mercredi, 23 janvier 2008
Van Creveld: la transformation de la guerre

Van Creveld : la transformation de la guerre
Dans leur collection « L'Art de la guerre », les éditions du Rocher publient La transformation de la guerre de Martin Van Creveld. Enseignant l'histoire à l’Université Hébraïque de Jérusalem, l'auteur remet en cause l'hypothèse de Clausewitz “faisant du conflit armé un phénomène rationnel”, reflet de l'intérêt national et “poursuite de la politique par d'autres moyens”. Il écrit dans l'épilogue: « Il n'est tout simplement pas vrai que la guerre n'est qu'un moyen pour atteindre une fin; ni que les peuples se battent nécessairement pour atteindre tel ou tel objectif. C'est plutôt le contraire qui est vrai: les peuples choisissent souvent tel ou tel objectif comme prétexte pour se battre. S'il est permis de douter de l'utilité de la guerre pour parvenir à tel ou tel objectif pratique, on ne peut douter, en revanche, de son pouvoir de distraction, d'inspiration ou de fascination. La guerre est la vie écrite en majuscules. Dans ce bas monde, la guerre seule permet et exige tout à la fois la mise en œuvre de toutes les facultés humaines, les plus hautes comme les plus basses. La brutalité, la dureté, le courage et détermination, la force pure que la stratégie considère comme nécessaire à la conduite de conflits armés constituent en même temps ses causes. Littérature, art, sport et histoire l'illustrent de façon éloquente. Ce n'est pas en demeurant dans leur foyer auprès de leurs femmes et de leurs familles que les hommes atteignent la liberté, le bonheur, la joie, et même le délire et l'extase. Au point que, assez souvent, ils sont trop heureux de dire adieu à leurs proches les plus chers pour partir en guerre! » (PM)
Martin VAN CREVELD, La transformation de la guerre, Editions du Rocher, 1998, 318 pages, 165 FF.
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Entretien avec Thomas Molnar

Entretien avec Thomas Molnar :
Crise spirituelle, mondialisme et Europe
Q. : Pour vous la disparition du spirituel et du sacré dans notre société a-t-elle pour cause la modernité ?
ThM : Je préfère inverser les termes et dire que la modernité se définit comme la disparition du spirituel et du sacré dans notre société. Il s'agit d'un réseau de pensée qui s'est substitué graduellement —peu importe le moment du débat historique— aux réseaux traditionnels et en a redéfini les termes et la signification.
Q. : Comment l'Eglise universelle peut-elle s'opposer au mondialisme ?
ThM : Elle ne s'y oppose guère sauf dans certains cas et certains moments, et là aussi d'une manière plutôt inefficace. Ayant accepté, avec enthousiasme ou résignation, sa nouvelle position de lobby (depuis Vatican II), l'Eglise s'intègre à la société civile, ses présupposés philosophiques, sa mentalité, sa politique. Un jour, un changement pourra, bien sûr, intervenir, mais pas avant que la structure de la société civile elle-même ne démontre ses propres insuffisances. Donc, le changement ne viendra pas de l'Eglise dont le personnel perd la foi et se bureaucratise. Dans l'avenir prévisible, les grandes initiatives culturelles et spirituelles n'émaneront pas de l'Eglise. Plus ou moins consciente de cette réalité, l'Eglise se rallie en ce moment au mondialisme, religion nouvelle des siècles devant nous.
Q. : S'opposer au modernisme et au mondialisme, n'est-ce pas refuser le progrès ?
ThM : Le mondialisme rétrécit le progrès, il ne s'identifie plus à lui. C'est que la bureaucratie universelle et ses immenses lourdeurs et notoires incompétences bloquent les initiatives dont la source ultime est l'individu, le petit groupe, la continuité, l'indépendance régionale, enfin la souveraineté de l'Etat face aux pressions impérialistes et idéologiques. Aujourd'hui, le "progrès" (terme particulièrement pauvre et ne recouvrant aucune réalité intelligible) s'inverse, la société perd ses assises, l'anarchie règne. Nous allons vers le phalanstère sans âme. Bientôt viendra l'épuisement technologique, car l'élan nécessaire pour toute chose humaine même matérielle, s'amoindrira, s'essoufflera. L'homme désacralisé ne connaît que la routine, assassine de l'âme.
Q. : A vous lire, il semble que le sacré n'est pas divin. Pouvez-vous expliquer cette approche ?
ThM : Le sacré n'est pas divin dans le sens "substantiel" du mot ; il médiatise le divin, il l'active en quelque sorte. D'abord, le sacré change d'une religion à l'autre, il attire et ordonne d'autres groupes humains (Chartres a été bâtie sur un lieu déjà sacré pour les druides, mais ces sacrés superposés n'expriment pas la même "sacralité"). Le sacré nous révèle la présence divine, cependant le lieu, le temps, les objets, les actes sacralisateurs varient.
Q. : Croyez-vous à une régénération du spirituel et du sacré en France et en Europe ?
ThM : Il n'existe pas de technique de régénération spirituelle technique que l'on utilise à volonté. L'Europe vit aujourd'hui à l'ombre des Etats-Unis ; elle importe les idées et les choses dont elle pense avoir besoin. Elle est donc menée par la mode qui est le déchet de la civilisation d'outre-mer. Bref, l'Europe ne croit pas à sa propre identité, et encore moins à ce qui la dépasse : une transcendance ou un telos. "L'unité" européenne n'est qu'un leurre, on joue à l'Amérique, on fait semblant d'être adulte. En réalité, on tourne le dos au passé gréco-chrétien et le plus grotesque de tout, on veut désespérément devenir un "creuset", rêve américain qui agonise déjà là-bas.
Tout cela n'exclut pas la régénération, qui part toujours d'un élan inédit, de la méditation d'un petit groupe. Aussi ne sommes-nous pas capables de le prévoir, de faire des projets, en un mot de décider du choix d'une technique efficace. Sans parler du fait que la structure démocratique neutralise les éventuels grands esprits qui nous sortiraient du marasme. Sur le marché des soi-disant "valeurs", on nous impose la plus chétive, les fausses valeurs qui court-circuitent les meilleures volontés et les talents authentiques. Si le sacré a une chance de resurgir sur le sol européen, le premier signe en sera le NON à l'imitation. Ce que je dis n'est pas nouveau, mais force m'est de constater dans les "deux Europes", Est et Ouest, l'impression du déjà-vu : l'Europe, dans son ensemble c'est Athènes plongée dans la décadence et l'Amérique, nouvelle Rome, mais d'ores et déjà à son déclin. La régénération ne peut être qu'imprévue.
Q. : Sans ce renouveau spirituel, que peut-il se passer en France et Europe ?
A court terme, des possibilités politiques existent, et la France pourrait y apporter sa part. L'Europe qui se prépare sera germanique et anglo-saxonne, la surpuissance de la moitié nord se trouve déjà programmée. Or, c'est la rupture de l'équilibre historique, car la latinitas n'a jamais été à tel point refoulée que de nos jours. La France pourrait donc redevenir l'atelier politico-culturel de la nouvelle Europe, grâce à son esprit et son intelligence des réalités dans leurs profondeurs. Bientôt, l'Europe en aura assez des nouveaux maîtres qui apportent l'esprit de géométrie, la bureaucratie la plus lourde, la mécanisation de l'âme. La France doit être celle qui crie « Halte ! » et, pour cela, pénétrer le continent, porteuse et l'alternative.
(propos recueillis par Xavier CHENESEAU ; celui-ci en détient le © ; pour toute reproduction ou traduction, lui écrire via la rédaction).
Notre invité en quelques livres :
1968 - Sartre, philosophe de la contestation
1970 - La gauche vue d'en face
1972 - La contre révolution
1974 - L'animal politique
1976 - Dieu et la connaissance du réel
1976 - Le socialisme sans visage
1978 - Le modèle défiguré, l'Amérique de Tocqueville à Carter
1982 - Le Dieu immanent
1982 - L'Eclipse du sacré
1990 - L'Europe entre parenthèses
1991 - L'américanologie, le triomphe d'un modèle planétaire ?
1991 - L'hégémonie libérale
1996 - La modernité et ses antidotes
A signaler la parution prochaine, aux Editions l'Age d'Homme, de deux nouveaux ouvrages de Thomas Molnar : Moi, Symmaque et L'âme et la machine.
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1516: Mort de Ferdinand le Catholique

Mort de Ferdinand le Catholique
23 janvier 1516 : Mort à 64 ans de Ferdinand le Catholique qui fut Roi d’Aragon à partir de 1479 et Régent de Castille à partir de 1507. Dans son troisième et ultime testament, rédigé un jour avant son décès, il désigne comme Régent de Castille le Cardinal Cisneros, qui devra exercer ces fonctions jusqu’à la pleine maturité de son petit-fils Charles, le futur Charles-Quint. Ferdinand avait chassé les Maures de Grenade en 1492 et les Français de Navarre en 1512 ; il avait également amorcé une politique méditerranéenne, destinée à ré-européaniser cette Mer du milieu. Ses armées avaient aussi pris la ville d’Oran et sa région le 18 mai 1509 ; cette victoire militaire contre les pirates et les esclavagistes barbaresques donne le droit à l’ensemble impérial européen, hispano-germano-bourguignon, de posséder cette terre en toute exclusivité ; d’autant plus que, trois siècles plus tard, des soldats issus de nos régions avaient participé à la conquête française de l’Algérie à l’époque de Léopold I ; qu’une colonisation flamande y avait été prévue mais non traduite dans les faits à cause de la perfidie française ; que cette partie de l’Algérie a été pour l’essentiel colonisée par des Espagnols, que la belle armée française a laissé massacrer en grand nombre, sans lever le moindre petit doigt, par les rebelles algériens au moment de l’indépendance de ce pays barbaresque. On voit que les comptes ne sont pas réglés… Et que toute puissance qui ne s’aligne pas respectueusement sur les projets de Ferdinand et de Charles-Quint ne génère que le désordre, le chaos et la barbarie. Ce qui leur ôte le droit au respect et à l’existence et que tant qu’ils existent de facto, nous ne devons les considérer que comme des anomalies ou des incongruités.
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mardi, 22 janvier 2008
Sur Ernst Kantorowicz

Stefan PIETSCHMANN :
Ernst Kantorowicz, biographe de Frédéric II de Hohenstaufen
„Vivet et non vivit“ (= Il vit et n’a pas vécu). A la fin de sa monumentale monographie consacrée à Frédéric II, Ernst Kantorowicz a placé cette citation latine, car il était indubitablement animé par une intention mystique : le mythe de l’Empereur Hohenstaufen, figure clef, est rappelé ainsi à la vie, au-delà des siècles, au-delà de la mort physique. Dès la parution de ce maître ouvrage en 1927, Ernst Kantorowicz acquiert d’un coup la célébrité.
Ernst Hartwig Kantorowicz, né en mai 1895 à Posen, est issu d’une vieille famille juive en vue. Après avoir passé son « Abitur » en 1913, il entame des études d’ingénieur commercial à Hambourg, afin de pouvoir, plus tard, gérer l’entreprise familiale, une fabrique de spiritueux. Dès qu’éclate la première guerre mondiale, Kantorowicz se présente comme volontaire au 20ième Régiment d’Artillerie de campagne de Posnanie, où il servira jusqu’à la fin des hostilités. Il revient du combat la poitrine constellée de décorations. En mai 1918, il s’était inscrit à l’Université de Berlin, en faculté de philosophie. C’est dans la capitale qu’il vécut la révolution, ce qui l’amena à retourner dans sa province natale de Posnanie, pour s’engager immédiatement dans un Corps Franc, dont le but était de défendre les revendications allemandes dans cette région de l’Est du Reich. Au cours du printemps 1919, il est engagé contre les Spartakistes à Berlin, et puis, en mai, alors qu’il étudie les sciences économiques, contre la République des Conseils à Munich.
Il déménage ensuite à Heidelberg. Il fait connaissance avec le poète Stefan George et, immédiatement après avoir remis sa thèse de doctorat (sur « L’essence des associations musulmanes d’artisans »), se consacre au thème de sa vie : la figure de l’Empereur Frédéric II de Hohenstaufen.
Indubitablement, il a été amené à ce choix, inspiré par les poèmes de Stefan George. Dans son poème « Rom-Fahrer », George avait averti ses disciples en faisant allusion au destin tragique de l’Empereur Frédéric II et de son petit-fils Konradin. « La grandeur des grandeurs de Frédéric, véritable nostalgie des peuples » est une nouvelle fois évoquée dans le poème « Die Gräber in Speier ». George y rappelle la figure de ce petit-fils de Béatrice de Bourgogne, dont la tombe est à Spire (Speyer) ; elle avait été la seconde épouse de Frédéric Barberousse. George voyait dans le règne de Frédéric II revivre la politique générale des Empereurs germaniques issus de ces premières lignées que furent les Carolingiens, les Ottoniens et les Saliens, une politique générale couplée au sens impérial et romain de l’Etat, à la culture grecque et orientale.
La fin des grands temps
Dans ses « Conversations avec Stefan George », Edith Landmann fait dire au poète ce qu’il ressentait face à la figure de Frédéric II, des Allemands en général. Question d’Edith Landmann : «Vous avez évoqué le passage de la belle ère allemande médiévale à l’époque plus prosaïque de Rudolf von Habsburg… ». Réponse de George : « Ce Rudolf était déjà un roi bourgeois. Avec lui, c’est autre chose. Les grands temps sont passés. C’est insaisissable, ce qui s’est passé là ; pourra-t-on jamais revenir au-delà de cette césure ? La meilleure explication de ce passage me semble celle-ci : à certaines époques, les dieux visitent un pays et quand ils repartent, les hauts temps s’évanouissent ». Le « Frédéric II » d’Ernst Kantorowicz décrit le déclin des Staufen, et fait de cette description une lecture si captivante, qu’elle ne laisse aucun lecteur indifférent. « Quelle impression cela a fait sur les Italiens, la mort de ce bel homme ! Les Allemands, en revanche, lui ont comme tapé sur l’épaule, en lui demandant de restreindre ses élans et en lui disant : tu aurais mieux fait de rester au pays, voilà ce qui arrive quand on ne le fait pas ». « Cette phrase, écrit Edith Landmann, m’est restée gravée dans la mémoire… ».
Stefan George disait de Kantorowicz qu’il était « ce que les Français nomment un ‘Chevalier’ » et, ajoutait-il, « il était si entièrement ‘Chevalier’, qu’on ne s’en apercevait plus ». Homme du monde, très élégant dans le choix de ses vêtements, dans sa gestuelle quotidienne, dans son langage ; il avait tout, dit le germaniste Boehringer, d’un escrimeur, virtuose du fleuret. « Son intelligence, qui avait la faculté de pénétrer profondément en toute matière, se doublait d’une étonnante capacité à percevoir les choses dans leurs interrelations ; c’est sur ces facultés intellectuelles-là que repose sa vision et sa présentation si grandioses et si vivantes de l’histoire ».
Le livre consacré à Frédéric II de Hohenstaufen, Kantorowicz l’a écrit, pour l’essentiel, dans son appartement de Heidelberg, charmante petite ville universitaire où George, lui aussi, tenait ses quartiers à l’époque, du moins pendant quelques étés jusqu’en 1926. Plusieurs passages du livre en témoignent. Stefan George et les frères von Stauffenberg en ont corrigé les épreuves et négocié sa publication auprès des éditeurs.
L’Allemagne secrète à Naples et à Palerme
Le livre contient une sorte de préambule, dont le style et la teneur sont typiques du Cercle de Stefan George : « Lorsqu’en mai 1924, le Royaume d’Italie a célébré le 700ième anniversaire de la fondation de l’Université de Naples, que Frédéric II de Hohenstaufen avait fondée, on a trouvé, au pied du sarcophage de l’Empereur, dans la cathédrale de Palerme, une couronne portant l’inscription suivante : ‘A ses empereurs et héros, l’Allemagne secrète’ (= Das Geheime Deutschland) ». Cette couronne et ce bandeau votif avaient été déposés, selon toute vraisemblance, par des amis de George, qui séjournaient vers Pâques 1924 à Palerme : parmi eux, il y avait Ernst Kantorowicz. Son mérite demeurera, d’avoir ramené au présent la figure sublime de Frédéric II, grâce aux stupéfiantes facultés de son intelligence critique, à la pertinence profonde de son questionnement. L’Etat, construit en Sicile par Frédéric II, fondé et gouverné par le truchement de la Constitution de Melfi, selon les lois de la raison, se référait à l’antiquité, jugée en son temps « païenne ». Ce « paganisme » antique et ce recours à la raison politique contribuèrent à faire de lui, pour ses ennemis, un « hérétique ». Il n’y avait pourtant rien d’autre d’ « hérétique », chez lui, que d’être simplement en avance sur son temps. Quelques siècles plus tard, personne n’aurait parlé de ‘stupor mundi’, en faisant référence à l’œuvre qu’il avait bâtie. Frédéric II nous interpelle, nous et nos contemporains, dans tous les domaines qu’il a touchés, tout simplement parce que sa pensée, sa sensibilité, sa volonté et son action anticipaient les époques qui allaient advenir, après l’ère proprement médiévale.
En décembre 1933, Stefan George meurt à Minusio en Suisse, sur un territoire politiquement neutre, afin d’échapper aux honneurs que n’auraient pas manqué de lui réserver le nouveau régime national-socialiste. La veillée funèbre du poète fut assumée par Ernst Kantorowicz, Claus von Stauffenberg et quelques autres. Il faut rappeler ici que c’est justement Kantorowicz, et non pas seulement Stefan George, qui a conforté les trois frères von Stauffenberg dans la certitude, mythique, qu’ils étaient les descendants des Staufer et donc, possédaient un sang royal.
Les différends d’ordre idéologique avaient pourtant déjà profondément divisé l’ « Etat », c’est-à-dire le Cercle de George, ce que ressentaient tout particulièrement les amis, sympathisants et membres de confession israélite qui étaient restés en Allemagne entre 1936 et 1938. Tout en ressassant ses souvenirs sur ces clivages qui divisaient cruellement le Cercle, Edgar Salin expliqua plus tard à Berlin, en quelques lignes poignantes, les sentiments de Kantorowicz, qui venait, lui, d’émigrer aux Etats-Unis en 1938 : « Il avait été profondément marqué par l’affliction générale qui avait uni dans la douleur tous ceux qui firent partie du Cercle mais avaient été séparés par les circonstances politiques. Mais lorsqu’il se hissa dans le train pour quitter la Suisse, il vit, à une autre fenêtre du wagon, un des ‘amis’ lever le bras à la nouvelle mode qui régnait alors en Allemagne, et deux autres, plus jeunes, répondant à son salut depuis le quai, de la même manière ». Ces deux jeunes hommes étaient ceux qui avaient soigné et aidé George, dans les derniers mois de sa vie, à Minusio.
En novembre 1938, Kantorowicz réussit à quitter l’Allemagne, grâce à son ami le Comte Albrecht von Bernstorff, qui fut assassiné en 1945 dans la prison de Berlin Moabit. En passant d’abord par l’Angleterre, son exil finit par le conduire aux Etats-Unis où il enseigna, dès 1939, à l’Université de Berkeley.
Refus des injonctions maccarthystes
En 1951, une fois de plus, Kantorowicz agit de cette manière chevaleresque, qu’admirait tant chez lui Stefan George : c’était à l’époque où sévissait la commission McCarthy. Comme en Allemagne en 1933, Kantorowicz demeura fidèle à lui-même et refusa de prêter le serment d’allégeance et de loyauté que les Etats-Unis exigeaient des professeurs. Il fut licencié sur le champ.
On est touché de constater combien les traces de la vision politico-mythique de George persistent dans l’œuvre de Kantorowicz, tant d’années après la mort du poète. Kantorowicz est resté fidèle à l’ « Allemagne secrète », à ce Reich de mystères et de mythes. Dans ses derniers ouvrages, il prouve encore qu’il ne cesse de servir ces mythes, d’explorer et d’étayer les concepts éducateurs et pédagogiques préconisés par le Cercle de Stefan George. A partir de l’automne 1951, il travaille à l’ « Institute for Advanced Study » à Princeton. En 1957, le deuxième de ses deux ouvrages majeurs sort de presse, intitulé « The King’s Two Bodies », « Les deux corps du Roi », qui ne fut traduit en allemand qu’en 1991 ! C’est un immense travail synoptique, composé d’innombrables pièces formant, toutes ensemble, une magnifique mosaïque, qui n’est pas toujours aisée à comprendre dans chacun de ses éléments. Tentons de cerner le noyau même de ce maître ouvrage en donnant ses sources principales : le point de départ de la quête de Kantorowicz se situe dans la « doctrine des deux natures » de l’église primitive, où le Christ est à la fois Dieu et homme ; ensuite dans les oeuvres des juristes de Cour anglais de l’époque des Tudor, qui avaient élaboré une « christologie royale » très sophistiquée.
En 1963, Ernst Kantorowicz rejoint Stefan George dans la mort. Il avait été un grand historien juif et allemand et aussi un patriote animé par une foi nationale infaillible.
Stefan PIETSCHMANN.
(article paru dans l’hebdomadaire berlinois « Junge Freiheit », n°30/2000 ; trad. franç. : Robert Steuckers).
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Bruno Kreisky

22 janvier 1911: Naissance à Vienne de Bruno Kreisky au sein d’une riche famille juive de la capitale de l’Empire austro-hongrois. Rapidement, le jeune Kreisky va rompre avec l’idéologie et la judaïté familiales, en adhérant notamment au mouvement des “Jeunes socialistes”, qui professaient un socialisme hostile à tout dogmatisme et à toute doctrine figée.
En 1934, quand, tour à tour, socialistes marxistes puis nationaux-socialistes, tentent d’abattre la première république autrichienne, il se retrouve en prison. De même, en 1938, au moment de l’Anschluß, il connaît une nouvelle fois la paille humide des cachots viennois. En 1940, il émigre en Suède, où il devient l’ami d’un autre exilé, appelé à devenir célèbre: Willy Brandt.
Après la seconde guerre mondiale, il développera, dans le cadre de la deuxième république autrichienne, une politique nettement arabophile, en dépit de ses origines juives. Par ailleurs, son séjour en Suède l’induit à adopter le modèle socialiste scandinave. Cette option lui permet d’élargir considérablement la base du parti socialiste autrichien, la SPÖ. Pendant treize ans, les socialistes pourront gouverner seuls la république alpine. L’économie tourne, l’Autriche retrouve une certaine prospérité.
Mais si Kreisky a su donner cohérence au socialisme autrichien dans ses dimensions économiques et sociales, son oeuvre politique la plus emblématique reste une diplomatie de troisième voie, de non-alignement. Elle impliquait donc une ouverture au monde arabe et aux autres petites puissances non alignées, ainsi qu’une volonté de surmonter la césure du Rideau de fer, par exemple, en nouant des relations avec la RDA.
En 1975, le Colonel Khadafi reçoit Kreisky en Libye. En 1982, Kreisky reçoit le Colonel libyen à Vienne, indiquant par là clairement que l’Autriche ne cesserait pas de faire valoir sa neutralité sur la scène internationale, notamment en ne tenant jamais compte des injonctions de Washington. Ni de celles de Tel Aviv. Faut-il y voir la raison d’une série d’attentats terroristes perpétrés en Autriche, notamment contre des synagogues ? Sur ce fond fait d’explosions et d’horreurs, Kreisky est l’objet d’une tentative d’assassinat, mais, à partir de 1980, sa santé décline, il quitte la scène politique et meurt à Vienne, sa ville natale, le 29 juillet 1990.
Kreisky a incarné la troisième voie autrichienne, comme le conservateur catholique Waldheim, également victime d’une campagne de haine internationale, et comme Jörg Haider, autre figure, libérale-populiste celle-là, qui a suscité à son tour la haine des médias aux ordres, notamment pour sa volonté de s’ouvrir à l’Irak baathiste.
Si un homme politique autrichien, fût-il juif, socialiste, conservateur-chrétien ou libéral-populiste, entend mener une politique autrichienne, il sera immanquablement la cible des médias orwelliens : une succession de faits historiques le prouve, faits qui devraient faire réfléchir les “hommes de gauche”, notamment socialistes, si prompts à hurler de concert avec CNN ou d’autres chaînes, quand il s’agit de Waldheim et de Haider, alors que leur compagnon de combat Kreisky, ami de Willy Brandt, avait exactement les mêmes positions que ses deux compatriotes non socialistes que nous venons de nommer.
Mais les socialistes actuels, comme les libéraux qui ont la lâcheté de suivre aveuglément un pitre comme Louis Michel, sont des socialistes amnésiques, des socialistes opportunistes, des socialistes de carnaval ou, pour être encore plus précis, des socialistes de Gay Prides… (Robert Steuckers).
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lundi, 21 janvier 2008
1919: premier Dàil Eireann

21 janvier 1919 : première session du parlement libre irlandais
Karl WEINHOLD :
Le premier pas vers l’indépendance irlandaise
Dans les actualités de ces dernières décennies, le conflit d’Irlande du Nord a été très souvent évoqué, démontrant par là que la lutte pour la liberté sur l’Ile Verte n’est pas encore véritablement terminée. Il y a près de 90 ans, l’appel à constituer « l’assemblée de l’Irlande », le « Dàil Eireann », marquait un premier pas vers l’indépendance pour le pays.
L’Ile Verte, colonisée depuis le 16ième siècle par l’Angleterre, après avoir été pendant tout le moyen âge un foyer européen d’érudition et de foi, n’avait au fond jamais accepté la perte de son autodétermination. En 1800, le Parlement local irlandais avait été supprimé et l’autorisation, pour les députés irlandais de siéger à Westminster, ne compensait pas entièrement cette perte d’autonomie. Ce qui engendra, pendant tout le 19ième siècle, plusieurs révoltes populaires. En 1870, Isaac Butt crée le « Home Rule Mouvement » ou, traduit en termes français actuels, le « Mouvement pour l’autodétermination de la patrie (irlandaise) », qui portera très vite le nom de « Irish Party » et conquerra la majorité des sièges irlandais aux Communes (House of Commons). Le successeur de Butt, Parnell, répondit au refus de tout compromis de la part des autorités anglaises par des exigences de plus en plus tranchées ; ce qui amena à l’Irish Party plus des trois quarts des suffrages. Malgré ces succès électoraux, le gouvernement britannique ne se montrait pas prêt à des concessions, aussi infimes soient-elles. La « Home Rule Bill » (la loi sur l’autodétermination), pourtant dûment promise, fut suspendue en 1914, sous prétexte que l’Etat était en guerre.
Lors de la révolte de Pâques 1916, où ce furent surtout les habitants de Dublin qui entrèrent en lice, 1315 personnes furent tuées ou blessées. Mais à partir de ce soulèvement, la « République irlandaise », proclamée par les rebelles, ne cessa plus d’être à l’ordre du jour de la politique. Ce fut surtout l’exécution systématique des chefs de l’insurrection qui créa dans tous les pays une vague de solidarité avec les martyrs. En 1918, le Sinn Fein, un parti qui militait (et milite toujours) pour l’indépendance de l’Irlande, gagne aux élections 73 des 105 sièges irlandais à Westminster.
Parmi les points essentiels du programme et du manifeste électoral du Sinn Fein, figurait la volonté de constituer un Parlement irlandais, semblable à celui qui fut dissous en 1800. Lorsque la nouvelle chambre des Communes britanniques s’assembla pour la première fois, les députés du Sinn Fein refusèrent de prendre leurs sièges. Le 21 janvier 1919, vingt-sept d’entre eux -les autres étaient emprisonnés ou devaient se cacher- se rassemblèrent à Dublin pour créer le « Dàil Eireann ». Ils demandèrent aux autres nouveaux élus irlandais de se joindre à eux et exprimèrent leur ferme décision de constituer de facto le gouvernement d’une Irlande indépendante. Eamon de Valera fut choisi comme Président. L’assemblée accepta la proclamation de la République, lue lors de l’insurrection de Pâques 1916, et déclara l’indépendance du pays. L’assemblée nomma ensuite des fonctionnaires et envoya une délégation à Versailles pour participer aux négociations de paix. Grâce à un travail intensif de propagande aux Etats-Unis et au soutien des Irlandais qui y avaient émigré, la communauté internationale prit conscience de la situation. Ainsi l’indépendance irlandaise prenait ses contours, du moins symboliquement.
Les autorités britanniques, après une phase d’hésitation et d’indécision, réagirent en tentant de faire emprisonner les membres du Parlement irlandais. La délégation envoyée à Paris fut refoulée sans ménagement, après que Wilson ait accepté le point de vue britannique. Le 11 septembre 1919, l’ « Assemblée d’Irlande » fut déclarée illégale. Incapables de se défendre ou de passer à l’offensive, faisant erronément confiance au « désir de dialogue » des Britanniques, les députés irlandais, à l’instar de leurs homologues du Parlement démocratique de Francfort pendant la révolution de 1848, durent céder devant la force. Mais la brièveté de l’existence de ce Parlement irlandais avait malgré tout infléchi le cours de l’histoire.
Par la force des choses, l’élimination de l’assemblée populaire irlandaise provoqua l’émergence de mouvements militarisés. L’ « Army of the Irish Republic », qui deviendra l’IRA, devint bien vite l’avant-garde, très populaire, des intérêts nationaux. Des milliers d’hommes prirent les armes et étendirent les actions de résistance isolées, perpétrées jusqu’alors, pour en faire une guérilla générale. Deux ans plus tard, le Premier Ministre britannique Lloyd George se voyait contraint de négocier avec l’équipe qui formait le gouvernement irlandais plongé dans l’illégalité depuis septembre 1919. Toutefois, Lloyd George fut le vainqueur des négociations : il réussit à obliger les Irlandais à faire bon nombre de concessions. Le 26 décembre 1921, une délégation irlandaise signe les « Articles of Agreement », fort contestés, où l’on avait évité, expressis verbis, de prendre position quant au « Dàil Eireann ». Vingt-six comtés irlandais obtinrent leur autonomie, avec le statut de « dominion » au sein du Commonwealth britannique. Six autres comtés au nord-est de l’Ile, en Ulster, furent détachés de l’ensemble et maintenus dans le Royaume-Uni.
Même après l’indépendance définitive de l’Irlande, la partition de l’Ile constitue encore et toujours un foyer de crise, de désordre et de conflit. Les événements de ces dernières décennies nous montrent que le conflit n’a rien perdu de son acuité. L’Union Européenne devra à terme se pencher sur la question irlandaise, exactement comme elle a été obligée de régler la question de la division allemande en 1989. En conclusion, nous pouvons dire que les vicissitudes de l’histoire, en Irlande comme en Allemagne, présentent bien des similitudes pour qui sait observer : les deux pays ont subi des dominations étrangères et l’histoire de leurs parlements a connu beaucoup de rebondissements.
Karl WEINHOLD.
(article paru dans « Junge Freiheit », n°4/1994 ; trad. franç. : Robert Steuckers).
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Over Oswald Spengler (NL)

TEKOS:
Over de actualiteit van Oswald SPENGLER
De Duitse denker Oswald Spengler (1880-1936) weet al vanaf de Eerste Wereldoorlog conservatieve cultuurcritici te inspireren. Tegenwoordig wordt hij zelfs als "groene" onheilsprofeet omarmd. Het oude Europa is gevoeliger voor cultuurpessimisme dan voor het "vooruitgangsgeloof", schrijft de germanist Jerker Spits.
De oude dame Europa lijkt om de zoveel jaren vatbaar voor de koorts van het cultuurpessimisme. Ook nu weer is er sprake van een herleving. Hedendaagse conservatieve denkers mogen daarbij graag teruggrijpen op de Duitse filosoof Oswald Spengler, die als geen ander verlangde naar een herstel van oude tradities die in de moderne maatschappij verloren waren gegaan.
In zijn jonge jaren was Oswald Spengler een romanticus. Maar zoals veel Duitse dichters en denkers ontwaakte hij aan de vooravond van de Eerste Wereldoorlog. "Ik verbaas me er nog steeds over", zou hij later schrijven, "hoe ik tot mijn vijfentwintigste in een droom leefde. Hulpeloos, angstig, maar toch gelukkig. Wat heb ik toen niet allemaal opgeschreven!"
Na de oorlog eiste Spengler van zijn land een radicale en meedogenloze aanpassing aan de rationele, technische tijd. Hij treurde niet langer om wat verloren ging. De mens moest de nieuwe krachten van zijn tijd omarmen. Vanaf zijn dertigste zou hij zijn tijdgenoten provoceren met een loflied op de techniek. "Voor de prachtige, zeer intellectuele vormen van een snel stoomschip of een staalfabriek geef ik alle rommel van de huidige kunstnijverheid inclusief schilderkunst en architectuur weg.”
Spengler leefde als privégeleerde in München. Hij meed de artistieke kringen van de Beierse hoofdstad. Zijn zelfgekozen isolement en afkeer van de Münchense bohémien is opmerkelijk als je bedenkt welke grootheden zich daar in die tijd ophielden: de schrijvers Thomas en Heinrich Mann, de dichters Stefan George en Rainer Maria Rilke, de kunstenaars Alfred Kubin, Franz von Stuck, Wassily Kandinsky, Paul Klee. Maar geen van hen beschouwde Spengler als zijn gelijke. Ook in Thomas Mann zag Spengler een decadente romanticus, een kunstenaar die niet met zijn tijd was meegegaan. Werk ging bij hem sowieso voor vriendschap. In de gedachtenwisseling met artistieke tijdgenoten was hij niet bijzonder geïnteresseerd. Ik spreek nog liever met een meisje dat ik van de straat pluk, dan met die kunstenaarsbende.”
Spengler vereenzaamde, al wekten verspreid verschenen voorstudies van zijn nieuwe boek "Der Untergang des Abendlandes" veel belangstelling. In dit magnum opus wilde hij alle grote vragen van zijn tijd beantwoorden. Naar eigen zeggen ging het in "Der Untergang" om de natuurlijke, door allen donker voorvoelde filosofie van deze tijd. Wiskunde, oorlog, Rembrandt, poëzie, taal – in Spenglers ogen smolt de wereldgeschiedenis samen. Hij zag daarin een eeuwige Gestaltung en Umgestaltung, een wonderbaarlijk worden en vergaan van organische vormen. Culturen, levende wezens van de hoogste orde, groeien in een verheven doelloosheid op zoals bloemen op een veld. Ze behoren net als planten en dieren tot de levendige natuur.”
De mens moest volgens hem zijn leven aanpassen aan de ontwikkelingsfase van de cultuur. De belangen van het individu waren ondergeschikt aan het collectief waartoe hij behoorde.
"Der Untergang" gaat uit van het onderscheid tussen Kultur en Zivilisation. Spengler volgde hierin een specifiek Duitse traditie die sinds het einde van de negentiende eeuw vorm had gekregen. In de Eerste Wereldoorlog zagen jonge Duitsers zich als de verdedigers van de "ideeën van 1914" – de cultuur. Zij verdedigden die tegenover de "ideeën van 1789" – de civilisatie. Duitsland moest naast een oorlog ook een geestelijke strijd voeren: tegen Russische barbaren in het Oosten en tegen materialisme en winstdenken in het Westen. Duitsland zou het Westen moeten redden van de Angelsaksische kruideniersgeest en ontspoorde vrijheid. De "civilisatie" van langs elkaar levende individuen stond tegenover de "cultuur" waarin de mens de band met de gemeenschap, het verleden en de eigen natie levend houdt.
Spengler was verklaard tegenstander van de Zivilisation. Kwantiteit zou het daarin afleggen van kwaliteit. De Gemeinschaft zou plaats maken voor de Gesellschaft. De mens zou een "intellectuele nomade" worden, omdat hij niet langer leefde in het besef onderdeel van een gemeenschap te zijn.
Dit wereldbeeld was in Duitsland na de Eerste Wereldoorlog niet ongewoon. Ook Thomas Mann verklaarde in zijn "Betrachtungen eines Unpolitischen" (1918) dat democratie, politiek zelf "het Duitse wezen" vreemd is. Mann schreef "De Duitse aard, dat is cultuur, ziel, vrijheid en niet civilisatie, maatschappij, stemrecht, literatuur." Later schreef de Nobelprijswinnaar niet zonder ironie: De overwinning van Engeland en Amerika bezegelt en beëindigt het lot van onze ouder wordende cultuur. Wat nu volgt, is de Angelsaksische wereldheerschappij, dat betekent de volmaakte civilisatie. Waarom niet? Men kan er comfortabel in leven.”
Maar niet iedereen kon deze stap nemen. Het Duitse Bildungsbürgertum klampte zich vast aan de Duitse Kultur – en vond in Spengler zijn intellectuele leidsman.
Oswald Spengler was overtuigd van zijn missie. Ik had als kind al het idee dat ik een soort van Messias moest worden. Een nieuwe zonnereligie stichten, een nieuw Duitsland, een nieuwe Weltanschauung.” Van valse bescheidenheid had Spengler geen last: Ik schrijf het beste Duits, dat op dit moment in boeken te lezen is.”
In zijn brieven en dagboekaantekeningen lijkt hij zijn grote voorbeeld Friedrich Nietzsche naar de kroon te willen steken. En net als zijn voornaamste inspirator werd Spengler geplaagd door langdurige depressies. Niemand weet wat het betekent met zulke ideeën te vechten, waarvan de bittere ernst de zelfmoord dichterbij brengt, dagenlang geen woord te spreken, geen ander mens te zien. En dan, in de uiterste terneergeslagenheid, wijn, muziek of een paar schrijvers (Shakespeare, Baudelaire, Hoffmann) te hebben. Wat heb ik door die eenzaamheid niet verloren! Hoeveel energie, die ik anders aan andere dingen had kunnen besteden!”
Toen het eerste deel van "Der Untergang des Abendlandes" in 1918 verscheen, raakte intellectueel Duitsland in Spenglers ban. Alle belangrijke Duitse intellectuelen namen kennis van het boek. Thomas Mann prees het in de hoogste bewoordingen. De filosoof Georg Simmel noemde het de belangrijkste geschiedenis van de filosofie sinds Hegel”. Kritiek was er uit de hoek van egyptologen en oriëntalisten die zich beklaagden over onnauwkeurigheden in Spenglers beschrijving van de wereldgeschiedenis. Maar de honderdduizenden lezers schoven deze professorale kritiek spottend terzijde. Het ging hen niet om de verschillen tussen de vijfde en zesde Egyptische dynastie.
Het Duitse Bildungsbürgertum had omstreeks 1920 het idee dat er na Goethe, Schiller en Nietzsche een verval was ingetreden. In de ogen van veel lezers was er geen andere auteur dan Oswald Spengler die dit zo treffend wist te verwoorden. Al snel werden hem leerstoelen aangeboden. Spengler wees deze handreikingen vriendelijk maar beslist af. Hij wilde geen gewone geleerde zijn. Intellectuele vrijheid ging bij hem boven maatschappelijke status. Bovendien verafschuwde Spengler de academische filosofie van zijn tijd haast net zo hevig als Schopenhauer dit een eeuw voor hem had gedaan. "Filosofische vakwetenschap is filosofische onzin.”
Veel lezers duidden Spenglers boek als een schets van de ondergang van de westerse wereld. Alsof Spengler vol nostalgie zou hebben teruggeblikt op verloren erfgoed. Maar van deze romantische visie wilde Spengler na de Eerste Wereldoorlog juist afscheid nemen.
In de jaren twintig vroeg een rijke Duitse Spengler om raad: waar moest zij, nu de westerse wereld spoedig zou ondergaan, haar aandelen onderbrengen? Al in 1921 klaagde Spengler over het modewoord ’ondergang’ als gevolg van zijn titelkeuze. (Het is veelzeggend dat het woord ontbreekt in de oorspronkelijke titel van het werk: "Konservativ und liberal".) Hij schreef immers niet alleen over wat verdween, maar ook over wat nieuw was en de toekomst zou bepalen.
Spengler zag de wereld om hem heen veranderen. Bildung, geestelijke aristocratie en esthetische fijnzinnigheid verdwenen in een maatschappij die voor de wetten van de markt boog. De mens, het door Goethe en Humboldt geprezen vrije en zelfbewuste individu, ging op in de massa, werd gereduceerd tot consument en arbeidskracht.
Tussen de werkelijkheid van alledag en de idealen van de Duitse gymnasia gaapte volgens Spengler een onoverbrugbare kloof. De opkomst van de massamaatschappij, de groeiende rol van volkse sentimenten baarden hem zorgen. De moderne massamedia zouden de mens een illusie van vrijheid geven, maar hem in werkelijkheid op geraffineerde wijze tot slaaf maken. Eens durfde men niet vrij te denken; nu mag men het, maar kan het niet meer.”
Niet zonder reden wordt Oscar Spengler wel beschouwd als een van de "geestelijke wegbereiders" van het nationaal-socialisme. Daarmee deelde hij immers de afkeer van de slappe Weimarrepubliek en de voorliefde voor het krachtige Pruisendom. Maar vrijwel onmiddellijk na de machtsovername van Hitler in 1933 viel de filosoof in ongenade. En ook Spengler zelf nam al snel afstand van het nieuwe regime, in zijn boek "Jahre der Entscheidung". Wat de nationaal-socialisten bovenal in Spengler hinderde was zijn afwijzing van ieder vooruitgangsidealisme. Het gevolg was dat zijn boeken en denkbeelden niet meer in het openbaar genoemd mochten worden.
Zijn ster verbleekte. Op 8 mei 1936, kort voor zijn 56ste verjaardag, stierf hij aan een hartaanval. Na 1945 raakte de filosoof meer en meer in vergetelheid.
In de optimistische jaren negentig, na de val van het communisme, leek de ondergang van het Avondland verder weg dan ooit. Francis Fukuyama voorspelde in "Het einde van de geschiedenis" de verdere zegetocht van de westerse democratie en het liberalisme.
Na 11 september 2001 kwam hier verandering in. Er bleken andere culturen die de westerse hegemonie betwistten. En in het Avondland zelf ging de aandacht steeds meer uit naar de schaduwzijden van de massademocratie. Mondigheid zou zijn ontaard in brutaliteit en schaamteloosheid, het ter discussie stellen van autoriteit zou burgers hebben wijsgemaakt dat regels altijd en overal moeten worden aangevochten, de "massacultuur" zou de democratie "verzwelgen".
Het werk van Spengler werd langzaam herontdekt. Ook onder hedendaagse cultuurfilosofen leeft kritiek op de massacultuur, op de genivelleerde maatschappij, waarin de meerderheid niet alleen beslist over de zetels in het parlement, maar ook over de collectieve moraal. En je hoeft Spenglers antwoorden – een vlucht naar voren, de "roofdiermens" als de enig mogelijk overgebleven "hogere" vorm van leven – niet te beamen om de geldigheid van zijn tijdsdiagnose te onderkennen.
Een groeiend aantal intellectuelen staat wantrouwend tegenover de wil en de smaak van de massa. Zij richten hun pijlen op de mondiale "gelijkschakeling". Overal verschijnen dezelfde merken, dezelfde levensstijlen, eenzelfde vrijgevochten manier van denken, verdwijnen tradities ten gunste van geldelijk gewin of persoonlijke geldingsdrang.
De Nederlandse filosoof Ad Verbrugge spreekt in zijn bestseller "Tijd van onbehagen" in vergelijkbare termen als Spengler over de schaduwzijden van globalisering en de ongeremde werking van de vrije markt. Soms met nogal overtrokken commentaar. Zo is de huidige liberale consumptiemaatschappij volgens Verbrugge even totalitair als het fascisme en het communisme”.
Ook voor de Franse filosoof Alain Finkielkraut is de moderne massacultuur gespeend van alle grote gedachten – een geestelijk barbarendom, maar burgerlijk en comfortabel ingericht, zoals Spengler het al beschreef. De waarschuwende roep van Spengler is eveneens bij Finkielkraut hoorbaar: nog teert het Westen op zijn rijke verleden, maar eens zal de beschaving, als zij niet door haar culturele elite verdedigd wordt, onder daverend geruis ineenstorten. Dankbaar grijpt Finkielkraut de plunderingen van jonge Arabieren in de Parijse voorsteden aan: de barbaren staan aan de poorten van de stad.
Sommigen zien in deze conservatief geïnspireerde cultuurkritiek een terugkeer naar riskante denkpatronen en een hang naar obscurantisme. Zij bekritiseren de hang naar traditie, naar oude zekerheden, de revitalisering van het christelijk geloof, de terugkeer naar het denken over geschiedenis als "heilsgeschiedenis".
En de affiniteit met Spenglers tijdsdiagnose blijft geenszins beperkt tot conservatieve denkers. Al in 1997 haalde De Groene Amsterdammer Spengler van zolder, om te waarschuwen tegen een "pulpdemocratie" waarin "de emoties van de massa regeren". De banvloek die progressieve intellectuelen na de Tweede Wereldoorlog over Duitse denkers uitspraken, is gebroken. Ook in Duitsland zelf is er sprake van een hernieuwde belangstelling voor Spengler, onder wetenschappers én bij filosofen als Peter Sloterdijk.
De laatste jaren wordt Spengler ook gezien als een ’groene’ onheilsprofeet avant la lettre. Voorzag hij niet al in 1918 de "ondergang" van onze leefomgeving, waarschuwde hij dus eigenlijk niet al voor de opwarming van de aarde en de gekkekoeienziekte? De receptie van zijn werk is daarmee terug bij af. Hij is niet meer dan de leverancier van een trefwoord waaraan je je eigen angsten kunt verbinden.
Toch blijft Spengler een ongemakkelijk denker. Vooral zijn instinctieve afkeer van het verstand is problematisch. Hij enthousiasmeert en vervoert méér dan dat hij overtuigt. Spengler was een metafysicus en zag zichzelf als dichter-filosoof. Hij hechtte meer waarde aan een esthetische blik dan aan strenge logica. Tijdgenoten zagen in hem niet ten onrechte een nieuwe Nietzsche, met alle gevaren van dien.
Als een van de eerste Europese filosofen richtte Spengler zijn blik op niet-westerse culturen en voorspelde hun opkomst. Maar voor de steeds belangrijker rol van Amerika bleef hij blind. Hij voorzag niet dat uitgerekend de door hem zo verafschuwde massademocratie en vrije markt een wereldmacht zou voortbrengen.
Johan Huizinga merkte al op dat het Angelsaksische deel van de wereld slechts in geringe mate gevoelig is voor ondergangsfantasieën. Ook nu lijkt het oude Europa gevoeliger voor een spengleriaans cultuurpessimisme dan voor een vooruitgangsgeloof zoals dit door Fukuyama werd uitgedragen en door de huidige Amerikaanse president wordt gekoesterd. Aan de horizon van George W. Bush gloort een universele civilisatie naar Amerikaans model.
Fukuyama schijnt intussen zijn bekomst te hebben gekregen van het neoconservatieve geloof van zijn president. Zijn verre Duitse voorganger was er al langer van overtuigd dat alleen opkomst en ondergang werkelijk bestaan. Wie een keer over het Forum van Rome heeft gewandeld, moet beseffen dat het geloof in een eeuwig voordurende vooruitgang een waanbeeld is”.
De Nederlandse schrijver en essayist Menno ter Braak (1902-1940) bezocht in maart 1935 een lezing van Oswald Spengler aan de Leidse universiteit. De zaal zat "propvol". Men was dus gekomen om Oswald Spengler te zien, meer nog dan om hem te horen waarschijnlijk. Het zijn vaak de philosophen van de heroische ondergang der cultuur, die het meeste publiek trekken, omdat zij profeteren.” Een briljant spreker was Spengler volgens Ter Braak niet. Hij spreekt zoals zijn gehele uiterlijk is: als een superieure schoolmeester, die zijn publiek iets doceert. Geen enkel effect, ook geen spoor van rhetoriek; bijna onbeweeglijk staat Spengler achter de lessenaar. [...] Even knipperen de oogleden, als er duizend jaar achteloos in de zaal worden geslingerd; een handbeweging is dat niet eens waard.”
Na Spenglers overlijden, een klein jaar later, schrijft Ter Braak: Zijn dood betekent voor Europa het verlies van een onafhankelijke geest, een onverzoenlijke aristocraat van de militaire soort, die zijn verachting voor de massa en de massabijeenkomst [...] eens uitdrukte door de woorden: "Den Neandertaler sieht man in jeder Volksversammlung". Het is dit soort stramme aristocratie, die langzaam maar zeker romantisch wordt en uitsterft. In Spengler beleefde zij een verbintenis met de geest en het aesthetisch raffinement, die vermoedelijk na hem niet vaak meer zal voorkomen.
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La Conférence de Londres de 1930

21 janvier 1930: La conférence de Londres vise à réduire l’armement naval dans le monde. L’Italie exige d’avoir la parité avec la France. Cette conférence est la suite logique du Traité de Washington de 1922, qui visait à asseoir une hégémonie totale des puissances thalassocratiques anglo-saxonnes sur le reste des nations du monde. Ce traité de Washington est une réponse britannique et américaine à la politique de Tirpitz, car l’Allemagne est privée de tous moyens navals, et une application directe des principes énoncés par l’Amiral américain Alfred Thayer Mahan, historien des puissances navales anglaise et française au 18ième siècle et à l’époque napoléonienne. Ni la France ni l’Allemagne ne devaient encore disposer de flottes suffisamment puissantes pour pouvoir défier les thalassocraties.
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dimanche, 20 janvier 2008
Ludwig von Mises: vérités et erreurs

Ludwig von Mises, une critique libérale-capitaliste de l'économie dirigée-
Un mélange de vérités et d'erreurs
par Noël RIVIERE
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Du déclin de l'Europe

Brigitte SOB :
Du déclin de l'Europe : de Nietzsche à Rohrmoser
Les prophètes du déclin restent hautement appréciés. Pour eux, c’est toujours la haute conjoncture. Même les politiciens sont désormais obligés de le concéder : notre culture est frappée d’un processus de décadence inéluctable ; ainsi, par exemple, en Autriche, Jörg Haider avait écrit dans son premier livre politique : la culture, aujourd’hui, sous toutes ses formes, a perdu contenu et limites et chavire dans un « syncrétisme difficile à comprendre ». Haider souffrait-il de voir l’Europe en proie à un déclin culturel, lorsqu’il est devenu un patriote autrichien pétri de conservatisme chrétien (ce qu’il n’était pas auparavant) ?
Le fait est qu’il partage désormais sa souffrance face à la décadence européenne avec un professeur de philosophie allemand, Günter Rohrmoser. Autre fait évident : déjà Nietzsche avait prophétisé l’effondrement de la morale et de la culture. Or, on peut considérer Nietzsche comme le premier représentant de cette « conscience de la crise » au sein de la culture occidentale. Pour Nietzsche, les racines de la crise se situent dans un état de choses clairement observable : l’homme moderne est en face de traditions qui ne cessent de se dissoudre. Par l’irruption dans son quotidien de cultures différentes, cet homme moderne dispose d’une plus vaste marge de manœuvre, peut jouer et composer avec des expériences plus diversifiées, mais, simultanément, cesse d’avoir des liens solides et inébranlables avec sa propre culture, son propre héritage culturel.
Le fondement de l’analyse nietzschéenne du monde contemporain, c’est de constater la dissolution de tous les liens qu’entretenait l’homme avec le monde et son environnement. Nous vivons ainsi dans un « monde en voie d’égalisation », de nivellement : « Comme tous les styles en art se juxtaposent et se répètent, de même tous les degrés et types de morale, de mœurs et de cultures s’alignent les uns à côté des autres. C’est l’ère du nivellement, c’est sa fierté, mais aussi, sa souffrance ». Ce processus est l’avènement d’un relativisme général des valeurs et des cultures, qui, selon Nietzsche, conduit tout droit au nihilisme : les anciennes valeurs culturelles perdent leur fonction liante, la morale s’effondre.
Spengler, plus tard, a partagé cette vision. Après que l’Europe ait accompli ce qu’elle portait en son cœur profond et épuisé toutes ses potentialités, plus aucune avancée n’était possible. Telle est la quintessence de la morphologie culturelle de notre continent. D’après Spengler, une logique de l’histoire est à l’œuvre, qui s’applique à toutes les cultures : toutes subissent la loi organique de la naissance, de la jeunesse, de la maturité et de la mort. Toutes les cultures, sans exception, vivent ces lois de la biologie, explique Spengler. Elles croissent, mûrissent, entrent en déclin et meurent. Vu que la « fin des temps » s’annonce pour l’Occident, l’homo europaeus, selon Spengler, n’a plus qu’une chose à faire : accepter son destin.
Récemment, quelques penseurs chrétiens-conservateurs ont repris cette thématique : dans le débat sur le déclin des valeurs et de la culture, Günter Rohrmoser constate que le christianisme en Europe est entré dans sa phase de crise la plus profonde. Cette crise s’exprime dans le fait que les parents ne sont plus prêts à éduquer leurs enfants selon « les mœurs et les canons chrétiens ». Rohrmoser en déduit le déclin de l’Occident : la crise s’accentuera, l’atomisation interne des sociétés se poursuivra, le déclin de la culture progressera.
Rohrmoser avance la doctrine que la perte de l’éthique chrétienne conduit au déclin de la société et de la culture. Car l’éthique et la morale chrétiennes avaient une signification cardinale non seulement pour la vie de l’individu, mais aussi et surtout constituaient des critères objectifs permettant de mesurer la capacité de survie ou la propension au déclin des peuples, cultures et sociétés. De ce fait, Rohrmoser en appelle à un renouveau spirituel et éthique de facture chrétienne, afin de sauver l’Europe du déclin. Problème : peut-on objectivement mettre sur le même pied le déclin général de l’Europe et le déclin de la foi chrétienne en Europe ? La crise du christianisme est-elle une crise de la culture européenne ? Car, en effet, tout nous permet d’affirmer que, sans le christianisme, l’Europe aurait également connu une éthique constituante de son identité, le terme « éthique » dérivant de la philosophie grecque, païenne et pré-chrétienne.
Cette problématique nous permet de rappeler les thèses de Sigrid Hunke, exprimées dans La vraie religion de l’Europe et dans Vom Untergang des Abendlandes zum Anfang Europas (non traduit ; = «Du déclin de l’Occident à l’avènement de l’Europe »). Sigrid Hunke s’oppose tout aussi bien aux prophètes chrétiens de la fin des temps qu’à l’idéologie américaine du New Age. Pour elle, il faut avant toute chose dépasser la calamité dualiste qui s’est abattue sur l’Europe et que nous ont apporté le christianisme (et la gnose radicale). Le dualisme distingue l’esprit de la matière, l’intelligence et l’émotion, la nature et la raison, introduit une césure radicale entre eux. Alors que l’homme, à l’origine, est essentiellement unité et holicité. Telle est la loi première de l’anthropologie et il faut la restaurer dans tous les domaines de la culture européenne, afin de faire éclore une nouvelle renaissance. C’est dans les ruines des vieilles structures dualistes, au milieu des antagonismes fallacieux et dangereux que le dualisme a provoqués, qu’un développement nouveau germera, dit Hunke, que l’Europe retrouvera son essence et redonnera du sens à l’ensemble de nos peuples.
Qui a raison : Spengler, Hunke, Nietzsche ou Rohrmoser ? Aucun d’eux sans doute. Sans doute la plus grande erreur de la culture européenne a été de se considérer comme absolue. Prétention inimaginable. Hybris ?
Brigitte SOB.
00:20 Publié dans Affaires européennes, Philosophie, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | |
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samedi, 19 janvier 2008
R. Sennett : l'homme flexible

Brigitte SOB :
Globalisation, néo-libéralisme et « homme flexible »
Les analyses du sociologue américain Richard Sennett
La globalisation exige la flexibilité. La notion des « flexibilité » est aussi le terme magique dont raffole l’économie néo-libérale, qui salue le processus de globalisation comme un défi positif. Cette notion de « flexibilité » est issue, au départ, de l’empirisme des naturalistes : on tire profit de l’expérience, par exemple, en constatant que les arbres ploient sous la force du vent mais qu’après la tempête ils reprennent leur forme originale. La « flexibilité » est non seulement posée comme l’antonyme du « fixisme », de la « rigidité » ou de l’absence de vitalité, mais, dans le cadre de l’idéologie néo-libérale, comme le synonyme de la « liberté » ; dans ce sens, la flexibilité apporte de nouveaux défis, de nouvelles exigences, de nouveaux boulots qui exigent des déménagements fréquents et des délocalisations : l’homme flexible devient ainsi un « perpetuum mobile » au sein de l’économie globale. Tout « perpetuum mobile » est une construction qui, une fois mise en marche, demeure éternellement en mouvement, ce qui, d’après les lois fondamentales de la thermodynamique, est une impossibilité.
Le grand sociologue américain contemporain, critique des fondements de notre culture libérale, Richard Sennett, défend la thèse que cet artifice qu’est l’homme flexible ne peut survivre biologiquement sur le long terme. Pour Sennett, les questions fondamentales qui s’adressent aujourd’hui à l’économie politique et à la science politique sont les suivantes : 1) dans quelle mesure peut-on permettre au système économique de plier, ployer et tordre littéralement l’homme, pour satisfaire ses besoins d’expansion ? ; 2) l’Etat a-t-il le droit de « donner aux hommes, à ses citoyens, cette flexibilité propre aux arbres, de façon à ce qu’ils ne se brisent pas, du moins en théorie, face aux coups permanents que lui assènent les changements imposés par la nouvelle économie néo-libérale et globaliste » ? Sennett ne voit pas du tout comment s’ouvriraient les portes de la liberté si les hommes deviennent flexibles comme le veut l’économie globalitaire. Bien au contraire : l’homme flexible ne sera ni libre ni plus libre mais basculera dans l’impuissance à maîtriser et gérer son destin. Dans un contexte existentiel, dominé par l’économique, on exige sans cesse de faire face à de la nouveauté et à des changements, ce qui rend impossibles les liens sur le long terme : « La profession, le lieu de résidence, la position sociale, la famille, tout est désormais soumis aux exigences hasardeuses de la vie économique ; la vie personnelle de l’individu soumis à de telles pressions apparaît comme une mosaïque éparse et sans cohérence, dépourvue de but et incompréhensible, insaisissable. Le résultat n’est donc pas un surcroît de liberté, mais un sentiment profond d’impuissance, d’isolement et de perte de sens », écrit Sennett.
L’économie à l’ère de la globalisation est marquée par le court terme. Ce court terme exige de l’homme flexible d’être toujours prêt à changer, si besoin s’en faut, de travail, de cadre de travail, d’emploi et de domicile. Ce court terme est contraire, dit Sennett, à l’essence de l’être humain, car la constitution ontologique et psychologique de l’homme repose sur la longue durée, sur la sécurité que celle-ci procure, sur la continuité de mêmes modèles. La thèse centrale de Sennett est dès lors la suivante : la « flexibilisation » du monde du travail détruit l’homme en ses fondements ontologiques : des valeurs comme la fidélité et la responsabilité perdent automatiquement leur sens et leur signification, en même temps que toute éthique du travail ; des vertus comme la faculté de renoncer à la satisfaction immédiate des besoins au profit d’objectifs sur le long terme, disparaît.
Remarquons que Sennett insiste toujours pour dire que la tradition politique de sa famille, du moins depuis ses grands parents, s’ancre dans les réseaux de la gauche américaine. En dépit des évolutions ou involutions des gauches aujourd’hui, notamment en Europe, Sennett demeure fidèle à des valeurs comme la fidélité, la loyauté, la confiance, l’esprit de décision et surtout à celles de la famille et de la communauté.
Richard Sennett est né en 1943 à Chicago. Il a passé sa jeunesse dans les quartiers pauvres de la ville. Après avoir obtenu son diplôme en 1964, Sennett a œuvré à Harvard, à Yale, à Rome et à Washington. Aujourd’hui, Sennett vit à Londres et enseigne la sociologie et l’histoire à la célèbre « London School of Economics ». Il a acquis la célébrité grâce à plusieurs ouvrages comme « La tyrannie de l’intimité », « L’homme flexible » et « La culture du nouveau capitalisme », tous traduits en allemand de 1986 à 2005.
Dans ses livres, ce sociologue désormais célèbre participe aux grands débats sur les effets de l’économie globale sur nos sociétés. Avec un courage étonnant, il défend des idées jugées totalement inactuelles, qui ont pourtant fait de ses livres des best-sellers à l’échelle planétaire et lui ont conféré une notoriété internationale. Sennett critique en effet les involutions de nos sociétés telles l’isolement progressif des individus, la perte de toute orientation dans la jungle sociale et l’impuissance de l’homme contemporain ; de même, il ne ménage pas ses critiques sur la superficialité et l’instabilité des relations interpersonnelles qui ne cessent de croître. Il défend des valeurs telles la fidélité, le sens du devoir, le sens du but à atteindre dans la vie et l’esprit de décision ; ce sont là toutes des valeurs qui postulent que l’homme conserve son caractère naturel qui lui permet d’envisager calmement la longue durée. Sennett perçoit bien la contradiction dans laquelle le « capitalisme de la flexibilité » plonge l’homme des temps présents : « Comment peut-on protéger les relations familiales contre ces comportements basés sur le court terme, contre cette rage de toujours tout remettre en question et surtout contre ce manque chronique de loyauté et de sens communautaire, qui caractérisent le monde actuel du travail ? ».
Le « visage caméléonique » de l’économie parie aujourd’hui sur les seules capacités de l’homme à s’adapter : dans ce cas, une valeur comme la loyauté peut devenir un piège et freiner l’adaptation exigée. Le monde du travail promeut la « force qui réside dans la faiblesse des liens sociaux » et « les formes éphémères » de communauté. « Si l’on transpose cela sur la famille, cela signifie, dans une société entièrement vouée à la flexibilité : reste en mouvement, ne te lie pas et ne fais aucun sacrifice ». Sennett estime qu’une telle évolution de nos sociétés est totalement erronée, constitue une menace pour le genre humain et nous interpelle en ce sens : « Comment peut-on viser des objectifs à long terme dans une société fixée exclusivement sur le court terme ? Comment pourra-t-on maintenir des liens sociaux sur la longue durée ? Comment un être humain dans une telle société, qui ne se compose plus que d’épisodes et de fragments épars et diffus, pourra-t-il opérer une synthèse de son existence, raconter en un récit cohérent son identité et sa vie personnelle ? ».
Sennett contre également l’opinion largement répandue qui veut que les Etats-Unis soient une « démocratie de consommateurs ». A rebours de cette idée toute faite, Sennett défend la thèse que les citoyens américains sont désormais complètement désorientés face aux différences réelles qui divisent leur société. Les Américains sont tellement obsédés par l’individualisme qu’ils considèrent, souvent inconsciemment, que les masses ne méritent aucun intérêt en tant qu’ensembles humains. Pour cette raison, il est important aux Etats-Unis de se poser comme détaché des masses ou des collectivités, de s’élever au-dessus d’elles : « Le besoin de statut s’exprime d’une manière très personnelle : on veut être respecté en tant qu’individu », écrit Sennett. D’après lui, les Américains veulent que l’on juge leur position dans la société selon leur race ou leur ascendance, ce qui remplace souvent la conscience de classe qui subsiste en Europe. Critiquant les évolutions de la société américaine actuelle, Sennett dénonce la polarisation entre riches et pauvres qui ne cesse de croître aux Etats-Unis, alors que la classe moyenne s’amenuise de plus en plus, ce qui génère un sentiment général d’angoisse, de désorientation, d’instabilité et d’insécurité qui touche de vastes strates de la population. Face à ces phénomènes inquiétants, prospère une petite caste de profiteurs de la flexibilité, se hissant au-dessus d’une énorme masse de perdants.
Pour Sennett, Bill Gates, fondateur de Microsoft, constitue l’exemple paradigmatique d’un « boss de l’économie flexible » : bien que les produits de Microsoft soient, d’après Sennett, de « qualité moyenne », ils débouchent très rapidement sur le marché, pour disparaître aussi vite. Sennett cite une phrase significative de Bill Gates, pour stigmatiser son attitude face au travail : « Au lieu de s’immobiliser soi-même dans un travail aux contours bien délimités, … on devrait au contraire se mouvoir dans un réseau de possibilités ». Cette volonté d’imposer une adaptabilité flexibiliste chez Bill Gates démontre surtout, selon Sennett, que le fondateur de Microsoft est prêt, si la situation l’exige, à détruire ce qu’il a créé. D’autres réflexions de Sennett méritent également le détour : notamment celles qui concernent les systèmes d’éducation dans les pays industriels. Ces systèmes d’éducation, d’enseignement et de formation produisent un surnombre de travailleurs hautement qualifiés. Ceci nous conduit aux problèmes du chômage et du sous-emploi, où les victimes de ces effets pervers sont confrontées en permanence à un sentiment d’inutilité sociale.
Les conclusions de Sennett sont claires : les sociétés, dont les ressortissants sont majoritairement désorientés et doivent faire face à un trop grand sentiment d’inutilité sociale, et au sein desquelles des valeurs comme la confiance, la fiabilité, la fidélité, la loyauté et le sens de la responsabilité sont minées, brocardées et éradiquées en toute conscience, risquent, sur le long terme, de mettre leur existence même en péril.
Brigitte SOB.
(article paru dans l’hebdomadaire viennois « zur Zeit », n°51-52/2007 ; traduction française : Robert Steuckers).
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Pour une volonté impériale !

Marcello DE ANGELIS :
Pour une volonté impériale !
Etre ou ne pas être : le dilemme d’Hamlet se pose à la jeunesse d’Europe
Quand Samuel Huntington, professeur à Harvard, a publié son célèbre livre, The Clash of Civilizations, aujourd’hui cité jusqu’à la nausée, il augurait l’avènement d’une nouvelle dimension conflictuelle dans le monde, suscitée cette fois par les origines culturelles, rassemblées dans des espaces organiques autocentrés de dimensions continentales, espaces opposés les uns aux autres ; dans cet affrontement planétaire à acteurs multiples, il réservait à l’Europe un rôle pour le moins ambigu. Il désignait notre continent comme la matrice de la « civilisation occidentale », admettait qu’il allait devenir une superpuissance économique et militaire. Mais au fil de son exposé, il finissait par répéter l’hypothèse que, dans le futur, l’Europe continuerait son petit bonhomme de chemin comme dans les années 50, au sein de ce que l’on appelle depuis lors le « monde occidental ». Il n’y aura pas, selon Huntington, deux agrégats indépendants et autonomes respectivement sur le continent nord-américain et en Europe. Cette thèse n’a guère préoccupé les esprits, elle est passée quasi inaperçue, la plupart des observateurs ont considéré que ce vice d’analyse dérive d’un effet d’inertie, propre de la culture américaine, qui s’est répercuté sur le cerveau de l’honorable professeur, par ailleurs excellent pour tous les brillants raisonnements qu’il produit.
Huntington mérite aussi nos éloges pour avoir eu tant d’intuitions, pour avoir prospecté l’histoire européenne , en feignant un à-peu-près qui découvre par « accident » les rythmes réels du monde, qui lui permettait de prédire que le destin de notre Europe n’était pas prévisible comme l’était celui des autres parties du monde. Certes, l’Europe pourra soit se muer en un bloc autocentré soit garder le corps de ce côté de l’Atlantique et le cerveau de l’autre. La question reste sans solution. Et si le livre de Huntington —comme le soulignent quelques esprits plus fins— n’était pas un simple essai académique mais plutôt un scénario à l’usage de l’établissement américain… Quoi qu’il en soit, l’établissement a très bien retenu la leçon de Huntington et a vite mis tout en œuvre pour agencer le monde selon ses intérêts économiques et géopolitiques.
Les deux concurrents les plus sérieux des Etats-Unis à l’échelle de la planète, selon la logique d’affrontement décrite par Huntington, devraient être l’Empire européen et un Califat islamique rené de ses cendres. L’Empire européen (potentiel), fort d’une culture spécifique et pluri-millénaire, humus indestructible d’une formidable mentalité, capable de disposer d’une technologie militaire de pointe, bénéficiant d’un marché intérieur supérieur à celui des Etats-Unis, aurait facilement marginalisé le colosse américain grâce à un partenariat quasiment obligatoire avec les pays limitrophes de l’Europe de l’Est et à un développement harmonieux des pays de la rive sud de la Méditerranée. De son côté, le monde islamique, qui peut plus difficilement engager un dialogue avec la civilisation américaine, décrite par quelques scolastiques musulmans comme le pire mal qui ait jamais frappé la planète et le contraire absolu de tout ce qui est « halal » (pur) ou « muslim » (obéissant à la loi de Dieu). Ce monde musulman connaît une formidable expansion démographique et détient la majorité des gisements de pétrole. Si l’Empire européen voit le jour, se consolide et s’affirme, il est fort probable que ce monde musulman change de partenaires commerciaux et abandonne les sociétés américaines. Le monde orthodoxe-slave-byzantin, handicapé par la totale dépendance de la Russie vis-à-vis de la Banque mondiale, connaît actuellement une terrible phase de recul.
Actuellement, les mages de la stratégie globale américaine semblent avoir trouvé une solution à tous les maux. D’un côté, ils favorisent la constitution d’un front islamique hétérogène, avec la Turquie pour fer de lance et l’Arabie Saoudite pour banque. Ce front en forme de « croissant » ( !) aura l’une de ses pointes au Kosovo, c’est-à-dire au cœur de l’Europe byzantine, et l’autre dans la république la plus orientale de l’Asie Centrale ex-soviétique : ainsi, toute éventuelle renaissance du pôle orthodoxe ou panslave sera prise dans un étau et le monde islamique sera coupé en deux. Pire, en ayant impliqué l’Union Européenne dans l’attaque contre la Serbie, les stratèges américains ont empoisonné tout dialogue futur en vue de créer une zone d’échange préférentiel entre cette Union Européenne et le grand marché oriental slave et orthodoxe. Or, ce marché est l’unique espoir de voir advenir un développement européen et de sortir l’Europe ex-soviétique du marasme actuel ; le passage de l’aide américaine à l’aide européenne aurait permis un saut qualitatif exceptionnel.
L’Europe se trouve donc dans l’impasse. Comment faire pour en sortir ? Mystère ! Une Europe forte économiquement, même bien armée, s’avère inutile si elle n’est pas libre et indépendante ; tout au plus peut-elle être le complément subsidiaire préféré d’une autre puissance. Toute Europe autonome et puissante est obligatoirement le principal concurrent des Etats-Unis tant sur le plan économique et commercial que sur le plan politique et diplomatique. Notre continent devra donc opérer ce choix crucial et historique : ou bien il restera ce volet oriental du Gros-Occident, niant de ce fait sa propre spécificité, diluant progressivement sa propre identité dans une sur-modernité qui la condamnera à demeurer terre de conflits et zone frontalière, limes face à l’Est et face à l’Islam pour protéger les intérêts et la survie d’une puissance impériale d’au-delà de l’océan ; ou, alors, l’Europe se réveillera et retrouvera une nouvelle dimension, qui est tout à la fois sa dimension la plus ancienne ; elle ramènera son cerveau en son centre et en son cœur, elle rompra les liens de subordination qui l’entravent et partira de l’avant, redevenant ainsi maîtresse de son destin.
Ce réveil est le juste choix. Mais est-il possible ? On ne peut malheureusement rien prédire aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, il reste en Europe une certaine volonté d’agir dans la liberté et l’indépendance.
Marcello de ANGELIS.
(article paru dans Area, juin 1999).
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vendredi, 18 janvier 2008
Le discours de Peter Sloterdijk à Elmau

Baal MÜLLER:
Une controverse philosophique qui secoue l’Allemagne : le discours de Peter Sloterdijk à Elmau
« Regeln für den Menschenpark » ou « Règle pour le cheptel humain », tel est le titre d’un discours récent du philosophe Peter Sloterdijk. Il a suscité un tollé chez les pleureuses classiques et chez les moralistes auto-proclamés de l’établissement philosophique allemand, qui ont évidemment crié au fascisme. On connaît depuis longtemps l’éthique ( ?) qui sous-tend le discours et le niveau intellectuel ( ?) de ces messieurs-dames et de leurs relais dans les médias. Il faut ajouter que Sloterdijk lui-même avait prévenu ses lecteurs des caquetages et vociférations qu’allaient pousser ces nouvelles oies du Capitole. Il avait préparé ses réponses.
Quoi qu’il en soit, leurs jacassements bruyants et leurs battements d’aile ne suffisent plus, désormais, à clouer le bec et à chasser des médias ceux qui, de temps à autre, ont vraiment quelque chose à dire. Donc, dans l’avenir, quand on évoquera encore le discours tenu en juillet dernier par Sloterdijk à Elmau en Bavière, on ne le fera pas pour contrer les piaillements et jacassements des habituels professeurs de morale, mais pour plonger au cœur de la problématique philosophique qu’il a soulevée.
Déjà, le titre donné par Sloterdijk à son discours est quelque peu trompeur, car il ne nous donne aucune règle à suivre dans le corps de son texte, des règles d’après lesquelles il faudrait organiser le vivre-en-commun de l’humanité. Son objet premier n’est nullement la manipulation du génome humain ; il n’en parle que dans le dernier quart de son allocution. Ensuite, il ne se fait pas du tout le chantre d’un programme de sélection « fasciste » visant à générer un « surhomme », comme croient l’avoir lu quelques-uns de ses adversaires.
Commentaire actuel de la « Lettre sur l’humanisme » de Martin Heidegger
Le discours de Sloterdijk traite de la fonction historique et de l’échec apparent, aujourd’hui, de l’humanisme occidental. Le sous-titre, « Une réponse à la Lettre sur l’humanisme », nous semble plus clair pour préciser son propos. D’une part, il prend position sur la « Lettre sur l’humanisme » que Heidegger avait écrite à Jean Baufret en 1946. Dans ce célèbre écrit, le philosophe de la Forêt Noire constatait l’échec de l’ancien humanisme et énonçait les conditions requises pour le déploiement d’un nouvel humanisme. D’autre part, il prépare ses auditeurs et lecteurs à la métaphore directrice qui traverse l’ensemble de son texte : c’est-à-dire l’idée que les productions de notre tradition culturelle humaniste sont en quelque sorte des lettres, qui, jadis, ont été envoyées à des destinataires inconnus. La connaissance de la teneur de ces « lettres », que chaque génération des castes dirigeantes était appelée à lire, a donné naissance à cette humaniste « république des savants ». La formation progressive des Etats nationaux repose, pour l’essentiel, sur la canonisation de tels textes, visant la production d’un consensus sur ce qui devait être tenu pour important et sur ce qu’il fallait transmettre en priorité aux futures générations, afin de créer une base culturelle pour l’identité nationale : « Outre les auteurs antiques, communs à toute l’Europe, on commence à mobiliser dans cette optique les classiques nationaux et modernes, dont les lettres au public deviennent, via les marchés de livres et les hautes écoles, des leitmotive efficaces dans la création des nations ».
L’utilisation par Sloterdijk du concept de “mobilisation” signale que le processus n’a pas été exempt de certaines contraintes. Certes, les livres sont, d’après Jean-Paul, des lettres simplement plus épaisses que les autres que l’on adresse à des amis encore inconnus ; quant au paradigme de l’amitié, il a été très important pour l’humanisme. Néanmoins, en dépit de ce culte de l’amitié, cette domestication culturelle des peuples est, selon Sloterdijk, quelque peu violente. Les peuples sont organisés comme des « associations d’amitié forcée totalement alphabétisées », qui, « au temps de l’humanité qui est en armes et qui lit ». On proclame simultanément le « service militaire obligatoire » et la « lecture obligatoire des classiques ». Outre cette fondation de l’identité, cette pédagogie a poursuivi un autre but : « L’humanisme en tant que parole et en tant que chose pose toujours une adversité, car il est un engagement qui veut ramener l’homme hors de la barbarie ».
La culture des livres est désormais insuffisante
L’humanisme antique et aussi et surtout les diverses tentatives modernes de forcer sa renaissance sont, pour Sloterdijk, des concepts éducateurs dirigés contre les influences “bestialisantes” et “déchaînantes” des amphithéâtres et des films d’action sanglante, des combats de gladiateurs et des video-clips violents. Pourtant, ce concept éducateur connaît aujourd’hui l’échec. La culture livresque traditionnelle ne peut plus opposer une force suffisamment intégrante et domesticatrice face aux mass-médias et à leur puissance centrifuge : raison pour laquelle, il faut faire des efforts d’un genre nouveau.
La seconde partie du discours de Sloterdijk à Elmau consiste en une réflexion sur le concept heideggerien d’humanisme et conclut que la vision humaniste de l’homme, en tant qu’ anima rationale, est en réalité passée à côté de l’essence spécifique de l’homme ; dès lors, la pédagogie humaniste ne peut plus empêcher l’homme de retomber dans la bestialité et, pire, l’humanisme, quand il dégénère au niveau d’une idéologie à l’emporte-pièce, promeut cette (re)chute de l’homme dans la bestialité.
Sloterdijk, à l’instar de Heidegger, considère que l’homme, est, de par sa constitution, « Lichtung des Seins » (= « Clairière de l’Etre »), ou, pour simplifier, l’homme est le seul être qui peut déployer un rapport de compréhension vis-à-vis du monde, indépendamment de toute formation humaniste. A la différence de Heidegger, pour qui les théories biologiques ou anthropologiques énoncées sur l’homme passent à côté de l’existentialité propre de celui-ci, Sloterdijk croit, en se référant à Platon dans la troisième partie de son discours d’Elmau, à la “pondération” voire à la “circonspection” humaine, qui permet à l’homme, malgré ses origines animales, de se considérer comme le résultat d’une évolution biologique.
Comme « l’éducation, le dressage et l’apaisement de l’homme ne peut à aucun moment s’effectuer par les seuls signes écrits », Sloterdijk soulève la question : l’homme peut-il s’auto-domestiquer via la génétique ? Donc Sloterdijk se place exclusivement dans la perspective de protéger l’homme de lui-même et ne veut nullement fabriquer et dresser des surhommes ; dans cette optique, et dans cette optique seulement, il se demande si, dans l’avenir, il ne serait pas possible de développer une « anthropotechnique » qui optimiserait l’héritage génétique de l’homme ; quoi qu’il en soit, les possibilités scientifiques de le faire existent déjà.
Sloterdijk n’est pas toujours convaincant
On peut penser ce que l’on veut de cette question, mais il me semble qu’il faut en débattre, car cela a du sens et vaut mieux que les sempiternelles rengaines des moralistes et catéchistes habituels. Pour ma part, les assertions de Sloterdijk, prises isolément, ne sont pas toujours convaincantes. Réduire l’humanisme à une lecture des classiques, par exemple, ne m’apparaît pas très sérieux. Ensuite, dire que la pédagogie comme mise en forme et comme instrument du dressage et de la domestication a un statut d’exclusivité, me paraît erroné. Pourquoi diable tous les auteurs “humanistes” n’auraient-ils eu que cela en tête, tandis que seul Heidegger ou Nietzsche se seraient placés en dehors ou au-delà de la tradition humaniste ? Quant à la distinction, opérée par Sloterdijk, entre médias « éducatifs » et médias « déchaînants » me semble par trop schématique, tout comme l’affirmation de ceux qui prétendent par ailleurs que la culture livresque est dépassée tandis que les moyens de communication nouveaux sont l’avenir.
Enfin, on peut mette une autre idée de Sloterdijk en doute : l’éducation de l’homme est-elle vraiment le produit d’une « anthropo-technologie » ? N’est-elle pas plutôt une tâche d’ordre culturel ? On peut dire que certaines caractéristiques humaines souhaitées par la société ne peuvent s’obtenir par des interventions dans l’héritage génétique, car le caractère de l’homme n’est pas l’addition accumulée d’éléments isolés, déterminables génétiquement, mais résulte de l’interaction complexe et imprévisible de facteurs endogènes et exogènes. La plupart des spécificités de l’homme, prises isolément, ne sont en fin de compte ni bonnes ni mauvaises. Au contraire, le contexte de leur substrat génétique, pris dans son ensemble, de même que le déploiement socio-culturel de ce substrat, font en sorte qu’une potentialité caractéristique, d’abord indifférente, se manifeste ultérieurement tantôt comme « conscience de soi » tantôt comme « égoïsme », tantôt comme « adaptabilité » tantôt comme « opportunisme ».
Une réflexion sur la question est nécessaire
Indépendamment du jugement que l’on peut poser sur toute utopie fondée sur les technologies génétiques, sur leur « faisabilité » réelle, sur leur désirabilité ou sur leurs impacts sur les conceptions morales de la société —par exemple nous aurions rapidement de nouvelles interprétations des notions de « prestation » et de « destin »— il nous semble qu’opérer une réflexion, aujourd’hui, sur cette problématique, est nécessaire et légitime. Il nous paraît en revanche totalement aberrant de rejeter ce débat a priori, avec la délicatesse d’un coup de gourdin, et de le réduire à une confrontation entre fascisme et anti-fascisme. Ce ne serait pas une attitude responsable devant la thématique des technologies génétiques. Au contraire, en réduisant le débat à de vulgaires joutes idéologisées et politisées, on laisse le champ libre à toute utilisation irresponsable des technologies génétiques. Il est vrai que la réflexion éthique suit, en clopinant, la technologie nouvelle et ne peut jamais en arrêter le développement ou la prolifération. La seule consolation qui reste, aujourd’hui, à l’éthique, c’est de pouvoir légèrement piloter le déploiement de cette technologie dans la société et d’influencer la conscience de ceux qui l’utilisent. Mais vouloir empêcher avec la véhémence habituelle le débat sur les technologies génétiques est une attitude qui doit être combattue inconditionnellement, surtout si une telle tentative émane des vertueux auto-proclamés qui prétendent incarner la « théorie critique » pour masquer leur autoritarisme patriarcal et entendent fouiner inquisitorialement dans le cerveau de leurs concitoyens.
Baal MÜLLER.
(article paru dans Junge Freiheit, n°39/1999).
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jeudi, 17 janvier 2008
Hommage à Adriano Romualdi

Hommage à Adriano Romualdi
Introduction à la vie et l’œuvre du penseur traditionaliste et révolutionnaire italien
Enrique MONSONIS - article paru dans « Tierra y Pueblo », n°9 de juillet 2005
(Traduit et diffusé par Synergies Européennes, Bruxelles - Barcelone, janvier 2006)
Au mois d’août 2005, il y a eu trente-deux ans que disparaissait ce jeune intellectuel, écrivain et essayiste italien, que fut Adriano Romualdi. L’année de sa naissance, la majeure partie du territoire de son Italie natale avait été envahie par les troupes américaines, provoquant la chute du régime fasciste au pouvoir depuis 1922. Les fidèles de ce régime avaient créé, dans les territoires du Nord, une « République Sociale Italienne » (RSI) qui s’était placée sous l’autorité de Benito Mussolini. Le père d’Adriano, Pino Romualdi, fut l’un de ses Italiens qui participeront à l’expérience sociale fasciste de la RSI. Ensuite, après la défaite de 1945, Pino Romualdi n’économisera pas ses efforts pour créer de multiples organisations qui poursuivront, à travers les structures participatives du nouveau système imposé par les Alliés occidentaux -et parfois en dehors d’elles- le militantisme et l’idéal social-révolutionnaire né au sein du fascisme. Pour être concret, Pino Romualdi fut le vice-secrétaire du parti néo-fasciste parlementaire, le « Mouvement Social Italien » ou MSI, ainsi que le directeur du quotidien le plus proche de ce mouvement, « Il Secolo d’Italia ».
Adriano décida de suivre l’exemple paternel, mais en développant des idées qui lui étaient propres. Dès son jeune âge, il a prouvé qu’il portait dans son sang ce qui était écrit dans les livres et les périodiques de combat. Adriano lançait des débats, lorsqu’il était étudiant et fréquentait les organisations étudiantes de son époque, notamment la FUAN, soit la section universitaire du MSI. Il s’y est distingué dès sa vingtième année par un écrit magnifique sur Platon et par une collaboration à un ouvrage collectif sur Drieu la Rochelle et le mythe européen. Dès les premiers mois de son activisme intellectuel et politique, il manifesta son intention de dépasser les vieux partis fascistes et étatistes ancrés dans un nationalisme vieillot et dans des conservatismes stériles, tout en misant toujours sur la nécessité d’avoir un parti parlementaire fort.
Il obtint par la suite le titre de professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Palerme. Il devint ainsi une figure de premier plan dans la mouvance identitaire, tout en continuant à se distinguer dans la lutte politique, en demeurant actif dans les rangs du MSI. Comme le signalent très bien les introductions publiées dans la traduction espagnole de son étude historique sur les Indo-Européens, sur leurs origines et leurs migrations : « dans ses projets théoriques et pratiques et sur le terrain politique, on a pu voir poindre un génie, très éloigné des nostalgies et des passions sentimentales, qui regardait la réalité du haut des cimes que n’atteignent que les plus grands ; son programme est celui d’un Dorien, d’un Aryen ; on ne retrouve dans ce livre rien des chants du passé -tâche très difficile à parfaire dans l’Italie des années 60 et 70- rien non plus des nostalgies superflues, mais ce retrait intellectuel n’impliquait nullement de transiger sur le plan des vraies valeurs, dans la défense de la vérité et dans la dénonciation des manœuvres des ennemis de l’Europe ; Adriano Romualdi combattait pour donner à son mouvement les armes adéquates et efficaces qui lui manquaient, dont, notamment, un parti capable d’exercer une influence sur la société et de gagner des bribes de pouvoir réel ; pour lui, c’était là la seule manière efficace et réaliste de faire front face aux forces contraires, dotées d’organisations efficaces de même nature ».
Adriano Romualdi a consacré sa courte vie à appuyer, par ses écrits et son travail, la création d’un courant de pensée politique et culturel alternatif, identitaire et européiste en mesure de dépasser les patriotismes et les nationalismes étatiques, myopes, à courtes vues et, surtout, dépourvus de signification politique après 1945. En témoignent ses textes, son activisme intellectuel d’inspiration évolienne et son activité dans les rangs du MSI, dont il fut toujours membre et militant, et sa participation à toutes les publications et initiatives culturelles de ce que l’on appelait alors la « destra radicale », ou la « droite radicale ».
Il rédigea ainsi des introductions aux œuvres de Julius Evola, puis consacra à celui-ci, qu’il connaissait bien, un ouvrage visant à le faire connaître et à aider les plus jeunes à comprendre le sens de ses œuvres ; ce fut « Julius Evola, l’uomo e l’opera » (« Julius Evola, l’homme et l’œuvre »), écrit en 1968, toujours considéré comme l’un des meilleurs essais sur l’activité et les œuvres du penseur traditionaliste romain. De même, Adriano Romualdi rédigea des introductions aux éditions italiennes des livres du professeur allemand H. F. K. Günther, tels « Humanitas » et « Frömmigkeit nordischer Artung » (en franç. : « Religiosité indo-européenne »). Ce dernier ouvrage servit de base à l’un des plus importants livres de Romualdi lui-même, titré, en italien, « Gli Indoeuropei », soit « Les Indo-Européens ». Il parut après sa mort, à Padoue, en 1978. Il se plaçait dans le sillage du grand « indo-européiste » italien Giacomo Devoto, et s’en montrait digne, car ce dernier apprécia le livre du jeune Romuladi et en fit l’éloge. Evola aussi montra son enthousiasme pour ce livre et ajouta : « le vieux monde indo-européen exerce sur Romualdi une attraction forte car, en tant que tel, ce monde se reconnaît comme une forme particulière ».
Dans ce livre consacré aux Indo-Européens, Romualdi rassemble et résume les recherches qu’il a entreprises sur base de travaux antérieurs, réalisés par des spécialistes tels Specht, Meyer, Schulz, Antoniewicz, Günther, Krahé ou Thieme. Leurs travaux portaient sur les disciplines de l’archéologie, de l’histoire et de la philologie. A la suite de cette recherche scientifique, Romualdi publie en 1973, l’année de sa mort, « Sull’ problema de una tradizione europea » (« Sur le problème d’une tradition européenne »). Ce texte, selon le préfacier de l’édition espagnole, Olegario de las Eras, « synthétise l’itinéraire spirituel de l’Europe et sa volonté de combattre, de résister, expose tout ce qu’il considère comme étant le propre des principes spirituels et des valeurs éthiques qui ont donné forme aux cycles traditionnels qui fondirent les racines de l’Europe lors de la préhistoire indo-européenne. Je partage évidemment le point de vue d’Olegario de la Eras qui ajoute sa touche personnelle en disant : « il n’est pas facile de trouver des textes aussi limpides que celui de cet essai de Romualdi ».
De nombreux articles, préfaces, commentaires, introductions et essais, dont la plupart sont inconnus dans les mondes hispanophone (et francophone), attestent de l’importance que revêt, aujourd’hui encore, la vie militante, trop brève mais si fructueuse, d’Adriano Romualdi, disparu tragiquement, une nuit du mois d’août 1973. Un malheureux concours de circonstances, en apparence fortuites, provoqua sa mort : une voiture venant en sens inverse, la fuite de son conducteur, la voiture de Romualdi complètement démolie et précipitée dans le fossé contigu, sans que personne ne pouvait apercevoir traces de l’accident pendant plusieurs heures consécutives, le retard des services de secours. Ces circonstances malheureuses mirent fin à la vie très fertile du jeune professeur italien. Il n’avait que trente ans, son avenir semblait si prometteur, tant dans le monde universitaire que dans l’univers du militantisme politique.
Selon Julius Evola, qui l’avait bien connu, la mouvance identitaire perdit cette nuit-là « un de ses représentants les mieux qualifiés ». D’après le penseur traditionaliste romain, Romualdi « comprenait parfaitement ce que nous entendons par ‘monde de la Tradition’ et savait que c’était de ce monde-là qu’il fallait extraire les fondamentaux pour déployer une politique culturelle sérieuse pour la ‘Destra’ ». Admirateur de Nietzsche, Adriano Romualdi affirmait la prépondérance des valeurs aristocratiques, guerrières et héroïques. Pour cette raison, il était plutôt attiré par l’idée et la forme d’un « Ordre », animé par un esprit de type templier ou par une mentalité comme celle de la Prusse frédéricienne, voire par d’autres formes résiduaires de cet esprit dans des temps moins reculés. Romualdi s’était également penché sur les prémisses de l’idée romaine, celle qu’incarnaient Caton et les consuls, où prédominaient les notions de « ius » et de « fas », ce qui lui faisait dire, sans hésiter, que cette Rome-là fut la Prusse de l’antiquité. Les matériaux rassemblés par Romualdi, avec tout le sérieux scientifique qui fut son propre, avec la persévérance qui fut l’une de ses vertus, auraient pu, plus rapidement, servir de base à des essais plus vastes. Son admission dans le corps académique de l’Université de Palerme, sa nomination définitive au titre de professeur, lui offraient une tribune lui permettant d’influencer davantage les esprits de son époque, avec la possibilité de donner une formation spirituelle à beaucoup de jeunes.
Tout cela souligne à l’évidence l’importance du travail et des activités d’Adriano Romualdi, ainsi que la tragédie que constitue, pour la mouvance identitaire, sa disparition si précoce.
Ses vastes connaissances, la clarté de ses idées, la beauté de son écriture ont fait de lui un écrivain, un chercheur et un essayiste digne d’être lu, encore aujourd’hui, et, surtout, qui mériterait d’être davantage compris en des temps comme les nôtres. Trente-deux ans après sa mort tragique, son œuvre continue d’être pleinement accessible, intéressante et primordiale.
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mercredi, 16 janvier 2008
H. Arendt: l'âge sombre, le paria et le parvenu

Hannah Arendt : l'âge sombre, le paria et le parvenu
par Robert Steuckers
Dans un volume publié par le centre d’études juives « Alte Synagoge », Agnes Heller se penche sur la vision du monde et des hommes qu’a développée Hannah Arendt, au cours de sa longue et mouvementée quête de philosophe. Cette vision évoque tout à la fois un âge sombre (« finster ») et un âge de Lumière, mais les périodes sombres sont plus fréquentes et plus durables que les périodes de Lumière, qui sont, elles, éphémères, marquées par la fulgurance de l’instant et la force de l’intensité. Les périodes sombres, dont la modernité, sont celles où l’homme ne peut plus agir politiquement, ne peut plus façonner la réalité politique : Hannah Arendt se montre là disciple de Hegel, pour qui le zoon politikon grec était justement l’homme qui s’était hissé au-dessus de la banalité existentielle du vécu pré-urbain pour accéder à l’ère lumineuse des cités antiques. Urbaine et non ruraliste (au contraire de Heidegger), Hannah Arendt conçoit l’oikos primordial (la Heimat ou la glèbe/Die Scholle) comme une zone anté-historique d’obscurité tandis que la ville ou la cité est lumière parce qu’elle permet une action politique, permet le plongeon dans l’histoire. Pour cette raison, le totalitarisme est assombrissement total, car il empêche l’accès des citoyens/des hommes à l’agora de la Cité qui est Lumière. L’action politique, tension des hommes vers la Lumière, exige effort, décision, responsabilité, courage, mais la Lumière dans sa plénitude ne survient qu’au moment furtif mais très intense de la libération, moment toujours imprévisible et éphémère. Agnes Heller signale que la philosophie politique de Hannah Arendt réside tout entière dans son ouvrage Vita activa ; Hannah Arendt y perçoit l’histoire, à l’instar d’Alfred Schuler (cf. Robert Steuckers, « Le visionnaire Alfred Schuler (1865-1923), inspirateur du Cercle de Stefan George », in Vouloir n°8/AS :134/136, 1996), comme un long processus de dépérissement des forces vitales et d’assombrissement ; Walter Benjamin, à la suite de Schuler qu’il avait entendu quelques fois à Munich, parlait d’un « déclin de l’aura ». Hannah Arendt est très clairement tributaire, ici, et via Benjamin, des Cosmiques de Schwabing (le quartier de la bohème littéraire de Munich de 1885 à 1919), dont l’impulseur le plus original fut sans conteste Alfred Schuler. Agnes Heller ne signale pas cette filiation, mais explicite très bien la démarche de Hannah Arendt.
L’histoire : un long processus d’assombrissement
L’histoire, depuis les Cités grecques et depuis Rome, est donc un processus continu d’assombrissement. Les cités antiques laissaient à leurs citoyens un vaste espace de liberté pour leur action politique. Depuis lors, depuis l’époque d’Eschyle, ce champ n’a cessé de se restreindre. La liberté d’action a fait place au travail (à la production, à la fabrication sérielle d’objets). Notre époque des jobs, des boulots, du salariat infécond est donc une époque d’assombrissement total pour Hannah Arendt. Son pessimisme ne relève pas de l’idéologie des Lumières ni de la tradition messianique. L’histoire n’est pas, chez Hannah Arendt, progrès mais régression unilinéaire et déclin. La plénitude de la Lumière ne reviendra pas, sauf en quelques instants surprises, inattendus. Ces moments lumineux de libération impliquent un « retournement » (Umkehr) et un « retour » bref à cette fusion originelle de l’action et de la pensée, incarnée par le politique, qui ne se déploie qu’en toute clarté et toute luminosité. Mais dans cette succession ininterrompue de périodes sombres, inintéressantes et inauthentiques, triviales, la pensée agit, se prépare aux rares irruptions de lumière, est quasiment le seul travail préparatoire possible qui permettra la réception de la lumière. Seuls ceux qui pensent se rendent compte de cet assombrissement. Ceux qui ne pensent pas participent, renforcent ou accélèrent l’assombrissement et l’acceptent comme fait accompli. Mais toute forme de pensée n’est pas préparation à la réception de la Lumière. Une pensée obnubilée par la vérité toute faite ou recherchant fébrilement à accumuler du savoir participe aussi au processus d’assombrissement. Le totalitarisme repose et sur cette non-pensée et sur cette pensée accumulante et obsessionnellement « véritiste ».
L’homme ou la femme, pendant un âge sombre, peuvent se profiler sur le plan culturel, comme Rahel Varnhagen, femme de lettres et d’art dans la communauté israélite de Berlin, ou sur le plan historique, comme Benjamin Disraeli, qui a forgé l’empire britannique, écrit Hannah Arendt. Mais, dans un tel contexte de « sombritude », quel est le sort de l’homme et de la femme dans sa propre communauté juive ? Il ou elle s’assimile. Mais cette assimilation est assimilation à la « sombritude ». Les assimilés en souffrent davantage que les non-assimilés. Dans ce processus d’assimilisation-assombrissement, deux figures idéaltypiques apparaissent dans l’œuvre de Hannah Arendt : le paria et le parvenu, deux pistes proposées à suivre pour le Juif en voie d’assimilation à l’ère sombre. A ce propos, Agnes Heller écrit : « Le paria émet d’interminables réflexions et interprète le monde en noir ; il s’isole. Par ailleurs, le parvenu cesse de réfléchir, car il ne pense pas ce qu’il fait ; au lieu de cela, il tente de fusionner avec la masse. La première de ces attitudes est authentique, mais impuissante ; la seconde n’est pas authentique, mais puissante. Mais aucune de ces deux attitudes n’est féconde ».
Ni paria ni parvenu
Dès lors, si on ne veut être ni paria (p. ex. dans la bohème littéraire ou artistique) ni parvenu (dans le monde inauthentique des jobs et des boulots), y a-t-il une troisième option ? « Oui », répond Hannah Arendt. Il faut, dit-elle, construire sa propre personnalité, la façonner dans l’originalité, l’imposer en dépit des conformismes et des routines. Ainsi, Rahel Varnhagen a exprimé sa personnalité en organisant un salon littéraire et artistique très original où se côtoyaient des talents et des individualités exceptionnelles. Pour sa part, Benjamin Disraeli a réalisé une œuvre politique selon les règles d’une mise en scène théâtrale. Enfin, Rosa Luxemburg, dont Hannah Arendt dit ne pas partager les opinions politiques si ce n’est un intérêt pour la démocratie directe, a, elle aussi, représenté une réelle authenticité, car elle est restée fidèle à ses options, a toujours refusé compromissions, corruptions et démissions, ne s’est jamais adaptée aux circonstances, est restée en marge de la « sombritude » routinière, comme sa judéité d’Europe orientale était déjà d’emblée marginale dans les réalités allemandes, y compris dans la diaspora germanisée. L’esthétique de Rahel Varnhagen, le travail politique de Disraeli, la radicalité sans compromission de Rosa Luxemburg, qu’ils aient été succès ou échec, constituent autant de refus de la non-pensée, de la capitulation devant l’assombrissement général du monde, autant de volontés de laisser une trace de soi dans le monde. Hannah Arendt méprisait la recherche du succès à tout prix, tout autant que la capitulation trop rapide devant les combats qu’exige la vie. Ni le geste du paria ni la suffisance du parvenu…
S’élire soi-même
Agnes Heller écrit : « Paria ou parvenu : tels sont les choix pertinents possibles dans la société pour les Juifs émancipés au temps de l’assimilation. Hannah Arendt indique que ces Juifs avaient une troisième option, l’option que Rahel Varnhagen et Disraeli ont prise : s’élire soi-même. Le temps de l’émancipation juive était le temps où a démarré la modernité. Nous vivons aujourd’hui dans une ère moderne (postmoderne), dans une société de masse, dans un monde que Hannah Arendt décrivait comme un monde de détenteurs de jobs ou un monde du labeur. Mais l’ASSIMILATION n’est-elle pas devenue une tendance sociale générale ? Après la dissolution des classes (…), après la tendance inexorable vers l’universalisation de l’ordre social moderne, qui a pris de l’ampleur au cours de ces dernières décennies, n’est-il pas vrai que tous, que chaque personne ou chaque groupe de personnes, doit s’assimiler ? N’y a –t-il pas d’autres choix sociaux pertinents pour les individus que d’être soit paria soit parvenu ? S’insérer dans un monde sans se demander pourquoi ? Pour connaître le succès, pour obtenir des revenus, pour atteindre le bien-être, pour être reconnu comme « modernes » entre les nations et les peuples, la recette n’est-elle pas de prendre l’attitude du parvenu, ce que réclame la modernité aujourd’hui ? Quant à l’attitude qui consiste à refuser l’assimilation, tout en se soûlant de rêves et d’activismes fondamentalistes ou en grognant dans son coin contre la marche de ce monde (moderne) qui ne respecte par nos talents et où nous n’aboutissons à rien, n’est-ce pas l’attitude du paria ? ».
Nous devons tous nous assimiler…
Si les Juifs en voie d’assimilation au XIXième siècle ont été confrontés à ce dilemme —vais-je opter pour la voie du paria ou pour la voie du parvenu ?— aujourd’hui tous les hommes, indépendamment de leur ethnie ou de leur religion sont face à la même problématique : se noyer dans le flux de la modernité ou se marginaliser. Hannah Arendt, en proposant les portraits de Rahel Varnhagen, Benjamin Disraeli ou Rosa Luxemburg, opte pour le « Deviens ce que tu es ! » de nietzschéenne mémoire. Les figures, que Hannah Arendt met en exergue, refusent de choisir l’un ou l’autre des modèles que propose (et impose subrepticement) la modernité. Ils choisissent d’être eux-mêmes, ce qui exige d’eux une forte détermination (Entschlossenheit). Ces hommes et ces femmes restent fidèles à leur option première, une option qu’ils ont librement choisie et déterminée. Mais ils ne tournent pas le dos au monde (le paria !) et n’acceptent pas les carrières dites « normales » (le parvenu !). Ils refusent d’appartenir à une école, à un « isme » (comme Hannah Arendt, par exemple, ne se fera jamais « féministe »). En indiquant cette voie, Hannah Arendt reconnaît sa dette envers son maître Heidegger, et l’exprime dans sa laudatio, prononcée pour le 80ième anniversaire du philosophe de la Forêt Noire. Heidegger, dit-elle, n’a jamais eu d’école (à sa dévotion) et n’a jamais été le gourou d’un « isme ». Ce dégagement des meilleurs hors de la cangue des ismes permet de maintenir, en jachère ou sous le boisseau, la « Lumière de la liberté ».
Robert STEUCKERS.
Agnes HELLER, « Eine Frau in finsteren Zeiten », in Studienreihe der ALTEN SYNAGOGE, Band 5, Hannah Arendt. « Lebensgeschichte einer deutschen Jüdin », Klartext Verlag, Essen, 1995-96, ISBN 3-88474-374-0, DM 19,80, 127 pages.
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mardi, 15 janvier 2008
Festschrift für Günther Rohrmoser

Dennoch!
Eine bemerkenswerte Festschrift für Günter Rohrmoser
Das Fach Politische Philosophie ist so “umstritten” wie die meisten seiner Vertreter. Günter Rohrmoser hat nichts getan, um diesen Ruf zu verändern. Er ist ständig gegen den “Mainstream” geschwommen und hat sich bei den politischen Parteien, die er vielfach und maßgeblich beriet, mit seinen schonungslosen Analysen nicht immer beliebt gemacht. Umso mehr erstaunt es, in der zu seinem 80. Geburtstag herausgegebenen Festschrift Kardinäle, Bischöfe, Ministerpräsidenten, bekannte Politiker, hohe Militärs, Publizisten und natürlich eine Reihe von namhaften Wissenschaftlern aus so verschiedenen Disziplinen wie Theologie, Philosophie, Geschichte, Literatur, Soziologie, Ethik, Jurisprudenz, Nationalökonomie, Pädagogik und Naturwissenschaften zu finden. Um nur einige Namen ohne Titel zu nennen: Meisner, Mixa, Löwe, Filbinger, Beckstein, Jenninger, Biedenkopf, Rommel, Dohnanyi, Bahro, Schabowski, Buttiligone, Bartoszewski, Daschitschew, Frenkin, Biser, Spaemann, Pannenberg, Marquard, Lübbe, Nolte, Fetscher, Schrenck-Notzing, Wolffsohn. Sie alle vereint der Respekt vor einem Gelehrten, der mit ganz außerordentlicher Überzeugungskraft für die unverzichtbare Verankerung der Politik in der Religion eingetreten ist. Politik ohne Religion mündet in Dekadenz, Lockerung der “Ligaturen” und schließlich Auflösung und Untergang. Für Rohrmoser war es selbverständlich, dass wir doch zumindestens seit Auschwitz begriffen haben sollten, dass Politik nicht mehr möglich ist ohne Ethik; Ethik aber der philosophischen Begründung bedarf; die Aporetik der Philosophie aber nicht zu überwinden ist ohne Religion. Diese Einsicht in die Korrespondenz von Religion, Philosophie, Ethik und Politik verbindet die einzelnen Beiträge, die die Festschrift nicht nur zu einer lehrreichen, sondern zu einer geradezu aufregenden Lektüre machen.
Friedrich Romig
Philipp Jenninger/Rolf W. Peter/Harald Seubert (Hrsg.): Tamen! Gegen den Strom. Günter Rohrmoser zum 80. Geburtstag. 640 Seiten. Geb. Dr. Neinhaus-Verlag, Stuttgart 2007. ISBN 978-3-87575-027-6. EURO 38,-
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Evola: sexe et liberté

Relire Julius Evola: Sexe et liberté
Même sans les révélations du docteur Freud, nous avions déjà compris que le sexe est le moteur qui fait tourner le monde (dans tous les sens). Sans devoir citer Eve ou Hélène de Troie, les Anciens savaient que, devant la puissance d'Eros, même les dieux s'inclinaient. Aujourd'hui à l'approche d'un nouveau millénaire, nul ne peut nier que le sexe est au centre de l'attention du monde entier, et surtout du monde occidental, et que les médias continuent à nourrir l'humanité, qui voit, lit et écoute, de toutes ses variantes aussi nombreuses que fantaisistes.
Tirons-nous des avantages de ce pandémonium sexuel ? On ne le dirait pas: il suffit de regarder autour de soi. L'augmentation de l'érotisme vulgarisé par les médias a pour effet une nette diminution du désir. Ce fait inquiétant n'est pas mis en exergue seulement par les psychologues, sexologues et sociologues mais surtout par les intéressés eux-mêmes, ceux qui, avec un euphémisme certain, s'auto-définissent comme des partenaires, et qui font presque toujours partie de la gent féminine. Fini, hélas, l'amant passionné. Et ce n'est pas tout: souvent l'ex-sexe fort préfère se satisfaire ailleurs. Voilà donc la grande prolifération de viados, de trans, des ni-hommes-ni femmes. C'est le triomphe de l'ambiguïté qui, bien sûr, ne peut être comparée à la mythique fascination de l'androgyne divin...
Force est de constater que, tandis que le siècle s'éteint, s'éteint aussi la pensée faible et même le sexe faible, entendu non pas comme sexe féminin mais comme sexe affaibli, masculin ou féminin, affaibli dans son essence la plus profonde. On préfère les déviations, les pathologies, et on assiste à l'incroyable augmentation de la pédophilie, du masochisme et du sadisme. La normalité fait figure d'exception. Peut-être est-elle devenue ennuyante ou tout simplement banale, voire galvaudée. On ne peut plus qu'avancer une hypothèse: depuis que le mélange des fonctions et des rôles masculins et féminins est considéré comme une conquête, depuis qu'on se croit émancipés, à la page, au diapason avec les temps, si une femme fait tout pour être l'égale de l'homme (et vice-versa), du coup la normalité passe au second plan, et, de fil en aiguille, on en arrive à cette baisse du désir dont aujourd'hui beaucoup (pour ne pas dire tous) se plaignent.
Par contre, la flamme du désir, ce feu (intérieur et extérieur) qui provoque la rencontre d'un homme et d'une femme, se produit quand un homme est davantage homme et quand une femme est davantage femme, c'est-à-dire quand les composantes « virilité » et « féminité » sont à leur comble et quand elles se complètent et s'équilibrent entre elles. Le symbole qui représente le mieux cette rencontre est le TAO, avec ses lignes sinueuses et solidaires, blanches et noires, qui entrent l'une dans l'autre, non pas pour s'écraser l'une l'autre mais pour compléter une unité, un cercle, en ayant un point noir et un point blanc au centre de chacune d'elles: la partie masculine a en son centre une minime partie féminine et vice-versa, mais cette minime partie ne conditionne pas, ne bouleverse pas leur entité intime.
Théoricien des orgies ? Théoricien du machisme ?
C'est un philosophe contemporain qui nous a ramené cette théorie ancienne: Julius Evola, par ailleurs bien connu dans d'autres secteurs du savoir (ésotérisme, métapolitique, doctrines orientales, etc.). Julius Evola publia en 1959 un livre intitulé Métaphysique du sexe, en s'attirant immédiatement les accusations les plus contradictoires, d'après le moment où elles étaient lancées. Dans les années 50, époque aussi morigénante et pudibonde que scandaleuse et transgressive, il fut accusé d'être le théoricien des orgies; dans les années 70, en pleine contestation et pendant l'explosion des mouvements féministes, il fut considéré comme un théoricien de la masculinité (voire du machisme). Mais Evola, tout au long de son livre, ne fait qu'exalter les différences —non pas celles physiques, bien entendu, mais les différences intérieures, psychologiques et même métaphysiques— qui font de l'Homme et de la Femme ce qu'ils sont: des êtres très différents, fort heureusement ! Il écrivit même: « il n'y a pas de doutes: une femme est supérieure à l'homme qui ne serait homme qu'imparfaitement ».
Aujourd'hui donc, la femme ne peut pas se plaindre du fait que «l'homme n'est plus ce qu'il était dans le temps» puisqu’on a tout fait pour lui faire oublier ce qu'est la virilité, mais attention, cette virilité n'est pas celle de l'homme phallique à la Clinton, contre lequel Evola est extrêmement sévère, mais quelque chose de plus profond. Tout autant que la femme, l'homme d'aujourd'hui ne peut pas se plaindre si la femme n'est plus ce qu'elle était dans le temps, si —au delà de l'extérieur érotique dicté par la mode et les médias— elle a perdu le sens profond de la magie de la féminité.
Vive la différence, alors ! C'est dans ce but qu'ont été choisis certains passages de Julius Evola qui se réfèrent tantôt à sa théorie magnétique de l'éros, tantôt à une série d'interventions sur des problèmes qui restent d’une grande actualité: de l'homosexualité à la prostitution, du divorce à la pudeur. On pourra se rendre compte que ses théories ne sont pas des théories abstraites, on peut très bien les appliquer à la réalité quotidienne. Quelques âmes sensibles seront scandalisées? Qu'importe! Aujourd'hui les bigots sont sur la pente du « politiquement correct ». A chacun son dû!!!
Gianfranco de TURRIS.
(Texte intégral de l'introduction au volume « Sexe et liberté » paru dans la collection Millelire ; texte paru dans Orion n° 166/n° 7 nouvelle série, juillet 1998, pages 11-12 ; trad.franç. : LD).
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lundi, 14 janvier 2008
Citation de Jean Giono

La fortune et la gloire ?
« Que faut-il pour réussir ? De la bravoure ? De l’obstination ? De la chance ? Du génie ? Non : de la médiocrité. Quoi que produise le médiocre, c’est un produit qui s’adresse au plus grand nombre. Il est sûr de son affaire, il a les qualités requises par la majorité des individus. S’il s’agit d’un milliard d’hommes, le médiocre est sûr d’être compris et trouvé logique par plus de neuf cent millions. S’il s’agit d’un livre, d’une épingle de nourrice, d’un dentifrice, de n’importe quoi que ce soit qui se vende, même d’un objet tout à fait inutile, et même embêtant, et même comme le diabolo, le yoyo, et cent mille objets médiocres dont les noms sont dans toutes les bouches, neuf cent millions d’individus sur un milliard liront le livre, adopteront l’épingle de nourrice, se laveront les dents avec le dentifrice, ou bêtifieront à qui mieux mieux avec le yoyo, inutile, mais exactement adapté à leur médiocrité personnelle.
Le génie n’est à conseiller à personne ; enfin à personne de ceux qui veulent la fortune et la gloire. On n’atteint à l’unanimité, à l’adhésion des foules et aux sommets des honneurs que par la médiocrité."
Jean Giono, La fortune et la gloire - In "Les terrasses de l’île d’Elbe", Gallimard.
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dimanche, 13 janvier 2008
Quand les soixante-huitards passent à l'autre bord...

Dimitrij GRIEB :
Quand les soixante-huitards passent à l’autre bord…
Ils couraient au pas de charge dans les rues de Berlin, de Paris et même de Vienne en scandant des slogans d’extrême gauche, prenaient d’assaut les auditoires des universités, se battaient sauvagement contre la police dans les rues. Et de fait, en l’année 1968, le monde semblait sorti de ses gonds. Et pas seulement parce que des étudiantes, en signe de protestation, exhibaient leurs seins nus au visage de professeurs médusés et désarçonnés –heureusement que ces féministes étaient encore jeunes à l’époque ! Mais surtout parce que la classe politique dominante, dans la portion d’Europe qui n’était pas sous la férule communiste soviétique, a sérieusement redouté que les peuples n’accepteraient plus, à terme, la coopération militaire avec les Etats-Unis, grande puissance protectrice à l’époque de la Guerre Froide. Les rapports sur la manière, dont les troupes américaines menaient leur guerre en Indochine ex-française, et sur les crimes qu’elles y commettaient, servaient de prétexte à toute une jeunesse pour se réclamer non seulement de l’anticapitalisme, mais aussi de l’antiaméricanisme et de l’anti-impérialisme.
En République Fédérale allemande, tout un éventail d’organisations, situées idéologiquement à la gauche de la gauche, émergeaient dans le paysage politique, en marge de l’établissement. Parmi elles, le SDS ou « Sozialistischer Deutscher Studentenbund », qui, sous son autre appellation d’ « Opposition extra-parlementaire » (en allemand : « Ausserparlamentarische Opposition » ou « APO »), entendait, sur le long terme, renverser l’établissement politique, bouleverser les certitudes et conventions de la société. Dans un premier temps, cette jeunesse s’était dressée contre « tout le moisi (« Muff ») de mille ans d’âge accumulé sous les robes (des professeurs d’université) ». Elle avait pris pour armes intellectuelles les livres de la « théorie critique » de l’Ecole de Francfort. Aujourd’hui, ces révolutionnaires de la fin des années 60 sont sur le point de prendre leur retraite. L’APO annonçait une « longue marche » à travers les institutions et ses porte paroles de l’époque imaginaient que cette pérégrination combattante prendrait plus de temps : rapidement, les trublions ont réussi à occuper les postes qu’ils briguaient. Dans tous les domaines clefs des sociétés ouest-européennes, soit dans l’éducation, l’art, la culture, les médias, on les a accueillis avec bienveillance ; ce fut pour eux le succès assuré et ils ont donné le ton. Tous ceux qui n’ont pas franchi la limite fatale en s’engageant dans la clandestinité armée, le terrorisme de la « Rote Armee Faktion » de Baader, ont réussi en politique dans le cadre du parti des « Verts », ont reçu des titres de docteur et de docteur honoris causa, sont devenus ministres ou conseillers, avec, à la clé, des honoraires plantureux.
Quelques figures de proue de la révolte étudiante, comme Klaus Rainer Röhl, l’ex-mari de la terroriste ouest-allemande Ulrike Meinhof, à l’époque éditeur de l’organe central du mouvement extra-parlementaire, la revue « konkret », posent aujourd’hui un jugement très négatif sur le mouvement de 68. Leurs jugements sont en effet fort sévères et partiellement, dois-je dire, moi, qui n’ai pas un passé de gauche, injustifiés dans leur dureté. Certes, il est de bon ton de dire que, dans l’histoire allemande, il n’y a eu qu’une et une seule phase, où tout fut carrément mauvais et même atroce ; il n’en demeure pas moins que l’après-guerre avait généré une atmosphère terriblement viciée (« Mief »), où la société était satisfaite d’elle-même, où l’hypocrisie petite-bourgeoise étouffait tous les élans et où dominait une sous-culture sans relief faite de loisirs à deux sous et de variétés d’une épouvantable platitude ; tout cela a contribué à donner à la jeune génération un sentiment général d’asphyxie. Nous étions évidemment dans l’après-guerre, après 1945 qui avait sonné le glas de l’idéal national-socialiste de la « Communauté populaire » (= « Volksgemeinschaft ») et il n’aurait pas été opportun de quitter, tant sur le plan politique que sur le plan social, le droit chemin du juste milieu, de la moyenne, de la médiocrité (ndt : le pionnier belge du socialisme, Edmond Picard, aurait dit du « middelmatisme », vocable qu’il forgea pour désigner la médiocrité belge, et qui traduit bien la notion allemande de « Mittelmass »). Pour bien comprendre ce que je veux dire ici, rappelons-nous ce qu’a dit Günter Grass l’an passé, lui qui fut pendant plusieurs décennies le thuriféraire de la SPD, sur son engagement dans la Waffen SS qu’il avait auparavant si soigneusement occulté ; c’était, a-t-il déclaré, l’esprit « anti-bourgeois » de cette milice du parti national-socialiste qui l’avait fasciné.
Après le miracle économique de la RFA, il n’y avait plus de place dans la nouvelle société allemande pour une armée « anti-bourgeoise », quelle qu’en ait été l’idéologie. Certes, quand on voulait se détourner des choses purement matérielles, on avait le loisir de lire les existentialistes français, et c’était à peu près tout. Ces existentialistes, regroupés autour de Sartre, niaient la religion et développaient une anthropologie particulière, où l’homme n’était plus qu’un être isolé dans un monde insaisissable et dépourvu de sens. Des livres comme « L’homme révolté » ou « Le mythe de Sisyphe » d’Albert Camus étaient les références cardinales de cette époque, pour tous ceux qui pensaient échapper à la culture superficielle des années 50 et 60.
La plupart des faiseurs d’opinion actuels, qui tiennent à s’inscrire dans la tradition de 68, affirment, sans sourciller, que l’intelligence est à gauche, et à gauche uniquement, ce que prennent pour argent comptant tous les benêts qui n’ont jamais eu l’occasion de connaître des figures comme Martin Heidegger, Ernst Jünger, Helmut Schelsky, Carl Schmitt ou Arnold Gehlen, dont les idées ne sont certainement pas classables à gauche.
Il est un dicton courant qui nous dit : celui qui, à vingt ans, n’est pas à gauche, n’a point de cœur, et celui qui l’est toujours à quarante ans n’a pas de cervelle. Parmi les anciens dirigeants du mouvement extra-parlementaire de 68, nombreuses sont toutefois les personnalités qui se sont éloignées de l’extrémisme de gauche.
Je viens de citer Klaus Rainer Röhl, l’ancien époux d’Ulrike Meinhof. Il fait bien évidemment partie de cette brochette d’esprits libres qui ont tourné le dos à leurs anciens engouements, parce qu’ils sont restés fidèles à l’idéal même de critique, un idéal qui ne peut tolérer les ritournelles, les figements. Röhl fait partie désormais de la petite phalange d’intellectuels qui critiquent avec acribie les mutations sociales de masse, que les idées de 68 ont impulsées. Bernd Rabehl, figure de proue du SDS étudiant, ainsi que de l’APO, en appelle, sans jamais ménager ses efforts, à l’esprit critique pour que l’on brise bientôt tous les liens par lesquels l’héritage intellectuel de 68 nous paralyse. Günter Maschke, jadis animateur pétulant de la « Subversive Aktion », est devenu, au fil du temps, journaliste en vue du principal quotidien allemand, la « Frankfurter Allgemeine Zeitung », avant d’abandonner cette position et de s’adonner pleinement à l’exégèse de l’œuvre immortelle de Carl Schmitt.
Cette liste de dissidents de la dissidence, devenue établissement, est bien sûr plus longue. Nous ne donnons ici que quelques exemples. Dépasser le marxisme, dont la logique est si fascinante, est un dur labeur intellectuel. Seuls les esprits vraiment forts peuvent avouer, aujourd’hui, qu’ils se sont trompés ou mépris dans leurs meilleures années, à l’époque de cette haute voltige intellectuelle dans nos universités.
La question se pose aujourd’hui : y a-t-il des passerelles voire des points de réelle convergence entre les idées du mouvement de 68 et le conservatisme (révolutionnaire ou non) ? La critique de la culture de masse abrutissante qui nous vient principalement des Etats-Unis, la critique de la folie consumériste et de la saturation qu’elle provoque, mais aussi la volonté de préserver l’environnement naturel de l’homme, sa « Heimat », sa patrie charnelle, sont autant de thématiques, d’idées et d’idéaux que l’on retrouve, sous d’autres appellations ou formules, dans l’héritage intellectuel du conservatisme ou des droites. Ni Maschke ni Rabehl ni Röhl ni les autres ni a fortiori un Horst Mahler ne sont devenus des intellectuels « bourgeois » aujourd’hui. Loin s’en faut ! Mais, si l’on réfléchit bien, au temps de leur jeunesse, un Ernst Jünger ou un Carl Schmitt seraient-ils allés siroter un p’tit kawa avec une Angela Merkel… ?
Dimitrij GRIEB.
(article paru dans l’hebdomadaire viennois « zur Zeit », n°47/2007, trad. franç. : Robert Steuckers).
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samedi, 12 janvier 2008
Du symbolisme du joug et des flèches

Karlheinz WEISSMANN :
Du symbolisme du joug et des flèches
L’Espagne : pendant longtemps, elle fut l’exemple paradigmatique du passage tranquille de la dictature à la démocratie ; ses partis, si cruellement opposés les uns aux autres jadis, sont parvenus à un consensus tacite, n’ont pas cherché à réanimer les horreurs de la guerre civile. Il n’empêche que ce pays connaît, depuis quelques temps, une tentative de « réinterpréter le passé », correspondant à ce que nous avons connu depuis la fin de la seconde guerre mondiale en pays allemands (la « Vergangenheitsbewältigung »).
Dans le cadre de cette « réinterprétation » générale de l’histoire espagnole contemporaine, les mesures prises, surtout celles qui revêtent un caractère politico-symbolique, jouent un rôle important ; ces mesures ne concernent pas seulement l’espace public -on est en train d’enlever les dernières statues de Franco- mais aussi la sphère privée. Le Parlement espagnol vient de décider une loi qui pourrait obliger l’Eglise à enlever dans ses bâtiments tous les emblèmes qui, d’une manière ou d’une autre, rappelleraient le régime franquiste ou le camp des Nationaux pendant la guerre civile. Cette loi vise essentiellement le symbole de l’ancien parti porteur d’Etat, la Phalange, soit le symbole du joug et des flèches.
Le Joug et les Flèches étaient, à l’origine, des images chères à Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon. Ce couple, que l’histoire désigne sous le nom de « Rois catholiques », avait uni, par son mariage, ses terres éparses pour en faire le Royaume d’Espagne unifié. C’est pourquoi il a choisi justement le symbole du joug et des flèches, parce que les lettres initiales de ces deux mots correspondaient aux prénoms des époux : Isabelle arborait un ensemble de flèches (en espagnol « flechas », avec un « F » comme dans « Ferdinand ») et Ferdinand arborait un joug (en espagnol « yugo », avec un « Y » comme dans « Ysabella »).
Les deux symboles ont une histoire qui remonte à l’antiquité : le jeu de flèches symbolise l’unité, une unité qui s’appliquait parfaitement à la nouvelle Espagne d’Isabelle et de Ferdinand, tandis que le joug ne se référait nullement à la soumission ou à l’humilité, mais plutôt à leur contraire, soit au désir d’empire. Le joug du symbole espagnol se réfèrerait à l’histoire légendaire d’Alexandre le Grand qui aurait défait et libéré un char attaché à un joug et à un timon par le « nœud gordien », qu’il trancha d’un coup d’épée. Cette action eut lieu parce qu’un oracle avait promis que celui qui réussirait à trancher le nœud, conquerrait l’Orient. L’honneur de Ferdinand, après avoir chassé les Maures de Grenade et après avoir conféré à Colomb la mission de trouver une voie maritime vers les Indes, était de se poser comme un nouvel Alexandre et de soumettre l’Orient pour la gloire de l’Espagne et de la religion chrétienne.
Ferdinand et Isabelle placèrent toutefois le joug et les flèches à côté de l’aigle johannite, un aigle noir avec auréole, symbole de l’Evangéliste dans la Bible, portant sur son poitrail les armes de l’Etat espagnol. Après la mort du couple royal, l’emblème du joug et des flèches tomba rapidement en désuétude et ne fut redécouvert que par le nationalisme espagnol moderne, qui voulait renouer avec un passé glorieux et entendait illustrer cette volonté en exhumant des symboles quasiment oubliés.
D’abord, ce furent deux journalistes, Rafael Sanchez Masas et Gimenez Caballero, qui militèrent pour le retour de ce symbole ; ensuite, en 1931, le national-syndicaliste Ramiro Ledesma Ramos utilisa le joug et les flèches dans le titre de son hebdomadaire « La Conquista del Estado ». La même année, Ledesma Ramos fonda les « Juntas de Ofensiva Nacional Syndicalista », en abrégé les JONS, dont la symbolique utilisait les couleurs noire et rouge des anarcho-syndicalistes, en les complétant du joug et des flèches (en rouge sur un drap avec bandes noire et rouge), afin de se démarquer clairement de la symbolique des forces de gauche.
Les JONS s’unirent en 1934 à la Phalange fondée par José Antonio Primo de Rivera ; la nouvelle organisation, fruit de la fusion, utilisa immédiatement le joug et les flèches dans sa symbolique. La fusion entre Phalange et JONS avait un style nettement fasciste, ce qui, à l’époque, exerçait une réelle fascination sur la jeunesse espagnole. José Antonio fut arrêté dès mars 1936, puis, au début de la guerre civile, condamné à mort à la suite d’un procès spectacle et finalement fusillé en novembre. La Phalange était dès lors sans chef. Franco la fusionna avec les monarchistes. La nouvelle union s’appela la « Falange Espanola Tradicionalista y de la JONS », devint le parti monopole de l’Espagne franquiste. L’emblème du joug et des flèches fut conservé, car Franco aimait renouer, lui aussi, du moins symboliquement, avec le passé glorieux de l’Empire espagnol.
A dater du 20 août 1936, le joug et les flèches furent incorporés dans les armes de l’Etat et, comme au temps des Rois catholiques, placés à côté de l’aigle johannite. Mais leur subordination, sur le plan optique, dans ces nouvelles armes d’Etat, révèle d’une certaine manière l’absence d’influence réelle du phalangisme authentique sous le régime de Franco.
Karlheinz WEISSMANN.
(article paru dans l’hebdomadaire berlinois « Junge Freiheit », n°45/2007, trad. Franç.: Robert Steuckers).
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Création de l'AFRICOM

Johann F. BALVANY :
Etats-Unis : nouvel impérialisme en Afrique
Sans tenir compte, en apparence, ni des revers subis au Proche et au Moyen Orient ni des pertes croissantes en hommes et en matériel qu’exige l’exportation néo-conservatrice de « la liberté et de la démocratie » ni de l’anti-américanisme en pleine expansion, Washington a annoncé la création, le 30 septembre 2007, de l’ « American Africa Command » ou « AFRICOM ». Paul Wolfowitz, ancien planificateur zélé de la guerre en Irak et ex-chef de la Banque mondiale (qui a échoué si lamentablement dans ses fonctions), a déclaré sans détours : « Je ne pense pas que ce soit une bonne idée ».
L’AFRICOM est une unité d’un millier d’hommes placée sous le commandement d’un général à quatre étoiles, William « Kip » Ward, 58 ans : elle a pour mission de tenir le continent noir en main, selon les intérêts stratégiques, énergétiques et politiques des Etats-Unis. L’AFRICOM est donc mis sur pied au moment même où la Chine effectue, depuis un certain temps déjà, des achats considérables de matières premières dans la zone du Sahel et au Sud de celle-ci ; 600.000 « fourmis bleues » chinoises y résident déjà en tant que travailleurs hôtes des pays africains. La Chine a investi pour des milliards de dollars en Afrique, sans imposer aux Africains des conditions politiques comme le fait l’Occident pour aligner le continent sur des critères soi-disant « démocratiques ». Grâce à cette souplesse idéologique chinoise, le « staathouder » en Afrique d’Oussama Ben Laden, diplômé de la Sorbonne de Paris, Hassan Al Turabi, a pu conforter ses positions à Khartoum au Soudan. Depuis la capitale de l’ex-Soudan anglo-égyptien, il peut tranquillement prêcher et organiser la Djihad, la Guerre Sainte, contre l’Amérique & Co., notamment au Darfour. Le ministre autrichien de la défense, Norbert Darabos, entend envoyer dans le Tchad voisin, une centaine de soldat de notre armée fédérale (idem pour la Belgique : Flahaut voulait aussi y envoyer nos soldats). Pour tous ceux qui ont quelques connaissances de la région, c’est envoyer nos hommes dans un chaudron extrêmement dangereux où plus d’un risquent de revenir au pays en cercueil.
Depuis février 2007, le Général Ward, Afro-Américain d’origine, cherche un site pour y établir le quartier général de son AFRICOM. Mais sans succès jusqu’ici. Un seul des 53 Etats africains, en l’occurrence le Libéria, a accepté d’accueillir éventuellement les GIs. Quatorze autres, rassemblés au sein de la SADC (« South African Development Community »), ont annoncé qu’ils ne souhaitaient pas la présence de militaires américains sur leur sol et qu’ils imposeraient des sanctions à tout pays africain qui accueillerait les guerriers de Bush. Quant aux GIs qui sont stationnés dans la Corne de l’Afrique, à Bab El Mandeb (en arabe : « la Vallée des Larmes »), sur le territoire de Djibouti, ils vivent déjà fort dangereusement. La Somalie voisine vit un bain de sang permanent ; la CIA installée en Ethiopie tire les ficelles de ce jeu sordide, grâce à l’hospitalité que lui fournit Meles Zenawi, un Saddam Hussein africain qui fait de bonnes affaires avec Washington depuis Addis Abeba, exactement comme son malheureux homologue irakien jadis.
L’Ethiopien Zenawi règne à Addis Abeba sans être animé du moindre scrupule moral, à l’instar de l’OUA qui tient son quartier général dans la capitale abyssine. Pendant tout ce temps, le Pentagone recrute du personnel pour l’ « United States Africa Command ». Les recruteurs demandent évidemment du professionnalisme, de la créativité, promettent de nouvelles structures de commandement innovantes et modernes et surtout des salaires très élevés. Cette politique de recrutement est pratiquée dans le monde entier, notamment à partir de la grande base américaine de Stuttgart en Allemagne, depuis septembre dernier. L’AFRICOM a déjà dévoilé le site de son premier établissement : ce sera l’île de Sao Tomé dans le Golfe de Guinée, à côté de Principe, ex-île portugaise. Les Etats-Unis y construisent une formidable base de radar qui coûtera dix millions de dollars. Cette station contrôlera toutes les activités possibles et imaginables dans un vaste rayon, surtout la circulation maritime, car 25% des besoins pétroliers des Etats-Unis y transitent. Bientôt ce seront 35%.
En tenant compte des expériences d’autres régions du monde depuis l’établissement du régime néo-conservateur de Bush, l’Afrique du Sud s’est posée comme le porte-étendard de la résistance africaine contre les nouveaux appétits de l’Oncle Sam dans la région. Mosjuoa Lekota en a appelé à un boycott panafricain contre les tentatives de pénétration du continent noir par l’AFRICOM. Sa qualité de ministre des affaires étrangères sud-africain lui permet d’avertir les autres Etats du continent des conséquences mortelles qui pourraient s’ensuivre si les Africains n’écoutent pas son cri d’alarme. Au Maghreb, en Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Libye, mais aussi en Afrique de l’Est et de l’Ouest, on craint que la présence de l’AFRICOM ne provoque des soulèvements et des guérillas islamistes, que les Etats locaux, trop pauvres, ne pourraient contenir. Qui plus est, les promesses, annoncées avec fracas, de l’UE et des Etats-Unis, d’apporter une aide économique accrue aux pays africains, se sont révélées finalement bien chiches. L’Europe bruxelloise et Washington ont donc tous deux une politique bien différente de celle de la Chine qui procède de manière bien plus discrète et plus efficace que l’Occident.
Il y a quelque 35 ans, un candidat américain du parti démocrate, George McGovern, avait déclaré dans un entretien accordé au « Wiener Kurier » autrichien, que l’Amérique n’avait aucun intérêt vital à aller défendre en Afrique, par la force des armes. Raison pour laquelle les Etats-Unis n’avaient rien fait à l’époque pour soulager leur allié portugais de l’OTAN et l’avait de facto laisser tomber, lorsqu’il combattait, avec peu de moyens, les rébellions d’Angola, du Mozambique et de Guinée Bissau, rébellions téléguidées pourtant par les Soviétiques. Tant et si bien que ce sont des régimes marionnettes du Kremlin qui s’étaient installés dans ces trois pays, ainsi que sur les îles de Sao Tomé et de Principe. En 1975, ces régions furent plongées dans des guerres civiles atroces, entraînant une pauvreté épouvantable dont les retombées se font ressentir jusque aujourd’hui. Les Etats-Unis n’ont rien fait à l’époque pour épargner à ces peuples africains une misère effroyable. Aujourd’hui, l’ennemi qu’ils déclarent combattre est l’islamisme et non plus le communisme, mais, comme ils ont aussi téléguidé des islamismes contre les communismes, il y a plutôt lieu de croire qu’ils ne combattent en fait ni l’un ni l’autre, téléguident à l’occasion et les uns et les autres, selon leurs propres intérêts, et visent plutôt la présence chinoise qui s’avère partout fort efficace et déploie énormément d’énergies (ndt : autre objectif : supplanter les Européens partout en Afrique, surtout les Français, en dépit des risettes à l’Oncle Sam que commet Sarközy à tour de bras).
L’AFRICOM réussira-t-il par son existence et sa présence en Afrique à améliorer la situation générale du continent noir, ou du moins à l’infléchir vers un peu plus de bien-être, ou, au contraire, ne s’installera-t-il là-basd que pour défendre les intérêts stratégiques et commerciaux des seuls Etats-Unis ? Quant à cette défense des intérêts américains, l’assurera-t-il avec toute l’efficacité voulue ? On peut en douter. Les sceptiques feront simplement allusion à la crise permanente qui affecte le Darfour et le plonge dans la catastrophe.
Johannes F. BALVANY.
(article paru dans le magazine autrichien « Aula », publié à Graz, novembre 2007 ; trad. franç. : Robert Steuckers).
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vendredi, 11 janvier 2008
P. Maugué: questions à la ND

Un texte du regretté Pierre Maugué, décédé prématurément, sur la ND, rédigé dans le feu de la polémique qui avait opposé ses différentes fractions en l'an 2000. Texte toujours instructif, à lire avec le recul qu'impose le temps écoulé...
Pierre MAUGUE :
Questions à la "Nouvelle Droite"
La ND française à la croisée des chemins
La Nouvelle droite française se trouve à la croisée des chemins. Elle n’embraye plus, comme jadis, sur les réalités politiques, économiques, sociales et sociétales de notre époque. Si elle parvient encore à identifier la plupart des problèmes majeurs auxquels nous sommes confrontés[1],elle les analyse de plus en plus du point de vue de Sirius, sans indiquer, sinon des solutions, du moins des voies qui pourraient être sérieusement explorées pour sortir de l’impasse. Elle emploie de plus en plus le langage descriptif et explicatif de l’historien ou du sociologue pour dessiner le monde qui est en train de se construire (ou de se détruire), renonçant à essayer de le changer, et tournant résolument le dos à toute possibilité d’action.
Déconnectant la théorie de la praxis (alors que d’autres déconnectent la praxis de la théorie), elle paraît plus avide d’être reconnue par l’intelligentsia en place que de peser sur le cours de l’histoire, avec tous les risques que cela comporte. Elle oublie que si Marx a eu une influence majeure sur l’histoire politique du dernier siècle, et non pas seulement sur l’histoire des idées, ce n’est pas en raison de son œuvre majeure, Das Kapital, destinée à un cénacle de spécialistes et que pratiquement personne (même parmi les grands leaders et intellectuels marxistes) n’est parvenu à lire en entier, mais par Le Manifeste communiste, fresque grandiose propre à enflammer les imaginations, et traduite dans pratiquement toutes les langues. C’est enfin par la création et l’animation de sections nationales de l’Internationale socialiste que les idées de Marx ont commencé à influer sur l’histoire du monde qui était en train de se faire.
La Nouvelle droite française et ses dirigeants paraissent, quant à eux, affligés du même défaut que la vieille droite d’Action française. En effet, si Charles Maurras fut un penseur qui ne manqua pas de lucidité, il eut une absence quasi totale de stratégie politique, et n’influa jamais réellement sur le cours des évènements.
Cette déconnexion entre théorie et praxis (Nouvelle droite) et entre praxis et théorie (droite populiste), est un écueil majeur, qui se retrouve, à des degré divers, dans toute l’Europe, mais qui semble atteindre son paroxysme en France.
Une série de questions mériteraient d’être débattues. Sans avoir la prétention d’être exhaustif, nous soumettons la liste suivante :
SUR LA FORME
1 - Peut-on prétendre défendre les traditions indo-européennes de l’Europe dans le cadre d’un mouvement dirigé d’une manière autocratique, contraire au principe de gouvernement des communauté d’hommes libres que l’on retrouve de la Grèce ancienne à la Scandinavie?
2 - Dans une société qui est rien moins que respectable, un souci constant de respectabilité ( qui n’est le plus souvent qu’un alignement sur la politique du politiquement correct) est-il justifié pour la Nouvelle droite ? Reflet d’une mentalité petite-bourgeoise chez ceux-là mêmes qui prêchent une morale aristocratique, est-il compatible avec la conquête de nouveaux territoires idéologiques ?
3 - La polémique ( forme ritualisée du duel) est-elle une arme qui peut être utilisée contre nos adversaires, sans compromettre le sérieux de notre discours ?[3] Faut-il réintroduire l’ironie et l’insolence dans le combat des idées et reprendre, à cet égard, la tradition d’Erasme et de Fischart ?
4 - Peut-on, par crainte d’être accusé de populisme, déconnecter la théorie de la praxis, et prétendre avoir une action sur l’évolution du monde uniquement par l’écrit et la parole ? L’action métapolitique ne comporte-t-elle pas le risque de devenir une justification de l’impuissance ?
SUR LE FOND
5 - Peut-on prétendre défendre la culture millénaire de l’Europe sans défendre prioritairement, avec la plus grande vigueur, toute atteinte portée au socle ethnique de cette culture ?
6 - La question de l’immigration peut-elle être considérée comme transcendant le traditionnel clivage gauche/droite ? Si tel est le cas, doit-on défendre l’idée que le peuple puisse s’exprimer par voie référendaire[4] sur la politique d’immigration et que, si nécessaire, la constitution de l’Etat soit modifiée à cet effet ?
7 - Indépendamment des positions idéologiques de chacun, peut-on, dans une Europe en plein déclin démographique, être en faveur d’une libéralisation excessive de l’avortement, voire même, promouvoir l’avortement ?
8 - La géopolitique est-elle un élément essentiel de toute réflexion politique, et peut-elle être crédible si elle ne s’appuie pas sur les données démographiques propres à l’époque envisagée ?
9 - Même si le fédéralisme ethnique peut apparaître comme le meilleur moyen de protéger la diversité ethno-culturelle de l’Europe, n’y a-t-il pas cependant un risque d’émiettement de souveraineté propre à affaiblir l’Europe, si ce principe est appliqué inconsidérément? Le danger existe-t-il que les Etats-Unis, ou d’autres ennemis de l’Europe, attisent les différences ethniques entre peuples européens pour en faire des facteurs de déstabilisation et les utiliser à leur profit (Diviser pour régner) ?
10- Toutes les religions monothéistes doivent-elles être considérées comme présentant un danger d’égale nature et de même ampleur dans l’optique d’une défense de la composante païenne de l’identité européenne ?
SUR LA STRATÉGIE
11 - Les idées de la Nouvelle droite peuvent-elles être efficacement défendues en Europe par des mouvements qui continuent (même s’ils restent en contact) à marcher en ordre dispersé, alors que l’orientation politique de l’Europe socialo-libérale est de plus en plus déterminée par des institutions communes, à Bruxelles, Strasbourg ou Luxembourg. ? Serait-il opportun de créer une structure de type fédératif pour harmoniser la doctrine et l’action des divers mouvements nationaux ?
12 - Des actions communes, à l’échelle européenne, pourraient-elles être envisagées sur des questions précises ? Par exemple, orchestration d’une campagne demandant que la procédure du référendum d’initiative populaire soit introduite dans tous les pays européens, afin que le peuple lui-même puisse se prononcer sur la politique d’immigration ?
Pierre MAUGUÉ.
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La symbolique politique du Loup

Karlheinz WEISSMANN :
La symbolique politique du Loup
Ces jours-ci, on conteste l’authenticité de la découverte récente, à Rome, d’une grotte où, prétend-on, l’on honorait les fondateurs de l’Urbs, Romulus et Remus. C’est un coup supplémentaire pour la Ville porteuse de tant de mythes, après que l’on ait nié l’authenticité de la Louve Capitoline, qui n’aurait pas d’origines dans l’Antiquité mais n’aurait été inventée qu’au cours de notre moyen âge. Quoi qu’il en soit, les enfants légendaires de la Louve sont tels qu’on les a toujours imaginés : paisibles sous le ventre du fauve, s’abreuvant à ses tétons.
Le choix de la Louve, comme mère de substitution, n’est nullement dû au hasard et s’explique en référence au père des jumeaux : Mars, le Dieu de la Guerre, qui se manifestait accompagné du Loup, emblème de son être intime, relevant de la même nature que l’animal totémique. Les Romains ont su exploiter ce lien Mars/Loup et utiliser le symbole du Loup dans leurs armées et sous de multiples variantes. Aux temps auroraux de la Ville, le Loup était l’emblème des légions et, jusqu’à l’ère impériale, les légions alignaient une partie de leurs effectifs, les vélites, légèrement armés, vêtus de peaux de loup et arborant des crânes de l’animal. Bon nombre de porte-drapeaux portaient également des peaux de loup. On peut aisément supposer qu’aux temps de Rome demeurait une réminiscence des très anciennes « compagnies du Loup », depuis longtemps oubliées, même au moment où Rome est sortie des ténèbres de la proto-histoire pour émerger dans la lumière des temps connus. Leur simple présence dans l’héritage romain rappelle l’existence de compagnies ou communautés similaires chez d’autres peuples indo-européens.
L’historien Georg Scheibelreiter nous signale, dans son œuvre, qu’aucun autre nom d’animal n’est aussi fréquent dans les noms ou prénoms personnels que celui du loup : du védique « vrka-deva », signifiant probablement « Dieu-Loup », en passant par le grec « Lykophron » (« Conseil de Loup ») ou le celtique « Cunobellinus » (« Chien ou Loup de Belenos »), jusqu’aux prénoms germaniques Wolf, Wulf, Wolfgang, Wolfram, Wolfhart. Lorsque l’on donnait un nom à un enfant, il n’y avait pas que la sympathie individuelle que l’on éprouvait à l’endroit de l’animal qui jouait, mais aussi le souhait de conférer à l’enfant ses qualités. Principalement, toutefois, jouaient des représentations religieuses, où l’on pensait obtenir une métamorphose rituelle en l’être vivant choisi pour le nom/prénom.
Jusqu’aux temps modernes, on a appelé « Werwolf » (loup-garou), les hommes qui avaient la capacité de se muer en loups ou étaient contraints de le faire. Ce mythème s’enracine vraisemblablement dans l’apparition d’individualités ou de communautés entrant en transe, vêtues de peaux, pour se transformer en bêtes échevelées. Les cultures préchrétiennes s’étaient déjà distanciées de tels phénomènes, même si les Romains avec Mars, ou les Grecs avec Zeus et Apollon honoraient des dieux accompagnés de loups. L’attitude dominante était un mélange de vénération et d’effroi, où ce dernier sentiment finissait toutefois par dominer : un loup, nommé Freki, suivait également le dieu germanique Wotan/Odin, mais les Germains croyaient aussi qu’au crépuscule des dieux, Odin lui-même allait être avalé par le loup Fenrir, aux dimensions monstrueuses. Dans l’Edda, l’Age du Loup correspond à l’Age sombre qui précède le Ragnarök.
Tous ces faits mythologiques expliquent pourquoi le loup, après la christianisation, ait perdu toute signification symbolique positive. Il était non seulement un indice de paganisme mais aussi et surtout la manifestation du mal en soi. Cette vision du loup s’est perpétuée dans nos contes. Le loup disparaît également des emblèmes guerriers de l’Europe ou n’y fait plus que de très rares apparitions.
En dehors de l’aire chrétienne, le loup n’a pas subi cet ostracisme. Il m’apparaît important de relever ici la vénération traditionnelle du loup chez les peuples de la steppe. Après l’effondrement de l’Union Soviétique, Tchétchènes et Gagaouzes se sont donné des drapeaux où figure le loup. Les Gagaouzes appartiennent à la grande famille des peuples turcs, qui ont, depuis des temps immémoriaux, considéré le loup comme leur totem. En Turquie, les Loups Gris, formation nationaliste, ont évidemment le loup comme symbole et saluent en imitant une tête de loup avec les cinq doigts de la main. Les Loups Gris professent l’idéologie pantouranienne qui entend rassembler tous les peuples turcs au sein d’un Empire uni.
Officiellement, l’organisation des Loups Gris a été interdite et dissoute en 1980, ce qui n’a diminué en rien la charge affective et l’attractivité du symbole du loup. Cette fascination pour le loup concerne également les Turcs émigrés en Europe, où personne n’est capable d’interpréter correctement cette symbolique. En Allemagne, personne ne comprend le sens réel de la chanson « Wolfszug » (= « Cortège du Loup ») du rappeur Siki Pa, frère de Muhabbet, qui a attiré récemment toutes les attentions sur lui :
« Fürchtet um euer Hab’ und Gut
Werdet brennen im Feuer…
Pakt der Wölfe zieht mit dem Wolfszug
Blutiger Horizont, der Tod friedlich ruht“.
(„ Craignez pour vos avoirs, pour vos biens,
Vous brûlerez dans le feu…
La meute de loups s’engage dans le cortège du Loup,
L’horizon est de sang et la mort repose en paix »).
Karlheinz WEISSMANN.
(article paru dans l’hebdomadaire berlinois « Junge Freiheit », n°51/2007, trad. franç. : Robert Steuckers).
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jeudi, 10 janvier 2008
Les racines du mouvement écologique

Brigitte SOB :
Au-delà de la droite et de la gauche : les racines du mouvement écologique
Le concept d’ « écologie » fut utilisé pour la première fois en 1866 par Ernst Haeckel (1834-1919), qui entendait désigner, par ce terme, « toute la science des rapports de l’organisme avec le milieu extérieur environnant ». Ernst Haeckel était naturaliste et philosophe. Le monde universitaire a reconnu toute sa valeur scientifique grâce aux travaux de recherches qu’il avait accomplis dans le domaine de la biologie marine. Haeckel avait décrit plus de 3500 nouvelles espèces de radiolaires, qui avaient été collationnées lors d’une expédition. Haeckel avait également confectionné quantité de dessins et de tableaux sur le fruit de ses recherches, qui ont tous encore quelque validité scientifique aujourd’hui.
Haeckel avait étudié la médecine au départ, avait reçu le titre de docteur en médecine après une thèse, présentée en 1861, sur l’anatomie comparée. Mais il estimait que l’exercice de l’art médical n’était pas suffisamment intéressant et s’était alors tourné vers la philosophie et la zoologie. En 1865, il obtint le titre de docteur honoris causa en philosophie et un poste de professeur en zoologie à l’Université d’Iéna, dont il devint ultérieurement le vice-recteur.
Haeckel avait une capacité de travail époustouflante : son livre « Die Welträthsel », paru en 1899, fut l’un des best-sellers de son époque, de même que sa « Morphologie générale » de 1866, qui était considérée comme un ouvrage fondamental. Quant à sa « Natürliche Schöpfungsgeschichte » (= « Histoire naturelle de la création ») de 1868, elle connut neuf éditions successives et fut traduite en douze langues. Après sa mort, ses œuvres complètes parurent en six volumes, permettant de jeter un regard synoptique sur ses travaux de vulgarisation scientifique.
Celles-ci ont toutes leur importance car c’est par leur truchement que Haeckel répandit en Allemagne les théories de Charles Darwin. Haeckel défendait la théorie de l’évolution, ce qui l’entraîna dans un conflit avec l’église catholique, alors qu’il était issu d’une famille pieuse. En 1904, Haeckel participa au Congrès international des Libres Penseurs à Rome. Devant le monument érigé en l’honneur du philosophe Giordano Bruno, brûlé comme hérétique, Haeckel déposa une couronne de lauriers, ce que l’église catholique considéra, à l’époque, comme une provocation. A la suite de ce geste, Haeckel s’exposa à de solides inimitiés, qui allèrent jusqu’à mettre en doute le sérieux de ses travaux scientifiques. Dans une réplique, intitulée « Sandalion – Eine offene Antwort auf die Fälschungsanklagen der Jesuiten » (= « Sandalion – Réponse publique aux accusations de falsification des Jésuites »), Haeckel réfuta tous les reproches qu’on lui adressait.
Haeckel avait également des activités politiques : il était membre de l’ « Alldeutscher Verband » (l’association pangermaniste). Pourtant, il m’apparaît difficile aujourd’hui de cataloguer Haeckel quelque part dans le schéma binaire « gauche/droite », difficulté que corrobore notamment l’histoire de la réception des travaux de Haeckel : certes, les nationaux-socialistes ont tenté de l’annexer mais Lénine aussi lui a rendu un vibrant hommage, car le chef de file des bolcheviques voyait en notre naturaliste un « combattant contre la philosophie idéaliste des professeurs » ; quant au socialiste Robert Niemann, il chantait les louanges de Haeckel en le campant comme un « esprit libre post-bourgeois ». Plus tard, les autorités de la RDA socialo-communiste firent de lui un pionnier de l’idéologie socialiste.
Haeckel n’était certes pas une personnalité incontestée : il n’y a pas que l’église catholique qui rejetait ses thèses avec véhémence. On l’accusa de « chauvinisme national-allemand », de même, on lui reprocha aussi d’avoir ouvert la voie à l’ « hygiénisme racialiste ».
Pour être exact, nous devons dire que Haeckel défendait un « monisme biologique », selon lequel la nature -en dépit de sa pluralité- formait une seule et unique totalité, au sein de laquelle tous -y compris l’homme- étaient animés par une seule et même force vitale. Haeckel fut ainsi l’un des premiers à réclamer des droits pour les animaux : il pensait que les animaux, parce qu’ils étaient des êtres dotés de sensibilité, des êtres sociaux et, dans le cas des mammifères supérieurs, des êtres rationnels, devaient bénéficier d’un statut équivalent à celui de l’homme. Haeckel s’insurgeait, dans le cadre de cette défense du statut de l’animal, contre toute interprétation anthropocentrique de la nature. Pour lui, une telle interprétation relevait « de l’arrogance autoproclamée de l’homme, être vaniteux », qui se voulait égal à Dieu et à l’image de celui-ci. Haeckel défendait la thèse que la nature consistait en une substance infinie, sans commencement ni fin. En posant cette « loi de substantialité », Haeckel affirmait que, de cette façon, l’idée, qui veut qu’il y ait un être divin transcendant la nature, était réfutée. Selon la philosophie moniste de Haeckel, il faudrait remplacer le culte chrétien de Dieu par un culte de la nature. D’après Haeckel, le christianisme « n’avait pas seulement contribué à nous aliéner dangereusement de notre merveilleuse mère la Nature mais nous avait aussi conduit à mépriser, de manière fort déplorable, les autres organismes ». Haeckel voulait aussi, dans cette même logique, que l’individualisme égoïste de l’homme soit éliminé au profit d’un nouveau monisme éthique, afin de bien faire voir à l’homme que ses intérêts personnels étaient indéfectiblement liés aux intérêts de sa communauté.
Le monisme de Haeckel a eu, plus tard, des répercussions importantes dans la mesure où il inspira directement le Prix Nobel Konrad Lorenz qui, par ses recherches sur le comportement des animaux, tenta de prouver la validité de la grande intuition de Haeckel, soit que les animaux et leur environnement -y compris l’homme et son environnement- constituaient une unité indissoluble. Le philosophe Ludwig Klages, pour sa part, fut l’auteur d’un petit livre intitulé « Mensch und Erde » (= « L’Homme et la Terre »), où il défendit la thèse suivante : le progrès, comme projet rationaliste de l’Homme, est arrivé au bout de son rouleau. « Comme un feu dévorant, il ravage la Terre entière, et là où il a brûlé un lieu de fond en comble, plus rien ne pousse ni ne croît, tant qu’il y vit des hommes ». D’après Klages, l’homme détruit « par une rage aveugle sa propre mère la Terre… jusqu’à ce que toute vie et, en bout de compte, lui-même, sont livrés au néant ». Klages était tributaire de la philosophie de Nietzsche et porte paroles du mouvement de jeunesse allemand à ses débuts, quand ces jeunes, dont les options étaient hostiles à la technique et à ses répercussions, voulaient retourner au romantisme allemand, opérer un retour à la nature. Lors d’un rassemblement de cette jeunesse néo-romantique sur la montagne du Hoher Meissner, ces options ont été clairement proclamées (ndt : c’est à la suite de ce rassemblement, où Klages prit la parole pour exposer ses visions, que fut rédigé « Mensch und Erde »).
Via Max Scheler, qui avait lu Klages, Martin Heidegger, à son tour, reçut l’influence des idées technophobes de « Mensch und Erde ». Heidegger défendit la thèse que la perte du lien nous unissant à la nature revêtait pour l’homme moderne une perte d’être (« Seinsverlust ») : « A la place de ce qui, jadis, donnait contenance affirmée au monde et aux choses, nous voyons, toujours plus vite, avec de moins en moins de considération et de scrupules, de manière de plus en plus complète, se répandre sur la terre l’objectivisation de la domination de la technique ». Heidegger, critique, nous enseignait que la technique, développée par ce qu’il est convenu d’appeler l’ « Occident », faisait désormais « apparaître tout étant/Seiende comme un étant/Seiende fabricable dans le processus de la production » et, qui plus est, « distribuait les produits de la production via le marché dans le monde entier ». Toujours aussi critique, Heidegger ne cessait de nous rappeler que le « capitalisme technologique dissolvait l’humain dans l’homme et la choséité dans les choses » au profit « d’une valeur marchande calculée par le marché lui-même », afin de créer « un marché mondial qui englobera toute la Terre ». Après avoir décrit ce processus calamiteux, Heidegger nous exhorta à considérer dorénavant l’homme comme l’administrateur de la Terre et non plus comme son dominateur. L’homme, nous enseigne Heidegger, doit apprendre à abandonner à terme la technologie et la pensée consumériste, pour retrouver sa position modeste dans cette unité totalisante qu’est la Nature.
Rudolf Steiner, fondateur de l’école anthroposophique, chercha à développer un mode d’économie biologique/dynamique, où l’agriculture serait un jeu de réciprocité entre l’homme, l’animal, la plante et la Terre.
Dans l’Allemagne de l’entre-deux-guerres, le « mouvement environnementaliste » (« Umweltbewegung ») recevait le soutien de mouvements politiques très divers ; ces courants politiques et idéologiques si divers avaient chacun une conception différente de la nature, depuis le monisme matérialiste jusqu’à un vitalisme biologique et dynamique. Mais tous avaient le même ennemi : l’ « Occident » moderne, technicien, capitaliste. Indépendamment des sentiments et convictions politiques de chacun de ces groupes ou partis ou mouvements, tous les courants du « mouvement environnementaliste » donnaient raison au « national-bolchevique » Ernst Niekisch, quand il écrivait en 1931 : « La technique est viol de la nature ; elle se superpose à la nature. Le progrès technique consiste en ceci : arracher par ruse l’un morceau de sol après l’autre au règne libre de la nature ; ce qui est triomphe pour la technique est profanation pour la nature. Dans la mesure où la technique abat pas à pas les limites que la nature a posées, elle tue la vie ». Même Oswald Spengler et Ernst Jünger, qui célébraient la technique comme partie prenante du nouvel ordre culturel allemand, réclamaient tous deux que la technique soit en permanence remodelée dans une forme « vitaliste ».
Brigitte SOB.
(article paru dans l’hebdomadaire viennois « zur Zeit », n°41/2007, trad. franç. : Robert Steuckers).
00:35 Publié dans Ecologie, Philosophie, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | |
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A homage to A. Solzhenitsyn

A homage to Alexander Solzhenitsyn
This is the first in what I hope will be a series of postings translated by Fred Scrooby from Robert Steuckers’ interesting and important Synergies Européennes site.Steuckers, interviewed here by the New Right journal Synthesis, is a heavyweight figure in the philosophical background of European nativist politics. Synergies Européennes exists to gather and circularise not Steuckers own thought particularly, but all contributions of interest to the movement. This first quite brief translation, A homage to Alexander Solzhenitsyn, was initially published a year ago and appeared on Altermedia - though untranslated. Steuckers chose to repost it this month, and Fred and I hope you find it a little more instantly readable now and of interest.
Finally, I want to thank Fred publicly for undertaking this task. He is MR’s premier polyglot, and talent like that just can’t be allowed to go to waste!
GW
Slavic languages specialist Barbara de Munnynck, who is Flemish, devotes two full pages in the Flemish newspaper De Standaard (December 8, 2006) to enthusiastically paying homage to Russian author Alexander Solzhenitsyn. She retraces and analyses his whole body of work and writes this very fitting conclusion:
Solzhenitsyn is no longer in fashion. It’s because of the recent political upheavals. Simply put, this man by his nature stands apart from all fashion. Though known as a political writer, he’s closer to a religion-inspired moralist. He critiqued the Soviet dicatorship from a spiritual point of view, not in the name of an alternative political ideology. Measured against the yardstick of Solzhenitsyn’s ethical criteria, neither the West nor the New Russia has any worth. For these reasons Solzhenitsyn might be considered merely a grumpy old man or a perennial dissident. No matter: his attitude toward life, one of coherence, commands respect. It was forged under trying circumstances and has certain things in common with the Christian humanism of St. Augustine, St. Thomas Aquinas, and Edmund Burke. Solzhenitsyn is a venerable prophet whose message exists beyond the passage of time. The enthusiasm for him personally during the Cold War was as strange as the disinterest in him today.
Barbara Munnynck’s reflections allow us to draw a few general conclusions:
It becomes ever more clear that our turbulent, agitated, unbridled-capitalist age needs to be judged based on criteria that stand outside of time. Man’s great works and his equilibrium presuppose long duration; nothing great and lasting can emerge out of the infernal parade of bizarre novelties that strike societies such as ours. Men require long-term trail-markers and find themselves in trouble if these disappear. Beyond this or that religion, presented here a priori as the source of Solzhenitsyn’s inspiration, it is this attitude of respect in the presence of long memory, in the presence of all manner of continuity, that we must recover.
Coming up with alternative ideologies presented as panaceas that will straighten everything out serves no purpose or can only lead to new catastrophes.
In order to recover this sense of long duration or long memory, other works than those of Augustine or Thomas Aquinas are necessary. It amounts to taking the fascinating inventory of mankind’s great spiritual productions.
The disinterest in Solzhenitsyn is the result mainly of two things: in a famous speech at Harvard University he scourged Westernism and Americanism; in the wake of communism’s collapse he didn’t applaud Russia’s westernization. Thus did he distance himself from the boilerplate repeated ad nauseam in the great global media, centered around opinion-forming American press agencies and leading us in every way to believe americanism is history’s happy, splendid final stage and that Russia’s westernization, despite the failures, is a magnificent opportunity being offered to Russia’s peoples.
Translation from the original French by Fred Scrooby
00:15 Publié dans Hommages, Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | |
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