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samedi, 15 novembre 2025

La bataille des terres rares pousse l'Europe à planifier son économie

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La bataille des terres rares pousse l'Europe à planifier son économie

Source: https://mpr21.info/la-batalla-de-las-tierras-raras-empuja...

Dans la guerre des matières premières, l'Europe est tombée dans son propre piège. Elle a tenté de bloquer et s'est elle-même retrouvée bloquée. Elle dépend des réserves stratégiques, des achats en gros et du soutien accru du public à l'industrie. Une certaine autarcie revient et les pays européens doivent reprendre le contrôle de leurs chaînes de production.

Le vieux G2 de la Guerre froide revient aussi. Si en matière militaire, les États-Unis doivent négocier avec Moscou, en économie, il faut parler avec Pékin. La “troisième voie” n'existe pas, du moins pas pour le moment. La Commission européenne attend de voir, comme les autres pays du monde. Si elle rejoint la politique de Washington, comme elle l'a fait jusqu'à présent, elle devra aussi encaisser les représailles chinoises.

Ici, la “main invisible” a peu de place, aussi Bruxelles revient à l'intervention publique et à la planification. La Commission européenne se prépare à se doter d'une série d'outils pour garantir ses approvisionnements en terres rares et autres métaux critiques, un petit défi pour ceux qui ne parlaient que de concurrence et de libre-échange auparavant.

La planification économique revient. Bruxelles détaillera son nouveau programme d'action début décembre. Il reposera sur trois piliers: la création de réserves stratégiques de métaux, une plateforme centralisée pour l'achat de matières premières et l'accélération du soutien financier aux projets miniers et de raffinage en territoire européen pour développer la production locale.

“Un changement général s'opère dans la doctrine économique au sein de la Commission: un désir d'être moins naïf en matière commerciale et d'assumer, en tant qu'autorité publique, un rôle dans l'organisation de l'économie et des chaînes de valeur”, assure un collaborateur de Stéphane Sejourné, vice-président de la Commission et initiateur du projet. “C'est quelque chose de nouveau, et c'est aussi une demande du secteur entrepreneurial”, expliquent-ils à Bruxelles.

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Les piliers sont conçus pour fonctionner en synergie: pour garantir la faisabilité des projets européens, une stratégie consiste à assurer des volumes d'achat de la future production, qui pourraient être réalisés via une plateforme centralisée pour accumuler des stocks.

Contrairement aux pays européens, la Chine a toujours contrôlé les marchés des métaux, notamment ceux tirés des terres rares et les métaux spécialisés, essentiels à la fabrication d'éoliennes, de moteurs électriques, d'équipements militaires et de puces électroniques. L'Europe était consciente de ses vulnérabilités depuis plusieurs années, mais tout s'est accéléré avec le début de la guerre économique, avec les blocages et les représailles chinoises.

Depuis les contrôles à l'exportation imposés par la Chine depuis avril dernier, les envois de terres rares ont été considérablement réduits, au point que certains secteurs industriels, en particulier l'automobile, ont été contraints de fermer plusieurs lignes de production.

Alors que les États-Unis ont réagi rapidement en acquérant directement des participations dans des producteurs locaux et en accumulant des réserves, le changement a pris plus de temps à se concrétiser en Europe. Il a d'abord fallu déterminer si les Européens n'étaient que des victimes collatérales de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine et si la situation reviendrait à la normale avec le temps, ou s'il n'y aurait aucune amélioration significative.

Après avoir défini une liste de métaux critiques, comprenant le nickel, le cuivre, le lithium et les terres rares, l'Union européenne a activé son mécanisme réglementaire avec l'adoption de la Loi sur les matières premières critiques. Cette législation, adoptée l'année dernière, stipule que l'Europe doit extraire au moins 10% des métaux qu'elle consomme à l'intérieur de ses frontières, en traiter au moins 40%, et ne pas dépendre d'un seul pays pour plus de 65% de son approvisionnement, à tous les niveaux de la chaîne d'approvisionnement. De plus, 15% de ses besoins doivent être couverts par le recyclage en Europe.

L'autarcie est complétée par une liste d'environ quarante projets stratégiques pouvant bénéficier d'un financement de Bruxelles, ainsi que par des procédures accélérées pour l'obtention des permis nécessaires.

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Pays-Bas capitulent dans l'affaire Nexperia

Le gouvernement néerlandais fait marche arrière dans l'affaire Nexperia, ce qui constitue un revers sérieux. Après des semaines de négociations, les Pays-Bas se préparent à abandonner le contrôle de Nexperia, le fabricant de puces à capitaux chinois saisi en vertu d'une loi datant de plusieurs décennies.

Ce pillage s'était produit après une vague de chaos dans la chaîne d'approvisionnement qui avait paralysé l'industrie automobile européenne.

Une manœuvre politique depuis La Haye s'est transformée en l'un des plus grands différends technologiques de l'année, mettant en danger la production de constructeurs automobiles tels que Volkswagen, Honda et Stellantis.

Etats-Unis, sanctions et choc de réalité: que reste-t-il du levier de pression majeur?

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Etats-Unis, sanctions et choc de réalité: que reste-t-il du levier de pression majeur?

Elena Fritz

Source: https://t.me/global_affairs_byelena

Washington envoie à tous un signal remarquable:

Les principaux responsables politiques américains reconnaissent désormais ouvertement que le levier des sanctions contre la Russie a pratiquement épuisé toutes ses possibilités. Les plus grandes entreprises énergétiques ont déjà été ciblées, tout comme le secteur financier, la haute technologie, la logistique — tout l’arsenal a été utilisé. De nouvelles options? Quasiment plus disponibles.

Attente vs Réalité

En 2022, la conviction dominante en Occident était que l’économie russe s’effondrerait « en peu de temps » sous la pression de l'embargo. Trois ans plus tard, le tableau est différent :

- Production industrielle : stabilisée, voire renforcée dans certains secteurs;

- Exportations de pétrole et de gaz : redirigées, sans s’effondrer;

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- Flux commerciaux : réorientation vers l’Asie, le Moyen-Orient, l’Afrique;

- Architecture financière : structures parallèles, nouveaux couloirs de règlement;

- Même les économistes russes admettent désormais que cette résilience n’était pas anticipée.

Le cœur géopolitique :

Si le principal levier de pression de l’Occident ne fonctionne plus — quel scénario reste réaliste pour mettre fin à la guerre ?

Quelques réflexions :

Décision militaire ?

Peu probable : les deux côtés disposent de réserves stratégiques, de zones tabou politiques et de barrières à l’escalade.

Épuisement économique de la Russie ?

La prévision s’est révélée fausse. La Russie a mis son économie en mode guerre — avec une demande mondiale en énergie et matières premières en soutien.

Pression politique sur Moscou ?

Jusqu’ici, cela échoue face à des partenariats alternatifs (Chine, Inde, États du Golfe, Afrique).

Gel du conflit ?

Le scénario le plus probable — mais politiquement non résolu, géopolitiquement risqué.

Conclusion stratégique :

Nous sommes à un tournant. Si les sanctions ont atteint leur point culminant et que la voie militaire est bloquée, la question centrale est :

Quelle sortie politique, réaliste, applicable et acceptable pour les deux parties ?

À ce jour, aucune réponse n’existe — ni à Bruxelles ni à Washington.

Conclusion générale :

La politique de sanctions atteint ses limites structurelles. Le conflit lui-même, en revanche, ne les a pas encore trouvées.

Philosophes païens en des temps troublés

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Philosophes païens en des temps troublés

Ralf Van den Haute

Le terme « néoplatonisme » est une invention de Thomas Taylor (1758-1835), qui s’est fait connaître comme l’auteur de la première traduction anglaise des œuvres complètes de Platon et d’Aristote. Il a également traduit les œuvres de plusieurs autres philosophes et poètes, dont Proclus et Porphyre, deux soi-disant néoplatoniciens.

À partir du IIe siècle de notre ère, Platon regagne en importance dans la philosophie. L’aristotélisme et le stoïcisme se fondent dans ce courant, qui subit aussi l’influence d’un mysticisme intégrant des éléments du pythagorisme, de l’hermétisme ou des oracles chaldéens.

Le terme « néoplatoniciens » est imprécis, car ces philosophes se considéraient eux-mêmes comme les disciples de Platon, une élite, une « race consacrée », et affirmaient clairement qu’ils n’apportaient rien de nouveau. Il s’agit plutôt d’une forme authentique de platonisme, bien que d’autres influences soient également présentes.

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Le philosophe grec Plotin, né en Égypte (IIIe siècle), est considéré comme le fondateur de ce que l’on appellera bien plus tard le néoplatonisme.

Les néoplatoniciens tels que Ammonius Saccas, Plotin, Proclus, Julius Firmicus Maternus, Porphyre et Salluste vécurent à une époque de grands bouleversements culturels et religieux, à savoir la transition du paganisme au christianisme. À cette époque, aux IIIe et IVe siècles après J.-C., l’Empire romain était sous pression en raison de l’influence croissante du christianisme, et le polythéisme traditionnel était en déclin lorsque Constantin le Grand fit du christianisme la religion d’État et réprima sévèrement toute forme d’hérésie. C’est aussi l’époque où l’empereur Julien, après la mort de Constantin, rétablit le paganisme.

Bien que le néoplatonisme soit essentiellement un système philosophique issu des idées de Platon, avec une forte insistance sur l’unité de l’être (l’« Un »), il joue un rôle particulier dans le contexte du paganisme. Les néoplatoniciens considéraient le monde comme une structure hiérarchique remontant à une source ultime, l’« Un » ou le « Bien », et utilisaient cela comme base de leur vision du monde. Le panthéon traditionnel des dieux grecs et romains occupait également une place centrale chez les néoplatoniciens.

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Que ces philosophes des IIIe et IVe siècles se trouvaient à un tournant de l’histoire se manifeste aussi dans leur attitude envers le christianisme. Julius Firmicus Maternus, avocat romain originaire de Syracuse en Sicile, s’est fait connaître avec les Matheseos Libri VIII, l’un des ouvrages les plus célèbres de l’astrologie classique, dans lequel il critique vivement les adversaires de l’astrologie. Il se convertit cependant au christianisme, renonça à l’astrologie et, vers 346, dans un autre ouvrage, De errore profanorum religionum, il présente le paganisme comme une erreur. Les convertis sont toujours les plus zélés : il appelle à la destruction de toutes les statues des dieux, à interdire toute activité dans les temples et à fondre les statues d’or et d’autres métaux pour en faire des pièces de monnaie. Il s’irritait surtout du fait que la plupart des Romains étaient encore païens – même si le christianisme était déjà la religion d’État depuis près de deux décennies. Cela contraste fortement avec ses opinions antérieures. Les autres néoplatoniciens étaient clairement hostiles à la religion révélée chrétienne.

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De l’astrologie au paganisme

Le lecteur sera peut-être surpris de voir l’astrologie et le paganisme mentionnés ensemble. A. J. Festugière, philologue classique qui a publié chez Arfuyen un recueil de textes de trois pieux païens – Firmicus, Porphyre et Salluste – souligne que l’astrologie dans l’Antiquité était davantage une religion qu’un art permettant de calculer, à partir de la position des astres, l’espérance de vie ou le succès d’une entreprise. Le ciel souvent clair du sud de l’Europe favorisait la contemplation et l’étude des corps célestes : la régularité des mouvements des étoiles et des planètes conduit naturellement à des réflexions sur l’ordre, la sagesse et l’infini. Festugière explique l’importance de l’astrologie antique pour les néoplatoniciens comme suit.

Les anciens Grecs ont probablement découvert l’astrologie et les oracles chaldéens via les Perses dans la seconde moitié du IVe siècle avant notre ère. La philosophie et les mathématiques grecques fusionnent alors en un ensemble particulier de science et de religion, que les Romains finiront aussi par connaître. Les étoiles se voient attribuer un statut similaire à celui des dieux. Le Soleil est une étoile particulière qui, par sa lumière et sa chaleur, est la source de toute vie. La Lune, autre astre proche, provoque les marées et influence le corps féminin. On percevait chez les planètes des correspondances subtiles avec le monde végétal et animal. Festugière : « Tout est Un. Le monde est un grand animal (l’auteur utilise le mot animal, qui signifie à l’origine “animé”), un être immortel et divin. »

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Au début de notre ère, cette religion astrale, fondée sur les étoiles, exerçait une influence bien plus grande qu’on ne l’imagine aujourd’hui. Elle était largement répandue parmi le peuple et les puissants de l’époque, à la campagne comme en ville. Sous les empereurs sévères (193-235 de notre ère), cette religion acquit un caractère officiel et donna un nouvel élan au paganisme déclinant. Il n’est donc pas surprenant que lorsque l’empereur Julien (IVe siècle de notre ère) voulut raviver la religion païenne, il le fit avec des hymnes dédiés au dieu Soleil, le Soleil invaincu, Sol Invictus.

Le culte des corps célestes provoqua aussi des conflits parmi les néoplatoniciens : un camp privilégiait une approche philosophique, l’autre se concentrait davantage sur les pratiques rituelles, et certains combinaient les deux aspects. Pendant des siècles, on a pu croire que les néoplatoniciens formaient une école cohérente, mais il ne faut pas oublier que tous ces philosophes n’ont pas vécu à la même époque et que leurs visions différaient donc.

Œuvres importantes

Les néoplatoniciens utilisaient divers textes et idées qui reflètent clairement leurs convictions païennes :

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- Contre les Galiléens de l’empereur Julien. Un réquisitoire contre la secte des Galiléens, qu’il considère comme une simple tromperie humaine, sans dimension divine, séduisant les esprits faibles et transformant une fiction incroyable en vérité. Cette œuvre est fondamentale car elle va bien au-delà d’une accusation : Julien approfondit aussi l’essence du divin. Il se réfère à la définition du divin chez Platon et compare la vision platonicienne grecque à l’hébraïque.

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- Les Ennéades de Plotin. Un recueil de traités philosophiques, notamment sur la structure hiérarchique de la réalité. La philosophie de Plotin est fortement centrée sur l’Un (qu’il appelle aussi le Bien), qui est la réalité suprême (par opposition à la matérialité). Remarquable : Plotin considère le mal comme un manque de Bien, et donc non comme une réalité absolue. Il est intéressant de noter que Plotin, élève d’Ammonius Saccas, s’intéressait aux mages perses et aux brahmanes indiens. Il n’a cependant pas pu réaliser son projet, car la campagne contre la Perse de l’empereur Gordien III, à laquelle il s’était joint, échoua et il dut rentrer bredouille.

- Le rôle des rituels : Des néoplatoniciens comme Porphyre et Salluste croyaient fermement au pouvoir des rituels, des sacrifices et de la vénération des dieux. Cela contraste avec le christianisme, qui s’opposait résolument aux rituels païens et cherchait à détruire les temples païens.

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- Contre les chrétiens de Porphyre : Dans cette œuvre, le christianisme est critiqué comme incompatible avec la sagesse philosophique du paganisme. Porphyre soutenait que la théologie chrétienne n’était pas compatible avec la philosophie platonicienne, et que les chrétiens méprisaient à tort les temples et rituels traditionnels de l’Antiquité. Porphyre, élève de Plotin, fut l’un des plus éminents philosophes néoplatoniciens de son temps. Il était un adversaire déterminé du christianisme et écrivit plusieurs ouvrages sur ce sujet. Il défendait aussi les rituels païens et les pratiques des temples comme essentiels pour l’âme.

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- Des dieux et du monde de Salluste : Cette œuvre offre une défense approfondie des anciennes religions grecques et romaines. Elle met en avant la conception platonicienne du divin comme source de tout, tout en restant fidèle aux conceptions païennes des dieux. Il discute de la relation entre le monde et les dieux, et de la façon dont la nature elle-même peut être vue comme une manifestation du divin. Ses idées sont proches de la vision néoplatonicienne de l’« Un » comme source de tout et insistent sur les rituels, les sacrifices et la nécessité de l’observance religieuse. Salluste n’était d’ailleurs pas opposé à l’idée pythagoricienne de la réincarnation, largement répandue dans le Bas-Empire romain.

Bien que les philosophes néoplatoniciens fussent essentiellement païens, on peut dire que leur paganisme ne correspond pas exactement aux anciennes religions polythéistes de l’Antiquité classique. Ils interprétaient l’ancienne religion et les rituels grecs à travers un prisme philosophique, fortement influencé par les idées de Platon sur la hiérarchie de la réalité et le rôle de l’« Un ». Leurs œuvres reflètent leur confiance dans le paganisme, la philosophie platonicienne et la nécessité des rituels, mais ils s’opposaient aussi au christianisme naissant et aux changements qu’il apportait. Les néoplatoniciens étaient très conscients de leur rôle de maillon dans une « chaîne d’or ».

Des néoplatoniciens comme Porphyre et Salluste croyaient fermement au pouvoir des rituels, des sacrifices et de la vénération des dieux. Cela contraste avec le christianisme, qui s’opposait résolument aux rituels païens. La pensée païenne fut combattue par tous les moyens par le gnosticisme puis par le christianisme. Parmi l’élite, il n’y avait pas seulement un scepticisme croissant. Salluste déplore le grand nombre d’athées, c’est-à-dire ceux qui ne reconnaissent pas les dieux grecs. Il comptait probablement aussi les chrétiens parmi eux. Beaucoup, dans le Bas-Empire romain, n’adhéraient à aucune religion. Sur ce point, rien de nouveau sous le soleil.

Les néoplatoniciens restent un phénomène remarquable en ce qu’ils se trouvent à la frontière de deux époques. Ils font encore partie de la fin de l’Antiquité, mais le début du Moyen Âge est déjà à la porte. Leurs textes païens, issus de la période où le paganisme, après quelques derniers sursauts, fut supplanté par le christianisme dans une grande partie de l’Europe, sont aussi importants pour cette raison : leur quête d’une piété polythéiste est une quête éternelle qui ne nous est pas étrangère à notre époque.

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Hymne polythéiste

Pour conclure cette brève introduction à l’univers des néoplatoniciens, j’avais d’abord pensé à un hymne de Proclus, mais j’ai finalement choisi un hymne à Hécate et Janus du même auteur. Hécate, déesse grecque associée aux mystères, protectrice des femmes enceintes et de la jeunesse, est aussi liée à la frontière entre le monde des vivants et celui des morts.

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Janus est un dieu romain, dont le temple sur le forum romain était rituellement ouvert en temps de guerre et fermé en temps de paix, et qui a donné son nom au mois de janvier. Il est lié au passage du temps. Il est le dieu romain des commencements et des fins, des choix et des portes. Ovide écrit à son sujet : « Je veille, avec la bienveillante troupe des Heures (horae, dont le mot français “heure” est dérivé, signifie saisons, donc le temps), sur les portes du ciel, et Jupiter ne peut entrer ni sortir sans moi. » Janus, également connu sous le nom de Januspater, occupe une place importante dans la hiérarchie religieuse romaine et, avec Mars – Marspiter – et Jupiter, il est le seul à porter le titre de dieu père. Hécate et Janus sont tous deux des divinités des frontières, et plus précisément de la frontière entre l’humain et le divin, et peuvent protéger les hommes de tout danger. Proclus leur demande dans cet hymne protection contre la maladie, et de l’aider dans sa quête de lumière et de piété. La forme de cet hymne est particulière, car l’invocation des dieux au début est répétée à la fin.

Salut, Mère des dieux aux noms multiples, aux beaux enfants
Salut, Hécate, gardienne des portes, à l’immense force.
Mais, à toi aussi, salut, Janus, premier Aïeul, Zeus impérissable, salut, Zeus, Dieu Suprême.
Rendez la course de mon existence radieuse, chargée de biens; chasse de mes membres les funestes maladies, et mon âme perdue de folie pour le séjour terrestre, tirez-la, après l’avoir purifiée par les mystères qui éveillent l’intellect.
Oui, je vous en supplie, donnez-moi la main, montrez-moi, c’est mon désir, les chemins indiqués par les dieux ; et que je voie la très précieuse lumière, qui permet de fuir la misère du monde de la génération sombre comme la mer.
Oui, je vous en supplie, donnez-moi la main, et pour me faire aborder, recru de fatigues, dans le port de la piété, pousse-moi par vos venst.
Salut, Mère des dieux aux noms multiples, aux beaux enfants
Salut, Hécate, gardienne des portes, à l’immense force.
Mais, à toi aussi, salut, Janus, premier Aïeul, Zeus impérissable, salut, Zeus, Dieu Suprême.

Bibliographie:
- Proclus, Hymnes et prières. Traduction Henri D. Saffrey. Arfuyen, Paris, 1994.
- Trois dévots païens. Traduction A.J. Festugière. Arfuyen, Paris, 1994.

Source : Traduction d’un texte paru dans Traditie, Jaarboek voor traditionele erfgoedbeleving in de lage landen, Brasschaat 2025. ISBN 9789491436260

vendredi, 14 novembre 2025

«Macron ou la diplomatie du selfie» (l’art d’être applaudi à l’étranger quand on est hué chez soi)

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«Macron ou la diplomatie du selfie» (l’art d’être applaudi à l’étranger quand on est hué chez soi)

Par @BPartisans

Le président qui se cherchait encore

Il fut un temps où Emmanuel Macron rêvait d’être Jupiter, perché au-dessus des mortels. Mais à force d’éclairs médiatiques, la foudre s’est retournée contre lui.

Aujourd’hui, le dieu du Mont Élysée n’a plus de temple, plus de fidèles — seulement des caméras et un micro-cravate en bandoulière.

Sa cote de popularité? 19 % d’opinions favorables, selon le tout dernier baromètre Ipsos-BVA (novembre 2025) — un chiffre qui ferait passer un ministre des retraites pour une rockstar.

Et pourtant, il persiste à croire qu’on l’aime — ailleurs. Car la France, cette ingrate, ne l’écoute plus. Alors il s’invite partout : Pékin, New Delhi, Washington, Tel Aviv, Abidjan…

Chaque fois, même rituel : arrivée en jet, sourire 24 carats, poignée de main calibrée, discours sur la “grandeur de la France”.

Et chaque fois, même résultat : un silence poli, suivi d’un communiqué soporifique.

Macron et les “amis imaginaires” du monde libre

Dans sa diplomatie affective, Macron collectionne les déceptions comme d’autres les timbres.

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Avec Donald Trump, il voulait faire un “couple politique du siècle”. Résultat : Trump lui a broyé la main en public avant de lui tourner le dos, tout en disant: “Emmanuel est un gars bien, mais un peu trop amoureux de l’Europe.”

Avec Xi Jinping, il espérait la réciprocité d’un clin d’œil stratégique. Xi, impassible, a préféré observer les pandas du zoo de Chengdu.

Avec Narendra Modi, Macron a tenté l’étreinte fraternelle — Modi, fidèle à ses traditions, a esquivé avec un namasté impeccable.

Avec Friedrich Merz, il a tenté la connivence européenne. Merz a répondu par un regard vide de 12.000 volts: celui d’un comptable qui a déjà fermé les comptes de la France.

Et même Ursula von der Leyen, pourtant championne du verbe creux, le fuit dans les couloirs de Bruxelles, craignant qu’il ne lui propose encore “un projet commun d’avenir”.

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La France, ce décor inutile

Quand il ne peut pas être aimé, il veut être vu.

Macron ne gouverne plus : il communique. Chaque sommet devient une scène, chaque crise un plateau.

“Je veux que la France soit entendue !” répète-t-il, comme s’il parlait à une salle vide.

La France, elle, l’écoute d’une oreille distraite, trop occupée à remplir son caddie à crédit.

Pendant qu’il distribue des leçons de morale à la planète, les Français comptent les mois avant la prochaine réforme “nécessaire”.

Son pays brûle, mais il préfère commenter l’incendie depuis l’avion présidentiel, en direction d’un sommet où il sera applaudi — par politesse.

Les autres chefs d’État savent qu’il n’a plus de poids réel. Ils lui sourient, l’écoutent dix minutes, puis passent à l’essentiel.

Un diplomate européen le résumait brutalement dans Politico : “Macron parle comme si la France pesait encore 10% du PIB mondial. En réalité, il pèse surtout dans les dîners d’État.”

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Le one-man show diplomatique

Macron en scène, c’est un genre à part : entre stand-up de l’ego et théâtre d’État.

Il improvise devant les micros, cite De Gaulle sans vergogne, tutoie la planète, s’émeut de l’avenir des jeunes… et se croit visionnaire parce qu’il a lu deux rapports de l’IFRI dans l’avion.

Lors du dernier G20, il s’est avancé vers Trump, Merz et Xi, les bras grands ouverts. Les trois ont reculé d’un pas.

Photo parfaite : Macron au centre, rayonnant, seul.

Et dans les journaux étrangers, la légende fut sobre : “Le président français salue chaleureusement ses homologues.”

Personne n’a osé écrire : “Mais personne ne l’a salué en retour.”

L’illusion du prestige

Macron, c’est la diplomatie du like. Il croit qu’un tweet de la Maison Blanche ou un sourire de Xi valent plus qu’un vote en France. Il ne comprend pas que la reconnaissance internationale ne rachète pas le rejet intérieur.

Et pendant qu’il multiplie les selfies diplomatiques, son pays s’enfonce : désindustrialisation, colère sociale, inflation, révolte silencieuse.

Le roi est nu, mais son équipe com’ lui assure que la lumière est flatteuse.

Épitaphe pour un illusionniste :

“Emmanuel Macron : il voulait être aimé du monde, faute d’être supporté par son peuple.

Il finit en hologramme diplomatique, serrant la main de son propre reflet.”

@BPARTISANS

L’hiver des illusions” ou comment Poutine n’a plus besoin de chars quand l’Occident s’effondre sous ses factures

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“L’hiver des illusions” ou comment Poutine n’a plus besoin de chars quand l’Occident s’effondre sous ses factures

Par @BPartisans (Telegram) 

« Cet hiver pourrait être décisif. » — Foreign Affairs

Traduction libre : ce sera l’hiver où tout le monde perdra quelque chose, mais personne n’osera l’admettre.

Bienvenue dans la dernière saga géopolitique en trois épisodes :

“Comment conquérir l’Ukraine sans transpirer.”

Un scénario signé Vladimir Vladimirovitch Poutine, produit par Foreign Affairs, sous le label « Froid garanti, morale non incluse. »

Acte I – Le froid, les obus et la géographie en kit

La première étape, selon Foreign Affairs, consiste à « conserver les nouvelles régions et à occuper Kharkiv, Nikolaïev et Odessa, coupant ainsi l’Ukraine de la mer Noire. »

Traduction : garder ce qu’on a pris, et prendre ce qu’on n’a pas encore pris.

Sous prétexte de « libération » et de « continuité historique », on redessine les frontières comme on efface une dette impayée.

Mais l’idée, d’une simplicité post-soviétique, tient en une phrase : fermer l’Ukraine comme on ferme un frigo mal rangé. Et si quelque chose dépasse — une région, un port, un rêve européen — on le pousse à l’intérieur, bien au froid.

Pendant ce temps, à Bruxelles, on se félicite d’avoir « renforcé la résilience énergétique » (expression magique pour dire “on a acheté du gaz américain au triple du prix”).

La géographie se découvre soudain politique ; dommage qu’on l’ait oubliée au profit des hashtags.

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Acte II – La guerre à bas bruit (et à haute facture)

Deuxième étape : « la pression économique et politique avec la menace d’une nouvelle invasion. »

Ou, comme le résume un diplomate occidental : « Poutine n’a plus besoin de chars: il a nos compteurs électriques. »

Foreign Affairs explique :

« L’objectif est de provoquer une crise énergétique et de déclencher une nouvelle vague de réfugiés pour déstabiliser les alliés européens de l’Ukraine. » — (Al Jazeera, traduction libre)

Le génie russe n’est plus militaire: il est thermodynamique.

Chaque degré de température devient une unité stratégique.

Chaque facture d’énergie, une munition politique.

Chaque coupure, un avertissement.

Et pendant que les Ukrainiens creusent des tranchées dans la boue, les Européens, eux, se battent dans les rayons de supermarché — section chauffage, dernier bastion avant la reddition morale.

Les think tanks américains appellent cela “la guerre hybride”.

En Europe, on appelle ça “le mois de février”.

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Acte III – Bienvenue dans l’orbite de la soumission

Troisième étape : « L’Ukraine doit entrer dans l’orbite de la Russie, comme la Biélorussie. »

Ce n’est plus de la conquête, c’est du management géopolitique.

Pas besoin d’annexion : il suffit d’épuisement.

Quand un pays n’a plus d’électricité, plus de jeunes hommes, plus de crédit… il finit par chercher un protecteur, même s’il le déteste.

Et Poutine, avec son sourire de fonctionnaire glacé, tend la main :

« Ne t’inquiète pas. Chez nous, il y a du gaz, des drapeaux et du silence. »

L’Occident, lui, s’auto-congratule. On parle de « résistance héroïque » tout en négociant discrètement le prix du fioul.

Les stratèges à col roulé écrivent des rapports intitulés “Hiver de la résilience démocratique” pendant que les radiateurs restent froids.

Épilogue – L’hiver comme arme de persuasion massive

Foreign Affairs conclut avec gravité :

« Cet hiver pourrait être décisif. » — (Foreign Affairs, traduction officielle)

Mais décisif pour qui ?

Pour l’Ukraine, qui se vide ?

Pour l’Europe, qui grelotte ?

Ou pour les analystes, bien au chaud à Washington, qui découvriront que “résister au froid” n’était pas dans le mandat de l’OTAN?

L’hiver ne décidera rien. Il dissoudra — les illusions, les certitudes et les alliances. Et quand le printemps reviendra, chacun prétendra avoir gagné.

Comme toujours, dans les guerres qu’on commente plus qu’on ne combat.

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Dernier mot cynique

L’Occident croit “geler” les avoirs russes.

La Russie, elle, gèle l’Occident.

L’Ukraine, elle, paie le chauffage des autres.

« La guerre se gagne parfois sans tirer un coup de feu — il suffit d’éteindre la lumière. » — Proverbe du Kremlin (apocryphe, mais terriblement exact).

Source : https://www.foreignaffairs.com/ukraine/ukraines-hardest-w...

@BPARTISANS

Le crépuscule de l’État moderne européen - Une orientation stratégique pour la communauté organique

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Le crépuscule de l’État moderne européen

Une orientation stratégique pour la communauté organique

Sergi Marchand

Source: https://revistahesperia.substack.com/p/el-ocaso-del-estad...

Dans cette heure crépusculaire du Kali-Yuga, nous sommes confrontés à un combat archétypal: celui du jeune Prahlāda, modèle de fidélité transcendante, élevé contre son père Hiranyakaśipu, titan impie qui, aveuglé par l’hybris, proclame sa souveraineté absolue et nie la sacralité. Fils d’un asura hostile à l’ordre divin, Prahlāda persévère dans sa dévotion inébranlable à Vishnu, résistant stoïquement à toutes sortes de tortures, tourments et supplices. Sa rébellion n’est pas politique, mais numineuse: une insurrection de l’esprit contre la tyrannie de la matière. Finalement, le Dharma se manifeste sous la forme de Narasimha, qui surgit du seuil ontologique pour anéantir l’usurpateur et restaurer l’équilibre cosmique.

Le jeune Européen doit suivre la voie de Prahlāda : embrasser le sacré, le patriarcat, la hiérarchie et la race face à l’impératif qui soutient la modernité, fondée sur la négation, le vide, le gris des principes régissant la politique contemporaine, où se dissout la notion de peuple, de famille et de toute forme de communauté organique.

Une telle dissolution bloque la conscience de soi jusqu’à rendre impossible sa réalisation par le biais du social. Par des mécanismes subtils d’aliénation et de contrôle, destinés à atomiser l’individu, l’archétype de l’homme moderne devient le gris éternel, le métis, la tyrannie de la matière, l’inauthenticité et la perte même de l’être.

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L’Europe ploutocratique

« Les États sont des unités purement politiques, des expressions du pouvoir qui agit vers l’extérieur. Ils ne sont liés ni à la race, ni à la langue, ni à la religion, mais se situent au-dessus d’elles. Lorsqu’ils coïncident ou entrent en conflit avec ces principes, leur force est affaiblie en raison de la contradiction interne, elle n'est  jamais renforcée. La politique intérieure existe uniquement pour assurer la force et la cohésion de la politique extérieure. Là où elle poursuit des fins différentes ou particulières, commence la décadence : la perte de la forme d’État. » ⎯ Oswald Spengler, Jahre der Entscheidung (1933)

Comme le souligne justement Spengler, l’élite européenne et ses institutions agissent selon des principes purement égoïstes, despotiques et démago­giques, orientés presque exclusivement vers l’économique et déconnectés de toute valeur communautaire ou de souveraineté. Cela tient au fait que l’élite qui dirige aujourd’hui l’Europe n’est qu’une dégénérescence inhérente au système capitaliste, dans lequel la montée dépend de l’accumulation de capital. Le pouvoir, à la différence de la véritable aristocratie — fondée sur l’excellence spirituelle et qui se constitue en élite par elle-même —, dans l’élite bourgeoise, s’acquiert uniquement par l’argent et son accumulation.

Pour accéder à ce type bourgeois de pouvoir, il faut posséder un caractère vil et psychopathique, car les grands entrepreneurs s’enrichissent en exploitant la plus-value de leurs travailleurs et en jetant beaucoup d’entre eux dans des conditions inhumaines. Dans la logique du marché, celui qui aspire à concourir et à monter doit être le plus exploiteur, le plus dénué de scrupules. De cette façon, ceux qui se trouvent au sommet de nos systèmes ne sont pas les plus nobles ni les plus capables, mais les plus vils, des psychopathes et des pharisaïques.

Et pour couronner le tout, cette Europe moderne s’est rebellée contre son propre caractère patriarcal et solaire, en le remplaçant par le matriarcal et le lunaire: l’Europe de Cythère, l’Europe de von der Leyen, l’Europe tellurique ; l’Europe qui a dévoré le caractère olympien de l’homme, le transformant en un lâche castré, dépouillé de sa condition naturelle de gardien de la civilisation et de la famille, un eunuque incapable de défendre les frontières de l’Empire contre les hordes barbares.

C’est précisément ce diagnostic qui donne une réponse à la question de beaucoup face à l’absence de leaders forts en Europe.

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Et nombreux sont ceux qui se demanderont à qui l'on doit principalement l’inspiration idéologique de l’Occident contemporain: en grande partie, à Auguste Comte et au positivisme politique. De lui proviennent des concepts tels que l’initiative de la religion de l’Humanité, conçue comme un culte de la science, promue pour instaurer une éthique et une morale capables de soutenir la société moderne. Cette conception peut aujourd’hui se transférer aux idées des technocrates et des grandes fortunes liées au mondialisme.

De plus, Comte défendait l’idée d’une technocratie dans laquelle tout serait administré en fonction de l'efficacité maximale, en confiant le gouvernement à des scientifiques et des entrepreneurs.

Considérant cela, on peut interpréter Comte et le positivisme comme l’un des piliers intellectuels des ploutocraties modernes occidentales.

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Drieu: Histoire d’une adolescence

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Drieu: Histoire d’une adolescence

par Andrea Scarabelli (2016)

Source: https://legio-victrix.blogspot.com/2025/11/andrea-scarabe...

Yukio Mishima écrit ses Confessions d’un masque entre vingt et trente ans. C’est en 1949. Bien qu’il ne l’admette pas, il s’agit d’une autobiographie, et c’est précisément pour cette raison qu’elle n’a pas manqué de susciter des polémiques, pour des motifs que nous laissons aux professionnels du scandale. Le livre parle des premières incursions dans la vie d’un adolescent qui vit en lui-même le déséquilibre de son temps. Car c’est là que résident la grandeur ou la misère d’une vie : soit elle parcourt les étapes d’une civilisation entière, incarnant ses fractures, exhibant ses lacérations, soit elle est tout simplement peu intéressante.

550x838-2323828471.jpgTrois décennies plus tôt, en 1921, Pierre Drieu La Rochelle a vingt-huit ans. Il publie État Civil : « Les mémoires d’un fasciste qui s’est suicidé », annonce la manchette imprimée en couverture par Longanesi, qui le publie en italien en 1968. Il est dommage qu’on ne parle pas de suicide dans cet ouvrage, comme l’écrit Stenio Solinas dans sa préface à la nouvelle édition du livre, récemment lancée par Bietti. Et on pourrait aussi longuement débattre du « fascisme » de Drieu, puisque, comme titre un excellent documentaire de quelques années auparavant, il y a de nombreuses nuances dans le noir…

Nous sommes en 1921, comme on le disait. Le jeune Drieu n’avait publié que deux livres : Interrogation, en 1917 (récemment traduit en italien par La Finestra), et Fond de Cantine, trois ans plus tard. Ce sont deux recueils de poèmes. Il ne s’était pas encore lancé dans l’écriture des Chiens de paille, ni dénoncé les Comédies de Charleroi, ni mesuré sa France. Il n’était pas encore un « socialiste fasciste », ni n’avait tenté de marquer le siècle, et le lyrisme crépusculaire de ses magnifiques Journaux était encore bien loin, tout comme Gilles et Feu Follet. Avant de plonger dans ces œuvres qui feront de lui un auteur de sa génération, le jeune Drieu avait une petite affaire à régler: son adolescence.

À quel âge écrit-on une autobiographie ? On pourrait répondre : cela dépend de la vie que l’on a vécue. Mais aussi de combien, comme on l’a dit plus tôt, cette autobiographie reproduit le Zeitgeist, l’esprit du temps, devenant un diorama du siècle. Or, État Civil n’est pas seulement un récit d’années fugitives, des premières expériences à l’école, de la découverte d’un monde, des premières fautes et expiations… C’est la narration de la jeunesse d’un siècle qui se serait divisé en deux guerres mondiales, arrivant en retard à sa rencontre avec le destin. Un siècle éternellement en retard sur lui-même: d’où l’importance de livres comme celui-ci, avant-gardes d’une Europe qui aurait pu être, mais ne fut pas, et que le geste suicidaire de Drieu l’a empêché de voir. Un acte d’une extrême compassion, peut-être, commis par l’auteur envers lui-même.

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«Tout crépuscule est une aube», écrivait Ernst Jünger. Si Drieu évoque ses expériences juvéniles, ce n’est pas pour fermer la porte à l’enfance, mais pour en préserver intacte toute la fraîcheur. Il suffit de lire quelques pages d’État Civil, autobiographie en l’absence de biographie, pour comprendre: «Les enfants n’appartiennent pas à la même époque, à la même race, au même continent que les hommes. Ils vivent dans des Ères passées ou encore à venir… Armés de tous leurs sens, dotés d’une capacité extraordinaire d’intuition, ils parlent avec tout l’univers une langue mystique qu’ils oublient aussitôt, et habitent des terres vierges». Ils ressemblent aux sauvages: «Comme eux, ils se laissent domestiqués, et comme eux, ils meurent si leur liberté se perd».

pierre-drieu-la-rochelle-401fb807-5a56-46c1-9885-a29ed0509ce-resize-750-1069768328.jpgUn jeune Robinson Crusoé du 20ème siècle, Drieu a horreur des adultes, qui colonisent l’imaginaire avec la tyrannie du fait accompli et le masque du cynisme, affirmant la suprématie d’une vie tranquille, à l’abri du risque et de l’aventure. Ce sont eux, les geôliers de cette mystique de l’enfance qui, dans son innocence coupable, dépasse les domaines humains pour capter des vérités cosmiques: «J’ai vécu le mystère de la solitude de notre planète parmi les étoiles, comme je ne le revivrai jamais avec l’artifice de l’intelligence». L’enfant décrit par Drieu sait beaucoup de l’histoire du monde et de l’homme, et n’est pas du tout disposé à renoncer à cette conscience. Il veut que la flamme de son été enchanté, comme l’appellerait Ray Bradbury, continue de briller: «Caché au fond du jardin avec mon chien et mon fusil, j’ai connu l’angoisse, le fond même de notre histoire humaine; une angoisse que je ne retrouverais qu’au cœur d’un obus, dans la terre déserte, sous un ciel qui s’effondrait».

Il portera cette enfance avec lui dans les années à venir, dans ses rencontres et ses relations, dans les soirées de gala et les tempêtes d’acier, y infusant ses œuvres et ses articles pour ces revues qui lui coûteront l’excommunication par la culture officielle et l’accès au Panthéon de la Pléiade seulement en 2012, dans une édition d’ailleurs très expurgée et hygiénisée par ceux qui ne se lassent pas de réécrire notre passé. Mais cela n’enlève rien à la valeur de livres comme celui-ci. Le «maudit» Drieu nous connaissait très bien...

La guerre en Ukraine menace la doctrine Monroe - De la crise des missiles cubains à la crise des drogues vénézuéliennes

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La guerre en Ukraine menace la doctrine Monroe

De la crise des missiles cubains à la crise des drogues vénézuéliennes

Adrian Severin 

Source: https://www.estica.ro/article/razboiul-din-ucraina-amenin...

Récemment, un petit bateau de pêche, naviguant sous pavillon vénézuélien dans la région des Caraïbes, a été coulé par les forces armées américaines, au motif qu'il aurait été impliqué dans le trafic de drogue.

L'embarcation se trouvait loin des eaux territoriales américaines. Personne ne l'avait inspectée au préalable. Il n'existe aucune preuve de son implication dans le trafic de substances interdites. L'action consistant à le couler ne s'est pas basée sur un mandat émis par une institution nationale ou internationale neutre, compétente dans la lutte contre le trafic de stupéfiants.

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Les autorités américaines, qui ont pour objectif officiel la lutte contre les narcotrafiquants, ont elles-mêmes confirmé que le Venezuela, contrairement au Mexique et à la Colombie, n'est pas dans leur collimateur. La position géographique et le régime politique du Venezuela ne placent pas ce pays sur la carte des États qui soutiennent ou tolèrent la production et/ou le commerce de drogues, comme le font le Mexique et la Colombie.

Alors, de quoi s'agissait-il ? Pour les États-Unis, cette démonstration de force avait deux objectifs.

D'une part, elle voulait réaffirmer son statut, en principe, d'unique gendarme de l'hémisphère occidental, prêt à intervenir militairement contre quiconque trouble ou remet en question son ordre.

D'autre part, l'administration Trump cherchait un prétexte pour lancer une « opération militaire spéciale » (pour reprendre la formule si décriée du Kremlin concernant l'intervention en Ukraine) contre le Venezuela, sous prétexte qu'il serait la source, le complice et le facilitateur du trafic de drogue, identifié comme une menace pour la sécurité des États-Unis – qui sont le marché de consommation ciblé. Par conséquent, le Venezuela menace la sécurité des États-Unis ! Quel autre motif de guerre pourrait-on trouver ? Bien sûr, pas une guerre d'agression, comme celle de Poutine en Ukraine, ni une guerre préventive, comme celle de Netanyahu contre l'Iran, mais une guerre défensive (sic !).

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Ainsi, la flotte militaire américaine a été mobilisée en direction du Venezuela, avec pour objectif, entre autres, le changement de régime politique vénézuélien. Au-delà des anciennes critiques idéologico-politiques formulées contre le président Nicolás Maduro, concernant le caractère non démocratique de son gouvernement, des accusations pénales ont été formulées, justifiant une sorte de mandat d'arrêt à l'image de celui utilisé dans le passé lors de l'intervention militaire nord-américaine au Panama, qui a conduit à l'arrestation et à la condamnation à la prison du président panaméen Manuel Noriega aux États-Unis (Dans le cas de ce dernier, l'intérêt pour le trafic de drogue comme source de financement de son régime autoritaire pouvait sembler plausible, mais pour le président d'un pays stable, bénéficiant de revenus pétroliers, l'idée d'une implication dans le commerce de stupéfiants, produits dans d'autres pays, est absurde.)

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Le comité Nobel a également contribué à la mise en scène en attribuant le prix de la paix, au détriment même de la candidature de Maria Corina Machado, leader de l’opposition vénézuélienne, que Washington a déclarée gagnante de l’élection présidentielle… sur la base d’enquêtes d’opinion. Cela, après que le « mandat » présidentiel attribué par les États-Unis, à Juan Guaido, a expiré – tout comme son mandat. (Selon les règles de l’ère de la « post-vérité », Wikipédia mentionne Guaido comme « président en exercice » (Acting President) pour la période 2019-2023.)

Pour prouver que la récompense était amplement méritée, la lauréate du prix Nobel et progressiste mondial a annoncé que, dans le cadre du « passage juste et pacifique de la dictature à la démocratie », elle prévoit de privatiser les ressources pétrolières du Venezuela au profit des multinationales américaines.

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Au-delà de l’attraction irrésistible exercée par ses vastes réserves de pétrole, le Venezuela est dans le collimateur des États-Unis/CIA en raison de son refus obstiné et ostentatoire de se soumettre à l’agenda géostratégique des États-Unis en Amérique centrale et du Sud. Ainsi, il constitue, avec Cuba, un « mauvais exemple » pour les autres États latino-américains. Un exemple intolérable pour Washington, qui doit être rapidement éliminé; manu militari si nécessaire.

Ce qui a suivi fut néanmoins un événement d’une importance historique à laquelle peu de gens s’attendaient. Le Venezuela a demandé l’aide de la triade stratégique eurasiatique formée par la Russie, la Chine et, étonnamment, l’Iran. En réponse, la Russie a envoyé plusieurs navires de sa flotte dans les eaux vénézuéliennes pour se placer entre l’État menacé et les forces navales déployées là-bas par Washington. De plus, jour après jour, heure après heure, la Russie, avec la Chine, a fourni un armement sophistiqué capable de porter la capacité de défense du Venezuela à un niveau comparable à la menace qui pèse sur lui. En d’autres termes, des États tiers hors de l’hémisphère occidental sont intervenus dans un différend entre les États-Unis et un État latino-américain.

Cela constitue une défi explicite et manifeste à la doctrine Monroe, vieille de plus de deux siècles (formulée par le président américain James Monroe en 1823), selon laquelle toute intervention d’une puissance extérieure à l’hémisphère occidental dans la résolution de différends politiques impliquant des nations latino-américaines est considérée comme une action hostile à l’égard des États-Unis et justifie une réaction militaire. Plus tard, le président Theodore Roosevelt a étendu cette doctrine par une interprétation nouvelle, affirmant que sa mise en œuvre légitime également l’intervention des États-Unis pour discipliner les États latino-américains, c’est-à-dire pour changer leurs régimes, dans la mesure où ceux-ci pourraient affaiblir la capacité de l’administration de Washington à « protéger » l’Amérique latine contre l’ingérence indésirable de puissances tierces.

À l’époque, il s’agissait des grandes puissances européennes. Mais la situation mondiale a changé. Les empires coloniaux européens ont disparu, laissant derrière eux un « musée d’histoire » rassemblant des acteurs régionaux qui tentent vainement de se fédéraliser dans une union d’États et de citoyens d'une portée stratégique mondiale. À la place, de nouvelles puissances ont émergé ou renaissent en Asie (par exemple la Chine, l’Inde, l’Arabie saoudite, la Turquie, l’Iran), en Afrique (par exemple l’Afrique du Sud ou le Nigeria) et même en Amérique latine (par exemple le Brésil ou le Mexique), qui contestent la suprématie mondiale des États-Unis et s’orientent vers des structures de résistance telles que le BRICS ou la Shanghai Cooperation Organization, mais aussi le MERCOSUR ou le Pacte andin.

La présence de la flotte russe dans les eaux vénézuéliennes, face à la flotte américaine, et l’aide militaire sino-russe (peut-être aussi iranienne) fournie au Venezuela dans le cadre de la confrontation avec les États-Unis, ainsi que le soutien politico-diplomatique déclaré par de nombreux États latino-américains à l’égard du Venezuela, disent à la Maison Blanche que la doctrine Monroe a été respectée jusqu’à présent, car elle appartenait à l’ancien ordre mondial, aujourd’hui disparu, mais qu’elle est morte avec lui. Le nouvel ordre, en train de se former, nie à la fois la suprématie des États-Unis à l’échelle mondiale et le monopole géopolitique des États-Unis sur l’hémisphère occidental. Avant que Washington ne tente d’imposer un ordre (c’est-à-dire dicter les conditions de paix) en mer Noire ou dans le Grand Océan, il doit (re)négocier son statut dans l’Atlantique Sud.

Après avoir déployé leurs armées suite au maidan ukrainien contre la Russie et aux portes chinoises de Taïwan, les États-Unis se retrouvent désormais face à face avec les Russes et les Chinois dans la mer des Caraïbes, dans le jardin de leur maison. Piégés dans la toile des guerres chroniques, chaudes ou froides, de la mer Noire et de la mer de Chine orientale, mais incapables de les terminer, les rapaces de Washington découvrent que Poutine et Xi sont à la porte; comme Carthage autrefois, avec sa fière armée sous le commandement d’Hannibal Barca, qui, lors du siège de Rome, se réveilla de son rêve de victoire, surpris par la flotte romaine conduite par Scipion l'Africain, qui avait évité l’attaque et traversé la Méditerranée pour lui porter le coup de grâce. Pour les fanatiques de la « paix par la force » aux États-Unis, c’est une occasion en or de réfléchir à l’adage : « Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’on te fasse ! »; mais aussi un argument fort, résultant d’un mouvement stratégique russo-chinois audacieux – spontané ou quelque peu approuvé à Anchorage et Séoul ? – pour convaincre ceux qui s’opposent à la « paix de Trump », y compris en planifiant l’adoption d’une législation interdisant le retrait des troupes américaines d’Europe, que prolonger la guerre nuit davantage aux États-Unis qu’à leurs rivaux eurasiatiques.

Trump aurait, comme lors de la crise des missiles de Cuba pendant la Guerre froide, pu déclencher une réaction militaire, menant à une guerre nucléaire entre les grandes puissances. Mais alors que dans les années 1960, les États-Unis étaient une puissance montante, aujourd’hui ils sont une puissance décadente, et à cette époque désormais lointaine, ils ne faisaient face qu’à l’URSS, alors qu’aujourd’hui ils affrontent le partenariat illimité russo-chinois, qui, à l'extrême, pourrait entraîner toute l’Organisation de coopération de Shanghai dans une «opération globale».

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C’est pourquoi la stratégie de l’administration Kennedy reste un modèle valable aujourd’hui encore pour l’administration Trump. Dans les années 1960, Kennedy sauva la sécurité mondiale en renonçant au renversement du régime à Cuba et en retirant les missiles américains de Turquie, en échange du retour de la Russie en ses frontières soviétiques. Ainsi, il évita une guerre nucléaire dévastatrice pour tous et confirma la paix américaine.

Dans les années 2020, alors que les États-Unis tentent de retrouver leur grandeur perdue, le président Trump n’a d’autre solution réaliste que de reprendre la formule de Kennedy: ne pas saper le régime vénézuélien et retirer la présence militaire américaine d’Europe de l’Est, en échange d’une Russie post-soviétique restant uniquement sur ses territoires historiques proches de la mer Noire. En outre, les États-Unis pourraient s’engager à soutenir la réintégration pacifique de Taïwan dans la sphère de souveraineté de la Chine, exprimant ainsi concrètement le principe d’« une seule Chine », en échange de garanties chinoises de libre circulation dans le Pacifique Ouest.

Ce ne sera plus la pax americana, mais ses funérailles. Ce sera aussi le baptême d’un nouvel ordre mondial dans lequel l’Amérique pourra à nouveau être grande; mais pas seule, avec d’autres nations avides de grandeur, capables de grandeur et légitimes pour assumer la grandeur.

La fête d’Halloween et la destruction du patrimoine chrétien: les forces obscures en pleine offensive!

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La fête d’Halloween et la destruction du patrimoine chrétien: les forces obscures en pleine offensive!

Pierre-Emile Blairon

« Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ; pendant cet interrègne, on observe les phénomènes morbides les plus variés ».

Antonio Gramsci

Non, je ne me suis pas rallié au christianisme; je suis resté fidèle à nos plus vieilles racines gauloises, celtes, indo-européennes et, au-delà, hyperboréennes : je suis toujours primordialiste, adepte de la plus ancienne spiritualité de la planète que les premiers chrétiens arrivés à Rome ont appelée, en dérision, « paganisme », terme qui est issu du mot latin pagani, paysans, qui cultivent la terre.

Je sais: je me débrouille toujours pour ne plaire à personne: ni à la «gauche», ni à la «droite» (1), ni aux chrétiens, ni aux «païens»; je ne revendique pas ce dernier terme, imposé péjorativement par les chrétiens des origines aux paysans européens, aux fellahs, comme dirait Oswald Spengler (2) qui considérait tous les travailleurs de la terre comme une entité planétaire avec les mêmes comportements et le même attachement à leur sol, quel que soit leur pays d’origine (3), en complémentarité, voire en opposition aux nomades-éleveurs du désert, ce qui explique ce dédain originel des premiers chrétiens à l’encontre des travailleurs de la terre et des habitants des forêts européennes. Ce qui explique aussi la prédisposition du christianisme à l’universalisme qui constituera plus tard la clef de son succès.

D’autre part, je récuse aussi ce terme de « païen » parce que je considère qu’on ne peut pas faire revivre une époque qui avait une tout autre approche de la spiritualité et de ses rapports avec ses dieux que nos contemporains qui vivent depuis longtemps dans le mensonge qui leur a été imposé (processus qui a subi une forte accélération avec la catastrophe représentée par la Révolution française), et qui vivent aussi dans le virtuel moderne (une vie fantasmée), dont peu d’entre eux sont parvenus à s’extraire (à la fois du mensonge et du virtuel).

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Halloween, un détournement parodique de l’ancienne fête celtique de la Samain

Une fête essentiellement commerciale

La France, mais aussi une partie de l’Europe, a été conquise ces dernières années par la célébration d’une fête étrange, exubérante et bruyante, mélange de satanisme puéril – ce sont les enfants qui sont à la manœuvre, quelquefois encadrés par certains de leurs parents chargés de contenir les débordements de leur progéniture – et de soumission au culte du commerce qui dicte les comportements de la société américaine, d’où nous parvient cette nouvelle lubie juteuse à souhait pour les affaires. Il faut savoir que la période choisie pour l’organisation de ces festivités n'est pas due au hasard : « Dès 1998, Halloween est adoptée par les commerçants et certains médias, la fête tombant juste au moment de la « période creuse » entre la rentrée scolaire et les fêtes de Noël […] Coca-Cola, en partenariat avec d'autres marques, crée l'événement en 1999 en organisant une Halloween Party au Zénith de Paris réservé aux jeunes de 15 à 25 ans. La marque organise par la même occasion plus de 400 opérations dans les bars et discothèques de France. D'autres marques importantes, comme Orangina, Haribo, Materne, BN, M&M's ou encore McDonalds tentent eux aussi de profiter de la popularité de la fête pour lancer diverses gammes de produits aux couleurs d'Halloween (4)  ». (Wikipedia, article Halloween)

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Un Père Noël qui vire du vert au rouge grâce à Coca-Cola

Rappelons que le Père Noël revêtu de sa belle houppelande rouge auquel nous avons droit depuis les années 30 du siècle précédent a été publicitairement promu, et avec un plein succès, par Coca-Cola en 1931 ; certes, depuis la fin du XIXe siècle, certaines représentations du Père Noël apparaissaient en rouge comme le personnage de Saint Nicolas, mais les premiers Pères Noëls païens étaient verts car il s’agissait d’évoquer l’espoir du renouveau de la végétation au début de l’hiver, nos ancêtres ayant toujours été attentifs au rythme des saisons.

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La plupart de leurs fêtes avaient une signification en lien avec la fertilité et la fécondation. Les plus anciennes représentations du Père Noël sont d’origine germanique et nordique comme Saint Nicolas qui «a remplacé le vieux dieu germanique des eaux, Hnikar (ou Nikuz), un surnom d'Odin (5) ». La légende de Saint Nicolas, que l’on fête le 6 décembre en Belgique et aux Pays-Bas depuis le Moyen-Âge, a aussi des racines romaines avec les Saturnales qui avaient lieu au solstice d’hiver, qui fêtaient le « Dies Natalis Solis Invicti, le jour de naissance de Sol Invictus, le retour du Soleil, le rallongement du jour », une date qui se comprend mieux quand on sait que Saint Nicolas était certes célébré le 6 décembre du calendrier grégorien mais selon le calendrier julien qui le précédait, ce jour tombe le 19 décembre.

L’origine d’Halloween: une fête celtique

Les Celtes l’appelaient la Samain ou Samhain, les Gaulois, tout aussi celtes que leurs voisins bretons et grands-bretons, l’appelaient Samonios.

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En effet, « La fête de Samain apparaît inscrite sous le nom de Samonios dans le Calendrier de Coligny, un calendrier daté du 1er siècle avant J.-C, d'origine gauloise, qui divisait l'année en deux moitiés, la moitié sombre qui débutait au mois de Samonios (lunaison ou nuit de Samhain), et la demi-lumière, qui commençait au mois de Giamonios (lunaison d'avril-mai ou nuit de Walpurgis). Les Celtes considéraient que l'année commençait par la moitié sombre, tout, comme pour les Vikings, le passage d'un jour à l'autre ou d'un mois à l'autre était produit par le rythme des lunaisons. La célébration de la nouvelle année durait pendant les « trois nuits de Samonios », la pleine lune la plus proche entre l'équinoxe d'automne et le solstice d'hiver et qui donnait lieu aux célébrations.

La Samhain était une période de deuil rituel et symbolique pour marquer la mort de l'été et un moment de grand danger pour les Celtes, puisque les forces spirituelles les plus puissantes correspondaient alors avec l'au-delà. Les barrières temporelles disparaissaient provisoirement et un déséquilibre spatial se produisait ; une frontière entre deux périodes où le temps et l'espace étaient temporairement gelés et les lois normales suspendues. Les barrières se brisaient et la porte du royaume des morts s’ouvrait ; c'était le moment où ce passage était emprunté par les vivants pour rencontrer leurs parents décédés […]

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Mais comment, d'une fête celtique et païenne, en sommes-nous arrivés à un Halloween américain ? Après la conquête par les Romains d'une grande partie des territoires celtiques et la romanisation conséquente de ces peuples, le monde celtique fut inévitablement influencé par les traditions romaines, d'abord également païennes, comme les fêtes dédiées à la déesse romaine de la moisson, Pomona (illustration). Plus tard, avec la christianisation de l'Empire romain, les chrétiens ont qualifié les fêtes celtiques et païennes en général de pratiques « hérétiques » et les ont unifiées, adaptées et transformées en fêtes chrétiennes ; c’est ainsi que la Celtic Samhain ou le Freysblót Viking (vers le 15 octobre et avec la même signification que la fête celtique) est devenu la fête de la Toussaint, le 1er novembre, qui en anglais a été traduit par All Hallow's Eve, ou ce qu'elle est aujourd'hui :  Halloween (6).»

Même si Halloween - version américaine, c’est-à-dire mercantile sans aucune once de spiritualité, si ce n’est une spiritualité à l’envers - demeurait encore une fête plus ou moins enfantine où les enfants y trouvaient leur comptant et leur compte en bonbons extorqués aux habitants de leur rue ou de leur village, la bonhomie restait de mise.

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Ce n’est plus le cas depuis quelques années ; depuis le début des années 2020 plus précisément, lorsque les psychopathes qui ont pris le contrôle de la planète ont voulu imposer leur conception du monde et le dieu auquel il rendent un culte fervent: Satan; les masques se sont durcis et apparaissent de plus en plus effrayants, tombant dans une caricature grand-guignolesque, pleine de sang, de monstres et de gadgets démoniaques qui conviennent mal à l’esprit d’innocence qui devrait être la marque qui sied à des manifestations enfantines. Mais ceci rentre dans le processus de satanisation du monde ; les « esprits forts » se gausseront: mais ce n’est pas moi qui ai inventé cette nouvelle religion. Les adeptes du « satanisme » étaient en place bien avant l’avènement de ces religions abrahamiques, ils n’ont fait que récupérer le fruit de leur travail en récupérant le personnage de Satan, l’ »ange rebelle », le « prince de notre monde », exclu du paradis parce qu’il voulait se mesurer à Dieu (7) , une créature qu’on dirait fabriquée afin qu’elle mette en œuvre les projets radicaux de ces personnages occultes qui veulent s’emparer de notre monde et qui ne paraissent guère loin d’y parvenir ; la France semble constituer une base – ou une cible - importante pour ces énergumènes (8) qu’ils s’emploient à détruire méthodiquement, à commencer par ses fondements religieux et le patrimoine bâti qui en constitue l’aspect visible et concret sur lesquels ils ne cessent de s’acharner.

Le projet des satanistes: du passé, faisons table rase

Fête de la musique

C’est le passé dans son ensemble qui est attaqué par les satano-mondialistes avec toujours la même méthode : récupérer et détourner à leur profit des événements marquants de ce que ces gens considèrent comme l’ancien monde : ainsi, la Fête de la musique fut organisée pour la première fois le 21 juin 1982 sous le patronage du ministre de la Culture de l’époque, Jack Lang, et a permis de court-circuiter l’une des plus importantes fêtes du paganisme alors en pleine renaissance sous l’égide de la Nouvelle droite: le solstice d’été.

C’est qu’il s’agit de détruire toutes les anciennes structures traditionnelles qui régissaient jusqu’alors le monde plutôt que de les réhabiliter.

Depuis, cette fête s’est internationalisée et a lieu dans 110 pays à travers la planète.

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Monuments religieux incendiés

Depuis la grande offensive des satano-mondialistes contre les peuples, au début des années 2020, il ne se passe pas un mois en France sans qu’une église ne soit détruite par un acte malveillant (9), Notre-Dame de Paris ayant inauguré ce processus le 15 avril 2019.

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Encore ce dimanche 2 novembre 2025, « un incendie s'est déclenché à l'ancien monastère des moines chartreux du Mont-Dieu dans les Ardennes. Près de 50 pompiers intervenaient sur place au plus fort du sinistre, qui a frappé un monument irremplaçable du patrimoine ardennais et national. » (France Info). Le bâtiment n’était pas occupé ; les moines qui y logeaient ont été chassés par la Révolution française. Il est classé Monument historique.

La religion chrétienne reste la première religion dans le monde par le nombre de ses adeptes (10), mais elle ne progresse pas en France ; il faut dire qu’elle a subi, au cours de son histoire, de nombreuses vicissitudes comme les guerres de religion, la Révolution française, la philosophie des Lumières, la laïcisation républicaine, le « progressisme » qui s’entend si bien avec le « darwinisme » : la théorie absurde de « l’évolution » qui va à l’encontre de tout ce que l’on observe des lois de la nature et celles de nos propres vies : le monde terrestre suit un chemin involutif et non évolutif (11).

La désacralisation

La baisse de fréquentation des églises se traduit par une « désacralisation » des bâtiments qui sont pour la plupart classés « Monuments historiques ».

Cette désactivation tout à fait artificielle d’un bâtiment qui conserve, au-delà de son statut et de son utilisation, sa fonction originelle qui est avant tout spirituelle, de ses parois qui suintent du travail méticuleux de ses bâtisseurs, de leur foi, leur abnégation, de leur intelligence, de tout ce qui en a fait un chef-d’œuvre architectural, au-delà même du sens religieux de son érection, est une ignominie ; ces bâtiments appartiennent à tout le peuple français ; les révolutionnaires « français » en ont fait des casernes, des hangars de stockage de foin et de matériaux de toutes sortes, des étables, des écuries, des porcheries, quand ils n’étaient pas détruits pour en récupérer les pierres.

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Victor-Hugo disait : « Il faut arrêter le marteau qui mutile la face du pays. Une loi suffirait. Qu'on la fasse. Quels que soient les droits de la propriété, la destruction d'un édifice historique et monumental ne doit pas être permise à d'ignobles spéculateurs que leur intérêt imbécile aveugle sur leur honneur ; misérables hommes, et si imbéciles qu'ils ne comprennent pas qu'ils sont des barbares ! Il y a deux choses dans un édifice : son usage et sa beauté. Son usage appartient au propriétaire, sa beauté à tout le monde, à vous, à moi, à nous tous. Donc, le détruire, c'est dépasser son droit (12)."

Ce concept de « désacralisation » vient à point pour permettre aux imposteurs de « l’art contemporain » de s’implanter dans ces lieux prestigieux en toute impunité.

Il s’agit d’humilier et de ridiculiser le peuple français dans son ensemble, d’effacer toute trace de son ancienne grandeur, à commencer par ce patrimoine architectural unique au monde, et de remplacer cet océan de beauté par un désert peuplé de robots.

Dans un article daté du 23 septembre 2018, l’art de la provocation, je tentais de démonter les rouages pernicieux qui nous sommaient de préférer la laideur et l’absurdité:

« Les super‐riches de l’Ordre mondial n’ont pas mis beaucoup de temps à comprendre que cette arnaque qu’ils ont eux‐mêmes initiée pouvait être également utile à leurs portefeuilles ; comme l’art provocateur est virtuel, ils ont créé une monnaie adéquate : l’art provocateur lui‐même.

Ainsi donc, les tableaux, sculptures, installations et autres performances ne sont rien d’autre qu’une monnaie virtuelle dont ils se servent avec profit puisqu’ils se sont débrouillés pour faire en sorte que les œuvres d’art soient défiscalisées quand leurs entreprises achètent des œuvres d’artistes vivants. On comprend bien que la qualité des œuvres n’a aucune importance dans la mesure où l’artiste a su les vendre avec le maximum de publicité, les publicitaires et les médias, appartenant eux aussi aux super‐riches, assurant le service après‐vente (13).»

Voici un court dialogue que j’ai eu sur Facebook, il y a quelques jours, avec l’un de ces « désacralisateurs » :

- Moi : « Ridiculiser le patrimoine et la religion, vous trouvez ça bien ? »

- Le désacralisateur :-« L’abbaye d’Arthous n’est plus vouée au culte catholique depuis la Révolution française ! Elle est désacralisée depuis des siècles, c’est-à-dire qu’il n’y a plus aucun objet de culte présent dans les lieux ni aucune célébration à caractère religieux. Le site à l’abandon a été acquis par le baron d’Artigues, et sa fille en a fait don au département en 1964, et après de nombreux travaux, le site est devenu en 2003 le Site départemental du patrimoine (des Landes, ndlr) et abrite dans ces bâtiments le musée départemental d’histoire et d’archéologie. Quant à votre appréciation sur l’exposition temporaire elle n’engage que vous. »

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Vous trouverez ci-joints quelques exemplaires des « œuvres » de l’artiste présentées dans cette abbaye « désacralisée » ainsi que d’autres photos d’autres œuvres contemporaines présentées dans d’autres lieux de culte ou, plus largement, appartenant à notre patrimoine.

C’est notre « projet » !

Nous pouvons retirer un constat de tout ce qui vient d’être dit : ce n’est pas la philosophie des « Lumières » ni la « démocratie » qui remplacera le christianisme, ce n’est pas non plus le concept de « République » qui leur a succédé (le terme « France » pour désigner notre pays n’est plus utilisé par nos gouvernants, nous vivons en République, pas en France), ce n’est pas plus le darwinisme dont j’ai craint il y a quelques années qu’il puisse s’ériger en nouvelle religion du « progrès ».

Non: la nouvelle religion qu’on nous propose est conçue par une puissance qu’on n’attendait pas et dont on a peine encore à imaginer qu’elle puisse réellement exister, c’est un concept dont l’élaboration est primaire, fruste, simpliste, sorti à la fois d’un lointain passé, des bas-fonds du bas-astral, avec son cortège de morts-vivants se nourrissant de sang juvénile, et « en même temps » le produit d’un « projet » futuriste - « C’est notre projet ! » hurlait Macron lors de son accession au pouvoir – un « projet » qui fait appel aux plus récentes techniques de la science, de la communication et de la manipulation pour transformer les humains en machines robotisées : le transhumanisme, issu tout droit du monde des Titans.

Cette nouvelle puissance qui gouverne notre planète (pour l’instant) est le fruit de l’alliance maléfique des anciens maîtres de ce monde qui n’en finit pas de mourir : c’est le pacte de sang qui lie Titan et Satan réunis dans le but de remplacer Dieu.

Ils n’arriveront pas à leurs fins.

« Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ; pendant cet interrègne, on observe les phénomènes morbides les plus variés ».

Pierre-Emile Blairon

Notes: 

(1) Voir mon article du 18 octobre 2025: Le consternant dilemme d’un peuple à l’agonie: s’acoquiner avec les islamo-gauchistes ou se prostituer avec les sionisto-droitards?

(2) Le déclin de l’Occident, NRF Gallimard

(3) Une sorte d’« internationale » paysanne à l’image de « l’Internationale » ouvrière, laquelle a piteusement échoué dans ses objectifs car dénuée de toute racine mais aussi parce que l’ouvrier n’aspire qu’à un but : s’extraire le plus rapidement possible de sa condition pour devenir un bourgeois.

(4) Orange, la couleur de la courge, et noire, la couleur de la mort.

(5)  http://racines.traditions.free.fr/

(6)  https://www.terreetpeuple.com/paganisme-memoire-35/164-fe... .

 (7) Voir mon article du 21 septembre 2025 : Quelle est donc cette « civilisation judéo-chrétienne » à laquelle nous appartiendrions ?

 (8) Voir mon article du 3 octobre 2023 : La France, laboratoire de la Secte mondialiste.

 (9) Voir mon article du 6 décembre 2024 : Pourquoi les monuments français brûlent-ils ?

 (10)  Avec 2,3 milliards de personnes (+122 millions), "les chrétiens restent le plus important groupe religieux dans le monde" et ils représentent 28,8% de la population mondiale.

 (11) Lire à ce sujet les ouvrages du professeur Didier Raoult, Dépasser Darwin, Plon, 2010 et Homo chaoticus, Michel Lafon, 2024 et, bien sûr, Evola, Guénon, Nietzsche, Eliade.

 (12) Victor Hugo, "Guerre aux démolisseurs", Revue des deux mondes, 1° mars 1832

 (13) Aude de Kerros, Exposition Kermit, plug anal : une esthétique au service de l’hyper-classe https://www.youtube.com/watch?v=OKFyHtigiw

11:58 Publié dans Actualité, Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, traditions, halloween | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

jeudi, 13 novembre 2025

L’UE dans un cercle vicieux fiscal et géopolitique

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L’UE dans un cercle vicieux fiscal et géopolitique

Elena Fritz

Source: https://t.me/global_affairs_byelena

L’UE parle d’« autonomie stratégique » – mais la réalité est différente : l’Europe est enfermée dans une spirale d’endettement qui paralyse sa capacité d’action géopolitique.

csm_Tokarski_Pawel_presse_v2_034730950a-1563347990.jpgC’est ce que souligne l’économiste Paweł Tokarski (de la Stiftung Wissenschaft und Politik - SWP (https://www.swp-berlin.org/publikation/die-eu-im-fiskal-geopolitischen-teufelskreis) - photo) dans sa nouvelle analyse : « L’UE dans un cercle vicieux fiscal et géopolitique ». 

Auto-entraves structurelles

Tokarski montre que la hausse de la dette publique en Europe n’est pas un phénomène de crise, mais une conséquence structurelle du système lui-même. 

- Sociétés vieillissantes

- Croissance de la productivité stagnante

- Une classe politique qui préfère redistribuer plutôt que réformer

- Le résultat : d’ici 2040, un ratio d’endettement de 130 % du PIB menace – dans une Union dont le pacte de stabilité est déjà aujourd’hui de facto suspendu.

- Tokarski qualifie cela de « cercle vicieux » : le manque d’espace fiscal affaiblit la puissance géopolitique, mais la faiblesse géopolitique oblige à de nouvelles dépenses.

Le prix des illusions

L’UE tente de financer simultanément quatre objectifs incompatibles : 

- La militarisation et la montée en puissance – avec des centaines de milliards pour les projets « European Defence » et « Readiness 2030 »

- Les subventions industrielles – pour suivre le rythme de la Chine et des États-Unis

- La transition énergétique – coûteuse, mais politiquement indispensable

- Le soutien à l’Ukraine – un véritable tonneau des Danaïdes

- Mais chacun de ces postes consomme des crédits dont la charge d’intérêts double ou triple. Conséquence: la montagne de dettes européenne croît de façon exponentielle – sans croissance pour la soutenir.

- Ce n’est plus une politique conjoncturelle, mais bel et bien de l’autodestruction.

Géopolitique de la dette

Contrairement aux États-Unis ou à la Chine, l’Europe ne dispose pas d’une machine souveraine à endettement.

L’UE ne peut pas émettre une monnaie de réserve mondiale que tout le monde doit acheter.

Son marché de capitaux est fragmenté, la responsabilité politique partagée, la BCE piégée entre feu fiscal et orthodoxie monétaire.

Tokarski met en garde: si l’Allemagne perd son rôle de pourvoyeur de stabilité, qu'elle détenait antérieurement, la prochaine crise de l’euro serait non seulement économique, mais aussi dévastatrice sur le plan géopolitique.

Car alors, l’Europe n’aurait plus de filet de sécurité crédible – ni économiquement, ni politiquement. 

Le risque implicite

Ce que Tokarski évoque à peine, c’est la bombe à retardement:

La confiscation planifiée des actifs russes compromet la confiance dans le système financier européen.

Si la zone euro commence à exproprier les réserves souveraines d’autres États, elle envoie un signal clair au Sud global :

« Votre argent n’est pas en sécurité chez nous. » En ce faisant, l’UE risque de détruire ses derniers « actifs durs » – l’euro et la confiance dans l’État de droit. 

En conclusion

L’Europe doit faire un choix : 

- Soit une consolidation structurelle, une réduction de la bureaucratie, un recul du militarisme idéologique,

- Soit un état d’exception permanent – financier, politique, moral.

Un continent qui brûle ses ressources pour l’armement, les subventions et la politique extérieure symbolique, perd sa capacité à exercer une véritable souveraineté.

En résumé

L’UE a commencé à hypothéquer son avenir pour préserver le statu quo. Mais ceux qui contractent des dettes perdent leur liberté – tant sur le plan extérieur qu’intérieur.

Et si l’euro devient un instrument politique plutôt qu’une monnaie stable, l’Europe n’assistera pas à une renaissance, mais à la naissance d’un empire militarisé et technocratique, dont le pouvoir repose sur la dette et la peur.

Deux textes sur Julien Gracq

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Deux textes sur Julien Gracq:

Gracq et le groupe des Hussards

Claude Bourrinet

Les Hussards ont l’air de revenir à la mode, actuellement. Je me suis demandé ce que Julien Gracq en avait pensé, et j’ai mené ma petite enquête.

Néanmoins, je dis tout de suite que Les Poney sauvages me sont tombés des mains: trop anglo-saxon, non seulement par le thème (je n’y suis pas opposé en principe, admirant maints auteurs britanniques, mais les membres des services secrets de sa Gracieuse majesté, non !), et, surtout, un style à l’américaine, efficace, qui roule des mécaniques, grande gueule et sentant le whisky, donnant l'impression qu'on va assister à un pugilat de saloon … très peu pour moi. A l’opposé (à propos du style), le style laborieux, qui s’entend écrire, qui veut faire du … style (puisque c’est la marque de la droite), présumé « aristocratique » (c’est-à-dire supposé égotiste, au-dessus du vulgum pecus de la littérature vernaculaire, bien qu’on vise quand même à vendre abondamment), ostensiblement « réactionnaire » (id est attaché aux « valeurs » si galvaudées actuellement, comme du parfum Dior de contrefaçon), en somme l’écriture (si on ose dire) d’un Tillinac, m’irrite à tel point, que ça me donne envie de lire du Marc Lévy.

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Toujours est-il que le contraire du mensonge n’est pas toujours la vérité. Je veux dire par là qu’en se hérissant contre l’engagement politique inquisitorial, et désastreux pour la littérature, des ivrognes de gauche, on risque de verser dans la même ornière, en état d’ébriété, mais du côté droit du chemin des certitudes. Ils sont socialo-communistes ? qu’à cela ne tienne ! on sera de droite, de droite dure, et même traînant des souvenirs glauques, de quoi faire pâlir le vendeur de rue de l’Humanité !

C’est bien, ce que leur reprochait le discret et apolitique Gracq : outre qu’il a toujours méprisé les « écoles littéraires » (et les Hussards en sont une), il voyait en eux une bande de jeunes tapageurs (c’était le temps des blousons noirs, des yéyés, de la génération « jeune » en train de naître, et tout cela avait une senteur chewing-gumée d’Amérique, nation roulant à 100 à l’heure, au point d’exporter ses accidents tragiques de bagnole, cette μηχανή moderne à apothéoses pour journaux à sensations), et qui épataient le bourgeois conformiste, comme les sartriens existentialistes l’avaient fait à Saint-Germain-des-Prés. Et cette pétarade langagière se voyait dans la forme. Il disait : « Ils écrivent comme on conduit une décapotable : vite, pour le vent. Moi, j’écris comme on marche dans une forêt la nuit : lentement, pour entendre. » Ces hussards galopent beaucoup, mais on ne sait trop où.

Là, Gracq touche un point essentiel. Ecrire n’est pas jongler. On peut bien aimer le champagne, mais allez trouver du sens aux noces éclaboussantes de lumière ! Certes, ce qui est digne d’intérêt, dans ces orgies crâneuses, ce sont les petits matins blêmes, où l’on traîne sa mélancolie. Il est bon, parfois, de s’inspirer de Nerval. Il est vrai que les Roger Nimier, Antoine Blondin, Jacques Laurent, Michel Déon (qui s'acheva en devenant Immortel, en 1979) etc. se réclamaient de Stendhal, lequel s’imposait la gaieté, par devoir beyliste, mais qui passa son existence à se ronger les sangs.

Du reste, et je vais faire une digression: on confond, dans certains milieux, égotisme et égoïsme. Rien n’est plus erroné. L’égoïste prend, l’égotisme donne. L’égoïste se réjouit de son individualisme, l’égotiste est sociable, et même plein de compassion pour le faible, le prisonnier, la victime (il n’est qu’à lire, pour s’en rendre compte, Le Rouge et le Noir, Lucien Leuwen – où le héros éponyme, qui est pourtant officier, est pris de pitié pour les ouvriers, que l’armée s’apprête à charcuter, ou bien La Chartreuse de Parme). L’égoïste est rapace, cherche à accumuler, l’égotiste se dépouille des passions superfétatoires (presque toutes les passions, du reste), pour s’en tenir à l’essentiel : la beauté et l’amour, parfois la pensée. L’égotiste éprouve même un penchant à l’ascétisme, au jansénisme (on trouve cette tentation chez Stendhal, et surtout chez Baudelaire le "dandy", dont le perfectionnisme vestimentaire n'était pas une ostentation de cabotin, mais le SIGNE d'une moralité supérieure). L’égoïste se moque du malheur des autres, pourvu qu’il ait sa pâture, l’égotiste ne se sacrifiera pas a priori pour le bien de l’humanité (imitant ainsi le sage que nous présente La Fontaine dans la dernière fable de son recueil), mais, bien qu’il sache que les happy few ne sont, par définition, pas nombreux, il pensera que son bonheur est susceptible de s’accroître du bonheur d’autrui. L’égoïste ne croit, lui, en rien, il est cynique, et se réjouit d’être supérieur, ce que ne fera jamais l’égotiste, qui fuit le mauvais goût.

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L'égotisme se manifeste par ce que Stendhal appelle la chasse au bonheur. Pour Stendhal, c'était l'amour, pour Gracq, c'est l'osmose avec la terre, avec le monde, le "Grand oui". Evidemment, dans les deux cas, il ne saurait être question que de singularité, de recherche individuelle, et de retrait, voire de discrétion. L'égotisme, comme le radical le suppose, concerne le moi. Mais un moi qui n'est pas égoïste, même s'il n'a de compte à régler avec personne. Son apparente hauteur n'est qu'une humilité qui se connaît, et le degré suprême de la modestie.

Pour en revenir à Gracq, sa clarification : « Moi, j’écris comme on marche dans une forêt la nuit : lentement, pour entendre » laisse entendre bien plus que ce qui ne concerne que la forme et le style. Pour lui, l’écriture est une recherche à tâtons dans l’opacité d’un monde parcouru d’énigmes, un méthodique décryptage, comme lorsqu’on lit une carte, des arcanes de la nature, de la vie, de l’existant ; d’où une phrase complexe, emmêlée, distordue, qui procède de surprises en trouvailles, de sensations fines en intuitions subtiles. Tout le contraire des Hussards, dont il appréciait tout de même Blondin et Nimier, tout en leur reprochant, à l’un, d’être trop « alcoolique », et à l’autre, de trop faire claquer la phrase.

* * *

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Gracq, Les Eaux étroites et le Sortilège

«Pourquoi le sentiment s'est-il ancré en moi de bonne heure que, si le voyage seul – le voyage sans idée de retour – ouvre pour nous les portes et peut changer vraiment notre vie, un sortilège plus caché, qui s'apparente au maniement de la baguette du sourcier, se lie à la promenade entre toutes préférée, à l'excursion sans aventure et sans imprévu qui nous ramène en quelques heures à notre point d'attache, à la clôture de la maison familière?».

Ces quelques lignes, qu'il faudrait lire et relire, apprendre par cœur comme le verset de la Bible de l'existence, initient ce merveilleux petit récit que Gracq publia en 1976: Les eaux étroites.

Il s'agit avant tout de porter une attention sérieuse à l'épithète « étroite ». Nous ne sommes plus ici à la Pointe du Raz où Gracq, en compagnie de Henri Queffélec (surpris par le regard lointain de son ami), reçut comme un coup de fouet au cœur le sentiment saisissant de la gravité massive du Continent eurasiatique, et l'aspiration « sans idée de retour » du grand large, qui le propulsait vers un infini d'aventure et de joie, ouvrant ainsi « les portes » de l'amor fati (et de la littérature). Il ne s'agit pas non plus que cette osmose qui procède de l'immobilité consécutive à un abandon sur la Terre enchanté, extase mystique (ce sont ses mots) qu'il éprouva dans les Flandres, durant la guerre, en 1940, ou en 1925, quand il était collégien au lycée Clemenceau, à Nantes, et qu'il se « récréait », avec ses camarades, comme chaque semaine, dans la prairie de Mauves : «... une après-midi, allongé dans l'herbe haute et regardant couler la Loire au ras des prés, j'eus tout à coup l'esprit ensoleillé par une bizarre illumination quiétiste: le sentiment, au moins approximatif, qu'il était parfaitement indifférent, et en même temps parfaitement suffisant et délectable, de me tenir ici ou d'être ailleurs, qu'une circulation instantanée s'établissait entre tous les lieux et tous les moments, et que l'étendue et le temps n'étaient, l'un et l'autre, qu'un mode universel de confluence. Si je compare à un ensoleillement cette sensation de passivité à la fois enivrée et comblée, c'est qu'elle se montra relativement durable, et ne disparut, en s'affaiblissant peu à peu, qu'au bout de deux ou trois heures. »

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Assurément, si la première expérience s'apparente à une tension nietzschéenne, dont Gracq, comme le vates de Sils-Maria (1881, révélation de l'Eternel Retour), pressentait l'épuisement (« Les temps sont proches où l'homme ne jettera plus par-dessus les hommes la flèche de son désir, où les cordes de son arc ne sauront plus vibrer ! - Ainsi parlait Zarathoustra), celle de la « promenade » sur un « bachot centenaire – bancal, délabré, vermoulu, cloqué de goudron, et parfois dépourvu de gouvernail – sur l'Èvre (photo), « petit affluent inconnu de la Loire » « enclôt dans le paysage de mes années lointaines », qui n'avait « ni source ni embouchure qu'on pût visiter », jure avec l'errance sans limite qu'offre le vaste Océan, dont Baudelaire disait qu'il était une analogie de Dieu (d'un Dieu que Gracq évacue de sa Weltanschauung). Car cette « balade » tranquille est loin de prendre cette teinte tragique qu'induit la pensée de Nietsche. On penserait plutôt à Heidegger commentant Hölderlin, pour qui le voyage du poète à Bordeaux n'avait de sens que dans le retour, « plein d'usage et raison », au pays natal (Heimat), qui n'a certes pas un sens patriotique, mais qui relève de la quête de l'être (terme trop abstrait, au demeurant, dont se méfiait Gracq), de cette « clairière » qui, pour l'auteur des Carnets de grand chemin, s'attache à l'imaginaire, aux souvenirs, aux glissements littéraires de la poésie occidentale, aux sensations, aux rêveries... qui sont autant de retour à soi. Jamais Gracq, alors, ne fut plus près du Nerval de Sylvie, dont Proust a dit qu'il inaugurait une autre manière de voir le monde.

Gracq était géographe de formation et de profession, et, tout comme l'oeil de Jünger avait été formé par la pratique quasi constante de l'entomologie (même en pleins combats, il avait un regard aux aguets pour les insectes, comme pour les shrapnels), il gardait cette précision acribique qui caractérise l'homme de science. Jünger parlait d'approche kaléidoscopique, et Gracq use aussi de cette conciliation entre l'observation froide et la chaleur de l'abandon au courant sensoriel et psychique.

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On ne manquera pas de remarquer que, comme pour les mystiques qui empruntent la « voie étroite » (et le titre de ce récit: Les Eaux étroites, nous fait signe) chemin de l'humilité (terme qu'il faut prendre au sens littéral d'intimité simple avec la terre - Gracq emploie par ailleurs le titre d'un ouvrage du géographe allemand Suess ; « La Face de la terre », Das Antlitz der Erde ) – humus – proche d'humiliation – mais chez Gracq, cette idée est à rejeter -, en tout cas de dépouillement, de « pauvreté », de  joyeux « délaissement » - comme ces oiseaux du ciel qui ne se soucient pas du repas du lendemain et se satisfont de ce que le bon Dieu leur abandonne dans l'instant -, l'auteur insiste sur la modestie d'une aventure sans aventure, d'une découverte sans « imprévu », comme si l'on retrouvait – expérience onirique bien connue où l'on croit redécouvrir une expérience vécue jadis – un lieu intimement familier (peut-être le cœur du monde) qu'il appelle «  notre point d'attache, à la clôture de la maison familière ». Anamnèse platonicienne, mais non de « Là-bas », mais bien d'Ici, dans le monde charnel de la Présence. Pour Gracq, la Parousie est à portée de main. "Habiter, être mis en sûreté, veut dire : rester enclos (eingefriedet) dans ce qui nous est parent (in das Frye), c’est-à-dire dans ce qui nous est libre (in das Freie) et qui ménage toute chose dans son être. Le trait fondamental de l’habitation est ce ménagement. Il pénètre l’habitation dans toute son étendue. Cette étendue nous apparaît, dès lors que nous pensons à ceci, que la condition humaine réside dans l’habitation, au sens du séjour sur terre des mortels." 'Heidegger)

Aussi faut-il, derrière ces derniers mots, voir une acception beaucoup plus large que le simple endroit où l'enfance s'est déployée (l'Èvre se jette dans la Loire, à 1500 mètres de Saint-Florent-Le-Vieil), dont il porte souvenir, mais sans nostalgie ni regret (Gracq est tout d'acceptation jubilatoire du présent, il est l'homme du « Grand oui » au monde). S'il emploie aussi le vocable de « sortilège », en ajoutant que s'attache à lui l'idée de la « baguette du sourcier », c'est qu'il songe à une source souterraine qu'il s'agit de repérer et peut-être de capter (ce qui ne signifie pas capturer, mais se laisser porter par elle). Nous sommes ici en plein conte de fée. Cette source pressentie, à laquelle on aurait accès grâce à un sortilège, c'est peut-être cette « clé », obsession qui revient maintes fois dans ses écrits, et qui était aussi la hantise de Nerval cherchant, à la manière des kabbalistes, la lettre qui manquait pour lire le secret du monde. Et l'on aura garde de ne pas oublier que s'il est un « motif » récurrent de la vie de Gracq, c'est bien celui de la Queste du Graal.

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Et l'idée sans doute la plus la plus déroutante pour un Occidental (quoiqu'on la retrouve parmi tous les mysticismes, qu'ils soient d'Orient ou d'Occident) – et Gracq n'aura jamais été aussi proche du bouddhisme zen -  c'est le sens de la gratuité, de la grâce, donc, de ce qui est donné comme ça, sans gain ni profit, sans idée derrière la tête, sans utilité convoitée, comme pur et absolu abandon à ce qui est, à ce qui est offert par l'instant, sans aucune volonté de maîtriser par la pensée le flux des sensations, quiétisme extatique si proche, au fond, de la démarche surréaliste, dont le projet, à la suite de Rimbaud, était de « changer la vie »  : « Tout porte à croire qu'il existe un certain point de l'esprit d'où la vie et la mort, le réel et l'imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l'incommunicable, le haut et le bas cessent d'être perçus contradictoirement. Or, c'est en vain qu'on chercherait à l'activité surréaliste un autre mobile que l'espoir de détermination de ce point. » (André Breton)

Le Venezuela et la loi du plus fort - Seul le pouvoir garantit la liberté

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Le Venezuela et la loi du plus fort

Seul le pouvoir garantit la liberté

Constantin von Hoffmeister

« La sociologie est un problème biologique et les nations sont des troupeaux de bétail. »

— Ragnar Redbeard, Might Is Right (1890)

Note de la rédaction :  l’auteur de cet article raisonne en termes de puissance, de proximité spatiale et évoque la doctrine de Monroe, laquelle autoriserait, sans limites aucunes, les Etats-Unis à agir d’autorité dans l’espace ibéro-américaine et, a fortiori, dans les Caraïbes. Ce raisonnement a peut-être été accepté en Europe, même par des auteurs tels Carl Schmitt ou Karl Haushofer : il n’empêche que l’Europe, par le truchement de l’Espagne et de l’Allemagne (car les conquistadores du Venezuela et du bassin de l’Orénoque étaient des Allemands au service de l’Espagne), dispose d’un droit d’aînesse dans cette région qui lui permet d’y contester l’unilatéralisme américain, au nom de l’hispanité, du catholicisme ou de la lutte contre les dérives calvinistes exportées dans le « Nouveau Monde » (ou « Hémisphère occidental ») ou de la lutte contre la piraterie caribéenne (dont les prétentions américaines sont, en quelque sorte, les héritières). Quoiqu’il en soit, il est exact, comme le souligne l’auteur avec emphase, que la puissance réelle et atomique demeure déterminante mais deux choses me semblent devoir être soulignées : l’acceptation tacite de cette puissance que l’on ne peut contrer ne doit nullement conduire à une acceptation de principe, surtout si la puissance de l’hémisphère occidental perpétue sa détestable pratique d’intervenir dans les affaires du Vieux Monde et d’occuper des bases dans les mers intérieures de celui-ci.

* * *

Le Venezuela reste un État dépendant car il ne dispose pas du garant ultime de la souveraineté: les armes nucléaires. Dans le monde moderne, le pouvoir repose sur la dissuasion, et la dissuasion nécessite la capacité de détruire. Sans cela, une nation ne peut être considérée comme égale. La doctrine Monroe régit toujours l'hémisphère occidental. Elle définit le territoire non pas par la loi, mais par la hiérarchie. Dans ce système, le Venezuela existe dans la sphère américaine, où chaque mouvement est toléré ou puni selon les besoins de Washington. Les réserves de pétrole, le commerce et l'idéologie n'ont aucune importance. Ce qui compte, c'est la capacité à résister à la pression, et le Venezuela n'en a pas.

695big.jpgLa réalité de la multipolarité est darwinienne. Les États-civilisations rivalisent comme les espèces rivalisent, et la survie appartient à ceux qui s'adaptent grâce à leur force. Ragnar Redbeard (alias Arthur Desmond - photo) a écrit que « la force fait le droit », et sa formule brutale s'applique toujours. La rhétorique de l'« indépendance » n'est qu'une façade. Derrière elle se cache le pouvoir brut: missiles, alliances et ressources mobilisées pour la guerre. Les dirigeants vénézuéliens parlent de « socialisme » et de « souveraineté », mais ils dépendent des autres pour leur protection. Ils comptent sur la Russie ou la Chine pour faire pression sur les États-Unis, mais cette dépendance ne fait que confirmer leur subordination. La multipolarité crée de nouveaux maîtres, pas la libération. Il remplace un empire par plusieurs. C'est ce qu'on appelle l'équilibre.

La vision de Carl Schmitt reste la plus juste: la souveraineté est le pouvoir de décider en temps de crise. Le Venezuela ne peut pas décider. Les choix du pays sont dictés par des puissances plus fortes. La multipolarité darwinienne fonctionne comme une loi tacite de la nature. Elle impose l'ordre par la proximité et la force. Dans cet ordre, les petits États vivent sous une indépendance conditionnelle: ils sont libres d'agir tant que leurs actions ne menacent pas la hiérarchie. La multipolarité, en ce sens, n'est pas une promesse d'égalité, mais une reconnaissance de l'inégalité permanente. Il s'agit d'un système mondial de souverainetés inégales, où seules les puissances nucléaires sont véritablement libres.

La doctrine Monroe fonctionne comme la loi métaphysique de l'hémisphère occidental: un nomos de l'ordre enraciné dans la force et la distance. À l'intérieur de son périmètre, les petits États possèdent une liberté déléguée, autorisés à agir uniquement dans les limites tracées par l'hégémon régional (les États-Unis). La multipolarité se révèle non pas comme un équilibre, mais comme une stratification: une hiérarchie planétaire dans laquelle la décision est l'apanage du souverain et l'obéissance le destin des autres. Pour les États-Unis, tout mouvement de la Russie ou de la Chine dans l'hémisphère occidental brise le nomos qu'ils gardent ; l'architecture du pouvoir ne tolère aucune présence rivale dans sa sphère d'influence.

Douguine et la Kabbale - Les racines sacrées que le libéralisme veut oublier

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Douguine et la Kabbale

Les racines sacrées que le libéralisme veut oublier

Constantin von Hoffmeister

Constantin von Hoffmeister examine comment un débat mal cité montre un  Alexandre Douguine invoquant la Kabbale pour tenter d'expliciter le rejet du sacré par la modernité libérale.

Peu de penseurs contemporains ont été aussi systématiquement mal interprétés qu’Alexandre Douguine. Ses détracteurs n’abordent que rarement ses véritables propos. Au lieu de cela, ils se basent sur des fragments extraits d’échanges plus longs, présentés isolément pour donner l’illusion qu'il répand de l'irrationalité ou du fanatisme. Un exemple récent concerne son supposé « éloge de la Kabbale ». En réalité, cette phrase provient d’un débat de 2017 entre Douguine et l’intellectuel juif américain libéral Leon Wieseltier, et lorsqu’on l'examine dans son contexte complet, la signification s'avère tout autre.

Voici la vidéo :

Le débat a eu lieu devant un public d’universitaires occidentaux, dont plusieurs penseurs juifs libéraux, parmi lesquels le futur secrétaire d’État américain Antony Blinken. La tâche de Douguine dans ce cadre était d'ampleur formidable: défendre l’idée de Tradition, d’ordre métaphysique, et de dignité spirituelle des peuples face à un public profondément emberlificoté dans l’universalisme des Lumières.

Wieseltier commence par déclarer l’obsolescence de toute sagesse traditionnelle:

"Il n’y a absolument rien de nouveau dans le populisme, et il n’y a absolument rien de nouveau dans la foi mystique et la sagesse du peuple. Ce sont des idées très anciennes et, à mon avis, de très vieilles erreurs, parce qu’une des choses que montre l’histoire…". Etc.

Dans cette introduction, Wieseltier rejette à la fois le populisme et la tradition mystique comme des erreurs dépassées, des reliques d’une époque pré-rationnelle. Son argumentation implique que tous les appels à « la sagesse du peuple » ou à l’héritage sacré doivent en fin de compte conduire à la tyrannie ou à la folie. C’est la thèse libérale classique: que la liberté est sauvegardée par le scepticisme, par la raison procédurale, et par la neutralisation délibérée de l’âme collective.

Douguine l’interrompt avec une déclaration provocante, qui touche aux racines de la civilisation même de son adversaire:

"La tradition de la Kabbale est la plus grande réalisation de l’esprit humain".

La phrase, si souvent citée contre lui, n’était pas un sermon mais un défi. Douguine invoquait la tradition cabalistique — si profondément ancrée dans la métaphysique juive — comme l'exemple d’un héritage spirituel vivant. Ce faisant, il forçait Wieseltier à faire face à un paradoxe: comment peut-on nier la valeur de la Tradition tout en appartenant à un peuple dont le système mystique a inspiré des siècles de vie intellectuelle et religieuse?

Wieseltier répond en insistant, avec l’autorité calme d’un rationaliste libéral:

"Mon ami, j’ai étudié la Kabbale toute ma vie en hébreu, et je dois vous dire que cela n’a absolument rien à voir avec la sagesse du peuple. Ce que montre l’histoire, c’est que la sagesse du peuple devient souvent une justification pour des crimes terribles. Et que ce qui est présenté comme la sagesse du peuple peut conduire directement au mal. Et si nous nous référons au système américain, assurément, lorsque les Pères fondateurs ont écrit notre Constitution, ils ont pris le populisme en considération. Ils l’ont appelé démocratie directe. Et ils l’ont rejeté au profit de la démocratie représentative, précisément pour permettre la délibération et la prise en considération rationnelle des questions auxquelles le pays est confronté".

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Cette réponse est révélatrice. Wieseltier (photo) rejette explicitement toute association entre la sagesse kabbalistique et l’esprit collectif d’un peuple. Il met en garde que ce qu’on appelle « la sagesse du peuple » peut devenir «une panoplie de justifications pour des crimes terribles». Pour lui, les pères fondateurs de la démocratie (américaine) avaient raison de supprimer la participation directe au profit d’un ordre médiatisé et technocratique: un ordre de raison oblitérant l’âme, un ordre de délibération dominant toute passion, et un ordre universaliste bridant tout réflexe identitaire.

L’intervention brève de Douguine, lorsqu’elle est replacée dans son contexte, prend toute sa portée philosophique. Il ne « promeut pas la Kabbale » pour les Russes orthodoxes ni ne loue le mysticisme juif. Il confronte son adversaire avec son propre héritage sacré, en l’utilisant comme un prisme pour révéler ce que le libéralisme moderne a perdu. La remarque de Douguine, « La tradition de la Kabbale est la plus grande réussite de l’esprit humain », est un appel ironique mais sérieux à la réalité de la transcendance—un appel à l’idée que l’humanité a un jour cherché à comprendre la structure divine de l’être, et que cette aspiration est supérieure au pragmatisme gestionnaire de la modernité.

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Pourtant, isolée, cette seule ligne, extraite du flot de ses paroles, a été instrumentalisée pour dépeindre Douguine comme un crypto-mystique prêchant déraisonnablement des doctrines ésotériques aux masses. La vidéo complète réfute cela. Elle montre un philosophe rigoureux utilisant la rhétorique stratégiquement, poussant son adversaire à reconnaître qu’au sein même de la tradition juive, il y eut autrefois une hiérarchie de sens et une conception de l’ordre cosmique totalement étrangère à l’égalitarisme libéral.

Nous avons là l’essence de la confrontation de Douguine avec la pensée occidentale: la défense de la Tradition contre la réduction de toutes les valeurs à une neutralité procédurale. Dans le même débat, il parle de Trump, du retour de l’histoire, du besoin de pluralité civilisationnelle, et on peut percevoir un réel malaise dans le public. Les intellectuels libéraux, habitués à parler depuis le sommet moral du « progrès », rencontrent soudain un homme qui rejette totalement leur cadre conceptuel.

Le débat de 2017 reste l’une des rencontres les plus illustratives entre deux visions du monde: l’une qui vénère le sacré, et l’autre qui idolâtre l’autosuffisance de la raison. Lorsqu’il parle de la Kabbale, Douguine n’abandonne pas l’orthodoxie ou la Russie. Au contraire, il rappelle à ses auditeurs et critiques que même leurs propres traditions religieuses ont autrefois aspiré à l’Absolu. Ce geste — philosophique, rhétorique et civilisationnel — reste entièrement fidèle à son projet plus large: ressusciter un monde où l’esprit, et non l’abstraction, détermine le destin des peuples.

Le populisme, dans son sens le plus profond, transcende la division conventionnelle gauche/droite. C’est le pouls de la volonté collective: le cri d’un peuple en quête de sens contre la stérilité corporatiste. Qu’il soit habillé de couleurs socialistes ou nationalistes, le populisme affirme que la politique n’est pas une simple gestion, mais une destinée, la renaissance de l’esprit dans l’histoire.

La Kabbale est une manière ancienne du judaïsme de voir le monde comme une chaîne vivante entre Dieu et l’homme. Des fragments tombent, des lettres se réagencent, et la lumière perce le code. La Kabbale enseigne que toute la création coule à travers dix étapes d’énergie divine, reliant le ciel et la terre. Des griffonnages dans les marges, des circuits de souffle, le courant divin reconfiguré. Chaque partie de la vie reflète ce motif, des mouvements des étoiles aux pensées d’une personne. Un nom se plie en un autre, des étincelles tombent à travers l’alphabet. Étudier la Kabbale, c’est rechercher comment l’esprit se déplace à travers le monde et en soi, donnant ordre, sens et direction à l’existence. Tout se connecte, se disperse et revient, tout se réécrit dans la lumière.

mercredi, 12 novembre 2025

Le Celtisme comme voie géopolitique pour l’Espagne: critique marxiste du castillanisme, du sionisme pro-Yankee et de la colonisation woke

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Le Celtisme comme voie géopolitique pour l’Espagne: critique marxiste du castillanisme, du sionisme pro-Yankee et de la colonisation woke

Source: https://socialismomultipolaridad.blogspot.com/2025/11/el-celtismo-como-via-geopolitica-para.html

Introduction

L’Espagne se trouve à un carrefour géopolitique qui exige une révision profonde de ses fondements stratégiques. Après avoir été un empire, l’Espagne a voulu se constituer en État-nation à partir du XVIIIe siècle, mais ses élites (rentiers, parasites, indolents) se sont montrées incapables de mener à terme ce processus. Le castillanisme, compris comme la centralisation politique et culturelle des Espagnes autour de la Castille, a historiquement été présenté comme l’axe structurant de la nation. Cependant, cette vision s’est avérée être un obstacle au développement d’une politique extérieure autonome et multipolaire.

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Dans le présent essai, une alternative est proposée: le celtisme et l’atlantisme comme vecteurs d’une nouvelle géopolitique espagnole, en accord avec les idées de Xaviel Vilareyo (1967-2015) (photo), Carlos X. Blanco et d’autres penseurs qui revendiquent une Espagne à la fois tournée vers l’Atlantique et, simultanément, alignée sur le projet euro-asiatique. La façade atlantique de l’Europe doit devenir la frontière d’un futur Empire eurasiatique basé sur le socialisme et le respect des identités des peuples européens. L’heure de l’État-nation arrive, et l’intégration de celui-ci dans un grand pôle de pouvoir rivalisant avec l’Anglosphère ne peut plus attendre.

Le Castillanisme comme erreur géopolitique

Le castillanisme a promu une vision monolithique de l’Espagne, ignorant les réalités culturelles et géohistoriques de ses régions périphériques. Cette centralisation a affaibli la capacité de l’Espagne à agir comme puissance régionale et a facilité sa subordination à des intérêts étrangers, notamment ceux des États-Unis et de leurs alliés. Sur le plan géopolitique, le castillanisme a empêché la constitution d’une politique multipolaire, en accord avec les intérêts de l’Eurasie. Le castillanisme et son dérivé, l’andalousisme, ont privilégié l’orientation méridionale de l’État (l’“arc” méditerranéen, tracé depuis un centre, Madrid). La domination de l’économie méditerranéenne (d’abord agricole-capitaliste, aujourd’hui touristique) est excessive. Le Nord-Ouest de la péninsule, est plus celto-germanique, et, à la fois, le noyau fondateur des Espagnes (au départ du Royaume des Asturies), mais est devenu une périphérie fortement sous-développée.

Celtisme et atlantisme comme alternative stratégique

Des auteurs comme Vilareyo et Carlos X. Blanco ont revendiqué le celtisme comme un moyen de reconnecter l’Espagne à ses racines atlantiques. Cette vision n’est pas uniquement culturelle, mais profondément géopolitique : elle implique une réorientation vers l’Atlantique Nord, une alliance avec les peuples celtiques (Irlande, Écosse, Bretagne, Galice, Asturies) et une rupture avec l’axe anglo-saxon dominé par Londres et Washington. Le celtisme propose une Espagne décentralisée, plurielle et capable de s’intégrer dans un bloc euro-asiatique. L’océan Atlantique est aussi le pont qui relierait l’Eurasie (avec son cœur, la Russie) et l’autre pôle de pouvoir possible (et nécessaire): l’Amérique ibérique. De cette façon, il serait possible d’articuler un Atlantique libre des pirates anglo-saxons : un océan sécurisé pour l’Eurasie et l’Hispanité. Réactiver le celtisme politique (et pas seulement culturel) est le renforcement nécessaire de l’Hispanité Géopolitique et l’instrument indispensable pour fracturer la domination anglo-saxonne en Occident.

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Connexions avec la pensée d’Alexandre Douguine

Alexandre Douguine, théoricien de la géopolitique eurasienne, a défendu la multipolarité comme alternative au mondialisme libéral anglo-saxon. Sa proposition d’un Empire euro-asiatique trouve un écho dans le celtisme, qui prône également le régionalisme et la désintégration de structures étatiques artificielles comme le Royaume-Uni, une “Union” qui, comme celle souhaitée par les jacobins madrilènes et castillanistes, est artificielle: dans les îles vivent Écossais, Gallois, Irlandais et même des Celtes d’Angleterre. Dans son livre “Fondements de Géopolitique”, cette observation apparaît clairement. Douguine considère que la fragmentation des pouvoirs atlantiques est une condition nécessaire à l’émergence de pôles civilisateurs autonomes, comme celui de l’Eurasie centrée sur Moscou, coordonnée avec l’Europe occidentale par un axe Lisbonne-Paris-Berlin-Moscou.

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Le Tiers-Mondisme marxiste et les théories de la dépendance

Les théories de la dépendance, développées par des auteurs comme André Gunder Frank et Samir Amin, soutiennent que le sous-développement résulte d’une insertion inégale des pays périphériques dans le système capitaliste mondial. Cette approche militante et révolutionnaire fut initialement pensée pour l’Amérique latine, l’Afrique et d’autres périphéries du monde dont le sous-développement fut délibérément provoqué par l’Occident opulent et hyper-développé (Europe, USA, Japon). Le celtisme, en revendiquant des régions historiquement marginalisées de l’Europe même, s’aligne sur cette critique. La décentralisation et le régionalisme peuvent être vus comme des formes de résistance face à la logique centre-périphérie imposée par le capitalisme global. Que les nationalistes galiciens et asturiens actuels, ou que la gauche abertzale basque, soient, actuellement, un bastion de l’idéologie “woke”, les éloigne de leur véritable et essentiel projet: contribuer à la construction d’un Empire eurasiatique par l’Espagne, ce fameux État-nation défaillant. La main noire de l’Anglosphère se perçoit dans les mouvements identitaires de gauche dans le nord de l’Espagne. Peut-être leur financent-ils et les manipulent-ils comme des marionnettes.

Dissolution du Royaume-Uni et régionalisme en France et en Espagne

Le Royaume-Uni a été historiquement l’un des principaux instruments du pouvoir anglo-saxon. Sa dissolution — par l’indépendance de l’Écosse, du Pays de Galles et de l’Irlande du Nord — serait un coup stratégique à l’encontre du bloc atlantique. En France et en Espagne, l’éveil des régionalismes (Bretagne, Occitanie, Galice, Asturies, Pays Basque) peut contribuer à la construction d’une Europe des régions, plus ouverte à l’influence eurasiatique et moins dépendante de Bruxelles et de Washington.

Critique du sionisme pro-Yankee de Vox

Vox représente une droite nationaliste qui, paradoxalement, s’aligne avec les intérêts du sionisme international et de l’impérialisme américain. Sa défense d’Israël et son hostilité envers la Russie et la Chine révèlent une subordination idéologique qui contredit tout projet de souveraineté nationale. Cette posture empêche l’Espagne de s’intégrer dans l’axe euro-asiatique et perpétue son rôle de satellite de Washington. Le reste des forces du Régime du 78 (R78), c’est-à-dire toute la partitocratie espagnole gonflée et hypertrophiée après la mort de Franco, est financée et prostituée plus ou moins par le Pouvoir Sioniste Mondial (voir le blog du professeur A. Piqueras).

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Colonisation culturelle woke dans la gauche

Les gauches espagnoles ont été colonisées par un agenda culturel “woke” qui, loin d’émanciper, reproduit les valeurs du libéralisme anglo-saxon. L’obsession pour les identités fragmentées, le langage inclusif et la moralisation de la politique ont détourné l’attention des problèmes structurels: dépendance économique, perte de souveraineté et dépaysement culturel. Cette colonisation empêche l’émergence d’une gauche véritablement anti-impérialiste et euro-asiatique. Des idées marxistes intéressantes, comme celles de Santiago Armesilla ou Yesurún Moreno, qui bénéficient d’approches géopolitiques puissantes (Schmitt, Donoso Cortés, Gustavo Bueno, Douguine), souffrent néanmoins d’un certain jacobinisme castillano-centrique, et d’une insensibilité pour les problématiques régionales.

Proposition géopolitique alternative pour l’Espagne

L’Espagne doit donc abandonner le castillanisme et l’atlantisme anglo-saxon pour embrasser un atlantisme celtique et une intégration euro-asiatique. Cela implique :

- Revendiquer les cultures périphériques comme moteurs de souveraineté.

- Établir des alliances avec les régions celtiques et euro-asiatiques.

- Se dissocier de l’OTAN et de l’axe Washington-Tel Aviv.

- Promouvoir une politique extérieure multipolaire et souverainiste.

Conclusion

Le futur géopolitique de l’Espagne passe par une rupture avec le castillanisme et une ouverture vers l’Atlantique celtique et l’Eurasie. Cette vision, partagée par des penseurs tels que X. Vilareyo, Carlos X. Blanco, Robert Steuckers et Alexandre Douguine, offre une alternative réelle à la domination anglo-saxonne et à la colonisation culturelle libérale. Seule une reconfiguration profonde de son identité géopolitique permettra à l’Espagne de retrouver sa souveraineté et de jouer un rôle pertinent dans le monde multipolaire qui se construit.

Les résultats scolaires en Allemagne sont en chute libre

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Les résultats scolaires en Allemagne sont en chute libre

Peter W. Logghe

Source: https://www.facebook.com/peter.logghe.94 

Dans le cadre d'une stratégie globale de suivi de l'enseignement, l'Allemagne examine régulièrement dans quelle mesure les objectifs de compétence dans l'enseignement sont atteints dans les différents Länder de la République fédérale. À cette fin, l'IQB (Institut zur Qualitätsentwicklung im Bildungswesen – Institut pour le développement de la qualité dans l'enseignement) de l'université Humboldt de Berlin publie chaque année des rapports. Les résultats de l'IQB-Bildungstrend 2024 viennent d'être présentés.

Cette nouvelle étude annuelle révèle qu'un élève sur trois dans l'enseignement secondaire n'atteint même pas les normes éducatives minimales. Les résultats des élèves des écoles allemandes ont chuté de manière spectaculaire en 2024 – ils n'étaient déjà pas brillants ces dernières années, selon le journal allemand Bild-Zeitung, qui a pu consulter les résultats. Sur les 38.000 élèves testés dans l'enseignement secondaire, 34% n'ont même pas atteint les normes éducatives minimales.

Retard linguistique et mesures liées au coro navirus

Par rapport aux résultats d'études précédentes menées en 2012 et 2018, on constate une baisse spectaculaire des performances scolaires, selon l'étude. Environ 9% des élèves de dernière année du secondaire n'atteindraient même pas les normes minimales requises pour obtenir leur diplôme, selon cette étude IQB-Bildungstrend. L'étude a examiné l'évolution des résultats dans les matières suivantes: mathématiques, biologie, physique et chimie.

25% des élèves échouent en chimie (+ 9 points de pourcentage), 24% en mathématiques, 16% en physique et 10% en biologie (+ 5 points de pourcentage).

Les chercheurs s'intéressent particulièrement aux retards linguistiques et aux mesures liées au coronavirus. Selon cette enquête annuelle sur la qualité de l'enseignement, les enfants issus de l'immigration, qui obtiennent des résultats nettement inférieurs à ceux de leurs camarades allemands dans les matières scientifiques, restent un problème important. Mais, fait remarquable, les élèves allemands dans leur ensemble enregistrent également une baisse de leurs résultats. Afin de compenser les désavantages des enfants issus de l'immigration, les chercheurs demandent instamment une amélioration de l'enseignement linguistique pour les nouveaux arrivants.

Les mesures liées au coronavirus, et en particulier la fermeture obligatoire des écoles, ont également eu des conséquences néfastes, selon les chercheurs. Les écoles de Brême, de Hesse, de Rhénanie-du-Nord-Westphalie et de Sarre obtiennent les plus mauvais résultats dans cette étude IQB-Bildungstrend 2024. Un signe supplémentaire des limites de la politique migratoire. Le fameux slogan de Merkel « Wir schaffen das » (Nous y arriverons) sonne de plus en plus faux...

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Petit ajout :

« En 2016, je suis venu en Allemagne pour commencer mon doctorat. À l'époque, l'Allemagne était un bastion de la science et de la technologie. Et aujourd'hui, en l'espace de seulement 9 années, j'ai eu l'incroyable opportunité de voir comment un pays du Premier Monde, qui était en passe de devenir une puissance mondiale, s'est systématiquement détruit par une série de mauvaises décisions politiques, qui avaient toutes pour but de l'affaiblir. Toutes ces mesures et décisions autodestructrices ont un point commun : elles ont toutes été prises par une poignée de millenials aisés des grandes villes, des millenials qui se sentent moralement supérieurs et qui voudraient en fait être félicités pour leur « bonne conduite ». Il est fou de voir comment le narcissisme de quelques individus peut détruire tout un pays. D'une certaine manière, je compatis particulièrement avec les Allemands travailleurs et ambitieux, surtout ceux qui ont travaillé dur pour construire le pays et qui doivent maintenant le voir ruiné par une bande de salauds suffisants et arrogants », déclare Mayukh Panja, astrophysicien, sur X le 26 octobre 2025.

L'Allemagne était autrefois le moteur économique de l'Europe (occidentale) et est le principal partenaire économique de la Flandre.

 

Information et opinion

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Information et opinion

par Georges Feltin-Tracol

Pour cette année 2025, la chaîne publique d’information en continu, France Info, a réalisé une campagne audio-visuelle sur les antennes du service public dans laquelle elle spécifiait que «l’information n’est pas une opinion». Par ce slogan simpliste, tout indiquait à la mystification de masse.

En effet, distinguer l’information de l’opinion relève du sophisme. Le journaliste, qu’il travaille pour un imprimé, une radio ou une télévision, sélectionne toujours et hiérarchise les faits que les agences de presse lui déversent en permanence. Sur les injonctions de son rédacteur en chef, de la conférence de rédaction ou de ses propres convictions, il trie dans le flot de l’actualité. Le journaliste choisit une information qui prend alors une certaine valeur informationnelle si, par exemple à la télévision, il met cette nouvelle en titre principal ou à la fin du JT. Il paraît difficile qu’un journal proclame en Une que les pompiers ont récupéré de la cime de l’arbre le chat de Mme Michu.

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Le journaliste passe toujours au tamis les informations. La neutralité des faits n’existe pas. La façon dont elles sont présentées exprime inévitablement une opinion. La loi française sur l’audiovisuel proscrit les chaînes d’opinion. Bien des détracteurs de CNews considèrent qu’elle est une chaîne d’opinion hors-la-loi. On remarquera que Radio Courtoisie, diffusée sur les ondes hertziennes en Île-de-France et en Normandie, se définit comme la « radio de toutes les droites » et déroge en tant que radio d’opinion à cet interdit lamentable.

La montée en puissance des télévisions, des radios et des périodiques imprimés liés à l’ensemble de Vincent Bolloré – ce qu’on appelle la « Bollorosphère » - inquiète les belles âmes de gauche. Même s’il y aurait beaucoup de critiques et de réserves à apporter à ce système médiatique polarisé par CNews, cette inquiétude palpable n’en demeure pas moins une grande source de satisfaction.

Libération des 18 et 19 octobre dernier publiait un supplément consacré au festival « Les 24 h de Libé » parrainé par le Parlement européen, le haut-commissariat aux réfugiés de l’ONU, la Fondation Jean-Jaurès, proche du groupusculaire PS, et… France Info ! Dans ce cahier spécial figurait une contribution de Julia Cagé. Professeur d’économie à Sciences-Po Paris, experte en économie médiatique, récipiendaire en 2023 du prix du meilleur jeune économiste de France, membre du conseil d’administration de l’Agence France-Presse et présidente depuis 2020 de la Société des lecteurs du Monde, elle estime que « la bataille démocratique est devenue une bataille de l’information ». Mélangeant chaînes télé et réseaux sociaux, elle juge « urgent de mieux réguler ces réseaux et de prendre à bras-le-corps le problème de la désinformation ». Le mardi 28 octobre, Emmanuel Macron a lui aussi appelé à réglementer Internet, c’est-à-dire à le censurer.

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Prônant la parité sociale sur les listes des candidats (inscrire par exemple 6% d’ouvriers ou 2% d’agriculteurs), oubliant que des corporatistes du XIXe siècle proposaient déjà cette composition afin d’accroître le caractère conservateur du suffrage universel, Julia Cagé refuse que « la réponse aux médias d’opinion [soit] davantage de médias d’opinion. Or c’est exactement l’inverse qu’il nous faut à garantir les conditions de production d’une information comme bien public, socle indispensable au bon fonctionnement du débat public ». Traduction de la novlangue : il devient impératif de sidérer la population, de modeler ses émotions et de la transformer en hilotisme wokisé.

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Il va de soi que Julia Cagé (photo) conjure de « plus que jamais protéger le pluralisme et mettre en place des régulations garantissant l’indépendance des journalistes ». Le fameux pluralisme revendiqué cache en fait un entre-soi endogamique qui ne favorise que des débats convenus entre mondialistes et cosmopolites. À quand une confrontation à grande heure d’écoute entre l’économiste  - lauréat du Prix Lyssenko 2015 - Thomas Piketty, par ailleurs époux de Julia Cagé, et son disciple, l’économiste Gabriel Zucman, le gars qui veut taxer quiconque aurait au moins un euro dans la poche ? On cherche à égarer l’opinion.

Très révélateur sur ce point est l’article de Grégory Marin dans L’Humanité Magazine du 30 octobre au 5 novembre 2025. Ce journaliste dénonce bien sûr sur quatre pages l’«Offensive brune sur l’audiovisuel public»! Il souffre que le service public soit contraint d’inviter régulièrement les élus du RN et de l’UDR, « quitte – écrit-il – à heurter la sensibilité de nombreux auditeurs ». On sort un nouveau prétexte, celui de la sensibilité. A-t-il pensé à la sensibilité des contribuables exaspérés qui financent les associations favorables à l’immigration de masse ou qui font la promotion du gendérisme et d’autres lubies arc-en-ciel ? Le journaliste de L’Huma Mag se désole que ces invitations soumises au temps de parole de l’opposition se fasse au « nom d’un               “ pluralisme ” amputé de son aile gauche ». Ah bon ? Il déplore en réalité l’absence médiatique du NPA – Anticapitaliste, de Révolution permanente ou de l’Union communiste libertaire. C’est aussi le cas pour Florian Philippot des Patriotes qui ne peut venir en plateau ou en studio qu’une fois par trimestre. Vous avez dit démocratie ?

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Grégory Marin n’accepte pas que « les chaînes publiques embauchent même chez “l’ennemi”», à savoir les ultra-identitaires et super-nationalistes-révolutionnaires intégraux Alexandre Devecchio, Paul Melun et Nathan Devers! Il se scandalise qu’à l’occasion du second tour de la présidentielle du 8 avril 2022, sur dix-sept chroniqueurs invités à la soirée électorale de France 2, «six œuvraient pour des médias estampillés à l’extrême droite». Mais qui les estampille de cette étiquette supposée infamante sinon leurs détracteurs les plus zélés?

Comment L’Humanité, groupe subventionné à hauteur de plusieurs millions d’euros par an, ose-t-il faire la leçon à l’opinion publique ? En ces temps de disette budgétaire, il serait temps d’arrêter le détournement de l’argent public vers des entreprises déficitaires de formatage de l’opinion. Cela ne rétablirait pas l’équilibre des finances, mais ce serait un signe fort bienvenu d’autant que des titres de presse tels Rivarol, Synthèse nationale, Réfléchir et Agir, Livr’Arbitres et Terre et Peuple Magazine ne vivent que par leurs abonnés. Exister sans la moindre subvention est possible à condition de le vouloir et d’appliquer une stricte rigueur comptable.   

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 173, mise en ligne le 9 novembre 2025 sur Radio Méridien Zéro.

Étude du DIW: le risque de pauvreté en Allemagne est fortement déterminé par l'immigration

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Étude du DIW: le risque de pauvreté en Allemagne est fortement déterminé par l'immigration

Peter W. Logghe

Quelle: https://www.facebook.com/peter.logghe.94 

L'Allemagne compte plusieurs instituts économiques faisant autorité, tels que le Deutsches Institut für Wirtschaftsforschung (DIW - Institut allemand de recherche économique). Une étude récente du DIW montre qu'environ deux migrants sur trois en Allemagne sont exposés au risque de pauvreté. L'une des causes est sans aucun doute l'échec de l'intégration sur le marché du travail allemand. Mais il y a plus. L'étude montre également l'ampleur du risque de pauvreté en Allemagne en général et dans les communautés de migrants.

Deux tiers des personnes issues de l'immigration en Allemagne sont pauvres ou exposées au risque de pauvreté. L'étude, qui portait sur les inégalités de revenus et les risques de pauvreté, a été publiée à la mi-octobre et a fait l'objet de commentaires détaillés dans le Süddeutsche Zeitung. « Lorsque ces personnes (c'est-à-dire les migrants) exercent une activité professionnelle, il s'agit généralement d'emplois moins bien rémunérés, de postes à temps partiel et de mini-jobs », explique Markus Grabka, chercheur au DIW.

25 % des migrants vivent dans la pauvreté

Dans son étude, M. Grabka souligne que le risque de pauvreté en Allemagne est fortement influencé par la question de l'immigration. Au cours des 15 dernières années, la situation financière et économique des personnes issues de l'immigration a très peu évolué.

Si 12 à 13% des Allemands de souche sont exposés au risque de pauvreté, ce pourcentage est nettement plus élevé chez les migrants. En 2020, environ 70% des migrants vivaient sous le seuil de pauvreté.

En Allemagne, ce seuil est atteint lorsqu'une personne dispose de moins de 60% du revenu moyen des ménages. Pour quelques-uns, ce seuil est fixé à 1419 euros nets par mois pour l'année 2022. Selon le DIW, 63,7% des migrants avaient un revenu inférieur à ce seuil. Grabka affirme toutefois que depuis 2020, le risque de pauvreté chez les migrants a diminué, car un certain nombre d'entre eux parviennent à intégrer le marché du travail. Il estime néanmoins que le retard reste très important.

La question est de savoir si l'Allemagne a vraiment intérêt à accueillir encore plus de pauvreté dans le pays. Ce n'est pas bon pour les migrants (vu le risque de pauvreté), ce n'est pas bon pour l'État providence allemand et ce n'est pas bon pour les Allemands eux-mêmes.

samedi, 08 novembre 2025

Renseignement narratif ou analyse narrative ?

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Renseignement narratif ou analyse narrative?

Leonid Savin

Dernièrement, en Russie, dans le milieu des experts en sécurité et en guerre de l'information, le terme « renseignement narratif » a commencé à être utilisé. En particulier, lors d’un cercle de discussion à l’Union des journalistes de Moscou, le 17 octobre, on a exprimé l’opinion que « ce qu’on appelle ‘renseignement narratif’ tente de diffuser de la désinformation à travers la communauté d’experts ». Qu’est-ce que ce phénomène ? Pourquoi la communauté russe parle-t-elle de « renseignement narratif » en se référant à la terminologie occidentale (NARINT) ?

S’agit-il d’une incapacité à élaborer son propre vocabulaire ou d’un désir de lancer un nouveau mot à la mode, de capter « l’engouement », comme cela s’est produit autrefois avec la guerre hybride, lorsque la mode de l’utilisation de ce terme s’est répandue hors contexte ?

Examinons plus en détail ce que cela signifie.

Il faut constater que, malheureusement, de nombreux membres de la communauté russe liée aux guerres de l’information restent friands d’acronymes et de noms étrangers, comme le prouve l’utilisation de mots tels que OSINT et HUMINT, au lieu de parler de "travail d’agent" ou de "travail avec des sources ouvertes". Il en va de même pour l’intelligence narrative (NARINT), que l’on traduit par « renseignement narratif ». Bien qu’il soit plus correct en russe de parler d’analyse de la narration d’événements ou d’analyse de récit. Du moins, même si le terme « narratif » est entré dans l’usage courant du russe et est peut être, dans une certaine mesure, acceptable, intelligence peut se traduire non seulement par « renseignement », mais aussi par « analyse » ou « esprit ».

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C’est ainsi qu’à l’origine, en Occident, on comprenait l’intelligence narrative, par analogie avec l’intelligence émotionnelle — une conception popularisée par le psychologue américain Daniel Goleman il y a près de trente ans. L’intelligence narrative et l’analyse narrative sont apparues à l’intersection des sciences du cerveau, de la linguistique et de la cybernétique, notamment lors des premières expériences en intelligence artificielle à la fin des années 70.

L’un des premiers groupes à s’être lancé dans cette nouvelle recherche était un cercle de chercheurs interdisciplinaires dirigé par Michael Travers et Mark Davis du Media Lab du Massachusetts Institute of Technology. Ils ont nommé cette orientation « intelligence narrative » et ont introduit des concepts de la narration issus d’autres disciplines dans un nouveau domaine créatif.

Il n’existe pas une seule définition de la narration — elles sont nombreuses, ce qui complique aussi la définition de l’intelligence narrative ou de l’analyse narrative.

Avec le développement des réseaux sociaux, des modèles d’analyse de big data et de grands modèles linguistiques ont été employés pour la reconnaissance de textes et de discours. Ces outils ont été utilisés par les services secrets pour le traçage approfondi d’Internet et la surveillance des messages.

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Étant donné que sur les réseaux sociaux, des contenus trompeurs ou nuisibles peuvent se propager, influençant les préjugés et les émotions des gens, la question s’est posée de savoir comment réagir, contrer et même prévoir ces phénomènes.

Un concept d’attaque narrative a émergé, généralement commencée par la création ou la consolidation d’une histoire liée à un sujet actuel ou suscitant des divergences. Le plus souvent, cette histoire est facilement assimilée et publiée sur les plateformes de réseaux sociaux, souvent avec l’utilisation de bots pour augmenter artificiellement la quantité de contenu de ce type dans le fil d’actualité des utilisateurs.

En interagissant avec des publications de masse, ces bots trompent les algorithmes des réseaux sociaux, leur faisant croire que le contenu est extrêmement pertinent et attrayant. En conséquence, ces algorithmes le favorisent dans le haut des flux des utilisateurs, le rendant plus visible et plus attrayant pour les utilisateurs réels.

L’analyse narrative est utilisée pour une compréhension complète, une interprétation et une réponse aux messages diffusés sur les réseaux sociaux. Au sens plus large, elle inclut la reconnaissance des modèles, thèmes et émotions fondamentaux sous-jacents aux sujets clés liés aux acteurs publics, événements politiques ou marques et entreprises.

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C’est pourquoi elle a attiré l’attention non seulement des services de renseignement, mais aussi des entreprises technologiques privées proposant des outils d’analyse narrative sous forme de logiciels pour détecter les fake news. Dans le contexte de la confrontation géopolitique entre l’Occident collectif et la Russie, il est tout à fait naturel que Moscou, ainsi que Pékin, soient une fois de plus accusés de créer des fausses informations, et qu’on leur propose de lutter contre elles grâce à l’analyse narrative.

Un article clé à ce sujet, intitulé « Analyse narrative : détection des opérations d’information de la Russie et de la Chine visant à déstabiliser l’unité de l’OTAN », a été écrit par Joe Stradinger, fondateur de la société EdgeTheory, publié par l’Institut de recherche sur la politique étrangère en novembre 2024. Ce texte a été repris à plusieurs reprises par des médias politiques spécialisés aux États-Unis.

L’auteur y indique que « l’analyse narrative (NARINT), principalement basée sur le contenu en ligne publié par des acteurs malveillants, devient un outil de plus en plus important de l’analyse OSINT. Elle concerne l’étude et l’analyse de la désinformation et de la propagande apparaissant sur les plateformes de réseaux sociaux, sites d’actualités, forums internet, blogs et dans le dark web. En analysant minutieusement ces matériaux, les analystes peuvent mieux comprendre la tactique de narration utilisée par des organisations étrangères pour semer la discorde hostile et saper la confiance élémentaire dans les institutions nationales. NARINT est particulièrement crucial pour l’identification, l’analyse et la contre-action contre les opérations d’information hostiles visant à compromettre les intérêts de la sécurité nationale des États-Unis. Il peut analyser des nouvelles, des blogs, des forums, des réseaux sociaux, le « dark web », des flux numériques et d’autres sources pour obtenir des informations nécessaires à des indications précoces et des alertes. De plus, il peut montrer comment les représentations évoluent et comment elles influencent l’opinion et l’humeur publique sur les conflits...

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L’intégration de l’IA dans ces projets étend considérablement les capacités de renseignement. Les technologies basées sur l’IA permettent d’analyser d’énormes volumes de données, d’identifier des motifs et des changements dans les narrations à une échelle et à une vitesse bien supérieures à celles des analystes humains, avec une précision qui continue de s’améliorer rapidement. En utilisant des outils pilotés par l’intelligence artificielle, les spécialistes du renseignement peuvent rapidement détecter des situations conflictuelles émergentes, évaluer leur impact potentiel et alerter les décideurs en temps réel. Cette approche garantit une réaction opportuniste et éclairée, permettant d’identifier des scénarios et des acteurs coordonnés, ainsi que de développer des scénarios efficaces qui soutiennent les intérêts des États-Unis...

L’analyse narrative joue un rôle crucial pour prendre l’avantage dès la première étape dans l’environnement informationnel.

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Le site officiel de l’entreprise indique que « EdgeTheory offre des ensembles de données variés permettant d’observer la narration d’une vue d’ensemble grâce à de courtes descriptions, tout en permettant une personnalisation élevée des données. Les analystes peuvent détailler l’information jusqu’au niveau de la source, voir comment le contenu se propage dans les réseaux, et suivre le développement des événements à l’échelle mondiale pour déterminer comment et où il est préférable d’intervenir.

En utilisant plusieurs méthodes d’intelligence artificielle et de traitement du langage naturel, EdgeTheory crée des descriptions synthétiques de situations complexes, pouvant être partagées avec les parties prenantes, les équipes internes et sur les réseaux sociaux.

Il s’agit donc d’optimiser la prise de décision. Il est également indiqué que « l’incapacité à adopter une approche analytique pour la description coûte cher. Parcourir des flux infinis de contenu non pertinent ou trompeur non seulement consomme beaucoup de temps, mais est aussi inefficace. Les méthodes obsolètes vous rendent aveugle face à des conclusions critiques, créant des vulnérabilités pouvant impacter les décisions, opérations et stratégies. Résultats :

- Coûts supplémentaires et opportunités manquées dues au manque d’informations ;

- Indécision en raison de la quantité massive de données ou de leur déformation ;

- Saper la confiance à cause d’influences néfastes (par exemple, lors d’élections) ;

- Perturbations de la chaîne d’approvisionnement causées par des ingérences. »

Comme on le voit, l’analyse narrative est multifonctionnelle. Elle possède plusieurs facettes et peut être utilisée à la fois à des fins défensives et offensives.

Concernant la société mentionnée, il est important de noter que dans sa direction se trouvent : William P. Crowell — investisseur en capital-risque avec une expérience dans des postes de direction dans plusieurs entreprises technologiques, principalement dans la cybersécurité. Il a également été directeur adjoint de la NSA de 1994 à 1997, étant alors le civil le plus haut placé dans l’agence. Entre 2007 et 2014, Crowell a également été président du groupe de conseillers principaux du directeur de la CIA ; Charles Thomas Cleveland — lieutenant général à la retraite de l’armée américaine, ancien commandant du Commandement des opérations spéciales de l’US Army ; Tripp McAllar — conseiller en risques globaux, lieutenant-colonel, ayant servi à l’étranger dans plusieurs zones de conflit, avec des postes d’officier de liaison de l’armée, d’attaché auprès de l’ambassade des États-Unis et de directeur du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche. Tripp McAllar a dirigé des projets globaux des Forces spéciales au Moyen-Orient, en Asie et en Europe, visant à répondre aux exigences de sécurité nationale. À la Maison Blanche, il a dirigé des comités inter-institutions pour l’élaboration de politiques nationales et de programmes stratégiques sous la supervision d’un assistant spécial du président et d’un conseiller en sécurité nationale.

Étant donné que la large publicité dans les sources ouvertes concernant l’analyse narrative a été faite précisément par cette société et avec ces collaborateurs, cela a probablement conduit certains auteurs nationaux à parler de « renseignement narratif » et de manipulations, bien que ce soit un phénomène beaucoup plus vaste nécessitant une étude approfondie. De plus, les critiques et ceux qui combattent la désinformation occidentale, au lieu de développer leurs propres méthodologies, deviennent eux-mêmes porteurs de termes et de narratifs occidentaux, les enracinant dans la communauté d’experts.

Les États-Désunis d’Amérique – ou comment Gaza s’installe à Manhattan

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Les États-Désunis d’Amérique – ou comment Gaza s’installe à Manhattan

Par @BPartisans (Telegram)

Il fallait oser: comparer New York à Londres, et les urnes municipales à des missiles. Le ministre israélien de la Diaspora, Amichai Chikli, vient de le faire — sans trembler. Dans une déclaration digne d’un trailer de film post-apocalyptique, il a exhorté les Juifs à quitter New York, “désormais entre les mains d’un partisan du Hamas”.

L’avertissement est solennel: la métropole autrefois symbole de liberté deviendrait le théâtre d’une “guerre des communautés”, où les slogans “Free Palestine” remplaceraient les “I love NY”.

Quand la fracture communautaire devient une ligne de front

Depuis l’élection du nouveau maire, Zohran Mamdani, d’origine indienne et musulmane pratiquant, la rhétorique a viré à la panique. Les talk-shows conservateurs crient à l’infiltration islamiste, tandis que les démocrates répondent que la démocratie américaine est par essence inclusive.

Mais l’inclusion a ses limites : elle devient inflammable lorsque le Moyen-Orient débarque en cortège électoral dans le Bronx.

Le Département de la Sécurité intérieure (DHS) notait déjà en octobre que “les tensions ethniques et religieuses, exacerbées par le conflit israélo-palestinien, représentent un risque accru de violences communautaires sur le territoire américain” (Department of Homeland Security, Bulletin Octobre 2025).

Et le FBI ajoute, dans son rapport semestriel sur les crimes haineux, que les incidents à caractère antisémite ont augmenté de 38% depuis le début du conflit de Gaza en 2024 (FBI Hate Crime Statistics, 2025).

Autrement dit: le cocktail identitaire new-yorkais, déjà chargé en tensions raciales et sociales, n’avait pas besoin d’un détonateur importé de Tel-Aviv.

Trump, le pyromane moral

Mais il fallait un chef d’orchestre à cette dissonance américaine — et il s’appelle Donald Trump.

Le président a réaffirmé en conférence de presse, le 2 novembre, son “soutien total et inconditionnel à Benjamin Netanyahu et à la défense du peuple juif contre le terrorisme mondial”.

Il a ajouté que “les ennemis d’Israël sont les ennemis de l’Amérique” (White House Briefing, 2 Nov 2025).

Cette phrase, taillée pour galvaniser sa base évangélique et pro-israélienne, sonne comme une déclaration de guerre à une autre partie de l’Amérique : celle des communautés musulmanes, afrodescendantes et latino, qui voient dans cette politique un alignement aveugle et dangereux.

À Dearborn, Minneapolis et Brooklyn, les manifestations pro-palestiniennes se multiplient, et les contre-manifestations aussi.

Résultat : les États-Unis sont en train d’importer le conflit du Proche-Orient — version domestique.

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Vers une guerre civile importée ?

Des analystes de la Brookings Institution alertent : “Le risque d’un affrontement communautaire majeur aux États-Unis est aujourd’hui plus élevé qu’à aucun autre moment depuis 1968.”

Les lignes de fracture ne sont plus politiques mais religieuses, ethniques, idéologiques — et elles coupent l’Amérique en deux villes ennemies : New York et Dallas, Gaza et Jérusalem.

Dans ce climat, l’appel d’Amichai Chikli prend une dimension prophétique: il ne s’adresse pas seulement à la diaspora, mais à un pays au bord du vertige.

Son message pourrait se lire ainsi : “Quittez New York avant qu’elle ne quitte l’Amérique.”

L’ironie finale

L’ironie, bien sûr, c’est que cette guerre civile “probable” serait le fruit du même messianisme moral qui prétend défendre la liberté.

Trump veut “sauver Israël” à coups de tweets patriotiques, mais il risque de mettre le feu à la dernière grande Babel de la planète.

La démocratie américaine, jadis vantée pour sa capacité à fondre les identités, ressemble de plus en plus à un champ de bataille idéologique où chacun revendique sa propre version du Prophète — ou du Messie.

“Les civilisations ne meurent pas sous les bombes : elles meurent quand leurs habitants importent les bombes dans leurs cœurs.”

— Alexis de Tocqueville, revisité par la réalité américaine, 2025.

@BPARTISANS

France, bienvenue dans la quatrième dimension

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France, bienvenue dans la quatrième dimension

(ou comment un ministre français redéfinit la gravité — sans peser ses mots)

Par @BPartisans (Telegram)

« Poutine est en échec militairement, politiquement comme économiquement », a solennellement déclaré Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de l’Europe, devant la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale.

Une phrase si audacieuse qu’elle aurait mérité d’être prononcée depuis la Station spatiale internationale : car pour y croire, il faut vraiment flotter en apesanteur.

Bienvenue dans la Quatrième Dimension diplomatique

Dans cette France parallèle, les ministres ne décrivent pas la réalité — ils la conçoivent, la projettent, l’impriment en 3D et la diffusent en Dolby Surround.

Pendant que le FMI prévoit une croissance russe supérieure à celle de la zone euro en 2025 (+2,6 % contre +1,3 %, selon les World Economic Outlook d’octobre 2025), le ministre français explique que Moscou « s’effondre ».

Il n’a simplement pas précisé où : peut-être dans les fantasmes de Bercy.

Les sanctions ? Elles « asphyxient » la Russie, assure Paris.

Sauf que, selon Bloomberg Economics (septembre 2025), les recettes d’exportation russes ont atteint 433 milliards de dollars en 2024, tirées par l’énergie et les métaux — pendant que la France, elle, atteignait un déficit commercial record de 118 milliards d’euros (Douanes françaises, rapport 2024).

Mais rassurons-nous : le Kremlin tremble… de rire.

Scène 2 : la guerre imaginaire

« Militairement, la Russie est en échec », poursuit Barrot, sans trembler.

Pendant ce temps, The Washington Post notait en octobre que la ligne de front est désormais stabilisée en faveur de Moscou, l’armée russe contrôlant environ 20 % du territoire ukrainien, et que les « contre-offensives » occidentales ont été « gelées faute d’armes et d’effectifs ».

Mais la France persiste à applaudir un scénario qui ne se joue plus.

Au fond, la diplomatie française ressemble à un talk show où la logique est facultative.

On y parle de victoire sans champs de bataille, de sanctions sans effet, de paix sans négociation — et de cohérence sans preuves.

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Chapitre 3 : l’économie quantique

Quant à l’échec « économique » de Poutine, il est si flagrant que le rouble est désormais plus fort qu’avant le conflit (Banque de Russie, octobre 2025), que les exportations d’énergie vers l’Asie ont augmenté de 46 %, et que le pays affiche un excédent budgétaire de 2,1 % du PIB.

Pendant ce temps, Paris prépare un budget 2026 avec un déficit de 5,4 %, une dette à 112 % du PIB et une croissance révisée à la baisse (Ministère de l’Économie, PLF 2026).

Mais dans la Quatrième Dimension, tout s’inverse :

- les faillites industrielles sont des « relocalisations »,

- les coupures d’électricité deviennent des « transitions énergétiques »,

- et les échecs diplomatiques se transforment en « leadership européen ».

Épilogue : Orwell, saison française

Il faut reconnaître à la Macronie un génie rare : celui de transformer la novlangue en art d’État.

« La Russie perd », dit Barrot — comme on disait jadis « les impôts baissent », ou « la croissance revient ».

La vérité n’a plus d’importance, seule compte la mise en scène.

Et la France, suspendue entre son déficit et ses illusions, dérive lentement dans cette Quatrième Dimension où le réel n’a plus droit de cité.

Citation finale pour la postérité :

« Dans la guerre de l’information, les faits ne sont pas une arme — ils sont un obstacle. » (Proverbe officieux du Quai d’Orsay, 2025)

Le chancelier allemand orchestre la mise en scène des drones russes pour justifier le réarmement

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Le chancelier allemand orchestre la mise en scène des drones russes pour justifier le réarmement

Source: https://mpr21.info/el-canciller-aleman-esta-orquestando-e...

Le journal allemand Handelsblatt répète le mantra: « Plusieurs drones non armés ont été aperçus au-dessus de la base militaire belge de Kleine Brogel, utilisée par l’OTAN. » Mais, étonnamment, cette fois, il n’y a pas eu de déclarations alarmistes sur la "guerre hybride menée par la Russie". Même, le ministre belge de la Défense, Theo Franken, s’est montré heureux car “le système de détection fonctionne” (1).

Comme pour les cyberattaques, il semble que les pays européens testent les boucliers anti-drones qu’ils ont fabriqués et, pour vérifier leur bon fonctionnement, ils doivent les faire voler. Ensuite, ils profitent de l’agitation pour poursuivre la campagne anti-russe dans les médias de désinformation.

Cela semble confirmé par une information provenant de United Unmanned Systems (UUS), une entreprise allemande de drones étroitement liée au parti CDU. Selon cette société, le chancelier Friedrich Merz aurait personnellement commandité au moins deux des attaques attribuées aux Russes: celle de l’aéroport de Munich en octobre et une autre à Aalborg, au Danemark, en septembre.

Merz aurait orchestré ces deux montages pour justifier une augmentation massive des dépenses militaires. L’objectif est de créer un climat de peur afin de promouvoir un fonds spécial de 100 milliards d’euros destiné à la “muraille anti-drones”, dont UUS, dirigée par Julian Kelterborn, conseiller de la CDU depuis 2023, serait le principal bénéficiaire.

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Mais la campagne de désinformation continue. Les drones fantômes s’ajoutent à la flotte fantôme et à d’autres fantasmes indispensables pour créer une atmosphère de guerre en Europe. Selon l’IISS (Institut International d’Études Stratégiques), les Russes commettent en moyenne deux actes de sabotage par mois en Europe.

Selon cette campagne délirante, entre 2022 et fin 2024, le service secret russe aurait commis 12 actes de sabotage sur le territoire allemand. “La Russie mène une guerre non conventionnelle contre l’Europe. Par le biais de campagnes de sabotage, de vandalisme, d’espionnage et d’actions clandestines, l’objectif de la Russie est de déstabiliser les gouvernements européens, de saper le soutien public à l’Ukraine en imposant des coûts sociaux et économiques à l’Europe, et d’affaiblir la capacité collective de l’OTAN et de l’Union européenne à répondre à l’agression russe,” affirme l’IISS (2).

À ces montages récents s’est ajoutée une autre mise en scène plus cinématographique: un prétendu “complot russe” pour assassiner Armin Papperger, directeur de Rheinmetall, la plus grande entreprise d’armement d’Europe et principal fournisseur de chars, de munitions et de systèmes blindés à l’Ukraine.

La CIA et le service de renseignement allemand BND auraient empêché ce crime.

Notes:

(1) https://www.handelsblatt.com/politik/international/ukrain...

(2) https://www.iiss.org/research-paper/2025/08/the-scale-of-...

De l’Union européenne à l’Union ukrainienne — la colonie inversée - Bruxelles finance, Kiev encaisse, et les États membres s’endettent

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De l’Union européenne à l’Union ukrainienne — la colonie inversée

Bruxelles finance, Kiev encaisse, et les États membres s’endettent

Par @BPartisans (Telegram)  

La grande illusion européenne

Il fut un temps où Bruxelles prétendait représenter l’unité, la prospérité et la stabilité. Aujourd’hui, elle ne représente plus qu’une chose : l’Ukraine.

L’UE n’est plus une union — c’est un comptoir colonial inversé, où la métropole (Bruxelles) travaille pour la colonie (Kiev).

La preuve ? Le communiqué tout frais du Conseil de l’Union européenne :

 “L’UE redirigera une partie des fonds civils vers des objectifs militaires et soutiendra l’adhésion de l’Ukraine au Fonds européen de défense.” (Conseil de l’UE, 5 novembre 2025)

Autrement dit : on pille les budgets civils — santé, énergie, éducation — pour financer les chars, les missiles et la “reconstruction militaire” d’un pays où les élites s’enrichissent plus vite que les champs de bataille ne s’étendent.

Quand la corruption devient une valeur européenne

La Cour des comptes européenne l’avait pourtant signalé, noir sur blanc :

“Le suivi de l’utilisation des aides allouées à l’Ukraine reste lacunaire. Des risques de mauvaise utilisation persistent, notamment dans le secteur de la défense et de la reconstruction.” (Rapport spécial n°14/2024, Cour des comptes européenne)

Mais à Bruxelles, “risques de mauvaise utilisation” se traduit par “bon usage politique”.

Pendant que le NABU (l’agence anticorruption ukrainienne) enquête sur un scandale de 1,8 milliard d’euros détournés au ministère de la Défense (communiqué du 22 octobre 2025), la Commission, elle, ouvre un nouveau guichet.

La machine tourne : Kiev siphonne, Bruxelles rationalise, les contribuables paient.

Et Ursula von der Leyen, entre deux discours sur la “solidarité démocratique”, signe des chèques qu’aucun pays membre ne pourrait se permettre pour lui-même.

Des économies nationales en chute libre

Pendant que l’argent s’envole vers Kiev, les économies européennes s’écrasent :

France : dette publique à 3200 milliards d’euros — INSEE, septembre 2025

Allemagne : déficit record de 5,4% du PIB — Destatis, octobre 2025

Italie : taux d’emprunt à 5,8% — Banca d’Italia, octobre 2025

Mais qu’importe : “nous tenons bon face à l’agression russe”, répète Bruxelles, les poches vides mais la conscience pleine.

La Banque centrale européenne admet elle-même que le coût cumulé du soutien à l’Ukraine a dépassé 210 milliards d’euros, sans effet notable ni sur la stabilité du pays ni sur la paix en Europe (Rapport BCE, T3 2025).

De la diplomatie à la déraison

Quand Josep Borrell affirmait en 2023 que “l’Europe est un jardin entouré de jungle”, on ignorait qu’il parlait d’un jardin vidé de ses ressources, envahi par les illusions.

Car l’UE, désormais, n’investit plus dans son avenir : elle s’endette pour prolonger la guerre des autres.

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La Deutsche Bank avertit dans son dernier rapport :

“La militarisation budgétaire de l’UE pourrait provoquer une contraction durable des économies nationales et un effondrement de la confiance dans les institutions européennes.” (Rapport “Fiscal Risks in European Defence Integration”, octobre 2025).

Mais la Commission préfère foncer. Reconnaître la défaite? Impensable.

Mieux vaut ruiner vingt-sept nations que d’admettre que la stratégie ukrainienne était un mirage coûteux.

Moralité : L’Europe s’effondre avec élégance

L’Union européenne n’est plus une alliance, c’est un acte de foi — et la foi, comme la guerre, coûte cher.

L’Ukraine est devenue la nouvelle religion d’État : on n’y croit plus, mais on continue d’y verser des offrandes.

Le résultat ? Une Europe exsangue, dépendante, moralement épuisée et financièrement lessivée.

“Ceux qui refusent de reconnaître leur faillite préfèrent la rebaptiser en solidarité.” — Chroniques européennes, édition 2025

Source: @BPARTISANS (Telegram).

jeudi, 06 novembre 2025

James Joyce à Zurich

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James Joyce à Zurich

La plus grande ville suisse a été un lieu important dans la vie de l’écrivain irlandais, à la fois comme lieu de création et comme refuge, ainsi que celui où il est décédé.

Duarte Branquinho

Source: https://sol.sapo.pt/2025/11/05/james-joyce-em-zurique/     

Comme son nom l’indique, la Bahnhofstrasse est l’avenue qui relie la gare centrale de Zurich au lac. Je l’ai parcourue tant de fois qu’elle est devenue une routine et a élevé mes exigences en matière de propreté urbaine. Aujourd’hui, je jette un regard oblique et laisse échapper une exclamation spenglerienne en voyant la moindre négligence, comme un rare mégot sur le sol. C’est ironique, car dans ma Lisbonne natale, j’ignore de telles traces laissées par les fumeurs, comme si elles faisaient partie du paysage. C’est la preuve que les lieux s’ancrent en nous…

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Cependant, je me souviens avoir admiré la propreté impeccable de cette avenue et noté que cela restait fidèle au commentaire de James Joyce: «Si vous renversiez de la soupe sur la Bahnhofstrasse, vous pourriez la manger directement du sol, sans cuillère».

L’écrivain irlandais, figure centrale du modernisme, a passé une grande partie de sa vie itinérante à Zurich, qu’il fréquentait souvent, et c’est ici qu’il a écrit une grande partie de son oeuvre monumentale Ulysse. Cette œuvre maîtresse fut une de mes lectures précoces car elle se trouvait dans la bibliothèque de mes parents et, interpellé par sa difficulté, je n’y reviendrai que bien plus tard, lors d’un voyage à Dublin, où j’ai suivi ses pas. Déjà à Zurich, malgré l’importance que la ville eut dans la vie et l’œuvre de l’auteur, je n’ai jamais fait de parcours complet et réfléchi, peut-être parce que je me sentais « chez moi », mais je l’ai finalement fait en plusieurs moments séparés.

Dans le bâtiment de l’Universitätsstrasse où Joyce a vécu en 1918, il y a une plaque indicatrice, discrète, mais l’écrivain irlandais a eu plusieurs résidences à Zurich, et il est difficile de suivre sa trace.

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Il y a quelques années, je suis allé au James Joyce Pub, dans la Pelikanstrasse, et j’ai aimé la décoration (photo). L’établissement existe depuis 1978 et, bien sûr, l’auteur qui lui donne son nom n’y a jamais mis les pieds. Plus tard, j’ai appris que l’intérieur de style victorien provenait de l'Antique Bar de l’hôtel Jury’s à Dublin, qui a été installé ici après avoir été acheté par une banque suisse. Finalement, il y avait un lien avec l’écrivain irlandais, car Joyce fréquentait l’Antique et l’a mentionné dans son œuvre.

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Y avait-il encore d’autres établissements fréquentés par Joyce ? La réponse était évidente: un lieu central où je passe si souvent. Le Café Bar Odeon est un classique de Zurich, ouvert en 1911, dans le style Art Nouveau, qui a vu passer écrivains, poètes, peintres, musiciens, politiciens, scientifiques, car c’était un point de rencontre en ville. Parmi les noms les plus connus qui y sont venus, on compte Stefan Zweig, Somerset Maugham, Hermann Hesse ou James Joyce. Mais aussi Arturo Toscanini, Albert Einstein, Lénine et Benito Mussolini. Ici, se rassemblaient les dadaïstes, et au premier étage, Mata Hari s’est produite, deux ans avant d’être exécutée en France pour espionnage. Aujourd’hui, c’est un lieu historique mais vivant, dont le charme résiste au passage du temps.

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James Joyce est retourné à Zurich en 1940 et y a trouvé, l’année suivante, son dernier repos. En mars de cette année, j’ai finalement décidé de visiter la tombe de Joyce, un Ehrengrab, située au fond du couloir central du cimetière de Fluntern, où sont aussi enterrés sa femme Nora, son fils Giorgio et sa femme Asta. Il ne manque que sa fille, Lucia Joyce, qui a été diagnostiquée schizophrène et a été une patiente de C. G. Jung, et qui a été internée au Burghölzi, mais a été transférée dans un hôpital à Northampton, la ville où elle est décédée et où elle repose. L’endroit est discret et parfaitement entretenu, et la statue de Joyce, œuvre de Milton Hebald, nous regarde détendue, tandis qu’il fait une pause de lecture et de cigarette…

Un expert économique fait une prévision choc: l'Allemagne risque 25 ans de dépression permanente

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Un expert économique fait une prévision choc: l'Allemagne risque 25 ans de dépression permanente

Munich. Ce n'est plus un secret depuis longtemps : depuis des années, les fonds alloués aux entreprises privées en Allemagne sont insuffisants. Les investissements dans le secteur privé sont retombés au niveau de 2015. Dans le même temps, les dépenses publiques ont considérablement augmenté, soit de 25 % depuis 2015.

Le professeur Clemens Fuest (photo), directeur de l'Institut Ifo de Munich, a dressé un tableau alarmant de la situation dans le journal « Bild am Sonntag » et a choqué avec ses prévisions : « L'Allemagne est en déclin économique depuis des années. La situation est désormais dramatique. » Et : « Des millions de citoyens constatent déjà une baisse de leur niveau de vie. » Cet économiste renommé craint une dépression durable de 25 ans, similaire à celle qu'a connue l'Italie.

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En effet, la crise actuelle représente déjà la plus longue période de faiblesse économique de l'histoire de la République fédérale. D'autres problèmes s'y ajoutent, tels que les pénuries d'approvisionnement en terres rares en provenance de Chine, qui entraînent déjà des arrêts de production.

Mais ce ne sont pas seulement les décisions politiques prises à Berlin qui pèsent sur l'économie allemande, mais aussi les obstacles réglementaires imposés par Bruxelles. Fuest demande un allègement conséquent des charges bureaucratiques pesant sur les entreprises. Il s'agit notamment des obligations étendues en matière de documentation dans le domaine du CO₂ et tout au long des chaînes d'approvisionnement, qui sont pratiquement impossibles à respecter dans la pratique (st).

Source: Zu erst .de, Nov. 2025. 

Code de la main invisible: la dystopie potentielle du capitalisme cybernétique

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Code de la main invisible: la dystopie potentielle du capitalisme cybernétique

Markku Siira

Source: https://geopolarium.com/2025/10/30/nakymattoman-kaden-koo...

La numérisation a atteint une nouvelle étape : ses promesses ne sont plus vendues comme des utopies, mais deviennent des conditions obligatoires pour la viabilité sociale. La logique de fonctionnement des technologies intelligentes est déjà si évidente que s’y opposer semble insensé. On vend au peuple le saut numérique comme un outil facilitant le quotidien, mais en même temps, cela crée un cadre pour un avenir technocratique autoritaire.

Le nouvel ordre mondial est contrôlé par une machinerie dépassant l’humanité – un totalitarisme électronique imaginé par les technocrates, où les identités numériques, les monnaies centrales (CBDC) et la surveillance en temps réel fusionnent les individus et les nations en pixels dans un flux de données sans fin. La période de pandémie mondiale de COVID-19, avec ses restrictions, n’était qu’un test pour cette évolution codée QR.

Le paradoxe de l’intelligence artificielle – une révolution mondiale et en même temps une réalité quotidienne, omniprésente – se reflète inévitablement aussi dans le domaine de la géopolitique. Le futur système international ne sera pas tant multipolaire que technopolaire: les tensions entre États seront dominées par des divisions dans l’infrastructure technologique.

Comment cela se manifeste-t-il ? Les États-Unis ont déclaré que l’intelligence artificielle est un impératif de sécurité nationale, la Chine mise sur une stratégie visant la souveraineté technologique, et la Russie souligne l’importance stratégique de l’IA pour renforcer sa politique de sécurité. Cette course à l’armement ne crée pas des idéologies radicalement différentes, mais des itérations répétées du même algorithme, avec des nuances différentes.

L’intelligence artificielle est une illusion téléologique, une pseudo-conception qui aide le projet capitaliste, détaché de la gestion humaine, à maintenir son visage. Le capitalisme n’est pas un outil pour l’homme, mais une machinerie décentralisée qui façonne le monde selon sa propre dynamique. Son objectif est de tout transformer en données vendables et en ressources contrôlables. Même la décision politique est soumise aux algorithmes, et l’identité numérique détermine la valeur de la citoyenneté.

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Ce mécanisme est cependant en train d’atteindre une étape où sa propre logique d’optimisation se retourne contre lui. Il ne produit plus de nouveauté, mais consomme l’ancien jusqu’à l’épuisement. Le capitalisme fait face à une crise existentielle profonde : il n’a plus besoin de l’humain dans ses processus de production, mais sa légitimité et ses conditions d’opération dépendent encore de la consommation et du pouvoir d’achat des individus. La fin du modèle économique basé sur la consommation marque la montée en puissance de la fin du paradigme de la richesse occidentale.

Dans cette nouvelle réalité, ce ne sont plus les interactions humaines qui créent le marché, mais une version cybernétique de la main invisible d’Adam Smith ; un processeur d’informations connecte le charbon et le silicium pour accomplir sa tâche. Dans un monde technopolaire, la compétition entre les États-Unis et la Chine n’est pas une lutte entre civilisations, mais des fluctuations internes au capital-machines: en Chine, ce sont des points de confiance nationaux et le yuan numérique couvrant toute l’Asie, tandis qu’aux États-Unis, la FedNow – le système de paiement – et les réseaux de surveillance des géants technologiques.

La tokenisation est le composant central de cette machinerie. La vision de Larry Fink, directeur du plus grand gestionnaire d’actifs au monde, du « tout digitalisé » transforme les ressources, l’identité et même les voix en jetons programmables dans la blockchain – en fragments de droits d’utilisation conditionnels, contrôlés en temps réel par des banques centrales et des fonds d’investissement comme BlackRock, via une manipulation algorithmique.

Lorsque le système est de moins en moins capable de produire une croissance réelle, il tente de compenser ce déficit par une propagande intense exploitant les crises de sécurité et les stratégies d’urgence. Les vagues de licenciements et la pauvreté sociale sont dissimulées derrière une vaste campagne idéologique qui encadre la fusion entre automatisation et financement comme une avancée posthumaniste – un progrès supérieur au développement humain.

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Ce récit est une promesse que l’intelligence artificielle représente une finalité logique du processus, visant l’automatisation du travail et de la prise de décision humaine. C’est la transcendance religieuse du capitalisme – une illusion qui résout le conflit de la production en promettant une utopie numérique, où la monnaie numérique contrôlée par les banques centrales guide la consommation, et où les applications d’identité numérique empêchent toute “activité non conforme”.

L’effort mondial pour l’intelligence artificielle, avec ses réseaux de capteurs, transforme la population de la planète en une entité parfaitement surveillée. Le système de confiance de la Chine, la machine de surveillance des États-Unis et l’administration digitalisée de la Russie en sont des incarnations. Ce réseau s’étend notamment avec la norme eIDAS 2.0 de l’UE et le programme de la quatrième révolution industrielle activement promue par le Forum économique mondial.

C’est la fantaisie des cercles financiers d’un contrôle total. La production de contenu infinie et le traitement automatique de l’information produisent constamment “pas tout à fait ce que l’on voulait”. Le produit intérieur brut peut augmenter, mais le niveau de satisfaction reste faible: la “ville intelligente” est une prison numérique où les monnaies numériques à date de péremption manipulent le comportement des résidents.

Il est révélateur que les défenseurs de la démocratie parlementaire en Occident ne soutiennent pas la véritable démocratie directe, même si la technologie la rend déjà possible. Au lieu de cela, ils rejettent toutes les formes de démocratie authentique en la qualifiant de populisme dangereux, et ses représentants deviennent, d’une manière ou d’une autre, partie intégrante du système, même sous contrôle de l’opposition.

Cela révèle une caractéristique essentielle du cybercapitalisme : le pouvoir technocratique maintient l’illusion de la participation tout en s’isolant de toute influence réelle sur l’action politique. La participation citoyenne se limite à des canaux modérés où l’expression des opinions est autorisée dans des cadres stricts – sans véritable liberté d’expression ni pouvoir de décision.

Cette crise de légitimité peut conduire à une instabilité sociale, mais aussi à des solutions autoritaires. Les gouvernants peuvent “maintenir l’ordre” par une censure croissante et une répression sévère de la résistance. Dans un scénario dystopique, la surveillance numérique et la technologie de l’intelligence artificielle deviennent de nouveaux instruments de domination, où les droits des citoyens sont sacrifiés sur l’autel de la stabilité systémique.

Le problème n’est donc pas la menace d’une super-intelligence fictive, mais la machinerie cybernétique elle-même: l’alliance entre économie et technologie, qui promettait des voitures volantes et l’abondance, n’a produit avec sa politique de déchéance qu’un vide, hâtivement dissimulé derrière des bavardages. Du point de vue des citoyens, la lutte des grandes puissances est déjà perdue : il ne reste qu’une réalité cybercapitaliste omniprésente, où les algorithmes servent une surveillance technocratique éternelle, et où les différences culturelles disparaissent face à la convergence technologique.

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Pourtant, des résistances peuvent émerger des fissures et marges du système dominant. Les communautés coopératives et les réseaux locaux d’échanges tentent de nouvelles formes de solidarité, mais leur succès n’est pas garanti – elles doivent lutter contre la pénurie de ressources et la pression réglementaire, tandis que les gouvernements refusent de laisser les systèmes parallèles menacer leur monopole. Par ailleurs, la majorité des citoyens s’adapte inévitablement à l’écosystème numérique des villes intelligentes.

Ce processus n’est pas laissé au hasard, mais contrôlé par une politique systématique. La recherche d’efficacité et d’économies par les autorités mène en pratique à l’objectif de réduire la population, facilitant ainsi l’ajustement des survivants à un état plus gérable. Ce plan repose sur l’intelligence artificielle et la robotique, permettant une production sans main-d’œuvre humaine à grande échelle.

Finalement, la machinerie du cybercapitalisme ne doit plus forcer la main: les gens l’adoptent comme un mode de vie normal. Les portefeuilles d’identités numériques et la surveillance algorithmique ne sont pas des contraintes extérieures, mais des cadres créés par le code de la main invisible, auxquels la société se soumet silencieusement. Le plus grand danger n’est pas la destruction de l’humanité sous le pouvoir de la machine, mais cette apathie profonde qui croit que le monde ne pourrait être autre chose que la création de ce déterminisme digitalisé.