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dimanche, 04 octobre 2020

CHESTERTON, un catholique social anglais

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CHESTERTON, un catholique social anglais

Ex: https://anti-mythes.blogspot.com

Rencontre avec Philippe Maxence, auteur de L'Univers de G.K. Chesterton

M & V : A maints égards, la pensée de Gilbert Keith Chesterton semble être le pendant anglais de celle des catholiques sociaux français : la guilde anglaise, par exemple, partage plus d'un point commun avec la corporation. Comment cette parenté s'exprime-t-elle ?

Philippe Maxence : Comme les catholiques sociaux français, Chesterton a été profondément touché par l'encyclique de Léon XIII, Rerum novarum. Il y a toutefois deux différences entre les Français et Chesterton. La première est que les Français voient dans l’encyclique de Léon XIII une confirmation : de leurs propres vues. Pour Chesterton, Rerum novarum est véritablement un point de départ. La seconde différence tient aux situations particulières en Angleterre et en France. Les Français, et singulièrement les catholiques, vont vite se diviser sur la question du meilleur régime : monarchie ou république. Ce n’est pas le cas des Anglais.

D'autre part, la France reste majoritairement agricole et artisanale. La propriété privée y est plus abondamment répandue. En revanche, en Angleterre, les terres appartiennent principalement à des grandes familles aristocratiques ou aux grands capitaines d'industrie. Le paysan y est d'abord un ouvrier, de même que l’artisan. L'industrialisation y est plus développée que dans notre pays, et y produit des effets dramatiques. En fonction de ces différences, les catholiques sociaux français vont insister sur l’organisation sociale dans son ensemble, par le biais d'un système corporatiste, tandis que Chesterton et ses amis vont mettre l'accent sur la large distribution de la propriété privée.

M & V : En pourfendant la ploutocratie ou le grand magasin, c'est la famille que défend Chesterton. Il la définit à la fois comme la « base » et la « cellule mère » de la société, mais aussi comme « l'institution anarchiste par excellence ». Comment expliquer ce paradoxe ?

PM.: Chesterton place en effet la famille à la base et même au cœur de la société. Lorsqu'il utilise l'expression d'institution anarchiste, il entend affirmer que la liberté ne s'apprend et ne s éduque véritablement qu'au sein de la famille. C'est l'un des sens du paradoxe chestertonien. L'autre, c'est que la loi qui régit la famille est l’amour et que cette loi distingue radicalement l'institution familiale de toute autre institution humaine.

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M & V : « Pour sauver la famille, il nous faut révolutionner la nation », écrit Chesterton. Par de nombreux côtés, cet écrivain catholique, qui reproche au socialisme, non pas « de vouloir révolutionner notre vie commerciale », mais « de vouloir la conserver si horriblement pareille », est en effet un révolutionnaire, par exemple lorsqu'il prône le « distributisme ». Qu'entend-il par là ?

PM. : Avant d'être une théorie économique, le distributisme est une vision du monde qui refuse de réduire l'homme à son aspect économique tel qu'il découle de la révolution anthropologique des Lumières. Il s'affirme en premier lieu, pour la liberté de l'homme et de sa famille, pour qu'il soit maître de son destin qu'il soit concrètement propriétaire de sa maison et des moyens de production deuxièmement, pour un monde fondé sur l'acceptation des limites et qui de ce fait respecte les petites nations et s'organise donc de façon décentralisée. Plus de société et moins d'État enfin pour des économies plus locales, s'appuyant sur l'artisanat et l’agriculture, sur des groupements professionnels autogérés et des mutuelles coopératives.

M & V : Plus généralement, la critique et les conceptions sociales de Chesterton vous paraissent-elles encore d'actualité ?

PM.: S'il manque peut-être à Chesterton une réflexion sur le cadre institutionnel, il n'en reste pas moins que ses conceptions rencontrent de plein fouet la réalité de notre monde contemporain, qui repose sur une mondialisation dépossédant les nations et les familles, et qui veut faire exploser toute notion de limites par la course en avant de la consommation et de la technologie. Le renouveau d'intérêt que connaissent ses idées dans le monde anglo-saxon témoigne de sa pertinence face aux problèmes actuels.

Monde&Vie 13 décembre 2008 n°804 

vendredi, 02 octobre 2020

Entretien avec Massimo Magliaro

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Entretien avec Massimo Magliaro

Propos recueillis par Lionel Baland 
Ex: https://eurolibertes.com

Massimo Magliaro est l’auteur du numéro des Cahiers d’histoire du nationalisme consacré au MSI (Pour le commander, cliquez ici).

Cahiers-Histoire-du-nationalisme-MSI.jpgMassimo Magliaro a été un haut cadre du parti nationaliste italien dénommé Mouvement Social Italien (MSI) et a été très proche de l’ancien dirigeant de cette formation politique Giorgio Almirante. Après le décès de ce dernier en mai 1988, Massimo Magliaro est devenu journaliste à la Radio-Télévision italienne, puis directeur de la RAI Internationale et enfin président de la RAI Corporation, filiale de la RAI en Amérique. Il est l’auteur du numéro des Cahiers d’histoire du nationalisme consacré au Mouvement Social Italien (MSI). Lionel Baland l’a interrogé pour Eurolibertés.

Dans le numéro 11 des Cahiers d’histoire du nationalisme, que vous avez rédigé, vous contez l’histoire du Mouvement social italien (MSI) – et de l’Italie – de 1946 jusqu’à 1995. Il apparaît, à la lecture de votre texte, que votre pays a connu, durant ces années, de très fortes tensions politiques et de nombreux actes de violence physique et notamment des attentats sanglants. Comment expliquez-vous cette situation ? Les services secrets des États-Unis ou italiens étaient-ils impliqués en sous-main dans de tels actes ? Si oui, dans quel but ?

Mon pays se situait à la frontière entre l’Occident et l’Orient. Mieux, entre une certaine idée de l’Occident et une certaine idée de l’Orient. L’Occident représentait la liberté de s’exprimer, de s’organiser, de faire de la politique, l’argent et le bien-être ; l’Orient était la dictature la plus dure et atroce de l’histoire, le goulag, le Mur de Berlin, le Rideau de fer, les millions de morts, la famine, des contrôles de police partout, la liberté politique et la liberté d’expression inexistantes. Tout cela ne se déroulait pas seulement en Russie, mais aussi dans tous les pays du Pacte de Varsovie. De l’autre côté de la frontière orientale italienne, il y avait la Yougoslavie de Tito, lequel, avant de devenir tiers-mondiste (avec Nasser et Nehru), a été un fier soldat de Staline et de la patrie du communisme mondial, l’URSS.

Le Parti communiste italien, qui était le plus grand parti communiste de ce côté-ci, était riche (avec l’aide soviétique) et armé (avec les dépôts d’armes de la Résistance, monopolisés par les communistes – qui étaient commandés par Luigi Longo et par Pietro Secchia, chefs militaires des partisans rouges –, en vérité, la majorité d’entre eux étaient des partisans). Tout cela a produit le fait que l’Italie était inévitablement le théâtre d’un affrontement national et international permanent. La violence et le terrorisme étaient la conséquence de cette situation tendue.

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Le qualunquisme (Front de l’homme ordinaire), une sorte de poujadisme avant la lettre qui s’est développé en Italie au sortir de la IIe Guerre mondiale, a-t-il eu une influence sur le MSI ?

Influence très relative et surtout très brève. Ce mouvement, conduit par un écrivain de théâtre, Guglielmo Giannini, a vécu si peu de temps que… la pacification nationale, la fin de l’épuration contre les fascistes, la critique de la très jeune partitocratie ont été des arguments stratégiques du MSI qui a très rapidement vidé le bassin électoral qualunquiste. Parmi les premiers dirigeants du MSI, ceux qui avaient adhéré au qualunquisme avant la fondation du parti n’étaient pas plus que cinq ou six.

L’enlèvement et l’assassinat, réalisés par les Brigades rouges, en 1978, du démocrate-chrétien Aldo Moro, partisan du « compromis historique » entre les démocrates-chrétiens et les communistes, ont retenu l’attention du public francophone. Pensez-vous que les États-Unis et l’Italie ont manœuvré pour que Moro ne soit pas libéré et ainsi être débarrassé de lui ? Quel était, pour la Démocratie chrétienne, l’intérêt de ce compromis avec les communistes ?

L’Italie est un pays plein de mystères politiques : Ustica, le massacre de la gare de Bologne (accusé : la droite radicale ; coupable : le groupe palestinien de Habash), la mort de Sindona, l’attentat contre Falcone et, après, contre Borsellino, la nature même des Brigades rouges (formées par qui ? financées par qui ? couvertes par qui ? au service de qui ?), le massacre de la piazza Fontana, toute la stratégie de la tension, etc. L’assassinat de Moro est (ou était) peut-être le plus grand de ces mystères. Mystère comme les Brigades rouges. Mystère comme la persécution contre Craxi qui était le seul à vouloir effectuer des tractations avec les terroristes de gauche pour libérer Moro contre la volonté de la majorité de la Démocratie chrétienne. Mystère, comme la classification de certains documents relatifs à cette histoire. Oui, les USA n’aimaient pas Moro. Plutôt, ils aimaient Andreotti. Et l’intérêt de la Démocratie chrétienne était de survivre à tout prix, aussi avec les communistes desquels la Démocratie chrétienne n’a jamais été adversaire. Il faut se souvenir que la Démocratie chrétienne était dans la Résistance avec les rouges et qu’au sein de la Démocratie chrétienne, le pouvoir était aux mains de l’aile « libérale-progressiste » d’Alcide De Gasperi et de ses fils politiques (contre la fraction « national-catho » de Luigi Sturzo) depuis la fin de la guerre.

36747.jpgEn janvier 1995, à Fiuggi, le MSI s’autodissout. L’Alliance nationale (AN) y tient ensuite son premier congrès. Vous écrivez : « Dans son rapport d’ouverture, Fini affirme que les thèses du congrès d’AN, rédigées par un groupe de diverses extractions intellectuelles, ‘’sont les contenus d’une formation politique libérale-démocratique’’. » 

Alors que le MSI a pris part, entre mai et décembre 1994, au gouvernement Berlusconi I et que le parti a obtenu des résultats importants lors du deuxième tour des municipales de fin 1993, notamment à Rome (Gianfranco Fini reçoit presque 47 %) et Naples (Alessandra Mussolini décroche plus de 44 %), pourquoi Fini a-t-il décidé de liquider le MSI et sa ligne idéologique ? Comment expliquez-vous l’échec de cette stratégie ? En cette époque d’après-guerre froide, le logiciel du MSI pouvait-il être maintenu ? Ne correspondait-il plus à l’air du temps ?

La vie interne du MSI a toujours été clivée autour du débat entre qui était pour entrer à tout prix dans le système partitocratique et qui disait non à ce mariage contre nature en se souvenant que l’origine idéale, culturelle, doctrinaire, politique et humaine du MSI était de contester la partitocratie. Lorsque Gianfranco Fini a pris la place de Giorgio Almirante, il a été entouré par qui était du premier groupe, celui qui peut être défini comme centriste. D’ici il y a eu tout de suite la coupure des racines dont je parlais. Après est arrivé la démarche que nous connaissons. Le prix à payer pour entrer dans les salles dorées du pouvoir avec les privilèges du pouvoir (télé, argent, clientèle, journaux, voyages, ambassades, grande entreprise, etc.) a été payé en quelques semaines. Et est arrivée la catastrophe : le passage dans la salle du pouvoir (un passage qui n’a pas été bref, comme on s’en souvient) n’a pas laissé de trace de la droite. Aucune trace. Quel a été le sens d’être allé au pouvoir pour faire ce que veulent les centres du pouvoir italiens et internationaux qui t’ont ouvert la porte ?

De nos jours, les deux partis patriotiques, la Ligue et Frères d’Italie, ont le vent en poupe. Ils sont donnés dans les sondages, ensemble, à plus de 40 %. Frères d’Italie, dirigé par la belle Giorgia Meloni, porte-t-il l’héritage politique du MSI ? A-t-il récupéré les cadres et les structures du MSI ? La Ligue et son leader Matteo Salvini, depuis leur changement de ligne politique, se sont-ils rapprochés de la ligne idéologique qui a été celle du MSI ? Y a-t-il au sein des structures de la Ligue, ou proches de celle-ci, des héritiers du MSI ?

Non. Je veux être franc. La Ligue n’a rien en commun avec le MSI. Elle émane d’une histoire de sécession (le nord de l’Italie, contre le reste de mon pays), désormais terminée parce que cette idée a fait faillite. Et c’est exactement pour cela que la Ligue de Salvini s’est rapprochée des thèmes nationaux. Mais c’est tactique, tactique seulement.

Pour ce qui concerne Frères d’Italie, le discours est différent. Ils sont les héritiers du MSI et d’AN. Ils ont acquis cet électorat et l’ont élargi. Bien. Les crises de la politique italienne, de sa classe dirigeante, du gouvernement, ne sont pas épisodiques. Ce sont des crises structurelles. Elles sont la conséquence de la crise du système. Et alors une droite comme celle de Frères d’Italie doit conduire cette lutte pour l’alternative au système, comme le point numéro un de sa vie, de sa bataille et de sa présence au pouvoir, si le pouvoir lui tombe entre les mains dans le futur. J’espère que tout cela arrivera. Je veux que tout cela arrive à condition que…

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Giorgia Meloni.

Le M5S, qui a pour figure de proue Beppe Grillo et dont le dirigeant entre 2017 et 2020 était Luigi Di Maio qui a vu son propre père être autrefois un dirigeant local du MSI, a-t-il été influencé par le MSI ? 

Luigi Di Maio est nul. Son métier était de faire le steward au stade de football de l’équipe de Naples. Grillo est un ex-acteur qui a eu du succès il y a des années. C’est tout. Ils appartiennent à la mascarade italienne d’aujourd’hui. Demain, on dira : les Italiens ont été gouvernés, une fois au cours de leur histoire, par un tel Di Maio. Qui ? Di Maio ! Et qui était-il ? Boh !

samedi, 19 septembre 2020

Prof. Dr. David Engels: “Onze culturele neergang is onvermijdelijk”

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Prof. Dr. David Engels: “Onze culturele neergang is onvermijdelijk”

 
Ex: https://pallieterke.net

Toen Francis Fukuyama zijn optimistische “End of History” publiceerde, was David Engels amper de lagere school ontgroeid. Vrij snel werd de rooskleurige voorspelling door de feiten ingehaald. Steeds meer lijken ze trouwens de nuchter-pessimistische kijk van Engels te schragen. “In alle grote beschavingen zit naast een groei en piek een ondergang ingebakken”, stelt hij. Een gesprek over Spengler, cyclisch denken en hoe we gedoemd zijn een verdere afbrokkeling van de westerse beschaving te moeten ondergaan.

David Engels is geen heraut met een blijde boodschap. Meer nog: van zijn analyse over hoe de achteruitgang van Europa en het Westen zich op een haast fatalistische manier voltrekt, wordt een mens zelfs vrij somber. Hijzelf ook trouwens. Maar er is de academicus die observeert, analyseert en concludeert, en daarnaast ook de burger, vader en echtgenoot die de onderzochte processen op een vrij confronterende manier ondergaat.

Enkele jaren geleden publiceerde hij “Le Déclin, la crise de l’Union européenne et la chute de la République romaine”, een boek dat hem een zekere bekendheid bezorgde als publieke intellectueel. Enkele jaren eerder werd hij aangesteld als hoofd van de leerstoel Romeinse Geschiedenis aan de Franstalige Universiteit van Brussel (ULB). Een jaar later zou het werk in het Duits verschijnen en een tijdje geleden kwam ook – eindelijk – een Nederlandstalige vertaling op de markt: “Op weg naar het Imperium. De crisis van de EU en de ondergang van de Romeinse republiek – historische parallellen”, uitgeven bij De Blauwe Tijger. We maakten er onmiddellijk een eerste aanknopingspunt voor ons gesprek van.

Romeinse Rijk

le-declin.jpg“Le Déclin” leverde u enige intellectuele bekendheid op. Vanwaar het idee om net de parallellen te onderzoeken tussen de toestand van de EU en het wegkwijnende Romeinse Rijk?

Sinds mijn prille jeugd heb ik het gevoel gehad in, zoals men dat in het Duits zegt, “Spätzeit” te leven. In een ver gevorderde fase van een periode zeg maar. Het einde van een tijdperk, om het wat zwaarwichtiger te stellen, de epiloog van een beschaving. Dit was een aanvoelen dat ik pas ten volle heb kunnen plaatsen na lectuur van Oswald Spengle”s “Untergang des Abendlandes”. (Inmiddels is David Engels ook voorzitter van het Oswald Spengler genootschap, MVD). Ik maakte kennis met zijn cyclisch denken, met de opkomst en later ook ondergang van de grotere culturen doorheen de geschiedenis. En dan begin je onmiddellijk verbanden te zoeken tussen verschillende periodes. Maar de echte en directe aanzet voor het schrijven van het boek kwam er na een lezing die ik hield voor de ‘Fédération royale des professeurs de grec et de latin”. Er was me gevraagd enkele antieke teksten te verzamelen om die vervolgens vanuit een modern perspectief te analyseren. Uit die oefening is dan het boek voortgekomen.

Wat opvalt bij het lezen van uw boek, is het frequent voorkomen van de term ‘collectieve identiteit’. Wat begrijpt u precies onder deze term?

We zien in het Europa van vandaag, net zoals in de late Romeinse Republiek, de nauwe verwevenheid tussen een gedeelde identiteit en de aanwezigheid – of het ontbreken – van solidariteit. Het is belangrijk dat zo’n identiteit aanwezig is om de gevraagde solidariteit te schragen. Het belang hiervan zie je binnen nationale staten, net zoals binnen de Europese ruimte. Symptomatisch voor een realiteit waar dit scheef zit, zijn afscheidingsbewegingen en -partijen, maar evenzeer euro-kritische stemmen. De kern van het probleem van de EU is dat men er niet in geslaagd is een duizendjarige identiteit te incarneren. Europa steunt op pijlers – Rome, Athene, maar evenzeer de joods-christelijke traditie -, maar de EU draagt dat niet uit. Het miskennen van onze historische identiteit effent het pad voor de situatie waarin we vandaag terecht gekomen zijn met relativering, individualisme, het bepleiten van het multiculturalisme,… Koppel daar het fenomeen van de massa-immigratie en de demografische achteruitgang van de autochtone bevolking aan en je krijgt de realiteit van vandaag. Eigenlijk moeten we ons eerder de vraag stellen of Europa meer wil zijn dan een economische ruimte en echt een verbonden beschavingsgemeenschap wil zijn. Een collectieve identiteit is meer dan de som van de delen. Er is diepgang voor nodig, historisch bewustzijn, en dat ontbreekt volledig vandaag.

Hoe tekenend was de discussie destijds rond de Europese Grondwet en het erin opnemen van die verwijzing naar onze historische roots?

Het schouwspel dat we toen hebben gezien was niet onschuldig. Eerder dan het Europa van vandaag als de vrucht van verschillende historische etappen te beschouwen, beperkt men zich tot een aantal principes als ‘vrijheid’, ‘tolerantie’. Daar zit de echte zwakte van Europa: we snijden ons af van het verleden waarop onze identiteit precies zou moeten berusten. Dat debat was symptomatisch voor het probleem dat ik net schetste.

m1jh0lga_002_.jpegBeeldenstorm

Waar plaatst u tegenover deze achtergrond de heisa die een tijdje geleden ontstond tegen standbeelden van mensen die sommigen volgens bepaalde eigentijdse normen onaanvaardbaar vinden?

We plukken de vruchten van een jarenlang gevolgde linkse cultuurpolitiek. Als men jaren, decennia inmiddels al, de algemeen vormende taak van het onderwijs ondergraaft, dan betaal je daar op termijn een prijs voor. Cash. Het ondermijnen van ons onderwijs is bovendien gekoppeld aan een politiek correcte filter, een “Meinungskorridor”. De resultante is dat men zonder afdoende feitenkennis op een wel erg eenzijdige manier tegen de eigen geschiedenis gaat aankijken. Een beschaving met een zelfbewuste identiteit zou niet toelaten dat op zo’n manier met het eigen verleden gesold wordt.

Sommigen zien in deze toestand iets dat men als ‘cultureel Darwinisme’ kan bestempelen. Kan u zich hierin vinden?

Mijn benadering is helemaal anders dan het Darwinisme. Het is niet een andere beschaving die plots de onze verovert of verdringt, het probleem en de verklaring van wat nu gebeurt moet niet extern gezocht worden. De gevolgde cyclus zit precies in onze cultuur ingebakken. Ik ben er rotsvast van overtuigd dat alle grote beschavingen een vergelijkbaar traject volgen, ook al kunnen de omstandigheden soms sterk verschillen. Er is het ontstaan, de groei, de bloei, de maturiteit, maar daarna ook de achteruitgang, de sclerose en mogelijk zelfs het verdwijnen. Jammer genoeg zijn we in de laatste fase aanbeland in Europa, en zeker in westelijk Europa. Het aantal mensen dat zich bewust is van en trots is op ons Europees-zijn, onze gewoontes en tradities, neemt systematisch af. Ook, en vooral dat is onrustwekkend, bij de politieke elites die ons besturen. Als net in deze kringen dit bewustzijn helemaal zoek geraakt is, heb je als beschaving een serieus probleem.

Het kan toch niet ontkend worden dat de immigratie een factor is die onze Europese cultuur zwaar onder druk plaatst?

Klopt, alleen is deze inwijking van ongeveer overal, maar vooral uit de Afrikaanse en islamitische wereld, een gevolg van het probleem, niet de oorzaak. Dat men toelaat dat de demografische verschuiving die we vandaag ondergaan plaatsvindt, is de verantwoordelijkheid van zij die instaan voor het beleid. Waarom zou je je iets van de Europese identiteit aantrekken als je die zelf niet in je draagt? Dát is de kern van het probleem.

U draagt uw later boek op aan uw zonen. Al de voorgaande vaststellingen moeten u toch somber stemmen, zeker als vader?

9783944305455-de-300.jpgAbsoluut. Als historicus vind ik het boeiend deze dingen te observeren en parallellen te zoeken met vergelijkbare toestanden in het verleden. Maar als vader raakt de idee me dat mijn kinderen opgroeien in een beschaving die op haar einde loopt. Het was voor mij alvast een belangrijke reden om naar Polen te komen. Op die manier kan ik ervoor zorgen dat ze opgroeien in een samenleving die Europees is, stukken meer toch dan tot wat het Westen verworden is.

Europese omgeving

Hoe hebt u die verhuis beleefd. Ander land, andere taal,…?

Ik moet bekennen dat toen ik naar hier kwam, ik niet over een grondige kennis van Midden- en Oost-Europa beschikte. Tot dan was mijn leven eerder op de Atlantische wereld afgestemd, in het bijzonder Frankrijk en Groot-Brittannië. Het was dan ook een aangename verrassing te kunnen vaststellen dat een zin voor tradities en levensgevoel bestaat die ik enkel in mijn kindertijd ervaren heb. Ondanks de taalbarrière oogt Polen Europeser dan België. Er is de aanwezigheid van de katholieke traditie die de samenleving kenmerkt (“prägt”), de hoffelijkheid van de mensen, maar ook de lage graad van criminaliteit, iets wat vandaag ondenkbaar is in Brussel, Luik of mijn eigen thuisstad Verviers.

Stel dat we als Europeanen de cyclus waarin we ons bevinden toch willen doorbreken voor, zeg maar, een imperiale toekomst. Wat zijn hiervoor de voorwaarden?

Het belangrijkste is dat we terug de herinnering aanwakkeren aan onze zowel Grieks-Romeinse als joods-christelijke identiteit. Europa is meer dan de optelsom van de individuele ervaringen van mensen die hier toevallig op een gegeven moment wonen. Het is een historisch gegroeid gegeven. Belangrijk is ook de aanwezigheid van een “Leitkultur”, een dominante cultuur waar nieuwkomers zich naar moeten schikken; de norm. Een bijzondere rol in het smeden van die herwonnen identiteit is voor de Europese instellingen weggelegd. Ik ben ervan overtuigd dat meer nog dan vandaag op bepaalde domeinen een intensievere samenwerking tot stand moet worden gebracht. Voorbeelden hiervan: buitenlandse politiek, bescherming van de grenzen, criminaliteitsbestrijding, onderzoek en ontwikkeling, toegang tot strategische grondstoffen, en dergelijke.

Is het niet paradoxaal dat zij voor wie onze Europese traditie nog wel van belang is, vaak ook scherpe critici van het EU-gebeuren zijn?

De instellingen zoals we die vandaag kennen, zijn in mijn ogen een secundair probleem. Weet u, er zijn in de geschiedenis vele voorbeelden terug te vinden van aristocratische of oligarchische structuren die de eigen historische identiteit in zich droegen en ook bij de bevolking een grote legitimiteit genoten. Waarom zouden we dit niet verkiezen boven democratieën die zelfdestructief zijn voor onze samenleving? Wanneer men kritiek heeft op de EU-elite, en die moet er zijn, moet die niet zozeer gericht zijn op de instellingen, dan wel op het feit dat die lui onvoldoende het identitaire Europese zelfbewustzijn in zich dragen.

Laten we nog even terugkeren naar onze plaats in de cyclus. Zou men kunnen stellen dat de regressie vandaag sneller loopt dan destijds in het Rome van toen het geval was?

De snelheid waarmee de dingen evolueren blijft me verbazen. In mijn analyse had ik het over een periode van burgerlijke onzekerheid die misschien wel twintig jaar in beslag kon nemen. Hier was de parallel de burgeroorlogen die Rome hebben geteisterd. Die fase zou gevolgd worden door de installatie van een autoritair regime dat een soort van orde zou herstellen. Daar gaan we nu naartoe. Elk land kent zijn eigen gegeven situatie, maar je merkt overal die groeiende tegenstellingen, vaak onderhuids. In een land als Frankrijk valt dat probleemloos op, minder in Duitsland, maar onderschat de situatie daar niet: er suddert iets in de Duitse samenleving. De polarisatie tekent zich scherper af, er is onbehagen bij een steeds groter deel van de bevolking. De indruk van stabiliteit bedriegt. Wie had trouwens in 1989 de val van de Muur en de implosie van het Oostblok durven voorspellen.


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David Engels

David Engels (°1979 in Verviers) komt uit de Duitstalige gemeenschap van dit land. Hij studeerde geschiedenis, filosofie en economie aan de Rheinisch-Westfälische Technische Hochschule (RWTH) in Aken. In 2005 behaalde hij zijn doctoraatstitel met een proefschrift over de waarzeggerij in het Romeinse Rijk. Hij werd assistent aan de RWTH om in 2008 de leerstoel Romeinse Geschiedenis aan de ULB aangeboden te krijgen. Sinds 2018 is hij vrijgesteld van zijn taken aan deze universiteit en is hij onderzoeksprofessor aan het Instytut Zachodni in Poznań (Posen). Binnen deze instelling focust hij zich op de ideeëngeschiedenis van het Avondland, de Europese identiteit en de relatie tussen Polen en West-Europa.

 
Michaël Vandamme (°1974, Brussel) studeerde rechten, filosofie en internationale betrekkingen. Beroepshalve is hij redacteur en voormalig hoofdredacteur van een aantal vakbladen.

jeudi, 17 septembre 2020

Julien Rochedy : « Lire Nietzsche est très intéressant au moment où l’Europe est en danger de mort »

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Julien Rochedy : « Lire Nietzsche est très intéressant au moment où l’Europe est en danger de mort » [Interview]

Ex: https://www.breizh-info.com

Julien Rochedy se présente comme « un retraité de la politique, jeune essayiste, combattant pour le futur et l’identité de l’Europe ». Il vient de publier un livre intitulé Nietzsche l’actuel, consacré au philosophe allemand comme son nom l’indique, avec dans la foulée Nietzsche et l’Europe.

Un livre qui permettra à ceux qui ont du mal à pénétrer l’univers de Nietzsche d’enfin le faire, car particulièrement accessible. Nous le recommandons vivement (il a été publié en auto édition, et peut se commander ici).

Nous nous sommes entretenus avec Julien Rochedy de son ouvrage.

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Breizh-info.com : Question qui fâche : n’êtes-vous pas un peu jeune encore pour prétendre avoir compris et analysé l’œuvre de Nietzsche dans son ensemble ?

Julien Rochedy : J’ai commencé à lire Nietzsche quand j’avais quatorze ans. Cela fait donc plus de dix-huit ans ans que je le lis, et mieux, qu’il m’accompagne. De surcroît, je n’ai pas d’approche « universitaire » de son œuvre, ce qui rend la lecture de mon livre d’autant plus accessible.

Breizh-info.com : Qu’est-ce qui vous attire, vous fascine, chez le philosophe allemand ?

Julien Rochedy : Il a été mon maître pendant des années et je lui dois l’essentiel de ma vision du monde. J’aime la force de son écriture, l’amoralisme de ses idées, l’actualité brûlante de ses questions. Il est à la fois un roboratif dans le cadre d’un développement personnel exigeant, et une lumière pour éclairer les phénomènes qui nous entourent.

Breizh-info.com : Vous écrivez que nous vivons aujourd’hui l’apogée, ou plutôt l’acmé, de ce que Nietzsche avait vu et prévu en Europe, c’est-à-dire ?

Julien Rochedy : Nietzsche pose la question du nihilisme après l’évènement colossal de ce qu’il appelle « la mort de Dieu », c’est-à-dire la quasi-suppression de la religion dans les déterminants majeurs de notre civilisation. Les conséquences de cette « mort », à entendre d’un point de vue symbolique, peuvent être funestes pour les coupables de ce crime, à savoir les Européens. Nous vivons aujourd’hui l’acmé de ce nihilisme, dont l’un des symptômes est cette volonté radicale d’en finir avec notre civilisation, c’est-à-dire avec nous-mêmes.

Breizh-info.com : Au même titre que le marxisme semble aujourd’hui – eu égard à l’évolution de nos sociétés – en partie dépassé, la philosophie de Nietzsche ne l’est-elle pas également, lui qui a pensé en un autre temps, profondément différent ?

Julien Rochedy : Je crois au contraire que Nietzsche est plus actuel que jamais. Lui même disait qu’il ne serait vraiment compris que dans un siècle, autrement dit à notre époque. Nietzsche a vu la plupart des phénomènes qui allaient conduire à la situation que nous sommes en train de vivre. Maintenant arrive le moment de vérité : c’est au bord du précipice que nous pourrons nous sauver.

Breizh-info.com : En quoi votre ouvrage, Nietzsche et l’Europe, prolonge-t-il votre introduction à sa philosophie ? En quoi est-ce profondément d’actualité ?

Julien Rochedy : J’ai ajouté à mon introduction à la philosophie nietzschéenne « Nietzsche l’actuel » le mémoire que j’avais écrit durant mes années universitaires : « Nietzsche et l’Europe ». Il est très intéressant de lire celui qui se considérait comme un bon Européen, car au moment où l’Europe est en danger de mort, il est peut-être celui qui la connaissait le mieux, qui décrivit parfaitement les terribles menaces planant au dessus de sa tête, et qui révéla surtout les idées pour qu’elle se métamorphose.

Propos recueillis par YV

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2020, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine – V

mercredi, 09 septembre 2020

Kris Roman ontmoet Dr Koenraad Elst over Indië/China - deel 2 & deel 3

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Время Говорить:

Kris Roman ontmoet Dr Koenraad Elst over Indië/China - deel 2 & deel 3

Deel 1:

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2020/09/01/kris-roman-ontmoet-dr-koenraad-elst-over-indie-china.html

 
 
Deel 2 In het praatprogramma Время Говорить ('Tijd om te Spreken') ontvangt Kris Roman speciale gasten die hun bevindingen en kennis over actuele thema's aan het grote publiek verduidelijken.
 
In deze aflevering, opgenomen op 17-08-2020, is Dr. Koenraad Elst te gast. Recent (zomer 2020) vonden er dodelijke schermutselingen plaats tussen Indiaase en Chinese grenswachten plaats.
 
Dr. Koenraad Elst zal ons verduidelijken wat er aan de hand is. De veelheid aan informatie die Dr. Koenraad Elst meegaf verplicht ons het interview in drie delen te publiceren.
 
Dr. Koenraad Elst is Dokter in de Oosterse filologie en geschiedenis, Licentiaat in de wijsbegeerte, Indo-Iranistiek en Sinologie.
 
 
Deel 3:
 

lundi, 07 septembre 2020

Liban: que se passe-t-il? Gilbert Dawed répond aux questions de l'Académie Europe

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Liban: que se passe-t-il?

 
Liban: Entre terrorisme, crise, révolution et pouvoirs forts
Académie Europe: La vidéo de la rencontre avec Gilbert Dawed
 

Gabriele Adinolfi et Georges Feltin-Tracol évoquent le corporatisme

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L’Echo des Canuts: "Sur le corporatisme"

Roberto reçoit Gabriele Adinolfi et Georges Feltin-Tracol pour évoquer le corporatisme et démonter quelques mythes…

Lien (pour écouter): https://radiomz.org/lecho-des-canuts-16-sur-le-corporatisme/?fbclid=IwAR2Pz2p9sA4xfz2o2se1-7wS9zB4UT9LL5N9-jMRRHFCya94dxmASYltZd0

vendredi, 04 septembre 2020

Kris Roman ontmoet Robert Steuckers over Witrusland

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Время Говорить

Kris Roman ontmoet Robert Steuckers over Witrusland

Nederlandse versie

 
In het praatprogramma Время Говорить ('Time to Speak - Tijd om te Spreken') ontvangt Kris Roman speciale gasten die hun bevindingen en kennis over actuele onderwerpen aan het grote publiek uitleggen.
 
In deze aflevering, opgenomen op 25-08-2020, is Robert Steuckers onze gast. In augustus 2020 begon een opstand in Wit-Rusland. Wat zijn de oorzaken? Waar zal dit eindigen? Geopolitiekspecialist Robert Steuckers beantwoordde deze vragen. Robert Steuckers is een specialist in geschiedenis en geopolitiek. Hij spreekt meerdere talen, waaronder Frans, Nederlands, Engels, Duits, Spaans, etc. Hij heeft talloze lezingen gegeven. Hij schreef talloze geopolitieke teksten. Hij heeft verschillende boeken van hoge kwaliteit geschreven en gepubliceerd, waaronder een driedelige serie genaamd "Europe", een tweedelige "the German Conservative Revolution", Nordic Pages en Celtic Pages. Hij schreef een boek over de Duitse politieke filosoof Carl Schmitt. Vergeet niet dat Robert Steuckers zijn mening en zijn analyses in honderden artikelen heeft neergepend.
 

samedi, 29 août 2020

Le « mystère russe » au chevet de l’Occident

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Le « mystère russe » au chevet de l’Occident

Après Eugène-Melchior de Vogüé ou comment la Russie pourrait sauver la France , la Guebwilleroise d’origine russe Anna Gichkina publie un nouvel essai sur son thème de prédilection : L’Europe face au mystère russe : transcendance, nation, littérature.
 
Propos recueillis par M. PF.
Ex: https://www.lalsace.fr
 
 

Historiquement, l’Occident est issu du rationalisme grec, du droit romain et de la tradition chrétienne. J’appelle « naturelles » les valeurs morales qui en découlent. En rejetant son héritage chrétien, l’Occident tourne le dos à ces valeurs. Le libéralisme, tel qu’on le connaît justifie toute action individuelle qui ne dérange pas d’autres individus. Poussé à l’excès et sans encadrement, comme c’est le cas aujourd’hui, il donne lieu à une société où le matérialisme triomphe. L’Occident a perdu la notion d’éternité au profit de l’hédonisme et de la vision à court terme.

31h3qOp1YqL._SY291_BO1,204,203,200_QL40_ML2_.jpgLe rejet de la religion est-il vraiment la source de tous les maux de l’Occident ?

« Si Dieu n’existe pas, tout est permis », écrivait Dostoïevski (c’est en fait la synthèse d’un passage des Frères Karamazov, N.D.L.R.). Quand il n’y a plus de points de repère, ou plutôt quand l’Homme fixe ses propres règles, il finit par les changer. Et sans toujours en imaginer les conséquences.

Si l’Occident va mal, que dire de la Russie où, pour ne prendre que l’exemple le plus récent, l’opposition est malmenée par le pouvoir en place ?

Y a-t-il vraiment plus de violences du pouvoir en Russie que contre les manifestants en France ? Plus sérieusement, je sais très bien que tout n’est pas parfait là-bas. La Russie, même si elle va mieux qu’il y a quelques années, est un pays qui est encore très mal organisé en comparaison de la France. Il y a encore des choses aberrantes, trop de corruption, trop de pauvreté, notamment dans les campagnes…

Malgré cela, vous estimez qu’elle a beaucoup à offrir à l’Europe…

Oui car, en dépit de tous ses défauts, elle ne tourne pas le dos à sa tradition et sa religion (majoritairement orthodoxe, N.D.L.R.). Malgré son histoire tourmentée, le pays revient toujours à ses fondamentaux. Il vit avec la conscience de son histoire et la volonté de la porter et de la transmettre. L’idée que la Russie est un « pays-messie » est partagée par de nombreux penseurs et écrivains russes.

Qu’est-ce que le « mystère russe » qui donne une partie de son titre à votre ouvrage ?

C’est cette façon de toujours se relever de ses malheurs et d’aller de l’avant sans jamais se couper de son passé ni s’enfermer dans un progressisme vide de sens. Le philosophe russe Nicolas Berdiaev (qui a d’ailleurs passé une partie de sa vie en France, N.D.L.R.) avait trouvé une formule pour expliquer cela : « La beauté des ruines appartient au présent ». Et puis il y a la littérature…

La littérature russe pour « sauver » l’Occident ?

Dans mon livre, je parle de « sainte littérature russe ». Le XIXe siècle est considéré à juste titre comme l’âge d’or avec Pouchkine, Dostoïevski, Tolstoï. C’est à la fois un manuel de morale et un remède au vide spirituel européen. Elle enseigne la pitié, la compassion et la charité.

L’Europe face au mystère russe : transcendance, nation, littérature (Anna Gichkina, éd. Nouvelle Marge, 91 p., 14 €).

«L'Europe face au mystère russe» par Anna Gichkina

 
Conférence du 11 Novembre 2019
Parloir Chrétien : 9 rue du Vieux Colombier 75006 PARIS
Les vidéos des conférences d'Octobre seront prochainement mises en ligne. Nous avons eu un sérieux souci technique, en voie de réparation, merci de votre compréhension.
 
 
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jeudi, 20 août 2020

Entretien sur Guillaume Faye et l’archéofuturisme - Robert Steuckers répond aux questions de Philip Stein

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Entretien sur Guillaume Faye et l’archéofuturisme

Robert Steuckers répond aux questions de Philip Stein

Monsieur Steuckers, vous êtes de nationalité belge et je suis Allemand mais nous pouvons réaliser cet entretien en langue allemande, sans avoir besoin de traducteur. Si je ne m’abuse, j’aurais pu poser mes questions en espagnol, en français ou en anglais. Comment êtes-vous parvenu à maitriser autant de langues européennes?

Ce n’est nullement étonnant: je ne suis pas le seul dans ce cas en Belgique. Le Prof. David Engels écrit tout aussi bien en français qu’en allemand (et en polonais!), sûrement parce qu’il est originaire d’Eupen; mon collègue linguiste et journaliste Lionel Baland, qui s’est spécialisé dans l’étude des partis et mouvements non-conformistes et populistes, qui est natif de Liège, travaille, lui aussi, en quatre langues (français, allemand, néerlandais et anglais); le Dr. Frank Judo a également eu l’occasion de prendre la parole en allemand lors d’un symposium dans la „Bibliothek des Konservativismus“, etc. Dans un groupe d’amis, à Louvain, nous utilisons très souvent la langue allemande et tous les membres de ce petit club sont invités à bien la connaître pour continuer à en faire partie. Par ailleurs, je suis diplômé de l’école des traducteurs. On peut aussi dire qu’entre néerlandophones et germanophones, la différence est mince: nous ne sommes séparés que par deux mutations consonantiques. Ensuite, j’ai suivi les cours de latin en secondaire à une époque où cela valait encore la peine d’étudier une langue morte, car ce n’était pas inutile, comme le racontent à l’envi tous les adeptes de la jactance néolibérale et festiviste. Sur base de ce savoir scolaire, les langues romanes sont d’un accès facile, du moins à la lecture. Finalement, mon épouse est née à Madrid, au pied du monticule où se trouve le palais royal. Cela aide.

Bildschirmfoto-2020-05-14-um-11-39-36_720x600.pngMalgré vos innombrables activités éditoriales et métapolitiques, nous n’allons pas parler de vous aujourd’hui mais de Guillaume Faye, plus précisément de sa brève nouvelle intitulée „Une journée dans la vie de Dimitri Léonidovitch Oblomov“ qui est parue en traduction allemande dans notre maison d’édition il y a quelques semaines. Sur votre compte Twitter, vous avez annoncé cette parution avec enthousiasme, sinon de manière euphorique. Révélez-nous pourquoi un tel enthousiasme ?

Le grand espoir de Faye était de voir ses travaux édités en allemand. Vous êtes donc ceux qui, post mortem, ont réalisé ce voeu très cher de mon vieux camarade décédé. En étalant cet enthousiasme euphorique, comme vous dites, j’ai voulu exprimer la joie que Faye aurait ressentie s’il avait pu savoir qu’un petit livre de lui était enfin paru en allemand, du moins après tant d’années. L’éditeur Wigbert Grabert avait certes fait traduire quelques-uns de ses textes mais non ses brochures théoriquement si importantes sur l’économie, la sexualité, la nouvelle société de consommation, la modernité, etc. Ces petits travaux, très denses, ont vraiment été pionniers dans notre mouvance. Faye a toujours essayé, dans les années 1980, d’être actif dans des cercles avant-gardistes. Récemment, j’ai découvert sur Facebook une brève allusion à ses „Soirées Avant-Guerre“ de Paris. Pierre Robin, un compagnon de Faye à cette époque, en est l’auteur.

Robin nous révèle, très exactement, ce que Faye concoctait dans ces années-là. Robin écrit, avec pertinence, que Faye, in petto, n’était pas vraiment intéressé par les musiques et les modes dites de la „New Wave“ mais, en revanche, il savait très bien que sans une „mise à jour“, rien ne serait plus possible. Dans ses souvenirs des „Soirées Avant-Guerre“ de Paris, Robin nous dit que, pour Faye, il n’était pas possible de réanimer la Weltanschauung classique, grecque et aristotélicienne, ni même le dionysisme des anciens Hellènes en répétant de manière scolaire les cours donnés jadis dans les classes d’humanités classiques. Il fallait donc d’autres moyens, d’autres instruments, pour tenter de sortir de l’étau de la modernité mortifère.

Ce n’est pas un secret de dire que cette petite nouvelle, que nous avons éditée en allemand, n’est qu’une annexe à son épais volume titré „L’archéofuturisme“, où il expose ses idées sur le monde futur après la „grande catastrophe“. Pouvez-vous nous esquisser ce que Faye entendait par „archéofuturisme“ et quel en était le noyau idéologique?

La réponse à votre question se repère aisément dans la nouvelle: on y décèle parfaitement ce qu’il a voulu dire. L’élite de l’Etat, de l’Empire, les dirigeants de la „Fédération“, avec leur formation pluridisciplinaire, les chefs des armées futures, seront futuristes, bénéficieront de toutes les technologies hypermodernes et les utiliseront comme instruments pour asseoir une puissance planétaire indestructible. Le reste de la population sera à nouveau lié à la terre, aura un mode de vie agraire, et développera une culture populaire stable et éternelle. L‘“archéofuturisme“ est donc archaïque, agraire, écologique pour la grande masse des populations et hyper-technique et futuriste pour les élites.

9781907166099-fr.jpgFaye s’intéressait très fort aux projets de chemins de fer, surtout pour la ligne transsibérienne „Baïkal-Amour“, aussi pour les anciens projets allemands de la „Breitspurbahn“, pour l’aérotrain de la France de De Gaulle, pour les projets japonais similaires, etc. Voilà pourquoi Oblomov passe sa journée dans un train, partiellement souterrain. Pour Faye, la tâche première de tout Etat ou de tout Empire était d’organiser des communications ultra-rapides, exactement comme l’empire romain reposait sur ses routes et en dépendait. Mon fils et moi-même fumes un jour très étonné de constater qu’il lisait avec grand intérêt des revues de vulgarisation scientifique traitant de toutes les nouvelles technologies et biotechnologies, comme Science & Avenir, Sciences & Vie, etc. Même si quelques gros malins, croyant tout savoir et se piquant d’être omniscients, considéraient que ce genre de préoccupation était ridicule, je persiste à croire, avec le recul, que les diplômés en sciences humaines, littéraires ou sociologiques, doivent se donner pour hygiène mentale de glaner du savoir sur les révolutions en cours dans les sciences naturelles, physiques, et dans les domaines des hautes technologies (comme la nanotechnologie par exemple), afin de ne pas énoncer des théories boiteuses et incomplètes.

Pourquoi Faye s’est-il décidé à ajouter cette petite nouvelle, un travail purement littéraire, à son livre sur l’archéofuturisme? Pour donner une teneur littéraire à la matière? Ou doit-on émettre l’hypothèse qu’il y a un „plus“ derrière cette décision, l’enthousiasme de Faye pour la littérature?

Faye, tout comme Jean Thiriart d’ailleurs, n’était pas tellement intéressé à la pure littérature, du moins pendant les années où je l’ai connu (car sa culture littéraire n’est pas négligeable pour autant). Il lisait essentiellement des ouvrages de sociologie (Maffesoli, Lipovetsky), de philosophie (Heidegger), de sciences politiques (Freund), d’économie (List, Perroux, Grjebine), d’histoire et de géographie, comme le prouve les recensions qu’il publiait dans éléments ou dans des feuilles internes du G.R.E.C.E. Une exception toutefois chez ces deux penseurs politiques non-conformistes: Louis-Ferdinand Céline, que tous deux appréciaient grandement. L’objectif de cette petite nouvelle bien ficelée de Faye, que vous venez de traduire et d’éditer, est d’éveiller l’attention de ses lecteurs sur le double aspect que porte en lui son concept d’archéofuturisme, notamment la nécessité de penser simultanément hypertechnicisme et archaïsme organique. Faye regrettait que les cercles de la nouvelle droite n’évoquaient jamais de telles thématiques ou les refoulaient. Cette attitude négative face aux hautes technologies ou aux biotechnologies était l’indice, à ses yeux, d’une attitude impolitique, contemplative et „muséale“, ce qu’il explique d’ailleurs très clairement, et avec emphase, dans son livre intitulé L’archéofuturisme. Il a très certainement souhaité créer un monde de science-fiction pour obliger les „littéraires“ de la nouvelle droite (comme les appelait Thiriart en se foutant d’eux copieusement!) à s’intéresser enfin à des thématiques porteuses d’avenir. Ce souhait englobait également les biotechnologies, thème choisi, pour l’un de ses livres, par son vieil ami italien, le juriste Stefano Sutti Vaj. Le futurisme de Faye doit être pensé simultanément avec le biotechnologisme de Sutti Vaj. Les deux approches, celle de Faye et celle de Sutti Vaj, sont malheureusement restées dans une impasse dans le petit univers néo-droitiste franco-italien.   

9781910524923-fr.jpgL’intérêt de Faye pour ce type de littérature se repère également dans le livre qui fait suite à L’archéofuturisme, soit L’Archéofuturisme V2.0: Nouvelles cataclysmiques, un volume constitué seulement de courtes historiettes, qui se focalisent toutes sur la thématique de l’archéofuturisme? Mais en 1985 déjà, Faye s’était profilé comme l’auteur d’une bande dessinée intitulée Avant-Guerre, où plusieurs éléments de ses futures nouvelles apparaissent, comme l’idée d’une „Fédération euro-sibérienne“. Faye a-t-il inventé un grande histoire, un monde qui lui était propre, auquel il a réfléchi pendant de longues années, qu’il a peaufiné en sa tête… ?

Oui, c’est certain. Il s’est aussi toujours intéressé à la conquête spatiale, aux projets européens Ariane. C’est aussi le résultat qu’un intérêt enthousiaste, depuis son enfance et son adolescence, pour la bande dessinée franco-belge, pour les „romans graphiques“ comme disent les Anglais aujourd’hui. Deux séries ont été déterminantes pour l‘engouement que Faye a eu, pendant toute sa vie, pour la conquête spatiale, pour les sciences et la haute technologie, soit pour le „futurisme“.  D’abord la série „Spirou et Fantasio“ de Franquin où deux scientifiques entrent en concurrence: d’une part, Zorglub, qui conçoit et construit d’étonnantes machines volantes puis envoie des centaines de fusées sur la lune pour y inscrire une publicité pour Coca-Cola; d’autre part, Pacôme, Comte de Champignac, qui est chimiste et crée des armes organiques inouïes au départ de champignons, comme, par exemple, le „Metamol“, qui ramollit et liquéfie tous les métaux. Le „Métamol“ détruit ainsi une armée sud-américaine et des tanks chinois. La base de Zorglub dans la jungle amazonienne est détruite par quelques grenades au „Métamol“ contenant un extrait de champignon capable de tout dévorer: toutes les constructions humaines sont alors englouties dans un magma vert et organique, à une vitesse inimaginable.

61sIMJwhfPL._SX380_BO1,204,203,200_.jpgEnsuite, il y a la série „Blake et Mortimer“ d’Edgard P. Jacobs, où l’on trouve un „roman graphique“, qui nous décrit et nous dessine un royaume d’Atlantide se situant sous les flots au beau milieu de l’Océan Atlantique, juste en dessous des Açores. Ce royaume sous-marin est dirigé avec sagesse par un vieux Basileus, inspiré par l’harmonie grecque antique, mais, il est simultanément menacé par des barbares surexcités qui entendent prendre le pouvoir et massacrer les Atlantes. Ces barbares finissent par vaincre mais détruisent les barrages qui protègent des flots la cité sous-marine d’inspiration platonicienne qui est alors engloutie par l’océan. Mais les Atlantes et leur Basileus peuvent quitter la Terre à temps à bord de centaines de fusées pour se donner un avenir sur une autre planète.

Faye était ensuite fasciné par les avions que Jacobs avait dessinés pour sa trilogie de la série „Black et Mortimer“, intitulée Le secret de l’Espadon, notamment „l’aile rouge“ du Colonel Olrik, incarnation du mal, et l’Espadon de ses adversaires anglais. Cet appareil a très nettement inspiré Faye quand il imaginait ses propres chasseurs „Squalines“, fers de lance des forces aériennes de la „Fédération“. On peut également ajouter que Faye a lu, avec beaucoup d’attention, les deux albums de „Tintin et Milou“, où Tintin s’embarque pour la lune avec le Capitaine Haddock dans une fusée qui ressemble aux V2 allemands de la seconde guerre mondiale. Les armes à ultra-sons inventées par le Professeur Tryphon Tournesol dans L’Affaire Tournesol l’intéressaient beaucoup, elles aussi.

6151weT+qiL.jpgLa fascination de Faye pour les technologies futuristes, pour l’exploration spatiale et les armes biologiques découle certainement d’une connaissance profonde des „romans graphiques“ belges de Franquin, Jacobs et Hergé. Dans la mouvance en France, il n’était d’ailleurs pas le seul dans ce cas: le musicien et dessinateur Jack Marchal, qui avait inventé le petit peuple des rats noirs néofascistes, avait à l’évidence puisé son inspiration chez le dessinateur wallon Raymond Macherot qui, lui aussi, avait créé un peuple de méchants rats vivant dans les égouts d’une ville imaginaire et en sortaient pour commettre mille méfaits. Ensuite son ami le peintre Olivier Carré et son camarade de combat (du moins au début de sa carrière) Grégory Pons étaient également „tintinophiles“, tout comme l’avocat genevois Pascal Junod (toujours très actif en Suisse romande) et moi-même. Cette influence de la bande dessinée belge ne se perçoit quasiment pas dans les milieux politiques germanophones. Je pense en outre qu’il aurait trouvé cela fantastique si des dessinateurs avaient utilisé les thèmes de son oeuvre métapolitique pour lancer de nouvelles séries de BD sur le marché !

Je serai direct: combien de science-fiction y a-t-il dans „Une journée dans la vie de Dimitri Leonidovitch Oblomov“ et dans les autres courtes nouvelles de Faye? Il affirme cependant qu’il s’agit d’une vision d’avenir très réaliste…

Oui, de fait, Faye rêvait d’un partenariat euro-russe où les distances immenses entre la Bretagne  -qu’il aimait parce que son meilleur ami, le nationaliste culturel breton Yann-Ber Tillenon lui avait communiqué le sens de la „bretonnitude“ tout en demeurant son plus fidèle soutien-   et la Sibérie orientale, plus exactement le Kamtchatka, auraient été surmontées par des moyens de communication hyperrapides. Dans sa courte nouvelle, une telle „Fédération“ euro-russe ou euro-sibérienne est devenue réalité. Et, comme je viens de le dire, l’élite de cette „Fédération“ est marquée et formée par une praxis hypertechnicisée et futuriste tandis que les masses populaires vivent à un rythme agraire et conservent, de manière vivante et créative, leurs vieilles racines culturelles celtiques, germaniques ou slaves. Faye réconcilie, dans cette nouvelle, les deux pôles, en apparence foncièrement différents, qui s’opposent au sein des mouvances conservatrices-révolutionnaires voire nationales-révolutionnaires et qui existaient déjà au temps de Weimar: le monde du „Travailleur“ d’Ernst Jünger et l’anti-technicisme de son frère Friedrich-Georg.  

En publiant L’archéofuturisme, Faye opère son retour dans la mouvance néodroitiste en 1998, après avoir passé de nombreuses années dans une sphère apolitique, où il a été animateur de radio et avait tourné le dos à la (méta)politique. Juste avant cette parenthèse, il s’était détaché de la „Nouvelle Droite“ d’Alain de Benoist ou, plutôt, en fut expulsé de manière particulièrement inélégante. Vous avez subi un sort analogue. Aviez-vous des contacts à cette époque? Comment, à votre avis, faudrait-il interpréter le retour de Faye, avec, pour arrière-plan, cette utopie archéofuturiste? Comment caractériser Faye à ce moment-là de son existence?

Le processus de rupture avec Benoist a duré environ huit mois, entre l’été 1986 et mars 1987, avant de devenir définitif. L’université d’été du G.R.E.C.E. de 1986 avait été un fiasco total. Faye a ensuite exprimé ses griefs à l’occasion du colloque annuel de l’association en novembre 1986. En mai 1987, il publie sa lettre d’adieu, rédigée en des termes courtois et modérés. Je l’ai traduite en allemand pour le bulletin de la D.E.S.G. (Deutsch-Europäische Studien-Gesellschaft), qui paraissait à Hambourg. A cette époque-là, grâce au soutien de Jean van der Taelen et de Guibert de Villenfagne de Sorinnes, j’étais parfaitement indépendant de la clique parisienne rassemblée autour de Benoist. Jean-Marie Simar, un ami de Liège, avait édité trois brochures de Faye avec de très modestes moyens: Europe et modernité (à coup sûr, l’essai le plus profond que Faye ait jamais écrit), Petit lexique du partisan européen (la première mouture de Pourquoi nous combattons ?) et L’Occident comme déclin (autre essai magistral qui, hélas, n’a jamais été traduit, pas même en anglais).

index.jpgAprès la rupture entre Faye et Benoist, je n’ai évidemment pas eu les réflexes imbéciles de la secte, en excommuniant à mon tour mon vieux camarade Guillaume Faye. Nous nous sommes vus en août 1987 en Suisse, où Pascal Junod, qui n’était pas encore un avocat renommé, avait organisé une fête paneuropéenne. Faye y a distribué sa lettre d’adieu et y a rencontré un bon paquet d’amis venus des quatre coins de la France et d’ailleurs. J’ai profité de l’occasion pour l’inviter en septembre à Bruxelles, dans les salons de l’Hôtel Métropole (aujourd’hui fermé pour cause de faillite suite au confinement de ce printemps 2020), afin qu’il puisse y présenter un livre et un thème, La soft-idéologie, qu’il avait travaillé et rédigé avec le grand analyste et stratégiste français des médias et des guerres de quatrième dimension, François-Bernard Huyghe. Faye, à l’époque, avait des contacts avec les cercles académiques les plus prestigieux. Sa conférence à Bruxelles sur la soft-idéologie fut la dernière qu’il fit à une tribune de la mouvance dite de „nouvelle droite“. Ensuite, pour moi, il a disparu, sans traces et sans donner signe de vie, dans le labyrinthe des médias alternatifs, polissons mais toutefois notoirement connus sur la place de Paris, où il joua, entre autres facéties, le rôle de Skyman, une sorte de superman vengeur des opprimés, capable d’organiser les plus désopilants des canulars.     

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Son retour, dans un premier temps, a été discret mais, selon sa bonne habitude, percutant. Il accorda un entretien à la rédaction d’une jeune revue à l’époque, Réfléchir & Agir (que l’on trouve dans tous les kiosques de France aujourd’hui). Le thème principal qu’il aborda dans cet entretien était les courants musicaux de l’époque qui auraient pu provoquer un effet de rupture salutaire dans la société et l’espace politique, du moins s’ils étaient impulsés dans la bonne direction par une élite porteuse d’une véritable Weltanschauung alternative. De cette manière, un monde alternatif aurait pu émerger. Un ami commun, qui militait pour diffuser Réfléchir & Agir, nous organisa une rencontre à Bruxelles, parce que Faye souhaitait me revoir avant de réapparaître pour de bon dans la mouvance. Un beau jour du printemps 1998, Faye sonna à la porte de ma maison. Il avait certes pris un coup de vieux car la vie dans le petit monde du „Showbiz“ n’est bien sûr ni paisible ni sobre. Cela avait laissé des traces. Mais nous avons entamé la conversation comme si la dernière réunion de son département „Etudes & Recherches“ avait eu lieu une semaine auparavant. Il était resté joyeux, espiègle et polisson, son rayonnement intellectuel était intact. Il nous expliqua ce que signifiait son concept d’archéofuturisme et annonça à tous les amis présents la parution imminente de son livre sur le sujet. Quelques membres de la section hambourgeoise de „Synergon“ étaient présents, de même que le Dr. Tomislav Sunic. Ce fut l’une des journées les plus inoubliables de mon existence !

Le terme central: „Fédération euro-sibérienne“: Faye, en fait, prend une position dans sa nouvelle, qui s’oppose à la conception que se fait Douguine de l’Eurasie. Faye plaide pour une „Euro-Sibérie“ qui ne comprend que la partie européenne de la Russie. Comment jugez-vous cette position aujourd’hui, en tenant compte de l’arrière-plan des querelles qui se sont faites jour dans les rangs de la nouvelle droite française?

Je pense qu’il ne faudrait pas prendre trop au sérieux les différences perceptibles dans les emplois des termes „Eurasie“ et „Euro-Sibérie“. Certes, Douguine est politiquement plus conséquent car il est derechef ancré dans les réalités de l’histoire russe, ce qui l’oblige à tenir compte des anciennes frontières de l’URSS défunte, où Staline a été, volens nolens, un successeur de Catherine II, la « rassembleuse des terres ». Douguine n’escamote pas de manière simpliste l’histoire de l’Union Soviétique. Faye, en fait, développe et élargit une perspective que l’on trouve tout à la fois chez De Gaulle et chez Thiriart: il espère ainsi faire émerger un „grand-espace continental“ qui serait suffisamment autarcique pour pouvoir résister aux entreprises malveillantes d’autres grands espaces impériaux. Faye est ici disciple de Friedrich List et de François Perroux, lequel avait esquissé des plans pour donner de la cohérence au continent latino-américain afin qu’il puisse s’affirmer contre les menées impérialistes de Washington. Pour Faye, pour Thiriart ou pour Perroux, les Etats, petits et moyens, de l’Europe sont trop exigus et l’Europe seule, sans la Russie-Sibérie, n’est pas suffisamment autarcique pour simplement survivre sur le long terme. La Russie, de son côté, est trop peu densément peuplée pour avoir un poids démographique suffisant, face à des adversaires potentiels.

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Le débat Faye/Toulaev à Moscou.

A Moscou et à Termonde (Dendermonde, Flandre orientale, une petite ville à proximité de Bruxelles), Faye a mené des débats intéressants avec un idéologue national russe, hispaniste et historien de l’art: Pavel Toulaev. Ce dernier critiquait le concept d’Euro-Sibérie dans la mesure où la Sibérie n’a jamais été un sujet de l’histoire et que, dans l’espace sibérien, seule la Russie l’a été et l’est restée, puisque l’empire mongol de Gengis Khan et de ses successeurs a définitivement disparu. C’est la raison pour laquelle Toulaev et l’activiste flamand russophone Kris Roman parlent plutôt d’Euro-Russie. On voit ici qu’il y a une différence notable entre cette perspective euro-russe, qui table sur des peuples de souche purement européenne, et la perspective „touranienne“ que Douguine a faite sienne, suite à d’autres eurasistes du 20ème siècle russe, qu’ils aient été « blancs » ou « rouges ». Quoi qu’il en soit, Faye a toujours été partisan d’une alliance euro-soviétique ou euro-russe, comme l’attestent ses très nombreux articles, parus sur son site, sur celui de Thomas Ferrier ( http://thomasferrier.hautetfort.com ) ou sur mon blog http://euro-synergies.hautetfort.com.

unnamed.jpgIl était, sur ce plan, sur la même longueur d’onde qu’Yvan Blot, un très ancien animateur de la nouvelle droite qui avait aussi rompu avec l’inénarrable de Benoist et qui est, hélas, décédé quelques mois avant Guillaume Faye, laissant un vide énorme dans la mouvance, qui n’est guère perçu dans l’espace germanophone, alors que Blot parlait parfaitement l’allemand. Il n’y a guère de querelles sur ce sujet dans les rangs de la nouvelle droite française actuelle: la plupart des activistes et sympathisants sont plutôt pro-russes, y compris bon nombre de catholiques de la vieille droite, bien que quelques-uns, et non des moindres, soutiennent l’ultra-droite ukrainienne (PS d’août 2020: les événements tout récents de Biélorussie modifieront sans doute quelque peu la donne, wait and see).  

Les Etats-Unis, dans sa nouvelle, connaissent un sort peu enviable, celui d’une implosion. Or Faye, à la fin de sa carrière, a pris parti pour Israël et a défendu une vision très négative de l’islam, qui correspond à celle des néoconservateurs américains, théoriciens du „Contre-Djihad“. Comment expliquez-vous cette mutation dans son discours? Est-ce une posture à prendre au sérieux?

De concert avec d’autres observateurs de la société américaine de ses dernières décennies, comme, par exemple, James Howard Kunstler ou Dmitry Orlov, Faye était convaincu que la trépidance qui sous-tend le dynamisme erratique de la société américaine ne pouvait se maintenir sur le long terme. En plus, pensait-il, les Etats-Unis sont marqués par une idéologie libérale incapacitante, un biblisme irréaliste et anti-scientifique et un moralisme agressif. Ces idéologèmes ne peuvent constituer de véritables fondements politiques, au sens où Carl Schmitt et Julien Freund entendaient et définissaient „le politique“. Sans fondements véritablement politiques, un Empire ne peut durer. Il est alors condamné à entrer en décadence. Dès lors, quand a émergé un gigantesque empire, fictif mais peut-être réel demain, comme la „Fédération“, les Etats-Unis se sont automatiquement ratatinés sur le plan de la puissance parce que, contrairement à la figure mythologique grecque d’Antaios, ils ne puisent pas leur force dans un terreau culturel „tellurique“, en entrant à intervalles réguliers en contact avec la Terre, ne se revigorent pas au contact d’un sol à eux. L’avenir appartient à des empires liés à leurs propres sols, qui construisent leur avenir à partir des forces vives de leur „arkhè“. La „Fédération“ euro-russe, tout comme la Chine ou l’Inde, est un empire de ce type, ancré sur son propre sol. La jeune femme indienne, qui voyage en compagnie d’Oblomov dans la nouvelle de Faye, appartient, elle aussi, à un empire ancré dans ses fondements védiques, comme elle le dit d’ailleurs dans la conversation qu’elle a engagée avec le haut fonctionnaire russe de la „Fédération“. Elle voyage en direction d’un autre empire traditionnel, la Chine, dont elle étudiera les fondements traditionnels sans s’y immiscer.

Couv-elements-53.jpgFaye a été dans les années 80, le fougueux avocat d’une coopération euro-arabe anti-impérialiste. Un colloque euro-arabe, visant un tel objectif, a eu lieu à l’université de Mons en Hainaut en 1985, auquel deux Allemands de la mouvance nationale-révolutionnaire, autour de la revue Wir Selbst,  ont participé: Siegfried Bublies et Karl Höffkes (et, moi, j’étais leur interprète). C’était au temps où le monde arabe était dominé par le nationalisme militaire (Algérie), par le laïcisme, le nassérisme, le baathisme ou l’idéal de la „troisième théorie universelle“ de Khadafi. Depuis lors, la donne a considérablement changé. Les réseaux salafistes et wahhabites saoudiens ont oblitéré toute la scène politico-religieuse arabe. Or le salafisme, le frèrisme et le wahhabisme sont des instruments de l’impérialisme américain tout comme le sionisme. Le salafisme a ébranlé durablement l’Algérie et, plus tard, a déstabilisé l’Egypte et meurtri la Syrie, qui se trouve aujourd’hui dans un bien triste état. Chacun sait aujourd’hui que Brzezinski a soutenu les moudjahiddins afghans et leur a fourni des missiles Stinger, tout en recrutant Ben Laden comme mercenaire saoudien pour combattre les Soviétiques dans les montagnes de l’Hindou Kouch. La situation n’est plus aussi simple, aussi gérable, que dans les années 1980.

Entre 2000 et 2004, Faye s’était lié d’amitié avec le géopolitologue Alexandre Del Valle, qui s’était posé comme l’avocat d’une orientation pro-sioniste. La plupart des observateurs de la mouvance nationale-révolutionnaire et néodroitiste en ont conclu que Faye avait opté pour un pro-sionisme radical. Ce qui est plus patent, ce qu’il serait plus pertinent de dire, c’est qu’il a réagi de manière trop émotionnelle et trop passionnelle, notamment dans son livre La nouvelle question juive parce qu’il en avait marre, plus que marre, d’entendre pérorer un certain Arnaud Guyot-Jeannin, satellite de l’inénarrable de Benoist, qui, avec une jactance aussi débile qu’insupportable, tentait de nous vendre un islamisme superficiel, caricatural et schématique. Les thèses de Del Valle se sont étoffées aujourd’hui et sont présentes dans bien des débats en France et en Italie. Dans son dernier livre, Le projet, il met l’accent sur le rôle des Frères musulmans dans l’émergence d’un indescriptible chaos au sein du monde arabe : la thèse est évidemment pertinente, on ne peut le nier. Del Valle avait commencé sa carrière, vers 1999, en dénonçant très clairement, et à très juste titre, l’alliance secrète entre les fondamentalistes islamistes et les faucons néoconservateurs américains. Sur ce plan, on ne peut pas dire qu’il s’est trompé. Son analyse de la situation en Syrie est également correcte. Mais, ce qu’il ne veut pas dire (ou ne peut pas dire), c’est que le sionisme est aussi un instrument de l’impérialisme américain. Les baathistes de Syrie, les Russes, les Chinois et les Chiites d’Iran ou du Liban forment ensemble, eux aussi, une alliance „contre-djihadiste“. Sans les salafistes, les wahhabites et les sionistes.

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Alain de Benoist s’est exprimé de manière très négative dans la recension qu’il a consacrée au livre de Faye L’archéofuturisme. De Benoist écrivait en conclusion: „Faye esquisse un univers fictif dans lequel je ne voudrais pas vivre“. Puis-je vous demander, tout en restant neutre et objectif, ce qui distingue Faye, le penseur et le provocateur, de ses anciens compagnons du G.R.E.C.E et ce qui rend la lecture de ses textes particulièrement intéressante?

Benoist ne s’intéresse pas du tout à la géopolitique, aux communications (terrestres et aériennes) ou aux hautes technologies (il est tenaillé par un affect anti-techniciste finalement très puéril). Ces désintérêts pour les thèmes concrets expliquent sa réaction négative, outre la haine viscérale qu’il portait à Faye. La vie idéale, pour le bonhomme de Benoist, se déroulerait dans des espaces intérieurs étroits et confinés, bourrés de bouquins et noyés dans un âcre brouillard de fumée de cigarettes, où erreraient aussi quelques chats discrets et fantomatiques qui compisseraient allègrement tapis et fauteuils (j’en ai fait la malodorante expérience dans un certain appartement sis dans une impasse parisienne à proximité du cimetière du Père Lachaise). Bien sûr, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, je n’ai rien contre les chats (à condition qu’ils puissent grimper aux arbres avant de venir ronronner près de mon poêle à bois). Je trouve que les chats sont des animaux formidables. Mais, je vous l’avoue, je préfère me promener dans la forêt avec un chien.

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Une planche "publicitaire' dans la BD de Faye, intitulée "Avant-Guerre": la fascination pour les grands projets ferroviaires transparait ici nettement !

Mais, trêve de plaisanterie, je vais, comme vous, essayer d’être neutre et objectif: des centaines de gens ont été actifs dans les cercles et unités régionales du G.R.E.C.E. Chacune de ces femmes et chacun de ces hommes avaient derrière lui un itinéraire personnel, un vécu spécifique, un bagage intellectuel précis, des engouements particuliers voire des dadas agaçants. Beaucoup appréciaient Faye comme homme et, après qu’il eut quitté l’association, beaucoup la quittèrent aussi, remplacés notamment par de très jeunes éléments qui ont gobé tous les ragots vomis par le pontife Benoist. En gros, nous pourrions dire que Faye, comme il l’écrit du reste dans L’archéofuturisme, moquait copieusement le paganisme naïf et rejetaient les dadas (droitiers) sempiternellement répétés. Ceux qui ne pratiquaient pas ce paganisme de pacotille, ceux qui ne cultivaient ni dadas ni obsessions incapacitantes (ce terme est de Faye!) étaient ses camarades. Il faut répéter ici, pour dissiper les méchants ragots, que Faye était un personnage affable, toujours à l’écoute d’autrui pourvu que cet autrui racontait des choses pertinentes, lui faisait découvrir de nouveaux territoires intellectuels ou culturels; il n’aimait pas les polémiques personnelles. Moi, que voulez-vous, je suis un vieux Bruxellois, moqueur et sarcastique, cru et caustique, et je ne peux m’empêcher de me foutre de parigots arrogants et prétentieux qui dissimulent mal leur vide intellectuel derrière leurs vilaines grimaces. C’est ainsi et je paraphraserais volontiers Luther en disant: „Me voici, je ne peux autrement“ (Hier bin ich, ich kann nicht anders).

Guillaume Faye est mort en mars 2019. Vous l’aviez connu pendant des décennies. Quel type d’homme était-il? Quels livres lisait-il en privé? Quelles anecdotes pouvez-vous nous rappeler?  

91dD1-WQymL.jpgJ’ai connu Faye au début de l’année 1976 (ou fin 1975), une journée où il faisait très froid et où il prononçait une conférence à Lille sur l’indépendance énergétique de l’Europe (toujours des thèmes concrets !). Comme je viens de le dire, il était un homme très aimable, amical, toujours bienveillant, jamais agressif. Quand quelqu’un venait à lui en lui faisant entrevoir des perspectives nouvelles, il l’écoutait toujours attentivement (ce fut mon cas, alors que j’étais encore un gamin). Faye avait étudié dans un collège des Jésuites à Angoulême, où il avait reçu une solide formation classique, gréco-latine. De fait, sa culture antique était époustouflante. Il avait lu tout Platon et tout Aristote, avait intériorisé leur savoir et leur sagesse. Plus tard, quand il est venu à Paris pour étudier et qu’il s’est rapproché des cercles premiers de la „nouvelle droite“ dans la capitale française, c’est-à-dire les Cercles Vilfredo Pareto et Oswald Spengler, il s’est mis à lire Jouvenel, Freund, Schmitt et Raymond Ruyer. Plus tard, il découvrit les premiers livres, fondamentaux, de Michel Maffesoli. Ses axes de recherche étaient essentiellement politiques, au sens du politique tel que défini par Aristote, Schmitt et Freund, du politique au sens le plus noble du terme.

Quant aux anecdotes, il y en aurait des centaines à raconter ! Je n’en évoquerai qu’une. Immédiatement après son retour, lors de l’université d’été de Synergies Européennes 1998 qui se déroulait dans le Trentin, Faye est arrivé avec un léger retard à un séminaire sur l’oeuvre de Bertrand de Jouvenel. Le jeune conférencier expliquait très en détails tous les aspects que pouvaient revêtir les concepts forgés jadis par Bertrand de Jouvenel dans ses nombreux ouvrages. C’était complexe et assez fastidieux. Tout d’un coup, Faye a dit: „Minute, j’ai assisté jadis aux cours de Jouvenel en 1967. C’est ainsi qu’il expliquait ces notions…“. Et Faye commença à répéter magistralement les leçons de Jouvenel, comme s’il les avait entendues la veille. Il faut aussi ajouter qu’il avait la faculté de pratiquer ce que l’on appelle désormais „l’art de la mémoire“, soit une méthode que l’on a utilisée en Europe jusqu’au 18ème siècle, pour retenir les lignes d’un discours à prononcer. Comme les orateurs de jadis, Faye griffonnait quelques mots-clefs et quelques flèches sur des bouts de papier minuscules, concevait ainsi ce que les anciens nommaient un „chemin“, ce qui lui permettait, comme eux, de tenir un discours continu pendant deux heures ou plus. Je l’ai vu faire à Bruxelles, le jour où il a présenté son livre prophétique La convergence des catastrophes. Le tout tenait sur le côté pile d‘un sous-bock, le verso étant une réclame pour une cervoise quelconque. J’ai été posément étonné et ai admiré d’autant plus son savoir-faire.

Et pour terminer, cher Monsieur Steuckers, quels projets comptez-vous poursuivre, quelles idées entendez-vous défendre dans un avenir proche?

D’abord, il faut tenir. Je veux maintenir intact le rythme avec lequel je travaille aujourd’hui en gérant les sites et les comptes à mon nom ou à celui de Synergies européennes. Ensuite je souhaite publier et compléter mes archives et les éditer sous forme de livres, avec le concours de mes éditeurs. Ce sera beaucoup de travail. Enfin, je souhaite sillonner l’Europe (mais pas trop!) pour rencontrer ceux et celles qui travaillent avec assiduité pour faire triompher la même Weltanschauung.

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Pour commander la traduction allemande de la nouvelle de Faye: https://www.jungeuropa.de/buecherschrank/192/ein-tag-im-leben-des-dimitri-leonidowitsch-oblomow?c=37

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Pour commander "Guillaume Faye, cet esprit-fusée" auprès des éditions du Lore: http://www.ladiffusiondulore.fr/home/765-guillaume-faye-cet-esprit-fusee-hommages-verites.html

mardi, 18 août 2020

Violences gratuites, une vision prophétique. Entretien avec le Dr. Maurice Berger

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Violences gratuites, une vision prophétique.

Entretien avec le Dr. Maurice Berger

Propos recueillis par Tatiana Hachimi

Ex: https://b-mag.news

Les violences gratuites, ces agressions physiques sans raison apparente qui peuvent aller jusqu’au meurtre, se multiplient de façon dramatique. Au lendemain du massacre particulièrement insoutenable d’une jeune femme, Axelle Dorier, percutée par un conducteur qui l’a traînée sur huit-cents mètres dans une rue de Lyon avant de prendre la fuite, nous avons souhaité recueillir l’avis du Dr. Maurice Berger dont le dernier ouvrage  « Sur la violence gratuite en France: adolescents hyper-violents, témoignages et analyse » donne les principales clefs pour appréhender ce phénomène tant au niveaux des causes que des solutions. 

Les violences gratuites ne sont ni une surprise, ni une fatalité. Pour les comprendre, et les analyser, il faut aller au contact des auteurs. En remontant le fil leur histoire, de leur éducation on finit par observer plus que des récurrences, plutôt de véritables modèles qui constituent la matrice de cette violence particulière à plusieurs titres, dont notamment la surreprésentation des auteurs d’origine maghrébine.

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Le dernier ouvrage du Dr. Maurice Berger consacré de façon prophétique aux violence gratuites qui se multiplient en France comme en Belgique.

B-Mag: Quel est votre regard  sur le drame de cette jeune femme percutée volontairement par un conducteur qui l’a ensuite traînée dans une rue de Lyon?

Dr. Maurice Berger : 

Même si cela ne représente qu’une partie des problèmes de sécurité, la proportion de délinquants d’origine immigrée est effectivement importante, et cela mérite qu’on y réfléchisse. Je précise d’emblée que je travaille dans un Centre éducatif renforcé dépendant du Ministère de la Justice, et dont l’équipe est à 80 % originaire du Maghreb. Ceci  montre que de nombreuses personnes appartenant à cette culture ont un fonctionnement compatible avec le respect des règles légales de la société. Dit autrement, on nait d’abord dans une famille qui transmet-ou non- des valeurs éducatives avant de naître dans un « quartier ».

A propos de la mort d’Axelle Dorier, la justice précisera les circonstances exactes de cet événement dramatique. Concernant l’auteur, je propose une hypothèse qui ne sera probablement pas explorée lors du procès.  Le conducteur d’origine maghrébine est confronté à une jeune femme, d’origine européenne de surcroît, qui se met en travers de la route pour le faire s’arrêter, c’est-à-dire se soumettre. Dans la culture maghrébine, comme l’indique la sociologue Nassima Driss, l’espace est genré, l’espace public est masculin alors que la place de la femme se situe au sein du foyer. Il y a là une différence anthropologique de représentation de l’espace. Pour cette jeune femme, on doit agir en être responsable et donc discuter. Pour l’auteur, cela a peut-être été impensable car c’est l’homme qui commande. 

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Par ailleurs, j’entends l’indignation liée aux agressions mortelles récentes mais ces faits ne m’étonnent pas car nous vivons depuis des dizaines d’années dans un triple déni de la violence.

Un déni sociologique, celui qui a forgé le concept de « sentiment d’insécurité » alors qu’il y a une insécurité réelle, avec une violence gratuite toutes les 44 secondes en France en 2018.

Un déni médiatique,  que je combats depuis 1992 lorsque j’ai décrit pour la première fois cette violence dont je commençais à voir l’augmentation dans ma pratique médicale, et où j’indiquais que nous allions avoir des milliers d’adultes violents dans vingt années à venir. En 2008, dans mon livre « Voulons-nous des enfants barbares ? Prévenir et traiter la violence extrême“, j’ai consacré un chapitre à la nécessité de comprendre  les processus menant à la violence chez les adolescents maghrébins. Aucun des nombreux journalistes qui m’ont interviewé à propos  de cet ouvrage n’a voulu évoquer ce chapitre, en m’expliquant que ce n’était pas politiquement correct. 

Un déni politique aussi, le mot d’ordre étant « après moi, le déluge ». 

On constate dans l’actualité  quotidienne le résultat logique de ce triple aveuglement.

Je  renvoie aussi à la récente étude d’Alain Bauer et Christophe Soullez, « Le grand retour de l’homicide? » (2020)  qui montre une augmentation du nombre des homicides en France après une baisse de 60 % entre les années 1994 et 2014. Les chiffres de 2018 sont de 845. Ceux de 2019, autour de 950, donc une augmentation de 8,5 % en un an. Ce chiffre de 2019 est supérieur à celui de 2015 (872, incluant les attentats terroristes du Bataclan) et à celui de 2016 (892, incluant l’attentat de Nice).  Les auteurs concluent : « En tout état de cause, un profond mouvement de retour à la violence physique semble se produire en Occident, ignoré, volontairement ou involontairement, ou sous-estimé (…), ce qui remet en cause un acquis fondateur : le droit de vivre ». Le crime est donc devenu un mode de traitement des litiges. 

B-MAG: Quelle est la part de la maltraitance dans l’historique des sujets violents?  

95% des sujets violents proviennent de familles maltraitantes au sens large qui englobe les négligences, avec souvent un trouble psychiatrique chez l’un des parents. 5% sont issus de familles sans problème éducatif majeur.

Mais parmi les éléments qui favorisent l’apparition d’un comportement violent, deux autres facteurs sont particulièrement fréquents. Tout d’abord, l’exposition à des violences conjugales avant l’âge de deux ans. Là où je travaille, ceci concerne 80 % des mineurs violents, lesquels ont intériorisé précocement ces scènes. Or ces violences conjugales sont plus fréquentes dans les cultures où il y a une inégalité homme-femme. 

indexviolenceor.pngUn autre élément  est un fonctionnement familial clanique,  très répandu chez les gens du voyage, les familles kosovares et maghrébines. Un clan est comme un corps dont chaque individu est un membre.  Alors que le but d’une famille devrait être que les parents cherchent à ce que leur enfant se construise une pensée personnelle et puisse s’éloigner d’eux pour se construire un projet personnel, dans une famille clanique le mode de pensée est indifférencié, le but n’est pas qu’un sujet pense par lui-même, son identité est d’abord d’appartenir au groupe. Le terme de ghettoïsation est donc inexact car on est enfermé dans un ghetto alors qu’ici au contraire, la contrainte est intérieure,  autosécrétée, car c’est l’éloignement du groupe qui est angoissant, en pensée, ou physiquement hors du territoire. Les populations concernées n’ont pas été contraintes de se regrouper, ce sont elles qui choisissent de se concentrer sur la base d’une identité groupale. Et la représentation que les membres d’un clan  ont de la relation n’est pas de personne à personne mais de groupe à groupe. Si l’un d’eux est en difficulté dans une relation, il rameute son groupe : « mes frères vont venir te tuer ». Ce mode clanique est un obstacle à l’intégration des individus, les codes du groupe peuvent primer sur les règles de la République.

Il faut ajouter actuellement que beaucoup de délinquants sont aussi d’origine sahélienne, leur organisation psychique peut être influencée  par la dimension  polygamique de leur famille qui s’accompagne de mariages forcés précoces.

B-MAG: Dans votre dernier ouvrage, « Sur la violence gratuite en France », un  concept que vous évoquez à titre de solution pour enrayer cette spirale de la violence est la « contenance ». Pouvez-vous en esquisser les contours?

La contenance est vraiment un élément essentiel de cet ouvrage, mais difficile à comprendre quand on n’est pas sur le terrain. Elle consiste avant toute chose à empêcher de manière physique la survenue d’un acte violent et à écouter les pensées qui surgissent alors chez le sujet.

Même si ce propos peut paraître choquant,  mon expérience auprès d’enfants et d’adolescents violents m’a montré que la violence se combat par la force et qu’il s’agit d’un passage presqu’obligé pour que la pensée advienne chez eux. 

Lorsqu’un sujet violent éprouve une forte tension, dans l’incapacité où il est de la mentaliser, il va la décharger sur l’extérieur.  Avec la contenance qui peut constituer en un enveloppement dans une couverture, une mise en pièce d’apaisement ou d’isolement, on va leur donner une sorte de prothèse d’enveloppe, de peau. Ce n’est qu’alors qu’ils peuvent commencer à penser, justement parce qu’on a empêché cette décharge sur autrui. Cela signifie non pas que le sujet est mis en exil, mais qu’un professionnel est présent pour écouter les sentiments et les pensées qui vont apparaître chez lui, souvent pour la première fois. En pratique, c’est très difficile à mettre en oeuvre car il faut construire une équipe qui soit d’accord sur ces principes et qui accepte d’être disponible  au gré des crises. Pour certains mineurs, la prison peut constituer plus qu’une sanction, mais aussi cette expérience de contenance

En France, le concept de contenance est très peu compris car il est balayé par un débat idéologique sur l’opposition entre répressif et éducatif.

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B-Mag : Le futur ?

Lutter contre la violence actuelle nécessite un ensemble de mesures pédagogiques, la mise en place de dispositifs législatifs et judiciaires, un véritable « plan violence » ayant une cohérence globale et qui nécessiterait plusieurs changements de paradigme. En particulier, il   faut commencer par arrêter de laisser grossir la quantité  de sujets problématiques, sinon les professionnels comme moi ont le sentiment de vider la mer avec une petite cuillère. Je ne vois pas comment éviter une remise en cause de la CEDH et de son dogme du regroupement familial qui est à l’origine de « l’importation » de fonctionnements claniques.  Ou encore, tout ceci coûte très cher: 560 euros par jour pour un jeune pris en charge dans un CER et  690 euros par jour dans un CEF  (NDLR: centre éducatif renforcé et centre éducatif fermé). II y a 58% de mineurs étrangers non accompagnés dans les établissements pénitentiaires pour mineurs de Marseille (540 euros par jour), 40% à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis. Ce n’est un secret pour personne qu’une grande partie de ces mineurs sont en fait des majeurs. Je pense que tout mineur non accompagné qui vient commettre des délits en France doit être expulsé afin que nous puissions consacrer nos moyens déjà très insuffisants à la prise en charge des mineurs violents nationaux. 

Maurice Berger est pédopsychiatre, psychanalyste, ex-professeur associé de psychologie de l’enfant. Il travaille en Centre Educatif Renforcé et enseigne à l’Ecole Nationale de la Magistrature.

Propos recueillis par Tatiana Hachimi

dimanche, 16 août 2020

Communisme revisité : ces nouveaux penseurs dont s’inspire Xi Jinping pour diriger la Chine d’une main de fer

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Communisme revisité : ces nouveaux penseurs dont s’inspire Xi Jinping pour diriger la Chine d’une main de fer

Ex: https://www.atlantico.fr

 
 

Atlantico.fr : Quelles sont les influences philosophiques dont semble s'inspirer Xi Jinping, notamment dans sa gestion de la crise de Honk Kong ?

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Barthélémy Courmont : Les influences du régime chinois depuis quelques années, et notamment après l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, semblent converger vers la reconnaissance des multiples facettes de la pensée chinoise. On pense aux travaux influents de Yan Xuetong sur le neoconfucianisme, ou encore au Tianxia 2.0 de Zhao Tingyang, entre autres. Ces penseurs brillants et reconnus ont en commun de mobiliser les fondements de la civilisation intellectuelle chinoise pour inscrire le régime dans la continuité de cette histoire pluri-millénaire et, à l’heure où la Chine revient au centre du monde après un siècle-et-demi de mise à l’écart (qualifiés à tort ou à raison « d’humiliations »), de légitimer le pouvoir. C’est une véritable rupture avec la révolution culturelle et le maoïsme, qui privilégiaient la mise au pilori des anciennes pensées et avaient pour ambition de créer une société nouvelle et « pure ». Cette ligne idéologique très prononcée, et qui mena la Chine au désastre, a donc laissé place à une approche pragmatique et inclusive de tout ce qui a fait la Chine, y-compris le nationalisme du Kuomintang. C’est pour cette raison qu’il est erroné de considérer que le régime actuel est profondément marqué idéologiquement, sa force étant précisément de ne pas être prisonnier d’une doctrine trop rigide.

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Il est en revanche indiscutable, et les événements de Hong Kong le confirment, que l’affirmation de puissance chinoise s’accompagne d’une certaine manière de penser les institutions chinoises. Et sur ce point, l’obsession de la stabilité et de la légitimité (inspirée du mandat céleste de la Chine impériale) est au cœur des préoccupations des dirigeants actuels, avec en conséquence une très grande méfiance pour les mouvements démocratiques, qualifiés de déstabilisants, voire chaotiques, et la justification d’un régime fort, au nom de l’ordre et de la stabilité. On trouve ainsi des influences diverses, chinoises mais aussi étrangères, y-compris chez des théoriciens très marqués comme le nazi Carl Schmitt, qui mettait en avant les « vertus » d’un système étatique fort face aux risques de chaos des démocraties. En clair, les influences politiques de a Chine contemporaine ne sont pas libérales, le libéralisme politique étant même suspecté d’être instrumentalisé par des puissances étrangères. 

Concernant le sort de Hong Kong, ces influences diverses expliquent le durcissement des mesures chinoises, tout autant que la mise en avant d’un « complot » étranger, pour ne pas dire occidental, qui ferait de Hong Kong une épine dans le pied de Pékin. Cette approche converge avec l’idée selon laquelle, pour les dirigeants chinois, Hong Kong appartient à la Chine depuis 1997, et que Pékin a donc toute autorité pour faire évoluer le système politique selon son bon vouloir. Il est à ce titre important de rappeler que toute critique de la répression à Hong Kong est qualifiée par Pékin d’ingérence dans ses affaires intérieures.

Ces influences sont-elles surprenantes ?

Non, pour plusieurs raisons. D’abord parce que derrière le vernis des discours convenus, la Chine n’est plus communiste (dans sa version maoïste, et même marxiste-leniniste) depuis quarante ans. Ce qui ne veut pas dire qu’elle est libérale (pourquoi le binarisme hérité de la Guerre froide doit-il nécessairement opposer les deux, sans alternative?). Les dirigeants chinois continuent d’honorer Mao Zedong dans le seul but de maintenir la stabilité du régime et d’éviter le sort de l’URSS, mais à continuer de croire que la Chine est communiste, les puissances occidentales s’enfoncent dans une voie sans issue. La Chine est autoritaire et ne s’en cache pas. Elle n’hésite plus d’ailleurs à comparer les vertus de son autoritarisme (stabilité et ordre, toujours) aux vices de la démocratie qu’elle juge incapable de répondre aux attentes des populations. Il y a lieu de s’en inquiéter, mais c’est en tout cas le vrai défi chinois, le communisme étant réservé à ceux qui restent englués dans une logique de guerre froide d’un autre âge.

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Ensuite, tout connaisseur de l’histoire de la Chine comprend l’obsession de la stabilité, compte-tenu des innombrables révoltes que ce pays a connues. Dès lors, une pensée politique ne peut être influente auprès des dirigeants chinois que si elle met en avant la stabilité, et donc prône un régime fort.

Enfin, le mandat de Xi Jinping coïncide avec une affirmation de puissance (la Chine est devenue deuxième puissance économique mondiale en 2010, soit peu avant l’arrivée au pouvoir de Xi) et, dans le même temps, une faillite des Etats-Unis sûr la scène internationale. Contrairement à ses deux prédécesseurs, Xi a des ambitions qu’il ne cache pas, avec une feuille de route dont l’objectif est le statut de première puissance mondiale (pas uniquement économique) en 2049. Dans ce contexte, une pensée à la fois nationaliste et mettant en avant la récupération des territoires perdus bénéficie d’une grande influence.

Au regard de ces influences philosophiques, que peut-on deviner des intentions politiques du président chinois pour l'avenir ?

Il faut bien avoir en tête, et c’est trop rarement le cas quand on cherche à comprendre la Chine, que cohabitent plusieurs courants de pensée, et que leurs influences sont plus ou moins importantes selon les équipes au pouvoir et le contexte politique (et géopolitique). Dès lors, et compte-tenu des conséquences de la crise sanitaire, tant économiques et sociales que politiques voire identitaires et sécuritaires, les intellectuels les plus influents pourraient être concurrencés par d’autres courants de pensée. Il n’y a pas d’idéologie figée au sommet du pouvoir en Chine, tout dépendra surtout des succès ou des échecs du pouvoir actuel.

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Concernant Xi Jinping, il est indéniable que le président chinois est plus « fort » que ses prédécesseurs et qu'il rassemble de nombreux pouvoirs. Mais il peut aussi être contesté selon ses résultats. Ses ambitions de recomposer l’espace chinois sont sans doute les plus inquiétantes, notamment en ce qui concerne Taïwan. Hong Kong pourrait n’être  qu'une étape, sorte de test pour mesurer les réactions aux ambitions de la Chine.

mercredi, 12 août 2020

Dmitry Orlov : Interview par Keith Woods sur Continuum

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Dmitry Orlov : Interview par Keith Woods sur Continuum


Par Dmitry Orlov

Source Club Orlov

Bienvenue à l’émission d’aujourd’hui. Je suis ravi d’être rejoint par Dmitry Orlov, qui est un écrivain russo-américain. Il a écrit plusieurs livres sur l’effondrement et la technologie. Ravi d’être rejoint par vous, M. Orlov. Si vous souhaitez présenter votre travail au public pour quiconque ne le connaît pas, ce serait formidable.

DO : Tout d’abord, c’est formidable d’être dans votre émission. Je vous remercie de m’avoir invité.

Je ne suis plus un néophyte car je le fais depuis longtemps, mais écrire sur l’effondrement n’est pas vraiment mon métier. J’ai eu une carrière avant cela, en ingénierie informatique, puis en physique des hautes énergies, puis en commerce électronique, et en sécurité sur Internet, en conversion des médias, des choses comme ça, et finalement j’ai juste abandonné tous ces trucs d’entreprise parce que je me suis rendu compte que cela n’allait pas vraiment dans la direction que j’aimais. Et j’ai commencé à écrire sur ce que je pensais qu’il allait arriver aux États-Unis en me basant sur ce que j’avais observé en Union soviétique et en Russie à la fin des années 80 et au début des années 90, parce que je pensais que les États-Unis allaient s’effondrer.

J’ai commencé à le faire il y a une douzaine d’années et, bizarrement, j’ai reçu un accueil plutôt favorable pour commencer.

Maintenant, il y a deux types de personnes que je rencontre : celles qui crient et s’enfuient – je suppose qu’elles sont la majorité – et puis il y a aussi les personnes qui me suivent, ou celles qui se rendent compte que j’ai fait valoir des arguments valables depuis le début. J’ai donc pas mal d’adeptes en ce moment, et j’écris quelques articles par mois, la plupart sur des sujets d’actualité et d’analyse, et ça se passe plutôt bien et ça m’occupe, pas tellement en écrivant, mais en faisant des recherches pour l’écriture. C’est un travail à plein temps pour l’instant. Et c’est donc là que j’en suis aujourd’hui.

KW : Évidemment, avec les événements de ces derniers mois aux États-Unis, je pense avoir entendu l’idée de l’effondrement, ou l’idée d’un État en faillite, entrer de plus en plus dans la conscience des gens, mais quand vous regardez les États-Unis maintenant et surtout les tensions raciales, ethniques que nous avons vues ces derniers mois – est-ce que cela vous semble être une société qui est à un stade assez avancé d’effondrement maintenant, ou pensez-vous que l’empire américain peut encore continuer à voyager pendant quelques années à venir ?

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DO : Il est très difficile de prévoir le moment où cela se produira. En ce qui concerne les tensions raciales aux États-Unis, ce n’est pas nouveau. La pire émeute raciale de tous les temps s’est produite il y a une centaine d’années ; les gens l’oublient. Des pans entiers de villes ont été complètement brûlés, un grand nombre de personnes se sont retrouvées sans abri. C’était une très grande émeute raciale. Il y a eu des émeutes raciales après cela en divers endroits, à Chicago, à Los Angeles et ailleurs. C’est un processus plus ou moins répétitif. En ce moment, beaucoup de gens disent que « la vie des Noirs est importante ». C’est un slogan, et si vous regardez l’histoire – et ce n’est pas un jugement de ma part, c’est une observation – les vies noires semblent avoir de l’importance tous les 20 ou 30 ans.

Les Noirs aux États-Unis sont des pions politiques. Ils sont fondamentalement manipulés par l’establishment Démocrate et ils sont périodiquement lâchés sur le public. Ils sont maintenus au point d’ébullition par un certain nombre de politiques qui détruisent les familles noires, qui emprisonnent les hommes noirs, qui privent les enfants noirs de toute éducation significative. Tout cela les rend utiles comme pions. Ils vont commencer à se rebeller, à piller et à semer la pagaille dès que quelqu’un, au sein de l’establishment Démocrate, tirera sur la bonne ficelle, et c’est ce qui se passe cette année. Les pions ont été déployés afin de renverser Donald Trump parce que les Démocrates sont si désespérés. Ils sont incroyablement désespérés : c’est leur dernier soupir. Ils ont un candidat qui est absolument sénile, qui ne peut pas aligner une phrase. Et c’est donc un signe de désespoir. Je ne pense pas que cela se traduise immédiatement par l’effondrement des États-Unis ; je pense que cela a à voir avec des tendances à beaucoup plus long terme qui sont en cours depuis des générations et qui sont à ce stade inéluctables – non pas qu’elles aient toujours été inéluctables ; je n’ai jamais prétendu qu’elles l’étaient. Mais à ce stade, la plupart des commentateurs et analystes réfléchis diraient que ces processus vont simplement suivre leur cours.

KW : Diriez-vous que la source de l’effondrement est principalement financière ?

51jZ8PjAtxL._SY445_QL70_ML2_.jpgDO : Eh bien, j’ai beaucoup écrit à ce sujet. J’ai écrit un livre, The Five Stages of Collapse, dans lequel j’ai présenté l’effondrement comme un processus en plusieurs étapes : financière, commerciale, politique, sociale et culturelle, en montrant des exemples de sociétés, en faisant des études de cas de sociétés qui passent par chacune de ces étapes ou qui ont pu arrêter l’effondrement.

La séquence est logique, car le financement est essentiellement lié aux promesses que les gens se font les uns aux autres. Ces promesses doivent être étayées par une notion réaliste de ce qui peut être réalisé en termes, par exemple, de remboursement de la dette. La fonction de la finance est de financer l’activité productive, et si la finance décide qu’il n’y a pas de financement parce que les dettes ne seront pas remboursées, alors cela limite l’activité commerciale. Les usines ne sont pas construites, les produits ne sont pas expédiés, etc., ce qui entraîne une contraction de l’économie physique des biens et des services, provoquant une chute des recettes fiscales et paralysant le gouvernement qui ne peut plus dépenser comme il en a l’habitude. Cela entraîne une paralysie et un effondrement politiques, et une fois que le monde politique se dissout, les institutions sociales sont mises à rude épreuve et échouent souvent parce qu’à ce moment-là, le gouvernement ne peut plus subvenir aux besoins de la population, il s’agit donc de groupes caritatifs et d’organisations comme les organisations religieuses qui ne sont généralement pas à la hauteur.

Et le dernier bastion est la famille. Souvent, elle échoue aussi à cause du stress. Les familles se dissolvent et la culture s’effrite. La dernière étape de l’effondrement culturel est celle où les gens cessent de ressembler aux gens : ils deviennent plus comme des animaux. Et c’est la dernière étape de l’effondrement, après laquelle vous n’avez plus vraiment quelque chose que vous pourriez appeler humanité. Vous avez juste ces humains semi-fertiles qui courent dans tous les sens. J’ai même fait une étude de cas d’une société qui en est arrivée à ce point, où d’éminents chercheurs, des anthropologues – un anthropologue en particulier – ont décidé que de telles sociétés devraient être complètement démantelées : les individus n’ont plus rien à faire ensemble. Il faut les séparer, les diviser, parce qu’à ce moment-là, ce qui reste de la culture est pathologique.

Or, il s’avère que les États-Unis suivent cette séquence d’effondrement à l’envers. C’est une prise de conscience que j’ai eue tout récemment : [les États-Unis] ont commencé par un effondrement culturel.

Fondamentalement, le processus qui s’est déroulé aux États-Unis depuis la fin des années 50 et tout au long des années 60 a démembré les familles élargies, puis plus tard a également détruit les familles nucléaires, de sorte que les naissances hors mariage sont maintenant assez dominantes et que le nombre d’enfants, en particulier dans les familles noires, qui grandissent sans père est stupéfiant. Cela indique essentiellement que la culture a échoué. Il n’y a plus de véritable culture humaine, il n’y a plus qu’une culture commerciale de consommation. Les consommateurs, qui font attention aux prosommateurs, aux influenceurs et aux médias. La seule fonction qu’ils ont est de décider ce qu’ils vont consommer jusqu’à ce que l’argent s’épuise, et à ce moment-là, ils sont tout simplement laissés pour compte – complètement laissés pour compte, laissés à la dérive.

La société n’a plus vraiment de fonctions viables. Dans certains endroits, l’église est encore dominante et joue un rôle important, mais c’est vraiment la seule fonction sociale forte qui existe.

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En ce qui concerne le gouvernement, nous pouvons constater d’énormes dysfonctionnements dans la sphère politique. En gros, le pays tout entier se divise en zones rouges et bleues qui sont déjà plus ou moins en guerre les unes contre les autres, bien qu’il ne s’agisse pas encore d’une guerre à balles réelles dans beaucoup d’endroits, mais cela pourrait très bien évoluer en de réels combats.

Le commerce a évolué à un point tel que les États-Unis ne sont pas autosuffisants pour la plupart des produits manufacturés, et la plupart de ce qu’ils produisent est éphémère comme les logiciels et les médias, et peut-être certains produits pharmaceutiques qui sont incroyablement surévalués ; et beaucoup de produits agricoles. C’est donc en gros une économie de plantation pour le monde entier. Il n’y a plus de secteur industriel viable.

Et puis, financièrement, c’est un trou noir, parce qu’elle ne fait qu’imprimer de l’argent. Elle le prête principalement à des initiés. On ne s’attend pas à ce que ces dettes générées soient remboursées un jour, et elles sont finalement converties en instruments zombies financiers bizarres qui restent dans les livres de comptes de sociétés zombies qui sont à jamais maintenues hors de la faillite en imprimant à nouveau de l’argent et en le prêtant. Il n’est donc plus question de prétendre que le financement a quelque chose à voir avec l’estimation du risque et la décision de prêter en fonction de la capacité de remboursement prévue, car on ne s’attend pas à ce que quiconque, à quelque niveau que ce soit, rembourse quoi que ce soit.

Il s’agit donc simplement d’une presse à imprimer qui fonctionne à vide, et toute l’économie des États-Unis dépend maintenant de cette presse à imprimer. Dès qu’il s’avèrera qu’imprimer un dollar de plus ne produit aucune valeur mais produit en fait une valeur négative pour l’économie, c’est à peu près terminé, toute la partie sera terminée.

Il est très difficile de prévoir le moment où cela se produira, mais ce sera un événement, pas un processus. Un jour, les gens se réveilleront et réaliseront que l’impression par la Réserve fédérale de 100 000 milliards de dollars supplémentaires ne fera pas avancer l’économie d’un pouce, et c’est à ce moment-là que tout sera déclaré terminé.

C’est donc ce que je vois se produire maintenant.

KW : C’est intéressant que vous pensiez que la dernière étape a déjà eu lieu parce que cela suggérerait… Je veux dire, vous avez observé l’effondrement de l’Union soviétique, mais même si cela semble aussi mauvais que cela a été, au moins il y avait encore une unité familiale en dessous. Il y avait une société homogène et il n’a donc pas fallu beaucoup pour assurer la transition vers une sorte d’État russe cohérent. Mais si vous regardez les États-Unis, et le fait qu’il y a un effondrement culturel, et toutes ces tensions entre les classes, entre les races… dans une société très multi-ethnique.

Je suppose que la question est alors de savoir, si les États-Unis sont confrontés à ce genre d’effondrement, s’il y a des raisons de croire que les États-Unis en tant qu’entité survivraient même à cela en termes d’intégrité territoriale. En d’autres termes, envisageriez-vous la balkanisation et l’effondrement des États-Unis en tant que pays ?

DO : Il n’y a aucune raison de croire que les États-Unis continueront d’exister une fois que les États ne seront plus unis. Étant donné la politique actuelle, encore une fois, la séparation en zones rouge et bleue qui sont hostiles les unes aux autres à tous les niveaux, il est vraiment difficile de dire que les États-Unis sont unis. Encore une fois, ils sont unis par l’imprimerie de la Réserve fédérale. Une fois que le dollar américain aura fait faillite, il n’y aura plus rien pour maintenir l’unité des États, et il n’y aura plus rien pour maintenir l’unité de chaque État individuellement. Il n’y a aucune raison de continuer à avoir ce système qui se contente de redistribuer de l’argent imprimé – imprimé essentiellement à partir de rien – et il n’y a donc aucune raison de penser que cette entité politique va se maintenir.

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Maintenant, au niveau ethnique, il y a encore de vastes zones – essentiellement rurales à l’heure actuelle – où l’ancienne couche de la société anglo-allemande se maintient, et il se peut donc qu’il y ait de vastes étendues de terres patrouillées par des locaux lourdement armés qui sont encore relativement sûres et relativement productives. La question est de savoir s’ils pourront réellement survivre sans accès aux côtes et aux ports, car les États-Unis ne produisent plus les pièces de rechange dont ils ont besoin pour faire fonctionner les usines et les équipements. Tout ce matériel est maintenant importé, principalement de Chine, et il n’y a donc aucune raison de s’attendre à ce que les États-Unis puissent se réindustrialiser dans ces conditions, car le pays ne dispose plus des compétences de base nécessaires pour se réindustrialiser. Les ingénieurs n’existent plus ; les gens capables font tous des études de droit et de finance depuis longtemps, et d’autres professions qui ont essentiellement trait à l’escroquerie. Il n’y a donc aucune raison d’espérer ce genre de renaissance.

En ce qui concerne les villes, la fonction qu’elles remplissent n’est pas vraiment claire. Les confinements à cause du coronavirus ont prouvé que les villes, à ce stade, ne remplissent aucune fonction vitale. Elles pourraient simplement être dissoutes. Elles pourraient être abandonnées. Il est donc très difficile de voir quelle nouvelle chose cohésive pourrait émerger de ce processus.

KW : Une autre question qui se pose alors, dans le sillage d’un effondrement potentiel des États-Unis, est que les États-Unis sont actuellement un hégémon mondial. La fin de cet ordre serait la fin de l’ordre que nous avons eu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. La question est donc de savoir ce qui surgit dans ce vide de pouvoir. Pourriez-vous imaginer une sorte de monde multipolaire, sans hégémon, ou pensez-vous que la Chine ou la Russie – ou la Chine et la Russie combinées – combleront immédiatement ce vide ?

DO : Je ne pense pas que la Russie et la Chine soient particulièrement intéressées par cela. Le mode de fonctionnement de la Russie consiste à mettre en place des organisations régionales avec ses partenaires eurasiens. Ce n’est pas tant du multilatéralisme que du bilatéralisme. Il s’agit essentiellement d’accords individuels avec divers pays. Ce sont aussi des cadres qui prennent du temps à se mettre en place. Il existe une relation solide avec la Chine – entre la Russie et la Chine – mais je ne pense pas que quiconque veuille intervenir et faire ce que les États-Unis prétendent faire, c’est-à-dire se ruiner par des dépenses militaires inefficaces.

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Le fait que les États-Unis aient des troupes stationnées un peu partout et qu’ils dépensent plus que tout le monde en dollars n’a plus vraiment d’importance parce que [les États-Unis] n’ont plus vraiment de capabilité. Regardez ce qui s’est passé lorsque les Iraniens ont répondu au meurtre d’un de leurs généraux par les Américains en lançant des roquettes sur quelques bases militaires en Irak : rien. Il n’y a pas eu de réponse. Les Américains se sont contentés d’encaisser.

C’est le schéma qui a été établi depuis longtemps. Les Américains se mettent en danger, mais ils ne font rien. Ils n’ont pas eu de succès militaire depuis très longtemps. L’ensemble de l’establishment militaire américain est essentiellement une éponge à fric : c’est très cher, mais ce n’est pas très bon. Leurs avions ne volent pas très bien et il y a beaucoup de problèmes avec à peu près chaque partie. L’objectif n’est pas de défendre la nation, car personne n’attaque la nation. L’objectif est d’absorber autant d’argent que possible et de le distribuer à un petit groupe d’initiés.

Ainsi, si vous regardez la parité des dépenses de défense entre, disons, la Russie et les États-Unis, la Russie obtient dix fois plus pour chaque dollar dépensé que les États-Unis, donc l’armée russe s’est renforcée et la Russie a réduit ses dépenses de défense tout le temps, tandis que les États-Unis s’affaiblissent et continuent d’augmenter leurs dépenses militaires. Ces tendances sont indéniables. Ainsi, l’idée que les États-Unis restent un hégémon mondial basé sur leurs prouesses militaires est, je pense, totalement erronée.

Je pense que la seule chose qui maintient les États-Unis dans l’actualité mondiale à l’heure actuelle est la presse de la Réserve fédérale et le dollar américain. C’est tout. Rien d’autre.

KW : Une autre histoire a été divulguée hier concernant une prétendue ingérence russe. Cette fois, c’était au Royaume-Uni, où le ministre des affaires étrangères a déclaré que le Royaume-Uni avait de fortes raisons de croire que la Russie avait fait fuiter des documents à l’approche des dernières élections pour essayer d’aider le parti travailliste.

Je suis juste curieux parce que cette histoire de Russiagate est en train de devenir un trope maintenant. Elle est utilisée encore et encore pour tout ce à quoi l’establishment occidental est opposé. Même Tulsi Gabbard a été accusée d’être un agent russe. C’est juste un coup monté, ça ne veut rien dire.

Mais je suis curieux de savoir quelle est la perception [à l’intérieur] de la Russie, de toute cette hostilité qui est soudainement dirigée contre eux depuis l’Occident, et plus généralement, la perception par les Russes de l’Occident libéral et de beaucoup des problèmes auxquels nous sommes confrontés à l’Ouest maintenant.

DO : Eh bien, d’une part, la couverture médiatique en Russie que l’on voit, la couverture médiatique de l’Occident, de ce qui se passe au Royaume-Uni et aux États-Unis, est très modérée. Elle est factuelle, modérée, et n’est pas tendancieuse suivant mon point de vue. Mais c’est épouvantable. Je veux dire, les Russes regardent ça et pensent « Oh mon Dieu, pourquoi pensions-nous que ces gens méritaient qu’on s’occupe d’eux ? Pourquoi pensions-nous qu’ils comptaient ? »

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Alors il y a cette prise de conscience. En ce qui concerne les accusations qui ont été lancées au hasard contre la direction générale de la Russie pour ceci et cela, la plupart des gens en Russie savent maintenant ce que signifie « très probablement » en anglais. Les gens font la part des choses. Le mot « fake » a pénétré la langue russe, en particulier en référence à la plupart des choses venant de l’Ouest. Des « fausses nouvelles » sont souvent lancées. En général, il s’agit essentiellement de matériel pour des émission humoristiques à ce stade. Il n’y a rien de sérieux là-dedans. Il est même difficile de poursuivre la conversation à ce sujet parce que les gens en ont tellement marre. « Oh oui… fausses nouvelles… très probablement… bla bla bla. Peu importe. »

En dessous, si vous grattez la surface, les Russes sont convaincus que la vérité est de leur côté, et la vérité les rend invincibles. Ils en sont absolument convaincus. L’autre côté ne fait que mentir, donc peu importe ce qu’ils disent. Nous savons qu’ils mentent. Ce sont des menteurs. Et s’ils ne mentent pas, alors la question devient : quand ont-ils cessé de mentir et pourquoi ? Qu’est-ce qui a causé cette conversion sur le chemin de Damas, une révélation ? Parce que nous ne l’avons pas remarqué.

KW : C’est assez intéressant. Vous avez également écrit un livre intitulé Shrinking The Technosphere qui s’appuie sur de nombreuses idées de Jacques Ellul, une analyse similaire de la technologie comme cette sorte de démiurge, ou force de contrôle. Je pense que vous la décrivez comme une « force émergente ». Je suis un peu curieux : j’ai vu que la Russie elle-même investit beaucoup de ressources dans la cryptotechnologie et se prépare à ce que le monde passe de la monnaie fiduciaire à la crypto. Je suis juste curieux de savoir dans quelle mesure vous pensez que cela pourrait changer les paradigmes en termes de discussion sur un monde plus multipolaire, un système plus décentralisé avec plus d’anonymat, [rendant] plus difficile pour les gouvernements centraux de tracer les transactions financières et de contrôler les gens par des moyens financiers ? Quelle sera, selon vous, l’importance des innovations en matière de crypto ?

DO : La cryptographie, c’est juste un peu de logiciel. Bitcoin est phénoménalement idiot parce que c’est un horrible gaspillage d’énergie. C’est tout simplement l’invention la plus stupide du monde, compte tenu de ses besoins en énergie. L’anonymat qu’il accorde est surtout utilisé pour toutes sortes de parasitisme, d’escroqueries, de vols et des combines d’extorsion. Il n’y a rien de bon à cela, mais vous savez, la technologie autour de la Blockchain est juste un algorithme qui a des applications – certaines plutôt bonnes – dans certains domaines. Dans certains domaines, comme la finance, ce n’est peut-être pas le cas.

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En ce qui concerne ce qui se passe en Russie, beaucoup d’efforts sont déployés pour rationaliser les systèmes électroniques (Internet), pour éliminer la bureaucratie. Traditionnellement, la Russie a toujours été très gourmande en papier, beaucoup de papiers avec des timbres et des signatures nécessaires pour chaque chose, le tout fait dans l’urgence. Il est donc maintenant possible de réaliser n’importe quel projet avec un simple téléphone portable ou un iPad ou quelque chose de ce genre. Tout évolue vers un modèle où tout se fait par le biais de sites web et de serveurs Internet, ce qui est très positif.

La Russie vient de modifier sa politique fiscale de telle sorte qu’elle a peut-être le régime fiscal le plus indulgent pour les sociétés de technologie dans le monde, et étant donné qu’elle compte déjà beaucoup des meilleurs talents dans le domaine de l’IT, elle va probablement devenir une plaque tournante majeure pour le développement international de logiciels. Il faudra sans doute s’attendre à ce que le tonnerre retentisse dans des pays comme l’Irlande qui ont été en tête dans cette catégorie. Et c’est donc un développement positif pour la Russie.

KW : Tout comme cela est lié à votre travail sur l’effondrement, la dépendance que nous avons à l’égard des systèmes technologiques depuis si longtemps, est-ce que cela s’ajoute, ou est-ce un facteur aggravant, à l’effondrement dévastateur que connaîtrait une société moderne aujourd’hui ? Si ces systèmes technologiques commençaient à s’effondrer, cela aurait-il un effet aggravant en termes d’effondrement ?

DO : Eh bien, oui. L’élimination des stratégies de repli est généralement une chose très dangereuse. Ainsi, si vous regardez la Russie, par exemple, et la décision de la Russie d’aller à fond dans ces systèmes d’infrastructure modernisés, cela commence par les technologies de base telles que le pétrole, le gaz, le charbon et le nucléaire, qui génèrent l’énergie. Les procédés d’extraction et de fabrication qui assurent l’autosuffisance de tous les éléments essentiels de l’infrastructure, soit directement, soit par l’intermédiaire de partenaires de confiance comme la Chine. Et cela part de là. Ils ont mis en place un réseau électrique autosuffisant qui utilise des pièces fabriquées en Russie. Ils commencent à s’orienter vers la fourniture de leurs propres systèmes d’exploitation. Il y en a un qui remplace Android, basé sur Linux, qui est en cours de réalisation. Ils pourraient partager ce projet, ou être en train de le partager avec la Chine en raison de toute la folie qui entoure les sanctions contre Huawei. C’est donc un projet qui se construit d’en bas vers le haut.

Si vous regardez les États-Unis, ils ont produit beaucoup de pétrole léger de qualité relativement médiocre et inutile par le biais de la fracturation hydraulique, mais cela s’est effondré. Plus personne ne finance tout cela et c’est un gaspillage global d’argent et de ressources. Il n’y a pas vraiment de solutions de repli.

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Et puis il y a le lobby écologiste qui élimine les oléoducs et arrête le financement des projets énergétiques à moins qu’il ne s’agisse de projets « verts » qui utilisent l’énergie éolienne et solaire. Le problème avec l’éolien et le solaire est que la production d’énergie qui en découle est irrégulière, imprévisible et n’a rien à voir avec la demande. Elle est liée à l’offre de vent et de soleil, et il n’existe pas de mécanisme de stockage pour stocker de grandes quantités d’électricité qui soient abordables ou qui puissent être produites dans les délais requis.

Les technologies vertes sont donc une impasse évolutive, du moins à cette échelle, et il n’y a donc pas de plan. Pour l’instant, tout le monde dépend de la disponibilité permanente de l’internet, mais la base est le réseau électrique qui n’a pas été mis à niveau depuis longtemps aux États-Unis. Il dépend d’un grand nombre de centrales nucléaires, dont une centaine vieillissent rapidement. Il manque la compétence, ou le désir, d’en construire de nouvelles, et les États-Unis n’ont pas la capacité, ou la possibilité, d’enrichir l’uranium. Ils ont délégué cette tâche aux Européens, aux Français et à la Russie. Ainsi, 25% des ampoules électriques qui sont allumées aux États-Unis historiquement l’ont été grâce à du combustible MOX, du combustible nucléaire, expédié aux États-Unis depuis la Russie. Donc, si vous regardez toutes ces dépendances et ce que cela signifie, eh bien, oui : c’est incroyablement précaire. Ce genre de dépendance technologique est vraiment mauvais pour une nation qui pourrait au mieux, si on se projette, être une nation agraire lourdement armée, constellée de petits fiefs. Ce n’est donc pas une bonne chose pour aller de l’avant.

KW : Vous avez écrit sur le pic pétrolier. Il est évident que… le documentaire de Michael Moore « Planet of the Humans » a récemment fait la une des journaux et a sensibilisé les gens à ce problème, au manque d’efficacité des technologies vertes auxquelles nous croyons beaucoup, et vous en avez parlé. Mais la question est de savoir quelle est l’alternative, alors, si nous atteignons le pic pétrolier et que nos besoins en énergie ne peuvent être satisfaits, sera-t-il simplement nécessaire de réduire notre consommation ? Vous avez mentionné l’énergie nucléaire. L’énergie nucléaire est-elle une solution potentielle à long terme, ou avons-nous raté le coche sur ce point ?

41orpOXeccL._SX322_BO1,204,203,200_.jpgDO : Les deux seuls pays qui ont la capacité de développer le nucléaire à la vitesse nécessaire sont la Russie et la Chine.

Le seul pays qui a réellement une chance de rendre la production d’énergie nucléaire sûre à long terme est la Russie, car elle est assez avancée dans le travail sur le cycle nucléaire fermé qui ne produira pas de déchets nucléaires de haute activité. Elle va tout brûler. Tous les autres pays ont abandonné cette stratégie. La Russie est la seule, et donc les autres devront au mieux attendre leur tour parce que la façon dont la Russie traite les installations nucléaires dans le monde est [qu’] elle construit essentiellement la centrale nucléaire. Elle forme des locaux pour l’exploiter. Elle signe des contrats pour tout le combustible nucléaire pour toute la durée de vie de la centrale ou de l’installation, qui pourrait être de plus de 100 ans à ce stade parce qu’ils ont appris à recycler les installations nucléaires.

Tous les pays du monde, et certainement ceux d’Europe ou des États-Unis, ne sont pas prêts à accepter ce contrat. D’autres pays comme la Turquie, par exemple, ou l’Iran, ou l’Égypte, sont plus qu’heureux de conclure un accord à si long terme, mais en gros, cela signifie qu’il y a un cordon ombilical de votre pays à la Russie pour toujours. Ainsi, les pays qui cultivent une attitude contradictoire envers la Russie n’ont aucune chance de voir un tel contrat se signer, du moins dans un avenir prévisible.

KW : C’est assez intéressant. Diriez-vous que dans le siècle à venir… lorsque vous pensez à certaines de ces choses, par exemple l’effondrement des États-Unis en tant qu’hégémon et le type de régionalisme que la Russie cultive, est-ce que nous envisageons la fin de la globalisation en tant que processus, la fin du globalisme dans ce siècle ?

DO : Eh bien, je pense que oui. Je pense que ce que nous voyons est le dernier écho mourant du colonialisme occidental – parce que c’est vraiment le modèle qui a été le moteur de tout cela. C’est le dernier souffle de l’économie de plantation, où les anciennes fortunes embauchent des MBA interchangeables et formatés pour gérer des projets dans le monde entier. Peu importe où ils se trouvent dans le monde. Payer des militaires pour surveiller les politiciens locaux afin de s’assurer qu’ils ne deviennent pas trop arrogants et n’essaient pas de s’accaparer trop de pouvoir. Et cela va mourir. Ce système est en train de mourir depuis longtemps : cela va s’accélérer. Cette dernière vague de globalisation qui a expédié les usines de l’Occident vers d’autres endroits du monde où l’énergie et la main-d’œuvre étaient bon marché et où les coûts de réglementation étaient faibles – a fait son temps.

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Je pense donc que l’avenir nous réserve des pays différents allant dans des directions différentes, certains se développant, d’autres non, et certains restant à peu près tels qu’ils sont. Je ne m’attends pas à ce que tout cela affecte de manière très dramatique ce qui se passe dans les zones rurales du Cambodge ou du Laos, par exemple, mais d’autres pays – le Canada, par exemple – pourraient être très touchés. Cela dépend de l’endroit où ils se trouvent dans le monde, car il n’y a pas de globe : il n’y a que dans l’espace, depuis l’orbite terrestre, qu’on peut le voir ainsi. Mais depuis le sol, sur le sol, la terre ne ressemble pas à un globe terrestre ; elle ressemble à une parcelle de terre qui est visible depuis là où vous êtes, entourée par l’horizon, d’environ 30 kilomètres.

KW : Pour quelqu’un qui écoute ceci, [quelqu’un qui] partage votre pessimisme quant à la direction que prend l’Occident, je suppose que la question est de savoir ce que doit faire quelqu’un qui reconnaît la réalité, en termes de moyens pour se préparer au mieux à ce qui va arriver. Y a-t-il un meilleur moyen de se sevrer des éléments du système qui subiront probablement le pire sort ?

DO : Eh bien, les gens s’en sortent plutôt bien à condition qu’ils puissent se rendre utiles les uns aux autres. Pas dans le cadre d’un programme où vous allez sur un tableau d’affichage d’offres d’emploi cherchez un employeur, parce que ces [emplois] seront assez rares sur le terrain, je suppose. Mais ce que vous pouvez faire vous-même pour vos voisins immédiats, pour les gens avec qui vous pouvez entrer en contact. Et beaucoup de ces compétences sont assez basiques.

Donc dans les endroits les plus prometteurs du monde – prometteurs du point de vue de la survie – les gens cultivent ces habitudes, donc par exemple il n’y a aucune raison concevable qu’en Russie en ce moment je devrais faire pousser des pommes de terre… sauf que je le fais, et la plupart des autres personnes aussi. C’est une de ces choses que l’on ne veut jamais cesser de pouvoir faire, comme s’il n’y avait aucun doute que l’on abandonnerait sa capacité à faire pousser des pommes de terre même si je pouvais aller au supermarché et acheter toutes les pommes de terre que je voulais, et plus encore, pour quelques roubles. Il ne s’agit pas de cela. De même, les gens savent comment construire des cabanes en rondins ; les gens savent comment assembler des poêles en briques. Vous savez, il y a une myriade de choses comme ça que les gens savent faire. Ils font rouler de vieilles voitures parce qu’elles peuvent être réparées à l’aide d’outils à main sans les relier à un ordinateur. Il y a beaucoup, beaucoup d’adaptations de ce genre que les gens du monde entier se cultivent pour se préparer aux temps difficiles parce qu’ils savent par expérience que les temps difficiles arrivent. Ils le savent. Ce n’est pas une question de si mais de quand. Personne ne sait quand, et c’est donc maintenant qu’il faut s’entraîner.

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Maintenant, il y a des gens en Occident qui pensent que le train train quotidien qu’ils ont adopté va continuer pour toujours, mais ce n’est pas un fait, ce n’est pas vrai. Il y a donc beaucoup de métiers modestes pour lesquels les gens pourraient commencer à se former, afin de se rendre utiles le moment venu.

KW : Ce qui tend à se produire… les croyances des gens en période d’effondrement… Je me souviens avoir lu que John Michael Greer avait prédit que les baby-boomers aux États-Unis commenceraient des sectes suicidaires à un stade avancé de l’effondrement, et il est vrai que certains des mouvements que nous voyons en Occident aujourd’hui – BLM [par exemple] – semblent ressembler à des sectes religieuses dans leur orientation. Mais je suis curieux : pour une société qui a vraiment adhéré à la religion du progrès, de la foi et de l’optimisme, que commence-t-il à se passer quand les choses tournent mal ? Verrons-nous apparaître une nouvelle religiosité, et si oui, à quoi cela ressemblerait-il ?

DO : Dans certains endroits, il y aura une nouvelle religiosité. Différentes populations sont plus ou moins susceptibles d’entrer dans des cultes. Il y a eu une forte pénétration des différents cultes en Russie au moment de l’effondrement de l’Union soviétique dans les années 90, et il y a eu une période où les autorités ont dû se précipiter pour éteindre ces incendies et éliminer certains des cultes les plus répugnants. Certains d’entre eux existent toujours. C’est un vilain problème qu’il faut gérer. Et donc, oui, le désespoir engendre ce genre de vœux pieux, et les gens qui se présentent et vous vendent une sorte de rêve, aussi absurde soit-il, comblent ce vide d’espoir. Nous pouvons donc en attendre beaucoup.

KW : Mais la Russie elle-même semble avoir très bien rebondi, et assez rapidement, après l’effondrement de l’Union soviétique. C’est quelque chose de voir le niveau de religiosité, et la rapidité avec laquelle elle est passée d’une société athée à l’une des seules sociétés chrétiennes traditionnelles au monde.

Pensez-vous qu’en regardant simplement la trajectoire de l’Occident, il est inévitable qu’il y ait un retour à la société traditionnelle ? En d’autres termes, lorsque vous perdez le pouvoir de l’État centralisé, est-il nécessaire que les ordres plus organiques comme la religiosité et les communautés ethniques surgissent dans ce vide ?

DO : Je n’exagérerais pas cela, car il y a des choses qui ne fonctionnent qu’en Russie. Les choses russes ont tendance à ne fonctionner qu’en Russie ; les choses chinoises ont tendance à ne fonctionner qu’en Chine, et il est inutile d’essayer de les copier parce que, par exemple, l’incroyable richesse de la tradition chrétienne orthodoxe que la Russie n’a jamais perdue est ce qui a permis ce renouveau. Ce n’est pas quelque chose qui a été fait à partir de rien. Il s’agit essentiellement d’une tradition vivante qui ne s’est jamais éteinte, qui a repris vie, et qui s’est donc faite plus ou moins automatiquement, et peut-être même sans effort. Je ne dirais pas qu’une telle chose ne peut se produire dans aucun des pays catholiques ou protestants ; ce n’est tout simplement pas quelque chose d’organique à ces pays.

KW : Encore une question liée à ce qui vient après tout cela, ce qui vient après le progrès. En termes de croissance démographique, nous sommes sur une courbe assez raide. Je pense que la projection pour la fin du siècle est d’environ 11 milliards. Sans le pic pétrolier, et sans l’énorme excédent d’énergie qui nous a été donné – je pense que 97 % de la production agricole aux États-Unis provient des combustibles fossiles -, nous attendrions-nous à une forte diminution de ce chiffre ? Je veux dire que s’il y avait un effondrement de la civilisation industrielle, il y aurait probablement un énorme surplus de jeunes gens en Afrique ; je pense que la population du Nigeria devrait dépasser celle des États-Unis d’ici le milieu de ce siècle. Serait-il possible d’envisager des effets quasi-désastreux en termes de famine, de mortalité de la population ?

DO : Eh bien, je pense qu’il y aura des décès. Je pense que pendant de longues périodes, dans différentes parties du monde, le taux de mortalité dépassera le taux de natalité, ce qui est inéluctable. C’est une autre exponentielle que les sociétés ont tendance à suivre : elles se développent de manière exponentielle, puis elles se contractent de manière exponentielle.

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En ce qui concerne la surpopulation dans son ensemble, quelle est la pertinence du Nigeria par rapport à la Russie ou au Canada ? Est-ce pertinent d’ailleurs ? La Russie et le Canada sont-ils surpeuplés ? Sont-ils en danger de surpopulation ? En ce qui concerne la faim, y a-t-il suffisamment de terres, si elles sont labourées sans mécanisation, pour nourrir, disons, dix fois la population russe ? Eh bien, oui. Là où je suis assis en ce moment, j’ai mon champ ; les voisins ont leurs champs, et autour de cela, nous avons des herbes hautes que personne ne coupe même pour le foin parce qu’il n’y en a pas vraiment besoin. C’est en jachère. Donc si le village où je suis s’agrandit d’un facteur 10, nous aurons encore beaucoup de terres en jachère. Et cela ne touche même pas la forêt, qui est énorme. Je ne pense donc pas que la Russie ait un problème de surpopulation. La Russie a un problème de sous-population.

Vous pourriez faire valoir que, eh bien… la Russie est bien placée, mais alors qu’en est-il du Bangladesh ? Le Bangladesh a la même population que toute la Fédération de Russie et il est plus petit en surface qu’une des petites régions russes, qui en compte plus de soixante-dix. Alors, qu’en est-il du Bangladesh ? La réponse est : le Bangladesh n’est pas la Russie, n’est-ce pas, alors quel est le sujet de conversation ? Il est inutile de parler de la population mondiale, absolument inutile, parce que, encore une fois, vous considérez une entité fictive appelée « le globe », alors que là où vous êtes assis, vous pouvez en observer une infime partie et vous ne rencontrerez jamais aucune de ces personnes. Vous ne voyagerez probablement jamais en dehors de quelques pays que vous pouvez visiter en toute sécurité. Il est donc inutile d’en parler.

KW : C’est vrai. Et en termes de discours, je suppose que c’est là que l’élément global entre en jeu, surtout ces dernières années. Beaucoup de gens en parlent et lient souvent cela à un effondrement, une sorte d’effondrement écologique global lié au réchauffement climatique qui finira par atteindre un précipice et détruira potentiellement l’Anthropocène. Il est évident que vous ne prenez pas ce genre de projections très au sérieux, n’est-ce pas ?

DO : Eh bien, ces projections sont basées sur des modèles qui… plus j’ai étudié la question, plus j’ai acquis la conviction que tout cela n’est que – pour ne pas trop préciser – des conneries. C’est de la connerie politique. Il n’y a pas de véritable science crédible derrière tout cela. Tout cela n’est qu’un effort pour obtenir une sorte d’avantage économique.

KW : C’est assez intéressant. Est-ce une croyance populaire en Russie, ou est-ce une croyance dissidente là-bas aussi ?

DO : Eh bien, en Russie, il n’y a pas de mécanisme pour faire croire à tout le monde à une chose aussi étrange qu’en Occident. Les gens ont tendance à vous écouter et à dire oui, on dirait que vous savez de quoi vous parlez, mais est-ce le cas ? Et donc ils regardent les tendances météorologiques et écoutent beaucoup de scientifiques. Les scientifiques russes sont aussi un groupe indiscipliné. Il n’y a pas ce genre de groupe occidental où soit vous croyez au réchauffement climatique et au changement climatique cataclysmique, soit vous êtes malchanceux et vous venez d’être licenciés. Il n’y a pas de ça.

Ainsi, par exemple, certains scientifiques russes sont perplexes quant au réchauffement de l’océan global. Cela dure depuis quelques décennies maintenant, et il se réchauffe partout, mais en commençant par le fond, à de grandes profondeurs. Et il s’avère que la planète entière se réchauffe un peu. Il y a quelque chose de similaire à un réacteur nucléaire ; c’est [mal compris], mais c’est caché profondément dans le magma fondu du cœur de la terre et cela semble avoir fait un bond en avant. Maintenant, il fluctue probablement, monte et descend, mais cela peut expliquer un peu le réchauffement. Et puis d’un autre côté, cela contrecarre une tendance qui est que le soleil se rapproche d’un minimum solaire majeur, ce qui rendrait en fait la terre plus froide. Et parce que l’océan se réchauffe, beaucoup plus de CO2 s’échappe des eaux océaniques – massivement plus que ce que toute activité industrielle pourrait produire ; juste des ordres de grandeur plus élevés. Cela a peut-être un rapport avec l’effet de serre, mais en ce qui concerne les cataclysmes, je pense que le plus grand risque que nous courons est le début de la prochaine période glaciaire, car nous sommes en retard. Et il y a beaucoup de scientifiques qui le croient.

Historical-Dynamics-Why-States-Rise-and-Fall.jpgKW : C’est assez intéressant. Nous arrivons à une heure d’interview, alors je vais juste terminer avec ça. Beaucoup de travail a été fait en termes de prévisions et de tendances politiques. Je ne connais pas les travaux de Peter Turchin, mais il prédit que les années 2020 seront la décennie la plus polarisée du siècle. Nous avons vu cette année des choses qui auraient pu être inimaginables il y a quelques années seulement. Je suis donc curieux : de votre point de vue, en ce qui concerne la prochaine décennie, que devrions-nous attendre dans les dix prochaines années ? Est-ce que ce sera le début du type d’effondrement dont vous parlez et que pouvons-nous espérer voir en termes de ramifications sociales et politiques ?

DO : Eh bien, j’ai prédit que les États-Unis s’effondreraient dans un avenir prévisible. Vers 1996, j’ai réalisé que cela allait se produire [mais] j’ai gardé le silence pendant un certain temps et puis au début de ce siècle, j’ai commencé à penser et à publier sur ce sujet, et j’ai commencé à le faire maintenant, 20 ans après le début du siècle.

Cette idée que les États-Unis vont s’effondrer n’est pas du tout farfelue. Beaucoup de gens disent la même chose. Dans cette mesure, je suis donc justifié et je m’attends à être pleinement justifié alors que je serai encore en vie, sans aucun doute. En fait, j’ai l’intention de passer à autre chose avec mon temps une fois que les États-Unis se seront effondrés, car le sujet sera effectivement épuisé en ce qui me concerne.

KW : Très bien. C’était une interview fascinante. Si vous voulez juste terminer en faisant la promotion de votre travail, où les gens peuvent trouver votre site web, quelque chose comme ça. Je vous en prie, allez-y.

DO : Oui, le site web principal, à partir duquel tout se ramifie se nomme cluborlov.blogspot.com. Et je ne publie que pour les abonnés sur SubscribeStar et Patreon. Je publie quelques articles chaque mois. J’ai un lectorat assez important, donc j’invite les gens à me rejoindre.

KW : Très bien. C’est très bien. Je recommande également vos livres. C’est une lecture fantastique et je pense vraiment que ce genre de sujets devient de plus en plus pertinent, et les gens recherchent des documents pertinents.

C’était formidable de vous avoir à bord, et je vous remercie encore une fois de m’avoir rejoint.

Dmitry Orlov

Le livre de Dmitry Orlov est l’un des ouvrages fondateurs de cette nouvelle « discipline » que l’on nomme aujourd’hui : « collapsologie » c’est à-dire l’étude de l’effondrement des sociétés ou des civilisations.

Traduit par Hervé, relu par Wayan pour le Saker Francophone

jeudi, 30 juillet 2020

Robert Steuckers: »Faye hat die Gebrüder Jünger versöhnt«

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Robert Steuckers: »Faye hat die Gebrüder Jünger versöhnt«

Ex: https://podcast.jungeuropa.de

Mit Guillaume Fayes Novelle Ein Tag im Leben des Dimitri Leonidowitsch Oblomow haben wir die erste, dezidiert rechte Science-Fiction-Erzählung in deutscher Sprache publiziert. Martin Lichtmesz, der das Buch aus dem Französischen übersetzte, nennt sie eine von »schwarzem Humor durchzogene Erzählung von erheblichem Reiz«. Um mehr über diese einzigartige Novelle, ihre Entstehungsgeschichte sowie ihren streitbaren und durchaus sonderbaren Autor zu erfahren, haben wir mit dem belgischen Publizisten Robert Steuckers gesprochen, der Faye mehrere Jahrzehnte kannte und sein politisches Werk stets genau beobachtet hat.

ein_tag_im_leben_des.jpgSehr geehrter Herr Steuckers, ein Belgier und ein Deutscher führen ein Interview in deutscher Sprache, ganz ohne Übersetzer. Wenn ich richtig liege, hätte ich Ihnen meine Fragen jedoch auch auf Spanisch, Französisch oder Englisch stellen können. Wie kommen Sie zu diesem beeindruckenden europäischen Sprachschatz?

Das ist eigentlich nicht erstaunlich, hierzulande bin ich nicht der Einzige. Professor David Engels schreibt ebenfalls sowohl auf Französisch als auch auf Deutsch. Gewiss, weil er aus Eupen (nahe dem Dreiländereck) stammt. Einer meiner Kollegen, der Journalist Lionel Baland aus Lüttich, der sich auf nonkonforme populistische Parteien und Verbände spezialisiert hat, arbeitet auch mit vier Sprachen (Französisch, Deutsch, Niederländisch und Englisch). Dr. Frank Judo, ein guter Bekannter, hat im Zuge eines Symposiums in der Bibliothek des Konservatismus das Wort auf Deutsch ergriffen. Es gibt zahlreiche weitere Beispiele. In meinem Freundeskreis in Löwen ist die deutsche Sprache sehr oft in Gebrauch und alle Mitglieder sind sogar dazu angehalten, sie gut zu beherrschen, um beitreten zu dürfen. Ich bin ja auch Diplom-Übersetzer. Man könnte also sagen, dass uns nur zwei Lautverschiebungen trennen. Außerdem habe ich noch Latein studiert. So sind die romanischen Sprachen einfach zu lernen und zu beherrschen. Dazu kommt, dass meine Frau in Madrid (am Fuß der Hügel, an denen sich der Königliche Palast befindet) geboren wurde. Das ist natürlich auch hilfreich.  

Ihren vielfältigen publizistischen und politischen Tätigkeiten zum Trotz soll es heute nicht um Sie gehen. Wir wollen über Guillaume Faye sprechen – genauer gesagt über seine Novelle Ein Tag im Leben des Dimitri Leonidowitsch Oblomow, die kürzlich bei uns erschienen ist. Auf Twitter haben Sie die deutsche Erstveröffentlichung sehr wohlwollend, regelrecht euphorisch kommentiert. Verraten Sie uns, wieso?

Fayes große Hoffnung war es, dass seine Texte einmal in die deutsche Sprache übersetzt werden. Sie sind also diejenigen, die post mortem diesen allertiefsten Wunsch erfüllt haben. Mit dieser Euphorie – wie Sie es nennen – habe ich im Grunde die Freude, die er bei Erscheinen dieses Buches auf Deutsch nach so langer Zeit empfunden hätte, stellvertretend zum Ausdruck gebracht. Der Verleger Wigbert Grabert hat in der Vergangenheit einige Texte von Faye übersetzen lassen, doch leider nicht seine so wichtigen Werke über Wirtschaft, Sexualität, Konsumgesellschaft, Moderne, die wirklich als Pionierarbeit innerhalb unserer Kreise bezeichnet werden müssen. Faye versuchte in den 1980er Jahren sehr aktiv in avantgardistischen Kreisen mitzuwirken.

Kürzlich habe ich auf Facebook eine kurze Erwähnung seiner Pariser »Avant-Guerre«-Abende gefunden. Pierre Robin, ein Kumpan von damals, ist der Autor. Robin beschreibt sehr genau, was eigentlich in Fayes Kopf konzipiert wurde. So schreibt er treffend, dass Faye überhaupt nicht von der »New Wave«-Mode oder deren Musik fasziniert war, doch er wusste sehr wohl, dass ohne ein »Update« der eigenen Ausdrucksformen keine neue Politik zu machen war. Faye habe es, so schreibt es Robin in seinen Erinnerungen, für unmöglich gehalten, die klassische griechisch-aristotelische oder eben die dionysische Weltanschauung wieder lebendig zu machen; vor allem nicht mit einer bloßen »schulmeisterlichen« Lobpreisung des gymnasialen, bürgerlichen Humanismus. Deshalb hat Faye stets nach anderen Werkzeugen gesucht, um der modernen Misere zu entkommen.  

imagesGFAF.jpgEs ist kein Geheimnis, dass die Novelle eigentlich »nur« ein literarischer Anhang zu Fayes umfassendem Buch L’Archéofuturisme ist, in dem er seine Ideen einer zukünftigen Welt nach der »Großen Katastrophe« beschreibt und ausführt. Können Sie umreißen, was Faye unter dem Begriff »Archäofuturismus« versteht und was seinen ideologischen Kern ausmacht?

Die Novelle macht eigentlich schon sehr gut deutlich, was er damit meint. Die Staatselite bzw. die Elite des Imperiums, die vielseitig gebildeten Köpfe der Föderation und letztendlich auch die Armeen sind futuristisch geprägt, verwenden hypermoderne Technologien und benutzen sie als Werkzeuge einer scheinbar unzerstörbaren geopolitischen Macht. Der Rest der Bevölkerung ist derweil wieder erdgebunden, agrarisch geprägt und entwickelt eine ewig bleibende, gewissermaßen auch »völkische« Kultur. Archäofuturismus bedeutet sozusagen ein archaisch-agrarisch-ökologisches Leben für das breite Volk und ein hypertechnisches und futuristisches für die ausgewählte Elite.

Faye war seinerzeit stark an Eisenbahn-Projekten interessiert, insbesondere an der Transsibirischen Baikal-Amur-Eisenbahn, der damaligen deutschen Breitspurbahn, dem gaullistischen Aérotrain und ähnlichen japanischen Projekten usw. Deshalb verbringt Oblomow seinen Tag in einem überwiegend unterirdisch fahrenden Zug. Hauptaufgabe des staatlichen Wesens war es für Faye, superschnelle Kommunikationen zu ermöglichen, genauso wie das Römische Reich straßengebunden und straßenabhängig war. Mein Sohn und ich waren eines Tages erstaunt, als wir beide feststellten, dass Faye eifrig Magazine über allerlei neue Technologien, auch Biotechnologien, las, wie Science et AvenirScience & Vie usw. Auch wenn Besserwisser eine solche Beschäftigung als skurril erachten mögen, verschafft es nichtsdestoweniger Geisteswissenschaftlern eine nötige mentale Hygiene, sich oberflächlich mit den Revolutionen in den Naturwissenschaften und Hochtechnologien (wie etwa Nanotechnologie) auseinanderzusetzen.  

Wieso hat Faye sich entschieden, seinem Buch noch eine Novelle, also ein literarisches Werk, anzuhängen? Um den Stoff zu verdichten? Oder steckt mehr dahinter – etwa Fayes Begeisterung für die Literatur? 

Faye war, genauso wie Jean Thiriart, nicht wirklich an reiner Literatur interessiert. Er las querbeet Soziologie (Maffesoli, Lipovetsky), Philosophie (Heidegger), Politikwissenschaft (Freund), Volkswirtschaft (List, Perroux, Grjebine), Geschichte und Geographie. Eine Ausnahme bei diesen beiden nonkonformen Autoren war sicherlich Louis-Ferdinand Céline, den sie beide sehr schätzten. Ziel dieser kleinen, aber gut abgerundeten Novelle war es, seine Leser für den Doppelaspekt zu begeistern, den der von ihm konzipierte Archäofuturismus in sich trägt, nämlich die Notwendigkeit, zu gleicher Zeit hypertechnisch und archaisch-organisch zu denken. Er bedauerte, dass neurechte Kreise solche Themen nie erwähnten oder sogar ablehnten. Diese negative Haltung den Hochtechnologien oder den Biotechnologien gegenüber war für ihn Indiz einer unpolitischen, kontemplativen, musealen Anschauung, was er auch sehr deutlich und umfangreich im Kern seines Buches L’Archéofuturisme erklärt.

Er hat sich gewünscht, eine Science-Fiction-Welt zu schaffen, um die Literaten (so wie sich Thiriart spöttisch ausdrückte!) der Neuen Rechten dazu zu bewegen, sich endlich für zukunftsfähige Themen zu interessieren. Das gilt natürlich auch für Biotechnologien, was übrigens sein langjähriger italienischer Freund und Jurist Stefano Sutti Vaj als Thema für eines seiner Bücher gewählt hat. Der Futurismus Fayes muss zusammen mit dem »Biotechnologismus« Suttis gedacht werden. Aber beide Annäherungen sind leider innerhalb der neurechten Kreise unbeachtet geblieben.       

61ZV+xJIBqL.jpgFür seine literarische Begeisterung spricht auch die Ausgestaltung des »Nachfolgebuches« L’Archéofuturisme V2.0: Nouvelles Cataclysmiques, ein ausschließlich aus Kurzgeschichten bestehender Band, der den Archäofuturismus erneut in den Fokus rückt. Doch schon 1985 beteiligte sich Faye als Autor an dem Comic-Band Avant-Guerre, in dem viele Motive seiner späteren Novellen, etwa die »Eurosibirische Föderation«, angelegt sind. Hat Faye gewissermaßen eine große Geschichte, eine eigene Welt, erfunden, die er über Jahre ausgestaltete und fortführte?

Ja, das stimmt. Schon immer hat er sich für Raumfahrt und für das europäische Ariane-Projekt interessiert. Diese Begeisterung war auch das Resultat einer kindlichen und jugendlichen Sympathie für belgische Comics oder, besser gesagt, für Graphic Novels, wie die Engländer heute sagen. Zwei Serien waren entscheidend für die lebenslange Neigung Fayes, wissenschaftlich-technologisch, also futuristisch, zu denken. Zu nennen wäre hier die Serie Spirou & Fantasio von Franquin, in der zwei Wissenschaftler konkurrieren: zum einen Zorglub, der erstaunliche fliegende Maschinen konzipiert, baut und dann hunderte Raketen zum Mond schickt, um Werbung für Coca-Cola zu machen; zum anderen Pacôme, Graf de Champignac, der Chemiker ist und verblüffende organische Waffen aus Pilzen entwickelt, wie etwa das »Metamol«, das alle Metalle weich und flüssig werden lässt. 

515ChugwT8L._AC_UL320_SR226,320_.jpgDas »Metamol« vernichtet eine südamerikanische Armee und chinesische Panzer, Zorglubs Stützpunkt im Dschungel Amazoniens wird mit Handgranaten zerstört, die ein allesfressendes Pilzextrakt enthalten, womit alle menschlichen Konstruktionen buchstäblich aufgelöst werden. Weiter in der Reihe Blake und Mortimer von Edgard P. Jacobs, findet man eine graphische Novelle, in der sich ein Atlantis-Reich unterseeisch in der Mitte des Atlantischen Ozeans direkt unter den Azoren befindet. Dieses unterseeische Reich wird von einem alten ehrwürdigen Basileus sanft geleitet, aber zur gleichen Zeit von aufgehetzten Barbaren bedroht. Die Barbaren siegen und zerstören die schützenden Deiche, wobei die musterhafte Polis platonischer Prägung überflutet wird. Aber die Atlanten und ihr Führer Basileus können rechtzeitig unsere Erde an Bord von hunderten Raumschiffen verlassen, um eine Zukunft auf einem anderen Planeten zu schaffen.

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Zudem war Faye auch von Jacobs gezeichneten Flugzeugen fasziniert, die in der Black und Mortimer-Trilogie Le Secret de l’Espadon erschienen, etwa die »Rote Flügel« vom bösartigen Colonel Olrik und der »Espadon« von seinem englischen Gegner. Letzteres ist deutlich die Inspirationsquelle für Fayes »Squaline«-Jets. Überdies hat er auch mit großer Aufmerksamkeit die zwei graphischen Novellen aus der Reihe Tim und Struppi verfolgt, in denen Tim und Kapitän Haddock in einer V2-ähnlichen Rakete zum Mond fliegen. Auch die Ultraschall-Waffen von Professor Baldwin Bienlein (Tryphon Tournesol auf Französisch) im Album Der Fall Bienlein interessierten ihn. Und so weiter, und so fort. 

9782266030892_1_75_1.JPGDie Faszination Fayes für futuristische Technologien, für Raumfahrt und Biowaffen entstammt sicherlich seiner tiefen Kenntnis der belgischen graphischen Novellen von Franquin, Jacobs und Hergé. Er war in der französischen Szene nicht allein: Der Musiker und Zeichner Jack Marchal, der das Völkchen der schwarzen neofaschistischen Ratten erfunden hat (man denke an das GUD-Symbol!), ließ sich eindeutig und bewusst von den bösen Ratten des wallonischen Zeichners Raymond Macherot inspirieren. Dann sein Freund, der Maler Olivier Carré, und dessen Bekannter Grégory Pons. Auch sie waren »Tintinophil« (= »Tim-Freaks«), so wie noch heute der Genfer Anwalt Pascal Junod (hyperaktiv in der Schweiz) und ich selbst. Dieser Einfluss ist im deutschsprachigen Raum freilich nicht zu spüren. Ich glaube aber, er hätte es toll gefunden, hätten Zeichner seine Themen aufgegriffen, um neue Serien auf den Markt zu bringen.     

Hand aufs Herz: Wie viel Science-Fiction steckt in Ein Tag im Leben des Dimitri Leonidowitsch Oblomow und Fayes anderen Novellen? Der Autor behauptet jedenfalls, es handele sich um eine durchaus realistische Zukunftsvision…

Faye träumte von einer »eurorussischen« Partnerschaft, wobei die riesigen Entfernungen zwischen der Bretagne, die er abgöttisch liebte, weil sein bester Freund, der bretonische Kulturnationalist Yann-Ber Tillenon, ihm die bretonnitude beigebracht hatte und immer sein treuester Unterstützer geblieben ist, und Ostsibirien, etwa Kamtschatka, durch hyperschnelle Kommunikationsmittel überbrückt würden. In der kurzen Novelle ist eine solche »Föderation« Wirklichkeit geworden. Und wie ich bereits gesagt habe, ist die Elite hochtechnisiert und futuristisch geprägt, weil das Volk agrarisch wirkt und seine alten keltischen, germanischen oder slawischen Wurzeln lebendig bewahrt. Eigentlich versöhnt er hier zwei vollkommen unterschiedliche Orientierungen im konservativ-revolutionären bzw. national-revolutionären Lager, d. h. er löst den Widerspruch zwischen Ernst Jüngers Arbeiter-Welt und Friedrich Georg Jüngers Anti-Technizismus.  

Mit L’Archéofuturisme feierte Faye 1998 sein publizistisches Comeback, nachdem er viele Jahre als »unpolitischer« Radiomoderator arbeitete und der Politik gewissermaßen den Rücken gekehrt hatte. Zuvor hatte er sich von der Nouvelle Droite um Alain de Benoist gelöst bzw. wurde dort unsanft entfernt. Ihnen erging es ähnlich. Hatten Sie beide damals Kontakt? Wie ist das Comeback Fayes, vor allem vor dem Hintergrund einer solchen archäofuturistischen Utopie, einzuschätzen? Und wie würden Sie Faye zu dieser Zeit charakterisieren?

Acht Monate hat es ungefähr gedauert, zwischen Sommer 1986 und März 1987, bevor er sich definitiv von Alain de Benoist getrennt hatte. Die Sommer-Uni 1986 war diesbezüglich ein Fiasko. Seinen Unmut hatte er anlässlich des jährlichen Symposiums im November 1986 deutlich zum Ausdruck gebracht. Seinen öffentlichen Abschiedsbrief – in sehr versöhnlichen Tönen – veröffentlichte er im Mai 1987. Die deutsche Fassung davon habe ich selbst bearbeitet; sie ist in der Zeitschrift DESG-Inform aus Hamburg erschienen. Damals war ich dank der Unterstützung von Jean van der Taelen und Guibert de Villenfagne de Sorinnes Teil des Pariser Klübchens geworden. Jean-Marie Simar aus Lüttich hatte drei Broschüren von Faye mit sehr geringen Mitteln herausgegeben: Europe et Modernité (sicherlich der tiefschürfendste Essay, den er je verfasst hat), Petit Lexique du Partisan européen (erster Entwurf von Wofür wir kämpfen) und L’Occident comme déclin (ein ausgezeichneter Essay, der leider nie übersetzt worden ist, noch nicht mal auf Englisch).

Nach dem Bruch habe ich natürlich nicht sektiererisch meinen alten Freund Faye exkommunizieren wollen. Wir haben uns im August 1987 in der Schweiz getroffen, wo Pascal Junod, der noch kein Rechtsanwalt war, ein gesamteuropäisches Fest organisiert hatte. Faye verteilte dort seinen Abschiedsbrief und traf eine Menge Freunde, die aus allen Gegenden Frankreichs angereist waren. Ich nutzte die Gelegenheit, ihn im September nach Brüssel ins Métropole-Hotel einzuladen, um ein Buch (La soft-idéologie) und ein Thema vorzustellen, das er zusammen mit dem berühmten französischen Strategen und Medien-Analysten François-Bernard Huyghe geschrieben hatte. Faye pflegte damals Kontakte zu höchsten akademischen Kreisen. Sein Vortrag über die »Soft-Ideologie« war der letzte, den er vor neurechtem Publikum gehalten hatte. Danach ist er für mich spurlos im Labyrinth von alternativen Medien verschwunden.

index.jpgSein Comeback war diskret, aber, wie üblich, gekonnt umgesetzt. Er gab der Redaktion der damals jungen Zeitschrift Réfléchir & Agir (die man heute in allen Kiosken Frankreichs kaufen kann), ein Interview. Hauptthema des Gesprächs war eine Darstellung der neuen zeitgenössischen Musikströmungen, die einen durschlagenden Effekt auf Gesellschaft und Politik hätten, wenn sie zur gleichen Zeit auch in eine solche Richtung durch eine weltanschauliche Elite gelenkt würden. So könnte eine alternative Welt geschaffen werden.

Ein gemeinsamer Freund, der Réfléchir & Agir vertrieb, organisierte ein Treffen in Brüssel, weil Faye es wünschte, mich einmal wiederzusehen, bevor er in der Szene wieder öffentlich auftauchen konnte. Und eines Tages, im Frühling 1998, klingelte Faye an der Tür. Natürlich war er etwas älter geworden, da das Leben in der Welt des »Showbiz« nicht besonders ruhig und nüchtern verlief. Das hinterließ natürlich Spuren. Aber wir haben das Gespräch so angefangen, als ob die letzte Versammlung seiner »Etudes & Recherches«-Gruppe erst eine Woche vorher stattgefunden hätte. Er hatte noch immer ein frohes Gemüt und einen hellwachen Geist. Er legte seinen Begriff des Archäofuturismus dar und kündigte unserer Versammlung das Erscheinen seines Buches an. Einige Mitglieder der Hamburger »Synergon«-Sektion sowie Dr. Tomislav Sunic waren mit dabei. Ein unvergesslicher Tag. 

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Stichwort »Eurosibirische Föderation«: Faye nimmt in seiner Novelle eine Position ein, die dem »Eurasien-Konzept« Alexander Dugins entgegensteht – Er plädiert nämlich für ein »Eurosibirien«, das nur die »europäischen« Teile Russlands miteinbezieht. Wie bewerten Sie diese Position – auch vor dem Hintergrund der einstigen Streitigkeiten in der französischen Neuen Rechten zu dieser Frage – heute?

Tja, man sollte, glaube ich, die Differenzen zwischen »Eurasien« und »Eurosibirien« nicht allzu ernst nehmen. Dugin ist konsequenter, da er wirklich in der russischen Geschichte eingebettet ist. Dugin übergeht auch nicht einfach die Geschichte der Sowjetunion. Faye indes entwickelt eigentlich eine erweiterte gaullistische bzw. thiriartische Perspektive und hofft so einen interkontinentalen Großraum zu schaffen, der autark genug sein könnte, um Widerstand gegen andere imperiale Großräume leisten zu können. Faye ist hier ganz Schüler von Friedrich List und von François Perroux, der Pläne skizziert hatte, um dem lateinamerikanischen Kontinent eine großräumliche Kohärenz zu geben, damit er sich gegen den Imperialismus Washingtons behaupten könnte.

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Faye und Tulaev in Moskau.

Für Faye, Thiriart oder Perroux sind die einzelnen Staaten Europas zu klein und ist Gesamteuropa nicht autark genug, um langfristig zu überleben. Russland seinerseits ist zu dünn bevölkert, um demographisch genug Gewicht zu haben. In Moskau und in Dendermonde (eine flämische Stadt in der Nähe Brüssels) führte Faye interessante Gespräche mit dem »neurussischen« Ideologen, Hispanisten und Kunsthistoriker Pavel Tulaev. Tulaev erhob Kritik dem Begriff »Eurosibirien« gegenüber, aus dem Grund, dass Sibirien nie ein Subjekt der Geschichte gewesen war und dass im sibirischen Raum nur Russland Subjekt der Geschichte war und ist, da das Mongolische Reich Dschingis Khans und seiner Nachfolger unwiderruflich verblichen ist. Deshalb sprachen Tulaev und der flämische Aktivist Kris Roman eher von »Euro-Rus«.

Hier liegt natürlich ein Unterschied zwischen dieser rein russisch-europäischen Perspektive und der gewissermaßen auch turanischen Perspektive, die Dugin eigen ist. Faye war immer Anhänger einer europäisch-russischen Allianz, wie zahlreiche Texte beweisen, die ich für die Euro-Synergies-Webseite übernommen habe. Streitigkeiten innerhalb der französischen Neuen Rechten gibt es diesbezüglich eigentlich kaum. Jeder ist eher pro-russisch, obwohl einige die ukrainischen Rechten unterstützen. 

Die USA kommen in seiner Novelle hingegen nicht gut weg. Später ergriff er dann jedoch Partei für Israel und postulierte ein Islambild, das an die stark neokonservativ gefärbte Counterjihad-Bewegung angelehnt war. Wie ist dieser Wandel zu erklären? Und ist er, mit Verlaub, politisch ernst zu nehmen?

Mit anderen Beobachtern der amerikanischen Gesellschaft, wie etwa James Howard Kunstler, teilte Faye die Überzeugung, dass die Hektik, die grundlegend für die irre Dynamik der amerikanischen Gesellschaft ist, langfristig nicht andauern kann. Dabei sind die USA durch eine lähmende liberale Ideologie, unrealistischen bzw. unwissenschaftlichen Biblismus und einen aggressiven Moralismus geprägt. Dies sind keine echten politischen Grundlagen, wie Carl Schmitt und Julien Freund sie definiert haben. Ohne solche Grundlagen kann ein Imperium nicht überdauern. Es ist dazu verurteilt unterzugehen.

Deshalb sind, in einem fiktiven künftigen Superreich wie der »Föderation« Fayes, die USA machtpolitisch marginalisiert, weil sie, im Gegenteil zu Antaios in der griechischen Mythologie, keine Kraft aus der tellurischen Berührung mit ihrem eigenen Boden schöpfen können. Die Zukunft gehöre erdgebundenen Reichen, die eine Zukunft (»Futurum«) aus den Kräften ihrer arkhè aufbauen. Die »Föderation« sowie China und Indien stellen jeweils ein solches erdgebundenes Reich dar. Das indische junge Mädchen, das mit Oblomow reist, gehört einem Reich an, das auf vedischen Grundlagen fußt. Sie reist in ein anderes traditionelles Reich, nämlich China. 

Faye war in den 1980er Jahren der leidenschaftliche Anwalt einer euro-arabischen, anti-imperialistischen Zusammenarbeit. Ein euro-arabisches Colloquium in diesem Sinn fand an der Universität Mons (Bergen) in Hennegau statt, wo für die deutsche Seite Siegfried Bublies und Karl Höffkes teilnahmen (ich war Dolmetscher). Aber seitdem haben salafistische und saudi-wahhabitische Kreise die ganze arabische Szene verändert. Salafismus und Wahhabismus sind genauso Instrumente des US-Imperialismus wie der Zionismus. Der Salafismus hat Algerien schwer getroffen und, später, Ägypten destabilisiert und Syrien in seinen heutigen traurigen Zustand manövriert. Jeder weiß heute, dass Brzezinski die afghanischen Mudschahiddin mit Stinger-Waffen unterstützen ließ und Bin Laden als saudischer Söldner gegen die Sowjets in den Hindukusch schickte. Die Lage ist nicht mehr so überschaubar wie in den 80er Jahren.

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Faye war zwischen 2000 und 2004 mit dem Geopolitiker Alexandre del Valle befreundet, der damals Kopf einer pro-zionistischen Orientierung war. Deshalb haben die meisten Beobachter der neurechten Szene den Eindruck, dass er eine radikale pro-zionistische Wende durchlaufen hatte. Tatsächlich hat er, besonders in seinem Buch La nouvelle question juive, gewissermaßen überhitzt reagiert. Die Thesen von del Valle sind mittlerweile umfangreich in der französischen und italienischen Debatte verbreitet, wobei er jetzt die Muslimbruderschaft als Urheberin des Chaos in der arabischen Welt betrachtet. Del Valle begann seine Karriere, indem er die heimliche Allianz zwischen islamischen Fundamentalisten und amerikanischen neokonservativen »Falken« andeutete. Seine Analyse der Lage in Syrien ist ebenso korrekt. Aber was er vielleicht nicht sagen will (oder darf), ist, dass der Zionismus ebenfalls eine Art Instrument des US-Imperialismus ist. Die Baathisten Syriens, Russen, Chinesen und Schiiten aus dem Iran oder aus dem Libanon bilden ja auch jetzt gewissermaßen ein »Counter-Dschihad«-Bündnis. Ohne Salafisten, Wahhabiten oder Zionisten. 

Guillaume Faye ist 2019 gestorben. Sie kannten ihn seit Jahrzehnten. Was war er für ein Mensch? Welche Bücher hat er privat gelesen und welche Anekdoten können Sie mit uns teilen?

Ich habe Faye Anfang des Jahres 1976 in Lille kennengelernt. Als Mensch war er immer freundlich und wohlwollend, nie aggressiv. Wenn jemand ihm neue Perspektiven eröffnete, hörte er immer aufmerksam zu. Faye studierte in einem Jesuiten-Gymnasium in Angoulême, wo er eine stark griechisch-lateinisch geprägte Bildung erhielt. Seine Bildung in klassischer Kultur war verblüffend. Platon und Aristoteles hatte er gelesen und verinnerlicht. Später, als er in Paris studierte und sich in den Arbeitskreisen zu Vilfredo Pareto und Oswald Spengler engagierte, las er besonders Vilfredo Pareto, Bertrand de Jouvenel, Julien Freund, Carl Schmitt und Raymond Ruyer. Später entdeckte er die ersten Schriften Michel Maffesolis. Seine Forschungen waren durchaus politisch, rein politisch im edlen Sinn des Wortes. 

Anekdoten gibt es in Hülle und Fülle. Nur eine will ich hier erwähnen. Unmittelbar nach seinem Comeback, während der Sommer-Uni 1998 im Trentino, kam er mit kurzer Verspätung zu einem Seminar über das Werk Bertrand de Jouvenels. Der junge Referent erklärte in allen Einzelheiten die Begriffe, die Jouvenel in seinen zahlreichen Büchern geprägt hatte. Es war ein bisschen peinlich. Faye sagte dann plötzlich: »Moment, ich habe mit Jouvenel in 1967 studiert. So erklärte er diese Begriffe …«. Und er fing an, die Lektionen Jouvenels musterhaft zu wiederholen, als ob er sie am Vorabend erst gehört hatte. Er hatte noch die Fähigkeit, die »Kunst des Gedächtnisses« zu praktizieren, d. h. eine Methode anzuwenden, die man bis ins 18. Jahrhundert in Europa anwandt, um Vorträge zu halten. Er kritzelte einige Stichwörter und Pfeile auf ein winziges Stück Papier, konzipierte so einen »Weg« und konnte dann einfach zwei Stunden pausenlos reden. So hat er zum Beispiel einen Vortrag über sein Buch La convergence des catastrophes in Brüssel vorbereitet. Ich war erstaunt und bewunderte ihn umso mehr.  

Abschließend, sehr geehrter Herr Steuckers, welche Projekte und Ideen verfolgen Sie aktuell?

Erstens, beharren. Ich will das Tempo halten, mit dem ich die verschiedenen Webseiten und Accounts derzeit organisiere. Zweitens will ich mein Archiv in Büchern publizieren. Da gibt es viel Arbeit. Drittens wünsche ich durch Europa zu reisen, um diejenigen zu treffen, die ebenso fleißig arbeiten und die gleiche Weltanschauung teilen. 

Das Gespräch führte Philip Stein.

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Ein Buck voll Anekdoten. Lieferbar bei "éditions du Lore", sowie "La nouvelle question juive", "Sexe et dévoiement" und "Archéofuturisme V2.0":

http://www.ladiffusiondulore.fr

jeudi, 18 juin 2020

The New Right vs Neo-Colonialism - Robert Stark interviews Eugene Montsalvat

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The New Right vs Neo-Colonialism

Robert Stark interviews Eugene Montsalvat

 
Eugène Montsalvat blogs at the Niekisch Translation Project and his articles can be viewed at Counter-Currents
 
Topics include:
Turn Left,
New Right!
Nationalism & Class Struggle
The Necessity of Anti-Colonialism
Ernst Niekisch and National Bolshevism
 
Robert Stark interviews Eugene Montsalvat The New Right vs Neo-Colonialism
 

En 1958, Salvador Dali et ses réponses étonnantes sur sa vie et son oeuvre

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En 1958, Salvador Dali et ses réponses étonnantes sur sa vie et son oeuvre

 
 
Entrevue hors de l'ordinaire, en français, avec Salvador Dali qui parle de ses succès internationaux et sa place dans l'art de son époque versus la place de Pablo Picasso. Il fait une critique de son oeuvre et de la peinture moderne et parle du personnage qu'est Salvador Dali, il parle de ses inspirations, de son travail au cinéma, de Khrouchtchev, de l'art soviétique, de ses plus grands artistes, l'Espagne, la politique, la religion, l'argent et de ses moustaches.

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Source : Carrefour, 27 mai 1958
Animateur : Wilfrid Lemoine
Encore plus de nos archives : https://ici.radio-canada.ca/archives/...
 

09:08 Publié dans art, Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : salvador dali, peinture, arts plastiques, espagne, entretien, art | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

samedi, 13 juin 2020

Michel Vial : "La chute de l'empire occidental"

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Sortie cette semaine du livre de Michel Vial : "La chute de l'empire occidental"

Rencontre avec l'auteur...

Ex: http://synthesenationale.hautetfort.com

Michel Vial, avant toutes choses, pouvez-vous vous présenter...

Je suis un jeune retraité de 64 ans. Certains, parmi les amis de Synthèse nationale doivent me connaître, car ils se souviennent peut-être de mon parcours de militant depuis la fin d’Ordre Nouveau jusqu’aux premières années du Parti des forces nouvelles.

Très jeune, en 1972, j’ai rejoint les rangs de ceux qui refusaient l’embrigadement de la jeunesse que pratiquaient les mouvements d’extrême-gauche, maos et trotskystes, alors très influents dans les lycées et les facultés. Je me sentais plus proche de ceux qui défendaient la nation et l’identité françaises et qui se battaient à un contre cent. L’ambiance de camaraderie que j’ai connue dans ces différents mouvements, ON, Front de la Jeunesse, GUD, Faire Front, PFN, m’a marqué durablement, j’en ai gardé des amitiés solides et fidèles. J’ai cessé toute activité politique assez tôt, mais n’ai jamais renié mon engagement de jeunesse.

Pourquoi ce livre ?

Ayant plutôt l’habitude d’écrire sur l’histoire militaire moderne, je me suis lancé cette fois dans un ouvrage « militant ». C’est venu un peu par hasard. A l’origine, j’avais écrit un article traitant du langage que le politiquement correct tente de nous imposer et que j’ai proposé à Présent, mais qui n’a pas été publié, car trop long pour le gabarit du journal et trop déconnecté de l’actualité immédiate. J’ai décidé alors unilatéralement de poursuivre sur ma lancée et de coucher sur le papier mes sentiments sur notre époque et ses dérives, sur la profonde crise morale qui frappe notre civilisation et qu’il paraît très difficile de surmonter. J’ai voulu alerter mes compatriotes, surtout les plus jeunes, du grave danger qui les menace et les pousser à réagir.

Pouvez-vous résumer le contenu de celui-ci ?

J’ai choisi une dizaine de thèmes (le langage, l’immigration, le terrorisme, l’écologie, l’Europe…) qui me paraissaient révélateurs de notre glissement dans une société décadente, que j’ai décortiqués, m’appuyant sur une bibliographie, sans aucun doute en partie orientée, mais dont les auteurs sont reconnus pour le sérieux de leurs travaux. Naturellement, ces thèmes se recoupent, ainsi immigration, islam, terrorisme, vivre-ensemble sont traités séparément, mais il ne surprendra personne qu’ils ont un lien plus qu’évident. Plus que nos ennemis clairement déclarés, j’ai voulu dénoncer les traîtres à notre nation et à notre civilisation, ceux qui nous livrent à l’ennemi et musèlent notre parole. Mon propos peut sembler pessimiste, j’en conviens, mais je crois quand même qu’un sursaut, une saine réaction se fera jour. En tout cas, je l’appelle de mes vœux.

Pourquoi avoir choisi ce titre ?

Évoquer la chute d’un empire, c’est faire référence à la fin d’un monde et à l’entrée dans une période de chaos dont nul ne sait ce qu’il va en sortir. « L’empire occidental » n’est pas l’empire romain, ni l’empire des Tsars, il n’a pas d’unité politique, son emprise est essentiellement culturelle, scientifique, technique et financière. Il s’est imposé au monde il y a environ cinq siècles et s’est considérablement affaibli depuis un demi-siècle, un affaiblissement moral qui m’a fait penser à la lente agonie de Rome, d’où ce titre.  

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Quel est votre avis sur la crise actuelle ?

Si on évoque la crise sanitaire qui a mis le pays en panne et provoqué une panique aussi généralisée qu’irrationnelle, je crois qu’elle a révélé beaucoup de choses inquiétantes. Non que le danger vienne d’un quelconque virus, créé artificiellement ou non, chinois ou non. La maladie, les épidémies et la mort sont le lot de l’humanité et il faut nous y résigner. Le plus inquiétant, c’est la facilité avec laquelle les lobbies mondialistes qui nous dirigent ont pu exercer leur mainmise sur l’opinion. Ce test grandeur nature démontre comment on peut imposer une dictature parfaite, rapidement et sans avoir recours à la violence. L’appui des médias et un semblant de caution scientifique suffisent à neutraliser toute opposition, la peur suffit à faire taire les plus récalcitrants. Nul doute que cette expérience réussie d’asservissement va servir à des fins inavouables. Nous devons nous y préparer

La chute de l'empire occidental, Michel Vial, Les Bouquins de Synthèse nationale, collection "Idées", 130 pages, 18 euros (+ 5 euros de port).

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Bulletin de commande 

Eric Vanneufville : « L’abbé Gantois appréciait les qualités humaines de l’abbé Perrot »

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Flandres/Bretagne:

Eric Vanneufville : « L’abbé Gantois appréciait les qualités humaines de l’abbé Perrot »

[Interview]

Ex: https://www.breizh-info.com

Eric Vanneufville, issu d’une famille ancrée au cœur de la Flandre, déjà auteur de plusieurs livres sur l’histoire de sa contrée, vient de sortir une biographie de l’abbé Gantois, prêtre de Flandre française et surtout nationaliste flamand et néerlandophone, mort en 1968. Ce sont les éditions Yoran Embanner qui permettent de découvrir une figure majeure du nationalisme flamand du XXe siècle.

Condamné par la justice française en 1946, l’abbé Gantois fût considéré comme traître à la patrie. Or l’Abbé Gantois, en tant que nationaliste flamand, était anti-français, considérant que la France était la puissance occupante responsable de la division de la Flandre en deux États par une frontière artificielle. Pendant l’Occupation, il a donc eu une position pro-allemande, du fait de son pangermanisme.

Durant l’entre-deux-guerres, Gantois fut secrétaire général et véritable leader du Vlaamsch Verbond van Frankrijk (Ligue des Flamands de France). Cette biographie est l’œuvre d’un historien flamand, elle est donc à charge et à décharge laissant au lecteur le choix de son opinion.

« L’analyse pertinente produite par Éric Vanneufville est l’histoire d’un homme, dénué de culture et d’analyse politiques, qui a placé son amour passionné et idéaliste, voire mystique dans sa patrie flamande. Dommage qu’il ait vécu cette période de l’Histoire du XXe siècle qui l’a broyé » écrit l’éditeur.

L’Abbé Gantois, Eric Vanneufville, Yoran Embanner, 10 € (à commander ici).

Breizh-info.com : Pourquoi avez-vous souhaité écrire sur l’Abbé Gantois ? Pouvez-vous nous le présenter rapidement ?

Eric Vanneufville : J’ai souhaité écrire sur Gantois car plus de 70 ans après les années de l’occupation allemande du nord de la France, il n’existait pas de présentation la plus véridique possible et pour le grand public, de l’abbé dans ses différents aspects.

L’abbé Gantois, né en 1904, était un prêtre de Flandre de France, d’une famille de Watten. Érudit, il réalisa très vite que sa Flandre française n’était que la partie méridionale de l’ancien comté de Flandre, lui-même intégré aux 17 provinces des Pays-Bas de l’empereur Charles Quint. Il insista donc sur l’aspect « Néerlande » de la Flandre des bouches de l’Escaut aux collines d’Artois, ainsi que, de façon plus contestable, sur les fondements germaniques d’une grande partie de la Picardie.

Entraîné par le pangermanisme dans lequel il inscrivit son action, il s’affirma partisan de la refonte des régions et États d’Europe sous la domination germanique du IIIème Reich, sans toutefois sombrer dans le nazisme. De ce fait, il fut jugé et condamné après guerre. Il resta bien considéré en certains cercles de Flandre Belge mais en Flandre de France il fut déconsidéré, ce qui handicapa pendant longtemps tout mouvement flamand régionaliste.

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Breizh-info.com : Qu’est-ce que le nationalisme flamand qu’il prônait ?

Eric Vanneufville : Le nationalisme flamand doit être selon l’abbé Gantois ancré dans ses racines, y compris ethniques mais aussi chrétiennes, populaires et sociales et ne pas rejeter la Flandre de langue française ou picardisante (Lille, Douai).

Bien dans son temps des nationalismes des années 30, Gantois affirma des convictions racistes, en considérant que c’étaient la race et le sang qui décidaient.

Cela lui permit de préciser que dans les régions autrefois de langue germanique ou de peuplement flamand, basé sur les tribus franques ou saxonnes ou frisonnes, la francisation ultérieure ne gommait pas le caractère ethnique fondamental : ces francophones demeuraient germains et flamands par la race et le sang, lesquels expliquaient l’unité culturelle traditionnelle des Pays-Bas français, jusqu’à la Somme.

Même en France en la seconde moitié du XXe siècle, il y eut chez un petit nombre de régionalistes, plutôt à droite, une référence révérencieuse à « l’abbé », personnage devenu quasi mythique. Évidemment, pendant longtemps cela découragea les idéologues de gauche de soutenir les régionalistes flamands. La situation n’évoluera que peu avant 1980, plus de 10 ans après le décès de Gantois en 1968 à Watten alors qu’il n’était déjà plus vraiment actif au titre du mouvement flamand.

Breizh-info.com : Il n’y a pas de bibliographie à la fin de votre ouvrage. Est-ce un parti pris de votre part ?

Eric Vanneufville :  J’ai préféré citer les ouvrages essentiels permettant de l’approcher dans les notes, références et citations indiquées dans le corps même de l’ouvrage.

Breizh-info.com : L’abbé Gantois en Flandres, l’abbé Perrot en Bretagne. Même époque, mêmes fonctions. Quelles similarités ? Quelles différences ?

Eric Vanneufville : C’est l’un des aspects les plus difficiles à cerner. Gantois était persuadé que, pour connaître quelque chance de succès, les mouvements régionalistes de France devaient être unis chez eux et solidaires entre eux. Il s’y ajouta une certaine empathie de Gantois envers Perrot dont il appréciait les qualités humaines.

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Breizh-info.com : Quel héritage a laissé, aujourd’hui encore, l’abbé Gantois aux Flamands ? Comment se fait-il qu’il soit finalement assez méconnu, voir pas connu du tout ?

Eric Vanneufville : Gantois en France est soit méconnu, soit présenté négativement, au détriment du régionalisme encore à présent, en particulier eu égard à la période de l’occupation allemande. En Flandre belge, il jouit encore d’une certaine aura.

Propos recueillis par YV

Photo d’illustration : DR
[cc] Breizh-info.com, 2020, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine – V

mercredi, 10 juin 2020

Jean-François Gautier : « Les vieux polythéismes fourmillent de récits merveilleux, d’expériences oubliées de la vie en société »

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Jean-François Gautier : « Les vieux polythéismes fourmillent de récits merveilleux, d’expériences oubliées de la vie en société »

Ex: https://www.breizh-info.com
Notre collaborateur Jean-François Gautier vient de publier un petit livre intitulé À propos des dieux. Il y vante les tours et détours de sagesses antiques, helléniques pour l’essentiel. Ancien disciple de l’historien et philosophe Lucien Jerphagnon, il pratique ces mondes anciens de longue date, par éducation et par passion. Mais en quoi des références aussi surannées sont-elles branchées sur l’actualité ? En quoi permettent-elles de l’éclairer, de mieux la comprendre, d’en analyser le devenir ? C’est ce que nous sommes allés lui demander.

Breizh-info.com : Pourquoi publier, en 2020, un livre sur les religions antiques ? N’est-ce pas de l’érudition gratuite, et donc inutile selon les critères de l’heure ?

Jean-François Gautier : Plus que sur des religions, ce livre porte sur des religiosités anciennes, sur leurs manières de considérer le monde de plusieurs points de vue associés, l’un et le multiple, le proche et le lointain, l’ici et l’ailleurs, etc. Les vieux polythéismes fourmillent à ce propos de récits merveilleux, d’expériences oubliées de la vie en société. Nous pouvons y réapprendre à vivre mieux, ce qui, dans nos périodes et nos sociétés troublées, est un objectif plutôt réjouissant, du moins me semble-t-il.

ulysse.jpgBreizh-info.com : Mais pourquoi opérer aujourd’hui un tel détour par des représentations qui, quoi qu’il en soit, sont terriblement datées ?

Jean-François Gautier : Tout simplement parce que nos sociétés vont y être portées, durablement, plusieurs générations durant, au moins jusqu’à la fin de ce siècle. L’affaire de la covid-19 est un épiphénomène, grave et bouleversant, certes, mais, couplée à la crise des équilibres énergétiques et environnementaux, aux malaises de vieilles nations qui ne savent plus ni qui elles sont, ni où aller, elle met nettement en évidence l’impuissance des modèles en cours dans la compréhension de l’état du monde et des relations interétatiques, ou plus simplement dans l’éclairage du labyrinthe des relations interhumaines. Tout ce qui tourne autour de l’égalité universelle, de l’équivalence des êtres, des lieux, des cultures, des compétences ou des ambitions, tous ces moteurs de représentations en usage depuis plus de deux siècles, voilà qui a irrémédiablement et définitivement fait faillite.

Breizh-info.com : Encore faut-il le prouver…

Jean-François Gautier : Qu’une partie de la planète, sauf l’Asie, l’Afrique, l’islam ou Israël, mette un genou pénitentiel en terre pour symboliser un problème de police regardant les États-Unis seulement, et là-bas la seule ville de Minneapolis, voilà qui illustre la force et les limites des propagandes en cours en faveur de l’universel. De tels matraquages des consciences touchent à leur fin, par épuisement de leurs significations ordinaires, pratiques, quotidiennes. À quoi servent de telles mises en scène ? Sincèrement, à rien. Et ce rien commence à devenir évident, perceptible par chacun, et pour cela haïssable. Tous nos référents habituels vont en être bouleversés, et pour très longtemps. Il faut dès maintenant s’apprendre à nous représenter autrement nos situations collectives. Et l’esprit des anciens polythéismes peut nous y aider.

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Breizh-info.com : En quoi des références à Dionysos ou Apollon peuvent-elles aider qui que ce soit ?

Jean-François Gautier : Ce ne sont pas ces dieux-là en particulier qui sont de bon secours. Ils sont morts de longue date. Les polythéismes relèvent d’autres critères que les personnalités de dieux spécifiques. Ce sont des phénomènes religieux qui, jusque dans des époques pas si lointaines, ont transmis ou transmettent d’autres expériences humaines, vécues autrement. Ils permettent par exemple de baliser l’espace des représentations. Voilà un demi-siècle, les cultes aux Vierges de Lourdes en France, de Częstochowa en Pologne ou de Fátima au Portugal étaient très actifs. De tels cultes réapparaissent. Il est dérisoire de s’en moquer ou d’en caricaturer la naïveté. Ces références aux figures originelles des déesses-mères signifient que les mentalités ordinaires ont à nouveau besoin de se confectionner des intermédiaires entre les difficultés ou les détresses d’aujourd’hui, et l’inconnu de lendemains qui n’attirent guère. L’anxiété moderne, elle se raconte là tout entière, et elle cherche des voies de secours entre la pitié à l’égard de ceux qui souffrent de ne pas comprendre où nous allons collectivement, et la piété à l’égard de l’inconnu des lendemains.

Breizh-info.com : Ce fut ainsi dans toutes les époques troublées, non ?

Jean-François Gautier : Oui et non. Il y eut, après la Seconde Guerre mondiale, des mouvements d’espérance dans des lendemains qui chantaient. Ces mouvements politisés ont fait faillite avec l’URSS en 1991. La croyance moderne en l’universalité de solutions planétaires, disons « américanomorphes », ne passe pas mieux la rampe. Il est aujourd’hui évident que les crissements du devenir pèsent plutôt en faveur d’inquiétudes grandissantes. Et ce sont elles qui vont mener petit à petit nos sociétés vers des reterritorialisations essentielles. Tout un chacun vit mal dans l’universel. Nous allons avoir besoin de nous regrouper sur nos territoires premiers, communes, cantons, villes moyennes. Les représentations polythéistes délivrent à ce propos des monceaux d’expériences utiles et profitables. Il suffit d’apprendre à les lire.

Breizh-info.com : Mais en quoi les anciens dieux peuvent-ils s’opposer, par exemple, aux menées islamiques ?

Jean-François Gautier : Il ne faut pas poser le problème à l’envers. Les mouvements de reterritorialisation que nous allons connaître vont remettre au centre des soucis collectifs ce que les anciens appelaient l’oïkos, le bien commun, terme dont nous tirons en français celui d’économie. Autour d’un bien commun, considéré comme partagé sur un territoire donné, s’opéreront de nouveaux regroupements, d’autres redistributions des urgences. L’islam est une religion de l’universel ; elle sera marginalisée, voire maudite quand le souci du bien commun sur un territoire donné aura repris son caractère premier. Il y aura des transferts dans les représentations, qui ne se feront pas en faveur des universalistes de tout poil, au contraire. Le problème, disons, ethnique, sera dépassé en direction d’autres urgences, dont celles de se reconnaître entre soi autour d’un même bien commun, et sur un même territoire. Les critères d’appréciation des conduites, et donc des collectivités, vont changer du tout au tout.

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Breizh-info.com : Et vous imaginez tout cela sans levées de boucliers de la part des humanistes bien en cour aujourd’hui, ceux qui, précisément, vendent par Internet tout un universel frelaté ?

Jean-François Gautier : Évidemment non. Ce qui signifie que toute société vit de conflits et qu’elle s’apprend à les surmonter. Il y aura probablement de graves affrontements, notamment dans ce qui est nommé « les quartiers », qui sont des zones non pas de « non-droit », comme disent les chaisières, mais plus simplement d’illégalité. La référence partagée au bien commun demandera des comptes à des gens qui profitent de logements pour lesquels ils n’ont rien donné de travail, et auprès desquels l’eau, le gaz et l’électricité gratuits peuvent être coupés à chaque instant, tout comme les voies d’accès. Rien de cela ne se fera sans violences, mais la remise à l’heure de rapports harmonieux entre collectivités est à ce prix. Cela posé, quand les enjeux seront clairs, plutôt que masqués par des subventions idiotes, et donc injustes, les choix tactiques ou stratégiques des uns et des autres seront évidemment mieux orientés, et moins violents.

Breizh-info.com : Pour revenir à la matière de votre livre, que nous disent les vieux polythéismes à ce propos ?

Jean-François Gautier : Ils nous enseignent que nous vivons dans un monde sans signification préalable ni salut assuré. Le devenir, l’histoire à faire, tout cela relève d’inconnues qu’il nous faut explorer et apprivoiser. Voilà qui rend à la fois prudent et audacieux. Nous avons à construire un monde dont nous savons surtout qu’il sera ce que nous sommes capables d’en faire. L’incompétence individuelle ou collective n’est plus de mise, à moins de choisir de disparaître. Mais il y a assez de volontaires dans les jeunes générations pour compenser la lourdeur de l’immense majorité des flemmards attentistes. C’est évidemment par ceux-là, par les plus désintéressés, que l’ardeur deviendra action.

Breizh-info.com : Alors, vive Apollon ?

Jean-François Gautier : Pas lui particulièrement, ni un autre. Les polythéismes ne sont pas des affaires d’identité de dieux particuliers, mais de relations dynamiques entre des pôles d’action différents. C’est ce que le vieux grec nommait la diasthèma, un mot qui signifie à la fois la tension et la polarisation, mais aussi le mouvement et l’écoulement. Le monde des dieux, c’est celui des tensions, c’est-à-dire de la mise en mouvement des êtres et des collectivités. Après le confinement sanitaire, après tant de confinements de toute sorte sous l’orbe d’une paralysie absurde, celle d’un universel faussement protecteur, nous voilà contraints à la mise en mouvement. C’est sans doute ce qui pouvait nous arriver de mieux.

Propos recueillis par YV

Jean-François Gautier, À propos des dieux. L’esprit des polythéismes, La Nouvelle Librairie Éditions, 68 pages, 7 euros (commander ce livre).

Illustration : Poséidon assis, Apollon et Artémis, par Phidias, frise orientale du Parthénon. DR
[cc] Breizh-info.com, 2020, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine – V

mardi, 09 juin 2020

En 1960, Aldous Huxley interviewé en français par Hubert Aquin

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En 1960, Aldous Huxley interviewé en français par Hubert Aquin

Rencontre exceptionnelle avec Aldous Huxley qui parle en français de ses débuts comme écrivain, des auteurs littéraires qui l'ont influencé, de son expérience de la drogue et des effets de celle-ci sur l'esprit, de son intérêt pour la psychiatrie et de ses projets littéraires. Il commente son volume, "Le Meilleur des mondes ", et donne son opinion sur la technologie moderne, la télévision et la surpopulation.
 
 
Source : Premier Plan, 12 juin 1960
Journaliste : Hubert Aquin
Animateur : Raymond Charette
Encore plus de nos archives : https://ici.radio-canada.ca/archives/...

mardi, 02 juin 2020

Long entretien avec Mathieu Bock-Côté sur sa vision de l'éducation, l'assimilation, la culture

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Long entretien avec Mathieu Bock-Côté sur sa vision de l'éducation, l'assimilation, la culture

 
Mathieu Bock-Côté a accordé une interview exclusive à Educ'France : Une leçon aussi édifiante qu'elle est porteuse d'espoirs.
 
Propos recueillis par Axelle Girard
 
1/ Vous êtes un auteur prolifique, et avez choisi d’inscrire votre action au cœur de plusieurs champs, parfois jugés incompatibles – à tort d’ailleurs. Comment définiriez-vous votre action ; êtes-vous d’abord un militant, un chercheur, un enseignant ou tout à la fois ?
 
Comme sociologue (j’enseigne à HEC Montréal) et comme chroniqueur (Journal de Montréal et Figaro). Je me suis toujours intéressé, à travers mes livres, à la configuration de l’espace public en démocratie. À quelles conditions peut-on y avoir accès ? À partir de quels critères peut-on y être reconnu comme un interlocuteur légitime ? En d’autres termes, c’est la question de la légitimité qui m’obsède. C’est ce qui m’a amené à m’intéresser à ce qu’on pourrait appeler la grande mutation idéologique occidentale engagée à partir des années 1960. Nous vivons aujourd’hui sous le régime diversitaire, qui prétend donner la seule interprétation possible de l’expérience démocratique – alors qu’à mon avis, il la dénature. Je m’intéresse beaucoup à la manière dont le régime diversitaire se représente ses adversaires et ses ennemis. C’est ce qui explique notamment mon intérêt pour le conservatisme, et plus largement, pour les différentes formes de dissidences au sein de la modernité. Car si la modernité émancipe l’homme, elle le mutile aussi, et il faut prendre la révolte contre cette mutilation au sérieux. La modernité porte aussi en elle une tentation totalitaire, et il vaut la peine, encore aujourd’hui, de voir de quelle manière elle s’actualise pour mieux y répondre. Au nom de quoi les hommes ont-ils résisté au totalitarisme, au siècle dernier, et au nom de quoi pourraient-ils y résister, aujourd’hui ?
 
Pour ce qui est de mon travail de chroniqueur, il consiste essentiellement à penser l’histoire qui se fait, pour le dire avec les mots de Raymond Aron. J’essaie, à travers mes chroniques, de décrypter l’époque derrière l’actualité, de situer les événements dans un contexte plus large pour les rendre intelligibles, en dévoilant dans la mesure du possible leur épaisseur historique et sociologique. Suis-je militant ? Je ne le crois pas. Je tiens beaucoup trop à ma liberté intellectuelle pour me définir ainsi. Cela dit, je suis militant d’une cause, une seule, mais qui me tient à cœur plus que tout : l’indépendance du Québec.

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2/ Comme étudiante en administration publique, j’ai lu vos travaux sur le multiculturalisme assimilé par vous à une religion. Et je vous rejoins presque systématiquement mais, au fond, j’ai envie de vous demander pourquoi la France a échoué à imposer l’assimilation ?
 
Il y a des raisons internes et externes à cela. Parmi les premières, on trouve la mise en place d’un dispositif politico-médiatique inhibiteur qui se réclame de l’antiracisme mais qui a véritablement eu pour fonction, depuis 40 ans au moins, de faire le procès de la nation : ceux qui résistaient à cette dénationalisation de la France étaient disqualifiés moralement, extrême-droitisés, fascisés, nazifiés, même. Ils étaient ostracisés, traités en paria. Le progrès des sociétés était associé à leur dénationalisation. La nation devenait une référence au mieux vieillotte, au pire maudite, et qui s’en réclamait risquait une très mauvaise réputation. La référence nationale a été refoulée dans les marges de la cité ou ne survivait dans le discours public que dans sa forme la plus diminuée.
 
À travers tout cela, la définition de la nation n’a cessé de s’affadir : on a cessé de parler de la France comme une réalité historique et substantielle, pour la définir exclusivement à travers des valeurs républicaines, certes honorables et admirables et auxquelles je tiens comme tout le monde, mais qui ne la caractérisent pas. À ce que j’en sais, la démocratie, l’égalité, la justice sociale ne sont pas exclusives à la France. En fait, les références incandescentes à la République ont de plus en plus servi à masquer la désubstantialisation de la nation, comme si la première devait finalement se substituer à la seconde.
 
1601450_452998644801297_243350480_n.jpgC’est dans ce contexte que la France est ainsi passée de l’assimilation à l’intégration à la «société inclusive». Elle a suivi son propre chemin vers le multiculturalisme, même si le corps social y résiste, tant les mœurs françaises demeurent vivantes. La définition de l’identité nationale tend à se retourner contre les Français, dans la mesure où on leur reproche de verser dans la crispation identitaire et la xénophobie dès qu’ils refusent de pousser plus loin leur conversion au multiculturalisme qui repose, je l’ai souvent dit, sur l’inversion du devoir d’intégration.
 
Dans la logique du multiculturalisme, ce n’est plus au nouvel arrivant de prendre le pli de la société d’accueil mais à cette dernière de transformer ses mentalités, sa culture, ses institutions, pour accommoder la diversité – l’islamisme, nous le savons, verra là une occasion de faire avancer son programme politique, en le formulant dans le langage du droit à la différence. Et plus la France est pénitente, honteuse d’elle-même, occupée à s’excuser dès qu’on l’accuse de quelque chose, moins elle est attirante, évidemment. Il est difficile d’aimer un pays qui maudit ses héros et veut les faire passer pour des monstres. L’État lui-même, perdant confiance en sa légitimité, a progressivement renoncé à assimiler en ne posant plus la culture française comme culture de convergence : elle ne devenait, en France, qu’une culture parmi d’autres, devant renoncer à ses «privilèges» historiques pour qu’advienne le vivre-ensemble diversitaire. Autrefois, plus on envoyait des signes ostentatoires d’assimilation ou d’intégration, plus on avant de chance de profiter des avantages de la coopération sociale. Il n’en est plus ainsi puisque les mécanismes sociaux poussant à l’assimilation sont désormais diabolisés au nom d’une fantasmatique «lutte contre les discriminations». D’ailleurs, l’État n’ose même plus défendre les frontières, au point de célébrer ceux qui ne les respectent pas au nom d’une conception particulièrement dévoyée de la fraternité.
 
On mentionnera aussi la dynamique de l’individualisme propre à toutes les sociétés modernes, mais qui s’est radicalisée avec les années 1960 et qui pousse l’individu à se désaffilier du cadre national comme si ce dernier était écrasant, étouffant, illégitime. Cette dynamique pousse à la désassimilation de la population française historique – et de toutes les populations occidentales, évidemment. L’individu ne se voit plus comme un héritier : il en vient même à rêver à son autoengendrement. Le progressisme contemporain déréalise l’individu et l’arrache aux appartenances les plus fécondes : il le décharne en croyant l’émanciper. Il le condamne pourtant à la nudité existentielle.
 
C’est ainsi qu’on doit comprendre la fameuse théorie du genre qui pousse l’individu à vouloir s’autodéterminer au point de choisir lui-même son propre sexe, s’il s’en choisit un, parce qu’il peut aussi avoir la tentation de demeurer dans un flux identitaire insaisissable : c’est la figure du queer, associée, par ses promoteurs, à une forme d’émancipation absolue, la subjectivité ne se laissant plus instituer et se définissant exclusivement sous le signe de la volonté et de l’auto-représentation. Qui questionne cette théorie est immédiatement accusée de transphobie, comme s’il fallait bannir intégralement ce qu’on pourrait appeler l’anthropologie fondatrice de la civilisation occidentale. L’être humain ne naît plus homme ou femme, apparemment : par décret théorique, on abolit l’humanité réelle pour en fantasmer une nouvelle, fruit d’un pur modelage idéologique.
 
therapos.jpgLe réel est condamné, proscrit, maudit : le réel est réactionnaire. Mais puisque le réel résiste, il faut toujours plus loin l’entreprise de rééducation des populations, qui ne parviennent pas à voir leur réalité à travers les catégories privilégiées dans les sciences sociales universitaires. L’État social se transforme alors en État-thérapeutique qui multiplie les campagnes de sensibilisation à la différence et à la diversité, pour neutraliser ce qui, dans la population, la pousse à ne pas s’enthousiasmer pour cet univers orwellien.
 
Cela dit, l’individu ne peut pas durablement vivre dans un monde aussi mouvant, donc il en vient à se replier sur des identités de substitution paradoxalement bien plus contraignantes que l’identité nationale. On constate aujourd’hui, par exemple, une remontée du racialisme, qui vient essentiellement de la gauche, et qui cherche à relégitimer un concept régressif, la race, que nos sociétés avaient travaillé à neutraliser depuis plusieurs décennies. Ne soyons pas surpris : dès le début des années 1990, les plus lucides le disaient déjà, si vous renoncez à la nation, vous aurez pendant un temps l’individu, mais très vite, vous retomberez vers la tribu.
 
Quant aux facteurs externes, j’en identifierais rapidement quatre.
 
Il faut d’abord mentionner l’américanisation des mentalités, qui déstructure l’imaginaire national en imposant un univers conceptuel absolument étranger à l’histoire française, qui la rend inintelligible aux nouvelles générations. On le voit avec la promotion délirante d’un racialisme venu tout droit des universités américaines et qui pousse à la tribalisation des appartenances. Ce racialisme déstructure profondément les rapports sociaux. La France en vient à ne plus comprendre ses propres mœurs et intériorise, du moins dans son appareil médiatique, la critique de l’intelligentsia anglo-saxonne, qui la présente comme une Union soviétique bulldozant ses minorités. La gauche radicale universitaire et les mouvements sociaux qui s’en réclament jouent un grand rôle dans cette américanisation, et pas seulement le capitalisme, comme on a tendance à le croire. Le commun des mortels résiste à cette dynamique, mais il y résiste peut-être de moins en moins.
 
La mondialisation, aussi, transforme les conditions mêmes de l’existence des sociétés. Il n’est plus nécessaire de s’assimiler pour fonctionner en société. Les métropoles et leurs banlieues connaissent une hétérogénéité identitaire de plus en plus marquée et la révolution technologique permet de vivre dans une société sans vraiment chercher à y appartenir, en continuant d’habiter mentalement son pays d’origine. On ne saurait sous-estimer les effets politiques de cette dynamique sociologique qui devrait nous amener à examiner avec lucidité ce qu’on pourrait appeler nos capacités d’intégration comme société.

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La construction européenne, aussi, qui n’a pas grand-chose à voir avec la civilisation européenne, et qui a même tendance à se construire contre elle, a contribué à disqualifier la référence nationale, en la décrétant inadaptée aux temps nouveaux. L’UE prétendait transcender les nations en les invitant à constituer politiquement la civilisation européenne : en fait, elle s’est construite contre la civilisation européenne, en la vidant de son épaisseur historique. On se rappellera son refus de reconnaître ses racines chrétiennes. La souveraineté nationale était jugée réactionnaire, et ceux qui la défendaient passaient pour les nostalgiques du nouvel ancien régime, centré sur la figure de l’État-nation. L’européisme s’accompagnait aussi d’un discours sur la mondialisation où l’intérêt de l’humanité était associée au mouvement perpétuel – Taguieff a parlé pour cela de bougisme. La mode, il y a quelques années encore, était à la déterritorialisation des appartenances et aux identités hybrides, engendrées par des métropoles mondialisées, se présentant comme tout autant d’espaces privilégiées pour favoriser le déploiement du régime diversitaire.
 
Il faut aussi parler de la pression migratoire. L’historien québécois Michel Brunet disait que trois facteurs pesaient dans le destin des civilisations : le nombre, le nombre, et encore le nombre. L’immigration massive déstructure profondément les sociétés qui la subissent. Le phénomène n’est pas nouveau : il se déploie depuis plusieurs décennies, même si le maquillage de la réalité par une démographie lyssenkiste a tout fait pour en minimiser la portée. Ou alors, on présente les grandes migrations d’aujourd’hui comme des flux démographiques naturels appartenant aux lois de l’histoire, auxquels on ne pourrait rien faire. On joue du droit, de l’histoire et de la statistique pour faire croire que ce qui arrive n’arrive pas et les médias, trop souvent, participent à ce recouvrement idéologique de la réalité.
 
Plus encore, ils jouent un rôle central dans cette négation du réel. Nous vivons une forme d’écartèlement idéologique : la mutation démographique des sociétés occidentales est reconnue lorsqu’il faut la célébrer, mais niée lorsqu’on pourrait être tenté de la critiquer. Les tensions associées à cette société fragmentée sont constamment relativisées. Lorsque le réel pèse trop fort, on le maquillera ou on le traitera sur le mode du fait divers : on se souvient tous du traitement des agressions de Cologne, en 2016. On pourrait évoquer bien d’autres exemples, plus récent, mais celui-là est resté dans nos mémoires. Sur le fond des choses, l’immigration massive tend progressivement à rendre de plus en plus difficile l’assimilation et favorise plutôt la constitution de communautés nouvelles, qui se définissent à travers l’action d’entrepreneurs idéologiques associés à la mouvance indigéniste et décoloniale, comme des victimes intérieures de la communauté nationale.
 
81fWtW5Z5BL.jpgLa laïcité française est ainsi présentée comme une forme de néocolonialisme intérieur destinée à étouffer les populations immigrées. Amusant paradoxe : autrefois, le colonialisme consistait à imposer sa culture chez les autres, aujourd’hui, cela consiste à imposer sa propre culture chez soi. Les nations occidentales sont expropriées symboliquement de chez elles, et lorsqu’elles protestent contre cette dépossession, on juge qu’elles basculent dans le suprémacisme ethnique. On leur explique que leurs racines ne comptent plus : nous sommes tous des immigrants, telle est la devine du régime diversitaire. L’histoire nationale est appelée à se dissoudre dans la mystique diversitaire : tel était le projet qui animait, il y a quelques années, l’ouvrage L’histoire mondiale de la France. Le régime diversitaire cherche alors à imposer de toutes les manières possibles la fiction du vivre ensemble, quitte à devenir de plus en plus autoritaire dans la maîtrise du récit médiatique pour éviter que des voix discordantes ne viennent troubler la fable de la diversité heureuse. Il cherche à contrôler les paroles dissidentes au nom de la lutte contre les propos haineux, mais on comprend qu’à ces derniers sont assimilées toutes les critiques du progressisme.
 
3/ Parlons d’école : quelles grandes similitudes voyez-vous entre le combat pour la liberté scolaire en France et au Québec ?
 
La question de l’autonomie scolaire me semble moins centrale, si je puis me permettre, que celle de la soumission du ministère de l’Éducation, chez nous, mais aussi, je crois, chez vous, à un pédagogisme débilitant qui a progressivement sacrifié les savoirs – j’ajoute toutefois que le phénomène est allé beaucoup plus loin de notre côté de l’Atlantique que du vôtre, où survit encore une conception exigeante de la culture.
 
Cela dit, dans toutes les sociétés occidentales, une forme d’égalitarisme a poussé à la déconstruction de la culture parce qu’elle est verticale, et censée légitimer, dans l’esprit de ses détracteurs, certains mécanismes de reproduction sociale au service d’une élite masquant ses privilèges ses références culturelles. Alain Finkielkraut, dans La défaite de la pensée, et Allan Bloom, dans L’âme désarmée, ont analysé et critiqué ce discours dès la fin des années 1980. L’école ne devait plus transmettre le monde mais le recommencer à zéro : l’héritage était réduit à un stock de préjugés condamnables.
 

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Par ailleurs, le pédagogisme a voulu transformer l’école en laboratoire idéologique devant moins transmettre un patrimoine de civilisation que fabriquer à même les salles de classe une société nouvelle, dans la matrice du progressisme contemporain. Le pédagogisme invite moins à admirer et explorer les grandes œuvres, par exemple, qu’à les démystifier pour voir comment elles sont porteuses d’intolérables préjugés comme le racisme, la xénophobie, l’homophobie, la transphobie, la grossophobie, et ainsi de suite. Et cela quand on leur parle de ces œuvres. Car l’élève est aussi invité à exprimer son authenticité et à construire lui-même son propre savoir : c’était la lubie du socio-constructivisme. Le ministère de l’Éducation déséduque, ce qui ne veut pas dire, évidemment, qu’on ne trouve pas des milliers de professeurs compétents qui résistent à la bureaucratie pédagogique et qui cherchent à assumer pleinement, et de belle manière, leur fonction.
 
Dans un monde idéal, il faudrait transformer complètement le logiciel dominant le système éducatif. J’aimerais y croire, mais j’y crois de moins en moins. L’appareil administratif de nos sociétés est de plus en plus difficilement réformable. Si je suis favorable, de plus en plus, à une certaine autonomie scolaire, c’est justement parce qu’il me semble nécessaire de créer des oasis de culture, je dirais même, des oasis de civilisation, où il sera possible de résister au pédagogisme au nom d’une conception élevée de notre patrimoine à transmettre. La dissidence peut constituer, aujourd’hui, à transmettre notre patrimoine de civilisation, tout simplement.  [Note du carnet: Une saine évolution de la pensée de Bock-Côté, plus réaliste devant la force de l'appareil pédagogiste.]
 
4/ Un système scolaire “fédéral”, ou décentralisé, fonctionne-t-il nécessairement mieux que celui dont nous faisons l’expérience ici, en France ?
 
Permettez-moi de corriger un peu votre perception des choses. Au Canada, l’éducation est une compétence provinciale et non pas fédérale. C’est une nécessité vitale, pour tenir compte de la diversité profonde du pays, qui trouve son origine dans les revendications, en 1867, au moment de la création de la fédération, des Canadiens-français qui voulaient administrer leurs propres institutions scolaires dans la province de Québec où ils formaient une majorité.
 
C’était, en quelque sorte, une concession culturelle accordée aux francophones alors que les élites anglaises qui fondèrent le pays rêvaient d’un État unitaire sous le signe de l’anglo-conformité. Pour les francophones, c’était évidemment une question de survie culturelle. Mais à l’intérieur même du Québec, nous avons un système scolaire très centralisé, qui tourne autour du ministère de l’Éducation. Il s’est développé comme tel depuis les années 1960, avec ses grandeurs et ses misères. Il a permis à tout un peuple d’accéder à l’éducation [Note du carnet: il aurait eu accès à l'éducation sans le monopole de ce ministère, c'était en bonne voie dans les années 50], et à une société d’opérer un formidable rattrapage collectif, mais il a sacrifié, au même moment, les humanités classiques qui autrefois, étaient au cœur de la formation des élites.
 
5/ Quel est votre avis sur l’utilité, et l’intérêt des nouvelles technologies éducatives ?
 
En gros, je m’en méfie. Je veux bien croire qu’en période covidienne, il faille se tourner vers la béquille technologique pour enseigner à distance, mais la béquille ne devrait pas devenir la norme. Plus exactement, je me méfie de la technicisation de l’enseignement qui s’accompagne, à tout le moins de mon côté de l’Atlantique, d’un rapport de moins en moins intime au monde des livres.
 
Je vois de moins en moins d’étudiants se perdre dans les rayons des bibliothèques universitaires. Souvent, les étudiants souhaitent utiliser exclusivement des ressources disponibles sur internet pour faire leurs travaux de session. L’enseignement est un art et le bon professeur est toujours aussi un peu à sa manière un homme de théâtre, qui transforme sa matière en savoir passionnant, parce qu’il est lui-même passionné par elle. Pour le dire à l’hollywoodienne, il devrait être à lui-même son propre effet spécial et être capable de capter l’attention des élèves.
 

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Mais pour nos pédagogistes, qui reprennent comme d’habitude la rhétorique progressiste, le cours magistral relève d’une conception réactionnaire de l’éducation. Encore ! Je suis effaré par la colonisation de l’école primaire et secondaire, chez nous, par les nouvelles technologies – et plus largement, par la véritable dépendance qu’elles engendrent. L’intelligence capitule devant la facilité technique : on croit plaire aux jeunes alors qu’on les enfonce dans un monde qui les aliène et les aliènera toujours plus. Trop de gens, aujourd’hui, ne peuvent voir le monde qu’à travers un écran et se sentent en détresse quand on les éloigne de leur téléphone portable. L’école ne devrait pas se rallier à ce mouvement mais y résister, en apprenant à ceux qui la fréquentent la valeur de la concentration, du travail de fond, et même, dans les périodes de lecture, du silence. Reste à voir si un tel programme est encore possible dans un monde colonisé par Facebook, Instagram et compagnie.
 
6/ Quelles seraient vos 3 grandes idées pour former les jeunes Français à l’amour et à la défense de leur pays, de son histoire – de toute son histoire – et pour leur donner envie de partir à l’assaut du monde tel qu’il est et qu’il se transforme, loin des tentations nostalgiques ?
 
Trois idées, quatre, cinq, je me vois mal construire ainsi un programme en quelques slogans. Mais je m’y risque ! Il importe d’abord de rompre, mais de rompre très clairement, avec la pensée décoloniale qui s’impose de plus en plus dans l’esprit public et prend une grande place dans l’enseignement universitaire. Le décolonialisme, nous le savons, pousse à la repentance, à la haine de soi, à une relecture diabolisante de l’histoire de France. On doit rompre avec lui si nous voulons renouer avec nos nations. L’enseignement de l’histoire, de ce point de vue, devrait retrouver le sens de la nuance, en restaurant le sens de la complexité historique, en évitant d’en faire un simple affrontement entre le Bien et le Mal. L’existence historique est infiniment plus complexe et il faut se tenir loin de la tentation de l’anachronisme qui nous amène à surplomber les époques passées du haut de nos certitudes actuelles. Il ne devrait pas être interdit, non plus, de célébrer le patriotisme.
 
Il importe aussi, me semble-t-il, de revaloriser ce qu’on appelait autrefois les humanités, qui nous mettent en contact avec les sources de notre civilisation. C’est à travers elle qu’on peut réapprendre à admirer ce qui est admirable.
 
La France doit aussi retrouver confiance en son génie propre. Il y a quelque chose d’un peu triste, peut-être même de lamentable, à voir la France se comporter quelquefois comme le 51e État américain, en cherchant par exemple à s’angliciser à tout prix, comme si la conversion à l’anglais était un gage de modernité. Il y a une universalité de la civilisation française et de la langue française. Quand une partie des élites françaises traitent ce qui est proprement français comme un résidu franchouillard entravant la pleine participation à la mondialisation, elles se retournent en fait contre leur pays.
 
Et permettez-moi enfin de dire un mot sur la nostalgie, qui m’inspire moins de la sévérité que de la tendresse : la nostalgie de nos contemporains se porte moins vers un passé mythifié, vers lequel on aimerait se réfugier pour se mettre à l’abri d’un monde devenu trop froid, qu’elle cherche à nous rappeler que nous avons, en cours de route, certains trésors spirituels et culturels, porteurs d’un rapport au monde qui n’était pas sans valeur, et qu’il n’est pas insensé de chercher à les retrouver.

samedi, 30 mai 2020

La leyenda negra, por Alberto G. Ibáñez

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La leyenda negra, por Alberto G. Ibáñez (1-2)

 
Entrevistamos a Alberto G. Ibáñez, autor del libro "La leyenda negra. Historia del odio a España". Un libro imprescindible para comprender nuestra historia y cómo es tergiversada por enemigos y competidores (también para dominar el "relato" del presente), lo cual entra dentro de lo razonable; pero que desgraciadamente los españoles e hispanoamericanos hemos asumido como verídica. Aunque la entrevista no puede agotar lo aportado y explicado por Alberto G. Ibáñez en su obra "La leyenda negra" (la cual recomendamos no dejen de leer), trata de ser exhaustiva y no dejar sin tocar nada de lo analizado por el autor, siendo así que, debido a su duración, en Cima & Holzenthal hemos decidido mostrársela en dos partes. He aquí la primera parte.
 
 

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Entrevistamos a Alberto G. Ibáñez, autor del libro "La leyenda negra. Historia del odio a España". Un libro imprescindible para comprender nuestra historia y cómo es tergiversada por enemigos y competidores (también para dominar el "relato" del presente), lo cual entra dentro de lo razonable; pero que desgraciadamente los españoles e hispanoamericanos hemos asumido como verídica. Aunque la entrevista no puede agotar lo aportado y explicado por Alberto G. Ibáñez en su obra "La leyenda negra" (la cual recomendamos no dejen de leer), trata de ser exhaustiva y no dejar sin tocar nada de lo analizado por el autor, siendo así que, debido a su duración, en Cima & Holzenthal hemos decidido mostrársela en dos partes. Segunda parte y última.
 

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vendredi, 29 mai 2020

CORONAVIRUS : Quel impact psychologique ? Quelles influences philosophiques ?

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CORONAVIRUS : Quel impact psychologique ? Quelles influences philosophiques ?

Avec Pierre Le Vigan

 
Dernier entretien de la quarantaine pour Le Club du Mercredi. Nous clôturons notre série avec Pierre Le Vigan. Nous abordons ici les conséquences psychologiques du confinement, l'impact que cela a eu sur nos comportements sociaux.
 
 
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mercredi, 27 mai 2020

Entretien avec Arnaud Bordes : « Nous errons sur une errance »

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Entretien avec Arnaud Bordes : « Nous errons sur une errance »

Ex: https://rebellion-sre.fr

Arnaud Bordes, romancier et éditeur avec Alexipharmaque, nous livre son analyse à rebours du confinement.

R/ Quel est ton regard sur la période que nous venons de traverser ? Cela t’inspire dans ton écriture ?

L’impression, bien sûr, d’être dans un livre de Foucault.

Qui remarquait que le développement (ou le simple exercice) de l’Etat passait systématiquement par une affirmation sanitaire : l’enfermement, l’orthopédie généralisée, la maîtrise des corps… etc., tout cela se confondant avec le contrôle des classes dangereuses, elles-mêmes expressément confondues avec les classes laborieuses.

Et qui remarquait aussi que moins un Etat était étendu, ou s’il demeurait des espaces d’illégalités, plus il avait tendance à exercer sa violence, pour compenser, ou pour la justifier. Serait-ce ce que nous avons vécu ? L’Etat a-t-il estimé qu’il était temps de se faire à nouveau valoir, de faire une démonstration ? La crise sanitaire, donc, comme il se doit, en aura été le prétexte et le moyen.

franceeat.gifEt cela s’est en définitive très bien passé. D’une manière générale, on ne s’est pas plaint du confinement : soit donc d’un trop d’Etat. Si on s’est plaint de quelque chose, c’est du manque de masques : soit donc d’un manque d’Etat.

Mais cela n’a pas inspiré mon écriture.

R/ Le développement du contrôle numérique et de l’ingénierie sociale prouve que le système sait très bien se défendre. Quels sont ses points faibles pour toi ?

J’ai tendance à croire que l’Etat se défend moins qu’il ne fait que se développer selon sa propre dynamique (celle-ci deviendrait-elle systémique, excroissante, ubuesque). Il me semble que Hobbes considère l’Etat comme une « personne artificielle ». Aussi on peut penser que l’ingénierie (et la technique) lui seront sans doute avantageuses – et qu’elles en seraient l’essor.

Dès qu’institué, il n’y a peut-être pas de limite à l’Etat. En tant que « personne artificielle » sa seule limite serait son exact contraire : l’état de nature. Etat de nature avec lequel – avec les aléas duquel – nous avons rompu en instituant justement l’Etat, auquel nous avons délégué notre puissance et auquel nous demandons aussi « le soulagement de notre fragilité ». En retour, nous sommes autant de personnes artificielles. Et si on manifeste, il semblerait, à nouveau, qu’on manifeste non pas contre trop mais contre moins d’Etat : délocalisation, concurrence, marché, rentabilité etc. : autant en quelque sorte de laisser-faire, de renvois à une façon d’état de nature. On manifeste moins pour quelque liberté que pour la préservation d’un niveau de vie.

Il n’y a peut-être de liberté que selon et pour l’Etat : l’Etat ne la garantit que pour lui-même (« à l’intérieur par les lois, à l’extérieur par les guerres »). Autrement, elle est optionnelle. Et s’il y a, disons, des espaces de liberté, ils sont moins acquis que tolérés et momentanés.

R/ Les sociétés complexes sont plus fragiles pour toi ?

C’est fort possible, puisque, par principe, plus un système est complexe, plus son entropie est élevée.

Cependant, la seule chose que l’on puisse constater ce sont des turbulences, des catastrophes, de grandes tribulations, alternées de relèvements.

Est-ce à dire alors que notre complexité n’est pas si grande, n’est (encore) que relative, et que son entropie l’est autant ? Ou, au contraire, que notre complexité est telle qu’on pourrait dire qu’elle en est fractale : récurrente, elle se reproduit, se réplique, selon son propre motif, à l’intérieur d’elle-même, quoi qu’il en soit.

Ce n’est qu’une hypothèse.

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R/ Que réveille pour toi l’omniprésence de l’écologie dans le discours ultra-moderne ?

C’est là justement toute l’ambiguïté ou le paradoxe. Au nom de la défense de ce qui lui est contraire, l’Etat, le système, s’organisent davantage et s’augmentent. (A moins que ce ne soit également une manière de faire coïncider l’arbitraire de l’Etat avec l’arbitraire de la nature.)

Dès le 17e siècle, avec l’expansion de l’Etat moderne et de la modernité marchande, on a procédé à la mise en tableaux de toute chose. L’écologie en est probablement une des émanations. Tableaux qui ne sont pas bien sûr des images mais des rapports sociaux et de productions (autrement dit un spectacle), des descriptions comptables : faite de quantités, de classements, de normes, de taxinomies, de statistiques, de prédictions : autant, donc et à nouveau, de moyens de contrôle, qui à leur tour en induisent d’autres : contrôle des comportements, des attitudes, à quoi s’ajoutent des catégories morales : l’écologie serait le sanitaire et l’hygiène aux dimensions de la mondialisation. Une biocratie ?

Spectacle qui passe aussi par l’organisation des loisirs : on se met au vert, dominicalement ou pour les vacances, ou le jardinage ; ou pour le sport, voire même pour le doux frisson de l’aventure, en sachant qu’on pourra, après, se doucher et retrouver l’eau chaude de la civilisation, et pourquoi pas en écrire des livres et passer à la télé. (C’est d’ailleurs peut-être cela l’aventure, un luxe ; un luxe de personnes artificielles, qu’on peut se permettre quand en effet les risques de la nature sont limités. Avant, on n’allait pas l’aventure, on allait à la conquête : de richesses, de territoires – territoires qu’on s’empressait d’ailleurs de cartographier, soit donc d’étatiser…)

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Cela dit, et autrement, l’écologie relève aussi d’une croyance. Celle que le monde est fait pour nous et que nous sommes faits pour lui. On peut le croire, certes. Mais rien ne nous y oblige. On peut alors penser comme Montaigne que « nous sommes là par hasard » ; là sur une planète qui, comme l’indique son étymologie, n’a d’autre qualité que d’errer, au hasard. Nous errons sur une errance.

Et puis la nature se soucie-t-elle que nous soyons ou pas vertueux, ou que nous la respections ? D’autant qu’elle semble très capable de s’anéantir elle-même, avec ou sans notre concours. Pourquoi ? Parce qu’elle-même n’aurait pas de finalité particulière, ni ne serait intangible, ni nécessaire, qu’elle ne serait qu’un phénomène parmi d’autres, dans l’espace et le temps. Pascal disait : « J’ai grand peur que cette nature ne soit elle-même qu’une première coutume, comme la coutume est une seconde nature. »

R/ La collapsologie est pour toi un courant de pensée pertinent ?

On a l’impression qu’il ne pourrait y avoir d’effondrement que lié à l’activité à l’humaine. Pourquoi pas. Mais, assurément, la nature semble y suffire, aléatoire et chaotique, où ordre et désordre interagissent et coïncident, où l’un est un moment (plus ou moins long) de l’autre, indifféremment. Rapportés au temps géologique, nous ne sommes rien. Et moins encore à l’échelle cosmique, où il semblerait que la vie soit moins la règle que l’exception : je pense au grand filtre : cette suite de barrières (autant d’aléas) qui nuit à l’émergence de la vie.

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Nikolaï Kardachev.

On peut tenter un raisonnement par l’absurde. L’échelle de Kardachev classe les civilisations – une fois supposé que les barrières ont été franchies – en fonction de leur consommation d’énergie (cela impliquant qu’il n’y a de développement civilisationnel qu’en relation avec l’énergie et sa captation – c’est important) : civilisation de type I – capable de capter l’énergie d’une planète ; civilisation de type II – capable de de capter l’énergie d’une étoile ; civilisation de type III – capable de capter l’énergie d’une galaxie. Y aura-t-il alors une collapsologie dans une civilisation de type II ? Qui prétendrait qu’il n’est ni vertueux ni sobre de passer au niveau III et qu’il faudrait revenir au type I ? Et puis où commence et s’arrête la sobriété : à la machine à laver le linge, au lavoir ? Ou seuls sont vertueux les bords de la rivière ?

R/ Quelles furent tes lectures et écoutes du confinement ?

J’ai repris mes chers naturalistes (qui, nous sommes bien d’accord, parlent de tout sauf de la nature) : Zola, Léon Hennique, Paul Alexis… Ou, autrement, Albert 't Serstevens, Kenneth Roberts, Graham Greene, ou encore les Mémoires du Capitan Alonso de Contreras.

J’ai réécouté du vieux shoegaze : Chapterhouse, Drop Nineteens, Lush…

A lire :

Arnaud Bordes, Le Magasin des accessoires, Auda Isarn.

Livre disponible pour 16 euros auprès des Éditions Auda Isarn ( CREA – BP 80432, 31004 Toulouse cedex 6).

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mardi, 26 mai 2020

Analyse stratégique de la pandémie avec Slobodan Despot

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Analyse stratégique de la pandémie avec Slobodan Despot

 
Slobodan Despot est éditeur, traducteur, romancier et photographe. Il est le fondateur et directeur du magazine par e-mail l’Antipresse, qui paraît chaque dimanche matin depuis 234 semaines. Slobodan Despot s’intéresse en particulier à la relation entre l’être humain et l’environnement technologique qu’il a lui-même créé, notamment dans les domaines de la santé, de l’alimentation et de la connaissance.
 
 
Découvrez Antipresse le e-magazine hebdomadaire de Slobodan Despot : https://antipresse.net/
 
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