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jeudi, 27 novembre 2008

Pour la définition d'une doctrine solidariste

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Pour la définition d’une doctrine solidariste [1]

 

Dans le contexte de crise et de décomposition du modèle capitaliste, Emmanuel Leroy, ancien conseiller régional, pose dans cet article, les bases d’une réflexion politique, économique et sociale pour notre famille politique. Altermédia qui est un lieu de débat et d’échanges, le publie en espérant que vos réflexions éclairées ou vos critiques justes permettront de faire progresser la réflexion collective.

Par Emmanuel Leroy

La crise dans laquelle nous venons d’entrer démontre à nouveau l’extraordinaire désarroi dans lequel se trouve plongé le camp national dès lors qu’il est question de problèmes économiques ou sociaux. A de rares exceptions près, c’est le silence ou la dénonciation stérile de comportements scandaleux qui prévalent, sans qu’une solution alternative ne soit jamais avancée.

La crise boursière de 2008 n’a pas donné lieu dans notre camp, sauf rares exceptions, à des analyses empreintes d’une réflexion de fond sur les causes de celle-ci et les remèdes à y apporter. Devant cette carence, une évidence s’impose : quel discours tenir face à un possible effondrement de la légitimité du Système ? Et quelle alternative proposer au peuple qui ne soit ni trotsko-marxiste ni libérale ? La réponse à ces deux questions a déjà été esquissée dans le passé. Nous proposons d’aller plus loin pour offrir une alternative radicale au Système, afin non seulement de tenter de l’abolir, mais surtout d’éviter tout retour possible du mercantilisme et de ses poisons.

A l’époque de la révolution industrielle au XIXème siècle, la République a cherché à concilier deux exigences fondamentales : la liberté individuelle et la justice sociale. L’idée de solidarité, notamment avec Léon Bourgeois, apparût alors comme le moyen d’esquisser une troisième voie entre l’individualisme libéral et le socialisme collectiviste. D’une certaine manière, la France jusqu’aux années 70 avait su trouver une espèce d’équilibre entre socialisme et libéralisme mais l’accélération de la mondialisation à partir des années 80 a fait voler en éclat ce subtil équilibre au profit des oligarchies financières transnationales.

La logique du Système est implacable : après avoir porté les coups de boutoir contre la nation (solidarité verticale), viennent maintenant les attaques contre le social (solidarité horizontale), derniers remparts contre la déferlante de l’indifférencié et du règne sans partage de l’argent.

Le solidarisme est la seule réponse possible à opposer au jeu dialectique des deux internationales, libérale et trotsko-libertaire, qui se livrent devant nous à un jeu de pseudo-opposition, afin de mieux faire disparaître les peuples et les remplacer par une humanité esclave aux ordres du Système.
L’intérêt de la notion de solidarisme est loin d’être purement historique: elle constitue une référence cardinale à tout débat sur la protection sociale et à la répartition des richesses dans la société post-industrielle du XXIème siècle. Or, une des raisons majeures pour lesquelles le camp national n’est pas audible en dehors des questions liées à l’immigration, c’est qu’il n’a pas été capable d’apporter aux Français des réponses claires sur ses conceptions économiques et sociales.

A l’heure où le Système semble entrer dans une crise d’une ampleur sans précédent, ceux qui sauront concilier les intérêts de la nation et la défense des travailleurs sans briser la liberté des individus seront les vainqueurs de demain.

Renaissance du solidarisme en 2008

L’économie et le social n’ont jamais été au sein de la « droite nationale » des domaines qui ont suscité engouement et passion. Les tenants de cette doctrine, en partie influencés par les idées de Maurras (politique d’abord), n’ont pour les questions économiques et sociales qu’une vision distanciée où l’empirisme et le réalisme l’emportent sur les aspects doctrinaux (l’intendance suivra). Cette situation découle probablement du fait que nous sommes les héritiers de différents courants idéologiques où libéralisme et socialisme étaient présents. A l’issue de la seconde guerre mondiale, les camps politiques en Europe occidentale se sont artificiellement scindés en deux grands courants opposant une « droite » libérale et conservatrice à une « gauche » socialiste ou marxiste censée représenter les forces du progrès. Cette division artificielle était censée reproduire l’opposition entre « pays occidentaux libres » et « pays communistes opprimés ». Le courant national était à cette époque complètement marginalisé, en partie du fait de la propagande « résistantialiste » qui a réussi à établir comme une vérité que ses principaux leaders s’étaient mis sans exclusive au service de la France de Vichy ou de la collaboration la plus étroite avec l’occupant (cela sans tenir compte des nombreux royalistes et autres nationaux qui s’étaient engagés dès 1940 dans la résistance). Cette stigmatisation a conduit à la marginalisation quasi-totale des idées nationales/nationalistes jusqu’au début des années 80 qui ont vu l’émergence du FN. La première moitié de cette décennie a été l’occasion véritablement historique de réunir sous l’autorité de JMLP l’ensemble des courants identitaires français. Chacune de ces chapelles idéologiques avait bien sa propre conception doctrinale ou philosophique mais les différences de points de vue ou les querelles étaient obérées par la primauté du leader du FN et par le primat qui était réservé à la question de l’immigration. L’analyse de l’ensemble des scrutins auxquels a participé le FN jusqu’aux années 95 montre à l’évidence que ses électeurs se déterminaient essentiellement sur le refus de l’immigration massive imposée par le Système. En effet, sur les questions économiques, le positionnement du FN n’apparaissait pas de manière claire et JMLP était à l’époque influencé par les idées libérales d’outre-atlantique. Sous l’influence de différents courants internes (solidarisme, christianisme social, anciens cadres du GRECE) le programme du FN entame dès la fin des années 80 une inflexion sociale très marquée et même si ce message est encore peu et mal relayé auprès de l’opinion, il constitue une rupture essentielle dans ce que l’on pourrait appeler « l’idéologie économique » du FN avec les idées libérales qu’il semblait auparavant professer. C’est cette mutation, qui intervient à un moment-clé de la vie politique française à un moment où la gauche, socialiste et communiste, s’est complètement ralliée à l’idéologie marchande du Système (dès 1983), qui devait permettre la progression significative des scores électoraux du FN jusqu’à la crise funeste de 1998. Malheureusement, les fruits de cette évolution, qui pouvaient conduire le camp national aux portes du pouvoir, ont été gâchés par la scission.

L’un des éléments-clés d’un possible retournement de l’opinion à l’occasion de la crise financière de 2008 est la perte de légitimité que le Système va inéluctablement subir lorsque les conséquences sociales vont se faire sentir plus crûment. Mais il sera nécessaire à ce moment d’offrir une alternative économique et sociale crédible, sans laquelle nous risquons d’être perçus comme des espèces de sous-Besancenot. Cela implique d’adopter résolument un positionnement anti-Système -qui sera en résonance avec le refus de la constitution européenne exprimé par les Français lors du référendum de 2005- et qui ne se borne pas seulement à une dénonciation des effets pervers de la mondialisation, mais qui énonce également une politique claire et limpide sur nos conceptions économiques et sociales. La meilleure illustration que l’on pourrait donner de notre vacuité en matière économique est l’absence de réponse cohérente sur les questions économiques et sociales, et plus particulièrement sur les causes de cette crise. Il est certes difficile de répondre de manière lapidaire à une crise dont la complexité s’apparente à celle du noeud gordien mais, de manière succincte, voilà l’énoncé d’une position solidariste sur cette question :

1. la classe politico-médiatique de Sarkozy à Besancenot) est collectivement responsable du désastre (conception matérialiste et économique du monde).

2. Nous punirons les responsables de cette escroquerie gigantesque, financiers ou hommes politiques, qui l’ont provoquée, encouragée ou servie.

3. Nous restaurerons une politique nationale où la notion de solidarité entre citoyens sera inscrite dans la Constitution et où seront proscrits les comportements anti-nationaux (délocalisations, privatisation des services publics…).

4. Nous instituerons une politique économique et sociale où sera rétablie la souveraineté monétaire, restauré l’usage du franc et respectés les principes de préférence nationale et européenne.

5. Seront dénoncés les traités qui subordonnent toute décision nationale à l’avis des autorités de Bruxelles.

L’objet de cette note n’est pas de formuler un programme économique et social complet, mais plutôt de lancer un débat sur ce que pourrait être un solidarisme moderne. L’idée de fond est que la gauche, du fait de son orientation internationaliste, a rallié l’idéologie du Système et qu’ayant ainsi renié ses convictions et ses engagements, elle a trahi non seulement la classe ouvrière mais aussi les classes moyennes qu’elle avait su séduire dans les années 80. En agissant ainsi, elle a laissé ouverte la voie du social que seul le camp national peut légitimement emprunter. Je partage l’analyse d’Alain Soral sur ce sujet et soutiens notamment ses positions sur la gauche du travail et la droite des valeurs, comme dialectique permettant de dépasser l’affrontement droite/gauche et susceptible de restaurer les solidarités nationales en dépassant le concept de luttes des classes.

C’est sur cette capacité à récupérer les électeurs séduits par les sirènes sarkozystes et à rallier les électeurs de gauche que se jouera l’avenir de la France.

Une des difficultés majeures qui peut se présenter est celle d’un discours « social » qui pourrait effrayer une partie de notre électorat traditionnel (artisans, commerçants, patrons de PME, indépendants). Pour éviter cet écueil, il convient à mon avis de sortir des sentiers battus et d’imposer de nouvelles définitions dans le vocabulaire politique français. En effet le champ sémantique utilisé par les politiques ou les médias d’aujourd’hui dans le domaine social reprend peu ou prou les termes utilisés par la gauche socialiste ou marxiste du XIXème siècle. Certes le terme de « prolétaire exploité » n’est plus guère usité mais celui de « patrons exploiteurs » l’est encore et parfois à juste titre et cette perception de « patron de droit divin » est encore bien ancrée à gauche et c’est sur cette perception, en partie erronée, qu’il convient d’intervenir. Il faudrait ici introduire une distinction fondamentale entre petits et grands patrons, qui ne participent pas du même monde, ne jouent pas dans la même cour et souvent ne poursuivent pas les mêmes objectifs. N’oublions pas que l’ensemble des artisans, commerçants, petits patrons et indépendants représente environ 3 millions de personnes en France, qui produisent l’équivalent d’environ 60% du PIB quand seulement 500 grandes entreprises produisent les 40% restant. Il est clair que le Système s’appuie principalement sur les 500 patrons de ces grandes entreprises -intrication des intérêts financiers, médiatiques et politiques- beaucoup plus que sur les 3 millions d’indépendants à qui on ne demande que l’approbation tacite et qui ne sont nullement représentés sur le plan syndical. Donc, le maintien des positions du camp national au sein de cet électorat est essentiel et il devrait même se trouver amélioré si l’on parvient à introduire cette césure dans l’esprit des Français entre ce que l’on pourrait appeler les patrons responsables et les patrons commis.

Le patron responsable c’est celui qui a investi ses propres fonds pour la création ou le rachat de son entreprise ; c’est celui qui travaille avec ses employés, souvent plus durement qu’eux ; c’est celui qui risque l’infamie et la perte de ses biens personnels en cas d’échec et non pas l’attribution de stocks options et de « golden parachutes » ; c’est aussi et surtout celui qui a une claire responsabilité de ses engagements vis-à-vis de ses employés et qui ne licencie que lorsqu’il y est acculé et jamais pour des questions de profits immédiats à la demande des actionnaires. Ce patron a un rôle social essentiel dès lors que la richesse qu’il produit bénéficie également à ses salariés et à la collectivité.

Le patron commis est un pur produit du Système. Patron d’une banque ou d’une grande entreprise, multinationale ou non, il est souvent formé par les grandes institutions de la république (ENA, Polytechnique, Grandes Ecoles) et il est ensuite coopté par ses pairs avant d’intégrer son futur champ d’action. Avant l’accélération de la mondialisation, il pouvait être commis par l’Etat dans une de ces grandes entreprises nationalisées à statut public ou mixte dont la France s’était fait une spécialité (Renault, EDF-GDF, Charbonnages de France, SNCF, etc.) aujourd’hui où la puissance régalienne recule devant les diktats de la finance internationale, il est commis par les actionnaires (banques, fonds de pensions, investisseurs institutionnels), mais dans tous les cas de figure, il ne s’agit pas d’un patron au sens traditionnel du terme dans la mesure où non seulement il n’a pas investi un sou dans l’entreprise mais il doit au surplus rendre des comptes à ceux qui l’ont fait roi, et ces derniers aujourd’hui ne poursuivent qu’un unique but : la rentabilité maximale et rapide de leurs investissements. De ce fait la fonction sociale de solidarité avec les salariés de ces pseudo chefs d’entreprises disparaît au profit exclusif de leurs mandants avec le cortège inéluctable de délocalisations, licenciements, fermetures d’usines, etc. qui en découle.C’est donc contre ces patrons commis que le camp national devrait engager une vigoureuse campagne de dénonciation et non pas laisser à l’extrême gauche le bénéfice de ces actions qui a permis à ses leaders d’atteindre en cumul environ 10% des voix lors de la dernière élection présidentielle. Cela implique des actions de terrains, de manifestations de solidarité avec les ouvriers licenciés et de dénonciations systématiques des abus constatés.

Le terme de solidarisme peut parfaitement s’intégrer à une nouvelle articulation du discours social du camp national. Le solidarisme peut se définir comme un système économique et social qui profite à tous dans la mesure où les sommes investies et redistribuées restent sur le territoire où elles sont produites, et bénéficient à l’ensemble de la collectivité sous la forme d’achats de biens ou de services, de salaires et d’impôts. On pourrait lui opposer le terme de capitalisme déraciné ou de capitalisme irresponsable où le capital investi a pour unique fonction d’être rentabilisé le plus rapidement possible au bénéfice exclusif des investisseurs. Le patron responsable fait du solidarisme dans la mesure où ses investissements et la création de richesses qui en découlent profitent à la collectivité. Le patron commis fait du capitalisme irresponsable dans la mesure où les profits qu’il réalise doivent toujours être réalisés au plus bas coût possible et visent prioritairement à payer toujours plus les actionnaires au détriment des salariés et de la collectivité.

Ce discours doit être approfondi dans la dénonciation de la micro-classe oligarchique qui se partage aujourd’hui l’essentiel du pouvoir. Cette nouvelle classe de privilégiés est composée aujourd’hui, outre des hommes politiques nationaux du Système et des dirigeants des principaux médias, mais aussi des grands patrons banquiers ou présidents de multinationales. Le point commun négatif de ces stipendiés du Système est qu’ils travaillent unis contre les intérêts du peuple et au bénéfice exclusif de la finance internationale (cf. le sauvetage des banques à l’aide de nouveaux emprunts que les Français devront rembourser). La théorie de Marx sur la bourgeoisie exploitant le prolétariat pourrait être remise à l’ordre du jour, en intégrant l’idée que désormais une immense classe de néo-prolétaires, incluant les anciennes classes moyennes, est en train de voir le jour et qu’elle se trouve opposée à une oligarchie sans frontière appuyant son pouvoir sur la puissance financière et la religion des droits de l’homme.

L’articulation de ce discours vise à faire comprendre aux électeurs de gauche, qu’il existe une économie « sociale » et solidaire, incluant la notion de profit pour tous, avec laquelle on peut s’entendre et un capitalisme international qui est leur pire ennemi et qui engendre, entre autres maux, le phénomène de l’immigration, qui a pour principal objectif, dans l’esprit de ses promoteurs, de faire peser les salaires des Français à la baisse pour augmenter les profits de l’oligarchie financière internationale.

L’économie est une chose trop sérieuse pour être laissée aux banquiers. Il est clair que cette option s’inscrit en rupture totale avec l’idéologie libre-échangiste du Système. Maurice Allais, seul prix Nobel d’économie français, préfère employer le terme de laisser-fairisme dans la mesure où le libre-échangisme serait parfaitement applicable dans de grands ensembles régionaux bénéficiant d’un niveau de vie comparable et subissant des contraintes sociales de même nature. Mais si les critiques de Maurice Allais contre les excès du Système sont intéressantes, cet auteur n’en reste pas moins un libéral et n’accepte pas la notion d’économie orientée et régulée nécessaire dans une conception solidariste.

Comment définir une économie solidariste, organique et enracinée ?

C’est avant tout une économie au service du peuple et non pour le bénéfice exclusif d’une oligarchie. De ce fait, elle est automatiquement subordonnée au pouvoir politique qui l’oriente mais ne la dirige pas, sauf dans certains secteurs cruciaux. Elle suit les orientations (incitations fiscales, exemptions ou réductions d’impôts, zones franches, interdictions, limites, restrictions) que lui pose l’Etat. De ce fait, elle agit librement dans un cadre donné en fonction de deux impératifs :

1. assurer le bien-être de la population ;
2. assurer les exigences stratégiques de l’Etat.

Tant que l’économie n’est pas en crise et que ces deux impératifs sont satisfaits, l’Etat n’intervient pas. Dès lors qu’un dysfonctionnement intervient, extérieur ou intérieur (prix du baril de pétrole, pénuries alimentaires, hausse du prix des matières premières ou stratégiques etc.) l’Etat use de son pouvoir régalien pour imposer les mesures qu’il juge nécessaires (baisse ou hausse des prix ou des salaires, inflation ou déflation, augmentation des droits de douanes, contrôle des changes, etc.). En conséquence, et contrairement aux exigences du Système Global, il est vital pour un Etat qui désire conserver son indépendance et sa liberté d’agir, de se désendetter et de pouvoir disposer d’une banque centrale sous son contrôle direct afin de pouvoir jouer à sa guise sur la circulation monétaire dans le pays.

Une économie solidariste doit reposer sur le principe de la libre concurrence mais en respectant les valeurs et les traditions des peuples où elle est appliquée. Contrairement à ce que pense les libéraux, tout n’est pas à vendre ou à acheter. En conséquence l’Etat doit réglementer les secteurs où il souhaite détenir le monopole (transports publics, énergie, défense, télécommunications, médias). Il est même souhaitable que ces secteurs restent sous le contrôle étroit et exclusif de l’Etat, notamment les télécommunications et les médias, du fait de leur utilisation potentielle comme armes stratégiques de désinformation.

Afin d’éviter un assoupissement du système inhérent à toute fonction publique et à toute administration centralisée dépourvue de concurrence, il est souhaitable d’instaurer dans ces administrations un système de rémunération au mérite (comportant des limites), géré par une commission mixte de fonctionnaires de tous grades et d’experts indépendants extérieurs à l’administration.

Pour protéger cette économie de tout choc intérieur ou extérieur, il convient de fixer un certain nombre de principes simples :

1. tout ce que peut fabriquer ou produire le pays, sans coûts excessifs, et qui fournit de l’emploi à des salariés ou est considéré comme d’intérêt stratégique par l’Etat, doit être protégé par des droits de douane, variables selon la nature de la menace, ou être nationalisé.

2. La monnaie nationale n’est pas une marchandise et il faut restaurer le système qui la place hors du champ des spéculateurs internationaux.

3. L’Etat doit s’arroger le droit d’interdire toute société ou organisation étrangère dont l’activité peut être néfaste (sur les plans politique, économique ou culturel) pour le pays.

4. L’impôt doit être juste et équitable et toucher proportionnellement toute les classes sociales (sauf les plus démunies) en évitant de frapper trop fort les hauts revenus ce qui risquerait de faire fuir les élites.

5. L’Etat doit se donner les moyens, même à prix exorbitant et donc non compétitif, de fabriquer ce qu’il estime nécessaire pour son indépendance et dont la perte de savoir-faire lui serait extrêmement préjudiciable. (cf. industrie spatiale).

6. Une économie solidariste doit favoriser le principe de fonctionnement des cercles concentriques : il faut qu’une région consomme prioritairement ce qu’elle produit. Si un produit n’est pas disponible dans la région concernée, c’est à la région la plus voisine de l’approvisionner. Si aucune région du pays ne produit le bien recherché, il sera importé, de préférence d’un pays avec lequel existe des accords bilatéraux d’échanges.

7. Une économie continentale ouverte sur les deux océans doit mettre en place le principe de l’autarcie des grands espaces. Le continent Eurasien, de Brest à Vladivostok, possède largement en son sein de quoi satisfaire tous ses besoins essentiels. Pour les rares denrées (café, chocolat…) ou matières premières qu’elle ne posséderait pas, ou alors en quantité insuffisante, des accords de commerce internationaux avec les pays producteurs permettront de pallier la pénurie.

Ces principes d’économie organique ne sont que de simples mesures de bon sens et ils étaient pratiqués naturellement par tous les Etats du monde avant que la maladie libérale et sa dérive libérale-totalitaire ne se répandent sur la surface de la terre. Ils pourraient être remis en place dans un débat comme alternative positive au système marchand mis en place par ceux qui visent à travers lui à s’assurer le contrôle de la planète.

Notre particularité, c’est la logique de la troisième voie, celle qui réussit la synthèse entre le national et le social. Mais pour ce faire, il ne faut pas heurter de front ceux qui en sont restés à une logique dialectique simpliste de type gauche/droite, à savoir socialisme contre libéralisme. La meilleure définition possible pour un solidarisme moderne c’est : « Au travail, sa place, toute sa place ! Au capital, sa place, rien que sa place ! »

Emmanuel Leroy


Article printed from AMI France: http://fr.altermedia.info

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mardi, 25 novembre 2008

Nouveautés sur le site "Theatrum Belli"

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Bonjour,

Veuillez trouver ci-dessous les dernières publications du blog THEATRUM BELLI (http://www.theatrum-belli.com/ ).


Le "storytelling" de guerre ou l'art de formater les esprits (1/2)

« Des éclats de verre et des débris de meubles brisés jonchent le sol de la pièce. Par une brèche percée dans l'un des murs, on aperçoit la ville, la circulation sur le pont qui enjambe le fleuve, les moineaux qui se dispersent dans la brume... Une musique arabe et les voix des marchands remontent d'une rue commerçante en contrebas. À côté de moi, le commandant Paul Tyrrell scrute avec son...

Cette note a été publiée le 23 novembre 2008

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Le "storytelling" de guerre ou l'art de formater les esprit (2/2)

Des « armes de distraction massive » Pour Richard Lindheim, le vice-président de Paramount Digital Entertainment qui fut à l'origine de l'ICT, si la génération du Viêt-nam était celle de la télévision, les jeunes soldats d'aujourd'hui ont grandi avec les jeux vidéo. Selon une étude de l'armée, 90% des 75.000 jeunes qui rejoignent l'armée chaque année ont déjà utilisé des jeux...

Cette note a été publiée le 23 novembre 2008

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A l'école de l'élite militaire afghane

Une trentaine de soldats afghans grimpent en courant la pente raide de la "colline de l'homme perdu", fusil d'assaut à bout de bras, dans un nuage de poussière. "Hondo" les observe, avec le regard de l'expert : "Les Afghans sont rustiques, parfaitement adaptés à leur environnement ; ce sont des combattants inépuisables : le matin à 5 heures, ils sont à l'entraînement." Le commandant...

Cette note a été publiée le 22 novembre 2008

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Rafale en Afghanistan

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Cette note a été publiée le 22 novembre 2008

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Un militaire français tué en Afghanistan

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Cette note a été publiée le 22 novembre 2008

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Un turboréacteur de missile à peine plus grand qu'un stylo

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Cette note a été publiée le 22 novembre 2008

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Une "EFO" pour l'Afghanistan

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Cette note a été publiée le 22 novembre 2008

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L'Armée de Terre commande 560 nouveaux systèmes SITEL

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Cette note a été publiée le 22 novembre 2008

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La guerre culturelle

 

Cette note a été publiée le 21 novembre 2008

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L'Europe redoute la naissance d'une "Opep du gaz"

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Cette note a été publiée le 20 novembre 2008

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Course aux ressources naturelles : la troisième guerre mondiale a déjà commencé : la RDC en fait déjà les frais

Le contrôle des ressources naturelles sera, en ce 21ème siècle, au centre de nombreux conflits armés. On est encore loin d'un tableau attestant d'une guerre mondiale. Mais, les ingrédients pour y arriver sont bien là. A l'Est de la RDC où se livre depuis une dizaine d'années une grande razzia pour le contrôle des ressources naturelles en témoigne, avec l'entrée en scène de...

Cette note a été publiée le 20 novembre 2008

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Tsahal reste prête à frapper l'Iran

L'élection de Barack Obama suscite l'inquiétude de ceux qui redoutent de voir les États-Unis laisser Téhéran se doter de la bombe atomique. "C'est alors que le soleil s'est arrêté." Exactement comme il s'arrêta pendant vingt-quatre heures dans la Bible, à la demande de Josué, afin de permettre à l'armée d'Israël de vaincre ses ennemis amorites. À l'époque, Leev Raz y avait vu...

Cette note a été publiée le 19 novembre 2008

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Le "syndrome de la guerre du Golfe" confirmé par un rapport US

Le syndrome de la guerre du Golfe est une véritable affection qui touche plus de 175.000 anciens combattants américains exposés à des agents chimiques lors du conflit de 1991, selon un rapport. La conclusion de ce rapport établi par une commission à la demande du Congrès américain est que ce syndrome recouvre des troubles physiques distincts des troubles psychiques dont ont pu...

Cette note a été publiée le 18 novembre 2008

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Le site INFOGUERRE fait peau neuve

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Cette note a été publiée le 18 novembre 2008

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Police/Gendarmerie : main dans la main ?

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Cette note a été publiée le 17 novembre 2008

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Attaques au mortier d'insurgés afghans

 

Cette note a été publiée le 16 novembre 2008

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Génération Irak (1/3)

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Cette note a été publiée le 16 novembre 2008

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Apocalypse Now Redux (1979 et 2001)

Les services secrets militaires américains confient au capitaine Willard la mission de trouver et d'exécuter le colonel Kurtz dont les méthodes sont jugées "malsaines". Kurtz, établi au-delà de la frontière avec le Cambodge, a pris la tête d'un groupe d'indigènes et mène des opérations contre l'ennemi avec une sauvagerie terrifiante. Au moyen d'un patrouilleur mis à sa disposition, ainsi...

Cette note a été publiée le 16 novembre 2008

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Un séminaire pour faire avancer le projet d' "ERASMUS militaire"

Un séminaire de haut niveau s'est déroulé les 13 et 14 novembre 2008 à Paris sur "l'initiative européenne pour les échanges de jeunes officiers" , plus connu sous le nom d' "ERASMUS militaire" puisque ce projet s'inspire du célèbre programme européen d'échanges étudiants. Ce séminaire sera ouvert par le secrétaire d'État français à la défense et aux anciens combattants, Jean-Marie...

Cette note a été publiée le 16 novembre 2008

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Les événements en RDC depuis une "Google map"

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Cette note a été publiée le 14 novembre 2008

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08:20 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : militaria, sites, blogs, histoire, actualités, géopolitique, stratégie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

lundi, 24 novembre 2008

Découvertes de monnaies celtiques et germaniques

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Découverte de monnaies d’or et d’argent celtiques et germaniques au Limbourg néerlandais


Paul Curfs est l’un de ces hommes qui a pour passe-temps de se promener avec un détecteur de métaux. En mars de cette année, près de son domicile dans la région de Maastricht, son appareil a émis le signal habituel en passant au-dessus d’une masse métallique. Il a découvert ainsi un première piécette d’or, ornée d’un cheval stylisé. Deux jours plus tard, il découvre, à proximité immédiate de sa première trouvaille, quelques pièces supplémentaires, presque identiques à la première, qu’il a tout de suite apportées au service archéologique de la région, dirigé par le conservateur Wim Dijkman. Celui-ci a pris immédiatement conscience de la grande importance historique de ces monnaies. Après l’ensemencement au printemps du champ de maïs et la récolte estivale, il a fallu attendre les courtes vacances de la Toussaint pour y délimiter une superficie à prospecter de 15 m sur 30 m, puis découvrir encore quelques pièces et, enfin, à 65 cm dans le sol, le reste, concentré, du trésor. Celui-ci est le plus important de cette sorte à avoir été exhumé jusqu’ici hors du sol néerlandais. Dans la même région, il y a huit ans, on avait trouvé à Heers (Limbourg flamand) 102 monnaies provenant des Eburons et de quelques autres peuples celtiques.


Quelles conclusions tirent les archéologues néerlandais de cette découverte?


  • Les monnaies ont été vraisemblablement enterrées dans une besace de tissu ou de cuir; les labours profonds en ont exhumé quelques-unes et les ont dispersé autour de la cachette initiale;


  • Ces monnaies datent du premier siècle avant l’ère chrétienne, à l’époque où les tribus celtiques de nos régions résistaient aux troupes de César, lors du soulèvement des Eburons et des Atuatuques (Aduatiques);


  • Les 39 pièces d’or découvertes relèvent de la tribu des Eburons, menés à l’époque par leur fameux chef Ambiorix, dont la statue se dresse à Tongres;


  • Les 70 monnaies d’argent proviennent des tribus germaniques voisines, qui habitaient entre Meuse et Rhin;


  • Cette découverte prouve que les Eburons et les Germains de Rhénanie avaient partie liée dans la résistance aux légions romaines et entretenaient des contacts très étroits entre eux; selon le prof. Nico Roymans: “Ce trésor de monnaies a peut-être servi à acheter une alliance contre les Romains”;


  • Le Prof. Roymans constate que dans les environs immédiats du site, où Curfs a découvert les monnaies, il n’y a aucune trace d’habitation; on a donc enfoui cet or et cet argent dans une zone inhabitée, probablement pour empêcher qu’on les dérobe ou qu’un ennemi s’en empare;


  • Le Conservateur Dijkman remarque que les deux types de monnaie présentent, sur une face, un même motif, soit un triskèle celtique; les monnaies celtique d’or présentent, sur leur autre face, un motif hippique, imité des anciennes monnaies grecques; les pièces germaniques d’argent présentent, sur le côté pile, une pyramide de cercles ou d’anneaux, dont on ne connaît pas encore la signification.


Un trésor qui devrait permettre d’élucider davantage l’alliance entre Ambiorix et les Germains de Rhénanie, qu’évoque la “Guerre des Gaules” de César.


Source: “Het Laatste Nieuws”, 14 novembre 2008, pp. 2 & 6.

(résumé: Robert Steuckers).

vendredi, 21 novembre 2008

Savitri Devi: Hellénisme et hindouisme, la grande aventure

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Savitri Devi:

Hellénisme et hindouisme, la grande aventure

par Jean Mabire

Le goût très moderne pour le scandale et l’étrange peut parfois transfigurer les aventures intellectuelles les plus captivantes en trompeuse pâture médiatique. C'est ainsi que le livre de Nicholas Goodrick-Clarke, Hitler’s priestess, récemment traduit en français sous l’étiquette La prêtresse d’Hitler, risque d'attirer les amateurs d’ésotérisme de pacotille en dissimulant l’itinéraire absolument passionnant de cette Grecque, née en France, qui devait découvrir aux Indes le point d'ancrage d’une singulière croyance politico-religieuse.

Personne ne connaissait cette femme, auteur d’une vingtaine de livres, où un authentique chef-d’œuvre, L’Etang aux lotus, témoignage d’une fort poétique conversion, voisinait avec un portrait fabuleux du pharaon Akhenaton, fils du soleil s’il en fut, et des pamphlets d’une rare violence publiés après la guerre en éditions semi-clandestines.

Celle qui se faisait appeler Savitri Devi et épousa le militant nationaliste hindou Asit Krishna Mukherji devait, sur la fin de sa vie, fréquenter les milieux les plus extrémistes d’Europe et d’Amérique où elle passa pour une sorte d’illuminée.

Les chemins intellectuellement et spirituellement les plus insolites comme les plus dangereux qu’elle fréquenta par passion tout autant que par devoir, ne peuvent faire oublier les longues années où elle rechercha, toujours sincère, une sorte de foi indo-européenne exaltée, dont elle fut, plus qu’une prêtresse, un véritable « gourou », à la fois oriental et « polaire ».

L’hérédité est là. Implacable. Celle qui se fera un jour appeler Savitri Devi est née le 30 septembre 1905, dans le Rhône, d’une mère originaire de Cornouaille britannique nommée Nash et d'un père moitié italien de Londres [Lombardy—ed.] et moitié grec de Lyon, qui portait le nom de Portas. L’enfant reçoit le prénom de Maximiani, forme féminine hellénique de Maximien. En remontant fort loin dans le temps, elle pouvait se dire « nordique », Jutlandaise du côté maternel et Lombarde du côté paternel.

Elle était aussi « Barbare », influencée par les poèmes de Charles Leconte de Lisle, le dieu littéraire de sa jeunesse.

Curieusement, sa germanophilie remonte à un premier séjour en Grèce, où elle rêvait des Doriens sur les ruines de l’Acropole d'Athènes. De retour en France, elle devait acquérir la nationalité hellénique en 1928 par une démarche au consulat grec de Lyon, sa ville natale. De solides études la conduisent à un double doctorat en 1935, avec un essai critique sur son lointain compatriote Théophile Kaïris, poète et patriote, éveilleur du nationalisme hellénique, et une thèse sur La simplicité mathématique.

C’est tout à la fois une littéraire, une scientifique et surtout une passionnée aux élans fort romantiques. De son enthousiasme pour la Grèce, elle tire un engouement pour l’aventure indo-européenne qui la conduira en Inde, où elle découvre l'immense richesse d’une culture païenne pré-chrétienne.

Elle se veut désormais citoyenne de l’Âryâvarta, nom traditionnel des territoires aryens de l’Asie du Sud où elle va rechercher « les dieux et les rites voisins de ceux de la Grèce antique, de la Rome antique et de la Germanie antique, que les gens de notre race ont possédés, avec le culte du Soleil, il y a six mille ans, et auxquels des millions d’êtres vivants de toutes les races restent attachés ».

Au printemps 1932, à 27 ans, elle accomplit ce que Lanza del Vasto nommera un jour « le pèlerinage aux sources ».

Elle n’est pas une touriste mais une croyante. Elle va rapidement apprendre les langues du pays, l’hindî et le bengali, et vivre dans l’âshram de Rabîndranâth Tagore à Shantiniketan, dans le Bengale. Elle part ensuite comme professeur dans un collège non loin de Delhi, où elle enseigne l’histoire.

Maximiani Portas prend alors le nom de Savitri Devi, en l’honneur de la divinité solaire féminine.

En 1940, elle fait paraître à Calcutta son premier livre, L’Etang aux lotus, où elle raconte dans un style très lyrique sa « conversion » à l’hindouisme, à la fin des années trente. Ce livre, publié en français, est à la fois récit de voyage et longue quête spirituelle d’une jeune femme qui va désormais vivre illuminée par une foi qui ne la quittera plus jamais :

« Si j’avais à me choisir une devise, je prendrais celle-ci : Pure, dure, sûre, en d’autres termes :  inaltérable. J’exprimerais par là l’idéal des Forts, de ceux que rien n’abat, que rien ne corrompt, que rien ne fait changer ; de ceux sur qui on peut compter, parce que leur vie est ordre et fidélité, à l’unisson avec l’éternel. »

Dès la fin de 1936, elle s’est fixée à Calcutta, où elle enseigne à ses nouveaux « compatriotes » l’hindouisme, « gardien de l’héritage aryen et védique depuis des siècles, essence même de l’Inde ».

Tout naturellement, sa vision religieuse est aussi une vision politique et elle s’implique totalement dans le nationalisme hindou et notamment dans le mouvement de D.V. Savarkar. L’Inde n'est pas seulement une patrie, une future nation, c’est aussi une véritable Terre Sainte, celle des Védas, des dieux et des héros.

Elle écrit, cette fois en anglais : A Warning to the Hindus, où elle critique les influences chrétiennes et musulmanes, dans une optique à la fois païenne et anticolonialiste. Elle épouse alors Asit Krishna Mukherji, un éditeur hindou, assez anti-britannique pour s’affirmer pro-germanique.

Du combat culturel et religieux, elle passe, sous son influence, à la lutte clandestine dans le sillage du chef nationaliste Subhas Chandra Bose, qui rêve d’une armée capable de libérer les Indes, avec l’aide des Allemands et des Japonais.

Savitri Devi, devenue militante, n’en poursuit pas moins sa grande quête spirituelle. Elle se passionne alors pour le pharaon égyptien Akhenaton, époux de la reine Néfertiti et fondateur d’une religion solaire vieille de 3.300 ans.

Son penchant pour ce souverain, qu’elle nomme « fils de Dieu », se double d’un véritable culte de la Nature qui la conduit à prendre la défense des animaux dans son livre Impeachment of Man, critique radicale de l’anthropocentrisme.

Le livre paraît en 1945. Elle vient d’avoir 40 ans et décide de partir en Europe, où elle veut voir ce que devient l'Allemagne de la défaite. Elle séjourne d’abord à Londres et à Lyon. Puis elle se rend dans les ruines du IIIe Reich. Elle affirme vivre alors dans le « Kali-Yuga », l’Age de Fer, d’où repartira un nouveau cycle : Ages d’Or, d’Argent et de Bronze.

Elle défend la théorie des trois types d’Hommes : les Hommes dans le Temps, les Hommes au-dessus du Temps et les Hommes contre le Temps. Elle s’exalte de plus en plus et considère désormais Hitler comme un « avatar », une réincarnation des héros indiens de la Bhagavad Gîtâ !

Ses propos et ses brochures lui vaudront d’être emprisonnée à Werl par les autorités de la zone d’occupation britannique qui l’accusent de néo-nazisme.

Libérée en 1949, elle va désormais se partager entre l’Inde, l’Europe et l’Amérique, écrivant des pamphlets politico-religieux d’une rare violence : Défiance (1950), Gold in the Furnace (1953), Pilgrimage (1958), The Lightning and the Sun (1958).

Tandis que ses livres paraissent à Calcutta, elle parcourt le monde au hasard de ses obsessions et de ses amitiés, rencontrant, sans discernement, quelques rescapés de l’aventure hitlérienne et bon nombre de néo-nazis, souvent parmi les plus folkloriques.

Elle vit chichement de son métier d’institutrice et fera plusieurs séjours dans des asiles de vieillards indigents, alors qu’elle est devenue presque aveugle. Elle meurt chez une amie, dans un petit village anglais de l’Essex, le 22 octobre 1982, à l’âge de 77 ans.

Si le livre, assez hostile, que lui a consacré Nicholas Goodrick-Clarke la qualifie de « prêtresse d’Hitler », il aurait peut-être été plus juste de la présenter comme « prophétesse du New Age et de l’écologie profonde »


Publié dans la série de Jean Mabire, « Que lire ? », volume 7, 2003.

mercredi, 19 novembre 2008

Quelques dates et quelques étapes dans le retour de la conscience païenne en Europe

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Quelques dates et quelques étapes dans le retour de la conscience païenne en Europe

 

 

Robert STEUCKERS

 

L'objectif de cette longue liste est de donner au lecteur et à l'éventuel mémorisant l'envie d'approfondir quelques aspects de l'aventure néo-païenne à l'œuvre en Europe depuis les humanistes italiens du XVième siècle. Cette liste n'est pas du tout exhausive. Nous sommes conscients de ses lacunes, mais nous avons d'abord voulu évoquer des étapes ou des événements peu connus, significatifs et non réductibles aux vulgates paganisantes ou anti-paganisantes qui tiennent le haut du pavé aujourd'hui. Nous n'avons pas repris les étapes de la redécouverte archéologique ou linguistique des faits indo-européens, indissociables toutefois de la reprise en compte de notre plus lointain passé. Nous avons arrêté nos investigations dans les années 20 de ce siècle.

 

1176: A Cardigan au Pays de Galles, se tient le premier Eisteddfod gallois en présence de Lord Rhys ap Grufydd.

 

1365- c. 1430: Christine de Pizan, qui préfigure le féminisme européen, commence son traité d'héraldique par une invocation directe à Minerve, déesse des facultés intellectuelles, de l'intelligence et des armes. Minerve remplace ainsi la figure abstraite de la Sapientia.

 

1422-1427: Découverte dans les milieux humanistes italiens du texte de Tacite, Germania. La redécouverte de ce texte ouvre la pensée européenne aux réalités non classiques de l'Europe du Nord.

 

1431: L'humaniste italien Lorenzo Valla publie De voluptate, tentant de concilier la ferveur spirituelle chrétienne et la fantaisie sensuelle des Epicuriens, en rejetant le filon stoïcien qui érigeait la frigidité au rang de vertu. La parution de ce texte est contemporaine de la représentation picturale de nombreuses Vénus, nymphes, grâces et muses. 

 

1450: A Rimini en Italie, Leon Battista Alberti construit en 1450 le Tempietto Malatestiano, en l'honneur du condottieri Sigismondo Malatesta, ennemi du Pape. Toutes les icônes de ce temple sont païennes, notamment un soleil faisant référence directe à Apollon. Pie II, en dépit de sa tolérance et de ses largesses de vue, condamne ce temple, comme expression du paganisme mais en réalité il le refuse car il est un “pied-de-nez” à l'institution pontificale, et excommunie Malatesta.

 

1450: Naissance à Schlettstadt (Sélestat) en Alsace de l'humaniste, juriste et théologien allemand Jakob Wimpfeling. Sur base de la  Germania de Tacite, réédité par Konrad Celtis en 1500, il développe les premières manifestations du nationalisme allemand. Les Germains de Tacite sont proches de la nature, simples et guerriers: tel est le modèle de la meilleure humanité (comme le disait aussi Machiavel en admirant et en préconisant le système des milices paysannes et guerrières suisses). Chez Wimpfeling toutefois, le modèle germanique ne doit pas uniquement conduire à exalter la guerre, mais à promouvoir d'autres vertus importantes en Europe du Nord et en Europe centrale: l'humanité, la magnanimité, le courage civique et l'hospitalité. Il défend farouchement la germanité naturelle de l'Alsace contre les premières manifestations de la francisation.Wimpfeling meurt dans sa ville natale en 1528.

 

1455: La ville de Pienza commande des travaux de réaménagement urbain à Federico de Montefelto. Parmi les innovations, celui-ci fait construire un temple dédié aux Muses (Tempietto delle Muse). L'iconographie païenne s'y juxtapose à l'iconographie chrétienne.

 

1459: Naissance à Wipfeld près de Schweinfurt de l'humaniste allemand Konrad Celtis (en réalité Konrad Bickel ou Pickel). Philosophe itinérant, poète récompensé en 1487 par l'Empereur Frédéric III, ami des humanistes italiens, fondateur des premières sociétés littéraires polonaise (Sodalitas Vistulana; Cracovie, 1489-91) et hongroise (Sodalitas literaria Hungerorum), ensuite de nombreuses sociétés littéraires allemandes (à Vienne et en Rhénanie). Konrad Celtis écrit en latin, mais un latin non académique, proche de la simplicité populaire. Il édite en 1487 les textes de Sénèque et en 1500 la Germania de Tacite. Quand il édite ce texte mineur de Tacite (mais combien important pour la prise de conscience nationale future des Allemands), ses intentions sont anti-cléricales et, à l'instar de du Bellay et Ronsard, de défendre la langue populaire contre un latin figé et les trop nombreux emprunts à l'italien. Celtis lance une idée qui fera son chemin: Tacite, dans Germania, nous enseigne les vertus de la simplicité et de la primitivité. Dans certains textes, il applique la méthode de Tacite aux Allemands de son siècle, en vantant les mérites de la simplicité scythe, à imiter. Celtis introduit ainsi les premiers linéaments de la russophilie des nationalistes et des conservateurs allemands. Konrad Celtis meurt à Vienne en 1508.

 

1472: Naissance à Ingstetten près de Justingen dans le Wurtemberg de l'humaniste et poète Heinrich Bebel, fils de paysan. Professeur de rhétorique à l'université de Tübingen, il est nommé “poeta laureatus” par l'Empereur Maximilien I en 1501. Bebel lutte contre la scolastique étouffante, développe les armes de la satire et de l'ironie dans sa rhétorique, revalorise les traditions populaires et le langage non frelaté de l'homme du peuple. Cette simplicité permet le politique, car elle a donné à l'antique Rome républicaine ses vertus de paysans-soldats frugaux, figures par excellence destinées à la gloire militaire et impériale. Or les Allemands du temps de Bebel doivent assurer la responsabilité de l'Empire. Ce n'est que sur base d'une simplicité, comparable à la frugalité romaine antique, que cette mission divine peut être assurée. Bebel meurt en 1518 à Tübingen.

 

1484: Le 5 décembre 1484, le Pape émet la Bulle “Summis desiderantes” contre les sorcières.

 

1486: Pic de la Mirandole prépare, pour l'assemblée d'humanistes et d'érudits qu'il a convoqués à Rome et qui sera interdite par le Pape, une De hominis dignitate oratio, où il définit la gloire de l'homme par sa capacité à changer, à adopter des comportements différents. L'espace où agit l'homme n'est pas clos comme celui des anges ou des animaux. Cette absence de fermeture lui permet de devenir ce qu'il veut devenir. L'homme peut végéter comme une plante, se démener comme une brute, danser comme un dieu, raisonner comme un ange ou se retirer dans l'antre de sa solitiude. “Qui hunc notrum chameleonta non admiretur?” (= Qui d'entre nous n'admirerait pas ce chaméléon?). Spécialiste de la redécouverte de la paganité hellénique pendant la renaissance italienne, l'historien anglais Edgard Wind écrit: «Dans cette poursuite aventureuse de sa propre auto-transformation, l'homme explore l'univers comme s'il s'explorait lui-même. Et plus il porte ses métamorphoses vers le lointain, plus il découvre que ces phases variées de son expérience sont transposables les unes dans les autres: car toutes reflètent en ultime instance l'Un, dont elles développent des aspects particuliers. Si l'homme ne sent pas l'unité transcendante du monde, il perdra également son inhérente diversité. Pic exprime cette idée de manière cryptée mais indubitable dans l'une de ses conclusiones orphiques: “Celui qui ne peut attirer Pan à lui, approchera Protée en vain”». Pic de la Mirandole fait l'équation entre Pan et le Tout, réintroduit dans la pensée européenne le polythéisme orphique, la vision renaissanciste d'un univers pluriel.

 

1486/87: Les dominicains et inquisiteurs allemands Jacob Sprenger (Bâle) et Heinrich Institoris (Schlettstadt/Sélestat) publient le Hexenhammer (Malleus maleficarum), manuel de l'inquisition contre les sorcières.

 

1496: Dans Practica Musice l'humaniste Luc Gafurius publie une image montrant l'harmonie divine, où ne figurent que les muses, les dieux et la cosmologie païenne.

 

1508-1511: Raphaël installe son Ecole d'Athènes dans le Vatican, ce qui banalise les images des dieux et des déesses païennes dans toute l'Europe.

 

1514: L'humaniste Justus Bebelius traite dans ses ouvrages de l'ancienne religion des Germains et des druides gaulois.

 

1520: A Piacenza en Italie, le juriste Gianfrancesco Ponzinibio s'insurge contre les procès en sorcellerie dans un réquisitoire imprimé et diffusé. En 1523, il doit répondre à l'inquisiteur de Spina.

 

1532: L'humaniste français Jean le Fèvre publie son ouvrage Les Fleurs et Antiquitez des Gaules, où il est traité des Anciens Philosophes Gaulois appellez Druides,  première approche de la religiosité celtique en France.

 

1556: L'humaniste français Picard reprend la mythologie imaginaire d'Annius de Viterbe (1498), du moins pour ce qui concerne les Gaulois.

 

1563: Le médecin du Duc de Clèves, d'obédience calviniste, Johannes Weyer (1516-1588) rédige un ouvrage pour dénoncer la folie des procès de sorcellerie et le dédie à l'Empereur Ferdinand I, frère de Charles-Quint (Über die Blendwerke der Dämonen, Zaubereien und Giftmischereien). L'Empereur le félicite mais l'ouvrage sera mis à l'index.

 

1567-1570: Le sculpteur Giovanni di Bologna installe des statues de bronze des divinités païennes dans la ville de Bologne (Hercule), dans les Jardins de Boboli (Oceanus) et à Florence (Neptune).

 

1579: Le juriste toulousain Forcadel, dans De Gallio Imperio et Philosophia reprend à son tour la vision d'Annius de Viterbe, mais y ajoute des paragraphes importants sur la fonction juridique des Druides. Forcadel entend ainsi, implicitement, revenir à un droit plus conforme au passé de la Gaule/France.

 

1582: L'humaniste écossais George Buchanan (1506-1582), dans son “Histoire de l'Ecosse”, jette les bases des études celtiques comparées. Il souligne la parenté des langues celtiques.

 

1585: L'humaniste français Noël Taillepied publie Histoire de l'estat et républiques des Druides, Eubages, Sarronides, Bardes, Vacies, anciens François, gouverneurs des pais de la Gaule, depuis le déluge universel, iusques à la venue de Jésus Christ en ce monde. Compris en deux livres, contenans leurs loix, police, ordonnances, tant en l'estat ecclésiastique, que séculier. Taillepied consacre vingt sections de cet ouvrage aux codes légaux et aux ordonnances des druides. Le retour à la Gaule chrétienne chez cet humaniste est lié à une volonté de retrouver un droit accordant au peuple davantage de libertés concrètes.

 

1592: Le prêtre catholique et théologien Cornelius Loos (ca. 1546-1595) est sommé de se rétracter: il avait protesté contre les exécutions de sorcières par le feu à Trêves où il était professeur. Le Nonce de Cologne Ottavio Mirto Frangipani l'avait fait enfermer dans l'abbaye de Saint-Maximin. Après sa rétractation, il dirige une paroisse à Bruxelles, mais continue de s'insurger contre les procès en sorcellerie. Il est à nouveau enfermé et meurt prisonnier.

 

1594: Une tentative échoue d'organiser un Eisteddfod au Pays de Galles.

 

1602: Adriaen de Vries, disciple du sculpteur Giovanni di Bologna, installe la première statue païenne hors d'Italie, à Augsburg en Bavière. Il s'agit d'une fontaine d'Hercule. Désormais, les figures du panthéon païen remplacent sur les fontaines les représentations médiévales de Saint-Georges.

 

1618: Le poète et dramaturge anglais John Fletcher, dans sa pièce consacrée à la figure de Bonduca (= le reine celtique Boadicée, résistante à la l'occupation romaine), fait apparaître sur scène des druides et des bardes dans une séquence dansée. La perspective de Fletcher est patriotique et renoue avec le passé celtique de l'Angleterre, exalté comme vierge de toute influence continentale.

 

1622: Le poète et humaniste anglais Michael Drayton (1563-1631) publie son long poème en alexandrins intitulé Polyolbion, où il conte les merveilles de la Britannia, mélangeant doux idyllisme et patriotisme. Dans ce poème, les druides apparaissent comme des “bardes sacrés” dont la connaissance des mystères de la nature a été la plus profonde jamais acquise par les hommes.

 

1623: L'humaniste et médecin Guenebault publie Le réveil de l'antique tombeau de Chyndonax, Prince des Vacies, druides celtiques, dijonnois,... Dans cet ouvrage, l'auteur insiste sur la fonction juridique des druides.

 

1627: Le Jésuite Adam Tanner (1572-1632), professeur à Ingolstadt, veut réintroduire le “Canon Episcopi”, selon lequel la sorcellerie n'est que superstition sans fondement. Puisqu'il n'y a pas de fondement, les tortures et les exécutions sont inutiles. L'Inquisition menace de lui faire subir la torture.

 

1631-1632: Le Jésuite allemand Friedrich von Spee (1591-1635) demande de limiter les procès en sorcellerie dans sa “Cautio criminalis”. Des pressions sont exercées sur le RP von Spee. La guerre de Trente Ans ruine ses efforts.

 

1635: Le luthérien de tendance piétiste Johannes Matthäus Meyfart (1590-1642) tente de reprendre le combat du Jésuite von Spee, cette fois dans les territoires protestants, mais se fait beaucoup d'ennemis.

 

1648: L'humaniste allemand Elias Schedius publis De Dis Germans  (= Des dieux des Germains), traitant de la religion des “anciens Germains, Gaulois, Bretons et Vandales”.

 

1660: Le roi d'Angleterre Charles II fait figurer sur les nouvelles pièces de monnaie anglaises la déesse Britannia, ce qui n'avait plus été fait depuis l'empire romain. L'Etat ou la nation sont désormais considérés comme des divinités. L'hymne patriotique anglais Rule, Britannia en est un autre témoignagne. En Allemagne, apparaît la déesse Virtembergia (= Wurtemberg), sur le sommet du Château Solitude près de Stuttgart en 1767.

 

1670: John Aubrey fonde l'association druidisante Mount Haemus Grove, dont l'inspiration dérive d'une société du même nom qu'aurait fondée à Oxford en 1245 le barde Philipp Bryddod.

 

1676: Aylett Sammes écrit dans sa Britannia Antiqua Illustrata, que les druides croyaient en l'immortalité de l'âme, ainsi qu'à la transmigration de celle-ci, à la façon de Pythagore. Les druides auraient supplanté des prêtres phéniciens en Bretagne, constituant de la sorte un “clergé” autochtone, plus en prise avec la spiritualité du peuple celtique-britannique.

 

1692: Le prêtre réformé néerlandais Balthasar Bekker (1634-1698) est destitué. Il avait étudié les superstitions relatives aux comètes, aux œuvres du Diable et aux fantômes, puis avait condamné les procès en sorcellerie au nom de la raison et du message des saintes écritures.

 

1703: Dans The Description of the Western Islands of Scotland, Martin Martin traite des cercles de pierres dressées dans les Orkneys et signale qu'ils étaient des lieux de cultes païens.

 

1703: L'abbé breton Pezron lance la vogue des études celtiques sur le continent (dans L'antiquité de la nation et la langue des Celtes). C'est lui qui donne au terme “celte” sa connotation actuelle.

 

1707: Le philologue gallois Edward Lhuyd collationne une quantité de matériaux écrits, oraux et chantés dans les pays celtiques pour en faire la base d'études comparées de celtologie dans le cadre de l'Université d'Oxford.

 

1717: John Toland, successeur de John Aubrey (cf. 1670), fonde l'Ancient Druid Order.

 

1718-1742: Le maître-jardinier Stephen Switzer énonce les règles pour installer des statues de divinités païennes dans les jardins publics et privés (cf. Ichonographica Rustica).

 

1720: Lord Cobham commande au sculpteur anglais John Michael Rysbrack de lui faire sept statues représentant les divinités saxonnes des jours, pour ses jardins de Stowe.

 

1720: L'Allemand Johann G. Keysler, dans Antiquitates Selectae Septentrionales et Celticae, publiées à Hannovre, décrit les résidus des anciens cultes païens en Allemagne, dans les Pays-Bas et en Grande-Bretagne.

 

1723: Le pasteur Henry Rowlands de l'île d'Anglesey publie Mona Antiqua Restaurata, où le druidisme n'est plus considéré comme diabolique mais comme l'expression d'une conscience de l'harmonie de la nature. Pour le reste, il les dénigre comme tenants d'un culte barbare et sanglant.

 

1740: Simon Pelloutier publie son Histoire des Celtes, cherchant, surtout dans la deuxième édition de 1770, à mettre sur pied d'égalité les religions celtique et germanique pour des motifs politiques.

 

1747: L'architecte anglais John Wood l'Ancien (1704-1754) énonce l'hypothèse que sa ville natale de Bath était à l'origine le lieu d'un culte druidique et apollinien. Wood s'intéresse ensuite au site de Stonehenge, dont il reproduit la géométrie sacrée pour une place de Bath, appelée “Circus”. Dans son ouvrage Choir Gaure, il associe directement Stonehenge aux cultes druidiques. Il jette ainsi les bases d'une renaissance druidique en Angleterre.

 

1750: Le prêtre catholique Hieronymus Tartarotti fait paraître à Venise un vigoureux plaidoyer contre les procès en sorcellerie.

 

1752-1766: Le Comte de Caylus, dans son grand Recueil des antiquités,  émet l'hypothèse que les mégalithes ouest-européens sont des sites cultuels pré-druidiques. A la fin de sa vie, il les qualifiera de “druidiques”.

 

1754: William Cooke publie An Enquiry into the Druidical and Patriarchal Religion.

 

1760-62-63: Le poète écossais James MacPherson de Kingussie publie des “traductions” (fictives) d'anciens manuscrits gaëliques d'Ecosse. Ils deviendront célèbres sous le nom d'Ossian. Il lance ainsi la vogue romantique pour le celtisme.

 

1763: Sir James Clerk fait ériger la statue d'un druide à l'entrée de son château, Penicuik House, à Midlothian en Ecosse.

 

1764: Le poète gallois Evan Evans publie Specimens of the Poetry of the Ancient Welsh Bards. En 1784, il publie Musical and Poetical Relics of the Welsh Bards.

 

1766: Le médecin personnel de l'Impératrice Marie-Thérèse d'Autriche, Reine de Hongrie, Gerhard van Swieten (1700-1772), transmet un mémoire visant à supprimer la torture et les exécutions en matières de sorcellerie, celle-ci n'étant que l'expression de la sottise, de la folie ou de la mélancolie. En 1768, le code de la pratique judiciaire impérial interdit la torture dans les procès de sorcellerie. Ainsi la Grande Impératrice Marie-Thérèse met un terme à la folie inquisitoriale de la West-Flandre à la Transylvanie.

 

1766: En Bavière, Don Ferdinand Sterzinger (1721-1786) et Eusebius Amort stigmatisent les procès en sorcellerie et portent un coup fatal à l'Inquisition dans leur pays.

 

1771: Fondation au Pays de Galles du mouvement celtisant et révolutionnaire, d'inspiration druidique, Cymdeithas Gwyneddigion, qui s'affirmera plus tard comme “radical” et “républicain”.

 

1779: Naissance à Vesterbro près de Copenhague du poète danois Adam Gottlob Oehlenschläger. Il deviendra le poète de la renaissance nationale danoise et puisera ses inspirations dans le patrimoine de la mythologie et des sagas scandinaves. Avec la notable exception d'une pièce sur Aladin et d'une interprétation des “Mille et une nuits”. Il meurt en 1850 à Copenhague.

 

1781: Henry Hurle fonde à Londres l'Ancient Order of Druids, une société ésotérique fonctionnant selon les règles de la maçonnerie.

 

1782: Naissance à Kyrkerud dans le Värmland du poète suédois Esaias Tegnér. La publication de son poème Svea en 1811 fait de lui le poète patriotique par excellence. Il aborde les mêmes thématiques patriotiques que la Ligue Gothique de Geijer. Les grandes lignes de force de son œuvre sont la fantaisie, le courage héroïque, l'enthousiasme, l'élégance ironique, la sensualité, exprimés dans une forme claire et classique. Il s'oppose au patriotisme réactionnaire et obscurantiste et estime que les thèmes de la mythologie scandinave doivent être mobilisés pour faire de la Suède un Etat d'avant-garde sur la scéne européenne. A partir de 1825, il sombre dans le pessimisme, la misanthropie et la mélancolie. Il meurt en 1846 à Östrabo près de Växjö.

 

1783: Naissance à Ransäter dans le Värmland de l'écrivain suédois Erik Gustav Geijer. Dans sa jeunesse, il est un adepte des Lumières mais se tournera rapidement vers le romantisme national. Il fonde la Ligue Gothique (Götiska Förbundet), expression de la conscience nationale suédoise, basée sur les vertus attribuées aux peuples sacandinaves. Iduna  (= nom de la déesse scandinave de la jeunesse) est la revue dans laquelle il exprime ce corpus idéologique. A la fin de sa vie, Geijer élabore une philosophie de la personnalité, qu'il oppose à celles de Hegel et Feuerbach, où apparaissent également des thèmes comme la joie de vivre dans la nature, le renoncement aux biens de consommation, l'ancrage dans l'existence. Geijer meurt en 1847 à Stockholm.

 

1786: L'Irlandais Joseph Walker publie Historical memoirs of the Irish Bards.

 

1787: Une pièce de monnaie de la Parys Mine Company de l'île d'Anglesey est ornée de la tête d'un druide, couronnée de feuilles de chêne. L'île est considérée dès cette époque comme le site majeur d'un culte druidique (cf. 1723).

 

1787: Thomas Taylor traduit l'“Hymne orphique à Pan”, induisant les poètes romantiques à redécouvrir l'âme de toutes choses.

 

1789: La poétesse irlandaise Charlotte Brooke publie Reliques of Irish Poetry.

 

1789: Thomas Jones de Crowen, agitateur politique gallois, réétablit la fête traditionnelle celtique de l'Eisteddfod (concours de chants et de poésies d'inspiration nationale et identitaire). Son compatriote, également membre du groupe identitaire et celtisant Gwyneddigion, Edward Williams, alias Iolo Morganwg, recrée la cérémonie druidique du Gorsedd.

 

1791: Fondation de l'“Association bretonne” par Armand de la Rouerie, afin de restaurer l'autonomie bretonne dans le respect des clauses du Traité de 1532. De la Rouerie prévoyait le recours aux armes pour rétablir la légitimité. Il avait soutenu la révolution française jusqu'à la suppression du Parlement de Bretagne par l'Assemblée nationale.

 

1792: Le premier Gorsedd est tenu publiquement au Pays de Galles, le 21 juin 1792. En octobre, Edward Williams/Iolo Morganwg célèbre une fête druidique de l'équinoxe en plein Londres.

 

1793: A Posen (Poznan), encore sous juridiction polonaise, deux femmes accusées de sorcellerie, sont brûlées sur le bûcher, avant l'arrivée des juges prussiens qui avaient interdit l'exécution et déclaré le procès nul et non avenu.

 

1796: Dans ses Origines gauloises, La Tour-d'Auvergne traite des dolmens et des alignements de pierres dressées en Grande-Bretagne et en Armorique.

 

1804: Edward Davies publie Celtic Researches, approfondissant ainsi l'étude du druidisme et des cultes païens celtiques.

 

1805: Fondation de l'académie celtique en Bretagne par l'érudit Jean-Francis Le Gonidec.

 

1805: Jacques Cambry publie Monuments celtiques, contribution importante à la redécouverte de la religiosité native dans les pays celtiques. Les monuments mégalithiques sont druidiques et ont une fonction astronomique, conclut-il.

 

1809: Edward Davies poursuit son œuvre (cf. 1804) et publie The Mythology and Rites of the British Druids.

 

1815: Samuel Rush Meyrick et Charles Hamilton Smith publient Costume of the Original Inhabitants of the British Islands.

 

1818: Le 22 janvier 1818, l'écrivain anglais Leigh Hunt écrit à Thomas Jefferson Hogg une lettre exprimant brièvement les sentiments des écrivains paganisants, après la chute de Napoléon. Pour guérir l'Europe du “christianisme et de l'industrialisation”, il faut rétablir, dit-il, la religio loci, symboliser l'éternité de la vie en décorant sa maison de branches de houx ou de sapin (comme rappels de l'éternelle verdeur de la vie), se souvenir du “grand dieu Pan”.

 

1819: La fête de l'Eisteddfod accepte d'inclure dans ces cérémoniaux le Gorsedd gallois et druidique.

 

1820: Une Société celtique se constitue en Ecosse, immédiatement après la dernière révolte républicaine contre l'union avec l'Angleterre.

 

1821: Dans une lettre à Thomas J. Hogg, le poète romantique anglais Percy Bysshe Shelley exprime sa dévotion à Pan.

 

1823: Le philologue et linguiste allemand Julius Klaproth utilise pour la première fois le terme “indogermanisch” dans son ouvrage publié à Paris Asia polyglotta.

 

1828: Le professeur de criminologie de l'Université de Berlin, Karl-Ernst Jarcke énonce l'hypothèse que les procès de sorcellerie visaient à éradiquer les tenants de l'ancienne religiosité germanique.

 

1831: James Hardiman, poète irlandais, publie un recueil de textes de ménestrels irlandais: Irish minstrelsy.

 

1831: A La Scala de Milan, on joue pour la première fois Norma de Bellini, qui contient un thème druidique, avec, lors de la première présentation publique, un décor de fond représentant Stonehenge. Cette pièce connaîtra un succès formidable en Angleterre.

 

1832: Mendelssohn achève son œuvre chorale Die Erste Walpurgisnacht, décrivant la fête païenne traditionnelle de la veille de Mai (30 avril), où les villageois en fête sont attaqués par les chrétiens, effraient ceux-ci et les mettent en déroute.

 

1836: Le poète et celtisant breton Théodore Hersart de la Villemarqué publie Barzaz Breiz: chants populaires de la Bretagne.

 

1837: Naissance à Valenciennes en Hainaut du poète celtisant Charles De Gaulle (oncle du général), chantre du pan-celtisme. Philologue bien écolé, bon connaisseur des langues galloise et gaëlique-irlandaise. Il devait son inspiration celtisante à une grand-mère maternelle, Marie-Angélique McCartan, descendante d'un officier irlandais de l'armée française. Le Barzaz Breiz  de Hersart de la Villemarqué a eu une grande influence sur lui.

 

1838: De la Villemarqué et Le Gonidec se rendent à la réunion galloise d'Abergavenny, organisée par Cymdeithas y Cymreigyddion y Fenni, nouant des relations étroites entre celtisants bretons et gallois. Cette visite inspire la résurrection de l'Association bretonne.

 

1839: L'archiviste allemand Franz-Joseph Mone de la ville de Bade énonce l'hypothèse que les éléments dionysiaques du culte sorcier, persécuté au moyen-âge et aux débuts de l'époque moderne, sont les résidus clandestins d'un culte né dans les colonies grecques de la zone pontique, amenés en Germanie par les Goths, chassés d'Ukraine par les Huns.

 

1842: L'historien breton Alexis-François Rio publie une étude intitulée La petite chouannerie, qui inspirera Charles de Gaulle, hostile au centralisme parisien et partisan de la légitimité et de l'autonomie bretonnes.

 

1844: Naissance à Brighton de l'écrivain socialiste et réformiste Edward Carpenter qui injectera le paganisme dans le mouvement socialiste anglais (Socialist League, Fellowship of the New Life dont est issue la fameuse Fabian Society). Pour Carpenter, le socialisme doit conduire les peuples à retrouver une vie libre, primitive, simple, saine, morale, basée sur les idées de Whitman, Thoreau et Tolstoï. En 1883, Carpenter fonde une “communauté auto-suffisante” à Millthorpe entre Sheffield et Chesterfield. Son ouvrage principal date de 1889 (et s'intitule: Civilisation: Its Cause and Cure). Il y réclame notamment le retour des divinités féminines et apaisantes (Astarté, Diana, Isis, etc.). Carpenter meurt en 1929, après avoir exercé une influence durable sur les mouvements socialistes et pré-écologiques.

 

1848: Jacques d'Omalius d'Halloy défend devant l'Académie Royale de Bruxelles pour la première fois l'hypothèse d'une origine européenne des civilisations avestique (Perse) et védique (Inde). Près de vingt ans plus tard, il défendra la même thèse devant la Société d'Anthropologie de Paris.

 

1850: Naissance de la philosophe anglaise Jane Ellen Harrison, qui, dans ses recherches, a démontré le “substrat primitif” de la religion olympienne et investigué les pratiques populaires sous-jacentes de l'art et de la rationalité grecs. Elle a montré que les structures intellectuelles les plus élaborées dérivaient en fin de compte de “pratiques vernaculaires” simples, courantes dans le paysannat. Pour Jane Ellen Harrison, ce processus consistait à purger la religion de la peur. Elle s'intéressait plus particulièrement au mysticisme orphique, qu'elle considérait comme la purification et l'édulcoration de rites dionysiaques antérieurs, plus sanglants.

 

1853: Sur base des travaux de l'abbé Pezron (cf. 1703), le philologue allemand Johann Caspar Zeuss publie sa Grammatica Celtica, base de toutes les études philologiques contemporaines sur les langues celtiques.

 

1854: Ernest Renan publie son fameux Essai sur la poésie des races celtiques (deuxième édition en 1859).

 

1854: Naissance de James Frazer, futur fondateur de l'école de Cambridge, qui a cherché à démontrer que le christianisme exprimait un mythe universel, celui du jeune dieu qui meurt et ressuscite, repérable dès le mythe babylonien de Tammuz. Il sera l'auteur de The Golden Bough, publié en deux éditions entre 1890 et 1915. Cet épais ouvrage est une mine d'information sur les rites, les croyances et les traces de ce culte.

 

1858: Le pouvoir parisien fait interdire l'Association Bretonne, porte-voix de la légitimité en Bretagne. Elle continue cependant à fonctionner dans la clandestinité.

 

1859-1863: Adolphe Pictet (1799-1875) publie Les origines indo-européennes ou les Aryas primitifs. Essai de paléontologie linguistique.

 

1864: Parution dans la Revue de Bretagne d'un long article de Charles de Gaulle. Cette publication, dirigée par Arthur de la Borderie, était d'inspiration royaliste et catholique. De Gaulle y plaide pour l'auto-détermination des régions celtophones, Bretagne comprise. Il se réfère à Tacite, par ailleurs inspirateur antique des filons germanisants en Italie, en Allemagne et chez Montesquieu, qui disait, à l'adresse des Romains qui entraient en décadence: «La langue du conquérant dans le bouche du conquis est toujours la langue de l'esclavage». Cette maxime a inspiré les nationalismes à fondement linguistique, sans doute aussi la pensée de Herder et initié les mouvements de libération, se servant de la langue comme levier. De Gaulle appelait aussi les peuples celtiques à émigrer uniquement en Patagonie, afin de ne pas se disperser au milieu d'allophones (anglophones, hispanophones, lusophones ou francophones au Québec). De Gaulle s'aligne ainsi sur le projet similaire d'un Gallois, Michael D. Jones, qui nommait la Patagonie “Y Wladfa”. De Gaulle plaidait en même temps pour le droit des Araucaniens, habitants aborigènes de la Patagonie, à qui les colons celtes devaient accorder des droits culturels et politiques. A la fin de l'année, cet article, considérablement étoffé, parait à Paris et à Nantes sous le titre de Les Celtes au dix-neuvième siècle - appel aux représentants actuels de la race Celtique.

 

1865: Naissance à Rothbach en Alsace du philosophe, poète et écrivain allemand Friedrich Lienhard, grand défenseur des arts et artisanats régionaux. Il s'oppose au naturalisme et à la littérature issue des grandes villes, au profit d'un néo-romantisme et d'un ruralisme, exprimant le fond-du-peuple. Dans son roman Oberlin, il plaide en faveur d'une religion populaire. Entre 1896 et 1900, il publie une trilogie sur Till Eulenspiegel  et, en 1900, un ouvrage sur le roi Arthur (König Arthur). Lienhard meurt en 1929 à Weimar.

 

1866: Michael D. Jones fonde la colonie galloise de Patagonie.

 

1867: Sous l'impulsion des propositions de Charles De Gaulle, l'idée panceltique a fait son chemin en Irlande et en Grande-Bretagne. Les philologues joignent leurs efforts pour créer des chaires de langues celtiques dans les universités. En 1867, le poète anglais Matthew Arnold prononce quatre leçons publiques intitulées On the Study of Celtic Literature; elles sont publiées dans le Cornhill Magazine, puis sous forme de livre. Arnold ne plaide pas pour un retour des langues celtiques dans la vie quotidienne. Il réclame l'avènement de l'anglais dans la pratique, mais, simultanément, l'étude approfondie du patrimoine celtique à l'université. Les matières du fond celtique doivent être utilisées “pour rendre les Anglais plus intelligents, grâcieux et humains”. Plus tard, Yeats, dont la dette à l'égard d'Arnold est indubitable, considèrera la tradition celtique comme un trésor à exploiter pour enrichir la culture et la littérature anglaises.

 

1869: Nicolas Dimmer installe un appendice de l'United Ancient Order of Druids à Paris. Le druidisme prend pied en France.

 

1869: Les “libres penseurs” italiens organisent un congrès international à Naples. Pour Erich Fromm, qui a étudié l'impact dans le socialisme européen de la libre pensée, les participants de ce congrès formaient l'aile radicale de ce “nouvel humanisme” qui se constituait au XIXième siècle. Les Freidenker  allemands Ronge et Uhlich y prennent part. L'orientation politique est nettement à gauche: les “libres penseurs” veulent l'émancipation, l'égalité, les droits de l'Homme, etc. Mais le dépassement du christianisme institutionalisé est déjà à l'ordre du jour.

 

1869: Naissance à Maulburg en Pays de Bade de l'écrivain et peintre allemand Hermann Burte. Il a été un précurseur de l'expressionnisme, mais d'un expressionnisme national, tourné vers l'exaltation de la germanité. Son roman Wiltfeber   (1912) est inspiré de Nietzsche et stigmatise les phénomènes de décadence qui frappent l'Europe à la fin du XIXième et à la Belle Epoque. Son conservatisme axiologique (= conservateur des valeurs traditionnelles du peuple) prend pour thèmes principaux la nature, le paysage et l'amour. Burte est l'auteur notamment de sonnets érotiques, inspirés de la tradition littéraire shakespearienne et du patrimoine régional alémanique, riche en proverbes, contes et contines érotiques et sensuels. Burte traduisait aussi beaucoup de poèmes français, notamment ceux de Voltaire. Wiltfeber  a connu un large succès dans le mouvement de jeunesse Wandervogel. Burte visait une germanisation de la religion en Allemagne, corollaire d'un retour universel des lois du sol et du peuple dans la pratique religieuse.

 

1870: Dans son essai intitulé La science des religions,  Emile Burnouf tente de définir les lois qui président à l'éclosion des grandes religions du monde. Disciple de Renan, Burnouf estime que les peuples européens font montre d'une tendance au polythéisme, tandis que les peuples sémitiques d'une tendance au monothéisme. C'est cela qui explique le monothéisme de surface de la pratique religieuse dans l'Europe médiévale et moderne. Notamment la doctrine catholique de l'incarnation (du Christ dans l'humanité ou dans une partie de l'humanité) est typiquement d'origine hellénistique. Dieu s'incarne et connaît de multiples hypostases, ce qui rétablit en quelque sorte le polythéisme implicite des peuples européens (Grecs, Perses, Indiens). Cette part de la théologie chrétienne est dérivée d'une matrice indo-européenne, à la fois grecque, perse et indienne. Le judaïsme n'est pas exempt non plus d'influences européennes. La notion de “douceur naturelle”, d'amour des choses de ce monde, est également un leg paléo-européen. De même, le culte de la Lumière, très net dans l'Iran antique, dans l'art gothique et dans le culte de Saint-Michel.

 

1873: Lancement de la Revue Celtique, d'inspiration pan-celtique, sous la direction d'un ami de Charles De Gaulle, Henri Gaidoz.

 

1873: Sir Henry Thompson propose l'abolition des lois britanniques interdisant la crémation des morts. Le clergé s'y oppose. Le druide Dr. William Price de Llantrisant (1800-1893) défie les conventions établies en pratiquant la crémation de son enfant mort à cinq mois en 1884. Il est jugé à Cardiff et acquitté. En 1893, à sa mort, il est à son tour brûlé, lors d'une cérémonie funéraire accompagnée de rites païens, mais cette fois en toute légalité, car les lois se sont adaptées, sous la pression d'un druide païen, pour des motifs essentiellement religieux.

 

1873: Naissance à Farsø du romancier danois Johannes Vilhelm Jensen, qui s'inscrira pendant toute sa carrière sous l'enseigne du vitalisme. En 1901, dans Kongens Fald  (= La chute du roi), il déplore l'absence de vitalité des Danois. Son œuvre principale est une fresque intitulée Den lange Rejse  (= Le long voyage), brossant l'histoire de l'humanité et se voulant un “pendant darwinien de l'Ancien Testament”. De nombreux éléments mythologiques européens et des thématiques issues des sagas norroises étoffent cette fresque. Jensen doit beaucoup à Heine, Whitman et Kipling. Il théorise à la fin de sa vie la vision d'une “expansion gothique”, où la Scandinavie est considérée comme la base de départ de la civilisation européenne et américaine (Den gothiske Renæssance/La renaissance gothique, 1901). En 1944, Jensen obtient le Prix Nobel de littérature. Il meurt à Copenhague en 1950.

 

1874: Naissance de l'architecte allemand Bernhard Hoetger qui exhorte ses collègues à respecter les genius loci des sites où ils élèvent leurs bâtiments ou monuments. En 1925, il utilise des éléments du paganisme germanique pour construire le “Worpsweder Café”. En 1927, il utilise ces mêmes éléments lors de l'exposition des artistes de Worpswede. Son œuvre principale est la Böttcherstraße de Brème (1923-1931), dont Ludwig Roselius fut le commanditaire. Dénommé “Haus Atlantis”, le bâtiment principal de la Böttcherstraße relevait de la haute technologie, avec pour matériel principal l'acier. Sur l'une des façades, figurait une statue d'Odin attaché à l'arbre, sur fond d'une roue de runes; c'est la seule des nombreuses statues de l'immeuble qui subsiste aujourd'hui, après les bombardements de la seconde guerre mondiale. Toutes les autres sculptures ont disparu dans la tourmente.

 

1875-1877: Parution d'un livre important de l'ethnologue W. Mannhardt, Wald- und Feldkulte  (= Cultes forestiers et champêtres). Ces ouvrages auront une forte incidence sur les mouvements fondés par Oskar Michel, Ernst Wachler et Wilhelm Schwaner en 1903-1904 ainsi que dans les pratiques du mouvement Wandervogel.

 

1875-1888: Parution continue de la revue Celtic Magazine, porte-voix du mouvement pan-celtique.

 

1878: Lors de l'Eisteddfod gallois de Pontypridd, l'archi-druide prie la divinité indienne Kali, introduisant un élément hindouiste dans les pratiques néo-païennes d'Europe occidentale.

 

1885: Le philologue et archéologue allemand Ludwig J. Daniel Wilser évoque l'origine européenne des cultes solaires en Egypte et en Mésopotamie dans Die Herkunft der Deutschen. Neue Forschungen über Urgeschichte, Abstammung und Verwandtschaftsverhältnisse unseres Volkes. Il réiterera sa thèse dans Herkunft und Urgeschichte der Arier,  une conférence prononcée à Stuttgart devant l'association des anthropologues du Wurtemberg le 11 février 1899.

 

1886: La Highland Land League écossaise se réunit en septembre 1886 à Bonar Bridge pour jeter les bases d'une coopération étroite entre les peuples celtiques. Les Ecossais, moins celtophones que les Irlandais ou les Gallois, sont considérés désormais comme partie prenante du mouvement pan-celtique. Le Gallois de Patagonie, Michael D. Jones, participe à cette manifestation.

 

1886: Naissance à Cambridge de la poétesse anglaise Frances Crofts Cornford, petite-fille de Charles Darwin. Elle dirigera le cercle des néo-païens de Cambridge à partir de 1911. Elle était une disciple de Jane Ellen Harrison (cf. 1850). Son fils Rupert John Cornford (né en 1915) s'est engagé dans les Brigades Internationales en Espagne, a défendu l'Université de Madrid et est tombé à Cordoba. Sa vision de la vie était vitaliste et activiste, proche de celles de Malraux ou Hemingway. Frances Cornford meurt en 1960.

 

1887: Naissance à Rugby du poète anglais Rupert Chawner Brooke. Il restera longtemps l'incarnation littéraire de la jeunesse et de la beauté. Il meurt sur un navire-hôpital dans l'Egée en 1915. Il fait partie de la génération des poètes anglais de la guerre comme Blunden, Sassoon, Owen et Rosenberg. Patriote et socialiste, il faisait partie de la Fabian Society et fondera à Cambridge le cercle des néo-païens en 1908.

 

1888: Naissance à New York du dramaturge américain Eugène Gladstone O'Neill. Il obtiendra le Prix Pulitzer en 1915 et le Prix Nobel en 1936. O'Neill modernise le théâtre américain en s'inspirant d'Ibsen, Shaw, Strindberg et Nietzsche ainsi que de ses compatriotes Mencken et Nathan. Ses personnages sont des marins, son style est expresionniste, son message est d'affirmer la vie. Après avoir frôlé un retour au catholicisme de sa jeunesse (cf. Days without End),  il retourne définitivement au naturalisme et au pessimisme, qui font la trame de son œuvre (cf. The Iceman Cometh, 1939). Le message que laisse O'Neill: l'acception créative et païenne de la vie. Il meurt en 1953.

 

1892: Salomon Reinach publie à Paris L'origine des Aryens. Histoire d'une controverse, où il prend position contre le “mythe de l'ex Oriente lux”. En 1893, dans un article de la revue L'Anthropologie (n°4/1893), significativement intitulé «Le mirage oriental», il exhorte les Européens à revaloriser leur passé et abandonné leur dépendance à l'égard d'un Orient qu'ils ont eux-même fécondé.

 

1893: Fondation de la revue The Celtic Monthly. Elle prend le relais du Celtic Magazine.

 

1894: Fondation du Deutschbund, première association religieuse de type “völkisch” par le rédacteur en chef de la Tägliche Rundschau, Friedrich Lange. Parmi les autres fondateurs: Gerstenhauer, conseiller ministériel et chef du mouvement “chrétien-allemand”; Adolf Bartels, principal historien et critique des littératures allemande et internationale à l'époque en Allemagne.

 

1895: En mars 1895, Lloyd George apporte son soutien à Sir Henry Dalziel, qui réclame l'auto-détermination des peuples celtiques dans le Royaume-Uni. Cette proposition de loi a failli passer. Il lui a manqué vingt-six voix.

 

1899: Fondation dans l'Ile de Man de l'Yn Cheshaght Ghailckagh (Société Celtique de l'Ile de Man).

 

1899: Lors de l'Eisteddfod gallois, le Breton Le Fustec, attaché à l'United Ancient Order of Druids de Paris est sacré druide. En 1900, il s'auto-proclame Premier Grand Druide de Bretagne, fondant une organisation qui existe toujours aujourd'hui.

 

1901: Fondation en Cornouailles de la Kowethas Kelto-Kernuack (Société Celtique des Cornouailles).

 

1901: Les Bretons instituent leur propre cérémonie du Gorsedd.

 

1903: Eugen Diederichs, éditeur à Iéna, publie le livre du théologien dissident Arthur Bonus, Religion als Schöpfung  (= La religion comme création), renouant avec le sens germanique du religieux, incarné dans la figure médiévale de Maître Eckehardt. Cette publication donne le coup d'envoi d'une collection de livres sur les grands courants mystiques du monde, qui existe encore aujourd'hui.

 

1903: Oskar Michel fonde le Deutschreligiöser Bund dans la forêt de Teutoburg, sous le monument érigé en l'honneur d'Arminius. Le mouvement se fondera plus tard dans la mouvance “chrétienne-allemande”.

 

1904: Le poète anglais Kenneth Grahame publie Pagan Papers. Ce recueil est un hymne doux et idyllique au Grand Pan. En 1908, dans The Wind in the Willows, il approfondit sa vision panique, sensuelle et vitaliste. Grahame voulait créer “une religion splendide, capable de tout embrasser, de faire émerger une hiérarchie d'hommes unissant en leur intériorité le prêtre et l'artiste, pour supplanter et détruire totalement l'âge commercial actuel”.

 

1905: Sous l'impulsion de l'éditeur Eugen Diederichs, la fête du solstice d'été au Lobedaburg est rehaussée par la présence de la chanteuse norvégienne Bokken Lasson, qui retrouvait des mélodies et des tonalités du plus ancien patrimoine musical scandinave.

 

1906: Toujours sous l'impuslion d'Eugen Diederichs, la Fête de Mai au Lobedaburg est organisée pour rendre hommage à Ellen Key, dont le “sermont sur la montagne” d'inspiration panthéiste, est rehaussé par le chant au soleil de François d'Assise et la récitation de poèmes de Goethe.

 

1907-1908: Le Professeur Ludwig Fahrenkrog  —qui fondera un mouvement religieux en 1913 (cf.)—  publie une série d'articles dans la revue de Wilhelms Schwaner (Der Volkserzieher), où il précise les fondements de la religiosité germanique, au-delà du clivage chrétien/païen: Dieu est en nous, la loi est en nous, la rédemption vient de nous-mêmes. Au cours de ces deux années, Fahrenkrog fonde également un Bund für Persönlichkeitskultur  (= Association pour la culture de la personnalité), appelé à consolider sa vision de la religiosité germanique, reposant sur le culte des fortes personnalités.

 

1907: Matthäus Much publie son livre Die Trugspiegelung orientalischer Kultur  (= Le mirage de la culture orientale), où il proclame l'autochtonité des cultures européennes, sans pour autant nier qu'elles aient reçu des apports de l'Orient.

 

1907: Grand solstice d'été organisé par Eugen Diederichs sur les Roches de Rothenstein. Des chanteurs y chantent des Minnelieder médiévaux; des agriculteurs de la région présentent des pièces de théâtre populaires en dialecte.

 

1908: Fondation à Cambridge, dans le sillage des artistes pré-raphaëlites, d'un groupe qui s'est dénommé les “Néo-Païens”. Y participaient l'artiste Gwen Raverat et le poète Rupert Brooke. En 1911, la poétesse Frances Cornford reprend ce groupe peu actif en mains, mais il ne connaîtra pas un grand avenir, en dépit de l'intérêt des œuvres de ses animateurs.

 

1908: Sir Winston Churchill est initié à l'Albion Lodge of the Ancient Order of Druids à Oxford.

 

1908: En mai 1908, un groupe d'étudiant d'Iéna fonde l'association “Jenaer Freie Studentenschaft”. L'éditeur Eugen Diederichs prend immédiatement contact avec eux pour organiser la fête du solstice d'été, le 21 juin. Cette fête marque le point de départ de l'association néo-païenne d'Eugen Diederichs, qu'on nommera le “Sera-Kreis” (le Cercle Sera).

 

1910: Eugen Diederichs soutient financièrement un groupe de théologiens protestants dissidents pour qu'ils participent au congrès des tenants de la freie Religion  à Munich.

 

1911: Au début de l'année 1911, Otto Sigfrid Reuter fonde un “Deutscher Orden” où il entend défendre les idées exposées dans son petit livre Sigfrid oder Christus?, paru en 1909. De ce “Deutscher Orden” émergera plus tard l'organisation “Deutschreligiöse Gemeinschaft” qui deviendra la “Deutschgläubige Gemeinschaft”.

 

1911: Parution dans la maison d'édition d'Eugen Diederichs du livre du théologien non confessionnel et anti-conformiste Arthur Bonus, intitulé Vom neuen Mythos, appel à l'éclosion en Allemagne d'une nouvelle mystique holiste, vitaliste et organique. Cette thématique influencera fortement le mouvement de jeunesse. En cette même année 1911, Bonus sort également son Zur Germanisierung des Christentums,  réclamant une germanisation du christianisme, c'est-à-dire une modulation de la pratique religieuse et de la foi sur la mystique médiévale de Maître Eckehardt.

 

1911-1912: Adolf Kroll et Ernst Wachler franchissent le pas, abandonnent le “christianisme germanique” pour adopter une “religiosité germanique” sans détour chrétien. Ils demandent que les “païens de religiosité germanique” se rassemblent autour des revues Hammer  et Heimdall.  Ils fondent également la Gesellschaft Wotan (= Société Wotan).

 

1913: Le professeur d'art Ludwig Fahrenkrog fonde la “Germanische Glaubensgemeinschaft”.

 

1917: Le théologien non chrétien Arthur Drews publie en 1917 son ouvrage Freie Religion. Vorschläge zur Weiterführung des Reformationsgedankens.  Il entendait débarrasser la religion de toute forme de “dogme”. Il déplorait que la “religion libre” (freie Religion)  n'avait été qu'un conglomérat confus de toutes sortes de fragments épars de religiosités anciennes ou conventionnelles: humanisme des Lumières, panthéisme goethéen, héroïsme nietzschéen, platitudes matérialistes. Drews plaidait pour un corpus plus sérieux et mieux étayé.

 

1919: Le préhistorien allemand Carl Schuchhardt publie son ouvrage Alteuropa. Dans ce livre, il parle de l'origine européenne des civilisations avestique et védique et de l'influence des peintures des grottes d'Altamira ainsi que des reliefs de Laussel sur les civilisations égyptienne et babylonienne. La culture égyptienne a donc des racines dans l'Europe occidentale mégalithique. Les obélisques solaires sont des avatars des menhirs mégalithiques. Les alignements de pierres dressées d'Europe occidentale sont devenus les allées de statues d'Abouzir ou les allées de sphynx de Karnak. Les mastabas de l'ancienne Egypte rappellent les dolmens de l'Europe du Nord.

 

1921: Jessie Weston, proche de l'école (néo-païenne) de Cambridge, spécialiste en littératures romanes et professeur à l'Université de Paris, commence ses recherches sur le Graal. Le mythe du Graal dérive des cultes celtiques de la fertilité, affirme-t-elle.

 

1928: Les Corniques instituent leur propre cérémonie du Gorsedd.

 

1971: Les trois cérémonies (galloise, bretonne et cornique) du Gorsedd joignent leurs efforts le 3 septembre 1971. L'objectif était d'unifier les rituels des trois communautés celtiques-brythoniques.

 

 

Eurasia, vol. II, n°3

Eurasia Vol. II n° 3 : Karl Haushofer, l’Eurasisme, le Tibet et le Japon
Sommaire 06/2008

Eurasia : Présentation

Dossier

Karl Haushofer, l’Eurasisme, le Tibet et le Japon

Tiberio Graziani : La leçon de Karl Haushofer et la présence discrète de Giuseppe Tucci dans le débat géopolitique des années trente

Carlo Terracciano : Des destins parallèles

Karl Haushofer : L’analogie du développement politique et culturel en Italie, en Allemagne et au Japon

Robert Steuckers : Qui était Karl Haushofer ?

Robert Steuckers : Les thèmes de la géopolitique et de l’espace russe dans la vie culturelle berlinoise de 1918 à 1945 : Karl Haushofer, Oskar von Niedermayer et Otto Hoetzsch

Claudio Mutti : Le bodhisattva hongrois

Giuseppe Tucci : Alexandre Csoma de Körös

Texte retrouvé

Alexandre Douguine : L’Empire soviétique et les nationalismes à l’époque de la perestroïka

Eurasia : Lectures eurasiennes
Eurasia Vol. II n° 3 : Karl Haushofer, l’Eurasisme, le Tibet et le Japon
 
Eurasia Vol. II n° 3 :: Karl Haushofer, l’Eurasisme, le Tibet et le Japon Prix : 15,00€
Éditeur :
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Date : 06/2008
Format (cm) : 14,85 x 21
Pages : 120

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mardi, 18 novembre 2008

1918: la grande illusion

1918 - La grande illusion

Le numéro 39 de la Nouvelle revue d'histoire est en kiosque et propose un dossier consacré à la dernière année de la Grande guerre.

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De Rijksgedachte versus Jacobijns nationalisme

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De Rijksgedachte versus Jacobijns nationalisme

Deze tekst is niet bedoeld om de lezer te overladen met historische gegevens of namen en termen waar men niets mee kan aanvangen. Het is wel de bedoeling te wijzen op een aantal tekortkomingen die liggen in het streven naar een natiestaat voor elk volk. Die tekortkomingen worden in belangrijke mate geformuleerd door personen die de zogenaamde Rijksgedachte genegen zijn. Velen hebben jammergenoeg een broertje dood aan ideologische kwesties, nochtans een uiterst belangrijke zaak indien wij in debat treden met andersdenkenden. Op het eerste zicht lijkt dit onderwerp iets dat niet onmiddellijk bruikbaar is in dagdagelijkse discussies over politiek en maatschappij. De termen “Rijk” en “Rijksgedachte” komen bij velen oubollig of soms zelfs verdacht over. Ten onrechte.

Het Jacobijnse nationalisme is als kind van de Franse revolutie en het Verlichtingsdenken een ideologie die dan ook de meeste gebreken uit dit modernisme heeft overgenomen. Om te beginnen is het zo goed als onmogelijk en zelfs onwenselijk dat elk volk in de wereld z’n eigen staat(je) krijgt. We zouden dan naar een wereld met naar schatting 5000 staatjes evolueren waarvan vele zo goed als onleefbaar zouden zijn. Het is verkeerd te denken dat culturele, sociaal-economische, historische, geopolitieke,… grenzen steeds kunnen samenvallen. Een noodzakelijke voorwaarde is dat we vertrekken vanuit Europees perspectief. Een nationalist in Europa kan het zich zeker in de 21ste eeuw niet langer permitteren enkel met het eigen volk of z’n eigen staat(svorming) bezig te zijn.

De Rijksgedachte komt tegemoet aan een vraag die in Europa al eeuwen gesteld wordt: hoe kunnen we een evenwichtige, niet op dwang gebaseerde orde vestigen die volkeren en culturen van Europa volledig hun identiteitsbeleving waarborgt en hun verlangens en belangen op een stabiele, duurzame wijze federeert? Tegenover een Jacobijnse Europese superstaat en het “Europa van de nationale staten” ontwikkelde zich vooral bij regionalisten en volksnationalisten de visie van het “Europa der volkeren”. In feite zijn deze drie opvattingen nefast voor Europa en haar volkeren! Buiten het feit dat het “Europa der volkeren” vaak neerkomt op een verdediging van volksstaatjes die intern uniformiseren (een gelijkheid nastreven ten nadele van streekeigenschappen zoals dialecten), is het zo dat men bij aanhangers van het “Europa der volkeren” meestal een gebrek aan visie vaststelt over hoe het Europese geheel moet gebundeld worden en kan functioneren. Die bundeling kan in elk geval beter niet op economische grondslagen gefundeerd zijn zoals de huidige EU. Het primaat van het economische is een punt van overeenkomst in de socialistische en liberale ideologie. Europa heeft nood aan een politieke eenmaking, en die is van een hogere orde dan het economische marktgebeuren.

 Een “Europa van nationale staten” is in de praktijk een bestendiging van de macht van de nationale staten met hun soms tegenstrijdige belangen waardoor de Europese cultuurgemeenschap nooit een vuist kan maken tegen externe bedreigingen. Het is dan ook in belangrijke mate anti-Europees. Een unitaire Europese superstaat is onwenselijk omdat dit de culturele, historische, sociaal-economische,… verschillen tussen de Europese volkeren volledig negeert en hen fundamentele rechten op hun niveau ontneemt door een overdreven centralisering van de macht. Zowel het “Europa van de 100 vlaggen” enerzijds als het confederale Europa van de nationale staten of één unitaire Europese superstaat anderzijds, zijn in het nadeel van zowel de Europese volkeren, als van een sterk en stabiel Europa. De ideale oplossing ligt ergens tussenin, en kan onmogelijk een beroep doen op de staatsnationalistische erfgenamen van de Jacobijnen.   

Daarom is het van belang de Rijksgedachte als uitgangspunt te nemen voor een hedendaags, sterk Europa dat de diversiteit van z’n volkeren garandeert en deze volkeren op de juiste niveaus verenigt. “In dit Europees Rijk moet de eigenheid der volkeren –niet der staten en staatjes- weer tot uiting komen. In dit Rijk zal de “heimatkultuur” weer een voorname plaats moeten krijgen. (…) Het moet samengesteld worden uit levende, volkse, kultuurkringen waarin de volkse eigenheid weer tot volle bloei kan komen. Deze geest moet ook in de Nederlanden terug levend worden.” [1] Binnen een Europees imperium vindt geen uniformisering plaats, niet ieder volk bekomt hetzelfde (zoals in het “Europa der volkeren”) maar wel “elk het zijne”. Een Europees Rijk is niet op te vatten als een territorium maar wel als een orde en een Idee. Het is een open systeem waar volkeren vrijwillig in toetreden. Binnen dit Europees Rijk is het perfect mogelijk dat grenzen, culturen, talen en economische systemen veranderen. Europa is nooit “af” maar verkeert voortdurend in een wordingsproces. Om de betekenis van de Rijksgedachte ten volle te kennen zijn een aantal begrippen noodzakelijk:

1. De organische natie:

Een organische visie op wat een natie is, betekent het aanvaarden dat men als persoon niet buiten een aantal determinismen kan: niemand kan z’n ouders en geboorteplaats kiezen, niemand kan z’n moedertaal en basisopvoeding kiezen. Doordat geen enkele persoon als een geïsoleerd wezen geboren wordt, maakt iedereen vanaf de geboorte deel uit van een welbepaalde gemeenschap. Elke persoon vormt een “orgaan” van het grotere lichaam, de gemeenschap. Dit natiebegrip maakt zoiets als naturalisaties in feite onmogelijk. Tegenover dit organisch natiebegrip kan met het Jacobijnse anorganische natiebegrip plaatsen. Binnen deze visie kan een individu tot een natie gaan behoren als hij/zij voldoet aan een aantal voorwaarden die de staat oplegt en die door politici naar hartelust veranderd kunnen worden. Ook nationalistische partijen zoals N-VA en Vlaams Blok volgen –jammergenoeg- deze Jacobijnse visie: als een vreemdeling zich assimileert (onze taal leert en onze gebruiken, waarden, normen,… aanvaart) kan hij/zij deel uitmaken van de natie. In een organische visie daarentegen kan een neger of een Chinees dan ook geen Vlaming worden. Integenstelling tot het Jacobijnse nationalisme waar enkel de band tussen individu en natie(-staat) in rekenschap wordt genomen, wordt in een organische visie op “natie” ook aan tussenstructuren belang gehecht: regio’s, gemeenschappen, gemeenten en wijken. De samenleving wordt aanzien als opgebouwd uit concentrische cirkels rond een persoon.

In een organische opvatting is het dan ook evident dat de volkeren, regio’s en Rijksdelen samenwerken en elkaar aanvullen waar mogelijk. Ze zijn niet enkel een culturele, etnische familie. Doordat culturele, economische, geopolitieke,… grenzen niet kunnen samenvallen en er grensoverschrijdende realiteiten bestaan, is het noodzakelijk dat lokale gemeenschappen en structuren zelf samenwerkingsverbanden kunnen aangaan met elkaar, bijvoorbeeld via verdragen. Een goed voorbeeld daarvan is wat wij in ons land kennen als intercommunales (los van het financieel profitariaat dat er voor vele politici mee samengaat). Enkel wanneer het afsluiten van dergelijke samenwerkingsverbanden (tussen “de organen”) risico’s inhoudt voor het groter Rijksgeheel (“het lichaam”), moet een centrale leiding een dergelijke mogelijkheid tot ontwrichting onmogelijk maken.

2. Federalisme:

Federalisme kan hét “organisatiesysteem” bij uitstek zijn voor een Europees imperium. Dit federalisme dient per definitie organisch en asymmetrisch te zijn. Dit betekent dat de relaties tussen de deelstaten onderling en tussen hen en het Rijk niet allemaal gelijk zijn. Deze ongelijkheid impliceert geen discriminatie maar wel het ten volle respecteren en uitdragen van de culturele en historische eigenheden van een regio. Het statuut van deelstaten kan onderling erg verschillend zijn. Er is dus minder bestuurlijke eenvoud maar in het Rijksdenken krijgen cultureel-etnische factoren voorrang op bestuurstechnische. Het federalisme dat men vandaag in de meeste zichzelf federaal noemende staten terugvindt is vals. Dit geldt zeker voor de belgische staat, waar het federalisme enkel dient om deze staat langer in leven te houden. Het feit dat belgië geen asymmetrische regeringen verdraagt ( noemenswaardig verschillende coalities op federaal en deelstatelijk niveau) zegt voldoende.

3. Subsidiariteitsbeginsel:

Dit beginsel heeft z’n wortels in de katholieke maatschappijvisie en moet een antwoord geven op de vraag waar het best een beslissingsbevoegdheid ligt in een hiërarchie. Kern van het subsidiariteitsprincipe is dat het beleid en de beslissingen geen vorm mogen krijgen op een hoger niveau (verder van de bevolking verwijderd) dan strikt noodzakelijk. Er wordt vanuit gegaan dat de beslissingen genomen worden door hen die er direct belang bij hebben en er het meest de gevolgen van ondergaan. In tegenstelling tot het Jacobijnse denken over de natiestaat, wordt in het Rijksdenken geen enkel niveau als absoluut gesteld. Ieder bestuursorgaan heeft een aanvullende taak volgens een welbepaalde hiërarchie van basis naar top. Dat de huidige EU-bureaucratie zich ondermeer bezighoudt met pakweg het gewenste gewicht van een koekjesdoos, stemt tot nadenken over haar bevoegdheden en het verwaarlozen van het subsidiariteitsbeginsel.

De Rijksgedachte is in feite de verderzetting van de Romeinse imperiale traditie waar Julius Evola reeds op wees. Een Rijks-Europa mag onder geen beding zich afkeren van macht en het willen verwerven ervan. "Als Europa geen macht wil zijn zal het de macht van een buiten-Europese staat ondergaan – de macht van de USA” zo stelde Luc Pauwels het.[2] Er moet evenwel op gewezen worden dat het verdedigen van de vorming van een Europees imperium geenszins een pleidooi betekent voor Europees imperialisme, het is wel imperiaal. Dit betekent dat Europa intern stabiliteit en harmonie moet nastreven, maar extern niet aan machtsuitbreiding kan gaan doen in de zin van agressiepolitiek of veroveringsdrang.

Conclusie: De Rijksgedachte biedt een uitweg voor een sterk eengemaakt Europa zonder dat de culturele verscheidenheid binnen Europa verloren dreigt te gaan. Het biedt een antwoord op de kwestie van het Amerikaans cultuurimperialisme en het vasthouden aan belangen van Jacobijnse nationale staten die Europa niet verder willen zien gaan dan een intergouvernementele confederatie. De Rijksgedachte ligt in het verlengde van onze solidaristische en nationaal-konservatieve visie. Door toepassing van de verscheidene beginsels die de Rijksgedachte schragen, kunnen Jacobijnse nationale staten meer en meer uitgehold worden. Rijksdenken komt tegemoet aan etnisch nationalisme dat identiteitsbescherming vooropstelt. Het botst met burgerlijk nationalisme dat gebaseerd is op waarden van 1789. Het is juist dat de Rijksgedachte op zich voorlopig weinig bruikbaar is in dagdagelijke politiek. De visie en begrippen die er de grondslag van vormen zijn echter zeer zeker bruikbaar.

Fritz

Bronnen:

De Herte R., Oui à l’Europe fédérale. In : Eléments, nr.96, nov. 1999, p.3
De Hoon F., Christoph Steding, de Rijksgedachte en de Nederlanden. In: TeKoS, nr. 47, 1987, pp.39-48
Pauwels, L., Maastricht: ja toch. Over de lange weg van de liberale E.E.G. naar de Europese Rijksgedachte. In: TeKoS,
Steuckers, R., Définir la subsidiarité. In : Nouvelles des Synergies Européennes, nr.17, jan. 1996, pp.19-21
De Hoon F., Christoph Steding, de Rijksgedachte en de Nederlanden. In: TeKoS, nr. 47, 1987, p.44
Pauwels, L., Maastricht: ja toch. Over de lange weg van de liberale E.E.G. naar de Europese Rijksgedachte. In: TeKoS

samedi, 15 novembre 2008

Le nationalisme russe contre les idées de 1789

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Soljénitsyne, Stolypine:le nationalisme russe contre les idées de 1789

 

Wolfgang STRAUSS

 

Soljénitsyne a réalisé son rêve: être lu par ses compatriotes. En juillet 1989, Alexandre Soljénitsyne déclare à un journaliste du Time-Magazine:  «Je ne doute pas que mon roman historique La Roue rouge  sera un jour édité dans son entièreté en Union Soviétique». Et quand l'auteur du Pavillon des Cancéreux  dit “dans son entièreté”, cela signifie avec le troisième tome de la trilogie, intitulé Mars 1917.  Soljénitsyne n'avait pas répondu aux journalistes depuis des années, arguant que son devoir pre­mier était d'achever son œuvre littéraire. La raison qui l'a poussé à rompre le silence réside dans un chapitre complémen­taire, épais de 300 pages, décrivant le “jacobin Lénine” comme “un homme d'une incroyable méchanceté, dépourvu de toute humanité”. Lénine serait ainsi un Robespierre ou un Saint-Just russe, qui aurait précipité son peuple et son pays dans le dé­nuement le plus profond, dans une tragédie sans précédent, car Lénine aurait haï sans limites tout ce qui touchait à la Russie.

 

Lénine voulait détruire l'identité russe. Ce “terroriste génial” était tout à la fois le tentateur et le destructeur de la Russie. «Je suis un patriote», écrit aujourd'hui celui qui démasque Lénine et révèle sa folie. «J'aime ma patrie qui est malade depuis 70 ans, détruite, au bord de la mort. Je veux que ma Russie revienne à nouveau à la vie».

 

Stolypine haï par les libéraux et les “Cadets”

 

Pour Soljénitsyne, l'anti-Lénine était Piotr Stolypine (1862-1911). Après la révolution de 1905, ce conservateur non inféodé à un parti, cet expert agricole, devient tout à la fois ministre de l'intérieur et premier ministre. En engageant la police à fond, en créant des tribunaux d'exception, en dressant des gibets, en bannissant les récalcitrants, il met un terme à la terreur des anar­chistes, des sociaux-révolutionnaires et des bolcheviques; dans la foulée, il introduit les droits civils et jette les bases d'une monarchie constitutionnelle. Son principal mérite consiste en une réforme agraire radicale visant à remplacer le “mir” (c'est-à-dire la possession collective du village), tombé en désuétude, par une large couche de paysans indépendants et efficaces, générant un marché des biens agricoles: Stolypine avait voulu résoudre ainsi la question paysanne par des moyens pacifiques, grâce à une révolution d'en haut. Mais ce réformateur russe refusait d'introduire en Russie le démocratisme à la mode occi­dentale, pour des raisons d'ordre spirituel et moral. Stolypine, en effet, était un adversaire philosophique des idées de 1789. En cela, il s'attira la haine des libéraux de gauche, qu'on appelait alors les “Cadets” en Russie, des sociaux-démocrates et des marxistes, c'est-à-dire la haine de toute la fraction “progressiste” de la Douma. Le 18 septembre 1911, il meurt victime d'un attentat perpétré contre lui dans l'opéra de Kiev, sous les balles du revolver d'un étudiant anarchiste, Mordekhaï Bogrov, qui était aussi un indicateur de la police.

 

Réhabilitation de Stolypine par la Pravda

 

Six ans après la rédaction du chapitre consacré à Stolypine dans Août 1914, le parti communiste opère un revirement sensa­tionnel en ce qui concerne Stolypine. Depuis 1917, le nom de Stolypine avait été maudit par les bolcheviques qui en avaient fait l'exemple paradigmatique de l'homme d'Etat mu par la haine des socialistes et des marxistes et pariant sur la terreur poli­cière et sur l'oppression du peuple.

 

Cette caricature de Stolypine n'a plus cours désormais. Le 3 août 1989, la Pravda  annonçait sa réhabilitation. Le maudit d'hier devenait un réformateur politique sans peur ni reproche, l'ancêtre direct de la perestroïka! Il est enfin temps, expliquait l'organe du parti, de “rendre justice historiquement” à ce Russe qui aurait pu, par sa réforme agraire, donner vie à des fermes auto­nomes, économiquement saines et viables. Peu de temps auparavant, la Literatournaïa Gazeta  avait publié un entretien avec le fils de Stolypine, qui vit à Paris, tandis que le journal Literatournaïa Rossiya  annonçait la publication d'une courte biographie du ministre et réformateur tsariste. Ce revirement aurait-il été possible sans Soljénitsyne?

 

Un programme non encore réalisé

 

Ce formidable chapitre d'Août 1914,  consacré à Stolypine, n'a pas qu'une valeur purement littéraire, c'est une leçon doctri­nale, où se reflète toute l'idéologie de Soljénitsyne, tout son projet d'ordre nouveau. Soljénitsyne parle d'une “réforme histo­rique”, glorifie le “plan global et complet [de Stolypine] pour modifier de fond en comble la Russie”. Suppression des bannis­sements et de la gendarmerie, mise sur pied d'une justice locale, proche des citoyens, avec des juges de paix élus, raccour­cissement des périodes de détention, constitution d'un système d'écoles professionnelles, réduction de l'impôt pour les per­sonnes sans trop de ressources, diminution du temps de travail, interdiction du travail de nuit pour les femmes et les enfants, introduction du droit de grève et autonomisation des syndicats, sécurité sociale étatisée pour les personnes incapables de tra­vailler, les malades, les invalides, les vieillards: c'était bel et bien la perestroïka d'un conservateur révolutionnaire inacces­sible à la corruption, ascétique, dont les idées sont toujours actuelles, et qui n'ont pas été réalisées dans l'Etat des bolche­viques, où n'a régné que la pauvreté, n'a dominé que l'appareil policier et dans lequel, finalement, nous avions une version moderne, étatisée et centralisée du servage et/ou du despotisme asiatique. Soljénitsyne écrit à ce propos: «Il semble que pen­dant toute la durée du 20ième siècle, rien de tout cela n'a été réalisé dans notre pays, et c'est pour cela que ces plans ne sont pas encore dépassés».

 

Mais en quoi consistait la philosophie réformiste de Stolypine? Qu'est ce qui distinguait ce modernisateur et ce monarchiste des adeptes idolâtres des Lumières occidentales, c'est-à-dire l'intelligentsia de gauche? Eh bien, ce qui le distingue, c'est une autre vision de la liberté, une autre anthropologie, le refus absolu d'une solution reposant sur les “pogroms et les incendies volontaires”. Empêcher l'“effondrement de la Russie” ne pourra se faire, d'après Stolypine (et d'après Soljénitsyne!), que par une “restauration d'un ordre et d'un droit correspondant à la conscience du peuple russe”. Les thèses centrales de Stolypine sont les suivantes: «Entre l'Etat russe et l'Eglise chrétienne existe un lien vieux de plusieurs siècles. Adhérer aux principes que nous lègue l'histoire russe sera la véritable force à opposer au socialisme déraciné».

 

Des hommes solides issus du terroir

 

«Pour être viable, notre réforme doit puiser sa force dans des principes propres à la nationalité russe, c'est-à-dire en dévelop­pant l'idée et la pratique de la semstvo.  Dans les couches inférieures, des hommes solides, inébranlables, issus du terroir doivent pouvoir croître et se développer, tout en étant liés à l'Etat. Plusieurs millions d'êtres humaines en Russie appartiennent à ces couches inférieures de la population: elles sont la puissance démographique qui rendent notre pays fort... L'histoire nous enseigne, qu'en certaines circonstances, certains peuples négligent leurs devoirs nationaux, mais ces peuples-là sont destinés à sombrer dans le déclin». «Le besoin de propriété personnelle est tout aussi naturel que le sentiment de la faim, que l'instinct de conservation de l'espèce, que tout autre instinct de l'homme». «L'Etat russe s'est développé à partir de ses propres racines, et il est impossible de greffer une branche étrangère sur notre tronc russe». «La véritable liberté prend son envol sur les liber­tés citoyennes, au départ du patriotisme et du sentiment d'être citoyen d'un Etat... L'autocratie historique et la libre volonté du monarque sont les apanages précieux de la “statalité” russe, car seuls ce pouvoir absolu et cette volonté ont vocation, dans les moments de danger, où chavire l'Etat, de sauver la Russie, de la guider sur la voie de l'ordre et de la vérité historique».

 

Contre la guerre contre l'Autriche

 

Quant à Soljénitsyne, il écrit: «Pour nous, la guerre signifierait la défaite et surtout la révolution. Cet aveu pouvait en soi susci­ter bien de l'amertume, mais il était moins dur à formuler pour un homme qui, dès le départ, n'a pas eu la moindre intention de faire la guerre et ne s'est jamais enthousiasmé pour le messianisme panslaviste. Egratigner légèrement la fierté nationale russe n'est rien, finalement, quand on étudie le gigantesque programme de rénovation intérieure que proposait Soljénitsyne pour sauver la Russie. Stolypine ne pouvait pas exprimer ses arguments ouvertement, mais il a pu faire changer l'avis du Tsar, qui venait de se décider à mobiliser contre l'Autriche: une guerre avec Vienne aurait entraîné une guerre avec l'Allemagne et mis la dynastie en danger (Ce jour-là, Stolypine a dit dans son cercle familial restreint: “Aujourd'hui, j'ai sauvé la Russie!”). Dans des conversations personnelles, il se plaignait des chefs de la majorité militante de la Douma. Les Cadets voulaient la guerre et le hurlaient sans retenue (tant qu'ils ne devaient pas mettre leur propre peau en jeu!)».

 

Plus de “Février” libéral!

 

Tout comme cet assassiné, cet homme qui a connu l'échec de sa réforme agraire radicale, qui n'a pas pu humaniser socia­lement la majorité du peuple, —ce qu'il considérait comme le devoir de son existence sur les plans moral, religieux, national et spirituel—, l'ancien officier d'artillerie Soljénitsyne a décidé de s'engager pour son peuple asservi en cherchant à l'éduquer politiquement, à lui redonner une éthique nationale, à préparer sa renaissance. S'il vivait aujourd'hui en URSS, s'il était revenu d'exil, il ne trouverait pas sa place dans les partis d'opposition “radicaux de gauche” de Boris Eltsine, dont les partisans sou­haitent l'avènement d'une sociale-démocratie. L'histoire russe serait-elle condamnée à errer d'un février libéral-démocrate à un octobre bolchevique puis à retourner à un février, tenu par ceux-là même qui avaient failli jadis devant les léninistes? C'est contre cette éventualité d'un retour à la sociale-démocratie que Soljénitsyne lance ses admonestations. Jamais de second fé­vrier!

 

Soljénitsyne voit dans le communisme  —dont il considère les variantes “réformistes” comme un mal—  un avatar abomi­nable de l'“humanisme rationaliste” des Lumières, comme le produit d'une “conscience a-religieuse”. Il a été imposé à la Russie par l'Occident, avec l'aide d'“étrangers”, alors qu'il n'avait aucun terreau pour croître là-bas. «Le peuple russe est la première victime du communisme». Pour Soljénitsyne donc, le communisme est l'enfant légitime de l'“humanisme athée”, un phénomène fondamentalement étranger à la russéité, un traumatisme qui doit être dépassé, donc annihilé (“au cours d'une ré­volution sans effusion de sang”). Avec des arguments tout aussi tranchés, Soljénitsyne condamne à l'avance toute restauration du système des partis, comme celui que les mencheviks avaient installé en février 1917. Il considère que la démocratie parti­tocratique est une forme étatique spécifiquement occidentale, est le fondement du mode de vie occidental né dans le giron de l'idéologie des Lumières.

 

Sakharov, Eltsine: nouveaux “Cadets”

 

La querelle entre slavophiles et occidentalistes a repris de plus belle. Andreï Sakharov, tête pensante de la fraction d'Eltsine au congrès des députés, plaide pour une convergence entre l'Est et l'Ouest, entre le capitalisme libéral et le “capitalisme mono­polistique d'Etat”, pour un rapprochement entre les systèmes, qui ont des racines idéologiques communes: celles des Lumières. Les “radicaux de gauche” déclarent ouvertement aujourd'hui qu'ils veulent réintroduire le système pluripartite du modèle occidental.

 

Il y a six ans pourtant, Soljénitsyne avait rétorqué que c'était plutôt l'Occident décadent qui avait besoin d'être sauvé: «C'est presque tragi-comique de constater comment nos pluralistes, c'est-à-dire nos dissidents démocrates, soumettent à l'approbation bienveillante de l'Occident leurs plaintes et leurs espoirs, sans voir que l'Occident lui-même est à deux doigts de son déclin définitif et n'est même plus capable de s'en prévenir».

 

Dés-humanisation sous le masque de la “liberté”

 

C'est en faveur de tout gouvernement “qui se donnera pour devoir de garantir l'héritage historique de la Russie” (Stolypine), et se montrera conscient de cette mission, que Soljénitsyne prend position dans les débats à venir. Il a résolument rompu les ponts, tant sur le plan intellectuel que sur le plan historique, avec ce processus de dés-humanisation qui a avancé sous le signe d'une “liberté” qui n'est que liberté de faire le mal, d'écraser son prochain, de se pousser en avant sans tenir compte d'aucune forme de communauté ou de solidarité.

 

«L'“humanité” comme internationalisme humanitaire, la “raison” et la “vertu” comme fondements d'une république extrême, l'esprit réduit à de purs discours creux virevoltant entre les clubs jacobins et les loges du Grand Orient, l'art réduit à un pur jeu sociétaire ou à une rhétorique dissolvante, hargneuse, au service de la “faisabilité sociale”: tels sont les ingrédients de ce nou­veau pathos sans racines, de cette nouvelle politique “illuministe” à l'état pur...».

 

Cette dernière phrase pourrait être de Soljénitsyne, mais elle a été écrite par Thomas Mann en 1914. “Que penses-tu de la ré­volution française?”. Question banale mais qui révèle toujours les positions politiques de celui qui y répond, surtout en cette année du bicentenaire. Le Russe Soljénitsyne y répond et donne par là même, à son propre peuple et à l'humanité toute en­tière, une réponse tout-à-fait dépourvue d'ambigüités.

 

Wolfgang STRAUSS.

(texte tiré de Criticón, n°115, sept.-oct. 1989; trad. franç.: Robert Steuckers).

 

lundi, 10 novembre 2008

André Malraux ou la quête de sens

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Laurent SCHANG:

André Malraux ou la quête de sens

 

Pour ceux qui aujourd'hui encore ne verraient en André Malraux que l'agent littéraire le plus talentueux de la IIIième Internationale, les éditions Gallimard ont eu l'heureuse idée de publier dans la collection “Folio” le texte longtemps inexploité de l'enfant chéri des lettres françaises, Les Noyers de l'Altenburg. Généreuse intention s'il en est, qui présente l'extrême intérêt pour les passionnés de l'auteur de L'espoir d'éclairer d'un jour nouveau le passage radical et trop longuement resté confiné dans les ténèbres de sa biographie, de son militantisme communiste à son action de protecteur des Arts gaulliste, évolution frappée du sceau impitoyable de la seconde guerre mondiale, dont le tourbillon déprédateur aura au moins eu l'effet salutaire de révéler Malraux à lui-même. De fait, Les Noyers de l'Altenburg  constituent, plus qu'une étape, un tournant dans l'œuvre de l'écrivain. Ecrit en 1941, cet «anti-rornan», tant Malraux semble y avoir abandonné tout projet romanesque, peut à bon droit se présenter comme le bilan d'une vie avant la mue définitive vers une autre dimension, spirituelle et métaphysique. D'une structure relati­vement lâche, touffue, sans unité marquée, la fascination opérée par Les Noyers...  ne provient pas tant du récit intrinsèque que de la métamorphose et de la mise à nu de son auteur, transfiguration nourrie, comme à l'habitude, par l'immensité des ré­flexions, que celles-ci soient religieuses, intellectuelles, politiques, historiques ou personnelles. De La Condition Humaine aux Anti-Mémoires, il n'y avait qu'un pas. Le voici franchi par Les Noyers de l'Altenburg.

 

Un appel à l'homme, à la civilisation, à l'esprit

 

Dans sa courte introduction, Marius-François Guyard note avec raison: «La vraie leçon des Noyers,  c'est la mort de toute idéo­logie qui refuse le mystère de l'homme et ignore les realités «charnelles», pour parler comme Péguy. Une référence au maître des Cahiers de la Quinzaine  fort à propos, pour ce roman inauguré dans la cathédrale de Chartres, en ce 21 juin 1940 de de­bâcle française. Prisonnier détenu dans ce vaisseau de pierre, abattu, écrasé par la fulgurance de la défaite, le narrateur (un Alsacien derrière lequel se dissimule à peine Malraux) se détache de sa sordide condition d'humilié pour se remémorer vingt-cinq ans plus tôt l'expérience parallèle de son père et trouver de nouvelles raisons d'espérer devant le chaos existentiel provo­qué par la soudaine réalité du vrombissement des colonnes blindées allemandes.

 

Les préoccupations essentielles de le pensée de Malraux ressurgissent au milieu de ses congénères que ne préoccupent que l'instinct de survie, plus prégnants que jamais: l'Homme, la pensée, l'action. «Je sais maintenant qu'un intellectuel n'est pas seulement celui à qui les livres sont nécessaires, mais tout homme dont une idée, si élémentaire soit-elle, engage et ordonne toute la vie. Ceux qui m'entourent, eux, vivent au jour le jour depuis des millénaires». Ce père, Vincent Berger, l'éminence grise du jeune colonel Enver Pacha délégué par le Ministère des Affaires Etrangères allemand à Constantinople en pleine déca­dence ottomane, c'est aussi Malraux. Diplômé en langues orientales, pétri de références nietzschéennes, «dans sa philosophie de l'action  —l'action passait avant la philosophie»— mais converti au socialisme, sorte d'anti-Lawrence d'Arabie germano-turc parti en croisade pour le mirage touranien, joué par la duplicité du IIième Reich, tout chez lui rappelle le passé communiste et militant du «premier» Malraux, engagé dans la guerre d'Espagne, propagan­diste infatigable mais peu considéré de l'Internationale, pour qui son appel à l'Homme, à la civilisation, à l'esprit n'était que “verbiage petit-bourgeois”. «Il avait pris son parti d'une erreur qui avait tant engagé de lui-même; mais avec le retour de la santé la haine venait: comme s'il eût été trompé, non par lui-même, mais par cette Asie centrale menteuse, idiote et qui se refusait à son propre destin —et par tous ceux dont il avait partagé sa foi». Eloquent.

 

Le sens de la vie se trouve au-delà de la dialectique

 

Et puis toujours, obsessionnelle, fatale, la quête de sens, la marche vers une civilisation spirituelle autre, sacrée mais sans dogme ni rituel, transcendante. La fin de sa révolte, Malraux l'imagine puissamment par la traversée du désert du père de son héros, perdu sous la voûte des nuages caucasiens, se ruinant la santé sur les pistes qui mènent à Samarcande, mais élevant son âme vers l'infini, le divin. Antoine de Saint Exupéry, autre Perceval saharien, ne formulera pas autrement ce face-à-face dépouillé avec l'éternité dans le gigantisme des mers de sable. Cette révélation universelle, «un secret qui était bien moins ce­lui de la mort que celui de la vie —un secret qui n'eût pas été moins poignant si l'homme eût été immortel», le mythe primordial qui confèrerait à l'homme un sens à sa vie bien supérieur au péché originel, Nietzsche s'y est brûlé les yeux, qui devint fou d'avoir percé le mystère... Descente aux Enfers magnifiquement retranscrite à laquelle a assisté Walter Berger, l'oncle de Vincent, ami du prophète de Sils-Maria et maître de céremonie des colloques de l'Altenburg, prieuré cerné de noyers où l'on disserte à l'envi sous l'égide des grands penseurs de ce monde: Nietzsche (bien sûr), Weber, Freud, George, Durckheim, mais aussi Pascal, Tacite, Mommsen, Platon. Dans les discours fumeux, gavés de la vaniteuse connaissance universitaire de pen­seurs par procuration n'écoutant qu'eux-mêmes, Vincent, revenu étranger dans un monde moderne qui le rebute en cette veille d'août 14, comprend, lui l'intellectuel, que le sens de la vie se trouve au-delà de la dialectique.

 

«Une civilisation n'est pas un ornement, mais une structure»

 

Si «l'homme est (toujours) ce qu'il fait» (cf Tchen dans La Condition Humaine), André Malraux sait désormais qu'une dimension infiniment supérieure l'habite, qu'il discerne sous les traits de la civilisation, évoquée comme annonciation du Nous universel par la transcendance du Moi. «Autrement dit, sous les croyances, les mythes, et surtout sous la mutiplicité des structures mentales, peut-on isoler une donnée permanente, valable à travers les lieux, valable à travers l'bistoire, sur quoi puisse se fonder la notion d'homme?» Approche qui défère au livre de Malraux une connotation éminemment contemplative, traditionnelle et guénonienne. L'immortalité, thème qui revient avec insistance («les millénaires n'ont pas suffi à l'homme pour apprendre à mourir», «On ne s'habitue pas à mourir»), Vincent la découvrira en juin 1915, les genoux et les mains plongés dans la terre gluante des plaines des bords de la Vistule irrémédiablement putréfiée par les gaz asphyxiants. Le progrès scientifique n'est qu'un leurre, «l'homme fondamental est un mythe, un rêve d'intellectuels», l'homme n'existe, vérité insoutenable pour le pen­seur, que parce qu'il est peuple de chair, non d'idée, un être pauvre, nu, sans force mais riche de sa communion magique avec la nature. Si pour l'intellectuel «la culture est une religion», le sens de la vie pour le commun des mortels réside dans sa ca­pacité à ordonner la civilisation en harmonie avec les forces de la terre, seule part d'éternité où l'homme-shaman (un terme qui revient lancinant au fil du récit) trouve sa place dans la joie et la grandeur originelle recouvrées. «Une civilisation n'est pas un ornement, mais une structure». Vincent sera emporté par les gaz, seuls résisteront sur le champ de mort aux vapeurs des combats, hiératiques, les noyers...

 

Le colonel Berger pouvait dès lors apparaître

 

Le roman s'achèvera sur le retour au narrateur, et ses souvenirs de chef de blindés devant la ruée de mai-juin 1940, son attente, pleine de pitié, de dénuement et d'acceptation sereine d'une mort qu'il croit certaine: «Ainsi, peut-être, Dieu regarda le premier homme».

 

Roman charnière dans l'ouvre et la vie d'André Malraux, Les Noyers de l'Altenburg  devait inaugurer une quadrilogie intitulée La Lutte avec l'Ange, projet inachevé, les manuscrits ayant été saisis par la Gestapo en 1943. Aux questions existentielles po­sées par le tout jeune Malraux de La Tentation de l'Occident, ce livre répond tout en annonçant chez l'auteur la transition d'avec les trois dates-clés de son «adolescence»: 1923, 1936 et 1940. Le colonel Berger (pseudonyme guerrier du Malraux de la bri­gade Alsace-Lorraine) pouvait dès lors apparaître.

 

Laurent SCHANG.

 

Les Noyers de l'Altenburg, Folio Gallimard, cat. 3, n°2997.

 

lundi, 03 novembre 2008

De literaire voorkeuren van J. van Severen tijdens de Eerste Wereldoorlog (1914-1918)

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De literaire voorkeuren van Joris van Severen

tijdens de Eerste Wereldoorlog (1914-1918)

Kurt Ravyts, Brugge

Zoals ik reeds in de inleiding van mijn artikel over Joris van Severen en de avant-garde in de spiegel van Ter Waarheid (1921-1924)1 schreef wordt Van Severen bij talrijke historici en het grote publiek ook anno 2004 nog altijd gereduceerd tot de militaristische en fascistische leider van het anti-democratische en virulent antisemitische Verdinaso.2 Het Jaarboek Joris van Severen en het Studiecentrum Joris van Severen bewijzen nu echter reeds bijna tien jaar en dit in opvolging van het Nationaal Studie- en Coördinatiecentrum in Aartselaar, dat dit beeld op zijn zachtst gezegd best wordt bijgesteld en geven historici die naar volledigheid en objectiviteit streven volop de gelegenheid om ook een  ‘andere’  Joris Van Severen te leren kennen.3 

Dat er ook een ‘andere’ Van Severen bestond werd echter zelfs voor specialisten pas volledig duidelijk doorheen het beschikbaar worden van het privé-archief van Joris van Severen dat  door zijn neef ere-notaris Rudy Pauwels, zoon van Jeanne van Severen, aan het universiteitsarchief van de Katholieke Universiteit Leuven werd geschonken. Sinds januari 2004 berust het volledige privé-archief van Joris van Severen in dit archief dat zich in de indrukwekkende Leuvense universiteitsbibliotheek bevindt.

Met dit onderzoek wilde ik opnieuw aanknopen bij mijn bijdrage uit 1997 over de invloed van Gabriele D’Annunzio en Leon Bloy op de jonge Joris van Severen tijdens de eerste wereldoorlog.4  Ik erkende toen voor mijn bronnen bijna volledig schatplichtig te zijn aan het Oorlogsdagboek van Van Severen, een mijns inziens bijzonder aangrijpend document waarin hij zijn diepste zieleroerselen maar ook meer intellectuele en literaire beschouwingen neerpende. Dit maal koos ik voor een bredere benadering waarbij ik zal proberen de lezer een beeld te geven van de literatuur die Joris van Severen tijdens de Eerste Wereldoorlog verzamelde en las. Zoals ik ook al in 1997 beklemtoonde is de receptie, verwerking en evaluatie van deze literatuur bij Van Severen altijd verweven met persoonlijke, subjectieve factoren. M.a.w. de omstandigheden, noodlottigheden, spanningsvelden, karakterschetsen, enz… die hij in verscheidene romans las koppelde hij vaak terug naar zijn eigen wedervaren en hiermee gepaard gaande gevoelens. In die zin voegt een belichten van de door Joris van Severen’ gelezen literatuur tijdens de Eerste Wereldoorlog ook opnieuw enkele tot nog toe vrijwel onbekend gebleven elementen toe aan zijn biografie. Kortom, literatuur speelde ook bij Joris van Severen een essentiële rol bij het tot stand komen van de grondlijnen van zijn persoonlijkheid.

Ook nu vormen de oorlogsdagboeken de belangrijkste bron voor deze bijdrage. De ‘oorlogslectuur’ van Van Severen werd naast mijn bijdrage over de invloed van Léon Bloy en Gabriele D’Annunzio enkel nog maar door Luc Pauwels van nabij onder de loupe genomen. Arthur de Bruyne beperkte zich in zijn bekende biografie Joris van Severen. Droom en daad tot de mededeling dat Van Severen tijdens de Eerste Wereldoorlog veel las en tot het opsommen van een aantal auteurs. Rachel Baes daarentegen, ging in Joris Van Severen. Une âme wel in op de literaire keuzes van Van Severen maar putte vrijwel uitsluitend uit Van Severens briefwisseling met Charles Gouzée de Harven met wie zij bevriend was.5

In zijn zeer gedegen licentiaatsthesis De ideologische evolutie van Joris van Severen (1894-1940).Een hermeneutische benadering behandelde Luc Pauwels echter op de eerste plaats de totale bibliotheek van Van Severen en splitste hij voor zijn onderzoek de lectuur uit de oorlogsdagboeken dus niet af.  Boven bestudeerde hij deze bibliotheek en de oorlogslectuur vooral als bronnen voor de studie van Van Severens ideologie. Volgens Luc Pauwels werd de ideologie van Joris van Severen via het antimilitarisme vanaf einde 1916 uitgesproken links-revolutionair. Hij noemt het zelfs een  “emotioneel bolsjewisme verbonden met Vlaams-nationale motieven”. Volgens Pauwels betreft het een “nationaal-revolutionaire” ideologie die vanaf 1922 om-zwaait naar ultramontaans katholicisme, enkele jaren later naar solidarisme en nationaalsolidarisme en in de jaren dertig zelfs naar politiek corporatisme.6

Ik ben het slechts ten dele eens met de bevindingen van Luc Pauwels. Diens benadering was geen onderzoek naar de literaire interesses van Joris van Severen an sich en zeker niet naar de appreciatie en persoonlijke verwerking van Van Severen van deze literaire keuzes. Mocht Luc Pauwels een meer gediversifieerde benadering hebben verkozen dan zou hij hebben gemerkt dat van zeer duidelijke, uitgekristalliseerde ideologische evoluties en breuklijnen bij Van Severen eigenlijk niet direct sprake is. Ik zou het eerder accentverschillen noemen en wisselende uitingen van een wezenlijk  “eclectische” en  “caleidoscopische” persoonlijkheid. Wat hij dus in het begin van de  “Grote Oorlog” over zichzelf schreef bleef eigenlijk relevant in en voor zijn verdere leven: “Echt en hevig rechtzinnig revolutionair. Overgevoelig. Schrijnend lijdend aan liefdeloosheid en nood aan een diepe vrouwenziel. Zo individualistisch en anarchist als het maar zijn kan. En toch in mijzelf een behoefte voelend en een begeerte naar orde, tucht, hiërarchie en sociale inrichting.

Geestelijke wildheid, primitiefheid, Dostojevski en vagebond. Maar diep in mij meer de Goethiaansche orde, natuur die alle dingen juist meet en op haar nodige plaats wil.

Socialistische armoedigheid, als een zwerver aangekleed en leven. En toch ook begeerte naar een gentleman, aristocratisch, mooie klederdracht en hoofse gemanierdheid.

Eenzame dromer en apostel, werkdadige Leider van een Beweging. Hooghartig misprijzen, pose en medelijden.”7. Deze zelfanalyse vormt als het ware een programma voor zijn verdere leven waarvan hij, mee evoluerend met de historische context,  bepaalde facetten van beklemtoonde en realiseerde maar ook weer afbouwde. Hetzelfde persoonlijkheids-programma zien we ook weerspiegeld in zijn literaire keuzes tijdens de Eerste Wereldoorlog zoals ik ze tijdens deze uiteenzetting aan u presenteer.

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1. Ravyts, K., Joris van Severen en de avant-garde in de spiegel van Ter Waarheid, in Jaarboek Joris van Severen 4, Ieper, 2000, pp.45-123.

2. Illustratief is het artikel  ‘Zwart gaat moeilijk af’ van ene Dimitri Verhulst in De Morgen van 9 juli 2003. Dit artikel werd opgenomen in het boek  Hij was een zwarte dat naast de in 1946 geschreven gelijknamige reportage van Louis Paul Boon ook teksten van literatuurwetenschapper en Boon-biograaf Kris Humbeeck en historicus Chris van der Heijden bevat.  Verhulst schrijft wanneer hem door zijn gesprekspartner gevraagd wordt of hij weet wie Van Severen is volgende onzin : “Tenzij er een andere Joris van Severen is dan die kleine, magere man uit Wakken die vaker van politieke overtuiging dan van onderbroek veranderde, die een tijdschrift oprichtte waarin aanvankelijk nog socialisten publiceerden, uiteindelijk het Verdinaso stichtte, ontroerd raakte bij de aanblik van jonge knaapjes die met wimpeltjes en pennoentjes en trommeltjes voor hem paradeerden, wiens geluk niet opkon als hij maar even Mussoliniaans kon salueren naar pakweg een door duiven bescheten standbeeld van Willem van Oranje, en die ontgoocheld was in vele fascistische partijen omdat ze niet ondemocratisch en antisemitisch genoeg waren naar zijn gedacht, en die ze aan het begin van de grote wereldbrand in Abbeville hebben omgebracht… tenzij er nog een andere Von, pardon, di Severini is, weet ik over wie J. het heeft.”.

3.Die ‘andere’ Van Severen treedt sterk naar voor in de fascinerende biografie van Rachel Baes, in 2002 gepubliceerd door de Brugse publicist Patrick Spriet, Een tragische minnares. Rachel Baes, Joris van Severen, Paul Léautaud en de surrealisten, Leuven, 2002.

4. Ravyts, K., De invloed van Gabriele D’Annunzio en Léon Bloy op de persoonlijkheid en de religiositeit van de jonge Joris van Severen, in Jaarboek Joris van Severen, Ieper, 1997, pp.67-119.

5. Ravyts, K., Joris van Severen en de avant-garde in de spiegel van Ter Waarheid, in Jaarboek Joris van Severen 4, Ieper, 2000,  pp.45-123.

6. Pauwels, L.. De ideologische evolutie van Joris van Severen (1894-1940). Een hermeneutische benadering. Deel I, Leuven, 1998, pp.264-267.

7 Van Severen, A., Joris van Severen, het verhaal van een leven. Deel 1: Van 1894 tot 1929, Brugge, 1995,  p.79.

samedi, 25 octobre 2008

Destin

Destin

trouvé sur : http://metanoia.hautetfort.com

 

Beaucoup d'efforts, de déceptions, parfois de souffrances. Et pour quel objectif, pour quel espoir ? L'avenir sera guerre ou esclavage. Ou fuite - repli vers d'autres terres, colonisation d'un sol, amour de ma compagne et mes enfants. Amour et prospérité de mon sang. Participation à un projet plus vaste, y compris, si plus rien ne nous reste, au service d'un autre peuple demeuré digne. Un peuple d'hommes debout.
*
Car tout cela précisément, n'a rien d'un choix. Sinon celui de la force ou de la faiblesse pour qui peut plus, celui de l'affirmation de sa forme intérieure, de son type ou de son reniement. L'Histoire ne naît pas des débats d'idées, et sans doute, il faut compter sur l'Elémentaire et les puissances plus que sur les hommes pour assurer qu'elle soit encore ouverte. Que choisit-on ? De s'assumer ou de se plier, encore que Juda se soit contenté de jouer son rôle. Le traître non plus ne choisit pas, pas toujours. Les hommes n'agissent que par intérêt, ils n'agissent pour une cause qu'en tant qu'ils identifient cette cause à leur essence.
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026d6fbaeb1d8b2eef794c25ae2a30b8.jpgLutte des classes, lutte des idéologies, lutte des cultures, luttes des peuples, l'Histoire se résume aux rapports entre les identités, et principalement à leur lutte. Leur lutte à mort dès lors que les prétentions croissent et que l'espace se restreint. Le déconstructionisme ambiant lui-même tient du combat identitaire: la tentative d'extermination par un type humain particulier, d'un autre type humain. Car le multiculturalisme est tout sauf une idée. La théorie de la libre sélection des traditions et des repères n'est sécrétée qu'à posteriori, pour légitimer un penchant naturel qui ne tient pas du choix. Pour sacraliser la simple expression d'un organisme, un organisme faible; ce demos auquel les hiérarchies donnent un cadre et une forme. Nous assistons à l'affrontement mortel entre une humanité dont le propre est de ne pouvoir s'identifier à rien, de ne produire aucune haute culture, et pour qui le multiculturalisme n'est que la traduction intellectuelle d'une nécessité vitale - et le camp de ceux qui sont ou aspirent à être.
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Il ne s'agit pas d'une lutte idéologique, ou bien secondairement, par extension, mais d'abord d'une lutte des types au sein d'une même race. Entre ceux, d'un côté, inaptes à assumer leur Européanité, et ceux de l'autre, tout aussi inaptes, mais cette fois à renoncer à cette identité - car il en est à qui la médiocrité coûte. Non que les premiers soient dans ce cas supérieurs; ils sont bien au contraire de ceux qui, de tout temps, n'ont jamais mérité aucun droit d'expression dans les affaires de la Cité. La guerre des cultures n'est qu'une conséquence de cet affrontement interne, rendu possible par l'éloigement de la source de la Tradition, rendu possible par la révolte des 3e et 4e Etats - ceux de la Masse. Et en ce sens, la guerre des peuples, ou plus exactement des populations, n'est pas le fait d'une quelconque haine du camp identitaire, mais bien une extension du domaine de la lutte hors du simple cadre de notre sang et de notre Civilisation. Une extension souhaitée, théorisée, par le type humain en révolte du demos, de l'informe, contre tout ce qui est encore différencié. Contre ce qui en Europe peut encore se dire Européen. Et seul l'inconscience de constituer un type, c'est à dire d'être porteur d'une essence, de quelque chose qui détermine et échappe au choix, permet la naïveté des discours légitimant la colonisation de l'Europe. 
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Je conçois que ces rapides considérations puissent apparaître comme quelque chose de monstrueux aux yeux de nombreux européens. Monstrueux comme une pure abstraction extirpée de l'esprit pour être formulée et portée dans l'existence, comme quelque chose de tout simplement inconcevable. Mais je dois dire qu'il s'agit d'abord, et avant tout, d'une intuition - et j'ose penser qu'elle doit être laissée aussi libre qu'il est possible. L'intuition est l'instinct de l'esprit, elle surgit d'une profondeur, et cette profondeur ne peut être rien d'autre que la source, un espace incorruptible. Ceux qui sont les plus choqués par le propos comprendront tout simplement, a priori, instinctivement eux aussi, qu'il est un danger pour leur domination dans le monde. Sans souvent avoir l'intelligence nécessaire à la distance, ils attaqueront comme des animaux de la savane protégeant leurs petits. Ils réagiront comme le fait l'homme lorsque l'on touche sans fard à ses facultés vitales, par un élan lui-même vital, animal. Des espèces contre d'autres espèces, des groupes à jamais distincts dans la lutte, une loi universelle. S'il est vrai que la vie de l'esprit puisse entraver ou au contraire décupler les facultés somatiques, il est tout aussi évident que le bios possède sa part d'influence sur tout ce que l'homme est censé produire. N'a-t-on jamais remarqué que cette nouvelle génération d'européens voue une certaine détestation à tout ce qui, dans la tenue, peut inspirer la rigueur d'hommes individués au point qu'ils en recherchent une impersonnalité apparente ? Des organismes et des esprits dégénérés ne pourront jamais supporter le contraste dès lors qu'ils sont ceux d'une majorité de la population - et que le système politique entend précisément tirer sa légitimité d'elle.
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Mon propos, et je ne nie pas qu'il soit excessivement schématique ainsi succintement exposé, choquera d'abord tout ceux qui ont besoin de l'idée de choix pour supporter leur existence, c'est à dire tous ceux qui cherchent en dehors d'eux même ce qu'ils sont. Il est bien sur inutile de préciser que ceux-ci ne trouveront rien correspondant à leur nature propre, précisément parce qu'ils procèdent par inversion et confusion. Nous ne sommes pas notre existence, comme un navire n'est pas l'océan sur lequel il se meut. Ce fétichisme de l'existence révèle une crainte de l'essence, et cette recherche grotesque de soi hors de soi n'est le plus souvent pas autre chose qu'une fuite. Alors que les populations deviennent apatrides en fuyant la guerre, désertant les régions qui forgèrent âmes et corps, l'existentialiste ne s'habite pas lui-même parce qu'il n'y a rien à habiter: c'est le propre terrifiant d'un grand nombre d'individus - mais sans doute est-ce aussi l'un des traits de la Modernité - de ne pouvoir être autre chose que des apatrides, parce qu'ils n'ont tout simplement aucune forme intérieure. Ils constituent la Masse, un bout de bois vulgaire abîmé par les rochers qui surgissent à la surface du torrent. L'existence est pour eux un flux, très exactement, qui vient les occuper et parvient finalement à constituer ce que le fétichisme contemporain nomme abusivement une personnalité. Mais l'on ne peut pas dire pour autant que ces individus, ces atomes, soient faits par leur existence. Plus surement, ils deviennent l'existence, ils deviennent flux, s'identifient au devenir même, pour s'affaisser à mesure de la mort de leur organisme. C'est cela, qui s'oppose à ce que telle ou telle intuition puisse être partagée.
*
Le choix est sans aucun doute une abstraction rassurante, en remplaçant toute essence par un devenir qui justifie que l'on ne se trouve jamais. Il est le meilleur garant de toute les irresponsabilités, de toutes les anarchies qui se répandent en son nom et en celui de la liberté individuelle. C'est à l'inverse un tempérament viril qui peut seul se résoudre à la découverte de sa forme propre, qui confère une mission pouvant parfaitement s'insérer dans le cadre d'une société organique et hiérarchisée; connaissant l'ordre. Le choix est l'adversaire du sens, il est par essence négativement nihiliste et se complaît dans le flot confus des sensations et actes illusoires - il détache totalement l'individu pour ne lui faire connaître que le présent suspendu. Il est l'attitude d'esprit de tous ceux qui ne peuvent se développer en l'absence d'injonctions venus d'en Haut, et qui n'ont de fait dans la vie d'autres activités que de marcher ou de jouir sur place. Choisir revient à ne participer à rien, de telle sorte que dans le système politique, cette disposition se traduit par un fort penchant collectiviste sensible aux césarismes et aux politiques de la perfusion; quand bien même ce collectivisme est-il atomiste et que la non-perception remplace la terreur. Au contraire, celui qui est dispose d'un point qu'il peut mouvoir dans l'existence afin de naviguer et de trancher en elle: il est comme un parachutiste et non pas comme une feuille morte que le vent ferait virevolter. Deux objets en chute, mais une chute qui pour l'un peut être transcendée, et devenir même un objectif.
*
Parce qu'il ignore totalement la Mort, le choix ignore totalement la Vie. Il ignore tout de la nature tragique de l'Homme à laquelle il trouve cependant une illusion de réponse, à la manière d'une drogue: la suspension du temps, l'assimilation de cet état à la Vie et à la nature de l'Homme lui permettent de nier la réalité même de la Mort, en transformant la Vie elle même en un éternel instant sans aucune signification. Pourtant, tous meurent, et cela n'a rien d'un choix. Cela a tout d'un destin, et l'on ne peut que l'assumer si l'on entend être véritablement humain, si l'on entend véritablement être un peuple - car ce qui vaut sur un plan vaut pour l'autre.
*
Si un Européen entend vivre dignement, s'il entend être selon sa forme intérieure, la première de ses nécessités vitales se nomme Europe. Cela non plus, n'est pas un choix, et si nous nous engageons aujourd'hui dans la défense de la Tradition sur notre continent, ce n'est rien d'autre qu'un ordre impérieux de l'organisme. Une communauté nous est nécessaire, et ceux qui nous combattent sentent que notre renouveau signifierait leur fin; la fin du règne de l'existence au profit d'une Vie pour laquelle ils seraient de pathétiques espèces inadaptées.  

 

mardi, 07 octobre 2008

Kurt Schumacher, socialiste prussien

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Kurt Schumacher, socialiste prussien

 

«Aujourd'hui, la sociale-démocratie voit comme grand objectif national l'unité allemande dans la paix et la liberté. Elle s'opposera à toute tentative de fondre des parties du territoire national allemand dans d'autres peuples et combattra tous ceux qui préfèreront de telles solutions à l'unité allemande. Nous voulons la Communauté. Mais toute communauté commence pour nous par une Communauté avec les habitants de la zone soviétique d'occupation et de la Sarre». Ces paroles fortes de Kurt Schumacher ont eu valeur de programme pour la SPD, qui se positionnait comme le “parti de la réunification”. Elles sont extraites d'un long discours de Schumacher, président de la SPD dans l'immédiat après-guerre, prononcé à Dortmund en 1952, lors d'un congrès destiné à donner les mots-d'ordre aux militants de base. Mais que reste-t-il de ce nationalisme social et intransigeant en 1989/90? Rien. Absolument rien. Les soixante-huitards du pou­voir actuel, liquidateurs de la SPD, avaient encore plaidé en 1989, à la veille de la chute du Mur, pour que l'on abroge les phrases récla­mant explicitement le retour à l'unité allemande dans le préambule de la loi fondamentale de la RFA. Cet aveuglement et cette trahison font qu'ils courent le risque, aujourd'hui, d'être balayés par l'histoire. Mais le premier Président des sociaux-démocrates de notre après-guerre, Kurt Schumacher, demeurera dans les mémoires, précisément parce qu'il a été clairvoyant, nationaliste et intransigeant. Son œuvre a été pa­triotique et le peuple allemand doit lui en être reconnaissant.

 

Un mutilé de 1914-1918

 

Comme l'immense majorité des jeunes Allemands, Schumacher, après avoir passé son Abitur [équivalent du “bac”], s'engage dans l'armée en août 1914. Il était né le 13 octobre 1895 à Kulm en Prusse occiden­tale. Envoyé sur le front de l'Est, contre les Russes, le jeune homme, qui ne cache pas ses sympathies socialistes, demande à servir en première ligne, pour contribuer personnellement à arrêter le “danger tsa­riste”, que dénonçaient la SPD et August Bebel. Mais l'euphorie de l'été 1914 sera de courte durée pour Kurt Schumacher; elle finira tragiquement. Le 2 décembre 1914, le volontaire Schumacher est très griè­vement blessé lors de la bataille de Lodz. Il faut lui amputer le bras droit. En 1915, après avoir transité dans de nombreux hôpitaux de campagne, il est démobilisé, avec la Croix de Fer de 2ième classe au re­vers de son Waffenrock. Il se console en étudiant le droit, l'économie et les sciences politiques à Halle, Leipzig et Berlin. 1918 est, pour lui, l'année d'une terrible césure; au printemps, il s'était affilié à la MSPD, une aile de la so­ciale-démocratie qui entendait “construire la communauté nationale dans la responsabilité” et visait un ré­formisme socialiste à forte structuration étatique. Quand éclate la “révolution de novembre”, il devient membre du “Conseil des Ouvriers et des Soldats” du Grand-Berlin. Il y représentait la voie parlementaire au sein du Reichsbund der Kriegsbeschädigten [= Fédération Impériale des mutilés de guerre].

 

Les bouleversements de la “révolution de novembre” obligent le jeune Schumacher à abandonner l'idée de faire une carrière de fonctionnaire et à se jeter corps et âme dans la politique. Il s'installe dans le Wurtem­berg en décembre 1920, pour servir son parti pendant quatre ans à la rédaction de la Schwäbische Tag­wacht de Stuttgart. En 1924, il est élu à la Diète du Land de Wurtemberg, où il gagne rapidement ses lau­riers de chef de l'opposition sociale-démocrate. En 1930, Chef de la SPD du Wurtemberg et de sa milice, le Reichsbanner, il entre au Reichstag comme député. Mais il est jeune, et le présidium des députés socialistes, composé de vieillards têtus et bornés, le relègue sur les arrière-bancs. Ce n'est que le 23 février 1932 que le militant Schumacher va pouvoir donner de la voix et déployer sa rhétorique tranchante et virulente, et étaler son nationalisme; Goebbels venait de diffamer gravement la sociale-démocratie en la désignant comme le “parti des déserteurs”. Schumacher, le mutilé de guerre, a bondi à la tribune, prêt à prononcer un discours au vitriol, où il a rappelé que les socialistes avaient payé l'impôt du sang et perdu leurs biens au même titre que les autres citoyens pendant la guerre et que leur politique n'était pas moins “nationale” que celle de Goebbels. Schumacher donne ensuite la liste des députés socialistes mutilés, décorés et anciens combattants. Une liste plus longue que celle des nationaux-socialistes... Ensuite, plus dur, il traite Goeb­bels de “petit mal-foutu, rédacteur de mauvais feuilletons” et l'agitation nationale-socialiste d'“appel cons­tant au cochon qui sommeille dans l'intériorité de tout homme”. Inutile de dire qu'il devint ainsi la bête noire des nazis.

 

Cette polémique, l'engagement de Schumacher pour l'unité allemande de 1945 à 1952, reposaient sur une vision bien précise du socialisme, qui était un “socialisme prussien”. Dans sa thèse de doctorat, présen­tée en 1926, et intitulée Der Kampf um den Staatsgedanken in der deutschen Sozialdemokratie [La lutte pour l'idée d'Etat dans la sociale-démocratie allemande], Schumacher, ressortissant de Prusse occiden­tale, se montre rigoureusement “étatiste” et réclame l'avènement d'une nouvelle doctrine de l'Etat. Il écrit: «La spécificité toute particulière de la germanité, reliée au rôle tout particulier de la sociale-démocratie, montre bien que nous manquons cruellement d'une doctrine socialiste de l'Etat». Sans ambiguités, Schu­ma­cher ne cache pas ses sympathies pour “l'organisation étatique prussienne”, héritage d'une vision las­sal­lienne de l'Etat, qui accordait le primat à cette instance parce qu'elle était un instrument d'intervention dans les forces économiques du libre marché et du capitalisme, alors qu'elle était démonisée et com­battue par les marxistes.

 

Quand les nationaux-socialistes prennent le pouvoir en 1933, la carrière de Schumacher prend fin abrup­tement. Délibérément, il refuse d'émigrer et, à partir de juillet 1933, commence son long périple dans les camps de concentration: Heuberg, Kuhberg et surtout Dachau, où les souffrances du coprs et de l'esprit s'accumulent. Son internement durera dix ans. Ce n'est qu'en 1943 que le mutilé de 1914, manchot mais intact intellectuellement, peut quitter Dachau et revenir à la vie civile. Comme il ne peut plus mettre les pieds à Stuttgart, il s'installe à Hannovre avec sa sœur et son beau-frère. C'est de son bureau dans cette ville qu'il amorcera la reconstruction de la SPD dans les zones d'occupation occidentales. Malgré une santé déficiente, il parvient en quelques semaines ou en quelques mois à devenir le fer de lance de la SPD ressuscitée. Ce retour étonnant, il le doit à son charisme, à ses talents de chef et à sa rhétorique hâchée, dure, sans compromis. Schumacher sait parler et organiser, son passé de souffrances, d'abnégation, qui ne l'ont pas abattu, font de lui l'incarnation de la prusséité protestante et lui attirent des centaines de mil­liers de sympathisants et des millions d'électeurs, des anciens sociaux-démocrates, des soldats revenus du Front, des anciens des jeunesses hitlériennes... Les jeunes, qui n'ont connu que le national-socia­lisme, sont fascinés par son credo à la fois nationaliste et social-démocrate. Ensuite, dans un discours, Schumacher leur promet que “la plupart des soldats allemands rentreront dans une nouvelle patrie et en deviendront rapidement les piliers porteurs”.

 

Après avoir conclu un accord avec son homologue de la zone soviétique, Grotewohl, Schumacher devient le représentant de la SPD-Ouest (en octobre 1945), accède à la dignité de Président du parti en mai 1946, et reste jusqu'à sa mort en 1952 le chef de l'opposition sociale-démocrate au Bundestag. Dans cette car­rière, il a eu bien des mérites. Par son influence et sa faculté de persuader ses camarades, il a mis un terme à la politique de “bolchevisation” entreprise par les Soviétiques et leurs complices allemands. Celle-ci n'a réussi qu'à l'Est de l'Elbe. Schumacher a opposé une résistance farouche à toutes les tentatives des “communistes unitaires” d'installer des structures de la SED (est-allemande) à l'Ouest et à Berlin-Ouest.

 

Maxime de la politique: l'unité

 

Toute en résistant aux pressions des communistes et de leurs alliés, Schumacher modernise le parti, lui impose une politique et un programme de rénovation, l'ouvre aux classes moyennes. Schumacher rompt avec la dogmatique marxiste et ses justifications sonnent encore assez justes aujourd'hui: «C'est égal, si quelqu'un devient aujourd'hui social-démocrate parce qu'il est un adepte des analyses économiques marxistes, ou s'il vient à nous pour des motifs philosophiques ou éthiques ou s'il adhère à notre socia­lisme parce qu'il croit aux principes évangéliques du Sermont sur la Montagne. Chacun a les mêmes droits dans le parti d'affirmer sa personnalité spirituelle ou intellectuelle, d'annoncer ses motivations». Mais Schumacher ne tombait pas dans le libéralisme: il restait inébranlablement fidèle aux théories de la macro-planification en économie et à une socialisation partielle. Cette fidélité provenait de sa conception lassal­lienne de l'Etat qu'il articulait dans le contexte de la reconstruction allemande et de l'alternative socialo-communiste que proposaient les dirigeants de la zone soviétique d'occupation.

 

Mais le message le plus important de Schumacher a été le suivant: l'insistance sur la réunification. Il a im­posé aux chefs de la sociale-démocratie, il a communiqué au peuple de part et d'autre du Rideau de Fer, l'idée que la réunification devait demeurer la “mesure de toute chose” en politique allemande. «Au contraire d'Adenauer, il n'a jamais cessé de plaider pour la réunification, de mobiliser les efforts de son parti pour l'unité. Il en a fait la maxisme supérieure de la politique allemande», écrit l'historien Rainer Zitelmann (in Adenauers Gegner. Streiter für die Einheit, Straube, Erlangen, 1991).

 

Le 20 août 1952, Kurt Schumacher, le patriote de la sociale-démocratie allemande, meurt après une longue et pénible maladie. Mais le message qu'il a laissé avant de mourir en 1952 reste plus actuel que jamais: «Il faut donner au peuple allemand une nouvelle conscience nationale, à égale distance entre l'arrogance du passé et la tendance actuelle, de voir dans tous les souhaits des Alliés, la révélation d'un sentiment européen. Seul un peuple qui s'affirme lui-même pour ce qu'il est peut devenir un membre à part entière d'une communauté plus vaste».

 

Christian HARZ.

(Article paru dans Junge Freiheit, n°41/1995; trad. franç. : Robert Steuckers).

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lundi, 06 octobre 2008

Europe: terre d'empires?

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Europe: terre d'empires?

 

Dans le numéro 14 de notre bulletin, je lisais avec satisfaction une étude, assez longue, de notre ami Lucien Favre, intitulée «Géopolitique, Politique étrangère, sécurité et défense en Eurasie». L'auteur a là une démarche tout-à-fait “synergétiste”: il guide notre réflexion sur les points essentiels de la future puis­sance que nous souhaiterions devenir. Mais l'audace de sa démonstration se fonde, on l'aura senti en la lisant, sur l'usage affirmé du terme “Eurasie”. Mis à part quelques spécialistes de l'histoire diplomatique, quelques officiers des services spéciaux, quelques slavistes qui connaissent le vieux rêve “eurasiste” de certains philosophes, écrivains et publicistes russes, personne, en Occident, ni dans les médias qui ne racontent plus rien d'essentiel, ni a fortiori dans le vaste public, n'est capable de définir correctement cette notion. Ce flou recèle bien des dangers. Ce qui nous oblige à prendre des précautions. Afin qu'il ne soit pas utilisé n'importe comment, ressassé comme une incantation ou une formule magique, comme le prisent les sectaires et les angoissés qui cherchent à tout prix des prétextes pour se rendre intéressants et pour attirer sur eux l'attention de quelques pâles journalistes manipulés et foireux, en mal de copies et désireux de découvrir un nouveau “Grand Satan”.

 

En effet, le mouvement SYNERGIES EUROPÉENNES n'a nullement l'intention de fabriquer un ersatz de romantisme, de manier un leitmotiv pour choquer le public et le prendre à rebrousse-poil. Un séminaire de SYNERGIES décidera cet hiver de l'usage que nous ferons du terme “Eurasie” dans nos discours à con­notations géopolitiques.

 

D'ores et déjà, nous orienterons nos réflexions sur les faisceaux de faits suivants:

 

* Le terme Eurasie est une notion géographique désignant les terres sibériennes, nord-asiatiques et centre-asiatiques où la Russie a exercé sa souveraineté, qui ont été peuplées de Russes. Et où la Russie est sciemment revenue, par la force des armes et par l'audace de ses cosaques, sur des territoires qui avaient été indo-européanisés à un moment ou un autre de l'histoire (Scythes, Parthes, Sakhes, Pré-Indiens, Tokhariens, etc.). La Russie a été la puissance mo­derne qui a sécurisée ces terres, afin qu'elles ne servent plus de tremplin aux invasions turco-mongoles. Personne en Europe n'a d'ailleurs intérêt à ce que cet espace redevienne la zone de rassemblement d'adversaires de notre famille de peuples.

 

* Il existe une institution internationale, garante de l'application des “droits de l'Homme”, qui couvre tout le territoire de l'Eurasie, c'est-à-dire de l'Europe et de l'ancienne URSS: c'est l'OSCE. Il convient de ren­for­cer prioritairement cette institution. François Mitterrand et Jacques Attali avaient naguère appelé de leurs vœux un espace de paix dans cette très vaste région du monde. Attali parlait plus exactement de «Marché Commun Continental» (MCC). Même si leurs visions n'ont pas été suivies d'effets, à cause d'événements comme ceux de Tchétchénie ou du Tadjikistan, il convient de revenir sur leurs discours, de les dépouiller des niaiseries idéologiques qu'ils ont été obligé de prononcer, political correctness oblige et parce qu'ils n'ont pas eu le courage de briser la dictature des médias, de dénoncer leur travail de manipu­lation au profit de la seule superpuissance subsistante. Tout cela pour dire que les spéculations sur l'Eurasie ne sont pas le seul fait de groupuscules “extrémistes”, comme aiment à le faire accroire les con­servateurs atlantistes et les petits journalistes médiocres qui leur servent de relais. L'«Eurasisme» préoccupe les chanceleries. Tout autant que nous.

 

* Récemment, les Presses universitaires d'Oxford en Angleterre ont sorti ou ressorti les ouvrages de l'historien britannique Peter Hopkirk sur le travail incessant des services secrets de tous les pays pour contrôler les masses continentales centre-asiatiques. Russes, Allemands, Japonais, Turcs et Britanniques ont, au moment de la révolution bolchevique, tenté de se rendre maîtres de l'espace turco­phone et des espaces immédiatement adjacents. Les prodigieuses aventures de Ungern-Sternberg, d'Enver Pacha, de Wilhelm Wassmuss, de von Niedermayer, de MacDonnell, etc. hantent toujours les imaginations, depuis John Buchan (Greenmantle)  jusqu'au livre de Jean Mabire sur Ungern-Sternberg. Les puissances ont toujours voulu se rendre maîtresses de la “Route de la Soie”: lors de l'effondrement de l'Empire tsariste, elles ont joué ce que Hopkirk nomme le “Grand Jeu”, afin de s'emparer de cette zone stratégique de première importance. Avec l'effondrement de l'URSS, le “Grand Jeu” peut à nouveau se jouer et bien fol serait celui qui refuserait d'en prendre acte et de tenter d'y avancer ses pions. Inutile de vous dire que les livres de Hopkirk retiendront toute notre attention.

 

* Enfin, comme cette “Route de la Soie” traverse un territoire musulman, les puissances qui tentent de la contrôler, jouent forcément une “carte musulmane”, développent un “discours islamophile”. Dans un tel contexte, une islamologie, fondée sur un sens aigu de la Realpolitik et des impératifs géopolitiques, est indispensable. Et doit impérativement se démarquer de cette islamophilie marginale, maniée par des ser­vices spéciaux tentant de compléter leurs fiches, de repérer les fanatiques niais capables de commettre n'importe quelles bavures et de recruter, si besoin s'en faut, des poseurs de plastic, afin de démontrer aux yeux des masses, qui ignorent tout du “Grand Jeu”, que le Diable est parmi eux. SYNERGIES EUROPÉENNES sera donc très attentive au dis­cours du ministre allemand des affaires étrangères, Klaus Kinkel (cf. Der Spiegel, 45/1995), qui entend développer un “dialogue critique” avec l'Iran et les autres puissances islamiques. Cette notion de “dialogue critique” s'ancre bien dans la logique de l'OSCE et vise à jouer le “Grand Jeu” en gardant la tête froide, en refusant certains a priori idéologiques, en respectant les convictions religieuses des peuples concernés, en apaisant les passions vectrices de chaos. Toute politique de discussion avec l'une ou l'autre puissance musulmane, dont l'Iran, doit s'inscrire dans un cadre aussi rigoureusement dé­fini que celui que nous propose Kinkel, tenir compte de cette institution qu'est l'OSCE. Les politiques de boycott absolu sont des gamineries politiques et géopolitiques, au même titre que tous les discours issus de l'éthique de la conviction, contraire diamétral de l'éthique de la res­ponsabilité. Et tant pis pour les puissances européennes qui n'ont pas la maturité de pratiquer un “dialogue critique”. Elle rateront le train de l'histoire. Et imploseront lamentablement en croyant détenir une vérité, “rationnelle” et “politiquement correcte”.

 

Dans le cadre de SYNERGIES, deux questions se posent: l'Eurasie est-elle une terre européenne et asiatique, est-elle plus vraisemblablement une terre d'Europe incluant la partie asiatique de la Russie, au­quel cas il faudrait parler d'Empire Eurasien? On sent très bien que deux écoles coexistent dans le réseau SYNERGIES: Pour l'une, il n'est pas de bloc européen qui n'incluerait à la fois son Occident et son Orient, de Reykjavik à Vladivostok. L'autre estime que les différences, à tous niveaux, sont telles entre l'Orient et l'Occident de ce vaste espace, qu'elles excluent un avenir maîtrisé conjointement et préfère envisager un continent “bicéphale”, régi par deux blocs impériaux, l'un européen, l'autre russe/eurasiatique, liés en­semble par d'étroits accords culturels, défensifs et économiques.

 

Quoi qu'il en soit, pour tous les “synergétistes”, une chose est certaine: notre avenir réside dans la cons­titution et la consolidation d'un bloc aux dimensions impériales, mais organisé par des structures fédé­rales, maintenant les identités comme ciment cohésif des sociétés, et vivifié par une paedia insufflant des valeurs fortes, garantes de l'indépendance et de la puissance du bloc politique. Ces propositions sont toutes réalisables dans une OSCE, débarrassée des discours larmoyants et obsolètes de l'idéologie soft. Car toujours nous maintiendrons les deux dimensions de notre programme: IMPÉRIUM et SUBSIDIARITÉ.

 

Gilbert SINCYR.

mercredi, 01 octobre 2008

Z. Sternhell blessé à Jérusalem

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L'historien Sternhell blessé à Jérusalem


Source : AFP
25/09/2008 | 

L'historien israélien Zeev Sternhell, connu pour ses positions contre la colonisation des territoires palestiniens, a été blessé la nuit dernière par l'explosion d'un engin piégé à son domicile de Jérusalem.
Zeev Sternhell, 73 ans, a été légèrement atteint à la jambe droite par des éclats lorsque l'engin a explosé alors qu'il fermait la clôture autour de sa maison. Il a été hospitalisé à Jérusalem.
Ce professeur de Sciences politiques à l'Université hébraïque de Jérusalem est un spécialiste du fascisme, en particulier de ses racines idéologiques en France où ses oeuvres ont rencontré un grand écho.
Sternhell, né en Pologne et rescapé de la Shoah, publie régulièrement des tribunes dans le quotidien israélien Haaretz. Il a pris des positions en flèche ces dernières années contre le camp ultra-nationaliste en Israël et la colonisation et prône un compromis pour faire la paix avec les Palestiniens.
Dans un article qui avait provoqué une vive polémique, il avait affirmé: "si les Palestiniens faisaient preuve de plus de clairvoyance, ils concentreraient leurs actions contre les colonies au lieu de s'en prendre à des femmes et des enfants" en territoire israélien.
Récemment, il s'est prononcé contre le blocus imposé par Israël à la bande de Gaza, jugeant cette mesure "immorale et inefficace".

dimanche, 28 septembre 2008

Le temps des continents et la déstabilisation de la planète

Le temps des continents et la déstabilisation de la planète


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Mondialisation.ca, Le 17 septembre 2008
Eurasia Rivista di Studi Geopolitici no. 2

La réaffirmation de la Russie comme acteur mondial, avec la puissante croissance économique des deux colosses asiatiques, Chine et Inde, semble avoir définitivement marqué, dans le cadre des relations internationales, la fin de la saison unipolaire sous conduite étasunienne, et posé les conditions, minimales et suffisantes, pour la construction d’un ordre planétaire articulé sur d’avantage de pôles. Les entités géopolitiques qui caractérisent ce nouveau cycle ne seront pas, vraisemblablement, les nations ou les puissances régionales mais bien les grands espaces continentaux.

 

Un nouveau cycle géopolitique

 

Le nouvel ordre international qui s’est réalisé après le 11 septembre 2001 est dû surtout à  trois facteurs concomitants : le premier concerne la politique eurasiatique lancée à Moscou, immédiatement après la fin de la présidence Eltsine, à partir de 2000-2001 ; le second concerne le développement économique particulier de l’antique Empire du Milieu qui, intelligemment intégré par la direction chinoise dans le cadre d’une stratégie géopolitique de longue période, fera de Pékin non seulement un géant économique mais un des principaux protagonistes de la politique mondiale du 21ème siècle. Le troisième, enfin, est strictement connecté à l’action de pénétration militaire des Usa dans l’espace proche et moyen-oriental, que Washington accompagne, de façon synergique, d’une intense activité de pression  politique et économique dans certaines zones critiques  comme celle de l’Asie centrale.

 

Les facteurs rappelés ci-dessus ont mis en évidence certains éléments importants utiles pour l’analyse géopolitique des futurs scénarios mondiaux : la centralité de la Russie comme région pivot de l’Eurasie, l’importance de la Chine comme élément de stabilité dans la masse continentale eurasiatique et d’équilibre pour la planète entière ; les mêmes facteurs, en outre, ont  reproposé à l’échelle mondiale, les tensions permanentes entre d’une part les puissances thalassocratiques, représentées aujourd’hui par les USA, et d’autre part les puissances continentales, constituées principalement par la Russie et la Chine.

 

Pour la première fois depuis la dissolution de l’URSS, nous assistons au renforcement et à la mise au point d’importants dispositifs géopolitiques, comme par exemple l’Organisation de la Conférence de Shanghai et l’Organisation du Traité de Sécurité Collective des Pays de la Confédération des Etats Indépendants, qui rassemblent la Russie et les principaux pays du continent asiatique. De tels dispositifs sont significativement ouverts aussi au Pakistan, à la Turquie et à l’Iran mais excluent les puissances occidentales et les USA. Il faut y ajouter aussi  les tentatives et les aspirations sud-américaines relatives à la constitution d’un système de défense du sous-continent indio-latin, délivré de Washington.

 

L’œuvre patiente et continue de tissage de relations spéciales entre Russie, Inde, Chine, Iran et les pays d’Asie centrale, mise en oeuvre par Poutine, et diligemment poursuivie maintenant par Medvedev, a certainement ralenti l’expansionnisme étasunien au cœur de l’Asie ; elle a aussi irrité fortement ces lobbies européens et d’outre-atlantique qui espéraient, au début des années 90 du siècle dernier, à force de « vagues démocratiques », ou plutôt de « bourrades démocratique » (2) - comme on le verra plus tard avec les agressions et les « guerres humanitaires » de l’Occident américano-centrique contre la Fédération yougoslave, l’Afghanistan, l’Irak - l’unification de la planète sous l’égide de Washington, champion de l’Humanité et, avant tout, la réalisation d’un gouvernement mondial fondé sur des critères libéraux de l’économie de marché.

 

Sur l’échiquier mondial, la formation d’une sorte de bloc eurasiatique, qui en est pour le moment encore à un stade embryonnaire et, du reste, déséquilibré  vers la partie orientale de la masse continentale, à cause principalement de l’absence de l’Europe comme entité politique cohérente et de son insertion artificielle dans le camp « occidentaliste » ; cette formation a, en outre, et par effet de polarisation, indéniablement favorisé les tendances continentalistes de certains gouvernements d’Amérique du Sud (Argentine, Brésil, Venezuela et Bolivie), en mettant ainsi en valeur l’hypothèse, réaliste, d’un scénario multipolaire en cours de constitution, articulé sur des entités géopolitiques continentales (3).

 

Nouvelles et vieilles tensions

 

La crainte d’une jonction des intérêts  géopolitiques entre les grandes puissances eurasiatiques (Russie, Chine et Inde) et les tendances continentalistes de certains gouvernements sud-américains (4) ont éveillé, ces derniers temps, une attention ravivée du Département d’Etat des USA et de certains think tank atlantiques, chargés d’identifier  les zones  de crise et de définir des scénarios géopolitiques qui soient en syntonie avec les desiderata et les intérêts globaux de Washington et du Pentagone ; une attention vers ces régions de la masse continentale eurasiatique – et du sous-continent indio-latin – qui seraient plus exposées aux déchirures causées par des tensions endogènes historiques et encore irrésolues.

 

C’est donc dans la perspective d’opérations de malaise et de pression envers la Chine, la Russie et l’Inde et certains gouvernements latino-américains que, pensons-nous, l’on peut  interpréter avec efficience certaines situations critiques qui sont proposées, avec une particulière emphase, à l’attention de l’opinion publique occidentale, par les principaux organes d’information.

 

Nous faisons ici référence à ce qu’on désigne comme la question de la minorité du peuple Karen et de la « révolte » couleur safran (5) du Myanmar, aux questions du Tibet et de la minorité uigur  en République Populaire de Chine, à la déstabilisation du Pakistan (6), et au maintien d’une crise endémique dans la région afghane.

 

En instrumentalisant les tensions locales de certaines aires géostratégiques, les USA, avec leurs alliés occidentaux, ont lancé un processus de déstabilisation – de longue période -  de tout l’arc himalayen, véritable charnière continentale, qui va impliquer huit pays de l’espace eurasiatique (Népal, Pakistan, Afghanistan, Myanmar, Bangladesh, Tibet, Bhoutan et Inde).

 

Ce processus de déstabilisation se coordonne avec celui déjà ébauché par les USA dans la zone caucasienne, sur la base des indications exposées, il y a plus de dix ans, par Bzezinski dans son ouvrage « Le grand échiquier » (7) ;  ce processus semble en outre se conjuguer  au Projet du Nouveau Grand Moyen-Orient de Bush-Rice-Olmert, destiné à redéfinir les équilibres de toute la zone en faveur des Etats-Unis et de son principal allié régional, Israël, ainsi qu’à reconsidérer les frontières des principaux pays de la zone (Iran, Syrie, Irak et Turquie) le long de lignes confessionnelles et ethniques.

 

Parallèlement à ce processus de déstabilisation, déjà en cours dans l’arc himalayen, il semble, selon l’avis autorisé du professeur Luiz Alberto Moniz Bandeira (8), que les USA en aient lancé  un autre, analogue, dans leur ex-arrière cour, en Bolivie : précisément dans la « région  de la demi-lune » sur la base des tensions ethniques, sociales et politiques qui affectent toute la zone.

 

Dans le cadre des stratégies destinées à fragmenter les espaces continentaux en voie d’intégration, il vaut la peine de souligner le grand rôle qu’ont joué et jouent les Organisations Non Gouvernementales dites humanitaires. Selon Michel Chossudovsky, directeur du Centre pour la recherche sur la mondialisation (CRM-CRG), certaines d’entre elles seraient directement et indirectement reliées à la CIA, par l’intermédiaire de la National Endowment for Democracy, puissante organisation étasunienne créée en 1983, dans le but de renforcer les institutions démocratiques dans le monde au moyen d’actions non gouvernementales (9).

 

L’histoire du 21ème siècle sera donc, selon toutes probabilités, l’histoire de l’affrontement entre deux tendances opposées : celle de la fragmentation (10) de la planète, pour le moment voulue par les USA, et celle des intégrations continentales, souhaitée par les plus grandes puissances eurasiatiques et par certains gouvernements du sous-continent indio-latin.

 

 

EURASIA. RIVISTA DI STUDI GEOPOLITICI.  n. 2 – 2008

Editorial du numéro 2 Mai-août 2008


Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

 

 

1. Marco Bagozzi, Accordi Brasile-Venezuela: verso una alleanza militare sudamericana svincolata da Washington,

www.eurasia-rivista.org, 25 aprile 2008.

2. Samuel Huntington, La terza ondata. I processi di democratizzazione alla fine del XX secolo, Il Mulino, Bologna, 1995.

3. Richard Hass, président du Council on Foreign Office, l’influent think tank étasunien, est d’un autre avis : selon lui le 21ème siècle se dirigerait vers un système de non polarité, caractérisé par une ample diffusion de pouvoir étalé sur plusieurs objets (Etats, Puissances régionales, ONG, Corporations, Organisations internationales, etc.) plutôt que par une concentration sur quelques (rares) pôles. Richard Hass, The Age on Nonpolarity. What Will Follow U.S. Dominance, Foreign Affairs, vol. 87, n. 3, May/June 2008, pp. 44-56.

4. Raúl Zibechi, Il ritorno della Quarta Flotta: un messaggio di guerra, Cuba debate, 9 maggio 2008, in italiano:

www.eurasia-rivista.org, 17 maggio 2008.

5. Voir dans ce même numéro de Eurasia, 2/2008, F. William Engdahl, La posta geopolitica della “rivoluzione color zafferano.

6. Michel Chossudovsky, La destabilizzazione del Pakistan, www.eurasia-rivista.org, 7 gennaio 2008; Alessandro Lattanzio, Il grande gioco riparte da Islamabad, www.eurasia-rivista.org, 29 dicembre 2007; Giovanna Canzano, La morte cruenta della Bhutto, intervista a Tiberio Graziani, www.eurasia-rivista.org, 28 dicembre 2007.

7. Zbigniew Brzezinski, La Grande Scacchiera, Longanesi, Milano, 1998.

8. Luiz Alberto Moniz Bandeira, A Balcanização da Bolívia, Folha de S.Paulo, 15/07/2007. Traduction italienne sur www.eurasia-rivista.org, 25 ottobre 2007. Sur le même thème voir aussi l’interview de Luiz Alberto Moniz Bandeira, Bolivia, Cuba, la seguridad de Brasil, el petróleo y la realidad del dólar, sur :  www.laondadigital.com et en italien sur www.eurasia-rivista.org, 9 maggio 2008.

9. Michel Chossudovsky, Cina e America: l'Operazione psicologica dei diritti umani in Tibet, www.eurasia-rivista.org, 22 aprile 2008.

10. François Thual, Il mondo fatto a pezzi, Edizioni all’insegna del Veltro, Parma, 2008.


 Articles de Tiberio Graziani publiés par Mondialisation.ca

samedi, 27 septembre 2008

Caucaso: Storia di una regione tra Europa e Asia

Caucaso: Storia di una regione tra Europa e Asia
http://www.eurasia-rivista.org/
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di Ninni Radicini

Il recente conflitto russo-georgiano va inquadrato nello sviluppo storico del Caucaso e nella sua millenaria complessità geopolitica. La prima volta che l'opinione pubblica italiana ne ebbe segnale fu nel febbraio 1988 quando televisioni e giornali riportarono la notizia di scontri tra armeni e azeri, prodromo della implosione dell'Urss. Frontiera tra Vicino Oriente, steppe euro-asiatiche e Mediterraneo orientale, il Caucaso ha subito profondamente il passaggio di popolazioni dall'Asia centrale e l'espansionismo degli imperi e delle potenze confinanti.
I conseguenti spostamenti degli autoctoni dalle valli alla montagne, da Nord a Sud e viceversa, hanno frammentato la disposizione delle etnie e determinato differenze nell'evoluzione tra la parte settentrionale e quella meridionale (Subcaucasia), dove fin al VI sec. a.C si costituirono entità statali comunitarie, che beneficiarono degli esempi mesopotamici e persiani, oltre che della prossimità con il mondo ellenico e poi con quello romano ("Breve Storia del Caucaso", di Aldo Ferrari, 2007). Georgiani e Armeni fondarono regni indipendenti, con il Cristianesimo religione prevalente già nel IV sec. In seguito il Caucaso fu conteso tra bizantini, persiani, arabi, turchi, soggetto a parziale islamizzazione, scomposizione dei regni e mutamento del quadro etnico a causa di deportazioni di massa, subite in particolare dal popolo armeno.
Nell'impossibilità logistica per le potenze europee di allestire una spedizione militare che avrebbe dovuto attraversare il Mediterraneo orientale, allora sotto totale controllo turco-ottomano, l'unica potenza in grado di liberare la regione era la Russia. Dopo la vittoria di Ivan IV il Terribile sui Tartari nel Caucaso settentrionale, Pietro il Grande rafforzò i rapporti con georgiani e armeni, a partire dalla comune religione cristiana ortodossa, e nel 1772 si ebbe la prima grande avanzata fino a Baku (Azerbaijan). La fase decisiva iniziò con Caterina II che lanciò la campagna per la liberazione della Subcaucasia (guerra russo-turca 1764-68). La Russia oltre all'impero ottomano dovette affrontare i persiani: entrambi sostenuti da Francia e Inghilterra, allora nemiche in Europa ma alleate nel Caucaso.
Nonostante tale schieramento, intorno al 1830 l'esercito zarista portò a termine la missione. Si era in epoca Romantica e quanto accaduto ebbe riferimenti notevoli nella produzione letteraria (Tolstoj, Puskin) e nella cultura popolare. I rapporti con georgiani, armeni, e azeri furono caratterizzati in parte di incomprensioni, dovute alla volontà di affermazione delle rispettive autonomie. Ma tutti popoli dell'area erano consapevoli che il nuovo clima di sicurezza era la migliore garanzia per la rinascita economica.
I problemi maggiori arrivavano dal Caucaso settentrionale, abitato da popolazioni bellicose che i russi chiamavano "gorci" (montanari). Nella Subcaucasia la rivoluzione del 1905 ebbe carattere nazionale oltre che di classe e ogni popolo si diede un partito rappresentativo: il Dashnaktsuthiun per gli armeni, il Partito socialdemocratico menscevico per i georgiani; il Musavat per gli azeri. Nel '21 le tre repubbliche aderirono all'Unione Sovietica, con parità di diritti e prospettiva di riequilibrio economico. Dopo la Seconda guerra mondiale (quando i nazisti arrivarono fino al Caucaso nord-occidentale) la Georgia puntò sulla difesa della lingua e rispetto all'Armenia ebbe un rapporto più difficile con Mosca. In Azerbaijan cominciò a farsi strada un nazionalismo che rivendicava l'eredità dell'antico popolo degli Albani. L'affermazione della nazionalità trovò vigore a metà degli anni '80 con la Perestroika e la Glasnost di Mikhail Gorbaciov.
All'inizio degli anni '90, dopo le dichiarazioni d'indipendenza delle varie repubbliche, il Caucaso - in particolare la Subcaucasia - si trovò al centro degli interessi di Russia, Usa, Turchia, Iran, con parziale coinvolgimento dell'Ue, data la presenza di rilevanti giacimenti petroliferi e la collocazione, che la rende percorso alternativo per il trasporto delle risorse energetiche dell'Asia centrale verso il Mediterraneo. Seppure parte integrante della Russia, nello stesso periodo anche il Nord caucasico fu attraversato da conflitti etnico-religiosi, come quello tra ingusci (musulmani) e osseti (cristiani ortodossi), e insurrezioni nelle repubbliche di Karacaj-Circassia e Cabarda-Balcaria. Ma il territorio più ostile alla presenza russa fu la Cecenia.
La Georgia, dopo l'indipendenza, fu a sua volta soggetta alle spinte centrifughe delle Repubbliche di Abkhazia e Ossetia del Sud, di fatto autonome dal '93 con la supervisione di Mosca, e delle regioni di Agiaria - abitata da georgiani musulmani - e dello Javakheti, a maggioranza armena. Da sempre oscillante tra Oriente e Occidente, fino al '04 è stata governata da Edward Sheverndze, già ministro degli Esteri di Gorbaciov, che la fece aderire alla Csi (Comunità Stati Indipendenti) rafforzando allo stesso tempo i legami con Ue e Usa. Nel '96 Georgia, Armenia e Azerbaigian firmano l'Accordo di partenariato e cooperazione con l'Ue e nel '99 entrano nel Consiglio d'Europa. La tensione con la Russia è aumentata a partire dal gennaio '04, quando la cosiddetta "Rivoluzione delle Rose" porta al potere Mikhail Saakasvili, sostenitore dell'ingresso nella Nato e di un rapporto più stretto con gli Usa.
La risposta di Mosca all'attacco georgiano nella Ossezia del Sud nell'agosto '08 ha determinato un raffreddamento dei rapporti tra Usa e Russia, la scelta della Polonia e degli stati baltici di configurarsi ancora più come ultimo baluardo dell'Occidente euro-americano, e prefigurato ripercussioni nel settore energetico. E' la dimostrazione che quanto avviene nella regione caucasica non sia circoscrivibile e debba essere sempre valutato in un quadro internazionale molto ampio.

http://www.ninniradicini.it/articoli/caucaso_russia_georg...

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lundi, 22 septembre 2008

Hommage à H. Diwald

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Robert STEUCKERS:

Hommage à Hellmut Diwald (1924-1993)

 

Né le 13 août 1924 dans le pays des Sudètes, plus précisément à Schattau en Moravie méridionale, le professeur Hellmut Diwald a quitté la vie le 26 mai 1993. Fils d'ingénieur, il s'était d'abord destiné à suivre les traces de son père: il suit les cours de l'école polytechnique de Nuremberg et y décroche son premier diplôme. Mais c'est à l'université d'Erlangen qu'il trouvera sa véritable vocation: l'histoire, l'événémentielle et celle des religions et des idées. De 1965 à l'année de sa retraite, il a enseigné l'histoire médiévale et moderne dans l'université qui lui avait donné sa vocation. Auparavant, il avait travaillé sur les archives d'Ernst Ludwig von Gerlach, un homme politique conservateur et chrétien de l'époque de Bismarck, avait rédigé une monographie sur le philosophe Dilthey et publié plusieurs études, notamment sur Ernst Moritz Arndt, père de la conscience nationale allemande (mais qui a eu un grand retentissement en Flandre également, si bien qu'il peut être considéré à Anvers, à Gand et à Bruxelles comme un pater patriae), et sur l'évolution des notions de liberté et de tolérance dans l'histoire occidentale.

 

Ces premiers travaux scientifiques permettent de comprendre quel homme fut Hellmut Diwald, quelle synthèse il a incarnée dans sa vie intellectuelle et militante: homme de progrès dans le sens où il s'inscrit dans la tradition émancipatrice des Lumières et de la Prusse, il ne conçoit pas pour autant cette émancipation comme un pur refus de tout ancrage historique et politique, mais au contraire, à l'instar du romantique Arndt et du conservateur von Gerlach, comme la défense d'un ancrage précis, naturel, inaliénable, dont l'essence est de générer de la liberté dans le monde et pour le monde. Cet ancrage, ce sont les nations germaniques, nations d'hommes libres qui se rebiffent continuellement contre les dogmes ou les institutions contraignantes, contre les coercitions improductives. Cette notion germanique de l'homme libre a donné la réforme, les lumières pratiques du XVIIIième siècle frédéricien ou joséphien, ou, chez nous, le mythe d'Uilenspiegel. Elle est donc à la base du progressisme idéologique, avant que celui-ci ne deviennent fou sous l'impact de la révolution française et du messianisme marxiste.

 

Hellmut Diwald doit sa notoriété à un ouvrage paru en 1978: une «histoire des Allemands» inhabituelle, où notre auteur inverse la chronologie en commençant par l'histoire récente pour remonter le cours du temps. Cette originalité n'est pas une simple facétie de professeur. En effet, les historiens allemands de notre après-guerre n'ont cessé de juger l'histoire allemande comme le préliminaire à l'horreur nationale-socialiste. Tous les événements de cette histoire étaient immanquablement jugés à l'aune du national-socialisme, ramenés à l'une ou l'autre de ses facettes. Reductio ad Hitlerum: telle était la manie, lassante, répétitive, morne, de tous les zélotes de la profession qui travaillaient à réaliser une seule obsession: tenir leur peuple à l'écart de l'histoire qui se jouait désormais à Washington ou à Moscou, à Pékin ou à Tel Aviv. Tout retour de l'Allemagne sur la scène de l'histoire réelle aurait signifié, pour ces savants apeurés, le retour d'une tragédie à l'hitlérienne. On peut évidemment comprendre que les Allemands, après deux défaites, aient été échaudés, dégoûtés, rassis. Mais ces sentiments sont justement des sentiments qui ne permettent pas un regard objectif sur les faits historiques. En inversant la chronologie, Diwald se voulait pédagogue: il refusait d'interpréter l'histoire allemande comme une voie à sens unique débouchant inévitablement sur la dictature nationale-socialiste. S'il y a pourtant eu ce national-socialisme au bout de la trajectoire historique germanique, cela ne signifie pas pour autant qu'il ait été une fatalité inévitable. L'histoire allemande recèle d'autres possibles, le peuple allemand recèle en son âme profonde d'autres valeurs. C'est cela que Diwald a voulu mettre en exergue.

 

Du coup, pris en flagrant délit de non-objectivité, les compères de la profession, ont crié haro sur Diwald: en écrivant son histoire des Allemands, il aurait «banalisé» le national-socialisme, il l'aurait traité comme un fragment d'histoire égal aux autres. Pire: il ne l'aurait pas considéré comme le point final de l'histoire allemande et aurait implicitement déclaré que celle-ci demeurait «ouverte» sur l'avenir. Pendant deux ans, notre historien a subi l'assaut des professionnels de l'insulte et de la délation. Sans changer sa position d'un iota. Meilleure façon, d'ailleurs, de leur signifier le mépris qu'on leur porte. Mesquins, ils ont voulu «vider» Diwald de sa chaire d'Erlangen. Ils n'ont pas obtenu gain de cause et se sont heurtés au ministre de l'enseignement bavarois, Maier, insensible aux cris d'orfraie poussés des délateurs et des hyènes conformistes.

 

Diwald n'a pas cessé de travailler pendant que ses ombrageux collègues vitupéraient, complotaient, s'excitaient, pétitionnaient. En 1981, avec Sebastian Haffner, un homme de gauche éprouvé et un anti-fasciste au-dessus de tout soupçon, et Wolfgang Venohr, historien et réalisateur d'émissions télévisées, il participe en 1981 à la grande opération de réhabilitation de l'histoire prussienne, dont le point culminant fut une grande exposition à Berlin. Parallèlement à cette série d'initiatives «prussiennes», Diwald travaillait à un sujet qui nous intéresse au plus haut point dans le cadre de notre souci géopolitique: une histoire de la conquête des océans. Deux volumes seront les fruits de cette recherche passionnante: Der Kampf um die Weltmeere  (1980) et Die Erben Poseidons. Seemachtpolitik im 20. Jahrhundert  (1987). Conclusion de Diwald au bout de ces sept années de travail: l'Allemagne a perdu les deux guerres mondiales sur l'Atlantique, parce que sa diplomatie n'a pas compris le rôle essentiel de la guerre sur mer.

 

Au cours de toute sa carrière, Diwald, auteur classé arbitrairement à droite à cause de son nationalisme d'émancipation, n'a jamais perdu la réunification allemande de vue. Cet espoir le conduisait à juger très sévèrement tous les ancrages à l'Ouest qu'essayait de se donner la RFA. Chacun de ces ancrages l'éloignait de sa position centre-européenne et des relations privilégiées qu'elle avait eu l'habitude de nouer avec la Russie. Diwald était donc un critique acerbe de la politique du Chancelier Adenauer, dont l'objectif était l'intégration totale de la RFA dans la CEE et dans le binôme franco-allemand. Inlassablement, Diwald a critiqué le refus adénauerien d'accepter les propositions de Staline en 1952: neutralisation de l'Allemagne réunifiée. Ce refus a conduit au gel des positions et condamné la RDA à la stagnation communiste sous la houlette d'apparatchiks pour lesquels le Kremlin n'avait que mépris.

 

La vie exemplaire de Diwald, clerc au service de sa patrie, nous lègue une grande leçon: l'historien ne peut en aucun cas faire des concessions aux braillards de la politique. Sa mission est d'être clairvoyant en toutes circonstances: dans l'euphorie du triomphe comme dans la misère de la défaite. Pour l'un de ses amis proches, venu lui rendre visite peu de temps après le diagnostic fatidique qui constatait la maladie inéluctable, Diwald a prononcé cette phrase qui fait toute sa grandeur, qui scelle son destin de Prussien qui conserve envers et contre tout le sens du devoir: «Pourvu que je puisse régler toutes les affaires en suspens qui traînent sur mon bureau avant de m'en aller». Hellmut Diwald, merci pour votre travail.

 

Robert STEUCKERS.

 

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mardi, 16 septembre 2008

Le réveil de la Russie

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Un achat indispensable pour tous les stagiaires de l'école des cadres !
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dimanche, 24 août 2008

Société "Thulé": mythe, légende et réalité

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La société Thule: légende, mythe et réalité

Il n'y a pas une organisation qui a autant fait spéculer et autant alimenter les imaginations fertiles que la “Thule-Gesellschaft”. Selon leur provenance politique ou idéologique, les auteurs, qui en traitent, disent tantôt qu'elle est un ordre occulte, une secte, tantôt qu'elle a été l'avant-garde intellectuelle, voire le moteur secret qui téléguidait en coulisses la marche en avant de la NSDAP hitlérienne. La littérature consacrée à cette organisation est désormais assez importante, mais, malgré cette ampleur relative, on peut dire que le mystère et/ou le flou qui entourent cette organisation défunte n'ont pas été dissipés. Les affects des auteurs (favorables ou défavorables) oblitèrent encore et toujours la recherche sur cette question et empêchent tout jugement serein.

Detlev Rose, auteur du livre Legende, Mythos und Wirklichkeit der Thule-Gesellschaft, peut revendiquer, pour lui-même, d'avoir enfin comblé, de manière convaincante, une lacune dans l'historiographie contemporaine relative à ces questions. Son écriture est analytique et précise, ses jugements sur les faits sont prudents, on ne peut pas lui reprocher de prendre parti ou de fantasmer.

Pour ce que l'on allait appeler plus tard la “Société Thule”, un homme revêt une importance capitale: Theodor Fritsch, que l'on décrit généralement comme “le principal antisémite allemand avant Hitler”. Il fait irruption sur la scène politico-intellectuelle de son pays à une époque que Detlev Rose décrit comme “le début d'un tournant stratégique définitif” pour le mouvement nationaliste et folciste (völkisch) en Allemagne.  Concrètement, Rose désigne l'année 1912, où les sociaux-démocrates deviennent la faction la plus forte du Reichstag et où les premiers symptômes d'une grave crise internationale pointent à l'horizon. Cette époque est celle où l'Allemagne se sent menacée et encerclée par les puissances voisines.

“Un puissant mouvement extra-parlementaire”

Cette constellation crée un climat propice à l'éclosion de toutes sortes de théories du complot, qui ont dès lors connu une haute conjoncture. Du point de vue folciste (völkisch), ce sont surtout les francs-maçons et les juifs qui auraient soi-disant comploté contre l'Allemagne. Fritsch, dans ce contexte, était un élément moteur de l'antisémitisme. Son objectif était d'établir l'antisémitisme comme “un puissant mouvement extra-parlementaire”. Il voulait réformer la société allemande en se basant sur les données raciales. Concrètement, cela signifiait que les Juifs ne pouvaient plus avoir de place dans la vie publique allemande. La pensée de Fritsch était influencée par les théories biologiques sur les races, notamment celles que propageait le philosophe Houston Stewart Chamberlain.

Logique avec lui-même, Fritsch a tenté de rassembler en un seul mouvement tous les activistes antisémites.  Ce projet, le maître ès-étalonnage Hermann Pohl de Magdebourg le réalisera. L'objectif principal du programme du Germanen-Orde (L'Ordre des Germains), qu'il avait fondé, était de surveiller et de combattre les Juifs en Allemagne. Seules des “natures germaniques” pouvaient être acceptées comme membres au sein de cet Ordre, c'est-à-dire des hommes et des femmes que la nature avait pourvu d'yeux bleus et de cheveux blonds. La situation de l'Ordre est vite devenue problématique pendant la première guerre mondiale, lorsque la moitié des membres sont mobilisés et envoyés à la guerre. L'Ordre a connu dès 1914 de sérieuses difficultés financières. Le Grand-Maître Pohl, vu cette situation financière déplorable, subit des critiques de plus en plus sévères et finit par être démis de ses fonctions.

Glauer, alias “Sebottendorf”

Pohl réagit à cette exclusion en provoquant une scission dans l'Ordre. A cette époque, survient un homme qui se fera un nom en tant que président et fondateur de la Société Thule: Rudolf von Sebottendorf, né Adam Glauer (1875-1945). La place nous manque, dans le cadre de ce bref article, pour évoquer toutes les vicissitudes de la vie mouvementée de cet homme. En résumé: Sebottendorf se met à déployer un zèle étonnant dans ses activités au bénéfice de l'aile demeurée fidèle à Pohl dans le Germanen-Orde. Cette aile acquiert dès lors une importance sans cesse croissante.

A la fin de la première guerre mondiale, la situation devient critique: la révolution spartakiste provoque une hémorragie de membres. Dans cette situation, Sebottendorf décide, pour des raisons de camouflage, de prendre le nom de “Société Thule”. L'emblème de cette “nouvelle” société est une croix gammée aux branches arrondies avec épée.

Pour l'extérieur, on essayait de donner l'impression que la société existait uniquement pour favoriser des recherches scientifiques sur l'histoire allemande et pour promouvoir de toutes manières jugées opportunes le peuple allemand (la race germanique) en tant que tel. En réalité, cette Société Thule se concevait comme le fer de lance d'une contre-révolution, qui, aux yeux de ses membres, s'avérait nécessaire, car la situation sociale et politique, dans l'Allemagne vaincue de 1918 et 1919, s'éloignait de jour en jour des objectifs jadis fixés par le Germanen-Orde.

Quand le publiciste israélite Kurt Eisner devient Premier Ministre de Bavière pour le compte de l'USPD (les sociaux-démocrates radicaux qui s'étaient désolidarisés de la SPD), et cherche à fusionner système parlementaire classique et républicanisme des conseils de facture bolchevique, en coulisses, la faction des “ennemis du peuple”, appartenant à la Société Thule, semblaient prendre le contrôle de la situation. En effet, les efforts de la société pour abattre la république des conseils de Munich avaient été considérables; sa stratégie n'était toutefois pas la “terreur à objectif précis”, comme le constate Rose. Malgré toutes les suppositions qui ont été énoncées, rien de clair ne peut être dit sur la participation éventuelle de la Société Thulé dans l'attentat qui a coûté la vie à Kurt Eisner.

Une fois la république des conseils de Munich abattue, la Société Thule semble effectivement avoir atteint son objectif, accomplie la mission qu'elle s'était donnée, et ne s'occupe plus que d'activités fort modestes. Ce qui permet d'affirmer que le développement ultérieur du national-socialisme ne lui doit vraiment pas grand chose et que ce mouvement politique a suivi sa logique et ses dynamiques propres, sans la tutelle d'une société à vocation ésotérique.

Une signification marginale

Dès lors, pour en arriver au cœur de la problématique et du “mythe” qui s'y accroche, posons la question: quel rôle cette Société a-t-elle joué en tant qu'élément précurseur du national-socialisme? Rose nous brosse un tableau bien moins coloré et fantasmagorique que celui que nous font miroiter les interprétations habituelles (ndlr: néo-nazies exaltées ou anti-fascistes tourmentées par de nouvelles théories du complot) . Il constate: «Nous ne pouvons parler ni d'une idéologie unitaire ni d'une Weltanschauung originale dans le cas de la Société Thule».  Pour Rose, la Société Thule ne revêt qu'une signification marginale dans le processus général d'émergence du national-socialisme.

A propos de la Société Thule, on ne peut nullement parler d'une “influence téléguidée, dûment planifiée, aux objectifs précis, visant à piloter la NSDAP”. Bon nombre d'auteurs se sont laissé piéger par Sebottendorf, qui a donné trop d'importance à la Société Thule dans son livre Bevor Hitler kam  (= Avant que Hitler n'arrive). Sebottendorf, notamment, exagère et extrapole en écrivant que certains membres en vue de la NSDAP, comme Rudolf Hess ou Hans Frank, étaient membres de la Société Thule.

Les élucubrations de Rauschning

Rose a également abordé la question cruciale des racines soi-disant occultes du national-socialisme; évoquons rapidement ses arguments: avec des phrases claires, Detlev Rose écrit que les cent conversations que Hermann Rauschning aurait, paraît-il, eues avec Hitler, ne sont que des élucubrations, notamment quand Rauschning parle des “tendances occultistes” de Hitler («Hitler aurait été l'instrument de “forces mystérieuses”»). Pourtant, ces conversations, vraisemblablement fausses, ont été décrites par l'historien Theodor Schieder, décédé en 1984, comme des “documents attestant de sources indubitables et de grande valeur”. A la lumière des recherches de Rose, on peut dire désormais que Schieder a malheureusement répandu et consolidé, par son autorité, une “grossière falsification de l'histoire”.

Tentons une synthèse: l'écriture claire et précise de Rose, qui évite toute jactance et toute grandiloquence, rend son livre indispensable pour tous ceux qui veulent jeter un regard critique ou s'informer sur les racines soi-disant occultes ou ésotériques du national-socialisme.

Michael WIESBERG.

(article paru dans Junge Freiheit, n°3/1995; trad. franç.: Robert Steuckers).

Detlev ROSE, Die Thule-Gesellschaft. Legende, Mythos, Wirklichkeit, Grabert Verlag, Tübingen, 1994, 224 pages, DM 32.  

 

 

 

mardi, 19 août 2008

V. Eggermont: De Delta Optie

Uit den Ouden Doosch: Gastschrijver Vik Eggermont

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mercredi, 13 août 2008

Les trois régions historiques de l'Europe

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Les trois régions histo­riques de l'Europe

Jenö SZÜCS, Die drei historischen Regionen Europas, Verlag Neue Kritik, Frankfurt a.M., 1990, 107 S., DM 20, ISBN 3-8015-0240-6 (avec une préface de Fernand Braudel).

Dans sa préface, Fernand Braudel reconnaît la pertinence du découpage, par Jenö Szücs, de l'Europe en trois régions historiques: l'Europe oc­cidentale, l'Europe orientale et la Mitteleuropa. Cette dernière oscillant en permanence entre les deux autres pôles. Cet espace du milieu focalise toute l'attention de l'historien hongrois. Il étudie les forces souterraines qui agitent en permanence cette portion centrale de notre continent, sans cé­der à la nostalgie facile du temps des Habs­bourgs. Disciple de l'historien hongrois Istvan Bibo et de l'école française des Annales (Le Goff, Braudel, Duby), Szücs se réfère également à la théorie de l'absolutisme formulée par Perry Anderson et à la théorie de l'impérialisme d'Immanuel Wallerstein. Sur base de ce corpus théorique, Szücs détermine comme suit les coor­données de l'Europe:

1) un «Occident», forgé par les Germains qui repren­nent à leur compte l'héritage de Rome (500-800) et étendent leur sphère d'influence vers l'Est et le Nord (Scandinavie et Mitteleuropa orientale) entre 1000 et 1300;

2) une sphère d'influence byzan­tine, composée d'un bloc continental russe et d'une péninsule balkanique, soustraite à l'histoire européenne, déterminée par l'Ouest romano-ger­manique, d'abord par la présence byzantine puis par l'occupation ottomane.

A partir des temps modernes, l'Ouest s'étend aux Amériques et l'Est se prolonge, grâce aux conquêtes des Cosaques du Tsar, jusqu'au Paci­fique. Coincée entre ces deux sphères, devenues démesurées: la Mitteleuropa, qui doit se défendre contre les grignotements occidentaux (conquête allemande, occupation française des côtes dal­mates sous Napoléon), orientaux (les partages successifs de la Pologne) et ottomans (la défense de Vienne contre les Turcs). C'est cette dyna­mique qui, aujourd'hui encore, détermine les rythmes différents qui animent le sous-continent européen (Robert Steuckers). 

 

 

lundi, 11 août 2008

L'idée touranienne dans la stratégie américaine

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L'idée touranienne dans la stratégie américaine

 

Le régime turc est autorisé à se maintenir en lisière de l'Eu­rope et dans l'OTAN, malgré ses dimensions "non démo­cra­ti­ques", parce ce pays reçoit en priorité l'appui des Etats-U­nis, qui savent que le militarisme turc pourra leur être très utile si le "Grand Jeu" reprend au beau milieu de l'espace eurasiatique. Cette coïncidence d'intérêts entre militaires turcs et stratégie générale des Etats-Unis incite les uns et les autres à redonner vigueur au "panturquisme", qui porte quelques fois un autre nom : celui de "pantouranisme" ou de "touranisme". C'est le rêve et le projet d'un "empire grand-turc", même s'il doit rester informel, qui s'étendrait de l'Adriatique (en Bosnie) à la Chine (en englobant le Xin­jian ou "Turkestan oriental" ou "Turkestan chinois") (1). Cet empire grand-turc rêvé prendrait le relais de l'Empire otto­man défunt. Le projet touranien a été formulé jadis par le dernier ministre de la guerre de cet empire ottoman, Enver Pacha, tombé au combat face aux troupes soviétiques en com­mandant des indépendantistes turcophones d'Asie cen­tra­le. La "Touranie" centre asiatique n'a jamais fait partie de l'Empire ottoman, sauf quelques bribes territoriales dans les marches; néanmoins, il y a toujours eu des liens entre les khanats des peuples turcs d'Asie centrale et l'Empire ot­to­man, qui y recrutait des hommes pour ses armées. Si la li­gnée d'Osman s'était éteinte, celle des khans de Crimée, de la maison de Giraj, dont l'ancêtre était le Grand Khan des Mongols, Gengis Khan (2), serait alors devenue, comme prévu, la dynastie dirigeante de l'Empire Ottoman (3). 

 

Face au projet touranien, Atatürk adoptait plutôt une posi­tion de rejet, mais c'était très vraisemblablement par tac­ti­que (4), car il devait justifier sa politique face à l'Occident et condamner, pour cette raison, le génocide perpétré par les gouvernements jeunes-turques contre les Arméniens. En­suite, dès que le régime soviétique s'est consolidé, il n'au­rait pas été réaliste de persister sur des positions pan­tou­raniennes. Pourtant, en 1942, quand les troupes alle­man­des pénètrent profondément à l'intérieur du territoire so­viétique, le panturquisme, longtemps refoulé, revient très vite à la surface. Mais, vu la constellation internatio­nale, le gouvernement turc a dû officiellement juger cer­tains activistes pantouraniens, comme le fameux Alparslan Türkesch, pour "activités racistes"; en effet, les Britan­ni­ques (et non pas l'Allemagne nationale-socialiste) avaient, selon leurs bonnes habitudes et sans circonlocutions inu­ti­les, menacé d'occuper la Turquie et Staline, lui, était passé à l'acte en déportant en Sibérie les Tatars de Crimée, alliés poten­tiels d'une coalition germano-turque.

 

Perspective touranienne et "grande turcophonie"

 

Après l'effondrement de l'URSS, la perspective touranienne (5) est bien trop séduisante pour les Etats-Unis, héritiers du système de domination britannique, pour qu'ils la négli­gent. Mises à part les républiques caucasiennes, la majorité écrasante de la population des Etats indépendants dans la partie méridionale de l'ex-Union Soviétique sont de souche turque, sauf les Tadjiks qui sont de souche persane. Qui plus est, de nombreux peuples au sein même de la Fé ­dé­ra­tion de Russie appartiennent à cette "grande turcophonie": leur taux de natalité est très élevé, comme par exemple chez les Tatars, qui ont obtenu le statut d'une république quasi indépendante, ou chez les Tchétchènes, qui combat­tent pour obtenir un statut équivalent. Les "pantouraniens" de Turquie ne sont pas encore très conscients du fait que les Yakoutes de Sibérie nord-orientale, face à l'Etat amé­ri­cain d'Alaska, relèvent, eux aussi, au sens large, de la tur­co­phonie.

 

Si l'on parvient à unir ces peuples qui, tous ensemble, comp­tent quelque 120 millions de ressortissants, ou, si on par­vient à les orienter vers la Turquie et son puissant allié, les Etats-Unis, à long terme, les dimensions de la Russie pourraient bien redevenir celles, fort réduites, qu'elle avait au temps d'Ivan le Terrible (6). En jouant la carte azérie (l'A­zerbaïdjan), ethnie qui fournit la majorité du cadre mi­li­taire de l'Iran, on pourrait soit opérer une partition de l'I­ran soit imposer à ce pays un régime de type kémaliste, indirectement contrôlé par les Turcs. Certains pantoura­niens turcs, à l'imagination débordante, pourraient même rêver d'un nouvel Empire Moghol, entité démantelée en son temps par les Britanniques et qui sanctionnait la domina­tion turque sur l'Inde et dont l'héritier actuel est le Pa­ki­stan.

 

Le "Parti du Mouvement National" (MHP), issu des "Loups Gris" de Türkesch, se réclame très nettement du touranis­me; lors des dernières élections pour le parlement turc, ce parti a obtenu 18,1%, sous la houlette de son président, Dev­let Bahceli et est devenu ainsi le deuxième parti du pays. Il participe au gouvernement actuel du pays, dans une coalition avec le social-démocrate Ecevit, permettant ainsi à certaines idées panturques ou à des sentiments de même acabit, d'exercer une influence évidente dans la so­ciété turque. C'est comme si l'Allemagne était gouvernée par une coalition SPD/NPD, avec Schroeder pour chancelier et Horst Mahler comme vice-chancelier et ministre des af­faires extérieures! […].

 

Une Asie centrale "kémalisée"?

 

Dans un tel contexte, le kémalisme comme régime a toutes ses chances dans les républiques touraniennes de l'ex-Union Soviétique. Les post-communistes, qui gouvernent ces E­tats, gardent leur distance vis-à-vis de l'Islam militant et veu­lent le tenir en échec sur les plans politique et institu­tionnel. Mais l'arsenal du pouvoir mis en œuvre là-bas peut rapidement basculer, le cas échéant, dans une démocratie truquée. Jusqu'à présent, ces Etats et leurs régimes se sont orientés sur les concepts du soviétisme libéralisé et, mis à part l'Azerbaïdjan, choisissent encore de s'appuyer plutôt sur la Russie que sur la Turquie (8), malgré l'engagement à grande échelle de Washington et d'Ankara dans les sociétés pétrolières et dans la politique linguistique (introduction d'un alphabet latin modifié (7), adaptation des langues turques au turc de Turquie. Comme l'Occident exige la li­berté d'opinion et le pluralisme, ces éléments de "bonne gouvernance" sont introduits graduellement par les gouver­ne­ments de ces pays, ce qui constitue une démocratisation sous contrôle des services secrets selon la notion de peres­troïka héritée de l'Union Soviétique (9).

 

Cela revient à construire les "villages à la Potemkine " de la dé­mocratie (10), dont le mode de fonctionnement concret est difficile à comprendre de l'extérieur. Tant que les diffé­rents partis et organes de presse demeurent sous le contrô­le des services secrets, on n'aura pas besoin d'interdire des formations politiques en Asie centrale (contrairement à ce qui se passe en Allemagne fédérale!). Mieux: on ira jusqu'à soutenir le "pluralisme" par des subsides en provenance des services secrets, car cela facilitera l'exercice du pouvoir par les régimes post-communistes établis, selon le bon vieux principe de "Divide et impera", mais l'Occident aura l'im­pression que la démocratie est en marche dans la ré­gion.

 

Avec Peter Scholl-Latour, on peut se poser la question: «Pen­dant combien de temps l'Occident  —principalement le Congrès américain et le Conseil de l'Europe—  va-t-il culti­ver le caprice d'imposer un parlementarisme, qui soit le cal­que parfait de Westminster, dans cette région perdue du monde, où le despotisme est et reste la règle cardinale de tout pouvoir? ». Ce jeu factice de pseudo-partis et de pseu­do-majorités ne peut conduire qu'à discréditer un système, qui ne s'est avéré viable qu'en Occident et qui y est incon­tour­nable. Le pluralisme politique et la liberté d'opinion ne sont pas des "valeurs" qui se développeront de manière op­timale en Asie centrale. Même le Président Askar Akaïev du Kirghizistan, considéré en Europe comme étant "relative­ment libéral", a fait prolonger et bétonner arbitrairement son mandat par le biais d'un référendum impératif. Nous avons donc affaire à de purs rituels pro-occidentaux, à un libéralisme d'illusionniste, pure poudre aux yeux, et les mis­sionnaires de cette belle sotériologie éclairée, venus d'Oc­cident, finiront un jour ou l'autre par apparaître pour ce qu'ils sont: des maquignons et des hypocrites (11).

 

Va-t-on vers une islamisation de l'extrémisme libéral?

 

Comme la pseudo-démocratie à vernis occidental court tout droit vers le discrédit et qu'elle correspond aux intérêts américains, tout en ménageant ceux de la Russie (du moins dans l'immédiat…), c'est un tiers qui se renforcera, celui dont on veut couper l'herbe sous les pieds : l'islamisme. Com­me le kémalisme connaît aussi l'échec au niveau des par­tis politiques, parce que la laïcisation forcée qu'il a prô­née n'a pas fonctionné, la perspective touranienne conduit ipso facto à réclamer une ré-islamisation de la Turquie , mais une ré-islamisation compatible avec la doctrine kéma­liste de l'occidentalisation (12); de cette façon, le kéma­lis­me pourra, à moyen terme, prendre en charge les régimes post-communistes de la "Touranie".

 

La synthèse turco-islamique ("Türk-islam sentezi") est un nou­vel élément doctrinal, sur lequel travaillent depuis long­temps déjà les idéologues du panturquisme (13), avec de bonnes chances de connaître le succès : si l'on compta­bi­lise les voix du DSP et du CHP, on obtient à peu de choses près le nombre des adeptes de l'alévisme; ceux-ci se veu­lent les représentants d'un Islam turc, posé comme distinct du sunnisme, considéré comme "arabe", et du chiisme, con­sidéré comme "persan" (14). Dans cette constellation poli­tique et religieuse, il faut ajouter aux adeptes de l'alé­visme, l'extrême-droite turque et une partie des islamistes (15). Ces deux composantes du paysage politique turc é­taient prêtes à adopter une telle synthèse, celle d'un Islam turc, voir à avaliser sans problème une islamisation du ké­malisme, qui aurait pu, en cas de démocratisation, con­duire à une indigénisation de facto de l'extrémisme libéral.

 

Universalisme islamique et Etats nationaux

 

En s'efforçant de créer une religion turque basée sur la ma­xime "2500 ans de turcicité, 1000 ans d'islam et (seule­ment) 150 ans d'occidentalisation", un dilemme se révèle : ce­lui d'une démocratisation dans le cadre d'un islam qui reste en dernière instance théocratique. L'établissement de la démocratie dans tout contexte islamique s'avère fort difficile, parce que la conception islamique de l'Etat im­plique une négation complète de l'Etat national (16). Or cette instance, qu'on le veuille ou non, a été la grande pré­misse et une des conditions premières dans l'éclosion de la démocratie occidentale (en dépit de ce que peuvent penser les idéologues allemands au service de la police politique, qui marinent dans les contradictions de leur esprit para-théocratique, glosant à l'infini sur les "valeurs" de la démo­cratie occidentale). Dans l'optique de l'islam stricto sensu, en principe, tous les Etats existants en terre d'islam sont illégitimes et peuvent à la rigueur être considérés comme des instances purement provisoires. Ils n'acquièrent légiti­mité au regard des puristes que s'ils se désignent eux-mê­mes comme bases de départ du futur Etat islamique qui, en théorie, ne peut être qu'unique. 

 

Dans le christianisme, le conflit entre la revendication universaliste de la religion et les exigences particularistes de la politique "mondaine" (immanente) se résout par la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Dans le christianisme oriental (orthodoxie), la séparation de l'Eglise et de l'Etat n'a pas été poussée aussi loin, ce qui est une caracté­ristique découlant tout droit de la forme de domination propre au système ottoman, que l'on appelle le "système des millets", où les chefs d'Eglise, notamment le Patriarche de Constantinople, sont considérés comme des "chefs de peuple". De ce fait, le principe de l'"église nationale" con­stitue la solution dans cette aire byzantine et orthodoxe. Dans l'aire islamique, nous retrouvons cette logique, qui, en Occident, a conduit à la démocratie, telle qu'on la connaît aujourd'hui. Cette démocratie a pu s'organiser dans un es­pace particulier et circonscrit, via l'instance "Etat national". Donc dans l'aire islamique, réaliser la démocratie passe né­cessairement par le postulat de créer une religion natio­nale. On retrouve une logique similaire dans le judaïsme, lui aussi apparenté à l'Islam, où le sionisme a été le moteur d'une démocratisation nationaliste, qui a finalement con­duit à la création de l'Etat d'Israël. Cependant, dans l'aire islamique, une religion nationale de ce type, qui pourrait concerner tous les Etats musulmans, ne pourrait pas se con­tenter d'être une simple religion civile, comme en Occident et notamment en RFA, où la religion civile repose sur un reniement moralisateur du passé, organisé par l'Etat lui-mê­me; elle devrait avoir tous les éléments d'une véritable religion (17), pouvant se déclarer "islamique", même si d'au­tres refusent de la considérer comme telle.

 

L'alévisme turc, religiosité de type gnostique

 

Dans les doctrines de l'alévisme turc (18), nous avons affai­re à une religion de type gnostique, car son noyau évoque la théorie des émanations, selon laquelle tous les étants sont issus de Dieu, vers lequels ils vont ensuite s'efforcer de retourner. Dieu a créé les hommes comme êtres corporels (phy­siques) (19), afin de se reconnaître lui-même dans sa création. Après le "retour" dans l'immense cycle ontolo­gi­que, toutes les formes, produites par l'émanation, retour­nent à Dieu et se dissolvent en lui (20), ce qui lui permet de gagner en quelque sorte une plus-value d'auto-connais­sance. La capacité qu'a l'homme de reconnaître Dieu at­teste de la nature divine de l'homme. Par extrapolation, on aboutit quelques fois à une divinisation de l'homme, deve­nant de la sorte un être parfait (où l'homme devient un dieu sur la Terre ), et, dans la logique de l'alévisme turc, le Turc devient ainsi le plus parfait des êtres parfaits. L'hom­me a parfaitement la liberté d'être athée, car l'athéisme con­stitue une possibilité de connaître Dieu (21), car la con­nais­sance de Dieu, dans cette optique, équivaut à une con­naissance de soi-même.

 

Par conséquent, les lois islamiques, y compris les règles de la prière, ne sont pas reconnues et, à leur place, on installe les anciennes règles sociales pré-islamiques des peuples turcs, ce qui revient à mettre sur pied une religion ethni­que turque, compénétrée d'éléments chamaniques venus d'Asie centrale. Dans une telle optique, Mohammed et Ali, qui, au titre d'émanation est pied sur pied d'égalité avec lui, sont perçus comme des êtres angéliques préexistants, devenus hommes.  Le Coran n'a plus qu'une importance de moin­dre rang, car, disent les gnostiques turcs, par sa chute dans une forme somatique d'existence, le Prophète a subi une perte de savoir, le ramenant au niveau de la simple con­naissance humaine. Tous les éléments d'arabité en vien­nent à être rejetés, pour être remplacés par des éléments turcs.

 

Ordre des Janissaires, alévisme et indigénisme turc

 

Si l'on ôte de l'idéologie d'Atatürk tout le vernis libéral (extrême libéral), on perçoit alors clairement que le fonda­teur de la Turquie moderne —même s'il n'en était pas entiè­rement conscient lui-même—  était effectivement un Alé­vite, donc en quelque sorte un indigéniste turc (on le voit dans ses réformes : égalité de l'homme et de la femme, in­terdiction du voile, autorisation de consommer de l'alcool, suppression de l'alphabet et de la langue arabes, etc.). Ce programme ne peut évidemment pas se transposer sans heurts dans d'autres Etats islamiques. En Turquie, ces ré­for­mes ont pu s'appliquer plus aisément dans la majorité sun­nite du pays sous le prétexte qu'elles étaient une occi­dentalisation et non pas une transposition politique des critères propres de l'alévisme. La suppression du califat sun­nite par Atatürk en 1924 peut s'interpréter comme une ven­geance pour la liquidation de l'ordre des janissaires par l'Etat ottoman en 1826. Les janissaires constituaient la prin­cipale troupe d'élite de l'Empire ottoman; sur le plan re­ligieux, elle était inspirée par l'Ordre alévite des Bekta­chis , lui aussi interdit en 1827 (22). Les intellectuels de l'Armée et les nationalistes d'inspiration alévite reprochent à cette interdiction d'avoir empêché la turquisation des Albanais, très influencés par le bektachisme, à l'ère du ré­veil des nationalités. Les nationalistes alévites constituent l'épine dorsale du mouvement des Jeunes Turcs qui arrivent au pouvoir en 1908. Ces événements et cette importante cardinale du bektachisme alévite explique pourquoi la Tur ­quie actuelle et les Etats-Unis (23) accordent tant d'impor­tance à l'Albanie dans les Balkans, au point de les soutenir contre les Européens.

 

L'idéal de "Touran" vise à poursuivre la marche de l'histoire

 

La religion quasi étatique dérivée directement des doctri­nes alévites pourrait sous-tendre un processus de démocra­ti­sation dans l'aire culturelle musulmane (24), mais elle ne serait acceptée ni par les Sunnites ni par les Chiites. Ceux-ci n'hésiteraient pas une seconde à déclarer la "guerre sain­te" aux Alévites. On peut penser que les prémisses de cet Is­lam turco-alévite pourrait, par un effet de miroir, se re­trou­ver dans le contexte iranien, où les Perses se réfère­raient à leur culture pré-islamique (ou forgeraient à leur tour un islam qui tiendrait compte de cette culture). Une tel­le démarche, en Iran, prendrait pour base l'épopée na­tio­nale du Shahnameh (le "Livre des Rois"). Aujourd'hui, on observe un certain retour à cette iranisme, par nature non islamique, ce qui s'explique sans doute par une certaine dé­ception face aux résultats de la révolution islamique. Mais le nouvel iranisme diffus d'aujourd'hui se plait à souligner toutes les différences opposant les Perses aux Turcs, alliés des Etats-Unis. Enfin, dans l'iranisme actuel, on perçoit en fi­ligrane une trace du principe fondamental du zoro­as­tris­me, c'est-à-dire la partition du monde en un règne du Bien et un règne du Mal, un règne de la "Lumière" et un règne de l'"Obscurité", compénétrant entièrement l'épopée nationale des Perses. Cela se répercute dans l'opposition qui y est dé­cri­te entre l'Empire d'"Iran" et l'Empire du "Touran". « L'Iran étant la patrie hautement civilisée des Aryens, tandis que le Touran obscur est le lieu où se rassemblent tous les peu­ples barbares de la steppe, venus des profondeurs de l'Asie centrale, pour assiéger la race des seigneurs de souche in­do-européenne » (25).

 

La fin de l'histoire occidentale

 

Peu importe ce que les faits établiront concrètement dans le futur : dés aujourd'hui, on peut dire que la perspective tou­ranienne permet d'aller dans le sens des intérêts amé­ri­cains au cas où le "Grand Jeu" se réactiverait et aurait à nou­veau pour enjeu la domination du continent eurasia­ti­que, prochain "champ de bataille du futur" (26). Parce qu'ils bénéficient du soutien des Etats-Unis, les Etats riverains et touraniens de la Mer Caspienne équipent leurs flottes de guerre pour affirmer leurs droits de souveraineté sur cette mer intérieure face à la Russie et à l'Iran. Le tracé de ces frontières maritimes est important pour déterminer dans l'avenir proche à qui appartiendront les immenses réserves de pétrole et de gaz naturel. Le risque de guerre qui en découle montre l'immoralité de la politique d'occidentalisa­tion, dont parle Huntington (27). Celui-ci nous évoque les moyens qui devront irrémédiablement se mettre en œuvre pour concrétiser une telle politique : ces moyens montrent que la conséquence nécessaire de l'universalisme est l'im­pé­­rialisme, mais que, dans le contexte actuel qui nous pré­occupe, l'Occident n'a plus la volonté nécessaire de l'impo­ser par lui-même (mis à part le fait que cet impérialisme con­tredirait les "principes" occidentaux…). L'universalisme oc­ci­dental, qui cherche à s'imposer par la contrainte, ne peut déboucher que sur le désordre, car les moyens mis en œuvre libèreraient des forces religieuses, philosophiques et démographiques qu'il est incapable de contrôler et de com­pren­dre. Cette libération de forces pourra conduire à tout, sauf à la "fin de l'histoire". Mais cette fin de l'histoire sera effectivement une fin pour la civilisation qui pense que cet­te fin est déjà arrivée. «Les sociétés qui partent du prin­ci­pe que leur histoire est arrivée à sa fin sont habituel­le­ment des sociétés dont l'histoire sera interprétée comme étant déjà sur la voie du déclin » (28).

 

On peut émettre de sérieux doute quant à la réalisation ef­fective de la "perspective touranienne" ou d'une issue con­crète aux conflits qu'elle serait susceptible de déclencher dans l'espace centra-asiatique quadrillé jadis par l'interna­tionalisme stalinien qui a imposé des frontières artificiel­les, reprises telles quelles par le nouvel ordre libéral, qui ne parle pas d'"internationalisme", comme les Staliniens, mais de "multiculturalisme". Ce multiculturalisme ne veut pas de frontières, alors que ce système de frontières est une nécessité pour arbitrer les conflits potentiels de cette ré­gion à hauts risques. Renoncer aux frontières utiles re­vient à attendre une orgie de sang et d'horreur, qui sera d'au­tant plus corsée qu'elle aura une dimension métaphy­si­que (29). C'est une sombre perspective pour nous Euro­péens, mais, pour les Turcs, elle implique la survie, quoi qu'il arrive, à l'horizon de la fin de l'histoire, que ce soit en préservant leur alliance privilégiée avec les Etats-Unis ou en entrant en conflit avec eux, remplaçant l'URSS comme dé­tenteurs de la "Terre du Milieu", nécessairement opposés aux maîtres de la Mer.

 

Josef SCHÜSSLBURNER.

(extrait d'un article paru dans Staatsbriefe, n°9-10/2001; trad. franç.: Robert Steuckers).

 

Notes :

(1)       Cf. «Waffen und Fundamentalismus. Die muslimischen Separa­tisten im Nordwesten Chinas erhalten zulauf», Frankfurter Allgemeine Zeitung, 29.3.1999.

(2)       Plus tard, un nombre plus élevé de tribus mongoles se sont pro­­gressivement "turquisées"; le terme "Moghol" le rappelle, par exemple, car il signifie "mongol" en persan; c'est un sou­venir des origines mongoles des familles dominantes, alors qu'en fin de compte, il s'agit d'une domination turque sur l'In­de.

(3)       F. Gabrieli, Mohammed in Europa - 1300 Jahre Geschichte, Kunst, Kultur, 1997, p. 143.

(4)       La position d'Atatürk était purement tactique, en effet, si l'on se rappelle que les principaux responsables du génocide sont devenus les meilleurs piliers du régime kémaliste; cf. W. Gust, Der Völkermord an den Armeniern, 1993, pp. 288 et ss.

(5)       Cf. «Stetig präsent. Das Engagement der Türkei in einem unsi­cher werdenden Mittelasien», Frankfurter Allgemeine Zei­tung, 4.10.1999.

(6)       La Russie reconnaît effectivement cette problématique; cf. «Mos­kau will eine Allianz gegen Russland nicht hinnehmen. Ankara der Verbreitung pantürkischer Vorstellung bezichtigt - Ab­schluß des Gipfels (der Staatschefs von Aserbaidschan, Ka­sachstan, Kyrgystan, Usbekistan und Turkmnistan) in Istanbul» (!), Frankfurter Allgmeine Zeitung, 20.10.1994.

(7)       Vu le caractère "irréversible" de la candidature de la Turquie à l'UE, la CDU et le Frankfurter Allgemeine Zeitung espèrent que l'ancien bourgmestre d'Istanbul fondera un parti islamique sur le modèle de la CDU (cf. «Im Zeichen der Glühbirne - Die neu­ge­gründete islamische Partei in der Türkei könnte erfolgreich sein - Diesen Erfolg will jedoch das kemalistische Regime nicht zulassen», Frankfurter Allgemeine Zeitung, 16.8.1991, p. 12; cf. également: «Neues Verfahren gegen Erdogan», Frankfurter Allgemeine Zeitung, 22.8.2001, p. 8.

(8)       A ce sujet, cf. «Ein U für ein Y. Schriftwechsel in Aserbaid­schan von kyrillischen zu lateinischen Buchstaben; "…die durch den Wechsel der Schrift zu erwartende engere Anbindung an die Türkei sei von Vorteil für das Land, weil dadurch auch ein wirtschaftlicher Aufschwung zu erwarten sei», Frankfurter All­gemeine Zeitung, 2.8.2001, p. 10.

(9)       Pourtant la distance s'amplifie, cf. «Staatschefs der GUS reden ü­ber regionale Sicherheit; "… herrschen indes Zweifel am Sinn und Zweck der GUS, deren Staaten sich in den vergangenen Jahren auseinanderentwickelt haben», Frankfurter Allge­mei­ne Zeitung, 2.8.2001, p. 6.

(10)    Malheureusement, il n'existe aucune présentation systéma­ti­que de ce concept de "pseudo-démocratisation" téléguidée par les services secrets; on trouve cependant quelques allusions chez A. Zinoviev, Katastroïka, L'Age d'Homme, Lausanne. Par ail­leurs, des allusions similaires se retrouvent dans A. Golit­syn, New Lies for Old, 1984, livre dont nous recommandons la lecture car l'auteur, sur base de sa bonne connaissance du sys­tème soviétique de domination, a parfaitement pu prévoir la mon­tée de la perestroïka.

(11)    Voir le titre de chapitre, p. 109, dans le livre de Peter Scholl-La­tour, Das Schlachtfeld der Zukunft. Zwischen Kaukasus und Pamir, 1998. 

(12)    Ibidem, pp. 151 et ss.

(13)    Cf. «Türkisierung  des Islam? Eine alte Idee wird in Ankara neu aufgelegt», Frankfurter Allgemeine Zeitung, 4.9.1998.

(14)    Références dans U. Steinbach, Geschichte der Türken, 2000, p. 111.

(15)    Dans ce contexte, il convient de citer le nom du prédicateur iti­né­rant Fethullah Gülen, toutefois soupçonné par les kéma­listes, cf. Frankfurter Allgemeine Zeitung, 15.4.1998.

(16)    C'est ce que souligne à juste titre Huntington, pp. 281 et sui­vantes de l'édition de poche allemande de son livre Der Kampf der Kulturen. Die Neugestaltung der Weltpolitik im 21. Jahr­hundert, 1996.

(17)    Il existe une étape intermédiaire entre une religion civile em­preinte de dogmatisme, comme cette "révision moralisante et permanente du passé" qui s'exerce en RFA, et une véritable religion d'Etat: c'est le concept du "panchasilla", qui est à la fois politique et religieux, propre au régime indonésien, qui permet à l'Etat d'énoncer des dogmes religieux, comme celui d'un monothéisme abstrait, ce qui oblige la minorité bouddhis­te d'interpréter l'idée de nirvana dans un sens théiste, ce qui pré­pare en fait son islamisation (voir notre note 20).

(18)    On en trouve une bonne présentation chez Anton J. Dierl, Ge­schichte und Lehre des anatolischen Alevismus-Bektasismus, 1998, voir en particulier pp. 29 et ss.

(19)    L'accent mis sur le corps et sur les besoins du corps, y compris l'autorisation de boire de l'alcool, a rendu les Alévites sus­pects, comme jadis les Pauliciens et les Bogomils, dont la spiritualité est sous-jacente à l'islam européen dans les Bal­kans. On peut hésiter à qualifier cette religiosité de "gnosti­que". Toutefois la construction théologique générale possède les caractéristiques du gnosticisme, car son lien avec l'islam ap­paraît plutôt fortuit (en effet, les doctrines gnostiques peu­vent recevoir aisément une formulation chrétienne ou boud­dhis­te, comme l'atteste le manichéisme).

(20)    Cette conception peut provenir du temps où la majeure partie des peuples turcs était encore bouddhiste : à l'évidence, il s'a­git ici d'une interprétation théiste du nirvana; on peut suppo­ser qu'elle ait continué à exister au niveau de la mémoire, mê­me après la conversion à l'islam de ces Turcs bouddhistes d'A­sie centrale et d'Inde, même si cette théorie n'est pas satis­fai­sante pour expliquer le principe du karma tout en niant l'exis­tence de l'âme.

(21)    On peut y reconnaître des influences venues de l'hindouisme ; la vision de Dieu comme créateur, conservateur et destructeur du monde rappelle la doctrine trifonctionnelle (Trimurti) de l'hin­douisme; quant à savoir si les cercles ésotériques de l'alé­visme turc croient à la transmigration des âmes  —comme les Dru­ses, mais qui se réfèrent à d'autres traditions, on peut sim­ple­ment le supposer. Les Alaouites de Syrie le pensent, mais les Alévites turcs ne veulent rien avoir à faire avec les Alaoui­tes qui dominent le système politique en Syrie, comme, en fin de compte, aucun Turc s'estimant authentiquement turc ne veut rien avoir à faire avec les Arabes!

(22)    L'orthodoxie sunnite n'a pas pu reprendre en charge cette fonc­tion, car elle s'opposait à la conversion forcée des Chré­tiens (jusqu'en 1700, les janissaires se recrutaient parmi les garçons chrétiens enlevés à leurs familles); cette orthodoxie ne pouvait accepter qu'un musulman soit l'esclave d'un chré­tien (ce que les janissaires étaient formellement en dépit de leur conversion forcée); ce devrait être un avertissement à ceux qui pensent que les Alévites sont des "libéraux" que l'on pourrait soutenir contre l'orthodoxie islamique.

(23)    Cf. «Das Doppelspiel der Amerikaner : Unter den Europäern wächst die Irritation über das zwielichtige Agieren Washing­tons auf dem Balkan : Als Paten der UÇK sind die USA mitver­ant­wortlich für die Zuspitzung des Konflikts zwischen Albanern und Slawo-Mazedoniern», Der Spiegel, n°31/2001, p. 100.

(24)    Il faut tenir compte du fait que l'Islam, actuellement, se trou­ve à une période de son histoire qui correspond à celle de la Ré ­forme en Europe : à cette époque-là en Europe, la démo­cra­tisation ne pouvait se comprendre que comme une théocra­tisation - l'Iran actuel correspond ainsi au pouvoir instauré par Calvin à Genève (et aux théocraties équivalentes installées en Nouvelle-Angleterre). Il faudrait en outre accorder une plus grande importance à la phénoménologie culturelle que nous a léguée un Oswald Spengler; celui-ci , avec une précision toute allemande, a approfondi la théorie de l'anakyklosis (doctrine des cycles ascendants) de Polybe. Pour les collaborateurs des ser­vices de sûreté allemands, Spengler et Polybe seraient au­tomatiquement classés comme des "ennemis de la consti­tu­tion", car ni l'un ni l'autre n'auraient cru, aujourd'hui, à l'é­ternité du système de la RFA actuelle, que tous les historiens contemporains sont sommés de ne jamais relativiser!

(25)    Cf. le résumé final dans le livre de Peter Scholl-Latour, op. cit., p. 294.

(26)    Comme le dit bien le titre du livre de Peter Scholl-Latour, op. cit.

(27)    Ibidem, p. 511.

(28)    Comme le dit à juste titre Samuel Huntington, op. cit. , p. 495.

(29)    Exactement comme le dit le titre de chapitre en page 151 du li­vre de Peter Scholl-Latour, op. cit.

 

 

samedi, 09 août 2008

M. Déat: Ein Plansozialist in der Kollaboration

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Marcel Déat: ein Plansozialist in der Kollaboration

Analyse: Reinhold BRENDER, Kollaboration in Frankreich im Zweiten Weltkrieg. Marcel Déat und das Rassemblement National Populaire, Oldenbourg, München, 1992, 228 S., DM 78, ISBN 3-486-55895-1.

Marcel Déat endete seine politische Karriere als “Faschist”. Aber als “Faschist” war er nicht typisch. Philosoph und Soziolog, Lehrer in einem Pariser Eliten-Gymnasium, Theoretiker der neuen Strömungen in der Soziologie, war auch Déat ein sozialistischer Aktivist. Sehr früh stellte er fest, daß der konventionnelle Sozialismus Frankreichs in einer Sackgasse geirrt war. Parteien, Verbände und Gewerkschaften hatten sich, wie schon Michels feststellte, verbonzt, verbürgerlicht und verkalkt. Mit seinem philosophischen Klarblick versuchte Déat in den Jahren 30, den Sozialismus zu erneuern. Der “néo-socialisme” wurde eine neue Partei (1933-1936), die leider politisch scheiterte.

Quelle der Inspiration war für Déat der “Planismus” des belgischen Sozialisten­leiter Hendrik De Man. Nach einer ganzen Reihe hochintellektueller Seminare in Kloster von Pontigny, lehnte doch die Gewerkschaft SFIO den neosozialistischen Planismus ab. Déat wurde tief enttäuscht, sowie seiner Genosse De Man in Brüssel. Da liegt der Hauptgrund ihres späteren kollaborationistischen Engagements. Beide Altkämpfer der europäischen Sozialdemokratie versuchten dann ihre erneuerenden Ideen mit den deutschen Nationalsozialisten zu verwirklichen. Auch das scheiterte. Déat engagierte sich auch für den Frieden. Genauso wie Hendrik De Man, wollte Déat keinen neuen Krieg in Europa. Deshalb entwickelte er eine “außenpolitische Konzessionsbe­reitschaft”, die mit einer “Innenpolitischen Neuorientierung” gepaart wurde.

 

Diese “innen­politische Neuorientierung” mußte in den Augen des sozialisti­schen Patrioten Déat die französische Nation stärken. Die déatistische Zeit­schrift Redressement schlug folgende Politik vor: sich von antika­pita­listischen Tendenzen in Italien und Deutschland inspirieren, damit die französische Wirtschaft ohne zerstörende und unnötige Klassen­strei­tereien genesen und sich weiter entwickeln konnte. Mit einer starken Wirtschaft, einer sozialen Sicherheit und dem innenpolitischen Frieden konnte auch einen europäischen Krieg vermeiden werden. Nach 1940, schlug Déat die Gründung einer Einheitspartei vor, um das Programm des Vorkriegsneosozialismus zu realisieren. Er stoß bei anderen kolla­borationnistichen Verbänden auf Widerstand. Nichtdestoweniger grün­de­te er seinen “Rassemblement National-Populaire”, wo die meisten Ka­der­leute aus den Gewerkschaften kamen. Der Engagement für die deutschfreundliche Kollaboration bedeutete keinesfalls ein Schwung nach rechts.

 

Im Gegenteil schlugen Déats Kameraden Albertini und Zoretti eine “Orientierung nach links” und den Aufbau eines “sozialistischen Frankreichs” vor. Brenders Studie enthält auch eine Übersicht der Ideologie des RNPs: Integration in das “neue Europa”, neue innereuropäischen solidären Perspektiven in der Außenpolitik, eine Re-Organisation der Wirtschaft, die Kreation eines “neuen Menschen” (ausgesprochen ein Ideal von links!), die Einführung in Frankreich der Idee einer Volksgemeinschaft (“communauté populaire”). Brender analysiert auch die Schwächen des französischen “Faschismus”, vergleicht die Kollaboration in Frankreich und im übrigen Europa, erklärt wie das NS-Deutschland die Kollaboration konzipierte. Im Anhang findet der Leser eine Tabelle der Kollaborationsparteien und eine Karte zur geographischen Verbreitung der Kollaborationsparteien in Frankreich 1940-1944.

 

Fazit: die Lektüre dieses streng wissenschaftlichen Buches erlaubt uns, die Kollaboration von links zu verstehen. Die Zusammenarbeit mit den NS-deutschen Besatzer ist nicht nur Sache der konservativen, katholischen oder rechten Kräfte (Pétain und sein Vichy-Regime oder die altkatholischen Elemente im wallonischen Rexismus, usw.), wie es die konformistische antifa-Geschichtsschreibung ständig wiederholt, sondern auch der progressistischen Linken. Die Enttäuschungen der Vorkriegszeit, wo die jungen Kräfte des französischen Sozialismus von den korrupten Bonzen nicht au sérieux genommen wurden, haben in diesem bitteren Engagement zur deutschen Seite eine erhebliche Rolle gespielt. Brender erklärt uns meisterlich dieses Prozeß. Nebenbei sei auch erwähnt, daß De Gaulle teilweise von der Soziologie Déats beeinflußt wurde und daß Déats Genosse Albertini eine schöne Karriere im Nachkriegsfrankreich gemacht hat. Er leitete den “Institut Occidental” und ist heutzutage noch die Hauptreferenz für die französischen Universitäts-Studenten, die die Geschichte des Wirtschaftsdenken studieren. Albertini klassifizierte nämlich die Strömungen des Wirtschaftsdenkens in orthodoxen Strömungen (Liberalen, Manchester-Liberalen, Marxisten, sozial-demokratische Keynes-Anhänger) und heterodoxen Strömungen (Vitalisten, Ökonomen, die von der Lebensphilosophie beeinflußt wurden, die deutsche “historische Schulen”, Institutionalisten, Schumpeter-Schüler). Nonkonformisten und Vorfechter jeder Form eines Dritten Weges sind in diesem Sinn “Heterodoxen”. “Heterodoxen” lehnen den abstrakten Ökonomismus ab und behaupten, die Wirtschaft sei nicht nur von wirtschaftlichen Kategorien geprägt sondern hängt auch von historischen Kontexten und Traditionen ab. Albertini ist Déats Erbe auf höchstem Niveau in der französichen Politologie (Robert STEUCKERS).

dimanche, 20 juillet 2008

Guy Hermet: l'hiver de la démocratie

Guy Hermet
 

L’hiver de la démocratie ou le nouveau régime

Armand Colin, 2007. 230 p, compte rendu Bruno Modica

Bruno Modica est chargé de cours en relations internationales à la prépa-ENA ( IEP de Lille)

 

Trouvé sur: www.clionautes.org/spip.php?article1703

Ancien directeur du Centre d’études et de recherches internationales (CERI) de Sciences Po, Guy Hermet publie un tableau pessimiste du fonctionnement des pays démocratiques où se sont développés des formes de contrôle des esprits mais aussi des logiques de « correction » allant du politiquement ou au pédagogiquement correct.

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L’auteur dénonce ici une liberté faussée, soumise à une censure qui n’est pas extérieure, mais intériorisée. Il rappelle par exemple que certains mots sont devenus tabous comme souveraineté du peuple consubstantielle à l’idée de démocratie. Cela laisse place d’ailleurs aux populismes qui apparaissent comme des substituts de cette crise des démocraties.

Langage citoyen

On trouve également dans ces séries de substituts le nationalisme démocratique ou le wilsonisme botté. version finale. Guy Hermet dénonce aussi avec une certaine vigueur les abus de langage sur certains termes qui font partie du parcours obligé : « citoyen » ou « républicain », ou encore « citoyenneté » sont devenus des étiquettes indispensables dont on use et abuse. L’auteur utilise d’ailleurs la jolie formule de « préservatif lexical » garantissant la « bonne » pensée.

Le bilan que fait Guy Hermet de nos démocraties est en effet assez pessimiste. On parlera d’usure de la démocratie en France du fait des cohabitations successives et du poids de la rue rendant les réformes nécessaires difficiles. Le bilan aux Etats-Unis est de même nature avec la baisse de la mobilité sociale et surtout la montée en puissance de l’idéologie de la peur. De façon globale on assistera à une baisse de l’éthique de responsabilité des élites et aussi à une sorte de fuite en avant. Guy Hermet traduit en effet les évolutions que l’on peut constater dans des élites qui n’ont plus d’entrepreneurial que le nom, et dans une fuite en avant en matière de luxe ostentatoire. On est bien loin en effet du compteur électrique séparé que le Général de Gaulle avait fait installer à l’Élysée !

et éloge de l’gnorance

De ce fait, et pour pallier ce désenchantement du politique on se voit opposer une sorte d’absolutisme démocratique reposant sur le culte du consensus national mâtiné de politiquement correct le tout consolidé par une mémoire officielle estampillée par la Loi. En France, depuis la loi Gayssot (1990), qui sanctionne la négation des crimes contre l’humanité commis durant la seconde guerre mondiale, on a adopté d’autres lois qui prétendent dire ce qu’est la vérité historique, sur l’esclavage ou le génocide arménien. La notion de « vérité officielle » n’est pas loin ! Mais dans le même temps, et c’est quand même ce qui différencie les démocraties mêmes usées et les régimes autoritaires, la vérité ne vient pas seulement de l’État, même si la tendance en France avec lecture officielle de textes, (cf. lettre de Guy Môcquet), a pu être réactualisée. Les instances qui dispensent le « politiquement correct » sont diverses : les hommes politiques, les hauts fonctionnaires, les syndicats, les Eglises, les intellectuels, les journalistes... C’est donc à une prolifération de « prêt-à-penser. » que l’on assiste. A défaut d’être providence, ce qu’il n’a plus les moyens, d’être, faute de volonté politique, l’État se fait thérapeute et donc apaise à défaut de réparer. De ce fait , en entretenant la confusion dans les mots, on « désinstruit » les gens, l’esprit critique s’efface au profit de la recherche d’un consensus qui évacue les différences. L’auteur revient notamment sur ce mot fourre-tout, appau insidieusement de « gouvernance » qui remplace celui de « gouvernement ». Cela va sans doute plus loin que la terminaison du mot, mais montre bien une volonté de dilution du concept d’autorité et donc de ce fait d’identification de la responsabilité politique.

Préservatif lexical

Guy Hermet va mêm jusqu’à qualifier cette évolution de nouveau régime, en reliant cela à la cyber-démocratie qui aurait tendance à se substituer aux forme désormais « dépassées » de la vielle démocratie représentative. On connaît cette tendance à substituer à l’exposé d’un programme et d’objectifs précis la démocratie participative et le blog. Pourtant, et la participation électorale en France en 2007 semble avoir été une divine surprise mais peut-être éphémère, le désenchantement du politique ne parait pas menaçant à court terme pour la démocratie. Les limites à la démocratie se trouvent peut-être dans le tout cathodique et dans les effets spéciaux que les politiques mettent en œuvre pour se faire élire. Une fois élus, c’est la gouvernance qui s’applique, une forme de pouvoir qui se passe de l’élection mais qui s’appuie sur des cercles d’experts supposés compétents. De ce point de vue, le gouvernement Sarkozy, (on n’ose plus dire Fillon, de peut d’être obligé de préciser de qui il s’agit), est parfaitement dans la norme de la gouvernance et donc d’un Nouveau Régime. Au final, ce livre de Guy Hermet est une véritable mine d’arguments limpides pour savoir où l’on va. La limite de l’exercice, mais faire autrement serait difficile, réside dans la difficulté à trouver un autre chemin que celui, tout balisé, auquel la paresse intellectuelle et l’absence de grandes utopies créatrices nous entraîne…

Bruno Modica

 

00:15 Publié dans Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, philosophie, critique, histoire | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook