mardi, 23 décembre 2025
Physique et politique

Physique et politique
Alberto Giovanni Biuso
Source: https://www.grece-it.com/2025/12/13/fisica-e-politica/
Wolfgang Pauli, l’un des initiateurs de la physique quantique, donna un jour la réponse suivante à propos d’un article qui lui avait été soumis: « das ist nicht einmal falsch », « ce n’est même pas faux », car son contenu n’avait tout simplement aucun sens. En 2002, certains articles sur la gravité quantique écrits à Paris par les frères Igor et Grichka Bogdanov furent jugés, dès leur parution, comme une blague précisément parce que leur contenu était dépourvu de sens. Pourtant, ces articles avaient réussi à obtenir des avis positifs lors des procédures de peer review, c’est-à-dire l’évaluation que les revues scientifiques font des articles qui leur sont proposés. La suite de l’affaire montra qu’il ne s’agissait pas d’une farce, que les Bogdanov (photo) avaient écrit leurs textes avec de «sérieuses» intentions «scientifiques». Quoi qu’il en soit, cinq revues, dont trois très prestigieuses, avaient publié des textes remplis d’affirmations erronées ou absurdes.

Il s’agit d’un épisode très grave, qui s’explique aussi par le blocage dans lequel la physique théorique est enfermée depuis presque un demi-siècle. Après le développement des premières théories quantiques, on était arrivé dans les années soixante au soi-disant Modèle standard de ces théories. Depuis lors, aucun progrès substantiel n’a été enregistré et, au contraire, les grands objectifs de conciliation entre la théorie quantique et la relativité, ainsi que d’unification des quatre forces fondamentales de la matière en une Grande Théorie Unifiée, se sont révélés complètement infructueux.
La théorie qui semblait pouvoir atteindre cet objectif s’appelle la Théorie des cordes, devenue ensuite la Théorie des Supercordes. Cette théorie est un exemple éclatant de ce que le physicien quantique Lee Smolin n’hésite pas à qualifier de situation tragique de la physique théorique contemporaine: «Pour parler franchement, nous avons échoué: nous avons hérité d’une science, la physique, qui avait continué à progresser à une vitesse si grande qu’elle était souvent prise comme modèle pour d’autres sciences. Notre compréhension des lois de la nature a continué à croître rapidement pendant plus de deux siècles, mais aujourd’hui, malgré tous nos efforts, nous ne savons plus avec certitude plus de choses sur ces lois qu’au début des années 1970» (L’univers sans cordes. La fortune d’une théorie et les troubles de la science, éd. it.: Einaudi, Turin 2007, p. X). Étant donné le poids considérable que les sciences, et en particulier la physique, ont dans la société contemporaine, il s’agit d’une tragédie qui n’est pas seulement épistémologique, mais aussi une crise sociale montrant certaines racines profondes des situations que nous avons vécues ces dernières années. L’objectif de cet article sera donc de montrer le lien entre physique et politique.
Si la théorie quantique entre en conflit total avec la perception sensible et avec l’idée que chaque humain peut se faire de la réalité, celle des cordes la dépasse largement en audace théorique et en distance abyssale de toute expérience possible. En effet, elle soutient que les constituants de la matière ne sont pas des particules, mais des élastiques qui vibrent non pas dans quatre dimensions (hauteur, largeur, profondeur et temps), mais dans vingt-six, puis réduits à neuf (dans la version « supercordes »). Des dimensions que personne n’a jamais perçues ni expérimentées. Étant donné que le monde dans lequel nous vivons ne semble pas constitué de vingt-six ou de neuf dimensions, «pourquoi la théorie n’a pas été immédiatement abandonnée est l’un des grands mystères de la science» (Smolin, p. 104).
La théorie postule également l’existence de tachyons, des particules capables de voyager à des vitesses supérieures à celle de la lumière. Mais «si cela se produit dans une théorie quantique des champs, c’est une indication très précise que cette dernière est en réalité incohérente. Un aspect problématique des tachyons est qu’ils peuvent transmettre des informations en arrière dans le temps, violant ainsi le principe de causalité» (Peter Woit, Pas même faux. L’échec de la théorie des cordes et la course à l’unification des lois de la physique, éd. it.: Codice Edizioni, Turin 2007, p. 149).
Un troisième élément fondamental de la théorie, capable de la rendre totalement invalide, est la nécessité de certains nombres/valeurs infinies, conduisant à «un nombre infini de théories» et «un nombre infini d’univers possibles» (Smolin, p. 198). Une théorie dotée de cette caractéristique ne peut être ni confirmée ni falsifiée par aucun expérience possible ou concevable, et ne peut donc faire aucune prédiction.
Un aperçu du vocabulaire de la théorie des cordes montre qu’on s’est très éloigné de toute théorie et pratique raisonnable du travail scientifique: «Il n’y a pas seulement le squark, le slepton et le fotino, mais aussi le déneutrino pour le neutrino, l’Higgsino pour le boson de Higgs et le gravitino pour le graviton. À deux, toute une arche de Noé de particules. Tôt ou tard, dans le fouillis du réseau de nouveaux noms et surnoms, on commence à se sentir un imbécile complet. Ou un imbécile parfait. Ou quelque chose du genre» (Smolin, p. 75).
Il s’agit d’une théorie qui existe et opère dans un monde qui n’a rien à voir avec la matière, mais presque uniquement avec des équations mathématiques, donc avec les aspects purement formels de la connaissance humaine. Des aspects qui, dans cette théorie, tendent à devenir le fruit de spéculations audacieuses et de fantasmes débridés. L’infalsifiabilité et l’incapacité de formuler des prédictions physiques précises privent la théorie des cordes du nécessaire rigorisme scientifique. Ce n’est même pas une théorie, en réalité, mais une «espérance irréalisée qu’une théorie puisse exister» (Woit, pp. XVI et 209). Le charme qu’elle exerce sur de nombreux physiciens ne vient pas de ce qu’on en sait, mais plutôt des espoirs personnels des physiciens qui y ont consacré toute leur vie.
Cet élément si psychologique et existentiel contribue à expliquer comment une telle non-théorie (ou «théorie du rien», comme l’a qualifiée le cosmologiste Lawrence Krauss) non seulement continue d’exister, mais concentre aussi le travail de la majorité des physiciens théoriciens et, surtout, parvient à obtenir des sommes vraiment impressionnantes de la part des organismes qui financent la recherche aux États-Unis. Les raisons sont nombreuses, même si elles se ressemblent.
La première, comme mentionné, est la difficulté compréhensible pour des chercheurs célèbres ou moins célèbres de déclarer l’échec d’une vie de recherche, en plus de la démonstration de leur insistance irrationnelle sur une théorie qui s’est révélée infondée.
La deuxième raison est la structure fidéiste qui sous-tend cette théorie, constituée par des calculs mathématiques de plus en plus longs, labyrinthiques et incompréhensibles, qui la rendent semblable aux questions proverbiales de la scolastique médiévale sur la «sexualité des anges». Sheldon Glashow, prix Nobel de physique, s’est exprimé ainsi pour souligner le danger irrationnel de la théorie des supercordes: «Combien d’anges peuvent danser sur la tête d’une aiguille? Combien de dimensions y a-t-il dans une variété compactifiée, 30 puissances de dix plus petites qu’une tête d’aiguille?» (Woit, p. 178).
Finalement, cette théorie ne possède même pas la beauté mathématique qui, à ses débuts, avait suscité tant d’enthousiasme, étant devenue une théorie dépourvue d’élégance formelle et qui, pour se sauver, recourt de plus en plus à la version contemporaine de l’asile de l’ignorance, le principe anthropique, basé sur la tautologie selon laquelle si nous existons, c’est que l’univers comporte les conditions de notre existence. Ce n’est pas un hasard si la théorie des cordes est devenue un domaine défendu et soutenu par diverses formes de contamination entre la physique et la New Age, dont l’exemple le plus célèbre est Le Tao de la physique de Fritjof Capra.
Une hypothèse présentée il y a un demi-siècle comme la «théorie définitive», capable d’unifier toute autre perspective, est en réalité devenue un obstacle au développement scientifique, un obstacle à l’élaboration, à la conception et à la démonstration de nouvelles théories et de différentes hypothèses sur le temps, l’espace, la matière et les particules. Un obstacle non seulement épistémologique ou théorique, mais aussi empirique, jusqu’à la violence.
Woit lança en 2004 un blog dédié à la théorie des cordes. L’un de ses résultats fut que «l’un des plus fervents partisans de la théorie des cordes, un membre de la faculté de Harvard», écrivit dans ce blog un commentaire affirmant que ceux qui «critiquaient les financements à la théorie des cordes étaient des terroristes qui méritaient d’être éliminés par l’armée des États-Unis. Ce qui m’a le plus effrayé, c’est qu’il semblait parler sérieusement» (Woit, p. 230).

La convergence toujours désastreuse du principe d’autorité et du conformisme diffus dans la société a trouvé son emblème dans un mathématicien exceptionnel. Edward Witten (photo) est le véritable gourou de la théorie des supercordes, devenue avec lui la Théorie-M. Que signifie cette appellation? La réponse de Witten est la suivante: «M signifie magie, mystère ou membrane, selon les goûts» (Woit, p. 158). La Théorie-M n’a aucun contenu précis, elle n’existe pas, ce n’est qu’un désir de théorie. M peut donc aussi signifier le Messie attendu d’une physique réduite à une version inquiétante de l’attente de Godot.
«Inquiétante» n’est pas un adjectif d’effet ou une formule rhétorique. Le déclin de la physique montré par le parcours qui, de la théorie quantique, a conduit à la Théorie-M, est une manifestation plutôt évidente du crépuscule de l’esprit scientifique, qui touche aussi des problèmes tels que le changement climatique de la planète Terre et les choix politiques et institutionnels durant la crise du Cov id19. L’un des éléments philosophiques et politiques communs à ces questions est en effet une autre théorie, c’est le Postmodernisme devenu un instrument de négation et d’affirmation: négation de la réalité, des données, de l’empirie, de la rationalité; affirmation à leur place d’une série de principes politiques et éthiques selon lesquels la vérité est la prérogative de celui qui sait mieux imposer sa vision du monde.
Smolin a écrit que la théorie des cordes dessine une véritable «physique postmoderne», formule non ironique, utilisée par ses propres partisans et non par ses opposants: «La sensation était qu’il ne pouvait exister qu’une seule théorie cohérente pour unifier toute la physique, et comme la théorie des cordes semblait le faire, elle devait être correcte. Il ne fallait plus dépendre des expériences pour vérifier les théories! C’était du Galileo. Désormais, seule la mathématique permettait d’explorer les lois de la nature. Nous étions entrés dans l’ère de la physique postmoderne» (Smolin, p. 117).
Woit souligne aussi « l’étonnante analogie entre la façon dont la recherche sur la théorie des cordes est menée dans les départements de physique et celle dont la théorie post-moderne est menée dans les départements des sciences humaines » (Woit, p. 206). Une affinité qui a pour objectif de conditionner et d’obéir à l’ensemble de la communauté sociale aux vérités présentées comme telles par des «experts» dont le langage semble obscur jusqu’à l’incompréhensibilité. La domination devient évidemment plus forte si les jeux linguistiques du postmodernisme sont soutenus par la force des médias et de la police.

Ceux qui suivent les programmes de recherche dominants, même s’ils sont fondés sur des désirs et des fantasmes, comme la théorie des cordes, reçoivent des chaires et des financements. Ceux qui veulent explorer des champs et des perspectives «hérétiques» n’obtiennent ni l’un ni l’autre. Au contraire, la physique contemporaine tend à se fermer et donc à mourir. Il s’agit d’un cas et d’un exemple très préoccupant: une affaire qui semble relever du domaine restreint et abstrait de la physique des particules montre ainsi son lien profond avec les formes les plus avancées et efficaces du pouvoir contemporain.
Alberto Giovanni Biuso
16:33 Publié dans Science, Sciences | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sciences, science, physique, théorie des cordes |
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Le Décalogue de Friedrich List

Le Décalogue de Friedrich List
Source: https://civenmov.blogspot.com/2025/09/decalogo-de-friedri...
Friedrich List (Reutlingen, 1789-1846), économiste allemand visionnaire, pionnier du développement économique, s’est fait connaître dans le domaine des idées par sa défense inconditionnelle du protectionnisme ainsi que des investissements publics dans les infrastructures (ports, routes, chemins de fer, télégraphes) et dans l’éducation en tant que moteurs essentiels du développement industriel, face au libre-échange et à la mondialisation économique naissante au début du 19ème siècle. Fonctionnaire, activiste et journaliste, ses idées réformistes, notamment l'idée de Zollverein (une proposition d’union douanière allemande), ont été alimentées par son exil en Amérique du Nord, où il s’est développé en tant qu’industriel et investisseur dans l’exploitation minière, tout en promouvant dans la presse les idées contenues dans son œuvre majeure de 1841: Le Système National de l’Économie Politique (Das nationale System der politischen Ökonomie), destiné à soutenir l’industrie naissante aux États-Unis face à la concurrence déloyale britannique. À la fin de sa période américaine, il fut nommé consul de Saxe.
En Amérique du Sud, José Manuel Balmaceda (Président du Chili, 1886-1891 - portrait) et Juan Domingo Perón (Président de l’Argentine lors de trois mandats entre 1946 et 1974) ont mis en pratique la pensée développementiste listienne, en promouvant l’industrialisation, les infrastructures et la substitution des importations pour réduire la dépendance extérieure, malgré la résistance de l’oligarchie terrienne et minière, du Congrès et de la Marine (c'est-à-dire les intérêts pro-britanniques) dans le cas de Balmaceda, et de l’oligarchie agro-exportatrice, des militaires anti-peronistes, des secteurs libéraux, syndicats et de l’Union Civique Radicale dans le cas de Perón.
Après près d’un siècle de méfiance et de boycott de la politique centrée sur l’État, en 1948, la Comisión Económica para América Latina y el Caribe (CEPAL) a été créée à Santiago du Chili, ravivant les idées de List sur le protectionnisme économique sélectif et le développement industriel endogène, sous l’influence notamment du célèbre économiste Raúl Prebisch (photo), qui fut secrétaire exécutif de l’organisation entre 1950 et 1963.
Prebisch, pionnier dans l’étude du structuralisme économique et de la théorie de la dépendance, a formulé une hypothèse pertinente sur la dégradation des termes de l’échange entre les économies industrialisées et les pays producteurs de matières premières.
Aujourd’hui, dans le monde postlibéral, les idées de Friedrich List, notamment son insistance sur le protectionnisme et le développement industriel dirigé par l’État, résonnent profondément dans le modèle économique chinois, caractérisé par la planification centralisée, la protection des industries stratégiques, d’énormes investissements dans des projets d’infrastructure mondiaux comme l’Initiative Belt and Road, et la priorité donnée à l’éducation technoscientifique dans le cadre des "Quatre Modernisations", une politique ambitieuse depuis 1978 visant à transformer la Chine en une grande puissance moderne. Depuis les réformes de Deng Xiaoping, qui ont ouvert la Chine au marché mondial tout en maintenant un contrôle étatique fort, jusqu’à la direction de Xi Jinping, qui a consolidé cette vision avec un accent mis sur l’autosuffisance et l’influence sur le reste du monde, la Chine a adapté ces principes aux défis du 21ème siècle, projetant un modèle de développement efficace et souverain stratégiquement.
Les économistes contemporains tels que Ha-Joon Chang (photo), Erik S. Reinert, Dani Rodrik, Mariana Mazzucato, Joseph Stiglitz, Alice Amsden, Robert Wade, Justin Yifu Lin, Sanjaya Lall et Keun Lee renforcent les thèses de List, en promouvant le protectionnisme et les politiques publiques industrielles, en opposition aux économistes et écoles libérales: l'école de Chicago, l'école autrichienne, les théories néoclassiques et le Consensus de Washington, qui privilégient le libre marché et une intervention étatique minimale, aggravant ainsi les défauts de la mondialisation désordonnée (augmentation des inégalités, instabilité financière, migrations massives, stagnation des économies industrialisées et pauvreté dans les pays en développement).
Chang et Reinert ont démontré que le protectionnisme historique a catalysé l’industrialisation dans les nations développées; Rodrik (photo) et Stiglitz ont montré les limites du marché dérégulé pour générer un développement équitable; Mazzucato souligne le rôle de l’État entrepreneurial dans l’innovation technologique (exemple notable: la Silicon Valley aux États-Unis), réfutant la suprématie du secteur privé; et Amsden, Wade, Lin, Lall et Lee mettent en avant le succès des “tigres asiatiques” (Corée du Sud, Hong Kong, Singapour et Taïwan) grâce à des politiques étatiques ciblées, dépassant les résultats des recettes libérales et consolidant un paradigme de souveraineté économique et de compétitivité mondiale.
Le Décalogue de Friedrich List
1. Protection de l’industrie nationale : Les pays en développement doivent mettre en place des droits de douane et des politiques protectionnistes pour favoriser la croissance de leurs industries locales face à la concurrence étrangère.
2. Priorité au pouvoir productif : Le développement économique doit se concentrer sur l’augmentation de la capacité de production d’une nation, et non seulement sur l’accumulation de richesse immédiate.
3. Différenciation entre les économies : Les politiques économiques doivent s’adapter au niveau de développement de chaque pays ; ce qui profite à une nation industrialisée n’est pas toujours approprié pour une économie en développement.
4. Importance de l’industrie manufacturière : La fabrication est essentielle pour le progrès économique, car elle génère de l’innovation, de l’emploi et une richesse durable.
5. Infrastructures comme base du développement : L’État doit investir dans les infrastructures (transports, communications) pour intégrer les marchés internes et renforcer l’économie.
6. Éducation et formation technique : Le développement économique nécessite une population instruite et qualifiée, capable de stimuler l’innovation et la productivité.
7. Intervention stratégique de l’État : Le gouvernement doit jouer un rôle actif dans la planification et la promotion de secteurs économiques stratégiques.
8. Unité économique nationale : L’intégration des marchés internes et la coopération entre régions au sein d’une nation sont essentielles à la croissance économique.
9. Critique du libre-échange absolu : Le libre-échange profite principalement aux nations déjà industrialisées, tandis que les économies émergentes ont besoin d’une protection temporaire.
10. Vision à long terme : Les politiques économiques doivent privilégier le développement durable et l’indépendance économique de la nation plutôt que les gains à court terme.
15:55 Publié dans Economie, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : économie, protectionnisme, autarcie, friedrich list, théorie politique, politologie, sciences politiques |
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lundi, 22 décembre 2025
Bruxelles contre l'alimentation européenne. Plus d'armes et moins de pain

Bruxelles contre l'alimentation européenne. Plus d'armes et moins de pain
Enrico Toselli
Source: https://electomagazine.it/bruxelles-contro-il-cibo-europe...
90 milliards d'euros. C'est le montant du prêt accordé à Zelensky pour poursuivre la guerre. Une somme que l'Union européenne devra trouver d'une manière ou d'une autre. 90 milliards d'euros. C'est le montant de la réduction décidée par l'Union européenne pour pénaliser le secteur agricole du Vieux Continent. Curieuse coïncidence entre les chiffres. Curieuse cette volonté des esprits étroits de Bruxelles de détruire un secteur qui est véritablement fondamental pour assurer la souveraineté européenne. Car sans agriculture, sans nourriture, il n'y a pas de souveraineté.

D'ailleurs, les images diffusées par les journaux télévisés étaient éloquentes. À l'intérieur du palais, élégants, méprisants, les eurocrates. Occupés à décider où prendre l'argent des autres et à qui le donner. À l'extérieur, en colère, les agriculteurs qui défendaient leur travail, leur labeur. Mais ils défendaient aussi la culture européenne, qui est aussi déterminée par la nourriture, l'alimentation.
Des agriculteurs qui doivent respecter des règles de plus en plus strictes, tandis que les eurocrates voudraient autoriser l'entrée en Europe de produits cultivés selon des méthodes interdites à nos agriculteurs européens.
Mais il est évident que la viande aux œstrogènes, provenant d'animaux élevés dans d'autres pays où les règles du travail sont également très différentes, coûterait moins cher. Et elle serait à la portée des Européens qui, grâce aux imbéciles de Bruxelles, deviendront de plus en plus pauvres.
Des imbéciles qui interdisent à leurs sujets d'utiliser les poêles à bois pour se chauffer, car ils polluent. Mais ensuite, ils offrent à la bande de Zelensky des armes qui polluent mille fois plus. Et ils achètent du gaz liquéfié américain, beaucoup plus cher, transporté par des navires qui augmentent la pollution. Tout comme ils pollueront davantage les produits alimentaires acheminés à travers les océans pour remplacer la nourriture européenne.
L'important, cependant, est de poursuivre la guerre.
17:08 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : autarcie alimentaire, europe, affaires européennes, agro-alimentaire |
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Les 90 milliards qui n’existent pas – le financement de l’Ukraine par l’Europe comme placebo politique

Les 90 milliards qui n’existent pas – le financement de l’Ukraine par l’Europe comme placebo politique
Elena Fritz
Bron: https://pi-news.net/2025/12/90-milliarden-die-es-nicht-gi...
"Merci, cher Friedrich !": L’Ukraine, le pays le plus corrompu du monde, reçoit de l’UE un prêt sans intérêt de 90 milliards d’euros.
Les décisions nocturnes du Conseil européen nous laissent surtout une impression: celle d’un théâtre politique destiné à donner une illusion d’action, là où il ne reste pratiquement plus d’espace de manœuvre. Beaucoup de problèmes semblent résolus, beaucoup de déclarations paraissent grandes – mais en y regardant de plus près, il reste étonnamment peu de substance.
Commençons par le supposé rassurant: les avoirs d’État russes gelés en Europe restent intacts. Malgré des mois de débats, de charges morales et de menaces politiques, Bruxelles n’a finalement pas osé franchir cette ligne juridique. Cela n’est pas tant l'expression de principes propres à l’État de droit, mais plutôt la reconnaissance que la confiscation formelle d’actifs étrangers serait un précédent dangereux – pour le marché financier européen, la confiance des investisseurs internationaux et la crédibilité fragile des garanties de propriété occidentales.
Au lieu de cela, on a présenté un chiffre qui capte mieux l’attention dans les médias: 90 milliards d’euros pour 2026 et 2027, "provenant du budget de l’UE". C’est là que commence le problème.
Car ce budget de l’UE existe déjà – et il est largement planifié. Le cadre financier pluriannuel 2021-2027 comprend au total 1074 milliards d’euros, soit environ 153 milliards par an. Pour l’Ukraine, aucune ligne budgétaire spécifique n’est prévue. Si l’on mobilisait effectivement 90 milliards d’euros en deux ans, cela représenterait jusqu’à 30% du budget annuel – une ampleur qui bouleverserait fondamentalement la structure financière actuelle de l’UE.
Le budget de l’UE n’est pas un simple coffre-fort, mais le résultat de compromis politiques. Il est principalement alimenté par les contributions de quelques payeurs nets – notamment l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Espagne – et finance des politiques classiques de l’UE: subventions agricoles, projets de transport et d’infrastructure, développement régional. De grands bénéficiaires comme la Pologne en profitent tout particulièrement en chiffres absolus, tandis que des pays comme l’Estonie en profitent en proportion de leur PIB.
Un déplacement massif en faveur de l’Ukraine entraînerait donc inévitablement des perdants au sein de l’UE. Ce que ce vote nocturne ne dit pas. Reste à voir si les programmes existants seront coupés, si de nouvelles dettes seront contractées ou si les règles du budget seront simplement assouplies. Jusqu’à présent, le budget de l’UE est officiellement en équilibre; un déficit structurel serait politiquement délicat et, du moins juridiquement, nécessiterait des explications.

Il n’est donc pas exclu qu’un troisième scénario se dessine: que la référence au "budget de l’UE" soit avant tout rhétorique – un signal politique sans financement assuré. Un simple marqueur pour gagner du temps.
Dans ce contexte, le mécanisme de remboursement choisi est particulièrement révélateur. L’Ukraine remboursera les fonds lorsque la Russie versera des réparations. Cela semble juridiquement net, politiquement élégant – mais c'est économiquement une fiction. En réalité, il s’agit de subventions assorties d’une promesse morale de remboursement. Personne à Bruxelles ne compte sérieusement sur un tel paiement.
Il ne reste donc du grand vote qu’une seule chose: un report. La question fondamentale – qui doit financer à long terme le budget de l’État ukrainien et ses besoins militaires – n’a pas reçu de réponse, mais à été reportée à l’avenir. Chaque euro devra être négocié durement, avec une opposition intérieure croissante dans les États payeurs nets.
L’UE voulait montrer sa détermination, mais a plutôt révélé son épuisement financier. Le problème central n’est pas le manque d’argent, mais le manque de sincérité quant aux limites du possible.
16:51 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ukraine, europe, affaires européennes, actualité, politique internationale |
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Figures féminines et masculines du temps liminal de l'hiver

















15:28 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : traditions, hiver, période solsticiale, chasse sauvage, krampus, frau holle, perchta |
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dimanche, 21 décembre 2025
Christkindl et Sainte Lucie







19:27 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christkindl, sainte lucie, tradition, noël, période solsticiale |
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Weihnachten, Rauhnächte, Loostagen, 's kleine Johr: Aux origines des coutumes de Noël en Alsace, une affaire de calendrier






19:07 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : traditions, noël, solstice, alsace |
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La crise de Trump et du mouvement MAGA: MTG va-t-elle agir ou se retirer?

La crise de Trump et du mouvement MAGA: MTG va-t-elle agir ou se retirer?
Joaquin Flores
Source: https://telegra.ph/La-crisi-del-MAGA-di-Trump-MTG-sta-pre...
Quoi qu'il arrive à l'avenir, cela ne sera ni silencieux ni discret, car c’est l’art du théâtre en politique américaine.
Rien ne peut égaler la politique américaine avec ses drames exagérés, qui attirent l’attention du monde entier, car comment pourrait-il en être autrement? Que l’on aime l'Amérique ou qu’on la déteste, son histoire est l'histoire étincelante et étoilée de l’effondrement du mondialisme, et la grande réorientation du pays porte en elle toutes les nuances du théâtre, tous les modes de l'histoire humaine tissée de trahison et de destruction. Il est impossible de détourner le regard lorsque la mise en jeu atteint chaque coin de la planète. Ainsi, lorsqu’une députée américaine et figure favorite du mouvement MAGA, Marjorie Taylor Greene, rompt avec le président Donald Trump et annonce qu’elle démissionnera du Congrès, la question se pose: est-ce la fin de la carrière de Greene, la fin du mouvement MAGA, une guerre civile interne ou une opportunité solide pour MTG de réussir son coup ?
MTG pourrait-elle se tourner vers la politique nationale ou orienter ses ambitions vers les élections au gouvernorat de la Géorgie ? Trump hésitera-t-il entre les forces populistes et oligarchiques, pour finir marginalisé dans une manœuvre ratée visant à équilibrer des intérêts de classe contradictoires, où le plan économique America First ne peut fonctionner ? Trump se réconciliera-t-il finalement avec MTG comme il l’a fait avec Elon Musk, ou s'éloignera-t-il d'une grande partie de sa base ?
La crise politique qui couvait depuis longtemps au sein du mouvement MAGA, autour d’Epstein, d’Israël et plus tard de l’assassinat de Charlie Kirk, avait déjà anticipé l’annonce de Greene, confirmant ainsi que le mouvement MAGA était irrémédiablement divisé. Les démocrates envisagent sans aucun doute de réaliser des résultats positifs à mi-mandat et de reprendre la Chambre, étant donné que le pessimisme quant à l’état de l’économie demeure élevé.

Greene a été submergée à la fois par des critiques et par des soutiens, mais dans tous les cas, «toute mauvaise publicité est bonne publicité», ou, du moins, c’est ce qu’on dit. Elle contrôle toujours sa narration, ce qui équivaut à un capital politique. On dit aussi que rien en politique n’est fortuit, et si Greene pourrait être hors-jeu, cette controverse pourrait aussi finir par lui offrir une opportunité de surfer sur la vague de l’influence vers des sommets toujours plus hauts.
Les luttes politiques sous-jacentes au différend entre MTG et Trump sont parfaitement en ligne avec ce qu’on appelle la guerre civile au sein du mouvement MAGA, qu’il serait étrange de laisser passer. Mais qu’est-ce qui motive MTG et qu’y a-t-il derrière ce conflit qui rend la politique de mouture MAGA si instable? S’agit-il vraiment d’une guerre civile au sein du mouvement MAGA ou bien est-ce l'émergence de forces populistes dans le mouvement MAGA qui s’opposent de plus en plus clairement aux intérêts corporatistes et sionistes bien ancrés dans le monde politique américains, intérêts qui ont dominé la politique républicaine pendant des décennies?
Le mouvement MAGA auquel MTG a adhéré était la vague populiste insurgée qui a percé partout où le terrain politique le permettait, et cette ouverture s’est produite il y a quelques années au sein du Parti républicain, malgré les efforts incessants de la vieille garde pour réprimer la révolte et ramener le parti à l’austérité de Wall Street et à la géopolitique néoconservatrice. Trump est considéré comme trop modéré ou trop compromis avec le statu quo lui-même, dont la crise de légitimité a été la clé de son succès; et c’est précisément ici que réside toute la tension.
Mais Greene a-t-elle vraiment rompu avec Trump ou avec le mouvement dans son ensemble? Le mouvement MAGA est souvent, à tort, considéré comme une étiquette générique pour quiconque soutient Trump, mais la réalité, bien connue depuis longtemps, que les électeurs pro-Trump hors MAGA existent, a été confirmée le 28 novembre dans un article et une enquête de Politico, qui montrent que «plus de la moitié des électeurs de Trump de l’année dernière — 55 % — se considèrent comme des adeptes du mouvement MAGA, mais un pourcentage significatif de 38% ne le fait pas. »
MAGA contre les néoconservateurs sur la vaccination, Israël, le mondialisme et l’UE
Après que Trump a commencé à remodeler la politique républicaine vers la fin des années 2010, beaucoup de néoconservateurs républicains traditionnels qui s’étaient opposés à lui ont compris que le combattre était une stratégie perdante, et ils ont progressivement commencé à le soutenir publiquement. Dans les années 2020, cela a donné naissance à un monde plus large d’influenceurs conservateurs sur les réseaux sociaux en dehors du mouvement MAGA, appelé «Conservative Inc.» ou «Sometimes Trumpers», combinant les intérêts des grands donateurs, des réseaux AIPAC et d’un écosystème d’influenceurs sur les réseaux sociaux, tous enveloppés dans un drapeau MAGA. Ils ont des thèmes de guerre culturelle qui se superposent à certaines parties de l’agenda interne de MAGA, mais minimisent ou individualisent constamment la crise socio-économique plus profonde qui a écrasé la classe ouvrière et la classe moyenne américaines, à laquelle le mouvement MAGA accorde une grande importance, en chevauchant un électorat autrefois exclusivement démocrate, et en tire donc une partie de sa puissance et de sa signification stratégique.

Le néoconservatisme n’a survécu qu’en imitant faiblement MAGA, avec les «Never-Trumpers» de longue date qui se sont rebaptisés «Sometimes-Trumpers» et qui proclament haut et fort leur fidélité comme «Always-Trumpers», même si leur politique reste beaucoup plus proche de Netanyahu ou Nikki Haley, dirigée par des commentateurs comme Ben Shapiro. Trump semble souvent satisfaire leurs récits avec ses menaces belliqueuses contre l’Iran, le Hamas, le Venezuela ou, plus récemment, le Nigeria.
Mais ce qui finit souvent par décevoir et décourager ces esprits mitigés, fluctuants, qui sans cesse louvoient, c’est que le mouvement MAGA, incarné par MTG, s’aligne sur les enjeux de la classe ouvrière, tant sur le plan social qu’économique, et les considère comme inséparables, cherchant à promouvoir des tarifs douaniers, des règles plus strictes en matière d’immigration, la reindustrialisation, des investissements de partenaires américains et une position commerciale nationaliste-mercantiliste. La santé et le logement abordable restent des questions controversées partagées avec les démocrates, qui les considéraient autrefois comme leur domaine exclusif.
Trump soutient le mouvement MAGA de manière énigmatique, le nomme MAGA, mais en s'en démarquant aussi, suggérant que le mouvement MAGA est quelque chose que Trump aurait découvert ou assemblé à partir de parties de la majorité silencieuse.
Trump piégé entre le peuple et le pouvoir
La tension sous-jacente à la politique de Trump est simplement que le mandat populiste pour lequel il a été élu entre en collision avec sa nécessité de conserver le soutien de l’oligarchie. Reste à voir, ou du moins tel est le débat, si Trump est compromis, s’il a toujours agi de mauvaise foi ou s’il a plutôt l’intention de remplir son mandat électoral et de tenir les promesses fondamentales faites au mouvement MAGA. Trump et le phénomène MAGA ont été la cible d’une persécution énorme et réelle pendant de nombreuses années, sous forme de chasse aux sorcières, à travers des poursuites judiciaires et la politisation du système judiciaire contre Trump pendant sa première mandature et sous l’administration Biden. Les supporters de Trump ont été censurés, boycottés, privés de services bancaires sur les réseaux sociaux. Politiquement, Trump a survécu à ces attaques grâce à sa large base de soutien, qui a vécu ces attaques avec lui, et de là est née une sorte de lien.
Si Trump trahissait ce lien et se présentait comme défenseur du vieux système dans un sens pragmatique, par le biais d’accords commerciaux, en laissant tomber sa base MAGA, nos opportunistes criminels modernes et les forces optimales attaqueraient Trump dès qu’il serait isolé. Trump, pour éviter cela, pourrait se tourner vers la «gauche nationale» et définir la base MAGA par des mesures populistes.

Depuis le début, MAGA a été engagé dans une guerre à deux fronts: contre la droite chrétienne sioniste et contre le conservatisme économique de Wall Street. MAGA a mené ce conflit non pas en s’opposant au christianisme ou à l’économie en principe, mais en les détournant de leurs objectifs finaux sionistes et mondialistes. Sur le plan économique, MAGA a affronté le programme pro-entreprises et anti-travailleurs des néoconservateurs, non pas en réactivant la vieille lutte des classes propre à la gauche, mais avec une approche transclasse qui relie le monde des affaires et celui du travail afin d'aboutir à des résultats communs pour la nation. L’autre section du front visait le bloc chrétien sioniste, qui soutenait certaines questions internes telles que l’avortement et la guerre culturelle, mais les liait à une vision sioniste qui imposait des guerres infinies auxquelles le mouvement MAGA s’oppose.
Trump tente souvent de concilier ces positions du mouvement MAGA avec des intérêts oligarchiques en faveur de la croissance économique nationale, ce qui ne pose pas de problème intrinsèque. Cependant, en équilibrant cette forme de New Deal, cette grande renégociation du contrat social que seul le moment actuel apporte, il y a des conflits sur les détails, les engagements, les charges qui seront supportées et par qui. Même la politique étrangère n’échappe pas à cette tension. La rhétorique pro-Netanyahu de Trump et son soutien à la censure sur la guerre à Gaza dans les universités américaines contrastent fortement avec les opinions fondamentales du mouvement MAGA. MTG représente publiquement ce pôle-là du mouvement MAGA et montre où il se recoupe avec certaines opinions populistes de gauche chez les démocrates, notamment lorsqu'elle a fait une déclaration conjointe avec le socialiste démocrate Bernie Sanders condamnant le génocide d’Israël à Gaza.
Trump tend souvent à tenir ses promesses, même si parfois il réserve des surprises, mais sa marche en zigzag suscite toujours mécontentement, désespoir et même attente de l’apathie. MTG joue un rôle dans le maintien de la cohérence de ce récit conflictuel, et il est logique que les partis qui ne réussiraient pas à le mettre en pratique échoueraient.
MTG maintient la cohésion du MAGA là où Trump semble en conflit
Trump se trouve face à une sorte de dilemme césarien tel qu'il existât durant le Premier Triumvirat, tiraillé qu'il est entre des intérêts contradictoires à l’intérieur et à l’extérieur de la coalition transclassiste, tout en essayant de gérer les crises créées par les anciennes gardes républicaine et démocrate.
La vieille garde néoconservatrice s’est appropriée l’identité MAGA pour ramener Trump vers leur propre programme. Si Trump y a résisté, l’a permis ou a simplement laissé l’impression qu’il en était ainsi, cela reste discutable. Mais beaucoup d'adeptes du mouvement MAGA, ouvriers et médias, qui ont soutenu MTG croient que les réformes arrivent trop lentement, et que l’implication de Trump avec les oligarques technologiques et les sionistes est la cause ou le sous-produit de ce problème.
Ce qui est significatif dans tout cela, c’est que MTG donne à la déception, qui règne dans le mouvement MAGA vu les louvoiements de Trump, une certaine cohérence, une pertinence et un narratif qui reflète le mécontentement de la base, mais aussi le sentiment qu'il existe une direction et un but, ce qui contraste avec la véritable crise que constitue l’apathie électorale. MTG peut maintenir son soutien à MAGA pendant que Trump tisse sa «Loi de l’Accord» de manière à lui coûter son capital politique, du moins au début.
La marque MTG reste forte, et elle n’est pas en déclin politique. Ce qui semble être un conflit impulsif, un chaos ou des luttes internes est souvent un théâtre politique soigneusement orchestré, partie d’un spectacle plus large qui attire un public de plus en plus vaste dans une sorte d’hyper-réalité baudrillardienne où mythe et réalité fusionnent, créant une narration qui semble complète en soi, même si elle brouille la frontière entre vérité et fiction.

Étant en position de force avec une visibilité et une portée croissantes, l’idée qu’elle pourrait soudainement décider de quitter la politique n’a pas de sens. La controverse que cela provoquerait est encore moins convaincante, car, bien qu’elle mette en lumière des problèmes structurels plus vastes, peu de gens sont prêts à se battre jusqu’à la mort pour cela. La dispute portait sur les visas H-1B, dont on pense que Trump a fait peu de concessions pour maintenir des relations stables avec la Chine et l’Inde, tout en satisfaisant les grands employeurs de secteurs clés dépendants des coûts de main-d'œuvre plus faibles que ces spécialistes étrangers sont disposés à accepter. Le mouvement MAGA a subi un coup dur lorsque l’équipe de Trump a proposé un prêt sur 50 ans, apparemment destiné à des personnes ne comprenant pas comment fonctionnent réellement les taux d’intérêt.
Newsweek a rapporté il y a quelques semaines l’importance de ces questions de façon populaire, citant des supporters influents du mouvement MAGA comme Matt Morse, créateur de contenu et commentateur d'America First, qui a qualifié l’interview de « catastrophique pour Trump ». Il a écrit sur X: «Quiconque fait partie de l’entourage rapproché de Trump et lui a dit que nous avons besoin de plus de visas H-1B, de prêts sur 30 ans et de 600.000 étudiants chinois doit ÊTRE LICENCIÉ IMMEDIATEMENT. AMERICA FIRST. »
Morse a ajouté: «Je suis l’un des commentateurs pro-Trump les plus importants du pays. Chaque mois, je réalise des dizaines de millions de vues en parlant de l’agenda America First de Trump. Et je suis maintenant complètement F****** FURIOUS, parce que ce soir, sous prétexte de visas H-1B, Trump a dit que les Américains n’ont «pas de talent». Incroyable.»
Cela semble être un problème facile à résoudre si MTG et le mouvement MAGA en parlent et attirent suffisamment d’attention. C’est symbolique d’un problème plus vaste, mais cela offre aussi à Trump une sortie facile sous forme d’un ordre exécutif ou quelque chose de similaire.
Le facteur 2026
Il est vrai de dire que MTG agit parce qu’elle est dans une position trop favorable. Sa sortie le 4 novembre dans The View, suivie du retrait du soutien de Trump le 14 novembre, et culminant avec le vote quasi unanime de la Chambre le 18 novembre sur l’affaire Epstein (427-1), jouent tous en sa faveur. Le récit superficiel semble assez linéaire, avec MTG qui se plaint publiquement de la lenteur des changements au sein du mouvement MAGA, critique la domination des escrocs et exprime sa frustration que sa loyauté n’ait pas été récompensée. Sa rhétorique ultérieure, en réponse au retrait de Trump, qui se compare à une «femme maltraitée», a une charge émotionnelle qui paraît authentique et qui peut toucher un électorat féminin en Géorgie susceptible de basculer entre démocrates et républicains.
Comment tout cela pourrait-il avoir du sens si quelqu’un élaborait une stratégie gagnante sur la base de ces faits? MTG a l’attention nationale, mais elle pourrait être plus efficace si elle se concentrait sur la Géorgie.

La course au gouvernorat de la Géorgie commencera en 2026, lorsque Brian Kemp aura terminé son mandat et que la voie sera libre. MTG représente le 14ème district de la Géorgie, une région profondément républicaine, mais l’élection du gouverneur nécessite d’attirer les électeurs des banlieues d’Atlanta, qui déterminent le résultat. Son positionnement actuel, combinant messages patriotiques et préoccupations économiques de la classe ouvrière, typiquement associées à la gauche, pourrait-il être calibré pour un public géorgien? La question devient encore plus intrigante si l’on considère que Stacey Abrams, démocrate, pourrait se représenter, créant ainsi la nécessité de mettre en ligne un républicain populiste capable de parler aux indécis et aux femmes qu’Abrams séduira si le GOP fait l’erreur de soutenir une figure conservatrice néocon comme Kemp.
Biden a gagné la Géorgie en 2020 avec moins de 12.000 voix, ce que Trump conteste encore aujourd’hui, et cet État reste fondamentalement indécis, ce qui oblige les républicains à activer et élargir leur base, ce que MTG fait sans aucun doute. Kemp, qui a été soutenu par Trump quelques années auparavant, s’est joint en 2020 à l’alliance anti-Trump avec Pence, rejetant les appels du président à contester les résultats. Avec MTG comme candidate au poste de gouverneur, il pourrait aider à prévenir des irrégularités électorales qui pourraient nuire à Trump en 2028, quel que soit le candidat.
En regardant vers les élections de mi-mandat, si MTG quitte la politique complètement après sa démission de la Chambre en janvier, elle n’aurait rien accompli avec le capital politique qu’elle a gagné, ses bons résultats et sa récente exposition auprès de l’électorat démocrate qui regarde The View.
Le seul point noir dans son CV serait d’avoir abandonné ses électeurs et quitté la politique. Cela ne pourrait être réparé que si elle le faisait pour poursuivre une fonction plus élevée et acquérir plus de pouvoir. Si elle vise la gouvernorat de la Géorgie, ses mouvements récents seraient mieux adaptés à une phase pré-campagne. Se distancier de Trump tout en conservant le message «America First» lui permettrait d’attirer les électeurs sceptiques des banlieues sans aliener sa base. Quand le moment sera venu, Trump pourra se réconcilier avec MTG comme il l’a fait avec Musk pour 2028.
En fin de compte, la question est de savoir si les forces qui façonnent actuellement la politique américaine peuvent être dirigées par ceux qui en sont au centre. MTG pourrait jouer ses cartes ou pas, Trump pourrait recalibrer ou s’effondrer, et MAGA pourrait se diviser ou continuer à être une force motrice dans la base de Trump. Ce qui est clair, c’est que la lutte pour la direction de l’Amérique n’est plus abstraite, et Trump a moins d’un an pour empêcher la défaite de son parti. MTG détient un capital politique énorme, et que ce soit par choix ou par nécessité, Trump finira probablement par miser sur elle. Quoi qu’il advienne, cela ne sera pas silencieux ni inaperçu, car c’est l’art du théâtre dans la politique américaine.
18:28 Publié dans Actualité, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, états-unis, donald trump, maga, marjorie taylor greene |
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La doctrine indo-européenne du combat et de la victoire

La doctrine indo-européenne du combat et de la victoire
Julius Evola sur la guerre, l'héroïsme et « l'ascèse de l'action »
par Ralf Van den Haute
Introduction : histoire du texte et contexte
La réflexion qui suit résume l'essai de Julius Evola La doctrine indo-européenne de la lutte et de la victoire et harmonise le ton avec votre traduction. Le texte s'articule autour d'une distinction centrale entre une vision moderne et sécularisée de la guerre et une vision indo-européenne traditionnelle dans laquelle la lutte revêt une importance rituelle, initiatique et métaphysique. Historiquement, l'ouvrage a été publié en italien chez Edizioni del Ar (1970) ; une édition française a suivi chez Pardès (1996). Le matériel s'appuie sur des conférences et des notes développées par Evola dès les années 1940. Dans ce qui suit, l'accent est mis sur le fondement symbolique, religieux et métaphysique de l'action, avec quatre sous-titres thématiques.
Tradition contre modernité : la lutte comme rituel
Evola commence par critiquer deux extrêmes modernes: le patriarcat romantique et vitaliste d'une part, et le pacifisme humanitaire d'autre part. Bien que contraires, ils partagent selon lui un même préjugé: la guerre serait dépourvue de toute signification spirituelle supérieure. Ainsi, tant l'apologiste nationaliste que le défaitiste réduisent le combat à un fait purement matériel et bestial.
Face à ce schéma moderne, la vision indo-européenne traditionnelle présente la lutte comme un symbole et un rituel: un épisode terrestre dans le cadre d'une confrontation surnaturelle entre les forces du Cosmos (Κόσμος), de la Forme et de la Lumière, et celles du Chaos (Χάος), de la nature et des ténèbres. L'héroïsme n'est alors pas l'ivresse de la recherche du danger, mais un chemin (via la gloire et la victoire) vers la transcendance et le dépassement de la condition humaine. Dans cette optique, la guerre, la lutte et le divin peuvent coïncider.
Action et contemplation dans l'héritage indo-européen
Dans la lignée du diagnostic de Guénon sur le déclin occidental, Evola nuance l'opposition entre activisme et connaissance intérieure. Par «connaissance», il n'entend pas le rationalisme, et par «contemplation», il n'entend pas la fuite du monde. Dans l'horizon indo-européen originel, l'action et la contemplation sont deux voies vers la même réalisation. La décadence survient lorsque l'action est sécularisée et matérialisée — «faire pour faire» de manière fébrile — tandis que les valeurs ascétiques et contemplatives véritables s'estompent pour devenir des conventions. Une renaissance nécessite donc un retour au sens originel de l'action: l'acte comme transfiguration, comme discipline qui élève l'individu au-dessus de la contingence.
Le combat sacré et la «double âme»: résonances nordiques, indo-iraniennes, islamiques et chrétiennes
Des variantes de la guerre sainte reviennent dans tout le monde indo-européen.
- Monde nordique: le Valhalla comme siège de l'immortalité céleste pour ceux qui sont tombés au combat ; Odin/Wotan comme souverain qui montre la voie à Yggdrasil par le sacrifice de soi; les Walkyries qui choisissent et guident les guerriers; le motif eschatologique du ragnarök comme aboutissement de la lutte métaphysique.
- Monde indo-iranien: Mithra, le «guerrier insomniaque», à la tête des fravaši/fravashi, à la fois force intime de chaque être humain, force tribale/populaire et déesse guerrière qui apporte bonheur et victoire.
- Monde islamique: distinction entre le petit jihād (extérieur) et le grand jihād (intérieur). Le premier est le moyen et le chemin vers le second: la victoire sur les ennemis intérieurs (le désir, le chaos, la passivité) est la condition préalable à la libération; celui qui combat «sur le chemin de Dieu» peut réaliser la mors triumphalis, la mort victorieuse comme percée spirituelle.
- Christianisme/croisades: sous un nouveau masque, le même enseignement résonne. Les prédicateurs qualifient la croisade de purification; Bernard de Clairvaux promet au guerrier «une couronne immortelle» et «une gloire absolue». La «Jérusalem sacrée» a une double fonction (ville terrestre et céleste): ce qui est déterminant, c'est l'intention et la consécration intérieure de l'acte, et non son déroulement extérieur.

Ces exemples trouvent leur aboutissement dans la Bhagavad Gītā: Kṛṣṇa réprimande l'hésitation sentimentale d'Arjuna et lui ordonne de combattre sans attachement: «que chaque acte me renvoie... libre de tout espoir et de tout intérêt». L'acte doit être pur — au-dessus du gain/de la perte, du plaisir/de la souffrance, de la victoire/de la défaite — permettant ainsi au moi d'accéder à la force supra-personnelle qui libère. Dans cette optique, les images classiques du daimōn (δαίμων), du fylgja/Walküre et du fravashi éclairent la notion de «double âme»: la conscience ordinaire et conditionnée contre une force individualisante et supra-individuelle qui transcende la naissance et la mort et se manifeste dans les moments de crise et de combat.
Victoire, gloire et mission de l'homme moderne
Lorsque l'acte guerrier éveille et ordonne cette force supra-individuelle, les plans intérieur et extérieur coïncident : la victoire matérielle est alors le signe et le sceau d'une consécration. D'où le statut sacré du triomphe dans l'Antiquité, le motif de la gloire comme feu céleste (hvarenah), la couronne comme symbole solaire, et Nikè (Νίκη) qui couronne le héros: images d'un état lumineux et impérissable qui scelle le combat.

Dans la conclusion, Evola relie cet enseignement à la crise actuelle : une époque touche à sa fin, et l'alternative à la violence matérialiste et à l'humanitarisme mou est «l'ascèse de l'action» — la lutte comprise comme une catharsis, comme un travail intérieur qui donne forme et sens à l'ordre après la victoire. La paix n'est alors pas un retour à la torpeur bourgeoise, mais l'aboutissement de cette tension. L'ancien credo selon lequel «le sang des héros est plus sacré que l'encre des sages et les prières des pieux» est ici lu comme une métaphore: dans une guerre sainte, ce sont les forces primitives qui agissent — et non les caprices des individus — et ce n'est que lorsque l'acte est spirituel qu'il devient légitime.
Note finale (style et terminologie)
- Pour les concepts clés issus du grec (Kosmos, Chaos, Ouranos, daimōn), l'orthographe grecque a été ajoutée.
- Lorsque la réception originale parle de registres « nationalistes », cela est systématiquement traduit par discours nationaliste d'État lorsque cela est pertinent.
- Le ton est resté essayistique et historique; les images de batailles et de mythologie fonctionnent comme des symboles de transformation intérieure, et non comme des prescriptions littérales.
14:19 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tradition, traditionalisme, julius evola |
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Sur le Baron Julius Evola: la monumentale biographie d'Andrea Scarabelli

Sur le Baron Julius Evola: la monumentale biographie d'Andrea Scarabelli
par Georges Feltin-Tracol
Quel ouvrage imposant ! 740 pages ! Une masse proche du kilogramme ! Une épaisseur de 4,5 cm, une largeur de 21 cm et une longueur de 29,5 cm ! Son prix s’élève à 52 €. La vie aventureuse de Julius Evola (Ars Magna, coll. « Evoliana », 2025) est sans conteste la biographie la plus riche de Giulio Cesare Evola (1898–1974).
Pour commander l'ouvrage: https://www.editions-ars-magna.com/livre/scarabelli-andre...
Ce travail colossal revient à Andrea Scarabelli. Vice-secrétaire de la Fondation Julius-Evola, il offre au public francophone une édition revue, corrigée et augmentée par rapport à l’édition initiale. Traduit par Istvàn Leszno et préfacé par Alian de Bneoist, le livre contient plusieurs cahiers photographiques, un appareil critique de notes sur quatre-vingt-deux pages, la liste intégrale des livres originaux d’Evola, une bibliographie exhaustive de dix-huit pages suivie de la bibliographie française des ouvrages évoliens parus dans l’Hexagone réalisée par le préfacier, soit quinze pages, et un index de noms propres mentionnés. Très impressionnant !
Au terme de longues et fructueuses recherches, Andrea Scarabelli résout certaines énigmes et écarte des légendes forgées autour de cette personnalité majeure de la vie intellectuelle du XXe siècle. Par exemple, Julius Evola n’a jamais été noble sicilien. Sa famille avec qui il entretient des rapports distants ne descend nullement de seigneurs normands venus en Sicile à l’appel du conquérant Robert Guiscard de Hauteville. Plus favorable à une aristocratie spirituelle qu’à une aristocratie héréditaire, il adopte le titre de «baron». Ce n’est pas anecdotique! Julius Evola déteste être appelé «Maître». Andrea Scarabelli rapporte un entretien entre Placido Procesi et Evola qui déclare: «Je ne suis pas un Maître. Constatez les conditions qui sont les miennes. Même si j’en étais un, je ne pourrais pas me présenter comme tel. J’ai tout écrit parce que je me souviens.» Certains l’appellent «Professeur» bien qu’il n’ait jamais obtenu le moindre diplôme universitaire. Le désigner comme «Baron» pendant les conversations lui convient mieux.
Andrea Scarabelli insiste beaucoup sur l’influence de l’alpinisme dans l’affirmation de sa personnalité. Pratiquer ce sport exigeant développe une vive complémentarité entre la volonté de puissance, la recherche de l’effort et le sens du défi. Méditations du haut des cimes exprime cette grande passion vitale chère à l’écrivain romain. Régulièrement, il part, seul ou accompagné d’une autre personne, dans des courses réputées difficiles, voire dangereuses… Plus tard paralysé des membres inférieurs, son regard s’illumine dès que son interlocuteur évoque ce sujet. Exercer l’alpinisme témoigne d’un solide caractère. Ainsi se montre-t-il désagréable, agacé et irritable à l’égard du personnel médical hospitalier. Ce comportement varie selon les circonstances. «Pour certains, il est froid et distant, pour d’autres, il est empathique et ouvert, sans oublier, poursuit Andrea Scarabelli, ceux qui le voient comme désinvolte et prêt à se jouer de lui-même.»
Toute sa vie, Julius Evola exècre la bourgeoisie. Outre la promotion de la Droite spirituelle hostile à la modernité, il critique la morale commune des communistes et des catholiques qui plombe les années 1950. Il déplore l’interdiction des maisons closes. Il considère les prostituées plus honorables que les bourgeoises et se gausse de la bigoterie gouvernementale. À propos de la prostitution, à travers divers articles, il «propose […] l’institution de structures syndicales visant à protéger et à défendre les prostituées». Il défend aussi les filles–mères célibataires. Ce supposé misogyne tance les hommes qui se défilent de leurs responsabilités paternelles.
Longtemps marginalisé, Julius Evola se surprend qu’après 1945, de nouveaux et précoces activistes au sein de la FUAN (Front universitaire d’action nationale) et du Front de la Jeunesse du MSI (Mouvement social italien) le lisent avec passion. Si le Baron se félicite de cet enthousiasme, il s’agace parfois de leur «évolomanie». Lui qui polémique avec des «guénolâtres» calfeutrés dans une morne adoration, se moque de certains de ses admirateurs dont le comportement moutonnier l’insupporte. Andrea Scarabelli cite Adriano Romualdi, auteur de Julius Evola, l’homme et l’œuvre: «Un jour, entendant qu’un groupe de ses admirateurs consacrait le lundi à la lecture des Hommes au milieu des ruines, le mercredi à celle de Révolte contre le monde moderne et le vendredi à Chevaucher le tigre, Evola les interrompit pour demander non sans malice: “Et quel jour consacrez-vous à la Métaphysique du sexe?”».
Les relations sont loin d’être au beau fixe avec ses correspondants réguliers. René Guénon ne cache pas son scepticisme envers l’Italien qui s’investit un peu trop à son avis dans le fracas du monde moderne. Il oublie cependant que Julius Evola a participé à la Grande Guerre (1915 – 1918) en tant qu’officier d’artillerie. Il recevra au nom de ce passé en 1969 le titre de « chevalier de Vittorio Veneto » signé par le président de la République italienne…
Une incompatibilité d’intention se produit avec Ezra Pound. Le contempteur de l’usure n’adhère pas à la vision du monde évolienne qui récuse toute hégémonie de l’économie. De son côté, l’ancien dadaïste s’interroge sur la poétique poundienne. Il la juge plus que surfaite…
La vie aventureuse de Julius Evola décrit donc les nombreuses facettes de l’auteur de Chevaucher le tigre. Certes, comme l’admet volontiers Andrea Scarabelli, le chantre de l’impersonnalité active n’aurait pas approuvé cette ambitieuse biographie. Qu’importe ! Elle témoigne de la singularité d’un très «bon Européen».
GF-T
- « Vigie d’un monde en ébullition », n° 178, mise en ligne le 15 décembre 2025 sur Radio Méridien Zéro.
12:48 Publié dans Biographie, Livre, Livre, Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : julius evola, andrea scarabelli, livre, tradition, traditionalisme, biographie |
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samedi, 20 décembre 2025
L’antipathie de J.R.R. Tolkien envers Disney

L’antipathie de J.R.R. Tolkien envers Disney
Études Historiques
Source: https://www.facebook.com/SBdeHolanda
L’antipathie de J.R.R. Tolkien envers Disney n’était pas une critique occasionnelle proférée par un vieil universitaire s'opposant aux nouveaux médias. Ce n’était ni de l’envie professionnelle ni du traditionalisme automatique. C’était une opposition philosophique profonde, enracinée dans des conceptions radicalement différentes de la fonction qu'ont les histoires et de ce qui se passe lorsqu’elles sont modifiées.
Le conflit a commencé avec une coïncidence presque inquiétante, en 1937.
Cette année-là, Tolkien a publié Le Hobbit, un livre pour enfants apparemment simple, mais qui était en réalité une mythologie soigneusement construite, façonnée par sa formation en linguistique, son immersion dans la littérature ancienne et ses convictions sur la façon dont les histoires portent un poids moral et spirituel. Il avait passé des années à créer non seulement une intrigue, mais tout un monde — avec des langues, des histoires et des cultures — qui conférait à la narration une profondeur bien au-delà de sa surface aventureuse.

Quelques mois après la sortie du Hobbit dans les librairies britanniques, Disney a lancé Blanche-Neige et les Sept Nains, le 21 décembre 1937. Ce fut le premier long métrage d’animation de l’histoire — un exploit technique, un pari commercial et un phénomène culturel immédiat. Lorsqu’il est arrivé dans les cinémas britanniques au début de 1938, il représentait tout ce que le divertissement moderne pouvait atteindre: attrait de masse, innovation technologique et succès financier sans précédent.
Ce moment n’était pas une simple coïncidence. Il a présenté au public, en même temps, deux visions radicalement différentes des contes de fées. L’une était la tentative d’un professeur d’Oxford de créer une nouvelle mythologie à partir de traditions narratives anciennes. L’autre était l’effort d’un studio hollywoodien pour transformer de vieux contes en quelque chose capable de remplir des salles de cinéma.
Tolkien et son ami proche, C.S. Lewis, sont allés voir Blanche-Neige ensemble — probablement poussés par la curiosité face à ce film révolutionnaire dont tout le monde parlait. Tous deux étaient des érudits de la littérature médiévale, profondément engagés dans les contes de fées et la mythologie, et prenaient les histoires au sérieux comme porteuses de vérité et de sens, pas comme un simple divertissement.
Aucun d’eux n’a été impressionné.
Lewis a noté dans son journal qu’il trouvait le film “écoeurant”. La réaction de Tolkien était plus profonde — et a duré toute sa vie. Ce qu’il a vu à l’écran l’a perturbé de manières qui ont modelé sa vision des adaptations et de la culture populaire par la suite.

Ce malaise n’était pas technique. Tolkien a immédiatement reconnu le talent de Disney — l’animation était inédite, l’art indéniable, le fait extraordinaire. Ce qui le dérangeait, c’était l’intention, la philosophie, ce en quoi Disney croyait que les contes de fées devraient être.

Pour Tolkien, comme il l’a expliqué soigneusement dans son essai Sur les Histoires de Fées et dans plusieurs de ses lettres, les contes de fées n’étaient pas un divertissement décoratif pour enfants. Ils étaient des outils anciens avec des buts sérieux: affronter la peur, explorer la perte, reconnaître le danger et traiter les conséquences morales à travers le symbole. Ils étaient du mythe — des récits qui portaient des vérités sur la condition humaine de façons que la fiction réaliste ne pouvait pas.
Les contes authentiques, croyait Tolkien, conservaient une qualité qu’il a appelée l'“eucatastrophe” — un retournement soudain et jubilatoire qui semble miraculeux précisément parce que l’obscurité précédente était réelle et terrible. La fin heureuse n’a de sens que si le danger, la peur et la possibilité réelle d’échec étaient présents. Cela ne peut pas être fabriqué uniquement par sentimentalité.
L’approche de Disney, aux yeux de Tolkien, transformait ces récits dangereux et moralement complexes en quelque chose de fondamentalement différent. Les éléments anciens restaient — nains, reines maléfiques, forêts enchantées — mais ils étaient remodelés en sentimentalisme, humour et spectacle, pensés pour une consommation universelle et un succès commercial.

La reine maléfique de Blanche-Neige était clairement mauvaise, totalement vaincue et sans ambiguïté morale. Les nains devenaient un soulagement comique, avec des personnalités facilement exploitables dans des produits dérivés. L’obscurité apparaissait, mais toujours contrôlée, toujours résolue avec facilité, toujours subordonnée au message rassurant que tout irait bien. Les aspérités avaient été poncées.
Pour Tolkien, c’était une forme de corruption. Pas par malveillance délibérée, mais parce qu’ils transformaient quelque chose créé pour un but précis en autre chose, ne conservant que l’apparence extérieure. Comme traduire de la poésie en prose: les mots peuvent être corrects, mais l’essence qui faisait de cela de la poésie se perd.
Dans une lettre de 1964 à un producteur intéressé par l’adaptation de son œuvre, Tolkien a été clair: il disait ressentir une “antipathie profonde” envers le travail de Disney, croyant que son talent — qu’il reconnaissait — semblait “irrémédiablement corrompu”. Toute histoire touchée par Disney, craignait Tolkien, risquait d’être aplatie: morale, mais superficielle; visuellement riche, mais spirituellement vide.
Ce n’était pas de l’animosité personnelle. Tolkien n’a jamais rencontré Walt Disney. Il ne commentait pas son caractère. Son opposition était entièrement philosophique — un désaccord sur ce que sont les histoires, ce qu’elles doivent faire et ce qui arrive quand elles sont modifiées pour atteindre un public plus large.
Le désaccord central était le suivant : Disney croyait que les histoires atteignent leur but ultime lorsqu’elles sont simplifiées pour le public de masse. Les situations morales complexes deviennent une simple lutte du bien contre le mal. Les personnages ambigus deviennent héros ou méchants. Le danger devient gérable, l’obscurité contrôlable, les fins sans équivoque, heureuses. Pour Disney, c’était démocratisant — amener des contes de fées à des millions qui ne liraient jamais les originaux.

Tolkien croyait que les histoires prennent leur force justement en conservant leurs ombres, leurs complexités et leurs dangers. L’ambiguïté morale de Gollum, le vrai danger de la tanière de Laestrygon, des personnages capables de courage et de mesquinerie en même temps — ces éléments n’étaient pas des obstacles à la compréhension. Ils étaient le point central. Ils rendaient les histoires vraies à l’expérience humaine et capables de transmettre un sens réel.
Une des deux visions cherchait à moderniser le mythe, à le rendre accessible et agréable. L’autre voulait protéger le mythe de la modernité, en conservant ce qui le rendait mythologique, et pas simplement divertissant.
Ce n’était pas une nostalgie naïve. Tolkien savait que les histoires changent toujours lorsqu’elles sont racontées. Mais il distinguait les changements organiques, réalisés par des conteurs sincèrement impliqués dans le matériau, des changements imposés par des impératifs commerciaux et des exigences du marché de masse.
Pour lui, les modifications de Disney relevaient clairement de la seconde catégorie.
Cette conviction a profondément façonné la résistance de Tolkien aux adaptations cinématographiques tout au long de sa vie. Il a été approché plusieurs fois pour adapter Le Seigneur des Anneaux et a toujours résisté — en partie parce qu’il craignait, à juste titre, que son œuvre soit “disneyfiée”.

Il imaginait Sam comme un soulagement comique, Gollum comme un méchant simple, des personnages comme Boromir ou Denethor réduits à des catégories claires, Mordor adouci pour un public familial, et des moments d'eucatastrophe fabriqués par sentimentalité plutôt que par un danger réel.
Ces peurs n’étaient pas paranoïaques. Elles se basaient sur la pratique courante à Hollywood et ce que Disney avait fait avec les contes traditionnels.
Pour Tolkien, il vaut mieux peu de lecteurs découvrant la vraie chose que des millions consommant un substitut commercialisé.
La question qu’il a soulevée reste d’actualité :
Quand les histoires sont adaptées pour le grand public, que perd-on ?
Lorsque la complexité morale est simplifiée et l’obscurité domptée, avons-nous encore le même mythe — ou seulement quelque chose qui y ressemble?
Tolkien a passé sa vie à défendre l’idée qu’il devient, dans ce cas, autre chose.
Et tout a commencé, curieusement, avec deux hommes sortant d’un cinéma en 1938, perturbés non pas par l’échec de Blanche-Neige, mais par son immense succès à faire quelque chose que personne ne croyait que les contes de fées devaient faire.
18:50 Publié dans Cinéma, Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : j. r. r. tolkien, walt disney, blanche-neige, mythes, dessins animés, lettres, lettres anglaises, littérature, littérature anglaise |
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vendredi, 19 décembre 2025
Sur la victoire électorale de Kast au Chili

Sur la victoire électorale de Kast au Chili
Qui est José Antonio Kast, l’ultra-droitiste qui, lors de sa troisième tentative, accède à la présidence du Chili?
René Fuchsloscher
Source: https://euro-sinergias.blogspot.com/2025/12/sobre-la-vict...
La victoire du conservateur José Antonio Kast au second tour de l’élection présidentielle chilienne constitue sans aucun doute un tournant politique: avec plus de 58 % des voix face à la candidate communiste Jeannette Jara, l’électorat a opté pour une gouvernance de droite associée à l’ordre, à la sécurité et au contrôle, fermant la voie à un projet de gauche largement perçu comme épuisé. Il s’agit de la victoire la plus large depuis la transition démocratique et elle exprime un rejet net de la narration progressiste dominante des dernières années, ainsi qu’une exigence citoyenne de rectifier la trajectoire dans des domaines tels que la criminalité, l’immigration irrégulière et la dégradation de l’espace public.
Cependant, réduire ce résultat à une simple «victoire contre le communisme» serait une lecture incomplète — et en quelque sorte complaisante — de ce qui est réellement en jeu. Le gouvernement annoncé ne semble pas orienté vers une récupération substantielle de la souveraineté politique ou économique du pays, mais plutôt vers une reconfiguration du pouvoir dans les marges du même ordre mondial. Loin d’un conservatisme national ou d’une droite enracinée dans des intérêts productifs internes, le projet de Kast montre des signes clairs d’alignement avec les réseaux transnationaux du grand capital financier et corporatif.
Dans cette optique, ses voyages à Washington et à New York, ainsi que ses rencontres avec des banques d’investissement, des fonds et des organisations comme le Council of the Americas, fondé par David Rockefeller et traditionnellement plateforme d’articulation entre les élites économiques américaines et l’Amérique Latine, doivent être compris. Ces espaces ne fonctionnent pas comme des forums neutres d’échange académique, mais comme des lieux d’influence idéologique et programmatiques, visant à garantir des cadres réglementaires favorables, une ouverture des marchés sans restriction et la subordination des politiques nationales aux exigences de l’investissement international.
Ce modèle correspond à ce qu’on désigne habituellement par une orientation mondialiste: non un internationalisme solidaire ni une coopération entre nations souveraines, mais l’intégration disciplinée des États dans les circuits financiers mondiaux, où les décisions stratégiques sont prises en dehors du cadre démocratique et loin du contrôle citoyen.
De ce point de vue, le nouveau gouvernement s’approche davantage de la tradition néoconservatrice américaine que d’une droite nationale: conservatisme en matière d’ordre public et de valeurs, combiné à une adhésion presque automatique à l’idéologie globale. Dans ce contexte, l’anticommunisme fonctionne plus comme une ressource rhétorique mobilisatrice que comme une doctrine réelle de confrontation idéologique, surtout dans un pays qui a laissé derrière lui, il y a plusieurs décennies, tout un scénario comparable à la Guerre froide.
Ainsi, la victoire de Kast ne peut pas être uniquement interprétée comme une défaite de la gauche radicale, mais elle doit l'être aussi comme la consolidation d’une droite fonctionnelle à l’ordre économique mondial, qui modifie le discours, durcit le ton sur la sécurité et l’immigration, mais maintient intacte la structure de pouvoir qui limite l’autonomie politique de l’État. Le véritable défi pour ce gouvernement ne sera pas seulement de gouverner avec ordre, mais de prouver qu’il est capable — ou même disposé — à mettre des limites réelles à l’influence du grand capital et aux agendas extérieurs, ou si son mandat se résumera, une fois de plus, à une administration locale de décisions prises ailleurs.
20:34 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, chili, josé antonio kast, amérique ibérique, amérique du sud, amérique latine |
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Le Roi et l'Âme - Le char de l'âme selon Platon, comme image métaphysique de l'empire et de la politique sacrée

Le Roi et l'Âme
Le char de l'âme selon Platon, comme image métaphysique de l'empire et de la politique sacrée
Alexander Douguine
Alexander Douguine explique l'image platonicienne de l'âme et sa signification politique.
Platon part du principe fondamental d'une homologie directe entre le cosmos, l'État et la structure de l'âme.
Dans le dialogue Phèdre, il décrit cette structure tripartite de l'âme à travers les images suivantes:
- Comparons l'âme à la force combinée d'un couple de chevaux ailés et d’un conducteur de chars. Chez les dieux, les chevaux et les conducteurs sont tous nobles et issus des castes nobles, tandis que chez d’autres, ils ont une origine mixte.
- D’abord, notre souverain conduit l’attelage, et parmi les chevaux l’un est beau, noble et issu d’une race noble, tandis que l’autre est son opposé, avec des ancêtres d’une autre nature. Inévitablement, la tâche de gouverner est difficile et laborieuse.
Il est important ici que Platon compare la structure de l’âme humaine à celle des âmes des dieux: elles ne diffèrent l’une de l’autre que par la qualité et la noblesse de leurs parties.
Platon poursuit sa description :
- Au début de cette narration, nous avons divisé chaque âme en trois parties: deux parties que nous avons comparées, du point de vue de la forme, à des chevaux, et la troisième à un conducteur de chars. Que cette division demeure en vigueur également maintenant.
- Parmi les chevaux, nous disons que l’un est bon et l’autre mauvais. Nous n’avons pas encore expliqué en quoi consiste la bonté de l’un ou la méchanceté de l’autre, et cela doit maintenant être dit.
- L’un d’eux, alors, adopte une posture plus noble: droit et bien proportionné en forme, à haute tête, avec une courbure légèrement aquiline au niveau des naseaux, blanc, aux yeux noirs, aimant l’honneur associé à la modération et à la révérence; un compagnon de la vraie opinion, qui n’a pas besoin de fouet, guidé uniquement par l’ordre et la parole. L’autre est tordu, lourd, maladroit, au cou épais et court, aux naseaux retroussés, noir, aux yeux clairs, de sang chaud, compagnon de l’insolence et de la vantardise; hirsute autour des oreilles, sourd et à peine soumis au fouet et aux rênes.
Comme le souligne Platon, les deux chevaux sont inégaux: l’un est meilleur, l’autre pire; l’un est blanc (mais avec un œil noir — melanomatos), l’autre noir (avec un œil clair — glaukómmatos). Ainsi, une hiérarchie s’établit dans l’âme:
- le conducteur de chars (hēnióchos);
- le cheval blanc (to leukón — le bon);
- le cheval noir (to mélanon — le non-bon, le mauvais).
Dans le quatrième livre de La République, Platon approfondit ce thème en définissant les trois composantes de l’âme ainsi:
- le conducteur de chars représente l’intellect (noûs, lógos);
- le cheval blanc incarne le principe spiritualisé (thúmos);
- le cheval noir représente le désir (epithymía).
Platon relie directement ces trois éléments aux trois classes de sa cité:
- la partie supérieure de l’âme correspond aux philosophes-rois (les gardiens);
- le principe spiritualisé correspond aux guerriers (les auxiliaires des gardiens);
- le désir est la force dominante parmi les travailleurs et les paysans (la population de base).


Dans Phèdre, Platon décrit la cause de la chute de l’âme dans le corps comme une conséquence de la révolte du cheval noir. Alors que le cheval blanc obéit à la voix du conducteur, le cheval noir ne le fait pas, et cherche constamment à aller dans une direction opposée à celle de l’intellect. L’âme tombe dans le corps et perd ses ailes précisément à cause d’une impulsion centrifuge intrinsèque en elle-même, incarnée dans le cheval noir, dans la propriété du désir. Il n’y a pas de ligne de démarcation stricte entre le désir et le corps; le corps lui-même est le désir devenu pierre.
Mais d’un autre point de vue, le cheval noir est relié au blanc: tous deux sont des chevaux, bien que d’origine différente, comme le souligne Platon. Les deux qualités — thymos (θυμός) et éthymie (ἐπιθυμία) — dérivent d’une seule fondation, du mot thymos, qui pour les Grecs servait aussi de synonyme de l’âme. La racine indo-européenne de ce mot, dʰuh₂mós, signifiait à l’origine «fumée», une signification associée au feu et à l’air. Le désir, donc, est avant tout esprit; mais si la virilité (thymos), la plus haute vertu martiale, est le désir dans sa forme pure, alors le désir (epithymía) est le désir chargé, durci et condensé. La pure virilité mène à la destruction (vers la corporéité); d’où la vocation des guerriers à supporter la mort. La virilité chargée, ou le désir, mène à la création; d’où la vocation des paysans et des artisans à créer des produits et des choses, ainsi qu’à engendrer des enfants.
Le roi-philosophe est celui chez qui le conducteur de chars est pleinement capable de subordonner les deux chevaux et de diriger la course du char vers le haut, verticalement. C’est dans cette direction même que l’État est construit — le long de l’axe entre le Ciel et la Terre, vers le Ciel. L’Empire est une échelle menant vers le Ciel.
Selon Platon, la politique est une structure d’ascension anthropologique, correspondant à l’élévation de l’âme et à la purification de ses propriétés. C’est précisément cette connexion immédiate entre l’être et la politique qui rend la cité, dans la compréhension platonicienne, sacrée.
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Comment s’est formé le Système globaliste et comment fonctionne-t-il ?

Comment s’est formé le Système globaliste et comment fonctionne-t-il ?
Pierre-Emile Blairon
Nous traversons une période fort troublée de la vie politique française et internationale ; il me paraît judicieux de faire apparaître, ou de rappeler, quelques repères auxquels nos concitoyens désemparés pourront se référer dans une société où la violence (violence de rue et violence d’Etat), le mensonge, la manipulation et la trahison règnent en maîtres à tous les niveaux.
Le Système globaliste
Le Système globaliste s’est appuyé sur les fondations structurelles des sociétés traditionnelles multimillénaires pour constituer son propre squelette; il a méthodiquement et lentement inverti, perverti et corrompu (comme on dit qu’un métal comme le fer, sous l’effet du temps et des intempéries, se corrompt, rouille et finit par disparaître) toutes les bases et l’organisation établies pour qu’une société humaine puisse vivre et prospérer, afin de lui substituer ses propres critères; il s’agit bien d’un «grand remplacement» mais qui va beaucoup plus loin que l’homogénéité d’une population.
Les bases et l’organisation des sociétés traditionnelles étaient constituées de règles fonctionnelles et morales qui formaient l’armature de la société; c’est donc cette armature qui va être remplacée ou, plus exactement, dissoute, afin de lui substituer un ordre qui ne sera basé sur aucun des critères précédents. Les sociétés traditionnelles étaient fondées sur le principe que les élites aristocratiques (aristocratie: gouvernement des meilleurs) avaient pour mission de gérer une population humaine et une nature qui était notre alliée; dans le nouveau paradigme qui nous est imposé, ni l’humain ni la nature ne sont pris en compte. Quant à «l’élite», elle n’existe plus, il ne s’agit plus que de prédateurs du monde vivant.
J’ai pris comme exemple de l’organisation de ces anciennes structures la société française dont les règles étaient constituées par les systèmes politiques de gestion de cette société (1) en ne remontant pas plus loin que la période qui nous est contemporaine et qui, donc, est parfaitement déliquescente.
Cet exemple est valable pour tout type de société organisée de l’aire (et de l’ère) occidentale (2).

La scène politique française
La scène politique française contemporaine est une saga où on retrouve toujours les mêmes personnages, comme dans un feuilleton américain qui n’en finit pas; certains sont là depuis près de 50 ans, comme Fabius, Juppé ou Bayrou.
Traînant quantités de casseroles qui font un boucan de tous les diables mais que les oreilles chastes de nos concitoyens ne veulent pas entendre (3), ils se sont réparti les postes dans les diverses institutions françaises qui sont autant de sinécures (Conseil d’Etat, Conseil constitutionnel, Cour des comptes, Conseil économique et social…) ou bien ont été nommés, pour les «récompenser» de leur docilité, à des postes d’administrateur de grandes sociétés.
Cette «promotion» ne demande pas de compétences particulières, qui seraient de toutes façons inutiles puisqu’il s’agit juste de rémunérer leur assiduité par des jetons de présence, ce qui constitue déjà un progrès – et une (relative) contrainte - pour ceux d’entre eux qui sont d’anciens élus, députés ou sénateurs, où leur présence aux séances plénières ne sont pas obligatoires et où celle en commission est «excusée» sans problème et sans sanction.
S’il est un panneau dans lequel les Français tombent systématiquement depuis des décennies, c’est bien celui de l’appel des sirènes qui revêtent leurs plus beaux atours démocratiques à chaque élection en vue de les séduire et les pousser à se rendre aux urnes. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les Français persistent à voter pour les mêmes charlatans qui s’empresseront, une fois élus, d’oublier les vœux de leurs électeurs. C’est l’attitude habituelle des vieux routards de la politique et les Français se prêtent sans objection (mais sûrement pas en toute lucidité) à ce qui semble désormais constituer un «rituel» où chacun joue son personnage.
Du côté des «nantis», le blanc-bec ne sait pas encore qu’arriver à franchir les portes de l’Assemblée nationale ou du Sénat en tant que nouvel élu, qu’individu politique, en tant que politicien (croit-il), signifie qu’il a frappé à une porte où il ne fallait pas frapper sous peine de perdre sa virginité, que la porte lui a été ouverte sous condition, qu’il est accepté dans sa nouvelle famille mais qu’il devra se plier aux règles de la pièce de théâtre qu’il s’apprête à jouer en tenant un rôle bien précis qu’on lui aura expressément indiqué et auquel il sera tenu de se cantonner.

A vrai dire, il ne s’agit pas d’une pièce de théâtre; il s’agit d’une secte qui contraint tous ses membres ; pire, plus que d’une secte, il s’agit d’une mafia très exigeante qui n’admet aucune trahison car cette mafia EST la trahison (4), ne vit que pour, et que de, la trahison, et elle n’accepte aucune concurrence et aucune dérogation à ses règles.
Cette réception dans la secte est entérinée par le représentant du groupe politique auquel appartiennent ses députés, qui les engage à suivre ses directives et ceux de la secte sous peine d’exclusion.
Le nouvel élu fait désormais partie du Système et il lui sera demandé inévitablement de trahir ses électeurs, dont les souhaits généralement fort pragmatiques ne correspondent en rien aux objectifs de cette caste, ce qui fera qu’il passera la majeure partie de son temps à mentir et à se justifier, la main sur le cœur, à tromper ses électeurs et à leur promettre monts et merveilles, promesses qu’il n’a aucune intention, ni même aucune possibilité (5), de tenir sous peine de se voir exclu de son groupe, l’exclusion étant un moindre mal, si l’on tient compte des récents «suicides» qui ont alerté les Français les plus éveillés sur les agissements du monde politique français presque entièrement soumis à ce véritable «syndicat du crime» (6).
Mais, au-delà de cette école de la trahison, de la perversion et du mensonge qui formate les futurs psychopathes qui vont diriger notre pays, nombre de ces derniers auront également subi divers examens de passage, une initiation qui les formera aux pratiques les plus abjectes qui ont cours dans les cénacles plus hermétiques des maîtres de ce monde qui ne fixent aucune limite, morale ou sociétale, à leurs dépravations et exigent de leurs affidés la même attitude.
De la sorte, une grande partie du personnel politique sera vulnérable au chantage qu’aura exercé la Secte mondialiste sur ses adeptes, puisque beaucoup d’entre eux, peut-être plus ambitieux que les autres, et surtout plus dépourvus de scrupules, auront été contraints de passer sous les fourches caudines de ces débordements pervers de tous ordres, débordements dûment filmés.
Le Système globaliste a fait en sorte de dépasser très largement le strict domaine politique pour investir tous les pans de la société ; l’affaire Epstein et ses ramifications en France avec son correspondant Brunel (l’un et l’autre «suicidés») et dans le monde nous rappelle que les champs de l’art (architecture, sculpture et peinture contemporaines), du sport (Jeux olympiques), de la jet-set (famille royale d’Angleterre), ou du spectacle (chanteurs promouvant les spectacles satanistes, pègre hollywoodienne) ont été largement contaminés.
Si vous adaptez cette grille de lecture aux événements douloureux qui se produisent actuellement, notamment avec l’affaire des abattages de bétail, vous serez à même de mieux comprendre les positions de chacun et les enjeux en cours mais, surtout, vous aurez définitivement rompu avec la naïveté de ceux – la très grande majorité des Français – qui avalent tout crues (dans les deux sens du terme) les informations des médias de propagande subventionnée appartenant tous à seulement dix oligarques français, ce qui induit la monopolisation, l’uniformité, la partialité de l’information et, surtout, son imposture.
Pierre-Emile Blairon
Notes:
- (1) La « politique » définit ce qui appartient au domaine de l'organisation d'un État et à l'exercice du pouvoir dans une société organisée.
- (2) Voir la définition de l’Occident, par exemple, dans cet article : Trump veut-il vraiment en finir avec la guerre en Ukraine? « L’Occident comprend les Américains de l’Etat occulte, dit « profond », la CIA, l’Otan, et leurs satellites : l’Union européenne, l’Israël sioniste, le Mossad. »
- (3) L’exemple le plus flagrant et le plus navrant est celui de l’enthousiasme suscité par la parution du livre de Nicolas Sarkozy décrivant les « épreuves » que ce répugnant personnage passible plusieurs fois de haute trahison, a traversées pendant… 20 jours en prison; voir l’article du 15 décembre 2015 de Georges Gourdin sur Nice Provence Info à ce sujet : Mais qui sont ces gens qui poireautent pour un autographe de Sarkozy ?
- (4) Mafia : groupe occulte de personnes qui se soutiennent dans leurs intérêts par toutes sortes de moyens (Larousse).
- (5) 90% des promesses de ces élus français ne seront pas tenues – et ils le savent !- puisque tous les groupes présents à l’Assemblée nationale et au Sénat sont partisans de l’Union européenne qui fixe ses propres lois en fonction de ses propres intérêts, qui sont des intérêts globalistes qui vont à l’encontre des intérêts nationaux et les impose aux Etats membres.
- (6) On peut revoir avec profit le film d’Henri Verneuil, I comme Icare.
16:39 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : actualité, système globaliste, france |
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Remettre la beauté dans la cité: une condition pour une société bonne

Remettre la beauté dans la cité: une condition pour une société bonne
Pierre Le Vigan
Etre conservateur ? Voire. Tout ne doit pas être conservé de notre monde. Il y a des choses contre lesquelles il nous faut réagir. Et des révolutions sont nécessaires, comme les non conformistes des années trente l’avaient déjà bien vu. Mais il serait fou de ne pas vouloir conserver ce qui fait que nous avons été un peuple grand et créateur. Une certaine conception de la beauté. Conserver : c’est prendre sous sa garde et c’est servir. Conserver intelligemment, c’est d’abord pérenniser.
Mais si le mot d’ordre « il faut conserver la beauté » parait simple, il ne l’est pas. Il suppose que la beauté soit un bien commun, donc partagé. Ce n‘est pas une évidence, ou plutôt, ce n’est plus une évidence. Nous sommes dans une époque de subjectivisme: de « tout à l’ego », dit Rémi Brague. Qui définit la beauté ? Et comment définir la beauté ? Ces questions touchent à ce qui nous unit, ou à ce qui devrait nous unir. Car nous sommes malheureusement dans une société de déliaison. La beauté est donc une notion à repenser. Il ne s’agit pas ici de philosopher une fois de plus avec la beauté, ou de « philosopher avec l’histoire de l’art » (Audrey Rieber) mais de clarifier cette notion de beauté et d’esquisser un programme de son bon usage. N’oublions pas que délibérer vient de « soupeser » et que la pensée est elle-même toujours une « pesée ». Que pèse la beauté et comment la soulever, la manipuler, en faire quelque chose ? Si l’Idée est dans le ciel, elle nous sert, comme une étoile, de point de repère quand nous marchons, et nous marchons sur la terre.
Levons tout d’abord une hypothèque. La beauté concerne l’art mais pas seulement. Peinture, architecture, musique: tout cela a à voir avec la beauté. Mais la nature aussi est concernée par la question de la beauté. C’est ce que l’on appelle la beauté naturelle. Elle nous est donnée. Encore faut-il que nous la voyons. C’est une montagne, un lac, un simple cheminement dans la nature, ou c’est une vieille ville dans laquelle, pourtant, la raison première des constructions n’a pas été de « faire du beau » mais de remplir des fonctions utiles. Tout cela peut relever de la beauté. Elle est donc question de perception. Mais quelles sont les raisons de cette perception ?
C’est là que les choses se compliquent.
Une théorie nous dit que des choses sont perçues comme relevant du beau pour des raisons internes à la chose. Et ce dans le domaine du regard (peinture, sculpture, architecture), comme dans celui de l’audition (musique). Ce sont des qualités intrinsèques à la chose qui la font paraitre belle : des proportions, une harmonie, un équilibre, etc. Le sculpteur grec Polyclète avait déjà dit que la beauté était question de proportion. L’harmonie comme critère du beau : c’est ce qu’avait dit aussi Pythagore. De son côté, Edmund Burke nous dit : « L’ordonnance des édifices religieux est fondée sur la “symétrie”, dont les architectes doivent respecter le principe avec le plus grand soin… Aucun temple ne peut effectivement présenter une ordonnance rationnelle sans la ‘’symétrie” ni la ‘‘proportion”, c’est-à-dire si les composantes n’ont pas entre elles une relation précisément définie, comme les membres d’un homme correctement conformé. » (Recherche philosophique sur l'origine de nos idées du sublime et du beau, 1757). Tout est question de proportion : « La proportion consiste en la commensurabilité des composantes en toutes les parties d’un ouvrage. », nous dit encore E. Burke. Bien avant Burke, à la Renaissance, Luça Pacioli, moine et géomètre, avait développé la théorie du nombre d’or: 1/1,618 (De divina proportione, 1509). La beauté vient donc de la chose même et d’abord des proportions. Telle est la première hypothèse sur le pourquoi de la beauté.


Mais tout le monde ne partage pas ce point de vue. Une deuxième théorie voit le beau dans un facteur externe à la chose même. Le beau relèverait de la subjectivité de chacun, de la perspective de chacun. Le regard, l’ouïe de chacun serait à l’origine du beau. C’est donc une affaire personnelle et surtout une affaire de perspective, une question de point de vue. A chacun son idée du beau: en peinture, en musique, en architecture, en danse, etc. En ce sens, dans cette théorie, il n’y a plus de beau en commun. Il peut être une simple affaire de statistique : nous sommes peut-être nombreux à trouver belle telle œuvre ou tel paysage, mais il n’y a pas pas de critère autre que subjectif.
La beauté vient-elle donc des choses mêmes ou de l’effet que nous font certaines choses en fonction de ce que nous sommes et de notre état d’esprit présent ? Ce sont les deux théories qui se confrontent.
* * *
Pendant très longtemps, la théorie du beau comme interne à la chose a été privilégiée. « De là, la raison se dirigea vers les œuvres des yeux et, embrassant la terre et le ciel, se rendit compte quelle n’aimait rien d’autre que la beauté, et dans la beauté les figures, dans les figures les proportions, dans les proportions les nombres », dit Saint Augustin. Dieu a créé le monde beau, et dans ce monde, il a créé les choses belles. La raison fait ce constat. La beauté est interne au monde car Dieu l’a mis dans le monde. Pour Alberti (1404-1472), nature, raison et beauté forme un ensemble. La beauté est une affaire de convenance, une « harmonie réglée par une proportion déterminée, qui règne entre l’ensemble des parties du tout auquel elles appartiennent » (L’Art d’édifier). La beauté est « l’accord et l’union des parties d’un tout auquel elles appartiennent ». On retrouve les mêmes règles pour la peinture, la sculpture et même l’éloquence. Quant à l’origine même des choses, elle est, comme le suggère le trytique évoqué plus haut, dans la nature même.


La vision d’Alberti est ici conforme à ce que dit Aristote : « en général les choses adviennent absolument, les unes par changement de forme, par exemple une statue, d’autres par addition, par exemple les choses qui croissent, d’autres par soustraction, par exemple l’Hermès à partir de la pierre, d’autres par composition, par exemple une maison, d’autres par altération, par exemple les choses qui changent du point de vue de la matière » (Physique, I, 7, 190 b trad. Pierre Pellegrin). Il en est de même pour les choses prétendant à l’art, c’est-à-dire, pour les Anciens, visant à la beauté. Pour Léonard de Vinci (Traité de la peinture, notes prises à partir de 1490), la peinture relève des proportions et est ainsi liée aux mathématiques. Là encore, nous sommes là dans une conception de la beauté comme intrinsèque aux choses. Les choses belles sont celles qui répondent à des critères internes de beauté. C’est une beauté objective. Un plafond peint est objectivement beau pour des raisons de proportion, d’harmonie, d’équilibre entre les masses, les couleurs, etc, et dans le mesure où il répond à ces exigences d’harmonie.
David Hume remet cela complètement en question. Selon lui, la beauté est subjective, elle relève du goût et de la jouissance que nous procure quelque chose : un tableau, un paysage, une musique. « La beauté n'est pas une qualité inhérente aux choses elles-mêmes, elle existe seulement dans l'esprit qui la contemple, et chaque esprit perçoit une beauté différente. » (De la norme du goût, 1757). Le beau est affaire de goût. Pour autant, ce goût, s’il est subjectif, n’est pas arbitraire. Il est façonné par des règles et celles-ci trouvent leur origine dans l’expérience. « Le fondement de ces règles est le même que celui de toutes les sciences pratiques, l’expérience. Elles ne sont que des observations générales sur ce qu’on a vu universellement plaire dans tous les pays et à toutes les époques. » (Essai sur la règle de goût, 1757). Chacun se dirigera vers ce qui lui procure du plaisir, mais il ne faut pas y voir un hédonisme primaire : ce qui procure du plaisir à un tel peut être la rigueur, l’exactitude, la vertu. On peut jouir de l’austérité des formes, des volumes, des couleurs.
Kant propose une théorie qui tente la synthèse des deux premières : la beauté intrinsèque aux choses et la beauté comme relevant des goûts subjectifs. Pour Kant, la théorie des goûts subjectifs concerne l’agréable et non pas le beau. L’agréable est relatif à l’expérience de chacun, il est parfaitement subjectif, en matière de cuisine ou d’odeur. Mais le beau relève par contre d’une certaine objectivité. « Le beau est ce qui plait universellement sans concept. » (Critique de la faculté de juger, 1790). Universellement. Dés lors, il est peut-être subjectif mais il plait à tous, ce qui veut dire qu’il y a des critères universels au beau. « Ce qui est simplement subjectif dans la représentation d’un objet, c’est-à-dire ce qui constitue sa relation au sujet et non à l’objet, c’est sa nature esthétique » (Introduction à la Critique de la faculté de juger, 1790).
L’esthétique est, conformément à son étymologie grecque, ce que nos sens perçoivent, ou encore ce qui affecte nos sens. Pour Kant, le beau existe objectivement comme objet mais nous le percevons subjectivement. Bien que le jugement de goût, dont relève le beau, ne soit pas un jugement de connaissance (contrairement à un jugement tel que « le chat est un félin »), ce n’est pas pour autant un jugement purement subjectif. «Le beau est représenté sans concept comme objet d’une satisfaction universelle.» Cette satisfaction n’est pas exactement l’agréable, elle est le respect. En ce sens, si le beau ne relève pas de la raison pratique, c’est-à-dire du devoir-faire, il y a tout de même une notion de devoir qui intervient, qui est le devoir admirer. Une forme de convenance sociale, voire de décence sociale qui ne se réduit pas à la théorie de la distinction qui sera celle de Pierre Bourdieu. C’est le respect d’un en-commun et le respect d’une transmission.
Le beau ne se confond donc pas ce qui donne du plaisir, nous dit Kant. Il est par ailleurs strictement désintéressé, ce qui renvoie à sa distinction d’avec l’agréable. « La satisfaction qui détermine le jugement de goût est désintéressée » (Kant, Critique de la faculté de juger, 1790). On ne trouve pas beau un tableau parce que on va se l’offrir, et/ou parce que c’est un bon placement. Le beau n’a aucune utilité. Il doit « plaire sans intérêt ». En ce sens, le beau dans la nature est plus authentiquement beau que le beau humain, celui de l’art, car un tableau est fait pour être vu, pour obtenir au moins un succès d’estime, de même qu’une pièce de musique est faite pour être jouée, et si possible devant un public choisi, de qualité, de même qu’un discours est fait pour susciter les applaudissements, etc. On verra que c’est le contraire du point de vue de Hegel, pour qui le seul vrai beau et le produit de l’homme.
Le beau a aussi des limites hautes pour Kant : ce qui est au-delà. Ce qui est trop beau pour rester simplement beau. C’est le sublime – une notion qui a été développée avant Kant par Edmund Burke (Recherche philosophique sur l'origine de nos idées du sublime et du beau, 1757), et que l’on trouvait déjà chez différents auteurs, tel Nicolas Boileau. Or, le beau n’est pas le sublime, car le sublime excède l’entendement. Le beau et le sublime touchent, certes, tous deux l’âme, mais le sublime le fait avec violence. Il est « trop beau » pour être raisonnable. Le sublime est mélé d’effroi. Il est inévitablement violent. « (…) le beau et le sublime ne donnent-ils lieu qu'à des jugements particuliers, mais qui s'attribuent une valeur universelle, quoiqu'ils ne prétendent qu'au sentiment de plaisir, et non point à une connaissance de l'objet. Mais il y a entre l’un et l’autre des différences considérables. Le beau de la nature concerne la forme de l’objet, laquelle consiste dans la limitation ; le sublime, au contraire, doit être cherché dans un objet sans forme, en tant qu’on se représente dans cet objet ou, à son occasion, l’illimitation. » (Kant, Critique de la faculté de juger, II, 23). Le sublime ouvre sur un gouffre, à la différence du beau. Le sublime est ce qui déborde. « L'esprit se sent mis en mouvement dans la représentation du sublime dans la nature, en revanche, dans le jugement esthétique sur le beau dans la nature, il est dans une calme contemplation » (Critique de la faculté de juger). Kant dit encore : « Le sublime émeut, le beau charme » (Observations sur le sentiment du beau et du sublime, 1770).
Le beau est par définition ce qui plait universellement (on peut toutefois se demander dans quelle mesure Kant prenait en compte l’existence de civilisations non européennes). Mais cet universel reste néanmoins subjectif à sa façon. Il n’est pas un jugement de connaissance comme « Un chat a des vibrisses ». Le beau qui croit parler d’une chose, - comme la phrase « Cette montagne est belle » - ne nous dit en fait rien de cette montagne (s’agit-il du Mont Blanc, du Puy de Sancy, du Ballon de Guebwiller?). Mais cette phrase dit quelque chose de celui qui est affecté par le spectacle de la montagne. Elle dit cela et seulement cela. Il (le sujet) a trouvé cela beau, que cela soit une grande montagne ou une petite montagne. Pour autant, ce subjectif, ce jugement personnel vise à une universalité. Quand l’un d’entre nous dit d’un paysage : « C’est beau », il pense que cette affirmation est non seulement audible par autrui, mais raisonnablement partageable. L’art, le beau et la sensibilité sont liés (Alexander G. Baumgarten, Esthétique, 1750).
Il est entendu que ce serait rompre une sorte de pacte social implicite que ne pas trouver belle la vue du Pic du Midi, ou beau un tableau de Degas ou de Cézanne. En ce sens, il y a une universalité subjective que David Hume lui-même, pourtant subjectiviste et donc théoriquement individualiste, reconnaissait puisqu’il estimait que certaines œuvres sont amenées, en fonction de l’acquisition par chacun d’un « bon goût » esthétique à être appréciées par tous et à différentes époques. L’approche subjectiviste et nominaliste du beau trouve ses limites quand on affirme que par l’éducation, tout le monde doit se retrouver d’accord pour trouver belles certaines choses ou certaines œuvres.
* * *
Dans toutes ses théories, il y a un manque, et c’est la théorie la plus originelle du beau. Il n’aurait rien à voir avec l’agréable ni avec la subjectivité. Il ne renverrait pas non plus à des qualités propres à l’objet, internes à celui-ci. Le beau, ce serait le vrai. Ce serait la vérité de la chose mais aussi la justesse de notre rapport à la chose. C’est la théorie de Platon. C’est aussi celle de Hegel : « Le beau c’est l’éclat du vrai ». C’est un point de vue que l’on trouvera aussi chez Jules Lequier pour qui le beau, c’est l’éclat de la raison, ce qui n’est pas très éloigné, et chez Jules Lachelier, pour qui la beauté est une expérience de l’esprit qui recherche le vrai. Nous sommes, là encore, dans la lignée de Platon. Il faut donc faire retour à lui.
Pour Platon, le beau, c’est le vrai et c’est aussi le bien, ou au moins l’éclat du bien. Le beau n’est donc pas que l’apparence du beau, ni la belle représentation d’une belle chose. Il est le chemin vers le bien et le vrai. « La puissance du bien s’est réfugiée dans la nature du beau », dit Socrate (Platon, Philèbe ou Sur le plaisir, 64 e). La puissance du bien n’est pas tout à fait le bien, mais est le bien comme possibilité et potentialité. Mais précisément, comment saisir qu’il est possible ? « Si donc nous ne pouvons saisir le bien sous un seul caractère, saisissons le sous trois : beauté, proportion, vérité, et disons que par là comme s’il s’agissait d’un seul terme, nous pouvons indiquer avec certitude les causes des qualités du mélange et déclarer que si cela est bon, le mélange est tel lui aussi. » (Philèbe, 65 a). Par contre, le beau n’a rien à voir avec le plaisir et l’agréable. Il faut même prendre garde quand l’agréable est présent. Cela est signe de vulgarité. Le plaisir est en effet sans limite (illimité : apeiron). Or, seul ce qui est limité est beau pour les Grecs. Le beau ne peut être que limite et mesure. Il y a une clôture du beau.
Un autre aspect du beau chez Platon est le refus de tout perspectivisme. Le beau n’est beau qu’en absolu, non quand il est conçu pour être vu d’un point de vue humain (Sophiste 235-237). Il faut, pour voir le beau, se déprendre de toute perspective (c’est l’opposé de ce que sera la position de Nietzsche). Pour Platon, il peut être nécessaire de prendre en compte une perspective et donc, par exemple, de déformer une statue pour séduire le goût commun, pour tenir compte du lieu à partir duquel on aura une vue sur elle, mais cela n’a aucun rapport avec la beauté véritable. C’est une apparence, et une apparence est du non-être. C’est du sophisme, c’est-à-dire non pas du savoir mais un mime du savoir. Une habileté sociale et langagière. C’est aussi de la rhétorique, c’est-à-dire une tentative de séduire, de convaincre d’une beauté qui n’est pas vraiment là. Cela relève donc de l’opinion (doxa) et non de la vérité. Or, la vraie beauté, la seule beauté doit se fonder sur la rectitude du jugement, sur le vrai (Les Lois, 667 c-669 b): «Aucune imitation ne doit se juger d’après le plaisir». Du reste, l’imitation est conforme à l’ordre naturel mais en dessous de l’ordre du vrai et du bien.
Le seul critère doit être le vrai. «(…) Préférer la beauté à la vertu, écrit encore Platon, ce n'est pas autre chose que déshonorer son âme réellement et entièrement ; c'est en effet dire, contre toute vérité, que le corps est plus estimable que l'âme» (Les Lois, livre V). Pour le dire autrement, il n’y a de vraie beauté que la vertu. Et la vertu consiste dans la rectitude de l’artiste, c’est-à-dire dans son sens exact des proportions, hors toute mise en perspective. C’est la proportion absolue – indépendante des perspectives humaines, par définition changeantes – ou encore l’harmonie dans l’absolu qui doit être sa règle de travail. La seule apparence des proportions, au prix d’artifices, serait une tromperie (ce qui renvoie à la condamnation de la séduction du goût commun évoquée plus haut). Pour trouver le vrai, les sciences sont nécessaires : la science des nombres, la géométrie, l’astronomie (La République, 491-494). De plus, l’harmonie est nécessaire pour trouver le bien et le vrai mais ne suffit pas. Il faut que le regard se lève des choses du bas pour aller vers les choses du haut, c’est-à-dire vers la science, c’est-à-dire les Idées ’’en soi’’ (par opposition au ’’pour soi’’ de toute perspective, pour le dire en langage post-platonicien, et en l’occurrence kantien).
Mesure, proportion, intellect : telles sont les trois étapes nécessaires pour accéder au bien et au vrai. Ecoutons Platon : « Socrate – Ainsi tu publieras partout, Protarque (…) que le plaisir n’est ni le premier, ni le second bien ; mais que le premier bien est la mesure, le juste milieu, l’à-propos, et toutes les autres qualités semblables, qu’on doit regarder comme ayant en partage une nature immuable. (…) Que le second bien est la proportion, le beau, le parfait, ce qui se suffit par soi-même, et tout ce qui est de ce genre. (…) Autant que je puis conjecturer, tu ne t’écarteras guère de la vérité en mettant pour le troisième bien l’intelligence et la sagesse. » Platon poursuit : « (…) N’assignerons-nous point la quatrième place à ce que nous avons dit appartenir à l’âme seule, aux sciences, aux arts, aux vraies connaissances, [66c] s’il est vrai que ces choses ont une liaison plus étroite avec le bien que le plaisir ? (…) Au cinquième rang, mettons les plaisirs que nous avons distingués des autres comme exempts de douleur, les nommant des perceptions pures de l’âme qui tiennent à la suite des sensations. (…) A la sixième génération, dit Orphée, mettez fin à vos chants. Il me semble pareillement que ce discours a pris fin au sixième jugement. Il [66d] ne nous reste plus qu’à couronner ce qui a été dit. » (Philèbe, 66 a-d, trad. Victor Cousin).
Voilà donc quels sont les biens qui mènent au Bien, au Beau, au Vrai. L’énoncé de ce chemin – mesure, proportion, sagesse, écoute de l’âme – répond à la question qui est débattue dans l’Hippias majeur ou De la beauté. Dans ce dialogue, Socrate interroge Hippias sur ce qu’est le beau. Hippias répond par un exemple: «une jeune vierge» c’est-à-dire «une belle jeune fille». Mais Socrate attend une réponse qui ne soit pas un exemple. Il voudrait savoir ce qui rend une chose belle. C’est pourquoi il émet l’hypothèse que le beau pourrait concerner des choses à laquelle on ne s’attend pas. Par exemple une marmite. Pour Socrate, une marmite peut être belle. Hippias ne voit pas les choses ainsi. Il voit de belles choses, mais ne voit pas comment des choses peuvent devenir belles. Il ne répond qu’à la question «Qu’est ce qui est beau?» et non à la question «Qu’est-ce que le beau?».
C’est ce que nous dit ce dialogue, dans lequel Socrate cherche des arguments pour convaincre non Hippias mais un supposé interlocuteur qui est absent. « Hippias – Tu sauras donc, puisqu'il faut te dire la vérité, que le beau, c'est une belle jeune fille. Socrate – Par le chien, Hippias, voilà une belle et brillante réponse. Si je réponds ainsi, aurai-je répondu, et répondu juste à la question, et n'aura-t-on rien à répliquer ? Hippias – Comment le ferait-on, Socrate, puisque tout le monde pense de même, et que ceux qui entendront ta réponse te rendront tous témoignage qu'elle est bonne ? Socrate – Admettons... Mais permets, Hippias, que je reprenne ce que tu viens de dire. Cet homme m'interrogera à peu près de cette manière : “Socrate, réponds-moi : toutes les choses que tu appelles belles ne sont-elles pas belles parce qu'il y a quelque chose de beau par soi-même?” Et moi, je lui répondrai que, si une jeune fille est belle, c'est qu'il existe quelque chose qui donne leur beauté aux belles choses. » (Hippias majeur, 287d-288 e). Les choses sont ainsi on ne peut plus claires : pour Socrate, il y a quelque chose qui peut rendre les choses belles, la jeune fille tout comme la marmite. Ce quelque chose, c’est l’Idée de la beauté. Et c’est en tant qu’une chose participe à cette idée de la beauté qu’elle peut devenir belle.
Participer à l’Idée de la beauté nécessite d’être dans le vrai et dans l’harmonie. On assimile souvent cela à être dans le bien. Cette interprétation est recevable, mais au sens où c’est être dans le bien qui est cause de l’harmonie, de la proportion et de la vérité, et donc au final de la beauté. Le bien est cause du beau, mais, en même temps, le beau est un repère : il fait signe vers le bien. Il nous indique où est la demeure du bien. Il aide à accoucher du bien, et c’est en cela qu’il est beau (osons dire : c’est en cela que le beau est beau). Le bien, qui est notamment le bien-faire, le bien travailler, permet le beau, qui se met lui-même au service du bien. On aurait tort de croire périmées les leçons de Platon. Faire coïncider le beau et le bien reste un objectif. Ajoutons y la force et la passion. Car il n’y a de beau et de bien que dans la force, l’énergie et la passion. Cette indispensable passion sans laquelle rien de grand ne se fait, avait remarqué Hegel.
* * *
Au terme de cette rapide enquête, il est possible de tirer quelques conclusions : que faire de la beauté ? Quelle place lui accorder? De la beauté, il faut faire une exigence - et non un pourcentage (le 1% artistique). De là, quelques points de repères s’imposent pour lui donner sa place.
1 – L’art n’est pas le beau. L’art peut certes être beau. Mais il peut aussi être autre chose. Il peut émouvoir, séduire, intéresser, voire déranger. Ce dernier aspect est très à la mode. L’art doit être « dérangeant ». Oublions cette coquetterie moderne. En tout état de cause, l’art tel qu’il est aujourd’hui ne relève ni du beau objectif – conçu selon des lois d’harmonie et de proportion – ni du beau universellement subjectif, perçu comme tel par tous. Le grand récit universel de l’art n’est que celui de l’Occident, et tout le monde l’a maintenant compris. Les arts ne suivent pas la pente du progrès comme le font les sciences, contrairement à ce que pensait Charles Perrault, à l’encontre de Nicolas Boileau, La Bruyère, La Fontaine.
2 – Le beau, non seulement ne se réduit pas à l’art, mais concerne bien des domaines. C’est le cas de la beauté dans la nature. C’est le cas de la beauté dans le quotidien, et notamment dans l’artisanat. C’est précisément dans ces domaines que la beauté manque le plus. Trop de technique répétitive, industrielle.

3 – Le beau est un enjeu social. Les bâtiments dans lesquels nous vivons, nous travaillons, nous consommons nous concernent tous. La production du beau n’est pas principalement une question d’artistes. Elle concerne les artisans et l’industrie, y compris bien entendu celle du bâtiment, qui a connu, comme l’a bien vu Françoise Choay, une révolution par l’industrialisation. Le beau a vocation à être dans la rue plus que dans les musées. Nous en sommes loin.
4 – Le beau est aussi une question qui concerne chacun. Il n’est pas raisonnable de demander du beau dans la rue quand on se promène en short dans une ville. C’est à chacun, à défaut de produire du beau, de ne pas ajouter à la laideur ambiante.
5 – Le beau est une question de civilisation. Le beau européen exclut ainsi la burqa, la djellaba, la casquette du rapeur, les robes d’indiennes, etc. Il y a d’autres « beau » que le beau européen, mais ils sont faits pour les pays non européens. En Europe, fais comme les Européens.
Pour la pensée progressiste, il n’y a pas de bien et de mal, il n’y a que du moderne, qui doit être remplacé par du toujours plus moderne. Il y a le progrès, qui est moderne, et la réaction, qui est toujours à proscrire, quand bien même estimerait-elle être une réaction contre le laid ou le mal. Pour la pensée conservatrice, celle qui veut conserver non pas tout ce qui est contemporain, mais ce qui le mérite, c’est-à-dire ce qui relève des permanences de notre civilisation, et pour tout dire de notre être, il y a du bien et du mal, du beau et du laid. Et non pas du moderne et du réactionnaire. C’était et c’est toujours la pensée des Anciens. Ce n’est pas la pensée d’avant, c’est la pensée de toujours.
De ce point de vue, qui refuse la dictature de la néophilie, le beau peut être du nouveau. Mais le nouveau n’est pas beau par le simple fait qu’il soit nouveau. L’enjeu du beau déborde aussi sur le sens de la vie. Konrad Lorenz écrit : « le sens esthétique et le sens moral sont manifestement étroitement liés » (Les huits péchés capitaux de notre civilisation, 1973). Vivre dans la laideur ne pousse pas à penser hautement. Ce qui pose la question fondamentale de la beauté nécessaire de notre « cadre de vie », de la qualité esthétique de notre environnement. La beauté est une question sociale. Elle est même souvent la forme que prend la question sociale.
* * *


Pierre Le Vigan est né en 1956. Il est urbaniste, essayiste et philosophe. Auteur de quelque 25 livres, il s’intéresse depuis des décennies au mouvement des idées et à l’évolution des sociétés. Ses derniers ouvrages porte sur Les démons de la déconstruction. Derrida, Lévinas, Sartre, éditions La barque d’or; Trop moche la ville. Comment nos villes sont devenues laides (et obèses), La barque d’or, 2025; Le Coma français, Perspectives Libres-Cercle Aristote, 2024; Clausewitz (PL, 2024).
15:30 Publié dans Architecture/Urbanisme, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art, philosophie, esthétique, beau, beauté |
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jeudi, 18 décembre 2025
Autonomie stratégique de l'Europe – une analyse sobre et de sérieux signaux d'alarme

Autonomie stratégique de l'Europe – une analyse sobre et de sérieux signaux d'alarme
Elena Fritz
Source: https://t.me/global_affairs_byelena
La demande d’«autonomie stratégique» européenne a atteint une nouvelle dimension. Elle n’est plus un simple slogan politique, mais se formule de plus en plus comme un projet concret de restructuration en matière de sécurité, d’industrie et de politique financière. Dans The National Interest, Emilian Kavalski et Maximilian Mayer plaident ouvertement en faveur du développement d’une économie de guerre européenne (cf. https://nationalinterest.org/feature/why-europe-needs-a-war-economy). Leur analyse est en partie juste – mais leurs conclusions sont stratégiquement risquées.
Tout d’abord, le constat indiscutable: la capacité d’action militaire de l’Europe est structurellement dépendante des États-Unis dans des domaines clés. La base opérationnelle des forces modernes – renseignement, communication satellitaire, données en temps réel – n’est pas sous contrôle européen. Les systèmes d’armes avancés dépendent des logiciels américains, des pièces détachées américaines et des chaînes de maintenance américaines. Et la dissuasion nucléaire de l’Europe reste – à l’exception connue de la France – de fait sous l’autorité américaine en cas d’escalade. La décision en cas de crise extrême n’est pas prise en Europe.
Ce qui est moins nouveau, c’est la conséquence que l’on en tire. La sécurité n’est plus uniquement comprise comme une question politique, mais comme une relation de production économique et infrastructurelle. Les systèmes financiers, les chaînes de paiement, les services cloud et les centres de données sont explicitement définis comme des instruments de pouvoir. En réalité, une partie importante de l’architecture financière et numérique européenne est soumise au droit et au contrôle américains. En crise, cela devient un levier stratégique d’une grande portée.
C’est là que commence le point critique.
Le passage d’une capacité de défense légitime à une économie militaire, financière et industrielle constamment mobilisée modifie fondamentalement le caractère de la politique européenne. Un tel ordre nécessite des scénarios de menace permanents, une forte et constante mobilisation des ressources, ainsi qu’une légitimation politique durable. La sécurité n’est plus un moyen pour atteindre un but, mais un principe structurant.
La question énergétique est particulièrement problématique, car elle reste remarquablement sous-exploitée dans ces concepts. Une économie de guerre et une industrie européennes autonomes sont impossibles sans une énergie fiable et peu coûteuse. En réalité, ces conditions ne sont réalistes qu’avec des ressources russes. Si cette dépendance n’est pas résolue politiquement, la logique de l’autonomie stratégique ne laisse place qu’à la contrainte.
Cela déplace le cœur du problème:
- L’autonomie stratégique n’est pas stabilisante, mais appelle l'escalade.
- Le conflit avec la Russie n’est pas un accident de fonctionnement dans ce modèle, mais une condition nécessaire pour la mobilisation intérieure, le remplissage industriel et la cohésion politique.
D’un point de vue stratégique sobre, il en découle ce qui suit:
- L’Europe risque de se développer d’un acteur en matière de sécurité vers un espace militarisé permanent – avec une capacité de contrôle politique limitée, une charge économique élevée et un risque accru d’escalade.
- Plus d’autonomie ne signifie pas plus de sécurité – mais plus de confrontation.
#géopolitique@affaires_mondiales_byelena
20:11 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Défense | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, europe, affaires européennes, défense |
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Comment Blackrock intervient dans la guerre en Ukraine

Comment Blackrock intervient dans la guerre en Ukraine
Meinrad Müller
Source: https://pi-news.net/2025/12/wie-blackrock-im-ukrainekrieg...
Pourquoi Larry Fink, le PDG de Blackrock, se retrouve soudainement à la table des négociations de paix ? La réponse simple : le gros argent gouverne le monde.
La revue économique allemande WirtschaftsWoche titrait jeudi en grosses lettres: «Pourquoi le PDG de Blackrock est soudainement à la table des négociations en Ukraine». Habituellement, seuls les participants au conflit siègent à la table. BlackRock était-il donc un participant à la guerre? Car si même un journal économique sérieux devient aussi explicite, cela signifie que l’ordre des choses a été profondément bouleversé.
Larry Fink gère avec BlackRock un patrimoine de plus de dix mille milliards de dollars. C’est du pouvoir. Du pouvoir pur. L’argent a toujours été l’arme la plus efficace, à toutes les époques, dans toutes les guerres. Si Fink déplace ne serait-ce qu’une petite pièce d’échecs, cela provoque un séisme, plus qu’un vote dans une assemblée parlementaire.

Un joueur de poker avec des as dans la manche
Fink est là comme un joueur de poker avec un paquet d’as dans la manche. Il pose ses atouts sur la table, et tout le monde voit ce que cela signifie: la carte supérieure l’emporte. Depuis 2022, Fink téléphone régulièrement à Zelensky. Alors que l'on comptait les morts à la guerre sur le front, en coulisses, des discussions sur la reconstruction étaient déjà en cours.
Le 10 novembre 2022, l’Ukraine et BlackRock ont signé une déclaration d’intention à Washington. BlackRock devait aider à élaborer un grand fonds de reconstruction, avec de l’argent public et privé, soigneusement organisé en paniers d’investissements.
Fink a obtenu des informations d’initié en première main
C’est ce dont un gestionnaire de fonds a besoin. Combien de temps la guerre va durer, quelles infrastructures ont été détruites et le seront encore. Où se trouvent l’énergie et les matières premières. Sur le marché boursier, on dit qu’il faut acheter quand les canons tonnent, vendre quand les violons jouent des airs de paix. C’est exactement comme cela que ça se passe. Le rouble circule dans la guerre, et il circule encore plus tard dans la paix. Blackrock maîtrise les deux. Et il méprise la morale dans la recherche de rendement.
Mais cette déclaration d’intention a été le coup d’envoi d’un modèle économique qui rapporte deux fois. D’abord via l’industrie de l’armement, qui affiche des chiffres record. Ensuite via la reconstruction, lorsque le pays détruit est organisé en paquets d’investissements. Énergie, routes, usines d’eau, terres agricoles, peut-être plus tard des mines et des terres rares. Selon la Banque mondiale, le coût de la reconstruction est estimé à au moins 500 milliards de dollars. Ce n’est pas un programme d’aide de la Croix-Rouge, c’est un marché du siècle.

Corruption à l’échelle XXL
Voici à quoi ressemble la corruption quand elle ne se cache pas dans de petites enveloppes, mais dans un format bien plus vaste, qui se chiffre en milliards. On appelle cela de bonnes affaires. Les contrats sont en ordre, les cabinets d’avocats en tirent profit, tout est formellement correct. Mais le schéma reste le même. Fink a vu les ruines, les morts, les villes en flammes. Et il sait qu’il encaissera dans les deux phases. D’abord quand la guerre fait rage, puis lors des contrats qui s'ensuivront.
Il est assis à la table et il calcule. Combien de centrales électriques doivent être remplacées. Combien de ponts, combien de routes, combien d’années de péages et de taxes. Les gens voient des décombres. Fink voit des flux de trésorerie.
Qui est Meinrad Müller?
Auteur pour le site PI-NEWS, Meinrad Müller (71 ans), entrepreneur à la retraite, commente divers thèmes liés à la politique intérieure, économique et étrangère pour divers blogs en Allemagne. Originaire de Bavière, il aborde principalement des sujets rarement mentionnés dans la presse mainstream. Ses livres humoristiques et satiriques sont disponibles sur Amazon. Vous pouvez retrouver ses contributions précédentes sur le site PI-NEWS ici: https://pi-news.net/tag/meinrad-mueller/ et son blog privé ici: https://www.info333.de/p/ .
19:49 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, affaires européennes, europe, blackrock, ukraine |
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Sans production de masse à faible coût, les armées ne gagneront aucune bataille

Sans production de masse à faible coût, les armées ne gagneront aucune bataille
Source: https://mpr21.info/sin-una-produccion-en-masa-de-bajo-cos...
Les grandes puissances occidentales mènent le monde vers un état de guerre permanente, pour cela il faut réduire considérablement les coûts, surtout ceux des arsenaux. C’est pourquoi les économistes sont de plus en plus présents dans les ministères de la Défense.
Les arsenaux ne sont guère plus que des tas de ferraille qui, en plus de rouiller par inactivité, deviennent rapidement obsolètes. Les armées ne peuvent pas garantir que leur équipement fonctionnera lorsqu’elles en auront besoin.
Les médias spécialisés en économie s’occupent de plus en plus ouvertement du réarmement européen, et l’ancien adage prodigué en facultés d’économie, « canons ou beurre », est dépassé. Comme nous l’avons vu dans le cas de l’Allemagne, la question est de savoir quel type de canons il faut fabriquer.

Il en va de même en France, qui en 2022 a placé un homme d’affaires, Emmanuel Chiva (photo), à la tête de la Direction Générale de l’Armement pour fusionner l’armée avec le capital privé et accélérer l’introduction de technologies de pointe. Dans la guerre à faible coût, la France et les Européens « sont très en retard par rapport à la Russie », reconnaissent les médias (*).
En 2018, Chiva a créé l’Agence d’Innovation pour la Défense, qui s’est attaquée à l’intelligence artificielle et aux satellites militaires. L’objectif n’est pas de préparer l’armée à la guerre, mais y préparer l’économie. La Direction Générale de l’Armement impose aux entreprises de constituer des réserves de minéraux stratégiques et de préparer la conversion militaire de lignes de production civiles.
Par exemple, ils ont obligé les usines Renault à produire des drones et d’autres équipements militaires.
Jusqu’à présent, l’équipement militaire français reposait sur des technologies très avancées mais extrêmement coûteuses et produites en très faibles quantités. La nouvelle politique de réarmement souhaite changer cela pour passer à des armes à faible coût, notamment des drones.
Il ne sera pas possible de gagner une bataille future sans une ligne de production capable de fabriquer des armes légères en grande quantité. La Russie fabrique chaque jour des milliers de drones FPV bon marché, ce qui lui permet d’atteindre des objectifs sur le champ de bataille avec une précision très élevée, contrairement aux missiles d’artillerie non guidés, qui sont beaucoup plus chers et ne disposent pas de la précision nécessaire.
Bien que l’artillerie et les chars restent utiles dans certaines situations, la présence omniprésente de drones en Ukraine, qui causent plus de la moitié des attaques mortelles, redéfinit les besoins opérationnels, au détriment des armes lourdes traditionnelles.
Note:
(*) https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/drones-motos-...
19:11 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Défense | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : économie, économie de guerre, défense, actualité, europe, affaires européennes, drones |
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Euro-suicide: le crépuscule spenglerien de l’Europe

Euro-suicide: le crépuscule spenglerien de l’Europe
par Giuseppe Masala
Source: https://www.sinistrainrete.info/articoli-brevi/31854-gius...
Recension: Gabriele Guzzi, Eurosuicidio, Fazi Éditeur (2025)
Ces jours-ci paraît une œuvre d’envergure culturelle importante, écrite par le jeune économiste Gabriele Guzzi. Il s’agit du livre Eurosuicidio, qui tente de faire la lumière sur l’intégration européenne, vue d’un regard non consolateur, non rhétorique, mais bien un regard fondé sur la réalité des faits.
L’intégration européenne, la naissance de la monnaie unique, a été le tournant historique le plus important du continent au cours des cinquante dernières années, et elle a entraîné l’effondrement total — presque une dissolution selon l’auteur — des pays européens, de leurs démocraties, de leurs économies et de leurs sociétés. Exactement, pour le dire avec les mots de Guzzi lui-même: il s’agissait d’un véritable suicide, plus précisément d’un euro-suicide, comme cela est emblématiquement évoqué et fait presque écho (peut-être inconsciemment) à Oswald Spengler.
La thèse centrale de l’ouvrage est que la crise actuelle de l’Union européenne n’est pas le fruit d’un accident de l’histoire, mais qu’elle est due à des causes structurelles — intrinsèques au projet lui-même, né sur les ruines de la Seconde Guerre mondiale.
Je ne saurais vraiment pas en vouloir à l’auteur. L’Europe n’est qu’un traité (comme le soutient autoritairement la Cour constitutionnelle allemande), et donc elle n’a pas de constitution, ce qui la prive d’être une réelle démocratie. Mais en même temps, elle veut se poser en phare mondial des démocraties.
Quelqu’un aurait-il peut-être oublié de faire le parallèle entre l’UE et un «jardin fleuri», tel qu'imaginé par l’ancien Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell? Un véritable court-circuit logique, mais ce n'est pas le seul dans ce projet. L’Union européenne est un projet fou qui veut unir des peuples qui parlent pas moins de 24 langues officielles reconnues par l’UE, utilisent trois alphabets, ont des politiques sociales, industrielles et économiques différentes, ainsi que des cultures et des traditions diverses. Et tout cela, en dehors d’une constitution qui graverait de façon indélébile les droits des citoyens de cette Babel actuelle.

Selon l’auteur, l’Union monétaire a été la dernière étape menant à la dislocation et à l’autodestruction du projet européen, qui doit néanmoins être déconstruit de façon rationnelle pour envisager — dans le futur — de nouvelles formes de coopération entre les pays européens. Tout cela pour éviter une implosion incontrôlable dont l’issue et les dégâts restent imprévisibles. À mon avis, une proposition à considérer comme sage, même si elle peut paraître radicale. Mais une proposition — comme le laisse entendre le même auteur — qui nécessite l’abandon de cette «foi presque religieuse» que beaucoup ont encore dans le projet européen, qui s’est avéré être un échec.
Je me permets un petit commentaire sur une œuvre importante, car elle nous explique bien que cette crise n’est pas due à un hasard: la solution proposée par Gabriele Guzzi est peut-être utopique, trop d’intérêts sont en jeu et le niveau d’interaction entre systèmes économiques est trop complexe pour espérer déconstruire rationnellement un projet comme celui de l’Europe. Peut-être faut-il accepter — comme dirait Spengler — que toutes les civilisations meurent tôt ou tard, et que, peut-être, le projet européen a été le chant du cygne d’une certaine zone géographique — la nôtre — qui a désormais rempli sa tâche dans l’Histoire. D’ailleurs, l’euro-suicide est la troisième tentative de suicide de l’Europe au cours du siècle dernier, après les deux guerres mondiales. Peut-être que cet évènement est celui qui marque la fin fatale d’une zone politiquement, technologiquement, militairement et spirituellement en crise.
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mercredi, 17 décembre 2025
Actifs russes: décision à Bruxelles, responsabilité à Berlin

Actifs russes: décision à Bruxelles, responsabilité à Berlin
Elena Fritz
Source: https://t.me/global_affairs_byelena
Le débat sur les actifs russes gelés est moins complexe juridiquement qu’il n’y paraît. La chaîne de responsabilité (liability) est claire — mais est délibérément dissimulée par le monde politique.
En réalité, les décideurs européens savent (https://europeanconservative.com/articles/commentary/de-w...) qu’une expropriation ouverte des actifs russes — en particulier des fonds détenus chez Euroclear en Belgique — serait contraire au droit international. Le principe de l’immunité des États (par in parem non habet imperium) reste en vigueur, car aucun État membre de l’UE n’est formellement en état de guerre avec la Russie. C’est pourquoi la Commission européenne, sous Ursula von der Leyen, opte pour une échappatoire: les actifs ne seront pas saisis, mais utilisés comme garanties pour des prêts de l’UE à l’Ukraine.
Juridiquement, cette astuce ne change pas grand-chose. Les recours de la Russie seraient prévisibles — et auraient de bonnes chances de succès. La question cruciale est de savoir qui sera alors responsable: non pas la Commission, non pas les responsables politiques, mais les États membres.
L’Allemagne serait particulièrement touchée.
En tant que plus grand contributeur net et garant du budget de l’UE, la République fédérale devrait supporter de manière disproportionnée les remboursements, intérêts et éventuelles demandes de dédommagement. La décision politique se prend à Bruxelles — Berlin en assume la responsabilité fiscale.
Il y a aussi le cas particulier belge : puisque l’argent est chez Euroclear, la Belgique serait formellement le principal destinataire des recours, mais ne pourrait jamais payer seule la somme à rembourser. La responsabilité serait européanisée — et répartie entre tous les contribuables.
Le calcul politique est évident: acheter du temps pour continuer la guerre en Ukraine, tout en reportant les conséquences juridiques et financières à l’avenir — à un moment où les responsables actuels ne détiendront plus aucune responsabilité.
L’analogie dans l’original est révélatrice: l’UE tolère depuis des décennies l’occupation illégale du Nord de Chypre par la Turquie, sans confisquer les actifs turcs. Cela démontre clairement qu'il ne s’agit pas de justice ou de droit, mais de pouvoir et de pragmatisme.
Conclusion :
- L’utilisation des actifs russes est un transfert délibéré de responsabilité.
- Décision : Commission européenne.
- Approbation : États membres au Conseil.
- Responsabilité : budgets nationaux.
- Principal contributeur : le contribuable allemand.
#géopolitique@affaires_mondiales_byelena
19:52 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, europe, affaires européennes, euroclear, actifs russes |
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La Commission Trilatérale a créé l’Occident contemporain

La Commission Trilatérale a créé l’Occident contemporain
Giacomo Gabellini
Source: https://telegra.ph/La-Commissione-Trilaterale-ha-creato-l...
Comment le modèle économique moderne a été créé
Lorsque, en 1973, ils ont créé la Commission Trilatérale, les fondateurs David Rockefeller, Zbigniew Brzeziński et George Franklin aspiraient à établir un organisme transnational destiné à consolider l’ordre international dirigé par les États-Unis et à atténuer les tensions émergentes entre les membres de la « triade capitaliste » – composée des États-Unis, de l’Europe occidentale et du Japon – dues à la croissance économique européenne et japonaise, ainsi qu’à l’intensification de la concurrence inter-capitaliste déclenchée par la crise pétrolière. Vers le milieu des années 70, le groupe de réflexion publia, parmi d’autres, une étude affirmant qu'«une initiative conjointe Trilatérale-OPEC, mettant à disposition plus de capitaux pour le développement, serait conforme aux intérêts des pays trilatéraux. Dans une période marquée par une croissance stagnante et une augmentation du chômage, il est évidemment avantageux de transférer des fonds des États membres de l’OPÉC vers les pays en développement pour qu’ils absorbent les exportations des nations représentées au sein de la Commission Trilatérale».
Dans un autre document datant de la même période, il est écrit que: «l’objectif fondamental est de consolider le modèle basé sur l’interdépendance [entre États], afin de protéger les avantages qu’il garantit à chaque pays du monde contre les menaces extérieures et intérieures, qui proviendront constamment de ceux qui ne sont pas disposés à supporter la perte d’autonomie nationale que comporte le maintien de l’ordre en vigueur. Cela pourra parfois nécessiter de ralentir le rythme du processus de renforcement de l’interdépendance [entre États] et d’en modifier les aspects procéduraux. La plupart du temps, cependant, il faudra s’efforcer de limiter les ingérences des gouvernements nationaux dans le système de libre-échange international des biens, qu’ils soient économiques ou non économiques. »
L’objectif des trilatéralistes était donc de transformer la planète en un espace économique unifié, impliquant l’établissement de liens étroits d’interdépendance entre États, et comme le précise une étude fondamentale sur le sujet, «la restructuration de la relation entre le travail et la gestion en fonction des intérêts des actionnaires et des créanciers, la réduction du rôle de l’État dans le développement économique et le bien-être social, la croissance des institutions financières, la reconfiguration de la relation entre secteurs financiers et non financiers en faveur des premiers, l’établissement d’un cadre réglementaire favorable aux fusions et acquisitions d’entreprises, le renforcement des banques centrales à condition qu’elles se consacrent d’abord à garantir la stabilité des prix, et l’introduction d’une nouvelle orientation générale visant à drainer les ressources de la périphérie vers le centre». Sans oublier la baisse des impôts sur les revenus les plus élevés, sur le patrimoine et sur le capital, afin de libérer des ressources pour les investissements productifs et mettre fin au déclin préoccupant de la part de richesse totale — mesurée en propriété combinée d’immobilier, d’actions, d’obligations, de liquidités et d’autres biens — détenue par le 1 % le plus riche de la population, atteignant ses niveaux les plus bas depuis 1922.
Une donnée significative, en partie imputable au renversement historique de l’architecture fiscale mise en place avant la crise de 1929 par l’administration Coolidge — et en particulier par son secrétaire au Trésor Andrew Mellon —, et opéré par Franklin D. Roosevelt. La contraction des revenus perçus par les classes les plus aisées était étroitement liée à la baisse tendancielle des profits des entreprises, qui, comme Karl Marx l’avait compris, se produit chaque fois qu’il y a un durcissement de la concurrence inter-capitaliste. En l’occurrence, l’augmentation astronomique des investissements et de la productivité réalisée par l’Europe occidentale et le Japon n’était pas seulement supérieure à celle capitalisée par les États-Unis, mais avait aussi été réalisée dans un contexte caractérisé par une faible inflation, un taux élevé d’emploi et une hausse rapide du niveau de vie. Pendant un certain temps, la baisse du taux de rémunération résultant de la compétition accrue entre les États-Unis, l’Europe occidentale et le Japon était compensée par l’augmentation vertigineuse de la masse des profits industriels générés par le boom économique, mais à partir du milieu des années 60, cette marge avait commencé à diminuer progressivement en raison de l'exacerbation supplémentaire de la compétition inter-capitaliste, combinée à la hausse généralisée des salaires et au renforcement des syndicats. D’autre part, le krach de Wall Street, survenu entre 1969 et 1970, avait porté un coup sévère aux tendances spéculatives, déclenchant une spirale négative qui allait perdurer au moins jusqu’à la fin 1978, avec la liquéfaction d’environ 70% des actifs détenus par les 28 principaux hedge funds américains.

Ce phénomène attira l’attention de Lewis Powell (photo), juge de la Cour suprême avec une carrière d’avocat pour les multinationales du tabac, qui, en août 1971, envoya une célèbre lettre au fonctionnaire de la Chambre de commerce américaine Eugene B. Sydnor. Intitulé Attack of the American free enterprise system (L’attaque du système de libre entreprise américain), Powell y déplorait l’attaque idéologique et axiologique menée contre le système des entreprises par «l’extrême gauche, qui est beaucoup plus nombreuse, mieux financée et mieux tolérée que jamais dans l’histoire. Ce qui surprend, c’est que les voix les plus critiques viennent d’éléments très respectables, issus des universités, des médias, du monde intellectuel, artistique et même politique […]. Près de la moitié des étudiants soutiennent également la socialisation des industries américaines fondamentales, à cause de la propagation à grande échelle d’une propagande fallacieuse qui mine la confiance du public et le confond». Le juge déclara alors qu’il était désormais «temps pour le secteur privé américain de se mobiliser contre ceux qui veulent le détruire […]. [Les entreprises] doivent s’organiser, planifier à long terme, s’auto-discipliner pour une période indéfinie et coordonner leurs efforts financiers dans un objectif commun […]. La classe entrepreneuriale doit tirer des leçons des enseignements du monde du travail, à savoir que le pouvoir politique représente un facteur indispensable, à cultiver avec engagement et assiduité, et à exploiter de manière agressive […]. Ceux qui défendent nos intérêts économiques doivent aiguiser leurs armes […], exercer des pressions fortes sur tout l’establishment politique pour en assurer le soutien, et frapper sans délai les opposants en s’appuyant sur le secteur judiciaire, de la même manière que l’ont fait dans le passé les extrêmes, les syndicats et les groupes de défense des droits civiques […], capables d’obtenir d’importants succès à nos dépens».

Le passage le plus significatif de la lettre est cependant celui où Powell insiste sur la nécessité de prendre le contrôle de l’école et des grands médias, considérés comme des outils indispensables pour «modeler» l’esprit des individus et créer ainsi les conditions politico-culturelles pour la reproduction perpétuelle du système capitaliste. Manifestement, Powell n’avait pas échappé aux réflexions formulées par Marx et Gramsci sur le concept d’«hégémonie», qui s’exerce beaucoup plus efficacement par une manipulation habile des appareils éducatifs et médiatiques que par la coercition. Selon lui, il fallait en effet convaincre les grandes entreprises de consacrer des sommes suffisantes pour relancer l’image du système par un travail raffiné et minutieux de «construction du consensus», auquel des professionnels bien rémunérés devraient s’appliquer. «Nos présences dans les médias, lors de conférences, dans le monde de l’édition et de la publicité, dans les tribunaux et les commissions législatives devront être inégalées dans leur précision et leur niveau exceptionnel».
Un autre aspect crucial concerne la mise en place d’une collaboration avec les universités, préalable à l’intégration dans ces institutions de « professeurs qui croient fermement au modèle entrepreneurial […] [et qui, selon leurs convictions, évaluent les manuels scolaires, notamment en économie, sociologie et sciences politiques]». En ce qui concerne l’information, «les télévisions et radios devront être constamment contrôlées avec la même rigueur utilisée pour l’évaluation des manuels universitaires. Cela s’applique particulièrement aux programmes d’analyse approfondie, dont certains critiques très insidieux au système économique […]. La presse devra continuellement publier des articles qui soutiennent notre modèle, et même les kiosques devront être impliqués dans le projet».
L’autre document de référence, complémentaire au mémorandum de Powell, dont s’inspirèrent les trilatéralistes, fut The Second American Revolution de John D. Rockefeller III, un véritable manifeste idéologique publié par le Council on Foreign Relations en 1973, dans lequel il était proposé de limiter drastiquement le pouvoir des gouvernements à travers un programme de libéralisation et de privatisation, visant à déposséder les autorités publiques de certaines de leurs fonctions régulatives fondamentales, et à revenir aux politiques keynésiennes en vigueur depuis le New Deal, dans une optique de retour au modèle darwinien et fortement déréglementé, jusqu’à l’arrivée au pouvoir de Franklin D. Roosevelt.
La mise en œuvre des plans trilatéraux, favorisée par la prolifération des fondations (l’activisme des fondations du Midwest, dirigées par les familles Olin, Koch, Richardson, Mellon Scaife et Bradley, aurait été particulièrement incisif) et par l’application pratique d’un ensemble de mesures indiquées dans un rapport impressionnant sur la « crise de la démocratie » rédigé par les politologues Samuel Huntington, Michel Crozier et Joji Watanuki pour le compte de la Commission, fut menée sous la présidence de Jimmy Carter. C’est-à-dire le candidat démocrate vainqueur des élections de 1976, grâce à une campagne médiatique massive centrée sur la responsabilité de l’administration publique face à une série de problématiques qui secouaient les États-Unis, notamment l’inefficacité causée par une bureaucratie excessive et les « ingérences » dans la vie économique, nuisibles à la pleine valorisation des potentialités économiques du pays. Significativement, dans l’administration Carter, 26 membres de la Commission Trilatérale furent recrutés, dont Walter Mondale (vice-président), Cyrus Vance (secrétaire d’État), Harold Brown (secrétaire à la Défense), Michael Blumenthal (secrétaire au Trésor) et Zbigniew Brzezinski (conseiller à la Sécurité nationale).
18:44 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, commission trilatérale, mondialisme |
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Retour aux idées du mouvement MAGA, contre l’UE - La nouvelle « stratégie nationale » de la Révolution conservatrice américaine

Retour aux idées du mouvement MAGA, contre l’UE
La nouvelle « stratégie nationale » de la Révolution conservatrice américaine
Alexandre Douguine
Dans l’émission Escalation de Radio Sputnik, Alexandre Douguine accueille la nouvelle Stratégie de Sécurité Nationale des États-Unis comme un retour à MAGA et à un « ordre des grandes puissances », promettant un retrait de l’interventionnisme mondialiste et déclenchant un tsunami destiné à faire s’effondrer la dernière tentative de croisade libérale de l’UE.
Animateur de Radio Sputnik, Escalation: Commençons par le document qui fait actuellement l’objet d’un débat enflammé en Russie, en Europe, et même en Chine. Je parle de la nouvelle Stratégie de Sécurité Nationale des États-Unis. En particulier, les médias suisses déclarent carrément que ce texte fait en grande partie écho au discours de Munich de notre président Vladimir Vladimirovitch Poutine. Alexandre Gelyevitch, selon vous, est-ce vraiment le cas ?
Alexandre Douguine: Vous savez, avec la publication de cette Stratégie de Sécurité Nationale américaine, nous assistons une fois de plus à l’oscillation emblématique de Trump entre le camp MAGA et les néoconservateurs — oscillation dont nous parlons constamment dans nos programmes et que nous suivons de près. Et on peut dire sans détour : la doctrine actuelle a été rédigée spécifiquement au nom de MAGA. C’est la véritable doctrine « Make America Great Again », la voix des opposants résolus au mondialisme et des critiques sévères des thèses néoconservatrices, le noyau même qui a permis à Trump de remporter l’élection.
En substance, cette stratégie est très proche de ce que j’appelais dans mon livre l’«ordre des grandes puissances».
De nos jours, ce terme se fait de plus en plus entendre dans l’espace public — l'«ordre des grandes puissances». Cela signifie que l’Occident ne se considère plus comme le garant de la démocratie, ne s’engage pas dans la diffusion des valeurs libérales, ne se sent pas responsable de toute l’humanité, et ne se voit pas comme faisant partie d’un espace unique avec l’Europe. L’Amérique est désormais seule. Elle aspire toujours à la grandeur, au développement et à la domination, mais elle définit clairement le territoire de cette domination — principalement l’hémisphère occidental, les deux Amériques. C’est de là que vient l’expression «corollaire à la doctrine Monroe». Un corollaire est une addition, un développement d’un certain projet géopolitique, et ce corollaire de Trump est, en essence, l’ordre des grandes puissances.
Que disent Trump et ses soutiens dans ce document ? L’Amérique se préoccupe principalement de deux continents: l’Amérique du Nord (y compris, si vous voulez, le Groenland comme une extension naturelle de l’Alaska) et toute l’Amérique du Sud. C’est leur zone, et ils se la réservent sans condition. Quant au reste du monde, la principale thèse mondialiste selon laquelle la Russie et la Chine sont les principaux adversaires stratégiques a disparu. De telles formulations n’existent plus. La Russie est évoquée de manière plutôt neutre, voire amicale — comme un partenaire potentiel. La Chine est considérée comme une concurrente économique sérieuse et une menace relative, mais plus comme un ennemi au sens traditionnel. L’intervention dans les affaires du Moyen-Orient et dans d’autres zones eurasiennes sera quasiment nulle. L’Afrique a été déclarée zone indifférente, et l’Inde n’est pas du tout mentionnée — c’est-à-dire qu’elle n’est plus considérée comme un partenaire stratégique.
Le résultat est un monde véritablement multipolaire. Trump déclare ouvertement: oui, nous restons la plus grande puissance, nous maintiendrons et affirmerons notre hégémonie, mais nous allons la réduire considérablement. Le rejet de l’agenda mondialiste ouvre objectivement la voie à d’autres pôles — la Russie, la Chine, l’Inde — pour s’affirmer pleinement. Quant au reste, Trump dit simplement : je m’en fiche, créez vos propres pôles ou pas, comme vous le souhaitez. Bien sûr, l’hégémonie américaine reste extrêmement méfiante envers les BRICS et envers toute consolidation d’autres civilisations. Ce corollaire de la doctrine Monroe constitue un défi direct à toute l’Amérique latine, qui sera contrainte de chercher une stratégie commune pour éviter la domination totale des Etats-Unis sur son continent. La même logique s’applique à l’Afrique.
En réalité, il s’agit d’une stratégie profondément anti-européenne. La solidarité atlantique n’est évoquée qu’avec sarcasme et mépris. Elle propose de «partager le fardeau» des dépenses militaires de l’OTAN: l’Amérique renonce à sa responsabilité première en Europe, en laissant seulement quelques positions clés. C’est, en essence, la fin de l’atlantisme en tant que tel. L’Europe doit désormais penser par elle-même et créer son propre pôle civilisateur.
Cette doctrine reflète l’approche même du mouvement MAGA grâce à laquelle Trump est arrivé au pouvoir. Ensuite, il s’en est très fort éloigné: il ne s’est pas vraiment impliqué dans le conflit ukrainien, l’a couvert d’un faux-fuyant plutôt que de proposer une solution réelle, a bombardé l’Iran, a soutenu de façon radicale Netanyahu — il s’est considérablement éloigné de son programme initial. Et dans cette stratégie nouvelle, il revient à ses racines : un retour aux principes du mouvement MAGA.
Il n’est pas surprenant que le document ait provoqué une véritable panique chez les mondialistes — aussi bien en Europe qu’aux États-Unis eux-mêmes. Ils hurlent sur un ton hystérique: qui a écrit ça ? Si la première doctrine de Trump a été rédigée par des néoconservateurs et des mondialistes — Pompeo, Bolton, Pence — maintenant, elle est en train d’être écrite par de véritables supporters de MAGA: Hicks, Vance, Miller. Le paradigme a complètement changé. C’est un réalisme émergent — agressif, hégémonique, mais néanmoins réaliste. L’idée de promouvoir les valeurs libérales a été rejetée une fois pour toutes.
L’Amérique devient une puissance militaire et politique concrète, clairement délimitée, avec des intérêts évidents qu’elle défendra bec et ongles dans son hémisphère. Quiconque se retrouve à mettre des bâtons dans les roues aura des ennuis. Mais il n’est plus question de libéralisme, de démocratie ou de droits de l’homme. America First — point final. Objectivement, le monde multipolaire dont notre président parlait dans son discours de Munich, rejetant les prétentions occidentales à l’universalité et au mondialisme, est désormais en grande partie déclaré par Trump lui-même. Reste à savoir si le successeur de Trump, par exemple Vance, pourra maintenir cette ligne après Trump qui aura alors plus de 80 ans. Ou si, après tout, les néoconservateurs reviendront à l'avant-poste. Pour l’instant, c’est une déclaration de guerre — pas contre nous, mais contre l’élite libérale-globale mondiale.
Animateur: En parlant de l’Ukraine, on entend actuellement dire que Trump n’est pas content du fait que Zelensky ne semble pas accepter son plan de paix. Le fils de Trump suggère même qu’au milieu de toutes ces histoires de corruption, l’Amérique pourrait cesser complètement son implication dans le conflit ukrainien dans les mois à venir. Quelle est la crédibilité de cette hypothèse?
Alexandre Douguine : Le plan que Trump promeut actuellement est précisément celui qui nous convient. Nous lui avons expliqué très clairement: ce qui est acceptable pour nous et avec quoi nous ne pouvons en aucun cas avoir de rapport. Cependant, ce que nous lui avons expliqué et qu’il a apparemment accepté ne sera pas une victoire totale pour nous. Malheureusement, c’est encore un compromis. Ce n’est pas une défaite — en aucun cas — mais ce n’est pas non plus une victoire dans le sens profond du terme. On peut l’appeler une certaine réussite, on peut l’appeler une humiliation de l’Occident idéologique, et c’est indubitablement une défaite personnelle et finale pour Zelensky — mais ce n’est en aucun cas la fin de l’Ukraine en tant que projet, ni la fin de l’Occident en tant que force civilisatrice.
Trump a parfaitement compris cela. Il a compris l’essentiel: s’il veut vraiment sauver l’Ukraine — c’est-à-dire sauver la tête-de-pont de l’anti-Russie, la tête-de-pont russophobe qui s’est construite contre nous depuis tant d’années — il doit immédiatement accepter nos propositions. Pour les mondialistes, pour les Européens, et bien sûr pour Zelensky lui-même, cela représentera une défaite sérieuse et douloureuse. Mais pour l’Ukraine elle-même, cela ne sera pas le cas. L’Ukraine sera sauvée. Et elle sera sauvée dans la but même pour lequel elle a été créée: en tant qu’anti-Russie. Et c’est Trump qui la sauve, en sacrifiant Zelensky et toute une cohorte d’idiots européens qui ne peuvent toujours pas croire à ce qui se passe.
Si Trump, ayant fait tout ce qui était en son pouvoir, se retire simplement du conflit et le laisse à l’Europe et à l’Ukraine — ce qu’il a d’ailleurs laissé entendre à plusieurs reprises, voire dit très ouvertement — ce serait la véritable option idéale pour nous. Oui, nous devrions encore lutter — peut-être longtemps et avec beaucoup de difficulté — mais alors, nous aurions la vraie perspective d’une victoire authentique, complète et irréversible. Toute trêve que nous pourrions conclure maintenant n’est qu’un répit provisoire, et très court. Ni l’Ukraine, ni l’Union européenne, ni même les États-Unis ne continueront à respecter cette trêve une fois qu’ils sentiront qu’ils ont même la moindre possibilité de la violer à nouveau.

Animateur: Si Trump décide de s’attaquer au Venezuela, et que nous développons une alliance avec le Venezuela, comment la Russie doit-elle réagir?
Alexandre Douguine: C’est une question difficile. D’un côté, nous avons une alliance avec le Venezuela, et si nous étions plus forts, nous devrions nous engager pleinement dans ce conflit du côté de Maduro contre l’agression américaine. Mais, malheureusement, nous ne sommes pas dans cette position : toutes nos forces sont complètement mobilisées dans la guerre en Ukraine — comme en Syrie et en Iran. Après la victoire, nous nous engagerons sûrement. Mais pour l’instant, hélas, nous sommes entravés.
Animateur: Commençons cette partie du programme par une déclaration du représentant spécial du président russe, Kirill Dmitriev. Il a dit que les meilleurs diplomates de l’Union européenne sont maintenant en panique. C’était son commentaire sur un rapport de la Pologne selon lequel Dmitriev lui-même et l’homme d’affaires américain Elon Musk auraient décidé de diviser l’Europe. Quelle est la raison de ce genre de discussions sur la division de l’Europe ? Pourquoi Musk est-il redevenu plus actif ? Il a pratiquement disparu de la scène publique pendant un certain temps, et maintenant il a repris sa polémique avec l’Union européenne au sujet de la liberté d’expression et des lois européennes. À quoi cela mène-t-il?
Alexandre Douguine : En réalité, ici, comme dans l’adoption de la nouvelle doctrine de sécurité nationale et dans les négociations sur l’Ukraine, nous voyons la même tendance générale — un puissant mouvement vers un retour au projet original du mouvement MAGA. Parce que lorsque Trump est arrivé au pouvoir, il a essentiellement proclamé une refonte complète de toute l’architecture mondiale, et les projets MAGA ont effectivement été lancés. Puis il s’en est éloigné de façon sérieuse et significative. Pendant presque un an — huit, neuf mois — il s’est consacré à des choses complètement différentes: dissimuler les listes d’Epstein, se dérober à la pression énorme exercée par le lobby israélien sur la politique américaine, trahir ses fidèles camarades. En un sens, il a cessé d’être MAGA. Il s’est éloigné de MAGA, à une distance critique. Mais tout cela a commencé exactement comme cela commence maintenant. Et maintenant, il revient — Trump revient, et, par conséquent, Musk revient aussi.

Parce que Musk a clairement reçu le feu vert pour commencer à démanteler l’Union européenne. Les « meilleurs diplomates » dont nous parlons, qui détiennent le pouvoir dans l’Union, sont des ultra-globalistes, des ennemis absolus et irréconciliables de Trump, les adversaires les plus acharnés de sa ligne, de ses idées, de sa vision du monde et de la société. L’hiver dernier, en janvier de l’année dernière, il y a presque un an, Musk a lancé ces campagnes contre Starmer, en soutien à l’AfD, contre Macron. Et en réalité, Twitter — son réseau, interdit en Fédération de Russie — est devenu une plateforme qui a consolidé l’opposition populiste dans chaque pays européen, la portant de la même manière que Soros a jadis soutenu les mondialistes, mais en miroir, dans la direction opposée. Maintenant, Musk a simplement repris les mêmes tactiques, mais à l’envers. Et il a commencé à faire cela il y a un an: en soutenant l’AfD, en soutenant les opposants à Starmer en Grande-Bretagne, Marine Le Pen, Meloni — tous ceux qui s’opposent à l’Union européenne, à l’establishment européen, et soutiennent le populisme européen, si vous voulez.
Et puis, Musk lui-même a été écarté de son poste chez DOGE, l’agence pour l’efficacité gouvernementale. En résumé, il a rompu avec Trump, et en même temps, Trump lui-même s’est lancé dans des stratégies complètement différentes, que Musk a seulement critiquées. Mais Musk s’est retenu. D’abord, il a commencé à critiquer Trump, puis il a fait une pause. Et il a attendu que les fluctuations du trumpisme entrent à nouveau dans la phase MAGA. C’est-à-dire qu’on revient à MAGA. Nous avons commencé cette émission avec cela: en Amérique, on voit que Trump revient à son plan initial, au Plan A, au plan MAGA. Et, bien sûr, Musk s’est immédiatement impliqué activement dans ce processus et continue de s’attaquer à l’Union européenne.
Cette fois, c’est beaucoup plus sérieux. Je pense que la deuxième tentative de MAGA pour démanteler l’Union européenne sera bien plus décisive et cohérente. Cela est confirmé par la nouvelle stratégie de sécurité nationale et par le comportement de l’Union dans la crise ukrainienne, qui contrecarrent constamment les plans de Trump pour sauver l’Ukraine. En ce moment, toutes les conditions sont réunies pour simplement détruire l’Union européenne. Plus personne ne cache rien. Musk dit ouvertement: plus d’UE, détruisons l’Union européenne. Il a toutes les raisons de le faire: il soutient un projet conservateur-populiste high-tech, que les libéraux au pouvoir veulent empêcher simplement de vivre et de respirer.
Je pense que l’Amérique elle-même, Trump, et son équipe de trumpistes, où MAGA commence à sortir de son coma et à jouer un rôle de plus en plus important, ont effectivement commencé à démanteler l’Union européenne. Il ne faut que l’applaudir et, si possible, pousser ce qui tombe déjà. Si nous avions le pouvoir et l’influence pour agir sur l’Union européenne, je suis sûr que nous pourrions envoyer ces «meilleurs diplomates européens» dans l’oubli, des deux côtés. Parce qu’il est impossible d’imaginer quelque chose de plus répugnant, détestable, agressif, cynique, trompeur, toxique, pourri de l’intérieur et répandant cette pourriture au reste de l’humanité, que l’actuelle Union européenne.
Animateur: Et cette amende que la société X a reçue en vertu de la nouvelle législation européenne n’était qu’un prétexte pour Musk pour relancer sa campagne contre l’Europe. Tout cela s’est en réalité produit à la demande de Trump, puisque cela coïncidait avec la publication de la nouvelle stratégie.
Alexandre Douguine : C’est juste un prétexte, mais cela s’inscrit parfaitement dans la fluctuation générale du cap de navigation choisi par l'actuel pouvoir américain — du MAGA aux néoconservateurs et retour au MAGA. Il y a un an, lorsque notre programme Escalation s’est fixé pour objectif de suivre de près ces fluctuations de la politique américaine, nous avons décrit avec précision la logique de formation du nouveau régime trumpiste, comme il s’avère maintenant: il oscillera constamment entre MAGA, en s'approchant du projet MAGA — c'est-à-dire en préconisant l’ordre des grandes puissances — et en s’en éloignant. Évidemment, je ne m’attendais pas à ce qu’il aille si loin, si honteusement et si longtemps, en repoussant tous ses soutiens les plus proches. Mais Trump est une personnalité vraiment imprévisible. Avec la même facilité qu’il les a repoussés, il les a rassemblés à nouveau. Tout comme il a naguère chassé tout le monde, maintenant il a autorisé tout le monde à revenir. L’amplitude de ces fluctuations s’est révélée complètement différente de ce que nous avions prévu lorsque nous avons formulé nos hypothèses, mais l’essence du processus est exactement celle-ci.

Et maintenant, je suis convaincu que Musk a simplement utilisé cette amende comme excuse pour se remettre au travail. Trump lui a donné sa bénédiction silencieuse, et leur relation est progressivement en train de se rétablir. Il a été condamné à plus d’une centaine de millions de dollars, mais dans les premières heures qui ont suivi, X — son réseau, interdit en Fédération de Russie — est devenu la plateforme la plus téléchargée dans tous les pays de l’Union européenne. En d’autres termes, il a déjà gagné. Il a réussi à mettre en exergue la véritable attitude des braves Européens envers leurs détestables gouvernements — c’est, en fait, un vote tacite pour ou contre l’Union européenne. Personne ne défend l’Union européenne aujourd’hui sauf les Eurocrates eux-mêmes, sauf cette clique euro-bruxelloise — un ramassis international de maniaques mondialistes et Starmer, qui les a rejoints, qui est également un maniaque absolu. Ces maniaques tentent maintenant fébrilement de supprimer toute dissidence en Europe. Il circule en ce moment un meme : une photo de Starmer avec la légende « Nous avons une liberté d’expression totale. Quiconque remet cela en question sera immédiatement arrêté». C’est à peu près l’état général des Européens aujourd’hui. Et puisque X n’est pas censuré par lui-même, ils essaient de supprimer ce domaine de liberté. Mais derrière Musk et son réseau se trouve le pouvoir des États-Unis d’Amérique, et Trump a maintenant ouvertement soutenu Musk. Hicks l’a soutenu, Vance aussi. Ils ont dit que censurer la liberté d’expression est sans précédent. En fait, c’est un casus belli, une raison de guerre, un conflit diplomatique et politique direct entre les États-Unis et l’Union européenne. Je pense que cette fois, c’est vraiment très sérieux. Bien sûr, on ne peut pas exclure que Trump se retire encore une fois de sa stratégie MAGA.
Pourtant, pour l’instant du moins, nous assistons à une nouvelle et puissante vague de retour à MAGA. Tout se déroule strictement selon le plan. L’Union européenne et les États-Unis — en particulier les États-Unis dans leur ensemble — avancent dans cette direction. Bien sûr, les démocrates, les libéraux et les mondialistes ont un point de vue totalement différent. Ils sont en état de panique, ressentent une véritable terreur. J’ai lu les commentaires de McFaul (photo), l’un des mondialistes et architectes de la politique sur la Russie et l’Ukraine: ce sont simplement des appels terroristes, extrémistes, pour renverser le gouvernement en Russie, pour un changement de régime, etc. Il est un ancien ambassadeur, démocrate, mondialiste — et il est tout simplement devenu hystérique: «ce qui se passe, au lieu de combattre la Russie et la Chine, nous sommes en guerre contre nos principaux alliés en Europe!». Il y a une panique totale — en Europe et chez les mondialistes américains.
C’est sur cette vague que nous surfons actuellement. Et nous pourrions nous réjouir de tout ce qui se passe, sans regard en arrière, s'il n'y avait pas un moment extrêmement problématique pour nous — le plan de paix pour l’Ukraine que Trump promeut. Il ne le fait pas par malveillance; il a simplement son propre agenda, sa propre vision du monde. Il a effectivement exclu la Russie de la liste des principaux ennemis et cibles des campagnes de haine. Nous ne sommes pas fondamentalement importants pour lui; il a d’autres priorités. Et c’est là une différence fondamentale avec l’Union européenne, qui, au contraire, se prépare ouvertement à la guerre contre nous. Il y a eu une vraie scission dans le camp de nos adversaires — et, disons, chez nos ennemis. Si nous avions les outils et la force suffisants pour participer activement à ce processus, je suis convaincu que l’effondrement de l’Union européenne, et la contribution à celui-ci, devraient devenir notre principale tâche étrangère en Europe. Parce que l’humiliation que nous avons subie de la part de l’Union européenne — pas du peuple européen, mais de cette construction euro-bruxelloise — est impossible à pardonner. Ils sont en guerre contre nous; ils financent, arment, soutiennent moralement et politiquement nos ennemis. Ils sont tout simplement l’ennemi. Nous devons appeler un chat un chat: l’Union européenne est un ennemi. A ce titre, elle doit être détruite.

Et nous voyons que les États-Unis aujourd’hui — en particulier la mouvance MAGA de Trump — ont effectivement commencé à la démanteler. Tout le monde s’est aussitôt écrié: regardez, ils sont avec Poutine ! Je pense qu’ils ont une meilleure opinion de nous que ce que nous sommes réellement. Si nous avions de telles opportunités — des représentants officieux dans toutes les capitales européennes, distribuant des biscuits, soutenant tous ceux qui sont prêts à détruire cette structure — nous pourrions établir d’excellentes relations avec une nouvelle Europe : une Europe des nations, une Europe des traditions, une véritable démocratie européenne, avec sa culture et ses intérêts. Il n’est pas certain qu’elle devienne immédiatement notre alliée automatique — j’en doute beaucoup — mais il faut détruire la pathologie que véhicule l’actuelle Union européenne. L’Union européenne, dans son état actuel, doit être détruite.
17:43 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : alexandre douguine, entretien, actualité, politique internationale, europe, russie, affaires européennes, mouvement maga, maga, états-unis, donald trump |
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«Contre la russophobie», le livre de Guillaume Faye

«Contre la russophobie», le livre de Guillaume Faye
Par Andrea Falco Profili
Source: https://artverkaro.altervista.org/contro-la-russofobia-il...
Une opération, aussi insidieuse qu’obstinée, est en cours pour neutraliser la pensée de Guillaume Faye en la réduisant à une caricature, qui fait de lui un simple agitateur d’«extrême droite» dans le sens le plus banal du terme, et même, en pratiquant un funambulisme interprétatif grotesque, à un «occidentaliste» et à un russophobe. Quiconque a seulement effleuré superficiellement l’œuvre du penseur français sait à quel point cette narration est mensongère. Pour la démentir définitivement, en rétablissant le Faye authentique, celui de la grande géopolitique, de la vision impériale et de la critique radicale de la civilisation occidentale, arrive aujourd’hui le recueil de textes intitulé Contro la russofobia, dirigé par Stefano Vaj et préfacé par Robert Steuckers.
L’opération éditoriale menée par Vaj pour Moira Edizioni dénonce déjà dans l’introduction de Vaj et dans la préface de Steuckers la tentative de déformer la pensée de Faye au cours des dernières années de sa vie, et surtout après sa disparition. Comme le souligne Steuckers, il existe une véritable «légende noire» qui peint l’auteur français comme un «occidentalo-atlantiste» pro-américain, alors qu’en réalité sa position était diamétralement opposée. Cette distorsion, alimentée tant par ses ennemis historiques au sein de la dite "Nouvelle Droite" que par certains followers superficiels de ses dernières années, a conduit à un paradoxe: voir Faye même décrit comme un soutien à Zelensky, caricature boiteuse que cette collection dénonce une fois pour toutes.



Commandes: Première édition italienne: https://www.lastoriamilitare.com/prodotto/contro-la-russo... - Edition française (textes en version originale): https://www.editions-ars-magna.com/livre/faye-guillaume-c... - Traduction anglaise: https://www.amazon.com/stores/author/B005VGMO4I
Le penchant pro-russe de Faye trouve ses racines dans sa formation de jeunesse et dans son militantisme au GRECE ("Groupe de Recherches et d'Etudes sur la Culture Européenne"), où dès les années 1970, il mûrissait une vision critique sur l’américanisme culturel. Comme le rappelle Steuckers, le mouvement dit de "Nouvelle Droite" avait développé un anti-américanisme «différent de l’hostilité envers les États-Unis cultivée par les milieux de gauche, dans le cadre de la guerre du Vietnam» c’est-à-dire un anti-américanisme non pas de façade et absorbé par la gauche pro-Vietcong, mais un anti-américanisme étayé par une critique gaulliste et nietzschéenne de l’hégémonie culturelle, économique et stratégique de Washington, nettement plus sophistiquée et orientée géopolitiquement. Dans ce contexte, l’URSS de Brejnev apparaissait «plus rationnelle et réaliste que le pandémonium déclenché par les services secrets occidentaux dans l’americanosphère».

L’évolution de la pensée de Faye sur la Russie traverse plusieurs phases. Initialement fasciné par le «socialisme réel» non pas pour ses aspects économiques, mais pour ses retombées en termes d’«anti-individualisme, de futurisme, de stakhanovisme, d'esprit spartiate, de hiérarchique, de méritocratique et de sens communautaire ». Une fascination qui révèle la dimension originale de sa pensée, capable de percevoir des éléments de mobilisation totale et de discipline collective même dans des systèmes formellement opposés à l’identité européenne. La chute de l’URSS marque un tournant. Comme l’explique Vaj dans l’introduction, le « Sauron inventé par la propagande occidentale » s’avère moins consistant que prévu, poussant Faye à regarder au-delà du communisme vers une Russie post-soviétique qui se libère progressivement tant de l’idéologie marxiste que du chaos oligarchique des années 1990. La montée de Poutine représente pour l’auteur français non seulement le retour de la Russie comme acteur géopolitique, mais surtout l’émergence d’un modèle alternatif au nihilisme occidental.

Les écrits rassemblés dans le volume couvrent la période cruciale de 2007 à 2016, témoignant de l’évolution de la crise ukrainienne et du durcissement des relations euro-russes. Faye montre son alignement en analysant les dynamiques en cours: dès 2007, dans son «Discours à la conférence de Moscou», il esquisse un projet de «Confédération impériale euro-russe», basé sur le fédéralisme impérial et l’autosuffisance économique. L’opinion de Faye ressort avec force dans l’analyse de la crise ukrainienne, qu’il interprète comme une provocation orchestrée par Washington pour empêcher l’intégration euro-russe. Dans ses textes consacrés à la question ukrainienne, l’auteur attaque systématiquement la narration occidentale: l’annexion de la Crimée est présentée pour ce qu’elle est réellement aux yeux de Faye – le retour d’un territoire historiquement russe à la patrie par un référendum – tandis que les sanctions contre Moscou sont dénoncées comme un « boomerang » qui nuit à l’Europe plus qu’à la Russie elle-même. L’analyse des motivations profondes de la russophobie occidentale est particulièrement pénétrante. Faye identifie deux causes principales: la première est d'ordre géopolitique (empêcher le retour sur scène de la Russie en tant que grande puissance), la seconde est d'ordre idéologique (contrer l’exemple russe de « révolution conservatrice »). C’est ce dernier aspect qui rend Poutine post-communiste plus redoutable pour les oligarques occidentaux que Staline lui-même: alors que l’URSS restait prisonnière d’une vision universaliste, la Russie poutinienne réaffirme des valeurs identitaires, patriotiques et traditionnelles qui représentent une menace existentielle pour le système libéral-libertaire.

L’approche de Faye concernant la question russe diffère autant de la russophobie que d'un multipolarisme acritique et de nature messianique. Il ne tombe pas dans l’idéalisation de Poutine ou du système russe, dont il reconnaît les limites et les contradictions, mais perçoit dans la Russie post-soviétique le principal allié naturel de l’Europe dans un monde de plus en plus polarisé. Sa position est celle d’un «bon Européen» au sens nietzschéen: il comprend que la division de l’Europe selon l’axe est-ouest ne sert que les intérêts anglo-américains. Son regard sur la Russie allie admiration pour la «barbarie» antibourgeoise théorisée par Drieu La Rochelle à l’appréciation pour l’efficacité géopolitique et le pragmatisme stratégique. Une synthèse qui le conduit à voir dans la politique extérieure russe «la seule intelligente» dans un panorama international dominé par l’improvisation occidentale.
La vision pan-européenne de Faye, incluant la Russie mais non subordonnée à elle, représente aujourd’hui une troisième voie entre le suicide atlantiste et l’isolationnisme souverainiste. Particulièrement significative est la proposition de dépasser le concept géographique d'«Eurosibérie» au profit de celui, ethno-politique, d'«Euro-Russie», en accueillant les observations de Pavel Toulaev. Ce passage terminologique reflète une maturation théorique qui contraste avec ceux qui veulent aujourd’hui peindre les Russes comme des Turcomans armés d’arc comme jadis à la cour de Kazan, comme des guerriers de la Horde d’or ou des parents perdus de Gengis Khan. Pour Faye, le concept est clair: la Russie est une civilisation européenne qui a projeté son expansion en Asie, ce qui ne la rend ni artificiellement asiatique ni hybride.

La leçon de l’auteur est incroyablement actuelle: seule une Europe réconciliée avec la Russie peut espérer échapper au déclin. La russophobie n’est pas seulement une erreur géopolitique, mais une forme d’autodestruction qui condamne l’Europe à l’impéritie historique. En ces temps de polarisation croissante, le choix se fait entre l’avenir européen et le déclin occidental. Autrement dit, il s’agit de construire l’Europe avec et non contre la Russie, en reconnaissant dans la russophobie l’outil pour empêcher qu'advienne le cauchemar américain: la naissance d’un bloc euro-russe souverain.
La position de Faye est attrayante par son immunité à tout amour aveugle qui mène à un nivellement par un messianisme multipolaire de façade. Le chapitre «Une perspective française sur la Russie» est un chef-d’œuvre d’analyse critique, impitoyable et en même temps passionnée. Faye reconnaît le «génie russe», une capacité intuitive exceptionnelle qui va de la musique à la physique, mais n’en dissimule pas les faiblesses. Il parle de la «double âme russe», d’une schizophrénie oscillant entre un complexe de supériorité et un sentiment d’infériorité, entre la volonté de puissance impériale et la sensation d’être une nation reléguée aux marges. Avec une lucidité implacable, il énumère les plaies qui affligent la Russie: une démographie suicidaire, une économie déséquilibrée et trop dépendante des hydrocarbures, une corruption endémique et, surtout, l’infiltration des virus culturels de l’Occident. C’est précisément cette capacité d’analyse qui le rend si actuel et qui le distingue des supporters qui se contentent d’un fanatisme maladroit et vulgaire. Faye ne vénère pas, il soutient la Russie non de manière inconditionnelle, mais dans le cadre d’un projet plus vaste: la renaissance de toute l’Europe.

Parler de «textes peu connus» signifie, en général, évoquer la rhétorique de la redécouverte: des textes oubliés qui renaissent par derrière, presque toujours à l’ombre d’une opération idéologique. Pas ici. Les matériaux que Moira Edizioni rassemble sous le nom de Faye appartiennent à la périphérie éditoriale, il s’agit de textes issus de blogs échappant même au regard maniaque des exégètes. Des textes mineurs, certes, mais pas pour autant suspects. L’intention n’est pas de construire un Faye ésotérique ou clandestin. Ses positions restent celles, prévisibles, cristallisées depuis des années voire des décennies. Mais justement cette prévisibilité devient le point central, il ne s’agit pas de révéler un «autre» Faye, mais de mettre à nu la manipulation en cours. La récupération se prête donc à un effet coup de poing contre les lectures sélectives et l’appropriation commode. Un sain démenti, qui ramène le discours au niveau de la réalité.
15:33 Publié dans Livre, Livre, Nouvelle Droite | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : guillaume faye, nouvelle droite, russie, russophobie, livre |
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mardi, 16 décembre 2025
Face à la crise, une autre Europe

Face à la crise, une autre Europe
Pierre Le Vigan
La crise est en Europe, l’Europe est en crise. Nous l’analysions en 2012. Si les choses se sont aggravées, les origines de la crise économique restent les mêmes : la crise des économies et des sociétés européennes est avant tout une crise de la domination d’une certaine économie, financiarisée. Au détriment des producteurs européens.
Le présent texte est un issu d’un entretien. Il date du 18 octobre 2012 et a été publié dans le livre collectif Face à la crise, une autre Europe, édité par Synthèse nationale éditions en 2012, sous la direction de Roland Hélie. Nous avons actualisé cet entretien en 2021. Les 10 dernières années n’ont pas infirmé nos analyses, mais ont accru nos raisons d’être inquiets face au cours actuel des choses. Mais aussi nos raisons de lutter, et notre envie de ne pas laisser le pays aux mains de ses fossoyeurs : les agents des puissances d’argent et d’un pacte mondial de corruption dont le Great Reset est un élément majeur.
1 - La crise remonte, dit-on, à 2008. Estimez-vous que ses causes sont beaucoup plus anciennes ?
Depuis 2007 se sont succédé une crise financière (les ’’subprimes’’, des crédits à taux élevés amenant à une flambée des prix de l’immobilier) puis une crise bancaire, avec la faillite de certains établissements de crédit en 2008. Cela a généré une crise des Etats eux-mêmes, prenant en charges les déficits des banques, les renflouant et les sauvant. Ceci s’est manifesté par un déficit accru de leurs budgets, notamment sociaux, mais aussi par une réduction de leurs dépenses, même dans les domaines régaliens (défense, police, justice). Ce sont ensuite les banques, sauvées par les Etats, qui ont prêtés aux Etats, incapables de boucler leurs budgets sans déficits.
Compte tenu de la globalisation des systèmes financiers, la crise venue des Etats-Unis s’est diffusée partout. La seule crise des ‘‘subprimes’’ a abouti à la perte de quelques 2000 milliards de dollars, soit environ le PIB de la France d’alors (2008). Puis est intervenu le plan de sauvetage des banques américaines. Il a été de l’ordre de 700 milliards de dollars. Les Etats ont ensuite mis sur pied des plans de relance de l’économie : ce furent des plans nationaux. Ils ont eu un effet très modeste. En 2012, dans les plupart des pays d’Europe, la non-croissance s’est confirmée, quand ce n’est pas la récession pure et simple. Le chômage s’aggrave, les plans de réduction des déficits sont à l’évidence intenables, et pas seulement en Grèce.
C’est dans la mesure où aucun problème économique n’a été réglé début 2020 que le Covid a été un prétexte pour engager une dévalorisation massive de l’argent (du Capital) par la mutualisation partielle des dettes d’Etat, et par un plan de relance (subventions et emprunts de 750 milliards d’euros). C’est l’hélicoptère à Covid qui a déversé ces sommes, créées par la planche à billets, sur l’Europe. Ces sommes ne correspondent à aucune valeur dans l’économie réelle. Tout ceci était prévu auparavant au nom de l’ « urgence » écologique. Mais il a été plus facile de faire passer ces mesures au nom du Covid 19, à partir d’une savante orchestration de la peur d’une maladie fort peu létale. Le Covid (c’est le virus du covid et non la maladie du covid) a ainsi été l’occasion de faire sauter des verrous qui étaient de moins en moins tenables et de moins en moins tenus : les 3 % de déficit des budgets publics, le taux de 60 % d’endettement. Sur ces 2 critères, la France est à 9 % de déficit, et 120 % de dette. Autant dire que le Covid a été le moyen, qui ne doit pas grand-chose au hasard, d’opérer une transformation du management du Capital. C’est ce que l’on appelle la Grande Réinitialisation (Great Reset), à la suite de Klaus Schwab qui en a défendu le projet dans un livre.
Philippe de Villiers, qui publie Le Jour d’après (Albin Michel, 2021) écrit : « Avec la création de l’OMC en 1995, les grands acteurs de la globalisation avaient voulu un monde sans frontières, les uns par intérêt, pour ouvrir un marché planétaire de masse ; les autres par idéologie, pour remplacer les murs par des ponts et favoriser la fraternité cosmique. Ils connaissaient le risque inhérent à ce monde sans cloisons: une planète hautement pathogène et contagieuse. Ils le savaient et s’y préparaient. Ils attendaient la ‘’fenêtre d’opportunité’’ pour changer la société, pour changer de société. L’affaire a plutôt réussi. » Il poursuit : « La Big Tech s’est enrichie, et le biopouvoir s’est installé durablement avec l’hygiénisme d’État. (…) La biopolitique a tué la politique. Knock a euthanasié Aristote : l’animal social est devenu un asymptomatique désocialisé. » (Figarovox, 14 mai 2021) La surveillance marchande fusionne avec la surveillance numérique. L’enfermement numérique devient obligatoire. Les communautés, les liens, les nations sont sommées de laisser la place aux solitudes grégaires et consuméristes.
Ayant acté la totale désindustrialisation de notre pays, nos gouvernants n’ont gardé qu’un objectif : le contrôle de la population et les profits des gros actionnaires. Déjà, Jospin, de 1997 à 2002, avait largement privatisé. De 2012 à 2017, le gouvernement Hollande s’est lancé dans une politique de soumission accrue à la finance. « Dans 5 ans, Hollande sera un géant ou un nain », affirmait Emmanuel Todd (Marianne, 5 octobre 2012). On a vu le résultat. La politique de Macron depuis 2017 a consisté à la fois à essayer de comprimer les dépenses publiques – mais sans réduire aucunement l’immigration, tout au contraire – notamment à comprimer les indispensables dépenses régaliennes, et à brader à l’étranger ce qu’il restait de nos fleurons industriels. Seuls les profits de la finance intéressent Macron (c’est son cœur de métier) et seuls ces profits sont la préoccupation de ceux qui l’ont porté au pouvoir comme délégué du Capital. Ces gens sont bien entendu les ennemis de notre pays.
* * *
Il faut toutefois remonter avant 2008 pour comprendre la crise. Ses racines sont plus anciennes. Elles remontent à la fin de la convertibilité du dollar en or (1971), à la suraccumulation du capital, dont la genèse est analysée dans Le Capital de Marx (livre III, chapitre 15), à sa perte consécutive de profitabilité, aux différentes formes de dévalorisation de ce capital par obsolescence accélérée, au surenchérissement des matières premières du à leur caractère limité, au coût croissant de leur extraction.
Plus profondément, la crise économique est liée à l’épuisement du modèle fordiste, fondé sur un compromis entre, d’une part, le développement capitaliste et la recherche du profit et, d’autre part, l’extension d’un grand marché rentable de producteurs-consommateurs au pouvoir d’achat en progression. Ce modèle fordiste privilégiait le manager sur l’actionnaire. C’était l’ère des organisateurs analysée par James Burnham, ou encore le « Nouvel Etat Industriel » de John K. Galbraith. C’était les politiques économiques menées en France sous de Gaulle, et aux Etats-Unis sous John F. Kennedy et Lyndon B. Johnson. C’était le fordisme, c’était les trente Glorieuses, et c’était la réalité d’un certain progrès matériel et d’un relatif ascenseur social. C’était donc aussi une certaine forme de circulation des élites. Ce sont les années dont Eric Zemmour a la nostalgie, non sans raisons (même si c’était aussi l’époque, dans les usines, des cadences infernales).
Depuis la fin du fordisme, nous n’avons pas de modèle viable. La richesse se concentre à un pôle de la société, et la pauvreté partout ailleurs. C’est la « société en sablier » (Alain Lipietz, 1998). 50 % des Américains se partagent un peu plus de 1 % de la richesse du pays. 50 % de la population mondiale se partagent 2 % de la richesse mondiale. Il n’est pas besoin d’être un égalitariste forcené pour constater que cet écart est excessif, malsain et même suicidaire. Quand, il y a un siècle, un patron gagnait quelque 30 fois le salaire de son ouvrier le moins bien payé, l’écart est passé à 400 ou 500 fois. Le travail devient rare, les machines ont remplacé les hommes et, plus encore, les hommes les moins bien payés remplacent sans fin ceux qui sont encore un peu mieux payés. Les Cambodgiens remplacent les ouvriers Chinois, en attendant d’être remplacés eux-mêmes par des Africains quand ceux-ci seront pleinement intégrés au marché mondial.
Sismondi (portrait, ci-contre) demandait au XIXe siècle que l’investissement dans les machines donne lieu à une rente servie aux travailleurs devenus en surnombre. Ce peut être le salaire indirect, tel le droit à la formation, l’accès aux soins, etc. Ce peut être aussi les assurances chômage, ou un revenu minimum. Or, sur tous les postes sociaux, y compris ceux qui concernent la santé (avec les centaines de milliers de suppression de lits d’hôpitaux), une formidable régression sociale se manifeste. « Le pouvoir de l’argent permet de neutraliser toutes les tentatives de régulation de la finance », note à juste titre Paul Jorion. Il y a à cela une raison, et elle explique que l’on ne puisse revenir aux Trente Glorieuses même si les gouvernants ne cessent depuis 35 ans de promettre une sortie de crise, après de nouveaux « ajustements », c’est-à-dire de nouveaux démantèlements des protections sociales. En effet, dans la logique du productivisme, l’ « Etat stratège », l’Etat keynésien visant le plein emploi, ne pouvait être qu’une étape. C’est ce qu’il a été. Il eut fallu sortir de la domination du politique par l’économique, en réformant profondément l’Etat, en en faisant un « Etat du peuple tout entier ». Si l’économie est vraiment le destin, la dérégulation est forcément ce vers quoi nous tendons. Or la dérégulation est un tout, comme l’est la mondialisation. La dérégulation concerne le marché du travail, les salaires, les flux migratoires, la finance, et même les moeurs. « La crise impose de supprimer la référence à la durée légale du travail », expliquait François Fillon (10 octobre 2012). C’est le programme qu’a appliqué Macron. Pour les mondialistes, il faut toujours plus de déréglementation. Les premières victimes en sont les peuples. Ceux-ci ont ensuite la solution de subir ou bien de changer radicalement les règles du jeu, comme l’a fait l’Islande.
« L’universel, c’est le local moins les murs », dit Miguel Torga. Il est temps de réhabiliter le local car l’universel qui prétendrait se passer du local tuerait la vie elle-même dans sa chair. Ce n’est pas un hasard si c’est un « petit » peuple comme les Islandais, héritier d’une longue tradition démocratique, qui a donné le signal de l’indépendance retrouvée. De même que c’est dans la « petite » Suisse qu’il y a encore quelques éléments d’une vraie démocratie. « Small is beautiful ». Small peut en tout cas être plus efficace que le gigantisme.
2 - Au-delà d’une simple crise économique, pensez-vous que nous avons affaire à une crise beaucoup plus profonde ?
Nous avons affaire à ce que Pier Paolo Pasolini (photo) appelait un « cataclysme anthropologique ». C’est-à-dire que les cadres mêmes de la vie, les cadres des représentations éclatent. La crise de la transmission, et donc de l’éducation, qui en est un sous-produit, est la conséquence de cette crise.
La crise économique est d’abord une crise de la domination de la vie par l’économique. « L’économisme est bien la grande idéologie actuelle », écrit Peter Ulrich. « Antérieurement, pas une seule forme d’argumentation idéologique n’a exercé d’influence comparable dans le monde. La critique de l’économisme ou la critique de la ratio économique exempt de toute limitation consiste, dans la perspective des sciences humaines, à rattraper un peu ce que le siècle des Lumières a réalisé. » C’est effectivement le paradoxe : les Lumières ont prétendu porter un projet d’émancipation, mais ont abouti à une nouvelle crédulité, à un nouvel obscurantisme : la croyance en la toute-puissance autorégulatrice de l’économie. C’est la traduction philosophique d’une réalité sociologique et politique, et celle-ci a été justement dénoncée sous le nom de dictature de l’argent.
« L'argent, le gros argent n'est, n'a été ni à Droite ni à Gauche. Pour sauver ses avantages les plus abusifs, il n'a cessé de jouer alternativement de la Gauche et de la Droite, le plus souvent même de la Gauche, en exploitant un certain nombre d'idéologies », écrivait Emmanuel Beau de Loménie (La Parisienne, N° « La droite », octobre 1956). (il est vrai qu’Emmanuel Beau de Loménie en tirait des conclusions insuffisamment rigoureuses en mettant en cause, presque seule, une caste issue du 18 Brumaire, les « Jacobins nantis », ou « le syndic de défense des régicides » dont parle Louis Madelin). La crise économique est en fait une crise de la domination de l’économie. Plus profondément, le problème de notre temps est que la domination de l’argent fait que tous les biens sont ramenés à des marchandises. Tout est calculable en argent et tout est calculé en argent. Donc, tous les biens deviennent aliénables. En ce sens, l’homme n’est plus propriétaire de rien, ni de son métier, ni d’une maison de famille, ni d’un patrimoine spirituel, ni du droit de décider du sens de sa vie. « L'argent est la marchandise qui a pour caractère l'aliénation absolue, parce qu'il est le produit de l'aliénation universelle de toutes les autres marchandises. Il lit tous les prix à rebours et se mire ainsi dans les corps de tous les produits, comme dans la matière qui se donne à lui pour qu'il devienne valeur d'usage lui-même », écrit Marx (Le Capital, 1867). Ce que nous vivons est donc, en toute rigueur, une crise non de l’économie, activité qui devrait être limitée à satisfaire les besoins du peuple (la conduite des « affaires de la maison »), mais une crise de la chrématistique, c’est-à-dire une crise de l’accumulation des biens et plus encore de l’accumulation de l’argent.
Avec l’Habeas Corpus de 1679, nous sommes passés de l’idée d’une société bonne à celle de justice dans les rapports sociaux, ce qui n’est pas la même chose. L’équité dans les rapports entre individus est nécessaire, mais elle n’a de sens que dans le cadre d’une pensée du bien commun. Nous sommes ensuite passés avec le triomphe de l’individualisme au XVIIIe siècle à la référence à l’idée d’intérêt comme seul facteur de légitimation : donner libre cours à la recherche de son intérêt serait la meilleure façon d’accroitre la richesse sociale globale, identifiée à ce qui reste du bien commun. Ce qui est bon pour moi serait automatiquement bon pour tous. C’est la Fable des abeilles (1714-1729) de Bernard Mandeville. C’est une habile façon de moraliser la recherche de son intérêt individuel. On n’est pas obligé d’être convaincu.
Si le bien commun n’est que ce qui est mesurable, alors, en effet, comment trouver quelque chose de plus rigoureusement mesurable que la richesse monétaire ? C’est pourquoi une solution purement économique à une crise qui n’est pas qu’économique n’a pas de sens. « Le refus d’envisager d’autres approches de la crise par les partis au pouvoir un peu partout en Europe, leur incapacité à penser hors du tout économique (entendez libéral) ne relève ni d’un complot, ni d’un manque d’imagination. Elle reflète à la fois les rapports de force actuels entre les acteurs et illustre combien le référentiel des hommes politiques est déphasé par rapport à la crise actuelle », écrit Michel Leis. Une civilisation meurt quand ses élites ne comprennent pas la nature d’un processus en cours, ou quand elles en sont complices – ce qui est le cas. Les « élites », ou plutôt les classes dirigeantes sont le moteur du productivisme effréné, de la mondialisation capitaliste, de la consommation et consumation de la planète par l’homme
La crise actuelle est d’une nature très différente des crises précédentes, comme par exemple celle qui a succédé à la défaite de 1870. Alors que l’éducation se répandait dans les années 1870-1880, nous sommes confrontés à une décivilisation, comme l’écrit Renaud Camus. L’homme se re-primitivise. C’est l’obsolescence de l’homme, et pas seulement celle des objets, qui menace. La technophilie devenue technofolie asservit l’homme. Appareillé, des écouteurs aux oreilles, tenu en laisse par ses propres instruments, devenu un appendice de ses propres prothèses, un périphérique de ses propres appareils, l’homme est devenu l’objet de ses objets.
Le culte de la technique amène à penser que tout ce qui est possible doit être réalisé. D’où une nouvelle barbarie sophistiquée, peut-être la pire de toute. Günther Anders affirmait en 1977 que « la tâche morale la plus importante aujourd’hui consiste à faire comprendre aux hommes qu’ils doivent s’inquiéter et qu’ils doivent ouvertement proclamer leur peur légitime » (Et si je suis désespéré, que voulez-vous que j’y fasse?, Paris, Allia, 2001). On ne saurait mieux dire.
3 – Peut-on imaginer un instant que les politiciens français et européens actuels soient capables de résoudre cette crise ?
Il n’y a pas de nouveau de Gaulle, capable de prendre des décisions historiques tranchantes, fussent-elles douloureuses. Non que les hommes politiques français et européens soient tous médiocres. Jean-Pierre Chevènement, Arnaud Montebourg, quelques autres parfois n’ont pas formulé des analyses sans intérêt. Le problème est que la plupart des hommes politiques ont du mal à s’élever au-dessus des préoccupations économiques à court terme. Tout est fait au demeurant pour cela, toute la logique du système consiste à faire des élus des relais du système. La dévalorisation et même l’oubli de la culture générale, des humanités, de la culture historique contribuent aussi à leur enlever le recul qui serait nécessaire pour dépasser les préoccupations gestionnaires à court terme.
Dans le même temps, tout est mis en place pour limiter, voire interdire l’expression du peuple sur les sujets essentiels. Or, ce ne peut être que du peuple qu’un sursaut pourrait venir, en liaison bien entendu avec des activités militantes. « Il se trouve des époques violentes où l’Etat renaît pour ainsi dire de ses cendres et reprend la vigueur de la jeunesse … mais ces évènements sont rares », écrit Rousseau (Contrat social, livre II, chapitre VIII).
Il faut un événement déclencheur. Les couvercles les mieux arrimés finissent par sauter sous la pression. Demain est entre les mains du peuple. « Le peuple, qui a l'avenir et qui n'a pas le présent ; le peuple, orphelin, pauvre, intelligent et fort ; placé très bas, et aspirant très haut ; ayant sur le dos les marques de la servitude et dans le cœur les préméditations du génie » (Victor Hugo, préface de Ruy Blas).
4 – Face à cette crise, une autre Europe est-elle concevable ? Si oui, laquelle?
Je souhaite que les nations d’Europe pèsent dans le même sens: indépendance vis-à-vis des Etats-Unis, rapprochement sans asservissement avec la Russie. Je sais que les nations d’Europe pèseront plus ensemble que séparées. A condition que certaines ne soient pas le cheval de Troie de puissances non européennes. Je suis européen de cœur et je veux une Europe-puissance, mais pas seulement une Europe-puissance, je veux aussi une Europe comme modèle de civilisation. Une Europe-équilibre face aux excès de la modernité.

Nous refusons « la fourmilière américaine tout comme soviétique », disaient les non conformistes des années trente. Aujourd’hui, il s’agit de refuser tout aussi bien la financiarisation/désindustrialisation des économies américaines et européennes que le contrôle social de la Chine « Populaire » et son modèle de développement (à quel prix humain et écologique ?). Une dictature capitalo-communiste, dans le cadre d’une société de surveillance et d’une citoyenneté « à points » ? Non merci. Il faut aussi refuser la désindustrialisation chez nous et le développementisme à tout prix ailleurs pour une autre raison : l’un est la condition de l’autre, l’un est l’autre face de l’autre. C’est parce qu’il n’y a plus d’industrie en Europe – et surtout en France – qu’elle est en Asie.
Il faut assurément que l’Europe retrouve une économie industrielle, que seule l’Allemagne garde (relativement d’ailleurs, car elle est largement sous-traitée en Europe de l’est). Mais ce retour à l’industrie doit se faire de manière ordonnée et responsable par rapport à l’environnement. (il est à noter que notre agriculture productiviste est infiniment plus dévastatrice par rapport à l’environnement que ne le seraient nombre d’industries disparues du paysage de notre pays).
Concernant la méthode, l’objectif d’une Europe confédérale, ce que j’appelle l’Empire européen (un Empire non impérialiste, qui serait l’organisation de la diversité des peuples européens), me parait souhaitable, mais il est évident qu’une Europe confédérée n’a de sens que si elle est aux mains des peuples. Or, la « construction » européenne actuelle en est très éloignée. Dés lors, il faut savoir faire un pas en arrière quand on va dans une mauvaise direction. C’est pourquoi ceux qui prédisent la sortie de l’euro et pensent que nous devons l’anticiper, ou ceux qui pensent que l’euro devrait devenir une simple monnaie commune (si cela est possible), et non pas unique, ne me paraissent pas forcément de « mauvais Européens ».
La condition impérative pour une autre Europe, c’est que les peuples se ressaisissent de leur destin. Le souverainisme national ne me parait pas tenable à long terme, mais il peut être une étape avant de construire une Europe autocentrée, avant un protectionnisme européen, une maitrise européenne des frontières, un souverainisme européen. Une économie autocentrée (André Grjebine, 1980). Actuellement, les peuples ont le sentiment d’être dépossédés d’eux-mêmes, ils considèrent que l’Europe telle qu’elle est, l’UE, contribue à cette dépossession. De fait, l’Europe actuelle est profondément antidémocratique. Il faut remettre la démocratie au coeur de l’action politique, il faut la faire vivre localement, car le local est un fragment du global. Disons-le simplement : les peuples doivent décider. Ils doivent décider de tout et partout. La démocratie n’est pas le « pouvoir de la populace », rappelait Rousseau. Le mondialisme – et la pseudo-gouvernance mondiale qui se profile – se fait au nom d’un cosmopolitisme que Rousseau appelait déjà une « vertu de papier ». La dimension mondiale de nombreux problèmes ne veut aucunement dire que les peuples doivent disparaitre et se fondre dans un moule unique : le producteur-consommateur du grand marché mondial uniformisé. A problèmes mondiaux, solutions locales. Ce sont les diversités de peuples, de culture, de civilisations qui sont la chance du monde.
PLV
Pierre Le Vigan a publié :
L’effacement du politique, La barque d’or
Le grand empêchement. Comment le libéralisme entrave les peuples, Perspectives libres-Cercle Aristote
Eparpillé façon puzzle. Macron contre le peuple et les libertés, Perspectives libres-Cercle Aristote
Le Coma français, Perspectives libres-Cercle Aristote
17:32 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : europe, affaires européennes, crise, crise de 2008, libéralisme, économie |
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Police ou milice?

Police ou milice?
Pierre-Emile Blairon
Blindés de la gendarmerie (Centaures), hélicoptères chargés de gazer les manifestants, CRS en tenue de combat… tout un dispositif jamais vu en France (si ce n’est lors des manifestations des Gilets jaunes) pour abattre… 207 vaches parfaitement saines avec la complicité de certains services vétérinaires soumis à leur Ordre, collaborateur du pouvoir globaliste, tout comme leurs collègues de l’Ordre des médecins avaient persécuté les médecins refusant les faux vaccins lors de la fausse pandémie.
Cet épisode qui a scandalisé la France entière ce 12 décembre 2025 est la suite logique d’une politique voulue par le gouvernement qui gère actuellement la France et qui privilégie et même anticipe l’application des accords passés par la Commission européenne avec certains Etats d’Amérique du Sud (Mercosur) au détriment de la paysannerie française. Nous avions déjà alerté il y a 6 mois les populations des projets radicaux de notre gouvernement qui, non seulement suit aveuglément les directives européennes mais les dépasse avec un zèle inattendu et une violence inédite dans les modalités de leur application. Voir notre article du 30 juillet 2025 : Mercosur en vue : éradication du cheptel français… et de nos paysans avec !
Quand les forces de sécurité retournent leurs armes contre le peuple qu’elles ont pour mission de protéger, quand elles obéissent aveuglément et passivement à des ordres iniques, provenant d’autorités qui dilapident nos ressources et vendent nos entreprises à l’encan, ne deviennent-elles pas une milice au service d'intérêts étrangers ou qui ne sont pas ceux de la Nation ?
Sept membres de ces forces de l’ordre ont sauvé, ce jour-là, l’honneur de leur profession et celui de leurs collègues présents sur place, en refusant de réprimer les paysans présents pour soutenir l’agriculteur obligé de voir l’extermination de son troupeau. Un ancien gendarme, Marc-Jean Clairval, a pris la parole pour rappeler les devoirs et les engagements des forces de l’ordre au service de la patrie [1] et non pas d’un gouvernement, éphémère comme tous les gouvernements.
Les Français ne mourront pas pour BlackRock qui travaille à confisquer nos terres, ni pour Bill Gates qui veut nous faire manger des insectes et de la viande artificielle, ni pour l’Ukraine mafieuse, ni pour l’Otan qui ne rêve que de soumettre la Russie et voler ses ressources, ni pour les institutions européennes corrompues à la solde des globalistes qui nous imposent une immigration débridée, ni pour le Mercosur qui va nous submerger de produits contaminés, ni pour les traîtres qui siègent à l’Assemblée nationale et au Sénat, accrochés à leurs fauteuils bien rembourrés, ceux qui font mine de s’intéresser au sort des citoyens qui les ont élus mais qui, en vérité, s’en balancent éperdument.
Les Français ne mourront pour personne d’autre que leurs familles et leurs amis, et pour rien d’autre que leur terroir, leurs villages, leur qualité de vie, leur patrimoine et leurs coutumes millénaires.
Pierre-Emile Blairon
Note:
[1] https://www.facebook.com/reel/2988191398033538
13:35 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : france, actualité, europe, affaires européennes, révolte paysanne |
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