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mardi, 01 novembre 2011

Piet Tommissen, gardien des sources

Robert Steuckers:

Piet Tommissen, gardien des sources

La communauté académique connait Pïet Tommissen comme un grand spécialiste de Vilfredo Pareto et surtout de Carl Schmitt, depuis la parution régulière de la collection “Schmittiana” chez Duncker & Humblot à Berlin. Comment l’oeuvre précise et minutieuse de cet homme a-t-elle pu voir le jour, comment a-t-elle émergé idiosyncratiquement? De son cheminement personnel, Piet Tommissen nous livre un récit émouvant, tendre, autobiographique en une langue néerlandaise naturelle et spontanée. Malheureusement, ce beau récit sera trop souvent négligé par la communauté scientifique, qui suivra ses traces, car les écrits en néerlandais ne sont que rarement pris en compte par ceux qui ne maîtrisent pas cette langue. A la fin de sa vie, dans son charmant petit appartement d’Uccle, près de Bruxelles, Piet Tommissen a rédigé deux courts volumes de souvenirs, intitulés “Een leven vol buitenissigheden” (= “Une vie pleine d’extravagances”). Ils nous livre la clef de l’oeuvre, le fil d’Ariane d’une quête que notre professeur disparu a menée jusqu’à son dernier souffle. La première de ces plaquettes évoque une jeunesse sans histoire, passée à Turnhout en Campine, une région de landes de bruyère, assez aride, en lisière de la frontière néerlandaise, où son père était fonctionnaire des douanes et accises. Il y terminera pendant la seconde guerre mondiale ses études secondaires au Collège Saint Victor. Après la guerre, il occupe un premier emploi dans la petite localité de Baulers, près de la belle ville de Nivelles en Brabant wallon. C’est une époque où il se rend fréquemment à Bruxelles pour visiter libraires et bouquinistes et pour acquérir les principales revues intellectuelles françaises de l’époque, comme “Les temps modernes” ou “Synthèses”.

“La petite fleur en papier doré”

Au cours d’une de ces promenades bibliophiliques dans le Bruxelles de la fin des années quarante, en 1947 plus précisément (car la mémoire des dates est proverbiale chez Tommissen), il pousse la porte d’un des plus charmants estaminets de la ville, qui porte encore et toujours aujourd’hui le nom poétique de “La petite fleur en papier doré”, rue des Alexiens. Cet estaminet était le lieu de rendez-vous des surréalistes bruxellois autour de Magritte, Scutenaire, Mariën et les autres. L’exploitant de l’époque était collectionneur d’art et tenait une galerie: il se nommait Geert van Bruaene. Quand Tommissen entre dans le local sombre et agréable de cet extraordinaire bistrot, chauffé par un poêle de charbon, c’est van Bruaene qui sert les bières aux clients: dans la conversation qu’il entame, il parle au nouveau venu du théoricien avant-gardiste flamand Paul Van Ostaijen. Quasi inconnu en dehors des Flandres et des Pays-Bas, ce jeune révolutionnaire des années 20 avait rédigé un manifeste avant-gardiste, où il préconisait, outre une certaine écriture automatique (comme le fera plus tard Henry Michaux, côté wallon), un retour aux sources de toutes les formes de mystique religieuse dans les cadres nationaux et linguistiques: pour rompre avec la modernité positiviste et rationaliste, il faut retourner, disait Van Ostaijen, aux pensées mystiques que les peuples avaient développées aux stades antérieurs de leur histoire. Ce recours aux formes mystiques n’était pas une simple nostalgie ni une volonté passéiste de revenir à une sorte de moyen âge intellectuel car, pour Van Ostaijen, la mystique est “anarque” par excellence: elle balaie par la hauteur, la fraîcheur, la simplicité et la puissance de sa pensée les lourdeurs des systèmes et les banalités des périodes triviales dans l’histoire des peuples et des sociétés. Les Flamands, pour Van Ostaijen, doivent revenir à leurs mystiques médiévales, avec le mouvement des béguines, Soeur Hadewych et surtout Ruusbroec l’Admirable, dont Maurice Maeterlinck, Prix Nobel de littérature en 1911, avait réalisé une traduction française, tout en indiquant que ce mystique médiéval, retiré à Groenendael dans la Forêt de Soignes en lisière de Bruxelles, représentait la quintessence des aspirations mystiques flamandes et brabançonnes, tout comme, sans nul doute, Maître Eckhart représentait en Rhénanie la quintessence des aspirations mystiques allemandes. Piet Tommissen venait de découvrir le monde des “avant-gardes”, qui restera toujours présents chez lui, derrière sa façade officielle de “Schmittien”. Un monde d’avant-gardes qui n’était toutefois pas fermé aux aspirations religieuses.

Urbain Van de Voorde, Leo Picard, Wies Moens

En fréquentant van Bruaene et les joyeux convives de “La petite fleur en papier doré”, Piet Tommissen finit par faire connaissance avec Urbain Van de Voorde, responsable des pages littéraires du quotidien flamand “De Standaard”. Il écrit: “Les conversations que j’ai eues avec Van de Voorde, à cette époque et plus tard, ont été enrichissantes à tous points de vue. J’ai entendu pour la première fois prononcer les noms de Gottfried Benn, d’August Stramm, de Guillaume Apollinaire, d’André Breton, de Michel de Ghelderode, etc. D’où, je puis dire avec sérénié que Van de Voorde et quelques autres, ..., sont à la base de mon intérêt pour les ‘ismes’ de l’histoire de l’art, qui se sont déployés en Europe avant et après la première guerre mondiale”(p. 32). Piet Tommissen devint ainsi collaborateur occasionnel des pages littéraires du “Standaard”. Il prend le goût d’écrire, le goût de la recherche aussi, du détail piquant qui explique la genèse d’une oeuvre, d’un poème ou d’une toile, d’une esquisse ou d’une somme philosophique. Dans le cadre de ses activités au “Standaard”, il rencontre l’historien flamand Leo Picard (qu’on ne confondra pas avec le leader socialiste belge Edmond Picard). Leo Picard avait été le disciple préféré de Henri Pirenne, dont on se souvient partout en Europe pour ses thèses sur l’histoire médiévale et sur l’époque carolingienne. Mais Pirenne opte pour une vision “nationale” de l’histoire belge. Pour cette vision pirennienne, la Belgique est née, du moins sur le plan territorial, de la reconquête des Pays-Bas du Sud par les armées royales espagnoles; elle est, depuis 1598, affirme-t-il, détachée de ses environnements septentrional (la Hollande calviniste devenue indépendante) et oriental (l’Allemagne en tant que Saint Empire fragmenté par la Kleinstaaterei). Leo Picard critique cette vision, estime que les liens avec le Nord et l’Est ont toujours subsisté et que la Belgique indépendante de 1830 a été dominée par une bourgeoisie sans autre idéologie qu’un mixte confus de positivisme et de cosmopolitisme, une bourgeoisie qui a coupé tous liens organiques avec le peuple, surtout avec sa composante flamande. La dimension socio-économique de la vision flamande de Picard mérite toujours le détour en Flandre et nourrit sans doute secrètement, ou par les multiples avataras qu’elle a suscités, les contestations radicales de l’établissement économique belge dans les cercles du patronat et des PME (= “petites et moyennes entreprises”) en Flandre, parmi lesquels sans doute le “Marnixkring”, dont Tommissen fut longtemps le zélé secrétaire. Notons qu’il y a passerelle entre l’écriture positiviste de l’historien Leo Picard, formé par Pirenne, et l’idéal organique et “expressionniste” d’un autre poète avant-gardiste flamand, Wies Moens, auquel Tommissen consacrera plusieurs études. Picard examine les structures du pouvoir et constate qu’il y a “placage” d’un pouvoir inorganique sur l’organisme national flamand; Wies Moens exalte pour sa part (et dans le sillage de Camille Lemonnier) la vigueur d’un peuple flamand appelé à secouer le joug de l’établissement. L’idéal que se forge Piet Tommissen à la fin des années 40 repose sur ce double pilier intellectuel: d’une part, l’analyse organique et positiviste de Picard, un homme formé par Pirenne; d’autre part, les idéaux vigoureux, expressionistes et mystiques (Moens et Van Ostaijen) des avant-gardes flamandes, réclamant l’avènement d’un populisme révolutionnaire et organique, traduction politique d’un certain expressionnisme.

Vesperkring, Erasmusgenootschap, Aristo-Groep

En dépit de cette marque très particulière, très vernaculaire flamande, difficilement communicable en dehors de l’espace linguistique néerlandais, Tommissen ne demeure nullement sourd, bien sûr, aux grands courants intellectuels qui traversent l’Europe en général et la France en particulier. La fin des années 40 et le début des années 50 sont marqués à Paris par l’existentialisme des Sartre, Camus et de Beauvoir, dont Tommissen suit les avatars via la revue “Les Temps modernes” mais le bon petit virus qui est en lui et qui lui a été communiqué par van Bruaene, lui-même “contaminé” par le manifeste de Van Ostaijen, a créé des garde-fous contre toutes les dérives abstraites et extrémistes, contre toutes les bouffoneries de l’existentialisme parisien/sartrien. Dans ses mémoires, Tommissen confesse avoir été marqué par la lecture des écrits existentialistes français mais conclut en disant que, pour lui, et pour ses compagnons des avant-gardes flamandes et de l’équipe du “Standaard” autour d’Urbain Van de Voorde, il était impossible de dissocier l’essence de l’existence, le corps de l’âme. Le personnalisme d’Emmanuel Mounier et de la revue “Esprit” rencontre sans doute davantage d’approbation, catholicisme oblige, mais c’est dans des cercles flamands ou néerlandais aujourd’hui disparus ou oubliés par les historiographes que Tommissen va parfaire sa formation intellectuelle et spirituelle: il cite, dans ses mémoires, le “Vesperkring” (= “Cercle Vesper”) du Père Kallist Fimmers de l’Abbaye de Tongerloo, l’ “Erasmusgenootschap” (= “Le Compagnonnage Erasme”) animé à Gand par le poète Johan van Mechelen et l’ “Aristo-Groep” (= Le “Groupe Aristo”) du fascinant prêtre hollandais Wouter Lutkie. Celui-ci, fils de négociant en peaux, est au départ un militant espérantiste, qui consacre son temps à toutes sortes d’oeuvres caritatives complètement dépolitisées, puis devient un prêtre “démocrate chrétien” animé par le principe de charité et par les encycliques de Léon XIII, pour lesquelles il faut agir avec dévouement et humilité sans développer d’idées politiques abstraites et séditieuses. Disciple des Français Léon Bloy et Ernest Hello, Lutkie en vient, dans une phase ultérieure de son itinéraire, à dénoncer, comme eux, les hypocrisies de la démocratie bourgeoise: celle-ci n’a rien à voir avec les vertus morales (qu’elle proclame bruyamment), avec les efforts en matières éthiques et caritatives préconisés par l’Evangile ou avec la religion tout court. La démocratie bourgeoise, disent Bloy et Lutkie, a basculé dans le mensonge, s’est muée en une “idéolâtrie du nombre”. Lutkie fait alors du zèle à la Bloy, fustige le “démocratisme” avec une langue au vitriol: l’évêque de ’s Hertogenbosch le démet de ses fonctions de chanoine. Il s’installe alors dans un “cottage” du village de Nuland, où il oeuvrera comme “prêtre-publiciste”, activité qui conduira à la création de l’Aristo-Groep. Deux autres prêtres philosophes, les frères Walgrave, influenceront l’itinéraire intellectuel de Tommissen; rappellons aussi que J. H. Walgrave fut en Flandre le seul grand hispaniste qui nous ait laissé une étude magistrale sur José Ortega y Gasset (tout en étant un grand spécialiste de l’oeuvre du Cardinal Newman). Cette errance fructueuse dans les cercles intellectuels flamands permettent à Tommissen d’amorcer son oeuvre: pour le compte de ces cercles, il écrit dans diverses publications à modestes tirages mais de haute voltige intellectuelle. Nous avions, à la charnière des années 40 et 50, un catholicisme exceptionnel, d’une densité intellectuelle inégalée, aujourd’hui disparu sous les coups du consumérisme et de l’américanisme généralisés, d’une vulgate démocratiste chrétienne marquée d’anti-intellectualisme, des positions démissionnaires de Vatican II et de ses multiples avatars “modernistes”.

Avec Armin Mohler à Bâle et à Zürich

Mais c’est la rencontre avec l’oeuvre d’Ernst Jünger qui sortira Tommissen d’un ancrage exclusivement flamand. Fidèle à sa mémoire des dates, Tommissen nous rappelle que c’est le 30 janvier 1949 qu’il acquiert à Anvers, chez le bouquiniste Moorthaemers, un exemplaire de “Der Krieg als inneres Erlebnis” (= “La guerre comme expérience intérieure”). Sur le trajet Anvers/Baulers, notre homme lit ce livre d’une seule traite. Enthousiasmé et bouleversé par la lecture de cet ouvrage, il veut impérativement rencontrer l’auteur. Via Van de Voorde et la rédaction du “Standaard”, il apprend qu’Ernst Jünger vit dans le Würtemberg. Tommissen écrit: il jette sa petite bouteille à la mer... Armin Mohler, alors secrétaire d’Ernst Jünger, lui répond. Le contact est pris. Et le 25 octobre 1950, Tommissen monte dans le train de nuit pour Bâle. Arrivé au petit matin dans la métropole alémanique, il est reçu par la chère Edith Weiland, la future épouse d’Armin Mohler. Le lendemain, il s’embarque pour Zürich, où Mohler avait organisé une causerie sur Oswald Spengler. Dans les débats qui s’ensuivirent, un des participants évoque la figure de Carl Schmitt. Tommissen avait entendu parler de ces deux géants de la “Konservative Revolution” allemande dans les monographies que leur avaient consacré le Professeur Victor Leemans et d’autres exposants de la “Politieke Akademie” de Louvain. Piet Tommissen a rendu hommage à maintes reprises au travail de cette “Politieke Akademie”, dont il entendait pérenniser ou ressusciter l’esprit.

C’est à la suite de ce voyage à Zürich que Piet Tommissen entamera sa longue quête schmittienne. Il quitte au même moment l’entreprise qui l’employait à Baulers. Pendant de longues journées, au fil des semaines, Piet Tommissen va travailler à la Bibliothèque Royale de Bruxelles pour extraire toutes les informations possibles et imaginables sur l’oeuvre et la personnalité de Carl Schmitt, méritant, dès cette étape de sa vie, le surnom dont l’affublait avec tendresse Armin Mohler: “l’écureuil des Flandres”, qui glâne avec fébrilité des notes, recense des articles, cherche dates de naissance et de décès, comme le rongeur roux de nos chênaies ramasse glands ou noisettes. Chaque découverte est aussitôt envoyée à Carl Schmitt, qui, heureux que l’on fasse ce travail pour lui, le proscrit de la nouvelle Allemagne, répond toujours chaleureusement et finit par inviter Tommissen et son épouse Agnes à Plettenberg dans le Sauerland. Le couple y restera deux semaines. Le destin de Tommissen est scellé. Il deviendra et demeurera le fidèle disciple.

A Plettenberg pour le premier “Liber Amicorum” des amis de Carl Schmitt

Cette double expérience suisse et allemande fait de lui le porte-paroles en Flandre de ce qui subsiste de la “Révolution Conservatrice” dans les pays germanophones. C’est au sein de la revue “De Tafelronde” d’Ivo Nelissen (un ancien du “Vesperkring”) qu’il s’exprimera sur ces sujets. Les discussions avec l’abondante rédaction de la revue, et surtout, rappelle Tommissen, avec Koen Van den Bossche, portaient sur tous les thèmes de cette “Révolution Conservatrice”. En juillet 1953, l’ “Academia Moralis”, qui regroupe les amis de Carl Schmitt, ceux qui entendent l’aider dans le besoin et la détresse de l’immédiat après-guerre, décide de publier un “Liber Amicorum”, à l’occasion des 65 ans du grand juriste. Pour marquer le coup au jour de cet anniversaire, l’ “Academia Moralis” sort également de presse une première bibliographie de Carl Schmitt, fruit du travail de Tommissen à la Bibliothèque Royale de Bruxelles. Le jour de la remise officielle du “Liber Amicorum” à Schmitt, chaque participant, face à un Tommissen rouge de confusion et de bonheur, reçoit un exemplaire de cette bibliographie. Victor Leemans est présent, avec l’éditeur anversois Albert Pelckmans; il dit à Tommissen: “Ta bibliographie est plus précieuse pour la recherche ultérieure que le Liber Amicorum lui-même”. Leemans présente alors à Tommissen le philosophe “révolutionnaire-conservateur” Hans Freyer auquel le professeur louvaniste avait consacré avant-guerre une courte monographie dans le cadre de la “Politieke Akademie”. C’est ainsi que l’on a pu dire, qu’après la disparition de Leemans, Piet Tommissen a été le véritable vulgarisateur des thèses de la “révolution conservatrice” allemande en Flandre.

Force est de dire que l’esprit politique schmittien n’a pas trop imprégné la pensée politique flamande contemporaine, même dans ses marges censées demeurer germanophiles: en effet, les modes de pensée en sociologie et en sciences politiques sont désormais calquées sur leurs équivalents anglo-saxons, notamment à cause du recul général de l’enseignement de l’allemand et de l’omniprésence de l’anglais (le même phénomène s’observe en philosophie et en théorie littéraire). Plusieurs étudiants flamands m’ont déclaré que de jeunes assistants en sciences politiques à Louvain, dans les années 90, ignoraient jusqu’au nom de Carl Schmitt! Cette ignorance doit certes être en recul aujourd’hui, vu l’abondance de publications sur Schmitt en français et en anglais. En revanche, il est exact que les nombreux articles de Tommissen, qui introduisaient le lecteur flamand aux thèmes et aux figures de la “Révolution Conservatrice”, publiés dès le début des années 50, ont permis de maintenir un intérêt général pour ces thématiques. Mais l’exemple que nous lègue Tommissen, son inlassable engagement pour défendre et illustrer l’oeuvre de Carl Schmitt ou pour rappeler l’excellence des travaux de la “Politieke Akademie” de Victor Leemans, est celui d’une fidélité. Mais d’une fidélité à quoi? Aux “sources”.

Sources politiques et sources mystiques

Reste à déterminer quelles sont ces sources pour Piet Tommissen. Elles se répartissent en deux catégories: d’une part, les idées et les lectures que fait naître dans l’esprit d’un jeune adulte le sentiment de vivre dans un Etat qui n’est pas harmonieux, qui constitue une sorte de “cacocratie” en dysfonctionnement permanent et ne tient pas compte des aspirations profondes du peuple ou d’une majorité du peuple, objectivement discernable par l’appartenance ethno-linguistique; pour mettre un terme à la domination de cette forme “cacocratique”, il faut oeuvrer à proposer sans relâche des formes nouvelles et positives, qui n’ont pas la négativité des idéaux habituellement classés comme “révolutionnaires” (les oeuvres d’Orwell et de Koestler nous indiquent clairement quels sont les vices rédhibitoires voire criminels du totalitarisme “révolutionnaire” des gauches européennes de l’entre-deux-guerres). D’autre part, les individualités inclassables, qui peuplent le monde sympathique des avant-gardes, proposent des provocations qui se veulent dissolvantes de l’ordre établi; mais toute dissolution volontaire d’un ordre établi postule de ne pas tomber ou retomber dans les schémas froids du révolutionnisme des gauches: dans l’aventure du surréalisme belge (et surtout bruxellois), l’équipe dominante, autour de Scutenaire, Mariën et Magritte, ajoutait à ses provocations avant-gardistes une adhésion a-critique et provocatrice au communisme, affichée bruyamment sans être concomittante d’une réflexion profonde et véritablement politique. Par le fait de cette lacune, cette posture du groupe surréaliste bruxellois est parfaitement qualifiable de “poncif”, selon la terminologie même adoptée par les surréalistes qui s’inscrivaient dans le sillage d’André Breton. Paul Van Ostaijen, lui, propose une nouvelle immersion dans l’héritage mystique, sans doute suite aux travaux de Maerterlinck sur le mystique médiéval brabançon, Ruusbroec l’Admirable: il n’aura qu’un disciple parmi la première équipe des surréalistes de Bruxelles, l’ami de Tommissen, le peintre Marc. Eemans. Dans ses travaux philosophiques, celui-ci réhabilitera d’abord la mystique flamande Soeur Hadewych, provoquant l’ire des surréalistes engoncés dans leurs poncifs rationalistes et “révolutionnistes”: pour eux, Eemans sombrait dans les bondieuseries et s’excluait ipso facto du cercle des “vrais révolutionnaires”.

Au cours des années 30, Marc. Eemans et son compagnon René Baert éditeront la revue philosophique “Hermès” qui suggèrera, par la publication de premiers textes introductifs, de réamorcer une étude systématique de l’héritage mystique médiéval de Flandre et de Rhénanie. Aujourd’hui, le “Davidsfonds”, fondation culturelle flamande de très haut niveau liée à l’Université Catholique de Louvain (KUL), propose à ses lecteurs diverses études sur Ruusbroec, dues à la plume de philosophes et de médiévistes patentés, comme Paul Verdeyen. Aux Pays-Bas, Geert Warnar a publié chez l’éditeur Athenaeum/Polak-Van Gennep, un ouvrage très pointu sur Ruusbroec: ce sont là des études bien plus fouillées que les textes pionniers de la revue “Hermès”. De même, Jacqueline Kelen, en France, vient de publier un premier ouvrage sur Soeur Hadewych. Une lacune a été comblée, mais, hélas, dans le désintérêt général de la culture aujourd’hui dominante.

Hugo Ball et Ruusbroec l’Admirable

L’intérêt de Tommissen pour les avant-gardes, ou pour des peintres comme Propser De Troyer, Edgard Tytgat ou Alfred Kubin, relève évidemment d’un intérêt esthétique général, que l’on comparera utilement au rapport qui a existé entre Carl Schmitt et Hugo Ball. On sait que l’ancien dadaïste allemand Hugo Ball, pacifiste pendant la première guerre mondiale parce qu’il critiquait l’évolution négative qu’avait suivie l’Allemagne depuis Luther jusqu’au militarisme post-prussien du Kaiser Guillaume II, à l’instar des cabarettistes bavarois d’avant 1914. Sa critique du complexe protestantisme/prussianisme, qui n’avait pas l’aval de Carl Schmitt qui y voyait un “occasionalisme” sans aucune rigueur, l’avait amené à se replonger dans un catholicisme vigoureux (comparable à celui de Bloy) et à briser quelques bonnes lances pour défendre, d’une manière fort originale, les positions théologico-politiques du Schmitt du début des années 20. Eemans, lui, partira de la mystique flamande, à l’instigation du manifeste de Van Ostaijen, pour déboucher, à la fin des années 70 dans l’étude de l’oeuvre de Julius Evola, lui aussi ancien dadaïste dans l’entourage de Tristan Tzara. Tommissen s’intéressera également à Evola, dont il analysera surtout la vision de la décadence, au moment où son ami Julien Freund consacrait un livre entier, et solidement charpenté, à ce sujet.

Pour Tommissen, la fusion entre les notions politiques schmittiennes ou “révolutionnaires-conservatrices” (surtout Spengler et Freyer) et l’héritage religieux (catholique en l’occurrence) se trouvait toute entière dans les travaux de la “Politieke Akademie”, également édités par le “Davidsfonds” avant 1940. La “Politieke Akademie” du Prof. Victor Leemans n’avait pas voulu suivre une tendance fâcheuse, observable dans le corps académique après 1918: celle d’abandonner tout contact avec la pensée allemande pour lui substituer des modes françaises ou anglo-saxonnes. Elle avait résolument pris le parti d’étudier et de vulgariser, à l’intention des étudiants de première année, les grands thèmes de la pensée non libérale et non marxiste qui germaient en Allemagne. Victor Leemans, pour résumer ses thèses de manière didactique et pour léguer une sorte de manifeste, avait publié en 1938 un opuscule intitulé “Hoogland”, qui se voulait sans doute une sorte de calque flamand de la revue catholique allemande “Hochland” (celle-là même où Hugo Ball avait publié son maître-article sur Schmitt en 1925). Le texte de ce manifeste fourmille de phrases clefs pour comprendre le milieu dans lequel Tommissen s’est inséré après la seconde guerre mondiale. Victor Leemans plaide pour que la priorité soit sans cesse donnée aux hommes (et aux peuples dont ils émanent) et non aux idéologies, pures constructions intellectuelles procédant de l’esprit de fabrication (Joseph de Maistre), déplore la “politisation” —au sens trivial du terme— de la vie sociale en Belgique, exhorte les intellectuels et les universitaires à communier avec le peuple, pour l’élever moralement, en passant d’un socialisme de société à un socialisme de communauté (Tönnies). Rien de ce texte, 73 ans après sa publication ne pourrait être incriminé ni rejeté: il est un témoignage de sérénité et de charité, un véritable code de déontologie pour le candidat à la vie politique. Et là, nous revenons à Ruusbroec, maître spirituel qui enseigne la sérénité; en parlant des apôtres, Ruusbroec écrivait: “Ils vivent dans l’esprit sans crainte, sans peur ni souci, sans chagrin. Ils savent en leur esprit, qui procède de l’esprit de Dieu, qu’ils sont les fils choisis de Dieu. Cette assurance, personne ne peut la leur ôter. Car ils sentent la vie éternelle en leur esprit” (cf. G. Warnar, p. 278). Piet Tommissen a géré les matières jugées explosives des doctrines “révolutionnaires-conservatrices” et schmittiennes avec cette sérénité exprimée par Ruusbroec. En quelque sorte, la boucle, qui va de Van Ostaijen à Schmitt, est bouclée: la matière schmittienne a été traitée avec la sérénité préconisée par Ruusbroec. Ou pour oser une hypothèse: avec la quiétude que recherchait Ball après les tumultes et soubresauts de sa vie agitée d’avant-gardiste?

Le doctorat sur Pareto

Sans diplôme autre que celui de ses études secondaires à Saint Victor de Turnhout, Tommissen ne pouvait faire valoir à fond le fruit de ses innombrables recherches. Son entourage l’exhorte à passer tous les examens requis pour ensuite présenter une thèse de doctorat. C’est le Professeur Ernst Nolte qui induira directement Piet Tommissen à franchir le Rubicon; de Berlin, il ne cessait de lui envoyer des doctorants (sur le rexisme, sur Pierre Drieu La Rochelle, etc.). Pour gagner en crédibilité, Tommissen avait besoin d’un diplôme universitaire: il commence par suivre un cours de langues anciennes (latin et grec) puis par s’inscrire à la “Handelshogeschool Sint-Aloysius” (“Haute Ecole Saint Aloïs”) à Bruxelles, où il obtiendra avec brio, au bout de cinq ans, le titre belge de “Licencié” (équivalant à quatre ou cinq ans d’études universitaires). Tommissen, âgé de près de quarante ans, travaillait le jour et suivait les cours après 17 heures, avec la bénédiction et les encouragements de son épouse Agnès: on admirera au passage le courage, l’opiniâtreté et l’abnégation de notre homme. Il sera ensuite le premier docteur reçu par la nouvelle Université d’Anvers, l’UFSIA, avec sa thèse sur “l’épistémologie économique de Vilfredo Pareto”. Piet Tommissen pouvait commencer sa carrière universitaire.

De 1973 à 1976, il publie une revue en français avec Marc. Eemans, “Espaces”, qui consacrera notamment un numéro entier à la figure de Paul Van Ostaijen. Piet Tommissen, en dépit de ces cinq années d’isolement universitaire et du travail considérable qu’avait exigé sa thèse de doctorat, demeurait fidèle à son engouement pour les avant-gardes.

“Gardien des sources”

Dans ses “Verfassungsrechtliche Aufsätze”, Schmitt rend hommage à Savigny et appelle à la défense d’un droit comme expression d’un “ordre concret”, inséparable de l’histoire en laquelle il a émergé, s’est déployé et dont il procède. Il conteste simultanément le “monopole de légalité” que s’arroge l’Etat légaliste (ou nomocratique), fustige aussi les “Setzungs-Orgien” (les “orgies légiférantes” ou la multiplication anarchique des réglements) qui sont le propre des “pouvoirs législatifs déchaînés”. Schmitt évoque alors Jacob Bachofen (dont on connaît l’influence sur Julius Evola et sur quantité d’autres auteurs dont Ludwig Klages) et écrit cette phrase capitale à mes yeux: “Il ne s’agit pas aujourd’hui de donner un tour de vis de nature réactionnaire (en lisant Bachofen et ses émules, ndt) mais de conquérir une richesse incroyable de connaissances nouvelles, qui pourraient s’avérer fécondes pour les sciences juridiques actuelles et dont nous devons nous emparer en les travaillant et les façonnant. En vue de cette tâche à accomplir, nous pouvons laisser le positivisme mort du 19ème siècle enterrer ses morts” (p. 416). Et Schmitt conclut: “Savigny argumente en évoquant l’enfance, la jeunesse et la maturité des peuples. Il perçoit comme signe de la jeunesse d’un peuple le fait que la science (des sources, des racines, ndt) guide la vie du droit et garde les sources. Savigny pose cette science du droit comme autonome, tant contre la théologie et la philosophie que contre le pur artisanat qu’est cet art de fabriquer des lois. C’est là que réside le sens de sa démarche ‘historique’ et de son retour au droit romain et aux sources pures” (p. 420). Ne peut-on pas inscrire la démarche de nos avant-gardistes (Van Ostaijen, Eemans, etc.) et celle de nos “académiciens politiques” (Leemans, Tommissen, etc.) dans le cadre que posent implicitement ces citations de Schmitt? C’est en ce sens que Tommissen, à la suite de Leemans et d’Eemans, a été un “gardien des sources”.

Après le décès prématuré de son épouse Agnès, Piet Tommissen se retirera dans un appartement à Uccle, au sud de Bruxelles, où il rédigera plusieurs opuscules et plaquettes, notamment sur bon nombre de sujets que nous avons évoqués dans le présent hommage, ainsi que les deux précieux petits volumes autobiographiques, qui abondent en renseignements divers sur la vie culturelle flamande entre 1945 et 1965, dans le sillage de Victor Leemans. Nous mesurons par là tout ce que les générations ultérieures, dont la mienne, ont perdu en intensité et en qualité. Mais dans ce récit autobiographique, qui rend hommage aux maîtres et aux compagnons de jadis, je crois déceler un appel un peu angoissé: ces matières, ces revues et cercles, ces hommes, ces prêtres de la trempe des frères Walgrave ou de Lutkie, seront-ils oubliés, définitivement, sans qu’un “Master” (en langage de Bologne) ou un doctorant ne se penche jamais sur leurs oeuvres? La part de travail de Tommissen est achevée. Celle des autres doit commencer. Tout de suite.

Robert Steuckers,

Forest-Flotzenberg, 29 octobre 2011.

Sources:

Piet TOMMISSEN, Een leven vol buitenissigheden, I, APSIS, La Hulpe, 2009.

Piet TOMMISSEN, Een leven vol buitenissigheden, II, APSIS, La Hulpe, 2010.

Adresse des éditions APSIS:  koenraad.tommissen@2bhunt.eu

 

mercredi, 26 octobre 2011

Disparition de Yann Fouéré, militant de l'identité bretonne

Disparition de Yann Fouéré, militant de l'identité bretonne

Yann Fouéré est décédé le 21 octobre à Saint Brieuc à l'age de 101 ans. Il fut toute sa vie durant un militant infatigable de la cause et de l'identité bretonne.

D'abord haut-fonctionnaire, en 1942 il est nommé secrétaire général du Comité consultatif de la Bretagne par le gouvernement du Maréchal Pétain, il devint ensuite patron d'un groupe de presse breton avant de s'exiler, en 1945, au Pays de Galle puis, en 1947, en Irlande pour y devenir mareyeur. 

En 1955, il est acquitté de ses condamnations et peut revenir en France. Il fut alors le fondateur du MOB (Mouvement pour l'Organisation de la Bretagne) de 1958 à 1969, puis de SAV (Strollad ar Vro) de 1972 à 1975, et du POBL (Parti pour l'Organisation de la Bretagne Libre) de 1981 à 2000. Dans les années 70 il fut soupsonné d'être l'un des instigateur du FLB-ARB. Ce qui l'envoya devant la Cour de Sureté de l'Etat puis quelques mois en prison.  

Yann Fouéré fut aussi l'auteur de nombreux ouvrages dont L'Europe aux Cent Drapeaux (essai pour servir à la construction de l'Europe) qui est traduit en plusieurs langues.

On peut, bien entendu, ne pas partager les options de Yann Fouéré, mais c'est la mémoire d'un militant sincère d'une cause identitaire que nous tenons à saluer ici.

Ex:http://synthesenationale.hautetfort.com/

lundi, 10 octobre 2011

Ignatius Royston Dunnachie Campbell: A Commemoration

Ignatius Royston Dunnachie Campbell:

A Commemoration

By Kensall Green

Ex: http://www.counter-currents.com/

So much fine writing already exists here concerning Roy Campbell (October 2, 1901–April 22, 1957) that it would be hardly fair to Counter-Currents’ previous Campbell biographers to repeat—my own rephrasing notwithstanding—this  poet’s life story once again. Let it simply stand that October 2, 2011 is Roy Campbell’s 110th birthday, and we remember him as poet, as a man of action, and as a heroic defender of the faith.

It is a mighty testament to his talent that his work and life are commemorated still, considering how much suppression his poetry — and therefore his very existence as a poet and hero — were subject to by the intellectual cabal of his day, and all the days since. He died, neck broken in an auto accident in Portugal, April 1957.

The following poems of Campbell both appeared in Sir Oswald Mosley’s BUF Quarterly magazine, published sometime between 1936 and 1940.

The Alcazar*

By Roy Campbell

The Rock of Faith, the thunder-blasted—
Eternity will hear it rise
With those who (Hell itself outlasted)
Will lift it with them to the skies!
‘Till whispered through the depths of Hell
The censored Miracle be known,
And flabbergasted fiends re-tell
How fiercer tortures than their own
By living faith were overthrown;
How mortals, thinned to ghastly pallor,
Gangrened and rotting to the bone,
With winged souls of Christian valour
Beyond Olympus or Valhalla
Can heave ten million tons of stone!

*In the summer of 1936, during the early part of the Spanish Civil War [2], Colonel José Moscardó Ituarte [3], and Spanish Nationalist Forces in support of General Franco, held a massive stone fortress, The Alcazar, against overwhelming Spanish Republican [4] forces. Despite being under continual bombardment, day and night, Col Moscardo and the Nationalists (reportedly nearly 1000 people—more than half of which were women) held out for two months.

The Fight

By Roy Campbell

One silver-white and one of scarlet hue,
Storm-hornets humming in the wind of death,
Two aeroplanes were fighting in the blue
Above our town; and if I held my breath,
It was because my youth was in the Red
While in the White an unknown pilot flew—
And that the White had risen overhead.

From time to time the crackle of a gun
Far into flawless ether faintly railed,
And now, mosquito-thin, into the Sun,
And now like mating dragonflies they sailed:
And, when like eagles near the earth they drove,
The Red, still losing what the White had won,
The harder for each lost advantage strove.

So lovely lay the land—the towers and trees
Taking the seaward counsel of the stream:
The city seemed, above the far-off seas,
The crest and turret of a Jacob’s dream,
And those two gun-birds in their frantic spire
At death-grips for its ultimate regime—
Less to be whirled by anger than desire.

‘Till (Glory!) from his chrysalis of steel
The Red flung wide the fatal fans of fire:
I saw the long flames, ribboning, unreel,
And slow bitumen trawling from his pyre,
I knew the ecstasy, the fearful throes,
And the white phoenix from his scarlet sire,
As silver the Solitude he rose.

The towers and trees were lifted hymns of praise,
The city was a prayer, the land a nun:
The noonday azure strumming all his rays
Sang that a famous battle had been won,
As signing his white Cross, the very Sun,
The Solar Christ and captain of my days
Zoomed to the zenith; and his will was done.

Roy Campbell. Poet, hero, comrade. You are commended and celebrated. Your talent shall not fade, nor shall your works grow old, age shall not bury you, nor every future time condemn.[1] Happy birthday.

Note

1. Paraphrase of Laurence Binyon’s “For The Fallen,” as quoted by Paul Fussell, The Great War and Modern Memory (New York: Oxford University Press, 1977), p. 56.

 

 


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mercredi, 05 octobre 2011

Hommage à François-Georges Dreyfus

Hommage à François-Georges Dreyfus : un homme courageux...

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Par Robert Spieler

Délégué général de la NDP

 

Issu d’une famille juive, il est né le 13 septembre 1928 à Paris et vient de décéder le 24 septembre 2011. Il se convertit au protestantisme dans les années 1950. Historien, agrégé d’histoire et professeur d’histoire et de Sciences politiques à l’université de Strasbourg, il fut directeur de l’Institut politique (c’est là où je fis sa connaissance), du Centre d’études germaniques, de l’Institut des Hautes études germaniques, et enfin professeur émérite à la Sorbonne depuis 1990.

 

Auteur de nombreux ouvrages sur l’Allemagne contemporaine et sur la France du XXème siècle, il fut aussi un défenseur de l’orthodoxie luthérienne. Gaulliste depuis son adhésion au RPF en 1947, maurassien, il animait une émission sur Radio Courtoisie.

 

Il fut l’auteur d’ouvrages controversés : Une Histoire de Vichy où il souligne la réalité importante des forces de résistance à l’occupant dans l’entourage du maréchal Pétain ; une Histoire de la Résistance, parue en 1996, qui fut accusée par l’historien britannique Julian T. Jackson d’être une « apologie de Vichy ».

 

Sur le plan politique, il fut secrétaire départemental du Bas-Rhin de l’UNR gaulliste à partir de 1961, puis de l’UDR de 1965 à 1975 et devint adjoint au maire de Strasbourg, chargé des affaires culturelles. Il fut longtemps membre du Club de l’Horloge, alors proche de la Nouvelle Droite, et se rapprocha, ces dernières années du mouvement royaliste.

 

François-Georges Dreyfus était un homme courageux. Après les élections de 1997, il regretta publiquement « que l’on ait diabolisé l’extrême droite » et reprocha à Jacques Chirac son discours de juillet 1995, où il reconnaissait le rôle du régime de Vichy dans la rafle du Vélodrome d’hiver.

 

J’ai bien connu et beaucoup apprécié FGD. J’avais créé en 1981, en Alsace, après la victoire de la gauche, un club d’opposition, Forum d’Alsace qui allait devenir le club le plus important dans la région. François-Georges Dreyfus participa activement à l’organisation des multiples conférences et dîners-débats que nous organisâmes : Philippe Malaud, Alain Griotteray, Serge Dassault, le professeur Debray-Ritzen, Julien Freund, et beaucoup d’autres dont Raymond Barre, dont le comportement fut stupéfiant et odieux. Mais ceci est une histoire que je vous raconterai une autre fois. C’est grâce à FGD que je pus trouver ces multiples invités (une trentaine de personnalités nationales et régionales).

 

J’ai revu récemment, avec joie, François-Georges Dreyfus. Nous avions organisé, avec Serge Ayoub, une conférence passionnante, au Local, avec FGD, sur le thème « la révolution conservatrice ». François-Georges chez Serge Ayoub ! Cela qualifie sa liberté d’esprit et son mépris absolu du politiquement correct. Il avait d’ailleurs donné son accord pour une interview dans la revue Synthèse nationale sur le thème de la Révolution conservatrice.

 

Nous ne l’oublierons pas.

 

Pour voir, ou revoir, la conférence donnée au Local, le 10 décembre 2010, par François-Georges Dreyfus cliquez ici

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lundi, 26 septembre 2011

Remembering Martin Heidegger

Remembering Martin Heidegger:
September 26, 1889–May 26, 1976

by Greg Johnson

Ex: http://www.counter-currents.com/

Martin Heidegger is one of the giants of twentieth-century philosophy, both in terms of the depth and originality of his ideas and the breadth of his influence in philosophy, theology, the human sciences, and culture in general.

Heidegger was born on September 26, 1889, in the town of Meßkirch in the district of Sigmaringen in Baden-Württemberg, Germany. He died on May 26, 1976 in Freiburg and was buried in Meßkirch.

Heidegger was from a lower-class Catholic family. His family was too poor to send him to university, so he enrolled in a Jesuit seminary. But Heidegger was soon rejected by the Jesuits due to a heart condition. He then studied theology at the University of Freiburg from 1909–1911, after which time he switched his focus to philosophy. Eventually Heidegger broke entirely with Christianity.

In 1914 Heidegger defended his doctoral dissertation. In 1916, he defended his habilitation dissertation, which entitled him to teach in a German university. During the First World War, Heidegger was spared front duty because of his heart condition.

From 1919 to 1923, Heidegger was the salaried research assistant of Edmund Husserl at the University of Freiburg. Husserl, who was a Jewish convert to Lutheranism, was the founder of the phenomenological movement [2] in German philosophy, and Heidegger was to become his most illustrious student.

In 1923, Heidegger was appointed assistant professor of philosophy at the University of Marburg. There his intense and penetrating engagement with the history of philosophy quickly became known throughout Europe, and students flocked to his lectures, including Hans-Georg Gadamer, who became Heidegger’s most eminent student, as well as such Jewish thinkers as Leo Strauss, Hannah Arendt, and Hans Jonas. In 1927, Heidegger published his magnum opus, Being and Time [3], the foundation of his world-wide fame. In 1928, Husserl retired from the University of Freiburg, and Heidegger returned to replace him, remaining in Freiburg for the rest of his academic career.

Heidegger was elected rector of the University of Freiburg on April 21, 1933. Heidegger joined the ruling National Socialist German Workers Party on May 1, 1933. In his inaugural address as rector on May 27, 1933, and in political speeches and articles from the same period, he expressed his support for the NSDAP and Adolf Hitler. Heidegger resigned as rector in April 1934, but he remained a member of the NSDAP until 1945. After the Second World War, the French occupation authorities banned Heidegger from teaching. In 1949, he was officially “de-Nazified” without penalty. He began teaching again in the 1950–51 academic year. He continued to teach until 1967.

A whole academic industry has grown up around the question of Heidegger and National Socialism. It  truly is an embarrassment to the post-WW II intellectual consensus that arguably the greatest philosopher of the twentieth century was a National Socialist. But the truth is that Heidegger was never a particularly good National Socialist.

Yes, Heidegger belonged intellectually to the “Conservative Revolutionary” milieu. Yes, he thought that the NSDAP was the best political option available for Germany. But Heidegger’s view of the meaning of National Socialism was rather unorthodox.

Heidegger viewed the National Socialist revolution as the self-assertion of a historically-defined people, the Germans, who wished to regain control of their destiny from an emerging global-technological-materialistic system represented by both Soviet communism and Anglo-Saxon capitalism. This revolt against leveling, homogenizing globalism was, in Heidegger’s words, “the inner truth and greatness” of National Socialism. From this point of view, the NSDAP’s biological racism and anti-Semitism seemed to be not only philosophically naive and superficial but also political distractions.

Heidegger knew that Jews were not Germans, and that Jews were major promoters of the system he rejected. He was glad to see their power broken, but he also had cordial relationships with many Jewish students, including extramarital affairs with Hannah Arendt and Elisabeth Blochmann (who was half-Jewish).

In the end, Heidegger believed that the Third Reich failed to free itself and Europe from the pincers of Soviet and Anglo-Saxon materialism. The necessities of re-armament and war forced a rapprochement with big business and heavy industry, thus Germany fell into the trammels of global technological materialism even as she tried to resist it.

Heidegger was not, however, a Luddite. He was not opposed to technology per se, but to what he called the “essence” of technology, which is not technology itself, but a way of seeing ourselves and the world: the world as a stockpile of resources available for human use, a world in which there are no limits, in principle, to human knowledge or power. This worldview is incompatible with any sort of mystery, including the mystery of our origins or destiny. It is a denial of human differentiation — the differentiation that comes from multiple roots and multiple destinies.

Yet, as Heidegger slyly pointed out, the very idea we can understand and control everything is not something we can understand or control. We don’t understand why we think we can understand everything. And we are literally enthralled by the idea that we can control everything. But once we recognize this, the spell is broken; we are free to return to who we always-already are and destined to be.

But on Heidegger’s own terms, it is still possible to combine a technological civilization with an archaic value system, to reject the essence of technology and affirm rootedness and differentiation. This is what Guillaume Faye calls “archeofuturism.”

Ultimately, Heidegger’s philosophy — particularly his account of human being in time, his fundamental ontology, his account of the history of the West, and his critique of modernity and technology — is of greater significance to the project of the North American New Right than his connection with National Socialism. It is a measure of the embryonic nature of our movement that we just beginning to deal with his work. Heidegger is widely cited [5] in our pages. But so far, we have published only the following pieces related to Heidegger:

There is also some discussion of Heidegger in Trevor Lynch’s review essay [12] on Christopher Nolan’s The Dark Knight.

When we commemorate Heidegger’s birthday again next year, I hope this list will have grown considerably.

Heidegger is a notoriously difficult stylist. But he was a brilliant lecturer, and his lecture courses are far more accessible than the works he prepared for publication. There are two useful anthologies of Heidegger’s basic writings: Basic Writings [13], ed. David Farrell Krell and The Heidegger Reader [14], ed. Günther Figal.

Eventually, every reader of Heidegger will have to conquer Being and Time [3], but a useful preparation for reading Being and Time is the contemporary lecture course History of the Concept of Time: Prolegomena [15]. Being and Time was never finished, but one can get a sense of how the book would have been completed by reading another highly lucid lecture course, The Basic Problems of Phenomenology [16].

Other essential lecture courses are Introduction to Metaphysics [17] and Nietzsche, which comprises four lecture courses (plus supplemental essays). Originally published in English in four volumes, the Nietzsche lectures are now available in two large paperbacks: Nietzsche: Vols. 1 and 2 [18] and Nietzsche: Vols. 3 and 4 [19].

There is an immense secondary literature on Heidegger, but most of it is no more accessible than Heidegger himself. The best biography is Rüdiger Safranski, Martin Heidegger: Between Good and Evil [20]. Another highly interesting biographical work is Heinrich Wiegand Petzet, Encounters and Dialogues with Martin Heidegger, 1929-1976 [21], which gives a vivid sense of the highly cultivated people in Heidegger’s generally right-wing and National Socialist milieu.

As for Heidegger’s philosophy, Richard Polt’s Heidegger: An Introduction [22] is a lucid overview of the whole range and development of Heidegger’s thought. Julian Young is another very lucid expositor. He is the author of three books on Heidegger: Heidegger’s Later Philosophy [23], Heidegger’s Philosophy of Art [24], and Heidegger, Philosophy, Nazism [25]. I highly recommend them all.

 


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mercredi, 14 septembre 2011

Vaart wel, professor Piet Tommissen

Vaart wel, professor Piet Tommissen
 
Peter W. LOGGHE
 
Ex: Nieuwsbrief - Deltastichting, Nr. 51 (september 2011)
 
Ik moet bekennen dat ik toch wel geëmotioneerd geraakte toen ik het overlijdensbericht van professor Piet Tommissen onder ogen kreeg. Weliswaar bereikte hij de gezegende leeftijd van 87 jaar en bleef hij nog zeer lang boeken uitgeven en artikels schrijven.  Maar deze Vlaamse economist, socioloog en overtuigd nationalist heeft ongetwijfeld bij een aantal mensen meer sporen nagelaten dan hij misschien wel heeft vermoed. Ook en vooral in het buitenland.
 
Professor Piet Tommissen is de Carl Schmitt-kenner en –specialist bij uitstek. De rechtsgeleerde en jurist Schmitt was – vanuit de vooroorlogse situatie in Duitsland natuurlijk – zowat de zondebok van de kringen van politicologie en juridische wetenschappen overal in Europa.  Maar tevens was het werk van Schmitt zeer vruchtbaar, zodat Roman Schnur over Schmitt zei: “Het is de eik waaronder de everzwijnen hun truffels kwamen zoeken”.  Piet Tommissen, toen nog een jonge knaap, zocht contact met Carl Schmitt en werd uiteindelijk goed bevriend. De eerste bibliografie over Schmitt werd door dezelfde Tommissen verzorgd, in het jaar 1953. Men moet zich de toestanden proberen voor te stellen: geen computers, geen fax- of kopiemachines, alles met stylo of potlood overschrijven. In de harde naoorlogse jaren naar Plettenburg reizen, zal ook al geen lachertje geweest zijn.

Nooit sant in eigen land

Vanaf 1990 zou Tommissen trouwens een soort jaarboeken uitgeven, “Schmittiana”, bij Duncker & Humblot in Berlijn. Jaarboeken gewijd aan de studie van de werken van Schmitt – de eerste drie Schmittiana  verschenen in 1988, 1990 en 1191 als dubbelnummers van de “Eclectica”-monografieën uitgegeven bij de EHSAL. Jaarboeken waar vele juristen, waar vele politicologen inspiratie hebben gevonden. IJkpunten zijn het geworden in de studie van Carl Schmitt. “Onze” Piet Tommissen.

Piet Tommissen volgde economische studies aan Handelshogeschool Sint-Aloysius in Brussel en de Universiteit te Antwerpen. Voor zijn doctoraatsthesis – een tweede belangrijk thema trouwens –  koos hij voor het onderwerp Vilfredo Pareto, wij hebben het over  1971. Kenners laten zich nog altijd zeer positief uit over het boek.  Tommissen toont hier al zijn kunnen: een interdisciplinaire waarnemer en een man met een grote eruditie.  Ook in de kunst kon hij zijn mannetje staan: ik verwijs graag naar zijn contacten met de laatste ‘Belgische’ surrealist Marc Eemans.
 
Hij was niet alleen een uitstekend kenner van Pareto en Schmitt, maar ook van Georges Sorel, Julien Freund en zovele andere Franse politieke en metapolitieke denkers. Toen het Franse luxetijdschrift van Nieuw Rechts, Nouvelle Ecole, in 2007 een nummer uitbracht over Georges Sorel, lazen wij met interesse de tekst daarin van de onvermoeibare Piet Tommissen.

Piet Tommissen was nooit sant in eigen land. In gelijk welk ander Europees land zou een man als Tommissen in de bloemen gezet worden, overstelpt met staatsfelicitaties. Niet zo in dit land. Piet Tommissen werd niet geëerd in België. Waarom? We hebben er het gissen naar. Was het omdat zijn politieke overtuiging zo sterk was? Was het omdat hij de Vlaamse zaak méér dan genegen was en eigenlijk sterk heel-Nederlands dacht (vandaar zijn engagement in de Marnixring, zijn bijdragen aan het vormingstijdschrift TeKoS)?

Ik zal professor Piet Tommissen niet licht vergeten. Ik zal hem niet licht vergeten omwille van zijn publicaties op latere leeftijd, de zogenaamde “Buitenissigheden’ waar hij met veel humor en zachte spot zijn wedervaren uit vroegere dagen opriep. Ik zal hem niet licht vergeten omdat hij mij Carl Schmitt liet ontdekken. Laten we vooral niet vergeten dat professor Tommissen waarschijnlijk ook een van de eersten is geweest die het Mohleriaans begrip ‘conservatieve revolutie’ in de Lage Landen heeft verspreid en een aantal Vlaamse en Nederlandse jongeren heeft geïnspireerd. En blijft inspireren.


Dank u, Piet Tommissen. Vaart wel, professor Piet Tommissen!

(P.L)

Voor rouwbetuigingen aan kunt u op deze verbinding terecht.

Piet Tommissen: le Grand Maître des notes en bas de page

Piet Tommissen: le Grand Maître des notes en bas de page

 

Modeste, il brisait les blocages mentaux

 

Hommage au Schmittien flamand Piet Tommissen

 

Par Günter MASCHKE

 

“La rcherche sur Carl Schmitt, c’est moi’”, aurait pu dire Piet Tommisen dès 1952, alors qu’il n’avait que vingt-sept ans. Ce Flamand était à l’époque un étudiant sans moyens, qui étudiait  seul l’économie politique et la sociologie, en autodidacte, alors qu’il avait un boulot banal. Sans cesse, il venait à Plettenberg dans le Sauerland pour rencontrer Carl Schmitt, après des voyages pénibles dans un pays totalement détruit. Et l’étudiant Tommissen posait des questions au Maître: il était très respectueux mais si curieux et si pressant qu’il exagérait parfois dans ses véritables interrogatoires, jusqu’à perdre la plus élémentaire des pitiés! A l’époque, il n’y avait pas de photocopieurs et Tommissen recopiait sur sa petite machine à écrire portable des centaines d’essais ou de documents, tout en pensant à d’autres chercheurs éventuels: il utilisait sans lésiner de gros paquets de papier carbone.

 

Sans Tommissen, la célébrité de Carl Schmitt aurait été plus tardive

 

Certes, Carl Schmitt, grand juriste et politologue allemand, diffamé et réprouvé après 1945, avait quelques autres amis fidèles mais il faut dire aujourd’hui que le travail le plus pénible pour le sortir de son isolement a été effectué par Piet Tommissen. Sans ce briseur de blocus venu de Flandre, la célébrité acquise par Schmitt aurait été bien plus tardive. Tommissen a établi la première bibliographie de Schmitt de bonne ampleur (cf. “Versuch einer Carl Schmitt-Bibliographie”, Academia Moralis, Düsseldorf, 1953); il a écrit une série impressionnante, difficilement quantifiable, de textes substantiels, en allemand, en français, en néerlandais, en espagnol, etc., sur la vie et l’oeuvre du plus récent de nos classiques allemands en sciences politiques; il a découvert et édité les multiples correspondances entre Schmitt, grand épistolier, et d’autres figures, telles Paul Adams, Hugo Fischer, Julien Freund, etc.; enfin, à partir de 1990, il a publié huit volumes de la série “Schmittiana” (chez Duncker & Humblot à Berlin), tous absolument indispensables pour qui veut s’occuper sérieusement de l’oeuvre de Schmitt. Tout véritable connaisseur de Schmitt devra dorénavant acquérir et potasser cette collection.

 

Tommissen était le maître incontesté d’un genre littéraire particulièrement noble: l’art de composer des notes en bas de page. Ses explications, commentaires, indices biographiques et bibliographiques réjouissent le “gourmet”, même après maintes lectures et relectures, et constituent les meilleurs antidotes contre les abominables simplifications qui maculent encore et toujours la littérature publiée sur Schmitt et son oeuvre. Dis-moi qui lit avec zèle les notes de Tommissen et je te dirai quelle est la valeur des efforts qu’il entreprend pour connaître Schmitt!

 

Tommissen était surtout la “boîte à connexions” dans la recherche internationale sur Schmitt ou, si on préfère, la “centrale de distribution”. Presque tout le monde lui demandait des renseignements, des indices matériels, des conseils. Ainsi, il savait tout ce qui se passait dans le monde à propos de Schmitt. Pour ne citer que quelques noms: tout ce à quoi travaillaient Jorge Eugenio Dotti en Argentine, Alain de Benoist en France, Antonio Caracciolo en Italie, Jeronimo Molina en Espagne ou moi-même, auteur de ces lignes nécrologiques, Tommissen le savait et c’est pour cette raison qu’il pouvait susciter de nombreux contacts fructueux. Tous ceux qui connaissent les cercles de la recherche intellectuelle s’étonneront d’apprendre que Tommissen a toujours su résister à la tentation de rationner ses connaissances ou de les monopoliser. Son mot d’ordre était: “Le meilleur de ce que tu peux savoir, tu dois toujours le révéler à tes étudiants!”.

 

Bon nombre d’admirateurs de Tommissen déploraient une chose: notre professeur ne prenait que fort rarement position et ne formulait qu’à contre-coeur des assertions théoriques fondamentales. Cette réticence n’était nullement la faiblesse d’un collectionneur impénitent mais le résultat d’une attitude toute de scrupules, indice d’une grande scientificité. Après une conversation de plusieurs heures avec Tommissen, mon ami Thor von Waldstein était tout à la fois enthousiasmé et perplexe: “Qui aurait cru cela! Cet homme incroyable creuse en profondeur. Il sait tout en la matière!”.

 

Il serait toutefois faux de percevoir Tommissen exclusivement comme un “schmittologue”. Il était aussi un excellent connaisseur des écrits de Vilfredo Pareto et de Georges Sorel, deux “mines d’uranium” comme les aurait définis Carl Schmitt. Il y a donc un mystère: comment un homme aussi paisible et aussi bienveillant que Tommissen ne s’est-il préoccupé que de ces “dinamiteros” intellectuels? Sa thèse de doctorat, qu’il n’a présentée qu’en 1971, et qui s’intitule “De economische epistemologie van Vilfredo Pareto” (Sint Aloysiushandelhogeschool, Bruxelles), lui a permis, après de trop nombreuses années dans le secteur privé, d’amorcer une carrière universitaire. Cette thèse restera à jamais l’un des travaux les plus importants sur le “solitaire de Céligny”, sur celui qui n’avait plus aucune illusion. Quant aux études très fouillées de Tommissen sur Sorel, cette géniale “plaque tournante” de toutes les idéologies révolutionnaires, devraient à l’avenir constituer une lecture obligatoire pour les lecteurs de Sorel, qui se recrutent dans des milieux divers et hétérogènes.

 

L’oeuvre majeure de Tommissen est une histoire des idées économiques

 

La place manque ici pour évoquer en long et en large les recherches de Tommissen sur la pensée politique française des 18ème et 19ème siècles, ses essais sur les avant-gardes surréalistes et dadaïstes en Europe. Pour mesurer l’ampleur de ces recherches-là, il faut consulter la bibliographie composée avec amour par son fils Koenraad Tommissen (“Een buitenissige biblografie”, La Hulpe, Ed. Apsis, 2010).

 

L’exemple le plus patent de l’excellence des travaux de Tommissen en sciences humaines (au sens large) est incontestablement son ouvrage majeur “Economische systemen” (Deurne, 1987). Dans l’espace relativement réduit de 235 pages, Tommissen nous brosse l’histoire des idées économiques de l’antiquité à la Chine post-maoïste, en complétant son texte, une fois de plus, d’innombrables notes de bas de page et d’indices substantiels. Il nous révèle non seulement l’histoire dramatique de l’économie politique à travers les siècles mais nous introduit également à l’étude du substrat politique, culturel et idéologique de “l’homme travaillant” au cours de l’histoire. Un bon livre nous épargne très souvent la lecture de centaines d’autres et nous encourage à en lire mille autres!

 

La personnalité de Piet Tommissen nous révèle aussi que le questionnement, la lecture, la compilation, la pensée, l’écriture ne connaissent jamais de fin, que ce travail est épuisant mais procure aussi énormément de bonheur.

 

“Si tu veux aller à l’infini

Borne-toi donc à arpenter le fini en tous ses recoins”

(“Willst Du ins Unendlichen schreiten,

Geh nur im Endlichen nach allen Seiten”),

nous dit l’Olympien de Francfort-sur-le-Main, de Weimar.

 

Piet Tommissen, né le 20 mars 1925 à Lanklaar dans le Limbourg flamand est décédé à Uccle le 21 août 2011.

 

Günter MASCHKE.

(article paru dans “Junge Freiheit”, Berlin, n°36/2011 – http://www.jungefreiheit.de ).

In Memoriam Piet Tommissen

“Scribens mortuus est”

In memoriam Piet Tommissen

(20 mars 1925 – 21 août 2011)

 

par Hans VERBOVEN

 

Dans la basilique Saint Servais de Grimbergen nombreux étaient les amis, les collègues, les voisins et les parents du Professeur Piet Tommissen rassemblés pour prendre congé de lui, le 26 août 2011. Le prêtre, Gereon van Boesschoten, o. praem., dès le début de la célébration eucharistique, a rappelé la signification du vers “Mijn schild ende betrouwen, zijt Gij o God mijn Heer” (“Ô Seigneur, Mon Dieu, Tu es mon bouclier et ma confiance”), qui ornait le faire-part. Filip de Vlieghere, président du Marnixring (“Cercle Marnix”), a évoqué les grandes qualités humaines et les capacités d’organisateur du défunt Piet Tommissen. Un collègue “émérite” de la haute école EHSAL, esquissa un portrait très pertinent de ce professeur d’université à l’immense érudition. La cérémonie fut sobre, de grand style, avec le drapeau flamand orné du lion noir et le drapeau du “Cercle Marnix” flanquant l’autel; elle se termina par le “Gebed voor het Vaderland” (“la Prière pour la Patrie”), particulièrement bien joué par l’organiste Kamiel D’Hooghe. C’est vraiment ainsi que le défunt l’aurait voulu.

 

Lorsque je rendis visite au Professeur Tommissen, pour la dernière fois, à Uccle, au début de cette année, j’avais amené, à sa demande, une photo de mes enfants. A l’arrière de la photo, il a inscrit leurs noms et leurs dates de naissance. C’était typique de lui, de l’homme qu’il était, de cet archiviste invétéré, de ce collectionneur. Chaque rencontre, chaque conversation téléphonique commençait toujours par un petit débat sur les heurs et malheurs de la vie familiale: seulement après cette brève enquête, on parlait du “boulot”. Son fils Koenraad, ses petits-enfants et ses arrière-petits-enfants étaient sa grande passion.

 

Attendri et avec beaucoup d’emphase, il me parlait toujours des visites de ses plus jeunes descendants. Lors de notre dernière rencontre, je lui ai offert un livre, avec la dédicace suivante: “Pour le Professeur Tommissen, en remerciement de son amitié et de ses conversations grand-paternelles”. Pour moi aussi, il était un grand-père, dans tous les sens du terme. Il était cordial et prévenant, d’une gentillesse totale et il avait la sagesse et le raffinement que seule procure une longue vie. En vérité, un grand homme!

 

Le Professeur Tommissen était un grand savant et, surtout, le fondateur et le “grand seigneur” de toutes les recherches entreprises autour de l’oeuvre et de la personnalité du penseur et juriste allemand Carl Schmitt. Bon nombre de professeurs d’université allemands venaient lui demander conseil et lui soumettaient leurs manuscrits pour qu’il les corrige. Ses connaissances sur Vilfredo Pareto, Ernst Jünger, Victor Leemans et Georges Sorel, entre autres personnalités, étaient immenses, sans pareilles. Armin Mohler le nommait le “petit écureuil des Flandres”, allusion à cette pulsion qui était la sienne et le poussait à collectionner avec acribie et scientificité détails, notes, anecdotes et références. Outre sa riche bibliothèque, il possédait une énorme correspondance, composée de milliers de lettres et échangée avec les personnalités les plus diverses et les plus renommées de l’intelligence européenne de notre après-guerre. Il faut savoir que sa qualité de professeur n’était pas une vocation tardive, bien qu’elle ne put s’accomplir que fort tard dans sa vie.

 

Au cours des premières années de son mariage, il avait eu bien d’autres chats à fouetter. Tommissen fut un homme qui dut se tailler seul un sentier dans la vie, accompagné par sa chère épouse, Agnès Donders, morte beaucoup trop tôt. Sa thèse de doctorat, à l’UFSIA d’Anvers, fut la toute première qui fut défendue dans cette célèbre université dirigée par les Jésuites. Le poste d’enseignement universitaire qu’il obtint auprès de la haute école EHSAL à Bruxelles et de la LUC au Limbourg fut bel et bien la récompense méritée de son dévouement et de sa persévérance. Tommissen travaillait et s’occupait de sa famille sans fléchir: le résultat fut un flot ininterrompu d’articles dans toutes sortes de revues et de monographies. Son fils, le Dr. Koenraad Tommissen, en établissant la bibliographie de son père, a compté pas moins de 614 publications (cf. “Een buitenissige bibliografie”, La Hulpe, 2010).

 

Piet Tommissen était un grand Flamand, conscient de l’être, qui joua un rôle fort important dans la renaissance de la vie culturelle flamande après la seconde guerre mondiale. Les revues “Golfslag” et “De Tafelronde” sont étroitement liées à sa personne. Dès le départ, en 1956, il collabora à “Dietsland-Europa”, où il signait ses contributions de son propre nom, ce qui n’était guère évident en une époque où les conséquences de la répression gouvernementale étaient partout perceptibles. Tommissen fournit également des articles de bonne facture à “Teksten, Kommentaren en Studies” et à “Kultuurleven”. Ensuite, il participa à la création du “Marnixkring Zennedal” (“Cercle Marnix – Vallée de la Senne”) et fut, pendant un certain temps, le président de ce club de service d’inspiration nationale flamande.

 

J’ai lu beaucoup de ce qu’a écrit Piet Tommissen mais les textes de lui, que j’ai préférés, sont ceux qui furent, au cours de ces dernières années, consignés dans ses “Buitenissigheden”, ses “Extravagances”, une série de petits livres où notre homme a couché sur le papier de véritables petites perles: certaines d’entre elles étaient nouvelles, d’autres étaient anciennes et retravaillées, toutes concernaient des sujets variés. Deux d’entre ces “Extravagances” sont autobiographiques. Elles sont toutes d’une prose épurée, d’un ton doux et humoristique. Je les ai lues et je les relirai. En effet, celui qui écrit, demeure. Mais nous regretterons tous amèrement les bonnes conversations que nous avons eues avec ce gentil professeur.

 

Hans VERBOVEN.

(Hommage paru dans “’t Pallieterke”, Anvers, 31 août 2011).

jeudi, 08 septembre 2011

Piet Tommissen o dell'ostinazione - In Memoriam

Piet Tommissen o dell'ostinazione 

In memoriam (1925-2011)

Günter Maschke

Si è spento lo scorso 21 agosto Piet Tommissen, sociologo ed economista belga, noto per i suoi studi su Vilfredo Pareto e Carl Schmitt, del quale fu amico e bibliografo e alla cui opera, a lungo negletta, ha dedicato una quantità di scritti che hanno contribuito a diffonderla su scala internazionale. Molto stretto fu anche il suo rapporto con Julien Freund. Tommissen – “il matto” come lo definiva amabilmente Gianfranco Miglio – è stato senz’altro uno degli esponenti più in vista della tradizione del realismo politico europeo e un punto di riferimento per tutti i giovani studiosi che a questa tradizione si sono richiamati nel corso degli anni. Lo ricordiamo pubblicando l’omaggio che in occasione dei suoi 75 anni, nel 2000, gli ha dedicato Günter Maschke, a sua volta amico ed editore di Schmitt, nonché curatore di alcune sue importanti raccolte di scritti.

Cicerone disse una volta: «Niente fa più impressione dell’ostinazione». Questa frase potrebbe applicarsi perfettamente alla vita e all’opera dell’economista politico fiammingo Piet Tommissen, che ha festeggiato lo scorso 20 marzo i suoi 75 anni conservando intatta la sua impressionante energia lavorativa.

Quanti cercano ancora la prova dell’evidenza che ogni cultura riposa sull’atto gratuito, sul lavoro prestato senza remunerazione, la troveranno nella persona di Piet Tommissen. Dopo la Seconda guerra mondiale, Carl Schmitt era il capro espiatorio favorito nella sfera delle scienze giuridiche e politiche tedesche, ma anche, occorre ripeterlo, la «quercia sotto cui i cinghiali venivano a cercare i loro tartufi» (Roman Schnur dixit). Durante questo buio periodo, il giovane Piet Tommissen ha dato la sua amicizia a Schmitt, insieme ad alcuni, rari fedeli amici tedeschi; ha presto redatto la prima bibliografia di Carl Schmitt in condizioni difficili (Versuch einer Carl-Schmitt-Bibliographie, Academia Moralis, Düsseldorf 1953). E quando dico «condizioni difficili», voglio ricordare ai miei contemporanei che Tommissen ha effettuato questo lavoro molto prima che esistessero ovunque, come oggi, delle fotocopiatrici in cui è possibile riprodurre testi a bizzeffe. Tommissen ritrascriveva a mano, con la sua penna a inchiostro, centinaia di articoli di Schmitt o li batteva su una vecchia macchia per scrivere da viaggio, con carta carbone, per aspera ad astra. Ha effettuato questo lavoro quand’era uno studente senza mezzi, nei duri anni del dopoguerra in cui ogni viaggio esplorativo verso Plettenberg (dove Schmitt si era ritirato) presentava continue difficoltà finanziarie. È dunque con inizi così difficili che Tommissen, nel corso degli anni, è divenuto il migliore esperto, e il più meticoloso, dell’opera di Carl Schmitt.

I frutti di questo lavoro così disinteressato si ritrovano oggi in innumerevoli articoli e studi, in nuove bibliografie e, a partire dal 1990, in una collana di libri battezzata «Schmittiana» che esce presso Duncker & Humblot a Berlino. Oggi noi riteniamo tutti che simili lavori siano facili da realizzare, ma fu lungi dall’essere così all’epoca eroica del giovane studente e del giovane economista Tommissen. Direi persino di più: senza la marea di contributi e di dettagli apportati e scoperti da Tommissen, l’impresa di diffamazione internazionale che ha orchestrato il boicottaggio e l’ostracismo contro Schmitt – e contribuito così alla sua gloria! – apparirebbe ancora più sciocca e pietosa perché non avrebbe alcun valido argomento, né saprebbe nulla delle tante sfaccettature delle sua persona.

Tommissen, che ha studiato le scienze economiche alla Haute Ecole économique Sint-Aloysius a Bruxelles e all’Université des Jésuites di Anversa, ha dovuto lavorare, accanto alle sue ricerche, per guadagnarsi il pane come procuratore industriale. Accede al titolo di dottore nel 1971 presentando una tesi su Vilfredo Pareto. Intitolata De economische epistemologie van Vilfredo Pareto (Sint-Aloysius Handelshogeschool, Bruxelles 1971), questa tesi può essere considerata come una delle più importanti e fondamentali opere mai redatte sul grande uomo. Ogni ricercatore che desiderasse dedicarsi seriamente all’italiano Pareto dovrebbe acquisire almeno una conoscenza passiva dell’olandese. Il che non mi impedisce di rimpiangere che Tommissen non abbia scritto il suo libro in tedesco o in francese: ma, ahimè, la gloria è ingiusta, mostruosa per le lingue minoritarie. In questo lavoro, noi incontriamo già tutto Tommissen: un osservatore interdisciplinare che si serve di questa interdisciplinarietà con la massima naturalezza, come se fosse evidente; un autore che possiede la grande arte di mettere in esergo i legami tra le cose più diverse. Alla lettura di questa tesi, non acquisiremo solo conoscenza dei problemi fondamentali dell’economia politica europea fino agli anni che hanno immediatamente seguito la Prima guerra mondiale, ma anche di tutto lo sfondo politico, filosofico e psicologico che animava il «solitario di Céligny». Tommissen ci restituisce con amore e espressività tutto questo sfondo, di solito ignorato da molti autori, troppo legati alla superficie dei testi. Nessun altro studio dettagliato renderà pertanto la tesi di Tommissen caduca.

Ma si capirebbe male il personaggio Tommissen se lo si considerasse solo come uno specialista di Schmitt e Pareto, lui che ha insegnato dal 1972 al 1990 alla Haute Ecole d’Economie Sint-Aloysius di Bruxelles in cui curava la collana «Eclectica» che contiene montagne di tesori, di aneddoti e dettagli sempre inaspettati su Schmitt. Pochi ricercatori sanno in Germania che conosce anche bene Georges Sorel, Julien Freund e il pensiero politico francese del XIX e del XX secolo. Tommissen ha sempre dichiarato, expressis verbis, che voleva praticare le «scienze umane nel senso più ampio del termine».

Un esempio particolarmente sorprendente di concretizzazione di questa volontà è il suo libro Economische Systemen (Uitgeverij N.V., Deurne, 1987). In poche pagine, Tommissen vi abbozza la storia delle idee economiche dall’antichità alla Cina post-maoista e le innumerevoli note e considerazioni fondate che ha aggiunto al testo ci aprono a quel dramma che è la storia economica dell’umanità e ci comunicano le radici e le fondamenta politiche, culturali e ideologiche dell’uomo lavoratore nel corso della storia. Un buon libro rende la lettura di cento altri superflua e ci incoraggia a leggerne ancora altre migliaia. Ecco! Straordinarie conoscenze in letteratura e storia dell’arte… Ma in tutti i lavori di economia e scienze politiche scritti da Tommissen il lettore è costantemente sorpreso dalle sue straordinarie conoscenze della letteratura e della storia dell’arte, poiché aveva a lungo accarezzato l’idea di studiare la filologia germanica e la storia dell’arte. Conosce ad esempio il dadaismo e il surrealismo europei in tutte le loro varianti. Non aveva ancora trent’anni quando invitava già nelle Fiandre per tenervi delle conferenze autori tedeschi come Heinz Piontek e Heinrich Böll (e sarei tentato di aggiungere: quando questi erano ancora degli scrittori interessanti!).

Solo quanti sono consapevoli dell’enorme lavoro prestato da Tommissen hanno il diritto di pronunciare una critica: questo maestro della nota a piè di pagina esagera talvolta nel suo zelo di voler dire tutto, poiché sottovaluta spesso le conoscenze dei suoi lettori. Ma in Tommissen non vi è alcun orgoglio a motivare la sua azione, né alcuna vanità, perché è il calore umano incarnato. Per lui, l’uomo è nato per aiutare il suo prossimo e per ricevere da questo un aiuto equivalente. Tanto che Tommissen, l’eminenza, non ha alcuna vergogna di imparare qualcosa, anche d’infima importanza, in uno scrittoretto appena uscito dalla pubertà e senza esperienza.

Una fedele dedizione a Pareto e Schmitt

Sempre felice di dare un’informazione, sempre alla ricerca di informazioni da altri con la più squisita amabilità, Tommissen ha permesso la nascita di molti lavori scientifici e ha seminato molto più di quanto i tanti ingrati lascino intendere al loro pubblico. Un uomo di questa natura così particolare e valida merita i nostri omaggi perché ha dedicato volontariamente e fedelmente una grande parte della sua vita a quelli che considera i suoi maestri: Vilfredo Pareto e Carl Schmitt. Viene in mente un brillante saggista e sovrano narratore come Adolf Frisé che per molti decenni non ha esitato a esplorare l’opera di Robert Musil e a diffonderla. Spesso la luce che brilla sotto il moggio è la più viva! Ad multos annos, Piet Tommissen!

lundi, 05 septembre 2011

Adieu au Professeur Piet Tommissen (1925-2011)

 

Adieu au Professeur Piet Tommissen (1925-2011)

 

Quelques jours après avoir lu l’hommage publié par “Junge Freiheit” suite au décès du Professeur Helmut Quaritsch, l’ancien éditeur de la revue “Der Staat” (Berlin), j’apprenais, jeudi 1 septembre, en feuilletant sur le comptoir même du marchand de journaux mon “’t Pallieterke” hebdomadaire, dont je venais de prendre livraison, la mort du Professeur Piet Tommissen, qu’évoque avec une belle émotion le journal satirique anversois. Deux géants mondiaux des sciences politiques viennent donc de disparaître cet été, nous laissant encore plus orphelins depuis les disparitions successives de Panayotis Kondylis, de Julien Freund, de Gianfranco Miglio ou d’Armin Mohler.

 

A la recherche de Pareto et Schmitt

 

J’avais appris, tout au début de mon itinéraire personnel, où, forcément, les tâtonnements dominaient, qu’un certain Professeur Tommissen avait publié des ouvrages sur Vilfredo Pareto et Carl Schmitt. Nous savions confusément que ces auteurs étaient extrêmement importants pour tous ceux qui, comme nous, refusaient la pente de la décadence que l’Occident avait empruntée dès les années 60, immédiatement après les “technomanies” et les américanismes des années 50. Nous voulions une sociologie et, partant, une politologie offensives, contructrices de sociétés ayant réagi vigoureusement, “quiritairement” contre l’éventail d’injustices, de dysfonctionnements, d’enlisements, de déliquescences que le complexe bourgeoisisme/économicisme/libéralisme/parlementarisme avait induit depuis la moitié du 19ème siècle. Pareto démontrait (et Roberto Michels plus sûrement encore après lui...) quelles étaient les étapes de l’ascension et du déclin des élites politiques, destinées au bout de trois ou quatre générations à vasouiller ou à se “bonzifier” (Michels). Nous voulions être une nouvelle élite ascendante. Nous voulions bousculer les “bonzes”, leur indiquer la porte de sortie. Naïveté de jeunesse: ils sont toujours là; pire, ils ont coopté les laquais de leur laquais. Nous connaissions moins bien Schmitt à l’époque mais nous devinions que sa définition du “politique” impliquait d’aller à l’essentiel et permettait de trier le bon grain de l’ivraie dans le kaléidoscope des agitations politiques et politiciennes du 20ème siècle: que ce soit sous la république de Weimar, dans le marais politicard de la pauvre Belgique de l’entre-deux-guerres (le “gâchis des années 30” dira le Prof. Jean Vanwelkenhuyzen), dans les turpitudes des Troisième et Quatrième Républiques en France auxquelles De Gaulle, formé par René Capitant, disciple de Carl Schmitt, tentera de mettre un terme à partir de 1958.

 

Première rencontre avec Piet Tommissen dans la rue du Marais à Bruxelles

 

Il y avait donc sur la place de Bruxelles, un professeur d’université qui s’occupait assidûment de ces deux géants de la pensée politique européenne du 20ème siècle. Il fallait donc se procurer ses ouvrages et les lire. J’avais vu une photo du Professeur Tommissen dans un numéro d’ “Eléments” ou dans une autre publication du “Groupe de Recherches et d’Etudes sur la Civilisation Européenne”. Ce visage rond et serein m’avait frappé. J’avais retenu ces traits lisses et doux et voilà qu’en février ou en mars 1975, en sortant des bâtiments réservés aux romanistes et germanistes des Facultés Universitaires Saint-Louis, rue du Marais à Bruxelles, je vois tout à coup le Prof. Piet Tommissen, campé devant l’entrée du 113, à l’époque occupé par la “Sint-Aloysius Handelhogeschool”, où il dispensait ses cours. Il était impressionnant, non seulement par la taille mais aussi, faut-il le dire, par le joyeux embonpoint qu’il affichait, lui qui fut aussi un très fin gourmet et un bon amateur de ripailles estudiantines, ponctuées de force hanaps de blonde cervoise. Je suis allé vers lui et lui ai demandé, sans doute un peu emprunté: “Bent u Prof. Tommissen?”. Une certaine appréhension me tourmentait: allait-il envoyer sur les roses le freluquet que j’étais? Que nenni! Le visage rond et lisse de la photo, ancrée dans le recoin d’une de mes circonvolutions cérébrales, s’est aussitôt illuminé d’un sourire inoubliable, effet d’une sérénité intérieure, d’une modestie et d’une bonté naturelles (et sans pareilles...). Cette amabilité contrastait avec l’arrogance qu’affichaient jadis trop d’universitaires, souvent à fort mauvais escient. Le Prof. Tommissen était à l’évidence heureux qu’un quidam cherchait à se procurer ses ouvrages sur Pareto et Schmitt. Il m’a indiqué comment les obtenir et je les ai achetés.

 

Piet Tommissen et Marc. Eemans

 

Ensuite, plus aucune nouvelle de Tommissen pendant au moins trois longues années. Je le retrouve plus tard dans le sillage de son ami Marc. Eemans, avec qui il avait édité de 1973 à 1976 la revue “Espaces”. Je rencontre Eemans, comme j’ai déjà eu plusieurs fois l’occasion de le rappeler, à l’automne 1978, sans imaginer que le peintre surréaliste et évolien était lié d’une amitié étroite avec le spécialiste insigne de Pareto et Schmitt. L’histoire de cette belle amitié, ancienne, profonde, intense, n’a pas encore été explorée, n’a pas (encore) fait l’objet d’une étude systématique. De tous les numéros d’ “Espaces”, je n’en possède qu’un seul, depuis quelques semaines seulement, trouvé chez l’excellent bouquiniste ixellois “La Borgne Agasse”: ce numéro, c’est celui qui a été consacré par le binôme Tommissen/Eemans à l’avant-gardiste flamand Paul Van Ostaijen, dont on connait l’influence déterminante sur l’évolution future de Marc. Eemans, celui-là même qui deviendra, comme l’a souligné Tommissen lui-même, “un surréaliste pas comme les autres”. A signaler aussi dans les colonnes d’ “Espaces”: une étude de Tommissen sur la figure littéraire et politique que fut l’étonnant Pierre Hubermont (auquel un étudiant de l’UCL a consacré naguère plusieurs pages d’analyses, surtout sur son itinéraire de communiste dissident et sur son socialisme particulier dans un mémoire de licence centré sur l’histoire du “Nouveau Journal”; cf. Maximilien Piérard, “Le Nouveau Journal 1940-1944 - Conservation révolutionnaire et historisme politique – Grandeur et décadence d’une métapolitique quotidienne”; promoteur: Prof. Michel Dumoulin; Louvain-la-Neuve, 2002).

 

“De Tafelronde” et “Kultuurleven”

 

Tommissen, comme Schmitt d’ailleurs, n’était pas exclusivement cantonné dans les sciences politiques ou l’économie: il était un fin connaisseur des avant-gardes littéraires et artistiques, s’intéressait avec passion et acribie aux figures les plus originales qui ont animé les marges enivrantes de notre paysage intellectuel, des années 30 aux années 70. On devine aussi la présence de Tommissen en coulisses dans l’aventure de la fascinante petite revue d’Eemans et de Gaillard, “Fantasmagie”. “Espaces” fut une aventure francophone de notre professeur flamand, par ailleurs très soucieux de maintenir et d’embellir la langue de Vondel. Mais ses initiatives et ses activités dans les milieux d’avant-gardes ne se sont pas limitées au seul aréopage réduit (par les circonstances de notre après-guerre) qui entourait Marc. Eemans. En Flandre, Tommissen fut l’une des chevilles ouvrières d’une revue du même type qu’ “Espaces”: “De Tafelronde”, à laquelle il a donné des articles sur Ernst Jünger, Jean-Paul Sartre, Stefan George, Apollinaire, Edgard Tijtgat, Alfred Kubin, etc. Parallèlement à “Espaces” et à “De Tafelronde”, Piet Tommissen collaborait à “Kultuurleven”, qui a accueilli bon nombre de ses articles de sciences politiques, avec des contributions consacrées à Henri De Man, Carl Schmitt, Vilfredo Pareto et des notules pertinentes sur Thom et sa théorie des catastrophes, sur René Girard, Rawls et Baudrillard, sans oublier Heidegger, Theodor Lessing et Otto Weininger.

 

“Dietsland Europa”

 

Tommissen n’avait pas peur de “se mouiller” dans des entreprises plus audacieuses sur le plan politique comme “Dietsland-Europa”, la revue du “flamingant de choc”, un coeur d’or sous une carapace bourrue, je veux parler du regretté Bert Van Boghout qui, souvent, par ses aboiements cinglants, ramenait les ouailles égarées vers le centre du village. On sait le rôle joué par des personnalités comme Karel Dillen, futur fondateur du “Vlaams Blok”, et par le Dr. Roeland Raes, dans le devenir de cette publication qui a tenu le coup pendant plus de quarante années sans faiblir. Tommissen et moi, nous nous sommes ainsi retrouvés un jour, en l’an de grâce 1985, au sein de la rédaction d’un numéro spécial de la revue de Van Boghout sur Julius Evola, dossier qui sera repris partiellement par la revue évolienne française “Totalité” de Georges Gondinet. C’était au temps béni du meilleur adjoint que Van Boghout ait jamais eu: l’étonnant, l’inoubliable Frank Goovaerts, qui pratiquait les arts martiaux japonais jusque dans l’archipel nippon, traversait chaque été la France en moto, jouait au bridge comme un lord anglais et était ouvrier sur les docks d’Anvers; il fut assassiné dans la rue par un dément en 1991. Dans les colonnes de “Dietsland-Europa”, Tommissen a évoqué son cher Carl Schmitt, qui le méritait bien, le livre de Bertram sur Nietzsche, Hans Freyer (dont on ne connait que trop peu de choses dans l’espace linguistique francophone), Pareto, les courants de droite sous la République de Weimar, la théorie schmittienne des grands espaces et la notion évolienne de décadence.

 

L’appel de Carl Schmitt: devenir des “Gardiens des Sources”

 

Au cours de cette période —j’ai alors entre 18 et 24 ans— j’apprends, sans doute de la bouche d’Eemans, que la Flandre, et plus particulièrement l’Université de Louvain, avait connu pendant l’entre-deux-guerres, à l’initiative du Prof. Victor Leemans, une “Politieke Academie”, dynamique think tank focalisé sur tous les thèmes de la sociologie et de la politologie qui nous intéressaient. Tommissen s’est toujours voulu incarnation de l’héritage, réduit à sa seule personne s’il le fallait et s’il n’y avait pas d’autres volontaires, de cette “Politieke Academie”. Il a oeuvré dans ce sens, en laissant un maximum de traces écrites car, on le sait, “les paroles s’envolent, les écrits restent”. C’est la raison pour laquelle il est resté un “octogénaire hyperactif”, comme le soulignait très récemment Peter Wim Logghe, rédacteur en chef de “Teksten , Kommentaren en Studies”. Pourquoi? Parce que, dans ses “Verfassungsrechtlichen Aufsätze” et plus particulièrement dans la 5ème subdivision de la 17ème partie de ce recueil, intitulée “Savigny als Paradigma der ersten Abstandnahme von der gesetzesstaatlichen Legalität”, Carl Schmitt a réclamé, non pas expressis verbis mais indirectement, l’avènement d’une sorte de centrale intellectuelle et spirituelle, qu’il évoquait sous le nom poétique de “Hüter der Quellen”, “les Gardiens des Sources”. Voilà ce que Tommissen a voulu être: un “Gardien des Sources”, dût-il se maintenir à son poste comme le soldat de Pompéi ou d’Herculanum, en dépit des flots de lave qui s’avançaient avec fureur face à lui. Quand la lave refroidit et se durcit, on peut en faire de bons pavés de porphyre, comme celui de Quenast. Avec la boue “enchimiquifiée” et les eaux résiduaires de la société de consommation, on tuera jusqu’à la plus indécrottable des chienlits. Petite méditation spenglerienne et pessimiste...

 

La “Politieke Academie”

 

Nous aussi, nous interprétions, sans encore connaître ce texte fondamental de Schmitt, notre démarche métapolitique, au dedans ou en dehors de la “nouvelle droite”, peu importait, comme une démarche de “gardien des sources”. Alors qu’avons nous fait? Nous avons entamé une recherche de textes émanant de cette “Politieke Academie” et de ce fascinant Prof. Leemans. Nous avons trouvé son Sombart, son Marx, son Kierkegaard, que nous comparions aux textes sombartiens édités par Claudio Mutti et Giorgio Freda en Italie, aux rares livres de Sombart encore édités en Allemagne, notamment chez DTV; nous cherchions à redéfinir les textes marxiens à la lumière des dissidents de la IIème et de la IIIème Internationales (Lassalle, Dühring, De Man,...). Mais la “Politieke Academie” avait des successeurs indirects: nous plongions dans les trois volumes de monographies didactiques sur la vie et l’oeuvre des grands sociologues contemporains que la célèbre collection “Aula” offrait à la curiosité des étudiants néerlandais et flamands (“Hoofdfiguren uit de sociologie”); seul germaniste dans le groupe, j’ajoutais les magnifiques ouvrages de Helmut Schoeck (dont: “Geschichte der Soziologie – Ursprung und Aufstieg der Wissenschaft von der menschlichen Gesellschaft”). Tout cela constituait un complexe de sociologie et de sciences politiques tonifiant; avec cela, nous étions à des années-lumière des petits exercices insipides de statistiques étriquées et de meccano “organisationnel” à l’américaine, nappé de la sauce vomitive du “politiquement correct”, qu’on propose aujourd’hui aux étudiants, en empêchant du même coup l’avènement d’une nouvelle élite, prête à amorcer un nouveau cycle sociologique parétien, en coupant l’herbe sous les pieds d’avant-gardistes qui sont tout à la fois révolutionnaires et “gardiens des sources”.

 

A cette époque de grande effervescence intellectuelle et de maturation, nous avons rencontré le Professeur Tommissen à la tribune du “Centro Studi Evoliani” de Marc. Eemans, où il a animé une causerie sur Pareto et une autre sur Schmitt. Nous connaissions mieux Pareto grâce à l’excellent ouvrage de Julien Freund sur le sociologue et économiste italien, paru à l’époque chez Seghers. Notre rapport à Schmitt, à l’époque, était indirect: il passait invariablement par l’ouvrage de Freund: “Qu’est-ce que le politique?”. De Carl Schmitt lui-même, nous ne disposions que de “La notion du politique”, publié chez Calmann-Lévy, grâce à l’entremise de Julien Freund, sans que nous ne connaissions véritablement le contexte de l’oeuvre schmittienne. Celle-ci n’était accessible que via des travaux académiques allemands, difficilement trouvables à Bruxelles. Finalement, j’ai obtenu les références nécessaires pour aller commander les ouvrages-clefs du “solitaire de Plettenberg” chez ce cher librairie de la rue des Comédiens, au coeur de la vieille ville de Bruxelles. Résultat: une ardoise, alors considérable, de 5000 francs belges, que mon père est allé apurer, tout à la fois catastrophé et amusé. Une bêtise d’étudiant, à ses yeux... Nous étions au printemps de l’année 1980 et une partie de l’ardoise (il n’y avait pas seulement les 5000 francs résiduaires payés par mon géniteur...) avait été généreusement offerte par le Bureau de traduction de Mr. Singer, chez qui j’avais effectué mon stage pratique obligatoire de fin d’études. Singer, germanophone issu de la communauté israélite berlinoise, aimait les étudiants qui avaient choisi la langue allemande: il voulait toujours leur offrir des livres qui exprimaient la pensée nationale allemande, sinon des ouvrages qui communiquaient à leurs lecteurs l’esprit prussien de discipline. Quand je lui ai suggéré de me financer du Carl Schmitt, Singer, déjà octogénaire et toujours sur la brèche, était enchanté. Et voilà comment, de Tommissen à Singer, et de “Over en in zake Carl Schmitt” jusqu’à la pharamineuse commande au libraire de la rue des Comédiens, a commencé mon itinéraire personnel de schmittien en herbe. Inutile de préciser, que cet itinéraire est loin d’être achevé...

 

“Nouvelle école”: Tommissen à mon secours

 

En 1981, très exactement à la date du 15 mars, je débarque avec mes parents et mes bagages à Paris, où me reçoivent les amis Gibelin et Garrabos. J’étais devenu le secrétaire de rédaction de “Nouvelle école”, la très belle revue de l’inénarrable et fantasque de Benoist. Celui-ci, avec l’insouciance et l’impéritie de l’autodidacte parisien prétentieux, avait décidé de me faire fabriquer des numéros de “Nouvelle école” sur Pareto et sur Heidegger. C’est évidemment de la candeur de journaliste. Comment peut-on demander à un galopin de tout juste 25 ans, qui n’a pas étudié les sciences politiques ou la philosophie, de fabriquer de tels dossiers en un tourne-main? Tout simplement parce qu’on est un farfelu. Mais, moi, on ne m’a jamais appris à discuter, d’ailleurs Schmitt abhorrait la discussion à l’instar de Donoso Cortès. Il fallait obéir aux ordres et aux consignes: il fallait agir et produire ce qu’il fallait produire. Donc il a bien fallu que je m’exécute, sans trop gaffer. Comment? Eh bien, en m’adressant aux deux seules personnes, que je connaissais, qui avaient pratiqué Pareto à niveau universitaire: Bernard Marchand et Piet Tommissen! Bernard Marchand avait rédigé un mémoire à l’UCL sur les néo-machiavéliens, tels que James Burnham les avait présentés. Il nous a livré, à titre d’introduction, une version adaptée et complétée de son mémoire. Tommissen est ensuite venu à mon secours et m’a confié des textes de lui-même et d’un certain Torrisi. Guillaume Faye, plus branché sur les sciences politiques, a commis un excellent texte sur la notion de doxanalyse qu’il avait tiré de sa lecture très attentive des oeuvres de Jules Monnerot. D’où: première mission accomplie! Réaction grognone de de Benoist, dans l’affreux bouge dégueulasse de restaurant, qui se trouvait à côté des bureaux du GRECE, rue Charles-Lecocq dans le 15ème, et où il avait l’habitude de se “restaurer”: “C’est la colonisation belge... Je vais finir par m’appeler Van Benoist et, toi, Guillaume, tu t’appeleras Van Faye...”. Il ne manquait plus que “Van Vial” et “Van Valla” au tableau... Après cette parenthèse parisienne, où les anecdotes truculentes et burlesques ne manquent pas, il fallait que j’accomplisse mon service militaire et que je mette la  dernière main à mon mémoire de fin d’études, commencé en 1980.

 

La défense orale de mon mémoire: encore Tommissen à mon secours!

 

Vu la maladie puis le départ à la retraite de mon promoteur de mémoire, Albert Defrance, je ne présente mon pensum au jury qu’en septembre 1983. Ce n’est pas un mémoire transcendant. Ecole de traduction oblige, il s’agit d’une modeste traduction, annotée, justifiée et explicitée dans son contexte. Mais elle entrait dans le cadre des sciences politiques, telles que nous les concevions. Au début, j’avais souhaité traduire un des ouvrages de Helmut Schoeck mais ceux-ci étaient tous trop volumineux pour un simple mémoire dit de “licence” (selon le vocabulaire belge, avant l’introduction du vocabulaire de Bologne). Finalement, le seul ouvrage court brossant un tableau intéressant des pistes sociologiques et politologiques que nous aimions explorer était celui d’Ernst Topitsch et de Kurt Salamun sur la notion d’idéologie. Mais problème: Defrance s’intéressait à la question mais il n’était plus là. Mon cher professeur de grammaire allemande, Robert Potelle, reprend le flambeau mais avoue, avec la trop grande modestie qui le caractérise, qu’il n’est pas habitué à manier le vocabulaire propre à ces disciplines. Frau Costa, notre professeur d’histoire allemande, fait preuve de la même modestie exagérée (“Wie haben Sie einen solchen Wortschatz meistern können?”), alors que son cours sur le passage de Weimar au national-socialisme, avec la fameuse “Ermächtigungsgesetz” fut une excellente introduction à une problématique abordée par Schmitt. Que faire? Comment trouver un universitaire germanophone spécialisé dans la thématique? C’est simple: appeler Tommissen pour qu’il soit l’un de mes lecteurs extérieurs. Rendez-vous est pris à Grimbergen, dans le foyer, antre et bibliothèque de notre professeur. Tommissen accepte: il aime la clarté et la concision de Topitsch et Salamun. Lors de la défense orale, Tommissen aiguille le débat sur une note, que j’avais ajoutée, sur la notion wébérienne de “Wertfreiheit”. Ce terme est intraduisible en français. Seul Julien Freund avait forgé une traduction acceptable: “neutralité axiologique”. En effet, si je suis “libre”, donc “frei” donc en état de “liberté”, de “Freiheit”, et si je suis dépourvu de tout “jugement impromptu de valeur”, donc si je suis “neutre”, quand j’observe une réalité sociologique ou politique, qui, elle, véhicule des valeurs, je suis en bout de course “libre de toute valeur”, donc “axiologiquement neutre”, chaque fois que je pose un regard scientifique sur un phénomène social ou politique. Weber plaçait aussi cette notion de “Wertfreiheit” dans le contexte de sa distinction entre “éthique de la responsabilité” (“Verantwortungsethik”) et “éthique de la conviction” (“Gesinnungsethik”). Ni l’une ni l’autre ne sont dépourvues de “valeur” mais la responsabilité implique un recul, un usage parcimonieux et raisonnable des ressources axiologiques tandis que la conviction peut, le cas échéant, déboucher sur des confrontations et des blocages, des paralysies ou des déchaînements, justement par absence de recul et de parcimonie comportementale.

 

Voilà ce que j’ai pu répondre, en bon allemand, et ainsi obtenir une distinction. Je la dois indubitablement à l’ascendant de Tommissen et à sa manière habile de poser effectivement la question principale qu’il convenait de poser face à ce mémoire, modeste traduction.

 

La bibliothèque de Grimbergen

 

L’un des premiers textes de Piet Tommissen fut un récit de son voyage, avec son épouse Agnès, chez Carl Schmitt, à Plettenberg en Westphalie. Avec grande tendresse, Tommissen a décrit ce voyage, la réception profondément amicale que lui avait prodiguée Carl Schmitt. A mon tour de raconter aussi deux ou trois impressions de ma visite à Grimbergen, pendant l’été 1983: accueil chaleureux d’Agnès et Piet Tommissen, visite de la bibliothèque. Dans la pièce de séjour, il y avait ce fauteuil du maître des lieux, tout entouré d’étagères construites sur mesure, croulant sous le poids des livres du mois, potassés pour écrire le prochain article ou essai. Tout, dans la maison, était agencé pour faciliter la lecture. La bibliothèque de Grimbergen était fabuleuse: elle mérite bien la comparaison avec les autres grandes bibliothèques privées que j’ai eu l’occasion de visiter: celle d’Alain de Benoist évidemment; celle de Mohler, vue à Munich en plein été torride de 1984; celle, luxuriante et chaotique de Pierre-André Taguieff, véritable labyrinthe où évoluait un gros chat teigneux et espiègle; celle, somptueuse, dans la villa de Miglio, vue en mai 1995 à Côme et celle de Peter Bossdorf, la plus magnifiquement agencée, vue en automne 2010. Cette évocation des grandes bibliothèques est évidemment un clin d’oeil à Tommisen: celui-ci s’enquerrait toujours des livres achetés par ses hôtes et leur demandait d’évoquer leurs bibliothèques...

 

Pierre-André Taguieff à Bruxelles

 

Plus tard, début des années 90, quand Pierre-André Taguieff préparait son ouvrage “Sur la nouvelle droite”, paru en 1994 chez Descartes & Cie, il avait sollicité un rendez-vous avec Tommissen et avec moi-même: le soir de cette journée, nous avons dîné dans un restaurant minuscule, uniquement destiné aux gourmets, en compagnie de mon camarade Frédéric Beerens et d’un majestueux ami de Tommissen, affublé d’une énorme barbe rousse qui lui couvrait un poitrail de taureau. Discussion à bâtons rompus, surtout entre Taguieff et Tommissen sur la personnalité de Julien Freund. On reproche à Taguieff certains travaux jugés inquisitoriaux sur la “nouvelle droite” ou sur les mouvements populistes (l’ouvrage de Taguieff sur “L’illusion populiste” est d’ailleurs le plus faible de ses ouvrages: les chapitres concernant la Flandre et l’Autriche ne comportent aucune référence en langue néerlandaise ou allemande!). Mais il faut rendre hommage au philosophe qui a critiqué le “bougisme” contemporain et a assorti cette critique d’un appel à la résistance de toutes les forces politiques qui n’entendent pas s’aligner sur les poncifs dominants. Ensuite, l’oeuvre majeure de Pierre-André Taguieff, “L’effacement de l’avenir” deviendra indubitablement un grand classique: on y découvre un excellent constat de faillite du “progrès”, une critique extrêmement pointue du présentisme ainsi qu’une critique fort pertinente des nouvelles formes de fausse démocratie qui ne sont, explique Taguieff, que des “expertocraties”. On peut évoquer ici le “double langage” de Taguieff, non pas au sens orwellien du terme, où la “liberté” serait l’ “esclavage”, mais dans le sens où nous avons affaire à un théoricien en vue de la gauche mitterrandienne et post-mitterrandienne, obsédé par le joujou “racisme” comme il y avait un “joujou nationalisme” du temps de Rémy de Gourmont, un intellectuel post-mitterrandien qui a pondu une triclée de travaux sur cette notion-joujou qui n’a pas d’autre existence ou de statut que ceux de “bricolages médiatiques”; au fond: s’il existe à l’évidence des préjugés raciaux, cela n’empêchera nullement le pire des racistes de trouver un jour son bon “nègre”, son “bon arbi” ou son juif favori. Même le Troisième Reich recrutait Blancs, Blacks et Beurs, et Indiens bouddhistes, hindouistes, musulmans ou sikhs, pourvu qu’il s’agissait de lutter contre la ploutocratie britannique. Et le plus acharné des anti-racistes fulminera un jour contre un représentant quelconque d’une autre race que la sienne ou sera agité par un prurit antisémite; dans la vie quotidienne les exemples sont légion. Quant aux Blancs, ils sont tout aussi victimes de préjugés raciaux que les autres.

 

Taguieff situe ses propres travaux sur le racisme et l’anti-racisme dans le cadre d’un axe de recherches inauguré par l’Américain Gordon W. Allport (“The Nature of Prejudice”, 1ère éd., 1954): le danger que recèle ce genre de démarche, qui est propre à un certain libéralisme totalitaire, est d’amorcer une critique des “préjugés” qui amènera à un rejet puis à un arasement des “valeurs”, posées derechef comme des “irrationalités” à gommer, des  valeurs sans lesquelles aucune société ne peut toutefois fonctionner, sans lesquelles toute société devient, pour reprendre la terminologie du Prof. Marcel De Corte, principal collaborateur d’Eemans au temps de la revue “Hermès” (1933-1939), une “dissociété”. Taguieff est conscient de ce danger car son idéologie “républicaine” (certes plus nuancée que les insupportables vulgates que l’on entend ânonner à longueur de journées) n’est pas dépourvue de “valeurs”, notamment de “valeurs citoyennes”, qui risquent l’arasement au même titre que les valeurs catholiques, conservatrices ou “raciques” (dans la mesure où elles sont vernaculaires), pour le plus grand bénéfice de l’idéologie présentiste qui conçoit la société non pas comme une communauté de destin mais comme un supermarché. Taguieff est donc ce penseur post-mitterrandien, qui a partagé l’illusion de la grande foire multiraciale annoncée par les “saturnales de touche-pas-à-mon-pote” (dixit Louis Pauwels), et, simultanément, le penseur d’une “nouvelle révolution conservatrice” à la française, une “révolution conservatrice” qui critique de fond en comble la notion fétiche de progrès. C’est en ce sens que j’ai voulu présenter ses ouvrages lors d’une université d’été de “Synergies Européennes” en Basse-Saxe. Taguieff mérite maintenant plus que jamais ce titre de “théoricien révolutionnaire-conservateur” car il a oeuvré d’arrache-pied pour poursuivre, défendre et illustrer l’oeuvre de Julien Freund. Quant à la critique des préjugés, mieux vaut se plonger dans les écrits et les pamphlets de ceux qui luttent contre le festivisme (Philippe Muray), facteur d’un impolitisme total, ou contre les vrais préjugés et débilités du “politiquement correct” comme Elizabeth Lévy, Emmanuelle Duverger ou Robert Ménard. Ce sont là critiques bien plus tonifiantes.

 

Après le dîner avec Tommissen et son ami barbu, Beerens et moi avons ramené notre bon Taguieff à son hôtel: n’ayant pas le coffre et l’estomac breugheliens comme les nôtres, il est revenu de nos agapes en état de franche ébriété; sur la banquette arrière de la petite Volkswagen de Beerens, il émettait de joyeuses remarques: “je suis un être dédoublé, ha ha ha, un bon joueur d’échecs, hi hi hi, je parle avec tout le monde, hu hu hu, et je roule tout le monde, ha ha ha!”. Enfin un intellectuel parisien qui se comportait comme nos joyeux professeurs qui manient allègrement la chope de bière, comme Tommissen ou l’angliciste Heiderscheidt, ou comme l’heideggerien Gadamer, qui participait, presque centenaire, aux canti de ses étudiants et tenait à respecter les règles des festivités estudiantines. Dommage que Taguieff ne soit pas resté longtemps ou ne soit jamais revenu: on en aurait fait un bon disciple de Bacchus et du Roi Gambrinus! En réalité, c’est vrai, il est un “être dédoublé”, in vino veritas, mais il ne “roule” pas tout le monde, il séduit tout le monde, tant les tenants de la gôôôche de toujours que les innovateurs qui puisent dans le vrai corpus de la “révolution conservatrice”!

 

La Foire du Livre à Francfort

 

Mais où Tommissen était le plus présent, sans y être physiquement, c’était à la Foire du Livre de Francfort, que j’ai visitée de 1984 à 1999, ainsi qu’en 2003. Pour moi, la Foire du Livre de la métropole hessoise a toujours été “maschkinocentrée”, c’est-à-dire centrée autour de la truculente personnalité de Günter Maschke, cet ancien révolutionnaire de mai 68, devenu schmittien, un des plus grands schmittiens de la Planète Terre au fil du temps. Et qui dit Günter Maschke, dit Carl Schmitt et tout l’univers des schmittiens. Après avoir arpenté pendant toute la journée les énormes halls de la Foire, nous nous retrouvions fourbus le soir chez Maschke, pour discuter de tout, mais pas dans une ambiance compassée, faite de sérieux papal: nous avons sorti les pires énormités, en riant comme des collégiens ou des soudards qui venaient d’achever une bataille. A la table, outre le grand expert militaire suisse Jean-Jacques Langendorf, et le Dr. Peter Weiss, directeur de la maison d’édition “Karolinger Verlag”, nous avions très souvent le bonheur d’accueillir le grand philosophe grec Panayotis Kondylis et l’écrivain allemand Martin Mosebach. Dans ces joyeuses retrouvailles annuelles, Maschke évoquait toujours Tommissen avec le plus grand respect. En effet, de 1988 à 2003, Piet Tommissen a publié ses miniatures sur Carl Schmitt dans la série “Schmittiana”, chez le prestigieux éditeur berlinois Duncker & Humblot, acquerrant la célébrité dans l’univers restreint des bons politologues, qui sont tous, évidemment, des schmittiens, où qu’ils vivent sur le globe! Le système Tommissen, celui de la note pertinente, y a fait merveille: en quoi consiste l’excellence de ce système? Eh bien, il aiguille le train de la recherche vers des voies souvent insoupçonnées. Schmitt a rencontré telle personnalité, lu tel livre, participé à tel colloque: Tommissen explicitait en peu de mots l’intérêt de cette rencontre, de cette lecture ou de cette participation pour le reste ou la suite de l’oeuvre et ouvrait simultanément des perspectives nouvelles et inédites sur la personnalité rencontrée, l’auteur du livre lu par Schmitt ou les organisateurs du colloque qui avait bénéficié de sa participation. La même méthode vaut bien entendu pour Eemans et le champs énorme que celui-ci a couvert en tant que peintre avant-gardiste, éditeur de revues originales, historien de l’art. On a pu se moquer de cette méthode: à première vue et pour un esprit borné, elle peut paraître désuète mais, à l’analyse, elle porte des fruits insoupçonnés. Enfin, en 1997, nous avons pu célébrer la parution de “In Sachen Carl Schmitt” auprès de “Karolinger Verlag”, avec une analyse des textes satiriques de Carl Schmitt et une autre sur la correspondance Schmitt/Michels.

 

Alberto Buela et Horacio Cagni à Bruxelles

 

J’ai eu aussi le bonheur de recevoir un jour à Bruxelles le Dr. Alberto Buela et le Dr. Horacio Cagni du CNRS argentin. Ils voulaient voir trois personnes: Tommissen, dont ils n’avaient pas l’adresse, Christopher Gérard, l’éditeur de la revue “Antaios”, et moi-même. Ce ne furent que joie et libations. D’abord en l’estaminet aujourd’hui disparu que fut “Le Père Faro” à Uccle, ensuite sur la terrasse de “chez Karim”, Place de l’Altitude Cent, où la faconde de Buela, philosophe, professeur d’université, sénateur et rancher argentin, fascinait les autres clients et même les passants qui s’arrêtaient et commandaient un verre de vin, pour avoir l’insigne plaisir de l’entendre discourir! Bref, comme me disait en juin dernier un animateur de la radio “Méridien Zéro” (Paris): la métapolitique par la joie ! “Metapolitik durch Freude”! Le lendemain: à quatre, Buela, Cagni, Gérard et moi, nous prenions le train vers Vilvorde, où nous attendait Tommissen pour nous véhiculer jusqu’à Grimbergen. Nouvelle visite de la bibliothèque où le maître des lieux me montre une collection complète de mes “Orientations”, magnifiquement reliée et placée dans la bibliothèque aux côtés d’autres revues du même acabit. Et toujours le fauteuil, entouré d’étagères sur mesure... Ensuite, libations dans une salle jouxtant l’Abbaye et la Collégiale Saint Servais de Grimbergen: les bières de l’Abbaye, généreusement offertes par Tommissen, ont coulé dans nos gosiers. Thème du fructueux débat entre Tommissen et Buela: Carl Schmitt et l’Amérique latine. On sait que Buela écrit inlassablement des articles philosophiques à dimensions véritablement politiques (au sens de Schmitt et de Freund),  et qui gardent une mesure grecque, au départ d’auteurs hispaniques, marqués par la tradition espagnole et par l’antilibéralisme de Donoso Cortès, qui ont tant fasciné Carl Schmitt.

 

Visite à Uccle

 

Après la mort prématurée de son épouse Agnès, Tommissen, au fond, était inconsolable. La grande maison de Grimbergen était devenue bien vide, sans la bonne fée du foyer. Notre professeur a pris alors la décision de s’établir à Uccle, dans un complexe résidentiel pour seniors, où il s’est acheté un studio, dans lequel il a empilé la quintessence de sa bibliothèque. Là il rédigera ses “Buitenissigheden”, ses “Extravagances”, et sans doute les dernières livraisons de ses “Schmittiana”. Je lui ai rendu visite deux fois, d’abord avec ma future épouse Ana, ensuite avec mon fils. Lors de notre première visite, il m’a offert ses “Nieuwe Buitenissigheden”, avec de la matière à traiter fort bientôt car, en effet, ce petit volume aux apparences fort modestes, contient trois thématiques qui m’intéressent: Wies Moens comme avant-gardiste et “révolutionnaire conservateur” flamand et nationaliste. Un auteur qui fascinait également Eemans et a sans doute contribué à déterminer ses choix, quand il entra en dissidence définitive et orageuse par rapport au groupe surréaliste bruxellois, autour de Magritte, Mariën, Scutenaire et les autres. Il me reste à travailler cette matière “Moens” et à l’exposer un jour au public francophone. Deuxième thématique: la “Politieke Academie”, dont il s’agira de réactiver les projets jusqu’à la consommation des siècles. Troisième thématique: la théorie de Brück, qui fascinait les rois Albert I et Léopold III, et qui sous-tend une variante du “suprématisme” anglo-saxon. Mais, infatigable, et porté par la ferme volonté d’écrire jusqu’à son dernier souffle, pour témoigner, révéler, arracher à l’oubli ce que ne méritait pas de l’être, Tommissen avait également sorti en 2005, “Driemaal Spengler”, un recueil de trois maîtres articles sur Oswald Spengler, parmi lesquels une étude sur la réception de l’auteur du “Déclin de l’Occident” en Flandre. La réception, lors de cette première visite à l’appartement d’Uccle, fut joviale. Notre professeur était au mieux de sa forme.

 

Juillet 2011: ultime visite

 

Notre dernière visite, début juillet 2011, cinq semaines avant sa disparition et sous une chaleur caniculaire, avait pour objet premier de lui communiquer, entre autres documents, une copie d’un entretien que l’on m’avait demandé sur Marc. Eemans et le “Centro Studi Evoliani”. Cet entretien se référait souvent à la monographie que Tommissen avait consacrée au “surréaliste pas comme les autres”. Cet entretien a plu à beaucoup de monde, y compris au nationaliste révolutionnaire évolien Christian Bouchet et à l’inclassable post-communiste Alain Soral qui l’ont immédiatement affiché sur leurs sites respectifs. Pour définir les positions d’Eemans dans cet univers avant-gardiste et surréaliste, je ne pouvais pas trouver de meilleur inspirateur que Tommissen. J’ai trouvé notre Professeur assez fatigué mais il faut dire aussi que l’après-midi de notre visite était particulièrement chaud, lourd et malsain. La conversation s’est déroulée en trois volets: Eemans et les cercles politico-littéraires ou politico-philosophiques des années 30 en Belgique, avec surtout la présence à Pontigny de Raymond De Becker qui y évoqua le néo-socialisme de De Man et Déat, un thème récurrent dans les recherches de Tommissen; le cercle “Communauté” fondé par Henry Bauchau et De Becker; leur “académie” à laquelle participait Marcel De Corte, également collaborateur de la revue “Hermès” d’Eemans; l’évolution de Bauchau et De Becker vers la psychanalyse jungienne (et les retombées de cet engouement sur Hergé) et la participation de De Becker à la revue “Planète” de Louis Pauwels. Sans compter l’impasse dans laquelle s’est retrouvée l’intelligentsia “conservatrice” ou “révolutionnaire-conservatrice” ou “non-conformiste des années 30” en Belgique, à partir du moment où l’Action Française de Maurras est condamnée par le Vatican en 1926; pour remplacer l’idole Maurras, désormais à l’index, une partie de cette intelligentsia va changer de gourou et adopter Jacques Maritain. Les vicissitudes de cette transition, que n’a pas vécu l’intelligentsia flamande, expliquent sans doute le peu de rapports entre les intellectuels des deux communautés linguistiques, ou le caractère très ténu de leurs références communes. Enfin, l’étude de Tommissen sur le rapport entre Francis Parker Yockey et la chorégraphe flamande Elsa Darciel (cf. euro-synergies.hautetfort.com/ ). Au cours de l ‘entretien, mon fiston et moi-même fûmes gâtés: deux volumes autobiographiques de Tommissen (“Een leven vol buitenissigheden”) et un volume avec la bibliographie complète des oeuvres de notre professeur. Deuxième volet: Tommissen n’a cessé d’interroger mon fils sur les innovations à la KUL, sur l’état d’esprit qui y règne, sur les matières qui y sont enseignées, etc. Troisième volet, avec mon épouse; Tommissen n’importunait jamais les dames avec ses engouements politiques ou philosophiques, il passait aux thèmes de la vie quotidienne et de la famille. Il nous a dit: “Aimez-vous et profitez des bons côtés de la vie”. Ce fut notre dernière rencontre.

 

Nous avions promis de nous revoir en septembre pour poursuivre nos conversations: cette année les voies du dépaysement estival nous ont menés tour à tour en Zélande, dans l’Eifel et les Fagnes, au Cap Blanc-Nez et sur la côte d’Opale, dans la Baie de la Somme, à Oslo, dans les Vosges et en Franche-Comté, sur le Chasseral suisse et sur les bords du Lac de Neuchâtel. Le 21 août, deux jours après notre retour de cette escapade dans le Jura, Piet Tommissen s’éteignait à Uccle. Une magnifique et émouvante cérémonie a eu lieu à Grimbergen le 26 août, ponctuée par le “Gebed aan ’t Vaderland”.

 

Avec la disparition de Piet Tommissen, ce sont des pans entiers de souvenirs, de la mémoire intellectuelle de la Flandre, qui disparaissent. Mais, avec lui, une chose est sûre: nous savons ce que nous devons faire jusqu’à notre dernier souffle de vie. Nous devons témoigner, lire, recenser, repérer des anecdotes en apparence futiles mais qui expliquent les transitions, notamment les transitions qui partent de la gauche officielle pour aboutir à des gauches non conformistes comme celles que parcoururent Pierre Hubermont ou Walter Dauge en Wallonie, celles qu’empruntèrent Eemans ou Moens qui, tous deux, mêlent étroitement avant-gardes, militantisme flamand et engouements philosophiques traditionnels. Nous devons aussi rester des schmittiens, attentifs à tous les aspects de l’oeuvre du “catholique prussien du Sauerland”. Car il s’agit de demeurer, envers et contre toutes les déchéances, tous les impolitismes et tous les festivismes, des “Gardiens des sources”.

 

En attendant, nous devons encore dire “Merci! Mille mercis!” à Piet Tommissen, pour sa gentillesse et pour son érudition.

 

Robert STEUCKERS.

Rédigé, grande tristesse au coeur, à Forest-Flotzenberg, le 4 septembre 2011.

mardi, 30 août 2011

Hommage à Paul Jamin (1911-1995)

Picard/’t Pallieterke:

Hommage à Paul Jamin (1911-1995)

 

A l’occasion du centenaire de sa naissance

 

dupont.jpgL’un des derniers numéros du journal satirique bruxellois “Père Ubu/Pan” (11 août 2011) comprenait un encart fort intéressant: quatre pages consacrées à Paul Jamin (1911-1995), qui fut, pendant de longues décennies, le principal caricaturiste de “Pan” d’abord, de “Père Ubu” ensuite. Aujourd’hui les deux feuilles ont fusionné pour devenir “Ubu/Pan”, le seul hebdomadaire satirique de droite en Belgique francophone (et les critiques acerbes de cette feuille disent qu’elle est “islamophobe”). Paul Jamin a été indubitablement l’un des meilleurs caricaturiste dans la Belgique d’après guerre.

 

C’est parce qu’on célèbre le centième anniversaire de sa naissance qu’“Ubu/Pan” a voulu attirer l’attention de ses lecteurs. Jamin était natif de Liège. Sa biographie peut se lire en parallèle avec la période la plus effervescente de l’histoire au 20ème siècle. Jamin et sa famille émigrèrent assez tôt à Bruxelles. Au départ, il ne semblait pas prédestiné au dessin. A l’école, les résultats qu’il obtenait dans cette branche étaient au mieux “bons”. Jamin avait toutefois des talents cachés. Il avait à peine dix-sept ans quand il fut impliqué dans le lancement du supplément-jeunesse du quotidien catholique de droite “Le Vingtième Siècle”. Pour ceux qui connaissent bien l’univers de la bande dessinée, ce supplément-jeunesse, baptisé “Le Petit Vingtième”, est une référence. Car c’est dans cet encart que furent publiées les premières aventures de Tintin. Jamin et Georges Remi (alias “Hergé”) étaient tous deux des protégés du charismatique Abbé Norbert Wallez, patron du “Vingtième Siècle”. Le journal étaient d’obédience conservatrice et autoritariste, résolument catholique, et cultivait une sympathie certaine pour le régime de Benito Mussolini en Italie.

 

On ne doit pas sous-estimer l’influence de Paul Jamin sur “Le Petit Vingtième”. Trop d’analystes de cette époque font l’équation entre cet encart destiné à la jeunesse et Hergé mais il ne faut pas oublier que ce fut Jamin qui patronna la naissance de Quick et Flupke et fut l’inspirateur de leurs innombrables gags. Il y a plus à dire encore à ce propos: au moins un biographe d’Hergé signale, en conclusion, que c’est grâce à Jamin que des personnages comme les Dupont/Dupond n’ont pas disparu des aventures de Tintin. Hergé voulait les supprimer mais Jamin a pu le convaincre de ne pas le faire.

 

Bon élève de l’Abbé Wallez, Jamin n’était pas insensible au charme des idées d’Ordre Nouveau. On ne s’étonnera pas, dès lors, qu’en 1936, il ait abandonné “Le Petit Vingtième” pour rejoindre “Le Pays Réel”, le journal de combat de Rex et de son leader flamboyant, Léon Degrelle. Jamin et Degrelle sont alors devenus amis pour la vie. Jamin publia dans “Le Pays Réel” quantité de caricatures sous le pseudonyme de “Jam”. N’oublions pas que Rex, à ce moment-là, était un jeune mouvement politique encore très proche de l’aile droite du “pilier catholique” et de l’Action catholique. Ce n’est que lorsque le Cardinal Van Roey estima que c’était péché de voter pour les listes de Rex que le mouvement bascula dans la marginalité (“Il essaie de me crosser” disait Degrelle).

 

Mais Jamin est toujours resté fidèle à Degrelle. Y compris lorsque ce dernier s’est rapproché de l’occupant allemand pendant la seconde guerre mondiale. Jamin appartenait aux cercles d’Ordre Nouveau qui demeuraient “belgicains”. Dans le petit univers médiatique francophone de Belgique, ces groupes de la collaboration belgicaine ont été délibérément effacés des mémoires. Jamin, qui en faisait partie, estimait, tout comme le Roi Léopold III et son entourage d’ailleurs, que le salut pouvait venir d’une nouvelle Europe sous domination allemande. Aux yeux de Jamin, il fallait essayer de tirer le meilleur profit de cette situation. “Jam” ne se contenta pas dès lors du seul “Pays réel” mais dessina aussi ses caricatures mordantes pour “Le Soir” (alors sous contrôle allemand), pour “Le Nouveau Journal” (de Robert Poulet) et pour le “Brüsseler Zeitung”. On n’insistera jamais assez sur le fait que les collaborateurs du “Nouveau Journal” de Poulet étaient convaincus qu’ils plaidaient pour une “politique d’accomodement” avec les nationaux-socialistes, avec l’approbation du Palais de Laeken.

 

Après l’entrée des troups anglaises dans Bruxelles en septembre 1944, on n’a tenu compte d’aucune de ces nuances: Jamin fut arrêté et condamné à mort. Il échappa au peloton d’exécution mais ne fut libéré qu’en 1952. Il reprit une carrière de caricaturiste sous le pseudo d’”Alidor” dans les colonnes du journal satirique “Pan”. Tout comme dans “’t Pallieterke”, le journal satirique anversois, les figures politiques qu’étaient Achiel Van Acker, Paul-Henri Spaak, Théo Lefebvre et Gaston Eyskens constituaient les principales têtes de Turc. “Alidor” commit aussi des dessins pour le “Standaard”, “De Vlaamse Linie” et “Trends”. On ne peut affirmer avec certitude s’il a été engagé dans ces deux dernières publications par le Sénateur Lode Claes (Volksunie) qui avait son mot à dire dans chacune d’elles.

 

On remarquera que Jamin ornait toujours sa signature “Alidor” d’une petite couronne. C’est une allusion à Léopold III, prétend aujourd’hui “Ubu/Pan”. Alidor était un léopoldiste convaincu mais après la guerre et la question royale, il ressentait une réelle frustration: Léopold III, à ses yeux, avait laissé froidement tomber les hommes qui l’avaient soutenu.

 

Jamin n’a jamais pris ses distances par rapport à Léon Degrelle. Il allait régulièrement lui rendre visite dans son exil espagnol. Il faut encore mentionner que Jamin a quitté “Pan” en 1990 parce qu’il n’était pas d’accord avec le nouveau propriétaire de la feuille, Stéphane Jourdain. Au cours des dernières années de sa vie, Jamin a donc dessiné pour “Père Ubu”, un journal qu’il a fondé avec son ami Henri Vellut (qui, pendant la campagne des Dix-Huit Jours, en mai 1940, avait perdu un oeil). En 2010, quinze ans après sa mort, “Pan” et “Père Ubu” ont fusionné.

 

PICARD/ ’t Pallieterke.

(texte paru dans ’t Pallieterke, Anvers, 24 août 2011).

 

 

lundi, 11 juillet 2011

Un très grand Européen

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Un très grand Européen

par Georges FELTIN-TRACOL

Kuk-doppeladler3.jpgLe 4 juillet 2011 à Pöcking en Bavière est décédé à l’âge de 98 ans un ardent Européen, Otto de Habsbourg-Lorraine. Moralement atteint par la disparition, dix-huit mois plus tôt, de son épouse, la princesse Regina de Saxe – Meiningen, qu’il avait rencontrée au hasard d’une action caritative dans un camp de réfugiés hongrois en Allemagne à la fin des années Quarante, et physiquement affaibli par une mauvaise chute à son domicile, l’archiduc Otto ne montrait plus ces derniers temps cette formidable vitalité qu’il avait su déployer tout au cours de sa vie marquée par les tragédies du XXe siècle.

Né le 20 novembre 1912 en Autriche-Hongrie, Otto de Habsbourg-Lorraine est l’aîné de l’archiduc Charles et de la princesse Zita de Bourbon-Parme. En 1916, il voit son père succéder à François-Joseph Ier et devenir le nouvel empereur Charles Ier d’Autriche et roi Charles IV de Hongrie. Proche de son cousin l’archiduc François-Ferdinand assassiné, le 28 juin 1914, à Sarajevo, le nouvel empereur-roi tente dès 1917 d’arrêter l’immense carnage européen en souhaitant négocier une paix séparée avec la France. Il soutient les initiatives diplomatiques secrètes de ses beaux-frères, les princes Sixte et Xavier de Bourbon-Parme, ainsi que celles du maréchal Smuts, le Premier ministre du dominion sud-africain. Hélas, ces approches sont torpillées par la sinistre figure de ce cancer de la politique française qu’est le Parti radical et radical-socialiste, Clemenceau.

La fin de la Grande Guerre en 1918 entraîne la révolution, la chute de la dynastie autrichienne et l’éclatement de l’ensemble danubien au profit d’une application aveugle des idées nationalitaire et stato-nationale. Écarté du pouvoir et surveillé par les Alliés, l’empereur Charles essaye à deux reprises en 1921 de reprendre sa couronne en Hongrie, mais il y renonce devant le refus du régent Horthy et de l’Entente. Trahi et malade, l’empereur-roi s’exile sur l’île de Madère et il y meurt en 1922, laissant une veuve et huit enfants.

En dépit de conditions matérielles difficiles, l’impératrice Zita inculque à ses enfants le sens du devoir. Elle « insistait sur la discipline de la vie. Je ne sais pas si cela correspondait à son caractère ou si elle s’était crue obligée, à la mort de mon père, de le remplacer. Toujours est-il que son éducation fut très sévère, mais je lui en suis profondément reconnaissant aujourd’hui (1) ». Véritable maîtresse-femme, l’Impératrice affronte les épreuves avec dignité et abnégation. Sa fidélité à son époux défunt fait qu’elle ne signera jamais la moindre déclaration de loyauté à la République autrichienne…

Axée sur l’histoire et la politique, l’instruction du jeune Otto est aussi linguistique. Son apprentissage est polyglotte puisqu’il va bientôt s’exprimer couramment sept langues (l’allemand, le hongrois, le français, l’espagnol, l’anglais, l’italien et le latin). Très jeune, il apprend aussi le croate et, à la suite de séjours fréquents au bord du golfe de Biscaye, il s’initie au basque… Bien plus tard, dans l’enceinte du Parlement européen, il prononcera une allocution en latin. Seul Bruno Gollnisch, qui lui a rendu hommage dans un communiqué, pourra lui répondre.

Sa facilité pour les langues et son appétence pour l’histoire lui font prendre conscience du fait européen, et ce dès l’Entre-deux-guerres. « Qui connaît l’histoire sait que, par le passé de ma famille, je suis lié à de nombreuses régions de ce continent, que ce soit la Flandre ou le Brabant, l’Espagne, le Portugal, l’Allemagne, la Lorraine, la Lituanie et la Hongrie, la Suisse actuelle, l’Italie et la Bourgogne. N’étais-je pas, de ce fait, le légataire d’une vocation européenne avant la lettre ? (2) »

Ce n’est pas un hasard s’il écrit en 1967 une biographie de Charles Quint (3). C’est en 1936 qu’il rencontre à Paris un autre passionné de l’Europe : le comte Richard Coudenhove-Kalergi, auteur de la Paneurope. Certes, Coudenhove-Kalergi conçoit l’unité continentale européenne comme le dernier palier avant l’avènement d’une Fédération mondiale. Cette idée ne lui appartient pas en propre puisque ce « zonisme » se retrouve tout aussi bien chez Denis de Rougemont ou Jacques Maritain avec une propension « planétarienne » marquée, que chez Carl Schmitt ou Karl Haushofer (4). Comme la langue d’Ésope, la politogénèse européenne peut être un agent au service du mondialisme ou un amplificateur de puissance majeur des identités enracinées. A contrario des vieilles thèses européistes, il importe aujourd’hui de la considérer comme le facteur oppositionnel le plus efficient au projet d’État mondial.

Dans les années Trente, la mue européenne d’Otto de Habsbourg-Lorraine n’est pas encore complète. Après avoir lu Mein Kampf et cerné la personnalité de son auteur, il cherche à empêcher l’Anschluss de l’Autriche par l’Allemagne. Il devient l’ennemi personnel d’Hitler qui le fait condamner à mort. En 1937, le chancelier autrichien Schuschnigg envisage un instant de lui confier la direction d’un gouvernement d’union nationale afin de résister aux menées de Berlin. Schuschnigg recule cependant sous la pression conjuguée de l’Allemagne, de l’Italie et de la Petite-Entente (le Tchécoslovaque Bénès déclarant préférer Hitler aux Habsbourg…).

Entre 1940 et 1944, Otto de Habsbourg-Lorraine quitte l’Europe en feu et s’installe aux États-Unis. Le conférencier découvre l’American way of life, son matérialisme et l’absence de profondeur historique : « Je ne suis devenu un vrai Européen que quand je vivais aux États-Unis, et surtout lorsque j’ai tourné le dos aux gratte-ciel de New York (5). »

De retour sur le « Vieux Continent » à la fin du second conflit mondial, Otto de Habsbourg-Lorraine se fait l’avocat de la cause européenne qu’il juge vitale pour l’avenir du continent d’autant qu’après le national-socialisme, l’Europe se retrouve menacée par le danger communiste. Membre de la W.A.C.L. (Ligue anti-communiste mondiale) et adhérent dès 1948 – 1949 à la Société du Mont Pèlerin au sein de laquelle il soutient l’école néo-libérale autrichienne, von Mises en particulier, et aussi l’ordo-libéralisme de Wilhelm Röpke, l’Archiduc ne cesse d’avertir ses compatriotes du péril soviétique qu’il confond souvent avec la politique expansionniste traditionnelle de la Russie. En 1994, il « n’accepterai[t] l’idée de l’admission de la Russie à la Communauté européenne qu’après qu’elle ait décolonisé. C’est géographiquement et culturellement un pays européen, mais avec ses immenses possessions de l’Oural à l’Océan Pacifique, ce que l’on appelle la Sibérie, elle ne sait même pas elle-même si elle est européenne ou non (6) ».

Son libéralisme est assez pragmatique. Il conteste les empiétements tentaculaires de l’État sur les petits entrepreneurs et les classes moyennes. En 1967, la revue Janus consacre un dossier sur le « capitalisme populaire » auquel collaborent Denis de Rougemont et Otto de Habsbourg-Lorraine.

Pour vivre, l’Archiduc devient journaliste et couvre la fin de la guerre civile chinoise. Puis, il suit les combats en Indochine et voyage en Asie – Pacifique. De ses reportages sort L’Extrême-Orient n’est pas perdu (7), une enquête sur les futurs « Tigres » et « Dragons » alors tout juste décolonisés et risquant de passer sous la coupe bolchevique. L’acuité de l’époque le rend atlantiste quand bien même son atlantisme demeure raisonnable. À partir des années Soixante, il applaudit la politique étrangère du général de Gaulle. Au sein des cénacles atlantistes, il revendique l’égalité entre les deux rives de l’Atlantique et condamne la sujétion de l’Europe aux États-Unis. Sans succès. Pis, en 1990 – 1991, il approuvera l’intervention occidentale au Koweït contre l’Irak.

Soucieux de participer à l’aventure européenne, outre la présidence de l’Union paneuropéenne internationale de Coudenhove-Kalergi, Otto de Habsbourg-Lorraine devient en 1979 député européen à Strasbourg – Bruxelles après avoir acquis la nationalité allemande un an plus tôt. Élu de Bavière, il fait partie de la très droitière C.S.U. (Union chrétienne sociale) de Franz Josef Strauss. Pendant vingt ans, il y développe une certaine idée de l’Europe, car « ce qui distingue notre continent des autres, c’est son immense passé, avec ses éléments que sont la spiritualité chrétienne et le bon sens formé par la sagesse grecque et par le droit romain (8) ». C’est aussi un grand militant de la diversité culturelle intrinsèque de l’Europe. « Dans une Europe “ pluriculturelle ” et non pas “ multiculturelle ”, une Europe pluraliste donc, la coexistence des cultures et des langues me paraît […] possible et même souhaitable (9). » Son plaidoyer en faveur du pluralisme culturel s’inspire du précédent institutionnel de la Double-Monarchie habsbourgeoise…

Hostile à toute langue hégémonique – dont l’anglais -, et déçu que le latin ne soit plus la langue véhiculaire de la civilisation européenne, Otto de Habsbourg-Lorraine suggère de faire du français la langue officielle de l’ensemble européen. À cet effet, il organise et préside le Comité international pour le français, langue européenne, ce qui lui permet en 1970 d’être associé étranger à l’Institut de France. Son intérêt pour la langue de Molière n’est pas anecdotique. Il n’oublie pas qu’il est Capétien par sa mère et que sa famille est originaire de Lorraine avec le duc François qui devint empereur du Saint-Empire (François Ier) et époux de Marie-Thérèse d’Autriche. C’est en souvenir de ce passé lorrain que le duc de Bar qu’il est aussi, épousa à Nancy, le 10 mai 1950, la princesse Regina. Par ailleurs, toujours par héritage familial, ce descendant de la Maison de Bourgogne est de 1922 à 2001 le chef souverain de la Toison d’Or dont les actes sont rédigés en français (10). C’est en 2007 qu’il « abdique » finalement sa charge de prétendant impérial et royal au profit de son fils aîné, l’archiduc Charles, déjà Grand-Maître de la Toison d’Or.

L’esprit bourguignon a toujours sous-tendu l’idéal politique d’Otto de Habsbourg-Lorraine. « Connaissant l’impossibilité d’imposer au continent le gouvernement d’une seule nation, l’Europe future devra être gérée dans le cadre d’un système d’harmonisation des intérêts qui ne sera que le legs administratif de la Franche-Comté (11). » Un jour peut-être, les Européens redécouvriront ce principe supranational et enraciné parce que « l’histoire est un perpétuel recommencement. Mais on ne peut pas la considérer sur ce plan linéaire. Elle progresse en dents de scie, sans retour intégral à ce qui fut (12) ». Il est clair que, pour lui, « la forme de l’Empire fut continuellement soumise à des changements. Mais son âme, pour laquelle se battent les puissances les plus diverses, est demeurée intacte (13) ».

Il est navrant, déplorable même, qu’Otto de Habsbourg-Lorraine ne fut jamais président du Parlement européen, seulement son doyen, ni même le premier président du Conseil européen à la place du fantomatique Herman van Rompuy. Sa rectitude morale et son catholicisme fervent l’ont desservis auprès de politiciens médiocres et sans grand dessein. À ces postes, il aurait pu concrètement réorienter les institutions européennes vers une nouvelle légitimité dont la portée est supérieure au concept de souveraineté. Il estimait en tout cas que « l’idée de sacré peut être restauré dans ses droits. Les gens en ont besoin (14) » et que « l’idée européenne a de profondes racines chrétiennes. D’où la certitude que l’avenir de l’Europe est inimaginable sans un renouveau de la religion (15) ».

Pendant la Guerre froide, il craint que l’Europe devienne le lieu d’affrontement effectif entre les deux Super-Grands. Dans Europe. Champ de bataille ou grande puissance (16), il condamne la conférence de Yalta, dénonce la mainmise soviétique d’une partie du continent, regrette les pratiques diplomatiques policées du Congrès de Vienne (1814 – 1815) et avance la notion féconde de patriotisme européen. Attentif à la Décolonisation, Otto de Habsbourg-Lorraine renouvelle les thèses eurafricaines de Coudenhove-Kalergi en promouvant l’urgence impérieuse d’une vraie coopération euro-africaine afin que le continent noir ne rallie pas le camp de Moscou (17)…

Cet adversaire farouche de l’U.R.S.S. contribue aussi à sa dislocation. Le 19 août 1989, il organise à Sopron en Hongrie un pique-nique de l’Union paneuropéenne qui permet à des Allemands de l’Est de se réfugier en R.F.A. Il se réjouit de la chute du Mur de Berlin et de la fin du « Rideau de fer ». Son aide auprès des peuples libérés d’Europe centrale et orientale est telle qu’en 1991, plusieurs mouvements politiques hongrois lui demandent de se porter candidat à la présidence de la République hongroise de leur pays. Otto de Habsbourg-Lorraine décline cette proposition parce qu’il ne veut pas se contenter d’une fonction honorifique. Dans les années 1960, il avait déjà refusé le trône d’Espagne !

Dans la décennie 1990, il soutient les différents traités européens (Maastricht, Amsterdam, Nice, voire Lisbonne et le traité constitutionnel). Il se satisfait de la fin de la Yougoslavie et des indépendances slovène et croate. Pendant la guerre en Bosnie-Herzégovine, il appelle les Européens à intervenir militairement contre les Serbes. Le siège de Sarajevo entre 1993 et 1995 restera longtemps à ses yeux la honte de l’Europe. Ce fervent catholique n’a toutefois pas peur d’écrire que « face au matérialisme, totalitaire ou rampant, notre allié naturel, c’est l’islam (18) ».

Son parti-pris pro-bosniaque ne l’empêche pas néanmoins de s’inquiéter du devenir démographique de l’Europe. Constatant le flot ininterrompu des vagues migratoires extra-européennes et sachant que « si les Européens renoncent à assurer leur descendance, d’autres peuples occuperont les places vides (19) », il n’est « pas favorable à une politique d’intégration, s’agissant d’une immigration massive […] qui nous crée des problèmes parce que nous ne sommes pas un continent d’immigration. C’est un des grands problèmes. Et nous ne le résoudrons qu’en donnant graduellement aux autres continents la possibilité d’accéder à notre niveau de vie sur leurs propres terres, et non en attirant chez nous la masse de leur population. Il faut leur faire comprendre que la solution des problèmes africains n’est pas dans les quartiers contournant la gare du Nord à Paris, mais en Afrique (20) ».

Son attachement sincère aux patries charnelles européennes se manifeste à diverses reprises. Il tient à saluer depuis la tribune du Parlement européen les délégations venues de Catalogne, d’Écosse ou de Transylvanie. Il participe au Liber amicorum de Marcel Regamey, adepte du fédéralisme intégral différencié et fondateur de la Ligue vaudoise (21).

Recensant l’ouvrage de Jean Sévilla, Le Chouan du Tyrol. Andreas Hofer contre Napoléon, Jean Mabire relevait qu’« à toute fédération il faut un fédérateur. Je ne suis pas de ceux qui sourient de la monarchie; je crois que le seul qui puisse aujourd’hui y prétendre sur notre continent se nomme Otto de Habsbourg-Lorraine. En complément de ce livre sur Andreas Hofer, je viens de lire d’un trait son essai : L’idée impériale. Histoire et avenir d’un ordre supranational […]. Que d’idées à y reprendre ! (22) »

Fin analyste de l’histoire sans sombrer dans un pessimisme crépusculaire, Otto de Habsbourg-Lorraine a bien saisi les défis de notre temps et diagnostiqué les maux de nos sociétés gâteuses et frivoles. On pourrait penser que son inhumation, le 17 juillet, dans la crypte des Capucins à Vienne signifie l’enterrement de l’Europe. Il n’en est rien, car, incarnation de notre mémoire du futur, l’Archiduc est à jamais un Européen d’avant-hier et d’après-demain. Il a posé les fondements de ce qui sera.

Georges Feltin-Tracol

Notes

1 : Otto de Habsbourg-Lorraine, Mémoires d’Europe, entretiens avec Jean-Paul Picaper, Paris, Critérion, 1994, p. 22.

2 : Idem, p. 65.

3 : Otto de Habsbourg-Lorraine, Charles Quint, Paris, Hachette, 1967, réédité en Charles Quint, un empereur pour l’Europe, Bruxelles, Éditions Racine, coll. « Les racines de l’histoire », 1999.

4 : Sur le « zonisme », cf. Bernard Bruneteau, « L’Europe nouvelle » de Hitler. Une illusion des intellectuels de la France de Vichy, Monaco, Éditions du Rocher, coll. « Démocratie ou totalitarisme », 2003.

5 : Otto de Habsbourg-Lorraine, Mémoires d’Europe, op. cit., p. 249.

6 : Idem, p. 100.

7 : Otto de Habsbourg-Lorraine, L’Extrême-Orient n’est pas perdu, Paris, Hachette, 1962.

8 : Otto de Habsbourg-Lorraine, Mémoires d’Europe, op. cit., p. 250.

9 : Idem, p. 214.

10 : Il existe aujourd’hui deux ordres de la Toison d’Or. La branche autrichienne, authentique et légitime, reconnue par l’Autriche comme personnalité juridique de droit international, provient directement de son fondateur, le duc de Bourgogne, Philippe le Bon, qui imposa une direction héréditaire, d’où sa transmission successive par mariage aux Habsbourg, puis aux Lorraine d’Autriche. Conservée par Philippe V au mépris des règles fondatrices, la Toison d’Or espagnole est devenue au fil du temps une contrefaçon puisque le principe héréditaire n’est plus respecté avec Joseph Ier Bonaparte, Isabelle II et Amédée Ier. Par ailleurs, outre sa reconnaissance par la République française (ce qui en est une preuve supplémentaire), le nombre de récipiendaires, plus obligatoirement catholiques, est désormais illimité. Enfin, la décision d’attribution, écrite en espagnol, est contresignée par le Président du gouvernement. Le dévoiement est complet.

11 : Otto de Habsbourg-Lorraine, Mémoires d’Europe, op. cit., p. 196. La Franche-Comté est, au Moyen Âge, le comté libre (franc) de Bourgogne qui relève du Saint-Empire romain germanique alors que le duché de Bourgogne dépend du royaume de France.

12 : Idem, p. 83.

13 : Otto de Habsbourg-Lorraine, L’idée impériale. Histoire et avenir d’un ordre supranational, Nancy, Presses universitaires de Nancy, coll. « Diagonales », 1989, p. 202.

14 : Otto de Habsbourg-Lorraine, Mémoires d’Europe, op. cit., p. 266.

15 : Otto de Habsbourg-Lorraine, L’idée impériale, op. cit., p. 214.

16 : Otto de Habsbourg-Lorraine, Europe. Champ de bataille ou grande puissance, Paris, Hachette, 1966.

17 : Otto de Habsbourg-Lorraine, Européens et Africains. L’entente nécessaire, Paris, Hachette, 1963.

18 : Otto de Habsbourg-Lorraine, L’idée impériale, op. cit., p. 209.

19 : Idem, p. 177.

20 : Otto de Habsbourg-Lorraine, Mémoires d’Europe, op. cit., pp. 250 – 251.

21 : Collectif, Mélanges à Monsieur Marcel Regamey à l’occasion de son septante-cinquième anniversaire, Lausanne, Cahiers de la Renaissance vaudoise, n° 102, 1980.

22 : Jean Mabire, « Andreas Hofer et le double visage de notre Europe », dans Le Choc du Mois, n° 40, mai 1991, p. 43.


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In Memoriam - Vladimir Dimitrijevic & Otto von Habsburg

mardi, 31 mai 2011

Fuad Rifka est mort...

 

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Fuad Rifka est mort…

 

L’hebdomadaire allemand Der Spiegel annonce discrètement le décès, survenu le 14 mai dernier dans sa quatre-vingt-unième année. Né sur la frontière entre la Syrie et le Liban, Fuad Rifka avait étudié à Tübingen dans les années 60. Der Spiegel rappelle ses paroles : « Mon séjour à Tübingen a été comme un séisme dans mon existence ». Après de bonnes études de philosophie, il passe dans cette ville universitaire du Baden-Würtemberg une thèse de doctorat sur l’esthétique selon Martin Heidegger puis retourne au Liban en 1966 pour y enseigner ce que l’on appelait là-bas la « philosophie occidentale » et pour poursuivre sa belle carrière de poète. Avant de partir pour l’Allemagne, il avait cofondé une revue d’avant-garde à Beyrouth, Shi’r, dont l’objectif était de révolutionner la poésie de langue arabe. Outre la publication de ses superbes recueils de poésie, Fuad Rifka a composé une anthologie de la poésie allemande du 20ème siècle et a traduit les œuvres de Hölderlin, de Trakl, de Rilke, de Novalis et de Goethe en arabe, ce qui lui a valu d’être nommé membre correspondant de l’Académie allemande de la langue et des lettres. Le monde arabe vient de perdre son germaniste le plus sublime, en même temps qu’un poète bilingue arabe/allemand d’une exceptionnelle qualité qui, peut-être mieux que les germanophones eux-mêmes, a su traduire en vers l’idée cardinale de son maître Heidegger, celle de la sérénité, de la Gelassenheit, face aux éléments et à la nature.

 

(source : Der Spiegel, n°21/2011).

jeudi, 19 mai 2011

Rede aan het graf van Joris van Severen

Rede aan het graf van Joris Van Severen (05/03/2011)

Ex: http://www.kasper-gent.org/ 

Beste vrienden uit alle Nederlanden,

Vandaag staan we aan het graf van Joris Van Severen, de Leider van het Verdinaso. Zijn persoon, zijn gedachten, zijn invloed en zijn werk doen ons ook vandaag nog steeds bezinnen over de taak die wij te vervullen hebben.

Wij hebben Joris Van Severen nooit gekend. Om hem te kennen zijn wij aangewezen op overgeleverde literatuur.  Wat kan Joris Van Severen nog betekenen voor de jeugd van vandaag? Welke boodschap heeft de jeugd van vandaag weten te bereiken?

Wel beste vrienden, het antwoord is niet meteen duidelijk. Ook wij leren nog dagelijks dingen bij over het Verdinaso, over Joris Van Severen en over de politiek-filosofische achtergrond van zijn denken. Hoe dan ook stellen wij vandaag een diepe malaise vast, die knaagt aan de fundamenten van ons volk en onze gemeenschap. Net zoals Joris Van Severen zien wij absoluut geen heil in partijpolitiek, centjes- of biernationalisme. Wij zien geen heil in neoliberalisme, kapitalisme, particratisme, modernisme, individualisme, collectivisme, communisme, zionisme. Vaak ondergesneeuwde Dinaso-idealen bieden ook voor de actuele situatie een gegronde uitweg, een nieuwe een radicale oplossing die ons volk nodig heeft.

Zo kan de Vlaamse Beweging kan ons geen uitweg aanbieden. Hun gezellig samenzijn onder de ijzertoren ten spijt, zouden ze beter iets nuttig doen voor ons volk en pakweg gaan boeren. Met hun eurregionalistische discours versterken ze fundamenteel de macht van de Europese superstaat, een superstaat die fundamenteel gebaseerd is op Atlantische en kankervolle idealen. Hun discours verscheurt ons volk der Nederlanden nog meer in broedertwist en schande. Ook Joris Van Severen kwam tot dezelfde conclusies. Het enige levensvatbare model is dat van de Bourgondische Nederlanden, een model waarin alle Dietsers verenigd worden in één staat, onder één kroon en met één doel: als volk LEVEN.

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Vervolgens is er het liberaal-kapitalisme. Het heeft onze samenleving ontworteld. Het heeft het geld, het winstbejag en de multinationale onderneming centraal geplaatst. Het heeft ons volk tot productieapparaat der aandeelhouders gemaakt. Het heeft de economie losgetrokken van volk en staat. Het heeft het economisch overleven van ons volk afhankelijk gemaakt van een ‘race to the bottom’ inzake lonen en arbeidsvoorwaarden. Consumentisme en individualisme is de norm geworden.

Vrienden uit alle Nederlanden, economisch links en rechts propageren elkaar te bestrijden, maar in werkelijkheid bestrijden zij de mens, het volk en de maatschappij. Het is noodzakelijk dat wij streven naar een duurzame en organische economie, rekening houdende mens, volk, en capaciteit waarmee God onze Aarde geschapen heeft.

Vanuit beide invalshoeken geeft Van Severen ons een duidelijke boodschap mee. Herinneren wij ons volgende woorden: “Alles wat het liberalisme in Dietsland heeft ontbonden, zullen wij weer binden. Het volk aan zijn wezen, zijn grond en zijn staat; de ledematen van het volk aan het volksgeheel, aan het volkslichaam en aan zijn hoofd”.

Verder bouwde Joris Van Severen ook een keurelite op. Een stijlvolle, aaneen geschraagde groep van mensen die vol overgave strijden voor hetzelfde ideaal. Zelf was hij een man met een grote openheid en een uitzonderlijk samenvattend vermogen. De hoeveelheid politieke en literaire werken die hij raadpleegde, zijn eigen intellectuele arbeid en het feit dat hij de heersende consensus onverkort én onderbouwd in vraag durft stellen verdient onze allergrootste bewondering. De kritiek was groot, maar het simpele feit dat ze tot de dag van vandaag in alle hevigheid blijft aanhouden bewijst alleen maar hoe sterk, hoe volledig en hoe consequent het intellectueel werk dat Van Severen verricht heeft wel is. Een profeet wordt jammer genoeg nooit gehoord in eigen land.

Van Severen wou de morele en intellectuele volmaaktheid bereiken, zonder hierdoor beïnvloed te worden door externe en verleidelijke factoren. De walgelijke hebzucht van het amoreel kapitalisme,parasitaire partijpolitieke en parlementaire stelsels en de gewetensloze manipulatie van de onbewuste massa kregen bij Van Severen geen kans. Als jeugd dienen wij ditzelfde nobele doel voor ogen te nemen en ons niet te laten verleiden door de grote en duivelse demonen van onze tijd. Wij dienen diezelfde elite te vormen die Joris Van Severen voor ogen had. Stijlvol, ordevol, moreel, intellectueel, doelbewust.

Beste vrienden uit alle Nederlanden, moge op onze banen dan ook de hernieuwde stap van het marsbereide, nieuwe Dietsland weerklinken.

Voor Dietsland en Orde!

 

Uitgesproken door Thomas B., vice-Praeses KASPER 2009-2011, aan het graf van Joris Van Severen te Abbeville, 5 maart 2011.

vendredi, 13 mai 2011

Gerd-Klaus Kaltenbrunner is overleden

Gerd Klaus Kaltenbrunner is overleden
 
Ex: Deltanieuwsbrief nr. 47 - Mei 2011

Gerd Klaus Kaltenbrunner“Conservatisme is een ‘elitaire’, men kan ook zeggen ‘esoterische’ aangelegenheid (…).  Het misverstand als zou de conservatief een theorielozen, een onfilosofische, ja, zelfs antifilosofische pragmaticus zijn, lijkt onuitroeibaar. Ik heb nochtans met veel kracht en overtuiging aangetoond dat het een misverstand is, toen ik het over die domeinen had, die man als ‘conservatieve mystiek’ zou kunnen omschrijven (…). Een zekere zin voor de onoplosbare complexiteit van de werkelijkheid, de erkenning van het feit dat men over het leven slechts brokstukgewijs rationeel kunnen spreken, de aandacht voor de tegenstelling, voor het tragische en voor het gedeeltelijk demonische dat door de geschiedenis waart, een constitutionele scepsis tegenover de ‘grote oplossingen’”. Woorden van Gerd Klaus Kaltenbrunner, een grote Oostenrijkse mijnheer, die bij menig jonge Europeaan de grondvesten van een degelijke conservatieve ideeënwereld heeft gelegd.

Kaltenbrunner werd in 1939 in Wenen geboren, maar na zijn studies in de Rechten in 1962 trok hij naar Duitsland en werkte er bij uitgeverijen als lektor. In 1972 publiceerde hij een verzamelwerk Rekonstruktion des Konservatismus, en ontwierp hiermee, enkele jaren na 1968, de basis voor een conservatieve tegenactie. Hij ging in het werk uit van de idee dat het conservatisme eerst de hegemonie op het geestelijke vlak moet veroveren, vooraleer politieke consequenties te trekken.

Gerd Klaus Kaltenbrunner wou niet zomaar ‘conserveren’: hij was er veeleer op uit het ‘moderne’ conservatieve denken mee gestalte te geven – met daarin natuurlijk dat wat eeuwig een Europese waarde had. De door hem opgezette en gepubliceerde Herderbücherei Initiative  - een reeks die liep van 1974 tot 1988 – bracht op een hoog niveau conservatieve auteurs, wetenschappers, onderzoekers en andere bijeen, die rond bepaalde thema’s (soms) baanbrekende bijdragen brachten.  Interessante titels waren (en zijn): Die Zukunft der Vergangenheid (1975), Plädoyer für die Vernunft: Signale einer Tendenzwende (1974).  Gerd Klaus Kaltenbrunner legde ook een bijzondere ijver aan de dag om de bronnen voor het conservatieve denken open en toegankelijk te houden. Hij publiceerde een driedelig werk Europa. Seine geistigen Quellen in Porträts aus zwei Jahrtausenden (1981-1985). Ook het werk Vom Geist Europas heeft niets van zijn waarde verloren en verdient het zeker op opnieuw gelezen te worden.

Hierna werd het stil rond Kaltenbrunner. Hij trok zich – na de ontgoocheling over het uitblijven van een échte conservatieve wende – terug als een lekenmonnik in Kandern, afgesneden van alle moderne communicatiemiddelen. Hij trok ook voorgoed een streep onder het metapolitieke werk. Nochtans loont het de moeite, zeker in deze tijden van ideeënarmoede ter linker en rechter zijde de moeite om de stijl en de onderwerpen die Gerd Klaus Kaltenbrunner nauw aan het hart lagen, te bestuderen.  Met TeKoS hebben wij in elk geval niet op het overlijden van deze bescheiden, overtuigdconservatieve intellectueel gewacht om bijdragen van hem te publiceren. In ons nummer 127 brachten wij een vertaling van Elite. Erziehung für den Ernstfall, in het Nederlands: Zonder Elite gaat het niet. Wij groeten u met bijzondere veel respect, meester Kaltenbrunner!

(Peter Logghe)

mardi, 03 mai 2011

G.-K. Kaltenbrunner ist verstorben

Gerd-Klaus Kaltenbrunner ist verstorben

Götz Kubitschek

Ex: http://www.sezession.de/

 

kaltenbrunner-99x150.jpgGestern ist – wie ich eben erfahren habe – Gerd-Klaus Kaltenbrunner verstorben. Daß ich zuletzt einen seiner Essays in der reihe kaplaken nachdrucken konnte, ist nur eine Marginalie im Leben dieses für eine gewisse Zeitspanne wichtigsten Publizisten der deutschen Nachkriegsrechten.

Ich hatte zu Kaltenbrunners 70. Geburtstag vor zwei Jahren einen Beitrag veröffentlicht (Sezession 28/ Februar 2009). Online ist er hier zu finden.

Und im Oktoberheft 2010 der Sezession (Nr. 38) hatten wir in einer Personenreihe unter dem Titel „Konservative Intelligenz“ selbstverständlich auch einen Eintrag zu Kaltenbrunner veröffentlicht. Im Gedenken an ihn veröffentlichen wir diese Vita hier noch einmal:

Gerd-Klaus Kaltenbrunner wurde 1939 in Wien geboren, übersiedelte nach einem Studium der Rechtswissenschaft 1962 nach Deutschland und arbeitete zunächst für verschiedene Verlage als Lektor. Noch in dieser Eigenschaft gab er den Sammelband Rekonstruktion des Konservatismus (1972) heraus und konnte damit wenige Jahre nach ’68 die Grundlagen für einen möglichen politischen Gegenentwurf liefern. Kaltenbrunner ging dabei von der Einsicht aus, daß der Konservatismus zunächst die Hegemonie im Geistigen erlangen müsse, bevor politische Konsequenzen durchsetzbar seien. Im Hintergrund stand seine Überzeugung, daß die »ökonomischen Verhältnisse« nur den Rahmen für die entscheidenden Ereignisse abgeben: Ideen und Utopien siegen demnach einfach dadurch, »daß sich genügend ›Verrückte‹ finden, die bereit sind, dafür zu kämpfen und sich, wenn’s sein muß, auch töten zu lassen«. Kaltenbrunner sah seine Aufgabe im Bewahren der Tradition des Konservatismus sowie im gegenwartsbezogenen Weiterdenken. Die von ihm initiierte und herausgegebene Taschenbuchreihe Herderbücherei Initiative (1974–1988) diente diesem Ziel. Auf hohem Niveau wurden aktuelle Fragen von verschiedenen Autoren auf dem Hintergrund der konservativen Tradition bearbeitet.

032693_1-234x300.jpgKaltenbrunners Einleitungen wurden dabei lagerübergreifend als scharfsinnig und bedenkenswert gelobt. Die schönen, oft mehrdeutigen Titel der einzelnen Bände prägten sich ein: Die Zukunft der Vergangenheit (1975), Tragik der Abtrünnigen (1980), Unser Epigonen-Schicksal (1980). Bereits der erste Titel Plädoyer für die Vernunft: Signale einer Tendenzwende (1974) wurde als »Tendenzwende« zu einem Schlagwort unter Konservativen und Rechten. Parallel zu den aktuellen Analysen kümmerte sich Kaltenbrunner weiterhin um die Quellen des Konservatismus. Sein dreibändiges Werk Europa. Seine geistigen Quellen in Portraits aus zwei Jahrtausenden (1981–1985) und die Fortsetzung Vom Geist Europas (1987–1992) sind hier zu nennen. Mit dem Begriff Konservatismus war auch Kaltenbrunner nicht glücklich: Mit der Weltbewahrung allein wäre es nicht getan und geborene Konservative gebe es im Zeitalter des Fortschritts nicht mehr. Kaltenbrunner bemühte sich deshalb um eine konservative Theorie. Nach dem 75. Band wurde die Initiative-Reihe eingestellt. Kaltenbrunner beschäftigt sich seither mit Biographien zur Geschichte des frühen Christentums. Seine letzten Veröffentlichungen tragen esoterischen Charakter: Johannes ist sein Name (1993) Dionysius vom Areopag (1996). Kaltenbrunner lebt zurückgezogen im Schwarzwald und publiziert nicht mehr.

mardi, 15 février 2011

Jean Mabire, l'écrivain soldat

Jean Mabire, l'écrivain soldat

Ex: http://lepolemarque.blogspot.com/


Avant l’écrivain militaire à succès, il y eut Jean Mabire le chasseur alpin, le lieutenant de réserve déjà trentenaire rappelé sous les drapeaux pour effectuer sa période dans le djebel algérien. Une arme pas comme les autres, à laquelle Mabire resta fidèle toute sa vie. Rien pourtant ne prédestinait l’écrivain normand à coiffer la célèbre tarte bleu-roi des chasseurs. Son attirance pour les troupes d’élite et autres hommes de guerre (deux titres de revue qu’il dirigea dans les années quatre-vingt) ne s’explique pas non plus sans cette connaissance intime qu’il acquit en Algérie de la guerre et de ceux qui la font. Chacun à sa manière, Philippe Héduy et Dominique Venner ont chanté le caractère initiatique de cette guerre qui refusait de dire son nom. Après deux numéros « Vagabondages » et « Patries charnelles », le Magazine des Amis de Jean Mabire a donc choisi de rendre hommage dans sa dernière livraison à l’écrivain et au soldat.
Le toujours dynamique Bernard Leveaux ouvre la marche avec un retour sur la série de livres que J. Mabire consacra aux unités parachutistes, son autre saga (pas moins de onze volumes) avec l’histoire de la Waffen-SS. Légion Wallonie, Les Panzers de la Garde noire, Mourir à Berlin… Éric Lefèvre, son documentariste, assurément aujourd’hui l’un des meilleurs connaisseurs du sujet en France, revient dans « L’Internationale SS » sur cette partie incontournable de l’œuvre de Mabire, à laquelle on aurait toutefois tort de la résumer. La biographie du maître − son passage au 12e BCA − n’est pas oubliée et l’on comprend, en lisant son article « Chasseur un jour… », pourquoi le capitaine (H) Louis-Christian Gautier dut se faire violence pour ne pas médire des troupes de montagne !
Le dossier est encore complété par la relecture, confiée à votre serviteur, du livre Les Samouraïs (« La plume et le sabre ») et les souvenirs très vivants des années de service en Rhodésie d’Yves Debay, rédacteur en chef de la revue Assaut (le bien titré « Mercenaire ! »).
À chaque parution, une publication qui se bonifie, sur le fond comme sur la forme.

L. Schang

Les Amis de Jean Mabire 15 route de Breuilles 17330 Bernay Saint-Martin (cotisation à partir de 10 euros)
Retrouvez aussi l’AAJM en ligne sur son site : http://amis.mabire.free.fr

lundi, 17 janvier 2011

Bernard Lugan salue Vladimir Volkoff

Bernard Lugan salue

Vladimir Volkoff

vendredi, 31 décembre 2010

Roald Amundsen

Roald Amundsen’s The South Pole: An Account of the Norwegian Antarctic Expedition in the Fram, 1910–1912

Alex KURTAGIC

Ex: http://www.counter-currents.com/

Roald Amundsen
The South Pole: An Account of the Norwegian Antarctic Expedition in the Fram, 1910–1912
London: Hurst & Company, 2001
(First Published in 1912 by John Murray)

Having reviewed Apsley Cherry-Garrard’s account of Robert Falcon Scott’s Terra Nova Expedition, and having over the Yuletide read Scott’s diaries from the latter, I deemed it opportune to read Roald Amundsen’s account of his pioneering journey to the South Pole. After all, Scott and Amundsen reached the Pole within a month of each other, and this is, so to speak, the other side of the story.

If you are not familiar with the history of Antarctic exploration, for this review to make sense you will need to know that in the year 1910 two teams of explorers, one British, lead by Scott, and the other Norwegian, led by Amundsen, set sail to Antarctica, with the aim of being the first to reach the South Pole. Both men were successful, but Amundsen arrived first and he and his team returned to their base, and then home, without incident; while Scott and his men perished on the Ross Ice Shelf during their return journey. Scott’s tent was found eight months later by a rescue party, who discovered Scott’s frozen body and those of two of his party of five, along with their diaries. Scott’s fate turned him into a tragic national hero, and, being a skilled wordsmith, it was his story that was told across the English-speaking world: his diaries underwent numerous editions and re-prints, from popular to lavishly-illustrated, and became mandatory reading for schoolchildren, until eventually his tale was made into a film in 1948, starring John Mills. Amundsen’s story, on the other hand, had a much more limited readership and is, therefore, less well known.

Scott’s and Amundsen’s accounts, however, are equally interesting, albeit for entirely different reasons. While Scott’s possesses romance and pathos, Amundsen’s is engaging on a technical level: here is where you learn how to mount a successful expedition, and get a sense of the Norwegian temperament as well.

The South Pole is a considerable work, spanning 800 pages in the modern reprint edition (the original edition came in two volumes). It begins with Amundsen’s preparations in Norway in 1909 and concludes with Amundsen’s disembarkation at Hobart, Tasmania, in 1912; what lies in between is more or less as detailed a relation of events as Cherry’s own, written ten years later. Amundsen’s tone and style is very different from that of the Englishmen: the 43-year-old Scott was anxious and prone to depression; the 36-year-old Cherry (writing nearly a decade after the events) was more philosophical and psychological; the 39-year-old Amundsen, by contrast, is colder, calmer, relatively detached, and prone to ironic understatement. In some ways, his tone is very similar to mine in Mister, except my diction and syntax are somewhat more baroque.

Amundsen arrived in Antarctica in January 1911, and established his base, Framheim, on the Ross Ice Shelf (then known as “the Barrier”), at the Bay of Whales, 803 miles away from the South Pole and 350 miles to the East of Scott’s base, in Cape Evans, Ross Island. This placed Amundsen’s base 60 miles nearer to the Pole than Scott’s – a considerable distance considering that it was to be covered without the aid of motorized transport.

Amundsen111.jpgThe shore party consisted of 97 dogs and eight humans, all Norwegian: Olav Bjaaland, Helmer Hanssen, Sverre Hassel, Oscar Wisting, Jørgen Stubberud, Hjalmar Johansen, Kristian Prestrud, and Roald Amundsen. Like Scott, they built a hut, but, unlike Scott, when the snow and drift started to cover it, Amundsen’s party allowed it to be buried, and expanded their living quarters by excavating a network caverns in the ice, where they set up their kennel and their workshops. This not only afforded them more space, but also insulated them from the elements.

During the Winter months leading up to the polar journey, Amundsen and his team continuously optimized their equipment, testing it and refining it for the conditions on the ground. Scott’s team were doing exactly the same over at their base, of course, but it seems, from this account, that Amundsen went further, being extra meticulous and paying close attention to every detail. Boots and tents were redesigned; sledges and cases were shaved down to make them lighter; stacking, storage, and lashing techniques were perfected, and so on. In the end, Amundsen ended up with truly excellent equipment and highly efficient arrangements. For example: while Scott’s parties had to pack and unpack their sledges every time they set up camp, Amundsen’s sledges were packed in such a way that everything they needed could be retrieved without unlashing the cases or disassembling the cargo on their sledges. This was a significant advantage in an environment prone to blizzards and where temperatures are often so low that touching metal gives instant frostbite.

Amundsen had spent time observing and learning from the Inuit and possessed a thorough understanding of working with dogs. Scott, on the other hand, although the most experienced Antarctic explorer of the age and indeed a valuable source of information for Amundsen and his men, had become reluctant to use dogs due to their poor performance during the Discovery Expedition he had lead in 1901-1903, during which many of the animals visibly suffered. The problem, however, was not so much dogs in general but the choice of dogs, and Amundsen’s chosen breed of canine was better adapted for Antarctic conditions. So much so, in fact, that Amundsen eventually decided to travel by night, because his dogs preferred the colder temperatures.

The postmortem examination of Scott’s and Amundsen’s expeditions have led experts to conclude that Amundsen’s decision to base his transport on dogs was decisive in the outcome of their respective polar journeys. Scott’s transport configuration, relying on motorized sledges, ponies, dogs, and man-hauling has been described as ‘muddled’. This is certainly the conclusion one draws from reading the accounts of the two expeditions. Amundsen’s dogs afforded him with pulling power that was up to seven times greater than Scott’s. What is more, Amundsen’s men ate the dogs along the way, in the measure that they were no longer needed because of the staged depoting of supplies for the return journey; this provided them with an additional source of fresh meat (the other was seal meat, obtained at the edge of the barrier), which they needed to stave off scurvy. Scott’s party, on the other hand, was blighted by the early failure of the motorized sledges and the poor performance of the ponies. Although he and his men ate the ponies, they relied heavily – and once on the plateau exclusively – on man-hauling. Man-hauling is far more strenuous than skiing, like Amundsen’s men did, and this soon led to a deterioration in Scott’s party’s physical condition.

Amundsen_llega_al_Polo_Sur.jpgThis takes us to the diet. Scott’s understanding of a polar explorer’s nutritional requirements was the best that could be expected from the Edwardian era, so he cannot be blamed for having had inadequate provisions. Indeed, having learned from his failed bid for the Pole in 1902 and from Shackleton’s own failure in 1909 (in both cases the men starved and developed scurvy), Scott paid close attention to nutrition and worked closely with manufacturers to obtain specially-formulated food supplies. Moreover, Scott also had the Winter party (Cherry, Edward Wilson, and Henry Bowers) experiment with proportions during their journey to Cape Crozier to secure Emperor penguin eggs. Yet, the fact remains that, in terms of its energy content, his diet of pemmican, biscuits, chocolate, butter, sugar, and tea fell well short of what was needed. Ranulph Fiennes and Mike Stroud, the first explorers ever to achieve the unsupported (you-carry-everything) crossing of the Antarctic, found their caloric consumption averaging 8,000 calories a day, and sometimes spiking at over 11,500 calories a day. The Scott team’s intake was around 4,000, and the result was, inevitably, starvation, cold, and frostbites. Worse still, lack of vitamin C, the primary cause of scurvy, caused wounds to heal very slowly, a situation that eventually led to the breakdown and death of 37-year-old Petty Officer Edgar Evans in Scott’s South Polar party. Amundsen’s men had an abundant supply of fresh meat, coming from dog and seals, as well as the typically Scandinavian wholegrain bread, whortleberries, and jam, so they were very well supplied of vitamin C. With a lower caloric consumption (typically at 5,000 calories a day), they were very well fed throughout their journey, and Amundsen was able to progressively increase rations well beyond requirements. As a result, Amundsen’s men remained strong, staved off scurvy, and suffered no frostbites.

Scott blamed the failure of his expedition on poor weather and bad luck. Amundsen, who greatly respected Scott, says in the present volume, written before he learnt of Scott’s fate:

I may say that this is the greatest factor — the way in which the expedition is equipped — the way in which every difficulty is foreseen, and precautions taken for meeting or avoiding it. Victory awaits him who has everything in order — luck, people call it. Defeat is certain for him who has neglected to take the necessary precautions in time; this is called bad luck.

It would be too harsh to say this applied to Scott, because Amundsen did, after all, enjoy relatively good weather (he even eventually dispensed with the very warm fur outfits we see in the photographs), whereas unseasonably low temperatures and harsh conditions hit Scott’s party during the return journey across the Ross Ice Shelf. (Remember this is a huge geographical feature: a platform, hundreds of miles long, comprised entirely of iron-hard ice up to half a mile deep, flat (except near land) in every direction as far as the eye can see – it is so large that it has its own weather system.) Similarly, on their approach to the Pole, Scott’s team had found conditions on the plateau, particularly after 87°S, especially severe, with bitter head-on winds, rock-hard sastrugi, and snow frozen into hard, abrasive crystals – this made pulling sledges especially difficult. Imagine pulling 200 lb sledges on sandpaper, day after day, week after week, with 50-70 degrees of frost, eating less than half what you need. It must be remembered, at the same time, that the Antarctic was for most part terra incognita: Scott’s furthest South in the Discovery Expedition was 82°17′S, a latitude located on the Ross Ice Shelf; Shackleton’s 88°23′S, somewhere on the plateau; no one knew what the South Pole looked like or what they would find there, and Scott only had Shackleton’s verbal account of the conditions on the Beardmore Glacier and Antarctic plateau to go by. Today we know that the continent, approximately the size of Europe and once located on the Earth’s equator, is under a sheet of ice several kilometers deep; that the ice covers 98% of its surface; that the plateau, extending a thousand kilometers, is nearly 10,000 feet above sea level; that there are mountain ranges and nunataks in its more Northernly latitudes; and much more. Also today there is an enormous American-run research station on the South Pole, as well as dozens of stations spread across the continent; we have radio and satellite communications, high resolution imaging, mountains of very detailed data; we also have aeroplanes and motor vehicles able to operate in the Antarctic airspace and terrain. None of this existed in 1911. Much of the nutritional, meteorological, and glaciological knowledge we have today was discovered decades later. The early explorers were doing truly pioneering work on a landscape as mysterious and as alien as another planet.

It is interesting to note that both Amundsen and Scott were quite surprised to find themselves descending as they approached the South Pole. Indeed, once past the glaciers that give access to the Antarctic plateau from the Ross Ice Shelf, the Pole is hundreds of feet below the plateau summit on that side of the continent.

Amundsen222.jpgAmundsen’s original ambition had been to conquer the North Pole. For most of his life, he tells us, he had been fascinated by the far North. That he turned South owed to his being beaten to the North Pole by the American explorers Fredrick Cook (in 1908) and Robert Peary (in 1909), who made independent claims. Therefore, upon reaching the South Pole, Amundsen experienced mixed feelings: he says that it did not feel to him like the accomplishment of his life’s ambition. All the same, aware of the controversies surrounding Cook’s and Peary’s polar claims, he determined to make absolutely certain that he had indeed reached the geographical South Pole, and spent several days taking measurements with a variety of instruments within a chosen radius. He named his South Pole station Polheim. There he left a small tent with a letter for Scott to deliver to the King Haakon VII of Norway, as proof and testimony of his accomplishment in the event he failed to return to base safely.

As it happens, subsequent evaluations of the Polar party’s astronomical observations show that Amundsen never stood on the actual geographical Pole. Polheim’s position was determined to be somewhere between 89°57’S and 89°59’S, and probably 89°58’5’’ – no further than six miles and no nearer than one and a half miles from 90°S. However, Bjaaland and Hanssen, during the course of their measurements, walked between 400 and 600 meters away from the Pole, and possibly a few hundred meters or less. Scott, arriving a month later, did not manage to stand on the actual Pole either. This, however, was the best that could be done with the instruments available at the time.

Amundsen’s success resulted not only from his careful planning and good fortune, but also from his having set the single goal of reaching the South Pole. Comparatively little science was done on the field, as a result, although geological samples were brought back, both from Amundsen’s Polar party as well as Kristian Pestrud’s Kind Edward VII Land’s party, and meteorological and oceanographical studies were conducted. Scott’s expedition, by contrast, was primarily a scientific expedition, and was outfitted accordingly. It was certainly not designed for a race. Conquering the Pole was important in as much as the expedition’s success or failure was to be judged by the press and the numerous private sponsors on that basis: a hundred years ago, the whole enterprise of polar exploration was fiercely nationalistic in character, in marked contrast to the internationalist character of Antarctic research since the signing of the Antarctic Treaty of 1959.

Scott found out about Amundsen’s plans while on route to the Antarctic. Needless to say that this caused a great deal of anger, particularly as Amundsen had kept his plans secret until he was well on his way. Scott’s men obviously hoped that Amundsen would be having a rough time on his side of the barrier (indeed, he experienced lower temperatures, but, on the other hand, he enjoyed fewer blizzards). Yet, when the Englishmen aboard the Terra Nova paid a visit to the Norwegians at Framheim, they quite naturally had a number of questions but were otherwise cordial. They all took it like the soldiers a number of them were.

It is inspiring to read the accounts from the heroic era of Antarctic exploration. They highlight the most admirable qualities of European man, and serve as an example to modern generations in times when men of the caliber we encounter in these tales have (apparently) become rare. Enthusiasts have noted the marked difference in tone between the books written by explorers Fiennes and Stroud in the early 1990s, and the books and diaries written by Scott, Amundsen, and Douglas Mawson a hundred years ago: the latter, they say, come across as far more stoic, far harder, and able to write poetically about the hostile Antarctic environment even in the most adverse of situations. This perhaps not surprising when one considers that European civilization was at its zenith in terms of power and confidence in the years immediately preceding the Great War. I think truly hard men still exist, but sensibilities have obviously changed, perhaps because of the outcome of two great European civil wars, perhaps because the equality-obsessed modern culture encourages men to adopt feminine qualities in the same measure that it encourages women to adopt masculine ones. Whatever the reasons, this type of literature is most edifying and a healthy antidote to all the whining, fretting, and apologizing – not to mention in-your-face fruitiness from certain quarters – that has become so prevalent in recent decades.

The South Pole is not as intimidating as it might at first appear: there are numerous photographs and the print is quite large, so a fast reader can whiz through this tome at the speed of light, if he or she so wishes. In addition, it is not all Amundsen’s narrative: the last 300 pages consist of Kristian Pestrud’s account of his journey to King Edward VII’s land; first lieutenant Thorvald Nilsen’s account of the voyage of the Fram; and scientific summaries dealing with the geology, oceanography, meteorology, and the astronomical observations at the Pole. Pestrud’s and Nilsen’s contributions are also written in a tone of ironic detachment, blending formality with humor, which suggests to me, having met and dealt with Norwegians over the years, that this might be characteristic of the Norwegian temperament.

There is certainly more to Antarctic literature than conspiracy theories about Zeta Reticulans and Nazi UFOs.

TOQ Online, March 3, 2010

jeudi, 30 décembre 2010

Arno Breker & the Pursuit of Perfection

Breker_ApolloAndDaphne.jpg

Zeus Hangs Hera at the World’s Edge:
Arno Breker & the Pursuit of Perfection

Jonathan BOWDEN

Ex: http://www.counter-currents.com/

Arno Breker (1900–1991) was the leading proponent of the neo-classical school in the twentieth century, but he was not alone by any stretch of the imagination. If we gaze upon a great retinue of his figurines, which can be seen assembled in the Studio at Jackesbruch (1941), then we can observe images such as Torso with Raised Arms (1929), the Judgment of Paris, St. Mathew (1927), and La Force (1939). All of these are taken from the on-line museum and linkage which is available at:

http://ilovefiguresculpture.com/masters/german/breker/bre...

The real point to make is that these are dynamic pieces which accord with over three thousand years of Western effort. They are not old-fashioned, Reactionary, bombastic, “facsimiles of previous glories,” mere copies or the pseudo-classicism of authoritarian governments in the twentieth century (as is usually declared to be the case). Joseph Stalin approached Breker after the Second European Civil War (1939–1945) in order to explore the possibility for commissions, but insisted that they involved castings which were fully clothed. At first sight, this was an odd piece of Soviet prudery — but, in fact, politicians as diverse as John Ashcroft (Bush’s top legal officer) and Tony Blair refused to be photographed anywhere near classical statuary for fear that any proximity to nudity (without Naturism) might lead to their tabloid down-fall.

breker2.jpgAll of Breker’s pieces have precedents in the ancient world, but this has to be understood in an active rather than a passive or re-directed way. If we think of the Hellenism which Alexander’s all-conquering armies inspired deep into Asia Minor (and beyond), then pieces like the Laocoön at the Vatican or the full-nude portrait of Demetrius the First of Syria, whose modelling recalls Lysippus’ handling, are definite precursors. (This latter piece is in the National Museum in Rome.) Yet Breker’s work is quite varied, in that it contains archaic, semi-brutalist, unshorn, martial relief and post-Cycladic material. There is also the resolution of an inner tension leading to a Stoic calm, or a heroic and semi-religious rest, that recalls the Mannerist art of the sixteenth century. Certain commentators, desperate for some sort of affiliation to modernism in order to “save” Breker, speak loosely of Expressionist sub-plots. This is quite clearly going too far — but it does draw attention to one thing . . . namely, that many of these sculptures indicate an achievement of power, a rest or beatitude after turmoil. They are indicative of Hemingway’s definition of athletic beauty — that is to say, grace under pressure or a form of same.

This is quite clearly missed by the well-known interview between Breker and Andre Muller in 1979 in which a Rottweiler of the German press (of his era) attempts to spear Breker with post-war guilt. Indeed, at one dramatic moment in the dialogue between them, Muller almost breaks down and accuses Breker of producing necrophile masterpieces or anti-art (sic). What he means by this is that Breker is artistically glorifying in war, slaughter, and death. As a Roman Catholic teacher of acting once remarked to me, concerning the poetry of Gottfried Benn, it begins with poetry and ends in slaughter. Yet the answer to this ethical ‘plaint is that it was ever so. Artistic works have always celebrated the soldierly virtues, the martial side of the state and its prowess, and all of the triumphalist sculpture on the Allied side (American, Soviet, Resistance-oriented in France, etc. . . .) does just that. As Wyndham Lewis once remarked in The Art of Being Ruled, the price of civility in a cultivated dictatorship (he was thinking of Mussolini’s Italy) might well be the provision of an occasional Gladiator in pastel . . . so that one could be free from communist turmoil, on the one hand, and able to continue one’s work in serenity, on the other. Doesn’t Hermann Broch’s great post-modern work, The Death of Virgil, which dips in and out of Virgil’s consciousness as he dies, rather like music, not speculate on his subservience to the Caesars and his pained confusion about whether the Aeneid should be destroyed? It survived intact.

Nonetheless, the interview provides a fascinating crucible for the clash of twentieth century ideas in more ways than one. At one point Muller’s diction resembles a piece of dialogue from a play by Samuel Beckett (say End-Game or Fin de Partie); maybe the stream-of-consciousness of the two tramps in Waiting for Godot. For, whether it’s Vladimir or Estragon, they might well sound like Muller in this following exchange. Muller indicates that his view of Man is broken, crepuscular, defeated, incomplete and misapplied — he congenitally distrusts all idealism, in other words. Mankind is dung — according to Muller — and coprophagy the only viable option. Breker, however, is of a fundamentally optimistic bent. He avers that the future is still before us, his Idealism in relation to Man remains unbroken and that a stratospheric take-off into the future remains a possibility (albeit a distant one at the present juncture).

brekerhumilite.jpgAnother interesting exchange between Muller and Breker in this interview concerns the Shoah. (It is important to realise that this highly-charged chat is not an exercise in reminiscence. It concerns the morality of revolutionary events in Europe and their aftermath.) By any stretch, Breker declares himself to be a believer and that the criminal death through a priori malice of anyone, particularly due to their ethnicity, is wrong. At first sight this appears to be an unremarkable statement. A bland summation would infer that the neo-classicist was a believer in Christian ethics, et cetera. . . . Yet, viewed again through a different premise, something much more revolutionary emerges. Breker declares himself to be a “believer” (that is to say, an “exterminationist” to use the vocabulary of Alexander Baron); yet even to affirm this is to admit the possibility of negation or revision (itself a criminal offense in the new Germany). For the most part contemporary opinion mongers don’t declare that they believe in Global warming, the moon shot, or the link between HIV and AIDS — they merely affirm that no “sane” person doubts it.

Similarly, even Muller raises the differentiation in Breker’s work over time. This is particularly so after the twin crises of 1945 and 1918 and the fact that these were the twin Golgothas in the European sensibility — both of them taking place, almost as threnodies, after the end of European Civil Wars. Germany and its allies taking the role of the Confederacy on both occasions, as it were. Immediately after the War — and amid the kaos of defeat and “Peace” — Breker produced St. Sebastien in 1948, St. George (as a partial relief) in 1952, and the more reconstituted St. Christopher in 1957. (One takes on board — for all sculptors — the fact that the Church is a valuable source of commissions in stone during troubled times.) All of this led to a celebration of re-birth and the German economic miracle of recovery in his unrealized Resurrection (1969) which was a sketch or maquette to the post-war Chancellor Adenauer. Saint Sebastien is interesting in its semi-relief quality which is the nearest that Breker ever comes to a defeated hero or — quite possibly — the mortality which lurks in victory’s strife. Interestingly enough, a large number of aesthetic crucifixions were produced around the middle of the twentieth century. One thinks (in particular) of Buffet’s post-Christian and existential Pieta, Minton’s painting in the ‘fifties about the Roman soldiery, post-Golgotha, playing dice for Christ’s robes, or Bacon’s screaming triptych in 1947; never mind Graham Sutherland’s reconstitution of Coventry Cathedral (completely gutted by German bombing); and an interesting example of an East German crucifixion.

This is a fascinating addendum to Breker’s career — the continuation of neo-classicism, albeit filtered through socialist realism, in East Germany from 1946–1987. An interesting range of statuary was produced in a lower key — a significant amount of it not just keyed to Party or bureaucratic purposes. In the main, it strikes one as a slightly crabbed, cramped, more restricted, mildly cruder and more “proletarianized” version of Breker and Kolbe. But some decisive and significant work (completely devalued by contemporary critics) was done by Gustav Seitz, Walter Arnold, Heinrich Apel, Bernd Gobel, Werner Stotzer, Siegfried Schreiber, and Fritz Cremer. His crucifixion in the late ‘forties has a kinship (to my mind) with some of Elisabeth Frink’s pieces — it remains a neo-classic form whilst edging close to elements of modernist sculpture in its chthonian power and deliberate primitivism. A part of the post-maquette or stages of building up the Form remains in the final physiology, just like Frink’s Christian Martyrs for public display. Perhaps this was the nearest a three-dimensional artist could get to the realization of religious sacrifice (tragedy) in a communist state.

Anyway, and to bring this essay to a close, one of the greatest mistakes made today is the belief that the Modern and the Classic are counterposed, alienated from one another, counter-propositional and antagonistic. The Art of the last century and a half is an enormous subject (it’s true) yet Arno Breker is one of the great Modern artists. One can — as the anti-humanist art collector Bill Hopkins once remarked — be steeped both in the Classic and the Modern. Living neo-classicism is a genuine contemporary tradition (post Malliol and Rodin) because photography can never replace three-dimensionality in form or focus. Above all, perhaps it’s important to make clear that Breker’s work represents extreme heroic Idealism . . . it is the fantastication of Man as he begins to transcend the Human state. In some respects, his work is a way-station towards the Superman or Ultra-humanite. This remains one of the many reasons why it sticks in the gullet of so many liberal critics!

One will not necessarily reassure them by stating that Breker’s monumental sculptures during his phase of Nazi Art were modeled (amongst other things) on the Athena Parthenos. The original was over forty feet high, came constructed in ivory and gold, and was made during the years 447–439 approximately. (The years relate to Before the Common Era, of course.) The Goddess is fully armoured — having been born whole as a warrior-woman from Zeus’ head. There may be Justice but no pity. A winged figure of Victory alights on her right-hand; while the left grasps a shield around which a serpent (knowledge) writhes aplenty. A re-working can be seen in John Barron’s Greek Sculpture (1965), but perhaps the best thing to say is that the heroic sculptor of Man’s form, Steven Mallory, in Ayn Rand’s Romance The Fountainhead is clearly based on Thorak: Breker’s great rival. Yet the “gold in the furnace” producer of a Young Woman with Cloth (1977) remains to be discovered by those tens of thousands of Western art students who have never heard of him . . . or are discouraged from finding out.

lundi, 27 décembre 2010

In Memoriam - Dernière vision de Jean Parvulesco

In Memoriam
Dernière vision de Jean Parvulesco
 
par Nicolas Bonnal
 

J’ai pu le revoir peu avant sa disparition, avec ma femme Tatiana, que je voulais lui présenter. Je joins ici nos photos communes, les seules que nous n’ayons jamais faites ensemble d’ailleurs. Il nous a reçu dans son légendaire, bel et discret appartement du boulevard Suchet, situé au bout du monde parisien, tout près de cet énigmatique Ranelagh dont il parlait si bien. D’habitude je l’écoutais conspirer planétairement à la Rotonde, tout près de cette Muette où jadis chassaient nos rois. Il nous a offert une tarte aux figues, fruit symbolique s’il en fût, une bonne bouteille de vin blanc qui siège en bonne place dans nos mémoires maintenant. Nous avons aussi absorbé quelques citrons et même une bonne eau minérale gazeuse. Il faisait beau dans ce bout du monde parisien, et nous avons eu bien du mal à le quitter.

Il s’est montré très affable, sensible, amical, évoquant un ou deux amis évanouis, l’orthodoxie, l’avenir de l’Europe, qui dépend tellement de Poutine. Il m’a épargné tous les messages gnostiques et géopolitiques qui l’ont rendu célèbre dans le monde entier auprès d’une clique d’initiés nippons, chiliens ou italiens, et nous sommes restés assez silencieux. Je lui ai confirmé que dans la biographie remarquable d’Antoine de Baecque consacrée à Godard, il figure en bonne place, comme cinéphile roumain décalé et inspirateur du grand passage de Melville. Jean Parvulesco, prophète du nihilisme contemporain et de la fin de la guerre des sexes, remportée par les femmes, celles des Vuitton, du portable et des pensions élémentaires.

***

Malade depuis des années, avec une maladie qui frappe au choix les yeux ou les jambes - lui aura souffert des jambes comme le roi pêcheur dont il est comme l’émanation -, Jean Parvulesco garde son aura de chercheur et d’écrivain des énigmes. Jusqu’au bout il reste ce personnage de fiction génialement mis en scène par Godard, un homme à facettes et à placards secrets. Un homme de l’être, au sens heideggérien, un personnage de roman qui joue le rôle d’un écrivain métaphysicien et comploteur devant les ténèbres béantes du parisianisme agonisant. Ses derniers livres sont d’ailleurs remarquablement denses et bien écrits, et enfin convenablement présentés et corrigés par son éditeur, le montrent plus sensible que jamais à la conspiration des paysages notamment parisiens, à la psychogéographie initiatique parisienne.

Il a toujours espéré. Quelque chose. Mais après moi, il a compris qu’il n’y a pas de retour, que les ténèbres, les qlipoths ou écorces mortes de la kabbale - les enveloppes, les pods de la science-fiction cauchemardesques ou de la technologie de la communication - sont passées. Nous traversons le désert de la post-apocalypse, cela va prendre encore du temps, et bouffer notre espace. Paris désert gagné par la conspiration des atroces maîtres carrés ? Du reste son épouse devra quitter l’appartement qu’il devait à Eric Rohmer, son ami de toujours décédé peu avant. Il nous faudra veiller sur elle. Paris nié par ses prix, effacé par nos maîtres, privé de pauvres, privé d’artistes, privé de présences réelles. Et soumis cette fois à la domination sans partage du Capital et de son enfant le néant.

***

J’ai fini par l’aimer comme un très bon ami ou comme mon oncle chartreux, un peu aussi à la manière de Serge de Beketch. Au-delà des conspirations des noces polaires, des noces rouges, des états galactiques et de l’Ecosse subversive, il y a un être humain, un confident, un presque père. C’est comme cela aussi que l’on devient chrétien, n’est-ce pas ?

***

Nous avons descendu le splendide escalier de son immeuble art-déco, qui évoque notre dernière grande époque, ce premier tiers du vingtième siècle oublié maintenant. Nous sommes repartis dans la nuit d’octobre, avons mis un temps infini à quitter son quartier, ce seizième du bout du monde, si proche d’ailleurs de Radio Courtoisie, pays où l’on n’arrive jamais, d’où l’on ne repart pas plus. Peu de temps après j’ai commencé mon roman comique et ésotérique, le premier en dix ans, intitulé les Maîtres carrés, que l’on pourra lire en ligne sur le site de Serge de Beketch, la France-courtoise.info. Il y tient le rôle héroïque et décalé de l’initiateur et du conspirateur qu’il est resté depuis qu’il est trépassé, au sens littéral et donc initiatique du terme. Jean, nous pensons, donc nous vous suivons.

samedi, 25 décembre 2010

Hommage à Saint-Loup

Hommage à Saint-Loup

Pierre VIAL

Ex: http://tpprovence.wordpress.com/

Il y a vingt ans aujourd’hui disparaissait Saint-Loup. En la mémoire de ce héros, nous publions un texte de Pierre Vial, L’Homme du Grand Midi, paru dans Rencontres avec Saint-Loup, publié par l’association des Amis de Saint-Loup. C’est du même ouvrage que sont extraits les illustrations de Marienne.

L’Homme du Grand Midi

europe-saint-loup.jpgJ’ai découvert Saint-Loup en décembre 1961. J’avais dix-huit ans et me trouvais en résidence non souhaitée, aux frais de la Ve République, pour incompatibilité d’humeur avec la politique qui était alors menée dans une Algérie qui n’avait plus que quelques mois à être française. On était à quelques jours du solstice d’hiver – mais je ne savais pas encore, à l’époque, ce qu’était un solstice d’hiver, et ce que cela pouvait signifier. Depuis j’ai appris à lire certains signes.

Lorsqu’on se retrouve en prison, pour avoir servi une cause déjà presque perdue, le désespoir guette. Saint-Loup m’en a préservé, en me faisant découvrir une autre dimension, proprement cosmique, à l’aventure dans laquelle je m’étais lancé. à corps et à cœur perdus, avec mes camarades du mouvement Jeune Nation. Brave petit militant nationaliste, croisé de la croix celtique, j’ai découvert avec Saint-Loup, et grâce à lui, que le combat, le vrai et éternel combat avait d’autres enjeux, et une toute autre ampleur, que l’avenir de quelques malheureux départements français au sud de la Méditerranée. En poète – car il était d’abord et avant tout un poète, c’est-à-dire un éveilleur – Saint-­Loup m’a entraîné sur la longue route qui mène au Grand Midi de Zarathoustra. Bref, il a fait de moi un païen, c’est-à-dire quelqu’un qui sait que le seul véritable enjeu, depuis deux mille ans, est de savoir si l’on appartient, mentalement, aux peuples de la forêt ou à cette tribu de gardiens de chèvres qui, dans son désert, s’est autoproclamée élue d’un dieu bizarre – « un méchant dieu », comme disait 1’’ami Gripari.

J’ai donc à l’égard de Saint-Loup la plus belle et la plus lourde des dettes – celle que l’on doit à qui nous a amené à dépouiller le vieil homme, à bénéficier de cette seconde naissance qu’est toute authentique initiation, au vrai et profond sens du terme. Oui, je fais partie de ceux qui ont découvert le signe éternel de toute vie, la roue, toujours tournante, du Soleil Invaincu.

Chaque livre de Saint-Loup est, à sa façon. un guide spirituel. Mais certains de ses ouvrages ont éveillé en moi un écho particulier. Je voudrais en évoquer plus particulièrement deux – sachant que bien d’autres seront célébrés par mes camarades.

Au temps où il s’appelait Marc Augier, Saint-Loup publia un petit livre, aujourd’hui très recherché, Les Skieurs de la Nuit. Le sous-titre précisait : Un raid de ski-camping en Laponie finlandaise. C’est le récit d’une aventure, vécue au solstice d’hiver 1938, qui entraîna deux Français au-delà du Cercle polaire. Le but ? « Il fallait,se souvient Marc Augier, dégager le sens de l’amour que je dois porter à telle ou telle conception de vie, déterminer le lieu où se situent les véritables richesses. »

Le titre du premier chapitre est, en soi, un manifeste : « Conseil aux campeurs pour la conquête du Graal. » Tout Saint-Loup est déjà là. En fondant en 1935, avec ses amis de la SFIO et du Syndicat national des instituteurs, les Auberges laïques de la Jeunesse, il avait en effet en tête bien autre chose que ce que nous appelons aujourd’hui « les loisirs » – terme dérisoire et même nauséabond, depuis qu’il a été pollué par Trigano.

Marc Augier s’en explique, en interpellant la bêtise bourgeoise : « Vous qui avez souri, souvent avec bienveillance, au spectacle de ces jeunes cohortes s’éloignant de la ville, sac au dos, solidement chaussées, sommairement vêtues et qui donnaient à partir de 1930 un visage absolument inédit aux routes françaises, pensiez-vous que ce spectacle était non pas le produit d’une fantaisie passagère, mais bel et bien un de ces faits en apparence tout à fait secondaires qui vont modifier toute une civilisation ? La chose est vraiment indiscutable. Ce départ spontané vers les grands espaces, plaines, mers, montagnes, ce recours au moyen de transport élémentaire comme la marche à pied, cet exode de la cité, c’est la grande réaction du XXe siècle contre les formes d’habitat et de vie perfectionnées devenues à la longue intolérables parce que privées de joies, d’émotions, de richesses naturelles. J’en puise la certitude en moi-même. À la veille de la guerre, dans les rues de New York ou de Paris, il m’arrivait soudain d’étouffer, d’avoir en l’espace d’une seconde la conscience aiguë de ma pauvreté sensorielle entre ces murs uniformément laids de la construction moderne, et particulièrement lorsqu’au volant de ma voiture j’étais prisonnier, immobilisé pendant de longues minutes, enserré par d’autres machines inhumaines qui distillaient dans l’air leurs poisons silencieux. Il m’arrivait de penser et de dire tout haut : « Il faut que ça change… cette vie ne peut pas durer » ».

Conquérir le Graal, donc. En partant à ski, sac au dos, pour mettre ses pas dans des traces millénaires. Car, rappelle Marc Augier, « au cours des migrations des peuples indo-européens vers les terres arctiques, le ski fut avant tout un instrument de voyage ». Et il ajoute : « En chaussant les skis de fond au nom d’un idéal nettement réactionnaire, j’ai cherché à laisser derrière moi, dans la neige, des traces nettes menant vers les hauts lieux où toute joie est solidement gagnée par ceux qui s’y aventurent ». En choisissant de monter, loin, vers le Nord, au temps béni du solstice d’hiver, Marc Augier fait un choix initiatique.

« L’homme retrouve à ces latitudes, à cette époque de l’année, des conditions de vie aussi voisines que possible des époques primitives. Comme nous sommes quelques-uns à savoir que l’homme occidental a tout perdu en se mettant de plus en plus à l’abri du combat élémentaire, seule garantie certaine pour la survivance de l’espèce, nous avons retiré une joie profonde de cette confrontation [...]. Les inspirés ont raison. La lumière vient du Nord… [...] Quand je me tourne vers le Nord, je sens, comme l’aiguille aimantée qui se fixe sur tel point et non tel autre point de l’espace, se rassembler les meilleures et les plus nobles forces qui sont en moi ».

Dans le grand Nord, Marc Augier rencontre des hommes qui n’ont pas encore été pollués par la civilisation des marchands, des banquiers et des professeurs de morale.

Les Lapons nomades baignent dans le chant du monde, vivent sans état d’âme un panthéisme tranquille, car ils sont : « en contact étroit avec tout un complexe de forces naturelles qui nous échappent complètement, soit que nos sens aient perdu leur acuité soit que notre esprit se soit engagé dans le domaine des valeurs fallacieuses. Toute la gamme des croyances lapones (nous disons aujourd’hui « superstitions » avec un orgueil que le spectacle de notre propre civilisation ne paraît pas justifier) révèle une richesse de sentiments, une sûreté dans le choix des valeurs du bien et du mal et, en définitive, une connaissance de Dieu et de l’homme qui me paraissent admirables. Ces valeurs religieuses sont infiniment plus vivantes et, partant, plus efficaces que les nôtres, parce qu’incluses dans la nature, tout à fait à portée des sens, s’exprimant au moyen d’un jeu de dangers, de châtiments et de récompenses fort précis, et riches de tout ce paganisme poétique et populaire auquel le christianisme n’a que trop faiblement emprunté, avant de se réfugier dans les pures abstractions de l’âme ».

Le Lapon manifeste une attitude respectueuse à l’égard des génies bienfaisants, les Uldra, qui vivent sous terre, et des génies malfaisants, les Stalo, qui vivent au fond des lacs. Il s’agit d’être en accord avec l’harmonie du monde :

« passant du monde invisible à l’univers matériel, le Lapon porte un respect et un amour tout particuliers aux bêtes. Il sait parfaitement qu’autrefois toutes les bêtes étaient douées de la parole et aussi les fleurs, les arbres de la taïga et les blocs erratiques… C’est pourquoi l’homme doit être bon pour les animaux, soigneux pour les arbres, respectueux des pierres sur lesquelles il pose le pied. »

C’est par les longues marches et les nuits sous la tente, le contact avec l’air, l’eau, la terre, le feu que Marc Augier a découvert cette grande santé qui a pour nom paganisme. On comprend quelle cohérence a marqué sa trajectoire, des Auberges de Jeunesse à l’armée européenne levée, au nom de Sparte, contre les apôtres du cosmopolitisme.

Après avoir traversé, en 1945,  le crépuscule des dieux. Marc Augier a choisi de vivre pour témoigner. Ainsi est né Saint-Loup, auteur prolifique, dont les livres ont joué, pour la génération à laquelle j’appartiens, un rôle décisif. Car en lisant Saint-Loup, bien des jeunes, dans les années 60, ont entendu un appel. Appel des cimes. Appel des sentiers sinuant au cœur des forêts. Appel des sources. Appel de ce Soleil Invaincu qui, malgré tous les inquisiteurs, a été, est et sera le signe de ralliement des garçons et des filles de notre peuple en lutte pour le seul droit qu’ils reconnaissent – celui du sol et du sang.

Cet enseignement, infiniment plus précieux, plus enrichissant, plus tonique que tous ceux dispensés dans les tristes et grises universités, Saint-Loup l’a placé au cœur de la plupart de ses livres. Mais avec une force toute particulière dans La Peau de l’Aurochs.

Ce livre est un roman initiatique, dans la grande tradition arthurienne : Saint-Loup est membre de ce compagnonnage qui, depuis des siècles, veille sur le Graal. Il conte l’histoire d’une communauté montagnarde, enracinée au pays d’Aoste, qui entre en résistance lorsque les prétoriens de César – un César dont les armées sont mécanisées – veulent lui imposer leur loi, la Loi unique dont rêvent tous les totalitarismes, de Moïse à George Bush. Les Valdotains, murés dans leur réduit montagnard, sont contraints, pour survivre, de retrouver les vieux principes élémentaires : se battre, se procurer de la nourriture, procréer. Face au froid, à la faim, à la nuit, à la solitude, réfugiés dans une grotte, protégés par le feu qu’il ne faut jamais laisser mourir, revenus à l’âge de pierre, ils retrouvent la grande santé : leur curé fait faire à sa religion le chemin inverse de celui qu’elle a effectué en deux millénaires et, revenant aux sources païennes, il redécouvre, du coup, les secrets de l’harmonie entre l’homme et la terre, entre le sang et le sol. En célébrant, sur un dolmen, le sacrifice rituel du bouquetin – animal sacré car sa chair a permis la survie de la communauté, il est symbole des forces de la terre maternelle et du ciel père, unis par et dans la montagne –, le curé retrouve spontanément les gestes et les mots qui calment le cœur des hommes, en paix avec eux-mêmes car unis au cosmos, intégrés – réintégrés – dans la grande roue de l’Éternel Retour.

De son côté, l’instituteur apprend aux enfants de nouvelles et drues générations qui ils sont, car la conscience de son identité est le plus précieux des biens : « Nos ancêtres les Salasses qui étaient de race celtique habitaient déjà les vallées du pays d’Aoste. » et le médecin retrouve la vertu des simples, les vieux secrets des femmes sages, des sourcières : la tisane des violettes contre les refroidissements, la graisse de marmotte fondue contre la pneumonie, la graisse de vipère pour faciliter la délivrance des femmes… Quant au paysan, il va s’agenouiller chaque soir sur ses terres ensemencées, aux approches du solstice d’hiver, et prie pour le retour de la la lumière.

Ainsi, fidèle à ses racines, la communauté montagnarde survit dans un isolement total, pendant plusieurs générations, en ne comptant que sur ses propres forces – et sur l’aide des anciens dieux. Jusqu’au jour où, César vaincu, la société marchande impose partout son « nouvel ordre mondial ». Et détruit, au nom de la morale et des Droits de l’homme, l’identité, maintenue jusqu’alors à grands périls, du Pays d’Aoste. Seul, un groupe de montagnards, fidèle à sa terre, choisit de gagner les hautes altitudes, pour retrouver le droit de vivre debout, dans un dépouillement spartiate, loin d’une « civilisation » frelatée qui pourrit tout ce qu’elle touche car y règne la loi du fric.

Avec La Peau de l’Aurochs, qui annonce son cycle romanesque des patries charnelles, Saint-Loup a fait œuvre de grand inspiré. Aux garçons et filles qui, fascinés par l’appel du paganisme, s’interrogent sur le meilleur guide pour découvrir l’éternelle âme païenne, il faut remettre comme un viatique, ce testament spirituel.

Aujourd’hui, Saint-Loup est parti vers le soleil.

Au revoir camarade. Du paradis des guerriers, où tu festoies aux côtés des porteurs d’épée de nos combats millénaires, adresse-nous, de tes bras dressés vers l’astre de vie, un fraternel salut. Nous en avons besoin pour continuer encore un peu la route. Avant de te rejoindre. Quand les dieux voudront.

Pierre Vial

Source : Club Acacias.

samedi, 18 décembre 2010

Actualidad de Werner Sombart

Archives- 1968

Actualidad de Werner Sombart

 

AEI/ Un gran financiero norteamerica­na, batió su propio “record” conclu­yendo en cinco minutos, por teléfo­no, cinco grandes contratos que le proporcionaron una ganancia supe­rior al millón de dolores.

(De los periódicos) 

Werner_Sombart_vor_1930.jpgLa noticia del apresurado y dichoso financiero yanqui, nos trae al re­cuerdo la figura del gran economis­ta alemán profesor Werner Sombart, que ejerció docencia, justamente sonada, como profesor de Economía Política, en la Uni­versidad de Berlín, y cuya obra es una ver­dadera pena que aun no haya sido tra­ducida —que sepamos— al castellano.

Para Werner Sombart, el alma del bur­gués capitalista moderno recuerda el alma del niño a través de un singularísimo pa­recido. El niño, dice, posee cuatro valores fundamentales, que inspiran y dominan su vida toda. 

a) El tamaño, que se manifiesta en su admiración hacia el hombre adulto y más aun hacia el gigante. El burgués moderno —nos referimos siempre a la gran burgue­sía capitalista, especie tal vez a extinguir en este mundo supersónico que ha heredado la tragedia de la economía liberal— estima asimismo el tamaño en cifras o en es­fuerzo. Tener “éxito” en su lenguaje sig­nifica sobrepasar siempre a los demás, aunque en su vida interior, si es que la tiene, no se diferencia en nada de ellos. ¿Ha visto usted en casa de mister X, el Rembrandt que vale 200.000 dólares? ¿Ha contemplado el yate del presidente, que se encuentra desde esta mañana en el puerto, y cuyo valor sobrepasa el millón?…

b) La rapidez de movimientos, tradu­cida en el niño en el juego, en el carrusel, en no saber estarse quieto. Rodar a 120 por hora, tomar el avión más rápido, con­cluir un negocio por teléfono, no reposar, batir “records” financieros de ganancia constituye para el burgués moderno ilu­sión idéntica.

c) La novedad. El niño deja un juguete por otro, comienza un trabajo y lo aban­dona también, por otro, a su vez aban­donado. El hombre de empresa moderno hace lo mismo llamando a esto “sensa­ción”. Si los bailes, en los negocios, en la moda, en los inventos, lo que hoy es “sensacional” mañana se transforma en antigualla, como sucede con los modelos de los coches. Se vive angustiosamente al día, hasta que el corazón falle…

d) El sentimiento de “su poderío”. El niño arranca las patas a las moscas, des­troza nidos, destruye todos sus juguetes… El empresario que “manda” sobre 10.000 trabajadores se encuentra orgulloso de su poder, como el niño que ve a su perro obedecerle a una señal. El especulador afortunado en bolsa o enriquecido por el estraperlo se siente orgulloso de su safio poderío mirando por encima del hombro al prójimo. No existe en él caridad, como generalmente no existe caridad en el niño. Si analizamos este sentimiento veremos que en el fondo es una confesión invo­luntaria e inconsciente de debilidad: “Om­ina crudelitas ex infrimitate”, supo decir nuestro Séneca. 

EL CAPITALISMO MODERNO

Para el genial autor de “El capitalismo moderno”, un hombre grande, natural e interiormente, no concedería nunca un particular valor al poderío externo. El poder no presenta ningún atractivo sin­gular para Sigfrido, pero resulta irresisti­ble para Mimo. Una generación verdade­ramente grande, a la que preocupan los problemas fundamentales del alma huma­na, no se sentirá “engrandecida” ante unos inventos técnicos y no les concederá más que una relativa importancia, la impor­tancia que merecen como elementos del poder externo. En nuestra época resulta tristemente sintomático el que algunos po­líticos, que sólo han sabido sumir al mun­do en el estupor y en la sangre, se deno­minen asimismo como “grandes”.

Para Sombart, el capitalismo burgués que tiene como objetivo la acumulación indefinida e ilimitada de la ganancia, se ha visto hasta nuestros días, pues hoy el concepto se halla en plena crisis aunque su derrumbamiento no sea tal vez inmediato, favorecido por las circunstancias siguien­tes:

1) Por el desenvolvimiento de la téc­nica.

2) Por la bolsa moderna, creación del espíritu sionista, por medio de la cual se rea­bra a través de sus formas exteriores la tendencia hacia el infinito, que caracteriza al capitalismo burgués en su incesante ca­rrera tras el beneficio. 

Estos procesos encuentran apoyo en los siguientes aspectos: 

a) La influencia que los sionistas comen­zaron a ejercer sobre la vida económica europea, con su tendencia hacia la ganan­cia ilimitada, animados por el resentimien­to que, como sabemos, juega tan gran pa­pel en la vida moderna, según Max Scheler nos ha magníficamente demostrado, y por las enseñanzas de su propia religión, que los hace actuar en el capitalismo mo­derno como catalizadores.

b) En el relajamiento de las restric­ciones que la moral y las costumbres im­ponían en sus comienzos al espíritu capi­talista de indudable tinte puritano en la aguda y profunda tesis de Weber. Relaja­miento consecutivo a la debilitación de los principios religiosos y a las normas de ho­nor entre tos pueblos cristianos.

c) La inmigración o expatriamiento de sujetos económicos activos y bien dotados, que en el suelo extraño no se consideran ya ligados con ninguna obligación y es­crúpulo. Nos hallamos así, de nuevo ante el interrogante que se plantea el maestro.

¿Qué nos reserva el porvenir? Los que ven que el gigante desencadenado que lla­mamos capitalismo es un destructor de la naturaleza de los hombres, esperan que llegará un día en que pueda ser de nuevo encadenado, rechazándole hasta los lími­tes franqueados. Para obtener este resul­tado se ha creído encontrar un medio en la persuasión moral. Para Sombart, las tendencias de este género se encuentran aproadas hacia un lamentable fracaso. Para el autor de “El burgués”, el capita­lismo que ha roto las cadenas de hierro de las más antiguas religiones hará saltar en un instante los hilos que le tiendan es­tos optimistas. Todo lo que se pueda hacer en tanto que las fuerzas del gigante que­den intactas, consiste en tomar medidas susceptibles de proteger a los hombres, a su vida y a sus bienes, a fin de extinguir como en un servicio de incendios las brasas que caigan sobre las chozas de nuestra civili­zación. El mismo Sombart señala como sintomático el declive del espíritu capita­lista en uno de sus feudos más intocables: Inglaterra, y esto lo decía en 1924…

El saber lo que sucederá el día en que el espíritu capitalista pierda la fuerza que todavía presenta no interesa particular­mente a Sombart. El gigante, transforma­do en ciego, será quizá condenado, y cual nuevo Sisifó arrastra el carro de la civi­lización democrática. Quizá, escribe, asis­tamos nosotros al crepúsculo de los dio­ses, y el oro sea arrojado a las aguas del Rhin, erigiéndose en trueque valores más altos.

¿Quién podrá decirlo? El mañana, esa cosa que llamamos Historia, quizá. Por ello, más que Juicios, “a priori”, preferimos aquí dar testimonios. Lo que pasa, y lo que pue­da pasar en la ex dulce Francia, funda­mentalmente burguesa y con sentido de la proporción hasta ahora, podrá ser un gran indicio histórico. 

José Mª. CASTROVIEJO

ABC, 19 de junio de 1968.

vendredi, 03 décembre 2010

Seppuku vor 40 Jahre: Yukio Mishima

yukio_mishima.jpg

Seppuku vor 40 Jahren: Yukio Mishima

von Daniel Napiorkowski

Ex: http://www.sezession.de/

Vor 40 Jahren beging der japanische Schriftsteller Yukio Mishima feierlich Selbstmord. Seine Tat war konsequent. In einem Abschiedsbrief an seinen englischen Übersetzer, den Wissenschaftler Donald Keene, schrieb er: »Es war schon seit langem mein Wunsch, nicht als Literat, sondern als Soldat zu sterben«.

Als solcher starb er auch. Mit vier Kameraden aus der »Schildgesellschaft«, seiner kleinen Privatmiliz, drang er, bewaffnet mit Samuraischwertern und gekleidet in eine Phantasieuniform, am Vormittag des 25. November 1970 in das Hauptquartier der japanischen Selbstverteidigungsstreitkräfte in Tokio ein. Dort nahm er einen General als Geisel und forderte als Gegenleistung für dessen Freilassung, eine Rede vor den Soldaten der Garnison halten zu dürfen. Über tausend Soldaten versammelten sich auf dem Kasernenhof des Quartiers, während Mishima sich auf den Balkon stellte, die Hände in die Hüften stützte und einen Appell auf die Kaiserherrschaft, die altehrwürdige Tradition Japans und den Samuraigeist hielt.

Der Appell blieb unverstanden, Mishima erntete Spott und Beschimpfungen aus der Menge und brach die Rede vorzeitig ab. Er zog sich mit seinen Begleitern in ein Zimmer zurück und beging seppuku, die traditionelle japanische Form des Selbstmords durch Bauchaufschneiden, wie sie auch die Samurai praktiziert haben. Noch bevor Mishima unter Schmerzen starb, köpfte ihn einer seiner Begleiter. So hatte man es abgesprochen, und vereinbart war auch, daß ihm ein anderer Begleiter (pikanterweise Mishimas Geliebter Morita) in den Tod folgte. Das Bild von Mishimas abgetrenntem Kopf, den immer noch ein Stirnband mit dem Symbol der aufgehenden Sonne zierte, ging um die Welt.

Ein anderer Abgang Mishimas ist nur schwerlich vorstellbar. Der Großteil seines Lebens gleicht einer zeremoniellen Selbstinszenierung, und der Großteil seines künstlerischen Schaffens kreist um den Gedanken des Selbstmords: Ungezählt sind seine literarischen Arbeiten, in denen der Suizid als ästhetisches Ritual idealisiert wird; ungezählt sind seine Auftritte, bei denen er sich als Schauspieler in Film und Theater in langen, schmerzvollen Akten selbst tötet.

Als Kind und Jugendlicher war der am 14. Januar 1925 als Kimitake Hiraoka in Tokio geborene Mishima schmächtig, unnatürlich blaß und zurückhaltend. Seine dominante Großmutter, die einen großen Einfluß auf die gesamte Familie ausübte, verbat ihm den Umgang mit gleichaltrigen Jungen; er durfte nur mit Mädchen spielen. Männerkörper – vor allem Samuraikrieger und europäische Ritter, die er aus Bilderbüchern kannte – übten daher bereits im Kindesalter einen besonderen Reiz auf ihn aus. Als er eines Tages erfuhr, daß der Ritter auf einem seiner Lieblingsbilder eine Frau, Jeanne d’Arc, sei, war er darüber sehr enttäuscht.

Als Heranwachsender verbrachte Mishima seine Freizeit vornehmlich mit Lesen, wobei ihn auch europäische Literatur, insbesondere Raymond Radiguet – dessen Roman Der Teufel im Leib (1923) vielfach verfilmt wurde –, Oscar Wilde und Rainer Maria Rilke, prägte. Später wird er Thomas Mann als den Schriftsteller benennen, den er am meisten schätzt. Da bei Mishima irrtümlich eine beginnende Tuberkulose diagnostiziert wurde, mußte er den Militärdienst im Zweiten Weltkrieg nicht leisten.

Um dem Eindruck der Verletzlichkeit entgegenzuwirken, widmete sich Mishima fortan intensiv dem Kampf- und Kraftsport. Dank einer gnadenlosen Selbstdisziplin hatte er schon bald den muskelgestählten Körper, den er sich wünschte. Nicht selten wurden Mishima später Narzißmus und dandyhafte Züge nachgesagt; tatsächlich zeigen ihn viele seiner Bilder in heroischer Samuraipose mit nacktem, eingeöltem Oberkörper oder herrisch dreinblickend in dunklem maßgeschneidertem Anzug. Mishima wurde sein eigenes Ideal, er wurde der Held, den er als Kind so bewundert hatte.

Nachdem seine ersten schriftstellerischen Schritte weitgehend unbeachtet blieben, gelang ihm 1949 mit Geständnis einer Maske sein erster Erfolg. Das streckenweise autobiographische Werk ist das Porträt eines sensiblen, von Selbstzweifeln bedrängten Jungen an der Schwelle zum Erwachsensein. Bereits hier treten zahlreiche Themen auf, die sich wie rote Fäden durch Mishimas Werk ziehen: die Todessehnsucht, die erotische Zuneigung zu Knaben, die auffallende Betonung von Brust- und vor allem Achselhaar an männlichen Körpern.

Ein weiteres stets wiederkehrendes Motiv in seinem Werk ist die Figur des Heiligen Sebastian, des römischen Soldaten, der zum christlichen Märtyrer wurde. In Geständnis einer Maske bewirkt der Anblick eines Gemäldes des italienischen Barockmalers Guido Reni, das den Heiligen, malträtiert und halbnackt an einen Baum gefesselt, abbildet, die erste Ejakulation des Erzählers; 1966 veröffentlichte Mishima eine Übersetzung von Gabriele d’Annunzios Bühnenwerk Märtyrertum des heiligen Sebastian und ließ sich von dem japanischen Fotografen Kishin Shinoyama in der Pose, die Guido Reni für sein Sebastian-Gemälde ausgewählt hatte, fotografieren: mit nacktem, von mehreren Pfeilen durchbohrtem Oberkörper – wobei ein Pfeil markant aus seiner linken, schwarz behaarten Achselhöhle herausragt.

Obwohl Mishima zu einem auch international erfolgreichen und gefeierten Schriftsteller avancierte, schrieb er auch weiterhin immer wieder etliche anspruchslose Auftragsarbeiten, die in Magazinen oder als Fortsetzung in Tageszeitungen veröffentlicht wurden. Auf dem quantitativen Höhepunkt seines Schaffens entstanden bis zu drei Romane und ein Dutzend Kurzgeschichten im Jahr. Aus der breiten Masse der in den 50er Jahren entstandenen Werke stechen insbesondere Die Brandung (1954), eine zeitgenössische japanische Interpretation der antiken Liebesgeschichte um Daphnis und Chloe, und Der Tempelbrand (1956) hervor. Hierin erzählt Mishima von dem authentischen Fall eines Priesteranwärters, der im Nachkriegsjapan einen der schönsten buddhistischen Tempel, der den Bombenhagel im Zweiten Weltkrieg unbeschadet überstanden hat, anzündet.

Neben seinen Romanen schrieb Mishima auch zahlreiche Theaterstücke und trat selbst als Schauspieler von NÕ-Stücken auf. NÕ bezeichnet ein klassisches japanisches Theater, das traditionell nur von Männern gespielt wird und sich vornehmlich mit Motiven der japanischen Mythologie befaßt. 1957 verbrachte Mishima ein halbes Jahr in den USA, wo er sich u.a. die Aufführung seiner Stücke anschauen wollte. Verbittert und unvermittelt brach er seinen Aufenthalt am Silvestertag ab. Auch wenn ihn gewisse Aspekte am amerikanischen Lebensstil reizten, ödete ihn auf Dauer die dortige Selbstsucht, die Fixierung auf Materielles ab, wie sein englischer Übersetzer Keene mit Blick auf das – leider nicht ins Deutsche übersetzte – »Reisebilderbuch« Mishimas feststellt.

Insoweit blieb sein Verhältnis zum Westen, insbesondere zu den USA zeitlebens ein gespaltenes. Am deutlichsten drückte Mishimas eigenes Haus diese Ambivalenz aus: Es bestand aus einem westlich und einem traditionell japanisch möblierten Trakt. Überhaupt zeichnete eine gewisse Zerrissenheit Mishimas Leben aus: Privat changierte es zwischen Bürgertum und Provokation. Er heiratete und wurde Vater zweier Kinder, nachts durchstreifte er hingegen die einschlägigen Homosexuellen-Bars in Tokio. Künstlerisch machte der weltweit anerkannte, mehrmals für den Literaturnobelpreis vorgeschlagene Schriftsteller Seitensprünge, indem er auch Rollen in billig produzierten Trashfilmen spielte.

Als Mishima 1968 erneut als einer der engeren Kandidaten für den Literaturnobelpreis diskutiert wurde, schmeichelte ihm dies natürlich. Die Wahl fiel schließlich auf den Japaner Kawabata Yasunari. Mishima eilte zu Yasunari, um ihm als erster gratulieren zu dürfen, und auch auf den gemeinsamen Fotos bei der Pressekonferenz macht Mishima einen erfreuten Eindruck. Doch so ganz ist ihm die Beherrschung nicht geglückt; sein Biograph Henry Scott Stokes, der Mishima auch privat gut kannte, beobachtete in den kommenden Tagen eine gewisse Enttäuschung und Niedergeschlagenheit. Vielleicht waren dies jene seltenen Momente, die Mishima ohne Maske zeigten: sensibel und von Selbstzweifeln bedrückt.

In den 60er Jahren streifte sich Mishima allmählich eine weitere Maske über: er entdeckte die Politik. Bereits in den 50er Jahren trat die japanische Kommunistische Partei mit der Anregung an ihn heran, über einen Eintritt in die Partei nachzudenken; diesem Kuriosum darf jedoch kaum eine ernstzunehmende Relevanz beigemessen werden. Literarisch näherte sich Mishima erstmals im Jahre 1960 politischen Themen an. Der Roman Nach dem Bankett erzählt von den Verstrickungen eines Diplomaten in politische Machtstrukturen, zweifelhafte Geldgeschäfte und private Liebschaften. Die Geschichte beruht auf einem authentischen Fall – die Romanfigur ist an einen ehemaligen liberalen Außenminister Japans angelehnt –, Mishimas eigene politische Position bleibt aber unklar.

Die im selben Jahr erschienene Kurzgeschichte Patriotismus ist hingegen eine deutliche Verbeugung vor dem Ethos des japanischen Soldatentums. Als Hintergrund der Geschichte dient der Ni-Ni-Roku-Aufstand vom 26. Februar 1936, bei dem sich eine Reihe junger Offiziere infolge außenpolitischer Diskrepanzen zwischen Regierung und militärischer Führung gegen letztere erhob und dabei den Tod fand. Patriotismus beschreibt den letzten Abend eines jungen, frisch verheirateten Leutnants, der gemeinsam mit seiner Frau den Freitod wählt, um nicht gegen seine Kameraden – die aufständischen Offiziere – vorgehen zu müssen. In einer bis dato nicht bekannten Detailliertheit schildert Mishima den Selbstmord als einen zeremoniellen Akt, als selbstverständliche Antwort auf einen moralischen Interessenkonflikt. In der fünf Jahre später unter seiner Regie entstandenen Verfilmung spielte Mishima die Rolle des jungen Offiziers selbst. Auch hier gleicht der Suizid einem feierlichen Ritual.

Das schicksalhafte Jahr 1968 ließ auch Japan nicht unberührt. Auch hier herrschte eine politische und gesellschaftliche Unruhe, deren Stifter mehrheitlich links standen. Mishima beobachtete die Entwicklung mit Interesse und suchte zu den wenigen rechten Studentengruppen Kontakt. Im Sommer 1968 gründete er eine paramilitärische Vereinigung, die sogenannte Schildgesellschaft (japanisch: Tatenokai), die sich ausschließlich aus jungen Studenten rekrutierte und die für die Rückkehr der klassischen Kaiserherrschaft eintrat. Es war der Versuch, eine an ästhetischen Idealen und traditionellen japanischen Vorstellungen orientierte Elite aufzubauen.

Mishima machte die jungen Männer mit den Tugenden des bushido, dem Verhaltenskodex der Samurai, vertraut und unterrichtete sie in Karate sowie in Schwertkampf. Er ließ eigene Uniformen schneidern, ein Wappen entwerfen und kreierte sogar eine eigene Hymne. Aufgrund der strengen Aufnahmevoraussetzungen hatte die Schildgesellschaft niemals mehr als hundert Mitglieder, was Mishima nur recht war; er sprach von der »kleinsten Armee der Welt und der größten an Geist«.

Die öffentliche Resonanz auf die Schildgesellschaft fiel erstaunlich dürftig aus. Dies überraschte um so mehr, als die Schildgesellschaft mit ausdrücklicher Genehmigung des damaligen Verteidigungsministers Nakasone sogar in den Militärkasernen der japanischen Armee exerzieren durfte. Die japanischen Medien beachteten Mishimas private Miliz trotzdem kaum, und wenn, dann nahmen sie sie als den Spleen eines exzentrischen Schriftstellers wahr, der eine »Spielzeugarmee« unterhielt. Auch das Verhältnis zwischen Mishimas Schildgesellschaft und anderen politisch rechtsstehenden Organisationen blieb von einem gewissen Desinteresse geprägt. Erst posthum entdeckten einige Gruppierungen aus dem Umfeld der japanischen »Neuen Rechten« – allen voran die nationalistische Issuikai, die erst kürzlich auch europaweit auf sich aufmerksam machte, nachdem sie mehrere Delegierte europäischer Rechtsparteien zum traditionellen Besuch des Yasukuni-Schrein eingeladen hatten – die politische Strahlkraft Mishimas. Seit 1972 veranstaltet die Issuikai gemeinsam mit anderen rechten Gruppierungen alljährlich ein Heldengedenken mit anschließendem Besuch an Mishimas Grab.

Im Mai 1969 nahm Mishima die Einlandung radikaler linker Studenten zu einer Podiumsdiskussion an der Universität von Tokio an. Es entwickelte sich ein teilweise recht aggressives Streitgespräch, während dem Mishima seine politischen Standpunkte, insbesondere seine Verehrung des Kaisers bekräftigte, aber auch Berührungspunkte zu den linken Studenten betonte. Auch er wolle Unruhe hineinbringen, auch er hasse Menschen, die »in Ruhe dasitzen«. Er schloß seine Rede mit einem Versprechen: »Eines Tages werde ich aufstehen gegen das System, so wie ihr Studenten aufgestanden seid – aber anders.« Es bleibt unklar, wie weit Mishimas Absicht eines Staatsstreichs bereits im Mai 1969 ausgereift war. Daß er je an einen politischen Erfolg seiner Aktion geglaubt hat, darf wohl bezweifelt werden. Vielmehr bildete der naive, zum Scheitern verurteilte Umsturzversuch nur einen Vorwand, nur einen ansprechenden Rahmen für die Inszenierung seines eigenen Todes, den er so viele Male zuvor eingeübt hatte.

Mishima erwartete wenig Lohnendes von der Zukunft. In einem Artikel von 1962 schrieb er: »In der Bronzezeit betrug die durchschnittliche Lebenserwartung der Menschen achtzehn Jahre; zur Römerzeit waren es zweiundzwanzig. Damals muß der Himmel voll gewesen sein mit schönen, jungen Menschen. In letzter Zeit muß es dort oben erbärmlich aussehen.« Auch in seinen Romanen griff er mehrmals den Gedanken auf, Selbstmord zu begehen, solange der Körper noch schön und muskulös ist. Mishima selbst befand sich 1970 mit seinen 45 Jahren körperlich in bester Verfassung. Die kommenden Jahre würden jedoch unweigerlich ein Abnehmen seiner physischen Kräfte bedeuten.

Literarisch war er auf dem Höhepunkt seines Schaffens. Mit Die Todesmale des Engels – das Manuskript hierzu korrigierte er noch am Vorabend seines Todes und adressierte es an seinen Verleger – beendete er sein monumentales, vierbändiges Epos Das Meer der Fruchtbarkeit, an dem er die letzten sechs Jahre gearbeitet hatte. Zudem entfremdete er sich zunehmend von einer Gesellschaft, die für Begriffe wie Ehre und Tradition immer weniger empfänglich war. Alles Kommende hätte dem Gesamtkunstwerk Yukio Mishima an Glorie genommen. Das Todesfanal aber vollendete es auf eine morbide Weise.

(Mishima ist Angehöriger der Division Antaios)