« Les Mbaya étaient divisés en trois castes ; chacune était dominée par des préoccupations d’étiquette. Pour les nobles et jusqu’à un certain degré pour les guerriers, le problème essentiel était celui du prestige. Les descriptions anciennes nous les montrent paralysés par le souci de garder la face, de ne pas déroger et surtout de ne pas se mésallier. Une telle société se trouvait donc menacée par la ségrégation. Soit par volonté, soit par nécessité, chaque caste tendait à se replier sur elle-même aux dépens de la cohésion du corps social tout entier. En particulier, l’endogamie des castes et la multiplication des nuances de la hiérarchie devaient compromettre les possibilités d’unions conformes aux nécessités concrètes de la vie collective. Ainsi, seulement s’explique le paradoxe d’une société rétive à la procréation, qui, pour se protéger des risques de la mésalliance interne, en vient à pratiquer ce racisme à l’envers que constitue l’adoption systématique d’ennemis ou d’étrangers ».

 

Claude Lévi-Strauss, Tristes tropiques, Paris : Plon, p.224.