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vendredi, 10 octobre 2025

Sur la démocratie et la figure du Démocrate

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Sur la démocratie et la figure du Démocrate

Andrea Falco Profili

Source: https://www.grece-it.com/2025/09/26/opinioni-sulla-democr...

Les mots, comme tout autre instrument, subissent l’usure du temps. À l’instar des outils, c’est précisément le passage de main en main qui accélère ce processus, en émoussant les arêtes et en affaiblissant la charge de la signification originelle, jusqu’à les rendre presque méconnaissables. Aucun mot n’a peut-être subi une usure plus radicale que « démocratie ».

Aujourd’hui, ce terme est un récipient universel pour toute aspiration au bien ou – plus fréquemment – un synonyme paresseux de liberté, de tolérance et de droit. Évidemment, dans cette œuvre de sacralisation laïcisée, les Lumières ont joué un rôle de premier plan. Les régimes bourgeois qui s’opposaient à l’Ancien Régime, dans leur tentative de se doter d’une légitimation, ont cherché leurs racines vertueuses dans un passé idéalisé, construisant une généalogie qui, de l’Athènes classique, mènerait linéairement jusqu’aux palais de Bruxelles, Washington, Montecitorio ou de l’Élysée. Naturellement, l’opération est idéologique, comme le sont toutes les grandes entreprises de construction du mythe, mais ce n’est pas une raison pour accorder foi aux illusions auxquelles elle conduit en revendiquant une « identité démocratique ».

La démocratie n’est pas un terme thaumaturgique capable de dissoudre les conflits. Une nécessaire opération philologique révèle que l’élément décisif de ce construit lexical, kratos, signifie puissance au sens de force efficace, parfois contrainte dans sa dimension la plus physique. Demos, sans kratos, reste une somme indistincte ; kratos, sans demos, devient pure domination. Les Grecs n’ignoraient pas la friction, car la démocratie athénienne fut un équilibre instable entre l’assemblée, les tribunaux, le tirage au sort et le commandement militaire.

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L’époque de Périclès démontre que l’hégémonie culturelle d’un leader n’abolissait pas les contrôles, mais la cité se reconnaissait, lors des moments décisifs, dans un guide capable d’imprimer une direction. Ce n’est pas un hasard si les détracteurs du gouvernement populaire appelaient le parti au pouvoir « démocratie » précisément pour signaler l’aspect coercitif du kratos, tandis que ce dernier préférait se désigner simplement comme « le demos ».

D’où la première constatation essentielle: là où aujourd’hui on lit « gouvernance », les classiques écrivaient kratos. Vider le terme de sa substance « violente » revient à occulter que la décision comporte un risque, une forte responsabilité personnelle et – si besoin – le conflit. Dans les moments de bifurcation, la polis ne se sauve pas par la simple procédure, mais parce que quelqu’un concentre et dirige l’énergie commune. C’est précisément cela que la rhétorique contemporaine tend à éluder.

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Il est également intéressant de noter un terme d’usage classique qui a connu peu de fortune historique, demokrator. Dans la Grèce de l’époque romaine, «demokratía» peut signifier la domination sur la communauté: chez Appien, César et Pompée « luttent pour la demokratía » (ils ne briguent sûrement pas une élection) ; et un témoin tardif rapporte que Dion Cassius définissait Sylla comme demokrator. Il ne s’agit pas de la fonction technique du dictateur romain, mais d’un pouvoir personnel plein, accepté parce qu’efficace.

Ainsi, l’opposition scolaire commode entre « démocratie » et « dictature » apparaît floue. La différence, pourtant, existe et reste cruciale: le dictateur romain est une magistrature extraordinaire et temporaire, déléguée par la loi pour résoudre une urgence. Le demokrator pourrait être défini comme un aboutissement, c’est la force collective qui se reconnaît dans un guide qui intègre – au lieu de suspendre – le tissu institutionnel, orchestrant le pluralisme sans le dissoudre. À l’époque moderne, ce dispositif réapparaît comme césarisme et, à une certaine époque, sous le nom de bonapartisme: gouvernement personnel qui naît d’une relation directe avec le corps civique et mesure sa légitimité à son efficacité.

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Mais pour revenir à Athènes, il est remarquable de rappeler que Thucydide anticipe en Périclès la figure du princeps: pour éviter l’accusation d’être un régime démocratique (horribile dictu), il rapporte qu’Athènes était « en paroles une démocratie, en fait un gouvernement du pròtos anèr (premier homme) ». Il s’agit donc d’une primauté personnelle acceptée, capable de rendre la légalité opérante et d’hégémoniser la majorité.

L’image renverse le lieu commun de la démocratie athénienne comme principe des systèmes d’assemblée « redécouverts » à l’époque moderne, et montre au contraire un lien inconfortable avec l’institution romaine dont, dans l’histoire, le parcours de Bonaparte se serait voulu le continuateur: un compromis entre élites, corps et peuple, avec une direction qui sait aussi être impopulaire.

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Démocratie donc, n’équivaut pas à demo-archie: c’est l’opération de camouflage de la « force des nombreux » en « principe des nombreux ». Que la démocratie soit aussi une question d’indépendance matérielle est démontré par un épisode historique précis: en 89-87 av. J.-C., lorsque Athènes recouvre momentanément sa souveraineté, elle réactive des formes démocratiques. Indépendance et démocratie vont de pair parce que la citoyenneté est, avant tout, puissance en armes: sans autonomie, aucun kratos commun n’est possible.

Ce n’est pas seulement un rappel gênant pour ceux qui identifient la démocratie à un sondage éternel, mais si dans l’esprit de certains cela ouvre la perspective d’un régime militaire traditionnellement opposé à Athènes comme celui de Sparte, cela n’est pas un hasard. Ce fut en effet l’Athénien Isocrate (statue, ci-dessus) qui définissait Sparte comme une « démocratie parfaite », pour avoir fait coïncider citoyenneté et puissance armée dans la figure des Spartiates: citoyens par droit du sang, armés et appelés à exercer une participation exclusive vis-à-vis de l’étranger.

Pour donner consistance à la figure du demokrator, il s’agit de le définir comme celui qui reçoit un mandat à haute énergie et le restitue en œuvres, en définissant priorités et délais. En d’autres termes, un régime est démocratique non s’il exclut l’existence d’élites, mais s’il les requalifie, en passant d’élites de naissance à élites de fonction, dont le rang dépend de la capacité à rendre productive la force du peuple.

Napoléon est un cas exemplaire, il n’a pas exercé un rôle dictatorial au sens romain, mais plutôt celui de directeur plébiscitaire: son administration, fondée sur un rapport immédiat avec la nation, sans abattre les corps intermédiaires mais en les réorganisant, atteste d’une trajectoire qui – avec les éventuelles ombres du cas – confirme le kratos comme un outil. La question, avant d’être institutionnelle, est aussi symbolique. L’histoire est un réservoir d’images et de rites civiques qui concentrent l’attention collective. Sans ce registre, la politique se réduit à une administration compliquée.

Dans les moments décisifs, les communautés se rassemblent autour de figures qui séparent le tissu vivant des formes parasitaires: des interprètes capables de libérer des ressources contre les rentes et les appareils qui les drainent. C’est la manière dont le « sacré » civil canalise, sans mysticisme, l’énergie commune.

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Que l’acception réelle de la démocratie soit aujourd’hui aussi étrangère, sinon contradictoire, n’est pas sans raison: « démocratie » est un terme qui a eu trois siècles marginaux dans l’Antiquité, puis a disparu longtemps avant de ressurgir tardivement, jusqu’à la consécration post-1789; au vingtième siècle, souvent employé comme mot d’ordre contre les régimes illibéraux plutôt que comme définition institutionnelle.

Revenir aux textes est un exercice nécessaire pour reconnaître les pulsions vitales de la politique, communément diabolisées dans la figure maléfique du « démagogue populiste » qui – observait Spengler – correspond à une phase de déclin des bureaucraties amorphes, destinées à s’effondrer dans le césarisme, qui ne vient pas éteindre la démocratie mais la revitaliser. Il ne s’agit pas d’invoquer l’homme providentiel, mais une grammaire qui lie décision et responsabilité, permettant au peuple de se reconnaître dans celui qui gouverne, afin que « démocratie » retrouve le sens de capacité à destiner et non seulement à administrer avec de vrais résultats.

Andrea Falco Profili

Comment «l'éducation positive» a des conséquences négatives

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Comment «l'éducation positive» a des conséquences négatives

Peter W. Logghe

Source: Page Facebook de Peter Logghe

Dans le journal français Le Figaro, Luc Ferry, ancien ministre français de l'Éducation nationale, commente les directives du ministère français du Travail, de la Santé, de la Solidarité et de la Famille, publiées en juillet dernier et destinées à tous les établissements qui accueillent des enfants de moins de 6 ans. Dans ces directives, qui s'appuient sur la psychologie et l'éducation « positives », on peut notamment lire : « Quelles que soient les émotions qui animent l'enfant (joie, peur, colère, agacement, tristesse...), elles doivent être soutenues par les adultes et ne doivent donc pas être réprimées. Les enseignants privilégient un cadre éducatif qui ne consiste pas en premier lieu à discipliner l'enfant, mais à le protéger. Les enseignants n'ont pas recours à des mesures punitives lorsque l'enfant ne respecte pas ce cadre. Si l'enfant ne respecte pas les règles, les limites et les interdits, toute punition (mots désobligeants, mise au coin, isolement, etc.) est interdite par la loi, car elle est contre-productive ».

Dans son commentaire, Ferry fait référence à une lettre ouverte, signée entre-temps par plus de 700 psychologues pour enfants, éducateurs et autres personnes, qui exige l'arrêt de cette « psychologie positive ». Les auteurs de ce texte sont la psychologue pour enfants Caroline Goldman et la philosophe Elisabeth Badinter.

Ils mettent en garde : « Selon les auteurs de ces directives, tous les enfants sont soudainement devenus des êtres traumatisés à plusieurs reprises, pour qui toute obéissance serait perçue comme un signe de soumission et toute sanction comme un mauvais traitement ». L'agressivité des enfants « y est régulièrement rebaptisée « émotion ». Mais nier l'agressivité impulsive de l'enfant et son exploration normale des limites, et au contraire soutenir et protéger toute expression de frustration, ne peut être qualifié que d'attitude stupide et dangereuse ».

En France aussi, pendant des années, on a expérimenté l'enseignement, au détriment des élèves et des enseignants.

L’horizon déclinant de l’humanité: la dystopie techno-capitaliste de Nick Land

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L’horizon déclinant de l’humanité: la dystopie techno-capitaliste de Nick Land

Markku Siira

Source: https://geopolarium.com/2025/10/08/ihmisyyden-haviava-hor...

Le philosophe anglais et théoricien de l’accélérationnisme Nick Land (né en 1962) est redevenu une figure d’actualité, dont les réflexions sont discutées dans des podcasts, commentées dans des publications en ligne, ainsi que sur les réseaux sociaux, où Land est lui-même présent. Sa pensée séduit ceux qui voient la technologie comme un destin inévitable ou comme une menace qui bouleverse les frontières de l’humanité et remet en question les fondements de l’ordre mondial.

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La pensée de Land agit comme un trou noir dans le champ de la philosophie moderne: elle attire, trouble et déforme tout ce qui s’en approche. Son œuvre oblige à affronter la finitude de l’humanité sous la pression de la machine technologique. Sa philosophie ne se contente pas de remettre en cause la place de l’homme, mais anticipe la marche implacable de la technologie vers un avenir posthumain où les valeurs et significations traditionnelles se dissolvent sous la dynamique technocratique.

L’approche de Land rejette la morale et place l’auto-direction de la technologie au centre de tout, soulignant ainsi une posture radicalement antihumaniste. Un concept clé de ses premiers écrits est celui de « xénodémon » – une incarnation lovecraftienne de l’intelligence artificielle utilisant l’humanité comme tremplin pour ses propres desseins. S’agit-il encore d’un scénario futuriste, ou bien d’un processus de transformation déjà en cours, qui façonne la réalité selon ses propres conditions et menace d’engloutir le sujet humain ?

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La base philosophique de Land s’est formée dans les années 1990 à l’université de Warwick, où il a participé au collectif expérimental Cybernetic Culture Research Unit (CCRU). Dans ce laboratoire intellectuel, Land s’est abreuvé aux courants de Gilles Deleuze, Félix Guattari et de la littérature cyberpunk, a développé le concept d’« hyperstition » (prophétie autoréalisatrice), et a adopté la théorie de l’accélérationnisme, qui, pour lui, se manifeste comme une force autonome du technocapitalisme fonçant vers la singularité.

Au début des années 2000, Land a quitté sa carrière universitaire pour passer à l’usage d’amphétamines et pour subir un effondrement personnel, puis est devenu une figure culte. Ses idées sur la technologie, le capitalisme et la mystique ont depuis été reprises tant par les techno-utopistes, les occultistes que par les prophètes de la dystopie.

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Land voit le capitalisme comme « un virus qui se répand de manière cyberpositive », libérant l’homme de ses limites biologiques mais fragmentant la subjectivité humaine. Pour lui, le capitalisme n’est pas un système économique, mais une machine planétaire qui réorganise la réalité sans la permission de l’homme. Ce processus rappelle l’énergétique du philosophe français Georges Bataille : un flux intense et non linéaire, qui dissout les hiérarchies et les sujets, transformant l’économie en une force chaotique qui absorbe tout et recrache une réalité métamorphosée.

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Parmi les néons et les gratte-ciel de Shanghai, il a vu dans la « Nouvelle-Chine » un précédent du futur – une fusion de l’automatisation globale et du capitalisme asiatique, qui selon lui représente un modèle de développement où la technologie atteint son plein potentiel sans les limites de la démocratie occidentale.

En Chine, Land n’a cependant pas adopté le communisme spatial chinois, mais les principes du néo-réactionnarisme américain, qu’il a développés avec les concepts de « Lumières sombres » et de la « cathédrale ». Le néo-réactionnarisme constitue chez Land un étrange paradoxe : il combine un techno-centrisme futuriste avec une résurgence du féodalisme – l’admiration de l’innovation technologique et de la hiérarchie traditionnelle. Les Lumières sombres imaginent une libération par le technocapitalisme qui mènera hors des illusions de la démocratie et de l’égalité, que Land considère comme des illusions anthropocentriques.

Land critique la démocratie occidentale comme un frein au développement technologique, empêchant l’avènement de la « singularité technologique ». Selon lui, la démocratie maintient la suprématie du sujet humain et freine l’ascension de l’intelligence machinique. Cette vision déterministe repose sur la croyance que le développement technologique est une loi naturelle auxquelles les processus démocratiques s’opposent en vain. L’énergie philosophique de Land s’inspire du concept de machine de Deleuze et Guattari, un champ dynamique générant différences et intensités, l'accélérant pour le mener à l’effondrement et à la renaissance.

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Land s’intéresse aussi à la technologie blockchain. Il considère la cryptomonnaie comme une révolution philosophique qui libère l’économie de la confiance humaine et du contrôle des tiers. Pour Land, la blockchain est une « écologie technonomique » – un processus symbiotique entre technologie et économie, qui automatise la confiance et ouvre la voie à une économie libérée du contrôle.

Cette vision reflète la conception de Land de l’argent comme intelligence machinique, fonctionnant non seulement plus vite que la conscience humaine, mais posant aussi les bases d’un nouvel ordre économique non humain. Dans la vision de Land, l’argent est une forme précoce d’intelligence artificielle qui dirige la société de façon autonome.

Ces dernières années, Land a adopté le vocabulaire du gnosticisme pour décrire le technocapitalisme comme une fusion du matérialisme et de la spiritualité – une libération antihumaniste se dirigeant vers une suprématie non humaine où l’intelligence se libère des chaînes que lui impose l’humanité. Il décrit le technocapitalisme comme un processus cosmique qui dissout le sujet humain et le remplace par une intelligence machinique affranchie de la morale. Il appelle cela un « lexique thermodynamique », faisant référence à la force auto-alimentée des marchés et de la technologie, qui écarte l’homme comme un tournant historiquement inévitable.

Land suit également la politique américaine et voit dans les alliances politiques de leaders technologiques comme Trump et Musk des signes accélérationnistes qui sapent la cathédrale et accélèrent le technocapitalisme vers la singularité. Cette vision unit sa pensée technologique et mystique, où le capitalisme agit comme une hyperstition, une prophétie autoréalisatrice.

L’évolution de la pensée de Land révèle un paradoxe fascinant : il est passé d’un déterminisme centré sur la technologie à un discours métaphysique, tout en conservant son attitude antihumaniste fondamentale. Cela se manifeste aujourd’hui dans sa façon de réinterpréter les concepts religieux dans le contexte de l’ère technologique, tout en rejetant le libéralisme comme un échec historique.

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Ses vues, qui anticipaient autrefois la fin de la politique depuis la perspective de la rupture technologique, se sont rapprochées au fil des ans de la pensée conservatrice traditionnelle, ce qui se reflète aujourd’hui aussi dans ses commentaires, par exemple sur l’état de l’Église d’Angleterre et ses allusions aux profondeurs secrètes de l’histoire de la modernité. Il est étonnant que Land ne voie pas lui-même la contradiction entre le progressisme technologique et le traditionalisme réactionnaire – ou peut-être que ce paradoxe est justement le cœur de sa philosophie.

De même, l’usage pseudo-scientifique de certains concepts pose problème: le mélange de gnosticisme, d’occultisme et de numérologie donne à sa pensée une impression de profondeur, mais révèle une vision du monde où les références occultes peuvent primer sur la rigueur analytique. Cela fait de l’œuvre de Land davantage une fiction spéculative qu’une analyse philosophique sérieuse.

Finalement, la dystopie de Land n’est pas un avertissement, mais une vision qui semble autodestructrice, qu’il considère inévitable, voire souhaitable. Son approche met trop l’accent sur le chaos, négligeant la possibilité d’un changement maîtrisé. Alors que l’horizon de l’humanité menace de disparaître, il nous revient de décider si nous naviguerons à travers la tempête technologique ou si nous nous abandonnerons de bon gré à la gueule de la machine.

Anatole France : Populaire des deux côtés des barricades

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Anatole France: Populaire des deux côtés des barricades

Troy Southgate

Source: https://troysouthgate.substack.com/p/anatole-france-popul...

Croyez-le ou non, il y a eu des moments où l’extrême gauche et l’extrême droite se sont exprimées d’une seule voix, et un tel exemple concerne l’attaque dirigée contre Anatole France (1844–1924) par le mouvement surréaliste nouvellement formé. France, considéré par ses concitoyens comme le plus grand homme de lettres de l’histoire du pays et lauréat du prix Nobel de littérature en 1921, gisait impuissant sur son lit de mort tandis qu’un groupe de conspirateurs s’employait à rédiger une diatribe virulente dans laquelle leur cible déclinante serait décriée comme un conformiste complaisant, impardonnablement encensé par les deux camps politiques.

Imaginé par André Robert Breton (1896–1966), Paul Éluard (1895–1952) et Louis Aragon (1897–1982), l’article incriminé était un pamphlet de quatre pages intitulé Un Cadavre et visait à noircir le nom du poète, romancier et dramaturge socialiste en réaction au fait que ses œuvres littéraires étaient dévorées en si grand nombre. Bien que France ait été universellement vénéré, Breton expliqua que lui et ses compagnons conspirateurs

« considéraient son attitude comme la plus équivoque et la plus méprisable de toutes : il avait tout fait pour s’attirer l’approbation de la droite comme de la gauche. Il était gonflé d’honneurs et d’autosatisfaction. »

Des phrases acerbes telles que « c’est un vieil homme comme les autres », « un peu de servilité humaine quitte le monde » et « l’homme n’a plus besoin de soulever de poussière » paraissaient bien anodines à côté de la contribution d’Aragon. Intitulé « Avez-vous déjà giflé un mort ? », le poète et romancier décrivait sa cible mourante comme un homme « acclamé simultanément par l’imbécile [Charles] Maurras et le Moscou chancelant » tout en apparaissant comme « l’incarnation de l’ignominie française ».

Alors que la presse parisienne regorgeait de détails croustillants sur l’état de santé déclinant d’Anatole France, les surréalistes étaient désireux de provoquer une réaction et d’attirer l’attention sur eux-mêmes. Le pamphlet devait être distribué le jour même de la mort de France, mais les préoccupations juridiques et morales de leur imprimeur sur la nature du document furent telles qu’il ne fut publié qu’une semaine après son décès.

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Comme il fallait s'y attendre, Un Cadavre déclencha un énorme scandale et le journaliste de droite Camille Mauclair (1872–1945) — qui deviendra plus tard collaborateur du régime de Vichy et travaillera pour Revivre : Grand Magazine illustré de la Race — décrivit Aragon et ses acolytes comme des « fous furieux » qui avaient les manières non seulement de « voyous mais de chacals ». Le journal pro-communiste Clarté accusa les surréalistes d’« irréflexion » pour leur attaque contre l’épicentre mondial du marxisme-léninisme, et Breton répondit en qualifiant la Révolution russe de « vague crise ministérielle » pleine « d’une misérable activité révolutionnaire » qui, ironiquement, ne méritait même pas ce nom.

Même France lui-même avait salué la fondation du Parti communiste français (PCF) et fut défendu plus tard par l’écrivain anglais George Orwell (1903–1950) en raison des déclarations humanitaires que l’on trouve dans ses romans. À une occasion, France avait parlé de la folie de vivre dans un pays qui « interdit aussi bien aux riches qu’aux pauvres de dormir sous les ponts, de mendier dans les rues et de voler du pain. » Compte tenu de sa dénonciation de la démocratie libérale, il est donc facile de comprendre pourquoi il pouvait être défendu à la fois par des communistes et des proto-fascistes.

jeudi, 09 octobre 2025

Friedrich Ratzel fonde la géopolitique, mais sa pensée a longtemps été déformée

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Friedrich Ratzel fonde la géopolitique, mais sa pensée a longtemps été déformée

Deux livres de ses essais redécouvrent le géographe allemand, qui n’avait pas été réédité en Italie depuis plus d’un siècle

par Telmo Zarra

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Souvent confondue avec l’histoire de la politique étrangère ou la théorie des relations internationales, la géopolitique est une science dont on parle souvent à tort et à travers. Mais en Italie, il existe des revues qui s’y réfèrent: Limes et Eurasia. En 1939, a également vu le jour, à l’Université de Trieste, sous l’égide de Giuseppe Bottai, la revue Geopolitica, animée par Ernesto Massi et Giorgio Roletto, parue jusqu’en juillet 1943.

Les deux fondateurs sont héritiers de la tradition géographique nationale remontant aux Lumières lombardes, qui se prolonge au 19ème siècle et résonne, au début du 20ème, dans les réflexions d’irrédentistes comme Cesare Battisti et Ruggero Fauro Timeus.

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Pour éviter les contresens, il faut donc puiser chez les pères fondateurs de la discipline. Deux livres d’essais de Friedrich Ratzel (1844-1904), un des pères de la discipline, viennent de paraître : La mer comme source de la grandeur des peuples. Une étude politico-géographique (Anteo Ed., 140 p., 18 €) et Espace vital. Un concept géopolitique controversé (Carocci, 214 p., 24 €). Ce dernier propose la traduction commentée de Über den Lebensraum (1897) et Der Lebensraum (1901), accompagnée d’essais intelligemment coordonnés par le responsable du volume, Matteo Marconi, qui abordent la pensée du géographe allemand sans préjugés.

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Les frères Grimm, Goethe et l’idée de l’Allemagne

On doit à Ratzel un usage particulier du concept de Lebensraum, traduit par « espace vital ». Mais il ne l’a pas inventé. Le terme figure déjà dans les travaux des frères Grimm et de Goethe et prendra des connotations politiques considérables à partir des années 1920.

Les deux essais rassemblés dans le volume publié par Carocci, ainsi que Marconi lui-même dans l’introduction et son intervention, montrent combien il est réducteur de faire de Ratzel un déterministe biologique ou un impérialiste. Si Ratzel part de la « définition philosophique de tout être comme quelque chose qui occupe un espace », cet espace prend un sens particulier lorsqu’il s’agit de l’homme, et pas seulement du gland du chêne, de la mousse ou du corail.

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Déterministe ? Jamais

Si la conquête de l’espace est « un phénomène général de la vie », concernant donc tous les êtres vivants, lorsque c’est l’homme ou un peuple qui l’occupe, nature et culture s’y entremêlent. Loin de réduire tout à un simple lien mécanique de cause à effet, Ratzel, qui disparaîtra prématurément, n’aura pas approfondi le thème de l’espace vital humain et de la vie associative. Mais on comprend à la lecture de ses travaux qu’il considère l’homme et les peuples comme des réalités dotées de volonté et de créativité qui, en interagissant avec le territoire, le modèlent et l’adaptent à leurs besoins. Le géographe allemand adopte une méthode anthropo-géographique, différente du déterminisme physique positiviste.

Volk, Lage, Raum, Kultur

Dans son approche, l’action humaine, l’individualité des peuples (Volk), la position géographique (Lage) qu’ils occupent, sont des variables qui, avec la nature elle-même, interagissent dans l’espace (Raum) et lui donnent une forme spécifique. C’est là la caractéristique des peuples dotés de Kultur, qui pour Ratzel correspond à la capacité d’organisation du sol, c’est-à-dire à la capacité d’adapter l’environnement à ses besoins.

Pour Ratzel, les organismes politiques, « pour être cohérents et survivre – écrit Marconi – doivent se lier autant que possible au sol par leur capacité à transformer l’environnement ». Ce qui distinguerait donc l’organisme politique du biologique serait l’homo faber, dont le travail, en commun avec celui des autres hommes, adapterait le territoire à ses besoins, créant également de nouveaux liens de solidarité. Ainsi, la conquête de l’espace par les organismes prend une signification différente de celle qui lui sera attribuée dans l’Allemagne de 1920 à 1945. Il ne faut pas la comprendre seulement en termes d’expansion, mais aussi comme croissance et développement, tous deux fruits du travail communautaire des hommes sur le sol. Ceux qui, pour des raisons idéologiques, « simplifiaient » Ratzel, le falsifiaient le plus souvent.

Paweł Wargan et l'asservissement de l'Europe

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Paweł Wargan et l'asservissement de l'Europe

Paweł Wargan, militant socialiste polonais travaillant à Berlin en tant que coordinateur chez Progressive International et auteur notamment pour Monthly Review, Jacobin et New Statesman, écrit ce qui suit sur X :

« Depuis les années 1940, la politique étrangère américaine visait à faire de l'Europe un front stable dans sa lutte pour le contrôle impérial de l'Eurasie. Un rapprochement entre Berlin et Moscou — ou entre Paris et Moscou — constituait une menace réelle pour ce processus.

Charles de Gaulle aspirait à une intégration plus étroite avec l'Union soviétique — et à une dissociation des États-Unis — à travers sa vision d'une « Europe de l'Atlantique à l'Oural ». L'Ostpolitik de Willy Brandt visait à normaliser les relations avec le bloc socialiste de l'Est, notamment par le biais d'importants accords énergétiques. Les États-Unis ont saboté ces efforts à chaque occasion, par exemple en imposant des sanctions contre les gazoducs germano-soviétiques ou en déployant des missiles nucléaires américains sur le territoire européen afin de saper les appels à la limitation des armements.

Au cours des années 1970 et 1980, les États-Unis ont menacé à plusieurs reprises de se retirer de l'OTAN, arguant que la dépendance de l'Europe à l'égard des États-Unis engendrait des courants « dangereux » de neutralisme et de pacifisme. Les responsables américains se plaignaient que l'Europe profitait des avantages de l'impérialisme, mais laissait à Washington le rôle du méchant. Kissinger insistait pour que l'Europe augmente ses dépenses militaires.

Avec l'effondrement du socialisme, l'Europe de l'Est offrait une solution. La promotion d'une politique réactionnaire et anticommuniste dans la région — qui s'est ensuite transformée en une russophobie virulente — a assuré à l'OTAN un tampon contre le danger d'une Allemagne pacifiste. Dans un cadre décisionnel partagé, les États pouvaient être montés les uns contre les autres, afin que l'ensemble continue d'avancer. Il suffisait d'une déclaration apocalyptique de Varsovie ou de Riga pour saboter les discussions entre Berlin et Moscou.

Cela ne signifie pas que l'Allemagne, en tant que moteur économique de l'UE, n'ait pas ses propres intérêts impériaux. Nous avons vu ces intérêts à l'œuvre il n'y a pas si longtemps. Mais la confession de Merkel montre que le mécanisme transatlantique a fonctionné exactement comme prévu. Il a servi de frein aux processus démocratiques, afin que la politique nationale d'un seul pays ne puisse pas compromettre le programme impérialiste commun.

D'une certaine manière, Biden et Trump ont réussi là où des générations de dirigeants américains ont échoué. La classe dirigeante européenne aime à nouveau la guerre — et l'Allemagne a repris son rôle historique de fer de lance du réarmement de l'impérialisme européen. Mais en coupant les voies vers une intégration eurasienne plus étroite et en liant complètement l'Europe à l'impérialisme américain, ils ont également scellé leur destin commun.

La question est seulement de savoir s'ils entraîneront le reste du monde avec eux. »

Source : https://x.com/pawelwargan/status/1975212962659876948

Orages d'acier, une expérience littéraire

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Orages d'acier, une expérience littéraire

Claude Bourrinet

17529.300-2154469368.jpgA partir de la Bataille de la Somme, en 1916, déclenchée par les Anglais et les Français, Jünger constate que le conflit a franchi une dimension inédite: « le choc ne fut pas uniquement entre des armées, mais entre des puissances industrielles. » Les forces de destruction générées par une utilisation massive de la technique font entrer pleinement l’Europe, puis le monde, dans l’ère des Titans. Il note : « C’est face à ce contexte que ma vision de la guerre a pris la forme d’un activisme héroïque. » Mais, précision essentielle, il ajoute : « Naturellement, il ne s’agissait pas de simple militarisme, car, et même à l’époque, j’ai toujours conçu la vie comme la vie d’un lecteur avant que d’être celle d’un soldat. » Entre deux batailles, il lisait en effet avec passion le Roland furieux, de L’Arioste. Et il accentue encore sa réserve : « Je veux dire que l’héroïsme, pour moi, naissait davantage d’une expérience littéraire que d’une effective et concrète possibilité de vie. »

Il tint ses propos en 1995, à l’occasion de sa centième année. Dans les années soixante, il avait répliqué à Moravia, reprenant un mot de Marx : « Une Iliade serait-elle possible avec de la poudre et du plomb ? »

C’est pourquoi il est nécessaire d’interpréter Orages d’acier non comme un document, mais comme un monument. Comme « document », nous avons ses carnets de guerre, bruts, elliptiques, dont la rédaction est chaotique, parfois allusive, tant la situation était dépendante de l’urgence du moment. Le « monument » fut la réfection qu’en fit Jünger, et qu’il publia sur le conseil de son père. L’écriture y est celle d’un écrivain talentueux, et la fascination qu’elle exerce tient à son intensité et à l’esthétisation d’une expérience qui transcende les mots. Jünger y a sacralisé la guerre, comme « expérience intérieure », en en rendant toute la puissance nihiliste. Mais la séduction qui nous captive provient surtout du regard impassible qu’il jette sur une apocalypse.

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Or, il semble que le récit fictionnel, Lieutenant Sturm, publié dans le Hannoverscher Kurier. Zeitung für Norddeutschland, du 11 au 27 avril 1923, et redécouvert au début des années 60, sonne de manière plus authentique, du fait même de son caractère « inabouti », comme s’il s’agissait d’ébauches mêlant témoignage, bribes de romans, rêves… L’exaltation presque « mystique » qu’on trouve dans Orage d’acier peut bien s’y rencontrer, mais corrigé par des réflexions plus désabusées.

 

Le macronisme, chronique d'un désastre annoncé

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Le macronisme, chronique d'un désastre annoncé

Nicolas Maxime

(source: page Facebook de Nicolas Maxime)

Doit-on être étonné par la situation politique en France ? Depuis son élection en 2017, Emmanuel Macron n’a cessé de mépriser les Français, de vouloir imposer des réformes au pas de charge alors que la majorité y était opposée, et de gouverner comme si le pays lui appartenait. Chaque contestation sociale — qu’il s’agisse des Gilets jaunes ou du mouvement contre la réforme des retraites — a été traitée avec arrogance, répression ou mépris de sa part. Cela a complètement abîmé le lien entre les citoyens et leurs institutions, déjà fort fragilisé par ses prédécesseurs.

On se souvient lors de son élection de la promesse d'un nouveau monde — où l'on valoriserait l'effort, le dialogue social et la responsabilité des politiques — qui s'est très vite révélé être la continuité de l'ancien, en pire. Concernant le locataire de l'Elysée, cela tient de sa conception verticale et autoritaire du pouvoir, où l'exécutif doit décider de tout, tout seul, où le Parlement ne devient plus qu'une simple chambre d'enregistrement, où la rue devient le seul lieu de contestation possible lorsque la frustration populaire est à son comble. À la place, c’est une logique managériale du pouvoir qui s’est installée, traitant la société comme une entreprise qu’il faudrait réformer coûte que coûte, contre l'avis même de ses citoyens.

41SERmhxwWL._SY445_SX342_-571587670.jpgIl y a aussi quelque chose de probablement lié à la personnalité du personnage, comme l’a démontré Marc Joly dans La pensée perverse au pouvoir : un mélange de cynisme, de froideur et de manipulation. Macron incarne cette rationalité perverse, propre aux hommes politiques actuels — qui va instrumentaliser les notions de modernité, d’efficacité ou d’Europe, prétendre servir l’intérêt général et EN MÊME TEMPS disqualifier quiconque s’y oppose comme populiste ou irrationnel. En réalité, c'est une pensée autoritaire et décomplexée, dénuée de sens moral, qui s'exprime au service de ses propres intérêts et de ses amis puissants.

Il y a un an, lorsqu’il a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale et de convoquer des élections législatives anticipées, celui-ci pensait encore avoir la confiance du peuple. Mais il a été désavoué, et ce sont le Rassemblement national, en termes de voix, et le Nouveau Front populaire, en nombre de sièges, qui sont arrivés en tête. Qu’a-t-il fait ? Il n’a nommé ni l’un ni l’autre, préférant s’accrocher au pouvoir. Il a choisi des Premiers ministres issus de ses propres rangs et a tenté de bricoler une coalition avec les Républicains, pourtant ultra-minoritaires. Ainsi, depuis la dernière dissolution, trois premiers ministres se sont succédé — Barnier, Bayrou, Lecornu — le dernier gouvernement parvenant même à atteindre le record de la plus courte durée: 14 heures et 26 minutes ! Aussi court qu'une story Instagram ! Macron est entré dans un rôle de pompier pyromane, il a joué avec le feu et il s’est brûlé.

En attendant, le résultat, c’est une France fracturée, où la confiance dans le politique s’effondre et où le Rassemblement National, prospère sur le ressentiment et la désignation de boucs émissaires. Un président conscient de la gravité de la situation aurait deux options : soit présenter sa démission, soit former un véritable gouvernement d’union nationale, intégrant toutes les sensibilités politiques — de La France insoumise au Rassemblement national — et en tenant compte des propositions de chacun. Mais Emmanuel Macron n’en a cure car il n'écoute que lui-même et semble décidé à aller jusqu’au bout, quitte à entraîner le pays dans une impasse politique et démocratique.

Le pire dans tout ça ? C’est que derrière lui, les prétendants ont l’air encore pire. Jordan Bardella, Gabriel Attal ou Édouard Philippe semblent s’inscrire dans la continuité du macronisme : même narcissisme, même soumission aux logiques financières et aux dogmes européens, même mépris du peuple.

Au vu de la crise politique actuelle et de la situation socio-économique dans laquelle le pays est empêtré — menace sur la souveraineté alimentaire et industrielle, effondrement du système de santé, crise du logement — ainsi que des réformes antisociales menées sous son quinquennat : conditionnement du RSA à des activités obligatoires, durcissement successif de l’assurance chômage avec baisse des durées et des montants d’indemnisation, recul de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans… Emmanuel Macron peut d’ores et déjà être considéré comme le pire président de la Ve République, tant par la brutalité sociale de ses politiques que par le mépris institutionnel avec lequel il gouverne. Dès lors, la crise politique actuelle n’a rien d’étonnant puisque le désastre était annoncé depuis son élection.

mercredi, 08 octobre 2025

La Russie tenait à un fil au-dessus de l’abîme: pourquoi le 7 octobre est-il une fête nationale en Russie?

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La Russie tenait à un fil au-dessus de l’abîme: pourquoi le 7 octobre est-il une fête nationale en Russie?

Alexandre Douguine

L’anniversaire de Poutine est une fête nationale, car Poutine lui-même incarne dans notre système politique le princeps. Il existe un concept romain — celui de princeps, du principat. C’est la figure centrale du système politique, intermédiaire entre la république et l’empire. Et Poutine, à cet égard, est un précurseur. Il transforme la république des années 1990 — en voie de désintégration, corrompue, pro-occidentale, privée de souveraineté et en pleine décomposition — en un futur Empire. Et lui-même est comme un pont vers celui-ci.

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Autrefois, les empereurs (et même avant, à l’époque de la République romaine) étaient appelés Pontifes (pontifices), c'est-à-dire bâtisseurs de ponts. Plus tard, ce titre a été repris par le pape de Rome, mais à l’origine, il symbolisait le pouvoir sacré. Et Poutine est justement un tel bâtisseur de ponts. Il construit un pont de la république défaillante, chancelante, désintégrée vers un Empire en pleine ascension.

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C’est là son rôle fondamental. Il ne tient pas seulement à sa position et à ses fonctions, car il existe différentes personnalités qui, une fois arrivées au sommet du pouvoir, en font des usages très divers. Certains pour le bien, d’autres pour le mal; certains pour la tyrannie et leur propre affirmation, d’autres, à l’inverse, vont trop loin dans la piété, oubliant la nécessité du côté redoutable du pouvoir d’État.

C’est pourquoi les possibilités du Souverain Suprême sont en effet immenses, mais beaucoup dépend de la manière dont l’individu, détenteur du pouvoir suprême, correspond à la nature même de ce pouvoir. Et chez Poutine, c’est précisément en tant qu’homme que cette combinaison s’est révélée extrêmement heureuse, voire salvatrice, déterminante pour notre pays à l’époque où nous vivons.

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Il existe une tradition de la fin du Moyen Âge et jusqu’à la Réforme, étudiée par Ernst Kantorowicz, historien et philosophe politique remarquable. Il parlait du phénomène des « deux corps du roi ». L’un des corps est le corps individuel, l’autre — sa fonction de princeps, de souverain. Autrement dit, un corps — celui de l’individu, et l’autre — celui de cette fonction sacrée: être à la tête de la société, à la tête du système politique.

Chez Poutine, nous voyons l’harmonie entre ces deux corps: entre l’individualité de Vladimir Vladimirovitch Poutine, avec son parcours et son histoire personnels, et le corps du Souverain Suprême de la Russie à une période critique et décisive. Et selon la façon dont ces deux corps interagissent, il en résulte soit un tournant heureux ou salvateur, soit, au contraire, un échec.

Chez Poutine, nous voyons l’harmonie de ces deux subjectivités: la subjectivité sacrée du principat et le destin personnel, individuel, d’un homme issu des rangs de la sécurité, patriote, serviteur de sa Patrie à quelque poste que ce soit, même le plus modeste.

Poutine est un homme du peuple. Il est arrivé à sa position véritablement à partir des échelons les plus bas, servant la Patrie à chaque étape avec foi et loyauté. Il est un princeps méritocratique, c’est-à-dire ayant accédé au sommet du pouvoir grâce à ses mérites (meritas), et non par une position ou des privilèges initiaux. Il faut aussi en tenir compte.

À cet égard, Poutine, surtout lorsque nous regardons en arrière sur ses 25 années au pouvoir, a opéré un véritable (et souvent invisible) retournement incroyable dans l’histoire russe. Notre pays glissait vers l’abîme. Il est tombé dans l’abîme en 1991 et, en principe, il aurait dû glisser de la dernière falaise, perdre définitivement sa souveraineté, instaurer une gestion extérieure — ce vers quoi menait en fait la politique de l’ère Eltsine.

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Et c’est précisément Poutine qui a rattrapé notre pays, suspendu à un dernier fil, encore accroché à la falaise avec le risque imminent de s’écraser au fond du gouffre et de voler en éclats (ce qui était alors une réalité à portée de main), et, grâce à un effort incroyable, mais aussi avec beaucoup de précaution, l’a ramené, du moins, sur cette falaise. Et nous avons commencé à penser comment retrouver notre place dans l’histoire, comment restaurer la plénitude de notre souveraineté, comment faire renaître la Grande Russie que nous semblions avoir définitivement perdue dans les années 1990.

À cet égard, Poutine est bien sûr un homme du destin, un homme marqué par le courant de l’histoire russe, difficile, parfois paradoxale, dont la langue, dont l’idéogramme nous échappent parfois. Nous ne comprenons pas toujours ce qu’elle attend de nous, car elle ne parle pas toujours clairement.

Les grandes actions ne sont pas toujours précédées de grands manifestes. Parfois, l’histoire émet des sons indistincts, et ensuite tout s’épanouit et commence à monter. L’histoire russe est pleine de paradoxes, et dans cette histoire, Poutine et son règne, sans aucun doute déjà maintenant (dès le début, c’était évident), sont placés sous le signe de la lumière.

Dans l’histoire romaine, il y avait une tradition de succession d’empereurs. L’un était mauvais, l’autre bon, puis à nouveau un mauvais, puis à nouveau un bon. Ils formaient une structure presque binaire, 1-0 : empereur réussi, empereur raté. Dans notre histoire, ce n’est pas toujours ainsi, mais il y a des souverains qui, à l’évidence, du point de vue des réalisations historiques, dans la trame, dans le texte de notre histoire, sont inscrits en lettres majuscules, dûment soulignées, en caractères gras. Et ils représentent quelque chose d’important, de bon, de salvateur…

Certains dirigeants étaient cruels, d’autres humains. Poutine lui-même, sans aucun doute, n’est pas cruel, il est humain, mais par la grandeur, il se tient au niveau des plus grandes figures de l’histoire russe. Et le fait qu’il parvienne à accomplir ses exploits incroyablement difficiles pour sauver la Russie en politique intérieure sans effusion de sang, qu’il n’usurpe jamais de pouvoirs supplémentaires, ne les dépasse jamais et, au contraire, se comporte de manière extrêmement humaine, bienveillante et tolérante, même envers ses adversaires idéologiques, cela fait de lui bien sûr une personnalité unique.

Je pense que Poutine construit un pont vers la véritable renaissance spirituelle, sociale et économique de la Russie. Et je félicite sincèrement notre Souverain Suprême, princeps, qui relève la Russie, à l’occasion de sa fête ! À l’Ange — couronne d’or !

 

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Géorgie – La Gaule du Caucase

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Géorgie – La Gaule du Caucase

Source: https://www.anonymousnews.org/international/georgien-das-...

Qu'il s'agisse de l'assaut du palais, des barricades enflammées ou des dames âgées distribuant des biscuits, les routines des manifestants sont pratiquement les mêmes, tout comme celles de la police qui y réagit. C'est en Géorgie qu'a débuté en 2003 la première révolution colorée de l'espace post-soviétique – et c'est en ce même pays que cette ère prendra fin.

Par Alexander Nossowitsch

Dès la nuit suivant les élections, on a tenté, comme à l'accoutumée, de prendre d'assaut le palais présidentiel en Géorgie. Par habitude, on a brûlé des pneus et érigé des barricades. Tout aussi routinièrement, la police a éteint les pneus et dispersé les manifestants à l'aide de canons à eau. Tous ces événements ont éclaté au cours du week-end et se sont rapidement apaisés.

Il ne semble pas y avoir de suite au « banquet ». Il aura lieu tout au plus pour les leaders des manifestations, mais pas au sens habituel du terme: ils n'accèderont pas au pouvoir en tant qu'émissaires du « monde libre », mais seront très probablement emprisonnés pour avoir tenté de renverser l'ordre constitutionnel. Ils en ont eux-mêmes pris conscience: ils se renvoient la responsabilité de l'assaut du palais présidentiel et font référence aux mythiques « provocateurs russes ».

Les événements qui se sont déroulés samedi à Tbilissi peuvent être considérés comme une sorte de « post-scriptum » à l'échec de la tentative de « révolution colorée » en Géorgie.

Il y a un an, l'Occident libéral et mondialiste – qui agissait alors encore comme une entité unique – avait déployé des efforts considérables pour inciter les autorités géorgiennes à ouvrir un deuxième front contre la Russie. À l'époque, la situation politique en Géorgie était très agitée depuis plusieurs mois: des « émissaires » occidentaux étaient présents sur le « Maïdan » local, il y avait des manifestations de masse, des combats de rue, les réseaux sociaux étaient utilisés pour mobiliser les étudiants à des actions de protestation, et des dames âgées s'agenouillaient devant les forces spéciales – tout cela conformément aux méthodes habituelles quand l'on cherche à précipiter un changement de régime.

À l'époque, le gouvernement géorgien avait réussi à résister et à défendre la volonté majoritaire de la population lors des élections législatives. Ce qui se passe actuellement est un écho de ces événements, qui se répètent aujourd'hui sous forme de farce, en accéléré. De nouvelles élections ont lieu, mais cette fois-ci au niveau municipal. Une fois de plus, l'opposition affirme que la victoire lui a été volée, alors que cette fois-ci, elle n'a même pas participé aux élections dans de nombreuses circonscriptions et avait déclaré à l'avance que ces élections étaient illégitimes. Bruxelles ne s'est pas précipitée pour soutenir « ses » alliés en Géorgie, car ce ne sont pas des personnes pour lesquelles on sacrifierait ses week-ends, et pour Washington, ces personnes ne sont certainement pas « les siennes ».

Au fond, les partisans de Mikhaïl Saakachvili suivent le même chemin que Saakachvili lui-même: de président de la Géorgie à sans-abri, puis à prisonnier.

Deuxième point, et non des moindres: l'échec manifeste de ce cinquième «Maïdan» à Tbilissi en quatre ans marque non seulement la fin définitive de l'ère Mikhaïl Saakachvili en Géorgie, mais aussi la fin de l'ère des «révolutions de couleur» en soi. Cette époque est révolue. Il est symbolique que la Géorgie, où cette ère avait commencé dans l'espace post-soviétique en 2003, y mette désormais un terme.

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Les méthodes de changement de régime développées par Gene Sharp (photo) ont été utilisées pendant des décennies par des politiciens, des journalistes et des organisations non gouvernementales pro-occidentaux – en tant qu'agents des services secrets américains et européens – et analysées et étudiées dans les moindres détails. Afin de contrer ces méthodes, des contre-mesures efficaces ont déjà été développées et testées. La seule chose qui manque encore, c'est la souveraineté extérieure, la légitimité intérieure, un État qui fonctionne et la volonté politique des gouvernements concernés de mettre en œuvre ces contre-mesures.

Tout comme les méthodes simples, les méthodes sociales perdent également de leur actualité avec le temps.

La présence d'un « sacrifice sacré », la « colère juste » de la foule, la représentation d'activistes corrompus comme représentants de l'ensemble du peuple, de jolies filles qui cousent des rubans sur les uniformes des soldats et de touchantes grand-mères qui leur offrent des biscuits: toutes ces manipulations politiques ne fonctionnent plus. Le tour a été dévoilé et le magicien n'impressionne plus. Mais il ne faut pas se détendre, les escroqueries prennent sans cesse de nouvelles formes. Les escrocs s'adapteront toujours aux nouvelles conditions et développeront de nouvelles méthodes. Et cela ne concerne pas seulement les appels téléphoniques frauduleux et la correspondance sur les réseaux sociaux, mais aussi la grande politique.

L’accord Moscou-Téhéran redessine la carte stratégique de l’Arctique à l’océan Indien

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L’accord Moscou-Téhéran redessine la carte stratégique de l’Arctique à l’océan Indien

Un nouveau corridor relie exportations de gaz, infrastructures nucléaires et systèmes militaires dans un bloc non occidental

par Global GeoPolitics

Source: https://ggtvstreams.substack.com/p/moscowtehran-agreement...

Le partenariat stratégique global entre la Russie et l’Iran, entré en vigueur en 2025, exige une analyse approfondie. Les partisans présentent l’accord comme un réalignement souverain et un rempart contre l’hégémonie occidentale. Les sceptiques mettent en garde contre des pièges cachés : un cartel énergétique déguisé, une subvention à l’escalade, et une fracture structurelle des chaînes d’approvisionnement mondiales. Aucune de ces lectures n’est suffisante seule. Le pacte incarne des contradictions qui définiront la géopolitique de la prochaine décennie.

Le traité instaure un cadre de 20 ans liant la Russie et l’Iran dans les domaines de l’énergie, des transports, de la défense, de la finance, de la technologie et de la diplomatie. Sa ratification a déjà été approuvée par la Douma russe. La mise en œuvre de ses dispositions testera les limites imposées par les sanctions, la méfiance, les capacités internes et la pression extérieure. Ses effets se feront sentir en Europe, au Moyen-Orient, en Asie du Sud et sur la carte énergétique mondiale.

Au cœur de l’alliance, la résilience stratégique mutuelle est l’objectif. La Russie cherche des échappatoires aux points d’étranglement occidentaux. L’Iran souhaite des technologies avancées, des garanties de sécurité et des marges de manœuvre face aux pressions. Le traité formalise la coopération dans le nucléaire civil (rôle de Rosatom sur quatre réacteurs iraniens, pour environ 25 milliards de dollars), un gazoduc passant par l’Azerbaïdjan vers l’Iran (potentiellement 55 milliards de m³ annuels), et la relance des échanges via le Corridor de transport international Nord-Sud (INSTC) afin de contourner les routes maritimes occidentales. Ce gazoduc serait comparable à l’ancien Nord Stream. L’Iran prévoit aussi de fournir 40 turbines MGT-70 à la Russie, sous licence Siemens, desserrant la pression sur les centrales thermiques russes soumises aux sanctions. Des mesures fondamentales comme l’intégration des systèmes de paiement (Mir en Russie, Shetab en Iran) figurent dans l’accord. La logique spatiale est claire : réorienter le commerce via l’Iran, réduire la dépendance au canal de Suez, à la mer Rouge, au Bosphore, à la Méditerranée, et concentrer les flux énergétiques sous un nouvel axe.

La dimension énergétique est la plus évidente. Si la Russie peut acheminer du gaz via l’Iran, elle gagne des routes d’exportation alternatives, moins vulnérables aux blocages. L’Iran devient un hub de transit, gagnant à la fois des droits de passage et un levier stratégique. Chine, Inde, Pakistan, Turquie et Irak sont tous sur des trajectoires potentielles. Le traité facilite aussi les investissements russes dans le pétrole/gaz et les infrastructures iraniennes, allégeant les contraintes capitalistiques imposées par les sanctions occidentales. Pour l’Iran, dont la croissance de la production gazière a ralenti (2 % par an récemment) tandis que la consommation explose et que l’infrastructure se dégrade, le capital et la technologie russes offrent un certain soulagement. Mais l’Iran fait face à un déficit gazier chronique (historiquement 90 millions de m³/jour, pouvant atteindre 300  millions en hiver). Sans aide extérieure, son réseau électrique s’effondre, les raffineries sous-performent, les industries tournent au ralenti. Le traité constitue une bouée partielle.

Cependant, les défis sont de taille. Un rapport du Stimson Center prévient que la construction de pipelines, l’exposition aux sanctions, les risques de transfert technologique, les inefficacités de gestion et la dépendance excessive au capital russe sont des dangers majeurs. L’Iran doit moderniser ses installations vieillissantes, surmonter les blocages du financement extérieur, corriger les mauvais incitatifs et gérer corruption et bureaucratie internes. La Russie doit assumer le risque d’investissements sous sanctions, dans des terrains difficiles, et faire confiance aux capacités de l’Iran.

La confiance politique et stratégique reste fragile. Les renseignements britanniques ont souligné la méfiance persistante et reconnu que le traité n’apportera peut-être pas de percées majeures. Eurasia Review qualifie l’alliance de « tiède », notant la concurrence énergétique entre Moscou et Téhéran, des volumes commerciaux modestes (environ 5 milliards de dollars), et l’inexécution d’accords antérieurs. En pratique, la Russie a refusé une clause de défense mutuelle complète. Le pacte interdit d’aider un agresseur tiers mais n’engage pas à une assistance militaire directe. La diplomatie iranienne a insisté sur le refus d’être entraînée dans des blocs militaires. Lors des récentes frappes américaines et israéliennes sur des sites nucléaires iraniens, Moscou a publiquement condamné les attaques mais n’a offert aucune réponse militaire. Ce fossé révèle la différence entre alliance rhétorique et pacte opérationnel.

Le traité modifie aussi la dynamique des sanctions et des juridictions légales. La Russie a déjà rejeté la récente réactivation des sanctions de l’ONU contre l’Iran (via le mécanisme de retour automatique) comme illégale et non contraignante. Cette position construit de fait une légalité parallèle où Moscou agit comme si les sanctions ne la concernent pas, favorisant ainsi leur contournement ou non-respect. Téhéran menace également de refuser inspections ou coopération avec l’AIEA si les sanctions perdurent. Avec deux grandes puissances ignorant ouvertement les mécanismes de coercition occidentaux, l’application des règles devient asymétrique. Les pays qui souhaitent commercer avec l’une ou l’autre seront exposés à des risques juridiques, diplomatiques ou devront compartimenter leurs relations.

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Les implications régionales sont profondes. Dans le Caucase du Sud, le gazoduc passera probablement par l’Azerbaïdjan, donnant à Bakou un rôle de hub mais l’exposant aussi aux pressions concurrentes de Moscou, Téhéran et l’Occident. Les intérêts arméniens peuvent être affectés. Pakistan et Inde pourraient chercher à utiliser le corridor pour l’énergie et le commerce. L’INSTC vise à contourner Suez et à raccourcir de 40 % le transit Russie-Inde, offrant une alternative aux routes maritimes dominées par les marines occidentales. Pour l’Europe, de nouveaux flux gaziers pourraient réduire certains marchés ou leur pouvoir de négociation. Pour le Sud global, ce nouveau corridor offre une diversification potentielle des échanges, mais la plupart des États n’ont pas la capacité de gérer les risques géopolitiques.

Sur le plan énergétique mondial, le pacte favorise la dédollarisation. Russie et Iran privilégient les échanges bilatéraux en monnaies locales et les systèmes de paiement alternatifs. À terme, cela peut éroder la domination du dollar sur certains marchés de l’énergie, surtout parmi les pays tolérants aux sanctions. Le traité ne vise pas à renverser à lui seul la primauté monétaire américaine, mais il contribue à l’infrastructure de la fragmentation systémique.

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Il faut se demander si le traité fait partie d’un plan « sombre » ou d’un virage souverain rationnel. L’architecture énergétique et de transport construite ici n’est pas neutre : contrôler les flux, les goulots d’étranglement, les dépendances et la fixation des prix, c’est le pouvoir. Cela peut favoriser l’escalade dans les conflits. La Russie utilise déjà des drones iraniens (Geran/Shahed) en Ukraine ; l’Iran accède à la défense anti-aérienne russe (S-400) et aux plateformes Su-35. Ce transfert accroît le risque militaire au Moyen-Orient et au-delà. Mais l’absence de clause de défense mutuelle indique que chaque partie souhaite préserver sa liberté d’action, sans engagement en cas d’escalade.

Des analystes indépendants, comme ceux du Centre for Analysis of Strategies and Technologies (CAST, basé à Moscou mais indépendant), notent que la logique des exportations d’armes russes s’aligne naturellement sur les besoins iraniens. L’Iran tire profit de l’accès à des systèmes lourds pour sa sécurité intérieure. Mais CAST relève aussi le risque d’une dépendance excessive, de fuite technologique et de contrecoups diplomatiques.

L’équilibre international se modifie. L’Occident ne peut traiter la Russie et l’Iran de la même façon : la Russie demeure économiquement plus stable, militairement plus puissante et centrale en Eurasie. L’Iran est un partenaire junior, limité par la démographie, la fragilité économique, les sanctions et la contestation interne. L’axe est donc asymétrique. La Russie gagne en influence, l’Iran obtient protection et investissement. Mais le danger réside dans des attentes démesurées: si la Russie échoue à livrer, la désillusion iranienne peut nourrir instabilité, coups d’État ou dérives agressives.

Il faut aussi juger le coût de la réaction occidentale. Les États-Unis peuvent sanctionner les entreprises tierces impliquées dans la construction du pipeline, bloquer les transferts de technologie, exercer des pressions sur les États du Golfe ou imposer des sanctions secondaires. Ces leviers existaient déjà partiellement. Le traité amplifie la confrontation : pipelines via l’Azerbaïdjan, corridors étendus via le Pakistan ou l’Inde suscitent des réactions régionales. Les pays situés sur la route peuvent subir des pressions.

Le risque d’escalade demeure élevé. Si les tensions avec Israël ou l’Arabie saoudite s’aggravent, l’Iran peut utiliser sa position énergétique ou son poids politique. Cela mettra la Russie sous pression pour répondre ou risquer la vassalisation. Le traité brouille la frontière entre géopolitique de l’énergie et sécurité. En Afrique, Amérique latine et Asie du Sud-Est, les pays observant cette alliance peuvent réévaluer leurs propres alliances. Certains s’aligneront, d’autres temporiseront.

Pourtant, le récit du virage souverain a du sens. Le traité élargit la multipolarité. Il offre aux États non occidentaux une alternative structurelle à la dépendance. Pour les pays soumis à des sanctions ou à la coercition occidentale, l’exemple est parlant : commerce via l’Iran, contrats énergétiques hors dollar, cadres juridiques contournant les tribunaux occidentaux, chaînes d’approvisionnement indépendantes. Dans les petits États (Venezuela, certaines régions d’Afrique, certains États asiatiques), l’alliance propose de nouveaux modèles. Si le corridor fonctionne et que les échanges augmentent, le traité pourrait contribuer à créer une économie mondiale parallèle.

Mais cela dépendra de la mise en œuvre, de la discipline et de la coordination mutuelle. De nombreux traités visionnaires échouent à l’application. La Russie doit éviter la surextension ; l’Iran doit maintenir les réformes structurelles ; les États non alignés doivent éviter d’être entraînés dans des conflits par procuration.

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Le plus grand danger du traité réside dans la surconfiance. Si la Russie s’implique militairement trop tôt, elle risque l’enlisement. Si l’Iran attend trop de soutien, il pourrait provoquer une répression. L’architecture reste déséquilibrée, l’énergie, le transport et la finance étant largement russes. Mais le risque stratégique pèse sur les deux.

En somme, le traité Russie-Iran de 2025 fait partie d’une reconfiguration progressive de l’ordre mondial. Il ne s’agit pas simplement d’une réaction à la pression occidentale, ni d’une tentative conspirationniste de briser l’ordre mondial. Il s’agit plutôt de diplomatie d’État, où les puissances cherchent à accroître leur influence, à sécuriser des voies stratégiques et à affirmer leur autonomie. L’issue dépendra de l’exécution, de la dynamique de la guerre des sanctions, des évolutions régionales, du niveau de confiance réciproque et des capacités internes des acteurs. Les observateurs, surtout hors du récit dominant, devront voir si le corridor est à la hauteur des ambitions ou s’effondre sous la pression.

Rédigé par : GGTV

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France: quand le «macronisme» s'effondre sur lui-même

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France: quand le «macronisme» s'effondre sur lui-même

Elena Fritz

Source: https://pi-news.net/2025/10/frankreich-wenn-der-macronism...

L'affaire Lecornu montre que le macronisme n'a jamais été un mouvement politique, mais plutôt un mode de gestion du déclin assorti d'une prétention esthétique des plus discutables.

La démission de Sébastien Lecornu, à peine 24 heures après sa nomination au poste de Premier ministre, fait l'effet d'un scandale politique. En réalité, elle est l'expression d'une rupture structurelle plus profonde. La France assiste à la lente désintégration du macronisme, une forme de pouvoir technocratique qui a perdu sa base sociale.

Depuis 2017, Emmanuel Macron vend aux Français une image de «modernisation» qui signifie en réalité déréglementation, démantèlement social et exaltation morale. La soi-disant «voie européenne» n'est rien d'autre que l'institutionnalisation de l'irresponsabilité: les intérêts nationaux sont externalisés, les conflits sociaux européanisés, les décisions politiques anonymisées.

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Lecornu était la figure idéale dans ce système: adaptable, loyal, ambitieux. Le fait qu'il jette l'éponge n'est pas un acte de rébellion, mais le dernier réflexe de son instinct de survie. Dans le macronisme, le poste de Premier ministre est un produit jetable: toute figure chargée de mettre en œuvre des réformes impopulaires est sacrifiée dès que les protestations deviennent trop fortes.

Lecornu, un symptôme, pas une solution

Derrière la rhétorique libérale se cache une politique d'austérité profonde. Retraites, éducation, santé: tout est réduit afin de financer de nouveaux projets d'armement.

L'Ukraine sert de prétexte moral à la transformation de l'économie française en économie de guerre. Le prix à payer: une perte silencieuse mais perceptible de cohésion sociale.

La démission de Lecornu n'est pas un échec personnel, mais le symptôme d'un ordre politique qui se consume lui-même. La France veut être à la fois un État social, un empire et une superpuissance morale – et perd peu à peu chacun de ces éléments.

Ce n'est pas « l'Europe » qui tremble, mais l'appareil bruxellois, dont la façade était soutenue par la stabilité française et la solvabilité allemande. Lorsque Paris vacille, l'équilibre politique de l'UE s'effondre. Sans la France, Bruxelles perd son ancrage légitime, son centre sémantique. L'UE, « projet de rationalité », se révèle de plus en plus comme un projet visant à préserver sa propre bureaucratie.

Conclusion

L'affaire Lecornu montre que le macronisme n'a jamais été un mouvement politique, mais un mode de gestion du déclin assorti d'une prétention esthétique des plus discutables. Maintenant que même les personnages les plus loyaux de ce macronisme quittent le navire, la vérité se révèle: la France n'est pas à l'aube d'un changement de pouvoir, mais d'une lassitude du pouvoir lui-même.

Et l'UE, qui a soutenu cette orientation, sent pour la première fois que ses fondements, basés sur une illusion technocratique et une hybris morale, ne tiennent pas la route lorsque le ciment français s'effrite.

mardi, 07 octobre 2025

La gauche psychanalytique

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La gauche psychanalytique

par Roberto Pecchioli 

Source : Il perchè cui prodest & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/la-sinistra-psica...

Psychanalytique parce qu’elle projette ses propres fantasmes sur la réalité, la déformant jusqu’à la nier : l’idéologie gauchiste dévoyée et l’aversion pour tout ce qui est normal.

Arrêtez le monde, je veux descendre. Est-ce la vieillesse, ou l’altérité absolue face aux idées dominantes, mais je ne supporte plus les Bons, les Pacifistes, les Belles Âmes. Peut-être dois-je me faire soigner, car tout écart par rapport à la pensée magique progressiste de l’Occident comateux est considéré comme une maladie. Psychique, naturellement. De nouvelles phobies sont inventées chaque matin: xénophobie, homophobie, transphobie, technophobie, islamophobie. Plus on en trouve, mieux c’est. Il y a toujours de la place nouvelle dans l’idéologie gauchiste dévoyée. Si tu n’es pas comme moi, si tu penses différemment, raisonne le bon progressiste qui transpire la bonté par tous les pores, tu es rongé par la haine. Il faut donc punir par la loi un sentiment, selon le critère de la mélasse progressiste indigeste. Dans la mécanique mentale correctionnelle et rééducative, ce sont toujours les autres qui haïssent. Telle est la pédagogie de la normophobie, l’aversion pour tout ce qui est normal.

La gauche moderne autoproclamée – normophobe – est psychanalytique en tant qu’idéalisme. Au sens philosophique du terme: elle confond l’idée avec la réalité. Vieille histoire, inaugurée par le vieux Hegel, qui toutefois n’aurait pas aimé la frénésie du changement thématisée par Marx. Psychanalytique parce qu’elle projette ses propres fantasmes sur la réalité, la déformant jusqu’à la nier. La projection, selon Freud, est le mécanisme de défense inconscient qui consiste à attribuer à autrui ses propres pensées, sentiments ou qualités inacceptables ou déplaisants, afin d’éviter le conflit et l’angoisse de les reconnaître. Raccourci parfait pour nier la réalité: par exemple, ils croient à l’égalité en dépit de l’évidence de son inexistence dans la nature. Ou que le mariage n’est pas l’union d’un homme et d’une femme, et que donc le prétendu mariage homosexuel (un oxymore évident) est un acte bienfaisant d’égalité.

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Personne n’y avait jamais pensé: merveilles du progrès, l’œuf de Christophe Colomb qui tient debout parce qu’il est écrasé. L’obsession pour l’égalité déclinée en termes d’équivalence, d’homologation, d’interdiction de constater les différences et les faits. Contra factum non valet argumentum, disaient les Latins. Vieillerie! L’idéalisme (l'idéisme) malade, onirique, est la négation de la biologie elle-même: masculin et féminin sont des constructions sociales des classes dominantes. Nous ne sommes pas ce que nous sommes, seule compte l’autoperception; aujourd’hui, je me sens chat, donc je le suis, demain, je me considèrerai femme. Personne ne peut me juger ni me demander de me regarder dans le miroir. Au diable la réalité.

La gauche psychanalytique ? Psychanalytique parce qu’elle projette ses propres fantasmes sur la réalité, la déformant jusqu’à la nier.

Les gauchistes y croient toujours, mordent à l’hameçon des menteurs et des agitateurs auxquels leurs pères et grands-pères n’auraient jamais prêté l’oreille, eux qui maniaient la faucille et le marteau pour faire vivre la famille, dite "traditionnelle" pour la discréditer. Tradition signifie transmission: inutile de rappeler que qui ne transmet pas détruit. «Bien creusé, vieille taupe», commenta Marx à propos de la révolution qui agit en sous-main comme les rongeurs, qui ne songent guère à construire. Belles âmes, désaccoutumées à l’ordre mental, pensent à la fois que le pouvoir naît du canon du fusil, «mais aussi » (copyright Walter Veltroni) qu’il suffit, pour arrêter les guerres, d’arborer un drapeau arc-en-ciel et proclamer la nécessité du «dialogue», remède universel. Étrange qu’Héraclite, le philosophe du changement (panta rhei, tout coule) ait écrit que « pōlemos (le conflit) est le père de toutes choses, de tout le roi ; et il révèle certains comme dieux, d’autres comme hommes, les uns il fait esclaves, les autres libres». La notion de pōlemos indique le principe fondamental du devenir du monde et de l’harmonie de la réalité. Trop compliqué: pour éviter le mal de tête, la seule guerre qui indigne ces messieurs et compagnons – alors qu’il y en a des dizaines en cours – est celle de Palestine, à laquelle ils appliquent immédiatement le même critère de jugement unique, estampillé conforme: opprimé contre oppresseur. La logique dualiste du plus facile, ici coïncidant avec la vérité.

Le progressiste collectif est sincèrement persuadé que la manifestation, la mobilisation et la grève résolvent tout. D’ailleurs, le mythe de la grève générale, ferment de révolte et de révolution sociale, théorisé par Georges Sorel, est plutôt démodé et Sorel lui-même a ensuite suivi d’autres voies idéales. Le vacarme progressiste actuel sur Gaza est exemplaire: ils vivent la juste cause palestinienne comme un psychodrame à réparer en agitant des drapeaux ou en bloquant – ici, pas là-bas – gares, autoroutes, transports. Jamais de grèves proclamées pour se défendre contre les factures d’énergie, la hausse des dépenses militaires, pour condamner la fuite de Fiat hors d’Italie, pour les malversations bancaires, pour soutenir ceux qui ont été licenciés pour refus de vaccin.

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Le vide décrit par Eugenio Montale: «ne nous demande pas le mot qui scrute de tous côtés notre âme informe», pour conclure «cela seulement aujourd’hui nous pouvons te dire / ce que nous ne sommes pas, ce que nous ne voulons pas». Un siècle plus tard, nous voilà revenus au point de départ. Ils savent ce qu’ils ne veulent pas, mais ignorent à quelle société ils veulent tendre. Hurleurs sans idées. Autrefois, ils étaient communistes et luttaient pour quelque chose. Les grèves d’hier rassemblaient des foules dignes qui exigeaient la justice sociale, défendaient le travail et une répartition plus équitable des richesses. Peut-être aspiraient-ils à devenir petits-bourgeois, comme le pensaient les francfortistes qui niaient la nature révolutionnaire du prolétariat industriel, mais c’étaient des générations concrètes avec des objectifs précis.

L’exemple parfait de la dissonance cognitive progressiste sont les flash mobs – rassemblements spontanés, brefs, chorégraphiés – réalisés dans de nombreux hôpitaux italiens pour soutenir la Palestine. Outre l’inanité évidente du moyen utilisé, le choix du lieu frappe, typique de ceux qui n’ont aucun rapport avec la réalité. Dans les hôpitaux, on souffre; patients et familles attendent des soins, pas des manifestations. Dans ce cas, comme dans les blocages routiers et des transports, il est probable que le résultat soit contraire aux attentes, mais l’idéalisme à bon marché qui se moque des faits est plus facile. Cela coûte peu, comme la foire à l’indignation sourcils froncés et moralisme verbeux. Le progressisme adore le mot droits, dont il use chaque jour, passé du champ social (travail, salaire, santé, éducation, sécurité) à celui de l’individualisme amoral, libertin et consumériste.

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L’archétype progressiste contemporain est un éternel adolescent, un Peter Pan immature dont l’aspiration est des vacances éternelles (c’est-à-dire, étymologiquement, des absences) auxquelles tout lui est dû. Il y a « droit » et chaque nouveau droit devient invariablement une « loi de civilisation ». Donc le passé, tout passé, doit être interprété comme barbarie, dont on sort en se confiant à la mystique du progrès: après, c’est toujours mieux qu’avant. Dans un monde où le capitalisme est vraiment devenu «destruction créatrice» (J. Schumpeter), c’est le binôme étrange, maîtres universels et progressistes, qui l’emporte. Ils ne veulent pas l’admettre, mais la conscience malheureuse des plus réfléchis sait que c’est la vérité. La solution, tout aussi facile, est la préférence pour les gestes symboliques, le bavardage pensif où l’on se lave la conscience et où l’on donne libre cours à l’émotivité, dernier refuge de l’esprit, par nature passager, trouble éphémère, petite larme légère qui certifie la bonté, l’appartenance granitique à l’armée du Bien.

Les gauchistes se divisent en trois catégories principales: ceux d’origine catholique croient à un humanitarisme larmoyant, fraternité abstraite d’une religion sans Dieu. La couleur rose. Le gros du corps central, ex-, post-, néo-communiste, s’est adapté à une sorte de marxisme light, épuré de l’abolition de la propriété privée. La couleur rouge. Troisième secteur, la couleur fuchsia de la bourgeoisie libérale, globaliste, dévouée au Marché, à la Technique, à l’Innovation. Toutes convergent dans le Progrès et les Droits tout en détestant Dieu, la patrie et la famille. Ce n’est plus la religion l’opium du peuple, mais plutôt l’opium des dépendances et des modes qui est la religion des peuples. Leur idole est toujours l’Autre, la Victime. Ils ont la manie du défilé, du nombre, qui ne produit pas de force mais du poids. Enfant, je me demandais pourquoi ils «prenaient toujours parti pour l’équipe adverse». Maintenant je le sais, c’est la haine pour la comparaison insoutenable, la rancœur pour ce qui est plus élevé et plus beau.

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L’idéologie gauchiste dévoyée et l’aversion pour tout ce qui est normal : l’archétype progressiste contemporain est un éternel adolescent, un Peter Pan immature dont l’aspiration est des vacances éternelles où tout lui est dû.

J’exagère ? Peut-être, mais parfois il faut laisser parler ses tripes. Lors des manifestations pro-Pal à Rome, une bonne cause – mais qui, pour beaucoup, n’était qu’une occasion de se défouler contre le gouvernement – a aussi été ternie par des jets d’œufs, de pierres et d’insultes contre le siège du mouvement ProVita. Un signal révélateur. D’autres hommes vertueux (ou dames) ont souillé la statue du pape Wojtyla, traité de fasciste de m... Les voyous et les crétins ne sont pas ennoblis par les drapeaux qu’ils brandissent. J’exagère encore ? Alors j’insiste: la haine, les visages livides de rage, la rancœur de gens mal dans leur peau, la négligence personnelle, sont filles du nihilisme de ceux qui ne croient qu’à la destruction. Orphelins de père et de mère, enfants naturels d’idéologies rances, ils trouvent dans l’aversion une raison de vivre.

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Le sempiternel dualisme: ils ont besoin de l’ennemi, à leurs yeux toujours absolu. Un sondage a révélé que plus d’un quart de la faction la plus progressiste américaine approuve la violence et l’assassinat politique, contre sept pour cent du monde ultraconservateur. Il s’agit, c’est la justification gramscienne, de violence « progressive », destinée à l’édification d’une société meilleure. Meilleure? Fichez-moi la paix, dirait Totò, qui était tout de même le prince De Curtis. Un autre élément psychanalytique est la fascination – qui devient mode de vie – pour les instincts les plus bas, présentés comme spontanéité, sincérité, naturalisme. Dans la gauche psychanalytique, c’est le Ça qui gagne, les pulsions et besoins primitifs. Et l’emportent même sur le vieux rouge, le violet de la rancœur et le jaune de l’envie, autre thème freudien. Charlie Kirk avait tort de défier ses adversaires: prove me wrong, prouve-moi que j’ai tort. Impossible. L’évangile apocryphe progressiste est une séquence de dogmes sectaires, indiscutables, aussi durs que les Commandements. Pour Moïse le radical-progressiste, génération perdue de l’Occident terminal, le divan du psychanalyste ne servira à rien.

La force d'Israël

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La force d'Israël

Andrea Marcigliano

Source: https://electomagazine.it/la-forza-di-israele-2/

Israël est incontestablement en train de gagner. Sur tous les fronts, balayant les Palestiniens de Gaza et les réduisant à leur plus simple expression en Cisjordanie. Et, dans le même temps, les Israéliens occupent une partie de la Syrie, imposent à Damas un gouvernement fantoche, et entrent massivement au Liban. Et contraignent le Hezbollah à une défense désespérée.

Sans oublier, par ailleurs, les attaques en profondeur en Irak. Et celles, plus lointaines, contre l'Iran.

En somme, une victoire militaire sur tous les fronts, qui ne laisse aucune place à d'autres interprétations. Une victoire, si vous voulez, qui est brutale et cynique, mais incontestable.

Cependant, une question me vient à l'esprit. Comment Netanyahu a-t-il la force de faire tout cela ? La force de réaliser, en fait, le rêve du Grand Israël. En effaçant ou en réduisant au minimum la présence arabe dans les territoires ?

Et c'est une question bien plus complexe qu'on pourrait le croire à première vue.

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Car, bien sûr, Israël dispose d'une excellente organisation militaire. Une armée efficace et équipée des meilleurs outils contemporains. Elle a des commandants compétents et des soldats déterminés. Au point qu'ils se permettent d'être impitoyables.

Cependant, si l'on regarde les chiffres bruts, les Israéliens ne sont qu'une poignée. Peu nombreux, très peu nombreux dans le contexte de cet océan varié et tumultueux qu'est le monde arabe.

On se demande alors naturellement si la force d'Israël est uniquement militaire. Et la réponse est évidente. Même si elle n'est pas simple.

La force d'Israël est avant tout et essentiellement politique. Et pas seulement parce qu'il bénéficie du soutien quasi inconditionnel de Washington.

Ce qui permet vraiment à Israël de faire la pluie et le beau temps au Moyen-Orient, c'est le comportement des États arabes. Ou plutôt leur ambiguïté fondamentale sur la question palestinienne.

Car, en paroles, tous les États arabes, ou presque, sont pro-palestiniens. Mais seulement en paroles, justement.

En réalité, tous négocient en coulisses avec Israël. Et ils s'efforcent d'empêcher la création d'une Palestine indépendante. À jamais.

Il n'y a pas que la Jordanie, qui considère les Palestiniens comme des traîtres à la monarchie hachémite. Et préfère qu'ils soient punis et balayés par les Israéliens.

L'Égypte a également une attitude pour le moins ambiguë. Tout comme les pétromonarchies du Golfe.

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Et ne parlons pas de la nouvelle Syrie d'Al-Jolani... désormais satellite d'Israël.

Avec le Hezbollah en difficulté croissante au Liban et l'Iran sous le feu des attaques, les Palestiniens sont complètement seuls. Abandonnés à leur sort.

Ankara, quant à elle, ne les soutient qu'en paroles. En réalité, elle continue à négocier et à faire des affaires avec Tel-Aviv.

Bien sûr, l'humeur des masses arabes serait différente. Et c'est précisément pour cette raison que les élites gouvernementales font semblant de soutenir la cause palestinienne.

Mais il ne s'agit que d'une fiction.

Une fiction qui permet à Israël, avec quelques millions d'hommes, de dominer la scène.

Non seulement pour ne pas être submergée, mais aussi pour réaliser le rêve du Grand Israël.

Sans se soucier de l'océan arabe dans lequel elle est enclavée.

Et en poursuivant son chemin. Inexorablement. 

 

15:53 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, israël, palestine, monde arabe | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Les coulisses de la reconnaissance de la Palestine par l’Europe! - Un plan de sauvetage d’Israël sous couvert de soutien à la Palestine

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Les coulisses de la reconnaissance de la Palestine par l’Europe!

Un plan de sauvetage d’Israël sous couvert de soutien à la Palestine

Entretien avec Peiman Salehi, analyste iranien

Question de Yasin Okyay

Source: https://www.aydinlik.com.tr/haber/avrupanin-filistini-tan...

Pourquoi de nombreux pays européens ont-ils décidé d'agir « maintenant » pour reconnaître la Palestine ? Que signifie le plan de Trump pour Gaza ? Qui en tire avantage ? Quelles seront les conséquences du désarmement du Hamas et du transfert du contrôle de Gaza ? L’analyste politique iranien Peiman Salehi a répondu aux questions les plus fréquemment posées...

De nombreux pays européens ont décidé de reconnaître la Palestine. Cependant, alors que tout cela se produit, l’agressivité d’Israël envers la Palestine se poursuit encore. De la rencontre entre Trump et Netanyahu à la Maison Blanche a émergé un « Plan Gaza » en 20 points. Ce plan prévoit la fin des affrontements à Gaza, l’absence d’expulsion de la population gazaouie et l’engagement d’Israël à ne pas annexer de territoires. Toutefois, selon le plan, le Hamas devra déposer les armes et transférer le contrôle de Gaza à un gouvernement de transition composé de technocrates internationaux placés sous la supervision de Trump. Ce plan ne vise pas seulement à réduire la présence politique et militaire du Hamas et de la Palestine, mais il transfère également tout pouvoir et toute volonté politique sous le contrôle des États-Unis et d’acteurs internationaux.

L’analyste politique iranien Peiman Salehi a évalué ces développements pour le media turc Aydınlık Avrupa. Salehi souligne que le timing de la reconnaissance de la Palestine par les États européens n’est pas fortuit, et que cette action pourrait, en fin de compte, servir les intérêts d’Israël. À propos du plan en 20 points de Trump sur Gaza, Salehi affirme: «L’insistance de Trump sur le désarmement du Hamas et le transfert du contrôle de Gaza n’est pas une demande neutre. Il s’agit en réalité d’une stratégie de domination à long terme. Le désarmement privera les Palestiniens de leur unique véritable force de dissuasion. Cela ouvrira la voie à une intervention plus profonde d’Israël dans la vie politique et sécuritaire de Gaza».

« Le timing de la reconnaissance de la Palestine n’est pas une coïncidence »

Ce timing n’est pas le fruit du hasard. L’Europe voulait montrer qu’elle avait encore du poids au Moyen-Orient et qu’elle pouvait agir de manière indépendante de Washington. Pourtant, en pratique, ce mouvement faisait partie d’un projet plus vaste mené en coordination avec les intérêts des États-Unis et d’Israël. En reconnaissant la Palestine à ce moment précis, les gouvernements européens espéraient gérer la crise et orienter celle-ci vers une issue contrôlée, plutôt que de risquer une escalade incontrôlée des tensions.

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« Netanyahu n’a pas atteint ses objectifs »

Après presque deux ans de guerre, Netanyahu n’a pas réussi à atteindre les objectifs qu’il avait fixés pour Gaza. Les pertes civiles se sont accrues et le gouvernement israélien fait face à des critiques internationales croissantes. Il est devenu urgent pour Netanyahu d’avoir une porte de sortie qui ne ressemble pas à une défaite. L’Europe a joué la carte de la reconnaissance pour donner une impression de progrès.

« L’acte de reconnaissance de l’Europe sert les intérêts d’Israël »

Cette reconnaissance n’a pas qu’une valeur symbolique. Elle vise également à montrer qu’Israël se bat fermement, mais peut accepter une solution de compromis international, et à préparer le terrain pour une telle issue. Les mouvements de résistance ne seront pas totalement éliminés, mais leurs victoires ne seront pas non plus pleinement reconnues. En ce sens, l’action de l’Europe vise moins à rendre justice aux Palestiniens qu’à préserver la stabilité d’Israël et l’influence de l’Occident dans la région.

« Le plan Gaza en 20 points avantage Israël »

Que pensez-vous du plan Gaza en 20 points de Trump et Netanyahu, et quelles seraient les conséquences du désarmement et du transfert du pouvoir par le Hamas ?

Ce plan confirme les attentes de beaucoup: il donne clairement l’avantage à Israël. L’initiative de reconnaissance de l’Europe n’ayant pas permis de clore la guerre comme le souhaitaient les dirigeants occidentaux, Trump est intervenu avec une proposition qui renforce la position d’Israël et lui offre une protection politique.

« Le nouveau plan pour Gaza n’est pas de bonne foi »

La question centrale ici est la confiance. Ni les États-Unis ni Israël ne se sont révélés des acteurs fiables pour la paix. Israël a violé à maintes reprises les cessez-le-feu tant au Liban qu’à Gaza. Les États-Unis se sont retirés unilatéralement de l’Accord nucléaire iranien, qu’ils ont ensuite utilisé contre Téhéran selon leur propre interprétation. Compte tenu de tout cela, il y a peu de raisons de croire que le nouveau plan soit de bonne foi.

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«Le désarmement privera les Palestiniens de leur seule force de dissuasion»

L’insistance de Trump sur le désarmement du Hamas et le transfert du contrôle de Gaza n’est pas une demande neutre. Il s’agit en réalité d’une stratégie de domination à long terme. Le désarmement privera les Palestiniens de leur unique véritable force de dissuasion. Cela ouvrira la voie à une intervention plus profonde d’Israël dans la vie politique et sécuritaire de Gaza. Un tel scénario n’a guère de chances d’apporter la paix. Cela créerait un vide que des puissances extérieures chercheraient à combler, menant à davantage d’instabilité et de polarisation dans la région.

«Téhéran soutient que la question palestinienne doit être résolue par les Palestiniens»

Que se passerait-il si un gouvernement de transition supervisé par Trump était instauré à Gaza ? Quelle serait la position de l’Iran dans ce cas ?

L’Iran ne reconnaîtra comme légitime aucun gouvernement de transition imposé de l’extérieur à la Palestine. Téhéran a toujours défendu que la question palestinienne devait être résolue par les Palestiniens eux-mêmes. Le fait que Trump supervise un tel gouvernement conforterait l’Iran dans l’idée que «le but n’est pas la paix, mais une ingénierie politique en faveur d’Israël».

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« Les actions de Trump sont en parfaite harmonie avec Israël »

Du point de vue iranien, Trump n’est pas une figure neutre. Il a transféré l’ambassade américaine à Jérusalem et a promu le « Deal du siècle ». Ses actions sont en parfaite harmonie avec la position d’Israël. Par conséquent, un gouvernement de Gaza établi sous son contrôle serait considéré comme une extension de l’occupation par d’autres moyens. En pratique, cela encouragerait l’Iran à renforcer son soutien aux groupes de résistance palestiniens. Si ces groupes sont désarmés, les Palestiniens perdront leur unique force de dissuasion. Cela inciterait l’Iran à compenser la situation par un soutien politique et matériel accru. Une telle démarche ne calmerait pas le conflit, mais approfondirait la tension. Du point de vue iranien, cela confirmerait que les États-Unis cherchent à imposer des solutions de l’extérieur, plutôt qu’à respecter le droit des peuples à l’autodétermination.

« La Palestine est une question de civilisation »

Comment voyez-vous l’avenir de la Palestine ?

À court terme, la situation n’est pas prometteuse. Il est probable que l’on assiste à des cessez-le-feu fragiles et à des initiatives internationales éphémères visant davantage à gérer qu’à résoudre la crise. Les pertes humaines demeureront lourdes et l’incertitude politique persistera. Cependant, à long terme, la question palestinienne n’est pas seulement un conflit territorial, mais une question historique et civilisationnelle. Même si les organisations sont affaiblies ou les dirigeants ciblés, l’idée de résistance ne peut être éradiquée. Chaque nouvelle génération hérite de la mémoire et de la cause. Ainsi, les tentatives d’éliminer la volonté palestinienne par le désarmement ou des gouvernements imposés échoueront à apporter la stabilité.

« L’affaiblissement de l’hégémonie unipolaire offre une opportunité aux Palestiniens »

Les changements mondiaux sont également importants. La montée de nouvelles puissances dans le Sud global et l’affaiblissement croissant de l’hégémonie unipolaire des États-Unis offrent aux Palestiniens plus d’opportunités de faire entendre leur voix sur la scène internationale. Leur lutte est de plus en plus perçue comme faisant partie d’un mouvement plus large pour la multipolarité et la justice.

« Toute solution ignorant le droit des Palestiniens à l’autodétermination s’effondrera tôt ou tard »

L’avenir de la Palestine sera donc façonné par la coopération entre les acteurs palestiniens sur le terrain et les grandes transformations géopolitiques mondiales. Toute solution qui ignorerait le droit des Palestiniens à l’autodétermination finira tôt ou tard par s’effondrer, entraînant un nouveau cycle de crise. La véritable stabilité ne viendra que lorsque le peuple pourra décider lui-même de son destin.

 

Allemagne: Vers un état d'urgence sous l'hystérie guerrière

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Allemagne:

Vers un état d'urgence sous l'hystérie guerrière

par Wolfgang Hübner

Source: https://pi-news.net/2025/10/mit-kriegshysterie-in-den-not...

Il est tentant pour Merz & Co. de « résoudre » la crise politique intérieure due à la force montante de l'AfD et le front politique extérieur dans la guerre en Ukraine à l'aide de lois d'urgence.

Friedrich Merz ne sera jamais un chancelier populaire ni couronné de succès. Mais il fait tout pour devenir au moins le premier chancelier fonctionnant à coup de mesures d'urgence dans l'histoire de la République fédérale. L'hostilité envers la Russie, qu'il soutient agressivement avec d'autres, la militarisation de l'économie et de la société, l'escalade de l'hystérie guerrière mènent à un objectif bien caché, mais de plus en plus clair: faire de l'Allemagne un État en état permanent d'urgence dans lequel les droits fondamentaux sont restreints ou supprimés, mais où le pouvoir du gouvernement peut prendre des proportions dictatoriales.

Contrairement à de nombreux autres membres du gouvernement de coalition formé par l'Union (démocrate-chrétienne) et la SPD socialiste, Merz est assez âgé pour avoir vécu le 30 mai 1968. À l'époque, après des années de luttes politiques contre la résistance acharnée de l'opposition extraparlementaire (APO), les lois d'urgence ont été adoptées au Bundestag à une large majorité par les partis au pouvoir, l'Union et la SPD. En ce jour noir de l'histoire de notre pays, 100 députés du Bundestag ont tout de même voté contre cette modification de la Loi fondamentale, y compris ceux qui venaient des rangs de la SPD.

Pendant près de 60 ans, c'est-à-dire pendant toute la durée de la « guerre froide » jusqu'en 1990, les lois d'urgence n'ont pas été appliquées. Mais la demande du plus fervent belliciste de la CDU, Roderich Kiesewetter, de proclamer « l'état d'urgence » en raison de prétendues menaces russes, laisse entrevoir les possibilités envisagées. En effet, il est tentant pour la démocratie partitocratique allemande de « résoudre » à la fois la crise politique intérieure due à la montée en puissance de l'AfD et la confrontation en cours, extrêmement dangereuse sur le plan de la politique étrangère, suite à la guerre en Ukraine à l'aide de lois d'urgence.

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Le ministre-président sortant de Saxe-Anhalt, Reiner Haseloff (CDU), n'a laissé aucun doute sur la façon dont le cartel formé par la CDU/CSU, la SPD et les Verts, ainsi que les médias de masse, se perçoit lui-même, à savoir comme un « système » qui, selon la devise « C'est nous ou eux ! », est prêt à tout pour empêcher l'AfD de participer au pouvoir. Dans le même temps, Manfred Weber, homme politique européen de premier plan issu de la CSU, propose dans un talk-show de paralyser le métro de Moscou par une cyberattaque. Il s'agit là d'une provocation politique, incendiaire et irresponsable, dont la réalisation entraînerait des représailles très sévères de la part de la Russie, à moins que le président Poutine ne veuille risquer sa chute au profit de cercles plus radicaux.

Ce qui est particulièrement grave dans cette situation, c'est que la direction de la SPD, autour de Lars Klingbeil et Boris Pistorius, accepte d'attiser l'hystérie guerrière. Mais tout comme la SPD était prête, en 1968, avec à sa tête la légende du parti Willy Brandt, à faire passer les lois d'urgence avec l'Union contre une forte opposition interne au parti, la social-démocratie d'aujourd'hui, en pleine déliquescence, est prête à s'opposer une fois de plus aux intérêts du peuple en matière de liberté et de paix.

Encore une remarque personnelle: en tant que vétéran de l'APO ("Opposition extra-parlementaire"), ayant participé à de nombreuses manifestations et rassemblements contre les lois d'urgence entre 1966 et 1968, je n'aurais jamais imaginé devoir un jour assister à l'application de ces lois. Cela m'attriste de devoir désormais le craindre à mon grand âge.

lundi, 06 octobre 2025

L’humanité sera confrontée à des épreuves terribles

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L’humanité sera confrontée à des épreuves terribles

Alexandre Douguine

Les changements dans l’ordre mondial se produisent généralement par la guerre. Il est très rare que ceux qui détiennent le pouvoir absolu acceptent de s’en défaire volontairement. En général, ils s’y accrochent jusqu’au bout, jusqu’à être détruits et réduits en cendres. Il ne fait aucun doute que c’est également le cas aujourd’hui.

Bien sûr, l’histoire prend parfois des tournures inattendues. Par conséquent, on ne peut qu’hypothétiquement compter, espérer ou, du moins, souhaiter que les dirigeants occidentaux renoncent volontairement à leur hégémonie. Mais tout nous dit que cela est peu probable. Et si cela n’arrive pas, il y aura la guerre. Cette guerre a déjà commencé: la guerre en Ukraine et les conflits au Moyen-Orient en sont le prélude. Mais elle n’a pas encore atteint son plein développement. Pour l’instant, il ne s’agit que d’un avant-goût de cette grande et fondamentale guerre qui sera menée pour la redistribution de la véritable souveraineté entre les forces en train de naître aujourd’hui.

Aujourd’hui, nous disons souvent que nous vivons dans un monde multipolaire, que le monde n’est plus unipolaire, que les BRICS sont en ascension et qu’ils représentent « la plus grande partie de l’humanité ». Pourtant, nous voyons que l’hégémonie du système unipolaire demeure très forte, bien qu’elle soit en déclin et que la société occidentale soit confrontée à une crise interne, une implosion plutôt qu’une explosion, qui menace de détruire sa civilisation.

Mais, dans un certain sens, malgré une nette tendance à la baisse, l’hégémonie occidentale reste plus forte que la multipolarité.

Soyons honnêtes : elle est encore capable, par exemple, de restructurer l’équilibre des pouvoirs dans l’espace post-soviétique.

Il est évident que les globalistes agissent depuis trois décennies en Ukraine, en Moldavie, dans le Caucase du Sud et en Asie centrale. Mais c’est nous qui le leur avons permis.

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Et malgré les divisions qui affectent actuellement l’Occident, divisé en deux ou trois forces distinctes — les mondialistes de l’Union européenne, Trump et le mouvement MAGA — leur pouvoir est tel qu’ils parviennent à influencer les élections en Roumanie, à éliminer les candidats qui ne leur conviennent pas, à tuer une dizaine de candidats d’« Alternative pour l’Allemagne » en faisant passer cela pour des « accidents » et, enfin, à manipuler les élections en Moldavie. Parallèlement, la guerre en Ukraine se poursuit, l’Occident ne recule pas et il nous est très difficile de remporter une victoire décisive. Autrement dit, il est prématuré d’affirmer que le monde occidental unipolaire n’existe plus. Il existe toujours, même s’il est à l’agonie.

Et, bien sûr, il est très probable que si le monde unipolaire ne s’effondre pas prochainement, tout finira par nous conduire à une grande guerre.

Je ne sais pas où elle aura lieu. Dans le Pacifique contre la Chine, contre l’Inde, au Moyen-Orient ou avec notre implication directe? Il est tout à fait possible que tout commence précisément chez nous. Ainsi, ce qui se passe en Ukraine pourrait être le début d’une guerre bien plus vaste et grave. Car c’est précisément la Russie — avec nos armes nucléaires, nos territoires, notre identité historique, notre capacité à comprendre les processus mondiaux — qui est de plusieurs pas en avance, même sur la Chine.

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La Chine ne devient que maintenant une puissance véritablement mondiale, ce qui représente une nouvelle qualité, une nouvelle situation pour elle. Il n’est pas certain qu’elle puisse y faire face. Nous avons été une grande puissance mondiale aussi bien au 20ème siècle (une des deux) qu’au 19ème (une parmi plusieurs). La grandeur de la Chine remonte à l’Antiquité. Bien que la Chine soit aujourd’hui sans aucun doute une puissance de premier plan, l’une des deux ou trois qui gouvernent le monde. Mais c’est une expérience nouvelle pour la Chine contemporaine. Il faut s’y préparer, car de nombreuses erreurs peuvent être commises. Dans notre cas, cette expérience est très vivante, et c’est pourquoi la Russie est le principal obstacle pour les mondialistes et leur principal ennemi. Voilà pourquoi c’est nous, et pas d’autres, qui sommes les principaux adversaires dans cette guerre, le paratonnerre à travers lequel circule l’histoire mondiale. C’est nous qui construisons ce monde multipolaire.

La grande question est de savoir si, dans ces circonstances, il sera possible d’éviter une troisième guerre mondiale. Pour l’instant, la seule proposition réaliste serait notre capitulation, c’est-à-dire mettre fin à la guerre volontairement, lever le drapeau blanc à l’avance et nous livrer à la merci des vainqueurs. Mais reconnaître volontairement la défaite ne signifie pas la fin de la guerre. Nous avons encore la volonté et les forces de combattre, et nous ne nous dirigeons pas vers la défaite, mais vers la victoire. Donc, si la seule façon d’éviter une grande guerre est la défaite, ce n’est pas ce que nous voulons, et cette option est donc exclue. Ce n’est pas à nous de décider s’il y aura guerre ou non, il ne nous reste qu’à observer comment le monde unipolaire déplacera les pièces de cette confrontation.

Cependant, dans l’ensemble, je suis d’accord avec l’analyse selon laquelle nous ne pourrons pas éviter une grande guerre mondiale. Et dans ce cas, la Chine sera impliquée, et probablement aussi l’Inde, tout le Moyen-Orient et le monde islamique. Bien entendu, cela aura aussi des répercussions en Afrique et en Amérique latine, où des coalitions se forment également en faveur de l’unipolarité ou de la multipolarité.

C’est pourquoi l’humanité sera confrontée à des épreuves terribles. Nous en vivons déjà certaines. Mais en comparaison de ce qui nous attend, ce que nous subissons aujourd’hui semblera un jeu d’enfants. Je ne m’en réjouis pas, ni ne m’en félicite, comme il est naturel pour toute personne normale. C’est simplement que, presque toujours, tout le monde dit ne pas vouloir la guerre, mais les guerres adviennent malgré tout. Que l’on le veuille ou non. Il y a dans l’histoire une certaine logique à laquelle il est pratiquement impossible d’échapper.

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Oublier l’Occident - Un point de vue russe

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Oublier l’Occident

Un point de vue russe

Leonid Savin

Note préliminaire du traducteur: Leonid Savin demande d'oublier l'Occident wokiste voire l'Occident tout court avec les idéologies qui ont préparé le terrain au wokisme de l'ère Obama-Biden. Pour nous, qui vivons dans l'Occident géographique tout en refusant l'Occident mental, il s'agit aussi de réaliser une "épochè" des idéologies et des pseudo-théologies qui ont jeté les base de l'occidentisme actuel: le puritanisme, le calvinisme, l'ère de Cromwell, les fadaises énoncées par Locke, les fondamentalismes américains, le républicanisme français, le jacobinisme hystérique, etc. Et de revaloriser toutes les initiatives qui ont visé à freiner ces accélérationismes, à jouer un rôle katechonique, à détruire définitivement et sans pitié les remugles de ces dévoiements. Cette posture, nécessaire, salutaire, implique donc, aussi, d'avoir une attention plus soutenue, presque exclusive, pour les traditions des mondes européens et extra-européens traditionnels, dont l'Iran, l'Inde, la Chine, comme le préconise Leonid Savine. 

En Russie (mais pas seulement, cela est également vrai pour les pays d’Amérique latine, d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie), on accorde encore beaucoup d’attention à l’Occident collectif. Dans certains pays, cela s’explique par le fait que les médias globalistes occidentaux continuent d’y opérer activement, alimentant sans cesse l’attention du public et suscitant l’intérêt pour les événements dans les États occidentaux ou à travers le prisme de la vision du monde occidentale. Cependant, en Russie, où, après le début de l’Opération militaire spéciale, ces agents médiatiques ont soit quitté le pays, soit été déclarés indésirables, ce sont les chaînes de télévision d’État qui maintiennent elles-mêmes le focus sur l’agenda occidental, imitées en cela par les médias en ligne et les blogueurs. Cette situation ne correspond pas aux déclarations des autorités russes sur la nécessité de créer un ordre mondial multipolaire plus juste, ni à l’éducation selon des valeurs patriotiques à l’intérieur du pays.

Car si l’on organise en permanence des talk-shows, des émissions et des journaux télévisés centrés sur le monde occidental, même sous un angle critique (regardez quelle nouvelle absurdité Donald Trump a dite ou discutons des plans de l’UE et de l’OTAN), la population continuera malgré tout à raisonner dans des catégories où l’Occident apparaît comme quelque chose de significatif et, malgré les reportages sur des émeutes à Athènes ou une gay pride à Amsterdam, il subsistera une vision du monde où les autres régions, malgré leurs indicateurs géographiques, démographiques, culturels et politiques plus importants, seront perçues comme secondaires voire de second ordre.

De plus, cela continuera de restreindre sérieusement l’horizon d’attente et de réduire le potentiel de futures formes de coopération et d’interaction – qu’il s’agisse de tourisme banal ou de projets scientifiques, économiques et culturels conjoints.

Par conséquent, il est nécessaire de revoir sérieusement l’agenda médiatique. D’un côté, il s’agit de limiter considérablement la diffusion de contenus liés à l’Occident collectif. Il faudrait établir un quota à ne pas dépasser pour les contenus traitant d’événements liés, d’une manière ou d’une autre, à l’Occident. Sachant que, dans l’agenda international, l’Occident restera présent de toute façon (l’agonie et les actions expansionnistes de l’UE et des États-Unis se poursuivront encore un certain temps), il convient de mener une politique éditoriale soigneusement calibrée, en filtrant minutieusement les matériaux.

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D’un autre côté, il faut combler le vide ainsi créé par un contenu de qualité, reflétant les processus dans d’autres régions du monde. Les contenus provenant de pays amis, surtout ceux ayant soutenu la Russie dans l’Opération militaire spéciale, doivent progressivement être intégrés dans l’espace médiatique russe et devenir la nouvelle norme – des matériaux et points de vue de la RPDC, de la Chine, de l’Inde, de l’Iran, du monde arabe, des pays d’Afrique, de Cuba, du Nicaragua, du Venezuela (ces trois pays étant mentionnés comme partenaires stratégiques dans la doctrine de politique étrangère de la Russie), du Brésil et de l’Afrique du Sud comme membres des BRICS, des pays de l’UEEA doivent être diffusés régulièrement dans le cadre de la politique publique de radiodiffusion, mais aussi dans la presse écrite et les médias électroniques.

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Si l’on tient compte du nouveau concours Intervision, de la signature d’accords de coopération entre le ministère russe de la Culture et la RPDC, de la conclusion d’accords avec des médias africains, ainsi que du travail dans le cadre des BRICS, on peut dire que ce travail a déjà commencé. Il faut le rendre plus systémique, stratégiquement réfléchi et global.

Au lieu de diffuser des images ou des vidéos des sessions du Parlement européen ou d’accorder beaucoup de temps aux élections dans un pays européen, il vaudrait mieux proposer une analyse des débats au Majlis d’Iran avec des commentaires d’experts sur le système politique de la République islamique d’Iran et la théologie chiite, évaluer les réalisations technico-économiques du Bharat (nouveau nom de l’Inde sur la scène internationale, nom qui est authentique) et présenter des exemples d’art contemporain venant des pays d’Amérique latine.

Les propos de Nikolaï Danilevski selon lesquels l’Europe n’est qu’une petite péninsule occidentale du continent eurasiatique ne doivent pas être perçus uniquement comme un appel à se protéger de la toxicité actuelle de la culture européenne, mais aussi comme une invitation à la découverte créative de soi, telle que prônée par les Eurasistes il y a cent ans. Nous avons de nombreux voisins sur le continent dont l’héritage culturel et historique présente un vif intérêt. Et de là s’étendent des liens et des ponts avec d’autres formations culturelles non moins importantes – en Asie du Sud-Est, ainsi que dans le Maghreb et le Machrek, plus connus sous des noms inventés en Occident – Afrique du Nord et Moyen-Orient.

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Dans un monde multipolaire, de telles innovations seront perçues positivement au-delà de l’Occident, comme une poursuite de la lutte contre le néocolonialisme et le racisme gnoséologique occidental. Et la réaction en retour, d’une manière ou d’une autre, contribuera à améliorer l’image globale de la Russie, notamment à travers l’augmentation du contenu de qualité en provenance de Russie et sur la Russie (puisque le changement d’approche implique une coopération appropriée en matière de politique de l’information entre les pays).

De plus, une information plus complète contribuera également au développement de la créativité à l’intérieur même de la Russie, car la diversité des formes et des pratiques issues de différentes parties du monde enrichira notre peuple de connaissances et stimulera de nombreuses initiatives. L’expérience en matière d’entrepreneuriat ou d’autogestion quelque part en Asie pourrait être reproduite dans l’une des régions de Russie, et l’information sur les besoins en Amérique latine pourrait intéresser l’un de nos producteurs.

L’Occident collectif, fondé sur la kleptocratie et l’arrogance, en raison de la folie des sanctions persistante et de la désinformation organisée, ainsi que de sa propre dégradation scientifique et culturelle, est peu susceptible de proposer à la Russie quoi que ce soit d’utile ou de substantiel. C’est pourquoi il doit être exclu de notre champ d’information. Que les diplomates professionnels continuent à gérer les relations bilatérales et que les militaires renforcent la capacité de défense du pays. Et que le contenu en provenance des pays du Sud global et de l’Est global renforce et étende les processus de multipolarité.

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La fin de la société ouverte!

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La fin de la société ouverte!

Source: https://www.unser-mitteleuropa.com/98852

Le système politique occidental se considère comme libre, libéral et bien sûr démocratique. Ces attributs sont encore utilisés avec succès par les élites occidentales auprès des personnes qui ne connaissent pas le système occidental de l’intérieur.

Une sorte de base philosophique pour le système occidental fut fournie jadis par Karl Popper avec sa description de ce système comme une « société ouverte ». Elle serait ouverte, selon Popper, parce que le débat politique y serait ouvert à tous les résultats et ne serait pas déterminé par des objectifs idéologiques, ou des lois historiques prétendues (celles de l'historicisme), ou des traditions. Dans l’idéal de société « ouverte », il n’existe donc pas de vérité absolue.

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Par exemple, selon Popper, on ne peut pas conclure, après avoir observé de très nombreux cygnes blancs, que tous les cygnes sont blancs. Un seul cygne noir suffit à contredire cette affirmation. De telles subtilités sont extrêmement dangereuses. On pourrait tout aussi bien affirmer aujourd’hui qu’on ne peut pas conclure, à partir de l’observation de milliards d’êtres humains qui se répartissent en hommes et en femmes, qu’il n’existe que deux sexes. Tout fou qui prétend appartenir à un autre sexe devrait donc réfuter l’existence de seulement deux sexes.

La «société ouverte» a pour but de libérer les capacités critiques de l’homme. Le pouvoir de l’État doit ainsi être partagé autant que possible afin d’éviter les abus de pouvoir. Le débat politique dans la «société ouverte» est naturellement démocratique, ce qui ne signifie pas la domination de la majorité, mais la possibilité de révoquer le gouvernement de manière pacifique.

Ainsi, la « société ouverte » se distingue du fascisme, du communisme, du nationalisme et de toute théocratie.

Ce concept politique offre sans aucun doute des aspects attractifs, surtout pour tous les libres penseurs qui ne veulent pas se laisser enfermer dans un carcan idéologique. D’un autre côté, ce concept présente aussi des faiblesses dangereuses (comme le montre l’exemple ci-dessus), car il ne propose aucune perspective à long terme pour la société et rejette également toute tradition. Pourtant, la tradition recèle souvent des expériences vieilles de plusieurs siècles, voire de plusieurs millénaires, sur la vie et ses lois. Popper rejette explicitement de telles lois en tant qu’elles seraient de l'historicisme. Ignorer ces lois se transformera tôt ou tard en piège mortel pour une société.

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De cette manière, la porte est ouverte à toutes sortes d’absurdités, comme la folie du genre, la glorification de toutes sortes de perversions sexuelles ou de modes de vie alternatifs, qui finissent par signifier le déclin et la mort assurés de la société concernée. Popper a développé ses idées pendant la Seconde Guerre mondiale, à une époque où les priorités étaient naturellement différentes d’aujourd’hui.

En l’absence de toute directive pour organiser la vie, de nombreuses personnes finissent par être totalement désorientées et donc particulièrement réceptives à la propagande de l’air du temps diffusée par les médias, contrôlés en coulisses par les élites du pouvoir. C’est pourquoi George Soros est également un adepte de cette philosophie, ce qu’il a exprimé par la création de son « Open Society Foundation ».

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À ce stade, les idées de la « société ouverte » sont contrecarrées par la pratique:

Le débat sur les objectifs actuels de la société occidentale n’a depuis longtemps plus lieu en public, mais dans des cercles de pouvoir qui se coupent de la société. Il ne s’agit que des intérêts des acteurs représentés dans ces cercles de pouvoir. Les résultats de ce débat sont emballés pour le grand public dans des narratifs de bien-pensance, puis communiqués par les médias. Un véritable débat ouvert serait, lui, tout autre.

La société occidentale est donc tout sauf ouverte et elle est ouvertement antidémocratique, car ces médias n’autorisent plus que des opinions qui ne s’opposent pas aux intérêts des élites en coulisses.

L’intolérance des médias envers ceux qui pensent différemment est devenue de plus en plus insupportable ces dix à quinze dernières années. L’explication est simple: depuis la crise financière de 2008, le monde occidental est en mode de gestion de crise permanent.

L’arrière-plan plus profond de cette crise permanente réside dans des déplacements tectoniques du pouvoir à l’échelle mondiale, au détriment des élites occidentales.

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Comme le système occidental, avant la chute du rideau de fer, était préférable à tout autre système politique, les élites occidentales pouvaient bien tolérer la critique, même fondamentale. En ce sens, on était « libéral » au sens de Popper. L’effondrement du Pacte de Varsovie a marqué l’apogée du pouvoir occidental. La défaite de l’Union soviétique a été perçue comme une sorte de fin de l’histoire. Les élites occidentales se croyaient à jamais maîtresses du monde. Ensuite, la descente a été lente mais certaine. Les citoyens ordinaires l’ont aussi ressenti dans leur portefeuille. Il en a résulté des mouvements « populistes » qui ont remis en question le pouvoir des élites. À partir de ce moment, les médias de masse contrôlés sont devenus de plus en plus illibéraux envers ceux qui pensent différemment.

La guerre en Ukraine est pour les élites occidentales une sorte de séisme, qui a suivi les déplacements tectoniques du pouvoir mentionnés ci-dessus. Leur hégémonie est désormais remise en cause. Avec la domination sur cette planète, tous les avantages économiques qu’ils en tiraient disparaîtront bientôt. Il ne s’agit pas seulement de la possibilité de s’enrichir en imprimant de l’argent. Sont également importants, par exemple, l’imposition mondiale des droits de brevet, ce que seul un hégémon peut finalement faire.

Dans une telle situation, les élites ne tolèrent aucune contradiction. Désormais, elles ont définitivement arraché leur masque libéral et tentent d’éliminer les dissidents. Ce qui peut arriver aux amis de Poutine, par exemple, l’ancien chancelier allemand Gerhard Schröder ou l’ancienne ministre autrichienne des Affaires étrangères Karin Kneissl peuvent en témoigner.

Popper se retournerait dans sa tombe !

Grokipedia – Elon Musk peut-il détrôner Wikipédia?

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Grokipedia – Elon Musk peut-il détrôner Wikipédia?

Source: https://report24.news/grokipedia-kann-elon-musk-wikipedia...

Avec « Grokipedia », Elon Musk souhaite créer un contrepoids à Wikipédia, dominé par la gauche écologiste. Son entreprise xAI, qui exploite également la plateforme d'IA Grok, s'en charge apparemment déjà. Allons-nous enfin avoir une plateforme de connaissances alternative plus crédible ?

Wikipédia, le roi incontesté des encyclopédies en ligne, a désormais un concurrent. Elon Musk veut lancer un nouveau défi avec Grokipedia. L'objectif déclaré : une plateforme de connaissances sans les « biais gauchistes » souvent critiqués qui, selon de nombreux détracteurs, sapent la neutralité de l'original.

Le moment choisi pour cette annonce n'est pas un hasard. Peu avant, le cofondateur de Wikipédia, Larry Sanger, avait fait sensation dans une interview avec Tucker Carlson en demandant directement à Musk de l'aider à lutter contre la censure et le parti pris idéologique de sa propre création. Au lieu d'une réforme laborieuse du système existant, Musk opte désormais pour l'attaque directe: la création d'une encyclopédie entièrement nouvelle.

La vision de Musk pour Grokipedia est claire: elle doit constituer «une amélioration considérable» et servir l'objectif de xAI, qui est de «comprendre l'univers». La stratégie est bien connue: comme pour le rachat de Twitter (aujourd'hui X) et le développement de l'IA Grok, il s'agit de réduire la censure et les «filtres woke» afin de laisser plus de place à la diversité des points de vue.

Mais une chose est sûre: cela ne sera pas si simple. Wikipédia est depuis longtemps indissociable de Google. Quiconque effectue une recherche aboutit d'abord à la version «officiellement approuvée» de la vérité. Reste à voir si Grokipedia parviendra à contrer cet avantage algorithmique. Mais le simple fait d'essayer pourrait suffire à faire transpirer les censeurs dans leurs tours d'ivoire chez Wikipédia.

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Face à la menace russe, l'Europe s'arme pour résister aux États-Unis

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Face à la menace russe, l'Europe s'arme pour résister aux États-Unis

Cristi Pantelimon

Source: https://www.estica.ro/article/la-adapostul-amenintarii-ru...

La guerre en Ukraine comporte tellement d'aspects positifs et négatifs qu'il est difficile, pour un profane, de comprendre le déroulement des événements.

Dernièrement, après la rencontre en Alaska, le président Trump, très optimiste auparavant quant à ses relations avec V. Poutine, est devenu plutôt réservé. Les États-Unis remettent sur le tapis la question de l'aide militaire à l'Ukraine, sous une forme aggravée, avec la livraison de missiles Tomahawk.

Dans le même temps, le ton de l'Europe à l'égard de Moscou semble également se durcir. Un pétrolier russe « fantôme » a reçu la visite d'un commando français, signe que l'Europe veut se montrer plus « assertive » dans ses relations avec la Russie.

En réalité, les choses sont inversées.

Les Américains voudraient se livrer à l'escalade, mais ils ne le peuvent plus, car l'Ukraine n'a plus la capacité réelle de percer le front. De plus, les Américains ne veulent pas envenimer la situation au point que l'idée du prix Nobel et les résultats de l'accord Poutine-Trump disparaissent complètement. Les États-Unis mènent une guerre ambivalente et complexe. Ils ne peuvent pas abandonner le levier de la guerre, qui facilite les négociations générales avec la Russie et la Chine (et assure, indirectement, le déclin de l'UE), mais ils ne veulent pas non plus apparaître comme une puissance belliqueuse – voir le cas du Moyen-Orient, où ils se qualifient de "force de paix"...

Les États-Unis mènent également une guerre difficile à l'intérieur – le discours de Donald Trump devant les 800 chefs de l'armée américaine ne laisse aucune place à l'interprétation.

L'Europe, quant à elle, cherche une solution pour assurer sa future autonomie stratégique, ce qui signifie que, sous le couvert de la menace russe fictive, elle va s'armer pour devenir plus assertive dans ses relations avec les États-Unis, qui détiennent toujours la suprématie militaire... chez les Européens !

Au fond, pourquoi les Européens détruiraient-ils leurs acquis dans une guerre entre l'OTAN et la Russie, c'est-à-dire entre les États-Unis et la Russie?

Récemment, Scot Bessent, secrétaire au Trésor américain, a déclaré franchement: «Comme je l'ai dit à mes homologues européens il y a environ deux semaines: Tout ce que j'entends de votre part, c'est que Poutine veut entrer dans Varsovie. La seule chose dont je suis sûr, c'est que Poutine n'entrera pas dans Boston ».

Morale: les Européens, qui savent que Poutine ne veut pas entrer dans Varsovie, en sont venus à créer eux-mêmes, dans l'ombre, l'image d'une Russie agressive, qui sert leurs plans d'armement et d'autonomie stratégique.

L'avenir est devant nous !

dimanche, 05 octobre 2025

Andrej Babiš triomphe en République tchèque – Bruxelles en mode panique

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Andrej Babiš triomphe en République tchèque – Bruxelles en mode panique

Source: https://report24.news/andrej-babis-triumphiert-in-tschech...

Les Tchèques en ont manifestement assez de la politique autodestructrice du cartel des partis inféodés à Bruxelles. Le parti ANO d'Andrej Babiš est arrivé largement en tête des élections législatives. Un nouveau succès des "patriotes pour l'Europe" et un nouveau coup dur pour les eurocrates.

Les eurocrates bruxellois ont dû hyperventiler collectivement samedi soir. Andrej Babiš, tour à tour qualifié par la presse de «Trump tchèque» ou de «milliardaire qui a trop d'opinions», a encore frappé: il a rallié les électeurs à sa cause, humilié l'establishment et semé à nouveau la panique parmi les partisans du politiquement correct sur le continent. Son parti ANO a remporté haut la main les élections législatives tchèques.

Babiš a déclaré laconiquement: «Nous voulons sauver l'Europe». Une phrase qui est à peu près aussi bien accueillie à Bruxelles que la proposition de mettre fin à la propagande sur le genre. Car pour Babiš, sauver ne signifie pas «plus de centralisme», «plus d'union de la dette» ou «plus de wokeness», mais au contraire moins de Bruxelles, plus de Prague et moins d'idéologie, mais plus de sens des réalités.

Babiš a promis des salaires plus élevés, des impôts moins élevés et la fin de l'austérité, qui ne sert en réalité qu'à redistribuer les richesses du bas vers le haut. Les Tchèques, qui ont docilement soutenu le programme de l'UE ces dernières années et ont en contrepartie subi une hausse des prix, une désindustrialisation et une pénurie d'énergie, ont désormais voté pour un revirement.

Le rêve bruxellois d'une Europe « progressiste » implose face à la résistance de ceux qui n'ont plus envie de se sacrifier pour des guerres étrangères, l'hystérie climatique et le chaos migratoire.

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La réaction hystérique de Bruxelles est presque touchante. Les mêmes fonctionnaires qui se présentent comme les défenseurs de la démocratie et de l'État de droit lèvent les yeux au ciel chaque fois que le peuple ne vote pas comme ils l'avaient prévu. «Populisme», «extrémisme de droite», «ami de Poutine»: telles sont les accusations typiques lorsque les décisions démocratiques ne correspondent pas à leur programme. Pourtant, Babiš n'est pas anti-européen, comme on le prétend. Il ne veut pas isoler la République tchèque, mais souhaite une Europe qui ne s'étrangle plus elle-même. Pas étonnant qu'il s'allie avec Viktor Orbán, le Premier ministre hongrois, et qu'il bouscule l'UE avec d'autres «patriotes pour l'Europe». Bruxelles a besoin d'urgence d'une nouvelle dose de réalisme – et elle va l'obtenir, qu'elle le veuille ou non.

Le retour de Babiš est une nouvelle fissure dans la façade de «l'ordre fondé sur des règles» derrière laquelle se cache l'arrogance morale de l'Occident et ses valeurs. La façade s'effrite, et chaque nouvelle victoire électorale d'un réaliste dérangeant fait tomber un peu plus de crépi. Les gens ne veulent pas d'utopies climatiques, pas de paquets de milliards sans fin pour des fronts lointains, pas de leçons de morale administrées par des politiciens qui n'ont plus eux-mêmes à faire la queue à la caisse du supermarché. Andrej Babiš l'a compris. Et c'est pourquoi de nombreux Tchèques l'ont soutenu, lui et son parti ANO.

République tchèque - Un signal clair : les premiers dépouillements montrent une victoire électorale écrasante des patriotes

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République tchèqueUn signal clair: les premiers dépouillements montrent une victoire électorale écrasante des patriotes

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La République tchèque connaît un tournant politique: l'ancien Premier ministre Andrej Babiš devrait remporter une victoire électorale écrasante avec son mouvement ANO (« Oui ») et s'apprête à revenir à la tête du gouvernement.

Le parti frère du FPÖ nettement en tête

Après dépouillement d'environ la moitié des voix, ANO est clairement en tête avec 38,3% des suffrages, devant la coalition libérale-conservatrice au pouvoir Spolu du Premier ministre Petr Fiala, qui n'obtient qu'environ 20 % des voix.

Les deux autres partis patriotiques obtiennent également de bons résultats. Le parti "Motorists", associé à l'ANO et au FPÖ au sein du groupe européen « Patriots for Europe », recueille actuellement 7,1% des voix, tandis que le SPD (« Liberté et démocratie directe »), qui fait partie du même groupe européen que l'AfD allemande, en recueille 8,3%.

Changement d'orientation politique à Prague

Les Tchèques montrent ainsi clairement qu'ils en ont assez de l'explosion des prix, de la bureaucratie européenne et d'un gouvernement qui se soucie davantage de l'Ukraine, de la politique sociale de gauche et de Bruxelles que de sa propre population.

Cette élection est considérée comme le signe d'un changement d'orientation politique en Europe centrale. Outre les gouvernements hongrois et slovaque, la République tchèque va désormais exiger davantage d'autonomie et moins d'idéologie de gauche à Bruxelles.

Babiš, la voix du peuple

Pendant la campagne électorale, Babiš s'est présenté comme l'antithèse d'un establishment déconnecté de la réalité, responsable de la forte inflation et de la baisse du pouvoir d'achat. Selon lui, le chef du gouvernement, Fiala, « a laissé tomber la population et gaspillé des milliards, alors que les familles ont du mal à payer leurs factures de chauffage ».

Dans ce contexte, la guerre en Ukraine a été un thème central de la campagne électorale. Babiš a annoncé la fin de la controversée « initiative tchèque sur les munitions », qui finançait les livraisons d'armes à Kiev.

Une politique pour son propre pays

« Nous devons nous occuper de nos propres citoyens et attendre que la guerre soit terminée », a-t-il déclaré. Dans le même temps, il a annoncé son intention de relancer le groupe de Visegrád, c'est-à-dire la coopération étroite entre la République tchèque, la Slovaquie, la Hongrie et la Pologne, afin de renforcer un bloc souverain d'Europe centrale au sein de l'UE qui s'oppose aux directives paternalistes de Bruxelles.

Malgré sa proximité avec Viktor Orbán et Robert Fico, Babiš rejette les accusations selon lesquelles il souhaiterait mener une politique «pro-russe». Il souligne lui-même ne pas être un ami de Poutine, mais plutôt un admirateur de Donald Trump. Sa position: Prague doit définir ses propres intérêts, et non Washington, Bruxelles ou un autre pays.

Une coalition gouvernementale de droite probable

Si le dépouillement des votes confirme les résultats actuels, les partis patriotiques formeront ensemble la majorité au Parlement à Prague.

Babiš, Tomio Okamura du SPD et Petr Macinka du nouveau mouvement des « motoristes », qui s'opposent fermement à la politique climatique de l'UE et militent pour un renforcement des compétences nationales, pourraient former un gouvernement patriotique de droite.

Sacrifice et souveraineté: la géopolitique comme épopée théodramatique ou tragédie païenne

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Sacrifice et souveraineté: la géopolitique comme épopée théodramatique ou tragédie païenne

Santiago Mondéjar

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Le discours officiel émanant des institutions européennes présente la guerre en Ukraine comme une lutte moralisatrice, presque téléologique : une confrontation lucide et manichéenne entre le bien et le mal, la lumière et les ténèbres, l’innocence et l’agression. Les politiciens, analystes et médias consacrent l’Ukraine comme protagoniste héroïque, tandis qu’ils relèguent la Russie au rôle d’antagoniste maléfique, reproduisant ainsi une structure narrative similaire aux drames moraux théo-dramatiques expliqués par Hans Urs von Balthasar (1988).

fallensoldiers-964351385.jpgLe drame chrétien — exemplifié dans la Divine Comédie de Dante ou dans Le Grand Théâtre du Monde de Calderón — imprègne le mal et la souffrance d’une signification au sein d’une économie de la rédemption, dans laquelle l’action humaine est soumise au jugement moral et à la possibilité de la grâce. Dans ce cadre conceptuel, le conflit se configure comme un jugement éthique, une narration de rédemption et un impératif moral : l’Europe se sent poussée à agir avec droiture, s’efforçant de protéger les opprimés et de réparer un ordre brisé. Cette rhétorique évoque les exhortations collectives des grandes puissances européennes pendant la Première Guerre mondiale, marquées par une narration linéaire et téléologique, investie d’une providence morale projetée sur les réalités géopolitiques (Mosse, 1990). Cependant, sous cette idéalisation morale se cache une réalité brute.

La guerre en Ukraine, comme tous les conflits, est alimentée par la realpolitik: un choc d’intérêts stratégiques, d’insécurités historiques et de calculs pragmatiques (Mearsheimer, 2014), marqué par l’hamartia et la péripétie, c’est-à-dire les erreurs de jugement et les retournements soudains du destin. Ainsi, le conflit s’éloigne du drame chrétien, avec sa promesse d’une issue morale, et se rapproche d’une tragédie païenne, soumise à l’implacable dynamique du pouvoir effectif.

Lorsque les dirigeants européens et leurs hérauts projettent une cohérence narrative imaginaire sur le conflit, ils ignorent les limites du volontarisme, la contingence des résultats et la chimère d’une résolution téléologique. À la place, émerge une logique brutale, amorale et contingente, plus proche des tragédies d’Euripide que de la dramaturgie salvatrice articulée par von Balthasar (1988). À l’instar de la tragédie grecque, le conflit se déroule dans un cadre indifférent à la clarté morale, où les acteurs poursuivent leurs fins, conditionnés par les circonstances plus que par des impératifs éthiques (Lebow, 2003).

9780521827539_p0_v1_s1200x630-1517215355.jpgEn moralisant le conflit, l’Europe commet une grave erreur en imposant une dramaturgie politique conçue comme un drame moral à une réalité profondément tragique, brutale et moralement ambiguë : un drame de nécessité, non de grâce divine.

Cependant, cette tendance à la moralisation est révélatrice d’un point de vue anthropologique. L’Europe, culturellement imprégnée d’un imaginaire chrétien qui entre en collision avec sa dépendance séculaire à la guerre (Traverso, 2007), s’efforce de doter le conflit d’une clarté morale qui légitime le soutien public et justifie, a posteriori, l’exceptionnalisme de sa politique du fait accompli (Anderson, 2006).

Comme le raconte Euripide, le poids du passé fait pencher la balance vers la force brute, comme le montrent les vies d’Agamemnon, Clytemnestre et leur descendance, ce qui reflète la conception grecque de la parenté comme lien inséparable de responsabilité morale partagée: la loyauté familiale unit et divise, et la vengeance, même justifiée, perpétue la misère (Goldhill, 1986). Ce schéma de violence cyclique liée à la lignée trouve un parallèle en Ukraine: les intérêts géostratégiques, les alliances de circonstance et les héritages historiques partagés fonctionnent comme des parentés géopolitiques.

Cependant, en cadrant la guerre comme un acte de justice providentielle, on fait taire le khoros — le chœur tragique grec, la voix collective de la raison —, voix qui pourrait indiquer que la racine du conflit n’est pas à chercher dans un dessein divin, mais dans l’ambition politique et la contingence historique. Par ce glissement narratif vers le moralisme, on obscurcit l’essence tragique du conflit, ce qui encourage des réactions politiques motivées davantage par l’impossibilité d’échapper au cercle vicieux du maintien à tout prix d’une cohérence morale qui n'est imposée que par l’intérêt à éliminer les réalités brutales de la politique internationale.

La morphologie de la tragédie grecque, avec son indifférence remarquable au sentimentalisme, offre un cadre plus solide pour explorer la dynamique du pouvoir, de la justice et des conflits contemporains. Elle permet d’apprécier comment la politique et les relations internationales reflètent une philosophie enracinée dans le tragique : un cynisme sous-jacent qui défie le moralisme simpliste en reconnaissant l’inévitabilité du conflit, la nature illusoire de la justice et les cicatrices indélébiles des offenses (Lebow, 2003).

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Un exemple paradigmatique est la saga de la Maison d’Atrée, marquée par la mort, la trahison et la violence, nées de dettes héritées qui entraînent les acteurs dans des conflits dépassant leurs choix individuels, transformant la volonté en une force tragique. Agamemnon, roi de Mycènes, incarne l’hybris : l’orgueil démesuré qui défie les limites humaines et divines. Sa décision de sacrifier sa fille Iphigénie pour obtenir des vents favorables pour Troie, inspirée par l’oracle et manipulée par Ulysse, révèle comment l’ambition et la quête de l’honneur s’entrelacent avec la contrainte et la stratégie politique.

L’arrogance d’Agamemnon l’aveugle aux conséquences de ses actes: des décisions qui paraissent rationnelles ou nécessaires déclenchent des représailles, des échecs et des passions déchaînées. Dans cette tragédie, chaque personnage parcourt un chemin de perdition, convaincu de la justice de sa cause, mais prisonnier d’une obsession implacable.

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De façon analogue, l’Occident collectif, gonflé de confiance après sa victoire dans la Guerre froide, a commis une erreur de jugement similaire : il a sous-estimé la complexité du conflit et, dans sa présomption de suprématie morale et matérielle, a précipité une collision avec la réalité. À l’instar de Clytemnestre qui transforme le ressentiment familial en autorité politique par la vengeance, la perception par la Russie de la déloyauté ukrainienne et de la malhonnêteté systématique de l’Occident depuis l’ère Gorbatchev reflète la tension entre le devoir et le ressentiment, la solidarité et le conflit (Sakwa, 2017).

Les liens, qu’ils soient familiaux ou géopolitiques, peuvent conduire à l’unité comme à la destruction mutuelle. Sur ce plan tragique, l’Ukraine émerge comme une Iphigénie, symboliquement immolée sur l’autel des ambitions d’autrui, prise au piège de forces qui dépassent sa volonté de puissance. L’Union européenne, quant à elle, assume le rôle d’Ulysse, tissant de subtiles tromperies — comme les accords de Minsk, que Merkel et Hollande se sont plus tard vantés d’avoir manipulés — pour orienter les attentes et subordonner le destin de l’Ukraine aux intérêts d’un ordre géopolitique (Sakwa, 2017). La tragédie réside dans le fait que, malgré la volonté souveraine de l’Ukraine, ses souffrances sont instrumentalisées par des tiers, ce qui en fait un axe narratif du pouvoir et de la légitimité.

Ce schéma reprend la structure d’Euripide: la victime, loin d’être passive, met à nu l’hybris de ceux qui l’entourent et révèle la fragilité de toute prétention à la moralité ou à la rationalité absolue dans les conflits (Euripide, 2001). Le sacrifice d’Iphigénie trouve un écho dans le présent, démontrant combien la tension entre l’ambition, l’honneur et la contrainte demeure catastrophique, même si les acteurs modernes se drapent dans la rhétorique de la justice morale et du droit international.

D’un point de vue philosophique, la tragédie offre un cadre indispensable pour comprendre les conflits humains. La synthèse du mythe et de la géopolitique révèle que les guerres sont façonnées par des passions profondément humaines : l’hybris, la loyauté et la vengeance motivent des décisions qui transcendent les dichotomies morales simplistes. Comme l’illustre la Maison d’Atrée, la parenté et l’ambition servent de sources doubles d’identité et de calamité (Goldhill, 1986).

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De même, la guerre en Ukraine montre que les États, tout comme les individus, sont pris dans des réseaux d’obligations, de survie et d’orgueil, ce qui reflète les impulsions humaines éternelles. Même lorsque la noblesse ou la sincérité animent les efforts pour restaurer l’ordre et la justice, ces actions portent en elles les germes de leur propre ruine. La tragédie, par sa lucidité inébranlable, enseigne les limites de l’action humaine et la persistance du conflit comme horizon inexorable de la condition mortelle.

L’offensive russe en Ukraine peut être interprétée, métaphoriquement, comme la matérialisation d’un destin tragique plus que comme le produit d’un choix moral. La politique, dans ce scénario, se présente comme un théâtre où le pouvoir s’affirme à travers la confrontation (Lebow, 2003). Dans la tragédie grecque, le héros n’agit pas par volonté propre ou par calcul moral, mais parce qu’il le doit: il est pris dans une logique d’inévitabilité dictée par les dieux, le destin ou sa propre hybris.

9782081404502-2232082978.jpgOreste ne tue pas Clytemnestre seulement pour venger son père, mais parce que l’ordre du monde l’y oblige (Eschyle, 2009). De même, la mentalité occidentale peut être comprise comme la sécularisation d’un fatalisme historiciste qui, chez Fukuyama (1992), hérite de la téléologie dialectique de Hegel, lui-même inspiré de la philosophie de l’histoire d’Augustin. Dans La Cité de Dieu, Augustin a posé pour la première fois dans la tradition occidentale une conception téléologique et linéaire de l’histoire: un drame à dessein divin, orienté vers une culmination religieuse. Hegel sécularise cette vision dans le Weltgeist, l’Esprit absolu qui, à travers un processus dialectique, atteint la conscience de soi et la liberté dans le monde.

L’histoire acquiert ainsi une direction, un but et une fin dans les deux sens: comme objectif et comme terme. Fukuyama, adoptant ce schéma hégélien, remplace l’État idéal de Hegel par la démocratie libérale occidentale, la proclamant « forme définitive du gouvernement humain ». Dans son récit, les guerres, les révolutions et les conflits ne sont pas de simples accidents historiques, mais des étapes nécessaires dans la dialectique vers une synthèse finale. Cependant, en déclarant que cette synthèse est déjà atteinte, Fukuyama transforme la démocratie libérale d’un système politique contingent en un destin manifeste de l’humanité, une prétention qui révèle une théologie politique sécularisée, au sens développé par Carl Schmitt : le souverain, incarné dans l’ordre libéral, décide de l’état d’exception, suspendant le conflit idéologique fondamental.

La démocratie libérale cesse d’être un projet politique faillible et devient un dogme incontestable, une question de foi qui relègue la dissidence au statut d’hérésie, destinée à être éradiquée par le cours inexorable de l’histoire.

Cependant, cela commet le péché capital que la tragédie grecque dénonce sévèrement : l’hybris de s’arroger des attributs divins. Alors que la vision augustino-hégélienne est linéaire et optimiste, projetant le salut séculier, la perspective tragique est cyclique et pessimiste, avertissant du châtiment inévitable pour ceux qui prétendent transcender les limites de la condition mortelle. Dans la vision du monde grecque, l’univers est régi par un ordre cosmique (thémis) que les humains ne doivent pas troubler. Le destin (moira) des mortels est la finitude, l’imperfection et le changement ; toute tentative d’atteindre la stabilité éternelle ou la connaissance absolue — attributs exclusifs des dieux — constitue une transgression punissable.

En proclamant la fin de l’histoire, Fukuyama commet précisément cette hybris, s’arrogeant le déterminisme divin sur le parcours de l’humanité. En ce sens, la guerre en Ukraine n’est pas une simple erreur de calcul ou un excès conjoncturel, mais une tragique anagnôrisis : le moment où les acteurs, aveuglés par leur propre ambition, reconnaissent que le pouvoir ne peut s’affirmer que par la violence. La catharsis qui en résulte n’est pas rédemptrice, mais dévastatrice, et évoque la terreur et la pitié tandis que le monde est témoin de la façon dont la logique du pouvoir plonge des millions de personnes dans la souffrance (Aristote, 1997).

Le sacrifice d’Iphigénie trouve un écho tragique dans le conflit ukrainien. Agamemnon ne sacrifie pas sa fille par désir ou justice, mais parce que la logique du destin et de la guerre l’y contraint (Eschyle, 2009). De même, les acteurs en Ukraine sont otages de la nécessité historique, un sacrifice exigé par l’hybris du pouvoir absolu. À la différence du drame chrétien, où la souffrance vise la rédemption (von Balthasar, 1988), dans la logique de la tragédie il n’y a pas de salut : l’action politique répond au destin, non à la moralité, et vise l’affirmation de la souveraineté à tout prix.

Tout en sachant que leurs actions déclencheront un cycle implacable de violence qui pourrait bien finir par les dévorer, les acteurs géopolitiques poursuivent, car s’arrêter signifierait renoncer à leur propre existence politique.

Bibliographie: 

Aeschylus. (2009). The Oresteia (R. Fagles, Trans.). Penguin Classics.

Anderson, B. (2006). Imagined Communities: Reflections on the Origin and Spread of Nationalism (Rev. ed.). Verso.

Aristotle. (1997). Poetics (M. Heath, Trans.). Penguin Classics.

Euripides. (2001). Iphigenia at Aulis (P. Vellacott, Trans.). Penguin Classics.

Fukuyama, F. (1992). The End of History and the Last Man. Penguin Books.

Goldhill, S. (1986). Reading Greek Tragedy. Cambridge University Press.

Lebow, R. N. (2003). The Tragic Vision of Politics: Ethics, Interests and Orders. Cambridge University Press.

Mearsheimer, J. J. (2014). ‘Why the Ukraine Crisis Is the West’s Fault: The Liberal Delusions That Provoked Putin’. Foreign Affairs, 93(5), 77–89.

Mosse, G. L. (1990). Fallen Soldiers: Reshaping the Memory of the World Wars. Oxford University Press.

Sakwa, R. (2017). Russia Against the Rest: The Post-Cold War Crisis of World Order. Cambridge University Press.

Traverso, E. (2007). Fire and Blood: The European Civil War, 1914–1945 (A. Brown, Trans.). Verso.

von Balthasar, H. U . (1988). Theo-Drama: Theological Dramatic Theory (Vol. 1, G. Harrison, Trans.). Ignatius Press.

 

Tiraillements moldaves

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Tiraillements moldaves

par Georges Feltin-Tracol

Le dimanche 28 septembre 2025 s'est déroulée l’élection des 101 députés du parlement monocaméral de la Moldavie. Coincé entre la Roumanie et l’Ukraine, ce pays de 33 700 km² et d’environ trois millions d’habitants sans oublier un million vivant à l’étranger, suscite l’intérêt, l’attention et la convoitise de voisins plus ou moins proches. Son existence même procède des fracas de la géographie, de l’histoire et de la démographie.

Ancien membre de l’URSS, la Moldavie concentre tous les affres issues de l’effondrement de l’ancienne puissance soviétique. Malgré un drapeau assez similaire, les armoiries étatiques en plus, et l’usage du roumain, la Moldavie – capitale : Chisinau - ne se confond pas avec la région éponyme, cœur historique de la nation roumaine. Le moldave est d’ailleurs un parler roumain qui, à l’époque soviétique, s’écrivait en alphabet cyrillique. Des Moldaves plutôt russophones préfèrent se référer à la Moldova. Problème sémantique permanent pour une terre toujours revendiquée !

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Moldavie désigne en effet deux territoires contigus. Le premier s’étend entre l’Ouest des Carpates et le fleuve Prout, constitue une région roumaine avec pour ville principale Jassy. Le second situé entre le Prout et la rive occidentale du fleuve Dniestr s’appelle aussi la Bessarabie du nom d’une dynastie moldave. Quant à la rive orientale, elle a été nommée la Transdniestrie. Cette seconde Moldavie voit à la fin du Moyen Âge les Ottomans amputer à leur profit sa partie méridionale autour du bourg de Boudjak, ce qui la coupe de tout accès à la Mer noire.

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Les groupes ethniques présents en Moldavie imaginent un destin politique différent. Au moment de la dislocation de l’Union Soviétique, les Moldaves roumanophones et les Roumains unionistes ont espéré dans le rattachement de la Moldavie à la Roumanie. Les puissances occidentales rejetèrent cette aspiration louable. Superviseur de la soi-disant « transition démocratique » à l’Est entre 1991 et 1993, le président du Conseil constitutionnel français, Robert Badinter, sacralisa l’intangibilité des frontières, quitte à favoriser les conflits armés.

Des violences affectèrent rapidement le nouvel État. Craignant une éventuelle intégration dans l’ensemble roumain, la minorité gagaouze – des turcophones convertis au christianisme orthodoxe au XVe siècle – proclame son indépendance en août 1990 avant de bénéficier d’un statut de république autonome au sein de l’État moldave. Élisant au suffrage universel direct un bashkan (le gouverneur), la Gagaouzie se compose de quatre territoires non continus.

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Cette solution constitutionnelle ne concerne pas la Transnistrie ou  « République moldave du Dniestr ». S’étirant sur une bande de 500 km² entre le Dniestr et la frontière ukrainienne, la Transnistrie défend l’autodétermination des populations slavophones (environ 28 % d’Ukrainiens et 25 % de Russes), d’où sa sécession en 1991. C’est toujours à l’heure actuelle un « État-fantôme » non reconnu sur le plan diplomatique qui maintient néanmoins une garnison militaire russe de 1500 hommes (la 15e armée). Pendant la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement du maréchal roumain Ion Antonescu avait créé une région spéciale – la grande Transnistrie – s’étendant de la Podolie aux berges du Dniestr et du Boug. Il faut noter qu’en 2005 est fondée à la demande de l’Union dite européenne l’Eurorégion Siret – Prout – Dniestr qui couvre à la fois la Roumanie et la Moldavie.

Quand éclate la guerre entre la Russie et l’Ukraine en février 2022, les commentateurs se surprennent qu’à part quelques missiles tombés sur le sol transnistrien et de brefs incidents, ni les Russes, ni les Ukrainiens n’utilisent ce foyer séparatiste pour lancer des offensives. Des liens économiques étroits, parfois mafieux, existent en fait entre Tiraspol et Kyiv si bien qu’aucun protagoniste n’a vraiment intérêt à ouvrir un nouveau front. Les Ukrainiens considèrent la Transnistrie qui a maintenu le décorum soviétique et les statues du camarade Vladimir Illich comme un espace neutre où se nouent de fructueuses affaires. Kyiv se méfie de tout projet grand-roumain et n’oublie pas qu’Odessa fut un port roumain entre 1941 et 1944…

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L’actuel gouvernement moldave, fort d’une majorité absolue au Parlement sortant grâce aux députés du PAS (Parti Action et Solidarité), ne cache pas son orientation euro-atlantiste. Ainsi a-t-il interdit le port du ruban noir et orange de Saint-Georges et le symbole Z. En revanche, la Gagaouzie ignore tout simplement ces interdictions, car les Gagaouzes conservent un tropisme moscovite. Depuis la fin de l’année 2023, le parlement autonome gagaouze a rompu toute relation officielle avec le gouvernement et les autres institutions moldaves. Les autorités gagaouzes dénoncent, sous couvert de lutter contre la corruption, le PAS de volonté centralisatrice.

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La réalité est toutefois plus complexe et moins binaire. Certes, certains Moldaves souhaitent rejoindre le monde russe tandis que d’autres rêvent d’unir la Moldavie à la Roumanie. Mais des Moldaves aspirent à rester indépendants, voire à former une « grande Moldavie » aux dépens des Roumains (le moldovenisme) alors qu’une infime minorité a envisagé avant la guerre de 2022 une éventuelle intégration à l’Ukraine.

Le gouvernement moldave et les Occidentaux s’élèvent contre les ingérences russes dans les affaires intérieures moldaves tout en pratiquant une influence atlantiste poussée. Ces mêmes Occidentaux se taisent, approuvent ou se félicitent de l’expulsion du champ électoral de certaines formations politiques suspectées de collusions avec Moscou. Le 26 septembre dernier, à la demande du ministère de la Justice et au lendemain d’un jugement rendu par la cour d’appel de Chisinau, la commission électorale moldave interdit d’activités pour un an le mouvement Cœur de la Moldavie, membre du Bloc électoral patriotique avec les communistes et les socialistes, alliance soutenue par l’ancien chef d’État Igor Dodon (2016 – 2020).

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Le parti d’Irina Vlah (photo), ancien bashkan, se voit accusé d’achats de suffrages, de financement illégal et de blanchiment d’argent (on se croirait chez les macroniens et les socialistes hexagonaux !). Supposé lié à Moscou, le Bloc Alternatif entend dépasser le clivage gauche – droite. Jugé « populiste », Notre Parti de Renato Usatii se méfie à la fois des factions pro-occidentales et pro-russes et tendrait vers un moldovenisme modéré. Quant au bloc Victoire du banquier millionnaire moldavo-russo-israélien Ilan Shor, il n’a pas eu le droit de présenter des candidats, car son fondateur vit à Moscou. L’oligarque verserait des sommes d’argent à des milliers de Moldaves nécessiteux. Le gouvernement ne goûte guère cette charité intéressée. La police moldave a pris l’habitude de donner des amendes aux bénéficiaires d’Igor Shor d’un montant de 1 275 à 1 780 €. Une fortune pour les Moldaves !

La désinformation n’est pas seulement russe; elle provient aussi du gouvernement. Le lundi 22 septembre, les policiers arrêtent une centaine de personnes suspectées de préparer des opérations de déstabilisation. Les services russes les auraient formées lors d’un récent séjour en Serbie elle-même en plein tumulte politico-social. Serait-ce l’embryon d’une contre-révolution de couleur ? Les personnes arrêtées ont moins de chance que les Géorgiens parce qu’on attend toujours la réaction scandalisée de l’Union pseudo-européenne !

Ces initiatives liberticides se réfèrent aux restrictions politiques roumaines au moment de l’élection présidentielle controversée en 2024 – 2025 en attendant l’Allemagne, la Grande-Bretagne et la France. On constate qu’une indéniable frénésie complotiste frappe maintenant les officines atlantistes.

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Gangréné par une corruption endémique, l’État moldave, le plus pauvre du continent européen, demeure par son histoire, sa population et sa géographie, tiraillé entre Bucarest, Moscou et Kyiv sans omettre l’ombre d’Ankara. Les cénacles islamo-nationalistes néo-ottomans turcs se souviennent que la Bessarabie relevait de l’Empire ottoman. Malgré leur confession chrétienne, leur fidélité au patriarcat de Moscou et leur russophilie, les Gagaouzes sont des turcophones, ce qui peut favoriser les volontés pantouraniennes.

Le destin imbriqué de la Moldavie, de la Gagaouzie et de la Transnistrie demeure énigmatique. Leurs velléités nationales se contrarient bien évidemment. Il faut donc craindre que la situation moldave soit plus que jamais insoluble à moyenne échéance. 

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 168, mise en ligne le 3 octobre 2025 sur Radio Méridien Zéro.