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mardi, 01 septembre 2009

Variations autour du thème "Russie"

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Robert STEUCKERS:

 

Variations autour du thème “Russie”

 

Discours de Robert Steuckers lors du colloque de la “nouvelle alternative solidariste” à Ruddervoorde/Bruges, 11 octobre 2008

 

La Russie  –vous l’entendez et le lisez chaque jour dans les médias du système—  est l’objet d’une inlassable propagande, toujours dénigrante et négative, d’un harcèlement permanent des esprits, qui la campent comme un immense foyer où se succèdent sans discontinuité horreurs et entorses à la “bonne gouvernance”; cette propagande a été bien réactivée depuis la “Guerre d’août” dans le Caucase, il y a deux mois. Cette propagande négative, cette “Greuelpropaganda” (“gruwelpropaganda”), n’est pas nouvelle, car, les historiens le savent, elle s’est déjà déployée dans l’histoire des deux derniers siècles, essentiellement pour deux faisceaux de motifs:

 

Premier faisceau de motifs:

D’abord à cause de l’autocratisme de certains tsars: Paul I, qui voulait marcher avec Napoléon contre l’Inde britannique et démontrait, par cette volonté, que la maîtrise de la Mer Noire et de la Caspienne permettait à terme de déboucher en Inde, arsenal civil et source de profit pour la puissance dominante anglaise; et Nicolas I, qui a entamé la marche des armées russes en direction du Caucase et de l’Asie centrale; ce tsar voulait régler la question d’Orient en liquidant l’Empire ottoman, ce qui a déclenché la Guerre de Crimée. Ce reproche d’autoritarisme fait partie d’un arsenal propagandiste récurrent car il s’adresse également à des tsars d’ouverture tels Alexandre II, qui lance un programme d’industrialisation, de modernisation et de libération des serfs, ou Nicolas II, qui sera tantôt ange tantôt démon, selon les fluctuations de la géopolitique anglaise, qui entendait d’abord ébranler la Russie pour s’emparer des pétroles du Caucase puis s’allier à elle dans le cadre de l’Entente pour faire pièce à une Allemagne devenue ennemie principale, prenant ainsi, au titre de cible première des propagandes dénigrantes, le relais de l’Empire des Tsars comme le démontre d’excellente manière le géopolitologue suédois William Engdahl dans son ouvrage sur la guerre du pétrole (1). Nicolas II partage avec les Mexicains Zapata et Pancho Villa le triste honneur d’avoir été tout à la fois, en l’espace de quelques années seulement, tyran sanguinaire et brave allié. Les deux Mexicains, rappellons-le, voulaient nationaliser les pétroles de leur pays, les arracher aux tutelles britannique et yankee... L’an passé, nous avons eu à déplorer la disparition de Henri Troyat, de l’Académie Française, écrivain de souche russe et arménienne, qui nous a laissé des biographies de tous les tsars: elles nous expliquent en long et en large les grands axes de leur politique, dans un langage clair et limpide, accessible à tous, sans jargon. Je conseille à chacun de vous de s’y référer.

 

Deuxième faisceau de motifs:

Ensuite à cause du bolchevisme et de la bolchevisation de la Russie, après 1917, la démonisation propagandiste se focalise sur l’idéologie et la pratique du communisme. Elle a la tâche bien plus facile car le tsarisme était moins démonisable que le soviétisme. Le monde catholique belge et flamand, notamment, dépeint la Russie soviétisée comme le foyer du mal absolu, surtout pour empêcher tout envol du communisme en Belgique même; la publication de l’album d’Hergé, “Tintin au pays des Soviets” relève, pour ne donner qu’un seul exemple, de cet anti-communisme catholique et militant des années 20 et 30. Cette propagande anti-soviétique a laissé des traces: en dépit de l’effondrement définitif de l’Union Soviétique et de la débolchevisation de la Russie, les réflexes anti-russes mobilisés pour combattre le soviétisme, notamment la propagande en faveur de l’OTAN, restent ancrés dans les mentalités, incapables d’intégrer les nouvelles donnes géopolitiques d’après 1989. A cet anti-communisme, mis en sourdine à partir de 1941 pour raisons d’union sacrée contre le nazisme et pour couvrir les agissements de la résistance communiste (en tant qu’instrument de la “guerilla warfare”), succède un anti-stalinisme, partagée par certains communistes ailleurs dans le monde; cet anti-stalinisme prête tous les travers du communisme à la seule gestion stalinienne de l’Union Soviétique. Comme Nicolas II, tyran sanguinaire puis “bon père des peuples de toutes les Russies” selon la propagande londonienne, Staline sera un monstre, puis le brave “Uncle Joe”, puis le “petit père des peuples” puis à nouveau un dictateur infréquentable.

 

Dans mon article, intitulé “La diplomatie de Staline” (cf. http://euro-synergies.hautetfort.com), et dont la teneur m’a été souvent reprochée (2), j’ai souligné l’originalité, après 1945, de la diplomatie soviétique, qui pariait sur des rapports bilatéraux entre puissances et non sur une logique des blocs, du moins au départ. De fait, le pacte de Varsovie nait en 1955 seulement, après la mort du leader géorgien. Ce Pacte a bétonné la logique des blocs et est l’oeuvre du post-stalinisme que Douguine dénonce, aujourd’hui à Moscou, comme une émanation d’un certain “atlanto-trotskisme”. En dépit d’atrocités comme l’élimination des koulaks dans les terres noires et si fertiles d’Ukraine, qui a privé l’Union Soviétique d’une paysannerie capable de lui assurer une totale autonomie alimentaire, et comme les épurations du parti et de l’armée lors des grandes purges de 1937, il faut objectivement mettre à l’acquis de la période stalinienne tardive les notes de 1952, proposant la neutralisation de l’Allemagne sur le modèle prévu pour l’Autriche, en accord avec le filon “austro-marxiste” de la social-démocratie autrichienne.

 

Déstalinisation et logique des blocs

 

La volonté de réhabiliter les rapports bilatéraux entre puissances, selon les vieux critères avérés de la diplomatie classique, et le projet de neutralisation d’une large portion du centre de l’Europe entre l’Atlantique et la frontière soviétique, dont l’arsenal industriel allemand appelé à renaître de ses cendres (“les Hitlers vont et viennent, l’Allemagne demeure”), sont deux positions qui ont l’une et l’autre déplu profondément à Washington et entraîné ipso facto une propagande anti-stalinienne puis, dans la foulée, la déstalinisation, au profit d’une logique des blocs parfaitement schématique, qui condamnait l’Europe à la division et la stagnation, au blocage géopolitique permanent. La déstalinisation, en dépit de la “bonne figure” qu’elle se donnait, interdisait de revenir au message de la fin de l’ère stalinienne: diplomatie classique et neutralisation de l’Allemagne.

 

La Chine actuelle, partiellement héritière de ce communisme de la fin des années 40 et du début des années 50, préconise des relations internationales basées sur des rapports bilatéraux, dans le respect des identités politiques des acteurs de la scène internationale, en dehors de toute  formation de blocs et de toute idéologie “immixtionniste” (wilsonisme, stratégie cartérienne et reaganienne des “droits-de-l’homme”, etc.) (cf. nos articles sur la question: Robert Steuckers, “Les amendements chinois au ‘nouvel ordre mondial’” & “Modernité extrême-orientale et modèle juridique ‘confucéen’”; ces deux  articles sont repris dans: Robert Steuckers, “Le défi asiatique et ‘confucéen’ au ‘nouvel ordre mondial’”, Synergies Européennes, Forest, 1998; les deux textes figurent dorénavant sur: http://euro-synergies.hautetfort.com).

 

Le retour des thématiques anti-autocratiques

 

Avec Poutine et Medvedev, la propagande habituelle recompose les thématiques de l’anti-autocratisme, de l’hostilité à tout pouvoir non seulement fort mais simplement solide, à celle des résidus de communisme, dans le sens où toute réorganisation des anciennes terres de l’Empire russe et toute velléité de contrôler l’économie et le marché des matières premières s’assimilent à un retour au communisme. Ce sont des pièges dans lesquels il ne faut pas tomber, en tenant compte des arguments suivants:

-          la Russie a besoin d’un pouvoir plus contrôlant que les terres situées à l’Ouest du sous-contient européen, la coordination des ressources de son immense territoire exigeant davantage de directivité;

-          dans une perspective européenne et russe, le contrôle pacifique de l’Asie centrale, du Caucase, de la Caspienne et de la Mer Noire est un atout géopolitique et géostratégique important, dont il ne faut pas se défaire avec légèreté, sous peine de voir triompher le voeu le plus cher de la géopolitique anglo-saxonne, dont les fondements ont été théorisés par Halford John Mackinder et Homer Lea dans la première décennie du 20ème siècle;

-          la démonisation de la Russie a une forte odeur d’hydrocarbure; chaque étape historique de cette démonisation est marquée par l’un ou l’autre enjeu pétrolier; hier comme aujourd’hui, dans le Caucase;

-          le communisme, en tant que messianisme qui s’exporte et ébranle les équilibres politiques des nations voisines, a cessé d’exister et les réflexes défensifs que son existence dictait n’ont plus lieu d’être et vicient, s’ils jouent encore, la perception de la réalité actuelle;

-          la propagande anti-russe d’hier et d’aujourd’hui participe de la stratégie immixtionniste et internationaliste mise en oeuvre à Londres hier, à Washington depuis la présidence de Teddy Roosevelt et du système wilsonien; elle a eu pour résultat de torpiller toutes les  oeuvres d’unification continentale et de faire, à terme, de l’Europe un nain politique, en dépit de son gigantisme économique.

 

L’historiographie dominante fait donc de la Russie un croquemitaine et cette historiographie est dictée aux agences médiatiques, à la presse internationale, par des officines basées à Londres ou à Washington. Il s’agit désormais, dans les espaces de liberté comme le nôtre, de contrer les poncifs toujours récurrents de cette propagande et de se référer à une autre interprétation de l’histoire, à une historiographie alternative, différente aussi de l’historiographie soviétique/communiste (liée à l’historiographie anglo-saxonne pour les événements de la seconde guerre mondiale).

 

Le souvenir de “Pietje Kozak”

 

Dans le cadre restreint du mouvement flamand, il faut se rappeler que sans les cosaques d’Alexandre I, les provinces sud-néerlandaises n’auraient jamais été libérées du joug napoléonien et que leur identité culturelle et linguistique aurait disparu à tout jamais si elles étaient demeurées des départements français. Si un quartier s’appelle “Moscou” à Gand, c’est en souvenir des libérateurs cosaques, conduits par “Pietje Kozak”, dont les chevaux avaient galopé d’Aix-la-Chapelle aux rives de l’Escaut, en passant par Bruxelles, où ils avaient campé à la Porte de Louvain, l’actuelle Place Madou. Les cosaques n’ont pas laissé de mauvais souvenirs. Ils ne sont pas restés longtemps: ils ont foncé vers Paris, tandis que les Gantois volontaires étaient incorporés dans l’armée prussienne, armée pauvre, levée en masse, selon les consignes de Clausewitz, qui voulait faire pièce à la conscription républicaine puis napoléonienne. Cette armée devait vivre sur la population, notamment sur la rive orientale de la Meuse que la Prusse convoitait, en inquiétant les Anglais, qui voyaient une grande puissance s’approcher d’Anvers et occuper une vallée mosane menant directement au Delta et au Hoek van Holland, à une nuit de navire à voile de Londres, comme au temps de l’Amiral De Ruyter. Les réquisitions prussiennes ont laissé de mauvais souvenirs, surtout en pays de Liège, dans les Ardennes et le Condroz. Les Anglais, eux, payaient tout ce qu’ils prenaient et se taillaient bonne réputation: c’est là qu’il faut voir l’origine de l’anglophilie belge.

 

Après l’effondrement du système napoléonien qui avait l’avantage peut-être d’unir l’Europe mais le désavantage de le faire au nom des philosophades modernistes de la révolution française, l’Europe acquiert, à Vienne en 1814-15, une sorte d’unité restauratrice. Ce sera la Pentarchie, le concert des cinq puissances (Prusse, Russie, Angleterre, Autriche, France) dont le territoire s’étend de l’Atlantique au Pacifique. Nous avons donc pour la première fois dans l’histoire un espace européen et eurasien entre les deux plus grands océans du globe. La cohérence de cet espace demeure un idéal et une nostalgie, en dépit des faiblesses de cette Pentarchie, sur lesquelles nous reviendrons. Rappellons qu’elle subsistera à peu près intacte jusqu’en 1830 et que les premières lézardes de son édifice datent justement de cette année fatidique de 1830, de la révolte belge de Bruxelles, où Français et Britanniques acceptent les exigences des insurgés, les uns dans l’espoir d’absorber petit à petit le pays; les autres pour briser l’unité des Pays-Bas, qui alliaient de considérables atouts à l’aube de la révolution industrielle: une industrie métallurgique liégeoise, des mines de charbons de Mons à Maastricht, une bonne industrie textile en Flandre et dans la Vallée de la Vesdre, une flotte hollandaise impressionnante et des colonies en voie de développement en Insulinde (Indonésie), un pôle germanique continental et littoral aussi attrayant, sinon plus attrayant, pour les populations d’Allemagne du Nord que la Prusse et le Brandebourg (3). Tandis que Français et Britanniques favorisaient la sécession belge, les autres puissances européennes y voyaient une première entorse à la cohésion “pentarchique” et le triomphe d’un particularisme stérile.

 

La Doctrine de Monroe contre la Pentarchie

 

Preuve des potentialités immenses de la “Pentarchie”: c’est à l’époque de sa plus forte cohésion que les puritains d’Amérique du Nord s’en inquiètent, tout en devinant les potentialités de leur propre vocation continentale et bi-océanique dans le Nouveau Monde. La proclamation de la Doctrine de Monroe en 1823 constitue un défi américain à cette formidable cohésion européenne qui s’impose sur la masse continentale eurasiatique (4). Il fallait de l’audace pour oser ainsi défier les cinq puissances de la Pentarchie. Avec un culot inouï, sans avoir à l’époque les moyens de défendre sa politique sur le terrain, James Monroe a osé prononcer ce programme d’exclusion des puissances européennes, à commencer par l’Espagne affaiblie, car si la Pentarchie l’avait voulu, elle se serait partagé le Nouveau Monde en zones d’influence et les treize colonies rebelles n’auraient pas pu dépasser les Appalaches ni atteindre le bassin du Mississippi si Bonaparte n’avait pas eu la funeste idée de leur vendre la Louisiane en 1803.

 

La Guerre de Crimée (5) va définitivement rompre la cohésion de la Pentarchie et inaugurer l’ère des compositions et recompositions d’alliances qui conduiront à l’explosion de 1914, à la première guerre mondiale et à l’implosion de la culture européenne. Le Tsar Nicolas I entendait parachever le travail de liquidation de l’Empire ottoman, commencé en 1828, où les flottes anglaise, française et russe, de concert, avaient forcé le Sultan à concéder l’indépendance à la Grèce, qui aura un roi bavarois. L’objectif du Tsar était de liquider progressivement l’Empire ottoman, corps étranger à la Pentarchie sur le sous-continent européen, en protégeant puis en accordant l’indépendance aux sujets chrétiens (orthodoxes) de la Sublime Porte. La logique du Tsar est continentaliste: il veut un élargissement de “l’ager pentarchicus” et la ré-occupation de positions statégiques-clefs que les impérialités européennes, romaines et byzantines, avaient tenues avant les raz-de-marée arabe et ottoman. L’élargissement de “l’ager pentarchicus” impliquait, après la parenthèse de l’indépendance grecque soutenue par tous, d’englober tout le territoire maritime pontique et de débouler, partiellement ou par nouvelles petites puissances orthodoxes interposées, dans le bassin oriental de la Méditerranée, avec la Crète et Chypre, à proximité de l’Egypte. La logique de l’Angleterre est, elle, maritime, thalassocratique. Pour le raisonnement impérial anglais, l’Empire des Tsars, avec ses immenses profondeurs territoriales et ses énormes ressources, ne peut pas s’avancer aussi loin vers le Sud, peser de tout son poids sur la ligne maritime Malte-Egypte, au risque de couper la voie vers les Indes, car on compte déjà à Londres percer bientôt l’isthme de Suez.

 

Le centre névralgique de l’Empire britannique n’est plus en Europe

 

Les préoccupations anglaises du temps de la Guerre de Crimée (1853-1856) demeurent actuelles, à la différence près que ce sont désormais les Américains qui les font valoir. Pour Londres hier et pour Washington aujourd’hui, la Russie, ni aucune autre puissance européenne d’ailleurs, ne peut avoir la pleine maîtrise de la Mer Noire ni disposer d’une bonne fenêtre sur la Méditerranée orientale. En 1853, Londres prendra fait et cause pour la Turquie, entraînant la France dans son sillage, et les deux puissances occidentales ruinèrent ainsi définitivement la notion féconde et apaisante de Pentarchie: elles sont responsables devant l’histoire de toutes les catastrophes qui ont saigné l’Europe à blanc depuis la Guerre de Crimée. L’unité et la cohésion de l’Europe ne comptent pas pour Londres et Paris, puissances excentrées par rapport au coeur du sous-continent. L’Occident s’alliera avec n’importe quelle puissance ou n’importe quelle peuplade extérieure à l’Europe pour détruire toute force de cohésion émanant du centre rhénan, danubien ou alpin de notre sous-continent. Cette stratégie de trahison et d’anti-européisme avait commencé avec François I, le Sultan et Barberousse au 16ème siècle (6); l’Angleterre vole, elle, au secours de l’Empire ottoman moribond, prolonge la servitude des peuples balkaniques en ne montrant aucune solidarité avec des Européens croupissant sous un joug musulman, parce que le centre névralgique de la puissance britannique ne se situe plus en Europe, ni même dans la métropole anglaise, mais en Inde. L’Angleterre possède donc un empire dont le centre, sur le globe, est le sous-continent indien; bien qu’hegemon, elle se situe en périphérie de l’espace-tremplin initial, du coeur même de son propre empire et combat tout ce qui, autour de l’Inde, pourrait, à moyen ou long terme, en réalité ou en imagination, en menacer l’intégrité territoriale. Les logiques française et anglaise de la seconde moitié du 19ème siècle ne sont donc plus euro-centrées mais exotiques. Ce glissement scelle la fin de la cohésion pentarchique.

 

C’est à la suite de la Guerre de Crimée que le terme “Occident” devient péjoratif en Russie. Nul autre que Dostoïevski ne l’a expliqué aussi clairement que dans son “Journal d’un écrivain”. En 1856, quand la Russie doit accepter les clauses humiliantes de la paix, une première césure traverse l’Europe pentarchique, une césure qui constitue une première étape vers l’épouvantable cataclysme d’août 1914. En effet, la césure sépare désormais une Europe occidentale (France et Angleterre), d’une Europe centrale et orientale (Prusse, Russie, Autriche-Hongrie). En dépit de la méfiance autrichienne avant et pendant la Guerre de Crimée, qui voyait d’un mauvais oeil la Russie qui tentait de s’installer dans le delta du Danube en prenant sous sa protection les principautés roumaines (Valachie et Moldavie), de confession orthodoxe. Sous l’impulsion de Bismarck, les trois puissances impériales chercheront à reproduire, à elles seules, la cohésion de la Sainte-Alliance. Après l’unification allemande de 1871, on parlera de “l’alliance des trois empereurs” (“Drei-Kaiserbund”). Bismarck exhortera les Autrichiens à ne pas succomber aux tentations occidentales, ce qui sera d’autant plus aisé que l’Autriche n’a jamais eu de colonies extra-européennes.

 

La crainte de voir renaître un Empire russo-byzantin sur le Bosphore

 

Le théoricien le plus pertinent de la “Pentarchie” fut incontestablement Constantin Frantz (7): c’est lui qui a démontré que “l’excentrage” exotique de l’Angleterre en direction des Indes principalement et de la France en direction de l’Afrique (Algérie, Saint-Louis/Dakar, Côte d’Ivoire, Gabon, avant 1860) brisait la cohésion de l’Europe et pouvait induire sur son territoire des conflictualités générées ailleurs. La Guerre de Crimée est la première conflagration inter-européenne après 1815, dont les motivations dérivent de préoccupations extra-européennes: l’Angleterre ne veut pas d’une flotte russe en Méditerranée orientale parce que cela menace l’Egypte et comporte le risque de voir s’installer des postes et bases russes en Mer Rouge, avec accès à l’Océan Indien; la France n’en veut pas davantage car une flotte russe dans les bases auparavant ottomanes risque de menacer l’Algérie fraîchement conquise, qui, rappelons-le, était tout de même la base la plus avancée des Ottomans en Méditerranée occidentale au 16ème siècle. La crainte partagée par Paris et Londres en 1853 était de voir se reconstituer, sur les débris de l’Empire ottoman, un empire russo-byzantin rechristianisé capable, avec les réserves russes, de contrôler les principaux points stratégiques à la charnière des masses continentales asiatiques et africaines, et de remplacer ainsi l’Empire ottoman. Cette crainte n’existait pas encore vingt-cinq ans auparavant, au moment de l’accession de la Grèce à l’indépendance: la France n’avait pas encore débarqué ses troupes en Algérie et l’Angleterre escomptait simplement faire de la Grèce un satellite plus solide que le seul petit cordon d’îles ioniennes, dont elle avait fait, en 1815, une république sous protectorat anglais.

 

Revenons à la propagande anti-russe actuelle: elle remonte à l’époque de la Guerre de Crimée. Aujourd’hui encore, les linéaments de cette propagande et les motifs géopolitiques qu’elle dissimule ou travestit demeurent et s’utilisent toujours. Et montrent plus de virulence dans la sphère anglo-saxonne et en France qu’ailleurs en Europe, mis à part les pays de l’est fraîchement libéré du communisme. Les cénacles, journaux, publications des milieux dits “nationalistes” ou “nationaux-conservateurs” de l’Occident français et anglais évoquent bien moins souvent une alliance euro-russe que leurs pendants d’Europe centrale germanique (Allemagne, Autriche). En Flandre, nous assistons à une contagion anglaise, à une véritable “anglo-saxonnite aigüe”, totalement contraire aux intérêts européens de cette région liée à la Rhénanie-Westphalie, et improductive pour tout combat métapolitique face au danger français, à l’heure où la conquête n’est plus militaire ou culturelle mais économique.

 

Les “nouveaux philosophes”, instruments de la russophobie

 

La propagande anti-russe, et aujourd’hui hostile à Poutine, fonctionne à merveille dans la sphère linguistique anglo-saxonne. C’est au départ d’officines de moins en moins britanniques et de plus en plus américaines qu’elle se déploie sur la planète entière. En France, cette propagande se distille, sous un déguisement différent, au départ, non pas de cercles conservateurs ou nationaux-conservateurs, mais de réseaux trotskistes, d’obédience affichée ou infiltrés dans les cénacles syndicaux ou socialistes et surtout au départ des niches médiatiques et journalistiques où s’est incrustée la secte des “nouveaux philosophes”, à cheval entre une gauche nouvelle (les fameuses deuxième et troisième gauches) et une droite atlantiste, molle, libérale et “orléaniste” qui cherche à tourner le dos au gaullisme. Ce bastion, bien positionnée sur le carrefour entre droite centriste et gauche centriste, permet à cette propagande de s’insinuer partout et d’empêcher l’éclosion d’une pensée géopolitique alternative, non atlantiste, qui pourrait émerger dans plusieurs franges politiques potentielles, aujourd’hui houspillées dans les marges de la politique dominante et souvent décriées comme “extrémistes”: communiste, gaulliste (dans le sens de Couve de Meurville), nationaliste, souverainiste ou néo-maurrassienne.

 

La Guerre de Crimée a donc fracassé définitivement la Pentarchie, la seule cohésion européenne de l’ère moderne et contemporaine. Néanmoins, le conflit dominant, celui dont les enjeux  géopolitiques avaient le plus d’envergure territoriale car ils concernaient et la Terre du Milieu  (sibérienne et centre-asiatique) et l’Océan du Milieu (l’Océan Indien avec le sous-continent indien), demeurait le conflit russo-britannique. Le conflit franco-prussien de 1870-71, perçu comme essentiel en France ou en Allemagne car il était local, reste marginal, malgré tout, malgré son importance, malgré qu’il est l’une des sources majeures des deux conflits mondiaux du 20ème siècle.

 

Versailles ou le retour de la politique de Richelieu

 

Cependant, la permanence du conflit anglo-russe aux confins de l’Hindou Kouch, la rivalité entre Londres et Saint-Pétersbourg en Asie centrale et la volonté française de revanche et de reconquête de l’Alsace et de la Lorraine thioise vont peser d’un poids suffisant pour modifier la donne entre 1871 et 1914. La France va investir en Russie, afin d’avoir un “allié de revers”, comme François I s’était allié au Sultan et aux pirates barbaresques pour prendre le Saint-Empire et l’Espagne en tenaille et faire échouer l’offensive espagnole et vénitienne en Afrique du Nord et en direction de la Méditerranée orientale. On ne mesure pas encore complètement l’impact désastreux de cette politique. La politique française des investissements en Russie, mieux connue sous l’appelation des “emprunts russes” va contribuer à la dislocation progressive de l’alliance des “Trois Empereurs”, ultime résidu de l’esprit de la Pentarchie de 1814. A ce projet de s’adjoindre le “rouleau compresseur russe”, s’ajoutera une volonté maçonnique d’émietter l’espace de la “monarchie danubienne” austro-hongroise, de fractionner l’Europe centrale et orientale en autant de petits Etats que possible, tous condamnés à la dépendance ou à l’inviabilité économique: ce sera une réactualisation de la politique de Richelieu, visant la “Kleinstaaterei” dans les Allemagnes (pluriel!), qui trouvera un nouvel aboutissement dans le Traité de Versailles.

 

Bismarck serait indubitablement parvenu à maintenir la cohésion de l’alliance des Trois Empereurs. Ses successeurs n’auront pas cette intelligence politique et ce “feeling” géopolitique. Ils laisseront libre cours, sans réagir de manière opportune, à cette politique française de satellisation de la Russie. Quand celle-ci bascule définitivement dans le camp français, la politique alternative de l’Allemagne sera d’aller chercher dans l’Empire ottoman moribond un espace pour écouler les biens d’exportation de sa nouvelle industrie et y puiser des matières premières. Cette politique heurtera la volonté russe de trouver un débouché au-delà des Dardanelles, en direction de la Méditerranée orientale, de Suez et de l’Egypte et la volonté britannique de maintenir ou de créer un verrou partant du Caire pour aboutir à Calcutta au Bengale, afin de parachever, avec les possessions anglaises d’Afrique et d’Australie, une domination absolue sur l’ensemble des rivages de l’Océan Indien.

 

Une vingtaine d’années pour parfaire l’Entente

 

Il faudra cependant une vingtaine d’années pour consolider l’alliance que sera l’Entente entre Londres, Paris et Saint-Pétersbourg. Les sources de conflits potentiels demeurent latentes entre l’Angleterre et la France, en Indochine où l’Angleterre accepte, bon gré mal gré, que les Français contrôlent la façade pacifique de cette Indochine mais n’acceptent aucune extension de ce contrôle en direction du Siam et du Golfe du Bengale. De même, l’Angleterre voit d’un mauvais oeil la conquête violente  puis la pacification de Madagascar par le Général Gallieni (qu’ils détesteront même au plus fort de la bataille de la Marne en 1914, alors que cette bataille a décidé du sort de la guerre en faveur des alliés). Ensuite, l’affaire de la prise de contrôle par les Britanniques du Canal de Suez ne s’est pas apaisée rapidement, a connu des rebondissements, surtout, notamment, quand l’expédition du Capitaine Marchand en direction de Fachoda au Soudan laissait présager une installation française sur les rives du Nil, axe liant l’Egypte à l’Afrique du Sud.

 

Une présence française sur le Nil aurait pu briser la cohésion territoriale de l’Empire britannique en Afrique en s’alliant soit à la Somalie sous domination italienne soit à l’Abyssinie chrétienne soit au Congo belge. Il y aurait eu une présence européenne continentale  sur une portion importante du littoral africain de l’Océan Indien, avec, d’une part, une grande profondeur territoriale, reliant l’Atlantique à l’Océan du Milieu, et d’autre part, une base navale (et, plus tard, un porte-avion) malgache en face du Mozambique portugais, du Tanganyka alors allemand et surtout des mines d’Afrique du Sud, où demeurait une population boer rebelle, partiellement d’ascendance française. Imagine-t-on aujourd’hui quelle puissance aurait pu avoir un bloc colonial européen, regroupant les colonies françaises, belges, allemandes et portugaises et les Etats indépendants boers? La Mer Rouge aurait été contrôlée à hauteur d’Aden et de Djibouti par une constellation européenne germano-turque, italienne et française. Pour Londres, l’un des résultats les plus intéressants de la première guerre mondiale a été de contrôler la Mer Rouge de Suez à Aden, d’y éliminer toute présence germano-turque et, indirectement, française, la France sortant exsangue de la Grande Guerre.

 

Ratzel, Tirpitz et le réveil de l’Allemagne

 

Dans les années 90 du 19ème siècle, les Russes se rendent encore maîtres de l’actuel Tadjikistan et exercent une influence prépondérante sur le “Turkestan chinois” au nord du Tibet. Tandis que pour contrer ce gain de puissance, les Anglais annexent à l’Empire des Indes les régions afghanes aujourd’hui pakistanaises et que l’on appelle la “zone ethnique” pachtoune, actuellement en pleine rébellion et sanctuaire des rebelles talibans en lutte contre l’occupation de l’Afghanistan. Entre 1890 et 1900, rien ne laissait augurer une alliance anglo-russe, tant les conflits potentiels s’accumulaient encore le long des frontières afghanes. Le très beau film “Kim”, d’après une nouvelle de Rudyard Kipling, met en scène un Indien musulman local, fidèle à la Couronne britannique, et des explorateurs russes, soupçonnés d’espionnage et de venir soulever les tribus hostiles à la présence anglaise. Le scénario du film se déroule précisément dans les années 90 du 19ème siècle.

 

Après la guerre des Boers et l’élimination impitoyable de leurs deux républiques libres d’Afrique australe, période où l’Angleterre victorienne avait été honnie dans toute l’Europe, l’Allemagne devient l’ennemi numéro un, parce qu’elle développe des stratégies commerciales efficaces, concurrence les produits industiels britanniques partout dans le monde, se met à construire une flotte sous l’impulsion du géopolitologue Friedrich Ratzel et de l’Amiral von Tirpitz, exerce une influence prépondérante dans les “Low Countries”, propose une “Union de la Mittelafrika” à la Belgique et au Portugal susceptible de ruiner les projets de Cecil Rhodes et surtout réorganise l’Empire Ottoman pour un faire un espace complémentaire de son industrie (un “Ergänzungsraum”), coupant la route des Russes vers Constantinople et occupant des positions stratégiques en Méditerranée orientale, en prenant, avec l’Autrriche-Hongrie et ses marins dalmates, le relais de Venise la “Sérénissime” dans cet espace maritime, en face de Suez et sur un segment important de la route maritime vers l’Inde.

 

Mackinder et le “Terre du Milieu”

 

Malgré l’émergence, pour Londres, d’un “danger allemand”, la Russie demeure implicitement l’ennemi principal dans le dicours que tient Halford John Mackinder en 1904, pour expliquer, par la géographie, la dynamique Terre/Mer de l’histoire, où l’Angleterre tient la Mer et les Indes et la Russie, la Terre et l’Asie centrale, rebaptisée “Terre du Milieu” et posée comme inaccessible à l’instrument naval de la puissance anglaise. Mackinder tire en quelque sorte le signal d’alarme en cette année 1904, parce que, contrairement à l’époque de la Guerre de Crimée, la Russie commence, sous l’impulsion de Sergueï Witte, à se doter d’un réseau de chemins de fer et d’une ligne ferroviaire transsibérienne qui lui procurent désormais la capacité militaire de transporter rapidement des troupes vers la Mer Noire, le Caucase, l’Asie centrale et l’Extrême-Orient. Sur le plan technologique, la donne a donc changé. La Russie, handicapée par l’immensité de ses territoires et les problèmes logistiques qu’ils suscitent, venait d’acquérir un supplément non négligeable de mobilité terrestre. Elle pèse d’un poids plus considérable sur les “rimlands”, dont la Perse et l’Inde, qui donnent accès à l’Océan Indien, “Océan du Milieu”.

 

De facto, la Russie devient la protectrice de la Chine, après la guerre sino-japonaise de 1895, ce qui lui permet de faire passer le Transsibérien à travers la riche province chinoise de Mandchourie. Cette Russie plus mobile, grâce au chemin de fer, et donc plus “dangereuse”, inquiète l’Angleterre: elle doit dès lors être tenue en échec par une politique d’endiguement et par la constitution d’un “cordon sanitaire” de petites puissances dépendantes de la principale thalassocratie de la planète. Mieux: la politique extrême-orientale de la Russie, face aux anciennes et nouvelles puissances asiatiques de la région, reçoit le plein aval de Guillaume II d’Allemagne, qui détourne ainsi la Russie du Danube et désamorce les conflits potentiels avec l’Autriche-Hongrie; face à ces encouragements allemands, l’Angleterre, qui voit en eux un danger de plus pour ses intérêts, entend ramener, à terme, la Russie en Europe, pour qu’elle agisse contre l’Autriche, principal allié de l’Allemagne montante.

 

La Russie avance ses pions vers le Pacifique

 

L’Entente se dessine: la France finance la Russie, mais la lie ainsi à elle, et l’Angleterre dispose de deux “spadassins continentaux” pour abattre la puissance qu’elle juge la plus dangereuse pour elle, avec le sang de leurs millions de conscrits. Sergueï Witte préconisait une politique de petits pas en Extrême-Orient: l’acquisition par l’Allemagne de la base chinoise de Tsingtao précipite les choses, oblige les Russes à abandonner leur modération initiale et à revendiquer et occuper Port Arthur; du coup, les Anglais s’emparent de Weihaiwei. Les puissances s’abattent sur la Chine, grignotent sa souveraineté pluriséculaire, déclenchant une révolte xénophobe, celles des Boxers, soutenue in petto par l’Impératrice douairière. Pour mater cette révolte, les puissances organisent une expédition punitive, au cours de laquelle les Russes prennent l’ensemble de la Mandchourie. Via Kharbin et Moukden, le Transsibérien est prolongé jusqu’à Port Arthur: du coup, la Russie est présente dans les eaux chaudes du Pacifique (8). L’Amiral Alexeïev, gouverneur de la région, entreprend l’exploitation du port et de la nouvelle base navale puis lorgne directement vers la péninsule coréenne, susceptible de fournir un pont territorial entre Vladivostok et Port Arthur. Sur le cours du fleuve Yalou, les Russes découvrent de l’or. La politique d’Alexeïev heurte le Japon qui convoite la Corée. Le scénario est en place pour une nouvelle guerre. Cette fois contre le Japon, avec le désavantage que cette guerre est très impopulaire, ne correspond pas aux mythes politiques habituels du peuple russe, qui veut toujours un élan vers Constantinople, les Balkans et l’Egée.

 

En 1905, lors de la guerre russo-japonaise, l’Angleterre et déjà les Etats-Unis, soutiennent le Japon, archipel en lisière du “rimland” sino-coréen. Le Japon devient ainsi le petit soldat asiatique de la première politique d’endiguement, immédiatement après le discours de Mackinder. La propagande contre Nicolas II, posé comme “bourreau” de son peuple, bat son plein. Quelques cercles révolutionnaires perçoivent de mystérieux financements. La flotte russe de la Baltique, qui part du Golfe de Finlande pour porter secours à celle du Pacifique, ne peut s’approvisionner en charbon le long de son itinéraire, dans les bases britanniques, les plus  nombreuses. Résultat: le désastre de Tchouchima.

 

Notons, dans ce contexte, l’ignoble hypocrisie de la France, qui avait promis monts et merveilles à son “allié” russe, mais l’a froidement laissé tomber face au Japon, pour ne pas désobliger l’Angleterre. Jeu dangereux car, un moment, cette trahison a failli ramener la Russie dans un système d’alliance comprenant l’Allemagne sans exclure la France. L’Axe Paris-Berlin-Saint-Pétersbourg a failli voir le jour en octobre 1904. La France a refusé et le Tsar, dépendant des fonds français, n’a pas signé. En juillet 1905, deuxième tentative de rétablir une unité européenne avec l’Allemagne, la France et la Russie, lors de l’entrevue entre Guillaume II et Nicolas II dans l’île suédoise de Björkö. Ces entretiens ne relèvent que de la bonne volonté des deux monarques qui ne bénéficiaient d’aucun contre-seing ministériel. Une fois de plus, la France refuse, tablant sur son alliance anglaise et sur les avantages immédiats que lui procurait celle-ci au Maroc. Pour les Anglais, l’affaiblissement de la Russie, suite à sa défaite face au Japon, ne permettait plus aucune manoeuvre dangereuse en direction de l’Inde. Elle n’est donc plus l’ennemi principal.

 

Terrible année 1905

 

La Russie, battue par le Japon et fragilisée par les menées révolutionnaires, assouplit ses positions: elle est mûre pour entrer dans l’Entente franco-britannique, signée en 1904. Pire, à l’humiliation militaire succède un dissensus civil de nature révolutionnaire: dès juillet 1904, les nihilistes assassinent le ministre de l’intérieur Plehwe; en janvier 1905, une manifestation menée par le Pope Gapone tourne au carnage; en février 1905, c’est au tour du Grand-Duc Serge d’être assassiné; des troubles surgissent en Mandchourie sur l’arrière des troupes; en juin, des mutineries éclatent sur les bâtiments de la flotte de la Mer Noire, dont le fameux cuirassé Potemkine; en octobre 1905, Lénine organise un premier mouvement révolutionnaire à Saint-Pétersbourg, qui débute par une grève générale; les frondes paysannes procèdent à des “illuminations”, c’est-à-dire des incendies de châteaux ou de bâtiments publics, dans les provinces; les Baltes s’attaquent à l’aristocratie allemande et incendient ses domaines; en décembre 1905, Lénine frappe à Moscou mais les troupes sont revenues de Mandchourie et le mouvement bolchevique est maté. Witte, rappelé aux affaires, lance le “Manifeste d’Octobre”, promettant la création d’une Douma dûment élue et des réformes. En 1906, quand la Russie renonce à sa politique d’expansion extrême-orientale, quand elle accepte de nouveaux prêts français, les troubles intérieurs cessent “miraculeusement”; le Tsar, de “monstre” qu’il était, redevient un “brave homme”.

 

En 1907, Britanniques et Russes signent un accord sur le dos de la Perse des Qadjars décadents, se partageant le pays en zones d’influence. L’année suivante, 1908, est marquée par deux événements majeurs: l’annexion par l’Autriche de la Bosnie-Herzégovine et la révolution des “Jeunes Turcs”. En dépit des menées franco-britanniques pour créer la discorde entre Vienne et Saint-Pétersbourg, les relations austro-russes étaient au beau fixe. En juin, les Autrichiens envisagent de construire une voie ferrée à travers le Sandjak de Novi Pazar, afin d’organiser la péninsule balkanique selon leurs intérêts. Cette intention provoque imméditement un renforcement des liens entre la Russie et la Grande-Bretagne, suite à l’entrevue entre Nicolas II et Edouard VII à Reval. En juillet, les “Jeunes Turcs” triomphent, réclament une constitution et des élections, auxquelles sont conviés les habitants de Bosnie-Herzégovine, administrés par les Autrichiens mais toujours citoyens ottomans. La Russie craint que les “Jeunes Turcs” donnent une vitalité nouvelle à la Turquie, s’allient aux Français et aux Britanniques, comme lors de la Guerre de Crimée, et reprennent la vieille politique de verrouiller les Détroits. La révolution des “Jeunes Turcs” rapproche Autrichiens et Russes. Ährental et Iswolski, ministres des affaires étrangères, lors des accords secrets de Buchlau en Moravie, seraient convenus de la politique suivante: 1) L’Autriche-Hongrie abandonne ses projets ferroviaires dans le Sandjak de Novipazar; 2) Vienne promet de soutenir tous les efforts russes en vue de déverrouiller les Détroits. Forts de ces accords, les Autrichiens annexent en octobre 1908 la Bosnie-Herzégovine, sans en référer aux Italiens et aux Allemands, leurs alliés réels ou théoriques au sein de la Triplice. Les Bulgares en profitent pour se déclarer totalement indépendants de la Turquie. Les épouses monténégrines de deux Grands-Ducs russes et du Roi d’Italie, hostiles à Vienne, incitent les partis bellicistes et interventionnistes à combattre toute politique autrichienne dans les Balkans. Stolypine ne veut pas la guerre, oblige les bellicistes à la modération, mais la Russie n’a plus aucun appui en Europe pour soutenir ses visées sur les Détroits. Les diplomates  britanniques, tels l’Ambassadeur Nicolson et Sir Eyre Crowe, répandront la légende que les Autrichiens, et derrière eux, les Allemands, sont les seuls et uniques responsables du verrouillage des Détroits. En 1909, l’Angleterre appuie les prétentions françaises sur le Maroc, en échange d’une reconnaissance définitive de la prépondérance anglaise en Egypte.

 

De l’assassinat de Stolypine à l’attentat de Sarajevo

 

En 1911, avec l’assassinat de Stolypine par un révolutionnaire exalté, toutes les chances d’éviter un conflit germano-russe et austro-russe s’évanouissent. Sazonov, beau-frère de Stolypine et successeur d’Iswolski, opte pourtant pour une politique pacifiste et suscite une dernière entrevue entre Guillaume II et Nicolas II à Postdam, où Bethmann-Hollweg et Kiderlen-Wächter tenteront, pour la dernière fois, de sauver la paix, en proposant aux Russes de se joindre au projet de chemin de fer Berlin-Bagdad et de les associer à une future ligne ferroviaire dans le nord de la Perse. Mais les bellicistes ne désarmaient pas: l’ambassadeur russe à Belgrade, Hartwig, appuie le mouvement grand-serbe contre l’Autriche; Delcassé ordonne la marche des troupes françaises sur Fez au Maroc, bouclant ainsi la conquête définitive du royaume chérifain, où l’Allemagne perd tous ses intérêts; Lloyd George menace directement l’Allemagne. Celle-ci cède au Maroc, en acceptant, pour compensation, une bande territoriale qu’elle adjoindra à sa colonie du Cameroun. En Europe, elle est bel et bien encerclée. Le scénario est prêt: il n’attend plus qu’une étincelle; ce sera l’attentat de Sarajevo, le 28 juin 1914.

 

En 1918, quand l’Allemagne perd définitivement la guerre et que la Russie devient bolchevique, plusieurs voix s’élèvent, à gauche et à droite de l’échiquier politico-idéologique, pour réclamer une nouvelle alliance germano-russe. Ces tractations conduiront aux accords de Rapallo entre Tchitchérine et Rathenau (1922). L’Allemagne et la Russie maintiendront des rapports privilégiés, notamment sur le plan de la coopération militaire, jusqu’en 1935, date où Hilter décide de réintroduire le service militaire obligatoire, de réoccuper la Rhénanie et de relancer un programme de réarmement.

 

En 1936, avec l’Axe Rome-Berlin et la création du Pacte Anti-Komintern, les liens sont rompus avec la Russie soviétisée. Quand éclate la guerre civile espagnole, l’Allemagne soutient les nationalistes de “l’Alzamiento nacional” et l’URSS les Républicains du “Frente Popular”, qui comptent les communistes dans leurs rangs. Le soutien à Franco rapproche définitivement l’Allemagne de l’Italie, mais les communistes espagnols et leurs alliés soviétiques se désolidarisent du bloc, d’abord uni, du “Frente Popular” et se heurtent aux autres factions militantes de gauche, anarchistes et trotskistes (POUM), dans les territoires contrôlés par les Républicains espagnols, notamment à Barcelone, contribuant à la ruine définitive du “Frente Popular” et à l’effondrement de ses forces armées. Après la victoire du camp franquiste et l’émiettement du camp des gauches, tout est en place pour rapprocher l’Axe, et plus particulièrement l’Allemagne, de l’URSS. En août, le fameux Pacte germano-soviétique, ou Pacte Ribbentrop-Molotov, est signé à Moscou. L’Allemagne est libre pour tourner toutes ses forces vers l’Ouest, tout en recevant pétrole et céréales soviétiques. L’idylle durera jusqu’en 1941, quand Molotov, déjà inquiet de la politique balkanique des Allemands, ne peut admettre leur contrôle définitif de la Yougoslavie et de la Grèce. Ces dissensus, renforcés par les menaces réelles que les Anglais faisaient peser sur le Caucase à portée des appareils de la RAF, constituent les préludes de l’Opération Barbarossa, déclenchée le 22 juin 1941. Les rapports germano-russes entre 1918 et 1945 méritent à eux seuls qu’on leur consacre un séminaire entier. Ce n’est pas notre propos aujourd’hui. C’est pourquoi je demeurerai bref sur ce thème pourtant capital afin de comprendre la dynamique du siècle (9).

 

Pas d’Europe libre si la bipolarité Est/Ouest persiste

 

Après 1945, la Guerre Froide s’installe avec le blocus de Berlin et le coup de Prague. Elle durera plus de quarante ans, imprègnera les esprits car tous imaginaient que cette situation allait perdurer pour les siècles des siècles. Dans ce contexte bipolaire, où l’idéologie semblait dominer, l’Europe était coupée en deux, l’Allemagne était traversée par un Rideau de Fer et partagée en deux républiques antagonistes; le Danube, artère centrale de l’Europe, était bloqué peu après Vienne; l’Elbe, principal fleuve de la plaine nord-européenne, qui mène de Prague à Hambourg, était coupée dès l’hinterland immédiat de ce grand port. Une telle Europe n’était plus qu’un comptoir atlantique. Dans les années 50, elle possédait encore pleinement son poumon extérieur colonial. Dès la décolonisation des premières années des “Golden Sixties”, ce poumon n’est plus garanti et le palliatif des multinationales, qui créent de l’emploi et remplacent les vocations coloniales, plonge l’Europe dans une dépendance dangereuse. Voilà le contexte politique international dans lequel émergera la conscience politique de ma génération. Pour ma part, elle émergera cahin-caha à partir de mes quatorze ans; après cinq ou six années de tâtonnements, vers 1975-76, nos groupes informels, plutôt des groupes de copains, inspirés par la postérité de l’école des cadres de “Jeune Europe”, innervés par de nouvelles lectures et stimulés par de nouvelles donnes politiques, en arrivent à la conclusion générale qu’il est impossible de donner un avenir libre à la portion occidentale de l’Europe si la bipolarité Est/Ouest persiste.

 

Dans le contexte belge, Pierre Harmel avait tenté une ouverture à l’Est, en multipliant les rapports bilatéraux entre la Belgique et de petites puissances du bloc communiste, telles la Pologne, la Roumanie ou la Hongrie. Il agissait de manière pragmatique, sans s’aligner sur la France de De Gaulle, qui, en tant que France, demeure toujours un danger pour l’intégrité psychologique et territoriale de notre pays (qui est, avec le G.D. du Luxembourg et avec ses frontières complètement démembrées au sud, le dernier lambeau indépendant du Grand Lothier de médiévale mémoire). Harmel n’imitait pas pour autant l’Ostpolitik de Willy Brandt, avec son discours empreint de ce sens allemand de la culpabilité, qui, en Belgique, n’était évidemment pas de mise. Harmel entendait restituer une “Europe Totale”, détacher le sous-continent de la logique figée des blocs. Ces efforts furent malheureusement de courte durée et, dans son propre parti, on ne l’a guère suivi. Après l’ère Harmel, l’ère Vanden Boeynants est arrivée, avec une politique atlantiste, pro-OTAN et philo-américaine. Plus tragique bien que moins visible: l’échec du “harmélisme” diplomatique signifie aussi la fin du catholicisme politique cohérent en Belgique, héritier de la tradition bourguignonne et impériale hispano-autrichienne. La Belgique oublie alors qu’elle a incarné cette tradition dans l’histoire de ces cinq derniers siècles, avec un brio inaltérable, et elle accepte, avec “Polle Pansj” (“Popol Boudin”, alias Vanden Boeynnants) et ses successeurs, le statut misérable de petit pion subalterne sur l’échiquier atlantiste. 

 

Kissinger “drague” la Chine de Mao

 

Dans ce contexte, postérieur aux agitations de 1968, la donne générale, sur l’échiquier international, était en train de changer: pour disloquer le bloc communiste eurasien, reposant sur le pilier chinois et le pilier soviétique, pour embrayer sur un conflit bien réel qui venait de surgir au sein de ce bloc rouge, soit la guerre chaude sino-soviétique le long du fleuve Amour, la diplomatie américaine de Kissinger, posant pour principe que Moscou demeure et restera l’ennemi principal, va “draguer” la Chine de Mao et nouer avec elle, dès 1971-72, des relations diplomatiques normales, tout en la soutenant en Asie orientale contre l’URSS. Cette diplomatie repose, une fois de plus, sur les théories géopolitiques de Mackinder et de ses disciples: dans l’optique de ces théories, il convient, le cas échéant, de soutenir une puissance du rimland (ou “inner crescent”), ou une alliance de moindres puissances du rimland, contre la puissance détentrice de la “Terre du Milieu”. Les maoïstes de mai 68 basculeront partiellement dans le camp américain contre les “mouscoutaires”: Washington avait déjà déployé ses propres “communistes”, principalement d’obédience trotskiste ou issus de l’ancien POUM de la Guerre Civile espagnole; à ceux-ci s’adjoindront bientôt des maoïstes, forts de la nouvelle alliance Washington/Pékin.

 

Avec la disparition, à l’avant-scène, de Harmel et de sa politique des rapports bilatéraux entre petites puissances du bloc occidental et petites puissances du bloc oriental, et avec la disparition, dans les marges militantes de la politique, de “Jeune Europe” de Jean Thiriart, qui visait une libération de notre sous-continent des tutelles américaine et soviétique, aucun champ d’action politique réel et concret ne s’offrait encore à nous. Nous vivions les prémisses de la “Grande Confusion”, avec des lignes de fracture qui scindaient désormais tous les camps qui avaient été présents sur le terrain avant la réconciliation sino-américaine. Cette grande confusion frappait essentiellement les groupes activistes de gauche mais ne permettait pas davantage de clarté dans les petites phalanges européistes et nationales révolutionnaires.

 

Rapprochement euro-russe, seule solution viable

 

Dans l’optique de la mouvance “Jeune Europe” des années 60, les deux superpuissances étaient posées et perçues comme également nuisibles à l’éclosion d’une Europe libre. Quand Washington se rapproche de la Chine et que le bloc rouge se scinde en deux puissances antagonistes, “Jeune Europe” ne peut plus préconiser ni des alliances ponctuelles et partielles entre petites puissances des deux blocs (comme lors du voyage de Thiriart en Roumanie) ni une alliance de revers avec la Chine pour obliger l’URSS à lâcher du lest en Europe danubienne. Le bloc sino-américain devient une menace pour l’Europe et, ipso facto, un rapprochement euro-russe apparaît comme la seule solution viable à long terme pour les tenants de la Realpolitik. Ce pas, le Général italien e.r. Guido Gianettinni, Jean Thiriart et l’écrivain franco-roumain Jean Parvulesco le franchiront, en étayant leurs positions d’arguments solides.

 

Entre-temps, en 1975, les Etats-Unis abandonnent le Sud-Vietnam exsangue au Nord vainqueur et pro-soviétique et déclenchent aussitôt, avec leurs nouveaux alliés chinois, une guerre sur la frontière sino-tonkinoise et arment, via la Chine, le Cambodge de Pol Pot pour harceler en Cochinchine le nouveau Vietnam réunifié. Le Vietnam sera ainsi neutralisé et cessera d’être une “poche de résistance” sur le rimland du Sud-Est asiatique, désormais étendu à la Chine, comme c’était prévu d’ailleurs sur toutes les cartes dessinées par l’école anglo-saxonne de géopolitique de Mackinder à Lea et à Spykman. Plus personne, aujourd’hui, surtout dans les jeunes générations, ne s’imagine encore quel était l’état de confusion mentale au sein des gauches militantes, où se disputaient âprement mouscoutaires, trotskistes, maoïstes pro-albanais, autogestionnaires titistes, maoïstes anti-soviétiques, partisans et adversaires de Pol Pot ou de Ho Chi Minh. Ce chaos a scellé la fin de la gauche militante classique entre 1975 et 1978-79, quand l’émiettement en chapelles antagonistes ne permettait plus de faire émerger un bloc politique offensif et viable. Les gauches dures, juvéniles et révolutionnaires, sont mortes, faute d’avoir eu un raisonnement géopolitique cohérent. Pire, parce qu’elles avaient auparavant accepté des raisonnements géopolitiques étrangers à leur propre nation ou nation-continent.

 

Carter et les “droits de l’homme”, Reagan et l’ “Empire du Mal”

 

Avec l’arrivée au pouvoir du démocrate Jimmy Carter à Washington en 1976, nous entrons de plein pied dans la période de gestation de l’univers mental qui règne aujourd’hui et qui est de  plus en plus ressenti comme étouffant. Les termes fétiches de la “political correctness” se mettent en place, avec l’introduction de la diplomatie dite des “droits de l’homme” et avec une opposition républicaine qui s’aligne sur les thèses du néo-libéralisme, par ailleurs propagées par Margaret Thatcher en Grande-Bretagne. En 1979, celle-ci inaugure l’ère néo-libérale qui prend fin avec la crise de cet automne 2008. En 1980, quand Reagan accède à la présidence américaine, sa version du néo-libéralisme, les “reaganomics”, vont étayer et non effacer la diplomatie cartérienne des “droits de l’homme”, et la mettre à la sauce apocalyptique en évoquant un “empire du Mal”, prélude à “l’Axe du Mal” de Bush junior.

 

En Europe, le discours sur les “droits de l’homme” oblitère tout et une partie de la gauche militante émiettée, orpheline, va marcher dans le sens de ce nouveau “subjectivisme” bien médiatisé, base philosophique première de la méthodologie hyper-individualiste du néo-libéralisme de Hayek, Friedmann, etc. Le moteur de cette nouvelle synthèse, dans une France marquée par l’étatisme gaulliste et communiste, sera le discours des “nouveaux philosophes”, porté essentiellement, en ces années-charnières, par deux écrits de Bernard-Henry Lévy, “Le Testament de Dieu” et “L’idéologie française”. Ce dernier constituant un véritable instrument de diabolisation de toutes les forces politiques françaises car, toutes, indifféremment, porteraient en elles les germes d’un fascisme ou d’une dérive menant à un univers concentrationnaire.

 

Les ingrédients idéologiques des deux manifestes de Lévy, dont les assises philosophiques sont finalement bien ténues, vont houspiller dans la marginalité politico-médiatique les discours plus militants de mai 68 et aussi, ce qui est plus grave parce que plus stérilisant, tout cet ensemble de pensées, de théories et de réflexions que Ferry et Renaud appelleront la “pensée 68”. Cette dernière constitue un dépassement intellectuel séduisant du simple militantisme étudiant et ouvrier de l’époque, qui était imbibé de ces vulgates rousseauistes et communistes (typiquement françaises) et avait reçu la bénédiction du vieux Sartre (“ne pas désespérer Billancourt”).

 

Potentialités de la “French Theory”, magouilles des “nouveaux philosophes”

 

Cette “pensée 68”, que les universitaires américains nomment dorénavant la “French Theory”, englobe Deleuze, Guattari, Lyotard et Foucault: elle est accusée, en gros par ses critiques parisiens, néo-philosophes à la Lévy ou néo-quiétistes à la Comte-Sponville, inquisiteurs tonitruants ou apologètes doucereux du ronron consumériste, de privilégier dangereusement la “Vie” contre le “droit”, d’opter tout aussi dangereusement pour des méthodologies généalogisantes et archéologisantes de nietzschéenne mémoire, etc. Pour le réseau, finalement assez informel, des “nouveaux philosophes”, “maîtres penseurs” allemands du 19ème (Glucksmann) et phares de la “French Theory” doivent céder la place à “un marketing littéraire et philosophique” (selon la critique cinglante que fit Deleuze de leur pandémonium médiatique), soit à un “prêt-à-penser” bien circonscrit qui se pose comme l’attitude intellectuelle indépassable qui va mettre bientôt un terme définitif aux horreurs de l’histoire, qui déboucheraient invariablement sur l’univers concentrationnaire décrit par Soljénitsyne dans “L’Archipel Goulag”. Les “nouveaux philosophes” et assimilés sont les “vigilants” qui veillent à ce qu’advienne la fin de l’histoire (Fukuyama) et que l’humanité aboutisse enfin à la grande quiétude antitotalitaire. La clique parisienne des “nouveaux philosophes” et assimilés entend représenter “l’espérance radicale de la disparition du mal”. L’antithèse de la pensée des maîtres penseurs, qui génèreraient l’univers concentrationnaire, se trouve tout entière concentrée dans le discours sur les droits de l’homme, inauguré par Carter, et constitue l’instrument premier pour lutter contre “l’Empire du Mal” et tous ses avatars, comme le voulaient Reagan et, plus tard, le père et le fils Bush. Le discours des “nouveaux philosophes” correspond donc bel et bien aux objectifs généraux de l’impérialisme américain, et son apparition dans le “paysage intellectuel français” n’est certainement pas l’effet du hasard: on peut sans trop d’hésitation le considérer comme une production habile et subtile des agences médiatiques d’Outre-Atlantique, fers de lance du “soft power” américain.

 

Ce glissement idéologique hors du questionnement inquiétant de la “French Theory”, a été systématiquement appuyé par les médias, qui ont écrasé toutes les nuances et les subtilités du discours politico-idéologique, pire, ne les tolèrent plus au nom d’une tolérance préfabriquée; il s’est opéré dès l’avènement de Thatcher au pouvoir à Londres et s’est considérablement renforcé quand Reagan a accédé à la Présidence américaine. Le passé maoïste militant de certains exposants, majeurs ou mineurs, de la “nouvelle philosophie” de Glucksmann, Lévy et autres homologues avait permis à Guy Hocquenghem d’ironiser dans une “Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary”. L’image est aussi pertinente que percutante: des maoïstes, jadis rabiques admirateurs sans fard des excès de la “révolution culturelle”, sont effectivement devenus “salonfähig”, dès le rapprochement sino-américain de la première moitié des “Seventies”. Dénominateur commun: l’anti-soviétisme. Ce soviétisme que leurs camarades trotskistes appelaient, pour leur part, le “panzercommunisme”. Donc, on peut aisément conclure que nos anciens révolutionnaires trotskistes ou maoïstes des barricades parisiennes avaient bien davantage que quelques points en commun avec Zbigniew Brzezinski. Celui-ci, rappellons-le, était l’avocat, au sein de la diplomatie américaine, d’une nouvelle alliance avec la Chine et le principal partisan d’une destruction de l’URSS par démantèlement de ses glacis caucasiens et centre-asiatiques. Plus tard en Afghanistan, il préconisera une alliance avec les mudjahiddins et, finalement, avec les talibans.

 

Le grand retour de la pensée slavophile

 

En Union Soviétique, la période qui va de 1978 à 1982 (année de la disparition de Brejnev) est marquée par une tout autre évolution intellectuelle. On assistait à une véritable “révolution conservatrice”, à un retour aux sources de la “russéité”, aux linéaments de la slavophilie du 19ème siècle, à un retour de Dostoïevski. La figure emblématique de ce renouveau “völkisch” (folciste) et slavophile a été sans conteste l’écrivain Valentin Raspoutine (10). Pour cet écrivain aux accents ruralistes, les notions de mémoire, de souvenir, de continuité sont cardinales et primordiales. Pour Raspoutine, la conscience n’est telle que parce qu’elle se souvient et s’inscrit dans des continuités imposées par le flux vital (et donc par l’histoire particulière du peuple dont le “je” fait partie). Une action humaine n’est justifiable moralement que si elle s’imbrique dans une continuité, que si elle lutte contre les manigances de ceux qui veulent, par intérêt particulier ou égoïste, provoquer des discontinuités. Le thème littéraire du déracinement et de l’aliénation (par rapport aux origines) implique celui de la perte simultané de l’intégrité morale. On l’avait déjà lu chez le Norvégien Knut Hamsun. L’oubli de son propre passé plonge l’homme dans la dépravation morale, la laideur d’âme.

 

Cette position philosophique fondamentale heurte de front les idéologies modernes de la “tabula rasa”, dont le communisme fut l’avatar le plus caricatural. Du jacobinisme ou du babouvisme français de la fin du 18ème siècle au communisme, court, sans discontinuité aucune, un fil rouge qui ne produit rien de bon, rien que germes et bacilles de déclin et de dépravation. Au moment où l’Union Soviétique atteignait son apogée, le faîte de sa puissance, et justifiait son existence et ses succès par une idéologie “progressiste” qui avait la prétention de laisser derrière elle tous les legs du passé, émergeait au sein même de la société soviétique un éventail de thèmes littéraires dont la teneur philosophique était radicalement différente de l’idéologie officielle. Je me souviens encore, dans ce contexte, avoir acheté, à la “Librairie de Rome”, avenue Louise, et à la “Librairie du Monde Entier”, gérée par le PCB, un exemplaire de “Sciences sociales”, revue de l’Académie de l’Union Soviétique, avec un long article de Boris Rybakov sur le paganisme russe avant la conversion au christianisme, et l’exemplaire de “Lettres soviétiques” consacré à la réhabilitation de Dostoïevski et édité, à l’époque, par Alexandre Prokhanov, l’éditeur de “Dyeïenn” et “Zavtra”, que j’allais rencontrer à Moscou en 1992. Les textes de Rybakov paraîtront dans les années 90 aux PUF.

 

“Occidentalistes” et “Slavophiles” dans la dissidence et dans l’établissement

 

Outre les articles de Wolfgang Strauss en Allemagne (11), l’ouvrage le plus significatif, à l’époque, qui explicitait, en le critiquant de manière fort acerbe, ce renouveau slavophile était dû à la plume d’un dissident exilé aux Etats-Unis: Alexander Yanov (graphie allemande: Janow), attaché à l’Institute of International Studies de Berkeley (Université de Californie). Pour donner ici les grandes lignes de l’ouvrage de Yanov (12), disons qu’il subdivisait, de manière assez binaire, le paysage politico-intellectuel de l’URSS de Brejnev, comme le champ d’affrontement entre “Zapadniki” (“occidentalistes”) et “Narodniki” (“populistes” voire “völkische/folcistes” ou, plus exactement, ce que nous appellons, nous, en Flandre, les “volkgezinden” ou au Danemark, les “folkeliger”). Yanov, émigré aux Etats-Unis se posait incontestablement comme un occidentaliste et fustigeait les nouveaux Narodniki ou néo-slavophiles, en les campant comme “dangereux”. Yanov, cependant, expliquait à ses lecteurs américains que la dissidence soviétique comptait en son sein des “zapadniki” et des “narodniki” (dont il convenait de se défier, bien entendu!), tout comme dans les hautes sphères du pouvoir soviétique où se côtoyaient également occidentalistes et populistes. Parmi les grandes figures qui tendaient vers le populisme, Yanov comptait Soljénitsyne. Sa conclusion? En URSS, fin des années 70, les populistes et les étatistes avaient gagné du terrain, par rapport aux occidentalistes, et constituaient in fine la force métapolitique majeure en Union Soviétique, une force certes non officielle et sous-jacente, mais néanmoins déterminante. Cette domination implicite des “Narodniki” sur les esprits devait, selon Yanov et bon nombre de dissidents occidentalistes, inciter les Etats-Unis et les atlantistes à la vigilance car, communiste ou non, la Russie demeurait un danger parce que son essence était intrinsèquement “dangereuse”, rétive aux formes “civilisées” de la gouvernance à l’occidentale ou à l’anglo-saxonne. Cette attitude “russophobe”, Soljénitsyne la fustigera avec toute la véhémence voulue, dans son tonifiant pamphlet “Nos pluralistes”. Nous nous empressons d’ajouter que la critique du “narodnikisme” sous toutes ses formes, nouvelles ou anciennes, et que les tirades haineuses que Soljénitsyne lui-même a dû essuyer, démontrent, toutes, que la russophobie qui visait les tsars du dix-neuvième siècle ou qui se profilait derrière un certain anti-soviétisme n’est pas prête à disparaître dans les discours occidentaux.

 

L’époque de la fin du brejnevisme était donc marquée par la nouvelle alliance sino-américaine, par le déploiement des thèses de Brzezinski chez les stratégistes du Pentagone et des services secrets, par la mise en place d’une russophobie déjà post-soviétique dans ses grandes lignes, et ensuite par l’alliance entre les Etats-Unis et les fondamentalistes wahhabites et, enfin, par l’élimination du Shah avec la création, de toutes pièces, d’un chiisme fondamentaliste et offensif en Iran. La carte du monde s’en trouve sensiblement modifiée: la cassure nette et duale, propre de l’hégémonisme duopolistique de Yalta, fait place à une plus grande complexité, notamment par l’avènement du facteur islamiste, voulu, dans un premier temps, par les stratégistes américains. Forts de cette alliance avec les mudjahhidins afghans, armés de missiles Stinger, les Etats-Unis tentent d’avancer leurs pions en Europe en déployant leurs fusées Pershing en Allemagne, face aux SS-20 soviétiques. En cas d’affrontement direct entre l’OTAN et le Pacte de Varsovie, l’Allemagne, le Benelux, l’Autriche, l’Alsace et la Lorraine risquaient d’être vitrifiés. Cette éventualité, peu rassurante, fit aussitôt renaître en Allemagne le mouvement neutraliste, oublié depuis les années 50. Pour nous, le mouvement neutraliste a été incarné principalement par la revue allemande “Wir Selbst”, fondée en 1979 par Siegfried Bublies dans l’intention de dégager le mouvement national de sa cangue passéiste, de ses nostalgies stériles et de ses rodomontades ridicules. Bublies entretenait en Flandre des relations amicales avec les fondateurs de la revue “Meervoud” qui existe toujours.

 

De la rhétorique des “droits de l’homme” à la guerre permanente

 

Le combat contre le déploiement des missiles en Europe a connu son apogée dans les années 1982-83, portée essentiellement par une gauche pacifiste, que l’on accusait d’être “crypto-communiste” et, par conséquent, d’être stipendiée par Moscou. Mais cette hostilité au bellicisme de l’OTAN n’était pas le propre des seuls mouvements pacifistes de gauche et d’extrême gauche. Ailleurs sur l’échiquier politique, bon nombre d’esprits s’inquiétaient des nouvelles rhétoriques cartériennes et reaganiennes, qui contaminaient les milieux libéraux et conservateurs, voire d’extrême droite, et avaient pour corollaire évident de miner les principes de la diplomatie traditionnelle. En effet, la rhétorique des “droits de l’homme”, maniée dans les médias par les démocrates cartériens et les “nouveaux philosophes”, ruinait le principe cardinal de non-ingérence dans les affaires intérieures des autres Etats, propre de la diplomatie traditionnelle. Quand le Républicain Reagan ajoute à cette pernicieuse rhétorique “immixtionniste”, le langage apocalyptique des fondamentalistes religieux américains, les principes de la diplomatie metternichienne, la logique des traités de Westphalie et de Vienne, reculent encore d’une case. Le processus de déliquescence de la diplomatie classique s’achèvera quand les néo-conservateurs de l’entourage de Bush-le-Fils, décrèteront tout de go que le respect de ces principes est un “archaïsme frileux”, indigne des Américains, posés comme “les fils virils du dieu Mars”, et l’indice le plus patent de la lâcheté de la “Vieille Europe”, gouvernée par “les pleutres fils de la déesse Vénus”. Pour nous, à partir de 1983-84, ce sera le Général Jochen Löser, ancien Commandeur de la 24ème Panzerdivision de la Bundeswehr, qui énoncera les lignes directrices de nos argumentaires (13) : la rhétorique des “droits de l’homme” rend impossible l’exercice de la diplomatie classique; les dissensus internes, qu’elle exploite via les médias et les agences qui les informent, ne trouvent plus aucune solution équilibrée, s’en trouvent pérennisés, inaugurant de la sorte des cycles de “guerres longues”; les “droits de l’homme”, contrairement aux apparences, n’ont pas été hissés au rang d’idéologie dominante pour faire triompher sur la planète entière un humanisme de bon aloi, mais pour amorcer un processus infini de guerres, de révolutions et de troubles.

 

Le mouvement neutraliste, tel que nous le concevions au début des années 80, reposait donc sur trois piliers: 1) le refus du déploiement de missiles en Europe, afin d’éviter la transformation définitive de notre sous-continent en “son et lumière”; 2) le refus de perpétuer la logique des blocs, avec la dissolution de l’OTAN et du Pacte de Varsovie et la création d’un vaste espace neutre en Europe centrale, de la Mer du Nord à Brest-Litovsk et de la Laponie à l’Albanie; cet espace neutre devait organiser un système défensif performant sur le mode helvétique; il ne refusait donc ni les forces armées ni le principe du citoyen-soldat à l’instar des pacifistes de gauche; 3) il entendait revenir aux principes de la diplomatie classique et refusait de ce fait d’embrayer sur les discours imposés par les médias (ou le “soft power”). Le neutralisme, en prenant le contre-pied du prêt-à-penser médiatique, s’avérait un espace de liberté, face à la “novlangue” planétaire, si bien fustigée par George Orwell dans “1984”.

 

Nous avons eu la naïveté de croire à l’avènement d’une “Maison Commune” européenne

 

Si le mouvement neutraliste avait pu distiller ses arguments pendant une période plus longue, imprégner plus durablement les esprits, la pensée politique diffuse en Europe aurait pu générer des anti-corps. Mais l’effervescence anti-missiles et les réflexions neutralistes se sont étalées sur quatre années seulement. Dès 1984-85, Gorbatchev lance deux idées: celle, très positive, de “Maison Commune européenne” et, celle, double, de “perestroïka” et de “glasnost”, de réforme et de transparence. Ce changement de discours à Moscou mine définitivement le communisme soviétique traditionnel. Entre 1989 et 1991, en effet, le communisme en tant que bloc monolithique disparaît du paysage politique international. Notre conclusion à l’époque: s’il n’y a plus de communisme, il ne peut plus y avoir d’animosité à l’endroit des peuples d’au-delà de l’ancien Rideau de Fer. Les motifs d’un conflit éventuel n’existaient plus. Nous avons eu la naïveté de croire à l’avènement d’une Maison Commune européenne pacifiée, à l’ouverture d’une ère marquée par un esprit plus ou moins équivalent à celui qui se profilait derrière l’idée de paix perpétuelle chez Kant.

 

Rapidement, l’idée universaliste armée du communisme soviétique allait faire place à un néo-conservatisme, dérivé de la matrice du trotskisme américain et new-yorkais. Alliant le néo-libéralisme, nouvelle grande idéologie universaliste, à ce trotskisme fidèle à la notion de révolution permanente mais habilement masqué par une phraséologie conservatrice et puritaine, le néo-conservatisme va se  consolider en deux étapes: la première, avec Reagan, constituera un “mixtum” de paléo-conservatisme, d’anti-fiscalisme, de néo-libéralisme et, en politique internationale, d’une diplomatie en apparence plus classique qu’avec les droits de l’homme de Carter mais néanmoins érodée par une phraséologie apocalyptique (l’Empire du Mal, etc.). Reagan prend finalement le relais de Nixon, dernier président américain à avoir appliqué plus ou moins correctement les règles de la diplomatie classique. Mais, tout en prenant le relais de Nixon, il doit tenir compte des acquis ou des avancées de l’anti-diplomatie cartérienne, basée sur l’idéologie des droits de l’homme. Cependant, le langage apocalyptique s’atténuera pendant son second mandat.

 

Le néo-conservatisme crypto-trotskiste met un terme définitif à la diplomatie classique

 

Avec Bush le père commencent les tentatives de forcer la main aux instances internationales et de passer à de véritables offensives sur le terrain, la Russie d’Eltsine n’opposant aucun veto crédible. Clinton renouera, notamment pendant la Guerre des Balkans contre la Serbie, avec l’idéologie des droits de l’homme, prétendument bafouée par Milosevic dans la province du Kosovo. Avec Bush le fils, le néo-conservatisme crypto-trotskiste met un terme définitif à la diplomatie classique, la brocarde comme une “vieillerie” incapacitante, propre justement de la “Vieille Europe” et de la Russie (posée souvent comme “stalinienne” ou “néo-stalinienne” depuis l’avènement de Vladimir Poutine). Ce rejet de la diplomatie classique et des règles de bienséance internationale est l’indice le plus patent qui permet de démontrer, outre les liens et itinéraires personnels des exposants majeurs du  néo-conservatisme, que le néo-conservatisme est en réalité un trotskisme dans la mesure où il affine la notion de “révolution permanente” en abolissant toutes les règles en vigueur, toutes les règles communément acceptées, et en recréant un monde incertain, où le recours aux guerres et aux invasions redevient un mode de fonctionnement tout à fait naturel et acceptable. Le “Big Stick Policy” de Teddy Roosevelt est désormais au service d’une bande trotskiste qui entend plonger le monde dans un chaos permanent (assimilé à la “révolution”).

 

C’est uniquement avec le recul que l’on perçoit clairement les vicissitudes de cette politique américaine et son jeu d’avancées et de reculs, camouflé par l’alternance des Démocrates et des Républicains au gouvernail du pouvoir. L’accession à la magistrature suprême aux Etats-Unis de Bush le père constitue aussi l’arrivée des pétroliers texans qui savent à tout moment se souvenir que la puissance américaine dérive du contrôle des hydrocarbures dans le monde, et en particulier dans la péninsule arabique et le Golfe Persique. La crainte d’un prochain “pic” pétrolier implique la volonté de contrôler le maximum de puits dans cette région afin de garantir l’hégémonie globale de Washington, au moins jusqu’à la fin du 21ème siècle. D’où le projet PNAC (“Project for a New American Century”). Les chanceleries européennes savent parfaitement que l’Amérique entend perpétuer son hégémonisme en contrôlant les sources d’hydrocarbures moyen-orientales au détriment de toutes les autres puissances du globe et que le rejet de la diplomatie classique finit par être un “modus operandi” commode pour imposer sa volonté sans discussion ni débat ni concertation. Mais ces mêmes chanceleries sont incapables d’opposer, par manque de volonté et de cohérence intellectuelle, par fascination imbécile du modèle américain, une métapolitique européenne générale, un “soft power” européen capable de distiller dans les esprits, via les médias, des raisonnements et de “grandes idées incontestables” contrairement à leur homologue américaine, “grandes idées incontestables” véhiculées par les grandes agences médiatiques d’Outre Atlantique.

 

Les “blanches vertus” du démocratisme planétaire

 

L’Amérique est maîtresse du monde non seulement parce qu’elle contrôle les hydrocarbures mais aussi et surtout parce qu’elle forge, répand et impose les opinions dominantes dans le monde, spécialement en Europe. En 1999, quand le “bon apôtre” Clinton, posé comme tel parce que “démocrate” donc de “gauche”, lance ses bombardiers contre Belgrade, les pays européens de l’OTAN emboîtent le pas sans régimber. Depuis Franklin Delano Roosevelt, le démocrate qui avait lancé la croisade contre l’Europe allemande en 1941, la “bonté” politique, les blanches “vertus” du démocratisme planétaire sont incarnées, avant tout, par les démocrates américains. Par conséquent, si on ne suit pas leurs injonctions, on plonge dans le “mal”, dans le “crypto-nazisme” ou dans une résurgence quelconque de l’hitlérisme. Cet immense simplisme est profondément ancré dans les mentalités contemporaines et malheur à qui tente de l’extirper comme une mauvaise herbe! De fait, les réseaux pro-américains sont nés, en Europe, dans les années 40, sous l’impulsion de l’Administration Roosevelt, d’obédience démocrate; l’atlantisme militant avait au départ un ancrage plutôt social-démocrate (à l’exception de Schumacher en Allemagne de l’Ouest), que conservateur ou même libéral au sens européen du terme à l’époque.

 

La participation des pays européens de l’OTAN, France chiraquienne comprise, aux bombardements des villes serbes, est l’indice d’un parfait “écervèlement politique”: la politique de Clinton et de son adjointe Madeleine Albright (qui a eu pour étudiante Condoleezza Rice; vous avez dit continuité?) réintroduisait indirectement la Turquie dans les Balkans, en détachant de la Serbie comme de la Croatie, et en dépit des peuplements serbes ou croates, les anciennes provinces ottomanes du tronc commun, induisant ainsi l’émergence d’une “dorsale islamique” de la Méditerranée à l’Egée et à la Mer Noire. Tous les Etats voisins s’en trouvaient fragilisés: la Macédoine, la partie de la Grèce entre Thessalonique et la frontière turque, la Bulgarie qui compte de dix à quinze pourcents de musulmans, souvent ethniquement turcs, sans compter la sécession du Kosovo, prévisible dès 1998. De plus, les minorités non musulmanes au sein des nouveaux Etats majoritairement musulmans sont menacées à  terme en Albanie, au Kosovo, en Macédoine.

 

La création délibérée du chaos dans les Balkans n’est pas une politique démocrate, qui s’opposerait à une politique républicaine antérieure. Elle s’inscrit bien au  contraire dans une parfaite continuité. Bush le père, Républicain, installe ses troupes en lisière de l’Irak de Saddam Hussein, contrôle l’espace aérien irakien et prépare ainsi la seconde manche, soit l’invasion totale de l’Irak, qui aura lieu, sous le règne de son fils, en 2003. Clinton, Démocrate, lui, s’empare du tremplin de l’Europe en direction du Proche et du Moyen Orient depuis l’épopée d’Alexandre le Grand. La maîtrise des Balkans et celle de la Mésopotamie participent d’une seule et même stratégie grand-régionale. L’empire macédonien-hellenistique d’Alexandre le Grand, l’empire ottoman ont toujours maîtrisé à la fois les Balkans et la Mésopotamie au faîte de leur puissance. C’est une loi de l’histoire. Les stratégistes américains s’en souviennent.

 

Les réseaux pro-américains étaient au départ socialistes

 

La guerre contre la Yougoslavie résiduaire de Milosevic en 1999, premier conflit de grande envergure en Europe depuis 1945, est donc le fait d’un président et d’une équipe issus du parti démocrate américain. C’est la raison pour laquelle les puissances européennes, grandes et petites, ont suivi comme un seul homme, contrairement à ce qui allait se passer en 2003, lors de l’invasion de l’Irak. Cette unanimité s’explique tout simplement parce que l’Europe place toujours sa confiance dans une Amérique démocrate, en se méfiant de toute Amérique républicaine. Pourquoi? Parce que, je le répète, les réseaux pro-américains ont émergé, lors de la seconde guerre mondiale, sous la double impulsion du Président américain et de son épouse Eleonor et que l’atlantisme militant, le “spaakisme” dit chez nous le Prof. Coolsaet de l’Université de Gand, avait un ancrage socialiste plutôt que conservateur (Pierre Harmel s’efforcera au contraire de se dégager de la logique des blocs, que Spaak avait bétonné).

 

En transformant le tremplin balkanique en une zone contrôlée par les Etats-Unis, le tandem Clinton/Albright neutralisait la région à son profit: celle-ci n’allait plus pouvoir constituer un atout pour le bloc centre-européen germano-centré ni pour une Russie régénérée qui aurait fait valoir ses anciens intérêts dans les Balkans. En 1999, l’Europe a perdu tous les atouts potentiels qu’elle avait gagnés à partir de 1989. Elle les a perdus parce qu’elle n’a pas cultivé le sens de son unité, parce qu’elle n’a pas une vision claire de son destin géopolitique. En 2001, suite aux “attentats” de New York, l’Amérique parachève son projet “alexandrin” en s’emparant rapidement de la zone orientale de l’antique Empire du chef macédonien. En 2003, lorque le fils Bush entend terminer le travail de son père en Mésopotamie, l’Europe semble se réveiller et crée autour de Paris, Berlin et Moscou un front du refus que les services américains fragilisent aussitôt en semant le dissensus entre cet “Axe”, nouveau et contestataire, et de petites puissances comme les Pays-Bas, la Pologne, la République Tchèque et les Pays Baltes, tout en bénéficiant de l’appui de la Grande-Bretagne et de la pusillanimité de l’Espagne et de l’Italie. On se souviendra de la distinction opérée entre “Vieille Europe”, aux réflexes dictés par la diplomatie classique, et “Nouvelle Europe”, alignée sur la logique du fait accompli des néo-conservateurs.

 

“Révolutions colorées” et pétrole

 

Les services américains et le soft power de Washington, vont s’activer pour vider l’Axe Paris Berlin Moscou de son contenu: de Villepin en France est éliminé de la course à la présidence, à la suite d’un dossier de corruption sans doute préfabriqué, au bénéfice de Sarközy, qui mènera, comme on le sait, une politique pro-atlantiste. Le social-démocrate allemand Schröder devra céder la place à Angela Merkel, plus sceptique face au bloc continental européen, plus prompte à tenir compte des exigences des Etats-Unis. Schröder demeure toutefois en place, en gérant de main de maître les relations énergétiques entre l’Allemagne et la Russie. Les révolutions orange, qui ont éclaté en Ukraine, en Géorgie, en Serbie (avec “Otpor”) ou au Kirghizistan ne sont donc pas les seules interventions des services et du soft power: en Europe occidentale aussi la politique est manipulée en sous-main, l’indépendance nationale et/ou européenne minée à la base dès qu’elle tente de s’affirmer, par le biais de la manipulation des élections et des factions. Dans l’avenir, un bloc européen indépendant devrait s’abstenir de reconnaître les gouvernements issus de “révolutions colorées”.

 

En Géorgie, le pouvoir mis en place par la “révolution des roses” a pour objectif de garantir le bon déroulement de la politique pétrolière américaine dans le Caucase et en lisière de la Caspienne. Pour les stratégistes américains, la Géorgie doit être un espace de transit pour les oléoducs et gazoducs amenant les hydrocarbures du Caucase et de la Caspienne vers la Mer Noire et vers la Méditerranée via la Turquie. De là, ils parviendraient en Europe sous le contrôle américain. Le malheur de l’Europe, c’est de ne pas avoir de pétrole. Nous devons acheter la majeure partie de nos hydrocarbures en Arabie Saoudite ou dans les Emirats par l’intermédiaire de consortiums américains. L’affrontement russo-géorgien de l’été 2008, à propos de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, a pour enjeu réel l’énergie. Pour échapper à la dépendance énergétique, l’Europe doit tenter, par tous les moyens techniques possibles, d’abord, de réduire cette dépendance pétrolière en pariant sur des sources propres comme l’énergie nucléaire et toutes les autres sources imaginables et réalisables, selon une optique de diversification adoptée mais non parachevée en son temps par la France gaullienne. Les panneaux solaires constituent une première alternative parfaitement généralisable dans notre pays: en effet, pourquoi les ménages qui constituent notre nation ne pourraient-ils pas générer leur propre électricité domestique, ou une bonne part de celle-ci, sans passer par des fournisseurs contrôlés par l’étranger comme “Electrabel”, entièrement aux mains de l’ennemi héréditaire français, qui occupe depuis trois siècles et demi près des trois quarts du territoire du Grand Lothier! Certaines voix nous disent: par année, le nombre de journées d’ensoleillement est trop restreint en Belgique par rapport à la zone méditerranéenne pour constituer une alternative au pétrole. Peut-être. Mais un pays comme la Norvège, disposant pourtant de pétrole propre, la technique des panneaux solaires génère 50% de l’énergie domestique de ses ménages dans un pays où l’ensoleillement moyen est bien plus réduit que chez nous. Notre objectif premier est la réduction graduelle de la dépendance, non pas l’obtention immédiate d’une autarcie totale.

 

Pacte de Shanghai et initiatives ibéro-américaines

 

Nous venons de voir que l’emprise américaine sur notre politique étrangère est complète. Elle détermine aussi notre politique énergétique. L’Amérique séduit les esprits (ou plutôt les masses écervelées) par le truchement de son soft power omniprésent. Le princpal danger qui nous guette dans l’immédiat en Europe est la disparition graduelle et silencieuse des espaces encore neutres. Les pays qui ont gardé le statut de neutralité lorgnent de plus en plus vers l’OTAN. Je rappelle que notre position initiale, calquée sur celle du Général Jochen Löser dans les années 80 en Allemagne fédérale, visait au contraire l’élargissement de l’espace neutre en Europe. Non le contraire! Löser entendait élargir le statut de la Suisse, de l’Autriche, de la Yougoslavie, de la Finlande et de la Suède aux deux Allemagnes, aux Etats du Benelux, à la Pologne, à la Tchécoslovaquie et à la Hongrie. Aujourd’hui, ces trois derniers  pays font partie de l’OTAN et en sont même devenus les élèves modèles. De fiers représentants de la “Nouvelle Europe”, telle que l’a définie Bush jr. L’Europe, totalement abrutie par les propagandes distillées par le soft power, ne peut constituer, pour l’instant, dans les conditions actuelles, un espace de renouveau politique, exemplaire pour la planète entière. Les seuls môles de résistance cohérents se situent aujourd’hui en Asie et en Amérique latine. En Asie, la résistance s’incarne dans le “Pacte de Shanghai” et en Amérique latine dans les initiatives du Président vénézuélien Hugo Chavez, alliant, avec les autres contestataires ibéro-américains, les corpus doctrinaux péronistes, castristes et continentalistes qui, fusionnés, permettent aux Etats ibéro-américains de créer des structures unitaires capables de refouler l’ingérence traditionnelle des Etats-Unis dans leurs affaires politiques et économiques, au nom d’une idéologie soi-disant panaméricaniste, forgée au temps de la politique du “Big stick” de Teddy Roosevelt.

 

Sans le “Pacte de Shanghai” et sans la volonté indépendantiste et continentaliste des Ibéro-Américains, la domination américaine sur le monde serait totale, comme elle est quasiment totale en Europe depuis la  liquidation du gaullisme par Sarközy et le “mobbing” systématique de la Suisse et de l’Autriche (affaires Waldheim et Haider). Les espaces potentiels de résistance se font de plus en plus rares: il reste des bribes de gaullisme en France, de bons réflexes neutralistes en Allemagne, une volonté de conserver le statut de neutralité en Autriche, en Suisse et en Suède; l’opinion  publique en Belgique, d’après un sondage récent, craint davantage les initiatives bellicistes américaines que celles de la Russie de Poutine (en dépit de la propagande russophobe du “Soir”), alors qu’en Allemagne, où la russophilie de bon nombre de cercles établis est plus solidement ancrée, Washington et Moscou sont mis sur pied d’égalité.

 

“Volksgezindheid” et solidarisme

 

Pour faire éclore un môle de résistance en Flandre, il me paraît opportun de dire aujourd’hui qu’il devrait reposer sur deux piliers: la “volksgezindheid” (le populisme au sens défini par la tradition herdérienne ou par la tradition slavophile russe) et le solidarisme. La “volksgezindheid” est un sentiment plus profond que le “nationalisme” car il ne découle pas uniquement d’une option politique mais aussi et surtout d’un amour du passé et de la culture du peuple dont on ressort. Le terme “nationalisme”, de surcroît, recouvre des acceptions bien différentes selon les pays (14). L’utiliser peut semer la confusion, tandis que le terme “volksgezind”, lui, indique bien la teneur de notre propre tradition. Le solidarisme est un terme délibérément choisi pour remplacer celui de “socialisme”, désormais grevé de trop d’ambiguïtés ou assimilé à des déviances de tous ordres qui font que les socialistes officiels sont tout sauf socialistes. Le solidarisme devra exprimer dans l’avenir un socialisme sans atlantisme (à la Spaak ou à la Claes), un socialisme sans les “consolidations” à la Di Rupo (quand il s’agissait de privatiser la RTT pour qu’elle devienne “Belgacom”), un socialisme qui défende la solidarité de tous les producteurs directs de biens et de services contre les féodalités administratives et parasitaires. Un tel solidarisme découle aussi, pour ceux qui ont encore une culture classique, de la fameuse “fable de l’estomac” de la tradition romaine: “tous les organes de la communauté populaire servent les autres et construisent de concert l’harmonie”.

 

Une volonté de renouveau politique général basée sur la “volksgezindheid” et le solidarisme fera immédiatement se dresser devant elle des ennemis implacables. L’affirmation des valeurs populaires et solidaires implique automatiquement de désigner leurs ennemis, selon la formule de Carl Schmitt. Identifions-en trois aujourd’hui: 1) les médias formatés par le soft power américain; 2) l’idéologie néo-libérale, nouvel universalisme araseur des spécificités populaires et des politiques sociales, permettant le renouveau des élites (au sens où l’entendait Gaetano Mosca et Vilfedo Pareto); 3) l’idéologie festiviste qui noie les peuples dans l’impolitisme.

 

Le cas Verstrepen

 

“Volksgezindheid” et solidarisme impliquent de lutter contre tous les phénomènes culturels qui ne découlent pas naturellement d’une matrice populaire (la nôtre ou celle d’un autre peuple réel) mais nous  sont imposés par le soft power internationaliste et cosmopolite. Un exemple: vous vous rappelez tous de ce journaliste branché, Jürgen Verstrepen, égaré, on ne sait trop pourquoi, dans le mouvement national flamand, où il s’était fait élire. Dans un entretien récent, accordé à l’hebdomadaire de variétés “Dag allemaal”, ce Verstrepen se plaignait du “passéisme” de ses co-listiers, qui chantaient des chants traditionnels, qu’il posait d’emblée comme “ringards” ou désuets, un “ringardisme” et une désuétude qui suscitait chez lui un avatar de ce même effroi ressenti par les dévots devant les oeuvres réelles ou supposées du Malin. Toute expression de la culture vernaculaire suscite donc en lui, à l’entendre, le dégoût du progressiste, pour qui rien d’antérieur aux panades médiatiques ou de différent d’elles n’a le droit d’exister. Et plutôt que d’aller se recueillir dans une belle abbaye bourguignonne, comme son parti le lui avait suggéré, il préférait flâner dans un “mall” pour se choisir des fringues branchés, des bouts de chiffon marqués d’un logo, en compagnie d’une autre députée-gadget, allergique aux racines. Inconsciemment, dans son entretien à “Dag allemaal”, Verstrepen révélait un état de choses bien contemporain: la lutte entre le vernaculaire matriciel, les racines et la culture traditionnelle, d’une part, et le médiatiquement branché, d’autre part. Reste une question: comment conciliait-il, ce Verstrepen, dans son cerveau soumis à l’homogénéisation postmoderniste, ce culte dévot du médiatiquement branché et son aspiration à lutter contre le “politiquement correct”? On ne peut aduler l’un et lutter contre l’autre: on ne peut, de notre point de vue, que les rejeter tous deux. On ne peut être atlanto-hollywoodien, succomber à la séduction du babacoolisme californocentré et se réclamer simultanément d’un “nationalisme” en lutte contre l’idéologie liberticide du “politiquement correct”. Verstrepen incarne bien l’incohérence de bon nombre de nos contemporains dans la Flandre d’aujourd’hui. Espérons que la crise va leur dessiller les mirettes. Car le soft power a promu le néo-libéralisme, cause de la crise, en même temps que les manipulations médiatiques, les modes (captatrices d’attentions) et le festivisme.

 

“Volksgezindheid” et solidarisme impliquent donc de lutter contre toutes les formes de néo-libéralisme que l’on nous a imposées depuis Thatcher et Reagan, depuis le début de la décennie 80. Nos admonestations, jusqu’ici, surtout celles, au début de notre aventure, de Georges Robert et Ange Sampieru, n’y ont rien changé. G. Robert et A. Sampieru étaient très attentifs aux productions des éditions “La Découverte” qui amorçaient déjà la critique du libéralisme outrancier qui pointait à l’horizon. Aujourd’hui, dans le monde occidental, l’américanosphère, l’espace euro-atlantique, dans la Commission européenne complètement inféodée à l’idéologie néo-libérale, la domination de cette idéologie est totale. Et la crise de ce début d’automne 2008 laisse entrevoir quelles en seront les conséquences catastrophiques, avec pour seule consolation que le système a appris à freiner les effets des crises et des récessions, à les délayer dans le temps. La crise prouve que la recette néo-libérale ne fonctionne pas: tout simplement. En attendant, les délocalisations perpétrées depuis près d’une trentaine d’années laissent l’Europe privée d’un tissu de petites et moyennes industries, pourvoyeuses de travail, et affligée d’un secteur tertiaire improductif qui n’offre que des emplois détachés du réel de la production et injecte dans les mentalités une idéologie délétère du “non-travail” (dénoncée très tôt par Guillaume Faye dans un texte que de Benoist avait refusé de publier). Cette idéologie du non-travail est aussi celle du festivisme: elle a servi d’édulcorant intellectuel pour justifier le processus de démantèlement de nos tissus industriels locaux, par le truchement des délocalisations vers l’Extrême-Orient, l’Afrique du Nord ou la Turquie (surtout le textile) et pour exalter le travail non productif du secteur tertiaire, devenu dangereusement inflationnaire.

 

Néo-libéralisme et altermondialisme

 

L’avènement du néo-libéralisme a été rendu possible par une bataille métapolitique. On se rappellera l’engouement pour Hayek, qu’on exhumait de l’oubli en même temps que les “think tanks” de Mme Thatcher dès la fin des années 70. On insistait principalement sur son pamphlet “The Road to Serfdom” et non pas tant sur les dimensions organiques (et parfois intéressantes) de sa théorie économique, axée sur la notion de “catallaxie” (laisser faire les choses naturellement sans interventions étatiques volontaristes). L’infiltration néo-libérale du discours dominant a surtout été le fait des “nouveaux philosophes”, dont nous venons d’expliciter le rôle, et de personnages ultra-médiatisés comme Jacques Attali, biographe de banquiers, et Alain Minc, propagateur principal de la nouvelle vulgate dans les gazettes conservatrices. Nul mieux que François Brune, collaborateur du “Monde Diplomatique”, n’a défini l’idéologie contemporaine, dans son ouvrage “De l’idéologie, aujourd’hui” (Ed. Parangon/L’Aventurine, Paris,  2003): “L’idéologie est omniprésente: dans les sophismes de l’image, le battage événémentiel des médias, les rhétoriques du politiquement correct, les clameurs de la marchandise. Machine à produire du consentement, elle démobilise le citoyen en le vouant à l’ardente obligation de consommer, de trouver son identité dans l’exhibition mimétique (ndlr: niet waar, Meneer Verstrepen?), sa liberté dans l’adhésion au marché, et son salut dans la ‘croissance’... C’est cela l’idéologie d’aujourd’hui: une vaste grille mentale, faussement consensuelle, qui prescrit à chacun de se taire dans son malheur conforme, et qui aveugle nos sociétés sur la catastrophe planétaire où ses modèles socio-économiques entraînent les autres peuples” (présentation de l’éditeur).

 

Le système, en lançant l’opération du néo-libéralisme dès la fin des années 70, devinait bien que cette idéologie finirait par rencontrer assez vite des résistances diverses. Deux objectifs allaient dès lors être les siens: 1) empêcher la fusion de ces résistances telles que l’avait préconisée le théoricien ex-communiste Roger Garaudy (soit empêcher les complots “rouges-bruns”, comme s’y sont employés le journal “Le Monde” de Plenel à Paris et certains cercles ou personnalités autour du PTB/PvdA en Belgique); 2) créer une résistance artificielle (l’altermondialisme), de manière à neutraliser toute résistance réelle. L’altermondialisme énonce un tas d’idées intéressantes et séduisantes. Mais il les énonce sans une assise politico-étatique et géographique précise, sans un ancrage tellurique, condition sine qua non pour lui conférer une épaisseur réelle. Tout empire, et tout challengeur d’empire, s’arc-boute sur un terrain: l’hegemon américain d’aujourd’hui ne fait pas exception. Il dispose d’un territoire aux dimensions continentales. Il pratique le protectionnisme et une bonne dose d’autarcie, tout en prêchant aux autres de ne pas adopter les mêmes attitudes et en les maintenant ainsi en état de faiblesse. Si l’hegemon développe un “réseau”, il le fait au départ d’une vaste base logistique, soit au départ de son propre territoire biocéanique, de l’Atlantique au Pacifique, et de son prolongement pacifico-arctique, l’Alaska. Pour créer l’illusion d’une résistance planétaire, les services de diversion ont forgé le concept de “réseau” (qui a séduit le “parigogot” de Benoist, l’homme qui cherche sans cesse le statut de vedette du jour, au détriment de toute rigueur de jugement).

 

Ce n’est pas le “réseau” qui est contestataire mais les vieilles strucutres étatiques et impériales

 

L’altermondialisme militant entend être le seul grand réseau contestataire de l’établissement mondial. Mais depuis les émeutes bien médiatisées de Gênes ou de Nice, on ne voit pas très bien quel ébranlement du système en place ce fameux “réseau” a pu produire. La thèse de Michael Hardt et Toni  Negri sur l’“Empire”, dont les assises seront “un jour” définitivement sapées par le “réseau altermondialiste”, s’avère un leurre. Au temps de la Guerre Froide, les services américains avaient su faire émerger des “communistes de Washington” (pour reprendre l’expression de Jean Thiriart); il recycle désormais, en la personne de Toni Negri, d’anciens “terroristes” pour une opération de diversion d’envergure planétaire, qui absorbe et neutralise la contestation, en la médiatisant, en la transformant en un pur “spectacle” (Guy Debord), car nos contemporains, formatés comme les citoyens d’Océania, dans le “1984” d’Orwell, croient davantage aux images (télévisées) qu’aux faits (vécus), au spectacle qu’au réel. La résistance au système mondialiste américano-centré ne se retrouve pas, en réalité, dans un “réseau” planétaire de contestataires “babacoolisés” ou de nervis shootés à la cocaïne mais provient bien davantage de structures étatiques et impériales classiques, profondément ancrées dans le temps passé: Groupe de Shanghai avec une Chine aux traditions politiques millénaires, une Russie de Poutine qui retrouve sa mémoire, un indépendantisme ibéro-américain dans l’esprit du Mercosur et du président vénézuélien Chavez.

 

Combattre le festivisme

 

Enfin, après le “soft power” et le “néo-libéralisme”, le troisième aspect du système général d’ahurissement des masses et de déracinement, qu’il s’agit de combattre à outrance, est représenté par l’ambiance “festiviste”, celle que dénonçait avec force vigueur le philosophe français, récemment et prématurément décédé, Philippe Muray. Dans son tout dernier ouvrage, “Festivus festivus” (Fayard, 2006), Muray prononce un réquisitoire aussi virulent que tonifiant contre ce qu’il appelle le festivisme, mode de fonctionnement des sociétés occidentales avancées. Dans le long entretien, qu’est ce livre, avec la journaliste et philosophe vraiment non conformiste Elizabeth Lévy, Muray, dans son chant du cygne, fustige une société qui fonctionne uniquement sur le mode de la fiction médiatique, un mode qui vise la désinhibition totale, l’exhibition de tout ce qui auparavant était “privé”, “intime” et “secret” (dont évidemment les attributs et les pratiques sexuels). Le pouvoir, explique Muray, s’exercera avec une acuité maximale, quand les dernières enclaves du “secret” seront divulguées et exhibées, quand les dernières limites et les dernières distances (et les distances sociales font la civilisation, la promiscuité l’abolissant) auront été franchies et supprimées. La télévision avec ses émissions exhibantes (“Loft Story”, etc.) est l’instrument de ce pouvoir qui annonce la fête permanente et l’impudeur universelle, dans l’intention d’évacuer les îlots de “sériosité”, établie ou alternative, afin d’empêcher tout retour à un passé moins trivial ou toute préparation d’un futur cohérent. L’impudeur universelle brouille toutes les frontières et annonce un amalgame planétaire de promiscuité et d’indifférenciation, sous le signe de l’infantilisme “touche-pipi” et de l’ “adultophobie”.

 

Dans un ouvrage antérieur, intitulé “Désaccord parfait”, Muray qualifiait de “société disneylandisée” toute société “où les maîtres sont maîtres des attractions et les esclaves spectateurs ou acteurs de celles-ci”. Le “soft power” va donc imaginer et préfabriquer des “attractions”, pour tuer dans l’oeuf toute pensée libre, toute spontanéité créatrice ancrée dans le génie populaire, en substituant au créateur libre et spontané issu du peuple (celui de Rabelais et des carnavals contestataires) l’animateur officiel ou subsidié, et subsidié seulement après être passé sous les fourches caudines de l’idéologie imposée, après avoir appris son unique leçon qu’il répétera jusqu’à la consommation des siècles. Le “néo-libéralisme” va prospérer en marge de cette grande fête artificielle, forgée de toutes pièces, bien encadrée par de petits flics à gueule de bon apôtre, en dépit de son  désordre apparent, qui étouffera d’emblée toute révolte vraie. Par l’action des anciens contestataires arrivés au pouvoir, le “mixtum compositum” de mai 68 se réduira ainsi progressivement à ses seules dimensions festives, libidineuses et ludiques, tirées, par les agents de l’OSS, du livre “Eros et civilisation” d’Herbert Marcuse voire des vulgates caricaturales issues du freudo-marxisme de Reich, dont ils fabriqueront un “prêt-à-penser” allant dans le sens de leurs desseins. Dans son meilleur ouvrage, désormais un classique, “L’Homme unidimensionnel”, Marcuse craignait l’avènement d’une humanité formatée, réduites à ses seuls besoins matériels; il avait raison; mais les règles de ce formatage, c’est lui, probablement à son corps défendant, qui les a fournies au système. On a formaté et on a trouvé l’édulcorant dans sa définition de l’ “éros”, que l’on a quelque peu sollicitée pour les besoins de la cause. Ce ne sont pas les rigidités du monde totalitaire du “1984” d’Orwell mais le “Brave New World” de Huxley, avec ses paradis artificiels, que l’on tente de nous infliger.

 

Mort du “zoon politikon” et mort des peuples

 

Les bourgmestres (ou “maires”) de Paris et de Berlin, Delanoë et Wowereit, ou l’échevin Simons de Bruxelles, tout le socialisme français actuel (surtout à la gauche de Ségolène Royale) ont pour objectif stratégique réel (et à peine occulté) d’occuper les “citoyens” à toutes sortes de festivités, de concerts, de happenings, de “gay prides”, de “zinneke parades”, de manifestations antiracistes ou autres, afin qu’ils ne s’occupent plus directement de politique, afin qu’ils oublient définitivement ce qu’ils sont, la trajectoire dont ils procèdent. L’objectif? Eradiquer l’essence de l’homme qui est, dit Aristote, un “zoon politikon”. Il s’agit de distraire à tout prix l’imaginaire humain de toute tradition ou réalité historique. En Occident, dans le complexe atlantiste franco-anglo-américain selon la définition qu’en donnait mon professeur Peymans fin des années 70, la domination des castes mercantiles ou du tiers-état bourgeois français, a percuté, abîmé et détruit les ressorts les plus intimes des peuples (Irlande exceptée), si bien que Moeller van den Bruck, le traducteur de Dostoïevski, pouvait affirmer que quelques décennies de “libéralisme” suffisaient pour détruire définitivement un peuple.

 

Le festivisme, mode par lequel s’exprime le despotisme contemporain, contribue à donner l’assaut final aux ressorts intimes des peuples: il en pénètre le noyau le plus profond et y sème la déliquescence. Philippe Muray, pour revenir à lui, réactualise de manière véritablement tonifiante la critique de la “société du spectacle”, énoncée dans les années 60 par Guy Debord et l’école situationniste, tout en jetant un éclairage neuf et très actuel sur le processus de dissolution à l’oeuvre dans la sphère occidentale.

 

Lega Nord et FPÖ

 

Pour articuler une résistance à l’échelle européenne, pour traduire dans les faits nos options philosophiques et nos aspirations historiques, deux partis identitaires peuvent nous servir de modèle: la Lega Nord d’Italie du Nord et la FPÖ autrichienne. Je ne vois pas grand chose d’autre. Pourquoi? Parce que ce sont les deux seuls mouvements identitaires de masse qui affichent ou ont affiché clairement des options “non-occidentistes”. La “Lega Nord” et son quotidien “La Padania” ont eu une attitude très courageuse en 1999, quand l’OTAN bombardait la Serbie. Le journal et le “Senatur” Umberto Bossi n’ont pas hésité à fustiger vertement les Américans et leurs complices bellicistes en Europe. Ensuite, à la base de cette ligue, il y a un manifeste, “Come cambiare?” (“Comment changer?”), dû à la plume du grand juriste Gianfranco Miglio. Ce manifeste dénonce les travers de la partitocratie italienne, qui est si semblable à la nôtre. Les leçons de Miglio peuvent donc être directement retenues par tout militant politique de chez nous. La clarté des arguments et des suggestions de Miglio, que j’ai eu l’honneur de rencontrer en 1995 dans sa magnifique bibliothèque privée à Côme, nous permettrait de développer rapidement l’esquisse d’un contre-pouvoir (cf.: “L’Italie toute chamboulée...”, Entretien avec Gianfranco Miglio, propos recueillis par Andreas K. Winterberger, in; “Vouloir”, n°109-113, octobre-décembre 1993;  Alessandro Campi, “Au-delà de l’Etat, au-delà des partis: la théorie politique de Gianfranco Miglio”, in: “Vouloir”, n°109-113, oct.-déc. 1993; Luciano Pignatelli, “Les idées pratiques de Gianfranco Miglio:  comment changer le système politique italien”, in: “Vouloir”, n°109-113, oct.-déc. 1993; “Quelques questions à Gianfranco Miglio”, propos recueillis par Francesco Bergomi, in: “Vouloir”, n°109-113, oct.-déc. 1993; Robert Steuckers, “La Ligue lombarde”, in: “Le Crapouillot”, nouvelle série, n°119, mai-juin 1994; “L’Etat moderne est dépassé!”, Entretien avec le Prof. Gianfranco Miglio, propos recueillis par Carlo Stagnaro, in: “Nouvelles de Synergies Européennes”, n°46, juin-juillet 2000; “Pour une Europe impériale et fédéraliste, appuyée sur ses peuples”, Entretien avec le Prof. Gianfranco Miglio, propos recueillis par Gianluca Savoini, in: “Nouvelles de Synergies Européennes”, n°48, octobre-décembre 2000).

 

Dans l’orbite de la FPÖ, l’hebdomadaire “zur Zeit”, dirigé par Andreas Mölzer à Vienne, recèle chaque semaine des pages d’actualité internationale sans concession aucune à l’américanisme ambiant. Jörg Haider est décédé ce matin dans un accident d’automobile mais, en dépit de sa rupture récente avec la FPÖ et de son option personnelle en faveur de l’adhésion turque, il demeurera pour moi l’auteur impassable du livre-manifeste “Die Freiheit, die ich meine” (= “La liberté comme je l’entends”). La partitocratie autrichienne présentait, avant les coups de butoir de la FPÖ, d’étonnantes analogies avec la nôtre. La critique générale du système politique autrichien, telle que Haider l’a formulée, est très technique comme celle de Miglio. Mais elle ne recourt à aucun langage abscons. Et suggère des pistes pour sortir de l’impasse politique. La clarté de ces manifestes a donné à la “Lega Nord” et à la FPÖ une formidable impulsion dans les débats publics et, partant, dans les batailles électorales (cf. Robert Steuckers, “Autriche: Haider, le Capitaine du pays”, in: “Le Crapouillot”, nouvelle série, n°119, mai-juin 1994; “Nous sommes en avance sur notre temps!”, Entretien avec Jörg Haider, propos recueillis par Andreas Mölzer, in: “Au fil de l’épée” recueil n°8, février 2000; “Rafraîchir la mémoire des coalisés anti-Haider!”, in: “Au fil de l’épée”, recueil n°8, février 2000; Mauro Bottarelli, “Haider contre Chirac: non à l’UE centraliste et parisienne – la bonne santé de l’économie autrichienne”, in: “Au fil de l’épée”, recueil n°12, août 2000 – article traduit du quotidien “La Padania”, 11 juillet 2000).

 

Les succès constants de ces partis, leur impact indéniable sur le débat politique et sur les réformes en cours prouvent que les deux manifestes, que j’évoque ici, recèlent bel et bien les bonnes recettes. Si elles valent pour l’Autriche et pour l’Italie, elles devraient valoir pour nous, vu que les systèmes politiques de ces deux pays et leurs dysfonctionnements sont similaires et comparables aux nôtres. Et, qui plus est, la vision géopolitique de ces deux formations est européiste et anti-atlantiste, éléments essentiels pour une critique solide et positive du système en place qu’aucun parti ou mouvement n’a repris chez nous, rendant du même coup caduque toute efficacité concrète.

 

Les hommes de gauche qui ont opéré les bon aggiornamenti...

 

Pour nous servir d’inspiration complémentaire, nous ajouterions le corpus établi par des personnalités de gauche, devenues non conformistes au fil du temps, comme la famille de Rudy Dutschke ou son compagnon Bernd Rabehl, qui s’expriment régulièrement dans l’hebdomadaire berlinois “Junge Freiheit”; ou comme Günther Rehak en Autriche, ancien secrétaire du Chancelier socialiste Bruno Kreiski; en Suisse romande, toujours dans l’arc alpin, le mouvement “Unité populaire” parvient à nous livrer chaque semaine sur l’internet des analyses ou des réflexions dignes d’intérêt pour tous ceux qui rêvent à l’avènement d’un solidarisme qui soit capable de dépasser les contradictions et les enlisements du socialisme établi. En Italie, le quotidien romain “Rinascita”, issu du nationalisme classique, se présente actuellement comme le journal de la “sinistra nazionale” et opte pour une perspective européiste et eurasiste, anti-impérialiste et anti-capitaliste. Nos sources d’inspiration ne doivent pas se limiter aux seuls mouvements qui se donnent, à tort ou à raison, les étiquettes de “national”, de “régionaliste” ou d’ “identitaire”. Des cénacles, anciennement ou nouvellement classés à gauche sur les échiquiers politiques en Europe, ont procédé avec intelligence aux bons aggiornamenti: ils ont refusé toutes les involutions en direction des pistes suggérées par la “nouvelle philosophie” et ses satellites et ont rejeté l’attitude de ceux qui, en dépit de leur vibrant militantisme d’il y a quelques décennies, demeurent, par paresse intellectuelle, des “compagnons de route” des partis sociaux-démocrates partout en Europe. La posture du “compagnon de route” est le plus sûr moyen de s’enliser, de faire du sur place, d’entrer dans la spirale infernale du déclin, un déclin engendré par le “mimétisme” qui ne produit plus aucune différence (ni “différAnce” pour faire un clin d’oeil à Derrida), mais reproduit sans cesse, sur un ton morne, le même et le même du même. C’est le plus sûr moyen de devenir les béni-oui-oui du système, ses chiens de Pavlov.

 

La création d’un espace stratégique euro-sibérien est inséparable d’un remaniement complet de nos institutions nationales, dans le sens de la “volksgezindheid” et du solidarisme, dans le sens de la critique anti-partitocratique de Miglio et Haider, afin d’immuniser totalement ces institutions contre les bacilles du soft power jacobin ou américain.

 

C’est tout ce que j’ai voulu vous dire cet après-midi.

 

Robert Steuckers,

Octobre 2008.

 

 

NOTES :

(1)     William ENGDAHL, “Pétrole – une guerre d’un siècle – L’ordre mondial anglo-américain”, Ed. Jean-Cyrille Godefroy, Paris, 2007.

(2)     La parution de cet article, dans une publication du “Parti Communautariste National-Européen” avait induit l’inénarrable comploteur parisien Alain de Benoist, via son zélé vicaire campinois, à exciter un brave citoyen allemand, membre de la “DESG” (= “Deutsch-Europäische Studiengemeinschaft”), une association basée à Hambourg qui s’apprêtait alors à fusionner avec “Synergies Européennes”, à tenter un ultime baroud (de  déshonneur) pour torpiller cette fusion. L’homme, honnête, naïf et manipulé, a échoué dans ses manoeuvres. Il s’est dûment excusé quelques mois plus tard, à l’occasion d’un séminaire DESG/Synergies sur les relations germano-russes et euro-russes et sur la problématique de l’eurasisme, tenu à Lippoldsberg. Il avait enfin compris que l’instigateur de cette bouffonerie était un comploteur pathologique et que son vicaire n’était qu’un pauvre bas-de-plafond. Forcément: pour servir un tel maître...

(3)     Cf. L. SIMMONS, “Van  Duinkerke tot Königsberg – Geschiedenis van de Aldietsche Beweging”, Uitgeverij B.  Gottmer, Nijmegen,1980. Voir également: Alan SPANJAERS, “Constant Hansen”, in: “Branding”, n°2/2008.

(4)     Dexter PERKINS, “Storia della dottrina di Monroe”, Il Mulino, Bologna, 1960.

(5)     Alain GOUTTMAN, “La Guerre de Crimée 1853-1856, la première guerre moderne”, Perrin, 1995; vor également : “The Collins Atlas of Military History”, Collins, London, 2004.

(6)     Jacques HEERS, “Les Barbaresques - La course et la guerre en Méditerranée – XIV°-XVI° siècle”, Perrin, Paris, 2001-2008.

(7)     Robert STEUCKERS, “Constantin Frantz”, in: “Encyclopédie des Oeuvres philosophiques”, PUF, 1992.

(8)     Richard MOELLER, “Russland – Wesen und Werden”, Goldmann, Leipzig, 1941.

(9)     L’ouvrage le plus complet pour aborder cette thématique si complexe est le suivant: Gerd KOENEN, “Der Russland-Komplex – Die Deutschen und der Osten 1900-1945”, C. H. Beck, Munich, 2005.

(10)  Günther HASENKAMP, “Gedächtnis und Leben in der Prosa Valentin Rasputins”, Otto Harrassowitz, Wiesbaden, 1990.

(11)  Wolfgang STRAUSS, “Die Neo-Slawophilen – Russlands konservative Revolution”, in: “Criticon”, Munich, n°44, 1977. Cf. Robert STEUCKERS, “Wolfgang Strauss: les néo-slavophiles ou la révolution conservatrice dans la Russie d’aujourd’hui”, in “Pour une renaissance européenne”, Bruxelles, n°21, 1978.

(12)  Alexander YANOV, “The Russian New Right – Right-Wing Ideologies in the Contemporary USSR”, Institute of International Studies, University of California, Berkley, 1978.

(13)  Cf. Robert STEUCKERS, “Adieu au Général-Major Jochen Löser”,  in: “Nouvelles de Synergies  Européennes”, n°50, mars-avril 2001. Cf.  également: Detlev KÜHN, “En souvenir d’un soldat politique de la Bundeswehr: le Général-Major Hans-Joachim Löser”, ibidem. Ces deux textes figurent sur: http://euro-synergies.hautetfort.com .

(14)  Cf. nos deux études sur le nationalisme: Robert STEUCKERS, “Pour une typologie opératoire des nationalismes”, in: “Vouloir”, n°73/74/75, printemps 1991; Robert STEUCKERS, “Pour une nouvelle définition du nationalisme”, in: “Nouvelles de Synergies Européennes”, n°32, janvier-février 1998 (texte d’une conférence prononcée à Bruxelles le 16 avril 1997). On  peut lire ces deux textes sur: http://euro-synergies.hautetfort.com.

lundi, 31 août 2009

EEUU renuncia al escudo antimisiles en Polonia y Republica Checa

EEUU renuncia al escudo antimisiles en Polonia y República Checa

La administración del presidente estadounidense, Barack Obama, renunció al despliegue de elementos del escudo antimisiles en Polonia y en República Checa, afirmó este jueves el diario polaco Gazeta Wyborcza, citando varias fuentes de Washington.

“Las señales enviadas por los generales del Pentágono son absolutamente claras: el gobierno de Estados Unidos busca, en lo referente al escudo antimisiles, otras soluciones a las bases en Polonia y en República Checa”, según un miembro del lobby a favor del escudo, Riki Ellison, citado por el diario.

Durante una conferencia de expertos del departamento de defensa hace una semana, “los generales no han mencionado ni una sola vez los planes respecto a Polonia y a la República Checa”, subrayó Ellison.


“Desde hace unas semanas, el gobierno sondea la reacción del Congreso al abandono de los planes de instalación del escudo en Polonia y República Checa”, afirma Gazeta Wyborcza, citando una fuente anónima en el Congreso.

En 2008, Varsovia y Washington alcanzaron un acuerdo sobre el despliegue de aquí a 2013 en Polonia de diez interceptores de misiles balísticos de largo alcance, a lo que se añadía un potente radar en República Checa, un proyecto global al que Rusia se opuso, al considerarlo una amenaza para su seguridad.

La administración de Obama se propone reexaminar el proyecto de escudo antimisiles lanzado por su predecesor, George W. Bush, en respuesta a la amenaza de países como Irán.

Según Gazeta Wyborcza, la administración de Obama desearía instalar misiles interceptores en unos barcos y en bases en Israel y en Turquía, y “quizás en alguna parte de los balcanes”.

Extraído de AFP.

~ por LaBanderaNegra en Agosto 27, 2009.

mercredi, 12 août 2009

Escudé y la identitad iberoamericana

 

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Escudé y la identitad iberoamericana

Alberto Buela

La pregunta por la identidad es una de las más reiteradas en la ecúmene iberoamericana. Las razones de tamaña reiteración son muchas y variadas, como lo son las respuestas y los autores.

En Argentina han descollado sobre el tema autores conocidos como Borges y desconocidos como Murena, ingeniosos como Castellani y torpes como Martínez Estrada, nacionalistas como Gálvez y liberales como Massuh, religiosos como Marechal y antirreligiosos como Raurich pero lo que no había ocurrido hasta ahora era que hombres con carencia de enjundia intelectual se ocuparan del tema, como es el caso del artículo de Carlos Escudé (*) La identidad hispanoamericana aparecido en La Nación diario el 5/8/09.

 

La tesis del autor es en Nuestra América se habla castellano porque Gutemberg en 1455

inventó la imprenta.

Y además agrega la siguiente genialidad: “Que Argentina y Chile jamás han liberado una guerra (por hablar en castellano). En cambio desde que nosotros somos independientes Francia y Alemania han protagonizado tres…El origen de la diferencia fue la presencia o ausencia de la imprenta al momento de producirse los colapsos imperiales que hicieron posible el nacimiento de estos Estados”.

 

En nuestros largos años de lecturas pocas veces pudimos encontrar en un breve párrafo tanta cantidad de sandeces y errores. Y sobre todo proviniendo de un politólogo renombrado y publicitado por uno de los diarios más reconocidos de lengua castellana como La Nación.

 

En primer lugar Chile y Argentina no liberaron nunca una guerra porque la diferencia exponencial entre uno y otro es inconmesurable. Y los chilenos lo saben y los argentinos también. Chile no va a iniciar una aventura bélica que en principio puede serle favorable (en  24 hs. podría instalarse en San Rosa) pero sabe que finalmente fracasa, y Argentina no tuvo ni tiene ninguna necesidad geopolítica de invadir Chile.

 

En segundo lugar es falso que desde 1810 hasta el presente no hayamos tenido guerras los Estados de lengua castellana en América. Para limitarnos a América del Sur, nosotros tuvimos la guerra del Pacífico entre Chile(1879-1884) por un lado y Bolivia y Perú por el otro; la guerra de la Triple Alianza(1864-1870) que enfrentó al Paraguay contra Argentina y Brasil y la guerra del Chaco(1932-1935) donde lucharon Bolivia contra Paraguay. Peor aún, la guerra de la Triple Alianza es considerada como la primera guerra vae victis  de la modernidad.

 

En tercer lugar, en el siglo XV, momento de aparición de la imprenta, España está por entrar en su plenitud imperial y no en su colapso.

 

Vaya un pequeño comentario, para no gastar pólvora en chimangos, como comúnmente se dice cuando el tema no da para más.

España descubre América 37 años después del nacimiento de la imprenta y ya en 1472 comienza con la edición de sus primeros libros. En América la primera imprenta se establece en 1536 en México y al poco tiempo se funda la primera universidad en 1538 en Santo Domingo. Y el mayor trabajo de las imprentas americanas fue la publicación de catecismos y textos religiosos en las lenguas indígenas. Al respecto en un brillante artículo de Vittorio Messori América: ¿lenguas cortadas?  Afirma: “ En el virreinato más importante, el de Perú, en 1596 en la Universidad de Lima se creó una cátedra de quechua, la «lengua franca» de los Andes, hablada por los incas. Más o menos a partir de esta época, nadie podía ser ordenado sacerdote católico en el virreinato si no demostraba que conocía bien el quechua, al que los religiosos habían dado forma escrita. Y lo mismo pasó con otras lenguas: el náhuatl, el guaraní, el tarasco...”

Hay que saber que en el momento de nuestra independencia, alrededor de 1810, solo cinco millones de americanos hablaban castellano.

En realidad la imposición del castellano como lengua obligatoria nace a partir de esta fecha por parte de las oligarquías criollas ilustradas y afrancesadas. Hay que decirlo con todas las letras,  la monarquía católica española tomó muy en serio la evangelización de América y por eso obligó al esfuerzo de predicar el evangelio en las lenguas de los aborígenes, mientras que  por el contrario son los filósofos de la ilustración y la masonería inglesa y francesa que ejercen influencia total sobre las oligarquías locales para dejar de lado la inculturación del evangelio y con ello mismo, abandonar el uso de las lenguas telúricas.

 

Como vemos estas tesis de Escudé no solo son erróneas sino totalmente infundadas. Es una pena que el empobrecido Estado argentino gaste dinero a través del Conicet en semejante papanatas. Es de desear, ahora que se convirtió,  sea el Estado de Israel, que tiene más dinero que el nuestro, quien lo beque o le pague el sueldo.

 

 

(*) Politólogo, cuyo rasgo distintivo no es su producción en ciencias políticas sino el haberse convertido al judaísmo. ¿Cómo deben de sentirse “los paisanos serios” con semejante conversión?

dimanche, 09 août 2009

Entretien avec G. Maschke: le mensonge de la guerre permanente pour la paix perpétuelle

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Entretien avec Günter Maschke:

Le mensonge de la guerre permanente pour la paix perpétuelle

 

Propos recueillis par Sven Beier

 

Q.: Monsieur Maschke,vous venez de publier récemment un vaste recueil d’écrits de Carl Schmitt sur le droit des gens, sous un titre apparemment paradoxal: “Frieden oder Pazifismus?” (= “La paix ou le pacifisme?”). Les pacifistes seraient-ils des acteurs politiques qui ne veulent pas la paix?

 

GM: Aucune des variantes du pacifisme n’aspire à la paix en tant que non recours à la guerre, aucune d’entre elles n’aspire à une paix qui serait conclue après une guerre menée contre un ennemi que l’on reconnaîtra comme tel; les pacifistes dans toutes leurs variantes veulent abolir la guerre, dans la mesure où ils nient son droit à exister. Ils considèrent que la guerre est un crime et entendent l’interdire par le droit; le pacifisme armé, qui détermine le droit des gens depuis le Diktat de Versailles de 1919, rend possibles les sanctions, les mesures de maintien de la paix,  les occupations pacifiques, les mandats solidement étayés, les interventions humanitaires, ce qui équivaut, quels que soient les concepts camouflants utilisés, à des actions militaires contre tous ceux qui “brisent la paix”, contre les “agresseurs”. Par conséquent, tous les acteurs de l’échiquier doivent veiller à ne pas passer pour “agresseurs”. L’agresseur apparent doit pouvoir être montré comme tel, être littéralement construit de toutes pièces, ce qui signifie qu’il faudra provoquer l’ennemi pour qu’il commette des actes d’agression. De ce fait, le véritable agresseur est celui qui, en vertu de sa force et de sa position géographique, est en mesure de provoquer l’acte d’agression. “L’agresseur est celui qui force son adversaire à recourir aux armes”, disait déjà Frédéric le Grand. Celui qui se laisse provoquer se laissera passer un corde autour du cou, une corde qui n’est pas seulement d’ordre juridique, car il devra inévitablement songer aux conséquences de sa défaite éventuelle (c’est-à-dire celle qu’il devra accepter après une “capitulation sans condition”) et, subséquemment, luttera jusqu’à ce qu’il sera saigné à blanc. Ensuite, comme autre conséquence de ce pacifisme, nous repérons la tendance à éliminer toutes les règles du droit de la guerre; contre celui qui a eu recours à la guerre, tout sera dès lors permis. Quant aux autres, les crimes qu’ils auront commis n’entreront pas en ligne de compte. Le chemin qui mène du pacifisme, en tant que négation du droit à faire la guerre, à la guerre “totale” et “juste” est très court: “perpetual war for perpetual peace” (“guerre permanente pour la paix perpétuelle”). Or les notions de guerre et de paix sont en corrélation; le concept de paix présuppose toujours qu’il y a eu des hostilités préalables. Mais ceux qui pensent que ces hostilités sont par définition d’ordre criminel et que tout ennemi est, par voie de conséquence, un criminel, ne peuvent jamais faire de paix véritable. Car, justement, opérer une telle discrimination à l’encontre de la guerre et de l’ennemi, revient à ôter l’un des deux piliers qui soutiennent le droit des gens, en l’occurrence le pilier de la guerre, pour ne laisser que le pilier de la paix, ce qui ne permet évidemment aucune stabilité, donc aucune paix véritable. On ne peut faire la paix qu’avec un ennemi que l’on reconnaît(ra). La paix est un “état de droit”, une “situation de droit” et, en tant que telle, ne peut être obtenue que si la guerre, à son tour, possède un statut juridique. Le pacifisme s’avère ainsi un obstacle à la paix, tandis qu’un monde sans guerre ne serait pas pour autant un monde de paix, mais aurait besoin de s’auto-décrire à l’aide de tout nouveaux concepts.

 

Q.: Affirmeriez-vous que Carl Schmitt est un théoricien mobilisable aujourd’hui pour expliciter le droit des gens actuellement en vigueur ainsi que la situation internationale?

 

GM: Le droit des gens moderne ferait bien mieux de se préoccuper de savoir s’il doit ou non se mettre à la remorque de Carl Schmitt et non le contraire, chercher à mettre Carl Schmitt à la remorque du monde actuel. Ce droit des gens n’est pas innocent dans tous les désastres qui se sont succédé depuis 1919. Après chaque catastrophe, les doctrinaires du droit des gens moderne ont accentué encore plus la discrimination qui frappe la guerre et octroyé à la politique de puissance en vigueur  —et toujours en place—  la possibilité de déployer des manoeuvres de diversion et des “voilements”, des occultations, de plus en plus subtils; il suffit de songer aux innombrables possibilités qui existent d’interpréter le Pacte Kellogg de 1928 et la Doctrine Stimson de 1932. La belligérance proprement dite est dès lors devenue de plus en plus brutale, surtout parce qu’une défaite finale s’avèrerait encore plus terrible qu’auparavant. Entre 1919 et 1939, on a cherché à pallier l’interdiction de faire la guerre car on craignait les sanctions; on a dès lors procédé à des “occupations pacifiques”, à des “représailles”, etc. Typique de cette façon de procéder: le conflit sino-japonais. L’abolition du concept de “guerre” et son remplacement par celui de “conflit armé”, suivi de l’interdiction générale de tout recours à la violence, n’ont rien amélioré; on a simplement utilisé à profusion et à satiété le concept d’“auto-défense”. Les Etats-Unis prétendent “se défendre” en Irak, laquelle petite puissance les aurait menacé de manière décisive. L’impuissance possible du droit des gens face à certaines réalités est une chose; accorder à ces réalités l’apparence du droit ou célébrer des massacres par le truchement de la haute technologie comme des “mesures préventives” ou comme des “préludes” à l’avènement d’un droit civil universel (comme le veut le grand prêtre de l’humanisme actuel, Jürgen Habermas) en est une autre.

 

Q.: Dans quelle mesure est-ce réaliste de parler d’un rapport direct entre espace (Raum) et droit (Recht), comme le fait Carl Schmitt,  de façon à ce que la guerre et la paix soient des réalités qui visent la réalisation d’un “ordre naturel”? A notre époque de flux migratoires et de flux de marchandises, où la population est devenue “multiculturelle”, on ne peut pas faire grand chose sur base de ce rapport espace/droit, pour régler la coexistence entre de telles “populations”, du moins si cette coexistence est encore organisée par un Etat?

 

GM: Les flux migratoires et les flux de marchandises se portent vers des espaces précis, organisés politiquement; ils ne s’écoulent pas au petit bonheur la chance sur une Terre qui ne serait pas subdivisée en entités étatiques. Dans certains cas jugés urgents, on va même jusqu’à construire des barrières, que ce soit sur la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique ou sur celle qui sépare les zones de peuplement juif des zones administrées par l’autorité palestinienne. C’est justement à cause de ces flux que le contrôle politique et militaire d’espaces s’avère aujourd’hui plus important qu’hier. D’autres facteurs le prouvent également: la lutte de plus en plus âpre pour l’accès aux matières premières, la militarisation de l’espace circumterrestre, les tentatives d’encercler la Russie ou de fractionner certains Etats en en détachant des composantes par le truchement de l’idéologie des droits de l’homme. Il y a déjà longtemps que l’on parle du “retour de l’espace” et les jours de la géographie politique et de la gépolitique ne sont pas encore comptés, loin de là! Même si les cercles les plus conventionnels et les plus conformistes de l’université allemande le souhaiteraient!

 

Q.: Le modèle d’ordre, que préconise Schmitt dans sa vision du droit des gens, avec sa fixation sur la notion de sol et sur l’idéal d’un peuple homogène, qui s’est approprié ce sol et l’a rentabilisé, n’est-il pas désormais archaïque parce que “folciste” (= “völkisch”), comme on l’a souvent reproché à Schmitt; “folciste” et donc aujourd’hui obsolète?

 

GM: Le droit des gens selon Schmitt a essuyé pas mal de critiques sous le national-socialisme, justement parce qu’il présentait, disaient ses adversaires partisans du régime, un déficit de “folcicité”. Par ailleurs, l’idée de “folcicité” ne me paraît pas obsolète aujourd’hui, vu l’agressivité de la globalisation: elle devient au contraire de plus en plus importante. J’en veux pour preuve la tendance actuelle à constituer de plus en plus souvent des Etats nouveaux et petits, n’englobant, si possible, qu’une seule ethnie. On évite bien entendu d’utiliser les termes “folciste” ou “ethnique”, voire “racial”, parce qu’ils sont chargés de connotations historiques, mais cela n’empêche pas que l’on lutte plus âprement aujourd’hui qu’hier pour faire triompher l’idéal “folciste”. Schmitt, lui, ne se préoccupait pas de la question “folciste” mais visait la constitution de “grands espaces” (Grossräume) contre la notion de “One World”, qui est issue de l’idéalisme désincarné et ne cherche pas à faire advenir un monde où les sujets du droit des gens seraient mis sur pied d’égalité mais, au contraire, seraient tous soumis à une et une seule superpuissance impérialiste. Le droit des gens de Carl Schmitt, que l’on accuse à tort d’être un “étatiste”, se place résolument au-delà de tout étatisme et repose surtout sur l’observation attentive d’un fait bien patent, que Washington veut ignorer: que le monde sera toujours plus grand que les Etats-Unis et ne pourra pas sempiternellement être taillé à la mesure des idées et des conceptions bizarres qui sont nées dans des cerveaux américains.

 

Q.: L’idéal schmittien du droit des gens semble avoir été plus ou moins réalisé dans le petit univers des Etats européens entre la Paix de Westphalie et la première guerre mondiale, avec des Etats souverains, délimités chacun par des frontières, se livrant quelques fois des “guerres de forme”, sorte de duels guerriers qui se terminaient par des traités de paix aux effets finalement restreints. N’a-t-on pas affaire, ici, à un mythe personnel cultivé par Schmitt, avec lequel il est parti en guerre contre la guerre totale qui sévissait au 20ème siècle? En partant du principe que les guerres-duels ont réellement existé, Schmitt n’a tout de même pas imaginé sérieusement qu’on pouvait y retourner? Et vous-même, y voyez-vous davantage qu’une réminiscence historique, une simple alternative à la tentative de fonder une paix sur les valeurs de l’universalisme de la “révolution mondiale démocratique”, à laquelle appelait George W. Bush en novembre 2003?

 

GM: La guerre limitée, ou “guerre des formes”, a bel et bien existé: elle repose sur la distinction claire entre guerre et paix, entre intérieur et extérieur, entre combattant et non combattant, etc. Même si l’on ne peut plus revenir à de telles distinctions, peut-on pour autant soutenir la notion de “guerre totale” ou l’état de “perpetual war for perpetual peace”, en propageant le mensonge d’une “paix indivisible” et en affirmant tout de go que toute guerre particulière concerne le monde tout entier, c’est-à-dire cette “communauté des peuples” (Völkergemeinschaft), qui existe soi disant réellement mais qui est, dans les faits, une “société d’Etats” (Staatengesellschaft)? En raisonnant de la sorte, peut-on contribuer à préparer pour l’avenir une sorte de “soft law” pour faciliter et légitimer l’interventionnisme impérialiste? Quand un sot prononce une phrase stupide, dans le genre “la liberté allemande (sur l’essence ou sur la réalité présente de laquelle, je refuse de m’exprimer ici pour demeurer poli) se défend aussi dans l’Hindou Kouch”, ou quand un autre handicapé de la dure-mère nous déclare que les Etats-Unis seraient davantage “sécurisés”, si l’Irak était sauvé tout en étant détruit, je constate que de telles assertions sont possibles uniquement parce que l’on croit aux principes du droit des gens tel qu’il s’applique depuis 1919. Et pire: même ceux qui critiquent les deux types d’assertion que je viens d’énoncer, pour m’en moquer, croient à ces principes de 1919! Ces gens peuvent, par exemple, critiquer le Traité de Versailles, mettre en doute la validité du Tribunal de Nuremberg, condamner les motivations qui ont conduit à la guerre du Vietnam, tout en célébrant l’avènement des droits de l’homme ou la défense préventive des “valeurs occidentales” ou toute autre sublime philosophade de cet acabit! Beaucoup de ceux qui s’insurgent contre les entorses faites au droit des gens par le gouvernement des Etats-Unis, oublient simultanément que ces entorses ne sont que la conséquence logique de l’évolution même de la pensée juridique aux Etats-Unis, une évolution qui a commencé plus ou moins vers 1880 et qui a donné pour résultat, in fine, le droit des gens de 1919. Mais cela donnerait quoi, cette “démocratie mondiale” ou ce qui en tient lieu? Une “démocratie” est par définition le “kratos”, le pouvoir, détenu par un “demos”, par un peuple particulier, et ne peut donc pas s’étendre au “monde” ou à l’humanité. Ensuite, la démocratie n’est qu’une méthode pour produire le droit et, en tant que méthode, ne présuppose aucun contenu; tout contenu éventuel, qui viendrait l’étoffer, s’ajouterait ultérieurement. L’Occident parle sans cesse de “démocratie”, mais ôte à cette même “démocratie” toute valeur quand les résultats d’une consultation démocratique lui déplaisent; dans cette optique, songeons simplement à la victoire électorale du “Front Islamique du Salut” en Algérie en décembre 1991; l’Occident a constaté, avec une joie à peine dissimulée, qu’un putsch a mis un terme à l’ascension du FIS. Songeons aussi aux élections iraniennes de 2005. La “révolution démocratique mondiale” est-elle une révolution fabriquée et imposée de force par les dirigeants des lobbies pétroliers qui lisent Leo Strauss pendant leurs temps de loisir? Mais qui agissent selon la devise de Schumpeter: “La démocratie, c’est le pouvoir par le mensonge”?

 

Q.: Vu les efforts que déploie la dernière superpuissance en piste, les Etats-Unis, pour faire advenir le “One World”, ne peut-on pas dire que le “nomos de la Terre”, espéré par Carl Schmitt, avec son pluriversum de “grands espaces” (Grossräume), est à reléguer au département des antiquités?

 

GM: Les Etats-Unis peuvent briguer l’avènement d’un “One World” mais, à l’évidence, on sait depuis longtemps qu’ils ne réussiront pas l’opération. Les tentatives de construire réellement de “grands espaces” sont patentes aujourd’hui, notamment en Amérique latine. Les pertes enregistrées par les Etats-Unis dans les secteurs de la production et de la finance sont incontestables. A cela s’ajoute, l’endettement pharamineux (et absurde) des Etats-Unis vis-à-vis de l’étranger et les risques que comporte cet endettement. Sur le plan militaire, les Etats-Unis se heurtent rapidement à leurs limites: ils ne disposent pas de troupes étrangères en suffisance, qui, elles, seraient prêtes à mourir pour une cause. On pourrait approcher l’idéal d’une paix mondiale, si les Etats-Unis devenaient à leur tour l’objet d’un “containment”, d’un endiguement, et si la volonté unie de tous les autres mettait un terme à leurs tentatives de contrôler l’espace arabe (et, par là même, une bonne part des sources d’approvisionnement de l’Europe), de pénétrer la “Terre du Milieu” ou l’espace centre-asiatique et d’encercler la Russie. Cet endiguement des Etats-Unis et l’union des volontés alternatives n’est pas un projet sans perspective...

 

Q.: La tentative d’empêcher par tous les moyens l’avènement de cet “Etat mondial” n’est-elle pas un combat à la Don Quichotte, contre des moulins à vent, vu la dynamique à l’oeuvre aujourd’hui et que l’on appelle la “globalisation”, laquelle procède par la constitution de plus en plus dense de réseaux économiques et communicationnels? Et cette lutte inutile à la Don Quichotte n’était-elle pas déjà obsolète du temps de Carl Schmitt lui-même?

 

GM: Un “Etat mondial”? Cela ne peut aboutir. Tout au plus arrivera-t-on à une “Fédération mondiale” fonctionnant selon le principe de subsidiarité, mais c’est assez utopique. Si l’on aboutit un jour à une “unité du monde”, sous quelle que forme que ce soit, alors nous aurions sûrement un résultat d’ores et déjà prévisible: les guerres, ou les “conflits armés”, continueront à exister mais sous la forme de guerres civiles. On peut déjà clairement entrevoir ce que cela signifie, en observant les simulations actuelle d’une “unité mondiale”, où les Etats-Unis jouent un rôle qu’on ne leur a pas demandé de tenir: celui de “policier global”. L’augmentation ininterrompue de la mise en réseau de l’économie ne constitue pas une garantie de paix; souvenons-nous que l’intégration économique de l’Europe était bien plus avancée en 1914 qu’aujourd’hui! L’intégration croissante de l’économie et du droit ne génère pas d’ordre politique. Si l’Etat perd de la légitimité, alors, simultanément, l’intégration économique et l’interdépendance croissante ont des effets déstabilisants voire bellogènes. On peut affirmer que le droit international actuel est l’enfant morbide d’une alliance fatidique: celle qui unit les idéaux de la révolution française aux conceptions anglaises du droit maritime. Et qui donne les maux suivants: impérialisme des droits de l’homme et rééducation d’une part, pan-interventionnisme couplé aux propagandes haineuses, étranglement de l’économie de l’adversaire et estompement de la distinction entre guerre et paix, d’autre part. On croit donc aujourd’hui, sur la planète entière, que par l’application des principes de la révolution française et de ceux du thalassocratisme anglais, qui ont pourtant eu pour résultat de déstabiliser le monde, on finira par faire éclore la stabilité de demain. Vous allez me dire que je simplifie à outrance! Et vos questions alors, ne procèdent-elles pas de simplifications pires encore?

 

Q.: Joschka Fischer, qui exerce encore actuellement les fonctions de ministre des affaires étrangères en Allemagne, a récemment osé un pronostic sur le développement du nouvel ordre mondial: ou bien les Etats-Unis réussissent, dans le cadre de l’ONU, à créer une “république mondiale” dominée par eux-mêmes et par l’UE, leur partenaire; ou bien, ils entreront dans une concurrence accrue avec la Chine, ce qui n’exclut pas, à terme, une confrontation sino-américaine future pour l’hégémonie globale. Pour éviter cela, l’avènement d’un “One World” sous domination américaine n’est-il pas la voie vers un avenir de paix?

 

GM: Les Etats-Unis n’entendent pas agir dans le cadre de l’ONU, comme on le sait. Quant à l’Europe qu’ils contrôlent et qui est divisée, ce n’est pas pour eux un partenaire mais un idiot utile. La concurrence avec la Chine sera de plus en plus aigüe, c’est inévitable. Une “république mondiale” par la grâce des Etats-Unis? Que cela signifierait-il? Poursuivre des actions criminelles comme l’agression américaine contre l’Irak et les soutenir? Participer à des guerres de prédation, pardon, à des guerres privatisées? Soutenir des Etats si proches des “valeurs occidentales” comme l’Egypte, le Pakistan ou l’Arabie Saoudite, voire la Colombie, ou aller y jouer un rôle médiateur pour faire croire urbi et orbi qu’on y respecte les droits de l’homme? Rendre plausible le projet de premières frappes nucléaires “préventives”?

 

Q.: Mais l’esprit du temps, le “Zeitgeist”, n’est-il pas un allié puissant de tous les projets qui promettent une “paix mondiale”, esprit du temps que l’on retrouve in nuce dans les esquisses d’un “Etat mondial” proposées par David Held ou Otfried Höffe? Toute critique basée sur Carl Schmitt ne s’avère-t-elle pas impuissante, si elle se borne à dénoncer de telles promesses de paix comme de simples travestissements juridiques, humanitaires et idéologiques d’un interventionnisme  impérialiste?

 

GM: Kierkegaard aimait à dire: “Celui qui épouse le Zeitgeist deviendra vite veuf”. La “paix mondiale”, l’ “Etat mondial”, la “Fédération mondiale” (avec subsidiarité), ou quelle que soit la dénomination dont peuvent se parer ces rêves, qui ne sont pas si beaux (laissons de côté ici les distinguos), ne sont que des impossibilités, qui, de plus, sont incongrus sur le plan éthique. “Le futur, c’est le massacre”, et le massacre n’est pas anobli parce qu’il est “high tech” ou perpétré au nom de la “démocratie”. En politique, il faut s’en tenir aux probabilités et non aux voeux pieux. Première probabilité: après le 20ème siècle, nous en aurons encore pour notre argent! Au lieu de fantasmer sur un “Etat mondial”, ou sur quelque dérivation vermoulue du même genre, nous devrions, nous les Allemands, nous rappeler qu’après 1991, nous avons payé 13 milliards de DM pour que 150.000 Irakiens soient tués et que 300.000 enfants d’Irak meurent de faim ou de privations à cause de l’embargo imposé à leur pays, alors que l’Irak ne nous a jamais menacés, ni nous ni l’Occident. Evidemment, nous les Allemands, nous nous y connaissons en matière de refoulement... Le tableau de désolation que nous offre l’Irak aurait tout de même dû nous faire réfléchir aux conséquences de nos alliances, nous indiqué une nouvelle manière d’agir. Il est bien possible qu’une critique basée sur l’oeuvre de Schmitt s’avère impuissante face à certaines réalités actuelles, mais elle demeure néanmoins percutante contre l’idéologie qui les recouvre. Et j’ajouterais ceci: la destruction d’une réalité commence toujours par une attaque contre sa superstructure! Par vos questions, vous suggérez que rien ne peut s’opposer à un impérialisme interventionniste. Comment en arrivez-vous à une telle conclusion? Pour mourir, on a toujours bien le temps, mais certaines formes de “sacrificio dell’intellettto” (de sacrifice de l’intelligence) sont incurables!

 

(entretien paru dans “Junge Freiheit”, n°38/2005; traduction française: Robert Steuckers; avec l’aimable autorisation de G. Maschke)

 

A lire:

 

Günter MASCHKE (Hrsg.), “Carl Schmitt. Frieden oder Pazifismus? Arbeiten zum Völkerrecht und zur internationalen Politik 1924-1978”, mit einem Vorwort und  mit Anmerkungen versehen. Duncker u. Humblot, Berlin, 2005, XXX  u. 1010 seiten, gebunden, 98 euro.

samedi, 08 août 2009

1979: Guerres secrètes au Moyent Orient

1979: Guerres secrètes au Moyen Orient

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L’incroyable année 1979 a vu se succéder des événements qui ont changé le cours de notre histoire : révolution iranienne, accords de Camp David, prise d’otages de La Mecque et de l’ambassade américaine à Téhéran, et enfin, invasion soviétique de l’Afghanistan… Voici comment, pendant cette période, la France a cru pouvoir manipuler l’ayatollah Khomeiny et prendre en Iran la place des Américains, comment le Mossad a organisé, en pleine révolution islamique, l’exode clandestin de dizaines de milliers de Juifs iraniens, et comment le royaume saoudien a fait appel au GIGN français pour libérer les lieux saints de l’islam occupés par des terroristes avec, à la clé, une récompense inattendue. On lève ici le voile sur les complicités occidentales qui ont permis au Pakistan, bien avant l’Iran, de mettre sur pied le premier programme nucléaire islamique et l’on découvre de quelle manière les services de renseignement saoudiens et pakistanais ont organisé les réseaux de financement et d’armement d’intégristes prêts à se retourner contre l’Occident. Les services secrets de tous bords – CIA, Sdece, Mossad… – et les présidents Carter et Giscard d’Estaing ont joué dans cette époque agitée un rôle crucial et parfois trouble, entraînant une série de réactions en chaîne. En quelques mois, le Moyen-Orient a basculé, et le monde entier avec lui, favorisant l’avènement d’un islamisme radical aujourd’hui florissant.

Yvonnick Denoël est éditeur et historien. Il a notamment publié Le livre noir de la CIA (Nouveau Monde éditions, 2007).

Disponible sur Amazon

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jeudi, 06 août 2009

Russie/Chine: grandes manoeuvres sur le front oriental

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Russie/Chine: grandes manoeuvres sur le front oriental

 

22 juillet 2009: la “Mission de Paix 2009” vient de commencer. Il s’agit de manoeuvres militaires russo-chinoises qui se poursuivront dans les territoires les plus orientaux des deux  pays jusqu’au 26 juillet. Les opérations ont été planifiées pour 1300 militaires russes et autant de Chinois. Cent soixante véhicules blindés, dont des chars d’assaut, des avions et des hélicoptères participeront aux exercices. Ces manoeuvres ont pour but de renforcer la coopération entre les forces armées de Moscou et de Beijing, qui seront peut-être appelées à affronter les menaces du monde contemporain: le terrorisme et l’extrémisme. C’est ce qu’a déclaré le 22 juillet le chef d’état-major russe, le général Nikolaï Makarov. Mais ces manoeuvres n’ont pas été organisées à titre préventif seulement. Les protagonistes veulent faire entendre au monde un message bien précis par la voix du Général Makarov: “Les exercices militaires de ‘Mission de Paix 2009’ doivent démontrer à la communauté internationale que les forces armées de la Russie et de la Chine ont bel et bien la capacité  d’assurer la stabilité et la sécurité dans la région”. En clair: cela signifie que les adversaires du “Groupe de Shanghai” doivent se retirer du Turkestan oriental (Sinkiang), de l’Asie centrale et, aussi, bien sûr, de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud.

 

(article paru dans “Rinascita”, Rome, 23 juillet 2009, trad. franç.: Robert Steuckers).

Russie/Chine: grandes manoeuvres sur le front oriental

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Russie/Chine: grandes manoeuvres sur le front oriental

 

22 juillet 2009: la “Mission de Paix 2009” vient de commencer. Il s’agit de manoeuvres militaires russo-chinoises qui se poursuivront dans les territoires les plus orientaux des deux  pays jusqu’au 26 juillet. Les opérations ont été planifiées pour 1300 militaires russes et autant de Chinois. Cent soixante véhicules blindés, dont des chars d’assaut, des avions et des hélicoptères participeront aux exercices. Ces manoeuvres ont pour but de renforcer la coopération entre les forces armées de Moscou et de Beijing, qui seront peut-être appelées à affronter les menaces du monde contemporain: le terrorisme et l’extrémisme. C’est ce qu’a déclaré le 22 juillet le chef d’état-major russe, le général Nikolaï Makarov. Mais ces manoeuvres n’ont pas été organisées à titre préventif seulement. Les protagonistes veulent faire entendre au monde un message bien précis par la voix du Général Makarov: “Les exercices militaires de ‘Mission de Paix 2009’ doivent démontrer à la communauté internationale que les forces armées de la Russie et de la Chine ont bel et bien la capacité  d’assurer la stabilité et la sécurité dans la région”. En clair: cela signifie que les adversaires du “Groupe de Shanghai” doivent se retirer du Turkestan oriental (Sinkiang), de l’Asie centrale et, aussi, bien sûr, de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud.

 

(article paru dans “Rinascita”, Rome, 23 juillet 2009, trad. franç.: Robert Steuckers).

mercredi, 05 août 2009

Géorgie: l'opposition veut un dialogue avec Moscou

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Géorgie: l’opposition veut un dialogue avec Moscou

 

Il n’y a rien de pire, pour un pays, puissant ou non, que de s’engager dans un “angle mort”  et d’y rester coincé. Car il n’en sort plus. Il lui est inutile d’attendre le bon vouloir de ses alliés: il doit se retrousser les manches et agir seul, se dépatouiller sans l’aide de personne. C’est le point de vue que semble avoir adopté le chef de l’opiniâtre opposition géorgienne, Irakli Alasania. Le 22 juillet dernier, il a accordé un entretien au quotidien russe “Kommersant” où il évoquait la nécessité de normaliser les rapports entre Moscou et Tbilissi. Il a déclaré: “C’est simple: il n’y a pas d’autre solution, il faut rétablir les relations russo-géorgiennes. Ni la Russie ni la Géorgie ne peuvent promouvoir une stabilité durable dans la région sans entamer un dialogue direct”.

 

Le jeune leader de l’opposition, qui est aussi le président du parti libéral-démocratique “Notre Géorgie”, est convaincu que, dans un avenir proche, il sera possible de négocier directement avec le Kremlin. Tout simplement parce que, comme il l’a dit, il n’y a pas d’autre solution.  Alasania est aussi l’un des candidats potentiels pour les futures élections présidentielles, quand Saakachvili ne pourra plus briguer de mandat supplémentaire. Pour Alasania, il serait idiot de commettre les mêmes erreurs impardonnables que son prédécesseur. Pendant ce temps, l’actuel gouvernement géorgien perd du crédit jour après jour et continue à hurler au scandale lorsque les autorités russes rendent une visite officielle, sans y être autorisées par Tbilissi, à la République indépendante d’Ossétie du Sud, jadis territoire géorgien. 

 

(article paru dans “Rinascita”, Rome, 23 juillet 2009, trad.  franç.: Robert Steuckers).

samedi, 01 août 2009

La vérité sur l'agent Obama

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La vérité sur l'agent Obama

Ex: http://unitepopulaire.org

« En réalité, Obama avait été lancé dans la course au Sénat fédéral et à la présidence dès 2004. Il a fait son entrée en scène lors de la convention démocrate pour l’investiture de John Kerry. Il n’était alors qu’un obscur parlementaire de l’Assemblée de l’Illinois, mais il était déjà encadré et entraîné par Abner Mikva et ses hommes (Jews for Obama) et soutenu par la finance anglo-saxonne (Goldman Sachs, JP Morgan, Excelon). Les multinationales inquiètes de perde des parts de marché au fur et à mesure de la montée de l’anti-impérialisme, les généraux en révolte contre les aventures erratiques des néo-conservateurs, et d’autres encore, se sont progressivement ralliés à lui. […]

En 2000, la Cour suprême a rappelé que le vote des citoyens n’était que consultatif et que le gouverneur de Floride pouvait nommer les délégués de son Etat au collège électoral présidentiel sans même attendre le dépouillement du scrutin général. Dans ce système oligarchique, il y a un parti unique avec deux courants : les républicains et les démocrates. Juridiquement, ils ne forment pas des entités distinctes. Il n’y a donc rien de surprenant à ce que Joe Biden et Barack Obama soient l’un et l’autre de vieux amis de John McCain. Ainsi, McCain préside l’Institut républicain international, un organe du département d’Etat chargée de corrompre les partis de droite dans le monde, tandis qu’Obama travaille au sein de l’Institut démocrate national, présidé par Madeleine Albright, et chargé de la corruption des partis de gauche. Ensemble, Obama, McCain et Albright ont participé à la déstabilisation du Kenya, lors d’une opération de la CIA, pour imposer un cousin d’Obama comme premier ministre.

Tout ça pour dire qu’Obama n’est pas sorti de nulle part. C’est un spécialiste de l’action secrète et de la subversion. Il a été recruté pour faire un travail bien précis. Si les objectifs de la coalition hétéroclite qui le soutient sont globalement les mêmes, il n’existe pas de consensus dans le détail entre ses composantes. Ceci explique l’incroyable bataille à laquelle ont donné lieu les nominations et l’aspect toujours équivoque des discours d’Obama. »

 

Thierry Meyssan, interviewé par Flash n°10, 26 mars 2009

jeudi, 30 juillet 2009

Terre & Peuple n°39: l'arme géopolitique

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Terre & Peuple - Wallonie - Communiqué

 

 

TERRE & PEUPLE Magazine n°39

 

"L'arme géopolitique"

 

Dans son éditorial au numéro 39 du T&P Mag, qui évoque la dimension raciale du conflit antillais, né par hasard avec l’ère Obama, Pierre Vial relève que les mêmes qui qualifient ces violences de ‘culturelles et identitaires’ jugent ignoble le souhait de ‘préserver sa race’. Parce que contraire à une idéologie officielle largement admise par une population pressée de trahir dans l’espoir d’éviter le fameux choc. Il est temps dès lors de mettre en place la fraternité blanche.

 

Autour des nouveaux musées (Guggenheim, à Bilbao, Coop Himmelb(l)au à Lyon), FAV s’applique à une analyse de la ‘médiasphère’ qui vise à transformer le musée-conservatoire en un lieu d’actualités, présentant le musée lui-même comme l’événement sensationnel, pour assurer sa survie financière. Afin que l’individu, détribalisé, ingurgite sa ration d’images pieuses.

 

Emmanuel Ratier, documenté et vigilant, épingle une nouvelle monnaie norvégienne à l’effigie de Knut Hamsun, Prix Nobel enfermé à 85 ans dans un asile, après son éloge funèbre à Hitler. Bernard Kouchner, dénoncé par Pierre Péan, pour ses magouilles sous paravent humanitaire, et pour ses faux ‘camps d’extermination serbes’, s’en tient à accuser Péan d’antisémitisme, ce que Maurice Szafran et Joseph Cohen jugent être la mort du débat public.

 

Le gros dossier ‘L’arme géopolitique’ est assumé pour moitié par Alain Cagnat. Pour lui, trois affaires marquent le sort de la planète : l’oléoduc BTC/l’Irak/l’Afghanistan. Dès 1994, Halliburton (Dick Cheney) et Chevron (Condolezza Rice), pour affranchir les pétroles du Kazakstan du contrôle russe, projettent l’oléoduc BTC (de Bakou en Azerbaidjan, par Tbilissi en Georgie à Ceyhan en Turquie). En 2000, le PNAC (Project for a New American Century, de Cheney/Rumsfeld/Wolfowitz/Perle) programme la seconde guerre contre l’Irak, obstacle à l’hégémonie (énergétique) des States.

 

La ‘vieille Europe’ tente alors de dialoguer avec la Russie. La ‘jeune Europe’ orientale, revancharde, mise sur l’Amérique, seule à avoir résisté à l’URSS. Pour affaiblir l’Europe, les Etats-Unis accélèrent la dislocation de la poudrière multiculturelle des Balkans, y favorisant la pression islamiste (Albanie, Kosovo). Ils incitent l’Europe centrale à adhérer à l’UE et à l’OTAN, ce qui leur ouvre un double accès à la Mer Noire et présentent l’Iran (mais en fait la Russie) comme une menace (bouclier anti-missiles). Les Pays baltes (Lithanie/Lettonie) ayant pris le contrôle du grand oléoduc nord-ouest, la Russie entame la construction du BPS (Baltic Pipeline System) et Gazprom s’entend avec BASF et Ruhr Gaz pour mettre en place Northstream, que les Polonais s’ingénient à retarder. En Europe orientale et en Europe caucasienne : les Américains n’ont pas réussi, en Biélorussie, à déstabiliser le fidèle Loukachenko, ami des Russes.

 

Le GUAM (Organisation pour la démocratie et le Développement) s’affaire à détacher de l’influence russe l’Ukraine, la Georgie, l’Azerbaïdjan et la Moldavie. Il projette un oléoduc OBP entre la Mer Noire et la Pologne. Mais parallèlement, l’UE avec l’Allemagne et la Tchéquie fonde le Partenariat oriental, avec l’Europe orientale et caucasienne, y compris l’Azerbaïdjan. La Moldavie dépend fort de la Russie. L’Ukraine, d’abord emportée par la ‘révolution orange’ de Iouchtchenko, voit à présent sa ‘tsarine’ Ioulia Timochenko signer un accord avec Poutine dans la ligne d’un partenariat Europe-Russie indispensable à l’équilibre du continent. Reste en question la Crimée, rattachée à l’Ukraine par Khrouchtchev et qui compte 60% de Russes (75% à Sébastopol, base concédée à la flotte russe jusqu’en 2017 !). L’Arménie, fidèle à la Russie qui l’a sauvée des Ottomans, sous blocus de l’Azerbaïdjan et ravitaillée par l’Iran, compte sur sa puissante diaspora américaine.

 

L’Azerbaïdjan s’est épuré de ses Arméniens (pogroms en 1990) à l’exception du Nagorny-Karabakh (rattaché au pays par Staline), où ils sont encore 80%. Le pays détient d’énormes réserves de pétrole et de gaz. Puissamment soutenu par la Fondation Soros (dont il a néanmoins fait échouer la ‘révolution orange’), le président Aliyev joue l’équilibre. Les Azéris, chiites, sont travaillés par les islamistes iraniens. Dès son indépendance, la Géorgie, à qui Staline (géorgien lui-même) avait greffé trois territoires autonomes (Ossétie du Sud, Abkhazie et Adjarie), est entrée en guerre sanglante contre eux. Avec la ‘révolution des roses’, l’avocat newyorkais Michaïl Saakachvili a pris le pouvoir. Fort du soutien des Etats-Unis et d’Israël, il a lancé contre l’Ossétie du Sud une désastreuse opération, qui a révélé l’impuissance américaine et déterminé l’UE à dialoguer avec la Russie. Le Nord Caucase, qui groupe des républiques de la Fédération de Russie, musulmanes (Tcherkessie, Tchétchénie, Ingouchie, Daghestan) ou orthodoxe (Ossétie du Nord) est un patchwork multiculturel composé par Staline dans le but d’affaiblir chacune.

 

Ce sont des islamistes coriaces, que Poutine traite fermement (« jusque dans les chiottes »). Au Proche-Orient, Israël étant partie prenante des oléoduc BTC et gazoduc BTE vers la Turquie, il fallait que les Serbes soient virés du Kosovo. Toutefois, depuis la gaffe géorgienne, les Russes menacent les deux tracés. Dans les espérances occidentales, la Turquie devait hériter du ‘pouvoir de nuisance’ de la Russie. Bien que d’une stabilité douteuse, les Turcs peuvent affaiblir Russes comme Européens, chez qui, heureusement, les anti-turcs tiennent bon. C’est la Bible et leur propre histoire de Terre promise qui rapprocheraient les Américains d’Israël, leur treizième porte-avions. Toutefois, depuis le fiasco du Liban (2006) et l’échec de Tsahal à Gaza (2008), et avec sa nouvelle majorité explosive, la stabilité d’Israël ne tient plus qu’à l’instabilité de ses voisins. L’Egypte est gangrenée par les Frères musulmans, proches des Iraniens et du Hamas et qui contrôlent le Sinaï et la zone frontalière de Gaza. L’Arabie saoudite, ‘amie des Américains, achète sa tranquillité, en finançant les fondamentalistes ! Les Monarchies du Golfe ne sont que des lunaparks méprisés par tous les bons musulmans.

 

La Jordanie deviendra peut-être la Grande Palestine (si les Israéliens achèvent le ménage). La Syrie, hostile à Israël, est un des voyous de l’Axe du Mal, mais un interlocuteur incontournable. Le Liban n’existe que par le Hezbollah, qui en contrôle la moitié. L’Irak, après ses guerres Bush I et Bush II, a été officiellement pacifié par le général Petraeus (et l’accord avec le Mahdi chiite Moqtadar-al-Sadr). Sunites, chiites et Kurdes attendent pour reprendre leur guerre civile le départ des Américains. Lesquels ne resteraient que pour protéger les Kurdes (et leur pétrole). A défaut, ils auraient perdu pour rien quatre mille hommes, des centaines de milliards et gagné la haine de la planète. La concurrence entre les projets de gazoducs Nabucco c/Southstream (qui confronte l’UE à Gazprom russe et à ENI italienne) donne plusieurs longueurs d’avance aux seconds : les Russes ont déjà des accords avec la Hongrie, la Bulgarie, la Serbie, la Grèce et l’Autriche, de même qu’avec le Turkménistan, le Kazakhstan et l’Ouzbékistan, alors que l’avenir de Nabucco est encore incertain. Si les potentats de cinq républiques ex-soviétiques d’Asie centrale ont d’abord été aisément subjugués par quelques dizaines de millions de dollars, le mouvement s’est renversé.

 

Le président Karimov d’Ouzbékistan a sévèrement réprimé une manifestation encouragée par les Américains, qui n’ont eu que le temps de lui rappeler les droits de l’Homme que déjà ils étaient expulsés. Cible des islamistes, il préfère se rapprocher des Russes. De même, le Turkménistan, qui ne tolère aucun soldat étranger, a préféré les Russes aux Américains. Le président Nazarbaiev du Kazakhstan, pris entre ses Kazakhs au sud et ses Russes (30%) au nord, maintient difficilement l’unité. Son pétrole voyage par l’oléoduc CPC et, pour son gaz, il est partie prenante avec le Turkménistan d’un accord avec la Russie. Le bail de la base spatiale russe de Baïkonour court jusqu’en 2014 et celle de Sary Chagoun jusqu’en 2050. Le Kirghizistan (peuplé d’Indoeuropéens) a fait l’objet d’une ‘révolution des tulipes’. Il s’est retourné depuis contre les Américain, qui doivent évacuer la base militaire qu’ils louaient fort cher, alors que les Russes en reçoivent gratuitement ! Le Tadjikistan, pays persanophone pauvre, voisin de l’Afghanistan, est en guerre civile larvée et est occupé à la fois par les Russes et par les Américains.

 

Pour la Mer Caspienne, les Américains nourrissent le projet d’une ‘Caspian Guard’ aéronavale, officiellement pour empêcher les trafics de drogue et d’armes, mais il leur manque d’avoir un pied dans un pays riverain. Puissance stable du Moyen-Orient, l’Iran, peuplé d’Indoeuropéens chiites, regorge de pétrole. Il a le soutien de tous les damnés de la terre (sunites comme chiites irakiens, Hezbollah, Hamas, Frères musulmans, Afghans et Kurdes). Il est partie dans un axe Moscou-Téhéran-Pékin. Il a même passé un accord gazier avec la Turquie. Il ne renoncera pas à sa bombe atomique. A défaut de pouvoir le vaincre, les Américains doivent le convaincre.

 

L’Afghanistan est une aberration britannique, une mosaïque de peuples en guerre par tradition, où les Américains ont joué les islamistes contre les soviétiques. Le gouvernement Karzaï ne contrôle qu’un cinquième du pays. Il est impossible à l’OTAN de gagner, ni d’empêcher les Afghan d’être les premiers producteurs mondiaux d’héroïne. Au Pakistan voisin, la CIA a arrosé les fous d’Allah avec des torrents de dollars. La contagion s’est étendue et les talibans en sont à menacer les voies de ravitaillement américaines. Les bombardements de représailles touchent essentiellement des civils et font de nouvelles recrues antiaméricaines. La guerre au Cachemire achève d’affaiblir le front ‘occidental’. OTSC et OCS sont deux alliances antiaméricaines : l’Organisation du traité de sécurité collective est une réplique de l’OTAN, qui a permis à l’Ouzbékistan et au Kirghizistan de se débarrasser de leurs troupes américaines ; l’Organisation de coopération de Shanghaï, rassemble, avec la Russie et la Chine, le Kazakhstan, le Khirgizistan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan et elle a accepté l’Inde, le Pakistan, la Mongolie et l’Iran comme observateurs. L’Inde, le Japon et la Chine sont de faux colosses, peu impliqués encore dans le jeu géopolitique.

 

L’Inde, qui essaie une troisième voie occidentale, n’est en rien une nation. Elle est pratiquement en guerre avec le Pakistan (l’une comme l’autre ont la bombe atomique !). Le Japon est un satellite désarmé des Etats-Unis, dont la renaissance ne passera que par sa redécouverte des samouraïs. La Chine est une menace pour après-demain. Elle multiplie les relations avec la Russie et l’Iran et avec les républiques d’Asie centrale. Plus encore qu’avec les Tibétains, les Chinois ont des problèmes avec les Ouïghours, turcomongols musulmans sécessionnistes. Avec tout cela, les Américains ont perdu une partie de leurs pions et vont devoir abandonner un costume trop grand pour eux, les Russes ont regagné une grande partie de leurs positions et les Européens (UE) ont fait le mauvais choix.

 

Alain Cagnat, encore lui, pose le choix ‘Occident ou Eurosibérie ?’. L’Occident, protecteur de l’univers contre le Mal absolu du terrorisme, ce leurre destiné aux foules rendues stupides, se fissure. Obama promet un changement, dans la continuité car tout son entourage appartient au White Power. A l’inverse, dans la Russie (qu’on nous présentait comme définitivement humiliée), Poutine s’est attaqué aux oligarques (qu’on nous présentait comme des dissidents). Elle n’est plus une menace pour l’Europe et a intérêt à se rapprocher d’elle, ce que redoutent les Américains. Lesquels n’ont plus les moyens de leurs prétentions hégémoniques, avec une économie en faillite et une armée qui ne tolère pas les pertes ! Notre chance est l’Eurosibérie. Nos enfants ne nous pardonneront pas de la laisser passer, pas plus que nous ne devons pardonner à nos ancêtres d’avoir déclenché la première guerre mondiale.

 

Pour Pierre Vial, le gouvernement de la France, vendu à Washington, ne pouvait que déboulonner Aymeric Chauprade, esprit libre, de sa chaire de géopolitique au Collège Interarmées de Défense. Il y démontrait la nécessité pour la France et l’Europe de faire échec au mondialisme américain, produit de la finance newyorkaise. Chauprade avertit contre le potentiel révolutionnaire islamiste et conteste que les Etats-Unis aient les moyens de leur ‘destination divine manifeste’. Il mise au contraire sur la Russie, à qui ses richesses naturelles donnent les moyens de sa politique d’indépendance et de puissance.

Jean-Patrick Arteault annonce la guerre coloniale, dans la ligne de la géopolitique anglo-saxonne. Puissance maritime insulaire destinée à dominer le commerce, elle doit ‘contenir’ le continent, c’est-à-dire empêcher que la puissance réelle de celui-ci s’exprime.

 

Le messianisme judéo-yankee a nourri deux écoles de politique étrangère américaine. La première, Hard Power, divise le monde en vassaux ou en ennemis à abattre, au besoin par la force (R. Reagan, G. W. Bush). La seconde, Soft Power, préfère amener l’interlocuteur aux concessions, dans la voie d’un mondialisme cornaqué par l’oligarchie capitaliste et ses think tanks. La formule a l’avantage de sauver la face aux collaborateurs, à qui le berger fait oublier qu’ils ne sont que des moutons. Ils vendent à leur opinion publique l’image d’une Amérique bonne fille, qui nous a secourus et protégés contre l’indicible et qui mérite dès lors qu’on l’aide contre les méchants Afghans. Dans le genre Kollabo, le trio infernal de l’atlantisme français (Sarközy-Kouchner-Levitte) rêve de souffler aux Britanniques le rôle de premier caniche de Washington, apprenant à se plier sans donner le sentiment de se coucher. L’armée de terre américaine, qui veut guerroyer avec zéro mort, a un besoin urgent de supplétifs et, le dollar vacillant, de faire casquer les vassaux. Alors que le bourbier afghan est une nouvelle guerre coloniale qui ne pourra pas être gagnée, car son objectif géopolitique (entre autres, barrer à la Russie l’accès aux mers chaudes) ne satisfait pas les opinions publiques ni les combattants. Ceux-ci devraient se contenter d’apporter la démocratie et les droit de la femme à des moujahidins qui sont incomparablement mieux motivés à se défendre contre les mercenaires des oligarchies financières.

 

Pierre Vial clôture ce numéro en beauté. Et en chantant la profusion des beautés que vient de dévoiler l’archéologie dans les vestiges que ‘Nos ancêtres les gaulois et nos ancêtres les Germains’ nous ont laissés dans le Puy-de-Dôme, dans la Somme, en Corrèze, dans le coeur historique de Reims, à Saint Dizier en Haute-Marne. Le cliché des ‘barbares hirsutes’ a enfin rendu son âme dévote. Notamment entre les mains de Bossuet, pour qui la Providence avait choisi la voie lumineuse de la civilisation gréco-romaine pour apporter la vérité unique aux brutes sauvages de nos sombres forêts.

 

lundi, 27 juillet 2009

Le dilemme turc

Le dilemme turc

Ex: http://www.insolent.fr

Caucase: échec au terrorisme

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Caucase: échec au terrorisme

 

 

Plus de quarante terroristes ont été tués ou arrêtés récemment au cours d’une opération spéciale menée dans la zone frontalière entre la Tchétchénie et l’Ingouchie. L’agence de presse RIA Novosti l’annoncé le 15 juillet dernier, en rapportant le contenu d’un communiqué du ministère ingouche de l’intérieur, Rouslan Meïriev. L’opération anti-terroriste avait commencé le 16 mai 2009 et avait occupé jour et nuit les forces armées des deux républiques autonomes de la  Fédération de Russie. Selon le ministère, personne ne connaît le nombre de combattants qui se cachent  dans  les forêts ou les montagnes. Une chose est certaine désormais: ils ont de moins en moins d’effectifs sur lesquels ils peuvent vraiment compter. “Les membres des formations illégales”, précise un membre du ministère de l’intérieur ingouche, “se déplacent continuellement d’un territoire à l’autre. Aujourd’hui ils sont dispersés et isolés; nos opérations sont un succès car ils  ne sont plus en mesure de commettre des attentats à grande échelle”. Mais  le travail de nettoyage n’est pas terminé.  Chaque jour qui passe permet aux troupes loyales de Tchétchénie et d’Ingouchie de découvrir de nouvelles cachettes d’armes et de munitions.

 

(article paru dans  “Rinascita”, Rome, 16  juillet 2009).

samedi, 25 juillet 2009

Les drônes géorgiens survolent l'Abkhazie

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Les drônes géorgiens survolent l’Abkhazie

 

 

La république indépendante d’Abkhazie, qui était auparavant une région autonome de la  Géorgie, ne trouve pas la  paix: des drônes envoyés par le gouvernement de Tbilissi recommencent à survoler continuellement  le territoire, a annoncé le 8 juillet dernier un communiqué du ministère abkhaze des affaires étrangères. D’après ce ministère, quatre de ces appareils télécommandés sont entrés dans l’espace aérien abkhaze. Si la Serbie avait envoyé des drônes au-dessus du Kosovo, tous aurait crié au scandale et décrété que Belgrade violait la souveraineté d’un Etat légitime. Deux poids, deux mesures.

 

(article paru dans “Rinascita”, Rome, 09  juillet 2009).

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samedi, 11 juillet 2009

Les ancrages économiques et géopolitiques de l'Australie

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Les ancrages économiques et géopolitiques de l’Australie

 

Nous sommes prêts à parier de fortes sommes d’argent: demandez à une centaine de citoyens flamands pris au hasard et demandez-leur à quoi ils associent l’Australie. Vous recevrez immanquablement un paquet de clichés comme réponse: des soaps plagistes, des kangourous, ou peut-être encore une série télévisée comme “Flying Doctors” ou un personnage de film comme Crocodile Dundee. En revanche, la plupart des économistes se font un idée plus exacte du pays: ils savent qu’il y a là-bas du charbon et du nickel, mais aussi de l’or et de l’uranium. Voilà ce que vous répondront ceux qui connaissent les réalités économiques de ce continent insulaire. Bon nombre de matières premières importantes se trouvent dans le riche sous-sol australien. Il y a déjà bien des décennies que tel est le cas et c’est bien évidemment cette richesse qui fait la prospérité de cette ancienne colonie pénitentiaire britannique. L’Australie a véritablement été la Sibérie du “British Empire”. Mais, innovation, depuis quelques années, un nouveau facteur a émergé: le facteur chinois. L’Empire du Milieu est devenu, en très peu de temps, le principal client de l’Australie. Cette coopération sino-australienne suscite certes bien des contrats lucratifs mais à ces échanges fructueux, il y a un revers de médaille...

 

Partenaire commercial

 

Les années qui viennent de s’écouler ont été fort douces pour ceux de “down under”, comme on dit dans le monde anglo-saxon. Les nombreuses matières premières du sol australien se vendent cher au prix du marché, ce qui a stimulé l’économie du pays-continent. L’influx de capitaux a fait grimper le prix de l’immobilier, la bourse a connu des “pics” et, au cours des trente dernières années, le taux de chômage n’a jamais été aussi bas. Un tel contexte économique, on s’en doute, a généré de la satisfaction, cependant, dans son sillage, une certaine angoisse est née en Australie. Pour ce qui concerne les investissements étrangers, ce sont toujours les Etats-Unis et la Grande-Bretagne qui demeurent les principaux partenaires de l’Australie mais les Chinois sont en train de les rattraper à une vitesse vertigineuse. Ces mêmes Chinois sont aussi les acheteurs principaux des richesses naturelles du pays. A peu près la moitié du fer et de la laine produits en Australie part en direction des ports chinois. En même temps, quelque 120.000 Chinois étudient en Australie. Les chiffres sont éclairants: l’imbrication économique des deux pays est devenue un fait. Un fait en pleine croissance. Ce qui suscite des questions. Y compris dans les autres pays de la région Insulinde/Océanie.

 

L’an dernier, le Japon a été détrôné: il n’est plus le principal partenaire commercial de l’Australie, ce qui constitue un symbole important. Un diplomate remarquait naguère: “C’est le cas de toute l’Asie, mais ce sont surtout l’Inde et le Japon qui s’inquiètent du tandem sino-australien”. “Sous l’ancien Premier Ministre John Howard, les liens entre la Chine et l’Australie sont devenus très forts mais sous son successeur Kevin Rudd, ces liens se renforcent encore davantage. En outre, Kevin Rudd est sans doute le seul leader occidental à parler couramment le mandarin. Cette situation éveille des soucis. En Australie et ailleurs”. En soi, ce ne sont pas les importations chinoises à grande échelle qui inquiètent mais certaines tentatives d’acheter des entreprises australiennes. Lorsque trois entreprises d’Etat chinoises ont fait savoir qu’elles entendaient acheter certaines parts de l’industrie minière australienne, une sonnette d’alarme a retenti chez plus d’un observateur.

 

Au total, les Chinois auraient investi 22 milliards de dollars, ce qui équivaut, à peu près, au total de tous les investissements chinois de ces trois dernières années. “La république communiste de Chine, donc propriété à 100% communiste, achète des parts importantes de ce pays”, a-t-on clamé sur les bancs de l’opposition australienne. Cette remarque peut sans doute faire mousser quelques âmes sensibles dans le débat idéologique et politicien, dans la pratique de telles paroles n’ont que peu de poids. La Chine aligne d’ores et déjà plus de 115.000 entreprises d’Etats, avec pour fleuron, 150 groupes importants qui opèrent au niveau international. En pratique, ces entreprises et ces groupes cherchent à faire du profit, comme n’importe quelle entreprise privée.

 

Le noyau de l’affaire est une question d’ancrage. Pour l’opposition australienne, le pays se trouve face à une puissance étrangère qui ne cesse d’acheter des parts substantielles de l’économie nationale. Démarches jugées inquiétantes. Le cas australien, à ce niveau, n’est pas isolé. Dans la région, du Vietnam aux Philippines, tous s’inquiètent du poids toujours croissant de la Chine. Un chercheur du “Centre de relations Internationales” de l’Université de Sidney résume la situation en ces termes: “La situation s’est modifiée. Au début, on voyait ces investissements d’un bon oeil, puis le doute s’est installé. Pour l’essentiel, il ne s’agit pas tant des relations spécifiques entre la Chine et l’Australie mais bien du regard assez hostile que jette le monde sur la Chine et son futur rôle de grande puissance”.

 

Le contexte politique explique l’évolution des relations économiques sino-australiennes. Ce qui est logique car le noyau de toute problématique est in fine toujours politique. Depuis l’entrée en fonction du gouvernement Rudd, celui-ci a résolument tiré la carte chinoise. Il a entrepris plusieurs voyages en Europe, aux Etats-Unis et, bien entendu, en Chine. Mais aucun autre pays asiatique ne figurait au programme, ce qui a offusqué bien des chancelleries en Asie. Un analyste constate: “En Inde, au Japon, en Corée du Sud, on a l’impression que le gouvernement Rudd est entièrement tourné vers la Chine”. La réaction d’un commentateur indien sur le voyage de Rudd le confirme. Son jugement bref est simple et lapidaire: “La Chine, la Chine et encore la Chine”.

 

Pourtant, il n’est pas neuf le débat quant à savoir si l’Australie est un avant-poste de l’Occident ou un pays asiatique. Mais la convergence des réalités économiques et des choix politiques du gouvernement Rudd indique qu’un nouveau chapitre de l’histoire des relations économiques entre l’Extrême Orient chinois et son environnement océanien vient de s’ouvrir. Est-ce une étape nouvelle vers un “happy end”? Cela reste à voir.

 

“M.”/” ’t Pallieterke”.

(article paru dans ’t Pallieterke, Anvers, 10 juin 2009; trad. franç.: Robert Steuckers).

vendredi, 10 juillet 2009

Actualité géopolitique du Groenland

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Actualité géopolitique du Groenland

 

Par quel adjectif qualifieriez-vous un pays qui, d’un seul coup de plume, perdrait 98% de son territoire national? Un pays “décapité”? Un pays “pulvérisé”? Peu importe. Si l’on fait abstraction des très  nombreux paramètres qui jouent en l’affaire, c’est exactement ce qui risque d’arriver au Danemark si les Groenlandais, qui sont un peu moins de 60.000, décidaient de faire désormais cavaliers seuls. Cela se passera-t-il? Et quand? Nous ne le savons pas, nous ne disposons pas d’une boule de cristal... Mais une chose est sûre: la tendance va dans ce sens. Sans commune mesure avec le nombre fort modeste des habitants de cette immense masse territoriale qu’est le Groenland, l’abandon des liens avec le Danemark provoquerait un glissement de terrain géopolitique que plusieurs pays observent déjà, avides et intéressés.

 

L’évolution lente vers l’autonomie ou l’indépendance du Groenland, qui se séparerait définitivement du Danemark, est en marche selon un calendrier graduel mis au point depuis des années. Il y a une trentaine d’années, les Groenlandais ont obtenu un statut d’auto-détermination qui, peu le savent, a des conséquences pour l’UE. Ce nouveau statut permettait aux Groenlandais de sortir unilatéralement de l’Union Européenne, ce qui eut effectivement lieu en 1985 après une querelle sur les droits de pêche. Tout comme, disons, les Açores ou la Guadeloupe, le Groenland est devenu en 1973, en même temps que le Danemark, membre de la “Maison européenne”, tout en ayant le statut de “région ultra-périphérique”. Les Groenlandais sont dès lors un exemple d’école: ils sont le seul “peuple” qui ait jamais réussi à tourner le dos à l’UE.

 

Le pragmatisme danois

 

Entretemps, une nouvelle étape vers l’indépendance pure et simple vient d’être franchie. En novembre 2008, une bonne majorité de 75% s’est prononcée en faveur d’un démantèlement supplémentaire de l’administration “coloniale” danoise. Les Groenlandais sont désormais maîtres de leur justice et de leur police. La politique étrangère reste à Copenhague. Les Danois continuent cependant à payer cher pour les Groenlandais. Chaque année, ils consacrent quelque 633 millions d’euro à la grande île: des “transferts” en quelque sorte. Le trésor danois alimente un tiers du PNB du Groenland, ce qui explique pourquoi l’indépendance pleine et entière se fera encore un peu attendre... Sauf si, bien entendu, certaines évolutions se manifesteront plus rapidement que prévu.

 

Sans tenir compte de quelques remarques acides, l’attitude danoise est toute de sérénité face à cet inéluctable processus. Un morceau supplémentaire de ce qui fut jadis l’Empire maritime danois disparaîtrait. Les Danois s’y sont habitués. Il fut un temps, en effet, où le Danemark possédait quelques îles dans les Antilles, l’Islande et quelques lambeaux de territoire aujourd’hui suédois, norvégiens ou allemands. Si cet empire ne s’était pas désintégré, la principale ville danoise resterait certes Copenhague mais elle serait quasiment sur pied d’égalité avec Oslo (Norvège), Kiel (Allemagne) et Malmö (Suède). Le pragmatisme des Danois est certes une chose. Mais l’attention de plus en plus soutenue qu’accordent les puissances tierces à l’évolution de la situation au Groenland en est une autre, qui me semble sortir de l’ordinaire.

 

Le passage “GIUK”

 

Un regard sur la carte me paraît fort éclairant. Le Groenland occupe une position stratégique très intéressante entre l’Amérique du Nord et l’Europe. Les régions du sud de l’île font partie de ce que stratégistes et géopolitologues nomment la zone du “Passage GIUK” (pour “Greenland, Iceland, United Kingdom”). Ce n’est pas un hasard si cette aire maritime constituait l’un des points stratégiques les plus sensibles de la Guerre Froide. Ce fut une zone où l’OTAN et le Pacte de Varsovie s’épiaient et se testaient. C’est pourquoi, d’ailleurs, les Américains, y ont installé une base militaire, Thulé. L’importance stratégique de cette aire est antérieure à la Guerre Froide: déjà lors de la Bataille de l’Atlantique entre puissances anglo-saxonnes et forces de l’Axe, cet espace océanique a révélé toute son importance.

 

Mais l’enjeu actuel dépasse largement l’aire GIUK. La fonte de parties substantielles de la calotte glaciaire dans la zone arctique rend possible la navigation des mers autour du Groenland. Sur la façade occidentale de l’île, une route semble se former qui rendrait bientôt possible la circulation maritime entre le Pacifique et l’Atlantique, via la zone polaire arctique. Même si le “Northwest Passage” ne deviendra navigable qu’en été, nous verrions se constituer la principale mutation dans les liaisons maritimes depuis le creusement du Canal de Panama.

 

Ensuite, autre facteur d’intérêt: les richesses naturelles qui se trouvent sous le sol de la région polaire arctique. La règle est claire: ce qui se trouve dans la zone du plateau continental appartient au pays qui le borde. C’est pourquoi plusieurs Etats lancent des enquêtes pour déterminer scientifiquement à qui appartient, effectivement ou non, certaines zones de ce plateau. Le sous-sol groenlandais semble fort bien pourvu de matières premières. Certes, les estimations divergent mais certaines d’entre elles font état d’immenses réserves de pétrole, perspective allèchante même si leur exploitation éventuelle sera difficile. Peut-être que derrière l’apparente sérénité danoise, face à l’éventualité d’une indépendance pleine et entière du Groenland, se  cache en réalité une inquiétude politique. Ce ne serait nullement illogique.

 

Lors des sondages et des forages, il vaut mieux faire preuve de prudence. Ainsi, au début 2009, le gouvernement danois a décidé de rouvrir un dossier ancien, celui d’un accident d’avion datant de 1968. Cette année-là un bombardier B52 des forces aériennes américaines s’est écrasé; il avait à son bord quatre bombes nucléaires. Immédiatement après l’accident, Danois et Américains ont mis tout en oeuvre pour les récupérer. Ils ont réussi à en retrouver trois. Mais la bombe n°78.252 est resté introuvable jusqu’ici. Il faudra bien se fier à l’honnêteté de ceux qui la retrouveront...

 

“M.”/”’t Pallieterke”.

(article paru dans “ ’t Pallieterke”, Anvers, 1 juillet 2009; trad. franç.: Robert Steuckers).

jeudi, 09 juillet 2009

Entretien avec A. Douguine sur la Russie et l'Union Européenne

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Entretien avec Alexandre Douguine

Sur la Russie et l’Union Européenne

 

Propos recueillis par Bernhard Tomaschitz pour l’hebdomadaire “zur Zeit” (Vienne)

 

Q.: Monsieur Douguine, comment jugez-vous le rôle de l’Union Européenne dans le monde?

 

AD: Je pense que l’Europe est prédestinée à jouer un rôle géopolitique important dans le monde et l’UE pourrait constituer un élément positif dans ce projet car l’unification européenne peut se percevoir comme la volonté des peuples européens de se porter au-delà des limites des Etats nationaux. Et lorsqu’on analyse la situation géopolitique, on constate que, dans un monde en plein changement, le concept de souveraineté reçoit un contenu nouveau. Même de grands Etats comme la France ou l’Allemagne ne sont plus en mesure de maintenir leur souveraineté pleine et entière et risquent, à court ou moyen terme, de devenir des satellites américains. Mais une Europe unie, elle, serait capable de devenir, si elle le voulait, un puissant facteur géopolitique. Mais, justement, cette UE n’a pas la volonté de  défendre ses propres intérêts géopolitiques; au lieu de cela, elle ne poursuit que des intérêts économiques immédiats.

 

Q.: Comment faudrait-il, d’après vous, façonner les relations entre l’UE et la Russie?

 

AD: Il faut d’abord savoir qu’Européens et Russes sont des alliés naturels parce que la Russie est un Etat continental et que l’Europe, elle aussi, a une identité essentiellement continentale. C’est pourquoi Européens et Russes sont des partenaires idéaux dans un monde multipolaire, parce que la Russie dispose de ressources énormes et que l’Europe, pour sa part, dispose de hautes technologies, d’un bon système économique et est la deuxième économie du monde. Voilà pourquoi je crois que si la Russie et l’UE s’unissent sur base de leurs intérêts communs, elles pourront toutes deux atteindre leurs objectifs. Ce qui affaiblirait les Etats-Unis.

 

Q.: C’est pourquoi les Etats-Unis tentent de diviser l’Europe, entre une “Vieille Europe” et une “Nouvelle Europe”?

 

AD: C’est tout à fait exact. Les Etats-Unis tentent de créer en Europe orientale un “cordon sanitaire”. Ils veulent que se constitue une zone de manoeuvre géopolitique qui séparerait la Russie de l’Europe, tout en essayant de contrôler entièrement cet espace géographique-là. La plupart des pays est-européens ne servent plus aujourd’hui des intérêts européens mais, au contraire, ceux des Etats-Unis. Ce que font des pays comme les Pays Baltes, l’Ukraine, la Pologne voire la République Tchèque, c’est empêcher une possible alliance euro-russe. Ces pays sont certes membres de l’UE mais ne sont pas “européens” au sens géopolitique et stratégique du terme: il leur manque une conscience européenne, ils en sont totalement dépourvus, et essaient, de ce fait, de détruire l’Europe qui est en train de se faire. Voilà pourquoi la Russie et l’Europe doivent coopérer en ne songeant qu’à leurs intérêts communs, indépendamment des points de vue différents qu’elles pourraient avoir en d’autres sujets ou matières.

 

Q.: Comment juge-t-on en Russie les projets d’adhésion de la Turquie à l’UE?

 

AD: Ce projet est diabolique dans la mesure où il nuit tant à l’Europe qu’à la Turquie. J’entretiens depuis quelque temps de très bonnes relations avec de nombreuses personnalités de haut rang en Turquie et toutes pensent qu’une adhésion de leur pays à l’UE détruirait l’identité turque. Les Américains sont en fait les promoteurs de l’idée d’une adhésion turque à l’UE dans le but d’affaiblir l’Europe et de détruire la Turquie. Nous, Russes, avons actuellement de bons rapports avec la Turquie et nous coopérons étroitement avec elle, quand il s’agit de servir nos intérêts communs, mais nous ne pensons rien de bon d’une éventuelle adhésion de la Turquie à l’UE.

 

(entretien paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°7/2009; entreten réalisé par Bernhard Tomaschitz; trad. franç.: Robert Steuckers)

mercredi, 08 juillet 2009

Renaissance ottomane

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Renaissance ottomane

 

Par Günther DESCHNER

 

Les ambitions d’Ankara d’adhérer à l’UE semblent déçues

 

La Turquie opte pour une politique étrangère “multidimensionnelle”

 

Le premier Ministre turc Recep Tayyip Erdogan a décidé de remodeler complètement son cabinet. C’était parfaitement prévisible après les pertes subies lors des élections régionales d’avril 2009. Mais il y a eu une surprise de taille: la nomination d’Ahmet Davutoglu au poste de ministre des affaires étrangères. En procédant à cette nomination, Erdogan a lancé un signal dont alliés, voisins et partenaires régionaux prendront dûment acte. Le professeur Davutoglu, qui n’a jamais auparavant exercé de mandat gouvernemental ni jamais fait partie du Parlement, était un conseiller du Premier Ministre en politique étrangère. Seuls les initiés pourront émettre des spéculations pour savoir s’il est bien l’homme qui a suggéré à Erdogan et à son parti, l’AKP islamo-conservateur, qui gouverne depuis 2002, les lignes directrices de la nouvelle politique étrangère turque.

 

Dans les décennies qui ont précédé Erdogan, la politique étrangère de la Turquie, membre de l’OTAN, s’était sagement alignée sur celle de Washington au Proche et au Moyen Orient. Dès le départ, l’AKP s’était efforcé d’améliorer les relations de la Turquie avec les pays arabes et musulmans de la région. La politique proche-orientale d’Ankara est ainsi devenue plus active, plus indépendante et surtout plus consciente de la place de la Turquie dans la région et son histoire. Signe patent de cette évolution, où la Turquie risque bel et bien, un jour, de se détacher complètement de l’Occident: le refus du parlement turc en 2003 de mettre son territoire à la disposition des troupes terrestres américaines à la veille de leur entrée en Irak.

 

Avec Davutoglu, que l’on considère comme l’architecte de cette “politique étrangère  multidimensionnelle” d’Erdogan, la Turquie possède désormais un ministre des affaires étrangères qui a réellement conçu, au cours de ces dernières années, une nouvelle ligne et l’a imposée, en tant que conseiller d’Erdogan. Après la neutralité de type “classique”, qui fut l’option turque pendant les premières décennies de la république kémaliste et moderniste, les Turcs ont eu une politique étrangère après 1945, qui fut entièrement tournée vers l’Ouest; aujourd’hui, nous assistons à l’émergence de la “politique étrangère multidimensionnelle” de Davutoglu. Celui-ci, âgé de 50 ans et géopolitologue averti, est l’auteur d’un ouvrage de géopolitique, intitulé “Profondeur stratégique”; d’après ce livre, la Turquie doit regagner la grande influence qu’elle a exercée au cours de son histoire dans sa propre région. En ultime instance, Davutoglu veut renouer avec la politique de l’Empire ottoman et faire de la Turquie actuelle, dans toutes les régions jadis soumises à l’emprise de la “Sublime Porte”, “un facteur ottoman avec d’autres moyens”. Les spécialistes de la Turquie estiment que la montée de Davutoglu au pouvoir est une conséquence directe de la détérioration des relations entre la Turquie et l’UE.

 

La Turquie va-t-elle se détacher de l’Occident?

 

Tant que l’actuel président turc Abdullah Gül était ministre des affaires étrangères, la Turquie avait misé entièrement sur un rapprochement avec l’UE. Mais au fur et à mesure que les hommes politiques les plus en vue de l’Europe ont dit, de manière tantôt implicite tantôt explicite, que la Turquie n’était pas la bienvenue dans l’UE, Davutoglu est devenu de plus en plus populaire et sa notion d’une politique étrangère indépendante au Proche Orient, dans le Caucase, dans la région de la Mer Caspienne et face à la Russie a séduit de nombreux esprits. Erdogan avait déjà envoyé Davutoglu comme émissaire lors de missions fort délicates en Syrie, en Iran et en Irak.

 

On se rappellera que Davutoglu avait servi d’intermédiaire et de modérateur lors de négociations entre Syriens et Israéliens. Cette mission fut couronnée de succès et saluée par l’Occident tout entier, du moins avec quelques réserves, mais celles-ci étaient minimes. Mais depuis le “clash” entre Erdogan et le Président israélien Shimon Peres à Davos, de plus en plus d’observateurs posent la question: la Turquie ne va-t-elle pas très bientôt se détacher de l’Occident?

 

Le monde s’était habitué à percevoir la Turquie, l’un des cinquante Etats majoritairement musulmans de la planète, comme un cas particulier: elle était le seul pays musulman membre de l’OTAN, elle menait des négociations avec l’UE en vue d’une adhésion, elle était une démocratie et entretenait des relations normales avec Israël. De même, on a toujours considéré que la Turquie constituait un “pont” entre l’Orient et l’Occident. Personne n’a modifié fondamentalement cette perception lorsqu’Erdogan et son AKP islamisant est arrivé au pouvoir en 2002, pour ne plus le quitter jusqu’à ce jour. Erdogan voyait son pays comme une puissance régionale, appelée à jouer un rôle plus prépondérant sur l’échiquier international. Il a forgé des liens plus étroits avec les pays arabes voisins, renforcé les rapports existants avec tous les Etats de la région, intensifié les relations avec l’Iran. Simultanément, Erdogan a réussi à maintenir de bonnes relations avec Israël. Cette politique d’équidistance, tout en recherchant un rôle plus prépondérant dans la région, a connu un succès rapide et remarquable.

 

Il me paraît intéressant de prendre acte des observations formulées par les experts ès-questions turques de la “Jamestown Foundation” de Washington. Ceux-ci constatent effectivement que des modifications profondes ont eu lieu en Turquie sur le plan des réflexes politiques. Ces modifications conduisent à un intérêt croissant pour les affaires régionales et un désintérêt, également croissant, pour tout ce qui concerne l’Occident. Le journal “Zaman”, proche de l’AKP, se félicite de ce changement général en matière de politique étrangère et le considère comme le principal acquis du gouvernement Erdogan.

 

La Turquie sent les pulsations de deux mondes

 

Ce sont surtout des évolutions sociales en Turquie même qui ont provoqué cette mutation en politique étrangère. Elles sont observables depuis longtemps déjà: les tensions en politique intérieure sont le résultat du défi lancé aux élites urbaines pro-occidentales regroupées autour des forces armées par une nouvelle bourgeoisie, une classe moyenne religieuse, qui aspire au pouvoir et a ses racines géographiques en Anatolie. C’est cette nouvelle classe moyenne que représente au Parlement turc l’AKP d’Erdogan. Cette tension conduit la Turquie à vivre une véritable crise d’identité. On a pu voir les effets de cette crise lors de la rude controverse qui a accompagné l’élection de l’islamiste Gül à la fonction de Président de la République ou lors des querelles à propos du voile islamique.

 

Lors d’un colloque en Allemagne, Davutoglu a déclaré, l’an passé, que la Turquie sentait les pulsations de deux mondes, le monde occidental et le monde islamique. Mais, pour lui, ajoutait-il, la Turquie est bien davantage qu’un pont entre l’Occident et le monde arabe. Il voit son pays dans le rôle d’une puissance régionale. En tant qu’Etat à la fois musulman et séculier, qui unit les valeurs de l’Islam et celles de la démocratie, la Turquie, affirme Davutoglu, est prédestinée à jouer le rôle d’une nation intermédiaire au Proche et au Moyen Orient. 

 

Günther DESCHNER.

(article paru dans “Junge Freiheit”, Berlin, n°21/2009; trad. franç.: Robert Steuckers).

lundi, 06 juillet 2009

Géopolitique du Moyen Orient: avec ou sans l'Iran?

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Entretien-éclair  avec Robert Steuckers

Quel avenir géopolitique pour le “Grand Moyen Orient”? Avec ou sans l’Iran?

 

Q.: Lors de vos récentes conférences à Lille, Genève et Metz, sur le fondamentalisme islamique et sur l’eurasisme (*), vous avez évoqué l’éventualité d’un changement d’alliance au sein du Grand Moyen Orient, avec un rapprochement entre l’Iran et les Etats-Unis? Rien ne semble pourtant confirmer cette hypothèse. Pourquoi dès lors en avoir parlé?

 

RS: Votre question va un peu vite en besogne. J’ai simplement cité deux ouvrages récents qui évoquent cette éventualité d’un rapprochement irano-américain. Il s’agit des livres de Trita Parsi (**) et de Robert Baer (***).

 

Pour Trita Parsi, les Etats-Unis n’ont cessé de parier sur Israël comme gendarme au Proche et au Moyen Orient. Les Israéliens entendent, dit-il, conserver cette position et ne veulent pas voir l’Iran les relayer ni même les seconder. Mais la position de l’Iran dans la région qui s’étend de l’Egypte au Pakistan et de l’ancienne Transoxiane à l’Arabie Saoudite est stratégiquement parlant bien plus intéressante que celle, marginale et réduite, d’Israël. L’Iran est le centre de la  région et, de surcroît, “les Etats-Unis pourraient bénéficier d’un Iran puissant qui servirait d’Etat-tampon contre toute percée chinoise en direction de l’Océan Indien et du bassin de la Caspienne, riche en ressources énergétiques” (p. 261). Parsi ajoute un argument de poids à sa démonstration: “le Moyen Orient est dépourvu d’une base géopolitique pour l’ordre fragile qui y règne” (p. 262) et “Washington a cherché  à établir un ordre qui entre en contradiction avec l’équilibre naturel en cherchant à contenir et à isoler l’Iran, l’un des pays les plus puissants de la région” (p. 262). Retour aux arguments de Nixon. 

 

Pour Robert Baer, l’Iran aurait “changé”. Il rejette la notion habituelle d’”Etat voyou” qu’on colle sur le râble du pouvoir iranien. Il souligne la stabilité de l’Iran et sa grande influence (ce qui reste tout de même relatif à mes yeux) sur son environnement géographique immédiat, surtout dans le Golfe, au Liban et aux confins de la Jordanie et de l’Egypte. Il reconnaît, en quelque sorte, les avantages naturels de la position géographique de l’Iran et l’incapacité subséquente des armées américaines à l’envahir et  à l’occuper durablement. Les Etats-Unis doivent donc changer de stratégie à son égard et pratiquer à nouveau la politique pro-iranienne du temps d’Eisenhower ou celle préconisée par Nixon. Dans sa conclusion, il écrit: “Les Iraniens ont montré une meilleure aptitude à créer de l’ordre à partir du chaos que qui que ce soit  d’autre  au Moyen Orient. Ils possèdent les troupes suffisantes pour occuper l’Irak. Alors pourquoi ne pas les laisser assumer avec nous le coût de l’occupation? Céder une partie de l’Irak à l’Iran  serait un cauchemar pour les Arabes du Golfe. Mais laisser le chaos et les dissensions religieuses irakiennes traverser les frontières serait bien plus dommageable” (p.  357).

 

Je pense qu’il faut effectivement replacer ces deux argumentaires, qui prennent apparemment le contre-pied diamétral du discours médiatique dominant, dans le contexte actuel, en pleine effervescence, du Grand Moyen Orient. Il faut d’abord se rappeler en permanence qu’Obama, lors de son voyage en Turquie, a repris la politique turque que Clinton avait in illud tempore suggérée à un Özal enthousiaste mais que les néo-conservateurs républicains avaient plus ou moins abandonnée, en focalisant toute leur politique étrangère sur l’Afghanistan, pour le futur tracé des oléoducs et gazoducs vers l’Océan Indien, et sur l’Irak, pour le pétrole brut. Derrière la nouvelle équipe d’Obama, on assiste aussi au retour discret, dans les coulisses, de Zbigniew Brzezinski, le théoricien des interventions stratégiques en Asie centrale, sur la “Terre du Milieu”, et l’artisan de l’alliance entre les Etats-Unis et les fondamentalistes wahhabites dès l’entrée des troupes soviétiques en Afghanistan en décembre 1979. Brzezinski a ainsi été le fossoyeur de la défunte Union Soviétique. Dans ses spéculations stratégiques et réflexions historiques, Brzezinski avait tour à tour réfléchi aux potentialités d’un panislamisme ou d’un pantouranisme (ou la Turquie avait un rôle à jouer). Mais la Turquie a le sens de l’Etat, hérité du kémalisme, de la tradition ottomane et, via les Phanariotes chrétiens qui s’étaient mis au service de la “Sublime Porte”, de Byzance. Si elle intervient en Asie centrale, même comme simple “proxy” des Etats-Unis, la Turquie risque d’y introduire une logique impériale qui, à terme, y serait tout aussi dangereuse pour Washington que l’impérialité russe. Brzezinski a alors spéculé sur la “logique nomade mongole”, celle de Tamerlan (ou Timour Leng), qui détruisit les empires périphériques sans construire des structures impériales durables. Washington a rêvé d’un nouveau “tamerlanisme”, ni russe ni turc ni iranien, en Asie centrale afin qu’une dynamique toujours effervescente et éphémère s’y installe, permettant, grâce au désordre permanent qu’elle génèrerait, toutes les manoeuvres américaines.

 

Le retour de la carte turque dans le jeu américain, qui n’est toutefois pas assuré, n’implique plus aucun pantouranisme, me semble-t-il, car l’espoir d’utiliser la Turquie comme Cheval de Troie en direction des zones turcophones de l’Asie anciennement soviétique, s’est évanoui face aux faits. L’Asie centrale demeure plus liée à Moscou qu’au reste du monde et participe au groupe de Shanghai, Turkmenistan excepté. Bush II n’avait d’ailleurs pas joué la carte pantouranienne, selon les premiers écrits de Brzezinski. L’équipe néo-conservatrice préférait parler du “Grand Moyen Orient” et ne réservait dans ce jeu aucune procuration particulière et intéressante à la Turquie, qui, du coup, s’est rébiffée, a cultivé un néo-nationalisme anti-américain et glissé vers une forme particulière d’islamisme avec Erdogan. C’est sans nul doute ces “glissements”, peu conformes aux principes de l’alliance turco-américaine, qu’Obama cherche à enrayer en renouant avec l’ancienne politique de Clinton dans la région et en donnant aux Turcs, par la même occasion, un rôle important à jouer dans la stratégie globale des Etats-Unis, surtout en mer Noire et dans le Caucase. Mais, mise à part une promesse d’adhésion à l’UE, permettant de déverser le trop-plein démographique turc dans une Europe minée par le déficit des naissances, on ne voit pas très bien quel rôle plus offensif et plus constructif du point de vue géopolitique turc Obama peut offrir à Ankara: pas question, semble-t-il, de donner un feu vert à la Turquie dans le Kurdistan irakien, qui est aussi la région pétrolifère de Mossoul et Kirkouk. Les pétroliers texans n’admettraient pas de partager le pactole d’hydrocarbures de cette région, déjà arrachée à la Turquie au lendemain de la première guerre mondiale. De plus, une Turquie riche du pétrole de Mossoul, serait plus indépendante de l’Occident et de l’UE et pourrait forger des alliances à sa guise, qui n’iraient pas toujours dans le sens voulu par Washington. 

 

L’espoir de générer un “mongolisme volatile”, violent et guerrier mais éphémère, en Asie centrale, n’a pas eu de traduction dans la réalité. Cette Asie centrale, cette “Terre du Milieu”, est stable dans le cadre du Groupe de Shanghai, élargi aux observateurs indiens, pakistanais et iraniens depuis 2005, sans que les Etats-Unis y aient été conviés. Le groupe de Shanghaï constitue un bloc eurasien qui suit la grande leçon de Carl Schmitt, elle-même dérivée de la fameuse Doctrine de Monroe: pas d’ingérence d’une puissance étrangère à l’espace eurasien dans ce même espace eurasien. Mais les acquis du Groupe de Shanghaï ne doivent pas nous aveugler ni générer en nos esprits un optimisme trop délirant: la “Terre du Milieu” a certes retrouvé une cohérence, représente une masse démographique de 2,8 milliards d’hommes, mais, en lisière, le chaos règne sur les “rimlands”, seuls territoires capables de donner à la “Terre du Milieu” un poumon extérieur et des fenêtres parfaitement exploitables donnant sur les grands océans de la planète. La Chine demeure en voie d’encerclement et tente d’y échapper, notamment en tablant sur le Myanmar (Birmanie) qui lui offre un accès au Golfe du Bengale. L’Inde garde un contentieux avec la Chine et refusera toujours de déchoir au rang de “périphérie” de l’Empire du Milieu, sentiment que Washington tente d’exploiter pour disloquer les anciennes solidarités de l’Inde avec la Russie, désormais alliée à la Chine au sein du Groupe de Shanghaï.

 

En attendant, le chaos total règne en Irak, en Afghanistan et au Pakistan. D’après les responsables du Parti Baath irakien, tous les maux qui frappent l’Irak, les dissensus inter-confessionnels, la présence d’Al-Qaïda, sont des importations, des fruits de l’occupation américaine. Aucun de ces phénomènes n’existaient avant l’entrée de la coalition rameutée par Bush II en 2003. A croire que ce chaos est entretenu à dessein! Quant au Pakistan, il a soutenu, formé et fourni en matériels et bases arrières les mudjahiddins puis les talibans, en espérant annexer l’Afghanistan et se donner ainsi une profondeur territoriale face à l’Inde, son ennemie héréditaire. Il sombre désormais dans le chaos et les “zones tribales”, le long de sa frontière avec l’Afghanistan, échappent à sa souveraineté, ce qui réduit cette fois la profondeur territoriale initiale du Pakistan lui-même. Les tâches entre la Mésopotamie et l’Indus s’accumulent pour l’hegemon américain au risque, semble-t-il, d’absorber toutes ses énergies, à moins qu’une analyse moins superficielle et plus subtile ne finisse par admettre que l’organisation du chaos total fait partie d’une stratégie diabolique: mettre pour longtemps à feu et à sang le rimland, y créer des conflictualités durables pour éviter sur le très long terme leur absorption naturelle et sereine par les puissances impériales détentrices de la “Terre du Milieu”. Dans un tel scénario, les Etats-Unis garderaient la mainmise sur l’Océan Indien, “Océan du Milieu”, en arbitrant habilement la rivalité Inde/Chine qui y pointe.

 

En dépit des démonstrations de Parsi et Baer, l’Iran, lui, demeure, dans l’optique imposée par l’hegemon américain, un “Etat voyou”, avec lequel personne n’a le droit d’entretenir des relations simples ou privilégiées, sous peine de mesures de rétorsion. C’est bien sûr l’option stratégique que contestent, chacun à leur manière, Parsi et Baer, en suggérant une autre politique vis-à-vis de Téhéran. Mais nous n’en sommes pas encore là. Un simple coup d’oeil sur la carte permet de constater que l’Iran est la pièce géographique centrale de cet espace stratégique que les Américains nomment le “Grand Moyen Orient” et qui correspond à l’USCENTCOM. Le “Grand Moyen Orient” constitue donc l’aire centrale du “Vieux Monde”: il a tout à la fois une dimension continentale et une dimension maritime; il relie les ressources de l’Asie centrale tellurique   —qui fut d’abord la périphérie septentrionale et régénératrice des empires iraniens de l’antiquité puis le glacis avancé de l’Empire russe et de l’URSS—  à la côte de l’Océan Indien. En ce sens, il est bien le “milieu du monde” et non plus simplement la “Terre du Milieu”, telle que l’avait théorisée Halford John Mackinder à partir de 1904. En paraphrasant ce dernier, on pourrait dire que “la puissance qui contrôle, directement ou indirectement, ce ‘milieu du monde’, contrôle le monde entier”.

 

Pour les Etats-Unis, c’est une question vitale: s’ils ne contrôlent pas ce ‘milieu du monde’ et les hydrocarbures (et accessoirement le “Cotton Belt” ouzbek) qu’il recèle, ils seront relégués dans leur “Nouveau Monde”, avec, en sus, une Amérique latine qui branle dans le manche. Cette “relégation” constituerait un recul définitif et une implosion à terme. Le chaos sur la moitié sud du “Grand Moyen Orient” fait office de verrou et attire l’attention de toutes les puissances eurasiennes qui, du coup, cherchent à l’effacer en priorité sans tenter outre mesure de “prendre la mer” ou d’entretenir des rapports plus privilégiés avec une Europe (endormie), une Afrique, dont la façade atlantique est convoitée par les Etats-Unis, ou une Amérique latine qui cherche la diversification. Le chaos sur le rimland, de la Palestine à l’Indus, sur le territoire même de l’Empire d’Alexandre, freine justement cette volonté générale de diversification des échanges qui est le volet concret d’une volonté de “multipolarité”, exprimée surtout par la Chine. Il est dès lors patent que la puissance qui cherche à être l’hegemon unipolaire tente tout ce qui est en son pouvoir pour retarder au maximum l’avènement d’une telle multipolarité; une fois de plus, nous voilà ramenés à l’oeuvre immortelle de Carl Schmitt: les puissances anglo-saxonnes, disait-il, sont des puissances “retardatrices” de l’histoire et, parfois, dans leur travail incessant de “retardement”, elles en deviennent les “accélératrices contre leur volonté” (“Beschleuniger wider Willen”). Car elles génèrent aux multiples niveaux globaux ou continentaux des réactions collectives, des antagonismes nouveaux qui, pour triompher, surmontent nécessairement des antagonismes anciens, de dimensions locales ou infra-continentales (“petites-nationalistes” disait Jean Thiriart).

 

“Etat voyou” à éliminer pour asseoir définitivement l’hégémonie américaine sur le “milieu du monde” ou nouvel allié potentiel pour arriver au même but, l’Iran reste important parce qu’il constitue l’aire géographique centrale de la région couverte par l’USCENTCOM. Mais si d’aventure les suggestions de Parsi et de Baer trouvaient quelques oreilles attentives chez les stratégistes du Pentagone, alors quelle latitude les Etats-Unis laisseraient-ils à un Iran qui serait subitement réhabilité? Le contentieux irano-américain depuis les crocs-en-jambe infligés au Shah dès la présidence de Kennedy jusqu’aux querelles de prestige avec Ahmadinedjad repose essentiellement sur deux faisceaux de motifs: 1) le nucléaire; 2) la puissance militaire. Les services américains ont fabriqué la révolution iranienne, à dominante fondamentaliste, parce qu’ils voyaient d’un mauvais oeil le Shah acheter des parts substantielles d’EURODIF, l’agence européenne du nucléaire. Un Iran fort de ses rentes pétrolières et indépendant sur le plan énergétique grâce au nucléaire aurait retrouvé la puissance perse d’antan. Inacceptable car alors le “milieu du monde” n’aurait jamais plus été digérable par l’hegemon américain. Quant à la puissance militaire iranienne potentielle, reposant certes sur de gros bataillons d’infanterie mais aussi sur une aviation performante et sur une marine dotée de capacités d’intervention dans le Golfe, elle aurait géné les Américains et leurs alliés de la rive arabe du Golfe. En effet, par sa masse même, elle aurait fait peser la balance de son côté. La politique réelle des Américains est d’empêcher le constitution et la consolidation d’armées puissantes dans la zone du “milieu du monde”, car elles créeraient, le cas échéant, un hégémonisme régional ou, pire pour les Américains, pourraient s’allier à une puissance impériale eurasienne et lui offrir une façade sur l’Océan Indien. Depuis 1978, l’objectif a donc été de neutraliser l’armée du Shah, d’affaiblir ensuite l’armée de la République Islamique en utilisant pour l’étriller celle de Saddam Hussein pendant huit longues années et, enfin, de détruire lors de la première Guerre du Golfe de 1991, l’armée irakienne victorieuse des Iraniens mais rudement malmenée. Briser les armées de ces pays équivaut à créer le chaos sur la portion du “rimland” qu’ils occupent. Réhabiliter l’Iran, comme le voudraient Parsi et Baer, reviendrait à remettre en selle la doctrine Nixon d’un Iran allié aux Etats-Unis et hissé au rang de gendarme de la région. Mais ce retour à la doctrine Nixon serait simultanément la négation de toutes les autres politiques suivies depuis Kennedy et Carter, dans un but précis: affaiblir le pays pour qu’il ne retrouve plus jamais sa vocation impériale antique, sous quelque signe que ce soit.

 

La création et l’entretien de ce chaos relèvent forcément d’une stratégie globale, dont l’un des leviers est le fondamentalisme musulman. En effet, ni le Shah ni Saddam Hussein ne toléraient, sur les territoires où s’exerçait leur souveraineté, l’éclosion de réseaux de cette obédience: c’est là un fait historique patent qui nous permet d’affirmer que tous ceux qui, dans les milieux politiques non conformistes, chantent les louanges de l’un ou l’autre de ces fondamentalismes générateurs de chaos, ou leur apportent un soutien quelconque, font le jeu de Washington, car Washington a créé ce fondamentalisme pour installer un chaos permanent qui va uniquement dans le sens des intérêts américains.

 

Cette volonté d’assurer une hégémonie par le truchement d’un chaos permanent démontre bien clairement que les Etats-Unis agissent là comme une puissance foncièrement étrangère à l’espace eurasien ou grand-moyen-oriental. Ce chaos, et les cortèges d’horreurs qu’il entraîne, n’émeuvent pas l’Amérique outre mesure: la barrière des océans la sépare de ces aires de convulsions qu’elle a contribué à créer. Tous les débordements territoriaux éventuels de ces effroyables dissensus n’affecterait que des puissances tierces et limitrophes du “Vieux Monde”. De ce fait, seules des puissances effectivement étrangères à l’espace artificiellement “chaotisé” peuvent appliquer une telle stratégie. Mais celle-ci trahit une absence totale d’empathie que n’aurait pas un voisin, fût-il l’ennemi héréditaire le plus ancien et le plus tenace. Car tout voisin peut subir à terme les retombées d’un chaos indéfini qui sévit à ses portes. La puissance étrangère à l’espace délibérément “chaotisé”, elle, n’a pas ce souci. Les effets du chaos ne se ressentent pas sur son territoire.

 

Pour revenir aux événements d’Iran, postérieurs à mes conférences de Lille, Genève et Metz, les  agences médiatiques internationales, téléguidées depuis Washington, ont tenté de déstabiliser Ahmadinedjad à la suite des récentes élections iraniennes. Elles évoquent une “fraude électorale” au détriment du candidat de l’opposition, Moussavi. La tentative de générer à Téhéran une “révolution orange”, sur le modèle ukrainien de fin 2004, avait sans doute pour but de créer un Iran “acceptable” et d’appliquer à cet “Etat rénové”, ayant derechef perdu son statut de “voyou”, la politique préconisée par Parsi et Baer. Cette nouvelle politique pro-iranienne de Washington ne peut aller dans le sens des voisins de l’Iran: ni l’Arabie Saoudite, sunnite et wahhabite et ennemie jurée du chiisme duodécimain iranien, ni la Russie qui y verrait une menace sur l’emprise qu’elle conserve sur les ex-républiques musulmanes et turcophones d’Asie centrale, ni la Chine qui y verrait effectivement un verrou pour ses désirs de projection pacifique vers l’Océan Indien. La logique eurasienne du Groupe de Changhai, consubstantiel à l’espace circum-iranien, se heurte ici, avec beaucoup de chances de triompher, à la logique interventionniste américaine, totalement étrangère à l’espace des rimlands et du coeur de l’Eurasie.

 

Et l’Europe dans tout ça, me demanderez-vous? Eh bien, l’Europe doit se projeter selon l’axe diagonal de Rotterdam à l’Inde et à l’Indonésie, axe de projection que nous avons préconisé dès le milieu des années 80, comme l’attestent plusieurs articles des revues “Vouloir” et “Orientations”, ainsi qu’une carte, dessinée par nos soins, imprimée dans le numéro 7 d’ “Orientations” (1986). Cette fois, non plus dans un rapport incertain avec une Russie communiste ou dans une attitude sceptique à l’égard de la logique binaire des blocs, mais dans un souci d’harmonie eurasienne, en accord avec la Russie, l’Inde, la Chine et le Japon. Cette projection diagonale a pour centre l’Iran. Nous revenons donc à l’essentiel de notre démonstration géopolitique, explicitée dans cet entretien.

 

 

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dimanche, 05 juillet 2009

H. Diwald: Der Kampf um die Weltmeere

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Der Kampf um die Weltmeere


S. 215 – 224 - Ex: http://www.hellmutdiwald.de

Die Linien
Das Ungeheuer Francis Drake
Die Achillesferse Spaniens
Vom Räuber zum Ritter

Die Linien

„Das Ringen der Mächte spielte sich in zwei verschiedenen Bereichen ab. Während des Dreißigjährigen Krieges im 17. Jahrhundert pendelte sich in Europa ein gewisses Religionsgleichgewicht ein. Neben der christlich-katholischen Ordnungsidee hatte sich der protestantische Sonderanspruch durchgesetzt und war akzeptiert worden. Außerhalb der Territorialregelungen der Friedensschlüsse wurde auch die Protestantenforderung nach Freiheit der Meere gelten gelassen - allerdings lediglich imaginär. Durch den atlantischen Ozean wurden gedachte Linien gezogen, an denen der Raum des europäischen Staatensystems völkerrechtlich endete. Jenseits dieser Linien verlor das zwischenstaatliche öffentliche Recht, das sich zu jener Zeit in Europa entwickelte, seine Verbindlichkeit.

Die Linienregelung geht dem Prinzip nach zurück auf den Vertrag von Cateau-Cambresis des Jahres 1559 zwischen Spanien und Frankreich. Was die Territorialbestimmungen betrifft, so handelt es sich bei diesem Friedensschluß um die Besiegelung einer empfindlichen französischen Niederlage. Der Text der Vereinbarung läßt keinen Zweifel daran. Frankreich muß auf seine italienischen Ansprüche verzichten und das Herzogtum Savoyen herausgeben. Der Vertrag enthält allerdings kein Wort von den mündlichen Absprachen, die während der Verhandlungen getroffen wurden: Die Friedensvereinbarungen besitzen nur für Europa Geltung, nicht aber für die Bereiche der Meere. Dort, jenseits von Europa, entscheiden nach wie vor die Waffen, entscheidet die maritime Kriegsmacht über Herrschaft und Besitz; die Kämpfe, zu denen es dabei kommen werde, wirken sich in keiner Weise auf das Verhältnis der beiden Staaten in Europa aus.

Die imaginären Linien, die durch das Meer gezogen wurden, waren sowohl Freundschafts- als auch Feindschaftslinien. Letzten Endes handelte es sich dabei um eine Abwandlung der Demarkationen, welche die Päpste vorgenommen hatten. Die neuen Linien grenzten lediglich den europäischen Landraum genauer von dem ozeanischen Freiraum ab, in dem kein Recht, keine Ordnung, kein Gesetz galt und in dem die Seefahrernationen einander bekämpften, als hätte es seit den prähistorischen Zeiten nie etwas anderes gegeben als das nackte Faustrecht. Daß dieser Kampf von Europa ausging, daß er die Form war, in der Europa eine unerhörte Expansion vollzog - die gewaltigste aller Expansionen der Weltgeschichte -, das legte trotz der Brutalität des ganzen Prozesses den hohen Rang Europas bis ins 20. Jahrhundert unwiderruflich und in historisch unvergleichlicher Form fest.

Durch die Ausgrenzung des Kampfgebietes vermittels Festlegung von Zonen, in denen vertragliches Recht galt, beziehungsweise nicht galt, sprach die europäische Welt ihrer Rechtsordnung nur in den bisher vertrauten, alten Bereichen Gültigkeit zu, sie billigte die Existenz einer »Neuen Welt« als eines Freiraums des gewaltsamen Zugriffs. Sie würden erst dann zu Objekten des europäischen Völkerrechts werden, wenn der Kampf um sie entschieden war. Solange dieser Zeitpunkt ausstand, hielt sich der Brauch der »Freundschaftslinien«. Im Süden verliefen sie entlang des Wendekreises des Krebses oder des Äquators, im Westen hielten sie sich an den Längengrad durch die Kanarischen Inseln oder die Azoren. Gelegentlich wurden sie sogar amtlich festgelegt - und damit ein Sachverhalt offiziell anerkannt, den es offiziell nicht gab. Der Widersinn dabei beruht darauf, daß an diesen Linien die Gültigkeit des europäischen Rechts endete und jenseits davon der Raum des gesetzlosen Kampfes um die Weltmeere, die Freiheit des Faustrechts begann. Ob in Europa zwischen den Seerivalen Frieden herrschte oder nicht: Jenseits »der Linie« lagen die Überseeräume der Gewalt. Der britische Seeheld Francis Drake gab dafür die Parole aus, eine Formel von welthistorischem Gewicht und drakonischer Kürze: »No peace beyond the line!- Kein Friede jenseits der Linie! «

Unter den Wahrzeichen der religiösen und sittlichen Begründungen von Rechts- und Unrechtsbestimmungen ist diese Linienabgrenzung etwas Ungeheuerliches. Sie beglaubigt die Existenz einer doppelten Moral und relativiert dadurch sowohl ihre christlich unterbaute als auch innerweltlich postulierte Unbedingtheit. Wie sollte ein gläubiger, ein sittlicher Mensch begreifen, daß sich christliche Herrscher dazu verstehen, für den unabsehbaren Raum des Ozeans die Barbareien und Ruchlosigkeiten eines Naturzustandes primitivster Art gelten zu lassen und sich gleichzeitig für den europäischen Kontinentalbereich auf das Gegenteil zu einigen? Wie ließ es sich rechtfertigen, die Meere als ein Reich der Anarchie auszugrenzen? Waren die Unterschiede zwischen Recht und Unrecht, Gut und Böse eine Frage der Geographie? Von solchen Zweifeln wurde der große Philosoph Pascal zu dem Seufzer hingerissen: »Die fundamentalen Gesetze wechseln. Ein Meridian entscheidet über die Wahrheit. «

So sah die eine Seite der Medaille aus. Die andere Seite bestand darin, daß durch die Linien-Übereinkunft die europäische Ordnung entscheidend stabilisiert wurde. Die Demarkationen verhinderten eine Zersetzung der Vertragsregelungen durch die rohe Willkür im Freiraum der See. In der Praxis bedeutete die »Freiheit der Meere« eine totale Befreiung von Recht, Moral und Gesetz; sie bedeutete aber genauso eine Rettung der innereuropäischen Ordnung, sie verhinderte hier den Rückfall in die Barbarei vorzivilisatorischer Zustände.

Das Ungeheuer Francis Drake

Am leidenschaftlichsten wurde diese Übereinkunft von England befürwortet. Das Königreich war damals der schwächste Partner in dem exklusiven Kreis der Seefahrernationen, und vielleicht erkannten gerade deshalb die britischen Staatsmänner und Herrscher besonders früh, daß England daraus den größten Nutzen ziehen konnte. Seine Piraten hatten fast ausnahmslos nichts anderes im Sinn, als in den Freiräumen der Meere Beute zu machen. Aber diejenigen von ihnen, die immerhin Anflüge von Format besaßen, achteten sorgsam darauf, daß ein hoher Prozentsatz des Geraubten am Königshof abgeliefert wurde - manchmal war es fast die Hälfte.

Das englische Freibeutergewerbe wurde erstmals von John Hawkins auf einen bemerkenswerten Stand gebracht. Er entstammte einer Familie von Kaufleuten und Schiffseignern aus Plymouth. 1562, 30 Jahre alt, segelte er mit einer Dreierflottille zu seiner ersten Fahrt nach Afrika. An der Sierra Leone überfiel er portugiesische Schiffe, raubte dreihundert Negersklaven und verkaufte sie mit riesigem Gewinn in Haiti. Königin Elisabeth I. wußte offiziell nichts von dieser Fahrt, was sie aber nicht hinderte, höchst offiziell die prachtvollen Perlen zu tragen, die ihr Hawkins aus Westindien mitbrachte.

1566 wurde John Hawkins von einem jungen Mann besucht, einem entfernten Verwandten seiner Familie. Dieser Francis Drake hatte sich kürzlich unter Kapitän John Lovell an einer Fahrt nach Mexiko beteiligt; sie war ein katastrophaler Mißerfolg gewesen, die Engländer wurden von den Spaniern völlig ausgeraubt. Von dieser Fahrt brachte Francis Drake vollendete seemännische Kenntnisse und einen maßlosen Haß auf die Spanier mit.

Hawkins bereitete für das folgende Jahr eine neue Kaperexpedition vor. Im Oktober 1567 lichteten sechs Schiffe die Anker. Das Flaggschiff »Jesus von Lübeck«, 700 Tonnen groß, hatte Königin Elisabeth dem Flottillenchef Hawkins selbst zur Verfügung gestellt; sie war an dem Unternehmen noch mit einem zweiten Schiff, der »Minion«, beteiligt. Francis Drake befehligte eine kleine Barke von 50 Tonnen, die »Judith«. An der Guineaküste erbeuteten die Engländer 500 Sklaven und segelten mit ihnen nach Amerika. Die Fahrt war ein halber Rachezug, denn sie liefen die Hafenstadt Rio de la Hacha an, in der Kapitän Lovell und Drake 1565 ausgeplündert worden waren. Als die Spanier jeden Handel mit den Engländern ablehnten, landete ein Kommando zu einem Plünderungszug, anschließend wurde die Stadt beschossen. Erst jetzt erklärten sich die Bewohner bereit, die Sklaven abzukaufen. Auf der Rückfahrt kamen die Schiffe in ein schweres Unwetter, das Flaggschiff schlug leck, Hawkins und Drake mußten in San Juan de Ulloa bei Veracruz Schutz suchen. Am nächsten Tag fuhren dreizehn spanische Geleitschiffe in den Hafen ein. Hawkins und der spanische Befehlshaber vereinbarten ein neutrales Verhalten. Wenig später brachen die Spanier jedoch das Abkommen, eröffneten das Feuer auf die britischen Schiffe und töteten jeden Engländer, der sich an Land befand. Hawkins und Drake konnten zwar vier Spanier in den Grund bohren, verloren aber selbst die »Jesus von Lübeck« und drei weitere Schiffe; nur die »Minion« und die »Judith« retteten sich, schwer beschädigt, aufs offene Meer. Drake erreichte am 20. Januar 1569 Plymouth, seine »Judith« kroch mehr in den Hafen als daß sie segelte. Eine Woche später erreichte auch Hawkins die Küste von Cornwall. Die »Minion« war in einem so jämmerlichen Zustand, daß er sie von hier nach Plymouth schleppen lassen mußte.

Das Mißgeschick der beiden Korsaren wurde in England als eine quasi öffentliche Demütigung empfunden. Hawkins und Drake, die sich genaugenommen nur hatten übertölpeln lassen, unterstützten diese Meinung durch kräftige Klagen über die Wortbrüchigkeit der Spanier. Der königliche Hof zeigte lebhaftes Verständnis für diese Version, denn durch den Verlust der »Jesus von Lübeck«, durch die unerfüllte Hoffnung auf ihren Anteil an der Beute und die havarierte »Minion« war auch Elisabeth I. geschädigt worden. Bei Hawkins hielten sich Rachegefühl und Resignation die Waage, Drakes verletzter Stolz dagegen ließ keine andere Empfindung zu als Haß.

Sein nächstes Unternehmen bereitete er außerordentlich gründlich vor. 1570 segelte er mit zwei kleinen Schiffen zu einer Erkundungsfahrt nach Westindien. Drake war zwar inzwischen in die Königliche Marine aufgenommen worden, doch die Expedition unternahm er auf eigene Faust, ebenso eine zweite Rekognoszierungsfahrt mit nur einem Schiff im darauffolgenden Jahr. Er lernte die Inseln der Karibik, die Küste Südamerikas, die Strömungen, Untiefen und Windverhältnisse, die Schlupfwinkel und versteckten Naturhäfen so gut kennen, als wäre er dort aufgewachsen. Drake wußte jetzt auch bis in die Einzelheiten, wie die spanischen Galeonen mit Gold beladen wurden, wie ihr Geleitzugsystem funktionierte, wie die Schatzschiffe gesichert wurden. Im Jahre 1626, dreißig Jahre nach dem Tod von Francis Drake, veröffentlichte einer seiner Neffen einen Bericht über das Unternehmen, zu dem Drake 1572 mit nur zwei Schiffen aufbrach. Die Notizen erschienen unter dem Titel »Sir Francis Drake redivivus fordert dieses stumpfsinnige und verweichlichte Zeitalter auf, seinen noblen Schritten nach Gold und Silber zu folgen«.

Die »noblen Schritte nach Gold und Silber« des Kapitäns Drake machten seinen Namen binnen wenigen Monaten in ganz Europa berühmt und berüchtigt. Es war eines der verwegensten Projekte der ganzen Epoche, würdig auch des Beinamens, mit dem Königin Elisabeth inzwischen von spanischen und französischen Diplomaten ausgezeichnet wurde: »Perfide, freche Jezabel des Nordens«. Und wirklich mehr als frech - sofern dieses Wort die Drakesche Expedition treffend charakterisiert - war seine spektakuläre Kaperfahrt, zu der er im Mai 1572 auslief.

Die Besatzung hatte Drake ausnahmslos aus Freiwilligen zusammengestellt, aus blutjungen Seeleuten, insgesamt 73 Mann. Ein volles Jahr trieb sich Drake mit ihnen an der Nordküste Panamas herum, überfiel Städte und Garnisonen, kaperte Fregatten, lieferte sich Gefechte mit spanischen Truppen, tauchte blitzschnell und völlig unerwartet auf, landete einen Coup und verschwand ebenso rasch, als hätte ihn die See verschluckt - offensichtlich ein ebenso genialer wie verrückter Abenteurer, der es nur darauf angelegt hatte, seinen Hals zu riskieren, aber mit dem Teufel im Bunde sein mußte, weil er jeder Falle entschlüpfte.

Verrückt mußte er deshalb sein, weil er auf eigene Faust, aber namens angemaßter Stellvertretung des kümmerlichen Inselkönigreiches England, die Weltmacht Spanien zu attackieren wagte, vielmehr: Ein einzelner Mann mit zwei kleinen Schiffen und einem Haufen verwegener Burschen führte Krieg gegen den spanischen König, gegen den faktischen Herren der Welt in dieser Zeit. Die Hälfte von Drakes Raubzügen schlug fehl, endete ganz anders als geplant, aber sein jähes Hervorbrechen und urplötzliches Verschwinden, die Tollkühnheit seiner Angriffe mit wenigen Männern, die Unverschämtheit, mit der er sowohl an Land als auch auf See alles überfiel, was ihm einen Versuch wert zu sein schien, festigte seinen Ruf bei den Spaniern: Der Einzelgänger Drake war kein normaler Kapitän, sondern ein Ungeheuer des Meeres. Dementsprechend wurde sein Name spanisch abgewandelt: »El draque — der Drache«. Soweit es die Mischung aus Bewunderung und Wut betraf, die darin lag, glaubte auch Drake selbst an seine »Ungeheuerlichkeit«, denn er war maßlos eitel auf seine Tollkühnheit und seemännische Überlegenheit und hatte unstreitig auch ein gewisses Recht dazu.

Sein Hauptziel war es, einen der großen Silber- und Goldtransporte, die von Peru über Land nach Panama zum Hafen Nombre de Dios gingen, zu überfallen. Ein erster Versuch mißglückte, der zweite wurde ein voller Erfolg. Der Transport bestand aus fast zweihundert Packtieren; um die ganze Beute fortzuschleppen, war die Zahl der Engländer zu gering, sie beschränkten sich deshalb auf das Gold. Anfang August 1573 fuhren die Schiffe Drakes in den Hafen von Plymouth ein, schwer beladen mit einer ungeheuren Beute.

Die Achillesferse Spaniens

England jubelte, Spanien schäumte vor Zorn, Francis Drake lachte - und plante das nächste Piratenstück, ein Projekt, das alles bisher Dagewesene in den Schatten stellte. Daß er, der Seemann, die Geldtransporte nach Panama an Land überfallen mußte, paßte so zu ihm, als wäre ein Hai gezwungen, außerhalb des Wassers zu jagen. Die Konvois über den Atlantik waren schwer bewacht; ein Überfall im Alleingang hatte von vornherein keine Aussicht, nur mit einem größeren Schiffsverband war ein erfolgreicher Angriff möglich. Dazu aber konnte sich die Königin nicht entschließen, England fehlte noch bei weitem die maritime Macht, um Spanien offen herauszufordern, so stetig Elisabeth I. auch die Flotte vergrößern ließ.

Andererseits handelte es sich bei dem Verbindungsweg zwischen der Karibik und dem iberischen Mutterland um den Lebensnerv des spanischen Weltreichs. Der gesamte Staatsschatz hing völlig von den Silber- und Goldtransporten über den Atlantik ab; wenn dieser Zustrom versiegte oder auch nur kurze Zeit unterbrochen wurde, konnten die Truppen in den Niederlanden nicht besoldet, die neuen Schiffe nicht gebaut, die europäische Politik Spaniens nicht fortgeführt werden. In der Karibik und in Peru, das die größten Goldvorräte besaß, befand sich die Achillesferse Spaniens. Drake erreichte eine Audienz und entwickelte der Königin seinen Plan. Das Edelmetall aus den Minen Perus wurde zu den Häfen der Pazifikküste Amerikas gebracht und dort auf die Schatzschiffe verladen, die nach Norden in den Golf von Panama fuhren. Hier wurden die Lasten auf Maultiere umgeladen und über die Landenge zu den karibischen Häfen transportiert, um dann an Bord der Schiffe nach Europa zu kommen. Drake hatte vor, durch eine Umsegelung Südamerikas in den Pazifik vorzudringen. Die Durchquerung der Magellanstraße war zwar nach dem Bericht Pigafettas das Entsetzlichste, was Seefahrer durchmachen könnten, aber er, Drake, schrecke vor nichts zurück. Auf der pazifischen Seite würde er dann in dem gewaltigsten Raubzug, den die Piratengeschichte kannte, die Schiffe des spanischen Königs ausplündern.

Elisabeth I. hungerte kaum weniger nach Gold als Drake. Der Plan versetzte sie in helle Begeisterung, sie versicherte Francis Drake, daß er ihre volle Unterstützung erhalten werde, und sie würde sich an dem Unternehmen auch finanziell beteiligen; offiziell könne und dürfe sie allerdings mit der Piratenfahrt nichts zu tun haben, besonders weil im Augenblick das Verhältnis Englands zu Spanien aufmerksamer denn je gepflegt werden müsse. Drake hatte für alles Verständnis, er wollte nichts weiter, als mit stillschweigender königlicher Rückendeckung seine Schiffe ausrüsten und schnellstens aufbrechen. Die Vorbereitungen wurden nicht eigens getarnt, um keine Neugier und keine Gerüchte zu wecken. Drake wußte, daß er seine Pläne am sichersten geheimhielt, wenn er möglichst offen vorging. Am 15. November 1577 verließ er mit fünf Seglern England.

Drakes Fahrt ähnelte in vielem dem Unternehmen Magellans, allerdings nur in nebensächlichen Dingen; beide brachen mit fünf Schiffen auf, beide mußten Meutereien niederschlagen, beide verloren Schiffe in Stürmen, beide Expeditionen endeten damit, daß nur ein einziges Schiff in den Heimathafen zurückkehrte. Drake durchquerte die Magellanstraße in der erstaunlich kurzen Zeit von sechzehn Tagen, mit drei Schiffen erreichte er im Herbst 1578 den Pazifik, verlor in einem wochenlangen Sturm zwei weitere Schiffe und segelte schließlich allein mit seinem Flaggschiff »Golden Hind« nach Norden.

Mit einem Überfall Valparaisos begann sein beispielloser Kaperzug. Er lief in den Hafen ein, plünderte die Stadt, raubte die Kirchen aus und überholte dann in aller Ruhe das Schiff, ergänzte die Vorräte und lag auf der Reede, bis sich die Mannschaft von den Strapazen erholt hatte. Während der nächsten fünf Monate segelte er ohne Hast die Küste entlang nach Norden, systematisch die Hafenstädte plündernd, über eine Strecke von mehr als 3000 Kilometer bis Lima. Die Stadt war der zentrale Stapelplatz für die Schätze Perus. Im Hafen ankerten zwölf große spanische Schiffe, die Kapitäne fühlten sich so sicher, daß die ganze Takelage an Land war; kein Mensch rechnete mit einem Überfall. Drake hatte kaum jemals so leichte Beute gemacht und noch nie in solchen Dimensionen.

In Lima erfuhr er, daß vor kurzem eine besonders große Galeone mit vielen Tonnen Silber, Gold und Schmuck nach Panama gesegelt war; das Schiff war allerdings schwer bestückt. Drake setzte dem Spanier sofort nach, holte ihn knapp jenseits des Äquators ein und konnte ihn trotz seiner Geschütze und der starken Besatzung entern. Außer Gold und Silber befanden sich unter Deck dreizehn Truhen mit Schmuck, Edelsteinen und anderen Kostbarkeiten.

Drake dehnte seinen Piratenzug bis nach Mexiko aus, als Beute nahm er jetzt nur noch Gold und Perlen mit. Den Nordkurs hatte er deshalb eingeschlagen, weil er den amerikanischen Kontinent nach einer Nordwestpassage absuchte. Er drang bis zum 48. Breitengrad vor. Auf der Höhe der Insel Vancouver gab er das Projekt auf, überquerte im Gefolge Magellans den Pazifik, erreichte die Molukken, wurde von den Herrschern freundlich empfangen, belud den restlichen Laderaum seiner »Golden Hind« mit den kostbarsten Gewürzen und nahm endlich Kurs in die Heimat, quer durch den Indischen Ozean und seine Stürme, um das Südkap Afrikas und durch den Atlantik vorbei an den Azoren. Im Herbst 1580 tauchte die »Golden Hind« vor Plymouth auf, zerlumpt und abgerissen wie ihre Besatzung, ein jämmerliches Schiff, doch bis über den Freibord beladen mit einem ungeheueren Schatz: die »Golden Hind«, der berühmteste Segler der Epoche.

Vom Räuber zum Ritter

Niemand hat nach so langer Zeit noch mit der Rückkehr Drakes gerechnet. Der Hafenkommandant von Plymouth begrüßt das Schiff mit Salutschüssen, die Stadt taumelt vor Begeisterung, der Jubel brandet über das Land, die Nachricht von Drakes Ankunft erreicht London in der Nacht, die Menschen rütteln sich gegenseitig wach, sie strömen auf die Straße, auch die Königin wird im Palast von St. James geweckt, sie wirft ein Neglige über, trommelt ihre Räte zusammen - so wird erzählt - und stammelt ihnen die Nachricht entgegen: »Drake ist zurück, er hat die Welt umsegelt!« Dabei rinnen Tränen über ihre Wangen. … „

vendredi, 03 juillet 2009

Geopolitieke implicaties

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SYNERGON
ONS LEVEN (LEUVEN) / VOULOIR (BRUSSEL)
DECEMBER 1999


GEOPOLITIEKE IMPLICATIES


De humanitaire aspecten van de NAVO interventie boven Joegoslavië werden buitensporig benadrukt. De toelichting van de strategische motieven van de NAVO was karig, vaak zelfs het monopolie van een doorgaans met de marginaliteit flirtende linkerzijde (Michel Collon, Lucas Catherine,Š). Zondermeer een betreurenswaardige gegeven, het betreft hier immers essentiële informatie de onontbeerlijk is voor een goed begrip van het conflict én de interventiereden. Vertrekkende bij de scherpe analyse die prof. em. Erik Suy in het begin van dit academiejaar in OL formuleerde (OL, oktober ¹99), gaan we dieper in op enkele strategische en geopolitieke aspecten van de Kosovo-crisis en van de NAVO strategie in het algemeen. Wij danken in dit verband dhr. Robert Steuckers (zie kader) voor het ter beschikking stellen van de tekst van het referaat dat hij hield op de conferentie over de oorlog in Joegoslavië georganiseerd door de Lega Nord (Milaan, 6 mei 1999). Onderstaande teksten zijn een onderdeel van dit referaat.

Beroepshalve is Robert Steuckers vertaler-tolk. Sinds een vijftiental jaar leidt hij in Brussel zijn eigen vertaalbureau. Maar Steuckers is ook een veelzijdig intellectueel met op zijn actief ettelijke publicaties in binnelandse en buitenlandse tijdschriften. Sinds midden jaren tachtig geeft hij het hoogstaande tijdschrift ŒVouloir¹ uit. Begin jaren negentig was hij wetenschappelijk medewerker bij de totstandkoming van de ŒEncyclopédie des oeuvres Philososphiques¹, een driedelig standaardwerk uitgegeven bij de Presses Universitaires de France. Maar ondanks deze veelzijdige bedrijvigheid blijft de studie van de geopolitiek één van zijn specialiteiten, hij is dan ook een veelgevraagd spreker op diverse colloquia over dit onderwerp. (m.v.)
 
 

   Erik Suy legde eerder dit academiejaar de vinger op de wonde. De interventie van de NAVO boven Joegoslavië kenden andere dan Œhumanitaire¹ gronden. Onder de wankele rechtsgrond waarop de hele operatie gelegitimeerd werd ­ de zogenaamde doctrine van humanitaire interventie -, houden zich een aantal strategische belangen schuil. Suy noemt twee belangrijke redenen van tussenkomst, we halen ze even kort aan.

   De scharnierfunctie die het Kosovaars gebied in het transport van grondstoffen uit de Kaukasus en het gebied van de Kaspische Zee  vervult was voor de V.S. een goede reden om een gedreven lobbywerk voor de interventie te ontplooien. Voor de V.S. is Turkije een steunpilaar in hun Midden-Oostenpolitiek, en het vervoer van deze grondstoffen dient zoveel mogelijk via deze bondgenoot te verlopen. En land als Servië dat ondanks de Russische afvalligheid tijden de operatie ŒAllied Forces¹ nog tot de Russische invloedsfeer moet worden gerekend dient vanuit Amerikaans oogpunt te worden gemeden als de pest. De band tussen het elementair Amerikaans belang ­ over Europees belang is in deze geen sprake ­ en deze interventiegrond ligt voor de hand, minder duidelijk is dit met de tweede interventiereden die Suy aanhaalt: de insluiting van Rusland. Suy verwoordt het alsvolgt : ŒAls je een blik werpt op de kaart van Europa zie je dat de NAVO duidelijk aan het uitbreiden is, recent nog met Hongarije, Tsjechië en Polen. Meer naar het Oosten heb je dan nog Griekenland en Turkije en dan valt onmiddellijk op dat er een Œmissink link¹ is. De NAVO zit in Macedonië, Bosnië, Albanië en Kosovo, het opvullen van deze Œmissing link¹ dient om Rusland te omsingelen. Rusland voelt dat ook heel sterk aan (Š)¹. Deze strategie behoeft enige verduidelijking.

   In mei ¹99 organiseerde de Noord-Italiaanse separatistische partij ŒLega Nord¹ een conferentie over de Oorlog in Joegoslavië. Verschillende aspecten werden er belicht, zo ook de geopolitieke implicaties van het hele conflict. Het was onze landgenoot Robert Steuckers die deze taak op zich nam. Hij hield er een referaat dat inzicht verschaft in de strategische theorie die het insluiten van Rusland voorop stelt ; recent nieuw leven ingeblazen onder de weinig evidente benaming ŒNew Silk Road Land Bridge¹.
 

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ŒNew Silk Road Land Bridge¹

   Wat moet nu precies onder de complexe benaming ŒNew Silk Road Land Bridge¹ begrepen worden? Samenvattend kan men stellen dat het hier om een Amerikaanse politiek gaat die erin bestaat Rusland te omsingelen met een keten van bevriende staten en basissen, waardoor de continentale mogendheid die Rusland is geen toegang tot de Zuiderse zeeën van het Euraziatisch continent kan verwerven. Die insluiting zou tot stand komen door een barrière te leggen die in het Westen aan de Adriatische zee met een land als Albanië haar beginpunt kent om in het Oosten in China te eindigen. De vergelijking met de route die de Oosterse zijde ten tijde van Marco Polo aflegde om tot haar Westerse afnemers te komen leidde tot de hoger aangehaalde benaming van deze politiek.

   Hoe dient deze barrière er concreet uit te zien? Albanië zou er het beginpunt van uitmaken, maar ook de aanwezigheid op de Balkan moet tegen deze achtergrond beoordeeld worden. Het slavisch-Orthodoxe element ­ Servië - bevindt zich in de Russische invloedsfeer, daartegenover staat dan het Katholiek element ­ Kroatië ­ en het gematigd Moslim-element ­ de Bosnische moslims. Dat in deze heksenketel Servië zo klein mogelijk moet blijven, is vanuit Amerikaans oogpunt niet meer dan normaal. Na Albanië is Turkije ­ sinds mensenheugenis een strategische pijler van de NAVO ­ de volgende strategische post van de NSRLB. Verdere posten zijn Azerbeidjaan ­ recentelijk stelde dit land nog zijn grootste militaire basis ter beschikking aan de NAVO -,  Oezbekistan ­ onlang zei dit land haar overeenkomst met Rusland in het kader van het G.O.S. op -, Georgië en niet te vergeten Tsjetsjenië. Zeker dit land speelt een belangrijke rol in de olietoevoer uit het gebied van de Kaspische zee; een belangrijke pijplijn loopt dwars door Grozny. De strijd die Rusland er op het ogenblik van het schrijven van dit artikel met Tsjetsjeense rebellen voert gaat om meer dan banditisme georganiseerd door enkele Wahabiten. Verder naar het Noorden, in het gebied van de Oeral, moeten nog een tweetal republieken als onderdeel van de NSRLB beschouwd worden : Tartarstan en Bachkortostan.

   Zbigniw Brezinski, voormalig veiligheidsadviseur van president Carter, verduidelijkt in zijn boek ŒThe Grand Chessboard¹ een aantal aspecten van deze politiek van de NSRLB. De uitbreiding van zowel de Chinese als de Turkse invloedsfeer zouden belangrijke hefbomen zijn in de insluiting van Rusland. De Chinese invloedsfeer, zo meent hij, zou zich in de toekomst kunnen uitstrekken tot in Kazakstan. Een Turkse invloedsfeer van zijn kant zou een gebied van Tirana tot Oezbekistan kunnen bestrijken, een mogelijk toekomstbeeld waar Turkije reeds duchtig aan werkt. De Turkse invloed beperkt zich niet tot het gebied van de Turkse republiek. Een gebied van 200 miljoen Turkstalige inwoners ­ sinds een tiental jaar vrijgekomen uit de Sovjet-greep ­ wordt thans door Turkije bewerkt. De Turkse nationaliteit wordt er kwistig verspreidt alsook talrijke beurzen voor de universiteiten van Istanbul of  Ankara. Dat aan de Koerden en het terreurbeleid van Turkije tegen het autonomiestreven van dit bergvolk weinig aandacht wordt besteed kan gezien de strategie van de NSRLB niet echt verbazen. Een onafhankelijk Koerdistan zou zich zeker van Turkije afkeren en zich eerder naar Armenië ­ aan het begin van de eeuw slachtoffers van een Ottomaanse genocide ­ en Rusland keren, en dit past nu eenmaal niet in het raam van de politiek van de NSRLB. De recent goedgekeurde plannen om een nieuwe pijplijn voor ruwe aardolie te trekken tussen Bakoe aan de Zwarte Zee en Ceylan in Turkije loopt dwars door Koerdistan. Een intensief opererend PKK is dan ook weinig geliefd in dit gebied.

   Het zou echter fout zijn de politiek van de Russische insluiting te beschouwen als een voortzetting van de koude oorlog. Deze vindt zijn oorsprong in een eeuwenoud politiek gegeven, onder meer behandeld in de theorieën van John McKinder en Homer Lea.

   Het belangrijkste werk van McKinderDemocratic ideals and reality¹) dateert uit 1919, maar vooral de herdruk in 1942 zorgde voor een grote popularisering van zijn stellingen. Zijn beginpremisse is dat de glorietijd van zeemachten met een beperkte landbasis zoals Engeland ­ ŒThe British Empire¹ was nog een feit bij de eerste publicatie van zijn boek ­ voorbij is. De ontwikkeling van de verbrandingsmotor en van spoorwegen hebben het landgebied van het Euraziatisch continent open gelegd. En precies het kerngebied (Œheartland¹) van deze Euraziatische landmassa is voor deze zeemachten onbereikbaar. Aangezien alle noodzakelijke grondstoffen over land zouden kunnen worden aangevoerd zijn de continentale mogendheden ongevoelig voor eventuele zeeblokkades. Om dit voor de zeemogendheden nefast proces te vermijden, moet worden gestreefd naar een controle van het randgebied van dit Euraziatisch kerngebied, het zogenaamde Œrimland¹. Een concretisering van deze theorie naar de strategische positie van de V.S. komt neet op een beleid van omsluiting van Rusland, en wat anders is deze NSRLAB-politiek ?

   Zelfde teneur vinden we in de stellingen van Horner Lea terug. In zijn standaardwerk ŒThe day of the Saxons¹ geeft hij gestalte aan de Britse strategie van insluiting van het Russisch rijk, van de Bosporus tot aan de Indus. Rusland mocht volgens Lea geen controle verkrijgen over de Dardanellen ­ relevant is hier ook de Krimoorlog in het midden van de 19e eeuw -, zomin als ze de Caucasus of de lijn Teheran-Kaboul mogen overschrijden.

*
*  *
 

De rol van de fluviale wegen in de staatsvorming
 

   Eén van de NAVO-bombardementen die het meeste stof deed opwaaien veroorzaakte de vernieling van een aantal bruggen over de Donau. Het verkeer op de Donau werd hierdoor danig verstoord. Voor Bulgarije alleen al is sprake van een economische terugtred van meer dan 15%. Maar ook Oostenrijk en Duitsland ondervinden aanzienlijke hinder door de onmogelijk gemaakte doortocht.

   Veel te vaak wordt snel over het belang van fluviale wegen heen gegaan. Onterecht, want hun belang is een constante in de geschiedenis. Vergelijken we even de totstandkoming van Duitsland en Frankrijk. Zoals geweten slaagde Frankrijk erin om lange tijd voor sprake was van enige vorm van Duitse eenmaking tot een staatkundige entiteit te evolueren. Een aantal politieke verschillen lagen aan de basis van deze onderscheiden ontwikkeling, maar ook de praktische kant van deze totstandkoming mag niet uit het oog verloren worden. Een blik op de fluviale kaart spreekt boekdelen. In Frankrijk valt onmiddellijk de centrale ligging van Œile de Françe¹ op. Door de fluviale constitutie van Frankrijk ­ verschillende belangrijke rivieren komen toe in Œile de Françe¹ - is het mogelijk via de waterwegen het land onder gemeenschappelijk bestuur te brengen. Duitsland geeft een totaal ander beeld. De meeste belangrijke waterwegen lopen er van Noord naar Zuid, wat het samenbrengen onder een centraal bestuur sterk bemoeilijkt. Deze constitutie verklaart de interesse die vele Duitse leider in de loop der eeuwen getoond hebben voor een goed ontwikkeld netwerk van kanalen die deze belangrijke natuurlijke waterwegen zou kunnen verbinden. Rusland vertoont een beeld dat sterk bij dat van Duitsland aanleunt. De bouw van kanalen en  de transsiberische express moest deze moeizaame Oost-West mobiliteit vergemakkelijken. Deze toegenomen mobiliteit schraagde de theorieën van o.m. McKinder.

   Maar laat ons terugkeren naar de Donau. In zijn politiek testament (1752) roept de Duitse econoom Friedrich List op Europa, maar in het bijzonder Duitsland, te voorzien van een goed functionerend netwerk van kanalen. Zijn bijzondere aandacht gaat naar de Donau. Met klem dringt hij aan op het graven van een kanaal dat de Main met de Donau zou verbinden, een project dat slechte enkele jaren geleden zijn ontwikkeling kende. Dankzij dit recente kanaal kan via de Europese waterwegen Rotterdam met Constanza (Roemenië) verbonden worden. Anders gezegd : ieder transport van de Noordzee tot aan de Zwarte zee kan via Europese binnenwateren gebeuren, zonder dat beroep moet worden gedaan op de zeewegen van de Middellandse Zee.

   Het transeuropees transport langs de Donau is altijd een nachtmerrie geweest van de zeemogendheden, eerst Groot-Brittannië, maar inmiddels ook de V.S.. In 1801 vroeg de Russische Tsaar Paul I aan Napoleon Bonaparte troepen te sturen naar de Zwarte Zee om via Perzië een aanval uit te voeren op de Britse bezittingen in Indië. De Donau, zonder welke dit transport niet mogelijk zou zijn, zou hierbij een substituut zijn voor de Middellandse Zee, gebied dat door de Britse marine gedomineerd werd. Vandaag vervult de Amerikaanse VIe vloot deze functie. Op het ogenblik dat Duitsland en de Sovjetunie de akkoorden van Rapallo tekenden, werd Frankrijk en Italië krachten het verdrag van Washington (1922) een beperking in mediterraan transport opgelegd (175.000 ton). Bovendien moet ook gewezen worden op de dominante rol die Angelsaksische transportondernemingen spelen in het mediterraan transport. Dit alles doet ons weer belanden bij de klassieke tegenstelling tussen continentale mogendheid en zeemogendheid. Naarmate de Donau aan belang wint, verschrompeld het mediterraan monopolie inzake Oost-West-transport. Maar dit alles is ook een aanknopingspunt met de eerder aangehaalde interventiegrond in Kosovo : de economische waarde van de regio als transitgebied voor de Kaspische olie.

Michaël Vandamme
 

  (1) Over de waarde van de grondstoffen van het gebied rond de Kaspische zee doen de wildste verhalen de ronde. Onterecht maken sommigen de vergelijking tussen de waarde van dit gebied en de Perzische golf. Enige nuance dringt zich op. Sommige schattingen maken gewag van een reserve die tussen de 50 en de 140 miljard barrels olie ligt. Ter vergelijking : een land als Saoedi-Arabië heeft een geschatte reserve van 269 miljard barrels. Maar dit neemt niet weg dat de interesse voor dit gebied bijzonder groot is, zeker in het licht van de quasi monopoliepositie van het Midden Oosten inzake olievoorzieningen. ŒThe Caspian region will hopefully save us form tot dependance on Middle East oil¹, meent Bill Richardson, Amerikaans staatssecretaris voor energie. (JAFFE, A.M. & MANNING, R.A., ³The Myth of the Caspian ŒGreat Game¹ : The Real Geopolitics of Energy², in Survival, vol. 40, nr. 4, Winter 1998-99, 112-131.
 

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mercredi, 01 juillet 2009

Cosa accadde davvero allo Scia' dell'Iran

COSA ACCADDE DAVVERO ALLO SCIA’ DELL’IRAN

http://www.sapere.it/tc/img/Storia/Rivol_Iran/pahlfarah2.jpg

Mi chiamo Ernst Schroeder, e siccome ho amici iraniani dai tempi della scuola e ogni tanto guardo la vostra rivista on line, ho pensato di inviarvi queste tre pagine prese da un libro che ho letto qualche mese fa, intitolato: Un secolo di guerra: la politica petrolifera anglo-americana e il Nuovo Ordine Mondiale. scritto dallo storico tedesco William Engdahl.
E’ un libro che tratta dell’intreccio tra la politica e il petrolio degli ultimi 100 anni.
Vi mando il brano perché lo pubblichiate sul vostro sito, dato che penso possa essere importante per tutte le persone di discendenza persiana.


DI WILLIAM ENGDAHL

“Nel novembre del 1978, il Presidente Carter nominò George Ball del Bilderberg Group,  un altro membro della Commissione Trilaterale , a capo di una speciale unità operativa iraniana della Casa Bianca sotto Brzezinski, Consigliere per la Sicurezza Nazionale.

Ball caldeggiò l’abbandono di Washington del sostegno allo Scià iraniano a favore dell’appoggio all’opposizione fondamentalista islamica dell’Ayatollah Khomeini. Robert Bowie della CIA fu uno dei principali “funzionari incaricati” nel nuovo colpo guidato dalla CIA contro l’uomo che 25 anni prima proprio le loro trame nascoste avevano messo al potere.


Il loro piano si basava su un dettagliato studio del fenomeno del fondamentalismo islamico, così come era stato presentato dall’esperto inglese dell’Islam Dott. Bernard Lewis, allora assegnatario di un incarico all’Università di Princeton, negli Stati Uniti. Il progetto di Lewis, reso noto durante l’incontro del Bilderberg Group nel maggio del 1979 in Austria, appoggiava il movimento radicale Fratellanza Mussulmana alle spalle di Khomeini, con l’intento di promuovere la balcanizzazione dell’intero Vicino Oriente mussulmano lungo linee tribali e religiose. Lewis sosteneva che l’Occidente dovesse incoraggiare gruppi indipendenti come i Curdi, gli Armeni, i Maroniti libanesi, i Copti etiopi, i Turchi dell’Azerbaijan, eccetera eccetera. Il disordine sarebbe sfociato in quello che egli definiva un “Arco di Crisi”, che si sarebbe diffuso nelle regioni mussulmane dell’Unione Sovietica.

Il colpo contro lo Scià, come quello del 1953 contro Mossadegh, fu pilotato dai servizi segreti inglesi e americani, con il pomposo Brzezinski che si prese il merito pubblico per la liberazione dallo Scià “corrotto”, mentre gli inglesi, tipicamente, rimasero al sicuro in posizione defilata.

Durante il 1978 erano in corso negoziati tra il governo dello Scià e la società British Petroleum per il rinnovo dell’accordo stipulato 25 anni prima sull’estrazione del petrolio. Nell’ottobre dello stesso anno le trattative furono mandate a monte per un’ “offerta” degli inglesi, che chiedevano diritti esclusivi sulle future esportazioni del petrolio iraniano rifiutandosi di garantirne l’acquisto. La dipendenza dell‘esportazione controllata dagli inglesi pareva giunta al termine, e l’Iran sembrava vicino all’indipendenza nella sua politica di vendita del petrolio per la prima volta dal 1953, con impazienti potenziali compratori in Germania, Francia, Giappone e altri paesi. In un editoriale di quel settembre, la testata iraniana Kayhan international scrisse:

Guardando al passato, la società venticinquennale con il consorzio [British Petroleum], e il rapporto cinquantennale con la British Petroleum che l’ ha preceduta, non sono stati soddisfacenti per l’Iran…D’ora in avanti, la NIOC [National Iranian Oil Company, Compagnia Petrolifera Nazionale Iraniana] dovrebbe fare in modo di gestire tutte le operazioni per conto proprio. (1)

Londra stava ricattando il governo dello Scià, e lo sottoponeva ad enormi pressioni economiche rifiutandosi di acquistare tutta la produzione petrolifera iraniana, comprando cioè soltanto circa 3 milioni di barili al giorno invece degli almeno cinque milioni di barili pattuiti. La cosa inflisse all’Iran drastiche ripercussioni sugli introiti, che favorirono un contesto in cui il malcontento religioso contro lo Scià poté essere ravvivato da agitatori appositamente addestrati, schierati dai servizi segreti inglesi e statunitensi. Inoltre, in questo frangente critico, ci furono scioperi tra i lavoratori del petrolio che ne paralizzarono la produzione.

Mentre i problemi economici interni dell’Iran crescevano, i consiglieri americani per la “sicurezza” della Savak, la polizia segreta dello Scià, attuarono in modo calcolato una politica di repressione ancora più brutale, per aumentare al massimo l’antipatia popolare verso lo Scià. Nello stesso momento il governo Carter cominciò cinicamente a protestare contro gli abusi dei “diritti umani” sotto lo Scià.

La British Petroleum, stando a quello che si dice, cominciò ad organizzare fughe di capitali fuori dall’Iran, per mezzo della sua considerevole influenza sul mondo finanziario e bancario iraniano. Le trasmissioni in lingua persiana della BBC, con dozzine di corrispondenti madrelingua inviati fin nel più piccolo villaggio, sollecitarono l’isteria collettiva contro lo Scià. Durante questo periodo La BBC diede all’Ayatollah Khomeini pieno appoggio propagandistico all’interno del paese. Questa organizzazione di emittenti radiotelevisive, di proprietà del governo inglese, si rifiutò di dare al governo dello Scià la stessa possibilità per poter ribattere. Ripetuti appelli personali dello Scià alla BBC non diedero alcun risultato. I servizi segreti anglo-americani si impegnarono in modo esplicito per rovesciare il suo governo. Lo Scià fuggì in Gennaio, e già dal febbraio del ’79 Khomeini era volato a Teheran per proclamare l’instaurazione del suo regime teocratico e repressivo in sostituzione del governo precedente.

Riflettendo sulla sua caduta qualche mese dopo, poco prima della sua morte, lo Scià in esilio osservò:

Allora non lo sapevo –o forse non volevo saperlo- ma ora mi è chiaro che gli Americani volevano estromettermi. E’ chiaramente questo ciò che i sostenitori dei diritti umani del Dipartimento di Stato volevano…che idea dovevo farmi sulla decisione improvvisa del Governo di chiamare l’ex sotto segretario di Stato George Ball alla Casa Bianca come consigliere sull’Iran?... Ball era tra quegli americani che volevano abbandonare me e, alla fine, il mio paese.

Con la caduta dello Scià e l’ascesa al potere dei seguaci fanatici di Khomeini in Iran si scatenò il caos. Al maggio del 1979, il nuovo governo Khomeini aveva stabilito i piani di sviluppo per l’energia nucleare del paese, e annunciato la cancellazione dell’intero programma per la costruzione del reattore nucleare francese e tedesco.

Le esportazioni di petrolio dell’Iran, circa 3 milioni di barili giornalieri, furono repentinamente bloccate. Stranamente, anche la produzione dell’Arabia Saudita in quei giorni critici del gennaio 1979 fu ridotta a circa 2 milioni di barili al giorno. In aggiunta alle pressioni sull’approvvigionamento mondiale, la British Petroleum proclamò lo stato di necessità e cancellò i contratti principali di fornitura del petrolio. Di conseguenza, all’inizio del 1979, i prezzi nel mercato di Rotterdam salirono alle stelle, fortemente influenzati dalla British Petroleum e dalla Royal Dutch Shell, le maggiori compagnie commercianti in petrolio. Il secondo “shock” petrolifero degli anni ’70 era in pieno svolgimento.

Gli indizi dicono che gli effettivi ideatori del colpo di stato di Khomeini, a Londra e tra i ranghi più alti delle organizzazioni liberali statunitensi, decisero di tenere il Presidente Carter del tutto all’oscuro di questa politica e dei suoi scopi ultimi. La crisi energetica che in seguito colpì gli Stati Uniti fu uno dei principali fattori che determinò la sconfitta di Carter un anno dopo.

Non ci fu mai una reale diminuzione nell’approvvigionamento mondiale di petrolio. Le effettive capacità produttive dell’Arabia Saudita e del Kuwait avrebbero potuto fronteggiare in qualunque momento la temporanea caduta di produzione di 5-6 milioni di barili giornalieri, come confermò mesi dopo un’inchiesta congressuale statunitense condotta dal General Accounting Office (Ufficio della Contabilità Generale).

Le scorte petrolifere insolitamente basse delle multinazionali petrolifere costituenti le Sette Sorelle contribuirono a generare un’enorme crisi del prezzo del petrolio, con un costo per il greggio che crebbe sul mercato da circa 14 dollari al barile del 1978 alla cifra astronomica di 40 dollari al barile per alcune qualità di greggio.
Lunghe code ai distributori di benzina in tutti gli Stati Uniti contribuirono a creare un generale senso di panico, e il segretario all’energia ed ex direttore della CIA, James R. Schlesinger, non aiutò a calmare le acque quando disse al Congresso e ai media nel febbraio del 1979 che la caduta della produzione del petrolio iraniano era “probabilmente più grave” dell’imbargo petrolifero arabo del 1973. (2)

La politica estera della Commissione Trilaterale del governo Carter fece in modo inoltre che fosse gettato al vento ogni sforzo europeo della Germania e della Francia per sviluppare accordi commerciali e relazioni economiche e diplomatiche con il loro vicino sovietico, sotto la protezione della distensione e dei vari accordi economici sovietico-europei sull’energia.

Il Consigliere per la Sicurezza di Carter, Zbigniew Brzezinski, e il Segretario di Stato, Cyrus Vance, perfezionarono la loro politica dell’ “Arco di Crisi”, diffondendo i disordini della rivoluzione iraniana lungo tutto il perimetro intorno all’Unione Sovietica. Per tutto il perimetro islamico dal Pakistan all’Iran, le iniziative statunitensi provocarono instabilità o qualcosa di peggio”.

Zbigniew Brzezinski, autore della teoria della “Cintura Verde” sotto la presidenza Carter, intendeva abbattere l’URSS circondandola con stati islamici alleati degli Stati Uniti



William Engdahl, Un secolo di guerra: la politica petrolifera anglo-americana e il nuovo ordine mondiale, © 1992, 2004, Pluto Press Ltd, pagine 171-174
William Eghdal

Note:

1) Nel 1978, il quotidiano iraniano Ettelaat pubblicò un articolo in cui si accusava Khomeini di essere un agente segreto britannico. I religiosi organizzarono violente dimostrazioni in risposta, che portarono alla fuga dello Scià qualche mese più tardi. Vedere U.S. Library of Congress Country Studies, Iran. The Coming of the Revolution, December 1987. Il ruolo delle trasmissioni in lingua persiana della BBC nella cacciata dello Scià è spiegato nei dettagli in Hossein Shahidi, “BBC Persian Service 60 years on”, in The Iranian, September 24, 2001.

2) Comptroller General of the United States. 'Iranian Oil Cutoff: Reduced Petroleum Supplies and Inadequate U.S. Government Response.' Report to Congress by General Accounting Office. 1979.

(
http://www.comedonchisciotte.net/modules.php?name=News&file=article&sid=108)

vendredi, 26 juin 2009

Attacken auf den Dollar

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Attacken auf den Dollar

Aufstrebende Schwellenländer formieren sich − Steht die Welt vor einer »monetären Revolution«?

Brasilien, Rußland, China und Indien stellen immer offensiver den US-Dollar als Leitwährung im Welthandel in Frage.

Brasiliens Staatspräsident Luiz Inacio da Silva hat es satt: „Es ist absurd, daß zwei bedeutende Handelsnationen ihre wirtschaftlichen Beziehungen in der Währung eines dritten Landes abrechnen.“
Da Silva wandte sich mit seiner Kritik unmißverständlich an Chinas kommunistischen Führer Hu Jintao. Die beiden Staatsmänner hatten soeben in Peking einen Milliardenhandel über die Lieferung von Rohstoffen aus Südamerika unterzeichnet. Hu Jintao und seine Ministerriege hatten schon Monate zuvor die Ablösung des US-Dollar als Leitwährung der Welt ins Gespräch gebracht.
Die beiden aufstrebenden Großmächte stehen nicht alleine mit ihrer revolutionären Forderung. Auch andere Schwellenländer, wie Rußland, Indien, Südafrika und sogar entwickelte Industriestaaten wie Südkorea drängen darauf, eine andere, weniger schwankende und zuverlässige Verrechnungsbasis einzuführen, bei der auch der Euro eine bedeutende Rolle spielen könnte. Immerhin hat er dieses Jahr 15 Prozent gegenüber der US-Währung zugelegt.  
Vor allem die Russen drängen immer wieder darauf, den Greenback zu entthronen und durch einen Korb verschiedener Währungen, gekoppelt mit Sonderziehungsrechten des Internationalen Währungsfonds (IWF) zu ersetzen oder wenigstens zu ergänzen. Die Sonderziehungsrechte sind ein in den 60er Jahren eingeführte Kunstwährung, deren Kurs aus einem Korb großer Weltwährungen wie Dollar, Euro, Yen und Pfund errechnet wird.
Dimitrij Medwedjew, der Präsident aller Reußen, unkt: „Der Dollar hat als Verrechnungseinheit in der gegenwärtigen Krise versagt!“ Er sieht in diesem Zusammenhang eine künftige, neue Rolle für den Rubel, den chinesischen Yuan und – wie schon 1944 nach dem Zweiten Weltkrieg im Abkommen von Bretton Woods von damals 44 Staaten bis in die 70er Jahre festgelegt – eine teilweise Golddeckung sowie erweiterte Sonderziehungsrechte des IWF.
„Das System kann einfach mit nur einer Währung nicht erfolg-reich sein“, verkündete er kürzlich auf dem Gipfeltreffen der sogenannten „Bric“–Länder (Brasilien, Rußland, Indien, China) im russischen Jekaterinburg. Voraussetzung sei allerdings, daß die Chinesen ihren Yuan konvertibel machten und die Wirtschaft weiter liberalisierten. In etwa zehn Jahren, prognostizierte der Russe euphorisch, könne ein solches Szenario Wirklichkeit werden, der Yuan sogar als neue Basiswährung Anerkennung finden, zumal China spätestens 2037 – wie etwa Jim Neill von der New Yorker Bank Goldman Sachs kühn orakelt – die USA als führende Wirtschaftsmacht der Erde abgelöst haben dürfte.
Schon heute erbringen die Bric-Länder 15 Prozent der globalen Wirtschaftsleistung, wickeln 13 Prozent des internationalen Handels ab und horten mit 2,8 Billionen Dollar fast die Hälfte aller globalen Devisenreserven in der US-Währung. China ist dabei in Billionenhöhe der größte Gläubiger der USA. Schon allein deswegen – und das betonen die Söhne aus dem Reich der Mitte trotz ihrer monetären Macht – ist Peking nicht an einer Schwächung des Dollar interessiert, solange man nicht umschichten könne und die Amerikaner ihre Verpflichtungen eingelöst haben. Einige Großanleger überprüfen, so ist von Goldman Sachs zu hören, bereits vor dem Hintergrund solcher Aussichten ihre Portfolios.
Es steht für die internationalen Finanzexperten allerdings außer Zweifel, daß eine solche „monetäre Revolution“ nicht so ohne weiteres von der Hand geht, da im Ölgeschäft, im Tourismus, im globalen Flug- und Frachtverkehr der US-Dollar nach wie vor die Grundlage für die Verrechnung von Leistungen und Lieferungen stellt.
Zumal China in der Zwickmühle steckt: Einerseits will Peking die Rolle des Dollar herabstufen, andererseits ist China durch seine enormen Dollarreserven auf absehbare Zeit an der Stärke der Leitwährung interessiert.
Erst der Zweite Weltkrieg hat der amerikanischen Währung diese Schlüsselstelle zugespielt. Damals wurden die Briten zum Hauptschuldner, die USA zum weltweiten Hauptgläubiger. Erst als sich Washington mit seinen Kriegen in Vietnam und Korea selbst außergewöhnlich verschuldete, brach die Golddeckung zusammen. Viele Länder, darunter Frankreich, forderten die Schulden der Yankees in Gold ein. Die USA konnten diese Garantie bald nicht mehr erbringen, der Dollarkurs brach das System von Bretton Woods mit seinen festgelegten Wechselkursen dem Dollar gegenüber wurden aufgegeben und es wurde versucht, mit IWF-Ziehungsrechten eine Brücke zu bauen.
Gegenwärtig ist es wieder ein Krieg, der zusätzlich zu den enormen Belastungen der globalen Wirtschaftskrise das monetäre Fundament der USA und damit fast der gesamten westlichen Welt gefährdet. Eines indessen steht fest: Die Ordnung von morgen kann ohne die rohstoffreichen Länder Rußland und Brasilien und die neuen Industrieriesen China und Indien nicht auskommen.
Allerdings sind diese Länder trotz ihres rasanten Wachstums noch weit davon entfernt, den USA an Wirtschaftskraft nahezukommen. Experten halten Zeithorizonte wie Medwedjews, der Dollar könne schon in zehn Jahren von seinem internationalen Thron fallen, für unrealistisch.            

Joachim Feyerabend

Veröffentlicht am 24.06.2009

L'intreccio statunitense-saudita-wahhabita

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L’INTRECCIO STATUNITENSE-SAUDITA-WAHHABITA

di K. Gajendra Singh* - http://www.eurasia-rivista.org/


La storia è dominata da un inesorabile determinismo
in cui la libera scelta delle grandi figure storiche gioca un ruolo infimo

Lev Tolstoj

A quel che si dice, quando nel mese di novembre il potente vicepresidente statunitense Dick Cheney si scomodò per un viaggio insolitamente lungo che lo portò a Riyad, lo fece per creare contro Iran, Siria ed Hezbollah libanese una nuova alleanza sunnita nella regione, capitanata dagli USA e composta dai sei Stati del Consiglio per la Cooperazione del Golfo, dai governi arabi filoamericani del Cairo e di Amman e da volenterosi alleati della NATO - il tutto col discreto sostegno di Israele. Il 12 dicembre il "New York Times" citava fonti diplomatiche statunitensi ed arabe per rivelare quanto assicurato a Cheney, e cioè che, nel caso d'un ritiro delle truppe statunitensi, Riyad sosterrebbe finanziariamente gl'Iracheni sunniti in qualsiasi guerra contro gl'Iracheni sciiti. Il re saudita Abdullah espresse inoltre una ferma opposizione a qualsiasi negoziato diplomatico tra Stati Uniti e Iran, e chiese a Washington d'incoraggiare la ripresa dei colloqui di pace tra Israele ed i Palestinesi.

La posizione saudita riflette la paura degli alleati arabo-sunniti degli USA di fronte alla crescente influenza esercitata in Iraq ed in Libano da Tehran, dove i suoi sodali di Hezbollah hanno avuto la meglio sulle forze di terra israeliane; il tutto con sullo sfondo le ambizioni nucleari dell'Iran. Il re Abdullah II di Giordania era stato tra i primi a mettere in guardia dall'ascesa dell'influenza sciita, e soprattutto dalla mezzaluna sciita che dall'Iran giunge in Libano via Iraq e Siria. Riyad ammonì inoltre che un governo iracheno egemonizzato dalla Shi‘a avrebbe utilizzato le sue truppe contro la popolazione sunnita; infatti, l'Arabia Saudita sostiene l'instaurazione d'un governo d'unità nazionale a Baghdad. Il "New York Times" riportava inoltre queste parole, rivolte dal sovrano saudita a Cheney: «Se vi doveste ritirare e cominciasse una pulizia etnica contro i sunniti, ci sentiremmo trascinati in guerra».

Sia i funzionari sauditi sia la Casa Bianca hanno sconfessato questo resoconto. «Questa non è la politica del governo saudita», ha dichiarato ai cronisti l'addetto stampa della Casa Bianca, Tony Snow; «i Sauditi hanno chiarito di condividere i nostri stessi obiettivi, cioè la nascita d'un Iraq autosufficiente che possa sostenersi, governarsi e difendersi da solo, che riconoscerà e proteggerà i diritti d'ognuno a prescindere dalla sua setta o religione. E, oltretutto, condividono anche le nostre preoccupazioni per il ruolo che gl’Iraniani stanno giocando nella regione».
Invece Kenneth Pollack, di Brookings Institution, ha sostenuto alla CNN che l'Arabia Saudita è fortemente motivata a prendere parte ad una eventuale guerra civile: «I Sauditi temono terribilmente che una guerra civile potrebbe allargarsi anche al loro paese. Ma sono inoltre terrorizzati dalla prospettiva che gl'Iraniani, spalleggiando le varie milizie sciite in Iraq, ne possano trarre grande vantaggio».

Un ruolo saudita più muscolare per contrastare l'Iran?

Scrivendo sul "Washington Post" il 29 novembre, poco dopo il viaggio di Cheney, Nawaf Obaid, alto consigliere alla sicurezza nazionale dell'ambasciatore saudita negli USA, principe Turki al-Faisal, citava una lettera del febbraio 2003 indirizzata dal ministro degli esteri saudita, principe Saud al-Faisal, al presidente George Bush, per metterlo in guardia dal «risolvere un problema creandone altri cinque», con la deposizione forzata di Saddam Hussein; nell'articolo si faceva inoltre riferimento ad una recente dichiarazione dell'ambasciatore al-Faisal, secondo cui «dal momento che gli Americani sono andati in Iraq senza invito, ora non dovrebbero neppure lasciarlo senza essere stati invitati a farlo». Obaid argomentava che una tale visione delle cose si basa sulle richieste giunte alla dirigenza saudita da parte d'importanti figure tribali e religiose irachene, ma anche dai governanti d'Egitto, Giordania e d'altri paesi arabi e musulmani (sunniti), affinché il Regno fornisca armi e sostegno finanziario agl'Iracheni sunniti ed assuma un ruolo più muscolare nella regione: «Essendo il motore economico del Vicino Oriente, il luogo di nascita dell'Islam e la paladina de facto della comunità sunnita mondiale (che comprende l'85% di tutti i musulmani), l'Arabia Saudita ha sia i mezzi sia la responsabilità religiosa per intervenire». Tra le opzioni prese in considerazione c'è l'istituzione di nuove brigate sunnite e la fornitura ai comandanti militari sunniti (in primo luogo ex baathisti membri del disciolto corpo ufficiali iracheno, la spina dorsale dell'insorgenza) di denaro, armi e appoggio logistico - cioè quello che l'Iran sta dando ai gruppi armati sciiti già da anni. L'Arabia Saudita potrebbe strozzare i finanziamenti iraniani alle milizie incrementando la produzione petrolifera e dimezzando il prezzo del greggio, cosa che avrebbe effetti devastanti sull'Iran e sulla sua capacità di finanziare le milizie sciite in Iraq e altrove. (Nel 1990 il Kuwait, inondando di petrolio il mercato - su richiesta dell'Occidente - e così soffocando le entrate irachene, spinse Saddam Hussein ad invaderlo. Il Kuwait e l'Arabia Saudita pagarono un duro scotto, sul piano finanziario, politico e non solo. Questa volta, con gli USA impantanati in Iraq, il giochetto potrebbe risultare fatale. L'opinione pubblica statunitense non ha digerito la guerra irachena, e numerosi generali hanno affermato che la US Army è quasi disfatta). «Rimanere ai margini sarebbe inaccettabile per l'Arabia Saudita», proseguiva Obaid; «chiudere un occhio sul massacro degl'Iracheni sunniti significherebbe abbandonare i princìpi su cui nacque il Regno, minerebbe la credibilità dell'Arabia Saudita nel mondo sunnita e costituirebbe una capitolazione di fronte al militarismo iraniano nella regione. Senza dubbio il coinvolgimento saudita in Iraq comporta grandi rischi: può scatenare una guerra regionale. Così sia. Le conseguenze dell'inazione sarebbero ben peggiori». Secondo la migliore tradizione saudita, il Regno ha sconfessato le dichiarazioni di Obaid sul "Washington Post" e l'ha esonerato. In breve volgere di tempo anche l'ambasciatore Turki al-Faisal, ex capo della sicurezza nel suo paese, è rimpatriato dopo appena quindici mesi di permanenza, quando il suo predecessore aveva invece servito per vent'anni. L'Ambasciatore non era presente a Riyad durante la visita di Cheney. Mantenere il basso profilo e negare l'evidenza rientra nella comune strategia saudita. Gli esponenti degli oltre 7.000 prìncipi che regnano sull'Arabia Saudita per anzianità e consenso potranno pur avere qualche divergenza politica, specialmente tra la vecchia guardia conservatrice ed attempata ed i prìncipi più giovani, ma la dinastia è attualmente nei pasticci e sta affrontando la più grande sfida di sempre nella sua storia.

Altre mosse

In generale, dopo l'11 settembre e le tirate anti-saudite negli USA, il Regno s'è guardato attorno in cerca d'altri approdi. Le relazioni saudite con Pechino, cominciate nel 1989 con l'acquisto dei missili CSS-2, si sono sviluppate gradualmente grazie all'identificazione della Cina quale futuro grande mercato per il petrolio saudita. Anche i rapporti con Mosca sono migliorati. Re Abdullah ha inoltre visitato Nuova Delhi, cosa mai successa prima. Sia Tehran sia Riyad hanno cercato di migliorare i rapporti, ma le ricadute del pantano iracheno provocato dall'invasione statunitense hanno complicato di molto la situazione, tanto che non si può più cavarsela alla meno peggio con i vecchi metodi della diplomazia "della pazienza" o "del libretto degli assegni".

Riconoscendo l'importanza regionale della Turchia, il sovrano saudita Abdullah ha visitato Ankara a fine novembre, prima visita in quattro decenni. La Turchia, dotata d'una costituzione laica e popolata per lo più da sunniti (mentre il 15% sono sciiti alauiti), è a sua volta profondamente preoccupata dall'ipotetica disgregazione dell'Iraq e dal crescente profilo dell'Iran, suo nemico storico. Mentre confronta le proprie idee con Giordania, Siria, Iraq, Qatar, Bahrein, Pakistan e Russia, Ankara condivide con Tehran la preoccupazione per un'indipendenza dell'Iraq settentrionale a maggioranza curda. Ankara e Washington, pur alleati nella NATO, hanno visioni piuttosto divergenti sul Vicino Oriente. All'inizio di dicembre il primo ministro turco Recep Erdogan ha espresso la propria opposizione al dispiegamento di truppe statunitensi nell'Iraq settentrionale: «Personalmente, trovo sbagliato il posizionamento di truppe nordamericane nel settentrione dell'Iraq, dal momento che non v'è alcun problema legato alla sicurezza in quella zona. Gli USA dovrebbero mantenere i loro soldati nelle aree problematiche del paese». Queste dichiarazioni sono state rilasciate ai giornalisti mentre si dirigeva a Tehran. Sia Ankara sia Tehran hanno relazioni problematiche con le loro minoranze curde. Ankara, con gran disappunto degli USA, ha ricevuto anche una delegazione di Hamas. Erdogan ha usato termini molti forti ed appassionati per condannare gli attacchi israeliani contro il Libano. Di lì a poco avrebbe portato il suo paese, per la prima volta nella storia, ad un colloquio con la Lega Araba, al Cairo.

La situazione dell'Iran ricorda la favola del cammello e dell'arabo: eccetto le zampe anteriori, è fermamente piantato nella tenda irachena, tramite i partiti sciiti SCIRI e Dawa ed anche alcune fazioni interne all'Esercito del Mahdi. Hezbollah, finanziato, addestrato e armato da Tehran, durante gli scontri terrestri dell'ultima estate nel Libano meridionale ha inflitto una sanguinosa sconfitta ai rinomati reparti d'assalto israeliani, sfatando per sempre la cosiddetta "aura d'invincibilità" che Israele si costruì sconfiggendo gli Arabi nella Guerra dei Sei Giorni (1967), e che in seguito rafforzò con la minaccia nucleare e coll'incondizionato sostegno occidentale (ed in particolare statunitense). Israele, infatti, possiede centinaia di bombe nucleari ed ha i mezzi necessari per lanciarle. Il primo ministro sionista Ehud Olmert, sebbene inavvertitamente, l'ha anche ammesso in pubblico. Anche il nuovo segretario alla difesa statunitense, Robert Gates, durante la sua audizione al Congresso ha fatto riferimento alle bombe israeliane. Anche per questo l'opposizione israeliana (e statunitense) all'arricchimento dell'uranio, persino a scopo pacifico, da parte dell'Iran è al limite del fanatismo. Stando alla propaganda di Tel Aviv, è solo questione di tempo e l'Iran svilupperà la bomba; gli USA ritengono che siano necessari tra i cinque ed i dieci anni.

Tehran sta nella bambagia. I dirigenti iraniani gongolano di fronte alla trappola irachena in cui sono caduti gli USA. Mohsen Rezai, segretario generale del potente Consiglio degli Esperti che coadiuva la guida suprema ayatollah Khamenei, s'è recentemente vantato alla televisione pubblica: «Il genere di servizio fattoci dai Nordamericani, pur con tutto il loro odio, non ha precedenti: nessuna superpotenza aveva mai fatto qualcosa di simile. Gli USA hanno distrutto tutti i nostri nemici nella regione. Hanno distrutto i Talebani. Hanno distrutto Saddam Hussein. (...) Gli Statunitensi sono così piantati in Iraq e in Afghanistan che, se anche dovessero riuscire a saltarne fuori sani e salvi, avrebbero davvero di che ringraziare Dio. Gli USA si presentano a noi più come un'opportunità che come una minaccia - non certo perché essi lo vogliano, ma perché hanno sbagliato i calcoli. Molti sono gli errori che hanno commessi».

Gli USA e l'Occidente hanno persuaso la Russia e la Cina a varare sanzioni, sia pur blande, contro l'Iran, tramite la risoluzione dell'ONU del 23 dicembre rigettata da Tehran. Ma sono state proprio le cinque potenze nucleari riconosciute, aderenti al Trattato di non proliferazione nucleare (TnPN) e dotate del diritto di veto al Consiglio di Sicurezza, che hanno ucciso il trattato: infatti, esse non si sono mai mosse verso il disarmo - il primo degli obiettivi del TnPN - ed hanno costantemente violato altri suoi articoli, in spregio delle risoluzioni adottate dall'Assemblea Generale delle Nazioni Unite e dell'opinione espressa dalla Corte Internazionale dell'Aja. Addirittura, hanno preso a costruire una nuova generazione di bombe per uso "convenzionale". La bomba nucleare nordcoreana prova semplicemente il disordine in cui versa la materia regolata dal TnPN, nonché l'irrilevanza di quest'ultimo. L'anziano statista nordamericano Jimmy Carter ha, con grande franchezza, denunciato le responsabilità degli USA per la situazione attuale. Ormai anche i membri del Consiglio del Golfo, o altri paesi arabi come Egitto e Algeria, vogliono seguire l'esempio dell'Iran ed imbarcarsi nel ciclo d'arricchimento dell'uranio. Le loro paure di lunga data e l’ormai pluridecennale opposizione all'atomica israeliana - sviluppata con l'aiuto franco-britannico e l'acquiescenza (se non il supporto) statunitense – si sono sempre scontrate col veto nordamericano, sia a New York sia a Vienna. I bulli dominano il mondo, in questo pianeta sempre più senza legge.
La lunga e sanguinosa guerra tra Iraq e Iran (1980-‘88) fu, in ultima analisi, un conflitto tra Sunna e Shi'a, nel corso del quale Saddam Hussein venne incoraggiato, sostenuto e finanziato da tutti i governi arabi sunniti (eccetto quello siriano) - in particolare da Arabia Saudita, Kuwait, Emirati - e dalle potenze occidentali, allo scopo di neutralizzare la grandiosa ascesa della potenza sciita e l'istanza di rinnovamento del mondo islamico rappresentata dalla rivoluzione khomeinista del 1979. Milioni di musulmani, iracheni ed iraniani, furono uccisi nel corso di quella guerra. Ma se paragonata con quel conflitto, la prossima conflagrazione intermusulmana - che potrebbe essere incoraggiata da un Occidente disperato - rappresenterebbe un vero e proprio olocausto per la regione e per l'Islam. Washington potrebbe pure riuscirci, ma il risultato sarebbe una catastrofe per il mondo intero - in primis per l'Occidente, fortemente dipendente dal punto di vista energetico.

La frattura sciita-sunnita è troppo profondamente marcata e radicata nel quotidiano in molti paesi musulmani. In numerosi Stati di tradizione sunnita gli sciiti vanno a costituire una classe subalterna; ma dopo il 1979, ispirati ed aiutati dall'Iran, hanno cominciato a guadagnare terreno in Libano e non solo. La parte occidentale dell'Arabia Saudita, molto ricca di petrolio e adiacente all'Iraq meridionale, è al pari di quest'ultimo popolata da sciiti, finora vissuti in un pesante clima di repressione. Il conflitto sciita-sunnita non può essere fermato da nessuna fatwa. Una è stata emessa lo scorso ottobre a la Mecca: ventinove chierici iracheni, appartenenti ad entrambe le confessioni, radunati durante il Ramadan per iniziativa dell'Organizzazione della Conferenza Islamica (OCI), hanno pubblicato un Documento Makkah in dieci punti. Ricorrendo alla citazione di versetti del Corano e a detti tradizionali del Profeta Mohammed, la fatwa afferma che «è proibito versare sangue musulmano». Invita inoltre a salvaguardare i luoghi santi delle due comunità, difendendo l'unità e l'integrità territoriale dell'Iraq; infine, richiede il rilascio di «tutti i detenuti innocenti».

Tuttavia, ancora la maggior parte degli esperti, inclusi quelli musulmani, ostentano pessimismo circa l'efficacia di simili proclami. Secondo Abdel Bari Atwan, direttore in capo del giornale arabo londinese "Al-Quds al-Arabi", gli appelli delle guide religiose all'interruzione degli spargimenti di sangue sono destinati a rimanere inascoltati. Lo si può verificare nei quotidiani bagni di sangue che si verificano in Iraq, nel mondo islamico, e che si sono verificati per tutta la loro storia.

Storia petrolifera del Vicino Oriente

Lo studio dell'imperialismo occidentale dalla fine del XIX secolo ad oggi mostrerà l'importanza del petrolio e delle guerre condotte per acquisire e proteggere questi pozzi di potere. L'accordo segreto Sykes-Picot (1916) tra Inghilterra e Francia spartiva i resti dell'Impero Ottomano nel Vicino Oriente: i Britannici, astutamente, s'accaparrarono i territori produttori di petrolio e giunsero persino a creare uno Stato artificiale come il Kuwait. Nel 1945, prima che una declinante Inghilterra fosse spogliata delle sue colonie, gli USA siglarono un memorandum con i Britannici: «La nostra politica petrolifera, in relazione al Regno Unito, è informata al mutuo riconoscimento della grande comunanza d'interessi, ed incentrata sul controllo, almeno per il momento, della gran parte delle risorse petrolifere disponibili al mondo». Il governo inglese notava come il Vicino Oriente fosse «un tesoro inestimabile per qualsiasi potenza interessata all'influenza ed al dominio mondiale», dacché il controllo delle riserve petrolifere globali corrispondeva a controllare l'economia mondiale. Dopo il declino del Regno Unito e della Francia, sono intervenuti gli USA in qualità di potenza neocoloniale dominante in quella ed in altre regioni.

«Un tassello fondamentale della politica degli Stati Uniti nel Vicino Oriente dev'essere l'incondizionato sostegno all'integrità territoriale ed all'indipendenza politica dell'Arabia Saudita». I suoi obiettivi erano chiariti in un documento interno del 1953: «La politica statunitense consiste nel mantenere le fonti petrolifere vicino-orientali in mano nordamericana» (cit. da: Mohammed Heikal, Cutting the lion's tail). Nel 1958, un documento segreto britannico descriveva i principali obiettivi della politica occidentale nel Vicino Oriente: «1. Assicurare all'Inghilterra ed agli altri paesi occidentali il libero accesso al petrolio prodotto negli Stati affacciati sul Golfo; 2. assicurare la continua disponibilità di tale petrolio a condizioni favorevoli e per le maggiori entrate del Kuwait; 3. sbarrare la strada alla diffusione di comunismo e pseudo-comunismo nell'area, e conseguentemente difenderla dal marchio del nazionalismo arabo».

Chomsky sostiene che le compagnie energetiche occidentali hanno prosperato grazie a «profitti eccedenti i sogni più avidi», con «il Vicino Oriente quale loro principale vacca da mungere». Si trattava di una parte della grande strategia statunitense, fondata sul controllo di quello che il Dipartimento di Stato, sessant'anni fa, descrisse come «la stupenda fonte di potere strategico» del petrolio vicino-orientale, e sull'immenso beneficio derivante da questo «tesoro materiale» senza precedenti? Gli USA hanno sostanzialmente mantenuto questo controllo - ma gli straordinari successi conseguiti sono derivati dal superamento d'innumerevoli barriere: quelle che, ovunque nel mondo, i documenti interni statunitensi definiscono «nazionalismo radicale»; ma che significa solo desiderio d'indipendenza.

Il collegamento tra USA, famiglia ibn Saud e wahhabismo

Lo Stato saudita, proclamato nel 1932 da Abdul Aziz, fu di fatto il terzo reame degli al-Saud. Il primo "Stato" saudita nacque nel 1744, ad opera del primo grande esponente della famiglia, Muhammad ibn Saud, che concluse la storica alleanza col riformatore religioso Muhammad ibn Abdul Wahhab (fondatore del "wahhabismo"). Dopo la sconfitta patita nel 1818 ad opera delle forze egiziane, il Regno risorse nel 1822 per affermarsi quale potenza dominante nell'Arabia Centrale. Delle quattordici successioni interne alla dinastia al-Saud tra il 1744 ed il 1891, appena tre avvennero pacificamente. Oggigiorno, il trasferimento del potere è più tranquillo. Abdul Aziz fu incoraggiato dagl'Inglesi ad assumere il controllo della Mecca e di Medina, poiché lo sceriffo Hussain, signore della Mecca e bisnonno di re Abdullah II del Regno hashemita di Giordania, s'era mostrato poco docile e malleabile. Ricordiamo che lo sceriffo Hussain ed i suoi figli, gli emiri Faisal e Abdullah, avevano guidato la rivolta araba descritta nella pellicola Lawrence d'Arabia, aiutando le forze britanniche del gen. Allenby a sconfiggere l'esercito ottomano nella regione: bella gratitudine da parte degl'Inglesi! Il problema è che, quando Kemal Atatürk abolì il Califfato, lo sceriffo Hussain si candidò subito ad assumerne il manto regale.

Abdul Aziz prese molte mogli, al fine di cooptare questa o quella tribù, o di ricucire quando necessario buoni rapporti; essendo però un musulmano profondamente devoto, non ebbe mai più di quattro spose contemporaneamente. Il patto tra la setta wahhabita e la casa di Saud fu sancita da numerosi matrimoni. I legami tra la famiglia saudita ed i seguaci wahhabiti non si sono sciolti ancora oggi. Il ministro saudita della religione è sempre un membro della famiglia al-Sheikh, che discende da Ibn Abdul Wahhab. L'influsso wahhabita sulle moschee è indubbio, dato che la setta dispone d'una propria polizia religiosa. Inoltre, essa ha esteso la propria portata attraverso la rete di madrasse e moschee sorte in tutto il mondo musulmano.

Il wahhabismo è estremamente rigido ed austero. Non tollera molto il dialogo ed ancor meno l'interpretazione; disapprova l'idolatria, i monumenti funebri e la venerazione di statue o immagini artistiche. I seguaci preferiscono definirsi muwahhidun, cioè "unitari". I wahhabiti proibiscono il fumo, il taglio della barba, il linguaggio volgare ed i rosari, nonché molti diritti femminili. Considerano tutti coloro che non praticano la loro forma di Islam, inclusi gli altri musulmani, alla stregua di pagani e nemici.

Il legame wahhabita-saudita era semplice quando il Regno era povero. Ho visto alcuni vecchi archivi degli anni '20 e '30, conservati al Ministero degli Affari Esteri di Nuova Delhi e risalenti all'era pre-petrolifera, quando insignificanti nababbi musulmani dell'India, da Pataudi, Loharu e Chhatari, versavano piccole somme alle principali cariche di Gedda, Mecca, Medina e Riyad. Le entrate derivanti dagli annuali pellegrinaggi del Hajj costituivano forse la maggior risorsa per i cittadini ed i governanti del Regno. Alcuni arabi provenienti dai regni del Golfo lavoravano come scaricatori di porto a Mumbai, ed erano coinvolti nel contrabbando di oro in India. Sono poi divenuti multimilionari col petrolio ed il commercio.

L'Arabia Saudita è un grande paese: occupa un'area di 2,14 milioni di chilometri quadrati. La sua popolazione s'avvicina ai 22 milioni di persone, con un tasso di crescita del 3,49% ed un'aspettativa di vita pari a 71 anni. Più del 50% della popolazione ha meno di vent'anni e l'80% vive in centri urbani, consumando quantità colossali d'energia in aria condizionata. Non è più una nazione beduina. Il 75% degli adulti sono alfabetizzati, ma l'antiquato sistema educativo ha poca pertinenza col mercato del lavoro. Quasi il 30% della forza lavoro è d'origine straniera. Con la recente crescita del prezzo del petrolio, la sua situazione finanziaria è migliorata rispetto a qualche anno fa, quando aveva il maggior indebitamento del Golfo: 171 miliardi di dollari di debito interno e 35 miliardi di credito dall'estero, pari al 107% del PIL.

L'antropologo saudita Mai Yamani nel 2000 sondò le opinioni, le speranze e le paure dei cittadini compresi tra i 15 ed i 30 anni: scoprì così che il tema dell'identità «finiva sempre più col dominare e permeare l'intero studio». Pur rimanendo ben radicata nella religione, nella cultura e nelle tradizioni nazionali, la maggior parte dei giovani aveva risentito della rapida trasformazione avvenuta intorno a loro, e metteva in questione diversi aspetti dello status quo. Si riscontrava un'identità di vedute circa «i difetti percepiti dello Stato» ed il desiderio della nuova generazione «di trovare spazio nella società saudita, per sviluppare i propri atteggiamenti e le opinioni personali senza la prepotente presenza dello Stato e degli ulema». Il quadro finale è quello d'un progresso discontinuo, con l'emergere di problemi complessi.
Gli Arabi sauditi, come molti altri, hanno risentito delle importazioni occidentali, che hanno trovato molti ardenti sostenitori della modernizzazione buttarsi a capofitto nei problemi dell'identità e dell'autenticità, generando così una dura reazione in grado di rafforzare gli elementi conservativi che dominano il Regno. «Il problema saudita consiste nel trovare un giusto bilanciamento», ha raccontato M. H. Ansari, ex ambasciatore indiano a Riyad, «e si tratta d'un problema reale, aggravato dal desiderio di proteggere i privilegi della famiglia reale e la loro versione delle tradizioni islamiche. In un sistema monarchico la sicurezza nazionale è sinonimo di saldezza del regime e, per la gran parte del secolo scorso, la continuità e la stabilità data dalla famiglia al-Saud fu vista benevolmente, in patria dall'opinione pubblica ed all'estero da vicini e amici. La monarchia saudita resistette all'attacco del nazionalismo e del radicalismo arabo ed aiutò la crociata anti-comunista in Afghanistan, Nicaragua, Etiopia, ecc.; inoltre, sfruttò la sua enorme influenza in seno all'OPEC per mantenere produzione e prezzo del greggio ad un livello accettabile per il mondo industrialmente sviluppato. Infine, costituì uno dei più grandi mercati per la produzione bellica del mondo occidentale, e principalmente degli Stati Uniti».

In Arabia Saudita il petrolio fu scoperto nel 1938 dalla Standard Oil of California, la quale ottenne da Abdul Aziz una concessione cinquantennale in cambio d'un pagamento immediato di 30.000 monete d'oro: senza dubbio uno dei più grandi affari della storia! Quando la sbalorditiva estensione dei giacimenti fu ormai evidente, intervennero anche altre compagnie, come Exxon, Texaco e Mobil, per costituire il potente consorzio Aramco.

Da quel momento venne a crearsi il curioso intreccio tra gli USA, la scandalosamente ricca classe dirigente saudita e, per proprietà transitiva, i puritani wahhabiti: in cambio della sicurezza della dinastia, le ricchezze e le fonti di reddito della penisola sono state cedute allo sfruttamento dell'Occidente, ed in primis agli USA. Tale intreccio ha superato la prova del tempo: ancora oggi Washington sta facendo l'impossibile per conservare quel regime feudale dalle pratiche tipicamente medievali. Il regime controlla la più grande "impresa familiare" al mondo, senza alcun mandato popolare o responsabilità verso la cittadinanza.
L'alleanza tra gli USA e la famiglia al-Saud fu consacrata dal presidente Franklin Roosevelt, che nel 1945 incontrò il Sovrano saudita a bordo d'una nave da guerra ed ebbe occasione di dichiarare: «Con questo riconosco che la difesa dell'Arabia Saudita è fondamentale per la difesa degli Stati Uniti». Jimmy Carter, che in tempi recenti ha assunto atteggiamenti da santo, nel 1980 s'esprimeva ancor più vigorosamente: «La nostra posizione è assolutamente chiara. Il tentativo di conquistare il controllo del Golfo Persico, da qualunque potenza estera venga compiuto, sarà considerato un attentato agl'interessi vitali degli Stati Uniti».
Washington ha onorato quest'impegno con alcuni trattati militari volti alla salvaguardia del Vicino Oriente. A parte NATO e CENTO, le basi militari statunitensi si distendono dall'Africa Orientale all'Oceano Indiano, passando per il Golfo, in difesa del petrolio vicino-orientale. Inoltre sono stati istituiti la Forza di Dispiegamento Rapido, il Comando Centrale e la V Flotta, che oggi ha base nel Bahrein. La Guerra del Golfo del 1991 portò ad una massiccia espansione della presenza militare statunitense nella regione: le truppe nordamericane hanno messo piede anche sul sacro suolo saudita, provocando grande angoscia e profondo risentimento tra i musulmani sauditi più conservatori, Osama bin Laden in testa. Le truppe statunitensi si sono mosse di là solo dopo l'invasione dell'Iraq nel 2003.

Il massiccio acquisto d'armi da parte saudita

Tra il 1990 ed il 2004 l'Arabia Saudita ha speso in armamenti l'enorme cifra di 268,6 miliardi di dollari; gli Emirati Arabi Uniti, che contano appena 2,6 milioni d'abitanti, hanno speso 38,6 miliardi. L'arsenale saudita comprende oltre 1.015 carri armati (tra cui 315 modernissimi M1A2s), più di 5.000 APC/AFV, oltre a 2.000 lanciamissili anticarro, 340 e passa velivoli da combattimento d'alta qualità (inclusi F15S/C/Ds e Tornado, senza contare i 48 Typhoons - noti anche come Eurofighter - che saranno consegnati nel 2008). Ciliegina sulla torta, i Sauditi possiedono anche 228 elicotteri, 160 velivoli da addestramento e collegamento e 51 aerei da trasporto. La marina saudita può contare su 27 grandi vascelli da combattimento, incluse fregate e corvette lanciamissili.
Il Kuwait (1,1 milioni d'abitanti) ha speso 73,1 miliardi di dollari, ma, come scrive il dr. Abbas Bakhtiar (consulente ed ex professore associato all'Università del Nord, in Norvegia), «quando il 2 agosto 1990 gl'Iracheni passarono il confine, i generali kuwaitiani usarono i loro telefonini per radunare tutti gli alti ufficiali militari in un convoglio diretto verso l'Arabia Saudita. I soli soldati che inscenarono una qualche resistenza furono i cadetti, che non erano stati avvertiti». Ho udito racconti analoghi quando servivo ad Amman (1989-1992). Nel 1979, allorché militanti islamici occuparono la sacra moschea della Mecca, dovette intervenire un reparto d'assalto francese per farli sloggiare.
Questi tre paesi (Arabia Saudita, Emirati Arabi Uniti e Kuwait) messi assieme hanno speso, in quattordici anni, oltre 380 miliardi di dollari. Nello stesso periodo, la spesa militare iraniana è ammontata a 49,5 miliardi e quella dell'India (che ha oltre un miliardo d'abitanti e controversie di confine con Pakistan e Cina) a 156 miliardi.
Anthony H. Cordesman e Arleigh A. Burke, del Center for Strategic and International Studies (CSIS), nel 2002 scrissero una relazione sui problemi della sicurezza saudita, da cui riportiamo il seguente brano: «Non dovrebbero più esserci altri ingenti invii di armamenti dagli USA o dall'Europa, simili a quelli avvenuti durante la Guerra del Golfo, o un altro acquisto stile "al-Yamama". A meno d'una grande guerra futura, gli acquisti dovrebbero essere fatti e giustificati caso per caso, andrebbero messi al bando il baratto col petrolio e tutti gli accordi bilanciati soggetti ad un resoconto pubblico annuale, con contabile e revisore indipendenti. Inoltre l'Arabia Saudita deve compiere il massimo sforzo possibile per eliminare gli sprechi finanziari».
Nel dicembre 2005 “The Guardian” rese nota la firma d'un contratto multimiliardario di vendita dei Typhoons, o Euro-fighters. La cosa interessante è che la vendita veniva giustificata con la minaccia del terrorismo globale. Il Ministero della Difesa britannico dichiarò che l'obiettivo fondamentale dei due governi era quello di garantire la sicurezza nazionale e «combattere il terrorismo globale».
Nel 2005, dei 133,5 miliardi di dollari guadagnati con la vendita di petrolio, l'Arabia Saudita ne spese 38,5 per la difesa. Buona parte dei 57,1 miliardi di sovrappiù furono destinati al pagamento dell'enorme debito contratto dall'Arabia Saudita con l'Occidente in occasione della prima Guerra del Golfo (1991). I media riferiscono che i prìncipi assumono personalmente commissioni d'armamenti ed accordi commerciali, e che il loro denaro - stimato complessivamente in un trilione di dollari - è per lo più investito in Occidente. Secondo alcune stime, il 40% delle entrate petrolifere saudite andrebbe a finire direttamente nelle tasche della famiglia regnante. Tariq Alì parlava a tale proposito di "saccheggio istituzionalizzato" dei fondi pubblici.
L'Ufficio Grandi Frodi britannico, prima d'essere fermato, ha scoperto laute bustarelle pagate da alcuni prìncipi sauditi, intermediari negli affari di fornitura bellica intercorsi tra i due paesi, al primo ministro Tony Blair ed al suo guardasigilli Goldsmith; esse riguarderebbero un verdetto, emesso dal governo, sulla legalità dell'invasione anglosassone dell'Iraq. I Sauditi temevano la cancellazione del multimiliardario contratto "al-Yamama". Transparency International, che cataloga i casi di corruzione nei paesi poveri, spesso si dimentica dei donatori e ricevitori di grandi tangenti.
È vero che, nel 1990, gli Statunitensi giocarono sulle fotografie aree della disposizione delle truppe irachene per convincere i Sauditi che Saddam Hussein progettava d'attaccare il Regno, ma forse fu la latente sensazione d'insicurezza che pervade l'Arabia Saudita a convincerla ad accettare la presenza dei Nordamericani, con conseguenze nefaste permanenti per la regione. Successivamente, gli USA ignorarono gli sforzi sauditi per garantire una pacifica ritirata delle truppe irachene dal Kuwait. Gli Americani erano venuti per restarci a lungo.
Governi, banche e compagnie petrolifere occidentali si sono abituati a giocare con la ricchezza petrolifera araba, che hanno chiamato "riciclaggio" e fatto pagare, mentre il riciclaggio dei loro stessi fondi diventa "investimento". Un coro di proteste e lamenti s'è alzato dall'Occidente allorché la Russia, risorta sotto Vladimir Putin, ha deciso di controllare le proprie risorse petrolifere tramite Gazprom, che ha acquisito da Shell, Mitsui e Mitsubishi il 50% più un'azione del progetto gasifero Sakhalin-2 (il cui valore è stimato in 20 miliardi di dollari); forte dei suoi petrodollari, ora Mosca vuole investire anche nella fase distributiva in Europa Occidentale e forse negli USA (ai Cinesi è stato impedito di comprare la UNOCAL - cosa che avrebbero fatto con un trilione di dollari - e la compagnia di Dubai che cura la spedizione verso i porti statunitensi). Analogamente, quando la Russia ha deciso d'adottare il prezzo di mercato per il gas venduto a Ucraina e Georgia - che si sono fatte in quattro per minacciare gl'interessi russi - i liberoscambisti d'Occidente hanno intonato in coro: «Non farlo!». E perché mai?! Oppure, se ad un qualche oligarca russo filooccidentale viene richiesto di pagare le tasse, i media occidentali si sciolgono in filippiche contro la Russia, le sue carenze democratiche ed il mancato rispetto dei diritti umani. Perché?! Non si tratta d'ipocrisia, ma di puro imbroglio. La Russia rifiuta di diventare come gli USA, che non sono una repubblica del popolo, ma una grande multinazionale, dove il complesso militare-industriale dominante è avviato verso la sua bancarotta Enron-izzante.
Nel contempo, in Arabia Saudita (ed in molti altri regni del Golfo) paura e segretezza permeano tutti gli aspetti della struttura statuale. Non vi sono partiti politici, sindacati, tutele dei lavoratori, difesa dei diritti degl'immigrati, gruppi femminili, né altre organizzazioni democratiche. Vi sono poche associazioni od organizzazioni legali che assicurano un processo giudiziario equo ed indipendente. Così, gli oppositori politici e religiosi possono essere detenuti indefinitamente senza processo, oppure imprigionati in seguito a giudizi grossolanamente pilotati. La tortura è endemica ed i lavoratori stranieri, in particolare quelli non musulmani, sono i più a rischio. Anche quando sono stati suoi cittadini a subire la tortura, il governo britannico è rimasto zitto, per amore del profitto derivante dal commercio di petrolio ed armamenti, nonché dalle tangenti (che viaggiano anche attraverso l'Atlantico per raggiungere gli USA, come apertamente dichiarato dall'ultimo Ambasciatore saudita).

Minacce interne

In questo momento l’Arabia Saudita è minacciata dall’interno, come dimostrano i numerosi attentati di al-Qaeda, che gode delle simpatie di vasti segmenti d’una popolazione intimamente conservatrice. Tuttavia, i gihadisti non sono l'unica minaccia: all’interno della popolazione in genere sorgono altre cause di preoccupazione. Nel 1969, 1972 e 1979 diversi gruppi nazionali si sono ribellati alla casata dei Saud. Solo le tribù di provata fedeltà hanno accesso alla carriera militare. Fino alla fine degli anni ‘80 il Pakistan forniva un contingente di 11.000-15.000 uomini, destinati alla protezione del governo saudita. Dopo che le truppe statunitensi si sono spostate dall’Arabia Saudita ad altri paesi, come il Qatar, i regnanti - secondo quanto riferito dal “Financial Times” - sono tornati a rivolgersi al Pakistan per ricevere alcuni soldati. La cooperazione militare tra i due paesi è vasta e di vecchia data. La manutenzione degli aeroplani e degli altri equipaggiamenti militari è per lo più affidata a personale del Pakistan, paese con cui il Regno ha strettissime relazioni difensive. Molte sono le testimonianze d’una loro cooperazione nel campo della tecnologia atomica militare. Se il metallurgista pakistano sunnita A. Q. Khan ha potuto spacciare competenze nucleari di tipo bellico alla Libia ed all’Iran sciita, ci si chiede perché non possa averlo fatto anche con l’Arabia Saudita. I media tedeschi pullulano di analisi in tal senso.
Volontari e denaro sauditi sono dietro agli attacchi che gli Statunitensi subiscono dall’Iraq al Nordafrica. Cittadini sauditi sono attivi nei ranghi della resistenza irachena, coinvolti in operazioni condotte a danno delle forze coalizzate filostatunitensi, delle cenciose forze di sicurezza irachene e della maggioranza sciita nel paese. La presenza di Sauditi in Iraq preoccupa profondamente non solo Baghdad e Washington, ma anche l’Arabia Saudita stessa ed i piccoli Stati del Golfo Persico, che vedono così una possibile futura minaccia alla loro sicurezza. Il ritorno in patria dei gihadisti sauditi rivitalizzerebbe l’opposizione nel Regno. L’esperienza maturata in Iraq potrà alterare il panorama insurrezionale in Arabia Saudita, grazie all’introduzione di nuove tecniche, metodi ed operazioni. Ma i Sauditi, dopo ogni violenza siglata al-Qaeda, ripetono regolarmente che quella sarà l’ultima.
Ebbene sì: i gihadisti sauditi (o d’altri paesi arabi del Golfo Persico) sono molto richiesti in Iraq, poiché portano con sé grosse somme di denaro contante. Reclutare sauditi agiati è un buon metodo per finanziare le operazioni terroristiche. Un rapporto confidenziale statunitense identificava come sauditi oltre il 50% dei ribelli, mentre un forum telematico si “limita” alla cifra del 40% (ma gli USA ogni volta biasimano la Siria). Ciò che preoccupa più d’ogni altra cosa è che, di quei Sauditi fatti prigionieri ed interrogati al loro ritorno dall’Iraq, circa l’80% risultava sconosciuto ai servizi di sicurezza: ciò la dice lunga sull’efficienza dei servizi segreti sauditi! Contribuiranno in modo significativo ad ampliare la violenza e la sovversione domestica in Arabia Saudita. La guerra in Iraq e la presenza statunitense nella regione hanno polarizzato larghi segmenti della popolazione saudita.

L'alta marea dell'alleanza

Dopo il guizzo dei prezzi petroliferi nel 1973, l'afflusso di grandi ricchezze in Arabia Saudita e nella regione del Golfo ha fatto sì che la bilancia degli affari e delle credenze religiose, che prima pendeva dalla parte delle versioni progressiste dell'Islam (praticate in Egitto, Siria, Libano, Iraq ed Algeria), volgesse a favore delle rigide tendenze wahhabite dell'Arabia Saudita. Ricordo che durante le mie ambascerie al Cairo ed in Algeria, nella prima metà degli anni '60, incontravo società musulmane tolleranti e cosmopolite. Ma dopo la metà degli anni '70 le cose cambiarono: persino tra i loro diplomatici ritornarono ortodossia, velo e foulard. La ragione di questa regressione dei Musulmani verso il modo di vita wahhabita può essere rintracciata nella potenza saudita, e nell'uso ch'essa ha fatto della ricchezza petrolifera per assecondare i gihadisti.
L'alta marea di questa profana alleanza si ebbe quando negli anni '80, al fine di scacciare le forze sovietiche dall'Afghanistan, si aggregarono la maggior parte dei paesi musulmani e molte potenze cristiane occidentali, e persino la Cina. USA, Arabia Saudita e Stati del Golfo spesero tra i 6 ed i 10 miliardi di dollari per la fornitura di armi ed equipaggiamento (e molti altri per l'addestramento) a mujahidin, gihadisti, militanti e terroristi. (Alcuni di questi, in seguito, sarebbero stati trasferiti dagli USA in Albania e Kosovo: là, negli anni '90, conquistarono una nuova visibilità internazionale). Il presidente pakistano Zia-ul-Haq, reo d'aver rovesciato ed impiccato il primo ministro Zulfiqar Alì Bhutto, sino al 1979 fu considerato alla stregua d'un paria. Desiderando consolidare la propria posizione, Zia sfruttò l'opportunità per islamizzare la politica del Pakistan per tutti i giorni a venire. Oggi gli elementi conservatori e fondamentalisti dominano ogni aspetto del Pakistan e si sono infiltrati nelle sue Forze Armate, grazie all'esperienza ed alle relazioni maturate durante l'addestramento e l'organizzazione dei mujahidin, dei gihadisti e dei gruppi terroristi pakistani ed afghani; qui operò soprattutto l'Inter-Services Intelligence (ISI) coadiuvata dalla CIA e da altri servizi segreti musulmani ed occidentali. L'ISI, ch'è uno "Stato dentro lo Stato", stabilì solidi e profondi rapporti con i capi dei mujahidin e di al-Qaeda, e più tardi con quelli dei Talebani, che avrebbero mutato il corso della storia del Pakistan e della regione, instaurando fitte e longeve ramificazioni per il mondo. I Talebani furono forgiati dal Pakistan, con l'aiuto e l'aperto riconoscimento dell'Arabia Saudita e con l'incoraggiamento degli USA, al fine di pacificare l'Afghanistan dopo il caos originato dal ritiro delle truppe sovietiche. Gli Statunitensi erano interessati a che la UNOCAL potesse utilizzare il territorio afghano per costruirvi gasdotti ed oleodotti, i quali avrebbero trasportato gl'idrocarburi centroasiatici fino alle coste del Mare Arabico (e da qui al più vasto mondo) ed all'India in rapido sviluppo ed assetata d'energia.
Quadri e dirigenti di al-Qaeda e dei mujahidin arabi e musulmani addestrati in Pakistan e Afghanistan, tornando ai loro paesi del Vicino Oriente, diffusero quella cultura che oggi minaccia la regione e s'è infiltrata persino in Europa, dove sono ospitate decine di milioni di musulmani. L'Arabia Saudita ha sempre spedito, direttamente o attraverso donazioni per l'edificazione di moschee, denaro ed aiuti per la nascita di madrasse, dalle quali si diffonde l'odio verso i non musulmani (in particolare i cristiani) e gli sciiti. Il grande Jihad afghano fu un'ottima occasione per i wahhabiti. I gihadisti ed al-Qaeda, creata da Osama bin Laden, si convinsero d'aver sconfitto da soli l'Unione Sovietica, la superpotenza numero due, ed oggi sperano di poter fare lo stesso con gli USA, l'iperpotenza. Dopo la guerra del 1991, condotta per liberare il Kuwait dall'occupazione irachena, lo stanziamento di truppe statunitensi nella conservatrice Arabia Saudita ha agevolato il diffondersi dell'animosità contro Washington.

L’intreccio messo a dura prova

Questo intreccio così incongruente è sopravvissuto a numerose tensioni e turbamenti, come quando negli anni '70 l'OPEC (capeggiato dai Sauditi) quadruplicò il prezzo del petrolio a seguito dell'offensiva egiziana contro Israele (Guerra dello Yom Kippur, 1973). Washington, in quell'occasione, meditò persino di spedire le proprie truppe ad assumere il controllo dei pozzi petroliferi dell'Arabia Saudita. I rapporti tra gli USA ed il Regno furono davvero in bilico quando Osama bin Laden, già inviato dell'Arabia in Pakistan per condurvi il Jihad contro i Sovietici in Afghanistan, creata al-Qaeda mise in atto alcuni attentati contro ambasciate statunitensi nell'Africa orientale. La situazione, però, esplose in tutta la sua gravità sugli schermi televisivi del mondo intero, allorché quindici dirottatori, assunto il controllo di quattro aerei statunitensi, attaccarono i simboli della potenza nordamericana - le torri del World Trade Center ed il Pentagono - scalfendo così il mito dell'intangibilità del suolo nazionale degli USA. Ma persino in quell'occasione, in virtù del profondo coinvolgimento degl'interessi energetici statunitensi - rappresentati dalla famiglia Bush e da buona parte della classe dirigente nordamericana - i membri della famiglia di Osama bin Laden furono clandestinamente evacuati dagli USA nel giro di poche ore dagli attacchi dell'11 settembre.
In generale, la maggior parte dei media e dei cittadini statunitensi cominciò a rilasciare furiosi e virulenti commenti ostili al Regno saudita. Dimenticavano che le galline allevate in Pakistan e Afghanistan erano tornate a casa per appollaiarsi. Anziché imparare la lezione dell'11 settembre, l'amministrazione Bush, plasmata dalla razzista filosofia straussiana dei neo-cons, dapprima bombardò l'Afghanistan (del resto già in macerie, proprio per colpa della rivalità USA-URSS, di cui era stato un campo di battaglia) al fine di installare basi militari in quel paese così come in Pakistan, Kirghizistan e Uzbekistan, con lo scopo apparente di combattere il terrorismo. Dopo di che, USA e Regno Unito, con l'appoggio di qualche altra nazione occidentale, invasero l'Iraq per prendere il controllo delle sue risorse petrolifere, ed in particolare della ricca regione di Baghdad (oggi, tutto ciò che gli Statunitensi controllano è la sola Green Zone). Ma gli USA hanno costruito in Iraq altre basi militari destinate ad una lunga permanenza.
Tutto ciò faceva parte d'un piano neoconservatore, battezzato "The New American Century", che, come s'è scoperto dopo il suo fallimento, era stato architettato da quei classici esperti "da salotto", la maggior parte dei quali, per inciso, erano ebrei animati fondamentalmente dal desiderio di favorire gl'interessi d'Israele. Non si crucciavano certo che le vite ed i denari statunitensi fossero spesi per rendere Israele "più sicuro e protetto", come già avvenuto nel 1991 con la guerra contro l'Iraq.
Zbigniew Brzezinski, consigliere alla sicurezza nazionale del presidente Jimmy Carter (oggi tramutatosi in un angioletto), aveva gongolato sulle pagine del "Nouvel Observator" parigino, quando rivelò come gli Statunitensi avessero sostenuto gli estremisti religiosi in Afghanistan contro il governo di sinistra proprio allo scopo d'attirarvi le truppe sovietiche ed ivi assistere alla loro sconfitta, per vendicare la propria disfatta in Vietnam. Da ciò derivò il collasso dell'Unione Sovietica. All'osservazione che con quella strategia s'era prodotto qualche "fermento" tra i musulmani, Brzezinski rispondeva: «E allora?». Allora niente... almeno finché i "musulmani in fermento" non avrebbero attaccato gli USA (11 settembre) e Londra (7 luglio), per tacere degli attentati terroristici in Spagna, a Bali (contro gli Australiani) ed ancora in altre località. L'India, che pure non faceva parte dell'asse saudita-pakistano-statunitense contro Afghanistan e URSS, ancor oggi ne patisce le conseguenze. Anche molti altri, estranei ai fatti d'allora, stanno pagando il prezzo di questo intreccio profano, e così sarà per ancora molto tempo.
Washington ha sfruttato il terrore di al-Qaeda, di cui pure non v'è traccia negli USA, per ridurre la libertà e la democrazia. Perché, se è vero che i musulmani neri non andarono in Pakistan a farsi addestrare per il Jihad afghano, essi avrebbero tuttavia molte rimostranze da fare; specialmente quelli - e sono moltissimi - rinchiusi nelle carceri statunitensi. Il Pakistan ne ha risentito profondamente. Quando Omar Sheikh fu accusato dell'omicidio del giornalista statunitense Daniel Pearl (il quale era giunto troppo vicino a scoprire il legame tra gihadisti, al-Qaeda, ISI e Pakistan), suo padre lamentò che, finché i gihadisti combattevano contro l'URSS, erano considerati degli eroi, mentre ora sono diventati nemici e "terroristi". Eh, sì, perché se ti schieri a fianco di una grande potenza, allora devi eseguirne gli ordini, oppure potresti essere bombardato "fino a tornare all'età della pietra", come pubblicamente confessato dal presidente pakistano gen. Pervez Musharraf. Quella fu la minaccia che, dopo l'11 settembre, il vicesegretario di stato nordamericano Richard Armitage rivolse al Capo dell'ISI; al Pakistan non restò altra scelta che aggregarsi agli USA nella lotta contro al-Qaeda, i gihadisti ed i Talebani, sue stesse creature.
Va anche detto che, per portare l'esercito pakistano dalla loro parte e senza renitenze, gli USA rovesciarono nel paese miliardi di dollari in aiuti militari, inclusi sofisticati armamenti navali che, a quanto pare, dovevano servire a combattere i Talebani fra le montagne afghane... Visti gli USA sprofondare nel pantano iracheno, il Pakistan è sceso a patti con i suoi Talebani delle aree di confine, persino invitando la NATO a fare lo stesso. Come ripetutamente affermato dal presidente afghano Hamid Karzai, gli attacchi contro la NATO nascono in territorio pakistano. I Talebani di base in Pakistan, appoggiati dagli elementi conservatori locali, hanno assunto il controllo del Pakistan nordoccidentale, dove addestrano i terroristi di tutta la regione, inclusi quelli provenienti dall'Uzbekistan o dalla regione turcofona cinese dello Xinjiang. Questi volontari vanno ora a combattere in Afghanistan. A questo punto l'obiettivo del Pakistan è quello di recintare la "linea Durand", che divide i Pashtun tra Pakistan e Afghanistan. Ma questo confine rimane per i Pakistani il proverbiale elefante in camera, poiché i Pashtun non l'hanno mai riconosciuto. Il Pakistan è profondamente infettato dal virus gihadista, ed anche da altri malanni. La produzione d'oppio in Afghanistan ha raggiunto livelli da primato ed è smerciato via Pakistan, dove il numero dei tossicodipendenti è passato da poche migliaia a diversi milioni. La droga ha portato con sé la cultura della violenza fondata sul Kalashnikov.

Commenti conclusivi

Dalla Prima Guerra Mondiale, con la creazione di nuovi Stati da parte dei capricciosi padroni coloniali britannici e francesi, ben poco è cambiato negli arbitrari confini dei paesi del Vicino Oriente, eccezion fatta per la creazione dello Stato d'Israele, che può essere vista come un compenso elargito all'ebraismo europeo per i crimini compiuti nella maggior parte d'Europa dalla Germania nazista e dai suoi collaboratori (compenso che però, curiosamente, viene pagato dai Palestinesi!). Dopo la Guerra Arabo-Israeliana del 1949 e la Guerra dei Sei Giorni del 1967, Israele continua a tenersi stretti i Territori arabi occupati. Con l'apertura del vaso di Pandora, sulla scia dell'invasione dell'Iraq nel 2003, sono state scatenate forze epocali, etniche e religiose destinate a mutare la geografia e la storia della regione, a cominciare dall'Iraq, dove stanno ormai emergendo tre entità su base etnica o settaria. L'invasione ha già risucchiato l'Iran e probabilmente, che lo vogliano o no, altri paesi vicini rimarranno ancor più apertamente invischiati.
Ormai lontano nel tempo il ricordo della guerra tra le dune del deserto, per i Sauditi la ricchezza petrolifera è divenuta troppo allettante perché si mettano ancora a combattere: un po' come per gli Arabi abbassidi, che dal nono secolo cominciarono a godere dei frutti del loro impero e lasciarono l'esercizio delle armi agli schiavi turchi importati dall'Asia Centrale; ben presto, però, le spade turche presero il potere nelle figure dei Sultani, che s'imposero quali protettori degli sfortunati Califfi e, talvolta, proibirono loro persino di reclutare servitori turchi.
Quando nei primi anni '60, a due passi da casa, in Yemen, gli ufficiali dell'esercito (affascinati dal nazionalismo arabo e dal socialismo di Gamal Abdel Nasser) rovesciarono il Re e fecero il loro ingresso le truppe egiziane, il Regno saudita non intervenne militarmente, ma si limitò a finanziare le forze monarchiche. Più tardi, quando gli Egiziani abbandonarono lo Yemen, i Sauditi mediarono tra le fazioni belligeranti.
Quando, a seguito della disgregazione dell'Unione Sovietica, emersero le repubbliche turche dell'Asia Centrale, l'Arabia Saudita, fedele al suo stile, inviò denaro per istruire mullah, aprire madrasse, costruire moschee e distribuire milioni di Corani. Gli apparatčki, postcomunisti e laici, che avevano assunto il controllo come nuovi governanti, si scontrarono duramente con i gihadisti addestrati dentro o attorno il Pakistan. Gli estremisti ed i militanti musulmani in Asia Centrale sono chiamati "wahhabiti".
Durante la Guerra Fredda, l'Arabia Saudita ed altri regimi musulmani religiosi e conservatori furono sostenuti e strumentalizzati dall'Occidente per combattere comunismo, socialismo e nazionalismo, essenzialmente allo scopo di tutelare gl'interessi economici, politici e strategici degli USA. I Sauditi, obbedendo alle direttive statunitensi, accettarono di scambiare il greggio in petrodollari e di manipolare i prezzi del petrolio, in modo da soddisfare le esigenze occidentali. In questa maniera gli USA possono sostenere un massiccio deficit di conto corrente, grazie al quale oggi finanziano quasi per intero il loro bilancio militare, pari a quello del resto del mondo messo assieme. I wahhabiti, dal canto loro, hanno avuto mano libera nel paese, tanto ch'è ormai ridotto ad una parodia del Medio Evo, dove ai ladri vengono tagliate le mani e gli adulteri sono lapidati. Si sta cercando d'imporre questo modello anche agli altri musulmani, ovunque gli estremisti assumano il controllo: vedi i Talebani in Afghanistan o nel Pakistan nordoccidentale. Paragonato all'Arabia Saudita, il Regno hashemita di Giordania, il cui Sovrano discende direttamente dal profeta Muhammad, è quasi una nazione moderna: vi sono leggi avanzate e libertà femminile nel lavoro, nell'educazione e nell'abbigliamento.
Vale la pena chiedersi perché la grandissima ricchezza petrolifera della penisola non sia stata utilizzata per elevare il tenore di vita dell'Umma musulmana, che i Sauditi pretendono di rappresentare e guidare in virtù del loro controllo sui sacri santuari della Mecca e di Medina. Non c'è un grande "Piano Marshall", tipo quello applicato dagli USA per promuovere la crescita economica europea dopo le devastazioni della Seconda Guerra Mondiale. Certo, vi sono dei palliativi, ma sempre connessi alla promozione dell'Islam wahhabita.
La prosperità generata dal petrolio ha beneficato principalmente le potenze occidentali, che hanno protetto la famiglia Ibn Saud, cosicché migliaia di prìncipi e principesse possono sguazzare nell'oro e nel lusso. Non serve un Sofocle per concludere che la dinastia saudita ha ritardato, direttamente o indirettamente, lo sviluppo sociopolitico ed il progresso di quella stessa Umma musulmana di cui essa presume di essere, per usare le parole di Obaid, «la guida de facto», nonché di sentirsene «religiosamente responsabile».
Osservando l'ascesa e la caduta dell'Impero Ottomano - che sopravvisse cinque secoli e coprì un'area più vasta dei dominî arabi - ci si accorge che il suo declino cominciò quando il Sultano divenne guardiano della Mecca e di Medina ed assurse al Califfato. Ne risultò infatti un influsso nefasto dei chierici, degli sceicchi e dei mullah conservatori sulla classe dirigente di Istanbul, che fu condotta all'oscurantismo ed alla feroce opposizione a qualsiasi idea o tecnologia moderna, persino in campo bellico, tanto che la Turchia diventò il "malato d'Europa". La Repubblica Turca invece, fondata sull'educazione e sulle idee moderne, può stare alla pari dell'Europa per sviluppo economico e progresso. Dieci anni fa strinse un accordo doganale con l'Unione Europa ed i suoi prodotti riuscirono a tener testa ai migliori manufatti europei. Sebbene quasi del tutto priva di petrolio, il suo PIL è pari alla metà di quello di tutti gli Stati arabi messi assieme. Ma senz'altro l'Europa cosiddetta "laica" non ammetterà Ankara quale membro a pieno diritto, poiché il 99% dei Turchi è musulmano...
L'espansione ed il progresso del Califfato abbasside furono dovuti alle idee, accolte da ogni dove, ed alle nuove invenzioni scientifiche. Le idee conservatrici (ed in particolare la filosofia wahhabita), invece, hanno fatto tornare indietro l'Umma musulmana, rendendola incapace di reggere il confronto con la crescente potenza militare e scientifica dell'Occidente, e quindi inadeguata a liberarsi dalle catene che la imprigionano. Ma quel che importa è che vi sia un gran luccichio d'oro, vetro ed alluminio negli Stati del Golfo ricchi di petrolio...!

L’intreccio precedentemente descritto incanala le ricchezze verso le madrasse, dove si studia a memoria il Corano, ma poca matematica e poca scienza, e le innovazioni sono bandite; la conseguente incapacità d'affrontare i sempre più complessi problemi dei tempi moderni ha fatto rotolare all'indietro i Musulmani. Questa cultura può produrre soltanto al-Qaede, gihadisti e distruzioni, ma non una risposta assennata e scientifica al consumismo ed all'espansione dell'Occidente, che quotidianamente copre d'umiliazioni il mondo arabo e musulmano. Certo si potranno architettare nuovi spettacolari attentati, come l'11 settembre o il 7 luglio, ma questi non libereranno l'Umma dalla dominazione e dallo sfruttamento cui è stata sottoposta negli ultimi due secoli dai cristiani occidentali. C'è un insegnamento che si può trarre dall'attuale miseria e dalle sofferenze infernali che patisce lo sventurato popolo iracheno, posto sotto il tallone dell'occupazione militare statunitense (durante la quale sono morte più di mezzo milione di persone dal marzo 2003). Si prenda l'Iran, dove la politica statunitense ha soltanto rafforzato gli elementi conservatori. Eppure sono anche garantite la libertà e l’istruzione delle donne, che possono lavorare negli uffici e guidare l'automobile. L'ammodernamento promosso dal moderato presidente Khatami è stato solo interrotto dall'irruzione statunitense a due passi da casa, che ha costretto il paese a mettersi sulla difensiva. Il popolo iraniano ha imparato che tornare indietro non risolve né i vecchi problemi né quelli nuovi proposti dall'era moderna: per questo non sopporta più il giogo soffocante dei mullah.

La rottura dell’intreccio statunitense-saudita-wahhabita lascerà libere le masse musulmane, sinora tenute incatenate a idee retrive, e le avvierà verso la moderna educazione, le scienze naturali, le innovazioni ed il progresso in grado di sfidare l'Occidente. Ma lo sconvolgimento portato dalla rivoluzione khomeinista in Iran sembrerà una passeggiata, paragonata a quella che sarà la rivoluzione nell'Islam sunnita, dove l'oscurantismo e gl'interessi particolari (interni ed esterni) non s'arrenderanno facilmente. Forse i tempi tendono ad un cambiamento così cataclismatico.

Prima della Grande Guerra, i Tedeschi progettavano di raggiungere Bassora con una ferrovia, grazie all'appoggio ottomano, in modo da aggirare l'Impero Britannico in India (il gioiello più prezioso della Corona inglese). Dal canto loro gli Ottomani, influenzati dai Giovani Turchi dell'eccentrico Enver Pascià, speravano d'arginare Mosca e creare un impero panturco esteso fino al Turkestan russo. I risultati, però, non corrisposero alle aspettative, ed anzi gettarono le fondamenta per una distruttiva seconda guerra mondiale, per l'ascesa della Germania nazista, per l'olocausto degli Ebrei e degli Zingari in Europa. E pure per la decolonizzazione e la fine degl'imperi britannico, francese ed europei in genere.


(Traduzione di Daniele Scalea)

* K. Gajendra Singh, diplomatico indiano oggi in pensione, è stato ambasciatore in Turchia (e Azerbaigian) dall'agosto 1992 all'aprile 1996; in precedenza aveva ricoperto il medesimo ruolo in Giordania, Romania e Senegal. Attualmente presiede la Foundation for Indo-Turkic Studies. Ha già collaborato a "Eurasia, rivista di studi geopolitici" con diversi contributi: la redazione di quest'ultimo è stata terminata il 30 dicembre 2006.

mercredi, 24 juin 2009

The Geopolitical Great Game: Turkey and Russia Moving Closer

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The Geopolitical Great Game:

 

Turkey and Russia Moving Closer

By F. William Engdahl - http://www.engdahl.oilgeopolitics.net/

Despite the problems of the ruble and the weak oil price in recent months for the Russian economy, the Russian Government is pursuing a very active foreign policy strategy. Its elements focus on countering the continuing NATO encirclement policy of Washington, with often clever diplomatic initiatives on its Eurasian periphery. Taking advantage of the cool relations between Washington and longtime NATO ally, Turkey, Moscow has now invited Turkish President Abdullah Gul to a four day state visit to discuss a wide array of economic and political cooperation issues.

In addition to opening to Turkey, a vital transit route for natural gas to western Europe, Russia is also working to firm an economic space with Belarus and other former Soviet republics to firm its alliances. Moscow delivered a major blow to the US military encirclement strategy in Central Asia when it succeeded earlier this month in convincing Kyrgystan, with the help of major financial aid, to cancel US military airbase rights at Manas, a major blow to US escalation plans in Afghanistan.

In short, Moscow is demonstrating it is far from out of the new Great Game for influence over Eurasia.

Warmer Turkish relations

The Government of Prime Minister Recep Erdogan has shown increasing impatience with not only Washington policies in the Middle East, but also the refusal of the European Union to seriously consider Turkey’s bid to join the EU. In the situation, it’s natural that Turkey would seek some counterweight to what had been since the Cold War overwhelming US influence in Turkish politics. Russia’s Putin and Medvedev have no problem opening such a dialogue, much to Washington’s dismay.

Turkish President Abdullah Gul paid a four-day visit to the Russian Federation from February 12 to 15, where he met with Russian president Dmitry Medvedev, Prime Minister Vladimir Putin, and also travelled to Kazan, the capital of Tatarstan, where he discussed joint investments. Gul was accompanied by his state minister responsible for foreign trade, and Minister of Energy, as well as a large delegation of Turkish businessmen. Foreign Minister Ali Babacan joined the delegation.

 

the largest autonomous republic in Russian Federation whose population mainly consists of Muslim Tatar Turks, is a sign how much relations between Ankara and Moscow have improved in recent months as Turkey has cooled to Washington foreign policy. In previous years, Moscow was convinced that Turkey was trying to establish Pan-Turanism in the Caucasus and Central Asia and inside the Russian Federation, a huge concern in Moscow. Today clearly Turkish relations with Turk entities inside the Russian Federation are not considered suspicious as it was once, confirming a new mood of mutual trust.

Russia elevated Gul's trip from the previously announced status of an ‘official visit’ to a ‘state visit,’ the highest level of state protocol, indicating the value Moscow now attaches to Turkey. Gul and Medvedev signed a joint declaration announcing their commitment to deepening mutual friendship and multi -dimensional cooperation. The declaration mirrors a previous ‘Joint Declaration on the Intensification of Friendship and Multidimensional Partnership,’ signed during a 2004 visit by then-President Putin.

Turkish-Russian economic ties have greatly expanded over the past decade, with trade volume reaching $32 billion in 2008, making Russia Turkey's number one partner. Given this background, bilateral economic ties were a major item on Gul's agenda and both leaders expressed their satisfaction with the growing commerce between their countries.

Cooperation in energy is the major area. Turkey's gas and oil imports from Russia account for most of the trade volume. Russian press reports indicate that the two sides are interested in improving cooperation in energy transportation lines carrying Russian gas to European markets through Turkey, the project known as Blue Stream-2. Previously Ankara had been cool to the proposal. The recent completion of the Russian Blue Stream gas pipeline under Black Sea increased Turkey’s dependence on Russian natural gas from 66 percent up to 80 percent. Furthermore, Russia is beginning to see Turkey as a transit country for its energy resources rather than simply an export market, the significance of Blue Stream 2.

Russia is also eager to play a major part in Turkey's attempts to diversify its energy sources. A Russian-led consortium won the tender for the construction of Turkey's first nuclear plant recently, but as the price offered for electricity was above world prices, the future of the project, awaiting parliamentary approval, remains unclear. Prior to Gul's Moscow trip, the Russian consortium submitted a revised offer, reducing the price by 30 percent. If this revision is found legal under the tender rules, the positive mood during Gul's trip may indicate the Turkish government is ready to give the go-ahead for the project.

Russia’s market also plays a major role for Turkish overseas investments and exports. Russia is one of the main customers for Turkish construction firms and a major destination for Turkish exports. Similarly, millions of Russian tourists bring significant revenues to Turkey every year.

Importantly, Turkey and Russia may start to use the Turkish lira and the Russian ruble in foreign trade, which could increase Turkish exports to Russia, as well as weakening dependence on dollar mediation.

Post-Cold War tensions reduced

However the main message of Gul's visit was the fact of the development of stronger political ties between the two. Both leaders repeated the position that, as the two major powers in the area, cooperation between Russia and Turkey was essential to regional peace and stability. That marked a dramatic change from the early 1990’s after the collapse of the Soviet Union when Washington encouraged Ankara to move into historically Ottoman regions of the former Soviet Union to counter Russia’s influence.

In the 1990’s in sharp contrast to the tranquillity of the Cold War era, talk of regional rivalries, revived ‘Great Games’ in Eurasia, confrontations in the Caucasus and Central Asia were common. Turkey was becoming once more Russia’s natural geopolitical rival as in the 19th Century. Turkey’s quasi-alliance with Ukraine, Azerbaijan, and Georgia until recently led Moscow to view Turkey as a formidable rival. The regional military balance developed in favor of Turkey in Black Sea and the Southern Caucasus. After the disintegration of the USSR, the Black Sea became a de facto ‘NATO lake.’ As Russia and Ukraine argued over the division of the Black Sea fleet and status of Sevastopol, the Black Sea became an area for NATO’S Partnership for Peace exercises.

By contrast, at the end of the latest Moscow visit, Gul declared, ‘Russia and Turkey are neighboring countries that are developing their relations on the basis of mutual confidence. I hope this visit will in turn give a new character to our relations.’ Russia praised Turkey's diplomatic initiatives in the region.

Medvedev commended Turkey's actions during the Russian-Georgian war last summer and Turkey's subsequent proposal for the establishment of a Caucasus Stability and Cooperation Platform (CSCP). The Russian President said the Georgia crisis had shown their ability to deal with such problems on their own without the involvement of outside powers, meaning Washington. Turkey had proposed the CSCP, bypassing Washington and not seeking transatlantic consensus on Russia. Since then, Turkey has indicated its intent to follow a more independent foreign policy.

The Russian aim is to use its economic resources to counter the growing NATO encirclement, made severe by the Washington decision to place missile and radar bases in Poland and the Czech Republic aimed at Moscow. To date the Obama Administration has indicated it will continue the Bush ‘missile defense’ policy. Washington also just agreed to place US Patriot missiles in Poland, clearly not aimed at Germany, but at Russia.

Following Gul's visit, some press in Turkey described Turkish-Russian relations as a ‘strategic partnership,’ a label traditionally used for Turkish-American relations. Following Gül’s visit, Medyedev will go to Turkey to follow up the issues with concrete cooperation proposals. The Turkish-Russian cooperation is a further indication of how the once overwhelming US influence in Eurasia has been eroded by the events of recent US foreign policy in the region.

Washington is waking up to find it confronted with Sir Halford Mackinder’s ‘worst nightmare.’ Mackinder, the ‘father’ of 20th Century British geopolitics, stressed the importance of Britain (and after 1945 USA) preventing strategic cooperation among the great powers of Eurasia.

mardi, 23 juin 2009

Storia di due mondi economici divergenti

STORIA DI DUE MONDI ECONOMICI DIVERGENTI

DI F. WILLIAM ENGDAHL - Ex:
http://www.comedonchisciotte.org/
Global Research

Nel mondo della globalizzazione sta emergendo progressivamente un punto di divisione che assumerà un significato profondo nelle nazioni del G7, nella loro economia e stabilità politica. Tale punto di divisione trova luogo tra le nazioni che sono ancora inserite nel sistema del dollaro, inclusa l’Eurozona, e le economie emergenti – in particolare il BRIC, ovvero Brasile, Russia, India, Cina –, dove nuovi mercati economici e regioni stanno rimpiazzando rapidamente la loro eccessiva dipendenza dagli Stati Uniti come mercato primario di esportazione e fonte per il finanziamento degli investimenti. La conseguenza di lungo termine sarà l’aggravarsi della tendenza degli Stati Uniti ad essere oramai una superpotenza politica ed economica in declino, mentre sorgeranno nuove e dinamiche zone economiche, seppur inizialmente con importanza regionale.

Il primo grande asset differenziale che nazioni come Cina, Indonesia, India e Brasile posseggono è uno dei piú significativi deficit o difetti del vecchio mondo industrializzato, quindi di Stati Uniti, Regno Unito, Germania ed Europa in generale: il vantaggio demografico.

Ad eccezione della Russia, tutte le economie in crescita hanno una popolazione giovane e dinamica crescente. È interessante ricordare che la storia nascosta del “miracolo economico” tedesco pre 1914 era basata su un “segreto” simile – popolazione giovane e dinamica in rapida crescita, mentre quella di Gran Bretagna e Francia, dopo la Grande Depressione Inglese del 1873, era stagnante o in declino, con conseguente emigrazione di massa negli Stati Uniti.