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dimanche, 06 juin 2010

Hommage à Bernard Willms

DerStaat.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1991

Hommage à Bernard Willms

prononcé par Robert Steuckers à l'occasion du XXIVième Colloque du GRECE (Paris,

24 mars 1991)

 

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Chers amis et camarades,

 

Si notre ami Alexandre Dou­gui­ne n'a­vait pu parler à cette tri­bune, j'avais été chargé de le remplacer et de pro­noncer une conférence sur les no­tions de «na­tion» et d'«empire», telles que les con­ce­vait l'idéalisme de tradi­tion fich­téenne. Et pour parfaire cette tâche, j'a­vais très peu de temps devant moi. J'ai préparé une allocution au départ de tex­tes é­pars, que j'avais déjà écrits pour di­vers édi­teurs. Parmi ces textes, il y a un hom­mage à un ami qui, comme Pier­re Gri­pari ou Marc Augier dit «Saint-Loup», vient de mourir, le Pro­fesseur Bernard Willms de l'Université de Bo­chum. Ber­nard Willms avait été pres­sen­ti pour participer à notre dernier collo­que mais n'avait pu y venir parce qu'il pré­parait une étude sur la post-mo­der­nité et le po­litique. Cette étude est pa­rue à Berlin, dans la plus grande revue de politologie en Europe, Der Staat, dont il était le co-rédac­teur, no­tamment avec Helmut Qua­ritsch, grand spé­cialiste de Carl Schmitt et l'un des pre­miers Allemands diplômé de l'ENA. Pro­fesseur de philo­sophie po­litique,  Ber­nard Willms était, lui, l'un des plus grand spécia­liste au monde de la pensée de Thomas Hobbes et de cel­le de Fichte. Bon nombre de définitions que j'aurais dû vous administrer aujour­d'hui sont is­sues de son œuvre, encore totalement inconnue du public franco­phone. Ber­nard Willms est mort le 27 février der­nier, à l'âge de 59 ans, lais­sant derrière lui une œuvre impression­nante en quan­tité et en densité. Les thé­matiques de l'idéalisme philosophique, de la na­tion, du politique, de la notion de plan, de post-modernité poli­tique, du nomina­lis­me, du grand espace confédé­ral, ont été, chez lui, approfondies pour plu­sieurs gé­nérations. Je saisis l'occa­sion de ce col­loque pour lui rendre un pre­mier hom­mage public dans l'espace lin­guistique francophone et pour vous dire que son décès prématuré nous in­cite à pour­suivre son œuvre en en fai­sant l'exé­gèse, en l'explicitant, en la tra­dui­sant, en témoi­gnant d'elle. Merci.

 

vendredi, 04 juin 2010

G. Maschke: ex-gauchiste, schmittien, pessimiste et amoureux de la vie

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1997

Günter Maschke: ex-gauchiste, schmittien, pessimiste et amoureux de la vie

 

maschke.jpgA l'âge de six ans, Günter Maschke, natif d'Erfurt en Thuringe, s'installe dans la ville épiscopale de Trêves, en Rhénanie-Palatinat. En 1960, il adhère à la Deutsche Friedensunion  (l'Union allemande pour la paix) et, plus tard, à la KPD communiste illégale. Deux tentatives pour échapper à l'étroitesse d'esprit de cette ville provinciale. Après des études secondaires et un diplôme de courtier d'assurances, il décide de devenir écrivain. Dans le cercle qui se réunissait autour de Max Bense et de Ludwig Harig, il fait la connaissance de Gudrun Ensslin (future figure de proue de la Bande à Baader) à la Technische Hochschule de Stuttgart. Accompagné de la sœur de Gudrun, Johanna, il va s'installer à Tübingen pour y prendre en charge la rédaction du journal étudiant Notizen, de concert avec le futur terroriste Jörg Lang.

 

En 1964, Maschke met sur pied un “Groupe d'Action Subversive” à Tübingen, une organisation légendaire qui a préfiguré la fameuse SDS gauchiste, à laquelle ont appartenu Rudi Dutschke et Bernd Rabehl. Un an plus tard, Maschke reçoit son ordre de rejoindre la Bundeswehr: il refuse tant le service armé que le service civil. Il prend la fuite et commence un exil qui l'amènera d'abord à Paris puis à Zurich et finalement à Vienne, où il est collaborateur occasionnel de Volksstimme (d'obédience communiste) et du Wiener Tagebuch. Après une manifestation énergique contre la guerre du Vietnam dans la capitale autrichienne, Maschke est arrêté par la police. Il est déclaré “étranger indésirable” et il risque d'être refoulé en Allemagne où l'attend un mandat d'arrêt pour désertion. Après trois semaines de prison, l'ambassade de Cuba lui propose l'asile politique.

 

Il restera à Cuba du début de 1968 à la fin de 1969. Dans le pays de Castro, Maschke est devenu national-révolutionnaire. Les raisons de cette conversion sont sans doute multiples: les conditions déplorables dans lesquelles végétaient ses amis ou les formes spéciales du “stalinisme tropical”... Ami du poète Padilla, un adversaire du régime cubain, il est impliqué dans cette affaire, arrêté par la police de Castro et renvoyé en Allemagne. Il y passera d'abord treize mois dans les prisons de Munich et de Landsberg.

 

C'est là qu'il passera définitivement à “droite”. Mais le camp de la droite a hérité là d'un allié très critique, trop critique aux yeux de bon nombre de conservateurs bon teint. Ses premières avances sont brusquement repoussées. Beaucoup de droitiers et de conservateurs rejettent aveuglément les idées de gauche, un aveuglement que Maschke n'a jamais compris. Avec la gauche radicale, il s'est révolté contre l'américanisme, contre le parlementarisme et a milité en faveur d'une réforme du droit de la propriété. Mais, par ailleurs, il a toujours plaidé, contre une gauche qui ne cesse plus de s'éloigner du marxisme, pour un Etat fort, modérément autoritaire.

 

Dans sa vie privée aujourd'hui, Maschke traduit et édite les textes de l'Espagnol Juan Donoso Cortés et de Carl Schmitt. Sur le plan scientifique, il travaille dur, il est exigeant et méticuleux, mais quand il reçoit ses amis, il est un hôte jovial et généreux, qui aime les bons plats et les bons vins, qui dissimule son pessimisme notoire derrière des blagues hautes en couleurs, derrière un charme exquis, avec une souveraineté bien consciente d'elle-même.

 

Werner OLLES.

(article paru dans Junge Freiheit, n°26/97).

jeudi, 25 mars 2010

En hommage à Hubert de Sy (1921-2010)

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En hommage à Hubert de Sy (1921-2010)

 

 

Nous avons appris avec tristesse le décès, en date du 3 mars 2010, dans sa quatre-vingt-neuvième année, d’Hubert de Sy, personnage extraordinaire dans la mesure où il incarnait encore un style soigné, une belle diction néerlandaise sans lourdeurs ni emphases pimentée d’understatements à la britannique, où transparaissaient humour et lucidité. Toujours tiré aux quatre épingles comme un digne représentant de la gentry, il donnait rendez-vous dans un bel établissement du centre de Bruxelles, de préférence dans les Galeries Royales Saint-Hubert, pour s’adonner, avec ses commensaux, à l’art de la conversation, dont il tirait la substance des réflexions qu’il couchait ensuite sur le papier.

 

Du Congo au « Vlaams Economisch Verbond »

 

Ce natif d’Ostende, au nom évoquant un village du cœur des Ardennes wallonnes, avait décidé de s’installer à Roosdaal dans le Pajottenland brabançon. De formation, Hubert de Sy était professeur du secondaire inférieur pour les langues néerlandaise et française et pour l’histoire. En 1946, il s’embarque pour le Congo belge : il va y accomplir des tâches administratives au Kivu et devenir ensuite attaché auprès du gouverneur de cette province congolaise du temps des colonies. Dans le cadre de cette fonction, il suivra un cours d’islamologie à l’Université Libre de Bruxelles, sous la houlette du Professeur Armand Abel. Le Kivu, province congolaise qui jouxte les petits pays de la zone de turbulences des Grands Lacs et qui subit aujourd’hui les affres d’une guerre qui n’en finit pas, était à l’époque déjà sous l’influence de prosélytes musulmans issus du Tanganyika (devenue « Tanzanie » après la fusion du Tanganyika, l’ex-Afrique orientale allemande, et de Zanzibar). L’administration coloniale belge voulait aborder le problème d’un éventuel télescopage entre islam, d’une part, animisme autochtone et catholicisme des pères blancs, d’autre part. Revenu des colonies africaines, Hubert de Sy entame une riche vie professionnelle dans les secteurs privés et publics et termine sa carrière au « Vlaams Economisch Verbond » en 1984.

 

Retraité, il décide de s’adonner à l’écriture, une écriture politique qui prend pour objet principal, sinon exclusif, la question flamande dans le cadre de l’Etat belge. Pour Hubert de Sy, qui se découvre flamand et même flamingant de raison à la fin de sa vie, cette Flandre rebelle se borne à protester, mais sans aucun résultat tangible. Quand ses représentants se retrouvent à la table des négociations, ils capitulent généralement sur toute la ligne ou se contentent de vagues compromis périphériques. Hubert de Sy va axer ses réflexions sur la question flamande au départ de la thèse de Lode Claes, énoncée au commencement des années 80, immédiatement après le début du processus de dissolution de la Volksunie et l’émergence timide (à l’époque) du Vlaams Blok, promettant plus de radicalité dans les revendications flamandes. Lode Claes, retiré de la politique car il ne souhaitait ni les capitulations ni les dérives gauchistes de la Volksunie ni les positions plus musclées du Vlaams Blok, avait parlé des Flamands comme d’une « majorité absente », c’est-à-dire d’une majorité numérique incapable de faire valoir ses desiderata dans le jeu démocratique et parlementaire. Le débat était ouvert et n’est pas encore clos : quels sont les facteurs qui font que cette majorité numérique demeure une minorité politique ? C’est la question que se posent les esprits indépendants de la veine d’un Hubert de Sy.

 

Faiblesses du mouvement flamand

 

L’ouvrage de notre auteur, Het belgicistisch regime en de Vlaamse maar versnipperde Beweging (*), entend répondre à cette question cruciale que les événements politiques, qui ont suivi les élections législatives de 2007, ont rendu plus pertinente que jamais. Hubert de Sy voulait choquer, voulait une thérapie de l’électrochoc et ses thèses se succèdent au fil des pages, prenant bon nombre de certitudes et de postures politiciennes à rebrousse-poil : la communauté flamande ne s’est nullement émancipée en dépit de ses affirmations bruyantes et de ses rodomontades médiatisées ; elle ne possède pas d’autonomie administrative réelle en dépit de son parlement installé à Bruxelles ; le mouvement flamand présente plus de faiblesses que de forces, des faiblesses qui viennent, d’une part, d’un discours tonitruant dans les meetings, les éditoriaux ou les manifestes, où l’on répète trop souvent des idées toutes faites détachées de toute analyse factuelle et, d’autre part, des nomenklatura politiques qui s’empressent d’oublier la radicalité de leurs propos pour participer à l’assiette au beurre, bricoler des montages boiteux et accepter n’importe quels compromis ; les discours de ce mouvement flamand, en théorie populaire et démocratique, ne dénoncent que fort rarement l’établissement financier belge, premier responsable du lent pourrissement du pays, toutes communautés confondues.

 

Ce pourrissement total est apparu aux yeux de l’univers entier avec les grandes crises des années 90 (Dutroux, dioxine) qui n’ont provoqué aucune réaction salutaire de la part de l’établissement qui, au contraire, s’est enfoncé toujours plus profondément dans ses turpitudes, au point de transformer l’Etat en un « champs de ruines éthiques », dixit Hubert de Sy. Les assassinats que l’on commet en pleine rue à Bruxelles, les agressions systématiques que subissent ses habitants, le développement de zones de non-droit dans certains vieux quartiers de la capitale sont décrits par les édiles socialistes corrompues et crapuleuses (au sens strictement étymologique terme) comme des « faits divers », alors qu’ils reflètent bien l’absence des pouvoirs publics dans les tâches qui lui seraient dévolues au sein de tout Etat normal. A cela s’ajoutent la déliquescence des systèmes scolaires (où la Flandre est encore épargnée mais plus pour longtemps), le chômage à grande échelle et le détricotage sournois de tous les acquis sociaux qui avaient fait, pendant deux brèves décennies, l’excellence du « modèle belge ». Les délocalisations néo-libérales, auxquelles les pouvoirs publics n’ont pu s’opposer (Renault/Vilvorde, Volkswagen, Opel, Carrefour, etc.) et la crise bancaire de l’automne 2008 (dont les ravages sont loin d’être terminés) parachèvent le pourrissement que nous évoquions.

 

La majorité minorisée et… diabolisée

 

Revenons à la « majorité minorisée » des Flamands et, par suite, on peut l’ajouter, de toutes les communautés véritablement populaires du royaume, de tout le peuple qui travaille et qui peine pour payer les effets des gabegies politiciennes. Les mésaventures du démocrate chrétien Yves Leterme et du néo-nationaliste post-volksuniste Bart de Wever, qui étaient parvenus à former une majorité flamande en région flamande, se sont retrouvés dans le collimateur d’une propagande dénigrante à souhait et ont été posés comme des para-nazis infréquentables dans toute la presse internationale, celle de Paris en tête. La majorité s’est bien retrouvée minorisée et diabolisée, confirmant les thèses de Claes et de de Sy.

 

Les discours pré-électoraux, promettant une plus large autonomie, ont été vidés de leur contenu pour obtenir des places dans le gouvernement fédéral. De lion rugissant, le cartel démocrate chrétien et post-volksuniste s’est transformé bien rapidement en caniche édenté, prouvant par là même que la teneur de ses discours émancipateurs participait d’une mauvaise analyse de la situation : il aurait fallu avertir l’électeur des dangers qui guettaient toute politique émancipatrice et le préparer à une résistance plus solide, comme celles que livrent aujourd’hui les peuples islandais et grec. Quant à la crise financière internationale de l’automne 2008, qui a suivi immédiatement la crise politique belge de 2007, elle montre que les secteurs bancaires, dépositaires des avoirs populaires, sont totalement indépendants des pouvoirs publics. Les banksters ne respectent ni l’Etat ni les institutions de ce dernier ni leurs propres actionnaires ni la population dont ils encaissent les avoirs. Les banques belges, où la majorité minorisée a thésaurisé ses avoirs et placé ses épargnes, ont été vendues à des groupes bancaires français, exactement comme le secteur énergétique : ils vont désormais pomper l’argent d’un peuple travailleur pour financer les gabegies de l’Hexagone, permettre à celui-ci de financer son fonctionnariat surnuméraire, son armée et sa bombinette et de se payer une bonne tranche de démagogie en diminuant les frais d’énergie pour tous les ménages hexagonaux ; les Flamands, les Wallons, les Germanophones et les immigrés maroxellois, turco-schaerbeekois ou Congolais de Matongé, qu’ils soient chômeurs ou bien nantis, paieront, chaque jour qui passe, pour chaque ampoule allumée le soir, pour chaque frigo en état de fonctionnement, pour chaque rasage électrique le matin. Pour maintenir à flot le sarkozisme, ses pompes et ses œuvres, pour entretenir les gaspillages et les inconséquences voulues par les gauches françaises, de Ségolène Royale à Daniel Cohn-Bendit.

 

Arbitraire d’en haut et arbitraire d’en bas

 

La ponction qui s’exercera ainsi sur les Flamands, mais aussi sur les Wallons et les Allemands d’Eupen et de Saint-Vith, est une ponction démesurée que ni les Algériens ni les Malgaches n’ont subie aux temps des colonies. Mais les Algériens et les Malgaches se sont battus : les ressortissants des anciens Pays-Bas Royaux n’ont pas ce courage, alors que deux ou trois démonstrations de force, une ou deux manifestations de grande envergure contre Electrabel et/ou BNP-Paribas feraient capituler sans gloire aigrefins et escrocs de cet immonde secteur bancaire, véritable lèpre des sociétés contemporaines. Cette passivité face aux menées inacceptables des secteurs énergétique et bancaire vient de la capitulation des gauches flamandes, minoritaires mais bien présentes dans l’arène politique parce qu’elles collaborent sans vergogne avec l’établissement, contre le peuple, contre les travailleurs qu’elles affirment défendre. Si la gauche avait une éthique naturelle, et donc nationale car la nation est un facteur naturel, elle se battrait à l’unisson avec toutes les autres forces émancipatrices du pays : sa trahison livre la population à l’arbitraire, à l’arbitraire d’en haut, celui de l’établissement et des banksters, et à l’arbitraire d’en bas, celui des petites frappes qui écument les rues, pillent, rançonnent et recyclent l’argent de leur came dans les réseaux des… banksters. Voilà pourquoi elles apparaissent bien plus sympathiques à l’établissement que le boulanger de Lessines ou de Maaseik, que le chef de petite entreprise de Bütgenbach ou de Furnes : ils apportent bien moins de flouze noir dans les circuits financiers, ils ne sont que des minables face aux caïds du shit, ils ne méritent guère de lignes de crédit. Voilà pourquoi leurs dérapages sont des « faits divers », selon certains socialistes, parce que le fait essentiel est évidemment cet apport non négligeable que constituent les recettes de la vente du cannabis… Les édiles communales, la magistrature dévoyée, les banksters ne vont pas tirer sur d’aussi lucratifs pourvoyeurs de fonds. Voilà pourquoi on ignore délibérément les analyses posées par l’UNESCO, l’OMS, les Observatoires des Drogues de l’UE ou d’autres instances internationales sur les divers trafics de drogues ou sur la formation de réseaux mafieux dans les diasporas du globe. Voilà pourquoi on n’emprisonne pas les dealers, forcément mineurs. Voilà pourquoi on libère à qui mieux mieux les délinquants qu’on jette parfois en ergastule pour un bref laps de temps. Car il faut qu’ils continuent leur petit jeu, si profitable à une brochette de messieurs sentencieux, en col, cravate et costume trois pièces, qui vont aller vendre nos avoirs à leurs homologues parisiens. Si un bijoutier d’Uccle se fait braquer et si une mère de famille se fait tirer une balle dans la tête par un agent de la société des transports publics de la Région bruxelloise, recyclé en braqueur par un beau jour de congé, eh bien, c’est pour sûr un « fait divers » : on ne va tout de même pas incriminer outre mesure un travailleur, actif dans le plus gros fromage socialiste de la capitale du royaume, qui engage, à la sortie des prisons  —apprend-on depuis le drame d’Uccle—  un personnel supplétif inutile, au nom de l’intégration, alors que cet organisme compte déjà plus d’employés que la RATP parisienne qui, elle, œuvre sur une aire géographique et sur un charroi bien plus impressionnants. Et pour parachever l’horreur : quelques jours à peine après l’abominable crime d’Uccle, un autre employé de la même société et du même service que le pistolero de l’Avenue Brugmann était impliqué dans une lourde affaire de braquage… Encore un « fait divers »…

 

Pour un retour aux meilleures théories politiques

 

Cette dérive sur l’actualité la plus récente permet d’expliquer l’une des dernières thèses émises par Hubert de Sy, dans son ouvrage, rédigé en français pour qu’il ait un impact en dehors des circuits politiques flamands, L’Etat belge en crise existentielle. Hubert de Sy y évoque la « débâcle éthique » de l’Etat, en puisant ses exemples dans la corruption politique et le népotisme qui en est son plus flagrant corollaire et qui sévit en Wallonie, sans pour autant épargner la Flandre, reconnaît notre auteur. Mais la « débâcle éthique » en Belgique est bien plus profonde que celle qu’attestent de simples faits de corruption et de népotisme. Sur base des travaux de Claes et de de Sy, un chantier infini peut s’ouvrir, non seulement pour le mouvement populaire flamand, pour ceux qui entendent à gauche sortir de l’ornière d’un socialisme flamand établi, pour ceux qui entendent réhabiliter un solidarisme bien structuré face aux dérives du néo-libéralisme mais aussi pour tous ceux qui veulent une démocratie exemplaire et bien huilée en ce pays, pour les Wallons et autres francophones qui veulent un changement. Et qui seront plus nombreux sans doute à lire cet hommage en français à Hubert de Sy, le gentleman policé, et un peu isolé faut-il l’ajouter, du mouvement flamand, qui publiait à compte d’auteur, cherchant ainsi à consolider son indépendance personnelle, à laquelle il tenait beaucoup, signe de son excellence, signe d’une attitude noble qui disparaît de nos horizons sous les coups de la vulgarité contemporaine. Les Wallons liront d’ailleurs les thèses de Claes et de Sy en parallèle avec le seul sénateur qui soit capable de désigner les tares du royaume dans l’espace francophone et wallon du pays : je veux nommer Alain Destexhe et ses compagnons en écriture, Alain Eraly et Eric Gillet (cf. Démocratie ou particratie ? 120 propositions pour refonder le système belge, éd. Labor, Bruxelles, 2003). Destexhe s’inscrit dans la tradition de Paul Hymans, homme politique libéral des années 90 du 19ème et de la première décennie du 20ème siècle.  Paul Hymans avait voulu œuvrer dans le sillage de la critique italienne de la partitocratie émergente, portée par son homologue Minghetti, lui-même influencé par la théorie de la circulation des élites formulée par Gaetano Mosca, maître à penser de Vilfredo Pareto. Plus tard, Roberto Michels et Max Weber, Charles Benoist et Moshe Ostrogovski parachèveront la théorie critique des oligarchies et des dérives des partitocraties. Nous voilà ramenés dans l’espace élevé, où l’air est vif, des meilleures théories politiques.

 

Courage politique ?

 

Nous avons donc en main toutes les théories critiques pour fustiger et éliminer les fauteurs de pourrissement et de « débâcle éthique ». Nous avons aussi pour nous les analyses factuelles de bon nombre d’instances internationales (ONU, UNESCO, OMS). Nous avons les exemples des peuples grec et islandais. Il manque évidemment l’ingrédient essentiel : le courage politique. Dans ses rodomontades pré-électorales de 2007, où il affirmait qu’on allait voir ce que l’on allait voir, Leterme avait prononcé ces paroles fortes : « Vijf minuten politieke moed », « Cinq minutes de courage politique ». Sa résistance a en effet duré cinq minutes. Pas beaucoup plus. Il faut former des hommes et des femmes qui n’ont pas pour caractéristique première l’agaçante intempérance d’aller plastronner sur les strapontins d’un parlement, quel qu’il soit, mais qui possèdent l’endurance, la volonté d’œuvrer sur le long terme pour opérer une révolution métapolitique qui, en bout de course, dressera partout les garde-fous nécessaires pour qu’un régime de capitulation, de mépris de la population, de corruption, de débâcle éthique, de crime, de laxisme, de dysfonctionnements, de favoritisme anti-démocratique ne soit plus possible. Et laissons à Hubert de Sy le soin de conclure en citant un sociologue espagnol, Manuel Vazquez Montalban : « Coller un nom sur ce qui porte préjudice à nos intérêts, nous aide à résister ».

 

(21 mars 2010, jour de l’équinoxe de printemps).

 

Note :

(°) ISBN 90-5466-362-6 – Diffusion « Roularta ».

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jeudi, 26 novembre 2009

Hommage à Maurice Bardèche

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

bardeche.jpgHommage à Maurice Bardèche

 

Maurice Bardèche est décédé à 91 ans. Il était l’un des derniers survivants de cette génération de Français qu’on peut qualifier, sans hésitation, de formidables. Mais qui connaît encore son nom aujourd’hui. Qui connaît encore son œuvre?

 

A une époque tranquille, ce professeur, cet historien de la littérature au regard acéré, cet anatomiste subtil et cet homme de synthèses percutantes avait jeté son regard personnel sur chacun des sujets qu’il abordait; sans nul doute et sans difficulté, il a gravi tous les échelons et est devenu un intellectuel de premier rang dans son pays, la France. On peut dire que l’Académie Française se serait levée pour lui, pour l’accueillir en son sein et que des décorations comme la Légion d’Honneur lui auraient été attribuées... Si...

 

Car l’œuvre de Bardèche témoigne de son excellence: les livres de référence qu’il a écrits, sur Proust, Bloy, Balzac, Flaubert et Céline, sont encore reconnus aujourd’hui comme tels. De même, son Histoire du Cinéma, rédigée en collaboration avec Robert Brasillach, est reconnue au niveau international. Ce livre a été édité et réédité, y compris dans une série de poche. On n’oubliera pas non plus son Histoire des femmes. Et, à une époque plus troublée, il a aussi écrit, toujours avec Brasillach, un classique, son Histoire de la Guerre d’Espagne, chronique de la guerre civile espagnole qui a immédiatement précédé la seconde guerre mondiale.

 

Ce fut une époque cruciale dans sa longue vie, un moment d’histoire agité. Les horreurs de la seconde guerre mondiale (que Bardèche n’a jamais niées ou ignorées, contrairement à ce que d’aucuns osent affirmer) ont été suivies par les horreurs de l’après-guerre. Maurice Bardèche, apolitique, a été privé du droit d’exercer sa profession, il a été arrêté, simplement parce qu’il était le beau-frère de Robert Brasillach, son meilleur ami. L’exécution de Brasillach  —un assassinat judiciaire—  a profondément blessé Bardèche, une blessure si intense qu’elle l’a marquée pour le reste de ses jours.

 

Bardèche devient éditeur. Il fonde les éditions «Les Sept Couleurs». Pendant de longues années, il publie le mensuel Défense de l’Occident. Et il écrit des livres politiques (ce qui lui vaudra des poursuites).

 

Quarante ou cinquante ans ont passé depuis la rédaction de ces ouvrages. Qu’en reste-t-il? Indubitablement, certains passages ont été dépassés par les événements, que personne ne pouvait prévoir. Mais on ne pourra pas mettre en doute son souci de maintenir une Europe européenne, de conserver l’identité de ses peuples, de ne pas livrer ceux-ci aux affres d’une américanisation calamiteuse. Surtout, une chose demeure, et c’est son option personnelle: «Etre le dernier tirailleur défendant la liberté et la douceur de vivre».

 

C’est un polémiste virulent qui écrit Nuremberg ou la Terre promise  dans l’immédiat après-guerre (son avocat et ami Jacques Isorni a tenté en vain de le dissuader de publier ce brûlot mais Bardèche était trop profondément touché par la mort de Brasillach pour entendre ce bon conseil). Quelques années plus tard sort Suzanne et le taudis, préfiguration, non, illustration, de cette chère “douceur de vivre”, même dans les circonstances les plus difficiles et les plus dures de la vie. Ce livre est un chef-d’œuvre dans le sens où il est un hommage à la douceur, à l’humour, au sourire qui dit aussi: on ne tuera pas cette belle petite plante.

 

Mais Bardèche est conscient qu’elle est en danger de mort, cette petite plante. Et quand au printemps de 1998, on m’offre un liber amicorum, cette conscience est très nette, car Bardèche écrit à mon intention: «Le drame de notre temps est celui de la dépossession. Nous ne sommes plus maîtres de nos vies, mais pas davantage de nos pensées, de nos goûts, de notre sensibilité —enfin de notre âme. Par la désinformation, la publicité, le mensonge, par la démission des éducateurs et la démission des consciences».

 

En dépit de toutes les différences qui peuvent séparer un Flamand d’un Français, un Européen d’un autre Européen, un homme de droite d’un autre homme de droite, son témoignage m’a donné une fierté modeste, une fierté humble: «Avons-nous été, cher Karel Dillen, les derniers défenseurs de l’arbre de vie contre son triste dépérissement? En défendant votre terre flamande et les hommes de votre race, c’est toutes les autres plantes humaines de toutes les autres races que vous défendez aussi... De même quiconque défend son peuple défend tous les autres peuples, tous les autres hommes. Car la liberté et la vie qu’il demande pour les siens, il les demande en même temps pour les autres par les idées qu’il répand. Par là, votre combat n’est pas seulement pour la Flandre, il est pour tous les peuples de l’Europe, et même au-delà des frontières de l’Europe pour tous les peuples qui ne veulent pas de la prison idéologique».

 

Ensuite vient une phrase qui équivaut à un ordre, puisque Bardèche n’est plus parmi nous: «Et cette aspiration à la vie, elle ne disparaîtra pas avec nous, mais elle nous survivra et même elle sera ressentie un jour comme un combat vital et vos enfants, nos enfants, la reprendront».

 

Vaarwel, Bardèche, Bonne route!

Que lit-on encore de ton œuvre, qu’en lira-t-on demain? Je ne sais pas.

 

Mais ce que je sais, c’est que demeure l’exemple, durable, ineffaçable, indéracinable, comme nous le révèle cette parole de Nietzsche:

«Was er lehrte, ist abgetan;

Was er lebte, wird bleiben stehn:

Seht ihn nur an —

Niemanden war er untertan!».

(Ce qu’il a enseigné a subi l’usure du temps;

Ce qu’il a vécu demeurera debout:

Regardez-le —

De personne jamais il n’a été le valet!).

 

Voilà, Bardèche, ce qu’il reste de l’exemple que nous a donné. Pendant toute ta vie!

 

Karel DILLEN.

(Hommage paru dans Vlaams Blok Magazine, n°9/98).

lundi, 02 novembre 2009

Ernst Jünger est mort: entretien avec Heimo Schwilk

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

 

 

Ernst Jünger est mort

 

Entretien avec Heimo Schwilk

 

Heimo Schwilk, né en 1952 à Stuttgart, a étudié la philosophie, la philologie germanique et l'histoire à Tübingen. De 1986 à 1991, il a été rédacteur au Rheinischer Merkur. Depuis 1991, Schwilk dirige la rédaction de la rubrique “Berlin und neue Bundesländer” du Welt am Sonntag. Pour ses reportages sur la Guerre du Golfe, il a reçu le célèbre prix “Theodor Wolff” en 1991. En 1988, il a édité chez Klett-Cotta un remarquable album de photographies sur la vie d'Ernst Jünger.

 

Q.: Quel vide laissera derrière lui l'écrivain Ernst Jünger qui vient de mourir ce mardi 17 février 1998?

 

HS: Tout d'abord, ils vont enfin pousser un soupir de soulagement, tous ceux qui ont voulu contester à Jünger la modeste place qu'il occupait encore dans cette société désarticulée qu'est la RFA. Lui, Jünger, l'homme que l'on ne pouvait pas utiliser, l'homme qui s'était volontairement soustrait au “discours” dominant, l'homme qui se désintéressait de la politique, est définitivement parti, se lançant dans sa dernière grande aventure, celle de la mort. Jünger nous a enseigné que la vie était mystère, que l'homme était un être merveilleux dans un monde merveilleux. Ce fondement romantique de la pensée de Jünger a en quelque sorte ouvert une faille dans le mur, faille qui le séparait, dès son vivant, de tous ceux qui travaillaient, opiniâtres, à la profanation et à la banalisation de notre existence. Jünger ne nous laisse aucun vide, mais un océan d'instants accomplis, qui sont devenus poésie dans un monde qui n'est plus que bavard-communicatif.

 

Q.: Bon nombre d'individus pressaient encore Ernst Jünger dans ses dernières années à prendre la parole en tant qu'“écrivain politique”. Il a toujours refusé. Mais entre les lignes, dans des remarques en marges, ne s'est-il pas mêlé subtilement au tumulte du monde, à sa manière?

 

HS: Ernst Jünger, immédiatement après l'accession au pouvoir des nationaux-socialistes a exprimé dans de nombreuses lettres jusqu'ici impubliées son sentiment: les discours sur la politique qui sont teintés d'opinions et de convictions équivalent à une auto-mutilation pour l'homme amoureux de la musique. Jünger avait derrière lui cinq années d'immixtion polémique dans des revues ou des ouvrages collectifs. Après 1945, il s'en est tenu à son verdict sur la politique. Les défenseurs de la littérature engagée se sont dressés contre lui et Benn disait de ses tristes sires, avec mépris: “ils rampent comme des chiens devant les concepts de la politique”. De fait, Jünger n'avait que bien peu de choses à apporter à ce discours qui se disait “démocratique”. En revanche, il avait énormément de choses à dire sur ce que Heidegger nommait les “existentiaux”: la temporalité, la déréliction (Geworfenheit), la mort. Il estimait que pontifier de la philosophie à côté des urnes électorales n'était pas une activité fort productive.

 

Q.: Pourquoi Ernst Jünger est-il tant apprécié de nos voisins, en particulier les Français, alors que chez nous, en Allemagne, il est demeuré un écrivain “contesté”?

 

HS: Etre contesté n'est en soi nullement répréhensible, pour autant que l'affrontement ait vraiment lieu et qu'on ne perpétue pas à l'infini, comme en Allemagne, une procédure de tribunal d'épuration. Les Français apprécient en premier lieu, chez Jünger, le fait qu'il a tant aimé leur pays  —et cela c'est sympathique—  qu'il le connaît parfaitement et qu'il le regarde dans ce qu'il a de spécifique. Ils paient tribut à sa moralité, celle avec laquelle il a mené à bien sa mission fort délicate d'officier des troupes d'occupation et d'écrivain en poste à Paris entre 1940 et 1944, sans jamais nuire à son intégrité. Ils aiment la clarté de sa langue, la force qu'elle met à nous éclairer. Ils considèrent que cette langue de Jünger exprime ce que vivent les sens, tout en restant typiquement allemande. François Mitterand remarquait, dans sa laudatio  pour le centième anniversaire de l'écrivain, que Jünger était resté un “homme libre”. Cela voulait dire qu'il cultivait une pensée détachée de tout poncif, une pensée pour laquelle les applaudissements des masses n'avaient aucune signification.

 

Q.: Ernst Jünger a-t-il suivi l'actualité politique jusqu'à son dernier jour?

 

HS: Ernst Jünger lisait régulièrement la presse, y compris Junge Freiheit, mais il passait rapidement sur les rubriques politiques, comme il me l'a dit plusieurs fois. Il était bien au courant de la marche du monde et plus d'une remarque moqueuse dans ses journaux atteste qu'il observait avec attention le déclin de la politique politicienne à Bonn, surtout celle des “ grands partis populaires” dont les différences ne sont qu'apparences. Mais il s'intéressait surtout aux processus généraux d'uniformisation, que toute observation fine de notre époque révèle et que son Travailleur  a exposé. Ensuite, il attendait du XXIième siècle l'avènement d'une nouvelle spiritualité, dont les prémisses sont justement les processus de déblaiement que décrivent ses essais et journaux.

 

Q.: Quelle est la signification de l'œuvre d'Ernst Jünger pour l'avenir?

 

HS: Elle réside dans sa foi en l'Etre, dans sa “nouvelle théologie”, qui refuse de laisser le dernier mot à la destructivité et à la petitesse de l'homme moderne.

 

Q.: L'une des figures les plus importantes dans la pensée de Jünger est l'anarque. Que devons-nous en penser aujourd'hui?

 

HS: L'anarque est, au contraire de l'anarchiste, ne cultive pas d'idées politiques, n'est pas une personnalité qui cherche le changement radical. Le politique est pour lui une chose extérieure, une dérivation, un phénomène secondaire. L'anarque  —comme l'homme qui recourt aux forêts—  demeure souverain et dispose librement de soi. Il joue son propre rôle dans la société. Service et liberté ne sont pas des contraires chez lui; le sacrifice, mais aussi le suicide, appartiennent à son capital. Dans Le recours aux forêts,  Jünger a décrit cette attitude: «Celui qui recourt aux forêts possède un rapport originel avec la liberté, qui, vu sur le plan temporel, s'exprime par une résistance à tous les automatismes, ce qui implique qu'il n'ait pas à tirer la conséquence que dicte généralement l'éthique, c'est-à-dire adopter le fatalisme». L'anarque n'est pas un missionnaire, armé de ses connaissances, il vit comme l'unique et sa spécificité (Der Einzige und sein Eigentum), c'est-à-dire avec l'ensemble de ses expériences, mais il brille devant tous les autres, à titre d'exemple. Peut-on dire quelque chose de plus pertinent sur la personne d'Ernst Jünger?

(entretien paru dans  Junge Freiheit,  n°9/1998; propos recueillis par Dieter Stein).

samedi, 24 octobre 2009

Hommage à Ernst Jünger par Herbert Ammon, représentant de la gauche allemande

ernst_juenger.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

Hommage à Ernst Jünger par Herbert Ammon, représentant de la gauche allemande

 

Certes, jamais je ne pourrai entièrement effacer mes réserves à l'égard de l'écrivain politique Ernst Jünger, exposant du “nouveau nationalisme” dans les années 20. Face à l'admiration a-critique, une question non historique: l'histoire allemande en ce siècle aurait-elle été moins terrible sans cette “mobilisation totale” contre le système de Versailles, inspirée par Nietzsche et Machiavel, le nihilisme et le réalisme héroïque? Avec la distance que nous a apportée le temps, le pathos de ces écrits militants nous semble étrange, en lisant les Orages d'acier,  j'ai toujours distingué soigneusement entre l'esthétique de l'ouvrage et l'esthétique de la guerre. Ai-je ainsi fait des concessions à l'esprit gauchiste-libéral de la RFA élargie?

 

Intimidé par l'esprit “jüngerophobe” des feuilletons du Zeit de Hamburg, qui m'a accompagné pendant toutes mes années de lycée, j'appartiens  —contrairement à cette génération de l'après-guerre qui a été l'avant-garde de la révolte juvénile de 68 et qui a donné à l'insurrection étudiante quelques traits typiquement allemands—  à cette génération qui n'a lu l'œuvre du dernier des grands écrivains allemands de ce siècle que fort tard, qui ne l'a découvert qu'après de très longs détours. Certes, j'aurais pu me rapprocher de lui beaucoup plus tôt, car, pendant mes études, je suis tombé sur une anthologie des écrivains de la Beat Generation américaine, sur Howl d'Allen Ginsburg, sur Coney Island of the Mind  de Ferlinghetti. L'éditeur de ces textes était Karl Otto Paetel, émigré aux Etats-Unis, protagonistes de cet espace d'entre-deux, homme de gauche de la droite allemande, dont l'esprit de résistance au nazisme découlait de son engagement précédent dans la jeunesse “bündisch” et de l'esprit qu'avait répandu Ernst Jünger. Paetel avait souligné la parenté entre la geste protestataire de la Beat Generation et les sentiments de Jünger, au temps il s'était inscrit dans le mouvement de jeunesse. Je n'ai lu Jeux africains  qu'à l'âge adulte, quand il est trop tard pour cultiver et s'enthousiasmer de cette façon juvénile pour l'aventure.

 

A partir des écrits du jeune nationaliste Ernst Jünger, j'ai trouvé des références à Ernst Niekisch, après qu'un ignorant méchant et mal intentionné ait tenté de me dénigrer en me collant l'étiquette de “national-bolchevique”. En lisant Widerstand,  la revue de Niekisch, on apprend combien complexes, contradictoires et marginales étaient les voies de la résistance allemande. Pourtant les faits sont là: la “Rose Blanche” avait à voir avec le mouvement “d.j.1.11” d'Eberhard Köbel (dit “tusk”) et donc aussi avec Ernst Jünger; mais cette évidence historique est délibérément ignorée par le catalogue des bonnes vertus que veut nous faire avaler l'établissement bundesrepublikanisch.

 

Tard, fort tard, j'ai lu, pendant une lumineuse journée d'été, les Falaises de marbre. Quand on prend acte de l'œuvre de Jünger, on est généralement saisi par le doute, on découvre le geste de l'anarque, l'esthétique pure de la désinvolture, les jeux idéologiques du jeune Jünger. Mais ce glissement est démenti par une bonne lecture des Falaises de marbre. Il n'y a aucun doute, Ernst Jünger appartient au cercle des plus grands écrivains de ce XXième siècle. Nous, qui sommes nés après lui, après les guerres, jetterons un regard rétrospectif sur ce siècle qu'il a vécu tout entier, ce siècle des idéologies totalitaires. Réfléchissons aussi à la vanité de la résistance allemande que Jünger avait deviné anticipativement dans ses écrits, réfléchissons au hasard qui a permis la mémorable journée du 9 novembre 1989, alors nous connaîtrons “la sauvage mélancolie, qui s'empare de nous quand on se souvient du bonheur”.

 

Herbert AMMON.

(hommage extrait de Junge Freiheit,  n°9/98).

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vendredi, 11 septembre 2009

Jean-Paul Roux nous a quittés

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Jean-Paul Roux nous a quittés
Compagnon de route de Clio depuis de nombreuses années, Jean-Paul Roux est décédé le 29 juin dernier, à l'âge de quatre-vingt-quatre ans. Conférencier hors pair, cet historien du monde musulman, plus particulièrement spécialisé dans l'étude du domaine turc, faisait partie de ces rares érudits capables de se métamorphoser en vulgarisateurs de talent et le succès obtenu par ses livres a régulièrement confirmé l'écho rencontré par ses travaux dans le grand public cultivé.
Né en 1925, il s'est formé à l'Ecole des Langues orientales et à l'Ecole pratique des Hautes Etudes, avant d'exercer très jeune les fonctions de directeur de recherches au CNRS, qu'il a rejoint en 1952. Le cinquième centenaire de la prise de Constantinople par Mehmed II lui fournit, l'année suivante, l'occasion, à travers la publication d'une Histoire de la Turquie (Payot) de rencontrer des lecteurs qui lui demeureront toujours fidèles. Il mène dès lors de front, pendant plus d'un demi-siècle, travaux d'érudition et rédaction d'ouvrages plus généralistes dont une Histoire des Turcs, une Histoire de l'Iran et des Iraniens et une Histoire de l'Asie centrale (Fayard).
 
Traversant les siècles, il reconstitue ainsi les différentes strates de l'Histoire centre-asiatique et proche-orientale, tout en valorisant – en un temps où ce n'était guère à la mode – le rôle joué par certains personnages d'exception tels que Gengis Khan, Tamerlan, Bâbur ou Shah Abbas. Il a ainsi contribué à populariser en France l'Histoire de pays ou de peuples le plus souvent méconnus, généralement abordés dans une perspective eurocentriste trop réductrice, qui n'était guère propice à une véritable intelligence des forces profondes qui commandent l'évolution des mondes turc ou iranien. Professeur, un quart de siècle durant, à l'Ecole du Louvre où il enseigne les arts de l'Islam, il est l'un des initiateurs de l'établissement du département spécialisé créé au sein du Musée dont les nouveaux espaces seront ouverts au public en 2011.

Le Dictionnaire des arts de l'Islam publié en 2007 par les éditions Fayard constitue l'aboutissement de nombreuses années de recherches. Historien des religions du domaine turco-mongol, il a publié deux ans avant sa mort Un choc de religions. La longue guerre de l'Islam et de la Chrétienté, un ouvrage qui fournit une riche matière à réflexion, dans le contexte plus général du débat ouvert par Samuel Huntington à propos du « choc des civilisations ».

Très proche de Clio, il a, au fil des années, rédigé pour la bibliothèque en ligne de très nombreux articles auxquels les internautes curieux d'Histoire et de civilisation musulmanes ont un accès immédiat.
 
 

dimanche, 06 septembre 2009

Hommage à Olier Mordrel

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Yann-Ber Tillenon:

 

Hommage à Olier Mordrel

 

Olier Mordrel, président d’honneur du Cercle “Kervreizh”, est mort subitement à Treffiagat, fin octobre (1985), le jour de la réouverture officielle de notre association. 

 

Olier Mordrel était né à Paris en 1901, dans une famille originaire du pays de Saint Malo. 

 

Olier Mordrel laissera le souvenir, chez ceux qui ont connu sa nature rude de corsaire et de fils de militaire, d’un patriote breton intégral, d’un homme fort et courageux, d’un païen qui a lutté toute sa vie pour gagner difficilement son pain sans que ses obligations n’entravent ses activités de révolutionnaire intelligent, riche de rêveries, d’actions et d’aventures.

 

Olier Mordrel, artiste, architecte, historien, politicien, journaliste, homme d’Etat, était un homme complet. Il a mené une existence aventureuse de  grand militant au service de son pays. Sans son audace, on parlerait aujourd’hui de la Bretagne comme de la Picardie ou du Poitou, d’une vague région touristique.

 

C’est Olier Mordrel qui a posé le problème breton en termes de nation et de révolution européenne. Au-delà de toutes considérations politiques et partisanes, nous devons rendre hommage à l’homme, à celui qui, avec  ses défauts et ses qualités, ses erreurs et ses vérités,  fut toujours très représentatifs de la  mentalité bretonne et fidèle aux valeurs européennes traditionnelles.

 

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En effet, Olier Mordrel a  toujours été animé par la conception  celto-païenne du monde qui rassemble les  Bretons téméraires concevant la vie comme périlleuse et aléatoire. Mordrel le téméraire ne fut pas condamné trois fois à mort par hasard! Il a  voulu à sa manière remettre son  peuple sur les rails de l’histoire. Par sa volonté, il releva le défi de la décadence qui menace toute l’Europe actuelle.

 

L’étudiant des Beaux-Arts, l’architecte de Quimper, l’exilé en Argentine et en Espagne (1946-1971)  s’est toujours démarqué du nationalisme étroit et borné. Directeur du journal “Breizh Atao”  (1919-1939), de la revue “Stur” (1936-1942)  —où il tenta de dépasser l’idéologie nationale en  esquissant une vision impériale—, fondateur du “Parti Autonomiste Breton” (1931), du journal “L’Heure bretonne” (1940) et du “Comité Central des Minorités Nationales de France” (1927), il appréhende, comme tout grand Européen, sa vie comme une tragédie et non comme une comédie.

 

Là réside la grande différence entre la conception celto-païenne de l’histoire  —où l’homme, détenteur d’un “projet” historique est conçu comme “maître de son destin”, conception qui exclut tout sens présupposé de l’histoire—  et la conception judéo-chrétienne qui  soumet l’homme à une loi suprême et totalitaire, le réduisant à un point sur une ligne: l’histoire a  un sens donné, un début et une fin: tout n’est que spectacle.

 

Olier Mordrel, essayiste, journaliste du combat de renaissance britto-celtique  et historien, publiait régulièrement aux collections de François Beauval, sous son nom et sous le pseudonyme dd’Olivier Launay.  Ainsi “Les grandes découvertes du XXème siècle” (1974), “La civilisation des Celtes” (1980), “La littérature bretonne” (1980), “Histoire véritable de l’unité française” (1982).

 

Ecrivain de langues française et bretonne, on retrouve ses articles et poèmes dans les revues “Stur”, “Galv”, “Gwalarn”, “Al Liamm”  et “Preder”. “La Bretagne réelle” publie en 1966 et 1971 les deux tomes de “An nos o Skedin” qui  comprennent son  journal de prisonnier et le récit de son évasion, puis “Galerie bretonne”, “Le Breton projeté dans l’avenir”, “L’Emsav et ses catholiques”, “Dialogue celtique”, “Le vent de la pampa”, “Révision du nationalisme breton”, “de Charte en Charte”, “Vue d’ensemble et des Andes”,  “Vers un socialisme celtique”, “Celtisme et christianisme”, “la subversion chrétienne”, “Révision de la  politique bretonne”, “Après le manifeste”, “Celtisme et marxisme”, “En lisant Sav-Breizh”, “Le celtisme français”, “Sav-Breizh  répond”, “Trente ans”,  “Chants d’un réprouvé” (poèmes), “Pour une nouvelle politique linguistique”.

 

Le sentiment tragique de l’histoire a poussé Olier Mordrel à l’action. A  tout moment de son existence, il opéra des choix, fit des sacrifices et fut à l’opposé des mentalités actuelles héritées du finalisme chrétien où la vie n’est pas, ne doit pas être risquée, mais est déterminée par la  sécurité, la garantie et la  préservation d’une petite vie de bourgeois consommateur, sans intensité, dans l’attente du “salut” et du bonheur final promis après une carrière de petits calculs individualistes, complètement à l’opposé de l’esprit ludique et créateur des Celtes, que l’on retrouve chez Olier Modrel comme dans toute notre mythologie et tout au long de notre histoire.

 

Revenu en Bretagne après 28 ans d’exil, l’ancien chef de “Breizh Atao” publie trois livres importants: “Breizh Atao: histoire et actualité du nationalisme breton” (A. Moreau, 1973); “La Voie bretonne: radiographie du mouvement breton” (Nature et Bretagne, 1975) et “L’Essence  de la Bretagne” (Kelenn, 1977).

 

Olier Mordrel restera un exemple pour l’Europe dominée par la psychologie technocratique, à une époque où peut revenir la joie de “l’activisme tragique”. En cette fin de XXème siècle et de modernité, une nouvelle montée de la volonté de puissance des Européens, donc des Bretons qui en sont le résumé, doit donner naissance à un XXIème siècle qui sera celui d’une nouvelle modernité et d’une renaissance de nos peuples par la combinaison de leur conscience historique, de leur élan vital et de la technique moderne. Ils se choisiront un destin en reprenant conscience de leur lignée et en se réappropriant leur héritage. Ils doivent, à l’exemple d’hommes comme Olier Modrel, sacrifier le présent à l’avenir et l’intérêt individuel à la communauté.

 

Olier Mordrel, toujours courageux, franc et lucide malgré son grand âge, gardait sa vivacité intellectuelle légendaire. En 1979, il a publié “Les Hommes Dieux” chez Copernic, “L’Idée bretonne” chez Albatros et “Le Mythe de l’Hexagone” chez Picollec en 1981 et, en 1983, chez nathan, un grand album “la Bretagne et les pays bretons”.

 

Mais Olier Mordrel est malgré cela parti trop rapidement: inlassable créateur, il laisse plusieurs  ouvrages en suspens. Le passé n’est pas à dévaluer et nous n’oublions pas les grands hommes qui sont nos pères. Ils nous inspirent un futurisme constant, nous  servent de réacteur pour affronter l’avenir et nous rendre créateur de nous-mêmes dans l’histoire, c’est-à-dire démiurges.

 

Les Bretons historiques nous donnent un sens pour une montée en puissance collective; le progressisme est tombé dans le show-biz et la régression passéiste; c’est à nous, qui avons une conscience celto-européenne moderne, de produire une deuxième modernité sur la route défrichée par des hommes comme Olier Mordrel qui marche toujours à nos côtés comme un fier guerrier.

 

Il nous a confié un flambeau que nous devons mener jusqu’à la victoire.

 

Yann-Ber TILLENON.

(Hommage à Olier Mordrel paru dans la revue “Diaspad”, n°13, s.d.).

samedi, 11 juillet 2009

Maurice Bardèche: une fidélité

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Archives de Synergies Européennes - 1993

Maurice Bardèche: une fidélité

 

Les souvenirs de Maurice Bardèche sont parus. C'est l'histoire d'une fidélité: à un beau-frère, à une idée, à une espérance, qui fut celle d'une part de la jeunesse européenne. L'espérance, en Europe, de nations réconciliées avec leurs peuples. Espérance très certainement illusoire: avec le fascisme, tout est bien qui finit mal.

L'influence de Bardèche ne s'est peut-être pas exercée sur un nombre important d'esprits, rnais elle a été considérable pour quelques-uns, en intensité et en durée. Sa revue Défense de l'Occident (1) a souvent été la première occasion de collaboration journalistique pour de jeunes non-confortnistes. En fonction des époques et des rédacteurs de la revue, celle-ci, parue de 1952 à 1982, fut d'une qualité naturellement variable. Elle constitua en tout cas un authentique ilot de non conformisme.

Pendant 30 ans, c'est-à-dire les années d'après-guerre, l'essentiel de ce qui s'est dit d'intelligent, "à droite", a été dit par Bardèche: sur la fin des colonies et le retour nécessaire à la fierté des peuples d'Afrique et d'Asie, sur les droits des Arabes en général et des Palestiniens en patticulier, sur le monde moderne comme émasculation de l'homme, sur le culte du dollar et le fonctionnarisme. Et avec une flopée d'autres dont des jugements positifs sur Mendès-France ou le Bérégovoy de 1982 témoignent. Naturellement, Bardèche n'est pas Pareto. Ce n'est pas un théoricien, pas plus qu'un doctrinaire à la Ploncard d'Assac.

Quoiqu'il en soit, avec Montherlant et Pauwels, Bardèche a été à l'origine de mon éveil, qui ne fut pas seulement politique, et ne le fut même pas principalement. Je ne suis sans doute pas seul dans ce cas. On constate à ce sujet une évolution singulière. Pour âpres et parfois violents que furent les combats menés contre le rebelle Bardèche, - celui-ci lançant ses brulôts contre les mythologies du temps -, souvent se manifestait un respect de l'adversaire, ou du moins une reconnaissance de l'ennemi qui n'a plus cours aujourd'hui. Maintenant, l'adversaire des vérités officielles n'est plus respectable, il n'est plus même un simple ennemi du système, il est devenu une "non-personne".

Des années de Défense de l'Occident, - auquel j'ai collaboré jeune -, à 1993, j'ai certes évolué. Assez considérablement même sur certains points (2). Reste une fidélité. Elle unit ceux qui sont passés par les "portes de lumières". Si Brasillach, c'était le don du bonheur, le goût du courage et l'émerveillement devant l'itmocence des jours toujours premiers, Bardèche, ce fut l'ironie dévastatrice de Suzanne et le taudis, et de nombre de pages des Souvenirs, et la distance jusque dans l'engagement le plus radical.

A la fin d'une vie abrégée par les démocrates sincères et les patriotes de progrès, Brasillach plaidait pour un "fascisme libéral". Bardèche, de son côté, n'a cessé de crayonner les traits d'un "fascisme raisonnable". A tel point que beaucoup de ses lecteurs - et j'en suis - sont devenus raisonnablement a-fascistes. Ni haine, ni racisme chez Bardèche, curieux des êtres, amoureux de la diversité du monde. Malgrè un goût prononcé pour le blasphème, on ne trouve pas chez lui une recherche systématique de l'originalité. Bardèche dit d'un de ses livres, Les Temps modernes, qu'il ne contenait que "des vérités largement répandues". Cet écrivain passionné n'aspirait qu'à être un homme tranquille, penché sur les livres, les femmes et les enfants - ce qui constitue somme toute un assez bon programme.

Ce qui unifie l'ensemble des travaux de Bardèche, politiques, historiques et littéraires, c'est effectivement un programme simple et robuste: le refus d'un monde mercantile. "Tout ce que j'ai écrit n'a jamais été qu'une protestation contre l'invasion de l'économique dans notre vie". Tous les livres de Bardèche sont parcourus par une sensation dont il écrit ne l'avoir pleinement composé que dans les dix dernieres jours après la disparition de Défense de l'Occident. Cette sensation, ou cette intuition, c'est la hantise de la dépossession, "non seulement de nos nations, mais de notre personnalité même". Le "monde d'hier" est mort, celui des héroïques petits Bara et Viala, celui où "les nuits étaient de vraies nuits". Il ne reste, aux hommes, sans doute que les femmes pour leur renvoyer l'image de leurs propres rêves. Il n'est pourtant pas certain que cela soit suffisant.

 

Pierre LE VIGAN

 

(1) du nom du livre d'Henri Massis.

(2) Pour faire court et me limiter au plan politique, je précise être plus à l'écoute de Lipietz ou de Chevènement que de Le Pen. Sans que la diabolisation de celui-ci ne me paraisse ni souhaitable, ni raisonnable, ni honorable.

 

Maurice Bardèche, Souvenirs. Buchet-Chastel, 1993.

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dimanche, 14 juin 2009

Jean-Marie Gantois

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Jean-Marie Gantois

ex: http://www.n-sa.be/

Ongetwijfeld is Jean-Marie Gantois de sterkste persoonlijkheid geweest die de Vlaamse Beweging in Noord-Frankrijk sinds prof. dr. Camille Looten ( 1855-1941 ) heeft opgeleverd. Hij werd te Waten (Frans: Watten) in het arrondissement Duinkerke op 21 juli 1904 geboren als oudste van de vijf kinderen van Albert-Félix Gantois ( 1877-1931 ), een geneesheer die van Belle (Bailleul) afkomstig was, en van Marthe Courtois ( 1875-1968 ) uit Blaring(h)em. Twee kinderen stierven jong. De tweede zoon Michel volgde zijn vader als geneesheer te Waten op en Géneviève, de jongste dochter in het gezin, trad in het klooster en verblijft in Paray-le-Monial.

Er bestond te Waten een Ecole du Sacré Coeur van de Broeders Maristen, waar Jean-Marie Gantois zijn lager onderwijs genoten heeft. Natuurlijk in het Frans, aangezien het Nederlands, nochtans de moedertaal van de autochtone bevolking in de Franse Nederlanden (zoals het meer en meer de gewoonte wordt dit deel van Frankrijk te noemen) door een decreet van de Conseil Académique du Nord op 27 januari 1853 verboden werd. Toen Frankrijk in 1880 de schoolplicht invoerde en in 1882 minister Jules Ferry het programma van het lager onderwijs voorschreef, bevestigde dit stilzwijgend het dertig jaar vroeger getroffen besluit. Het voorzag geen lesuren voor het Nederlands en verbood terzelfder tijd dat iets zou onderwezen worden dat niet uitdrukkelijk op het programma vermeld stond.

Vooral de kinderen uit de lagere volksklasse, die thuis alleen Nederlands in zijn dialectische streekvorm gehoord en gesproken hadden, waren de slachtoffers van die taaldwang, te meer daar het de onderwijzers in het lager en de leraars in het middelbaar onderwijs evenmin toegelaten was van het Nederlands te vertrekken om hun leerlingen een degelijke kennis van het Frans bij te brengen. Zelfs werd het spreken van de moedertaal gedurende de speeltijden bestraft met kleine geldboeten of het schrijven van strafregels.

Voor Jean-Marie Gantois sloot dat systeem geen nadeel in, omdat hij van huis uit Frans sprekend was. In een burgerlijk milieu werd het voor onbehoorlijk gehouden de taal van de kleine lieden te gebruiken, tenzij in gesprekken met het dienstpersoneel. Zo had Gantois toch enige Nederlandse woorden en uitdrukkingen opgevangen van de meisjes die zijn moeder in de huishouding hielpen of op de wekelijkse markt in Waten, waar de landbouwbevolking uit de streek naartoe kwam. Maar op dat ogenblik deelde hij nog, onbewust van enige verkeerdheid in zijn houding, de gevoelens die in zijn omgeving ten overstaan van de volkstaal gemeengoed waren.

Dat hij een knappe leerling zal geweest zijn, blijkt al uit het feit dat hij twaalf jaar oud in 1916 voldoende voorbereid was om zijn Grieks-Latijnse humaniora aan te vatten in de vijfde klasse (dus een jaar hoger dan normaal) aan het Institution Sainte-Marie in Ariën-aan-de-Leie (Aire sur la Lys), het college waar Georges Bernanos enkele jaren vroeger zijn secundaire studies voltooid had. Reeds het volgende jaar maakten de oorlogsomstandigheden dat de school ter beschikking van het Franse leger gesteld, door de leerlingen en leraars moest ontruimd worden.

Nadat hij enige tijd thuis zijn studies op zijn eentje voortgezet had, kreeg Gantois de gelegenheid om aan het Institution Saint-Jacques in Hazebroek (Haesebrouck) verder te studeren. In april 1918, toen de stad door het Duitse lenteoffensief bij de Kemmelberg bedreigd werd, week het college uit naar Lagrune-sur-Mer, een kleine Normandische stad in het departement Calvados, tot het in mei 1919 naar Hazebroek terug kon keren. Tijdens deze oorlogsjaren werd Gantois zich langzamerhand van zijn Vlaamszijn bewust. Twee elementen speelden daarbij een beslissende rol: de onrechtvaardige, zelfs hatelijke vervolging waarvan zijn Nederlands sprekende makkers het slachtoffer waren en de invloed van een beminde leraar, E. H. Jules Andouche ( 1887-1948 ), die Vlaamsgezind was, voor zijn overtuiging uitkwam en zijn rijke bibliotheek voor zijn leerlingen open stelde.

Nadat hij in 1921 zijn baccalaureaat behaald had, studeerde Gantois een jaar wijsbegeerte aan de Ecole Jeanne d’Arc in Rijsel (Lille), waarna hij in 1922 binnen trad in het klein seminarie van Annappes, om zich op het priesterschap voor te bereiden. Datzelfde jaar publiceerde hij als achttienjarige een eerste bijdrage in Le Beffroi de Flandre ( 1919-1928 ), een cultureel tweemaandelijks tijdschrift dat in Duinkerken door de journalist Gaspard Vandenbussche werd uitgegeven. Gantois ondertekende het met een van de vele schuilnamen — ten minste een tiental! — die hij voortaan gebruiken zal, om zich zelf niet voortdurend op de voorgrond te dringen en ook om onaangename moeilijkheden met het gerecht of zijn geestelijke overheid te voorkomen. Datzelfde jaar werd hij lid van de Cercle flamand, een Vlaamse studiekring, die in het klein seminarie opgericht werd door de priester-leraar en oudstrijder uit de eerste wereldoorlog Antoine Lescroart (1897). De leden van de kring trachtten met behulp van de vaak verouderde boeken die zij in Frans-Vlaanderen verzameld hadden weer hun moedertaal machtig te worden en meteen de geschiedenis en problemen van hun volk te leren kennen. Door moeizame inspanning en volhardende wilskracht zou Gantois er na jaren in slagen perfect tweetalig te worden, zodat hij zich even vlot in het Frans en Nederlands kon uitdrukken.

In 1923 verliet hij het klein seminarie te Annappes om naar het Séminaire Académique in Rijsel over te gaan. Zeven jaar lang zal hij er zich op de studie van de theologie, geschiedenis, klassieke en Germaanse talen toeleggen. Hij sloot er vriendschap met een van zijn hoogleraren, Camille Looten, die aan de Sorbonne met een studie over Vondel promoveerde, voorzitter was van het Comité flamand de France en eerlang ook erevoorzitter van het Vlaamsch Verbond van Frankrijk (VVF) zou worden. Nauwelijks te Rijsel aangekomen stichtte Gantois er een nieuwe Cercle flamand, die hij de Michiel De Swaenkring heette.

Om zijn vrienden bij hun studie van het Nederlands enige voorlichting te verschaffen schreef hij een Spraekkunst der Fransch-Vlamingen, die hij later met een ironische glimlach afwees. Onder invloed van Guido Gezelle en de Westvlaamse particularisten uit het einde van de negentiende eeuw, leefde hij toen nog in de mening dat er een Westvlaamse taalvorm bestond die zich naast de algemene Nederlandse cultuurtaal moest handhaven. In deze periode werkte Gantois onder verscheidene schuilnamen geregeld mede aan de tijdschriften van de Vlaamsgezinden in Frankrijk, het reeds vermelde Le Beffroi de Flandre, Le Mercure de Flandre (1922-31) en De Vlaemsche Stemme in Vrankryk (1923-26), een initiatief van Lescroart, dat praktisch alle publicisten verenigde die zich nog van de streektaal konden bedienen.

In de grote vakantie van 1924 vergaderden de leden van de Cercles flamands in de Trappistenabdij op de Katsberg en besloten tot de oprichting van een overkoepelende organisatie, de Union des Cercles flamands. Spoedig sloten naast de jonge geestelijken ook belangstellende leken aan, waarop de naam van de vereniging veranderd werd in Ligue des Flamands de France of Vlaamsch Verbond van Frankrijk. Tot voorzitter werd Justin Blanckaert en tot algemeen secretaris Jean-Marie Gantois verkozen. Laatstgenoemde werd de breed onderlegde theoreticus en nooit vermoeide of moedeloze drijfkracht van het verbond, tot het in september 1944 in pijnlijke omstandigheden opgeheven werd.

In 1925 werd Gantois vertegenwoordiger van het Algemeen Nederlandsch Verbond in Frans-Vlaanderen en weldra schreef hij voor de Nederlandse en Vlaamse pers talrijke stevig gedocumenteerde artikels over zijn land en volk. Tussenin vond hij nog tijd om een der trouwste belangstellenden te worden voor de cursus Nederlands, die van 1926 af aan de Facultés catholiques te Rijsel door E.H.René Despicht (1870-1960) gedoceerd werd. Twee jaar later publiceerde Gantois in boekvorm, nu onder het pseudoniem Edmond Bruggeman een studie over Les Mystiques flamands, met een inleiding van mgr.G.J.Waffelaert, bisschop van Brugge en samen met E.H.Marcel Janssen (1903-1963) een brochure Fransch-Vlaanderen (192 <!--[if !vml]-->8)<!--[endif]-->bestemd voor Belgische en Nederlandse lezers.

Na een overzicht van de geschiedenis van zijn geboorteland en de toen heersende toestanden in Frans-Vlaanderen, stelde hij de mogelijkheid dat de ethnische minderheden in Frankrijk, door een bundeling van hun krachten, er misschien toe konden komen een beperkte vorm van cultureel zelfbestuur af te dwingen. Nog enige jaren zal hij in die richting een uitweg blijven zoeken voor de Frans-Vlaamse problematiek, tot hij even voor het uitbreken van de tweede wereldoorlog tot het inzicht zal komen dat alleen een hereniging van de oude Zeventien Provinciën een afdoende oplossing kon bieden.

Het Vlaamsch Verbond van Frankrijk ontplooide bijna twee decennia lang een activiteit die steeds breder volkslagen bereikte. Het gaf twee tijdschriften uit: Le Lion de Flandre (1929-1944), een studieblad voor de intellectuelen bestemd, en De Torrewachter (1929-1944), uitsluitend in het Nederlands geredigeerd, voor de gewone lezers. Ieder jaar organiseerde het een congres dat stijgende bijval genoot en een literaire prijsvraag, die ettelijke mededingers verenigde. Schriftelijke Nederlandse cursussen kenden enig succes en er ontstond ook een Frans-Vlaamse afdeling van het Belgisch-Vlaamse Davidsfonds, een cultuurorganisatie met boekenclub, die in Frans-Vlaanderen een dertigtal leden telde.

De man die achter de schermen dikwijls het meest ondankbare werk verricht had was de secretaris-generaal. Hij vervulde zijn militaire dienstplicht in 1927-1928 in Metz en werd op 19 augustus 1931 tot priester gewijd. Daarop volgde zijn benoeming tot kapelaan in een Rijselse werkliedenparochie, waar hij in een tijd van werkeloosheid en internationale politieke spanningen van dichtbij de noden van de arbeiders leerde kennen. Later nam hij hetzelfde ambt waar in Ronk (Roncq) en Robeke (Roubaix), het grote textielcentrum in Noord-Frankrijk, tot hij van begin 1942 af op eigen verzoek van parochiaal werk ontslagen werd.

Toen Frankrijk in september 1939 aan Duitsland, na zijn inval in Polen, de oorlog verklaarde, besloot het Vlaamsch Verbond van Frankrijk zijn activiteit stop te zetten. Maar begin 1941 kwam het op die beslissing terug, omdat het erop leek dat de vrede nog lang op zich zou laten wachten en ook, omdat Gantois vreesde dat een periode van volledige rust de reeds bereikte resultaten in gevaar zou brengen. De tijdschriften verschenen opnieuw en Gantois, ditmaal onder de schuilnaam H.van Byleveld schreef zijn ophefmakende studie Nederland in Frankrijk (1941). Daarin verdedigde hij de thesis dat de grenzen van de Franse Nederlanden niet op de taalgrens liggen, maar wel op de Zomme (Somme) en Zerre (Serre). Dat zijn de rivieren tot waar de Frankische en Saksische nederzettingen in de vijfde en zesde eeuw van onze tijdrekening talrijk genoeg waren, om het land waarvan zij de zuidwestelijke grens uitmaken een Germaans volksgebied te mogen heten.

De taal was voor hem niet langer de beslissende factor voor het bepalen van de volksidentiteit, wel de afkomst, de geschiedenis en de keuze van een bewuste minderheid ten overstaan van de toekomst. Een taal kon verloren gaan, zij kon ook weer aangeleerd en van hogerhand ingevoerd worden, zoals dat trouwens met het Frans in Frans-Vlaanderen was gebeurd. Van dat ogenblik af zag hij de geschiedenis niet meer als een statisch gegeven over bestaande toestanden en voorbije werkelijkheden, maar als de schepping van een elite, die de gebeurtenissen naar een bepaald doel oriënteert. In die zin moet de brief gelezen worden welke hij in 1940 aan de Duitse overheid schreef, om te bepleiten dat Nederland in Frankrijk als een geheel en als een afzonderlijke entiteit in het Frankrijk van Pétain erkend zou worden.

Hoewel verschillende leden van het Vlaamsch Verbond van Frankrijk het niet met hem eens waren, beleefde de organisatie tijdens de oorlog een opmerkelijke bloei. De tijdschriften verhoogden hun oplage, congressen en cursussen hadden meer bijval en in 1942 voegde Gantois twee nieuwe initiatieven aan de reeds bestaande toe. Er kwam in Rijsel een Institut flamand de France, een soort volkshogeschool met bibliotheek en vergaderzalen, waar ook tentoonstellingen plaats grepen en ongeveer terzelfder tijd werd een jeugdorganisatie de Zuid-Vlaamse Jeugd opgericht. Van 1943 af beschikte zij over een eigen tweetalig orgaan Jeunes de Flandre/De Jonge Zuid-Vlaming. Tussenin had Gantois, met de nooit begevende werkkracht die hem eigen was, nog de tijd gevonden voor een merkwaardig autobiografisch geschrift Hoe ik mijn volk en mijn taal terugvond (1942), dat als geen ander de achtergronden van zijn leven en denken onthult.

Een paar weken na de bevrijding in september 1944 ontketende een deel van de Noord-Franse pers een bitsige campagne tegen het Vlaamsch Verbond van Frankrijk, dat van verraad beschuldigd werd. Een vijftigtal stafleden van de vereniging, met de secretaris-generaal aan het hoofd werden aangehouden en kwamen, na een voorarrest van meer dan twee jaar, van 9 tot 28 december 1946 voor de krijgsraad in Rijsel. Na een schitterende verdediging van Gantois, veroordeelde de rechtbank enkele beschuldigden tot lichte straffen en sprak de overigen vrij. Gantois zelf kreeg vijf jaar gevangenis, wat, rekening houdend met de sfeer waardoor de rechtsbedeling in die dagen beïnvloed werd, zeer gunstig uitviel en veeleer als een principiële afkeuring dan als een straf kon beschouwd worden. Toch werd het Vlaamsch Verbond van Frankrijk verboden en zijn bezit aangeslagen.

In oktober 1948 mocht Gantois de gevangenis verlaten, maar tegelijkertijd kreeg hij een verplichte verblijfplaats buiten de Franse Nederlanden opgelegd. Hij vestigde zich in een klooster te Brachay (Haute Marne) in Bourgondië, een der oude Franse provinciën, waar een vriend woonde waarover hij vroeger al, toen onder de deknaam Lucien Baekeman de monografie Johannès Thomasset, historien et poète de la Bourgogne (1935) geschreven had. Onverschillig op het verder verloop der gebeurtenissen toezien kon Gantois niet. Weldra begon hij opnieuw te publiceren. In de brochures Veut on vraiment faire l’Europe? (1949), ondertekend Henri Dumesnil en Les Pays de résistance au Jacobinisme, ondertekend Joris-Max Gheerlandt, kwam hij op voor een Verenigd Europa van de volkeren, niet van de bestaande staten, waaraan hij hun bekrompen nationalisme verweet. In 1953 viel hij onder de toepassing van een algemene amnestiemaatregel, waarbij kleine straffen als de zijne uitgewist werden en kon hij naar Rijsel terugkeren. Zijn bisschop benoemde hem daar tot hulppriester aan de Paroisse Saint-Michel, gelast met de bijzondere opdracht voor de geestelijke begeleiding van de studenten aan de Rijselse universiteit in te staan.

Intussen was Gantois weer in betrekking getreden met zijn vroegere vrienden en ook met het Komitee voor Frans-Vlaanderen in Waregem, dat sinds 1948 een breed opgezette actie voerde om het Nederlands bewustzijn in de Franse Nederlanden uit te breiden en zijn culturele verbondenheid met Nederland en Vlaanderen in België te versterken. Zo werd hij medewerker en weldra hoofdredacteur van het Frans-Vlaamse kwartaalblad Notre Flandre/Vlaamse Heerd (1952), dat van 1960 tot einde 1968 onder de licht gewijzigde titel Notre Flandre/Zuidvlaams Heem zou blijven verschijnen. In dezelfde periode publiceerde hij nog Ons Nederland boven de Zomme (1956) en een groot aantal artikels in verschillende bladen.

Een belangrijke gebeurtenis leek wel in september 1958 de oprichting van De Vlaamse Vrienden in Frankrijk, met de bedoeling dat die organisatie de bedrijvigheid van het vroegere Vlaamsch Verbond van Frankrijk weer op zou nemen. Dat is er evenwel, vooral wegens de veranderde tijdsomstandigheden niet van gekomen. Maar in 1971 heeft een groep jongeren de taak van De Vlaamse Vrienden in Frankrijk overgenomen en in amper twee jaar, onder de naam Michiel De Swaenkring een organisatie uitgebouwd, die reeds bij de driehonderd leden telt en stelselmatig een veel omvattend programma uitwerkt.

Gantois heeft het als een grote eer beschouwd dat hij in 1962 tot lid van de Maatschappij der Nederlandse Letterkunde verkozen werd, omdat hij er een erkenning in zag van zijn verdiensten bij de verdediging van het Nederlands in een zwaar bedreigd deel van ons taalgebied. Naar aanleiding van zijn zestigste verjaardag werd hij op 13 september 1964, door een uitgelezen schaar vrienden en bewonderaars gehuldigd in het grafelijk slot van Male bij Brugge en drie jaar later werd hem het eerste exemplaar aangeboden van de lijvige verzamelbundel De zuidelijkste Nederlanden (1967). Dat laattijdige feestgeschenk bevat een keus uit zijn voornaamste studies en verhandelingen.

In de vroege morgen van 28 mei 1968, daags na de begrafenis in Waten van zijn hoog bejaarde moeder, is Jean-Marie Gantois tragisch aan zijn einde gekomen. Op een wandeling langs de A, moet hij op het grondgebied van de gemeente Holke (Holque), door een hartaanval getroffen, in de rivier gegleden zijn. Zijn ontzield lichaam werd er enkele uren later half in half uit het water gevonden. Op 31 mei werd hij op het kerkhof van zijn geboorteplaats begraven. Vriendenhanden legden op zijn graf een bloemenkrans versierd met het oranje-blanje-bleu van de Prinsenvlag, symbool van het ideaal waarvoor hij bijna een halve eeuw lang koppig en zonder eigen voordeel te zoeken geleden en gestreden had.

 

 

mardi, 05 mai 2009

Giano Accame o dell'amicizia antieconomicista

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Giano Accame o dell’amicizia antieconomicista
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di Carlo Gambescia
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Ho conosciuto di persona Giano Accame, che naturalmente leggevo da anni, in occasione di un convegno, se ricordo bene, da lui ideato e intitolato “Oltre il muro di Wall Street”, all’inizio degli anni Novanta del secolo scorso. Da poco era caduto il Muro di Berlino, mentre quello edificato dalla rapace e apolide finanza globale nel secolo americano, era rimasto in piedi, in tutta la sua arrogante imponenza.
Giano si proponeva se non di abbatterlo almeno di aprire qualche breccia, qui in Italia, grazie alle idee controcorrente di un pugno di refrattari al capitale finanziario, come si e ci definì il compianto professor Arduino Agnelli, presente tra gli invitati lì riuniti, grazie alle grandi capacità organizzative di Giuliano Borghi e ai mezzi messi a disposizione dal compianto Ivo Laghi, quale direttore all’epoca di “Pagine Libere”, autentico fiore all’occhiello della Cisnal.
Il muro però oggi è ancora lì. E noi pure, magari con qualche triste assenza legata alle inesorabili leggi della grande catena dell’Essere. Ma sempre con le spade dell’intelligenza sguainate. E con Giano al comando, pronti all’ultima carica, contro i carri armati di Wall Street… Costi quel che costi.
Non poteva perciò non nascere tra noi, già in quegli anni, un grande feeling intellettuale. Poi trasformatosi nel tempo in amicizia.
Su quali basi però? Ovviamente quelle di un rigoroso e affratellante antieconomicismo. E sicuramente ricambiato, nei nostri riguardi, dall’economia stessa. E in particolare dal denaro, che ci ha sempre “guardato”, diciamo così, con analoga antipatia.
Per entrare nel merito: in Giano, l’antieconomicismo passa attraverso il fuoco di una cultura trans-fascista, incarnatasi storicamente nella gigantesca e sempre attuale battaglia del sangue contro l’oro. Mentre nel sottoscritto l’antieconomicismo origina da una formazione di tipo sociologico, meno politicizzata o infuocata, che però designa nello studio dei fenomeni sociali le chiavi ideali per penetrare e cambiare, secondo i valori di sempre, la Città dei Moderni. Troppo sbilanciata sul piano dell’agire economico orientato al profitto, fino a sconfinare nella pirateria borsistica, oggi ancora ben insediata dietro il Muro di Wall Street.
Diciamo subito che anni di conversazioni fitte fitte, avvenute nel suo studio così affollato di libri, quadri, gatti, cani e idee antieconomiciste, hanno contribuito ad allargare i miei orizzonti. Fino al punto di riuscire a capire che l’economia non è solo sociologia, ma anche poesia e letteratura. E soprattutto politica, come capacità di immergersi con la passione dell’intellettuale “armato” (delle sue sole idee, ovviamente), anche nella trivialità, pur necessaria, della comprensione del divenire storico ed economico. Per riaffiorarne con nuove certezze sulla natura a tutto tondo dell’ uomo reale: che non è economico e ragionatore, ma antieconomico e sragionatore. E dunque capace di sacrificarsi “poeticamente”, immolandosi magari in guerra, per un’ idea come quella di patria. O semplicemente per fedeltà alle scelte fatte. E non importa se perdenti. Scegliendo così la via del più ruggente idealismo politico.
Ma devo a Giano anche numerosi suggerimenti di lettura, poi magari concretizzatisi in comuni collaborazioni. Penso al Mazzini, al Carli e al Michels, pubblicati nella collana “Contra” di Settimo Settimo Sigillo da me diretta. E da ultimo, al mio libro su Del Noce, che si avvale di un’intensa prefazione proprio di Giano. Dove, tra l’altro, ho messo a frutto alcune sue preziose notazioni esistenziali sul filosofo cattolico. Ma penso anche ai convegni, alle presentazioni di libri, alle riunioni editoriali e di redazione. Sarebbe veramente lungo fare la lista, per autori, delle suggestioni legate alla sua frequentazione e amicizia.
Un legame fatto anche di momenti ludici. E perciò di vivaci incontri conviviali, con altri valorosi quanto, alla bisogna, faceti amici. Segnati da bicchierate, squisiti manicaretti, e, a fine pasto, da esplosivi “Sgroppini”: una miscela di vodka, gelato al limone e una lacrima di spumantino. Se ci si passa l’espressione un po’ volgare: uno sturalavandini… Al quale Giano, insieme alla poesia e alla letteratura antieconomicista di Pound e di Marinetti, mi ha iniziato… Con mio grande gaudio. E ne sanno qualcosa Enzo Cipriano, il nostro grande e incosciente editore, sempre presente al rito dello Sgroppino. E il bravissimo ristoratore Michele, proprietario della “Piccola Irpinia”, nostro anfitrione romano e sapiente somministratore di “Sgroppini”…
Anche in queste occasioni conviviali, Giano non manca di suggerimenti e stimoli. La convivialità, insomma, nel senso del “vivere con” le emozioni, non solo della cultura, raggiunge il suo livello più intenso proprio durante le nostre cene. Vita e intelletto finiscono così per congiungersi felicemente.
Ecco, questa prodigalità di consigli e suggerimenti; questo donare, così candidamente se stesso, con naturalezza, senza mai far pesare la propria cultura, è tipico di quello che mi piace definire l’antieconomicismo esistenziale di Giano. Che spesso si nota nella sua pagina anche giornalistica, sempre colta, nitida, ma ricca di liberi spunti e stimoli donati al lettore, arricchendolo; si parla al mondo ma senza prevaricare. Con eleganza di cuore.
Il punto è che Giano, pur nella fermezza delle sue idee, è ancora oggi capace di ascoltare il mondo, dando così vita a una specie di circuito del dono intellettuale, tra chi legge e chi scrive. Anche se di sponde opposte. Come del resto dimostra l’attenzione che Giano ha ricevuto in ambienti lontani dalla destra. Il che deve rappresentare una lezione di vita per tutti noi, giovani e meno giovani. Quale lezione? Come essere realmente artigiani delle idee, nel senso più nobile del termine, andando al di là degli steccati politici post-1789. Pur conservando un ideale rispetto per quei “maggiori” di destra o sinistra, dai quali alcuni di noi discendono per precedenti scelte politiche.
E in questo senso mi piace parlare dell’amico Giano come di un mio “Maggiore”: vero maestro di studi, di giornalismo e di vita.
Auguri Grande Giano per i tuoi ottant’anni. Donati bene a quel mondo variegato e ribelle di spiriti liberi che ti ama intellettualmente e che non sarà mai pago di ascoltarti.
Un abbraccio affettuoso dal tuo Carlo.

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jeudi, 23 avril 2009

E morto Giano Accame

È morto Giano Accame

http://www.ilmessagero.it/

Giano Accame (foto Ansa)
ROMA (16 aprile) - Giano Accame si è spento a Roma. La notizia della morte dello storico, giornalista e scrittore nato a Stoccarda il 30 luglio del 1928 è stata data dal figlio Nicolò. La camera ardente, allestita presso la casa-studio di Accame in Lungotevere dei Mellini 10 a Roma, verrà aperta questo pomeriggio a partire dalle 15.

I funerali si svolgeranno sabato prossimo alle 10.30 a Roma, nella chiesa di Santa Maria della Consolazione al Foro romano.

Accame, giornalista, studioso, direttore del Secolo d'Italia ìtra l'88 e il '91, è stato uno degli intellettuali di primo piano della destra italiana e avrebbe compiuto 81 anni il 30 luglio. Aveva un record unico tra i giovani di Salò: si arruolò la mattina del 25 aprile 1945: «la sera ero già in galera. Non ho mai fatto il miles gloriosus anche per questo. Avevo 16 anni», disse in una recente intervista.

Accame, nato a Stoccarda ma cresciuto a Loano, ha avuto un percorso molto particolare nella destra. Fu tra i relatori al convegno sulla Guerra rivoluzionaria, nel '65, che gettò le base teoriche della strategia della tensione, dirigente del Movimento sociale italiano fino al '68, tra i più stretti collaboratori di Randolfo Pacciardi, padre del presidenzialismo italiano, nell'esperienza effimera dell'Unione democratica per la Nuova Repubblica, anticipatrice del dibattito sulla repubblica presidenziale. E' stato poi redattore delle più importante riviste della destra - da Il Borghese, al Fiorino e L'Italia settimanale - collaboratore de Il Sabato, Lo Stato, Pagine Libere, Letteratura.

Durissima fu in principio la sua critica a Gianfranco Fini che parlava del fascismo come male assoluto ma Accame negli ultimi tempi leggeva gli avvenimenti politici e la confluenza con Forza Italia nel Pdl come un necessario fatto imposto dai tempi. Collocava dunque questa svolta nell'orizzonte del superamento delle ideologie, «oltre la destra, oltre la sinistra - disse ricordando lo slogan sempre caro alla destra sociale dell'Msi - il vero ambito in cui si muove questa fusione è quello della de-ideologizzazione, una scelta che è positiva ma che impone nuove analisi, nuovi modi di essere, nuove sfide. Lo globalizzazione non è stata quel fenomeno negativo che oggi si tende a raffigurare».

«Per me è veramente una scomparsa gravissima, per me è stato un maestro», ha detto il sindaco di Roma Gianni Alemanno. «Ho offerto alla famiglia di allestire la camera ardente in Campidoglio - ha detto Alemanno - loro però preferiscono tenerlo a casa». «È stato un intellettuale di grandissimo spessore - ha concluso - che ha attraversato tutta la storia del dopoguerra, con posizioni sempre molto ricche e significative. È stato uno dei grandi maestri della cultura di destra».

Chi era Giano Accame

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Chi era Giano Accame

L'intellettuale "eretico" di destra

Pensatore eretico della destra, fascista di sinistra, uno degli intellettuali storici della destra italiana, l'intellettuale che voleva unire destra e sinistra sull'idea di patria, il pioniere del dibattito sulla repubblica presidenziale, il primo intellettuale di destra ad avere posizioni filoisraeliane, pensatore "scomodo" grande studioso del poeta americano Ezra Pound: sono solo alcune delle definizioni date ad Giano Accame, il giornalista, saggista e scrittore scomparso a Roma a 81 anni.

Da vero "irregolare" del panorama politico e culturale di destra, Giano Accame ha ricoperto ruoli diversi nella sua lunga vita: dalla sua collaborazione con Tabula Rasa, fucina di pensatori della destra, a inviato del settimanale Il Borghese dal 1958 al 1968; per sedici anni direttore del settimanale Nuova Repubblica, che faceva capo al repubblicano Randolfo Pacciardi, e direttore del quotidiano Il Secolo d'Italia, organo del Msi, tra il 1988 e il '91. Ha pubblicato diversi libri che hanno sempre suscitato dibattito a destra e letti con attenzione a sinistra: Socialismo tricolore (1983) con Editoriale Nuova, poi con Settimo Sigillo Il fascismo immenso e rosso (1990), Ezra Pound economista, Contro l'usura (1995), La destra sociale (1996), Il potere del denaro svuota le democrazie (1998). Nel 2000 con Rizzoli Accame ha pubblicato Una storia della Repubblica: un'opera, avvertiva l'editore, non basata sul conformismo e sul politicamente corretto, ma raccontata con un'interpretazione fuori dai vecchi schemi, spesso critica ma sempre obiettiva e rigorosamente documentata. In pochi mesi il volume fu ristampato più volte e poi apparve anche in edizione tascabile Bur Rizzoli. Alla presentazione ufficiale del libro a Roma esponenti di destra e di sinistra cercarono di far "pace" sul dopoguerra: intervennero, tra gli altri, Gianni Borgna, Marco Minniti, Gianni Alemanno e Francesco Storace.

Giano Accame nasce a Stoccarda il 30 luglio 1928 da madre tedesca, Elisabeth von Hofenfels, mentre il padre e il nonno furono ammiragli e gli antenati piccoli armatori di Loano (Savona). Il 25 aprile 1945, giorno della Liberazione, ad appena 17 anni, Accame si arruolò nella marina militare della Repubblica sociale italiana, ammirando la Decima Mas. La sua adesione alla Rsi durò lo spazio di un mattino, perché alla sera fu catturato dai partigiani a Brescia. Nel 1946 si iscrisse a Genova al Fronte degli Italiani, organismo poi confluito nel Msi, di cui creò le prime sezioni nella riviera ligure ed è stato dirigente regionale e nazionale. Nel 1956 lasciò il Movimento sociale italiano, stanco di polemiche interne e per impegnarsi di più con il giornalismo, sua futura professione, nelle polemiche culturali.

Da qui la collaborazione, con altri intellettuali già stanchi del partito, con Tabula Rasa. Nel 1956 iniziò la professione come capo della redazione toscana del settimanale Cronaca italiana. Nel 1958 passò a Il Borghese, da cui si dimise nel 1968 per contrasti sulla contestazione giovanile. Segretario del Centro di vita italiana presiedutoda Ernesto De Marzio, organizzò a Roma due incontri internazionali di scrittori di destra. Nel1964 dirisse il settimanale Folla, poi, Nuova Repubblica, organo del movimento presidenzialista del repubblicano Randolfo Pacciardi, l'Unione democratica per la nuova Repubblica, di cui divenne segretario nazionale. Come stretto collaboratore di Pacciardi, Accame fu anticipatore, durante gli anni Sessanta, del dibattito sulla repubblica presidenziale.

Dal 1969, come inviato ed editorialista de Il Fiorino, Giano Accame si specializzò in giornalismo economico e collaborò agli Annali dell'economia italiana di Epicarmo Corbino. Tra la fine del 1988 e il 1991 ricoprì l'incarico di direttore del Secolo d'Italia. Ha collaborato con diverse riviste, tra le quali L'Italia settimanale, Il Sabato, Lo Stato, Pagine Libere, Letteratura - Tradizione, La Meta Sociale e Area, ma anche con diversi quotidiani come Il Tempo, Lo Specchio e Vita.

Giano Accame è stato considerato, insieme a Piero Buscaroli, Fausto Gianfranceschi, Franco Cardini, Gianfranco de Turris e Marcello Veneziani, uno degli intellettuali storici della destra italiana. Accame non si ritenne mai un "fascista di sinistra", come il suo grande amico Beppe Niccolai, né tantomeno un "Bertinotti della destra", come fu definito da alcuni giornali per le sue posizioni "eretiche" e "scomode", considerandolo una perniciosa macchietta. Accame ha sempre pensato che tradizione e patria non dovessero essere pretesti, ma ideali veri da rendere concreti con l'azione politica. Quando vennero fuori i documenti del "golpe bianco" del partigiano liberale Edgardo Sogno, alla metà degli anni Settanta, Accame risultava in predicato come ministro della Pubblica istruzione. "Vanterie di una persona anziana che voleva stupire. Sogno era intelligente, simpatico, coraggioso. Ma era il birichino di mamma"', dichiarò Accame nel 2004 in un'intervista a Claudio Sabelli Fioretti per Sette del Corriere della Sera. Allo stesso giornalista che gli ricordava le definizioni date di lui come "terzomondista, anticapitalista, antiamericano", Accame rispose: "Sono solo venature".

Il sindaco di Roma Alemanno:
''Per me è veramente una scomparsa gravissima perché è stato un maestro''. ''E' stato un intellettuale di grandissimo spessore che ha attraversato tutta la storia del dopoguerra con posizioni sempre molto ricche e significative, uno dei grandi maestri della cultura di destra''.

La camera ardente, allestita presso la sua casa-studio in Lungotevere dei Mellini 10 a Roma, verrà aperta questo pomeriggio a partire dalle 15. I funerali si svolgeranno sabato.

samedi, 04 avril 2009

Hommage à Armin Mohler

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1995

 

«Homme de droite à sa façon»

Hommage à Armin Mohler pour ses 75 ans

 

Journaliste, politologue, historien de l'art, directeur de fondation, polémiste et analyste, Armin Mohler a fêté ses 75 ans en avril. Ses adversaires en profiteront sans doute pour le dénigrer une fois de plus. Ce que Mohler acceptera avec une parfaite égalité d'humeur, voire avec satisfaction, car cette hostilité ré­pond à ses attentes: «L'homme de droite est aujourd'hui le seul véritable trouble-fête dans notre société».

 

Mohler adore ce rôle de trouble-fête. Peut-être est-ce dû à ses origines helvétiques, dans la mesure où les Suisses aiment généralement le consensus et chassent par tradition les agitateurs hors du pays. Les Reisigen (du terme moyen-haut-allemand Reise, la campagne militaire) ont été appréciés par toutes les puissances européennes parce qu'ils savaient se battre. Günter Zehm, le célèbre journaliste de Die Welt,  a un jour fait grand plaisir à Mohler en l'appelant le Reisiger, et, plus précisément le Reisläufer des Konkreten, c'est-à-dire “celui qui part en campagne dans les immensités de la concrétude”. Certes, les campagnes de Mohler dans les concrétudes de ce monde ont été moins dures et moins sanglantes que celles de ses compatriotes qui luttaient dans toutes les armées de mercenaires d'Europe: pendant de longues années, il a été correspondant de journaux importants en France, puis a dirigé la Fondation Siemens entre 1962 et 1985, a envisagé une carrière universitaire. Qu'il n'a pas obtenue. Parce que Mohler a choisi le chemin le plus ardu, le plus abrupt, le plus couvert de ronces. Un chemin privé. Un chemin à lui. A lui tout seul.

 

En se situant résolument à droite, Mohler n'en a pas moins gardé un profil tout-à-fait personnel; sans tenir compte de humeurs en vogue dans les droites, les bonnes comme les mauvaises, il cultivait ses sympa­thies pour des hommes aussi différents que Manfred Stolpe, Gerhard Schröder, Helmut Kohl et Franz Schönhuber, sans oublier le respect qu'il dit devoir à Gregor Gysi, parce que ce dernier défenseur du sys­tème de la RDA l'a beaucoup amusé. Dans ses conversations, on perçoit un respect très conservateur  —pour ne pas dire vieux-franc—  pour les institutions et les dignitaires, mais on s'étonne toujours de le voir changer brusquement d'attitude et de brocarder sans merci l'absence d'humour des conformistes.

 

Entre cette imprévisibilité idéologique et ses efforts constants pour tenter de définir intellectuellement ce qui est “de droite”, il y a une logique. Qui a démarré dès son célèbre livre Die Konservative Revolution in Deutschland  jusqu'à son long essai sur le “style fasciste”, ses études sur la technocratie et ses innom­brables articles sur des “thèmes de droite” (Sex in der Politik, Vergangenheitsbe­wältigung  et Liberalenbeschimpfung)  ou sur des auteurs (Oswald Spengler, Arnold Gehlen, Joachim Fernau). Dans tous ses écrits, Mohler se concentre sur ce problème: la définition de ce qui est “de droite”. Tous ses autres intérêts, notamment dans le domaine de l'histoire de l'art (Giorgio Morandi, Edward Hopper et la lutte contre la “mauvaise infinitude”) sont passés à l'arrière-plan.

 

Mohler a donc entamé une longue quête pour savoir ce qu'est ou devrait être l'“homme de droite” contem­porain, qui a volontairement abandonné tous les costumes historiques, les bottes d'équitation des clubs d'officiers ou les escarpins de l'Ancien Régime. Cette quête, on la suit avec intérêt et enthousiasme, sans perdre son étonnement pour quelques-unes de ses idées ou de ses passions politiques. Cet étonnement s'accompagne de regrets quant aux livres que Mohler n'a pas eu le temps d'écrire: son “Traité de poli­tique”, son ouvrage sur Georges Sorel, son travail sur les “anarchistes de droite”... Mais j'ai peut-être tort de lui faire ces reproches dans un hommage comme celui-ci... Car Mohler risque bel et bien de nous ré­server une bonne surprise un de ces jours. Ad multos annos.

 

Karlheinz WEISSMANN.

(hommage issu de Junge Freiheit,  n°16/95; trad. franç.: Robert Steuckers).

samedi, 28 mars 2009

P. Scholl-Latour: l'homme qui nous explique la marche du monde

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Peter Scholl-Latour: l’homme qui nous explique la marche du monde

Hommage à l’occasion de ses 85 ans

 

Pour son vaste public, Peter Scholl-Latour est le dernier auteur capable de nous expliquer la marche du monde. Depuis son voyage dans l’île de Timor-Est l’an passé, Peter Scholl-Latour a désormais visité les 193 pays que compte la Terre et est devenu, au fil des années, l’essayiste le plus publié et le plus lu dans l’espace linguistique allemand. Pour les téléspectateurs et pour ses lecteurs, il est l’incarnation du véritable journalisme. Il n’y en a pas deux comme lui qui soient capables de fusionner expérience personnelle, savoir historique et culturel et puissance narrative percutante. Dans les films qu’il a produits pour la télévision et dans ses “best-sellers” politiques, il jette toujours un regard pertinent sur les points chauds de l’actualité internationale, explique les tenants et aboutissants des vicissitudes politiques, montre les liens entre les événements. Ceux qui l’appellent aujourd’hui, vingt ans après qu’il ait pris sa retraite, s’entendent parfois dire: “Téléphonez-moi dans deux semaines parce que je suis à la bourre”. Comme s’il était en permanence sur un tapis volant, il est en voyage s’il n’a pas une émission de télévision à finir ou un ouvrage à terminer, qui le forcent à la sédentarité.

 

Le 9 mars 2009, cet esprit bouillonnant, toujours en alerte, a eu 85 ans [...]. Il est né dans la famille d’un médecin aux ascendances lorraines et sarroises, à Bochum en 1924. Il a grandi sur les rives de la Ruhr et de la Sarre ainsi qu’à Metz. Ses années d’écolier, il les a passées dans un collège de jésuites en Suisse et a ainsi bénéficié d’une éducation catholique solide, pétrie d’une culture européenne, hissée bien au-dessus des nations vernaculaires. Bien que son père fut membre du Stahlhelm national-allemand, Scholl-Latour est parvenu à échapper à l’incorporation dans la Wehrmacht, ce qui ne l’a pas empêché, après 1945, de s’enrôler, par esprit d’aventure et goût du voyage, dans le corps expéditionnaire français en partance pour l’Indochine, et non pas dans la Légion Etrangère, comme on le colporte souvent en Allemagne.

 

Il revient désillusionné de cette guerre lointaine, entreprend des études en Allemagne, à Paris et à Beyrouth, où il décroche un diplôme de philologie orientale. Après un bref intermède en 1954-55, où il fut porte-paroles du gouvernement de la Sarre, il devient le correspondant de l’ARD en Afrique et en Asie du Sud-Est, puis directeur de studio à Paris, ensuite, pendant quelques années, le directeur de la chaîne WDR et l’éditeur de l’hebdomadaire “Stern”.

 

Bien que ce ne fut pas son premier livre, son “best-seller” sur le Vietnam, intitulé “Der Tod im Reisfeld” (= “Mort dans la rizière”), publié en 1979, amorça sa carrière d’écrivain à succès et tissa sa légende. Depuis longtemps, Scholl-Latour est un mythe mais aussi un esprit rare, capable de comprendre le destin de l’Allemagne, de la France et de l’Europe. Il voit que, désormais, l’homme blanc est fatigué, que les identités héritées sont en voie de dissolution, que la substance ethnique et culturelle des peuples européens part en quenouille: et ce sont là des phénomènes qui le préoccupent davantage que les petites mesquineries du journalisme. Plus il avance en âge, plus il ajoute à son style journalistique qui confine à la perfection, ce cachet unique, cette marque qui est la sienne et qui consiste en ce mélange de spiritualité et de sens de l’histoire. Cet élixir commence à donner des fruits, à influencer la politque. Quelle aubaine ce serait, pour nous tous, si ce sacré Peter Scholl-Latour parvenait encore, pendant de nombreuses années, à le distiller dans les esprits.

 

Günther DESCHNER.

(article paru dans “Junge Freiheit”, Berlin, n°11/2009; traduction française: Robert Steuckers).

vendredi, 20 février 2009

Freiheitskonservativismus is overleden

Freiheit Konservatismus is overleden
Uit: Nieuwsbrief Deltastichting nr. 22 - Februari 2009

De publicist Caspar von Schrenck-Notzing is overleden. Meer dan wie ook blijft zijn naam verbonden met hét Europese conservatieve tijdschrift bij uitstek Criticon. Het niveau was jarenlang toonaangevend voor zovele andere Europese tijdschriften.
 
Caspar Freiherr von Schrenck-Notzing werd geboren op 23 juni 1927 in een van de oudste patriciërsfamilies van München – een familie mét wapenschild trouwens. Zijn overgrootvader was industrieel en nationaal-liberaal lid van de Rijksdag, Gustav von Siegle. Zijn grootvader, Albert von Schrenck-Notzing, was een parapsycholoog. Een familie met naam en faam. Freiherr Caspar studeerde geschiedenis en sociologie, hij was aandeelhouder van WMF en BASF, en zou de eenmanszaak, die Criticon was, leiden van 1970 tot 1998.
 
Hij slaagde erin om een conservatieve politieke – en vooral meta-politieke – strekking opnieuw wortel te laten schieten in Duitsland. Geen evidentie, waar elke rechtse of conservatieve filosoof, politicoloog of politicus sowieso ad infinitum gecompromitteerd leek met het regime van de nationaal-socialisten. Von Schrenck-Notzing slaagde erin de conservatieve beweging opnieuw te intellectualiseren, terug van een intellectuele bagage te voorzien. Hij stond hierin niet alleen: Armin Mohler, Winfried Martini en Mohammed Rassem stonden hem gedurende vele jaren bij. Conservatief-revolutionair gedachtengoed sloeg zelfs opnieuw aan bij heel wat non conformistische jongeren. Junge Freiheit, Sezession en het Institut für Staatspolitik zijn wel bijzonder schatplichtig aan dit herlevend conservatisme dat in zijn talrijke uiteenlopende facetten zijn neerslag vond in het tijdschrift van von Schrenck-Notzing.
 
De taak van een rechtse, conservatieve beweging was in die jaren (jaren 50 en 60 van de vorige eeuw) niet gemakkelijk en totaal anders dan 30 jaar geleden. Kon ze in een vroeger tijdsgewricht de staat, het leger, het gerecht en de kerk als traditiegebonden instellingen verdedigen, schragen en uitdragen, dan bleken ze in de jaren 60 en 70 van de vorige eeuw steeds meer aangetast door het liberalisme en het egalitarisme. Zo schreef Caspar von Schrenck-Notzing: “We leven in een tijdperk van een wereldwijd ineenstorten van alle Europese posities”.
 
Vanuit zijn opleiding had von Schrenck-Notzing vooral interesse voor en was hij verontrust door de steeds grotere manipuleerbaarheid van de burgers. Hij publiceerde over dit onderwerp verschillende populaire werken zoals Charakterwäsche (1965 – over het door Amerika ingevoerde en gestuurde Reeducation), Zukunfsmacher (1968 – over nieuw links) en Demokratisierung (1972 – over het democratiebegrip van nieuw links).
 
Criticon droeg de naam van een boek van de jezuïet Baltasar Gracian, El Criticon. Vooral het liberalisme, waarmee de auteur aansluiting vond bij bepaalde tussenoorlogse moderne conservatieve bewegingen, werd door de uitgever als het grote, fundamentele gevaar voor Europa beschreven. Niet evident op een moment dat rechts in Europa zich vooral anticommunistisch opstelde. In Criticon kon men ook in die jaren ook bijdragen lezen die het liberalisme eigenlijk in hetzelfde kamp plaatsten als het communisme. Voorwaar visionair.
 
In 1998 gaf de Freiherr zijn tijdschrift uit handen, in de overtuiging dat twee jonge auteurs voldoende talent in huis hadden om zijn Criticon verder op het goede spoor te houden. Helaas, het blad ontwikkelde zich tot een (puur economisch) tijdschrift voor zelfstandigen, dat het zelfs nodig vond regelmatig vrij platte pro-Amerikaanse bijdragen te publiceren, zonder enige ruimte voor nuancering. Even later verdween het tijdschrift zelfs helemaal. De mythe Criticon leeft echter verder. Zo schreef de uitgever van Junge Freiheit, Dieter Stein, zelf een jonge publicist die gevormd werd door Criticon: “Tijdschriften zijn kristallisatiepunten van het geestelijk leven van een natie. Aan Criticon konden de edelste kristallen van het naoorlogse conservatisme groeien”.
 
Criticon in handen nemen en lezen was puur intellectueel genot. Von Schrenck-Notzing was, in tegenstelling tot wat men bij zijn naam zou kunnen denken, geen warme voorstander van de oude geld- en grondadel. Aristocraat zijn was voor hem een levenshouding. “Afstand nemen, ook tegenover zichzelf” was het motto dat hij zijn vrienden en zijn gezin steeds voorhield. Zijn ironische commentaren, ondertekend met zijn pseudoniem Critilo, zullen we ook in de komende jaren met veel genoegen herlezen.
 
Von Schrenck-Notzing was een echte Britse gentleman, hoe Duits en Europees zijn wortels ook waren. Dankzij Caspar von Schrenck-Notzing werden ook heel wat Vlamingen en Nederlanders ertoe aangezet hun blik onbevooroordeeld in de richting van Groot-Brittannië en de Angel-Saksische traditie te wenden en er kennis te maken met een rijke conservatieve, literaire en politieke, oogst. Freiherr von Schrenck-Notzing heeft zijn sporen getrokken, zoveel is duidelijk.

(Peter Logghe)

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In Memoriam: Caspar von Schrenck-Notzing und "Criticon"

Caspar von Schrenck-Notzing und Criticón

von Karlheinz Weißmann am 4. Februar 2009 - http://www.sezession.de/

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 [1]Heute wird Caspar von Schrenck-Notzing in München zu Grabe getragen. Damit geht auch ein Abschnitt in der Geschichte des deutschen Nachkriegskonservatismus zu Ende. In allen Würdigungen und Nachrufen wurde darauf hingewiesen, daß Schrenck-Notzing mit der Gründung der Zeitschrift Criticón die Tribüne für die rechte Intelligenz der siebziger und achtziger Jahre geschaffen hatte: von den katholischen Traditionalisten über die Adenauer-Fraktion und die Klassisch-Liberalen bis zu den Nominalisten und Nationalrevolutionären.

Geplant war das ursprünglich nicht. Datiert auf „Ammerland, im Mai 1970″ ging ein hektographierter Rundbrief ins Land, der das Erscheinen der ersten Ausgabe von Criticón ankündigte. Einleitend hieß es: „Bei dem Schwimmen gegen den Strom fällt es immer schwerer, aus der Sturzflut des Gedruckten jene Publikationen herauszufinden, die für die grundlegende und laufende Orientierung über Zeitfragen wesentlich sind.“ Deshalb sei es nötig, eine „Sammelstelle“ zu schaffen, die das Material sichte und den Leser auch auf das hinweise, was eventuell am Rande stehe. Die Nummer 1 war denn auch ein gerade zwölf Seiten umfassendes Heft ohne Umschlag im Format DIN A 4, dessen Schwerpunktthema das Denken Arnold Gehlens bildete (einleitender Text über Moral und Hypermoral von Armin Mohler, Autorenportrait von Gehlens Schüler Hanno Kesting), während man ansonsten nur Rezensionen und kurze Hinweise auf Organisationen, Veranstaltungen oder andere Zeitschriften fand.

Seine spätere Gestalt mit den auffallend farbigen Umschlägen, auf denen eben kein deutscher Adler, sondern ein Hahn in gallischer Manier prangte, nahm Criticón allerdings schon im Laufe des zweiten Erscheinungsjahrs an. Auch die Gliederung der einzelnen Nummer ergab sich frühzeitig. Die Autorenportraits bildeten über die Zeit hinweg eine Art Enzyklopädie der konservativen Meisterdenker, wobei Schrenck-Notzing großzügig jede Fraktion der geistigen Rechten zur Geltung kommen ließ, außerdem gab es theoretische wie aktuelle Aufsätze deutscher und ausländischer Autoren, sowie ein politisch-metapolitisches Editorial, das Schrenck-Notzing unter dem Pseudonym „Critilo“ – der „Kritische“ verfaßte.

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[2]Critilo gehörte zu den Figuren des allegorischen Romans El Criticón des spanischen Jesuiten Baltasar Gracián, nach dem Schrenck-Notzing seine Zeitschrift benannt hatte. Gracián war einer jener „Machiavellisten“, die die Freiheit liebten und deshalb die Macht der Gegen-Aufklärung einsetzten, um sich Einsicht in die tatsächlichen Weltzusammenhänge zu verschaffen. Das erklärt etwas von dem hohen analytischen und prognostischen Wert, den viele der in Criticón veröffentlichten Texte hatten. Zusammenfassend schrieb Schrenck-Notzing dazu: „Schwerpunkte von Criticón waren das russische Dissidententum (vor dem Nobelpreis für Solschenizyn), der amerikanische Konservatismus (vor der Wahl Reagans), der britische Konservatismus (vor der Wahl von Mrs. Thatcher), die Emigrationen der Ostblockstaaten (vor deren Zusammenbruch), die deutsche Identität (vor der Wiedervereinigung), Parteien und Medien (vor dem Ausufern des Parteien- und Medienstaates).“

Man muß sich dabei vergegenwärtigen, daß Criticón trotz oder gerade wegen dieser Qualität isoliert in der deutschen Zeitschriftenlandschaft stand. Selbst die Springer-Presse hatte kaum mehr als Häme für die „konservativen Standartenträger“ (Die Welt) übrig. Ein Sachverhalt, der auch durch vermehrte Anstrengungen nicht zu ändern war. Das ließ sich vor allem an den Überlegungen Schrenck-Notzings in den achtziger Jahren ablesen, mit Criticón aktuell einen eigenen, alle drei Wochen erscheinenden Nachrichtendienst herauszubringen. Ein Versuch, der bereits im Ansatz scheiterte. Kurze Zeit später mußte auch die Erscheinungsweise Criticóns von zweimonatlich auf vierteljährlich umgestellt werden.

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[3]Der Einsatzbereitschaft von Schrenck-Notzing ist es zu verdanken, daß Criticón trotzdem die damalige Krise des konservativen Zeitschriftensegments überstand, dessen Publikationen nach und nach verschwanden, weil die Verlegerpersönlichkeit, die sie getragen hatte, nicht mehr da war (Herderbücherei Initiative), aufgab (Mut), sich von der CSU umarmen ließ (Zeitbühne, Epoche) oder ihr Milieu verlor (Konservativ heute). Es war deshalb tragisch, daß die Auswahl eines Nachfolgers zu einem immer drängenderen Problem wurde und Schrenck-Notzings Wahl – Gunnar Sohn, ein langjähriger Mitarbeiter von Criticón – sich als Fehlentscheidung erwies. Die gewisse Häme, mit der die Neue Zürcher Zeitung im Frühjahr 2000 einen Artikel über das „neue Criticón“ betitelte mit „Kapitulation vor dem bösen alten Feind“ war ein Signal dafür, daß Sohn nach kurzem Lavieren, das Erbe, das er angetreten hatte, verriet. Das hatte auch mit objektiven Schwierigkeiten zu tun, die Zeitschrift wie bisher fortzuführen, hing aber vor allem mit der Inkompetenz Sohns zusammen.

Und das ist das erstaunliche: Criticón ist eine konservative Zweimonatsschrift, ein Blatt der rechten Intelligenz, sowohl nach seinem Selbstverständnis wie im Urteil der Kritiker. – Claus Leggewie 1987

Schrenck-Notzing wird diese Entwicklung mit Bitterkeit verfolgt haben, wenngleich er sich das niemals anmerken ließ. Durch die Zeitschrift Agenda, die seine Förderstiftung Konservative Bildung und Forschung (FKBF) mit einigen Nummern erscheinen ließ, versuchte er noch einmal zu den Anfängen von Criticón zurückzukehren und ein konservatives Rezensionsorgan zu schaffen. Geglückt ist das nur im Ansatz. Es war offenbar Zeit für etwas Anderes, und das Erscheinen der Sezession ist von Freund wie Feind als Versuch betrachtet worden, die Linie Schrenck-Notzings unter den gegebenen Umständen fortzusetzen.


Artikel ausgedruckt von Sezession im Netz: http://www.sezession.de

Adresse zum Artikel: http://www.sezession.de/caspar-von-schrenck-notzing-und-criticon.html

Adressen in diesem Beitrag:

[1] Bild: http://www.sezession.de/wp-content/uploads/2009/02/schrenck.jpg

[2] Bild: http://www.sezession.de/wp-content/uploads/2009/02/img4881.jpg

[3] Bild: http://www.sezession.de/wp-content/uploads/2009/02/img4891.jpg

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mardi, 03 février 2009

Jean Thiriart: prophète et militant

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES  - 1993

Jean THIRIART: Prophète et militant

 


Dott. Carlo TARRACCIANO


«J'écris pour une espèce d'hommes qui n'existe pas encore, pour les Seigneurs de la Terre...»

(F. Nietzsche, La Volonté de puissance).


La disparition soudaine de Jean Thiriart a été pour nous comme un coup de tonnerre dans un ciel serein, pour nous, militants européens qui, au cours de plusieurs décennies successives, ont appris à apprécier ce penseur de l'action, surtout depuis son retour à la politique active, après bon nombre d'années d'«exil intérieur» où il a médité et reformulé ses positions antérieures.


A plus forte raison, sa mort nous a surpris, nous, ses amis italiens qui l'avions connu personnellement lors de son voyage à Moscou en août 1992, où nous formions de concert une délégation ouest-européenne auprès des personnalités les plus représentatives du Front du Salut National. Ce front, grâce aux travaux de l'infatigable Alexandre DOUGUINE, animateur mystique et géopolitique de la revue Dyenn (Le Jour), a appris à connaître et à estimer bon nombre d'aspects de la pensée de Thiriart et les a diffusés dans les pays de l'ex-URSS et en Europe orientale.


Personnellement, j'ai l'intention, dans les lignes qui suivent, d'honorer la mémoire de Jean Thiriart en soulignant l'importance que sa pensée a eue et a toujours dans notre pays, l'Italie, dès les années 60 et 70 et dans le domaine de la géopolitique. En Italie, sa réputation repose essentiellement sur son livre, le seul qui ait véritablement donné une cohérence organique à sa pensée dans le domaine de la politique internationale: Un Empire de 400 millions d'hommes, l'Europe, édité par Giovanni Volpe en 1965, il y a près de trente ans.


Trois années seulement venaient de se passer depuis la fin de l'expérience française en Algérie. Cet événement dramatique fut la dernière grande mobilisation politique de la droite nationaliste, non seulement en terre de France, mais dans d'autres pays d'Europe, y compris en Italie. Les raisons profondes de la tragédie algérienne n'ont pas été comprises par les militants anti-gaullistes qui luttaient pour l'Algérie française. Ils n'ont pas compris quels étaient les enjeux géopolitiques de l'affaire et que les puissances victorieuses de la seconde guerre mondiale entendaient redistribuer les cartes à leur avantage, surtout les Etats-Unis.


Combien de ces militants de l'Algérie française ont-ils compris, à cette époque-là, quel était l'ENNEMI PRINCIPAL de la France et de l'Europe? Combien de ces hommes ont-ils compris intuitivement que, sur le plan historique, la perte de l'Algérie, précédée de la perte de l'Indochine, tout comme l'effondrement de tout le système vétéro-colonial européen, étaient des conséquences directes de la défaite militaire européenne de 1945? Ce fut en effet non seulement une défaite de l'Allemagne et de l'Italie, mais aussi de l'EUROPE ENTIERE, Grande-Bretagne et France comprises. Pas une seule colonie de l'ancien système colonial qui ne soit devenue à son tour sujette d'une forme nouvelle, plus moderne et plus subtile, d'impérialisme néo-colonialiste.


En méditant les événements de Suez (1956) et d'Algérie, les «nationaux-révolutionnaires», comme ils s'appelaient eux-mêmes, finirent par formuler diverses considérations et analyses sur les conséquences de ces deux affaires tragiques, considérations et analyses qui les différenciaient toujours davantage des «droites classiques» de notre après-guerre, animées par un anti-communisme viscéral et par le slogan de la défense de l'Occident, blanc et chrétien, contre l'assaut conjugué du communisme soviétique et des mouvements de libération nationaux des peuples de couleur du tiers monde. En un certain sens, le choc culturel et politique de l'Algérie peut être comparée à ce que fut, pour la gauche, l'ensemble des événements d'Indochine, avant et après 1975.


La vieille vision de la politique internationale était parfaitement intégrée à la stratégie mondiale, économique et géopolitique de la thalassocratie américaine qui, avec la guerre froide, avait réussi à recycler les diverses droites européennes, les fascistes comme les post-fascistes (ou du moins prétendues telles), en fonction de son projet géostratégique de domination mondiale. Le tout pour en arriver aujourd'hui au «Nouvel Ordre mondial», déjà partiellement avorté et qui semble être la caricature inversée et satanique de l'«Ordre Nouveau» eurocentré de mouture hitlérienne.


La Nouvelle Droite française, pour ne donner qu'un exemple, a commencé son cheminement au moment des événements d'Algérie pour entamer une longue marche de révision politique et idéologique, qui a abouti au voyage récent d'Alain de Benoist à Moscou, étape obligatoire pour tous les opposants révolutionnaires d'Europe au système mondialiste. La démarche a donc été faite par de Benoist, en dépit de ses rechutes et de ses reniements ultérieurs, appuyés par quelques-uns de ses plus minables affidés, lesquels n'ont évidemment pas encore compris pleinement la portée réelle de ces rencontres entre Européens de l'Ouest et Russes au niveau planétaire et préfèrent se perdre dans de stériles querelles de basse-cour, qui n'ont d'autres motivations que personnelles, relèvent de petites haines et de petits hargnes idiosyncratiques. Dans ce domaine comme tant d'autres, Thiriart avait déjà donné l'exemple, en opposant aux différences naturelles existant entre les hommes et les écoles de pensée l'intérêt suprême de la lutte contre l'impérialisme américain et le sionisme.


Pour revenir à l'Italie, nous devons nous rappeler la situation qui régnait en cette lointaine année 1965, quand a paru l'œuvre de Thiriart: les forces national-révolutionnaires, encore intégrées au Mouvement Social Italien (MSI), étaient alors victimes d'un PROVINCIALISME vétéro-fasciste, provincialisme cyniquement utilisé par les hiérarques politiques du MSI, complètement asservis à la stratégie des Etats-Unis et de l'OTAN (une ligne politique qui sera par la suite suivie avec fidélité, même au cours de la brève parenthèse de la gestion «rautiste», soi-disant inspirée des thèses national-révolutionnaires de Pino Rauti, gestion qui a appuyé l'intervention des troupes italiennes en Irak, aux côtés de l'US Army).


Les chefs de cette droite collaborationniste utilisaient les groupes révolutionnaires de la base, composés essentiellement de très jeunes gens, pour créer des assises militantes destinées, en ultime instance, à ramasser les voix nécessaires à envoyer au parlement des députés «entristes», devant servir d'appui aux gouvernements réactionnaires de centre-droit. Et tout cela, bien sûr, non dans l'intérêt de l'Italie ou de l'Europe, mais seulement dans celui de la puissance occupante, les Etats-Unis. Et une fois de plus, nous avons affaire à un petit nationalisme centralisateur et chauvin, utilisé au profit d'intérêts étrangers et cosmopolites!


C'était aussi le temps où l'extrême-droite était encore capable de mobiliser sur les places d'Italie des milliers de jeunes qui réclamaient que Trente et Trieste soient et restent italiennes, ou pour commémorer chaque année les événements de Hongrie de 1956! Mai 68 était encore loin, semblait s'annoncer à des années-lumière de distance! La droite italienne, dans ses prospections, ne voyait pas que cette «révolution» s'annonçait. Dans un tel contexte humain et politique, vétéro-nationaliste, provincial et, en pratique, philo-américain (qui débouchera ensuite dans la farce pseudo-golpiste de 1970, qui aura pour conséquence, au cours de toute la décennie, les tristement célèbres «années de plomb», avec leur cortège de crimes d'Etat), l'œuvre de Jean Thiriart fit pour un grand nombre de nationalistes l'effet d'une bombe; un choc électrique salutaire qui mit l'extrémisme nationaliste botté face à des problématiques qui, certes, n'étaient pas neuves, mais avaient été oubliées ou étaient tombées en désuétude. Aujourd'hui, nous ne pouvons donc pas ne pas tenir compte des effets politiques pratiques qui découlèrent de la pensée de Thiriart, même si ces effets, dans un premier temps, ont été fort modestes. Disons qu'à partir de la publication du livre de Thiriart, la thématique européenne est devenue petit à petit le patrimoine idéal de toute une sphère qui, dans les années suivantes, développera les thématiques anti-mondialistes actuelles.


Sans exégération, nous pouvons affirmer que c'est vers cette époque que se sont développés les thèmes de l'Europe-Nation, d'une lutte anti-impérialiste qui ne soit pas de «gauche», de l'alliance géostratégique avec les révolutionnaires du tiers monde. L'adoption de ce thème est d'autant plus étonnante et significative quand on sait que l'aventure de Jeune Europe a commencé par une lutte contre le FLN algérien. Thiriart avait, sur ce plan, changé complètement de camp, sans pour autant changer substantiellement de vision du monde, lui qui, quelques décennies auparavant, avait quitté les rangs de l'extrême-gauche belge pour adhérer à la collaboration avec le III° Reich germanique, sans pour autant perdre de vue le facteur URSS. Ces acrobaties politico-idéologiques lui ont valu les accusations d'«agent double», toujours aux ordres de Moscou!


En Italie, la section italienne de Jeune Europe (Giovane Europa) est rapidement mise sur pied. Malgré l'origine politique de la plupart des militants, Giovane Europa n'avait aucune filiation directe avec Giovane Italia, l'organisation étudiante du MSI (copiée à son tour de la Giovine Italia de Mazzini au 19° siècle); au contraire, Giovane Europa en était pratiquement l'antithèse, l'alternative contraire. Si bien qu'une fois l'expérience militante de «Giovane Europa» terminée, la plupart de ses militants se sont retrouvés dans le Movimento Politico Ordine Nuovo (MPON), opposé à la ligne politique prônant l'insertion parlementaire, comme le voulaient les partisans de Pino Rauti, retournés dans les rangs du MSI d'Almirante.


Si l'on tient compte du rôle UNIQUE qu'a joué la pensée de Julius Evola sur les plans culturel et idéologique en Italie, on ne doit pas oublier non plus que Jean Thiriart a impulsé, pour sa part, une tentative unique de rénovation des forces nationales dans ces années-là et dans les années qui allaient venir. Même un Giorgio Freda a reconnu lui-même ses dettes, sur le plan des idées, envers le penseur et le militant belge.


Autre aspect particulier et très important du livre Un Empire de 400 millions d'hommes, l'Europe, c'est d'avoir anticipé, de plusieurs décennies, une thématique fondamentale, revenue récemment dans le débat, notamment en Russie, grâce aux initiatives d'Alexandre Douguine et de la revue Dyenn, et en Italie, grâce aux revues ORION et AURORA: la GEOPOLITIQUE.


La première phrase du livre de Thiriart, dans la version italienne, est dédiée justement à cette science essentielle qui a pour objets les peuples et leurs gouvernements, science qui avait dû subir, dans notre après-guerre, un très long ostracisme, sous prétexte d'avoir été l'instrument de l'expansion nazie! Accusation pour le moins incongrue quand on sait qu'à Yalta les vainqueurs se sont partagés les dépouilles de l'Europe et du reste du monde sur base de considérations proprement géopolitiques et géostratégiques. Thiriart en était parfaitement conscient, en écrivant son premier chapitre, significativement intitulé «De Brest à Bucarest. Effaçons Yalta»: «Dans le contexte de la géo-politique et d'une civilisation commune, ainsi qu'il sera démontré plus loin, l'Europe unitaire et communautaire s'étend de Brest à Bucarest». En écrivant cette phrase, Thiriart posait des limites géographiques et idéales à son Europe, mais bientôt, ils dépassera ces limites, pour arriver à une conception unitaire du grand espace géopolitique qu'est l'EURASIE.


Une fois de plus, Thiriart a démontré qu'il était un anticipateur lucide de thèmes politiques qui ne mûrissent que très lentement chez ses lecteurs, du moins certains d'entre eux...


Mais il n'y a pas que cela!


Conjointement au grand idéal de l'Europe-Nation et à la redécouverte de la géopolitique, le lecteur est obligé de jeter un regard neuf sur les grands espaces de la planète. Ce fut un autre mérite de Thiriart d'avoir dépasser le traumatisme européen de l'ère de la décolonisation et d'avoir recherché, pour le nationalisme européen, une alliance stratégique mondiale avec les gouvernements du tiers monde, non asservis aux impérialismes, en particulier dans la zone arabe et islamique, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Il est vrai que ceux qui découvrent la géopolitique, ne peuvent plus faire autrement que de voir les événements du monde sous une lumière nouvelle, prospective.


Et c'est dans un tel contexte, par exemple, qu'il faut comprendre les nombreux voyages de Thiriart en Egypte, en Roumanie, etc., de même que ses rencontres avec Chou en Lai et Ceaucescu ou avec les leaders palestiniens. Partout où il était possible de le faire, Thiriart cherchait à tisser un réseau d'informations et d'alliances planétaires dans une perspective anti-impérialiste. Par ailleurs, notons tout de même que la révolution cubaine, avec son originalité, exerçait de son côté sa propre influence.


Avec son style synthétique, presque télégraphique, Thiriart lui-même avait tracé dans ses textes les lignes essentielles de la politique extérieure de la future Europe unie:

«Les lignes directives de l'Europe unitaire:

avec l'Afrique: symbiose

avec l'Amérique latine: alliance

avec le monde arabe: amitié

avec les Etats-Unis: rapports basés sur l'égalité».


Mise à part l'utopie qu'était son espoir en des rapports égaux avec les Etats-Unis, on notera que sa vision géopolitique était parfaitement claire: il voulait de grands blocs continentaux et était très éloigné de toute vision étriquée d'une petite Europe «occidentale et atlantique» qui, comme celle d'aujourd'hui, n'est plus que l'appendice oriental de la thalassocratie yankee, ayant pour barycentre l'Océan Atlantique, réduit à la fonction de «lac intérieur» des Etats-Unis.


Bien sûr, aujourd'hui, après l'aventure politique de Thiriart, certaines de ces options géopolitiques, dans le milieu «national», pourraient sembler évidentes, voire banales, pour les uns, simplistes et intégrables pour d'autres. Mais mis à part le fait que tout cela n'est guère clair pour l'ensemble des «nationaux» (il suffit de penser à certaines résurgences racistes/biologistes et anti-islamiques d'un pseudo-néo-nazisme, utilisées et instrumentalisées par la propagande américaine et sioniste dans un but anti-européen), nous ne nous lasserons pas de répéter qu'il y a trente ans, cette option purement géopolitique de Thiriart, vierge de toutes connotations racistes, était très originale et courageuse, dans un monde bipolaire, opposant en apparence deux blocs idéologiques et militaires antagonistes, dans une perspective de conflictualité «horizontale» entre Est et Ouest et sous la menace de l'anéantissement nucléaire réciproque, surtout pour les «alliés» des deux puissances majeures en Europe.


Nous pouvons affirmer aujourd'hui que si bon nombre d'entre nous, en Italie, en sont arrivés progressivement à dépasser cette fausse vision dichotomique de la conflictualité planétaire, et cela bien avant l'effondrement de l'URSS et du bloc soviétique, c'est dû en bonne partie à la fascination qu'ont exercée les thèses que propageait Thiriart à l'époque, à ses intuitions géniales.


Effectivement, on peut parler de «génialité», en politique comme dans tous les autres domaines du savoir humain, quand on PRE-VOIT et que l'on EX-POSE (du latin exponere, poser en dehors, mettre en exergue ou en évidence) des faits ou des événements qui sont encore occultés, méconnus, peu clairs pour les autres et qui ne se dégagent de leur phase occulte que graduellement pour n'advenir au monde en pleine lumière que dans un futur plus ou moins lointain.


Sur ce chapitre, nous voulons simplement rappeler les assertions de Thiriart relatives à la dimension géopolitique du futur Etat européen, consignées dans le chapitre (10, §1) intitulé «Les dimensions de l'Etat européen. L'Europe de Brest à Vladivostock» (pp. 28 à 31 de l'éd. franç.): «L'Europe jouit d'une grande maturité historique, elle connaît désormais la vanité des croisades et des guerres de conquêtes vers l'Est. Après Charles XII, Bonaparte et Hitler, nous avons pu mesurer les risques de pareilles entreprises et leur prix. Si l'URSS veut conserver la Sibérie, elle doit faire la paix avec l'Europe — avec l'Europe de Brest à Bucarest, je le répète. L'URSS n'a pas et aura de moins en moins la force de conserver à la fois Varsovie et Budapest d'une part, Tchita et Khabarovsk d'autre part. Elle devra choisir ou risquer de tout perdre» (les caractères italiques sont dans le texte).


Plus loin: «Notre politique diffère de celle du général De Gaulle parce qu'il a commis ou commet trois erreurs:

- faire passer la frontière de l'Europe à Marseille et non à Alger;

- faire passer la frontière du bloc URSS/Europe sur l'Oural et non en Sibérie;

- enfin, vouloir traiter avec Moscou avant la libération de Bucarest» (p. 31).


A la lecture de ces deux brefs extraits, on ne peut plus dire que Jean Thiriart manquait de perspicacité et de prévoyance! Or ces phrases ont été écrites, répétons-le, à une époque où les militants sincèrement européistes, même les plus audacieux, parvenaient tout juste à concevoir une unité européenne de Brest à Bucarest, c'est-à-dire une Europe limitée à la plate-forme péninsulaire occidentale de l'Eurasie; pour Thiriart, elle ne représentait déjà plus qu'une étape, un tremplin de lancement, pour un projet plus vaste, celui de l'unité impériale continentale. Qu'on ne nous parle plus, dès lors, des droites nationalistes, y compris celles d'aujourd'hui, qui ne font que répéter à l'infini leur provincialisme, sous l'oeil bienveillant de leur patron américain.


Il y a trente ans déjà, Thiriart allait plus loin: il dénonçait toute l'absurdité géopolitique du projet gaulliste (De Gaulle étant un autre responsable direct de la défaite de l'Europe, au nom du chauvinisme vétéro-nationaliste de l'Hexagone) d'une Europe s'étendant de l'Atlantique à l'Oural, faisant sienne, du même coup, cette vision continentale absurde, propre aux petits professeurs de géographie, qui trace sur le papier des cartes une frontière imaginaire à hauteur des Monts Ourals, qui n'ont jamais arrêté personne, ni les Huns ni les Mongols ni les Russes.


L'Europe se défend sur les fleuves Amour et Oussouri; l'Eurasie, c'est-à-dire l'Europe plus la Russie, a un destin clairement dessiné par l'histoire et la géopolitique en Orient, en Sibérie, dans le Far East de la culture européenne, et ce destin l'oppose au West de la civilisation américaine du Bible and Business. Quant à l'histoire des rencontres et des confrontations entre les peuples, ce n'est rien d'autre que de la GEOPOLITIQUE EN ACTE, tout comme la géopolitique n'est rien d'autre que le destin historique des peuples, des nations, des ethnies et des empires, voire des religions, en PUISSANCE. En passant, nous devons ajouter que la conception de Jean Thiriart, pour autant qu'elle ait été encore liée aux modèles «nationalistes» influencés par la France révolutionnaire, était finalement plus «impériale» qu'impérialiste. Il a toujours refusé, jusqu'à la fin, l'hégémonie définitive d'un peuple sur tous les autres.


L'Eurasie de demain ne sera pas plus russe qu'elle ne sera mongole, turque, française ou germanique: car quand tous ces peuples ont voulu exercer seuls leur hégémonie, ils ont échoué. Echecs qui devraient nous avoir servi d'enseignement.


Qui pouvait, il y a trente ans, prévoir avec autant de précision la faiblesse intrinsèque de ce colosse militaro-industriel qu'était l'URSS, qui semblait à l'époque lancée à la conquête de toujours plus de nouveaux espaces, sur tous les continents, en âpre compétition avec les Etats-Unis qu'elle allait bientôt dépasser?


Avec le temps, finalement, tout cela s'est révélé un gigantesque bluff, un mirage historique probablement fabriqué de toutes pièces par les forces mondialistes de l'Occident pour maintenir les peuples dans la servitude, avec, à la clef, un chantage constant à la terreur. Tout cela pour manipuler les peuples et les nations de la Terre au bénéfice de l'intérêt stratégique suprême, unique, posé comme seul «vrai»: celui de la superpuissance planétaire que sont les Etats-Unis, base territoriale armée du projet mondialiste. En fin de compte, pour parler le langage de la géopolitique, c'est la «politique de l'anaconda» qui a prévalu, comme la définissait hier, avec les mêmes mots, le géopoliticien allemand Haushofer, et la définissent aujourd'hui les géopoliticiens russes, à la tête desquels officie le Colonel Morozov; les Américains et les mondialistes cherchent toujours à éloigner le pivot territorial de l'Eurasie de ses débouchés potentiels sur les mers chaudes, avant de grignoter petit à petit le territoire de la «tellurocratie» soviétique. Le point de départ de cette stratégie de grignotement: l'Afghanistan.


Jean Thiriart avait déjà mis en lumière, dans son livre de 1965, les raisons brutes et crues qui animaient la politique internationale. Ce n'est pas un hasard, d'ailleurs, que l'un de ses modèles était Machiavel, auteur du Prince.


Certes, nous diront les pessimistes, si le Thiriart analyste de la politique a su anticiper et prévoir, le Thiriart militant, organisateur et chef politique du premier modèle d'organisation transnationale européiste, a failli. Soit parce que la situation internationale d'alors n'était pas encore suffisamment mûre (ou pourrie), comme nous le constatons aujourd'hui, soit parce qu'il n'y a pas eu de «sanctuaire» de départ, comme Thiriart l'avait jugé indispensable. En effet, il a manqué à Jeune Europe un territoire libre, un Etat complètement étranger aux conditionnements imposés par les superpuissances, qui aurait pu servir de base, de refuge, de source d'approvisionnement pour les militants européens du futur. Un peu comme le fut le Piémont pour l'Italie.


Toutes les rencontres de Thiriart au niveau international visaient cet objectif. Toutes ont échoué. Réaliste, Thiriart a renoncé à l'engagement politique, au lieu de reprendre son discours et d'attendre que l'occasion se représente, et même une meilleure occasion, celle d'avoir un grand pays auquel il aurait pu proposer sa stratégie: la Russie. Le destin de ce citoyen belge de naissance mais Européen de vocation a été étrange: il a toujours été «hors du temps», surpris par les événements. Il les a toujours prévus mais a toujours été dépassé par eux.


Sa conception de la géopolitique eurasienne, sa vision qui désigne GLOBALEMENT les Etats-Unis comme l'ennemi OBJECTIF absolu, pourraient être perçues comme les indices d'un «visionarisme» illuminé, freiné seulement par un esprit rationnel cartésien, et rationalisé en ultime instance.


Son matérialisme historique et biologique, son nationalisme européen centralisateur et totalisant, sa fermeture à l'endroit de thématiques écologiques et animalistes, ses positions personnelles face aux spécificités ethno-culturelles, son hostilité de principe à tout pathos religieux, son ignorance de toute dimension métapolitique, son admiration pour le jacobinisme de la Révolution française, pierre d'achoppement pour bon nombre d'anti-mondialistes francophones: tout cela constituait des limites à sa pensée et des résidus de conceptions vétéro-matérialistes, progressistes et darwiniennes, de plus en plus éloignées des choix culturels, religieux et politiques contemporains, chez les hommes et les peuples engagés, dans toute l'Eurasie et dans le monde entier, dans la lutte contre le mondialisme. Les idées «rationalistes», que Thiriart faisait siennes, au contraire, ont été l'humus culturel et politique sur lequel le mondialisme a germé au cours des siècles passés. Ces aspects de la pensée de Thiriart ont révélé leurs limites, pendant les derniers mois de son existence, notamment lors des colloques et conversations de Moscou en août 1992. Son développement intellectuel semblait s'être définitivement arrêté à l'époque de l'historicisme linéaire et progressiste, avec sa mythologie d'un «avenir radieux pour l'humanité».


Une telle vision rationaliste ne lui permettait pas de comprendre des phénomènes aussi importants que le réveil islamique ou le nouveau «mysticisme» eurasiste russe, ainsi que leur projections politiques d'une teneur hautement révolutionnaire et anti-mondialiste. Et ne parlons même pas de l'impact des visions traditionalistes d'un Evola ou d'un Guénon. Thiriart véhiculait donc cet handicap «culturel», ce qui ne nous a pas empêché de nous retrouver à Moscou en août 1992, où nous avons cueilli au vol ses innombrables intuitions politiques.


Quelques-unes de ces intuitions ont fait qu'il s'est retrouvé aux côtés de jeunes militants européens pour aller rencontrer les protagonistes de l'avant-garde «eurasiste» du Front du Salut National russe, rassemblés autour de la revue Dyenn et du mouvement du même nom. Nous avons découvert, ainsi, dans la capitale de l'ex-empire soviétique qu'il avait été parfaitement reconnu comme un penseur d'avant-garde par les Russes. Les enseignements géopolitiques de Thiriart ont germé en Russie, c'est indubitable, alors qu'en Occident ils ont toujours été méconnus voire méprisés. Thiriart a eu un impact lointain, dans les immensités glacées de la Russie-Sibérie, dans le cœur du Vieux Monde, près du pivot central de la tellurocratie eurasiatique.


Est-ce une ironie de l'histoire des doctrines politiques, qui surgit au moment de leur actualisation pratique ou est-ce la ennième confirmation de cet adage antique, «nul n'est prophète en son pays»? Le long «exil intérieur» de Thiriart semblait donc terminé, il s'était retiré de la politique active pour toujours et avait surmonté ce retrait qui, au départ, avait été une grosse déception. Il nous inondait de documents écrits, de comptes rendus d'interventions orales. Le flot ne semblait jamais devoir s'arrêter! Comme s'il cherchait à rattraper le temps qu'il avait perdu dans un silence dédaigneux.


Mu par un enthousiasme juvénile, parfois excessif et agaçant, Thiriart se remettait à donner des leçons d'histoire et de géopolitique, de sciences exactes et de politologie, de droit et toutes autres disciplines imaginables, aux généraux et aux journalistes, aux parlementaires et aux écrivains, aux politiciens de l'ex-URSS et aux militants islamiques de la CEI, et aussi, bien sûr, à nous, les Italiens présents qui avions, en même temps que lui, connu des changements d'opinion, en apparence inattendus. Et tout cela s'est passé dans la Russie d'aujourd'hui, où tout est désormais possible et rien n'est certain (et qui pourra être, qui sait, la Russie d'hier, quand cet article paraîtra); nous avons en effet affaire à une Russie suspendue entre un passé glorieux et un futur ténébreux, mais grosse de potentialités inimaginables. C'est là-bas que Jean Thiriart a retrouvé une nouvelle jeunesse.


Dans une ville de Moscou qui survit au jour le jour entre l'apathie et la fébrilité, semblant attendre «quelque chose» dont on ne connaît encore ni le nom ni le visage; une ville où tout se passe, où tout peut se passer comme dans une dimension spéciale, entre ciel et terre. De la terre russe tout et le contraire de tout peut jaillir: le salut et l'extrême perdition, la renaissance ou la fin, une nouvelle puissance ou la désintégration totale d'un peuple qui fut impérial et est devenue, aujourd'hui, une plèbe misérable. Enfin, c'est là, et là seulement, que se joue le destin de tous les peuples européens et, en définitive, de la planète Terre. L'alternative est bien claire: ou nous aurons un nouvel empire eurasiatique qui nous guidera dans la lutte de libération de TOUS les peuples du globe ou nous assisterons au triomphe du mondialisme et de l'hégémonisme américain pour tout le prochain millénaire. C'est là-bas que l'écrivain et homme politique Jean Thiriart avait retrouvé l'ESPOIR de pouvoir mettre en pratique ses intuitions du passé, cette fois à une échelle bien plus vaste.


Dans cette terre de Russie, d'où peut surgir le messie armé des peuples d'Eurasie, nouvel avatar d'un cycle de civilisation ou Antéchrist des prophéties johanniques, nous aurons un espace pour toutes les alchimies et les expériences politiques, inconcevables si on les regarde avec des yeux d'Occidental. La Russie actuelle est un immense laboratoire, une terre politiquement vierge que l'on pourra féconder de greffons venus de loin, une terre vierge où la LIBERTE et la PUISSANCE vont se chercher pour s'accoupler et tenter de nouvelles synthèses: «Le chemin de la liberté passe par celui de la puissance», soulignait Thiriart dans son livre fondamental, «Il ne faudrait donc pas l'oublier, ou il faudrait l'apprendre à ceux qui l'ignorent. La liberté des faibles est un mythe vertuiste, une ingénuité à utilisation démagogique ou électorale. Les faibles n'ont jamais été libres et ne le seront jamais. Seule existe la liberté des forts. Celui qui veut être libre, doit se vouloir puissant. Celui qui veut être libre doit être capable d'arrêter d'autres libertés, car la liberté est envahissante et a tendance à empiéter sur celle des voisins faibles». Ou encore: «Il est criminel du point de vue de l'éducation politique de tolérer que les masses puissent être intoxiquées par des mensonges affaiblissants comme ceux qui consistent à “déclarer la paix” à ses voisins en s'imaginant ainsi pouvoir conserver sa liberté. Chacune de nos libertés a été acquise à la suite de combats répétés et sanglants et chacune d'entre elles ne sera maintenue que si nous pouvons faire étalage d'une force susceptible de décourager ceux qui voudraient nous en priver. Plus que d'autres, nous aimons certaines libertés et rejetons de nombreuses contraintes. Mais nous savons combien sont perpétuellement menacées ces libertés. Que ce soit en tant qu'individu, que ce soit en tant que nation, nous connaissons la source de la liberté et c'est la puissance. Si nous voulons conserver la première, nous devons cultiver la seconde. Elles sont inséparables» (p. 301-302).


Voilà une page qui, à elle seule, pourrait assurer à son auteur un poste dans une faculté d'histoire des sciences politiques. Quand tout semblait à nouveau possible et quand le jeu des grandes stratégies politiques revenait à l'avant-plan, sur un échiquier grand comme le monde, quand Thiriart venait à peine d'entrevoir la possibilité de donner vie à sa grande idée d'Unité, voilà qu'a surgi le dernier coup du destin: la mort.


En dépit de son inéluctabilité, elle est un événement qui nous surprend toujours, qui nous laisse avec un sentiment de regret et d'incomplétude. Dans le cas de Thiriart, le fait de la mort fait vagabonder l'esprit et nous imaginons tout ce que cet homme d'élite aurait encore pu nous apporter dans nos combats, tout ce qu'il aurait encore pu apprendre à ceux qui partagent notre cause, ne fût-ce que dans de simples échanges d'opinions, ne fût-ce qu'en formulant des propositions en matières culturelle et politique.


Enfin, il nous appartient de souligner la complétude de l'œuvre de Thiriart. Plus que tout autre, il avait complètement systématisé sa pensée politique, tout en restant toujours pleinement cohérent avec ses propres prémisses et en demeurant fidèle au style qu'il avait donné à sa vie.


Lui, moins que tout autre, on ne pourra pas lui faire dire post mortem autre chose qu'il n'ait réellement dite, ni adapter ses textes et ses thèses aux exigences politiques du moment. Il reste le fait, indubitable, que sans Jean Thiriart, nous n'aurions pas été ce que nous sommes devenus. En effet, nous sommes tous ses héritiers sur le plan des idées, que nous l'ayions connu personnellement ou que nous ne l'ayions connu qu'au travers de ses écrits. Nous avons tous été, à un moment ou à un autre de notre vie politique ou de notre quête idéologique, les débiteurs de ses analyses et de ses intuitions fulgurantes. Aujourd'hui, nous nous sentons tous un peu orphelins.


En cet instant, nous voulons nous rappeler d'un écrivain politique, d'un homme qui était tout simplement passionné, impétueux, d'une vitalité débordante, le visage toujours illuminé d'un sourire jeune et l'âme agitée par une passion dévorante, la même que celle qui brûle en nous, sans vaciller, sans la moindre incertitude ou le moindre fléchissement.


Le cas Jean Thiriart? C'est l'incarnation vivante, vitale, d'un homme d'élite qui porte son regard vers le lointain, qui voit de haut, au-delà des contingences du présent, où les masses restent prisonnières. J'ai voulu tracer le portrait d'un PROPHETE MILITANT.


Carlo TERRACCIANO.


 

 

dimanche, 11 janvier 2009

Adieu à Frank Goovaerts

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1991

 

 

Adieu à Frank Goovaerts

 

C'est fin août 1990 que nous nous sommes vu pour la dernière fois, mon cher Frank. Nous avons ri, trinqué, plaisanté sous la chaleur accablante et orageuse de ce dernier week-end d'août. Le lendemain, je partais tôt pour la Provence, que tu aimais tant et dont tu parlais avec un enthousiasme si cha­leureux. Huit jours plus tard, tu mou­rais tué d'un coup de couteau à la gorge par un illuminé, probablement un drogué, et je ne l'ai su que trois semaines après ton en­terrement. Quand un ami commun me l'a annoncé, j'ai été sans voix. Et je le suis resté jusqu'aujourd'hui, où je griffonne ces quel­ques pauvres mots, maladroitement, avec émotion. Frank, tu m'avais expliqué ta jeu­nesse, dans les quartiers ouvriers du port d'Anvers, où tu as grandi et où tu t'es im­posé, disais-tu, à coups de poing, dans la jungle que créent tous les gamins, de quel­que classe sociale qu'ils proviennent. Chez toi, cependant, c'était plus âpre que dans les beaux quartiers de Bruxelles. Très tôt, tu es allé travailler dans les chantiers navals, lieu peu propice à l'éclosion de la culture, di­raient les bourgeois coincés, qui meurent bê­tes, archi-bêtes, entre leur pis­cine et leur tennis, leurs cocktails mondains et leurs spé­culations en bourse. Toi, après avoir re­peint et reboulonné les tôles des gros cargos, tu te plongeais dans des bouquins ardus et philosophiques, en quatre langues. Et c'est ainsi que tu es venu à nous, pour nous pro­poser tes recensions, tes commen­taires. Tes textes étaient vivants, Frank, plus vivants, plus charnels, plus essentiels que tout ce que nous aurions pu écrire dans nos bu­reaux et bibliothèques poussiéreuses. Tu al­lais à l'essentiel directement, Frank, parce que tu étais bien davantage que nous tous confronté à l'élémentaire, au froid, au vent, à la dureté des tôles, aux bruits dés­agréables des mécaniques, etc. On attendait tes artic­les avec impatience. Je dois te dire que, sou­vent, c'était les tiens que je lisais en premier lieu.

 

Quand tu me disais que tu partais avec tes copains anglais et allemands à moto pour la Provence, que tu suivais les cours d'un maî­tre de Haïkkido et que tu t'es embarqué au Japon, je me disais que tu ressemblais à Jack London ou à Knut Hamsun quand il était à Chicago. Je t'ai écouté quand tu m'as parlé de Mistral, de ta visite à sa maison na­tale. Et puis, tu as été un découvreur d'é­crivains et de personnalités, avant les histo­riens professionnels. On te doit un texte ma­gnifique sur l'anarcho-fasciste hollan­dais Erich Wichman. J'avais promis de la tra­duire et, aujourd'hui, je suis plein de re­mords de ne pas l'avoir fait. Mais je le fe­rais. Tu as étudié, avec un remarquable es­prit de synthèse, l'œuvre du prêtre-philo­sophe Odiel Spruytte, auquel Pieter Jan Ver­straete vient de consacrer la première étu­de scientifique complète (1). Grâce à toi, j'ai découvert aussi les travaux de l'an­thropologue Gustaaf Schamelhout. Tes ar­ticles sur Arnold Meijer, Sir Roger Case­ment, sur la révolution conservatrice alle­mande, sur Schopenhauer, Codreanu, Speng­­ler, George Kettman, sur le Kendo, le Sep­pukku et sur Mishima méritent tous le détour et j'espère qu'on en fera une petite anthologie pour les amis qui te lisaient. Tu étais devenu un spécialiste de la bataille de Woeringen et tu connaissais la vie de Jean Ier, Duc de Brabant, Chevalier et poète, mieux que nous tous. C'est aussi à ton ini­tia­tive, écrit Roeland Raes, dans l'hommage qu'il te rend, que la première étude collective en néerlandais sur Julius Evola a vu le jour (2).

 

Tu étais un rebelle, un rebelle qui riait, un rebelle qui vivait, tu étais de la veine de ces Uilenspiegel qui deviennent rares, en ces temps obscurs, où notre peuple se recroque­ville, atteint des sommets de médiocrité in­descriptibles. Ta truculence, ta joie de vivre, ton sens aigu des valeurs littéraires et idéo­logiques, ont fait de toi un jeune maître pour beaucoup d'entre nous. Tu étais un homme à facettes multiples: tu étais l'ouvrier des docks, le motard, le praticien des arts mar­tiaux japonais, le spécialiste d'Evola, un bon connaisseur de quelques facettes de l'his­toi­re nationale, un polyglotte qui a cul­tivé son don des langues dans la vie et non dans une officine scolaire, un solide disciple de Bac­chus et du Roi Gambrinus, un pour­fendeur des étroitesses bourgeoises, un maître du lan­gage patoisant avec toute sa richesse. Ta mort, c'est la perte de cette syn­thèse unique que tu incarnais. Le souvenir que tu laisses doit nous faire méditer inces­samment sur le caractère unique de chaque personne. Une unicité qui disparaît avec la mort, sauf si elle vit dans le cœur de ceux que tu as fas­cinés, étonnés, éduqués, amu­sés, engueu­lés. Excuse-moi encore t'avoir tant tardé à te rendre l'hommage que tu mé­rites mais, vois-tu, c'est la première fois que je fais cela dans ma vie, moi qui suis tout de même ton cadet. Et je n'ai pas honte de le dire, j'ai les larmes aux yeux, les mêmes larmes que j'entendais au téléphone, peu après ta mort, dans la voix de notre ami commun, ce vieux combattant, Bert van Bo­ghout, que tu laisses avec un profond cha­grin. Pendant de longs mois, j'ai eu peur de radoter, de gribouiller des bêtises. Et je l'ai sans doute fait dans les lignes que tu viens de lire. Mais tu me par­donneras. Vaarwel, Frank!

 

Ton ami sincère,

Robert Steuckers.     

 

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jeudi, 01 janvier 2009

R.I.P. Samuel Huntington

 

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R.I.P. Samuel Huntington

Gevonden op: http://yvespernet.wordpress.info

Op 24 december 2008 is Samuel Huntington overleden, autheur van o.a. het zeer bekende “Clash of Civilizations”. De man heeft bakken kritiek gekregen van de zogenaamde “hybridisation”-aanhangers (de mensen die geloven dat globalisme zal zorgen voor een beter verstaan van culturen en het opnemen van elementen uit andere culturen, zonder dat daarbij de eigen cultuur schade lijdt, cfr. Jan Nederveen Pieterse), maar na 11 september groeide zijn aanhang enorm.

Persoonlijk heb ik de man zijn visies leren kennen van zijn “Clash of Civilizations”, trouwens ook het eerste politieke werk dat ik kocht. Ik zat toen ergens in het vijfde middelbaar en kan gerust zeggen dat een deel van mijn politiek “bewustzijn” mede door dat boek is ontstaan. Of toch alvast de fascinatie om zoveel mogelijk te weten komen over de processen die ons dagelijks bestaan op een globale schaal bepalen. Niet dat Huntington altijd gelijk heeft gekregen in zijn voorspellingen, maar op vele vlakken had de man wel degelijk een punt.

Samuel Huntington (New York City, 18 april 1927 – Martha’s Vineyard, 24 december 2008); rust in vrede. Hieronder een korte bibliografie (los van Wikipedia geplukt)

  • The Soldier and the State: The Theory and Politics of Civil-Military Relations (1957),
  • The Common Defense: Strategic Programs in National Politics (1961),
  • Political Order in Changing Societies (1968),
  • The Crisis of Democracy: On the Governability of Democracies (1976),
  • American Politics: The Promise of Disharmony (1981),
  • The Third Wave: Democratization in the Late Twentieth Century (1991),
  • The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order (1996),
  • Who Are We? The Challenges to America’s National Identity (2004)

 

jeudi, 27 novembre 2008

En souvenir de Julien Freund

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Archives de "Synergies Européennes" - 1993

En souvenir de Julien Freund

 

par Alessandra COLLA

 

Le 10 septembre 1993, Julien Freund nous a quitté silencieusement. En Europe, il était l'un des plus éminents philosophe de la politique, une référence obligée pour tous ceux qui voulaient penser celle-ci en dehors des sentiers battus. La presse n'en a pas fait écho.

 

Né à Henridorff, en Alsace-Lorraine, en 1921, il s'engage dans les rangs de la résistance au cours de la seconde guerre mondiale. Dans l'immédiat après-guerre, il enseigne d'abord la philosophie à Metz, puis devient président de la faculté des sciences sociales de l'université de Strasbourg, dont il assurera le développement.

 

Inspiré initialement pas la pensée de Max Weber, un auteur peu connu dans la France de l'époque, Freund élabore petit à petit une théorie de l'agir politique qu'il formule, en ses grandes lignes, dans son maître-ouvrage, L'essence du politique (1965).

 

«Le politique est une essence, dans un double sens: d'une part, c'est l'une des catégories fondamentales, constantes et non éradicables, de la nature et de l'existence humaines et, d'autre part, une réalité qui reste identique à elle-même malgré les variations du pouvoir et des régimes et malgré le changement des frontières sur la surface de la terre. Pour le dire en d'autres termes: l'homme n'a pas inventé le politique et encore moins la société et, d'un autre côté, en tous temps, le politique restera ce qu'il a toujours été, selon la même logique pour laquelle il ne pourrait exister une autre science, spécifiquement différente de celle que nous connaissons depuis toujours. Il est en effet absurde de penser qu'il pourrait exister deux essences différentes de la science, c'est-à-dire deux sciences qui auraient des présupposés diamétralement opposés; autrement, la science serait en contradiction avec elle-même».

 

Ou encore: «La politique est une activité circonstancielle, causale et variable dans ses formes et dans son orientation, au service d'une organisation pratique et de la cohésion de la société [...]. Le politique, au contraire, n'obéit pas aux désirs et aux fantaisies de l'homme, qui ne peut pas ne rien faire car, dans ce cas, il n'existerait pas ou serait autre chose que ce qu'il est. On ne peut supprimer le politique  - à moins que l'homme lui-même, sans se supprimer, deviendrait une autre personne».

 

Freund, sur base de cette définition de l'essence du politique, soumet à une critique serrée l'interprétation marxiste du politique, qui voit ce dernier comme la simple expression des dynamiques économiques à l'œuvre dans la société. Freund, pour sa part, tient au contraire à en souligner la spécificité, une spécificité irréductible à tout autre critère. Le politique, dans son optique, est «un art de la décision», fondé sur trois types de relations: la relation entre commandement et obéissance, le rapport public/privé et, enfin, l'opposition ami/ennemi.

 

Ce dernier dispositif bipolaire constitue l'essence même du politique: elle légitimise l'usage de la force de la part de l'Etat et détermine l'exercice de la souveraineté. Sans force, l'Etat n'est plus souverain; sans souveraineté, l'Etat n'est plus l'Etat. Mais un Etat peut-il cessé d'être «politique»? Certainement, nous répond Freund:

 

«Il est impossible d'exprimer une volonté réellement politique si l'on renonce d'avance à utiliser les moyens normaux de la politique, ce qui signifie la puissance, la coercition et, dans certains cas exceptionnels, la violence. Agir politiquement signifie exercer l'autorité, manifester la puissance. Autrement, l'on risque d'être anéanti par une puissance rivale qui, elle, voudra agir pleinement du point de vue politique. Pour le dire en d'autres termes, toute politique implique la puissance. Celle-ci constitue l'un de ses impératifs. En conséquence, c'est proprement agir contre la loi même de la politique que d'exclure dès le départ l'exercice de la puissance, en faisant, par exemple, d'un gouvernement un lieu de discussions ou une instance d'arbitrage à la façon d'un tribunal civil. La logique même de la puissance veut que celle-ci soit réellement puissance et non impuissance. Ensuite, par son mode propre d'existence, la politique exige la puissance, toute politique qui y renonce par faiblesse ou par une observation trop scrupuleuse du droit, cesse derechef d'être réellement politique; elle cesse d'assumer sa fonction normale par le fait qu'elle devient incapable de protéger les membres de la collectivité dont elle a la charge. Pour un pays, en conséquence, le problème n'est pas d'avoir une constitution juridiquement parfaite ou de partir à la recherche d'une démocratie idéale, mais de se donner un régime capable d'affronter les difficultés concrètes, de maintenir l'ordre, en suscitant un consensus favorable aux innovations susceptibles de résoudre les conflits qui surviennent inévitablement dans toute société».

 

On perçoit dans ces textes issus de L'essence du politique  la parenté évidente entre la philosophie de Julien Freund et la pensée de Carl Schmitt.

 

Particulièrement attentif aux dynamiques des conflits, ami de Gaston Bouthoul, un des principaux observateurs au monde de ces phénomènes, Freund fonde, toujours à Strasbourg, le prestigieux Institut de Polémologie  et, en 1983, il publie, dans le cadre de cette science de la guerre, un essai important: Sociologie du conflit, ouvrage où il considère les conflits comme des processus positifs: «Je suis sûr de pouvoir dire que la politique est par sa nature conflictuelle, par le fait même qu'il n'y a pas de politique s'il n'y a pas d'ennemi».

 

Ainsi, sur base de telles élaborations conceptuelles, révolutionnaires par leur limpidité, Freund débouche sur une définition générale de la politique, vue «comme l'activité sociale qui se propose d'assurer par la force, généralement fondée sur le droit, la sécurité extérieure et la concorde intérieure d'une unité politique particulière, en garantissant l'ordre en dépit des luttes qui naissent de la diversité et des divergences d'opinion et d'intérêts».

 

Dans un livre largement auto-biographique, publié sous la forme d'un entretien (L'aventure du politique, 1991), Freund exprime son pessimisme sur le destin de l'Occident désormais en proie à une décadence irrémédiable, due à des causes internes qu'il avait étudiées dans les page d'un autre de ses ouvrages magistraux, La décadence (1984). Défenseur d'une organisation fédéraliste de l'Europe, il avait exprimé son point de vue sur cette question cruciale dans La fin de la renaissance (1980). Julien Freund est mort avant d'avoir mis la toute dernière main à un essai sur l'essence de l'économique. C'est le Prof. Dr. Piet Tommissen qui aura l'insigne honneur de publier la version finale de ce travail, à coup sûr aussi fondamental que tous les précédents. Le Prof. Dr. Piet Tommissen sera également l'exécuteur testamentaire et le gérant des archives que nous a laissé le grand politologue alsacien.

 

Dott. Alessandra COLLA.

(la version italienne originale de cet hommage est paru dans la revue milanaise Orion, n°108, sept. 1993; adresse: Via Plinio 32, I-20.129 Milano; abonnement pour 12 numéros: 100.000 Lire).

 

lundi, 24 novembre 2008

Jean Markale le celtisant est mort

Jean Markale le celtisant est mort

 

Auteur d’une centaine d’ouvrages, notamment sur les Celtes, Jean Markale est mort hier matin, à l’hôpital d’Auray. Il avait quatre-vingts ans.

De son vrai nom Jacques Bertrand, Jean Markale avait, avant de se lancer dans l’écriture, exercé, pendant vingt-cinq ans, le métier de professeur de lettres classiques dans un collège parisien. Mais, en 1979, fort de son succès avec « La femme celte » (Payot), il avait arrêté l’enseignement et était venu s’installer à Camors, près d’Auray, le pays de ses ancêtres. C’est là qu’il écrira, à une cadence pour le moins soutenue, tous ses livres. Ses grandes spécialités : les Celtes, le mythe du Graal, l’histoire de la Bretagne, l’ésotérisme et les énigmes historiques. Autant de thèmes qu’il a développés à satiété et exploités sous différentes formes, en particulier à travers des « cycles » qui lui permettaient de laisser libre cours à sa verve épique et à son imagination.

Son manque de rigueur scientifique était, d’ailleurs, le reproche que lui faisaient ses nombreux détracteurs. Mais Markale s’en moquait : « Je préfère être considéré comme poète plutôt que comme chercheur ».

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dimanche, 23 novembre 2008

Hommage à Giorgio Locchi (1923-1992)

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Hommage à Giorgio Locchi (1923-1992)

 

par Gennaro MALGIERI

 

Giorgio Locchi est mort de la seule façon qu'il aurait jugée acceptable: de manière imprévue, presque sans avertir personne, alors qu'il voulait écrire un essai sur Martin Heidegger. Sans doute, a-t-il eu une lueur de conscience, entre le moment où la mort s'est annoncée et celui où elle l'a frappé, quelques minutes plus tard, et il a très certainement remercié les dieux de lui offrir une sortie de scène aussi soudaine, car l'idée de rester longtemps malade ou diminué le faisait immensément souffrir. A la fin du mois de juin 92, lors de son dernier séjour à Rome, il m'a parlé du mal qui l'avait frappé deux années plus tôt et qu'il avait vaincu. Il me disait que la perspective de devenir un tronc inerte le faisait frémir parce qu'avec le temps qui passe, on s'accroche plus étroitement, plus profondément, plus égoïstement à la vie. Paroles de Locchi qui ne m'ont pas surpris. Aujourd'hui, j'y repense, comme si elles avaient été un présage.

 

Pour quelqu'un qui comme moi était de ses amis, ce n'est pas facile de rendre hommage à Giorgio Locchi, de récapituler tout ce qu'il nous a légué. Je pourrais tenter de tracer un profil du journaliste, correspondant à Paris du Tempo pendant plus de trente ans. Et de raconter une infinité d'anecdotes sur ses rapports avec Renato Angiolillo. Ou encore de souligner l'importance de tous les services qu'il a rendu à l'information en Italie: sur les événements d'Algérie, sur la naissance de l'existentialisme, sur le mai 68 parisien. Ses vues étaient portées par un anti-conformisme extraordinairement courageux et intelligent. Je voudrais aussi souligner le rôle capital qu'a joué Giorgio Locchi dans l'évolution de la droite française, insister sur le bout de chemin qu'il a fait avec Alain de Benoist, sur la passion qu'il éprouvait à former des jeunes intellectuels, sur ses activités au sein du GRECE et sur ses contributions à la revue Nouvelle Ecole.  Je voudrais aussi pouvoir rassembler ici tous les éléments de la vaste mosaïque qu'était sa personnalité, rendre compte de son amour pour la musique et le cinéma, de sa maîtrise des choses physiques et scientifiques. Et je pourrais aussi raconter l'histoire de notre amitié et relater celle de son refuge parisien qui m'a été si cher, ainsi qu'à une poignée d'autres Italiens, où nous nous retrouvions pour évoquer le passé ou pour manifester notre hostilité au système ambiant. Mieux: nous y venions pour écouter Locchi qui nous évoquait Nietzsche ou Wagner, Heidegger ou la Révolution Conservatrice, ses expériences en Allemagne ou les moments cruciaux de la seconde guerre mondiale qu'il a vécue comme acteur du «front intérieur». Il nous parlait aussi de la «droite impossible» et d'une Europe tout aussi impossible. Et il nous faisait part de ses projets, commentait les revues auxquelles il collaborait, évoquait les articles qu'il voulait écrire et les livres qu'il voulait publier. Nous voyions peu de choses de Paris quand nous allions chez «Meister Locchi» et Saint-Cloud, où il vivait pratiquement en reclus, fut, pendant de nombreuses années, le point de rencontre de beaucoup d'entre nous.

 

Le journaliste, l'ami, l'organisateur de manifestations culturelles, l'agitateur d'idées vivent et vivront toujours dans le cœur de ceux qui ont connu Giorgio Locchi et ont été ses amis. Ses livres, ses idées, ses essais dispersés dans Nouvelle Ecole, La Destra, L'Uomo Libero  et Elementi,  ses articles du Tempo  et du Secolo d'Italia resteront les témoignages écrits d'un engagement intellectuel et politique au sens le plus noble du terme, mais qu'il a ressenti comme le fardeau d'une défaite européenne pendant plus de quarante ans. Nous avons d'abord vu Giorgio sceptique et méfiant, puis la confiance ne lui est revenue qu'au moment où on a parlé de la réunification allemande. Ce n'est pas pour rien qu'il a voulu être à Berlin quand l'Allemagne s'est remembrée: c'était pour lui, me disait-il, un rêve qui se réalisait, un événement qui se déroulait sous ses yeux et qu'il n'avait pas imaginé voir se réaliser, même s'il n'avait jamais cessé de croire au-delà des limites qu'impose le pessimisme, attitude justifiée s'il en est.

 

Les idées de Locchi étaient les idées d'une Europe qui n'existe plus: mais cette inexistence n'était pas pour lui une raison pour ne pas en défendre ou en illustrer les principes. Mais quand on lui en faisait le reproche, il rétorquait: ses idées étaient les idées de l'Europe éternelle que cette Europe conjoncturelle de notre après-guerre ne voulait pas, momentanément, reconnaître.

 

Son attitude à l'égard du fascisme, par exemple, était loin d'être simplement revendicative voire revencharde. Giorgio Locchi voulait, dans le bouillonnement culturel de la parenthèse fasciste, recueillir tous les éléments qui n'étaient pas caducs. Il nous a fait part de ses réflexions à ce sujet dans son opuscule intitulé L'essenza del fascismo  (Il Tridente, 1981). Il s'y réfère à la vision du monde qui fut l'inspiratrice du fascisme historique mais qui n'a nullement disparu avec la défaite de ce dernier. Cet ouvrage constitue aujourd'hui encore un prodigieux «discours de vérité», au sens grec, qui cherche à soustraire le fascisme de toutes ces explications fragmentaires qui ont cours actuellement et à toutes les formes de démonologie générant préjugés sur préjugés. Locchi, en fait, a développé une réflexion historique propre selon un schéma philosophique cohérent, appuyé sur une option interdisciplinaire, elle-même prélude à une théorie synthétique de l'essence du fascisme.

 

Dans son enquête, Locchi soutenait qu'il n'était pas possible de comprendre le fascisme si l'on ne se rendait pas compte qu'il était la première manifestation politique d'un phénomène spirituel et culturel plus vaste, dont l'origine remonte à la seconde moitié du XIXième siècle et qu'il appelait le «surhumanisme». Les pôles de ce phénomène, qui ressemble à un énorme champ magnétique, sont Richard Wagner et Frédéric Nietzsche qui, par leurs œuvres, ont «agité» le «principe nouveau» et l'ont diffusé et dilué dans la culture européenne entre la fin du XIXième et le début du XXième siècle.

 

Ce principe est le «sentiment de l'homme» comme volonté de puissance et système de valeur. Dans ce sens, le principe surhumaniste, avec lequel le fascisme est en rapport «génétique/spirituel», s'articule comme le rejet absolu du «principe égalitaire» qui lui est opposé et qui informe le monde d'aujourd'hui, toile de fond de nos circonstances.

 

Locchi avançait la thèse suivante: «Si les mouvements fascistes ont désigné l'ennemi spirituel avant de désigner l'ennemi politique, s'ils ont dénoncé les idéologies démocratiques  —libéralisme, parlementarisme, socialisme, communisme, anarcho-communisme—  c'est bien parce que dans la prospective historique  instituée par le principe surhumaniste, ces idéologies s'articulent comme autant de manifestations du principe égalitaire antithétique, apparues successivement dans l'histoire mais toujours présentes; toutes tendent, en définitive, vers le même but mais avec un degré de conscience différent; toutes ensemble, elles sont la cause de la décadence spirituelle et matérielle de l'Europe, de l'“avilissement progressif” de l'homme européen, de la désagrégation des sociétés occidentales».

 

Reliant ces considérations à la prospective historique dans laquelle opère le fascisme, à l'unisson avec les autres fascismes européens, Locchi pose une thèse du plus haut intérêt qui contribue au «dés-occultement» du fascisme, en mettant en lumière son essence même.

 

Ces thématiques, Locchi les a développées dans son ouvrage Wagner, Nietzsche e il mito sovrumanista  (Akropolis, 1982; il s'agit partiellement d'une remise en forme de ses articles de musicologie parus en français dans Nouvelle Ecole,  n°30 et 31/32; ndlr). Dans sa brillante préface, Paolo Isotta précise, avec minutie, quelles sont les tendances égalitaires et quelles sont les tendances surhumanistes qui entrent en jeu et les posent comme deux conceptions du monde antithétiques et irréconciliables. C'est un livre très dense, particulièrement difficile, parfois rébarbatif dans certains de ses chapitres; il n'empêche que lorsqu'Isotta et moi-même l'avons présenté devant un auditoire comble d'étudiants napolitains, en décembre 1982, il semblait véritablement captiver ces jeunes qui sont restés pendant deux heures rivés sur leurs sièges puis ont harcelé Locchi de questions pertinentes, qui n'avaient vraiment rien de banal. L'auteur n'en a pas paru surpris.

 

Outre ce livre, j'ai de Locchi un autre grand souvenir: celui de son ouvrage polémique Il male americano  (Lede, 1979), auquel Alain de Benoist a apporté quelques petites notes complémentaires (en français, ce texte est paru dans Nouvelle Ecole  n°27-28, sous le pseudonyme de Hans-Jürgen Nigra, également repris pour l'édition allemande; ndlr). Ce texte est capital à mon sens car il démonte la mécanique du colonialisme culturel américain et nous permet de jeter un autre regard sur l'Amérique. Locchi, en revanche, n'aimait pas trop ce texte, estimant qu'il relevait davantage du combat que de la formation, qu'il était plus polémique que philosophique.

 

Dans les tiroirs du bureau de Giorgio Locchi, se trouvent de nombreux projets, des ébauches de textes, le schéma d'un livre sur Heidegger et d'un autre sur la conception du temps chez les Indo-Européens. Ils resteront certainement tels que Giorgio les a laissés parce qu'avant toutes choses, il était un perfectionniste et ne voulait rien publier sans être pleinement convaincu que cela en valait la peine.

 

Il reste encore, parmi les innombrables lettres qui constituent sa correspondance, un splendide roman qui a pour héros un Italien qui combat en Allemagne une guerre désespérée pour défendre l'Europe. Je ne saurais jamais si c'est par pudeur ou par orgueil que Giorgio Locchi a toujours refusé de le présenter à un éditeur.

 

Gennaro MALGIERI.

(traduction française: Robert Steuckers).          

 

 

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lundi, 22 septembre 2008

Hommage à H. Diwald

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Robert STEUCKERS:

Hommage à Hellmut Diwald (1924-1993)

 

Né le 13 août 1924 dans le pays des Sudètes, plus précisément à Schattau en Moravie méridionale, le professeur Hellmut Diwald a quitté la vie le 26 mai 1993. Fils d'ingénieur, il s'était d'abord destiné à suivre les traces de son père: il suit les cours de l'école polytechnique de Nuremberg et y décroche son premier diplôme. Mais c'est à l'université d'Erlangen qu'il trouvera sa véritable vocation: l'histoire, l'événémentielle et celle des religions et des idées. De 1965 à l'année de sa retraite, il a enseigné l'histoire médiévale et moderne dans l'université qui lui avait donné sa vocation. Auparavant, il avait travaillé sur les archives d'Ernst Ludwig von Gerlach, un homme politique conservateur et chrétien de l'époque de Bismarck, avait rédigé une monographie sur le philosophe Dilthey et publié plusieurs études, notamment sur Ernst Moritz Arndt, père de la conscience nationale allemande (mais qui a eu un grand retentissement en Flandre également, si bien qu'il peut être considéré à Anvers, à Gand et à Bruxelles comme un pater patriae), et sur l'évolution des notions de liberté et de tolérance dans l'histoire occidentale.

 

Ces premiers travaux scientifiques permettent de comprendre quel homme fut Hellmut Diwald, quelle synthèse il a incarnée dans sa vie intellectuelle et militante: homme de progrès dans le sens où il s'inscrit dans la tradition émancipatrice des Lumières et de la Prusse, il ne conçoit pas pour autant cette émancipation comme un pur refus de tout ancrage historique et politique, mais au contraire, à l'instar du romantique Arndt et du conservateur von Gerlach, comme la défense d'un ancrage précis, naturel, inaliénable, dont l'essence est de générer de la liberté dans le monde et pour le monde. Cet ancrage, ce sont les nations germaniques, nations d'hommes libres qui se rebiffent continuellement contre les dogmes ou les institutions contraignantes, contre les coercitions improductives. Cette notion germanique de l'homme libre a donné la réforme, les lumières pratiques du XVIIIième siècle frédéricien ou joséphien, ou, chez nous, le mythe d'Uilenspiegel. Elle est donc à la base du progressisme idéologique, avant que celui-ci ne deviennent fou sous l'impact de la révolution française et du messianisme marxiste.

 

Hellmut Diwald doit sa notoriété à un ouvrage paru en 1978: une «histoire des Allemands» inhabituelle, où notre auteur inverse la chronologie en commençant par l'histoire récente pour remonter le cours du temps. Cette originalité n'est pas une simple facétie de professeur. En effet, les historiens allemands de notre après-guerre n'ont cessé de juger l'histoire allemande comme le préliminaire à l'horreur nationale-socialiste. Tous les événements de cette histoire étaient immanquablement jugés à l'aune du national-socialisme, ramenés à l'une ou l'autre de ses facettes. Reductio ad Hitlerum: telle était la manie, lassante, répétitive, morne, de tous les zélotes de la profession qui travaillaient à réaliser une seule obsession: tenir leur peuple à l'écart de l'histoire qui se jouait désormais à Washington ou à Moscou, à Pékin ou à Tel Aviv. Tout retour de l'Allemagne sur la scène de l'histoire réelle aurait signifié, pour ces savants apeurés, le retour d'une tragédie à l'hitlérienne. On peut évidemment comprendre que les Allemands, après deux défaites, aient été échaudés, dégoûtés, rassis. Mais ces sentiments sont justement des sentiments qui ne permettent pas un regard objectif sur les faits historiques. En inversant la chronologie, Diwald se voulait pédagogue: il refusait d'interpréter l'histoire allemande comme une voie à sens unique débouchant inévitablement sur la dictature nationale-socialiste. S'il y a pourtant eu ce national-socialisme au bout de la trajectoire historique germanique, cela ne signifie pas pour autant qu'il ait été une fatalité inévitable. L'histoire allemande recèle d'autres possibles, le peuple allemand recèle en son âme profonde d'autres valeurs. C'est cela que Diwald a voulu mettre en exergue.

 

Du coup, pris en flagrant délit de non-objectivité, les compères de la profession, ont crié haro sur Diwald: en écrivant son histoire des Allemands, il aurait «banalisé» le national-socialisme, il l'aurait traité comme un fragment d'histoire égal aux autres. Pire: il ne l'aurait pas considéré comme le point final de l'histoire allemande et aurait implicitement déclaré que celle-ci demeurait «ouverte» sur l'avenir. Pendant deux ans, notre historien a subi l'assaut des professionnels de l'insulte et de la délation. Sans changer sa position d'un iota. Meilleure façon, d'ailleurs, de leur signifier le mépris qu'on leur porte. Mesquins, ils ont voulu «vider» Diwald de sa chaire d'Erlangen. Ils n'ont pas obtenu gain de cause et se sont heurtés au ministre de l'enseignement bavarois, Maier, insensible aux cris d'orfraie poussés des délateurs et des hyènes conformistes.

 

Diwald n'a pas cessé de travailler pendant que ses ombrageux collègues vitupéraient, complotaient, s'excitaient, pétitionnaient. En 1981, avec Sebastian Haffner, un homme de gauche éprouvé et un anti-fasciste au-dessus de tout soupçon, et Wolfgang Venohr, historien et réalisateur d'émissions télévisées, il participe en 1981 à la grande opération de réhabilitation de l'histoire prussienne, dont le point culminant fut une grande exposition à Berlin. Parallèlement à cette série d'initiatives «prussiennes», Diwald travaillait à un sujet qui nous intéresse au plus haut point dans le cadre de notre souci géopolitique: une histoire de la conquête des océans. Deux volumes seront les fruits de cette recherche passionnante: Der Kampf um die Weltmeere  (1980) et Die Erben Poseidons. Seemachtpolitik im 20. Jahrhundert  (1987). Conclusion de Diwald au bout de ces sept années de travail: l'Allemagne a perdu les deux guerres mondiales sur l'Atlantique, parce que sa diplomatie n'a pas compris le rôle essentiel de la guerre sur mer.

 

Au cours de toute sa carrière, Diwald, auteur classé arbitrairement à droite à cause de son nationalisme d'émancipation, n'a jamais perdu la réunification allemande de vue. Cet espoir le conduisait à juger très sévèrement tous les ancrages à l'Ouest qu'essayait de se donner la RFA. Chacun de ces ancrages l'éloignait de sa position centre-européenne et des relations privilégiées qu'elle avait eu l'habitude de nouer avec la Russie. Diwald était donc un critique acerbe de la politique du Chancelier Adenauer, dont l'objectif était l'intégration totale de la RFA dans la CEE et dans le binôme franco-allemand. Inlassablement, Diwald a critiqué le refus adénauerien d'accepter les propositions de Staline en 1952: neutralisation de l'Allemagne réunifiée. Ce refus a conduit au gel des positions et condamné la RDA à la stagnation communiste sous la houlette d'apparatchiks pour lesquels le Kremlin n'avait que mépris.

 

La vie exemplaire de Diwald, clerc au service de sa patrie, nous lègue une grande leçon: l'historien ne peut en aucun cas faire des concessions aux braillards de la politique. Sa mission est d'être clairvoyant en toutes circonstances: dans l'euphorie du triomphe comme dans la misère de la défaite. Pour l'un de ses amis proches, venu lui rendre visite peu de temps après le diagnostic fatidique qui constatait la maladie inéluctable, Diwald a prononcé cette phrase qui fait toute sa grandeur, qui scelle son destin de Prussien qui conserve envers et contre tout le sens du devoir: «Pourvu que je puisse régler toutes les affaires en suspens qui traînent sur mon bureau avant de m'en aller». Hellmut Diwald, merci pour votre travail.

 

Robert STEUCKERS.

 

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mercredi, 06 août 2008

Bernd Rabehl: 70 ans !

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Bärbel RICHTER:

Hommage à Bernd Rabehl pour ses 70 ans !

Les conformistes de gauche disent de lui qu’il est un rénégat mais une seule chose le rebutait essentiellement: la partialité et le sectarisme dans lesquels se complaisaient volontairement tant de militants au siècle des idéologies. Bernd Rabehl s’est toujours frayé un chemin entre les contradictions du monde politique, entre les blocs idéologiques, soutenu en cette errance par un esprit de joueur inné. Ce goût de l’errance et du jeu lui est venu carrément dès le berceau. En 1944, en pleine guerre, sa mère demande le divorce. Son père, adjudant d’état-major dans les services médicaux de l’armée et féru de jeux de hasard, s’installe à l’Ouest après la guerre. Son ex-femme et ses enfants restent à l’Est, à Rathenow dans le Brandebourg. Cette décision du père marquera durablement l’itinéraire politique de Bernd Rabehl. Mais les impressions les plus marquantes de son enfance sont évidemment les bombardements nocturnes, les hurlements de sirènes et les signaux de la BBC, car sa mère écoutait en secret les “émetteurs ennemis”.

Le goût et le talent pour le théâtre de la politique, il les a acquis fort tôt, encouragé par ses professeurs. En 1948 déjà, quand beaucoup d’autres jeunes allemands de la zone soviétique refusaient de s’y engager, il adhère à la FDJ (le mouvement de jeunesse du régime). Il devient membre d’un groupe théâtral d’agitprop communiste et s’y taille une réputation de bon acteur. En  1949, il est présent lors de la cérémonie du 8 mai au cimetière militaire soviétique de Rathenow: le garçonnet de 11 ans est debout face aux formations d’honneur de l’armée rouge et des délégations du parti et des “comités d’entreprise”, ainsi que des “masses populaires” présentes bon gré mal gré. Il récite des poèmes d’Erich Weinert ou de Johannes R. Becher. Il chante dans le choeur “Karl-Marx”. C’est là qu’il apprendra l’hymne légendaire de la révolution bourgeoise, “Die Gedanken sind frei” (“Les idées sont libres”). Ce chant est resté depuis lors son chant favori.

En 1952, quand tous avaient finalement adhéré à la FDJ et renoncé à la confirmation chrétienne au profit de la “Jugendweihe” (“L’initiation de la jeunesse”), lui, las de tant de conformisme, par défi, opte pour la confirmation. Le prêtre luthérien explique au jeune confirmé que le Christ avait été un “combattant de la liberté”. Son choix n’eut aucune conséquence: personne ne lui en tint rigueur.

Le 17 juin 1953, lors du soulèvement des ouvriers berlinois contre le régime pro-soviétique, il apprend, sur les barricades, à connaître des communistes et des socialistes oppositionnels. Un camarade de classe disparaît pour dix ans dans un pénitencier car il avait été impliqué dans l’assassinat d’un espion de la STASI, connu de tous dans la ville. Rabehl, lui, arrache le portrait de Staline qui ornait sa classe. Après que le soulèvement populaire eut été écrasé, le socialisme du régime n’eut plus d’attrait pour lui. Plus tard, il suivit à la radio, captivé, les récits de l’insurrection hongroise et des grèves générales polonaises de 1956.

Enfant d’ouvrier  —sa mère travaille dans une équipe de nettoyage—  il peut achever ses études secondaires à l’ “Oberschule”. Pour sa composition de maturité (“Abitur”), il est libre de choisir le thème; il décide de parler de “la mort” et écrit une variation sur Walter Ulbricht et la mort de la RDA. Conséquence: le secrétaire du parti convoque l’ensemble des élèves de dernière année dans le grand auditorium de l’école. Il exige que Rabehl fasse son auto-critique. Mais au lieu de se rétracter, il dénie une fois de plus tout avenir à la RDA. Silence de mort dans la salle. La sanction est toutefois modérée: on ne lui donne pas son diplôme de fin de secondaire; il doit redoubler sa classe puis “faire ses preuves dans la production”. C’est là qu’il rencontre les anciens meneurs de la grève générale du 17 juin 1953. On lui interdit alors de s’inscrire en histoire et il ne reçoit l’autorisation de n’étudier que l’agronomie à la “Humboldt-Universität” de Berlin-Est. Quatre semaines après, il franchit la ligne de démarcation et s’installe à Berlin-Ouest.

L’édification du Mur de Berlin, en 1961, hérisse ce jeune homme qui, lui, avait encore eu le temps de franchir la ligne sans devoir essuyer de coups de feu. De nombreux jeunes, dont Rudi Dutschke, qu’il ne connaissait pas encore à l’époque, marchent vers le Mur pour protester. Lorsqu’ils tentent, avec un piolet, de jeter bas le Mur, la police militaire américaine intervient et disperse les jeunes manifestants.

Pendant l’automne de l’année 1961, Rabehl entame des études de sociologie, de philosophie et d’histoire d’Europe orientale à la “Freie Universität” de Berlin. Parmi ses professeurs, il y avait bon nombre de communistes dissidents, dont Otto Stammer; bien vite, Rabehl et Rudi Dutschke prennent contact avec la “Subversive Aktion”, qui gravitait autour de Dieter Kunzelmann. Leur but? Démasquer le caractère autoritaire et non démocratique de l’Etat et de la société par des provocations bien ciblées. En 1965, le groupe rejoint le SDS (les étudiants de la gauche extra-parlementaire), où il constituera la principale fraction. Dans les années cruciales de 1967 et 1968, Rabehl appartient au comité dirigeant du SDS.

Après l’attentat contre Dutschke en avril 1968, Rabehl tentera de maintenir le mouvement dans le sens où Dutschke l’avait voulu. Ce sera l’échec. L’opposition extra-parlementaire  (APO) se délite et se fractionne en sectes et groupuscules; une partie des militants “se militarisent”. Quant à Rabehl, il entame sa carrière d’enseignant universitaire.

Trente ans après, en 1998, d’anciens militants du SDS se réunissent à l’occasion d’un symposium et fixent leur ligne pour l’avenir: s’immerger dans la coalition socialiste-libérale, sous prétexte que c’est “une nécessité”. Rabehl n’admet pas cette démarche. Il choisit une fois de plus un chemin de traverse, une voie ardue, et commence à évoquer la dimension “nationale-révolutionnaire” de 68, que Dutschke et lui incarnaient tout particulièrement. Il prononce un exposé dans ce sens devant les étudiants nationaux-conservateurs de la Corporation “Danubia” de Munich. Rabehl venait alors de franchir le pas qui le mènera là où il se trouve aujourd’hui: dans l’espace de la dissidence la plus osée, en restant conséquent avec sa logique subversive et révolutionnaire mais en suscitant l’incompréhension de beaucoup. Rabehl n’a jamais été un rénégat: bien plutôt un dialecticien pragmatique. Le discours tenu à la Danubia de Munich, et la plupart de ses exposés, articles et essais prononcés ou publiés depuis 1998, se situent pourtant dans le même esprit que celui de la “Subversive Aktion”: ils ne dénoncent peut-être plus les mêmes ennemis qu’hier mais concentrent le tir sur les “camarades” de jadis qui se sont alignés sur l’une ou l’autre fraction de l’établissement.

Le 30 juillet 2008, Bernd Rabehl fêtera ses 70 ans. Ad multos annos!

Bärbel RICHTER.

(article paru dans “Junge Freiheit”, Berlin, n°31-32/2008; trad. franç.: Robert Steuckers).