Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mardi, 24 juillet 2007

Stratégie de Washington au Vénézuela

64c9543486dc6135eca5a1f7616ed3e2.jpg

Cris CARLSON :

La nouvelle stratégie impériale de Washington au Venezuela ou Comment on fomente des troubles à Caracas

Un correspondant nous adresse un texte émanant d’un journaliste indépendant vivant au Venezuela, Cris Carlson. Particulièrement sensible aux questions relatives à la mondialisation et à son économie dévorante, ce dernier démonte les mécanismes de la globalisation tels que les Américains les pratiquent pour étendre leur influence et leur contrôle sur le monde.

Cette enquête, émaillée de notes renvoyant à des ouvrages ou à des articles de presse américaine, anglaise et vénézuélienne, est à rapprocher de deux articles parus dans « Le Monde » des 19 et 20 juin 2007 bien que la presse française dans son ensemble soit plutôt muette sur le sujet. Le premier a pour titre « Les projets en Iran de la compagnie gazière autrichienne OMV provoquent la colère de Washington » – le titre, à lui seul, est suffisamment explicite – et, dans le second, « La lutte contre l’insécurité grandissante est devenue la priorité des Vénézuéliens », on retrouve, avec certains faits cités à mots couverts, quelques-unes des observations de Cris Carlson.
Nous sommes en Amérique du Sud ; cet article est donc teinté de tiers-mondisme. On remarquera toutefois que les méthodes appliquées pour instaurer le mondialisme sont universelles.
Polémia

La nouvelle stratégie impériale de Washington au Venezuela
ou Comment on fomente des troubles à Caracas

Utilisée pour la première fois en Serbie en 2000, Washington a maintenant mis au point une nouvelle stratégie impériale pour maintenir sa suprématie dans le monde. Alors que les invasions militaires et l’installation de dictatures ont été traditionnellement les moyens employés pour dominer des populations étrangères et les maintenir à l'écart de la marche des affaires, le gouvernement des Etats-Unis a désormais développé une nouvelle stratégie qui n'est pas aussi compliquée ni brutale mais beaucoup plus douce; tellement douce, en fait, qu’elle est presque invisible.

Elle a été si peu visible en Serbie, en 2000, que personne n’a semblé se rendre compte, au moment du renversement du régime, que le pays s’ouvrait à une privatisation massive et au transfert, aux mains des Etats-Unis et des multinationales, des énormes industries, des sociétés et des ressources naturelles appartenant au secteur public. De la même manière, peu de gens ont remarqué que des pays de l'ancien bloc soviétique avaient été, il y a peu, les victimes de la même stratégie, avec exactement les mêmes résultats.

Les nations qui ne cèdent pas aux exigences de l'empire et à l'expansion du capitalisme mondial font l’objet d’un plan secret et bien conçu destiné à changer la situation politique de leur pays et à ouvrir leurs portes aux investisseurs. Avec le soutien des Etats-Unis des groupes, à l’intérieur de ces pays, renversent le président en donnant l’impression qu’il n’y a aucune intervention venant de l’extérieur. Et aujourd’hui, Washington se tourne vers une nouvelle menace, la plus grande : l'Amérique latine, et plus particulièrement le Venezuela.

La montée du Nouvel Ordre mondial

Au cours de la deuxième moitié du vingtième siècle, les capitalistes américains ont pris conscience que les perspectives nationales d’investissement et de croissance arrivaient à saturation. Les volumes d’affaires atteignaient un niveau où les possibilités d’expansion, à l’intérieur des frontières du pays, étaient pratiquement épuisées et la seule possibilité de croissance était de rechercher à l'étranger de nouvelles perspectives d’avenir. Des groupes d’entreprises en voie d’expansion cherchaient à développer leurs opérations partout dans le monde, en investissant, en privatisant et en achetant tout ce qui leur tombait sous la main. Le capital national se tournait vers l’international et à la fin du siècle le capitalisme était vraiment devenu mondial.

« Grossir ou se faire manger » : telle était leur nouvelle philosophie, et ils décidèrent de grossir en avalant des nations entières. Avec l'aide de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, partout des économies étaient ouvertes à la privatisation. Les systèmes de télécommunication, les réseaux électriques, la distribution de l'eau et les ressources naturelles étaient rachetés par de riches capitalistes partout dans le monde. Le capitalisme du libre-échange régnait alors en maître : un paradis pour le capital international puisque la richesse du monde était de plus en plus concentrée dans leurs mains (1).

Quelques nations, cependant, étaient bien résolues à ne pas se laisser manger. La privatisation était un concept impopulaire parmi des populations qui avaient développé la folle idée que leurs ressources naturelles leur appartenaient, à elles et non pas à des sociétés étrangères. Une résistance s'est installée dans plusieurs régions du monde, et un certain nombre de nations n’ont pas voulu se plier à la logique du capitalisme mondial. Mais Washington était décidé à ouvrir le monde au développement de ses entreprises. Il obligerait ces pays qui n’obtempéraient pas, soit par la force soit  par la ruse.

Le cas de la Yougoslavie : un modèle pour le changement de régime

Ce fut en Yougoslavie, et plus particulièrement en Serbie, que la nouvelle stratégie de Washington allait vraiment prendre forme pour la première fois. De là, cette stratégie allait être exportée à d’autres pays afin d'essayer de renouveler l’énorme succès de l'expérience serbe. Et il n'est pas difficile de voir pourquoi. Après que le renversement du régime Milosevic eut permis une privatisation en masse, tout ce qui restait de l’ancien pays socialiste, y compris certaines des plus grandes réserves européennes de ressources naturelles, tomba bientôt dans les mains des Etats-Unis et des investisseurs internationaux.

La stratégie est une stratégie très élaborée. Dans le dessein d'évincer un régime indésirable, le gouvernement des Etats-Unis se consacre au renforcement et à l’union de l'opposition à son gouvernement. Ceci comprend le financement des partis politiques d'opposition et la création d’organisations non gouvernementales visant à renverser le régime au pouvoir. Par-dessus le marché, les Etats-Unis peuvent engager par contrat des conseillers politiques et des instituts de sondage pour aider leur candidat favori à gagner l’élection. Mais au cas où ils ne peuvent pas gagner l’élection, de faux sondages jettent le doute sur les résutats électoraux officiels et l'opposition crie à la fraude. Des manifestations en masse et la quasi-totalité des médias mettent la pression sur le régime pour qu’il se retire et cède aux exigences de l’opposition (2).

Aussi peu vraisemblable que cela puisse paraître, c’est exactement cette stratégie qui fut utilisée pour renverser Slobodan Milosevic en Serbie, en 2000. Après que la guerre du Kossovo et les bombardements de l’OTAN eurent échoué à provoquer le changement de régime, les Etats-Unis travaillèrent à renforcer les adversaires internes de Milosevic en les unissant derrière un candidat, Vojislav Kostunica, et en alimentant sa campagne électorale avec près de 40 millions de dollars (3). Des ONG et des conseillers électoraux financés par les Etats-Unis réussirent à lancer une campagne de propagande autour des élections et travaillèrent en coulisses à l’organisation d’une résistance massive au régime de Milosevic (4). Le jour du vote, des « aides aux électeurs » formés par les Etats-Unis étaient déployés dans tout le pays pour suivre de près les résultats. Les Etats-Unis avaient même fourni à de jeunes activistes des milliers de bombes de peinture et d’autocollants pour couvrir le pays de slogans anti-Milosevic (5).

Selon les résultats officiels du premier tour des élections, aucun candidat n'avait obtenu la majorité des voix, et il devait donc y avoir un deuxième tour. Mais les conseillers américains publièrent leurs propres « sondages à la sortie des bureaux de vote » qui donnaient Kostunica largement en tête et que Milosevic refusa de reconnaître (6). L'opposition cria à la fraude et des groupes soutenus par les Etats-Unis organisèrent des actions de résistance non violente pour faire pression sur le gouvernement. Des groupes armés envahirent l'Assemblée fédérale et le siège de la télévision d'Etat (7). Des manifestations et une rébellion massive obligèrent Milosevic à se retirer. Il ne devait pas y avoir de deuxième tour et le candidat de Washington, Vojislav Kostunica, prit le pouvoir. La stratégie avait fait son œuvre.

Mais pourquoi les Etats-Unis avaient-ils pris la Serbie pour cible et, plus particulièrement, la petite province du Kossovo ? La réponse remonte à l'administration Reagan et à un document secret de 1984 sur « La politique américaine à l’égard de la Yougoslavie ». Une version censurée fut révélée en 1990 qui préconisait « le déploiement d’efforts pour encourager une “révolution pacifique” visant à renverser le gouvernement communiste et les partis » (8).

Pendant des années le gouvernement des Etats-Unis a travaillé au démantèlement et au morcellement de la Yougoslavie socialiste, soutenant tous les mouvements d’indépendance, quels qu’ils fussent, à l’intérieur des différentes provinces, y compris l’intervention militaire de 1999 au Kossovo pour favoriser la séparation de cette province. Ce qui avait été, par le passé, un relatif succès économique sous le célèbre Josip Tito et son économie socialiste fondée sur la propriété collective et l’autogestion des entreprises, ne permettait pas les investissements étrangers ni le capital américain. C'était un péché mortel vis-à-vis du capitalisme mondial moderne. Comme l'écrit Michael Parenti :

« La Yougoslavie était le seul pays d’Europe de l'Est qui ne voulait pas démanteler son économie collectiviste d'état-providence. Elle était la seule à ne pas avoir sollicité son entrée à l'OTAN. Elle poursuivait – et c’est encore le cas pour ce qui en reste – une route indépendante, non conforme au Nouvel Ordre mondial (9). »

Morceler le pays en petits Etats dépendants et détruire leur économie collectiviste étaient l’objectif final, et Milosevic, un admirateur du socialiste Tito, était leur seul obstacle.

Leur travail fut considérablement récompensé. Une fois Milosevic disparu, une des premières mesures prises par le nouveau gouvernement fut d’abroger la loi de 1997 sur la privatisation et de permettre aux investisseurs étrangers d’acquérir 70% du capital d’une entreprise (10). En 2004, la mission de l'ONU au Kossovo annonça la privatisation de 500 entreprises, et ce furent les sociétés américaines qui se révélèrent les grandes gagnantes. Phillip Morris acheta une manufacture de tabac pour 580 millions de dollars, U.S. Steel traita une affaire de 250 millions de dollars avec un producteur d’acier, Coca-Cola s’empara d’un fabriquant d’eau en bouteilles pour 21 millions de dollars, et ainsi de suite (11).

De surcroît, les investisseurs occidentaux avaient désormais accès à ce que le « New York Times » appela le « prix fabuleux de la guerre », les deuxièmes plus grands gisements de charbon d’Europe et les énormes réserves de plomb, de zinc, d’or, d’argent et même de pétrole (12). Et la perle des perles se situait dans la province du Kossovo : l’énorme complexe minier de Trepca, évalué à plus de 5 milliards de dollars, ouvert aujourd’hui au plus offrant (13).

Le succès de la stratégie en Serbie servit merveilleusement de leçon aux décideurs politiques de Washington. Ils allaient la répéter à plusieurs reprises dans l'ensemble de l'Europe de l'Est, dans des régions comme la Géorgie (en 2003), l’Ukraine (en 2004), le Kyrgyzstan (en 2005) et la Biélorussie (sans succès en 2001). Au cours de ce qu’on a appelé les « Révolutions de couleur », chaque mouvement, aidé par les Etats-Unis, allait remplacer un régime par un autre plus favorable aux politiques de libre-échange promues par Washington (14). La stratégie préférée pour obtenir un changement de régime devint cette nouvelle sorte de résistance non violente, et maintenant l'empire dirige son regard sur l'Amérique du Sud, où une nouvelle menace pour le capitalisme mondial est soudainement apparue.

Le problème du Venezuela

Si, pour la Serbie, la mine de Trepca au Kossovo était le gros lot de l'intervention dans ce pays, au Venezuela c'est la compagnie pétrolière d'Etat, PDVSA. Le Venezuela possède certaines des plus grandes réserves de pétrole du monde, peut-être devant l'Arabie Saoudite si l’on tient compte de tous les gisements de brut. Et c'est PDVSA qui domine au Venezuela, avec un total monopole sur les ressources pétrolières de la nation. Avec une capacité de production de 4 milliards de barils par jour et un revenu annuel 65 milliards de dollars, la compagnie possède également un réseau de plus de 15.000 stations-services aux Etats-Unis ainsi que plusieurs raffineries, à la fois aux Etats-Unis et en Europe, la plaçant à la deuxième place des plus grandes compagnies de toute l'Amérique latine (15).

On peut être sûr que les investisseurs en entreprises aimeraient mettre la main sur PDVSA, comme sur d’autres sociétés du secteur public du Venezuela. En fait, c’est ce qu’ils ont fait tout au long des années 1990. En 1998, les sociétés multinationales avaient déjà raflé la compagnie nationale du téléphone, la plus grande compagnie de l'électricité, et l’opération sur PDVSA traversait ce qu’ils appelaient une période d’ « ouverture » au capital international ; une façon plus élégante d’appeler la privatisation (16).

Mais cette même année, Hugo Chavez fut élu président sur une plateforme anti-impérialiste, et la vente aux enchères du Venezuela cessa brusquement. En fait, Hugo Chavez est devenu un vrai problème pour les impérialistes industriels et leurs domestiques à Washington. Non seulement il a mis fin aux privatisations mais il fait actuellement marche arrière en re-nationalisant tout ce qui a, par le passé, été privatisé. La privatisation de la compagnie pétrolière d'Etat est désormais interdite par la loi, et son gouvernement a pris son entier contrôle, en l’utilisant pour financer le développement du pays.

Mais ce qui inquiète encore plus Washington et ses promoteurs économiques c’est de voir que cette tendance se propage à travers l'Amérique latine. Le gouvernement Chavez a tissé des liens étroits avec beaucoup de ses voisins, et beaucoup marchent dans ses pas. Des pays comme la Bolivie et l'Equateur reprennent le contrôle de leurs énormes réserves de gaz et de pétrole, laissant moins d’emprise aux grosses sociétés qui espéraient les posséder un jour.

Et par conséquent, exactement comme ils l’ont fait en Serbie, en Géorgie, en Ukraine et ailleurs, Washington a déployé ses forces au Venezuela avec l'intention de se débarrasser de la menace Chavez. Après avoir tenté différentes actions au cours des années, y compris un coup d’Etat qui a fait long feu, une manipulation électorale et des manifestations de masse, Washington n'a pas été capable de renverser le chef populaire. Mais ils n'ont pas abandonné pour autant. Au contraire, ils continuent précisément à augmenter leur niveau d’implication.

Répétition de l'expérience de l'Europe de l'Est au Venezuela

La nouvelle stratégie impériale comprend ce que l’on appelle « les coins américains ». Ces « coins » sont de petits bureaux, mis en place par Washington  à travers le pays cible, qui servent pratiquement de mini-ambassades. On ne sait pas très bien ce que font exactement ces « coins », mais on y trouve tout un choix de renseignements sur les Etats-Unis, y compris des offres d'études à l'étranger, des cours d’anglais et de la propagande pro-américaine. En plus de tout cela, les mini-ambassades organisent également des événements, des formations et des cours pour jeunes étudiants.

Curieusement, ces « coins » semblent se trouver en très grand nombre dans les pays que Washington cherche à déstabiliser. Les anciens pays yougoslaves ont un total de 22 « coins américains », dont 7 en Serbie. L'Ukraine en a 24, la Biélorussie 11, la Russie 30, l’Irak, même, 11. La concentration de loin la plus élevée des « coins » est en Europe de l'Est, sur laquelle Washington dirige ses tentatives de déstabilisation depuis quelques années (17).

Il existe au moins quatre « coins américains » au Venezuela, implantation la plus importante de tous les pays latino-américains, et les Etats-Unis financent aussi littéralement des centaines d'organismes dans tout le pays pour un montant de plus de 5 millions de dollars par an (18). Ces organisations financées par les Etats-Unis travaillent de concert pour transplanter l'expérience de l’Europe de l’Est au Venezuela. Comme le rapporte Reuters, l’opposition vénézuélienne est déjà en train d’apprendre les tactiques serbes de renversement de régime de la bouche d’un colonel de l’armée américaine en retraite, nommé Robert Helvey :

« Helvey, qui a enseigné à de jeunes activistes au Myanmar [en Birmanie] et à des étudiants serbes qui ont participé à la destitution de l'ancien dirigeant yougoslave Slobodan Milosevic en 2000, donne, cette semaine, des cours de tactique d'opposition non violente à une université à l’est de Caracas », dit l’article. « Ni Helvey ni les organisateurs du séminaire de Caracas n’ont voulu donner de précisions sur les tactiques d'opposition  enseignées. Mais, dans sa mission en Serbie avant la chute de Milosevic, Helvey fournissait des instructions aux étudiants sur les façons d'organiser une grève et sur la manière de miner l'autorité d'un régime dictatorial », rapportait Reuters (19).

Et plus récemment, dans la ville universitaire de Mérida, un professeur d'histoire du Texas, Neil Foley, a animé une manifestation organisée par l'ambassade des Etats-Unis et le Centre vénézuélo-américain (Cevam), qui n’est pas officiellement un « coin américain » mais qui vise le même objectif. Foley, qui s’est exprimé dans divers « coins américains » de Serbie, a donné des conférences en Bolivie et au Venezuela sur « les valeurs américaines » (20).

J’ai assisté à l’une des conférences de Foley et, comme prévu, c’était une véritable campagne de propagande pro-américaine infligée aux étudiants de l’université. Le professeur a donné très exactement le message pour lequel il avait été payé par l’ambassade des Etats-Unis, en vantant les mérites de la société américaine et de « la démocratie américaine ». Selon Foley, les Etats-Unis résolvent tous leurs problèmes par la tolérance envers les autres et un « dialogue » sans exclusive avec leurs opposants. Et par un clair appel du pied en direction de ces étudiants vénézuéliens, Foley laissait entendre que tout gouvernement qui ne respectait pas ces critères « devait être renversé » (21)

Tous ces efforts convergent dans une campagne à l’échelle nationale visant à unir, renforcer et mobiliser l'opposition au gouvernement démocratiquement élu de Chavez. L’objectif final, naturellement, est de déstabiliser le gouvernement, en organisant et en dirigeant des groupes d'opposition qui devront commettre des actes de résistance pacifique et des manifestations de masse. Comme cela a été fait en 2002, quand les groupes vénézuéliens d'opposition ont organisé des manifestations massives qui ont tourné à la violence et finalement conduit au renversement provisoire du gouvernement Chavez, la campagne financée par les Etats-Unis cherche à déstabiliser le gouvernement, de n’importe quelle façon, pouvant aller jusqu’à provoquer la violence dont ils rejetteront plus tard la responsabilité sur le gouvernement (22).

A présent presque tous les éléments de la stratégie utilisée en Serbie et dans d’autres pays de l'Est ont été mis en œuvre au Venezuela au moment où Washington dirige et contrôle la campagne de l'opposition vénézuélienne. Les mêmes « conseillers électoraux » employés pour la Serbie, l’entreprise Penn, Schoen et Berland basée à Washington, ont été également utilisés au Venezuela pour publier de faux sondages effectués à la sortie des bureaux de vote dans le dessein de faire planer le doute sur les élections vénézuéliennes. Cette stratégie de manipulation électorale a été employée à l’occasion du référendum de rappel de 2004 où l’ONG Sumate, financée par les Etats-Unis, et la firme Penn, Schoen et Berland ont diffusé de faux sondages à la sortie des bureaux de vote annonçant que Chavez avait perdu le référendum. Ils refirent la même chose avant les élections de 2006, en prétendant que l’adversaire de Chavez « avait nettement le vent en poupe » (23). Aussi bien en 2004 qu’en 2006, les faux sondages donnaient raison aux allégations de fraude avancées par l'opposition avec l'espoir de provoquer des manifestations de masse contre le gouvernement. La stratégie a en grande partie échoué mais elle a jeté un doute sur la légitimité du gouvernement de Chavez et a affaibli son image sur le plan international.

Les tentatives de déstabilisation prennent forme de manière concrète dans les semaines qui viennent avec les énormes manifestations antigouvernementales de Caracas contre l’action entreprise par le gouvernement à l’encontre de la chaîne de télévision privée RCTV. Des groupes d'opposition se sont mis en place autour de cette décision du gouvernement, proclamant qu’elle piétinait la « liberté d'expression », et ils ont organisé une série de grandes manifestations dans la capitale aboutissant à un défilé massif le 27 mai, jour où expire le permis d'émission de RCTV.

Tous les médias privés ont joué leur rôle en annonçant et en invitant les téléspectateurs à participer au défilé pour manifester contre le gouvernement. Tout le monde s’attend à ce qu’il y ait une énorme participation à la fois de la part des partisans du gouvernement et de la part de ses opposants, et le gouvernement a déjà prévenu qu’il pourrait y avoir au cours de ce défilé des violences dont on tentera de rejeter la responsabilité sur lui pour déstabiliser le régime. Ces derniers jours, les services de renseignements du gouvernement ont découvert, chez les opposants, 5 fusils destinés à des tireurs isolés ainsi que 144 cocktails Molotov, qui semblent bien prouver que la violence est au menu (24) (25).

C'est exactement ce genre de manifestation qui, en 2002, a entraîné des dizaines de morts, des centaines de blessés et le renversement provisoire du gouvernement Chavez. Les chaînes de télévision privées comme RCTV ont manipulé les reportages filmés pour attribuer la responsabilité des morts aux défenseurs de Chavez, et condamné le gouvernement pour ses atteintes aux droits de l'homme. Aussi, cette fois, les fonctionnaires du gouvernement ont-ils demandé aux activistes pro-gouvernmentaux de surveiller les manifestations de l’opposition avec photos et vidéos les 27 et 28 mai afin d'éviter une situation semblable à celle du coup d’Etat de 2002.

S'il n'y avait eu les énormes manifestations pro-gouvernementales après que Chavez eut été renversé en 2002, la stratégie de Washington se serait peut-être déjà débarrassée de ce président populaire. Mais la stratégie a échoué, et par conséquent l'empire poursuit ses tentatives. Comme cela s’est passé en Ukraine, en Serbie, en Géorgie et ailleurs, la stratégie exige de faire descendre dans la rue un grand nombre de personnes pour manifester contre le gouvernement. Indifférents au fait que le gouvernement dispose ou non d’une popularité, qu’il soit élu démocratiquement ou non, les groupes d’opposition tentent d’imposer leur volonté au gouvernement en mettant la pression.

Ce que la plupart des manifestants ne savent probablement pas, c’est qu'ils sont simplement les pions d’une plus grande stratégie qui a pour objectif de déboucher sur un capitalisme mondialiste de « libre-échange » et des privatisations dominées par les grosses entreprises. Tandis que d’énormes sociétés multinationales se partagent le monde, de petites nations comme la Serbie et le Venezuela sont simplement des obstacles malencontreux à la réalisation de leurs objectifs. Dans la ruée mondiale pour voir qui grossira et qui se fera manger, le fait que des pays préféreraient ne pas être mangés n’a tout simplement pas d’importance pour les bureaucrates de Washington.
 
Cris Carlson, journaliste indépendant habitant au Venezuela.
Voir son blog personnel à :
www.gringoinvenezuela.com
13 mai 2007
Venezuelanalysis.com

______________

Notes :

1.    Pour en savoir plus sur la façon dont la Banque mondiale et le FMI forcent la privatisation sur les pays pauvres :
      
http://www.thirdworldtraveler.com/IMF_WB/IMF_WB.html...
2.    Quatre articles de Michael Barker expliquent plus amplement cette stratégie.
      
http://www.zmag.org/content/showarticle.cfm?ItemID=10987...
3.    Michael A. Cohen et Maria Figueroa Küpçü, « Privatizing Foreign Policy », « World Policy Journal », Volume XXII, n° 3, automne 2005 :
       http://worldpolicy.org/journal/articles/wpj05-3/cohen.html
4.    Chulia, Sreeram : « Démocratisation, révolutions de couleur et le rôle des ONG : Catalyseurs ou saboteurs ? »:
      
http://www.globalresearch.ca/index.php?context=viewArticl...
5.    Michael Dobbs, « Les conseillers politiques américains ont aidé l'opposition yougoslave à renverser Milosevic », « The Washington Post », 11/12/00 : http://www.washingtonpost.com/ac2/wp-dyn?pagename=article...
6.    Ian Traynor explique comment l’opposition a utilisé les sondages à la sortie des bureaux de vote pour renverser les régimes en Europe orientale, « The Guardian », 26/11/04 :http://www.guardian.co.uk/ukraine/story/0,15569,1360236,0...
7.    Chris Marsden, « Comment l’Ouest organisa la chute de Milosevic » : http://www.wsws.org/articles/2000/oct2000/yugo-o13_prn.sh...
8.    Finley, Brooke : « Remembering Yugoslavia: Managed News and Weapons of Mass Destruction », extrait du livre « Censored 2005 », Seven Stories Press, 2004.
9.    Michael Parenti, « The Media and Their Atrocities, You Are Being Lied To », p. 53, The Disinformation Company Ltd., 2001.
10.  Neil Clark, « The Spoils of Another War/NATO’s Kosovo Privatizations », Znet, 21/09/04 :
http://www.zmag.org/content/showarticle.cfm?ItemID=6275...
11.  Elise Hugus, « Eight Years After NATO’s “Humanitarian War”/Serbia’s New “Third Way” », « Z Magazine », avril 2007, volume 20 n° 4 : http://zmagsite.zmag.org/Apr2007/hugus0407.html...
12.  Hedges, C., « Kosovo War's Glittering Prize Rests Underground », « New York Times », 08/08/98.
13.  Michel Chossudovsky, « Dismantling Former Yugoslavia, Recolonizing Bosnia-Herzegovina », « Global Research », 19/02/02, « Covert Action Quarterly », printemps, 18/06/96 :
http://www.globalresearch.ca/index.php?context=viewArticl...
14.  Jonathan Mowat, « Coup d’Etat in Disguise: Washingtons’s New World Order “Democratization” Template », « Global Research », 09/02/05 :
http://www.globalresearch.ca/articles/MOW502A.html...
15.  http://es.wikipedia.org/wiki/Petróleos_de_Venezuela...
16.  Steve Ellner, « The Politics of Privatization, NACLA Report on the Americas », 30/04/98 :
http://www.hartford-hwp.com/archives/42/170.html...
17   http://veszprem.americancorner.hu/htmls/american_corners_...
18.  Jim McIlroy & Coral Wynter, « Eva Golinger: Washington's “Three Fronts of Attack” on Venezuela », « Green Left Weekly », 17/11/06 :
http://www.greenleft.org.au/2006/691/35882
19.  Pascal Fletcher, « US Democracy Expert Teaches Venezuelan Opposition », Reuters, 30/04/03 :
http://www.burmalibrary.org/TinKyi/archives/2003-05/msg00...
20.  La page web de l’ambassade américaine de Bolivie témoigne que Neil Foley a prononcé un discours à La Paz, en Bolivie, pour « La semaine culturelle des Etats-Unis », dans la semaine qui a précédé son arrivée au Venezuela.
http://www.megalink.com/USEMBLAPAZ/english/Pressrel2007En...
21.  Notes personnelles prises par moi-même lors du discours de Mr. Foley à l’université des Andes à Merida, Venezuela, le 16 avril 2007.
22.  Pour plus de détails sur le coup d’Etat de 2002 on lira le récent article de Gregory Wilpert : « The 47-Hour Coup That Changed Everything » :
www.venezuelanalysis.com/articles.php?artno=2018...
23.  Voir mon précédent article « Coup d’Etat au Venezuela: Made aux Etats-Unis/Le projet américain de destitution d’Hugo Chavez dans les jours qui ont suivi l’élection », Venezuelanalysis.com, 22/11/06 :
www.venezuelanalysis.com/articles.php?artno=1884...
24.  Le président Chavez annonce que les services de renseignements ont infiltré des groupes d’opposition et qu’ils ont trouvé parmi eux un homme en possession de cinq fusils avec silencieux, « Chávez anuncia incautación armas vinculadas a complot en su contra », Milenio.com, 606/05/07 :
http://www.milenio.com/index.php/2007/05/05/65937/...
25.  La police de Los Teques, près de Caracas, a trouvé 144 cocktails Molotov tout prêts à être utilisés pour « être emportés dans la rue la semaine prochaine dans l’intention de troubler l’ordre public et favoriser une confrontation directe avec les autorités », « Prensa Latina », 09/05/07 :
http://www.prensalatina.com.mx/article.asp?ID=%7BEEAA37C7...)

Correspondance Polémia
Traduction René Schleiter
Polémia -
http://www.polemia.com/contenu.php?cat_id=12&iddoc=14...
22/06/07

04:05 Publié dans Défense, Géopolitique, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Sur S. Rogge-Börner

296665aa91466d8239c63aa9b3c08782.jpg

Sur Sophie Rogge-Börner

24 juillet 1878: Naissance à Warendorf en Westphalie de l’écrivain et théoricienne féministe et folciste alle­man­de Sophie Rogge-Börner, qui épousera en 1910 le Général-Médecin Rogge, de la Kriegsmarine. Elle con­sa­cre­ra son existence au problème féminin dans la société allemande. Elle se fera l’avocate d’une pensée de l’har­monie entre les sexes, d’une polarité qu’il convient de garder équilibrée. Bien que ne faisant pas partie du mou­vement national-socialiste, elle fonde en 1933, l’année où Hitler arrive au pouvoir, une revue féministe, Die deutsche Kämpferin. Parmi ses ouvrages figure An geweihtem Brunnen, une histoire du mouvement des fem­mes allemandes à la lumière des théories raciales, en vogue depuis la fin du 19ième siècle (et pas seulement en Allemagne). Sa théorie de la polarité des sexes la conduit à critiquer les théories unilatérales du matriarcat pri­mitif, très discutées depuis Bachofen et réactualisées en son temps par le Professeur Ernst Bergmann. De mê­me, dès 1934, elle s’insurge contre la nouvelle politique nationale-socialiste qui autorise les femmes à exer­cer notamment la profession de juge.

Sophie Rogge-Börner estimait que cette politique qui déséquilibrait l’har­mo­nie et la polarité souhaitables faisait fausse route. A partir de ce moment, elle adopte des positions très cri­tiques à l’endroit du nouveau régime, ce qui conduit à l’interdiction de sa revue en 1937. Aujourd’hui, la théoricienne féministe et historienne du féminisme allemand, Christine Wittrock, appelle à redécouvrir son œu­vre, notamment dans le libre Weiblichkeitsmythen. Das Frauenbild im Faschismus und seine Vorläufer in der Frauenbewegung der 20er Jahre (Francfort, 1983) (Robert Steuckers).

03:45 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

lundi, 23 juillet 2007

Dominium mundi

27790df40063906a4a27e0d2c193fedd.jpg

 

Pierre LEGENDRE:

Dominium Mundi - L'Empire du management

Présentation de l'éditeur
Le Management est un Empire mou ; c'est là sa force. Des myriades de pouvoirs en réseaux volatilisent les formes inaptes à la compétition. La Globalisation-Mondialisation a semblé l'ultime étape de l'occidentalisation de la planète. Avec, à la clé, la folklorisation des cultures qui résistent encore et l'alignement des individus sur la maquette euro-américaine. Mais quelque chose se durcit dans les rapports mondiaux, quelque chose de guerrier, qui déborde la techno-science-économie et touche aux ressources généalogiques, à la Terre intérieure de l'homme. Un film documentaire, " Dominium mundi. L'Empire du Management ", réalisé par Gérald Caillat, conçu avec Pierre Legendre et Pierre-Olivier Bardet, pour la chaîne Arte, est à l'origine de ce texte inédit de Pierre Legendre. Ce film complète le triptyque qui comporte " La Fabrique de l'homme occidental " (1997) et " Miroir d'une Nation. L'École Nationale d'Administration " (2000).

Détails sur le produit
  • Broché: 94 pages
  • Editeur : Mille et une nuits (13 juin 2007)
  • Langue : Français
  • ISBN-10: 2842059344
  • ISBN-13: 978-2842059347

04:00 Publié dans Définitions, Livre, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

J. Freund :guerre et paix

964669e112968cf4f37a4f801883f864.jpg

Julien Freund: la guerre et la paix face au phénomène politique

 par Gilles RENAUD

cf.: http://www.stratisc.org/strat72_Renaud2.html...

04:00 Publié dans Philosophie, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Quand B. Croce sponsorisait J. Evola...

e2f2490f3aef09cdb1a73ccbb5cdefe5.jpg

Quand Benedetto Croce “sponsorisait” Evola...

Alessandro BARBERA

Le philosophe libéral et antifasciste a joué un rôle étrange, celui de “protecteur” d'Evola. Alessandro Barbera nous raconte l'histoire inédite d'une relation que personne ne soupçonnait...

Julius Evola et Benedetto Croce. En apparence, ce sont là deux penseurs très éloignés l'un de l'autre. Pourtant, à une certaine période de leur existence, ils ont été en contact. Et ce ne fut pas un épisode éphémère mais un lien de longue durée, s'étendant sur presque une décennie, de 1925 à 1933. Pour être plus précis, disons que Croce, dans cette relation, a joué le rôle du “protecteur” et Evola, celui du “protégé”. Cette relation commence quand Evola entre dans le prestigieux aréopage des auteurs de la maison d'édition Laterza de Bari.

Dans les années 30, Evola a publié plusieurs ouvrages chez Laterza, qui ont été réédités au cours de notre après-guerre. Or, aujourd'hui, on ne connaît toujours pas les détails de ces liens au sein de la maison d'édition. En fait, deux chercheurs, Daniela Coli et Marco Rossi, nous avaient déjà fourni dans le passé des renseignements sur la relation triangulaire entre Evola, Croce et la Maison d'édition Laterza. Daniela Coli avait abordé la question dans un ouvrage publié il y a une dizaine d'années chez Il Mulino (Croce, Laterza e la cultura europea, 1983). Marco Rossi, pour sa part, avait soulevé la question dans une série d'articles consacrés à l'itinéraire culturel de Julius Evola dans les années 30, et parus dans la revue de Renzo De Felice, Storia contemporanea (n°6, décembre 1991). Dans son autobiographie, Le chemin du Cinabre  (éd. it., Scheiwiller, 1963; éd. franç., Arke/Arktos, Milan/Carmagnole, 1982), Evola évoque les rapports qu'il a entretenus avec Croce mais nous en dit très peu de choses, finalement, beaucoup moins en tout cas que ce que l'on devine aujourd'hui. Evola écrit que Croce, dans une lettre, lui fait l'honneur de juger l'un de ses livres: «bien cadré et sous-tendu par un raisonnement tout d'exactitude». Et Evola ajoute qu'il connaît bien Croce, personnellement. L'enquête nous mène droit aux archives de la maison d'éditions de Bari, déposées actuellement auprès des archives d'Etat de cette ville, qui consentiront peut-être aujourd'hui à nous fournir des indices beaucoup plus détaillés quant aux rapports ayant uni les deux hommes.

La première lettre d'Evola que l'on retrouve dans les archives de la maison Laterza n'est pas datée mais doit remonter à la fin de juin 1925. Dans cette missive, le penseur traditionaliste répond à une réponse négative précédente, et plaide pour l'édition de sa Teoria dell'individuo assoluto.  Il écrit: «Ce n'est assurément pas une situation sympathique dans laquelle je me retrouve, moi, l'auteur, obligé d'insister et de réclamer votre attention sur le caractère sérieux et l'intérêt de cet ouvrage: je crois que la recommandation de Monsieur Croce est une garantie suffisante pour le prouver».

 

907f96b80af724417da24a20a6f7f664.jpg

 

L'intérêt du philosophe libéral se confirme également dans une lettre adressée par la maison Laterza à Giovanni Preziosi, envoyée le 4 juin de la même année. L'éditeur y écrit: «J'ai sur mon bureau depuis plus de vingt jours les notes que m'a communiquées Monsieur Croce sur le livre de Julius Evola, Teoria dell'individuo assoluto,  et il m'en recommande la publication». En effet, Croce s'est rendu à Bari vers le 15 mai et c'est à cette occasion qu'il a transmis ses notes à Giovanni Laterza. Mais le livre sera publié chez Bocca en 1927. C'est là la première intervention, dans une longue série, du philosophe en faveur d'Evola.

 

Quelques années plus tard, Evola revient frapper à la porte de l'éditeur de Bari, pour promouvoir un autre de ses ouvrages. Dans une lettre envoyée le 23 juillet 1928, le traditionaliste propose à Laterza l'édition d'un travail sur l'hermétisme alchimique. A cette occasion, il rappelle à Laterza l'intercession de Croce pour son ouvrage de nature philosophique. Cette fois encore, Laterza répond par la négative. Deux années passent avant qu'Evola ne repropose le livre, ayant cette fois obtenu, pour la deuxième fois, l'appui de Croce. Le 13 mai 1930, Evola écrit: «Monsieur le Sénateur Benedetto Croce me communique que vous n'envisagez pas, par principe, la possibilité de publier un de mes ouvrages sur le tradition hermétique dans votre collection d'œuvres ésotériques». Mais cette fois, Laterza accepte la requête d'Evola sans opposer d'obstacle. Dans la correspondance de l'époque entre Croce et Laterza, que l'on retrouve dans les archives, il n'y a pas de références à ce livre d'Evola. C'est pourquoi il est permis de supposer qu'ils en ont parlé de vive voix dans la maison de Croce à Naples, où Giovanni Laterza s'était effectivement rendu quelques jours auparavant. En conclusion, cinq ans après sa première intervention, Croce réussit finalement à faire entrer Evola dans le catalogue de Laterza.

 

La troisième manifestation d'intérêt de la part de Croce a probablement germé à Naples et concerne la réédition du livre de Cesare della Riviera, Il mondo magico degli Heroi.  Dans les pourparlers relatifs à cette réédition, on trouve une première lettre du 20 janvier 1932, où Laterza se plaint auprès d'Evola de ne pas avoir réussi à trouver des notes sur ce livre. Un jour plus tard, Evola répond et demande qu'on lui procure une copie de la seconde édition originale, afin qu'il y jette un coup d'oeil. Entretemps, le 23 janvier, Croce écrit à Laterza: «J'ai vu dans les rayons de la Bibliothèque Nationale ce livre sur la magie de Riviera, c'est un bel exemplaire de ce que je crois être la première édition de Mantova, 1603. Il faudrait le rééditer, avec la dédicace et la préface». Le livre finira par être édité avec une préface d'Evola et sa transcription modernisée. La lecture de la correspondance nous permet d'émettre l'hypothèse suivante: Croce a suggéré à Laterza de confier ce travail à Evola. Celui-ci, dans une lettre à Laterza, datée du 11 février, donne son avis et juge que «la chose a été plus ennuyeuse qu'il ne l'avait pensé».

 

La quatrième tentative, qui ne fut pas menée à bon port, concerne une traduction d'écrits choisis de Bachofen. Dans une lettre du 7 avril 1933 à Laterza, Evola écrit: «Avec le Sénateur Croce, nous avions un jour évoqué l'intérêt que pourrait revêtir une traduction de passages choisis de Bachofen, un philosophe du mythe en grande vogue aujourd'hui en Allemagne. Si la chose vous intéresse (il pourrait éventuellement s'agir de la collection de “Culture moderne”), je pourrai vous dire de quoi il s'agit, en tenant compte aussi de l'avis du Sénateur Croce». En effet, Croce s'était préoccupé des thèses de Bachofen, comme le prouve l'un de ses articles de 1928. Le 12 avril, Laterza consulte le philosophe: «Evola m'écrit que vous lui avez parlé d'un volume qui compilerait des passages choisis de Bachofen. Est-ce un projet que nous devons prendre en considération?». Dans la réponse de Croce, datée du lendemain, il n'y a aucune référence à ce projet mais nous devons tenir compte d'un fait: la lettre n'a pas été conservée dans sa version originale.

 

Evola, en tout cas, n'a pas renoncé à l'idée de réaliser cette anthologie d'écrits de Bachofen. Dans une lettre du 2 mai, il annonce qu'il se propose «d'écrire au Sénateur Croce, afin de lui rappeller ce dont il a été fait allusion» dans une conversation entre eux. Dans une seconde lettre, datée du 23, Evola demande à Laterza s'il a demandé à son tour l'avis de Croce, tout en confirmant avoir écrit au philosophe. Deux jours plus tard, Laterza déclare ne pas «avoir demandé son avis à Croce», à propos de la traduction, parce que, ajoute-t-il, «il craint qu'il ne l'approu­ve». Il s'agit évidemment d'un mensonge. En effet, Laterza a de­man­dé l'avis de Croce, mais nous ne savons toujours pas quel a été cet avis ni ce qui a été décidé. L'anthologie des écrits choisis de Bachofen paraîtra finalement de nombreuses années plus tard, en 1949, chez Bocca. A partir de 1933, les liens entre Evola et Croce semblent prendre fin, du moins d'après ce que nous permettent de conclure les archives de la maison Laterza.

 

Pour retrouver la trace d'un nouveau rapprochement, il faut nous reporter à notre après-guerre, quand Croce et Evola faillirent se rencontrer une nou­velle fois dans le monde de l'édition, mais sans que le penseur tra­ditionaliste ne s'en rende compte. En 1948, le 10 décembre, Evola propose à Franco Laterza, qui vient de succéder à son père, de pu­blier une traduction du livre de Robert Reininger, Nietzsche e il senso de la vita.  Après avoir reçu le texte, le 17 février, Laterza écrit à Alda Croce, la fille du philosophe: «Je te joins à la présente un manuscrit sur Nietzsche, traduit par Evola. Cela semble être un bon travail; peux-tu voir si nous pouvons l'accepter dans le cadre de la “Bibliothèque de Culture moderne”». Le 27 du même mois, le philosophe répond. Croce estime que l'opération est possible, mais il émet toutefois quelques réserves. Il reporte sa décision au retour d'Alda, qui était pour quelques jours à Palerme. La décision finale a été prise à Naples, vers le 23 mars 1949, en la présence de Franco Laterza. L'avis de Croce est négatif, vraisemblablement sous l'influence d'Alda, sa fille. Le 1er avril, Laterza confirme à Evola que «le livre fut très apprécié (sans préciser par qui, ndlr) en raison de sa valeur», mais que, pour des raisons d'«opportunité», on avait décidé de ne pas le publier. La traduction sortira plus tard, en 1971, chez Volpe.

 

Ce refus de publication a intrigué Evola, qui ignorait les véritables tenants et aboutissants. Un an plus tard, dans quelques lettres, en remettant la question sur le tapis, Evola soulevait l'hypothèse d'une «épuration». Cette insinuation a irrité Laterza. A la suite de cette polémique, les rapports entre l'écrivain et la maison d'édition se sont rafraîchis. En fin de compte, nous pouvons conclure qu'Evola est entré chez Laterza grâce à l'intérêt que lui portait Croce. Il en est sorti à cause d'un avis négatif émis par la fille de Croce, Alda, sur l'une de ses propositions.

 

Alessandro BARBERA.

03:15 Publié dans Philosophie, Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

dimanche, 22 juillet 2007

The Wellspring of Being

2f447c2a911dad615d985c0a4003e853.jpg

New Culture, New Right : The Wellspring of Being

Michael O'MEARA

Utdrag från New Culture, New Right: Anti-Liberalism in Postmodern Europe, s. 117-126.

The first major thinker to inform the GRECE's philosophy of history -- and theoretically validate Europe's longest memory -- was Friedrich Nietzsche, for his rejection of modernist metaphysics and his embrace of the old Greek myths to counter the rationalism of the "dialecticians" (Christian or modernist) anticipated the New Right's identitarian project. Moreover, in appealing to "we good Europeans," his philosophical project addressed "historiological" issues pertinent to the problems of historical fatigue and cultural renewal. From these, there has emerged the most radical of his ideas -- the thought of Eternal Return -- which forms the core of the New Right's anti-liberal philosophy of history. [34]

As Giorgio Locchi first interpreted it, the Nietzschean notion of Eternal Return does not imply a literal repetition of the past. It is an axiological rather than a cosmological principle. As such, it represents a will for metamorphosis in a world that is itself in endless metamorphosis, serving as a principle of becoming that knows neither end nor beginning, but only the process of life perpetually returning to itself. It thus affirms man's "worldopen" nature, subject as he is to on-going transformations and transvaluations. [35] Against the determinism implicit in modernity's progressive narrative, Nietzsche's Eternal Return exalts the old noble virtues that forged life's ascending instincts into a heroically subjective culture. Homer's Greeks might thus be dead and gone, yet, whenever "the eternal hourglass of existence is turned upside down," "opening" the future to the past, Nietzsche thought the epic spirit, as that which bears returning, might again be roused and lead to something analogous. [36] Life, he argued, is not a timeless essence inscribed with a predetermined telos. As being, it is becoming, and becoming is will to power. In this sense, Eternal Return represents the affirmation of man's original being, the assertion of his difference from others, and, in its infinite repertoire of exemplary past actions, the anticipation of whatever his future might hold. Its recurring past functions thus as a "selective thought," putting memory's endless assortment of experience in service to life. As Vattimo characterizes it, the past is "an always available reserve of future positions." [37] Man has only to envisage a future similar to some select facet of what has gone before to initiate its return. [38] The past exists, then, not as a momentary point on a line, a duration measurable in mechanical clock time, understandable as an onward succession of consecutive "nows." Rather, it recurs as a "genealogical" differential whose origin inheres in its wilful assertion. This makes it recoverable for futural re-enactments that endeavor to continue life's adventure. [39] Just as the pagan gods live forever and the end of one cycle commences another, the past of Nietzsche's Eternal Return recurs in every successive affirmation of will, in every conscious exertion of memory, in every instant when will and memory become interchangeable. It is consequently reversible, repeatable, and recoverable.

This past is also of a whole with other temporalities. I can never be younger, but as time advances, the future recedes. In the present, these temporalities meet. The human sense of time comes in this way to encompass an infinity of temporalities, as past, present, and future converge in each passing moment. Since this infinity is all of a piece, containing all the dimensions of time, as well as all the acts of man, affirmed in their entirety "whenever we affirm a single moment of it," the present functions as an intersection, not a division, between past and future. [40] Situated in this polychronous totality, man's will is free to access the infinite expanse of time, in which there is no prescribed end, only unlimited possibilities. As to historical teleology or finality, they are for Nietzsche mere derivatives of the Christian/modernist indifference to life's temporal play. In response to the prompting of his will, it is man's participation in the eternal recurrence of his original affirmation that imposes order on the world's underlying chaos and hence man alone who shapes the future -- not a supra-human force that goes by the name of God, Progress, or the laws of Historical Materialism. [41] In the spirit of the ancient Hellenes, who treated life's transience as the conjuncture of the actual and the eternal, of men and gods, Nietzsche's Eternal Return testifies to both the absence of a preordained historical meaning and the completeness of the present moment. [42]

Besides affirming willful action, Nietzsche's break with linear temporality infuses man with the idea that he always has the option of living the thought of Eternal Return. Just as every past was once a prefiguration of a sought-after future, every future arises from a past anticipation -- that can be anticipated again. "The impossible," as teleologically decreed, "is not possible." [43] Indeed, only in seeking to overcome that which resists is life's will to power manifested. His Übermensch, the antithesis of modern man, is consequently steeped in the longest memory not because he bears the accumulated wisdom of the past, but because he rejects the weariness of those governed by an imagined necessity and imposes his will, as an assertion of original being, upon the vagaries of time. [44] Memory here becomes synonymous with will. In this context, Mircea Eliade reminds us that in ancient Aryan myth, the gods fall from the heavens whenever their memories fail them. Those, however, who remember are immutable. [45] Likewise, in Greek legend, the goddess Mnemosyne, the personification of memory and the mother of the muses, is omniscient because she recalls everything. The poets the muses inspire draw on Mnemosyne's knowledge, returning to the font of being, to discover the primordial reality from which the cosmos issued. [46] Unlike the Christian/modernist approach to history, which sees the past as working out a divine or immanent logos, the Greek historians searched for the laws of becoming, the exemplary models, that would open man to primordial time -- where culture, cosmos, and myth arise. [47] As such, Eternal Return has nothing to do with repeating the same thing endlessly. Rather, its tireless conquest of the temporal enables man to create himself again and again, in a world where time -- and possibility -- are eternally open. In this way, it replicates the mythic process, reinvigorating the images that have the potential to save Western man from the nihilistic predicament into which he has fallen. [48]

Nietzsche's identification of being with becoming should not, however, be taken to mean that the genealogical spirit of mythic origins -- the spirit of an eternally open and purposeless world subject solely to the active force of will -- gives man the liberty to do whatever he pleases. The limits he faces remain those posed by the conditions of his epoch and nature. In the language of social science, Nietzsche fully acknowledges the inescapable constraints of structures, systemic forces, or what Auguste Comte called "social statics." Yet, within these limits, all that is possible is possible, for man's activities are always prospectively open to the possibilities inherent in the moment, whenever these are appropriated according to his own determinations: that is, whenever man engages the ceaseless struggle which is his life. "Necessity," he argues, "is not a fact, but an interpretation." [49] History does not reflect the divine will or the market's logic, but the struggle between men over the historical images they choose for themselves. What ultimately conditions existence, then, is less what acts on man from the outside ("objectivity") than on what emanates from the inside (will), as he "evaluates" the forces affecting him. Nature, history, and the world may therefore affect the way man lives, but they do so not as "mechanical necessities."

Given this rejection of both immanent and transcendental determinisms, Nietzsche's concept of history is far from being a literal recapitulation of the primitive cyclical concept of time. According to Eliade, the Eternal Return of archaic societies implied an endless repetition of time, that is, another sort of "line" (a circle) seeking to escape history's inherent vicissitudes. [50] By contrast, Nietzsche eschews time's automatic repetition, seeing Eternal Return in non-cyclical, as well as non-linear terms. The eternity of the past and the eternity of the future, he posits, necessitate the eternity of the present and the eternity of the present cannot but mean that whatever has happened or will happen is always at hand in thought, ready to be potentialized. [51] Just as being is becoming, chance the verso of necessity, and will the force countering as well as partaking in the forces of chaos, the eternity of the Nietzschean past reverberates in the eternity of the future, doing so in a manner that opens the present to all its possibilities. [52] The past of Eternal Return is thus nostalgic not for the past, as it is with primitive man, but for the future. History, Locchi notes, only has meaning when one tries to surpass it. [53]

Neither linear nor cyclical, Nietzsche's concept of time is spherical. In the "eternally recurring noon-tide," the different temporal dimensions of man's mind form a "sphere" in which thoughts of past, present, and future revolve around one another, taking on new significance as each of their moments becomes a center in relation to the others. Within this polychronous swirl, the past does not occur but once and then freeze behind us, nor does the future follow according to determinants situated along a sequential succession of developments. Rather, past, present, and future inhere in every moment, never definitively superseded, never left entirely behind. [54] "O my soul," his Zarathustra exclaims, "I taught you to say 'today' as well as 'one day' and 'formerly' and to dance your dance over every Here and There and Over-There." [55] Existentially, the simultaneity of these tenses enables man to overcome all duration or succession. There is no finality, no obstacle to freedom. Whenever the Janus-headed present alters its view of the different temporalities situating it, its vision of past and future similarly changes. The way one stands in the present consequently determines how everything recurs. [56] And since every exemplary past was once the prefiguration of a sought-after future, these different temporalities have the potential of coming into new alignment, as they phenomenologically flow into one another.

Recollected from memory and anticipated in will, the past, like the future, is always at hand, ready to be actualized. [57] As this happens and a particular past is "redeemed" from the Heraclitean flux to forge a particular future, the "it was" becomes a "thus I willed it." [58] In this fashion, time functions like a sphere that rolls forward, toward a future anticipated in one's willful image of the past. [59] Existence, it follows, "begins in every instant; the ball There rolls around every Here. The middle [that is, the present] is everywhere. The path of eternity is crooked" [non-linear]. [60] This recurrence, moreover, goes beyond mere repetition, for the re-enactment of an archaic configuration is invariably transfigured by its altered context. The conventional opposition between past and future likewise gives way before it, as the past, conceived as a dimension of the polycentric present, becomes a harbinger of the future and the future a recurrence of the past. The present consequently ceases to be a point on a line and becomes a crossroad, where the totality of the past and the infinite potential of the future intersect. This means history has no direction, except that which man gives it. He alone is the master of his destiny. And this destiny, like history, bears a multitude of possible significations. As in pagan cosmology, the world is a polemos, a field of perpetual struggle, a chaos of unequal forces, where movement, submission, and domination rule. As such, it knows only particular finalities, but no universal goal. Becoming is eternal -- and the eternal contains all possibility. [61]

Whenever the man of Eternal Return rejects the resentment and bad conscience of the teleologists and steps fully into his moment, Nietzsche counsels: Werde das, was Du bist! [sv. Bli den, som du är!] [62] He does not advocate the Marxist-Hegelian Aufhebung, liberal progress, or Christian salvation, but a heroic assertion that imbues man with the archaic confidence to forge a future true to his higher, life-affirming self. Becoming what you are thus implies both a return and an overcoming. Through Eternal Return, man -- "whose horizon encompasses thousands of years past and future" -- returns to and hence transvalues the spirit of those foundational acts that marked his ancestors' triumph over the world's chaos. This first historical act, which myth attributes to the gods, involved choosing one's culture, one's second nature. All else follows on its basis -- not through reproduction, though, but through the making of new choices posed by the original act. There is, indeed, no authentic identity other than this perpetual process of self-realization. In shaping man's sense of history, Eternal Return cannot, then, but overcome the resentment that dissipates his will, the bad conscience that leaves him adrift in the random stream of becoming, the conformist pressures that subject him to the determinations of the modern narrative. Moreover, as will to power, it compels him to confront what he believes are the essential and eternal in life, and they, in turn, impart something of the essential and eternal to the "marvelous uncertainty" of his own finite existence, as he goes beyond himself in being himself. The wilful becoming of Eternal Return serves, thus, as a means of defining man's higher self, as the return of the essential and eternal reaffirms both his origins and the values -- the mode of existence -- he proposes for his future. And since such a disposition is framed in the genealogical context of a primordial origin, Eternal Return (pace Foucault and the postmodernists) fosters not an atomized, discontinuous duration in which becoming is out of joint with being, but a self-justifying coherence that unites individual fate and collective destiny in a higher creativity -- even if this "coherence" is premised on the belief that the world lacks an inherent significance or purpose. [63] Every individual act becomes in this way inseparable from its historical world, just as the historical world, product of multiple individual valuations, pervades each individual act. "Every great human being," Nietzsche writes, "exerts a retroactive force: for his sake all of history is placed in the balance again." [64] Whenever, then, the thought of Eternal Return puts the past and future in the balance, as the present casts its altering light on them, it re-establishes "the innocence of becoming," enabling the active man to decide his fate -- in contrast to the life-denigrating man of mechanical or teleological necessity, whose past is fixed and whose future is foreordained. [65]

The final, and today most important, component of the GRECE's historical philosophy comes from Martin Heidegger, whose anti-modernist thought began to influence its metapolitical project, and supplant that of Nietzsche, in the early 1980s. [66] Like the author of Zarathustra, Heidegger rejects Christian/modernist metaphysics, viewing man and history, being and becoming, as inseparable and incomplete. The past, he argues, may have passed, but its significance is neither left behind nor ever permanently fixed. When experienced as authentic historicity, it "is anything but what is past. It is something to which I can return again and again." [67] Thus, while the past belongs "irretrievably to an earlier time," Heidegger believes it continues to exist in the form of a heritage or an identity that is able to "determine 'a future' 'in the present'." [68] In this spirit, he claims "the original essence of being is time." [69]

Unlike other species of sentient life, Heideggerian man (like Nietzschean and Gehlenian man) has no pre-determined ontological foundation: he alone is responsible for his being. Indeed, he is that being whose "being is itself an issue," for his existence is never fixed or complete, but open and transient. [70] It is he who leads his life and is, ipso facto, what he becomes. Man is thus compelled to "make something of himself" and this entails that he "care" about his Dasein (existence) [sv. tillvaro, bokstavligt "där-varo"]. As being-in-the-world -- that is, as something specific to and inseparable from its historical-cultural context -- Dasein is experienced as an on-going possibility (inner rather than contingent) that projects itself towards a future that is "not yet actual." Relatedly, the possibility man seeks in the world into which he is "thrown" is conditioned by temporality, for time is not only the horizon against which he is thrown, it is the ground on which he realizes himself. Given, then, that time "draws everything into its motion," the possibility man seeks in the future (his project) is conditioned by the present situating him and the past affecting his sense of possibility. Possibility is thus not any imagined possibility (as postmodernists are wont to believe), but a historically specific option that is both inherited and chosen. Dasein's projection cannot, as a consequence, but come "towards itself in such a way that it comes back," anticipating its possibility as something that "has been" and is still present at hand. [71] The three temporal dimensions (or ecstases) of man's consciousness are for this reason elicited whenever some latent potential is pursued. [72] Birth and death, along with everything in between, inhere in all his moments, for Dasein equally possesses and equally temporalizes past, present, and future, conceived not as fleeting, sequentially-ordered now-points, but as simultaneous dimensions of mindful existence. [73] Therefore, even though it occurs "in time," Dasein's experience of time -- temporality -- is incomparable with ordinary clock or calendar time, which moves progressively from past to present to future, as the flow of "nows" arrive and disappear. Instead, its temporality proceeds from the anticipated future (whose ultimate possibility is death), through the inheritance of the past, to the lived present. Dasein's time is hence not durational, in the quantitative, uniform way it is for natural science or "common sense," but existential, ecstatically experienced as the present thought of an anticipated future is "recollected" and made meaningful in terms of past references.

In this sense, history never ends. It has multiple subjective dimensions that cannot be objectified in the way science objectifies nature. It is constantly in play. As Benoist writes, the historical "past" is a dimension, a perspective, implicit in every given moment. [74] Each present contains it. The Battle of Tours is long over, but its meaning never dies and always changes -- as long as there are Europeans who remember it. The past, thus, remains latent in existence and can always be revived. Because the "what has been, what is about to be, and the presence" (the "ecstatical unity of temporality") reach out to one another in every conscious moment and influence the way man lives his life, Dasein exists in all time's different dimensions. Its history, though, has little to do with the sum of momentary actualities which historians fabricate into their flattened narratives. Rather, it is "an acting and being acted upon which pass through the present, which are determined from out of the future, and which take over the past." [75] When man chooses a possibility, he makes present, then, what he will be through a resolute appropriation of what he has been. [76] There is, moreover, nothing arbitrary in this appropriation, for it arises from the very process that allows him to open himself to and "belong to the truth of being," as that truth is revealed in its ecstatical unity. For the same reason, the present and future are not "dominated" by the past, for its appropriation is made to free thought -- and life -- from the inertia of what has already been thought and lived. This makes history both subversive and creative, as it ceaselessly metamorphizes the sense of things. [77]

Man's project consequently has little to do with causal factors acting on his existence from the "outside" (what in conventional history writing is the purely factual or "scientific" account of past events) and everything to do with the complex ecstatical consciousness shaping his view of possibility (that is, with the ontological basis of human temporality, which "stretches" Dasein through the past, present, and future, as Dasein is "constituted in advance"). [78] Because this ecstatical consciousness allows man to anticipate his future, Dasein is constantly in play, never frozen in an world of archetypes or bound to the linearity of subject-object relations. As such, the events historically situating it do not happen "just once for all nor are they something universal," but represent past possibilities which are potentially recuperable for futural endeavors. To Heidegger, the notion of an irretrievable past makes no sense, for it is always at hand. Its thought and reality are therefore linked, for its meaning is inseparable from man, part of his world, and invariably changes as his project and hence his perspective changes. The past, then, cannot be seen in the way a scientist observes his data. It is not something independent of belief or perspective that can be grasped wie es eigentlich gewesen [sv. som det egentligen varit]. Its significance (even its "factual" depiction) is mediated and undergoes ceaseless revision as man lives and reflects on his lived condition. [79] This frames historical understanding in existential terms, with the "facts" of past events becoming meaningful to the degree they belong to his "story" -- that is to say, to the degree that what "has been" is still "is" and "can be." In Heidegger's language, "projection" is premised on "thrownness." And while such an anti-substantialist understanding of history -- which sees the past achieving meaning only in relationship to the present -- is likely to appear fictitious to those viewing it from the outside, "objectively," without participating in the subjective possibilities undergirding it, Heidegger argues that all history is experienced in this way, for what "has been" can be meaningful only when it is recuperable for the future. As long, therefore, as the promise of the past remains something still living, still to come, it is not a disinterested aspect of something no longer present. Neither is it mere prologue, a path leading the way to a more rational future. It is, rather, something with which we have to identify if we are to resolve the challenges posed by our project -- for only knowledge of who we have been enables us to realize the possibility of who we are. [80] Indeed, it is precisely modern man's refusal to realize his inner possibility and use those freedoms that "could ensure him a supra-natural value" that accounts for his "revolutionary, individualistic, and humanistic destruction of Tradition." [81]

Like Nietzsche, Heidegger believes that whenever Dasein "runs ahead towards the past," the "not yet actual" opens to the inexhaustible possibilities of what "has been" and what "can be." Based on this notion of temporality, both Heidegger and Nietzsche reject the abstract universalism of teleological becoming (suitable for measuring matter in motion or the Spirit's progression towards the Absolute), just as they dismiss all decontextualized concepts of being (whether they take the form of the Christian soul, the Cartesian cogito, or liberalism's disembodied individual). Heidegger, however, differs from Nietzsche in making being, not will, the key to temporality. Nietzsche, he claims, neither fully rejected the metaphysical tradition he opposed nor saw beyond beings to being. [82] Thus, while Nietzsche rejected modernity's faith in progress and perpetual overcoming (the Aufhebung which implies not only transcendence but a leaving behind), his "will to power" allegedly perpetuated modernity's transcendental impulse by positing a subjectivity that is not "enowned" by being. As a possible corrective to this assumed failing, Heidegger privileges notions of Andenken (the recollection which recovers and renews tradition) and Verwindung (which is a going beyond that, unlike Aufhebung, is also an acceptance and a deepening) -- notions implying not simply the inseparability of being and becoming, but becoming's role in the unfolding, rather than the transcendence, of being. [83]

Despite these not insignificant differences, the anti-modernist aims Nietzsche and Heidegger share allies each of them to the GRECE's philosophical project. This is especially evident in the importance they both attribute to becoming and to origins. Heidegger, for example, argues that whenever being is separated from becoming and deprived of temporality, as it is in the Christian/modern logos, then being -- in this case, abstract being rather than being-in-the-world -- is identified with the present, a now-point, subject to the determinisms governing Descartes' world of material substances. [84] This causes the prevailing philosophical tradition to "forget" that being exists in time, as well as space. [85] By rethinking being temporally and restoring it to becoming, Heidegger, like Nietzsche, makes time the horizon of all existence -- freeing it from the quantitative causal properties of space and matter.

Because it is inseparable from becoming and because becoming occurs in a world-with-others, being is always embedded in a "context of significance" saturated with history and tradition. For as man pursues his project in terms of the worldly concerns affecting him, both his project and his world are informed by interpretations stemming from a longer history of interpretation. His future-directed project, in fact, is conceivable solely in terms of the world into which he is thrown. Thus, while he alone makes his history, he does so as a "bearer of meaning," whose convictions, beliefs, and representations have been bestowed by a collective past. [86] Being, as such, is never a matter of mere facticity, but specific to the heritage (context) situating it. (Hence, the inescapable link between ontology and hermeneutics). It is, moreover, this meaning-laden context that constitutes the "t/here" [da] in Dasein, without which being (qua being-in-the-world) is inconceivable. [87] And because there can be no Sein without a da, no existence without a specific framework of meaning and purpose, man, in his ownmost nature as being, is inseparable from the context that "makes possible what has been projected." [88] Being, in a word, is possible only in "the enowning of the grounding of the t/here." [89]

Unlike Cartesian reason, with its unfiltered perception of objective reality, Heidegger sees all thought as self-referential, informed by historical antecedents that are inescapable because they inhere in the only world Dasein knows. This leads him to deny rationalism's natural, timeless, ahistorical truths. Like being, truth is necessarily historical. Heidegger consequently rejects modernity's Cartesian metaphysics, which posits the existence of a rational order outside history. By reconnecting subject and object in their inherent temporality, he seeks to deconstruct modernity's allegedly objective cognitive order. "Every age," as R. G. Collingwood contends, "must write its own history afresh," just as every man is compelled to engage his existence in light of what has been handed down to him. [90]

In contrast to inauthentic Dasein -- that "temporalizes itself in the mode of a making-present which does not await but forgets," accepting what is as an existentialist imperative (but which, situated as it is in "now time," is usually a corrupted or sclerotic transmission confusing the present's self-absorption with the primordial sources of life) -- authentic Dasein "dredges" its heritage in order to "remember" or retrieve the truth of its possibility and "make it productively its own." [91] The more authentically the potential of this "inexhaustible wellspring" is brought to light, the more profoundly man becomes "what he is." [92] In this sense, authentic historicity "understands history as the 'recurrence' of the possible." [93] And here the "possible" is "what does not pass," what remains, what lasts, what is deeply rooted in oneself, one's people, one's world -- in sum, it is the heritage of historical meaning that preserves what has been posited in the beginning and what will be true in the future. [94]

"I know," Heidegger said in 1966, "that everything essential and everything great originated from the fact that man . . . was rooted in a tradition." [95] In disclosing what has been handed down as a historically determined project, tradition discloses what is possible and what is innermost to man's being. The beginning of a heritage is thus never "behind us as something long past, but stands before us . . . as the distant decree that orders us to recapture its greatness." [96] The archaic force of origins, where being exists in its unconcealed fullness, is present, though, only when Dasein resolutely chooses the historically-specific possibility inherent in the heritage it inherits. In Benoist's formulation, "in matters of historical becoming, there are no established metaphysical truths. That which is true is that which is disposed to exist and endure." [97] This notion of historicity highlights not merely the openness of past and future, but the inevitable circularity of their representations.

The Christian/modernist concept of linear history, in deriving the sense of things from the future, inevitably deprives the detemporalized man of liberal thought of the means of rising above his necessarily impoverished because isolated self, cutting him off from the creative force of his original being and whatever "greatness" -- truth -- it portends. By contrast, whenever Heideggerian man is "great" and rises to the possibilities latent in his existence, he invariably returns to his autochthonous source, resuming there a heritage that is not to be confused with the causal properties of his thrown condition, but with a being whose authenticity is manifested in becoming what it is. "Being," in other words, "proclaims destiny, and hence control of tradition." [98] Again concurring with Nietzsche, Heidegger links man's existence with the "essential swaying of meaning" that occurred ab origine, when his forefathers created the possibilities that remain open for him to realize. From this original being, in which "quality, spirituality, living tradition, and race prevail" (Evola), man is existentially sustained and authenticated -- just as a tree thrives when rooted in its native soil. [99] As Raymond Ruyer writes, "one defends the future only by defending the past," for it is in the past that we discover new possibilities in ourselves. [100]

Although a self-conscious appropriation of origins does not resolve the problems posed by the human condition, it does free man from present-minded fixations with the inauthentic. [101] His "first beginning" also brings other beginnings into play -- for it is the ground of all subsequent groundings. [102] Without a "reconquest" of Dasein's original commencement (impossible in the linear conception, with its irreversible and deracinating progressions), Heidegger argues that there can never be another commencement. [103] Only in reappropriating the monumental impetus of a heritage, whose beginning is already a completion, does man come back to himself, achieve authenticity, and inscribe himself in the world of his own time. Indeed, only from the store of possibility intrinsic to his originary genesis, never from the empty abstractions postulated by a universal reason transcending historicity, does he learn the finite, historically-situated tasks "demanded" of him and open himself to the possibility of his world. Commencement, accordingly, lies in front of, not behind, him, for the initial revelation of being is necessarily anticipated in each new beginning, as each new beginning draws on its source, accessing there what has been preserved for posterity. Because the "truth of being" found in origins informs Dasein's project and causes it to "come back to itself," what is prior invariably prefigures what is posterior. The past in this sense is future, for it functions as a return backwards, to foundations, where the possibility for future being is ripest.

This makes origins -- "the breakout of being" -- all important. They are never mere antecedent or causa prima, as modernity's inorganic logic holds, but "that from which and by which something is what it is and as it is. . . . [They are] the source of its essence" [that is, its ownmost particularity] and the way truth "comes into being . . . [and] becomes historical." [104] As Benoist puts it, the "original" (unlike modernity's novum) is not that which comes once and for all, but that which comes and is repeated every time being unfolds in its authenticity. [105] In this sense, Heideggerian origins represent the primordial unity of existence and essence that myth affirms, for its memorialization of the primordial act suggests the gestures that can be repeated. Therefore, whenever this occurs -- whenever myth's "horizon of expectation" is brought into view -- concrete time is transformed into a sacred time, in which the determinants of the mundane world are suspended and man is free to imitate his gods. [106] Given, moreover, that origins, as "enowned" being, denote possibility, not the purely "factual" or "momentary" environment affecting its framework, human Dasein achieves self-constancy (authenticity) only when projected on the basis of its original inheritance -- for Dasein is able to "come towards itself" only in anticipating its end as an extension of its beginning. [107] Origins, thus, designate identity and destiny, not causation (the "wherein," not the "wherefrom"). Likewise, they are not "out there," but part of us and who we are, preserving what "has been" and providing the basis for what "continues to be." This makes them the ground of all existence, "gathering into the present what is always essential." [108]

The original repose of being that rescues authentic man from the "bustle of mere events and machinations" is not, however, easily accessed. To return Dasein to its ground and "recapture the beginning of historical-spiritual existence in order to transform it into a new beginning" is possible only through "an anticipatory resoluteness" that turns against the present's mindless routines. [109] Such an engagement -- and here Heidegger's "revolutionary conservative" opposition to the established philosophical tradition is categorical -- entails a fundamental questioning of the "rootless and self-seeking freedoms" concealing the truth of being: a questioning that draws "its necessity from the deepest history of man." [110] For this reason, Heidegger (like New Rightists) sees history as a "choice for heros," demanding the firmest resolve and the greatest risk, as man, in anxious confrontation with the heritage given him because of his origins, seeks to realize an indwelling possibility in face of an amnesic or obscurant conventionality. [111] This heroic choice (constituting the only authentic choice possible for man) ought not, however, to be confused with the subjectivist propensities of liberal individualism. A heroic conception of history demands action based on what is "original" and renewing in tradition, not on what is arbitrary or wilful. Similarly, this conception is anything but reactionary, for its appropriation of origins "does not abandon itself to that which is past," but privileges the most radical opening of being. [112]

This existential reaching forward that, at the same time, reaches back affirms the significance of what Heidegger calls "fate." [113] Like Nietzsche's amor fati, fate in his definition is not submission to the inevitable, but the "enowning" embrace of the heritage of culture and history into which man is thrown at birth. In embracing this heritage -- in taking over the unchosen circumstances of his community and generation -- man identifies with the collective destiny of his people, as he grounds his Dasein in the truth of his "ownmost particular historical facticity." [114] Truth, in this sense, reflects not an objective reflection of reality, but a forthright response to destiny -- to "the unfolding of a knowledge in which existence is already thrown" (Vattimo). The "I" of Dasein becomes thus the "we" of a destining project. Against the detemporalized, deracinated individual of liberal thought, "liberated" from organic ties and conceived as a phenomenological "inside" separated from an illusive "outside," Heideggerian man achieves authenticity through a resolute appropriation of the multi-temporal, interdependent ties he shares with his people. In affirming these ties, Heidegger simultaneously affirms man's mindful involvement in the time and space of his own destined existence. Indeed, Heideggerian man cannot but cherish, for himself and his people, the opportunity to do battle with the forces of fortuna, for in doing so he realizes the only possibility available to him, becoming in the process the master of his "thrownness" -- of his historical specificity. The community of one's people, "being-with-others" (Mitsein), serves, then, as "the in which, out of which, and for which history happens." [115] Dasein's pursuit of possibility is hence necessarily a "cohistorizing" with a community, a co-historizing that converts the communal legacy of the far-distant past into the basis of a meaningful future. [116] Indeed, history for Heidegger is possible only because Dasein's individual fate -- its inner "necessity" -- connects with a larger sociocultural "necessity," as a people struggles against the perennial forces of decay and dissolution in order "to take history back unto itself." [117]


34.Friedrich Nietzsche, Beyond Good and Evil, tr. by W. Kaufmann (New York: Vintage, 1966), §56; Friedrich Nietzsche, The Gay Science, tr. by W. Kaufmann (New York: Vintage, 1974), §285 and §341; Nietzsche, Thus Spoke Zarathustra, op. cit., "The Vision and the Riddle" and "The Convalescent." Also Philippe Granarolo, L'individu éternal: L'expérience nietzschéenne de l'éternité (Paris: Vrin, 1993), p. 37. Cf. M. C. Sterling, "Recent Discussions of Eternal Recurrence: Some Critical Comments," in Nietzsche Studien 6 (1977).

35. Eugene Fink, Nietzsches Philosophie (Stuttgard: Kohlhammer, 1960), p. 91.

36. Nietzsche, Human, All Too Human, op. cit., §24; Benoist, Les idées à l'endroit, op. cit., p. 74; Armin Mohler, "Devant l'histoire," in Nouvelle Ecole 27-28 (Winter 1974-1975).

37. Gianni Vattimo, The End of Modernity: Nihilism and Hermeneutics in Postmodern Culture, tr. by J.R. Snyder (Baltimore: Johns Hopkins University Press, 1985), p. 82.

38. Paul Chassard, Nietzsche: Finalisme et histoire (Paris: Copernic, 1977), p. 174; Clément Rosset, La force majeure (Paris: Minuit, 1983), pp. 87-89; Jean-Pierre Martin, "Myth et cosmologie," in Krisis 6 (October 1990).

39. Granarolo, L'individu éternal, op. cit., pp. 34-52.

40. Friedrich Nietzsche, The Will to Power, tr. by W. Kaufmann and R. J. Hollingdale (New York: Vintage, 1967), §1032.

41. Nietzsche, The Will to Power, op. cit., §706; Chassard, La philosophie de l'histoire dans la philosophie de Nietzsche, op. cit., pp. 114-18.

42. Fink, Nietzsche's Philosophie, op. cit., pp. 75-92.

43. Nietzsche, The Will to Power, op. cit., §639.

44. Nietzsche, Thus Spoke Zarathustra, op. cit., "Of the Vision and the Riddle." "Origins" for Nietzsche do not bear the timeless essence of things, but rather the unencumbered expression of their original being, the Herkunft that serves as Erbschaft. See Nietzsche, Genealogy of Morals, Essay II, §12; The Gay Science, op. cit., §83. Cf. Michel Foucault, "Nietzsche, Genealogy, History," in Language, Counter-memory, Practice: Selected Essays and Interviews, tr. by D. F. Boucard and S. Simon (Ithaca: Cornell University Press, 1977).

45. Eliade, Myth and Reality, op. cit., pp. 115-20.

46. J. P. Vernant, "Aspects mythiques de la mémoire en Gréce," in Journal de Psychologie (1959).

47. Eliade, Myth and Reality, op. cit., pp. 134-38.

48. Granarolo, L'individu éternal, op. cit., pp. 47-52.

49. Nietzsche, Will to Power, op. cit., §552, also §70; Giorgio Locchi, "Ethologie et sciences sociales," in Nouvelle Ecole 33 (Summer 1979).

50. Mircea Eliade, The Myth of the Eternal Return or, Cosmos and History, tr. by W. Trask (Princeton: Princeton University Press, 1965), pp. 36, 85-86, 117; also Mircea Eliade, The Sacred and the Profane: The Nature of Religion, tr. by W. Trask (San Diego: Harcourt Brace Jovanovich, 1959), pp. 108-10.

51. Chassard, La philosophie de l'histoire dans la philosophie de Nietzsche, op. cit., pp. 121-22.

52.

Racines du néo-libéralisme

12409ac17a69b41ab5014484a2d10c5d.gif

 

 

Chrisitan LAVAL:

L'homme économique - Essai sur les racines du néo-libéralisme

Présentation de l'éditeur
Le néolibéralisme entend triompher partout dans le monde comme la norme unique d'existence des êtres et des biens.
Il n'est pourtant que la pointe émergée d'une conception anthropologique globale qu'au fil des siècles l'Occident a élaborée. Celle-ci pose que l'univers social est régi par la préférence que chacun s'accorde à lui-même, par l'intérêt qui l'anime à entretenir les relations avec autrui, voire l'utilité qu'il représente pour tous. La définition de l'homme comme "machine à calculer" s'étend bien au-delà de la sphère étroite de l'économie, elle fonde une conception complète, cohérente, de l'homme intéressé, ambitionnant même un temps de régir jusqu'aux formes correctes de la pensée, à l'expression juste du langage, à l'épanouissement droit des corps.
Cette anthropologie utilitariste, fondement spécifique de la morale et de la politique en Occident, fait retour avec le néolibéralisme contemporain sous des formes nouvelles.
En retraçant, dans un vaste tableau d'histoire et de philosophie, les racines du néolibéralisme, Christian Laval donne à voir la forme, le contenu, la nature de la normativité occidentale moderne telle qu'elle s'affirme aujourd'hui dans sa prétention à être la seule vérité sociale, à se poser en seule réalité possible.


Biographie de l'auteur
Christian Laval est chercheur en histoire de la philosophie et de la sociologie à l'université Paris X Nanterre.

Détails sur le produit
  • Broché: 396 pages
  • Editeur : Editions Gallimard (5 avril 2007)
  • Collection : Nrf essais
  • Langue : Français
  • ISBN-10: 2070783715
  • ISBN-13: 978-2070783717

04:50 Publié dans Définitions, Economie, Livre, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

O Estado subsidiàrio

eb5370c199c47fa148459eb3b4016dc5.jpg

Na sua obra maior, intitulada «L’Etat subsidiaire » (PUF, 1992), Chantal Delsol escreve:

«A História política, económica e social da Europa nestes dois últimos séculos encontra-se largamente dominada por uma questão maior: a do papel do Estado. Os países europeus oscilam do liberalismo ao socialismo, ou inversamente, em idas e vindas que traduzem a incapacidade, não de resolver mas de dominar esta questão primordial. A sedução exercida pelo marxismo e pelo socialismo estatista sobre as opiniões ocidentais até estes últimos anos explica-se em parte pela convicção, largamente partilhada, que não existiria alternativa ao liberalismo senão o estatismo. Os defensores da democracia pluralista inquietam-se por ver o desenvolvimento dos “direitos-crédito” gerar o dirigismo e colocar em causa, inexoravelmente, os “direitos-liberdade” que se procuravam concretizar. A ampliação do Estado-providência deixa acreditar num processo fatal tendendo progressivamente a negar a própria democracia.
A ideia de subsidiariedade situa-se nesta problemática inquietante. Ela procura ultrapassar a alternativa entre o liberalismo clássico e o socialismo centralizador, colocando diferentemente a questão político-social. Legitima filosoficamente os “direitos-liberdade” e regressa às fontes dos “direitos-adquiridos” que terão sido desviados da sua justificação primeira. Chega a um acordo viável entre uma política social e um Estado descentralizado, pela reunião paradoxal de duas renúncias: abandona o igualitarismo socialista em benefício da dignidade, e abandona o individualismo filosófico em benefício de uma sociedade estruturada e federada».

A ideia de subsidiariedade é estranha ao liberalismo filosófico porque é estranha ao individualismo e faz parte do pensamento organicista, em vez de considerar a humanidade como uma justaposição de indivíduos egoístas e libertos de toda a filiação colectiva, pensa os homens enquanto pessoas inseridas em comunidade orgânicas (famílias, corporações, comunas, cantões…).

Deste ponto de vista está muito afastada do individualismo que prevalece nas sociedades ocidentais, a sua adaptação nas nossas sociedades não se faz espontaneamente e necessita pelo menos de um regresso dos valores comunitários, isto é, da noção de deveres das pessoas face às comunidades nas quais estão inseridas.

A fim de permitir esta adaptação e de tomar em consideração o imperativo moderno do respeito pelas liberdades pessoais, é preciso, sem dúvida, completar o pensamento de Althusius, que é herdeiro do pensamento medieval, pela noção de autonomia da pessoa, esta última sendo então considerada como elemento de base da sociedade, titular de liberdades e de direitos mas também de deveres em relação às outras pessoas e às diferente comunidades nas quais se insere organicamente.

A ideia de subsidiariedade é igualmente estranha ao socialismo e ao Estado-providência porque confia nas pessoas e nas comunidades constitutivas do Estado no que concerne à produção e à distribuição de bens e serviços, por um lado, e para a organização destas comunidades por outro lado. Ignora o igualitarismo (que associa a falsa ideia de igualdade natural à vontade estatista de igualizar as qualidades e os bens das pessoas), aprova a livre expressão dos talentos e recusa a ideia de um Estado que se substitui às pessoas, às famílias e a todos os corpos intermédios.

Para atenuar os desequilíbrios que podiam resultar do exercício das liberdades individuais e comunitárias, os pensadores subsidiaristas incluíram na sua doutrina o imperativo de solidariedade (entre as pessoas, de uma parte, entre as comunidades intra-estatais e as pessoas, de outra parte, entre as comunidades intra-estatais, por fim.

Subsidiariedade, absolutismo, jacobinismo, bolchevismo e fascismo

O princípio de subsidiariedade opõe-se ao absolutismo monárquico (ou partidocrático, oligárquico…) porque considera que a sociedade e as suas componentes associadas prevalecem sobre o Estado, que retira o seu poder destas últimas e que deve limitar a sua acção às únicas prerrogativas delegadas por elas. Assenta na ideia de que a sociedade precede cronologicamente o Estado, que este último é uma criação da sociedade com vista a satisfazer as suas insuficiências e não o contrário. Por outro lado, o princípio de subsidiariedade interdita a concentração de competências e de soberania somente no Estado.

O Estado subsidiário partilha a soberania e as competências com as diferentes componentes da sociedade.

Vimos que Althusius contestava a posição de Bodin, o teórico da monarquia absoluta; e teria com certeza contestado o poder jacobino que mais não fez que transferir a soberania aboluta do monarca para a nação cuja «vontade geral» é expressa pelos representantes. A ditadura da vontade geral ( essa pretensa vontade geral é uma abstracção como gostavam os pensadores de 1973) não comporta nenhuma delegação de competências nem nenhuma partilha de soberania, duzentos anos depois esta vontade geral tornou-se a vontade de uma medíocre oligarquia partidocrática muito ciosa das suas prerrogativas e segura de expressar a dita vontade geral, para nossa maior desgraça.

O princípio de subsidiariedade é em total contradição, bem entendido, com o bolchevismo, sob todas as suas formas, que fez de um partido comunista considerado vanguarda do proletariado o único detentor da autoridade, da soberania e da competência; o pseudo-federalismo soviético nunca foi o quadro de uma devolução real de soberania ou de competência.

É também totalmente estranho ao fascismo, que fez do Estado o centro da sociedade e que queria integrar a totalidade da sociedade no seu seio, mal deixando autonomia às famílias que eram, elas também, mobilizadas pelo Estado e para o Estado.

No caso do hitlerismo houve claramente uma liquidação do longo passado subsidiarista da Alemanha (supressão dos parlamentos regionais) para além da mobilização do conjunto do povo ao serviço do Estado total.

Bruno Guillard

samedi, 21 juillet 2007

J.P.Roux: choc de religions

1aa0f9fcb0496a7d1efbc149184533be.jpg
Jean-Paul ROUX :
Un choc de religions
Présentation de l'éditeur
Il y a ces grands noms qui surgissent du passé : bataille de Poitiers, croisades, prise de Constantinople, guerre d'Algérie, et tant d'autres épisodes. Il y a ce conflit armé qui a commencé en l'année 632 et qui, de décennie en décennie et jusqu'à nos jours, a été marqué par des événements dont la presse mondiale, si elle avait existé, aurait fait pendant des jours sa première page. Il n'y a pas d'année, pas de mois, pas de semaine peut-être sans que du sang soit versé par des chrétiens ou par des musulmans. Ne vaut-il pas la peine de le rappeler, de montrer à nos contemporains que les événements qui occupent l'actualité, qui les bouleversent, s'inscrivent dans une longue série de 1375 ans d'événements tout aussi spectaculaires ; que de plus petits faits dont on ne parle guère qu'un jour ou deux ont eu, tous les jours, leurs équivalents pendant 1375 ans ? Déclarée et ouverte, génératrice de grandes batailles, de villes enlevées à l'ennemi, de provinces conquises, de pays occupés, de populations exterminées, ou larvée et sournoise, la guerre entre l'islam et la chrétienté, malgré cette amitié que l'on évoque encore et qui fut souvent réelle, malgré ces relations entre Byzance et le califat de Cordoue ou entre Charlemagne et Harun al-Rachid, malgré ces traités d'alliance comme celui de François Ier et de Soliman le Magnifique, malgré de longues périodes de trêves sur tel ou tel front alors qu'on se battait ailleurs, malgré tout ce que chrétiens et musulmans se sont mutuellement apporté, ont échangé, malgré l'admiration qu'ils ont pu avoir les uns pour les autres, cette guerre est une réalité. Elle n'a jamais vraiment pris fin.

Biographie de l'auteur
Ancien directeur de recherches au CNRS, ancien professeur à l'École du Louvre - où il enseigna l'art islamique ,
maîtrisant de nombreuses langues orientales, Jean-Paul Roux a consacré de nombreux livres à l'Orient et à l'Asie. Citons son Histoire des Turcs (Fayard, 1984 et 2000), son Histoire de l'Iran et des Iraniens (Fayard, 2006). Il s'est toujours intéressé, en érudit mais aussi en chrétien loyal et respectueux de l'autre, à l'histoire des religions (Jésus, Fayard, 1989 ; Montagnes sacrées, montagnes mythiques, Fayard, 1999).

Détails sur le produit
  • Broché: 459 pages
  • Editeur : Fayard (4 avril 2007)
  • Collection : LITT.GENE.
  • Langue : Français
  • ISBN-10: 2213632588
  • ISBN-13: 978-2213632582

Modèle juridique confucéen

4c686cc00157d3b361f6040fe6b2fa80.jpg

Modernité extrême-orientale et modèle juridique «confucéen»

par Robert Steuckers

On parle beaucoup de “confucianisme” ou de “nouvel asiatisme” dans les salons occidentaux soucieux d'imposer envers et contre toutes les réalités concrètes de ce bas monde, un «Nouvel Ordre Mondial», depuis la parution du célèbre essai de Samuel Huntington dans la revue diplomatique américaine Foreign Affairs  en 1993, où l'auteur annonçait l'émergence d'une nouvelle fracture duale sur la planète, opposant non plus des «hégéliens de droite» démo-libéraux et cornaqués par Washington, à des «hégéliens de gauche» communistes et soviétiques, cornaqués par Moscou: on parle désormais de l'«Ouest» contre le «reste», c'est-à-dire l'alliance planétaire de toutes les traditions non chrétiennes et non laïcisées, jugées sans nuance “obsolètes et archaïques”, de l'Islam au Confucianisme, en passant par le taoïsme et l'hindouisme.

Une politologue coréenne enseignant en Allemagne, plus précisément à l'Université de Halle, Eun-Jeung Lee, remet tranquillement les pendules à l'heure en rappelant aux terribles simplificateurs américains et euro-ricains certaines réalités historiques: le confucianisme ne cherche pas à convertir, ni même à s'ancrer définitivement dans les cerveaux des hommes d'Extrême-Orient, son influence varie au fil des siècles et au gré des circonstances et des défis politiques. En Corée, explique-t-elle, l'héritage confu­céen est désormais fragilisé en profondeur par la modernisation. Au Japon, son influence est faible, pour autant qu'elle ait jamais été forte. En Chine, le bouddhisme et le taoïsme ont influencé la société et fa­çonné le mental chinois au même titre que la doctrine de Confucius. Le régime maoïste de surcroît avait orchestré en son temps des campagnes “anti-confucianistes”, où le confucianisme était désigné comme un “obstacle à la révolution”, jusqu'au jour où l'élite post-maoïste au pouvoir sous Deng Xiaoping a subi­tement redécouvert cette vieille doctrine pour justifier les mécanismes à l'œuvre dans le renou­veau chi­nois. A la lecture de certains articles du Nouvel Observateur, on constate que les intellectuels confor­mistes s'inquiètent sérieusement des progrès du “nouvel asiatisme”, lequel réclame une interpréta­tion nou­velle, plus étoffée, des droits de l'homme, où les instances internationales sont invitées à tenir compte des traditions pluri-séculaires voire pluri-millénaires d'Asie et à ne pas imposer à tous les peuples de la Terre un modèle né dans le cerveau de quelques intellectuels parisiens hystériques de la fin du XVIIIième siècle, ou dans les réflexions brumeuses d'un Américain du nom de Tom Paine qui, tout révolu­tionnaire et naturalisé français qu'il fût, a bien failli finir sous la guillotine.

Principal reproche qu'adressent les bonnes consciences au “nouvel asiatisme”: il chercherait à justifier des pratiques autoritaires. Ce serait là la raison profonde de la remise en cause de l'idéologie occidentale. Or, écrit Eun-Jeung Lee, les formes autoritaires résiduelles en Extrême-Orient sont un héritage des ré­gimes forts voire militaires que les Américains ont soutenu dans la région pour la “stabiliser” et la neutrali­ser au profit des intérêts occidentaux, dont ils étaient bien entendu les patrons et les premiers bénéfi­ciaires. Mais la stabilisation voulue dans les années 50 et 60 par Washington a permis l'émergence de structures industrielles efficaces et une “modernisation” qui aurait d'ailleurs été totalement impossible en cas de chaos révolutionnaire permanent. La thèse huntingtonienne du «confucianisme» et du dévelop­pement confucéen récapitule, de façon simpliste, à l'usage des médias américains qui font de l'hyper-simplification une pratique quotidienne, l'ensemble des facteurs historiques et locaux qui ont permis l'émergence des NPI d'Extrême-Orient, surtout depuis la normalisation des rapports sino-américains en 1972 qui a écarté tout risque de déflagration continentale dans la région. Un double sentiment se cache derrière cette théorisation et cette hyper-simplification: d'une part, les néo-libéraux issus des reagano­mics, les conservateurs autoritaires ou les technocrates qui ne rêvent que de courbes ascendantes, veulent puiser dans cet hypothétique confucianisme quelques recettes pour justifier leurs propres doc­trines et pratiques flexibilistes ou para-thatcheriennes aux Etats-Unis et en Europe; d'autre part, elle sert à installer en veilleuse une sorte de psychose permanente, qu'on pourra activer et exacerber en cas de conflit avec un pays asiatique ou quand les NPI de la région deviendront vraiment trop concurrentiels. Mettre à tout bout de champ en exergue la critique asiatique ou islamique à l'encontre de l'eurocentrisme de l'idéologie des droits de l'homme, et s'en scandaliser, est en fait la réactualisation d'une bonne vieille tactique américaine: créer d'avance un instrument de propagande contre un adversaire potentiel, permet­tant de s'immiscer dans ses affaires intérieures ou de le mettre, CNN à l'appui, au ban des nations.

Pour Eun-Jeung Lee, le bricolage idéologique de Huntington, où l'extrême diversité religieuse et ethnique de l'Asie orientale est schématisée à outrance, trahit la volonté américaine de conserver son leadership militaire sur la planète. Pour maintenir les budgets d'une armée colossale et pour financer ses potentiali­tés de déploiement rapide (testées lors de la Guerre du Golfe), il faut qu'une pression (réelle ou virtuelle) se profile à l'horizon, que l'on puisse agiter dans les couloirs et les parloirs du Congrès de Washington un nouvel épouvantail au nom bizarre: c'est le duopole “agressif” constitué du “confucianisme” et de l'islamisme (où Mollahs iraniens et nationalistes panarabes sont allègrement confondus). L'hégémonisme américain a profité des rigidités de la Guerre Froide. Il faut donc, après la chute du Mur et la suppression du PCUS, créer un nouvel ennemi, abstrait et imaginaire: la collusion entre islamistes et confucianistes, alors qu'aucune alliance formelle ou informelle n'est décelable entre ces deux traditions religieuses. Eun-Jeung Lee fait très justement remarquer que le fondamentalisme islamique est une réaction puissante à l'échec d'une modernisation technique et d'une occidentalisation. Il est le fruit d'une terrible frustration, de l'absence de perspective chez les jeunes des pays d'Afrique du Nord ou d'ailleurs, où aucun décollage industriel ne s'est effectué. En revanche, le confucianisme, théorisé comme vecteur du succès économi­co-industriel des NPI, est une idéologie gagnante, généralement analysée sur base des thèses de Max Weber, sociologue et philosophe allemand du début du siècle, qui avait désigné l'idéologie protestante comme facteur de modernisation en Europe. En France, un Serge-Christophe Kolm avait lui aussi analysé l'efficacité sociologique du “bouddhisme” des NPI asiatiques, mais en mettant plutôt l'accent sur les vec­teurs de solidarité. La mise en équation du “confucianisme”, fabriqué par Huntington, et du fondamenta­lisme islamique dans toutes ses variantes, est une absurdité que ne corroborent pas les faits.

Eun-Jeung Lee se positionne à gauche, dans une logique néo-démocratique mais non philo-américaine: pour elle, la guerre préventive que mènent les Etats-Unis contre leurs anciens alliés autoritaires et anti-communistes des années 50 et 60, va piquer les fiertés nationales au vif, va détourner paradoxalement les esprits du modèle occidental démocratique et consolider les pouvoirs forts. Cette consolidation des pouvoirs forts est aussi ce que Washington recherche, afin de donner progressivement corps à l'image de l'ennemi nouveau, un allié dont ils n'ont plus besoin mais qui les gène sur le plan économique, vu le boom spectaculaire des industries singapourienne et coréenne. Mais les modèles nationaux et les démocraties taillées à la carte, selon les héritages spécifiques des peuples et non pas alignées sur le modèle sérialisé que cherchent à imposer les hystériques de nos intelligentsias déconnectées, sont des nécessités stabi­lisantes, seules aptes à gérer les patrimoines humains dont elles ont la responsabilité. La logique de l'immixtion constante dans les affaires intérieures des pays est perverse, surtout dans des contextes civilisationnels très différents du nôtre. La démocratie, les droits de l'homme et des communautés, les systèmes juridiques doivent varier au gré des contextes: c'est cette perspective de pluralité et de luxu­riance juridico-institutionnelle qui effraie nos intellectuels coincés, ternes et sans imagination, qui voient dans le “nouvel asiatisme”, un avatar chinois, malais ou coréen du “particularisme nazi”. Qui l'eût cru? Beati pauperes spiritu...

Robert STEUCKERS.

Références:

- Eun-Jeung LEE, «Das unheilige Wechselspiel: Östliche Modernisierung und westliche Theorie», in Internationale Politik und Gesellschaft,  3/1995, Friedrich-Ebert Stiftung, pp. 243-254.

- Samuel P. HUNTINGTON , «The Clash of Civilizations?», in Foreign Affairs, Summer 1993, pp. 22-49.

 

 

vendredi, 20 juillet 2007

Relacion entre derechos humanos y justicia

d862b956d6a3226553257aee4039d8b2.jpg

Relación entre derechos humanos y justicia

La tensión entre la ley y lo justo

En este asunto como en tantos otros ha habido desde la antigüedad en nuestra historia occidental una tensión entre estos dos instrumentos del orden social y las dos formas de pensarlos. Por un lado están aquellos que privilegiaron lo justo, to dikaion = jus, los griegos y romanos, y, por otro, los que prefirieron la ley, nomos = lex, los judeocristianos. Los judíos con la Torah y los cristianos con la ley moral.

Estos dos antagonistas dikaion y Torah, y sus derivaciones, recorren toda la historia del derecho y encarnan dos concepciones diferentes de concebir la justicia.

Lo justo, to dikaion, lo concebían los griegos como el dar a cada uno lo que corresponde y los romanos de la época clásica lo tradujeron por jus concebido también como el arte de suun cuique tribuere, atribuir a cada uno lo suyo.

Lo adverso a esta concepción de lo justo lo encontramos en la Torah judía y en su proyección posterior la ley moral cristiana, que vienen a sustituir el jus por la lex y el dikaion por el nomos.

Y así como la Torah es un instructivo lleno de preceptos y de reglas morales(No robarás; No fornicarás, etc.) dirigidas a los individuos. Las leyes morales cristianas aparecen ya en los Padres de la Iglesia rivales del derecho romano al cual la “justicia cristiana” opondría la caridad y la misericordia. El texto de San Pablo (1 Cor 6, 1-8)# que funda todo el derecho canónico así lo afirma.

Lo justo, sea dikaion, sea jus se expresa en indicativo, lo justo, como nomos o como lex se expresa en imperativo. Un autor tan reconocido como Michel Villey, el mal denominado “filósofo del derecho”, afirmó taxativamente al respecto: La intención de la Iglesia no era cristianizar el derecho romano, se trató mas bien de reemplazar el régimen del dikaion por el régimen de la Torah cristiana.#

En ese amasijo de pensamiento bíblico y de vocabulario romano la idea de jus es absorbida por la de lex, y así lo justo viene a transformarse a partir de los siglo XII y XIII en sinónimo de ley en el apotegma: Lex sive jus.

Lo justo deja de ser definitivamente una proporción a descubrir, la búsqueda de la proporcionalidad entre la culpa y la pena, entre lo debido y lo reclamado como sostuviera el viejo Aristóteles en su Etica Nicomaquea para transformase en la acción prescripta por la ley moral.

Así el derecho objetivo es concebido como el conjunto de las leyes que como reglas de conducta nos prohiben o permiten ciertos comportamientos. Y el derecho subjetivo moderno, producto de estas leyes, es un atributo del sujeto individual como poder o permiso para actuar, sin obstáculos a su conducta, por parte de los otros.

Llegados a este punto, a este ocultamiento del ser en el ente diría Heidegger, del jus en la lex y del dikaion en el nomos estamos obligados a extraer algunas consecuencias o, al menos, realizar algunos comentarios contemporáneos.

Lo primero que nos llama la atención es, la poca atención valga la redundancia, que los juristas de hoy han puesto en el tema. Casi no existe bibliografía sobre esta mescolanza indigesta entre pensamiento bíblico y vocabulario romano.

El pensamiento jurídico greco-romano ignora el derecho subjetivo porque no lo puede tener en cuenta, dada su noción de lo justo. Si lo justo dejó de ser el suus cuique para transformase en lo moralmente debido de Vitoria y Suárez el derecho se transforma en predominantemente subjetivo como ocurre hoy día. Esta es la última razón por la cual Vitoria es el fundador de la teoría de los derechos humanos ya en la premodernidad, y Suárez el gran disidente al régimen de la monarquía absoluta de su tiempo, motivo por el cual sus obras se quemaban a diario en París y Londres. Claro, de esto no se habla porque son dos pensadores católicos stricto sensu y hoy el anticatolicismo es lo políticamente correcto. O peor aún, el anticatolicismo reemplazó al antisemitismo como ha sostenido acertadamente Vitorio Messori.

Los tan mentados derechos modernos del hombre aparecen entonces como una ideología de carácter jurídico fundada en el derecho subjetivo, el que a su vez no tiene ningún fundamento. Es por ello que un pensador del derecho y la política como Julien Freund ha podido afirmar: Toda reflexión coherente sobre los derechos del hombre no ha sido establecida científicamente sino dogmáticamente #.

La reducción de lo justo a la ley ha hecho que pensadores como Karl Jaspers, y a partir de él toda una escuela del derecho contemporáneo fundado en la Torah, sostengan la existencia de culpas colectivas y comunitarias(como la del pueblo alemán) en donde no se puede aplicar el: “a cada uno lo suyo” sino sólo el imperativo de la ley moral, solapadamente simulada como ley positiva.

La consecuencia de ello es lo que se ha dado en llamar la industria del Holocausto, denunciada por el profesor Norman Filkenstein # de la Universidad de Nueva York, tan en boga en estos días del 60 aniversario de Auschwitz en donde a partir de la teoría de las culpas colectivas de las unidades políticas unos pocos judíos usufructúan la muerte de muchos.

La comunidades políticas o los Estados-nación son inimputables, los que son responsables son sus representantes políticos.
Las culpas, si las hay, en las sociedades políticas son de los representantes, aquellos que dirigen dichas sociedades, que las orientan a sus fines y que arbitran los medios.

La sociedad argentina sigue conmovida por la masacre de Cromagnon donde murieron el último día del 2004 casi 200 jóvenes que fueron a un festival de música. La autoridades políticas de la ciudad de Buenos Aires en lugar de asumir su responsabilidad directa y abiertamente la intentan diluir en un referendum popular a fin de legitimar su representatividad, sin percibir que ésta se acabó y que de primar el jus (lo justo) sobre la lex (la ley) tendrían que ir inexorablemente presos.

Intentar judicializar los hechos y actos políticos es una utilización más de la convertibilidad entre la ley y lo justo: Lex sive jus es la falacia más profunda que ha producido el pensamiento jurídico occidental. Y el ampararse en los resquicios o pliegues que brindan las normas muestra la ruindad moral de los jueces oportunistas y sin valores.

Derechos humanos y su nueva fundamentación

A fuer de ser precisos comencemos diciendo que la expresión derechos humanos es redundante, pues los derechos no pueden ser sino humanos. Por extensión se habla de derecho de los animales, pero este derecho es convenido.
La breve historia de los derechos humanos es la siguiente: El filósofo inglés y padre del liberalismo John Locke es quien eleva su teoría de los derechos humanos a religión laica, anteriormente con Francisco de Vitoria, los derechos humanos de los indios se plantearon en el marco de pertenencia a la comunidad entendida como la Cristiandad. La moderna teoría de Locke fue adoptada por las colonias norteamericanas como derechos exclusivamente para sí mismas. Desembarca luego en el igualitarismo, aunque es sabido que para esta ideología unos son más iguales que otros. El sujeto de estos derechos fue el hombre entendido como individuo de la sociedad burguesa y no el hombre del pueblo. Finalmente, terminan estos derechos anteponiéndose a los derechos de la comunidad.
En definitiva la política de este tipo de derechos humanos vigente y triunfante hoy está dirigida a la construcción de un mundo uno y homogéneo. Nosotros a esto vamos a anteponer el derecho de los pueblos y buscarle una fundamentación acorde a nuestra realidad y necesidades.

Cuando los derechos humanos reciben su declaración explícita en la carta de las Naciones Unidas en 1948 todavía tenían como fundamento el hecho de ser una verdad reconocida libremente por todos, pues la misma era inherente a todo ser humano.
Hoy a partir de la ética del consenso pregonada por Habermas y lo que queda de la vieja escuela neomarxista de Frankfurt, así como por la teoría de la justicia del liberal noramericano John Rawls, los derechos humanos son definidos por la voluntad consensuada de aquellos que deciden, y no por estar atados a la naturaleza de la persona humana.
Este cambio es gravísimo porque siguiendo este procedimiento cualquier elemento o situación puede ser presentado como un nuevo derecho humano. Derecho a la eutanasia, al género, al aborto, al infanticidio, al matrimonio de homosexuales.

Los altos funcionarios de las Naciones Unidas persiguen a toda costa el logro del consenso, pues ello adquiere fuerza de ley en los Estados que, como el argentino con la constitución de 1994 reconocen otra fuente de derecho, más allá de ellos mismos. O Estados vicarios o dependientes de los diferentes lobbies internacionales que en forma inconsulta o imprudente ratifican las medidas tomadas.

De modo tal que, siguiendo esta lógica perversa, los Estados como el nuestro tienden a obedecer leyes que surgen de la voluntad de aquellos que crean el consenso como manifestación de su propia voluntad y no en orden a la mayor justicia respecto de un acontecimiento o situación dada en nuestro país.

Nosotros proponemos un anclaje de los derechos humanos como derechos no ya del individuo sino más bien de la persona. No es este el lugar para la profunda disquisición entre individuo y persona, solo baste decir que individuo viene del griego átomos que significa indivisible y persona, también del griego prosopón, que significa rostro o máscara a través de la cual nos manifestamos.
La noción de individuo indica que forma parte de una especie, en cambio la de persona sugiere, antes que nada, la idea ser singular e irrepetible, esto es, de único, porque está más allá de una especie. Así el hombre es individuo por formar parte de la especie homo, la persona es algo absolutamente diferente a toda especie o categoría y por eso se la ha podido definir también como: ser moral y libre. Vemos como la idea de persona implica necesariamente la de libertad y no así la de individuo.

Los derechos humanos fundados como derechos de la persona rescatarían al mismo tiempo la dimensión íntima de la unicidad vivida, lo que exige el respeto a la más elemental forma de vida humana, y la dimensión social del hombre, que sólo se puede comprender plenamente en el “rostro del otro” que es lo mismo que decir en el “otro como persona”. Esta es la forma de romper la idea de simulacro, del “como sí” kantiano, que es la que gobierna nuestras relaciones sociales y políticas en esta totalitaria y cruel dictadura del “se dice o se piensa” de los policías del pensamiento único bajo el que vivimos.
En estos días murió Jean Baudrillard quien a través de toda su obra denunció de mil manera la sociedad del simulacro en que vivimos. Hace unos años murió otro filósofo francés Guy Debord quien fustigó a nuestra sociedad como “del espectáculo”. Hoy Massimo Cacciari no se cansa de describir la pax apparens en que vivimos. ¿Es necesario insistir más sobre este tema tantas y tan bien denunciado y descripto?. Creemos que no, que es suficiente.

Conclusión
Así como los derechos del hombre y del ciudadano consagrados por la Revolución Francesa 1789 reposaban sobre un acto de fe en el mejoramiento del porvenir y el destino del hombre apoyados en la idea de progreso indefinido de la humanidad según el ideario del abad de Saint Pierre formulado en su Proyecto de paz continua de1712.

Así como los Derechos Humanos consagrados por las Naciones Unidas en 1948 se fundaban en el carácter de inherentes al ser humano, poseían un cierto fundamento filosófico. Por el contrario, en nuestros días se pretende cambiar la fuente de estos derechos y radicarla en el consenso de los países o lobbies poderosos. Esto es, dejaron de ser establecidos filosóficamente para ser fundados ideológicamente.

Nosotros proponemos, como estrategia cultural alternativa, que los derechos humanos se funden sobre la persona humana y no meramente sobre el individuo aislado como se ha hecho desde la Revolución Francesa, Porque la persona supone para su existencia una comunidad y es sólo en ésta donde encuentra el hombre, en tanto zoon politikon =animal político, su realización más plena. Sabemos que citar a Perón no es muy académico pero no por ello menos cierto: No puede haber hombre libre en una comunidad que no lo sea. Apotegma que resume no sólo la idea de que la libertad es siempre libertad en situación sino también que el hombre debe pensarse necesariamente en comunidad.

Fundemos, entonces, los derechos humanos en las necesidades de las personas. Esto es, en las carencias que sí o sí (necesariamente) se deben satisfacer, y así, al menos, tal acto se justificaría por la mayor o menor altura de sus finalidades. A la limite, todo acto de justicia es una restitutio.
Es por ello que la política debe de ser entendida como el arte de hacer posible lo necesario. Observemos como la categoría de lo necesario, esto es, aquello que no puede ser de otra manera, agregada a la de posible, libera a la política de su carácter idealista o ilustrado para trasladarla hacia un realismo político, encarnando sus acciones en los problemas y en las cosas mismas.
El mejor Alberdi, es sabido que hubo dos, lo afirma en su Fragmento que si queremos pensar genuninamente desde América debemos hacerlo a partir de nuestras necesidades.
Este anclaje de lo posible en lo necesario, esta búsqueda de dar satisfacción a aquello que se necesita, este tener en cuenta las condiciones real-concretas del fenómeno político es la norma que guía a todo el denominado realismo político que ha tenido en el siglo XX expositores de la talla de Morgenthau, Freund, Maranini, Miglio, Fernández de la Mora, Waltz, Arón, hoy día Maffesoli, entre otros.
Un estudioso destacado y brillante sobre estos temas, Alessandro Campi ha definido el realista político así: “no es conservador ni reaccionario, no defiende el status quo y mucho menos añora el pasado. El verdadero realista utiliza la historia no solo para comprender mejor el pasado sino también, y sobre todo, para representarse mejor el futuro y posee la conciencia de que nada es eterno en política” #

Es que la política como el arte de hacer posible lo necesario para una comunidad nos está obligando a realizar las acciones conducentes y no simplemente declamativas o ilusorias.

El polémico y no conformista filósofo español, Gustavo Bueno, nos ilustra con su último libro Zapatero y el pensamiento Alicia acerca de esta distinción fundamental entre política realista e ideología ilustrada.

Así, a los derechos humanos tenemos que buscarle un aclaje en las necesidades de los pueblos y de los hombres que los integran que es muy diferente al basamento que hoy se les otorga, como es el consenso de los poderosos, de los lobbies, que cuanto más fuerte son más derechos poseen o logran.

Esto que venimos a sostener hoy en este claustro de la facultad de derecho lo sostuvo hace ya más de medio siglo una joven mujer que no era filósofa sino una mujer del pueblo, Evita, cuando afirmó lacónicamente: Allí donde hay una necesidad hay un derecho. Aclaremos que este concepto de necesidad abarca las “necesidades reales” y rechaza las “necesidades falsas o simuladas” que nos crea a diario esta sociedad de consumo que transformó a través del dios monoteísta del libre mercado, a los pueblos en gente y a los hombres en público consumidor.

Alberto Buela, filósofo. Vicepresidente del CEES (Centro de estudios estratégicos suramericanos). Asesor de la CGT
Conferencia en el Aula Magna de la Facultad de Derecho y Ciencias Sociales de la Universidad de Buenos Aires, el 28 de marzo de 2006
alberto.buela@gmail.com


Article printed from Altermedia Spain: http://es.altermedia.info

URL to article: http://es.altermedia.info/general/relacion-entre-derechos-humanos-y-justicia_1655.html

04:05 Publié dans Droit / Constitutions | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Etranges conservatismes américains

8f01fc873b37f2369ad4235a842e547b.png

 

Etranges conservatismes américains

Par Herbert AMMON

En dépit des impulsions culturelles venues des Etats-Unis via Hollywood et la Pop culture, le paysage idéologique et politique de la seule puissance globale (dixit Zbigniew Brzezinski) demeure « terra incognita » pour la plupart des Européens. Les césures spécifiquement américaines, qui séparent les « liberals » des « conservatives » ne se perçoivent jamais clairement, tant et si bien qu’on les classe en Europe de manière binaire : entre une gauche et une droite. Les problèmes s’accumulent lorsque l’on cherche à établir une bonne taxinomie des écoles politiques et idéologiques américaines : les slogans et mots d’ordre sont si nombreux, reçoivent tant de définitions particulières qu’on ne s’y retrouve plus, surtout si l’on évoque une ancienne droite et une nouvelle droite, soit des paléo-conservateurs et des néo-conservateurs.

Pour définir les camps politico-idéologiques américains, les définitions habituelles ne sont guère de mise (sauf quand il s’agit, par exemple, du conservatisme tel que l’a défini jadis un Russell Kirk). Européens et Américains ont une expérience différente de l’histoire, nomment donc les choses politiques différemment, ce qui conduit aux confusions et quiproquos actuels. « Cum grano salis », on peut distinguer quelques différences majeures entre conservatismes européens et américains : d’abord, les conservatismes européens sont devenus sceptiques quant à l’histoire à venir ; les conservatismes américains sont nettement orientés vers le futur, sont, dans le fond, anti-historiques, dans la mesure où ils entendent maintenir l’idée fondamentalement américaine d’une société contractuelle (ils n’envisagent pas d’autres modèles). Ensuite, les conservatismes américains sont fiers de leur tradition historique continue, non brisée, que les Européens jugent « courte » ; les conservatismes européens, eux, sont contraints de tenir compte d’une longue histoire, marquée par des ruptures successives. Enfin, les conservateurs américains perçoivent de façon positive le rôle de puissance mondiale que joue leur pays, alors que les Européens se souviennent constamment du « suicide de l’Europe » (dixit Paul Ricoeur) en 1914. Et, last but not least, les conservateurs américains acceptent sans hésitation l’idée libérale d’un libre marché sans entraves, alors que les conservatismes européens critiquent tous le libéralisme.

Adhésion sans entraves au libre marché

La genèse des notions de « liberal » et de « conservative » nous ramène à l’ère Roosevelt (1933-1945). Les partisans de la politique social-réformiste et interventionniste / étatique du New Deal rooseveltien se dénommaient « liberals ». Les adversaires de Franklin D. Roosevelt venaient d’horizons divers : parmi eux, on trouvait des libéraux au sens économique le plus strict, qui se posaient comme les seuls véritables libéraux ; il y avait ensuite des critiques de la bureaucratie (du « big government »), en train de devenir pléthorique à leurs yeux. Enfin, du moins jusqu’à l’attaque japonaise contre Pearl Harbor, il y avait les défenseurs de l’isolationnisme. Murray Rothbard, un « libertarien », soit un extrémiste du marché, désigne cette coalition hostile à Roosevelt sous le nom de « Vieille Droite » (« Old Right »). D’après Rothbard, le terme « conservateur » n’était guère usité aux Etats-Unis avant la parution en 1953 de « Conservative Mind », le grand livre de Russell Kirk.

Les « conservateurs », qui suivaient la forte personnalité de Robert A. Taft, sénateur de l’Ohio (de 1939 à 1953) et rival républicain de Dwight D. Eisenhower en 1952, renonçaient à toute élévation du débat intellectuel en politique. Attitude qui n’a guère changé en dépit de l’émergence de courants de pensée conservateurs mieux profilés. Libéral et théoricien peu original, Peter Viereck, dans « Conservatism Revisited » (1949) s’est posé comme critique des idéologies totalitaires, le « communazisme ». Russell Kirk (1918-1994) fut donc le premier à se positionner comme explicitement conservateur et à être reconnu comme tel par l’établissement « libéral ». En se référant à Edmund Burke, le critique de la révolution française de 1789, perçue comme rupture de la Tradition, Kirk mettait l’accent sur l’origine « conservatrice » de la révolution américaine. Dans ses écrits, Kirk citait, en les comparant à Thomas Jefferson, les pères fondateurs « conservateurs », tels John Adams et les auteurs des « Federalist Papers », se référait également aux critiques européens de la révolution comme Burke ou Tocqueville. Kirk se posait également comme un conservateur écologiste, pratiquant la critique de la culture dominante, ce qui fit de lui une exception parmi les conservateurs américains, optimistes et orientés vers le futur.

« On pourrait, pour simplifier, résumer comme suit l’histoire du conservatisme américain : Russell Kirk l’a rendu respectable ; William Buckley l’a rendu populaire et Ronald Reagan l’a rendu éligible » (citation de J. v. Houten). En effet, les conservateurs doivent à William F. Buckley, né en 1925, d’avoir pu accroître leurs influences au sein du parti républicain et d’avoir percé pendant l’ère Reagan. Ils doivent ces succès au réseau de revues et de « think tanks » que Buckley a tissé dès les années cinquante, dont l’ « American Heritage Foundation », créé en 1973.

Buckley, comme le rappelle son livre « God and Man at Yale » (1951), était un catholique fervent. Il débarque un beau jour à Yale dans le bastion du « liberalism » à l’américaine, dominé par les agnostiques, les athées et les unitariens post-chrétiens, variante du protestantisme aligné sur l’idéologie des Lumières. En 1955, ce fils d’un millionnaire du pétrole fonde la « National Review », autour de laquelle se rassembleront des personnalités très diverses, toutes étiquetées, à tort ou à raison, comme « conservatrices » : des libertariens à Kirk lui-même. Dans ces années-là, où la « New Left » connaissait son apogée, le groupe « Young Americans for Freedom », lancé par Buckley, constituaient déjà un contrepoids politique. Et puisque Buckley, récemment, a critiqué les stratégies de Bush, quoique de manière très modérée, on peut le considérer aujourd’hui comme un représentant des « paléo-conservateurs ».

Le conservatisme américain, nous l’avons constaté, est un champ fort vaste dont les idéologèmes et les stratégies ne se sont cristallisés que depuis quelques décennies, contrairement à ce que l’on observe chez les conservateurs européens. Aujourd’hui, c’est évidemment George W. Bush qui domine l’univers conservateur américain. Bush se déclare « conservateur », plus exactement le continuateur de l’œuvre politique de Reagan que tous vénèrent en oubliant qu’il était au départ un « liberal ». Les Républicains doivent leurs succès électoraux depuis Reagan à un courant profond, agitant toute la base aux Etats-Unis, courant qui englobe le patriotisme (la fierté de s’inscrire dans une tradition de liberté) et les « valeurs » conservatrices (la famille, la religion, la morale, l’assiduité au travail, etc.).

Les hommes politiques qui veulent réussir en tant que « conservateurs » sont dès lors contraints de chercher le soutien de la « droite chrétienne ». Par ce vocable, il faut entendre cette immense masse d’électeurs liés aux mouvements religieux du renouveau protestant, animé par les « évangélisateurs ». Ce conservatisme théologien, partiellement fondamentaliste, rassemble des groupements où l’on retrouve les « Southern Baptists », le plus grand groupe protestant organisé, les pentecôtistes (notamment les « Assemblies of God ») et, bien sûr, les « méga-églises » des télé-évangélistes. Tous ensemble, ces mouvements évangéliques alignent quelque 80 millions de croyants, ce qui les place tout juste derrière les catholiques, qui restent le groupe religieux chrétien le plus nombreux aux Etats-Unis.

Certains évangélistes toutefois, et pas seulement les Afro-Américains, estiment que leur foi peut s’exprimer chez les démocrates. Religion et race se mêlent souvent : ainsi, Pat Robertson, étiqueté de « droite », et Jesse Jackson, étiqueté de « gauche », appartiennent tous deux au mouvement qui soutient les Baptistes et le sanglant « seigneur de le guerre » Charles Taylor au Libéria.

Malgré la très forte pression que la « droite religieuse » exerce aux niveaux locaux, voire dans certains Etats, elle n’a presque aucune influence au niveau fédéral. Ainsi, le candidat à la Présidence, Mitt Romney, appartient à la secte des Mormons, considérée comme éminemment conservatrice, ce qui ne l’a pas empêché d’être élu gouverneur du Massachusetts, Etat à majorité « libérale ». Le pentecôtiste John D. Ashcroft, représentant notoire de la « droite religieuse », fut ministre de la justice dans le premier cabinet de George W. Bush. Il serait faux, toutefois, de dire qu’après le choc du 11 septembre 2001, le bellicisme de l’actuel président américain, qui prétend être un « chrétien re-né » tout comme son adversaire Jimmy Carter, découle en droite ligne de sentiments religieux qui lui seraient propres.

La politique extérieure américaine est marquée depuis longtemps par les néo-conservateurs, comme on le constate sous le républicain Reagan avec Jean C. Kirkpatrick ou sous le démocrate Bill Clinton avec Madeleine Albright. Sous Bush Junior, les « neocons » tirent toutes les ficelles seulement depuis le retrait de Colin Powell. L’exécutif qui a programmé la politique moyen-orientale et déclenché la seconde guerre d’Irak alignait des hommes comme Dick Cheney, Donald Rumsfeld, Paul Wolfowitz et Richard Perle.

Tous ceux qui ont forgé le vocable « neocons » viennent à l’origine, comme d’ailleurs aussi bon nombre de paléo-conservateurs, du camp de la gauche (des « liberals ») ; on trouve dans leurs rangs des intellectuels de la gauche progressiste, issu des milieux juifs, qui se sont détachés du Parti démocrate au cours des années 70. Les meilleurs plumes de ce groupe furent Irving Kristol, avec sa revue « The Public Interest », Norman Podhoretz, avec « Commentary », et le sociologue Daniel Bell (« La fin des idéologies », 1970).

La définition usuelle du néo-conservatisme nous vient de Kristol : « Un conservateur est un homme de gauche, qui a été frappé de plein fouet par le réel ». Ce bon mot ne nous révèle que la moitié de la « réalité » : il pose le néo-conservateur, ex-homme de gauche, simplement comme celui qui n’accepte plus et critique les programmes sociaux pléthoriques lancés par les Démocrates. En fait, le néo-conservateur veut surtout une politique étrangère musclée : ainsi, le fils d’Irving Kristol, William Kristol (revue : « The Weekly Standard ») veut que cette politique étrangère américaine instaurent partout une « démocratisation », selon des critères déterminés depuis longtemps déjà par la vieille gauche interventionniste.

Pat Buchanan : vox clamans in deserto

Les « anciens conservateurs », ou paléo-conservateurs, qui avaient jadis forcé la mutation sous Reagan, entre 1981 et 1989, ont perdu depuis bien longtemps toute influence. Ainsi, Pat Buchanan n’est plus qu’une voix isolée dans le désert depuis des années, alors qu’il fut l’un des rédacteurs des discours de Nixon, puis conseiller de Reagan. Il tenta, rappelons-le, de lancer un parti réformiste et échoua dans sa candidature à la présidence en 2000. Il est redevenu républicain par la suite. En politique intérieure, Buchanan, catholique traditionnel, dont on se moque en le traitant de « conservateur paléolithique », lutte contre les « libertés » nouvelles que veulent imposer les « liberals » et les libertariens (avortement, mariage homosexuel, euthanasie).

Buchanan est protectionniste, s’oppose à la société multiculturelle et à l’immigration qui modifie de fond en comble le visage de l’Amérique. Sur le plan de la politique extérieure, il défend un isolationnisme modéré et s’inquiète des pièges que recèle l’interventionnisme global voulu par les « neocons ».

Il me reste à mentionner –et à saluer-  un combattant isolé, qui pourfend le « culte de la faute » choyé par de nombreux « liberals » (et par leurs homologues allemands), culte qui sert à promouvoir l’idéologie de la « correction politique » (les « Gender studies », les codes anti-discriminatoires de tous acabits, le multiculturel, etc.) : ce combattant n’est autre que l’historien des idées Paul Gottfried. Mais, malgré Buchanan et Gottfried, les paléo-conservateurs n’ont plus aucun influence notable, ni dans les universités ni dans les médias, a fortiori dans l’établissement politique.

Quelles conclusions peut-on tirer de la topographie que je viens d’esquisser ici ? Après la disparition graduelle des paléo-conservateurs, les nationaux-conservateurs allemands auront bien des difficultés à trouver des alliés Outre-Atlantique. Sans doute, seuls les chrétiens à la foi très stricte trouveront des frères en esprit pour toutes les questions morales chez les évangélisateurs ou les conservateurs catholiques.

Personnellement, je ne trouve, dans ce camp conservateur américain (toutes tendances confondues), aucune position qui me sied. Si je suis éclectique, je trouverai peut-être quelques points d’accord avec Russell Kirk, mais seulement quand il appelait en 1976 à voter pour le « démocrate de gauche » Eugene McCarthy. Quand je pense à l’idéologie qui domine la RFA aujourd’hui, je suis souvent d’accord avec Paul Gottfried, qui avait dû quitter, enfant, le IIIième Reich national-socialiste. Enfin, je lis toujours avec beaucoup d’intérêt les textes des intellectuels américains qui s’opposent à l’interventionnisme.

Vu que nous assistons à une orientalisation, soit une islamisation croissante de l’Europe occidentale les analyses clairvoyantes de nos temps présents par Samuel P. Huntington méritent que nous y consacrions toute notre attention ; Huntington nous annonce le déclin de l’Occident en général et la perte d’identité européenne des Etats-Unis. Aujourd’hui âgé de 80 ans, ce professeur de Harvard n’est toutefois pas étiqueté « conservative » mais considéré comme un représentant du « liberal establishment ».

S’intéresser aux relations intellectuelles transatlantiques est une bonne chose et permet de se comprendre réciproquement. Jusqu’ici, le monde universitaire s’est limité à importer en Allemagne et en Europe le prêchi-prêcha du « politiquement correct » des « liberals », y compris les expressions du mépris que vouent les gauches à Bush qui, quand elles sont satiriques, satisfont leur orgueil blessé. Une poignée de conservateurs allemands critiquent aujourd’hui l’idéologie importée des « liberals » (qui s’expriment en Allemagne sous des oripeaux «écologistes ») mais cette démarche est insuffisante. Face à l’immigration de masse qui menace directement l’existence du peuple allemand, en tant que peuple porteur d’histoire et en tant que nation historique et politique, et l’avenir même de l’Europe toute entière, nous devons, en première instance, procéder à une analyse factuelle et objective de la situation et ne pas ergoter et pinailler sur nos préférences intellectuelles ou rêver à d’hypothétiques coalitions qui ne viendront jamais.

La politique extérieure américaine se caractérise depuis l’immixtion des Etats-Unis dans la politique mondiale (au moins depuis 1917) par la double nature de la puissance et de la morale qu’elle révèle. La conscience qu’ont les Américains de mener à bien une « mission » inspire cette politique globale ou planétaire, et vice-versa, dans la mesure où les démarches concrètes de cette politique étayent la vision messianique que distille la religiosité américaine.

Henry Kissinger était une exception : il se posait comme « réaliste » et les notions de « mission » ne l’intéressaient pas vraiment. Depuis la montée en puissance des « neocons », qu’ils soient adhérents des démocrates ou des républicains, l’aspect idéologique et para-religieux de la politique extérieure des Etats-Unis est passé à l’avant-plan. Force est de constater que les assises fondamentales de la politique extérieure des Etats-Unis réconcilient, in fine, les « liberals » et les « conservatives » : il nous suffit d’énumérer les grands événements de ces quinze ou vingt dernières années, avec l’élargissement de l’OTAN aux pays d’Europe centrale et orientale, avec la politique balkanique (de Madeleine Albright), avec l’appui qu’apporte Washington à la candidature turque à l’UE, aux conflits qui ensanglantent le Proche- et le Moyen-Orient, etc.

Par ailleurs, la politique extérieure américaine se montre souvent fort dépendante des fluctuations de l’opinion publique intérieure. Hillary Clinton et d’autres candidats à la Présidence commencent à caresser cette opinion dans le sens du poil, en songeant à l’investiture de 2008, car, en effet, si les troupes américaines doivent se retirer d’Irak aussi peu glorieusement qu’elles se sont retirées du Vietnam, la politique extérieure américaine se trouvera confrontée à ses propres misères, aux monceaux de ruines qu’elle aura provoquées.

Quel rôle jouera la Turquie dans ce scénario ? Rien n’est certain. Quoi qu’il en soit, la paix entre Israël et la Palestine sera, une fois de plus, remise aux calendes grecques.

Herbert AMMON.

(article extrait de « Junge Freiheit », n°29/2007). 

02:25 Publié dans Politique, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

jeudi, 19 juillet 2007

Carences juridiques de la ND

a39f4ee9769591ffbf0318270f008a4f.jpg

Les carences juridiques de la « Nouvelle Droite »

Ange SAMPIERU

Le mouvement intellectuel des idées en France a été incontestable­ment mar­qué, à partir des années 80, par l'apparition du courant dit de la “nou­velle droite” (ND).

La capacité de ce courant intellectuel à traiter les multiples aspects de la réflexion contemporaine est une réa­lité incontournable, en dé­pit de sa pro­gressive marginalisation dans le débat des idées de la fin de ce siècle.

Héritière en cela des écoles idéologiques modernes, la ND a préten­du participer à la vague de contestation qui a toujours agité les in­tellectuels européens. En particulier, dans le champ du politique, la ND a posé les fondements d'une critique globale du courant bour­geois dominant, qu'il soit d'inspiration marxiste ou libéral.

Puisant dans le courant gramsciste une partie de son corpus idéolo­gique, la ND a tourné son regard vers de multiples domaines, no­tam­ment dans la doctrine relative à l'organisation de la Cité. A ce titre, et sans prétendre à une position définitive, la pensée juridique constitue un des domaines de réflexion majeurs.

L'influence, bien que marginale, des grands philosophes du droit  —en particulier du droit public—  allemands et français (Carl Schmitt en Allemagne, René Capitant en France) a fait l'objet d'une opéra­tion d'instrumentalisation chez les penseurs de la ND. La mise en œuvre d'une réflexion (critique) sur la notion de droit dans la ge­stion politique de la Cité moderne n'a pas été, de ce fait, négligée. La ND a reconnu, dans le cadre d'une conception globale, la place éminente du jus,  traductrice d'une certaine vision du monde. Ap­pré­ciation contemporaine qui s'appuie, en outre, sur une synthèse historique, expression des courants idéologiques fondamentaux.

Il apparait néanmoins que cette attention portée à la signification fondamentale du droit par la ND n'a jamais débouché sur une con­ception du droit propre à ce courant.

La découverte des notions essentielles, de caractère historique, con­sub­stan­tielles à la réflexion juridique, ne la conduit pas, pour au­tant, à une élaboration originale d'une nouvelle pensée juridique.

Dans un contexte historique marqué par une déliquescence des liens communautaires forts, la ND n'a pas été en mesure de construire une doctrine juridique nouvelle. Prudents, voire timides, devant une tâche essentielle, les penseurs de la ND n'ont, à aucun moment, pris le risque d'une action créatrice. Cette relative stérilité dans le do­mai­ne de la réflexion juridique est-elle alors lié à une incapacité intellectuelle réelle  - ou tout simplement à une difficulté de traduc­tion de la pensée dans le champ du droit, expression concrète d'un mode de vie collectif?

Il reste que l'on ne trouve qu'exceptionnellement abordée une ana­lyse des doctrines juridiques modernes, la ND préférant se réfugier dans une réflexion binaire, de nature idéologique, entre le droit ro­main et le droit germanique. Timidité ou stérilité? Dans les deux cas, cette absence traduit les limites d'une pensée qui se prétend, par ailleurs, globale.

Sous l'angle idéologique, on peut aussi questionner l'absence de la ND dans le domaine de la réflexion juridique comme une mani­festation chronique de la réduction intuitu personnae. Le poids impérial de son penseur n°1, Alain de Benoist, dans la délimitation de la pensée de la ND, pourrait aussi expliquer la faiblesse de sa réflexion juridique. Phénomène classique, que l'on retrouve dans de multiples courants de pensée, d'un “gourou” fort brillant mais loin de l'image de l'homme de la Renaissance, loin aussi de la réalité vivante et charnelle.

Le droit est-il un outil trop complexe, trop fuyant quand on se place dans la perspecti­ve de construire une doctrine multiforme? Seul l'intéressé pourrait sérieusement nous apporter une réponse à la question.

Il est aussi vrai que la ND, plutôt marquée par une vision “histo­riciste” du débat doctrinal, n'aborde jamais la nature immédiate et concrète de la pensée juridique moderne.

La ND, en choisissant de ne pas rentrer dans le débat actuel du champ juridique, n'apparait pas plus impliquée dans les choix concrets d'une organisation civile et publique de la Cité.

Ce double refus n'est pas constitutif d'un quelconque délit. Il exige tout de même une certaine explication, dans la mesure où, au travers de son discours idéologique, la ND prétend participer au mouvement de réflexion contemporaine sur le devenir de la Cité européenne.

A quand une vraie réponse?

Ange SAMPIERU.

 

 

mercredi, 18 juillet 2007

Giuliano e il "monoteismo solare"

0f25a5a88fe61c3d07f488f40e64b922.jpg

 

GIULIANO E IL "MONOTEISMO SOLARE"
Claudio Mutti

Unus Deus, unus Julianus

Richiesto di abbozzare un "ritratto" dell'Imperatore Giuliano, il teologo Sergio Quinzio fece ricorso ad una inedita e provocatoria analogia: paragonò infatti l'"Apostata" a Giovanni Paolo II, individuando nell'azione di entrambi il disperato tentativo di tenere in vita una religione ormai condannata a tramontare. "Se Giuliano mi avesse interpellato circa la possibilità della rifondazione della civiltà pagana, - scriveva il teologo - avrei dato la stessa risposta negativa che darei oggi se il Papa mi interpellasse circa la possibilità della rifondazione della civiltà cristiana" (1). Non solo: "proprio lo sforzo di restaurazione compiuto dal giovane imperatore contribuì allora a far definitivamente precipitare il paganesimo. E la cosa mi sembra puntualmente ripetersi, per quel tanto che nella storia si danno puntuali ripetizioni" (2). 

Un parallelo altrettanto originale è stato prospettato da Jacques Fontaine, docente di lingua e letteratura tardolatina della Sorbona, nella conversazione con un giornalista che gli suggeriva un raffronto tra Giuliano e altri protagonisti della storia "con progetti abbastanza simili" (sic!) quali Hitler o Stalin. "Io - rispose Fontaine - lo affiancherei meglio, se si volesse, a Khomeini. Per il fanatismo, per il sentirsi investito da un ruolo divino, per il fatto di considerarsi un dio. E poi per la cultura. Per la violenza, il settarismo. Di Giuliano abbiamo descrizioni fisiche molto precise. Una, di Ammiano di Antiochia (la barba a punta, gli occhi magnetici, la figura ieratica), lo fa davvero molto assomigliare, anche nei tratti, all'ayatollah iraniano" (3).

La galleria dei personaggi storici ai quali Giuliano è stato paragonato nel passato viene così ad arricchirsi. Non sappiamo che cosa ne avrebbe pensato Stalin. Da parte sua, Hitler avrebbe probabilmente gradito l'accostamento, lui che più volte ebbe a manifestare la propria ammirazione per il grande "Apostata" (4).

Quanto a Khomeini, lasciando da parte le abusate banalità sul "fanatismo" e l'assurdità del "considerarsi un dio" (!), un discorso un po' meno dozzinale avrebbe potuto considerare il carattere teocratico comune sia al progetto dell'Augusto sia a quello dell'Imam, per cui un riferimento all'azione restauratrice del monoteismo islamico avrebbe potuto attualizzare, se proprio era necessario farlo, il tentativo giulianeo di instaurare quello che qualcuno ha chiamato un "monoteismo di Stato" (5). Né tale operazione sarebbe stata scientificamente abusiva, dato che la parentela ideale fra la teologia solare antica e l'Islam è stata autorevolmente indicata da uno studioso del calibro di Franz Altheim, per il quale "i Neoplatonici (.) erano anche i battistrada di Maometto e del suo odio appassionato contro tutte le fedi che attribuivano a Dio un 'compagno'" (6), mentre un celebre studio di Henry Corbin sulla dottrina dell'unità divina (tawhîd) nell'Islam sciita si apre con un richiamo alla letteratura fiorita negli anni Venti del Novecento intorno al "dramma religioso dell'Imperatore Giuliano" (7). 

Eppure, è stato proprio Jacques Fontaine a riproporre, in rapporto alla religione che Giuliano officiò come pontifex maximus (8), il concetto di "monoteismo solare", al quale hanno fatto frequentemente ricorso quanti hanno indagato le manifestazioni religiose dell'età imperiale. Secondo lo studioso francese, infatti, la forma che la tradizione greco-romana assume all'epoca di Giuliano è quella di "una sintesi di tutte le religioni e le teologie pagane, sotto il segno del monoteismo solare" (9); ovvero, se si preferisce il sinonimo usato da altri studiosi, di un "enoteismo solare" definibile nei termini seguenti: "Giuliano vuole dimostrare a tutti che il dio Helios è l'unico, vero dio e che le numerose divinità romane altro non sono che ipostasi, ossia aspetti particolari, manifestazioni specifiche e settoriali dell'unica, suprema divinità solare" (10). 

Monoteista o enoteista, la dottrina difesa da Giuliano è sintetizzata da diverse epigrafi coeve che proclamano l'unicità di Dio, nonché l'unità e unicità del potere imperiale (11); epigrafi che secondo Spengler possono essere tradotte solo così: "Vi è un solo Dio e Giuliano è il suo profeta" (12). La ricorrenza di questo tema, che "ha un'importanza centrale nella concezione politica di Giuliano" (13), ha indotto la Athanassiadi-Fowden a parlare addirittura di "ossessione per l'unità" (14) e a dare risalto al fatto che "Giuliano non abbia neanche concepito la possibilità di condividere il potere con un associato, ma si sia invece considerato l'unico vicario di Dio sulla terra" (15). Tale concezione politica trova la sua formulazione più antica in Omero, il quale fa dire a Odisseo: "Non è un bene la pluralità dei capi, uno solo sia capo" (16); Seneca espone lo stesso principio per l'Impero romano, dicendo che "è stata la natura a plasmare il Re" (17); e Filone Alessandrino aggiunge un corollario che stabilisce l'analogia tra politeismo e democrazia: "Dio è uno solo, e ciò contro i fautori dell'opinione politeistica, i quali non si vergognano di trasferire dalla terra al cielo la democrazia, che è la peggiore tra le cattive istituzioni" (18). 

In fatto di "monoteismo solare", Giuliano non inventò nulla, ma si limitò a perfezionare un processo di definizione teologica che era già in atto da tempo e che Franz Altheim riassume nei termini seguenti: "La storia dell'antico dio del sole, considerata a grandi linee, è quella di un progressivo raffinamento. Il culto, di origine beduina, si stabilisce in una città della Siria. Per la sua singolarità e la sua assolutezza mette a rumore il mondo occidentale, ne provoca la più appassionata ripulsa. Ma la sua rappresentazione letteraria, la filosofia neoplatonica, e, non ultima, la capacità assimilatrice della religione romana e della concezione romana dello stato, compiono il miracolo: dalla divinità di Elagabalo (218-222 d. C.), inquinata dalle orge e dalla superstizione orientale, nasce il più puro degli dèi, destinato ad unificare ancora una volta la religiosità antica" (19). Nel 274 d. C., sotto Aureliano, il monoteismo solare diventò la religione ufficiale dell'Impero Romano e il Sol Invictus venne riconosciuto come la divinità suprema: a Roma sorse uno splendido tempio dedicato al Sole, in onore del quale furono istituite feste periodiche, mentre venne creato un collegio di pontefici del dio Sole e si coniarono numerose monete con iscrizioni e simboli solari. In tal modo "il 'monoteismo', a cui il sincretismo severiano aveva indirizzato il paganesimo romano, trovò nel culto solare propugnato da Aureliano la sua affermazione più decisa ed efficace" (20), tant'è vero che nel muro dell'intransigenza cristiana si dovette registrare qualche fessura (21). All'epoca di Costantino acquisirono una considerevole importanza "le immagini monoteizzanti della religione di Helios: l'Apollo solare ed il Sol Invictus risaltano nei rilievi dell'arco di trionfo e nelle monete dell'epoca" (22). Mentre le figure degli dèi scomparivano pian piano dalle monete di Costantino, il dio solare s'imponeva sempre di più: "Sol Invictus (.) sopravvive anche più a lungo in tutto il territorio controllato da Costantino e in tutte le sue zecche (.) sembra che l'imperatore di persona avesse per il dio Sole una profonda devozione" (23). Nella burocrazia e nell'esercito, la religione solare aveva la sua massima diffusione: "il Sol Invictus e la Victoria erano gli dei militares dell'esercito di Costantino; altrettanto favore aveva la divinità solare nelle legioni di Licinio" (24).

Considerata in un quadro storico, la formulazione giulianea della teologia solare si colloca in una fase matura del neoplatonismo, nella quale i cardini dottrinali di questo movimento spirituale si trovano già definitivamente fissati e consolidati. Se il fondatore della scuola, Plotino (204-270), aveva riconosciuto nell'Uno il principio dell'essere ed il centro della possibilità universale, il suo successore Porfirio di Tiro (233-305) aveva fatto del neoplatonismo una sorta di "religione del Libro" (25); autore di uno scritto Sul Sole (26), Porfirio aveva dedicato alla teologia solare un trattato di cui sussistono importanti frammenti nei Saturnali di Macrobio (27). "Nella sua trattazione Porfirio non fa altro che applicare la metafisica platonica - che riconduce all'Uno ogni aspetto del cosmo - alle divinità più importanti del pantheon classico, rivelando come esse non siano altro che attribuzioni particolari dell'Unico, che dal punto di vista teologico viene a determinarsi come Sole, in quanto quell''essenza' spirituale sul piano cosmico si 'appoggia' all'astro del giorno (.) in quanto Apollo egli è splendore, salute e lucentezza (.) in quanto Mercurio poi, egli 'presiede al linguaggio' (Saturn., I, XVIII, 70), cosicché ogni attività viene ricondotta ad una presenza divina - 'solare'" (28). Ma fu l'erede di Porfirio, il "divino Giamblico" (250-330), colui che con la sua dottrina "convertì (.) l'ultimo imperatore pagano alla sua eliolatria trascendente" (29). Dopo Giuliano, è possibile seguire la tradizione "solare" fino a Proclo (410-485), autore fra l'altro di un Inno a Helios (30), nonché al suo contemporaneo Marziano Capella, che con l'inno-preghiera di Filologia al Sole (De nuptiis, II, 185-193) ci ha lasciato un "documento notevole della 'teologia solare' del tardo neoplatonismo" (31), anzi, "l'ultima attestazione del sincretismo solare in Occidente" (32); infatti verso il 531, con la fuga in Persia dello Scolarca Damascio (470-544) e degli altri neoplatonici, la tradizione "solare" abbandonerà il mondo cristiano e continuerà la propria esistenza negli stessi luoghi dai quali si era irradiato, diffondendosi in tutta l'Europa, il culto di Mithra.

Sol Invictus

In un inno della tradizione iranica (Yasht, 10, 136) Mithra compare su un carro con una sola ruota, d'oro, che viene trainato da cavalli bianchi (33); perciò Strabone (XV, 3) può affermare a buon diritto che sotto il nome di Mithra i Persiani venerano Helios. A Roma, dove sarebbe stato identificato col Sol Invictus, il dio solare trovò i suoi primi seguaci intorno il 66 a. C.; verso la fine del primo secolo d. C., il suo culto assunse un'importanza considerevole, fino a diffondersi su tutti i territori dell'Impero, dall'Anatolia alla Britannia. Verso la fine del secondo secolo, tra gli iniziati ai misteri di Mithra vi fu anche un imperatore, Commodo; "cento anni più tardi, la potenza di Mithra era tale ch'esso sembrò un momento esser vicino ad eclissare i suoi rivali d'Oriente e d'Occidente e a dominare il mondo romano tutto intero" (34). Nel 307, Diocleziano, Galerio e Licinio proclamarono Mithra, "protettore del loro Impero" (fautor imperii sui). Il mithraismo si configurava ormai nei termini di "una religione (.) quasi 'enoteista', cioè una religione che riconosce molte divinità, ma allo stesso tempo insegnava che esse in fondo erano solo apparizioni differenti di uno stesso dio" (35). Quanto a Giuliano, egli "comprese che il Mithracismo, se voleva diventare una religione universale, (.) doveva aprirsi di più alle interpretazioni filosofiche. È per questo che l'inno al Sole composto dall'imperatore stesso è ispirato dal misticismo di Giamblico; Mithra s'identifica con il Sole, con Apollo, con Fetonte, Iperione e Prometeo. Le altre divinità non sono altro che l'emanazione della potenza del Sole. Giuliano si identifica col buon pastore, al quale era imposta la morale di Mithra: 'Bontà verso gli uomini che egli era chiamato a governare, pietà verso gli dèi, padronanza di sé' " (36). 

Molto probabilmente Giuliano fu iniziato ai misteri mithraici allorché, in qualità di Cesare, si trovava al comando delle truppe della Gallia, fra il 355 e il 361; "dall'anno 357 in poi si ritrova a Roma una intera serie di iscrizioni mitraiche. Appare evidente un collegamento con l'ascesa di Giuliano" (37). Della sua iniziazione ci parla egli stesso in alcune righe al termine dell'opera I Cesari, che traduciamo qui di seguito: "A te - ci disse Hermes - io ho dato di conoscere il Padre Mithra. Tu tieniti ai suoi comandamenti; ti procurerai così, finché vivrai, una gomena e un porto sicuro e, quando bisognerà andarsene via di quaggiù, troverai, con buona speranza, un dio benigno come guida" (336C). Altri accenni si trovano nelle orazioni Al Re Helios (130C) e Alla Madre degli dèi (172D-173A).

Il monoteismo o enoteismo solare officiato dall'Imperatore Giuliano ha il proprio testo dottrinale (38) in quell' "imponente edificio di sintesi teologica in chiave enoteista" (39) che è l'Inno al Re Helios. Scritto verso la fine del 362 ad Antiochia, alle falde di quel monte Casio, "sede di pietà eliolatrica con caratteristiche perspicue" (40), sul quale Giuliano ascese per contemplare il sorgere del Sole ed eseguire un sacrificio a Giove (41), l'Inno al Re Helios non è semplicemente un gesto di devozione privata, ma "si presenta come una partecipazione dell'autocrator alla solennità pubblica del Sol invictus" (42); la festa del Natale solare veniva infatti celebrata nel giorno del solstizio invernale, il 25 dicembre. Come l'opuscolo I Cesari, composto alcuni giorni prima, così anche l'Inno al Re Helios fu dedicato all'amico Salustio, l'autore del trattatello Sugli dèi e il mondo (43).

La dottrina esposta nell'Inno ha il suo riferimento fondamentale in Platone. Giuliano cita un brano della Repubblica (508B-C) dal quale risulta che il Sole (Hélios) è nel mondo sensibile e visibile (aisthetòs, oratòs) ciò che il Sommo Bene, sorgente trascendente dell'essere, è nel mondo intelligibile (noetòs); in altre parole: l'astro diurno non è che un riflesso di quel Sole metafisico che illumina e feconda il mondo delle essenze archetipiche, le platoniche "idee". Ovvero, per dirla con Evola: "Helios è il Sole, non come astro fisico divinificato ma come simbolo di luce metafisica e di potenza in un senso trascendente" (44). Ma tra il mondo intelligibile dell'Essere puro e il mondo delle forme corporee percepibili dalla vista fisica e dagli altri sensi s'interpone un terzo mondo: un mondo che viene definito "intellettuale" (noeròs), ossia dotato di intelligenza.

A riconferma del fatto che certi accostamenti non sono poi del tutto peregrini, riportiamo un passo del teosofo islamico Mahmûd Qotboddîn Shîrâzî (1237-1311), il quale riassume la dottrina dei tre mondi dicendo che Platone e gli altri sapienti dell'antica Grecia "professavano l'esistenza di un doppio universo: da un lato l'universo del puro soprasensibile, che comprende il mondo della Divinità e il mondo delle Intelligenze angeliche; dall'altro, il mondo delle Forme materiali, vale a dire il mondo delle Sfere celesti e degli Elementi e, tra l'uno e l'altro mondo, il mondo delle Forme immaginali autonome" (45). Ipostasi del Principio supremo ("figlio dell'Uno") al centro di questo mondo mediano, Helios vi svolge una funzione mediatrice, coordinatrice e unificatrice in rapporto alle cause (le "divinità") intellettuali e demiurgiche, partecipando sia dell'unità del Principio trascendente sia della molteplicità contingente della manifestazione fenomenica. La sua posizione è dunque la più centrale che possa essere concepita e giustifica il titolo di Re che gli viene riconosciuto. In termini teologici: tutti gli dèi dipendono dalla luce di Helios (46), che è l'unico a non essere sottoposto alla necessità costrittiva (anánke) di Zeus, con il quale, in realtà, egli si identifica.

Giuliano viene poi a trattare dei poteri (dynàmeiai) e delle energie (enérgheiai) di Helios, cioè, rispettivamente, delle sue potenzialità e delle sue attività in relazione ai tre mondi. L'aspetto più considerevole di questa parte dell'Inno (143B-152A) consiste nel tentativo di ricondurre la molteplicità degli dèi ad una unità principiale rappresentata per l'appunto da Helios, sicché le varie figure divine ci appaiono come suoi aspetti, ovvero come Nomi corrispondenti alle sue innumerevoli qualità. Una dottrina analoga era stata d'altronde enunciata da Diogene Laerzio, il quale interpretava Zeus, Atena, Era, Efesto, Posidone, Demetra come appellativi corrispondenti ai "modi della potenza" dell'unico Dio (47). 

In Helios, dunque, confluisce il potere demiurgico di Zeus; né d'altronde esiste alcuna reale differenza tra i due. Atena Prònoia è scaturita, nella sua integralità, dalla totalità di Helios; essendo l'intelligenza perfetta di Helios, essa riunisce gli dèi che lo circondano e realizza l'unione con lui. Afrodite rappresenta la fusione degli dèi celesti, l'amore e l'armonia che caratterizzano la loro essenziale unità. Ma soprattutto, in quanto racchiude in sé i principi della più armonica sintesi intellettuale, Helios viene identificato con Apollo, il quale, date le sue qualità fondamentali di immutabilità, perfezione, eternità, eccellenza intellettuale, è la personificazione dell'unità divina esprimentesi come intelligenza pura ed assoluta. "In altre parole, agli occhi di Giuliano, Apollo appare come l'aspetto più puramente intellettuale di Helios, la figura divina che esprime più semplicemente e direttamente l'unità del mondo intellettuale" (48).

Già Plutarco, nel dialogo Sulla E di Delfi, aveva riconosciuto in Apollo la persona divina in cui si determina immediatamente il principio primo della manifestazione universale ed aveva scoperto nel nome stesso del dio, utilizzando lo strumento dell'etimologia, il significato dell'unità e dell'unicità divina (49). E Porfirio, nella sua opera Sulla filosofia degli oracoli (50), aveva citato un responso apollineo secondo il quale c'è un solo dio, Aiòn ("Eternità"), mentre gli altri dèi non sono altro che i suoi angeli; "si riteneva comunemente che gli dèi del paganesimo fossero emanazioni di virtù dell'Essere Supremo, o tutt'al più suoi subordinati" (51). D'altra parte, attestazioni della dottrina dell'unità divina si trovano presenti, prima e dopo Plutarco, in tutto l'arco della tradizione greca, da Omero (52) fino allo stesso dedicatario dell'Inno al Re Helios (53), a dimostrazione dell'assunto secondo cui, "contrariamente all'opinione corrente, non vi è mai stata, in nessun luogo, nessuna dottrina realmente 'politeista', ossia ammettente una pluralità di princìpi assoluta e irriducibile" (54).

L'ultima parte dell'Inno contiene una rassegna dei doni e dei benefici dispensati da Helios al genere umano, che da lui trae origine e da lui riceve sostentamento. Padre di Dioniso e signore delle Muse, Helios elargisce agli uomini ogni saggezza; ispiratore di Apollo, di Asclepio, di Afrodite e di Atena, egli è il legislatore della comunità; infine è lui, Helios, il vero fondatore e protettore di Roma. È dunque a questo dio, creatore della sua anima immortale, che Giuliano rivolge la richiesta di accordare all'Urbe un'esistenza parimenti immortale, identificando così "non solo la sua missione personale sulla terra, ma anche la sua salvezza spirituale, con la prosperità dell'Impero" (55).

Ancora una volta viene ricordato nell'Inno il debito nei confronti di Giamblico (250-330), che per Giuliano è sempre "il divino Giamblico", "l'amato dagli dèi", "l'illustre ierofante", "l'ispirato"; d'altra parte, come è stato giustamente detto, "la dottrina di Giamblico spiega il tentativo di Giuliano e ne nobilita il significato" (56). 

Il discorso è suggellato da una preghiera finale a Helios, la terza contenuta nell'Inno: che il Re dell'universo conceda al suo devoto celebrante una vita virtuosa e un più perfetto sapere e, nell'ora suprema, lo faccia ascendere in alto fino a Sé (57).


(1) S. Quinzio, Come l'Apostata anche Wojtyla combatte contro il tempo in nome dell'antica religione, in Il Manifesto, 13 agosto 1992, p. 13.

(2) Ibidem.

(3) Imperatore e khomeinista, intervista con Jacques Fontaine di Sandro Ottolenghi, in Panorama, 7 giugno 1987, p. 143. 

(4) A. Hitler, Idee sul destino del mondo, Edizioni di Ar, Padova 1980, I, pp. 68, 78, 223.

(5) G. Ricciotti, L'imperatore Giuliano l'Apostata, Mondadori, Milano 1962, p. 275.

(6) F. Altheim, Dall'antichità al Medioevo. Il volto della sera e del mattino, Sansoni, Firenze 1961, pp. 14-15. Ma soprattutto si veda, di F. Altheim, Il dio invitto. Cristianesimo e culti solari, Feltrinelli, Milano 1960, dove la relazione fra teologia solare e Islam viene collocata sullo sfondo del progressivo affermarsi del monoteismo solare nella tarda antichità. "Recentemente si è sottolineata l'intima affinità del monofisismo con l'Islam. Si è definito Eutiche, uno dei padri della dottrina monofisitica, precursore di Maometto. La predicazione di Maometto era infatti ispirata dall'idea di unità, dall'idea che Dio non avesse alcun 'compagno', e si poneva così sulla stessa linea dei predecessori e vicini neoplatonici e monofisiti. Solo che la passione religiosa del Profeta seppe dare un rilievo ben più vigoroso a quello che prima di lui altri avevano sentito e desiderato" (F. Altheim, Il dio invitto, cit., p. 121).

(7) H. Corbin, Il paradosso del monoteismo, Marietti, Casale Monferrato 1986, p. 3.

(8) J. Fontaine, Introduzione a: Giuliano Imperatore, Alla Madre degli dèi e altri discorsi, Fondazione Lorenzo Valla, Mondadori, Milano 1990, p. lv.

(9) J. Fontaine, ibidem.

(10) S. Arcella, I Misteri del Sole. Il culto di Mitra nell'Italia antica, Controcorrente, Napoli 2002, p. 183.

(11) "Uno è Dio, uno è Giuliano basileus", "Uno è Dio, uno è Giuliano Augusto". Cfr. E. Peterson, HEIS THEOS. Epigraphische, formgeschichtliche und religionsgeschichtliche Untersuchungen, Vandenhoeck und Ruprecht, Göttingen 1926, pp. 270-273.

(12) Oswald Spengler, Il tramonto dell'Occidente, Longanesi, Milano 1957, p. 970.

(13) Augusto Guida, Un anonimo panegirico per l'Imperatore Giuliano, Leo S. Olschki Editore, Firenze 1990, p. 127.

(14) Polymnia Athanassiadi-Fowden, L'Imperatore Giuliano, Rizzoli, Milano 1984, p. 205.

(15) P. Athanassiadi-Fowden, op. cit., p. 206. 

(16) Omero, Iliade, II, 204.

(17) Seneca, De clementia, 1, 19, 2.

(18) Filone, Creazione del mondo,171 (Filone di Alessandria, La creazione del mondo. Le allegorie delle leggi, Rusconi, Milano 1978, p. 146).

(19) Franz Altheim, Il dio invitto, cit., pp. 11-12.

(20) Marta Sordi, Il cristianesimo e Roma, Cappelli, Bologna 1965, p. 328.

(21) Nel 307, ad Alessandria, un cristiano compare davanti al funzionario imperiale. Rifiuta di sacrificare perché, dice, secondo le Sacre Scritture chi sacrifica agli dèi sarà sterminato, a meno che non si tratti del Dio Sole. E il rappresentante dell'imperatore gli risponde: 'Immola dunque al Dio Sole'" (Louis Homo, Les empereurs romains et le christianisme, Les Belles Lettres, Paris 1931, p. 112).

(22) Lucio De Giovanni, Costantino e il mondo pagano, Associazione di Studi Tardoantichi, Napoli 1972, p. 19.

(23) Andreas Alföldi, Costantino tra paganesimo e cristianesimo, Laterza, Bari 1976, p. 49.

(24) L. De Giovanni, op. cit., p. 121.

(25) Nuccio D'Anna, Il neoplatonismo. Significato e dottrine di un movimento spirituale, Il Cerchio, Rimini 1988, p. 22.

(26) Lo scritto, perduto, è citato da Servio (Commento alle Ecloghe, V, 66) ed è forse da identificarsi col trattato Sui nomi divini; o, forse, faceva parte della Filosofia degli oracoli. Cfr. G. Heuten, Le "Soleil" de Porphyre, in Mélanges F. Cumont, I, Bruxelles 1936, p. 253 ss.

(27) Macrobio, Saturnalia, I, 17-23 (I Saturnali, a cura di Nino Marinane, UTET, Torino 1977, pp. 243-304).

(28) N. D'Anna, op. cit., pp. 49-50.

(29) Franz Cumont, La Théologie solaire du paganisme romain, in Mémoires présentés par divers savants à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, XII, 2, 1913, p. 477.

(30) Proclo, Inni, a cura di Davide Giordano, Fussi-Sansoni, Firenze 1957, pp. 21-29.

(31) Martiani Capellae De nuptiis Philologiae et Mercurii liber secundus, Introduzione, traduzione e commento di Luciano Lenaz, Liviana, Padova 1975, p. 46.

(32) Robert Turcan, Martianus Capella et Jamblique, « Revue des Études Latins », 36, 1958, p. 249.

(33) Trad. it. dell'Inno a Mithra: Italo Pizzi, Lyra Zarathustrica, versione metrica, in Atti della R. Accademia delle Scienze di Torino, XLIV (1909), pp. 805-828. 

(34) F. Cumont, Le religioni orientali nel paganesimo romano, I libri del Graal, Roma 1990, p. 116.

(35) Reinhold Merkelbach, Mitra, ECIG, Genova 1988, p. 94.

(36) Martin Vermaseren, Mithra, ce dieu mystérieux, Éditions Sequoia, Paris-Bruxelles 1960, p. 155.

(37) R. Merkelbach, op. cit., p. 291. 

(38) "Breviario per la chiesa pagana", per usare le parole del Ricciotti, op. cit., p. 275.

(39) Nello Gatta, Giuliano Imperatore. Un asceta dell'idea di Stato, Edizioni di Ar, Padova 1995, p. 52.

(40) T. Agozzino, in: Ammiano Marcellino, Giuliano e il paganesimo morente, Paravia, Torino 1972, p. 116.

(41) Ammiano Marcellino, XXII, 14, 4.

(42) Christian Lacombrade, in: L'Empereur Julien, Oeuvres complètes, Les Belles Lettres, Paris 1964, t. II, 2a parte, p. 95. 

(43) Sallustio, Sugli dèi e il mondo, a cura di Claudio Mutti, Edizioni di Ar, Padova 1978 (2° ed. 1993); F. Daverio, Versione di "Sugli Dei e sul Cosmo" di Sallustio filosofo, "Conoscenza religiosa", 4, 1981, pp. 415-430; Salustio, Degli Dei e del Cosmo, in Gli occhi dell'anima. Intreccio di scrittura fra Giuliano detto l'Apostata e Saturninio Secondo Salustio. Il Catechismo di Salustio, a cura di Giuseppe Dagnino, ECIG, Genova 1996; Salustio, Sugli dèi e il mondo, a cura di Riccardo Di Giuseppe, Adelphi, Milano 2000.

(44) Julius Evola, Ricognizioni. Uomini e problemi, Edizioni Mediterranee, Roma 1974, p. 162. (32) 

(45) H. Corbin, Corpo spirituale e Terra celeste. Dall'Iran mazdeo all'Iran sciita, Adelphi, Milano 1986, p. 140.

(46) Sulla scia di Corbin, che include i "Neoplatonici cosiddetti tardivi" (e quindi anche il nostro Giuliano) tra le coraniche "genti del Libro" (Il paradosso del monoteismo, cit., p. 70) è stato suggerito che Helios "equivale a ciò che nell'Islam è chiamato an-nûr min 'amri-llâh, 'la luce che procede dal comando divino", per cui "non è altra cosa da quella 'nicchia delle luci' dalla quale (.) è attinta ogni sapienza" (Roberto Billi, L'Asino e il Leone. Metafisica e Politica nell'opera dell'Imperatore Giuliano, tesi di laurea, Università di Parma, anno accademico 1989-1990, pp. 79-80).

(47) Diogene Laerzio, VII, 147 (= Stoicorum Veterum Fragmenta, II, fr. 1021).

(48) R. Billi, op. cit., p. 85.

(49) Plutarco di Cheronea, Sulla E di Delfi, a cura di C. Mutti, Edizioni all'insegna del Veltro, Parma 1981. L'autore dell'Inno al Re Helios, che si pone sulla scia di Plutarco e, in fin dei conti, di Platone, sicché anche per lui l'etimologia "è principalmente una 'scienza ausiliaria' della riflessione sul mito, in quanto i nomi divini conservano con particolare precisione i pensieri degli Antichi sulle realtà metafisiche" (R. Billi, "Antichi" e "moderni" nel pensiero dell'imperatore Giuliano, in Philologica, II, 2-3, gennaio 1993, p. 118.

(50) G. Wolff (a cura di), Porphyrii de philosofia ex oraculis haurienda librorum reliquiae, Springer, Berlin 1866.

(51) A. D. Nock, La conversione. Società e religione nel mondo antico, Laterza, Bari 1974, p. 182.

(52) Si veda, ad esempio, il brano della "corda d'oro" (Iliade, VIII, 18-27), dove la "schiacciante superiorità di Zeus sugli uomini ma anche sugli dèi" (M. S. Mirto, Commento a: Omero, Iliade, Einaudi-Gallimard, Torino 1997, p. 1010) simboleggia la nullità della molteplicità di fronte all'unità principiale. 

(53) Scrive infatti Salustio: "La causa prima conviene che sia una, poiché l'unità precede ogni molteplicità" (Sugli dèi e il mondo, a cura di C. Mutti, Edizioni di Ar, Padova 1993, 2a ed., pp. 27-28). 

(54) R. Guénon, Aperçus sur l'ésotérisme islamique et le taoïsme, Gallimard, Paris 1973, p. 38. " La dottrina dell'Unità, cioè l'affermazione secondo cui il Principio d'ogni esistenza è essenzialmente Uno, è un punto fondamentale comune a tutte le tradizioni ortodosse e noi possiamo anche dire che la loro identità di fondo appare nel modo più evidente proprio su questo punto, traducendosi fin nell'espressione stessa" (ibidem, p. 37).

(55) Mario Mazza, Filosofia religiosa ed "Imperium" in Giuliano, in: AA. VV., Giuliano Imperatore, Atti del Convegno della S.I.S.A.C. (Messina, 3 aprile 1984), a cura di Bruno Gentili, QuattroVenti, Urbino 1986, p. 90.

(56) Nuccio D'Anna, Il neoplatonismo, Il Cerchio, Rimini 1988, p. 62.

(57) È veramente necessario avere una fantasia sfrenata e perversa, per cogliere in questa preghiera finale l'ironia di un Voltaire della tarda antichità, che avrebbe mascherato il proprio ateismo radicale dietro una scrittura dissimulatrice. Si può anche essere un grande studioso di Hegel, ma non si è capito assolutamente nulla di Giuliano, se ci si ingegna a sostenere con la massima serietà che l'Inno al Re Helios "è volutamente una parodia degli scritti di Giamblico", nella quale l'autore si fa beffe del dio e "si prende apertamente gioco della teologia in genere (sia pagana che cristiana) e della 'mistica' cosiddetta neoplatonica in particolar modo" (Alexandre Kojève, L'Imperatore Giuliano e l'arte della scrittura, Donzelli, Roma 1998, p. 30).

05:05 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Journalisme-"ecstasy"

abe415b1788012b2192fe2ff8abacfc3.jpg

L'extase de la guerre ou le journalisme-"ecstasy"

cf. : http://www.dedefensa.org/article.php?art_id=4187...

03:25 Publié dans Définitions | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mardi, 17 juillet 2007

Naar een rechtse lente

0e256517e7015fb00e5283fe1cce6fdc.gif

Een goede tekst van Erik Van Goor met een vernietigend oordeel over de “rechterzijde”.

http://reimerswaal.blogspot.com/2007/07/naar-een-rechtse-lente.html

Naar een rechtse lente


Het rechtse landschap maakt allesbehalve vrolijk. In de ogen van een rechts mens is "de ruimte op rechts" een groot gapend gat. De leegte is beklemmend en er is geen enkel signaal dat dit ooit anders zal worden. De stompzinnigheid wordt met de dag groter, het venijn giftiger en de decadentie schrijnender. Het landschap van rechts denken, schrijven en opereren is onverwoestbaar leeg. Rechts is dood. Want de wereld is dood. Om met Heidegger te spreken: "Alleen een godet kan ons nog redden."

Naarmate de oorlogsstemming toeneemt richting de islam, wordt steeds duidelijker dat "rechts" niets meer is dan de optelsom van ultralinks en islamhaat. De dood van westerse militairen in Afghanistan, de mislukte bomaanslagen in Groot-Brittannië en de uitspraken van imams in eigen land, wakkeren het vuur van haat hoger en hoger. "Rechtse" blogs als Elsevier.nl, Nederkrant en HetVrijeVolk.com staan vol met uitspraken in de trant van: "Het Salafisme moet uitgeroeid worden". "Iran moet worden gebombardeerd". "De woestijncultuur moet eraan geloven." Kortweg gezegd: het "islamofascisme" met een halt worden toegeroepen. Met een regen van vrije woorden en vrije bommen.

Zonder verstand, zonder joie de vivre, zonder humor en zonder fatsoen (vooral dit laatste) bestookt men alles wat beweegt, binnen en buiten het kamp, met geschimp en geschater. Gerenommeerde journalisten als Leon de Winter, 'deftige' (nou ja, deftige...) hoogleraren als Afshin Ellian en Hans Jansen razen met hun giertanks door de vaderlandse beemden, akkers en rozenperkjes. Dit alles aangevuld met een horde anonieme bloggers, haatliefdezaaiers, gefrustreerde homoseksuelen en ander volk wat te lang in Amsterdam Oud-West heeft gewoond.

Het ontwortelde en nihilistische "rechts" heeft bezit genomen van de ooit zo statige monumenten van rechts levensbesef en heeft de ernst verdreven. Alles wat "rechts" beetpakt, blijkt of dood te zijn, of wordt alsnog doodgeknepen. De historie leeft niet meer voor "rechts", maar is hoogstens een grabbelton om de liberale status quo mee op te tuigen. Het christendom, de klassieken, hoogstens worden er wat politieke en culturele clichés aan ontleend. Orde, natuurwet, traditie zijn niet in tel, alleen wanneer de melancholie in een onbewaakt moment bezit neemt van de "rechtse" opinieleiders komen de Antoine Bodars, Benno Barnards en anderen de kolommen volzwammen met opgelepelde wijsheden uit een voorbij verleden.

Het gebrek aan decorum is echter het meest in het oog springende van "rechts". Het boerse onbenul van Rita Verdonk, de stramme benadering van Wilders richting zijn tegenstanders, maar ook de volstrekte onwetenschappelijke optreden van iemand als prof. Hans Jansen, waarvan het me niet zou verbazen dat hij de zogenaamde imam, dr. Abd Al Ghaffar Al Firsani, is die keer op keer in het opinieweekblad Opinio zijn (allesbehalve) ludieke fatwa's uitspreekt.

Het is vooral dit laatste blad wat in het oog springt als bron van teleurstelling. Bij de start profileerde men zich als de stem van "fatsoenlijk rechts"; een denken dat niet overhelt naar populisme, radicalisme en bovendien een denken dat aandacht heeft voor cultuur, filosofie en diepergravende essays. De buitenkant was slechts schijn. Of misschien ook niet. De eenzijdigheid van een Elsevier wordt door Opinio niet gecorrigeerd, alleen brengt men verdieping aan, aan de stokpaardjes van "Elsevier-rechts" Nederland. Dus manifesteert men zich bij tijd en wijle als broeinest van oorlogstaal en gedweep met de sterke staat. Is het het medium dat deformeert? Zijn het de overdreven hooggespannen verwachtingen die ze de das omdoen? Het gebrek aan voorbereiding? Of wordt met de komst van een zogenaamd "conservatief" blad juist de deformatie van het rechtse denken des te duidelijker? Wanneer het gajes vuilspuit, kijkt niemand daar van op. Maar als gerenommeerde heren van stand ditzelfde doen, maar dan in mooiere woorden, dan is er iets aan de hand.

De met regelmaat terugkerende islambashing in dit blad, die geen ruimte overlaat voor tegengeluiden, wordt versterkt met oproepen tot meer bevoegdheden voor geheime diensten door Hans Jansen en een regelrechte oproep tot oorlog tegen Iran door de neoconservatieve Amerikaan Norman Podhoretz. Deze oproep was koren op de molen van Wilders die onlangs dit geluid herhaalde in de Tweede Kamer: Iran moet een halt worden toegeroepen, zonodig met militaire middelen en "bommen op dit land".

De "rechtse" bijbel

De vreemde ideologische mix van Opinio is illustratief voor de geestelijke toestand van "rechts" Nederland. De bijbel van Opinio kent een merkwaardige opbouw. De Apocalyps is er sterk in vertegenwoordigd in de vorm van rampscenario's op het gebied van demografie en internationale politiek. Het profetendom is voor een groot deel een geïmporteerd profetendom (Angelsaksisch). Het evangelie is een onverbloemde lofzang op Verlichting, democratische rechtsstaat, liberale vrijheid en vrije markt. Het geheel wordt doorspekt met de Psalmen van Hennie Vrienten en het Hooglied van Xandra Schutte, de Predikerdialoog van Yoram Stein en wat wijze Spreuken van Dalrymple.

Wat echter ontbreekt, is de basis van elke fatsoenlijk bijbel: de wet. Waar is de basis van onze cultuur, de grondlegging van ons volk? De fundamenten onder alle wetten. Waaruit wordt de ultieme rechtvaardigheid gekend? Zonder "Wet van Mozes" is er immers geen "bijbel"? De profeten passen de Wet toe. De Psalmen bezingen de Wet. Het Evangelie is de vervulling van de Wet. De wijsheidsboeken zijn de toepassing van de Wet. De Apocalyps is het schrikbeeld van een tijdperk zonder Wet. Als de Wet er niet is, valt al het andere weg. Een bijbel zonder wet is een verzameling losse flodders: prietpraat.

De vraag is nu: welke Wet hanteert "rechts"? Wat zijn de eeuwige ordeningen (bijvoorbeeld de "boventijdelijke morele orde") waar de wet naar verwijst? Wat is het verbond (de verbonden) waar een volk dat de wet kent van uitgaat en waar alle maatschappelijke verbanden door worden vormgegeven? Wat is de prepolitieke en preculturele basis van ultieme rechtvaardigheid; met andere woorden: met wat voor recht mogen we Iraanse islamieten doden wanneer eer geen rechtvaardigheid wordt beleden? Het antwoord is: in het gunstigste geval weet men dat niet; maar in de meeste gevallen is men er of niet in geïnteresseerd of men gelooft niet in zo'n Wet. De werkelijkheid waar "rechts" van uitgaat is hoogstens de "maatschappelijke werkelijkheid". Niets meer dan een stand van zaken die je verandert door debat of door flink in het rond te trappen.

Levenloze oorlogsverhalen

Het gevolg is een levenloos opportunisme. Men schrijft weliswaar vele oorlogsverhalen, maar nooit werpt men daarin, zoals in de echte Bijbel, een kritische blik naar zichzelf. Ook de oorlogsverhalen gaan niet echt ergens over; hoogstens spelen er wat "verworvenheden" een rol die men wil verdedigen. Nooit wordt de westerse, verlichte, democratische rechtsstaat aan de kaak gesteld in al haar zwakheden en inconsistenties. En nooit heeft men oog voor de eigen inconsistenties... Men verafschuwt zogenaamd links, maar tegelijkertijd wil men links een absolute macht geven "rechts" te vernietigen. Het zijn met name de geëtaleerde onrust en paniekzaaierij met de daaruit voortvloeiende oorlogsscenario's die potsierlijke suïcidale experimenten naar voren schuiven. Want waar leiden veel voorstellen van onze zogenaamde "rechtse" denkers toe? Iemand als dr. Ad Verbrugge meent dat een sterke staat nodig is om de maatschappij te hoeden en te bewaren:

"Ik ben nu dus voor een sterke staat die publieke middelen inzet voor de controle op de kwaliteit van het onderwijs. En dat ben ik uit sociale overwegingen."

Dr. Verbrugge wil op het gebied van onderwijs een sterke staat. Hans Jansen wil op het gebied van veiligheid een sterke staat. Hirsi Ali wil op het gebied van opvoeding een sterke staat. Waarom wil "rechts" iets versterken dat inherent is aan vijandigheid ten aanzien van "rechts"? Wanneer dit soort denkwijzen doorzetten, zullen de gevolgen desastreus zijn voor wat er nog over is van de gezonde, klassieke maatschappelijke, culturele en morele ordening.

Het pleidooi voor een neutrale overheid is in de huidige constellatie van een qua competenties uitdijende overheid zodoende een moordaanslag op de civil society. Met name Hirsi Ali's denkbeelden over staatsopvoeding ("opvoeding is een taak van de staat") zijn een regelrechte aanslag op de basis van elke gezonde, zelfregulerende en weerbare maatschappij: het gezin. Waarom wordt ze hier niet genadeloos op afgerekend door "rechts"?

Hetzelfde zagen we na haar voorstel op het verbieden van besnijdenis. In het kader van de discussie rond het besnijden van meisjes poneerde ze ook de noodzaak van een verbod op besnijdenis van jongetjes, zowel van islamitische als van joodse jongens. De gevolgen van het invoeren van dit voorstel zijn niet te overzien. Joden wordt het onmogelijk gemaakt op het meest basale van hun religie te praktiseren. Meer nog: wanneer joden vanwege hun geloof niet zouden kunnen en willen voldoen aan dit verbod, zouden overheidsmaatregelen een ongekende aanslag op de moraliteit betekenen. Want wat moet een overheid doen? Joden voor altijd uit hun ouderlijke macht ontzetten? De kinderen van hen afnemen? Joodse mannen gedwongen steriliseren? Om zodoende eindelijk een vreedzame Endlösung te hebben gevonden?

"Rechts" is met uitlatingen als deze een continue stroom van aanslagen op de basis die men niet zou moeten vernietigen, maar zou moeten verdedigen. De ronduit stompzinnig oproep van prof. Hans Jansen tot meer geheime dienst en een geheime dienst binnen de geheime dienst om het moslimterrorisme te lijf te kunnen, is een ander voorbeeld. De moderne staat is de afgelopen decennia een voertuig voor het linkse denken geworden. Waar Hirsi Ali de buffers tegen deze staatsalmacht van "links" wil afbreken (familie, traditie en religie) wil Jansen de "rechtse" basis vanaf de andere kant aanvallen: door de linkse staat de almacht te schenken om alles op te ruimen wat haar nog in de weg staat. De liberale oorlogshitsigheid keert zich in de gedaante van "rechts" en "linksconservatief" tegen "oudrechts".

"Rechtse" gebreken

Er zijn weliswaar nog integere en voortreffelijke "rechtse" conservatieve denkers, waaronder Kinneging en (de in Nederland veel gelezen) Scruton. En natuurlijk mogen we Verbrugge hier ook niet helemaal afserveren. Maar enkele witte raven maken nog geen rechtse lente.

Genoemde heren zijn een toonbeeld van klassieke meesters in moraal, wijsheid en wetenschap. Waar over het algemeen zo'n gebrek aan lijkt te bestaan binnen het "rechtse" kamp; er is een schrijnend gebrek aan autoriteit. Grijze muizen, schobbejakken en doorbraak- en vernieuwingsgezinde geesten bepalen het beeld van wat er over is van het rechtse intellectuele discours. Men mist de kracht van het diep verworteld zijn in traditie en besef van orde, en ontbeert daardoor de autoriteit die nodig is om leerlingen te vormen en krachtig te maken.

Maar rechtse leiders - hoogleraren, politici, geestelijken en anderen - moeten weer achtenswaardige "meesters" worden die hun leerlingen hoeden en vormen. Rechts heeft leiders nodig die nergens bang voor zijn - een eigenschap die ze bezitten, niet door blikvernauwing en onkunde, maar door een diep besef van waarheid en "het kan en mag niet anders" en een besef "het goede te willen voor iedereen". En dat besef is grotendeels afwezig. Bij de meeste scribenten in Elsevier, Opinio, HetVrijeVolk, HP De Tijd, Nederkrant en de talrijke zogenaamde weblogs zijn de gebreken.

Er is allereerst een opvallend afwezig gebrek aan dankbaarheid naar de erfenis van christendom, traditie, gemeenschap en de voorvaderen. Men verdedigt het westen, maar de inhoud van het westen werpt men verachtelijk weg. Het daarmee samenhangende gebrek aan integrale levensvisie, waarin al deze dingen - samen met de nieuwe fenomenen - een plek krijgen in een omvattend geheel, is dan ook niet verwonderlijk. "Rechts" heeft geen visie, maar maalt daar niet om. Waar eerst de klimaatverandering werd ontkend en weggehoond, wordt deze nu toegejuicht. Dat zoveel opportunisme irritatie oproept bij anderen, is niet gek. Maar wat wil je? De onnatuurlijke denkwijze van modern "rechts" keert zich ook tegen de niet-menselijke natuur; een woestijn is helemaal niet vervelend, je kunt er ook lekker op strandballen en met de Hummer erover heen racen.

Gebrek aan moed; veel zogenaamde "rechtse" durf is verhulde links-extremistische retoriek waarin men de stokpaardjes van de moderniteit overdreven prijst en beschermt zonder een echte eigen visie te hanteren. Terwijl rechtse politici in Vlaanderen nog steeds leven zonder een ultrazware persoonlijke beveiliging, leiden "rechtse" politici in Nederland een bunkerbestaan. Dit heeft niet alleen iets met risico's en met standpunten te maken.

Verder is er het gebrek aan vertrouwen. Men vertrouwt elkaar niet. Maar men ook wekt geen vertrouwen bij het publiek. De cultuur van pseudoniemen en van verhulling moet daarom doorbroken worden. Behalve het leiderschap van de klassieke, rustige eruditie moet er het vertrouwen heersen van de openheid. Rechts heeft toch niets te verbergen? Zonder vertrouwenwekkende openheid zal rechts nooit de middenmoot overtuigen van haar gelijk. Maar misschien wil "rechts" dat ook niet. De middenmoot is namelijk nog steeds (!) traditioneler ingesteld dan de "rechtse" opiniemakers. En voor vertrouwen is herkenning nodig; dan moeten de "rechtse" opiniemakers met de billen bloot en moeten ze laten zien dat ze niets hebben met het volk dat zelf zijn kinderen wil opvoeden en geen 24-uurs economie wil. Nee, dan is oorlogsdemagogie handiger; daarmee vergeet de toehoorder in al zijn ongerustheid zichzelf en zet op een gegeven moment al zijn kaarten op vreemde "rechtse" demagogen. "Rechts" prefereert de onvrede niet voor niets boven het vertrouwen.

Er is een gebrek aan vermogen om wolven in schaapskleren op te merken. Het gedweep met Ayaan Hirsi Ali en Verdonk, die weinig meer zijn dan linkse bekeerlingen tot de harde variant van het integratieliberalisme, was inhoudelijk gezien een miskleun. Het harde staatsdenken van deze lieden dat hun morele anarchie moet compenseren is een levensgrote bedreiging voor "rechts" tot in haar diepste vezels. Om de misschien noodzakelijke remigratie van sommige bevolkingsgroepen te vermijden, neemt men de toevlucht tot de politiestaat. Men heeft geen respect voor de tegenstanders; men wil niet werven, maar vernietigen en murw maken en men streeft daarom naar een onvoorwaardelijke capitulatie van de islamitische wereld.

Er is gebrek aan humor, goedmoedige zelfspot en aan een vriendelijkheid die niet voortkomt uit slapte, maar uit de vanzelfsprekendheid van een krachtig vaderschap c.q. leiderschap. Men mist de levensvreugde om de gewone - echt waardevolle - dingen. Men hoeft geen Bas van der Vlies van de SGP of een Hans Wiegel na te willen doen, maar men zou in dit opzicht wel wat van hen kunnen leren.

Er is kortom gebrek aan verstand, aan humor en aan etiquette. Aan verstand dat is ingebed in traditie, gemeenschap en in een integrale levensvisie. Aan humor dat in haar zelfspot laat zien dat het ons niet om onszelf te doen is, maar om het goede voor iedereen. En aan etiquette die de beheerste kracht toont en het vertrouwen schenkt aan de toeschouwers van morele, etnische en culturele conflicten. Deze inwinnende houding heeft misschien geen resultaat als het om terroristen gaat, maar wel als het om (bijvoorbeeld islamitische) omstanders gaat die met een verdeeld hart alles gadeslaan.

Nieuwe Orde

"Rechts" wil echter niet harten winnen, maar culturen vernietigen. "Rechts" verdedigt geen waarden, maar abstracties waar men zelf wel in moeten geloven om anders niet met lege handen te staan. "Rechts" leeft bij containertermen: democratie, vrije markt, gelijkheid, respect, scheiding kerk en staat, etc.

De onaantastbaarheid van deze Nieuwe Orde onderstreept het geloof van "rechts" dat de geschiedenis is geëindigd om te verdampen onder de vooruitsnellende vooruitgangsidee. Er is in dit denken geen wijkplaats. Niet alleen Bin Laden, elke traditionele (nu alleen nog zij) islamiet moet worden opgejaagd tot in elke grot of spelonk aan toe om daarna te worden uitgeschakeld. Als er onrecht wordt geconstateerd moet er meteen worden ingegrepen. Zogenaamd om de humaniteit te beschermen.

Gevolg van dit denken in containertermen is een daaruit voortvloeiend zuiverheidstreven. Het schermen met aftandse begrippen als "mensenrechten" en "vooruitgang" maakt dat het "rechtse" denken steriel is en kunstmatig in stand wordt gehouden. Begrippen als volk, openbaring, natuur, historie kom je of niet tegen, of althans nooit als constituerende factoren De ondertoon is door en door democratisch en gekunsteld. Er is geen wijkplaats, geen geduld. Culturen krijgen niet de kans om van binnenuit getransformeerd te worden en zodoende het goede te behouden.

"Rechts" kent namelijk niet zoiets als "het goede" of "het goede leven", en al zeker niet in vreemde culturen. "Rechts" Nederland kan niet de hoogstaande moraal van iemand als Filip Dewinter opbrengen, voorman van het VlaamsBelang die sterke normen en waarden combineert met een sterk besef van volk en traditie. En die denken in termen van "vriend en vijand" samen kan nemen met "respect voor de vijand".

Toen enige tijd geleden de programmamakers "Ab en Sal", twee Marokkanen, Dewinter interviewden, viel hun deze houding al snel op. De humor en de charme, de verbetenheid ten aanzien van de islam ("ik werk niet samen want ik sluit geen pact met de duivel"), maar ook het respect en waardering voor elementen uit de islamitische cultuur: respect voor ouderen, familieleven en de doodstraf (waar Dewinter voor is, maar zijn eigen partij tegen). Waar Dewinter doorgaans schofterig wordt behandeld (bij tv-programma Jensen bijvoorbeeld) of wordt genegeerd (door Wilders bijvoorbeeld), waren deze twee Marokkaanse jongen wel in staat een fatsoenlijke ontmoeting met hem te hebben.

Dewinter was hiertoe in staat omdat bij hem nog altijd zoiets is van het "oudrechtse" levensbesef. Bij hem is er allereerst de Oude Orde van familie, respect voor ouderdom, wijsheid en traditie en rechtvaardigheid op basis van recht. Daarentegen gaat modern "rechts" niet uit van de oude orde, die een gemeenschappelijke basis toont die door alle culturen heenloopt, maar gaat ze uit van de Nieuwe Orde van gelijkschakeling, individualisme en afgedwongen onderdanigheid onder nieuwe principes die al het gemeenschappelijk menselijke elimineren.

Weerbaarheid

Door blind te zijn voor de oude orde van orde, gemeenschap en traditie, en door het omhelzen van de Nieuwe Orde van de moderniteit, heeft "rechts" geen oog voor de weerbaarheid en de voorwaarden voor weerbaarheid. Weerbaarheid is niet slechts het vermogen om de tegenstander te vernietigen, het is ook het vermogen om in het leven zelf tegenslagen te incasseren. Het doorgedraaide abstracte vrijheidsbegrip speelt "rechts" voortdurend parten. Het is een vrijheid zonder dankbaarheid, zonder inhoud, zonder fundering en derhalve gevaarlijk. Het kan zich tegen alles en iedereen richten.

Het kan uitmonden in onbeschoftheid, beter gezegd: narcistisch ressentiment. Elke binding, elke ontstaansgrond is immers inherent aan vrijheidsbeperking. Het leven dat wordt gevuld met vrijheid richt zich per definitie tegen gronden als opvoeding, moraal, godsdienst etc. Bij het wegwerpen van de inhoud is de enige inhoud die ertoe doet vernietigingsdrang van datgene dat doet denken aan de beperking van het leven. "Rechts" is vervuld met vernietigingsdrang ten aanzien van het leven zelf (cultuur, beschaving, etc.) dat immers slechts bestaat bij de gratie van beperking. En elke conservatief weet dat deze beperking niet een opgelegde overheersing is, maar een beantwoorden aan de aard van het leven zelf dat wordt weerspiegeld in de orde.

"Rechts" is daarom een gevaar voor zichzelf en voor haar omgeving. Achter een façade van oprechte verontwaardiging over het schenden van mensenrechten, van zogenaamde solidariteit met Amerika en Israël, of achter het opkomen voor onze cultuur, huist een verbijsterende, onverwoestbare leegte. Door deze leegte zijn onze zelfverklaarde "verdedigers van het westen" in staat zelfs het smerige werk te doen voor de werkelijke vijand: het ultraliberalisme.

Zodoende komt de linkse politiestaat er mede door toedoen van "rechts". En worden van traditionele islamieten afgedwongen nihilisten gemaakt. En wordt met overdreven doorgevoerde vrijheden op het gebied van media, meningsuiting en seksualiteit elk restant van karakter en weerbaarheid gesmoord in de onbenulligheden - pardon: verworvenheden van de moderne, westerse cultuur. Als het om de afbraak van het gezin gaat door homohuwelijk en adoptie, de afbraak van het gezag door het verbod op de "corrigerende tik" of om de vrijheid van (gewapende) zelfverdiging; "rechts" of wat daar voor doorgaat houdt de lippen stijf op elkaar. De basis wordt verzwakt - moet worden verzwakt - en de politiestaat komt er voor in de plaats. En "rechts" vindt het allemaal wel best. Die ziet geen enkele samenhang; enkel bedreigde onbenulligheden en gediscrimineerde homo's. Die ziet kortom helemaal niks.

Een rechtse lente?

Komt er ooit nog een rechtse lente? Een wederopbloei van gezond denken en van gezonde cultuur? We moeten het blijven hopen, maar de situatie is ernstig zo niet uitzichtloos. De grootste vijand voor het westen is het liberalisme. En de grootste vijand voor rechts is "rechts" "zelf". En al die projecten die proberen de laatste "rechtse" mensen zand in de ogen te strooien met linksconservatieve en rechtspopulistische verhaaltjes. De antitraditionele en dikwijls ook antireligieuze en antiklassieke houding van veel van deze mannetjes en vrouwtjes geeft aan dat de vijandschap wederzijds is. Ook voor de zogenaamde "rechtse" opiniemakers is rechts (oudrechts) de grootste vijand. Het verschil tussen de opiniemakers en het luisterende restje oudrechtse volk is dat de eersten, de opiniemakers, weten wat ze doen, namelijk de vernietiging nastreven van het westen, en dat de laatsten nog steeds niet in de gaten hebben dat het "hun" opiniemakers niet te doen is om de verdediging van het westen, maar om de verwoesting van de rechtse ziel van Europa.

De leegheid van de leiders zoekt een spiegelbeeld in de leegheid van de toehoorders. De rechtse lente komt er pas als het rechtse volk haar "rechtse leiders" respectvol in de sloot heeft gedeponeerd (met meer respect voor het ambt en de publieke zaak, dan voor de persoon en toevallige "democratische" meerderheden). En de importconservatieven een retourtje richting Iran of Somalië heeft "geschonken". Oude principes moeten herleven: leiders die hun belofte en roeping verraden, moeten worden afgezet. Net zoals in vroegere tijden. En zonodig moet een onervaren (jonge) garde het maar overnemen.

We kunnen wachten op een godet die ons redding moet verschaffen. We kunnen wachten op een moment dat de wal het schip keert. We kunnen wachten op een Grote Charismatische (doch Democratische) Leider die de democratische massa's zal weten in te winnen. We kunnen wachten op een geestelijke herleving van ons volk. We kunnen wachten tot we een ons wegen en in het graf liggen weg te teren.

We kunnen ook ons afkeren van de "rechtse" opiniemakers en onze eigen, eigenzinnige, weg gaan. Leren niet meer onder de indruk te zijn van "rechtse" praatjes of van liberale containertermen. Leren te lachen om onze vijanden - ze zonodig te negeren - en wegen zoeken om de toeschouwers in te winnen voor onze zaak. We moeten bijvoorbeeld islamieten duidelijk maken dat er ook nog een ander alternatief dan het voze liberalisme bestaat. Het is mogelijk om het goede leven te leven vanuit een bedding van traditie, christendom, orde en dankbaarheid.

Een cultuur van "harde liefde" en van "mannelijk respect" moet weer leidraad worden in ons handelen, spreken en schrijven. Islamieten die daar niet aan willen, moeten we eruit gooien en bekampen. Maar pas nadat we libertijnen, en "rechtse" landverraders van hun sokkels hebben neergehaald en in de sloot hebben gegooid. Pas dan spreken we een taal die tegenstanders verstaan: "Wie hard en eerlijk is voor zichzelf, mag ook hard en eerlijk zijn naar een ander toe". Maar zover is het nog lang niet. De rechtse lente zal nog wel even op zich laten wachten.

04:15 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Wolfowitz: Return to Sender?

9d35087ff63f805373557f2fe94d215b.jpg

Wolfowitz: Return to Sender?

by Bill Berkowitz

http://www.antiwar.com/ips/berkowitz.php?articleid=11268...

03:15 Publié dans Economie, Géopolitique, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

G. Faye: Europa: arbol en la tempestad

6e3ff8aa2e5fa233ffc5f67f939945d9.jpg

Siglo XXI
Europa, un árbol en la tempestad

Guillaume Faye


Permítanme una “metáfora arqueofuturista” en torno al símbolo eterno del árbol, al que yo personalmente compararía con el del cohete. Pero antes, evoquemos la dura imagen del siglo que se nos viene encima.


MARTE Y HEFAISTOS: EL RETORNO DE LA HISTORIA

El siglo XXI será un siglo de hierro y de tempestades. No se parecerá en absoluto a esas predicciones armoniosas proferidas hasta los años setenta. No tendrá lugar la aldea global profetizada por Marshall MacLuhan en 1966, ni el planeta en red (network planet) de Bill Gates, ni la civilización mundial liberal y sin historia, dirigida por un único Estado “onusino” descrita por Francis Fukuyama. Será el siglo de los pueblos en competición y de las identidades étnicas. Y paradójicamente, los pueblos vencedores serán aquellos que permanezcan fieles o que retornarán a los valores y realidades ancestrales, ya sean éstos biológicos, culturales, éticos, sociales o espirituales, y que, al mismo tiempo, serán también quienes dominen con maestría la tecnociencia. El siglo XXI será aquél en el que la civilización europea, prometeica y trágica mas eminentemente frágil, operará una metamorfosis o llegará a conocer su propio e irremediable crepúsculo. En definitiva, será un siglo decisivo. 
En Occidente, los siglos XIX y XX han sido los de la creencia en la emancipación de las leyes de la vida, en los que se ha creído que era posible alcanzar la mente después de haber alcanzado la Luna. El siglo XXI muy probablemente reubicará las cosas en el sitio que les corresponde y operará el “retorno a lo real”, también muy probablemente a través del camino del dolor. 
Los siglos XIX y XX han visto el apogeo del espíritu burgués, esa pequeña sífilis mental, monstruosa y deformada fotocopia de la noción de elite. El siglo XXI, tiempo de tormentas, verá cómo se renuevan conjuntamente los conceptos de pueblo y aristocracia. El sueño burgués se hunde en la podredumbre de sus propios principios y de sus promesas pusilánimes: No son, necesariamente, tiempos de bonanza y felicidad para el materialismo y el consumismo, el capitalismo transnacional triunfante y el individualismo. Y no mucho más para la seguridad, la paz o la justicia social. 
Cultivemos el optimismo pesimista de F.-W. Nietzsche. «Ya no hay ningún orden al que salvar, es necesario rehacer uno nuevo», escribía Pierre Drieu La Rochelle. Y surgen las preguntas: ¿Acaso va a ir todo mal durante los primeros pasos del siglo XXI? ¿Acaso están todos los indicadores al rojo vivo? Pues tanto mejor. ¿Acaso no nos predecían el fin de la historia tras el hundimiento de la U.R.S.S.? Estamos asistiendo justamente a su retorno atronador, belicoso y arcaico. El Islam reemprende sus guerras de conquista. El imperialismo americano se desencadena. La China y la India ambicionan llegar a ser superpotencias, etc. El Siglo XXI estará emplazado bajo el doble signo de Marte, el Dios de la Guerra, y de Hefaistos, el Dios forjador de espadas, maestro-patrón de las técnicas, de los fuegos telúricos.

HACIA LA CUARTA EDAD DE LA CIVILIZACIÓN EUROPEA

A la civilización europea, civilización superior, no hay que dudar lo más mínimo en afirmarla como tal frente a los cantores lánguidos del etnomasoquismo xenófilo, y deberá, para poder sobrevivir en el Siglo XXI, operar una revisión desgarradora de ciertos de sus principios. Y sólo será capaz de ello si permanece anclada en su eterna personalidad metamórfica: Deberá transformarse toda ella permaneciendo como ella misma al mismo tiempo, cultivar el enraizamiento y la desinstalación, la fidelidad identitaria y la ambición histórica.
La Primera Edad de la civilización europea reagrupa a la Antigüedad y la Edad Media: Momento de gestación y de crecimiento. La Segunda Edad va desde los Grandes Descubrimientos hasta la Primera Guerra Mundial: Es la asunción. La civilización europea conquista al mundo. Pero del mismo modo que Roma o el Imperio de Alejandro el Magno, ella misma se hace devorar por sus propios hijos pródigos: Occidente y América, y por aquellos pueblos que ella misma ha (superficialmente) colonizado. Se abre entonces, en un trágico movimiento de aceleración de la historia, la Tercera Edad de la civilización europea tras el Tratado de Versailles y el fin de la guerra civil de 1914-18: El funesto siglo XX ¡Tan sólo cuatro generaciones fueron suficientes para precipitar en la decadencia el trabajo ascendente, la labor solis de más de cuarenta generaciones! La historia se parece a las asíntotas trigonométricas de la “teoría de las catástrofes”: Es en el pináculo de su esplendor cuando la rosa marchita, es tras un tiempo asoleado y calmado cuando el ciclón estalla. ¡La roca Tarpeya está ya cerca del Capitolio! 
Europa fue víctima de su propio prometeismo trágico, de su propia apertura al mundo. Víctima de ese exceso de toda expansión imperial: El universalismo, olvidadizo de toda solidaridad étnica interna global, víctima en consecuencia también de los micro-nacionalismos. 
La Cuarta Edad de la civilización europea se abre hoy. Y será la del renacimiento o la perdición. El siglo XXI será para esta civilización heredera de los pueblos-hermanos indoeuropeos, el siglo fatídico, el del fatum, del destino que distribuye o la vida o la muerte. Pero el destino no es el azar absoluto. Contrariamente a las religiones del desierto –el cual simbólicamente no representa más que a la nada absoluta– los pueblos europeos saben en el fondo de sí mismos que el destino y que las divinidades no son siempre todopoderosos frente a la voluntad del hombre (1). Como Aquiles, como Ulises, el hombre europeo de los orígenes se mantiene en pie y nunca acostado, posternado o arrodillado frente a sus dioses. No hay sentido de la historia.
Incluso herido, el Árbol puede continuar creciendo. Con la condición de que reencuentre la fidelidad a sus propias raíces, a su propia fundación ancestral, al suelo que nutre su savia.

LA METÁFORA DEL ÁRBOL

El Árbol, son las raíces, el tronco y el follaje. Es decir, el germen, el soma y la psique.
1) Las raíces representan al “germen”, el zócalo biológico de un pueblo y su territorio, su tierra materna. Ellas no nos pertenecen, las transmitimos. Ellas pertenecen al pueblo, al alma ancestral y por venir del pueblo, denominada por los griegos Ethnos y por los germanos Volk. Vienen desde los ancestros y están destinadas a las nuevas generaciones. (Es por ello que todo mestizaje es una apropiación indebida de un bien a transmitir y, de nuevo, una traición). Si el germen desaparece, ya no es posible nada más. Podemos talar el tronco del árbol, mas podrá eventualmente rebrotar. Pero si arrancamos las raíces o contaminamos la tierra, todo ha terminado. Es por ello que las colonizaciones territoriales y las desfiguraciones étnicas son infinitamente más graves y mortales que las lacayas servidumbres culturales o políticas, de las que un pueblo puede, llegado el caso, reponerse perfectamente.
Las raíces, principio dionisíaco, crecen y se hunden en el suelo, a través de nuevas ramificaciones: Vitalidad demográfica y protección territorial del Árbol contra las malas hierbas. Las raíces, el “germen”, jamás llegan a estar yertas. Profundizan en su esencia, tal y como lo entendía Martin Heidegger. Las raíces son a la vez “tradición” (lo que se transmite) y “materia ígnea” (fuente viva, eterno reinicio). Las raíces son pues en conjunto la manifestación de la memoria y lo ancestral más profundos y del eterno carácter juvenil dionisíaco. Y tal manifestación nos remite al concepto capital de profundización.
2) El tronco, es el “soma”, el cuerpo, la expresión cultural y física de un pueblo, siempre en constante innovación mas alimentada por la savia venida desde las raíces. No está cuajado o petrificado, gelificado. Engorda en capas concéntricas elevándose todo él hacia el cielo. Hoy en día, aquellos que quieren neutralizar y abolir la cultura europea intentan “conservarla” como si fuera un monumento del pasado, como si estuviera dentro de un frasco de formol, destinada a los eruditos “neutros”, o bien abolir la memoria histórica para las jóvenes generaciones. El tronco, sobre la tierra que lo mantiene, es, edad tras edad, crecimiento y metamorfosis. El Árbol de la larga cultura europea está a un mismo tiempo enraizado y desinstalado (socavado). Un roble de diez años no se parece a un roble de mil años. Mas es siempre el mismo roble. El tronco, aquél que recibe y afronta al rayo, obedece al principio jupiterino.
3) El follaje. Es el más frágil y el más bello. Muere, se marchita y renace como el Sol. Se expande en todos los sentidos. El follaje representa a la “psique”, es decir a la civilización, a la producción y la profusión de nuevas formas de creaciones diversas. Es la razón de ser del Árbol, su asunción. Por otro lado, ¿a qué ley obedece el crecimiento de las hojas? A la fotosíntesis. Es decir a “la utilización de la fuerza de la luz”. El Sol nutre a la hoja que, en cambio, produce el oxígeno vital. El eflorescente follaje sigue pues al principio apolíneo. Pero atención: Si crece desmesurada y anárquicamente (como es el caso de la civilización europea que ha querido al convertirse en el Occidente mundial extenderse al planeta entero), será sorprendido por la tempestad, como si de una vela mal cardada se tratase, y hará abatir y desenraizar al Árbol que le mantiene. El follaje debe ser podado, disciplinado. Si la civilización europea quiere subsistir, no debe abrirse a toda la Tierra ni practicar la estrategia de brazos abiertos..., al igual que un follaje en exceso curioso que se extiende por todas partes o se deja asfixiar por las hiedras. Deberá concentrarse sobre su propio espacio vital, es decir la Eurosiberia. De ahí la importancia del imperativo de etnocentrismo, término políticamente incorrecto pero que ha de ser preferido al modelo “etnopluralista” y de hecho multiétnico que algunos equivocados o calculadores intentan teorizar desorientando al espíritu de resistencia de la elite rebelde de la juventud.
Podemos comparar la metáfora tripartita del Árbol con la del Cohete, extraordinaria invención europea. Correspondiendo los reactores ardiendo y los propulsores a las raíces, al fuego telúrico. El cuerpo cilíndrico del ingenio se parece al tronco del árbol. Y la cofia del proyectil, desde la que se desplegarán los satélites o las naves alimentadas por la energía de los paneles solares, hacen pensar en el follaje.
¿Es acaso verdaderamente un azar si los grandes programas de cohetes espaciales construidos por europeos -incluso expatriados en EE.UU., adivinándose, obviamente, de quién hablamos- se han denominado respectivamente Appolo, Atlas, Mercury, Thor y Ariane? El Árbol, es el pueblo. Al igual que el cohete, sube hacia el cielo, pero parte de una tierra, de un suelo fecundo en el que ninguna otra raíz parásita puede ser admitida. En una base espacial, se asegura una protección perfecta, una limpieza total de la área de lanzamiento. Del mismo modo, el buen jardinero sabe que para que el árbol crezca en altura y en fortaleza, es necesario que al mismo tiempo se libere la base sobre la que se asienta de las inoportunas malas hierbas que secan sus raíces; liberar su tronco de la opresión de las plantas parásitas; pero también desramar los ramajes demasiado prolijos que carecen de verticalidad. 

DEL CREPÚSCULO AL ALBA

Este siglo será el del renacimiento metamórfico de Europa, como el Fénix, o de su desaparición en tanto que civilización histórica y su transformación en Luna Park cosmopolita y estéril, mientras que los otros pueblos, por lo que a ellos respecta, conservarán sus identidades y desarrollarán su poder. Europa está amenazada por dos virus emparentados: El del olvido de sí mismo, de la desecación interior, y el de la “apertura al Otro”, excesiva. En el siglo XXI, Europa, para sobrevivir, deberá al mismo tiempo reagruparse, volver de nuevo a su memoria y perseguir su propia ambición, fáustica y prometeica. Tal es el imperativo de la coincidentia oppositorum, la convergencia de los contrarios, o la doble necesidad de la memoria y de la voluntad de poder, del recogimiento y de la creación innovadora, del enraizamiento y de la desinstalación. Heidegger y Nietzsche...
El inicio del Siglo XXI será como esa medianoche del mundo, desesperante, de la que hablaba Friedrich Hölderlin. Pero en lo más obscuro de la noche, sabido es que por la mañana, el Sol regresará, Sol Invictus. Tras el crepúsculo de los dioses: El alba de los dioses. Nuestros enemigos han creído siempre en la Gran Noche, y sus banderas están ornadas con símbolos de estrellas nocturnas. Por el contrario, sobre nuestras banderas está acuñada la Estrella de la Gran Mañana, con rayos arborescentes: La rueda, la flor del Sol de Mediodía. 
Las grandes civilizaciones saben pasar de las tinieblas de la decadencia al renacimiento: El Islam y la China lo han demostrado. Los Estados Unidos de América no son una civilización, en absoluto, si no una sociedad, la materialización mundial de la sociedad burguesa, al igual que un cometa, con un poder tan insolente como efímero. No tienen raíces. No son nuestros verdaderos competidores en lo que corresponde a la escala de la historia, en absoluto, simplemente son parásitos. 
El tiempo de la conquista ha terminado. Ahora viene el de la reapropiación interior y exterior, la reconquista de nuestra memoria y de nuestro espacio: ¡Y qué espacio! Catorce husos horarios sobre los cuales el Sol no se pone nunca. Desde Brest hasta el Estrecho de Béring, qué duda cabe, éste es verdaderamente el Imperio del Sol, y es de hecho el espacio vital y de expansión propio de los pueblos indoeuropeos. Sobre el flanco sureste, tenemos a nuestros primos hindúes y sobre nuestro flanco este, a la gran civilización china, que podrá ser según ella determine aliada o enemiga. Sobre el flanco oeste, venida desde más allá del Océano: La América cuyo objetivo será siempre impedir la unión continental (del espacio eurosiberiano). Mas, ¿Lo podrá eternamente? 
Y además, sobre el flanco sur: La principal amenaza, resurgida desde el fondo de las épocas del pasado, aquélla con la que no podemos transigir (absolutamente para nada). 
Ciertos leñadores intentan abatir el Árbol. Entre ellos se hallan muchos traidores, muchos colaboradores. Defendamos a nuestra tierra, preservemos a nuestro pueblo. La cuenta hacia atrás ha comenzado. Todavía tenemos tiempo, si bien esta vez no por mucho tiempo. 
Es más, aun cuando logren cortar el tronco o si la tempestad lo abate, quedarán todavía las raíces, siempre fecundas. Una sola brasa es suficiente para reavivar el incendio. 
Puede darse, evidentemente, que abatan al Árbol y troceen su cadáver, en un canto crepuscular, y en tanto que anestesiados, los europeos no sientan el dolor. Pero la tierra es fecunda y una sola semilla es suficiente para relanzar al retoño. En el siglo XXI, preparemos a nuestros hijos para la guerra. Eduquemos en la juventud una nueva aristocracia, incluso aunque sea minoritaria. 
Mucho más que la moral, es necesario practicar a partir de ahora mismo la hipermoral, es decir la ética nietzscheana de los tiempos difíciles: Cuando uno defiende a su pueblo, es decir a sus propios hijos, cuando uno defiende lo esencial, sigue la regla de Agamenón y de Leónidas mas también de Carlos Martel (2): Es la ley de la espada la que prevalece, aquélla en la que el bronce o el acero refleja al brillo del Sol. El árbol, el cohete, la espada: Tres símbolos verticales que parten del suelo hacia la luz, erguidos desde la Tierra hacia el Sol, animados por la savia, el fuego y la sangre.


Guillaume Faye


(1) El europeo se afirma a sí mismo propiamente como hombre, como ser también portador de la divinidad, capaz, mediante su voluntad, de dominar y señalar el destino a seguir (N del T).
(2) Y nuestro Jaime I (N del T).
[Traducción y notas por Enrique Bisbal-Rossell. El texto precedente apareció originalmente en el número 2, del solsticio de invierno de 1999, de la revista hermana gala Terre et Peuple. La Revue]

03:05 Publié dans Nouvelle Droite | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

lundi, 16 juillet 2007

Reinhard Wulle

Reinhard Wulle

16 juillet 1950: Le théologien, germaniste et historien Reinhold Wulle meurt à Gronau en Westphalie. Né en 1882, il avait embrassé la carrière de journaliste en 1908 et prit la direction du célèbre Deutsche Zeitung, fonction qu’il exercera entre 1918 et 1920. Elu au Reichtstag sur les liste de la DNVP nationaliste en 1920, il se détache de son parti d’origine pour fonder avec son collègue von Graefe le “Deutschvölkische Freiheitspartei” qu’il dirigera entre 1928 et 1933. Il s’opposera, à cause de son nationalisme de facture libertaire, protestante, prussienne et bismarckienne, au nouveau régime national-socialiste. Il a exprimé sa conception du politique dans un ouvrage à la fois théorique et historique, Geschichte einer Staatsidee (1935). Pour donner corps à son op­position nationaliste à Hitler, il fonde, avec ses amis, la “Gesellschaft Deutsche Freiheit” (= Société de la Li­berté Allemande), ce qui conduit à son arrestation en 1938, puis à son internement dans le camp de con­cen­tration de Sachsenhausen, où il restera jusqu’en 1942. En dépit de cette opposition réelle au régime, les alliés in­terdisent le parti qu’il constitue dès 1945, la “Deutsche Aufbaupartei”. Cette interdiction prouve que les op­posants sérieux au national-socialisme n’ont pas été tolérés par les puissances occupantes, qui préféraient les dé­magogues et les idéologues écervelés, sans épine dorsale historique.

05:50 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

World-Openness and Will to Power

4156b9b1e51fb3ae7c4ccc63be6863df.jpg

World-Openness and Will to Power

Michael O'MEARA

Utdrag från New Culture, New Right: Anti-Liberalism in Postmodern Europe, s. 46-51.

"What, though, is culture?" There is, of course, no single definitive answer to this question. But in seeking however partial a response, Grécistes look to philosophical anthropology, a discipline associated with the post-phenomenological works of Max Scheler. [19] Dissatisfied with Edmund Husserl's "idealist" examination of human consciousness, Scheler had sought to understand how the intellectual, institutional, and social facets of man's existence relate to the underlying structure of his biological being. It was, however, Arnold Gehlen (1904-1976), a student of Scheler's colleague, Helmuth Plessner, and the most famed recent proponent of philosophical anthropology, who has had the greatest impact on the GRECE's understanding of culture. [20]

Following Scheler and Plessner, both of whom broke from a purely metaphysical concept of man in emphasizing the role of his animal nature, Gehlen singles out man's culture-making capacity as his defining characteristic. [21] This capacity, he claims, developed as a consequence of man's "instinctual deficiencies." Although humans possess certain basic drives (such as self-preservation, aggression, territoriality, defense of the young, et cetera), these are few in number, limited in effect, and non-specific. If man had had only his few instincts on which to rely, he would not have long survived in nature 30,000 years ago when he lived under the open sky. To compensate for his instinctual deficiencies, he was compelled to draw on other faculties. For the evolutionary process that left him instinctually non-specific also imbued him with intelligence, self-consciousness, and an adaptable nature. By drawing on these faculties to cope with the natural exigencies of existence – exigencies resolved in animals by their "instinctual programming" – man "learned" to negotiate the environmental challenges of his world. Unlike animal instinct, though, this learning left him "world open" (Weltoffen), for his responses to external stimuli were not automatically programmed by earlier responses, but based on reflection and hence open to change and revision. Biological laws might therefore influence him, but only negatively, as a "framework and base." [22] In choosing, then, how to respond to nature's challenges, man had no alternative but to treat the world with care and foresight, to gain an overview of what had gone before and what was likely to happen in the future, to develop symbolic systems to communicate this knowledge, and, not least of all, to establish those institutions that would socially perpetuate the lessons of earlier responses.

The complex of habits, judgements, and techniques arising from man's worldopen responses to his environment is, for Gehlen, the fundament of his culture, insofar as this complex informs, disciplines, and stylizes all his subsequent responses to the world. Then, as this cultural complex becomes the unconscious frame of his behavior, it acquires the character of a "second nature" (zweite Natur), serving him somewhat in the way instinct serves animals. This second nature, his culture, is, however, neither automatic nor immutable, for man retains the capacity to make new choices and hence to modify his behavior. [23] This "condemns" him to endless choice-making and an on-going process of becoming. Yet, even while subject to an endless process of development, his culture continues to be influenced by the legacy of earlier choices. [24] Like Heraclitus' river, whose waters are never stepped into twice, man's "cultural nature" remains the "same," even as it constantly changes. That is, through various feedback processes based on an ever-widening accumulation of experience, it develops according to a "logic" – a vitality – distinctly its own, even though in developing it never mechanically replicates itself. On this basis, Gehlen characterizes culture as combining permanence and innovation, which makes man both its creature and its creator. [25]

Virtually every conscious realm of human activity, Gehlen holds, comes to be affected by culture. In his anthropology, it is virtually inseparable from man. For without it, and the role it plays in negotiating his encounters with the world, man would be only an undifferentiated and still unrealizable facet of nature – unable, in fact, to survive in nature. [26] Contrary to a long tradition of rationalist thought (the anthropological structuralism of Claude Lévi-Strauss being the foremost recent example), there are no "natural men." Free of culture, man would be a cretin, unable even to speak. [27] Given the inescapable character of his culture, Gehlen argues that man is best described as a biocultural being: for although culture and nature are two distinct things, in him they form an indivisible unity. [28]

Since different families of men, in different times and environments, respond differently to the limitless choices posed by their world, their cultures grow in different ways. Evident in all that distinguishes a Californian from a man of Connemara, a Chinese from a Cameroon, such disparities account for the great diversity of human cultures, with their different valuations, different symbolic systems, different ways of making sense of and responding to the world. [29] As an organic unity with forms congruent with its distinct vitality, a culture, then, is understandable only in its own terms. For its essence lies neither in rationalist nor objectivist criteria, but in the conditioned behaviors and beliefs constituting the interrelated patterns and categories specific to it. As a consequence, there is no single Culture, only different cultures, specific to the different peoples who engender them. An appeal to the universal or generic – to that which is not specific to a specific culture – can thus only be an appeal to its own negation. There can, it follows, never be a world culture, a single planetary consciousness, a single mode or distillation of life common to all men. For the heritage of choices that goes into making a culture and giving it its defining forms is distinct to each organic formation, rooted in those cycles of growth and vitality distinct to it. [30]

Because man's "membership in humanity is mediated by his particular cultural belonging," the only universals he shares with those of another culture are those found in his animal nature (and even these are affected by different phylogenetic developments). [31] This diversity of human cultures cannot, then, but imply diverse, if not incommensurable cultural perspectives, as different peoples define their interests, order their perceptions, and regulate their behaviors differently. [32] Similarly, all that a specific culture accepts as "objective" derives, in the last instance, from its particularistic valuations and vitality. This is not quite the same as subjectivism – unless a culture is in decline and overly self-conscious of its conventions – but it is testament to culture's relativist character. [33] Since all men are heirs to particular formations, without which they would not be men, even an individual seeking to individuate himself in a foreign culture is obliged to do so within a frame predetermined by his original heritage. As Gehlen argues, man can never be more than an individuated expression of his native culture. For it is through such an individualization that he realizes who he is and achieves his specific humanity. [34] All men may therefore possess the powers of cognition and the capacity to create culture, but because reason is informed by its specific concerns, it never – ultimately – transcends its specific subjectivity, even when drawing on objective and instrumentalist criteria to do so. A truly neutral reason without inherent cultural "bias" (as liberal modernity posits) would require a cultureless world – that is, a world without real human beings.

Just, then, as there is no single culture common to all men, there is no single definable reality in Gehlen's anthropology. The only reality man knows is informed by the intrinsically subjective and evolving tropes his specific heritage provides for making sense of it. [35] "Man," Protagoras said 2500 years ago, "is the measure of all things." Given the world's different cultures, there are necessarily a plethora of different measures in the world. Conversely, an individual is never distinguishable from his culture: never independent of the "measures" he applies. He may be free to express his culture in his own way and a culture may permit an infinite number of individual variations and even considerable rebellion against it, but no culture is ever the sum of its parts nor is any individual independent of its encompassing attachments. [36] Culture alone imbues the individual with his distinct consciousness . . . and the consciousness of his distinctiveness. It is likewise more than a spiritual or mental state, for its supraindividual unity inevitably takes social, institutional, and demographic form. It is always a people in its specificity, not a programmed abstraction labelled "humanity," that situates a culture. [37] Man's animal nature and his culture-making capacity may therefore be universal, but his second nature is not. Once culture is "pealed away," the only "nature" remaining is animal or physiological. Ontologically, this implies not the primacy of objective abstractions, but of hermeneutical processes (culturally specific self-understandings) embedded in the history of a people's particular growth.

Similarly, different cultures, like the peoples animating them, are never arbitrary, but anchored in organically evolved ways of life that the reasoning mind may render into rational terms, but is nevertheless powerless to justify or explain. It is always culture that establishes the ground – the "objective" basis – upon which the individuals making it up are able to communicate, judge the meaning of things, and reach consensus. Without it, they would be unable to agree on common standards of truth and value – and thus live together. But more than establishing the basis of a people's existence, culture frames whatever a people will attempt in its future, for it endows its world with meaning – and hence direction. [38]

If healthy and self-confident, a culture takes into account man's world-open capacity, allowing him to make himself according to those of its norms and categories that best sustain him. An authentic or a "natural" enculturation, however, has become increasingly problematical in the modern age. As Giorgio Locchi (who played the greatest role in making Gehlen's anthropology central to the GRECE's cultural politics) argues, the traditional organic model of culture is now threatened by a functional one that jeopardizes the vitalistic basis of the enculturating process. [39] Shaped by socioeconomic circumstances influencing both the micro and macro levels of existence, the functional model specific to modernity enculturates the individual according to systemic imperatives, which subordinate communal relations and individual subjectivities to large-scale social and institutional requirements. In the process, it orients to man's sensuous and egoistical nature, leaving room only for the internalization of its generic ideals, which are experienced as either external imperatives or animal drives. Such a culture, moreover, addresses men solely in their functional specificity or generic egoism, isolating them from those particularistic ways of life and behavior that have grown out of earlier forms of meaning. Swept along, then, by the macro-structures conditioning everyday existence and powerless to experience life according to imperatives based on a lived "fusion of purpose," the "other-directed" man of functional culture has no alternative, integrated as he is from the top down, but to rely on external stimuli for his direction. His life, therefore, is lived according to mechanical forms over which he has no control and which tie him to pre-determined patterns of behavior. Nietzsche (an important influence on Gehlen) calls this sort of enculturation "subjective culture for outward barbarians" – for it leaves man's inner self dependent on outside forces for its direction, devoid of development and hence susceptible to the most extreme forms of subjectivism. [40]

By contrast, the second type of culture (organically emerging from historically formed and tradition-based communities) fosters an "inner-directed" individual possessing an internalized frame of reference congruent with his second nature and geared to a sociability that integrates individual and community in an interactive synthesis. Experienced as an inheritance bequeathed by "great ancestors," organic culture is lived as a project whose rhythms respond to the individual's distinct vitality, as that vitality is shaped by a stylization native to it. The individual, as such, does not consume culture, but applies it, for his behavior is not determined, but inspired by it. This gives the man of organic culture, who encounters his world as an on-going project, the freedom and confidence to realize his cultural ideal in face of the specific exigencies challenging him. Organic culture accordingly grows from the inside out, becoming a personalized expression of a collective way of life, not an anonymously "consumed" commodity marketed to generic individuals situated in anonymous, indifferent social systems. [41]

For the last two centuries liberal societies have endeavored to impose their functional model on the whole world. Europeans, however, have lived most of their history according to the organic model. The hero, the genius, and the great artist, all of whom have played exemplary roles in their civilizational epic, were emulated not because they rebelled against the prevailing culture, but because they succeeded in giving new form and vitality to it. Indeed, such a disposition for renewal was inherent in their culture, for it was lived as an on-going response to an evolving world. By contrast, late modern society, subject to liberalism's market-driven functional culture, is virtually powerless to reformulate its cultural identity or alter its relationship to the larger world, for individual adaptation is now subsumed to a mass-manufactured model responsive to systemic, not communal, personal, or vitalist imperatives. Thus, whenever this model becomes dysfunctional, so too does the cultural orientation of those situated within it, for its failures cannot but plunge the individual into a state of indeterminacy, away from established patterns of conduct and toward greater subjectivity. Unlike the hero of organic culture, who confronts the decomposition of his age for the sake of revolution – a conservative revolution that returns to first principles and allows the cultural ideal to be reasserted at a higher level – the other-directed man of functional culture tends to slip further and further into a state of formlessness, aimlessness, and inaction, vulnerable as he is to those external influences that leave his inner self uncultivated and subject his social persona to criteria alien to his felt needs. [42] From the perspective of Gehlen's philosophical anthropology, Locchi argues that the instrumentalist rationality of functional culture may have the power to undermine organic cultures, but its generic dictates fail to generate those behaviors and beliefs compatible with man's second nature.

It is in this context that the postmodern critique needs to be situated. Against modernist claims to universality, which justify the worldwide imposition of a functional cultural model geared to faceless individuals situated in impersonal social structures, postmodernists highlight the pathologies that follow from its suppression of the lived and the particular. They thus array themselves against modernity's homogenizing model of enculturation. Yet, while advocating a new cultural pluralism, they nevertheless dismiss, disparage, or ignore the significance of earlier organic cultures, often slipping into a pure relativism that mistakes man's second nature for a construct susceptible to endless – and arbitrary – reconstructions. Relatedly, they treat cultural particularisms as if they were akin to exchangeable market options and favor the widest variety of cultural formations. This causes them to advocate a free-floating subjectivity attuned to global markets and microgroups, but resistant to specific organic formations, which are considered "totalizing" in the sense that the Great Narrative is. [43]

Although Grécistes ally with postmodernists in rejecting the instrumental dictates of modernity's functional culture, they take their distance from them in affirming the necessity, not the option, of organic cultures. Without such cultures, they claim an individual is powerless to negotiate the anonymous forces of contemporary society, with dysfunction, decadence, and alienation the inevitable consequence. To be at home in the world and in accord with one's own vitality, a people needs not only to be free of alienating functional restraints, as postmodernists insist, it also needs a sense of belonging that anchors it in a meaningful reality. Belonging, however, comes only with the particular and the enrooted – and the particular and the enrooted cannot be discarded, deconstructed, or selectively reappropriated, as postmodernists advocate, without risk of greater deculturation. [44]

This should not be taken to mean that New Rightists advocate a literal return to pre-modern cultural forms, whose naturalistic models are holistic and relatively simple. Complex societies cannot function in this way. Nevertheless, the traditional organic culture [45] out of which present-day societies have emerged need not, they argue, be rejected in toto, for even as a people evolves and assumes the need for certain functional forms, it retains a need for continuity, balance, and vitality, which can be meaningfully sustained only when rooted in the native soil of a primordial cultural identity. Tying vitality to one's native culture, New Rightists endeavor, then, to replenish all that has given life and form to the European idea over the ages, seeking to adapt Europe's organic culture to the complexities of contemporary social systems, fully conscious that its on-going adaptation gives new meaning, as well as providing new depths to the culture as a whole. [46]


19. H. O. Pappe, "On Philosophical Anthropology," in Austrasian Journal of Philosophy 39 (May 1961); Otto F. Bollnow, "Die philosophische Anthropologie und ihre methodischen Prinzipen," in R. Rocek and O. Schatz, eds., Philosophische Anthropologie Heute (Munich: Beck, 1972); Arnold Gehlen, "Philosophische Anthropologie" (1971), in Gesamtausgabe (Frankfurt/M: Klostermann, 1983), vol. 4.

20. On Gehlen, see Christian Thies, Gehlen zur Einführung (Hamburg: Junius, 2000); Karlheinz Weissmann, Arnold Gehlen: Vordenker eines neuen Realismus (Bad Vilbel: Antois, 2000); Karlheinz Weissmann, "Arnold Gehlen: Von der Aktuatität eines zu Unrecht Vergessen," in Criticón 153 (January-March 1997).

21. Giovanni Monartra, "L'anthropologie philosophique d'Arnold Gehlen," in Nouvelle Ecole 45 (Winter 1988-89).

22. Alain de Benoist, "Racism and Totalitarianism," in National Democrat 1 (Winter 1981-82).

23. Giorgio Locchi, "Ethologie et sciences sociales," in Nouvelle Ecole 33 (Summer 1979); Alain de Benoist, Comment peut-on être païen (Paris: Albin Michel, 1981), p. 67.

24. Alain de Benoist, Vu de Droite: Anthologie critique des idées contemporaines, 5th ed. (Paris: Copernic, 1979), pp. 171-73; Alain de Benoist, Les idées à l'endroit (Paris: Hallier, 1979), pp. 95-97.

25. Arnold Gehlen, Man: His Nature and Place in the World, tr. by C. McMillan and K. Pillemer (New York: Columbia University Press, 1988), pp. 24-31. After his exchange with Lorenz, Gehlen was forced to modify his depiction of man's instinctual non-specificity (Mängelwesen). For a discussion of these later revisions to his theory of culture, see Thies, Gehlen zur Einführung, op. cit., pp. 35-104.

26. "Entretien avec Konrad Lorenz," in Nouvelle Ecole 25-26 (Winter 1974-75); Thies, Gehlen zur Einführung, op. cit., p. 32.

27. Benoist, Les idées à l'endroit, op. cit., p. 41.

28. Benoist, Les idées à l'endroit, op. cit., p. 217. It is this emphasis on the culture-nature link that distinguishes Gehlen's anthropology from the "cultural determinism" of the Boas' school, which ignores man's animal nature, posits an idealist concept of culture, and relies on a good deal of fraudulent research. Typically, Franz Boas is feted in the American academy, but his culturalism is no less vulgar than the biological determinism he sought to refute. Much of contemporary research has, in fact, weighed in against Boas. For example, see Stephen Horigan, Nature and Culture in Western Discourse (London: Routledge, 1988).

29. Claude Lévi-Strauss, Race et culture (Paris: Denoël, 1987), pp. 22-23; Benoist, Les idées à l'endroit, op. cit., p. 216.

30. Alain de Benoist and Charles Champetier, "The French New Right in the Year 2000," in Telos 115 (Spring 1999); Alain de Benoist, Dernière année: Notes pour conclure le siècle (Lausanne: L'Age d'Homme, 2001), p. 88; Alain de Benoist, "Pour une déclaration du droit des peuples," in La cause des peuples: Actes du XVe collogue national du GRECE (Paris: Le Labyrinthe, 1982).

31. See John R. Baker, Race (Oxford: Oxford University Press, 1974), pp. 468-529.

32. Friedrich Nietzsche: "No people could live without evaluating; but if it wishes to maintain itself it must not evaluate as its neighbor evaluates. Much that seems good to one people seems shame and disgrace to another . . . much that is called evil in one place was in another decked with purple honors." See Thus Spoke Zarathustra, tr. by R. J. Hollingdale (London: Penguin, 1968), "Of the Thousand and One Gods."

33. Benoist, Les idées à l'endroit, op. cit., pp. 42 and 101; Alain de Benoist, "L'ordre," in Etudes et recherches 4-5 (January 1977).

34. Henri Gobard, La guerre culturelle: Logique du désastre (Paris: Copernic, 1979), p. 13.

35. Alain de Benoist, "Minima moralia (2)," in Krisis 8 (April 1991).

36. Alain de Benoist, "Fondements nominalistes d'une attitude devant la vie," in Nouvelle Ecole 33 (Summer 1979).

37. Cf. Irenäus Eibl-Eibesfeldt, Der Mensch – das riskierte Wesen. Zur Naturgeschichte menschlicher Unvernunft (Munich: Piper, 1988).

38. Stefano Paltrinieri, "La théorie sociale d'Arnold Gehlen," in Nouvelle Ecole 46 (Fall 1990); Arnold Gehlen, Man in the Age of Technology, tr. by P. Lipscomb (New York: Columbia University Press, 1980).

39. Locchi, "Ethologie et sciences sociales," op. cit.; Alain de Benoist, "'Communauté' et "société'," in Eléments 23 (September 1977).

40. Friedrich Nietzsche, Untimely Meditations, tr. by R. J. Hollingdale (Cambridge: Cambridge University Press, 1983), p. 79; Guillaume Faye, "Le culture-gadget," in Eléments 46 (Summer 1983).

41. Cf. Ferg, "Identité européenne et multiculture," in Devenir 13 (Summer 2000).

42. Locchi, "Ethologie et sciences sociales," op. cit.

43. Fredric Jameson, "Postmodernism, or the Cultural Logic of Late Capitalism" (1991), in Thomas Docherty, ed., Postmodernism: A Reader (New York: Columbia University Press, 1993).

44. The GRECE's defense of particularistic culture – a defense that makes no valuative differentiation between different cultures, but simply defends their specificity against the homogenizing impulses of liberal modernity – is seen by the Left as a sophisticated repackaging of traditional racism (insofar as culture is alleged to replace race as a criterion of exclusion). See Pierre-André Taguieff, "Le néo-racisme différentialiste. Sur l'ambiguité d'une evidence commune et ses effets pervers," in Langage et société 34 (December 1985). For a critique of this conflation of culturalism and racism, see Raymond Ruyer, Les cents prochains siècles: Le destin historique de l'homme selon la Nouvelle Gnose américaine (Paris: Fayard, 1977), pp. 49-61. It is, in fact, the nature of authentic cultures to privilege their own imperatives. To the degree it remains authentic, every culture has no option but to "reject" other cultures (which may be "objectively" just as "good") because they are irrelevant to its own concerns. It is precisely this aspiration towards a self-sufficient unity in its representational modes that makes culture inherently "exclusive" and its members part of a living whole, distinct from others. See Benoist, "Culture," op. cit.; Richard M. Weaver, Vision of Order: The Cultural Crisis of Our Time (Bryn Mawr: Intercollegiate Studies, 1995), pp. 3-21; Claude Lévy-Strauss, Le regard eloigné (Paris: Plon, 1983), pp. 24-30. Finally, the New Right's identitarianism ought not to be confused with the Left's "identity politics," which is a radical form of liberal pluralism that seeks to validate the postmodern fragmentation of identity (usually of sexual and racial minorities). On the Left's identity politics, see Jonathan Rutherford, ed., Identity: Community, Culture, Difference (London: Lawrence and Wishart, 1990). "Identitarism" is here used to denote those tendencies defending traditionalist and anti-liberal – i.e. organic – concepts of identity.

45. This allusion to "traditional culture" – like all subsequent references to "traditional society," "traditional community," "traditional ideas," etc. – refers not to those primitive, tribal formations studied by anthropologists, but to the pre-modern formations that characterized Europe up to the 17th century – that is, to the Greek, Roman, Celtic, Germanic, and Medieval forms of the European civilizational heritage.

46. Cf. Nietzsche, Untimely Meditations, op. cit., p. 83.

Sur l'état de l'armée américaine

c527e7b0ac90bd4571efc8eb9ce6f3e8.jpg

Sur l’état de l’armée américaine

La situation militaire internationale ne s’est guère modifiée au cours de ces quelques dernières années ; cependant, certains chiffres nous étonnent, qui sont révélés par les rapports annuels de centres de recherches aussi célèbres et performants que l’ « Institute for Strategic Studies » britannique (IISS) ou le « Stockholm International Peace Research Institute » (SIPRI) suédois. Ainsi, nous apprenons que les Etats-Unis disposent certes de forces armées dont les effectifs avoisinent le demi million d’hommes, que seule la Chine aligne des effectifs plus impressionnants, avec 2,3 millions de combattants potentiels. Mais les chiffres absolus ont leurs limites. Lorsque l’on porte en compte bon nombre d’autres facteurs, la supériorité des forces armées américaines s’avère bel et bien une réalité incontournable. Comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement ? A eux seuls, les Etats-Unis font près de la moitié (45,6% exactement) de tous les budgets militaires du globe. La seconde puissance dans le classement est la Grande-Bretagne, suivie de près par la France et la Chine. On remarquera tout de suite que ces numéros 2, 3 et 4 dépensent chaque année un budget qui demeure plus ou moins dans le cadre raisonnable de leur produit national brut. Ce n’est évidemment pas le cas des Etats-Unis qui, en termes de chiffres, dépassent de 60% la moyenne mondiale des budgets militaires. Voilà pour la théorie.

En pratique et sur le terrain…

Que fait-on en pratique avec des forces armées aussi impressionnantes ? Là, en examinant la réalité, on tombe sur un tout autre son de cloche. La situation se révèle plus complexe, et aussi plus nuancée. Bon nombre de fondamentaux y jouent un rôle, tant en politique intérieure qu’en politique extérieure ; ces fondamentaux sont jouets aux mains d’intérêts économiques et donc politiques, mais l’essentiel, toutefois, c’est que les conflits menés en Irak et en Afghanistan exercent une pression énorme sur l’armée américaine. Les Etats-Unis, constate l’un de nos analystes, « consacrent désormais, en termes absolus, le plus gros montant jamais engagé en matière de défense depuis la seconde guerre mondiale ». Et il poursuit son raisonnement : « Pourtant, malgré cette injection considérable de fonds, il semble que l’armée américaine soit épuisée par l’irruption, sur le terrain, de toutes sortes de révoltés et d’insurgés, qui ne sont armés que d’AK-47, de grenades et de bombes artisanales ». Assertion qui ressemble certes à une boutade. Mais il y a là un fond de vérité, que l’on ne saurait nier. Il n’y pas un jour qui passe, en effet, sans que l’on entende des rapports inquiétants sur la situation en Irak. Il y a quelques jours, les Afghans reprochaient aux Américains leur manière d’intervenir et de régler des problèmes de terrain, sans se soucier des dégâts collatéraux. Les critiques de leurs alliés afghans étaient claires et nettes : « vous n’y allez pas avec le dos de la cuiller et c’est intolérable ». Un grand nombre de victimes civiles venaient en effet de périr lors d’interventions de l’US Army. Force est dès lors de constater que les difficultés d’aujourd’hui sont le résultat de choix pris hier et avant-hier.

L’ancien ministre américain de la défense, Donald Rumsfeld, était un homme de fortes convictions. Il voulait que l’on investisse dans des armes de haute technologie, dans des systèmes de reconnaissance et dans le traitement de données. La vitesse des interventions, la précision des frappes et l’efficacité générale permettraient, toutes ensemble, d’éviter d’aligner une armée de masse. Mieux : après les attentats du 11 septembre, il y près de six ans, le « leadership » américain devait assurer sa suprématie en visant le consensus. Qui fut obtenu. On parvint ainsi, avec succès, à chasser les talibans du pouvoir, puis, sans un consensus équivalent, à occuper rapidement l’Irak tout entier. Mais dès le lendemain de ces succès apparemment foudroyants, les problèmes ont commencé à surgir et à se multiplier. Les unités militaires, qui se montrèrent si rapidement victorieuses dans les conflits de haute intensité grâce à leurs technologies de haut vol, s’avérèrent bien incapables d’occuper correctement le terrain conquis. Aujourd’hui, cela saute aux yeux : l’armée américaine est aujourd’hui victime de son propre passé. Après la guerre du Vietnam, elle s’est concentré sur l’éventualité d’un seul « grand conflit », sans vouloir s’imaginer qu’une conflictualité future pouvait prendre le visage d’une multitude de petits conflits, engendrant autant de chaos intenses mais localisés. L’erreur d’appréciation a donc été la suivante : les responsables de l’US Army ont cru que les unités militaires capables de résoudre le « big bang » du « grand conflit » envisagé, alors être ipso facto capables d’intervenir avec autant d’efficacité dans les conflits de basse intensité. Pendant de longues années, les troupes américaines se sont entraînées pour réussir de beaux sprints. Hélas pour elles, elles sont aujourd’hui engagées, malgré elles, dans un long et épuisant marathon.

Une loi d’airain…

En dépit de l’entraînement des hommes et des techniques utilisées, il existe une loi d’airain : celle des chiffres. La façon moderne de mener la guerre se concrétise sur base de rapports (de proportions) qui, au préalable, doivent être bien pensés et conçus. Ainsi, sur 50 brigades de combat de l’US Army, en moyenne dix-sept peuvent être rendues immédiatement opérationnelles (ce qui donne plus ou moins un rapport de 2 :1). Mais depuis l’envoi de cinq brigades supplémentaires en Irak, le nombre de brigades engagées à l’extérieur du pays est de 25. Certaines de ces brigades ne se voient octroyer qu’un repos d’un an, après un « tour of duty » de quinze mois (rapport : 0,8 :1). En comparaison, les Britanniques tiennent à respecter un rapport de 4 :1, soit au moins deux années de repos après un engagement de six mois. Les responsables de l’armée britannique estiment que c’est là un minimum absolu. Les Américains subissent donc les effets de leur forcing : le nombre de vétérans qui souffrent de problèmes psychiatriques augmente dans des proportions inquiétantes.

Quelle est dès lors la morale à tirer de cette histoire ? Les Etats-Unis ont besoin d’une armée aux effectifs beaucoup plus nombreux qu’actuellement. D’où question : comment réaliser cela en pratique ? Les forces terrestres, composante le plus importante de l’ensemble des forces armées américaines, alignent aujourd’hui 507.000 hommes. En 2001, il y en avait 482.000 et en 1980, 780.000. Augmenter les effectifs en des temps de haute conjoncture n’est pas une sinécure ! Surtout que la réintroduction de la conscription n’est pas considérée comme une option envisageable. Les unités qui restent aux Etats-Unis manquent de matériels et de moyens, doivent sans cesse se rationner : signe de déséquilibre patent. « Toutes ces lacunes », remarque un expert, « rappellent les canaris qui mourraient dans les mines de charbon : ils annonçaient l’imminence d’une catastrophe ».

M.

(article paru dans «  ‘t Pallieterke », 4 juillet 2007 ; trad. franç. : R. Steuckers).

03:25 Publié dans Défense, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

dimanche, 15 juillet 2007

Entretien avec D. Lloyd (Plaid Cymru)

471920069b18c673fdf99f0aa31a2204.gif

Entretien avec le Dr. Dai Lloyd, chef de la fraction parlementaire du « Plaid Cymru », parti nationaliste gallois

 

Le Pays de Galles, frange occidentale et celtophone de la Grande-Bretagne, est divisée depuis 1996 en 22 « unitary authorities », instances en charge des administrations locales. Le Pays de Galles compte trois millions d’habitants. Le parti identitaire gallois, le « Plaid Cymru », a été fondé en 1925. En 2003, il avait subi un ressac électoral, mais tous les sondages prouvent désormais qu’il reprend du poil de la bête. Lors des élections du 3 mai 2007, ce parti identitaire a réussi à conquérir le quart des sièges du parlement gallois, soit 15 députés sur 60. Le « Plaid Cymru » est désormais la deuxième force politique du pays. Allié aux Ecossais du « Scottish National Party », qui ont enregistré, eux aussi, des résultats mirobolants, le « Plaid Cymryu » fait partie du groupe « EFA » au Parlement européen, une alliance qui rassemble les partis à vocation régionale. Le Dr. Dai Lloyd, qui préside la fraction parlementaire du « Plaid Cymru » a répondu aux questions de la « National-Zeitung » (n°22/2007) de Munich. Voici la version française des principales réponses du Dr. Lloyd.

 

DNZ : Comment votre parti a-t-il réussi à consolider sa représentation politique en devenant la deuxième force au Parlement national gallois, oubliant du même coup le ressac électoral que vous aviez subi en 2003 ?

 

Dr.DL : Dès qu’a démarré notre campagne électorale au début de l’année 2006, nous avons pu faire un grand pas en avant en très peu de temps. Ce succès est dû à des mutations purement extérieures, comme par exemple notre nouveau logo, avec son coquelicot jaune stylisé, qui prouve que nous sommes désormais un parti tourné vers l’avenir et non plus seulement obnubilé par le passé. D’autres innovations ont séduit l’électeur, notamment notre manifeste riche en idées nouvelles. Ensuite, pour la première fois, nous avons réussi, face aux Gallois, à évoquer des choses qui les concernaient directement, ce qui les a enthousiasmé d’emblée.

 

Nous n’avons pas seulement mené une campagne électorale fructueuse à l’échelon national gallois, mais nous avons surtout travaillé dur entre les deux scrutins. Nous demandons désormais à tous les élus de notre parti, à quelque niveau que ce soit, d’aller frapper à toutes les portes de cinq rues au moins chaque semaine, de façon à rester constamment en contact avec les gens de leur commune et à déceler immédiatement les problèmes qui surgissent.

DNZ : Quel rôle a joué la guerre en Irak dans le succès électoral du « Plaid Cymru », sachant que, pour nous, identitaires allemands, cette guerre est en contradiction flagrante avec les principes fondamentaux du droit des gens ?

Dr.DL : Le « Plaid » a refusé clairement, de manière constante et récurrente, la guerre contre l’Irak. Dans l’avenir, nous continuerons à exiger le retrait des forces militaires britanniques et le démantèlement des bases militaires qu’entretient le Royaume-Uni en Irak et en Afghanistan.

DNZ : Pourquoi le « Plaid Cymru » réclame-t-il l’indépendance du Pays de Galles, en tant qu’Etat libre au sein de l’Union Européenne ?

Dr.DL : Notre vision d’un Pays de Galles indépendant prend appui sur les besoins réels qu’éprouvent au quotidien les habitants de notre terre. Les faits parlent pour eux-mêmes : les citoyens des petits et moyens pays indépendants, dans l’Europe entière, sont en général plus riches et vivent en meilleure santé. Le peuple du Pays de Galles mérite d’obtenir les mêmes avantages dans l’avenir. Nous voulons aussi que le Pays de Galles contribue à façonner, avec les autres Européens, un monde plus juste, plus pacifique et à l’avenir certain.

DNZ : Quand l’indépendance du Pays de Galles pourra-t-elle devenir réalité ?

Dr.DL. : Notre façon de penser et d’agir politiquement part du principe intangible que la souveraineté du peuple gallois doit trouver sa légitimité dans le peuple gallois lui-même. Le « Plaid Cymru » pense que le pouvoir devrait se trouver entre les mains du peuple et de lui seul. Les Gallois ont le droit inaliénable de décider seuls de leur avenir, de décider où, par qui et dans quel but le pouvoir doit s’exercer. Notre marche vers l’indépendance sera donc, en toute bonne logique, une entreprise que nous mènerons en commun avec tous les hommes et toutes les femmes du Pays de Galles. Ainsi, tous les pas importants qui jalonneront cette marche vers l’indépendance seront nécessairement sanctionnés par des référendums.

DNZ : Dans quelles circonstances un Pays de Galles indépendant pourra-t-il faire partie de l’OTAN ?

Dr.DL : Nous aimerions bien qu’une coopération plus accentuée existe au sein de l’UE dans les questions relatives à la politique extérieure, à la prévention des conflits, à l’engagement de forces militaires dans des opérations de maintien de la paix. Nous estimons que l’UE possède les capacités pour mettre en œuvre un solide système de contrepoids à la puissance américaine dans le monde.

DNZ : Quel rôle la monarchie britannique pourrait-elle jouer après la proclamation de l’indépendance du Pays de Galles ?

Dr.DL. : Après l’indépendance du Pays de Galles, il faudra organiser un référendum sur la monarchie, par lequel les Gallois pourront décider eux-mêmes de la présence future de cette institution.

DNZ : Comment le « Plaid Cymru » va-t-il gérer le problème de la modification des limites des circonscriptions électorales, modification qui a été apportée en vue de torpiller les avancées du mouvement identitaire gallois ? Et comment va-t-il gérer ce problème d’ici aux prochaines élections pour le Parlement britannique de Londres ?

Dr.DL. : Avec notre succès du 3 mai 2007 dans les élections pour le parlement régional gallois, nous avons prouvé que les modifications apportées aux circonscriptions électorales n’avaient freiné en rien la progression de notre parti. Quoi qu’il en soit, nous mènerons une campagne électorale dure, tambour battant, et nous ferons en sorte que les Gallois puissent jouer un rôle plus important dans le Parlement de Londres.

(entretien paru dans DNZ n°22/25 mai 2007 ; trad. franç. : R. Steuckers).

 

 

 

Géophilosophie de l'Europe

7e6b844e7a78808cb186260037001223.jpg

 

Géophilosophie de l'Europe

 

par Jure Vujic

 

L'ouvrage de Massimo Cacciari, Géophilosophie de l'Europe, traduit de l'italien en croate par Dubravka Rismondo-Zoric et Mate Zoric dans le cadre des éditions CERES (déesse de la fertilité et de la civilisation) constitue à coup sûr une contribu­tion enrichissante et de taille aux thèses géophilosophiques, connues des lecteurs de Gilles Deleuze, Otto Pöggeler, Jacques Derrida, Jean-Luc Nancy, François Makowski et des philosophes italiens Luisa Bonesio, Alessandro Marcerano, Caterina Resta et Vicenzo Vittelio.

Le thème de l'ouvrage présenté par l'auteur au travers d'une démarche “transversale et rhizomique”, selon la conception de Deleuze, s'inscrit indubitablement dans le cadre du débat controversé sur l'affirmation des identités locales et “plurales” sur et la nécessité de l'unification européenne dont les philosophes Jacques Derrida, Jean-Luc Nancy et Otto Pöggeler ont été les vaillants instigateurs. Cacciari part du constat qu'à l'heure où l'Europe est parvenue virtuellement à une unité, sur les plans politique et économique, de nouveaux conflits, des forces centrifuges ainsi que des oppositions théoriques, idéolo­giques et pratiques voient le jour et témoignent d'une certaine crise contemporaine de l'idée même de l'unité européenne.

Cacciari rejoint les filons de la pensée nietzschéenne, laquelle n'a cessé d'affirmer que l'Europe était gravement malade et, du reste, d'une maladie incurable. En cela Nietzsche fût le précurseur traumaturgique du nihilisme européen dont les mé­faits sont largement répandus sur notre continent au travers de la globalisation idéologique, de la schématisation de la pen­sée, de la mondialisation politico-économique et du cosmopolitisme culturel. Dressant un tableau synoptique des cultures et des vagues civilisationnelles ayant marquées l'histoire européenne, Cacciari estime que l'Europe, depuis la plus haute anti­quité, depuis les guerres puniques et depuis l'Asie ionnienne, porte en elle les germes de l'instabilité et les stigmates de l'insécurité dans son rapport avec son propre destin.

Selon Cacciari, depuis sa naissance et dans l'esprit hellénique le plus pur, l'évolution du continent européen s'est faite de façon conflictuelle, au travers d'une série de divisions philosophiques, religieuses, politiques, économiques et territoriales. La volonté de réduire le degré conflictuel des forces antagonistes en les réconciliant et en les harmonisant a provoqué à contre-courant le déferlement des puissances destructrices qui résultent de l'intériorité européenne. A travers une dé­marche dichotomique, Cacciari analyse, dans une perspective pan-européenne, les binomes, les bipolarités de la guerre et de la paix, de la mer et de la terre, de l'Est et de l'Ouest, du droit et du déracinement. Imprégné de la pensée de Machiavel, de Carl Schmitt, de Platon, de Saint-Augustin, de Nicolas de Cues, de Simone Weil et de Martin Heidegger, l'auteur se livre à un dialogue érudit entre la sagesse antique-tragique gréco-romaine et le réalisme politique des temps modernes.

C'est ainsi que Cacciari nous restitue à travers les luttes qu'a connues l'Europe depuis la guerre contre les Perses et contre l'Asie ionnienne, le sens antique de la notion hellénique de l'Agon Eskhatos. S'inspirant de l'idée de “Mythos”, exposée dans le Phèdre de Platon, il nous rappelle que la paideia grecque constitue l'Agon, la lutte entre forces opposées dans le cadre d'une structure unitaire et harmonieuse de l'âme. L'Agon, de par sa nature, tend à unifier, harmoniser. Chaque lutte consti­tue substantiellement un effort vers l'unité, un conatus vers l'harmonie; chaque lutte, chaque combat commence avec l'espérance de vaincre, mais triompher signifie aussi “rappeler”, convertir et unifier l'ennemi à soi. C'est pourquoi les luttes et les conflits n'ont de véritable signification que dans la mesure où elles s'orientent vers la création et la découverte d'une certaine unité et d'une harmonie.

 

Cacciari analyse les divergentes conceptions structuralistes de la Cité chez Platon et Aristote. Selon Aristote, la politeia de Platon reste utopique et donc irréalisable car elle porterait en elle la perfectibilité de l'unité, ce qui est impossible. Au con­traire, selon Aristote, la Polis  est, de par sa nature, plurielle et différentielle. La Polis, la Cité, ne constitue pas la réunion d'éléments identiques, mais, au contraire, repose sur la diversité de ses composantes, qu'il convient de sauvegarder. Mais, selon Cacciari, les analyses platoniciennes de la Polis, du droit et de l'État restent étonnement ac­tuelles et réalistes. Selon Platon, les États sains formaient des entités dans lesquelles vivaient en parfaite harmonie les hommes sous la conduite bienveillante des dieux. Les dieux assuraient à chacun la fertilité et la descendance (genos), la paix (eirénè) et la piété (pietas/aidos), de bonnes lois (eunomia) et la justice (aphthonia dikes).

 

La sagesse des dieux enseignait qu'aucun être humain n'était capable d'administrer avec un pouvoir illimité l'ensemble des affaires humaines sans tomber dans l'écueil de l'orgueil (hybris)  et de l'injustice. Dans les temps où les dieux assuraient la conduite des affaires humaines, il n'y avait pas de place pour le polemos et la guerre (stasis). C'était le règne de la paix in­finie, eirénè. Mais cet Etat sain excluait la notion de Polis  puisqu'il régissait organiquement la cohabitation de familles qui n'étaient pas sous l'impulsion de la croissance et de la volonté de puissance qui sont au cœur de la notion de Polis. La Politeia, la structure de la Polis s'impose comme une problématique incontournable depuis que les hommes ont cessé d'obéir aux préceptes sacrés et divins et depuis qu'ils ont abandonné la santé et l'harmonie divine. La Polis qu'il convient de structurer est, de par sa nature, guerrière, et ses défenseurs seront nécessairement des guerriers.

 

Toute la construction conceptuelle grecque et platonicienne du Roi-philosophe repose sur l'idée que la Polis  intègre en soi l'état de guerre permanent. Le philosophe-roi platonicien est en même temps polemikos dans la mesure où il devra former et structurer la Polis. Au contraire, la guerre civile, la stasis, détruit la Polis et constitue une négation de l'idée politique au sens éthique et aristotélicien. La philosophie pratique, de même que celle d'Aristote, accepte la pensée platonicienne en vertu de laquelle la guerre civile constitue la destruction et la fin de la Polis.  Plus tard, les héritiers authentiques de cette pensée platonicienne, comme Machiavel et Marx, accepteront et intégreront dialectiquement, dans la théorie et dans la pra­tique, la guerre civile comme source de toute décision et de toute constitution politique.

 

Dans cette perspective, Cacciari dénonce les effets dévastateurs et pernicieux des stasis, des divisions idéologiques qui ont sapé les bases de l'unité organique et hiérarchique de la Polis  européenne. S'inspirant des thèses géopolitiques et politico-juridiques de Carl Schmitt, fondées sur l'opposition terre-mer, de l'antagonisme entre, d'une part, les forces thalassocra­tiques anglo-saxonnes apatrides et niveleuses et, d'autre part, les forces continentales européennes, Cacciari nous rappelle que, contrairement à la conception aristocratique européenne du politique et de l'Etat, les thalassocraties imposent les formes politiques démocratiques et annoncent l'avénement du règne de la quantité. Selon la constitution athénienne, la pri­mauté sur les mers exige que le commandement revienne au peuple (demos)  qui met en mouvement les bâteaux. Il s'agit pour Cacciari du démon de la tekhne nautiké,  du règne des pirates colonisateurs qui reculent indéfiniment les murailles de leur propre terre, et qui, en conséquence, ne sont pas liés organiquement et charnellement à une terre véritable et ne possè­dent pas d'enracinement tellurique.

 

Cette engeance thalassocratique naît déracinée et a une vocation quasi inéluctable à déraciner. Selon Cacciari, les thalas­socraties anglo-saxonnes transportent au-delà des océans la destinée européenne de la primauté sur les mers. Cette gran­diose translatio imperii  qui est au cœur du rapport entre la puissance et la mer, de la mer et de la guerre, a déjà bien été élucidée par Hegel dans son statu nascendio. Le nouveau monde, l'Amérique, auquel ont songé tous les marins et les navi­gateurs, est dénué de tout ancrage et de stabilité spatiale; il constitue une chimère à laquelle encore aujourd'hui bien des gé­nérations continuent à croire. Ces thalassocraties anglo-saxones personifiées en l'Amérique et l'Angleterre nous font dé­couvrir une nouvelle forme de bestialité barbare qui détruit toute forme d'ethos et d'oikos. Pour Hegel, l'Amérique consti­tuera une sorte de rajeunissement barbare de l'ancien monde hérmétique et tellurique, renfermé sur lui-même. Mais pour Cacciari, les thalassocraties ne triompheront pas dans la mesure où il place la terre au même niveau. La primauté du pou­voir reviendra à celui qui gouvernera d'en haut sur “les antiques demeures”. Le survol métaphorique de la mer devra deve­nir une réalité tangible.

 

Pour Cacciari, le “gai savoir” de Nietzche témoigne de la même destruction de la terre, de l'identique déracinement de l'ethos et du nomos. La prolifération de l'esprit moderne vers l'ouest et les Etats-Unis représente l'avénement de ce qu'Ernst Jünger définissait par le terme de Mobilmachung  et de ce que Nietzsche dénommait moderne Unseuche  et de ce qu'il qualifiait dans son livre Humain trop humain par l'abandon moderne de la serénité. Les différences raciales, les genius loci, les diverses identités sociales et les groupements “pluraux” seront dépassés et nivelés par l'indifférenciation, calque de la surface aquatique (aequon). Sur cette même surface se développe une vie nomade de laquelle surgira une nouvelle race metissée, insatiablement tournée vers les choses matérielles, toujours prêtes à partir, sujette à des contingences “à court terme” et sans foi (àpistos demos).

 

Pour Nietzsche, l'esprit nihiliste moderne et la maladie incurable de l'Europe résulte d'une massification prolifique, laquelle déracine et dénature les coutumes traditionnelles, abolit les frontières entre les peuples et impose l'indifférenciation du temps et de l'espace. Sous la férule du sacro-saint principe démocratique, féru d'innovation et d'expérimentation, se con­firme la liberté individuelle contraire à toute forme de sodalitas. Cacciari constate que, de la volonté de puissance politique qui ne tolère pas les frontières continentales, découle le processus de démocratisation. Et ce même processus porte en lui les germes de la décomposition de toute forme politique saine, au sens où les incarne le zoon politikon  aristotélicien. Ce processus exige une croissance permanente des revendications et des espérances multiples et promeut le nomadisme culturel et existentiel; il garantit en même temps la propriété paisible des biens matériels et l'indépendance égoïste et indi­vidualiste.

 

L'action et le fait historique sont érigés en idole et la praxis prend la place de l'homme (cette idôlatrie porte le nom moderne d'athéisme). L'Europe est au crépuscule de ses valeurs, de leur déracinement et de leur profanation, mais elle est aussi l'Ouest qui porte en lui le crépuscule de l'énergie intérieure qui se traduisait au travers des valeurs ancestrales comme un positum, une volonté intrinsèque. L'Ouest agonal des valeurs se confond avec le déclin de sa volonté de puissance et de primauté. Mais Cacciari, dans sa logique transversale, va transformer ce triste constat de la déliquescence européenne, qu'il traduit par la maladie héroïque de la volonté de primauté, en une figure tragicomique.

 

En effet, il nous rappelle que l'homme européen, hybride dans cet aspect morbide, s'est illustré à travers les comédies d'Aristophane et dans les moqueries de ce dernier vis-à-vis du monde. Avec un tel esprit de dérision, et un tel sens de l'humour, Nietzsche illustrera le discours de Zarathoustra aux guerriers (Ainsi parlait Zarathoustra,  I, de la guerre et des guerriers ) par l'aphorisme: l'homme est quelque chose qui doit être dépassé. Accepter et supporter le poids de ce lo­gos grave et pesant ne peut se faire sans l'appui de l'eironeia  grecque. Cacciari relie le dionysisme et la gravité d'un esprit libre en l'illustrant par la parabole nietzschéenne: «J'ai proclamé saint le rire, apprenez à vous rire de moi»; Mais ne rit véritablement que celui qui rit de soi-même. Cacciari nous renvoie à l'image du héros qui marque depuis des siècles l'inconscient collectif indo-européen, lequel est le créateur d'un espace métadimensionnel de l'homme.

 

Dans l'Etat de Platon, le philosophe-défenseur se devra de réconcilier en lui-même l'image du héros Minos avec l'image du héros guerrier, l'Aidos du sage et la brutalité et le courage du guerrier. Celui qui agit en qualité d'authentique guerrier maître de son destin se distingue du giron des coutumes et des habitudes, possédant son propre ethos  sur le fondement duquel se forme la sodalitas,  la fraternité du héros. S'inspirant de la pensée eschatologique chrétienne et sur le Bhagavd-gita indien, Cacciari nous renvoie à l'enseignement de Simone Weil, selon lequel toute force brutale et puissance destructrice est vouée à un phénomène d'implosion. Pour anéantir la force à l'état brut, il ne s'agit pas seulement d'aimer son ennemi mais encore de choisir son ennemi pour pouvoir l'aimer. Pourra seul se libérer de l'état de violence, la guerre dont l'âme s'efforcera de se sacrifier et de se nier, de se purifier de l'idée de chute.

 

Cacciari nous trace l'anatomie de l'univers nihiliste européen à travers les écrits de Nietzsche, l'idée de nomos  chez Carl Schmitt, le Nietzsche de Heidegger, de L'étoile de la rédemption de Rosenzweig. L'interrogation reste toujours d'actualité: mais d'où nous vient cet invité qui nous perturbe plus qu'aucun autre? (Dieser unheimlichste aller Gäste?  de Nietzsche): de l'époque tragique que traverse l'Europe avec l'affirmation absolue du nihilisme. Cacciari se rapporte aux thèses de Carl Schmitt, fervant défenseur du ius publicum europeaum  que la logique du nihilisme a toujours tendu à effacer. Le nomos et la historia de Schmitt se fondent sur la découverte et la connaissance des antinomies qui générent le nomos  européen de­puis ses débuts.

 

La décadence du nomos  européen traverse plusieurs phases successives: en définissant le rapport fondamental entre 1a notion d'ordre et de racine (Ordnung et Ortung),  la crise prendra de l'ampleur à l'époque globalisante actuelle, en incluant les quelques résidus du ius gentium,  et en produisant des groupements désordonnés et non normativisés (ein strukturloses Chaos),  un phénomène inflationniste d'accords contradictoires, éphémères, qui constituent l'actuel droit international. Dans le cadre de la seconde phase: dans la mesure où la notion de nomos  veut dire étymologiquement le partage (némein) d'un territoire, lequel est préalablement conquis, la transformation des rapports entre les faits d'ordre et d'espace devra se ré­soudre sous la forme d'une guerre. Comme le nomos, la guerre elle-même sera déracinée.

 

Lorsque nous parvenons à l'état de guerre mondiale, aucune forme politique rigoureuse n'est en mesure d'inscrire cette guerre dans le cadre de contraintes légales et de la définir en termes précis, en l'insérant dans les limites tangibles.. Toute possibilité de définir la iusta causa est vouée à l'echec; les caractéristiques du iustus hostis  et du rebellis  se confondent. L'allié et l'ennemi deviennent des positions qui tendent exclusivement vers l'accaparement du pouvoir. L'ennemi sera celui qui n'accepte pas l'arkhé  du plus fort. Dans le cadre de la troisième phase, l'Etat qui est le principal producteur de l'esprit européen, l'agent actif de la sécularisation, le liquidateur de l'antique nomos  et de ce que l'on a appelé la respublica chris­tiana  du moyen-âge, se fonde sur la neutralisation de la guerre civile et la rationalisation des échanges extérieurs.

 

Le nouveau ius gentium  sera fondé sur le droit souverain (ius)  de chaque Etat; on est passé du nomos  médiéval au droit international moderne contemporain en tant que droit régissant les rapports entre les États sur le fondement de textes et d'accords artificiels conçus pour un temps défini. Cacciari constate que le libéralisme économique, financier et commercial génère un “globale Zeit” (= un temps global) qui rentre inévitablement en conflit avec le positivisme juridique lié à l'Etat. Sans l'existence d'un nomos positivement ancré, tout droit subsiste dans un état de faiblesse. Il est impossible de réformer les structures étatiques et de concevoir un nouveau nomos  qui serait indéfini et sans forme, privé de tout espace et de li­mite de rattachement, ce type de nomos étant actuellement à l'œuvre dans une entreprise générale de déracinement de l'esprit européen qui ne connait aucune notion de limes.

 

Pour Cacciari, Schmitt est sans illusion quant aux chances de rétablissement d'un nomos  originel européen et d'un ius publicum europeaum  qu'on ne peut selon lui prévoir à l'avance et en faire la projection constructiviste. C'est pourquoi ce dernier dénoncera toutes les formes de romantisme politique et les utopies illuministes qui tendent vers la négation du poli­tique et visent la neutralisation généralisée, la “paix” éternelle. Schmitt se situe sur le méridien nihiliste et laisse le soin aux nostalgiques de s'auto-satisfaire de bavardages et de discours stériles sur les moyens de surmonter ce nihilisme. Il reste Reus  jusqu'à la fin, un invité indésirable. Cacciari insiste sur l'origine sacrée du nomos dans son rapport avec la Polis  et l'espace. En effet, il considère que l'enracinement du nomos dans l'espace de la Polis (Nomos Poleas) est la projection de l'image sacrée du nomos. Les hommes (nomoi)  ne garantiront la pérennité d'un ordre (Ordnung) que dans la mesure où il constitue un fragement du nomos  sacré. Leur origine commune les rattache à la dikè  sacrée. Dans cette perspective, se soumettre aux lois suppose la reconnaissance implicite de leur caractère sacré et de l'existence des dieux (nomizein theous). Sans le nomizein, on ne peut concevoir l'authentique nomos. Le nomos  n'a de signification que dans la mesure où il constitue en même temps un theios  et s'il porte en lui les traces d'un ordre sacré.

 

Les fonctions fondamentales du nouvel esprit européen

 

- Neutraliser la puissance eschatologique exceptionnelle, dont le droit positif est imprégné par la tradition chrétienne;

 

- faire taire les théologiens in murere alieno  avec pour conséquence la perte de toute haute justification de la guerre et de la conquête;

 

- soumettre les individus et les différents intérêts à un unique droit omnipotent, spatialement bien défini et délimité (s'arrogeant la faculté de légiférer en matière confessionnelle).

 

Voilà pour Cacciari les fonctions fondamentales du nouvel esprit européen, de l'Etat qui est un deus artificialis, le Creator par excellence de la paix et pas seulement le Defensor. Pour Carl Schmitt, Hobbes avait très bien cerné la profondeur de cet esprit. Car on peut déceler dans l'œuvre de Hobbes les germes de la maladie mortelle de notre époque. Une utopie est à la base de cet esprit et régit dans un sens progressiste la transformation des Etats en parfaites machines qui s'auto-diri­gent et s'auto-régulent, une machina machinarum  qui possède objectivement un pouvoir absolu puisqu'elle est totalement dépersonnalisée et dépolitisée.

 

Cette utopie constructiviste trouve ses origines dans l'idée du despotes nomos  et dont l'image des philosophes-défenseurs de Platon fut le signe précurseur. Pour Cacciari, tout Etat doit intégrer une certaine forme de pietas,  une âme propre sans laquelle il dégénerera en ce que Nietzsche appelait des monstres froids. Cacciari nous renvoie toujours à l'image antino­mique de la Terre et de la Mer. Selon lui, il convient de sauvegarder par tous les moyens la terre “ferme et sèche”, la iustissima Tellus,  de l'inondation océanique, des espoirs illusoires, des utopies, et des idées stériles qui forment son contenu. La raison continentale et fondatrice reste fortement ancrée; par opposition, la mer constitue un espace indé­fini d'idées privées d'ancrages et de repères sérieux.

 

Cacciari fait la critique du libéralisme politique qui transforme l'Etat en une unité de rapports juridiques, en une administration tentaculaire. Il rappelle néanmoins les limites et les faiblesses contemporaines de ce même libéralisme. La notion libérale de séparation des pouvoirs connait des revers considérables à notre époque. En effet, Cacciari observe un glissement flagrant, une délégation par les parlements de leur pouvoir législatif en direction et en faveur du pouvoir exécutif. D'autre part, les Etats-majors des partis politiques et les différents lobbys, sous le voile d'une activité parlementaire offi­cielle, usent de l'ensemble de leurs moyens de pression pour influencer et infléchir la position de ce même pouvoir exécutif en leur faveur. Aucune décision politique des démocraties parlementaires actuelles n'est plus créatrice de nouvelles consti­tutions (dans le sens originel de l'expression de la volonté populaire la Verfassung, l'ethos) car l'idée même de constitution est liée à un espace bien défini et reconnu, caractérisé par un “nomos territorial”.

 

Cacciari constate que la tendance générale actuelle de notre époque est tournée vers une unité globalisante. La dualité de la guerre froide d'hier ne fut qu'une étape transitoire vers cette unité, depuis la période de l'opposition idéologique radicale (Coup de Prague, Maccarthisme) jusqu'à la résolution de ce conflit concurrentiel pour le contrôle du marché économique mondial. Cette tendance vers l'unification globale constitue la forme actuelle du nihilisme européen. Les apolo­gistes de ce nihilisme le justifie par la fondation d'une nouvelle forme de “Léviathan” parfait, seul à même de neutraliser la barbarie des conflits idéologiques et procède au nivellement des valeurs et à la réduction des dangers politiques par des dé­crets administratifs.

 

Mais à aucune autre époque cette tyrannie des non-valeurs n'a été si forte. La logique de cette tyrannie est de tout rela­tiviser à l'exception du but ultime qui est la neutralisation globale des valeurs. Cacciari procède à une analyse des notions de tolérance et d'intolérance. Il considère que l'idée de tolérance antique et classique sous-jacente à la Paeidia eu­ropéenne n'a plus rien à voir avec la notion de tolérance de l'époque contemporaine. Selon lui, la tolérance de l'époque mo­derne est “sénile”. Elle a perdu la foi en elle-même, en son pouvoir unificateur et de cohésion, et compense cette perte par une aspiration vers une cohabitation et une paix universelles et cosmopolites. Cacciari se fait le chantre d'une harmonie du monde organiquement ordonné en insistant sur l'importance des poles de rattachement et d'union dans le respect de la diversité absolue.

 

En conséquence, il rejoint le projet de “paix éternelle” qu'a développé Ernst Jünger dans son livre La Paix,  fondée sur la concorde et la complémentarité des nations européennes. Se fondant sur l'enseignement mystique et eschatologique de Nicolas de Cues (De pace fidei),  Cacciari s'interroge sur le devenir de l'Europe. En partant du constat que l'Europe a toujours été la Terre de l'Æterna inquisitio,  elle devra, en guise de guérison, se construire et se concevoir en termes de communauté fondée sur l'amour de la différence et sur la diversité des expériences historiques et exis­tentielles.

 

En épilogue, Cacciari emprunte la métaphore du “coucher du soleil”, comme symbole de rédemption pour l'Europe. Ce coucher ne signifie pas de “s'arracher à soi-même” mais, au contraire, de se tourner vers sa propre profondeur, de laquelle on peut écouter et se soumettre au langage de l'infini suprême, en vertu duquel les éléments pluriels reconnaissent la né­cessité d'une interrogation propre et perpétuelle comme fondement d'une réflexion constante. Pour Cacciari, même si ce “coucher du soleil” pour l'Europe paraît inaccessible, alors cet inaccessible absolu constitue l'unique avenir de l'Europe.

 

Jure VUJIC.

03:55 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

samedi, 14 juillet 2007

Retour de la "Communauté"

286d857dae231059431ae0cbebcf8931.jpg

 

Le Retour de la «Communauté»

Herbert AMMON

Herbert Ammon, né en 1943, est journaliste, écrivain et enseigne la sociologie et l'histoire au «Studienkolleg für ausländische Studierende» de la Freie Universität de Berlin. En 1981, à la suite de la grande exposition sur la Prusse à Berlin, qui a relancé le débat sur la nation, même et surtout à gauche de l'échiquier politique, il publie, de concert avec Peter Brandt, le fils de Willy Brandt, un volume à grand tirage intitulé Die Linke und die Nation, dont Orientations avait largement rendu compte dans son n°3 en 1982. Robert Steuckers avait à cette époque prononcé sur cet ouvrage capital et historique une allocution à la tribune du «Cercle Héraclite», réservée aux cadres du GRECE (Nouvelle Droite). Un clivage est né dans cette mouvance française, départageant ceux qui optaient pour une ouverture à cette gauche non-conformiste, dont Guillaume Faye, Jean-Pierre Patin (futur directeur du Partisan européen), Thierry Mudry, Patrick Jeubert, Ange Sampieru (qui avait commencé une ouverture aux gaullistes de gauche et aux auteurs des éditions «La Découverte») et, dans une certaine mesure, Pierre Vial, et ceux qui jugeaient cette ouverture inopportune, parmi lesquels, à l'époque, Alain de Benoist, qui se mit à répandre, avec l'humour particulier qui est le sien, la légende d'un “Steuckers trotskyste”, avant de parfaire au début des années 90 l'un de ces aggiornamentos dont il a le secret. Le texte de Herbert Ammon, que nous reproduisons ici, nous apparaît fondamental à plus d'un titre: paru dans Junge Freiheit, il révèle à un public conservateur un corpus doctrinal de gauche qui permet justement de transcender les clivages conventionnels et de retrouver intactes les valeurs du politique. A quatorze ans de distance, la quête d'Ammon et la quête de notre équipe présentent d'étonnants parallèles, une fraternité d'esprit évidente qui n'implique peut-être pas  —et heureusement—  une identité de vue sur bon nombre d'autres choses. Si en 1982, à la veille des grandes manifestations pacifistes et nationales, la redécouverte des linéaments de nationalisme dans les gauches allemandes étaient une nécessité théorique, en 1996, la défense et l'illustration des thèses communautariennes américaines sont également un impératif incontournable.

 

La société américaine a atteint les limites de sa crédibilité. Ce processus devrait être considéré comme irréversible s'il n'y avait pas ce fameux débat sur le “communautarisme”, où nous voyons surtout des sociologues et des philosophes du social, issus des rangs du libéralisme et de la gauche, qui affirment paradoxalement leur préférence pour la communauté. Les communautariens ont développé au cours de ces quinze dernières années une critique sociale, actuelle, de cette société libérale dominante et établie qui devient, elle, toujours plus incompréhensible, impénétrable, toujours plus abstraite dans ses lois et ses réglements pour l'individu moyen. L'aliénation croît sans cesse entre le citoyen et l'Etat, disent les communautariens, car la société se présente au citoyen moderne comme toujours plus médiate et éloignée: elle ne se présente plus en effet sous la forme d'une communauté solidaire vécue au quotidien mais comme un flot ininterrompu de lois, de réglements, de directives qui réduit le sentiment d'appartenance de beaucoup de citoyens au niveau d'un univers de papiers abstrait; la société n'est plus une forme de gestion autonome concrète, surtout locale ou régionale, mais le reflet monochrome d'un centre éloigné émettant les décisions des cours suprêmes ou celles d'organes administratifs qui n'ont pas grand' chose à voir avec la vie locale.

 

De cette façon, les instances telles les cours de justice, les ministères et les administrations, créées au départ pour défendre les intérêts des citoyens, deviennent, sans doute sans le vouloir, des obstacles à la démocratie. Cela prouve, disent les communautariens, que la démocratie, en tentant de résoudre les conflits au départ d'un centre et surtout au départ d'un système de droit fortement charpenté, butte sur ses propres limites et provoque une crise d'identification entre le citoyen et l'Etat.

 

Certes, la “gauche” de notre pays pourra dire, à juste titre, que le débat américain opposant le “libéralisme” à la “communauté” est un débat propre à la gauche américaine  —soit au sens le plus large, un débat qui se déroule à l'intérieur même du liberalism  américain. Mais il s'agit surtout d'un débat philosophique sur la justification idéelle et ultime de la démocratie; ensuite, les thèses communautariennes se posent comme une approche résolument critique de l'état de la société américaine contemporaine.

 

Commençons par clarifier l'enjeu pour le lecteur allemand: le liberalism plonge ses racines dans la tradition américaine du pragmatisme, dont le credo a été formulé jadis par le philosophe et pédagogue John Dewey: «Le médicament pour guérir les lacunes de la démocratie, c'est “plus de démocratie”».

 

Les liberals  américains, dont la parenté idéologique avec la social-démocratie européenne est mise en exergue par Michael Walzer, croient à l'imbrication des droits civils et de la responsabilité sociale. En revanche, lorsque nous entendons, dans les rangs des gauches européennes, comme par exemple dans un memorandum du groupe FDP de Berlin, où il est question de “déconstruire l'Etat”, de réaliser des privatisations dans les secteurs publics, de chanter les vertus curatives du sacro-saint marché, nous avons affaire à une gauche (certes très modérée) qui revient aux bonnes vielles recettes du libéralisme économique. Pour des oreilles américaines, ce programme ne serait pas de gauche mais serait conservateur, une sorte de mixte entre les reaganomics et cette idéologie individualiste de la prestation, assortie de rhétorique patriotarde.

 

Or c'est justement contre cette “tyrannie du marché” que s'insurge le manifeste communautarien d'un groupe de Berkeley dirigé par le professeur de sociologie Robert N. Bellah: «La puissance du marché conquiert... avec une vitesse sans cesse croissante toutes les sphères de la société, même la famille, bastion traditionnel de repli quand on ne s'y retrouve plus dans le “monde sans cœur”». Effectivement, quand l'idéologie dominante est exclusivement rationaliste, économiciste et téléologique, on voit les hommes se transformer en maximisateurs du marché et on sape leur engagement naturel pour leur famille, leur communauté religieuse, leurs voisins, leurs écoles et aussi, en bout de course, pour leur Etat et pour la société globale.

 

Indubitablement, nous avons là affaire à une critique sévère du moderne “American Way of Life”, à la domination du marché fait de brique, d'acier et de béton, à la fragmentation géographique et sociale de la société, surtout dans les immenses métropoles que sont Los Angeles ou Houston. Qu'on le veuille ou non, cette critique, issue de cénacles de gauche, ressemble à s'y méprendre à ces manifestes qu'éditent des cercles religieux-conservateurs, ou verts et anti-capitalistes. Le médicament que suggèrent ces auteurs pour guérir l'Amérique de ses maux n'est ni l'éco-socialisme ni l'éco-dictature, mais un retour réfléchi aux valeurs du liberalism  américain, à la famille, à l'école et à la communauté religieuse, sources vives de la démocratie américaine, située en-deçà de l'Etat.

 

Les communautariens proviennent d'écoles différentes: on repère ces différences d'après la provenance théorique et d'après le degré de radicalité critique à l'encontre de la société américaine actuelle. Mais ils sont tous d'accord pour dresser un diagnostic négatif sur l'ensemble de ces phénomènes connexes que sont la modernisation progressiste, l'individualisation et la mobilité sociale. Si la mobilité sociale a été considérée pendant longtemps comme la condition essentielle pour réaliser le rêve américain, Michael Walzer rompt avec cette convention: il énumère quatre mobilités typiques qui concourent à la déperdition complète du sentiment communautaire et au sens de la responsabilité à l'égard de la communauté. Ces mobilités dissolvantes sont la mobilité géographique, la mobilité sociale, la mobilité matrimoniale et la mobilité politique, c'est-à-dire, un processus de régression constante de la loyauté à l'égard des personnalités politiques dirigeantes, à l'égard des partis établis et des institutions.

 

Question: comment l'accent mis sur le lien communautaire peut-il s'harmoniser avec les autres valeurs de l'Amérique, telles la liberté individuelle de décision, la volonté de travailler, l'égalité des chances pour l'individu dans la quête de son propre bonheur, la liberté au-dessus de tout lien avec une tradition ou une institution? La force de la démocratie américaine ne repose-t-elle pas sur la puissance intégratrice de la société américaine qui est une société d'immigrants, ne repose-t-elle pas sur le concept de contrat social, qui est presque toujours interprété de manière a-historique?

 

La critique véhémente que formulent les communautariens vise la doctrine du libéralisme pur qui, à la suite de John Locke et de sa conception contractuelle de l'Etat, voit l'ordre politique de la communauté populaire comme reposant sur l'intérêt particulier des individus. Le philosophe John Rawls, dans A Theory of Justice (1979)  —un livre qui allait lancer le débat sur le communautarisme—  justifiait encore, au fil de ses arguments, la nécessité d'un équilibre social et d'une stabilité de la communauté populaire, tous deux fruits de la résultante des décisions des individus, décisions prises après un calcul rationnel comparatif des avantages et des inconvénients. Aujourd'hui, les communautariens critiquent âprement cette théorie justificatrice de l'action politique, théorie qui est purement calculante, pragmatique, rationnelle et éloignée de toute valeur supérieure; cette théorie est celle de l'Etat purement “occidental”: les obligations du citoyen à l'égard de la communauté nationale sont perçues comme purement abstraites et, de ce fait, ne suffisent pas à ancrer leur responsabilité politique et sociale. Un Etat qui n'existe que pour garantir les conditions extérieures de l'épanouissement (économique) individuel et ne cherche jamais à susciter et à ancrer de la solidarité dans la communauté, ne pourra jamais imposer à ses sujets de s'identifier à lui. D'où une autre question: qu'est-ce qui maintient une société de l'intérieur?

 

Pour les communautariens, ces critiques sont évidentes: Amitai Etzioni est le premier à les partager et à les revendiquer. Etzioni est né à Cologne sous le nom de Werner Falk. Plus tard, il est devenu un disciple de Martin Buber. Aujourd'hui il est philosophe et sociologue. Avec tous les autres communautariens, il critique sévèrement l'égoïsme libéral de la pure société de marché, en l'occurrence le néo-libéralisme de l'Ecole de Chicago, patronnée par Milton Friedman. Leurs thèses, pourtant bien ancrées dans les corpus doctrinaux de la gauche, sont ressenties comme de parfaites provocations par les libéraux de gauche allemands, dont la schizophrénie idéologique est notoire et qui prêchent, eux, un constitutionalisme “post-national”, en évoquant les dangers du nazisme et en déduisant de l'histoire nationale allemande la notion d'une culpabilité ineffaçable, d'une responsabilité germanique pour tous les maux qui affectent la planète. Alasdair MacIntyre et Charles Taylor développent des idées radicales contraires à celles de ces gauches anti-nationales allemandes.

 

«Le patriotisme est-il une vertu?». C'est par cette question que MacIntyre entend bien mettre en exergue le dilemme que pose le libéralisme: comment, dans l'Etat libéral, peut-on mettre fin aux conflits d'intérêts qui s'avèrent destructeurs? Réponse: soit en appellant à une vision supérieure, en exhortant les citoyens à reconnaître une communauté d'intérêt transcendante et axiologiquement neutre, soit en imposant par la force et l'arbitraire une solution ponctuelle. Si l'on choisit d'imposer une solution par la coercition, on transforme automatiquement l'Etat libéral en son contraire, en un “Léviathan”. Et que doit-il se passer en cas de conflit extérieur? Contrairement au pacifiste allemand moyen, MacIntyre ne peut imaginer une communauté politique sans forces armées, capables d'assurer une “sécurité minimale”. Mais les bons soldats ne peuvent pas être des libéraux, leur morale est impensable sans patriotisme. MacIntyre admet, sans ambages et sans recourir à des circonlocutions, que le patriotisme  —motif d'action particulier—  possède une toute autre substance que le pathos humanitariste et universaliste.

 

MacIntyre cite en exemple l'attitude du résistant allemand patriotique Adam von Trott zu Solz, car son patriotisme repose sur des valeurs humanistes liées à sa propre patrie, ce qui n'est pas la même chose qu'une volonté d'agir selon des critères purement éthiques et universalistes, dont le slogan de base serait “agis toujours dans le meilleur intérêt de l'humanité”. Trott zu Solz incarnait le dilemme de la résistance allemande: il voulait éliminer un dictateur et un régime qu'il jugeait criminel, mais, en même temps, il voulait maintenir le Reich allemand, assurer sa survie. Par nécessité, il agissait en tant que patriote pour provoquer l'effondrement du régime mais, en même temps, toujours par patriotisme, il servait partiellement ceux qui gérait l'Etat en déployant des pratiques criminelles.

 

MacIntyre termine son plaidoyer pour un patriotisme communautarien en remarquant très justement la teneur du patriotisme américain: pour beaucoup de citoyens des Etats-Unis, la cause américaine et la cause de la morale sont toujours identiques. Heureuse Amérique...

 

MacIntyre enseigne la philosophie à l'Université catholique Notre Dame dans l'Etat d'Indiana. Son collègue Charles Taylor enseigne à Montreal et est originaire du Royaume-Uni. Tous deux ont un passé marxiste et se reconnaissent aujourd'hui dans la tradition catholique de leurs parents et ancêtres. Mais tandis que MacIntyre fait dériver son patriotisme communautarien de la tradition catholique, jusnaturaliste et thomiste, Taylor inscrit son plaidoyer pour le patriotisme  —dont il n'ignore pas les abus et les perversions possibles—  dans une filiation intellectuelle plus vaste partant de Hannah Arendt pour revenir à Tocqueville, Montesquieu, Machiavel et Aristote.

 

Taylor constate que la tradition classique de l'Occident considère que le but de l'action politique est le Bien. Elle est par conséquent en contradiction avec l'éthique principale de la société libérale qui veut atteindre le Juste, en l'imposant par une bureaucratie toujours plus tentaculaire. Le “Bien Commun” et la “Liberté Générale” donnent une impulsion au citoyen qui s'identifie alors à sa Cité (Polis) et n'impliquent nullement l'obligation a-politique de vénérer des principes universels. Taylor évoque ensuite le motif historique que l'on peut répérer dans toute l'histoire: «Le lien de solidarité qui m'unit à mes compatriotes se base sur la conscience d'un destin partagé et sur le constat que l'on donne, lui et moi, un sens identique aux choses, où justement la notion de partage constitue également une valeur».

 

Les communautariens insistent sur la dimension historique, en opposition à la conception utilitariste de la société, et, par suite, soulignent la nécessité de l'aspect narratif des récits fondateurs et aussi la nécessité de s'imbriquer dans une continuité historique, assise de l'existence politique de la cité. (...)

 

Le débat sur le communautarisme soulève encore bien d'autres questions, que devrait aussi se poser la société allemande: peut-on transposer le modèle démocratique proposé et défendu par les communautariens américains dans notre pays, éprouvé par deux guerres perdues en ce siècle et à la conscience historique tourmentée? Où les Allemands trouveront-ils les clefs historiques pour accéder à une véritable communauté politique? Où se déploie en Allemagne la “narration historique”, évoquée par Taylor? Dans les écoles? Dans les familles? Dans l'art? Sur le petit écran?

 

Le débat américain sur le communautarisme nous montre clairement que la société qui se veut la plus “progressiste” de la Terre vient de générer un corpus doctrinal et politique très éloigné des superficialités du multiculturalisme. C'est justement la trop faible cohésion de la société libérale à l'ère “post-nationale” qui réclame le retour de “liants” plus anciens et originels que le libéralisme qui, lui, ne repose que sur les mobiles abstraits et universalistes de la société bourgeoise.

 

Enfin, dernière question: à quel type de “communauté” faut-il ramener cette Union Européenne qui a remplacé à Maastricht la défunte Communauté Européenne? Et que pourrait bien signifier le “communautarisme”, c'est-à-dire l'effort d'obtenir le “Bien Commun”, dans des Etats-Nations de type européen, devenus contre leur gré des terres d'immigration? C'est peut-être d'Amérique que nous vient aujourd'hui la bonne réponse...

 

Herbert AMMON.

(article paru dans Junge Freiheit,  n°47/1994; trad. franç. : Robert Steuckers).

vendredi, 13 juillet 2007

Communautarisme américain

b8125c89b0ec0f02d1abc6f8142108a0.jpg

 

Le retour de la «communauté» dans la pensée politique américaine

par Robert STEUCKERS

(intervention lors du séminaire de l'association «Synergies européennes» à Roquefavour en Provence en janvier 1995, à l'Université d'été de la FACE  en Provence en juillet 1995 et à la tribune du «Cercle Hermès» de Metz en Lorraine en février 1996)

analyse:

- Walter REESE-SCHÄFER, Was ist Kommunitarismus?, Campus, Frankfurt am Main, 1994, 191 p., DM 26, ISBN 3-593-35056-4.

- Martha NUSSBAUM, Gian Enrico RUSCONI, Maurizio VIROLI, Piccole Patrie, Grande Mondo, Reset/Donzelli editore, Milano, 1995, 64 p., Lire 8000, ISBN 88-7989-147-2.

- Charles TAYLOR, «Wieviel Gemeinschaft braucht die Demokratie?», Jerzy SZACKI, «Aus einem fernen Land. Kommentar zu Taylor», Otto KALLSCHEUER, «Individuum, Gemeinschaft und die Seele Ame­ri­kas», Bert van den BRINK, «Gerechtigkeit und Solidarität. Die Liberalismus/Kommunautarismus-De­batte», Susan M. OKIN, «Für einen humanistischen Liberalismus», in Transit/Europäische Revue, Nr. 5, Verlag Neue Kritik, Frankfurt am Main/Institut für die Wissenschaften vom Menschen (Spittelauer Lände 3, A-1090 Wien), Winter 1992/93, 190 p., DM 20, ISSN 0938-2062, ISBN 3-8015-0267-8.

Notre projet, tant dans le cadre de cette initiative paneuropéenne qu'est «Synergies européennes» que dans celui de l'UFEC, embryon de parti politique que nous activerons quand les temps viendront, est un projet “euro-communautaire” dans le sens où il ne voit pas d'autre avenir pour l'Europe que dans une prise en compte et une organisation des communautés vivantes qui structurent effectivement, sur un mode complexe et varié, la vie des peuples sur notre continent et non pas dans la création d'un gigantesque moloch technocratique ou dans la répétition stérile des formes politico-administratives sclérosées, propres à l'Etat-Nation du XIXième siècle.

Pourquoi avoir choisi ce terme de «communauté», alors même que le sens de ce vocable de la science politique et/ou de la sociologie peut varier considérablement d'une langue à l'autre et d'un contexte politique à l'autre? «Communauté» peut dési­gner effectivement un groupe d'hommes de même origine, vivant sur un même territoire ou pratiquant des activités écono­miques en interaction constante. Mais «Communauté» peut désigner aussi la partie d'un Etat bénéficiant d'un degré d'autonomie plus ou moins grand, dont les ressortissants parlent tous une même langue, souvent minoritaire ou minorisée, partagent une culture identique ou une confession déterminée; c'est notamment cette notion-là de «Communauté» qu'utilise le droit constitutionnel espagnol actuel, quand il a instauré son «Etat asymétrique de communautés autonomes», où les commu­nautés sont les entités basques ou catalanes, etc.; de même, le terme «communauté» désign(ai)ent aussi les instances euro­péennes mises en place à Bruxelles, Luxembourg et Strasbourg, au début du processus d'unification européenne.

 

Nous avons choisi ce terme parce qu'il recèle d'emblée une connotation sympathique, demeurant malgré tout contestatrice du désordre établi, tant à gauche, où il évoque la solidarité dans le combat social, qu'à droite, où l'on garde la nostalgie des “holismes” traditionnels qui ont précédé la blessure moderne et industrielle. Qui dit «communauté», qui fait de la «communauté» l'unité de base de sa pensée politique, parie de fait pour les hommes réels, les hommes de chair et de sang, de labeur et de créativité, contre les visions abstraites de l'homme, où celui-ci n'est plus qu'une unité dissocié d'un tout préa­lable, jugé obsolète et combattu comme anachronisme, ou un rouage d'une mécanique débarrassée de toutes valeurs et de toute mémoire. Le message des “communautariens” est universel en tant qu'il implique la défense de toutes les communautés d'hommes réels dans le monde, et qu'il implique ou devrait impliquer la volonté de généraliser ce principe à l'échelle du conti­nent européen et, par extension, du monde tout entier.

 

Pour bien cerner la signification du terme sociologique de «communauté», il convient au préalable de faire référence à des no­tions scientifiques bien précises, établies par quelques grandes figures de la sociologie moderne, voire de la philosophie:

1. Ferdinand TÖNNIES.

2. François PERROUX.

Tous deux nous ont livré la définition la plus scientifique et la plus précise du terme «communauté» dans le contexte européen. Malheureusement l'exploration et l'exploitation de leurs écrits s'avèrent de plus en plus problématiques et de moins en moins médiatisables, surtout dans l'espace linguistique francophone où le recul de la culture et l'effondrement de l'enseignement ne permettent plus d'aborder des corpus scientifiques complexes. Raison pour laquelle, dans le contexte actuel, il nous paraît ur­gent de faire systématiquement référence aux «communautariens» américains qui ont abordé les questions «communautaires» dans un langage plus plastique et plus accessible, surtout dans un pays comme les Etats-Unis où il n'y a plus, depuis longtemps, de corpus classique dans les établissements d'enseignement et où la philologie classique n'a même plus l'importance qu'elle a vaguement conservée dans nos “humanités”. La médiatisation outrancière a obligé les intellectuels américains à une sorte de concision didactique, que nous sommes, nous aussi, obligés d'utiliser désormais.

3. Le nouveau débat inauguré par les COMMUNAUTARIENS américains, où bon nombre d'aspects de la notion de «communauté» sont abordés sous des angles chaque fois différents.

4. Un parallèle devrait être tracé, nous semble-t-il, entre la définition sociologique de la «communauté» (chez Tönnies et Perroux) et la définition religieuse qu'en donnaient Hauer (Das Gemeinde) et Buber (la dialogique du «Je » et du «Tu»).

Ferdinand Tönnies (1855-1936)

En 1887, paraît l'ouvrage scientifique majeur de Ferdinand Tönnies, Gemeinschaft und Gesellschaft, où il définit deux concepts fondamentaux de la sociologie moderne et les place en opposition:

 

a) La «communauté» (Gemeinschaft), regroupant des personnes de même origine, ayant entre elles des liens de sang ou des liens familiaux, partageant des sentiments communs et un destin commun, faisant appel à la mémoire. La «communauté» est en quelque sorte un élargissement du contexte familial et villageois traditionnel. Tönnies était en effet issu d'une commu­nauté de paysans et de pêcheurs de la côte occidentale du Slesvig-Holstein qui n'a jamais connu le servage et a maintenu in­tacts les ressorts de la vieille communauté traditionnelle germanique. L'aliénation moderne et capitaliste n'avaient guère eu prise sur ces sociétés, elles recelaient en elles les ingrédients d'une résistance efficace aux processus d'aliénation, qui méri­taient d'être maintenus et entretenus. La liberté collective implicite qu'elles incarnaient étaient un leg positif du passé, exem­plaire pour tous ceux qui, au contraire, avaient été jetés dans les affres d'une forme moderne d'aliénation. Par ailleurs, l'excès de communauté conduit à la répétition du même, en dépit des mutations du contexte environnant, et à la stagnation.

 

b) La «société» (Gesellschaft) dont le mode de fonctionnement est mécanique et purement utilitaire. Les excès de société conduisent à l'anomie, au désordre social et à la domination de tous les héritages par des flux incontrôlables, urbains et loin­tains. Dans cette optique, l'hypertrophie de l'existence urbaine et commerçante détruit toutes les solidarités profondes et finit par ruiner la notion même de peuple.

 

Toute l'ambiguïté du socialisme organisé en parti se repère dans cette dichotomie mise en exergue par Tönnies: en effet, le socialisme veut la solidarité, qui est intacte dans la Gemeinschaft, mais il sacrifie au mythe moderniste qui détruit les vec­teurs spontanés et irrationnels de cette solidarité, implicite dans la normalité communautaire.

 

Qu'est devenue la sociologie de Tönnies?

 

1. Elle a plu aux réactionnaires de droite, qui voulaient restaurer les holismes de l'ancien régime. Elle a plu aux pastoralistes de gauche, aux gauches utopiques, parce qu'elle semblait se démarquer des rigueurs et des horreurs de l'industrialisation (travail des enfants dans les mines, exploitation des femmes, absence d'hygiène de vie, etc.). Enfin, elle a plu aux mouve­ments de jeunes de droite comme de gauche, notamment le Wandervogel allemand et ses avatars ultérieurs, ainsi qu'à tous ceux qui oscillaient, indécis, entre la droite et la gauche.

 

2. Elle a déplu aux nationaux-socialistes, dont la propre notion de «communauté» différait considérablement de celle définie par Tönnies, dans le sens où elle désignait un ensemble beaucoup plus large, englobant tout le peuple allemand (voire tous les peuples germaniques), pourtant composé d'une multitude de communautés réelles, circonscrites dans des champs spatio-temporels ou socio-professionnels bien délimités. Cette hypertrophie de la «communauté» dans le contexte national-socialiste démontre le caractère non holiste de la définition nationale-socialiste de la «Volks-gemeinschaft»,  de même, elle révèle le projet fondamentalement moderniste dont cette pratique politique était porteuse, à la notable exception des associations pay­sannes, du moins jusqu'en 1942. L'utilisation d'une notion différente de la «communauté», le modernisme implicite du projet national-socialiste, et, face à cela, l'exception paysanne, font toute l'ambiguïté de ce régime en matière de praxis sociologique. Peu après la prise du pouvoir par Hitler, Tönnies, qui entend rester fidèle à son engagement social-démocrate, est privé de sa pension. Il meurt en 1936.

 

3. Elle a déplu aux marxistes, surtout aux intellectuels. Georges Lukacs condamne la sociologie de Tönnies comme “irrationnelle” et lui reproche d'avoir soutenu le “réformisme” au sein de la sociale-démocratie allemande, notamment le mouvement des “Genossenschaften” (des coopératives et des syndicats autonomes), car, affirme le théoricien hongrois du marxisme contemporain, ces “Genossenschaften” sont vectrices d'une re-communautarisation (re-holicisation) à l'intérieur même de la société capitaliste, alors qu'il faudrait une rupture totale et définitive, tant avec le capitalisme qu'avec les résidus de “féodalité” (ce dernier concept étant bien entendu flou et extensible). En fait, Lukacs reproche à Tönnies d'étendre les con­cepts jusqu'à les rendre “anti-historiques”, c'est-à-dire “romantiques” et “anti-scientifiques”. Lukacs prend là le relais de Marx et d'Engels quand ils condamnent les socialismes utopiques et quand ils s'opposent à Dühring qui avait cultivé, au sein du so­cialisme allemand, quand celui-ci n'était pas encore entièrement sous la coupe des marxistes, des notions vitalistes et non plus mécanicistes.

 

Que faut-il penser, ici, de ce concept d'“anti-historicisme” avancé comme une machine de guerre contre la sociologie de Tönnies, le mouvement des Genossenschaften  et les syndicats autonomes (parfois héritiers de vieux réflexes corporatifs)? Que la vision marxiste demeure prisonnière de préjugés modernistes et bourgeois, dans le sens où la bourgeoisie entendait se libérer de toutes les formes de carcans institutionnels traditionnels, pour laisser place au libre jeu incessant et dissolvant de l'économie, c'est-à-dire de son économie de classe. L'histoire pour les modernistes, les libéraux et les marxistes, ce n'est pas de construire, de défaire et de recomposer des institutions au profit du Bien commun ou d'ériger des garde-fou institution­nels contre la fluidité absolue de l'argent-roi, mais de participer à tous les processus de dissolution, y compris, en un certain sens, ceux du capitalisme, pour que plus aucune barrière ne puisse se dresser contre le “fluidisme” planétaire de celui-ci, surtout dans sa variante spéculatrice, comme nous le constatons depuis deux décennies. Le “progrès”, ainsi défini, est essen­tiellement négatif.

 

Sur le plan purement politique, la «communauté», tant qu'elle reste intacte, reste en-deça, en marge du capitalisme réel qui, lui, va accoucher, par dialectique, du socialisme définitif, contre lequel plus aucune institution ne pourra se dresser, vu qu'elles auront toutes été dissoutes.

 

4. La sociologie de Tönnies revient au grand galop aujourd'hui dans la sociologie universitaire américaine, qui tire les leçons de l'effondrement social aux Etats-Unis et de l'anomie qui frappe cette société, dans des proportions inégalées dans l'histoire. L'analyse sociale au départ de la dichotomie Communauté/Société est revenue en Amérique quand des sociologues se sont repenchés sur les différences sociologiques entre villes et campagnes. Depuis, le regain d'intérêt pour la «communauté» n'a cessé de s'amplifier et d'aborder la question sous tous les angles.

 

Mais une compréhension globale du nouveau «communautarisme» américain ne pourrait être optimale, à nos yeux, que si on replace la problématique toute entière dans le contexte de l'œuvre de Tönnies.

 

1. Tout comme Tönnies (et Carl Schmitt), les communautariens américains amorcent leurs réflexions au départ d'une récep­tion de l'œuvre de Hobbes et de sa théorie du contrat. Le contrat met un terme à l'“état de nature”, dit Hobbes, qui est un état de guerre de tous contre tous, où «l'homme est un loup pour l'homme», mais amorce par ailleurs —et quasi simultanément—  une rationalisation outrancière des relations et des comportements sociaux et, en parfaite concomitance, une neutralisation de toutes les valeurs cimentantes de la société. Hobbes reste celui qui a le mieux pensé la toile de fond tragique qui se profile derrière toutes les quiétudes politiques à l'œuvre dans l'histoire et qui a élaboré théoriquement les mécanismes (quasi eucli­diens) les plus efficaces pour contenir cette tragédie fondamentale hors de tout commonwealth humain; mais en dépit de ce mérite de Hobbes, il n'empêche que le contrat,  —surtout tel qu'il sera repris et transformé par Locke et, à sa suite, les con­tractualistes anglo-saxons—,  par la rationalisation pratique et la neutralisation axiologique qu'il implique, fait revenir, à l'avant-plan et au bout de processus plus ou moins longs, le tragique refoulé hors de la cité par le Léviathan, artifice voulu par le souverain et perçu au départ comme éminemment positif. A long terme, le contrat n'empêche pas —et même favorise—  la généralisation de l'anomie qui, elle, restaure les horreurs de la guerre civile, non plus entre factions politiques bien profilées, mais entre individus ou bandes d'individus sans projets de société cohérents, mus par leur seul désir d'acquérir illégitime­ment les biens d'autrui ou d'obtenir frauduleusement des avantages personnels.

 

2. Dans la formulation de sa théorie, Tönnies dit être fortement redevable au politologue, sociologue et “organologue” Albert Schäffle, notamment à son livre Bau und Leben des sozialen Körpers. Schäffle raisonne en termes organiques et biologiques, ne transforme pas le fonctionnement de l'économie et de la société en un jeu de purs mécanismes. Tönnies reconnaît sa dette envers les conceptions juridiques de von Ihering et à la politologie romantique et conservatrice d'Adam Müller (Die Elemente der Staatskunst), au marxisme et à l'école historique des économistes allemands (Rodbertus et Adolf Wagner). Ensuite, dans la genèse de son œuvre, il revendique l'héritage des théories de Bachofen et de Morgan sur le matriarcat, puis des hypothèses de Hearn (The Aryan Houshold), de Fustel de Coulanges (La Cité antique) et du juriste allemand Leist sur les socialités pri­mitives. La communauté, résume Tönnies, s'exprime par la famille, la vie villageoise morale et la vie urbaine religieuse. La société s'exprime par l'existence que mènent les hommes dans les mégapoles, existence fondée sur les conventions. Ensuite, par une vie nationale entièrement déterminée par la politique politicienne, puis, par une vie cosmopolite marquée par l'opinion publique, chapeautée par la “République des Intellectuels”.

 

La Communauté selon François Perroux

 

En 1942, François Perroux sort un opuscule définitionnel particulièrement bien charpenté, intitulé La communauté. Il précise la notion et complète de la sorte Tönnies. Perroux distingue:

 

1) La communauté amorphe, qui est une communauté résiduaire, survivant dans un monde entièrement dominé par le mo­dèle sociétaire. Le risque de voir disparaître tout dynamisme dans ces communautés résiduaires n'avait pas été très bien perçu par Tönnies et ses vulgarisateurs.

2) La communauté structurée selon les legs de l'histoire présente des hiérarchies efficaces. Cette communauté est efficace si elle est simultanément organisée, si un appareil organisé lui confère des règles, des règles juridiques qui reflétent dans une formulation abstraite l'essence communautaire de ces structures.

 

Le problème, déjà perçu par Simmel, survient quand il y a divorce entre structure et organisation. François Perroux écrit (p. 69): «Le divorce entre l'organisation et les structures des communautés se déclare, ..., quand le législateur part d'un sys­tème idéologique, d'un ensemble d'idées préconçues pour énoncer les règles sociales, établir les découpages territoriaux et professionnels, construire les appareils de commandement et d'administration. Il n'épouse pas alors avec délicatesse et sou­plesse les contours du réel. Il prétend plier le réel à un moule idéologique et abstrait». En résumé, la société prend le pas sur la communauté et sur les structures communautaires quand l'organisation se détache de l'héritage communautaire. François Perroux démontre qu'il y a deux façons de s'en détacher: a) on passe à une organisation proprement sociétaire qui impose la contrainte (l'imperium), le commandement par l'injonction ou par la loi; b) on passe à une organisation associationniste, centrée sur le contrat entre des libres volontés qui s'entre-limitent et procèdent à des jeux détachés des flux réels et charnels de l'existence.

 

La revendication communautaire s'oppose à ces deux modèles, coercitif et cattalexique, en se fondant sur un consensus. Perroux explique (p. 70): «Une organisation est communautaire pleinement, une organisation exprime et valorise une com­munauté lorsqu'elle fait appel aux ressorts psychiques de cette communauté et en épouse autant qu'il est possible les struc­tures spontanées. Il faut donc qu'elle ne contrarie pas, mais bien plutôt qu'elle favorise la fusion des activités et des cons­ciences (...). Il faut aussi qu'elle ne mette pas en péril, soit en l'anéantissant, soit en la bureaucratisant, la hiérarchie des fonc­tions et des situations complémentaires de la communauté». Pourquoi Perroux valorise-t-il l'organisation communautaire? Parce que l'homme, dit-il, est homme s'il a un rôle historique, s'il est une personne, c'est-à-dire un acteur sur la scène de l'histoire [de sa Cité]. Cela implique: a) qu'il soit une partie consciente et active dans un ensemble; b) qu'il soit une force qui s'exerce durablement dans un sens déterminé au cours d'un drame (qui est l'histoire de sa communauté ou de son peuple). La personne humaine, dans la perspective communautaire selon Perroux, se définit dans le drame humain (dans l'histoire). L'individu qui ne suit que sa fantaisie, qui cède aux pressions de l'instinct ou aux calculs de l'égoïsme ne joue pas un rôle: il reste en marge du drame permanent qu'est sa communauté.

 

Deux conceptions du rôle historique de l'homme communautaire existent:

 

1. L'homme communautaire-historique adhère à des valeurs et veut les incarner dans l'histoire. Soit il réussit et modèle alors les communautés selon les canons des valeurs qu'il a choisies. Dans l'absolu, ces valeurs, avant d'être incarnées, sont en marge des communautés réelles. Mais les valeurs sont éternelles et si elles ne sont pas incarnées par l'élite de telle commu­nauté, elles seront incarnées demain par celle d'une autre communauté. Pour Perroux, qui révèle là son héritage catholique, adhérer à des valeurs, ce n'est pas se soustraire au drame de l'histoire, mais au contraire se mouler dans ce drame et donner aux valeurs un ancrage spécifique, non interchangeable.

 

2. L'homme communautaire-historique choisit de jouer un rôle dans la pure immanence, soit dans la lutte des classes (communisme), soit dans la lutte des races (national-socialisme). Le risque, quand on s'enferme dans de telles luttes, c'est d'éteindre ou d'œuvrer à éteindre les dynamiques et les échanges qui demeurent même dans l'antagonisme; on se ferme à tout dialogue sur base de valeurs communes, existant de part et d'autre de la ligne de front, éventuellement sous d'autres mo­dalités.

 

Le débat américain actuel sur le communautarisme

 

Le débat actuel aux Etats-Unis ramène sous les feux de la rampe la notion de communauté, refoulée depuis quelques décen­nies hors du champ de la sociologie universitaire.

 

Si le débat est actuel, la maturation de définitions nouvelles de la communauté, les approches conceptuelles innovantes en cette matière, sont à l'œuvre ou se forgent depuis assez longtemps: Michael Sandel a développé une critique de l'égoïté dé­liée, Charles Taylor une critique de l'individu atomisé, Alasdair MacIntyre a conceptualisé un système complexe faisant appel à l'esthétique, Robert Bellah revendique une logique du cœur, Ben Barber réhabilite la notion de commune, Martha Nussbaum a construit un “aristotélisme social-démocrate” et Michael Walzer a œuvré à revaloriser les “sphères de justice” subsistant dans nos sociétés.

 

Pourquoi ce renouveau?

 

1. Parce qu'il est devenu urgent de développer une critique générale devant les dégâts sociaux causés par l'atomisation ou­trancière de la société américaine actuelle: les hommes y ont perdu tous référents.

 

2. Cette perte de tous référents fait qu'il est impossible de maintenir une démocratie viable sans vertus civiques.

 

3. S'il n'y a plus de vertus civiques, si celles-ci ne peuvent plus s'exprimer, il n'y a plus de liens, donc plus de valeurs, dans la société. Liens et valeurs, constatent les communautariens, ne peuvent pas être générés par des codes moraux abstraits qui demeurent largement incompris et inaccessibles au commun des mortels. Restaurer les vertus civiques implique donc de refaire appel au vécu, aux valeurs réellement vécues, aux comportements traditionnels. Le philosophe ou le sociologue qui entend défendre sa Cité et/ou sa famille ne peut dès lors plus partir d'“idées générales” mais seulement de “cas concrets”.

 

Cet abandon nécessaire des idées générales postule une réorientation complète du débat et implique un dépassement de la di­chotomie gauche/droite. En effet, dans leur souci de restaurer des valeurs civiques dans la société américaine, les commu­nautariens ont été obligés de sortir des sentiers battus d'une sociologie qui n'avait exploré que des filons de gauche. La né­cessité d'innover les oblige a procéder à une fertilisation croisée (cross-fertilization)  des discours de la droite et de la gauche, dans le sens où celles-ci s'opposent toutes deux au libéralisme, idéologie dissolvante des liens unissant les hommes. Une nouvelle opposition se dessine à l'horizon: la gauche axiologique et la droite axiologique (Wertkonservativismus)  s'opposent désormais de concert au libéralisme, idéologie dominante dans les sociétés occidentales qui a généré une permissivité incon­trôlable.

 

La critique de Michael Sandel

 

Michael Sandel a commencé sa quête en voulant “remoraliser” la société sur base d'un ouvrage fondamental, qui fit beaucoup de bruit aux Etats-Unis il y a dix-sept ans, en 1979, A Theory of Justice de John Rawls. Cet ouvrage dès sa parution a connu un grand succès, hélas vite éclipsé. Il n'est revenu à l'avant-plan qu'après la parenthèse reaganienne et néo-libérale. Rawls, puis Sandel, sont partis d'une réévaluation de l'œuvre de Hobbes. La convivialité, le consensus ne sont plus menacés au­jourd'hui par l'Etat de Nature mais par des conflits d'intérêts, qui ont pour objet la redistribution. Ces conflits permanents rui­nent en bout de course les ressorts coopératifs de la société. Pour remettre en état ces ressorts coopératifs, il faut créer des normes pour aboutir à une justice fondée sur la fairness. Mais qui dit “normes”, dit retour à la philosophie normative, reje­tée dans les pays anglo-saxons à la suite de l'empirisme logique et de “la philosophie du langage quotidien” d'Oxford. Dans cette optique, les jugements de valeur n'exprimeraient aucune réalité. Les valeurs sont donc évacuées. Elles découleraient d'anomalies et d'ambiguïtés de langage et, de ce fait, toute philosophie s'occupant de normes ou de valeurs serait considérée comme vide de sens. Rawls dénonce cette variante du libéralisme idéologique, plus en vogue chez les conservateurs que dans la gauche anglaise et américaine. Sa dénonciation a provoqué deux réactions:

 

1. Première réaction: la défense et l'illustration de normes rationnelles universellement valables, lesquelles seraient les va­leurs intangibles et indépassables du libéralisme, idéologie dominante. Telle sera l'option de Nozick (Anarchy, State, Utopia, 1974) et de Buchanan. Nozick s'inscrit dans la tradition de Locke: il existe, affirme-t-il, des droits naturels donnés une fois pour toutes; seuls les Etats en conformité avec ces droits naturels sont légitimes. Ces Etats sont des agences protectrices de ces droits fondamentaux définis une fois pour toutes. Tel est le nouveau rôle dévolu à l'Etat minimal des libéraux. Toujours dans cette optique nozickienne, les modèles particuliers de redistribution sont illégitimes et doivent être combattus. La critique des communautairens à l'égard de cette réaction “fondamentaliste” occidentale s'articule autour de trois questions: a) Où est la justification ultime de ces droits fondamentaux? b) L'affirmation de l'illégitimité des modèles particuliers de redistribution ne conduit-elle pas à la destruction de toute sphère publique? c) La destruction de toute sphère publique ne conduit-elle pas à l'absoluisation du marché et à la mort du politique? Les communautariens, à la suite de Sandel, s'opposent ainsi à tout cons­tructivisme méthodologique (ce qui pourrait être considéré comme une interprétation non libérale et non individualiste de Hayek) et s'opposent aussi à toute anthropologie qui manipule des modèles détachés de l'histoire ou de toute autre concrétude sociale.

 

MacIntyre et Taylor partagent cette critique de Sandel. Qui a imméditament eu des retombées militantes: elle a aidé les éco­logistes à formuler une éthique écologique; elle a permit de conceptualiser l'idée d'un contrat entre les générations; elle a con­solidé le mouvement de “désobéissance civile”. Examinons cette critique de plus près. Sandel demande: où se trouve le fon­dement concret de cette option communautarienne pour la justice (Rawls) et la fairness? Il répond: dans la communauté des hommes et non pas dans un discours comme chez Nozick et Buchanan. Car ceux-ci procèdent à une réduction de la philoso­phie politique à un simple énoncé de normes et à une simple justification de ces normes énoncées. Et si l'on pose la question de Carl Schmitt aux partisans d'une philosophie politique similaire à celle de Nozick, quis judicabit?  Qui juge? Ou, plus exactement: qui énonce les normes? Il n'est pas difficile de répondre à cette question dans le contexte actuel: les media. Mais ceux-ci n'ont aucune légitimité démocratique. Comme l'énoncé des normes sociales et politiques est laissé à quelques “prêtres” médiatiques et médiatisés, et non plus à la communauté des hommes réels de chair et de sang, imbriqués dans les flux réels de la vie et de l'économie, nous assistons à un appauvrissement graduel et à une hyper-moralisation de la pensée politique. Le risque est alors celui du solipsisme permanent, du détachement par rapport au drame concret.

 

La critique de Charles Taylor

 

La critique de Taylor est également, au départ, une critique des positions de Nozick, en qui il voit la quintessence de l'atomisme social. Taylor avance deux arguments majeurs: 1. Premier argument: aucune tradition philosophique classique ne pose l'homme comme un individu isolé. Pour Aristote, l'homme est par nature un zoon politikon, qui ne jouit pas d'une pleine indépendance, qui n'est pas totalement détaché des autres hommes et n'est jamais auto-suffisant. Taylor réclame là le retour à un filon fécond, celui qui part d'Aristote, passe par Thomas d'Aquin pour aboutir au Romantique Adam Müller et à Othmar Spann. Dénominateur commun de ce filon, mis en exergue par Spann en son temps: aucune sociologie n'est possible avec la méthodologie individualiste; l'universalisme (selon Spann et non pas selon les tenants de l'individualisme et du libéralismes absolus qui sévissent à Paris depuis une quinzaine d'années) insère l'individu dans un ordre supérieur, qui est l'ordre naturel.

2. Deuxième argument: l'individualisme absolu conduit au paradoxe; l'individu peut effectivement dire: “j'ai des droits: pour les faire valoir, je dénie à mes concitoyens, à mes prochains, et même à mes descendants le droit d'exercer leurs droits si ceux-ci me contrarient; cependant, pour faire valoir les leurs, ils peuvent me dénier le droit d'exercer les miens”. D'où droits et devoirs doivent être mis sur le même pied. On ne peut pas, sans verser dans le paradoxe, définir les droits de l'homme sans dresser simultanément le catalogue de ses devoirs vis-à-vis de la communauté.

 

Ces deux arguments de Taylor conduisent à formuler une question fondamental, surtout à l'ère d'anomie que nous vivons: de quel degré de “communauté” la démocratie a-t-elle besoin? Taylor dresse une typologie:

 

1. Dans la démocratie économique, telle que nous la connaissons en Occident et telle qu'elle apparaît dans sa forme la plus pure aux Etats-Unis, la forme politique de la société est un instrument pour les individus, pour qu'ils atteignent leurs objectifs individuels, et non pas un instrument pour les communautés, pour qu'elles atteignent une harmonie optimale et garantissent une continuité. Dans cette démocratie économique et individualiste, le militantisme politique des citoyens est un facteur de dé­sordre parce qu'il crée des réflexes collectifs et communautaires non prévus par la rationalité libérale. Ensuite, la décision politique doit être entièrement abandonnée aux professionnels de la politique qui, eux, connaissent les règles et savent les ap­pliquer en dépit des vicissitudes d'un réel auquel ils ne se frottent plus. Question de Taylor: où est le vertu liante (Montesquieu) dans cette démocratie économique? Poser cette question revient à envisager et à espérer l'avènement d'une démocratie avec vertu liante. Taylor l'appelle la “communauté démocratique”.

 

2. Reconstruire la “communauté démocratique” passe par la réactivation d'un sentiment de solidarité, par une participation effective aux décisions politiques, par le respect mutuel entre les membres de la communauté, par une économie fonction­nante, équilibrée entre l'entreprise privée de grandes dimensions et les propriétés collectives (ce qui nous apparaît flou). La “communauté démocratique” n'est rien d'autre que le retour de la societas civilis, c'est-à-dire la forme concrète d'une société civile garantissant liberté et dignité.

 

3. La critique de la démocratie économique, la volonté de restaurer la vertu liante et la “communauté démocratique” (alias la societas civilis)  impliquent une critique de la liberté négative, cher aux maximalistes libéraux. Taylor fonde sa critique sur les définitions formulées par Sir Isaiah Berlin dans Two Concepts of Liberty.  Pour Berlin, la liberté négative refuse tous les freins extérieurs à ma liberté; les institutions doivent veiller à éliminer le maximum de ces freins. La liberté positive est une liberté qui ne se considère possible que dans un cadre collectif; celui-ci doit être respecté, posé comme intangible, comme un bloc d'idées incontestables forgeant en ultime instance le consensus général. Cette liberté positive est celle de la vieille Rome ré­publicaine, celle de Tocqueville, Jefferson et Machiavel (qui parlait de virtù dans un sens analogue à celui de “vertu liante”). Pour Berlin, la liberté positive est totalitaire. Seule la liberté négative est véritablement liberté. Taylor réfute cette option ultra-libérale, voire anarcho-libérale, d'Isaiah Berlin et travaille à revaloriser la liberté positive.

 

L'Irlandais Alasdair MacIntyre, qui enseigne aux Etats-Unis, estime, pour sa part, que la crise morale de notre temps a besoin d'un “remède aristotélicien”, c'est à dire à un retour à la notion non individualiste et purement politique de “zoon politikon”. MacIntyre distingue trois phases dans le déclin de la structure communautaire, trois phases de déperdition graduelle de la “vertu liante”: 1. On commence, par le truchement d'une sorte de “mauvaise conscience” qui émerge parce que le consensus s'étiole, par justifier les pratiques normatives de la société dans les contextes existentiels de la vie quotidienne et politique; Carl Schmitt estime qu'en cette phase, il n'y a pas encore détachement complet par rapport à la sphère vitale du peuple; 2. La phase d'Aufklärung proprement dite: le détachement d'avec la sphère vitale est consommé. Dans la civilisation occidentale, cette phase s'étend de Descartes à la Révolution Française; 3. Aujourd'hui nous vivons sous l'emprise d'un cynisme post-Lumières, à l'ère d'une raison purement instrumentale qui camoufle sa rationalité froide derrière un rideau d'“émotivisme”. MacIntyre plaide pour un retour à l'histoire, à la tradition, à un rattachement à la sphère vitale historico-traditionnelle. Sa maxime: pas de morale possible sans communauté.

 

Robert Bellah déploie une “logique du cœur”, ou plutôt une logique calquée sur les “habitudes du cœur”. Il propose, dans ce contexte, que les communautés encore existantes, ou les résidus de communauté appelés à les reconstituer éventuellement, soient protégées contre la “tyrannie du marché”. Cette proposition découle d'un constat: “L'idéologie économiciste, qui trans­forme les gens en facteurs de maximisation du marché, sape leur engagement [naturel et spontané] au sein de leur famille, de leur église, de leur communauté de voisinage, de leur école et même leur engagement envers les grandes sociétés et idées étatiques ou globales”. Aux Etats-Unis, la négligence des facteurs sociaux (communautaires et/ou collectifs) en faveur d'une maximisation du profit individuel a provoqué un effondrement très problématique de la socialité. La critique de Bellah prend en quelque sorte le relais de celle formulée dans les années 60 par David Riesman (La foule solitaire) et de celle formulée dans les années 80 par Christopher Lash (Le complexe de Narcisse) ou par Richard Sennett (The Fall of Public Man). Bellah lance un appel pour une nouvelle “religion civile”, difficile aux Etats-Unis.

 

Ben(jamin) Barber, dans le clan des communautariens, développe une conception plus activiste que contemplative héritée de son engagement dans les rangs de la “nouvelle gauche”. Le point fort de sa critique réside dans la distinction qu'il opère entre libéralisme et démocratie. Le libéralisme est à ses yeux anarchie, égoïsme et anomie. Il professe là le contraire de ce que professaient Nozick ou Berlin. La démocratie est d'autant plus forte qu'elle accroît la participation des citoyens à tous les ni­veaux de décision. Contre le libéralisme, il faut réactiver la citoyenneté. La dimension critique du travail de Barber consiste à dire que le libéralisme n'est qu'une “démocratie faible”, que le libéralisme est “newtonien” dans le sens où sa méthodologie sociale est celle du simplisme géométrique. Il reproche ensuite au libéralisme d'être “cartésien”, c'est-à-dire purement “déductif”, on est un citoyen exemplaire, un bon citoyen, un citoyen “politiquement correct” que si l'on adhère à quelques véri­tés abstraites, si l'on professe les “bonnes” idées. L'hyper-normativisme libéral révèle sa différence fondamentale d'avec le communautarisme, pour qui on est citoyen d'un Etat qui a une histoire particulière, complexe, non réduisible à quelques schémas simplistes, et qui a déployé dans le temps des valeurs spécifiques.

 

Le libéralisme postule un homme dépolitisé, ce qui est une aberration. Barber réclame donc le retour à la Polis antique. Car le libéralisme, “démocratie faible”, génère des pathologies telles l'atomisation des agrégats humains, le chaos et la dictature, la passivité des hommes contraints de subir. Mais à quoi ressemblerait une “démocratie forte”, selon Barber? Elle ne ressem­blerait pas nécessairement à la démocratie représentative qui prétend être le seul modèle de démocratie acceptable. Pour Barber, la démocratie forte serait en quelque sorte une “assemblées de voisins” comprenant au total 5000 citoyens, liés entre eux par une “coopérative de communication”, rendue possible grâce aux progrès en matières de télécommunications. La dé­cision populaire se ferait connaître par le biais de questionnaires à choix multiples et scrutins à deux tours. Barber préconise également le vote électronique, le tirage au sort comme dans la Rome antique et le service civil généralisé. Cette vision bar­bérienne de la “démocratie forte” nous semble fort constructiviste, typiquement américaine dans son novisme, sans trop de racines dans des modèles antiques.

 

Martha Nussbaum entend réintroduire les notions de citoyen, de Polis et de communauté, telles que les concevait Aristote, dans le discours des gauches, chez les démocrates américains, dans les sociales-démocraties européennes. Martha Nussbaum énumère les éléments de ce nouvel “aristotélisme social-démocrate”

 

- sur le plan anthropologique, les porteurs de cet aristotélisme social-démocrate doivent être conscients de la mort et de la fini­tude humaine, car c'est la condition essentiel pour tempérer les ardeurs des zélotes et des messianistes; - il faut opérer un retour à la corporéité, car le corps postule des limites; le rôle de la douleur est d'être une sorte de garde-fou contre des maximalismes ignorant les résistances de la matérialité ou de la physique; - il faut penser la politique toute en réfléchissant en permanence sur les capacités cognitives réelles de l'homme; - il faut mettre l'accent sur la raison pratique plutôt que sur la raison pure; - il fait avoir conscience de l'existence d'autres formes vivantes (animales et végétales) car la nature est notre cadre global, auquel on ne peut pas attenter sans risques;

- il faut rendre à l'humour et au jeu toute leur place car ils sont des facteurs de revitalisation du discours politique.

 

Martha Nussbaum est indubitablement la sociologue “communautarienne” américaine qui a produit la réflexion la plus intense sur les implications de la conditio humana, de la finitude et de la déréliction. Elle nous enseigne une humilité, non pas une humilité masochiste mais une humilité faite d'émerveillement, non de haine de soi, c'est une humilité devant tout ce qui nous dépasse dans le temps et dans l'espace. Son idéal est de développer nos capacités à vivre en harmonie dans nos limites, notre cadre de vie qui implique forcément des contraintes. Martha Nussbaum n'est pas que sociologue, elle est aussi philo­logue classique et souhaite dès lors ramener la gauche américaine et européenne dans le giron intellectuel de la pensée clas­sique, l'expurger de ses dérapages hyper-décontextualisants, hérités d'une proximité idéologique avec le libéralisme sociale­ment atomisant.

 

Michael Walzer critique l'individualisme atomistique, propre de la société libérale, en tant que fruit de quatre formes de mobi­lité, ou de flux diraient Carl Schmitt ou Gilles Deleuze:

 

1. La mobilité géographique des citoyens: les déménagements fréquents (plus fréquents aux Etats-Unis qu'en Europe) engen­drent un néo-nomadisme. 2. La mobilité sociale implique qu'il n'y a pas de transmission de savoir-faire entre les générations. 3. La mobilité matrimoniale est générée par le nombre impressionnant de divorces.

4. La mobilité politique implque qu'il est de plus en plus difficile de fixer dans la société des loyautés politiques.

 

Outre ce repérage des mobilités dissolvantes de nos sociétés, Michael Walzer théorise ce qu'il appelle l'“art des séparations”. La modernité rejette toutes les séparations au nom de la transparence, tout comme elle manifeste la volonté d'abolir les fron­tières, les cultures, les langues minoritaires. Certes, la civilisation occidentale est marquée par une “séparation” importante, la séparation entre l'Eglise et l'Etat. Mais outre cette grande séparation, la modernité tente de supprimer toutes les autres formes de séparation. Pourtant, constate Walzer, les murs sont utiles pour la socialité: c'est à l'abri de “murs” que l'on déve­loppe des libertés particulières, des libertés spécifiques, qui sont, en fin de compte, les seules libertés réelles et concrètes. Marx est un moderne qui a rejetté les “murs”, les séparations. Ce rejet des séparations est très net dans La question juive, où les Juifs sont sommés de se fondre dans les processus de transformation modernes sans plus revendiquer aucune identité. Pour Marx, l'unité/uniformité du monde capitaliste doit engendrer l'unité/uniformité du monde socialiste. L'unité/uniformité, phénomène d'arasement propre au monde capitaliste, n'est pas un scandale aux yeux de Marx, mais, au contraire, une condi­tion première dans l'avènement d'une unité du monde post-capitaliste, c'est-à-dire, pour lui, du monde socialiste.

 

Pour Walzer, il s'agit de prendre sur cette question le contre-pied absolu de Marx: la liberté, dit-il au contraire de l'auteur de La question juive et du Capital, ne peut s'épanouir qu'à l'abri des “séparations”. Il faut de ce fait réapprendre à pratiquer l'“art des séparations” et permettre, de ce fait, à la liberté de s'épanouir de mille et une façons dans des espaces spatio-temporels limi­tés et bien circonscrits. Mieux: c'est, derrière des murs érigés comme protections, que les peuples pourront faire éclore des “sphères de justice”, au sens où l'entendait aussi Rawls. Liberté et justice ne sont possibles qu'à l'abri de “séparations”.

 

Les thèses de Walzer, Nussbaum, Bellah, Sandel, Barber, MacIntyre, etc., constituent l'actuel débat américain sur le commu­nautarisme. Ce débat répond à un besoin urgent de la société contemporaine. La nostalgie de la communauté n'est donc plus une nostalgie anachronique, une coquetterie pour archaïsants, une réminiscence de la “révolution conservatrice”, du Wandervogel ou des slavophiles. Mais peut-on, dans notre chef, clore ce débat sur la notion de communauté ou sur le néo-communautarisme américain, sans mentionner la discussion fructueuse patiemment construite avant-guerre par deux huma­nistes: Wilhelm Hauer et Martin Buber. S'il l'on médite intensément leurs conversations, il est impossible de répéter les ma­nichéismes issus de la seconde guerre mondiale ou plutôt de faire sien les interprétation schématiques que l'on a élaboré à fins de propagande après 1945. Hauer était pasteur, indologue, missionnaire protestant, officier SS. Buber était un philosophe juif, un sioniste pacifique et communautarien. Hauer et Buber ont participé avant 1939 et après 1945, sans jamais rompre leur amitié en dépit de l'effondrement de la symbiose judéo-allemande, à des débats, des colloques, des discussions dont l'objet premier était Die Gemeinde, la communauté charnelle, religieuse et de prière, la communauté aussi au sens de paroisse et de commune, de village, de grande famille. Hauer et Buber voulaient tous deux préserver les communautés, en laissant à chaque personne (chaque personne qui joue un “rôle”) un espace de liberté pour dialoguer avec Dieu, pour philosopher, réfléchir ou méditer. Si ce travail de préservation ne peut plus être presté par une communauté charnelle, naturelle ou traditionnelle, il doit être l'œuvre du Bund (de la Ligue). C'est la raison pour laquelle, au sein du mouvement de jeunesse allemand des années 20, Hauer crée le Köngener Bund, initiative inscrite dans la tradition des Wandervögel, mais flanquée d'un cercle de prospective philosophique où des personnalités d'opinions différentes, voire en apparence hostiles, débattraient de cette question de la communauté. A la tribune du Köngener Bund se sont ainsi succédé communistes, nationaux-socialistes, juifs sionistes ou non, sociaux-démocrates et catholiques. Le Köngener Bund était une communauté allemande de combat philosophique, qui propo­sait aux gouvernants des solutions aux blessures de la modernité et à l'atomisation et l'anomie en progression constante. Le Köngener Bund était animé par une volonté didactique.

 

La tâche du Bund était de réceptionner les idées, de les synthétiser, de les rendre accessibles, de les diffuser au sein du peuple. A ce stade, il faut envisager, évidemment, de créer des institutions susceptibles de fonctionner correctement. Si elles fonctionnent bien, elles sont des exemples et, à ce titre, elles sont un don offert au monde entier, elles ont une valeur univer­selle, elles sont des modèles et, en tant que tels, adaptables à d'autres contextes humains. Les institutions optimales vont en­suite étendre leurs bienfaits à des fédérations de peuples, des empires (Reiche), des grands espaces, et, enfin, sans doute à très long terme, au monde. Dans le monde européen, le Bund doit nécessairement recourir aux religiosités pré-chrétiennes (Hauer, indologue, retrouve des traces de la “communauté” de type indo-européen dans tout le monde indo-européen).

 

Martin Buber dans son Principe dialogique  (1962) émet quelques réflexions sur la “communauté” qu'il a certainement parta­gées avec Hauer. Dans la formulation de Buber, nous percevons une critique radicale du politisme qui se manifeste au sein des partis. Le parti politique est une machine de combat où le seul résidu de communauté toléré est la camaraderie. Mais souvent, en dehors du drill, de la parade, les partisans sont réduits au silence. Il n'y a pourtant communauté que là où l'on s'interroge fondamentalement sur le sens du monde et la vie. C'est justement là que le mouvement de jeunesse s'avère supé­rieur au parti politique, car on y perçoit une volonté constante d'incarner des valeurs dans le vécu. Le mouvement de jeunesse postule un engagement total et serein de la personne; dans le parti, qu'il soit totalitaire ou démocratique, on isole les partisans des non-partisans, on détache les hommes des flux réels et intimes de la vie, on se coupe de tout engagement réel et fonda­mental, on devient rouage d'une machine. On entre dans la monologique et non plus dans la dialogique. Buber nous dit: «Zwiegespräch und Selbstgespräch schweigen. Ohne Du, aber auch ohne Ich marschieren die Gebündelten, die von links, die das Gedächtnis abschaffen wollen, und die von rechts, die es regulieren wollen, feindlich getrennte Scharen, in den gemein­samen Abgrund» (Dialogue et monologue intérieur disparaissent. Sans Tu, mais aussi sans Je, ils marchent au pas les enré­gimentés, ceux de gauche, qui veulent abolir la mémoire, et ceux de droite, qui veulent la réguler; troupes opposées, enne­mies, elles marchent vers l'abîme commun).

 

Tout mouvement cherchant réellement à révolutionner la modernité et à restaurer la communauté, abîmée ou éradiquée par l'anomie moderne, doit se doter d'un atelier de prospective philosophique, d'un espace de débat: telle est la leçon commune des deux amis Hauer et Buber. Nous l'avons retenue. Et nous tâcherons de marcher dans leurs pas.

 

Robert STEUCKERS.