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dimanche, 20 mars 2022

La fin inachevée de l'histoire et la guerre de la Russie contre l'ordre mondial libéral

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La fin inachevée de l'histoire et la guerre de la Russie contre l'ordre mondial libéral

Alexandre Douguine

La thèse de Fukuyama sur la fin de l'histoire

Du point de vue idéologique, le monde vit encore dans l'ombre de la controverse des années 1990 entre Francis Fukuyama et Samuel Huntington. Quelles que soient les critiques que l'on puisse formuler à l'encontre des thèses des deux auteurs, leur importance n'en est nullement diminuée, car le dilemme subsiste toujours et, en fait, constitue toujours le contenu principal de la politique et de l'idéologie mondiales.

Permettez-moi de vous rappeler qu'au lendemain de l'effondrement du Pacte de Varsovie puis de l'URSS, le philosophe politique américain Francis Fukuyama a formulé la thèse de la "fin de l'histoire". Cela se résume au fait qu'au vingtième siècle, et surtout après la victoire sur le fascisme, la logique de l'histoire s'est réduite à l'affrontement de deux idéologies - le libéralisme occidental et le communisme soviétique. L'avenir, et donc le sens de l'histoire, dépendait de l'issue de leur confrontation. Ainsi, selon Fukuyama, le futur est arrivé, et ce moment a été l'effondrement de l'Union soviétique en 1991 et l'arrivée au pouvoir à Moscou de libéraux qui ont reconnu la suprématie idéologique de l'Occident. D'où la thèse de la "fin de l'histoire".

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Selon Fukuyama, l'histoire est une histoire de guerres et de confrontations, chaudes et froides. Dans la seconde moitié du vingtième siècle, toutes les confrontations et les guerres se limitaient à l'opposition de l'Ouest capitaliste-libéral contre l'Est communiste. Lorsque l'Est s'est effondré, les contradictions ont disparu. Les guerres se sont arrêtées (comme cela semblait être le cas selon Fukuyama). Et, par conséquent, l'histoire était terminée.

La fin de l'histoire - reportée, mais pas rejetée

En fait, cette théorie est à la base de toute l'idéologie et de la pratique du mondialisme et de la mondialisation. Les libéraux occidentaux s'en inspirent encore. C'est l'idée défendue par George Soros, Klaus Schwab, Bill Gates, Jeff Bezos, Mark Zuckerberg, Barack Obama, Bernard Henri Levy, Hillary Clinton et... Joe Biden.

Les libéraux admettent toutefois que tout ne s'est pas déroulé sans heurts depuis les années 1990. Le libéralisme et l'Occident ont été confrontés à divers problèmes et à de nouveaux défis (avec l'islam politique, la nouvelle montée de la Russie et de la Chine, le populisme - y compris en Amérique même sous la forme de Trump et du trumpisme - etc.), mais les mondialistes sont convaincus que le moment de la fin de l'histoire s'est quelque peu éloigné, mais qu'il est inévitable et qu'il arrivera assez tôt. C'est sous le slogan d'un nouvel effort - faire de la fin de l'histoire une réalité et cimenter de manière irréversible le triomphe mondial du libéralisme - qu'a été menée la campagne du mondialiste Joe Biden (Build Back Better, signifiant "Retour à la mondialisation à nouveau - et cette fois avec plus de succès, après avoir construit notre arrière"), inscrite dans le programme planétaire du Great Reset de Klaus Schwab. Autrement dit, Fukuyama et sa thèse n'ont pas été écartés - c'est juste que la mise en œuvre de ce plan, idéologiquement irréprochable du point de vue de la vision libérale du monde dans son ensemble, a été reportée. Néanmoins, le libéralisme a continué à imprégner la société au cours des 30 dernières années - dans la technologie, dans les processus sociaux et culturels, par la propagation de la politique de genre (LGBTQ+), l'éducation, la science, l'art, les médias sociaux, etc. Et cela n'était pas seulement vrai dans les pays occidentaux, mais même dans les sociétés semi-fermées comme les pays islamiques, la Chine et la Russie.

Le nouveau phénomène des civilisations

Dès les années 1990, un autre auteur américain, Samuel Huntington, a présenté une vision alternative à celle de Fukuyama sur les processus mondiaux. Fukuyama était un libéral convaincu, partisan du Gouvernement Mondial, de la dénationalisation et de la "désuperinisation" des Etats traditionnels. Huntington, quant à lui, adhérait à la tradition du réalisme dans les relations internationales, c'est-à-dire qu'il reconnaissait la souveraineté comme un principe très élevé. Mais contrairement aux autres réalistes qui pensaient en termes d'États-nations, Huntington pensait qu'après la fin de la guerre froide et la disparition du bloc de l'Est et de l'URSS, il n'y aurait pas de fin de l'histoire, mais de nouveaux acteurs qui se feraient concurrence à l'échelle planétaire. C'est ainsi qu'il a nommé les "civilisations" et prédit dans son célèbre article (Clash of Civilisations) leur affrontement.

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Huntington est parti du constat suivant : le camp capitaliste et socialiste n'a pas été créé dans un vide au sein duquel des "têtes d'oeuf" ont élaboré des plans idéologiques abstraits, mais sur les bases culturelles et civilisationnelles très précises des différents peuples et territoires. Ces fondements ont été établis bien avant les temps modernes et leurs idéologies simplistes. Et lorsque la querelle des idéologies modernes prendra fin (et elle l'a fait avec la disparition de l'une d'entre elles - le communisme), les contours profonds des anciennes cultures, visions du monde, religions et civilisations émergeront de sous le formatage de surface.

Vrais et faux ennemis du libéralisme mondial

La justesse des hypothèses formulées par S. Huntington est devenue particulièrement évidente dans les années 2000, lorsque l'Occident a été confronté à l'islam radical. À cette époque, Huntington lui-même était mort avant d'avoir pu profiter de sa victoire théorique, tandis que Fukuyama admettait avoir tiré des conclusions hâtives, et même avancé la thèse de l'émergence d'un "islamo-fascisme", qu'il fallait vaincre avant que "la fin de l'histoire" ne puisse advenir: elle ne pouvait, disait-il, advenir avant cette victoire.

Néanmoins, Huntington n'avait pas seulement raison au sujet de l'islam politique. De plus, l'Islam s'est avéré si hétérogène dans la pratique qu'il ne s'est pas coalisé en une force unie contre l'Occident. Et il était commode pour les stratèges occidentaux de manipuler dans une certaine mesure la menace islamique et le facteur fondamentalisme islamique afin de justifier leur ingérence dans la vie politique des sociétés islamiques du Moyen-Orient ou d'Asie centrale.  Un processus beaucoup plus sérieux était la poursuite de la pleine souveraineté par la Russie et la Chine. Là encore, ni Moscou ni Pékin n'ont opposé les libéraux et les mondialistes à une idéologie particulière (d'autant que le communisme chinois, après les réformes de Deng Xiaoping, a reconnu certains biens fondés du libéralisme économique). Il s'agissait de deux civilisations qui s'étaient développées bien avant les temps modernes. Huntington lui-même les a appelées civilisation orthodoxe (chrétienne orientale) dans le cas de la Russie et civilisation confucéenne dans le cas de la Chine, reconnaissant à juste titre en Russie et en Chine un lien avec des cultures spirituelles plus anciennes et plus profondes. Ces cultures profondes se sont fait connaître au moment où la confrontation idéologique entre le libéralisme et le communisme s'est terminée par une victoire formelle, mais pas réelle (!), des mondialistes. Le communisme a disparu, mais pas l'Est, l'Eurasie.

La victoire dans un monde virtuel

Mais les partisans de la fin de l'histoire n'ont pas été complaisants. Ils sont tellement englués dans leurs modèles fanatiques de mondialisation et de libéralisme, qu'ils ne reconnaissent aucun autre avenir. Et c'est ainsi qu'ils ont commencé à insister de plus en plus sur une fin virtuelle de l'histoire. Comme, si ce n'est pas réel, faisons en sorte que ça ait l'air réel et tout le monde y croira. En substance, on mise sur la politique de contrôle des esprits, via les ressources d'information mondiales, la technologie des réseaux, la promotion de nouveaux gadgets et le développement de modèles de cohésion homme-machine. C'est le "Great Reset" proclamé par le créateur du Forum de Davos, Klaus Schwab, et embrassé par le parti démocrate américain et Joe Biden.

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L'essence de cette politique est la suivante : les globalistes ne contrôlent pas la réalité, mais ils dominent complètement le monde virtuel. Ils possèdent toutes les technologies de réseau de base, les protocoles, les serveurs, etc. Par conséquent, en s'appuyant sur l'hallucination électronique globale et le contrôle total de la conscience, ils ont commencé à créer une image du monde dans lequel l'histoire était déjà terminée. C'est là une image, rien de plus.

Fukuyama a donc conservé son importance, mais non plus en tant qu'analyste, mais en tant que technologue politique mondial tentant d'imposer des perceptions obstinément rejetées par une grande partie de l'humanité.

La guerre de Poutine contre l'ordre libéral

À ce titre, l'évaluation par Fukuyama de l'opération militaire spéciale en Ukraine présente un certain intérêt. À première vue, il pourrait sembler que son analyse devienne alors tout à fait hors de propos, car il ne fait que répéter les clichés courants de la propagande anti-russe occidentale qui ne contiennent rien de nouveau ou de convaincant (dans le style du banal journalisme russophobe). Mais à y regarder de plus près, le tableau change quelque peu si l'on ignore ce qui est le plus frappant - la haine enragée de la Russie, de Poutine et de toutes les forces qui s'opposent à la fin de l'histoire.

Dans un article publié dans le Financial Times, Fukuyama exprime déjà dans le titre même l'idée principale de ses revendications contre la Russie - "la guerre de Poutine contre l'ordre libéral". Et cette thèse en soi est absolument correcte. L'opération militaire spéciale en Ukraine est un accord décisif pour établir la Russie comme une civilisation, comme un pôle souverain d'un monde multipolaire. Cela correspond parfaitement à la théorie de Huntington, mais est complètement en désaccord avec la "fin de l'histoire" de Fukuyama (ou la société ouverte de Popper/Soros).

Oui, c'est exactement ça - "la guerre contre l'ordre libéral".

Le rôle clé de l'Ukraine dans la géopolitique mondiale

L'importance de l'Ukraine pour la renaissance de la Russie en tant que puissance mondiale pleinement indépendante a été clairement reconnue par toutes les générations de géopolitogues anglo-saxons - du fondateur de cette science Halford J. MacKinder à Zbigniew Brzezinski. Auparavant, elle était formulée comme suit : "Sans l'Ukraine, la Russie n'est pas un Empire, mais avec l'Ukraine, elle est un Empire. Si l'on mettait le terme "civilisation" ou "pôle mondial multipolaire" à la place d'"Empire", le sens serait encore plus transparent.

L'Occident mondial a misé sur l'Ukraine comme sur un pion anti-russe et a instrumentalisé le nazisme ukrainien et la russophobie extrême à cette fin. Tous les moyens étaient bons pour lutter contre la civilisation orthodoxe et le monde multipolaire. Poutine, cependant, n'a pas pris ce virage et est entré dans la bataille, mais pas avec l'Ukraine, mais avec le mondialisme, avec l'oligarchie mondiale, avec le Grand Remplacement, avec le libéralisme et la fin de l'histoire.

Et c'est ici que la chose la plus importante est apparue. L'opération militaire spéciale est dirigée non seulement contre le nazisme (la dénazification - avec la démilitarisation - est son principal objectif), mais plus encore contre le libéralisme et le mondialisme. Après tout, ce sont les libéraux occidentaux qui ont rendu possible le nazisme ukrainien, l'ont soutenu, armé et opposé à la Russie - en tant que nouveau pôle d'un monde multipolaire. Mackinder a appelé les terres de la Russie "l'axe géographique de l'histoire" - c'était le titre de son célèbre article, tout au début de sa carrière. Pour que l'histoire se termine (la thèse mondialiste, le but du "Grand Reset"), le pivot géographique de l'histoire doit être brisé, détruit. La Russie en tant que pôle, en tant qu'acteur souverain, en tant que civilisation ne doit tout simplement plus exister. Et le plan diabolique des mondialistes était de miner la Russie dans la zone la plus douloureuse, de dresser contre elle les mêmes Slaves orientaux (c'est-à-dire, en fait, les mêmes Russes), et même les Orthodoxes.

Pour ce faire, les Ukrainiens ont dû être placés à l'intérieur de la matrice mondialiste, pour prendre le contrôle de la conscience de la société ukrainienne à l'aide de la propagande informative, des réseaux sociaux et d'une gigantesque opération de contrôle de la psyché et de la conscience, dont des millions d'Ukrainiens ont été victimes au cours des dernières décennies. Les Ukrainiens ont été persuadés qu'ils font partie du monde occidental (mondial) et que les Russes ne sont pas des frères, mais des ennemis acharnés. Et dans une telle stratégie, le nazisme ukrainien coexistait parfaitement avec le libéralisme, qu'il servait essentiellement de manière instrumentale.

La guerre pour un ordre mondial multipolaire

C'est exactement ce contre quoi Poutine s'est engagé dans une lutte décisive. Pas contre l'Ukraine, mais pour l'Ukraine. Fukuyama a entièrement raison dans ce cas. Ce qui se passe aujourd'hui en Ukraine est "la guerre de Poutine contre l'ordre libéral". C'est une guerre contre Fukuyama lui-même, contre Soros et Schwab, contre la "fin de l'histoire" et le globalisme, contre l'hégémonie réelle et virtuelle, contre la "Grande Réinitialisation".

Des événements dramatiques s'ensuivirent - et c'est là un dilemme universel. Ils décident du sort de ce que sera l'ordre mondial à venir. Le monde deviendra-t-il vraiment multipolaire, c'est-à-dire démocratique et polycentrique, où les différentes civilisations auront voix au chapitre (et nous espérons que c'est exactement ce qui se passera - c'est le sens de notre victoire à venir), ou (Dieu nous en préserve !) sombrera-t-il finalement dans l'abîme du mondialisme, mais sous une forme plus ouverte, où le libéralisme n'affrontera plus le nazisme et le racisme, mais fusionnera inséparablement avec eux. Le libéralisme moderne, prêt à exploiter le nazisme et à le négliger lorsqu'il s'agit des intérêts des nations, est le véritable mal. Le mal absolu. C'est cela, et c'est contre cela que la guerre est menée maintenant.

12 thèses de Francis Fukuyama, basées sur une seule fausse prémisse

Un autre texte récent de Fukuyama, American Purpose, imprimé dans la publication des "néocons" américains (soit les néoconservateurs) en tant que bruyants représentants du nazisme libéral, mérite un certain intérêt. Dans ce document, Fukuyama propose 12 thèses sur la façon dont, selon lui, les événements se dérouleront pendant le conflit en Ukraine. Nous allons les présenter dans leur intégralité. Disons tout de suite qu'il s'agit d'une désinformation totale et d'une propagande ennemie, et c'est à ce titre - fake news - que nous citons ce texte.

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"La Russie se dirige vers une défaite totale en Ukraine. La planification russe a été incompétente, fondée sur l'hypothèse erronée que les Ukrainiens sont favorables à la Russie et que leurs forces armées s'effondreront immédiatement après l'invasion. Les soldats russes transportaient manifestement des uniformes de parade pour le défilé de la victoire à Kiev, et non des munitions et des rations supplémentaires. À ce stade, Poutine a engagé la plupart de ses forces armées dans l'opération - il n'y a pas d'énormes réserves auxquelles il pourrait faire appel pour prendre part à la bataille. Les troupes russes sont bloquées à l'extérieur des différentes villes ukrainiennes, où elles sont confrontées à d'énormes problèmes d'approvisionnement et à des attaques ukrainiennes constantes."

La première phrase est la plus importante. "La Russie se dirige vers une défaite totale en Ukraine". Tout le reste repose sur le fait que, lui, Fukuyama, représente la vérité absolue et qu'il n'est pas à remettre en question. Si nous faisions réellement de l'analytique, cela commencerait par un dilemme : si les Russes gagnent, alors..., si les Russes perdent, alors..... Mais il n'y a rien de tel ici. "Les Russes vont perdre parce que les Russes ne peuvent pas s'empêcher de perdre, ce qui signifie que les Russes ont déjà perdu. Et aucune autre option n'est envisagée, car il s'agirait dès lors de propagande russe." Qu'est-ce que c'est ? Voilà ce qu'est le nazisme libéral. De la pure propagande idéologique mondialiste, plaçant d'emblée le lecteur dans un monde virtuel où "l'histoire est déjà terminée".

Ensuite, tout devient prévisible, ce qui ne fait qu'ajouter à l'hallucination. Nous avons affaire à un exemple de "psy-op", une "opération psychologique".

"L'effondrement de leurs positions pourrait être soudain et catastrophique, plutôt que de se produire lentement, dans une guerre d'usure. L'armée sur le terrain atteindrait un point où elle ne pourrait plus être approvisionnée ni retirée et le moral s'évaporerait. C'est au moins vrai dans le nord ; les Russes s'en sortent mieux dans le sud, mais ces positions seront difficiles à tenir si le nord s'effondre."

Aucune preuve, de purs vœux pieux. Les Russes doivent être des perdants parce qu'ils sont des perdants. Et ceci nous vient du perdant modèle Fukuyama, dont toutes les prédictions ont été démenties de manière démontrable.

Dans l'ensemble, il est construit sur l'hypothèse que Moscou se préparait à une opération qui devait durer deux ou trois jours et culminer par un salut victorieux avec des fleurs de la part d'une population libérée. Comme si les Russes étaient tellement idiots qu'ils n'avaient pas remarqué les trente ans de propagande russophobe, l'encadrement par l'Occident de formations néo-nazies et une armée énorme (selon les normes européennes), pas mal armée (par le même Occident) et entraînée à l'époque soviétique (et l'entraînement était alors sérieux) qui allait déclencher une guerre dans le Donbass puis en Crimée. Et si une opération spéciale menée par les Russes dans une telle situation n'est pas terminée en quinze jours, c'est un "échec".  Une autre hallucination.

L'Occident a sacrifié les Ukrainiens

Et puis Fukuyama poursuit en disant une chose assez importante :

"Avant que cela ne se produise, il n'y a pas de solution diplomatique à la guerre. Il n'existe aucun compromis concevable qui soit acceptable pour la Russie ou l'Ukraine, compte tenu des pertes qu'elles ont subies jusqu'à présent."

Cela signifie que l'Occident continue de croire à sa propre propagande virtuelle et ne va pas faire de compromis avec la Russie et mettre en œuvre un contrôle de la réalité. Si l'Occident attend que la Russie soit vaincue pour entamer des négociations, celles-ci ne commenceront jamais.

"Le Conseil de sécurité de l'ONU a une fois de plus prouvé son inutilité. La seule chose utile a été le vote à l'Assemblée générale, qui permet d'identifier les acteurs peu scrupuleux ou évasifs dans le monde."

Dans cette thèse, Fukuyama fait référence à la nécessité de dissoudre l'ONU et de créer à sa place une Ligue des démocraties, c'est-à-dire des États complètement subordonnés à Washington, qui sont prêts à vivre dans l'illusion de "la fin de l'histoire". Ce projet a été formulé par un autre nazi libéral russophobe, McCain, et a commencé à être mis en œuvre par Joe Biden. Tout se déroule selon le plan du "Grand Reset".

"Les décisions de l'administration Biden de ne pas déclarer une zone d'exclusion aérienne et de ne pas aider à remettre les MiG polonais étaient les bonnes ; ils ont gardé la tête froide à un moment très émotionnel. Il vaut bien mieux que les Ukrainiens battent les Russes eux-mêmes, ce qui prive Moscou de l'excuse selon laquelle l'OTAN les a attaqués, et évite toutes les possibilités évidentes d'escalade. Les MiG polonais en particulier n'ajouteraient pas grand-chose aux capacités ukrainiennes. Bien plus important est un approvisionnement régulier en Javelins, Stingers, TB2s, fournitures médicales, équipements de communication et de partage de renseignements. Je suppose que les forces ukrainiennes sont déjà dirigées par les services de renseignement de l'OTAN opérant en dehors de l'Ukraine."

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Sur la première phrase, en revanche, on peut être d'accord avec Fukuyama. Biden n'est pas prêt à lancer un duel nucléaire qui suivrait immédiatement l'annonce d'une zone de drones et d'autres mesures directes vers une intervention de l'OTAN dans le conflit. L'expression "les Ukrainiens ont eux-mêmes vaincu les Russes" semble cynique et cruelle, mais l'auteur ne comprend pas ce qu'il dit : l'Occident a d'abord dressé les Ukrainiens contre les Russes, puis les a laissés seuls face à eux en s'abstenant de leur apporter une aide efficace. Les Ukrainiens ne sont virtuellement victorieux que dans un monde où l'histoire est terminée. Et devrait, selon la pensée de Fukuyama, s'en réjouir. C'est une petite affaire : il reste à vaincre les Russes.

"Bien sûr, le prix que l'Ukraine paie est énorme. Mais les plus gros dégâts sont causés par les missiles et l'artillerie, auxquels ni les MiG ni une zone d'exclusion aérienne ne peuvent faire face. La seule chose qui puisse arrêter le carnage est la défaite de l'armée russe sur le terrain."

Lorsque Fukuyama dit "le prix est énorme", il est clair, d'après son expression nonchalante, qu'il ne sait pas de quoi il parle.

Poutine et le nouveau départ du populisme

Ensuite, Fukuyama réfléchit au sort du président Poutine. Tout cela dans la même veine de rêverie sur la fin de l'histoire. En termes non équivoques, il déclare :

"Poutine ne survivra pas à la défaite de son armée. Il gagne du soutien parce qu'il est perçu comme un homme fort ; que peut-il offrir lorsqu'il démontre son incompétence et est dépouillé de son pouvoir coercitif ?"

Une autre thèse construite entièrement sur la première prémisse. La défaite des Russes est inévitable, ce qui signifie que Poutine est fini. Et si les Russes gagnent, Poutine n'est que le tout début. C'est ce qui compte, non plus pour le délirant Fukuyama, mais pour nous.

"L'invasion a déjà causé d'énormes dommages aux populistes du monde entier qui, avant l'attaque, n'ont cessé d'exprimer leur sympathie pour Poutine. Parmi eux, Matteo Salvini, Jair Bolsonaro, Eric Zemmour, Marine Le Pen, Viktor Orban et, bien sûr, Donald Trump. La politique de la guerre a exposé leurs tendances ouvertement autoritaires."

Tout d'abord, tous les populistes ne sont pas aussi directement influencés par la Russie. Matteo Salvini, sous l'influence des nazis libéraux et des atlantistes de son cercle intime, a changé son attitude auparavant amicale envers la Russie. Les sympathies pro-russes des autres ne doivent pas non plus être exagérées. Mais là encore, il y a un point curieux. Même si l'on accepte la position de Fukuyama selon laquelle les populistes sont orientés vers Poutine, ils ne perdent que si les Russes sont vaincus. Et en cas de victoire ? Après tout, c'est "la guerre de Poutine contre l'ordre libéral", et s'il la gagne, alors tous les populistes gagnent avec Moscou ? Et puis la fin de l'oligarchie mondiale et des élites du "Big Reboot".

Une leçon pour la Chine et la fin du monde unipolaire

"Jusqu'à présent, la guerre a été une bonne leçon pour la Chine. Comme la Russie, la Chine a développé une armée apparemment de haute technologie au cours de la dernière décennie, mais elle manque d'expérience au combat. L'échec de l'armée de l'air russe risque d'être répété par l'armée de l'air de l'Armée populaire de libération, qui manque également d'expérience dans la gestion d'opérations aériennes complexes. Nous pouvons espérer que les dirigeants chinois ne se berceront pas d'illusions sur leurs capacités comme l'ont fait les Russes en envisageant de futures actions contre Taïwan."

Encore une fois, tout cela est vrai si "les Russes ont déjà perdu". Et s'ils ont gagné ? Alors la signification de cette leçon pour la Chine serait tout le contraire. Autrement dit, Taïwan regagnera son port d'attache plus tôt qu'on ne le pense.

"Il reste à espérer que Taïwan elle-même se réveille et prenne conscience de la nécessité de se préparer à la guerre, comme l'ont fait les Ukrainiens, et rétablisse la conscription. Ne soyons pas prématurément défaitistes".

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Il vaudrait mieux être réaliste, et voir les choses telles qu'elles sont, en tenant compte de tous les facteurs. Mais peut-être que le fait que l'Occident ait des idéologues comme Fukuyama, hypnotisés par leurs propres illusions, est à notre avantage ?

"Les drones Bayratkar de Turquie sont devenus des best-sellers".

Aujourd'hui, des fragments de ces "best-sellers" sont ramassés par des clochards et des pillards dans les décharges de l'Ukraine.

"La défaite de la Russie rendra possible une 'nouvelle naissance de la liberté' et nous fera sortir de nos rêveries sur le déclin de la démocratie mondiale. L'esprit de 1989 perdurera, grâce à un groupe de courageux Ukrainiens."

Voici une grande conclusion : Fukuyama connaît déjà "la défaite de la Russie", comme il connaissait "la fin de l'histoire". Et alors, le mondialisme sera sauvé. Et si non ? Alors il n'y aura plus de mondialisme.

Et ensuite - "bienvenue" dans le monde réel, dans le monde des peuples et des civilisations, des cultures et des religions, dans le monde de la réalité et de la liberté du camp de concentration totalitaire libéral.

France, élections présidentielles: Cinq pour deux!

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France, élections présidentielles: Cinq pour deux!

par Georges FELTIN-TRACOL

Depuis le lundi 7 mars 2022, douze candidats se présentent au choix des Français pour désigner le prochain directeur général de l’EHPAD hexagonal. Les dernières semaines de la campagne du premier tour se déroulent dans un contexte général qui combine une sortie (provisoire ?) d’une pandémie, un conflit majeur en Europe orientale, un retour de l’inflation, des pénuries économiques durables et un contrôle inouï de l’information sur Internet et les réseaux sociaux sous prétexte de combattre de supposées infox. Tout concourt à biaiser le scrutin d’autant que le président-candidat à la morgue légendaire refuse toute confrontation avec ses concurrents.

Malgré un détestable bilan socio-économique, Emmanuel Macron serait, selon les différentes séries des sondages, le grand bénéficiaire de l’hystérie médiatique coronatralalaviro-belliciste. Outre un socle électoral solide et fidèle composé de retraités soixante-huitards et de jeunes ambitieux, l’actuel locataire de l’Élysée tire un réel profit de l’ambiance anxiogène distillée par le système médiatique d’occupation mentale, et ce, nonobstant sa gestion calamiteuse de la crise sanitaire et ses gesticulations internationales. Il faut en outre prendre en compte ces électeurs qui votent toujours par une sorte de réflexe faussement légitimiste pour le président quand il se représente comme en 1981, en 1988, en 2002 et en 2012. Certes, Macron ne sera pas réélu dès le soir du 10 avril. Il risque en revanche de frôler le résultat de « Tonton » Mitterrand en 1988 avec 34,10 %. Qui affrontera-t-il donc dans un vain duel au second tour le 24 avril prochain ?

Sur les onze autres candidats émergent pour l’instant quatre qui ont une chance plus ou moins élevée de se qualifier : Marine Le Pen, Valérie Pécresse, Éric Zemmour et Jean-Luc Mélenchon. Le surgissement d’un autre candidat (Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Fabien Roussel) constituerait une vraie surprise. Écartons-les cependant des hypothèses suivantes.

À en croire les sondages qui se trompent régulièrement, le cas de figure le plus probable serait un duel Emmanuel Macron – Marine Le Pen, soit une répétition de 2017. Le clan mariniste transpose volontiers cette confrontation aux deux duels Giscard d’Estaing – Mitterrand de 1974 et de 1981. En 1974, François Mitterrand perdit le débat. Il le gagna sept ans plus tard en se montrant offensif et incisif face à un Giscard affaibli. Marine Le Pen suivrait-elle cet exemple ? Son entourage en rêve. Or, les enquêtes d’opinion la donnent perdante. Sa présence au second tour renforcerait son emprise pour une décennie au moins sur une soi-disant « droite nationale » en ruine.

L’affrontement Macron – Pécresse reste pour l’heure assez aléatoire. Ces deux libéraux progressistes autoritaires discuteraient sans beaucoup de conviction à l’instar du débat insipide entre Lionel Jospin et Jacques Chirac en 1995. Valérie Pécresse au second tour sauverait en tout cas Les Républicains d’une déroute cinglante, d’une implosion annoncée et d’une profonde recomposition politique. Un second tour entre Emmanuel Macron et Éric Zemmour s’envisage si l’ancien journaliste parvient à imposer quelques idées percutantes auprès des électeurs les plus indécis ou les plus blasés. Une telle perspective relancerait à coup sûr un « front ripoublicain » plus mobilisateur que face à Marine Le Pen bien qu’une partie de la gauche préférerait cette fois-ci s’abstenir, voter nul ou mettre un bulletin blanc, lassée des injonctions répétées à faire barrage au fascisme imaginaire pour le plus grand plaisir d’un néo-libéralisme suffisant et envahisseur.

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Plus surprenant, un duel entre Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon n’est pas farfelu. Rompu à l’exercice en dépit du parasitisme de la candidature communiste de Fabien Roussel qui singe les campagnes de Jacques Duclos en 1969 (21,27 %) et de Georges Marchais en 1981 (15,35 %), le député des Bouches-du-Rhône commence à bénéficier d’une dynamique de campagne. Cet élan peut attirer vers lui des pans entiers du « peuple de gauche » en mal de champion. Mélenchon est capable de coiffer d’un cheveu Le Pen, Pécresse et Zemmour qui, avec Nicolas Dupont-Aignan et Jean Lassalle, risquent finalement de se neutraliser. Dans cette hypothèse, l’électorat lepéniste n’hésiterait pas à se reporter, par anti-macronisme lucide compréhensible, sur le représentant de l’Union populaire, ce qui rendrait le résultat du second tour plus incertain que prévu, n’en déplaise aux instituts de sondages.

Il faut enfin envisager l’éventualité pour l’heure plus que loufoque que le dégagisme commencé en 2017 et amplifié par les Gilets jaunes et l’hostilité au passeport vaccinal liberticide se poursuive en évinçant dès le premier tour le président sortant. Ce serait sans précédent sous la Ve République. Cette situation entraînerait une déflagration politique inédite, quelque soit l’identité des finalistes. Le résultat pourrait toutefois fortement varier en fonction de la configuration finale : Marine Le Pen contre Valérie Pécresse, Éric Zemmour contre Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen contre Éric Zemmour, Jean-Luc Mélenchon contre Valérie Pécresse, Marine Le Pen contre Jean-Luc Mélenchon ou Valérie Pécresse contre Éric Zemmour. Par ailleurs, dans ces situations hautement spéculatives, il n’est pas sûr qu’il y ait un second tour, surtout en l’absence de Valérie Pécresse. Afin d’éviter une présidence « populiste » mélenchonienne, lepéniste ou zemmourienne, le Conseil constitutionnel pourrait, après un désordre sciemment orchestré, annuler le premier tour et ordonner le recommencement de toute la procédure électorale. Édouard Philippe ferait dès lors le don de sa barbe bicolore à l’Hexagone. Cette entourloupe institutionnelle satisferait-elle des électeurs vindicatifs ?

Quelque soit le président élu au soir du 24 avril, il gérera le lent naufrage du pays. Ernest Renan l’affirmait au jeune Maurice Barrès : « Les nations meurent aussi ! ». Faute d’Europe impériale, la France poursuit son agonie.    

GF-T

• « Vigie d’un monde en ébullition », n° 24, mise en ligne le 15 mars 2022 sur Radio Méridien Zéro

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EN VEDETTE

Combattre le nazisme : le double discours des Nations unies et de l'OTAN

Le 12 décembre 2021, les deux seuls pays qui ont voté contre la résolution de l'ONU visant à combattre le nazisme sont les États-Unis et l'Ukraine. Par ailleurs, tous les membres de l'OTAN, s'ils n'ont pas voté contre, se sont abstenus. Une prise de position étonnante, qui semblait déjà incohérente avec le discours anti-nazi tenu par les gouvernements occidentaux. Rétrospectivement, au vu du conflit russo-ukrainien qui a explosé fin février dernier, ces votes apparaissent encore plus... éloquents.

Francesoir.fr

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ALLEMAGNE

Eléments sur la dépendance économique de l’Allemagne

En 2019, sur 106 milliards de dollars d’importations de minéraux, l’Allemagne a importé 96,1 milliards de dollars de combustibles minéraux et d’huiles minérales. Sur ces 96,1 milliards, 92,1 sont des hydrocarbures (pétrole, gaz et charbon) et 2 concerne l’électricité, soit un total de 94,1 milliards de dollars pour les principales sources d’énergie. La part de l’énergie dans les importations allemandes s’élève ainsi à 6,1 %. Une étude très complète.

Ege.fr

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CHINE

Le dilemme de la Chine face à la guerre en Ukraine

« L’opération militaire spéciale » de la Russie en Ukraine a suscité une grande controverse en Chine, ses partisans et ses opposants étant divisés en deux camps implacablement opposés. Cet article ne représente aucune partie mais mène une analyse objective sur les conséquences possibles de la guerre ainsi que les options de contre-mesures correspondantes.

Revue conflits.com

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DÉSINFORMATION/CORRUPTION

Derrière Point de Contact, le ministère de l’Intérieur et Google/Facebook

Les associations ou les médias, “fact checkeurs”, médiateurs etc., spécialisés sur le signalement des contenus illicites ou illégitimes sur les réseaux sociaux sont légion. Facebook à lui seul emploie plus de 20.000 « médiateurs », comprenez censeurs. À notre connaissance le seul à être financé à la fois par la place Beauvau, par certains des GAFAM et par l’Union Européenne, c’est le peu connu Point de Contact.

Ojim.fr

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Macron candidat : journalisme de révérence à la Une

Le gratin des commentateurs politiques la scrutait depuis longtemps : l’officialisation de la candidature d’Emmanuel Macron est intervenue au soir du 3 mars, à travers l’annonce d’une « lettre aux Français » publiée le lendemain dans la presse quotidienne régionale (PQR). Qu’elle ait été ou non mise à la Une, qu’elle ait été ou non publiée in extenso ne change rien au problème central : la porosité – pour ne pas dire plus – entre journalisme et communication, qui aboutit à la co-fabrication d’un « événement » devenant dès lors indissociablement politique et… médiatique. Les rédactions parlent d’un texte tout en « sobriété » ? Elles en ont fait un cirque. Analyse sans concession.

acrimed.org

https://www.acrimed.org/Macron-candidat-journalisme-de-re...

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La Commission européenne planche sur un Media Freedom Act

Le 15 septembre 2021, lors de son discours sur l’état de l’Union, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen évoquait la perspective de l’adoption d’un cadre juridique européen en matière de liberté de la presse et des médias. Ce projet devrait voir le jour au plus tard au printemps ou à l’automne 2022.

ojim.fr

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La désinformation un danger pour la démocratie ? Le contre-exemple Laurent Cordonier

Qui ne préfèrerait la « bonne information » à la « désinformation » ? Mais certains critiques de la désinformation ne pratiquent-ils pas eux-mêmes une forme de désinformation ? Un exemple à partir d’une vidéo de Laurent Cordonier, visible sur un portail du gouvernement, très largement reprise. Un peu de dissection sur 2’32’’ d’approximations et de faux-semblants.

Ojim.fr

https://www.ojim.fr/la-desinformation-un-danger-pour-la-d...

ÉTATS-UNIS

La justice britannique refuse un recours d'Assange contre son extradition aux Etats-Unis

Le fondateur de Wikileaks Julian Assange, poursuivi aux Etats-Unis pour une fuite massive de documents, a vu lundi disparaître l'un de ses derniers espoirs d'éviter son extradition, avec le refus de la Cour suprême britannique d'examiner son recours.

Francesoir.fr

https://www.francesoir.fr/afp-afp-france/la-justice-brita...

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Faut-il avoir peur d’In-Q-Tel, le fonds d’investissement de la CIA ?

La France, classée 3ᵉ du « Top 100 Global Innovators » par Clarivate Analytics en 2019, attire de plus en plus d'investisseurs. Les fonds d'investissement étrangers y intensifient leurs activités, reconnaissant l’opportunité de ce marché qui constitue un terreau fertile pour l'innovation. Quelle est la stratégie de ces fonds et faut-il s’en méfier ?

portal-ie.fr

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FRANCE

Grand remplacement” : Marion Maréchal stupéfie les journalistes

Invitée de RTL suite à son ralliement à Eric Zemmour, Marion Maréchal est apparue complètement libérée. Elle a mis en difficulté les journalistes qui l’asticotaient sur le thème du “grand remplacement”, alors qu’ils n’avaient pas lu l’ouvrage de Renaud Camus.

Causeur.fr

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Ukraine : les dingueries continuent

Si l’on en croit le Canard enchaîné, dans le délire guerrier inepte qui frappe notre pays, il y a beaucoup de gens qui perdent complètement les pédales. On aurait pu attendre d’un avocat, bâtonnier de Valenciennes de surcroît, un minimum de sang-froid et surtout le respect du droit. Es-qualité d’avocat il est président de la CARPA. La CARPA est l’organisme qui gère les fonds déposés par les avocats pour le compte de leurs clients avant de les leur restituer. Ce Thévenot, qui semble avoir oublié la robe qu’il porte, et la nature des fonctions qu’il occupe, a pris sur lui de déclarer tout seul la guerre à la Russie. Il a décidé le blocage des sommes appartenant aux clients ayant des noms à consonance slave ! : « Je sais bien que notre région est peuplée de bon nombre de ressortissants polonais ou des états baltes, mais la rigueur s’impose si nous voulons être efficaces dans cette lutte contre la Russie ». Mesure-t-il la violence de ses termes qui renvoient sans problème à la période des célèbres « sœurs zombres ».

Vududroit.com

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La dépendance économique de la France

« L’indépendance est le privilège des puissants ». Bien que ces mots du philosophe allemand Friedrich Nietzsche traitent des individus, ils peuvent parfaitement être transposés aux Nations. C’est en effet le privilège des Etats puissants d’apprécier l’absence de subordination et la liberté d’action l’accompagnant.

ege.fr

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Guerre Russie-Ukraine. La Droite doit attaquer Emmanuel Macron !

Par Nicolas Faure, animateur du média Sunrise. Sur la question de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, j’assiste, totalement médusé, à un étalage impardonnable de mollesse de la part des candidats dits de droite. Éric Zemmour et Marine Le Pen – qui n’est d’ailleurs pas de droite, mais c’est un autre sujet – semblent sidérés par ce conflit et n’osent pas attaquer Emmanuel Macron ou se servir de cette guerre pour conforter leur discours. C’est une grave erreur.

polemia.com

https://www.polemia.com/guerre-russie-ukraine-la-droite-d...

GAFAM

L’UE sous influence d’ONG et de lobbys : « Un coup d’État permanent pour imposer un agenda en se substituant aux corps intermédiaires et à la contrainte du suffrage universel. »

La sortie d’un rapport important (à télécharger ici) et accablant sur des pratiques au sein des institutions européennes ainsi que sur l’influence de lobbys et d’ONG sous la coupe de personnages comme Bill Gates, Schwab ou encore Soros démontre une influence dans le processus législatif européen, ce que les citoyens de nos pays n’ont pas (hormis lors des élections européennes.) Une réelle menace pour la démocratie donc.

Breizh-info.com

https://www.breizh-info.com/2022/03/16/181685/union-europ...

GÉOPOLITIQUE

L'Europe suspendue entre l'être et le non-être : est-ce une patrie commune ou un cadavre atlantique ?

L'avènement du multilatéralisme dans la géopolitique mondiale place l'Europe devant un dilemme existentiel entre: être une patrie commune ou ne pas être un cadavre atlantique. L'histoire impose parfois des choix cruciaux et inéluctables.

Euro-synergies

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IN MEMORIAM

† Jean-Pierre Rondeau, Français d’Algérie

L’engagement politique nuit souvent à une belle carrière professionnelle, entend-on souvent : « Ah ! s’il n’avait pas de telles idées ! »… Enfin, pas les idées de la « bien-pensance », bien sûr, qui, pour certains, sont plutôt gage de « coup de pouce citoyen » pour « faire de bons coups » surtout entre coquins. Oui, mais… le talent, la droiture, la conviction, l’engagement, la fidélité, la camaraderie, toutes ces sortes de choses démentent parfois de telles affirmations… La preuve par Jean-Pierre Rondeau que les suites d’une longue maladie, comme on dit pudiquement, ont fini par emporter à 79 ans.

synthesenationale

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RÉFLEXION

Proscrits, déplacés, réfugiés : ce que révèle le vocabulaire de la migration contrainte

« Émigrés » et « proscrits », « migrants » et « exilés », « demandeurs d’asile » et « réfugiés ». Le vocabulaire utilisé pour désigner celles et ceux qui subissent les migrations contraintes est révélateur des représentations contrastées qui leur sont attachées.

Theconversation.com

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Ukraine : l’Occident et le reste du monde

La réaction de l’Occident à l’invasion russe en Ukraine est finalement, dans sa version française, un symptôme assez accablant de l’état dans lequel nous nous trouvons. Le furieux délire guerrier qui s’est emparé des élites françaises, couplé à leur occidentalisme indécrottable les empêche d’accéder au réel et de faire l’effort d’une analyse qui permettrait de s’abstraire des biais qui nous donnent de la réalité l’image de ce que nous voudrions qu’elle soit. C’est-à-dire en bon français de prendre ses désirs pour des réalités.

vududroit.com

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RUSSIE

La Russafrique : combien de votes ?

Le 2 mars, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution déplorant l’agression commise par la Russie contre l’Ukraine et exigeant que Moscou retire immédiatement ses troupes du territoire ukrainien. Cette résolution a été adoptée à une très large majorité : 141 pays ont voté en sa faveur et seulement 5 pays contre – la Corée du Nord, la Syrie, l’Érythrée, la Biélorussie et bien évidemment la Russie. Mais plus que les « pour » et les « contre », ce sont les abstentions qui retiennent l’attention. 34 pays se sont abstenus, dont 16 pays africains.

Theconversation.com

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La situation militaire en Ukraine

Analyse détaillée par Jacques BAUD, ancien colonel d'État-major général, ex-membre du renseignement stratégique suisse, spécialiste des pays de l’Est. Pendant des années, du Mali à l’Afghanistan, j’ai travaillé pour la paix et ai risqué ma vie pour elle. Il ne s’agit donc pas de justifier la guerre, mais de comprendre ce qui nous y a conduit. Je constate que les « experts » qui se relaient sur les plateaux de télévision analysent la situation à partir d’informations douteuses, le plus souvent des hypothèses érigées en faits, et dès lors on ne parvient plus à comprendre ce qui se passe. C’est comme ça que l’on crée des paniques. Le problème n’est pas tant de savoir qui a raison dans ce conflit, mais de s’interroger sur la manière dont nos dirigeants prennent leurs décisions.

cf2r.org

https://cf2r.org/documentation/la-situation-militaire-en-...

SANTÉ/MENSONGES/LIBERTÉ

L’OMS travaille discrètement à l’établissement d’une dictature techno-sanitaire

En décembre dernier, alors que l’hystérie de la presse était à son maximum concernant ce qui se transformait en épidémie carabinée de rhume omicron, 194 pays se sont mis d’accord pour accroître les pouvoirs de l’OMS. Bien évidemment et comme trop souvent lorsqu’il s’agit de décisions très importantes qui vont présider à l’avenir de millions d’individus, la presse a conservé une discrétion de violette au sujet de ce processus qui vise effectivement à renforcer les capacités d’intervention de l’Organisation Mondiale de la Santé en cas de nouvelles pandémies, et à lui donner toute une panoplie de droits plus ou moins coercitifs supranationaux. Oui, vous avez bien lu : l’idée est à terme de placer l’OMS au-dessus des États souverains et de leurs dirigeants que leurs peuples auraient éventuellement désignés de façon plus ou moins démocratique (et avec plus ou moins de bidouilles électorales).

Contrepoints.org

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Vaccination massive et mortalité

Il est souvent affirmé que les pays pauvres subiraient une vague de mortalité dramatique liée au Covid, la responsabilité en incomberait au coût trop élevé des vaccins qui priverait ainsi les populations d’une protection indispensable contre la pandémie. Vérité ou Fausseté ? Une analyse faite en janvier, sur un échantillon de 31 pays représentant 39 % de la population mondiale, sélectionnés selon la taille de population, le niveau de développement et le taux de vaccination, tente de répondre à cette question. Loin de la propagande des « big pharma » !

covid-factuel.fr

https://www.covid-factuel.fr/2022/03/14/vaccination-massi... /

Et si l’émergence du Covid relevait du bioterrorisme ?

Alors que les uns ont accusé l’Ukraine d’héberger une trentaine de laboratoires servant des causes plus ou moins louables, et que les autres démentaient avec véhémence et criaient aux fake news (la tarte à la crème des critiques paresseux), l’OMS conseillait ce 11 mars à l’Ukraine de détruire les agents pathogènes dans les laboratoires de santé pour empêcher la propagation de la maladie.

Le blog de Liliane Held Khawam

https://lilianeheldkhawam.com/2022/03/13/et-si-lemergence...

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UNION EUROPÉENNE/OCCIDENT

Europe-Russie : les trous de mémoire

En 2022 les dirigeants européens se réunissent pour constater que leur énergie est très dépendante de la Russie. Ils réalisent qu’en conséquence, ils ne peuvent pas peser autant qu’ils le souhaitent sur le conflit ukrainien… Par Loïc Le Floch-Prigent.

Causeur.fr

https://www.causeur.fr/europe-russie-independance-energet...

L’Occident a choisi l’émotion sur la raison et va le payer très cher

En choisissant les sentiments, l’émotion et l’affichage virtuel sur la raison et la réflexion de long terme, l’Occident a fait une grosse erreur, un peu dans le style « Get Woke, Go Broke » (tentez le wokisme et devenez ruiné). À force d’essayer d’être woke, l’Occident va être broke.

contrepoints.org

https://www.contrepoints.org/2022/03/16/423358-loccident-...

Corruption : La famille von der Leyen aux manettes de l’UE

Nicolas Ullens, ex-agent à la Sûreté de l’État belge qui a quitté ses fonctions pour dénoncer la corruption au sein de l’État belge, nous revient avec des informations concernant, cette fois-ci, la présidente de la commission européenne, Ursula von der Leyen. Cette dernière est soupçonnée d’être impliquée dans plusieurs affaires de « gros sous ».

synthesenationale

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… ET POUR TERMINER, UN PEU D’HUMOUR SUR UN SUJET SÉRIEUX

Évasion fiscale, mensonges sous serment : McKinsey, le scandale continue

Ça pourrait bientôt devenir la série Netflix à la mode… Vous le savez, l’affaire du cabinet de conseil McKinsey est un (nouveau) boulet que traînent La République en Marche et Emmanuel Macron. Il y a quelques semaines, Juste Milieu avait mené l’enquête là-dessus en vidéo. Et, clairement, c’est pas du joli…

Juste-milieu.fr

https://juste-milieu.fr/evasion-fiscale-mensonges-sous-serment-mckinsey-le-scandale-continue/?j=889934&sfmc_sub=8278553&l=491_HTML&u=21256960&mid=510002345&jb=16005&utm_source=sfmc&utm_medium=email&utm_campaign=112+-+Mensonges+sous+serment%2c+%c3%a9vasion+fiscale+Macron+dans+la+tourmente&isBat=false&d=JUM&sk=ZHVyYW50ZWVkaXRldXJAd2FuYWRvby5mcg==&e=5e917cf989edbe309098697ec1aed4e7128ca36059478ee24ee76f46266edfc2&j=889934&l=491&b=16005&sid=8278553&senddate=2022-03-19

samedi, 19 mars 2022

Le "Troisième Reich" d'Arthur Moeller van den Bruck

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Le "Troisième Reich" d'Arthur Moeller van den Bruck

Carlos X. Blanco

En janvier 2015, la maison d'édition Hipérbola Janus a publié pour la première fois le volume classique Le Troisième Reich. Un livre avec lequel son auteur, Arthur Moeller van den Bruck, a signé l'une des pages les plus immortelles de la soi-disant "révolution conservatrice" allemande. Comme l'indique la quatrième de couverture du livre, "Le Troisième Reich a été publié pour la première fois en 1923, deux ans avant le suicide tragique de son auteur, dix ans avant l'avènement du national-socialisme en Allemagne et cinq ans après la fin de la Première Guerre mondiale, qui a entraîné l'effondrement du deuxième Reich de l'empereur Guillaume II et la naissance de la République de Weimar".

imamvdb3rages.jpgCela dit, il va presque sans dire que l'ouvrage de Moeller van den Bruck n'est en aucun cas un livre "nazi". Le national-socialisme est un phénomène ultérieur, que l'auteur du Troisième Reich ne pouvait pas connaître. Certes, le nazisme s'est approprié le concept et l'expression, mais Moeller ne pouvait rien y faire, car il était déjà mort. En outre, les premières expressions du national-socialisme en tant que mouvement organisé indiquaient déjà une incompatibilité spirituelle avec l'approche révolutionnaire-conservatrice de l'auteur examiné ici. L'approche grossièrement matérialiste et raciste qui conduira Hitler et ses partisans au massacre des Juifs, des Slaves et d'autres groupes ethniques n'a rien à voir avec la "révolution conservatrice", comme nous l'avons déjà montré dans notre travail sur Oswald Spengler, une figure parallèle à celle de Moeller à certains égards et qui lui est apparentée. A l'opposé du matérialisme raciste des hitlériens, notre auteur adopte une approche nationaliste, traditionnelle et spiritualiste : c'est la nation allemande humiliée et en manque d'espace pour ses soixante millions d'âmes (selon la démographie de l'époque, les années 1920). C'est la nation, et non la race maîtresse, qui est en jeu. C'est la nation, vaincue et de surcroîts trompés par les puissances victorieuses qui ont imposé le Traité de Versailles, qui doit reprendre son destin en main.

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Dans cette très brève recension (que nous avons pu compléter et étendre par le biais de l'un des nombreux podcasts prévus), nous aimerions attirer l'attention sur un autre point de contraste entre les idées de Moeller et les folies suicidaires ultérieures d'Hitler et du national-socialisme tel qu'il s'est historiquement constitué. Dans le Troisième Reich de Moeller, il n'y a pas de phobie de l'Est, pas de projet inhumain de conquête et d'asservissement de l'immensité des pays de l'Est, qui s'étend de la Pologne et de la Russie aux confins de la Sibérie. Au contraire, nous voyons une union germano-russe qui transcende les conditionnements idéologiques ou les différences ethniques. On ne trouve pas non plus la rhétorique typique de la "droite", à savoir le rejet générique du socialisme ou du communisme au nom d'une future dictature des grands propriétaires terriens et des militaires (soit dit en passant, le modèle "latin" de dictature, qui n'a rien à voir non plus avec la révolution conservatrice). Il n'y a rien de tel. Au contraire, le livre, un classique de la pensée révolutionnaire conservatrice, s'ouvre à une approche socialiste. Un socialisme non marxiste, une approche centrée sur la figure de l'ouvrier, l'ouvrier avec une patrie qui, loin de la fausse conscience internationaliste, est un ouvrier allemand. Le texte suinte et abonde en appels à la gauche ouvrière allemande à être avant tout allemande, et donc à réorienter son marxisme internationaliste vers un socialisme d'un autre type : hiérarchique, discipliné, patriotique (très proche du socialisme " prussien " prôné par Spengler) qui fait front commun avec les autres classes sociales non naturalisées d'Allemagne, le tout en vue de se réapproprier son propre pays.

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Cela implique qu'il n'y a de socialisme que dans la voie nationale. Nous ne pouvons parler de socialisme que dans le sens précis où une nation possède son propre socialisme. Pas le national-socialisme, mais le socialisme national. On est socialiste à la manière française, anglaise, etc., et cette manière ou cette forme peut être très différente de celle de l'Allemand, du Russe ou de l'Espagnol.

De la même manière, nous pouvons parler de la démocratie d'une manière nationale. Qu'est-ce que la démocratie ? demande Moeller, et la réponse n'est pas celle que l'on attendrait d'un libéral. La démocratie, dit Le Troisième Reich, est l'appropriation de son propre destin. Quand un peuple s'approprie son propre destin, c'est un peuple démocratique, et l'auteur affirme que l'Allemagne est démocrate depuis des milliers d'années. Ce n'est que plus tard que ce peuple porteur d'un destin se dote d'un chef ou d'un roi. La démocratie allemande, qui, selon le livre, est organique, communautaire et non libérale, n'a pas trouvé sa véritable expression à Weimar. À Weimar, le point de vue libéral a triomphé, déplorable non pas tant pour son contenu idéologique libéral en tant que tel, qui pour des peuples comme les Anglais pourrait représenter leur costume sur mesure et leur instrument parfait pour canaliser leur volonté particulière de puissance, mais pour son incompatibilité avec l'essence de l'Allemande. À Weimar, être libéral, c'est être un traître à la patrie, c'est ouvrir la porte aux occupants et aux ennemis (France et Angleterre). En outre, cette démocratie libérale a préparé le terrain pour la révolution : l'anarchisme et le communisme n'anéantiraient pas seulement une nation vaincue dans la grande lutte européenne, mais seraient la fin de la civilisation elle-même.

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L'objectif de Moeller est de fournir un fondement philosophique à sa révolution conservatrice. Sa philosophie est révolutionnaire car l'auteur, peu après la défaite de sa patrie, éprouve le profond sentiment de malaise que "ça ne peut pas continuer comme ça". Les formules réactionnaires et nostalgiques ne fonctionnent plus. Il n'est pas possible de faire revivre un passé. Le nouveau Reich doit, en même temps, être la continuation du Premier et du Deuxième Reich, car le peuple, la nation, existent toujours (bien que sans espace, humiliés et aux mains des ennemis), mais sur des bases absolument nouvelles.

Imprégné de la philosophie organiciste et vitaliste allemande, Moeller parle de "conservation" comme de la loi fondamentale de l'existence. Ce qui existe depuis des millénaires ou des siècles mérite d'être préservé face au chaos et à l'anarchie qui, au nom du "renouveau", peuvent anéantir les efforts civilisationnels les plus nobles et les plus laborieux. Conservateur n'est pas réactionnaire. Le conservateur entretient, vivifie, emploie son instinct de vie à des fins constructives. Au contraire, le réactionnaire réagit violemment à la nouveauté et la rejette, mais n'en tire aucune leçon. Il est mimétique par rapport au passé, il ne fait que copier et reproduire l'ancien, et tout ce qui est ancien n'est pas bon, classique, ennoblissant.

Nous pensons que c'est un grand succès que cet éditeur, Hipérbola Janus, mette entre les mains des lecteurs espagnols une œuvre aussi profonde et significative, en elle-même et comme moyen de connaître l'aube de la Grande Catastrophe qui a signifié pour l'Europe la montée du national-socialisme (une perversion de la Révolution conservatrice), la déprédation démo-libérale anglo-saxonne, le bolchevisme et, en définitive, la Seconde Guerre mondiale dans son ensemble, c'est-à-dire la Mort de l'Europe.

Informations rédactionnelles :

https://libros.hiperbolajanus.com/2015/01/AMVDB3R.html

El Tercer Reich. Hypérbola Janus, 2015.

https://www.hiperbolajanus.com/2015/01/arthur-moeller-van...

 

 

Claudio Risè: "La pandémie et la guerre vont changer les jeunes générations"

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Claudio Risè: "La pandémie et la guerre vont changer les jeunes générations"

Claudio Risé, l'universitaire et polémologue de Barbadillo : "Depuis des années, les centres de recherche américains considèrent comme dangereuses les tentatives d'élargissement de l'OTAN et de l'UE vers l'Est. Nous risquons une catastrophe mondiale".

Propos recueillis par Domenico Pistilli

Source: https://www.barbadillo.it/103569-claudio-rise-pandemia-e-...

Claudio Risé, professeur d'université, psychanalyste et écrivain, ainsi que rédacteur du quotidien La Verità, l'impact de ces deux années de Cccovvv,id a été dévastateur. Même pas le temps de reprendre son souffle, et voilà qu'un conflit guerrier aux proportions si vastes arrive pour rendre le monde encore plus anxieux.

Vous avez enseigné les sciences diplomatiques pendant plusieurs années : la polémologie, l'étude de la guerre. Quel effet auront les pandémies, les restrictions et les guerres sur la croissance des jeunes ? 

"Les pandémies comme les guerres sont des expériences fortes, avec des effets formateurs ou dommageables importants, parfois décisifs, sur les générations qui les vivent. Beaucoup dépend de l'attitude des adultes : s'ils sont conscients de l'importance formatrice du rôle qu'ils sont appelés à jouer dans ces situations, ou s'ils se mêlent principalement de leurs affaires".

Quelle est votre impression ?

"Qu'ils sont principalement préoccupés par eux-mêmes. Pensez à ce qui s'est passé avec cC,oooviid, une expérience existentielle totale, où il a été possible non seulement de combattre le virus mais aussi de contribuer au développement des qualités humaines et spirituelles de toute une génération. Au lieu de cela, tout a été joué sur l'augmentation de la peur et la suppression totale du courage pendant plus de deux ans, sans rien abandonner de ce qui pourrait augmenter la panique et la dépression. Au lieu de cela, l'accent a été mis sur le pouvoir et l'espace que les politiciens pouvaient tirer de la gestion de la catastrophe.  Tout cela a été aggravé par les interventions sur les libertés, allant jusqu'à obliger les gens à rester immobiles et à suspendre toute activité physique et toute relation avec la nature, même lorsque cela n'était pas nécessaire dans un pays comme le nôtre, qui est riche en ressources naturelles.

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Et maintenant, avec le début de la guerre ?  Comment transformer une guerre en facteur de croissance pour la génération qui en est témoin ?

"Pour qu'une guerre ait une fonction éducative, il est tout d'abord nécessaire d'être aussi clair que possible sur les raisons pour lesquelles elle est menée. Depuis des années, les tentatives américaines et européennes de se rapprocher de la sphère d'influence qu'elles avaient reconnue à la Russie après les accords consécutifs à la chute de l'URSS sont considérées comme dangereuses, même par les centres politiques et d'études américains. Pourquoi n'ont-elles pas été abandonnées ?

C'est en fait à cause des revendications de l'Ukraine sur des territoires largement habités par les Russes, et pour la volonté bien arrêtée de Kiev de rejoindre l'OTAN que Poutine a maintenant lancé son invasion, à laquelle l'Occident a répondu par des sanctions économiques sévères, déstabilisant le commerce mondial. Dès 2020, Foreign Affairs, l'une des revues d'études internationales faisant le plus autorité (entre autres très proche du Département d'État américain) écrivait : "L'Occident doit arrêter tout nouvel élargissement de l'OTAN et de l'UE en Europe de l'Est". Au lieu de cela, ils ont poursuivi des actions qui ont fini par provoquer la réaction musclée de Poutine. Pourtant, même un diplomate américain expérimenté comme Leslie Gelb (photo, ci-dessous) a averti dès 2015 : "Il est complètement irréaliste de penser que l'Occident obtiendra de la Russie la retenue qu'elle exige sans la traiter comme une grande puissance ayant des intérêts réels et légitimes".

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Ce n'est pas une surprise, mais il y a apparemment beaucoup de détermination à vouloir rompre à tout prix les équilibres internationaux qui ont été laborieusement construits pendant des décennies, au risque d'une catastrophe mondiale... Pas vraiment un comportement limpide et un exemple éducatif pour les prochaines générations".

Dans le passé, vous avez beaucoup écrit sur l'homme sauvage et la conversion des jeunes à la nature. Quels sont les antidotes à la numérisation des existences de la génération Z ?

"L'antidote est le corps, avec l'esprit qui l'anime. Il doit être introduit dans la nature aussi peu contaminée que possible, une représentation vivante de l'esprit divin, pour nous purifier des toxines spécifiques du processus de sécularisation des derniers siècles de matérialisme scientiste. Ce n'est pas un échange défavorable : reprendre un corps et une âme en échange d'un gadget gênant".

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Pourquoi l'Europe perd la guerre de l'énergie. Ce qu'il faut faire pour renverser la vapeur.

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Pourquoi l'Europe perd la guerre de l'énergie. Ce qu'il faut faire pour renverser la vapeur.

Gian Piero Joime

SOURCE : https://www.ilprimatonazionale.it/economia/perche-europa-sta-perdendo-guerra-energia-cosa-serve-ribaltare-partita-226798/

L'Europe de la prochaine génération - en raison de la grande pandémie, de la guerre en Ukraine et de la myopie stratégique de sa propre classe dirigeante - risque de se retrouver en rade, avec ses réservoirs d'énergie à moitié vides. L'Union européenne a toujours été très dépendante des importations d'énergie, notamment de pétrole et de gaz, en provenance de quelques pays, parmi lesquels la Russie domine : en effet, plus d'un tiers (35 %) de tout le pétrole brut et 32 % de tout le gaz importé sur le vieux continent proviennent de Moscou.

Au cours des prochaines années, les changements en cours dans le système énergétique mondial réduiront sensiblement le poids stratégique de la demande européenne, notamment en ce qui concerne les combustibles fossiles, où les flux commerciaux seront de plus en plus déterminés par la croissance de la demande et la dynamique des grands consommateurs asiatiques. Cette théorie est renforcée par l'échec induit du gazoduc North Stream 2, qui aurait garanti à l'Allemagne - et à l'Europe - des milliards de m3 de gaz russe. Et l'alliance énergétique entre la Russie et la Chine, qui a conduit en 2019 à la construction du premier gazoduc - Power of Siberia - capable d'acheminer 61 milliards de m3 de gaz par an de la Iakoutie, en Sibérie orientale, vers la Chine.

La guerre de l'énergie 

En outre, il suffit de penser à la toute récente "guerre du pétrole", c'est-à-dire à la concurrence féroce sur le prix du pétrole brut pendant la pandémie, qui a vu l'Europe être témoin de la bataille économique entre les principaux pays producteurs. Et aussi les positions agressives de la Russie et de la Turquie dans la zone méditerranéenne, notamment pour le contrôle des gisements en Libye et sur la côte égyptienne. Et bien sûr, l'actuelle guerre du gaz, qui est aussi la conséquence du conflit en Ukraine, et qui a des effets dévastateurs et profonds sur la société européenne. L'Europe perd donc le contrôle de l'énergie à la fois en tant que producteur et en tant que client.

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Et le choix européen, avec le Green Deal, pour le développement des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique apparaît comme une simple stratégie défensive basée sur le leadership culturel de l'énergie sans carbone. Une sorte de niche culturelle basée sur le principe de la durabilité et des technologies d'énergie renouvelable. Mais si l'Union européenne est fortement dépendante des importations de combustibles fossiles - comme le sont toutes les nations de l'UE à l'exception de la France, qui a construit une base solide pour son indépendance énergétique grâce à l'énergie nucléaire - dans le même temps, elle ne dispose pas des matières premières et des technologies dominantes des sources d'énergie renouvelables, qui sont largement sous le contrôle stratégique et industriel de l'Asie.

Transition énergétique ou transition des dépendances ?

La stratégie Green Deal - qui relève plus d'un choix culturel et réglementaire que d'un choix industriel - conduit au développement d'un système réglementaire puissant, avec des normes environnementales parmi les plus strictes au monde et des programmes d'action qui couvrent tous les secteurs. Cet engagement en faveur d'une Europe toujours plus verte est appréciable, mais il ne peut ignorer le fait que pendant de nombreuses décennies encore, les combustibles fossiles joueront un rôle décisif dans la fourniture de l'énergie nécessaire à la modernisation et au développement du continent européen, et que le remplacement complet des combustibles fossiles par des énergies renouvelables semble plus idéologique que réaliste : pour l'éolien et le photovoltaïque, les fondements énergétiques du Green Deal, malgré l'énorme croissance technologique des systèmes de stockage, nous sommes encore loin d'un système idéal, dans lequel les batteries seront capables d'absorber toute la production excédentaire à un moment donné et de la fournir en cas de besoin, d'où la nécessité d'un énorme surdimensionnement de la capacité installée par rapport aux besoins, avec le risque d'une augmentation des coûts, de coupures de la production excédentaire et de difficultés accrues pour atteindre les objectifs environnementaux, également en raison de l'épuisement des zones dites appropriées. D'autre part, il est tout aussi important de souligner que si la transition énergétique doit être réalisée avec des innovations, des systèmes et des composants chinois, japonais ou américains, alors il ne s'agira que d'une transition de dépendance du pétrole au lithium.

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Dans le scénario actuel de la "guerre énergétique", l'Union européenne part donc d'une situation de dépendance marquée, et donc d'insécurité énergétique. Alors que les concurrents internationaux avancent à un rythme rapide pour conquérir des technologies et des matières premières, l'Europe produit des plans pluriannuels diligents, avec beaucoup de bureaucratie continentale et nationale, et de nombreuses salles de contrôle pour la composition des intérêts publics et privés, qui sont souvent divergents. Ce qui en ressort est une super-structure bureaucratique, fiscale et financière qui risque d'alourdir les processus décisionnels et opérationnels des États membres et des entreprises, et de creuser l'écart avec les concurrents mondiaux. Ce fossé est déjà évident simplement en regardant l'origine des produits et des composants technologiques de la chaîne des énergies numériques, fossiles et renouvelables, qui sont en grande majorité d'origine chinoise et américaine.

Pourquoi l'Europe fait du surplace

Pendant que l'Union européenne rédige le Green Deal et met en place sa puissante structure bureaucratique, la Chine avance très vite, tant dans la conquête des mines de matières premières africaines que dans la production de technologies et de composants des différents secteurs de l'énergie et de la mobilité électrique, ainsi que dans l'introduction de tarifs douaniers pour protéger son industrie nationale, sans pour autant réduire son engagement dans le nucléaire.

Pendant ce temps, les États-Unis continuent d'investir pour gagner des mines de terres rares et de cobalt dans le monde entier, en remaniant leur chaîne d'approvisionnement nationale et en produisant constamment des éco-innovations, tout en renforçant leurs industries du gaz, du pétrole et du nucléaire. Et la Russie, tout en continuant à jouir de sa domination en matière de gaz et de pétrole, se tourne de plus en plus vers l'Est. Ainsi, à force d'ébaucher des plans et de prévoir des salles de contrôle, tout le continent européen risque de se positionner comme un vieux géant, à la bureaucratie puissante et aux couleurs arc-en-ciel rassurantes, plein d'éco-innovations et de produits de la grande transition numérique-écologique, made in China et aux États-Unis, mais aux réserves énergétiques incertaines.

Construire l'indépendance énergétique

La nouvelle Europe devrait précisément partir d'une force énergétique renouvelée, avec une stratégie qui ne vise plus seulement à mettre en place un cadre réglementaire vert mais qui est surtout déterminée à construire l'indépendance et la sécurité énergétiques, en encourageant le développement d'un secteur industriel à l'échelle du continent capable de produire de manière indépendante des systèmes et des composants pour l'ensemble de la chaîne de valeur énergétique. L'objectif doit être de maîtriser toutes les sources d'énergie : diversifier les approvisionnements en gaz et en pétrole, développer les usines de regazéification, rechercher le leadership dans la production de technologies et de composants dans le secteur des énergies renouvelables et intensifier la production d'énergie nucléaire.

L'inclusion par la Commission européenne du gaz et de l'énergie nucléaire dans la taxonomie dite verte, c'est-à-dire les investissements considérés comme durables, semble déjà être un bon signe, tout comme l'annonce par les Pays-Bas de leur engagement à construire deux nouveaux réacteurs dans les prochaines années, et par la France, qui continuera à prolonger la durée d'exploitation de sa génération actuelle de réacteurs, et qui, en plus des six nouveaux EPR, a défini un plan à long terme pour huit EPR2 supplémentaires, soit un total de 22,4 GW.

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L'Europe doit jouer un rôle de premier plan dans le système énergétique mondial : une indépendance énergétique croissante, une culture de l'innovation, une attention à la protection de l'environnement et un développement industriel basé sur les nouvelles technologies sont les objectifs à atteindre sans plus attendre. Le grand risque, peut-être fatal, est celui d'être réduit à jouer un rôle de plus en plus périphérique et, en fin de compte, subordonné.

Gian Piero Joime

"Dieux et pouvoir" de Guillaume Faye: esprit et technique pour la renaissance européenne

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"Dieux et pouvoir" de Guillaume Faye: esprit et technique pour la renaissance européenne

par Giorgio Nigra

SOURCE : https://www.ilprimatonazionale.it/cultura/ecco-dei-e-potenza-di-guillaume-faye-spirito-e-tecnica-per-la-rinascita-europea-227365/

Guillaume Faye (1949-2019), l'écrivain et polémiste français décédé il y a trois ans, est surtout connu du public identitaire italien pour avoir créé le terme d'archéo-futurisme : une expression au charme incontestable, entrée de force dans le langage courant de tout un espace politique, même si le livre correspondant, paru à la fin des années 90, a certainement été plus cité que lu. Mais ceux qui ont quelques années de plus, ou simplement une plus grande passion pour l'histoire des idées, se souviendront aussi de sa "vie antérieure", lorsqu'il incarnait le courant faustien et prométhéen de la nouvelle droite, même s'il rejetait fermement cette étiquette. À l'époque (nous parlons d'une période allant du milieu des années 1970 au milieu des années 1980), plusieurs des écrits de Faye ont été publiés dans les journaux de la nouvelle droite italienne, en plus de son œuvre la plus importante de cette époque, Le système à tuer les peuples, qui a connu plusieurs éditions.

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"Dieux et pouvoir", un recueil d'écrits plein de bonnes pistes

Néanmoins, on peut dire que Faye reste à bien des égards méconnu dans notre pays. La plupart du temps on se réfère - pour le louer ou le blâmer, selon les sensibilités - à ses polémiques contre l'Islam ou à quelque formule irréfléchie. La publication par la maison d'éditions Altaforte de Dei e Potenza, un recueil d'écrits et d'entretiens largement inédits de Faye couvrant la période entre 1979 et 2019, est donc particulièrement bienvenue. Quarante années au cours desquelles le monde a profondément changé, mais où Faye lui-même a connu des évolutions souvent désorientantes, avec peut-être, cependant, plus d'éléments de continuité qu'on ne voudrait le faire croire rétrospectivement.

Précédé d'un vaste essai introductif d'Adriano Scianca, qui est également l'éditeur du volume, Dei e Potenza contient de véritables joyaux. C'est le cas, par exemple, des deux critiques de Faye sur les livres païens d'Alain de Benoist, Come si può essere pagani ? (Comment peut-on être païen ?) et L'eclisse del sacro (L'éclipse du sacré), critiques dans lesquelles notre auteur critique le chef de file de la nouvelle droite, cependant sans jamais cesser de faire son éloge. Il ne cesse de lancer des piques à l'auteur des deux essais, qui était alors son compagnon de combat dans les rangs de la nouvelle droite. Ou pensons aux deux longs et denses articles sur la société multiraciale, datant du début des années 1980, dans lesquels on découvre d'une part la clairvoyance de Faye dans la compréhension du danger de l'immigration de masse et d'autre part l'incohérence de la vulgate qui voudrait que notre auteur français ait été immigrationniste jusqu'à la "révélation" des années 1990.

Nous trouvons également un Faye décidé à se confronter au meilleur de la pensée philosophique du vingtième siècle, également pour réfuter cette réputation qu'on lui fit, celle d'être un penseur "pas très sérieux", réputation qui entoure encore notre polémiste français. On lira, en ce sens, ses articles sur Adorno, Baudrillard, mais surtout la dense étude sur Heidegger, auquel un long essai est consacré dans Dei e Potenza sur le "dépassement du christianisme". Sont également intéressants des extraits de certains livres de Faye, encore inédits en italien : Nouveau discours à la nation européenne, Les Nouveaux Enjeux idéologiques, Avant-guerre : chronique d'un cataclysme annoncé ou le surprenant et original Les Extraterrestres de A à Z.

Guillaume Faye et quelques interviews éclairantes

Quant aux textes qui se réfèrent à la deuxième phase de la vie de Faye, celle où l'auteur fait ses adieux à la nouvelle droite et découvre le combat contre l'Islam, les entretiens méritent une attention particulière, comme Les Titans et les Dieux, très long et très intéressant, entièrement consacré au paganisme, mais voir aussi celui sur Nietzsche, tout aussi brillant. Illuminantes, enfin, sont ses considérations sur le sacrifice de Dominique Venner, l'homme qui, dans les années 70, avait amené Faye du Cercle Pareto universitaire au G.R.E.C.E., l'organisation qui deviendra plus tard le moteur de la nouvelle droite. En fin de compte, Dei e Potenza est un échantillon d'écrits et de réponses, émanant d'une longue période de la vie de Faye qui a façonné la pensée nationale-révolutionnaire européenne d'une manière souvent inconnue aujourd'hui des représentants mêmes de ce courant. Et c'est aussi une façon de revenir à ce que nous sommes, à une époque où, malheureusement, cela ne va plus de soi.

Giorgio Nigra.

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vendredi, 18 mars 2022

Sur le rôle des églises orthodoxes dans le conflit ukrainien

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Sur le rôle des églises orthodoxes dans le conflit ukrainien

Erich Körner-Lakatos

Source: https://zurzeit.at/index.php/ueber-die-rolle-der-orthodoxen-kirchen-im-ukraine-konflikt/

Le Patriarcat de Moscou se retrouve presque seul

Les relations entre les différentes églises chrétiennes orthodoxes, qui ne sont pas dénuées de conflits, ont encore été exacerbées par l'invasion russe du pays voisin occidental. Jusqu'à présent, il y avait les querelles bien connues entre le chef honorifique à Constantinople (Istanbul), le patriarche œcuménique Bartholomée Ier, largement impuissant mais respecté en tant que primus inter pares, d'une part, et les différentes églises nationales autocéphales, donc pratiquement indépendantes, d'autre part.

Cyrille Ier, le patriarche de "Moscou et de toute la Rus", a toujours revendiqué la primauté de la Troisième Rome. Ces derniers temps, on a également entendu parler de querelles entre les orthodoxes de Serbie et l'Église orthodoxe monténégrine reconstituée, rattachée auparavant au royaume indépendant jusqu'en 1918, où il est également question de choses très séculières, à savoir la propriété des bâtiments religieux. Il en va de même pour le conflit entre le patriarche orthodoxe serbe de Belgrade et la jeune Église orthodoxe macédonienne.

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Dans la tradition de l'alliance entre le trône et l'autel qui existe depuis l'époque des tsars, le chef de l'Eglise moscovite Cyrille Ier est entièrement du côté de son ami Vladimir Poutine, qui se présente comme un chrétien fervent, ce qui est toutefois difficile à croire pour un agent du KGB. Il convient de noter que la mère de Poutine a fait baptiser le petit Vladimir en secret. L'Église orthodoxe russe bénéficie d'une aide financière considérable de l'État pour la (re)construction d'églises et de monastères. Le prince de l'Eglise et le président ont en commun leur aversion pour l'Occident, qu'ils considèrent comme décadent. Cela s'est traduit par exemple par la persécution sévère du groupe Pussy Riots (en français : "émeutes des chattes") par l'État. Pour leur apparition peu ragoûtante dans la cathédrale du Christ-Sauveur de Moscou le 21 février 2012, ces "dames" seront jugées par le tribunal pénal. Poutine et le patriarche en sont très satisfaits.

De l'autre côté, l'Église gréco-catholique ukrainienne, qui s'appuie sur un grand nombre de fidèles (plus de quatre millions) dans l'ouest de l'Ukraine, avec à sa tête l'archevêque majeur de Kiev, Sviatoslav Shevchuk. Il s'agit d'une communauté religieuse à mi-chemin entre le catholicisme latin et l'orthodoxie. Depuis 1596 (en vertu de l'Union de Brest), elle reconnaît le Saint-Père de Rome comme chef de l'Église et se considère comme faisant partie de l'Église catholique. Persécutés à l'époque par Staline, ces "Uniates" célèbrent la liturgie selon le rite byzantin (ritus graecus) et défendent sans réserve une Ukraine indépendante.

Il en va de même pour l'Eglise orthodoxe ukrainienne, qui s'est détachée du Patriarcat de Moscou, se considère comme une Eglise autocéphale et est reconnue comme telle par le Patriarche œcuménique. Elle proteste contre l'invasion du pays. Ensuite, il existe encore en Ukraine une église orthodoxe qui reconnaît le patriarche de Moscou comme son chef. Pour elle, une prise de position s'avère particulièrement délicate, car elle est assise entre deux chaises - ses fidèles ukrainiens et la hiérarchie. Quelle est sa décision ? Très clairement, elle se positionne contre l'invasion. Il en résulte un rapprochement surprenant avec la branche autocéphale, avec laquelle elle se disputait jusqu'ici pour réunir des fidèles et pour gérer les biens de l'Église.

Neutralité et défense nationale: Réalité et vision

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Neutralité et défense nationale: Réalité et vision

Andreas Mölzer

Source: https://andreasmoelzer.wordpress.com/2022/03/17/neutralitat-und-landesverteidigung-realitat-und-vision/

Selon des sondages récents, un peu plus de 70% des Autrichiens sont favorables au maintien de la neutralité. Et presque autant de personnes sondées sont favorables à ce que notre république alpine fasse partie d'un système de défense européen. Seule une minorité, quasi insignifiante, est donc favorable à l'adhésion à une OTAN dominée par les États-Unis.

En fait, il y a un peu plus de 20 ans, sous la coalition ÖVP-FPÖ de Wolfgang Schüssel et Susanne Riess-Passer, une brève période a laissé entrevoir une européanisation du pacte de l'Atlantique Nord et donc une émancipation des Européens de la domination américaine. A l'époque, il semblait que l'OTAN pouvait évoluer vers une alliance de défense réduite aux pays de l'UE. L'achat des 24 Eurofighters par la coalition ÖVP-FPÖ - en fait, il s'agissait d'un gouvernement FPÖ-ÖVP - devait être une sorte de contribution autrichienne à une défense européenne de l'espace aérien et les Battlegroups de l'Union européenne, dont il était question à l'époque, auraient probablement été conçus comme le noyau d'une armée européenne. La question de savoir comment une telle armée européenne aurait fonctionné compte tenu du potentiel militaire des deux puissances nucléaires que sont la Grande-Bretagne et la France n'avait même pas été abordée à l'époque. En tout état de cause, une armée européenne dotée du potentiel nucléaire des deux puissances atomiques d'Europe aurait pu développer la force nécessaire pour égaler les autres grandes puissances militaires.

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Non, il en a été autrement : malgré tous les échecs militaires et le chaos militaire que les forces armées américaines ont dû affronter lors de leurs opérations globales en l'Afghanistan et en Amérique latine, la domination américaine au sein du pacte de l'Atlantique Nord n'a pas seulement perduré, elle s'est même renforcée. Sous la présidence de Donald Trump, les Américains semblaient se replier sur la doctrine Monroe et sur une "splendide désolation". Aujourd'hui, sous le président démocrate Biden, les choses sont à nouveau très différentes, notamment en ce qui concerne l'adversaire géopolitique russe. Historiquement, ce sont les présidents américains démocrates qui ont le plus souvent engagé l'Amérique dans des guerres et des conflits militaires mondiaux. Joe Biden n'est qu'un de ceux-là et, avec l'élargissement considérable de l'OTAN vers l'Est, dans des territoires de l'ancien pacte de Varsovie, voire de l'ex-Union soviétique, il a quasiment encerclé la Russie. Les réactions de l'Union européenne, mais aussi des puissances européennes les plus fortes, la France et l'Allemagne, ainsi que du Royaume-Uni, qui s'est retiré de l'UE, dans le conflit armé actuel autour de l'Ukraine, montrent clairement que les Européens suivent ici, au sein de l'OTAN, les directives américaines de manière absolument servile.

Les Européens, en particulier les Allemands, mais aussi les Autrichiens neutres, ont été secoués par la guerre en Ukraine dans la mesure où ils ont dû admettre que leurs armées respectives n'étaient en aucun cas capables de se défendre et qu'elles n'avaient rien à opposer à d'éventuelles attaques extérieures. Bien qu'il n'y ait eu, et qu'il n'y ait toujours, aucun signe ou indice d'une intention russe d'attaquer des pays de l'UE ou des membres de l'OTAN, ce rappel à l'ordre semble avoir été fructueux et très nécessaire. Le gouvernement allemand, dirigé par Olaf Scholz, a immédiatement promis 100 milliards d'euros pour le réarmement du gouvernement fédéral, et même l'Autriche s'est soudainement montrée prête à augmenter le budget minimal de la défense. Et puis, il y a même eu des voix au sein de la République alpine qui ont déclaré que seule une adhésion à l'OTAN pourrait apporter la sécurité au pays.

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Nous savons maintenant que la neutralité perpétuelle, que nous avons acceptée sous la pression soviétique dans le contexte du traité d'État, est devenue au fil des ans une partie de l'identité autrichienne, apparemment appréciée par la majorité de la population. Du point de vue de la politique de sécurité, il s'agissait bien sûr d'un mensonge pendant la guerre froide, car même à cette époque, l'armée fédérale n'aurait pas été en mesure de résister à une attaque du Pacte de Varsovie. Dans le secret des cercles de l'armée autrichienne, on savait à l'époque qu'en cas de guerre, on n'aurait pu que lancer un appel à l'aide à l'OTAN et qu'on aurait peut-être été en mesure de résister brièvement. Et cela ne s'est pas du tout amélioré depuis la fin de la guerre froide.

En tant que membre de l'Union européenne, entouré de membres de l'OTAN, on pensait, à Vienne, y compris dans les cercles de l'armée fédérale, que la défense militaire du pays ne devait plus vraiment être prise au sérieux. L'armée fédérale était au mieux une organisation de protection civile, un bon corps de pompiers, qui devait fournir des services d'assistance en cas de catastrophe et, le cas échéant, intercepter les migrants illégaux lors d'une mission d'assistance à la frontière.

Au moyen d'innombrables réformes depuis l'ère Kreisky, l'armée a été amaigrie au cours de longues décennies, son armement est obsolète, le concept de milice a été purement et simplement mis au placard et même l'obligation générale de servir a été remise en question à un moment donné. La possibilité d'effectuer un service civil et les critères trop prudents appliqués lors de la sélection des conscrits ont de toute façon fortement érodé cette obligation générale de servir. C'est ainsi que l'armée de terre n'est aujourd'hui que partiellement opérationnelle, qu'elle ne dispose ni d'armes modernes ni d'une surveillance aérienne réellement opérationnelle, et qu'elle aurait à peine les carburants nécessaires pour les véhicules et les munitions nécessaires pour une intervention.

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Au vu de ces faits, et donc en ce qui concerne la neutralité et l'état de préparation effectif du pays à la défense, il convient de développer des stratégies d'avenir qui, d'une part, rendent la République réellement apte à se défendre et qui, d'autre part, permettent la mise en place d'un système de sécurité et de défense militaire européen, qui aurait dû être mis en place depuis longtemps. Si les belles paroles des responsables politiques devaient effectivement se concrétiser et si un budget adéquat devait être alloué à la défense nationale, l'armée fédérale devrait être réarmée le plus rapidement possible - ce qui devrait sans aucun doute prendre des années - sur le modèle suisse. Des investissements massifs devraient être consacrés à l'équipement et à la formation des cadres, qui constituent en quelque sorte le noyau d'une armée de milice à large spectre en tant qu'armée professionnelle.

Pour une telle armée de milice, le service militaire obligatoire devrait être étendu à l'obligation générale de servir pour tous les jeunes citoyens. Dans le cadre de ce service obligatoire, les jeunes hommes et les jeunes femmes devraient être obligés d'effectuer un an de service de solidarité civique, soit dans le cadre du service militaire, soit dans le cadre du service social et de la protection civile. Il n'y a pas d'argument valable pour que cette obligation de service ne s'applique pas aux femmes, étant donné que l'égalité entre les hommes et les femmes doit être imposée depuis longtemps dans tous les domaines juridiques et sociaux. Il va de soi qu'une telle armée de milice serait ouverte aux femmes de manière tout à fait équivalente et qu'elle devrait être dotée de certains avantages de nature financière par rapport aux services sociaux et à ceux du domaine de la protection civile, afin de garantir les effectifs correspondants. Une telle armée de milice, dotée d'un équipement moderne et d'une formation optimale, avec une armée professionnelle en son cœur, devrait avoir la volonté et la capacité de défendre le pays de manière autonome. Elle serait ainsi également garante de la neutralité militaire de l'Autriche, tant que celle-ci est maintenue.

Si l'Union européenne était en mesure de devenir un "acteur mondial", également du point de vue de la politique de sécurité, cela nécessiterait naturellement de s'émanciper des Américains. Que cela passe par une européanisation du traité de l'Atlantique Nord ou par un retrait des Européens de ce traité est secondaire. Même si une sorte de communauté de valeurs transatlantique des grandes puissances démocratiquement organisées, c'est-à-dire les États-Unis et l'Europe, doit continuer à exister, une action autonome de l'Union européenne en matière de politique de sécurité et de géopolitique serait indispensable comme condition préalable à la sauvegarde de ses propres intérêts. Et ce serait bien sûr aussi la condition pour abandonner la neutralité autrichienne sur le plan militaire au profit d'une participation à une armée de l'UE.

Depuis l'adhésion à l'UE, la thèse selon laquelle la neutralité de l'Autriche subsiste, mais qu'elle serait obsolète au profit d'une solidarité européenne en cas d'urgence militaire, est quelque peu éloignée de la réalité. En cas de création d'un système européen de sécurité et de défense, dont l'armée autrichienne ferait partie, notre neutralité serait sans doute caduque, tout comme celle des autres pays de l'UE jusqu'ici neutres, à savoir l'Irlande, la Suède et la Finlande.

Les propos tenus ces jours-ci par l'ancien haut responsable militaire Höfler, selon lesquels l'Autriche n'aurait actuellement que deux possibilités, à savoir un réarmement adéquat de l'armée fédérale ou l'adhésion à l'OTAN, seraient donc dépassés. Un réarmement approprié et efficace de notre armée, avec maintien provisoire de la neutralité jusqu'à la création d'un système de sécurité et de défense paneuropéen, serait plutôt la seule possibilité réaliste, mais aussi visionnaire, de maintenir la stabilité de la politique de sécurité du pays. Et cette armée devrait alors être intégrée dans ce système de sécurité européen et pourrait y développer une puissance militaire utile en tant que partie intégrante et contribution de l'Autriche. Le rêve pseudo-pacifiste d'une paix éternelle a fait long feu, nous le voyons ces jours-ci. Les exigences en matière de politique de sécurité pour notre République, mais aussi pour l'Europe commune, doivent maintenant être satisfaites au plus vite. Sinon, nous risquons, non seulement l'Autriche, mais aussi les pays de l'Union européenne dans leur ensemble, de devenir des profiteurs de troisième ordre de la politique mondiale.

Prof. Michael Geistlinger: "Le consentement aux sanctions est une violation du droit international"

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Prof. Michael Geistlinger: "Le consentement aux sanctions est une violation du droit international"

L'expert en droit constitutionnel et international Michael Geistlinger sur la compatibilité entre les sanctions contre la Russie et la neutralité

Source: https://zurzeit.at/index.php/zustimmung-zu-sanktionen-sind-voelkerrechtsbruch/

Professeur, l'Autriche participe aux sanctions globales décidées par l'UE contre la Russie en raison de l'invasion de l'Ukraine. Est-ce compatible avec la loi constitutionnelle fédérale sur la neutralité ?

Michael Geistlinger : Du point de vue du droit international, la question devrait plutôt être la suivante : La participation de l'Autriche aux sanctions globales de l'UE est-elle compatible avec son obligation de neutralité perpétuelle en vertu du droit international ? Ma réponse à cette question est : non !

La différence dans la formulation de la question résulte de la double nature de la loi constitutionnelle fédérale sur la neutralité perpétuelle. D'une part, elle fait partie du droit constitutionnel autrichien ordinaire. Cependant, les spécialistes autrichiens du droit constitutionnel et du droit européen estiment que cette loi constitutionnelle fédérale a été partiellement ou totalement abrogée, premièrement, par la loi constitutionnelle fédérale sur l'adhésion de l'Autriche à l'UE, qui fait partie des principes fondamentaux (lois de construction) de la Constitution fédérale autrichienne, deuxièmement, par les traités européens d'Amsterdam, de Nice et de Lisbonne et les modifications qui en ont résulté, et troisièmement, par les modifications ultérieures de la Constitution fédérale, en particulier l'article 23j de la Constitution fédérale. Quoi qu'il en soit du point de vue du droit constitutionnel et européen, la LPP sur la neutralité perpétuelle a été notifiée en 1955 à la quasi-totalité de la communauté internationale de l'époque en tant que contenu d'un acte juridique international unilatéral, à savoir une déclaration de statut. Cet acte juridique international unilatéral est toujours en vigueur en droit international.

Toutes les actions entreprises par l'Autriche avant son adhésion à l'UE et dans le cadre de son appartenance à l'UE - volontiers qualifiées d'expression de son devoir de solidarité - à l'encontre de cet acte juridique international unilatéral doivent être considérées comme des violations de la neutralité perpétuelle de l'Autriche.

Même si leur nombre se compte en milliers, si l'on considère les autorisations de survol - par exemple actuellement pour les livraisons d'armes à l'Ukraine - et les autorisations de transit en période de conflit armé pour une partie belligérante, la coopération avec l'OTAN directement dans le cadre du Partenariat pour la paix et indirectement par l'adhésion à l'UE, y compris l'organisation d'exercices militaires, et bien d'autres choses encore, elles représentent une accumulation de violations de la neutralité, mais elles n'ont pas le potentiel juridique international de mettre fin au statut de neutralité perpétuelle. Cette fin n'est pas laissée à la discrétion et au seul pouvoir de décision de l'Autriche, mais doit être négociée avec les États vis-à-vis desquels l'Autriche a donné l'impression juridique de respecter les obligations d'un État neutre permanent. Cela n'a pas été fait jusqu'à présent.

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Les tentatives de juristes et de politiciens autrichiens de réinterpréter les obligations d'un Etat neutre permanent ou de les considérer comme terminées en invoquant des circonstances fondamentalement différentes ou la formation d'un droit international coutumier ultérieur modifiant ou même annulant le statut n'ont pas trouvé l'acceptation universelle représentative requise par le droit international. Les tentatives visant à dire que le droit international de la neutralité a été modifié ou qu'il n'existe plus doivent également être considérées comme des échecs. Tout ce qui était en vigueur en 1955 concernant les droits et obligations d'un Etat durablement neutre en temps de paix et de conflit est toujours valable aujourd'hui, sans aucune modification.

Michael Geistlinger est professeur d'université à la retraite à l'Université de Salzbourg ; professeur invité à l'Université Charles de Prague ; spécialisé dans le droit international public : Droit international public, Droit constitutionnel comparé, Droit de l'Europe de l'Est / Spécialités : Russie, Ukraine, Géorgie, Moldavie, Serbie, Bosnie-Herzégovine.

Les sanctions de l'UE doivent être qualifiées de guerre économique. Les sanctions visant à exercer une pression économique sur un autre État tombent sous le coup de l'interdiction du recours à la force prévue par la Charte des Nations unies. Ceci est illustré par l'article 41 des statuts de l'ONU, qui traite de la violence en dessous du seuil de la force militaire et exige également l'autorisation préalable du Conseil de sécurité de l'ONU pour l'exercice de cette forme de violence. Les sanctions prises par les États-Unis à l'époque de l'Union soviétique et du Pacte de Varsovie, puis jusqu'à aujourd'hui, à l'encontre de l'Union soviétique, de la Russie et d'autres États, ainsi que celles prises par l'UE, en particulier à l'encontre de la Russie, n'ont pas été approuvées par le Conseil de sécurité de l'ONU, auraient échoué en raison du veto de la Russie, mais ne sont pas non plus couvertes par le droit international de la responsabilité des États, en ce qui concerne leur justification par la Crimée. Elles constituaient et constituent donc encore aujourd'hui une violation flagrante du droit international. Participer à l'usage de la force contre un État est incompatible avec le statut de neutralité perpétuelle. L'Autriche aurait eu le devoir de voter contre les sanctions et de les faire échouer.

    La fin de la neutralité perpétuelle ne relève pas du seul pouvoir de décision de l'Autriche.

L'UE, dont l'Autriche est notoirement membre, a l'intention de fournir à l'Ukraine des armes d'une valeur de 500 millions d'euros. Le ministre des Affaires étrangères, M. Schallenberg, a déclaré que l'on avait décidé, par solidarité avec l'UE, d'y participer et de ne pas faire de blocage. Une telle attitude n'est-elle pas un mépris flagrant de la neutralité?

Geistlinger : En approuvant ces sanctions, le ministre des Affaires étrangères Schallenberg a lui-même enfreint le droit international. La référence à la solidarité de l'UE n'est pas une justification valable du point de vue du droit international. On ne peut pas justifier une violation du droit international universel par une prétendue obligation au niveau régional, celle de l'UE, qui n'existe d'ailleurs pas, comme le prétend le ministre des Affaires étrangères.

Selon vous, quelle est la politique de l'Autriche conforme à la neutralité dans les crises internationales telles que la guerre en Ukraine ? Le chancelier Nehammer a-t-il raison de dire que la neutralité autrichienne n'est pas "une neutralité de non-opinion" ?

Geistlinger : L'Autriche a le droit de dénoncer une violation du droit international si elle respecte elle-même le droit international. Si elle viole elle-même le droit international, il est conseillé de se taire. Si l'Autriche respecte sa neutralité perpétuelle, elle a également le droit de dénoncer les violations du droit international, par exemple l'interdiction de l'usage de la force par l'ONU, et d'exiger le respect du droit international. Le respect des obligations découlant de la neutralité s'impose également dans le cadre d'un conflit armé international qui a été déclenché en violation de l'interdiction de l'usage de la force. Le droit international de la neutralité est aveugle quant à la naissance d'un conflit. En cas de conflit armé international, il est impératif de ne soutenir aucune des parties au conflit et de traiter toutes les parties au conflit de manière égale. Le territoire autrichien ne doit pas être utilisé pour soutenir une partie au conflit. Le chancelier Nehammer a donc raison et peut avoir une opinion, à condition que lui et son ministre des Affaires étrangères respectent le droit international et donc le statut de neutralité perpétuelle, ce qui n'est malheureusement pas le cas.

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La Russie est très irritée par l'attitude de l'Autriche dans le conflit ukrainien et déclare qu'elle en "tiendra compte à l'avenir". Peut-on également considérer que la neutralité ne concerne pas seulement le respect de la loi constitutionnelle fédérale sur la neutralité, mais aussi la crédibilité internationale, qui a peut-être été durablement entamée ?

Geistlinger : La valeur du statut de neutralité perpétuelle est bien supérieure à celle de l'appartenance à l'OTAN, en particulier pour un État comme l'Autriche, dont le statut, comme l'a souligné le président Poutine lors de sa dernière visite d'État en Autriche, n'est pas seulement noté mais garanti par la Russie. L'avantage du statut de neutralité est qu'aucun Autrichien ne sera blessé dans un conflit armé qui éclaterait entre qui que ce soit. La condition préalable est la crédibilité. La perdre, c'est mettre en péril la fonction protectrice de ce statut. La fonction de protection réside dans le fait que l'Autriche est tenue à l'écart d'un conflit armé, qu'elle n'est ni la cible d'attaques ni utilisée pour des attaques. La crédibilité a souffert, mais n'a pas mis fin au statut, elle doit simplement être restaurée au plus vite. Comme le montrent déjà les contre-sanctions russes, la Russie compte l'Autriche parmi les États "inamicaux", avec pour conséquence qu'elle est considérée comme un ennemi dans une guerre économique, sans tenir compte de son statut de neutralité. De là à la considérer comme une ennemie dans un conflit armé, il n'y a qu'un pas.

    Les réactions de la Russie aux sanctions montrent qu'elle considère l'Autriche comme un ennemi dans la guerre économique.

La loi constitutionnelle fédérale du 26 octobre 1955 oblige également l'Autriche à maintenir sa neutralité par tous les moyens à sa disposition. Cet engagement a-t-il été respecté si l'on pense à la sous-dotation budgétaire chronique de l'armée fédérale ?

Geistlinger : La crédibilité implique que l'Autriche soit en mesure de défendre l'intégrité de son territoire avec les moyens, y compris militaires, dont dispose un petit État. Ce n'est pas le cas, d'autant plus que l'Autriche devrait s'inspirer de la Suisse, conformément au mémorandum de Moscou et aux notes explicatives de la LPP sur la neutralité perpétuelle. La Suisse montre à quel point un État de taille comparable peut faire preuve de crédibilité.

Dans le cadre du conflit ukrainien, des voix s'élèvent à plusieurs reprises pour réclamer une politique de défense unique pour l'UE. Or, il existe un article 42 du traité sur l'UE qui fait référence au "caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres", c'est-à-dire aux neutres. Si l'Autriche évolue vers une politique de défense unique de l'UE, pourrait-elle se soustraire durablement à une participation ?

Geistlinger : Cet article se réfère en premier lieu au fait qu'un nombre considérable de pays de l'UE sont également des pays de l'OTAN. L'article et l'évidence qu'un représentant d'un pays de l'OTAN ne peut pas agir dans le cadre de l'UE autrement qu'en harmonie avec l'OTAN rendent en fait impossible l'adhésion à l'UE d'États durablement neutres s'ils veulent tenir compte de leurs obligations de droit international public découlant de la neutralité.

Cela s'applique aussi bien à l'adhésion de l'Autriche qu'à celle, actuellement en discussion, d'une Ukraine neutre, d'une Moldavie neutre ou d'une Géorgie neutre.
En ce qui concerne l'Autriche, la Commission européenne, dans son avis sur la demande d'adhésion de l'Autriche, a suggéré à l'époque à l'Autriche d'émettre une réserve de neutralité. L'Autriche a refusé cette proposition et a choisi la deuxième option - problématique du point de vue du droit international - qui consiste à appliquer ou à réinterpréter sa neutralité conformément à la PESC. Dans la déclaration commune sur la PESC à l'occasion de l'acte final du traité d'adhésion de l'Autriche à l'UE, les États membres de l'UE de l'époque ont obtenu de l'Autriche l'assurance qu'elle serait prête et capable, dès son adhésion, de participer pleinement et activement à la politique étrangère et de sécurité commune, telle qu'elle est définie dans le traité de l'UE.
La politique de défense commune ne fait qu'aggraver cette problématique. L'utilisation de l'article 42 du traité de l'UE pour se soustraire durablement à la politique de défense commune est un impératif, tout comme une volonté claire de l'UE d'exclure les membres neutres des sanctions de l'UE et de la défense commune.

L'entretien a été mené par Bernhard Tomasachitz.

Autriche: "Nous avons actuellement une neutralité au rabais"

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Autriche: "Nous avons actuellement une neutralité au rabais"

Le brigadier à la retraite Günter Polajnar sur la neutralité et les besoins d'investissement de la Bundesheer autrichienne

Source: https://zurzeit.at/index.php/wir-haben-derzeit-eine-diskont-neutralitaet/

Monsieur le Brigadier, quelles leçons l'Autriche doit-elle tirer de la guerre en Ukraine en ce qui concerne la défense nationale et l'armée fédérale ?

Günter Polajnar : Tous les politiciens rivalisent à nouveau d'interventions sur le "budget famélique" de l'armée fédérale autrichienne, comme par exemple : "Nous devons investir dans notre défense nationale plus qu'auparavant, au moins, etc ... !"

J'entends les mots, mais je n'y crois pas ! Chaque gouvernement de ces dernières décennies a laissé des traces essentiellement partisanes dans la structure de l'armée fédérale autrichienne, qui est donc passée d'une réforme à l'autre en titubant. La stratégie politique des partis a toujours été plus importante pour nos gouvernements que la nécessité de la politique de défense ! Klaudia Tanner (ÖVP), notre actuelle ministre de la Défense, en a fourni un exemple particulièrement frappant : En 2020, elle voulait tout juste réduire au minimum la mission principale de la défense nationale (car la fameuse "bataille des chars dans le Marchfeld" n'aura plus jamais lieu). Au lieu de cela, notre armée fédérale devait, malgré sa neutralité, être transformée selon le "modèle suisse" en un corps d'assistance technique légèrement armé pour des missions d'assistance. Or, depuis le 24 février 2022, des chars russes circulent et tirent dans l'Ukraine voisine et maintenant (minuit cinq), quelle surprise, la chère Madame parle soudain d'un "incroyable besoin de rattrapage" !

Autres exemples de la volonté de défense autrichienne : Herbert Scheibner (FPÖ) a dû avaler en 2002, après un "petit déjeuner avec l'éminent chancelier", les Eurofighter Typhoon du chancelier Schüssel de l'époque au lieu de la solution bien plus raisonnable du Gripen suédois (photo, ci-dessous) proposée par l'état-major (entre autres à cause de l'infrastructure de chantier suffisamment disponible à l'époque, d'origine suédoise) !

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Juste avant les élections nationales de 2006, Günther Platter (ÖVP) a suspendu les exercices de milice et en a fait le point culminant de sa carrière de ministre. Pour couronner le tout, il a réduit de moitié la capacité de mobilisation de l'armée et a supprimé les exercices. Enfin, Norbert Darabos (SPÖ), objecteur de conscience déclaré, était prévu pour le ministère de l'Intérieur lors du changement de gouvernement en 2007. Cependant, l'ancien chancelier Schüssel a imposé Platter comme ministre de l'Intérieur. Darabos est donc devenu, à notre grand regret, le ministre suivant de la Défense.
Il s'est immédiatement mis au travail, a réalisé le vœu le plus cher de Gusenbauer (SPÖ) et a marginalisé la défense aérienne, qui était de toute façon quasiment inexistante, en réduisant encore considérablement le nombre des Eurofighters, déjà mal aimés, à un nombre honteux et ridicule de 15 unités.

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Pour couronner le tout, cet appareil a été rétrogradé au rang d'avion-école tout juste utilisable, sans capacité de combat de nuit. Sous Hans-Peter Doskozil (SPÖ), dans le sillage de la crise migratoire de 2015/16, un budget un peu plus élevé a de nouveau été obtenu pour l'armée, et Thomas Starlinger a été le dernier ministre fédéral de la Défense nationale dans le gouvernement d'experts avant le gouvernement Kurz de 2020, qui, en tant que spécialiste reconnu, avait le courage et probablement la compétence d'aborder clairement les vérités désagréables et de les mettre sur la table des débats. Ainsi, ce triste éventail de nombreux échecs et de mauvaises décisions se referme sur la phrase de Marcus Tullius Cicero, qui reste malheureusement toujours d'actualité : "Si vis pacem, para bellum" ou "Si tu veux la paix, prépare la guerre" !

Le Bgdr i. R. Günter Polajnar a commandé la 7e brigade de chasseurs (Photo : Bundesheer)

Pendant des années, voire des décennies, l'armée fédérale a été traitée en parent pauvre par les politiques et sous-dotée financièrement. Aujourd'hui, les politiques se sont engagés à augmenter le budget de l'armée. Pensez-vous que l'armée fédérale obtiendra désormais les moyens dont elle a besoin ?

Polajnar : Il n'est pas facile de répondre à cette question ! Comme nous l'avons déjà dit, la stratégie politique des partis, leur cuisine intérieure, a toujours été plus importante que les besoins de la politique de défense. J'ai toujours entendu toutes ces promesses d'augmentation des investissements pour la défense nationale lorsqu'il y avait le feu au lac !

Oui, notre armée jouit d'un certain prestige, mais principalement en raison de ses nombreuses interventions en cas de catastrophe et d'assistance, ainsi que de ses fréquentes opérations de protection des frontières en rapport avec les réfugiés cherchant à entrer illégalement sur le territoire, mais pas vraiment pour la mission principale pour laquelle elle est censée être prioritaire, à savoir la défense nationale.

La responsabilité principale de ce dilemme n'incombe pas aux citoyens, mais surtout à nos hommes et femmes politiques, qui n'agissent en tant qu'État que lorsqu'il y a le feu à la baraque et qu'il serait nécessaire et donc raisonnable de disposer de pompiers prêts à intervenir. Mais contrairement aux pompiers, qui n'interviennent que pour minimiser les dégâts, une armée bien équipée devrait déjà servir à prévenir le "feu" imminent.

Pour faire court, je ne pense pas que la défense nationale soit une priorité à long terme, en raison de l'expérience intense que j'ai acquise dans le cadre de cette politique essentiellement partisane, qui fait passer ses propres intérêts avant l'intérêt général et dont l'objectif est de maximiser l'électorat.

Les principaux responsables de ce dilemme sont les hommes et les femmes politiques qui n'ont agi que lorsque le feu avait été allumé.

Selon vous, où faut-il mettre l'accent sur la défense nationale dans les années à venir ? La défense contre les cyber-attaques, la protection des infrastructures critiques ou autre?

Polajnar : Je dois malheureusement avouer que je ne peux peut-être pas répondre à cette question de manière aussi compétente que je le souhaiterais, étant donné que je suis à la retraite depuis un certain temps déjà. Il me manque donc simplement un état des lieux actuel, mais je vais faire de mon mieux. La culture stratégique de l'Autriche en matière de défense militaire repose sur deux points essentiels :

    - L'hypothèse qu'il n'y aura pas de conflit militaire sur le sol autrichien, et
    - qu'en cas d'urgence, l'Autriche neutre et non-alignée pourra tout de même compter sur le soutien de ses alliés.
    - De ces deux hypothèses clés découle la tendance de la classe politique autrichienne à utiliser l'armée fédérale sur le territoire national principalement pour des tâches secondaires telles que des missions d'assistance. Une défense militaire efficace n'est pas nécessaire et il n'est donc pas nécessaire d'y consacrer des ressources financières supplémentaires.
    - Que peut-on attendre de cette "pensée quasi-stratégique" pour l'avenir ?
    - Il est très probable qu'une réforme ou une restructuration de l'armée fédérale dans l'esprit de la "culture de défense autrichienne habituelle" impliquera de toute façon toujours plus de mise en scène que d'amélioration effective des performances militaires. Le sous-financement chronique des forces armées fait partie intégrante de cette culture, et même les conflits armés dans notre voisinage immédiat (comme en Yougoslavie en 1991) n'ont pas permis d'amorcer un changement de mentalité. Or, pour armer efficacement la République contre de nouveaux dangers, il faut non seulement une nouvelle définition de la guerre et de la paix et une nouvelle doctrine, mais aussi et surtout un soutien budgétaire à plus grande échelle.
    - Pour la raison susmentionnée, on ne peut pas non plus supposer que de nouveaux concepts opérationnels dans les domaines de la cyberdéfense ou de la défense contre les drones contribueront de manière significative à la défense militaire du pays.
    - Pour des raisons financières et de sécurité géographique, ces nouvelles priorités seront très probablement des programmes ponctuels, sans effet à grande échelle et avec de faibles capacités techniques militaires. Pour augmenter efficacement la capacité de combat de l'ensemble des forces armées et les rendre réellement opérationnelles sur le plan militaire conventionnel pour le XXIe siècle, il y aurait une multitude d'investissements à réaliser, y compris dans la guerre électronique ou dans la mise en réseau de tous les systèmes d'information de commandement, qui devraient être effectués en liaison avec cette dernière pour obtenir une valeur ajoutée militaire. La cyberdéfense ne fonctionne pas sans un renseignement efficace en matière de télécommunications et d'électronique.

En fin de compte, les attaques futures ne seront pas unidimensionnelles, mais très probablement multidimensionnelles, comme l'infiltration d'infrastructures critiques par des forces spéciales associées à des drones et soutenues par des cyberattaques ciblées. La nouvelle priorité ne doit donc en aucun cas signifier le désarmement de toutes les autres capacités.

Compte tenu de l'invasion russe en Ukraine, la neutralité est également un sujet de préoccupation en Autriche. L'Autriche devrait-elle envisager d'adhérer à l'OTAN ?

Polajnar : Notre neutralité au rabais actuelle ne protège pas, l'Autriche a objectivement deux options principales, à savoir une neutralité armée honnête ou l'adhésion à l'OTAN, mais subjectivement, je pense que nous n'avons qu'une seule option :
Mettre fin à notre parasitisme politicien irresponsable, dire enfin adieu à cette "neutralité en forme de clin d'œil" au cœur d'une Europe entièrement inféodée l'OTAN et, au lieu de cela, s'engager clairement en faveur d'une volonté d'affirmation de la politique de défense selon le modèle suisse, comme l'exigeait à l'origine la loi sur la neutralité, parce que l'Autriche a signé le 15 décembre 2009 un accord de paix avec l'OTAN. Après de longues et difficiles négociations, l'Autriche a obtenu son traité d'État et donc son indépendance le 1er mai 1955, et "dans le but d'affirmer en permanence son indépendance vis-à-vis de l'extérieur et de garantir l'inviolabilité de son territoire, l'Autriche déclare de son plein gré sa neutralité perpétuelle. L'Autriche la maintiendra et la défendra par tous les moyens à sa disposition".

Parce que je rejette catégoriquement la "position phéacienne" des Autrichiens et l'inconstance de nos politiciens qui font sans cesse des allers-retours sans jamais trancher ! Si, au lieu de l'OTAN actuelle - dont les États-Unis sont l'acteur principal -, une communauté de défense exclusivement européenne devait un jour se développer, il faudrait alors réévaluer cette nouvelle situation stratégique !

L'entretien a été mené par Bernhard Tomasachitz.

jeudi, 17 mars 2022

Poutine poursuit la vision politique de Dostoïevski par d'autres moyens

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Poutine poursuit la vision politique de Dostoïevski par d'autres moyens

"Pour comprendre Poutine, il faut lire Dostoïevski, pas Mein Kampf", a déclaré Henry Kissinger en 2016.

Davide Brullo

Source: https://www.dissipatio.it/putin-dostoevskij-ucraina/

Iosif Staline lisait Dostoïevski en secret. Il semble qu'il ait été frappé par les Démons ; il est certain aussi - comme en témoigne Armando Torno dans un essai recueilli dans Fëdor Dostoevskij nostro fratello (Fëdor Dostoevskij, notre frère), Ares, 2021 - il a commenté et annoté Les Frères Karamazov : l'exemplaire personnel, précieux vestige de sa vaste bibliothèque démembrée, existe encore et dérange. À l'époque soviétique, cependant, Dostoïevski, avec son délire psychique, son nihilisme impérial et le sceau du Christ en mission universelle, était interdit. Au contraire, le "réalisme socialiste" façonné par Maksim Gor'kij a fonctionné. Écrivain de talent, tolstoïen - son carnet de notes sur ses visites à Tolstoï est sobrement beau et commence ainsi : "L'idée qui tourmente visiblement son cœur plus souvent que toute autre est l'idée de Dieu" - Gork'ij est devenu le chantre du léninisme ("Lénine est l'homme le plus honnête ; il n'y a pas encore eu d'homme sur terre qui soit son égal"), le poète du régime soviétique. Lorsqu'il est mort en tant qu'écrivain, il s'est rendu compte qu'il ne durerait pas longtemps en tant qu'homme : "Ils m'ont entouré... m'ont entouré...", a-t-il avoué à un ami en 1935. Trop tard. Célébré comme "l'initiateur de la littérature soviétique", Gor'kij est mort peu avant l'été 1936, dans des circonstances qui n'ont jamais été éclaircies. "Il avait rempli la mission que lui avait confiée Staline à son retour en URSS. Gor'kij devait mourir pour devenir un mythe" (Mihail Heller). Naturellement, ses funérailles ont été éblouissantes.

Que Dostoïevski, au contraire, soit le saint de Vladimir Poutine, l'inspirateur lointain de son action politico-identitaire, c'est bien connu, c'est de l'histoire ancienne. Henry Kissinger l'a répété à plusieurs reprises : dans une interview de 2016 accordé à The Atlantic, il a été parfaitement clair :

    "Pour comprendre Poutine, il faut lire Dostoïevski, pas Mein Kampf. Il sait que la Russie est plus faible qu'avant - beaucoup plus faible que les États-Unis. Il dirige un État qui fut défini pendant des siècles par sa grandeur impériale, mais qui a perdu trois cents siècles d'histoire avec l'effondrement de l'Union soviétique. La Russie est stratégiquement menacée sur chacune de ses frontières : par le cauchemar démographique chinois à l'Est, par le cauchemar idéologique islamique dans les territoires du Sud, par l'Europe à l'Ouest. La Russie cherche à être reconnue comme une grande puissance, et non comme un supplétif du système américain" (Henry Kissinger).

Sur ce point, il y a quelques années - c'était en janvier 2017 - Giulio Meotti a écrit un article assez exhaustif, "Poutine de Guerre et Paix", publié par le Foglio. Il cite, entre autres, "un long essai dans la Harvard Political Review", dans lequel Alejandro Jimenez réitère le concept selon lequel "pour vraiment comprendre Poutine, nous devons nous tourner vers les écrits de Dostoïevski". Le problème est de comprendre vers quel Dostoïevski se tourner. Pas celui des romans, corrosif, certes, mais complexe, stratifié, anormal, dont il est difficile d'extraire une "politique", voire une poétique de l'existence (qui peut se résumer à : "se fracasser sur la face du Dieu vivant"). Il faut plutôt lire le Dostoïevski "panslaviste, anticatholique, populiste, modérément belliciste", comme l'écrit Luca Doninelli, celui qui est incompris et furieux, des "mots souvent inacceptables", avec lesquels il faut se quereller ("les haïr, savourer l'offense qu'ils contiennent pour chacun de vous"), à cause de cette "immensité", de cette "liberté que la culture de nos jours, la bulle à l'intérieur de laquelle nous vivons tous, ne peut plus trouver".

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Quel Dostoïevski, alors ? Celui des articles, le publiciste mortel, celui du Journal d'un écrivain, par exemple, un volume d'arcane et de puissance messianique exhumé par Bompiani en 2007, très épais (1400 pages), cher, dans la vieille - et parfois désuète - traduction d'Ettore Lo Gatto. Comme toujours, nous manquons de "sources" authentiques, alors quand il s'agit de parler de la Russie, nous nous abandonnons au risque de la géopolitique, aux spéculations labyrinthiques, sans comprendre que chaque pays, qu'on le veuille ou non, a une "mission", incarnée par l'œuvre de rares prophètes-écrivains. L'un d'entre eux est Dostoïevski lui-même, qui se réfère à la grande tradition russe - l'orthodoxie, bien sûr, mais aussi Isaac de Ninive, la Philocalie, la folie splendide des jurodivye, les "fous en Christ", résumée dans les Contes d'un pèlerin russe - et à la grande poésie russe, illustrée par l'œuvre d'Alexandre Pouchkine et de Fiodor Tioutchev. Mais nous continuons à le considérer comme un romancier, certes absolu, aux angoisses singulières.

Un outil - presque un manuel de guerre - pour comprendre la pensée de Dostoïevski, et donc, en filigrane, la Russie de Poutine est le recueil des Pensées. Aphorismes. Polemiques publié sous le titre La beauté sauvera le monde (De Piante, 2021). Le livre, présenté par Luca Doninelli, a une histoire particulière. Il s'agit d'un répertoire de réflexions extraites des journaux intimes, lettres, carnets et articles de Dostoïevski, classées par thèmes ("De la littérature et de l'art" ; "De la Russie et des Russes" ; "De l'Europe" ; "De la religion"). Le livre, traduit par Claudia Sugliano - déjà éditrice de l'émouvant épistolaire entre Boris Pasternak et Ariadna Efron, la fille de Marina Cvetaeva - a été publié à l'origine à Paris, en 1975, et rassemblé comme une sorte de testament par Dmitry Grišin (1908-1975). Diplômé de Moscou qui a émigré en Australie, Grišin a consacré sa vie à disséquer l'œuvre de Dostoïevski. Il s'est notamment concentré sur les matériaux dispersés et "philosophiques" de Dostoïevski, ceux qui éclairent sa pensée hétérodoxe et réactionnaire : son œuvre s'est heurtée à des obstacles et à la suspicion dans sa patrie, "considérée comme gênante aux yeux de l'idéologie soviétique". Dans le livre, avec une précision militaire, le charisme de la "mission" russe à l'Est remonte à la surface :

    "La Russie est investie de la mission universelle de pacifier et de civiliser l'Asie" ;

- l'épopée du panslavisme :

    "L'idée du panslavisme est si colossale qu'elle peut sans doute terrifier l'Europe, ne serait-ce que par la loi de l'auto-préservation" ;

- le lien consubstantiel avec le peuple :

    "Celui qui perd son peuple et son âme populaire, perd aussi sa patrie la foi et Dieu" ;

- l'idée de la nation messianique :

    "L'essence de la vocation russe... consiste à révéler au monde le Christ russe, inconnu du monde, dont le principe réside dans notre orthodoxie" ;

- l'idée de la Russie comme foi, comme credo :

    "Celui qui croit en la Rus' sait qu'elle supportera tout... et dans son essence, elle restera comme elle était avant, notre sainte Rus', comme elle l'a été jusqu'à présent" ;

- la lutte territoriale - et donc spirituelle - comme la voie à suivre :

    "Mieux vaut tirer l'épée une fois que de souffrir sans fin" ;

- politique comme l'agression, la morsure :

    "La principale erreur de la politique de la Russie est que ses objectifs sont modérés" ;

- l'épopée de la famille :

    "Dans l'énorme majorité de notre peuple, même dans les sous-sols de Pétersbourg, même dans la situation spirituelle la plus misérable - il existe encore l'aspiration à la dignité, une certaine honnêteté, un véritable respect de soi ; l'amour de la famille, des enfants est préservé".

La mission russe ne permet aucun pacte avec l'Europe, car "pour l'Europe, la Russie est l'une des énigmes du Sphinx", "l'Europe en sait plus sur l'étoile Sirius que la Russie". Le répertoire anti-européen est hilarant (nous dirions mieux : instructif) :

    "En Europe, dans cette Europe, où tant de richesses ont été accumulées, tout est déterré en secret et, peut-être, dès demain, cela s'effondrera sans laisser de trace pour les siècles à venir... Il règne en Europe un climat de tristesse générale".

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En revanche, "Paris est une ville très ennuyeuse", "En Allemagne, j'ai toujours été frappé avant tout par la stupidité des gens", "En Angleterre, tout le monde se respecte uniquement parce que l'on est tous anglais". Dostoïevski en a aussi pour la Turquie, "une horde asiatique et non un État de droit" : la conclusion de la mission russe est que "Constantinople doit être à nous... quiconque n'admet pas la nécessité de conquérir Constantinople n'est pas russe". Pas une note marginale pour le commentateur de politique étrangère. Certes, il y a des passages fulgurants, qui gravent sur nos fronts la marque de rationalistes indécents, d'idolâtres de la statistique, de serviteurs de l'empire sanitaire :

    "Je crois au royaume total du Christ. Il est difficile de prédire comment elle se concrétisera, mais elle sera là. Je crois que ce royaume va se réaliser. Même s'il est difficile de faire des prédictions dans la nuit noire des conjectures, les signes peuvent tout de même être esquissés, du moins par la pensée, et je crois aux signes. Et il y aura un règne universel de la pensée et de la lumière, ici en Russie avant tout autre endroit.

L'agitation de la mondialisation, le commerce du marché planétaire, l'utopie monétaire d'une Europe unie n'ont fait qu'enflammer les missions nationales individuelles. L'Allemagne, la France, la Turquie, la Russie, la Chine, les États-Unis (certainement pas la Pologne, la Hongrie et autres)... Chacun d'entre eux agit, aujourd'hui avec une obstination plus cristalline qu'hier (au moment même où les identités semblent s'estomper), selon la mission - dirons-nous le destin ? - défini par ses propres frontières, sa propre histoire, son propre mythe, plus ou moins consciemment. Nier cela est négationniste ; faire taire les faits sous des légendes sinistres - souveraineté, nationalisme, mensonges réactionnaires - ne fait que valider leurs effets. C'est le moment où les nations renaissent ou meurent, absorbées par d'autres institutions étatiques omnivores. Lire Dostoïevski n'est pas apaisant - cela galvanise. 

Un espoir absurde : le gaz naturel liquéfié n'est pas une alternative au gaz russe

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Un espoir absurde : le gaz naturel liquéfié n'est pas une alternative au gaz russe

Source : https://zuerst.de/2022/03/15/absurde-hoffnung-lng-gas-ist-keine-alternative-zum-russischen-gas/

Berlin. Afin de réduire la dépendance de l'approvisionnement énergétique allemand vis-à-vis des livraisons de gaz russe, les politiques évoquent régulièrement le passage au gaz américain de fracturation (GNL) - coûteux et polluant. Toutefois, en l'état actuel des choses, cela est totalement illusoire.

Quelques chiffres : le gazoduc Nord Stream 1, actuellement en service en mer Baltique, fournit 55 milliards de mètres cubes de gaz russe par an à l'Allemagne - la Russie remplit jusqu'à présent ses obligations malgré la spirale de l'actuelle escalade. L'idée de remplacer ce volume par du gaz de fracturation américain, qui doit être livré dans des navires-citernes spéciaux, est déjà aberrante d'un point de vue arithmétique. La capacité d'un méthanier actuel est de 147.000 mètres cubes. Des pétroliers plus grands, d'une capacité de 250.000 mètres cubes, sont en projet, et quelques-uns existent déjà.

Pour remplacer la capacité annuelle du gazoduc Nord Stream 1, il faudrait environ 374.150 trajets à travers l'Atlantique. Chaque jour de l'année, il faudrait mathématiquement que 1025 méthaniers fassent escale dans les ports.

Mais en 2018, il n'y avait qu'environ 470 pétroliers de ce type dans le monde. En raison des coûts de construction élevés (environ 200 millions de dollars par navire), les méthaniers ne sont mis sur cale qu'après un affrètement à long terme d'environ 20 ans.

Il n'existe pas non plus d'infrastructure adéquate en Europe pour transborder les énormes quantités de GNL nécessaires. Il n'existe actuellement que 29 terminaux GNL en Europe. En Allemagne, il y a actuellement quatre projets. Aucun d'entre eux n'a encore été mis en chantier.

Mais même pour les 29 terminaux existants en Europe, le besoin calculé signifierait que les 1025 navires nécessaires devraient être répartis sur 29 terminaux : 35 ou 36 navires par jour devraient donc être déchargés dans chacun des 29 terminaux. Une cargaison complète de pétroliers devrait être déchargée en 40 minutes. Cela n'est pas non plus réaliste : l'opération prend 20 heures pour les pétroliers courants de 147.000 mètres cubes. Pour les futurs pétroliers de 250.000 mètres cubes, l'opération prendrait jusqu'à 30 heures.

L'espoir de voir le gaz naturel liquéfié remplacer le gaz russe, bon marché et respectueux de l'environnement, dont le gouvernement allemand veut se passer à tout prix, est donc tout à fait absurde, du moins pour les prochaines années. Cela rappelle l'espoir d'armes "miracles" pendant la Seconde Guerre mondiale. (st)

mercredi, 16 mars 2022

Nord Stream 2: le noeud géopolitique qui nous lie à la Russie

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Nord Stream: le noeud géopolitique qui nous lie à la Russie

Salvatore Recupero 

Nord Stream n'est pas seulement un gazoduc, mais surtout le résultat d'un accord géopolitique qui lie la Russie à l'Europe de manière stable. L'Europe peut-elle se passer du gaz russe ?

SOURCE : https://www.centrostudipolaris.eu/2022/03/10/nord-stream-il-nodo-geopolitico-che-ci-lega-alla-russia/

Nord Stream n'est pas seulement un pipeline, mais un véritable "cordon ombilical reliant Moscou et Berlin" (1). (1) Il ne s'agit pas seulement d'une infrastructure, mais du résultat d'un accord géopolitique qui lie la Russie à l'Europe de manière stable. Voyons pourquoi.

Comment fonctionne Nord Stream

Nord Stream (2) est un gazoduc de 1224 km de long composé de deux canalisations parallèles par lesquelles la Russie exporte une partie de son gaz vers l'Europe. L'infrastructure commence à Vyborg, en Russie, et se termine à Lubmin-Greifswald, en Allemagne, en reposant sur le fond de la mer Baltique.

La principale source de gaz alimentant Nord Stream est située sur la péninsule de Yamal, en Sibérie occidentale. Il s'agit d'un champ géant, couvrant une superficie d'environ 1000 km2 et contenant des réserves de gaz estimées à 4,9 trillions de m3. Nord Stream est capable de transporter 55 milliards de m3 par an vers l'Allemagne, soit 27,5 de m3 par gazoduc, répondant ainsi idéalement à la demande annuelle de gaz de plus de 26 millions de foyers. À titre de comparaison, en Italie, nous consommons 70 milliards de m3 par an.

Ces chiffres donnent déjà une idée de l'importance de ce pipeline, mais il y a plus. Nord Stream a été reconnu comme une infrastructure stratégique pour l'Union européenne dès 2000, sa construction a débuté en 2010 et les deux premiers pipelines sont entrés en service respectivement en 2011 et 2012.

Quant au cycle de vie, le pipeline devrait rester en service pendant au moins 50 ans. Inutile de dire que les Américains se sont toujours méfiés de ce projet. Le lien Moscou-Berlin est comme de la fumée dans les yeux pour Washington. 

Malgré cela, Mme Merkel a tellement cru au projet qu'elle a doublé la mise. C'est ainsi que Nord Stream 2 est né.

Qu'est-ce que Nord Stream 2 ?

Nord Stream 2 a été construit à partir de 2018, en suivant pratiquement le même itinéraire que son jumeau Nord Stream 1, et a été achevé en septembre 2021, bien que son approbation soit toujours en attente. 

Il se compose également de deux gazoducs et pourrait potentiellement transporter 55 milliards de m3 de gaz supplémentaires par an vers l'Europe. Si et quand il sera mis en service, la quantité totale de gaz circulant de la Russie vers l'Allemagne pourrait atteindre 110 bcm par an. Cependant, son fonctionnement est actuellement bloqué.

Questions géostratégiques

Le choix de faire passer le "tuyau" par la Baltique n'est pas un hasard. Cela permet à la Russie de contourner le transit des nations qui lui sont le plus hostile. Dans le même temps, il renforce l'Allemagne car lorsque (et si) Nord Stream 2 entrera en service, elle deviendra la principale plaque tournante du gaz en Europe.  Du point d'arrivée de Nord Stream et de Nord Stream 2 partent en fait deux artères de distribution fondamentales : l'une se dirige vers le Benelux et les pays bordant la mer du Nord et l'autre va vers le sud, où elle se connecte à un autre grand centre gazier, en Autriche. 

Comme nous le verrons plus tard, les avantages du Nord Stream et de son doublement concernent tous les Européens, et pas seulement Berlin.

L'Europe peut-elle se passer du gaz de la Russie ?

Commençons par une hypothèse. Avec une part d'environ 40 % des importations totales, Moscou est le plus grand fournisseur de gaz de l'UE, qui en est dépendante. Pire encore, elle n'est pas en mesure de le remplacer. 

Pour l'instant, il est peu probable que la Russie réagisse aux sanctions en fermant les robinets de gaz. À tout le moins, c'est contre-productif. Le PIB russe dépend de la vente d'hydrocarbures, et l'Europe est le principal marché cible. La Chine n'est pas aussi proche que les gens le pensent. D'autre part, avec l'attaque contre Kiev, le Kremlin a montré qu'il ne prête pas trop d'attention aux répercussions économiques. Alors que faire ?

À long terme, on peut penser à des alternatives (que nous verrons plus tard), mais à court et moyen terme, il est difficile de trouver des solutions viables. Supposons le pire des scénarios : les Russes, fatigués des sanctions, bloquent tout. D'où vient le gaz ? 

Si cela se produit, l'Europe peut compter sur ses propres stocks, mais cela ferait grimper le prix du gaz et entraînerait une hausse inévitable de l'inflation. Certains proposent le gaz liquéfié ou GNL comme alternative. Mais peut-il vraiment remplacer 40% de nos besoins ? Difficilement.

Les problèmes du GNL

Le gaz naturel liquéfié ou GNL pose deux problèmes aux Européens (3) : sa disponibilité et la capacité à le recevoir. Le GNL est amené à l'état liquide, puis transporté, généralement par voie maritime. Et voici le premier obstacle : il faut des re-gazéificateurs pour pouvoir le mettre dans les tuyaux. Aujourd'hui, notre capacité de re-gazéification n'est pas suffisante pour répondre à nos besoins et est concentrée dans quelques pays seulement : l'Espagne et, dans une moindre mesure, la France et l'Italie. L'Allemagne, première économie d'Europe, n'en a pas du tout. Sommes-nous sûrs qu'arrêter la locomotive allemande est bon pour tous les Européens ? Il serait stupide de le penser. 

Cependant, certains pourraient penser que nous pouvons nous concentrer sur la distribution. Par exemple, nous re-gazéifions en Espagne et acheminons le gaz en Allemagne. Mais l'infrastructure fait défaut et ne peut être construite en quelques mois. Il y a un dernier problème : les fournisseurs. 

Les principaux exportateurs mondiaux de GNL, de l'Amérique au Qatar, sont incapables d'augmenter la disponibilité du GNL sur le marché. Non pas parce qu'ils ne peuvent pas produire plus, mais parce qu'ils ne pourraient pas le commercialiser : leur capacité d'exportation est pratiquement saturée, et l'étendre prendrait des années. 

En bref, aucun producteur de GNL ne dispose de volumes suffisants pour remplacer complètement les volumes russes en Europe. C'est pourquoi Nord Stream et son doublement sont cruciaux pour l'Europe et pas seulement pour Berlin. 

La solution est la diversification

Cependant, on ne peut pas continuer comme si le conflit actuel n'existait pas. C'est pourquoi la Commission européenne (4) a promu un plan d'action permettant d'éliminer la dépendance de l'Union européenne au gaz russe avant 2030. Entre autres, dans un contexte de forte augmentation des prix de l'énergie, l'exécutif communautaire entend assouplir les règles relatives aux aides d'État, permettre la régulation des prix de l'énergie au niveau national, et promouvoir le stockage du gaz sur le territoire européen. 

Pour y parvenir, les approvisionnements en gaz doivent être diversifiés, non seulement par une augmentation des importations de gaz liquéfié, mais aussi par une production accrue de biométhane et d'hydrogène renouvelable. Il est également nécessaire de réduire plus rapidement l'utilisation des combustibles fossiles dans les ménages, l'industrie et le système énergétique en augmentant l'efficacité énergétique et l'utilisation des énergies renouvelables.

Selon la Commission européenne, ces choix pourraient réduire de deux tiers la dépendance européenne vis-à-vis du gaz russe d'ici la fin de l'année. Dans le même temps, afin d'éviter le risque de pénurie de gaz pendant l'hiver, Bruxelles a l'intention de présenter d'ici avril un texte législatif qui obligera les pays membres à disposer de réserves souterraines pleines à 90 % le 1er octobre de chaque année. L'exécutif européen veut promouvoir la solidarité entre les gouvernements nationaux dans ce cas. 

Enfin, la Commission européenne a l'intention d'utiliser l'article 107 des traités pour permettre une utilisation plus large des aides d'État dans le but "d'aider les entreprises les plus touchées par la crise, en particulier celles qui doivent faire face à des coûts énergétiques élevés".

Tout cela sera-t-il suffisant pour nous rendre indépendants de la Russie ?

Salvatore Recupero.

Notes:

1. La Gérusse. L'horizon brisé de la géopolitique européenne. Salvatore Santangelo Castelvecchi 2016

2. À propos de nous Site officiel de Nord Stream, https://www.nord-stream.com/about-us/

3. L'Europe peut-elle se passer du gaz russe ? Par Marco Dell'Aguzzo Start Mag 06 mars 2022, https://www.startmag.it/energia/europa-gas-russia-alternative/

4. Gaz, l'UE prévoit de réduire les importations russes de deux tiers d'ici un an. Par Beda Romano Il Sole 24 Ore 08 mars 2022, https://www.ilsole24ore.com/art/gas-ecco-piano-ue-tagliare-due-terzi-l-import-russia-entro-anno-AEMAwkIB

Le retour de la guerre en Europe et l'art de gouverner

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Le retour de la guerre en Europe et l'art de gouverner

par Irnerio Seminatore

Source: https://www.ieri.be/fr/publications/wp/2022/mars/le-retour-de-la-guerre-en-europe-et-lart-de-gouverner

« Pour revenir à la paix, il faut établir un équilibre entre puissance et légitimité qui constitue l'essence même de l'art de gouverner ».

Irnerio Seminatore, Président fondateur de l’Institut Européen des Relations Internationales de Bruxelles (IERI), nous explique les ambitions russes et l’évocation de l’arme nucléaire. Docteur en droit et en sociologie, il est l’auteur de « La multipolarité au XXIe siècle » (VA Éditions) qui précise la multipolarité de notre monde et les risques d’affrontement entre les pôles (Camille Chevolot, Collaboratrice VA Editions).

Le retour de la guerre en Europe et l'art de gouverner (sensemaking.fr)

LE RETOUR DE LA GUERRE EN EUROPE ET L'ART DE GOUVERNER

Irnerio Seminatore

Dans un pamphlet-fiction au titre anticipateur 2017. Guerre avec la Russie. Un cri d'alarme de la haute hiérarchie militaire, le Général Richard Shirref, ancien Commandant Suprême des forces alliées en Europe (DSACEUR) à l'Otan (2011-214), a soutenu la thèse que la Russie est devenue l'adversaire stratégique de l'Occident et qu'elle prépare un affrontement frontal avec l'Otan et un plan d'invasion des pays baltes. Le but de cette invasion serait de rétablir une zone d'influence entre la "défense collective" de l'Alliance et les frontières de la fédération russe. Les raisons de tensions ne manquent pas avec ces Etats-charnières entre l'Est et l'Ouest (jusqu'à 40% de la population russophone a un statut discriminatoire de "non citoyens"). C’était en 2017.

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Depuis 2014, une rupture est intervenue entre la Russie et l'Ukraine, ainsi qu’entre la Russie et l'Union européenne, à propos de la révolution de couleur de Maïdan, tenue par Moscou comme un coup d'Etat et le retour de la Crimée à la Russie, considérée par les Occidentaux comme une annexion. Cette rupture est également à l'origine de la naissance des deux républiques auto-proclamées du Donbass (Donetzk et Lougansk), aujourd'hui, reconnues unilatéralement par la Russie comme républiques indépendantes.

On peut affirmer que le retour de la guerre en Europe a pour origine la rupture de l'unité territoriale de l’Ukraine, rendant impossible l'exercice de la pleine souveraineté de Kiev, le revirement pro-occidental du gouvernement du pays, dont la demande d'adhésion à l'Otan menace les intérêts de sécurité de Moscou et le non respects des accords de Minsk, dont les garants sont, avec la Russie, Paris et Berlin, le fameux format Normandie.

Le livre-fiction du Général britannique R. Shirref est-il une pure vision de l'esprit? La "surprise stratégique" d'une invasion armée venant de l'Est n'a-t-elle pas été prévue par anticipation par l’Ouest ? Les signaux contradictoires venant de Washington et de Bruxelles sur la non-intervention occidentale directe en Ukraine, n'ont pas arrêté une planification longue, méticuleuse et calculée, au cours des négociations diplomatiques, nécessairement ambiguës, de Biden, Scholz et Macron avec Poutine, à soumettre à Xi-Jing-Ping, lors des jeux olympiques. Le but de l'ambiguïté et du double jeu entre Poutine et le Président Macron ou le Chancelier Scholz ont été conformes aux règles classiques du réalisme politique, oubliées par les Européens. Il s'agissait de décrédibiliser la détermination des États-Unis d'intervenir en Ukraine ou de défendre, de manière plus large l'Europe, en minant au même temps l'unité de façade de l'Otan. Ainsi, suite au refus des garanties de sécurité occidentales à Moscou, l'invasion militaire de l'Ukraine a été tranchée.

Le but de guerre

Le but de guerre ou, selon la terminologie russe "d'opération spéciale de maintien de la paix", s'est précisée en plusieurs objectifs :

- le premier et principal est de décapiter politiquement l'Ukraine, lui ôtant son statut d'Etat souverain

- parallèlement de provoquer le découplage de la sécurité européenne et atlantique

- de s'assurer de l'effondrement de l'Otan, impuissante à garantir la sécurité collective

- enfin de détruire les infrastructures militaires offensives, préjudiciables pour la sécurité et la défense russes.

L'arme nucléaire et l'escalade

En termes de possible recours tactique à l'arme nucléaire, dont l'emploi en premier fait partie intégrante de la pensée stratégique russe, son évocation par Poutine, rappelle un scénario du pire et préfigure l'hypothèse d'une escalade, allant du conventionnel au nucléaire et du tactique au stratégique. Dans une hypothèse concrète, les gains territoriaux obtenus au plan conventionnel, seraient protégée par le chantage et l'escalade nucléaires, ceux d'un tir anti-cité, auquel ne pourraient répondre ni les européens ni les américains.

Par ailleurs l'isolationnisme bi-partisan des Etats-Unis, à propos du déni d'envoi de soldats américains en défense de l'Ukraine, valide la conviction d'une "surprise stratégique" planifiée depuis longtemps et provoque le réveil tardif des Européens pour une indépendance politique et une autonomie stratégique propres.

En termes de diplomatie et de consensus prévisible, la non intervention directe occidentale en Ukraine a été le fondement, pour Moscou, d'une longue négociation entre Américains et Russes, puis Russes et Européens, afin d'établir assurances et réassurances réciproques et d'aboutir parallèlement à une conception de l'invasion de l'Ukraine sous la forme initiale d'un Blitzkrieg.

L'enjeu du conflit imminent était existentiel pour les deux parties, la Russie ne pouvant pas reculer devant sa sécurité et les Européens devant leurs conceptions de la démocratie. Le prix à payer pour le défi sécuritaire des Occidentaux, s'appelle finlandisation de l'Ukraine, autrement dit arrêt de l'élargissement de l'Otan. En effet "si l'Ukraine rejoignait l'Otan, cela signifierait avoir des missiles à 180 Km de Moscou" (Général Inzerilli, ancien chef des services secrets italiens/photo, ci-dessous). A ce propos l'Agence de presse Reuters a titré le 7 mars dernier, “La Russie s’arrêtera à l'instant, si l'Ukraine respecte ses conditions : « que l’Ukraine cesse toute action militaire, modifie sa constitution pour consacrer la neutralité, reconnaisse la Crimée comme territoire russe et reconnaisse les républiques séparatistes de Donetsk et Lougansk comme États indépendants. »

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"Pour le reste, l'Ukraine est un Etat indépendant et il vivra comme il veut, mais dans des conditions de neutralité (comme la Suisse, l'Autriche, la Suède..)".

D'autre part la politique des sanctions, décidée par les États-Unis et par l'Union Européenne, comporte une pénalité évidente, non seulement pour l'économie et le peuple russes, mais pour l'économie et les peuples occidentaux. Politiquement elle pousserait le président russe à chercher une alternative en Asie, accroissant sa dépendance vis-à-vis de la Chine. Ainsi, une guerre suscitée par l'unilatéralisme atlantiste des États-Unis aboutirait à un multipolarisme asymétrique Chine-Russie.

Un message spécial russe sur la "Sécurité égale et indivisible"

Dans le but de justifier ses arguments et, au courant d'une guerre de l'information qui bat son plein, la diplomatie russe a adressé un message spécial aux pays occidentaux sur le thème de la "sécurité indivisible", car ce qui est visé par ce principe est la modification sournoise des rapports de force et de la balance mondiale du pouvoir, susceptibles de devenir menaçants pour la Russie, de l'extérieur et de l'intérieur.

Sur le plan régional et dans un contexte mouvant et aléatoire l'aide en armements accordés par l'Union Européenne à l'Ukraine apparaît, à une analyse critique, comme une solidarité équivoque, car elle sert à jeter de l'huile sur le feu et à alimenter une résistance prolongée qui ne résout pas le problème de la sécurité égale sur l'ensemble du continent, mais reporte les causalités du conflit dans une perspective sans autre issue que le cumul et l’aggravation de la crise. La situation définissant la conception de la "sécurité égale", aux yeux de Moscou, a été le rappel de Lavrov, dans sa conférence de presse du 5 mars, selon laquelle "l'augmentation de la sécurité d'un pays, ne peut se faire au détriment d'un autre". Puis, à l'adresse des Occidentaux, par une personnalisation désenchantée du rappel : "Ils nous écoutent, mais ils ne nous entendent pas !".

Plus dur et moins diplomatique Poutine, qui, au cours d'une conversation téléphonique avec Macron, du dimanche 6 mars, dispensa froidement: "Par la voie des négociations ou par celle de la guerre", les objectifs russes seront atteints.

La nature explicite de cette revendication est celle d'une politique de puissance, assurée d'elle-même. Le caractère implicite, un rappel des hiérarchies, des limites de la souveraineté et d'une complémentarité inclusive du "verbe" diplomatique et de l'action militaire (R. Aron). Ou encore, de la caractéristique capitale de tout système international, la mixité de coopération et de conflit.

Il faut en déduire le caractère limité de la souveraineté nationale de Kiev, asservie, pour pouvoir s'exercer, à la souveraineté dominante de Washington et au même temps niée, pour vouloir exister, par la souveraineté prépondérante de Moscou.

Personne, sur la scène internationale et surtout pas l'Union Européenne définit un projet d'ordre européen et mondial pour demain et donc les principes de la stabilité et de la sécurité du Heartland et de ses jonctions occidentales, car personne ne semble en mesure de définir les intentions et buts réels de la Russie poutinienne, qui se sent entourée de pays hostiles, arborant les drapeaux de l'Otan.

De manière générale, pour revenir à la paix, il faut établir un équilibre entre les deux composantes de l'ordre international, puissance et légitimité qui constitue l'essence même de l'art de gouverner. Les calculs de pouvoir, sans dimension morale, transformeraient tout désaccord en épreuve de force" (H. Kissinger). La recherche de cet équilibre par une médiation (Israël, Turquie et Chine), ressemble parfaitement à la situation actuelle, car les Occidentaux remettent en cause la légitimité du pouvoir autocratique de Poutine et ce dernier rejette toute intrusion ou atteinte, portée à la Russie par une forme d'unilatéralisme offensif (Irak, Lybie, Syrie, Soudan... allocution du 8 mars 2022).

Or, arrêter un conflit ou reconstruire un système international, après une épreuve de force majeure, est le défi ultime de l'art de gouverner.

Ainsi, évaluer la signification des tendances en cours, signifie, pour l'Europe réévaluer la notion d'équilibre des forces et réduire significativement la rhétorique des valeurs, que les Occidentaux ont cherché à promouvoir, avec ambiguïté, depuis la fin du colonialisme. Défaillants sur le premier point (logique de puissance), les Européens semblent l'être aussi sur le deuxième, car la rhétorique des valeurs se situe aux deux niveaux de l'ordre international, celui de la défense des principes universels, valables pour tous, et celui de la pluralité des histoires et des cultures régionales, ainsi que des diverses formes des régimes politiques. Une attitude différente ou opposée, marquerait une volonté d'assimilation forcée ou un dictat de légitimité, porteurs de conflits.

Maurice Maeterlinck « l’arpenteur de l’invisible »

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Maurice Maeterlinck « l’arpenteur de l’invisible »

par Daniel COLOGNE

Au milieu du XIXe siècle, la bourgeoisie flamande est majoritairement francophone et conservatrice. Elle envoie ses enfants dans les meilleures écoles catholiques et les destine à la carrière juridique. C’est dans ce type de milieu que naît à Gand, le 29 août 1862, Maurice Polydore Marie Bernard Maeterlinck.

Maeterlinck fréquente le collège gantois Sainte-Barbe. Il y côtoie Charles Van Lerberghe, « le poète au crayon d’or », auquel Raymond Trousson, mon professeur préféré de l’Université de Bruxelles, a consacré un volumineux ouvrage, et Grégoire Le Roy, dont j’ai cité quelques vers dans mon article sur Jacques Brel (in Culture Normande, n° 59). Cette génération d’écrivains belges de langue française, qui est aussi la génération de Maurice Barrès (également né en 1862), est l’une des plus brillantes de la francophonie périphérique. On y note la présence d’Eugène Demolder (1862 – 1919), ancien juge de paix dont l’œuvre est à redécouvrir, avec sa Flandre rêvée où sont transposés des évènements bibliques. Maeterlinck entreprend des études de droit, mais exerce très peu le métier d’avocat en raison d’une notoriété littéraire rapide qui lui permet de vivre de sa plume avant d’avoir atteint la trentaine.

9782070322459-fr-300.jpgLa revue La Jeune Belgique publie dès 1885 ses premiers poèmes rassemblés en 1889 dans le recueil Serres chaudes. La même année, La Princesse Maleine génère un éloge dithyrambique d’Octave Mirbeau et une flatteuse comparaison avec Shakespeare. C’est le point de départ d’un succès qui se maintient tout au long d’un parcours de dramaturge et d’essayiste couronné en 1911 par l’attribution du prix Nobel de littérature.

Maeterlinck demeure à ce jour le seul Belge à avoir obtenu cette distinction, à laquelle s’ajoutent le Grand Cordon de l’Ordre de Léopold (1920) et l’ennoblissement par Albert Ier (1932). Le comte Maeterlinck s’éteint à Nice le 6 mai 1949, à son domicile de la villa Orlamonde. Il laisse une œuvre riche d’une quarantaine de titres, dont quinze font l’objet d’une adaptation musicale. Pelléas et Mélisande (1892) inspire entre 1897 et 1903 cinq grands compositeurs : William Wallace, Gabriel Fauré, Claude Debussy, Arnold Schoenberg et Jean Sibelius.

Son œuvre de traducteur dévoile la filiation philosophico-littéraire dans laquelle se situe Maeterlinck. Sa traduction de Macbeth semble justifier le rapprochement louangeur de Mirbeau dans son article du Figaro évoqué plus haut. Celle de Ruysbroeck l’Admirable confirme à quel point la spiritualité de Maeterlinck est au diapason du mysticisme médiéval flamand. Mais c’est la transposition de deux œuvres de Novalis qui éclaire le mieux sa vision du monde aux antipodes du cartésianisme. Aux « idées claires et distinctes » du rationalisme français, Maeterlinck oppose en les privilégiant « les puissances supérieures, les influences inintelligibles, les principes infinis » dont il est persuadé « que l’univers est plein » et qui « agissent sur notre destinée ». Ainsi Paul Gorceix a-t-il pu qualifier Maeterlinck d’« arpenteur de l’invisible » dans une étude récente parue chez l’éditeur bruxellois Le Cri (2005). Le même analyste n’a cessé de rechercher, dans les articles de Textyles et de la Revue de littérature comparée, « l’image de la germanité » chez Maeterlinck, « Belge flamand de langue française ».

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Faire de Maeterlinck un héritier du romantisme allemand ne contredit qu’en apparence sa passion pour un sport violent (la boxe), une discipline de combat (l’escrime), la randonnée à vélo, les engins motorisés inaugurant le culte moderne de la vitesse. Maeterlinck est un personnage à multiples facettes dont la plus étonnante est sa minutieuse observation de la Nature à travers le monde des abeilles, des termites et des fourmis, sans oublier son remarquable essai sur L’Intelligence des fleurs (1907). Encore réédité en 2009, La Vie des abeilles ouvre en 1901 le cycle de la « grande féerie » du vivant non humain qui s’étale sur trois décennies. Ces « œuvres d’histoires naturelles » éveillent l’admiration de Jean Rostand. « L’esprit de la ruche » est la puissance mystérieuse qui en ordonne les activités aussi nombreuses que diverses et dont la reine est l’« organe représentatif », comme l’écrit un de ses biographes.

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Un spécialiste de Maeterlinck (ce que je ne suis nullement) évoquerait Bulles Blues (1948), récit autobiographique conçu pendant la seconde Guerre mondiale et la période d’exil aux États-Unis, les notes de voyage ramenées d’Égypte et publiées en 1928 (première parution en anglais dès 1925), la préface aux discours politiques de Salazar (1935). Je ne puis que citer un ouvrage comme Douze Chansons (1896), préfacé pour l’édition de 1923 par Antonin Artaud, pour qui Maeterlinck « est apparu dans la littérature au moment qu’il devait venir » pour y introduire « la richesse multiple de la subconscience ». À ce jugement imprégné de psychanalyse, je préfère celui de Rainer Maria Rilke, qui nous ramène salutairement au théâtre, tant il est vrai que Maeterlinck se définit avant tout comme une « poète dramatique ». Selon Rilke, « la scène, chez Maeterlinck, ne tient jamais dans le champ d’une lorgnette ». Elle présente une largesse et « une étrange fraternité » qui émerge de « la mêlée des personnages et de leurs anxieuses rencontres ».

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La liaison de près d’un quart de siècle de Maurice Maeterlinck et de Georgette Leblanc, cantatrice et femme de spectacle, s’inscrit dans une sorte de fatalité pareille à celle qui gouverne le destin des protagonistes de ses pièces. Née à Rouen en 1869, Georgette est la sœur cadette de Maurice Leblanc, créateur d’Arsène Lupin. Maurice et Georgette se rencontrent à Bruxelles, au cours d’une soirée organisée par le grand avocat Edmond Picard (1836 – 1924). Georgette interprète alors Carmen de Bizet au théâtre de la Monnaie et Picard, proche de la soixantaine (nous sommes en 1895), connaît une grande notoriété de protecteur des arts et des lettres, de défenseur d’écrivains qui offensent la bourgeoisie bien-pensante et de fondateur de revues (par exemple, L’Art moderne, plutôt orientée vers l’engagement social en littérature, concurrente de La Jeune Belgique citée plus haut et d’obédience plus parnassienne).

Maurice et Georgette voyagent beaucoup, de l’île de Walcheren à la Vendée en passant par les Vosges. Le couple ne se stabilise que de manière très relative, car il s’accoutume à changer d’habitat selon les variations saisonnières. On le trouve ainsi à Paris, au 67 de la rue Raynouard, dans une des anciennes maisons d’Honoré de Balzac, mais aussi sur la Côte d’Azur niçoise, où Maeterlinck fait bâtir la somptueuse demeure du boulevard Carnot. Il y finira ses jours, l’année même du treizième centenaire de l’abbaye Saint-Wandrille. À ce haut-lieu de la spiritualité, ainsi qu’avec l’ancien presbytère de Gruchet-Saint-Siméon, découvert par Georgette Leblanc lors d’un voyage à bicyclette, nous pénétrons en Normandie, capitale de la géographie littéraire du couple, région « souple comme un parc anglais, mais un parc naturel et sans limites ». « La Normandie, ajoute Maeterlinck, est un des rares points du globe où la campagne se montre complètement saine, d’un vert sans défaillance. »

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À Saint-Wandrille, entre 1907 et 1918, Georgette Leblanc et Maurice Maeterlinck tentent une expérience de théâtre total unissant les pièces Pelléas et Mélisande, à l’origine du triomphe jamais démenti de l’écrivain gantois, et Macbeth, décidément source récurrente de son inspiration. Cette expérience scénique illustre l’opiniâtreté avec laquelle la sœur de Maurice Leblanc assume sa vocation d’artiste de représentation. Elle joue Sapho de Gounod, fait une conférence à l’université populaire du XVe arrondissement de Paris, lors d’une soirée inaugurale rehaussée par un discours liminaire d’Anatole France. Le 17 juin 1899, chez Ollendorff (l’éditeur de son frère), elle chante des adaptations des poésies de Baudelaire. Le 15 décembre 1897, au théâtre de la Bodinière, rue Saint-Lazare, son récital illustre une conférence de Georges Vanor sur Schubert et Schumann. Stéphane Mallarmé et Jules Renard sont dans la salle. Ils lui réservent un accueil enthousiaste, au contraire de Jean Lorrain, pas convaincu par la capacité vocale de Georgette et toujours aussi expert en bons mots, qui écrit dans sa chronique du lendemain que Georgette Leblanc a « l’aphonie des grandeurs ».

Georgette Leblanc a la secrète ambition d’écrire et de nombreux extraits de sa correspondance avec Maeterlinck, dans les périodes où les deux amants sont séparés par leurs activités théâtrales et musicales respectives, sont intégralement repris dans La Sagesse et la Destinée (1898), essai pour lequel le créateur d’Arsène Lupin va jusqu’à suggérer une signature commune. « Je t’ai un peu volée », avoue Maurice Maeterlinck à sa muse normande.

immmthages.jpgUne chose est sûre : des essais comme Le Trésor des Humbles (1896) et La Sagesse et la Destinée se ressentent de l’influence de Georgette sous la forme d’un optimisme plus affirmé, d’une moindre soumission aux forces obscures du fatum. «N’acceptons jamais passivement notre destin; luttons sans cesse pour en faire ce que nous voulons qu’il soit; et si nous essuyons des défaites, travaillons activement à ce qu’elles nous rendent plus forts et surtout meilleurs. » Maeterlinck fait ici écho au volontarisme nietzschéen (« ce qui ne nous tue nous rend plus forts »), tandis que dans le premier des deux textes qui suivent de très près la rencontre avec Georgette, il se lance dans une apologie du silence face à l’hypertrophie de la parole et à la rhétorique de « Sire le Mot ». Il écrit donc dans Le Trésor des Humbles : « Les Âmes se pèsent dans le silence comme l’or et l’argent se pèsent dans l’eau pure, et les paroles que nous prononçons n’ont de sens que dans le silence où elles baignent. »

 

9791030901719b.jpgOn ne peut contourner le très récent ouvrage de Michel Arouimi (1) où sont opérés plusieurs rapprochements inattendus entre Maeterlinck et des écrivains comme Kafka, Rimbaud et Melville. L’auteur explore les essais de Maeterlinck qui sont « les plus imprégnés de mystique » et qui « ont été les victimes de l’holocauste pratiqué par notre culture, si hostile aux voix qui se réclament de l’Esprit au lieu de s’attacher au réel brut, devenu roi de ce monde ». Plusieurs chapitres de l’essai sur La Mort (1913) « recensent les hypothèses sur différents types de communication avec les morts et sur la vie post mortem, objet d’expériences recensées dans une abondante littérature, dont Maeterlinck respecte le sérieux apparent, sans lui donner vraiment son adhésion ».

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Maeterlinck se montre ainsi moins sévère que René Guénon lorsqu’il examine des courants comme le théosophisme ou le spiritisme. Le penseur installé en terre musulmane en 1930 dénonce dans le théosophisme une « pseudo-religion » et dans le spiritisme une « erreur » alors que Maeterlinck les analyse comme des hypothèses, au même titre que la réincarnation, dans la perspective d’un « préétabli des destins humains » assez proche de la prédestination pascalienne. « N’entrons-nous pas dans la vie chargés d’un long passé, d’une lourde expérience ? », écrit Maeterlinck dans L’Ombre des Ailes (1936). Cette idée proche de la notion hindoue de karma n’est pas incompatible avec la croyance en une divinité transcendante toutefois différente du Dieu des chrétiens ou du Jéhovah vétéro-testamentaire. « J’aime mieux me tenir à un infini dont l’incompréhensible est sans limite que de me restreindre à un Dieu dont l’incompréhensible est bornée de toutes parts. » Quant à Jéhovah, « il n’est que l’ombre déformée » de la Déité qui se laisse entrevoir « derrière lui et au-dessus de lui ».

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Le grand mérite du livre de Michel Arouimi est de déplacer le projecteur vers le Maeterlinck philosophe plutôt que d’éclairer prioritairement, comme on a coutume de le faire, le Maeterlinck passionné par les « insectes sociaux » et le Maeterlinck dramaturge, dont les « innovations » préfigurent toutefois « le dépouillement de la scène contemporaine ». La plume de Maeterlinck a des « sinuosités proustiennes » et sa constante préoccupation « d’une forme adaptée à son propos » le rapproche d’Henri Bosco. Quant à cette « sorte d’hérédité » attestée par « l’empreinte de nos ancêtres dans nos moindres cellules », elle renvoie évidemment à Barrès et explique « le désintérêt de notre époque pour la pensée de Maeterlinck, les hommes d’aujourd’hui étant persuadés de la vacuité de notre être à la naissance, avant de présenter les traits que ne lui donnerait que l’éducation ». Il faut imaginer l’auteur de L’Oiseau bleu au volant de sa Dion-Bouton pour saisir combien la personnalité de Maeterlinck se présente sous de multiples aspects. D’aucuns lui attribuent même une certaine ambiguïté, notamment dans ses rapports avec Grégoire Le Roy (2), son ancien condisciple chez les Jésuites gantois.

À l’époque où je rédigeais le présent article, durant l’automne 2017, j’ai eu le privilège de rencontrer l’arrière-petite-fille de Le Roy. Nous avons parlé de l’une ou l’autre lettre envoyée par Maeterlinck à son ex-compagnon de collège où, sous le couvert de quelques conseils amicaux, il donne l’impression de vouloir brider l’inspiration de Le Roy et garder la plus haute marche du podium des trois anciens élèves de Sainte-Barbe. Le décès précoce de Van Lerberghe, à l’âge de 46 ans, laisse Le Roy et Maeterlinck en concurrence directe à partir de 1907. Il est pour Maeterlinck d’autant plus facile de reléguer Le Roy dans l’ombre que ce dernier manque totalement de confiance en soi.

Reconnaissons néanmoins que l’œuvre de Le Roy, nonobstant quelques magnifiques poèmes où affleurent la hantise du Temps et la nostalgie du romantisme, se révèle assez disparate en face des différents blocs du corpus maeterlinckien : cycle de la Nature et des « insectes sociaux », essais philosophiques, théâtre symboliste largement adapté par les plus grands compositeurs de l’époque.

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Reste le problème historique de L’Annonciatrice, une pièce de Le Roy dont le texte a été longtemps déclaré perdu et qui pourrait être chronologiquement antérieur à L’Intruse de Maeterlinck. Le Roy pourrait revendiquer le statut de pionnier dans la dramaturgie symboliste belge et, en tout cas, le texte de sa pièce est conservé dans les archives de la famille. Un auteur anglais l’a d’ailleurs publié en 2005, en même temps que Mon cœur pleure d’autrefois et la Chanson d’un soir, dans le cadre d’une édition critique. La Chanson d’un soir et la Chanson du pauvre de Le Roy font écho aux Douze Chansons de Maeterlinck , à la Chanson d’Ève de Van Lerberghe et à la Chanson de la rue Saint-Paul de l’Anversois Max Elskamp. Il y a là tout un champ de recherche autour d’une poésie assumant la musicalité verlainienne et s’exprimant dans ce que Pol Vandromme appelle la « sourdine de la rêverie mélancolique ».

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Que Maeterlinck présente certains travers « humains, trop humains » n’enlève rien à l’ampleur de son œuvre. Sa tendance à se replier sur lui-même, notamment durant la période de Gruchet-Saint-Siméon, inspire à Georgette Leblanc un trait d’humour lorsqu’elle désigne l’ancien presbytère normand comme « l’Éden boudique » de son Maurice bien-aimé et pourtant fidèle. Maeterlinck lui-même note avec une désinvolte ironie, au lendemain d’un voyage en voiture contrarié par de nombreux problèmes techniques, qu’il pourrait en tirer la matière d’une encyclopédie des tracas de l’automobile.

Dramaturge prolixe, savant attiré par la flore et certains aspects du règne animal, philosophe s’interrogeant sur la destinée humaine sans tomber dans le piège de l’intransigeance commune aux croyants fanatiques et aux athées convaincus, Maurice Maeterlinck est un des écrivains les plus complets de son siècle : cette période de 1850 – 1950 où l’affrontement de la tradition de la tradition et de la modernité a été porté à son plus haut degré d’incandescence.

Daniel Cologne

Notes

1 : Michel Arouimi, Maeterlinck ou Naître par la mort, Paris, Orizons, coll.                   « Profils d’un classique », 2017.

2 : Grégoire Le Roy (1862 – 1941), bibliothécaire de formation, artiste – peintre, écrivain éclectique (poésie, théâtre, nouvelles, critique d’art), conservateur du musée Wiertz (Antoine Wiertz, 1806 – 1865, peintre romantique belge, auteur d’une étrange prophétie sur le destin supranational de Bruxelles).

L'ethnosociologie de l'Ukraine dans le contexte de l'opération militaire

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L'ethnosociologie de l'Ukraine dans le contexte de l'opération militaire

Alexandre Douguine 

Source: https://katehon.com/en/article/ethnosociology-ukraine-context-military-operation

Une compréhension approfondie de l'opération militaire spéciale en Ukraine nécessite une explication préalable : à quoi avons-nous affaire, au sens large du terme ? Les notions de "nation", de "nationalité", de "peuple", d'"ethnos" sont totalement confondues, d'où celles de "Russes", "Ukrainiens", "Petits Russes", etc. Nous devrions d'abord dresser une carte ethno-sociologique et répartir les concepts avec lesquels nous opérons dans l'analyse de ce conflit.

Principales catégories ethno-sociologiques

Rappelons les points principaux de l'ethnosociologie. L'ethnosociologie opère avec les concepts suivants :

- ethnos,
- peuple,
- nation,
- société civile.

Ils correspondent à différents types de sociétés. L'ethnos est le mode de vie le plus archaïque, caractéristique des petites communautés agraires ou pastorales, où il n'existe pas de division sociale et de classe verticale. Les relations au sein d'un groupe ethnique sont strictement horizontales, et sa mentalité est construite sur des mythes. Il s'agit d'une société archaïque à l'identité collective.

Un peuple est un groupe ethnique qui s'est engagé sur le chemin de l'histoire, a construit un État, fondé une religion ou une culture distincte. Presque toujours, un peuple se compose de deux ou plusieurs groupes ethniques, qui sont unis dans une structure abstraite. Le peuple a une division en classes et une hiérarchie, une verticale du pouvoir. Il s'agit d'une société traditionnelle. L'identité y est collective et se distingue par des domaines. La plus haute réalisation historique d'un peuple est la création d'un Empire.

La nation n'apparaît qu'à l'époque moderne dans la société bourgeoise. Une nation est une communauté artificielle fondée sur l'identité individuelle. Les nations sont apparues en Europe à l'époque moderne. Ici, la hiérarchie sociale est basée sur le principe de la richesse matérielle. C'est le type de société caractéristique du début de la Modernité.

La société civile apparaît lorsque s'effectue la transition de la nation vers le Monde Unique et le Gouvernement Mondial. La société civile se manifeste pleinement dans le mondialisme. Elle possède la même identité individuelle qu'une nation, mais sans frontières nationales. La société civile prend forme au sein des nations et des États bourgeois, mais sort progressivement de leur cadre et acquiert un caractère mondial. Ici, l'identité nationale artificielle est abolie et l'individualisme devient global. Historiquement, la société civile est caractéristique de la fin de la période moderne et de la période postmoderne.

Les Slaves de l'Est deviennent un peuple

Appliquons maintenant cet appareil conceptuel au conflit ukrainien.
Qui sont les Russes ? Cette question n'est pas aussi simple qu'il n'y paraît à première vue. Elle nécessite également une clarification du point de vue ethnosociologique.

Les Slaves de l'Est étaient divisés en tribus qui se trouvaient à l'état d'ethnos, lequel s'est avéré être intégré à la Russie ancienne sous la direction d'une élite princière militante. En fait, cette élite elle-même, d'origines varègue et sarmate, était appelée "Rus", bien que la présence en son sein de familles princières et aristocratiques des Slaves polabiens (Bodrichi et Lutichi) ne soit pas à exclure. Les Slaves orientaux devinrent la principale population de l'ancienne Rus : d'où le nom de "Russes" et aussi de "Rusyns". De même, les Gaulois romanisés, conquis par la tribu germanique des Francs, commencent à être appelés "Français".

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Un peuple se forme dans l'ancien État de la Rus dont le centre est à Kiev,. L'élite y conserve son identité, mais adopte la langue de la majorité de la population, composée de Slaves orientaux. Le substrat ethnique (tribus slaves orientales) devient un peuple.

Il est caractéristique qu'en même temps que le peuple, la Rus de Kiev acquiert d'autres attributs:

- l'État,
- la religion (au début - pendant une courte période - le paganisme réformé, puis - de manière constante - l'orthodoxie),
- culture (écriture, chronique, éducation, etc.).

Les Slaves de l'Est entrent dans l'histoire.

Les Slaves de l'Est se divisent

S'ensuit toute une série de processus historiques au cours desquels la Rus de Kiev elle-même perd son unité. Les Slaves orientaux sont divisés - mais pas par tribus, mais par territoires, ayant souvent des destins différents. Il ne s'agit pas d'une désintégration en formations ethniques pré-étatiques, mais de la division d'un peuple déjà uni - la Rus de Kiev. Le sort de ces diverses branches est déterminé par les aléas des querelles princières et des processus politiques autour de la Rus'.

Ainsi, progressivement, les Grands Russes se forment à partir de la branche orientale des Slaves de l'Est. Ils s'avèrent être les Russes des principautés orientales - Vladimir, Riazan, etc. Dans le même temps, ils comprennent également divers groupes finno-ougriens et turcs. Les princes de Vladimir se livrent à une concurrence féroce avec ceux de l'Ouest pour le trône de grand-duc à Kiev (!), et à un moment donné, ils parviennent à l'obtenir. Ensuite, ils transfèrent le trône à Vladimir, puis à Moscou. Peu à peu, dans la partie orientale de la Russie (également à l'origine l'ancienne périphérie nord-est !) et dans le Nord russe, se forme l'une des branches des Slaves orientaux, à savoir le peuple de la Rus de Kiev. On les appelle parfois "Russes" de manière généralisée, bien qu'il serait plus exact d'utiliser le terme "Grands Russes", puisque la partie occidentale des Slaves orientaux est également russe au sens plein du terme.

Cette partie occidentale des Slaves orientaux, c'est-à-dire le seul peuple russe orthodoxe du Grand-Duché de Kiev, se divise à son tour en deux branches - nord-ouest et sud-ouest. Les Russes du nord-ouest deviennent des Biélorusses, puisque cette partie de la Russie était appelée Belaya (blanche). Les Russes du sud-ouest seront plus tard appelés Petits Russes, bien que ce terme soit compris à la fois de manière large (incluant les terres de Galicie-Volhynie) et étroite (par rapport à l'Ukraine centrale). Il est important de souligner qu'il ne s'agit pas de tribus, mais de parties d'un même peuple, divisées selon des critères politiques et historiques.

Progressivement, les trois branches des Slaves orientaux (les futurs Grands Russes, Petits Russes et Biélorusses) perdent leur souveraineté (un pouvoir princier indépendant, reconnaissant toujours entre-temps l'ancienneté des Grands Ducs) et se retrouvent au sein d'autres entités politiques plus fortes.

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Les futurs Biélorusses, puis les Petits Russes, se retrouvent dans la structure du Grand-Duché de Lituanie, et après l'union avec la Pologne - dans le cadre du royaume polono-lituanien.

Ceux que l'on appellera les Grands Russes conservent le statut de pouvoir grand-ducal à Vladimir, puis à Moscou, et sont directement subordonnés à la Horde d'Or.

Ici commence une grave division dans le destin des Slaves de l'Est. Trois branches d'un même peuple (et non d'une ethnie !) se retrouvent dans des systèmes politiques différents.

Différence de destin et perte du statut d'État

Les Grands Russes conservent le pouvoir des Grands Ducs et l'identité orthodoxe, que les khans de la Horde d'Or, fidèles au principe de tolérance religieuse de Gengis Khan, n'avaient pas empiété.

Les Biélorusses et les Petits Russes se retrouvent dans un État européen catholique, ce qui place les orthodoxes dans des conditions d'infériorité. Ainsi, l'élite princière et militaire est progressivement intégrée à la gentry polonaise, et la population rurale reste dans la position dites des "schismatiques orientaux". La partie occidentale des Slaves orientaux perd son statut d'État, mais préserve farouchement la foi, la langue et la culture orthodoxes.

Et bien que les petits Russes et les Biélorusses fassent partie d'un seul et même peuple - Kiev (!) - ils sont privés du signe le plus important du peuple - le statut d'État. Cela rend leur position dans l'État polono-lituanien proche d'un groupe ethnique opprimé.

Plus tard, une partie des Slaves du sud-est passe sous la domination de l'Empire ottoman, et de l'État des Habsbourg (Empire autrichien). Cela brouille encore plus l'identité du peuple et le divise, le réduisant à nouveau au statut de groupe ethnique.

La politique de ces États, qui comprenaient la partie occidentale des Slaves orientaux, était différente selon les pays et les époques. Le Grand-Duché de Lituanie, avant l'union avec la Pologne catholique, était païen, et un certain nombre de princes étaient très favorables à l'orthodoxie. Par conséquent, les princes et boyards de Russie occidentale et la population rurale qui s'y trouvait n'étaient soumis à aucune pression et se sentaient comme dans leur propre État, où les Slaves orthodoxes constituaient la grande majorité de la population et une partie importante de l'élite. À un moment donné, la balance aurait pu pencher vers l'adoption de l'orthodoxie par la noblesse lituanienne. Ainsi, les Russes occidentaux auraient pu devenir le peuple axial de l'État balto-slave.

Après l'union avec la Pologne et un virage brutal vers le catholicisme, la situation a commencé à se détériorer progressivement. Les Russes ont perdu leur position dans l'élite, leur supériorité numérique et la liberté de religion. Ils sont devenus partie intégrante d'un peuple différent - polono-lituanien, avec une orientation différente - catholique et européenne. Au cours de cette période, l'uniatisme est apparu, c'est-à-dire des tentatives d'unir les orthodoxes aux catholiques, tout en maintenant le rite byzantin mais en reconnaissant la primauté du pape de Rome. Cela permettait aux Slaves orientaux du royaume polono-lituanien de s'intégrer plus complètement à l'État. La conversion directe au catholicisme était toutefois préférable à cette fin. Mais la grande majorité des ancêtres des petits Russes et des Biélorusses sont restés fidèles à l'orthodoxie, liant fermement leur identité religieuse et culturelle à celle-ci. En cela, ils sont restés fidèles au choix unique de tous les Slaves orientaux au moment du baptême de la Russie par le saint grand-duc Vladimir.

Cependant, l'orthodoxie dans l'ouest de la Russie, contrairement à la Russie moscovite, se trouvait dans des conditions différentes. La proximité des catholiques et leur politique agressive de prosélytisme ne pouvaient qu'influencer la religion orthodoxe, qui a progressivement absorbé les influences occidentales. En outre, à partir d'un certain moment, l'orthodoxie est devenue une partie de la culture paysanne, ayant absorbé de nombreux éléments folkloriques locaux. En général, l'identité religieuse des Grands Russes, d'une part, et des Petits Russes et des Biélorusses, d'autre part, étant restée dans son noyau, a commencé à différer quelque peu.

Dans tous les cas, les Petits Russes et les Biélorusses se sont retrouvés en dehors de leur État et, sous la domination d'autres souverains, sont devenus une minorité ethnique et religieuse, à moins, bien sûr, qu'ils ne choisissent de changer leur identité en faveur du catholicisme.

Les Grands Russes créent un empire et reconquièrent la Rus de Kiev à l'Ouest

Le destin des Grands Russes prend une forme différente. Alors que la Horde d'Or s'affaiblit, ils renforcent à nouveau leur indépendance et commencent à construire un État souverain - à partir du maintien du statut grand-ducal de Moscou, où la présidence des métropolitains de Kiev (c'est-à-dire le centre même de la religion) est transférée de Vladimir, qui l'avait acquise de Kiev. Ainsi, les Grands Russes ont commencé à construire la Rus moscovite, incluant, au fur et à mesure de son renforcement, de nouveaux groupes ethniques et des fragments du peuple de la Horde d'or.

Au final, les Grands Russes devinrent un Empire mondial à part entière.

À mesure qu'il se renforce, le royaume de Moscou commence à conquérir les territoires de la Rus de Kiev au détriment du royaume polono-lituanien. Ainsi, des groupes distincts de la partie occidentale des Slaves orientaux sont revenus dans un État russe à part entière. Ils ont conservé leurs langues et leurs anciens modèles culturels, ainsi que certaines caractéristiques acquises à l'époque de la vie "sous les catholiques", bien qu'ils aient généralement conservé l'orthodoxie et ont donc commencé à être perçus comme quelque peu différents des Grands Russes. Mais dans l'État moscovite, ils ont reçu un nouveau statut de groupes ethniques, qui pouvaient librement se joindre au peuple, ou conserver leurs propres caractéristiques. Les Grands Russes eux-mêmes étaient des communautés agraires, tandis que l'élite était qualitativement différente d'eux. Par conséquent, les Biélorusses et les Petits Russes ordinaires sont devenus la même population rurale que l'était la paysannerie des Grands Russes. Et la gentry (aristocratie militaire) est allée servir le tsar russe.

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Un cas particulier était celui des communautés cosaques du sud de la Russie, qui préservaient le mode de vie des peuples nomades militaires de la steppe.
Lors des campagnes militaires vers les régions occidentales, la Rus moscovite commença à rassembler en un seul État tous les Slaves orientaux, restaurant ainsi, tant sur le plan territorial qu'ethnique, la Rus de Kiev, seulement complétée de manière significative par les terres orientales conquises par Moscou.

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Libération de l'Ukraine : étapes

Au XVIIe siècle, le Cosaquie de Zaporozhie, sous la direction de l'hetman Bogdan Khmelnitsky, se révolte contre les Polonais et, lors de la Rada de Pereyaslavl (1654), décide de rejoindre le royaume moscovite.

En 1667, le tsar Alexei Mikhailovich conclut la trêve d'Andrusovo avec le Commonwealth polono-lituanien. La Russie reçoit l'Ukraine de la rive gauche. La "Paix éternelle" de 1686 attribue ces territoires à la Russie, ainsi que la russification de l'armée zaporizhienne. En outre, Moscou rachète Kiev, que les troupes russes tiennent depuis 1654.

Plus tard, pendant les guerres russo-turques, la Russie, qui a déjà le statut d'Empire, conquiert les vastes territoires de l'actuelle Ukraine du Sud et de la Crimée. Ces terres nouvellement acquises sont appelées Novorossiya. Chaque nouvelle guerre avec la Turquie renforce le contrôle territorial de la mer Noire par la Russie. Une partie importante de ces terres est colonisée par des paysans grand-russes provenant des régions centrales de la Russie.

En 1775, l'armée zaporizhienne située dans la région du Bas-Dniepr est liquidée. Une partie des cosaques part en Turquie, et l'autre est déplacée dans le Caucase du Nord, devenant la base de l'armée des cosaques du Kouban. Les anciennes terres militaires continuent d'être peuplées de paysans de la Petite Russie et de la Grande Russie. Les villes fondées par les tsars russes dans les nouveaux territoires : Mariupol, Yekaterinoslav (Dnepropetrovsk), Odessa, etc. sont peuplées par des représentants de différents groupes ethniques de l'Empire.

En 1793, lors du deuxième partage du Commonwealth polono-lituanien (État polonais), la Russie intègre à ses territoires l'Ukraine de la rive droite et la Podolie. Lors du troisième partage - en 1795 - la Volhynie. Seules la Galicie et la Rus (Ruthénie) subcarpatique restent en dehors de la Russie. Ainsi, la majorité de la branche sud-ouest des Slaves orientaux se retrouve dans un seul État, avec les Grands Russes et les Biélorusses, également inclus dans la Russie lors de la prise de la Lituanie, puis de la Pologne.

Dans le même temps, ni la Biélorussie ni l'Ukraine n'étaient des États au cours de ces périodes. Les principautés médiévales de la Russie occidentale n'ont pas pu maintenir leur indépendance et ont été subjuguées et démantelées par les Lituaniens, les Polonais et les Hongrois. Elles ont été préservées avec le statut d'un ethnos dans le contexte d'autres peuples. La Russie les a rendus à un État souverain slave oriental (russe au sens large du terme) avec une religion orthodoxe et de vastes territoires. Ils pouvaient rester des ethnies, ou se fondre dans le peuple uni de l'Empire.

Cela plaçait les Biélorusses et les Petits Russes devant un choix qui est resté et reste ouvert jusqu'à aujourd'hui. Certains pouvaient accepter l'identité panrusse (étatique, impériale) et fusionner avec elle, tandis que d'autres pouvaient choisir de préserver leur identité ethnique - y compris les dialectes linguistiques courants en Russie occidentale. C'est ce que faisaient généralement les communautés paysannes, même si elles avaient également un accès total aux vastes territoires de la Russie (dans la mesure où les paysans étaient libres dans l'État russe dans son ensemble, et où leur statut changeait à différentes époques). Quoi qu'il en soit, il y avait beaucoup de colons petits russes à la fois en Russie centrale et en Sibérie méridionale, qui à l'époque tsariste était appelée "Ukraine grise", où une partie importante de la population avait des racines petits russes.

Les territoires de Galicie, de Bucovine du Nord et de la Rus des Carpates sont restés le plus longtemps en dehors du contexte panrusse. Les deux premiers étaient jusqu'en 1918 inclus dans la partie autrichienne de l'Autriche-Hongrie (Cisleithanie). La Transcarpathie était la terre de la couronne hongroise (Transleithanie). Après la Première Guerre mondiale, la Galicie et la Volhynie, qui étaient russes depuis la fin du 18e siècle, ont fait partie de la Pologne redevenue un Etat indépendant.

La Bukovine du Nord a ensuite fait partie de la Roumanie, et la Transcarpathie est entrée dans le giron de l'Etat de Tchécoslovaquie.

Ces terres (à l'exception de la Transcarpathie) n'ont été réunies au reste de la Russie qu'avant la Grande Guerre patriotique, et la Transcarpathie - en 1945. Ensuite, en Russie même, il y avait un régime bolchévique. Par conséquent, les Ukrainiens occidentaux modernes ne connaissaient qu'une seule Russie - soviétique, dont l'attitude à l'égard de laquelle - en raison des caractéristiques totalitaires du régime bolchevique - était ambiguë, et parfois même directement négative.

Le nationalisme ukrainien, une construction artificielle

Passons maintenant à des époques plus modernes, lorsque la formation de nations politiques commence en Europe. Ce processus en Europe de l'Est, et encore plus en Russie, s'est déroulé avec un retard important, tout comme les réformes bourgeoises en général. La création de collectifs politiques dotés d'une identité fictive fondée sur la citoyenneté individuelle s'est déroulée beaucoup plus lentement qu'en Europe. En Russie, il y avait un Empire et un peuple, ainsi que de nombreux groupes ethniques qui préféraient ne pas s'intégrer pleinement au peuple et conserver leurs structures plus archaïques. Il en était ainsi non seulement avec les peuples de Sibérie ou du Nord, mais aussi avec ceux du Caucase, de l'Asie centrale, et même des régions occidentales habitées par des Slaves orientaux. Cependant, le mode de vie ethnique a été largement préservé par les communautés paysannes de la Grande Russie, qui constituaient la principale population de l'Empire.

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Compte tenu des contradictions politiques entre l'Empire russe et l'Europe occidentale, le processus de formation de nations artificielles est devenu un outil politique. Selon ce principe, les puissances occidentales, devenues elles-mêmes des nations, ont détruit leurs adversaires - la Turquie ottomane, l'Autriche-Hongrie et l'Empire russe. C'est ainsi que le nationalisme est né dans le contexte de la Russie. Mais ses diverses formes dans des contextes ethniques et territoriaux différents étaient qualitativement différentes. Ainsi, la Pologne a cherché à devenir indépendante en s'appuyant sur son histoire : après tout, autrefois, elle était non seulement indépendante de la Russie, mais elle était à son niveau, et l'a même surpassée, jusqu'à la prise de Moscou par les Polonais au temps des troubles. Le nationalisme polonais était basé sur une étape historique où les Polonais étaient un peuple à part entière - slave occidental et catholique - (strictement au sens ethno-sociologique). Le nationalisme des groupes ethniques turcs, beaucoup moins bien formé que le polonais, faisait appel à la Horde d'or et aux héros fabuleux des puissances des steppes.

Mais le nationalisme ukrainien qui a émergé à la fin du XIXe siècle était encore plus artificiel et sans fondement que les autres versions au sein de l'Empire russe. Il a été promu principalement par les Polonais, dans l'espoir d'opposer les Ukrainiens aux Grands Russes, d'obtenir un allié dans la lutte contre la Russie et, à long terme, de rétablir leur domination sur la Russie occidentale. Les Polonais ont pris une part active à la création d'une "langue ukrainienne" tout aussi artificielle, sursaturée de polonismes. Dans le même temps, en l'absence d'au moins un analogue de l'État politique des Slaves de l'Ouest et de l'Est dans l'histoire, la nation a été inventée de toutes pièces sur la base non pas de la culture réelle de la Petite Russie, mais d'inventions totalement ridicules.

Les autorités d'Autriche-Hongrie ont également contribué à la création du nationalisme ukrainien, en essayant de l'utiliser, d'une part, contre les Polonais en Galicie, et d'autre part, contre la Russie.

Le nationalisme ukrainien a commencé à prendre rapidement forme au moment de l'effondrement de l'Empire russe, mais il s'agissait des premiers pas, incomparables avec le nationalisme polonais. En un sens, "l'identité ukrainienne" n'était qu'un outil du nationalisme polonais dans sa lutte contre la Russie. Dans la confrontation géopolitique entre la Russie et l'Occident, ce nationalisme et, par conséquent, le projet de création d'une "nation ukrainienne" ont été instrumentalisés, entre autres, par l'Empire britannique pendant la guerre civile, lorsque Halford Mackinder, le fondateur de la géopolitique, était le haut-commissaire de l'Entente pour l'Ukraine.

La place de la "nation" dans le dogme bolchevique

La prise du pouvoir en Russie par les bolcheviks et l'expansion de leur pouvoir sur la quasi-totalité de ses territoires, y compris l'Ukraine, ont placé la question de la "nation" dans un nouveau contexte théorique.

Dans la théorie marxiste, l'ère des nations bourgeoises devait être remplacée par un système capitaliste unifié et une société civile mondiale correspondant à ses phases avancées. Cela créait les conditions de l'internationalisme. Mais contrairement aux libéraux, les marxistes croyaient qu'après le triomphe du mondialisme capitaliste, l'ère des révolutions prolétariennes devait venir, lorsque la classe ouvrière internationale renverserait le pouvoir également international du capital. Marx concevait le communisme comme la phase suivante après l'ère où la société civile deviendrait mondiale et où aucun groupe ethnique, peuple ou nation ne devrait subsister. C'est ce qui s'est passé en théorie.


En pratique, les bolcheviks ont pris le pouvoir dans un Empire précapitaliste, presque médiéval, où l'essentiel était le peuple russe (au sens ethno-sociologique), avec de nombreuses ethnies ayant une vision archaïque du monde et une religion profondément enracinée. Personne n'avait de nation. Et la modernisation et l'européanisation de l'élite impériale étaient superficielles et peu profondes. Les transformations capitalistes étaient également fragmentaires, et la grande majorité de la population était composée de paysans. Par conséquent, Marx a exclu la possibilité d'une révolution prolétarienne en Russie : elle n'est pas devenue suffisamment capitaliste, et en outre, le capitalisme n'a pas pleinement révélé son potentiel mondial. Mais les bolcheviks, malgré tout, ont pris le pouvoir et ont tenté de le conserver à tout prix. Cela les a obligés à opter pour des constructions théoriques extravagantes.

Les bolcheviks et la question ukrainienne

Dans un premier temps, les bolcheviks ont soutenu le nationalisme ukrainien, le considérant comme un allié naturel dans la lutte contre l'Empire, contre le "tsarisme". Cela était conforme à la partie du marxisme qui soutenait que toutes les sociétés doivent passer par la phase capitaliste et se former en nations pour ensuite les surmonter. Les Ukrainiens n'étaient ni une nation, ni une société capitaliste, ni un État, mais faisaient partie du peuple de l'Empire russe, conservant dans certains secteurs des caractéristiques culturelles ethniques. Par conséquent, les bolcheviks ont dû inventer l'Ukraine afin de l'insérer avec beaucoup d'exagération dans leur théorie du progrès socio-économique.

Après avoir pris le pouvoir, les bolcheviks ont radicalement changé leur attitude envers l'Ukraine. Désormais, la présence d'un État ukrainien allait à l'encontre des intérêts des bolcheviks. Ils ont donc annoncé que le capitalisme avait déjà été construit en Ukraine, que la nation ukrainienne avait été créée, qu'elle avait vécu assez longtemps et qu'elle était maintenant prête à entrer consciemment dans l'ère post-nationale de l'internationalisme prolétarien. Cependant, pendant un certain temps dans les années 1920 et 1930, le discours internationaliste s'est combiné à l'"ukrainisation" - l'imposition forcée de la langue et de la culture ukrainiennes à toute la population qui se trouvait dans le cadre de l'Ukraine soviétique. C'est ainsi qu'est né le territoire de l'Ukraine moderne, dans lequel l'histoire de l'Empire russe se mêle à l'arbitraire dogmatique des bolcheviks.

La RSS d'Ukraine et ses composantes

Lénine a réuni dans la République socialiste soviétique d'Ukraine
- le territoire de la Hétairie cosaque, qui a prêté serment d'allégeance au royaume russe en 1654 ;
- les régions de Kiev et de Tchernihiv, conquises aux Polonais par Alexei Mikhailovich en 1667, qui font partie de l'Hetmanat autonome (Petite Russie) au sein de la Russie ;
- la Nouvelle Russie (de Zaporozhye à Odessa), conquise sur l'Empire ottoman par Catherine la Grande ;
- L'Ukraine de la rive droite, intégrée à l'Empire russe par la même Catherine après les partages de la Pologne ;
- les terres primitivement russes (peuplées à la fois de Grands Russes et de Petits Russes) - Slobozhanshchina (Kharkov) et Donbass.

À la veille de la Grande Guerre patriotique, l'URSS a intégré la Volhynie et la Galicie, la Bucovine du Nord, la Bessarabie du Nord et la Bessarabie du Sud à l'Ukraine (ces dernières ont fait partie de l'Empire russe de 1812 jusqu'à son effondrement). En 1945, le territoire de la Rus subcarpathique y a également été ajouté, habité par une autre branche des Slaves orientaux - les Rusyns (Ruthènes).

Khrouchtchev y a ensuite ajouté la Crimée en 1954.
Puisque personne n'allait construire une nation à part entière dans l'Ukraine socialiste (selon l'idéologie des bolcheviks, elle appartenait au passé capitaliste - mais pas pour longtemps), toute la population était considérée comme un secteur standard d'un seul peuple soviétique. Les bolcheviks ont combattu sans merci le "nationalisme bourgeois".

 

lundi, 14 mars 2022

Les philistins de la culture, vrais barbares modernes (Friedrich Nietzsche)

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Les philistins de la culture, vrais barbares modernes (Friedrich Nietzsche)

 
Dans cette vidéo, nous aborderons la pensée de Nietzsche à partir de sa première "Considération inactuelle - David Strauss, sectateur et écrivain". Dans ce texte, Nietzsche, en philosophe-médecin, tente d’établir un diagnostic de la culture allemande de son temps et dresse une symptomatologie de la maladie de l’homme moderne. Ce qui ressort de cet essai, c’est que la culture de l’homme moderne n’est au fond qu’une accumulation désordonnée de connaissances tournées contre la vie elle-même. Derrière une apparence de civilisation, l’homme moderne pseudo-cultivé se révèle être un barbare et un anarchiste.
 
 
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Musique utilisée :
- Friedrich Nietzsche : Eine Sylvesternacht, for violin and piano
- Friedrich Nietzsche : Das zerbrochene Ringlein
- Friedrich Nietzsche : Heldenklage, NWV 2
- Friedrich Nietzsche : Ungarischer Marsch, NWV 5
- Friedrich Nietzsche : Beschwörung

dimanche, 13 mars 2022

George F. Kennan : l'élargissement de l'OTAN, l'erreur la plus fatale

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George F. Kennan : l'élargissement de l'OTAN, l'erreur la plus fatale

Source: https://www.pi-news.net/2022/03/george-f-kennan-nato-erweiterung-verhaengnisvollster-fehler/

Par KEWIL | George F. Kennan (1904 - 2005) a été l'un des responsables de la politique étrangère américaine les plus influents du siècle dernier. Il a connu Staline et Hitler, a été ambassadeur à Moscou, Berlin, Prague, Lisbonne et Londres, a travaillé au Département d'État de Washington pendant la Guerre froide, et la politique d'endiguement était son idée. Plus tard, il a enseigné comme professeur à l'université de Princeton et également à Berlin, a écrit des livres et a reçu de nombreux prix.

Le 5 février 1997, George F. Kennan, âgé de 93 ans, a écrit un long article dans le New York Times intitulé "A Fateful Error". L'administration Clinton réélue prévoyait justement d'intégrer la Pologne, la Hongrie et la Tchéquie dans l'OTAN, sans aucune raison dictée par l'actualité.

L'opinion, exprimée par Kennan, est, pour le dire crûment, que l'élargissement de l'OTAN serait l'erreur la plus désastreuse de la politique américaine de tout l'après-guerre.

imagkkkges.jpgL'extension de la puissance américaine jusqu'aux frontières de la Russie laisse présager que les tendances nationalistes, anti-occidentales et militaristes s'enflammeront dans la pensée russe, qu'elles auront une influence néfaste sur l'évolution de la Russie, qu'elles rétabliront l'atmosphère de guerre froide dans les relations entre l'Est et l'Ouest et qu'elles forceront la politique étrangère russe à prendre des directions qui nous déplairont résolument.

Enfin, l'extension de la puissance américaine pourrait rendre impossible la ratification des accords Start-Il par la Douma russe, ce qui empêcherait à son tour toute nouvelle réduction des armes nucléaires.

Il serait évidemment malheureux que la Russie soit confrontée à un tel défi. D'autant plus que le gouvernement russe se trouve actuellement dans un état de grande incertitude. C'est d'autant plus malheureux si l'on considère que cette mesure n'est absolument pas nécessaire.

Avec toutes les possibilités d'espoir qu'offre la fin de la guerre froide, pourquoi les relations Est-Ouest devraient-elles se concentrer sur la question de savoir qui pourrait être allié avec qui, et donc contre qui, dans un futur conflit militaire imaginé, totalement imprévisible et improbable ?

Voilà un extrait de l'article prophétique de Kennan, qui montre une fois de plus que même les Américains, du moins dans le passé, avaient parfois des opinions différentes de celles de leur gouvernement ! La traduction vient d'ici: https://corona-transition.org/nato-osterweiterung-verhangnisvollster-fehler-der-us-politik-in-der-gesamten Plus d'infos et l'original en anglais ici: https://www.infosperber.ch/politik/welt/1997-2007-2017-20-jahre-fehlpolitik-der-usa/ . L'élargissement de l'OTAN à l'Est était certainement une erreur !

Analyse du conflit en Ukraine

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Analyse du conflit en Ukraine

Par Daniele Perra

Source: https://www.eurasia-rivista.com/analisi-del-conflitto-in-ucraina/

L'analyse suivante est divisée en trois sections distinctes et tente d'évaluer le conflit à travers les aspects du droit international, de la doctrine militaire et des données économiques. Plus précisément, tout en reconnaissant que, comme l'affirmait Karl Haushofer, la géopolitique n'est pas une science exacte, on tentera de démontrer que l'action russe, loin d'être "ratée" ou mal planifiée (comme elle est présentée dans un Occident toujours plus éloigné de la réalité), est le produit d'un calcul froid et rationnel , tenant compte des coûts et des avantages.

Sur le point de droit

Il est très difficile d'évaluer selon les critères d'un droit international essentiellement américano-centré ce qui apparaît comme l'agression militaire d'une puissance non occidentale. Toutefois, il convient de rappeler que la Russie, dans le passé (intervention en Syrie et annexion de la Crimée sous le concept de "Responsabilité de protéger"), a souvent essayé de se présenter comme un État agissant précisément en accord avec ce droit.

Tout d'abord, le droit international actuel peut être considéré comme une sorte de jus contra bellum à opposer au concept de justa causa belli. Cette approche théorique antimilitariste est, bien entendu, foulée aux pieds sans que cela ne choque particulièrement l'opinion publique lorsque la guerre est menée par la puissance hégémonique au niveau mondial (les États-Unis) ou l'avant-poste occidental au Levant (Israël). À cet égard, il faut se rappeler qu'il existe quelques exceptions à la violation de l'intégrité territoriale d'un État (théoriquement) souverain. Ceci est permis soit en cas d'autorisation du Conseil de sécurité des Nations Unies, soit en cas de légitime défense collective nécessaire. Cette autodéfense (cas de la Russie) doit répondre à deux critères: a) la nécessité ; b) la proportionnalité.

Il est clair que l'intervention russe est le produit inévitable du mépris par l'Occident à l'égard du droit plus que légitime à la sécurité de la deuxième puissance militaire du monde. Moscou ne peut tolérer une nouvelle expansion de l'OTAN vers l'Est, avec l'installation conséquente de systèmes de missiles en Ukraine capables de frapper le territoire russe en quelques minutes (la nucléarisation de l'espace géographique russe est le rêve des dirigeants militaires américains depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale) ; Moscou ne peut tolérer l'installation de laboratoires biologiques militaires américains à ses frontières [1]. Il est tout aussi évident qu'une intervention militaire russe (pas plus de 70.000 soldats) peut (du moins en théorie) répondre au critère de proportionnalité.

Jusqu'à présent, nous restons dans le domaine très complexe de "l'attaque préventive" utilisée à plusieurs reprises par des homologues occidentaux (Israël en 1967, les Etats-Unis en 2003 en Irak sur la base de fausses preuves). Des sources au sein des services de Moscou font également référence à une éventuelle opération ukrainienne de grande envergure dans le Donbass (grâce à l'utilisation de miliciens formés en Pologne par l'OTAN) qui aurait été empêchée par une action russe. Au-delà, il existe deux autres cas d'intervention "légitime" : (a) la violation du principe de diligence raisonnable ; (b) l'usurpation.

La première s'applique en réponse aux attaques de groupes terroristes et de bandes armées (c'est-à-dire d'acteurs non étatiques) lorsque l'État ayant juridiction sur ces acteurs ne prend pas les mesures qui s'imposent (l'Ukraine face à des groupes paramilitaires, selon l'interprétation russe). La seconde s'applique lorsqu'un État (l'Ukraine) exerce des fonctions gouvernementales sur le territoire d'un autre État (les républiques populaires de Donetsk et de Lougansk reconnues comme indépendantes par Moscou à une époque précédant le conflit). A cela s'ajoute, et cela semble sans doute être l'argument le plus fort en faveur de Moscou, le non-respect des accords de Minsk et les actions militaires ukrainiennes répétées (aussi brutales soient-elles) pour rétablir l'ordre dans les régions orientales du pays, qui ne sont pas par hasard également les plus industrialisées et riches en ressources.

À la lumière de ce qui a été écrit jusqu'à présent, il est clair que toute justification de l'intervention militaire russe au niveau du droit international est pour le moins assez faible. En fait, il s'agit plutôt d'une tentative de surmonter le positivisme normatif (et l'hypocrisie substantielle) du droit international américano-centrique au nom d'une idée de nomos de la terre liée à un concept historico-spirituel de possession et d'appartenance à l'espace géographique.

Enfin, outre le fait que le droit international lui-même est souvent interprété (surtout par les grandes puissances) à leur guise, on ne peut oublier la suggestion que Iosif Staline a faite à Chiang Ching-kuo, délégué de la République de Chine auprès de l'URSS à la fin de la Seconde Guerre mondiale: "tous les traités sont du papier brouillon, ce qui compte, c'est la force" [2].

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Aspects militaires

L'ancien militaire et analyste de la Fondation pour la défense des démocraties, Bill Roggio, a affirmé que la propagande occidentale a conduit à une incompréhension totale de la stratégie militaire russe en Ukraine (3). En particulier, Roggio souligne que l'Occident s'est concentré à tort sur la thèse selon laquelle l'échec de la prise de Kiev dans les premiers jours du conflit signifierait inévitablement l'échec de l'action russe.

Certes, Moscou pensait que l'entrée de ses troupes en territoire ukrainien aurait pu générer un effondrement immédiat du gouvernement de Kiev. Toutefois, cela ne signifie pas qu'une stratégie n'avait pas été prévue qui aurait pu ignorer cet événement. L'analyse des forces sur le terrain, dans ce cas, parle très clairement.

Depuis plusieurs jours, on parle d'une colonne de chars russes de plus de 60 km de long stationnée immobile à la périphérie de Kiev. Pourquoi n'est-elle pas attaquée par l'armée ukrainienne ? Pourquoi n'entre-t-elle pas dans Kiev ?

A la première question, l'ancien général Fabio Mini a répondu que ladite colonne n'est pas attaquée simplement parce que Moscou contrôle l'espace terrestre et aérien [4]. C'est pourquoi Kiev continue de réclamer une No Fly Zone qui n'arrivera jamais (à condition que le fanatisme des franges les plus extrémistes de l'atlantisme choisisse d'opter pour une guerre mondiale). L'entrée dans Kiev, avec le risque de finir écrasée dans une guérilla urbaine entre des factions ukrainiennes qui se combattent déjà (le meurtre d'un négociateur plus enclin au compromis en est la démonstration la plus évidente), n'est pas nécessaire, étant donné que la réunification entre les forces russes arrivant du nord et celles arrivant du sud couperait l'Ukraine en deux, rendant impossible le ravitaillement des troupes et milices opérant sur le front le plus chaud, celui de l'est. Empêcher l'entrée dans les centres urbains et contrôler les infrastructures énergétiques reste l'objectif principal de l'opération militaire russe. L'attaque de la centrale électrique de Zaporizhzhia a été mentionnée à plusieurs reprises. Eh bien, aucun analyste ne semble avoir remarqué que juste au-dessus de la centrale se trouve le canal qui, en 2014 (après l'annexion de la Crimée), a été fermé dans le but précis d'étrangler la péninsule de la mer Noire en lui refusant tout approvisionnement en eau. Le contrôle de cette infrastructure est crucial pour rétablir l'approvisionnement en eau de la région.

À ce stade, à la lumière du succès de propagande de l'ancien acteur Volodymyr Zelenskyi, dont les profils sur les plateformes sociales sont une apothéose de fake news et de déclarations de soutien de l'élite de l'atlantisme (von der Leyen, Biden, Draghi), du sionisme et des multinationales qui leur sont liées, on peut se poser une autre question : pourquoi Moscou s'attaque-t-il aux répétiteurs de télévision mais ne ferme-t-il pas Internet ?

C'est là que la question se complique. Comme l'a souligné l'ancien général de l'armée de l'air chinoise Qiao Liang, la guerre du XXIe siècle est avant tout une cyber-guerre indissociable de son appareil technologique. Les armées (celle de la Russie n'est pas différente) sont dépendantes des technologies de l'information. Ce facteur, selon Qiao, peut être à la fois un avantage et un inconvénient. La technologie de l'information, en effet, est basée sur les puces et la possibilité d'éviter la dépendance à ces instruments est désormais inexistante. Cela rend la protection des données de plus en plus problématique, et l'incapacité à surmonter les faiblesses potentielles découlant du haut niveau d'informatisation représente un risque permanent pour la durabilité des capacités et des actions militaires. C'est pourquoi le choc des puissances au XXIe siècle (et le conflit en Ukraine, avec son mélange de guerre traditionnelle et de cyberattaques, en est le principal indicateur et anticipateur) se déroulera principalement dans ce qu'on appelle le cyberespace.

En conclusion, l'action de Moscou (conçue pour ne pas être trop longue mais pas trop courte non plus) vise toujours à imposer ses propres conditions sur la table des négociations : neutralisation de l'Ukraine et reconnaissance de l'annexion de la Crimée et de l'indépendance des républiques dans l'est de l'Ukraine actuelle. Il ne faut pas oublier qu'il a fallu à la Wehrmacht plus d'un million d'hommes et cinq semaines pour vaincre la Pologne en 1939. À cette occasion, tant les Allemands que les Polonais se sont peu souciés de la population civile. Aujourd'hui, la Russie a choisi de limiter au maximum les attaques contre les centres de population et d'établir (en accord avec son homologue de Kiev) des corridors humanitaires qui, pour l'instant, ne semblent pas fonctionner au mieux en raison de l'obstructionnisme des groupes paramilitaires ukrainiens (le tristement célèbre Bataillon Azov surtout).

Si Moscou a une stratégie précise à long terme, il est tout aussi vrai que l'Occident en a une aussi. En fait, il n'est pas exclu que l'Occident se soit déjà préparé à l'éventualité d'un gouvernement ukrainien en exil. L'envoi d'armes et la facilitation du voyage vers ce pays d'Europe de l'Est de mercenaires et de terroristes internationaux peuvent être interprétés par la volonté précise de poursuivre la déstabilisation de la région si Moscou parvient à ses fins.

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Le fait économique

Le fait que le Premier ministre israélien Naftali Bennett se soit rendu à Moscou le jour du Shabbat pour rechercher une médiation dans la crise a provoqué des remous. Outre le facteur géopolitique (montrer son amitié envers la Russie pourrait s'avérer utile en Syrie contre la présence iranienne), il ne faut pas négliger les profonds intérêts économiques et de stabilité interne que l'entité sioniste a dans le conflit. En fait, une grande partie de la population d'Israël, qui est entre autres l'un des principaux importateurs de blé ukrainien, est originaire des républiques qui faisaient autrefois partie de l'Union soviétique. C'est pourquoi une éventuelle prolongation de l'affrontement n'aiderait en rien l'équilibre entre les différentes communautés ex-soviétiques au sein de l'entité sioniste et une économie qui, malgré les mythes de la propagande mensongère, vit déjà largement de l'aide étrangère.

Lorsque l'on parle des données économiques, on ne peut bien sûr pas ignorer le sujet des sanctions. Puisqu'il a été question d'"actions sans précédent" de la part de l'Union européenne, il sera bon d'analyser les effets réels que ces actions peuvent avoir. À cet égard, on peut partir du fait que la Russie dispose d'un trésor de 630 milliards de dollars qui peut être dépensé pour supporter le fardeau des "actions sans précédent" que je viens de mentionner. Il convient également de rappeler que ces dernières années, peut-être en préparation de la guerre et de la réponse occidentale, la Russie a réduit son ratio dette/PIB (la dette publique russe représente 12,5 % du PIB, alors que la dette américaine est de 132,8 %) ; elle a réduit sa dette extérieure ; elle a accumulé de grandes quantités d'or (2300 tonnes), l'actif refuge qui prend de la valeur en même temps que les crises géopolitiques ; et elle a sciemment cédé des titres de la dette américaine. À cela s'ajoutent l'énorme disponibilité de matières premières et la relation étroite avec les deux plus grands pays fabricants du monde (la Chine et l'Inde, qui n'ont guère l'intention de suivre la vulgate des sanctions).

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A l'abondance de matières premières s'ajoute la production avancée d'aluminium, de titane (le groupe russe Vsmpo-Avisma couvre largement les besoins en titane de Boeing et Airbus) et de palladium (50% de la production à l'échelle mondiale). Sans parler de la production de céréales, dont le blocus à l'exportation met déjà en crise le secteur italien des pâtes (un sujet pour une éventuelle étude approfondie sur la géopolitique de l'alimentation). Cela signifie que toute contre-sanction russe aurait des effets potentiellement dévastateurs sur l'économie européenne, déjà à genoux après deux années de gestion désastreuse de la crise de la pandémie. Tout cela pour le plus grand plaisir de Washington qui, en jetant les bases de ce conflit, avait vu une belle opportunité de se débarrasser du principal concurrent à l'hégémonie du dollar : l'euro. C'est pourquoi elle invite encore ses vassaux européens à approvisionner Kiev en avions de combat. L'objectif, en fait, est d'élargir le conflit à l'ensemble du continent.

NOTES

[1] Voir Le pentagone bio-armes, www.dylana.bg.

[2] Liu Xiaofeng, La nouvelle Chine et la fin du droit international américain, www.americanaffairsjournal.org.

[3] Poutine n'est pas fou et l'invasion russe n'est pas un échec. L'illusion de l'Occident sur cette guerre, www.fdd.org.

[4] Ukraine, l'ancien général Fabio Mini : "Regardez le ciel, pas la longue colonne de chars. Si c'est une attaque contre Kiev, elle viendra de là", www.ilfattoquotidiano.it.

Penser de manière identitaire serait donc raciste ?

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Penser de manière identitaire serait donc raciste ?

Groupe de travail Feniks (Flandre)

À chaque prise de position critiquant la migration de masse, le reproche adressé par le centre politique et par les mouvements postmodernes extrêmement politiquement corrects surgit : le racisme. Le raisonnement est assez simple : quelqu'un qui ne veut pas voir la nouvelle réalité, soit un afflux de 160 millions de migrants en Europe d'ici 30 ans, le fait en fait par une sorte de racisme caché. Sans peut-être en être lui-même conscient, il se montrera haineux et xénophobe à l'égard des personnes d'origine culturelle différente. L'accusation de racisme s'efface de plus en plus à force de l'utiliser à tout bout de champ dans tous les débats. Une personne qui se rend coupable de racisme, délibérément ou non, n'est plus à prendre au sérieux et finit immédiatement dans la poubelle de l'extrême droite.

Nous allons commencer notre raisonnement là où se trouve la base de la pensée identitaire, ou du nationalisme, avec les Contre-Lumières. En réaction aux Lumières françaises, que nous connaissons grâce à de grands penseurs tels que Voltaire et Rousseau, un mouvement contre-Lumières a débuté en Allemagne, dans lequel le nationalisme populaire a trouvé sa base.

Le philosophe allemand Johan Herder considérait chaque "peuple" comme une unité liée par une langue, une culture et une histoire spécifiques. Il considérait que la plus grande menace à cette unicité de chaque peuple était les pensées impérialistes des Lumières françaises (ce que les campagnes de Napoléon Bonaparte ont également mis en évidence). Il existait au départ une relation amicale entre Rousseau et Herder, mais celle-ci a été mise à mal par le fait que Herder renonçait catégoriquement au racisme, alors que Rousseau et les penseurs des Lumières ne le faisaient pas. "Notre partie du monde ne pourrait pas être qualifiée de la plus raisonnable, mais de la plus arrogante, agressive par l'argent : ce qu'elle a donné à ces gens n'est pas la civilisation, mais la destruction des fondements de leur propre culture".
 
Est-ce que quelque chose a changé, alors ?

Bien sûr, beaucoup de choses ont changé au cours des 200 dernières années et il y a de nombreuses références aux guerres mondiales, mais nous y reviendrons plus tard. En termes de contenu, cependant, nous voyons aujourd'hui la même ligne de fracture entre les lumières et les contre-lumières sur la scène internationale. Récemment, Egbert Lachaert, figure de proue du libéralisme, a donné une interview dont le passage suivant mérite d'être mis en exergue : "Je pourrais être heureux n'importe où dans le monde, cela me donne la tranquillité d'esprit". Il a reçu de nombreuses critiques sur les médias sociaux, car il donne l'impression que, lorsque les choses vont mal en Europe occidentale, il peut, avec un peu plus de moyens que le citoyen lambda, déménager là où la situation serait meilleure qu'ici.

Il reflète la façon dont les "gens de Davos" pensent. Le "peuple de Davos" est un terme issu des travaux de Samuel Huntington, qui est connu pour son œuvre principale : Le choc des civilisations (1996). Il s'agit d'un club assez sélect de managers qui considèrent les nations comme obsolètes face à leurs ambitions mondiales, et voient les sociétés comme de grandes entreprises qui doivent avant tout gagner en efficacité. "Les gens de Davos ont peu besoin de ce facteur qu'est la loyauté nationale. Ils considèrent les frontières nationales comme des obstacles qui disparaitront bientôt. Ils considèrent les gouvernements nationaux comme des vestiges du passé. La seule fonction utile de ceux-ci, est de faciliter pour l'élite les opérations mondiales qu'elle entreprend".  Les libéraux, ici en Belgique, ont également réussi, ces dernières années, à obtenir des postes importants dans des institutions supranationales en bradant les intérêts de la nation. Il suffit de penser à Karel De Gucht, Guy Verhofstadt, Didier Reynders et Charles Michel. Culturellement, ils ne ressentent rien pour les nations, rien pour la culture. Dans la pensée libérale, il s'agit avant tout de quelque chose dont l'individu doit se libérer.

En substance, le libéralisme suppose une liberté négative, une liberté que vous gagnez en vous débarrassant, par exemple, de votre nation, de votre classe socio-économique et même, dernièrement, de votre propre sexe. La seule chose qui compte est l'individu fantasmé, qui se fait et se crée continuellement. Ce dernier est un mythe qui se perpétue.

L'individu reçoit en effet une série de bagages culturels et physiques avant même sa naissance, sans avoir le choix en la matière. C'était déjà la critique faite par Herder et Fichte, entre autres, aux Lumières françaises il y a 200 ans avec l'idée du contrat social. Le fait qu'ici, en Flandre, la langue de communication soit actuellement l'anglais, et que cette langue soit officieusement en deuxième position, est l'un des facteurs de notre Geworfenheit dans le monde, de notre "être-jeté-là" dans le monde (Heidegger).

Des civilisations en conflit

Aujourd'hui, nous pouvons aborder toute autre culture de deux manières. D'une part, nous pouvons attendre de notre culture qu'elle soit le modèle du monde et qu'elle s'applique universellement partout. C'est ce qui est généralement mis en avant, également et surtout dans le centre politique. Les valeurs des Lumières sont également considérées comme supérieures à toutes les autres cultures. Cela peut ou non créer intentionnellement la confusion qu'une supériorité technologique ou économique est également synonyme d'une valeur culturelle supérieure. Pour les penseurs libéraux, l'histoire du monde est également linéaire, et tôt ou tard, chaque nation devra s'adapter aux valeurs libérales et universelles formulées dans les Déclarations universelles des droits de l'homme. La déclaration de Gwendolyn Rutten, l'ancienne présidente de l'Open VLD (le parti libéral flamand - l'une des rares personnalités politiques à ne pas avoir réussi à obtenir un poste de premier plan dans une institution supranationale), par exemple, est révélatrice : Notre culture est supérieure aux autres cultures, et c'est quelque chose qui doit être dit. Une référence directe à la vision linéaire de l'histoire et au plan universel qui doit servir à la civilisation mondiale globale.

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Que des civilisations différentes peuvent coexister et négocier sur un pied d'égalité. Le fait qu'il existe plusieurs civilisations, plutôt qu'une seule universelle, remonte également à Oswald Spengler, qui a publié en 1918 et 1922 un énorme ouvrage : Untergang des Abendlandes, dans lequel il travaille avec une méthode comparative entre différentes civilisations à différentes époques. Il y arrive à la conclusion que l'histoire du monde n'est pas linéaire, comme le pensent encore les penseurs des Lumières. L'histoire de chaque civilisation passe par différentes étapes avec des hauts et des bas, et chaque civilisation ou culture possède ses propres caractéristiques qui la rendent unique. La civilisation occidentale, selon Spengler, était unique en raison d'un désir de connaissance et de contrôle, l'archétype de notre âme culturelle étant l'âme faustienne. Faust, qui a vendu son âme au diable en échange du savoir, dans l'œuvre de Goethe. Selon Spengler, c'était déjà notre perte à long terme, que nous essayions de tout calculer à l'excès, et ainsi de remplacer notre propre créativité culturelle par la culture et la production de masse.

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Aujourd'hui, d'ailleurs, une voie similaire est défendue sous une forme contemporaine par des penseurs tels qu'Alexandre Douguine dans la 4e théorie politique, à savoir en plaidant pour la multipolarité. Au lieu de plaider en faveur d'une seule civilisation mondiale universelle (qui a franchi ses barrières en 1991 selon Fukuyama), ces penseurs reconnaissent qu'il n'existe pas et ne doit pas exister une seule morale et une seule culture universellement valables. Chaque culture est culturellement équivalente selon ce principe, même si les cultures se trouvent à un stade de développement différent ou, par exemple, s'organisent selon des principes (par exemple religieux) complètement différents. "La mondialisation n'est donc rien d'autre qu'un modèle mondialement déployé d'ethnocentrisme ouest-européen, ou mieux, anglo-saxon, qui est la pure manifestation d'une idéologie raciste".

Et les marxistes culturels/postmodernistes ?

Les plus grands antiracistes de tous les temps se trouvent à l'extrême gauche. Ils vont même si loin dans leur antiracisme que les partis dits "écologistes" ne peuvent rien faire lorsque les musulmans demandent à pouvoir abattre sans anesthésie ici dans nos pays. Bien entendu, il s'agit d'une motivation électorale, d'une part, parce que les immigrants désignés comme victimes forment une grande réserve potentielle d'électeurs pour demeurer au-dessus du seuil électoral.

Le postmodernisme est quelque chose qui ne plaît pas vraiment à une grande partie de la population. D'autre part, ils puisent souvent leurs idées dans la déconstruction de Derrida ou de Foucault, deux penseurs français plus ou moins proches de l'école de Francfort et exposants de la French Theory, en vogue aux Etats-Unis.

Sans l'admettre eux-mêmes, ils sont les enfants philosophiques des libéraux, qui tentent de porter la libération négative de l'individu à un niveau supérieur. La philosophie moderne, disons la philosophie occidentale depuis le rationalisme de Descartes, est à l'origine de leurs excès durant la première moitié du 20e siècle. Pour cela, ils ont partiellement adopté les idées de philosophes conservateurs tels que Heidegger. Pour eux, l'Occident comportait des éléments susceptibles de conduire à de nouvelles poussées de totalitarisme, et chaque norme sociale (la nation, par exemple, ou le modèle familial) ne serait qu'une construction sociale servant à maintenir au pouvoir un patriarcat et une bourgeoisie.
 
Ce qu'ils négligent, c'est que leur philosophie poursuit la même liberté négative que le libéralisme qu'ils cherchent à critiquer. Comme en témoigne la violence de la cancel culture et la cultural approration, ils s'opposent explicitement aux derniers fondements de la culture occidentale tels que le nationalisme et la famille classique en tant qu'institution. Au centre de tout cela se trouve le sujet solitaire qui doit se composer une identité hybride par lui-même. Mark Elchardus l'a récemment bien résumé dans son ouvrage Reset - Over identiteit, gemeenschap en democratie (= Reset - Sur l'identité, la communauté et la démocratie). L'identité privée, comme celle du sexe (ou plutôt de l'un des 43 sexes) ou de la couleur de la peau, prime sur une forme générale de citoyenneté. De cette manière, ils sapent effectivement la civilisation occidentale, mais ils ne font que réaliser une étape nouvelle dans une évolution dont le libéralisme est le précurseur. L'individu en tant que sujet qui s'oppose aux grandes identités telles que la nation ou la religion.

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Cela ne concorde certainement pas avec le mental de la majorité des migrants ici en Europe occidentale, et encore moins avec le mental de ceux issus d'autres cultures dans leur pays d'origine. En clair, aucune partie significative de la population en Iran ou en Chine n'attendra une heure d'histoire à l'école, sur les drag queens ou une attitude générale anti-religieuse ou anti-nationaliste. C'est principalement dans l'esprit, oui, des enfants de la bourgeoisie et des classes moyennes supérieures de l'Occident même que germent ce genre de pensées. Il ne s'agit cependant pas d'une alternative globale fondée sur une nouvelle culture majoritaire.

En outre, la gauche radicale a également accepté le mondialisme depuis un certain temps. Alors que dans les années 1980, on trouvait encore sporadiquement des éléments altermondialistes dans la gauche radicale, ceux-ci ont maintenant été complètement absorbés par les mouvements à vocation internationale. Michael Hardt et Antonio Negri écrivaient déjà dans les années 1990 qu'une nouvelle forme de socialisme ne pouvait être réalisée qu'à travers "l'empire mondial". Nous nous demandons s'ils voient aujourd'hui leur rêve se réaliser avec la 4e révolution industrielle, ou vice versa ?

En tout cas, il n'y a malheureusement pas d'éléments dans la gauche radicale qui se réconcilient, par exemple, avec l'idée de la souveraineté nationale ou de l'individualité culturelle des Européens eux-mêmes. Au contraire, ils sont plutôt célébrés par des blogs sans intérêt qui diffusent toutes sortes de théories complotistes et rejouent une bataille fantasmée sur un nouveau type, calqué sur celui des années 1930, un combat fantasmagorique qui se déroulerait depuis les années 1970.

Conclusion

La philosophie moderne occidentale et la civilisation libérale comportent donc un élément culturel raciste, à cet égard, les postmodernistes ont raison. La pensée libérale suppose que la supériorité économique et technologique (temporaire) des sociétés libérales équivaut à une supériorité culturelle. Elle fournit souvent une excuse morale pour commencer à bombarder des pays sous le prétexte d'apporter notre démocratie libérale (cf. Syrie, Libye, Irak,...) ou de piller les matières premières d'autres pays pauvres. La meilleure réaction contre le racisme réside dans le corpus doctrinal des contre-lumières, et dans l'idée de la multipolarité.

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Tyrannie à la canadienne

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Tyrannie à la canadienne

par Georges FELTIN-TRACOL

Au moment où le monde entier se focalise avec raison sur le sort de l’Europe orientale, des politiciens occidentaux plus ou moins gâteux traitent leurs homologues de «dictateurs» alors qu’une authentique tyrannie s’établit en silence au Canada.

Le 28 janvier 2022 débutait sur les autoroutes du royaume américain le célèbre et imposant « Convoi de la Liberté » qui allait bientôt déferler sur Ottawa dans l’ordre, la bonne humeur et la propreté. Propriétaires de leur outil de production, leurs camions, les chauffeurs routiers s’élevaient contre l’obligation vaccinale imposée pour franchir la frontière avec les États-Unis. À cette revendication initiale s’en ajoutèrent d’autres comme l’exaspération des contraintes sanitaires liberticides et une franche hostilité envers le gouvernement fédéral du libéral Justin Trudeau.

Sous prétexte d’être atteint par le covid-19, surtout désorienté par cette fronde massive inouïe inédite, Trudeau quitta piteusement la résidence officielle du Premier ministre et se réfugia dans une maison de campagne. Pendant quelques jours, les autorités municipales d’Ottawa, provinciale de l’Ontario et fédérales du Canada se trouvèrent désemparées. Incapables de comprendre cette vigoureuse protestation populaire et professionnelle, elles pratiquèrent la désinformation de masse et le détournement de l’actualité. Réfugié dans sa tour d’ivoire, en bon libéral progressiste, Justin Trudeau ne commença aucune discussion avec les camionneurs, les méprisant ouvertement.

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Puis, le 14 février, aidé au Parlement par l’extrême gauche du Nouveau Parti démocratique, il activa la loi sur les mesures d'urgence. Adopté en 1988 pour remplacer la loi sur les mesures de guerre de sinistre mémoire, ce texte instaure l’état d’urgence sécuritaire. Outre l’arrestation de tout opposant et l’interdiction de manifester, ces dispositions exceptionnelles prévoient l’illégalité des occupations sur la voie publique et des blocages routiers. Pis, elles facilitent le gel immédiat du compte en banque des manifestants ainsi que leur éventuel licenciement, prémices d’une mort sociale certaine. Sans oublier un matraquage médiatique considérable en faveur du régime en place. Depuis cette date, le Canada détient des prisonniers politiques. Qui s’en  soucie ?

Justin Trudeau est bien le digne rejeton de son père, l’ignoble Pierre-Eliott Trudeau. Ce dernier usa en 1970 de la loi martiale contre le réveil national québécois. L’attitude hautaine de son gamin se comprend facilement. La révolte des camionneurs férocement réprimée entrave son projet ultime déjà mûri par le paternel de lugubre mémoire : transformer le Canada en premier État multiculturaliste, cosmopolite et post-national de l’histoire. Cette volonté délirante s’inscrit dans la diffusion et l’encensement des théories multiculturalistes les plus démentes afin de noyer, d’étouffer et de fondre la spécificité ethno-culturelle et linguistique canadienne-française (Québécois, Acadiens, communautés francophones de l’Ouest) dans un magma contractuel consumériste égalitaire civico-moral…

Le multiculturalisme officiel se prolonge aujourd’hui en idéologie wokiste. En 2019, le gouvernement fédéral a versé une subvention de 163 000 dollars au nom de la décolonisation des sciences physiques. Il importe de les libérer de leur matrice européenne ! Wokiste acharné, Justin Trudeau s’agenouille huit minutes en mémoire du délinquant multirécidiviste George Floyd. Il attend en revanche onze jours avant de condamner du bout des lèvres l’assassinat de Samuel Paty peut-être coupable à ses yeux d’être Européen… Dommage que Justin Trudeau n’ait pas de jumeau; ils auraient été les Dupont et Dupond de la politique - spectacle internationale. Trudeau a l’habitude de s’habiller à la mode locale quand il se rend en voyage officiel dans un État exotique au risque de susciter des remous diplomatiques inattendus.

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Sur le plan intérieur, le Premier ministre canadien accumule autant les scandales politico-financiers que les gaffes. En pleine séance de la Chambre des Communes, il tance la députée conservatrice Melissa Lantsman coupable de soutenir les convoyeurs de la Liberté dont certains brandiraient des croix gammées. Or, cette élue accusée de néo-nazisme implicite est de confession juive…

Le tournant despotique du gouvernement canadien se caractérise enfin par une série de projets de loi destinés à combattre la haine et les discriminations.  Par exemple, un texte encore en discussion considérerait comme discriminatoire et donc passible de poursuites judiciaires le non-respect de l’identité et de l’expression de genre. Un autre entend renforcer la répression des « discours de haine ». Il prévoit qu’un certain Tribunal canadien des droits de la personne prononcerait de lourdes amendes à tous ceux qui useraient d’un « langage haineux ». Toujours dans le cadre de ce projet de loi, les individus pourraient aussi porter plainte à titre préventif, donc avant qu’ils entendent l’éventuelle infraction, envers des individus susceptibles de tenir des « propos haineux ».  Il va de soi que ce tribunal considère déjà comme un  « langage de haine » tout ce qui va à l’encontre du discours officiel, de la doxa médiatique dominante et de la rhétorique gouvernementale.

Devant cette chape de plomb intellectuelle qui avance inexorablement, rares sont les associations supposées défendre les libertés d’expression et d’opinion qui s’en offusquent ! Ailleurs dans le monde non occidental, les condamnations morales tomberaient aussitôt… À l’instar de son complice néo-zélandais, le Premier ministre féminin Jacinda Ardern très en pointe dans la gestion orwellienne des foules, Justin Trudeau agit en potentat ploutocrate. Avant de se faire violemment expulsés, les participants du Convoi de la Liberté n’avaient pas hésité à décrypter Trudeau en Tyrant, Ruthless, Unrealistic, Damaging, Egotistical, Arrogant et Uncivil, soit, si on traduit rapidement, « tyran », « impitoyable », « irréaliste », « déglingué », « égoïste », « arrogant » et « impoli ». Tous ces qualificatifs finement trouvés conviennent parfaitement à ce triste sire.     

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 23, mise en ligne le 9 mars 2022 sur Radio Méridien Zéro.

La revue de presse de CD - 13 mars 2022

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La revue de presse de CD

13 mars 2022

EN VEDETTE

Guerres de l’information, un regard sur les tragédies oubliées

Plutôt que de disséquer l’avalanche de fausses nouvelles sur le conflit russo-ukrainien ou russo-américain par procuration si on préfère l’expression, nous publions en tribune libre la traduction d’un article du 27 février 2022 paru sous la signature de Marina Montessano sur le blog du médiéviste italien Franco Cardini de l’université de Florence. Se replonger sur les précédentes guerres européennes qui furent aussi des guerres de l’information, avec leur lot de mensonges, permet de mieux appréhender le conflit actuel. Les sous-titres sont de notre rédaction.

OJIM

https://www.ojim.fr/guerres-information-tragedies-oubliees/

ASIE

L’Asie face à la guerre en Ukraine

L’invasion de l’Ukraine par les forces armées russes a provoqué des réactions partagées en Asie. Tiraillés entre le camp occidental et celui de Moscou, beaucoup de pays asiatiques ont joué la carte de la neutralité pour préserver leurs intérêts stratégiques. La guerre en Ukraine sert ainsi de révélateur du positionnement des pays asiatiques dans les nœuds de rivalités qui parcourent l’Indopacifique.

Conflits

https://www.revueconflits.com/lasie-face-a-la-guerre-en-u...

DÉSINFORMATION/CORRUPTION

SorosLeaks : Comment le réseau Soros fonctionne en Hongrie

Les entretiens Skype divulgués par le journal Hongrois Magyar Nemzet montrent clairement que des organisations financées par les fondations Open Society (OSF) influencent les journalistes étrangers pour qu’ils donnent une image déformée de la Hongrie et du gouvernement hongrois. Il devient également évident que les hommes de confiance de George Soros ont des pions dans une partie de la presse libérale nationale : L’OSF finance plusieurs médias hongrois et ses militants veillent à ce que le « bon » contenu soit publié.

Breizh-info.com

https://www.breizh-info.com/2022/03/08/181178/sorosleaks-...

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Pfizer finance les fact-checkeurs employés par Facebook

Le laboratoire pharmaceutique Pfizer finance une partie des programmes de formation au journalisme utilisés par Facebook pour former ses partenaires de « fact-checking » chargés de « combattre la désinformation » et de censurer les publications qui critiquent les vaccins contre le Covid-19. Alors que la notion de conflits d'intérêt a été complètement évacuée au cours de cette crise Covid, le géant médical a tissé une vaste toile avec géants du numérique et organismes de presse, dont les fils apparaissent progressivement au grand jour.

francesoir.fr

https://www.francesoir.fr/politique-monde/pfizer-finance-...

ÉCOLOGIE

Les enjeux stratégiques de l’hydrogène dans la transition énergétique

Nous constatons un véritable engouement en faveur du développement de l’hydrogène, que ce soit au niveau de gouvernements, d’industriels et d’organisations internationales. Qu’est-ce qui explique une telle dynamique politique sur le plan international ?

IRIS

https://www.iris-france.org/165548-les-enjeux-strategique...

ÉTATS-UNIS

Les États-Unis confirment l’existence de laboratoires biologiques en Ukraine, la Russie exige des réponses

Lors d’une audition devant la commission des Affaires étrangères du Sénat américain ce mardi 8 mars, la sous-secrétaire d’État américaine Victoria Nuland a déclaré que des bio-laboratoires existent bel et bien sur le sol ukrainien. Cette déclaration faisait suite à une question sur l’éventuelle présence d’armes chimiques en Ukraine. Après avoir confirmé cette réalité, la diplomate a insisté sur l’importance d’œuvrer à empêcher la Russie de mettre les mains sur ces armes biologiques, visiblement inquiète de la progression des formes armées russes sur le territoire ukrainien. De son côté, le ministère de la Défense russe a fait état de ces mêmes programmes biologiques militaires, soulignant l’implication des États-Unis dans leur financement. Selon cette même source, le gouvernement de Kiev aurait aussi procédé à un nettoyage d’urgence des traces de ces laboratoires.

francesoir.fr

https://www.francesoir.fr/politique-monde/les-etats-unis-...

FRANCE

Emmanuel Macron était en train de négocier avec les assassins du préfet Erignac afin d’obtenir le soutien des « nationalistes » de Corse pour l’élection présidentielle. On apprend dans le Canard enchainé de ce jour qu'Emmanuel Macron était en train de négocier avec les assassins du préfet Érignac afin d'obtenir le soutien des « nationalistes » de Corse pour l'élection présidentielle.

Fdesouche.com

https://www.fdesouche.com/2022/03/09/emmanuel-macron-etai...

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GAFAM

Omicron, le concurrent redouté par Bill Gates

On sait que Bill Gates a été très inquiet lors de l’apparition de ce nouveau variant. Il semble bien que cette inquiétude ne soit pas liée aux personnes qui pourraient en mourir, mais à l’immunité naturelle et stérilisante que l’infection par Omicron induirait potentiellement.

Francesoir.fr

https://www.francesoir.fr/societe-sante/omicron-le-concur...

GÉOPOLITIQUE

L’Ukraine, terrain de jeu des oligarques ? Pendant ce temps, la Monnaie Unique Mondiale se précise sur fond de dépossession.

La chose est résumée par l’auteur à succès israélo-libanais, Yuval Noah Harari dans un entretien à Science & Vie : « Nous vivons dans un monde global, mais les écoles et les livres ne nous racontent toujours que des histoires de “paroisse” sur un pays ou sur une culture particulière. La réalité est qu’il n’y a pas un seul pays indépendant dans le monde. Notre planète est toujours divisée en deux cents pays différents, mais ils dépendent tous de forces économiques, politiques et culturelles, qui sont, elles, globales. ».

Le blog de Liliane Held Khawam

https://lilianeheldkhawam.com/2022/03/08/lukraine-terrain...  

Le monde occidental est-il sous la domination d’intérêts privés ?

Les réactions et les sanctions qui se sont abattues sur la Russie montrent de manière très claire et nette la domination complète des pays occidentaux par les intérêts des financiers mondialistes et de l’OTAN. Ceci donc à l’exclusion complète de l’intérêt politique des Etats et des peuples.

breizh-info.com

https://www.breizh-info.com/2022/03/09/181143/le-monde-oc...

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Les détroits turcs fermés aux bâtiments de guerre : quelles conséquences ?

Les détroits turcs, à savoir le Bosphore et les Dardanelles, sont stratégiques pour l’accès à la mer Noire. Leur statut est régi par la convention de Montreux signée en 1936, qui reconnaît la libre circulation pour le trafic civil, tout en permettant des restrictions pour les bâtiments militaires, parmi lesquelles l’interdiction de passage pour ceux-ci en cas de conflit. Sa mise en œuvre récente par Ankara est l’occasion de revenir sur l’historique et sur les conséquences concrètes de cette convention.

Conflits

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RÉFLEXION

Le spectacle de la fin du monde ancien

Le fait que nous soyons à ce point surpris, y compris l’auteur de ces lignes, par l’invasion russe de l’Ukraine, témoigne de la perte d’une capacité d’analyse obscurcie par l’arrogance inconsciente de ce que l’on appelle « l’occidentalisme ». Et également par un rapport au temps, envahi par ce que l’on appelle le « présentisme », c’est-à-dire limitation de notre mémoire à ce qui s’est passé la semaine dernière. Et nous avons pris l’habitude de plaquer sur le réel une morale unilatérale et utilitaire qui nous fait oublier le caractère tragique de l’Histoire.

Vu du Droit

https://www.vududroit.com/2022/03/le-spectacle-de-la-la-f...

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Appel lancé aux amoureux de la liberté !

Extrait de la réception de François Sureau à l’Académie française ce 3 mars 2022 :

« Le 20e siècle a été marqué par la voix d’un intellectuel qui connaissait mieux que quiconque le système régissant le goulag. Seul avec sa plume cet homme, Alexandre Soljenitsyne, s’était battu de toutes ses forces pour dénoncer le totalitarisme soviétique et exiger la liberté. Il n’a eu de cesse de dénoncer les agissements pervers des oppresseurs de la société et de ceux qui pervertissent l’humanité en la piégeant avec un matérialisme consumériste dégradant. »

Le blog de Liliane Held Khawam

https://lilianeheldkhawam.com/2022/03/06/appel-lance-aux-...

Genre : la fabrique des impostures wokistes

Le nouveau livre du linguiste Jean Szlamowicz dissèque la manière dont les nouveaux idéologues tentent d’imposer leurs manipulations intellectuelles. Son bistouri aiguisé n’épargne aucun aspect de leur verbiage pseudo-scientifique. Extraits des Moutons de la pensée. Nouveaux conformismes idéologiques, qui vient de paraître aux Editions du Cerf, présentés par l’auteur.

causeur.fr

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RUSSIE

Le spectacle de la fin du monde ancien

Le fait que nous soyons à ce point surpris, y compris l’auteur de ces lignes, par l’invasion russe de l’Ukraine, témoigne de la perte d’une capacité d’analyse obscurcie par l’arrogance inconsciente de ce que l’on appelle « l’occidentalisme ». Et également par un rapport au temps, envahi par ce que l’on appelle le « présentisme », c’est-à-dire limitation de notre mémoire à ce qui s’est passé la semaine dernière. Et nous avons pris l’habitude de plaquer sur le réel une morale unilatérale et utilitaire qui nous fait oublier le caractère tragique de l’Histoire.

Vu du Droit

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Les oligarques russes ne sont pas près de renverser Poutine

En quête de moyens pour arrêter et punir Vladimir Poutine – ainsi que ceux qui l’ont soutenu et ont profité de son règne – après l’invasion de l’Ukraine, le président américain Joe Biden et d’autres dirigeants mondiaux lorgnent du côté des oligarques russes. Présentation de ces gros capitalistes russes.

Theconversation.com

https://theconversation.com/les-oligarques-russes-ne-sont...

SANTÉ/MENSONGES/LIBERTÉ

L’anxiété écologique, enjeu démographique pour la France et l’Europe

Les effets de l’anxiété due à la perception du changement climatique au sein de la jeunesse sont d’une ampleur que l’on n’avait jusqu’alors pas imaginé, et ont le pouvoir d’aggraver un vieillissement délétère déjà à l’œuvre.

Conflits.com

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Un scandale ivermectine ? Qui se cache derrière les conclusions modifiées de l'étude du Dr Andrew Hill ?

Ivermectine : vers un scandale majeur ? "De l’indifférence scandaleuse au mensonge criminel", publiions-nous fin 2020. En janvier 2021, dans un "debriefing", Andrew Hill nous confiait qu'il jugeait ce traitement prometteur. Il y a près d'un an, nous racontions les graves soupçons qui pesaient sur lui, Tess Lawrie supposant qu'on lui avait forcé la main, pour modifier les conclusions de son étude devant trancher sur l'efficacité de l'ivermectine contre le covid-19 : voir "Ivermectine et fraude scientifique : vers un #UnitaidGate ?(16 mars 2021). Ce changement de cap ne laisse pas d'interroger, et on en apprend davantage aujourd'hui sur une des personnes qui pourrait en être à l'origine.

francesoir.fr

https://www.francesoir.fr/societe-sante/scandale-ivermect...

UNION EUROPÉENNE

Flicage européen

Communiqué de presse datant du 3 février 2022 : « La Commission européenne propose aujourd'hui de prolonger d'un an, soit jusqu'au 30 juin 2023, le certificat COVID numérique de l'UE. Le virus de la COVID-19 reste largement répandu en Europe et il est impossible, à ce stade, de déterminer l'incidence d'une augmentation possible des infections au second semestre de 2022 ou de l'apparition de nouveaux variants. La prorogation du règlement permettra aux voyageurs de continuer à utiliser leur certificat COVID numérique de l'UE pour leurs déplacements dans l'Union lorsque les États membres maintiennent certaines mesures de santé publique. La Commission adopte la proposition aujourd'hui pour que le Parlement européen et le Conseil puissent conclure la procédure législative à temps, avant l'expiration du règlement actuel. »

Europa.eu

https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_...

Ces scandales qui suivent Ursula von der Leyen depuis Berlin

En juin 2020, un rapport d’enquête parlementaire est venu porter une ombre à la réputation d’Ursula von der Leyen, pourtant présentée par l’eurocratie comme une femme politique au parcours irréprochable. Retour sur ces affaires que la présidente de la Commission européenne n’aime pas voir resurgir.

frontpopulaire.fr

https://frontpopulaire.fr/o/Content/co794190/ces-scandale...

Une Europe « inclusive et ferme ta gueule »

La crise ukrainienne montre que l’Europe est inclusive, bienveillante et démocratique, et si vous ne le pensez pas, vous serez tendrement broyé.

contrepoints.org

https://www.contrepoints.org/2022/03/09/422865-une-europe...

samedi, 12 mars 2022

L'Europe suspendue entre l'être et le non-être : est-ce une patrie commune ou un cadavre atlantique ?

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L'Europe suspendue entre l'être et le non-être: est-ce une patrie commune ou un cadavre atlantique?

par Luigi Tedeschi

Source : Italicum & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/l-europa-sospesa-tra-essere-e-non-essere-e-una-patria-comune-o-un-cadavere-atlantico

L'avènement du multilatéralisme dans la géopolitique mondiale place l'Europe devant un dilemme existentiel entre: être une patrie commune ou ne pas être un cadavre atlantique. L'histoire impose parfois des choix cruciaux et inéluctables.

La nécessaire neutralité de l'Ukraine

La guerre en Ukraine a des origines lointaines. Elle est le résultat de tensions de longue date qui ont explosé en raison de l'ineptie européenne et de la politique expansionniste de l'OTAN, qui ont empêché l'existence d'un équilibre stable entre la Russie et l'Occident. Avec l'effondrement de l'URSS et l'indépendance des républiques d'Europe de l'Est qui faisaient déjà partie de l'ancien empire soviétique, la logique de partition déjà éprouvée à Versailles en 1919 avec le démembrement des empires centraux s'est reproduite. L'Europe était en fait fragmentée en de nombreux États, souvent artificiels, et de nombreux peuples, très différents sinon hostiles les uns aux autres, étaient contraints de vivre ensemble. Comme on le sait, Versailles a jeté les bases de la Seconde Guerre mondiale.

L'ouest de l'Ukraine est peuplé de catholiques ukrainophones qui veulent être intégrés à l'Europe, tandis que l'est est habité par une population majoritairement orthodoxe et russophone qui s'identifie à la Russie. Pour Kissinger, l'indépendance de l'Ukraine était un facteur d'instabilité politique potentielle. Soljénitsyne, qui considérait que l'Ukraine faisait partie intégrante de l'histoire et de l'identité russes, s'y opposait. Une réconciliation pacifique entre les deux âmes de l'Ukraine s'est avérée impossible, en raison de l'expansion progressive de l'OTAN à l'est, qui envisageait l'intégration de l'Ukraine à l'Ouest en hostilité ouverte avec la Russie, qui, elle, voyait sa sécurité menacée. Le coup d'État pro-occidental de Maidan en 2014 en est une preuve objective.

Il était possible de parvenir à un équilibre géopolitique qui empêcherait cette guerre d'éclater : la médiation européenne aurait pu favoriser l'entrée de l'Ukraine dans l'UE, à condition qu'elle ne rejoigne pas l'OTAN. Une telle perspective aurait impliqué une rupture entre l'Europe et l'Alliance atlantique. Mais l'Europe n'est pas une entité géopolitique indépendante ; au contraire, elle ne trouve son unité que dans le contexte atlantique.

En effet, l'Ukraine est déjà associée à l'UE depuis 2017 et a bénéficié d'un financement européen de plus de 5 milliards, en plus des 1,2 milliard déboursés récemment. Par ailleurs, les accords de Minsk de 2014 (jamais respectés par l'Ukraine), entre la Russie et l'Ukraine, qui prévoyaient l'autonomie des républiques russophones du Donbass, ramenées à la souveraineté ukrainienne, ont été signés sous les auspices de l'OCDE. Afin d'éviter un conflit russo-ukrainien, l'Europe pourrait exiger que la partie ukrainienne les respecte. Mais l'Europe a brillé par son ignorance coupable.

Cette guerre entraînera une redéfinition des frontières entre l'Occident et la Russie, évoquant un retour au rideau de fer qui a marqué l'époque de la guerre froide. Mais les similitudes sont plus apparentes que réelles. Pendant la guerre froide, deux puissances mondiales, les États-Unis et l'URSS, se sont affrontées en tant que systèmes idéologiques, politiques et économiques alternatifs, entre lesquels les affrontements (jamais directs) alternaient avec les négociations. Aujourd'hui, les États-Unis et la Russie sont tous deux des puissances capitalistes. Les Américains ne reconnaissent pas le statut de puissance mondiale de la Russie et ne concluent donc pas d'accords avec Poutine, qui n'est pas considéré comme un partenaire égal. Avec la dissolution de l'URSS et la dissolution du Pacte de Varsovie, l'OTAN, en tant qu'alliance de défense de l'Occident contre la menace soviétique, aurait également dû être liquidée. L'expansion dans les pays d'Europe de l'Est et les guerres "humanitaires" menées par l'OTAN sur une période de 30 ans ont réfuté la nature défensive de l'Alliance atlantique. Il faut également considérer que l'OTAN a été fondée en 1949, tandis que le Pacte de Varsovie a vu le jour en 1955. Donc, entre les États-Unis et l'URSS, qui a dû se défendre contre qui ? La nature agressive de l'OTAN n'était-elle pas génétique ?

Cette guerre aurait pu être évitée si la nécessaire neutralité de l'Ukraine avait été reconnue. La stabilité et la sécurité de la région ne peuvent être garanties que par la neutralité ukrainienne, comme l'a observé Henry Kissinger : "Trop souvent, la question ukrainienne se présente comme une épreuve de force : l'Ukraine choisit-elle de rejoindre l'Est ou l'Ouest ? Mais si l'objectif de l'Ukraine est de survivre et de prospérer, elle ne peut être l'avant-poste de deux factions qui se combattent - elle doit être un pont." Kissinger, en 2014, était également un prophète facile lorsqu'il a déclaré qu'en l'absence d'une politique de réconciliation, "la dérive vers le conflit va s'accélérer, et à ce rythme, elle se produira assez rapidement". 

L'Amérique, une puissance en crise entre pacifisme et russophobie

Cette guerre a éclaté parce qu'elle a été déclenchée par le désir de la Russie de sauvegarder sa sécurité et de contrer l'avancée de l'OTAN à l'est et par le désir des États-Unis d'éradiquer toute relation entre l'Europe et la Russie et de réaffirmer ainsi leur domination sur l'Europe elle-même. Les États-Unis ont en fait facilité l'invasion russe en déclarant leur réticence à s'engager dans une intervention militaire directe et en refusant tout accord avec Poutine. L'Amérique de Biden est pacifiste. Les divisions au sein de la société américaine ont eu pour effet de paralyser la politique étrangère américaine. L'aile libérale de la côte américaine ne veut pas la guerre pour des raisons pacifistes-idéologiques, pas plus que la population intérieure, patriotique par nature mais désormais fatiguée et désabusée par la succession des défaites américaines dans le monde.

L'Occident veut donc contrer la Russie avec l'arme des sanctions. Avec l'éviction de la Russie du système de paiement rapide et l'embargo économique, elle veut provoquer l'implosion financière de la Russie, avec le défaut de paiement russe associé. Mais la Russie est déjà sous le coup de sanctions depuis 2014. L'arme des sanctions provoque nécessairement des représailles et s'est toujours révélée inefficace. Au contraire, les sanctions politiques renforcent la cohésion interne des nations et encouragent la production de biens pour remplacer les produits étrangers qui ne sont plus importés. En outre, la Russie a été bien équipée au fil des ans pour faire face à de telles éventualités. Devenue économiquement vulnérable lors de la crise de 2014, la Russie a adopté ses propres contre-mesures. Depuis 2016, l'économie russe a enregistré une croissance annuelle du PIB de plus de 4 %, augmenté ses réserves de 631 milliards de dollars, principalement en devises autres que le dollar, contre une dette de 350 milliards de dollars, augmenté ses réserves d'or de 196 %, réalisé d'importants investissements dans le numérique, et le commerce avec la Chine s'élève désormais à 140 milliards de dollars, avec l'objectif d'atteindre 200 milliards de dollars.

Les sanctions ont évidemment aussi un impact majeur sur l'Occident, étant donné l'interdépendance des marchés mondiaux. L'Europe dépend du gaz russe pour 40 % de ses besoins et, puisque les approvisionnements de Gazprom ont été exclus des sanctions, paradoxalement, l'UE finance indirectement les dépenses militaires russes pour l'invasion de l'Ukraine avec les revenus de l'énergie. Alors que la bourse russe a été fermée pour cause de baisse excessive et que le rouble est à son plus bas niveau historique, les marchés européens ont enregistré des pertes de plus de 20 % depuis janvier. Standard & Poor's a rétrogradé la dette publique de la Russie au statut de "junk", mais cette dette ne représente que 20 % du PIB. La crise énergétique, avec des prix du gaz et du pétrole à des niveaux records et une inflation galopante, ainsi que la hausse des prix des matières premières, causent des dommages importants à l'économie européenne. Par le biais de sanctions, l'Occident veut amener la Russie à faire défaut, mais toute implosion russe impliquerait aussitôt l'Europe, étant donné l'exposition du système bancaire européen à la Russie (l'Italie seule est exposée pour plus de 25 milliards), et le blocage des flux commerciaux avec la Russie elle-même. Pour l'Europe, les dommages causés par les mesures de sanction sont encore incalculables.

L'expansion progressive de l'OTAN en Eurasie occidentale est conforme à une stratégie américaine bien connue, poursuivie depuis 1991. La pénétration de l'Atlantisme en Eurasie entraînerait la déstabilisation de la Russie. Les guerres qui ont déjà éclaté en Géorgie et en Tchétchénie, ainsi que la révolution colorée en Ukraine, sont des événements fonctionnels à une stratégie globale : la décomposition de la Russie en de nombreux petits États et leur insertion dans le contexte de l'OTAN, avec l'exploitation indiscriminée de leurs ressources, sous l'égide de la domination américaine.

L'objectif est de reproduire en Russie la stratégie qui a conduit à la fragmentation de l'ex-Yougoslavie (qui a également été expérimentée sans succès au Moyen-Orient). Mais quelqu'un a-t-il prévenu Biden et son équipe que la Russie n'est pas comparable à la Yougoslavie ? Le défaut de paiement et la déstabilisation économique de la Russie devraient être suivis d'une déstabilisation politique, avec la défenestration de Poutine par un complot ourdi par les oligarques russes sanctionnés. Mais les États-Unis, qui ont été incapables de faire tomber Saddam, Assad ou Milosevic, pourront-ils un jour faire tomber Poutine et avec lui tout l'appareil politique et militaire russe ?

À l'ONU, la résolution condamnant la Russie, outre l'unité des talibans européens pro-OTAN et son approbation par 141 voix, a enregistré 35 abstentions et 5 voix contre. Parmi les abstentions figurent la Chine, l'Inde, l'ensemble du monde islamique (à l'exception du Qatar et du Koweït), l'Afrique du Sud, le Brésil, le Mexique et le Congo. Il est donc nécessaire de réfléchir à l'importance économique et géopolitique de ces pays (qui, par ailleurs, détiennent une grande partie des matières premières mondiales et représentent la moitié de la population mondiale). La Turquie elle-même n'appliquera pas de sanctions à la Russie et Israël s'est déclaré prêt à jouer un rôle de médiateur dans le conflit : les intérêts d'Israël ne coïncident manifestement pas toujours avec ceux des Américains. Le front abstentionniste est donc hostile à l'Occident et constitue une démonstration tangible que la Russie n'est nullement isolée dans le contexte géopolitique mondial. La politique de l'Occident américain est inspirée par une profonde russophobie, qui conduira à l'isolement de l'Occident lui-même et à sa réduction géopolitique.

La politique expansive de l'OTAN a favorisé la création d'un partenariat russo-chinois qui pourrait devenir stratégique. La Chine a adopté une politique d'attention prudente dans le conflit russo-ukrainien. La Chine est le premier partenaire commercial de l'Ukraine, mais il faut surtout noter que 90 % du commerce de l'Europe avec la Chine passe par la Russie et l'Asie centrale. Cette guerre pourrait être un coup mortel pour l'économie européenne. Mais le plus important est que l'intensification des relations économiques et politiques de la Chine, de l'Inde et du monde islamique avec la Russie entraînerait une contraction drastique de la zone dollar, qui a jusqu'à présent dominé le commerce mondial. Et, à cet égard, on peut s'interroger : mais l'euro n'a-t-il pas été créé comme monnaie alternative au dollar afin de libérer l'Europe de la tyrannie financière américaine ? Cependant, des changements systémiques dans l'économie mondiale nous attendent.

L'Europe sortira-t-elle de son hibernation historique ?

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec les accords de Yalta et de Potsdam, l'Europe est divisée en deux zones d'influence : l'américaine à l'ouest et la soviétique à l'est. Alors que l'Europe de l'Est a souffert de l'occupation soviétique et de ses régimes totalitaires, l'Europe occidentale a accepté la domination américaine avec un large consentement. Le régime pro-américain de souveraineté limitée a ensuite été étendu, après 1989, aux pays de l'ancien bloc soviétique et s'est étendu à l'UE elle-même, au point de déterminer une identification parfaite entre l'Europe et l'OTAN.

L'Europe a ainsi renoncé à son indépendance et à un rôle puissant dans le contexte géopolitique mondial. Le statut de l'Europe est comparable à celui d'un colonialisme consentant, c'est-à-dire un groupe de pays économiquement avancés, à la prospérité généralisée, mais politiquement aseptisés, culturellement américanistes, dépourvus de pouvoir de décision et de responsabilité en matière de défense et de politique internationale, délégués aux États-Unis. Ce statut colonial, perpétué jusqu'à ce jour, a représenté la sortie de l'Europe de l'histoire.

Ce modèle socio-politique, qui a présidé à la fondation de l'UE elle-même, trouve sa pleine réalisation en Allemagne, qui, en vertu de sa suprématie économique continentale, l'a imposé à l'ensemble de l'Europe. Depuis 70 ans, l'Allemagne vit dans la dimension de la post-histoire. Le diplomate allemand Thomas Bagger a effectivement déclaré que "la fin de l'histoire était une idée américaine, mais une réalité allemande". Dans un article paru dans Limes, Ulrike Franke affirme que, pour la génération des millennials allemands, l'histoire est un récit d'événements passés, et non un processus dynamique en constante évolution. L'oubli de la mémoire historique a condamné les nouvelles générations à vivre dans une dimension existentielle absorbée par l'éternel présent. Il s'agit d'une dimension nihiliste, qui implique l'impossibilité de concevoir des réalités historiques et des horizons futurs comme des alternatives à celle-ci. Le progrès, le bien-être, le cosmopolitisme libéral pacifiste et le marché mondial sont les traits distinctifs d'un modèle économique et social occidental post-historique, qui a néanmoins généré dans la génération post-1989 l'idée de vivre dans le meilleur des mondes possibles.

Ulrike Franke dit : "Et la fin de l'histoire a pris notre avenir. Après tout, nous savions tous comment cela allait se terminer. La politique est devenue ennuyeuse - une activité administrative plutôt qu'une compétition idéologique. Et cela peut aussi nous aider à comprendre pourquoi tous les partis allemands prétendent toujours être du centre. Il semble qu'il ne soit pas nécessaire de penser stratégiquement à l'avenir. Une telle vision ahistorique de la réalité a été transmise à l'ensemble de l'Europe, qui est devenue un continent dépourvu de toute identité culturelle et sans aucune perspective d'avenir".

L'avènement de la post-histoire est lié à une époque où la souveraineté politique de l'Europe était dévolue au protectorat atlantique. L'UE elle-même a été créée en tant qu'organe supranational intégré à l'OTAN à l'extérieur et en tant que structure financière qui a établi un système économique d'extrême compétitivité entre les États à l'intérieur. L'UE n'a pas favorisé le développement et l'émancipation, mais a créé un système de domination économique de l'Allemagne et de ses satellites dans lequel la croissance allemande s'est accompagnée d'une dépression dans les pays du sud. Mais aujourd'hui, l'Europe est confrontée à un ordre géopolitique considérablement modifié. Les États-Unis poursuivent des objectifs qui ne sont pas compatibles, voire conflictuels, avec l'Europe.

Les États-Unis, qui se sont engagés à contenir la Russie et la Chine, n'ont plus l'intention de soutenir les dépenses militaires pour la défense des pays européens, qui sont tenus de consacrer 2 % de leur PIB à l'armement. L'objectif géopolitique poursuivi par les Américains n'est en fait pas la défense de l'Ukraine contre l'invasion russe, mais la restauration de leur domination politique absolue dans l'espace européen, en rompant les relations entre l'Europe et la Russie et en interrompant les flux commerciaux entre l'Europe et la Chine. Une Europe, dévastée par la crise économique provoquée par l'urgence énergétique et réduite dans son rôle de puissance économique dans le monde (surtout en ce qui concerne ses exportations vers les USA), pourrait être réduite à une condition de subordination totale aux USA. Les États-Unis pourraient alors imposer à l'Europe un traité de libre-échange transatlantique capricieux, semblable au tristement célèbre TTIP.

Le retrait américain d'Afghanistan a entraîné un changement substantiel de la stratégie géopolitique américaine. La politique étrangère de Biden, dans la continuité de celle d'Obama et de Trump, n'envisage pas d'interventions militaires dans le monde, sauf si les intérêts américains sont directement menacés. Par conséquent, des déploiements politico-militaires de dimension continentale ont été mis en place pour sauvegarder les zones d'influence de l'Amérique dans le monde. Dans le cadre de cette nouvelle stratégie géopolitique américaine, à travers le pacte abrahamique, la nouvelle OTAN du Moyen-Orient a été établie, dirigée par Israël et avec la participation de nombreux pays arabes. Et aussi l'AUKUS, qui est une alliance militaire dans la zone Indo-Pacifique qui vise à contenir la puissance chinoise. La décision de l'Allemagne d'allouer 100 milliards d'euros aux dépenses d'armement doit être interprétée de la même manière. Jusqu'à hier, le réarmement allemand aurait suscité l'inquiétude de tout l'Occident. L'Europe, sous la direction de l'Allemagne, devrait devenir une puissance continentale au sein de l'OTAN dans une fonction anti-russe. Mais il semble hautement improbable que la société allemande accepte de mourir pour l'Ukraine, comme la société japonaise le ferait pour Taïwan.

La phase post-historique de l'Europe touche donc à sa fin. Une perpétuation de l'hibernation historique de l'Europe est inconcevable. Nous devons occuper une place dans une histoire en constante évolution, sinon l'histoire elle-même s'occupera de nous, c'est-à-dire que d'autres décideront pour nous en fonction de leurs propres intérêts. Et dans notre cas, ce seront les Américains qui décideront.

L'Europe à la croisée des chemins entre multilatéralisme et abandon de l'histoire

Le conflit entre Poutine et l'Occident a pris la dimension d'une opposition d'époque de nature historico-idéologique. Depuis la crise de 2014, la réaction de Poutine au tournant pro-occidental en Ukraine a été interprétée par le courant dominant officiel comme la renaissance d'une conception de la politique du XIXe siècle, qui a été reproposée à travers la résurrection du nationalisme russe comme une réaction à une Russie assiégée et visant à défendre ses frontières et à sauvegarder son indépendance nationale. Ces concepts étaient considérés par l'intelligentsia libérale comme relégués à des époques historiques dépassées. Poutine est donc considéré comme un leader anti-historique.

Cependant, nous voyons dans le conflit ukrainien une opposition géopolitique et un affrontement idéologique, qui avaient déjà émergé dans l'histoire récente. L'Occident est dominé par un système néolibéral et une culture postmoderne qui postulent l'individualisme absolu, les droits de l'homme, la primauté de l'économie sur la politique, l'éradication des cultures identitaires et la dissolution des États. Ainsi, le conflit entre l'Occident et la Russie, selon l'idéologie libérale, est interprété comme le choc entre liberté et répression, progrès et réaction, démocratie et autocratie, laïcité et obscurantisme.

L'émergence de nouvelles puissances continentales telles que la Russie, la Chine, l'Inde, l'Iran et d'autres puissances mineures, qui revendiquent au contraire leur propre identité nationale, la valeur de la patrie en tant que destin commun des peuples, leurs racines historiques et culturelles, a mis en évidence depuis longtemps le déclin de l'idéologie libérale comme seul canon d'interprétation de la réalité dans une clé post-historique, individualiste et progressiste. La défense des droits de l'homme et l'imposition du système libéral-démocratique au niveau mondial constituent donc les valeurs en vertu desquelles l'Occident revendique sa suprématie morale dans le monde. Ces principes constituent la légitimation idéologique du "Nouvel Ordre Mondial". Les conflits qui ont eu lieu au cours des dernières décennies démentent les hypothèses idéologiques sur lesquelles repose le "Nouvel Ordre".  C'est ce que dit Alberto Negri dans son article dans "Il Manifesto" du 13/02/2022 : "Cette fois, l'atlantisme est nu. Comme le roi" : "Quel "ordre" libéral les États-Unis et l'OTAN préconisent-ils? Celle qui a incité Washington à utiliser les djihadistes contre l'URSS dans les années 1980? Celle de l'Afghanistan 2021? L'"ordre" de l'intervention fabriquée en Irak en 2003? L'"ordre" de la guerre en Libye en 2011, dont les désastres sont encore sous nos yeux?

L'"ordre" américain qui nous a valu des attaques en Europe et des millions de migrants traités comme des objets et repoussés dans le désespoir, tout en nous privant des ressources énergétiques de nos voisins? L'"ordre" de la Turquie, un pays de l'OTAN utile pour massacrer les Kurdes sous le sultan Erdogan? L'"ordre" qui réduit au silence et efface les Palestiniens?

Les Américains et les atlantistes s'arrogent le droit de décider de ce qui est bon et de ce qui est mauvais, s'accrochant à des principes d'autodétermination des peuples qu'ils sont les premiers à violer.

Prenez la Syrie : pendant des années, Washington et Bruxelles ont déclaré que "Assad devait partir", mais pour le déstabiliser, ils ont encouragé Erdogan à envoyer des milliers d'égorgeurs djihadistes de l'autre côté de la frontière. Ils ont demandé à la Syrie de rompre ses liens avec l'Iran, puis la Russie, alliée historique de Damas, est intervenue.

Que voulait l'Occident, peut-être le bien des Syriens, toujours maintenus sous un embargo dramatique? Que voulaient les Américains de l'Afghanistan? Pour se venger du 11 septembre 2001, comme Biden l'a lui-même admis? Eh bien, après avoir tué Ben Laden, ils auraient pu partir, mais ils sont restés et ont tué plus de civils que les talibans, à qui ils ont rendu le pays, et maintenant ils se vengent sur la population en gelant les fonds afghans et en entravant l'acheminement de l'aide humanitaire.

L'unilatéralisme américain a généré de nouveaux conflits dans le monde entier entre les États dominés par le néolibéralisme et les États dominés par la souveraineté, entre les gagnants et les perdants de la mondialisation, entre l'Occident post-moderniste et l'Orient traditionaliste. Ce conflit irréductible est également présent au sein de la société occidentale. Les classes dominantes sont idéologiquement libérales et mondialistes, les classes subalternes revendiquent les valeurs communautaires, l'État-providence, les cultures identitaires.

Le monde occidental s'est révélé anti-historique dans la mesure où il n'a pas su comprendre l'esprit de notre époque, dans laquelle un nouvel ordre multipolaire émerge dans la géopolitique mondiale. Et c'est la cause du déclin progressif de l'unilatéralisme américain.

Nous sommes au seuil d'un tournant historique, annoncé prophétiquement par Alexandre Douguine dans son ouvrage La quatrième théorie politique: "La seule alternative plausible, aujourd'hui, se trouve dans le contexte d'un monde multipolaire. Le multipolarisme peut garantir à chaque pays et civilisation de la planète le droit et la liberté de développer son propre potentiel, de s'organiser intérieurement selon l'identité de sa culture et de son peuple, de fournir une base acceptable pour un système de relations internationales justes et équilibrées entre les nations du monde. La multipolarité doit être fondée sur le principe d'équité entre les différentes organisations politiques, sociales et économiques des diverses nations. Le progrès technologique et l'ouverture croissante doivent favoriser le dialogue entre les peuples et les nations et leur prospérité, mais ne doivent pas pour autant mettre en péril leur identité. Les différences entre les civilisations ne doivent pas nécessairement culminer dans un affrontement inévitable - contrairement à ce que pensent de manière simpliste certains auteurs américains. Le dialogue - ou plutôt le polylogue - est une possibilité réaliste que nous devrions tous explorer.

L'avènement du multilatéralisme dans la géopolitique mondiale place l'Europe devant un dilemme existentiel entre être une patrie commune ou ne pas être un cadavre atlantique. L'histoire impose parfois des choix cruciaux et inéluctables. 

Idéologie, propagande et conflit

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Idéologie, propagande et conflit

Par Daniele Perra

Source: https://www.eurasia-rivista.com/ideologia-propaganda-e-conflitto/

"Par conséquent, c'est un précepte ou une règle générale de la raison que tout homme doit s'efforcer d'obtenir la paix, dans la mesure où il a l'espoir de l'obtenir, et lorsqu'il ne peut l'obtenir, rechercher et utiliser toutes les aides et tous les avantages de la guerre. La première partie de cette règle contient la première loi fondamentale de la nature, qui est de rechercher la paix et de l'obtenir. La seconde, la somme de la loi de la nature, qui consiste à se défendre par tous les moyens possibles."

(Thomas Hobbes, Léviathan)

Dans son interprétation personnelle de l'œuvre la plus célèbre de Thomas Hobbes, Carl Schmitt souligne combien la figure du Léviathan évoque avant tout "un symbole mythique plein de significations cachées" [1]. Ce mythe, selon le grand juriste allemand, doit être compris avant tout comme une lutte séculaire d'images. En effet, dans le livre de Job, à côté de la figure du Léviathan (l'animal marin le plus fort et le plus indomptable), un autre animal est dépeint avec autant d'importance et de richesse de détails : le Béhémoth terrestre.

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Après un rapide examen des interprétations chrétiennes de ce "mythe" (par exemple, selon l'Apocalypse de Jean, dans le célèbre Liber Floridus du 12e siècle, l'Antéchrist est représenté trônant sur Léviathan tandis qu'un démon chevauche Béhémoth), Schmitt se concentre sur l'exégèse juive, où les deux bêtes deviennent des symboles des puissances mondaines et païennes hostiles aux Juifs. "Le Léviathan", affirme Schmitt, "représente les bêtes sur mille montagnes (Psaumes 50:10), c'est-à-dire les peuples païens" [2]. Dans ce sens, l'histoire du monde est présentée comme une lutte des peuples païens les uns contre les autres. En particulier, la lutte se déroule entre le Léviathan - les puissances maritimes - et le Béhémoth - les puissances terrestres.

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Béhémoth essaie de déchirer le Léviathan avec ses cornes, tandis que le Léviathan bouche la gueule et les narines de Béhémoth avec ses nageoires, le tuant. Ceci, poursuit Schmitt, est "une belle image de l'étranglement d'une puissance terrestre par un blocus naval" [3] (la référence, bien sûr, est au blocus naval avec lequel les Britanniques ont étranglé l'économie allemande pendant la Première Guerre mondiale). Dans tout cela, les Juifs regardent les peuples de la terre s'entretuer: "pour eux, ces massacres et égorgements mutuels sont légaux et casher. C'est pourquoi ils mangent la chair des peuples tués et en tirent la vie" [4].

Si l'interprétation schmittienne de ce thème biblique est appliquée aux événements actuels, il n'est pas particulièrement difficile d'identifier la Russie et l'Europe respectivement comme le Béhémoth et le Léviathan, et les États-Unis comme ceux qui "se nourrissent de la chair des tués et en vivent".

Dans deux articles publiés sur le site Eurasia, intitulés "L'ennemi de l'Europe" et "Comparaison des modèles géopolitiques", on a tenté d'expliquer comment les Etats-Unis, à travers deux guerres mondiales en l'espace de trente ans (ce n'est pas une coïncidence si l'historien Eric Hobsbawm a parlé d'une "deuxième guerre de trente ans" et Ernst Nolte d'une "guerre civile européenne"), ont réussi à évincer la Grande-Bretagne de son rôle de puissance mondiale, l'épuisant dans une lutte sans merci avec l'Allemagne. La "Grande Guerre" se prête particulièrement bien à ce schéma d'interprétation, puisque les États-Unis ne sont intervenus qu'après s'être transformés de pays débiteur en pays créditeur et après s'être assurés que les concurrents européens sortiraient du conflit, quelle que soit l'issue, dans des conditions économiques désastreuses. Et il ne semble pas déplacé d'utiliser le même schéma d'interprétation pour la crise actuelle en Europe de l'Est, étant donné que, aujourd'hui comme en 1914, les États-Unis sont le plus grand pays débiteur du monde. 

Toutefois, une telle approche nécessite une réflexion approfondie. Nous avons choisi de commencer cette analyse par une citation de Thomas Hobbes pour la simple raison que le philosophe anglais reconnaît que l'État est avant tout un système de sécurité destiné à garantir la sécurité de son peuple et à éviter un retour à l'état de nature : la lutte de tous contre tous.

9782081395497.jpgHobbes déclare expressément qu'il est du devoir de tout homme de rechercher la paix. Mais lorsque cela ne peut être réalisé, il a le droit d'utiliser les avantages de la guerre. Le penseur de Malmesbury, à son crédit, dit aussi autre chose. Plus précisément, il affirme la nécessité du respect des pactes, car : "sans une telle garantie les pactes sont vains et ne sont que des paroles vides, et le droit de tous les hommes à toutes choses demeurant, on est toujours dans la condition de la guerre [...] Mais quand un pacte est fait, alors le rompre est injuste et la définition de l'injustice n'est rien d'autre que le non-respect du pacte" [5].

Et encore : "C'est pourquoi celui qui rompt l'alliance qu'il a contractée, et qui déclare par conséquent qu'il pense pouvoir le faire avec raison, ne peut être reçu dans une société qui se réunit pour la paix et la défense, si ce n'est par l'erreur de ceux qui le reçoivent, ni, une fois reçu, rester sans que ceux qui voient le danger de leur erreur" [6].

Quelle est l'utilité de ces citations face au conflit actuel en Ukraine ? Il est bon de procéder par ordre. En 1987, les États-Unis et l'Union soviétique ont signé le traité INF - Intermediate-range Nuclear Force Treaty, qui réglementait le placement de missiles balistiques à courte et moyenne portée sur le sol européen. À peu près au même moment, Washington a donné à Moscou des garanties que l'OTAN ne s'étendrait pas vers l'est.

En 2014, l'Ukraine était dirigée par Viktor Ianoukovitch, dont le principal défaut (plus que la corruption généralisée) était d'avoir opté pour une éventuelle entrée du pays dans l'Union économique eurasienne. En effet, dans sa vision, l'ex-république soviétique était censée être un pont entre l'est et l'ouest et non une rupture géographique entre la Russie et le reste de l'Europe. Dans une interview accordée à CNN quelques semaines après le coup d'État à Kiev, le spéculateur ("philanthrope") George Soros a ouvertement déclaré qu'il avait contribué à renverser le "régime pro-russe" afin de créer les conditions nécessaires au développement d'une démocratie de type occidental. Non seulement cela, mais le gouvernement ukrainien post-golpiste a été sélectionné selon une méthodologie d'entreprise. Plus précisément, la sélection a été effectuée par deux cabinets de "chasseurs de têtes", Pedersen & Partners et Korn Ferry, qui ont choisi 24 personnes sur une liste de 185 candidats parmi les étrangers vivant en Ukraine (sans surprise, le gouvernement post-golpiste comprenait un Américain, un Lituanien et un Géorgien) et les Ukrainiens vivant au Canada et aux États-Unis. L'ensemble du processus - et cela ne devrait pas être une surprise - a été financé par Soros lui-même par le biais de la fondation Renaissance et du réseau de conseil politique [7].

Non moins troublant a été le processus de sélection de l'actuel président ukrainien, que la propagande atlantiste, dans un élan d'humour et de blasphème, a comparé à Salvador Allende. Volodymir Zelens'kyi, acteur et comédien d'origine juive aux talents incontestables (étant donné sa capacité à hypnotiser un public occidental déjà enivré par deux années de rhétorique pandémique militariste), avant de se consacrer à la politique était sous contrat avec la télévision privée du puissant oligarque Igor Kolomoisky. Également d'origine juive, ancien président de la Communauté juive unie d'Ukraine et du Conseil européen des communautés juives, Kolomoisky est également connu pour avoir financé les groupes paramilitaires qui massacrent les civils dans le Donbass depuis huit ans et pour avoir placé des primes de 10.000 dollars sur les têtes des miliciens séparatistes (Il va sans dire que ce sont les mêmes groupes qui ont assassiné le journaliste italien Andy Rocchelli (photo, ci-dessous) dans le silence absolu de nos médias, bien plus intéressés à défendre les droits bafoués d'un étudiant égyptien en études de genre).

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Biographie: https://www.worldpressphoto.org/andy-rocchelli

Or, pour en revenir à l'affirmation hobbesienne selon laquelle "la définition de l'injustice n'est rien d'autre que le non-respect de l'alliance", on ne peut manquer de rappeler qu'en plus d'avoir accepté une large expansion de l'OTAN vers l'Est, les États-Unis ont opté en 2018 (sous l'administration Trump) pour un retrait unilatéral du FNI, sanctionnant de fait la possibilité d'amener leurs missiles aux frontières de la Russie. Comment la deuxième puissance militaire du monde aurait-elle dû réagir à un tel acte ? Il est bon de commencer par les aspects diplomatiques.

Le 17 décembre 2021, le ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie a publié le projet d'accord sur les garanties de sécurité soumis à l'OTAN et aux États-Unis. Il s'agissait notamment : a) d'exclure toute nouvelle expansion de l'OTAN vers l'est (y compris l'Ukraine) ; b) de ne pas déployer de troupes supplémentaires ; c) d'abandonner les activités militaires de l'OTAN en Ukraine, en Europe de l'Est, dans le Caucase et en Asie centrale ; d) de ne pas déployer de missiles à moyenne et courte portée dans des zones à partir desquelles d'autres territoires peuvent être touchés ; e) de s'engager à ne pas créer de conditions pouvant être perçues comme des menaces ; f) de créer une ligne directe pour les contacts d'urgence [8].

En outre, Moscou a expressément exigé le retrait de la déclaration de Bucarest dans laquelle l'OTAN a établi le principe de la "porte ouverte" en ce qui concerne l'adhésion de l'Ukraine et de la Géorgie à l'alliance. Naturellement, Washington et l'OTAN ont rejeté en bloc les demandes russes.

Il est essentiel de souligner ce fait, car la liberté invoquée aujourd'hui par le président ukrainien dans ses appels "sincères" n'est rien d'autre que la "liberté" de ses protecteurs de placer sur le sol ukrainien des missiles qui peuvent atteindre Moscou en quelques minutes, la détruisant avant même qu'elle ait une chance de réagir. Et la rhétorique belliqueuse utilisée par les gouvernements collaborationnistes européens (l'Italie en premier lieu) défend cette idée plutôt bizarre de liberté, sur la base de laquelle (nous le répétons) la deuxième puissance militaire du monde (ainsi que le principal fournisseur d'énergie de l'Europe) ne se voit pas garantir le droit à la sécurité.

Pour cette idée malsaine de la liberté (l'Italie est une fois de plus au premier rang, malgré la présence de plus de 70 têtes nucléaires américaines qui en font une cible directe en cas d'éventuelles représailles), il a été décidé d'envoyer des armes à Kiev (qui finiront dans les mains de groupes paramilitaires plus intéressés par la chasse à leurs concitoyens pro-russes que par la guerre contre les Russes) et de ne soumettre qu'un quart du système bancaire russe à des sanctions.

Au nom de cette idée de liberté, produit de la manipulation idéologico-géographique qui porte le nom d'Occident, le suicide économique et financier de l'Europe a été décidé (à la grande joie de Washington). Et toujours sur la base de cette idée dérangeante de la liberté, une "chasse aux sorcières" a été déclenchée, dans laquelle des artistes de renommée internationale sont priés d'abjurer leur patrie ; dans laquelle des cours sur Dostoïevski sont annulés, pour être ensuite rétablis lorsqu'un auteur ukrainien donne un avis "contradictoire" (comme si le par condicio pouvait s'appliquer à la littérature) ; dans laquelle toute voix en désaccord avec la vulgate officielle est réduite au silence et accusée de pro-poutinisme ; et dans laquelle les trente dernières années d'agression de l'OTAN (dont soixante-dix-huit jours de bombardement de la Serbie) et les huit années précédentes de guerre en Ukraine sont oubliées.

Il existe un terme pour tout cela : la guerre idéologique. La guerre idéologique est une guerre dans laquelle, pour reprendre la définition de Schmitt, l'ennemi est diabolisé et criminalisé. Par conséquent, elle devient digne d'être anéantie. La guerre idéologique ne connaît aucune limite et se fonde sur la subversion de la réalité. C'est la guerre imaginaire des pseudo-intellectuels, des journalistes et des analystes géopolitiques en proie à une surexcitation guerrière. C'est la guerre dans laquelle de faux mythes sont créés : la résistance héroïque des soldats ukrainiens sur l'île aux Serpents (qui se sont rendus sans tirer un coup de feu), le fantôme de Kiev abattant six avions de chasse russes (qui n'ont jamais existé), la résistance ukrainienne retournant les panneaux de signalisation pour confondre l'avancée russe (à l'ère de la guerre technologique). Cette guerre imaginaire est celle dans laquelle la Russie est décrite comme un pays isolé alors qu'en réalité elle renforce sa coopération avec la Chine et le Pakistan (deux puissances nucléaires) et dans laquelle l'UE et l'Anglosphère sont présentées comme le "monde entier". 

NOTES

[1] C. Schmitt, Sul Leviatano, Il Mulino, Bologna 2011, p. 39.

[2] Ibid, p. 45.

[3] Ibid.

[4] Ibid.

[5] T. Hobbes, Leviatano, BUR, Milan 2011, p. 149.

[6] Ibidem, p. 155.

[7] Se Soros e la finanza scelgono il governo dell’Ucraina, www.ilsole24ore.com.

[8] Russie : les garanties de sécurité demandées à l'OTAN sont révélées, www.sicurezzainternazionale.luiss.it.