mars 1991.

 

dimanche, 06 juin 2010

Hommage à Bernard Willms

DerStaat.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1991

Hommage à Bernard Willms

prononcé par Robert Steuckers à l'occasion du XXIVième Colloque du GRECE (Paris,

24 mars 1991)

 

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Chers amis et camarades,

 

Si notre ami Alexandre Dou­gui­ne n'a­vait pu parler à cette tri­bune, j'avais été chargé de le remplacer et de pro­noncer une conférence sur les no­tions de «na­tion» et d'«empire», telles que les con­ce­vait l'idéalisme de tradi­tion fich­téenne. Et pour parfaire cette tâche, j'a­vais très peu de temps devant moi. J'ai préparé une allocution au départ de tex­tes é­pars, que j'avais déjà écrits pour di­vers édi­teurs. Parmi ces textes, il y a un hom­mage à un ami qui, comme Pier­re Gri­pari ou Marc Augier dit «Saint-Loup», vient de mourir, le Pro­fesseur Bernard Willms de l'Université de Bo­chum. Ber­nard Willms avait été pres­sen­ti pour participer à notre dernier collo­que mais n'avait pu y venir parce qu'il pré­parait une étude sur la post-mo­der­nité et le po­litique. Cette étude est pa­rue à Berlin, dans la plus grande revue de politologie en Europe, Der Staat, dont il était le co-rédac­teur, no­tamment avec Helmut Qua­ritsch, grand spé­cialiste de Carl Schmitt et l'un des pre­miers Allemands diplômé de l'ENA. Pro­fesseur de philo­sophie po­litique,  Ber­nard Willms était, lui, l'un des plus grand spécia­liste au monde de la pensée de Thomas Hobbes et de cel­le de Fichte. Bon nombre de définitions que j'aurais dû vous administrer aujour­d'hui sont is­sues de son œuvre, encore totalement inconnue du public franco­phone. Ber­nard Willms est mort le 27 février der­nier, à l'âge de 59 ans, lais­sant derrière lui une œuvre impression­nante en quan­tité et en densité. Les thé­matiques de l'idéalisme philosophique, de la na­tion, du politique, de la notion de plan, de post-modernité poli­tique, du nomina­lis­me, du grand espace confédé­ral, ont été, chez lui, approfondies pour plu­sieurs gé­nérations. Je saisis l'occa­sion de ce col­loque pour lui rendre un pre­mier hom­mage public dans l'espace lin­guistique francophone et pour vous dire que son décès prématuré nous in­cite à pour­suivre son œuvre en en fai­sant l'exé­gèse, en l'explicitant, en la tra­dui­sant, en témoi­gnant d'elle. Merci.

 

vendredi, 04 juin 2010

G. Maschke: ex-gauchiste, schmittien, pessimiste et amoureux de la vie

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1997

Günter Maschke: ex-gauchiste, schmittien, pessimiste et amoureux de la vie

 

maschke.jpgA l'âge de six ans, Günter Maschke, natif d'Erfurt en Thuringe, s'installe dans la ville épiscopale de Trêves, en Rhénanie-Palatinat. En 1960, il adhère à la Deutsche Friedensunion  (l'Union allemande pour la paix) et, plus tard, à la KPD communiste illégale. Deux tentatives pour échapper à l'étroitesse d'esprit de cette ville provinciale. Après des études secondaires et un diplôme de courtier d'assurances, il décide de devenir écrivain. Dans le cercle qui se réunissait autour de Max Bense et de Ludwig Harig, il fait la connaissance de Gudrun Ensslin (future figure de proue de la Bande à Baader) à la Technische Hochschule de Stuttgart. Accompagné de la sœur de Gudrun, Johanna, il va s'installer à Tübingen pour y prendre en charge la rédaction du journal étudiant Notizen, de concert avec le futur terroriste Jörg Lang.

 

En 1964, Maschke met sur pied un “Groupe d'Action Subversive” à Tübingen, une organisation légendaire qui a préfiguré la fameuse SDS gauchiste, à laquelle ont appartenu Rudi Dutschke et Bernd Rabehl. Un an plus tard, Maschke reçoit son ordre de rejoindre la Bundeswehr: il refuse tant le service armé que le service civil. Il prend la fuite et commence un exil qui l'amènera d'abord à Paris puis à Zurich et finalement à Vienne, où il est collaborateur occasionnel de Volksstimme (d'obédience communiste) et du Wiener Tagebuch. Après une manifestation énergique contre la guerre du Vietnam dans la capitale autrichienne, Maschke est arrêté par la police. Il est déclaré “étranger indésirable” et il risque d'être refoulé en Allemagne où l'attend un mandat d'arrêt pour désertion. Après trois semaines de prison, l'ambassade de Cuba lui propose l'asile politique.

 

Il restera à Cuba du début de 1968 à la fin de 1969. Dans le pays de Castro, Maschke est devenu national-révolutionnaire. Les raisons de cette conversion sont sans doute multiples: les conditions déplorables dans lesquelles végétaient ses amis ou les formes spéciales du “stalinisme tropical”... Ami du poète Padilla, un adversaire du régime cubain, il est impliqué dans cette affaire, arrêté par la police de Castro et renvoyé en Allemagne. Il y passera d'abord treize mois dans les prisons de Munich et de Landsberg.

 

C'est là qu'il passera définitivement à “droite”. Mais le camp de la droite a hérité là d'un allié très critique, trop critique aux yeux de bon nombre de conservateurs bon teint. Ses premières avances sont brusquement repoussées. Beaucoup de droitiers et de conservateurs rejettent aveuglément les idées de gauche, un aveuglement que Maschke n'a jamais compris. Avec la gauche radicale, il s'est révolté contre l'américanisme, contre le parlementarisme et a milité en faveur d'une réforme du droit de la propriété. Mais, par ailleurs, il a toujours plaidé, contre une gauche qui ne cesse plus de s'éloigner du marxisme, pour un Etat fort, modérément autoritaire.

 

Dans sa vie privée aujourd'hui, Maschke traduit et édite les textes de l'Espagnol Juan Donoso Cortés et de Carl Schmitt. Sur le plan scientifique, il travaille dur, il est exigeant et méticuleux, mais quand il reçoit ses amis, il est un hôte jovial et généreux, qui aime les bons plats et les bons vins, qui dissimule son pessimisme notoire derrière des blagues hautes en couleurs, derrière un charme exquis, avec une souveraineté bien consciente d'elle-même.

 

Werner OLLES.

(article paru dans Junge Freiheit, n°26/97).

jeudi, 25 mars 2010

En hommage à Hubert de Sy (1921-2010)

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En hommage à Hubert de Sy (1921-2010)

 

 

Nous avons appris avec tristesse le décès, en date du 3 mars 2010, dans sa quatre-vingt-neuvième année, d’Hubert de Sy, personnage extraordinaire dans la mesure où il incarnait encore un style soigné, une belle diction néerlandaise sans lourdeurs ni emphases pimentée d’understatements à la britannique, où transparaissaient humour et lucidité. Toujours tiré aux quatre épingles comme un digne représentant de la gentry, il donnait rendez-vous dans un bel établissement du centre de Bruxelles, de préférence dans les Galeries Royales Saint-Hubert, pour s’adonner, avec ses commensaux, à l’art de la conversation, dont il tirait la substance des réflexions qu’il couchait ensuite sur le papier.

 

Du Congo au « Vlaams Economisch Verbond »

 

Ce natif d’Ostende, au nom évoquant un village du cœur des Ardennes wallonnes, avait décidé de s’installer à Roosdaal dans le Pajottenland brabançon. De formation, Hubert de Sy était professeur du secondaire inférieur pour les langues néerlandaise et française et pour l’histoire. En 1946, il s’embarque pour le Congo belge : il va y accomplir des tâches administratives au Kivu et devenir ensuite attaché auprès du gouverneur de cette province congolaise du temps des colonies. Dans le cadre de cette fonction, il suivra un cours d’islamologie à l’Université Libre de Bruxelles, sous la houlette du Professeur Armand Abel. Le Kivu, province congolaise qui jouxte les petits pays de la zone de turbulences des Grands Lacs et qui subit aujourd’hui les affres d’une guerre qui n’en finit pas, était à l’époque déjà sous l’influence de prosélytes musulmans issus du Tanganyika (devenue « Tanzanie » après la fusion du Tanganyika, l’ex-Afrique orientale allemande, et de Zanzibar). L’administration coloniale belge voulait aborder le problème d’un éventuel télescopage entre islam, d’une part, animisme autochtone et catholicisme des pères blancs, d’autre part. Revenu des colonies africaines, Hubert de Sy entame une riche vie professionnelle dans les secteurs privés et publics et termine sa carrière au « Vlaams Economisch Verbond » en 1984.

 

Retraité, il décide de s’adonner à l’écriture, une écriture politique qui prend pour objet principal, sinon exclusif, la question flamande dans le cadre de l’Etat belge. Pour Hubert de Sy, qui se découvre flamand et même flamingant de raison à la fin de sa vie, cette Flandre rebelle se borne à protester, mais sans aucun résultat tangible. Quand ses représentants se retrouvent à la table des négociations, ils capitulent généralement sur toute la ligne ou se contentent de vagues compromis périphériques. Hubert de Sy va axer ses réflexions sur la question flamande au départ de la thèse de Lode Claes, énoncée au commencement des années 80, immédiatement après le début du processus de dissolution de la Volksunie et l’émergence timide (à l’époque) du Vlaams Blok, promettant plus de radicalité dans les revendications flamandes. Lode Claes, retiré de la politique car il ne souhaitait ni les capitulations ni les dérives gauchistes de la Volksunie ni les positions plus musclées du Vlaams Blok, avait parlé des Flamands comme d’une « majorité absente », c’est-à-dire d’une majorité numérique incapable de faire valoir ses desiderata dans le jeu démocratique et parlementaire. Le débat était ouvert et n’est pas encore clos : quels sont les facteurs qui font que cette majorité numérique demeure une minorité politique ? C’est la question que se posent les esprits indépendants de la veine d’un Hubert de Sy.

 

Faiblesses du mouvement flamand

 

L’ouvrage de notre auteur, Het belgicistisch regime en de Vlaamse maar versnipperde Beweging (*), entend répondre à cette question cruciale que les événements politiques, qui ont suivi les élections législatives de 2007, ont rendu plus pertinente que jamais. Hubert de Sy voulait choquer, voulait une thérapie de l’électrochoc et ses thèses se succèdent au fil des pages, prenant bon nombre de certitudes et de postures politiciennes à rebrousse-poil : la communauté flamande ne s’est nullement émancipée en dépit de ses affirmations bruyantes et de ses rodomontades médiatisées ; elle ne possède pas d’autonomie administrative réelle en dépit de son parlement installé à Bruxelles ; le mouvement flamand présente plus de faiblesses que de forces, des faiblesses qui viennent, d’une part, d’un discours tonitruant dans les meetings, les éditoriaux ou les manifestes, où l’on répète trop souvent des idées toutes faites détachées de toute analyse factuelle et, d’autre part, des nomenklatura politiques qui s’empressent d’oublier la radicalité de leurs propos pour participer à l’assiette au beurre, bricoler des montages boiteux et accepter n’importe quels compromis ; les discours de ce mouvement flamand, en théorie populaire et démocratique, ne dénoncent que fort rarement l’établissement financier belge, premier responsable du lent pourrissement du pays, toutes communautés confondues.

 

Ce pourrissement total est apparu aux yeux de l’univers entier avec les grandes crises des années 90 (Dutroux, dioxine) qui n’ont provoqué aucune réaction salutaire de la part de l’établissement qui, au contraire, s’est enfoncé toujours plus profondément dans ses turpitudes, au point de transformer l’Etat en un « champs de ruines éthiques », dixit Hubert de Sy. Les assassinats que l’on commet en pleine rue à Bruxelles, les agressions systématiques que subissent ses habitants, le développement de zones de non-droit dans certains vieux quartiers de la capitale sont décrits par les édiles socialistes corrompues et crapuleuses (au sens strictement étymologique terme) comme des « faits divers », alors qu’ils reflètent bien l’absence des pouvoirs publics dans les tâches qui lui seraient dévolues au sein de tout Etat normal. A cela s’ajoutent la déliquescence des systèmes scolaires (où la Flandre est encore épargnée mais plus pour longtemps), le chômage à grande échelle et le détricotage sournois de tous les acquis sociaux qui avaient fait, pendant deux brèves décennies, l’excellence du « modèle belge ». Les délocalisations néo-libérales, auxquelles les pouvoirs publics n’ont pu s’opposer (Renault/Vilvorde, Volkswagen, Opel, Carrefour, etc.) et la crise bancaire de l’automne 2008 (dont les ravages sont loin d’être terminés) parachèvent le pourrissement que nous évoquions.

 

La majorité minorisée et… diabolisée

 

Revenons à la « majorité minorisée » des Flamands et, par suite, on peut l’ajouter, de toutes les communautés véritablement populaires du royaume, de tout le peuple qui travaille et qui peine pour payer les effets des gabegies politiciennes. Les mésaventures du démocrate chrétien Yves Leterme et du néo-nationaliste post-volksuniste Bart de Wever, qui étaient parvenus à former une majorité flamande en région flamande, se sont retrouvés dans le collimateur d’une propagande dénigrante à souhait et ont été posés comme des para-nazis infréquentables dans toute la presse internationale, celle de Paris en tête. La majorité s’est bien retrouvée minorisée et diabolisée, confirmant les thèses de Claes et de de Sy.

 

Les discours pré-électoraux, promettant une plus large autonomie, ont été vidés de leur contenu pour obtenir des places dans le gouvernement fédéral. De lion rugissant, le cartel démocrate chrétien et post-volksuniste s’est transformé bien rapidement en caniche édenté, prouvant par là même que la teneur de ses discours émancipateurs participait d’une mauvaise analyse de la situation : il aurait fallu avertir l’électeur des dangers qui guettaient toute politique émancipatrice et le préparer à une résistance plus solide, comme celles que livrent aujourd’hui les peuples islandais et grec. Quant à la crise financière internationale de l’automne 2008, qui a suivi immédiatement la crise politique belge de 2007, elle montre que les secteurs bancaires, dépositaires des avoirs populaires, sont totalement indépendants des pouvoirs publics. Les banksters ne respectent ni l’Etat ni les institutions de ce dernier ni leurs propres actionnaires ni la population dont ils encaissent les avoirs. Les banques belges, où la majorité minorisée a thésaurisé ses avoirs et placé ses épargnes, ont été vendues à des groupes bancaires français, exactement comme le secteur énergétique : ils vont désormais pomper l’argent d’un peuple travailleur pour financer les gabegies de l’Hexagone, permettre à celui-ci de financer son fonctionnariat surnuméraire, son armée et sa bombinette et de se payer une bonne tranche de démagogie en diminuant les frais d’énergie pour tous les ménages hexagonaux ; les Flamands, les Wallons, les Germanophones et les immigrés maroxellois, turco-schaerbeekois ou Congolais de Matongé, qu’ils soient chômeurs ou bien nantis, paieront, chaque jour qui passe, pour chaque ampoule allumée le soir, pour chaque frigo en état de fonctionnement, pour chaque rasage électrique le matin. Pour maintenir à flot le sarkozisme, ses pompes et ses œuvres, pour entretenir les gaspillages et les inconséquences voulues par les gauches françaises, de Ségolène Royale à Daniel Cohn-Bendit.

 

Arbitraire d’en haut et arbitraire d’en bas

 

La ponction qui s’exercera ainsi sur les Flamands, mais aussi sur les Wallons et les Allemands d’Eupen et de Saint-Vith, est une ponction démesurée que ni les Algériens ni les Malgaches n’ont subie aux temps des colonies. Mais les Algériens et les Malgaches se sont battus : les ressortissants des anciens Pays-Bas Royaux n’ont pas ce courage, alors que deux ou trois démonstrations de force, une ou deux manifestations de grande envergure contre Electrabel et/ou BNP-Paribas feraient capituler sans gloire aigrefins et escrocs de cet immonde secteur bancaire, véritable lèpre des sociétés contemporaines. Cette passivité face aux menées inacceptables des secteurs énergétique et bancaire vient de la capitulation des gauches flamandes, minoritaires mais bien présentes dans l’arène politique parce qu’elles collaborent sans vergogne avec l’établissement, contre le peuple, contre les travailleurs qu’elles affirment défendre. Si la gauche avait une éthique naturelle, et donc nationale car la nation est un facteur naturel, elle se battrait à l’unisson avec toutes les autres forces émancipatrices du pays : sa trahison livre la population à l’arbitraire, à l’arbitraire d’en haut, celui de l’établissement et des banksters, et à l’arbitraire d’en bas, celui des petites frappes qui écument les rues, pillent, rançonnent et recyclent l’argent de leur came dans les réseaux des… banksters. Voilà pourquoi elles apparaissent bien plus sympathiques à l’établissement que le boulanger de Lessines ou de Maaseik, que le chef de petite entreprise de Bütgenbach ou de Furnes : ils apportent bien moins de flouze noir dans les circuits financiers, ils ne sont que des minables face aux caïds du shit, ils ne méritent guère de lignes de crédit. Voilà pourquoi leurs dérapages sont des « faits divers », selon certains socialistes, parce que le fait essentiel est évidemment cet apport non négligeable que constituent les recettes de la vente du cannabis… Les édiles communales, la magistrature dévoyée, les banksters ne vont pas tirer sur d’aussi lucratifs pourvoyeurs de fonds. Voilà pourquoi on ignore délibérément les analyses posées par l’UNESCO, l’OMS, les Observatoires des Drogues de l’UE ou d’autres instances internationales sur les divers trafics de drogues ou sur la formation de réseaux mafieux dans les diasporas du globe. Voilà pourquoi on n’emprisonne pas les dealers, forcément mineurs. Voilà pourquoi on libère à qui mieux mieux les délinquants qu’on jette parfois en ergastule pour un bref laps de temps. Car il faut qu’ils continuent leur petit jeu, si profitable à une brochette de messieurs sentencieux, en col, cravate et costume trois pièces, qui vont aller vendre nos avoirs à leurs homologues parisiens. Si un bijoutier d’Uccle se fait braquer et si une mère de famille se fait tirer une balle dans la tête par un agent de la société des transports publics de la Région bruxelloise, recyclé en braqueur par un beau jour de congé, eh bien, c’est pour sûr un « fait divers » : on ne va tout de même pas incriminer outre mesure un travailleur, actif dans le plus gros fromage socialiste de la capitale du royaume, qui engage, à la sortie des prisons  —apprend-on depuis le drame d’Uccle—  un personnel supplétif inutile, au nom de l’intégration, alors que cet organisme compte déjà plus d’employés que la RATP parisienne qui, elle, œuvre sur une aire géographique et sur un charroi bien plus impressionnants. Et pour parachever l’horreur : quelques jours à peine après l’abominable crime d’Uccle, un autre employé de la même société et du même service que le pistolero de l’Avenue Brugmann était impliqué dans une lourde affaire de braquage… Encore un « fait divers »…

 

Pour un retour aux meilleures théories politiques

 

Cette dérive sur l’actualité la plus récente permet d’expliquer l’une des dernières thèses émises par Hubert de Sy, dans son ouvrage, rédigé en français pour qu’il ait un impact en dehors des circuits politiques flamands, L’Etat belge en crise existentielle. Hubert de Sy y évoque la « débâcle éthique » de l’Etat, en puisant ses exemples dans la corruption politique et le népotisme qui en est son plus flagrant corollaire et qui sévit en Wallonie, sans pour autant épargner la Flandre, reconnaît notre auteur. Mais la « débâcle éthique » en Belgique est bien plus profonde que celle qu’attestent de simples faits de corruption et de népotisme. Sur base des travaux de Claes et de de Sy, un chantier infini peut s’ouvrir, non seulement pour le mouvement populaire flamand, pour ceux qui entendent à gauche sortir de l’ornière d’un socialisme flamand établi, pour ceux qui entendent réhabiliter un solidarisme bien structuré face aux dérives du néo-libéralisme mais aussi pour tous ceux qui veulent une démocratie exemplaire et bien huilée en ce pays, pour les Wallons et autres francophones qui veulent un changement. Et qui seront plus nombreux sans doute à lire cet hommage en français à Hubert de Sy, le gentleman policé, et un peu isolé faut-il l’ajouter, du mouvement flamand, qui publiait à compte d’auteur, cherchant ainsi à consolider son indépendance personnelle, à laquelle il tenait beaucoup, signe de son excellence, signe d’une attitude noble qui disparaît de nos horizons sous les coups de la vulgarité contemporaine. Les Wallons liront d’ailleurs les thèses de Claes et de Sy en parallèle avec le seul sénateur qui soit capable de désigner les tares du royaume dans l’espace francophone et wallon du pays : je veux nommer Alain Destexhe et ses compagnons en écriture, Alain Eraly et Eric Gillet (cf. Démocratie ou particratie ? 120 propositions pour refonder le système belge, éd. Labor, Bruxelles, 2003). Destexhe s’inscrit dans la tradition de Paul Hymans, homme politique libéral des années 90 du 19ème et de la première décennie du 20ème siècle.  Paul Hymans avait voulu œuvrer dans le sillage de la critique italienne de la partitocratie émergente, portée par son homologue Minghetti, lui-même influencé par la théorie de la circulation des élites formulée par Gaetano Mosca, maître à penser de Vilfredo Pareto. Plus tard, Roberto Michels et Max Weber, Charles Benoist et Moshe Ostrogovski parachèveront la théorie critique des oligarchies et des dérives des partitocraties. Nous voilà ramenés dans l’espace élevé, où l’air est vif, des meilleures théories politiques.

 

Courage politique ?

 

Nous avons donc en main toutes les théories critiques pour fustiger et éliminer les fauteurs de pourrissement et de « débâcle éthique ». Nous avons aussi pour nous les analyses factuelles de bon nombre d’instances internationales (ONU, UNESCO, OMS). Nous avons les exemples des peuples grec et islandais. Il manque évidemment l’ingrédient essentiel : le courage politique. Dans ses rodomontades pré-électorales de 2007, où il affirmait qu’on allait voir ce que l’on allait voir, Leterme avait prononcé ces paroles fortes : « Vijf minuten politieke moed », « Cinq minutes de courage politique ». Sa résistance a en effet duré cinq minutes. Pas beaucoup plus. Il faut former des hommes et des femmes qui n’ont pas pour caractéristique première l’agaçante intempérance d’aller plastronner sur les strapontins d’un parlement, quel qu’il soit, mais qui possèdent l’endurance, la volonté d’œuvrer sur le long terme pour opérer une révolution métapolitique qui, en bout de course, dressera partout les garde-fous nécessaires pour qu’un régime de capitulation, de mépris de la population, de corruption, de débâcle éthique, de crime, de laxisme, de dysfonctionnements, de favoritisme anti-démocratique ne soit plus possible. Et laissons à Hubert de Sy le soin de conclure en citant un sociologue espagnol, Manuel Vazquez Montalban : « Coller un nom sur ce qui porte préjudice à nos intérêts, nous aide à résister ».

 

(21 mars 2010, jour de l’équinoxe de printemps).

 

Note :

(°) ISBN 90-5466-362-6 – Diffusion « Roularta ».

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jeudi, 26 novembre 2009

Hommage à Maurice Bardèche

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

bardeche.jpgHommage à Maurice Bardèche

 

Maurice Bardèche est décédé à 91 ans. Il était l’un des derniers survivants de cette génération de Français qu’on peut qualifier, sans hésitation, de formidables. Mais qui connaît encore son nom aujourd’hui. Qui connaît encore son œuvre?

 

A une époque tranquille, ce professeur, cet historien de la littérature au regard acéré, cet anatomiste subtil et cet homme de synthèses percutantes avait jeté son regard personnel sur chacun des sujets qu’il abordait; sans nul doute et sans difficulté, il a gravi tous les échelons et est devenu un intellectuel de premier rang dans son pays, la France. On peut dire que l’Académie Française se serait levée pour lui, pour l’accueillir en son sein et que des décorations comme la Légion d’Honneur lui auraient été attribuées... Si...

 

Car l’œuvre de Bardèche témoigne de son excellence: les livres de référence qu’il a écrits, sur Proust, Bloy, Balzac, Flaubert et Céline, sont encore reconnus aujourd’hui comme tels. De même, son Histoire du Cinéma, rédigée en collaboration avec Robert Brasillach, est reconnue au niveau international. Ce livre a été édité et réédité, y compris dans une série de poche. On n’oubliera pas non plus son Histoire des femmes. Et, à une époque plus troublée, il a aussi écrit, toujours avec Brasillach, un classique, son Histoire de la Guerre d’Espagne, chronique de la guerre civile espagnole qui a immédiatement précédé la seconde guerre mondiale.

 

Ce fut une époque cruciale dans sa longue vie, un moment d’histoire agité. Les horreurs de la seconde guerre mondiale (que Bardèche n’a jamais niées ou ignorées, contrairement à ce que d’aucuns osent affirmer) ont été suivies par les horreurs de l’après-guerre. Maurice Bardèche, apolitique, a été privé du droit d’exercer sa profession, il a été arrêté, simplement parce qu’il était le beau-frère de Robert Brasillach, son meilleur ami. L’exécution de Brasillach  —un assassinat judiciaire—  a profondément blessé Bardèche, une blessure si intense qu’elle l’a marquée pour le reste de ses jours.

 

Bardèche devient éditeur. Il fonde les éditions «Les Sept Couleurs». Pendant de longues années, il publie le mensuel Défense de l’Occident. Et il écrit des livres politiques (ce qui lui vaudra des poursuites).

 

Quarante ou cinquante ans ont passé depuis la rédaction de ces ouvrages. Qu’en reste-t-il? Indubitablement, certains passages ont été dépassés par les événements, que personne ne pouvait prévoir. Mais on ne pourra pas mettre en doute son souci de maintenir une Europe européenne, de conserver l’identité de ses peuples, de ne pas livrer ceux-ci aux affres d’une américanisation calamiteuse. Surtout, une chose demeure, et c’est son option personnelle: «Etre le dernier tirailleur défendant la liberté et la douceur de vivre».

 

C’est un polémiste virulent qui écrit Nuremberg ou la Terre promise  dans l’immédiat après-guerre (son avocat et ami Jacques Isorni a tenté en vain de le dissuader de publier ce brûlot mais Bardèche était trop profondément touché par la mort de Brasillach pour entendre ce bon conseil). Quelques années plus tard sort Suzanne et le taudis, préfiguration, non, illustration, de cette chère “douceur de vivre”, même dans les circonstances les plus difficiles et les plus dures de la vie. Ce livre est un chef-d’œuvre dans le sens où il est un hommage à la douceur, à l’humour, au sourire qui dit aussi: on ne tuera pas cette belle petite plante.

 

Mais Bardèche est conscient qu’elle est en danger de mort, cette petite plante. Et quand au printemps de 1998, on m’offre un liber amicorum, cette conscience est très nette, car Bardèche écrit à mon intention: «Le drame de notre temps est celui de la dépossession. Nous ne sommes plus maîtres de nos vies, mais pas davantage de nos pensées, de nos goûts, de notre sensibilité —enfin de notre âme. Par la désinformation, la publicité, le mensonge, par la démission des éducateurs et la démission des consciences».

 

En dépit de toutes les différences qui peuvent séparer un Flamand d’un Français, un Européen d’un autre Européen, un homme de droite d’un autre homme de droite, son témoignage m’a donné une fierté modeste, une fierté humble: «Avons-nous été, cher Karel Dillen, les derniers défenseurs de l’arbre de vie contre son triste dépérissement? En défendant votre terre flamande et les hommes de votre race, c’est toutes les autres plantes humaines de toutes les autres races que vous défendez aussi... De même quiconque défend son peuple défend tous les autres peuples, tous les autres hommes. Car la liberté et la vie qu’il demande pour les siens, il les demande en même temps pour les autres par les idées qu’il répand. Par là, votre combat n’est pas seulement pour la Flandre, il est pour tous les peuples de l’Europe, et même au-delà des frontières de l’Europe pour tous les peuples qui ne veulent pas de la prison idéologique».

 

Ensuite vient une phrase qui équivaut à un ordre, puisque Bardèche n’est plus parmi nous: «Et cette aspiration à la vie, elle ne disparaîtra pas avec nous, mais elle nous survivra et même elle sera ressentie un jour comme un combat vital et vos enfants, nos enfants, la reprendront».

 

Vaarwel, Bardèche, Bonne route!

Que lit-on encore de ton œuvre, qu’en lira-t-on demain? Je ne sais pas.

 

Mais ce que je sais, c’est que demeure l’exemple, durable, ineffaçable, indéracinable, comme nous le révèle cette parole de Nietzsche:

«Was er lehrte, ist abgetan;

Was er lebte, wird bleiben stehn:

Seht ihn nur an —

Niemanden war er untertan!».

(Ce qu’il a enseigné a subi l’usure du temps;

Ce qu’il a vécu demeurera debout:

Regardez-le —

De personne jamais il n’a été le valet!).

 

Voilà, Bardèche, ce qu’il reste de l’exemple que nous a donné. Pendant toute ta vie!

 

Karel DILLEN.

(Hommage paru dans Vlaams Blok Magazine, n°9/98).

lundi, 02 novembre 2009

Ernst Jünger est mort: entretien avec Heimo Schwilk

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

 

 

Ernst Jünger est mort

 

Entretien avec Heimo Schwilk

 

Heimo Schwilk, né en 1952 à Stuttgart, a étudié la philosophie, la philologie germanique et l'histoire à Tübingen. De 1986 à 1991, il a été rédacteur au Rheinischer Merkur. Depuis 1991, Schwilk dirige la rédaction de la rubrique “Berlin und neue Bundesländer” du Welt am Sonntag. Pour ses reportages sur la Guerre du Golfe, il a reçu le célèbre prix “Theodor Wolff” en 1991. En 1988, il a édité chez Klett-Cotta un remarquable album de photographies sur la vie d'Ernst Jünger.

 

Q.: Quel vide laissera derrière lui l'écrivain Ernst Jünger qui vient de mourir ce mardi 17 février 1998?

 

HS: Tout d'abord, ils vont enfin pousser un soupir de soulagement, tous ceux qui ont voulu contester à Jünger la modeste place qu'il occupait encore dans cette société désarticulée qu'est la RFA. Lui, Jünger, l'homme que l'on ne pouvait pas utiliser, l'homme qui s'était volontairement soustrait au “discours” dominant, l'homme qui se désintéressait de la politique, est définitivement parti, se lançant dans sa dernière grande aventure, celle de la mort. Jünger nous a enseigné que la vie était mystère, que l'homme était un être merveilleux dans un monde merveilleux. Ce fondement romantique de la pensée de Jünger a en quelque sorte ouvert une faille dans le mur, faille qui le séparait, dès son vivant, de tous ceux qui travaillaient, opiniâtres, à la profanation et à la banalisation de notre existence. Jünger ne nous laisse aucun vide, mais un océan d'instants accomplis, qui sont devenus poésie dans un monde qui n'est plus que bavard-communicatif.

 

Q.: Bon nombre d'individus pressaient encore Ernst Jünger dans ses dernières années à prendre la parole en tant qu'“écrivain politique”. Il a toujours refusé. Mais entre les lignes, dans des remarques en marges, ne s'est-il pas mêlé subtilement au tumulte du monde, à sa manière?

 

HS: Ernst Jünger, immédiatement après l'accession au pouvoir des nationaux-socialistes a exprimé dans de nombreuses lettres jusqu'ici impubliées son sentiment: les discours sur la politique qui sont teintés d'opinions et de convictions équivalent à une auto-mutilation pour l'homme amoureux de la musique. Jünger avait derrière lui cinq années d'immixtion polémique dans des revues ou des ouvrages collectifs. Après 1945, il s'en est tenu à son verdict sur la politique. Les défenseurs de la littérature engagée se sont dressés contre lui et Benn disait de ses tristes sires, avec mépris: “ils rampent comme des chiens devant les concepts de la politique”. De fait, Jünger n'avait que bien peu de choses à apporter à ce discours qui se disait “démocratique”. En revanche, il avait énormément de choses à dire sur ce que Heidegger nommait les “existentiaux”: la temporalité, la déréliction (Geworfenheit), la mort. Il estimait que pontifier de la philosophie à côté des urnes électorales n'était pas une activité fort productive.

 

Q.: Pourquoi Ernst Jünger est-il tant apprécié de nos voisins, en particulier les Français, alors que chez nous, en Allemagne, il est demeuré un écrivain “contesté”?

 

HS: Etre contesté n'est en soi nullement répréhensible, pour autant que l'affrontement ait vraiment lieu et qu'on ne perpétue pas à l'infini, comme en Allemagne, une procédure de tribunal d'épuration. Les Français apprécient en premier lieu, chez Jünger, le fait qu'il a tant aimé leur pays  —et cela c'est sympathique—  qu'il le connaît parfaitement et qu'il le regarde dans ce qu'il a de spécifique. Ils paient tribut à sa moralité, celle avec laquelle il a mené à bien sa mission fort délicate d'officier des troupes d'occupation et d'écrivain en poste à Paris entre 1940 et 1944, sans jamais nuire à son intégrité. Ils aiment la clarté de sa langue, la force qu'elle met à nous éclairer. Ils considèrent que cette langue de Jünger exprime ce que vivent les sens, tout en restant typiquement allemande. François Mitterand remarquait, dans sa laudatio  pour le centième anniversaire de l'écrivain, que Jünger était resté un “homme libre”. Cela voulait dire qu'il cultivait une pensée détachée de tout poncif, une pensée pour laquelle les applaudissements des masses n'avaient aucune signification.

 

Q.: Ernst Jünger a-t-il suivi l'actualité politique jusqu'à son dernier jour?

 

HS: Ernst Jünger lisait régulièrement la presse, y compris Junge Freiheit, mais il passait rapidement sur les rubriques politiques, comme il me l'a dit plusieurs fois. Il était bien au courant de la marche du monde et plus d'une remarque moqueuse dans ses journaux atteste qu'il observait avec attention le déclin de la politique politicienne à Bonn, surtout celle des “ grands partis populaires” dont les différences ne sont qu'apparences. Mais il s'intéressait surtout aux processus généraux d'uniformisation, que toute observation fine de notre époque révèle et que son Travailleur  a exposé. Ensuite, il attendait du XXIième siècle l'avènement d'une nouvelle spiritualité, dont les prémisses sont justement les processus de déblaiement que décrivent ses essais et journaux.

 

Q.: Quelle est la signification de l'œuvre d'Ernst Jünger pour l'avenir?

 

HS: Elle réside dans sa foi en l'Etre, dans sa “nouvelle théologie”, qui refuse de laisser le dernier mot à la destructivité et à la petitesse de l'homme moderne.

 

Q.: L'une des figures les plus importantes dans la pensée de Jünger est l'anarque. Que devons-nous en penser aujourd'hui?

 

HS: L'anarque est, au contraire de l'anarchiste, ne cultive pas d'idées politiques, n'est pas une personnalité qui cherche le changement radical. Le politique est pour lui une chose extérieure, une dérivation, un phénomène secondaire. L'anarque  —comme l'homme qui recourt aux forêts—  demeure souverain et dispose librement de soi. Il joue son propre rôle dans la société. Service et liberté ne sont pas des contraires chez lui; le sacrifice, mais aussi le suicide, appartiennent à son capital. Dans Le recours aux forêts,  Jünger a décrit cette attitude: «Celui qui recourt aux forêts possède un rapport originel avec la liberté, qui, vu sur le plan temporel, s'exprime par une résistance à tous les automatismes, ce qui implique qu'il n'ait pas à tirer la conséquence que dicte généralement l'éthique, c'est-à-dire adopter le fatalisme». L'anarque n'est pas un missionnaire, armé de ses connaissances, il vit comme l'unique et sa spécificité (Der Einzige und sein Eigentum), c'est-à-dire avec l'ensemble de ses expériences, mais il brille devant tous les autres, à titre d'exemple. Peut-on dire quelque chose de plus pertinent sur la personne d'Ernst Jünger?

(entretien paru dans  Junge Freiheit,  n°9/1998; propos recueillis par Dieter Stein).

samedi, 24 octobre 2009

Hommage à Ernst Jünger par Herbert Ammon, représentant de la gauche allemande

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Hommage à Ernst Jünger par Herbert Ammon, représentant de la gauche allemande

 

Certes, jamais je ne pourrai entièrement effacer mes réserves à l'égard de l'écrivain politique Ernst Jünger, exposant du “nouveau nationalisme” dans les années 20. Face à l'admiration a-critique, une question non historique: l'histoire allemande en ce siècle aurait-elle été moins terrible sans cette “mobilisation totale” contre le système de Versailles, inspirée par Nietzsche et Machiavel, le nihilisme et le réalisme héroïque? Avec la distance que nous a apportée le temps, le pathos de ces écrits militants nous semble étrange, en lisant les Orages d'acier,  j'ai toujours distingué soigneusement entre l'esthétique de l'ouvrage et l'esthétique de la guerre. Ai-je ainsi fait des concessions à l'esprit gauchiste-libéral de la RFA élargie?

 

Intimidé par l'esprit “jüngerophobe” des feuilletons du Zeit de Hamburg, qui m'a accompagné pendant toutes mes années de lycée, j'appartiens  —contrairement à cette génération de l'après-guerre qui a été l'avant-garde de la révolte juvénile de 68 et qui a donné à l'insurrection étudiante quelques traits typiquement allemands—  à cette génération qui n'a lu l'œuvre du dernier des grands écrivains allemands de ce siècle que fort tard, qui ne l'a découvert qu'après de très longs détours. Certes, j'aurais pu me rapprocher de lui beaucoup plus tôt, car, pendant mes études, je suis tombé sur une anthologie des écrivains de la Beat Generation américaine, sur Howl d'Allen Ginsburg, sur Coney Island of the Mind  de Ferlinghetti. L'éditeur de ces textes était Karl Otto Paetel, émigré aux Etats-Unis, protagonistes de cet espace d'entre-deux, homme de gauche de la droite allemande, dont l'esprit de résistance au nazisme découlait de son engagement précédent dans la jeunesse “bündisch” et de l'esprit qu'avait répandu Ernst Jünger. Paetel avait souligné la parenté entre la geste protestataire de la Beat Generation et les sentiments de Jünger, au temps il s'était inscrit dans le mouvement de jeunesse. Je n'ai lu Jeux africains  qu'à l'âge adulte, quand il est trop tard pour cultiver et s'enthousiasmer de cette façon juvénile pour l'aventure.

 

A partir des écrits du jeune nationaliste Ernst Jünger, j'ai trouvé des références à Ernst Niekisch, après qu'un ignorant méchant et mal intentionné ait tenté de me dénigrer en me collant l'étiquette de “national-bolchevique”. En lisant Widerstand,  la revue de Niekisch, on apprend combien complexes, contradictoires et marginales étaient les voies de la résistance allemande. Pourtant les faits sont là: la “Rose Blanche” avait à voir avec le mouvement “d.j.1.11” d'Eberhard Köbel (dit “tusk”) et donc aussi avec Ernst Jünger; mais cette évidence historique est délibérément ignorée par le catalogue des bonnes vertus que veut nous faire avaler l'établissement bundesrepublikanisch.

 

Tard, fort tard, j'ai lu, pendant une lumineuse journée d'été, les Falaises de marbre. Quand on prend acte de l'œuvre de Jünger, on est généralement saisi par le doute, on découvre le geste de l'anarque, l'esthétique pure de la désinvolture, les jeux idéologiques du jeune Jünger. Mais ce glissement est démenti par une bonne lecture des Falaises de marbre. Il n'y a aucun doute, Ernst Jünger appartient au cercle des plus grands écrivains de ce XXième siècle. Nous, qui sommes nés après lui, après les guerres, jetterons un regard rétrospectif sur ce siècle qu'il a vécu tout entier, ce siècle des idéologies totalitaires. Réfléchissons aussi à la vanité de la résistance allemande que Jünger avait deviné anticipativement dans ses écrits, réfléchissons au hasard qui a permis la mémorable journée du 9 novembre 1989, alors nous connaîtrons “la sauvage mélancolie, qui s'empare de nous quand on se souvient du bonheur”.

 

Herbert AMMON.

(hommage extrait de Junge Freiheit,  n°9/98).

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vendredi, 11 septembre 2009

Jean-Paul Roux nous a quittés

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Jean-Paul Roux nous a quittés
Compagnon de route de Clio depuis de nombreuses années, Jean-Paul Roux est décédé le 29 juin dernier, à l'âge de quatre-vingt-quatre ans. Conférencier hors pair, cet historien du monde musulman, plus particulièrement spécialisé dans l'étude du domaine turc, faisait partie de ces rares érudits capables de se métamorphoser en vulgarisateurs de talent et le succès obtenu par ses livres a régulièrement confirmé l'écho rencontré par ses travaux dans le grand public cultivé.
Né en 1925, il s'est formé à l'Ecole des Langues orientales et à l'Ecole pratique des Hautes Etudes, avant d'exercer très jeune les fonctions de directeur de recherches au CNRS, qu'il a rejoint en 1952. Le cinquième centenaire de la prise de Constantinople par Mehmed II lui fournit, l'année suivante, l'occasion, à travers la publication d'une Histoire de la Turquie (Payot) de rencontrer des lecteurs qui lui demeureront toujours fidèles. Il mène dès lors de front, pendant plus d'un demi-siècle, travaux d'érudition et rédaction d'ouvrages plus généralistes dont une Histoire des Turcs, une Histoire de l'Iran et des Iraniens et une Histoire de l'Asie centrale (Fayard).
 
Traversant les siècles, il reconstitue ainsi les différentes strates de l'Histoire centre-asiatique et proche-orientale, tout en valorisant – en un temps où ce n'était guère à la mode – le rôle joué par certains personnages d'exception tels que Gengis Khan, Tamerlan, Bâbur ou Shah Abbas. Il a ainsi contribué à populariser en France l'Histoire de pays ou de peuples le plus souvent méconnus, généralement abordés dans une perspective eurocentriste trop réductrice, qui n'était guère propice à une véritable intelligence des forces profondes qui commandent l'évolution des mondes turc ou iranien. Professeur, un quart de siècle durant, à l'Ecole du Louvre où il enseigne les arts de l'Islam, il est l'un des initiateurs de l'établissement du département spécialisé créé au sein du Musée dont les nouveaux espaces seront ouverts au public en 2011.

Le Dictionnaire des arts de l'Islam publié en 2007 par les éditions Fayard constitue l'aboutissement de nombreuses années de recherches. Historien des religions du domaine turco-mongol, il a publié deux ans avant sa mort Un choc de religions. La longue guerre de l'Islam et de la Chrétienté, un ouvrage qui fournit une riche matière à réflexion, dans le contexte plus général du débat ouvert par Samuel Huntington à propos du « choc des civilisations ».

Très proche de Clio, il a, au fil des années, rédigé pour la bibliothèque en ligne de très nombreux articles auxquels les internautes curieux d'Histoire et de civilisation musulmanes ont un accès immédiat.
 
 

dimanche, 06 septembre 2009

Hommage à Olier Mordrel

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Yann-Ber Tillenon:

 

Hommage à Olier Mordrel

 

Olier Mordrel, président d’honneur du Cercle “Kervreizh”, est mort subitement à Treffiagat, fin octobre (1985), le jour de la réouverture officielle de notre association. 

 

Olier Mordrel était né à Paris en 1901, dans une famille originaire du pays de Saint Malo. 

 

Olier Mordrel laissera le souvenir, chez ceux qui ont connu sa nature rude de corsaire et de fils de militaire, d’un patriote breton intégral, d’un homme fort et courageux, d’un païen qui a lutté toute sa vie pour gagner difficilement son pain sans que ses obligations n’entravent ses activités de révolutionnaire intelligent, riche de rêveries, d’actions et d’aventures.

 

Olier Mordrel, artiste, architecte, historien, politicien, journaliste, homme d’Etat, était un homme complet. Il a mené une existence aventureuse de  grand militant au service de son pays. Sans son audace, on parlerait aujourd’hui de la Bretagne comme de la Picardie ou du Poitou, d’une vague région touristique.

 

C’est Olier Mordrel qui a posé le problème breton en termes de nation et de révolution européenne. Au-delà de toutes considérations politiques et partisanes, nous devons rendre hommage à l’homme, à celui qui, avec  ses défauts et ses qualités, ses erreurs et ses vérités,  fut toujours très représentatifs de la  mentalité bretonne et fidèle aux valeurs européennes traditionnelles.

 

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En effet, Olier Mordrel a  toujours été animé par la conception  celto-païenne du monde qui rassemble les  Bretons téméraires concevant la vie comme périlleuse et aléatoire. Mordrel le téméraire ne fut pas condamné trois fois à mort par hasard! Il a  voulu à sa manière remettre son  peuple sur les rails de l’histoire. Par sa volonté, il releva le défi de la décadence qui menace toute l’Europe actuelle.

 

L’étudiant des Beaux-Arts, l’architecte de Quimper, l’exilé en Argentine et en Espagne (1946-1971)  s’est toujours démarqué du nationalisme étroit et borné. Directeur du journal “Breizh Atao”  (1919-1939), de la revue “Stur” (1936-1942)  —où il tenta de dépasser l’idéologie nationale en  esquissant une vision impériale—, fondateur du “Parti Autonomiste Breton” (1931), du journal “L’Heure bretonne” (1940) et du “Comité Central des Minorités Nationales de France” (1927), il appréhende, comme tout grand Européen, sa vie comme une tragédie et non comme une comédie.

 

Là réside la grande différence entre la conception celto-païenne de l’histoire  —où l’homme, détenteur d’un “projet” historique est conçu comme “maître de son destin”, conception qui exclut tout sens présupposé de l’histoire—  et la conception judéo-chrétienne qui  soumet l’homme à une loi suprême et totalitaire, le réduisant à un point sur une ligne: l’histoire a  un sens donné, un début et une fin: tout n’est que spectacle.

 

Olier Mordrel, essayiste, journaliste du combat de renaissance britto-celtique  et historien, publiait régulièrement aux collections de François Beauval, sous son nom et sous le pseudonyme dd’Olivier Launay.  Ainsi “Les grandes découvertes du XXème siècle” (1974), “La civilisation des Celtes” (1980), “La littérature bretonne” (1980), “Histoire véritable de l’unité française” (1982).

 

Ecrivain de langues française et bretonne, on retrouve ses articles et poèmes dans les revues “Stur”, “Galv”, “Gwalarn”, “Al Liamm”  et “Preder”. “La Bretagne réelle” publie en 1966 et 1971 les deux tomes de “An nos o Skedin” qui  comprennent son  journal de prisonnier et le récit de son évasion, puis “Galerie bretonne”, “Le Breton projeté dans l’avenir”, “L’Emsav et ses catholiques”, “Dialogue celtique”, “Le vent de la pampa”, “Révision du nationalisme breton”, “de Charte en Charte”, “Vue d’ensemble et des Andes”,  “Vers un socialisme celtique”, “Celtisme et christianisme”, “la subversion chrétienne”, “Révision de la  politique bretonne”, “Après le manifeste”, “Celtisme et marxisme”, “En lisant Sav-Breizh”, “Le celtisme français”, “Sav-Breizh  répond”, “Trente ans”,  “Chants d’un réprouvé” (poèmes), “Pour une nouvelle politique linguistique”.

 

Le sentiment tragique de l’histoire a poussé Olier Mordrel à l’action. A  tout moment de son existence, il opéra des choix, fit des sacrifices et fut à l’opposé des mentalités actuelles héritées du finalisme chrétien où la vie n’est pas, ne doit pas être risquée, mais est déterminée par la  sécurité, la garantie et la  préservation d’une petite vie de bourgeois consommateur, sans intensité, dans l’attente du “salut” et du bonheur final promis après une carrière de petits calculs individualistes, complètement à l’opposé de l’esprit ludique et créateur des Celtes, que l’on retrouve chez Olier Modrel comme dans toute notre mythologie et tout au long de notre histoire.

 

Revenu en Bretagne après 28 ans d’exil, l’ancien chef de “Breizh Atao” publie trois livres importants: “Breizh Atao: histoire et actualité du nationalisme breton” (A. Moreau, 1973); “La Voie bretonne: radiographie du mouvement breton” (Nature et Bretagne, 1975) et “L’Essence  de la Bretagne” (Kelenn, 1977).

 

Olier Mordrel restera un exemple pour l’Europe dominée par la psychologie technocratique, à une époque où peut revenir la joie de “l’activisme tragique”. En cette fin de XXème siècle et de modernité, une nouvelle montée de la volonté de puissance des Européens, donc des Bretons qui en sont le résumé, doit donner naissance à un XXIème siècle qui sera celui d’une nouvelle modernité et d’une renaissance de nos peuples par la combinaison de leur conscience historique, de leur élan vital et de la technique moderne. Ils se choisiront un destin en reprenant conscience de leur lignée et en se réappropriant leur héritage. Ils doivent, à l’exemple d’hommes comme Olier Modrel, sacrifier le présent à l’avenir et l’intérêt individuel à la communauté.

 

Olier Mordrel, toujours courageux, franc et lucide malgré son grand âge, gardait sa vivacité intellectuelle légendaire. En 1979, il a publié “Les Hommes Dieux” chez Copernic, “L’Idée bretonne” chez Albatros et “Le Mythe de l’Hexagone” chez Picollec en 1981 et, en 1983, chez nathan, un grand album “la Bretagne et les pays bretons”.

 

Mais Olier Mordrel est malgré cela parti trop rapidement: inlassable créateur, il laisse plusieurs  ouvrages en suspens. Le passé n’est pas à dévaluer et nous n’oublions pas les grands hommes qui sont nos pères. Ils nous inspirent un futurisme constant, nous  servent de réacteur pour affronter l’avenir et nous rendre créateur de nous-mêmes dans l’histoire, c’est-à-dire démiurges.

 

Les Bretons historiques nous donnent un sens pour une montée en puissance collective; le progressisme est tombé dans le show-biz et la régression passéiste; c’est à nous, qui avons une conscience celto-européenne moderne, de produire une deuxième modernité sur la route défrichée par des hommes comme Olier Mordrel qui marche toujours à nos côtés comme un fier guerrier.

 

Il nous a confié un flambeau que nous devons mener jusqu’à la victoire.

 

Yann-Ber TILLENON.

(Hommage à Olier Mordrel paru dans la revue “Diaspad”, n°13, s.d.).