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lundi, 30 septembre 2019

Beyond multipolarity. This world is doomed; are we prepared for The Day After?

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Au-delà de la multipolarité. Ce monde est voué à l’échec ; sommes-nous prêts pour Le Jour d’Après?

Chisinau Forum III: Paul Ghițiu, écrivain, journaliste, cinéaste, politicien, Roumanie

Au-delà de la multipolarité. Ce monde est voué à l’échec ; sommes-nous prêts pour Le Jour d’Après?

Je commencerai par vous demander de vous souvenir de deux épisodes bibliques. La première est la Tentation d’Adam et Ève dans le Jardin du Paradis. La seconde, l’expulsion des marchands du Temple.

Dans le merveilleux livre de Michael Ende „The Never Ending Story”, la Terre Fantastique est sous la menace du RIEN. C’est notre propre histoire et celle de notre monde.

La multipolarité est-elle réelle ?

Nous sommes réunis ici pour parler de multipolarité. La plupart d’entre nous, peut-être même tous, appuyons cette perspective et en sommes même ravis. Est-ce une bonne chose ? C’est bien ce que vous croyez. Enfin, l’Empire américain est défié et en voie de décadence. Mais la multipolarité est-elle réelle ? Nous n’avons pas de réponse claire à cette question. Personnellement, puisque la multipolarité a été annoncée par Macron, qui a pointé du doigt les États-Unis, c’est-à-dire l’Empire américain, comme étant coupable de la décomposition de l’Occident, je ne crois pas que cela le soit. Plutôt une étape de leur plan, ou une évolution moins favorable, mais prise en compte. (Ne me dites pas que Rothschild lui a donné des millions pour quelques jours de travail dans sa banque et l’a laissé être un libre-penseur.)

La déclaration de Macron n’est pas un aveu, c’est de l’espièglerie : OK les gars, vous avez gagné, on se rend bla-bla-bla-bla ! Pour endormir notre conscience, pour nous faire croire qu’ils se rendent.

Ensuite, il y a Trump, ou plutôt les forces derrière lui, une partie de cette mafia mondialiste qui sont des personnages actifs dans cet épisode de changement du monde. Et, enfin, et c’est le plus important, n’oubliez pas que le centre qui gouverne le monde est plus actif et plus puissant que jamais : L’ONU avec tous ses organes et institutions et organisations (FMI, BM, OMS, HWO, Fonds des Nations Unies pour l’enfance, connu à l’origine sous le nom de Fonds international d’urgence des Nations Unies pour l’enfance, OMC et ainsi de suite) promeut et impose les politiques les plus néfastes de notre temps : domination du capital, paupérisation des pauvres et enrichissement des riches, migrations, vaccination, lgbtisation, programme de genre et bien d’autres.

J’ai l’impression qu’une fois de plus, ils essaient de jouer contre nous. A partir de cette scène paradisiaque, et plus discernable pour notre civilisation, depuis la Révolution française. Tout le temps, ils préparaient des mouvements à l’avance, de faux drapeaux, des impasses, des fausses directions et tout le temps que nous devions réagir. Et, en regardant autour de nous, nous pouvons dire que, jusqu’à présent, ils ont presque entièrement réussi. Ils ne l’ont jamais manqué. Est-ce qu’ils vont le rater maintenant ?

Nous aurons un monde multipolaire. Ces nouveaux poles fonctionneront-ils différemment ? Ces poles rejetent-ils les fondements économiques oppressifs de nos sociétés et vivent-ils pour une nouvelle vision ? L’argent demain sera-t-il moins important que les âmes ? Que l’amitié, que le respect, que l’amour ?

Je ne pense pas, et je vais vous expliquer pourquoi. Mais, bien sûr, qu’elle soit authentique ou non, nous la soutenons tant qu’elle signifie la décadence de l’Empire.

Un monde non humain. L’Empire de la capitale.

Reliez la „tentation du Paradis” avec le rejet de Dieu de nos jours, puisque nous nous sommes déclarés dieux. Relier „l’expulsion des marchands” de la synagogue avec ceux qui sont maintenant au pouvoir dans notre monde. Les marchands. Qu’ont-ils fait ? Ils nous ont offert le fruit du libéralisme, la partie supérieure, la partie apparemment décente et bénéfique de l’idéologie du capital. Et on l’a mordu profondément.

Nous ne vivons plus dans un monde humain. Jusqu’à récemment, les étiquettes des sociétés et des états humains étaient liées à quelque chose d’humain : activité, outils, relations, hiérarchie ou statut social, etc.

Nous vivions à l’âge de pierre, à l’âge de bronze, à l’âge du fer, à l’esclavage, au féodalisme, à l’état d’esclave, à la monarchie, à la royauté, à la république, à la démocratie, à l’aristocratie (une des trois formes étatiques des Aristoteles). Mais le monde dans lequel nous vivons est capitaliste (ou socialiste ou communiste, les niveaux inférieurs de la pile idéologique du capital). Aujourd’hui, nous sommes des libéraux, des socialistes, des communistes – toutes des identités idéologiques, toutes issues de la même source : le capitalisme émergent des âges humaniste et illuministe, à la recherche d’un moyen d’attraper le pouvoir mondial : à savoir, se légitimer comme la nouvelle religion du monde.

Aujourd’hui, l’argent est le principal déterminant de la „vérité”. „La vérité” est ce que dit l’argent, et l’argent a le pouvoir d’imposer la „vérité”. La vraie vérité, telle que j’essaie de la dire, n’est pas la bienvenue aujourd’hui par n’importe quel gouvernement ou intérêt dirigeant dans le monde occidental ou dans ces pays qui ont été corrompus par le monde occidental. En effet, l’ennemi de la vérité aujourd’hui n’est plus à Moscou ni en Chine. L’ennemi est à Washington, New York et Hollywood, à CNN, MSNBC, NPR, New York Times, Washington Post, et dans les universités et les scientifiques qui mentent pour de l’argent, et dans les super riches qui contrôlent ces entités, y compris le Congrès, le pouvoir exécutif, le Bureau ovale et le pouvoir judiciaire. (Paul Craig Roberts : La vérité est une espèce en voie de disparition)

Un monde en métastase

La mafia financière mondialiste ne disparaît pas si un monde multipolaire émerge. Ils continueront d’être ici : sous la serviette de table, sous l’oreiller, dans nos maisons et nos voitures, dans tous nos appareils, qui „remplissent le vide de notre vie” ; sous la nouvelle fondation culturelle ; partout dans le système éducatif ; sous les réseaux sociaux ; sous 99% de notre existence quotidienne. Avec d’énormes sommes d’argent, avec une grande partie de la Terre en leur propriété, avec des centaines de millions de sujets dans leurs sociétés transnationales et nationales, les réseaux structurels de l’Etat, la société civile, les médias, etc.

Nous vivons dans un monde qui c’est presque complètement rendu à l’argent. Et l’argent n’a pas d’autre „religion”, pas d’autre règle de base que leur multiplication. Ils n’ont pas de sentiments (la haine vient de leur maître), pas de douleurs, ils ne peuvent ni pleurer, ni rire, ni rêver. Ils ont toujours faim. Ce sont des tueurs de sang froid. Et ils sont profondément despotiques à 100 %. Pas de sympathie, pas de chimie, pas de pitié, pas de bonne volonté. Rien que plus d’argent, plus de vide, plus de RIEN. C’est pourquoi toutes les autres valeurs, tous les autres principes qui leur sont opposés doivent être pervertis, annihilés sans pitié. A propos de tout cela, nous ne pouvons pas nous faire d’illusions ; tout est clair comme de l’eau de roche.

Nous avons a affaire, notre monde a affaire au cancer ; une tumeur énorme qui n’est pas si facile à détecter puisqu’elle se cache derrière des institutions et des organismes nationaux et internationaux. Mais le vrai problème mortel, c’est qu’il a infecté toutes les cellules du corps humain, des sociétés humaines ; les cellules cancéreuses sont partout et dans presque toutes les cellules, apparemment,  sains le virus est présent en latence. Nous parlons à leur façon, nous pensons à leur façon, nous mangeons, nous dormons, nous aimons / détestons, nous perdons notre temps à leur façon. Nous sommes des clones de l’esclave parfait qu’ils ont développé dans leurs laboratoires sociaux. Donc, si nous voulons avoir un monde meilleur, nous devons rejeter tout ce qui leur appartient.

Ces personnes, ces serveurs du Mal ne s’arrêteront pas ; l’algorithme implanté en eux les pousse continuellement sur le chemin de l’esclavage humain, de la démolition de la création de Dieu. Ils sont ajustés pour aller jusqu’au bout : la destruction de la planète entière. Et je pense qu’il y aura bientôt la destruction, la douleur, la mort. Si jamais quelque chose réussit à s’opposer à eux au point de contrer et de vaincre leurs projets, ils sont prêts à tout faire sauter. Trois sont la raison pour laquelle ils ne le feront pas : D’abord, la volonte du Dieu. Deuxièmement, parce que jusqu’à présent, il n’y avait pas une telle force qui s’opposait à eux. Troisièmement, pervertir les gens avant de les tuer est une victoire plus douce pour le Diable que de les tuer directement. Une longue agonie d’un rituel tentant avant la mort.

Nous sommes confrontés à trois alternatives principales :

  1. La multipolarité est fausse. Ils réussissent à asservir le monde entier, mais pas tous les gens et pas pour toujours (volonté de Dieu). Plus tard, ils commencent à se battre les uns contre les autres jusqu’à une grande destruction du monde.
  2. La multipolarité est authentique, opposée non seulement au faux Empire américain, mais aussi au véritable Empire du Capital, principalement à son noyau anglo-zioniste. Les impériaux vont déclencher la guerre, une grande partie du monde est détruite. (C’est le véritable but des bases de missiles autour de la Russie et de la Chine.)
  3. La multipolarité est en fait authentique, mais les sociétés et les États compris dans les nouvelles politiques sont infectéset les générations suivantes s’agenouilleront devant le même maître ténébreux.

La seule solution : revenir à la VÉRITÉ

Dans l’une ou l’autre de ces variantes, l’avenir n’est pas du tout serein. Par contre, il fait assez sombre.

Amis ? De l’aide ? Malheureusement, puisqu’elle renforce en nous la croyance que nous sommes des dieux, la technologie n’est pas vraiment notre amie. Ni la démographie (taux de natalité), ni la répartition de la population entre villes et villages. Il en va de même pour la culture, l’éducation, les structures étatiques.

Le rythme de la transformation du monde ne cesse de s’accélérer. Nous parlons d’un monde multipolaire qui émerge, mais demain matin, il est déjà parti. La multipolarité ne sera que quelque chose que nous avons laissé derrière nous et nous devons déjà penser à l’avenir, essayer, pour une fois dans notre histoire, de penser plus loin qu’eux. Quelle est la formule suivante ? Que devons-nous faire pour les surmonter?

La solution radicale et unique est d’abandonner tout ce qui nous lie à ce faux monde : concepts, idéologie, dogmes, mots, références, habitudes, objets. Nous devrions abandonner tout ce que nous critiquons à l’égard de nos ennemis : les traits extérieurs, mais surtout les traits intérieurs.

Si nous ne cherchons qu’une nouvelle voie, une nouvelle solution pour un monde meilleur, sans d’abord nous changer nous-mêmes, nous continuerons à travailler leur volonté. La vraie et unique solution est l’ancienne solution qui consiste à nous changer, c’est-à-dire à réinitialiser notre intérieur, selon le modèle de Jésus-Christ, de revenir à ce genre de pensée, parler et agir. De retourner à la VÉRITÉ.

Source - FLUX

Beyond multipolarity. This world is doomed; are we prepared for The Day After?

Chisinau Forum III: Paul Ghițiu, writer, journalist, film maker, politician, Romania

I will start by asking you to remember two biblical episodes. The first is the Temptation of Adam and Eve in the Paradise Garden. The second, the expulsion of the merchants from the Temple.

In the wonderful book of Michael Ende „The Never Ending Story”, the Fantasy Land is under the threat of the NOTHINGNESS. That’s quite our own and our world story.

Is multipolarity genuine?

We gathered here to talk about multipolarity. Most of us, maybe all of us are supporting and even delighted with this perspective. Is it a good thing? It does certainly look like that. Finally, the American Empire is challenged and on the way of decay. But is multipolarity genuine? We have no clear answer to this. Personally, since multipolarity has been announced by Macron, who pointed to US, i.e., The American Empire as being guilty of West decay, I believe it’s not. Rather a step of their plan, or an evolution less favorable, but taken into account. (Don’t tell me that Rothschild gave him some millions for a few days of work within his bank and let him be a free-thinker.)

Macron statement is not an admission, is roguery: OK folks, you won, we surrender bla-bla-bla! To put to sleep our awareness, to make us believe that they are surrendering.

Then, there is Trump, or rather the forces behind him, a part of that globalist mafia who are active characters in this episode of changing the world. And, finally, but most important, don’t forget that the world governing center is more active and powerful than ever: UN with all its bodies and institutions and organizations (IMF, WB, HWO, United Nations Children’s Fund, originally known as the United Nations International Children’s Emergency Fund, WTO and so on and so on) promoting and imposing the most malign policies of our days: capital domination, impoverishment of the poor and enrichment of the rich, migration, vaccination, lgbtization and gender agenda and many others.

I have a feeling that one more time they try to play us. As from that Paradise scene, and more discernable for our civilization, since the French Revolution. All the time they prepared some movements in advance, false flags, dead ends, false directions and all the time we had to react. And, looking around us, we can say that until now they were almost completely successful. They never missed it. Will they miss it now?

We will have a multipolar world. Will these new poles work differently? Are these poles rejecting the economical oppressive foundation of our societies and lives for a new vision? Will money tomorrow be less important than souls? Than friendship, than respect, than love?

I don’t think so, and I will explain why. But, of course, genuine or not we are supporting it as long as it means the decay of the Empire.

A non-human world. The Empire of Capital

Relate „Paradise temptation” with nowadays rejecting of God since we declared ourselves gods. Relate „expulsion of merchants” from synagogue with who is now in power in our world. The merchants. What have they done? They offered us the fruit of liberalism, the upper part, the apparently decent and benefic part of the Capital Ideology. And we bit it deep.

We are not living in a human world anymore. Until recently, human societies and states labels were related to something human: activity, tools, relations, hierarchy or social status and so on.

We lived in the stone age, bronze age, iron age, slavery, feudalism; slave state, monarchy, royalty, republic, democracy, aristocracy (one of the three state forms of Aristoteles). But the world we are living in is Capitalist (or, Socialist, or Communist, the lower levels of the capital ideological stack). Today we are liberals, socialists, communists – all ideological identities, all coming from the same source: the emerging capitalism of humanist and illuminist ages, looking for a way to catch the global power: namely, to legitimize itself as the new religion of the world.

Today money is the main determinant of “truth.” “Truth” is what money says, and money has the power to enforce “truth.” Real truth, such as I attempt to tell, is not welcome today by any government or ruling interest anywhere in the Western World or in those countries that have been corrupted by the Western World. Indeed, the enemy of truth today is no longer in Moscow or China. The enemy is in Washington, New York, and Hollywood, in CNN, MSNBC, NPR, New York Times, Washington Post, and in the universities and scientists who lie for money, and in the super-rich who control these entities, including Congress, the Executive Branch, and Oval Office, and Judiciary. (Paul Craig Roberts:  Truth Is an Endangered Species)

A world in metastasis

The globalist financial-banking mafia doesn’t vanish if a multipolar world is emerging. They will continue to be here: under the table napkin, under our pillow, in our houses and cars, in all our devices, that „filled the void of our lives”; under the new cultural foundation; everywhere within the educational system; under the social networks; under 99 % of our daily existence. With huge amounts of money, with a large part of Earth în their property, with hundreds of millions of subjects in their transnational and national companies, state structural networks, the civil society, media and so on.

We are living in a world that near completely surrendered to money. And money has no other „religion”, no other ground rule than their multiplication. They have no feelings (hate is coming from their master), no pains, they can’t cry or laugh, or dream. They are always hungry. They are cold blood killers. And they are profoundly 100 % despotical. No sympathy, no chemistry, no mercy, no goodwill. Nothing than more money, more void, more NOTHINGNESS. That’s why any other values, any other principles opposed to them have to be perverted, annihilated without mercy. About all these we can’t have illusions; everything is crystal clear.

We are dealing, our world is dealing with cancer; a huge tumor which is not so easy to spot since it hides behind national and internaţional institutions and bodies. But the real deadly problem is that it infected every cell of mankind’s body, of the human societies; the cancerous cells are everywhere and in near all, apparently, sound cells the virus is present in latency. We are speaking their way, we are thinking their way, we are eating, sleeping, loving/hating, wasting our time their way. We are clones of the ever-perfect slave they developed in their social laboratories. So, if we want to have a better world, we have to reject everything that’s theirs.

These people, these servers of Evil will not stop; the algorithm implanted inside them pushes them continuously on the way of man enslavement, of God creation demolition. They are adjusted to go up to the complete end: the destruction of the whole planet. And, I think, there will be soon destruction, pain, death… If ever something will succeed to oppose them so hard as to counter and defeat their projects they are ready to blow up everything. Three are the reason they will not do it: First, God Will. Second, because up to now there was not such a force opposing them. Third, perverting people before killing them is a more sweet victory for the Devil, than killing them directly. A long agony of a tantalizing ritual before death.

We are facing three main alternatives:

  1. Multipolarity is fake. They succeed in enslaving the whole world buit not all the people and not forever (God Will). Later they start fighting with each other up to a large destruction of the world.
  2. Multipolarity is genuine, opposed not only to the fake American Empire but to the real Empire of Capital, mainly to the anglo-zionist core of it. The imperials will start the war, a large part of the world is destroyed. (That’s the true purpose of the missiles bases around Rusia and China.)
  3. Multipolarity is actually genuine, but societies and states comprised in the new pols are infected and the next generations will kneel before the same tenebrous master.

The only solution: returning to TRUTH

In any of the above variants, the future is not at all serene. Per contra, it looks quite dark.

Friends? Help? Unfortunately, since it enforces in us the belief that we are gods, technology is not really our friend. Neither demography (the birth rate), nor the population distribution between cities and villages. The same with culture, education, state structures.

The pace of world transformation is increasingly on and on. We are talking about a multipolar world that is emerging, but tomorrow morning it is already gone away. Multipolarity will be just something we left behind and we have to already think the future, to try, for once in our history, to think ahead of them. What is the next formula? What do we need to do to overcome?

The radical and only solution is to abandon everything that ties us to this fake world: concepts, ideology, dogmata, words, references, habits, objects. We should abandon everything we are criticizing at our enemies: outer features, but mainly inner ones.

If we are looking only for a new way, a new solution to change in better the world, without first changing ourselves, we will continue to work their will. The real and only solution is the old one of changing us, i.e. to reset our inner, according to the model of Jesus Christ, to that kind of thinking, speaking and acting. To go back to TRUTH.

Source - FLUX

10:53 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actaulité, politique internationale, multipolarité | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Analyse d’un Général français sur les frappes Houties

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Analyse d’un Général français sur les frappes Houties

 
Ex: https://www.katehon.com

À l’annonce des frappes revendiquées par les Houthis et aux diverses questions qu’elles suscitent, je réponds ceci :

Je n’ai aucune raison de mettre en doute la revendication houthie pour les raisons suivantes :

– C’est une action en légitime défense parfaitement compréhensible.

Les territoires tenus par les Houthis sont bombardés quotidiennement depuis près de quatre ans par la coalition initiée et conduite par l’Arabie saoudite sous l’égide des États-Unis et d’Israël et de leurs vassaux occidentaux (France et Royaume-Uni). Face à cette agression, les Houthis, incontestablement soutenus par l’Iran, ont résisté comme ils ont pu, puis se sont organisés.

Ils mènent depuis deux ans des attaques aux drones contre le territoire de leur adversaire principal. Ces attaques à l’intérieur du territoire saoudien sont devenues, au fil du temps, plus précises, plus puissantes, plus fréquentes, plus profondes. Elles sont conduites en « légitime défense » dans le seul but de faire cesser l’agression saoudienne et l’ingérence de la « coalition occidentale » qui, toutes deux, sont meurtrières pour la population yéménite, et illégales car non approuvées par l’ONU. Des frappes houthies au cœur de l’Arabie saoudite ne sont donc pas nouvelles. Elles ont toujours été annoncées avant (sans préciser l’objectif) et revendiquées après.

Accuser l’Iran est d’une stupidité sans nom. Pourquoi l’Iran mènerait-il une attaque illégitime, voire suicidaire à partir de son sol, alors que leur allié houthi peut le faire, en légitime défense, à partir du territoire yéménite ? En outre, tous les mouvements d’objets volants sont suivis avec précision, surtout au Moyen-Orient, tant par les Occidentaux que par les Russes qui disposent des moyens les plus sophistiqués pour le faire (radars, satellites). Je ne parle évidemment pas des Saoudiens qui disposent de tous ces moyens de protection anti-aériens de fabrication US mais qui ne savent peut être pas s’en servir…. Bien sûr, l’Iran a aidé les Houthis à construire leurs drones (ingénieurs, technologies). Peut-être les a-t-il même conseillés pour leur mise en œuvre. Et alors ?

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Après tout, les avions de la coalition saoudienne qui frappent quotidiennement le Yémen et les bombes ou obus qui tuent les Yéménites sont de fabrication US, britannique ou française. Les bateaux qui assurent le blocus maritime du Yémen et réduisent la population yéménite à la famine le sont aussi. Que dire devant un tel constat ?

Ce qui me frappe, c’est la frénésie des fausses accusations occidentales de plus en plus fréquentes et de moins en moins crédibles qui nous sont rabâchées quotidiennement par les médias mainstream. Tout ce qui ne va pas en Europe dans le sens voulu par nos élites dirigeantes, c’est la faute à la Russie (Ukraine, Brexit, élections nationales, affaire Skripal) ; tout ce qui ne va pas en Asie, c’est la faute à la Chine ; tout ce qui ne va pas au Proche-Orient et au Moyen-Orient, c’est la faute à l’Iran ; tout ce qui ne va pas en Amérique du Sud, c’est la faute au Venezuela, etc. On ne construit pas des politiques étrangères solides en imputant aux autres les résultats de ses insuffisances.

Dans les cercles du pouvoir, personne ne semble vouloir s’interroger sur les véritables causes des désordres mondiaux qui crèvent pourtant les yeux. Pour faire simple il s’agit, avant tout, des ingérences néoconservatrices tous azimuts et tous prétextes dans les affaires de pays souverains, ingérences d’une coalition occidentale en déclin qui cherche désespérément à maintenir son hégémonie sur le reste du monde et ses « avantages acquis » au sortir de la Seconde Guerre mondiale.

Au-delà de cette frappe et de ses conséquences en terme d’approvisionnement pétrolier, on peut se demander si cette action houthie ne constitue pas aussi un triple message de l’Iran à l’adresse des États-Unis, de l’Arabie saoudite et du reste du monde.

Le premier message adressé aux USA, et plus largement à la « coalition occidentale », pourrait bien être le suivant :

« Si les Houthis sont parvenus, avec une vingtaine de drones et missiles, et des moyens limités, à frapper des cibles à 1 000 kilomètres de leurs bases, en déjouant “le dôme de fer” saoudien, s’ils sont parvenus à réduire de moitié la production saoudienne de pétrole en une seule attaque, imaginez quel pourrait être le résultat si un grand pays comme l’Iran devait riposter à une “agression” saoudienne ou US avec plusieurs centaines de drones aussi furtifs qu’efficaces. L’Iran 2019 n’est pas l’Irak de 2003. Il est équipé et armé pour un conflit asymétrique et il n’est pas seul. Russie, Chine, Inde notamment coopèrent avec lui. N’oubliez pas que l’équilibre économique du monde est aujourd’hui très fragile et peut être ébranlé à votre détriment. À bon entendeur, salut… »

Ce message est fort, et semble avoir été entendu jusqu’à présent par ses destinataires d’autant qu’il a été appuyé par une action incontestablement efficace et d’ampleur inattendue…

Le deuxième message adressé aux Saoudiens et plus largement aux pays du Golfe, pourrait être le suivant :

« La confiance aveugle que vous avez mise dans les armements occidentaux achetés à grands frais et dans des alliances destinées à protéger vos familles régnantes n’est pas justifiée. Le résultat de la “frappe d’avertissement” houthie montre que ni l’armement, ni le soutien achetés à vos alliés n’ont permis de vous protéger. Cessez donc d’écouter et de suivre ceux qui s’ingèrent dans vos affaires pour leur seul intérêt. La sécurité dans la région du Golfe est l’affaire des pays riverains qui doivent coopérer entre eux et refuser les ingérences intéressées des pays occidentaux. »

Ce message est également fort et a été reçu 5 sur 5 par les Émirats et le Qatar à défaut de l’être encore par la jeune « tête brûlée » d’Arabie saoudite qui surestime les capacités de son pays alors même qu’il est mis en échec par le David yéménite. Un à un, les pays du Golfe reprennent peu à peu le chemin de Téhéran.

Le troisième message iranien adressé au monde entier et qui sera relayé par de nombreux pays « amis » (de l’OCS notamment) pourrait être le suivant :

« Ne confiez pas la direction du monde et votre protection à un État unique qui sème aujourd’hui le désordre et le chaos partout où il s’ingère, qui n’a plus de parole et remet en cause les traités du jour au lendemain, qui agit par la contrainte et les sanctions extraterritoriales, même à l’encontre de ses alliés, et surtout qui n’a plus les moyens militaires classiques adaptés à ses ambitions pour l’emporter dans des conflits asymétriques. Et, pour votre protection anti-aérienne, achetez le S400 russe, plus efficace et moins cher que le Patriote US qui a montré ses limites tant en Arabie saoudite qu’en territoire israélien ».

 

Source : Réseau International

 

«Les raisons cachées du désordre mondial»

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«Les raisons cachées du désordre mondial»
 
Valérie Bugault : Conférence Newhorizon au Liban

Présentation du livre « les raisons cachées du désordre mondial »

Chers organisateurs, chers auditeurs, Mesdames et Messieurs,

Je suis très honorée d’être invitée à présenter mon livre « Les raisons cachées du désordre mondial » devant vous, qui cherchez des solutions politiques pour sortir de la nasse économico-monétaire dans laquelle la finance anglo-saxonne projette l’avenir politique planétaire.
 
Le mouvement de globalisation, tant et souvent décrié, est, à mon sens, mal compris, pour ne pas dire « très mal compris ». Or, pour combattre utilement, il est nécessaire d’identifier clairement non seulement l’ennemi qui est en face mais encore et surtout les armes et les méthodes qu’il utilise. Or si les techniques financières de la globalisation à la mode anglo-saxonne sont parfaitement identifiables, et de plus en plus souvent identifiées, les méthodes utilisées par l’ennemi sont trop peu souvent, pour ne pas dire jamais, évoquées ; elles sont pourtant intéressantes à plus d’un titre.

Parmi les méthodes utilisées pour développer la globalisation économique et financière, se trouve un point de référence qui, à lui seul, explique l’extrême efficacité des processus mis en œuvre. Les partisans de la globalisation planétaire ont réussi le tour de force de dissocier le pouvoir politique de la responsabilité qui, dans un ordre politique naturel, accompagne immanquablement le pouvoir. Alors que le terme de « politique » suppose un pouvoir identifié qui va, en conséquence, de pair avec une responsabilité identifiée, les financiers à la manœuvre dans le processus de globalisation mondiale ont instauré, par le double mécanisme :
  • du parlementarisme anglais dominé par des « partis politiques » et des « banques centrales indépendantes »,
  • un système permettant, au sein de chaque État, l’irresponsabilité politique totale des véritables donneurs d’ordre, qui sont les « tenanciers du système économique ». Dans cet « ordre politique » nouveau, issu des Révolutions occidentales du XVIIIème siècle – les premières Révolutions colorées de l’histoire –, les « hommes politiques » ne sont que des hommes de paille, des courroies de transmission des véritables donneurs d’ordre anonymes qui sont les principaux détenteurs de capitaux.
Après avoir organisé, par l’instauration de réformes politiques ad hoc, leur irresponsabilité politique, les principaux propriétaires de capitaux ont pu organiser les règles du jeu économiques et monétaires dans un sens qui leur soit totalement et irrémédiablement favorable. Dans ce contexte, le capitalisme, loin d’être l’idéologie dont on le pare volontiers, est en réalité une arme de guerre permettant de générer encore plus d’anonymat au profit de ceux qui en contrôlent, et édictent, les règles du jeu. Cet anonymat permettant, en retour, l’organisation « spontanée » c’est-à-dire mécanique, de la plus vaste concentration des richesses qui ait jamais eu lieu sur cette terre ; concentration des richesses qui se fait en toute impunité sans aucun compte à rendre à personne.

Le régime parlementaire de type anglais est une organisation sociale perverse

La perversité de ces mécanismes a pour principale raison d’être de supprimer la possibilité de l’existence de contrepouvoir. Plus précisément, les contrepouvoirs apparents, hautement claironnées comme étant la quintessence de la démocratie, sont en réalité tout à fait, et structurellement, inefficaces.

En particulier, le principe de « séparation des pouvoirs » théorisé par Montesquieu est, en régime parlementaire de type anglais, inopérant, neutralisé par le fait que les partis politiques qui gagnent les élections occupent en réalité toutes les places au sein des pouvoirs législatif et exécutif.

Quant au pouvoir judiciaire – troisième pouvoir identifié par Montesquieu – il n’existe tout simplement pas pour la simple raison que les instances juridictionnelles sont techniquement chargées de la mise en œuvre du pouvoir législatif, qui leur échappe, et que la force nécessaire pour faire appliquer une décision de justice appartient au pouvoir exécutif, qui leur échappe tout autant. Le prétendu « pouvoir judiciaire » est en réalité étroitement dépendant des pouvoirs législatif et exécutif. Il ne peut, d’ailleurs, pas en être autrement tant il est vrai que le concept de « justice » est au cœur de l’émergence du « pouvoir politique ». Autrement dit : le pouvoir politique, qui consiste à organiser la vie de la Cité, est, par essence, doté de la capacité de « rendre justice ».

Par ailleurs, si le pouvoir politique nécessite évidemment, pour ne pas être tyrannique, des contrepouvoirs, dissocier de façon autoritaire les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire tout en ignorant le pouvoir monétaire revient à faire disparaître la réalité du pouvoir politique. Ou plutôt, la nature ayant horreur du vide, cela revient à transformer le pouvoir politique en un théâtre d’ombres occupé par des pantins avec, derrière la scène les véritables acteurs qui œuvrent en secret – c’est-à-dire de façon anonyme. Ces acteurs politiques réels sont représentés par la caste des « banquiers commerçants » dont les intérêts, de nature privé, sont uniformes.

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Or, d’un point de vue méthodologique, « les intérêts privés » s’opposent de façon mécanique aux « intérêts publics » qui sont justement à l’origine du pouvoir politique. Car il faut revenir à la substance des choses et des idées. Le « pouvoir politique » correspond à la nécessité d’organiser la vie de la « Cité » ; ce qui suppose la prise en compte institutionnelle des différents intérêts qui traversent ladite « Cité ». Organiser la vie de la Cité consiste à faire de choix, à opérer des arbitrages entre les différents intérêts qui existent dans la Société ; or, en régime parlementaire de type anglais, ces intérêts ne sont tout simplement pas politiquement représentés. Par ailleurs, les arbitrages politiques n’ont, à terme, de réelles efficacités, de capacités propres, que s’ils sont perçus par l’ensemble des membres de la collectivité comme relevant d’un sacrifice nécessaire de certains intérêts privés catégoriels au profit de l’intérêt général, collectif, du groupe. Encore faut-il que le sacrifice consenti soit identifié, ce qui n’est pas le cas lorsque les intérêts privés qui dirigent restent dans l’ombre.

Les problèmes substantiels générés par l’organisation politique de l’État autour du parlementarisme représentatif d’origine anglais sont nombreux, variés, et essentiellement tus. Par exemple, le fait de disjoindre les pouvoirs législatif et exécutif et d’instituer un organisme, le « parlement », dont la seule fonction est de « faire des lois » est en contradiction directe et irrémédiable avec l’objectif de stabilité législative nécessaire à la sécurité juridique des justiciables. L’existence constitutionnelle d’un parlement en tant qu’organe législatif est la garantie, à terme, d’une profusion de lois néfaste aux ressortissants de l’État. Or, la notion d’État politique n’existe que pour assurer la sécurité et la sauvegarde du groupe d’individus qu’il représente.

En outre, le pouvoir politique suppose, par essence, une capacité d’action sur la longue durée. Or, voilà précisément (c’est-à-dire le « temps long ») ce qui est dénié aux partis politiques sous le régime du parlementarisme anglais. Les partis politiques sont conçus comme devant régulièrement, à échéance variable entre trois et dix ans, se concurrencer les uns les autres en participant à des « élections ».

L’organisation politique imposée par le modèle parlementaire anglais est structurellement inapte à répondre aux exigences d’un État au sens politique du terme ; une telle organisation ne peut, par nature, pas remplir le rôle d’un État. Tous les axes sur lesquels reposent les régimes parlementaires fondés sur la séparation des pouvoirs sont des artefacts chargés d’anéantir le pouvoir politique réel. Il s’agit, dans l’ombre, de transférer le pouvoir à des décisionnaires occultes tout en mettant en scène une comédie institutionnelle chargée de faire croire à une réalité différente, parée de contrepouvoirs, d’équilibre des pouvoirs, de démocratie, de droits de l’homme et de bons sentiments humanistes.

Nous en arrivons ainsi à comprendre que le principe dit de « séparation des pouvoirs » tel qu’interprété par les régimes politiques parlementaires – sur le modèle anglais – de la démocratie représentative est une escroquerie politique universelle. Ce prétendu modèle démocratique est fondé sur une imposture institutionnelle dont l’objectif est d’éclater le pouvoir politique de façon à le transférer, en coulisse, à des entités non clairement identifiées par les institutions.

Ce système, fondamentalement vicieux, génère inévitablement, par un effet secondaire mécanique, de graves troubles sociaux liés à l’absence de sécurité juridique ainsi qu’à l’absence de représentation politique des différents courants et intérêts qui traversent la Société. Parmi ces troubles sociaux, il en est un particulièrement dangereux pour la paix sociale et qui n’est jamais abordé en tant que tel : la génération spontanée, dans les populations concernées, de troubles de nature psychique. L’apparence institutionnelle entrant en contradiction flagrante avec la réalité sous-jacente, se créée, dans le public, une incapacité à saisir à la fois la véritable nature politique des institutions et l’identité réelle des décideurs. Il en résulte une incapacité systématique – systémique – des individus à rendre les décideurs réels responsables de leurs actes dans le même temps que les apparences proclament l’existence de contrepouvoirs et de démocratie. Le développement et la généralisation, chez les ressortissants desdits États, d’un phénomène de dissonance cognitive est l’un des effets secondaires de cette dichotomie flagrante entre apparence et réalité du pouvoir. C’est ainsi que les « États démocratiques » occidentaux fondés sur la séparation des pouvoirs telle qu’interprétée par les « régimes parlementaires représentatifs » entraînent inévitablement, à terme, des pathologies psychiques plus ou moins graves parmi leurs populations. Car les humains sont des individus qui interagissent avec leur environnement et avec leurs semblables ; la perversité institutionnelle du parlementarisme anglais a donc, naturellement, pour effet direct structurel, de générer des pathologies sociales de nature psychiques parmi les populations qui y sont soumises.

Pour conclure brièvement : l’organisation politique autour du parlementarisme représentatif – d’origine anglaise – peu à peu imposée à la majeure partie des pays du monde, est structurellement une organisation sociale et politique perverse, inapte à instaurer la paix sociale et en contradiction directe avec les fonctions d’un État réel. Elle a, historiquement, été imposée à des fins de prise de pouvoir politique par la caste des banquiers commerçants.

La caste des banquiers commerçants contrôle les monnaies

Les banquiers commerçants, partis, au XVIIIème siècle, à l’assaut du pouvoir politique, n’ont pas entrepris la conquête du pouvoir sans armes. Parmi celles-ci, se trouve la création de banques centrales qui ont permis à cette caste de centraliser l’émission et la gestion des monnaies. Cette institution nouvelle de « banque centrale » a eu pour objectif et pour effet de faire échapper la gestion monétaire à tout contrôle de type politique.

Les États politiques d’Europe, et d’ailleurs, ont vécu des milliers d’années sans « banque centrale », ce concept aujourd’hui frauduleusement présenté comme intimement lié à l’histoire des nations est une réalité politique relativement récente née, sans surprise, en Angleterre à la fin du XVIIème siècle. Le 27 juillet 1694 naissait la première banque centrale du monde, sous le nom de « banque d’Angleterre ». Cette banque était l’héritière naturelle de la très puissante Banque d’Amsterdam créée en 1609 sous l’impulsion des banquiers dominants ; ses récépissés circulaient dans le commerce comme une sorte de monnaie fictive. La Banque d’Amsterdam a réellement inauguré le concept de monnaie de banque comme instrument de paiement ; elle avait l’entier contrôle de la circulation monétaire sous forme de monnaie papier-fiduciaire, ce qui préfigure le rôle actuel des banques centrales. Ce nouveau concept de « monnaie de banque » était promis à un bel avenir, puisqu’il a, au fil du temps, remplacé l’or dans son rôle de vecteur monétaire.

Ainsi le contrôle que les banquiers changeurs du Moyen-Âge détenaient sur l’or s’est peu à peu transmuté au cours des XVIIIème, XIXème et XXème siècles en un contrôle des mêmes banquiers sur la monnaie papier, plus aisée à faire circuler que des lingots d’or. Ajoutons, par une anticipation parfaitement prévisible et à laquelle les banquiers préparent le monde, que la monnaie ainsi comprise – comme une marchandise qu’il convient de contrôler et d’accaparer – circulera à l’avenir de façon entièrement dématérialisée, ce qui raffermira encore davantage le contrôle politique exercé par les banques sur les individus.

Relatons, à cet égard, la récente déclaration de Mark Carney (août 2019), gouverneur de la Banque centrale d’Angleterre, qui évoque une nouvelle monnaie mondiale, hégémonique, synthétique. Le hiatus sera dès lors complet entre la conception de la monnaie en tant que marchandise et sa circulation qui sera entièrement dématérialisée : le concept de « monnaie marchandise », qui ne représentera plus rien de la réalité monétaire, aura servi aux banquiers commerçants à accaparer le contrôle monétaire.

Une fois de plus, il convient de revenir à l’essence des choses et des institutions. La monnaie, instrument au service d’intérêts privés est complètement hors de sa raison d’être, qui était « politique », entendu au sens premier de ce terme. Accaparée par des intérêts privés, la monnaie devient une « arme par destination » destinée à asservir le collectif au profit du particulier. Si les rois, empereurs, tsars et autres chefs d’État ne maîtrisaient pas la totalité de l’or qui circulait sur leurs territoires, les faux chefs d’État actuels contrôlent encore moins les masses monétaires en circulation dans le monde. Ces masses monétaires échappent désormais totalement à l’emprise du pouvoir compris dans son sens politique initial pour échoir de façon définitive aux banquiers qui contrôlent le monde.

Le retour apparent, à grand fracas, du phénomène politique sur la gestion monétaire à laquelle on veut nous faire croire via les menées de Donald Trump sur la Fed ne sont que poudre aux yeux. En effet, les actuels dirigeants de tous les pays occidentaux sont sous le strict contrôle des financiers qui sont à l’origine de leurs élections. N’oublions pas que l’élection du président Trump a été permise par les menées de Cambridge Analytica, organisme rattaché, par ses sources de financement (Robert Mercer), à la City of London ; Steve Bannon, qui a commencé sa carrière dans le renseignement de la Marine américaine (la Navy) – spécialisé dans les opérations psychologiques – dirigeait alors les manipulations ayant abouti à l’élection de Donald Trump. A titre incident, il n’est pas inutile de préciser que Steve Bannon est passé directement du renseignement de la Navy à des fonctions chez Goldman Sachs, banquier globaliste par excellence, avant de s’occuper de politique et d’élections.

Notons que c’est ce même organisme, Cambridge Analytica, qui a été accusé par le lanceur d’alerte Christopher Wylie d’avoir joué un rôle crucial dans le vote en faveur du Brexit. Le très médiatique Nigel Farage, qui a pris la tête de la croisade politique ayant mené au Brexit, est en effet très lié à la famille de Robert Mercer.

Il est impératif de comprendre que le Brexit, est une manœuvre des banquiers-financiers de la City of London pour reprendre en main et piloter le changement de la monnaie mondiale, c’est-à-dire le passage de l’utilisation du dollar américain aux DTS (SDR), panier de monnaies sur le modèle du Bancor de Keynes – qui n’avait pas pu être imposé par les banquiers en 1944, au moment des négociations ayant mené aux accords de Bretton Woods.

Donald Trump, Dominique Strauss-Kahn, Nigel Farage, Christine Lagarde, le FMI, les différentes banques centrales – dont les dirigeants de la Fed -, la Banque des Règlements Internationaux, la Banque mondiale et beaucoup d’autres se rattachent au clan des partisans du Nouvel Ordre Mondial dont le Quartier Général se situe à la City of London. Ces activistes de la globalisation monétaire et politique, dont les donneurs d’ordre sont mus par un messianisme de plus en plus apparent, œuvrent à faire advenir un gouvernement mondial qui sera dirigé, sans contrepouvoir, par les banquiers commerçants. Le premier pas vers ce gouvernement mondial est l’avènement des Droits de Tirage Spéciaux (DTS / SDR Special Drawing Rights), panier de monnaies, en tant que monnaie mondiale ; cet avènement suppose – ou plutôt nécessite – l’abaissement économique, monétaire et militaire de l’empire américain.

Concernant cette évolution monétaire, les dirigeants officiels de la Fed américaine sont actuellement pris entre les deux feux du dollar monnaie locale et monnaie mondiale. Ils ne peuvent pas ouvertement abandonner brutalement le rôle du dollar monnaie mondiale dans le même temps qu’ils savent que cette fonction du dollar est, à la fois techniquement obsolète et politiquement abandonnée par leurs donneurs d’ordre rattachés à la City. Dans ce contexte, le président Trump joue le rôle qui lui a été assigné par ses donneurs d’ordre globalistes en aidant la Fed à transformer le dollar en une simple monnaie locale. A terme, la Fed pilotera l’économie américaine, via la politique monétaire du dollar américain, dans le seul intérêt bien compris à la fois de l’économie américaine et des financiers de la City. En d’autres termes, la Fed va progressivement réinvestir son seul rôle de gestionnaire de monnaie locale. Le rôle de gestionnaire de la monnaie mondiale – actuellement représentée par les DTS (Droits de Tirages Spéciaux / SDR Special Drawing Rights) – sera, par un commun accord des banquiers centraux, rempli par la Banque des Règlements Internationaux (BRI / BIS) d’une part et par le FMI (Fonds Monétaire International) d’autre part.

Dans ce contexte, le seul défi américain consiste à ce que le dollar monnaie locale ne perde pas trop de pouvoir dans la détermination de la nouvelle monnaie mondiale, c’est-à-dire qu’il conserve un pourcentage utile dans le panier de monnaies que constitue les DTS (Droits de Tirage Spéciaux). D’où les menées américaines, militaires au Venezuela, et, plus récemment, commerciales au Groenland (dont le sous-sol regorge de richesses minières : terres rares, uranium, fer, cuivre, or…), afin de récupérer le contrôle de matières premières telles que l’or et le pétrole. Il ne faut absolument pas s’étonner que la Grande Bretagne s’associe aux États-Unis pour mener à bien l’acquisition du Groenland, après que la City of London ait court-circuité l’empire américain : en effet, il s’agit pour les banquiers globalistes de maintenir un équilibre entre les différentes puissances qui participent au panier de monnaies que sont les DTS. En d’autres termes, les banquiers de la City, qui ne sont pas sûrs de leur mainmise effective et définitive sur la Chine et le yuan, préfèrent, à leur habitude, jouer la carte du « tous contre tous ».

Les banquiers misent sur la concurrence entre leurs « choses » que sont les États afin que ces derniers s’affaiblissent mutuellement, de façon à sortir seuls vainqueurs de la lutte. Cette méthode, très efficace, a été historiquement souvent employée, il n’est qu’à rappeler le financement de la guerre russo-japonaise (du 8 février 1804 au 5 septembre 1905) qui a finalement abouti à la révolution bolchevik, elle-même dûment soutenue financièrement par les mêmes banquiers. Toutefois l’histoire apporte également des messages d’espérance car cette Révolution a elle-même échappée à ses initiateurs : elle fut politiquement « récupérée » par un homme « indépendant » (Staline), qui s’est efficacement, dans une très large mesure, opposé aux plans de globalisation prévus, dès cette époque, par les banquiers.

Pour en revenir à la prochaine monnaie mondiale que sont les Droits de Tirage Spéciaux, il faut préciser que le concept même de « monnaie mondiale » n’a été artificiellement rendu indispensable que par :
  • Le développement mondial préalable, telle une excroissance juridique monstrueuse, du principe dit du « libre échange » et
  • Le développement mondial du droit anglais comme principe normatif absolu.
Le « libre-échange » n’a de libre que le nom, car ce principe est tout au contraire la validation juridique de la loi des multinationales sur les autres formes d’entreprises. On reconnaît ici la méthode de prestidigitation anglo-saxonne consistant à laisser croire, à faire apparaître publiquement, l’exact contraire de la réalité mise en œuvre concrètement et officieusement. Rappelons que c’est précisément cette asymétrie entre l’être et le paraître qui instaure l’irresponsabilité politique des décideurs réels.

Le « libre-échange » est en réalité la promesse de disparition de toutes les petites et moyennes entreprises, c’est-à-dire, la promesse de concentration des entreprises et des capitaux, ce qui est, du point de vue économique, l’exact contraire de la liberté. Il faut, par ailleurs, garder à l’esprit que les multinationales se sont historiquement développées par la grâce des grands banquiers fournisseurs de crédit, sous le regard bienveillant, ou sous les menées actives selon les cas et les époques, des banquiers centraux. Je ne reviendrai pas ici sur l’historique des banques centrales, et en particulier sur celle de la Banque des Règlements Internationaux (la Banque Centrale des Banques Centrale), qui est largement explicitée dans mon livre « les raisons cachées du désordre mondial ». A terme, le libre-échange est également la promesse de disparition des États, l’OMC, par le biais des multinationales, faisant perdre aux États leur légitimité en tant qu’organe chargé d’imposer des normes.

Quant au droit anglais, il est, par essence, la négation exacte du « droit » au sens de justice, d’équité, d’équilibre et surtout de recherche de vérité que ce concept revêt. Alors que le concept de « droit » était représenté par le droit continental européen traditionnel, le prétendu « droit anglais » est une simple subversion du principe juridique : il est un pur outil dans les mains des puissances financières dominantes pour imposer leur loi au reste de l’humanité. En d’autres termes, le « droit anglais » n’a pas pour raison d’être la pacification des relations humaines – laquelle passe par la recherche de la vérité -, il est, tout au contraire, le moyen, pour les puissances financières, d’imposer au monde entier des normes commerciales qui leurs sont exclusivement favorables. Le droit anglais a pour autre finalité de niveler les usages et cultures locales dans le monde afin, à terme, d’imposer un gouvernement mondial dirigé de façon exclusive et absolue par les banquiers-commerçants monopolistes. D’une façon synthétique, disons que le droit anglais sert :
  • à accélérer la concentration des capitaux dans les mains des banquiers,
  • à homogénéiser et uniformiser les habitudes internationales autour des concepts maîtrisés par les seuls banquiers globalistes.
Ces deux finalités de l’invasion internationale du droit anglais ont pour objectif ultime l’élaboration d’un gouvernement mondial dans les mains des puissances financières.
Les solutions globales à la domination totale

Pour éviter le sombre avenir organisé par quelques dominants qui mettra, à la mode anglaise, la plus grande majorité de l’humanité en esclavage, les solutions existent. Ce renouveau politique comporte des conditions, sine qua non, qui concernent simultanément les questions institutionnelles, juridiques et monétaires.

La première condition consiste à mettre un terme à l’organisation politique des États autour de l’idée de parlement représentatif et de partis politiques. Je détaille certaines propositions institutionnelles alternatives dans mon livre « les raisons cachées du désordre mondial ». Néanmoins, chaque région du monde peut et doit être capable de trouver des solutions institutionnelles alternatives en fonction de sa propre culture, de ses croyances, de son niveau de développement et de l’adhésion de sa population.

La deuxième condition, sine qua non, consiste, pour ces États politiques renouvelés, à reprendre le contrôle de la monnaie qui circule sur leurs territoires. La mise en œuvre de cette condition suppose une réhabilitation de la monnaie dans son sens initial de concept, lequel s’oppose à son actuelle qualification de « marchandise », c’est-à-dire de « réserve de valeur ». Le principe monétaire est, en réalité, une institution juridique qui s’apparente à une « unité de mesure de la valeur des biens et des services », sur le modèle du mètre ou du litre. La monnaie n’est fondamentalement pas un bien, elle n’aurait jamais dû être confondue avec son vecteur. En d’autres termes, la monnaie n’est pas un bien matériel pourvue d’une valeur économique, elle n’est pas une « réserve de valeur ». Juridiquement parlant, la monnaie est, fondamentalement, un concept politique matérialisé par une « institution juridique » dont la seule valeur est de nature sociale. Confondre le principe monétaire avec son vecteur matériel revient à identifier la monnaie avec un bien dans le commerce. Cette identification autorise, à son tour, une captation et un accaparement de ce bien par des entités plus ou moins opaques.

La confusion intellectuelle entre le principe monétaire et le vecteur matériel utilisé pour la circulation de la monnaie est la source première de la puissance actuelle des banquiers commerçants. Cette confusion a pour conséquence mécanique que la monnaie ne peut plus remplir le rôle de facilitation des échanges pour lequel elle a précisément été créée. Dans sa version subvertie, la monnaie devient une arme permettant de remplir le seul intérêt de ses propriétaires, qui est un intérêt catégoriel et de quête du pouvoir, l’exact opposé de l’intérêt collectif consistant à faciliter les échanges pour tous. Car les « propriétaires » de la monnaie déterminent l’affectation des ressources. Alors que les banquiers accapareurs ont historiquement opté pour le développement d’énormes conglomérats financiers qu’ils contrôlent, l’intérêt commun serait, tout au contraire, de permettre à chaque individu et entreprise, quelle que soit sa taille, de disposer de la monnaie afin de faciliter ses échanges et de lui permettre des initiatives, notamment créatrices, propres. Le rétablissement du concept monétaire dans sa véritable nature politique aura pour conséquence naturelle la disparition des « banques centrales ». Le service d’État appelé « ministère des finances », dont le rôle est, précisément, de répondre aux besoins économiques et sociaux des ressortissants de l’État, suffit amplement à la tâche de la gestion monétaire et financière. Il faut bien comprendre que l’existence d’une « banque centrale » rend fondamentalement inutile l’institution politique du « ministère des finances ».

La troisième condition sine qua non, est de mettre un terme définitif au principe général de l’anonymat, lequel anonymat passe par l’organisation capitalistique mais également par le contrôle des allégeances des membres composant les gouvernements à des instances secrètes ou occultes. L’anonymat passe enfin, de façon évidente, par la reprise en main politique des paradis fiscaux, officiellement territoires indépendants mais réellement territoires entièrement dominés par les principaux détenteurs de capitaux qui sévissent depuis leur Quartier Général de la City of London.

La quatrième condition sine qua non du retour à une gestion naturelle de la politique est de mettre un terme définitif à la suprématie du droit anglais dans les relations internes aux États autant que dans les relations internationales. A cet égard, la « soft law » étant un apanage du droit anglais, les relations internationales ne doivent être régies par aucune « guide line », par aucun « modèle de Traité internationaux » proposé par l’OCDE ou par l’OMC.

La cinquième et dernière condition sine qua non du retour à une juste appréciation du concept « politique » est que la « justice » retrouve ses lettres de noblesse. Cette condition suppose la disparition du concept nouveau de « justice privée » car la « justice », chargée de pacifier les relations sociales, ne saurait être que collective. Il convient donc de mettre un terme à la justice privée, concept dérivé du droit anglais, laquelle est principalement véhiculée par l’arbitrage internationale et par les « clauses de règlement des différends » inclus dans les traités internationaux. Le retour du concept de « justice » passe également par la disparition de la prétendue justice « internationale » qui est la matérialisation juridique de la loi du plus fort, c’est-à-dire l’exact contraire du concept de « justice ». Rappelons que la « justice » a pour raison d’être ultime la pacification des relations entre individus, entre entités économiques ou non économiques, étant précisé que les États, entités politiques, appartiennent à cette dernière catégorie. La justice ne saurait être conçue comme un moyen technique pour imposer un rapport de force, celui des multinationales sur les individus et les États.

Ajoutons que le concept de « justice », en tant que recherche de la vérité dans les rapports individuels et collectif dépend, pour sa mise en œuvre, des valeurs propres à chaque type de Société, lesquelles sont véhiculées par sa culture et ses expériences historiques.

Nous assistons actuellement, bien malheureusement, en matière de justice – comme en matière de monnaie, d’entreprise et d’État – à une subversion internationale des mots et des concepts. Cette subversion généralisée n’aboutira qu’à un seul et unique effet : la mise en esclavage, juridiquement validée, du plus grand nombre par les banquiers-commerçants aussi anonymes qu’ils sont accapareurs. Cet esclavagisme généralisé passe de façon évidente par la disparition du concept d’État politique au profit de la création d’entités supranationales sous le contrôle strict des banquiers-commerçants.

Je vous remercie de votre attention.

Valérie Bugault

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10:33 Publié dans Actualité, Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : valérie bugault, économie, livre | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

L’Iran et l’art de la guerre

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L’Iran et l’art de la guerre

ex: http://www.dedefensa.org

20 septembre 2019 – Six jours après l’attaque terriblement efficace contre les installations de l’Aramco le 14 septembre et l’absence de riposte du Système qui aurait dû immédiatement sanctionner ce crime de lèse-majesté, le paysage commence à s’éclaircir. Il s’agit d’une défaite majeure pour le Système ; peut-être pas encore Waterloo mais au moins la Bérézina qui ouvre irrésistiblement la voie la voie à Waterloo, tout cela très rapide parce que le temps historique devenu métahistorique pourrait être, dans certaines circonstances, bien plus rapide qu’en 1813-1815.

Ce qui est caractéristique de notre époque complètement encalminée dans les illusions technologiques de la postmodernité est ce fait remarquable : ce que nous classons comme une grande date métahistorique, l’attaque contre Aramco, est complètement dépendant des performances et contre-performances de la ferraille technologique dont le Système et son serviteur américaniste sont si complètement férus, et s’avèrent pourtant si complètement les prisonniers à vie et jusqu’à la mort. En effet, l’attaque d’Aramco tend désormais à être unanimement appréciée en termes de ferraille technologique ; en d’autres mots : pourquoi le Parrain américaniste, en termes mafieux s’entend, n’a-t-il rien fait pour prévenir et contrer décisivement l’attaque, et ainsi sauver son valet saoudien ?

Réponse du ministère de la défense russe, d’habitude très peu expansif mais qui , cette fois, sort de sa réserve : « Après l'attaque contre Saudi Aramco, un responsable du ministère russe de la Défense a déclaré que le système Patriot n'était pas conforme aux caractéristiques déclarées.
[...]
» “Les justifications du secrétaire d’État américain [Mike Pompeo]qui a déclaré que ‘parfois, les systèmes antiaériens du monde entier donnent des résultats contradictoires’ n’auraient pu être acceptées que s’il était question d’un seul système Patriot qui défendait concrètement le site attaqué, selon une source au sein du ministère de la Défense. Mais grâce aux États-Unis, l’Arabie saoudite a déployé ces dernières années sur son territoire, surtout dans sa partie septentrionale, un puissant système de défense antiaérienne dans la région à champ de radar ininterrompu.”
» Mike Pompeo avait précédemment évoqué les batteries antiaériennes saoudiennes, qui comprennent le système américain Patriot, en déclarant que ces systèmes ne donnaient pas toujours “le résultat escompté”.
» “Il ne peut y avoir qu’une seule raison: les systèmes Patriot et Aegis tant vantés par les Américains ne sont pas conformes aux paramètres déclarés et n’ont qu’une faible efficacité de lutte contre des cibles aériennes de petites dimensions et les missiles de croisière, a poursuivi le responsable. Ils ne sont tout simplement pas capables de repousser une large utilisation par l’ennemi de moyens d’attaque aérienne dans la réalité du combat.”
» Toujours selon la même source, la frontière septentrionale de l’Arabie saoudite est protégée par 88 batteries de de tir du Patriot. En outre, trois frégates lance-missiles de la Marine américaine dotées du système Aegis contrôlant 100 missiles SM-2 se trouvent dans le Golfe au large des côtes de l’Arabie saoudite. »

patriot-launch-200px.jpgLe Patriot est une bonne vieille histoire (depuis 1976-1984) d’un caractère exceptionnel dans la durabilité et la solidité de la farce déguisée en simulacre. La firme Raytheon, qui en est la mère-nourricière (voir le secrétaire à la défense Esper pour plus d’informations : il y officia pendant dix ans), sort régulièrement une nouvelle version (PAC-1, PAC-2, PAC-3...) après une démonstration des caractéristiques catastrophiques de sa progéniture, assurant alors que ses “défauts de jeunesse” sont corrigés ; il est manifeste qu’il y a eu des changementsentre chaque version par rapport à la précédente, puisque chaque version coûte beaucoup plus cher que la précédente. Les premiers exploits du Patriot datent de la première Guerre du Golfe, puis enchaînant sur la seconde (quelques détails dans ce texte). On rappellera plus en détails, à partir d’un autre texte du 29 juillet 2010, ce passage du type-anecdote, où l’on voit s’opposer l ‘un des très rares hommes politiques israéliens de grande vertu et adversaire de la dépendance d’Israël des USA, l’ancien ministre de la défense Moshe Arens, et le président Bush à propos des exploits du Patriot chargés de protéger Tel-Aviv en 1990-1991, – selon les confidences d’Arens lui-même dans un documentaire sur la Guerre du Golfe :

« Arens s’est toujours signalé par une forte affirmation nationaliste, et, à partir de sa formation d’ingénieur en aéronautique et sa position à la défense, par la transcription de cette position dans la recherche de l’affirmation de la souveraineté nationale au niveau des programmes d’armement, ce qui l’amenait à des conflits avec les USA. Il eut en 1991 un sévère accrochage avec le président Bush-père, au cours d’un entretien. Bush, qui avait une tendresse particulière pour Raytheon et son missile sol-air Patriot, avait été informé par le même Raytheon des performances exceptionnelles du Patriot durant la guerre du Golfe. Ces performances étaient un pur argument de relations publiques mais l’enthousiasme de Bush-père était purement ingénu. Le recevant à la Maison-Blanche, le président parla à Arens en termes dithyrambiques des performances du Patriot dans la défense de Tel Aviv contre des missiles irakiens Scud, lors de la guerre du Golfe. Arens lui répondit, sur un ton glacial, que le taux de réussite des Patriot contre les Scud dans cette occurrence était équivalent à zéro, – aucun Scud intercepté par le moindre Patriot. La réaction du président US fut extrêmement vive et la rencontre tourna à l’aigre. L’anecdote marque la considération de Arens pour les équipements US, et donc permet d’encore mieux entendre sa position d’aujourd’hui vis-à-vis du JSF. »

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On ajoutera bien entendu que les missiles Standard (Standard Missile, ou SM) montés sur les frégates et croiseurs-AEGIS, également cités pour la défense d’Arabie, n’ont pas un pedigree plus glorieux. C’est le croiseur USS Vincennes qui, naviguant en 1988 dans le Golfe pour “protéger la liberté des mers”, repéra grâce à son système AEGIS/Standard un Airbus de la compagnie aérienne civile iranienne et l’identifia aussitôt comme un F-14 Tomcat de la force aérienne iranienne, le détruisant aussi sec en un seul tir de Standard, pour cette fois extrêmement précis : 290 morts civils et pas une seule condoléance ni excuse de l’administration Reagan. 

Tout cela est vite dit et écrit, mais illustre le vrai des capacités habituelles des armes et des systèmes américanistes, essentiellement depuis les années 1980 et encore plus vite depuis la fin de la Guerre froide, avec un déclin vertigineux de toute attention portée à leurs capacités et à leurs performances réelles (essais truqués, évaluations faussées, etc.) et une croyance religieuse des commanditaires (les hommes politiques) et des utilisateurs (les chefs militaires) dans les arguments de relations publiques des firmes productrices. L’attaque de l’Aramco en constitue une démonstration étonnante, au-delà même de ce qu’on pouvait concevoir auparavant s’il s’avère effectivement que pas un seul coup ne fut tenté et tiré contre l’attaque des drones. A ce point du raisonnement, que ces drones soient iranien, houthis ou monégasques importe peu : c’est l’inexistence de la défense qui constitue l’événement fondamental, et cette défense est entièrement américaniste ; elle est, certainement du point de vue quantitatif et très probablement du point de vue “qualitatif” (des équipes US contrôlant les systèmes les plus sensibles), mieux équipée que la plupart des zones stratégiques américanistes elles-mêmes.

Les déclarations de Pompeo à son départ vers l’Arabie sont d’un ridicule à mesure de l’ampleur de l’événement, – en même temps qu’ils donnent une idée de l’impuissance des USA à comprendre la vérité-de-situation, c’est-à-dire leur vérité-de-situation, c’est-à-dire qu’ils sont entraînés dans une spirale d’incapacité, de paralysie, d’effritement, – voire d’entropisation... Se répétant en Arabie, Pompeo a été jusqu’à préciser : « Même les meilleurs systèmes antiaériens du monde entier donnent parfois des résultats décevants », précisant qu’il était à Ryad notamment pour proposer aux Saoudiens des changements et des améliorations dans leur système de défense (sans doute un Patriot PAC-4 à guidage en or massif et beaucoup plus cher ?) ; exactement comme si eux, les Saoudiens, étaient complètement fautifs de l’échec des défenses, à cause de leur propre matériel, de leurs propres technologies, de leur propre méthodologie...

Ce que l’on peut constater au cours ces six derniers jours, c’est l’ampleur de l’écho de l’échec US au niveau militaire aussitôt transcrit en termes politiques sinon métahistoriques dans cette occurrence, tant l’Arabie est perçue à cet égard comme une sous-colonie illettrée, entièrement contrôlée par ces mêmes USA ; en appendice évidemment important, on trouve, quelles que soient les circonstances de l’attaque, la perception de l’affirmation militaro-technologique de l’Iran (et des forces qui lui sont liées, par conséquent), et cela de ses propres capacités pour l’essentiel, tant l’Iran entretient jalousement son autonomie et son indépendance, tant ses liens avec d’autres puissances (la Russie par exemple) sont à mille lieues de la vassalisation réciproque et corrompue entre les USA et l’Arabie, – quasiment d’une autre nature.

Sur ces sujets, on lira quelques paragraphes de la plus récente analyse (de ce jour) d’Alastair Crooke, le directeur de Conflict Forum, qui nous restituent effectivement les grandes significations de l’événement :

« Ce que la frappe de précision a fait, c’est de pulvériser le simulacre des États-Unis se faisant passer pour le “gardien” du Golfe et le garant de la sécurité du flot de pétrole brut alimentant les veines d’une économie mondiale fragile.  Il s’agissait donc d'une frappe de précision visant le paradigme dominant, – et elle a réussi un coup mortel.  Elle a mis en évidence le caractère faussaire des deux affirmations. Anthony Cordesman écrit que “les frappes contre l'Arabie saoudite constituent un avertissement stratégique clair que l'ère de la suprématie aérienne américaine dans le Golfe, et du quasi-monopole américain sur la capacité de frappe de précision, s'estompe rapidement”.
» Les Iraniens étaient-ils directement ou indirectement impliqués ?  Et bien.... ça n’a pas vraiment d’importance.  Pour bien comprendre les implications, il faut comprendre l’événement comme un message commun, venant d'un front commun (Iran, Syrie, Hezbollah, Hash’d a-Shaibi et les Houthis).  Il s’agissait de pulvériser la crise des sanctions au sens large : un tir stratégique (missile) crevant le “dirigeable” sur-gonflé de l’efficacité des tactiques américaines de “pression maximale”. Il fallait retourner la méthode de contrôle du monde par les sanctions et les tarifs et la fracasser littéralement. La Russie et la Chine sont presque certainement d’accord et sans doute applaudissent-ils (discrètement).
» Cette approche comporte des risques évidents. Le message sera-t-il entendu correctement à Washington ? Car, comme le souligne Gareth Porter dans un contexte différent, la capacité de Washington de comprendre, ou de “bien lire” dans “l’esprit” de ses ennemis semble avoir été en quelque sorte perdu, – par impuissance de Washington à éprouver quelque empathie que ce soit pour “l’altérité” (iranienne, chinoise ou russe).  Les perspectives ne sont donc probablement pas très bonnes.  Washington ne “comprendra pas”, au contraire il pourrait en rajouter, avec des conséquences potentiellement désastreuses. Porter écrit :
» “L’attaque d’Abqaiq est aussi une démonstration dramatique de la capacité de l'Iran à surprendre stratégiquement les États-Unis, bouleversant ainsi ses plans politico-militaires. L’Iran a passé les deux dernières décennies à se préparer en vue d'une éventuelle confrontation avec les États-Unis, et le résultat est une nouvelle génération de drones et de missiles de croisière qui donne à l’Iran la capacité de contrer beaucoup plus efficacement tout effort américain visant à détruire ses ressources militaires et de viser des bases américaines à travers le Moyen-Orient.

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» “Le système de défense aérienne de l'Iran a été continuellement mis à niveau, à commencer par le système russe S-300 qu'il a reçu en 2016. L'Iran vient également de dévoiler en 2019 son système de défense aérienne Bavar-373, qu’il considère comme plus proche du système russe S-400, acheté par l’Inde et la Turquie, que du système S-300.
» “Ensuite, il y a le développement par l’Iran d’une flotte de drones militaires, ce qui a incité un analyste à qualifier l’Iran de ‘superpuissance des drones’. Parmi ses réalisations en matière de drones, mentionnons le Shahed-171 ‘drone furtif’ avec missiles à guidage de précision et le Shahed-129, qu'il a conçu à partir du Sentinel RQ-170 des États-Unis et du MQ-1 Predator”.
» Comprendre le message de Porter représente la clef pour comprendre la nature du ‘grand basculement’ qui a lieu dans la région. Les avions robots et les drones, – tout simplement, – ont changé les données fondamentales de la guerre. Les anciennes vérités ne tiennent plus, – il n'y a pas de solution militaire américaine simple pour l'Iran.  
» Une attaque américaine contre l'Iran n'apportera qu'une réponse iranienne ferme, – et une escalade. Une invasion américaine complète, – comme l'invasion de l'Irak en 2003, – n'est plus dans les capacités américaines. »

L’art de la guerre et leur psychologie

... Mais il nous apparaît évidemment, à nous aussi, que “ce que les Américains ne sont plus capables de faire” est en l’occurrence bien plus important que “ce que les Houthis [ou les Iraniens ou les Monégasques] sont capables de faire” ; en quelque sorte, c’est notre “Bye bye FDR” par obligation et par faiblesse, autant que par volonté unilatéraliste de repli : « Non seulement ils ne peuvent plus, mais ils ne veulent plus (à moins qu’ils ne veuillent plus parce qu’ils ne peuvent plus ?)... Bref, et comme disait l’avisé Macron : “Nous sommes sans doute en train de vivre la fin de l'hégémonie occidentale sur le monde.” » 

Le plus dramatique dans ce constat est évidemment ce qui se dit de plus en plus, et qui constitue l’élément fondamental de la psychologie de l’américanisme, cette impuissance totale de l’américanisme pour l’empathie, y compris et surtout cette absence complète d’empathie objective (se mettre à la place de l’autre pour mieux le comprendre) pour comprendre ce qui se passe dans “l’esprit” de l’adversaiere. Crooke/Porther le disent précisément : « ...la capacité de Washington de comprendre, ou de “bien lire” dans “l’esprit” de ses ennemis semble avoir été en quelque sorte perdue, – par impuissance de Washington à éprouver quelque empathie que ce soit pour “l’altérité” (iranienne, chinoise ou russe). » Nous serions tentés de proposer une nuance, de taille au demeurant : cette capacité n’a pas été “perdue”, parce que, selon ce que nous croyons de la psychologie de l’américanisme faite d’inculpabilité et d’indéfectibilité et ainsi si parfaitement spécifique, cette capacité n’a jamais existé dans cette psychologie ; la raison étant simplement que, pour la psychologie américaniste et donc exceptionnaliste, l'“autre” ne peut exister sinon bien entendu à être aussitôt gobé et digéré subito presto par l'américanisme.

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Dans l’article qu’il consacre à l’attaque, Pépé Escobar écrit ceci : « Le refrain du renseignement américain selon lequel les Houthis sont incapables d'une attaque aussi sophistiquée trahit les pires courants de l’orientalisme et du “fardeau de l’homme blanc” exprimant le complexe de supériorité [le suprémacisme] de l’homme blanc. » Nous comprenons parfaitement cette affirmation, et ce qu’elle a de justifiée dans le chef de la reconnaissance des capacités des “autres”, sauf pour ce qui est de l’emploi du terme “homme blanc” rejoignant les thèmes LGTBQ à la mode du “suprémacisme de l’homme blanc”. L’histoire de la couleur n’a pas sa place ici ; il s’agit de psychologie et de technologie et, s’il faut parler de “suprémacisme”, alors nous dirions qu’il est question essentiellement, sinon exclusivement pour la séquence en cours qui est infiniment plus importante que l’histoire réécrite et caviardée postmodernistement du colonialisme, de “suprémacisme anglo-saxon” ; ou encore mieux, de “suprémacisme américaniste” (les Anglais s’y mettraient dedans), auquel nombre d’hommes de couleur, Obama en premier et en position de dirigeant suprême, souscrivent avec enthousiasme. Le philosophe de l’histoire, l’Anglais Arnold Toynbee, avait, trois-quarts de siècle avant nous, largement explicité la chose et donné tous les éléments permettant de comprendre la Grande crise actuelle...

Cela bien compris à propos du “suprémacisme anglo-saxon/américaniste” et qui est d’une importance fondamentale, il est bien évident que l’attaque de l’Aramco démontre, – directement ou indirectement qu’importe, – après plusieurs autres événements dans ce sens (de la capture du drone RQ-170 fin 2011 à la destruction du RQ-4C Global Hawk de juin 2019), que l’Iran dispose de capacités technologiques directement opérationnelles d’une ampleur et d’une qualité dont bien peu de puissances peuvent se targuer aujourd’hui. Depuis l’amère défaite de l’armée israélienne face au Hezbollah à l’été 2006, on sait également que des organisations non-étatiques peuvent, dans des guerres classiques d'une réelle impoirtance, s’affirmer comme des puissances d’une dimension d’organisation et de cohésion dont nombre de pays ne disposent pas, et les Houthis ne font ainsi que nous en apporter confirmation...

Bien entendu, on observera, sans guère de surprise, que tous les exemples que nous donnons vont dans le même sens, qui est antiaméricaniste comme on est antiSystème. Il n’y a aucune surprise dans ce constat, dans la mesure où les USA eux-mêmes, par leur folie belliciste et autodestructrice, leur technologisme d’une extrême surpuissance mais parvenu au point de l’autodestruction, nourrissent leurs adversaires des armes et des technologies dont ces adversaires useront contre eux (Blowbackou Janus)sans être infectés par la psychologie de l’américanisme.

Cela signifie que la résistance dans le domaine même qui nourrit l’hybris américaniste (le technologisme) n’a pas cessé d’augmenter, sur le terrain même où cet hybrisse manifeste (le technologisme). Le résultat n’est nullement d’inspirer de la prudence ou de l’habileté manœuvrière aux USA, – choses qui leur sont parfaitement inconnues, – mais plutôt de susciter une incompréhension sans cesse grandissante de “l’autre” (empathie nulle) et un réflexe de plus en plus automatisée dans le sens de la surenchère, de ce que l’on croit être de la surpuissance (de l’hyper-surpuissance) et qui s’avère être de l’autodestruction parce que les moyens de la guerre américaniste sont en chute sidérale pour ce qui est de la capacité opérationnelle véritable (voir également la fable des porte-avions).

... Et parce qu’en face, il y a l’Iran, pays qui maîtrise la technologie suffisamment pour la retourner contre son adversaire, et qui montre une résolution sans faille jusqu’à ne pas craindre d’aller jusqu’au bout. Ce faisant, l’Iran est un chiffon rouge agité avec sa propre habileté devant un taureau épuisé et dont la psychologie est aujourd’hui entrée dans le domaine de la folie. L’“art de la guerre” de l’Iran n’a, finalement, rien à voir fondamentalement avec la maîtrise de la technologies, même s’il passe nécessairement par cette maîtrise, mais avec une attaque directe, centrale et décisive contre le centre matriciel et absolument fécond de la faiblesse de l’ américanisme : sa psychologie.

Il est ainsi par conséquent bien dans le registre des possibilités que la fameuse prédiction du néo-sécessionniste du Vermont Thomas Naylor soit fondée, notamment grâce à la ténacité et la volonté de l'Iran : « Il y a trois ou quatre scénarios de l’effondrement de l’empire. L’un d’entre eux est la possibilité d’une guerre contre l’Iran... » Mais naturellement, cet effondrement n’aurait pas tant lieu sur le champ de bataille, que sur la perspective qu’il y ait la possibilité d’un tel champ de bataille, ce qui produirait à “Washington D.C.” un choc tel qu’effectivement la folie aurait raison de l’empire, – par ailleurs, dans un environnement déjà bien préparé à l’incursion de la folie., – on n’est pas “D.C.-la-folle” sans raison.

jeudi, 26 septembre 2019

CHISINAU FORUM III : Le système international actuel, du globalisme à la multipolarité

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CHISINAU  FORUM III

Le système international actuel, du globalisme à la multipolarité

par Irnerio Seminatore, président fondateur de l'Institut Européen des Relations Internationales

Table des matières:

  • Système et conjoncture;
  • Le système et ses niveaux de pouvoir;
  • Mouvements stratégiques et antinomies d'alliances en Eurasie;
  • Le système  multipolaire. "Un concert mondial des nations" ou une "gouvernance mondiale renforcée"?
  • De l'Europe à l'Eurasie. Un changement dans les paradigmes géopolitiques;
  • Le déclin d'Hégémon .Alternance hégémonique ou "révolution systémique";
  • A qui appartiendra le futur? L'espace planétaire, la démocratie et les Etats-Nations

Système et conjoncture

Le système international actuel, qui inclut le système interétatique, la société mondiale et la globalisation des économies, se caractérise par une triple dynamique, de fragmentation, de polarisation et de confrontation et cette dernière se traduit en une reconfiguration des alliances militaires, face aux risques de conflit entre la Chine, les États-Unis et la Russie, confrontés au piège de Thucydide ( G.Allison).

Ces risques appartiennent à l'ordre historique et instaurent une politique ambivalente, de rivalité-partenariat et antagonisme. Il s'agit d' une politique qui a pour enjeu le contrôle de l'Eurasie et de l'espace océanique indo-pacifique, articulant les deux stratégies complémentaires du Hearthland (1) et du Rimland (2).

Les rivalités, qui sécouent aujourd'hui plusieurs régions du monde ont forcé l'Est et l'Ouest à reserrer leurs alliances militaires et à s'interroger sur un nouveau projet de sécurité en Europe , de stabilité stratégique et d' unité  de l'espace européen.

Cependant toute tentative de définir un ordre régional quelconque ne peut être conçue que dans la perspective d'un ordre global et dans la recherche de formes d' équilibre et de stabilité à caractère planétaire.

C'est par référence à la triangulation géopolitique et stratégique de la Russie, des États-Unis et de la Chine, et en subordre, de l'Europe, de l'inde et du Japon, que doit être comprise la liberté de manœuvre des puissances régionales au Moyen Orient ,au Golfe et en Iran et c'est là que se situe l'une des clés de la stratégie générale des grandes puissances.

Le système et ses niveaux de pouvoir

Du point de vue analytique, le système international superpose plusieurs niveaux de pouvoir :

− les pôles de puissances classiques , pluricentriques et virtuellement conflictuels( Amérique, Europe Russie, Chine, Inde..)

− un bipolarisme global dissimulé, fondé sur un condominium à caractère asymétrique (Etats-Unis et Chine)

− trois grandes zones d'influence, inspirées par trois aires de civilisation, constituées par l'Europe, les États-Unis et l'Empire du Milieu.

Dans ce contexte, la grande scène du monde abritera une multitude de stratégies, qui seront universelles pour les Nations-Unies, économiques pour les institutions de Bretton-Woods, sécuritaires et militaires par le système des alliances régionales (OTAN).

La singularité géopolitique des États-Unis, la grande île du monde, est qu'elle sera forcée  de se normaliser dans l'immense étendue de l'Eurasie, centre de gravité de l'Histoire.

L'Amérique deviendra-t-elle un pôle de puissance parmi d'autres, disputé, mais toujours dominant?

Mouvements stratégiques et antinomies d'alliances en Eurasie

Dans tout système international, le déclin de l'acteur hégémonique se signale par un resserrement des alliances militaires. Ce moment se présente comme une antinomie d' options entre les puissances  conservatrices (ou du « status quo ») et les puissances perturbatrices (révisionnistes ou insatisfaites). 
Se départagent ainsi aujourd'hui, les deux stratégies des acteurs majeurs de la scène mondiale, une stratégie défensive, de stabilisation et de vigilance active pour l'Ouest et une stratégie offensive, de subversion et de remise en cause de la hiérarchie de puissance , pour l'Est.

Ainsi, dans la conjoncture actuelle, deux mouvements stratégiques rivaux s'esquissent au niveau planétaire :

- l'alliance sino-russe, assurant l'autonomie stratégique du Hearthland, en cas de conflit et promouvant, en temps de paix, la coopération intercontinentale en matière de grandes infrastructures, (projet OBOR /One Belt, One Road/, avec la participation d'environ 70 pays)

- la stratégie du "containement" des puissances continentales par les puissances maritimes du "Rimland" (Amérique, Japon, Australie, Inde, Europe etc), comme ceinture péninsulaire extérieure à l'Eurasie

Rappelons que les deux camps sont en rivalité déclarée et leurs buts stratégiques opposés.

En effet, le couple sino-russe est défini « concurrent stratégique », ou « concurrent systémique » (notamment par l'UE) et refuse de se soumettre à l'ordre international issu de la deuxième guerre mondiale et dessiné par les États-Unis

Le système multipolaire. Un " concert mondial des nations" ou une "gouvernance globale renforcée"?

La caractéristique fondamentale du système multipolaire n'est pas celle de s'asseoir sur une mondialisation, comme "gouvernance mondiale renforcée", complétant le système des Etats -Nations par des institutions mutilatérales  (ONU, FMI,G7, ou G20), dans le but de favoriser leur intégration dans un jeu coopératif mondial, mais d'identifier les intérêts essentiels des acteurs principaux, dont les objectifs sont virtuellement conflictuels.

Ainsi le but n'est pas de cerner des équilibres, fondés sur les concepts d'échanges et de coopération, mais de prévoir les ruptures stratégiques , sous la surface  de la stabilisation apparente.

De l'Europe à l'Eurasie. Un changement dans les paradigmes géopolitiques

Ainsi la  fin de la bi-polarité , avec l'effondrement de l’empire soviétique a engendré une source de tensions , entre les efforts centrifuges mis en œuvre par les États de proximité, « les « étrangers proches », visant à s'affranchir  du  centre impérial et la réaction contraire de Moscou, pour reprendre son autorité à la périphérie, par une série d'alliances enveloppantes. (OTSC, OCS )

La Russie et l’ensemble des nations d’Asie Centrale jusqu’aux pays du Golfe, du Moyen Orient et du Maghreb manquent de leaders ayant fait l’expérience de la démocratie et l’Union Européenne n’a pas conceptualisé une limite stratégique globale entre l’Atlantique et l’Asie Centrale, passant par la bordure de la Méditerranée et remontant le plateau turc et le Caucase, pour parvenir au pivôt des terres, le Heartland, dans un but d’influence et de maîtrise des tensions.

C’est l’Alliance Atlantique qui a vocation à opérer la soudure de l’intérêt géopolitique de l'Ouest, dans cette immense étendue entre l’Amérique et l’Europe.

Le « déclin d'Hégémon ». Alternance hégémonique ou "révolution systémique"?

La question qui émerge du débat sur le rôle des Etats- Unis, dans la cojoncture actuelle est de savoir si la « stabilité hégémonique » (R.Gilpin), qui a été assurée pendant soixante dix ans par l'Amérique, est en train de disparaître, entraînant le déclin d'Hégémon et de la civilisation occidentale , ou si nous sommes confrontés à une alternance hégémonique et à un monde post-impérial.

L'interrogation qui s'accompagne de celle-ci est également centrale et peut être formulée ainsi : « Quelle forme prendra-t-elle cette transition ? »

La forme, déjà connue, d'une série de conflits en chaîne, selon le modèle de Raymond Aron, calqué sur le XXème siècle, ou la forme d'un changement d'ensemble de la civilisation, de l'idée de société et de la figure de l'homme, selon le modèle des « révolutions systémiques », de Stausz-Hupé, scandées par quatre grandes conjonctures révolutionnaires, embrassant l'univers des relations socio-politiques du monde occidental et couvrant les grandes aires de civilisations connues.

Chacun de vous comprendra qu'il s 'agit là de notre propre question,celle de notre temps et de notre forum.

A qui appartiendra-t il le futur ? L'espace planétaire, la démocratie et les Etats-Nations

Dans le cadre d'un environnement interdépendant progresseront les nations qui ont été façonnées sous forme d'États-Nations et d'États-Civilisation. En effet ces nations disposent de configurations durables, car elles ont pu se prévaloir d'une base de stabilité politique, traditionnelle ou moderne, et d'une cohérence géographique et environnementale qui a permis leurs affirmations au cours de l'histoire et qui leurs permet aujourd'hui d' assurer leur survie.

Au plan philosophique et stratégique la nouvelle approche du processus historique sera systémique, pluraliste et complexe, antithétique de la méthode dialectique et universalisante de l'hégélianisme occidental.

Aujourd'hui les dessous de l'Histoire font apparaître les déceptions amères d'une crise de légitimité des démocraties, des conceptions de l'État de droit et des droits universels, coupables d'avoir dissocié l'intime relation entre l'universel et le particulier au profit de concepts et de visions du monde sans transcendence, ouvrant la voie à la révolte de la tradition et du passé, comme formes d'historicité authentiques.

L'élargissement du « modèle démocratique » apparaîtra ainsi, en son abstraction, comme l'expression d'une vision utopique de l'Histoire et se heurtera, à une interprétation messianique du monde historique.

Dans cette analogie, la tradition et les sociétés traditionnelles témoignent de l'expression d'autres formes d' « historicité », indifférentes à l'idée de rationalisme , de doute et de « démocratie », sauf pour les couches intellectuelles cosmopolites, libertaires et non organiques, exclues des offices publics.

L'interprétation de la démocratie comme « modèle » est également la négation de l'évolution des régimes politiques selon leur propre loi, ou selon leur propre individualité historique, qui est en Europe souverainiste ou stato-nationale.

Si le « modèle démocratique » devait prendre partout racine, cela correspondrait au triomphe de la « cité céleste» sur la « cité terrestre» de Saint Augustin, ce qui, dans les relations internationales, représenterait la victoire de l'angélisme sur les deux monstres bibliques du cahos primitif, Léviathan et Béhémoth, révoltés contre le créateur .

Bruxelles, le 11 septembre 2019

(1) Heartland , "le pivot géographique de l'histoire" , 1904 , Halford MacKinder
(2) Rimland , la bordure maritime de l'Eurasie , ou "inner crescent" , concept géostratégique de Nicholas Johan Spykman.

Texte conçu en vue de sa présentation au "IIIème Forum de Chisinau" des 20 et 21 Septembre 2019

 

Protectionnisme : le péché n’empêche pas la vertu...

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rotectionnisme : le péché n’empêche pas la vertu...
 
par Christopher Coonen
Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Christopher Coonen cueilli sur Geopragma et consacré à l'urgente nécessité de la mise en œuvre d'une politique protectionniste intelligente pour la France et l'Europe. Secrétaire général de Geopragma, Christopher Coonen a exercé des fonctions de directions dans des sociétés de niveau international appartenant au secteur du numérique.

Protectionnisme : le péché n’empêche pas la vertu

Nous assistons depuis une dizaine d’années à la refonte de l’ordre économique et monétaire mondial. Le point de bascule a entamé son renversement avec la crise financière des Sub-primes en 2007 aux Etats-Unis, suivi d’un enchaînement de cracks boursiers et de faillites bancaires en 2008. C’était le retour de bâton d’une mondialisation débridée.

Les Etats-Unis et les BRICS (Brésil, Russie, Inde, et Chine) ont alors tous progressivement mis le cap sur des politiques protectionnistes dont le but était de protéger et renforcer leurs souverainetés respectives, tout d’abord dans leurs marchés domestiques, mais avec l’objectif de plus en plus explicite d’assoir dans la durée leur projection de puissance au niveau régional et mondial. Ces gouvernements ont donc défini une stratégie aussi étendue que possible pour inclure dans cet élan de renationalisation les domaines stratégiques et inextricablement interconnectés de l’industrie, du numérique et de la monnaie. Les leaders et gouvernements de ces cinq pays ont depuis tous accéléré ce mouvement, prônant une politique de préférence nationale, « repliant » leurs champions industriels sur une ligne politique de consolidation pour mieux conquérir ensuite d’autres marchés.  Reculer pour mieux sauter en somme.

protect1.jpgSans prendre la mesure politique et stratégique de ce mouvement profond, ni en admettre le sens et la légitimité, l’Europe quant à elle s’est contentée de poursuivre sa politique d’élargissement sans garde-fous et de signature d’échanges commerciaux mondiaux tous azimuts, plus récemment avec le Canada et le Mercosur. Elle a poursuivi ainsi ses objectifs louables en théorie mais bien naïfs d’une vision pour un continent appelé à l’emporter commercialement du simple fait de son génie industriel, de sa démographie, et de son poids économique cumulés. L’intégration politique s’est donc poursuivie mais sans mise en place de son indispensable ferment : une structure économique et fiscale pensée et concertée. Face notamment au combat de titans entre les Etats-Unis, l’empire installé depuis 1945, et l’empire montant du Milieu, la Chine, l’Europe et la France en particulier ont continué de leur ouvrir leurs marchés sans contrainte et avec une absence totale de stratégie industrielle et économique.

Le résultat ne s’est pas fait attendre : des pans entiers de nos industries, stratégiques ont été bradés et constituent une perte irrattrapable pour le savoir-faire, l’innovation, l’avantage concurrentiel et la projection de puissance européens. Citons les abandons désinvoltes des Français aux Américains : Alstom à General Electric (GE), et Technip à FMC. Arrêtons-nous sur le cas d’Alstom, devenu un acteur mondial incontournable dans le domaine des turbines nucléaires. Avec 178 turbines installées, il couvre 30 % du parc nucléaire mondial. Ses nouvelles turbines, Arabelle, sont considérées comme les plus fiables du monde assurant 60 ans de cycle de vie aux centrales nucléaires et elles équipent les futurs EPR. Alstom a également des contrats avec Rosatom en Russie et avec la Chine pour la livraison de quatre turbines de mille mega-watts. Ce fleuron stratégique français est donc maintenant dans l’escarcelle de l’américain GE : c’est désormais le groupe américain qui décidera à qui vendre les turbines et aura le dernier mot sur la maintenance du parc nucléaire en France !  Au gré de mensonges éhontés de l’Elysée et de Bercy, bien d’autres douloureuses prétendues fusions « entre égaux », se sont révélées être de gravissimes chimères pour notre souveraineté en lambeaux.

Alors que l’Europe devrait se doter de géants industriels capables de gagner des contrats et des parts de marché contre ses concurrents américains et chinois, voilà que Bruxelles refuse d’avaliser la fusion d’Alcatel avec l’allemand Siemens au prétexte parfaitement spécieux et suicidaire d’une possible « domination non-concurrentielle ». Mais justement, nous avons besoin de tels champions pour notre « marché unique ». Nous marchons sur la tête ! La France se doit de préserver et d’assurer le développement de l’industrie qui lui reste : « nationaliser » les appels d’offres dans l’Hexagone en privilégiant nos champions et aussi les TPE et PME françaises. Les Allemands le font sans états d’âme, en faisant « fi » de la bureaucratie européenne et de ses diktats normatifs qui visent son affaiblissement et sa vente progressive à la découpe ! Pas plus tard que la semaine dernière, la SNCF a annoncé qu’elle préférait l’espagnol CAF à Alstom pour l’achat de vingt-huit rames Intercités.

protect-perrouxIN.jpgDans le domaine numérique, après 25 années d’existence du e- et m- commerce, force est de constater que les titans mondiaux sont là aussi américains et chinois. Encore une fois il y a une absence de représentation totale de géants du net européens. Dans le contexte de l’affrontement qui s’intensifie entre les Etats-Unis et la Chine, nous parlerons bientôt non seulement des « GAFAM » américains mais de plus en plus aussi des « BAXIT », les chinois Baïdu, Alibaba, Xiaomi, et Tencent. A l’instar de Washington, le gouvernement chinois déploie son appareil juridique et ses politiques d’investissement derrière ses champions, enrayant le développement de concurrents américains tels que Google ou Facebook. En Russie, Facebook est absent, c’est son équivalent local V Kontakte qui domine ce marché.

Les dépenses des ménages et des entreprises européens vont donc tout droit enrichir nos concurrents étrangers qui pour la plupart ne s’acquittent pas de leur juste part d’impôts. Pire, la sensibilité et la richesse de nos données personnelles qui profitent au développement d’algorithmes d’intelligence artificielle toujours plus performants tombent aussi dans des mains adverses.

L’Europe se retrouve donc complètement dépendante et démunie. Une esclave consentante, stockholmisée par son maitre américain qui par ailleurs décide même désormais de ses projets commerciaux légitimes en lui dictant via l’extraterritorialité juridique, les frontières de son licite et illicite…en fonction des intérêts nationaux américains. Une notion aux contours extensibles…

Enfin, cette offensive de « renationalisation » active se joue également dans le domaine monétaire. D’abord, la « dédollarisation » de l’économie mondiale est en route : la Russie a largement vendu des Dollars depuis 2018, qui ne représentent plus que 27% de ses réserves, derrière l’Euro (39%) – source Banque Centrale Européenne. Sa Banque centrale a aussi acheté l’équivalent de quelques dizaines de milliards de dollars du Yuan convertibles chinois. La Chine et la Russie ont en parallèle massivement acheté de l’or ces dernières années afin de soutenir leurs devises, avec l’objectif pour les Chinois de détrôner à terme les Américains et pour les Russes d’échapper à la pression de Washington. La solidité de leurs devises repose aussi sur leur faible taux d’endettement. La Russie est quasi à l’équilibre. La Chine elle fait face à une situation plus complexe :  le taux d’endettement du gouvernement central et des collectivités locales est estimé à 37%, loin derrière celui du Japon (240 %), la Grèce (181,1 %), l’Italie (132,2 %), le Portugal (121,5 %), les États-Unis (107,2 %), ou encore la France (98,4 %) – source ministère français de l’Economie et des Finances, CEIC Data.

protect-perrouxPLAN.jpgEnsuite, afin d’assainir ses finances et parer à la crise de 2007, Pékin a lancé un plan de relance en novembre 2008 visant à injecter sur le marché 4 000 milliards de yuans (586 milliards de dollars) afin de stimuler la demande intérieure face au ralentissement de la croissance et à la stagnation de ses exportations. Elle investit massivement dans ses différents projets des Routes de la Soie en Asie Centrale, en Europe, en Afrique, et en Amérique Latine afin d’augmenter la croissance de son économie et de lui donner un avantage géopolitique de puissance « tranquille » mais incontestablement en projection. Elle crée son « contre monde » et déjà ses contre standards. Les Chinois voient loin, très loin, au-delà des péripéties immanquables de leur stratégie à l’échelle d’un siècle entier. Cette vision leur confère un avantage certain par rapport à des politiques très court-termistes en Europe et d’une certaine manière aux Etats-Unis.

Finalement la politique du « quantative easing » de la Banque Centrale Européenne affaiblit à terme l’euro, sachant que l’injection massive de liquidités dans le système financier européen au travers du rachat de Bons du Trésor et autres obligations équivaut à faire tourner la planche à billets sans croissance réelle de l’économie. Une vulnérabilité mortifère dans un contexte de très forts taux d’endettement de certains pays membres dont la France.

L’impact économique et social, mais aussi politique de ces inquiétants développements sera très concret et massif. Pour en prendre la mesure, l’analyse du PIB par le biais du pouvoir d’achat par parité ou PPP est intéressante car elle permet de comprendre l’état réel de la puissance économique via la richesse créée concrètement pour les citoyens des pays concernés. Si nous prenons les projections du FMI, de la banque Standard Chartered, d’Oxford Economics, et du Brookings Institute sur le classement des dix plus grandes puissances économiques au regard du PIB en termes de PPP en 2030, nous constatons plusieurs choses :

  1. Sur les dix pays, quatre seront asiatiques.
  2. La Chine et l’Inde seront respectivement au premier et deuxième rang, reléguant l’actuel numéro un, les Etats-Unis, au troisième.
  3. Les BRICS y figureront tous, avec d’autres pays « émergents » d’aujourd’hui – l’Indonésie (4ème), la Turquie (5ème) et l’Egypte (7ème).
  4. L’Allemagne clôturera la liste
  5. La France sera absente !
  6. L’Union européenne pourrait et devrait y figurer mais, au vu des politiques et interférences désastreuses de ces dix dernières années mentionnées supra et en l’absence d’une politique économique et industrielle cohérente, elle manquera également à l’appel.
  7. Le G7 dans son actuel format sera devenu complètement caduque, réclamant sans doute l’arrêt de ce forum pour privilégier le format du G20…

protect-grjebine-NEI.jpgNous sommes donc devant deux visions apparemment en opposition mais qui peuvent en fait se rejoindre : un libre-échangisme mal-pensé et un protectionnisme pondéré et assumé. Il serait temps que l’Europe et la France fassent une correction de cap courageuse, décisive et retentissante. Pécher par prudence et engager une politique visionnaire et stratégique nationale et communautaire claire sur l’industrie, le numérique, et la monnaie, afin que nos champions puissent tout d’abord exister et qu’ensuite ils puissent sortir gagnants de la nouvelle concurrence mondiale.

Christopher Th. Coonen (Geopragma, 23 septembre 2019)

mercredi, 25 septembre 2019

Sur la crise des démocraties et la transition des formes politiques

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Vers des régimes autoritaires en France et en Europe?

Sur la crise des démocraties et la transition des formes politiques

Irnerio Seminatore

***


TABLE DES MATIÈRES

Introduction. Corruption et changement des régimes politiques

La crise des fondements, le déclin français et la tentation autoritaire

Régimes égalitaristes et régimes hiérarchiques

La souveraineté et ses interprètes, Tocqueville, Rousseau et C.Schmitt

Macron, la France et l'Europe

La démocratie est elle en danger?

La dérive autoritaire de la démocratie

L'affaiblissement de l'esprit de liberté et la transformation de l’État démocratique en l’État

bureaucratique.

Sur le rôle de la "Formule politique"

Guerre et liberté

Sur la crise des démocratie et l’évolution vers des régimes autoritaires

États et violence politique

Les menaces portées contre la démocratie: un tabou de la communication politique

La recherche d'un ordre alternatif

Essor et évolution des régimes autoritaires en Europe

La "Nouvelle Frontière" de l'Europe, le Souverainisme

Souverainisme et populisme. Stratégie et tactique

La révolution numérique et le contrôle social

Phénomènes de normalisation, de violence et de sanction du XXIeme siècle.

Michel Foucault et sa "notion d'homme"

La folie et la mort. Le suicide d'Hamlet à Elsinor


                                                                        ***


Introduction. Corruption et changement des régimes politiques

Dans une période de "fake news" et de perversions sémantiques est-il surprenant de se révolter contre le chaos ou l'anarchie, là même où d'autres y voient la démocratie, la liberté d'expression et l'égale condition de la nature humaine? Quelles preuves apporter à la marche vers des régimes autoritaires, si non des exemples de conduite déviants, par rapport à des normes et des pratiques ancrées dans une tradition, ou dans une préférence politique héritées du passé? Passant à la formulation d'hypothèses crédibles, le besoin d'ordre et de sécurité peut-il être compris intuitivement comme demande de protection, face à des grandes crises d'autorité ou, en revanche, comme angoisse sociale, difficile à affronter avec les moyens du débat et de l'intégration et exigeant plutôt ceux de la force et de la répression?

Or, comprendre la transition actuelle des démocraties vers des régimes autoritaires, c'est faire référence à trois types d'explication:

- d'ordre historique

- d'ordre politique et culturel

- d’ordre sociologique, scientifique et psychologique.

Pour le premier type, je retiendrais l'explication classique, celle de la décomposition de la démocratie et de la théorie des cycles historiques.

Pour le deuxième, la crise des fondements, la conception du pouvoir et l'affaiblissement de l'esprit de liberté.

Pour la troisième, celle des systèmes de contrôle et de manipulation des opinions et de la disponibilité des masses à l'asservissement vis à vis d'un maître.

Des éléments des trois critères se retrouvent dans l'impossible conciliation de la souveraineté étatique, de la liberté individuelle et des convictions populaires, qui définissent le pouvoir démocratique. Ainsi permanence et discontinuité s'en trouvent bouleversées et besoin et inquiétude du changement, intimement liées. Cette situation affecte la conception héritée de la démocratie et augmente la séduction des régimes autoritaires, tenus pour naturels et parfois nécessaires.

En effet dans le courant de derniers deux cent cinquante ans, nous sommes passés,en Europe, des monarchies de droit divin à des monarchies constitutionnelles, puis à des républiques présidentielles et, au XXème siècle après deux grandes révolutions, communiste et national-socialiste à l'ère des tyrannies, pour adopter enfin, à cheval du XXIème siècle, l'âge des démocraties.

Suite à la défaite des pays totalitaires, à la dislocation des empires et à la décolonisation du monde dans la deuxième partie du XXème siècle, nous sommes devenus de colonisateurs, colonisés et l'hétérogénéité des traditions historiques s'est transformée en une uniformisation forcée des conceptions politiques.

Par ailleurs, et comme conséquence du processus de mondialisation, qui a accompagné l'effondrement du communisme soviétique, le pouvoir occidental s'est assuré du consensus des peuples par l'idéologie de l'élargissement de la démocratie.

Or, le trait commun de celle-ci a reposé en Europe sur la dispersion des fonctions d'autorité et, plus de toute autre, de l'autorité souveraine, individuelle ou collective. Au sein de l'Union européenne la souveraineté est en fait partagée entre oligarchies bureaucratiques multiples, qui cachent le polycentrisme des pouvoirs et une gouvernance non élective, se réclamant d'un autoritarisme libéral.

En France, cette dispersion du pouvoir souverain n'a pas tenu compte de la diversité des populations et de conceptions éthiques et civilisationnelles, qui affectent en profondeur l'esprit public, chez les masses et chez les élites et a poursuivi les raisonnements et les pratiques de la tradition républicaine, remaniée par la cinquième république.

L'anarchie universitaire et syndicale, prônant la mort de l’État policier, détesté par Mai 68, puis le retour au pouvoir du général de Gaulle, accusé de bonapartisme par des intellectuels qui se voulaient sans dieu ni maître, suscita un tournant des opinions à la faveur de l'homme du salut.

Dans de pareilles situations et selon Aristote, les démocraties se corrompent et les guerres civiles naissent, exaspérant les conflits des factions et les rivalités entre les individus et les représentants du pouvoir. Puisque les luttes intestines ne trouvent de limites, ni dans la loi, ni dans les mœurs, devenus sans freins, le libre cours aux détracteurs de l'autorité et à la haine des exclus, affaiblissent l'autorité, réclamant à grand voix, un changement de régime.

C'est aujourd'hui le cas de Macron.qui est au même temps un jacobin, ignorant la raison d’État et un progressiste universaliste, qui méprise l'homme du peuple, bref un souverain, en état de guerre permanente avec ses sujets, de plus en plus hostiles à sa politique.

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Selon la vulgate classique, les démocraties sont entraînées vers leur mort et vers l'instauration de régimes autoritaires, lorsque les opinions et les masses, opposées à la classe des privilégiés, se soumettent au pouvoir salvateur d'un chef, populiste ou démagogue, qui les entraîne à la conquête du pouvoir d’État.

Ainsi se succèdent les différentes formes des régimes politiques, qui transforment la liberté en licence et la démocratie en tyrannie, l'excès de liberté entraînant en retour un excès de servitude. Puisque le peuple est animé par des formes dégradées de connaissance, l'apparence, les préjugés et les passions, Aristote en concluait que la meilleure forme de gouvernement est le régime mixte, une composition de démocratie et d'aristocratie, option qui sera reprise par Machiavel à la Renaissance et à laquelle, dans les premières décennies du XXème siècle, Pareto, Mosca et Michels, adapteront la théorie des d'élites dans le but d'étudier la stabilité des partis politiques et la tendance oligarchique des démocraties.

La crise des fondements, le déclin français et la tentation autoritaire

En ce qui concerne le deuxième critère, la conception du pouvoir dans les démocraties d'aujourd'hui, celles-ci ne peuvent rester indifférentes à la crise des fondements, les principes premiers et ultimes de l'autorité de commandement, le consentement volontaire ou la rigueur de la loi. Or une crise des fondements est avant tout une grande crise intellectuelle et morale, une crise de foi, de sens et de société,bref une remise en cause des paradigmes, engendrant une énième subversion de la conscience européenne.

Elle met en cause le passé, le présent et l'avenir et concerne le peuple dans son ensemble. Le choix qu'elle implique appartient-il au "demos", au souverain, ou à Dieu? A la démocratie ou au pouvoir suprême? A l'histoire ou à la politique?

La crise actuelle engage en profondeur la responsabilité du citoyen et, puisque le pouvoir de commandement implique "l'obéissance" des sujets, qui est la consistance effective de la souveraineté, le régime politique confronté au problème de l'adhésion volontaire tirera une grande difficulté de la division du peuple, qui se niche dans la composition même de celui-ci. Un peuple aux deux identités, dont l'âme se divise en deux inimitiés existentielles, dictées par la pluralité des Dieux, est un peuple déchiré entre deux obéissances, à la loi divine, par sa nature universelle, et à la loi politique, par sa nature séculière et nationale.

C'est la situation de la France d'aujourd'hui, la France, jadis pays-guide de l'Europe et actuellement déchirée par la présence sur son sol de deux civilisations hostiles, irréconciliables et en état de guerre virtuelle.

Or, les régimes politiques existants sont l'expression, dans la Gaule et en Europe, d'une seule culture collective, des mêmes sentiments ancestraux, ou , en d'autres termes, de la même foi en Dieu, en la loi et en l'homme de raison.

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Le déclin français, commencé en 1789, avec la "Grande Révolution", le rabaissement de la noblesse et l'hiver démographique,se poursuit avec l'égarement de ses croyances anciennes, qui justifient aujourd'hui son agnosticisme moral par le primat de la "raison" et par l'absence de principes d'ordre métaphysique, exaltant une sécularisation dévoyée et une Église ouverte à l'Islam.

Il continue avec Macron, épris par un aveuglement historique, qui, en mal de stabilité politique, a osé l'hérésie sacrilège, affirmant à Lyon que "la culture française n'existe pas et qu'elle est diverse et multiple"?( 6 février 2017). Le but de complaire à une foule inculte, maghrébine et barbaresque, étrangère à l'histoire du pays, l'a trahi dans l'oubli que l'unité culturelle garantit et préserve l'intégrité d'une nation.

Pouvait il sacraliser autrement une République sans unité, sans hiérarchie et sans Histoire, qui a remplacé les révolutions par les invasions, changeant de visage à la barbarie?

Or, puisque toute solution politique est l'usage combiné de l'autorité, de la loi et de la force, comment la "classe politique" pourra -t- elle réagir à la révolte des masses, offertes par son Prince à toute tentation et à tout reniement?

Du même coup, le rassemblement du Tiers-État, la plèbe moderne des vieux français des terroirs, des petits commerçants et chômeurs, rejetés par une mondialisation dévastatrice, mobilisant révolte et envie de réformes, a consenti aux ennemis du peuple, les black-blocs ou les islamo-gauchistes, d'utiliser au sein de ce mouvement la violence et la subversion.

Cette convergence entre le légitime et l'illégitime, a corrompu l'adhésion du peuple et a justifié la riposte autoritaire de Macron, qui n'a pas la religion de la gloire de Louis XIV, ni celle de la grandeur de de Gaulle et qui ne sait combiner l'alliance traditionnelle du Roi et du Tiers État, en associant les deux formes politiques, par lesquelles se décomposent aujourd'hui les démocraties, l'oligarchie mondialiste et la tyrannie monarchiste.

Le combat contre la ruine de "l'esprit français", si patente de nos jours, avait pourtant débuté à Londres en juin 1940, dans le but de maintenir la France occupée, dans un état de liberté d'esprit contre les formes variées de séduction et de soumission intellectuelles venant de l'occupation allemande, car "l'esprit français" ne se concevait, à l'époque, que dans son lien avec une nation libre et dans la lecture d'une histoire engagée, qui partagerait le corpus philosophique de la liberté.

Le débat sur la démocratie et les régimes autoritaires ouvre aujourd'hui une nouvelle page à la réflexion politique, en France et en Europe et touche toutes les classes et toutes les générations, car les enfants du siècle ne combattent plus pour la vertu ou pour la patrie, mais pour le pacifisme, les migrations illégales ou les droits de l'homme.

Régimes égalitaristes et régimes hiérarchiques

En effet le changement de paradigmes a fait tourner la page de l'égalité, du bonheur et des désirs des citoyens, qui avaient constitué autrefois les piments de l'utopie.

L'époque contemporaine est particulièrement touchée par une revendication d'uniformité et d'hostilité à l'ordre établi et par une réceptivité désarmante vis à vis des vitupérations et des demandes sociales. En effet ces dernières laissent un grand espace à la disponibilités des masses pour croire aux nouvelles prophéties et au vieilles lubies égalitaristes.

Ces masses, qui ne font plus confiance à des philosophies salvatrices, fussent-elles dialectiques et qui ont quitté les partis politiques, constituent le terrain de chasse privilégiées de l'intime corruption de la démocratie, l'apolitisme et la logique des privilèges, apanage des parvenus et des arrivistes.

Celle-ci constitue la semonce captivante de tous les courants et de tous les hommes, qui vendent sur la scène politico-médiatique, leurs alchimies du renouveau et des promesses, non certifiées, du futur.

L'aveuglement dans la fiction de l'égalité s'est particulièrement développée au sein de l'opposition entre les deux camps, de la société civile et de la société politique, autrement dit de la fraternité introuvable et de la rivalité irréductible, en corrompant au même temps l'idée d'Europe.

carlschmittrrrrrrr.jpgLa souveraineté et ses interprètes, Tocqueville, Rousseau et C.Schmitt

Avec l'évolution des systèmes de pouvoir contemporains, la dictature des majorités, que Tocqueville craignait venir de l'uniformisation des conditions en Amérique se renverse de nos jours en la tyrannie des minorités, puissamment portées par la désagrégation de la vie sociale et la corruption de la vie parlementaire. En effet si la tyrannie de la majorité a pu apparaître jadis menaçante, la phénoménologie contemporaine prouve que ce sont les revendications minoritaires à afficher le plus grand danger pour le bien commun.

Ce sont en outre les minorités qui prétendent dissoudre le concept de "genre", ou de "nature" (homme,femme), pour le soumettre totalement à celui de société, au sein d'un processus historique, qui tend vers l'égalité des citoyens.

Cette civilisation égalitariste, dans sa dimension multiculturelle entraînerait un mutation anthropologique, où les différences ne seront plus légitimes et il en résultera une nouvelle humanité, dans laquelle les minorités s’emploient à définir autrement la société et à changer les codes et les dictionnaires du langage courant, de même que les délits et les peines de la jurisprudence et de la loi et où le concept de "nature" disparaîtra par l'effet de la "volonté générale" et du "contrat démocratique".

De telle manière les revendications minoritaires , promues sous le drapeau de l'égalité, pourront dissoudre les identités nationales et les communautés d'origine.

Or, la "souveraineté" défendue par Tocqueville, comme capacité d'autonomie politique et d'auto-organisation sociétale, hors de tutelles étrangères, n' est guère la "souveraineté" de la volonté générale de Rousseau, le genevois misogyne, inspirateur de la révolution française, destructrice de tout ordre hiérarchique et père des dogmes démocratiques du républicanisme de la IIIIème République.

Elle n'est pas non plus celle de C.Schmitt, dernier représentant du "Jus Publicum Europaeum", penseur du décisionnisme et de la souveraineté, incombant sur "celui qui décide de l'exception, en situation d'exception". La souveraineté de Carl Schmitt, qui s'inscrit au cœur de la lutte à mort de l'ami et de l'ennemi, comme essence du politique, prône en effet, en situation de danger, l'unité de tous ceux qui se rassemblent et qui sont liés par une origine et une amitié homogènes, excluant ceux qui sont étrangers à l'ordre politique national et se comptent aujourd'hui par millions.

caricaturemacronemm.jpgMacron, la France et l'Europe

Or, dans l'hypothèse de crises plus violentes,la faiblesse de Macron et la dissolution de la France et de l'esprit français s'inscrivent dans l'impossible conciliation, au cœur l'unité "indivisible" de la nation, de l'universalisme extrémiste et de l'immigrationnisme débridé du Prince. Conciliation politique et institutionnelle qui exigerait la soumission de tous au pouvoir régalien, afin d'assurer la paix civile, face à la menace latente de la désunion et de la subversion internes.

Personne n'osera réduire la démocratie au seul suffrage, fût il plébiscitaire, ni le suffrage à la divinisation du peuple, fût-il le "peuple élu".

Selon l'institution monarchique, réhabilitée par la république présidentielle, un peuple n'est uni que sous son souverain, seul en mesure d'assurer la concorde civile.

Mais le péché historique de la France, c'est d'avoir brisé l'unité de la nation, à l'époque de la Réforme protestante vis à vis des Huguenots et de leurs collusions supposées avec la Hollande et l'Angleterre, hier avec le Front Populaire et l'Union Soviétique et après la guerre, avec les socialismes et les pays de l'Est, aujourd'hui avec l'Islam et les États sunnites et wahhabistes, ennemis latents et permanents du pays.

Dans cette république querelleuse et insoumise la démocratie, antidote de la monarchie ou du pouvoir monocratique, a-t-elle besoin d'un chef providentiel, maître, despote, ou barbare qui s'élève au dessus des factions et incarne l'autorité et la concorde?

Au coeur de troubles et difficultés multiples, Macron tend vers un point d'équilibre entre l'ordre libéral global et l'égalitarisme islamo-libertaire, ou encore, entre la modernité administrative et les nouvelles aristocraties républicaines.

En tant qu'expression des bourgeoisies françaises de droite et de gauche, il ne peut conjuguer l'inimitable exaltation pour la primauté de l'Amérique de Trump et le caractère russe de Poutine.

S'il lui est impossible d'intégrer ou d'anéantir l'Angleterre, tournée vers le grand large, Macron tâche de voir dans le Brexit une occasion de nouer avec l'Espagne et de prendre à revers les pays de Visegrad, par une politique d'entente avec la Serbie et les Balkans Occidentaux,en humiliant l'Italie,qui sera le premier rebel du giron des pays subordonnés au joug de l'Union germano-américaine.

C'est la peur d'une surprise stratégique d'ampleur historique, la révolte islamique, qui  lui interdit de reconnaître dans l'ennemi intérieur le perdant de la bataille de Roncevaux, qui marche désormais sur les Champs Élysée.

De surcroît et par un coup de poker, après avoir affronté les gilets jaunes et guillotiné le vieux système des partis, Macron est apparu en Europe, après les élections, comme le seul faiseur de rois et le seul créateur de légitimité vis à vis des institutions européennes.

L'accord de compromis avec une Merkel sans vision et sans avenir, pousse la France de Macron vers un modèle de société autoritaire, sans lui éviter de devenir, face à une Allemagne à l'hégémonie réluctante, la plus importante province du sacrée romain empire germanique, version post-moderne.

Par ailleurs l'approche rajeunie de la concertation franco-allemande, pourra-t-elle rester le pivot d'une asymétrie stabilisée et définitivement acquise , ou bien deviendra-t-elle le soutien principal d'un jeu de bascule du leadership, porté par un homme, qui s'est forgé une image iconoclaste de la liberté des peuples et du pouvoir des États?

La démocratie est elle en danger?

L'effondrement de la social-démocratie en Europe et la politique néo-libérale ,visant à absorber l'électorat conservateur, s'exprime en France par une pratique de restriction du contrôle parlementaire. La crainte de déstabilisation du pouvoir est le principal fondement de l'autoritarisme d’État. Puisque l'appareil d’État s'est évanoui face à la triangulation instable, d'une gauche affaiblie et d'une droite attirée par le Rassemblement National, le centre accapareur de Macron, dépourvu d'une base sociale propre, glisse vers une politique néo-libérale de type autoritaire, dans le but de rendre impossible une compétition électorale "équitable" et de puiser dans le réservoir électoral des droites conservatrices.

Pour atteindre cet objectif, le mécanisme électoral de la cinquième république donne au regroupement politique gagnant, un poids politique disproportionné dans les instances représentatives. Face à une opposition éclatée, à une presse largement favorable et à des médias qui totalisent des parts d'audience considérables, lui permettant de régner sans partage,la seule figure absente est, comme il le dit en 2015, "la figure du Roi".

D'où son modèle monarchique et son mépris du peuple. Dans cette situation la transformation de la France en exemple de l'Europe, s'inscrit dans l'approfondissement du néo-libéralisme et dans une réforme du droit du travail,"flexibilisé", suivant les recommandations du FMI et de l'OCDE. "There is no other choice", expliquera-t-il dans une interview à la presse anglo-saxonne. Or, à l'échelle internationale, l'enjeu du siècle pour la France, comme pour l'Europe est la transformation du monde par la révolution scientifique et technique. Ainsi, le but de la France de demain est de devenir "une Start Up nation". Cependant, au ralentissement de la croissance et au caractère de plus en plus insupportable des inégalités, la stratégie du pouvoir évolue vers la réalisation de réformes structurelles, qui puissent favoriser, coûte que coûte,la compétitivité du pays. Le succès de ce chantier de réformes repose sur une grande fusion des nano-technologies, bio-technologies, réseaux intelligents et objets connectés. La République en marche, dans l'esprit du Prince, devient le synonyme d'un monde en marche vers l'avenir.

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La dérive autoritaire de la démocratie

Le stimulant de ce nouvel horizon technologique est le succès des "meilleurs".
Or, l'obstacle le plus préoccupant de cette démarche générale est l'extension des inégalités, à surmonter par un autoritarisme déclaré, qui délaisse "le bavardage législatif", par une limitation des débats parlementaires, l'adoption de procédures accélérées pour l'examen des projets de loi, la restriction du contrôle parlementaire, le "secret des affaires" et une marge de manœuvre de plus en plus large de l'appareil répressif et des forces de l'ordre. A titre de rappel, la demande au Parlement de la part du président Macron d'adopter une loi qui limite la liberté de manifestation et la présomption d'innocence. Cette politique dure, dangereuse et risquée est ce que l'on peut définir comme la dérive autoritaire de la démocratie et la preuve irréfutable de son étouffement.

L'affaiblissement de l'esprit de liberté et la transformation de l’État démocratique en l’État bureaucratique.

Sur le rôle de la "Formule politique"

In fine, la référence classique de toute tentation autoritaire demeure l'affaiblissement de l'esprit de liberté, qui se mesure aujourd'hui aux dispositions de plus en plus restrictives sur le désaccord politique. C'est de cet affaiblissement que meurent partout les démocraties modernes. Certains parleront de lois liberticides, à propos de la liberté d'expression, d'autres de censure sournoise, d'auto-censure, de chasse aux sorcières, ou de manipulations médiatiques.

En effet, cela se produit lorsque la méfiance, le pessimisme ou la peur de l'ennemi politique s'infiltrent dans nos craintes collectives et c'est là que la liberté se meurt et décline. Les régimes de liberté se meurent également de la désagrégation de la "formule politique", autrement dit du ciment moral, de la croyance collective et de la volonté présumée d'un peuple, de pouvoir surmonter les épreuves de l'Histoire, en s'appuyant sur la fidélité à une tradition ou sur la confiance à un chef providentiel. La désagrégation de ce moment de grâce jette un éclairage sur les difficultés d'une situation, bloquée par une impasse de nature politique ou intellectuelle et qui, en harmonie avec l'esprit du temps, avait permis la mobilisation collective autour d'un projet de renouveau, soufflant au même temps dans le cœur de chaque citoyen.

Ce fut le cas des résistances à l'occupation allemande et à la reconstruction nationale.porteuses de grands espoirs de libertés.

Ce n'est plus le cas d'aujourd'hui, où la "formule politique" se grippe dans la transformation  du pouvoir en régime autoritaire, engageant la mutation des États démocratiques en États bureaucratiques, des États dans lesquels ils est interdit de penser et d'avancer, car il ne faut qu'appliquer.

Le cas exemplaire est celui des institutions supra-nationales comme l'Union Européenne, à la double légitimité, nationale ou populaire et supra-nationale ou oligarchique.

Ici le problème non résolu est celui du renouvellement des élites de direction, les "top jobs", en situation de mixité et de jonction des formes d’État et des formes de régimes.
Dans ce cas la "formule" (alliance ou compromis), doit garantir la fonction d'équilibre entre les impulsions stratégiques des Chefs d’États et de Gouvernement (légitimité étatique ou oligarchique) et les responsabilités d'exécution des bureaucraties supra-nationales (légitimité hiérarchique, et, en son aspect confirmatif, démocratique).

La "Formule politique" doit trouver ici la clé de la compatibilité institutionnelle entre l'option autocratique (désignation par le haut) et l'option démocratique (confirmation par le bas).

Il semble évident, dans des conditions si restrictives, que le recrutement des nouvelles élites laisse une marge de manœuvre très réduite aux nouveaux dirigeants et les rend davantage tributaires d'une "aquiescence" hiérarchique, qui les éloigne des revendications des peuples, en restreignant leur autonomie de jugement et en éteignant leur conscience historique.

Cette incompatibilité des deux niveaux de la représentation et de la légitimité engendrera une énième difficulté en situation de conflit civil ou militaire, car la différente composition, de structure et d'idéologie, des partis politiques nationaux, opposera les différentes formations politiques, à base ethnique et à idéologie racialiste fort dissemblables, tant à l'échelle européenne que dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité.

Guerre et liberté

La prévisibilité d'un conflit désigne une situation dans laquelle on peut cerner la valeur de la liberté, entendue comme principe de gouvernement.En effet l'anticipation d'un danger réunit et symbolise toutes les autres formes de libertés et tout ordonnancement des activités humaines.

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Le conflit civil aux portes, où sera jouée la liberté française et européenne, ainsi que leurs régimes politiques, n'est pas seulement un affrontement de tendances, où s'expriment les formes de soumission de l'humanité aux grands cycles historiques de la paix et de la guerre, mais une lutte à mort entre deux peuples et deux civilisations hostiles, vivant en cohabitation forcée, le peuple de souche et la civilisation française d'une part et les immigrés et la civilisation de l'Islam de l'autre, sur un même sol métropolitain à conquérir, la terre des Francs.

Ce conflit s'exprime par des manifestations multiples d'insoumission, de révolte, de violence symbolique, de rejet intellectuel et moral, de haïne et de mépris déclarés.

Or la liberté de tout un peuple est un enjeu à gagner à chaque instant, car la préservation de la paix est le but principal d'un gouvernement. Le paradoxe français est que beaucoup de politiciens et d'intellectuels ,en bons héritiers du rationalisme cartésien, ne partent pas des faits et des constats pour s"élever au monde des idées et aux grandes proclamations idéologiques, mais prétendent établir, en humanistes cosmopolitiques, un équilibre humain rationnel, fondé sur un dialogue et une entente utopiques, plutôt qu'un équilibre humain naturel, enraciné sur un antagonisme profond, entre les deux âmes du pays. Ce procédé intellectuel est un suicide ou un acte génocidaire, car il accorde à l'ennemi l'espoir d' une victoire à la portée

Au plan historique le déferlement de migrants et de leurs progéniture ont autant d'importance, si non plus grande, que les ambitions ou la gloire des princes. Or le Prince, incapable comme tout homme de tenir le juste milieu, penche raisonnablement vers l'illusion d'une impossible concorde civile.

Lui, et avec lui, les autres gouvernants d'Europe, à commencer par M.me Merkel, ne pensent pas, suivant Machiavel, de pouvoir gouverner la moitié de leurs œuvres, qui relèvent de leur "Virtù", puisque ils ne peuvent maîtriser l'autre moitié, qui est assignée à la "Fortuna", ou au Hasard.

Par ailleurs, du point de vue de la politique mondiale, ils n'arrivent pas à partager l'idée kantienne, que le conflit et la guerre "se greffent sur la nature humaine" et que la forme d'éthique la plus élevé, consiste à dominer cette causalité d'origine (différenciations de société), comme fondement du gouvernement des hommes (hostilité politique).

Les esprits de ces gouvernants sont dominés par l'individualisme moral et l'illusion du cosmopolitisme, qui sont les deux visages d'un même renoncement,à la logique de la raison ou à celle de l'histoire.Au sein du couple franco-allemand cette antinomie se manifeste par l'obsession d'un discours sur les valeurs, sans substance éthique, qui ne tolère pas de répliques et de dissensions et qui freine la liberté des débats. Les représentants de ce couple feignent d'ignorer que la relation de peuple à peuple est une relation d'inimitié et donc de guerre. Cette relation est ainsi occultée et refoulée et alimente les dérapages de la pensée unique, de telle sorte qu'elle obscurcit la capacité de discerner l'essentiel (la lutte politique), de l'accessoire (la concorde civile) et l'amour pour l'ordre des excès violents de la liberté.

Devant les deux formes d'Histoires qui sont devant  nos yeux d'européens, l'Histoire de la conscience et l'Histoire réelle, la première, dans le langage de l'Union, prend la forme idéologique de l'apologie et la deuxième celle, dramatique, des antagonismes, qui sont à la racine des choix mortels de l'Union.

Sur la crise des démocratie et l’évolution vers des régimes autoritaires

Si les démocraties occidentales évoluent vers des régimes autoritaires, c'est que l'on peut identifier dans ce cheminement plusieurs parcours.

Le premier et le plus important est la crise des systèmes représentatifs, fondés sur la légitimation du pouvoir par le suffrage, sur le système des contre- pouvoirs ( la balance of power) et sur un corpus acquis d'assurances de libertés. Or, bon nombre de polémistes, (S. Levtssky, D. Ziblatt, D. Runciman, Y. Mounk) revendiquent le recours à un même paradoxe; l'utilisation des institutions démocratiques de la part des détenteurs des pouvoirs globaux, pour mieux dénier la volonté populaire, ou sa fiction.

Les moyens pour y parvenir sont la montée en puissance de la manipulation, la "désinformation" et la constitution d'un réseau d'outils de surveillance, perfectionnés et sournois, pour contrôler et prévenir une remise en cause des positions dominantes.

C'est à ce point qu'une interrogation rapproche singulièrement ces auteurs, celle d'un questionnement commun et capital:

"Comment meurent les démocraties"

Après avoir décrit les moyens et les méthodes des nouveaux fauteurs de l'économie numérique, ces auteurs soulignent l'importance croissante de l'autorité immuable de l'administration des choses, qui pousse à la création d'un État autoritaire, sur une base organisationnelle à caractère numérique.

États et violence politique

Il y a des signes qui ne trahissent pas, la neutralisation des consciences, la dépolitisation de la vie publique et l'élargissement de la censure, bien au delà des dispositions législatives et des enjeux de politique immédiate, préfigurant une véritable "police de la pensée".

Or, si les démocraties évoluent vers des régimes autoritaires derrière des formes d'un pluralisme de façade, c'est que la limitation des libertés d'expression est l'une des preuves de l'intolérance vers les dissensions et que la confiscation du pouvoir se cache derrière le contrôle étroit de l'appareil d’État.

En effet, l' intrusion opaque du pouvoir bureaucratique prend une place nouvelle dans l'innovation technologique, sous la pression de la radicalisation de la société et des conditions de guerre civile, dans lesquelles se répandent des formes de violence spécifiques, celles du terrorisme islamique, de l'insoumission populaire et des réseaux sociaux.

Cette convergence des formes de la violence, interne et extérieure, crée les conditions d'une escalade, qui affaiblit l'autorité du pouvoir, la légitimité des ripostes et la stabilité des régimes politiques, mettant en échec les institutions et les procédures de l’État de droit.

Dans cette situation, une partie considérable de l'establishment intellectuel pointe du doigt les différentes phénoménologies de la crise et identifie sa causalité prioritaire dans un populisme montant, responsable, dans leur lecture, de la dislocation de l'ordre libéral, au moyen de coalitions anti-système de plus en plus vigoureuses.

D'autres voient dans cette crise une double corrélation, celle de la place prépondérante du multipolarisme dans les relations internationales et celle du sinistre rattrapage du passé sur le présent. En particulier, de la grande crise européenne des années trente, dont un présage troublant serait à voir dans le Brexit.

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Les menaces portées contre la démocratie: un tabou de la communication politique

Or, contrairement à ces Cassandres, le probable "vrai" danger qui menace les démocraties est le tabou, entretenu par la pensée unique sur l'Islam, le terrorisme islamique et la révolte croissante des populations musulmanes installées en Europe et en Occident, dont la guerre proclamée, le djihad, prendra bientôt la forme tragique d'une "surprise stratégique".

Le défi de la guerre civile imminente n'est pas atténué par l'absence, chez les musulmans, d'une conscience collective organisée ou d'un discours révolutionnaire explicite et cohérent, comme cela s'est produit aux États-Unis dans les années cinquante/soixante avec MalcomX et Martin Luther King, les deux leaders historiques de la révolte violente et de l'integrationnisme pacifique. L'absence de réflexion sur leurs conditions d'assistés en France ou en Europe, interdit aux intellectuels musulmans d'aller au delà d'une sorte d'agnosticisme moral et d'un malaise psychologique, qui les prive de l'énergie et de la responsabilité d'un engagement citoyen, de la carence d'un Leader charismatique et du mythe d'un combat mobilisateur pour la liberté et pour l'affranchissement de leur marginalité et de leur subordination endémique.

La raison en est le manque de courage intellectuel et la crainte d'une "vendetta" raciale.

L' absence des musulmans du système politique, en tant qu'entité sociologique aux intérêts propres, déclasse toute une communauté de la bataille politique et parlementaire et pousse le système représentatif vers un autoritarisme hypocrite dans le meilleur des cas, et vers l’extrémisme nationaliste et raciste dans l'autre.

L'apartheid incomplet de cette communauté ne peut être combattu ni au nom de la liberté, ni au nom de l'intérêt général, car il fonde l'équivoque d'une condition ambiguë sur les concessions accordées par une partie du système politique, les socialistes et les démocrates "sincères", qui veulent profiter d'une clientèle à leur botte sans soumission à l’État républicain.

La recherche d'un ordre alternatif

De surcroît, si la désillusion de la démocratie et le retour du réalisme sont évidents, un autre facteur puissant vers des formules politiques autoritaires est représenté par la révolution de l'intelligence et par l'intelligence artificielle dans la vie politique et sociale contemporaines.

D'où viennent-elles la post-démocratie, la contestation du Leadership occidental dans le monde et la recherche d'un ordre alternatif qui s'oppose au progressisme sociétal et au néo- libéralisme de la France et de certains pays européens ?

zygbau.jpgSous couvert de "raison", dira-t-on, les démocraties de l’Ouest se sont nourries d'une logique de "déraison" qui a théorisé et pratiqué le sens de la démesure et l'extension continue des droits sans devoirs. Cet outrage du "bon sens" a conduit au dépassement des " limites" de l’État, de la Nation, de la famille et de l'anthropologie, et à l'égarement de "l'affectio sociétatis", propres des sociétés homogènes, aboutissant à la "société liquide" de Zygmunt Bauman.

Cette dernière s'opposerait à la société moderne, guidée par un projet commun et par un univers de "sens" partagé, car dans la société liquide les relations sociales sont impalpables, précaires et presque impossibles. Par ailleurs l'individu doit s'adapter à une liberté incertaine et la ville devient une montagne de zones de pauvreté et de récupération. La vulnérabilité de ce monde aliéné serait mise en lumière par la métaphore du monde global, où la télé-réalité apparaît comme la mise en scène de la "jetabilité, de l'interchangeabilité et l'exclusion", bref, comme la précarisation de toutes les conditions de vie.

Essor et évolution des régimes autoritaires en Europe

L'évolution actuelle vers des régimes autoritaires en Europe est imputable plus à une transformation interne des démocraties qu'à un retournement violent de la conjoncture politique.Elle peut être liée, en ses origines, à l'essor des espoirs de renouveau des années 1990, caractérisés par l'inclusion dans la vie publique des groupes dissidents ou minoritaires (ethniques, religieux et sexuels), et quant à la situation actuelle, à la tentative de consolidation des majorités menacées et à la décomposition des partis traditionnels. Cette évolution impose la recherche d'institutions adaptées et d'un nouvel ordre politique. A la lumière du présent, l'opinion publique devient conservatrice, la radicalisation des forces modérées et des classes moyennes, un phénomène étendu et l'essor du populisme, inquiétant. En réalité nous assistons à une intensification des stratégies conservatrices plus que populistes, puisque les clivages qui se dessinent sont tracés par trois vulnérabilités immanentes, celles de la sécurité, de l’invasion migratoire et de la démographie déclinante. Ces vulnérabilités, en dessous des slogans électoraux, imposent une polarisation idéologique inédite et un renouveau des droites européennes, qui ont pour base le cadre de la lutte antiterroriste, la critique des élites urbaines et l'hostilité à la bureaucratisation autoritaire de l'Union européenne, qui ne représente plus l'union des États, ni la défense des peuples du continent . Face à cette levée des boucliers, sommes nous en présence d'une révolte passagère et sans doctrine, ou à une véritable "révolution néo-conservatrice"? Pouvons nous comparer cet âge du doute et du bilan historique à la révolution néo-conservatrice américaine et à la pensée allemande des années 1920/30?

L'élément de fond apparaît ici la transformation commune des vieux conservatismes en doctrines révolutionnaires de la société. Ici encore, le caractère schmittien du renouveau européen est dans la redécouverte de la politique comme critique du libéralisme, une doctrine qui ignore l’État, la souveraineté et la sécurité, au profit d'un moralisme individualiste et d'un progressisme social. Qui fait de la "norme juridique" le référent principal des conduites, privées et publiques; normes qui sont toujours politiques et jamais neutres.

La "Nouvelle Frontière" de l'Europe, le Souverainisme

Ainsi la "Nouvelle Frontière" des droites européennes n'est pas le populisme, mais le Souverainisme et, affectivement, le Patriotisme, comme conscience de la tradition, de la permanence et du "nomos"de la terre.

Ce Souverainisme, qui marque un retour à l’État, ne divinise pas la concurrence, point-clé du néo-libéralisme moderne, car aucun État ne peut tolérer en son sein des entités, nationales ou étrangères, qui concurrencent son pouvoir.

En ce sens l’État politique est l’État qui décide et qui gouverne, un État qui vit dans la grande politique et qui assume celle-ci dans son intégralité, car la politique est lutte, lutte pour le pouvoir et la puissance, lutte pour la domination et la survie, lutte implacable pour sa propre affirmation historique et pour la soumission de l'ennemi à sa vision du monde.

athena1001-IS.jpgAinsi le Souverainisme n'est pas un populisme, puisqu'il n'est pas une promesse, mais une volonté ; il n'est pas la critique des élites, mais la revendication d'un destin.

Le renouveau intellectuel des droites européennes, à la lumière de la révolution néo-conservatrice américaine et de la pensée allemande de la République de Weimer, revient sans cesse sur l'irréductible dualité du politique, l'antagonisme de l'ami et de l'ennemi, dans l'approche du pouvoir, de sa conquête et de son maintien.

Rien à voir avec le "statu-quo" ou la simple légitimation par le suffrage. Rien à voir avec les compromis et les accommodements.

La lutte pour le pouvoir n'a de sens qu'en elle même et pour la conquête et la conservation du pouvoir en tant que tel, brutalement, avec la force, la violence verbale et l'affrontement physique

Le souverainisme est une idée-force, qui ne craint pas la bataille des idées et il ne redoute nullement l'action, car il s'en nourrit.

S'il comprend l'appétit naturel des hommes pour l'état civil et pour la paix, érigé en postulat moral, le souverainisme ne peut partager l'inversion du concept westphalien d’État.

Le souverainisme privilégie l’État qui gouverne et l'État-stratège et refuse les démocraties désarmées.

Dès lors ,il ne peut être qu'en rupture avec l'Europe du "statu-quo", avec la dépolitisation de la conscience européenne et avec la neutralité culturelle générale, dont "l’État agnostique et laïc", est l'expression emblématique.

Ainsi et à ce stade il s'insurge contre toutes les conceptualisations qui identifient dans l'Europe de l'Union une figure politique de la post-modernité, un État sans État, une politique sans politique, un pouvoir sans autorité, une désacralisation sans légitimité; une forme d’État sans sujets, car l'idée même de citoyen se traduit en un concept vide et totalement désincarné.

La radicalisation européenne, dont l'impact n'est qu'à ses débuts, se fera sur le sentiment de révolte et de vulnérabilité des peuples trahis et découlera logiquement de l'invasion migratoire, du Brexit et des luttes anti-islamiques.

En termes collatéraux, sur les questions de moralité traditionnelle (gendre, mariages homosexuels et IVG).

Quelle est la nature philosophique de cette évolution vers des régimes autoritaires, et leur "nécessité"? Un des facteurs déterminants repose sur le fait que les élites mondialistes sont en posture défensive et soutiennent une démocratie déclinante et corrompue et que l'ascendant des droites radicales compte sur un foisonnement intellectuel cohérent et adapté et sur l'indignation de ses militants qui n'hésitent pas à se battre.

On ajoutera à ces considérations, l'influence de l'école réaliste et de ses grands maîtres à penser, Machiavel, Hobbes, Weber, Schmitt, Strauss, Kissinger et la critique de la conception libérale et humaniste du pouvoir et de la puissance.

En termes cognitifs, la distinction majeure de la politique et du pouvoir n'est pas la poursuite de la moralité ou de la justice, mais la lutte pour la vie et l'affrontement existentiel, qui constituent les formes les plus intenses des antagonismes nationaux. Sous ce prisme, discriminant, le libéralisme, l'humanisme et les différents juridismes sont trompeurs et en porte à faux par rapport à la réalité effective des relations d'homme à homme et de société à société.

Ce bouleversement cognitif est inacceptable pour les détenteurs des privilèges, les élites bureaucratiques et globalistes, qui ont choisi la ligne de la récusation et du négationnisme et font abus d'autorité dans le conflit civil. C'est dans l'évolution contestée  des démocraties déclinantes, que le pluralisme de la société civile montre son visage illusoire et son rôle concurrent par rapport au Politique et à l’État, dans la transition vers des formes politiques originales.

Souverainisme et populisme. Stratégie et tactique

L'insistance sur le rôle de la société civile de la part de la doctrine officielle, comme pouvoir compensateur, est lié à l'institution de la démocratie, fondée sur la logique des contre-pouvoirs (checks and balances), qui, en théorie, freine et limite l'exécutif dans le but d'éviter l'installation d'un pouvoir despotique ou tyrannique. Une balance qui entrave de toutes ses forces l'émergence de l’État total. L'intensification des stratégies souverainistes et néo-conservatrices en Europe fait évoluer le système vers la droite des hémicycles parlementaires et vers les extrêmes du mécontentement et de la révolte des rues et des carrefours, car la France et les autres pays européens sont taraudés par l'épuisement du "statu quo" et de l'idée-guide de l'Union.

Ainsi, si la critique des élites est une tactique doctrinale qui vise la prise en charge de l'homme ordinaire( populisme),le souverainisme est une stratégie de nature parlementaire et plébiscitaire, qui bouleverse les pratiques et les appareils des échiquiers nationaux. De façon générale, là où les libéraux et les progressistes tendent à modérer les débats,à restreindre les libertés et à manipuler l'information, les souverainistes de tout bord, relancent en permanence les affrontements, pour dénoncer les campagnes adverses, montées de toutes pièces sur la base de fake-news, dont l’objectif déclarée est de dévoiler aux opinions les misères et les turpitudes du "Roy nu" et des pouvoirs oligarchiques. Cependant, l'ombre redoutable portée par le passé sur le présent maintiendra son caractère de menace, plus que de danger imminent, jusqu'au moment où le souverainisme, actuellement sans leadership et sans mythes, sans gardes rouges et sans une avant-garde bolchevique, ne se dotera d'un ascétisme révolutionnaire résolu et sévère, dans le but de servir l'indépendance et la liberté du peuple.

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La révolution numérique et le contrôle social

La transformation de la démocratie post-moderne en technocratie et en régimes autoritaires n'est pas un phénomène isolé, mais un des facteurs du processus historique,de plus en plus irréversible, que l'on a désigné comme le déclin de l'Occident, dont les signes manifestes sont par ailleurs, l'immigration destructrice de sous-hommes, le vieillissement des populations et la désagrégation de l'Europe et des États-Nations.

D'autres raisons de cette progression palpable, qui ne s'arrête pas aux frontières du politique et le transcende, préfigurant, selon certains, une révolution politique, ce sont les raisons du contrôle et du numérique, imputables à l'espace du Web et aux réseaux de la toile.

Penser la société en termes de réseaux signifie-t-il encore la penser en termes de complexité et de projet collectif ou la dissoudre dans un ensemble à base individualiste, qui comporte une dispersion de la souveraineté politique et une organisation de sujets démunis, autour d'une communication globalisée, pilotée de l'extérieur et vulnérable aux ruptures stratégiques?

Dans ce questionnement ne sont plus évoqués ni les problèmes d'une communauté à gouverner, ni les ambitions d'un destin à affermir.

Par ailleurs internet est devenu un vecteur d' idées politiques et un nouvel espace du débat, sans perdre ses caractéristiques de lieu, de moyen et d'englobant systémique et informel et, de ce fait, sans pouvoir éliminer, ni atténuer les différences de société à société et de culture à culture.

Les fondements philosophiques d'Orient et d'Occident confirment la distance des civilisations politiques dans deux pays aussi opposés et aussi significatifs que sont la France et la Chine, en ce qui concerne le fichage informatique et le contrôle numérique des populations: dans la première, pour garantir le maintien des libertés, dans la deuxième pour détourner les finalités de l'échange intellectuel vers des objectifs de contrôle, virtuellement totalitaire.

Un accélérateur de la marche vers des régimes autoritaires est , en particulier, le climat de soupçon et de méfiance institutionnelle, déchaînés par la chasse aux sorcières et par la recherche du boucs émissaires, servant de prétexte aux hystéries accusatoires, dans le cas d' intrusions informatiques présumées et lors de débats décisifs des campagnes électorales.

La déstabilisation des appareils politiques adverses (campagne Trump-H.Clinton, WikiLeaks), n'est ici qu'un bouleversement mineur dans le domaine de la formation des opinions et de la communication globalisée, car la volonté étrangère présumée de l'intrusion informatique apparaît comme une préférence affichée pour l''un des deux décideurs et comme une"volonté de réfutation" des argumentaires avancés par l'autre, surtout dans la redéfinition de la politique internationale et mondiale.
La coexistence de deux "paradigmes sociétaux", démocratique ou autocratique, est à l'origine de l"option entre "systèmes de consensus" (ou systèmes ouverts) et systèmes du "statu-quo" (ou systèmes fermés), autrement dit entre systèmes partisans et contradictoires (démocratie) et système aux intérêts stabilisés et homogènes (autocratie).

Phénomènes de normalisation, de violence et de sanction du XXIeme siècle.

Michel Foucault et sa "notion d'homme"

C'est en étudiant les mutations des disciplines du contrôle social aux XVIII et XIXemes siècles que Michel Foucault a dégagé sa notion "d'homme".

foucaultlonguefig.jpgIl affirma, sans risque de se tromper, que: "La liberté de conscience comporte plus de dangers , que l'autorité et le despotisme". Nous dirions que les systèmes ouverts comportent infiniment plus de périls que les systèmes fermés, car ils baignent dans les marécages de la responsabilité, refusée par la plupart des damnés de la "Divine Comédie", ne pouvant s'en sortir que par la terreur de la mort.
En effet la marche de la démocratie vers des régimes autoritaires est jalonnée d'embûches, de dilemmes et d'épines, auxquelles on ajoutera les tromperies et les mensonges. Dans l'herméneutique du désespoir, nous y repérons, au bout du chemin, la violence et la folie.

Face aux citoyens "dociles et utiles", l"assujettissement des modernes passe par la politique et la communication, dans lesquelles l'enfermement est tissé d'un réseaux de fake-news. Le web y fonctionne, comme le labyrinthe de Minos ou comme une clinique universelle de psychologie sociale, où se confondent les rôles des gardiens et des détenus, agissant sous le mode pervers de l'abus d'autorité, de l'intimidation, du chantage et de la peur.

Si, pour certains la société est une cage, où la violence et la sanction sont omniprésentes et par lesquelles une grande orthopédie mentale régénère les esprits, pour le peuple, les populistes et le souverainistes la société est aussi un dédale de vérités et de rachats, voire de libertés.

La folie et la mort. Le suicide d'Hamlet à Elsinor

Y a-t-il des précédents historiques à l’assujettissement volontaire de toute une civilisation et à sa soumission à un autre Dieu? Par quel mystère l'Europe accepte-t-elle son suicide, face aux nouvelles invasions,sans réagir et sans se révolter?

Qui jouent les gardiens et qui les détenus, dans la prison sociale du XXIème siècle? Les détenus, "dociles et utiles" ce sont les héritiers des empires, honteux de l'être , les vieux civilisateurs du monde.
Les gardiens des cages, les prisonniers de l'Islam, brutalisés par leurs religion et par la castration de leur vie, haletant d'une revanche dantesque.

Dans ce jeu, les vraies détenus sont devenus les esclaves de leurs propres conceptions des libertés, en se pensant les égaux de leurs bourreaux et préférant renoncer à leur condition de maîtres, face aux miroirs déformés de leurs fautes.

C'est pourquoi, indignes de vivre et perclus de leur misère, ils méritent la mort, par aveuglement et par folie ou invoquent anxieusement la dictature par une abjecte volonté de soumission.

En fait, il ne s'est jamais donné le cas que l'invasion d'une population abrutie et forte, s’accommode d'une cohabitation avec une multitude conquise,vieillissante et faible; que la haine naturelle des démunis vis à vis des nantis se soumette de bon gré et sans endurer des peines, à la discipline et au respect de leurs seigneurs, discrédités par l'inertie ou l'impuissance, dans l'usage de la force, de la cruauté et du goût de la violence; et enfin, que l'exercice de la sévice, réelle ou symbolique et, plus encore du mépris et de l'insulte,adoucis par la pitié et par la dérision, ne provoque la séduction et un secret plaisir d'humiliation et de rabaissement.

L'éducation y joue son rôle de carotte, pour le métissage culturel des petits sauvages, à leurs tour prisonniers d'un nécessaire enfermement didactique

Ainsi, face au dilemme d'Hamlet, les Européens doivent choisir lucidement entre la mort de l'autre ou leur propre suicide.

Bruxelles le 9 août 2019.

Information
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« Au-delà du moment unipolaire – Perspectives sur le monde multipolaire émergent »

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Forum de Chișinău III: Conférence internationale

« Au-delà du moment unipolaire – Perspectives sur le monde multipolaire émergent »

 

Iurie Roşca,
journaliste et directeur de l’Université Populaire

Discours introductif

Chers amis, mesdames et messieurs, bonjour à toutes et à tous, bienvenue à la troisième édition du Forum de Chișinău intitulé « Au-delà du moment unipolaire – Perspectives sur le monde multipolaire émergent ».

Permettez-moi de me présenter aux personnes de différents pays qui sont en train de regarder en direct notre événement. Je m’appelle Iurie Roşca, je suis un journaliste et un éditeur de Moldavie, ainsi que le directeur de l’Université Populaire qui organise cette rencontre. Je suis un ancien dissident anticommuniste et un actuellement un dissident antiglobaliste. J’aimerais commencer notre conférence internationale en disant que la principale caractéristique de mon pays, la Moldavie, est son identité religieuse, l’Orthodoxie. Plus de 90% de nos citoyens appartiennent à l’Église Orthodoxe. Sans notre foi nous n’existerions pas, nous ne serions qu’une foule d’anciens Homo Sovieticus ou de nouveaux Homo Americanus. C’est pourquoi j’aimerais vous demander la permission de débuter notre événement par la prière du « Notre Père » dans ma langue maternelle roumaine… Tatăl Nostru… Merci beaucoup.

Et maintenant laissez-moi dire juste quelques mots sur les origines de notre initiative qui s’appelle Forum de Chișinău. L’idée a été discutée en 2017 par un groupe d’amis de différents pays qui partagent les mêmes valeurs conservatrices, traditionnelles, anti-système et antiglobalistes. Le philosophe russe Alexandre Douguine, l’écrivain et journaliste français Constantin Parvulesco, le prêtre orthodoxe italien Nicola Madaro, moi-même et d’autres personnes ont décidé d’initier ce projet en tant que rencontre internationale régulière rassemblant des intellectuels qui s’opposent fortement à l’hégémonie américaine, ainsi que la suprématie occidentale, qui contestent l’agenda globaliste et qui défendent la préservation de la diversité culturelle, religieuse, ethnique et nationale, les valeurs spirituelles et morales ainsi qu’une autre société, véridiquement humaine, plus juste et plus équitable. Notre conviction est que cette sorte de coopération entre intellectuels de différents pays peut précisément aider les voix dissidentes à devenir plus fortes dans notre confrontation avec le discours dominant qui est formé par les élites globales contre les intérêts de nos nations.

Et maintenant, pourquoi avons-nous choisi Chișinău comme lieu de nos rencontres ? Parce qu’elle est située entre l’Est et l’Ouest, et parce que cette terre ne doit plus jamais être vue comme une ligne de division de notre continent, ni comme faisant partie des luttes géopolitiques entre grandes puissances internationales. Dans notre vision, après la fin du moment unipolaire de l’hégémonie américaine, la Moldavie en tant que partie de notre grande patrie, le continent eurasien, doit devenir une terre de coopération, de confluences, de complémentarité entre les différents peuples, cultures et traditions qui appartiennent, finalement, à la même civilisation continentale.

Le premier Forum de Chișinău s’est déroulé du 26 au 27 mai 2017 et a rassemblé des intellectuels de France, d’Italie, de Russie, Moldavie, Roumanie, Grèce, Serbie, Géorgie et Belgique. Parmi les orateurs principaux à ce moment-là il y avait le penseur russe Alexandre Douguine, l’économiste et écrivain français qui est aujourd’hui membre du Parlement européen – Hervé Juvin, le leader d’opinion géorgien Levan Vasadze, l’activiste civique belge Kris Roman, etc. Durant notre premier forum nous avons adopté un document qui définit notre profil conceptuel. Nous l’avons appelé le Manifeste de Chișinău : « La création de la Grande Europe. Une esquisse géopolitique d’un monde multipolaire » (https://flux.md/stiri/the-chisinau-manifesto-creating-the-greater-europe).

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Notre second événement international s’est déroulé du 15 au 16 décembre 2017. Le thème de la conférence était « Le capitalisme financier et ses alternatives au XXIème siècle. Contributions à la Quatrième Théorie Économique » (see full video: https://flux.md/stiri/video-international-conference-financial-capitalism-and-its-alternatives-for-the-21st-century-contributions-to-the-4th-economic-theory-chisinau-15-december). La seconde édition du Forum de Chișinău a rassemblé un nombre impressionnant d’intellectuels importants de plusieurs pays qui ont mis en avant leur vision au sujet du modèle dominant politique et économique actuel et formulé plusieurs concepts clés concernant des modèles alternatifs au paradigme prédominant cupide, injuste et pervers qui est impasé globalement par les entreprises multinationales.

Malheureusement l’année dernière nous avons perdu l’opportunité d’avoir un autre forum ici à Chișinău seulement à cause de moi. Je parle de ma persécution par nos autorités qui n’ont aucune sympathie pour mon activité et ont essayé de m’emprisonner pour sept ans. Pour être honnête, je suis en profond désaccord avec leurs intentions mais je n’ai aucune hésitation à continuer mon combat pour des valeurs qui sont plus importantes que ma liberté. Quoiqu’il en soit en 2018 notre équipe internationale a continué son activité en organisant des conférences publiques et des présentations de livres, en écrivant des articles et en faisant des vidéos pour nos réseaux de médias alternatifs.

Au cours de ces trois années passées notre équipe s’est agrandie et renforcée, d’autres dissidents célèbres de différents pays ont rejoint notre famille intellectuelle. Ainsi, au cours de cette période, nous sommes devenus plus visibles et influents au niveau international. Aujourd’hui nous sommes heureux d’annoncer la présence à notre événement international d’amis qui sont venus à Chișinău de plus d’une dizaine de pays.

Le premier jour du Forum de Chișinău se focalisera sur notre thème principale concernant la fin de l’hégémonie américaine et les perspectives du monde multipolaire naissant. Demain nous aurons deux discussions de groupe. Nous commencerons à 9h du matin avec le premier groupe, appelé « La Syrie en flammes », en discutant de l’agression occidentale contre ce pays qui a commencé il y a 8 ans et faisant partie d’une guerre militaire et non-militaire, médiatique et économique plus large contre l’ensemble du Moyen Orient (Afghanistan, Iraq, Libye, Yémen et Iran).

Notre seconde discussion de groupe, qui se déroulera demain, se focalisera sur notre activité éditoriale. Nous aurons le plaisir d’écouter les discours de plusieurs auteurs français célèbres qui sont maintenant parmi nous : Lucien Cerise, Youssef Hindi et Pierre-Antoine Plaquevent. Je parle d’auteurs dont les livres ont été traduits en roumain et publiés par l’Université Populaire au cours des deux dernières années. J’aimerais mentionner le fait que parmi les auteurs français publiés par nos soins il y a aussi Jean Parvulesco, Ivan Blot, Hervé Juvin, Jean-Michel Vernochet, Valérie Bugault et Jean Rémy.

Un historienne française que j’admire beaucoup et qui est aussi avec nous aujourd’hui est Marion Sigaut. Elle participera aussi demain à notre second groupe d’experts. Dailleurs, j’espère publier au moins un de ses livres dans un avenir proche.

Et maintenant laissez-moi vous présenter mes collègues qui seront les co-modérateurs de notre événement. Daria Dugina, de Russie, est une historienne de la philosophie. Paul Ghițiu, un écrivain, journaliste, réalisateur et homme politique roumain. Youssef Hindi est un historien français des religions et un analyste géopolitique. Et maintenant j’aimerais vous inviter à écouter les discours de nos amis.

Merci pour votre attention !

mardi, 24 septembre 2019

Moldavie, la virgule euro-russe Conférence de Iurie Rosca et Robert Steuckers

Conférence de Iurie Rosca et Robert Steuckers

moldaviedrapeaucarte.jpgAncien vice-premier ministre de Moldavie, journaliste et éditeur, Iurie Rosca est le principal coordinateur des colloques eurasistes de Chisinau, qu’il présente comme un anti-Davos. Persécuté par les oligarques qui dirigent son pays, il avait été menacé en 2018 d’une peine de 7 ans de prison. C’est donc un authentique dissident anti-mondialiste que l’équipe d’ER Lille accueillait le samedi 23 mars prochain pour une rencontre avec le linguiste belge Robert Steuckers sur le rôle géopolitique de la « Moldavie, la virgule euro-russe ».

Nous vous proposons aujourd’hui ces conférences en vidéo.

Première partie: Introduction de Robert Steuckers

Deuxième partie: conférence de Iure Rosca

TERRE & PEUPLE Magazine n°80

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Communiqué de "Terre & Peuple-Wallonie"

TERRE & PEUPLE Magazine n°80

Le numéro 80 de Terre & Peuple Magazine est centré autour du thème ‘L’Eglise de Bergoglio – le naufrage’.

Pierre Vial, brocardant la Macronie dans son éditorial, épingle la porte-parole du gouvernement, une Sénégalaise, française depuis 2016, qui revendique sereinement de « mentir pour protéger le président ».  Se flattant d’être diplômée en philosophie, elle avertit : « Je ne crois que ce que je vois, » mais confond ensuite Saint Thomas d’Aquin et l’apôtre Thomas !

Thodinor interviewe Jean-Marie Le Pen au sujet de ses mémoires, épuisées en librairie dès avant de paraître !  Plus rebelle que révolutionnaire, le Menhir confie n’avoir jamais consenti à obéir qu’aux Jésuites et à la Légion, deux organismes dont les cadres s’imposent de donner l’exemple.  Il se dit pagano-chrétien.  Né le jour du solstice d’été, il est sensible aux influences telluriques, poétisées par une religion révélée qu’il ne pratique pas, sans pour autant la renier.  Pour lui, le poujadisme était déjà une réaction de l’aristocratie populaire à la trahison des élites.  Le communisme a été écrasé, mais ce n’est qu’une victoire à la Pyrrhus, car le virus perdure à travers les médias et l’enseignement.  Seule est efficace la résistance nationale pour les racines et les traditions.  Il ne croit pas à une fédération européenne : les nationalismes doivent rester forts, mais se conjuguer.  Dissoudre l’UE serait ouvrir une béance, sans doute mortelle.  Il faut révéler les réalités, ouvrir les yeux.

Introduisant le dossier central, Pierre Vial rappelle que, dans son combat contre l’identité européenne, le Pape a adressé, lors de sa visite au Maroc, un discours aux migrants envahisseurs. Appelant à l’exécution rapide du Pacte de Marrakech, au moyen notamment des « visas humanitaires », il promet : « Les sociétés d’accueil s’enrichiront si elles savent valoriser la contribution des migrants. »  Il recommande de créer en Europe une société interculturelle.  Entre-temps, elle se déchristianise comme jamais.

Pierre Vial se réfère au volumineux ouvrage (632 pages) ‘Sodoma, enquête au cœur du Vatican’ (Laffont 2019) du journaliste écrivain Frédéric Martel.  Correspondant à France-Culture, celui-ci était déjà l’auteur de ‘Le rose et le noir, les homosexuels en France depuis 1968’ (Le Seuil 1996) et de ‘Global Gay, Comment la révolution gay change le monde’ (Flammarion 2013).  Homosexuel ostensible, Frédéric Martel a mené l’enquête auprès de 1.500 personnalités, dont 41 cardinaux qui ont presque tous accepté que soit révélée leur identité.  De son étude, il conclut: « Le sacerdoce a longtemps été une échappatoire pour des jeunes homosexuels.  L’homosexualité est une des clés de leur vocation. »  Selon lui, il y aurait, lorsqu’on monte dans la hiérarchie ecclésiastique, de plus en plus d’homosexuels au point que, au Vatican, l’hétérosexualité serait l’exception !  Cette situation ne serait pas de l’ordre de la dérive, mais du système, lequel prend soin de se masquer, affectant d’être homophobe !  Frédéric Martel s’en prend aux Légionnaires du Christ, l’empire éducatif et humanitaire du prêtre Mexicain Marcial Maciel, plus que suspect, mais finalement innocenté et rétabli par Paul VI et Jean-Paul II, en reconnaissance de l’ampleur de ses réalisations : 15 universités, 50 séminaires, 177 collèges, 34 écoles, 125 maisons religieuses, etc !  Frédéric Martel n’est pas un martyr de la vérité historique, loin s’en faut.  Toutefois, que son registre soit peu ragoûtant, voire dégoûtant (il pousse jusqu’à faire flèche de « rumeurs récurrentes » sur les mœurs du Pape Pie XII !) n’efface pas la réalité que révèle son énorme contribution : le pourrissement avancé de l’Eglise de Bergoglio.

Remarquant que Benoît XVI, le pape démis, a attribué récemment à l’esprit de Mai ’68 les déviances dans l’Eglise, Robert Dragan rappelle que celle-ci se présente en détentrice de la vérité par la Révélation.  Pour elle, toutes les autres religions sont fausses et, partant, d’origine satanique.  Il en est ainsi de la Gnose, voie ésotérique de la connaissance intuitive des choses divines, qui a séduit, après le néo-platonicien Plotin, le dominicain Maître Eckhart et, plus près de nous, le jésuite Teilhard de Chardin.  Après s’être incarnée dans les Rose-Croix, la Gnose se cristallisera, en 1717, dans la franc-maçonnerie, que la papauté excommuniera aussitôt.  Avec la restauration de la monarchie, les idées modernistes ne progressent plus dans l’Eglise que masquées.  Pour faire face à leur diffusion, celle-ci les condamne et le Concile de Vatican I proclame le dogme de l’infaillibilité pontificale en matière de foi et de morale.  Pie X (qui sera canonisé par Pie XII) imposera aux prêtres le serment anti-moderniste.  Le cardinal Mariano Rampolla, franc-maçon de la Haute Loge OTO, n’en parvient pas moins à devenir le secrétaire de Léon XIII et, à la mort de celui-ci, à être élu par le Sacré-Collège.  Saisi, l’Empereur François-Joseph, exerce alors son droit de veto (droit déjà appliqué au premier Jean XXIII déposé en 1414) et c’est le cardinal Sarto qui est élu au second tour sous le nom de Pie X.  Mais le cardinal Rampolla demeure en place et continue de placer ses protégés (dont l’un devint le pape Benoît XV) et il prend comme secrétaire Eugenio Pacelli (qui deviendra Pie XII).  Durant la première moitié du XXe siècle, une abondante littérature dénonce l’infiltration moderniste.  La Seconde Guerre Mondiale discrédite les conservateurs, qu’on amalgame à la droite autoritaire, voire à la collaboration avec les perdants.  Au même moment, les démocrates chrétiens créent la Communauté européenne.  Le communisme a cessé d’être considéré comme intrinsèquement pervers depuis que, l’Allemagne, renversant en 1941 son alliance avec l’URSS, celle-ci s’est retrouvée dans le camp du Bien.  Sous le pseudonyme Maurice Pinay, les traditionnalistes s’activent alors à la rédaction d’un ouvrage collectif ‘2000 ans de complot contre l’Eglise’.  Y contribuent le cardinal Ottaviani, Mgr Lefebvre et Léon de Poncins.  Jean XXIII se refuse à révéler, comme promis par ses prédécesseurs, le troisième secret de la Vierge de Fatima : l’apostasie de la hiérarchie. 

Paul-VI-VM.jpgA sa mort, lui succède sous le nom de Paul VI le cardinal Montini, compromis dans l’affaire du Russicum (dénonciation au KGB des prêtres et évêques clandestins derrière le rideau de fer).  Pour le cardinal Traglia : « Le diable est au Vatican. »  Padre Pio le dénonce de même.  Mais le concile consacre le triomphe des modernistes.  L’encyclique Nostra Aetate reconnaît le judaïsme comme religion-mère.  Le Sanhédrin n’est plus responsable du déicide.  L’Eglise s’est trompée durant 1965 ans !  Pour le cardinal Suenens, lui aussi franc-maçon : « Vatican II, c’est 1789 dans l’Eglise. »  Les francs-maçons étant excommuniés de facto, tous les papes depuis 1958 sont des anti-papes !  De nouveaux rituels d’ordination et de sacre sont promulgués, sans être théologiquement motivés, ce qui pose la question de leur validité.  Le rituel de la messe est profondément modifié, écourté et simplifié.  Les traditionnalistes se replient derrière Mgr Lefebvre, lequel ordonne plusieurs évêques, ou derrière d’autres dissidents, dont les Sédévacantistes qui considèrent que le siège de Pierre est inoccupé.  Les premiers se divisent entre la Fraternité Saint Pierre et la Fraternité Saint Pie X.  Celle-ci se divise à nouveau entre ceux qui acceptent la main tendue par Benoît XVI à son supérieur Mgr Fellay et ceux qui jugent que c’est un piège.

Jean-Patrick Arteault adresse une lettre ouverte à ses amis chrétiens, en particulier les catholiques romains.  Incroyant, il est prêt, pour la survie de son peuple albo-européen autochtone, à servir le christianisme pour le message culturel qu’il a encore.  La Manif pour Tous a permis aux catholiques conservateurs de se compter.  La compétition religieuse avec un islam agressif ouvre la perspective d’une résistance et d’un retour aux racines chrétiennes.  L’obstacle est le Pape François qui, prônant l’ouverture, va jusqu’à pratiquer l’auto-humiliation, donc la soumission.  A l’objection que c’est la subversion moderniste qui est parvenue à faire élire un antipape, il remarque que les catholiques reconnaissent son magistère, sauf une infime minorité.  Le christianisme que cette minorité place aux racines de l’Europe n’est qu’un greffon, dont les racines propres sont moyen-orientales.  L’Ancien Testament, que les Juifs appellent La Loi, n’a -quel que soit son charme- rien à voir avec l’imaginaire européen, dont les vraies racines sont un mixte des peuples néolithiques fécondé par la vision et la culture des Indo-Européens, holistes et profondément polythéistes. Alors que le christianisme, dépossédant le judaïsme de son élection divine en se proclamant ‘verus Israël’, a développé sa propre trame idéologique : un Dieu unique et universel, créateur d’hommes égaux vouant leur vie à leur salut individuel, soit les trois valeurs premières de l’Occident : individualisme-égalitarisme-universalisme.  Selon l’auteur, les Pères de l’Eglise ont subverti le judaïsme (en proclamant que le christianisme donne leur vrai sens à Platon et Aristote) et la religion romaine et ensuite celles des Germains, des Celtes, des Scandinaves, des Slaves, des Baltes, soit les sentiments profonds de ces peuples.  On ne peut implanter des valeurs étrangères dans une psychologie collective sans une passerelle mentale : les missionnaires ont récupéré certains mythes des païens à convertir, se laissant ainsi contaminer.  Notamment la triade des trois ordres, ceux qui prient, ceux qui combattent et ceux qui travaillent, en paraphrase de la trinité du Père, du Fils et de l’Esprit assortie d’une divinité Mère et de génies bienfaisants (voire malfaisants).  Les clercs ont refusé cet enracinement, une première fois par la Réforme Grégorienne, qui rompt avec la pratique indo-européenne de l’association du spirituel et du politique.  Elle ne sera plus coopérative et coordonnée, mais ordonnée par le spirituel, auquel est soumis le temporel.  C’est cette prétention dominatrice qui suscitera, avec la séparation de l’Etat d’avec l’Eglise, la marginalisation progressive de celle-ci.  Les élites ne se faisaient qu’un souci mineur de la religiosité populaire, alors d’un paganisme flamboyant.  La réforme protestante, par contre, avec la traduction des textes sacrés en langue vernaculaire et l’introduction de l’imprimerie, oppose doctrine et pratiques ‘superstitieuses’, dont elle ne considère pas les racines culturelles.  La contre-réforme catholique toilettera les superstitions et se distanciera des protestants par ses fastes.  Communautaires, les églises protestantes ont lassé moins vite que l’église romaine hiérarchique et bureaucratique.  L’alphabétisation et l’urbanisation ont étranglé le paganisme campagnard.  Le bon Pape François ne manque de rappeler que son église n’est européenne qu’accidentellement.  Universaliste, elle n’a plus intérêt à se cramponner à l’Europe.  Entre son message cosmopolite et nos racines ethniques, il faut choisir.

clovis_bapteme.jpgAlain Cagnat rappelle les liens intimes de la France avec l’Eglise : Clovis (496), les carolingiens avec Charles Martel et Charlemagne (800), le roi Saint-Louis (1239), Jeanne d’Arc (1431), Louis XIII qui consacre la France à la Vierge-Marie.  Au moyen-âge, les paysans se groupent autour de leur curé, loin de la richesse, parfois scandaleuse, des prélats.  La contestation ne touche que les plus instruits.  Les humanistes placent l’homme au centre du jeu et l’irréligion introduit le libertinage.  Par la lecture littérale des textes, la Réforme écarte les clercs, intermédiaires entre le croyant et Dieu.  L’esprit des Lumières prétend fonder le monde sur la raison, plutôt que sur une révélation contre laquelle se liguent des sociétés de pensée.  La désaffection des fidèles touche d’abord les villes.  La Révolution, avec la constitution civile du clergé (les prêtres, élus, doivent prêter serment et les réfractaires sont persécutés), provoque une réaction.  Des provinces se soulèvent, dont la Vendée.  Deux Frances s’opposent, deux universalismes, et l’Eglise se scinde en progressistes et traditionnalistes.  Le Concordat entre Bonaparte et Pie VII apaise les esprits, mais le catholicisme n’est plus la religion officielle, mais celle d’une majorité.  Il va récupérer une partie du terrain avec la restauration et avec la Loi Guizot sur la liberté de l’enseignement primaire.  Les apparitions de la Vierge (Lourdes 1858) rapprochent l’Eglise d’une partie, surtout féminine, de la population.  Sont négatifs, par contre, le développement de l’évolutionnisme de Charles Darwin  et l’emprise de la pensée d’Ernest Renan, qui s’attache à concilier sentiment religieux et analyse scientifique.  Le fossé se creuse entre villes et campagnes.  Le prolétariat ouvrier échappe à l’Eglise.  La loi de 1901 contraint les congrégations religieuses à se faire agréer.  Le président du Conseil Emile Combes, défroqué devenu anticlérical, bloque les demandes : trois mille établissements scolaires sont fermés ; des milliers de religieux sont expulsés.  Les biens de l’Eglise sont étatisés et 70.000 édifices doivent être inventoriés.  La colère des fidèles (qui ont financé la réparation des saccages des révolutionnaires) dégénère en émeutes qui font des morts. Cinq mille inventaires ne seront jamais exécutés.  L’Action Française, puissante, organise malgré l’interdiction des manifestations qui rassemblent des foules (en commémoration à Jeanne d’Arc ou au génocide vendéen).  Monarchiste, nationaliste, antisémite, elle fait peur aux démocrates chrétiens qui l’accusent de se servir de l’Eglise sans la servir.  Pie XI met Maurras à l’index et excommunie les membres et sympathisants du mouvement.  Les clercs suspectés font l’objet d’une chasse aux sorcières par les futurs activistes de Vatican II.  Dans le marxisme, certains prêtres catholiques perçoivent des échos d’un message évangélique égalitariste et universaliste.  Pour rechristianiser le monde ouvrier, certains s’engagent à l’usine, adhèrent à la CGT, voire au parti communiste.  Ils soutiennent le Vietminh.  Pie XII, qui a excommunié les communistes dès 1949, met fin en 1954 à l’expérience des prêtres ouvriers (que Jean XXIII rétablira dès 1965).  En Indochine, bien que les viets assassinent les prêtres locaux, la sympathie de la hiérarchie va au Vietminh, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes primant pour l’Eglise !  Pour la question algérienne, le bas clergé épouse la cause française, mais les congrégations, associations, dont l’Action Catholique, et la presse choisissent l’Algérie algérienne.  De nombreux religieux cachent, soignent, approvisionnent (y compris en explosifs) les terroristes du FLN et acheminent ou exfiltrent des déserteurs.  L’Eglise ferme les yeux.  Ben Bella remerciera ceux qu’il qualifie de ‘vrais chrétiens’ : « Certains nous ont aidés concrètement, n’hésitant pas à se trouver à nos côtés. »  Dès le début du XXe siècle, les paysans, fascinés par les lumières de la ville, quittaient la terre des ancêtres, qui ne les nourrit plus.  A la place de leur communauté, qu’ils rencontraient chaque dimanche, ils ne trouvent plus que l’aliénation d’une société universelle de consommation ordonnée à les endetter.  Avec Vatican II, l’Eglise veille à prendre ce virage universaliste, condamnant toute discrimination, même des ennemis déclarés, « en tout premier lieu les musulmans qui adorent avec nous le Dieu unique. »  Jean XXIII corrige la condamnation par Pie XI du communisme ‘intrinsèquement pervers’ : « Nous avons autre chose à faire qu’à lui jeter des pierres. »  Dans le même temps, les rites sont dépouillés.  Le latin est remplacé par les langues vulgaires.  La musique est réduite à l’élémentaire.  On tutoie Dieu dans les prières.  On tourne le dos à son tabernacle.  On se passe l’hostie de main en main.  Les prêtres quittent leur soutane.  Les fidèles désertent les églises.  Mgr Lefebvre se retranche dans sa Fraternité.  Paul VI dénonce le fumées de Satan dans l’Eglise !  Bâtard des matérialismes capitaliste et communiste, Mai ’68 consacre le triomphe de l’individualisme et du nihilisme.  Interdit d’interdire, un aréopage d’intellectuels en vogue réclame la dépénalisation de la pédophilie avec des enfants ‘consentants’ quel que soit leur âge !  Naît alors, en Amérique latine, la théologie de la libération, qui engage des religieux dans l’activisme révolutionnaire.  Pour Paul VI, dans Evangelii nuntiandi, « La libération totale n’est pas étrangère à l’évangélisation. »  Mais en 1984, après que Mitterand ait promis de faire de l’Education nationale un service laïc unifié, deux millions de manifestants lui expriment à Paris leur refus. C’est la dernière victoire du peuple.  Contre le mariage homosexuel, la Manif pour Tous réalisera une mobilisation égale, mais molle, à laquelle Hollande opposera sans dommage un bras d’honneur.  Pour achever la famille, il ne reste plus que la GPA et la PMA.  L’Eglise est désertée.  Il n’y a plus que 60% de catholiques déclarés dont 5%, vieillissants, se disent pratiquants.  La  prêtrise est en voie de disparition par manque de vocations.  L’islam sera sous peu la première religion de France, avec la complicité de l’Eglise.

pie12.jpgAlain Cagnat remarque que Pie XII n’invitait les pays riches à accueillir des immigrants qu’en cas de nécessité et à condition de renoncer à leur propre culture.  Jean XXIII reconnaît, moyennant des motifs valables, le droit de se fixer à l’étranger, déplorant la séparation de la famille.  Paul VI attend « un vaste élan d’unification de tous les peuples et de l’univers. »  Il contredit Pie XII en prônant le droit de conserver sa langue maternelle et son patrimoine spirituel.  Pour Jean-Paul II, l’immigration enrichit la culture d’accueil et les immigrants n’ont pas à se laisser assimiler : « Dieu a choisi la migration pour signifier son plan de rédemption.»  Incitant les fidèles à la désobéissance civile, il confirme l’orientation politique de l’Eglise.  Pour Benoît XVI, « L’émigration est la préfiguration de la cité sans frontières de Dieu. »  Le peuple d’accueil doit se soumettre au message du Christ.  Mais il évoque ce que l’Eglise doit à l’Europe, à ses racines tant grecques et romaines que chrétiennes.  Au contraire, le Pape François ne manque pas de rappeler qu’il est fils d’immigré et que l’Europe lui est étrangère.  Il néglige les motifs d’émigration et parle d’itinéraires qui renouvellent l’humanité entière.  Il invite les pays d’accueil à « créer de nouvelles synthèses culturelles ».  A la Journée de l’Accueil du migrant, il recommande de faire passer la sécurité personnelle de celui-ci avant la sécurité nationale et de lui ouvrir sans limite le régime national d’assistance sanitaire et de retraite.  Il réclame pour lui la liberté religieuse, le regroupement familial et la protection de l’identité culturelle, interdisant au pays d’accueil d’imposer sa langue.  En avril 2019, il invitait : « Rendons grâce à Dieu pour une société multiethnique et multiculturelle. »  Le 8 juillet 2013, il s’adressait aux « chers immigrés musulmans » pour l’ouverture du Ramadan.  Le 16 avril 2016, il embarquait dans son avion des familles de réfugiés syriens musulmans, ignorant le martyre des Syriens chrétiens.  Après l’assassinat du Père Hamel, il ose objecter : « Si je parlais de violence islamique, je devrais également parler de violence catholique. »  Ce qui fait dire à Michel Onfray : « L’amour est une évidente promesse de victoire pour ceux qui ont choisi la haine. »  Le cardinal guinéen Robert Sarah écrit : « J’ai peur que l’Occident ne meure. »

Tomislav Sunic titre ‘La décadence finale ?’  Se référant à Montesquieu et à la notion allemande d’entartung, ou dénaturation, il démontre que l’amour indifférencié qui élargit l’amour pour la patrie est en fait de l’indifférence .  Depuis celle de l’empire romain, l’Europe a survécu à plusieurs décadences, mais celle-ci pourrait être finale.  Il cite Oswald Spengler, pour qui le déclin de l’occident résulte du vieillissement biologique, et Arthur de Gobineau qui, avec son ‘Essai sur l’inégalité des races’, démontre que la décadence est la conséquence de la dégénérescence de la conscience ethnique.  Il cite l’écrivain romain Salluste, pour qui c’est la metus hostilis, l’inquiétude de la menace hostile, qui est la base de la virtus, de la virilité, au contraire de la richesse, qui incite à la composition et au déni de soi.  Le poète satirique Juvenal a dénoncé les étrangers venus d’orient et d’Afrique, qui introduisaient la mode de la zoophilie et de la pédophilie.  Le plus grand nombre d’esclaves venait d’orient, d’Egypte et d’Afrique.  Les européens étaient de plus grand service à l’empire en tant que soldats, moins en tant que domestiques.  Les esclaves orientaux étaient méprisés dans la conscience romaine, à cause de leur méchanceté !

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Pour Jean Haudry, la notion de décadence exclusive est au centre de la conception indo-européenne des âges du monde, présente en Inde, en Grèce en Scandinavie et en Irlande, mais elle est récente.  Il a existé une conception antérieure d’alternance de phases de progrès et de décadence.  Dans la conception indienne, l’histoire du monde se répartit en quatre âges, nommés à partir de coups du jeu de dés.  Dans le parallèle grec des races d’Hésiode, aux âges d’or, d’argent, de fer, les héros justes et pieux d’un âge de bronze sont précédés par des hommes injustes et impies. Le poème eddique Voluspa présente l’histoire du monde en trois parties, qui correspondent aux trois fonctions. Elle commence par la première guerre du monde entre les Ases et les Vanes, provoquée par l’ivresse de l’or, à rapprocher des Lois de Manou qui attribuent la décadence au gain mal acquis.  La mort de Baldr annonce le Crépuscule où dieux et géants s’entretueront.  Cyclique, le monde détruit renaît par son âge d’or.  La quatrième attestation, celtique, est la prédiction de la Bodb, celle du monde qui ne plaira pas.  Ces quatre documents, concordants, suffisent pour conclure à un héritage de la période commune.  La tradition se partage en trois périodes : celle de la religion cosmique, celle de la société lignagère des quatre cercles et des trois fonctions et la société héroïque qui précède les dernières migrations.  L’absence de correspondant iranien est un indice du caractère récent de cette conception pessimiste de l’histoire.

Jean Haudry livre une recension du numéro 68, particulièrement substantiel, de Nouvelle Ecole.   La paléo-génétique du foyer d’origine des Indo-Européens, analyse biologique de fossiles d’os et de dents, confirme la théorie scythique des auteurs du XVIIe siècle qui rejetaient la légende biblique.  On lui avait entre-temps préféré l’Asie centrale, la Scandinavie, voire les régions circumpolaires (Tilak).  Elle avait été confirmée par la théorie des Kourganes de Marija Gimbutas.  La raciologie actuelle permet de distinguer trois ensembles à la base des Européens : les chasseurs-cueilleurs occidentaux, les néolithiques du Levant et d’Anatolie et la population des Kourganes.

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Haplogroupe R1b

Robert Dragan complète cette recension en évoquant les progrès de la paléo-génétique, qui permettent de rattacher sans risque d’erreur des restes à un ‘haplogroupe’ apte à transmettre de manière homogène une mutation, d’identifier les migrations et de mesurer les mélanges.  On distingue ainsi les EHG (Eastern Hunters Gatherers) des ANE (Ancient North Asians) et des CHG (chasseurs-cueilleurs du Caucase).  Les Européens appartiennent en majorité à l’haplogroupe R1 lui-même divisible en R1a et R1b.  Le matériel archéologique permet de dater les mutations et dès lors l’haplogroupe qui s’y rattache.  Si une population envahie accepte de se métisser, elle ne transmettra à ses descendants qu’une part de son héritage.  Quand un séquençage révèle un tel changement, on tient la preuve d’une invasion.  On peut en mesurer les proportions et donc raconter l’histoire.  Au paléolithique, la population EHG qui occupe la Sibérie a pour ancêtres les ANE, présents dans la région depuis au moins 24.000 ans et dont une branche a traversé le détroit de Behring.  Il est établi que l’occupation humaine de la Sibérie n’a jamais connu d’interruption ni de rétractation dans les périodes glaciaires. Une population génétiquement homogène occupe un couloir entre la Volga et le Pacifique.  Le blondisme semble répandu.  Selon le linguiste David Anthony, un parler proto-indo-européen, avec des affinités avec le proto-ouralien et le proto-kartvelien, ancêtre du géorgien, du tchétchène et de l’avar, se serait fixé dans les steppes ponto-caspiennes entre 4500 et 2500, genèse de culture héroïque des Indo-européens, semi-nomades conduits par des chefs guerriers et cavaliers.  Le peuple indo-européen semble issu du mélange de Sibériens et de Caucasiens  dans la basse Volga.

zevi.jpgPierre Vial poursuit son analyse de l’identité juive par le Sabbatianisme, mouvement mystique fondé en Palestine en 1665 par l’ascète Sabbataï Tsevi.  Menacé de mort par le sultan s’il ne se convertit pas à l’islam, il choisit de préserver l’étincelle de sainteté qu’il porte en lui.  Détenu dans une forteresse, il promulgue un Mystère de la vraie foi.  La plupart de ses disciples, en ayant en apparence adopté l’islam, conservent ses rites et demeurent juifs.  Ils sont persécutés par les rabbins.  Jacob Frank (1726-1791) métamorphose le sabbatianisme, qui trouve alors refuge dans le monde chrétien.  S’intégrant à la noblesse polonaise et autrichienne et devenant francs-maçons, ses disciples établissent le nouvel ordre maçonnique des Frères d’Asie, mêlant la Kabbale juive à des éléments chrétiens.  A la même époque, le mouvement social et religieux hassidiste se répand en Europe de l’Est.  Se fondant, au contraire de l’ascèse, sur l’expérience émotionnelle, l’intention, la ferveur et la joie, ils pratiquent la danse, volontiers débridée, qui peut amener le tzadik à la justesse et à devenir médiateur entre les croyants et Dieu.  C’est dans le contexte des violences épouvantables qu’ont eu à subir les communautés juives de la part des cosaques et des brigands qu’apparait le tzadik Ba’al ShemTov (1700-1760), pour qui la mystique importe plus que la connaissance : il a des visions et perd connaissance.  Ses disciples, les hassidim (les pieux) lui font une confiance absolue.  Il accomplit des miracles, guérit les malades tant par ses invocations que par ses simples.  Conteur, il enseigne par des fables.  Ses successeurs étendent le hassidisme vers la Pologne et la Russie Blanche.  Les Hassidim trouvent des opposants dans les Mitnagdim, lesquels les accusent de frivolité.  Au XIXe siècle, tous les pays d’Europe reconnaissent aux juifs l’égalité des droits, à l’exception de la Russie, qui les avait interdits jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, lorsqu’elle a annexé de vastes territoires ottomans et polonais.  Elle ne les tolère que dans la zone frontière occidentale.  Alexandre Ier les incite à travailler la terre.  Nicolas Ier leur impose un service militaire, espérant leur conversion.  Dès qu’Alexandre II lève les restrictions, d’importantes communautés s’installent à Saint-Petersbourg et à Moscou.  De nombreux jeunes juifs, qui croient que leur émancipation viendra d’un changement de régime, militent pour la révolution.  La tentative d’intégration est un échec.  L’assassinat du tsar Alexandre II déclenche une vague de pogroms et une vague d’émigrations vers l’Europe de l’ouest et le Nouveau Monde.

Pierre Vial rend hommage à notre ami Guillaume Faye récemment disparu.  C’est un témoignage de reconnaissance, dans les deux sens du terme, d’aveu féal et de gratitude.

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Entretien avec Yannick Sauveur: Jean Thiriart et la « Grande Europe »

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Entretien avec Yannick Sauveur:

Jean Thiriart et la « Grande Europe »

Yannick Sauveur a fait partie des proches de Jean Thiriart pendant près de vingt ans. Il revient pour nous sur la pensée de cette figure de la « Grande Europe ».

Ex: https://rebellion-sre.fr

Comment avez vous connu Jean Thiriart ?

Avant de répondre à votre question, je voudrais vous éclairer sur mon cheminement : j’ai fait mes premiers pas au Mouvement Jeune Révolution (MJR), mouvement qui avait été créé par le capitaine Pierre Sergent en 1966 dans la continuité de l’OMJ (OAS Métro Jeunes). Le MJR m’avait séduit par ses positionnements ni droite / ni gauche, ni capitalisme / ni communisme, … Je me suis rendu compte, à l’instar d’autres responsables et militants, eu égard à l’évolution du mouvement (MJR puis Action Solidariste MJR puis Mouvement Solidariste Français et GAJ) que les positionnements ci-dessus étaient un leurre et que le mouvement était une énième variété d’extrême-droite. Or, dès cette époque, je ne me sentais ni de droite ni extrémiste et je récusais déjà ces clivages qui me semblaient tout à fait artificiels. Je sentais déjà confusément tout l’intérêt que le Système avait à profiter de ces divisions, y compris de ces pseudo-mouvements d’opposition, le cas échéant suscités par le Régime ou qui, consciemment ou non lui rendaient bien service.

Cette réflexion m’a amené à quitter le Mouvement Solidariste Français (MSF) pour rejoindre dans le courant de l’année 1973 l’Organisation Lutte du Peuple (OLP), organisation fondée par Yves Bataille, transfuge d’Ordre Nouveau. Outre ce qui m’avait séduit à l’origine au MJR, j’ai compris que la Politique cela ne pouvait se résumer à des mesquineries de politique intérieure, de politique politicienne. Au contraire, les préoccupations de l’OLP étaient centrées sur la politique internationale, la politique des blocs, l’indépendance et la souveraineté de l’Europe vis-à-vis des USA et de l’Union soviétique. La géopolitique nous semblait devoir primer sur l’idéologie dans l’exacte mesure où nous avions déjà senti que la Liberté s’appréciait à l’échelon de l’Europe maîtresse de son destin. Ces idées étaient celles qu’exprimait Jean Thiriart au cours des années soixante dans ses écrits : Un Empire de 400 millions d’hommes L’Europe, Bruxelles, 1964 et La Grande Nation. L’Europe unitaire de Brest à Bucarest, 1965 puis dans La Nation Européenne.

À la suite de cette première rencontre intellectuelle avec Jean Thiriart, une deuxième, physique cette fois, aura lieu à l’occasion d’un voyage militant qui nous mène de Paris à Bruxelles via Rome et Munich. À Rome, nous rencontrons les militants de Lotta di Popolo.

Notre entrevue avec JT en juillet 1973 à son magasin (Opterion, avenue Louise à Bruxelles) sera brève et plutôt fraiche. Rangé de toute politique active depuis près de cinq ans, il ne voit pas forcément d’un très bon œil quatre jeunes militants débarquer chez lui. Force est de reconnaître que le fait de nous être présentés ainsi, sur son lieu professionnel, n’était sans doute pas la meilleure idée pour une entrée en matière. Thiriart était méfiant de nature et, trop absorbé par ses activités optométriques, ne voulait plus entendre parler de politique. Sa femme, Alice, qui n’était pas sans influence sur lui, craignait plus que tout que le virus de la politique le reprît. En fait, ainsi qu’il l’expliquera plus tard, il ne voulait plus être chef de mouvement et il se méfiait terriblement des militants, jeunes de surcroît.

Ne me décourageant pas pour autant, j’ai repris contact personnellement, à l’été 1974, et là, j’ai trouvé un autre homme, d’un contact facile voire chaleureux. L’homme privé était infiniment différent de l’homme public et ceux qui ont pu le côtoyer dans ces circonstances sont unanimes pour reconnaître l’empathie qui se dégageait du personnage. Dès lors, nos relations ont duré jusqu’à sa mort, en novembre 1992.

Quelle était sa conception de l’idée européenne ?

Les grandes idées de base sont présentes très tôt dans l’histoire du mouvement animé par Thiriart. On les trouve déjà dans le Manifeste à la nation Européenne dont la première mouture paraît le 1er septembre 1961 et qui sera amendé à plusieurs reprises.

En politique extérieure, le manifeste (dans sa version 1962) précise que « l’Europe doit obtenir elle-même la coexistence pacifique avec l’URSS, faute de quoi les USA trafiqueront un accord avec Moscou, sur notre dos. »

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L’Europe qu’il envisage est une Europe unitaire, une Europe des Européens contre « l’Europe des patries », pour un patriotisme européen contre les « nationalismes étriqués », une Europe jacobine et impériale. L’Europe doit être une et indivisible, ses préoccupations et ses combats de même. Seule l’Europe unitaire sera à même de donner la Puissance à l’Europe face aux blocs (à l’époque USA et Union soviétique). Il se prononce pour le retrait de l’OTAN et pour la création d’une Armée Européenne. Le nationalisme économique doit être le facteur d’unification de l’Europe.

JT n’a pas de mots assez durs pour les petits nationalismes incarnés en France par Michel Debré, Premier Ministre de 1959 à 1962 ou par les mouvements d’extrême-droite en Italie, en Allemagne ou ailleurs. Pour JT, Une des tragédies idéologiques des OBTUS des « petits nationalismes » fait que les « nationalistes allemands » ne s’intéressent qu’à Berlin et à la réunification de l’Allemagne, que les « nationalistes français » ne s’intéressent qu’à l’Algérie, que les « nationalistes belges » n’ont été humiliés QUE par l’affaire congolaise de 1960. C’est la raison pour laquelle il s’est fortement impliqué dans le soutien à l’OAS dans l’affaire algérienne parce qu’ « au-delà de la guerre d’Algérie, au-delà du FLN et de l’OAS, nous voyons l’avenir de l’Europe. Il faut une solution qui amène ou qui ramène l’Afrique musulmane dans la communauté européenne. Il faut une solution qui maintienne une armée européenne en Algérie sans humilier l’orgueil des Algériens musulmans (…) ».

JT ne confond pas l’Europe et l’Occident. « L’Occident c’est ce qui va de Bucarest à San Francisco, avec ses curés, ses rabbins, sa bourgeoisie, ses nationalismes dépassés, ses prétendues valeurs.

L’Europe sera quelque chose de totalement coupé des USA par un océan. L’Europe sera aussi quelque chose qui dépassera Bucarest, qui dépassera l’Oural. L’Europe va jusqu’à la frontière chinoise de Mandchourie. L’Europe va jusqu’à l’Océan Indien. Pour moi l’Europe s’inscrit d’abord en termes géopolitiques » (106 réponses à Mugarza).

L’Europe unitaire de Thiriart est inséparable du concept d’omnicitoyenneté : « Par omnicitoyenneté, j’entends que n’importe quel citoyen, à n’importe quel endroit peut briguer n’importe quelle magistrature, jusqu’au niveau suprême.

C’est l’absence totale de la moindre discrimination, de la moindre réserve ; le néfaste « dosage » y est inconnu […] C’est le principe de la non-discrimination d’origine territoriale. Il s’agit d’un principe capital qui fait que seule notre solution unitaire peut en fait fusionner l’Europe. »

En 1989 le Mur de Berlin s effondre. Comment Thiriart va analyser les opportunités nées de ce nouveau monde ?

Bien avant la chute du mur de Berlin, JT plaçait ses espoirs dans un retournement d’alliances avec une Grande Europe allant jusqu’à Vladivostok. Grâce à son traducteur Viktor Nikolaev, il fait traduire nombre de ses textes qu’il envoie en Union soviétique. En effet, la position de JT a évolué depuis les années soixante : « Ma perspective d’une Europe faite AVEC l’URSS ou plus exactement À CÔTÉ (pacifiquement) s’est modifiée progressivement pour en arriver, dès 1982, à une Europe faite PAR l’URSS. » Dans ces conditions, la chute du Mur de Berlin puis la désintégration de l’URSS vont rebattre les cartes et ouvrir d’autres horizons. Les idées de JT bénéficieraient-elles enfin d’un accueil favorable en Russie ? Ce sera la raison du voyage qu’il effectue à Moscou en août 1992 et des diverses prises de contact : Outre Alexandre Douguine et Anatoli Ivanov, il a des entretiens avec :

- Egor Ligatchev (né en 1920), l’ex-chef du Secrétariat du Comité Central du PC de l’URSS, le n° 2 du PCUS.

– Sergueï Babourine, leader de l’opposition au sein du Parlement de la république de Russie et chef du groupe des députés « Rossiia » (Russie), député, juriste.

- Viktor Alksnis, surnommé le « colonel noir », originaire de Lettonie et ancien ingénieur militaire dans la flotte de la Baltique, membre du PCUS, de 1974 jusqu’à son interdiction en 1991. Proche de Sergueï Babourine et d’Alexandre Douguine.

- Guennadi Ziouganov, ex-conseiller de Gorbatchev pour les questions des mouvements anti soviétiques, les renseignements et services secrets, fondateur du Parti communiste de la Fédération de Russie (KPRF).

- Heydar Djemal, fondateur en 1991 du Parti de la Renaissance Islamique (PRI).

- Alexandre Prokhanov, directeur du journal Dyenn.

- Nikolaï Pavlov, proche de Sergueï
 Babourine.

- Valentin Tchikine, directeur de Sovietskaïa Rossia, un proche de Ligatchev.

- Eduarde Volodine, philosophe et partisan de la synthèse nationale et communiste.

La Russie a une place centrale dans la réflexion de Jean Thiriart ?

Dès 1964, alors que les atlantistes de tous poils sont violemment anticommunistes, JT développe une position singulière : « La clef de la diplomatie européenne sera le voisinage pacifique avec l’URSS. Seule une Europe forte et unie pourra contraindre Moscou à comprendre que c’est aussi l’intérêt de l’URSS. » (Un Empire de 400 millions d’hommes L’Europe, p.24) et il envisage déjà l’Europe de Brest à Vladivostock : « Faisons une brève incursion dans le domaine de l’anticipation et imaginons quel sera le stade postérieur à celui de l’unification de l’Europe. Il sera inévitablement inscrit, du fait de la géologie politique, dans les termes d’un axe Brest-Vladivostock (…) Toute la politique de l’Europe consistera à créer sa force et à montrer sa puissance à l’URSS afin d’amener cette dernière à plus de réalisme (…) Mais le grand préalable à toute notre politique de rapprochement avec Moscou, ma condition historique sine qua non, est la libération de nos provinces et de nos capitales du Centre et de l’Est de notre grande patrie européenne. » (ibid. p. 28-31).

« La Grande Europe (…) va de Dublin à Bucarest. La très grande Europe s’étirera de Dublin à Vladivostock.

La Russie s’étendant jusqu’à Vladivostock, il va de soi que l’Europe héritera de ce profil géographique. » (L’Europe jusqu’à l’Oural, un suicide ! in La Nation Européenne, n° 46 – 15/02-15/03/1966).

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Pour T. le seul schéma qu’il a en vue (même s’il a conscience qu’il s’inscrit dans le long terme) est celui de la très grande Europe car l’Europe de l’Atlantique à l’Oural est une « ânerie » : « Il faut d’abord faire la grande Europe jusqu’à Bucarest. Ensuite il faut souhaiter la très grande Europe avec les Russes guéris de leur prétention à l’hégémonie à l’intérieur de l’Europe.

Et cette très grande Europe ira jusqu’à Vladivostock –et non pas jusqu’à l’Oural comme le croit le très mauvais élève en géographie qui répond au nom de de Gaulle. » (ibid).

Après l’arrêt de Jeune Europe et de La Nation Européenne (1969), Jean Thiriart se retire de toute activité politique militante. Il reprendra la plume au début des années 80. « Il n’y a pas de virage à 180° mais une évolution de sa pensée : « Ma position est qu’il ne faut pas lutter a priori contre l’URSS, puissance européenne, mais lutter contre la fossilisation de la pensée marxiste. » (106 réponses à Mugarza). Il explique son itinéraire : « Dès 1980-81 (…) a germé en moi le schéma suivant : ne plus compter sur l’unité de Brest-Bucarest comme phase préparatoire à l’unité de Dublin-Vladivostock, mais directement passer à la phase Vladivostock-Dublin.

(…) Mon glissement vers le communisme n’a pas échappé à plusieurs observateurs. Ce glissement était déjà implicite, était en filigrane dans mes écrits de 1966 à 1968. » Communisme démarxisé s’entend ou selon les termes de T. « purgé de son idéologie », « rénové, rendu plus lucide ». Il évoque également un « communisme spartiate ».

C’est parce que « l’URSS est la dernière puissance européenne non domestiquée par le projet de domination mondiale américano-sioniste » que la pensée de JT va évoluer progressivement vers l’Empire Euro-soviétique.

Sauveur.jpgVous avez redécouvert un texte oublié « L’empire euro-soviétique ». Quel est le contenu de ce document rare ?

En fait, je n’ai ni découvert ni redécouvert puisque j’avais connaissance du texte lors de son écriture et j’en avais les versions successives annotées, barrées, crayonnées. J’ai travaillé à partir de deux versions pour ne retenir que la dernière en date qui m’a semblé correspondre le plus à la pensée finale de T. et dans laquelle il était revenu sur certaines références, formulations. À titre d’exemple, il avait supprimé toute référence à Francis Parker Yockey que José Cuadrado Costa avait suggérée dans une version précédente.

J’ai également mis de l’ordre dans la table des matières en essayant d’être le plus fidèle possible à ce que souhaitait JT. Outre un travail de réécriture, j’ai introduit des notes en bas de puisque le texte de base n’en contenait pas et se contentait d’en prévoir. Elles viennent en observation ou en complément d’information du texte originel. Elles comprennent également beaucoup de données biobibliographiques.

Enfin, dans une longue préface j’ai souhaité expliquer l’origine de ce texte, le mettre en perspective dans son époque et en situer son actualité. Il m’a semblé intéressant d’exhumer ce document et son édition une trentaine d’années après son écriture ans montre une clairvoyance certaine.

L’Empire Euro-soviétique de Vladivostok à Dublin est un texte très dense. La ligne directrice est la suivante : JT revient sur son évolution de 1964 à 1984 pour expliquer pourquoi « j’en arrive à considérer que l’URSS est aujourd’hui la dernière et la seule chance d’unifier l’Europe » puis il brosse le tableau de la situation géostratégique actuelle (1984), à savoir une URSS déclinante et les États-Unis sur le chemin de l’hégémonie planétaire. Il expose ensuite ce qu’il appelle une « algèbre explosive » ou le « grand basculement », l’URSS renforcée de l’Europe de l’Ouest. Il se livre à un certain nombre de considérations géopolitiques en lien avec la « troisième guerre mondiale ». Il faut avoir à l’esprit le climat de guerre qui régnait en ce début des années 80 et je rappelle la « psychose de guerre qui se développait dans toutes les couches de l’opinion publique française » (Pierre Viansson-Ponté in Le Monde). Le bellicisme du lobby israélo-sioniste est mis en évidence et JT fait le parallèle avec 1939 : le « Mourir pour Dantzig ? » (Marcel Déat) va-t-il devenir un « Mourir pour Tel-Aviv ? ». JT ne se fait aucune illusion sur l’URSS telle qu’elle est. Elle doit changer radicalement et proposer un « discours européen », ce qui suppose de dépasser le communisme marxiste et sa conception de la nation pour promouvoir une « communauté de destin » d’où cette notion d’Empire. Il oppose l’Empire qui agrège à l’impérialisme de domination (des États-Unis). Qui fera cette très grande Europe ? Par référence à Alexandre Zinoviev (La maison jaune), JT appelle de ses vœux un nouveau Staline. Ce nouveau Staline aura la charge de faire l’unité européenne demain : « Un nouveau Philippe de Macédoine, un nouveau Staline, voilà ce qu’il faudra pour accoucher de l’Europe unitaire ».

Pensez-vous que la pensée de Thiriart est toujours actuelle ?

Oui incontestablement et je ne suis pas le seul à le penser si j’en juge par l’intérêt qu’il suscite aujourd’hui. En Suède, en Europe de l’Est, en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Amérique latine, en Australie, Jean Thiriart est traduit, cité, mentionné favorablement. Des travaux universitaires, des livres sont en cours. La revue d’études géopolitiques Eurasia, dirigée par Claudio Mutti, reproduit très régulièrement des écrits de (ou sur) Thiriart. Dans l’ouvrage Europa (trois volumes) de Robert Steuckers, deux chapitres sont consacrés à Jean Thiriart.

L’actualité rétrospective des écrits de Thiriart à la lumière des tensions et bouleversements en cours est évidente car à la réflexion, l’ennemi russe a remplacé l’ennemi soviétique (du point de vue de la stratégie américaine !), et l’Europe, absente ou insignifiante sur la scène internationale, est toujours le même nain politique sous la coupe américaine. Est-il besoin de préciser que l’Union Européenne (UE) n’a rien à voir avec l’Europe telle que nous la voulons : puissante, indépendante, sortie de l’OTAN.

De la pensée de Thiriart, il faut retenir une méthodologie et une pensée authentiquement Politique, détachée des émotions et du verbiage littéraire, ainsi que des jeux politiciens.

Il faut insister également le sens de l’organisation de Thiriart qui avait su créer un Appareil militant, Jeune Europe, structuré, discipliné, avec sa presse, son école de cadres, ses camps, Parti qui était en quelque sorte une préfiguration de l’Europe unitaire.

Jean Thiriart, L’Empire Euro-soviétique de Vladivostok à Dublin, Éditions de la plus grande Europe, 2018. Préface de Yannick Sauveur. Annexes. 344 p., 25 €

Carl Schmitt par Georges FELTIN-TRACOL

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Carl Schmitt

par Georges FELTIN-TRACOL

L’intervention de cette Rentrée porte sur une personnalité considérée par la novlangue inclusive officielle comme « sulfureuse » et « controversée ». Né en juillet 1888 à Plettenberg dans cette Rhénanie qui appartient à la Prusse depuis le Congrès de Vienne en 1814 – 1815, Carl Schmitt fut un juriste réputé. Il fut aussi un remarquable spécialiste du droit constitutionnel.

Ce n’est pourtant pas le plus grand penseur du droit politique du XXe siècle qui nous intéresse aujourd’hui. C’est l’Européen digne qui épousa d’abord la Tchèque Paula Dorotic, puis une fois le divorce obtenu, la Serbe orthodoxe Duschka Todorovic. En 2017, Aristide Leucate a publié dans la collection « Qui suis-je ? » chez Pardès une sobre et belle biographie. Trois ans auparavant, sous la direction de Serge Sur sortait aux CNRS – Éditions un ensemble de contributions remarquables intitulé Carl Schmitt. Concepts et usages. Enfin, l’an passé, les magistrales Éditions du Lore ont fait paraître Sur et autour de Carl Schmitt. Un monument revisité par Robert Steuckers.

Outre trois textes d’hommage au professeur Piet Tommissen (1925 – 2011), grand ami de Julien Freund, ce nouvel ouvrage évoque non seulement l’œuvre et les concepts du penseur allemand, mais aussi ses sources (Clausewitz, Gustav Ratzenhofer) et sa postérité outre-Rhin, en particulier chez le théoricien de la nation allemande Bernard Willms (1931 – 1991). Par son prussianisme indéniable, son catholicisme intransigeant, son soutien critique au national-socialisme et son approche révolutionnaire-conservatrice (Robert Steuckers a raison de lire les écrits de Gilles Deleuze à l’aune de Schmitt et réciproquement), Carl Schmitt occupe toujours une position intellectuelle majeure, malgré la marginalité de sa troisième partie de sa vie de ses deux détentions consécutives par les forces d’occupation alliées en 1946 – 47 jusqu’à sa mort dans sa ville natale en avril 1985.

Dans le cadre de la présente chronique, on s’intéressera au géopoliticien visionnaire du « Grand Espace ». Prolongement de la Mitteleuropa, de l’harmonisation économique et douanière des empires allemand et austro-hongrois avant 1914, le « Grand Espace » envisage l’organisation politique, sociale et économique des continents ou de parties continentales. Prenant acte dès 1945 de la faillite du système westphalien – ce que ne comprennent toujours pas les souverainistes français –, Carl Schmitt réfléchit à un nouvel ordre diplomatique mondial qu’il appelle le « Nomos de la Terre », titre de son maître – ouvrage paru en 1950. Le « Grand Espace » transcende l’État au sens classique du terme dans un cadre continental et/ou impérial. C’est une solution ambitieuse et volontariste. « L’Europe d’aujourd’hui est contrainte de répondre à un double défi, note Robert Steuckers, d’une part, s’unifier au-delà de tous les vieux antagonismes stato-nationaux, pour survivre en tant que civilisation, et d’autre part, renouer avec son tissu pluriel, extrêmement bigarré, dans un jeu permanent d’ancrages, de réancrages et d’arrachements projectuels (p. 87). »

Le « Grand Espace » s’inspire ouvertement de la doctrine Monroe qui exige en 1823 la fin de toute emprise européenne en Amérique. Une fois le « Grand Espace » européen réalisé, « les affaires critiques européennes ne regarderaient que les Européens, explique David Cumin dans Carl Schmitt. Concepts et usages, à l’exclusion des autres Puissances. Par conséquent, réciprocité oblige, celles des Arabes ne regarderaient que les Arabes, celles de l’Afrique noire, que l’Afrique noire, celles des Américains ou des Asiatiques, que les Américains ou les Asiatiques, à l’exclusion des Puissances européennes. Les États-Unis seraient expulsés d’Europe, comme la France de l’Afrique noire… (p. 41) ».

Le « Grand Espace » constitue donc une réponse valable autant à l’aberration cosmopolite de la mondialisation qu’à l’illusion mortelle du bunker national. Carl Schmitt ne défendait pas un simple monde multipolaire. Il concevait à rebours de tous les universalismes fomentés en partie par certains cénacles de la philosophie des Lumières le pluriversum, c’est-à-dire un univers de civilisations différenciées dynamique, conflictuel et vivant. Une perception plus que jamais d’avenir !

Georges Feltin-Tracol

• Chronique n° 28, « Les grandes figures identitaires européennes », lue le 10 septembre 2019 à Radio-Courtoisie au « Libre-Journal des Européens » de Thomas Ferrier.

Livre disponible auprès des éditions du Lore: https://ladiffusiondulore.fr

lundi, 23 septembre 2019

Fred Reed et la débandade militaire américaine

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Fred Reed et la débandade militaire américaine

Par Nicolas Bonnal

Source nicolasbonnal.wordpress.com

L’effondrement de nos libertés accompagne notre déclin intellectuel moral, militaire, économique. Nous ne sommes bons qu’à détruire les restes de notre civilisation. Il n’y a plus de socialisme, plus de capitalisme, juste un système infect – un ultra-capitalisme bonimenteur et gaspilleur – bon à creuser des dettes immondes pour remplacer ses populations et saccager des vies. Notre hyper-apocalypse n’offre même pas la grandeur épique dont nous eussions rêvé en des temps plus reculés. C’est un environnement crade qui se contente de ruiner la qualité de la vie tout en doublant le prix de tout à chaque instant.

Il faudra écrire un livre sur le rôle de la technologie, arrogante, puérile, envahissante, dans le déclin de la civilisation technicienne occidentale. Déclin des transports, du nucléaire, de la construction, de la pharmacie, de l’espace, de l’alimentation… Depuis les années 70, la technologie américaine infantilise d’un côté (les jeux, « l’information ») et de l’autre elle rend vicieuse des élites qui copient les investisseurs qui ont remplacé l’industrie par l’agiotage. La technologie a tué le cinéma dont les effets spéciaux sont devenus ridicules, comme ceux des Marvel-Mossad comics. Et ce n’est pas avec des sabres laser que nos zélés infantilisés mettront au pas russes, iraniens, chinois ; déjà qu’on pleurniche avec le Yémen ou le Hezbollah…

Il faut évoquer les deux historiens impériaux Samuel Huntington et Victor Davis Hanson. Car on assiste à la fin du « monopole de la violence » occidentale, de sa « culture du carnage » qu’Hanson fait remonter aux guerres médiques. Mais Hanson oublie la victoire des Parthes contre Crassus (lisez sa vie par Plutarque) et la chance historique contre les mongols qui firent demi-tour (Batu khan) pour des raisons familiales avant de raser de près le petit cap asiatique. Quant à Huntington toujours mal lu, il affirmait que l’occident s’était imposé par sa violence organisée (« superiority in applying organized violence »), pas par la supériorité ontologique de sa civilisation…

Fred Reed s’est magnifiquement défoulé sur unz.com, alors on va le laisser parler. Fred Reed rappelle sa carrière :

Pendant quelques décennies, j’ai couvert les questions militaires pour diverses publications, comme le Washington Times et Harper’s, et j’ai tenu une chronique militaire pour le Universal Press Syndicate. Je suivais le principe bien connu des journalistes avisés : « Ne demandez pas ce que vous pouvez faire pour le journalisme, mais ce que le journalisme peut faire pour vous. » Vivre au rythme militaire était un excellent passe-temps, permettant de voler dans des avions de combat et de naviguer dans des sous-marins. Mais si vous prenez l’étude au sérieux, comme je l’ai fait, vous apprenez des choses intéressantes. Comme par exemple le fait qu’une guerre contre un « vrai » pays, comme la Russie, la Chine ou même l’Iran, serait une aventure insensée.

Reed évoque la sinistre fonction de l’armée US :

Les armées inutilisées se détériorent. La flotte américaine n’est plus entrée en guerre depuis 1945, ni l’armée de l’air depuis 1975, ni l’infanterie dans une vraie guerre depuis le Vietnam. Le bombardement de paysans sans défense, la principale fonction de l’armée américaine, n’est pas la guerre.

Sur la conscription, Reed souligne une débandade morale :

Les États-Unis ne peuvent pas mener une grande guerre terrestre, comme par exemple contre la Russie, la Chine ou l’Iran. Une telle guerre nécessiterait de recourir à la conscription. Le public ne l’accepterait pas. Les États-Unis ne jouissent plus du genre d’unité patriotique qu’ils avaient au début de la guerre contre le Vietnam. De lourdes pertes seraient intolérables. Les gens d’aujourd’hui sont beaucoup plus disposés à désobéir au gouvernement fédéral. Notez que de nombreux États ont légalisé le cannabis au mépris de la loi fédérale et que de nombreuses juridictions du pays refusent tout simplement d’aider les autorités fédérales en matière de lois sur l’immigration. Toute tentative d’envoyer des femmelettes au combat entraînerait une désobéissance civile généralisée.

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Sur la marine US devenue invalide, il dit :

Un porte-avion est une vessie de carburéacteur enrobant de puissants explosifs. Les implications sont considérables. Un missile balistique hypersonique plongeant, guidé en phase terminale, perforant le poste de pilotage et explosant dans le pont du hangar, enverrait n’importe lequel d’entre eux dans les chantiers de réparation pour une année. Les Russes et les Chinois développent ou ont déjà mis au point des missiles spécifiquement conçus pour éliminer ces porte-avions. Notez que la portée de certains de ces missiles est beaucoup plus grande que le rayon de combat leurs avions. Oups.

Pour Reed, le soldat US devient une poule mouillée :

Jusqu’au Vietnam, les guerres américaines ont été menées par des jeunes hommes coriaces, souvent issus de milieux ruraux, connaissant bien les armes à feu et le travail physique pénible. Je le sais bien, ayant grandi et ayant servi avec eux dans la marine. La discipline, si elle n’est pas vraiment brutale, était très stricte. Les exigences physiques étaient élevées. En AIT (entraînement avancé d’infanterie), au Camp Lejeune, c’était «La compagnie S sur la route ! » à 3h30 du matin, suivie d’une course à pied et d’un entraînement intensif aux armes jusqu’à minuit. Oui, les vieux aiment se rappeler comment c’était à l’époque, mais c’était vraiment comme ça.

Aujourd’hui, l’Amérique a une armée corrompue par une politique de justice sociale. Les recrues ne sont plus taillés comme des bûcherons. L’obésité est commune. Le Pentagone a abaissé ses standards physiques, caché les problèmes raciaux, assoupli son entraînement. Les officiers ont peur du nombre grandissant de femmes militaires au sein des unités de combat. Une plainte pour sexisme et c’en est fini de votre carrière.

Trait important, il y a le pourrissement du corps des officiers :

En temps de paix prolongée, le corps des officiers se désintègre. Tous les officiers du second tour sont des politiciens, surtout au-dessus du lieutenant-colonel. On ne bénéficie pas de promotion en suggérant que les hauts gradés mentent pour des raisons politiques, mais en insistant sur le fait que la guerre en Afghanistan est en train d’être gagnée. Le temps de paix encourage les carriéristes qui avancent en ne faisant pas de vagues. Dans une grande guerre, de tels généraux d’éclat n’ayant fait le coup de feu que sur PowerPoint doivent être éliminés à un coût élevé en vies humaines.

L’armée d’aujourd’hui ne fera rien de bon dans un combat égal contre des Afghans, des Russes ou des Iraniens. L’armée américaine n’a pas réussi à vaincre les villageois afghans en dix-huit ans avec un immense avantage en termes de puissance aérienne, de cuirassés, de blindés, d’artillerie, de soins médicaux et d’équipement. Que pensez-vous qu’il arriverait s’ils devaient combattre les Talibans sur un pied d’égalité : sandales, fusils, lance-roquettes et pas grand-chose d’autre ?

Incompétence et corruption sont la norme :

Pourquoi donc construire ces armes ? Parce que Northrop-Grumman a tellement d’argent que ses lobbyistes utilisent des pelles à neige pour remplir les poches des membres du Congrès. À l’époque où je couvrais le Pentagone, chaque fois qu’une nouvelle arme était achetée, par exemple l’hélicoptère d’attaque AH-64, le contractant principal communiquait une liste de sous-traitants dans de nombreux États – dont les membres du Congrès soutiendraient l’arme afin d’obtenir les emplois. Tout est une question d’argent. Parfois, le Congrès oblige l’armée à acheter des armes qu’elle dit explicitement ne pas vouloir, comme un plus grand nombre de chars M1 de l’usine de Lima, dans l’Ohio. Pour les emplois.

En bref, de nombreuses armes sont achetées pour des raisons économiques et non pour une utilisation en temps de guerre. De mon temps, j’ai vu de nombreuses armes non utilisables. Le B1, B2, DIVAD, le véhicule de combat Bradley, le M16, le V-22, le LAW. Rien n’a changé.

Reed rappelle comme Philippe Grasset la nullité des nouveaux équipements :

Mais nous avons maintenant le F-35, le dernier chasseur à tout faire aux coûts grotesques. On dirait un coucou mal conçu et souffrant de problèmes infinis. Selon la presse technique, il s’agit d’une reine de hangar ayant des taux de sortie très bas, une préparation médiocre et nécessitant une maintenance électronique complexe, souvent à des échelons distants.

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Alors l’efficacité est remplacée par la folie :

Supposons que Bolton [ou Pompeo] obtienne sa guerre contre l’Iran. Les conseillers lui disent qu’elle sera brève et facile, chirurgicale, une promenade de santé. Avons-nous déjà entendu cela ? La Marine affirmé qu’elle peut garder le détroit d’Ormuz ouvert, grrr, waf ! Mais s’il se trouve que l’Iran ne suit pas le scénario, ne se rend pas. Et que la marine, à sa grande surprise, ne trouve pas les missiles anti-navires profondément enterrés et transportés par camion qui continuent de frapper les pétroliers. Ceux-ci continuent à brûler. Bientôt, personne ne les assurera. Ils arrêtent de circuler. Trois semaines après le début de la guerre, le monde réclame du pétrole à grands cris, il n’y a pas de fin en vue, Trump ne peut admettre qu’il a fait une gaffe, et Bolton [ou Pompeo] veut lancer une bombe nucléaire contre Téhéran.

Ou Washington pousse trop fort dans la mer de Chine méridionale, une collision accidentelle se transforme en un échange de tirs, et les Bannonites Pompeo-Boltoniens ordonnent à la flotte de donner une leçon aux Chinetoques. Malheureusement, les missiles anti-navires chinois s’avèrent plutôt meilleurs que prévu, un porte-avion est détruit et trois destroyers transformés en tas de ferraille.

Que fait-on maintenant ? Les egos surdimensionnés et mal informés à Washington ne peuvent accepter la défaite. D’une part, cela mettrait fin à la crédibilité américaine en tant que puissance hégémonique, et tout le monde voudra acheter des missiles anti-navires chinois. La vanité joue un plus grand rôle dans les affaires mondiales que ne le disent les manuels. Washington, bêtement mais inévitablement, irait dans la surenchère et commencerait une guerre totale contre la Chine. À ce stade, les choses deviendraient imprévisibles.

Puis Reed rappelle que la guerre nucléaire envisagée par l’ahuri que le Donald a mis à la place du regretté Bolton n’est pas gagnable :

Les hommes d’une stupidité incalculable et d’une insuffisance sexuelle probable parlent d’une guerre nucléaire comme gagnable. Ils peuvent toujours rêver. Réfléchissez : les villes américaines ne peuvent pas se nourrir elles-mêmes. Trois jours sans envois de nourriture et les New-yorkais auront vidé les rayons des supermarchés. Une semaine et ils tueraient pour des conserves de thon. Deux semaines et ils se mangeraient les uns les autres. Un très petit nombre de bombes nucléaires sur les centres de transport empêcherait la distribution de nourriture pendant des mois. Même un plus petit nombre encore de bombes au cobalt, conçues pour produire un maximum de radiations persistantes, rendraient les zones fermières mortellement radioactives pour une décennie.

Les «intellectuels de la Défense», généralement tellement stupides qu’ils devraient vivre dans des arbres, discutent de la domination par l’escalade, du facteur d’intimidation et de la défense antimissile imperméable. Ils sont complètement fous. Ce dont ils ont vraiment besoin, c’est d’une coquille et d’un abonnement à Pornhub Premium.

Et Reed de conclure :

C’est la raison pour laquelle c’est vraiment une très mauvaise idée d’avoir un dingue psychopathe, deux chrétiens fanatiques et un fils-à-papa pathologiquement agressif en mesure de déclencher une guerre.

On a compris qu’il ne reste à ces élites technophiles infantiles, que le fanatisme théologique et messianique pour justifier le rôle princier que les hallucinés indices boursiers leur concèdent encore.

Il faudra le mettre au pas cet occident. Il lui reste son marché, ses dollars, ses marottes écolos ou humanitaires. Mais sa manière de s’auto-halluciner, un peu comme un dealer qui succombe à sa dope, le rend de plus en plus inopérant.

Srinagar ne répond plus

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Srinagar ne répond plus

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Le 5 août dernier, en séance plénière de la Rajya Sabha, la chambre haute du Parlement qui représente les États et les territoires de l’Union indienne, le ministre fédéral de l’Intérieur, Amit Shah, par ailleurs président du BJP (Parti du peuple hindou) au pouvoir, lisait un décret présidentiel supprimant l’exception constitutionnelle du Cachemire indien.

Malgré la rébellion maoïste naxalite au Bengale-Occidental, au Karnataka et au Bihar, la question du Cachemire demeure le facteur principal de tension entre les trois puissances nucléaires indienne, pakistanaise et chinoise. À l’indépendance en 1947, la partition de l’ancien empire britannique des Indes s’effectue selon le critère religieux, ce qui favorise la formation d’un État musulman, le Pakistan alors constitué de deux territoires bien distincts : le Pakistan occidental, soit l’actuel Pakistan, et le Pakistan oriental qui accèdera à l’indépendance en 1971 sous le nom de Bangladesh.

Au moment de la partition territoriale, des millions d’hindous et de musulmans abandonnent leurs domiciles et s’installent dans leurs nouveaux États respectifs. Plusieurs souverains mahométans dont les sujets sont hindous auraient souhaité intégrer le Pakistan, mais leurs territoires enclavés en Inde furent prestement annexés et démembrés par les autorités centrales indiennes. Le maharadjah du Cachemire, Hari Singh, était lui un hindou régnant sur une population musulmane. Il rêvait d’un État indépendant, mais, face aux manœuvres pakistanaises, il décida finalement d’intégrer la jeune Union indienne, ce qui provoqua en partie la première des trois guerres indo-pakistanaises (1947, 1967 et 1971). Le Cachemire se retrouve depuis divisé. Le Pakistan contrôle le Nord-Ouest, les régions de Gilgit – Baltistan et de l’Azad Cachemire (« Cachemire libre » en ourdou). L’Inde en conserve le Sud-Est qui reçoit en 1950 le statut d’un État fédéré autonome, le Jammu-et-Cachemire. En 1962, au terme d’une guerre-éclair, l’Inde perd la vallée de Shaksgam au profit de la Chine qui la nomme Aksai Chin. Aujourd’hui, le glacier de Siachen est revendiqué par Pékin, La Nouvelle-Delhi et Islamabad. Alliée du Pakistan, la Chine reconnaît à demi-mot les revendications pakistanaises sur l’ensemble du Cachemire à l’exception bien sûr de l’Aksai Chin.

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Le décret du président Ram Nath Kovind, avec l’approbation du Premier ministre triomphalement réélu ce printemps, le nationaliste Narendra Modi, abroge les articles 370 et 35 A de la Constitution. Au 31 octobre prochain, le Jammu-et-Cachemire sera rétrogradé au rang de territoire de l’Union scindé en deux entités différentes : d’une part, le Jammu-et-Cachemire proprement dit avec le Jammu à majorité hindouiste et la vallée musulmane du Cachemire, d’autre part, le Ladakh à majorité bouddhiste. La révocation de ces articles constitutionnels supprime de facto la discrimination légale qui réservait la propriété foncière et immobilière aux seuls Cachemiris. Le gouvernement indien entend faire du Cachemire ce que les Chinois font aux régions rétives du Tibet et Xinjiang ouïghour, à savoir faciliter le peuplement massif des hindous.

Le matin du 5 août, le Jammu-et-Cachemire était coupé du monde : plus de communications, lignes aériennes interrompues, routes bloqués par des barrages militaires, touristes évacués la veille en urgence. La capitale, Srinagar, était soumise à un état de siège informel. La démonstration de force est aisée. L’armée indienne y maintient de nombreuses troupes en raison d’un voisinage conflictuel et du soulèvement indépendantiste plus ou moins islamiste lancé en 1989. Cette insurrection est encouragée et soutenue par les redoutables services secrets pakistanais.

Depuis quatorze mois, le Jammu-et-Cachemire traversait enfin une grave crise politique. En juin 2018, le BJP se retirait de la coalition gouvernementale locale, renversait le gouvernement et rendait l’État fédéré ingouvernable. En l’absence d’un parlement régional suspendu, il revenait dès lors au gouverneur de l’État, le représentant officiel du gouvernement indien, Satya Pal Malik, d’administrer directement la région et d’entériner la décision présidentielle.

Une course de vitesse démographique s’engage désormais. Les musulmans du Cachemire expriment leur impatience; ils pourraient dans les prochains mois ou dans les prochaines années renforcer la révolte séparatiste afin de devenir pakistanais ou d’obtenir l’indépendance. Le BJP veut par cet exemple entamer l’« hindounisation » du pays. Fin août, des milliers d’habitants de l’Assam ont été déchus de leur nationalité indienne. Le réveil national de l’Inde vient de commencer.

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 139, mise en ligne sur TV Libertés, le 16 septembre 2019.

Michéa, Mitterrand et la destruction du peuple français

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Michéa, Mitterrand et la destruction du peuple français

Les Carnets de Nicolas Bonnal

Pour gouverner, il faut d’abord changer le sens des mots. Après on peut remplacer les gens.

Depuis 1984, une gauche libérale-libertaire aux affaires domine le paysage politique et culturel et enfonce le petit peuple dans des termes féroces. On a cité Thierry Pfister et sa lettre ouverte, on recommandera aussi le très effrayant pamphlet de Guy Hocquenghem qui en 1987 expliquait – Houellebecq le refera -  cette conjonction des forces du marché et de la subversion/dérision. La page de gauche des magazines pour recommander un lobby ou une intervention en Afghanistan, la page de droite pour vendre du Vuitton. Habitué à être ainsi traité, le cerveau humain n’a plus rien d’humain et devient cette mécanique-canal humanitaire à réagir fluo et à consommer bio.

Jean-Claude Michéa a récemment rappelé ce qui s’est passé après le virage au centre de Mitterrand. Le sociétal allait remplacer le social. On l’écoute :

Mitterrand_(arms_folded).jpg« Plus personne n’ignore, en effet, que c’est bien François Mitterrand lui-même (avec la complicité, entre autres, de l’économiste libéral Jacques Attali et de son homme à tout faire de l’époque Jean-Louis Bianco) qui, en 1984, a délibérément organisé depuis l’Elysée (quelques mois seulement, par conséquent, après le fameux “tournant libéral” de 1983) le lancement et le financement de SOS-Racisme, un mouvement “citoyen” officiellement “spontané” (et d’ailleurs aussitôt présenté et encensé comme tel dans le monde du showbiz et des grands médias) mais dont la mission première était en réalité de détourner les fractions de la jeunesse étudiante et lycéenne que ce ralliement au capitalisme auraient pu déstabiliser vers un combat de substitution suffisamment plausible et honorable à leurs yeux. »

La farce sociétale se met encore en place, alors on peut taxer le pauvre et puis le remplacer. Insulté et ringard, ce beaufn’est plus digne de l’attente de nos grands commentateurs. Nota : pour imaginer la jeunesse  française d’avant l’ère Mitterrand, découvrez le rebelle de Gérard Blain.

Michéa encore :

 « Combat de substitution “antiraciste”, “antifasciste” et (l’adjectif se généralise à l’époque) “citoyen”, qui présentait de surcroît l’avantage non négligeable, pour Mitterrand et son entourage, d’acclimater en douceur cette jeunesse au nouvel imaginaire No Border et No limit du capitalisme néolibéral (et c’est, bien entendu, en référence à ce type de mouvement “citoyen” que Guy Debord ironisait, dans l’une de ses dernières lettres, sur ces « actuels moutons de l’intelligentsia qui ne connaissent plus que trois crimes inadmissibles, à l’exclusion de tout le reste: racisme, anti-modernisme, homophobie »). »

Il était alors important pour le capital, qui avait eu peur du peuple pendant plus de cent ans, de se montrer branché/progressiste, et de rejeter le prolétaire promu homme de la rue dans les poubelles de l’histoire - avec la complicité achetée/enthousiaste de tous les médias. Rappelons pour les plus jeunes de nos antisystèmes que les communistes quittèrent le bateau ivre de la présidence Mitterrand en 1984, et que dans 1984, le ministère de la vérité s’abrite dans une… pyramide.

 

Post-Scriptum

On vient d’apprendre qu’EDF va disparaitre. L’électricité de France viendra d’ailleurs, comme le peuple.

Nouvelles formes de guerre. Les UCAV ou drones de combat

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Nouvelles formes de guerre: les UCAV ou drones de combat

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Le remarquable article en anglais de Anthony Cordesman référencé ci-dessous pose la question de savoir si des pays tels que les Etats-Unis ont bien compris les difficultés que posent à leurs forces armées et ministères (Department) de la Défense des armes telles que les drones de combat qui ont vraisemblablement lancé les missiles ayant frappé récemment les sites pétroliers saoudiens.

Ces frappes ont été revendiquées par les « rebelles Houthis » du Nord Yémen que l'Arabie saoudite avait prétendu neutraliser. Mais beaucoup d'experts pensent que ces missiles provenaient d'un grand pays. Washington incrimine, il est vrai sans preuves décisives, l'Iran.

Ces missiles n'étaient pas de simples missiles. Ils avaient probableblement été lancés par des drones de combat passés inaperçus. Ces drones nommés unmanned combat aerial vehicle (UCAV)  peuvent avoir l'envergure d'un petit avion, mais ils peuvent être bien plus petits. Ils sont généralement contrôlés par un émetteur externe, mais ils disposeront de plus en plus de capacités d'autonomie. Celles-ci leur permettront non seulement de sélectionner seuls certains objectifs mais de choisir les trajectoires et les altitudes leur permettant d'échapper aux défenses anti-aériennes classiques, radars, artilleries et contre-missiles notamment. De plus, ils utiliseront en phase finale d'approche non seulement des relevés GPS précis mais des caméras ou système visuels analogues identifiant la cible avec une grande fiabilité. 

Aucune information n'est évidemment disponible concernant l'origine des missiles ayant atteint les champs pétroliers de l'Arabie saoudite. De rares systèmes de défense anti-aérienne sont à ce jour capables d'essayer de déjouer les attaques d'UCAV. La Russie a mentionné à cet égard un système dit 9K331-Tor-M1-SA-15 Gauntlet qu'elle avait précédemment fourni à l'Iran.

Des renseignements indiquent que, outre la Russie et l'Iran, la Corée du Nord, la Chine et sans doute d'autres pays ont mis au point des systèmes industriels capables de fabriquer des UCAV en quantité suffisante pour représenter une menace militaire. La France s'y intéresse. Les Etats-Unis disposent de drones, tels le MQ-9 Reaper, qu'ils ont vendu à la France, mais pas à une échelle suffisante, malgré un budget militaire annuel dépassant celui de tous les autres Etats réunis. Ils ont préféré construire des porte-avions d'un coût considérable, aujourd'hui sans défenses efficaces contre un UCAV bien positionné.

Le nouveau type de guerre que préfigurent les UCAV a été nommée guerre hybride ou guerre de zone grise ( gray area warfare). Elle n'entraîne pas de réponse de type « destruction mutuelle assurée » comme dans le domaine nucléaire, fut-ce avec l'utilisation d'armes nucléaires de faible intensité. Ceci dit, dans ce dernier cas, l'utilisation d'UCAV dotés de têtes nucléaires de faible intensité serait beaucoup plus efficaces qu'une nucléarisation à grande échelle.

Source

Iran, Yemen, and the Strikes on Saudi Arabia: The Changing Nature of Warfare
https://www.csis.org/analysis/iran-yemen-and-strikes-saud...

By Anthony H. Cordesman

jeudi, 19 septembre 2019

The Breakdown of Order in Late Mass Democracy

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The Breakdown of Order in Late Mass Democracy

By John Derbyshire

Ex: http://www.hlmenckenclub.org

Good morning, ladies and gentlemen. Thank you for being here, and thanks to Paul  for what already looks like another very successful conference.

First somewhat of an apology. The title of my talk is misleading. I have the heart and soul of a freelance journalist, and we don’t bother much with titles. Titles to articles in newspapers and magazines were traditionally supplied by subeditors—the people responsible for headlines and photo captions. Where titles are concerned, a freelancer has to take his chances with the subs.

That’s not precisely what happened here. What actually happened was, Paul asked me if I’d join a panel on anarcho-tyranny. I said I’d be delighted. Paul asked if there was any particular subtopic I wanted to focus on. I said: “Nah, just give me a topic and I’ll run with it.” Paul then listed my topic as: “The Breakdown of Order in Late Mass Democracy.”

I tell you this to make it plain that I don’t, from long habit, take titles very seriously; and this is not Paul’s fault.

So I can now tell you that, after pondering the title Paul has supplied me with, I don’t in fact think there will be a breakdown of order in what—yes, I do agree—we can rightly call “late mass democracy.”

Not only do I think there will not be a breakdown of order, I fear the opposite thing: an intensification of order.  Let me explain that.

I think the distinguishing characteristic of late mass democracy is the elites getting their mojo back.  After a Century of the Common Man, elites are now saying to themselves, in the current popular idiom: “We’ve got this.”

To explain what I mean, let me take a brief historico-literary detour.*

When I was getting my secondary education back in England in the early 1960s, a common exercise for sixth formers—that is, high school juniors and seniors—was to read George Orwell’s Nineteen Eighty-Four, and then to read Aldous Huxley’s Brave New World, and to write an essay declaring, with supporting arguments, which of the two books you thought the actual future would more closely resemble.

BNW-AH.jpgBoth these books presented the reader with a dystopia—a dark view of humanity’s future.  The two dystopias were radically different, though.

In Orwell’s vision, as I’m sure is well known, the human spirit had been tamed by terror. A ruling elite, divided into an Inner Party and an Outer Party, maintained itself by fear.  Outer Party members, who did the administrative grunt work, were kept under constant vigilance by the Thought Police. Dissidents were hauled away to be tortured and killed. A great sullen mass of proles, with no political rights, were kept pacified by a coarse kind of popular culture and frequent spasms of war fever, and were also under watch by the Thought Police, so that potential troublemakers could be quickly identified and eliminated.

Huxley’s dystopia was altogether different.  Huxley’s planet is unified and at peace. Its affairs are managed by ten regional Controllers. Marriage, childbirth, and family life have been abolished, along with all kinds of suffering — even such minor kinds as disappointment and frustration. Also gone are the nation-state, war, religion, ethnicity, and all profound art and literature. Disease has been banished. Old age has been banished too, very nearly: Citizens are healthy, vigorous, and attractive until about age 60, when they decline quickly to death. Everyone lives in a state of contented hedonism, assisted by regular doses of soma, a freely available narcotic with no side- or after-effects. Sex is promiscuous and recreational, with universal free access to contraception and abortion.

The necessary work of Huxley’s society is carried out via a system of castes, with bright and capable Alphas at the top, then betas, gammas, deltas, down to dimwitted Epsilons at the bottom. Caste is determined in the Hatcheries, where good-quality eggs and sperm are mated to produce Alphas. Inferior zygotes are assigned to the lower castes and cloned. The production of well-adjusted citizens is completed in Conditioning units.

All this is accomplished so successfully that society is well-nigh self-regulating. The Controllers, though in theory they’re possessed of despotic powers, in fact have very little to do.

When I got this assignment around age 17, I pondered the matter and came down on the side of Huxley as having given us a more probable picture of the future. I can’t honestly remember my arguments, but I suspect my choice was mainly esthetic.  Orwell’s vision was plainly horrible. It even smelled bad: remember how Winston Smith’s apartment building stank of boiled cabbage? Huxley’s world, on the other hand, didn’t sound bad at all. Universal peace; no more diseases; pop a harmless pill if you’re unhappy; guilt-free recreational sex; what’s not to like? When you read Brave New World, you know there’s something badly wrong with it; but it’s surprisingly difficult to say what, exactly, that is.  Speaking as a bookish intellectual, I would say that what’s wrong is the stasis, the end of any quest for knowledge, for deeper understanding of the world.

When I look at the trends of our own time, it seems to me that my 1962 judgment was correct, however accidentally.  Of course, Huxley’s vision was only very approximately predictive. He got a lot of things wrong. We don’t need a caste of dimwitted Epsilons to do the industrial work, we can have robots do it.

BNW-2-AHux.jpgMore glaringly, he did not foresee the great explosion in the populations of hopeless people seeking to escape chaotic nations—the crowds we have seen on our TV screens this past few weeks heading up through Mexico; with, looming up behind them, the prospect of—what is the latest UN projection? Four billion, is it?—desperate Africans by the end of this century.

Still, if the civilized world can find some way to deal with those issues, or can just fence itself off from them, the trendlines for our society are Huxleyan.  Soma, the universal tranquillizer, is not yet with us, but with a couple more cycles of pharmacological advance, it likely will be. An alpha class of genetically superior humans could arise quite naturally and commercially from techniques of embryo selection already available. Something like it is anyway emerging naturally, from assortative mating among our meritocratic elites.  As has often been noted: doctors used to marry nurses and lawyers used to marry their secretaries. Now doctors marry doctors and lawyers marry lawyers. Huxley’s feelies—entertainment fed in through all the senses—are not far from the Virtual Reality gadgets already on the market.

As for social disorder: well, Pat Buchanan—who turned eighty yesterday, by the way: Happy Birthday, Pat!—reminded us in a column just last month how very disorderly the USA, and the rest of the civilized world, was fifty years ago. The Weathermen and the Black Panthers; the Symbionese Liberation Army—remember them? The Red Brigades and the Baader-Meinhof gang; political assassinations; the 1968 Democratic Convention; Kent State and Cornell; …

Antifa put up a good show; and yes, I certainly agree that they illustrate the principle of anarcho-tyranny very well, controlling the streets while leftist politicians stand down the police forces. As a force for generalized disorder, though, they are not impressive. Antifa would run like chickens from a whiff of grapeshot.

The overall trend of our societies is Huxleyan.  It is the trend Steven Pinker has famously described in his book Better Angels: towards a pacified, tranquillized, hedonistic caste society.

Here in the USA the trend lines can actually be traced some way back.

In every organized society there is a tension between order and liberty. We Americans love our liberty, of course; but my love of liberty stops well short of loving your liberty to break my leg or pick my pocket. There needs to be social order.

albionseed.jpegOur own conception of social order is a fermented brew whose original ingredients were sketched out by David Hackett Fischer in his 1989 classic Albion’s Seed. Fischer described how the four main stocks of British settlers in the 17th and 18th centuries each contributed an ingredient to the national culture, and in particular to our notions of social order.

  • The Puritans of New England, drawn heavily from England’s literate artisan classes, had a conception of social order Fischer defines thus: “A condition where everything was put in its proper place and held there by force if necessary … a condition of organic unity.”  Crime stats tell the story. Further quote from Fischer: “Crimes against property were more common than crimes against persons. But crimes against order were the most common of all.” [My italics.]  The examples Fischer gives are: violations of the sabbath, blasphemy, sexual offenses, idleness, lying, domestic disorder, or drunkenness.

  • The “distressed cavaliers” and rustic, illiterate English peasants and house servants who populated Virginia and the Tidewater South had a much less egalitarian, much more hierarchical notion of social order, with county sheriffs appointed in the name of the Crown, not elected constables as in New England.  There was much more interpersonal violence here; but the violence too was hierarchical. Fischer: “It was often used by superiors against inferiors, and sometimes by equals against one another, but rarely by people of subordinate status against those above them.” Crimes of violence were more common than property crimes.

  • The Quakers of the Delaware Valley based social order on tolerance, forbearance, and the Golden Rule.  Quote from Fischer: “There were no crimes of conscience in the Quaker colonies before 1755.” Social order meant social peace. Criminal penalties were generally lighter than in the other colonies; but, says Fischer: “They punished very harshly acts of disorder in which one citizen intruded upon the peace of another … Penalties for crimes of sexual violence against women were exceptionally severe.”

  • And then there were the Scotch-Irish of the back-country, drawn from the half-civilized border lands where England meets Scotland, and from those same border folks’ Protestant settlements in Northern Ireland. These people had the least structured notion of social order among all the colonists. Fischer: “The prevailing principle was lex talionis, the rule of retaliation. It held that a good man must seek to do right in the world, but when wrong was done to him he must punish the wrongdoer himself by an act of retribution that restored order and justice in the world … A North Carolina proverb declared that ‘every man should be sheriff on his own hearth.’” That didn’t leave much for government to do. This was a very individualistic culture. Property crimes were punished much more severely than crimes of violence. One 18th-century court gave the following sentences: for hog stealing, death by hanging; for the rape of an 11-year-old girl, one shilling fine.

Overlaid on these original order traditions were the political arrangements thrashed out by the founders of our republic. Just to remind you, in very brief: Anti-Federalists favored localism and democracy modeled on the classical age, as updated by Locke and Montesquieu—a loose collection of self-governing cantons with minimal central control. Federalists argued for a stronger central government as better suited for defense and financial stability. Out of these arguments emerged our Constitution and Bill of Rights.

The Constitution was supposed to have settled this question: Could a republic of the classical democratic or aristocratic type, as somewhat modernized by recent thinkers, be scaled up to continental size, given that the only pre-modern unitary states of that size had been despotic empires?

You can make a case that the answer was “No” for the first hundred years or so of the U.S.A.; that the Civil War, whatever its proximate cause, showed the fundamental instability of the 1789 model; but that the model was then rescued, from the late 19th century on, by technology—particularly by mass communication, mass transportation, and mass education.

And thus we arrived at mass democracy: and not only us, but much of the rest of the world. And of course I am over-simplifying: the relevant developments have roots back in the 16th century, with printing and the Reformation—what the Third Duke of Norfolk dismissed with disgust as “this new learning.”

But we arrived at mass democracy, and the 20th century was the Century of the Common Man.  We still had elites, of course; but under mass democracy—or, in the context of my title, early mass democracy—the elites had to pretend to be just lucky commoners.  They had to practice the common touch.

The transformation is easier to see in cultures that came later to the party.  Japanese elites used to wear fantastically elaborate uniforms. Palace flunkies used to stain their teeth black to distinguish themselves from the common herd.  Now Japan’s elites strive to look just like middle-class salarymen. Or perhaps you’ve seen that juxtaposition of two photographs of female undergraduates at an Egyptian university, one taken in 1950 where they are in Western frocks and blouses, a westernized elite, the other much more recent with them all in burkas like peasant women.

Now, in the 21st century, the elites are making a comeback.  They’ve had a bellyful of this Common Man stuff.  How to do it, though? The traditional hierarchy of rank and genealogy—the pattern of order that shaped Europe and the old Tidewater South—is long gone. The violent egalitarianism of the Scotch-Irish has been corralled off into a few localities none of us ever need visit: inner-city ghettos and remote mountain villages.  The totalitarian order of the big old 20th-century despotic utopias proved a bust, though it lingers on in a few hell-holes like North Korea.

What system of order is appropriate to an age of unbounded material plenty, ample leisure, an internet panopticon, and rapid growth of understanding in the human sciences and biotechnology?  I think the goodthinking consensual model of Puritan Massachusetts set the model; except that, with sophisticated conditioning, a free ration of soma, and endless hedonistic distractions, there’ll be no need to burn witches or hang Quakers.

If we can just find some way to manage, or contain, those swelling tides of the hopeless heading for our borders, we shall reach the Brave New World at last.

mercredi, 18 septembre 2019

A false open society

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A false open society

By Keith Preston

Ex: http://hlmenckenclub.org

The Myth of the Open Society

One of the pervasive myths of our time is that we live in an open society where contentious issues, and serious questions of public policy, are supposedly addressed by means of Socratic dialogue, or open discourse reflecting the principles of Voltaire, Thomas Jefferson or John Stuart Mill. For reasons that I will explain, this claim of an open society is false. I could certainly discuss multiple ways in which the open society claim is problematic. For example, I could examine many parallel difficulties such as over criminalization, overregulation, increasingly greater centralization, and ever pervasive bureaucratization. However, for the purpose of this discussion, I want to focus on ideological conformity, and the way in which ideological conformity is enforced in liberal democratic societies.

“Liberal Illiberalisms”

We live in an era of what has been called “liberal illiberalisms” by the libertarian writer Cathy Young. Young has provided multiple examples of how enforced ideological conformity works. Many such illustrations can be found and I will briefly mention a few examples.

  • In 2015, Yale’s Intercultural Affairs Council issued a warning against potentially offensive Halloween costumes. A professor named Erika Christakis objected that such a directive had the effect of undermining the students’ freedom of expression.  The reaction was a barrage of indignation being levied against Christakis by members of the Yale academic community, including students as well as faculty and staff members. Christakis and her husband, also a faculty member, were physically confronted by student protestors. The students subsequently demanded that the couple be terminated by the university. The Yale University administration failed to support the Christakises who subsequently stepped down from their positions.

  • In 2015, a photo shoot took place in England to promote the film Suffragette, which is about the battle for the right of English women to vote. In the film, Meryl Streep plays the role of Emmeline Pankhurst, a leading British suffragist. Streep and three other actresses were shown wearing a T-shirt with a quote from Pankhurst that read, “I’d rather be a rebel than a slave.” The slogan was attacked for supposedly “trivializing the black experience of slavery and allowing white women to claim it as their own.” Others criticized the use of the words “rebel” and “slave,” claiming these terms amounted to the glorification of slavery as practiced during the Confederacy, even though the film had nothing to do with the Confederacy, or American history generally.

  • In 2014, the British National Student Union rejected a motion condemning ISIS on the grounds that the resolution could promote Islamophobia.

  • In 2015, the same reason was cited by the University of Minnesota to oppose a commemoration of the victims of the September 11, 2001, terrorist incident.

  • Cathy Young points out how accusations of cultural appropriation are used to attack everything from yoga classes (which were banned at the University of Ottawa, apparently on the grounds that yoga involves the appropriation of Hindu culture) to white people wearing the dreadlocks hairstyle to a kimono exhibit at the Boston Museum of Fine Arts.

  • Ethnic food has been attacked as form of cultural appropriation. For instance, a burrito shop in Portland was closed after its white female owners’ described their having collected recipes white on a vacation in Mexico. Because of this, they were accused of stealing from Mexican culture, and practicing what was called “culinary white supremacy.”

  • Among others that have been attacked in this way was a professor who was reprimanded for “merely mentioning the belief that transgender identities are ‘not real’” or “female students having a ‘slut-shamey’ conversation about a fellow student described as a ‘bro-hopper.’”

  • Some universities have put up posters warning against the use of supposedly offensive words and phrases such as “crazy,” “you guys,” “illegal alien,” or “did you lose weight?”

  • The University of California established guidelines for avoiding microaggressions such as “asking an immigrant where she or he is from, encouraging a quiet Asian-American or Latino to speak up, or expressing the opinion that women in America today have the same opportunities as men.”

  • Within the pro-choice movement, pro-abortion rights activists have been asked to “avoid gender-specific language (such as ‘women’) so as to be inclusive to female-bodied individuals who may get pregnant and seek abortions but identify as male or non-binary.”  Likewise, “an abortion rights fundraising event humorously dubbed ‘Night of a Thousand Vaginas’ was met with anger from offended activists who thought it excluded transgender women.”

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Certainly, many other similar examples of thought and speech control could be cited. But the question that arises involves the matter where sentiments and actions such as these originate from.

Political Correctness as an Ideological Superstructure

At times, I am asked by leftists why I pay so much attention to this issue when surely my time might be better spent focusing on hate crimes, or other matters that are considered to be more substantive. I do so because the ideological extremism that I just described is presently a rising force in the wider society, concentrated in influential sectors, and gradually becoming part of the elite’s ideological superstructure. In fact, in order to understand the phenomenon that I am presently describing it may be helpful to engage in the intellectual appropriation of certain insights from Marxist theory. According to Marx, all societies have an ideological superstructure that is used to justify the existing society’s dominant institutions. In the ancient world, the superstructure may have been rooted in the idea that the emperor was a descendent of the sun-god. In medieval societies, the divine right of kings served as the superstructure. In modern democracies, the superstructure is derived from the idea that the government is elected by the people. However, Marx argued that beneath this ideological superstructure is a material base that he described as a substructure. The substructure involves certain sectors of the economy or forms of production that are associated with the interests of particular classes.

I would suggest that at present there is indeed an ideological superstructure that exists in societies like our own, and that there is a system of enforced conformity to this ideology. The ideological superstructure is what is commonly called “political correctness.” It is also important to understand that political correctness comes in multiple forms. An individual that frequently reads and comments on my work has used an analogy to the Church. We might say that there is a high church liberalism and a low church liberalism. Low church liberals are simply those who sincerely favor equal opportunity in education and employment, being nice to gay people, holds to the “melting pot” view of immigration, or perhaps favor universal healthcare. I know many people like this.

However, there is also a high church liberalism that is obsessed with the eradication of offensive history, promotes concepts such as cultural appropriation and micro-aggressions, insists on calling a manhole a “people hole,” and that takes offense to Halloween costumes, or to the serving of tacos in a university cafeteria. Recently, a representative of the People for the Ethical Treatment of Animals made the claim that milk is a symbol of white supremacy. These are the kinds of people that think it is perfectly fine if a 12 year old undergoes transgender surgery. It should also be acknowledged that there is a far-left and a center-left version of political correctness. The far-left version is represented by the campus protestors, the Antifa, the neo-Maoists, and other representatives of the extreme left. The center-left version is often manifested as a blend of PC culture with the American civil religion or civic nationalism. For example, it will be said that the reason the United States is a great nation is because we have gay marriage.

The Enforcement of Ideological Conformity

For the most part, this ideological superstructure is not enforced through traditional state repression, such as a knock on the door in the middle of the night which results in someone getting tossed in a gulag. However, there are some disturbing trends in this area, such as the fact that Marine Le Pen was recently ordered by a French court to undergo a psychiatric examination. This practice of declaring political dissidents to be mentally ill and responding with coercive psychiatric intervention is straight out of the Soviet playbook. But for the most part, there is little formal censorship in the Western democracies (with some exceptions related to fringe areas like Holocaust denial).

Instead, the enforcement of ideological conformity is farmed out to other institutions, such as the media, educational institutions, corporations, and technology companies. The means of enforcement involve the use of social, economic, and professional sanctions rather than the outright criminalization of dissidents. Ideological conformity is also enforced by means of extra-legal methods, such mob violence, shouting down speakers, the harassment political opponents or public figures in public places or even at their private homes, and the aggressive vigilante activities of groups such as the Antifa. It is for this reason that it is often necessary for gatherings of dissidents to take place on a clandestine basis. The proponents of the ideology of political correctness are heavily concentrated in influential sectors of society. Among the more significant examples are the electronic media and professional journalism, universities and public schools, the entertainment industry, left-wing professionals such as attorneys and healthcare specialists, the left-wing of clergy, the public sector bureaucracy, social services and human services, advertising, public relations, and corporate human resources and diversity officers.

However, one of the most significant sectors of these kinds involves technology companies. For example, Facebook recently purged over 800 pages with millions of followers, including pages with left-wing as well as right-wing perspectives, with the common denominator being that all of the purged pages represented some kind of anti-establishment perspective. It is also interesting to note that similar methods are used by the professional “watchdogs,” which typically focus most of their attention on the Right, but also attack leftist, African-American or other minority perspectives that are also considered to be outside the realm of acceptable liberal opinion.

The Socioeconomic and Demographic Basis of Political Correctness

It should also be noted that what I have called high church liberalism represents only a very small number of people when compared to the general public. A recent study involving the present political divisions in the United States was conducted by More in Common, a British organization that studies political conflict around the world. In their recently released report called “Hidden Tribes,” a term that was used to describe America’s major political divisions, it was observed that political correctness is overwhelmingly unpopular among all races, classes, religions, genders, and political affiliations in the United States.  Approximately 80% of Americans expressed opposition to political correctness. The study also found that political correctness is more unpopular among Native Americans, Asians, and Hispanics than among whites, and only slightly more unpopular among whites than among blacks, with nearly three quarters of African-Americans expressing opposition to political correctness.

The authors of the report suggest that Americans are politically divided into seven so-called “tribes” with progressive activists constituting 8%, traditional liberals 11%, passive liberals 15%, the politically disengaged 26%, moderates 15%, traditional conservatives 19%, and devoted conservatives 6%.The only political affiliation of the seven where the majority of the “tribe” expressed a favorable view of political correctness was “progressive activists” who are only 8%.  Even a substantial minority of progressives expressed criticism of political correctness (about 30%). The identity of the “progressive activist” political tribe was overwhelmingly white, affluent, and educated, along with a smaller group of elites among traditional minorities. In other words, the proponents of political correctness are largely concentrated in the left-wing of the upper middle class, among urban cosmopolitan professionals, and the newly rich from outside the traditional elite whose wealth has been generated by newer, high-tech industries. These sectors constitute what we might call the “left-wing of capitalism.”

It is interesting that many on the Right continue to fetishize capitalism when it has to be considered that present day capitalism differs considerably from the capitalism of the elite, top hat wearing plutocratic families of the nineteenth and twentieth century. Today, capitalism is just as likely to be represented by Silicon Valley, Hollywood, and Madison Avenue as it is by the Chamber of Commerce, and by figures such as Mark Zuckerberg, Bill Gates, Jeff Bezos, Oprah Winfrey, Warren Buffet or George Soros. In fact, the sociologist Joel Kotkin, himself a centrist Democrat, has argued that an alliance has developed what he calls the “techno-oligarchs” of Silicon Valley and the mass media, and what he terms the “new clerisy” associated with the various sectors that are involved with ideas, ranging from journalism to education to advertising.

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As an aside, I would note that, contrary to another myth, from a historical perspective it was the left-wing of the upper-middle class that was the class base of leftist revolutions. It could be reasonably argued that the liberal revolutions of the eighteenth and nineteenth century were driven by the left-wing of an upwardly mobile middle class whose political ambitions were frustrated by the existing political order. I would also suggest that the real class basis for the Marxist revolutions of the twentieth century likewise originated from left-leaning middle class sectors. For example, the famous Communist leaders from the twentieth century were mostly teachers, doctors, lawyers, and other middle class professionals, with only Stalin himself originating from what could be considered a proletarian background. I would suggest that present day political correctness is a manifestation of the rising left-wing of the upper middle class. Political correctness is the foundation of their ideological superstructure with the technology industry and the various professional sectors previously mentioned being their material base.

Solutions

If there are any solutions to be found to the challenges that are presented by this forced ideological conformity, one of these might be to extend First Amendment jurisprudence to corporations, media companies, technology companies, schools and universities, and cyberspace. In early American history, the Bill of Rights was considered by American jurisprudence to apply only to the states and localities. As the power of the federal government has grown, and the states and localities have largely been reduced to administrative units, constitutional jurisprudence has been extended to the states and localities. It may be necessary to extend the Bill of Rights to the aforementioned institutions since these institutions are essentially the equivalent of private states. For example, I would suggest that technology companies are not private businesses, but crony-capitalist or state-capitalist institutions that have made billions of dollars by piggybacking on technology that was developed by the government with taxpayer money. Therefore, cyberspace should be regarded as public space (like parks, streets, and sidewalks), and the fight for free speech in cyberspace might be compared to free speech fights in the early 20th century by the labor movement,  or Free Speech movement of the 1960s. At present, the center-right has come to dominate the Supreme Court, and much of the federal judiciary. Therefore, this may be an opportunity, perhaps the last there will ever be, for constitutional jurisprudence regarding the First Amendment to be revised in the way that I have suggested.

 

lundi, 16 septembre 2019

De Woodstock à Netflix : les enfants du désir ont peur de mûrir...

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De Woodstock à Netflix : les enfants du désir ont peur de mûrir...

par Georges Jure Vujic

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jure Georges Vujic, cueilli sur Polémia et consacré à la génération des millennials. Avocat franco-croate, directeur de l’Institut de géopolitique et de recherches stratégiques de Zagreb, Jure Georges Vujic est l'auteur de plusieurs essais, dont Un ailleurs européen (Avatar, 2011) et  Nous n'attendrons plus les barbares - Culture et résistance au XXIème siècle (Kontre Kulture, 2015).

De Woodstock à Netflix : les enfants du désir ont peur de mûrir

On peut légitimement se demander pourquoi commémorer le 50e anniversaire de Woodstock, si ce n’est pour se joindre à cette hystérie commémorative de notre époque, où l’on commémore tout et n’importe quoi. L’instant commémoratif, l’ère de la commémoration évoquée par Pierre Nora, s’intégrant parfaitement aux besoins du marché parfois bling bling de la mémoire, fabriquant et cultivant les événements sursignifiés grâce au mélange de rituel et de festif. En effet, on assiste à une privatisation du mémoriel et du qui aboutit non seulement à un délitement d’un cadre unitaire d’appartenance historique et culturel, mais aussi à une cacophonie commémorative, ou « le surmoi commémoratif, le canon ont disparus ». Pour ce qui est des 50 ans de Woodstock dédiée à l’ère du Verseau, s’agit il ici de se réapproprier une mémoire générationnelle, une identité générationnelle sociale et culturelle voir musicale ? Ou tout simplement de faire du profit sur le marché de l’industrie musicale, dans le registre retro des grandes anthologies pop-rock ?

Cependant, dans ce flou mémoriel, il convient de rappeler que le plus grand concert rock de l’histoire, qui devait se tenir à Woodstock, haut lieu de la contre-culture américaine, s’est au bout du compte tenu dans la petite ville de Bethel, à 100 km de Woodstock même. Ce mega-concert , aux allures de grandes messe hippie qui verra défiler les grands noms du rock américain, réunira des quelques 100 000 spectateurs prévus, plus de 500 000 spectateurs, ce qui causera quelques bouchons.
Avec le spectacle actuel des soirées Rave, des techno et trans party de la new age musique de tribus urbaines contemporaines, qui rassemblent des milliers de fêtards, nous sommes loin du temps des militants « love and peace », des rassemblements hippies colorés, même si des similitudes persistent en matière d’hypnose collective et d’hystérie festive. En dépit d’une dimension mythologique événementielle qui est délibérément entretenue pour des raisons de marketing, une histoire parallèle indésirable et souterraine de ce méga-événement refait toujours surface. En effet la consommation de drogues diverses, dont du LSD, était absolument hors de contrôle.

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A la suite de Woodstock, qui se soldera par 3 morts et qui laissera un goût amer de désorganisation, une autre tentative de bis repetita de mega rock concert se finira tragiquement. Le concert gratuit des Rolling Stones à Altamont en décembre 1969, rassemblera 300 000 personnes à l’Est de San Francisco. Aussi mal organisé que fût Woodstock, le concert termina tragiquement avec la mort Meredith Hunter âgé de 18 ans le poignardé par le service de sécurité musclé des Hells Angels. Plus tard, l’image de marque de des communautés hippies sera ternie par les ravages des drogues dures et l’obscure secte de Charles Manson reconnue coupable de meurtres dans la région de Los Angeles.

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Anatomie de la génération « Netflix and chill »

Après les générations « bayboomers » hippies, des yuppies des années 80, des bobos (bourgeois-bohèmes), émergera la génération millennials (génération X ou Y), laquelle regroupe des individus nés entre 1980 et 1995, et étant considérée par les historiens américains comme une génération caractérisée par “l’esprit rationnel, l’attitude positive, l’esprit d’équipe et le sacrifice“. Bien sûr, le modèle d’explication générationnelle est souvent limité et réductionniste car il est soumis à la théorie du cycle générationnel selon lequel la société serait divisée en plusieurs phases périodiques de 16 à 20 ans, ce qui explique que le dit modèle est le plus souvent appliqué dans les stratégies marketing. Cependant, ce qui est évident, c’est que cette nouvelle génération est devenue la cible commerciale privilégiée commerciale des nouvelles IT technologies, en particulier en ce qui concerne les générations technophiles férues de nouvelles innovations informatiques.

En effet, cette génération constitue la plus grande armée de consommateurs de nouveaux gadgets/smarthphone, accepte volontiers les habitudes conformistes de la consommation ostentatoire de marque, ainsi que les valeurs sociales de nouvelle économie de partage type Uber et Airbnb.


Certains analystes les appellent la génération «Netflix & Chill», parce qu’ils aiment «chiller », se détendre et passer plus de temps libre chez soi à regarder des émissions de divertissement internationales – bingewatcher des séries et films.
Cette génération privilégie les modes de communication virtuelle, via SMS, WhatsApp, Messenger, Twitter, Instagram, Snapchat… lesquels constituent autant de lieu virtuel de socialisation, au détriment des cafés et des clubs où se retrouvaient les générations passées.


yuppiehandbook.jpgSelon la sociologue Elizabeth Nolan Brown, les « jeunes citadins professionnels »,”yuccies(Young Urban Professional), les nouveaux free lancers capitalistes combinent les idéaux de la contre-culture et l’esprit d’entreprise de Sillicon Valley. Certains parlent déjà de l’émergence d’un nouveau “capitalisme indie” combinant micro-artisanat et micro-entreprises, éditions limitées, nouveaux modes de consommation et de production, humanisme et écologie avec le capitalisme de réseaux. Cette nouvelle génération s’intègre parfaitement dans la logique postmoderne et marchande du vintage, de l’ironie et du pastiche, mais aussi du marché et des bénéfices réalisés sur fond de contre-culture et de subversions créatives. Elle s’intègre à merveille dans une nouvelle stratégie de marketing de réseau – à travers divers réseaux sociaux, sites Web, blogs, clubs, comme une expérience de marketing de masse.

Ainsi, la culture « Netflix and chill » est un élément indispensable de ce que Pierre Bourdieu appelle le “capital culturel” de la domination sociale et de la “culture d’entreprise” dans laquelle Thomas Franck s’inscrit dans une nouvelle catégorie de consommatisme branché (culture d’entreprise, contre-culture ).
La génération millennials, même si elle se déclare apolitique, ne peut échapper à l’héritage libéral de gauche de 68, retouché cependant avec une approche pragmatique et branchée du capitalisme de marché. En dépit de leurs efforts pour être des de « vrais créatifs » soucieux de l’environnement, ils sont devenus un produit culturel un GMO, un mutant générationnel, se situant quelque part entre contre-culture post-68 et pragmatisme postmoderne du marché. Loin des goldenboys des années 80 et 90, ils ont inventé un modèle hybride d’entrepreneuriat créatif, promouvant une sorte de capitalisme à capital humain par la promotion d’une micro-économie reposant sur l’individualisation et la personnalisation les désirs. Gilles Lipovetsky, dans Le bonheur paradoxal, évoque en ce sens le jeu de la personnalisation de la consommation et des désirs induits par l’hyperindividualisation de l’offre. Par exemple, des projets de camions d’affaires alternatifs , les bars a céréales Cereal Killer Cafe à Londres des frères Keery ou les vêtements Picture Organic Clothing avec des matériaux recyclés.

Contrairement aux générations des années 60 et 70 qui s’opposaient à la société fondée sur la division capitaliste du travail et la société de consommation , la génération millenium, cultive un certain égoïsme pragmatique à l’égard du monde professionnel et de la valeur propriété, bien illustrés par la règle des 4 I: « individualiste, interconnecté, impatient et inventif ».

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A l’opposé de la génération hippie qui vivait volontairement en marge de la société et cultivait des modes de vie communautaires, les millennials ne sont plus imprégnés d’utopies sociales ni d’idéaux politiques révolutionnaires. En effet, alors que les hippies prônaient le retour à la nature et de vie en communautés en s’inspirant du naturalisme de H.G Thoreau, la nouvelle génération, qui consomme volontiers « good food », sensible à la conservation de l’environnement et de la nature, est une grande consommatrice de l’éco-industrie verte et de l’idéologie du développement durable.
La précarisation sociale et la paupérisation progressive des jeunes en Europe et en Amérique du Nord ont fortement influencé et façonné une génération qui ne cherche pas à changer radicalement le monde mais est plus tentée de trouver de manière pragmatique de nouvelles alternatives et des opportunités professionnelles au sein du système dominant. Jean-Laurent Cassely, qui étudie les phénomènes générationnelles, souligne que les schémas mentaux sont en train de changer et que la rébellion d’aujourd’hui n’a plus d’aspect radical, mais prend une dimension entrepreneuriale. Par exemple, l’ancien slogan 68-huitard situationniste «vivre sans temps mort et jouir sans entraves» n’est pas valable aujourd’hui pour la génération moderne qui poursuit des ambitions professionnelles et entrepreneuriales ».


Il s’agit d’une “sur-adaptation” des jeunes générations qui changent souvent d’emploi et de secteur sous l’effet de la « disruption » à la fois sociale et économique, en cherchent à réconcilier le monde des affaires et de la consommation avec leurs propres valeurs personnelles. Étant donné l’instabilité du monde du travail et de la précarisation, les nouvelles générations ne croient plus en des projets de carrière sûrs et à long terme, et expérimentent davantage la vie sous forme de projets divers, ce qui pose la question de leur héritage culturel et patrimonial et de leur capacité de transmission de leur capital social aux nouvelles générations, étant donné que la société dans son ensemble ne repose plus sur les possibilités de projection et de prévision à long terme.

Bien entendu, aujourd’hui, les critères de réussite sociale diffèrent des générations 60 et des années 80. La priorité est donnée à la réalisation de l’autonomie personnelle, à une profession locale et soucieuse de l’environnement, avec un mépris de l’ère postindustrielle des hiérarchies classiques du monde du travail.


Les générations Woodstock et celles de 68 ont plutôt cherché à changer le monde par l’utopie et la révolution sociale, tandis que les nouvelles générations cherchent à explorer et d’établir de nouveaux équilibres sociaux, tout en gardant une posture pragmatique et politiquement correcte. La question qui se pose pour l’avenir est celle de savoir si la génération actuelle sera capable de relever les nombreux défis sociaux, politiques, identitaires et environnementaux du monde actuel. D’autre part, dans un monde où s’accroit le fossé entre l’oligarchie mondialiste et le peuple de plus en plus pauvre, il faudra beaucoup plus qu’un selfie ou qu’un twitt subversif pour renverser ou inverser l’apathie générationnelle en tant que mode de reproduction passif de l’ordre dominant capitaliste néolibéral.

Marché du désir et capitalisme addictif

Le projet contre-culturel plaidé par des théoriciens contestataires, tels Theodore Rosack et Herbert Marcuse, cher aux générations hippies et celles de la Nouvelle gauche de 68, se soldera par une échec, dans la mesure où le discours contestataire d’émancipation et d’autonomie totale sera très vite récupérée par le système dominant, et deviendra paradoxalement une matrice incontournable de l’industrie culturelle abondamment critiquée par Theodor W. Adorno et Max Horkheimer. Cependant, il convient de constater que ce projet contre-culturel de la nouvelle société émancipatrice est en réalité le produit d’un long processus de déconstruction ontologique et philosophique résultant des Lumières, de la modernité et de la postmodernité contemporaine, qui constituent en fait les principaux leviers de la révolution anthropologique et culturelle du XVIIIe siècle à nos jours…
Le résultat final d’un tel processus de déconstruction sera l’avènement du règne du « Grand moi » auto-institué et narcissique de la postmodernité, évoqué par Christopher Lasch dans » la culture du narcissisme « avec de la domination de l’individualisme , de l’hypersubjectivisation et l’atomisation sociale.

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Le sociologue Michel Maffesoli évoquera l’émergence de générations d’enfants « éternels » figure de puer eternus – en tant que figure emblématique de la postmodernité qui a remplacé « l’homme mûr », un producteur sérieux et rationnel. Un sorte de « homo novus » postmoderne qui ne veut va mûrir, adepte de la nouvelle idéologie du “jeunisme” qui impose de rester jeune pour toujours, de s’habiller jeune, de penser jeune, de ne pas se référer au passé mais profiter du moment présent. Le culte hippie quelque peu « grunge » de la figure rousseauiste du « bon sauvage » rebelle, a aujourd’hui muté vers le culte jeuniste hipster du “jeune homme branché et hypermobile sur trottinette éléctrique de la nouvelle génération Netflix and Chill.»
Cependant, il ne faut pas oublier que la nouvelle génération millenials, née dans les années 80 a hérité du lourd fardeau de l’incohérence et de l’infantilisme de ceux qui ont appelé à l’émancipation par rapport à toute forme d’autorité et de tradition. La majorité des émules de la génération hippie et celle de 68, se sont parfaitement intégrés au système capitaliste néolibéral, et sont devenues les chiens de gardes de la pensée unique, et ceux qui hier militaient pour la victoire de l’internationalisme prolétarien prônent aujourd’hui les vertus de la mondialisation néolibérale et l’abolition des frontières.


En effet, selon Charles Shaar Murray, « Le chemin qui mène des hippies aux yuppies n’est pas aussi tortueux que beaucoup aiment le croire. Une bonne partie de la vieille rhétorique hippie pourrait parfaitement être reprise par la droite pseudo-libertaire, ce qui s’est d’ailleurs produit. Rejet de l’État, liberté pour chacun de faire ce qu’il veut, cela se traduit très facilement par un yuppisme ‘laisser-faire’. Voilà ce que cette époque nous a légué. » De toute évidence, de nombreux hippies sont devenus des parfaits yuppies dans les années 1980 et chefs d’entreprise, rédacteurs en chef de grands journaux, comme par exemple le grand dirigeant Jerry Rubin ancien hippie, qui est devenu activiste Reaganien et républicain néolibéral convaincu.


clouscardCAPSED.jpgEn France, Michel Clouscard a été le principal penseur de cette dynamique de transformation du “capitalisme de la séduction“, voyant dans le mouvement hippie une simple crise interne de la dynamique du capitalisme américain, qui s’est approprié et a recentré les slogans de gauche libérale (individualisme, hédonisme, nomadisme, cosmopolitisme) en les mettant au service de la logique du “marché du désir”, du nouveau capitalisme “libéral-libertaire”.

Ce “marché du désir ” repose sur un modèle de consommation libidinal et ludique, accompagné d’un discours émancipateur. Ce qu’il faut rappeler, c’est qu’après la seconde guerre mondiale, la nouvelle dynamique du capitalisme à la quête de nouveaux marchés, avec le plan de Marshall dans l’Europe de l’après-guerre entendait créer un “modèle permissif pour le consommateur” tout en restant “répressif pour le producteur”. Puis, sous les auspices de l’industrie de musique pop-rock, un nouveau “marché du désir” émerge, avec la contre-culture hippie, sur fond de psychédélisme, de révolte pacifique sociale et de désobéissance civile. Promouvoir l’hédonisme sans limites et l’expérimentation individuelle, la prétendue libération sexuelle et la consommation massive de stupéfiants devait, à l’aide d’un discours d’émancipation, constituer les nouveaux leviers de l’aliénation comsumériste sociale.

Un tel processus de dépendance se poursuit aujourd’hui à travers le modèle du “capitalisme addictif ” analysé par Patrick Pharo, qui étudie le phénomène de l’idolâtrie de la technologie, des écrans, la dépendance vis à vis de Facebook, mais aussi la recherche démesurée de l’optimisation et du profit, qui s’inscrivent dans “un processus de dépendance basé sur des désirs et des habitudes générés artificiellement et enracinés dans le mécanisme du désir “. Un processus similaire d’appropriation des désirs est présent dans le rapport salarial contemporain, perçu comme un rapport d’enrôlement du conatus (concept Spinozien qui renvoie à l’idée d’une puissance d’agir qui s’incarne par des désirs, des affects) du travailleur au service de celui du patron, thèse avancée par Frédéric Lordon, dans Capitalisme, désir et servitude – Marx et Spinoza.

Le panoptique de l’exposition permanente

On se souvient de Foucault pour lequel la normalité dans les sociétés modernes étaient le principal instrument de répression, alors qu’avec la nouvelle génération, le désir sans limite exalté et sanctifié par le marché, est devenu le principal outil de dressage d’une génération qui ne peut se permettre de ne pas avoir de désir, conformes à l’offre du marche ludique et de l’hyperfestif ou pire se soumettre un impératif de devoir. A l’opposé du Panoptique de Bentham, qui correspondait à une technologie politique de type disciplinaire, la nouvelle génération est a la fois la victime et le ressort actif de la nouvelle société d’exposition evoque par Bernard E. Harcourt. « Elle est le sujet privilégié la partie prenante de l’ère digitale, ou il n’est plus guère besoin de discipliner les individus. Ces derniers exposent volontairement leurs identités sans avoir à intégrer la visibilité d’un pouvoir qui les surveillerait. Ni la surveillance, ni le spectacle donc, mais l’exhibition, l’exposition consciente et volontaire de chacun par le truchement d’interfaces digitales sur Internet et les réseaux sociaux. Nous aurions maintenant affaire à une sorte de « voyeur oligarchique qui profiterait de notre exhibitionnisme ».

Dans le cas du Big Brother, il s’agissait dans le roman de Orwell d’une dystopie totalitaire où les désirs, la sexualité, les sentiments altruistes et les libertés étaient neutralisés. Dans notre ère digitale au contraire, les individus sont poussés à devenir des « machines numériques désirantes » (Sloterdijk parle d’ « êtres anthropotechniques ») en montrant et en partageant leurs préférences personnelles (songeons au « likes » de Facebook, à l’inflation de commentaires et photos postés en ligne). Il ne s’agit donc plus de réprimer les désirs et les passions, mais bien au contraire de les débrider et de les afficher librement et avec notre consentement. C’est un parfait « huis clos » de l’exposition en temps réel, un panoptique de l’exhibition permanente.

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Avec les générations 60 et 68, le système dominant s’efforçait d’infiltrer, de récupérer et de neutraliser les structures de la contre-culture juvénile, en orientant les aspirations radicales vers une tendance à l’hédonisme dissolvant et un nihilisme autodestructeur. Aujourd’hui, face à la crise générationnelle qui est à la fois une crise de transmission et de solidarité générationnelle, avec la nouvelle génération millenials qui est devenue un maillon complaisant de l’autorégulation du système, se pose la question de l’existence et de la pertinence même d’un désir subversif générationnel et de la capacité réactive de résistance anti-systémique, qui semblent disparus ou consommés par le jeu de la déconstruction des grands récits de la modernité.

En guise de conclusion, malheureusement, les deux générations, celles de Woodstock et celle des millennials, sont finalement le produit d’une conception anthropocentrique du monde et d’un solipsisme social réducteur qui fait du “bonheur et du plaisir personnel” le but ultime de l’existence, ce qui convient parfaitement au marché capitaliste du désir. Cette filiation eudémoniste pose la question de l’existence d’un désir et d’un pouvoir subversif générationnel collectif qui transcenderaient cet individualisme eudémoniste, pour s’efforcer cette fois ci non plus de déconstruire mains de reconstruire un monde livré depuis des décennies à la dévastation ontologique, spirituelle, culturelle, sociale et environnementale. Il faudra relire Albert Camus. « Chaque génération, sans aucun doute, pense qu’elle est condamnée à changer le monde. La mienne sait qu’elle ne le fera plus. Mais sa tâche peut être plus grande. Il s’agit d’empêcher le monde de s’effondrer ».

Jure Georges Vujic (Polémia, 09 septembre 2019)

18:05 Publié dans Sociologie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sociologie, hédonisme | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Le somnambulisme des peuples

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Le somnambulisme des peuples

par Georges FELTIN-TRACOL

Discours tenu à la Fête de la Ligue du Midi,

8 septembre 2019

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Chers Camarades, Chers Amis,

Le thème de ce dimanche convivial se place sous une actualité brûlante : la « révolte des peuples ». En effet depuis sept – huit ans environ, de fortes réactions populaires que les chiens de garde médiatiques de la Caste mondialiste qualifient avec un dédain certain de « populistes » parcourent l’Europe, voire le monde entier. On peut d’un point de vue historique situer l’acte initial – le détonateur – aux années 2013 – 2014 avec La Manif pour Tous et ses millions de manifestants hostiles à la loi Taubira. Cette vive contestation rappelait aux plus anciens les manifestations pour l’école libre en 1984 et, un an auparavant, la protestation des étudiants en droit et en médecine contre la loi du socialiste Savary. Mais cette agitation a ensuite été dépassée par la crise des Gilets Jaunes.

En Allemagne, l’ouverture des frontières et l’accueil d’une main-d’œuvre immigrée corvéable à merci ébranle le gouvernement de la soi-disant chrétienne-démocrate Angela Merkel, ancienne militante zélée des Jeunesses communistes en RDA, et permet à l’AfD (Alternative pour l’Allemagne) de s’opposer à la « Grande Coalition » sociale-démocrate-chrétienne. Le terrain fut préparé par les nombreuses manifestations du mouvement PEGIDA dès 2014. En Flandre belge, au soir du 26 mai dernier, après une décennie au moins de purgatoire électorale, le Vlaams Belang devient sur une ligne nettement sociale et anti-mondialiste la deuxième force politique du royaume derrière les nationaux-centristes de la Nouvelle Alliance flamande du matois Bart De Wever. En Italie, en 2012 – 2013, les Forconi (les « Fourches ») se soulevèrent contre le fisc, la corruption et les dysfonctionnements étatiques. Il en découla en 2018 l’entente gouvernementale inédite entre la Ligue de Matteo Salvini et le Mouvement Cinq Étoiles anti-Système de Luigi Di Maio qui a tenu quatorze mois avant que le « Capitaine » de la Lega ne décide de rompre. Qu’a fait Salvini pendant cette période ? Beaucoup d’esbrouffe. Les clandestins continuent à débarquer dans la péninsule. À sa décharge, il a contre lui l’administration, les médiats, les instances pseudo-européennes, les ONG, la « justice » et la cléricature conciliaire aux ordres de Bergoglio.

L’eurocratie bruxelloise avait déjà été atteinte par la terrible déflagration du Brexit de 2016. L’hyper-classe mondialiste au sens que l’entend Michel Geoffroy dan son essai (1) reçut une autre gifle, cinq mois plus tard, avec l’élection inattendue de Donald Trump à la Maison Blanche. Les prescripteurs officiels d’opinion s’inquiétèrent alors de l’émergence en Hongrie, en Pologne et en Turquie des démocraties illibérales. Le coup de grâce arriva avec le président russe Vladimir Poutine qui proclameait au Financial Time du 28 juin 2019 que « l’ère libérale est devenue obsolète » !

Au printemps de cette année, les Indiens viennent d’accorder au Premier ministre nationaliste Narendra Modi un second mandat et une majorité parlementaire écrasante pour le BJP (Parti du peuple indien). En place depuis six ans et demi, le Premier ministre national-conservateur japonais Shinzo Abe souhaite abroger l’article constitutionnel d’importation étatsunienne niant à l’Empire du Soleil Levant le droit souverain de déclarer la guerre. On pourrait poursuivre la litanie au point d’effrayer la clique ploutocratique qui ressasse l’antienne du « retour aux années 30 ». Si seulement elle avait pour la circonstance raison !

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Si on prend la peine de se pencher avec attention sur le soulèvement civique des peuples, on comprend vite que ce n’est pas une révolution. Les Gilets Jaunes témoignent d’une exaspération exceptionnelle qui n’induit aucune conséquence politique. Pour preuve, le bilan français des élections européennes. Dans un contexte d’agitation sociale élevée et de grandes menaces terroristes islamistes, la majorité présidentielle malgré une tête de liste technocratique et insignifiante arrive en deuxième position à 0,87 point du Rassemblement national, soit un écart de 207 924 voix. En dépit d’une progression notable de la participation, l’abstention atteint néanmoins 49,88 %. Pis, en pourcentage, la liste frontiste perd 1,52 % par rapport à 2014. Si on additionne les listes de Jordan Bardella, de Nicolas Dupont-Aignan, de Florian Philippot, du Gilet Jaune Christophe Chalençon et de l’écrivain impolitique Renaud Camus, on obtient un total de 6 233 226 voix, soit un déficit de 4 405 249 suffrages comparé au résultat de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle de 2017. C’est sciemment que la liste de la Reconquête présentée par La Dissidence Française n’intègre pas ce calcul. Elle doit représenter un indéniable aiguillon nationaliste-révolutionnaire et identitaire capable à terme de dynamiser le vaste camp (cloaque ?) national. Emmanuel Macron s’en sort bien mieux puisqu’il peut compter sur le report certain des deux tiers des électeurs Verts, d’un tiers des électeurs du centre-droit et d’un cinquième des électeurs de gauche. Les élections européennes de 2019 marquent donc pour le Rassemblement national une indiscutable victoire à la Pyrrhus.

Et pour quels effets pratiques au Parlement européen ? Le groupe héritier d’Europe des nations et de la liberté, Identité et Démocratie, compte 73 membres, principalement issus de la Lega, du RN et de l’AfD. Mais le grand groupe eurosceptique tant vanté au cours de la campagne n’existera jamais ! Différents protagonistes n’en veulent pas. Le Parti du Brexit du national-mondialiste Nigel Farage siège chez les non-inscrits. Le Fidesz de Viktor Orban demeure bien au chaud au sein de la droite gestionnaire et mercantile du Parti populaire européen (PPE) plutôt que de se compromettre avec un RN inapte à s’emparer du pouvoir. Quant aux Polonais de Droit et Justice de Jaroslaw Kacynzski, ils gardent leur propre groupe, Conservateurs et réformateurs européens, dont le tropisme ultra-atlantiste et russophobe les empêche de négocier avec un RN et une AfD bien trop « moscou-centrés » à leurs yeux…

Bien que cinquième groupe du Parlement européen en nombre de membres (un de moins que les Verts historiquement alliés aux régionalistes !), Identité et Démocratie pâtit du cordon sanitaire. Aucun de ses membres ne préside de commission et tous sont ostracisés. La faute en revient ici au mode de scrutin proportionnel qui favorise l’éclatement politique, les combinaisons politiciennes et les majorités transversales autour du PPE, des socialistes, des libéraux et des Verts. L’instabilité gouvernementale chronique en Italie, en Belgique, en Espagne, voire en Allemagne et en Autriche, résulte de l’application de la proportionnelle qui paralyse l’exécutif. Le scrutin majoritaire a lui aussi de très grands défauts. L’imbroglio tragi-comique du Brexit le prouve. L’existence des partis politiques rend les députés de la Chambre des Communes incapables et pleutres. Ils reflètent aussi leurs électeurs dépassés par les événements.

Le mieux serait encore un parlement désigné par les familles, les instances territoriales et les structures socio-professionnelles par le biais du tirage au sort et de la cooptation. L’élection et le vote dans l’isoloir sont des gestes de pure modernité. Avant la césure anthropologique de 1789 préparée plusieurs décennies auparavant par ce que Paul Hazard nomma dans sa remarquable étude éponyme, la crise de la conscience européenne (2), les communautés d’habitants pratiquaient rarement le vote. Elles préféraient la recherche du consensus et s’en remettaient au sort (3). Le simple fait de se porter candidat dénature déjà en soi l’acte politique. Quant aux partis politiques, leur présence dévalorise l’art politique. Comme le soulignait la philosophe Simone Weil dans sa Note sur la suppression générale des partis politiques, rédigée en 1940 et publiée après sa mort en 1950, il importe de se libérer de l’emprise partitocratique et, plus généralement du kratos, de la cratie, afin de mieux privilégier l’archie. Témoin attentif d’une Post-Modernité florissante en initiatives sociétales foisonnantes, moment obligé d’une crise de la conscience occidentale, Michel Maffesoli insiste sur l’avènement d’un monde baroque. Ce choc néo-baroque emportera tout sur son passage, y compris et surtout les illusions démocratiques conservatrices.

maurras-mes-idees-politiques-1ere.pngLe corps électoral est conservateur au sens que l’entend Charles Maurras dans Mes idées politiques. L’électeur craint que le suffrage populaire perturbe son confort petit-bourgeois proche de celui du Dernier Homme de Nietzsche. Souvenons-nous de sa méfiance lors du second tour de la présidentielle de 2017 en ce qui concerne le projet de sortie de la Zone euro proposée par Marine Le Pen sur les conseils de Florian Philippot. On l’observe encore à l’occasion du récent scrutin européen. En Italie, les listes sœurs ennemies de CasaPound et de Forza Nuova ne recueillent que 0,46 %. En Espagne, les électeurs ignorent l’alliance conclue entre la Phalange espagnole des JONS, Alternative espagnole, la Phalange et Démocratie nationale (0,05 %) et votent pour Vox, la dissidence droitière du Parti populaire. En Grèce, la répression policière et les entraves multiples fomentées par les syndicats, les maires, les journalistes et les juges ont fait perdre à Aube dorée tous ses députés, le 7 juillet dernier aux législatives anticipées. Hors de l’Union dite européenne, les Ukrainiens, lassés par la corruption endémique et l’absence de résultats économiques tangibles, dégagent le président sortant Petro Porochenko et choisissent largement l’acteur comique Volodymyr Zelenski. À peine investi, celui-ci dissout la Rada, le Parlement monocaméral, et permet à son parti, créé en quelques mois, Serviteur du peuple (du nom de la série télévisée qui fit connaître Zelenski) de remporter la majorité absolue pour la première fois depuis l’indépendance en 1991 ! Les électeurs se sont détournés des candidats nationalistes radicaux coalisés de Svoboda, de Secteur droit et du Corps nationalBataillon Azov.

Que penser alors du chaos en cours dans l’Anglosphère ? Séduits par la rhétorique protectionniste, isolationniste et anti-interventionniste, les démocrates pro-Trump de la « Ceinture de la Rouille » (Pennsylvanie, Virginie-Occidentale, Ohio, Indiana, Michigan, etc.) en 2016 s’estiment-ils trahis par un président en partie sous la coupe des faucons néo-conservateurs bellicistes ? En bon larbin de la finance anonyme et vagabonde, le 45e président des États-Unis criminalise la République bolivarienne du Venezuela, la République islamique d’Iran ainsi que le mouvement de résistance libanais Hezbollah. Quant à l’avenir de la Grande-Bretagne en plein Brexit, on ne peut que saluer une fois de plus la vision prophétique de Charles De Gaulle qui refusait l’adhésion de Londres dans l’ensemble européen. Boris Johnson a évincé la très guindée Theresa May. Des responsables supposés nationalistes en Europe ont salué cette arrivée au 10, Downing Street. Ce n’est pas parce que Le Monde, Libération et Arte dépeignent Alexander Boris de Pfeffel Johnson en méchant populiste qu’il faut prendre le contre-pied systématique. Ce natif de New York, rejeton d’une famille cosmopolite, fut de 2008 à 2016 le maire multiculturaliste de Londres. Cet admirateur de deux criminels de guerre britanniques, Winston Churchill et Margaret Thatcher, est foncièrement un ultra-libéral financiariste qui rêve de transformer Londres en « Singapour-sur-Tamise » et son pays en « Global United Kingdom », c’est-à-dire en un Royaume Uni mondialisé. Y voyez-vous un quelconque triomphe pour l’identité, l’enracinement et les traditions ? Souhaitons seulement que le Brexit favorise in fine l’indépendance de l’Écosse, l’autodétermination du Pays de Galles, le rattachement de l’Ulster à la République d’Irlande, le retour de Gibraltar à l’Espagne et la réintégration des îles Malouines à l’Argentine.

Presidente_Jair_Messias_Bolsonaro.jpgLe président brésilien Jair Bolsonaro appartient lui aussi à cette coterie nuisible d’imposteurs grotesques qui déforme et bafoue le combat identitaire, délaisse la priorité sociale anti-libérale et sous-estime l’enjeu écologique enraciné. « Les populistes sincères devraient s’interroger à chaque fois qu’on leur propose un candidat trop détesté par la gauche, prévient avec raison Julien Langella. Ce n’est souvent qu’un cuck, diminutif de cuckservative, “ conservateur cocu ” dans la langue du général Lee : défenseur des valeurs morales ou de la famille mais ouvert au libre-échange et donc aux attaques sur les anticorps spirituels de la nation (4). » Victimes d’une classe politicienne corrompue et d’une insécurité record, les Brésiliens ont soutenu sans aucune hésitation un obscur député fédéral de Rio de Janeiro qui tenait un discours exagéré et provocateur d’ordre, d’autorité et de discipline. Mais Bolsonaro n’a rien d’un continuateur de l’Action intégraliste de Plinio Salgado. C’est évident quand le gouvernement brésilien aligne sa diplomatie sur la centrale mondiale du terrorisme d’État, les États-Unis, s’affiche sioniste chrétien, accélère la déforestation de l’Amazonie et nie tout droit aux peuples autochtones amérindiens. Ces tribus sont elles aussi frappées par un « grand remplacement » pratiqué par les industries agro-alimentaires, les sectes évangéliques et les grandes compagnies minières. Défendre le principe intangible d’« une terre, un peuple » implique par conséquent le rejet de tout apport exogène moderniste ou progressiste ainsi que de toute tentative d’assimilation à la Mégamachine mondialiste génocidaire. « Si par “ exploitation rationnelle ”, il s’agit de transformer les petits fermiers indiens, pauvres mais libres, en ouvriers agricoles inhalant du glyphosate toute la journée, ou en employés des mines dont l’horizon se borne au plateau-repas devant Hanouna, alors, que les Indiens utilisent tous les moyens même légaux pour conserver leurs terres, écrit encore Julien Langella. Si c’est pour intégrer les Indiens à une société occidentale consumériste en phase terminale, alors nous ne pouvons que souhaiter aux Indiens de résister de toutes leurs forces contre le rouleau-compresseur de l’uniformisation mondiale. Si, par “ êtres humains comme nous ”, Bolsonaro entend “ consommateurs zombies déracinés ”, alors que les Indiens ne lâchent rien ! (5) » Les Amérindiens sont chez eux en Amazonie comme les Albo-Européens le sont en Europe et les Hispaniques sur des terres mexicaines volées en 1848 par la grande catin étoilée. Le 2 août dernier, un certain Patrick Crusius déclenchait une fusillade, tuait vingt-deux personnes et en blessait vingt-quatre autres parce qu’il condamnait l’« invasion latino » à El Paso, dont le nom même assure de l’antériorité évidente des Anglo-Saxons à cet endroit…

Greg-johnson-seattle-1_headcrop.jpgSurgi des franges les plus loufoques de l’Alt Right nord-américaine, le nationalisme blanc est propagé par le Californien Greg Johnson (photo, ci-contre) dont les écrits sont diffusés en France par une obscure maison d’édition se croyant dissidente qui soutient par ailleurs un traducteur syldavo-poldève au caractère aigri et suffisant. Le nationalisme blanc peut éventuellement résoudre les tensions sociales et ethniques inhérentes à la psychopathologie collective propre à l’âme américaine du Nord en prônant la sécession territoriale. Cette option séparatiste est en revanche pour l’Europe une dangereuse fiction. Le nationalisme blanc sert les desseins d’une faction de l’État profond étatsunien. Contrairement à ce qu’assène Greg Johnson, ce qu’il qualifie avec dédain de « nationalisme grandiose » (6), à savoir la quête d’un Imperium paneuropéen, constitue l’ultime recours des peuples autochtones d’Europe.

Parler dans ces conditions de « révolte des peuples » sonne faux à l’aune de ce décryptage politiquement très incorrect. Les peuples ne se révoltent pas; ils maugréent. Colonisés par l’idéologie de la marchandise, ils expriment une insatisfaction chronique, soudaine et passagère. Certains femmes Gilets Jaunes interrogées au début du mouvement expliquaient leur engagement sur les ronds points par leur impossibilité de se payer de temps en temps un restaurant le samedi soir. Bien des Gilets Jaunes ne veulent pas changer le Système en place; ils souhaitent au contraire s’y conformer, d’où l’échec des quelques tentatives de noyautage par la « droite radicale » et l’entrisme croissant de la part de certaines centrales syndicales et de militants gauchistes.

Dominique Venner disait souvent que l’Europe est pour l’heure en dormition. Mais un jour viendra où elle s’éveillera. Son sacrifice dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 21 mai 2013, incitait à ce réveil. Romantique politique, l’auteur de Baltikum était optimiste. Malgré tous les efforts louables et les appels au sursaut salvateur, les peuples européens ne bougent pas ! Toutes les manifestations électorales qui terrorisent tant les médiacrates n’expriment qu’un somnambulisme tenace. Ce somnambulisme politique désigne le comportement collectif des Européens, voire des Occidentaux, qui se complaisent dans une suave et mortelle léthargie. Ce renoncement se caractérise aussi par une profusion de faux héros réactionnaire ou contre-révolutionnaires.

ThM-CR.jpgQu’est-ce que le faux héros contre-révolutionnaire ou réactionnaire ? Le philosophe catholique d’origine hongroise Thomas Molnar qui vécut longtemps aux États-Unis et qui conseilla Viktor Orban pendant son premier mandat (1998 – 2002), l’explicite dans un essai méconnu La Contre-Révolution. Le faux héros « est en partie le produit de circonstances que l’on peut bien identifier et qui se retrouvent de temps à autre. Si l’on pouvait en dresser un portrait, cela donnerait un personnage né ou élevé dans un milieu contre-révolutionnaire, ou du moins dont on suppose qu’il partage les convictions contre-révolutionnaires. L’opinion publique le classe comme un contre-révolutionnaire et, par conséquent, il a des partisans et des adversaires, un profil politique défini. L’impression est d’autant plus marquée que son style de vie et son style de pensée, choses plus importantes que les jugements intellectuels, divisent automatiquement les gens en amis et ennemis, en sympathisants et adversaires. Pourtant, une ambiguïté considérable s’attache à lui du fait que le style et le contenu de sa pensée ne sont pas toujours en harmonie : jusqu’à ce qu’il détienne fermement le pouvoir, il ne laisse pas découvrir de quel côté penche la balance. Dans la période que précède la prise du pouvoir, cette ambiguïté garantit au faux “ héros ” contre-révolutionnaire une grande liberté d’action; ce n’est qu’au moment décisif qu’il se découvre, explique Thomas Molnar : il accepte l’autorité que lui proposent les contre-révolutionnaires, mais sa politique suit le schéma révolutionnaire et en fin de compte favorise la cause révolutionnaire. Son succès vient donc de son art d’utiliser le temps, et s’il domine le facteur temps c’est précisément que ni ses partisans ni ses adversaires naturels ne sont capables de calculer ni d’évaluer à l’avance quels seront ses faits et gestes; leur perplexité permet au faux “ héros ” de gagner du temps, ce qui est essentiel pour qu’il puisse réaliser ses manœuvres compliquées (7). » Écrites en 1969, ces lignes s’attardent ensuite sur Charles De Gaulle, Paul VI et Richard Nixon.

En 1996, Jean Renaud interroge Thomas Molnar et insiste sur cette notion clé de « faux héros ». « La droite, qui se plaît dans le rôle de l’éternelle victime et qui en est paralysée, n’a pas le choix, répond Thomas Molnar. Du fond de son désespoir, elle accueille ses pires ennemis, du moment que ceux-ci, pour des raisons tactiques et électorales, lui jettent quelques mots à demi rassurants. Le “ faux-héros ” recueille tous les avantages de cette situation. S’il possède assez de caractéristiques pour plaire à la droite, assure Thomas Molnar, il n’en reste pas moins que sa décision est depuis longtemps prise : faire une politique de gauche, la seule qui lui permette de gouverner dans une relative tranquillité (8). » Thomas Molnar prédisait avec une décennie d’avance le quinquennat calamiteux de l’ineffable Nicolas Sarközy. Sarközy, c’est François Hollande en pire. L’ancien maire de Neuilly a même reconnu que s’il avait été réélu en 2012, il aurait poussé encore plus loin l’« ouverture ». Jusqu’où ? À Bernard Tapie ? À Ségolène Royal ? À Olivier Besancenot ? Des trumpistes français peuvent rétorquer que Donald Trump ne gouverne pas dans la quiétude, bien au contraire ! Ayant contre lui l’ensemble de la médiacratie ainsi que divers cénacles influents du Complexe militaro-industriel bankstériste, le New Yorkais dirige dans le feu et la fureur. Ces conditions matérielles difficiles n’en font pourtant pas la réincarnation de Nathan Bedford Forrest, le fondateur du Ku Klux Klan.

« Encore une fois, ajoute Thomas Molnar, la droite n’a pas le choix : autoexilée de la politique, elle déplore cet exil qui promet d’être permanent, elle ferme les yeux et préfère s’illusionner. La principale illusion réside dans ce personnage ambigu du faux héros, capable d’endormir la droite juste le temps nécessaire pour consolider son règne (9). » Ce qu’expose le philosophe politique ne concerne pas que des personnalités publiques, politiques ou intellectuelles; son avertissement s’applique pleinement à certains slogans creux, stériles et finalement incapacitants comme l’« union des droites ».

ISSEP-Marion-Marechal-1.jpgL’« union des droites » serait une merveilleuse panacée. Future retraitée de la vie politique, Marion Maréchal estimait en 2017 que « la stratégie victorieuse réside dans l’alliance de la bourgeoisie conservatrice et des classes populaires. C’était la synergie qu’avait réussie Nicolas Sarkozy en 2007. […] Ce qui reste possible, c’est l’union des hommes. Il existe aujourd’hui une zone blanche, entre certains courants chez Les Républicains, que je qualifierais de droite nationale conservatrice, Nicolas Dupont-Aignan, ceux qui sortent du champ politique, comme Philippe de Villiers, certains élus et cadres de la droite, et le FN. Dans cette zone blanche, il y a une recomposition à opérer, qui s’apparenterait à l’union de certaines droites. Mais sans doute pas avec cette droite des Républicains, qui est une droite reniée (10) ». On doit lui reconnaître une réelle persévérance avec son école lyonnaise de cadres qui n’ose avouer sa véritable finalité et le soutien intéressé de quelques titres imprimés (L’Incorrect, Causeur, bientôt Conflits).

Cette « union des droites » est aussi l’antienne principale de la fameuse « droite hors les murs » qui, de Robert Ménard à Érik Tegnér, rêve d’un candidat apte en 2022 de battre Emmanuel Macron en réunissant les libéraux-conservateurs bourgeois coincés de Wauquiez et de Bellamy, les nationaux-conservateurs de Nicolas Dupont-Aignan, et l’électorat populaire radicalisé du Rassemblement national. Une congruence que pourrait susciter Éric Zemmour si celui-ci n’était pas un essayiste talentueux qui se refuse d’aborder les rivages de la politique. Dans une « union des droites », les floués seraient les catégories populaires déclassés de la mondialisation libérale. N’oublions jamais que si le « mariage pour tous » a indigné les beaux quartiers de Paris, de Lyon, de Bordeaux et de Versailles, ces mêmes beaux quartiers se félicitent de la généralisation du travail dominical et encouragent à l’encontre de toute étude sérieuse l’augmentation du temps de travail hebdomadaire.

todd-qui-est-charlie.jpgReconnaissons en revanche la clairvoyance de l’intellectuel souverainiste républicain de gauche Emmanuel Todd dans son livre polémique Qui est Charlie ? (11). Il examine une France de « catholiques – zombies ». Les récentes élections européennes confortent son analyste. L’électeur catho-zombie déteste les Gilets Jaunes, justifie l’impitoyable répression de Galliffet – Castener et donne son vote à La République en marche, formation politique idoine en matière de contre-populisme avéré. Même Patrick Buisson en convient aujourd’hui volontiers; l’« union des droites » ou, pour être plus précis, la combinaison du conservatisme et du libéralisme est désormais révolue. Il encourage maintenant l’« union des anti-libéraux » (12). Encore faut-il comprendre ce qu’il entend… S’agit-il d’une simple entente contre la mondialisation libérale ou bien un vrai front contre le libéralisme culturel et économique, soit l’alliance effective de Pierre-Joseph Proudhon et de Carl Schmitt ?

À l’heure des réseaux sociaux abrutissants, du numérique envahissant et d’Internet censeur implacable, la révolte concrète des peuples se révèle éphémère sinon impossible. Sur l’échelle du temps, ce ne sont que des soubresauts qui marquent la transition du XXe au XXIe siècle. Parfois violentes, ces agitations populaires ne s’inscrivent pas dans la durée, car il leur manque le facteur déterminant de la jeunesse. Les révolutions en Europe entre les XVIIIe et le XXe siècles provenaient d’hommes jeunes : Robespierre avait 36 ans quand il monta sur l’échafaud, Danton 34 ans au moment de son exécution, Napoléon devient Premier Consul à 30 ans, 39 ans pour Benito Mussolini à sa nomination à la présidence du Conseil. Cet élan de trentenaires manque fortement pour alimenter d’authentiques brasiers populaires et sociaux.

Avec la propagande qu’ils subissent à l’école, sur Internet, dans les films et par la publicité, les jeunes générations préfèrent marcher pour le climat au côté de la gracieuse Greta Thunberg. En faisant la grève scolaire contre le réchauffement climatique, les adolescents montrent leur inconséquence, eux qui sont les premiers à se plaindre dès qu’ils perdent leurs smartphones au coût écologique exorbitant en métaux rares et en transports.

La victoire n’est ni pour demain, ni même pour après-demain. Elle se détournera même de la modeste phalange que nous formons tant que les peuples du Vieux Continent persisteront dans leur périlleux somnambulisme. La mort paraît toujours plus douce quand elle arrive en plein sommeil.

Je vous remercie.

Georges Feltin-Tracol

Notes

1 : Michel Geoffroy, La super-classe mondiale contre les peuples, préface de Jean-Yves Le Gallou, Via Romana, 2018.

2 : Paul Hazard, La crise de la conscience européenne (1680 – 1715), Boivin – Librairie générale française, 1935.

3 : cf. Olivier Christin, Vox populi. Une histoire du vote avant le suffrage universel, Le Seuil, coll. « Liber », 2014.

4 : Julien Langella, « Bolsonaro, les Indiens et nous : le populisme en question », dans Présent du 20 juin 2019.

5 : Idem.

6 : cf. Greg Johnson, « Nationalisme grandiose » mis en ligne sur Counter-Currents, le 27 mars 2016.

7 : Thomas Molnar, La Contre-Révolution, La Table Ronde, 1982, pp. 175 – 176.

8 : Thomas Molnar, Du mal moderne. Symptômes et antidotes, entretiens avec Jean Renaud, Éditions du Beffroi, 1996, p. 97.

9 : Thomas Molnar, Du mal moderne, op. cit., pp. 97 – 98.

10 : « Le testament politique de Marion Maréchal – Le Pen (entretien avec Geoffroy Lejeune) », dans Valeurs Actuelles du 18 mai 2017.

11 : Emmanuel Todd, Qui est Charlie ? Sociologie d’une crise religieuse, Le Seuil, 2015.

12 : cf. Patrick Buisson, « Il n’y a aucune convergence possible entre libéralisme et populisme (entretien) », dans L’Opinion du 31 juillet 2019.

Conférence prononcée à l’invitation de la Ligue du Midi en Occitanie, le 8 septembre 2019.

Pour une écologie cohérente et intégrale

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Pour une écologie cohérente et intégrale

Dominique Baettig
Médecin, Ancien Conseiller national
Ex: https://lesobservateurs.ch
 

Le discours dominant de la classe médiatique et politique, son battage de propagande de tous les instants est omniprésent. Avec son icône infantile, sainte Greta, ses activistes en grève scolaire, le message est clair. Il y a urgence climatique, la planète se réchauffe, l’Amazonie brûle, les glaciers disparaissent, les ours blancs meurent. L’émotion l’emporte sur l’analyse, sur  la vision globale, sur le bon sens. L’écologie politique, qui n’a pourtant pas réussi à imposer des équipes qualifiées dans les exécutifs en Europe, qui est un mélange toxique entre politique de gauche, religion victimaire et idéologie de repentance et de culpabilisation, croit que l’avenir lui appartient. Elle construit un récit du changement climatique ( le climat ne fait que changer sur le long terme, la vie terrestre étant une sorte de miracle d’équilibre entre le feu et la glace, le soleil et le magma en fusion dans le noyau de la terre) qui est une sorte de superstition antihumaine qui présente le fonctionnement et les activités humaines comme une menace. Le plus grave est que la soi-disant transition verte est complètement sponsorisée et instrumentalisée par les multinationales globalisées, avec des objectifs de forts profits à court terme ( éolienne, photovoltaïque, start-up), au détriment d’investissement à long terme ( réindustrialisation, agriculture de qualité, énergie nucléaire hybride  fission/fusion). La religion trompeuse  de l’écologie politique, avec son hostilité irrationnelle à la technique, son envie de protéger les espèces animales, les genres, les minorités, les migrants déracinés distille sa peur de l’humain, de l’enraciné, du citoyen autonome. Elle oublie que l’homme est un super prédateur qui a su utiliser technique et culture pour augmenter sa capacité durable de survie.

Les idéologies anciennes se sont distinguées autour de thèmes classiques : la religion, la propriété privée, l’intervention de l’Etat. La droite des valeurs était clairement pour la religion qui fixe limites, morales et exemples à suivre. Aujourd’hui c’est la gauche « nouvelle, sociétale » qui apparaît comme une secte militante inquisitoriale, de pensée unique, faisant la chasse à la déviance, à l’impiété, à la libre pensée alternative .La propriété privée reste une préoccupation de la Droite économique même si la financiarisation à outrance de l’Economie, l’endettement croissant, la disparition du cash font craindre sa disparition au profit d’un petit groupe oligarchique qui concentre l’accaparement de ressources et de richesses. Quant à l’intervention de l’Etat, exigence de la gauche sociale, elle est minée par le libre-échange, la globalisation de l’Economie, les accords internationaux comme le Mercosur, la puissance d’influence des multinationales et des banquiers internationaux. Deux autres thèmes, l’intégration citoyenne (rôle et statut des femmes, des minorités sexuelles, du rapport aux animaux) et l’identité culturelle se sont rajoutés (la gauche dans le premier thème et la droite des valeurs sur l’identité. Respect de la vie, critique de l’avortement comme limitation de la croissance démographique, critique de l’euthanasie pour les rentiers et malades chroniques qui coûtent plus qu’ils ne rapportent sont dorénavant d’abord  à droite. La lutte contre le gaspillage, pour le recyclage sont des comportements moraux et éthiques au-dessus du clivage gauche/droite.

L’alternative gauche/droite entre l’Etat et le Marché est plutôt, chez l’écologiste cohérent, marquée par un troisième terme : l’autogestion communale, la mobilisation citoyenne, le principe de subsidiarité (ne déléguer à une instance supérieure que ce que l’on ne peut faire bien soi-même), la responsabilité individuelle. Le choix de décroissance ou de croissance infinie, l’industrialisation de l’agriculture ou l’agriculture bio de proximité, la globalisation de l’économie sont des lignes de rupture claires. Les malthusiens qui pensent que le nombre optimal de population a été dépassé et qu’il faudra le réduire sont contestés par ceux qui croient que le progrès industriel et technique peut et doit rester au service de toute la population. Ainsi les idées écologiques pourraient passer pour des préoccupations de nantis qui peuvent faire des choix d’alimentation ou d’énergie alternative inefficaces et utopiques. L’énergie nucléaire ( un futur réacteur hybride fusion/fission)  prometteuse pourrait garantir les besoins énergétiques de l’industrie locale, déglobalisée alors que l’énergie douce, d’appoint, marginale ferait sortir la population de l’indépendance et la rendrait encore plus vulnérable à la globalisation centralisée aux mains du green business. Il ne peut y avoir d’alternative écologique que si la démocratie, celle de proximité, directe, basée sur l’autonomie financière et alimentaire n’est pas garantie, le droit à une source d’information alternative, le retour des règles, des frontières, de la souveraineté, du droit à l’identité culturelle et politique. Les Verts sont très loin de ces préoccupations. Sans frontiérisme, politiquement correct, bienpensance univoque, promus par les réseaux à la Soros, ils représentent un réel danger d’éco-fascisme totalitaire, une société qui imposera le rationnement pour certains (apparemment  avec consentement volontaire) mais au bénéfice de l’économie globalisée soucieuse de profits à court terme au détriment du plus grand nombre et du Bien Commun.

Déglobaliser et relocaliser d’urgence

Un équilibre intelligent entre biosphère et technosphère, l’obligation de sauvegarder, au niveau national de souveraineté une indépendance énergétique, une industrie efficace, une indépendance alimentaire, une souveraineté citoyenne, contre le Marché tout puissant et les profits des multinationales et l’économie globalisée et factice des taxes carbone sont la seule perspective de survie.

Dominique Baettig  ancien conseiller national, militant souverainiste et antiglobaliste

15.9.2019

samedi, 14 septembre 2019

La propagande par ses critiques, ses théoriciens et ses praticiens

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La propagande par ses critiques, ses théoriciens et ses praticiens

Ex: http://www.huyghe.fr

• Arendt H. : « Puisque les mouvements totalitaires existent dans un monde qui n'est pas totalitaire, ils sont contraints de recourir à ce que nous considérons communément comme de la propagande. Mais cette propagande s'adresse toujours à l'extérieur, qu’il s'agisse de couches de la population nationale ou d'étrangers Ce domaine extérieur est très variable ; même après la prise de pouvoir, la propagande peut se tourner vers les fractions de sa propre population dont la mise au pas n'a pas été suivie par un endoctrinement suffisant… Autant que possible la distinction entre la doctrine idéologique à l'usage des initiés et la propagande intégrale à l'usage du monde extérieur est établie avant même que les mouvements ne prennent le pouvoir. Le rapport entre propagande et endoctrinement dépend de la dimension des mouvements et de la pression extérieure.» Hannah Arendt Le système totalitaire Seuil 1972

• Barnett J. « On pourrait s’attendre à ce qu’une « bataille des idées » soit gagnée par une superpuissance qui possède plus de conseillers en communication, de cadres de la pub, de spécialistes des médias et de la presse, de conseillers politiques, de professionnels des relations publiques et de psychologues que le nombre total (des ennemis)… » (écrit au moment de la guerre du Vietnam) Barnett Political Warfare and Psychological Operations p.213 - National Defense University Press 1989

• Bartlett « La propagande est une tentative d’influencer l’opinion et la conduite de la société de telle sorte que les personnes adoptent une opinion et une conduite déterminées » Political Propaganda
 

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• Baudrillard J.: « Les publicitaires, les propagandistes croient-ils à ce qu’ils disent? (Ils seraient à moitié pardonnés.) Les consommateurs, les électeurs ne croient-ils pas à ce qu’on leur dit? (Ils seraient à moitié sauvés.) Mais la question n’est pas là. On a pu dire (D. J. Boorstin, L’Image) que le génie de Barnum, ou de Hitler, fut de découvrir non pas combien il est facile d’abuser le public, mais combien le public aimait être trompé. Ou encore que les problèmes les plus sérieux que pose la publicité viennent moins du manque de scrupules de ceux qui nous trompent que de notre plaisir à être trompés: ils procèdent moins du désir de séduire que du désir d’être séduit. Hypothèse séduisante, mais qui ne va pas au fond: il n’y a pas, à ce niveau de langage, de manipulation du vrai et du faux, pour la raison qu’il efface, ou déplace radicalement, les conditions mêmes du vrai et du faux. » Article Propagande dans l’Encyclopedia Universalis

• Bernays E. : " Si nous comprenons les mécanismes et les mobiles propres au fonctionnement de l'esprit de groupe, il devient possible de contrôler et d'embrigader les masses selon notre volonté et sans qu'elles en prennent conscience. La manipulation consciente et intelligente des habitudes et des opinions organisées des masses est un élément important dans une société démocratique. Ce mécanisme invisible de la société constitue un gouvernement invisible qui est le véritable pouvoir dirigeant de notre pays. Ce sont les minorités intelligentes qui se doivent de faire un usage systématique et continu de la propagande ". Edward Bernays, Propaganda, New York, 1928,

• Bertho-Lavenir C. : « La propagande a deux racines entièrement différentes. D’un côté, l’effort militant de mouvement ouvrier qui cherche à se faire entendre dans une société du XIXe siècle peu encline à lui octroyer le droit à la parole. De l’autre, la mobilisation des esprits opérée par les gouvernements pendant la première guerre mondiale. La première fige dans l’espace public des figures obligées : l’affiche, le tract, les défilés derrière des drapeaux, le discours de meeting ... La seconde sensibilise les contemporains aux dangers des manipulations insidieuses. Elle provoque, dès les années 1920, un effort de réflexion collectif sur les manipulations de l’information dans les sociétés urbaines et industrielles. » In Panoramiques n°52 L’information c’est la guerre, 2000

• Breton T. «La propagande, mais aussi de façon générale toute technique de manipulation psychologique peut donc être définie comme une méthode de présentation et de diffusion d’une opinion de telle manière que son récepteur croit être en accord avec elle et en même temps se trouve dans l’incapacité de faire un autre choix à son sujet. » La parole manipulée La Découverte 1998

• Cafiero « la Fédération italienne croit que le fait insurrectionnel, destiné à affirmer par des actes les principes socialistes, est le moyen de propagande le plus efficace » Lettre à Malatesta, 3 déc 1876
 

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• Chomsky N. : "[In] Democratic societies ... the state can't control behavior by force. It can to some extent, but it's much more limited in its capacity to control by force. Therefore, it has to control what you think. ... One of the ways you control what people think is by creating the illusion that there's a debate going on, but making sure that that debate stays within very narrow margins. Namely, you have to make sure that both sides in the debate accept certain assumptions, and those assumptions turn out to be the propaganda system. As long as everyone accepts the propaganda system, then you can have a debate." 9 • Congrés international anarchiste de Londres en Juillet 1881 (Charte de la propagande par le fait) : « L’heure est venue, de passer de la période d’affirmation à la période d’action, et de joindre à la propagande verbale et écrite dont l’inefficacité est démontrée, la propagande par le fait et l’action insurrectionnelle. » Noam Chomsky in Chronicles of Dissent , Propaganda in the US vs in the USSR, October 24, 1986

• Debord G. « Sous toutes ses formes particulières, information ou propagande, publicité ou consommation directe de divertissements, le spectacle constitue le modèle présent de la vie socialement dominante. Il est l’affirmation omniprésente du choix déjà fait dans la production, et sa consommation corollaire. Forme et contenu du spectacle sont identiquement la justification totale des conditions et des fins du système existant. Le spectacle est aussi la présence permanente de cette justification, en tant qu’occupation de la part principale du temps vécu hors de la production moderne. » La société du spectacle Lebovici 1968


• Department of Defense USA : "Any form of communication in support of national objectives designed to influence the opinions, emotions, attitudes, or behavior of any group in order to benefit the sponsor, either directly or indirectly. » DOD Dictionary of Military Terms; also US Army Field Manual 33-1 Psychological Operations


• Domenach J.M. « la propagande se rapproche de la publicité en ce qu'elle cherche à créer, transformer ou confirmer des opinions et qu'elle use en partie de moyens qu'elle lui a empruntés ; elle s'en distingue en ce qu'elle vise un but politique et non-commercial. Elle suggère ou impose des croyances et des réflexes qui modifient souvent le comportement, le psychisme et même les convictions religieuses ou philosophiques. » La propagande politique 1969

• Doob L.. : «Tentative de modifier les personnalités et de contrôler le comportement en fonction de fins considérées comme non scientifiques ou d'une valeur douteuse dans une société et un temps particulier.» Dobb Propagande : it Psychology and Technique 1935


• Dostoïevsky F. : Chigaliov à Piotr Stépanovitch « Le vaste réseau qui couvre la Russie entière et dont notre groupe forme l’une des mailles. Chacun de ces groupes, tout en faisant des prosélytes et en se ramifiant à l’infini, doit par une propagande systématique saper le pouvoir des autorités locales, répandre le trouble dans les campagnes, provoquer des scandales, pousser au cynisme et à l’incrédulité, susciter le désir d’un sort meilleur et, enfin avoir recours aux incendies comme à un moyen éminemment populaire pour plonger le moment venu le pays dans le désespoir. » Les Possédés


• Durandin G. «la propagande utilise des informations pour exercer une influence sur les attitudes. Ces informations visent à amener une modification du traitement de l'information chez l'individu afin de lui faire percevoir la réalité autrement … La propagande a pour but d'exercer une influence sur l'individu ou sur un groupe soit pour le faire agir dans un sens donné ou soit pour le rendre passif et le dissuader de s'opposer à certaines actions » Durandin L’information, la désinformation et la réalité PUF 1983


• Goebbels J. : « L’important n’est pas de trouver des gens qui soient d’accord avec moi sur le moindre point de doctrine. L’important est de trouver des gens prêts à combattre avec moi pour une vision du monde. Amener des gens à combattre pour ce que j’ai reconnu comme juste, voilà ce que je nomme propagande. Il y a d’abord la connaissance ; elle utilise la propagande pour trouver la force humaine qui transformera la connaissance en force politique. La propagande est la médiation entre l’idée et la vision du monde, entre la vision du monde et l’État, entre l’individu et le parti, entre le parti et la Nation. » Erkenntnis und Propaganda," Signal der neuen Zeit. 25 ausgewählte Reden von Dr. Joseph Goebbels (Munich: Zentralverlag der NSDAP., 1934)

• Gourevitch J.P. : «La publicité prescrit, la propagande proscrit. De l’usage des petites annonces au service des annonceurs, la publicité développe une éthique de l’annonciation qui se clôt sur la révélation du message, lequel renferme le grand secret. La propagande ignore le mystère et sacrifie plus volontiers à la dénonciation. » La propagande dans tous ses états, Flammarion 1981
 

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• Huxley A. « Dans leur propagande, les dictateurs contemporains s’enremettent le plus souvent à la répétition, à la suppression et à larationalisation : répétition de slogans qu’ils veulent faire accepter pourvrais, suppression de faits qu’ils veulent laisser ignorer, déchaînement etrationalisation de passions qui peuvent être utilisées dans l’intérêt duParti ou de l’Etat. L’art et la science de la manipulation en venant à êtremieux connus, les dictateurs de l’avenir apprendront sans aucun doute àcombiner ces procédés avec la distraction ininterrompue qui, en Occident, menace actuellement de submerger sous un océan d’inconséquence la propagande rationnelle indispensable au maintien dela liberté individuelle et à la survivance des institutions démocratiques » Brave New World Revisited NY 1958, réédition Vintage UK, 2004

• Institut pour l'analyse de la propagande (USA) : « C'est l'expression d'opinions ou l'actions effectuée délibérément par des individus ou des groupes en vue d'influencer l'opinion ou l'action d'autres individus ou groupes, avec référence à des fins prédéterminées et au moyen de manipulations psychologiques»

• Joly M « Le problème essentiel de notre gouvernement est celui-ci : comment affaiblir la pensée publique par la critique, comment lui faire perdre sa puissance de raisonnement, celle qui engendre l’opposition, et comment distraire l’esprit public par une phraséologie dépourvue de sens ? » Dialogue aux enfers de Machiavel et Montesquieu

• Jouvenel B. de : «On introduit dans le citoyen des images de comportement. Il faut user pour cela des méthodes grossières de la suggestion collective et de la propagande. Ce qui donne aussi des images grossières, et non pas nuancées selon les fonctions, comme celles qui résultent des influences morales et des exemples proches. On crée ainsi une cohérence sociale beaucoup plus fruste, plus primitive, que celle qu'on a laissé détruire » Du Pouvoir ,Histoire naturelle de sa croissance , Genève, Constant Bourquin,

• Koyré A. : « Il est certain que l'homme se définit par la parole, que celle- ci entraîne la possibilité du mensonge et que n'en déplaise à Porphyre - le mentir, beaucoup plus que le rire, est le propre de l'homme. Il est certain également que le mensonge politique est de tous temps, que les règles et la technique de ce que jadis on appelait "démagogie" et de nos jours "propagande" ont été systématisées et codifiées il y a des milliers d'années ; et que les produits de ces techniques, la propagande des empires oubliés et tombés en poussière nous parlent, aujourd'hui encore, du haut des murs de Karnak et des rochers d'Ankara. » Réflexions sur le mensonge, Allia 1996

• Laswell H.D. : « le contrôle de l’opinion par des symboles significatifs, ou pour parler plus généralement et plus concrètement, des histoires, des rapports, des images et les autres formes de communication sociale. Il faut un mot pour désigner la communication d’affirmation délibérément orientées à une audience de masse. Pour ce mot, prenons propagande » Propaganda Technique in th World War Alfred Knopf 1927

• Lawlord (Gen. Bruce) : « L’information est capable de rendre les soldats inutiles. Si, grâce à l’information nous pouvons amener un État à faire ce que nous voulons ou ne pas faire ce que nous ne voulons pas, nous n’avons plus besoin de forces armées, c’est vraiment révolutionnaire. » cité par Adams The nex world war

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• Lawrence (T.E.) « Nous étions physiquement si faibles que nous ne pouvions laisser rouiller l’arme métaphysique » Guérilla dans le désert Mille et Une nuits

• Lénine V. «Un propagandiste, s'il traite par exemple le problème du chômage, doit expliquer la nature capitaliste des crises, ce qui les rend inévitables dans la société moderne, montrer la nécessité de la transformation de cette société en société socialiste, etc. En un mot, il doit donner “beaucoup d'idées”, un si grand nombre d'idées que, du premier coup, toutes ces idées prises dans leur ensemble ne pourront être assimilées que par un nombre (relativement) restreint de personnes. Traitant la même question, l'agitateur, lui, prendra le fait le plus connu de ses auditeurs et le plus frappant, par exemple une famille sans-travail morte de faim, la mendicité croissante, etc., et, s'appuyant sur ce fait connu de tous, il fera tous ses efforts pour donner à la “masse” une seule idée : celle de la contradiction absurde entre l'accroissement de la richesse et l'accroissement de la misère; il s'efforcera de susciter le mécontentement, l'indignation de la masse contre cette injustice criante, laissant au propagandiste le soin de donner une explication complète de cette contradiction. C'est pourquoi le propagandiste agit principalement par l'écrit, l'agitateur de vive voix » Que faire ? 1902

• Le Bon G. : « Les convictions des foules revêtent ces caractères de soumission aveugle, d'intolérance farouche, de besoin de propagande violente qui sont inhérents au sentiment religieux ; et c'est pourquoi on peut dire que toutes leurs croyances ont une forme religieuse. Le héros que la foule acclame est véritablement un dieu pour elle. » La psychologie des foules 1895, édition Félix Alcan de 1905 téléchargeable sur http://www.uqac.uquebec.ca/

• Moscovici S. "La propagande (ou la communication) a une base irrationnelle : les croyances collectives, et un instrument : la suggestion de près ou à distance. La majorité de nos actions dérivent des croyances. L'intelligence critique, le manque de conviction et de passion, sont les deux obstacles à l'action. La suggestion peut les surmonter, c'est pouquoi la propagande qui s'adresse aux masses doit user d'un langage d'allégories, actif et imagé, de formules simples et impératives." L’âge des foules Fayard 1981

• Packard V. : «La psychanalyses des foules est devenue dans les campagnes de persuasion le fondement d’une industrie puissante. Les spécialistes de la persuasion s’en sont emparés pour mieux nous inciter à acheter leurs marchandises, qu’il s’agisse de produits, d’idées, d’opinions, de candidats, de buts, ou d’états d’esprit. » La persuasion clandestine Calmann Lévy, 1958.

• Politzer G. « La propagande marxiste n’a jamais reculé devant l’immensité de la tâche qui consiste à porter, non seulement l’économie politique marxiste, mais encore le matérialisme dialectique devant les ouvriers des villes, comme devant les paysans, devant le métallurgiste parisien, comme devant le coolie chinois. Car le but de la propagande marxiste est d’éclairer et d’élever les masses en vue de leur libération. » Révolution et contre-révolution au XX° siècle, 1941

• Ponsonby A. : « La falsification est une arme extrêmement utile en temps de guerre, et chaque pays l’utilise délibérément pour tromper son propre peuple, pour attirer les neutres et pour tromper l’ennemi. » Falshood in Wartime, 1928George Allen and Unwin. Republi par the Institute of Historical Review, 1991
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• Reich W. « C'est la structure autoritaire, antilibérale et anxieuse des hommes qui a permis à sa propagande d'accrocher les masses. C'est la raison pour laquelle l'importance sociologique de Hitler ne réside pas dans sa personnalité, mais dans ce que les masses ont fait de lui. » La psychologie de masse du fascisme, Paris, Payot, 1972

• Snow N. : « Three important characteristics of propaganda are that ( l ) it is intentional and purposeful, designed to incite a particular reaction or action in the target audience; (2) it is advantageous to the propagandist or sender which is why advertising, public relations, and political campaigns are considered forms of propaganda; and (3) it is usually oneway and informational (as in a mass media campaign), as opposed to two-way and interactive communication. » American Propaganda, Free Speech and Opinion Control since 9-11 , Nancy Snow, Seven Stories Press, 2003

• Tarde G. « Et qu'est-ce en grande partie que le fanatisme de l'Arabe, le prosélytisme chrétien, la propagande jacobine et révolutionnaire, si ce n'est de telles croissances prodigieuses de passions sur des illusions, d'illusions sur des passions, les unes nourrissant les autres ? » Les lois de l’imitation 1890, réédition Kimé 1993

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• Tchakhotine S. : «On peut faire de la propagande dynamique même violente sans violer les principes moraux, base de la collectivité humaine… Les grandes idées de la Liberté, de la Paix, de l'Amour, de tout ce qui est humainement sublime, doivent devenir des parties intégrantes de notre nature – des réflexes ancrés profondément dans chaque être humain. Comment y parvenir ? Après Pavlov, nous le savons maintenant : par une formation judicieuse des réflexes conditionnés appropriés par la propagande, soit, et surtout, par l'éducation.» Le viol des foules par la propagande politique, 1938

• Thesaurus : « Tentative délibérée d'influencer des attitudes et des croyances pour promouvoir sa cause ou porter dommage à la cause d'un adversaire. » Thesaurus 1991

• Volkoff V. « Pitman feignit d’hésiter. « Je ne vois pas d’inconvénient, après tout, à vous apprendre que nous distinguons cinq procédés permettant d’amener l’adversaire à agir comme nous le souhaitons. Premièrement la propagande blanche, qui se joue à deux, et qui consiste simplement à répéter « je suis meilleur que vous » des millions de fois. Deuxièmement la propagande noire, qui se joue à trois, on prête à l’adversaire des propos fictifs composés pour déplaire au tiers auquel on donne cette comédie. Puis il y a l’intoxication qui peut se jouer à deux ou à trois :là il s’agit de tromper, mais par des procédés plus subtils que le mensonge : par exemple, je ne vous donnerai pas de faux renseignements, mais je m’arrangerai pour que vous me les voliez. Ensuite, il y a la désinformation, mot que nous utilisons aussi pour désigner toutes ces méthodes. Au sens étroit, la désinformation est à l’intoxication ce que la stratégie est à la tactique » Pitman s’arrêta de parler, Il regardait la Seine, miroir perdant son tain. Un bateau-mouche bourré de touristes aux vêtements bigarrés allait croiser une péniche sur laquelle séchaient une kyrielle de chemises et une guirlande de caleçons. – Cinquièmement ? – Le poisson mordait. – La cinquième méthode est secrète. Alexandre Dimitrievitch. Nous sommes la seule puissance mondiale à avoir mis au point certains procédés... Si je vous les dévoilais, ce serait comme si je vous avais livré, il y a cinq ans, le secret de la bombe atomique. – Dans ce cas ne me dites rien, fit le jeune Aleksander, redevenant de glace. Pitman rectifia le tir. – Un mot seulement : ce cinquième procédé s’appelle l’influence et les quatre autres ne sont que jeu d’enfant par comparaison. » Le montage Julliard 1982

vendredi, 13 septembre 2019

The Immense Revolution of the Presocratics

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The Immense Revolution of the Presocratics

PS1-livre.jpgTo understand why Europeans were the progenitors of the highest accomplishments in history – close to one hundred percent of the great ideas in philosophy, science, anthropology, sociology, economics, geography, geology, astronomy, mathematics, architecture, technology, dance, and music – you must understand the Presocratic self-conscious separation of the knowing “I” from the “not-I.” The Presocratics were the first humans to discover that they have a mind that is the seat of thinking and thus of knowledge, the only agency in the whole realm of nature able to separate itself from everything that is not its own, as well as making itself “a possible object of thought to itself,” as Aristotle would put it in a clear-cut manner later on [On the Soul, Bk. III: Ch. 4, 429b]. The Presocratics were the first men to detach their ego consciousness from the surrounding natural world, establishing their thinking “I” as the cognitive center, the decision-maker as to what makes truthful statements possible, in contradistinction to traditions handed down without reflection, the voices of gods and demons.

It is barely possible today to say that the Greek achievement was unique and even less possible to speak of a “Greek miracle.” The situation is so bad in our pathological universities that some academics are now insisting that to teach about the foundational role of the Greeks in the making of Western civilization is “a slippery slope to white supremacy.” This is the culmination of many decades of “novel” interpretations by classicists themselves, starting with the claim that the Greeks were not original but ungrateful imitators of their “African and Asian neighbors.” Postmodernists have long been trying to persuade white students that Greek-European rationality is itself mythological or, conversely, that there are other rationalities – Bantu, Aztec, and Hindu – no less valuable than Western rationality.

A major flaw in attempts to downgrade the ancient Greeks is that no matter how many links may have been established between the ancient Greeks (and Western peoples generally) with other cultures, it is always the Europeans who do the achieving, who brought forth the invention of universities, the twelfth-century Renaissance, the Papal Revolution, the invention of mechanical clocks, the discovery and mapping of the world, “an extraordinary burst of innovations in microscopy, human anatomy, optics, electrical studies, and the science of mechanics during the sixteenth and seventeenth centuries,” the Enlightenment, and the Industrial Revolution. Another flaw is that it is hard to hide the far superior achievements of the ancient Greeks in multiple fields of knowledge and the arts compared to the meager achievements of other Axial Age civilizations in religion and conventional ethics.

In response to the now-institutionalized downgrading of the Greeks, I decided to study recent defenses of the traditional view of the Greeks as an exceptional people. I also decided to read Havelock’s Preface to Plato, a now classic book which can be fruitfully understood as a study of the birth of self-consciousness, rather than as a mere study of the rise of a literate, alphabetic culture over an oral culture, or a defense of Plato’s attack on the poetic tradition.

André Laks, The Concept of Presocratic Philosophy: Its Origin, Development, and Significance (2006 in French, 2018 in English).

Maria Michela Sassi, The Beginnings of Philosophy in Greece (2009 in Italian, 2018 in English).

Christopher Lyle Johnstone, Listening to Logos: Speech and the Coming of Wisdom in Ancient Greece (2009).

Constantine J. Vamvacas, The Founders of Western Thought: The Presocratics (2001 in Greek, 2009 in English).

Eric A. Havelock, Preface to Plato (1963).

 [2]The Concept of Presocratic Philosophy

I will write a brief exegesis of each book in the order in which I read them. Laks’s book is a historiographical survey of “the various senses in which Presocratic philosophers [were] considered Presocratic” from ancient to contemporary times (35). For a long time, beginning with Aristotle and Diogenes Laertius (third century AD, author of a biography of Greek philosophers, Lives and Opinions of Eminent Philosophers [3]), the Presocratics were viewed as “natural philosophers” who conducted inquiries into nature – the “principle” or “substrate” in Aristotle’s words – “of which all beings are made,” the way in which the universe and the Earth were formed, including the study of specialized topics such as the distance and size of the heavenly bodies, the luminosity of the Moon, the causes of earthquakes, and the origins of living things. They were seen as the “first ones to philosophize” about the nature of things. Hegel continued this “Aristotelian” interpretation of the Presocratics, but Nietzsche criticized this idea and focused instead on the “tragic” element in early Greek culture and the power of myths, while Heidegger reinterpreted Presocratic writings not as inquiries into the nature of things but as inquiries into man’s relationship-of-Being towards the “world.” Then came Horkheimer and Adorno, members of the Frankfurt School, blaming the Presocratics for starting the Western presumption that its own particular form of thinking was disinterested and purely concerned with the pursuit of truth. It was, rather, a will to dominate nature, not superior to mythological accounts but a myth itself, a totalitarian myth seeking to displace other forms of thinking. Anthropologists welcomed this critique, “by showing either that rationality is at work in myth itself or that there are other rationalities besides Western rationality” (37).

heraclitus.jpgLaks brings up studies about the “Orientalizing” aspects of Greek culture, borrowings from the Near East, briefly mentioning Jaspers’ thesis about similar breakthroughs elsewhere in the world from mythology to rationality during the Axial Age period between 800 and 200 BC. He also pays particular attention to J. P. Vernant’s central book, The Origins of Greek Thought (1962), and its claim that there was no “Greek miracle” in the sense that Greek reason did not arise suddenly out of some innate Greek genius but was a product of the democratizing political atmosphere within the city-states, which encouraged debate and a form of rationality that was then extended to the study of nature.

Laks wants to defend the older Aristotelian interpretation, but in a way that acknowledges more recent interpretations, making his more than 100-page book a rather weak (never elaborated) defense of the “new rationality” of the Presocratics. He spends a chapter valuing Ernest Cassirer’s early twentieth-entury writings on the Greeks, closing the book with a nice “Hegelian” passage from Cassirer that “Greek philosophy can be characterized to a certain extent as the first manifestation of the act of thinking itself: as a thought that in the midst of its pure movement gives to itself its content and its firm configuration.” This great passage, however, is left hanging without explanation. Laks does not explain what it means for thought to give itself its own content, but instead offers a rather unclear and contorted summation of the relationship between Cassirer’s philosophy of symbolic forms and Greek thought.

The Beginnings of Philosophy in Greece

Maria Sassi’s book is a more decisive defense of the Aristotelian interpretation. The Presocratics were responsible for the birth of philosophy, the cultivation of a “rationalistic” approach to the study of nature, and “the elaboration of a critical stance toward received opinions” (xiv). She gives serious attention to the “revisionists” and acknowledges early influences from the Near East and the continued presence of magic, mythological motifs and soteriological aspirations among the Greeks, while explaining, nevertheless, how Presocratic thought “represents a truly new contribution to the understanding of the nature of things . . . an epochal break from the structure of the mythological cosmogonies” (xv-xvi).

Rather than emphasizing the link between Greek philosophy and the rise of the city-states, Sassi pays attention to the role of prose writing during the second half of the fifth century in expressing and solidifying “rational argumentation.” She objects to the way an “anticlassicistic trend has become mandatory” in academia; the way academics today are “obsessed with the need to push as far back as possible the infancy of philosophy, to the point of causing philosophy to ‘disappear’ into myth” (14-15). She mentions the “indebtedness” of archaic Greece to the Semitic East, “from technology to medicine to mythology,” but insists that after the Homeric Age “logos gains more and more importance as the designation of speech that does not depend on tradition but only needs to be evaluated with respect to its internal organization . . . in the context of argumentative strategies” (19).

[4]She believes that Aristotle was correct in identifying the Presocratics as the first philosophers of nature in their search for the “principle” of things and something ultimate beneath the sensory variations we observe in nature without appealing to any divine force. Already in Hesiod (700 BC), we have the first author in history “to talk about himself in the first person” rather than anonymously, as was the case in the Near East. This is an important observation Sassi makes, though, without explaining why writing in the first person was such a significant attribute of Greek originality. We will see below that speaking in the first person, using your name to signal that you are the author (authority) of your ideas, was part of the expression of the Presocratic liberation of the self from external controls and obfuscations. They were the first humans to discover the self and to separate the knower from the immemorial grip of traditional myths. Hesiod is just the beginning; he was still inhabiting a world of myths, but, as Sassi tells us, he was the first to compose a systematic genealogy of the gods, “an organizational system for the gods’ respective spheres of influence . . . exhibiting unprecedented, encyclopedic ambition, with the aim of presenting his own arrangement as the right one” (32-33, her italics). Hesiod wants to know, in his words, “how in the beginning the gods, the earth and the rivers were born, and the boundless sea seething with its swell, and the bright stars and the broad sky above.” Sassi shows that there is “a logic in this [Hesiod’s] cosmogony. Rather than the product of a mytho-poetic process, it appears to be the result of a series of systematic choices stemming from an original reflection” (36).

ThalesofMiletus.jpgBeginning with Thales’ use of a common noun, water, rather than a mythic name, as the ultimate source of all things, Anaximander (610-546 BC), writing some forty years after his teacher Thales, would try to locate in a precise sequence the increasing distance from the Earth of the Moon, Sun, and stars. Anaximander wrote about heavenly bodies as impersonal forces without any anthropomorphic traits, using a language “keen on processes of abstraction and conceptualization” (41). Even in political thinking, one finds in the works of Solon an emphasis on human responsibility for their own misfortune and a denial of intentionality on the part of gods. Around 500 BC we have Heraclitus describing the universe as a kosmos, an orderly arrangement characterized by regularity without divine influences. She notes the “pointedly polemical character” of Heraclitus’ writing and, indeed, how each Presocratic thinker, from Heraclitus on, proposed a new theory in self-conscious refutation of preceding theories, engaging in “second-order questions” as to why their theoretical approaches were superior to previous assessments. Sassi says that this “self-conscious knowledge” bespeaks of thinkers who were increasingly aware that knowledge flows out of their own knowing minds in competition with other rationalizing minds. She cites Heraclitus’ proclamation, “I went in search of myself,” in order “to stress that he extrapolated the contents of logos from an isolated and highly personal reflection” (73). She notes as well how Heraclitus developed a conception of the psyche as the source of cognition away from the Homeric notion of the psyche as vital breath. Knowledge is the product of the activity of the psyche.

Sassi could have said more about how Heraclitus connected his conception that there is a rational order in the world, a logos, with the idea that the logos is present within the inner self in the degree to which the psyche is self-conscious of being the source of knowledge (115). The logos can only be revealed to humans who know that their minds are the agency through which the rationality of the world can be revealed. In order to achieve knowledge, the individual must be self-conscious of his psyche as the repository of knowledge, as the only vehicle through which the logos of the world can be understood. By looking “within themselves,” inside their thinking minds, humans can reveal the logos that is outside them.

zenondelee.jpgSassi contrasts as well the “conservation” role of writing in the Near East, which remained religious and was “composed anonymously within a circle of priests and then copied for centuries without any conceptual changes” (75), to the writing of the Greeks, which was open to everyone. She estimates that about thirty percent of male citizens in the polis were able to read and write. The Greeks adopted prose writing in the last decades of the fifth century, she says, in their “search for directness and unambiguousness” and their preference for truths freed from the “restraints of prosody,” and in contradistinction to the texts of Mesopotamia with their “revelations of a preestablished traditional” worldview immune “from authorial interventions” (142). Herodotus’ Histories was the “first extended prose narrative of Greek literature,” followed by Zeno, Melissus, the Pythagoreans, Anaxagoras, Leucippus, and Democritus. This was a prose “rich in elaborate syntactical structures in unison with a linguistic inquiry that prefers precision over metaphors and evocative expressions” (171).

The Greeks knew they had a mind intended for thought. This found expression in their determination to stand out as singular authors capable of relying on their own minds, as testified in their increasing use of “I” when formulating a new argument. Herodotus used the first person 1,087 times, to show his authorial presence in his understanding of the Persian wars, “accompanied by a growing focus on methodological questions, such as the role of empirical observation and the evaluation of symptoms/testimonies as proof of an argument” (173). What they claim to know are the reflections of their own minds.

Sassi knows there is a relationship between the redefinition of the psyche as the source of reasoning and the pursuit of truth, the emphasis on authorial responsibility, the emergence of prose writing, and the description of the nature of things through the use of increasingly abstract concepts. But she never says in a clear-cut manner that the essential achievement of the Presocratics, which made possible their magnificent creativity in multiple fields, and which laid the grounds for Socrates and after, was their discovery that knowledge ultimately comes from the faculty of the mind, the ability of the thinking self to turn in upon itself as the one self-conscious agent in the universe that is capable not only of knowing but of knowing that it is the agent that can decide what it means to know.

Listening to the Logos

Only one-third of Christopher Johnstone’s book is about the Presocratics, and he does not engage with postmodernists or multicultural revisionists. Nevertheless, he offers a tighter account of the relationship between the invention of alphabetic writing, the appearance of prose composition, the discovery of the mind, the rise of a consciousness “rooted in a distinction between the knower and the known,” and the idea that the psyche of man, “in its deepest nature,” is logos. He also brings out in a slightly acuter way the seminal ideas of Eric Havelock. In the end, however, Johnstone’s conclusion about the exact contribution of the Presocratics is similar to Sassi’s. The Presocratics, he writes, offered a new understanding of the world “from a purely mythopoetic view to include a naturalistic/philosophical orientation” (2). This conclusion is flawed in giving the impression that the Presocratics merely originated a rational and critical approach to the study of nature that would culminate in modern science. But Johnstone does have a keener sense, though he never says it directly, about the Presocratic discovery of the faculty of the mind as the only authorial agency that can be trusted in the pursuit of truth.

[5]He explains well that mythical accounts as such are not irrational insofar as they are efforts to make sense of the world, to give meaning and order “to the variety and variability in what happens around us and of apprehending the causes behind events”. A myth is a story, “a narrative that enables a people – a tribe, a clan, a culture – to make sense of the mysterious,” how things came into being, where did we come from, and who are our original ancestors. Myths allow individuals and groups to “fit into” the order of things, to find a moral ground for action, and a means to pass from one generation to another the most fundamental truths of a people. Using Jean Piaget’s language [6], we can say that myths are accounts by a people who don’t have the cognitive capacity to engage in formal operational thinking, though they do have a capacity to engage in concrete operational thinking in their daily survival strategies. If we identify rationality with formal thinking and the ability to offer explanations of natural events without appealing to, or appeasing, gods and demons, then the Presocratics were the first to rely on rational concepts.

But this Piagetian emphasis on formal rationality does not hit the spot. Mythological people are unable to understand the real causes behind events precisely because they lack consciousness of their consciousness and have no concept of an “I” in separation from the world around them. They are overwhelmed by multifarious forces within and without, feelings and instincts, noises and natural events, storms and hurricanes, the darkness of the forests, the vastness of the sea and the sky, all intermingled with their dreams, fears, emotions, and appetites. Johnstone brings Julian Jaynes’ view about the inability of the Homeric Greeks to identify the logos within them, their own minds as the locus of the “I” in distinction from what lies outside the self. The characters of the Iliad, he cites Jaynes, “do not sit down and think out what to do. They have no conscious minds such as we say we have, and certainly no introspections . . . The beginnings of action are not in conscious plans, reasons, and motives; they are in the actions and speeches of gods.” He also cites Bruno Snell’s estimation that “in Homer every new turn of events is engineered by the gods . . . For human initiative has no source of its own” (20).

I have written about [7] the immense value of Jaynes and Snell in identifying the emergence of “consciousness of consciousness” after Homer as a pivotal factor in ancient Greek culture. I will not rehearse the limitations in Jaynes and Snell except to say that their denial of introspection in the Iliad went too far. I see the Iliad as a transitional work exhibiting signs of free deliberation. Jaynes also confounded matters in attributing the emergence of self-consciousness to external historical factors, such as the weakening and collapse of theocratic empires, the intermingling of peoples from different nations with different beliefs, which supposedly weakened the “auditory power” of gods and the rigid norms occupying the brains of peoples. His explanation that the development of a language sophisticated enough to produce metaphors of “me” and of “analog I” made matters even more confounding since the Iliad is packed with some of the best metaphors in Western literature. Snell, for his part, never offered an explanation as to how the “inner self” suddenly emerged in Greek lyrical poetry after 650 BC.

Johnstone deserves credit for bringing up some key passages from Jaynes and Snell. Most Classicists today don’t even know Jaynes, and the few who have read Snell are under the delusional belief that their hyper-specialized research about trivial subjects stands above his “dated” ideas. In a strong way, Johnstone incorporates Havelock’s ideas. In my estimation Havelock’s book, Preface to Plato, published in 1963, is similarly important in identifying the emergence of self-conscious personalities as the central breakthrough of the Greeks. Unfortunately, Havelock misdirected attention from this insight by attributing the origins of Greek self-consciousness to the rise of a new “technology of communication,” or the “invention of alphabetic writing” per se. Every time Havelock’s name comes up, it is about his “theory” that alphabetic writing engendered a different attitude of mind, or, in the words of Johnstone, about how the transition from an oral to a literate culture “induce[d] a form of consciousness rooted in a distinction between the knower and the known” (39). As I see it, alphabetic writing, the fact that Greek prose came to be “characterized by unparalleled lucidity,” to cite Vamvacas, “precision, suppleness, and aesthetic dexterity” (7), was itself a manifestation of the self-awareness and self-knowledge developed by the Greeks in tandem with their uniquely aristocratic lifestyle and ethos of personal heroism.

parménide.jpgJohnstone’s account is thus limited in its focus on alphabetic writing as such, which leads him to ponder about other “conditions . . . that incubated the seeds of Western scientific and philosophical thought.” He brings up the city of Miletos, from which the first Presocratics came, as a location at the “crossroads for east and west.” He says that exposure in this city “to a wide variety of mythic traditions and to alternative ways of understanding” somehow produced, in the words of an academic he cites, “a breakthrough in man’s thinking, a shift toward rationalism” (38). Academics love this stuff about diverse cities creating cultural “enrichment.” They never care to ask why the far older cosmopolitan cities of the Near East failed to produce any rationalism and why whites are always the ones responsible for new ideas.

For all this, Johnstone appreciates how original the Greeks were; how they subjected all accounts, including mythic tales, to critical questioning; how their speech was no longer characterized by ritualistic formulas, but was based on open debate; and how they developed a language capable of the abstraction that is necessary for analytical and rational accounts. He thus tells us how Anaximander was the “first Greek to produce a written account of the workings of nature” (47), a language which still contained mythopoetic images, but which also bespoke of impersonal forces governing the universe. Subsequently, Presocratics would produce “more abstract conceptualizations.” Heraclitus would find a logos, unity and harmony, beneath the apparent multiplicity evinced by the senses, coupled with the realization that fire, not water and not earth, was responsible for the changes we observe, the unstable and dynamic side of natural processes, which are likewise “ordered” by the “measures” of a logos. It is the rational mind within humans, the logos inside them, expressed through speech, which grasps the logos of the cosmos. Parmenides rationalized reality even more in claiming that Being itself is what is logically possible and that the logos of the soul is the instrument by which we can grasp the truth of Being.

While Johnstone sometimes misdirects by concentrating too much on the transition from a mythical to a rational account of nature, he is well aware of the “psychological side” in the Presocratic revolution, the way the Greek thinker “was rid of interference from the gods in his/her inner life and was therefore free to develop a sense of self-directedness . . . The move toward subjectivity and agency is an important departure from the Homeric mind, marking the origin of the Western concept of self-hood as autonomous and morally responsible” (80).

The Founders of Western Thought: The Presocratics

Published as Volume 257 of the Boston Studies in the Philosophy of Science, Constantine Vamvacas’ book has a textbook-like quality, with a chapter dedicated to each of the major Presocratics. The first three general chapters and the “Epilogue” will do for our purposes. There is one passage in which Vamvacas brings up directly the realization of self-consciousness by the Greeks: “[T]he Greek of the Homeric period did not feel independent, and thus did not consider himself responsible for his actions and feelings. He attributed everything to the gods, and he even lacked the realization that he himself could be the cause of his decisions and feelings” (9). But this passage stands alone. He does not reference Jaynes and Havelock. He cites Snell a few times, but not in regards to his central argument about the Greek “discovery of the mind.” The main figure in Vamvacas’ study is Karl Popper, who argued that the Presocratics “created the rational or scientific attitude, and with it our Western civilization, the only civilization, which is based upon science.” Those who think that the rise of Galilean-Newtonian science is the defining attribute separating the West from the Rest will be drawn to Popper’s interpretation. My view is that the continuous creativity of Europeans in all the spheres of life since ancient times has been a result of their growing realization that inside them there is a mind (soul or psyche) capable of being the seat of autonomous reflection. I will address this point again in the last section, on Havelock.

[8]Vamvacas finds Jaspers’ argument that there were breakthroughs in civilizations outside Greece limited in its inability to appreciate the Greek scientific spirit. The Chinese were concerned with practical-ethical questions about “proper human relations” and the Axial writings of India remained within the ambit of religious longings about the meaning of life. Only the Greeks sought to understand the “ultimate reality hidden beneath the phenomenal world of sense-experience” (249). It was the Greeks who provided the principles and concepts that would make possible modern science: the idea that there are universal laws of nature, that there is an underlying reality beneath sensory experience explainable through the proper use of deductive and inductive methods, that there is a mathematical order in the natural world, that all things are ultimately made of atomic particles, and that there is symmetry and proportion in the natural world.

PS2-l.jpgVamvacas makes the very important point that “Presocratic philosophy is not the culmination of a sudden awakening of the Greek spirit. It is the culminating result of a long development and maturation of the Greek mind” (19). He says little, however, about this long development, apart from noticing that Hesiod’s Theogony goes beyond standard mythological accounts in placing the gods “in a consistent, complete, ordered system,” and posing questions about the beginning of the world, and communicating an interest in “truths.” Vamvacas refers briefly to the “awakening of the personality of the Greek” in early lyric poetry, the fact that such poets as Archilochus, Simonides, and Sappho (writing in the seventh century after Homer, and before the Presocratics) expressed their own “personal values.” But not much else is said. Snell still remains the go-to source for the argument that Greek lyric poets were the first ones to separate the individual self from prescribed expressions and norms. Vamvacas is nevertheless an excellent source for a comprehensive argument about the scientific orientation of the Presocratics. I like the statement that during the Presocratics era “for the first time the human mind focuses on the truth” (20). He does not explain the connection between the discovery of the mind and the pursuit of truth, but it is implicit in his overall argument that there can be no truth-seeking without an inner awareness of the faculty of reason, the only faculty that can legislate for itself principles, concepts, and theories, because, if I may use the words of Aristotle, it is the only faculty that is “able to think itself” [On the Soul, Bk. III: Ch. 4, 429b].

Eric Havelock’s Preface to Plato

This book, published in 1963, is part of the older school of thought about Greek uniqueness. It is a book I have known for some time as a defense of Plato’s attack on the oral Homeric tradition and as a study of the rise of a literate culture in Greece. Suspecting there was more to it, I recently decided to read it, learning that it inhabits indeed a similar interpretative world as the books by Jaynes and Snell in its emphasis on self-consciousness. This is not how Havelock frames his own study, and this is why the full implications of his book have not been fully absorbed. But the standard interpretation is not inconsistent with the view that Havelock was not solely concerned with the emergence of alphabetic writing and Platonic rationalism, but with arguing that the realized condition of self-consciousness and inner freedom required an abstract and theoretical language with a different syntax away from the oral Homeric tradition with its formulaic rhythms, visual imagery, and memorialized thoughts.

However, I don’t want to force my own interpretation onto Havelock, and so we can say that the thesis of his book is that the invention of the Greek alphabet, in contrast to all previous systems of communication, including the Phoenician, brought about a revolution from a Homeric state of being in which Greeks could not differentiate a man’s breath or his life blood from his mind, and were thus devoid of self-consciousness, to a Platonic state of mind in which they came to develop a conception of their personalities as autonomous agents no longer absorbed within an oral tradition and a poetic language incapable of abstract thinking. What I find most persuasive in this thesis is its emphasis on the Greek discovery of the psyche as the seat of self-consciousness involving the separation of the knower from the known.

[9]But I find it hard to accept the claim that the introduction of alphabetic writing was the one factor that brought about this revolution. Havelock writes about how “the alphabet proved so much more effective and powerful an instrument for the preservation of fluent communication than any syllabary had been” (137). Oral cultures are preoccupied with “formulaic directives” and the transmission of immemorial norms through incantation and repetition. In oral poetry the utterance is immediate, mnemonic, surviving only in memory and recitation, accepted without inviting inquiring minds to think for themselves. The alphabet, by contrast, encourages a form of consciousness in which pronouns are used, “both personal and reflexive . . . in new syntactical contexts . . . as objects of verbs of cognition, or placed in antithesis to the ‘body’ . . . in which the ‘ego’ was thought as residing” (198). The “I” as the authorial agent of his own ideas becomes the norm, together with prose writing without any metrical (or rhyming) structure but aiming at analytical precision and open argumentation. Havelock also points out that the written word exists independently of the subject, outside the reader, and can be studied, underlined, and analyzed – not merely memorized and recited as sacred oral tales, but as accounts which can be subjected to endless questioning.

Democrite-dAbdere_1459.jpgBut while alphabetic writing eventually became an indispensable means of communicating truths (during the fourth century BC), beyond poetic recitations about the norms to be valued in a community, I would argue, as Havelock admits in passing, that “there are clear signs in Homer himself that the Greek mind would one day reach out in search of a different kind of experience” beyond poetic recitation. I will not repeat my view that Homer was a transitional figure. It may suffice to point out Havelock’s own recognition that alphabetic writing barely existed before Euripides, by which time the Presocratics had already achieved so much. Havelock knows this: “the Presocratics themselves were essentially oral thinkers . . . but they were trying to device a vocabulary and syntax for a new future, when thought should be expressed in categories organized in a syntax suitable to abstract statement” (x).

I would argue that the gradual emergence of personalities capable of introspection, already evident in the Iliad, and in the poetic heroic literature of Indo-Europeans generally, and certainly in the (emerging abstract) thoughts of the Presocratics, is what precipitated the widespread use of alphabetic writing. I disagree with the cause-effect relationship Havelock identifies in this key passage:

One is entitled to ask . . . given the immemorial grip of the oral method of preserving group tradition, how a self-consciousness could ever have been created . . .The fundamental answer must lie in the changing technology of communication (208).

This tendency to identify alphabetic writing as an independent variable has led Havelock’s interpreters to view Preface to Plato as an argument about the importance of alphabetic writing. No one has paid much attention to Havelock’s qualifications: “In fact it is probably more accurate to say that while the discovery [of the psyche as the seat of self-consciousness] was affirmed and exploited by Socrates, it was the slow creation of many minds among his predecessors and contemporaries. One thinks particularly of Heraclitus and Democritus” (197-8).

Once we look past the idea of alphabetic writing as an independent variable that somehow came onto the scene as a “new technology of communication” pushing the Greeks into philosophical reflection, we may be able to appreciate how insightful Preface to Plato remains. There is more to this book than what I outlined above. I will close this article with a few more passages from this book which bring out Havelock’s realization that Greek uniqueness was about the coming to self-consciousness by humans for the first time in history.

Homeric man . . . was part of all he had seen and heard and remembered. His job was not to form individual and unique convictions but to retain tenaciously a precious hoard of exemplars. These were constantly present with him in his acoustic reflexes and also visually imagined before his mind’s eye. His mental condition, though not his character, was one of passivity, of surrender, and a surrender accomplished through the lavish employment of the emotions and of the motor reflexes (199).

The speech of men who have remained in the Greek sense ‘musical’ and have surrendered themselves to the spell of the tradition, cannot frame words to express the conviction that ‘I’ am one thing and the tradition is another; that ‘I’ can stand apart from the tradition and examine it; that ‘I’ can and should break the spell of its hypnotic force; and that ‘I’ should divert some at least of my mental powers away from memorisation and direct them instead into channels of critical inquiry and analysis (199-200).

This amounts to accepting the premise that there is a ‘me’, a ‘self’, a ‘soul’, a consciousness which is self governing and which discovers the reason for action in itself rather than in imitation of the poetic experience (200).

It was his [Plato’s] self-imposed task, building to be sure on the work of predecessors, to establish two main postulates: that of the personality which thinks and knows, and that of a body of knowledge which is thought and known. To do this he had to destroy the immemorial habit of self-identification with the oral tradition. For this had merged the personality with the tradition, and made a self-conscious separation from it impossible (201).

So it is that the long sleep of man is interrupted and his self-consciousness, separating itself from the lazy play of endless saga-series of events, begins to think and to be thought of, ‘itself of itself’, and as it thinks and is thought, man in his new inner isolation confronts the phenomenon of his own autonomous personality and accepts it (210).

Conclusion

What needs to be explained, the explanandum, is the rise of self-consciousness, and the explanation for this, the explanans, is not a new technology of communication, a cosmopolitan life in Miletos, or the geography of Greece, however important these explanans were to the whole historical dynamic. Our focus should be on the aristocratic male culture of ancient Greece and its promotion of ego-consciousness. The Presocratics brought self-consciousness to a level never witnessed before in history through the initiation of true philosophical reflection, a process of introspection initiated by the heroes of the Iliad and the Odyssey, expressed particularly through the greater self-control and power of deliberation the character Odysseus represents. The Indo-Europeans and the heroic Homeric Greeks intensified the consciousness of the male ego, inventing the patriarchal rule of Olympus, the supremacy of sky gods in opposition to the original cult of demonic and inherently unconscious fertility goddesses, which had hitherto ruled all societies, and from which non-Europeans males never managed to detach themselves in the same degree as Indo-European males. We will examine in a future article how the more intense masculinization process associated with the Indo-European pastoral, horse-riding, aristocratic way of life started the emancipation of ego-consciousness from the enveloping world of the Great Mother, in which humans were ruled by the irrationality of chance, demons and witches, entrapped to a world of chthonian darkness, embedded to nature, the emotional impulses of the body, and orgiastic frenzies and hallucinations.

This article was reprinted from the Council of European Canadians [10] Website.

Article printed from Counter-Currents Publishing: https://www.counter-currents.com

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[1] Image: https://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2019/09/9-12-19-4.jpg

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[3] Lives and Opinions of Eminent Philosophers: https://en.wikipedia.org/wiki/Lives_and_Opinions_of_Eminent_Philosophers

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[5] Image: https://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2019/09/9-12-19-8.jpg

[6] Jean Piaget’s language: https://www.counter-currents.com/2018/10/jean-piaget-the-superior-psychogenetic-cognition-of-europeans-1/

[7] written about: https://www.counter-currents.com/2019/03/the-higher-cognitive-fluidity-of-the-european-mind/

[8] Image: https://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2019/09/9-12-19-9.jpg

[9] Image: https://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2019/09/9-12-19-10.jpg

[10] Council of European Canadians: https://www.eurocanadian.ca/2019/07/the-immense-revolution-presocratics.html

jeudi, 12 septembre 2019

Les dirigeants européens sont atteints du syndrome de Stockholm face aux intimidations états-uniennes

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Les dirigeants européens sont atteints du syndrome de Stockholm face aux intimidations états-uniennes

par Finian Cunningham 

Ex: http://www.zejournal.mobi

La situation psychologique connue sous le nom de syndrome de Stockholm, dans laquelle les otages sympathisent de manière irrationnelle avec leurs ravisseurs, pourrait très bien s’appliquer aux dirigeants européens face aux intimidations états-uniennes.

Les États-Unis ont toujours été le parti dominant – et dominateur – de la relation transatlantique. Mais les administrations précédentes, à Washington, avaient pris soin de présenter les États européens comme des «partenaires» dans une alliance «apparemment» mutuelle.

Sous le Président Donald Trump, les pressions et les harcèlements dont sont l’objet les Européens mettent en lumière leur véritable statut de simples vassaux de Washington.

Prenez le projet Nord Stream 2. Le gazoduc sous-marin d’une longueur de 1 220 km, qui augmentera considérablement la capacité de livraison de gaz en Europe, devrait être achevé d’ici la fin de l’année. Cette nouvelle offre profitera à l’économie de l’Union Européenne, en particulier à celle de l’Allemagne, en fournissant du gaz moins cher pour les entreprises et pour le chauffage des logements.

Eh bien, la semaine dernière, le sénateur américain Ted Cruz a déclaré que son pays avait le pouvoir d’arrêter l’achèvement du projet. Cruz fait partie de la commission des affaires étrangères du Sénat US qui a adopté en juillet dernier un projet de loi imposant des sanctions aux entreprises impliquées dans la construction du pipeline. L’Allemagne, l’Autriche, la France et la Grande-Bretagne font partie du consortium de construction, aux côtés de la société russe Gazprom.

Ironiquement, le projet de loi du Sénat US s’appelle «Protéger la sécurité énergétique de l’Europe». C’est une bien curieuse forme de «protection» lorsque les sanctions appliquées par les USA pourraient priver les entreprises européennes et les consommateurs de gaz à un prix abordable.

Cruz, comme le Président Trump, a accusé la Russie d’essayer de resserrer son emprise économique sur l’Europe. Plus proche de la vérité et plus cynique, Washington souhaite que l’Europe achète son gaz naturel liquéfié, plus coûteux. Le Texas, la plus grande source de gaz américain, est l’État d’origine de Cruz. Son projet de loi devrait peut-être être renommé «Protection des exportations américaines d’énergie».

À cela s’ajoute l’imposition plus large, par Washington et l’Europe, de sanctions à l’encontre de la Russie depuis 2014. Plusieurs raisons ont été invoquées pour justifier les mesures punitives prises contre Moscou, notamment une prétendue déstabilisation de l’Ukraine et une «annexion» de la Crimée, une ingérence présumée dans les élections et l’affaire Skripal. Cette politique de
sanctions a été largement initiée et promue par Washington, suivie servilement par l’Europe.

La semaine dernière, les représentants de l’UE ont voté en faveur d’une prolongation des sanctions de six mois, alors qu’elles sont beaucoup plus dommageables pour l’économie européenne que pour celles des États-Unis et que les entreprises allemandes, en particulier, s’opposent à l’hostilité économique contre-productive à l’égard de Moscou.

L’absence de toute opposition européenne à une ingérence aussi flagrante de la part des États-Unis dans leur prétendue souveraineté et leur indépendance sur des questions d’intérêt vital est tout simplement stupéfiante.

Un autre exemple frappant est la façon dont l’administration Trump insiste pour que les États européens abandonnent d’importants projets d’investissement avec la société de télécommunication chinoise Huawei pour moderniser les infrastructures de téléphonie mobile et d’Internet. Washington a menacé de sanctions de représailles si l’Europe s’associait à Huawei. Les États-Unis ont également averti qu’ils pourraient empêcher le « partage de renseignements » des « alliés » européens sur les risques liés à la sécurité et au terrorisme. Fait-on cela à un « ami » ?

Là encore, les dirigeants européens font preuve de la même velléité d’acquiescement, au lieu de s’opposer aux États-Unis pour qu’ils s’occupent de leurs propres affaires.

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L’accord nucléaire conclu entre le JCPOA et l’Iran est une autre preuve éclatante de la relation fondamentalement abusive que Washington entretient avec l’Europe. Cette semaine, l’administration Trump a rejeté la proposition française d’étendre une ligne de crédit de 15 milliards de dollars à Téhéran. La proposition française visait à atténuer la pression économique sur l’Iran et à le maintenir dans l’accord nucléaire défaillant.

Washington a simplement déclaré « qu’il sanctionnera quiconque achètera du pétrole brut iranien« . Il n’y aura pas de dérogations ni d’exceptions aux sanctions américaines. Cela impose à peu près à l’Union Européenne d’oublier ses efforts hésitants pour sauver l’accord nucléaire avec l’Iran, dont elle est signataire, aux côtés de la Russie et de la Chine.

Donc, comme Trump s’est écarté de l’accord, cela signifie, dans sa vision dominatrice, que les Européens doivent également le faire,. De toute évidence, l’UE n’a pas la liberté d’agir indépendamment du diktat américain. Détruire les relations entre l’Europe et l’Iran mettra en péril les intérêts économiques et les préoccupations de sécurité liées aux conflits et à la non-prolifération des armes dans la région. Les préoccupations européennes sont-elles si peu pertinentes pour Washington ?

Maintenant, accrochez-vous à la formidable double pensée suivante. Le Secrétaire américain à la Défense, Mark Esper, a incité la semaine dernière ses «amis» européens à faire preuve de plus de vigilance pour lutter contre les supposées malignités russes et chinoises.

Tenu devant le groupe de réflexion du Royal United Services Institute à Londres, ce discours a été présenté comme le premier discours majeur d’Esper depuis qu’il est devenu chef du Pentagone en juillet.

« Il est de plus en plus clair que la Russie et la Chine veulent perturber l’ordre international en obtenant un droit de veto sur les décisions économiques, diplomatiques et de sécurité d’autres nations« , a-t-il déclaré.

«En termes simples, la politique étrangère de la Russie continue de faire fi des normes internationales», a ajouté, sans aucune honte, l’ancien lobbyiste de Raytheon et d’autres fabricants d’armes américains.

Quelle a été la réponse de l’Europe ? Les dirigeants européens et les médias ont-ils éclaté de rire devant une telle absurdité, hypocrisie et inversion accusatoire ? Existe-t-il des déclarations officielles ou des éditoriaux sévères invitant le représentant américain du complexe militaro-industriel à ne pas insulter la simple intelligence ?

La tolérance de l’Europe aux comportements abusifs de son «partenaire» américain est bien un problème de syndrome de Stockholm. Bien sûr, parfois les dirigeants européens tels que Merkel ou Macron s’interrogent sur la nécessité de renforcer leur indépendance par rapport à Washington, mais quand les cartes sont minces, ils témoignent tous d’une allégeance méprisable pour la politique américaine, même si cela nuit réellement à leurs intérêts nationaux.

Lorsque Trump a recommandé que la Russie soit admise au récent sommet du G7 en France, le mois dernier, le reste du groupe a réagi avec horreur en demandant le maintien de l’exclusion de Moscou. Comment expliquer cette attitude ? Des chefs européens pathétiques veulent rester dans un club avec leur plus grand bourreau – Washington – tout en excluant un pays voisin et un partenaire stratégique potentiellement important. Comment peut-on faire plus irrationnel?

Les psychologues expliquent le syndrome de Stockholm en tant que «mécanisme d’adaptation» pour traiter les traumatismes. Il est observé parmi les otages, les prisonniers de guerre, les survivants des camps de concentration, les esclaves et les prostituées.

La sympathie irrationnelle envers un parti qui inflige des difficultés et des blessures est un moyen de minimiser les traumatismes en semblant adopter les mêmes valeurs.

Apparemment, le syndrome peut être traité et guéri. Les victimes doivent être progressivement familiarisées avec la vérité objective de leur situation. L’Europe doit se réveiller de ses illusions sur son «allié américain».

Traduit de l’anglais par Dominique Delawarde


- Source : RT (Russie)

Quand la CIA étudiait la French theory: sur le travail intellectuel de démembrement de la gauche culturelle

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Quand la CIA étudiait la French theory: sur le travail intellectuel de démembrement de la gauche culturelle

Par Gabriel Rockhill 

Source The Philosophical Salon

On présume souvent que les intellectuels ont peu ou pas de pouvoir politique. Perchés au sommet d’une tour d’ivoire privilégiée, déconnectés du monde réel, mêlés à des débats académiques dénués de sens sur des détails infimes, ou flottant dans les nuées absconses de théories abstraites, les intellectuels sont souvent dépeints comme non seulement coupés de la réalité politique, mais comme incapables d’avoir un impact significatif sur elle. Ce n’est pas ce que pense la CIA.

En fait, l’agence responsable de coups d’État, d’assassinats ciblés et de manipulations clandestines des gouvernements étrangers ne croit pas seulement au pouvoir de la théorie, mais elle a consacré des ressources importantes pour qu’un groupe d’agents secrets étudient ce que certains considèrent comme la théorie la plus complexe et absconse jamais produite. En effet, dans un article de recherche intrigant écrit en 1985, et récemment publié avec des retouches mineures en raison du Freedom of Information Act, la CIA révèle que ses agents ont étudié la très complexe, avant-gardiste et internationale French theory, [ou théorie de la déconstruction, NdT] adossée aux noms de Michel Foucault, Jacques Lacan et Roland Barthes.

L’image d’espions américains se réunissant dans des cafés parisiens pour étudier assidûment et comparer leurs notes sur les écrits des grands prêtres de l’intelligentsia française choquera ceux qui présument que ce groupe d’intellectuels est constitué de sommités dont la sophistication éthérée ne pourrait jamais être saisie par un filet aussi grossier, ou qui, au contraire, les considèrent comme des charlatans colportant une rhétorique incompréhensible sans impact sur le monde réel ou presque. Cependant, cela ne devrait pas surprendre ceux qui connaissent l’investissement de la CIA, ancien et permanent, dans la guerre culturelle mondiale, y compris par le soutien à ses formes les plus avant-gardistes, qui a été bien documenté par des chercheurs comme Frances Stonor Saunders, Giles Scott-Smith, Hugh Wilford (et j’ai moi-même apporté ma propre contribution dans Radical History & the Politics of Art).

Thomas W. Braden, l’ancien superviseur des actions culturelles à la CIA, a expliqué avec franchise la puissance de l’offensive intellectuelle de l’Agence dans un compte rendu à destination de ses membres, publié en 1967 :

Je me souviens de l’immense joie que j’ai ressentie lorsque le Boston Symphony Orchestra [qui avait reçu l’appui de la CIA] a recueilli plus d’éloges pour les États-Unis à Paris que John Foster Dulles ou Dwight D. Eisenhower n’aurait pu en obtenir en une centaine de discours.

En aucune façon, il ne s’agissait d’une petite opération à la marge. En fait, comme Wilford l’a fort justement décrit, le Congrès pour la liberté de la culture (CCF), dont le siège social se trouvait à Paris et qui s’est par la suite avéré une organisation de façade de la CIA dans la partie culturelle de la guerre froide, était l’un des plus importants mécènes dans l’histoire universelle. Il soutenait une incroyable gamme d’activités artistiques et intellectuelles. Il avait des bureaux dans 35 pays, publiait des dizaines de magazines de prestige, était impliqué dans l’industrie du livre, organisait des conférences internationales de haut niveau ainsi que des expositions d’art, coordonnait des spectacles et des concerts et contribuait largement au financement de divers prix et bourses culturels, ainsi que d’organismes de soutien comme la Fondation Farfield.

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L' »Appareil » parisien : l’agent de la CIA et chef du CCF Michael Josselson (au centre) dans un déjeuner de travail avec John Clinton Hunt et Melvin Lasky (à droite)

La CIA comprend que la culture et la théorie sont des armes cruciales dans l’arsenal global qu’elle déploie pour protéger les intérêts étasuniens dans le monde entier. Le rapport de recherche de 1985, récemment publié, intitulé « France : Defection of the Leftist Intellectuals » (Défection des intellectuels de gauche en France) examine, sans aucun doute pour la manipuler, l’intelligentsia française et son rôle fondamental dans l’orientation des tendances qui à leur tour génèrent les orientations politiques. Le rapport suggère qu’il a existé un équilibre idéologique relatif entre la gauche et la droite dans l’histoire intellectuelle française, puis souligne le monopole de la gauche dans l’immédiat après-guerre (auquel, nous le savons, l’Agence était farouchement opposée) en raison du rôle clé des communistes dans la résistance au fascisme et de leur victoire finale. Bien que la droite, selon les mots de la CIA, ait été massivement discréditée en raison de sa contribution directe aux camps nazis, ainsi que de son programme globalement xénophobe, anti-égalitaire et fasciste, les agents secrets anonymes qui ont rédigé le plan d’étude constatent avec un vif plaisir son retour intellectuel depuis le début des années 1970 environ.

Plus précisément, les soldats camouflés de la culture applaudissent ce qu’ils considèrent comme un double mouvement qui contribue à ce que les cercles intellectuels détournent leurs critiques des États-Unis vers l’URSS. A gauche, il existait une désaffection intellectuelle croissante envers le stalinisme et le marxisme, un retrait progressif des intellectuels radicaux du débat public, et un mouvement théorique de prise de distance envers le socialisme et le Parti socialiste. Plus loin, à droite, les opportunistes idéologiques appelés Nouveaux philosophes ainsi que les intellectuels de la Nouvelle droite avaient lancé une campagne médiatique de critique du marxisme.

Tandis que d’autres tentacules de la CIA étaient impliqués dans le renversement de dirigeants démocratiquement élus, fournissant des informations et des financements à des dictateurs fascistes, soutenant les escadrons de la mort, l’état-major culturel parisien recueillait des données sur la manière dont le glissement du monde intellectuel vers la droite pourrait directement bénéficier à la politique étrangère américaine. Les intellectuels de gauche de l’après-guerre avaient ouvertement critiqué l’impérialisme américain. L’influence médiatique de Jean-Paul Sartre en tant que critique marxiste, et son action notable, en tant que fondateur de Libération, dans le dévoilement du dirigeant de la CIA à Paris ainsi que de dizaines d’agents infiltrés, étaient surveillées de près par l’Agence et considérées comme un très grave problème.

Par contraste, l’atmosphère anti-soviétique et anti-marxiste de l’ère néolibérale en cours d’émergence détournait l’attention du public et fournissait une excellente couverture pour les sales guerres de la CIA en rendant « très difficile pour quiconque de mobiliser parmi les élites intellectuelles une opposition significative à la politique des États-Unis en Amérique centrale, par exemple. » Greg Grandin, un des meilleurs historiens de l’Amérique latine, a parfaitement résumé cette situation dans The Last Colonial Massacre :

En plus des interventions visiblement désastreuses et mortelles au Guatemala en 1954, en République dominicaine en 1965, au Chili en 1973 et au Salvador et au Nicaragua au cours des années 1980, les États-Unis ont attribué des ressources financières stables et discrètes, et leur soutien moral aux États terroristes contre-insurgés. […] Mais l’énormité des crimes de Staline assure que ces histoires sordides, qu’elles soient convaincantes, approfondies, ou accablantes, ne perturbent pas le fondement d’une vision du monde où le les États-Unis jouent un rôle exemplaire dans la défense de ce que nous appelons aujourd’hui démocratie.

C’est dans ce contexte que les mandarins masqués saluent et soutiennent la critique implacable qu’une nouvelle génération de penseurs anti-marxistes comme Bernard-Henri Levy, André Glucksmann et Jean-François Revel lancent contre « la dernière clique d’intellectuels communistes » composée, selon les agents anonymes, de Sartre, Barthes, Lacan et Louis Althusser. Étant donné que ces anti-marxistes avaient penché à gauche dans leur jeunesse, ils fournissaient un modèle parfait auquel adosser des récits trompeurs qui confondent une prétendue prise de conscience politique personnelle avec la marche progressiste du temps, comme si la vie individuelle et l’histoire étaient simplement une question de maturité qui consiste à admettre que l’aspiration à une profonde transformation sociale vers l’égalité est une chose du passé, à l’échelle personnelle et à l’échelle historique. Ce fatalisme condescendant et omniscient ne sert pas seulement à discréditer les nouveaux mouvements, en particulier ceux dirigés par des jeunes, mais il interprète également les succès relatifs de la répression contre-révolutionnaire comme le progrès naturel de l’histoire.

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Le philosophe français anti-marxiste Raymond Aron (à gauche) et sa femme Suzanne en vacances avec l’agent infiltré de la CIA Michael Josselson et Denis de Rougemont (à droite)

Même les théoriciens qui n’étaient pas aussi opposés au marxisme que ces réactionnaires ont apporté une contribution significative à une atmosphère de désillusion envers l’égalitarisme transformateur, de prise de distance envers la mobilisation sociale et d’« enquête critique » dépourvue de point de vue politique radical. Ceci est extrêmement important pour comprendre la stratégie globale de la CIA dans ses tentatives puissantes et profondes de démanteler la gauche culturelle en Europe et ailleurs : reconnaissant qu’il était peu probable qu’on puisse l’abolir entièrement, la CIA a cherché à déplacer la culture de gauche d’une politique anti-capitaliste et résolument transformatrice vers une position réformiste de centre-gauche moins ouvertement critique des politiques étrangères et nationales étasuniennes. En fait, comme Saunders l’a démontré en détail, dans l’après-guerre l’Agence a influencé le Congrès maccarthyste pour qu’il soutienne et assure une promotion directe des projets de gauche qui permettaient d’attirer les producteurs et les consommateurs culturels à l’écart d’une gauche résolument égalitaire. En isolant et en discréditant cette dernière, la CIA aspirait aussi à fragmenter la gauche en général, laissant à ce qui restait du centre gauche un pouvoir et un soutien public minimaux en plus d’être potentiellement discrédité en raison de sa complicité avec la politique de droite, une question qui continue de tourmenter les partis institutionnalisés contemporains de gauche.

C’est dans cette lumière que nous devons comprendre le penchant de la CIA pour les récits de conversion et son profond intérêt pour les « marxistes repentis », un leitmotiv qui traverse le rapport de recherche sur la Déconstruction française. « Encore plus efficaces pour saper le marxisme », écrivent les taupes, « il y a ces intellectuels qui, comme de vrais croyants, se sont mis en tête d’appliquer la théorie marxiste aux sciences sociales, et qui ont fini par repenser et rejeter l’ensemble du corpus théorique. » Les agents citent en particulier la puissante contribution de l’École des Annales d’historiographie et le structuralisme (en particulier Claude Lévi-Strauss et Foucault) à la « démolition critique de l’influence marxiste dans les sciences sociales ». Foucault, identifié comme « le penseur le plus profond et le plus influent en France », est particulièrement applaudi pour ses éloges à l’endroit des intellectuels de la Nouvelle droite pour avoir rappelé aux philosophes que des « conséquences sanglantes » ont « découlé de la théorie sociale rationaliste des Lumières du XVIIIème siècle et de l’ère révolutionnaire ». Bien sûr, ce serait une erreur de juger la théorie ou la pratique politique d’un penseur sur une seule position ou un seul résultat, mais le gauchisme anti-révolutionnaire de Foucault et sa perpétuation du chantage au Goulag (c’est-à-dire l’affirmation selon laquelle les mouvements radicaux conquérants visant une transformation sociale et culturelle profonde ne font que ressusciter les traditions les plus dangereuses), sont parfaitement alignés avec les stratégies globales de guerre psychologique de l’Agence.

frenchtheorylivreLD.jpgL’interprétation de la French theory par la CIA devrait nous faire réfléchir, dans ce cas, à reconsidérer le vernis radical chic qui a accompagné en grande partie sa réception anglophone. Selon une conception étapiste d’une histoire progressiste (généralement aveugle à sa téléologie implicite), l’œuvre de figures comme Foucault, Derrida et d’autres théoriciens français d’avant-garde est souvent intuitivement associée à une forme de critique radicale et sophistiquée qui dépasse sans doute de loin tout ce que l’on trouve dans les traditions socialistes, marxistes ou anarchistes. Il est certainement vrai, et mérite d’être souligné que la réception anglophone de la French theory, comme John McCumber l’a souligné à juste titre, a eu d’importantes implications politiques en tant que pôle de résistance aux fausses neutralités politiques, aux formalismes techniques rassurants de la logique et du langage, ou au conformisme idéologique direct opérant dans la tradition philosophique anglo-américaine et soutenu par McCarthy. Cependant, les pratiques théoriques des philosophes qui ont tourné le dos à ce que Cornelius Castoriadis nommait la tradition de la critique radicale, (c’est-à-dire la résistance capitaliste et anti-impérialiste) ont certainement contribué à la mise à l’écart idéologique de la matrice de transformation sociale. Selon la CIA elle-même, la French theory post-marxiste a directement contribué au programme culturel de l’Agence consistant à entraîner la gauche vers la droite, tout en discréditant l’anti-impérialisme et l’anti-capitalisme, créant ainsi un environnement intellectuel dans lequel les projets impériaux pourraient être poursuivis sans l’entrave d’un examen critique sérieux des cercles intellectuels.

Comme nous le savons grâce aux recherches sur le programme de guerre psychologique de la CIA, l’organisation n’a pas seulement cherché à contraindre des individus, mais elle a toujours voulu comprendre et transformer les institutions de production et de distribution culturelles. En effet, son étude sur la Déconstruction met en évidence le rôle structurel des universités, des maisons d’édition et des médias dans la formation et la consolidation d’un ethos politique collectif. Dans des descriptions qui, comme le reste du document, devraient nous inviter à penser de manière critique à la situation académique actuelle dans le monde anglophone et au-delà, les auteurs du rapport mettent au premier plan les méthodes par lesquelles la précarisation du travail universitaire contribue à la démolition de la gauche radicale. Si la gauche la plus résolue ne peut pas se procurer les moyens matériels nécessaires à l’exécution de son travail, ou si nous sommes plus ou moins subtilement contraints de nous plier à une conformité pour trouver un emploi, publier nos écrits ou acquérir un auditoire, alors les conditions structurelles pour une communauté de gauche radicale sont affaiblies. La professionnalisation de l’enseignement supérieur est un autre outil utilisé à cette fin, puisqu’il vise à transformer les gens en rouages technoscientifiques de l’appareil capitaliste plutôt qu’en citoyens autonomes pourvus d’outils fiables en vue de la critique sociale. C’est pourquoi les mandarins théoriciens de la CIA font l’éloge des efforts déployés par le gouvernement français pour « pousser les étudiants à suivre des cursus de commerce et de technologie ». Ils soulignent également les contributions de grandes maisons d’édition comme Grasset, des médias ainsi que la vogue de la culture américaine pour faire avancer leur matrice post-socialiste et anti-égalitaire.

Quelles leçons pouvons-nous tirer du document, en particulier dans le contexte politique actuel d’une offensive permanente contre les cercles de l’intelligence critique ? Pour commencer, cette enquête devrait être un rappel convaincant que si certains présument que les intellectuels sont impuissants, et que leurs orientations politiques sont impuissantes, ce n’est pas ce que pense l’organisation qui a été l’un des plus puissants courtiers de puissance dans la politique mondiale contemporaine. La Central Intelligence Agency, comme son nom l’indique ironiquement, croit au pouvoir de l’intelligence et de la théorie, et nous devrions prendre cela très au sérieux. En présumant que le travail intellectuel a peu d’influence sur le « monde réel », ou n’en a pas, nous ne nous bornons pas à dénaturer les implications pratiques du travail théorique, nous courons aussi le risque de nous aveugler dangereusement sur des projets politiques pour lesquels nous pouvons facilement devenir les ambassadeurs involontaires. Même s’il est vrai que l’Etat-nation et l’appareil culturel français fournissent une matrice publique beaucoup plus efficace pour les intellectuels que ce que l’on trouve dans de nombreux autres pays, le souci de la CIA de cartographier et de manipuler la production théorique et culturelle partout ailleurs devrait tous nous réveiller.

Deuxièmement, les courtiers de pouvoir actuel ont un intérêt direct à cultiver des cercles intellectuels dont l’acuité critique aura été assombrie ou aveuglée en encourageant les institutions fondées sur les intérêts des affaires et de la techno-science, en assimilant la gauche à l’anti-scientifisme, en mettant en corrélation la science avec une neutralité politique prétendue (mais fausse), en assurant la promotion de médias qui saturent les ondes de pratiques conformistes, en tenant la gauche la plus déterminée à l’écart des grandes institutions universitaires et des projecteurs, et en discréditant tous les appels à une transformation égalitaire et écologique radicale. Idéalement, ils cherchent à nourrir une culture intellectuelle de gauche neutralisée, immobilisée, apathique et limitée au fatalisme, ou à la critique passive des mobilisations de la gauche radicale. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous pourrions considérer l’opposition intellectuelle à la gauche radicale, qui prédomine dans l’université américaine, comme une position politique dangereuse : n’est-elle pas directement complice du programme impérialiste global de la CIA ?

Troisièmement, pour contrer cette offensive institutionnelle contre une culture de gauche affirmée, il est impératif de résister à la précarisation et à la professionnalisation de l’enseignement. Il est tout aussi important de créer des sphères publiques de débat réellement critique, offrant une matrice élargie à ceux qui reconnaissent qu’un autre monde est non seulement possible, mais est nécessaire. Nous devons aussi nous unir pour contribuer aux médias alternatifs, aux modèles d’éducation différents, aux contre-institutions et aux collectifs radicaux. Il est vital de favoriser précisément ce que les combattants secrets de la culture veulent détruire : une culture de gauche radicale et son vaste cadre institutionnel de soutien, un large ancrage public, une puissance médiatique conquérante et un pouvoir de mobilisation contagieux.

Enfin, les intellectuels du monde devraient s’unir pour reconnaître notre pouvoir et le saisir afin de faire tout ce que nous pouvons pour développer une critique systémique et radicale, égalitaire et écologiste, anti-capitaliste et anti-impérialiste. Les positions que l’on défend en cours ou en public sont importantes pour définir les termes du débat et tracer le champ des possibilités politiques. En opposition directe à la stratégie culturelle fragmentaire et polarisante de la CIA, par laquelle l’Agence a cherché à diviser et isoler la gauche anti-impérialiste et anti-capitaliste, tout en l’opposant à des positions réformistes, nous devrions fédérer et mobiliser en reconnaissant l’importance de travailler ensemble (dans toute la gauche, comme Keeanga-Yamahtta Taylor nous l’a rappelé récemment) pour cultiver les conditions d’une intelligentsia réellement critique. Plutôt que de proclamer ou de déplorer l’impuissance des intellectuels, nous devrions exploiter la capacité de dire les mots justes au pouvoir en travaillant ensemble et en mobilisant notre capacité à créer collectivement les institutions nécessaires à un monde de gauche culturelle. Car c’est seulement dans un tel monde, et dans les chambres d’écho de l’intelligence critique qu’il génère, que les vérités énoncées pourraient effectivement être entendues, et ainsi changer les structures mêmes du pouvoir.

Gabriel Rockhill

Note du Saker Francophone

- Des deux parties de cet article, la 1ère est de loin la plus intéressante 
car elle met en contexte le paysage intellectuel français très polarisé des
années 70. À titre personnel j'y vois par exemple un lien avec
l'affaire Marchais révélée par L'Express en 1980, pour laquelle les
explications de J.-F. Revel m'ont toujours semblé pour le moins évasives.
- Il est tout à fait possible que la CIA ait programmé le débordement
de la gauche marxiste classique par la French Theory (rien que le nom...),
et on peut également se dire que cette théorie aura ensuite
été laissée libre de poursuivre sa trajectoire pour s'attaquer au socle
intellectuel et anthropologique occidental, empêchant ainsi toute pensée
critique structurée. Une sorte de gestion du chaos intellectuel, en fait.
Vous savez, les régressives études de genre, décoloniales, intersectionnelles etc.
En ce sens, malgré la pauvreté finale de son article, Gabriel Rockhill
aurait doublement raison.
- Vous trouverez ici un bon texte de Yannick Jaffré sur Katehon complétant celui-ci.

Traduit par Stünzi, relu par San pour le Saker francophone