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mercredi, 22 avril 2015

Guerre de l’information : la fréquentation des sites Internet des médias subventionnés s’effondre

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Guerre de l’information : la fréquentation des sites Internet des médias subventionnés s’effondre

Auteur : Guillaume Borel
Ex: http://zejournal.mobi

Il s’agit peut-être du deuxième effet kisskool de l’avalanche de propagande médiatique post #jesuischarlie. Les attaques répétées, aussi bien du gouvernement que de ses relais médiatiques subventionnés, contre les sites d’information alternatifs et la « complosphère », ont-elles créées une prise de conscience des citoyens concernant la propagande d’état à l’oeuvre dans les médias subventionnés ?  La chute de fréquentation des principaux médias mainstream recensée par le site Info contre Info est en tout cas vertigineuse.

A titre d’exemple, le site du Monde.fr a perdu plus de 10 millions de lecteurs mensuels entre novembre 2014 et janvier 2015, le Figaro et l’Express.fr  plus de 2 millions, ainsi que le site du journal Libération.

Dans le même temps, les deux plus importants médias d’information alternatifs en terme de fréquentation, le site d’Alain Soral Egalité et Réconciliation, et celui de l’humoriste Dieudonné Quenelplus, ont vu leur fréquentation exploser, et on peut supposer qu’il en va de même pour les autres  médias de « contre-information », indépendamment de leurs orientations politiques.

On comprend mieux, dans ce contexte de grand effondrement de la presse traditionnelle, l’acharnement du système politico-médiatique contre le système d’information parallèle diffusé via Internet. Plusieurs médias, dont l’hebdomadaire l’Express ou encore Marianne, se sont ainsi fait le relais du pouvoir politique en dressant des listes de sites Internet jugés « complotistes » ou « conspirationnistes » et accusés de promouvoir l’antisémitisme, comme il ressort des conclusions du rapport commandé par la fondation Jean-Jaurès au théoricien du complotisme Rudy Reichstadt. Le président François Hollande a personnellement annoncé lors des commémorations de la libération d’Auschwitz, un vaste plan de lutte contre le racisme qui articule des volets répressifs, éducatifs, et de régulation des contenus diffusés sur Internet en ciblant plus particulièrement les « thèses complotistes [qui] prennent leur diffusion par internet et les réseaux sociaux ».

A cet effet, la nouvelle loi de programmation militaire adoptée en novembre 2014, permet la censure administrative, à la demande des services de renseignement français, de tout site Internet répertorié comme faisant l’apologie du terrorisme. Elle a été mise en application pour la première fois au début de l’année 2015, entrainant le « blocage administratif » de cinq sites par les fournisseurs d’accès hexagonaux. Cependant, cette première décision a soulevé un premier cas problématique quant à  l’évaluation de l’apologie du terrorisme par les services du ministère de l’intérieur. Un des cinq sites bloqués, Islamic-News.info, se définit comme un média d’information opposé au régime du président syrien Bachar-al-Assad et qui a pris comme ligne éditoriale la dénonciation des atrocités commises par la coalition chiite opposée à l’état islamique. Le responsable du site, dans un courrier publié par Numerama, a ainsi dénoncé un acte de censure politique. On voit donc bien ici toutes les dérives que peut entrainer un tel outil répressif, notamment dans le cadre du conflit israélo-palestinien ou ukrainien, où la résistance palestinienne et novorusse est considérée par l’appareil médiatico-politique occidental comme relevant du terrorisme.

L’arsenal législatif déployé par le gouvernement vise ainsi un encadrement et une surveillance renforcée des comportements et des expressions déviants à la ligne et à la narrative officielle. Les condamnations en série ayant suivi les attentats contre le journal Charlie Hebdo ont en effet montré que l’arsenal législatif « anti-terroriste » avait pris pour cible en priorité les citoyens français qui ne se « sentaient pas Charlie ». Il faut rappeler que des déficients mentaux,  ou encore des personnes en état d’ébriété avancée, ont en effet été condamnés à des peines de prison ferme pour « apologie du terrorisme » dans les mois ayant suivit les attaques terroristes à Paris.

Malgré des aides à la presse pharaoniques de près de 400 millions d’euros en 2013, les médias subventionnés semblent cependant avoir perdu la bataille de l’information dans le contexte de la nouvelle guerre froide avec la Russie. La faute à une mise en scène bien trop orientée, partiale, voir tout simplement grotesque, de moins en moins susceptible de tromper les lecteurs qui ont aujourd’hui accès aux contre narratives et analyses diffusées aussi bien par les médias alternatifs et citoyens que par les médias internationaux « non alignés », comme Sputniknews ou Russia Today.  Le résultat de cette pluralité de l’information a été une perte de crédibilité probablement irréversible de la presse subventionnée pour une partie de son lectorat, particulièrement en ce qui concerne les sujets touchants à la politique internationale, dont le conflit ukrainien a servit de révélateur.

L’OTAN a récemment pris conscience des dégâts que cette perte de crédibilité avait occasionnée  à son système narratif en mettant en place un contre système de propagande au niveau européen, sous la supervision de la chef de la diplomatie de l’UE Federica Mogherini. Il est notamment prévu de relancer des grands médias en langue russe à destination des populations russophones, du type de ceux opérés durant la guerre froide, comme Voice of America ou Radio Free Europe, mais également de mettre en commun les compétences à l’échelle des grands quotidiens nationaux au sein d’une plate-forme commune de mutualisation des contenus dénommée Leading European Newspaper Alliance, et qui comprend pour l’instant Le Figaro, La Republica pour l’Italie, El Pais pour l’Espagne, Le Soir pour la Belgique, La Tribune de Genève et Tages-Anzeiger pour la Suisse.

Cette uniformisation et ce formatage des contenus à l’échelle européenne s’accompagnera cependant d’un rejet encore plus massif de la part des citoyens de l’UE,  et d’un détournement vers les médias dits alternatifs. La réponse du pouvoir politique à sa perte d’influence croissante ne pourra alors être que plus radicale et répressive. Les régimes politiques basés sur le mensonge et la collusion n’ont en effet pas d’autre moyen de maintenir leur narration officielle et d’imposer leur vision idéologique déformée de la réalité que la coercition, c’est à dire la censure et la criminalisation des narrations et des opinions divergentes. Toute émancipation des citoyens dans la guerre de l’information qui se livre aujourd’hui se fera donc probablement au prix de nouvelles censures à venir…


- Source : Guillaume Borel

Quatre livres concernant l’Ukraine, la Russie et l’Occident

Il est urgent d’éclairer les esprits!

Quatre livres concernant l’Ukraine, la Russie et l’Occident

par Karl Müller

Ex: http://www.horizons-et-debats.ch

Ce ne sont pas seulement quelques sites Internet et des petits éditeurs alternatifs mais également un certain nombre de maisons d’éditions qui se sont décidées de fournir des informations critiques complémentaires aux contributions usuelles des médias sur l’Ukraine, la Russie et l’Occident. Nous présentons brièvement quatre d’entre eux, en en conseillant la lecture, car il ne suffit pas de les recommander. Malheureusement, il n’y a pour le moment pas de traductions françaises sur le marché.

Krone-Schmalz: comprendre la Russie

Ce livre, paru il y a quelques semaines, ayant rencontré un important écho, est le premier à recommander. «Comprendre la Russie. La lutte concernant l’Ukraine et l’arrogance de l’Ouest» est l’unique livre à avoir été publié par une maison d’édition allemande importante. L’auteure est Gabriele Krone-Schmalz, ancienne correspondante allemande bien connue, de la première chaîne de télévision allemande ARD. Actuellement, elle est professeure de TV et de journalisme et membre du comité directeur du Dialogue de Saint-Pétersbourg. Son nouveau livre occupe la deuxième place de la liste des meilleures ventes de la revue Der Spiegel.
Mme Krone-Schmalz, journaliste corps et âme, est sidérée par la façon dont les médias allemands informent sur la Russie. L’obligation de diligence et les principes de l’éthique journalistiques sont violés de manière fondamentale. Mme Krone-Schmalz le démontre par de nombreux exemples, pas seulement depuis la crise ukrainienne, et confirme ce que le Conseil consultatif de l’ARD lui-même, avait constaté en été 2014: «A la suite de ses observations, les reportages de la première chaîne de télévision concernant la crise en Ukraine donnaient l’impression, du moins partiellement, de parti pris s’orientant essentiellement contre la Russie et les prises de positions de ce pays. […] Des constats fondamentaux pour comprendre les tenants et les aboutissants du développement de cette crise n’apparaissaient pas dans les reportages ou n’étaient qu’à peine évoqués.»
Mais le livre «Comprendre la Russie» est beaucoup plus qu’un débat sur la façon des médias occidentaux de traiter le sujet. C’est même plus que les excellents conseils donnés à la fin du livre pour illustrer ce que pourrait être un véritable reportage. Le livre respecte son titre en tentant de faire comprendre la position russe au lecteur de langue allemande. Et réfléchir à une phrase comme celle tirée de l’avant-dernier chapitre, est vraiment judicieux: «Si l’on avait pris au sérieux à temps les intérêts russes et si l’on avait choisi une attitude coopérative plutôt qu’agressive, il n’y aurait pas eu de morts et de blessés, de personnes traumatisées, ruinées et en fuite.»
Dans les chapitres «L’Ukraine, la Russie et l’Occident» ainsi que «Le combat pour l’Ukraine», elle rappelle soigneusement les faits ayant mené le pays depuis 1991 à la situation actuelle.

Espoirs déçus – chances manquées

Les chapitres «Espoirs déçus – chances manquées» et «L’idée de la paix» sont particulièrement marquants. Mme Krone-Schmalz met en relief les réussites de la direction du pays au temps de l’Union soviétique dans la deuxième moitié des années 80 en précisant que «Ce fut une réussite particulière de mener l’Union soviétique à l’effondrement sans faire couler la moindre goutte de sang. Mais au lieu de soutenir ce processus, on renvoya cette partie du monde vers le néant.» La Russie n’obtint «aucune chance de repartir avec quelque succès et se trouva en butte aux feux croisés de la ‹communauté internationale› qui voulait à tout prix imposer ses règles à cette partie du monde.»
Mme Krone-Schmalz rappelle une fois de plus la confiance initiale de la Russie envers l’Occident, après 1991 et combien cette confiance fut bafouée, transformée en humiliation et pillage du pays, en lui refusant toute égalité politique et économique, réduisant ainsi la confiance à néant: «Les gens devaient affronter un capitalisme sauvage et non pas bénéficier de l’économie sociale de marché qui aurait permis un passage en douceur. […] La situation avait pris un caractère pervers du fait qu’on n’osait pas introduire des mesures de protection sociale en Russie, de crainte que l’Occident n’y voie une renaissance du socialisme ou du communisme et se retire entièrement.»

Poutine a cherché la collaboration avec l’Occident mais n’a pas été pris au sérieux

Lorsque Vladimir Poutine fut nommé président du pays, son objectif était de remettre le pays sur pied, et cela en collaboration avec l’Occident. Mais toutes ses propositions pour une collaboration plus intense et plus étroite furent ignorées: «Poutine fut un des premiers à parler d’un monde multipolaire et d’un ‹Espace commun de sécurité› de Vladivostok à Vancouver. Mais ni l’une ni l’autre de ces propositions ne fut retenue, ce qui lui aurait donné l’impression d’être entendu.» Finalement: «La longue série de refus occidentaux et d’ignorance parfaite des intérêts russes est comprise du côté russe de la manière suivante: l’OTAN bombarde la Yougoslavie, donc la Serbie, à la fin des années 90, bien que la Russie ait protesté là-contre au Conseil de sécurité; les Etats-Unis et la Grande-Bretagne lancent une offensive contre l’Irak en 2003 sur la base de preuves falsifiées; en 2011, l’Occident abuse d’une résolution de l’ONU destinée à la protection des populations, pour faire tomber Kadhafi. En Syrie, on soutient des bandes de rebelles peu crédibles en leur fournissant des armes pour se débarrasser du régime d’Assad. A chaque fois que le ‹coup d’Etat› sous l’intitulé ‹démocratisation› réussit, la Russie est éliminée de tous les anciens accords et le plus souvent les nations industrielles occidentales, notamment les Etats-Unis, s’approprient les affaires les plus lucratives.»

«C’est pourquoi il n’y a qu’une solution: la paix» – et qu’a fait l’OTAN?

Dans le chapitre «L’idée de la paix», l’auteure décrit de manière émouvante la mentalité de la population, telle qu’elle l’a connue à la fin des années 80 lors qu’elle travaillait en Russie. En premier lieu sa volonté de paix: «Sans la paix rien n’a de la valeur, exprima une étudiante en économie de 22 ans. […] Pour une retraitée de 64 ans seule comptait la volonté commune de paix de ‹notre Michail Sergejevitch [Gorbatchev] et le président des Etats-Unis›. Elle déclara: ‹La jeunesse ne peut pas s’imaginer ce que nous avons souffert pendant la guerre. J’ai été horriblement maltraitée, mais je m’en suis sortie. C’est pourquoi, il n’y a qu’une solution: la paix.›»
Peu après la fin de la guerre froide, il y a eu des tentatives d’aller à l’encontre des vœux de paix des populations, en concluant des accords. Mais ces derniers restèrent lettre morte du fait de la volonté d’étendre l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie. «C’est ainsi que l’Occident se conduisit comme le vainqueur de la guerre froide, s’imaginant pouvoir ignorer les intérêts de la Russie.» Mme Krone-Schmalz cite d’un discours qu’elle a présenté en 1998: «Nous avons donc survécu avec peine à la guerre froide, sans toutefois nous en débarrasser, et voilà qu’on prépare déjà une nouvelle mouture, avec des frontières légèrement modifiées. Tout en comprenant parfaitement le désir de sécurité des Polonais, mais aussi des Lituaniens, et d’autres – c’est un très mauvais signal que de vouloir intégrer ces pays dans l’OTAN. Rien que d’en parler a déjà causé un tort incommensurable.»
Mme Krone-Schmalz rappelle aussi le «péché originel»: «La guerre du Kosovo a eu une importance énorme en ce qui concerne la relation de la Russie avec l’Occident. La Russie a dû vivre le fait que le Conseil de sécurité de l’ONU a été totalement ignoré et que personne ne s’en est ému dans la communauté des Etats occidentaux.» En ce qui concerne la guerre en Géorgie de 2008, l’auteure fait appel à une citation personnelle: «En tant qu’observateur politique, on ne peut s’étonner qu’il y ait eu une guerre en Géorgie, mais en raison du fait que la Russie ait toléré si longtemps les provocations et les humiliations occidentales sans réagir.»
«Comprendre la Russie» est destiné avant tout au public allemand. Dans le texte de la jaquette, on peut lire que «Les ressentiments antirusses ont une longue tradition en Allemagne et ont été renforcés par deux guerres mondiales. On le remarque aussi dans la crise ukrainienne. En fait, il ne s’agit pas seulement de la relation entre la Russie, l’Occident et l’Ukraine, comme le prétend la presse, mais de l’histoire depuis la fin de la guerre froide. Il est de toute première importance pour l’UE d’avoir la Russie comme partenaire. Dans la mesure où on s’en passerait, l’Europe risque d’être écrasée dans les conflits de pouvoir opposant les grandes puissances futures.»

Engdahl: Guerre en Ukraine

Le titre du deuxième livre est «Guerre en Ukraine. La chronique d’une catastrophe planifiée». Il est paru en novembre 2014, rédigé par F. William Engdahl, un Américain vivant en Allemagne ayant écrit de nombreux livres. Deux de ses livres ont paru en français: «Pétrole, une guerre d’un siècle: l’ordre mondial anglo-américain» (2007) et «OGM semences de destruction: l’arme de la faim» (2008). On trouve également une série de ses textes sur le site Internet www.williamengdahl.com. Son nouveau livre n’a pas été écrit d’un trait, mais comporte une collection d’articles de l’auteur, écrits entre le 1er octobre 2013 et le 11 septembre 2014. Les titres décrivant bien les contenus sont par exemple:
•    L’Ukraine se sabote elle-même par l’accord de libre-échange avec l’UE (1/10/13)
•    Les protestations en Ukraine sont-elles une répétition de la révolution colorée américaine? (10/12/13)
•    Ingérence effrontée du ministère des Affaires étrangères des Etats-Unis dans les affrontements en Ukraine (20/1/14)
•    Les Etats-Unis renforcent leurs folles installations de missiles contre la Russie (19/2/14)
•    Violation de l’Ukraine: la phase 2 débute (2/3/14)
•    Il est prouvé que l’OTAN engage des tireurs d’élite du groupe Bandera (9/3/14)
•    L’Ukraine nomme comme gouverneurs et ministres des criminels et des oligarques (11/3/14)
A noter que ces analyses ont toutes été publiées avant le référendum lancé sur la presqu’île de la Crimée – il ne s’agit pas de justification après coup.
Les articles suivants approfondissent les informations:
•    L’engagement de francs-tireurs (snipers) est une stratégie courante dans les changements de régimes politiques fomentés par l’OTAN (24/3/14)
•    Le nouveau gouvernement ukrainien engage des mercenaires américains, pour permettre de contrôler l’Ukraine orientale (31/3/14)
ou encore
•    Le coup d’Etat en Ukraine rapproche la Russie de la Chine (5/6/14)
•    La Russie et la Chine en marche pour se débarrasser du système du dollar (10/6/14)
ou bien
•    Les néonazis du Secteur droit ukrainien répandent «officiellement» la terreur dans l’Est du pays (11/6/14)
•    La nouvelle stratégie de Washington: l’exportation des guerres (12/6/14)
ou encore
•    L’UE et le FMI pillent l’agriculture ukrainienne (9/8/14)

Aspects géostratégiques

Les textes de F. William Engdahl ne sont pas de purs commentaires politiques, mais sont toujours fondés sur des sources précises. Comme beaucoup d’autres, Engdahl rappelle aussi le point de départ géostratégique de ce qui s’est déroulé – à cause de la Russie – pratiquement depuis 1991 (et même avant la fin de l’Union soviétique) dans et avec l’Ukraine. Ce que l’ancien conseiller de sécurité du président américain Zbigniev Brzezinski avait décrit sans ambages dans son livre «Le grand échiquier. L’Amérique et le reste du monde» (paru en anglais et en français en 1997) dans l’esprit de la suprématie incontestée des Etats-Unis, paradigme prédominant à l’époque: «L’indépendance de l’Ukraine modifie la nature même de l’Etat russe. Par ce seul fait, cette nouvelle case importante sur l’échiquier eurasien devient un pivot géopolitique. Sans l’Ukraine, la Russie cesse d’être un empire en Eurasie» (p. 74)

La théorie du Heartland de Mackinder

Pendant des siècles, l’Angleterre avait mené sur le continent européen une politique connue comme l’«équilibre des pouvoirs» («Balance of Power»). Elle avait pour objectif de limiter à chaque fois le pouvoir du plus fort du moment ou de l’alliance la plus forte par des alliances avec le second pouvoir de manière à ce qu’aucun Etat sur le continent ne puisse conquérir la prédominance. Par la création de l’Empire allemand et la montée rapide de l’Allemagne impériale alliée avec les Habsbourg pour devenir une grande puissance scientifique et économique, au milieu du XIXe siècle, la situation sur le continent avait changé qualitativement du point de vue des Anglais. La puissance mondiale jusque-là incontestée et maîtresse de toutes les mers du monde dut réaliser que sa domination pouvait être défiée. Halford Mackinder, géographe anglais, politicien, co-initiateur de la London School of Economics, plus tard fondateur du Royal Institute of International Affairs («Chatham House») et conseiller important de la délégation anglaise lors de la Conférence de paix de Paris (1919–1920), a répondu à cette situation par le texte stratégique intitulé «The Geographical Pivot of History» [Le pivot géographique de l’histoire], publié pour la première fois en 1904 dans le «Geographical Journal» à Londres. Dans son livre paru lors de la Conférence de Paris «Democratic Ideals and Reality», il approfondit les réflexions géopolitiques de cet essai qui furent nommée la «théorie du Heartland». […] Mackinder lui-même, a résumé sa théorie en trois courtes phrases:
•    «Qui contrôle l’Europe de l’Est contrôle l’Heartland [Pivot Area];
•    Qui contrôle l’Heartland contrôle l’Ile Monde [Eurasie];
•    Qui contrôle l’Ile Monde contrôle le Monde.»
Dans sa théorie, il partit de l’idée que les terres eurasiennes et africaines avaient la plus grande partie des populations du monde et bénéficiaient des plus grandes réserves de matières premières.

Extrait de: Jochen Scholz: Worum es geht. Die Ukraine-Krise und die geopolitische Konstante auf dem eurasischen Kontinent; in: Ronald Thoden, Sabine Schiffer (Ed.): Ukraine im Visier. Russlands Nachbar als Zielscheibe geostrategischer Interessen,
 ?2014, pp. 89–107

Thoden et Schiffer: l’Ukraine dans le collimateur

Un troisième livre mérite d’être recommandé dans ces colonnes, édité par Ronald Thoden, propriétaire de la maison d’éditions «Selbrund-Verlag» et Sabine Schiffer, directrice de l’«Institut für Medienverantwortung» [Institut pour la responsabilité médiatique]. S’agissant d’un recueil de contributions de divers auteurs, le livre est intitulé «Ukraine im Visier. Russlands Nachbar als Zielscheibe geostrategischer Interessen» [L’Ukraine dans le collimateur. Le voisin de la Russie, cible d’intérêts géostratégiques]. Dans ce livre, paru fin 2014, on trouve plusieurs bonnes contributions pour mieux comprendre ce qui se passe en Ukraine et aux alentours et pour mieux analyser, d’un œil critique, les informations médiatiques qui nous sont régulièrement présentées. Notamment les quatre contributions à la fin du recueil, rédigées dans une attitude critique envers les médias, prouvent le manque de sérieux des informations venant de nos médias occidentaux et fournissent de précieuses indications pour pouvoir approfondir le sujet.
Dans la première partie du recueil, Reinhard Lauterbach rappelle l’histoire du nationalisme ukrainien qui n’a pas rechigné de s’allier au national-socialisme allemand et dont les forces directrices ont été, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, des «alliés» bien accueillis des services secrets américains.
Hannes Hofbauer y figure avec deux contributions. La première, consacrée à la «Révolution orange» de 2004, décrit en détail les forces issues des Etats-Unis ayant dirigé ce premier coup d’Etat. Quant à la deuxième contribution, elle contient pour la plupart des lecteurs et lectrices de langue allemande de nouvelles informations sur la pauvreté et les disparités sociales prévalant en Ukraine. Hannes Hofbauer y démontre que l’Ukraine, après 1991, devint un des Etats économiquement les plus faibles de tous les Etats issus des anciennes républiques soviétiques européennes et que le programme du FMI ne fit qu’empirer la situation. Il illustre la folie qu’a représenté le fait d’exiger du pays à devoir se décider entre l’UE et la Russie et ce qui attend les Ukrainiens suite à l’acceptation par «leur» gouvernement des conditions du FMI en échange des crédits concédés. Selon l’auteur, le gouvernement intérimaire a déclaré au printemps 2014 dans une lettre au FMI, «vouloir laisser saigner la population en échange du crédit de 17 milliards de dollars», dont il avait un urgent besoin. Et l’auteur de continuer: «En même temps, on promet, au plus haut niveau, de tout faire pour que les salaires n’augmentent pas au cours des 12 mois à venir. Le salaire minimum, correspondant à 74 euros au printemps 2014, et les salaires fixés par les contrats tarifaires, gelés au niveau du 1er janvier 2014, garantissent un tiers de la totalité des économies budgétaires planifiées. La coalition gouvernementale veut se procurer 25% supplémentaires par la ‹rationalisation des dépenses sociales›. Au niveau des revenus, les nouveaux dirigeants à Kiev ont promis au FMI d’abandonner la subvention du prix du gaz pour les consommateurs et de l’augmenter de 56% à partir du 1er mai 2014, ce qui a été accompli à terme. A partir du 1er mai 2015, le prix du gaz augmentera encore une fois de 40%.»

La théorie du «Heartland» de Mackinder toujours en cours?

Kurt Gritsch rappelle les conséquences fatales de l’élargissement de l’OTAN vers l’Est et le lien entre la confrontation croissante de l’OTAN avec la Russie. Il illustre ses analyses par une carte montrant les nombreuses bases militaires américaines entourant la Russie, en la commentant ironiquement dans la légende: «Russia wants war. Look how close they put their country to our military bases» [«La Russie veut la guerre. Regardez à quel point ils ont rapproché leurs frontières de nos bases militaires!»]
La contribution de Jochen Scholz est excellente. Il explique les événements touchant l’Ukraine en relation avec un siècle de géostratégie anglo-américaine, tout en complétant ses explications par des réflexions historiques et politiques au niveau mondial. Il parle des aspirations hégémoniques des forces maritimes anglo-américaines, basées sur une théorie formulée par Halford John Mackinder au début du XXe siècle étant toujours actuelle. Celle-ci prône que pour accéder à l’hégémonie mondiale, il est nécessaire de dominer le continent eurasien en y empêchant par tous les moyens le développement de liens étroits, par exemple, entre l’Allemagne et la Russie (cf. encadré).
Le rapport que l’auteur établit avec le TTIP est également intéressant: «L’accord de libre-échange entre l’EU et les Etats-Unis (TTIP), négocié actuellement, sert en premier lieu à couper court aux tendances centrifuges dans l’alliance actuelle, à rattacher plus étroitement l’Allemagne et l’UE aux Etats-Unis, à empêcher la formation d’espace économique commun s’étendant de Lisbonne à Vladivostok et à instrumentaliser l’UE pour les intérêts nationaux des Etats-Unis.»
La déclaration commune des présidents de la France, de l’Ukraine, de la Russie ainsi que de la chancelière allemande du 12 février 2015 à l’occasion de Minsk II a précisément porté sur ce point en affirmant la «vision d’un espace humanitaire et économique commun allant de l’Atlantique au Pacifique». Jochen Scholz a rédigé sa contribution avant Minsk II. En la lisant, on comprend cependant mieux pourquoi certaines personnes aux Etats-Unis ne veulent pas que les décisions de Minsk II soient mises en vigueur en faisant tout leur possible pour que le conflit continue à dégénérer – par exemple suite à des livraisons d’armes à l’armée ukrainienne – et que l’entente entre la Russie et le reste de l’Europe soit rendue impossible.

Liens entre le TTIP et l’Ukraine

Les points auxquels Jochen Scholz a fait allusion dans sa contribution sont expliqués de manière exhaustive dans le quatrième livre recommandé. Il est intitulé «Wir sind die Guten. Ansichten eines Putinver­stehers oder wie uns die Medien manipulieren» [Nous sommes les bons. Points de vue d’une personne comprenant Poutine ou comment les médias nous manipulent] et a été rédigé par les deux journalistes Mathias Bröckers et Paul Schreyer. Ce livre, paru en première édition début septembre 2014, cite entre autres des extraits du discours de Victoria Nuland, secrétaire d’Etat assistant pour l’Europe et l’Eurasie, qu’elle a tenu en novembre 2013 devant une commission du sénat américain sur la politique ukrainienne du gouvernement. Dans ce discours, elle ne fait pas seulement état des 5 milliards de dollars dépensés depuis 1991 pour imposer «la transition de l’Ukraine vers la démocratie et l’économie de marché». A la même occasion, elle a présenté son jugement concernant «les partenariats orientaux» de l’UE. On n’a qu’à traduire de façon réaliste ses multiples euphémismes: «Quant aux partenariat oriental, il s’agit finalement de beaucoup plus qu’uniquement d’un rapport intensifié entre l’UE et les divers pays d’Europe de l’Est et du Caucase. C’est également un pas en direction d’une vision à long terme d’un espace économique interconnecté s’étendant de Lisbonne à Donetsk, animé par des réformes axées sur le marché, par une prospérité croissante et une démocratie consolidée. C’est dans ce but que l’UE et les Etats-Unis négocient le Traité de libre-échange transatlantique (TTIP/TAFTA) qui promet croissance, investissements et emplois des deux côtés de l’Atlantique ainsi qu’un système commercial global, fondé sur des règlementations et des normes élevées. Cette large vision de l’espace économique interconnecté en Europe devient de plus en plus réel et attractif, pouvant en fin de compte non seulement comprendre l’Europe mais la totalité de l’espace transatlantique. Nous croyons, de commun accord avec l’UE, que les investissements faits en faveur du partenariat oriental sont, à long terme, dans l’intérêt de tout un chacun.» Le commentaire offert dans le livre est le suivant: «C’était donc cela, tous les grands liens, le but glorifié, la vision globale – et en même temps la réfutation de toute forme de multilatéralisme. Dorénavant, il n’y aura donc plus qu’un seul système au monde, non pas plusieurs, pouvant même être équivalents. Dans la langue militaire, on appelle cela ‹Full Spectrum Dominance›, et en économie ‹Integrated Global Trading Regime›. En fin de compte, il s’agit de s’arroger un pouvoir totalitaire faisant mine de promouvoir la prospérité et la démocratie ‹dans l’intérêt à long terme de tout un chacun›».
D’ailleurs Zbigniev Brezinski a déjà revendiqué dans son livre «Le Grand Echiquier», un espace de libre-échange transatlantique, conçu par les Etats-Unis comme un élément de leur «géostratégie pour l’Eurasie»: «Un accord de libre-échange transatlantique, préconisé déjà par un certain nombre d’hommes d’Etat éminents de l’Alliance atlantique, pourrait […] réduire le risque de rivalités croissantes entre une UE plus unifiée et les Etats-Unis».
Avec l’analyse de Jochen Scholz et son allusion à la théorie du «Heartland» de Mackinder, on comprend mieux ce que George Friedman, directeur du service secret américain privé Stratfor, a dit début février 2015 à Chicago et ce qui a été rendu public en Allemagne début mars (www.nachdenkseiten.de/?p=25398 et www.nachdenkseiten.de/?p=25405): au cours du XXe siècle, les Etats-Unis voulaient empêcher sur le continent eurasien tout lien entre la Russie et l’Allemagne. Après la fin de la guerre froide, il s’agissait d’établir une «ligne» s’étendant de la mer Baltique à la mer Noire pour endiguer la Russie et déranger ses rapports avec l’Allemagne, une sorte de nouveau «Rideau de fer». Willy Wimmer, ancien secrétaire d’Etat au Ministère allemand de la Défense et vice-président de la Réunion parlementaire de l’OSCE, était des 2000 au courant de ces plans, suite à sa participation à une conférence du Secrétariat d’Etat américain à Bratislava (Slovénie). En 2001, il rendit public ces plans.

Bröckers et Schreyer: Liens entre la politique globale et le conflit ukrainien

Le livre de Mathias Bröckers et Paul Schreyer est une vraie trouvaille pour tous ceux qui veulent comprendre le conflit ukrainien et ses liens avec la politique globale. Le point de départ est un court aperçu de l’histoire de l’Ukraine. Il devient clair à quel point les services secrets américains sont déjà actifs spécialement en Ukraine depuis plusieurs décennies, à quel point cet Etat est fragile depuis sa fondation en 1991. En effet, jusqu’à présent, les Ukrainiens ne forment pas vraiment une nation en raison de la diversité de leurs groupes ethniques et de leur histoire, tout en souhaitant cependant former un Etat ayant son propre peuple.
Cette construction fragile se trouve au centre d’une confrontation de politique globale, et le livre de Bröckers et Schreyer se concentre dans ses analyses principalement sur le rôle de l’Occident dans cette confrontation, les forces en arrière-plan – notamment l’Atlantic Council – et le rôle des médias occidentaux.
Pour la fin de l’hégémonie américaine
Deux derniers chapitres excellents finalisent cet ouvrage. Dans l’avant-dernier chapitre, les deux auteurs traitent la question de savoir si les Etats-Unis, avec leur exigence de diriger un monde unipolaire, arrivent à s’imposer ou si l’idée d’un monde multipolaire peut se réaliser. Ils écrivent concernant l’Ukraine: «Une Ukraine non-alignée et neutre, réunissant ses diverses régions sous un toit fédéral d’Etats fédéraux et formant un pont entre l’Est et l’Ouest, l’UE et la Russie, l’Atlantique et l’Eurasie, serait non seulement pour le pays même, mais pour tous ses ‹voisins› de Lisbonne à Vladivostok le développement idéal.» Et dans le dernier chapitre, se terminant par un plaidoyer pour une nouvelle politique de détente, on lit: «Ne serait-il pas enfin grand temps, entre amis, de s’opposer à une politique [des Etats-Unis], voulant imposer par la force ce système [d’hégémonie] au monde entier et ne rechignant pas de déclencher à nouveau la guerre en Europe pour atteindre son objectif de ‹Full Spectrum Dominance›? Ne serait-il pas temps de mettre au banc d’essai la géopolitique anglo-américaine menée depuis un siècle et visant à empêcher par tous les moyens le développement d’un ‹Heartland› eurasiatique? ‹Old Europe› – telle que Donald Rumsfeld qualifiait, de manière méprisante, les Etats fondateurs de l’UE lors de leur refus de participer de plein cœur à la campagne impériale américaine contre l’Irak –, l’Allemagne et ses voisins directs ne devraient-ils pas constater lors d’un tel examen que cette politique anglo-américaine était contraire à leurs propres intérêts principaux en tant que nations européennes? Ne devraient-ils pas avoir un intérêt vital pour le commerce, le développement et la coexistence pacifique avec leurs voisins continentaux en Russie et en Chine? Des accords à long terme concernant des matières premières de Russie et des trains à grande vitesse de la Chine jusqu’à Duisburg ne seraient-ils pas beaucoup plus importants pour l’avenir que des négociations secrètes sur le TTIP concernant le commerce transatlantique de ‹Junk Food›?»
Le livre «Nous sommes les bons» se trouve depuis plusieurs semaines sur la liste de best-seller du Spiegel. Ce qui prouve le grand intérêt des citoyens pour d’autres informations que celles transmises par les grands médias. Dans sa conférence mentionnée, George Friedman s’est concentré sur l’Allemagne. Selon Friedman, ce pays est «peu sûr», du moins du point de vue des Etats-Unis, on ne peut pas lui faire confiance et sa décision et son chemin futur sont actuellement encore inconnus. C’est le point de vue américain. Le grand intérêt des lecteurs pour le livre «Nous sommes les bons» montre qu’il y a en Allemagne – mais pas seulement là – de nombreuses personnes ne voulant pas suivre plus longtemps la politique américaine et n’étant pas disposées à se laisser entraîner dans une aventure militaire contre la Russie. Car Friedman a également dit la chose suivante: le meilleur moyen pour la sauvegarde du pouvoir américain est de pousser les ennemis potentiels dans une guerre de l’un contre l’autre pour les affaiblir de manière qu’ils ne présentent plus de danger pour les exigences de domination des Etats-Unis.

Quand l’Occident commencera-t-il à estimer la Russie?

On a encore l’impression que trop de médias et de politiciens germanophones ignorent toutes ces réflexions. Des thèses, des arguments, des explications et des exemples comme dans les quatre livres présentés sont encore évincés avec beaucoup de polémique. Pourquoi?
Dans une contribution de début mars 2015 (http://journal-neo.org/2015/03/09/russia-s-remarkable-renaissance-2/), F. William Engdahl a parlé de ses voyages en Russie et de ce qu’il y a appris lors de conversations avec de jeunes Russes. Il se souvient du «traumatisme collectif» que beaucoup de Russes ont vécu après 1990, et compare l’atmosphère de cette époque-là à la situation actuelle. La situation initiale: «Aujourd’hui […], la Russie se voit à nouveau confronté à un Occident et une OTAN hostiles voulant non seulement humilier la Russie, mais la détruire en tant qu’Etat, parce qu’elle est capable de déranger les plans de l’Occident non seulement concernant les guerres en Ukraine, en Syrie, en Libye et en Irak, mais également en Afghanistan, en Afrique et en Amérique latine.» Mais aujourd’hui, il n’a rencontré en Russie «dans de nombreuses discussions avec de très diverses connaissances russes plus aucune atmosphère dépressive, mais des sentiments de fierté et de détermination et la renaissance d’une confiance en soi longuement ensevelie.» A l’aide de nombreux exemples, Engdahl démontre comment et en quoi cette nouvelle confiance en soi, la nouvelle qualité de la politique russe et la prise de distance envers l’Occident s’expriment. Puis, il conclut: «L’aspect le plus prometteur de la Renaissance russe est pour moi la génération actuelle des jeunes gens entre 37 et 49; ils sont hautement intelligents et ont fait leurs expériences non seulement avec la bureaucratie soviétique-communiste, mais également avec le monde creux du ‹capitalisme du marché libre› dirigé par les Etats-Unis.» Et Engdahl d’énumérer les valeurs importantes pour la Russie et ces jeunes personnes: un niveau de qualité élevé de la recherche et de l’enseignement dans les Hautes Ecoles du pays, une formation classique dans l’esprit de Wilhelm von Humboldt, une conscience historique et culturelle. Et finalement, il écrit: «Dans cette génération de jeunes Russes, je sens battre le cœur de la renaissance de la Russie, son esprit de pionnier me donne espoir pour l’avenir.»
On souhaite que les responsables chez nous et en Occident prennent en considération et estiment ces faits et ces développements. S’occuper sérieusement de ce que des personnalités comme F. William Engdahl, les auteurs des publications éditées par Sabine Schiffer et Ronald Thoden, Mathias Bröckers, Paul Schreyer et Gabrielle Krone-Schmalz et d’autres n’ayant pas pu être pris en considération ici ont écrit et nous ont mis à disposition. Tous les peuples de l’Europe ont un intérêt que le conflit avec la Russie soit désamorcé et que des signes de détente soient envoyés.
Le lynchage médiatique quotidien de la Russie et de la politique de son président élu est en contradiction avec l’esprit et la lettre de la Charte des Nations Unies. Il viole les principes de la vie sociale et de la nature sociale humaine et est contraire à l’importance de ces principes pour le vivre-ensemble des peuples et des Etats. Il est l’expression du contentement de soi occidental, d’un orgueil dangereux et d’un refus de dialogue dans les faits. Il est indigne, et si on lui est livré sans protection, on peut réellement en tomber malade. L’objectif du lynchage médiatique est d’empêcher toutes réflexions sérieuses par la déformation des faits, un langage perfide et des mensonges éhontés, ce qui va à l’encontre de tout comportement sain et humain. Il surpasse de loin le langage de la guerre froide et il est dans sa méchanceté, son étroitesse d’esprit et dans son cynisme une attaque contre les acquis des êtres humains et de la culture. Ce lynchage médiatique doit prendre fin.    •

Die Dreispaltung Osteuropas

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Die Dreispaltung Osteuropas

von Frank Marten

Ex: http://www.blauenarzisse.de

In der EU bröckelt es aufgrund der Sanktionen gegenüber Russland. Auch Mittel– und Osteuropas Staaten sind sich keineswegs einig. Die pro-​russische Speerspitze bildet Ungarn.

Die EU hält an den Sanktionen gegenüber der Russischen Föderation fest. Während Merkel die Verlängerung befürwortet, bezweifelte Mitte März beispielsweise die Tschechische Republik den Sinn und die Notwendigkeit der Bestrafung Russlands.

Der tschechische Präsident Milos Zeman hatte Anfang April erst dem US-​Botschafter in Prag, Andrew Schapiro, den Zugang zum Präsidentensitz verwehrt. Zuvor hatte Schapiro einen geplanten Besuch Zemans bei der alljährlichen Siegesfeier in Moskau als „ziemlich heikel“ bezeichnet. Aufgrund innenpolitischen Drucks musste der tschechische Präsident nun die Reise nach Moskau trotzdem absagen. Drei wichtige Staaten Osteuropas – Polen, Tschechien und Ungarn – gehen damit in ihrer Haltung gegenüber Putin sehr verschiedene Wege.

Der Russland-​Gegner Polen

Die politische Elite der Republik Polen teilt die deutsche Forderung nach der Aufrechterhaltung der Sanktionen. In Bezug auf die Ukraine nimmt die gesamte politische Führung und Opposition eine deutliche pro-​ukrainische Haltung ein. So werden neben der Fortführung der Sanktionen auch Waffenlieferungen an die ukrainische Armee gefordert. Der Widerstand gegen Putin nimmt teilweise abstruse Formen an und entfachte bereits einen Historikerstreit: Der polnische Außenminister Gregorz Schetyna (liberal-​konservative „Bürgerplattform“) war Anfang Januar der Meinung, dass Ukrainer und nicht Russen das ehemalige KZ Auschwitz befreit hätten. Dass die Rote Armee zum Großteil aus unterschiedlichen Nationalitäten bestand, wurde schlicht und einfach ignoriert.

Aus Angst, selbst Opfer der „russischen Aggressivität“ zu werden, entstehen in Polen derzeitig Freiwilligenverbände, die der Armee unterstellt sind. Deren Stärke soll bis zu 10.000 Mann umfassen. Des Weiteren ist die polnische Armee auf der Suche nach mehr Reservisten, die im Notfall zusammen mit der regulären Armee und den Freiwilligenverbänden das polnische Vaterland gegen den russischen Bären verteidigen sollen. Demzufolge wundert es niemanden, dass die politische Elite Polens den Nato-​Plan einer schnellen Eingreiftruppe in Osteuropa fördert.

Nato-​Manöver in Polen

Unterstützung erhält sie dabei von den drei baltischen Staaten, die die Ängste Polens vor der russischen Expansion teilen. Um ihre Zugehörigkeit zum westlichen Bündnis zu demonstrieren, fand im Oktober 2014 ein Nato-​Manöver auf polnischem Gebiet mit 400 Soldaten aus 23 Staaten statt.

Die Angst vor der drohenden russischen Invasion speist sich aus der polnischen Geschichte: Bereits mehrfach wurde Polen Opfer seiner Nachbarn. Zuletzt wurde Polen bekanntlich 1939 zwischen dem Deutschen Reich und der Sowjetunion aufgeteilt. Das angespannte politische Verhältnis zwischen Russland und Polen wird sich auch in den kommenden Monate oder Jahren nicht verbessern, sondern eher verschlechtern. Russland drohte bereits mit dem Rauswurf des polnischen Konsulats aus der Russischen Föderation.

Der Vermittler Tschechien

Die Tschechische Republik hingegen schlägt einen anderen Kurs gegenüber Russland ein. Zusammen mit der Slowakei kritisieren sie einen Teil der Sanktionen gegen die Russische Föderation. Sie bezeichnete der slowakische Ministerpräsident als „nutzlos und kontraproduktiv“ ‒ diese Haltung teilt er mit seinem tschechischen Amtskollegen. Anhaltende Sanktionen würden letztendlich die eigenen nationalen Interessen treffen und die Krise in der Ukraine verschärfen. Trotz des Widerstandes gegen den Großteil der Sanktionen hält Tschechien jedoch an der Solidarität zur Ukraine fest – beispielsweise mit Gaslieferungen oder finanziellen Hilfen. Der linksgerichtete Zeman geriet zudem aufgrund seiner pro-​russischen Haltung und seiner Kritik an der ukrainischen Führung mehrfach in die Kritik der tschechischen Öffentlichkeit. Viele Medien und oppositionelle Politiker werfen ihm eine idealisierte Sichtweise auf die Russische Föderation vor.

Die tschechische Bevölkerung hingegen scheint zwiegespalten. Manche befürworten den Kurs ihrer Regierung, andere hingegen demonstrieren gegen den russischen Kurs in der Ukraine. Vielen scheint die Niederschlagung des Prager Frühlings im Jahr 1968 noch präsent zu sein. Denn auch sie fürchten eines Tages Opfer der russischen Politik zu werden. Das Verhältnis der Russischen Föderation zu Tschechien bleibt angespannt. Es ist jedoch noch lange nicht so belastet wie das Verhältnis zwischen Polen und Russland. Die Tschechische Regierung scheint daher an ihrem Mittelweg zwischen offener Solidarität mit Russland und Unterstützung der Nato festzuhalten.

Ungarn: Russland und China als Vorbild

Der ungarische Staat unter dem nationalkonservativen Ministerpräsidenten Viktor Orbán (Fidesz) gilt aus der Perspektive der EU seit jeher als Sorgenkind. In der Debatte um den richtigen Kurs gegenüber Putin wird Ungarn seinem eigenständigen Kurs erneut gerecht. Ebenso wie die Tschechische Republik kritisiert Orbán die verhängten Sanktionen gegen Russland. Und er geht noch einen Schritt weiter: Der ungarische Ministerpräsident fordert sogar ein Ende der russenfeindlichen Politik der EU.

Letztendlich würden die Sanktionen der EU ihren Mitgliedsstaaten selbst schaden und den Konflikt in der Ostukraine weiterhin anheizen, betont er. Des Weiteren forderte Orbán die europäischen Staaten dazu auf, den „Trennungsprozess zu Russland“ zu beenden und gemeinsam nach einer Lösung des Konfliktes zu suchen. Orbán selbst nannte in einer Rede im Sommer 2014 sein politisches Modell eine „illiberale Demokratie“ ‒ ohne liberale Dogmen und mit Russland und China als großen politischen und ökonomischen Vorbildern.

Atommeiler mit russischer Unterstützung

Während andere osteuropäische Staaten den Handel mit der Russland im Rahmen der verhängten Sanktionen boykottierten, beschlossen Ungarn und Russland im Januar 2015 den Bau von zwei Atommeilern in Ungarn. Es handelt sich um das teuerste staatliche Projekt seit Ungarns EU-​Beitritt 2004. Die beiden Reaktorblöcke sollen zu 80 Prozent über einen russischen Kredit finanziert werden und knapp die Hälfte des ungarischen Strombedarfs decken. Im Februar 2015 einigten sich beide Staaten außerdem auf ein neues Gasabkommen, das den Preis in Ungarn senkt. Beiden Abkommen ging ein großer Protest der ungarischen Opposition voran. Sie befürchtete die Annäherung der beiden Staaten und solidarisierte sich demonstrativ mit der Ukraine.

Auch die ungarische Bevölkerung scheint bezüglich der russischen Politik gespalten zu sein. Ebenso wie die Tschechen fürchten auch einige von ihnen, dass sich die Geschichte wiederholen könnte. Es ist vor allem der von der Sowjetunion niedergeschlagene Ungarische Aufstand von 1956, der diese Ängste anheizt. Allerdings erhielt die Partei Orbáns bei der vergangenen Parlamentswahl rund 45 Prozent der Stimmen. Die meisten Ungarn können sich also offenbar mit der Innen– und Außenpolitik Orbáns und seiner postulierten „illiberalen Demokratie“ identifizieren. Das politische Verhältnis beider Staaten zueinander ist entspannt. Ungarn scheint der zur Zeit verlässlichste Partner der Russischen Föderation innerhalb Europas zu sein. Aufgrund der neuen Abkommen scheint dieser politische Kurs auch in naher Zukunft fortgeführt zu werden.

Russland lässt sich von Sanktionen nicht beeinflussen

Auch Zypern und Bulgarien schlagen einen oppositionellen Kurs zur offiziellen EU-​Politik ein. Allen voran schreitet das „orbánische“ Ungarn, das sich als Speerspitze gegen die Sanktionen gegen Russland profiliert. Inzwischen kritisieren auch Spanien, Griechenland und Zypern den russlandfeindlichen Kurs der EU. Die Einheitsfront gegen Putin scheint zu bröckeln.

Das ist der richtige Weg: Ohne die Einbeziehung Russlands in den ukrainischen und europäischen Entscheidungsprozess wird niemals Ruhe in die Häuser des ukrainischen Volkes einkehren. Russland wird auf Sanktionen nicht reagieren. Allein aus Stolz würde der russische Bär so oder so weiterhin so handeln, wie er es in den letzten zwölf Monaten bereits gezeigt hat. Polen wird mit seiner scharfen Kritik den russischen Kurs nicht ändern, sondern noch verstärken. Den größten Einfluss auf Russland hat demnach Ungarn: Es betreibt weiterhin – trotz der EU-​Sanktionen – intensiven Handel mit Russland und schätzt Putin als Partner, anstatt den mächtigsten Staat Osteuropas als Teil einer neuen „Achse des Bösen“ zu brandmarken. Aber auch Vermittler wie die Tschechische Republik und die Slowakei könnten die russische Politik beeinflussen. Eines bleibt dabei sicher: Europa braucht Russland und Russland braucht Europa!

Aux sources de l’islam, la folle histoire des judéonazaréens

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Aux sources de l’islam, la folle histoire des judéonazaréens

L’islam s’est constitué progressivement durant plusieurs siècles. Son origine est due à une secte qui avait pour doctrine la reconquête de Jérusalem, la reconstruction du Temple et l’arrivée du Messie Jésus.

Où et quand est né l’islam? Comment cette religion a-t-elle évolué jusqu’à la cristallisation de ses textes fondateurs? Le père Edouard-Marie Gallez a fait un travail historique magistral, synthétisé dans sa thèse.* Il a assemblé les pièces d’un vaste puzzle qui rejoint les travaux de nombreux autres chercheurs. L’un de ses admirateurs et ami, «Olaf», a écrit «Le grand secret de l’islam» qui vulgarise cette approche scientifique.
Cette présentation d’un ouvrage particulièrement complexe est forcément sommaire. Je ne prétends ici que donner envie d’aller à la source. Et c’est facile: «Le grand secret de l’islam» est accessible en ligne, avec moult références et mentions de documents historiques.
C’est au début de l’ère chrétienne que se noue le fil de cette histoire. Jésus apparait en Israël vers l’an 27, dans une configuration marquée par le polythéisme et la présence déjà longue du judaïsme. Jésus est lui-même rabbin, il connait parfaitement la Torah et les écritures et enseigne dans les synagogues. Mais son discours se révèle totalement nouveau. Ses adeptes se multiplient.
A cette époque, les courants spirituels sont multiples, l’effervescence religieuse extrême et souvent meurtrière.
Avant et après la mort de Jésus, de plus en plus d’hébreux adhèrent au message de Jésus, ce sont les judéo-chrétiens. Persécutions et dispersion des apôtres rendent nécessaire une fixation par écrit du canevas de l’enseignement tel qu’il était récité par cœur à Jérusalem. C’est l’apôtre Mathieu qui en est chargé.
Ce sont les judéonazaréens qui joueront un rôle central dans la naissance de l’islam. Après 70 (destruction du temple de Jérusalem et répression), ils partent en exil et y resteront, d’abord sur le plateau du Golan, puis en Syrie, au nord d’Alep. Ils développent une nouvelle approche qui rompt radicalement avec le judéo-christianisme. Ils se considèrent comme les juifs véritables et comme les seuls vrais disciples de Jésus. Ils conservent la Torah, la vénération du temple et de la terre promise, se considèrent comme le peuple élu par Dieu.
Pour eux, Jésus n’est pas d’origine divine, n’a pas été exécuté, il a été enlevé par Dieu vers le ciel. Il est le Messie qui viendra à la libération -par les armes- de la Terre sainte et de Jérusalem rétablir la vraie foi et le vrai culte du temple. Avec lui à leur tête, les judéonazaréens sauveront le monde du mal. Ce courant accuse les judéo-chrétiens d’avoir associé à Dieu un fils et un esprit saint: «je témoigne de ce que Dieu est un et il n’y a pas de Dieu excepté lui». (Paroles de l’apôtre Pierre dans les Homélies Pseudoclémentines). Une profession de foi que l’on a retrouvée gravée sur des linteaux de portes datant des 3e et 4e siècles en Syrie.

Mahomet, propagandiste judéonazaréen


Après une vaine tentative de reconquête, entre 269 et 272, la secte réalise que s’allier aux arabes locaux, combattants aguerris, garantirait des combats plus efficaces. Parmi ces arabes se trouve la tribu des Qoréchite installée à Lattaquié en Syrie.
Les judéonazaréens s’attellent à convaincre les groupes arabes nomades de leur projet de reconquête messianiste. Nous sommes au VIe siècle. Leur thème principal de prédication : Nous sommes juifs et partageons le même illustre ancêtre, Abraham, fondateur de la vraie religion. Nous sommes cousins, nous sommes frères. Nous formons une même communauté, une même «oumma», nous devons donc partager la même vraie religion. Nous vous conduirons, et ensemble nous libèrerons Jérusalem et la Terre sainte. Le Messie reviendra alors et son retour fera de nous et de vous ses élus dans son nouveau royaume.
Les propagandiste judéonazaréens, de langue syro-araméenne, expliquent leur croyance aux arabes, forment des prédicateurs parmi eux, leur traduisent des textes. Ils réalisent de petits manuels, des aide-mémoires en arabe, des livres liturgiques qui présentent des lectures et commentaires de textes sacrés, les «lectionnaires». Ces feuillets-aide-mémoire joueront un rôle capital. Ils étaient appelés qur’ân (coran). Le nom désignera plus tard le nouveau livre sacré des arabes.
Mahomet est un surnom, on ne connait pas son nom. Selon Gallez, il est probablement né en Syrie dans la tribu des Qoréchites. On ne sait s’il est né chrétien ou dans une famille judéonazaréenne, il a en tout cas été le propagandiste de cette doctrine et deviendra un chef de guerre à son service.

A la mort du futur prophète, l’islam n’est pas né


En 614, les arabes et les judéonazaréens aident les Perses conduits par le général Romizanès à prendre Jérusalem, mais le général cède le gouvernement aux juifs locaux et expulse les judéonazaréens et leurs alliés. «C’est sans doute à cette époque que le chef arabe gagne le surnom de Muhammad.»
Lorsque les Romains conduits par Héraclius reprennent le dessus sur les Perses, les Qoréchites et les judéonazaréens craignent leur vengeance. Ils s’enfuient à Médine, une oasis du désert de Syrie où une importante communauté judéonazaréenne est installée. Les membres de l’oumma s’appelleront désormais «les émigrés». Ce sera l’an 1 de l’Hégire selon l’histoire musulmane revue et corrigée. La communauté soumet d’autres tribus par les armes et se renforce. Des sources historiques relatent la prédication de Mahomet, qui s’oppose radicalement au discours musulman. Il envoie sans succès des troupes à la conquête de la «Terre promise» et meurt à Médine entre 629 et 634. Les sources musulmanes relatives au prophète datent de près de deux siècles après sa mort.
Le premier calife, Abu Bakr, poursuit le projet judéonazaréen. Omar son successeur conquiert la Palestine vers 637. Les vainqueurs rebâtissent le temple et attendent le Messie. Il tarde...
Trois ans plus tard, les arabes ont compris: ils se sont fait berner. Ils se débarrassent des judéonazaréens. Mais les arabes possèdent un royaume et poursuivent leurs conquêtes. Une justification religieuse qui reprenne la promesse messianiste est impérative. Les califes vont alors forger au cours des siècles un nouveau message destiné à légitimer l’extension de leurs terres et leur pouvoir.

Trier, supprimer, modifier…


L’islam, son prophète, ses hadiths, sa biographie se modèleront progressivement jusqu’à une cohérence approximative de la doctrine. Il faudra pour cela tordre l’histoire, effacer certains protagonistes, faire disparaitre de nombreuses traces, inventer des lieux et des événements.
«Mais avant qu’elle ne prenne forme comme doctrine, il faudra plus de 100 ans et avant qu’elle ne s’impose et ne se structure définitivement, au moins deux siècles de plus.»
Pour la religion en devenir, les arabes sont désormais le peuple élu. Ses créateurs effacent le souvenir de l’alliance avec les judéonazaréens, et même la présence historique de la secte. Ils reformulent la promesse messianiste. L’objectif impose de rassembler les textes, notes et aide mémoires des prédicateurs, de modifier, supprimer, ajouter, réinterpréter. Et de faire disparaître le nom même des judéonazaréens qui deviendront dans les textes les chrétiens.
Ces manipulations ne vont pas sans incohérences. Elles suscitent des résistances et des contestations qui vont conduire à la première guerre civile (fitna) entre arabes. Elle ne cessera pas jusqu’à aujourd’hui.
L’effacement des judéonazaréens doit beaucoup au calife Otman (644-656). Les juifs et les chrétiens qui forment l’écrasante majorité du nouvel empire mettent en évidence les faiblesses des justifications religieuses des arabes. Eux possèdent des livres savamment organisés à l’appui de leurs croyances. La nécessité d’un livre pour les nouveaux élus se fait jour.

D’un calife à l’autre, l’histoire recréée


Les feuillets et les textes qui structurent la nouvelle religion sont collectés, et ceux qui ne la servent pas sont détruits. Otman organise un système de domination par la prédation: répartition du butin -biens et esclaves-, levée d’un impôt sur les populations conquises. Les territoires occupés jouissent d’une relative liberté religieuse tant qu’ils paient l’impôt. Les « Coran d’Otman » (sous la forme de feuillets) sont les premiers de cette religion. Ils ont disparu.
Le calife Muawiya (661-680) transfère sa capitale de Médine à Damas. La destruction et la sélection de textes se poursuivent. Il s’agit de créer un corpus plus pratique que les collections de feuillets.
Pour remplacer le rôle de Jérusalem et de son temple, Muawiya invente un sanctuaire arabe, vierge de toute influence extérieure: ce sera La Mecque. Cette localisation est dès l’origine l’objet de nombreuses contestations. La Mecque est un choix absurde: elle est désertique, sans végétation pour les troupeaux, sans gibier. C’est une cuvette entourée de collines et de montagnes sujette à des inondations régulières. Elle ne se situe pas sur l’itinéraire des caravanes. Elle est censée avoir subsisté depuis Abraham, mais aucun chroniqueur, aucun document historique ou vestige archéologique n’atteste de son existence jusqu’à la fin du 7e
siècle, soit plusieurs dizaines d’années après la mort de Mahomet.
C’est vers les années 680 que Mahomet est qualifié d’envoyé de Dieu. Un nouveau rôle lui est attribué. Ibn al-Zubayr qui établit son califat à la Mecque est le premier à se réclamer de lui. Des pièces à son effigie représentent le premier témoignage «islamique» de l’histoire à mentionner Mahomet.
Le calife Abd Al-Malik (685-705) est le personnage-clé de l’unification de l’empire arabe et de la construction du proto-islam. Il récupère à son profit l’image de Mahomet et c’est sous son règne que la paternité du Coran est attribuée au nouveau prophète. Al-Malik intègrera La Mecque à sa doctrine religieuse, fera reconstruire le sanctuaire sous la forme approximative d’un cube. Il lie les éléments fondateurs du futur islam. La religion nouvelle commence à afficher une certaine cohérence pour la première fois depuis l’escamotage, en 640, du fondement judéonazaréen.

Une succession de manipulations


Les manipulations se succèdent, « chaque calife tentant à la fois de contrôler l’oumma par la force et de justifier son pouvoir par cette logique à rebours de la reconstruction de la religion et de l’histoire ».
L’invention, probablement au 9e siècle, du «voyage nocturne» de Mahomet depuis la Mecque permet de témoigner du passage du prophète à Jérusalem, légitimant par là son statut de ville sainte et la dévotion rendue au Dôme du Rocher. Mahomet monte au ciel pour y recevoir la révélation qui justifie le caractère sacré et absolu du Coran. Un accord céleste permet de mentionner un livre préexistant à sa dictée, verset par verset, à Mahomet.
La diffusion du Coran rend désormais difficile des ajouts. Il faudra construire autour du texte une tradition extérieure. Au long des siècles qui suivent vont proliférer d’innombrables Hadiths (paroles et actions du prophète) qui vont être triés selon les intérêts politiques des gouvernants et cristalliser cette tradition. Ils vont enjoliver, voire recréer le personnage historique et les évènements du proto islam. Ils expliqueront a posteriori un texte coranique souvent incompréhensible.
Parallèlement est écrite la Sira, la biographie officielle de Mahomet, de sa généalogie et de tous les événements de l’époque. Produite sous l’autorité du calife, elle donne des clés de lecture du Coran.
A la chute de la dynastie omeyade en 750, Bagdad est choisie comme capitale par la dynastie abbasside qui règnera jusqu’au XIIIe siècle. C’est durant la première partie de ce pouvoir, que l’islam tel que nous le connaissons aujourd’hui est modelé.

La doctrine se fossilise


La cristallisation de l’islam a lieu aux alentours du Xe siècle. Parallèlement aux Hadiths et à la Sira, la charia est élaborée «qui ressemble déjà beaucoup à ce qu’elle est aujourd’hui».
Après le règne d’une série de califes de Bagdad qui ont favorisé le développement des arts, des techniques et de la pensée, trois décisions majeures sont prises au Xe siècle, qui vont fossiliser la doctrine: l’affirmation du dogme du Coran incréé; la doctrine de l’abrogation (pour supprimer les contradictions du Coran); la fermeture de l’effort de réflexion et du travail d’interprétation.
Avec la sacralisation absolue de Mahomet, l’islam a très peu évolué dans sa doctrine. Sa pratique en revanche a varié au cours des époques et des lieux. Mais pour les musulmans pieux, le choix aujourd’hui encore consiste à choisir entre l’islam moderne du Xe siècle et l’islam rigoriste du VIIe (source du salafisme). «Cela revient à condamner chaque génération à refaire perpétuellement ce que l’islam pense avoir été, à répéter le fantasme construit par des siècles de manipulations.»
L’imposture de la tradition musulmane est mise à jour par ce travail de Gallez qui s’appuie sur bien d’autres scientifiques. Mais « il reste beaucoup à faire aux chercheurs pour démêler les différentes couches de réécriture et de manipulation des textes et du discours islamique. »

Mireille Vallette

*Parue sous le titre Le Messie et son Prophète, 2 vol., 2005-2010.

00:05 Publié dans Histoire, Islam | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : islam, religion, judéo-nazaréens, histoire | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Il sogno di Mishima

mardi, 21 avril 2015

Keep That Iranian Genii Bottled Up!

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Keep That Iranian Genii Bottled Up!

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Ex: http://www.lewrockwell.com

The deal reached in Lausanne, Switzerland by Iran and five powers, led by the US, appears to be about nuclear capability.

In fact, the real issue was not nuclear weapons, which Iran does not now possess, but Iran’s potential geopolitical power.

Iran, a nation of 80.8 million, has been bottled up like the proverbial genii by US-led sanctions ever since the 1979 Islamic Revolution deposed Shah Pahlavi’s corrupt royalist regime. The Shah had been groomed to be the chief US enforcer in the Gulf.

More than a dozen American efforts to overthrow the Islamic government in Tehran have failed. Washington resorted to sabotage and economic warfare, sought to throttle Iran’s primary exports, oil and gas,  to derail its banking system, and prevent imports of everything from machinery to vitamins. 

The US and Israel have used the extremist group People’s Mujahidin to murder Iranian officials and scientists.

There is no doubt that this western economic siege drove Iran to make major concessions over its nuclear energy program, a source of great national pride and prestige that broke what Grand Ayatollah Ali Khamenei called the “backwardness” imposed by the western powers on the Muslim world to keep it weak and subservient.

Like Cuba, another state that long defied Washington, Iran eventually found the price of its independence and self-interest too high to bear. As with Saddam’s Iraq, US-led sanctions caused its military to rust away and its oil exports to fall painfully.

Israel’s anguished alarms over Iran’s supposed nuclear “threat” were not even believed by its own crack intelligence services or those of the United States, but the relentless drumbeat of hate Iran propaganda convinced many in North America and even better-informed Europe that Iran is a menace.

What Israel really feared was not Iran’s non-existent nuclear threat  but rather its ongoing support for the beleaguered Palestinians.

Iran became the last Mideast nation giving strong backing to creation of a Palestinian state. The Arab states opposing Israel have been silenced: Syria, Libya and Iraq crushed by war and torn asunder, Egypt and Jordan bought off with huge bribes. The Saudis have secretly allied themselves to Israel. So only Iran was left to champion Palestine.

That is why Israel made such a determined effort to push the US into war with Iran. With the feeble Arab states largely demolished or gelded, Israel’s hold on the Occupied West Bank and Golan would be unchallenged.

But for the United States, the geostrategic calculus is somewhat different. The Iranian revolution of 1979 profoundly challenged America’s Mideast imperium – what I call the American Raj after the manner in which  the British Empire ruled India.

Washington’s Mideast political-strategic architecture was built on feudal and brutal military regimes. Ever since 1945, the deal was that the feudal oil states supplied oil at bargain basement prices in exchange for US military and political protection. In addition, the Arab oil monarchies undertook to buy huge amounts of American arms from plants in key political states that none of them knew how to effectively use. The most recent deal amounts to $46 billion of US weapons for the Saudis.

Washington’s Mideast Raj  forms one of the enduring pillars of American global power. Though America consumes less and less Mideast oil each year, its control of  the flow of oil from Arabia to Europe, Japan, China and the other parts of the Asian economy gives it huge strategic leverage. Japan and Germany both vividly remember they lost WWII because of lack of oil.

The 1979 Iranian Revolution gravely threatened this sweetheart arrangement. Iran demanded that its Arab neighbors follow Islam’s calls to share wealth, avoid ostentation, live modestly, and care for the needy – in short, the very opposite of the flamboyant Saudis and Gulf Arabs.

Iran set the example by funding extensive social programs and education. Of course, Iran’s challenge to share the wealth was anathema to the oil monarchs and their American patrons. By 1980, an undeclared conflict was underway across the Muslim world between the Saudis and Iran – one that still rages today as we see most recently in the expanding Yemen war.

iran-fenced-in.gifUS policy has been to keep the infectious, troublesome Iranians isolated and contained, rather as Europe’s reactionary powers did with revolutionary France at the end of the 18th century. While the reason given by Washington was Iran’s alleged nuclear threat, the sanctions regime was really aimed at fatally weakening Iran’s economy and provoking the overthrow of the Islamic government and its replacement by tame Beverly Hills Iranian exiles.

Unfortunately for US imperial policymakers, the dangerous chaos they created  in Iraq and Syria, and the rise of ISIS, necessitated working with Iran to keep a lid on this boiling pot. That means easing sanctions on Tehran and allowing its economy to start coming back to life.

Hence the Lausanne deal. But Tehran does not trust Washington to adhere to the pact. Grand Ayatollah Khamenei asserted last week there would be no deal unless sanctions against Iran were lifted “immediately.” To many Iranians it seemed clear that Washington had no intention of lifting key sanctions, only slowly lessening relatively unimportant ones.

Washington faces a major dilemma over the isolation of Iran. If sanctions are substantially lifted, Iran will increase oil and gas exports and begin rebuilding its industrial base and obsolete military forces. Europe,  Russia, China and India are all eager to resume doing business with Iran.

But lifting sanctions will make Iran stronger and even more of a political threat to America’s Mideast satraps – who want the Persian genii bottled up. Claims that Mideast states like Egypt, Saudi Arabia and the UAE fear a nuclear arm race are spurious. Save Egypt and Jordan, all are next door to Iran.  Nuclear weapons have no use in such close quarters.  Egyptians lack food, never mind nuclear arms.

Israel and its partisans, who have successfully purchased much of the US Congress, remain determined to scupper the nuclear deal. There are so many potential slips between cup and lip that reaching an effective, lasting deal will be very difficult. Iran is not wrong to be skeptical.

L’antiracisme contre les libertés

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L’antiracisme contre les libertés

Bref éclairage sur le plan d’action de Manuel Valls

Auteur : Nicolas Bourgoin
Ex: http://zejournal.mobi

En panne de légitimité « socialiste » au moment  du passage en force de la loi Macron, sans doute la réforme la plus libérale votée sous la 5ème République, la Garde des Sceaux annonçait un énième projet de loi contre le racisme et l’antisémitisme. La mécanique est désormais bien rodée : surfer sur l’émotion collective provoquée par un événement dramatique pour faire passer une nouvelle loi liberticide. La dernière en date n’a pas fait exception. La profanation d’un cimetière juif de Sarre-Union par cinq mineurs qui ont saccagé 250 tombes ainsi que les agissements de certains supporters de Chelsea qui ont empêché un homme noir de monter dans le métro ont servi de prétexte à un énième durcissement pénal. Annoncé à Créteil, lieu hautement symbolique, le nouveau projet de loi de l’exécutif fait des actes racistes et antisémites des circonstances aggravantes dans de multiples infractions. Il crée en outre une plateforme dédiée aux personnes victimes de ces actes et donne la possibilité à celles-ci de se regrouper et d’agir ensemble.

La lutte contre le racisme et l’antisémitisme, décrétée par François Hollande « grande cause nationale » après les attentats du mois de janvier, faisait déjà l’objet d’une priorité expresse : par sa circulaire du 12 janvier 2015, Christiane Taubira avait demandé aux procureurs de la République de « faire preuve d’une extrême réactivité dans la conduite de l’action publique envers les auteurs d’infractions racistes ou antisémites » en insistant pour qu’une réponse pénale « systématique, adaptée et individualisée » soit apportée à chacun de ces actes. En clair : tolérance zéro pour ce type d’infraction, attitude qui contraste singulièrement avec le traitement réservé à la délinquance classique, un champ largement délaissé par le gouvernement.

Le nouveau plan de l’exécutif consacré à la lutte contre le racisme est doté d’une enveloppe de 100 millions d’euros sur 3 ans, ce qui peut surprendre en ces temps de disette budgétaire. Mais le volet préventif est ambitieux : « communication offensive » pour inculquer dès le plus jeune âge les valeurs de tolérance avec une batterie de mesures pédagogiques dans les écoles et des campagnes d’affichage, mise en place d’une instance opérationnelle de lutte contre le racisme et l’antisémitisme dans chaque département, création d’une « unité nationale de lutte contre la haine » sur Internet, aide accrue aux victimes et renforcement de la sécurité des lieux de culte, des écoles et des points de rassemblements juifs.

Si l’intention de lutter contre le racisme est louable, on peut s’interroger sur sa finalité. Et sur cette question, les dérives de la lutte antidjihadiste sont riches d’enseignement : pour simplement avoir refusé la minute de silence après les attentats de Charlie Hebdo ou avoir posté un message provocateur sur les réseaux sociaux, de nombreuses personnes – parfois des collégiens – ont été inculpées d’ « apologie du terrorisme », innovation juridique de la loi Cazeneuve votée en novembre dernier, passible de 7 années d’emprisonnement et 100.000 euros d’amende. Ces excès ont suscité l’inquiétude des associations de défense des droits de l’Homme. Et pour cause : nul futur terroriste derrière les barreaux mais de simples citoyens déclarés coupables d’avoir déserté la mobilisation générale pour la « guerre contre le terrorisme ».  De façon similaire, on peut craindre que l’accusation d’antisémitisme ne serve à criminaliser l’opposition à la politique israélienne ou à la soumission de la France au lobby pro-israélien, surtout quand on entend Manuel Valls décréter que la « haine du juif » se nourrit de l’antisionisme. Dominique Reynié, politologue assermenté au micro de France-Inter identifiait même le Front de Gauche à un « foyer d’expression de l’antisémitisme ». Les électeurs de Marine Le Pen et les Français musulmans, victimes de la politique mondialiste du gouvernement socialiste, étaient pour l’occasion mis dans le même sac. Et sans surprise, la réponse consistant une fois de plus à museler Internet, en particulier les réseaux sociaux et les plateformes de partage de vidéos où « se retrouvent ces publics-là ».

Touche pas à mon pote ou l’éternel retour de la question sociétale en lieu et place de la question sociale. L’antiracisme est devenu le seul marqueur de gauche d’une politique totalement acquise au libéralisme économique et dont les effets collatéraux sont redoutables : durcissement des clivages intercommunautaires, stigmatisation des Français dits « de souche ». et réduction de la liberté d’expression publique. La lutte légitime contre l’antisémitisme est parfois le masque d’une défense du sionisme. Dénoncer la main-mise de la finance internationale sur l’économie française, contester le pouvoir des banques, ou encore défendre la cause des peuples opprimés par l’impérialisme sioniste ou étasunien vaut excommunication. Le vrai antisémitisme est très minoritaire en France comme le montrent les études d’opinion mais il pourrait bien se développer à la faveur de ces campagnes à répétition qui visent à criminaliser indirectement l’expression d’opinions ou d’analyse contestataires de l’ordre dominant. Elles finiront à force de durcissements par ne laisser au citoyen que deux options : se soumettre ou devenir un délinquant d’opinion.


- Source : Nicolas Bourgoin

Yémen: extension du massacre et échange de menaces entre pouvoirs régionaux

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Yémen: extension du massacre et échange de menaces entre pouvoirs régionaux 

Des représentants des Nations-Unies ont dit ce week-end que la coalition conduite par l’Arabie saoudite et soutenue par les Etats-Unis intensifiait le bombardement du Yémen commencé il y a près de trois semaines, ce qui aggravait une situation humanitaire déjà catastrophique sur le terrain.

Au moins huit civils ont été tués dimanche par des frappes menées par la coalition arabe sur la province de Taiz, au sud du Yémen. Selon des sources du gouvernement local, ces frappes ont détruit des zones d’habitation proches d’une base militaire.

Samedi, des avions de la Ligue arabe ont bombardé des cibles dans le port de Hodaida sur la mer rouge. Depuis le 26 mars, l’aviation saoudienne a lancé plus de 1.200 frappes contre le Yémen, qui ont coûté la vie à des centaines de civils et fait des dizaines de milliers de réfugiés.

« L’intensité des frappes aériennes a considérablement augmenté. Des reportages font encore état de combats féroces dans des zones habitées et les opérations militaires couvrent à présent des parties entièrement nouvelles du territoire, » a déclaré ce week-end le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires.

Les forces navales conduites par l’Arabie saoudite soumettent l’espace aérien et les ports yéménites à un blocus pour préparer une invasion terrestre de grande ampleur.

« Au moment voulu, nous passerons à l’action sur le terrain, » a promis le général saoudien Ahmed al-Assiri samedi devant les journalistes.

Le Yémen qui était déjà le pays le plus pauvre du monde arabe fait face à une pénurie de médicaments, d’électricité, d’eau et de denrées alimentaires de base qui va s’aggravant. Selon des responsables locaux, des cadavres vieux de plusieurs jours jonchent à présent les rues d’Aden, ville portuaire du Sud du Yémen, tandis que s’amoncellent les détritus et que l’on assiste au délitement des services sociaux les plus élémentaires.

L’évacuation de masse de centaines de civils s’est poursuivie tout le week-end, alors que des ressortissants du Soudan, d’Ethiopie, de Corée du Sud, du Nigéria, de Syrie, d’Indonésie et d’un certain nombre de pays européens embarquaient sur des vols spéciaux pour quitter le pays. Selon l’agence des Nations unies pour les réfugiés, 900 réfugiés au moins se sont enfuis en traversant le Détroit de Somalie au cours de la semaine dernière.

La guerre civile à fronts multiples a été déclenchée par le renversement du gouvernement soutenu par les Etats-Unis par des groupes de combattants de diverses tribus suite à la prise de la capitale Sanaa par des milices houthis en septembre 2014.

Depuis le début de la guerre aérienne lancée par l’Arabie saoudite, de nouveaux affrontements entre milices ont éclaté dans 15 des 22 divisions provinciales du Yémen. Ces affrontements impliquent Al-Qaïda dans la Péninsule arabique (AQPA), des groupes séparatistes du Sud, tel le Mouvement du Yémen du Sud, les Houthis et un certain nombre d’autres factions combattantes alignées sur l’ex-président Ali Abdullah Saleh.

Des combattants Houthis ont tué au moins trois soldats saoudiens le long de la frontière avec l’Arabie saoudite vendredi. Quelques 500 Houthis sont morts au cours des dernières semaines à la suite de combats le long de la frontière, selon des déclarations officielles saoudiennes.

Le gouvernement américain a accentué son soutien aux forces saoudiennes de façon constante depuis le début de la guerre. La chaîne de télévision CNN reconnaît ouvertement que la coalition arabe dirigée par les saoudiens, qui comprend les Émirats arabes unis (E.A.U), Bahreïn, le Koweït, le Qatar, la Jordanie, le Maroc, le Soudan et l’Egypte, est fournie régulièrement en « armes américaines de pointe ».

Le soutien américain comprend désormais le déploiement de plates-formes aériennes de ravitaillement, qui permettent aux chasseurs-bombardiers saoudiens d’effectuer des raids multiples avant de devoir atterrir.

Les États-Unis ont annoncé un échange élargi de renseignement avec la monarchie saoudienne dont des informations spécifiques pour soutenir les frappes aériennes de la coalition. « Nous avons élargi le champ de ce que nous partageons avec nos compagnons saoudiens », a déclaré ce week-end un responsable américain.

Les navires de guerre américains et européens veillent sur ce massacre depuis leurs positions dans l’océan Indien non loin du golfe d’Aden.

Dans une conférence de presse commune avec le prince saoudien Saud al-Faisal, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a déclaré le plein soutien de la France à cette guerre.

« La France se tient naturellement aux côtés de ses partenaires de la région pour restaurer la stabilité du Yémen», a dit Fabius. Paris cherche à renforcer sa coopération avec l’Arabie saoudite et a offert d’aider le gouvernement saoudien à développer son énergie nucléaire.

La rhétorique de plus en plus belliqueuse des dirigeants régionaux souligne aussi l’extrême sévérité de la crise politique et la possibilité croissante que le massacre au Yémen ne provoque une guerre bien plus étendue.

Dimanche, Riyad a exigé que l’Iran cesse de soutenir les Houthis, l’a accusé d’aider les « activités criminelles » des Houthis et insisté sur une cessation des activités « contre l’ordre légitime du Yémen ». Ni l’Arabie saoudite, ni les États-Unis n’ont fourni une preuve quelconque d’un engagement iranien dans le conflit yéménite.

« Nous sommes intervenus au Yémen pour aider l’autorité légitime », a déclaré le ministre saoudien des Affaires étrangères Saoud al-Fayçal.

En fin de semaine dernière, l’ayatollah Khamenei a accusé Riyad d’organiser un « génocide » au Yémen. Des hackers pro-saoudiens ont lancé des cyber-attaques contre la chaîne de télévision publique iranienne Al Alam dimanche, affichant les noms et des renseignements personnels de journalistes iraniens ayant écrit sur la guerre. « Réfléchissez bien avant de parler de l’Arabie saoudite, » ont écrit les pirates.

Le conflit a déjà eu des répercussions au-delà du Moyen-Orient, en Asie centrale et méridionale. Le Pakistan « aura un lourd prix à payer pour sa position neutre dans le conflit du Yémen », a prévenu dimanche un ministre haut placé des E.A.U, impliquant qu’Islamabad ferait l’objet de représailles de la part des pouvoirs arabes pour ne pas les avoir aidé dans la guerre.

Le Parlement pakistanais avait voté à l’unanimité de s’abstenir de participer à la coalition dirigée par l’Arabie saoudite. Le vote est intervenu après que les représentants saoudiens ont cherché à obtenir un engagement du Pakistan de fournir des avions de guerre et des forces terrestres pour leurs opérations au Yémen.

« La nation pakistanaise a des sentiments fraternels pour l’Arabie saoudite et les Emirats Arabes Unis. Mais les menaces proférées par le ministre des E.A.U sont malheureuses et un sujet de préoccupation », a déclaré en réponse aux menaces des E.A.U un fonctionnaire pakistanais parlant au nom du gouvernement du Premier ministre Nawaz Sharif.

Un responsable saoudien, le Cheikh Saleh bin Abdulaziz, a visité Islamabad dimanche pour une réunion d’urgence pour discuter du Yémen et de la crise régionale.

Thomas Gaist – 13 avril 2015

Source: WSWS,

De la pureté à la purée…

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De la pureté à la purée…

par Claude BOURRINET

Ainsi nos Anciens du Sénat ont-ils eu la sagesse de ne pas sanctionner les clients des prostituées. On en est tout chaviré : il resterait un lopin de bon sens dans notre pays ! On en avait perdu l’habitude.

 

Notre nation, pourtant, se veut cartésienne. Elle n’a pas attendu Voltaire pour faire usage de la raison. Du reste, les « Lumières » aveuglent souvent. Qui lit la littérature de cette époque, rencontre inévitablement une dose mortelle de moralisme et de mauvaise foi. De moraline, dirait-on. Au fond, n’a-t-on pas guillotiné la Reine en l’accusant d’être lesbienne, et n’a-t-on pas excommunié l’aristocratie parce qu’elle avait commis l’outrage d’être libertine ? À la suite de quoi, nos censeurs, une fois abreuvés de sang impur, se sont empressé, sous le Directoire et l’Empire, de forniquer orgiaquement, d’une chair, il faut le dire, beaucoup plus triste que celle qui avait égayé les tableaux de Fragonard et de Boucher.

 

Notre période est, assurément, celle de Tartufe, personnage, comme on le sait, bien vivant, qui se mêle de tout. D’un côté, on interdit d’interdire, la censure est perçue comme un péché capital, on prône une sexualité tous azimuts, pour tous les goûts, et les désirs sont des ordres, surtout s’ils sont commercialisables. D’un autre, on accumule les lois liberticides, répressives, tracassières, qui vont chercher nos vices jusque dans les chiottes. Malheur à l’homme qui pisse debout, ou à la mère qui flanque une baffe à son marmot ! Le bras vengeur de la Justice ne manque pas de s’abattre sur eux !

 

Qu’on ne s’y trompe pas : comme dans l’Éducation nationale, ou les relations entre hommes et femmes, ce qui taraude, torture, gêne, c’est la réalité. Cette dernière présente le redoutable inconvénient d’être incontournable, comme la nature, qui revient, comme on le sait, toujours au galop. Le mariage pour tous, la procréation médicalement assistée au service des homosexuels, c’est une manière de la nier. Elle est comme ces microbes, qu’aux U.S.A., on nettoie à coups de Javel puritaine. On veut une vitrine « clean », mais on trouve, dans l’arrière-cour, les tripatouillages les plus infâmes, les affaires et la pornographie, les travailleurs de l’argent et ceux du sexe.

 

La vertu du catholicisme était, par la confession, d’avoir le sens de l’homme. Qui veut faire l’ange fait la bête. Qui veut la pureté morale s’embourbe dans la purée idéologique. La sagesse est de faire la part du feu. La morale, c’est d’abord d’apprendre à bien penser, écrivait Pascal. Et non de verser dans la bouillie du cœur.

 

Claude Bourrinet

 

• D’abord mis en ligne sur Synthèse nationale, le 2 avril 2015.

Article printed from Europe Maxima: http://www.europemaxima.com

URL to article: http://www.europemaxima.com/?p=4298

Yemen. Imbroglio grandissant pour Washington

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Yemen. Imbroglio grandissant pour Washington

par Jean Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

La coalition mise en place au Yemen contre les Houthis soutenus par l'Iran (Operation Decisive Storm) multiplie les frappes aériennes et provoque un nombre croissant de pertes civiles et de destructions. C'est l'Arabie saoudite qui est à la tête de cette coalition avec un soutien de moins en moins discret du Pentagone. D'autres Etats arabes sont censés y participer, dont l'Irak. Mais l'Iran qui se positionne de plus en plus au Moyen-Orient en rival de l'Arabie saoudite, dénonce avec une vigueur croissante les frappes aériennes au Yemen - lesquelles d'aileurs ne font pas reculer les Houthis..

Récemment, le médiateur mis en place par l'ONU depuis 2011, le diplomate marocain Benomar, avait démissionné, faute de pouvoir obtenir le moindre. résultat dans une situation de guerre qui ne cesse de s'aggraver. Le Conseil de Sécurité de l'ONU vient de décider un embargo sur les armes destinées aux Houthis. Mais il s'agit d'une mesure purement symbolique. Celles-ci, apparemment, proviendraient de l'Iran.

Bien évidemment, des groupes armées se revendiquant soit d'Al Qaida (Al Qaeda in the Arabian Peninsula). soit de l'Isis, opèrent presque librement eu Yémen, profitant du conflit et plus directement du désordre résultant de l'intervention saoudienne, dont les conséquences humanitaires sont de plus en plus visibles.

Les alliés de l'Amérique s'opposent

Or en visite à Washington le 15 avril, le Premier ministre irakien Haider al-Abadi a dénoncé la campagne aérienne menée par l'Arabie saoudite, dont les effets selon lui sont contre-productifs, car plongeant le Yemen dans le chaos. L'ambassadeur saoudien Adel al-Jubeir a répondu que ces critiques étaient irresponsables. Pour sa part, l'Iran a soutenu jusqu'ici l'offensive irakienne contre Daesh mais s'oppose aux opérations menées par Ryad.

Obama est pris entre deux inconciliables, continuer à appuyer l'Irak et derrière elle l'Iran, dont à la suite du compromis nucléaire il ne veut pas se fâcher, et d'autre part continuer à alimenter en matériels et appuis diplomatiques l'offensive saoudienne au Yémen. Ceci d'autant plus qu'il apparaît de plus en plus que cette offensive ne vise pas principalement à combattre l'implantation de Daesh dans ce pays, mais à faire du Yémen une sorte de protectorat destiné à l'aider à combattre l'influence iranienne.

Il est clair que dans cette situation la puissance montante, alliée par ailleurs de la Russie, comme d'ailleurs de la Chine dans le cadre des preojets du Brics,, est l'Iran. L'Arabie Saoudite ne pourra que reculer, malgré sa richesse pétrolière et les grands égards déployés par la diplomatie occidentale. Elle exprime des « valeurs » si l'on peut parler de valeurs, définitivement indéfendables, y compris dans le monde arabe. S'il existait une diplomatie européenne, celle-ci aurait depuis longtemps choisi son camp.

Jean Paul Baquiast

A quoi sert la liberté d’expression?

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A quoi sert la liberté d’expression?

Jan Marejko
Philosophe, écrivain, journaliste

Dans les commentaires sur l'un de mes derniers articles, "SilvanaC" rappelait cette déclaration : "La liberté consiste à choisir soi-même ses chaînes." Elle est du moraliste belge Romain Guilleaumes et s'inscrit dans une "logique" nietzschéenne. Que sont-elles ces chaînes?

Ce sont essentiellement celles du langage. Nous ne choisissons pas notre langage, car nous sommes immergés en lui dès notre naissance. Comme le dit Noam Chomsky, un enfant n'apprend pas sa langue, comme s'il existait indépendamment d'elle et, ensuite, consciemment, rationnellement, décidait de l'adopter. Même pour l'adulte,  il n'y a pas d'abord une pensée individuelle et, ensuite, la décision d'utiliser tels ou tels mots pour exprimer cette pensée. Nous n'avons jamais vu une pensée personnelle se promener toute nue qu' habillerions de mots pour la faire circuler parmi nos semblables. Nous n'avons pas une pensée qui serait la nôtre, puis une traduction de cette pensée dans un langage. S'il n'y a guère de pensée personnelle dans les mots que j'entends, qui me parle ? Où est-il, celui qui use de la liberté d'expression ? Et moi, quand JE parle, en usai-je de cette liberté ? La liberté d'expression est censée ouvrir la porte à une position personnelle,  mais s'il n'y a personne derrière les mots,  elle ne sert peut-être pas à grand-chose.

Devant un enfant qui a commencé à parler, nous voyons un être qui joue avec les mots et non un JE qui s'exprime. Derrière ses mots, il n'est pas vraiment là. En jargon psychanalytique, l'enfant n'est pas encore un sujet. Ah oui, diront certains, mais devant un adulte qui parle, il y a LUI,  derrière ses mots ! Rien n'est moins sûr. Alors, demandera-t-on, qui réprime-t-on, lorsque la liberté d'expression est réprimée ? Ou encore, si nous sommes prisonniers du langage, que signifie la liberté d'expression?

Sommes-nous vraiment prisonniers du langage comme le pensait ce philosophe désespéré qu'était Ludwig Wittgenstein ? Pas tout à fait, car au-delà des mots, il y a toujours du réel. Insaisissable, certes,  mais pas complètement insaisissable. Seulement, pour saisir quelque chose, il faut un effort et non un brassage de mots. Dès que cet effort est accompli, nous sentons une présence dans le discours, en même temps que nous est dévoilé un peu du réel. Il n’y a pas de réalité sans un sujet qui la désigne.

Dans les nombreux cafés philosophiques où je suis intervenu,  j'aimais demander à mes auditeurs s'ils étaient certains que c'était moi qui parlais. N'était-ce pas plutôt tout ce que j'avais reçu depuis l'enfance,  les écoles que j'avais fréquentées, les livres que j'avais lus ? Ces questions suscitaient un malaise bien compréhensible. Si celui qui parle n'est pas celui qui parle, que se passe-t-il ? Moi, qui parle, où suis-je quand je parle ?

Derrière cette question s'en profile une autre, encore plus grave. Si ce n'est pas moi qui parle quand je parle, ai-je encore une place ici-bas ? Parler me donnait l'espoir d'être entendu, d'être accueilli par les autres. Mais si je ne suis pas dans ce que je dis, si mon moi reste évanescent, comment les autres pourraient-ils m'accueillir ? Comment pourraient-ils me faire une place parmi eux ? Ne pas avoir de place parmi ses semblables est terrible. On se sent alors rejeté, marginal, exclu, parce que nous ne sommes pas parvenus à nous rendre présents dans nos propos.

Il est d'autant plus difficile de répondre à ces questions que nous vivons dans une culture scientifique. Un homme de science qui dirait, "la loi de la chute des corps est vraie parce que JE vous le dis" serait immédiatement rejeté dans les ténèbres extérieures. Dans les congrès scientifiques, un homme n'est reconnu que s'il n'est pas dans ce qu'il dit, que s’il n’est pas là. Étrange culture scientifique où je ne suis "reconnu" que si je ne dis plus JE. C'est très curieux. En tant qu'homme de science, je dois renoncer à être un sujet existant parmi d'autres sujets. Bref, dans une culture scientifique, il faut tuer le moi. Cela ferait plaisir à Blaise Pascal pour qui le moi était haïssable. L’ennui est que s’il n’y a plus de sujet pour dire le réel, celui-ci s’évanouit.

Qu'il faille renoncer à son narcissisme pour être entendu, on l'admettra volontiers. Rien n'est plus insupportable qu'une subjectivité qui s'étale dans ses boursouflures. Mais comment admettre qu'il faille tuer le moi pour être entendu ? Cela ôterait tout sens à la liberté d'expression. Dans une culture où il s'agirait de tuer son moi, dans une culture où il faudrait être systématiquement objectif, systématiquement du côté de l'objet, jamais celui du sujet, la liberté d'expression n'aurait aucun sens. On peut se réjouir de l'avènement d'une culture scientifique, mais il faut savoir que si elle devenait absolument prédominante, il ne viendrait à personne l'idée de défendre la liberté d'expression.

Même sans culture scientifique, la présence du JE dans ce qui est dit  reste très problématique. Il y aura toujours des paroles qui sembleront ne venir de personne,  des paroles spectrales, pourrait-on dire. Qui d'entre nous n'a jamais entendu un perroquet répétant mécaniquement des propos sur la croissance, la paix, l'ouverture ou le repli ? On pourrait même dire que la liberté d'expression fait proliférer les perroquets qui disent tout et son contraire, par exemple le directeur romand d'Avenir suisse, Tibère Adler, qui parle d'étendre les droits populaires tout en en les limitant.

La liberté d'expression n'a de sens qu'articulée sur la pensée d'un sujet et non d'un perroquet. Malheureusement, on ne peut pas demander à ceux qui prennent la parole de souffler dans un ballon pour savoir s'ils sont des perroquets. Et l'on ne ferait pas diminuer leur nombre en supprimant la liberté d'expression. Tout ce qu'on peut souhaiter est que cette liberté soit moins comprise comme un droit que comme une invitation à penser par soi-même.

Jan Marejko, 9 avril 2015

lundi, 20 avril 2015

Camus on Ideology vs. Blood

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Camus on Ideology vs. Blood

By Kevin Donoghue

Ex: http://www.counter-currents.com

It is December 10, 1957, and a cold, dark day in Stockholm, Sweden. Inside the hall, however, it is bright and warm, with many of the world’s leading men assembled for the chance to hear directly from the bright young man about to be honored. His voice has rung out as a sign of hope and a challenge to tyrants and dictators, his work acclaimed and already achieving a place of honor in the curricula of the world’s universities. 

The author has just turned 44 years of age, yet he has the ear of the world’s great and good, as well as the ears of many a common man. His life’s work as an author has led to today’s event, the awarding of the Nobel Prize, but he is more than that: a famous newspaper editor, a philosopher, a public intellectual, a dramatist, a playwright, a playboy whose Hollywood good-looks and fame ensure a dizzying succession of women. For a time, he was the voice of the French Resistance inside France itself—indeed, from the very heart of immortal Paris—both during and immediately after the war.

Yet, on this day, many find themselves wondering what this famous man will say. He has been uncommonly quiet for months now, a matter that has incited not a small amount of public comment. The author did rouse himself during the Hungarian Uprising of 1956 and helped rally world opinion in favor of that noble but doomed effort to remove the ancient and Christian nation of Hungary from under Soviet domination. Yet, he has remained silent in the face of a national crisis gripping his own homeland.

In Algeria, French troops are fighting a no-holds-barred war against Muslim forces seeking to evict France and all Frenchmen and Christians. In Paris, all men with an interest in public affairs have staked a position on what would eventually be known as the Algerian War, a matter so dire, so central to French life as to eventually cause not just the downfall of a government but the demise of the Fourth Republic itself.

And, so, the men in Stockholm that day were more than usually interested when the honored man, Albert Camus, took to the podium to give a short lecture. And so he began:

In receiving the distinction with which your free Academy has so generously honored me, my gratitude has been profound, particularly when I consider the extent to which this recompense has surpassed my personal merits. Every man, and for stronger reasons, every artist, wants to be recognized. So do I. But I have not been able to learn of your decision without comparing its repercussions to what I really am. A man almost young, rich only in his doubts and with his work still in progress, accustomed to living in the solitude of work or in the retreats of friendship: how would he not feel a kind of panic at hearing the decree that transports him all of a sudden, alone and reduced to himself, to the center of a glaring light? And with what feelings could he accept this honor at a time when other writers in Europe, among them the very greatest, are condemned to silence, and even at a time when the country of his birth is going through unending misery? (http://www.nobelprize.org/nobel_prizes/literature/laureates/1957/camus-speech.html [2])

The lecture matched the man: short yet grand, concise yet breath-taking in scope.

However, fate would have it that Camus’ speech would not be the most famous, or the most important, words he would utter that day. For a controversy dogged his every step in Sweden. A French Algerian writer, a celebrated man of the French Left, could not be allowed to say nothing about what his comrades considered a war of national liberation that demanded their full support. So after Camus’ remarks, an Algerian student rose and asked the newly-crowned laureate, how he could remain silent in the face of his people’s struggle for justice.

And, so, Camus responded. His response confounded his comrades and revealed the extent to which Camus prized the reality of our organic connections to family and community over mere political theory and rhetoric.

People are now planting bombs on the tramway of Algiers. My mother might be on one of those tramways. If that is justice, then I prefer my mother.

That simple remark turned a simmering controversy into a firestorm of condemnation, a condemnation so furious as to—temporarily, at least—besmirch his reputation and cause the removal of his works from mandatory reading lists well into the 1980s.

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Camus and Michel
Gallimard from 1958

Those of us on the Right who are seeking both to describe the terminal problem of liberalism and to set forth a humane solution would do well to remember Camus’ point.

To be effective, to signal clearly that we are not haters and harmers, but people offering a just and humane solution to a very real, very human problem, we must remember that abstract political theories are outside of our political tradition. (They are not outside of France’s, hence, Camus’ heresy.) We must remain grounded. We must recognize why the Left writ large continues to attract souls like Camus, and we must offer an equally attractive alternative vision.

In short, let us appeal to family, not theory.


Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

URL to article: http://www.counter-currents.com/2015/04/camus-on-ideology-vs-blood/

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[1] Image: https://secure.counter-currents.com/wp-content/uploads/2014/06/camus.jpg

[2] http://www.nobelprize.org/nobel_prizes/literature/laureates/1957/camus-speech.html: http://www.nobelprize.org/nobel_prizes/literature/laureates/1957/camus-speech.html

[3] Image: http://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2015/04/messud_1_110713-e1429032863954.jpg

L'Iran, un clou dans la chaussure d'Obama?

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L'Iran, un clou dans la chaussure d'Obama?

par Jean Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Il avait été dit, mais nous n'avons pas les moyens de vérifier l'information, que signer un accord nucléaire avec l'Iran, au terme duquel ce pays renoncerait à développer une arme atomique et verrait lever les sanctions économiques contre lui, a été considéré par Barack Obama comme un grand succès personnel.
 
Ainsi pouvait-il justifier le prix Nobel de la Paix qui lui avait été décerné dans un passé déjà lointain. Plus généralement, il pouvait inscrire à son actif, au terme d'une présidence constellée de guerres perdues, d'imbroglios diplomatiques et d'échecs sur le plan intérieur, au moins une promesse tenue.

Malheureusement pour Obama, les choses ne se présentent pas aussi favorablement, concernant l'accord sur le nucléaire. D'abord ledit accord, ou plus exactement le pré-accord dit de Lausanne, est considéré par le fidèle allié Israël comme une défaite majeur infligée par l'ami américain. Benjamin Netanyahu, après l'avoir exposé devant un Congrès américain compréhensif, ne cesse de le répéter. Ce message est relayé aux Etats-Unis comme dans le reste du monde par les différents lobbys juifs, dont l'AIPAC en Amérique. Ils considèrent, à tort ou à raison que l'Iran n'a pas renoncé à la promesse faite il y a quelques années, de « rayer Israël de la carte ». On pourrait cependant penser que l'Etat juif dispose de suffisamment de moyens militaires et de renseignement pour tuer dans l'oeuf un tel projet, si Téhéran faisait la folie d'essayer de le réaliser.

Cependant, en dehors des Israéliens et de leurs amis à Washington, il apparaît qu'une très grande majorité de parlementaires américains, à la Chambre comme au Sénat, se propose de ne pas ratifier le traité avec l'Iran. Leur principal motif n'est pas la sécurité d'Israël, mais le désir de torpiller Obama, qu'ils présentent comme le plus mauvais des présidents américains. Iront-ils jusqu'à refuser le traité, ce qui serait immédiatement considéré comme une sorte de déclaration de guerre par l'Iran? La chose est fort possible. Iront-ils ensuite à pousser le Pentagone à des frappes directes contre les sites nucléaires iraniens, ou plus vraisemblablement inciter Israël à le faire? On en parle, et pas seulement à Téhéran ou Tel-Aviv.

Par précaution, le ministre iranien de la défense envisagerait en conséquence ces temps-ci un possible accord militaire entre l'Iran, la Chine et la Russie, destiné dans un premier temps à contrer le réseau antimissile de l'Otan, mis en place en Europe sous le nom de BMDE, que nous avions abondamment commenté sur ce site. L'Inde pourrait éventuellement s'y joindre ultérieurement Le BMDE est officiellement présenté comme destiné à décourager des frappes balistiques iraniennes, totalement imaginaires à ce jour. En fait, il est destiné à rendre inopérantes, comme nul ne l'ignore, des frappes russes en retour d'une attaque de l'Otan dirigée contre la Russie. Or, en cas de conflit américano-iranien, le BMDE pourrait servir à réaliser des frappes, éventuellement nucléaires, contre l'Iran. Il était donc naturel que l'Iran se tourne vers la Russie pour acquérir des batteries anti-missiles dites S.300. Au delà de cette première défense, il est également naturel que l'Iran cherche à promouvoir une alliance militaire avec la Russie et la Chine, en vue de se défendre contre toute attaque américaine, aujourd'hui ou plus tard.

Il n'est pas possible aujourd'hui de pronostiquer les chances de réalisation d'un tel accord. Mais d'ores et delà, la perspective de celui-ci renforce considérablement le poids de l'Iran, comme grande puissance régionale au Moyen-Orient. Elle pourra ainsi faire avorter les intentions des puissances sunnites alliées des Etats-Unis, dont l'Arabie Saoudite est la plus irresponsable, visant à mener des guerres au Yémen contre les Houthis, alliés de principe de l'Iran, ou contre la Syrie de Bashar al Assad, allié aussi bien de l'Iran que de la Russie.

Concernant la Chine, elle ne pourra que s'intéresser à une alliance stratégique avec l'Iran, incluant la Russie. Ainsi se constituerait un axe favorisant ses grands projets économiques et politiques, par l'intermédiaire d' un pays aux ressources considérables et qui, en tant qu'héritier du grand Empire Perse, ne s'estime pas nécessairement devoir représenter les intérêts des monarchies pétrolières. 

L'Iran, nous demandions-nous, est-elle donc en passe de devenir un clou dans la chaussure d'Obama? C'est à lui en premier lieu qu'il faudrait poser la question.

 

Jean Paul Baquiast

Debord, réac ou révolutionnaire?...

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Debord, réac ou révolutionnaire?...

par Galaad Wilgos

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Galaad Wilgos, cueilli sur le site Le Comptoir et consacré à la position de Guy Debord par rapport à la question du progrès...

« Quand être “absolument moderne” est devenu une loi spéciale proclamée par le tyran, ce que l’honnête esclave craint plus que tout, c’est que l’on puisse le soupçonner d’être passéiste. » — Guy Debord.

Le titre peut paraître improbable aux yeux des pythies progressistes. Debord, dont on honorait le vingtenaire de la mort il y a peu, idole devenue consensuelle, dont l’ouvrage – ou devrait-on dire le titre – a enfanté quantité de lieux communs, semble faire partie du milieu. À l’instar d’un Camus, devenu social-démocrate progressiste, Debord l’irréductible s’est transformé, avec l’âge et la mort, en gentil critique des médias. On a détourné Debord.

Pourtant, un certain Debord demeure ignoré du grand public. Et pour cause, l’homme qui refusait d’apparaître dans les médias, le contempteur du travail, le premier critique de son public, a développé une œuvre dotée en germes de fortes doses d’explosif. Debord, dynamite conceptuelle. Si on le connaît plus pour sa pulvérisation de la « société du spectacle » ainsi que ses remarques sur l’urbanisme, peu de gens connaissent l’auteur de ces lignes : « La décadence générale est un moyen au service de l’empire de la servitude ; et c’est seulement en tant qu’elle est ce moyen qu’il lui est permis de se faire appeler progrès. » (Panégyrique, in Œuvres, p.1684)

Car en effet, Debord n’était pas un anticapitaliste typique. Malgré une conversion pleine et entière au marxisme, sa radicalité ainsi que son adhésion au conseillisme l’avaient amené à mener de front un combat radical contre la société moderne. Faisant constamment référence au passé afin d’y tirer des exemples, il détestait de nombreux phénomènes liés à la société moderne, fustigeait les travers moraux de ses contemporains [i] et émettait des critiques qui pourraient le faire passer aux yeux de certains de nos contemporains pour un « réac’ ». Ainsi, à propos des problèmes de banlieue, Debord disait :

« Je pense que tu as noté un fait qui a été cité très vite, peu de jours après l’affrontement du pont de l’Alma. Les pompiers appelés à Montfermeil sous le prétexte d’un faux incendie sont en fait tombés dans un guet-apens, où on les attendait avec des pavés et des barres de fer. Nos vieilles chansons témoignent qu’il est après tout normal, quand on est trop dans le besoin, de “crever la panse et la sacoche” d’un contrôleur des omnibus. Mais attaquer des pompiers, cela ne s’est jamais fait quand Paris existait ; et je ne sais même pas si cela se fait à Washington ou à Moscou. C’est l’expression achevée, et pratique, de la dissolution de tous les liens sociaux. » (Jean-François Martos, Correspondance avec Guy Debord, 1998, p.137).

Debord romantique révolutionnaire

Pour comprendre cela, il faut revenir sur un concept analysé par Michael Löwy et Robert Sayre : le romantisme révolutionnaire. On ne peut pas comprendre ses critiques acerbes de la modernité sans voir qu’elles s’enracinent dans toute une tradition de pensée critique, élaborée en réaction à l’avènement du capitalisme industriel. Entendons-nous bien, il ne s’agit pas de faire de Debord un disciple de Hugo ou de Nerval – bien qu’il aimait tout particulièrement des gens comme Novalis, Coleridge ou Musset [ii]. Il s’agit en revanche de l’attacher à ce  « grand courant de protestation contre la civilisation capitaliste/industrielle moderne, au nom de valeurs du passé, qui commence au milieu du XVIIIe siècle, avec Jean-Jacques Rousseau et qui persiste, en passant par la Frühromantik allemande, le symbolisme et le surréalisme, jusqu’à nos jours ». Il se caractérise ainsi par plusieurs traits spécifiques, qui le distinguent d’une critique rationnelle et « froide » du capitalisme : « Déchiré entre nostalgie du passé et rêve d’avenir, il dénonce les désolations de la modernité bourgeoise : désenchantement du monde, mécanisation, réification, quantification, dissolution de la communauté humaine. Malgré la référence permanente à un âge d’or perdu, le romantisme n’est pas nécessairement rétrograde : au cours de sa longue histoire, il a connu aussi bien des formes réactionnaires que révolutionnaires. » [iii]

debord_oeuvres.jpgLe concept de romantisme révolutionnaire avait déjà été mis en débat dans les années 1950, lorsqu’Henri Lefebvre se rapprocha de l’Internationale situationniste. C’était notamment autour de ce concept que les deux entamèrent un dialogue plus ou moins fécond. Et de prime abord, Debord n’y semblait pas favorable. Les situationnistes refusaient en effet la conception de l’art de Lefebvre, qui distinguait encore les genres et parlait d’« œuvre » (en opposition, du reste, avec la conception de l’ancien romantisme, qui mettait du flou dans ces délimitations), alors que les situs, changeant ainsi le terrain même de la discussion, ne considéraient plus que l’existence même comme œuvre véritable, désirant ainsi dépasser l’art et sa conception moderne en faisant de la vie elle-même une œuvre d’art. Par ailleurs, leur refus du monde ne pouvait être à leurs yeux romantique que dans la mesure où l’entreprise situationniste demeurait finalement un échec – incapable de porter un coup radical à la société capitaliste –, quand bien même ce refus était inconsciemment romantique. Les situationnistes semblent cependant admettre la qualification de romantique vers le début des années 1960, au moment même où Debord et Lefebvre rompirent leur relation amicale. [iv]

La relation au passé de Debord est ainsi de tout intérêt. Comme Lefebvre, il n’acceptait pas l’idée d’un retour vers le passé comme solution au capitalisme. Romantique et antimoderne, oui, mais certainement pas réactionnaire. Alors que le situationnisme, avant-garde artistique, ne devait pas a priori s’opposer à une vision focalisée sur l’avenir, l’histoire et l’évolution de Debord ont été de magnifiques contradictions par rapport à ces visions avant-gardistes des origines. Passionné d’histoire, il puisait de nombreuses références dans le passé, afin d’en tirer des germes de négation de l’ordre capitaliste. Grand admirateur des époques et des auteurs anciens, il pouvait mentionner en des termes élogieux l’Athènes antique, la Florence de la Renaissance [v], mais aussi l’époque médiévale, avec ses récits du Saint-Graal et sa chevalerie, voire les communautés étrangères au capitalisme :

« Ce qui intéressait les situationnistes dans ces communautés était leur existence indépendante de l’État et de l’accumulation capitaliste, soit parce qu’elles leur étaient antérieures, comme les sociétés archaïques ou la chevalerie médiévale, soit parce qu’elles échappaient à leur emprise, comme les Gitans. Il ne s’agissait pas, bien sûr, de reproduire tel quel, dans une société communiste, le mode de vie des chevaliers, des nomades ou des Amérindiens, mais de s’appuyer sur leur exemple pour concevoir de nouvelles formes de vie désaliénée. » [vi]

Les situationnistes et le progrès

Peu de place pour un progrès dogmatique, donc. Cette chimère sortie toute ailée des cerveaux aériens de l’aristocratie décadente et de la bourgeoisie montante postulait l’amélioration continue de la civilisation avec le temps. L’accumulation des enseignements, les découvertes scientifiques, la pensée rationnelle seraient autant de preuves de la supériorité des Modernes sur les Anciens. Le XVIIIe siècle et ses Lumières – Rousseau excepté – en furent les parangons, le XIXe siècle et sa révolution industrielle lui donnèrent une assise matérielle, sociale. La bourgeoisie, auréolée de ses victoires révolutionnaires et en bonne place sur le trône du monde, pouvait désormais rebaptiser l’optimisme qui en découlait du doux nom de Progrès, devenant ainsi un qualificatif mélioratif, là où il désignait autrefois un simple mouvement. L’idéologie du Progrès, avec son eschatologie, son sens de l’Histoire dirigé inéluctablement vers l’Éden – des droits de l’homme et du marché pour les libéraux, de la Révolution et de la fin du capitalisme pour les marxistes – put régner en maître par l’intermédiaire des maîtres du monde – et de nombre de leurs adversaires. Face à ce nouveau dogme moderne, le romantisme s’érigea aussi en réaction aux « illusions du progrès » (Sorel), à commencer par Rousseau, critique interne aux Lumières.

Les situationnistes étaient ambigus par rapport à la question du progrès, plus particulièrement du progrès technique. L’urbanisme en est une preuve flagrante : la New Babylon élaborée par Constant Anton Nieuwenhuys était un bijou de technophilie. Reposant sur une automatisation totale du travail – abolissant dès lors, selon Constant, le travail – elle fonctionnait à l’aide des technologies les plus avancées et des matériaux les plus « modernes » pour son temps (aluminium, nylon,…). Tout y était artificiel, des bruits d’ambiance aux changements météorologiques programmés. C’était une « expression typique de la phase de modernisation que traversent les sociétés occidentales dans l’après-guerre » [vii], avec son cortège joyeux et extatique d’enthousiastes du progrès techno-scientifique. Ouvrage de science-fiction qui allait engendrer de nombreux monstres – émules d’un Constant, lui-même déconcerté (tant il n’adhérait pas non plus à une négation totale du passé) –, New Babylon assortie des productions artistiques du « peintre industriel » situationniste Giuseppe Pinot Gallizio et des affinités futuristes du mouvement, étaient de grandiloquentes proclamations technophiles.

Cependant, ce serait oublier que le mouvement s’était aussi érigé contre une certaine modernisation devenue folle. À l’instar de Rousseau, les situs critiquaient la modernité au sein de la modernité. Les rêves de récupération des développements techniques créés par le capitalisme à des fins socialistes étaient toujours présents, marxisme et imaginaire moderniste obligent, mais en dépit de cela, le projet radical de critique s’insurgeait contre les dégâts provenant de cette société. La « dérive » [viii] est un exemple notable : il s’agit d’une nouvelle forme d’activité, une forme de vie novatrice à la fois poétique et subversive, qui se construit en partie par opposition à la ville moderne. Alors que celle-ci dispose des destinations comme autant de points abstraits, séparés les uns des autres et reliés par des trajectoires généralement rectilignes – en raison d’une rationalisation instrumentale et d’un utilitarisme capitaliste – la dérive ne suit aucun schéma et préfère les chemins spontanés, les ambiances.

Celui qui dérive s’oppose à la vision purement utilitaire du déplacement urbain, avec son cortège de « non-lieux » (ces lieux de passage qui relient les points de départ et d’arrivée d’un même ensemble géographique), de sas, d’écrans, d’accélérateurs de déplacements (ascenseurs, routes, etc.) et de contraintes policières (le situ Abdelhafid Khatib ayant été incarcéré à deux reprises en cherchant à définir l’ambiance des Halles la nuit, en raison de son origine nord-africaine). La dérive était généralement effectuée ivre. « Le sens de la dérive réside bien dans son opposition à ce conditionnement, au cloisonnement de la ville, à la canalisation des trajets, à la déqualification des lieux. Il est dans la guérilla que mènent les marcheurs libres contre le quadrillage et la gestion de l’espace rendus nécessaires par une société fondée sur la division du travail et la lutte des classes. “On nous impose où il faut aller, par où il faut marcher. Et la dérive, c’est le contraire. […] On découvre des parcours inapparents dans les villes, dans les cités, dans les rues” déclarera le situationniste Ralph Rumney. » [ix] Anecdote intéressante et témoignage dramatique des ravages de la modernisation, quand Raoul Vaneigem et Debord cherchèrent à faire une dérive dans les Sarcelles, ils durent renoncer bien vite et retourner à leurs lieux habituels… Le lieu ne se prêtait en rien à la recherche d’une atmosphère et aux déplacements incongrus des situs. Il faut bien le dire, les endroits préférés des situs demeuraient les endroits historiques et préservés, des villes telles que Venise ou Amsterdam, où toute une ambiance et une géographie persistaient dans leur être, contre la modernisation galopante des villes. Ces nomades n’avaient, en réalité, jamais assez de railleries et de vitupérations contre les immondes amas de béton que sont les HLM, ou contre les buildings titanesques des grandes métropoles.

Debord écolo, anti-industriel et anti-moderne

Mais au-delà de ses ambigüités, c’est la trajectoire particulière de Guy Debord qui est la plus intéressante. Ce dernier n’a pas été épargné par les paradoxes du mouvement auquel il a appartenu, mais à l’inverse de plusieurs de ses membres, ainsi que de nombreux héritiers proclamés du situationnisme, Debord a effectué une mue en vieillissant – et notamment au contact d’intellectuels comme Jacques Ellul et Cornélius Castoriadis – vers un positionnement franchement anti-industriel, anti-moderne et écologiste. Au cours des années 1950, déjà, il commençait à lancer quelques foudres affirmées contre le modernisme échevelé. En 1957, contre l’appréciation du futurisme de certains de ses camarades, Debord dénonçait « la puérilité de [son] optimisme technique » (Rapport sur la construction des situations). Des années plus tard, son célèbre ouvrage La société du spectacle fustigera le « système économique fondé sur l’isolement [qui] est une production circulaire de l’isolement. L’isolement fonde la technique, et le processus technique isole en retour. De l’automobile à la télévision, tous les biens sélectionnés par le système spectaculaire sont aussi ses armes pour le renforcement constant des conditions d’isolement des “foules solitaires”. » (§28). La note 45 démolit le secteur tertiaire des services, qu’il décrit comme étant l’ « immense étirement des lignes d’étapes de l’armée de la distribution et de l’éloge des marchandises actuelles », dont le développement rencontrait à ce moment-là la demande d’emploi liée à l’automatisation du travail – anticipant par là les « jobs à la con » de David Graeber. Dans la note 192, Debord déplore la dissolution de la communication, du langage, et donc de la communauté, et il n’hésite pas, dans la note 115, à se revendiquer du « général Ludd », figure mythique du mouvement de bris des machines anglais !

En 1971, après de nombreuses évolutions personnelles, il rédigea un texte alors inédit, au titre qui donnait d’emblée le ton : « La planète malade ». Singulière proclamation techno-critique et écologiste (bien qu’ambiguë par moments), il y aborde la question de la pollution. L’article fait office de critique exhaustive des dégâts industriels, et notamment de la production de pollution : « augmentation rapide de la pollution chimique de l’atmosphère respirable ; de l’eau des rivières, des lacs, des lacs et déjà des océans, et l’augmentation irréversible de la radioactivité accumulée par le développement pacifique de l’énergie nucléaire ; des effets du bruit ; de l’envahissement de l’espace par des produits en matières plastiques qui peuvent prétendre à une éternité de dépotoir universel ; de la natalité folle ; de la falsification insensée des aliments ; de la lèpre urbanistique qui s’étale toujours plus à la place de ce que furent la ville et la campagne ; ainsi que des maladies mentales […] ».

Avec prescience, il y détecte déjà les récupérations de l’écologie par la société du spectacle : « la soi-disant “lutte contre la pollution”, par son côté étatique et réglementaire, va d’abord créer de nouvelles spécialisations, des services ministériels, des jobs, de l’avancement bureaucratique ». Et il conclut par un vibrant plaidoyer pour la démocratie des soviets, dite « démocratie totale », ainsi que pour la révolution : « Ce printemps [de mai 68] obtint aussi, sans précisément y monter à l’assaut, un beau ciel, parce que quelques voitures avaient brûlé et que toutes les autres manquaient d’essence pour polluer. Quand il pleut, quand il y a de faux nuages sur Paris, n’oubliez jamais que c’est la faute du gouvernement. La production industrielle aliénée fait la pluie. La révolution fait le beau temps. »

Sans concession avec une société moderne produisant tant de nuisances, il approfondit certaines critiques émises à l’encontre de la nourriture moderne dans un autre texte, peu connu, nommé « Abat-faim » et publié en 1985 dans la fameuse Encyclopédie des Nuisances (tome I, fascicule 5). On sait que Debord et ses amis situs adoraient la bonne gastronomie, mais aussi les bons breuvages. Le palais est un palais, le bon goût ne touche pas uniquement l’art mais aussi la victuaille et la boisson. Si dans le texte précédent, Debord affirmait que « pour la pensée bourgeoise, méthodologiquement, seul le quantitatif est le sérieux, le mesurable, l’effectif ; et le qualitatif n’est que l’incertaine décoration subjective ou artistique du vrai réel estimé à son vrai poids », ce texte sera pour lui l’occasion d’approfondir ceci en décortiquant les dégâts industriels sur l’évolution du goût des aliments… et donc des hommes. Pour Debord en effet, avec le progrès de la technique, nous ne mangerions plus que des abats-faims, soit « une pièce de résistance qu’on sert d’abord pour apaiser, abattre la première faim des convives » (Larousse).

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Bien avant les scandales de Findus, il y dénonce déjà les colossales malversations liées à l’industrie agro-alimentaire et à ses aliments « dont l’apparence colorée n’y garantit pas la saveur, ni la fadeur l’innocuité ». La chimie fait des ravages, couplée avec la mondialisation et la logique marchande elle permet des horreurs : viandes composées à plus de 30% de matières végétales fabriquées en laboratoire, bières infectes, voire bières concentrées (permettant le remplacement des brasseurs par de vulgaires embouteilleurs chargés de réunir les éléments séparés – le tout au profit des grandes industries brassicoles, détruisant les brasseries locales et donc du même coup tout un savoir-faire ancestral), pains composé d’ingrédients imbitables (farines non-panifiables, levures chimiques, fours électriques), fruits gardés au froid afin de résister à toutes les saisons (perdant au passage, selon un journaliste enthousiaste du Cosmopolitan, beaucoup de leur saveur naturelle), etc. Constat presque prophétique : aujourd’hui, on sait désormais scientifiquement que les fruits ne sont plus que des succédanés des fruits d’antan, une pomme des années 1950 en valant 100 des années 2000…

La nourriture est un sujet peu abordé par les révolutionnaires – si ce n’est par l’angle quantitatif. Or, c’est un enjeu tout aussi important, sinon majeur, et Debord l’avait bien compris. La logique du capitalisme tend à tout réduire à des abstractions et à nuire à l’authenticité des productions humaines. Elle crée des ersatz, et ce au profit des personnes qui possèdent le capital, seules aptes à payer des laboratoires pour toujours progresser dans la réduction des coûts, et les machines permettant de recomposer les aliments séparés. Cette réduction des coûts (et du temps), on le sait désormais, passera bientôt par la disparition des animaux, bien trop coûteux pour ceux qui ne veulent plus avoir à faire à de la chair vivante. Au nom du quantitatif, on détruit le qualitatif. Raisonnements d’esthètes ? Les premiers perdants de ces avancées sont en réalité les classes populaires. Des petites entreprises familiales en Occident transmettant un legs gastronomique séculier jusqu’aux agriculteurs vivriers qui en Afrique sont incapables de rivaliser avec la production à bas coûts (et à bas goûts) des grandes fermes industrielles occidentales, tous y perdent, et tout s’y perd : les traditions alimentaires, l’autonomie alimentaire, tout ce qui a pu se faire grâce à une production spontanée du peuple et une longue formation historique.

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Mais comment a-t-on pu en arriver là ? Debord, en antimoderne, ne peut que constater la lente déliquescence des mœurs. Il fut un temps où l’on pouvait « pendre à la lanterne » les falsificateurs de nourriture, alors que la falsification demeurait artisanale ; elle est aujourd’hui d’autant plus endémique qu’elle est acceptée passivement. « Autre temps, autres mœurs ». Le goût des hommes s’est perdu avec l’homogénéisation capitaliste. « Toute tradition historique doit disparaître, et l’abstraction devra régner dans l’absence générale de la qualité (voir l’article Abstraction). Tous les pays n’avaient évidemment pas les mêmes caractéristiques (géographiques et culturelles) dans l’alimentation. Pour s’en tenir à l’Europe, la France avait de la mauvaise bière (sauf en Alsace), du très mauvais café, etc. Mais l’Allemagne buvait de la bonne bière, l’Espagne buvait du bon chocolat et du bon vin, l’Italie du bon café et du bon vin. La France avait du bon pain, de bons vins, de nombreux fromages, beaucoup de volaille et de bœuf. Tout doit se réduire, dans le cadre du Marché Commun, à une égalité de la marchandise polluée. »

Une mise en garde d’autant plus salutaire que la question du goût n’est pas anodine. Au contraire, elle est le corollaire de celle de l’intelligence, dans tout ce que ce concept embrasse. Une vision bien trop cartésienne de l’être humain a tendu à séparer le corps et l’esprit, dans une dichotomie qui oppose finalement un matérialisme vulgaire à un idéalisme désincarné. Caricature radicale, car comme le rappelait Charles Péguy, « le spirituel couche dans le lit de camp du temporel ». L’éveil à la curiosité sous toutes ses formes est toujours passé par une forme quelconque de passion et de sensualité. Goût des mathématiques, goût de la politique, tout passe par un enracinement des activités dans les désirs et plaisirs charnels des uns et des autres – le corps, réceptacle et formateur des idées. Et les Athéniens de l’Antiquité le savaient, eux qui voyaient notamment dans la tragédie une fonction éminemment critique et démocratique : la leçon de la tragédie passait par les passions qu’elle véhiculait, transmises à l’audience. Plus on ressentait les choses, mieux c’était ; l’apathie – étymologiquement « absence de passion » – était radicalement méprisée chez les Grecs, particulièrement en politique. Plus tard, de nombreuses formes de socialisme tenteront de revaloriser le désir et la libido (parfois jusqu’à l’outrance, ce que récupèrera le capitalisme consumériste), car l’accomplissement de soi passe aussi par une adéquation entre travail, désir et plaisir.

Si Castoriadis pouvait affirmer qu’il fallait remplacer « la passion pour les objets de consommation » par « la passion pour les affaires communes » (Une société à la dérive), c’est bien parce qu’il savait qu’on ne pratiquait pas quelque chose sans que cette chose soit valorisée socialement et apprécié individuellement. La fadeur morne de la politique et des luttes sociales contemporaines est ainsi, désormais, compensée par le Spectacle et ses nuisances. Les valeurs se perdent dès lors par recul de la sensualité, qui est tout à la fois moteur d’ouverture spirituelle et médiatrice des passions.

La perte de sensualité, le mépris des sens, est finalement l’ami pervers d’un capitalisme voué à tout rationaliser, à assécher un monde où l’austérité forcée traverse le monde de la production – et la désinhibition par l’overdose de stimuli celui de la consommation. « La répétitivité et l’affadissement des discours sur la sensualité ont également à voir avec une prise de distance généralisée vis-à-vis du monde sensuel. La pacification politique, le primat de la sécurité, la défiance à l’égard des passions ont des effets anesthésiants. Sans cesse stimulées par des signaux audio et vidéo, la vue et l’ouïe – les deux sens les moins charnels – ont pris l’ascendant sur le goût, et surtout sur l’odorat et le toucher. Les corps, soumis à une infinité de stimulations externes (consommer, embellir, faire du sport, etc.) sont dépossédés d’eux-mêmes. Car l’injonction contemporaine à jouir de la vie selon des principes bien davantage hédonistes et consuméristes que sensuels est le plus souvent un moyen de canaliser les désirs et les énergies, avec une visée normalisatrice. Chacun doit être capable de rendre compte de ses manières d’accéder à des plaisirs qui ne dépassent pas les limites de ce qui est décrété acceptable ; l’éthique de la transparence, aujourd’hui triomphante, repose sur une limitation des libertés communes et sur un autocontrôle des individus. » (Thomas Bouchet, Les fruits défendus. Socialisme et sensualité du XIXe siècle à nos jours.)

Réac ou révolutionnaire ?

Alors, Guy Debord était-il réactionnaire ? Ou révolutionnaire ? La question est importante, car elle dépasse la personne, elle-même significative, de Guy Debord pour toucher les mouvements radicaux et révolutionnaires en général. L’on sait trop bien désormais le lien néfaste entre tout un pan de la tradition révolutionnaire et les idéologies du Progrès. La « table rase » du passé a justifié la diabolisation de ce dernier, et il est, encore aujourd’hui, difficile de tenir une position de valorisation du passé sans passer pour un odieux nostalgique des vieilles dominations. L’eschatologie révolutionnaire n’a pourtant pas toujours été accolée à la Révolution, qui elle-même, étymologiquement, signifie un retour au point originel.

Régis Debray le rappelle régulièrement : « C’est le présentisme qui est effrayant. La perte des anachronismes. L’instant qui scintille, sans recul pour s’en démarquer, sans l’aune pour le juger. Si maintenant tout est maintenant, disons adieu aux rébellions de demain, que le jeunisme tuera dans l’œuf. Pas de révolution sans l’insistance, l’assistance du révolu. […] Tous les révolutionnaires que j’ai rencontrés avaient un temps de retard sur le leur : le Che voulait refaire San Martín, Marcos, Zapata, Chávez, Bolívar. Comme nos jacobins en 1789, lecteurs de Plutarque et de Tite-Live, les Gracques ; et Lénine, la Commune de Paris. Les réfractaires ont la manie d’antidater, en faisant d’un anachronisme leur agenda » (Dégagements). Et comme une preuve par l’histoire, la défunte revue libertaire Offensive avait publié un dossier entier sur ces révolutions ayant précédé la Révolution française. Ces dernières se caractérisaient par un conservatisme populaire qui visait à garder ce qu’il y avait de mieux dans la société tout en restaurant les dégâts commis par les dominants. « Que la révolution soit aussi une restauration, cela devait donc être entendu au sens le plus exact de ce terme : restaurer, c’est bien remettre à neuf une bâtisse, une statue ou un meuble anciens qui ont été abîmés, pour leur permettre de se conserver dans le temps. Révolutionner, ce n’était pas “faire table rase”, cela signifiait au contraire conserver autant que possible un certain état de la société, qui n’avait pu être troublé que par la soif de richesse et de puissance des gouvernants. Par conséquent, loin de se concevoir comme des “bousculeurs”, les révolutionnaires de jadis se voulaient des mainteneurs. » (Patrick Marcolini, « Révolte et conservatisme », Offensive).

debord1.jpgL’un des apports intéressants de Guy Debord réside dans son évolution, qui a été aussi une évolution contre cette conception progressiste, modernisatrice de la Révolution. Comme la majeure partie des authentiques radicaux du XXe siècle, sa volonté d’aller à la racine du capitalisme le conduisit à prendre des positions de plus en plus opposées à la vision linaire, déterministe de l’Histoire. Il adhérait ainsi au célèbre passage du Manifeste du Parti communiste disant que « la bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de production, ce qui veut dire les rapports de production, c’est-à-dire l’ensemble des rapports sociaux. […] Ce bouleversement continuel de la production, ce constant ébranlement de tout le système social, cette agitation et cette insécurité perpétuelles distinguent l’époque bourgeoise de toutes les précédentes. Tous les rapports sociaux, figés et couverts de rouille, avec leur cortège de conceptions et d’idées antiques et vénérables, se dissolvent; ceux qui les remplacent vieillissent avant d’avoir pu s’ossifier. Tout ce qui avait solidité et permanence s’en va en fumée, tout ce qui était sacré est profané, et les hommes sont forcés enfin d’envisager leurs conditions d’existence et leurs rapports réciproques avec des yeux désabusés ». Cela s’accompagnait d’une remise en cause toute aussi radicale des normes véhiculées par le clivage gauche-droite. Considéré comme un auteur de gauche, certaines de ses positions semblaient pourtant déroutantes, désignant le problème de l’immigration comme significatif de l’évolution du monde occidental américanisé, les délinquants de banlieue comme les symptômes d’une dissolution radicale des liens sociaux, et les thèmes sociétaux comme les nouveaux cadres de la pensée bourgeoise. Cela le conduisait même à dire que « les catholiques extrémistes sont les seuls qui me paraissent sympathiques, Léon Bloy notamment. ».

Alors, Debord, réac’ ou révolutionnaire ? Gageons qu’il aurait réfuté cette opposition stupide, en montrant que la Révolution a besoin de conservation et donc du passé. Le capitalisme n’ayant plus besoin de la bourgeoisie conservatrice, il a continué sa mutation, chamboulant jusqu’aux mœurs sexuelles afin de conserver sa domination. Désormais, toute opposition authentique ne pourra se revendiquer du Progrès ou de la modernité, moteurs des changements perpétuels nécessaires au renouvellement du capitalisme. Il s’agit dès lors de puiser consciemment dans la mémoire collective pour trouver matière à créer un avenir. Des germes afin que poussent de nouvelles fleurs révolutionnaires. Guy Debord n’était pas réactionnaire, c’était un révolutionnaire sans le Progrès.

Galaad Wilgos (Le Comptoir, 23 mars 2015)

Notes :

[i] « Le fait de n’avoir jamais accordé que très peu d’attention aux questions d’argent, et absolument aucune place à l’ambition d’occuper quelque brillante fonction dans la société, est un trait si rare parmi contemporains qu’il sera sans doute parfois considéré comme incroyable, même dans mon cas. » (Panégyrique, p.1662).

[ii] « Géographie littéraire », in Œuvres, Paris, Gallimard, 2006, pp.1290-1291.

[iii] « Consumé par le feu de la nuit – le romantisme noir de Guy Debord »

[iv] http://noesis.revues.org/723#tocto1n2

[v] « Il est juste de reconnaître la difficulté et l’immensité des tâches de la révolution qui veut établir et maintenir une société sans classes. Elle peut assez aisément commencer partout où des assemblées prolétariennes autonomes, ne reconnaissant en dehors d’elles aucune autorité ou propriété de quiconque, plaçant leur volonté au-dessus de toutes les lois et de toutes les spécialisations, aboliront la séparation des individus, l’économie marchande, l’État. Mais elle ne triomphera qu’en s’imposant universellement, sans laisser une parcelle de territoire à aucune forme subsistante de société aliénée. Là, on reverra une Athènes ou une Florence dont personne ne sera rejeté, étendue jusqu’aux extrémités du monde ; et qui, ayant abattu tous ses ennemis, pourra enfin se livrer joyeusement aux véritables divisions et aux affrontements sans fin de la vie historique. » (Guy Debord, Préface à la quatrième édition italienne de La Société du spectacle)

[vi] http://noesis.revues.org/723#tocto1n2

[vii] Le mouvement situationniste. Une histoire intellectuelle, p.173

[viii] « Mode de comportement expérimental lié aux conditions de la société urbaine : technique du passage hâtif à travers des ambiances variées. Se dit aussi, plus particulièrement, pour désigner la durée d’un exercice continu de cette expérience. », « Définitions », IS, n°1, juin 1958, p.13.

[ix] Le mouvement situationniste, p.93

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Michéa: «On ne peut être politiquement orthodoxe»...

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Jean-Claude Michéa: «On ne peut être politiquement orthodoxe»...

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Jean-Claude Michéa à la revue anarcho-libertaire Ballast. Il revient, notamment, sur la « nouvelle stratégie Godwin (ou de reductio ad hitlerum) » de la gauche libérale qui vise à faire taire toute pensée critique...

Jean-Claude Michéa, dont l'essentiel de l’œuvre est désormais disponible dans la collection de poche Champs, des éditions Flammarion, a récemment publié chez cet éditeur La gauche et le peuple, un livre de débat avec Jacques Julliard

Vous venez du PCF et possédez, à la base, une formation marxiste. Comment en êtes-vous venu à vous intéresser à ces « frères ennemis », pour reprendre la formule de Guérin, que sont Bakounine, Proudhon, Rocker, Camus, Durruti, Voline, Goodman, Louise Michel, Albert Thierry, Chomsky, Landauer, James C. Scott ou Graeber, que vous ne cessez de citer au fil de vos textes ?

Bien des problèmes rencontrés par le mouvement anticapitaliste moderne tiennent au fait que le terme de « socialisme » recouvre, depuis l’origine, deux choses qu’il serait temps de réapprendre à distinguer. Il s’applique aussi bien, en effet, à la critique radicale du nouvel ordre capitaliste issu des effets croisés de la révolution industrielle et du libéralisme des Lumières qu’aux innombrables descriptions positives de la société sans classe qui était censée succéder à cet ordre, qu’il s’agisse du Voyage en Icarie de Cabet, du nouveau monde sociétaire de Charles Fourier ou de la Critique du programme de Gotha de Karl Marx. Or il s’agit là de deux moments philosophiquement distincts. On peut très bien, par exemple, accepter l’essentiel de la critique marxiste de la dynamique du capital (la loi de la valeur, le fétichisme de la marchandise, la baisse tendancielle du taux de profit, le développement du capital fictif etc.) sans pour autant souscrire – à l’instar d’un Lénine ou d’un Kautsky – à l’idéal d’une société reposant sur le seul principe de la grande industrie « socialisée » et, par conséquent, sur l’appel au développement illimité des « forces productives » et à la gestion centralisée de la vie collective (pour ne rien dire des différentes mythologies de l’« homme nouveau » – ou artificiellement reconstruit – qu’appelle logiquement cette vision « progressiste »). C’est donc l’échec, rétrospectivement inévitable, du modèle « soviétique » (modèle qui supposait de surcroît – comme l’école de la Wertkritik l’a bien montré – l’occultation systématique de certains des aspects les plus radicaux de la critique de Marx) qui m’a graduellement conduit à redécouvrir les textes de l’autre tradition du mouvement socialiste originel, disons celle du socialisme coopératif et antiautoritaire, tradition que l’hégémonie intellectuelle du léninisme avait longtemps contribué à discréditer comme « petite-bourgeoise » et « réactionnaire ».

J’ajoute que dans mon cas personnel, c’est avant tout la lecture - au début des années 1970 - des écrits de Guy Debord et de l’Internationale situationniste (suivie, un peu plus tard, de celle de George Orwell, de Christopher Lasch et d’Ivan Illich) qui m’a progressivement rendue possible cette sortie philosophique du modèle léniniste. Les analyses de l’I.S. permettaient à la fois, en effet, de penser le capitalisme moderne comme un « fait social total » (tel est bien le sens du concept de « société du Spectacle » comme forme accomplie de la logique marchande) et d’en fonder la critique sur ce principe d’autonomie individuelle et collective qui était au cœur du socialisme coopératif et de l’« anarcho-syndicalisme ». Et cela, au moment même où la plupart des intellectuels déçus par le stalinisme et le maoïsme amorçaient leur repli stratégique sur cet individualisme libéral du XVIIIe siècle – la synthèse de l’économie de marché et des « droits de l’homme » – dont le socialisme originel s’était précisément donné pour but de dénoncer l’abstraction constitutive et les implications désocialisantes.

Mais, au fond, on sent que la tradition libertaire est chez vous une profonde assise morale et philosophique bien plus qu’un programme politique (pourtant présent, aujourd’hui encore, dans tous les mouvements anarchistes constitués de par le monde). Quelles sont les limites théoriques et pratiques que vous lui trouvez et qui vous empêchent de vous en revendiquer pleinement ?

C’est une question assurément très complexe. Il est clair, en effet, que la plupart des anarchistes du XIXe siècle se considéraient comme une partie intégrante du mouvement socialiste originel (il suffit de se référer aux débats de la première internationale). Mais alors qu’il n’y aurait guère de sens à parler de « socialisme » avant la révolution industrielle (selon la formule d’un historien des années cinquante, le « pauvre » de Babeuf n’était pas encore le « prolétaire » de Sismondi), il y en a clairement un, en revanche, à poser l’existence d’une sensibilité « anarchiste » dès la plus haute Antiquité (et peut-être même, si l’on suit Pierre Clastres, dans le cas de certaines sociétés dites « primitives »). C’est ce qui avait, par exemple, conduit Jaime Semprun et l’Encyclopédie des nuisances à voir dans l’œuvre de Pao King-yen et de Hsi K’ang - deux penseurs chinois du troisième siècle – un véritable « éloge de l’anarchie » (Éloge de l’anarchie par deux excentriques chinois, paru en 2004).

Cela s’explique avant tout par le fait que la question du pouvoir est aussi ancienne que l’humanité – contrairement aux formes de domination capitalistes qui ne devraient constituer, du moins faut-il l’espérer, qu’une simple parenthèse dans l’histoire de cette dernière. Il s’est toujours trouvé, en effet, des peuples, ou des individus, si farouchement attachés à leur autonomie qu’ils mettaient systématiquement leur point d’honneur à refuser toute forme de servitude, que celle-ci leur soit imposée du dehors ou, ce qui est évidemment encore plus aliénant, qu’elle finisse, comme dans le capitalisme de consommation moderne, par devenir « volontaire ». En ce sens, il existe incontestablement une tradition « anarchiste » (ou « libertaire ») dont les principes débordent largement les conditions spécifiques de la modernité libérale (songeons, par exemple, à l’œuvre de La Boétie ou à celle des cyniques grecs) et dont l’assise principale – je reprends votre formule – est effectivement beaucoup plus « morale et philosophique » (j’ajouterais même « psychologique ») que politique, au sens étroit du terme.

C’est évidemment la persistance historique de cette sensibilité morale et philosophique (l’idée, en somme, que toute acceptation de la servitude est forcément déshonorante pour un être humain digne de ce nom) qui explique le développement, au sein du mouvement socialiste originel - et notamment parmi ces artisans et ces ouvriers de métier que leur savoir-faire protégeait encore d’une dépendance totale envers la logique du salariat - d’un puissant courant  libertaire, allergique, par nature, à tout « socialisme d’Etat », à tout « gouvernement des savants » (Bakounine) et à toute discipline de parti calquée, en dernière instance, sur les seules formes hiérarchiques de l’usine bourgeoise. Le problème c’est qu’au fur et à mesure que la dynamique de l’accumulation du capital conduisait inexorablement à remplacer la logique du métier par celle de l’emploi (dans une société fondée sur le primat de la valeur d’usage et du travail concret, une telle logique devra forcément être inversée), le socialisme libertaire allait progressivement voir une grande partie de sa base populaire initiale fondre comme neige au soleil. Avec le risque, devenu patent aujourd’hui, que la critique anarchiste originelle – celle qui se fondait d’abord sur une « assise morale et philosophique » – laisse peu à peu la place à un simple mouvement d’extrême gauche parmi d’autres, ou même, dans les cas les plus extrêmes, à une posture purement œdipienne (c’est ainsi que dans un entretien récent avec Raoul Vaneigem, Mustapha Khayati rappelait qu’une partie des querelles internes de l’I.S. pouvaient s’expliquer par le fait qu’« un certain nombre d’entre nous, autour de Debord, avait un problème à régler, un problème avec le père »).

La multiplication des conflits de pouvoir au sein de nombreuses organisations dites « libertaires » – conflits dont les scissions répétitives et la violence des polémiques ou des excommunications sont un symptôme particulièrement navrant – illustre malheureusement de façon très claire cette lente dégradation idéologique d’une partie du mouvement anarchiste moderne : celle dont les capacités de résistance morale et intellectuelle au maelstrom libéral sont, par définition, les plus faibles – comme c’est très souvent le cas, par exemple, chez les enfants perdus des nouvelles classes moyennes métropolitaines (le microcosme parisien constituant, de ce point de vue, un véritable cas d’école ). De là, effectivement, mes réticences à me situer aujourd’hui par rapport au seul mouvement anarchiste orthodoxe et, surtout, mon insistance continuelle (dans le sillage, entre autres, d’Albert Camus et d’André Prudhommeaux) à défendre cette idée de « décence commune » dont l’oubli, ou le refus de principe, conduit presque toujours un mouvement révolutionnaire à céder, tôt ou tard, à la fascination du pouvoir et à se couper ainsi des classes populaires réellement existantes.

On a du mal à savoir ce que vous pensez précisément de l'État – une problématique pourtant chère aux marxistes comme aux anarchistes...

Je n’ai effectivement pas écrit grand-chose sur cette question (sauf, un peu, dans la Double pensée et dans mon entretien avec le Mauss), tant elle me semble polluée par les querelles terminologiques. Ce que marxistes et anarchistes, en effet, critiquaient sous le nom d’État au XIXe siècle ne correspond plus entièrement à ce qu’on range aujourd’hui sous ce nom (pour ne rien dire de la critique libérale de l’État qui relève d’une autre logique, malheureusement trop facilement acceptée par certains « anarchistes » parisiens tendance Largo Winch). Le mieux est donc de rappeler ici quelques principes de bon sens élémentaire. Ce qui commande une critique socialiste/anarchiste de l’État, c’est avant tout la défense de l’autonomie populaire sous toutes ses formes (cela suppose naturellement une confiance de principe dans la capacité des gens ordinaires à s’autogouverner dans toute une série de domaines essentiels de leur vie).

Autonomie dont le point d’ancrage premier est forcément toujours local (la « commune » pris au sens large du mot – cf. Marx –, c’est-à-dire là où un certain degré de face-à-face, donc de démocratie directe – est en droit encore possible). Cela implique donc :
a) la critique de tout pouvoir bureaucratique séparé et qui entendrait organiser d’en haut la totalité de la vie commune.
b) la critique de la mythologie républicaine de « l’Universel » dont l’État serait le fonctionnaire, du moins si par « universel » on entend l’universel abstrait, pensé comme séparé du particulier et opposé à lui. L’idée en somme que les communautés de base devraient renoncer à tout ce qui les particularise pour pouvoir entrer dans la grande famille uniformisée de la Nation ou du genre humain. En bon hégélien, je pense au contraire que l’universel concret est toujours un résultat – par définition provisoire – et qu’il intègre la particularité à titre de moment essentiel (c’est-à-dire non pas comme « moindre mal », mais comme condition sine qua non de son effectivité réelle). C’est pourquoi – mais on l’a déjà dit mille fois – l’État et l’Individu modernes (autrement dit, l’État « universaliste » et l’individu « séparé de l’homme et de la communauté », Marx) définissent depuis le début une opposition en trompe l’œil (c’est Hobbes qui a génialement démontré, le premier, que l’individu absolu – celui que vante le « rebelle » libertarien – ne pouvait trouver sa vérité que dans l’État absolu [et réciproquement]).

L’individu hors-sol et intégralement déraciné (le « self made man » des libéraux) n’est, en réalité, que le complément logique du Marché uniformisateur et de l’État « citoyen » et abstrait (tout cela était déjà admirablement décrit par Marx dans la question juive). La base de toute société socialiste sera donc, à l’inverse, l’homme comme « animal social » (Marx) et capable, à ce titre, de convivialité (le contraire, en somme de l’individu stirnero-hobbesien). Le dernier livre de David Graeber sur la dette (qui prolonge les travaux du Mauss), contient, du reste, des passages remarquables sur ce point (c’est même la réfutation la plus cruelle qui soit du néo-utilitarisme de Lordon et des bourdivins). C’est pourquoi une critique socialiste/anarchiste de l’État n’a de sens que si elle inclut une critique parallèle de l’individualisme absolu. On ne peut pas dire que ce lien soit toujours bien compris de nos jours !

Pour autant, et à moins de rêver d’une fédération mondiale de communes autarciques dont le mode de vie serait nécessairement paléolithique, il est clair qu’une société socialiste développée et étendue à l’ensemble de la planète suppose une organisation beaucoup plus complexe à la fois pour rendre possible la coopération amicale entre les communautés et les peuples à tous les niveaux et pour donner tout son sens au principe de subsidiarité (on ne délègue au niveau supérieur que les tâches qui ne peuvent pas être réalisé au niveau inférieur [ce qui est exactement le contraire de la façon de procéder liée à l’Europe libérale]). C’est évidemment ici que doit se situer la réflexion – compliquée – sur le statut, le rôle et les limites des services publics, de la monnaie, du crédit public, de la planification, de l’enseignement, des biens communs etc.

Tout comme Chomsky, je ne suis donc pas trop gêné – surtout en ces temps libéraux – par l’emploi du mot « étatique » s’il ne s’agit que de désigner par là ces structures de coordination de l’action commune (avec, bien entendu, les effets d’autorité et de discipline qu’elles incluent) qu’une société complexe appelle nécessairement (que ce soit au niveau régional, national ou mondial). L’important devient alors de s’assurer du plus grand contrôle démocratique possible de ces structures par les collectivités de base (principe de rotation des fonctions, tirages au sort, interdiction d’exercer plus d’un mandat, contrôle des experts, référendums d’initiatives populaires, reddition des comptes, etc., etc.). Dans l’idéal, la contradiction dialectique entre la base et le « sommet » (et le mouvement perpétuel de va-et-vient entre les deux) pourrait alors cesser d’être « antagoniste ». Mais, vous le voyez, je n’ai improvisé là que quelques banalités de base.

Comme vous le savez, le terme « libertaire » a été inventé par Déjacque en opposition au terme « libéral », lors d’une querelle avec Proudhon. Vous n’avez pas de mots assez durs contre les « libéraux-libertaires » chers, si l’on peut dire, à Clouscard. Comment expliquez-vous cette alliance a priori incongrue ?

On aura une idée supplémentaire de toutes ces difficultés sémantiques si l’on ajoute que la traduction américaine du mot « libertaire » (le journal de Joseph Déjacque était certes publié à New-York, mais uniquement en français) est libertarian. Or ce dernier terme (qu’on a curieusement retraduit par « libertarien ») en est peu à peu venu à désigner, aux États-Unis, la forme la plus radicale du libéralisme économique, politique et culturel – celle qu’incarnent notamment Murray Rothbard et David Friedman – au point d’être parfois considéré aujourd’hui comme un simple équivalent de celui d’« anarcho-capitaliste » ! Pour dissiper ce nuage d’encre, il est donc temps d’en revenir aux fondements mêmes de la critique socialiste originelle de l’anthropologie libérale. On sait, en effet, que pour les libéraux – il suffit de lire John Rawls – l’homme doit toujours être considéré comme un être « indépendant par nature » et qui ne peut donc chercher à nouer des liens avec ses semblables (ne serait-ce – écrit ironiquement David Graeber – que pour pouvoir « échanger des peaux de castor ») que dans la stricte mesure où ce type d’engagement contractuel lui paraît « juste », c’est-à-dire, en dernière instance, conforme à son « intérêt bien compris ».

Dans cette perspective à la Robinson Crusoé (Marx voyait significativement dans le cash nexus des économistes libéraux – terme qu’il avait emprunté au « réactionnaire » Carlyle – une pure et simple « robinsonnade »), il va de soi qu’aucune norme morale, philosophique ou religieuse ne saurait venir limiter du dehors le droit « naturel » de tout individu à vivre en fonction de son seul intérêt égoïste (y compris dans sa vie familiale et affective), si ce n’est, bien entendu, la liberté équivalente dont sont supposés disposer symétriquement les autres membres d’une société libérale (les interventions de l'État « minimal » n’ayant alors plus d’autre prétexte officiel que la nécessité permanente de protéger ces libertés individuelles, que ce soit sur le plan politique et culturel – la défense des « droits de l’homme », y compris en Irak, au Mali ou en Afghanistan – ou économique – la défense de la libre concurrence et de la liberté intégrale d’entreprendre, de vendre et d’acheter). Or si la plupart des fondateurs du socialisme partageaient effectivement l’idéal émancipateur des Lumières et leur défense de l’esprit critique (ils étaient évidemment tout aussi hostiles que les libéraux aux sociétés oppressives et inégalitaires d’ancien régime), ils n’en dénonçaient pas moins l’anthropologie individualiste et abstraite sur laquelle cet idéal était structurellement fondé. À leurs yeux il allait de soi, en effet, que l’homme était d’abord un être social, dont la prétendue « indépendance naturelle » (déjà contredite par la moindre observation ethnologique) impliquait – comme Marx l’écrivait en 1857 – une « chose aussi absurde que le serait le développement du langage sans la présence d’individus vivant et parlant ensemble ».

 

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De là, naturellement, le rôle philosophique absolument central que ces premiers socialistes accordaient aux concepts d’entraide et de « communauté » (on a presque fini par oublier que le terme de « socialisme » s’opposait, à l’origine, à celui d’« individualisme ») et leur critique corrélative du dogme libéral selon lequel l’émancipation intégrale des individus ne pourrait trouver ses ultimes conditions que dans la transformation correspondante de la société – pour reprendre une formule de l’école saint-simonienne – en une simple « agrégation d’individus sans liens, sans relations, et n’ayant pour mobile que l’impulsion de l’égoïsme » (la coexistence « pacifique » des individus ainsi atomisés devant alors être assurée par les seuls mécanismes anonymes et impersonnels du Droit et du Marché, eux-mêmes placés sous l’égide métaphysique du Progrès continuel de la Science et des « nouvelles technologies »). Il suffit, dès lors, de réactiver ce clivage originel (ce qui suppose, vous vous en doutez bien, une rupture radicale avec tous les postulats idéologiques de la gauche et de l’extrême gauche contemporaines) pour redécouvrir aussitôt ce qui sépare fondamentalement un authentique libertaire – celui dont la volonté d’émancipation personnelle, à l’image de celle d’un Kropotkine, d’un Gustav Landauer, ou d’un Nestor Makhno, s’inscrit nécessairement dans un horizon collectif et prend toujours appui sur les « liens qui libèrent » (comme, par exemple, l’amour, l’amitié ou l’esprit d’entraide) – d’un « libertaire » libéral (ou « anarcho-capitaliste ») aux yeux duquel un tel travail d’émancipation personnelle ne saurait être l'œuvre que d’un sujet « séparé de l’homme et de la communauté » (Marx), c’est-à-dire, en définitive, essentiellement narcissique (Lasch) et replié sur ses caprices individuels et son « intérêt bien compris » (quand ce n’est pas sur sa seule volonté de puissance, comme c’était par exemple le cas chez le Marquis de Sade).

C’est d’ailleurs cette triste perversion libérale de l’esprit « libertaire » que Proudhon avait su décrire, dès 1858, comme le règne de « l’absolutisme individuel multiplié par le nombre de coquilles d’huîtres qui l’expriment ». Description, hélas, rétrospectivement bien prophétique et qui explique, pour une grande part, le désastreux naufrage intellectuel de la gauche occidentale moderne et, notamment, son incapacité croissante à admettre que la liberté d’expression c’est d’abord et toujours, selon la formule de Rosa Luxemburg, la liberté de celui qui pense autrement.

L'an passé, Le Monde libertaire vous a consacré quelques pages. S’il louait un certain nombre de vos analyses, il vous reprochait votre usage du terme « matriarcat », votre conception de l’internationalisme et de l'immigration, et, surtout, ce qu’il percevait comme une complaisance à l’endroit des penseurs et des formations nationalistes ou néofascistes – au prétexte qu’ils seraient antilibéraux et que cela constituerait votre clivage essentiel, quitte à fouler aux pieds tout ce qui, dans ces traditions, s’oppose brutalement à l’émancipation de chacune des composantes du corps social. Comprenez-vous que vous puissiez créer ce « malaise », pour reprendre leur terme, au sein de tendances (socialistes, libertaires, communistes, révolutionnaires, etc.) dont vous vous revendiquez pourtant ?

Proudhon.jpgPassons d’abord sur l’idée grotesque – et visiblement inspirée par le courant féministe dit « matérialiste » – selon laquelle l’accumulation mondialisée du capital (dont David Harvey rappelait encore récemment qu’elle constituait la dynamique de base à partir de laquelle notre vie était quotidiennement façonnée) trouverait sa condition anthropologique première dans le développement du « patriarcat » – lui-même allègrement confondu avec cette domination masculine qui peut très bien prospérer, à l’occasion, à l’abri du matriarcat psychologique. Une telle idée incite évidemment à oublier – comme le soulignait déjà Marx – que le processus d’atomisation marchande de la vie collective conduit, au contraire, « à fouler aux pieds toutes les relations patriarcales » et, d’une manière générale, à noyer toutes les relations humaines « dans les eaux glacées du calcul égoïste ».

Passons également sur cette assimilation pour le moins hâtive (et que l’extrême gauche post-mitterrandienne ne songe même plus à interroger) de l’internationalisme du mouvement ouvrier originel à cette nouvelle idéologie « mobilitaire » (dont la libre circulation mondiale de la force de travail et le tourisme de masse ne représentent, du reste, qu’un aspect secondaire) qui constitue désormais – comme le rappelait Kristin Ross – « le premier impératif catégorique de l’ordre économique » libéral. Mes critiques semblent avoir oublié, là encore, que l’une des raisons d’être premières de l’association internationale des travailleurs, au XIXe siècle, était précisément la nécessité de coordonner le combat des différentes classes ouvrières nationales contre ce recours massif à la main d’œuvre étrangère qui apparaissait déjà, à l’époque, comme l’une des armes économiques les plus efficaces de la grande bourgeoisie industrielle. Comme le soulignaient, par exemple, les représentants du mouvement ouvrier anglais (dans un célèbre appel de novembre 1863 adressé au prolétariat français), « la fraternité des peuples est extrêmement nécessaire dans l’intérêt des ouvriers. Car chaque fois que nous essayons d’améliorer notre condition sociale au moyen de la réduction de la journée de travail ou de l’augmentation des salaires, on nous menace toujours de faire venir des Français, des Allemands, des Belges qui travaillent à meilleur compte ».

Naturellement, les syndicalistes anglais – étrangers, par principe, à toute xénophobie – s’empressaient aussitôt d’ajouter que la « faute n’en est certes pas aux frères du continent, mais exclusivement à l’absence de liaison systématique entre les classes industrielles des différents pays. Nous espérons que de tels rapports s’établiront bientôt [de fait, l’association internationale des travailleurs sera fondée l’année suivante] et auront pour résultat d’élever les gages trop bas au niveau de ceux qui sont mieux partagés, d’empêcher les maîtres de nous mettre dans une concurrence qui nous rabaisse à l’état le plus déplorable qui convient à leur misérable avarice » (notons qu’on trouvait déjà une analyse semblable des effets négatifs de la politique libérale d’immigration dans l’ouvrage d’Engels sur la situation de la classe laborieuse en Angleterre). Comme on le voit, la conception de la solidarité internationale défendue par les fondateurs du mouvement ouvrier était donc un peu plus complexe (et surtout impossible à confondre avec ce culte de la « mobilité » et de la « flexibilité » qui est au cœur de l’idéologie capitaliste moderne) que celle du brave Olivier Besancenot ou de n’importe quel autre représentant de cette nouvelle extrême gauche qui apparaît désormais – pour reprendre une expression de Marx – « au-dessous de toute critique ».

Quant à l’idée selon laquelle ma critique du capitalisme entretiendrait un rapport ambigu, certains disent même structurel, avec le « néofascisme » – idée notamment propagée par Philippe Corcuff, Luc Boltanski et Jean-Loup Amselle –, elle me semble pour le moins difficile à concilier avec cet autre reproche (que m’adressent paradoxalement les mêmes auteurs) selon lequel j’accorderais trop d’importance à cette notion de common decency qui constituait aux yeux d’Orwell le seul fondement moral possible de tout antifascisme véritable. Il est vrai que les incohérences inhérentes à ce type de croisade (dont le signal de départ avait été donné, en 2002, par la très libérale Fondation Saint-Simon, avec la publication du pamphlet de Daniel Lindenberg sur les « nouveaux réactionnaires ») perdent une grande partie de leur mystère une fois que l’on a compris que l’objectif premier des nouveaux évangélistes libéraux était de rendre progressivement impossible toute analyse sérieuse (ou même tout souvenir concret) de l’histoire véritable des « années trente » et du fascisme réellement existant.

Et cela, bien sûr, afin de faire place nette – ce qui n’offre plus aucune difficulté majeure dans le monde de Youtube et des « réseaux sociaux » – à cet « antifascisme » abstrait et purement instrumental sous lequel, depuis 1984, la gauche moderne ne cesse de dissimuler sa conversion définitive au libéralisme. Bernard-Henri Lévy l’avait d’ailleurs reconnu lui-même lorsqu’il écrivait, à l’époque, que « le seul débat de notre temps [autrement dit, le seul qui puisse être encore médiatiquement autorisé] doit être celui du fascisme et l’antifascisme ». Or on ne peut rien comprendre à l’écho que le fascisme a pu rencontrer, tout au long du XXe siècle, dans de vastes secteurs des classes populaires, et des classes moyennes, si l’on ne commence pas – à la suite d’Orwell – par prendre acte du fait qu’il constituait d’abord, du moins dans sa rhétorique officielle, une forme pervertie, dégradée, voire parodique du projet socialiste originel (« tout ce qu’il y a de bon dans le fascisme – n’hésitait pas à écrire Orwell – est aussi implicitement contenu dans le socialisme »). Ce qui veut tout simplement dire que cette idéologie ontologiquement criminelle (analyse qui vaudrait également pour les autres formes de totalitarisme, y compris celles qui s’abritent aujourd’hui sous l’étendard de la religion) trouvait, au même titre que le socialisme, son point de départ moral et psychologique privilégié dans le désespoir et l’exaspération croissante d’une partie des classes populaires devant cette progressive « dissolution de tous les liens sociaux » (Debord) que le principe de neutralité axiologique libéral engendre inexorablement (processus qu’Engels décrivait, pour sa part, comme la « désagrégation de l’humanité en monades dont chacune à un principe de vie particulier et une fin particulière »).

Naturellement, la fétichisation du concept d’unité nationale (qui ne peut qu’entretenir l’illusion d’une collaboration « équitable » entre le travail et le capital) et sa nostalgie romantique des anciennes aristocraties guerrières (avec son culte du paganisme, de la hiérarchie et de la force brutale) interdisaient par définition au fascisme de désigner de façon cohérente les causes réelles du désarroi ressenti par les classes populaires, tout comme la véritable logique de l’exploitation à laquelle elles se trouvaient quotidiennement soumises. De là, entre autres, cet « antisémitisme structurel » (Robert Kurz) qui « ne fait que renforcer le préjugé populaire du "capital accapareur" rendu responsable de tous les maux de la société et qui, depuis deux cents ans, est associé aux juifs » (Robert Kurz ne manquait d’ailleurs pas de souligner, après Moishe Postone, que cet antisémitisme continuait d’irriguer, « de façon consciente ou inconsciente » – et, le plus souvent, sous le masque d’une prétendue solidarité avec le peuple palestinien – une grande partie des discours de l’extrême gauche contemporaine). Il n’en reste pas moins que l’idéologie fasciste – comme c’était d’ailleurs déjà le cas, au XIXe siècle, de celle d’une partie de la droite monarchiste et catholique (on se souvient, par exemple, du tollé provoqué sur les bancs de la gauche par Paul Lafargue – en décembre 1891 – lorsqu’il avait osé saluer dans une intervention du député catholique Albert de Mun « l’un des meilleurs discours socialistes qui aient été prononcés ici ») – incorpore, tout en les dénaturant, un certain nombre d’éléments qui appartiennent de plein droit à la tradition socialiste originelle.

Tel est bien le cas, entre autres, de la critique de l’atomisation marchande du monde, de l’idée que l’égalité essentiellement abstraite des « citoyens » masque toujours le pouvoir réel de minorités qui contrôlent la richesse et l’information, ou encore de la thèse selon laquelle aucun monde véritablement commun ne saurait s’édifier sur l’exigence libérale de « neutralité axiologique » (d’ailleurs généralement confondue, de nos jours, avec le principe de « laïcité ») ni, par conséquent, sur ce relativisme moral et culturel « postmoderne » qui en est l’expression philosophique achevée (à l’inverse, on aurait effectivement le plus grand mal à trouver, dans toute l’œuvre d’Eric Fassin, une seule page qui puisse réellement inciter les gens ordinaires à remettre en question la dynamique aveugle du capital ou l’imaginaire de la croissance et de la consommation). C’est naturellement l’existence de ces points d’intersection entre la critique fasciste de la modernité libérale (ou, d’une manière générale, sa critique « réactionnaire ») et celle qui était originellement portée par le mouvement ouvrier socialiste, qui allait donc permettre aux think tanks libéraux (Fondation Saint-Simon, Institut Montaigne, Terra Nova, etc.) de mettre très vite au point – au lendemain de la chute de l’empire soviétique – cette nouvelle stratégie Godwin (ou de reductio ad hitlerum) qui en est progressivement venue à prendre la place de l’ancienne rhétorique maccarthyste. Stratégie particulièrement économe en matière grise – d’où le succès qu’elle rencontre chez beaucoup d’intellectuels de gauche – puisqu’il suffira désormais aux innombrables spin doctors du libéralisme de dénoncer rituellement comme « fasciste » (ou, à tout le moins, de nature à engendrer un regrettable « brouillage idéologique ») toute cette partie de l’héritage socialiste dont une droite antilibérale se montre toujours capable, par définition, de revendiquer certains aspects – moyennant, bien sûr, les inévitables ajustements que son logiciel inégalitaire et nationaliste lui impose par ailleurs.

 

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À tel point que les représentants les plus intelligents de cette droite antilibérale ont eux-mêmes fini par comprendre, en bons lecteurs de Gramsci, tout le bénéfice qu’il leur était à présent possible de tirer de leurs hommages sans cesse plus appuyés – et sans doute parfois sincères – à l’œuvre de Marx, de Debord ou de Castoriadis. Un tel type de récupération est, du reste, d’autant plus inévitable que le disque dur métaphysique de la gauche moderne – à présent « prisonnière de l’ontologie capitaliste » (Kurz) – ne lui permet plus, désormais, de regarder en face la moindre réalité sociologique concrète (comme dans le célèbre conte d’Andersen sur les Habits neufs de l’Empereur) et, par conséquent, de percevoir dans la détresse et l’exaspération grandissantes des classes populaires (qu’elle interprète nécessairement comme un signe de leur incapacité frileuse à s’adapter « aux exigences du monde moderne ») tout ce qui relève, au contraire, d’une protestation légitime (je renvoie ici au remarquable essai de Stephen Marglin sur The Dismal science) contre le démantèlement continuel de leurs identités et de leurs conditions matérielles de vie par la dynamique transgressive du marché mondialisé et de sa culture « postmoderne » (« cette agitation et cette insécurité perpétuelles » – écrivait déjà Marx – « qui distinguent l’époque bourgeoise de toutes les précédentes »).

De là, bien entendu, l’étonnante facilité avec laquelle il est devenu aujourd’hui possible de discréditer a priori toutes ces mises en question de la logique marchande et de la société du Spectacle qui, il y a quelques décennies encore, étaient clairement le signe d’une pensée radicale – qu’il s’agisse de l’École de Francfort, de l’Internationale situationniste ou des écrits d’Ivan Illich. Si, par exemple, le Front National – tournant le dos à la rhétorique reaganienne de son fondateur – en vient, de nos jours, à soutenir l’idée que les politiques libérales mises en œuvre par la Commission européenne, et le déchaînement correspondant de la spéculation financière internationale, sont l’une des causes majeures du chômage de masse (tout en prenant évidemment bien soin de dissocier ce processus de financiarisation « néolibéral » des contradictions systémiques que la mise en valeur du capital productif rencontre depuis le début des années soixante-dix), on devra donc désormais y voir la preuve irréfutable que toute critique de l’euro et des politiques menées depuis trente ans par l’oligarchie bruxelloise ne peut être que le fait d’un esprit « populiste », « europhobe » ou même « rouge-brun » (et peu importe, au passage, que le terme d’« europhobie » ait lui-même été forgé par la propagande hitlérienne, au cours de la Seconde Guerre mondiale, dans le but de stigmatiser la résistance héroïque des peuples anglais et serbe à l’avènement d’une Europe nouvelle !).

En ce sens, la nouvelle stratégie Godwin apparaît bien comme l’héritière directe de la « Nouvelle Philosophie » de la fin des années soixante-dix. À ceci près, que là où un Glucksmann ou un BHL se contentaient d’affirmer que toute contestation radicale du capitalisme conduisait nécessairement au Goulag, la grande innovation théorique des Godwiniens aura été de remplacer la Kolyma et les îles Solovski par Auschwitz, Sobibor et Treblinka. De ce point de vue, Jean-Loup Amselle – avec son récent pamphlet sur les « nouveaux Rouges-Bruns » et le « racisme qui vient » – est incontestablement celui qui a su conférer à ces nouveaux « éléments de langage » libéraux une sorte de perfection platonicienne. Au terme d’une analyse fondée sur le postulat selon lequel « la culture n’existe pas, il n’y a que des individus » (hommage à peine voilé à la célèbre formule de Margaret Thatcher), il réussit, en effet, le tour de force de dénoncer dans le projet d’une « organisation sociale et économique reposant sur les principes d’échange non marchand, de don, de réciprocité et de redistribution » – autrement dit dans le projet socialiste traditionnel – l’une des incarnations les plus insidieuses, du fait de son supposé « primitivisme », de cette « posture rouge-brune qui fait le lit du Front national et de Riposte laïque » (il est vrai qu’aux yeux de cet étrange anthropologue de gauche, les partisans de la décroissance, les écologistes et les « anarchistes de tout poil » avaient déjà, depuis longtemps, largement contribué à cette lente fascisation des esprits). Le fait qu’une pensée aussi délirante ait pu rencontrer un écho favorable auprès de tant d’« antifascistes » auto-proclamés (pour ne rien dire des éloges dithyrambiques d’un Laurent Joffrin) nous en apprend donc énormément sur l’ampleur du confusionnisme qui règne aujourd’hui dans les rangs de la gauche et de l’extrême gauche post-mitterrandiennes – mouvement anarchiste compris.

Et, comme par hasard, c’est précisément dans un tel contexte idéologique – contexte dans lequel tous les dés ont ainsi été pipés d’avance – que tous ceux qui tiennent la critique socialiste de Marx, d’Orwell ou de Guy Debord pour plus actuelle que jamais et contestent donc encore, avec un minimum de cohérence, le « monde unifié du capital » (Robert Kurz), se retrouvent désormais sommés par les plus enragés des « moutons de l’intelligentsia » (Debord) de s’expliquer en permanence sur la « complaisance » que cette critique entretiendrait nécessairement avec les idéologies les plus noires du XXe siècle. Avec à la clé – j’imagine – l’espoir des évangélistes libéraux d’amener ainsi tous ces mauvais esprits à mettre, à la longue, un peu d’eau dans leur vin, de peur de passer pour « passéistes » ou « réactionnaires ». Tout comme, sous le précédent règne du maccarthysme, c’était, à l’opposé, la peur d’être assimilés à des « agents de Moscou » qui était censée paralyser les esprits les plus critiques. Il se trouve hélas (et j’en suis sincèrement désolé pour tous ces braves policiers de la pensée qui ne font, après tout, que le travail pour lequel l’Université les paye) qu’il y a déjà bien longtemps que j’ai perdu l’habitude de me découvrir – dans la crainte et le tremblement – devant chaque nouvelle procession du clergé « progressiste » (ou, si l’on préfère, devant chaque nouvelle étape du développement capitaliste). Mais n’est-ce pas George Orwell lui-même qui nous rappelait qu’« il faut penser sans peur » et que « si l’on pense sans peur, on ne peut être politiquement orthodoxe » ?

Jean-Claude Michéa (Ballast, 9 février 2015)

dimanche, 19 avril 2015

David Engels: Auf dem Weg ins Imperium

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Veranstaltung:


Sämtliche Veranstaltungen finden in der Bibliothek des Konservatismus, Fasanenstraße 4, 10623 Berlin (Charlottenburg) statt. Anmeldung erforderlich.

Anmeldungen, wenn nicht anders angegeben, bitte per E-Mail an veranstaltungen@fkbf.de oder per Fax an 030-315 17 37 21.

Es werden keine individuellen Anmeldebestätigungen versandt. Sofern Sie keine gegenteilige Nachricht von uns erhalten, gilt Ihre Anmeldung als bestätigt.

Montag, 27. April 2015, 19 Uhr: Buchvorstellung

David Engels, Brüssel

Auf dem Weg ins Imperium – Die Krise der Europäischen Union und der Untergang der römischen Republik

Steht die Europäische Union vor einem ähnlich spektakulären Systemwechsel wie einst die späte Römische Republik? Die umfassenden Forschungsergebnisse des Historikers David Engels bestätigen offenbar Oswald Spenglers Studie „Der Untergang des Abendlandes“ und ermöglichen ein neues Verständnis für die komplexen Probleme unserer Zeit. Anhand von zwölf Indikatoren vergleicht er verschiedene Aspekte der Identitätskonstruktion der EU mit Krisensymptomen der ausgehenden Römischen Republik und zieht dabei beunruhigende Parallelen: Der Wandel von einer von Werteverlust, Dauerkrise, Reformstau und politischem Immobilismus gekennzeichneten Republik zu einem autoritären Imperium zeichnet sich heute auch in der EU ab. Immigrationsproblematik und Bevölkerungsrückgang, Materialismus und Globalisierung, Werteverlust und Fundamentalismus, Technokratie und Politikverdrossenheit, der Verlust von Freiheit und Demokratie, all diese scheinbar so modernen Probleme brachten bereits vor 2000 Jahren die Römische Republik ins Wanken. Die europäische Demokratie steht scheinbar am Abgrund. Entscheidend für das politische Überleben der Europäischen Union, so Engels Analyse, ist die Rückbesinnung auf die ureigene europäische Identität mit ihrer kulturellen Tradition, jenseits abstrakter Gleichmacherei.

Prof. Dr. David Engels, Jahrgang 1979, ist seit 2008 Inhaber des Lehrstuhls für Römische Geschichte an der Universität Brüssel (ULB) und seit 2012 Direktor der altertumswissenschaftlichen Zeitschrift Latomus. 2013 veröffentlichte er in Paris das Buch 'Le déclin', das in Frankreich für eine lebhafte Debatte über die Frage sorgte, ob auch die Europäische Union, genau wie die spätrömische Republik, einer Zeit der Bürgerkriege und der Transformation in ein autoritäres Regime entgegengehen wird.

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Vers la réconciliation nationale?

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Quand la Nouvelle Route de la Soie rencontre l'Union eurasienne

Quand la Nouvelle Route de la Soie rencontre l'Union eurasienne

Auteur : Pepe Escobar
Ex: http://zejournal.mobi

Tous les rêves des exceptionnalistes qui prient pour que la Russie et la Chine abandonnent leur solide partenariat stratégique gagnant-gagnant, entièrement conçu pour leurs intérêts nationaux communs, ont été dissipés par la visite cruciale à Moscou du ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi.

poutine_Wang_Yi_moscou.jpgA Moscou, Wang a souligné à la fois la politique Look East de la Russie et celle de la Chine Go West – qui englobent essentiellement l'immense projet de Nouvelles Routes de la Soie – disant que ce projet « a créé des opportunités historiques pour l'amarrage des stratégies de développement des deux pays. »

Ils sont entièrement en phase. Look East, la stratégie de la Russie, ne concerne pas seulement la Chine, mais au moins autant l'intégration eurasienne que les routes de la soie de la Chine Nouvelle, car Moscou en a besoin pour développer la Sibérie orientale et l'Extrême-Orient russe.

Le partenariat stratégique, en perpétuelle évolution n'englobe pas seulement l'énergie, y compris la possibilité d'investissements chinois dans des projets cruciaux de pétrole et de gaz russes, mais aussi l'industrie de la défense ; il est de plus en plus question d'investissement, de banque, de finance et de haute technologie.

La portée du partenariat est extrêmement large, de la coopération Russie-Chine au sein de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) au rôle de la Russie et de la Chine dans la nouvelle banque de développement BRICS, et du soutien de la Russie à l'infrastructure chinoise dirigée par la Banque asiatique d'investissement (AIIB) et la Fondation de la Route de la Soie.

Pékin et Moscou, avec les autres nations du BRICS, se dirigent rapidement vers un commerce débarrassé du rôle du dollar US, en utilisant leurs propres monnaies. En parallèle, ils étudient la création d'un système SWIFT de remplacement – qui sera nécessairement rejoint par les pays de l'UE, comme ils se joignent à l'AIIB ; car si en théorie l'Allemagne pourrait se permettre de perdre son commerce avec la Russie en raison de la politique de sanctions de Berlin – au grand mécontentement des industriels allemands –, elle ne peut tout simplement pas se passer de l'énergie russe. Et pour l'Allemagne, perdre le commerce avec la Chine est totalement impensable.

Le Trans-Siberian boosté aux stéroïdes

Deux jours après sa visite à Moscou, Wang est allé jusqu'à rencontrer le ministre des Affaires étrangères de Mongolie Lundeg Purevsuren, soulignant que la Nouvelle Route de la Soie développera une nouvelle plate-forme, un corridor économique trilatéral reliant la Russie, la Chine et la Mongolie.

Ce à quoi Wang faisait allusion est le corridor de transport eurasien prévu – qui mettra en vedette, un chemin de fer flambant neuf haute vitesse Trans-Siberian de $278 milliards reliant Moscou à Pékin, en seulement 48 heures, avec toutes les escales intermédiaires.

Il était donc inexorable que Wang lui-même assemble les pièces du puzzle que Washington refuse de voir : « La construction du corridor économique Chine-Russie-Mongolie relierait la Ceinture économique de la Route de la Soie en Chine au plan ferroviaire transcontinental de la Russie et au programme de la Route de la Prairie en Mongolie. »

Ce que nous avons ici avant tout, c'est la Nouvelle Route de la Soie, qui établit une connexion directe entre la Chine et l'Union économique Russie-Eurasie-(EEU). La Chine et l'EEU sont tenues de mettre en place une zone de libre-échange. Rien de plus naturel en pratique, car il s'agit du sujet de l'intégration eurasienne. Les détails seront entièrement discutés lorsque le président chinois Xi Jinping ira en visite à Moscou le mois prochain, et au Forum économique de Saint-Pétersbourg en juin.

La connexion IP chinoise

La politique chinoise à couper le souffle du Go West débloque enfin aussi un défi clé du Pipelineistan dans la Nouvelle Route de la Soie ; le gazoduc Iran-Pakistan (IP), qui à l'origine incluait l'Inde, était sans relâche harcelé par les deux administrations Bush et Obama et bloqué par les sanctions américaines.

Le tronçon iranien de 900 km, jusqu'à la frontière pakistanaise, est déjà terminé. Ce qui reste – 780 km, coût $2 milliards – sera essentiellement financé par Pékin, le travail technique étant effectué par une filiale de la CNPC. Le Président Xi va annoncer l'accord à Islamabad ce mois-ci.

Donc, ce que nous avons ici, c'est une Chine qui intervient activement, dans le style gagnant-gagnant, afin de mettre en place un cordon ombilical d'acier entre l'Iran et le Pakistan, pour le transport de gaz, avant même que les sanctions sur l'Iran soient levées, progressivement ou non. Appelez cela l'esprit d'entreprise des Nouvelles Routes de la soie en action – chapitre Asie du Sud.

Bien sûr, il y a aussi des avantages innombrables pour Pékin. L'Iran est déjà une question de sécurité nationale pour la Chine – en tant que premier fournisseur de pétrole et de gaz. Le pipeline passera par Gwadar, le port stratégique de l'océan Indien, déjà sous gestion chinoise. Le gaz pourra alors être expédié en Chine par la mer ou – mieux encore – un nouveau pipeline de Gwadar au Xinjiang, parallèle à l'autoroute du Karakoram, pourrait être construit au cours des prochaines années, contournant ainsi le détroit de Malacca, qui est un objectif crucial de la stratégie de diversification énergétique complexe de la Chine.

Et puis il y a l'Afghanistan – qui, du point de vue de Pékin s'inscrit dans le projet de la Nouvelle Route de la Soie en tant que corridor de ressources entre le Sud et l'Asie centrale.

Pékin veut idéalement investir dans le développement des infrastructures de l'Afghanistan pour accéder à ses ressources et consolider encore une autre tête de pont du Xinjiang à l'Asie centrale et plus loin vers le Moyen-Orient. Les produits fabriqués en Chine doivent actuellement passer par le Pakistan pour être exportés vers l'Afghanistan .

CNPC et la China Metallurgical Group Corp. sont déjà en Afghanistan, par le biais d'investissements dans le bassin pétrolifère de l'Amou-Daria et dans l »énorme mine de cuivre d'Anyak. C'est pas simple, mais c'est un début. La Russie et la Chine membres de la SCO ont grand besoin d'un Afghanistan stable, mûr pour le business à la fois dans la Nouvelle Route de la Soie et dans l'EEU. La question clé est de savoir comment satisfaire les talibans. Certes, en n'appliquant pas les méthodes de Washington.

Pendant ce temps, la proposition du Pentagone, pour ce que son nouveau chef Ash Carter décrit dédaigneusement comme cette partie du monde, est de déployer – devinez quoi – de nouvelles armes qui vont du système de défense antimissile THAAD encore en production, jusqu'aux derniers bombardiers furtifs en passant par les les unités spécialisée dans la cyber-guerre. La coopération économique eurasienne ? On oublie. Pour le Pentagone et l'Otan – qui, soit dit en passant, ont récemment perdu une guerre de treize ans contre les talibans – la coopération économique est pour les poules mouillées.


- Source : Pepe Escobar

dimanche, 12 avril 2015

El infierno de lo igual: La sociedad de la transparencia

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El infierno de lo igual: La sociedad de la transparencia

Byung-Chul Han
Ex: http://blogs.culturamas.es

Un exceso de positividad está cambiando el paradigma de occidente, sentencia Byung-Chul Han, filósofo alemán de origen coreano en su libro ‘La sociedad del Cansancio’, un interesante ensayo que hace unos días reseñaba en este blog. Hoy quiero acercaros ‘La sociedad de la transparencia’ (editado también por Herder Editorial, en el año 2013), de este mismo autor, en el cual el filósofo profundiza sobre las consecuencias que el abandono de la negatividad y de toda resistencia a la alteridad está operando en la sociedad actual, totalizado el concepto de la transparencia hasta convertirlo en un fetiche.

“Ningún otro lema domina hoy tanto el discurso público como la transparencia”, explica Byung-Chul Han. La omnipresencia de lo transparente no puede reducirse a un cambio en el ámbito de lo político o lo económico, sino que encuentra su explicación dentro de un cambio de paradigma social, en lo que el autor denomina la nueva ‘sociedad positiva’. La abolición de lo negativo ha inundado el torrente del capital, la comunicación y la información; el cálculo, la dirección y el control someten hoy nuestras acciones volviéndolas transparentes.

“La transparencia es una coacción sistémica que se apodera de todos los sucesos sociales y los somete a un profundo cambio”. Desmontando toda su negatividad, eliminando lo extraño, la imposición de la transparencia busca volver nuestras acciones operacionales y acelerarlas. “Las cosas se tornan transparentes cuando se despojan de su singularidad y se expresan completamente en la dimensión del precio. El dinero, que todo lo hace comparable con todo, suprime cualquier rasgo de lo inconmensurable, cualquier singularidad de las cosas. La sociedad de la transparencia es un infierno de lo igual.”

“Una nueva palabra para uniformación: transparencia”

Carente de destino el tiempo ha perdido su carácter fluido para nivelarse a un presente siempre disponible, se ha vuelto transparente. El futuro se visualiza como un presente optimizado, se ha vuelto transparente. Las imágenes se han liberado de toda dramaturgia, de toda su profundidad hermética, se han vuelto pornográficas, se han vuelto transparentes. “La coacción de la transparencia nivela al hombre mismo hasta convertirlo en un elemento funcional del sistema. Ahí está la violencia de la trasparencia”, sentencia el autor.

Catalogando de ingenua la ideología del Post-Privacy, que busca el abandono de la esfera privada en pos de conducir a una comunicación transparente, Byung-Chul Han reflexiona sobre la imposibilidad de que opere una transparencia efectiva en los hombres consigo mismos o con sus semejantes, dado que el inconsciente permanece oculto para el Yo, lo cual vuelve también imposible una transparencia interpersonal, que por otra parte no es deseable. “Precisamente la falta de transparencia del otro es lo que mantiene viva la relación”, protegiendo la atracción y la vitalidad. “Una relación transparente es una relación muerta (…) sólo lo muerto puede ser transparente”.

El mundo se ha vuelto más desvergonzado y desnudo. Hoy, ejercitarse en la actitud de la distancia es una forma de resistencia ante el totalitarismo de la trasparencia. “La distancia y la vergüenza no pueden insertarse en el ritmo acelerado del capital, de la información y de la comunicación”. La negatividad de dejar que las cosas caigan en el olvido, o de no saber, muchas veces obra en beneficio, pero la sociedad de la transparencia no permite que nada escape a la visibilidad, ni da oportunidad a espacios vacíos, por lo que la inspiración y el pensamiento, ambos necesitados de esa laguna, se ven perjudicados. “Una sociedad que no admitiera ya ninguna negatividad de un vacío sería una sociedad sin dicha. Amor sin ninguna laguna de visión es pornografía. Y sin laguna de saber el pensamiento degenera para convertirse en cálculo.”

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La sociedad positiva, escribe el autor, despojándose de toda negatividad se olvida de enfrentarse al sufrimiento y al dolor, olvida darles forma. Para Nietzsche, el alma humana agradece su profundidad, grandeza y fuerza, precisamente, a la demora en lo negativo. La infelicidad inculca fortaleza. “La sociedad positiva está en vías de organizar el alma humana totalmente de nuevo. En el curso de su positivación también el amor se aplana para convertirse en un arreglo de sentimientos agradables y de excitaciones sin complejidad ni consecuencias.”

El amor, despojado de sufrimiento y pasión, de sus figuras negativas, se ha domesticado, expresa Byung-Chul Han, volviéndose una fórmula de consumo y confort. En la sociedad positiva “Hay que evitar cualquier lesión. Cede el disfrute sin negatividad, aunque por otra parte, en su lugar devengan perturbaciones psíquicas como agotamiento, cansancio, depresión, atribuible a un exceso de positividad.”

En cuanto a la política, el autor escribe “La política es una acción estratégica. Y, por esta razón, es propia de ella una esfera secreta. Una transparencia total la paralizaría (…) Sólo la política como teocracia se las arregla sin secretos. Aquí, la acción política cede a la mera escenificación”. Por lo que sentencia que la sociedad positiva va camino a la pospolitización, a una política exenta de colores e ideologías, trasparente. La opinión reemplaza a la figura negativa de la ideología, siendo menos radicales y penetrantes, se libran de tener consecuencias. “Así, la actual sociedad de la opinión deja intacto lo ya existente”. Por lo que el totalitarismo de la transparencia  actúa como un efectivo estabilizador del sistema.

“El veredicto general de la sociedad positiva se llama <me gusta>”

“Sin la negatividad de la distinción se llega irremisiblemente a una excrecencia general y a una promiscuidad de las cosas”. La simple acumulación de información, explica Byung-Chul, no implica verdad, ya que le falta un sentido, una dirección. Transparencia y verdad no son equiparables, pues la verdad se ubica dentro del rango de lo negativo al declarar todo lo otro como falso. La falta de esa negatividad de lo verdadero implica una imprecisión que se ve agravada por la hipercomunicación y la hiperinformación.

La negatividad de la separación, del secreto, de la delimitación, el encierro, se ve abolida en la nueva sociedad de la exposición. Las cosas se han vuelto mercancías y han de ser expuestas, todo su valor reside en la exposición y en el capital de atención que genere, desintegrando el <valor cualtual> del que hablaba Walter Benjamín, el valor de culto de lo misterioso y lo inaccesible. “El imperativo de exposición conduce a una absolutización de lo visible y lo exterior. Lo invisible no existe, porque no engendra ningún valor de exposición, ninguna atención.” La hipervisibilidad afecta incluso al cuerpo, que vuelto hacia afuera, despojado de toda negatividad, desvestido y expuesto, se ha cosificado como un objeto de exposición al que hay que optimizar, exponer y explotar.

Sobre expuesto a la mirada y al consumo inmediato, el cuerpo se ha vuelto pornográfico, obsceno, aniquilando el eros, el sexo. “La exposición pornográfica produce una alienación del placer sexual. Hace imposible experimentar placer (…) La sociedad de la trasparencia es enemiga del placer.” El placer necesita del encubrimiento, la negatividad del secreto, el velo. La seducción de la máscara, la ilusión y la sugerencia estimulan el placer, la tensión erótica. “No es casual que la actual sociedad de la trasparencia sea a la vez una sociedad de la pornografía.” La fantasía y el encanto ya no traman sus posibilidades en el placer de lo ambiguo, en la fascinación del misterio, la hipernitidez no deja lugar a ningún rodeo imaginativo, algo que no restituye ningún recibir y disfrutar. Despojada de la intensidad del misterio, la imagen pornográfica, sin nada que permita el lento goce contemplativo, nada por vulnerarse, no impresiona, a lo sumo es el objeto de un <me gusta>.

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““La violencia de lo transparente vuelve sospechoso todo lo que no se somete a visibilidad (…) La comunicación visual se realiza hoy como contagio, desahogo o reflejo. Le falta toda reflexión estética. Su estetización es, en definitiva, anestésica”. El “me gusta” como juicio no requiere ninguna contemplación que se demore. La complejidad vuelve más lenta la comunicación, así, la hipercomunicación anestésica minimiza la complejidad  en pos de acelerarse. “Es esencialmente más rápida que la comunicación del sentido”. La transparencia va unida a un vacío de sentido. “La masa de la información y comunicación brota de un horror vacui”.

La dialéctica de la libertad como nuevo modo de control

 La mirada absoluta de la era digital ha destituido la imagen de control del panóptico diseñado por Jeremy Bentham, reemplazándolo por un panóptico no perspectivista, es decir, sin que la despótica  vigilancia omnipresente provenga de una figura en el centro. La distinción entre centro y periferia se ha diluido, el panóptico digital funciona sin ninguna óptica de perspectiva, su eficacia está en que se produce desde todos los ángulos, desde todas partes.

La soledad, el aislamiento y la incomunicación propia del modelo panóptico que se aplica en el panóptico de Bentham, no es aplicable al modelo digital. Los moradores del panóptico digital se conectan y comunican entre sí. “Lo que garantiza la transparencia no es la soledad mediante el aislamiento, sino la hipercomunicación.” Además, los moradores del panóptico digital colaboran activamente en la construcción del mismo, y en su conservación, ellos se exhiben y se desnudan. “El exhibicionismo y el voyeurismo alimentan las redes del panóptico (…) La exhibición pornográfica y el control panóptico se compenetran.”

El desarrollo actual del mundo apunta en pos de un gran panóptico digital. Un panóptico total, sin separaciones de adentro u afuera, sin muros. “Google y las redes sociales, que se presentan como espacio de libertad, adoptan formas panópticas. Hoy, contra todo lo que se supone normalmente, la vigilancia no se realiza como ataque a la libertad. Más bien cada uno se entrega voluntariamente a la mirada panóptica digital. El morador del panóptico digital es víctima y actor a la vez. Ahí está la dialéctica de la libertad, que se hace patente como control.”

Sobre el autor: Byung-Chul Han, de origen coreano, estudió filosofía en la Universidad de Friburgo y Literatura Alemana y Teología en la Universidad de Múnich. En 1994 se doctoró por la primera de dichas universidades con una tesis sobre Martin Heidegger. En la actualidad es profesor de Filosofía y Teoría de los medios en la Escuela Superior de Diseño de Karlsruhe. Autor de más de una decena de títulos, ‘La sociedad del cansancio’ es su primera traducción al castellano.

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samedi, 11 avril 2015

Philosoph Byung-Chul Han: „Alles wird schamloser und nackter“

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Philosoph Byung-Chul Han: „Alles wird schamloser und nackter“

Es grassiert eine Transparenz-Hysterie, sagt der Philosoph Byung-Chul Han. Weil das Vertrauen futsch ist, greifen wir zu Kontrolle.

Photo: © Michael Hudler 
 
„Vertrauen heißt, trotz Nichtwissen gegenüber dem anderen eine positive Beziehung zu ihm aufzubauen“:
Byung-Chul Han

Professor Han, nach jedem Skandal - ob Korruption bei Siemens, Vetternwirtschaft bei Wulff oder Abzockerei der Banken - ertönt der Ruf nach mehr Transparenz. Ist Transparenz das Allheilmittel für eine verunsicherte Gesellschaft?

Die Opfer der Transparenz-Hysterie - Wulff und andere - sind Erscheinungen, die nur verständlich würden, wenn man die Bedingungen der Transparenzgesellschaft begreift. Das ist eine Gesellschaft, die gleichsam mit einer riesigen, kollektiven Netzhaut überzogen ist. Hier ist alles der Sichtbarkeit ausgeliefert. Unter diesen medialen Bedingungen gleicht unsere Gesellschaft einer Stammesgesellschaft, in der es sehr schwierig ist, etwas zu verbergen. In der Stammesgesellschaft weiß jeder über jeden Bescheid. Dort spielt das Vertrauen keine Rolle für die soziale Interaktion. Das Vertrauen wird nur in einer Gesellschaft relevant, wo das Wissen über andere nur beschränkt möglich ist. Vertrauen ist nur möglich in einem Zustand zwischen Wissen und Nichtwissen. Vertrauen heißt, trotz Nichtwissen gegenüber dem anderen eine positive Beziehung zu ihm aufzubauen.

Was unterscheidet die Transparenzgesellschaft von der Vertrauensgesellschaft?

Die Transparenzgesellschaft setzt auf Information und Kontrolle. Auf diese Weise entsteht eine Kultur des Verdachts. Die Transparenzgesellschaft ist gleichzeitig eine Gesellschaft des Spektakels. Offenbarung und Geständnis, Enthüllung und Entblößung werden als Spektakel erlebt. Sie unterhalten die mediale Netzhaut im doppelten Sinne des Unterhaltens. Die mit riesiger, kollektiver Netzhaut überspannte Transparenzgesellschaft bringt es mit sich, dass ein Ereignis sich blitzschnell ausbreitet. So kann sie jemanden im Nu ins Verderben stürzen.

 

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Geht es Ihnen um Provokation, um Analyse oder um beides?

Ich finde es problematisch, dass man die Transparenz fetischisiert oder verabsolutiert, ohne dass man die ihr zugrundeliegenden gesellschaftlichen Prozesse analysiert. Wir liefern alles dem Imperativ der Sichtbarkeit aus. Und wir stellen alles aus, um Aufmerksamkeit zu erzeugen. Die Transparenzgesellschaft ist in dem Sinne eine Pornogesellschaft. In der Transparenzgesellschaft werden wir schamloser. Distanz und Scham lassen sich offenbar nicht in die beschleunigten Kreisläufe der Information, der Kommunikation und letzten Endes des Kapitals integrieren. So werden alle diskreten Rückzugsräume im Namen der Transparenz beseitigt. Wir werden ausgeleuchtet und ausgebeutet. Die Welt wird dadurch schamloser und nackter. Angesichts des Pathos der Transparenz wäre es daher notwendig, sich im Pathos der Distanz zu üben.

Könnte nicht durch mehr Transparenz auch wieder mehr Vertrauen in Wirtschaft und Gesellschaft kommen?

Mehr Transparenz allein lässt keine Kultur des Vertrauens entstehen. Mehr Transparenz macht vielmehr noch mehr Transparenz notwendig. Das ist die Logik der Transparenz. Das Vertrauen folgt einer ganz anderen Logik.

„Transparency International“ zählt zu den beliebtesten NGOs.

Ich habe nichts einzuwenden gegen die Bekämpfung der Korruption als solche. Aber die Bekämpfung der Korruption allein setzt kein kritisches Potential frei, das eingesetzt werden könnte gegen die gesellschaftlichen Verwerfungen, die der Kapitalismus hervorgebracht hat. Der Kapitalismus fühlt sich sehr wohl in der Transparenzgesellschaft. Die Transparenz ist letzten Endes ja ein Imperativ des Neoliberalismus. Die Transparenz kann daher jene Zwänge nicht beseitigen, die heute in der vom Neoliberalismus geprägten Leistungsgesellschaft sehr viel Leiden hervorbringen. Ja, sie verschärft sie vielmehr.

Wie kommen Sie darauf, dass der Liberalismus den Transparenzterror begünstigt?

Ich wollte nur sagen, dass der Transparenzwang womöglich den Leistungs- und Konkurrenzdruck noch erhöht.

Auf Märkten stellen Preise Transparenz her. Preise (das Geld) sind das universale Medium, mit dem wir das Inkommensurable vergleichbar machen. Das ist nicht nur eine besonders effiziente, sondern auch eine ungemein humane Funktion des Marktes.

Ja, das Geld macht alles vergleichbar. Dabei vergessen wir aber, dass es Dinge gibt, die sich dem Vergleich entziehen. Das Problem ist, dass wir jene Dinge diskriminieren und aus dem Blick verlieren, die sich nicht in Preisen ausdrücken.

„Die im Dunklen, die sieht man nicht“? Dort machen Hedgefonds und andere ihre düsteren Spekulationsgeschäfte.

Der heutige Finanzmarkt weist sehr viele Verwerfungen auf, die auch bedrohliche Formen annehmen. Aber der Imperativ der Transparenz allein verscheucht das „Gespenst des Kapitals“ nicht. Gespenster von heute scheuen die Transparenz nicht. Ja, die Transparenz erzeugt eigene Gespenster.

 

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„Ich habe nichts zu verbergen“, sagen viele Menschen achselzuckend, wenn es um Internetüberwachung oder Kontenkontrolle durch den Fiskus geht. Haben die Leute nicht recht?

Selbst wenn ich nichts zu verbergen hätte, wäre der panoptische Blick als solcher ein Problem. Dass wir unsere Gehälter und unsere Steuererklärung veröffentlichen, würde die Gesellschaft nicht gerechter machen. Die Transparenzforderung beschränkt sich außerdem nicht auf Steuererklärung oder Bankkonten. Sie betrifft auch unser Verhältnis zueinander und unser Selbstverhältnis. Die sogenannte Post-Privacy-Bewegung fordert im Namen der Transparenz eine totale Preisgabe der Privatsphäre, die zu einer durchsichtigen Kommunikation führen soll. Der Mensch ist aber nicht einmal sich selbst transparent. Transparent ist nur das Tote.

Transparenz hat viele lebende Freunde, zum Beispiel die Piratenpartei.

Die Piratenpartei als Partei der Transparenz setzt die Entwicklung zur Post-Politik fort, die einer Entpolitisierung gleichkommt. Sie ist die erste Partei ohne Farbe. Die Transparenz hat keine Farbe. Farben sind dort nicht als Ideologien, sondern nur als ideologiefreie Meinungen zugelassen. Als farblose Meinungspartei lässt sie das bereits Existierende unangetastet. Positiv ausgedrückt, ist die Piratenpartei in gewisser Hinsicht die zeitgemäße Partei, weil die Transparenzgesellschaft auch eine Meinungsgesellschaft ist. Hier weicht die Politik der Verwaltung gesellschaftlicher Bedürfnisse, die den Rahmen bereits vorhandener sozioökonomischer Verhältnisse unverändert lässt und darin verharrt. Die Piratenpartei ist nicht in der Lage, einen politischen Willen zu artikulieren und neue gesellschaftliche Koordinaten herzustellen. Die Liquid Democracy verkommt letzten Endes zu einer Demokratie des „Gefällt mir“-Buttons. Der Transparenz fehlt die Negativität, die das vorhandene politisch-ökonomische System in Frage stellen würde. Vielmehr stabilisiert sie das System.

Die Fragen stellte Rainer Hank.

Byung-Chul Han, geboren in Seoul, ist Professor für Philosophie in Karlsruhe. Sein Buch „Die Transparenzgesellschaft“ ist vor kurzem im Verlag Matthes & Seitz, Berlin, erschienen.

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vendredi, 10 avril 2015

Jan Stachniuk and the Spirit of the World

Jan Stachniuk and the Spirit of the World

zadr.jpgJan Stachniuk was born in 1905 in Kowel, Wołyń (in what is today Ukraine). In 1927, he began his public activity in Poznań, where he studied economics. There, he became active in the Union of Polish Democratic Youth and published his first books: Kolektywizm a naród (1933) and Heroiczna wspólnota narodu (1935). Beginning in 1937, Stachniuk published the monthly magazine Zadruga, which gave birth to a new idea current of the same name. In 1939, two additional books were published: Państwo a gospodarstwo and Dzieje bez dziejów (“History of unhistory”). During the Second World War, he inspired the ideology of the Faction of the National Rise (Stronnictwo Zrywu Narodowego) and the Cadre of Independent Poland (Kadra Polski Niepodległej). In 1943, Stachniuk published Zagadnienie totalizmu (with the help of the Faction). He fought in the Warsaw Uprising and was wounded. After the war, he failed to resume publishing Zadruga, but before the Stalinists attained power in the country, he managed to publish three more books: Walka o zasady, Człowieczeństwo i kultura, and Wspakultura. In 1949, Stachniuk was arrested and sentenced to death in a political show trial. The sentence was not carried out, and he got out of prison in 1955, but he was no longer able to perform any kind work. He died in 1963 and was buried in the Powązki Cemetery.

Stachniuk is the creator of the philosophical system known as “Culturalism” or “Evolutionary Pantheism,” which in its axiological plane is based on the spirituality of the ancient Slavs. The influence of Frederick Nietzsche, Max Weber, Georges Sorel, and Stanisław Brzozowski are also evident, but nevertheless Culturalism, when compared to other currents of European philosophy and humanities, is one of a kind. If we had to compare it to something, then, in my opinion, the closest analogue would the philosophy of Vedanta.

Cosmology and philosophical anthropology

Man is the vanguard of the creative world evolution, the most perfect expression and tool of the Creative Will, active in the world; he struggles to be something greater than he is. This process of exponentiation of the human power over nature and the elements of his own nature is culture. The cessation of this process, for whatever reason, passively submitting to the laws of bare biology and the charms of pure vegetation—this is the opposition of culture; this is backulture (“wspakultura”).[1]

The world is a will. It strives for more and more complex and higher forms.”[2] “The world is a living organic unity, developing towards perfectness. […] The vanguard of the world-in-creation is man. […] The development ability of man relies on his capability of creatively re-creating the existing natural order into a new form of power, which is the objective world of accomplishments of culture. On a biological level, man is part of the natural world order. We are born; we multiply; we feed like all mammals; but we are distinct from this level by an enigmatic capability of binding nature’s energy into a new form of cultural power.[3]

Every species of animals that exists on this world struggles to survive. In opposition to dead matter, animals try, by different means, to “manage” the environment in which they live—they hunt, defend their turf, create a herd with its own hierarchy, and so on. In a way, animals fill the world with themselves, by managing the environment—they struggle to fulfill their needs; they struggle for an existential optimum (“biovegetation” in Stachniuk’s terminology). This “optimum of biovegetational existence” Stachniuk calls “physiological happiness.” Everything that lives, including humans (as biological entities), struggles for “physiological happiness.” The essence of biovegetation is the “eternal turn”[4]—during millions of years of evolution, the lives of mammals and insects does not change significantly; they all live more or less the same way. They are constantly in the confines of “biovegetation.”

The factor that distinguishes man from other living species is his capability of creation, the enigmatic creative element. Only man is capable of progress, of development, of creating ever more perfect and better forms, to material, social and spiritual life.[5]

As we all know, man is the only specie that managed to lift itself above and beyond pure biology. He created cities, states, law, culture, art, science, technology, civilization. Man forced himself out of the eternal turn of biovegetation. How? According to Stachniuk, man remains an animal and part of the world of biology, “but in his essence there was a breach. This breach is the ability of creation, the creative genius. It is an over-biologic plane. From its nozzles, the humanistic world open up.”[6]

The creative evolution is perpetrated by another bearing, on another level. The cosmic will has forgone its prime intent and instead strives towards recycling the world into a pulsating organism of concentrated cultural power, of which man is the core. […] [E]very one of us is a very tragic being, because we belong simultaneously to two levels of existence: biovegetational and creative-humanist.[7]

The nature of man is then dualist. On the one hand, man is an animal and a part of biovegetation. On the other hand, he is something over-biological, something beyond an animal; he has a spiritual element and the capability to create. He’s the creator of “culture.” Man, as a type of being “flounces” between two levels of existence.

The moment when the emotional element was able to vanquish its internal inertia and induced man do the first cultural action is the birth of the creative will.[8]

According to Stachniuk, the fullness of humanity—panhumanism—is reached when man, with all of himself, submits to the creative will and embraces his mission, i.e., when he creates “culture.” Panhumanism can be defined as man’s will and capability to mold being according to his ever more magnificent visions, as well as the awareness and readiness of man to fulfill his leading role in the creative world evolution. Man has the capability to process the energy of the world into objective works of culture, which, in turn, serve to intensify the process of culture itself. This is his mission—it manifests itself in action and is the process of building the process of culture.

All of this is possible thanks to the “organ of man’s genius.”

It is not a bio-morpholigical organ, but has consisted of our whole physiological apparatus. […] The intangible organ in our bio-physical organism transmutes the normal course of physiological processes into dispositions of creation. This is why we speak of the organ of man’s genius.[9]

The primal biological energy, which in the animal-plant world is directed towards unlimited biological expansion is transmuted, in man, into man’s genius, that is the creative will. It, in turn, leads to an unlimited development of the instrumentarium as a tool of its mission.

The creative will is what enables man to pull himself out of the vicious circle of the “eternal turn,” thereby attaining a higher mode of existence, which enables the fulfillment of man’s mission, by building culture—which manifests itself by creating ever new “culture-creations” or the “instrumentarium of culture.”

The full and proper life of a human depends on overcoming the inertia of the biological level of existence and transforming the elemental life energy of our bodies into the creative will, which, in turn, should most fruitfully manifest itself in the development of an “instrumental will.”[10]

The organ of man’s genius enables him to experience being and life in a specific way, namely in feeling the organic unity of the world, ever evolving into ever higher forms. This way of sensing the world is (evolutionary) pantheism. It is the creative will that is the factor that distinguishes man from the rest of the animals. “Our contingent biological shell is a bearing, by which the creative will flows by divine stream; our psycho-physical personality is a contingent tool; by humbly submitting to this will, we can perform the most profound, the most burdened transmogrifications in the world.”[11]

Humanity, in Stachniuk’s eyes, is a process of creation that consists of three elements: a) human biology, b) creative will and c) instrumental will. These are the three elements of “panhumanist man.”[12] Human biology—that’s our organisms, our physical potential, our muscles, and the work of our hands. Creative will is our “inborn direction of emotion and drives in man”; it’s the subject of the humanist world.[13] The third element is the instrumental will, in other words the ability of binding the energy of the natural world into a form of cultural power.

Man is seen as a being eternally developing himself by his creations, and this work is a process that is constant throughout generations. In the light of the philosophy of Culturalism, man is not an individual, a monad existing in a void or a set of individuals, but a string of generations. Humanity is perceived by Stachniuk as the process of creating and re-creating the world, constantly perfecting it, while dismissing it means—ultimately—the rejection of humanity itself.

The philosophical anthropology of Culturalism is very much interconnected and interwined with its. . .

Theory of Culture as Meta-narration

Stachniuk’s theory of culture makes up the core of his philosophy. It is really the backbone of Culturalism. Every current in Stachniuk’s thought springs from it.

stachniuk3.jpgThe sensation of the creative pressure, the feeling of the cosmic mission of creation, the desire to contribute to the creative world evolution by man is, in the lens of Culturalism, a sign of health and moral youth. According to Stachniuk, this is normal, the way it should be. Human history is the eternal antagonism of two, contradictory, directions—“the first one is the blind pressure of man towards panhumanism, the second is the escape into a solidified system.”[14]

The axis of human history on the globe is not the struggle between Spirit and Matter, egoism and altruism, God and Satan; it’s also not the class struggle or race struggle, but the struggle of culture and backulture [wspakultura] for the power over humanity […] Each of us is a warzone between the culture current and the backulture current. […] The current of culture is the process of becoming of the force and power, the richness and dynamism of life.[15]

What is “culture”? It is the “process of binding the energy of the field of the elements.”[16] For Stachniuk, culture is not something meant to tackle or inhibit nature, it is a process of reforming it. Culture is something that emerges from nature and is its higher level. A human of “panhumanism” acts as a transformer of energy—the energy of the elements—that produces “culture-creations.” What are culture-creations? Examples are law, the state, poetry, technology, music, philosophy, a factory, and the Internet. Humanity is thus (in its ideal state) an interconnected web of energy transformers, constantly updating and perfecting the world and humanity, producing culture-creations that are, in turn, used as fuel for even more powerful culture-creations. Culture—the process of reorganizing the field of the (natural) elements—is the ultimate mission of humanity.

It is, of course, clear as day that we don’t live in a world full of conscious “panhumanists.” Why is that? As I mentioned earlier, the nature of human is dualistic—there is the bio-vegetational level and the creative-humanist level. A human being is a warzone of the battle between culture and backulture. What is backulture? It is the cessation of the process of culture; the passive yielding to the laws of bare biology and appeal of pure vegetation. It's passiveness, inertia, standstill. It is the "cosmic illness.”

The effects of backulture in the world of man can be seen as the “unhistoric” attitude and the desire to free oneself from the requirement of creation. It is the degrading of oneself to the primitive, primordial, animal level by directing oneself towards passive consumption of culture-creations. The defective human, who is under the influence of backulture, sees culture only as something to be consumed. He does not see culture as a fertile field than can be farmed in order to raise crops of culture-creations. Culture is seen purely as a thing for pleasure, for individual gratification, something that helps the individual attain “physiological happiness,” not as a mine of mighty energy capable of recreating the world as we know it.

Prime examples of backulture are, according to Stachniuk, universalist world religions like Islam, Christianity, and Buddhism, which show “contempt for creativeness.” They reduce human life to a place to score points for the “other life” or the “other world.” They show an anti-humanist and anti-creative attitude. This is why the creator of Zadruga dismisses them and looks to Paganism instead.

The wave of total backultures (…) in the last three thousand years has extinguished the dawn of the creative actions of man. The first sparks of the fire have been covered with darkness. The just barely ignited fire of India has been quickly extinguished under the shroud of Brahmanism, and then different types of Buddhism. The procession of the cross extinguished the march of Hellenic culture. In other places, Buddhism and Islam have acted similarly. On the once fertile fields poisonous weeds have spread. We know them: Brahmanism, Jainism, Buddhism, Confucianism, Christianity, Islam, and countless other forms of elements of backulture. They captured enormous pieces of humanity. All bigger human congeries were its victims. India, China, almost all of Asia is to this day paralyzed. After a magnificent blooming of the Greco-Roman culture, lasting only a few centuries, it seemed that it has fallen into the eternal darkness of unhistory [bezdzieje]. They’ve lasted one and a half thousand years. After this period, an unbelievably lively mixture of European peoples freed themselves partially, creating modern culture. It would be disingenuous to think that all of Europe took part in its creation. All the Slavic east and almost all Romantic nations have been deeply paralyzed by Christian backulture. The world in its overwhelming mass is immersed in the darkness of this or another total backulture. Generally speaking, it rules over 90% of humanity.[17]

One may ask, of course: “How can you say that medieval Europe was decadent if it was then united and powerful? How can you call Christianity a destructive force considering the whole of European Christian culture?”

Stachniuk provided an answer for that. In a situation where backulture cannot totally break down the fire of culture, it starts acting like a parasite. It uses the lively energy of the process of culture to preserve itself and not let culture free itself completely. This is what happened in the case of Europe.

Kindly, sweet, and humble Christ, who ordered us not to resist evil, made some exceptions, major ones. Where the matters of faith were involved, he used “vane” and “fading” means and used them with feelings that can’t be described as “love.” When he saw tradesmen trading in the house of prayer, he burst with feelings not at all “sweet.” […] We have here a flash of a principle, which can be described like this: Everything is vanity, everything should be forsaken and disdained, except the situation in which this vanity can be used to strengthen the “truth.” Anger is evil, the sword and the whip are tools of evil, but if through anger, the sword, or the whip we clear the path for the Church, then anger, the sword, and the whip and all that is vane becomes worthy. This is the principle that we call the perverse instrumentalism of backulture[18]

This mechanism is actually the creator of the medieval order of Europe. Rome, undermined and its true essence destroyed by Christianity, was gradually overwhelmed by lively Germanic warrior tribes, ready to fight, conquer, and plunder. Of course, the primitive Germanic tribes were impressed by the refined and sophisticated traditions of Rome. What they didn’t recognize was that this was not the true Rome but a fleeting shadow of what it once was. Nonetheless, the Germanic people were presented with an opportunity: “Do you want to take over the Roman legacy? If you so desire, just let us baptize you.”

That said, not all went as planned. The Germanic people were, in fact, conquerors. Christianity couldn’t just do whatever it wanted with them; it had to make a compromise.

The youthful dynamism of fresh peoples was harnessed to realize the grand project of making all European peoples sick, subjecting them to the domination of the backulture of the cross. All Europe was becoming a field to broaden “the vineyards of the Lord.” The Germanic peoples, adapting to their new role, spread the sickness of the cross on the whole continent. They were appointed to that task because, thanks to their position of conquerors, they didn’t submit to the appeal of Christian mysticism, while simultaneously taking the political goals of Christianity—the creation of a universal empire—as their own. […] This is how the concept of the Holy Roman Empire of the German nation was born.[19]

This is how the “perverse instrumentalism of backulture” works in practice. It harnesses the youthful energy of culture (which could be much more powerful on its own) to further spread its disease. After this single “compromise,” the next one was not necessary. Christian backulture could now, with the might of the German sword, attempt to fully Christianize the Slavs—no punches pulled, no compromises. The cross, along with the German sword, could now completely destroy the original, Pagan, Slavic culture. Slavdom became a Christian colony in the full sense of the word. Everything that was not subject to the believers of the cross was destroyed. The original tradition was severed.

Although Stachniuk was and still is considered very much anti-clerical and anti-Christian, it would be a misinterpretation to reduce him to such. He knew full well that simple “secularization” is not the answer. The reason for this is that backulture does not come only in the form of religion; there is also “secular backulture”—simplistic rationalism, “free-thought,” pacifism, “human rights” ideology, or crude hedonism. Secular backulture (also called “unhistoric rationalism”), just like Christianity, forsakes the building of culture, the great mission of empowering man, and the creative world evolution. It also fails to recognize the difference between Christian spiritualism and the creative world evolution. Anything that goes beyond pacifism, hedonism, and physiological happiness seems suspect and often outright “fascist.” But in reality, it is yet just another form of backulture.

Conclusion

Jan Stachniuk was a man ahead of his time. His concepts were often either harshly criticized or ignored during his life. He was a man that advocated embracing dynamic progress, science, and technology, whereas mainstream “national radicals” were thrilled by Nikolai Berdyaev’s static “New Middle Ages.” You could even say that his combination of embracing advanced technology and simultaneously appealing to the values of the ancient world anticipated Guillaume Faye’s concept of “Archeofuturism.”

The author of “History of unhistory” was also instrumental in reviving the pre-Christian religion of the Slavs in Poland. He is a cult figure among many contemporary Polish Rodnovers. His memory not only lives on, but proves to be an inspiration nowadays for religious organizations, (meta-)political organizations, and music bands alike.

Jan Stachniuk is an ethical maximalist and a firm believer in human potential. It’s worth to note that, unlike Nietzsche, he didn’t advocate attaining power for its own sake. A man of panhumanism should not see other people as tools for his own advancement. His goal should be becoming a hero to his community. Stachniuk’s ideal is not a single Übermensch, but a great and heroic community. His goal was creating a myth; a myth of the “national creative community.”

I am human; therefore I am fulfilling the goal of the world. […] It is through the human, through his cultural work, that the creative world evolution takes place. […] The human is not a boring creature looking for satisfaction, peace, lyrics of digestion, and caramel sensation of the mind on the basis of physiological happiness, like the secular unhistory or “eternal virtues” and communing with the “truth” revealed by various “redeemers.” The human is a boiling cosmic energy, looking for ever greater ways of expression in culture creations charged with tragic creativeness. […] The desire to live a valuable life today means to push forward the birth of the myth of the creative community, to boldly head into the fire of the coming change.[20]


  1. J. Stachniuk, Droga rewolucji kulturowej w Polsce, Toporzeł, Wrocław 2006, 5
  2. J. Stachniuk, Człowieczeństwo i kultura, Toporzeł, Wrocław 1996, 18
  3. J. Stachniuk, Droga, op. cit., 8
  4. This term should not to be confused with Nietzsche’s “eternal recurrence of the same,” which is a different concept altogether.
  5. J. Stachniuk, Człowieczeństwo, op. cit., p. 10
  6. Ibid., p. 21
  7. Ibid., p. 22
  8. Ibid, p. 24
  9. J. Stachniuk, Chrześcijaństwo a ludzkość, Toporzeł, Wrocław 1997, 11
  10. J. Stachniuk, Droga, op. cit., 9
  11. J. Stachniuk, Człowieczeństwo, op. cit., 24
  12. J. Stachniuk, Droga, op. cit., 9
  13. Ibid., 23-24.
  14. J. Stachniuk, Chrześcijaństwo, op. cit., 15
  15. J. Stachniuk, Człowieczeństwo, op. cit., 117
  16. Ibid., 27
  17. Ibid., 119.
  18. J. Stachniuk, Chrześcijaństwo, op. cit., 137.
  19. Ibid., 179.
  20. J. Stachniuk, Człowieczeństwo, op. cit., 254.

 

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jeudi, 09 avril 2015

Unilaterale Sanktionen verletzen internationale Verträge

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Unilaterale Sanktionen verletzen internationale Verträge

Interview mit Prof. Dr. iur. et phil. Alfred de Zayas, Genf*

Ex: http://www.zeit-fragen.ch

Der Präsident des Uno-Menschenrechtsrates hat am Ende der Frühjahrssession einen Sonderberichterstatter ernannt, der die Verletzungen der Menschenrechte bei einseitigen Zwangsmassnahmen (zum Beispiel Wirtschaftssanktionen) untersuc­hen soll. Dieser Ernennung geht eine jahrelange Auseinandersetzung um die Völkerrechtswidrigkeit dieser Sanktionen voraus, die hiermit einen vorläufigen Abschluss gefunden hat. (vgl. Zeit-Fragen vom 3. März) Der Völkerrechtler Alfred de Zayas gibt im folgenden Interview Auskunft darüber, inwieweit durch solche einseitigen Massnahmen das Völkerrecht verletzt wird.

Zeit-Fragen: In Ihrem Bericht an den Menschenrechtsrat, den Sie am 10. September 2014 persönlich vorlegten, erwähnen Sie die unilateralen Zwangsmassnahmen, wie zum Beispiel Wirtschaftssanktionen, als nicht friedlich und nicht in Übereinstimmung mit den Zielen und den Prinzipien der Vereinten Nationen. Was heisst das?

Prof. Dr. Alfred de Zayas: Nicht nur die unilateralen Zwangsmassnahmen, sondern häufig auch die multilateralen, verletzen die Uno-Charta, sowohl ihren Buchstaben als auch ihren Geist, vor allem verstossen sie gegen ihre Präambel und gegen Artikel 1 und 2. Die Organisation beruht auf dem Grundsatz der souveränen Gleichheit aller ihrer Mitglieder. Unilaterale Sanktionen und Embargos verletzen zahlreiche internationale Verträge und «die von den Kulturvölkern anerkannten Rechtsgrundsätze» (Satzung des Internationalen Gerichtshofs, Art. 38).

Welche Rechtsgrundsätze sind das?

Das Prinzip der Staatssouveränität, das Prinzip der Nichteinmischung in die inneren Angelegenheiten von anderen Staaten, die internationale Handelsfreiheit und die Freiheit der Schiffahrt unter anderem. Ausserdem verstossen sie gegen völkerrechtliche Prinzipien wie pacta sunt servanda, denn Sanktionen und Embargos hindern die völkerrechtliche Ausführung von gültigen völkerrechtlichen Verträgen. Die extraterritoriale Anwendung von nationalen Gesetzen stellt eine neue Form von Kolonialismus dar, sie bewirkt eine Usurpierung von Kompetenzen, beinahe eine Art von Annexion durch juristische Übertretung.

Gibt es auch Uno-Resolutionen, die durch unilaterale Zwangsmassnahmen verletzt werden?

Etliche Resolutionen der Uno-Generalversammlung werden verletzt, unter anderem die Resolution 2625 betreffend freundschaftliche Beziehungen zwischen den Staaten (24. Oktober 1970), in deren Präambel sich die Staaten verpflichten, «nicht in die Angelegenheiten eines anderen Staates einzugreifen». Dies ist «eine wesentliche Voraussetzung für das friedliche Zusammenleben der Nationen». Ferner verpflichten sie sich, «in ihren internationalen Beziehungen jeden gegen die ­politische Unabhängigkeit oder die territoriale Unversehrtheit eines Staates gerichteten militärischen, politischen, wirtschaftlichen oder sonstigen Zwang zu unterlassen …»
Die Generalversammlung macht es deutlich: «Kein Staat und keine Staatengruppe hat das Recht, unmittelbar oder mittelbar, gleichviel aus welchem Grund, in die inneren oder äusseren Angelegenheiten eines anderen Staates einzugreifen. Folglich sind die bewaffnete Intervention und alle anderen Formen der Einmischung oder Drohversuche gegen die Rechtspersönlichkeit eines Staates oder gegen seine politischen, wirtschaftlichen und kulturellen Teilelemente völkerrechtswidrig. Ein Staat darf keine wirtschaftlichen, politischen oder sonstigen Mass­nahmen gegen einen anderen Staat ergreifen oder ihre Anwendung begünstigen, um von ihm die Unterordnung bei der Ausübung seiner souveränen Rechte zu erlangen oder von ihm Vorteile irgendwelcher Art zu erwirken.»

Was muss man unter sonstigen Massnahmen verstehen?

Zum Beispiel stellt eine «Blockade der Häfen oder Küsten eines Staates durch die Streitkräfte eines anderen Staates» eine völkerrechtswidrige Aggression dar (Generalversammlung Resolution 3314, Artikel 3 c).

Gibt es Stellungnahmen der internationalen Gemeinschaft dazu?

Unilaterale Zwangsmassnahmen werden regelmässig von der Mehrheit der Staaten als völkerrechtswidrig bezeichnet, so zum Beispiel in den 23 Resolutionen der Uno-Generalversammlung zum Embargo gegen Kuba (siehe Resolution 69/5 vom 28. Oktober 2014). Anläss­lich der Annahme dieser Resolution – 188 Staaten stimmten dafür, zwei dagegen (USA und Israel) und 3 enthielten sich – haben mehrere Staaten das Embargo expressis verbis als «illegal» bezeichnet.

Das ist eine überwältigende Mehrheit …

In der Debatte vor der Generalversammlung stellten sich die Vertreter des südamerikanischen Kontinents hinter Kuba. Für die Lateinamerikanische und Karibische Staatengemeinschaft (Celac), die alle 33 Länder Amerikas ausser den USA und Kanada umfasst, prangerte Costa Ricas UN-Botschafter, Juan Carlos Mendoza, die exterritoriale Wirkung der US-Blockadegesetze an, von denen auch Drittstaaten betroffen sind. «Die einseitigen Massnahmen, die als Teil der Blockade ergriffen worden sind, beeinträchtigen zahlreiche Unternehmen, die in Übereinstimmung mit dem Völkerrecht einschliesslich der von der Welthandelsorganisation WTO aufgestellten Regeln mit Kuba Handel treiben.» Auch die Vertreter der Bewegung der Blockfreien Staaten nannten die Sanktionen gegen Kuba «illegal».

Hauptsanktioneur sind die Vereinigten Staaten?

Nach Informationen des US-Treasury unterhalten die Vereinigten Staaten zurzeit 26 «Sanctions Programs» (www.treasury.gov/resource-center/sanctions/Programs).
Die exterritoriale Anwendung von Nationalgesetzen, wie zum Beispiel der Helms-Burton Act vom 12. März 1996, verletzen auch die Rechte von vielen Drittstaaten und sind häufig von der Staatengemeinschaft als völkerrechtswidrig verurteilt worden.

Nach Ihren Ausführungen wird deutlich, dass mit unilateralen Sanktionen internationales Recht erheblich verletzt wird.

Ja, die Frage ihrer Illegalität ist klar. Das Problem bleibt, wie das Völkerrecht in die Tat umgesetzt werden kann. Es gibt bis jetzt keine Möglichkeit, Uno-Massnahmen oder Sanktionen gegen eines der fünf ständigen Mitglieder des Sicherheitsrates zu verhängen.

Man könnte allerdings die Staaten-Beschwerdeprozedur des UN-Menschenrechtsausschusses gemäss Artikel 41 des Uno-Paktes über Bürgerliche und Politische Rechte engagieren, und die Uno müsste sich der Sache annehmen.

Welche menschenrechtlichen Normen können durch Sanktionen verletzt werden?

Das Recht auf Leben (Artikel 6 des Uno-Paktes über Bürgerliche und Politische Rechte). Die Sanktionen gegen den Irak, Iran, Kuba, Sudan, Venezuela, Zimbabwe usw. haben die Versorgungslage in diesen Staaten arg getroffen. Menschen sind am Mangel von Lebensmitteln, von sauberem Trinkwasser, von Arzneimitteln, von medizinischer Versorgung umgekommen. Ausserdem ist natürlich die Ausübung der wirtschaftlichen und sozialen Rechte, die im Internationalen Pakt über die Wirtschaftlichen, Sozialen und Kulturellen Rechte geschützt werden, verhindert. Sanktionen können auch gegen die Genfer Konventionen und andere Verträge des Humanitären Rechts verstossen.

In diesem Fall sind die neuerlichen Sanktionen gegen Russland ebenfalls problematisch?

Eine klärende juristische Entscheidung zu dieser Frage wäre wünschenswert, zum Beispiel wäre eine Stellungnahme durch den Internationalen Gerichtshof gemäss Art. 96 der Uno-Charta sehr nützlich, um die verschiedenen Aspekte der Sanktionen und ihrer menschenrechtlichen Konsequenzen genauer zu untersuchen.

Wenn Sanktionen illegal sind, was bedeutet das für die Staaten, die diese unterstützen?

Daraus entsteht die Verpflichtung, Wiedergutmachung zu leisten, vor allem, wenn Menschenrechte verletzt werden, zum Beispiel wenn Sanktionen eine Hungersnot verursachen, zu Gewaltanwendung, Massenmigration oder ethnischer Säuberung führen. Nach dem Erga-omnes-Prinzip (alle Staaten betreffend) dürfen Staaten die Rechtsverletzungen von anderen Staaten nicht anerkennen oder diese finanziell oder sonst wie unterstützen. Aber wie oben gesagt – das Völkerrecht wird nicht automatisch in die Tat umgesetzt. Dafür braucht man den politischen Willen der Weltgemeinschaft. Leider ist es mit der internationalen Solidarität nicht gut bestellt.

Wann sind Sanktionen «legal», oder bewegt man sich hier immer in einem Graubereich?

Obwohl es viele «Graubereiche» im Völkerrecht gibt, ist die Lage hier etwas klarer. Gemäss Artikel 41 der Uno-Charta kann der Sicherheitsrat wirtschaftliche Sanktionen verhängen, allerdings erst, nachdem der Sicherheitsrat unter Artikel 39 der Charta eine Feststellung getroffen hat, dass der Friede gefährdet worden ist. Solche wurden zum Beispiel erfolgreich im Kampf gegen Kolonialismus, Rassismus und die Apartheid in Rhodesien/Zimbabwe und in Südafrika eingesetzt.
Ein Waffenembargo kann durchaus legal sein, wenn nämlich der Zweck darin besteht, den Frieden zu fördern und die diplomatische Lösung eines Konflikts zu ermöglichen. Ein Waffenembargo sollte gegen alle an einem Konflikt beteiligten Parteien verhängt werden, und die internationale Gesellschaft sollte sich aktiv für einen Waffenstillstand und für Verhandlungen im guten Glauben einsetzen. Meistens aber sind Sanktionen nicht wirksam oder erweisen sich sogar als kontraproduktiv. Sanktionen durch den Uno-Sicherheitsrat können nicht nur die menschenrechtliche Situation in einem Staat erheblich verschlechtern – sie können sogar die Korruption und Kriminalität in einem Staat fördern.

Was lässt sich bis jetzt abschliessend sagen?

Alle Sanktionsregimes – ob unilaterale oder multilaterale – müssen nach ihrer völkerrechtlichen Rechtfertigung untersucht werden. Ausserdem müssen Sanktionen nicht nur formell legal sein – sie müssen auch ein begrenztes, legitimes Ziel verfolgen, dem Frieden zu dienen und das Prinzip der Verhältnismässigkeit zu respektieren. Sanktionsregimes müssen regelmässig geprüft werden – und wenn sie die Menschenrechte verletzen oder gar keine positive Wirkung bringen, müssen sie gestrichen werden. In einer globalisierten Welt dürfen Sanktionen nicht wegen geopolitischen oder wirtschaftlichen Interessen verhängt werden, und wenn sie die Rechte von Menschen und Staaten verletzen, so entsteht eine staatliche Haftung für angemessene Wiedergutmachung für die Opfer.

Was sind die neuesten Entwicklungen in der Uno zu dieser Frage?

Im Mai 2014 hat der Menschenrechtsrat eine Konferenz zu unilateralen und multilateralen Sanktionen durchgeführt, an welcher ich aktiv teilgenommen habe. Denis Halliday, ehemaliger Humanitärer Koordinator im Irak, hat vor allem die sinnlosen Sanktionen gegen den Irak 1991–2003 angeprangert, die mehr als eine Million Menschenleben kosteten. Der Bericht dieser Arbeitstagung wurde während der 27. Sitzungsperiode des Menschenrechtsrates im September 2014 diskutiert. Daraufhin wurde das Konsultativkomitee des Uno-Menschenrechtsrates damit beauftragt, eine Studie durchzuführen und Empfehlungen auszuarbeiten, die gerade jetzt dem Rat in seiner 28. Sitzungsperiode vorgelegt worden sind. Ausserdem wurde am 28. März Idris Jasairy als Sonderberichterstatter über die menschenrechtlichen Konsequenzen von Sanktionsregimes ernannt.

Was kann man sonst gegen solche Sanktionen tun?

Die Medien müssen auch mitmachen. Meistens wissen die Bürger nicht, was für Verbrechen in ihrem Namen geschehen, was für Mass­nahmen unsere Regierungen beschliessen, die dann fürchterliche Konsequenzen für die Bevölkerungen von anderen Staaten verursachen. Es ist auch unsere Verantwortung, als Bürger dagegen zu protestieren: «Not in our Name!» Am 19. März fand eine wissenschaftliche Tagung in London statt, an der ich und etliche Professoren aus Oxford, London, Paris usw. teilgenommen haben. Der Konsensus war, dass Sanktionsregimes mehr Probleme aufwerfen, als sie lösen können, und dass Dialog und UN-Vermittlung besser sind als Strafmassnahmen, die vor allem die Zivilbevölkerung treffen und viel Leid verursachen.

Herr Professor de Zayas, vielen Dank für das Gespräch.     •
(Interview Thomas Kaiser)

* Das Gespräch entspricht der persönlichen Meinung von Professor de Zayas und wurde nicht offiziell in seiner Eigenschaft als Sonderberichterstatter geführt. Siehe auch www.alfreddezayas.com und http://dezayasalfred.wordpress.com.

LE CLIVAGE GAUCHE/DROITE : MYTHE OU REALITE ?

LE CLIVAGE GAUCHE/DROITE : MYTHE OU REALITE ?

Conférence inaugurale du Cercle Charles Péguy

Par Chantal DELSOL, membre de l'Institut

mercredi, 08 avril 2015

Vers une guerre totale de l’information

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Notre guerre totale

Ex: http://www.dedefensa.org

Nous reproduisons ci-dessous une chronique d’Alexandre Latsa, publiée notamment dans le Sputnik-français (le 31 mars 2015), concernant la “guerre de l’information” (“guerre de la communication” pour nous), dont ce chroniqueur français résidant en Russie estime qu’elle est “totale”. Cela nous paraît un jugement absolument fondé, ainsi qu’est fondée la place considérable et proéminente que Latsa assigne à la Russie dans le processus qui a conduit à la possibilité d’un tel conflit. (Nous avons déjà largement mis en évidence combien ce phénomène de l’émergence de la Russie dans le domaine de la communication, par opposition à ce que fut la Russie-URSS durant l’époque de la Guerre froide, est un des grands événement de notre époque de crise diluvienne [voir le 19 février 2015].) En effet, c’est parce que la Russie est apparue en quelques années comme la nouvelle source fondamentale du développement du nouveau courant de communication qu’on observe depuis le début du siècle, que l’on assiste aujourd’hui à cette “guerre totale de l’information/de la communication”. Cette position puissante de la Russie est, pour le boc BAO quelque chose d’insupportable et d’inacceptable, dans la mesure où elle assure à la Russie une puissance antiSystème remarquable ; dès lors que la chose était réalisée, la “guerre totale” devenait inévitable. Le fait est que nous l’avons.

Bien entendu, cette toute nouvelle situation est essentiellement due à la continuelle affirmation grandissante dans le champ de l’information activiste de l’internet, des “bloggeurs”, des “réseaux sociaux”. C’est un phénomène effectif depuis 1999-2000, mais qui est entré dans une seconde période depuis 2010-2012, une période de maturité plaçant ce courant en position de prendre la première place dans le système de la communication. Latsa met bien en évidence un phénomène concomitant qui est la dégénérescence et la décadences accélérées du journalisme classique, du journaliste de la presse-Système, qui ne doit qu’à lui-même cette chute finale ; parce qu’en se soumettant au Système, c’est-à-dire à l’absence de liberté, à une “liberté d’expression” réduite aux narrative du Système, au conformisme épuisant de médiocrité, et finalement à la robotisation, cette catégorie socio-professionnelle s’est “faite hara-kiri” dans le cadre somptueux et faussaire des privilégiés du Système. («Un des correspondants français à Moscou, écrit Latsa, m’avait confié qu'il avait parfaitement compris qu'il faisait partie de la dernière génération de journalistes traditionnels, génération qui serait probablement remplacée à terme par des bloggeurs.») La situation est telle aujourd’hui que, pour les journalistes de la presse-Système conscients de cette situation où ils sont contraints d’évoluer et qui veulent ne pas tout perdre, l’unique porte de sortie est de se donner à eux-mêmes, à côté de leur position-Système, une activité de bloggeur en ouvrant leurs propres blogs.

Nous sommes bien loin désormais des seules activités de propagande et de désinformation, nous sommes dans une autre dimension, dans un autre monde, et c’est sur ce terrain entièrement nouveau que se développe “notre guerre totale”. L’émergence de la Russie et sa montée en première ligne avec la crise ukrainienne est l’acte décisif de l’installation de ce nouveau monde et du déclenchement de cette “guerre totale” ; désormais, la Russie a remplacé les USA dans cette activité du nouveau courant de communication de ce qu’on doit désigner comme une communication antiSystème, avec une presse-antiSystème directement opposée à la presse-Système. Les “dissidents” US ont fait un travail magnifique entre 1999-2000, puis ils ont cédé cette place de moteur et d’inspirateur à la Russie depuis 2010-2012. La Russie a l’immense avantage que ce qui joue chez elle le rôle de “presse-Système” n’a évidemment pas grand’chose à voir, dans l’esprit certes, avec la véritable presse-Système, que cette pseudo-presse-Système travaille le plus souvent en symbiose avec le monde des bloggeurs en montrant une exceptionnelle souplesse à cet égard ; le résultat est qu’un RT ou un Sputnik.News travaille dans le même sens que les bloggeurs et atteint une audience mondiale qu’aucun organe de presse-Système du bloc BAO n’a jamais atteint.

Pour autant ces variations de leadership pour la presse-antiSystème, des USA vers la Russie, n’ont pas de valeur d’orientation spécifique qui impliquerait l’identification prioritaire, voire exclusive, d’un parti, d’une nation, etc. ; elles ont une valeur utilitaire en poursuivant et en renforçant un mouvement par essence en-dehors et au-dessus des nationalités et des spécificités pseudo-idéologiques parce qu’il s’agit du mouvement, de la dynamique antiSystème. Il reste que cette émergence russe permet de mesurer la prodigieuse diversité, la créativité, la liberté de commentaire des innombrables “fantassins médiatiques” (expression mentionnée par Latsa) qui font aujourd’hui la substance du système de la communication. Là se trouve bien la maturité du phénomène.

Face à cette nouvelle situation, c’est la panique, la panique dans le Système, la panique-Système, dont on a sans cesse de nouveaux échos en même temps que le ridicule des réactions de défense. Les ripostes envisagées par les principales puissances au service du Système, que ce soit les USA ou que ce soit l’UE, des centaines de $millions et de €millions alloués pour un effort novateur de pseudo-“contre-propagande” impliquant de façon comique que, jusqu’ici, l’information du Bloc BAO sur la Russie était à la fois neutre et virginale, tout cela a le dérisoire du poids du papier imprimé à la manière des faux-monnayeurs, selon les tactiques tonitruantes si originales des généraux chamarrés des diverses Banques Centrales du bloc BAO ; du papier, comme celui qui imprime la presse-Système, qui servirait, pour l’usage qu’on imagine, au Système en passe de devenir dans cet immense affrontement un énorme “trou du cul du monde”, – une catégorie spécifique du “trou noir” où disparaissent les univers. Effectivement, la position dans “cet immense affrontement” du Système, des pays du bloc BAO, qui se considèrent comme les maîtres de la communication et de l'affirmation d’influence qui va avec, est celle d’un immense désarroi devant l’efficacité de la dynamique antiSystème avec l’entrée de la Russie dans le jeu.

La sensation générale qui ressort de cette situation est que l’on se trouve devant une situation réellement révolutionnaire par la place que prend désormais la communication, avec la puissance qu’elle est capable de diffuser, avec les effets qu’elle est capable d’obtenir. Nous sommes très loin de l’univers orwellien, même si la technique du Système, de sa presse-Système, etc., est effectivement le plus souvent grossièrement orwellienne. Il s’agit d’une “guerre totale” s’exprimant par les moyens d’un outil qui avait servi de complément, parfois très important certes, mais dont on n’avait jamais conçu jusqu’ici qu’il constituerait le cœur même de la guerre, à la fois son inspiration, son orientation et son outil. C’est une “guerre totale” d’influence, une “guerre totale” de persuasion, un affrontement des psychologies d’abord et des esprits par conséquent, une guerre sans contacts antagonistes nécessaires, sans violence matérielle prépondérante même si elle suscite ou alimente des conflits qui se font, eux, avec des violence matérielles, des destructions et du sang. Cette “guerre totale” peut ainsi bien mieux être interprétée comme une “guerre totale spirituelle”, permettant d’autant mieux de dégager l’enjeu qui est dans l’affrontement de deux conceptions spirituelles du monde séparées par un phénomène d’inversion totale de l’une par rapport à l’autre. Cela définit bien mieux que tous les Huntington du monde le véritable “conflit de civilisation” (“civilisation” au singulier) : c’est le véritable conflit ultime, la véritable “guerre totale” “autour de la civilisation” parce que ce qui était notre “civilisation” est devenue “contre-civilisation”, et qu’il s’agit absolument de la détruire.

dedefensa.org

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Vers une guerre totale de l’information

par Alexandre Latsa

Nous voilà revenus à une sorte de nouvelle guerre froide médiatique cyber-violente, dans laquelle la Russie d’aujourd’hui apparaît de nouveau comme un modèle politique pour bon nombre d’Européens.

Bien longtemps, trop longtemps, le champ de l'information a été le domaine réservé d'une élite médiatique qui occupait tant la presse écrite que le petit écran. Dès le début des années 2000, la révolution Internet a initié un processus qui semble maintenant irréversible: l'émergence de voix dissidentes sur internet, mais aussi et surtout la possibilité pour d'authentiques spécialistes et experts de s'exprimer et de toucher un public de plus en plus large.

Breedlove appelle à une guerre de l'information contre la Russie

Le passage obligé par la presse écrite ou par les chaînes de télévision n'est plus, et ce bouleversement a notamment donné naissance à un nouveau type de citoyen: le blogueur.

Généralement simple commentateur, celui-ci peut être un expert et donc apporter dans un domaine précis une expertise qui manque journalistes, correspondants et autres pigistes de la presse généraliste. Le bloggeur présente en outre une autre force: écrivant souvent dans un esprit Wiki, bénévole ou caritatif, il n'est soumis à aucune rédaction, il tire ses revenus d'activités professionnelles sans rapport avec le monde médiatique. Souvent il entretient un dialogue avec les lecteurs de son blog, dialogue qui provoque la création de quasi think-tanks de toutes dimensions sur de différents sujets.

Le blogueur est bien souvent un travailleur acharné, stakhanoviste de la vérité, ou de sa vérité, celle qui ne va pas forcément dans le sens des grands médias. Avec la multiplication des blogs, forums et témoignages venus du terrain, autant dire que les journalistes professionnels ne peuvent plus impunément écrire n'importe quoi. Désormais, pour le journaliste qui fournit une prestation médiocre ou mensongère, la punition n'est jamais très loin: elle fait rapidement le tour de la planète sur Internet, comme on peut s'en assurer ici ou là.

C'est sans aucun doute cette médiocre qualité du travail fourni par les journalistes français, avec une bien trop forte empreinte idéologique, qui a provoqué et favorisé l'émergence de nombreux fantassins idéologiques, pour reprendre l'expression d'un journaliste français, qui ont rejoint la bataille de l'information de façon totalement bénévole, avec leur conviction pour seule arme.

Ce processus de « bloggerisation » de la communication, et donc de l'information sur Internet, bouleverse la donne et inquiète fortement les centres d'information traditionnels. Un des correspondants français à Moscou avec lequel j’ai échangé il y a quelques années m'avait confié qu'il avait parfaitement compris qu'il faisait partie de la dernière génération de journalistes traditionnels, génération qui serait probablement remplacée à terme par des bloggeurs.

Alors qu'en France on fait désormais écrire des robots à la place des journalistes, en s'inspirant de la tendance anglo-saxonne qui émerge au sein des agences généralistes de type Associated Press, en Russie c'est une tendance inverse qui émerge. Le blogueur y est de plus en plus pris en considération, et depuis août 2014, une loi assimile le blogueur qui dépasse une certaine audience (plus de 3.000 visiteurs uniques par jour) à un média presque à part entière, avec des devoirs mais aussi des droits (source).

Cette évolution est fondamentale dans le cadre global de la guerre de l'information qui oppose de plus en plus frontalement l'Otan à la Russie. Longtemps les populations d'Europe n'ont eu droit qu'à une seule lecture des événements et de l'histoire: celle concoctée par les chancelleries des pays de l'Otan, puis médiatisée par les principales agences généralistes occidentales (AP, AFP et Reuters).

Pendant la dernière décennie, la situation a évolué à mesure que de nombreux outils de communications non occidentaux ont émergé et pris de l'importance, que l'on pense à Al-Jazeera, Russia Today ou encore à des supports indiens ou chinois de très grande dimension qui communiquent de plus en plus activement dans les langues des pays occidentaux.

L'apparition de points de vue non-occidentaux, et non «occidentophiles» (soit absolument pas pro-américains) a beaucoup inquiété les chancelleries de certains pays occidentaux. Depuis deux ans environ, Bruxelles a activé et financé une armée de « trolls » chargés d'influencer les votes aux élections européennes. Cette révélation a probablement convaincu une large part des européens que si l'UE critique la Corée du Nord, elle emploie pourtant les mêmes méthodes quand il s'agit de « convaincre » ses populations de bien voter.

Dans ce monde médiatique en mutation, les outils de communication russes vers l'étranger ont enregistré quelques succès. Il y a les plateformes RIA Novosti et Voix de la Russie, désormais fusionnées sous l'appellation Sputnik mais aussi Russia Today, qui sont aujourd'hui des acteurs majeurs de l'information/ré-information et donc de la guerre entre médias qui fait rage.

A l'ouest c'est la panique.

Le commandant en chef des troupes de l'Otan en Europe a récemment appelé à mener une guerre de l'information, notamment sur les réseaux sociaux, tandis que le conseil américain des gouverneurs de la radiodiffusion déplorait que les Etats-Unis soient en train de perdre la guerre de l'information face à la Russie. A Bruxelles, l'ambiance est la même. Les Etats baltes et la Grande-Bretagne ont appelé à mettre en place un plan de réponse aux médias russes en lançant notamment une chaîne de télévision paneuropéenne en russe.

Face aux médias russes, une haine suintante est apparue au grand jour lorsque l'année dernière le rédacteur du magazine The Economist, Edward Lucas, a qualifié les employés de Russia Today d'excentriques et de propagandistes et appelé à rejeter et exclure « ces gens » (sic) du monde du journalisme. Pour la présidente de Lituanie, la propagande russe doit être identifiée et tout bonnement éradiquée.

Nous voilà revenus à une sorte de nouvelle guerre froide médiatique cyber-violente, dans laquelle la Russie d'aujourd'hui apparaît de nouveau comme un modèle politique pour bon nombre d'Européens. Mais alors que les pays occidentaux faisaient autrefois de la propagande antisoviétique en s'appuyant surtout sur les mouvements de droite, conservateurs ou patriotiques, la situation s'est aujourd'hui inversée.

Désormais, il y a en France et un peu partout en Europe des gaullistes et des patriotes qui soutiennent majoritairement la Russie, alors que ce sont les gens de centre-droit et de centre-gauche qui sont les meilleurs relais de Washington et de Bruxelles. Leur influence sur la vie de la Cité est cependant en train de fondre lentement, comme du reste le lectorat des grands médias traditionnels français.

 

Alexandre Latsa

00:05 Publié dans Actualité, Défense | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, défense, guerre, guerre totale, cyberguerre | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Múdspelli

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Múdspelli
 
Ex: http://taaldacht.nl

Also available in English.

In de Germaanse letterkunde van de vroege Middeleeuwen bestaat een zeer geheimzinnig woord dat telkenmale in één adem wordt genoemd met vuur en verwoesting en het einde van de wereld, te weten Múdspelli. Het is onduidelijk wat het letterlijk betekent en de vraag is bovendien of het oorspronkelijk een christelijk begrip is of dat het uit het oude Germaanse heidendom stamt. Er zijn al vele voorstellen gedaan, maar geen ervan is echt overtuigend. Valt er dan wellicht een nieuwe duiding te bedenken?

Saksen


Aan het begin van de negende eeuw is de kerstening van de Saksen –woonachtig in wat nu Noordwest-Duitsland en Noordoost-Nederland is– in volle gang. Als onderdeel van deze inspanningen verschijnt er tussen 825 en 850 een bijzonder werk: een Oudsaksisch heldendicht van wel zesduizend verzen, geheel in Germaans stafrijm, dat het verhaal van Jezus vertelt als ware hij een hoofdman die krijgers onder zich heeft en door de onmetelijke wouden van Middilgard reist. Het is niets minder dan de Germaanse uitgave van de blijde boodschap. De dichter is onbekend en hij heeft zijn werk geen naam gegeven, maar hij noemt Jezus onder meer de Hêliand (‘Heiland, Verlosser’) en onder die naam staat het thans bekend.

In verzen 2589b-2592a komen wij het geheimzinnige woord dan tegen (vertaling Van Vredendaal):

Tot wasdom komen ze samen;
de verdoemden groeien met de goeden op,
totdat Múdspelli’s macht over de mensen komt
bij het einde der tijden.

En een flink eind later, in verzen 4352a–64, andermaal (vertaling Van Vredendaal):

Wees waakzaam! Gewis komt voor jullie
de schitterende doemdag: dan verschijnt de heer
met zijn onmetelijke macht en het vermaarde uur,
de wending van de wereld. Wacht je er dus voor
dat hij je niet besluipt als je slaapt op je rustbed,
je bij verrassing overvalt bij je verraderlijke werken,
bij misdaad en zonde. Múdspelli komt
in duistere nacht. Zoals een dief zich beweegt
in het diepste geheim, zo zal de dag komen,
de laatste van dit licht, en de levenden overvallen,
gelijk de vloed deed in vroeger dagen:
de zwalpende zee verzwolg de mensen
in Noachs tijden.

Hoewel de Hêliand geen regelrechte Bijbelvertaling is komt het een en ander uiteraard zeer bekend voor: “Want gij weet zelven zeer wel, dat de dag des Heeren alzo zal komen, gelijk een dief in den nacht” (1 Thessalonicensen 5:2). Maar wie of wat Múdspelli nu genauw is blijft onduidelijk, al zal het voor de Saksische toehoorder een bekend begrip zijn geweest, wat erop duidt dat het oud is. De Hêliand is overigens het voornaamste van slechts enkele waarlijk letterkundige werken in het Oudsaksisch, dus het zal niet verbazen dat het verder niet voorkomt in Oudsaksische geschriften.

Beieren


Omstreeks 870 na Christus verschijnt verder naar het zuiden –in Beieren– een Oudhoogduits gedicht dat vertelt over de strijd tussen Elias en de Antichrist, als waren zij de keurstrijders van God en de grote Vijand. Elias verslaat de Antichrist, maar is zelf ook gewond en zodra zijn bloed de Aarde raakt ontbrandt zij op geweldige wijze. Regels 55b-60b (eigen vertaling):

De doemdag gaat dan te lande,
gaat met het vuur mannen bezoeken.
Daar kan een verwante een ander niet helpen tegenover het Múspilli.
Want de wijde aarde verbrandt geheel,
en vuur en lucht vagen alles weg;
waar is dan die beschikte grond waar een man immer met zijn verwanten voor vocht?

Het gedicht vertelt voorts dat heel Mittilgart zal branden: geen berg of boom wordt gespaard. Water droogt op, zeeën worden verzwolgen, de hemelen vlammen en de maan valt. Niets weerstaat het Múspilli. Men merke dan op dat de vorm van het woord iets anders is: in vergelijking met Oudsaksisch Múdspelli lijkt Oudhoogduits Múspilli wat meer verbasterd. Het blijft onduidelijk wat diens genauwe betekenis is, maar ook hier zal het voor de toehoorder van die tijd een bekend begrip zijn geweest.

IJsland


De laatste plekken waar het woord verschijnt –deze keer in de vorm Múspell– zijn in de Oudijslandse letterkunde. Een van de belangrijkste schriftelijke bronnen aangaande het Germaans-heidense wereldbeeld is een bundel van gedichten die thans bekend staat als de Poëtische Edda. De belangrijkste van deze is de Vǫluspá (‘voorspelling van de zienster’). Dit gedicht, dat waarschijnlijk in de 10e eeuw na Christus is opgesteld door een heiden die daarmee oeroude overlevering doorgaf, verhaalt van de schepping van de wereld en van het einde van de wereld – elders de Ragnarǫk genoemd. Wij lezen dan tegen het einde ervan, in verzen 44 en 45 (vertaling De Vries):

Een kiel uit het oosten
komt met de mannen
van Múspell beladen
en Loki aan’t roer.
Tezaam met de reuzen
rent nu de wolf,
en hen begeleidt
de broer van Byleist.

Uit het zuiden komt Surtr [‘Zwart’]
met vlammend zwaard
en gensters fonkelen
van dit godenwapen.
Rotsen barsten,
reuzen vallen,
de helweg gaan mannen,
de hemel splijt.

Elders in de Oudijslandse letterkunde krijgen wij meer te lezen over Múspell, en wel in de zogenaamde Proza-Edda, een soort dichtershandboek vol verhalen dat omstreeks 1220 door de christelijke geschiedkundige Snorri Sturluson is geschreven. Hij putte hiervoor uit de heidense overlevering, zoals de reeds genoemde gedichten hierboven, maar het is vaak niet te achterhalen in hoeverre hij er een eigen invulling aan gaf, waardoor voorzichtig lezen geboden is. In hoofdstuk 4 van het deel dat de Gylfaginning heet, meldt Snorri het volgende (eigen vertaling):

Toen sprak Derde: ‘Doch eerst was er in het zuiden de wereld die Múspell heet. Deze is licht en heet. Zó dat hij vlammend en brandend is. En hij is onbegaanbaar voor degenen die daar vreemdelingen zijn en daar niet hun vaderland hebben. Daar is een genaamd Surtr, die daar bij de grens ter verdediging zit. Hij heeft een vlammend zwaard, en bij het einde der wereld zal hij oorlog gaan voeren en alle goden verslaan en de hele wereld met vuur verbranden.’

Verderop in het verhaal wordt verteld dat Múspellsheimr (‘Múspells heem’) in de oertijd gesmolten deeltjes en vonken uitschoot en dat de goden en de dwergen hiervan de zon en de sterren hebben gemaakt. En er wordt meerdere malen verhaald van hoe Múspellsmegir (‘Múspells knapen’) en Múspellssynir (‘Múspells zonen’) op het laatst zullen uitrijden en oorlog zullen voeren, opdat Miðgarðr wordt verwoest.

Duiding


Dat het woord een samenstelling is staat vast, maar wat betekent het nu werkelijk en hoe oud is het? Is het een christelijk begrip dat zelfs IJsland wist te bereiken toen dat nog grotendeels heidens was –hetgeen op zichzelf niet ondenkbaar is– of is het oud genoeg om uit heidense tijden te stammen? Zoals gezegd is het waarschijnlijk tamelijk ouder dan zijn eerste verschijning op schrift, daar het woord al vrij bekend zal zijn geweest voor de toehoorders destijds, en lijkt het dus van heidense oorsprong.

Er is al in elk geval al aardig wat voorgesteld en het gesprek is nog steeds gaande. Een goede opsomming hiervan is te vinden in de onderaan vermelde verhandeling van Hans Jeske uit 2006. In het kort: voor het eerste lid is verband gezocht met o.a. Oudsaksisch múð ‘mond’ en Latijn mundus ‘wereld’, voor het tweede lid met o.a. Oudhoogduits spell ‘vertelling’ en spildan ‘vernietigen’, waardoor we uitkomen met duidingen als ‘mondelinge vernietiging’ (door God), ‘mondelinge vertelling’ (als onbeholpen vertaling van Latijn ōrāculum ‘goddelijke uitspraak’) of ‘wereldvernietiging’. Maar allen stuiten op vormelijke, inhoudelijke en/of geschiedkundige bezwaren, waardoor geen ervan echt weet te overtuigen. Het is dan ook de hoogste tijd voor een geheel nieuwe duiding.

Allereerst: het Oudgermaans erfde van zijn voorloper –het Proto-Indo-Europees– meerdere wijzen van samenstellingen maken. Bij één daarvan reeg men twee woorden én een achtervoegsel aan elkaar tot één onzijdig zelfstandig naamwoord. Het achtervoegsel gaf de samenstelling een lading van veelheid en verzameling. Een bekend voorbeeld hiervan is de samenstelling van *alja- ‘ander, vreemd’ + *landa- ‘land’ + *-jan (achtervoegsel) tot *aljalandjan (o.) ‘het geheel van andere landen’ oftewel ‘het buitenland’. Het woord is o.a. als Oudsaksisch elilendi, Oudhoogduits elilenti en Nederlands ellende overgeleverd. Deze wijze van samenstellen lijkt na de Oudgermaanse tijd niet meer in gebruik te zijn geweest, dus als wij zo’n samenstelling tegenkomen in de dochtertalen is zij waarschijnlijk vrij oud, namelijk van voor de kerstening der Germanen.

Welnu, Oudsaksisch Múdspelli, Oudhoogduits Múspilli en Oudnoords Múspell hebben er alles van weg genauw zo’n soort oude samenstelling te zijn. Onder meer omdat ze onzijdig zijn en een spoor van het genoemde achtervoegsel tonen. Dat wil zeggen, ze lijken terug te gaan op Oudgermaans *Mūdaspalljan (o.), een samenstelling van *mūda- + *spalla- + *-jan (achtervoegsel). De vraag is vervolgens: wat zijn *mūda- en *spalla-?

Over *spalla- kunnen we bondig zijn. Hoewel het anderszins niet is overgeleverd in de Germaanse talen is dit woord goed te verbinden met de Proto-Indo-Europese wortel *(s)pel-, *(s)pol-, die wij verder kennen van onder meer Oudkerkslavisch poljǫ, polĕti ‘branden, vlammen’ en Russisch pólomja ‘vlam’. Dan zou Oudgermaans *spalla- ook iets als ‘vuur’ of ‘vlam’ hebben betekend.

Over *mūda- valt meer te vertellen. Dit woord is, weliswaar verlengd met verschillende achtervoegsels, namelijk wél overgeleverd in de Germaanse talen. Enerzijds zijn er –met een achtervoegsel dat vertrouwdheid en verkleining aangeeft– Middelnederduits mudeke, 16e eeuws Nederlands muydick, streektalig Duits Muttich, Mutch, Mautch en Oostvlaams muik, die allen ongeveer ‘bewaarplaats of voorraad van ooft of geld’ betekenen, maar soms meer algemeen en oorspronkelijk ‘opeenhoping’. Anderszijds zijn er Oudhoogduits múttun (mv.) ‘voorraadschuren’, Silezisch Maute ‘bergplaats van ooft’ en Beiers Mauten ‘voorraad van ooft’.

Vervolgens kunnen wij dit *mūda- verbinden met de Proto-Indo-Europese wortel *meuH- ‘overvloedig, krachtig in vermenigvuldiging’ (voorgelegd door Michael Weiss in 1996), die anderszins ten grondslag ligt aan Grieks mūríos ‘talloos, onmetelijk’, Hettitisch mūri- ‘tros ooft’, Luwisch-Hettitisch mūwa- ‘een ontzagwekkende eigenschap, van bijvoorbeeld een koning of god’, Hiërogliefisch Luwisch mūwa- ‘overweldigen (o.i.d.)’ en ten slotte Latijn mūtō en Oudiers moth, beide ‘mannelijk geslachtsdeel’. Mogelijk horen hierbij ook Oudgermaans *mūhō ‘grote hoop’ (vanwaar o.a. Oudengels múha en Oudnoords múgi) en *meurjōn (vanwaar o.a. Nederlands mier).

Hieruit valt op te maken dat Oudgermaans *mūda- waarschijnlijk zoveel betekende als ‘opeenhoping, veelheid, overvloed e.d.’ of anders in bijvoeglijke zin ‘overvloedig’.

Besluit


*Mūdaspalljan is dan een zeer oud, heidens begrip dat het beste is op te vatten als het ‘Overvloedige Gevlamte’ of het ‘Vuur des Overvloeds’ en bij uitbreiding het ‘Vurige Wereldeinde’. En dat is een betekenis die uitstekend past in de zinsverbanden waarin we het woord in de dochtertalen tegenkomen. Men leze hen boven maar eens terug. Een mogelijk bezwaar is evenwel dat het woord dan uit tamelijk zeldzame woordstof is opgebouwd. Maar zoiets zouden we juist verwachten van een oud, mythologisch geladen woord. Germaanse dichters gebruikten vaak woorden die in de algemene taal niet of nauwelijks (meer) voorkwamen om zo een stijl van verheven ernst te scheppen.

Op grond van de Oudijslandse benamingen Múspellsmegir (‘Múspells knapen’) en Múspellssynir (‘Múspells zonen’) is wel betoogd dat Múspell een reus of iets dergelijks is. Maar het woord is zoals gezegd onzijdig en diens ‘knapen’ en ‘zonen’ zijn volgens de hier voorgesteld duiding goed te begrijpen als een dichterlijke voorstelling van de afzonderlijke vlammen die voortrazen als heel de wereld wordt verzwolgen.

De Vǫluspá verhaalt dat na deze eindstrijd de Aarde herrijst –groen en fris– en dat mensen een zorgeloos leven in vreugde zullen leiden. De overeenkomsten met de christelijke leer over het hiernamaals op een Nieuwe Aarde zijn opvallend en vaak wordt er aan ontlening gedacht. Doch als we beseffen dat er in de Oudgermaanse tijd menig langhuis en medehal in vlammen moet zijn opgegaan, wouden konden branden door ongelukkige blikseminslagen, en menig akker door vijanden ware verschroeid, en er niets anders opzat dan te herbouwen en herzaaien, dan is het goed mogelijk dat de heidenen van weleer dachten dat ooit heel Middilgard in het Múdspelli zou eindigen, dat de wereld der mannen zou branden in een Alverzengend Vuur, vooraleer het weer zou herrijzen – groen en fris.

Verwijzingen

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Jeske, H., “Zur Etymologie des Wortes muspilli”, in Zeitschrift für deutsches Altertum und deutsche Literatur, Bd. 135, H. 4 (2006), pp. 425-434

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