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jeudi, 04 juin 2009

D. Venner: Editorial du n°42 de la "Nouvelle revue d'Histoire"

Editorial de la Nouvelle Revue d’Histoire

n°42 (mai-juin 2009)

Notre dossier décrit l’enchaînement ayant conduit l’Europe de la fausse paix de 1919 à la guerre de 1939. Guerre qui a sonné le glas de notre ancienne civilisation. Dans Le Siècle de 1914, on a montré que, si le « monde d’avant » a engendré la catastrophe de 1914, c’est qu’il était déjà malade. L’Europe d’avant 1914 était en proie au nationalisme de détestation. Elle avait également succombé aux fureurs du monde de la technique, à la voracité du « Progrès ». La violence faite à la Nature pour la piller et l’exploiter au-delà de toute raison en sera plus tard la conséquence. C’est une tragédie qui se confond avec l’histoire de l’Occident moderne. On a vu les effets de la démesure durant les deux guerres mondiales. On les voit maintenant dans la mise en danger de la planète, soumise à l’idéologie de la croissance.

Dans les temps anciens, fondateurs de notre civilisation, le génie des bâtisseurs, artistes, libres citoyens et hommes d’État inspirés par Homère, avait construit leur vie à l’image du cosmos ordonné de leurs mythes. Ils habitaient un monde dont ils respectaient les limites, vivant eux-mêmes pour la beauté, l’exploit et l’excellence. Il y eut des bouleversements tels que l’adoption du christianisme comme religion de l’Empire romain à la fin du Ive siècle, mais l’ancienne représentation avait continué d’être plus ou moins la norme vécue. La grande rupture est venue beaucoup plus tard d’événements immenses qui ont introduit une nouvelle façon de penser le monde.

La supériorité technique acquise par l’Occident européen à compter du XVIe siècle, associée à l’esprit d’aventure et à la cupidité, fit de lui pour longtemps le maître de l’univers. Les richesses affluant et le rôle du marchand s’imposant, un renversement intellectuel s’opéra dans la haute culture européenne, préparé par la révolution scientifique du XVIIe siècle. Galilée, Kepler, Newton, avaient doté les générations suivantes d’un savoir empirique indiscutable.(1). C’est là que se trouvaient les lois du monde réel. La philosophie empirique de Locke fut la contrepartie des lois empiriques de la gravitation. Des voies différentes restaient pourtant ouvertes. Hobbes et Bentham érigeaient l’utilitaire en vertu. Dans la même veine, Adam Smith désignait l’économie - jusque-là accessoire - comme l’instrument capable de changer la vie. Condorcet assurait que la science allait produire « la perfectibilité indéfinie de l’espèce humaine». Ainsi fut inventée l’idéologie du Progrès qui réduisait les hommes à leur matérialité et refusait leur diversité. Mais, au même moment, Buffon ou Herder s’insurgeaient contre la mécanisation du vivant et l’uniformisation humaine, postulant une autre philosophie de la vie.

Depuis, l’histoire a galopé. Les grands bouleversements du dernier siècle nous ont fait entrer dans une ère nouvelle bien analysée par un essai récent d’Hervé Juvin (1). Celle de la revanche des anciennes civilisations, jadis humiliées et soumises. Nous sommes entrés dans l’ère d’une guerre de civilisations. Toute guerre de civilisations, note pertinemment Juvin, commence avec la prétention de l’une ou l’autre à l’universel, ce que n’avait jamais prétendu la Grèce antique, qui ne parlait que pour les Grecs. « La guerre des civilisations […] prend racine au début du XVIIIe siècle, quand les philosophes de ce temps ont entrepris de justifier le désir humain illimité des biens matériels et de fonder la condition historique des hommes sur le progrès et sur le dépassement de toutes les limites. Elle s’est mise en mouvement quand les besoins des marchands européens ont ruiné les économies locales et les ont privées de leur autosuffisance, quand les fourneaux de la croissance européenne et américaine ont commencé de brûler à grands feux les ressources naturelles de la planète tout entière. Elle est devenue inéluctable quand la religion du développement a proclamé que la croissance économique et la consommation de masse étaient l’état juste et nécessaire de l’humanité, que l’un et l’autre allaient de pair avec le seul état politique légitime, la démocratie, et quand elle a mobilisé des institutions (ONG) pour universaliser [la] vérité de l’Occident. » Pour les « Occidentaux », la cause était entendue : « Le monde nous appartient. Il nous est donné pour croître, pour prospérer, pour nous enrichir, pour nourrir le progrès. […] Pour croître et nous multiplier, nous avons tous les droits »… jusqu’aux catastrophes qui se dessinent devant nous.

Il n’est pas possible ici de tout dire de la richesse de l’essai d’Hervé Juvin et des perspectives audacieuses de la deuxième partie de son essai. Perspectives qui impliquent le primat du collectif sur l’individuel et la soumission de l’économie au politique, autant dire une révolution intellectuelle majeure. Le but n’étant plus de percer les secrets de la Nature pour l’asservir, mais pour la sauver. Et nous avec.

Dominique VENNER

1. Hervé Juvin, Produire le monde. Pour une croissance écologique, Le Débat, Gallimard, 2008, 308 p., 20 €

Source : La NRH

mercredi, 03 juin 2009

A propos des accords Reagan/Gorbatchev

 

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SYNERGIES EUROPÉENNES - Juin 1988

 

 

 

A propos des accords Reagan-Gorbatchev

 

 

par Jean-Rémy Vanderlooven

 

 

La récente signature, en décembre dernier, du traité américano-soviétique portant sur une réduction des euro-missiles a fait couler beaucoup d'encre. La ren-contre à Moscou de Reagan et de Gorbatchev prouve en tout cas que cet accord est durable. Enfin un évé-nement médiatique qui ne soit sucité ni par une catastrophe ni par un scandale?

 

 

Bien que le traité, désormais ratifié par le Congrès américain, ne concerne que 3 à 7% de la puissance de feu nucléaire des deux super-puissances, réactions et com-mentaires ont fusés en tous sens.

 

Certains en ont déduit, hâtivement sans doute, que Reagan et Gorbatchev s'étaient soudain convertis au pacifisme angélique, d'autres y ont trouvé une preu-ve supplémentaire du machiavélisme soviétique, et quelques-uns, enfin, sont partis en quête d'un para-pluie, pas trop troué, sous lequel se réfugier frileu-sement. Toutes ces gesticulations révèlent un double manque considérable: la lucidité et la dignité.

 

 

En fait, la signature de ce traité trouve sa véritable im-portance historique, en tant que signe d'une dou-ble modification d'analyse et de stratégie dans le chef des deux grands et "subsidiairement" du statut de l'Europe de l'Ouest.

 

 

USA

 

 

Depuis quelques années, la stratégie mondiale des E-tats-Unis se réoriente en fonction de deux éléments re-lativement neufs. D'une part, une résurgence de la tentation isolationniste. Celle-ci est illustrée, au plan économique, par les différentes "guerres" euro-amé-ricaines (aciers, pâtes, etc.), ou encore, par la dégringolade —voulue— du dollar sur toutes les pla-ces financières, ce qui a pour double effet de faire fi-nancer la démagogie reaganienne par le reste du mon--de et d'élever des barrières autour du marché in-térieur américain. Parallèlement, au plan militaire, l'IDS ne sanctuarise que le territoire américain.

 

 

D'autre part, la source de la vitalité américaine glisse de la côte Est vers la côte Ouest, recentrage motivé par le transfert du centre de gravité économique de l'At-lantique-Nord au Pacifique. Cette double con-train-te, à laquelle s'ajoute au relatif manque de "fia-bi-lité" des alliés de l'OTAN, conduit, dans la pensée stratégique américaine, à une marginalisation toujours plus marquée de l'Europe de l'Ouest. Un désengagement progressif des Américains en Europe est donc de plus en plus probable.

 

 

URSS

 

 

En ce qui concerne l'URSS, il serait temps d'aban-donner nos phantasmes concernant une quelconque volonté de démocratisation de type "occidentalo-libéral". La nouvelle direction du pays a relevé un dé-fi d'une toute autre nature: la modernisation d'un sys-tème économique obsolète, condition de survie de l'empire. Cette exigence détermine le choix de nou-velles priorités: la société civile et l'infrastructure économique/technologique prennent, momentané-ment (?), le pas sur la logique d'un impérialisme pu-rement militaire et sur son corrolaire, la course aux armements.

 

Cette réorientation fondamentale devra permettre à la fois le transfert de ressources financières et humai-nes à l'intérieur de l'URSS et, via une amélioration du "look" diplomatique, une meilleure collaboration avec le reste du monde. Si tout ceci peut se traduire par une moindre militarisation de la société sovié-ti-que, par une relative décentralisation du pouvoir et par un assouplissement des normes de commu-nica-tion et d'information, l'Union Soviétique restera mal-gré tout fort éloignée d'un quelconque "plura-lis-me".

 

 

Les indices de ce changement de stratégie ne man-quent pas; l'URSS s'est longtemps montrée très ac-ti-ve dans le monde par ses interventions militaires, sou-vent massives. Dans les pays d'Europe centrale, à Cuba, au Vietnam, en Angola, en Ethiopie, en Af-gha-nistan (ces entreprises ont d'ailleurs eu pour effet d'atténuer le complexe d'"assiégés" des dirigeants so-viétiques).

 

Or, plus récemment, un relatif désengagement est per-ceptible, illustré, par exemple, par une aide plus dis-crète au Nicaragua, par la non-intervention directe en Pologne, par les velléités de retrait d'Afghanistan ou encore par le traité sur les euromissiles.

 

 

Tout cela rend l'étouffement complet des satellites eu-ropéens moins impératif et diminue l'acuité de l'af-frontement avec les nations ouest-européennes.

 

 

Europe de l'Ouest

 

 

Les Européens de l'Ouest ne peuvent nullement es-pé-rer imposer une stratégie propre et volontariste dans le cadre de ces bouleversements.

 

 

En effet, du fait des conséquences de ses guerres ci-viles et des erreurs historiques qui ont jalonné les po-litiques de colonisation puis de décolonisation, l'Europe a dû renoncer à son rôle de leader mondial. Cependant, les atouts qu'elle conserve, doivent lui permettre de développer une tactique "opportuniste" en fonction du relatif espace d'autonomie qui s'offre à elle.

 

 

Cette tactique devrait s'articuler sur trois options fon-damentales: 1) le neutralisme (non-alignement idéo-logique par rapport aux deux super-puissances; ce que les Allemands nomment plus justement la Blockfreiheit);  2) le recentrage et 3) la redécouverte de ces axes naturels de collaboration internationale.

 

 

Neutralisme

 

 

"Plutôt rouge que mort?". Certainement pas: une tel-le attitude n'est qu'une façon, parmi d'autres, de sa-crifier, une fois de plus, l'essentiel: la dignité. En fait, le nouveau neutralisme dont ont besoin le centre et l'ouest de notre continent est la première condition de son indépendance: il s'agit de s'affranchir de la tu-telle exercée par les deux grands, tutelle qui n'apporte qu'une protection illusoire au prix d'une vassalisation bien réelle. Dans cette optique, tant l'iso-la-tionnisme américain que l'attitude nouvelle des Soviétiques à l'égard du glacis est-européen sont des opportunités qui ne peuvent être négligées.

 

 

Recentrage

 

 

Au-delà de cette neutralité réinventée, l'espace euro-péen ainsi créé ne pourra définir son identité et affir-mer sa vocation internationale qu'en faisant appel à un système de références et de projets se rapportant à lui-même.

 

 

Potentiels culturels et traditions politiques purement européens sont, en effet, appelés à former la base d'une vision prospective de notre devenir, par la mi-se en avant de la communauté de destin de nos peu-ples. Nous voilà bien éloigné du "grand marché" pu-rement mercantile et ouvert à tous vents que nous proposent nos technocrates...

 

 

Axes d'ouverture

 

 

Contrairement aux dires des farfelus du mondialisme militant, l'avenir international de l'Europe ne passe pas par Séoul ou Lima, lieux pour nous excentri-ques, appartenant à l'espace sud- ou nord-pacifique.

 

 

Notre histoire indique à suffisance les solidarités (et les interdépendances) naturelles qui devraient être ré-ac-tualisées: l'axe est-ouest d'une part, l'axe nord-sud d'autre part.

 

Les conditions d'émergence du premier axe ont été dé-veloppées dans le points précédent. En ce qui con-cerne le deuxième axe  —l'Afrique—  sa réalité est clairement inscrite dans les faits. Nombre de nos pro-blèmes parmi les plus concrets, comme l'immi-gration ou l'approvisionnement en énergie, par exemple, ne pourront être résolus que sur base d'un dialogue trans-méditerranéen.

 

 

Défis

 

 

Il s'agit donc, pour l'Europe, de relever un défi: re-constituer une identité européenne propre qu'il fau-dra concrétiser dans un espace autonome et inscrire dans une alternative internationale dynamique.

 

Au boulot,...

 

 

Jean-Rémy VANDERLOOVEN.

 

 

mardi, 02 juin 2009

La RAF allemande: une analyse

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SYNERGIES EUROPÉENNES - Juillet 1988

 

 

 

La RAF allemande: une analyse

 

 

par Michel FROISSARD

 

 

 

 

 

Les éditions Méridiens-Klincksieck ont sorti récemment une analyse du phénomène RAF (Rote Armee Fraktion) ou "Bande à Baader", où les chapitres sur les préoccupations idéologiques du groupe ont retenu toute notre attention. Son titre:

 

 

Anne Steiner & Loïc Debray

La Fraction Armée Rouge. Guérilla urbaine en Europe occidentale,

Méridiens-Klincksieck, Paris, 1987, 267 pages.

 

 

Pour les auteurs, l'histoire de la RAF comporte deux phases distinctes: celle de 1970-72 et celle de 1976-77. La première de ces phases est, bien sûr, la phase de maturation où la RAF acquiert son type particulier. Une quarantaine de personnes sont à la base des infrastructures de guerilla urbaine et, phénomène caractéristique, près de 50% d'entre elles sont des femmes, qui exerceront les mêmes tâches "militaires" que les hommes, en dépit de leur maternité. Pour Anne Steiner et Loïc Debray, ce renoncement au statut de femme et de mère, élément déterminant de l'"ascétisme révolutionnaire", procède d'une hiérarchie de valeurs affirmée par les militants: le "devenir général" pas-se avant le "cercle individuel". Cette intransigeance conduira les deux vagues de la RAF au terrorisme et à l'échec.

 

 

Vient ensuite la question des générations: la RAF est-elle un phénomène de génération, comme on l'a souvent dit? Est-elle le fait de ceux et celles dont les parents étaient jeunes adultes à l'apogée du nazisme? L'écrasante majorité des militants est effectivement née entre 1942 et 1949: leur petite enfance est marquée par la destruction totale de leur pays et par le désorientement des parents. En ce sens, il n'est pas faux d'affirmer que la variante terroriste de l'extrême-gauche allemande découle d'un mal-être propre à la "générations des ruines". Le terrorisme urbain a été une part essentielle dans l'après-guerre allemand, japonais et italien, c'est-à-dire dans l'après-guerre des trois pays vaincus de la seconde guerre mondiale; même si les formes du terrorisme urbain et les formes du régime dominant avant la guerre étaient fort différentes dans chacun des trois pays, il y a là plus qu'une coïncidence, contrairement à ce que semblent penser Steiner et Debray. Ce dénominateur commun de vaincu, pour nos deux auteurs, serait fortuit, puisqu'aux Etats-Unis, grands vainqueurs de la seconde guerre mondiale, il existait également un terrorisme urbain, ce-lui des Weathermen et de la SLA (Symbionese Liberation Army).  C'est oublier que la masse des isolationnistes amé-ricains, qui n'avaient pas voulu la guerre et souhaité une autarcie américaine non-interventionniste, ont été également des vaincus en ce siècle et que l'hostilité d'hier à toute guerre contre l'Allemagne ou le Japon re-pose sur les mêmes principes po-li-tiques que l'hostilité à la guerre du Vietnam.

 

 

Pas d'identité historique possible pour les militants de la RAF

 

 

En revanche, Steiner et Debray signalent à très juste titre que si les Brigades Rouges (BR) italiennes, les indépendantistes basques ou l'IRA irlandaise pouvaient se référer à une identité historique (les "partisans" pour les BR) partagée par de larges strates de la population, les militants de la RAF étaient en quelque sorte orphelins sur ce chapitre: ils ne pouvaient plus se référer au combat de l'Allemagne contre les impérialismes américain et britannique, as-sorti du soutien aux indépendantistes arabes et hindous et aux justicialistes latino-américains, puisque l'extrême-gauche, dont les chefs de file idéologiques avaient trouvé refuge à l'Ouest, de Londres à la Californie, n'avaient guère cultivé de traditions anti-impérialistes à cette époque cruciale de notre siècle. Malheureusement Steiner et Debray se bornent seulement à constater l'impossiblité d'une référence à une identité historique précise. Il est juste en revanche de percevoir, chez les hommes et les femmes de la RAF comme chez un Pierre Goldmann, une aspiration existentielle/existentialiste au combat, à la lutte armée, à l'aventure révolutionnaire. Très juste aussi de dire que cette aspiration procède d'une volonté de sortir d'une situation d'apathie dans laquelle l'Allemagne s'était enlisée dans le sillage du miracle économique et de l'opulence des Golden Sixties. Les générations parentales, ex-nationales-socialistes, ont-elles dès lors été inconsciemment accusées d'avoir trahi les linéaments d'anti-impérialisme de l'ère hitlérien-ne et de n'en avoir retenu que les réflexes anti-communistes ou les calculs opportunistes, dépourvus de toute conscience politique forte? La RAF, à son insu, constitue-t-elle un retour maladroit des analyses nationales révolutionnaires anti-fascistes (Paetel, Niekisch, etc.) en matière d'impérialisme, mais un retour d'emblée condamné à l'échec à cause de son déséquilibre paroxystique patent?

 

 

Cet échec, directement prévisible, n'est-il pas dû à une absence de dimension populiste, de cœur pour le concitoyen qualunquiste, benoîtement aveuglé par les facilités du monde libéral ambiant, et à un trop-plein d'existentialisme héroïcisant et élitiste, de facture sartrienne, où le non engagé est d'office un "salaud", où le militant devient arrogant parce qu'il connaît ou croit connaître, dans son intimité personnelle, un niveau de conscience supérieur à la moyenne générale? L'idiosyncrasie des figures de proue de la RFA est à ce sujet révélatrice: la plupart de ces figures sont des intellectuel(le)s militant(e)s dont la pensée est conséquente jusqu'au bout, au point de n'accepter aucune espèce de compromission. Divers courants de gauche, dont le dénominateur commun est un refus de la société libérale et marchande, cimentée de surcroît par un conservatisme rigide, quelque peu autoritaire, conformiste et anti-intellectuel, débouchent sur la stratégie terroriste du refus absolu: ainsi, l'avocat Horst Mahler, militant du SDS (Sozialistischer Deutscher Studentenbund;  ligue des étudiants socialistes allemands) et de l'APO (Außerparlamentarische Opposition;  Opposition extra-parlementaire), laboratoire de la gauche anti-dogmatique, a estimé que seul le re-cours au terrorisme pouvait provoquer l'avènement d'une société idéale, soustraite à tous dogmes. Ulrike Meinhof est, elle, une ancienne activiste de la KPD, interdite en 1952 (1). Elle a été la rédactrice en chef du journal Konkret,  organe théorique du parti. La gauche dont elle est issue n'a pas le caractère soft  de l'anti-dogmatisme de l'APO/ SDS. Sa trajectoire est très classique: issue d'une famille socialiste qui avait refusé le compromis de Bad-Godesberg (2), elle adhère à la KPD semi-clandestine mais refuse de militer dans la DKP, le parti qui en prend le relais après la levée de l'interdiction. Le passé de Ulrike Meinhof est un passé marqué par le communisme dur.

 

 

Ne pas se laisser déterminer par les "conditions objectives"

 

 

Gudrun Ensslin, pour sa part, est issue d'un milieu pacifiste chrétien: elle a été membre de la Jeunesse évangélique et a milité dans le mouvement anti-atomique, avant de fonder les Editions Voltaire avec son camarade Vesper et d'adhérer au SDS. Jan-Carl Raspe incarne les nouvelles voies du gauchisme: vie en communauté, création de structures alternatives, pédagogie anti-autoritaire, etc. La motivation de Raspe est toute personnelle et d'ordre psychologique: il était sans cesse travaillé par une angoisse envahissante et avait besoin d'une sphère d'affectivité communautaire. Raspe a transposé ce désir d'affectivité à l'ensemble de la société: selon lui, les prolétaires accèderaient à un monde meilleur, plus satisfaisant, si on leur donnait l'occasion de vivre en dehors des structures individualistes de la société marchande. "Seules des expériences alternatives dans le combat politique, pourraient mettre en route les processus par lesquels l'idéologie bourgeoise et la structure psychique individualiste seraient surmontées de façon durable", écrira-t-il. Comme les mouvements de jeunesse du début du siècle, les quelques dizaines de militants de la RAF refusent de se laisser déterminer par les "conditions objectives" mais ne se contentent pas de leurs communautés alternatives et veulent intervenir brutalement dans l'espace bourgeois, conquérir par la violence des morceaux d'"espaces libérés" supplémentaires. Et cette violence, ultime recours de ces desperados  intellectuels, ne s'est-elle pas d'autant plus facilement installée dans leurs cerveaux parce qu'aucune tempérance de nature organique et historique, aucune mémoire vectrice de nuances, ne pouvait plus se lover dans un intellect germanique après la grande lessive de la rééducation perpétrée par les psychologues-policiers de l'US Army?

 

 

La carte terroriste a précisément été jouée par ceux qui, contrairement à Rudy Dutschke et Bernd Rabehl, n'ont pas voulu s'immerger dans le nationalisme de gauche, n'ont pas songé à recourir à l'histoire nationale, pourtant témoin de tant de luttes pour la liberté, le droit et l'égalité, pour donner à leur engagement une dimension collective concrète, même dans ses dimensions mythiques. Un langage social-révolutionnaire, propre au mouvement ouvrier, mais couplé à une mythologie nationale, aurait permis aux activistes de la RAF de conserver un lien avec les mas-ses populaires. Cela, Dutschke et Rabehl, les para-maoïstes qui dirigeaient la revue berlinoise Befreiung  (= Libération), l'avaient compris. La RAF, de son côté, gardait un langage très raide, très expurgé de toute connotation historico-romantique instrumentalisable, accessible aux masses. Pourtant son constat relatif à la RFA, nous le trouvons, sous des formes variées, dans tous les discours idéologico-politiques allemands: l'Allemagne Fédérale n'a jamais eu de souveraineté et ne constitue plus un "Etat national" proprement dit; elle est une zone privée d'autonomie au sein d'un système économico-politique dominé par les Etats-Unis; la classe politique ouest-allemande est "fantoche"; l'occupation militaire américaine ôte toute indépendance à la RFA, etc. Quel conservateur, quel nationaliste, quel socialiste, quel communiste, quel gauchiste, quel écologiste n'a pas déploré ce nanisme politique? N'est-ce pas le démocrate-chrétien Barzel qui a résumé de la façon la plus concise la situation de son pays: "L'Allemagne? Un géant économique et un nain politique". Conjugaison de toutes les "conditions objectives" jugées inadmissibles, le système, expliquaient dans leurs tracts les militants de la RAF, instaure un "nouveau fascisme" qu'il s'agit de combattre. D'où leur venait cette définition du "nouveau fascisme"? D'André Glucksmann, aujourd'hui grand défenseur de l'Occident, rénégat aux yeux d'Hocquenghem, pourfendeur de toutes les tentatives de "finlandisation" réelles ou imaginaires. Steiner et Debray ont le grand mérite de rappeler ce détail.

 

 

Le "nouveau fascisme" défini par Glucksmann

 

 

Glucksmann, en 1972, écrivait, dans Les Temps modernes,  la revue de Sartre, que le "nouveau fascisme" ne vient pas de la base comme l'ancien, mais qu'il s'est au contraire imposé d'en haut. " (...) le nouveau fascisme s'appuie, comme jamais auparavant, sur la mobilisation guerrière de l'appareil d'Etat, il recrute moins les exclus du système impérialiste que les couches autoritaires et parasites produites par le système (...). La particularité du nouveau fascisme, c'est qu'il ne peut plus organiser directement une fraction des masses". En d'autres mots et sans phraséologie militante pompeuse, l'intégration totale des individus à la machinerie politico-économique, l'homogénéisation des identités, l'arasement définitif des originalités, si bien perçus par Pier Paolo Pasolini le Corsaire (et avec quel style!), s'opère par des instances et du personnel d'idéologie officiellement "démocratique", installés au pouvoir par l'anti-fascisme (armé en France et en Italie, "psychologue" et "pédagogue" en Allemagne) et revenus dans les fourgons de l'US Army ou des troupes anglo-impérialistes de Montgomery. La contradiction, propre aux discours de la gauche militante et intellectuelle, est ici flagrante et a fini par ruiner leur crédibilité: comment peut-on baptiser "nouveau fascisme" l'ensemble des instances nées de l'anti-fascisme? Comment peut-on se réclamer à la fois de l'anti-impérialisme et de l'anti-fascisme, alors que ce dernier n'a pu vaincre qu'avec l'appui du grand capitalisme amé-ricain et de l'impérialisme colonial britannique? Comment faire accepter aux combattants du tiers-monde cette logique qui, en dernière instance, est américanophile? Comment faire accepter à l'indépendantiste indien, au militant panarabe, au justicialiste argentin, au sandiniste nicaraguayen, à l'indigéniste péruvien, au martyr malgache que la logique de Roosevelt, des banquiers de la City et de Wall Street, des compagnies pétrolières ou des marchands de fruits est certes mauvaise sous les tropiques mais qu'elle a été une bénédiction pour la vieille Europe? N'est-ce pas là le plus sûr moyen d'apparaître niais et schizophrène? Glucksmann a au moins été conséquent en pro-cédant à ses reniements successifs, quitte à se métamorphoser, aux yeux des soixante-huitards durs et purs, en un "nouveau fasciste", selon sa propre définition! Pasolini, quant à lui, a écrit que le fascisme ancien, mussolinien, était une broutille provinciale, comparable aux mésaventures cocasses de Don Camillo, à côté de la chape de plomb que faisait peser sur nos cultures la société marchande; la schizophrénie de la gauche, devenue désespérément furieuse dans le chef des combattants de la RAF, est restée en-deçà de ces brillantes analyses et c'est la raison essentielle de son échec.

 

 

Mais cet échec n'est pas seulement celui du terrorisme violent, c'est l'échec de l'ensemble des forces de gauche. Le constat posé par les disciples de Baader quant à l'involution de la gauche ouest-allemande est juste: après la guerre, la SPD a neutralisé tous les courants contestataires de la RFA qui s'opposaient à l'intégration à sens unique dans la "communauté atlantique des valeurs", autrement dit dans le réseau des flux économiques déterminé depuis Washington. Avec le congrès de Bad Godesberg, la SPD admet l'intégration occidentale, abandonne toute perspective neutraliste donc toute indépendance et souveraineté ouest-allemandes, tout projet d'apaisement centre-européen, toute fonction dialoguante à l'autrichienne, toute possibilité de "troisième voie" gaullienne. Ce refoulement énorme, cet--te mise au frigo de tant d'aspirations légitimes, ancrées dans l'histoire, anciennes comme la civilisation de notre continent, n'a pu conduire qu'à l'explosion anarchique et incohérente de la révolte étudiante et, par suite, à l'épilogue navrant du terrorisme urbain. Si la stratégie terroriste ne pouvait qu'être marginale, coupée du peuple, élitiste à mauvais escient, brutale au point d'apparaître gratuite, le constat posé est exact, bien que mal formulé, et de surcroît présent partout dans les milieux intellectuels de RFA, à degrés divers, depuis les cercles conservateurs jusqu'aux activistes nationalistes et gauchistes. Le legs majeur de la RAF, ce n'est pas une lutte victorieuse, ce n'est pas une brochette de héros auréolés de gloire et vertueux (ses protagonistes sont marqués d'angoisse, de schizophrénie, d'agressivité pathologique), c'est surtout une analyse qui dit que le "nouveau fascisme", c'est la social-démocratie, celle qui a capitulé à Bad-Godesberg. Ce slogan contradictoire, basé sur une série de faits réels, contient précisément tous les errements, tous les refoulements, toutes les distorsions que la gauche n'a pas pu surmonter, incapable qu'elle a été de poser des constats d'ordre historique cohérents et de moduler sa praxis en conséquence. On ne fait pas de vraie politique en manipulant des concepts occasionalistes à la sauce psychanalytique et en tripotant des pseudo-arguments freudo-marxistes, où transparaissent des fantasmes sexuels incapacitants. Un retour à Dutschke et à Paetel serait sans doute une meilleure thérapeutique.

 

 

Michel FROISSARD.       

 

dimanche, 31 mai 2009

G. Maschke: "Mit der Jugend damals wurde diskutiert"

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Dossier "Günter Maschke"

"Mit der Jugend damals wurde diskutiert"
Der Ex-68er Günter Maschke über Jugendgewalt, die Kampagne gegen Rechts und das geistige Klima in Deutschland

Morittz Schwarz/Dieter Stein - Ex: http://www.jungefreiheit.de 

Herr Maschke, Gewalt von Jugendlichen hat zahlreiche Initiativen gegen "Rechtsradikalismus" hervorgerufen. Handelt es sich bei diesen Ausschreitungen tatsächlich um Rechtsradikalismus?

Maschke: Zum Teil ist das nur ein Jugendprotest, der sich die vielversprechendste Form aussucht. Man sagt, diese Jungs seien sehr dumm. Tatsächlich aber sind sie so dumm, daß sie nicht manipuliert werden können. Die haben wenigstens eine instinktive Ahnung von der Schande ihres Vaterlandes. Sie sind für unsere ideologische Betreuungsmaschinerie nicht mehr erreichbar. Ich finde, man kann sich jetzt nicht stante pede ständig von ihnen distanzieren. Dazu kommen sicherlich auch agents provocateurs, da sind eine Menge ungeklärter Vorfälle wie jener in Düsseldorf, die ja auch immer zur richtigen Zeit losbrechen. Ich glaube, daß hier ein Vordergrund aufgebaut wird, um von der Weichenstellung in Richtung Einwanderungsland abzulenken. Dafür braucht man nicht nur Vorwände, sondern muß auch den aktivsten und aggressivsten Widerstand brechen; die anderen werden dann kuschen. Das ist nicht nur Sommerlochfüllung, das ist die totalitäre Demokratie, die wir haben.

Manche dieser Gewalttäter mögen resistent gegen den Zeitgeist sein, werden sie aber nicht in jedem Fall manipuliert, etwa von der NPD?

Maschke: Ich lehne es ab, mich innerhalb der Rechten von irgendwelchen Leuten öffentlich zu distanzieren. Den Luxus können wir uns gar nicht leisten. Das habe ich auch in der Linken kaum gemacht. Am besten schweigt man. Etwas anderes sind Gewalttaten gegen mißliebige Personen bis hin zum Mord. Das ist eine Sache des Strafrechts.

"Die Herrschenden wollen eine quasi volksgemeinschaftliche Zivilgesellschaft stiften"

Immerhin argumentiert man, auch mit Blick auf ein Parteienverbot, doch mit dem "Menschenbild" der NPD, das den Nährboden nicht nur der jüngsten Gewalttaten bilde.

Maschke: Die "Null Toleranz"-Propagandisten operieren doch genau mit dem Menschenbild, das angeblich bekämpft wird, nämlich mit einem totalitären. Eine Großgesellschaft von achtzig Millionen Menschen will nicht begreifen, daß es da soundsoviel Promille diese und jene gibt. Wie man die dann behandelt, ist eine ganz andere Frage. Aber es zeigt den totalitären Willen zur Einheit und zur Vereinheitlichung. Insofern dienen ihnen die wenigen stigmatisierten "Neonazis" ex negativo als letzter Zement für eine mittlerweile völlig atomisierte Gesellschaft. Durch sie wollen die Herrschenden ihre eigene Form einer quasi volksgemeinschaftlichen Zivilgesellschaft stiften. Also muß ich, nach Logik der Etablierten, diesen winzigen Gegner aufblasen und zu einer Macht machen, die einerseits dumm, klein und mies ist, andererseits ungeheuer gefährlich. Dieser Reflex, diese Psychomechanik, ist totalitär.

Sie meinen, die äußerste Rechte, die den Kampf explizit auf die Straße tragen möchte, vertrete tatsächlich eine legitime Gegenposition zum "System"?

Maschke: Dieses Land kämpft darum, seine eigenen Interessen nicht mehr formulieren zu dürfen. Der Widerstand dagegen könnte sich ausweiten und intelligenter werden, wobei ich allerdings mit Blick auf das verfügbare Potential skeptisch bin. Deshalb müssen schon die Ansätze rasiert werden. Und deshalb wird man denen auch ganz anders auf‘s Haupt schlagen als den 68ern. Und ich werde mich deshalb auch nicht abgrenzen. Nicht weil es keine Unterschiede gebe, sondern weil die falschen Leute dazu auffordern und man das außerdem nicht vor den Ohren des gemeinsamen Feindes tut.

Wird es zu massiver Repression kommen?

Maschke: Ja, sicher.

Wird die sogenannte "rechte Gewalt" dadurch gebändigt werden?

Maschke: Das weiß ich nicht.

Nehmen Sie denn die Herausforderung an und diskutieren mit Leuten, die den politischen Kampf mit Gewalt führen wollen?

Maschke: In Frankfurt am Main? Da gibt es doch kaum welche. Man muß im übrigen auch nicht mit jedem reden, und man muß sich nicht zu jedem und allem erklären. Ich möchte erstmal genaueres wissen und keinesfalls nur aufgrund der Dürre urteilen, die mir Ulrich Wickert allabendlich vermittelt.

Was sind denn Ihrer Meinung nach die Ursachen der teilweise als "nationaler Widerstand" deklarierten Gewalt?

Maschke: Die Motive liegen in der Misere dieses Landes. Und diese Misere zu hegen und zu pflegen ist doch die raison d’etre dieser Republik. Und nun werfen ausgerechnet Leute mit einem intellektuell tatsächlich nicht sehr beeindruckenden Niveau diese Fragen auf. Das muß die Gutmenschen ja irritieren. Denn das eigentliche Thema darf nicht zum Thema werden. Das ist typisch für Gesellschaften, die immer postulieren, sie würden über alles diskutieren. Damit verschleiern sie die Tabuisierung, daß sie nicht über den Kern der Sache diskutieren wollen.

Der proklamierte "nationale Widerstand" mitsamt seinen alles andere als politisch motivierbaren Gewaltexzessen trifft also Staat und Gesellschaft, viel mehr ins Mark, als die von Ihnen eher als intellektuell unbedarft eingeschätzten "Aktivisten" selber überhaupt vermuten?

Maschke: Wenn die Diskussion über die nationale Frage und ob wir ewig eine Schuldbekennungs- und Reparationseinheit bleiben, hochkommt, sind die etablierten Strukturen und damit die Karrieren ihrer Nutznießer gefährdet. Kämen die eigentlichen Dinge zur Sprache, würden sich diese Leute als illegitim erweisen.

Damit wären wir nun bei Ihrem bekannten Credo, wenn Sie von der Illegitimität der bundesdeutschen parlamentarischen Demokratie sprechen. Könnten Sie diese fundamentale Kritik erläutern?

Maschke: Die bundesdeutsche Demokratie leitet ihre Legimität aus den Wahlen der Lizenz-Parteien ab. Wir haben doch gar keine Demokratie, statt dessen haben wir eben eine Parteienherrschaft. Keine einzige Schicksalsentscheidung dieses Volkes, etwa Nato-Beitritt, die Einwanderung oder Euro-Einführung wurde in den letzten fünfzig Jahren auf wirklich demokratischem Wege, nämlich durch den Demos, getroffen – mit Ausnahme der Wiedervereinigung. Statt daß die Parteien, wie vom Grundgesetz gefordert, an der politischen Willensbildung mitwirken, mediatisieren sie den Volkswillen. Demokratie bei uns heißt: das Volk mit dem Knüppel des Volkes prügeln (Bakunin). Deshalb verweigere ich mich dem Konsens mit diesen Herren – selbst gegenüber Skinheads. Und besonders schändlich finde ich, daß heute genau diejenigen die Entmündigung des Souveräns fortsetzen, die vor dreißig Jahren ihr besonderes moralisches Recht gerade aus dem Kampf für "wahre Demokratie" abgeleitet haben.

Die Neigung der Berliner Parteien, mit totalitär anmutenden "Kampagnen" auf Herausforderungen zu reagieren, ist also Ausdruck eines Gefühls der Unsicherheit, ähnlich wie es die politische Klasse in der DDR empfunden hat?

Maschke: Sicher, würde das entdeckt werden, könnte daraus folgen, daß dieser Kampf um die Lebensfragen dieser Nation aufgenommen werden muß. Also darf diese Frage nie gestellt werden. Deshalb darf es keine wirkliche Kultur der öffentlichen Debatte der zentralen Fragen geben, deshalb wird der Widerpart so in die Ecke gedrängt, bis er sich nur noch auf die jetzt in Erscheinung tretende sehr deformierte und dumme Art äußern kann. Dieses Kunststück ist gelungen. Das Schlagwort "Rechts" dient der Exklusion. Und je weiter links einer steht, desto mehr Rechte sieht er. Natürlich, das gebe ich zu, funktioniert das andersherum genauso. Nur unterliegt der Rechte eben einer viel größeren Diskriminierungsmacht, denn der Linke, so die Mär, will ja letztendlich doch "das Gute". Zwar will er es mit "falschen Mitteln", aber irgendwie will er Besseres, als es das skeptischere Menschenbild des Rechten bietet. Das ist eben eine Kultur, die auf dem Narzißmus aller beruht, und den darf man nicht beleidigen, etwa mit reaktionären Wahrheiten. Wer das tut, ist draußen. Deshalb ist es falsch zu glauben, man könnte eine demokratische, akzeptierte Rechte etablieren. Dafür fehlt die pluralistische Struktur in diesem Land.

Wäre es deshalb nicht Aufgabe einer – konservativen – Opposition, für unsere Demokratie diese plurale Freiheit zurückzuerkämpfen?

Maschke: Die geistige Freiheit geht bei uns inzwischen gegen Null. Nach menschlichem Ermessen ist der Zug längst abgefahren. Wir befinden uns bereits nach Spengler. Die Sprache weiß es noch. Es heißt immer: die "ewig Unbelehrbaren". Es geht auch wieder um Belehrung, wobei immer fingiert wird, der zu Belehrende wüßte einfach noch nichts. Dabei gibt es Leute, die sind das erst geworden, durch jahrzehntelanges Lesen etwa. Ich bin zum Beispiel heute wesentlich unbelehrbarer als vor dreißig Jahren. Ich habe mir also meine Unbelehrbarkeit durch Gelehrsamkeit erkämpft. Die Gesellschaft tut immer so, als würde die Gegenmeinung nur von Ahnungslosen, Irren und Verbrechern vertreten. Wie konnte ein so großer Gelehrter wie Ernst Nolte sowas sagen? Ja, wahrscheinlich weil er ein großer Gelehrter ist! Die moderne Welt ist die Strafe für den modernen Menschen, doch der merkt es nicht einmal.

Die Aufgabe wäre doch, darüber zu wachen, daß der politische Streit in den in- stitutionalisierten Formen, also gewaltfrei ausgetragen wird. Ist deshalb das Klima des medial ausgerufenen Ausnahmezustands der letzten Wochen für eine Demokratie nicht mindestens so gefährlich wie die Atmosphäre der Gewalt?

Maschke: Sicher, und zwar eben weil wir keine nationale Kohäsion haben und deshalb auch nicht die Fähigkeit, mit den eigenen Minderheiten umzugehen, ganz im Gegensatz zu den Fremden. Bei achtzig Millionen gibt es einfach soundsoviele einer bestimmten Couleur, das müßte man eigentlich wissen und aushalten können. So wie das in anderen Ländern der Fall ist.

"Unsere Gesellschaft von Feigen und Rückgratlosen muß täglich neu Hitler besiegen"

Der rebellierenden Jugend von 68 brachte man Verständnis entgegen, weil man sie als die eigene erkannte. Warum gibt es für jene heutigen Jugendlichen, die nicht einfach nur Straftäter sind, sondern die sich ausschließlich politisch rechts artikulieren, nur Haß, warum das Bestreben, mittels einiger Straftäter eine ganze Szene zu kriminalisieren und sozial auszugrenzen?

Maschke: Verständnis darf sich gar nicht bilden. Die Bekämpfung dient ja gerade dazu, ein mögliches Verstehen zu verhindern. Ein Verstehen würde auch die Motive offenbar werden lassen.

Den eigenen Söhnen und Töchtern der 68er, soweit sie ein politisches Anliegen haben, soll nun mit einem neuen Radikalenerlaß auch sozial der Garaus gemacht werden. Warum?

Maschke: Zum ersten muß man einen Kotau vor dem Ausland machen, zum zweiten einen vor den "moralischen Instanzen" im eigenen Land. Zum dritten braucht eine Gesellschaft, die keine politischen Ziele und kein politisches Ethos mehr hat, irgend jemanden, über die sie sich einigen kann, und das sind eben diese armen Hanseln. Und viertens schüchtert man damit die anderen ein. Diese Strategie hat zwar etwas Irres und Hysterisches an sich, ist aber, wie gesagt, aus der Sicht der Etablierten gar nicht so verkehrt.

Es gab schon mal einen Radikalenerlaß gegen die APO.

Maschke: Das war wohl ein Schlag ins Wasser, denn diese Leute sind ja heute Minister.

Ist es nicht grotesk, daß die Leute, die sich damals gegen den Radikalenerlaß gegen Links gewehrt haben, nun einen solchen gegen Rechts fordern?

Maschke: Nein, denn wer im Besitz der Macht ist, der verteidigt sie, so ist das. Das Schamlose ist nur, daß Leute wie Joschka Fischer damals viel mehr recht hatten mit ihrer Opposition gegen das "System". Jetzt ist Fischer etabliert, ohne daß sich am "System" etwas geändert hätte. Das ist so typisch für die ganze Pseudo-Rebellen-Generation. Schamlos ist, daß sie sich als mittlerweile Verfolger immer noch als Verfolgte kostümieren. Dabei gehört ihnen dieser Staat.

Würden Sie unterscheiden zwischen dem Protest von 1968 und heute?

Maschke: Es gibt gewisse Überschneidungen. 68 wurde schon deshalb nicht richtig bekämpft, weil die Gesellschaft schon auf dem Wege dorthin war. Die Gesellschaft war schon durchliberalisiert und entnationalisiert. Für die APO war im Prinzip Raum in der Gesellschaft. Das zweite ist, der damalige Protest wurde von der akademischen Jugend artikuliert, und die wird natürlich mit Samthandschuhen angefaßt. Nicht wie die Sub-Proletarier, auf die kann man ja einknüppeln. Es ist wie in einer lateinamerikanischen Bananenrepublik, wo der Revoluzzer von gestern der Minister von heute ist, ohne daß er eine Revolution gemacht hätte. Mit der Jugend von damals wurde dagegen diskutiert. Und tatsächlich gab es 1968 sehr wohl nationale Motive bei einzelnen Führern der Bewegung, etwa Rudi Dutschke oder Bernd Rabehl. Die Gesellschaft befand sich aber bereits auf dem Weg zum Hedonismus, und die asketische Fraktion der 68er war nur sehr klein.

Sehen Sie heute Anknüpfungen an diese "asketische", "nationale" Position?

Maschke: Das könnte man aufgrund ästhetischer Kriterien verneinen. Wenn ich für Deutschlands Wiedergesundung bin, dann amerikanisiere ich mich nicht mit den entsprechenden Pullovern, den entsprechenden Aufschriften und dröhne mich nicht mit dieser Musik voll. Ich firmiere nicht in englisch, was ja nun wirklich die Sprache des Feindes ist. Und laufe nicht herum, wie in einem amerikanischen Slum. Unsere Gesellschaft von Feigen und Rückgratlosen muß natürlich täglich neu den toten Hitler besiegen. Das wissen wiederum jene, die deshalb gerne mal den Arm heben, um sich über die Reaktion zu freuen. So läuft das. Ein Teil dieser Leute ist doch gar nicht politisiert, sondern hofft nur auf den größten Skandal.

Es wird gern unterstellt, die schweigende Mehrheit zeige keine Zivilcourage, weil sie mit der Gewalt gegen Ausländer insgeheim übereinstimme.

Maschke: Es berührt schon sehr merkwürdig, wenn eine Meinung "Zivilcourage" genannt wird, die die Regierung, die Opposition, die Kirchen, die Arbeitnehmer- und die Arbeitgeberverbände und die Medien vertreten. Zweitens ist es eine falsche Vorstellung, übrigens auch bei vielen Rechten, daß es eine schweigende Mehrheit gibt. Die ist doch schon längst gekippt. Die Menschen sind bereits völlig verändert worden. Natürlich gibt es noch Differenzen und Unzufriedenheit in unzähligen kleinen Dingen, doch die Grundlagen sind alle akzeptiert. Heute glauben alle an die Menschheit, an die Globalisierung, an den Egalitarismus. Die schweigende Mehrheit ist ein Mythos, vor allem der Rechten.

Konservative Inhalte sind sozial einbindend und sinnstiftend und hätten der Entwurzelung der Jugend, die in den Medien pauschal als asoziale Gewalttäter präsent sind, vielleicht entgegenwirken können. Verlangt das Dilemma nicht nach einer Renaissance konservativer Politik?

Maschke: Ja, aber die ist ja inzwischen oft gar nicht mehr zu vermitteln. Die Begriffe sind völlig verfälscht, etwa "Toleranz". Das heißt eigentlich, "Was Du meinst, ist falsch, aber ich dulde es." Er bezeichnet eben mitnichten Gleichwertigkeit von Meinungen, es ist keine Indifferenz. Es unterscheidet noch etwas Richtiges von etwas Falschem. Heute hat man einen vorgefertigten gemeinsamen Schatz an harmlosen Meinungen. Und sobald ich eine andere habe, werde ich eben nicht mehr toleriert, auch nicht im alten Sinn des Wortes. Oder nehmen Sie den Begriff "Diskurs". Der muß eigentlich ergebnisoffen sein, ist er aber heutzutage nicht.

Besteht nicht die Gefahr, daß die Jugendlichen vom "Null Toleranz"-Bündnis schlicht umerzogen, statt endlich zu selbstbewußten Deutschen und damit radikalismusresistenten Menschen erzogen werden?

Maschke: Ersteres ist im Prinzip doch schon in vollem Gange. Das erfolgt durch drei Faktoren: Konsum, einen Vorrat erlaubter Meinungen und die Einigung über das absolut Böse. Das funktioniert einzig deshalb noch nicht so richtig, weil wir so eine Durchrausch-Gesellschaft haben: Zum einen Ohr rein, zum anderen wieder heraus. Auf zum nächsten "Fun". Da hat sich ja auch die Vergangenheitsbewältigung selbst ein Bein gestellt. Denn die Beschäftigung damit birgt nicht so viel "Fun" in sich. Nachdem man die Leute erst idiotisiert hat, um sie vollzudröhnen, erweist sich das jetzt auch in gewisser Weise als Hindernis.

 

Günter Maschke bei einem Kongreß der neurechten Vereinigung GRECE in Paris, 1997: 1943 in Erfurt geboren und in Trier aufgewachsen, arbeitet Günter Maschke nach seiner Lehre als Versicherungskaufmann 1964/66 zusammen mit dem späteren Terroristen Jörg Lang in der Redaktion der Tübinger Studentenzeitung "Notizen". Mitglied der illegalen KPD, flüchtet er vor dem Wehrdienst über Paris und Zürich nach Wien. 1967 organisiert er in der österreichischen Hauptstadt als "Rudi Dutschke von Wien" die außerparlamentarische Opposition und schlägt sich als Mitarbeiter der kommunistischen "Volksstimme" und des "Wiener Tagebuchs" durch. Nach einer Kundgebung gegen den Vietnamkrieg wird er verhaftet; ihm droht die Abschiebung in die Bundesrepublik, wo ihn wiederum eine Haftstrafe wegen Desertion erwartet. In dieser Situation gewährt ihm Fidel Castro politisches Asyl, Anfang 1968 geht Maschke nach Cuba, wo er zwei Jahre später wegen "konterrevolutionärer Umtriebe" ausgewiesen wird. Seither lebt und arbeitet der "einzige echte Renegat der 68er" (Jürgen Habermas) als Schriftsteller und Privatgelehrter in Frankfurt am Main. 1990 und 1992 unterrichtet er als Gastprofessor an der Hochschule der Kriegsmarine in La Punta (Peru). Günter Maschke war von 1980 bis 1982 Herausgeber der "Edition Maschke" im Hohenheim Verlag (u.a. Werke von Mircea Eliade, Pierre Drieu La Rochelle, Carl Schmitt und Bernard Willms). Er veröffentlichte zahlreiche Beiträge für Rundfunk, Zeitungen und wissenschaftliche Zeitschriften, insbesondere zum Werk von Juan Donoso Cortés und Carl Schmitt.

samedi, 30 mai 2009

Histoire de Flandre

A acheter de toute urgence : Histoire de Flandre

Eric Vanneufville

Image Hosted by ImageShack.usAux Pays-Bas, les historiens ont intégré en partie, selon les territoires et les époques, l’histoire de la Flandre. Leurs collègues belges en ont fait de même. En France, la Flandre de France en tant que telle a fait l’objet de différentes études, surtout par des histoiriens francophones.

Il manquait à cet ensemble de travaux divers et non coordonnés une vision harmonisée, dépassant les clivages dans le temps et l’espace, et tenant compte des apports néerlandophones. faisant défaut également la vision ancrée localement plutôt que celle ordinairement déployée depuis Paris, Bruxelles ou Amsterdam et La Haye. Bref, la lacune c’était le “point de vue flamand”.

C’est dans cet esprit qu’a été conçu et réalisé le présent ouvrage qui s’appuie sur les racines de la Flandre médiévale en son entiereté, depuis l’Escaut jusqu’à la Scarpe, puis sur les modifications apportées par les princes et les monarques, depuis les Bourguignons jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, et enfin par la probématique constituée par la division de la Flandre et la dispersion de la flamandité au sein d’Etats plus ou moins intéressés par l’existence reconnue du peuple de Flandre(s).

Historien, de Flandre de France mais connaisseur des Pays-Bas et de la langue néerlandaise, Eric Vanneufville a mené à bien depuis ses premières recherches doctorales il y a plus de trente ans, divers travaux en ce domaine. Il a rassemblé ses connaissances pour offrir au lecteur une histoire de Flandre(s) enfin abordée du point de vue Flamand.

En trois parties, huit chapitres et deux cents pages, cet ouvrage agrémenté de cartes et d’illustrations, se présente de façon pratique en format de livre de poche et pour un coût modique, adapté à une diffusion “grand public”.

Il fait partie d’une collection d’histoires de régions et pays, éditée chez Yoran Embanner.


 

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Karel Martel en de Slag bij Poitiers

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Karel Martel en de Slag bij Poitiers

Deze Frankische koning is over het algemeen onbekend. Toch heeft Europa zeer veel aan hem te danken. Het was immers Karel Martel die de moslimopmars in Europa een halt toe riep en daarmee de tot dan toe de onoverwonnen legers van de Islam een eerste beslissende nederlaag toebracht. Zonder deze overwinning had de wereld er totaal anders uitgezien en was er van het huidige Europa met onze normen en waarden, cultuur en andere verworvenheden totaal geen sprake geweest.

Leven van Karel Martel

Karel Martel werd geboren in Herstal (in het huidige Wallonië) op 23 augustus 676. Hij was een onwettige zoon van Pepijn II en zijn concubine Alpaida. Karel werkte zich op boven zijn jongere halfbroers, de Pepiniden en andere rechtmatige erfgenamen van Pepijn II.

In de onzekere toestand na de dood van Pepijn II in 714 had de Friese koning Radboud Utrecht heroverd op de Franken en met zijn vloot in 716 zelfs Keulen bedreigd tijdens de Slag bij Keulen, die de Friezen wonnen. Karel Martel zijn eerste overwinning als aanvoerder van het Frankische leger kwam in 716 in de Slag bij Amel. Daar versloeg hij de Neustrische koning Chilperik II door hem te overvallen met een hinderlaag. In 717 maakte Karel Martel zich van de totale macht meester en werd koning der Franken. Het jaar daarop verdreef hij de Saksen en won waarschijnlijk zo ook Utrecht terug. Toch was dit alles slechts klein bier ten opzichte van wat hij nu moest gaan presteren.

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vendredi, 29 mai 2009

La presse juive sous le III° Reich

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SYNERGIES EUROPÉENNES - JUILLET 1988

La presse juive sous le IIIième Reich

Recension: Herbert FREEDEN, Die jüdische Presse im Dritten Reich,  Jüdischer Verlag bei athenäum, 1987, 203 S., 48 DM.

Le livre de Freeden lève le voile qui cachait jusqu'ici l'histoire de la presse juive sous le Troisième Reich et les débats que celle-ci a véhiculé. La presse juive dont il est question ici n'est pas la presse progressiste, non spécifiquement juive de l'époque de Weimar, que certains polémistes nationalistes avaient affublé du titre de Judenpresse.  Il s'agit d'une presse, propre à la communauté israëlite allemande, qui n'a cessé de paraître qu'à la fin de 1938. Cette presse comptait 65 journaux et revues dont le tirage global mensuel s'élevait à un million d'exemplaires. Elle dérivait de deux matrices bien distinctes:

1) une presse libérale ou socialiste cosmopolite, orchestrée par de jeunes intellectuels juifs, qui avaient trouvé dans le journalisme des postes que la société wilhelmienne n'avait pas voulu leur confier dans l'enseignement ou le fonctionnariat;

2) une presse traditionnelle, confessionnelle et homilétique, dirigée et contrôlée par le rabbinat. Sa fonction était de renforcer la conscience juive, de façon à accentuer une "ségrégation culturelle positive", et de transmettre des informations générales au public juif. Une question importante était débattue après la proclamation des "lois de Nuremberg": rester ou émigrer? Les sionistes ne réclamaient pas une émigration massive vers la Palestine et les non-sionistes n'excluaient par pour autant la possibilité de l'Aliyah  (retour à la "terre promise"). D'autres pariaient sur la Tchuva,  le retour à la religion. Beaucoup d'intellectuels et les anciens combattants, notamment ceux qui s'exprimaient dans Der Schild,  réaffirmaient haut et fort leur patriotisme allemand. Du côté des autorités, Ernst Krieck, recteur de l'université de Francfort, plaide pour la constitution d'une autonomie populaire (völkisch)  juive au sein du Reich, qui reprendrait à son compte le refus sioniste de l'émancipation-assimilation, destructrice d'identité. On s'aperçoit, grâce à la recherche de Freeden, quelle densité prenait le débat éternel sur la question juive à l'ombre du drapeau à croix gammée. A relire au moment où en France des polémistes simplificateurs cherchent à créer une histoire juive aseptisée et abstraite.

(Robert STEUCKERS).

 

mercredi, 27 mai 2009

G. Deschner: Die Kurden - Volk ohne Staat

 

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Günther Deschner: Die Kurden. Volk ohne Staat

Ex: http://www.fes.de/


 
       
     
       
  München 2003
Herbig-Verlag, 349 S.
   
 

Nach Arabern, Türken und Persern sind die Kurden das viertgrößte Volk des Nahen Ostens. Ein 30 Millionen-Volk mit einer Jahrtausende alten Geschichte und Kultur, aber ohne eigenen Staat. Kurdistan findet sich auf keiner Landkarte. "Kurdistanim ka?" - "Wo ist mein Kurdistan?" singt der berühmte kurdische Barde Sivan Perwer und rüttelt damit die Kurden immer wieder auf zum Kampf für Freiheit und nationales Selbstbestimmungsrecht, den sie gleichwohl erfolglos führen, seit ihr Land nach dem ersten Weltkrieg zerstückelt und unter den Staaten Türkei, Iran, Syrien und Irak aufgeteilt wurde.

In "Die Kurden. Volk ohne Staat" analysiert der Publizist und Nah-Ost-Experte Günther Deschner Gründe und Zusammenhänge für die Unterdrückung eines Volkes, dessen Ziel es einzig ist, sein politisches, wirtschaftliches, kulturelles und soziales Leben nach eigenen Vorstellungen zu gestalten. Herausgekommen ist dabei eine ebenso fundierte wie spannend geschriebene politisch-historische Darstellung des Kurdenproblems - unter Einbeziehung aktueller Entwicklungen im Irak-Konflikt. Nicht zuletzt setzt die vorliegende Monographie Maßstäbe für spätere Arbeiten zum Thema Kurden/Kurdistan.

Deschner versteht sich expressis verbis als Anwalt der Kurden. Seit 1972 hat er Kurdistan mehrfach bereist, den Kampf der Kurden um Unabhängigkeit hautnah mitverfolgt und Gespräche geführt mit wichtigen Kurdenführern wie dem kurdischen Mythos Mustafa Barsani, dem Chef der Patriotischen Union Kurdistan (PUK) Dschalal Talabani sowie dem gescheiterten PKK-Führer Abdullah Öczalan. Stets wurden und werden, so seine nüchterne Bilanz, die Kurden als Bauern auf dem Schachbrett der regionalen wie auch internationalen Machtpolitik hin- und hergeschoben.

Detail- und faktenreich schildert der Autor anhand einer Fülle von Beispielen, wie Verträge, die den Kurden das Recht auf Unabhängigkeit versprachen, gebrochen wurden. Dabei spannt das Buch einen weiten Bogen von der ersten Aufteilung Kurdistans zwischen Osmanen und Persern 1639 bis hin zum "Dolchstoß aus Teheran und dem zweifachen Verrat durch Amerika" 1975 und 1991.

Vor allem die neuere Geschichte der Kurden ist reich an Aufständen und Befreiungskriegen, in denen die Kurden sich gegen Umsiedlung, Assimilierung und Vernichtung wehren und für ihre geschichtliche und politische Identität kämpfen. Deschner spricht hier von einem bis in unsere Zeit in wechselnder Intensität anhaltenden Völkermord, von der Welt kaum registriert und kritisiert. Erst die Aufhebung des Ausnahmezustands Ende 2002 bedeutete für das kurdische Südostanatolien das Ende eines 15-jährigen, blutigen Bürgerkriegs. Zwar hat das türkische Parlament auf Drängen der Europäischen Union eine Reihe von Reformen auch hinsichtlich der kulturellen Freiheiten der Kurden eingeleitet. Gleichwohl harren noch viele Gesetze ihrer administrativen Umsetzung.

Unterdessen rückt der Krieg im Irak den jahrzehnte währenden Kampf der Kurden um Freiheit und Unabhängigkeit in den Blickwinkel der internationalen Politik. Zwar leben die Kurden im Nordirak seit dem Golfkrieg 1991 faktisch unter einem Autonomiestatut, mit eigenem Parlament und internationalen Kontakten - fast ein eigener Staat, wie Deschner feststellt. Allerdings hängt dieser, wie sich jetzt zeigt, am seidenen Faden. Die Kurden erhoffen sich in einem neuen föderalen System eine Ausweitung ihrer Autonomiezone, nicht zuletzt als Belohnung für ihre Koalitionstreue im Kampf gegen Saddam Hussein. Es geht ihnen hierbei auch um ihr historisch angestammtes Recht auf die 3000 Jahre alte - auf Ölfeldern liegende - Stadt Kirkuk, dem "kurdischen Jerusalem", als künftige Hauptstadt Irakisch-Kurdistans. Doch auch diesmal, wie schon so oft in der Vergangenheit, fürchten die Kurden, verraten und im Stich gelassen zu werden.

Überhaupt spielt Kirkuk, von den Kurden als "das Herz Kurdistans" verehrt, eine zentrale Rolle für die weitere Entwicklung in Irakisch-Kurdistan. Kirkuk ist ein Schmelztiegel unterschiedlicher Volksgruppen. Neben den Kurden, die bereits jetzt wieder eine große Mehrheit bilden, leben hier vor allem die großen und kleinen Minderheiten der Turkmenen, der Araber und der christlichen Assyrer. Während die zentralen Positionen in der Stadt inzwischen von Kurden besetzt sind - so ist der Bürgermeister seit Juni 2003 wieder ein Kurde und die Stadtpolizei besteht zu 80 Prozent aus Kurden - nehmen die Spannungen zwischen den Volksgruppen zu, vor allem zwischen Kurden und Turkmenen. Die Turkmenen fühlen sich mittlerweile als Iraker und befürworten einen irakischen Zentralstaat. Ob und inwieweit die kurdische Wiederbesiedlung der Region unterdessen zu einer Beschneidung der Rechte von Minderheiten geführt hat, dieser Frage geht das Buch allerdings nicht nach.

Indes: Der erweiterte Autonomieanspruch der Kurden ist nicht nur den USA ein Dorn im Auge, die ob ihrer jüngst wieder bezeugten strategischen Allianz mit der Türkei für einen ungeteilten Irak eintreten, sondern weckt auch Ängste in Ankara und Damaskus. Und das zu Recht, so Deschner. Denn ein erfolgreicher Kurdenstaat im Irak würde zweifelsohne mobilisierend auf die Kurden der angrenzenden Regionen wirken. In diesem Zusammenhang verweist der Autor auf die engen Kontakte zwischen den verschiedenen Volksteilen, die bis zum Ersten Weltkrieg kaum reale Grenzen kannten. Die guten Verbindungen zwischen irakischen, türkischen und iranischen Kurden, spielen "eine das kurdische Bewusstsein stark beschleunigende Rolle". Aber auch die europäische "Diaspora" spielt eine besondere Rolle, wenn es um den schnellen Austausch von Nachrichten, Meinungen und Stimmungen via Presse, Rundfunk, Internet und bislang drei Satelliten-TV-Sender geht. Das aus der Türkei verdrängte kurdische Landproletariat finde dabei häufig erst in Deutschland, Belgien und Frankreich seine kurdische Kultur. "Die Kurden sind wohl vor der werdenden politischen zuerst eine Kulturnation", so Deschner.

Gleichwohl, so mahnt der Autor, bestehe jederzeit die Gefahr des Ausbruchs der alten "kurdischen Krankheit", der notorischen Uneinigkeit untereinander. "Die Kurdenstämme", so zitiert Deschner eine alte Chronik, "halten untereinander nicht zusammen; keiner will dem anderen gehorchen und untertan sein." Wenn es jetzt in Irakisch-Kurdistan zu Konflikten zwischen Kurden komme, so Deschner, dann gehe es dabei aber weniger um hehre politische Ziele, sondern vielmehr um Macht, Ansehen und Eitelkeit einzelner Parteifunktionäre, Stammesfürsten und Familienclans. Die beiden wichtigsten Kurdenführer des Irak indessen, Massud Barsani, der Vorsitzende der Kurdistan Democratic Party (KDP), und Dschalal Talabani, Chef der Patriotischen Union Kurdistans (PUK), sind zwar nicht "immer ein Herz und eine Seele", wie Deschner betont, doch eint sie bei aller Rivalität das zusammen ausgearbeitete Konzept zur Verteidigung der Autonomie. Sowohl die territoriale Aufteilung in PUK- und KDP-Regionen als auch die gemeinsam von beiden Parteiführern gesteuerte kurdische Regionalregierung und das Parlament in Erbil, tragen nach Deschner ebenso zum derzeit herrschenden Burgfrieden bei.

Ausführlich diskutiert der Autor die grundsätzlich unter den Kurden umstrittene Frage, inwieweit ein föderales, national begrenztes Autonomiekonzept den Menschen zwar etwas mehr Freiheit bringt, letztlich jedoch die Spaltung des kurdischen Volkes zementiert und den Traum eines kurdischen Einheitsstaates in weite Ferne rückt. Für Deschner freilich geht dieser alte, neue Traum an der politischen Realität der dem Nahen Osten immanenten nationalen, religiösen und wirtschaftlichen Spannungen völlig vorbei. Vielmehr appelliert er an die Führer und Politiker der irakischen Kurden, auf dem "gewachsenen kurdischen Potential" aufzubauen, um so zwischen Träumen und Realpolitik, zwischen Geschichte und Hoffnung, die kurdische Realität zu gestalten: Eine Realität von Freiheit und Unabhängigkeit zunächst im Irak, wegbereitend für die Kurden in der Türkei, im Iran und in Syrien.

Günther Frieß
Riegelsberg

         
       

vendredi, 22 mai 2009

Un seul peuple de frères - l'Etat dans la littérature

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SYNERGIES EUROPÉENNES - Juillet 1988

 

 

 

Un seul peuple de frères - L'Etat dans la littérature

 

 

Peter SCHNEIDER, ”... ein einzig Volk von Brüdern”. Der Staat in der Literatur,  Athenäum, Frankfurt a.M., 390 S., DM 48.

 

 

Le titre de cet ouvrage, c'est la formule du célèbre serment de Rütli, fondateur de la Confédération Helvétique. Etre un seul peuple de frères, tel est le vœu profond de toute nation qui veut for-mer un Etat de citoyens, un Etat fondé sur la volonté commune de tous les citoyens. Dans cette formule, la multiplicité sociale se voit sublimée, les oppositions et les clivages de toutes sortes s'évanouissent dans un néant idéal. Cette aspiration pluriséculaire, qui traverse toute l'histoire européenne, c'est davantage la littérature que la théorie politique qui s'en est fait le véhicule. Schiller, dans son Wilhelm Tell  (= Guillaume Tell) opère de manière optimale la fusion entre unité et pluralité au sein des corps politiques: l'individu-personne possède des droits mais de-meure responsable vis-à-vis du tout; ainsi, sans concept rigide, sans corset juridico-philosophique, dans une langue limpide, s'exprime, par le génie du poète, l'instinct politique européen, idéaliste et faisant ta-ble rase de toutes les corruptions. L'œuvre antonymique, c'est l'épopée médiévale de Reineke Fuchs (le Roman de Renard),  marquée d'esprit satirique. Aucune volonté communautaire, holiste, ne s'y manifeste et il n'y règne que la ruse et la violence. Si Wilhelm Tell  représente l'idéal pur de la psyché politique européenne, Reineke Fuchs  exprime sa désillusion, sublimée en satire. Entre ces deux pôles a émergé une quantité de variantes, démontre Schneider: chez Kafka, il perçoit une désillusion noire qui a la nostalgie de l'amitié, manifestation de pro-xi-mité humaine, et aspire à une nouvelle union de la ratio et de la voluntas.  Les réflexions de Schneider se poursuivent sur Jerry Cotton, James Bond, Ernst Jünger, Anna Seghers, Friedrich Dürrenmatt et Albert Camus (Robert STEUCKERS).

 

jeudi, 21 mai 2009

Encerclement de l'Iran (6/6) + Bibliographie

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L’encerclement de l’Iran à la lumière de l’histoire du “Grand Moyen-Orient” (6/6)

par Robert STEUCKERS

L’Iran d’hier et d’aujourd’hui: un obstacle à l’émergence d’un “Grand Moyen Orient” sous domination américaine

Ces réflexions, issues des mémoires de Houchang Nahavandi, nous permettent, enfin, d’énoncer notre deuxième batterie de conclusions.

◊ L’encerclement de l’Iran a pour objectif d’éliminer le dernier obstacle sur la voie de la constitution du marché commun du “Grand Moyen-Orient”. L’Iran en est en même temps la pièce centrale, le centre territorial d’une périphérie qui, au cours de l’histoire, a été plus ou moins influencée par la “civilisation iranienne”. On parle aussi de “Nouvel Orient énergétique” dans la littérature géopolitique et géo-économique actuelle. Avec, en plus, la Corne de l’Afrique (Somalie, Ethiopie, Kenya), cette région correspond à l’USCENTCOM, soit le Commandement américain du “Centre” de la masse continentale eurasiatique, entre le territoire où s’exerce l’USEUCOM, Commandement américain en Europe et en Afrique, et celui de l’USPACOM, le Commandement américain du Pacifique, qui s’étend de l’Inde à la Nouvelle Zélande et de l’Australie au Japon. Dans le Vieux Monde, le “Grand Moyen-Orient” ou “Nouvel Orient énergétique” constitue bien le centre géographique et géostratégique du grand continent “eurafricasien”, dont l’Iran est l’une des pièces maîtresses, constituant de la sorte un espace charnière. La création d’un marché commun dans cette zone, qui servira essentiellement de débouché pour l’industrie américaine en perte de vitesse, qui en fera un nouvel espace de chasse jalousement gardé et en excluera impitoyablement tous autres partenaires, y compris les “alliés” européens, japonais ou indiens. Cette exclusion de tous se devine déjà clairement quand on voit le sort qui a été fait aux deux projets successifs de diversification, émis par les deux Shahs de la dynastie Pahlavi, et elle se constate quand on voit avec quelle célérité les firmes européennes ont été évincées de tous les marchés de reconstruction de l’Irak.

Les bases américaines de l’USCENTCOM encerclent donc l’Iran aujourd’hui et préparent sinon son invasion, du moins son étouffement lent. Notons, à la lumière de l’histoire pluri-millénaire de l’Iran, que l’USCENTCOM occupe précisément tous les territoires dont les empires perses successifs ou les empires non perses maîtres de l’Iran, avant ou après l’Islam ont eu besoin afin de s’assurer un équilibre stratégique ou des frontières “membrées” (pour reprendre la terminologie de Vauban et Richelieu): 1) la Transoxiane, qui correspond à l’Ouzbékistan actuel (avec toutefois un ressac récent, encaissé par les Américains: l’expulsion de la base de l’USCENTCOM en Ouzbékistan à la suite d’une campagne de dénigrement contre le président et le pouvoir ouzbeks, orchestrée par les grandes agences d’Outre-Atlantique); 2) l’Afghanistan, prolongement pré-himalayen et iranophone des empires du plateau iranien, auquel l’Iran récent n’a jamais renoncé (le dernier Shah le souligne, de manière évidente et en caractères gras, dans sa “réponse à l’histoire”, réf. infra); 3) les Américains campent également en Irak, soit dans cette Mésopotamie dont le contrôle a fait la puissance de tous les empires perses et qui était l’enjeu du conflit entre Rome et les Parthes. Dans un tel contexte, l’Iran est condamné à un lent étouffement, à une stagnation irréversible qui génèrera des troubles intérieurs, qui seront immédiatement exploités, amplifiés et répercutés.

L’Iran: éliminé en deux temps – un projet programmé depuis longtemps

◊ L’Iran est l’objectif d’une stratégie de longue haleine, qui s’est déployée en deux temps: d’abord par l’élimination du Shah, de sa politique d’émancipation, d’industrialisation, de diversification commerciale et énergétique (déjà le nucléaire!), d’indépendance nationale et diplomatique, de rayonnement dans l’Océan Indien (jusqu’en Australie) et de sa marine de guerre (aussi modeste ait-elle été face à la colossale puissance maritime américaine). Pour éliminer cet autocrate avisé, on a monté une révolution de toute pièc, en appuyant tous les illuminés marxistes et autres et en sortant du placard un vieux leader religieux démonétisé et inculte. Pour mener à bien cette opération, on a mobilisé tout l’appareil médiatique occidental: du New York Times où Richard Falk décrivait, avec ce lyrisme coutumier des machines propagandistes américaines, l’humanisme de Khomeiny (Piccolomini et Erasme, Mélanchton et von Hutten doivent se retourner dans leurs tombes!), à un Professeur James Cockraft de la Rutgers University qui prévoyait, sous la houlette de Khomeiny, une ère de “liberté totale” et de “multipartisme”, au Sénateur démocrate Edward Kennedy (le frère de l’autre) qui décrivait le Shah comme le pire monstre ayant traîné ses godasses sur notre pauvre vieille terre; d’autres figures entrent dans la danse: le Sénateur Church mène campagne contre l’Iran. George Ball se rend à Téhéran pour exhorter tous les ennemis du Shah à le combattre. En même temps, les Etats-Unis, Israël et la Grande-Bretagne refusent de vendre des matériels anti-émeute à l’Iran, condamnant les forces de police impériales à l’impuissance. Les ondes sont mobilisées: la Voix de l’Amérique, la Voix d’Israël et surtout la BBC se mettent au service de l’opposition au Shah: ce sont ces radios-là qui assurent la logistique des émeutiers en transmettant les ordres des opposants et des mollahs, en donnant heures et lieux des manifestations contre le régime et pour Khomeiny. Le Général Huyser, commandant en chef adjoint des forces de l’OTAN, est envoyé en Iran pour une mission d’urgence: demander au Shah de déguerpir et neutraliser l’armée iranienne. Une fois le monarque parti sous la pression de Huyser, les officiels américains Richard Holbrooke, Leslie Gelb et Anthony Lake rédigent un rapport, dans lequel il est écrit: “Nous avons acquis la certitude que le système de gouvernement théocratique adopté par Khomeiny était de bonne augure pour les intérêts américains” (cité par H. Nahavandi, pp. 199-200).

L’objectif des Américains, en installant une théocratie qu’ils ne prenaient pas au sérieux, était de freiner et d’arrêter le programme militaire autonome de l’Iran, afin que celui-ci ne devienne pas une puissance régionale sur le “rimland” de l’Océan Indien, dans une région qui avait été impériale dans l’antiquité et était de toute évidence prédéstinée à jouer ce rôle, et dont l’influence s’était étendue sur la frange méridionale de la “Terre du Milieu”, décrite par MacKinder dans ses traités de géopolitique. Mieux: l’Iran avait toujours reçu des impulsions constructives de cette périphérie centre-asiatique conquise dès la proto-histoire par les peuples cavaliers indo-européens, dont les cosaques des tsars pouvaient se poser comme les héritiers légitimes. Si l’Iran du Shah Mohammad Reza Pahlavi se dotait d’une armée, qui deviendrait ipso facto la sixième du monde, l’impérialité persane antique pouvait ressusciter et s’allier au plus offrant. Le risque était énorme. Il fallait l’éliminer. Houchang Nahavandi rappelle que l’armée a tenté d’ailleurs de s’opposer à la prise du pouvoir par les théocrates islamistes, y compris une partie du clergé chiite, dont l’Hodjatoleslam Béhbahani, qui arrangua les 300.000 manifestants du 25 janvier 1979, accourus pour témoigner leur solidarité avec l’empereur. Béhbahani sera assassiné quelques jours plus tard. En effet, tout le clergé chiite, exposant d’une religiosité islamo-persane de grande profondeur mystique et historique, n’a pas suivi la révolution islamiste: l’Ayatollah Sayed Kazem Shariat-Madari appelle le Shah et l’armée à la fermeté. Sa position dans la hiérarchie chiite est si élevée qu’il ne sera pas assassiné tout de suite. Il sera arrêté en 1982, torturé, exhibé à la télévision. Il mourra en 1986 sans jamais avoir pu se faire soigner par un médecin de son choix.

Les figures étranges du premier “Conseil de la Révolution islamique”

Houchang Nahavandi note que dans le premier “Conseil de la Révolution Islamique” figurait Mustafa Tchamran, qui possédait la double nationalité, américaine et iranienne, qui fondera les services secrets de la république islamique, puis exercera les fonctions de ministre de la défense. Autant de positions clefs! Il sera assassiné ultérieurement par, dit-on, des “agents contre-révolutionnaires” ou des inconnus posés comme “agents irakiens”. Les auteurs de l’assassinat n’ont jamais été retrouvés. Un hasard? Mieux: Ibrahim Yazdi est aussi un Américano-Iranien. Il devient vice-premier ministre, puis ministre des affaires étrangères du cabinet Bazargan. C’est lui qui présidera les tribunaux révolutionnaires, sera responsable de l’élimination des militaires (généraux Rahimi, à qui il fit couper une main avant son exécution, Pakravan, Moghadam, Khosrodad, Nassiri et Nadji) et de son prédécesseur Abbas Khalatbari, ministre des affaires étrangères des cabinets Hoveyda et Amouzegar. Ce personnage est toujours en vie. Il a éliminé des témoins gênants. Mieux encore: Houchang Nahavandi rappelle que les membres effectifs des conseils secrets ne sont pas connus: parmi eux, combien d’Américano-Iraniens? Autre fait troublant: le nombre ahurissant de ces membres du premier conseil qui ont été assassinés, sans que l’on ne découvre jamais les auteurs de ces éliminations, tous supposés “contre-révolutionnaires”. Houchang Nahavandi rappelle aussi que “plus de 1200 officiers et sous-officiers ont été mis à mort par les révolutionnaires, souvent sans même une parodie de justice (…). 400 autres, presque tous de l’armée de l’air, ont été massacrés deux ans plus tard après la découverte d’un projet de coup d’Etat; dont 128 pilotes brevetés au cours des quarante-huit heures qui ont suivi cette découverte. L’une des plus puissantes et plus performantes aviations militaires du monde fut ainsi réduite à presque rien. Huit mille autres officiers et sous-officiers ont été rayés des cadres sans aucune indemnité”.

Un procédé avéré depuis la révolution française

◊ La deuxième étape de l’élimination de l’Iran se déroule selon un procédé avéré depuis la révolution française. L’historien Olivier Blanc nous a rappelé, dans Les hommes de Londres. Histoire secrète de la Terreur (Albin Michel, 1989), que les services secrets britanniques de Pitt, avaient fomenté des dissensions à l’infini en France, soutenant tout à la fois des royalistes et des républicains extrémistes, afin que règne le chaos dans un pays qui devait être complètement désorganisé, afin de devenir totalement impuissant et surtout de ne plus avoir assez de fonds pour bâtir une flotte et dominer les mers. D’autres diront que les révolutions russes de 1905 et de 1917 ont des origines similaires. Si le pays, visé par une telle stratégie, se rétablit, on participera à toutes les coalitions contre lui. La révolution iranienne entre parfaitement dans ce schéma, correspond à ce “modus operandi”. Le rétablissement d’un nouvel ordre politique, à références “révolutionnaires” permet alors de démoniser le pays: ce fut le cas de la France révolutionnaire et napoléonienne; ce fut le cas de la révolution mexicaine de Pancho Villa (d’abord décrit comme un “sauveur” puis comme un “monstre”); ce fut le cas de la révolution bolchevique. L’Iran n’échappe pas à la règle. Mais l’illégitimité du nouveau pouvoir, républicain en France, bolchevique en Russie, islamiste en Iran, ne lui procure pas la stabilité voulue: il existe des leviers, par le biais de contre-révolutionnaires et de mécontents, pour disloquer sa cohésion, pour entretenir le dissensus, pour le miner de l’intérieur; on peut lui appliquer les techniques du boycott, du blocus ou de l’embargo. On met des bâtons dans les roues de sa diplomatie, on le dénigre dans les chancelleries. Les machines médiatico-propagandistes peuvent dès lors fonctionner à fond et entretenir systématiquement une attitude de réprobation à l’endroit du pays visé. Personne ne se dresse pour le défendre, sans éveiller des méfiances rédhibitoires. Parce que beaucoup de situations de fait inacceptables, beaucoup de faits accomplis relevant de l’arbitraire, beaucoup de déclarations et de proclamations insoutenables, empêchent de le défendre intelligemment.

Tel est le sort de l’Iran, aujourd’hui, au beau milieu du territoire dévolu à l’USCENTCOM. Après la conquête américaine de l’Afghanistan et de l’Irak, l’Iran sait qu’il doit se doter de l’arme nucléaire pour éviter le même sort, bien que l’immensité de son territoire et les effectifs limités de l’US Army le met à l’abri d’une occupation similaire. Les Etats-Unis ne disposent pas vraiment d’alliés dans la région, prêts à s’embarquer dans l’aventure et qui demanderaient des compensations que Washington ne peut offrir, car les Etats-Unis veulent conserver tous les avantages du pays envoyé au tapis pour eux, comme en Irak. Le risque que court l’Iran est d’être étouffé par des blocus et des embargos, tout en subissant des bombardements au départ des bases de l’USCENTCOM. Ces bombardements et ces blocus viseraient à meurtrir profondément la population civile dans sa vie quotidienne, à susciter chez elle une lassitude face au pouvoir islamiste, à provoquer à moyen ou long terme une révolution intérieure, où des éléments disparates —anciens communistes, partisans nostalgiques des Pahlavi, démocrates occidentalistes, minorités ethniques sunnites— entreraient en rébellion ouverte contre le pouvoir islamiste-chiite de Téhéran et d’Ahmadinedjad.

L’Europe ne peut accepter une élimination de l’Iran en tant que nation indépendante

Malgré la réprobation que peut susciter la révolution islamiste, surtout du fait qu’elle a été une fabrication américaine, l’Europe ne peut toutefois accepter une élimination de l’Iran en tant que nation indépendante, autorisée à déterminer sa politique étrangère et son commerce extérieur. Quel qu’en soit le régime. L’Iran est un débouché pour l’Europe et un fournisseur éventuel de pétrole. Il aurait donc mieux valu conserver les relations économiques qui existaient du temps du Shah. Et conserver le maximum de relations commerciales avec le pouvoir islamiste, de façon à occuper le terrain avant tous nos concurrents. L’Europe ne doit pas agir sous la dictée des médias, en apprence indépendants, mais qui obéissent aux injonctions d’une politique étrangère toujours programmée de longue date. Au contraire, Armin Mohler nous enseignait de prendre toujours le contre-pied des programmes d’action induits par la propagande médiatique américaine. Si les Etats-Unis décrètent tel ou tel pays “infréquentable”, ce doit être une raison supplémentaire pour le fréquenter et entretenir avec lui de bonnes relations. Si une telle politique, qualifiable de gaullienne et, mieux, de “mohlerienne”, avait été suivie en 1978-79, le Shah serait resté en place: la sidérurgie européenne en aurait tiré profit et n’aurait pas connu la banqueroute; nous y aurions vendu des armes et des équipements civils, des avions et des navires. Nous aurions pu en investir les bénéfices dans de nouvelles technologies. Nous venons de perdre l’Irak, où les firmes françaises, allemandes et russes ont été exclues du marché, de même que l’agro-alimentaire danois, malgré l’alignement de Copenhague sur la politique de Washington; la cabale des caricatures de Mahomet, bien orchestrée via tous les médias du globe, a exclu l’agro-alimentaire danois, très performant, de tout le futur “Grand Moyen-Orient”. Nous ne pouvons donc pas nous permettre de perdre l’Iran de la même façon. Ce serait nous couper pour longtemps d’une région importante du monde et ce serait un ressac terrible pour notre économie.

Il reste à espérer que Moscou et Beijing s’opposeront à toute intervention américaine en Iran. Il n’y a rien à attendre de l’Europe d’aujourd’hui. L’axe Paris-Berlin-Moscou n’a été qu’un espoir. Nos dirigeants n’ont pas été à la hauteur de ce projet, mais il fallait s’y attendre. Cependant, pour ceux qui ont encore la volonté et l’honneur de s’insérer dans la continuité de l’histoire européenne, l’Iran demeure l’espace du premier empire de facture indo-européenne, un espace qui a amené les langues et la culture européennes jusqu’à l’Indus et au Gange, et, si l’on tient compte des peuples de cavaliers proto-iraniens, jusqu’au Tarim et sans doute jusqu’au Pacifique voire jusqu’au Japon. De l’Ecosse au Bengale. Des Pyrénées au Pacifique. Une mémoire qui oblige. Devrait obliger. Que nous voulons honorer. L’unité stratégique de cet espace nous donnerait à tous la puissance, nous redonnerait les rênes du monde.

Robert STEUCKERS,
Forest-Flotzenberg / Nancy, novembre 2005.

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Ouvrage paru après la première composition de cet article:

- Jean-Paul ROUX, Histoire de l’Iran et des Iraniens. Des origines à nos jours, Fayard, Paris, 2006.

 

mercredi, 20 mai 2009

Pirateria e Impero

Piratería e Imperio

La actual “guerra contra la piratería,” que se extiende a los tribunales kenianos y estadounidenses después pasar meses hirviendo a fuego lento ante las costas de Somalia, es sólo la última en una larga serie de acciones de EE.UU. al servicio del imperio contra protagonistas no-estatales. La “Guerra Global contra el Terror,” que el gobierno de Obama reemplazó recientemente por el término más vago de “operaciones de contingencia en ultramar,” justificó un aumento en gran escala de los gastos militares, dos grandes intervenciones, y llamados explícitos a que EE.UU. mantenga su poderío sin igual. Al poner en peligro los puntos neurálgicos marítimos del mundo, los piratas emergen como la última amenaza no-estatal: los terroristas de los mares.

Sin embargo, no es una historia nueva. Hace doscientos años, los piratas de Barbería llevaron a los primeros gastos militares de importancia en la historia pos-revolucionaria de EE.UU. y aumentaron el perfil del Cuerpo de Marines de EE.UU. Después de los ataques del 11-S, los conservadores utilizaron comparaciones forzadas entre esos piratas y al-Qaeda como justificación para invadir Afganistán y lanzar una guerra global contra el terrorismo.


Hubo piratas presentes en la creación del imperio de EE.UU. ¿Han vuelto para el acto final del imperio?

Los neoliberales y los neoconservadores tienen diferentes respuestas a esta pregunta.

El mito del guerrero renuente

Según un agradable mito liberal excepcionalista, EE.UU. siempre ha defendido la democracia en el extranjero y ha renunciado a primeros ataques militares. George Washington, quien estableció un ejemplo al renunciar a su cargo militar para convertirse en el primer presidente civil del país, recomendó la neutralidad en la política exterior del nuevo país. Como tema utilizado por Jefferson en su advertencia contra “alianzas enmarañadas,” la neutralidad de los Padres Fundadores inspiró un siglo de subsiguientes aislacionistas. En el Siglo XX, EE.UU. entró a dos guerras mundiales sólo cuando fue provocado (el Lusitania, Pearl Harbor), y libró las guerras de Vietnam y Corea no para conseguir ventajas territoriales o por ambición imperial sino para defender a todo el Mundo Libre de una creciente mancha roja.

Las recientes guerras en Afganistán e Iraq pueden ser reempaquetadas para que se ajusten a esa narrativa inofensiva. Lanzamos la guerra contra los talibanes sólo después de que nos atacaron el 11 de septiembre. Luego apuntamos (inicialmente) a Sadam Husein por sus vínculos con el terrorismo, la amenaza (después) de sus armas de destrucción masiva, y (finalmente) por su verdaderamente atroz historial de violaciones de derechos humanos. En los tres casos, fuimos guerreros renuentes y combatimos por cuenta de otros, por razones altruistas de seguridad general o de democracia iraquí. En la más amplia Guerra Global contra el Terror, según la doctrina Bush, EE.UU. combate a terroristas en el extranjero para que no tengamos que combatirlos en nuestro suelo. La guerra “preventiva”, aunque pueda parecer imprudente y agresiva, es en los hechos prudente y defensiva. Como guerreros renuentes, loa estadounidenses son en última instancia hijos de George Washington.

Es un hermoso cuento de hadas para contarlo a niños a la hora de acostarse o a la ONU en tiempos de guerra. Pero, patrocinadores de la Guerra Global contra el Terror, incómodos con la visión de EE.UU. como pacífico excepto cuando es provocado, construyeron una contra-narrativa para servir sus propios propósitos. Para justificar una agenda bastante poco liberal – la adopción de masivos aumentos de los gastos militares, la suspensión de leyes internacionales como las Convenciones de Ginebra y la Convención de la ONU contra la Tortura, la perpetración de violaciones generalizadas de las libertades cívicas dentro del país – los neoconservadores prefirieron una narrativa con más testosterona. Ni siquiera se avergonzaron al utilizar la palabra “imperio.” Su contra-narrativa ha rastreado la historia intervencionista de EE.UU. desde el comienzo del imperio estadounidense hasta fines del Siglo XIX pasando por la construcción del “Siglo Estadounidense” durante la Guerra Fría. Esa desenfadada adopción del imperio suministra el elemento crítico – el thymós o el deseo y el esfuerzo y por lograr reconocimiento – cuya defunción fue lamentada por Francis Fukuyama en el fin de la historia. Los nostálgicos por la era del imperio reconocen que el mundo tiende hacia una inmensa democracia uniforme de mercado. Pero siguen existiendo por ahí diversas fuerzas antidemocráticas y anticapitalistas – vestigios comunistas como Cuba, potencias autoritarias como China, líderes dictatoriales como Robert Mugabe de Zimbabue, y la junta de Myanmar – y los facilitadores de la “Vieja Europa” carecen de las agallas para resistir a toda esa tiranía. Sólo el coraje y el poder de fuego pueden restaurar el thymós a su lugar de honor en el desarrollo de la historia del mundo.

La historia convencional de la expansión de EE.UU. en el extranjero se ha concentrado en que habría repelido a otros imperios y naciones-estado: españoles, soviéticos, vietnamitas, norcoreanos. Perceptiblemente ausentes en esa lista, excepto por un breve período durante el gobierno de Reagan, han quedado los protagonistas no-estatales y el mundo musulmán. Como tal, la campaña inspirada por los ataques del 11-S pareció ser un desvío en la historia de EE.UU.: una reacción sin precedentes a un evento sin precedentes. La Guerra Global contra el Terror se exponía a parecer no-estadounidense en su singularidad. Después de todo, ¿no fueron las Cruzadas algo europeo? ¿No fue el terrorismo un problema local para Londres, Madrid, Moscú, y Beijing? ¿No eran los Estados totalitarios los que libraban guerras globales?

De modo que, después de que decreció el choque inicial de los ataques del 11-S, los arquitectos de la nueva campaña de contraterrorismo se apresuraron a establecer una continuidad histórica. Para sustentar lo que se convertiría en la campaña militar más cara de la historia de EE.UU., era importante fabricar una genealogía – tal como la familia de un nuevo rico construye un escudo de armas falso para establecer un orgulloso y aristocrático linaje. La Guerra Global contra el Terror tenía que convertirse en una expresión esencial del destino de EE.UU. en lugar de ser un desvío del camino hacia una economía liberal de mercado global.

De esta manera, los propugnadores de la guerra global contra el terror descubrieron a los piratas de Barbería. A fines del Siglo XVIII y comienzos del XIX, EE.UU. mantuvo un conflicto de dos décadas de duración contra varios Estados a lo largo de la costa norafricana. La campaña inspiró la expansión de los Marines y la creación de la moderna Armada de EE.UJU. En días de debilidad general de EE.UU. – luchando con poco éxito contra los franceses y los británicos – las guerras de Barbería constituyeron un raro éxito para la joven república. Fue, en breve, una historia predispuesta para ser abusada: una guerra contra terroristas musulmanes antes de los hechos que resultó en una victoria militar de EE.UU. y un temprano triunfo del libre comercio.

La interpretación errónea de este episodio en la historia de EE.UU. es muy reveladora sobre los objetivos de la guerra global contra el terror. Y sirve como punto de salida útil para una consideración del futuro de la disputa entre los neoliberales y los neoconservadores sobre la trayectoria del poder global en lo que Thomas Friedman ha llamado una “era de piratería.”

Un paralelo pirata forzado

Los propugnadores de una Guerra Global contra el Terror no tuvieron que buscar mucho en los libros de historia después del 11-S para encontrar lo que necesitaban. Thomas Jewett, en la edición de invierno/verano de Early America Review, escribió que el 11-S “no es el primer conflicto en el que EE.UU. ha enfrentado semejantes ofensas contra la vida y la propiedad. Hubo otra época en la que se determinó que la diplomacia no sería sólo fútil, sino humillante y a la larga desastrosa. Una época en la que un rescate o tributo no compraría la paz. Una época en la que la guerra era considerada más efectiva y honorable. Y una época en la que la guerra se libraría, no contra grandes concentraciones de poderío militar, sino por pequeñas bandas formadas por individuos de espíritu indomable. Hace casi 180 años nuestro joven país atacó Trípoli bajo circunstancias que son extrañamente similares a los tiempos contemporáneos.”

Los panfletistas identificaron rápidamente los paralelos religiosos. Rick Forcier, director ejecutivo de la Coalición Cristiana del Estado de Washington, escribió en noviembre de 2001 sobre el terrorismo: “Es bastante antiguo, y así es su empleo por fundamentalistas islámicos, quienes durante siglos, han atacado con bombas, secuestrado, raptado, asesinado y extorsionado para difundir su religión y la gloria de su dios Alá. Conocidos en el pasado como ‘piratas de Barbería,’ los terroristas hicieron que el mundo de otrora temblara ante el pensamiento de ser capturado en alta mar y ser muerto o vendido a los traficantes de esclavos de Timbuktú.”

El periodista conservador Joshua London también tocó el tema de la Guerra Santa. Escribiendo en The National Review, opinó: “Aunque hay mucho en la historia de las guerras de EE.UU. contra los piratas de Barbería que es de relevancia directa con la actual guerra global contra el terrorismo, un aspecto parece ser particularmente instructivo para informar nuestro entendimiento de los asuntos contemporáneos. Dicho de modo muy simple, los piratas de Barbería eran musulmanes comprometidos, militantes, que insistían en hacer exactamente lo que decían.”

Sólo un mes después del 11-S, la derivación de paralelos era suficientemente significativa como para justificar un artículo del Washington Post que destacó los puntos de vista de numerosos historiadores sobre el tema. Entre los citados estaba el profesor de derecho de la Universidad George Washington, Jonathan Turley, quien utilizó explícitamente la analogía histórica en su recomendación al Congreso. “Invocó el precedente de los piratas de Barbería, diciendo que EE.UU. tenía pleno derecho a atacar y destruir a la dirigencia terrorista sin declarar la guerra,” informó el artículo.

Tres años después, cuando el entusiasmo por la Guerra de Iraq seguía siendo fuerte en las filas conservadoras, Christopher Hitchens escribió una apología de alto perfil de Thomas Jefferson y su tratamiento de los piratas de Barbería en la revista Time. El punto de partida para Hitchens fue el carácter definitivo de Jefferson. “Considerado en conjunto con algunas otras acciones ambiciosas y casi-constitucionales de Jefferson – la Compra de Luisiana y el envío de la expedición de Lewis y Clark al Oeste – la guerra de Barbería lo expuso a algunas críticas federalistas y en los periódicos por su secretismo, su prepotencia y su estilo exageradamente ‘presidencial.’ Pero no fue posible argüir contra el éxito,” escribió en una obvia reverencia hacia el gobierno de Bush.

En su minería de la historia estadounidense, periodistas, historiadores, y activistas conservadores encontraron las pepitas que buscaban: las humillaciones de la diplomacia, la importancia de demostraciones individuales de valor (¡el thymós!), las contribuciones de un poderoso presidente, y la perfidia militante de los musulmanes. Este establecimiento de paralelos entre los talibanes y al-Qaeda por una parte y los piratas de Barbería por la otra logró varios objetivos. Primero, estableció que los propios Padres Fundadores de EE.UU. habían ido a la guerra contra terroristas islámicos, dando a la guerra global contra el terror un pedigrí indiscutible. Segundo, reveló que desde el comienzo, el apaciguamiento en la forma de diplomacia estéril y del pago a chantajistas era poco efectivo, y que sólo una enérgica reacción militar podía asegurar la victoria. Tercero, esas batallas necesitaban nuevos enfoques (guerra preventiva) y nuevas capacidades (una armada expandida, una guerra centrada en la red). Finalmente, no se trataba de un simple conflicto local sino de una guerra global entre fundamentalistas retrasados y los que defendían el vigor de la ley.

Los mismos temas reaparecieron en una más reciente vinculación de la reacción del gobierno de Obama frente los piratas somalíes con el enfoque de Jefferson ante los piratas de Barbería. Los piratas somalíes son musulmanes y vinculados a fundamentalistas, el apaciguamiento no funciona, y la guerra es la respuesta. Y los expertos utilizan a los piratas como argumento a favor de una transformación de las capacidades del Pentágono. La asociación de piratas y terroristas es tan poco probable hoy en Somalia como lo fue en la histórica malinterpretación de las guerras de Barbería.

El “descubrimiento” de los piratas de Barbería es casi demasiado bueno como para ser verdad – como si un activista contra el aborto descubriera un dictamen desapercibido de la Corte Suprema del Siglo XVII sobre la concepción como inicio de la vida. Al proyectar sus prejuicios hacia el pasado, los neoconservadores deformaron la historia para que sirviera sus intenciones. Por cierto hay paralelos entre las Guerras de Barbería y los conflictos actuales. Pero no son los paralelos aprovechados por Jewett, London, y otros.

La verdadera historia del contraterrorismo

A pesar de las interpretaciones de los neoconservadores, las guerras de Barbería no tuvieron que ver con la religión. Los Estados del Norte de África, distantes tributarios del Imperio Otomano, no eran califatos islámicos sino gobiernos seculares dirigidos por un dey y sus jenízaros turcos. Clérigos musulmanes controlaban la esfera eclesiástica pero tenían poco poder político real. Además, los ataques contra los barcos comerciales no tenían nada que ver con el yihad. Más bien, excluidos de los mercados europeos, Argel, Trípoli y Marruecos se volvieron a la piratería para sobrevivir económicamente. EE.UU., en el intertanto, no inició una guerra santa contra esos Estados. En su lugar, estaba librando la Guerra Revolucionaria a posteriori a fin de conseguir mercados abiertos para productos estadounidenses. Fue, como argumentó Thomas Paine en “Common Sense,” una clave para la supervivencia de un país recientemente independizado. Pero Gran Bretaña no dio la bienvenida al recién independizado EE.UU. en sus mercados. Peor todavía, los británicos lanzaron a los piratas de Barbería contra la navegación comercial de EE.UU. en el Mediterráneo. Lo que algunos intérpretes contemporáneos ven como una temprana confrontación entre Occidente y el Resto – un prototipo para el choque de civilizaciones – fue en realidad la continuación de una batalla entre EE.UU. y sus rivales europeos.

Sin embargo, existen algunos paralelos útiles entre entonces y ahora. Por ejemplo, los Padres Fundadores identificaron rápidamente a sus oponentes de Barbería como piratas y negreros. Pero los británicos interpretaron las incursiones realizadas por John Paul Jones durante la Guerra Revolucionaria como poco más que piratería. La piratería, como el terrorismo, depende del punto de vista del observador. En cuando a la esclavitud, EE.UU. era en esos días el centro de la trata de esclavos. La hipocresía del trato por los Estados de Barbería de un par de cientos de marineros estadounidenses – cuando los negreros estadounidenses había llevando cientos de miles de esclavos africanos – no fue percibida por la mayoría de los comentaristas de la época (con la notable excepción de Benjamin Franklin).

Se puede encontrar un paralelo más pertinente en la esfera militar. A fines del Siglo XVIII, EE.UU. carecía de fuerzas armadas que se pudieran enfrentar frente a frente con las potencias europeas, mucho menos con la flota de Barbería. Muchos Padres Fundadores consideraban que una armada permanente era una amenaza para la libertad. Era costosa y, con el fin de la Guerra Revolucionaria, no existían razones compulsivas para gastar dinero en la construcción de barcos de guerra. James Madison recomendó que EE.UU., en una temprana versión de la Seguridad Interior, se concentrara en la defensa de las líneas costeras. En 1794, sin embargo, el Congreso rechazó los argumentos de Madison y Jefferson y aprobó legislación, firmada por el presidente Washington, para la construcción de seis fragatas. Los propugnadores de la ley utilizaron a los piratas de Barbería como justificación explícita para ese fuerte aumento en los gastos militares, pero sin duda también pensaban en las flotas de Gran Bretaña y Francia.

Había, sin embargo, una cláusula interesante en la ley: “Si llegara a haber paz entre EE.UU. y la Regencia de Argel, no habrá actuaciones ulteriores bajo esta ley.” Después, EE.UU. firmó un tal tratado con Argel. Washington invocó esa cláusula en 1796 para reducir los desembolsos navales. Pero incluso entonces, cuando el complejo militar-industrial estaba en su nadir histórico, hubo preocupaciones sobre el desempleo en el sector de la defensa. De modo que, en un compromiso, la temprana república siguió adelante con la construcción de tres barcos.

La guerra que terminó por acontecer entre EE.UU. y primero Trípoli, y luego Argel, estableció muchos de los mitos fundadores de las hazañas militares de EE.UU. (las hazañas de Stephen Decatur), nuevos tipos de guerra (misiones militares secretas), y la vinculación de la intervención en el extranjero con el comercio. En otras palabras, los neoconservadores del Siglo XXI recibieron una cierta mitología prefabricada en la cual basarse. Todo lo que necesitaban era vincular a los piratas de Barbería con al-Qaeda. Eso precisaba que se convirtiera a los agentes de gobiernos seculares con limitados objetivos económicos en musulmanes terroristas con los más amplios objetivos ideológicos. De esta manera, una guerra de EE.UU. contra el terrorismo islámico adquiriría la distinción de un antiguo interés nacional.

Piratería y globalización

Cuando EE.UU. declaró la Doctrina Monroe en 1823, sólo ocho años después del fin de la Guerra Argelina, tenía el deseo, pero no la capacidad, de mantener a sus rivales europeos fuera del Caribe y de Latinoamérica. Fueron las guerras contra los Estados de Barbería – y ciertamente no la desastrosa guerra de 1812 – lo que había dado a EE.UU. la confianza necesaria para desafiar a los imperios europeos. Esos tempranos conflictos suministraron a EE.UU. la retórica y la visión de un imperio comercial cuando EE.UU. no era más que un simple páramo.

La noción de que EE.UU. pudiera mantenerse fuera de guerras y de las sucias complicaciones de la política imperial europea se acabó durante los conflictos de Barbería. El crecimiento económico de EE.UU. dependía del libre comercio, y los barcos de guerra de EE.UU. eran necesarios para mantener abiertas las líneas de navegación. Cuando Thomas Friedman escribió sobre la importancia de McDonnell Douglas para la seguridad de los restaurantes McDonald’s – el puño de hierro de los militares tras la mano invisible del mercado – heredó esa tradición de lógica imperial. Es también el espíritu que animó la visión geoeconómica de Bill Clinton de mantener el poder económico de EE.UU. mediante la conservación del poder militar de EE.UU., que he llamado en otro contexto “globalización de cañonera.”

Con la presidencia de Barack Obama, sobreviene una cierta versión resucitada del enfoque de Clinton. Se deja de lado toda el habla de imperio, en la que los adversarios son derrotados definitivamente, y viene el arte de la hegemonía, en el que aliados y adversarios de EE.UU. son persuadidos para que vean la confluencia de sus intereses y de los intereses de EE.UU. Obama sigue comprometido con unas inmensas fuerzas armadas – está redistribuyendo tropas de Iraq a Afganistán, aumentando la cantidad de soldados en 92.000 hombres, y manteniéndose “a la ofensiva” de Djibouti a Kandahar” – incluso mientras promete utilizar su pericia persuasiva con los dirigentes de Irán, Corea del Norte, y Venezuela. Obama ha prometido echar marcha atrás en algunos de los aspectos más ofensivos de la Guerra Global contra el Terror (Centro de detención de Guantánamo, la tortura) pero el marco general será mantenido bajo la designación AfPak. Mientras tanto, el nuevo presidente se concentrará en la expansión del poder económico global de EE.UU. como parte de un intento de reanimar la moribunda economía del país.

En este entorno neoliberal reanimado, al-Qaeda seguirá siendo el mismo importante “otro” que constituyeron los Estados de Barbería en el Siglo XVIII: una excusa útil para nuevos gastos militares y la proyección de la fuerza. Pero ahora se le suman otros herederos más directos del manto de Barbería: los piratas de Somalia. Esos piratas atacan la sangre vital misma de la globalización – los barcos que transportan energía y bienes por el Canal de Suez – tal como los piratas de Barbería bloqueaban la intención del temprano EE.UU. de convertirse en un protagonista económico global. Como parte de su propia transformación después de la Guerra Fría, la Armada está alejando su estrategia de la custodia de alta mar al control de las líneas costeras. Ya ha tenido una importante confrontación con China (relacionada con el USNS Impeccable). Pero ante las inversiones de China en la economía de EE.UU., los piratas representan una justificación más segura para este cambio de dirección.

Los terroristas en tierra y en el mar son útiles de otra manera. Precisamente porque no son Estados sino entidades dispersas, los piratas y los terroristas pueden servir mejor para justificar tanto una guerra global como una nueva doctrina militar. El Pentágono ha insistido en costosos, pero bastante anticuados, sistemas de armas para encarar la creciente amenaza de China: portaaviones de tecnología avanzada, inmensos destructores navales, y nuevos submarinos nucleares. Una amenaza dispersa, mientras tanto, requiere una defensa dispersa: Bases militares de EE.UU. (reconfiguradas como “hojas de nenúfar” [ciudades flotantes], tanto mejores para salirse de ellas), unidades de reacción rápida, nuevas capacidades de C4 (comando, control, comunicación y computadores). También justifica una nueva doctrina militar que subraya la rapidez por sobre la posición. Obama ha apoyado esos cambios. Permitirán al Pentágono que reaccione rápido ante amenazas a los intereses económicos de EE.UU., sean ataques paramilitares contra oleoductos en el Golfo de Guinea y Colombia, disputas territoriales que afecten rutas de navegación en el Sudeste Asiático, o piratas en los Estrechos de Malaca.

El fin de la Guerra Fría creó una crisis de misión para la OTAN. ¿Para qué era necesaria si la Unión Soviética ya no existía? Pero esa crisis de misión podía ser aplicada más generalmente al Pentágono. El celebrado segundo frente de la zona desmilitarizada de Corea perdió su propósito cuando Corea del Sur dejó de considerar a Corea del Norte como su enemiga. La amenaza china disminuyó considerablemente cuando Beijing se convirtió en el principal socio comercial de todos los países de la región. Cuba ya no representaba ningún potencial de amenaza aparte de enviar botes cargados de refugiados a la costa de Florida. Sadam Husein está muerto. Colin Powell hizo la genial declaración después de la primera Guerra del Golfo: “Se me acaban los malvados. Sólo me quedan Kim Il Sung y Castro.” Osama bin Laden llegó justo a tiempo para el gobierno de Bush. Los piratas somalíes son el último lazo salvavidas para el Pentágono.

La conservación de altos gastos militares, sea para impulsar los “duros” objetivos imperiales de los conservadores o los “suaves” objetivos económicos hegemónicos de los neoliberales, requiere a malvados de una estatura comparablemente grande. El hermano de Castro y el hijo de Kim Il Sung no bastan. Si al-Qaeda no existiera Washington tendría que crearlos. Por cierto, en su construcción de terroristas islámicos de piratas bastante corrientes, ha hecho precisamente eso.

John Feffer

Traducido por Germán Leyens, extraído de Rebelión.

Encerclement de l'Iran (5/6)

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L’encerclement de l’Iran à la lumière de l’histoire du “Grand Moyen-Orient” (5/6)

par Robert STEUCKERS

Matrices territoriales afro-asiatique, élamo-dravidienne et indo-européenne: la conclusion de Colin McEvedy

La matrice indo-européenne procède d’une “Urheimat” de départ beaucoup plus vaste que celles, réduites, que l’on avait imaginées jusqu’ici. Toujours selon Colin McEvedy, il ne faut pas réduire la matrice territoriale indo-européenne (ni l’afro-asiatique ni l’élamo-dravidienne) à une zone trop restreinte, réduite à un petit espace géographique confiné, mais l’étendre à un espace assez vaste, car la mobilité proto-historique a été une réalité trop peu prise en compte jusqu’ici: les Afro-Asiatiques s’étendaient de l’Atlantique marocain actuel à l’ensemble de la péninsule arabique; les Indo-Européens —et McEvedy rejoint en cela l’archéologue allemand Lothar Kilian— de la Mer du Nord (Norvège, Danemark, Pays-Bas) au delta de la Volga dans la Caspienne; la matrice élamo-dravidienne, quant à elle, s’étendait des côtes actuellement iraniennes du Golfe jusqu’au sous-contient indien. Pour McEvedy, seules les matrices ouest-méditerranéennes et caucasiennes de la proto-histoire disposaient d’un territoire plus réduit: péninsule ibérique, bassin de la Garonne, côtes et arrière-pays de Provence, Etrurie-Toscane pour la première; Caucase et Nord-Est de la Turquie actuelle, pour la seconde. Colin McEvedy: “Quelques [archéologues] ont suggéré que le “homeland” original des Indo-Européens correspondait à une zone [allant de la Mer du Nord au Turkestan]. Cette idée est étayée par le fait qu’il n’y a aucun nom de rivière autre qu’indo-européen au sein de ce territoire. Pour le lien récemment démontré entre Elamites et Dravidiens, nous concluons désormais que la Heimat originelle de ce groupe nouvellement baptisé élamo-dravidien a au moins 3000 km de longueur. Nous savons déjà que le groupe afro-asiatique s’étendait sur un espace de 5000 km de longueur d’Est en Ouest. Il semble donc extrêmement improbable qu’un groupe aussi efficace que l’ont été par la suite les Indo-Européens, ait disposé d’un territoire plus réduit que les Afro-Asiatiques et les Elamo-Dravidiens”.

Le territoire d’origine des peuples européens correspond donc plus ou moins à l’espace européen actuel, Russie comprise. L’Iran traditionnel, de Zarathoustra au dernier Shah, se perçoit comme une émanation de cette matrice européenne, comme le produit d’une irruption constructive, bâtisseuse d’empires, dans les espaces élamo-dravidien et sémitique, amorcée vers -1800. Si au départ, cette vision avait une connotation raciale évidente, le brassage continu des peuples dans cette zone a, par la force des choses, fait disparaître le caractère purement racialiste de cet idéal d’irano-européité, pour faire place à la notion intégrante et impériale de “civilisation iranienne”, défendue par Reza Khan Pahlavi, et, dans une moindre mesure, par son fils (qui, pour éviter affrontements et dissensions intérieures, devait composer avec l’islam, qui ne lui a pourtant manifesté aucune gratitude).

La “civilisation iranienne”, pour le dernier des Pahlavi, était le patrimoine iranien, qu’il convenait de réhabiliter contre l’ignorance dans laquelle était plongé le peuple d’Iran, faute d’écoles et d’instituteurs et, à ses yeux, à cause de l’islam. Pour Mohammad Reza Pahlavi, il fallait réactiver les forces du passé iranien en multipliant bibliothèques, instituts, universités, initiatives culturelles. Dans son mémoire en défense, face à l’histoire future et face à l’échéance fort brève que lui laissait la maladie qui le rongeait, il a écrit ces paroles pertinentes: “Cette conception selon laquelle tout ce qui appartient au passé est réactionnaire, antiprogressiste ou dépassé, fort répandue dans une certaine bourgeoisie citadine, avait porté à dénigrer la culture proprement iranienne, à négliger les oeuvres d’art léguées par le passé”. Les nouveaux programmes scolaires, déjà imaginés par son père, devaient remédier à cette déliquescence, fruit funeste de l’urbanisation; par ailleurs, des programmes de télévision et de radio-diffusion étaient appelés à faire revivre, avec succès, l’ancienne musique persane, qui, sinon, serait tombée aux oubliettes. Ce recours aux valeurs sûres du passé, aux archétypes, consolidateurs de toute durée historique et de toute continuité impériale, voulu par Reza Khan et son fils, était pourtant contemporain, dans les années 60 et 70, d’un futurisme culturel, porté par des avant-gardes audacieuses, souvent patronnées par la troisième épouse de Mohammad Reza Shah, la Shabanou Farah Diba.

Révolution Blanche, Démocratie impériale et Grande Civilisation

La référence à la “civilisation iranienne”, chez le dernier Shah, qui cite en ce sens l’iranologue français du 19ième siècle, Gobineau, devait être le prélude à un vaste projet géopolitique, baptisé “Grande Civilisation” et soutenu, en Iran, par la “révolution blanche” et le système dit de la “démocratie impériale”. D’inspiration clairement zoroastrienne et sur le modèle de l’empire de Cyrus, cette marche en direction de la “Grande Civilisation” devait mener l’Iran vers une révolution “anamorphique”, où il aurait été tiré vers le haut par la volonté impériale. L’Iran aurait alors été le modèle à suivre pour ses voisins. Cette révolution intérieure impliquait de poursuivre, en politique extérieure, le projet constructif de susciter et de consolider une vaste solidarité de tous les riverains du Golfe Persique et de l’Océan Indien. Le Shah prévoyait de bonnes relations avec l’URSS et les pays européens du COMECON (dont la Roumanie). Sa diplomatie a indubitablement connu de beaux succès et, notamment, a conduit à la paix avec l’Irak en 1975, grâce au règlement du trafic fluvial et maritime dans le Chatt-el-Arab’ mis au point par le Traité d’Alger; a apporté, avant l’entrée des troupes soviétiques dans le pays, une aide à l’Afghanistan isolé et enclavé (un type d’ingérence iranienne dont ne veulent pas les puissances anglo-saxonnes, comme en 1837 et en 1857); a forgé une alliance tacite avec le Pakistan (mais sans braquer l’Inde); a formulé le projet d’une politique commune avec Singapour et l’Australie pour amener la paix dans tout l’espace de l’Océan Indien (suscitant du même coup des lézardes dans le camp anglo-saxon, dont l’Australie est une pièce maîtresse, mais qui ruait dans les brancards à l’époque, allant jusqu’à doter son aviation de Mirages français).

En déployant cette diplomatie originale et de grande envergure, le Shah profitait de la nouvelle doctrine nixonienne, prévoyant de laisser les alliés des Etats-Unis organiser en toute autonomie leur environnement. Mais les Démocrates challengeurs, puis vainqueurs des élections après la disgrâce de Nixon, suite au scandale du Watergate, avaient d’autres projets, prévoyant notamment la fin de ces autonomies, jugées incontrôlables à long terme, et le ré-alignement inconditionnel des alliés moyen-orientaux sur les politiques américaines, en dépit des principes pragmatiques de la Realpolitik et en dépit des alliances et des fidélités proclamées depuis quelques décennies: la chute de Nixon allait de ce fait entraîner la fin de l’autonomie iranienne dans le contexte délicat et effervescent du “Grand Moyen-Orient”, puis, par fatalité, l’érosion du pouvoir du Shah et, finalement, sa chute. L’entourage de Jimmy Carter, comme avant lui celui de John Kennedy, est hostile au Shah. Il prend un net recul par rapport à la Realpolitik du duo Nixon/Kissinger et introduit le ferment “moraliste” et “droit-de-l”hommesque” dans l’orbe de la politique internationale. Ce fut le début d’une ère de calamités, d’un véritable ressac éthique dans toute l’américanosphère occidentale sous le masque d’une sur-éthique hyper-moralisante, gonflée artificiellement et démesurément par la propagande médiatique, dont on mesure bien les conséquences aujourd’hui, surtout après qu’une nouvelle génération de Républicains, juste avant Reagan puis dans son sillage, a, elle aussi, abandonné la Realpolitik classique pour pimenter et corser le “moralisme” cartérien de discours apocalyptiques, dérivés d’un biblisme religieux protestant et puritain (avec de nouveaux vocables propagandistes tels: “l’empire du Mal”, “l’axe du Mal”, etc.). En règle générale, avant 1978, les Républicains étaient favorables au Shah au nom d’une Realpolitik traditionnelle, qui commençait toutefois à s’éroder; les Démocrates, héritiers de l’idéologie mondialiste et militante de Roosevelt, lui étaient hostiles, à l’exception de Lyndon Johnson.

Cette mutation funeste dans la politique de Washington à l’endroit du régime du Shah, nous induit à développer quelques préliminaires, pour bien saisir notre deuxième batterie de conclusions, celles qui portent, non pas sur l’histoire pluri-millénaire de l’Iran, dont la connaissance reste toutefois un impératif de la raison politique, non pas davantage sur le rôle des facteurs déjà évoqués, qui sont de nature idéologique, religieuse ou ethnique, mais sur la situation géopolitique et géostratégique actuelle, où l’Iran est bel et bien encerclé, pris en tenaille dans un réseau dense de bases américaines, installées en Transoxiane (Ouzbékistan), en Afghanistan et en Irak. C’est-à-dire dans tous les espaces stratégiques, dans tous les glacis ou zones de réserve, qui ont permis à l’Iran, à un moment ou à un autre de son histoire, de rayonner sur son environnement, de consolider les assises de la “civilisation iranienne”, de s’étendre et de survivre.

Washington contre Téhéran

Houchang Nahavandi, dans le chapitre (XI) à nos yeux le plus important de son livre sur la “révolution iranienne”, et qui s’intitule précisément “Washington contre Téhéran”, récapitule toutes les étapes des relations américano-iraniennes depuis 1941, année de l’invasion anglo-soviétique et de l’abdication forcée de Reza Shah. Pour l’Iran, la Grande-Bretagne et la Russie étaient les deux puissances ennemies par excellence, celles qui menaçaient l’intégrité territoriale iranienne. L’ennemi principal était britannique, car il colonisait toute l’exploitation des pétroles d’Iran, par le biais de l’”Anglo-Persian Oil Company”, puis de l’”Anglo-Iranian Oil Company”, et visait une satellisation du pays, permettant d’installer une continuité territoriale sans aucune interruption entre les possessions ou protectorats britanniques situés, d’une part, entre l’Afrique du Sud et l’Egypte, et, d’autre part, entre la frontière égypto-libyenne et la Birmanie.

Après 1918, Londres n’avait plus réellement les moyens de réaliser une politique aussi grandiose, rêve de Cecil Rhodes: l’hypertrophie impériale dans la zone de l’Océan Indien était devenue une réalité fort préoccupante, jetait les derniers feux d’une démesure sans solution donc générait une frustration qu’on ne voulait pas avouer. Reza Khan, devenu Reza Shah en 1926, était, par sa personne et par sa forte volonté de colonel cosaque, un obstacle de taille au projet jadis rêvé par Rhodes. Reza Shah composait avec les Soviétiques, car il était plus russophile qu’anglophile comme nous venons de le voir, mais ne contestait pas encore fondamentalement le monopole anglais sur les pétroles iraniens. Il entendait toutefois diversifier ses relations avec les pays occidentaux industrialisés et avec le Japon: des milliers d’ingénieurs allemands et italiens travaillaient en Iran et les relations commerciales germano-iraniennes étaient fort avantageuses pour Téhéran. Des consortiums scandinaves avaient réalisé la prouesse technique d’achever en onze ans de travaux titanesques le tracé de la voie ferroviaire transiranienne entre le Golfe et la Mer Caspienne, avec des ouvrages d’art stupéfiants, dans des territoires montagneux quasiment vierges. L’Allemagne livre les locomotives. L’Italie et le Japon avaient livré à la marine iranienne naissante des bâtiments de guerre destinés à contrôler les eaux du Golfe. Les officiers de la marine avaient été formés en Italie. Quand les troupes allemandes et leurs alliés envahissent l’URSS en juin 1941 et bousculent les armées soviétiques massées le long de la ligne de démarcation de septembre 1939, l’URSS devient ipso facto l’alliée de la Grande-Bretagne. Les deux puissances décident d’occuper l’Iran neutre, de façon à pouvoir approvisionner l’URSS par la Caspienne et l’axe fluvial de la Volga. L’armée de Reza Shah résiste, les villes iraniennes sont bombardées, la marine iranienne est anéantie dans le Golfe et y perd quasiment tous ses officiers. La garnison de Kermanshah bloque provisoirement l’avance britannique, mais le rapport des forces est évidemment au détriment de l’Iran: le 27 août, le Shah est contraint de demander la cessation des hostilités. En septembre 1941, il abdique en faveur de son fils Mohammad Reza. Il est emmené en captivité en Afrique du Sud où il meurt en 1944 d’un cancer que l’on n’a sans doute pas voulu soigner convenablement.

Les Etats-Unis en Iran pendant la deuxième guerre mondiale

Les Etats-Unis, qui n’entrent en guerre qu’en décembre 1941, ne sont, aux yeux des Iraniens, qu’un troisième comparse, débarqué plus tard, ne sont pas les envahisseurs directs, mais une puissance qui arrive dans la guerre, après la violation délibérée de la neutralité du pays et après les opérations militaires qui ont frappé durement les civils des villes, l’armée iranienne et sa marine. L’Amérique n’est donc pas perçue en Iran, pendant la seconde guerre mondiale, comme une puissance occupante. Elle n’est pas présente visiblement par des déploiements de troupes et des patrouilles; seuls des ingénieurs civils organisent voies ferroviaires et installations portuaires. Pour Nahavandi, les relations cordiales entre l’Iran et les Etats-Unis commencent surtout au lendemain de la deuxième guerre mondiale, quand les Soviétiques refusent d’évacuer le nord du pays et les régions azerbaïdjanaises, qu’ils avaient occupées et où ils avaient organisé un mouvement séparatiste, appelé, à un stade ultérieur, à proclamer l’union de la nouvelle république séparée avec l’URSS. Truman menace Staline, qui cède, et l’intégrité du territoire iranien est ainsi sauvegardée. Ce coup d’éclat scelle l’amitié irano-américaine que le Shah n’oubliera jamais, vouant à Washington une fidélité honnête et dépourvue d’arrière-pensées, qui se révèlera, in fine, pure naïveté. Et le conduira à sa perte.

En 1953, les Etats-Unis, foulant aux pieds cette amitié que leur voue sincèrement le jeune Shah, soutiennent d’abord le nationaliste Mossadegh, en voyant d’un bon oeil la fin du monopole britannique sur les pétroles d’Iran, que Téhéran entend nationaliser. Mais quand Mossadegh doit s’allier au “Toudeh” communiste pour consolider sa majorité en faveur des nationalisations, la CIA change d’avis, par crainte d’une absorption soviétique de l’Iran tout entier ou d’un alignement sur Moscou, et participe aux opérations visant le renversement du ministre nationaliste. Le Shah doit donc une nouvelle fois sa survie et son trône à l’action énergique des Américains. Les relations entre l’Iran et les Etats-Unis restent bonnes entre août 1953 (date de la chute de Mossadegh) et 1961, avec l’arrivée au pouvoir de l’Administration Kennedy. Celle-ci veut se débarrasser du Shah et fomente un coup d’Etat des services secrets iraniens, la fameuse SAVAK. La tentative se solde par un échec. L’assassinat de Kennedy met fin à cette nouvelle politique de volte-face. Lyndon Johnson reconduit l’alliance entre Washington et le Shah.

“Révolution blanche” et diversification

A partir de 1965, les Etats-Unis chercheront toutefois à forcer un changement en Iran. L’année 1965 est marquée par le conflit entre l’Inde et le Pakistan. Lié au Pakistan par le pacte militaire pro-occidental du CENTO, l’Iran soutient son allié, par l’effet du lien contractuel inhérent au traité mais aussi par solidarité musulmane et parce que l’Inde, qui décroche finalement la victoire, recevait le soutien de l’URSS. Malgré cette fidélité aux alliances pro-américaines, trois facteurs contribuaient à brouiller, simultanément et en coulisses, les rapports irano-américains.

- D’abord, les effets de la “révolution blanche”, commencée en 1961, avec partage des terres de la Couronne et des latifundia entre les paysans, l’alphabétisation et l’émancipation des femmes. Ces démarches, nécessaires à l’avancée du pays, provoquent une forte résistance de la part des grands propriétaires terriens, des chefs de tribus et du clergé chiite. En octobre 1963, à la suite de désordres semés par Khomeiny, celui-ci est banni d’Iran. Washington craignait que la “révolution blanche” ne génère une déstabilisation du pays et ne provoque un effet de contagion dans d’autres Etats alliés, y compris en Amérique latine. La leçon à tirer de ces événements, c’est que les Etats-Unis ne tolèrent aucune réforme sociale en profondeur, qu’elle soit portée par une idéologie marxiste-léniniste ou par des mesures pratiques et non idéologiques, parfois autocratiques, comme dans l’Argentine de Péron ou l’Iran du Shah ou la France de De Gaulle hier, ou dans le Vénézuela de Chavez aujourd’hui. Pour les Etats-Unis, c’est clair, les Etats alliés doivent vivoter sous des démocraties qui ne génèrent que le désordre, l’enlisement et la corruption, afin de freiner et de bloquer les initiatives originales, sans modèle préconçu tiré d’une idéologie trop souvent irréaliste, mais taillées chaque fois à la mesure du peuple auquel elles s’adressent, leur donnant véritablement à terme la liberté et l’autonomie sur le plan intérieur et sur la scène internationale.

- Ensuite, la défaite, face à l’Inde en 1965, du Pakistan, qui dépendait entièrement des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne pour son armement, fait craindre au Shah un sort similaire pour l’Iran en cas de coup dur. L’Iran doit donc s’autonomiser et chercher à diversifier ses sources d’approvisionnement en technologies avancées, tant les militaires que les civiles. Houchang Nahavandi cite, à ce propos, un rapport de 1966 de l’ambassadeur américain à Téhéran à l’époque, Armine Mayer: “La crise de septembre 1965 entre l’Inde et le Pakistan a persuadé le Shah qu’une dépendance excessive de la défense iranienne à l’égard des Etats-Unis pourrait réserver à l’Iran le même sort que le Pakistan. Il recherche sa liberté de mouvement”. Le Shah cite de plus en plus souvent De Gaulle en exemple. Et passe à la pratique: il commande en Europe. Et signe des contrats avec l’URSS. Il vise le développement d’une industrie iranienne autonome des armements. Le Shah devient un “ennemi” potentiel: on le traite de “dangereux mégalomane” et même de “cinglé”, injures que Péron et De Gaulle avaient également essuyées. L’enseignement à tirer de cette volonté de diversification du Shah, c’est, bien sûr, que les Etats-Unis ne tolèrent aucune forme de diversification et d’autonomie. La diversification voulue par Mohammad Reza Shah avait connu une précédence: celle réalisée par son père dans les années 20 et 30, avec le concours des Scandinaves, des Allemands et des Italiens. Pire: avec l’argent du pétrole, au début des années 70, le Shah acquiert 10% du capital d’Eurodif, ce qui aurait pu permettre à l’Iran, à terme, de se doter de technologies nucléaires, tant militaires que civiles. L’hostilité à un Iran doté de technologies nucléaires ne date donc pas de ces dernières années et ne relève pas d’une inimitié viscérale à l’endroit de la seule révolution islamiste, qui serait l’expression radicale et musulmane du fameux “choc des civilisations”, théorisé dès 1993, dans les colonnes de Foreign Affairs, par Samuel Huntington.

L’OPEP, la hausse des prix du pétrole et l’émergence de l’agitation islamiste

- Enfin, la hausse des prix du pétrole, décidée par l’OPEP, avait reçu l’approbation du Shah et du roi Fayçal d’Arabie Saoudite (assassiné en 1975). Kissinger, qui, comme les autres, commence à émettre des doutes, à s’aligner sur le camp anti-iranien, finit par vouloir, lui aussi, le départ du Shah, mais ne cherche pas à brusquer les choses, car il entend agir dans le cadre d’une diplomatie traditionnelle de type bismarckien; Kissinger refuse également de mettre les ventes d’armes américaines à l’Iran en danger; il entend conserver au moins cet atout, qui permet un contrôle indirect de l’armée iranienne, à laquelle, le cas échéant, on ne livrerait pas de pièces de rechange. En même temps, Kissinger veut bloquer tout développement et toute prospérité aux firmes européennes exportatrices d’armements. Les trois principaux reproches que Kissinger adresse au Shah sont les suivants: grâce aux plus-values du pétrole, le Shah va consolider son influence régionale, exercer ipso facto des pressions sur les Etats-Unis, transformer son pays en grande puissance. C’est à ce moment-là que Washington décide de parier sur le “fanatisme islamiste” et qu’émergent dans les débats stratégiques certaines des thèses de Brzezinski: insistance sur l’importance stratégique millénaire de la “Route de la Soie” qu’aucune puissance d’Eurasie ne peut dominer entièrement, utilisation de certains réflexes religieux musulmans intégristes pour déstabiliser les Etats qui deviendraient trop puissants dans cette zone, théorisation de la stratégie “mongole” visant à créer des dynamiques destructrices qui jettent à bas les régimes qui dérangent sans les remplacer par des structures politiques cohérentes et alternatives. A ce propos Houchang Nahavandi cite le politologue libanais Nicolas Nasr: “La promotion du fanatisme islamique, inspirée par Henry Kissinger et Zbigniew Brzezinski, visant à promouvoir la naissance d’Etats confessionnels dans la région, pourrait servir hautement les intérêts américains, … la promotion des principes coraniques, en bloquant le développement et toute modernisation dans les pays musulmans, profiterait idéalement au capitalisme américain et occidental, en conférant à ces pays sous-développés le statut de simple marché de consommation des produits industriels” (p. 187). “Les Etats-Unis veulent que les contrées riches en matières premières demeurent des zones économiquement et politiquement faibles, “molles”, susceptibles de receler de nombreux consommateurs potentiels, sans pour autant être en mesure de devenir des Etats forts du point de vue politico-militaire et technologique. Ils doivent rester “dépendants” et donc demeurer des “ventres mous” (p. 188). Ces axiomes de la politique américaine ne valent pas seulement pour l’Iran.

mardi, 19 mai 2009

Encerclement de l'Iran (4/6)

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L’encerclement de l’Iran à la lumière de l’histoire du “Grand Moyen-Orient” (4/6)

Reza Khan et le pan-iranisme

Pendant la première guerre mondiale, l’Iran se déclare neutre. Sa toute petite armée, réduite à l’impuissance, était organisée par des officiers suédois, la Suède conservatrice tentant toujours de faire diversion dans le sud, de s’y donner des alliés de revers, afin de récupérer la Finlande au nord. Dès le début des hostilités, les Russes violent le territoire au Nord et les Britanniques au Sud, sous prétexte de protéger les champs pétrolifères contre toute attaque germano-turque venue de Mésopotamie. Deux expéditions allemandes, dirigées par von Niedermeyer et Wassmuss, faiblement équipées, parviennent à soulever des tribus iraniennes et afghanes contre les Britanniques ou les Russes. Ces opérations de petite envergure obligent toutefois les Britanniques à mobiliser des milliers d’hommes pour tenter de les neutraliser. Les opérations de Wassmuss lui ont valu le surnom de “Lawrence allemand”. Après la guerre et après le Traité de Versailles, qui cherche à placer l’Iran tout entier sous la domination britannique, Reza Khan, par un coup d’Etat le 21 février 1921, prend le pouvoir, dépose le dernier Shah qadjar, le faible Ahmad Mirza, et fonde la dynastie des Pahlavi. Il compose avec les Soviétiques en 1924 pour obtenir la paix sur sa frontière septentrionale et pour se ménager les Soviétiques contre les Anglais, bien plus menaçants au sud et à l’est; l’objectif britannique étant d’inclure la Perse toute entière dans leur orbite pour “créer une continuité territoriale du Caire à Calcutta”. Pour contrer l’impérialisme anglais, le nouveau pouvoir bolchevique remet toutes les dettes que l’Iran devait à la Russie tsariste. De cette façon, l’Iran, redevable de sa sécurité financière à Moscou, cesse automatiquement de devenir un tremplin éventuel pour envahir l’Asie centrale soviétique.

Le 25 avril 1926, Reza Khan se fait couronner empereur. Il veut insérer son pays dans le 20ième siècle. Admirateur d’Atatürk, il souhaite doter le pays d’un système scolaire moderne, diminuer la dépendance face à l’Angleterre, réduire le pouvoir des religieux chiites, promulguer un code civil et enlever l’exercice de la justice au clergé, ce que ce dernier n’acceptera pas et ne pardonnera jamais. Le plus intéressant dans l’ensemble de ces innovations imposées d’autorité par le nouveau Shah est sa volonté de réhabiliter le passé iranien pré-islamique. Cette réhabilitation passe par la fondation d’une académie qui épure la langue persane de ses emprunts arabes. Mais, comment, par ailleurs, va s’articuler ce “persisme”? Quels en sont les ingrédients idéologiques, les lignes de force?

Le culte de Cyrus le Grand

◊ D’abord le culte de Cyrus le Grand, fondateur de l’impérialité perse. En dépit de 27 ans de pouvoir islamiste, les pèlerinages au site de son tombeau ne cessent pas. Cyrus est l’archétype de l’identité persane mais aussi un symbole de liberté et de tolérance dans l’exercice de la puissance impériale. Cyrus a toujours été un vainqueur magnanime, une “grande âme” (“magna anima”), qui réhabilitait les vaincus, contrairement aux Assyriens qui les décapitaient ou les empalaient. Les deux shahs de la dynastie pahlavi ont tenté d’introniser ce culte de la grandeur perse antique pour évincer un islamisme qu’ils jugeaient décadent, qu’ils considéraient comme un frein au développement de l’Iran. La période d’effervescence, qui a précédé la chute du dernier shah et le retour de Khomeiny, a été marquée par cette lutte idéologique: d’une part, les forces de gauche, comme le parti Tudeh, d’obédience communiste, posaient Cyrus comme un tyran, sapant de la sorte —et de manière préventive— les assises de toute monarchie et de tout retour à celle-ci, quand bien même la monarchie aurait été stabilisatrice et progressiste (au sens technique du terme), indépendantiste (anti-britannique et anti-américaine). L’idéologie du Tudeh voulait promouvoir un “avenir radieux” (pour paraphraser Zinoviev) et ne voulait rien avoir à faire avec le passé, avec des archétypes. Les partisans islamistes de Khomeiny entendaient, eux, ignorer le passé pré-islamique de la Perse et ne valorisaient que l’enseignement des “nobles récits” des héros de la tradition musulmane chiite. Pour le clergé chiite, il est inacceptable de valoriser des événements historiques antérieurs à l’islam, puisque, par définition, toute époque pré-islamique est considérée comme “jahilliya”, soit un “âge d’ignorance”. Ce sera surtout l’ayatollah Khalkhali, —surnommé le “juge pendeur”, car il a été l’exécuteur intraitable de l’élite militaire iranienne favorable au Shah déchu,— qui tentera, mais en vain, d’éradiquer le culte de Cyrus, en réclamant, avec une véhémence tenace, la destruction de son tombeau, des ruines de Persépolis et de toutes les traces de l’impérialité persane pré-islamique (les talibans détruiront, dans un même esprit, les Bouddhas de Bamiyan en Afghanistan). Les islamistes et les partisans de cette figure originale de la révolution iranienne, Ali Shariati, voulaient valoriser la figure de l’Imam Hossein, martyr au 7ième siècle de la foi chiite parce qu’il s’était opposé à la tyrannie illégitime des Ommeyades, apparentés au Calife Othman.

Impérialité perse, zoroastrisme et culte de la Lumière aurorale

Les partisans du Shah, en revanche, se réclamaient du passé “aryen” de la Perse, se démarquant du même coup de leurs voisins arabes (sémitiques) et turcs (ouralo-altaïques). Mohammad Reza Pehlavi, le dernier Shah, qui sera abandonné par ses “alliés” (?) américains, avait clairement renoué avec ce passé en faisant célébrer à grands frais, et de manière maladroite parce que trop dispendieuse, le 2500ième anniversaire de la fondation par Cyrus de l’impérialité perse. Dans ce contexte, il modifie d’autorité le calendrier musulman: l’année de la naissance de Cyrus remplaçant l’Hégire, la fuite de Mahomet de la Mecque à Médine. L’année 1976 devenant ainsi 2535, au lieu de 1355. Un idéologue paniraniste (le paniranisme veut la réunification légitime de la Perse et de l’Afghanistan), Shahrokh Meskoob, écrivait, peu après la révolution khomeyniste: “C’est surtout en deux choses que, nous, Iraniens, différons des autres musulmans: par l’histoire et par la langue. Ce sont ces deux facteurs qui nous ont induits à construire notre propre identité en tant que peuple et que nation. L’histoire a été notre valeur, elle a constitué les réserves pour nous permettre de suivre à chaque fois notre propre voie, et elle est aussi notre refuge. La langue a constitué le socle, le sol et le refuge de notre âme, un point d’appui sur lequel nous nous sommes toujours arc-boutés” (cité par Molavi, cf infra).

◊ Ensuite, la position par rapport au zoroastrisme. Si l’Iran est chiite, admettent la plupart des iranologues, c’est parce que son passé pré-islamique a été zoroastrien. Le chiisme traditionnel, du moins avant Khomeiny, gardait du zoroastrisme le culte du feu et de la lumière, notamment dans les écoles dites “illuminationistes” ou Eshraqi / Ishrâqî. Cette école date du renouveau iranien du 11ième siècle, est en cela typiquement perse, non arabe et non turque. L’idée centrale de cette “illuminationisme” perse est, in fine, un culte de la lumière, hérité du zoroastrisme, dont la manifestation tangible est une architecture religieuse et sacrée, laissant filtrer dans les mosquées ou les mausolées la lumière d’une manière particulièrement ravissante, provoquant des jeux de couleurs turquoise ou émeraude du plus bel effet. Des dieux du jour (et donc de la lumière et du soleil) indo-européens au culte de la Lumière du zoroastrisme, un filon millénaire conduit directement à ces poètes persans des 11ième et 12ième siècles, les Ishrâqîyûn ou adorateurs de l’ “illumination aurorale” ou des “princes célestes”, qui sont en fait les Intelligences illuminantes, dont les astres sont les symboles et les théurgies (oeuvres divines). A l’oeuvre, dans cet univers, un “Eros cosmogonique” porté par les “fidèles d’amour”. Dans les récits mystiques de Sohrawardi (12ième siècle), le Dieu des Dieux proclame: “Rien n’est plus vénérable pour moi que Bahman-Lumière (…) Célébrez en longues liturgies la race de Bahman-Lumière et les rois de la famille de Bahman-Lumière peuplant l’inviolable enceinte du Jabarût (soit le “monde des pures intelligences lumineuses et illuminantes, aurorales”)”. Implicitement, après le “Shahnameh” de Ferdowsi (cf. infra), Sohrawardi réclame, en utilisant le nom zorosastrien de “Bahman” (ou “Vohu Manah”), l’avènement d’un Ordre Royal de tradition persane où ceux qui sont issus de la race de Bahman-Lumière doivent s’organiser en une sodalité ésotérique, élitaire, en “templiers célestes”, sur le modèle de la chevalerie ouranienne pour répondre à l’appel de cette race et pour installer, selon son esprit, un Ordre aussi parfait que possible sur terre, brisant du même coup la solitude de l’homme égaré par ses affects et ses intérêts matériels et le sauvant de la déréliction humaine, tare constante, terrible et récurrente.

Renaissance iranienne au 11ième siècle: le “Shahnameh” de Firdowsi

◊ Dans cette renaissance iranienne du 11ième siècle, émerge également le “Livre des Rois”, le “Shahnameh”, dû à la plume du poète Ferdowsi. Ce dernier a véritablement sauvé la tradition perse de l’arabisation par l’islam. Ferdowsi n’est pas opposé à l’islam. Aucun texte de lui ne constitue une réfutation ou un rejet de l’islam. En revanche, il critique l’invasion seldjouk, danger pour l’identité perse. Ferdowsi était issu d’une famille iranienne du Nord-Est, de la région de Machhad où la mémoire des épopées persanes avait été conservée en dépit de l’islamisation. Né vers 941, il bénéficie du soutien du maître des lieux, Abou Mansour Tousi, qui gouverne le Khorassan pour le compte des Samanides de Boukhara. Afin de réhabiliter l’histoire perse, et donc la geste des rois de la “race de Bahman-Lumière”, les Samanides demandent à Ferdowsi de rédiger ce “Livre des Rois” en 957. Il reprend l’oeuvre laissée par Daqîqî, un poète perse qui avait été assassiné par un esclave turc, et inclut les 988 vers de son “Livre des Rois” dans son “Shahnameh”, auquel il travaille pendant plus de trente ans, jusqu’en 1010, avec le soutien continu des Samanides. La version définitive de cette épopée persane comptera entre 48.000 et 55.000 vers. Quand les Samanides quittent l’avant-scène politique de l’Islam et de l’Iran, Ferdowsi s’adresse à Mahmoud de Ghazni (cf supra), qu’il perçoit comme l’homme fort capable de redonner à l’Iran sa gloire et son lustre d’antan, de résister à l’arabisation et de constituer un rempart contre la menace turque-seldjouk qui pointe à la frontière. Mahmoud de Ghazni l’ignore et le méprise et Ferdowsi mourra abandonné et misérable. Les mollahs musulmans sunnites refusent qu’il soit enterré dans un cimetière religieux, sous prétexte qu’il est tout à la fois chiite et zoroastrien. Le premier Shah Pahlavi lui fera construire un mausolée en 1934, à l’occasion du millénaire de sa naissance. L’oeuvre de Ferdowsi, d’une beauté incomparable, sert de référence au paniranisme voulu par Reza Shah. Il atteste d’abord d’une continuité perse très ancienne, ensuite, d’une résistance iranienne à toutes les influences arabes et turques qui ont tenté de subjuguer le pays et d’en éradiquer la mémoire.

La poésie d’Omar Khayyam

Né vers 1045 dans le Nord-Est de l’Iran, comme Ferdowsi, Omar Khayyam est nommé astronome à la cours du grand vizir seldjouk Nizam al-Molk en 1073. Il calcule le temps avec plus de précision encore que ses homologues européens qui élaborent le nouveau calendrier grégorien. Savant versé dans toutes les disciplines de son époque, il connaît la pensée grecque et indienne, est plus que probablement influencé par une forme de soufisme qui récapitule plus ou moins secrètement, sous un masque islamique, le savoir des siècles et des millénaires antérieurs à la conversion forcée. Omar Khayyam est aussi poète: dans son “Robayyat”, il exprime, pour lui et quelques rares lecteurs initiés, une pensée peu bigote, où le scepticisme domine, assorti d’un rejet des dogmes figés, d’une ironie décapante, d’une misanthropie humoristique et d’un épicurisme affiché. Cette poésie sera redécouverte à Oxford au 19ième siècle par Edward Fitzgerald, qui avait consulté un exemplaire du “Robayyat” de 1461, conservé dans la bibliothèque de l’université britannique. La traduction de Fitzgerald fera connaître et aimer cette poésie persane à l’Europe toute entière. Au 14ième siècle, un autre poète persan, Hafez, réanime les mêmes thématiques poétiques: moqueries à l’égard des zélotes religieux, de la police de la foi. Il inspirera Goethe.

Conclusions:

◊ Notre première batterie de conclusions portera sur la nature réelle des antagonismes qui ont tissé l’histoire du “Grand Moyen-Orient”, que nous avons tenté, sommairement, d’esquisser ici. Généralement, on considère que trois sortes de facteurs sont en jeu: les facteurs religieux, les facteurs idéologiques et les facteurs ethniques. A la lumière de l’histoire iranienne, il ne semble pas que les facteurs religieux soient prépondérents. Le zoroastrisme, bien que réellement religieux et universel, c’est-à-dire transposable à d’autres peuples que les peuples aryens-iraniens, demeure constitutif de l’identité aryenne-iranienne, donc, par voie de conséquence, constitue davantage un facteur ethnique qu’un facteur proprement religieux. La volonté iranienne, surtout depuis les Séfévides, d’adopter le chiisme comme religion d’Empire, est certes un facteur religieux indéniable, mais, vu que ce chiisme est une volonté de se démarquer d’autres peuples, non indo-européens de souche, et vu qu’il véhicule sous un manteau chiite des linéaments religieux zoroastriens inspirés d’une mythologie persane indo-européenne et surtout pré-islamique, il procède forcément, lui aussi, du facteur ethnique iranien.

Les facteurs idéologiques habituels, basés sur les grands récits hégéliens et marxistes, nés en Europe et en Occident au début du 19ième siècle, n’ont guère eu d’impact dans la vaste région du “Grand Moyen-Orient” depuis l’entrée des troupes soviétiques en Afghanistan et la révolution islamiste iranienne de 1978. En effet, les idéologies, et plus particulièrement les fameux “grands récits”, définis par Jean-François Lyotard, se sont effondrés partout dans le monde, comme des châteaux de cartes, à commencer par le marxisme. Des bribes et des morceaux de ces récits ont survécu, ici ou ailleurs, mais travestis, réadaptés, relus, pimentés de mythes religieux ou nationaux (comme chez le théoricien chiite-marxisant Ali Shariati ou chez des révolutionnaires du “tiers monde”). Ces “grands récits” idéologiques ne peuvent donc pas être considérés comme des facteurs essentiels dans le “grand jeu” à l’oeuvre sur l’échiquier du “Grand Moyen-Orient”. Les acteurs locaux se mobilisent plutôt au nom de valeurs plus anciennes, plus fondamentales: celles que portent en germe les facteurs ethniques ou raciaux (n’ayons pas peur du mot). Les acteurs extérieurs, essentiellement les services américains, manipulent des conflits religieux, certes, mais qui recouvrent des antagonismes ethniques pluriséculaires. Il suffit de lire attentivement les documents anglo-saxons pour s’apercevoir que le raisonnement qui les produit n’est ni religieux ni idéologique, mais ethnique et politique. Ce qui offre une base d’action réellement concrète et laisse la manipulation vaine et illusoire de tous ces brics et brocs résiduaires des vieilles idéologies froides, artificielles et purement intellectuelles aux adversaires ou aux “alien audiences”, que sont les opinions publiques des pays alliés, qui ont pour seule tâche d’entériner, sans intervenir vraiment dans le jeu.

Facteurs raciaux: matrices turco-mongole, arabo-sémitique et indo-européenne

Lorsque l’on évoque les “facteurs ethniques ou raciaux” dans l’espace du “Grand Moyen-Orient”, il ne s’agit pas, évidemment, de définir, de retrouver ou de récréer une “race pure”, qu’elle soit iranienne, turque ou arabe. L’exercice serait vain, tant les brassages d’une histoire tumultueuse ont été fréquents et importants. De nombreux sultans d’origine turque ont adopté la vision iranienne/aryenne de l’histoire, ou plus tard, la vision russe. Lorsque nous évoquons ces “facteurs ethniques”, nous entendons de ce fait l’identification volontaire des acteurs de l’histoire ou des peuples à l’une des matrices ethniques fondamentales: la turco-mongole, l’arabo-sémitique et l’indo-européenne.

La matrice turco-mongle a son épicentre originel au nord de la Mandchourie. Les décideurs politiques qui inscrivent leurs actions dans cette tradition turco-mongole se perçoivent comme les avant-gardes d’un vaste mouvement originaire de cet épicentre, en quête de nouvelles terres à conquérir ou à annexer. Ainsi, le pantouranisme turc rêve d’un espace uni de l’Adriatique à la Muraille de Chine.

La matrice arabo-sémitique a son épicentre dans la péninsule arabique. D’après l’historien et cartographe britannique Colin McEvedy, elle procède d’un vaste conglomérat de tribus locutrices de langues “afro-asiatiques” qui s’est scindé, vers –4000, en quatre groupes, chacun disposant d’une “écosphère” propre: les Berbères du littoral nord-africain, les Egyptiens de la vallée du Nil, les Kouchites de la Corne de l’Afrique et les Arabo-Sémites de la péninsule arabique. Le nord de leur “Heimat” originelle s’est urbanisé en marge de l’Empire assyrien et a utilisé la langue araméenne. Le sud est resté isolé dans le désert arabique, devenant au fil des temps de plus en plus sec et aride. La civilisation du Yémen contient des éléments indubitablement indo-européens: architecture et alphabet. L’Islam a sorti les cultures arabo-sémitiques de leur isolement. Elles ont conquis leur environnement araméo-byzantin et perse, mais aussi égyptien et berbère. Ces peuples conquis ont résisté ou résistent toujours. On a vu comment l’esprit persan est revenu à l’avant-plan en Perse malgré l’arabisation, la turcisation et les conquêtes mongoles.

Dans les zones berbères, cette résistance existe également aujourd’hui en Algérie et au Maroc. Charles de Foucauld, récemment canonisé, était l’ami des Berbères Touaregs. Il a été assassiné par des bandes sénoussistes, oeuvrant pour le compte du Sultan d’Istanbul et de ses alliés allemands (les Sénoussistes ont effectué des raids en Egypte, au Darfour, au Tchad, en Libye et dans le désert du Sud algérien, tandis que certaines tribus montagnardes berbères de l’Atlas marocain se rebellaient, clouant au Maroc de nombreuses unités françaises). Détail piquant: les tribus sénoussistes, dont l’obédience est wahhabitique et intégriste, avaient été formées militairement par Atatürk, pour harceler les arrières italiens dans la guerre italo-turque de 1911-1912. Cette stratégie d’ “insurgency” sera reprise par Lawrence d’Arabie contre les Ottomans en Palestine et en Jordanie. Atatürk a donc armé, à son corps défendant et sur l’ordre de son état-major de l’époque, des intégristes islamistes, alors que sa vision personnelle était “indo-européenne”: il voulait identifier sa Turquie nouvelle à l’Empire hittite, indo-européen. Le monde afro-asiatique, et la matrice arabo-sémitique, ne peuvent donc être jugés comme les expressions d’un bloc uni, homogène, sauf quand il s’agit de faire face aux Perses ou à des puissances européennes plus récentes.

lundi, 18 mai 2009

La Nouvelle revue d'histoire n°42

 

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Money Talks

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Money Talks

Tom Sunic

Never has money been so important in human relations. Never has it so much affected the destiny of so many Americans and Europeans. Today money has become a civil religion that makes it the centerpiece of discourse in all cultures and subcultures. At European and American cafes, on the Champs Élysées, or on Sunset Boulevard, at concert halls, and even in parliaments, one hears and smells its verbal derivatives such as “moulah,” “dough,” “fric,” “Kohle,” “pognon.”  It is a language understood by all. In all segments of their lives Western citizens invariably talk about money and what money can buy. The great respite may come with the current financial crisis, which is finally undoing the liberal system with all its conventional wisdoms and lies. The ongoing economic depression may be the sign that the reign of money and the dictatorship of well-being are coming to an end. 

Sounds familiar? No, it does not.  In ancient European traditions money and commerce were looked down upon and at times these two activities were in principle forbidden to Europeans. Merchants were often foreigners and considered second class citizens.

The famous English poet and novelist D. H. Lawrence — a "revolutionary nationalist" — talks about “money madness” in his collection of poems Pansies. His poem “Kill money” summarizes best this facet of 20th-century mores: Kill money/put money out of existence/It is a perverted instinct/A hidden thought /which rots the brain, the blood, the bones, the stones, the soul.

Similar views were held by the long forgotten American Southern agrarians in the 30’s, who viciously attacked American money madness and the belief in progress. They had dark premonitions about the future of America. As noted by John Crowe Ransom, “Along with the gospel of progress goes the gospel of service. Americans are still dreaming the materialistic dreams of their youth.” And further he writes: “The concept of Progress is the concept of man’s increasing command, and eventually a perfect command over the forces of nature: a concept which enhances too readily our conceit and brutalizes our life.” 

Thousands of book titles and thousands of poems from antiquity all the way to early modernity bear witness to a tradition of deep revulsion Europeans had for money and merchants. Charles Dickens’ description of the character Fagin the Jew in his novel Oliver Twist may be soon cut out from the mandatory school curriculum. Fagin’s physical repulsiveness, his strange name, and most of all his Jewish identity do not square with modern ukases on ethnic and diversity training in American schools. The crook Fagin illustrates boundless human greed when he sings to himself and his young  captive boys: “In this life, one thing counts / In the bank, large amounts / I'm afraid these don't grow on trees, / You've got to pick-a-pocket or two / You've got to pick-a-pocket or two, boys, / You've got to pick-a-pocket or two.”

Already Ezra Pound, a connoisseur of the English language and a visionary on the methods of usury, and his contemporary,  Norwegian Nobel prize winner Knut Hamsun, have disappeared from library shelves. Their fault? They critically examined the crisis of financial capitalism, or what we call more euphemistically today “global recession” and the main movers and shakers behind it. 

In medieval times, money and the merchant class were social outcasts solely needed to run the economy of a country. Yet today they have morphed into role models of the West represented by a slick and successful banker dressed in an Armani suit and sporting a broad smile on his face. What a change from traditional Europe in which an intelligent man was destined for priesthood, sainthood, or a military career!

It is with the rising tide of modernity that the value system began to change. Even nowadays the word ‘merchant’ in the French and the German languages (marchand, Händler) has a slightly pejorative meaning, associated with a foreigner, prototypically a Jew. The early Catholic Church had an ambiguous attitude toward money — and toward Jews. Well known are St. Luke’s parables (16:19–31) that it “is easier for a camel to go thru the eye of a needle than for a rich man to enter the kingdom of heaven.”

But the Church chose a less pious way to power. In 1179, the Third Lateran Council forbade Jews from living in Christian communities and exiled them to ghettos — with full rights to practice usury and tax collecting. To a large extent the Church, while providing the best shelter for Jews against frequent bouts of popular anti-Jewish anger, also greatly amassed wealth — courtesy of Jewish tax collectors.

The father of the Enlightenment, the 18th-century French philosopher Voltaire, is often quoted as a first spokesman of tolerance and human rights in Western civilization. But it is often forgotten that Voltaire was also an unabashed anti-Semite. Voltaire’s critical remarks about Jews and their love for money were recently expunged from his books, or simply not translated. But some still thrive such as “always superstitious and greedy for the good of others, always barbarous, crawling when in misfortune and insolent in prosperity, that is what the Jews were in the eyes of the Greeks and Romans..”  (Essais sur les mœurs

The ancient European ruling class certainly had its share of corruption and greed. But in principle, until the Enlightenment, the social roles of money and merchants were subjugated to the role of the prince and power politics. Until then, the entire value system had been based on spiritual transcendence and not on economic growth — at least in its appearance. In ancient Greece, King Midas who was a kind man, could not resist the temptation of turning everything into gold with his magic fingers, until he ruined his family, turned water into undrinkable metal, and his face assumed the shape of a donkey. King Croesus went berserk after amassing so much wealth that he could not devote his time and his thoughts to the impending war with the Persians.

In the ancient European tradition, revulsion against money pervades the sagas and the old popular legends, teaching everybody that piety prospers over prosperity. Material wealth brings disaster.

Today, by contrast, official advocacy of frugality and modesty is perceived as a sign of the early stage of lunacy. If a well-educated and well-cultivated man comes along and starts preaching modesty or rejects honoraria for his work, he is considered a failure, a person who does not respect his own worth. How on earth can some well-read and well-bread person offer his services for free?  How on earth can a well-educated man refuse using his mental resources to generate the almighty dollar? The answer is not difficult to discover. In capitalism everything has its price, but nothing has value.  

The modern liberal capitalist system is a deeply inhuman system, based on fraudulent teaching that everybody is equal in economic competition. In reality though, it rewards only those whose skills and talents happen to be marketable. Those rare Whites who decide to retain some vestiges of old European traditions are squarely pronounced incompetent.  Liberal capitalism both in America and in Europe has turned all humans into perishable commodities.

Nobody summarized this better than the Italian philosopher Julius Evola, another revolutionary nationalist who wrote: “Facing the classical dilemma 'your money or your life,' the bourgeois will answer: 'Take my life but leave me my money.'”

Greed, passionate greed eclipses all elements of human decency. Until relatively recently avarice was laughed at and its chief protagonists were considered immoral people, so well represented in Molière’s comedy L’Avare. Today the greedier the better: The money maker is the ultimate role model.  

Both East and West participate in this ethic of greed. The richest people in post-communist Eastern Europe are former communist hacks who converted themselves in a twinkle of an eye from disciples of Marx into acolytes of Milton Friedman and Friedrich Hayek. Finance capitalism provides the perception of limitless possibility of how to get rich out of the blue. This is a typical Bernie Madoff syndrome, namely that affluence can be created by sheer speculation. The entire banking system in Eastern Europe has been sold to foreigners over the last 10 years.  

Modern capitalism and a penchant for finance owe much to Judaism.  Werner Sombart, a German disciple of Max Weber, who can in no way be called an anti-Semite wrote in The Jews and Modern Capitalism that “money was their sole companion when they were thrust naked into the street, and their sole protector when the hand of the oppressor was heavy upon them. So they learned to love it, seeing that by its aid alone they could subdue the mighty ones of the earth. Money became the means whereby they — and through them all mankind — might wield power without themselves being strong.” 

Money changes social mores too. Young White couples put off having children until they achieve their economic dreams, while Mexicans and Blacks begin having children as impoverished teenagers, and Muslims place a high value on fertility. This is one of the main causes of our malaise, as White societies with declining fertility are inundated by highly fertile non-White populations with value systems that prize fertility over the accumulation of the accouterments of economic success.

And in this economic recession these Whites are not interested in a pay raise but rather in how to keep their job — security at all cost, even if it means working for lower wages. Neither are young job market entrants interested in saving money. Instead they live on credit in their petty little niche with their petty little pleasures and without incurring any risks.

What a difference from early American pioneers described by Jack London, who braved the vagaries of weather and who totally ignored the meaning of “hedge funds”! The attractions of money and the necessity of making money mean that everybody in our postmodern world becomes prey to the system.  

It is a fundamental mistake among many so called right wingers and racialists to assume that capitalism is the only answer to communism. Both systems are in fact similar because they preach the same religion of progress and the unfolding of earthly paradise — albeit in different gears.  But this time liberal capitalism has nobody to hide behind in order to conceal its vulgar depravity. The likely hypothesis is that the crumbling capitalist system will fall apart as a result of its own victory. One dies always from those who give him birth. 

 

Tom Sunic (http://www.tomsunic.info/; http://doctorsunic.netfirms.com/) is an author, former political science professor in the USA, translator and former Croat diplomat. He is the author of Homo americanus: Child of the Postmodern Age ( 2007

Encerclement de l'Iran (3/6)

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L’encerclement de l’Iran à la lumière de l’histoire du “Grand Moyen-Orient” (3/6)

par Robert STEUCKERS

L’oeuvre stratégique de Trajan

De la mort de César en –44 à +138, les Perses se maintiennent à l’ouest dans la région d’Edesse, empêchant les Romains d’exercer un contrôle réel et définitif sur le Proche-Orient et leur barrant l’accès à la Mésopotamie et au Golfe Persique. Avec l’empereur Trajan [photo], la grande stratégie envisagée par César, à la veille de son assassinat, se concrétise: avec dix légions, Trajan s’empare du pays des Daces, dont il fait la seule province romaine au nord du Danube en +105. Comme la maîtrise du cours inférieur du Danube implique la maîtrise totale de l’Anatolie et de la Mer Noire et, qu’à son tour, cette maîtrise permet de contrôler les bassins du Tigre et de l’Euphrate, Trajan, bien conscient de ces réalités géopolitiques, poursuit son grand dessein: il transforme le pays des Nabatéens en une province d’Arabie, se dotant de la sorte d’une base arrière, pour réduire le saillant perse d’Edesse, s’emparer des hautes terres arméniennes et, dans la foulée, de débouler avec ses légions en Mésopotamie. Finalement, les Romains arrivent à Charax, sur les rives du Golfe Persique. Plus jamais une Europe impériale et unie n’y reviendra! Son successeur Hadrien estime, sans nul doute à juste titre car la puissance parthe n’est pas négligeable et le front est désormais trop long, qu’il est trop risqué de poursuivre l’aventure et de mettre ses pas dans ceux d’Alexandre. Il retire les légions de Mésopotamie, rend à l’Arménie son statut de royaume client, non inclus dans l’orbe romaine. Il affronte une révolte juive, celle de Simon-Bar-Kochba (+132 à +135), qui sème le trouble sur ses arrières et rompt les liaisons entre la Méditerranée et la Mésopotamie. Cette révolte coûte à Rome les effectifs d’une légion entière. Neuf légions sur un total de vingt-huit sont stationnées de la Mer Noire à l’Egypte face aux Parthes. Dix sont stationnées entre l’Autriche et l’embouchure du Danube, région où elles font face aux peuples cavaliers (indo-européens) des Roxolans et des Iazyges (qui formeront bientôt le noyau de la cavalerie romaine, modifiant ipso facto le caractère majoritairement fantassin de l’armée). Hadrien n’avait pas eu tort: sa politique purement défensive apporte à l’empire romain une paix de près de deux siècles, qu’on peut considérer comme son âge d’or.

Les Parthes ne profitent pas du départ des Romains pour reprendre l’Arménie et le saillant d’Edesse: à l’Est se forme un autre empire indo-européen et cavalier, celui des Kouchans, qui s’étend sur le Pakistan actuel, mais aussi sur l’arrière-pays de réserve des empires perses précédents: la Bactrie et la Transoxiane. Privé de cet espace de réserve, l’empire parthe entre en déclin, ce qui amène à nouveau les Perses du Roi Ardashir au pouvoir. L’empire cesse donc d’être parthe, pour redevenir perse, comme du temps des Achéménides. Dans ce contexte de transition du pouvoir, la donne géopolitique est la suivante: Ardashir contrôle certes le noyau antique de l’Empire perse, soit l’Iran actuel, mais les Rois d’Arménie sont de sang parthe et s’allient aux Romains contre le nouveau pouvoir. Cette décision barre la route à Ardashir, qui ne peut reprendre pied sur les hautes terres d’Arménie. Il tourne alors ses forces vers l’est, contre l’Empire kouchan. C’est un succès: les Perses contrôlent tous les territoires du Golfe à l’Indus, y compris la Bactrie et la Transoxiane, espaces de réserve indispensables à assurer la puissance perse sur ses arrières. Mieux: Ardashir traverse le Golfe et place Bahrein sous suzeraineté perse. Deux options géostratégiques de l’ “iranité éternelle” venaient de se traduire dans le réel: le contrôle de l’arrière-pays steppique et la rive opposée du Golfe.

La poussée germanique vers le Danube

Au nord du Danube, les Goths, partis de Suède, ont conquis le bassin de la Vistule, traversé les marais du Pripet et se massent dans la vallée du Dniestr, en Moldavie et en Ukraine actuelles. Ils sont désormais sur la Mer Noire, à hauteur d’Odessa. Ils repoussent les Roxolans vers le Dniepr et le Don. D’autres Germains, les Vandales, partis de Silésie, poussent à travers la Bohème, arrivent dans le nord de la Hongrie actuelle et coincent les Iazyges cavaliers dans la vallée de la Tisza (Theiss). Les Germains de l’Est sont plus menaçants pour Rome que ne l’avaient jamais été les Roxolans et les Iazyges, avec lesquels ils avaient composé. Cette première poussée germanique, bien organisée, oblige les Romains à abandonner deux positions stratégiques importantes: les Champs Décumates entre le Rhin et le Danube, laissés aux Alamans, et la Dacie, si chèrement acquise sous Trajan, aux Gépides, Vandales Asding et Wisigoths. Mais sur le front perse, Rome se maintient, grâce aux légions de Galérien. L’Arménie est toujours cliente de Rome, le saillant d’Edesse sous le contrôle des légions, de même que la moitié nord de la Mésopotamie. Quant aux Perses, ils sont maîtres de tout l’Iran actuel, plus de l’Azerbaïdjan, des régions steppiques au Nord de l’Iran, zone de rassemblement depuis la proto-histoire des peuples cavaliers indo-européens —qui, toujours, fonderont ou redonneront vigueur à l’impérialité perse-parthe,— et de la moitié occidentale du Pakistan actuel, dont la quasi totalité du Béloutchistan.

Les deux empires semblent immuables, résister à leurs périphéries, moyennant des affrontements mineurs. Cependant, à la fin du règne de Julien, qui part contre les Perses avec ses légions gauloises et germaniques, les Huns, partis des flancs de l’Altaï en Sibérie centrale, ont avancé leurs hordes et leurs troupeaux vers la Mer d’Aral: à l’ouest, ils avancent vers la Volga qu’ils atteignent vers +350; à l’Est, ils conquièrent la Bactrie et la Transoxiane, mettant définitivement fin à l’indo-européanité centre-asiatique; depuis lors en effet, cette Asie centrale, indo-européenne depuis la culture proto-historique de Jamnaïa, est devenue turco-mongole, hunnique; elle ne sera jamais plus un espace de réserve pour les empires sédentaires du “rimland”, tous issus de peuples guides indo-européens. Toutes les potentialités démographiques indo-européennes d’Asie centrale altaïque sont, à un moment ou à un autre de la proto-histoire ou de l’histoire antique, rentrés dans l’espace iranien pour y consolider un ordre impérial; désormais, ces potentialités n’existent plus.

La fin lamentable de l’Empire romain d’Occident

Sur l’embouchure de la Volga dans la Caspienne, les Huns font face à un peuple cavalier indo-européen, les Alains, et, à hauteur de la boucle du Don, à proximité de la Volga, ils sont les voisins des Ostrogoths germaniques, dirigés par leur roi Ermanarich, qui s’est rendu maître de la Crimée (les descendants des Ostrogoths s’y maintiendront jusqu’au 17ième siècle!). Les Ostrogoths sont les premiers, avant les Romains et les Perses, à percevoir le danger hunnique: en +372, ils avancent leur cavalerie en direction de la Volga pour affronter la présence étrangère hunnique, mais ils sont écrasés par la tactique avérée des Huns: volées de flèches, décrochages rapides, retour des archers montés, nouvelle volée de flèches, nouveau décrochage, jusqu’à l’épuisement de l’adversaire. Boucliers de l’Europe lors de ce premier assaut hunnique, les Goths, bousculés et vaincus, en seront aussi les premiers martyrs. Leur défaite scelle le sort de l’Europe: les Huns, que plus aucune force militaire digne de ce nom ne peut arrêter, poussent jusqu’à la puszta hongroise, idéale pour l’élevage de leurs chevaux. Ils colonisent cette plaine en soumettant les Gépides. Les peuples germaniques sont repoussés, chassés des rives de la Mer Noire et des terres noires d’Ukraine: ils entrent dans l’Empire romain et finissent par en prendre le contrôle, d’autant plus que le meilleur général romain de l’époque, Stilicon, est un Vandale qui sait composer avec ses compatriotes. En 408, l’empereur Honorius, méfiant, le fait assassiner: mauvais calcul, absence de clairvoyance, mesquinerie de dégénéré, car plus aucun militaire de valeur n’est à même de défendre l’Italie. Alaric, chef des Wisigoths, va venger Stilicon et piller Rome. Honorius se replie à Ravenne et assiste, indifférent, au spectacle. Athaulf, successeur d’Alaric, souhaite une paix définitive avec Rome, mais l’empereur, décadent, irresponsable, incapable de défendre les citoyens de Rome, refuse tout compromis. S’il avait accepté les propositions honnêtes d’Athaulf, l’Empire d’Occident aurait été aussitôt restauré, sous l’impulsion des Wisigoths, pour faire face au second assaut des Huns.

Attila, les Turcs et les Avars

Après le choc entre Goths et Romains, les Huns de Hongrie se donnent pour roi Attila, qui conserve ses puissants alliés germaniques, les Ostrogoths et les Gépides. Attila avance ses troupes jusqu’à Orléans, le point le plus à l’Ouest qu’aient jamais atteint des conquérants venus de l’Altaï. Aetius, dernier général romain de l’Ouest, perdu au milieu des nouveaux royaumes germaniques constitués sur l’ancien Empire romain, parvient à s’allier aux Wisigoths, qui formeront le gros des troupes, aux Burgondes et aux Francs pour faire face à la menace: Attila est battu aux Champs catalauniques en +451 et reflue en Hongrie. Il y meurt l’année suivante. Son empire est partagé entre ses fils, très nombreux. Face à l’anarchie qui s’ensuit, les Germains se révoltent et écrasent les Huns en +454 en Hongrie (Bataille de Nedao, site inconnu). L’Empire romain sort exsangue et démembré de l’aventure, tandis que l’Empire perse, maître des zones les plus importantes de la Transoxiane et de la Bactrie, était parvenu à résister. Mais, le danger ne disparaît pas pour autant: il se transpose à l’est, où les Huns Blancs, qui n’osent affronter les Perses, annihilent l’empire kouchan vers +440, portant l’ennemi potentiel sur l’ensemble de la frontière orientale de l’orbe perse. En +484, l’empereur perse est tué à la tête de son armée, mais les Huns Blancs préfèrent jeter leur dévolu sur l’Inde. La situation changera au siècle suivant: les premiers Turcs à arriver aux portes des empires du “rimland” battent préalablement les Mongols jouan-jouan en +552, qui se réfugient chez les Huns Blancs en Transoxiane. Les Turcs battent les Huns Blancs en +557. Les Perses profitent de l’occasion pour réoccuper la Transoxiane, et se redonner ainsi le territoire qui a toujours été leur habituelle “bouffée d’oxygène”. Après cela, les Turcs restent cois. Mais les débris des Huns Blancs et des Jouan-Jouans se portent vers l’Ukraine et, de là, vers la Hongrie, où nos ancêtres les connaîtront sous le nom d’Avars. Ils affronteront les Francs en Thuringe (+562), qui leur barreront la route de l’ouest. Mais les Avars reproduisent la stratégie des raids tous azimuts d’Attila, frappant au hasard, où on les attend le moins. Les Byzantins les utiliseront, comme mercenaires ou comme alliés de revers, pour mater les Slaves, mais devront leur payer un tribut énorme, empêchant la Rome d’Orient, par la suite, de mobiliser les moyens financiers nécessaires pour battre définitivement les Perses d’abord, pour faire face ensuite aux Arabes, successeurs de Mahomet.

Des Samanides à Mahmoud de Ghazni

La Perse, après les Sassanides, servira de lieu de passage, d’espace de transit pour les tribus turques et hunniques en marche vers le Sud et l’Ouest. Elle n’a plus une réserve indo-européenne semi-nomade et semi-sédentaire, cavalière et guerrière, au-delà de la Transoxiane et de la Bactrie. Les vagues migrantes qui arrivent n’apportent pas un renouveau de souche européenne, mais de la nouveauté non persane, non assimilable à la persité antique. Toutefois, cette spécificité perse ne disparaît pas pour autant: malgré les coups durs encaissés, c’est une dynastie iranienne du Khorassan, les Samanides, qui règne de 819 à 1005. Une autre domine à l’Ouest de l’Iran actuel, les Bouyyides, de 934 à 1055. Les Samanides s’affirment dans la région au sud de la Mer d’Aral, dans le triangle formé par trois villes prestigieuses: Samarkand, Boukhara et Merv. Descendants d’un ancêtre appelé Saman Khudat, les représentants de cette famille islamisée ne sont que vice-rois des califes dans la région: ils se débarrassent, de manière subtile, de leurs maîtres arabes pour établir une culture propre, certes musulmane mais persane et non arabe. Au cours des premiers siècles de la domination arabe, le rejet de l’arabité par les Iraniens sera constant: d’abord, les conversions ont été lentes (il a fallu plus de quatre siècles!), ensuite, la base zoroastrienne de leur religion les induit à choisir généralement des voies chiites, contestatrices des pouvoirs dominants sunnites chez les Arabes, tout simplement parce que le zoroastrisme, puis les doctrines de Mani et de Mazdak, s’opposent aux pouvoirs sclérosés et aux répétitions rituelles stériles.

Les trois villes, qui forment les piliers du pouvoir samanide, sont des centres caravaniers, des foyers de commerce et de culture. Boukhara comptait près de 300.000 habitants. Dans la bibliothèque royale s’accumulaient 45.000 volumes. Un syncrétisme religieux et philosophique y émergeait, favorisé par les contacts entre Arabes et Persans, entre Européens du Nord et marchands chinois, entre Musulmans, Nestoriens et Bouddhistes. Les Samanides, sous la pression des Bouyyides, finissent par perdre le contrôle des mines d’argent de la région, source matérielle de leur pouvoir. Les tribus turques d’Asie centrale lorgnent sur les richesses des villes samanides, qui tombent en déliquescence et ne possèdent plus leur puissance d’antan. Après d’innombrables péripéties, changements d’alliances, trahisons et querelles intestines, les Turcs entrent dans Boukhara le 23 octobre 999.

Une date clef : la chute de Boukhara

Pour l’historien britannique John Man, “la chute de Boukhara en 999 doit être considérée comme le premier épisode d’une crise générale”, qui amènera les Turcs en Anatolie, déclenchera les croisades européennes un siècle plus tard, débouchera sur la prise de Constantinople en 1453 et générera, après les innombrables avatars de l’histoire, le problème des Balkans, toujours irrésolu. Pour éviter un raz-de-marée turc sur le reste de l’Iran, Mahmoud de Ghazni, un Perse, se soumet formellement au calife de Bagdad. Les Turcs n’occupent encore que l’espace clef d’Asie centrale, le triangle urbain de Boukhara, Samarkand et Merv. Mahmoud de Ghazni, fort de l’alliance qui le lie au calife, veut recréer, manu militari, l’empire d’Alexandre et celui des gupta, sous sa rude férule. Il envahit l’Inde, réussit un exploit militaire extraordinaire pour l’époque: la traversée du désert de Thar pour prendre la ville de Somath sur les rives de l’Océan Indien. L’objectif géopolitique de Mahmoud de Ghazni était de créer un barrage d’empires islamisés, de la Méditerranée à l’Inde, pour barrer la route aux Turcs d’Asie centrale, non encore convertis. Mais le pillage systématique des villes indiennes et des lieux de culte hindous, qu’il a pratiqué pour obtenir des fonds, le rendra odieux aux Indiens, qui le considèrent comme le premier envahisseur musulman décidé à détruire les bases de l’hindouisme. Sa rudesse est bel et bien à l’origine du conflit indo-musulman actuel. A sa mort en 1030, son empire, dirigé par ses héritiers, s’étend provisoirement jusqu’à Bénarès (prise en 1033), puis s’écroule. Les Turcs écrasent l’armée de son fils et amorcent, vers 1037, leur longue marche vers l’ouest, qui conduira à la bataille de Manzikert en 1071, contre les Byzantins, puis aux Croisades. A l’Est, ils prendront l’Inde en 1206, sous la conduite d’Aîbek.

Les Séfévides, alliés de revers du Saint-Empire et de l’Espagne

L’Iran ne retrouvera une identité politique propre qu’avec l’avènement des Séfévides en 1501. De 1037 à 1500, effectivement, l’Iran est sous la coupe de chefs turcs ou mongols. Au 15ième siècle toutefois, le déclin mongol permet le réveil de trois puissances: la Lithuanie, la Moscovie et l’ordre religieux soufi des Séfévides. Les Lithuaniens repoussent les Mongols et arrivent sur la Mer Noire. La Moscovie se structure au nord et passera à l’attaque au siècle suivant. Sur les marches turcomanes de l’Iran, un ordre soufi se crée sous la houlette du Cheikh Safi’uddin Ardébili en 1301. Celui-ci adhèrera pleinement à ce complexe religieux soufi-chiite au cours du 14ième siècle. En 1447, six ans avant la chute de Constantinople, le Cheikh Junayd et son fils Heydar imposent une réforme à l’ordre: celui-ci prend un aspect militaire et vise le pouvoir politique. Les tribus turcomanes de la région sont organisées selon de telles règles mystiques et militaires. On les appelle les “Qizilbash” ou “chapeaux rouges”: ils seront entièrement dévoués aux Séfévides.

En 1487, Shah Ismaël succède à son père Heydar, qui avait épousé Marie, la petite-fille d’Alexius IV, empereur de Byzance. L’origine de son épouse lui dicte une hostilité aux Ottomans. Du coup, les puissances européennes traditionnelles cherchent à faire de lui l’allié de revers contre les Ottomans, comme François I était l’allié de revers des Ottomans contre le Saint-Empire et l’Espagne. Shah Ismaël s’assure dans un premier temps la bienveillance, voire l’alliance, des tribus turcomanes de la périphérie septentrionale de l’Iran (sauf les Ouzbeks), conquiert ensuite Diyarbakir en 1508, puis envahit la Mésopotamie. La défaite des Ouzbeks au nord ne lui permet cependant pas de conserver l’espace de la Transoxiane dans la sphère d’influence iranienne, ce qui constitue, comme toujours, un sérieux handicap sur le long terme. Les Ouzbeks sont de fait les alliés de revers des Ottomans. La situation stratégique du début du 16ième siècle est donc la suivante: Espagne, Saint-Empire, Iran contre France, Ottomans et Ouzbeks. L’alliance franco-ottomane ne se fera que dans les années 20 du 16ième siècle, mais, de fait, la volonté de Louis XII, puis de François I, de sortir du cadre légitime de la Francie occidentale (selon le Traité de Verdun de 843) qui s’était déjà emparé antérieurement de la Burgondie rhodanienne, de se rendre maître de la plaine padane pour débouler dans l’Adriatique, sont autant de démarches trahissant une foncière inimitié à l’endroit de l’Espagne et de l’Empire, qui sont, à l’époque, sous la souveraineté commune du jeune Charles-Quint.

Heurs et malheurs des Séfévides

Les Ottomans ripostent et envahissent l’Iran en 1514. L’armée de Shah Ismaël est écrasée. L’expansion ottomane au Proche et au Moyen-Orient commence: Soliman le Magnifique s’empare de Bagdad en 1534. L’Iran séfévide perd définitivement l’Irak. Il faudra attendre l’avènement du Shah Abbas I (1588-1629) pour stabiliser à nouveau l’Iran séfévide, en faire un bloc inexpugnable, regroupant le Caucase, l’Iran et une bonne partie de l’Afghanistan actuel. Abbas I a réussi à consolider ses frontières occidentales, mais sans récupérer la Mésopotamie et le Kurdistan actuel. En 1639, les hostilités entre Ottomans sunnites et Perses chiites cessent durablement: la frontière occidentale de l’Iran restera, grosso modo, la même que celle que nous connaissons aujourd’hui. Au 18ième siècle, Nader Shah Afshar (1729-1747) tenta une nouvelle fois, sans succès, de reconquérir la Mésopotamie, soulageant par ses efforts les Européens, qui purent ainsi consolider les conquêtes d’Eugène de Savoie dans les Balkans et celles de Catherine II sur le pourtour de la Mer Noire. Nader Shah Afshar s’opposa toutefois victorieusement à la Russie dans le Caucase. Il réussit à envahir l’Afghanistan et l’Inde, à prendre Dehli, capitale des Moghols. Ses efforts en Transoxiane furent vains, ce qui n’est pas sans conséquences: l’histoire nous enseigne qu’un Iran qui ne domine pas la Transoxiane demeure faible et menacé. L’épopée guerrière de Nader Shah Afshar se fit au détriment de l’organisation intérieure de l’Empire, comme du temps de Mahmoud de Ghazni: ses conquêtes furent perdues après sa mort. Plus tard, Karim Khan Zand prend Bassorah aux Ottomans, ce qui permet à la Perse de développer son commerce avec l’Inde. Cette victoire montre l’importance stratégique primordiale de ce port au sud de la Mésopotamie.

Au 19ième siècle, la dynastie des Qadjars, turcomane d’origine, affronte la Russie qui, forte de ses victoires contre les Ottomans, a progressé dans le Caucase et commence à grignoter les territoires iraniens. La Russie est désormais maîtresse de la Caspienne. L’Iran, sous la conduite de Fath’Ali Shah, tente de reprendre pied en Afghanistan en conquérant Hérat en 1837: les Anglais font alors pression sur le Shah pour qu’il retire ses troupes. Au même moment, comme par hasard, une révolte religieuse, celle des Bâbis, plonge l’Iran dans une guerre civile. Les Babistes luttaient contre le clergé chiite, jugé trop rétrograde, et militaient pour un assouplissement général des règles islamiques de la vie quotidienne. Réprimé durement, le mouvement continue toutefois à agir dans la clandestinité et travaillera à la chute des Qadjars, en soutenant le mouvement constitutionaliste de la première décennie du 20ième siècle, qui a reçu un certain soutien britannique, retiré prestement, dès que les nécessités stratégiques de l’Entente avec la France et la Russie obligeaient Londres à ménager Pétersbourg pour concentrer tous les efforts contre l’adversaire allemand. La Russie s’opposait au constitutionalisme, craignant la contagion, et préférait soutenir le Shah et le clergé hostile à toute réforme socio-religieuse. En 1857, immédiatement après la Guerre de Crimée, le Shah Nasser ed-Din tente une nouvelle fois de reprendre Hérat; les Anglais, qui n’acceptent pas et n’accepteront jamais cette expansion iranienne vers l’est, débarquent dans le Sud. Russes et Anglais finissent par se partager des zones d’influence dans le pays, le réduisant, non pas au statut d’une colonie, mais d’une zone sans indépendance réelle. Le pouvoir des Qadjars au 19ième siècle est l’histoire d’un lent déclin de la Perse.

dimanche, 17 mai 2009

Hans-Joachim Schoeps

Karlheinz WEISSMANN - http://www.sezession.de/

Vor einhundert Jahren wurde der Historiker Hans-Joachim Schoeps geboren

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Vor einhundert Jahren, am 30. Januar 1909, wurde Hans-Joachim Schoeps in Berlin geboren. Er kam als Sohn eines renommierten Berliner Arztes zur Welt, studierte nach dem Schulabschluß in Heidelberg, Marburg, Berlin und Leipzig Germanistik, Geschichte und vergleichende Religionswissenschaft. 1932 wurde er zum Dr. phil. promoviert. Gleichzeitig hatte er das Erste Staatsexamen abgelegt, konnte aber im folgenden Jahr wegen der nationalsozialistischen Machtübernahme nicht mehr in das Referendariat eintreten; aus denselben Gründen scheiterte auch der Versuch, sich zu habilitieren.

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Schoeps war in den zwanziger Jahren mit der Jugendbewegung in Berührung gekommen und hatte Kontakt zu verschiedenen Gruppen der „Konservativen Revolution“. Er gehörte damit zu dem kleinen Kreis deutsch-jüdischer Intellektueller, die dieser Bewegung nahestanden, so etwa Rudolf Borchardt, Ernst Kantorowicz und Hans Rothfels. Verbindungen bestanden vor allem zu Zeitschriften wie Die Tat, in der 1930 ein erster im eigentlichen Sinn politischer Aufsatz aus seiner Feder erschien, und Der Ring, die nachhaltig durch die Ideen Moeller van den Brucks geprägt war. Bemerkenswert ist auch, daß Schoeps die unter Konservativ-Revolutionären verbreitete Einschätzung  des Nationalsozialismus teilte, wenn er einerseits den „aufgeregten Kleinbürger Hitler“ verabscheute, andererseits meinte, daß man nur in der HJ noch „Gläubigkeit, Begeisterung und Leidenschaft“ finde, wenngleich sie für die falschen Ziele eingesetzt würden. Diese Bemerkungen stammen aus einem Brief, den Schoeps im November 1932 an den von ihm – trotz seiner scharf antijüdischen Position – hoch verehrten Hans Blüher schrieb. Beide hatten in Korrespondenzform ein Streitgespräch geführt, das noch 1933 unter dem Titel Streit um Israel als Buch veröffentlicht wurde. Darin betonte Schoeps einerseits sein Deutschtum im Sinne des preußischen Staatsethos, andererseits seine jüdische Identität. Diese verstand er allerdings nicht im zionistischen Sinn – das jüdische „Weltvolk“ war seiner Meinung nach im Jahre 70 mit der Zerstörung des Tempels und Jerusalems untergegangen –, sondern theologisch, wobei er neben dem Bundesschluß am Sinai auch die Möglichkeit anerkannte, daß Gott mit anderen Völkern ähnliche Bünde abgeschlossen habe.

Und was nun gar heute alles konservativ ist: Dieses vermickerte Kleinbürgertum, das Ruhe und Ordnung will, die Leute, die Angst haben, daß man ihnen ihre Geldsäcke klaut – aber darüber hinaus für keinen Sechser Haltung und Courage. – Schoeps 1932

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Dieser „theonome Konservatismus“ ähnelte sehr stark der in den zwanziger Jahren von evangelischen Theologen entwickelten „Volksnomoslehre“ und führte Schoeps mit seinen politischen Vorstellungen in eine weltanschauliche Position zwischen allen Fronten. Daraus erklärte sich letztlich seine heute so stark irritierende Bemühung, für die deutschen Juden im „Dritten Reich“ eine selbständige Position als „Stand“ zu erreichen, weshalb er von Regierungsstellen ebenso wie von den an „Dissimilation“ interessierten Zionisten wie von der Emigration mit Feindseligkeit verfolgt wurde.

Der von Schoeps zu Ostern 1933 gegründete „Vortrupp. Gefolgschaft deutscher Juden“ sollte zusammen mit anderen konservativen jüdischen Organisationen, vor allem dem „Nationalverband deutscher Juden“, trotz dauernder Zurückweisung die patriotische Einsatzbereitschaft der verfemten Minderheit demonstrieren, hatte damit aber keinen Erfolg. Im Dezember 1938 mußte Schoeps fluchtartig das Land verlassen und emigrierte nach Schweden. Seine Eltern kamen in den Lagern ums Leben, sein Vater, der während des Ersten Weltkriegs als Regimentsarzt des Garde du Corps gedient hatte, konnte bis zum Schluß nicht glauben, daß eine „nationale Regierung“ Hand an ihn und seine Familie legen würde.

Die erzwungene Muße im skandinavischen Exil nutzte Schoeps, um seine Studien zur vergleichenden Religionsgeschichte fortzusetzen. Er arbeitete als Dozent an der Universität Uppsala und soll bei seiner Rückkehr mehr als dreizehn Kilogramm Manuskriptpapier bei sich gehabt haben, Material für sieben wissenschaftliche Werke. Den häufig kommunistisch orientierten Gruppen des Exils stand er ablehnend gegenüber. Unermüdlich versuchte er die Differenz zwischen Deutschland und dem NS-Regime klarzustellen. Insofern war es nur konsequent, daß er unmittelbar nach Kriegsende in das zerstörte Deutschland zurückkehrte. Er habilitierte sich 1946 in Marburg und wurde ein Jahr später auf den eigens geschaffenen Lehrstuhl für Religions- und Geistesgeschichte an der Universität Erlangen berufen, zeitgleich begann er mit der Herausgabe der Zeitschrift für Religions- und Geistesgeschichte.

Schoeps‘ Vorstellung von „Geistesgeschichte“ knüpfte zwar an Dilthey an, verstand sich aber darüber hinausgehend als „Zeitgeistforschung“. In mehr als drei Jahrzehnten publizierte er zahreiche Monographien und Sammelwerke auf diesem Gebiet. Dabei zeichneten sich sehr deutlich zwei Schwerpunkte ab: die Geschichte des Urchristentums – insbesondere der „Judenchristen“ – und die Geschichte des preußischen Staates, vor allem seiner konservativen Denker.

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Dieses Interesse am „anderen Preußen“ hing vor allem mit der Sympathie zusammen, die Schoeps nach wie vor der konservativen preußischen Tradition entgegenbrachte. Fast alle seine politischen Stellungnahmen in der Nachkriegszeit müssen aus diesem Zusammenhang heraus verstanden werden. Bereits seine Rede zum 250. Jahrestag der ersten preußischen Königskrönung, dem 18. Januar 1951, über „Die Ehre Preußens“ (so der Titel der gedruckten Fassung) sorgte für Aufsehen. Zu Beginn der Ansprache hieß es: „Ich möchte mit der Feststellung beginnen, daß wir eines teuren Toten hier gedenken, der, vom Strome der Geschichte zum Licht getragen, in diesen Strom wieder zurückgetaucht ist. Staaten werden immer nur durch die Kräfte getragen und erhalten, durch die sie geschaffen worden sind. Preußen war ein königlicher Staat, und darum mußte Preußen sterben, als sein Königtum dahinstarb. Preußen hat am 9. November 1918 zu bestehen aufgehört und nicht erst 1933 oder gar 1945. Als durch Beschluß des Alliierten Kontrollrates vom 25. Februar 1947 der Staat Preußen, dessen Stammlande damals aber zum großen Teil unter fremder Herrschaft standen, offiziell aufgelöst wurde, haben alle alten Preußen dies als einen seltsamen Akt der Leichenschändung empfunden.“

Eine ähnlich irritierende Wirkung wie das Plädoyer eines deutschen Juden für den preußischen Staat hatten auch Schoeps’ später erhobene Forderung nach Einrichtung eines „Oberhauses“ und sein Eintreten für die Wiederherstellung der Monarchie. Je weiter sich die Linkstendenzen in der westdeutschen Gesellschaft in den sechziger Jahren verstärkten, desto schärfer wurde Schoeps im Ton und desto weniger schützte ihn seine jüdische Herkunft. Die Angriffe kamen dabei von verschiedenen Seiten: einmal von dem notorischen Ariel Goral, der Schoeps in einem Flugblatt wegen seiner Bemühungen um den jüdischen „Stand“ zwischen 1933 und 1936 als „braunen Juden“ beschimpfte, und zum anderen von der APO, der endlich eine Handhabe gegen den Konservativen zur Verfügung stand, der schon verschiedentlich energische Maßnahmen gegen den neuen linken Extremismus verlangt hatte und sich jetzt als „erfahrener Faschist“, „Nazi-Jude“ oder „jüdischer Obersturmbannführer“ verunglimpft sah.

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Auf Unterstützung brauchte Schoeps nicht zu hoffen. Die Philosophische Fakultät seiner Universität hatte schon 1968 eine Solidaritätserklärung mit 33 gegen 5 Stimmen abgelehnt. Der „Fall Schoeps“ erregte bundesweit Aufsehen und zog jetzt Angriffe auch in der überregionalen Presse, etwa in Zeit und Spiegel, nach sich. Schließlich nahm unter der neuen sozialliberalen Regierung das Verteidigungsministerium die Vereinbarung über eine Sonderausgabe des Buches Preußen. Geschichte eines Staates für die Bundeswehr zurück. Schoeps geriet in den folgenden Jahren immer weiter in die Isolation.

Als er im Wintersemester 1976/77 zur Emeritierung anstand, versuchte er alles, um eine geplante Umwidmung seines Lehrstuhls zu verhindern. Im Rahmen der Vereinbarung zwischen der katholischen Kirche und dem bayerischen Staat über die sogenannten Konkordatslehrstühle war vorgesehen, an die Stelle des Erlanger Lehrstuhls für Religions- und Geistesgeschichte einen solchen für Politische Wissenschaften treten zu lassen.
Alle Versuche von Schoeps, das – und damit die Beschädigung seiner intellektuellen Hinterlassenschaft – zu verhindern, schlugen fehl, bis es ihm gelang, durch direkte Intervention bei der bayerischen Regierungsspitze wenigstens zu erreichen, daß die Geistesgeschichte im Rahmen der künftigen Lehrveranstaltungen einen besonderen Schwerpunkt bilden sollte. Vor allem auf Betreiben des landläufig als „konservativ“ geltenden Historikers Michael Stürmer wurde nach dem Tod von Schoeps am 8. Juli 1980 das noch bestehende „Seminar für Religions- und Geistesgeschichte“ liquidiert, sein Lehrstuhl eingezogen beziehungsweise umgewidmet und 1994 sogar die Bibliothek – darunter neunhundert von den Erben leihweise übergebene Titel – an ein Antiquariat verkauft.

Die ’Überwindung der Massengesellschaft’ wird in unserem Geschichtsraum vielleicht überhaupt nur noch vom Geist, von den Ideen und Institutionen des Preußentums her möglich sein. Denn Preußen war der einzige deutsche Staat, der mehr als ein Staat war, mit dem sich eine Idee verknüpft hat, durch die Menschen gebunden wurden und noch heute gebunden werden können. … Derlei ist heute vollkommen unzeitgemäß – aber gefordert. Gerade die Unzeitgemäßheit ist paradoxerweise die größte Chance für Preußens Wiederkehr. Erst in der Zukunft wird man das klar erkennen können. – Schoeps 1982

Man hat Hans-Joachim Schoeps immer wieder seine unkritische Haltung gegenüber der preußischen Vergangenheit vorgeworfen, seinen anachronistischen Royalismus, und selbst Wohlwollende glaubten, daß er sich allzu sehr nach Schnallenschuh und Perücke am Hof zu Sanssouci sehnte. Aber damit trifft man nicht den Kern der Sache. Hier hat einer mit bemerkenswerter Unbeirrbarkeit nicht nur daran festgehalten, daß es möglich sein müsse, Deutscher und Jude, Preuße und Jude zu sein, sondern auch darauf beharrt, daß „unser armes Land“ seine Wunden heilen lassen sollte und daß ohne die preußische Substanz staatliche Existenz gar nicht möglich sei. Damit war er in der ersten Nachkriegszeit durchaus repräsentativ für eine starke Minderheit der Deutschen, die eine Totalrevision der Geschichte für unwahrscheinlich hielt, dann akzeptabel, weil ihm Herkunft und Schicksal einen gewissen Schutz gewährten, schließlich einsam wie jeder, der im Ernst auf dem Wert der preußischen Lektion beharrte.


Encerclement de l'Iran (2/6)

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L’encerclement de l’Iran à la lumière de l’histoire du “Grand Moyen-Orient” (2/6)

par Robert STEUCKERS

Fin de l’unité seldjoukide et avancées européennes

L’unité seldjoukide s’effondre: trois sultanats se partagent, après les coups portés par les Croisés, l’héritage d’Alp Arslan. Mais le flot démographique turc continue à se déverser via l’Iran vers l’Anatolie et le Moyen-Orient arabe. Le Sultan seldjouk Sanjar de Merv ne parvient pas à canaliser ce flot ininterrompu qui consolide parfois les sultanats turcs établis mais y introduit tout aussi souvent le désordre: une tare du nomadisme. La Perse, dans ce contexte, est devenue le sultanat seldjouk d’Hamadan. Elle est un espace de transit pour les nomades et leurs troupeaux qui suivent leurs guerriers victorieux. Les croisades, qui ne sont pas vraiment un succès militaire sur le long terme, permettent toutefois, par la pression constante qu’elles exercent, aux royaumes ibériques de libérer une très vaste partie de la péninsule hispanique, à la Géorgie de se dégager de la tutelle seldjouk, aux Russes de Novgorod et de Souzdal de tenir tête aux Coumans, aux Byzantins de reprendre pied dans les Balkans.

L’affrontement a été lourd face aux Seldjouks. L’histoire des croisades nous montre que les Croisés “latins” et les Arméniens “grecs” feront cause commune, en dépit du contentieux entre Rome et Byzance, sanctionné par le schisme de 1054. Quand les Croisés doivent plier devant le général kurde Saladin, le conflit demeure chevaleresque, tout simplement parce que Saladin est un indo-européen, ni turc ni arabe. De là, la littérature épique et courtoise de notre moyen-âge, où Feirefiz, le chevalier perse ou kurde est l’ami de Parzifal, son homologue allemand, dans l’épopée de Wolfram von Eschenbach. Aucune fraternité de ce type n’est attestée dans la littérature épique espagnole, où Européens affrontent Berbères et Arabes, ni dans une oeuvre antérieure à l’affrontement avec les soldats de Saladin ou ceux de ces successeurs.

L’académicien René Grousset, spécialiste de l’Asie centrale, dans son livre L’épopée des Croisades, restitue clairement la situation: l’Empereur germanique Frédéric II Hohenstaufen admire, non pas tant l’islam en tant que religion, mais la science arabo-perse, capable de structurer durablement un empire. Frédéric n’a donc pas les aprioris habituels des chrétiens occidentaux contre l’islam ou les civilisations antérieures qu’il recouvre de son vernis. Les successeurs de Saladin le Kurde, eux, raisonnent en termes géopolitiques. Son empire, qui comprend alors l’Egypte, la Syrie-Palestine et la Mésopotamie, est administré par ses trois neveux, chacun sultan de l’une de ces provinces. El-Mouazzam, sultan de Syrie-Palestine à Damas, entre en conflit avec son frère aîné, El-Kâmil, sultan d’Egypte. Pour vider la querelle, El-Mouazzam fait appel à des nomades turcs commandés par Djélal ed-Dîn Mangouberdi, chassé du Khwarezm (Nord-Est de l’Iran actuel) par les Mongols de Gengis Khan. El-Kâmil voit le territoire de son Kurdistan original ravagé, l’élément perse subjugué et l’héritage de Saladin menacé jusqu’en Egypte. Il envoie un ambassadeur, l’émir Fakhr ed-Din, à Frédéric, pourtant excommunié, pour lui implorer son secours contre El-Mouazzam et Djélal ed-Dîn Mangouberdi; en échange, il lui offre Jérusalem, reprise jadis par son oncle Saladin.

Les Croisades échouent parce qu’elles n’ont pas le soutien pontifical

Les croisés du Saint-Empire romain germanique débarquent à Saint-Jean-d’Acre sous le commandement de Henri de Limbourg, qui bien vite, repousse les troupes d’El-Mouazzam et vient en aide à Hermann von Salza, grand maître de l’Ordre Teutonique en Palestine. El-Mouazzam meurt avant l’arrivée —tardive, il est vrai— de Frédéric. El-Kâmil marche sur Damas avec les troupes de son frère El-Achraf, sultan de Mésopotamie. Après moultes tergiversations, El-Kâmil et Frédéric s’entendent pour donner à Jérusalem un statut de condominium, acceptable pour les deux parties. Les Germains l’occupent et l’administrent officiellement, flanqués d’un cadi musulman, en charge de guider les pélerins vers l’enceinte du Haram ech-Chérif. C’était en 1229. Frédéric est rappelé en Italie, où les intrigues pontificales suscitent révoltes et troubles. Sa victoire diplomatique n’est pas reconnue comme telle. Triste exemple de mauvaise foi.

En 1239, les Croisés obtiennent encore une victoire, en conquérant la Galilée et Ascalon. Mais, faute de soutien pontifical, cette victoire sera de courte durée: les Turcs Khwarezmiens prennent Jérusalem en 1244, puis Tibériade et Ascalon en 1247, prouvant par là même que la volonté frédéricienne de faire barrage commun avec les Kurdes de la famille de Saladin était un projet stratégique cohérent. Les Mongols, qui suivent les Khwarezmiens, comme l’avait prévu le Sultan El-Kâmil, prennent Bagdad en 1258. Il faudra un sursaut des mamelouks d’Egypte pour mettre un terme à la présence mongole en Palestine. Pire, la lutte de la Papauté contre l’Imperium de Frédéric affaiblit l’Europe, au point qu’elle a risqué une conquête mongole en 1240-41: les hordes de Batou, prennent Kiev en 1240, envahissent la Pologne, se heurtent victorieusement à l’armée impériale à Liegnitz en 1241, mais ne poursuivent heureusement pas leur course plus loin à l’Ouest. Une autre horde longe le Danube et ravage la Hongrie. Une fois de plus, les deux attaques turco-mongoles ont été simultanées, comme au temps des Seldjouks et des Coumans, à une époque où l’Europe était affaiblie par des querelles intestines, fomentées à Rome ou à Paris. Paradoxe: le Sultan El-Kâmil était plus lucide que le Pape romain!

L’émergence de la puissance ottomane

Après les croisades, les sultanats seldjouks disparaissent. L’Anatolie est fractionnée entre des émirats antagonistes, dont les principaux sont ceux de Karaman, de Sivas et, enfin, celui des Ottomans, qui connaitra un grand destin. Les Ottomans, proches de la Mer de Marmara et de Constantinople, parviennent à prendre pied à Gallipoli en 1354. Sur la rive européenne, l’empire serbe de Stéphane (ou Etienne) Douchan, qui s’étend de Belgrade à l’Egée, se décompose en plusieurs petites entités rivales à la mort du grand roi en 1355. Les Bulgares sont également divisés en fractions rivales. Ce désordre et ces querelles fratricides permettent aux Ottomans de passer à l’attaque et d’annihiler Serbes et Bulgares. Dans les années 1360, ils se bornent à grignoter le territoire des anciens royaumes cohérents des Serbes et des Bulgares, ce qui les amènent à contrôler la Thrace. Dans les années 1370, ils établissent une frontière militaire contre les Slaves des Balkans. Dans les années 1380, ils font des Serbes et des Bulgares leurs vassaux. En 1389, le Sultan Bayazid bat les Serbes au Champs des Merles (Kosovo) et force les émirats turcomans à l’Ouest de l’Euphrate à se soumettre à son autorité. Un croisade de secours, franco-germanique, dont fait partie notre Duc Jean Sans Peur, est écrasée en Bulgarie en 1396. Bayazid Yildirim (le “Tonnerre” ou la “Foudre”) se rend maître de l’ensemble des territoires jadis byzantins sauf Contantinople et Trébizonde, devenues des enclaves urbaines isolées de leur environnement. La masse territoriale de l’Empire d’Orient devient ottomane. Les anti-unionistes orthodoxes imaginent une théologie qui puisse fusionner le christianisme grec et l’islam turc (Georgios Scholarios, dit “Gennadios”, Georgios Amoiroutzès de Trébizonde), d’autant plus qu’avant la conquête du Proche-Orient par les Ottomans, l’empire est majoritairement “grec”. Les nouveaux maîtres vont reprendre à leur compte les stratégies d’expansion des Byzantins en direction des Balkans, puis vont reconquérir le Proche-Orient, la Mésopotamie et l’Egypte (début du XVIième siècle) et se heurter aux Perses.

Mais l’oeuvre géopolitique de Bayazid Yildirim sera ruinée par un chef tatar converti à l’islam, qui n’aura détruit que des empires musulmans au cours de sa fulgurante carrière: Timour Leng ou Tamerlan, qui le bat à Ankara en 1402, donnant paradoxalement un répit à l’Europe. Prisonnier de Tamerlan, Bayazid meurt en captivité. Mais le chef tatar abandonne l’Anatolie; il a un autre projet: envahir la Chine et la détruire comme il a détruit l’Inde de Dehli. Il meurt en chemin. L’empire ottoman peut renaître et se retourner contre l’Europe: Mehmet II Fatih prend Constantinople en 1453, chasse les Génois de Crimée, vassalise les Tatars de cette presqu’île russe, devient le maître incontesté de l’espace pontique. Il ne commet pas l’erreur des Seldjouks: laisser le flot démographique turcoman d’Asie centrale se déverser sur ses possessions; il oblige les “Turcs de la Horde du Mouton Blanc” à demeurer à l’Est de l’Euphrate, ce qui lui permet de réorganiser en paix les territoires conquis sans devoir subir le désordre d’une immigration incontrôlée. Son premier objectif est de se rendre maître de toute l’Egée, d’arracher aux Vénitiens et aux Génois tous leurs comptoirs dans le bassin oriental de la Méditerranée. Lesbos tombe en 1462 et Eubée en 1470. Remarque: c’est Tamerlan qui sert de modèle à Zbigniew Brzezinski aujourd’hui car il détruit sans les reconstruire les empires du rimland eurasien. Ce principe dit “mongol” séduit Brzezinski car, s’il est appliqué à intervalles réguliers, aucune concentration de pouvoir ne peut demeurer en Eurasie sur la longue durée, en étant capable de challenger l’unique superpuissance encore en place sur cette planète.

Chevaux, chars de combat et roues à rayons

Revenons au destin de la Perse, dans la période qui va des premières croisades à l’expansion ottomane du 15ième siècle. Cette histoire est instructive pour les temps présents, où la région est à nouveau théâtre de guerres. Depuis des temps immémoriaux, des tribus indo-européennes (aryennes) erraient dans la steppe, de l’Ukraine à la Mer d’Aral. Elles avaient domestiqué le cheval. Elles étaient partiellement sédentaires (culture de Fatyanovo dans le bassin de la Volga). Elles semblent avoir commencé leurs mouvements vers l’Oural avec la culture d’Usatovo (entre –4000 et –3000). Celle-ci est suivie de la culture dite de Serednij Stog, puis par celle de Jamnaïa, qui sera la culture-source des grandes expansions indo-européennes de la proto-histoire vers l’Iran, l’Inde et probablement la Chine. Dans son grand atlas historique, le Prof. Jacques Bertin souligne l’importance de la culture d’Afanasievo (-2400 à –1700): “L’expansion indo-européenne, depuis l’Ukraine, atteint toute l’Asie centrale. La culture d’Afanasievo (…) profite de la richesse en minerais et en pâturages des montagnes de l’Altaï et des Saïan pour développer l’élevage (chevaux, bovins), l’agriculture et fabriquer des bijoux en métal (…). Une agriculture irriguée est pratiquée au sud de la steppe près de la Mer d’Aral (culture de Kelteminar) et au pied des montagnes de Turkménie”. Ensuite, ajoute-t-il, la culture de Glaskovo (-1700 à –1200) fait de “la région le lieu d’échange entre l’Ouest et la Chine”. Le déssèchement général amène des transformations, mais Bertin constate que la civilisation de Glaskovo, vers –1300 continue à “rayonner sur le Bassin de l’Amour”.

Vers –1800, ces cavaliers apparaissent en Iran et dominent les Elamites de souche dravidienne. Ils forment l’aristocratie cavalière chez des peuples dravidiens (comme les Kassites) ou caucasiens (les Hurriens organisés par les Mitanni indo-européens). Les Mitanni nous ont laissé un manuel d’entraînement de cavalerie et d’utilisation du char de combat; on a découvert ce document à Hattusas, la capitale des Hittites. Plus loin, ces mêmes tribus, qui maîtrisent la technique militaire du char et de la roue à rayons, déboulent en Chine et jettent les bases de l’organisation militaire des futurs empires chinois (période de –1600 à –1400). Vers –1275, trois branches indo-européennes orientales distinctes occupent l’espace qui va de la Mer d’Azov aux confins de la Chine et de la Mer d’Aral à la Perse à l’Ouest et à l’Inde à l’Est: les Scytho-Cimmériens, les Iraniens et les Indiens.

Zarathoustra

En -714, des troupes scythes et cimmériennes bousculent le royaume caucasien d’Ourartou, s’établissent en Anatolie, puis défont les Assyriens en –705. Le facteur indo-européen et cavalier devient décisif et incontournable au Moyen-Orient: jusqu’à l’avènement de l’Islam, plus aucun empire de facture sémitique ne s’imposera à la région. Toutes les directions politiques seront scythes, cimmériennes, mèdes, perses, grecques, macédoniennes, parthes ou romaines. Vers -560, apparaissent les Mèdes, qui soumettent Arméniens, Cimmériens d’Anatolie et Perses (une petite tribu reléguée dans le Sud peu fertile de l’Iran actuel). Pourtant ce seront les Perses, en –533, qui prendront la direction de l’ensemble, fort vaste, de l’Empire mède. C’est là que commence la véritable histoire de l’Iran.

Elle est précédé par l’apparition d’une figure prophétique, celle de Zarathustra ou Zoroastre, entre –610 et –590. Ce réformateur religieux est né en Bactrie, région centre-asiatique au nord de l’Iran actuel, où attendent, comme dans une anti-chambre, les peuples cavaliers de la steppe sibérienne pour jouer un rôle politique prépondérant dans le rimland moyen-oriental et mésopotamien, comme l’atteste l’histoire, depuis les Elamites et les Hurriens. Considéré comme un trouble-fête dans sa région natale, Zarathustra émigre par la suite dans le royaume de Chorasmie —situé au sud de la Mer d’Aral selon les uns, sur le cours moyen du fleuve Amou Daria pour les autres— où le roi Vishtapa l’accueille et accepte son code religieux, social et éthique. Les prêtres traditionnels, représentant d’une hiérarchie figée et adeptes d’une religiosité purement formelle et rituelle, organisent une révolte générale contre la nouvelle foi. Zarathoustra meurt martyr en –553. Il avait jeté les bases d’une religion de la justice, de la participation active du croyant à la chose politique, participation positive qui sera, disait-il, jugée par Dieu lors d’un Jugement Dernier. Le modèle “messianique”, plus exactement celui du “saoshyant”, du “Sauveur qui aide”, “qui vient pour aider”, est né dans cet espace scytho-iranien, entre la Mer d’Aral et la vallée de l’Amou Daria. Les Juifs, avec le prophète Daniel, le ramènent de la captivité babylonienne, après la victoire des Perses de Cyrus contre les héritiers de Nabukhodonosor. Le modèle, mutatis mutandis, sera repris par le Christ puis par deux prophètes iraniens, Mani et Mazdak, qui connaîtront également le martyr, et, enfin, mais cette fois-ci en Arabie, par Mahomet.

La fin des Séleucides et l’arrivée des Parthes

Les Achéménides (-550 à –330) acceptent le zoroastrisme dans ses grandes lignes, comme un moyen commode d’unir Perses et peuples soumis. Le zoroastrisme, devenu ainsi religion d’Empire, survit sans problème à la parenthèse des conquêtes d’Alexandre. Et se diffuse dans tout l’espace dominé par les Perses, créant une véritable diaspora, véhiculant l’esprit d’une “certaine civilisation iranienne”. Sous les Séleucides, qui prennent le relais après le partage de l’empire d’Alexandre, la Perse hellénisée connaît une longue période de déclin et perd les régions clefs de la Bactriane et de la Sogdiane au nord de l’Oxus (= Amou Daria). De nouveaux nomades indo-européens venus de Sibérie vont s’y concentrer: parmi eux, les Parthes, sous l’impulsion des Arsacides. Les Séleucides s’opposent à la progression parthe, qu’ils jugent à juste titre fort dangereuse. Ils n’y parviennent pas à cause d’un soulèvement levantin à Antioche. Les Parthes avancent jusqu’en Hyrcanie (la région qui se trouve au sud de la Caspienne). Antiochos III rétablit la situation, bat les Egyptiens, reprend la Syrie et la Palestine, s’allie avec les nomades indo-européens de Bactriane, renoue avec l’empire indien des Maurya, mais répond —décision funeste— à l’appel de Philippe V de Macédoine, qui fait face à la colère de Rome, parce qu’il avait soutenu Carthage. Antiochos III lui envoie des renforts, qui sont écrasés par les légions aux Thermopyles. Les Romains entament la poursuite, franchissent le Bosphore, écrasent l’armée séleucide en –189. Les Séleucides perdent l’Asie Mineure. La Macédoine perd son indépendance. L’Arménie se déclare indépendante.

L’empire séleucide, fort diminué, est donc coincé entre les Parthes et Rome. Il doit abandonner toute prétention sur l’Egypte, faire face à la révolte juive des Maccabées (-167 à –164), ce qui lui ôte toute possibilité d’expansion vers le Sud. Pendant qu’Antiochos IV perd ses pions en Palestine, les Parthes s’emparent de toutes les régions de l’Iran actuel et entrent en Mésopotamie. Ils y fondent une nouvelle capitale: Ctésiphon. Les Arsacides prennent le relais d’une dynastie hellénisée mais épuisée. Malgré une période romanophile au début de l’ère parthe, sous l’imperium d’Auguste, le conflit entre les deux puissances surviendra bien vite et durera, après la fin des Arsacides et l’avènement des Sassanides en +220, jusqu’à la chute de Rome au 5ième siècle, se poursuivra avec Byzance jusqu’à l’avènement de l’islam. Le principal but géopolitique de cette très longue guerre est le contrôle de l’Arménie, dont le territoire abrite la plupart des sources des grands fleuves du Croissant Fertile et dont les hautes terres permettent de surplomber militairement toute la région.

Malta: dal Congresso di Vienna alla Prima Guerra Mondiale

Malta: dal Congresso di Vienna alla Prima Guerra Mondiale

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Tratto da Rinascita

Di Achille Ragazzoni

Dopo il periodo cavalleresco ed il turbine dell’epoca napoleonica, che aveva visto Malta prima sotto la sovranità francese e poi occupata dalle armi britanniche, si arrivò al Congresso di Vienna, una sorta di grande mercato dove i popoli e le nazioni venivano venduti all’incanto per soddisfare le brame di imperialisti non meno pericolosi (anzi, ancor più pericolosi!) di Napoleone. Per sollevare i popoli contro la Francia imperiale si era fatto leva proprio sul sentimento nazionale, promettendo quella libertà nazionale nata come idea proprio nella Francia del 1789 ma che proprio dalla Francia veniva, generalmente, calpestata. Una volta sconfitto Napoleone, però, ci si dimenticò delle promesse fatte (ricordate il verso mazziniano: “O stranieri!/ Sui vostri stendardi/ sta l’obbrobrio di un giuro tradito” e si volle tornare sic et simpliciter all’Antico Regime, se possibile ancora peggiorato. Pensare che in una situazione come quella, dove ogni diritto nazionale veniva calpestato, qualcuno si preoccupasse delle aspirazioni nazionali maltesi, è addirittura ridicolo. Il Congresso di Vienna, quindi, confermò la sovranità britannica su Malta che diveniva, a tutti gli effetti, una colonia.

Gli unici che tentarono di opporsi a questo stato di cose, è giusto ricordarlo, furono i Borboni di Napoli, che non vollero mai giuridicamente riconoscere la definitiva perdita dei loro antichi diritti sull’arcipelago maltese. Anche i Cavalieri di Malta, le cui lamentele in sede congressuale non vennero neppure ascoltate, provarono vanamente ad opporsi. Per evitare che a Malta, Paese profondamente cattolico, questioni religiose potessero degenerare in questioni nazionali, il governo britannico ottenne dal papa Gregorio XVI che la Diocesi di Malta non dipendesse più da quella di Palermo e che la Corte di Napoli (ove regnava pur sempre un sovrano italiano, ancorché del tutto indifferente alla questione dell’unità nazionale) non potesse più vantare diritti sulle questioni ecclesiastiche maltesi. Malta, terra culturalmente italiana, divenne meta d’esilio per parecchi patrioti italiani perseguitati, dal governo borbonico ma non solo. Tra gli esuli per il fallimento dei moti del 1821 ricordiamo il poeta e dantista Gabriele Rossetti, il generale Michele Carascosa e Raffaele Poerio, che dalle autorità britanniche subì persecuzioni non molto diverse da quelle subite dalle autorità borboniche… Un’altra ondata di profughi politici italiani raggiunse Malta dopo il fallimento dei moti del 1831. Tra essi i coniugi Tommaso e Ifigenia Zauli Sajani, che daranno lustro alle lettere e al giornalismo maltesi, ed i membri della famiglia Fabrizi, che molta rilevanza avranno nel movimento mazziniano.

A Malta la libertà di stampa venne concessa nel 1839 (nella penisola praticamente non esisteva ancora…) e di essa approfittarono i patrioti colà esuli per provocare, con la diffusione clandestina di libri e giornali negli stati preunitari, positivi contraccolpi in senso patriottico. Il giurista Luigi Zappetta con due suoi giornaletti (”L’Unione” e “Giù la tirannide”) mise non poco a soqquadro gli ambienti politici napoletani, sostenendo la causa di Carlo di Borbone, principe di Capua e fratello del re, anch’egli in esilio a Malta per i suoi sentimenti liberali. Il principe Carlo, nel 1847, tenterà uno sbarco in Sicilia alla testa di 200 uomini armati. Gli ideali nazionali italiani iniziarono a diffondersi anche tra la borghesia maltese e molti maltesi aderirono alla Giovine Italia (tra essi i quattro fratelli Sceberras, che per il loro impegno patriottico possono essere definiti “i Cairoli di Malta”) e al movimento mazziniano in generale. Sul giornale “Il Mediterraneo” il già ricordato Tommaso Sauli Zajani rivendicava l’italianità di Malta, e tale rivendicazione gli procurerà non poche noie.

Nel 1847 giunse sull’isola come governatore l’irlandese Richard More O’Ferral, che nel biennio 1848-49 espulse da Malta alcuni tra i patrioti italiani più accesi, essendosi reso conto che l’incendio nazionalista che divampava in Italia avrebbe facilmente potuto estendersi all’arcipelago. Intanto alcuni patrioti maltesi, il dr. Giancarlo Grech-Delicata, Enrico Naudi ed il dr. Filippo Pullicino costituirono un’associazione per inviare mensilmente contributi in denaro a Venezia assediata dagli austriaci; uno dei motivi per cui i maltesi avrebbero dovuto sostenere la lotta della coraggiosa città era il richiamo alle “comuni leggi, usi, costumanze, religione e lingua”. Un gesto particolarmente odioso del famigerato O’Ferral fu, nel luglio del 1849, il rifiuto di far sbarcare gli esuli della Repubblica Romana, guidati da quel Nicola Fabrizi che era già stato esule nell’isola. Le proteste furono molte, sia a Malta, che a Torino che a Londra, ma O’Ferral ascoltò chi, come l’allora vescovo, indicava i danni incalcolabili che quei patrioti avrebbero portato “in questo piccolo paese di cui parlano la lingua”.

Costretto a giustificarsi di fronte ai propri superiori O’Ferral affermò esplicitamente che l’intimo contatto dei patrioti italiani con la popolazione maltese, facilitato anche dall’identità di lingua e di costumi, avrebbe potuto far nascere in seno a quest’ultima aspirazioni di libertà e di indipendenza nei confronti dell’Inghilterra, quando non addirittura una precisa volontà di entrare a far parte integrante della nazione italiana. Ed in effetti, poco tempo prima, era sorta l’”Associazione Patriottica Maltese”, guidata da Gian Carlo Grech-Delicata, che con due organi di stampa, “L’Avvenire”, in italiano, e “Il Malti”, in maltese, mostrava coincidenza di vedute e di concezione del mondo con i patrioti risorgimentali italiani.

L’associazione si sciolse da solo per evitare, probabilmente, di essere posta fuori legge dal governatore O’Ferral. Nella primavera del 1850 giunsero a Malta i reduci della “Legione Italiana” che, comandata dal colonnello Alessandro Monti, bresciano, aveva combattuto a fianco dei patrioti ungheresi contro i russi e gli austriaci. In rotta per Cagliari, da Gallipoli in Turchia ove erano partiti (si noti che dal governo ottomano essi erano stati trattati assai umanamente, tanto che qualche legionario, forse per riconoscenza, si era avvicinato all’Islam), O’Ferral impedì lo sbarco degli uomini e poi, dopo vibrate proteste del console sardo, acconsentì che sbarcassero solo gli ufficiali. Il colonnello Monti rispose che né lui né sua moglie, per inciso un’inglese, sarebbero sbarcati. Giunti a Cagliari Monti inviò alla stampa una relazione che provocò un incidente diplomatico tra Torino e Londra ma che ebbe, perlomeno, una conseguenza positiva, ossia le dimissioni del governatore di Malta per non meglio precisati motivi di salute.

I patrioti italiani rifugiati a Malta venivano sovente aiutati dal fratelli Sceberras, referenti locali della mazziniana “Giovine Italia”. Troppi sarebbero i patrioti esuli a Malta da ricordare: tra i più importanti Nicola Fabrizi, che a Malta visse molti anni e Francesco Crispi, che giunse sull’isola nel 1853 e che pubblicò anche scritti di storia maltese. Dopo la liberazione delle Due Sicilie, invece, si rifugiarono a Malta diversi nostalgici del regime borbonico e scoppiarono non poche zuffe tra nostalgici e fautori del nuovo ordine.

Grande successo ebbe la visita di Garibaldi a Malta, che sbarcò il 23 marzo 1864 assieme ai suoi figli Menotti e Ricciotti ed al segretario Giuseppe Guerzoni, suo futuro biografo. Ancora claudicante per la ferita di Aspromonte, il Nizzardo prese alloggio all’Hotel “Imperial” e qui ricevette un sacco di entusiasti ammiratori, che gli venivano via via presentati da Nicola Fabrizi ed Emilio Sceberras. Malta aveva dato, nel 1860, due valorosi volontari, arruolatisi dopo Marsala, alle schiere garibaldine: Giorgio Balbi e Giuseppe Camenzuli.

Due giovani ed entusiasti patrioti maltesi, i ventiquattrenni Ramiro Barbaro e Zaccaria Roncalli, scrissero un indirizzo di saluto al Duce delle Camicie Rosse, indirizzo che venne firmato da oltre trecento personalità maltesi e che gli venne consegnato dalla baronessa Angelica Testaferrata Abela. L’indirizzo era così concepito: “Signor Generale, i Maltesi, onorati dalla visita del primo uomo del secolo, esprimono a lui i loro sentimenti d’ossequio e d’amore, augurando a Giuseppe Garibaldi, l’eroe italiano, la felice riuscita di ogni sua impresa, che è sempre rivolta al bene dell’umanità e del progresso”. La risposta di Garibaldi, consegnata alla stessa baronessa, suonava: “Mando una parola d’addio e di riconoscenza alla brava popolazione maltese, e l’accerto che giammai nella mia vita oblierò la fraterna accoglienza di cui volle onorarmi”.
Uno degli autori materiali del messaggio fu, come si è detto, Ramiro Barbaro, marchese di San Giorgio che nel 1861, appena ventunenne, aveva pubblicato l’opuscolo “Napoli, i Borboni e il Governo Italiano”, che era un inno all’Italia una ed indivisibile. Poco dopo fonderà il giornale “Il Progressista”, fortemente nazionalista e nel 1870 il “Don Basilio”, dai toni ancora più accesi.

Eletto consigliere di governo, si diede molto da fare per migliorare le condizioni morali e materiali dei maltesi. Odiato dagli anglofili, nel 1877 venne arrestato sotto l’accusa di aver offeso il prestigio del governatore e fu costretto all’esilio in Italia. Qui scrisse il romanzo storico “Un martire”, ambientato nella Malta del Cinquecento, pubblicato in italiano a Città di Castello nel 1878 e presto tradotto in maltese. Tornò nell’isola natale solo nel 1912 e passò a miglior vita, quasi completamente cieco, nel 1920. Chi raccolse, in un certo senso, il testimone da Ramiro Barbaro fu Fortunato Mizzi (1844 - 1905), ardente italofilo. Nel 1883 fondò il giornale “Malta”, divenuto presto quotidiano e poi soppresso dalle autorità britanniche. Con una schiera di validissimi collaboratori, tra cui vale la pena ricordare Benoit Xuereb, i fratelli Paolo ed Ernesto Manara (fondatori del battagliero giornale “Il Diritto di Malta”), Antonio Cini, Filippo Sceberras, Salvatore Castaldi, Arturo Mercieca, Salvatore Cachia Zammit, a Fortunato Mizzi riuscì il miracolo che prima di lui non era riuscito a nessuno dei più ardenti patrioti: quello di far prendere coscienza della propria italianità anche al popolo minuto. Proprio in quel periodo iniziò un’aperta lotta contro la lingua italiana a Malta, ma Fortunato Mizzi difese molto bene la lingua di Dante, appoggiato dal popolo maltese. Nel 1887, in seguito alla campagna promossa da Fortunato Mizzi, Londra costrinse alle dimissioni il direttore della Pubblica Istruzione, fiero italofobo, e concesse una costituzione molto più liberale e democratica di quella in vigore dal 1849, dove la lingua italiana veniva esplicitamente tutelata.

Poco tempo dopo però, calmatesi le acque, la costituzione venne emendata in senso antidemocratico e la lotta alla lingua italiana riprese, tanto che il 15 marzo 1899 un’ordinanza introduceva l’inglese come lingua giudiziaria nei tribunali per i sudditi britannici non naturalizzati maltesi, mentre un dispaccio ministeriale emesso nella stessa giornata manifestava l’intenzione di arrivare, entro quindici anni, al bando della lingua italiana in tutte le pratiche legali e giudiziarie. La reazione dei maltesi fu vigorosa e per la prima volta si chiese aiuto all’opinione pubblica italiana. Significativo un episodio accaduto nel 1901 a Noto, in Sicilia, dove per la festa del patrono si erano recati circa 700 maltesi il cui capogruppo pronunciò in pubblico parole che non potrebbero essere più chiare: “Siamo italiani e italiani vogliamo rimanere a costo di perdere tutto, anche la vita. Il diritto e la ragione ci assistono. Dio ci aiuta. Siamo italiani. Ce lo dice la religione che professiamo e soprattutto ce lo dice la lingua che parliamo e che vorrebbero togliere dalle nostre labbra”.

A Malta Fortunato Mizzi ed Arturo Mercieca fondavano nello stesso anno il circolo nazionalista “La Giovine Malta”, autentica fiaccola di italianità. Il Mercieca durante il discorso inaugurale disse che i maltesi mai si sarebbero adattati “… a vedere esulare dai loro lidi il linguaggio più bello e musicale che voce umana abbia mai pronunciato”, quel linguaggio per cui i maltesi avevano tutti i diritti di considerare come propria “l’arte divina di Dante e del Manzoni”.

Nel marzo del 1902 Giovanni Pascoli, docente all’Università di Messina, dedicò l’ode latina “Ad sodales Melitenses” ad un gruppo di studenti maltesi in visita in Sicilia e l’intervento del grande poeta servì a rendere più popolare la causa maltese in Italia. Anche il ministro degli esteri Emilio Visconti Venosta e Sidney Sonnino fecero garbate pressioni sul governo britannico, così come, va riconosciuto, fece il proprio dovere in pro di Malta anche il corrispondente del “Times” a Roma, Wickam Steed. Alla fine il governo britannico, ufficialmente per deferenza nei confronti dell’Italia con cui voleva intrattenere buoni rapporti, ritirò il famigerato proclama sulla lingua. Il 18 maggio muore Fortunato Mizzi e la sua scomparsa non è priva di conseguenze per il movimento nazionalista: mentre i patrioti più intransigenti si stringono intorno a monsignor Ignazio Panzavecchia, altre correnti perdono tempo a polemizzare tra di loro o a propugnare forme di collaborazionismo.

Nel gennaio del 1912 ad opera di alcuni giuristi si costituisce un battagliero Comitato Pro Lingua Italiana. Ad esso aderiscono di cuore anche gli studenti nazionalisti che, riuniti in assemblea, così deliberano: “Gli studenti dell’Università si associano al movimento iniziato dalla Camera degli Avvocati a favore della lingua italiana, di cui l’esistenza nelle leggi e nei tribunali sembra nuovamente minacciata, convinti che per ragioni etniche, storiche, economiche e sociali, essa debba continuare a regnarvi sovrana, e che la sua soppressione costituirà da parte della nazione britannica una ingiustificata violazione delle sue promesse, una improvocata violenza, soverchiatrice del diritto, e per il popolo maltese un’offesa al suo nazionalismo secolare, una grave iattura ai suoi più vitali interessi”. La preoccupazione non era del tutto ingiustificata, in quanto nel 1912 una commissione reale propose la sostituzione dell’italiano con il maltese nei procedimenti orali delle corti inferiori e con l’inglese in certi tipi di cause. La parte nazionalista promosse allora, il 2 luglio 1912, una poderosa manifestazione al Teatro Manoel. Parlò il vecchio Ramiro Barbaro che dichiarò, tra il resto: “… ci mettono innanzi il dialetto maltese, molto simpatico del resto, per farne sgabello a un’altra lingua… la quale lingua si vuole sovrapporre alla lingua italiana, alla più bella fra quante si parlano in Europa… Nella nostra lealtà resisteremo affinché ci resti la cara favella. In questa vecchia anima di poeta e di patriota trovo ancora la forza, in sostegno della bellissima lingua, da me insegnata lunghi anni all’estero, di cui fo anche oggi uso, in servizio de’ miei concittadini. E a chi domanda di rinunziarvi, rispondo con un’espressione, una parola, un solo monosillabo, forte, come indignazione di popolo: no, no, no”. La manifestazione approvò una mozione in cui la proposta britannica veniva definita “inopportuna, dannosa e offensiva”.

Altra splendida figura del nazionalismo maltese fu Enrico Mizzi, figlio di Fortunato. Studiò legge in Italia e aderì sin dai primi tempi all’Associazione Nazionalista Italiana, divenendo assiduo collaboratore de “L’Idea Nazionale”. Nel 1911, al Teatro Argentina di Roma, tenne un’applaudita conferenza sull’italianità di Malta. Tornato in patria divenne molto popolare e la sua attività pubblicistica e politica si distinse per una intransigente difesa dell’italianità. Il 27 marzo 1917, nel Consiglio di Governo ove era deputato, tenne un fiero discorso sottolineando che la Gran Bretagna, scesa in guerra per difendere il diritto delle nazionalità oppresse, ben si guardava dall’applicare i principi per i quali combatteva alle nazionalità che facevano parte del suo vasto Impero. I deputati godevano dell’immunità parlamentare, soprattutto per le affermazioni contenute nei discorsi ufficiali, ma evidentemente per Enrico Mizzi la prerogativa non valeva, in quanto il 7 maggio successivo venne arrestato e tenuto in isolamento per quattro mesi! Al processo di fronte alla corte marziale venne accusato di avere con dichiarazioni a voce (il discorso parlamentare) e scritte (interpolazioni nella versione scritta del discorso che però furono riconosciute false dallo stesso pubblico ministero), tentato di far venire meno l’affetto dei maltesi nei confronti di Sua Maestà Britannica, nonché di essere in possesso di documenti che, se pubblicati (in realtà articoli di giornali già abbondantemente pubblicati su giornali italiani…) avrebbero potuto nuocere alle amichevoli relazioni tra Gran Bretagna ed Italia. Mizzi dichiarò: “Io sono d’opinione che la migliore soluzione del problema maltese sarebbe l’annessione di Malta all’Italia. Ma fino a quando alla provvidenza piacerà di tenerci sotto la bandiera inglese, il nostro dovere è di mantenerci leali alla Corona britannica. Come pensatore e come studioso della questione ritengo che il nostro destino naturale è di far parte della grande famiglia nazionale, alla quale apparteniamo geograficamente e storicamente; ma, ripeto, sino a tanto che ci troviamo sotto il Governo britannico, penso che tutti debbono esser leali al Governo britannico ed osservarne le leggi”. Enrico Mizzi venne condannato ad un anno di reclusione ed alla perdita dei diritti civili e politici.

Terminata la guerra, ai maltesi sorse l’idea di costituire un’Assemblea Nazionale che potesse effettivamente rappresentare le aspirazioni del popolo maltese. Il vecchissimo mazziniano Filippo Sceberras si dichiarò disposto a prendere l’iniziativa per la sua costituzione e l’Assemblea Nazionale sorse proprio nei locali della “Giovine Malta” (il nuovo nazionalismo si legava direttamente al Risorgimento…); la prima deliberazioni fu di chiedere a Londra una forma di governo che rispettasse i caratteri nazionali maltesi, “salvo ogni altro maggiore diritto che sarà eventualmente riconosciuto a queste Isole dalla Conferenza della Pace”. Evidentemente si sperava che dalla pace sorgessero o l’indipendenza di Malta o la sua annessione all’Italia, ma le cose andarono diversamente…

samedi, 16 mai 2009

"The Civil War": un documentaire sur la Guerre de Sécession

The civil war : un documentaire orienté sur les facteurs de la guerre de Sécession

Le documentaire de Ken Burns, The civil war, sur la guerre de Sécession, vient de sortir en DVD chez ARTE Editions. Ces neuf épisodes font revivre les grands moments de ce conflit qui ensanglanta l’Amérique de 1861 à 1865. Mais ils passent sous silence la complexité de l’origine du conflit.

Image Hosted by ImageShack.us La guerre de Sécession, qui fit 620 000 morts, fut le conflit le plus sanglant de toute l’histoire des Etats-Unis : les pertes furent supérieures d’un tiers à celles de l’Amérique durant la Seconde Guerre Mondiale, pour une population pourtant sept fois moins nombreuse (31 millions d’habitants à la veille des hostilités).

La monumentale fresque de Ken Burns (11 heures de film) offre un récit captivant à l’aide de citations et photographies d’archives souvent pertinentes. Mais ce documentaire réalisé en 1990 développe une analyse malheureusement très manichéenne des enjeux et facteurs de la guerre de Sécession. Le titre de la série, déjà, est une indication. « Civil war » (guerre civile) est l’appellation retenue par le camp nordiste. Alors que les confédérés (sudistes), eux, parlent de « War between the States » (guerre entre les Etats). Cette différence sémantique n’est pas un détail mais une réalité cruciale. Quand le 9 février 1861, sept Etats américains décident de faire sécession et fondent une Confédération, il s’agit pour le Sud de défendre sa civilisation contre les Etats du Nord. Deux visions du monde vont s’affronter. Le premier épisode du documentaire est très révélateur du parti pris de l’auteur. Il s’appelle « La cause ». Le message est clair… Pour Ken Burns, le conflit n’a qu’une seule cause : la question de l’esclavage.

Dans un numéro remarquable de la Nouvelle Revue d’Histoire de mars-avril 2005, un dossier consacré à L’Amérique divisée met en perspective les racines du conflit. Economiques d’abord, entre le Nord reposant sur un système industriel et financier, et le Sud, essentiellement agricole, en état de dépendance. « Grâce au coton, les Etats du Sud fournissent les trois quarts des exportations de l’Union. Logiquement, ils devraient en tirer une richesse confortable. Pourtant, c’est le Nord qui fait les plus gros bénéfices, parce qu’il contrôle les importations et les exportations », souligne Dominique Venner. Diminués économiquement et politiquement par rapport au Nord, les Etats du Sud le sont également démographiquement : les immigrants venus d’Europe affluent vers le Nord affairiste mais se détournent du Sud.

Une réalité civilisationnelle beaucoup plus complexe que l’unique argument passionnel de l’esclavage. On notera enfin que The civil war dresse parfois des portraits caricaturaux des principaux protagonistes. Un peu comme Barack Obama aujourd’hui, Abraham Lincoln, dans le camp nordiste, prend des allures de messie. Le président des Etats-Unis élu en 1860 est décrit comme un homme au regard pénétrant et profondément humain… tandis que Jefferson Davis, président de la Confédération des Etats sudistes, est présenté sous un angle tyrannique, « insomniaque » et « froid comme un lézard ». Bref, si The civil war fait revivre avec talent la chronologie des évènements, le téléspectateur devra faire preuve de perspicacité pour s’affranchir d’un récit ne faisant pas preuve toujours de la « rigueur historique », vantée pourtant sur le coffret de ces quatre DVD.

Auguste Kurtz pour Novopress France


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Encerclement de l'Iran (1/6)

L’encerclement de l’Iran à la lumière de l’histoire du “Grand Moyen-Orient” (1/6)

Extrait d’une allocution de Robert Steuckers à la Tribune de “Terre & Peuple-Lorraine”, à Nancy, le 26 novembre 2005.
Ce document sera publié en six parties.

(Synergies européennes - Bruxelles - mai 2006) - L’objectif des manoeuvres américaines dans le “rimland” entre la Russie et les mers chaudes (Méditerrannée, Océan Indien, Golfe Persique) vise non seulement à empêcher la constitution et la consolidation de tout axe Moscou-Téhéran, voire Beijing-Téhéran, mais aussi à encercler l’Iran, pièce centrale du marché commun que les Etats-Unis veulent faire émerger et appellent “Grand Moyen Orient”, une vaste zone dont ils entendent faire un débouché pour leur propre industrie, complétant ainsi les atouts que leur offre le contrôle économique du continent sud-américain, transformé de facto en un “Ergänzungsraum” (“espace de complément”) depuis l’émergence de l’idéologie panaméricaniste, mais espace aujourd’hui rebelle qui s’auto-organise via des structures unificatrices et continentalistes telles le Mercosur ou la “Communauté andine des nations”, ou via des suggestions indépendantistes, baptisées “bolivaristes” et formulées par le président vénézuélien Hugo Chavez. Ces structures modernes, incarnant un esprit de résistance latino-américain, entraînent une réorientation, encore timide mais certaine, du commerce et de l’économie sud-américains vers l’Europe ou vers l’Asie, diversifiant ainsi les rapports de dépendances; ce qui permet à l’Amérique ibérique de déserrer l’étau du “panaméricanisme” imposé par les Etats-Unis à leur seul profit.

En prenant l’Afghanistan et l’Irak, les Etats-Unis ont commencé la construction de leur “Grand Moyen Orient”, en éliminant par la force la rétivité du Baath irakien et de Saddam Hussein et en occupant le plateau afghan, jamais conquis par les Britanniques au 19ième siècle. Avec ces deux victoires militaires, non encore parachevées mais en voie de l’être, les Etats-Unis ont ipso facto encerclé l’Iran, aire centrale du “Grand Moyen Orient” dont ils ont programmé la future émergence. Les Etats-Unis occupent désormais la périphérie des anciens empires perses et installent des bases militaires afin d’asphyxier à terme l’Iran.

Les deux seuls rôles que l’Iran peut jouer…

L’éventuel axe Moscou-Téhéran aurait permis à la Russie de se doter d’une fenêtre sur l’Océan Indien et de détenir une proximité stratégique avec la Mésopotamie irakienne et ses champs pétrolifères, avec le Koweit et l’Arabie Saoudite. Le territoire iranien est effectivement l’une des pièces maîtresses —avec l’Empire ottoman déjà soutenu par Londres en 1798-99 contre Bonaparte en Egypte— du dispositif de “containment”, d’endiguement anti-russe. Dès 1801, quand le Tsar Paul I, malgré sa saine hostilité à l’endroit de tous les avatars nauséabonds de la révolution française, veut s’allier à Bonaparte pour envahir les Indes, Londres dépêche un certain Capitaine John Malcolm, très jeune mais excellent connaisseur de la langue persane, auprès de l’empereur perse pour en faire un allié et contenir la poussée probable des Cosaques le long de la côte orientale de la Caspienne. Aux yeux des stratégies thalassocratiques anglo-saxonnes, l’Iran ne doit avoir qu’un seul rôle, celui d’un verrou, destiné à empêcher toute progression russe en direction de l’Océan et du sub-continent indiens. Mais aussi d’un Etat sage, qui doit “oublier” l’existence même des littoraux arabiques du Golfe Persique et ne plus formuler aucune revendication sur ces terres; comme ce fut pourtant le cas dans les phases antérieures de son histoire. Si l’Iran entend changer de politique, s’allier à la Russie, se doter d’un armement capable de lui procurer la suprématie dans les eaux du Golfe, se détacher d’une tutelle étrangère imposée, il devient immédiatement un Etat ennemi, voire un “Etat-voyou” (selon la nouvelle terminologie médiatique américaine).

Le Shah est tombé parce qu’il s’entendait avec les Irakiens sur le Chatt-el-Arab et développait une capacité militaire amphibie (avec aéroglisseurs de combat) dans le Golfe lui permettant, le cas échéant lors d’un putsch “marxiste” à Bahrein, de débarquer des troupes sur la rive arabe du Golfe. Juste avant la “révolution” de 1978, la marine iranienne devait atteindre des effectifs substantiels et acquérir un matériel performant, avec pour objectif géopolitique, de “maintenir la stabilité et la paix” dans l’Océan Indien, zone où devait, selon le dernier Shah, émerger un “marché commun des pays riverains”. Le Shah entendait forger de bonnes relations avec l’Europe, y compris l’Europe de l’Est, contribuer à l’industrialisation de l’Inde, diversifier ainsi ses approvisionnements technologiques et ne plus dépendre de la seule Amérique. Dans sa “réponse à l’histoire”, le dernier Shah, évoquant l’invasion soviéto-britannique d’août-septembre 1941, est clair: “Comme en 1907 (cf infra), l’Iran devait être converti en un espace neutre, entretenu en état d’anarchie décente”. La “révolution” de 1978 n’avait pas d’autre objectif.

Comme le rappelle, dans ses mémoires personnelles, un ministre du gouvernement impérial iranien, Houchang Nahavandi, le mouvement de Khomeiny servait de fait les intérêts américains. Les Etats-Unis voulaient un Iran faible à leur dévotion, qui n’utiliserait pas les plus-values du pétrole pour se moderniser et s’armer, stagnerait dans une sorte de néo-médiévisme religieux, pimenté quelques fois de ce gauchisme hystérique et incapacitant, ramené par certains étudiants iraniens des campus ouest-européens ou américains. Bernard Hourcade rappelle d’ailleurs fort judicieusement que c’est l’antenne iranienne de la BBC qui a fait la promotion de Khomeiny et non pas une quelconque station soviétique ou chinoise (on dit en Iran aujourd’hui: “Rasez la barbe d’un mollah et vous verrez apparaître la mention “made in Britain” estampillée sur ses joues”, cf. Molavi, cit. infra). Mais finalement, le pouvoir islamique ne s’est pas aligné sur les positions américaines, n’a pas renoncé à certaines revendications territoriales iraniennes, a tenté de nouer des relations avec l’Europe et la Russie. L’Iran islamiste-révolutionnaire est dès lors mis au ban des nations parce qu’il reste finalement, comme l’explique fort bien l’iranologue français Bernard Hourcade, fidèle à une sorte d’exception persane au beau milieu de cette région centrale du continent asiatique, située sur l’ancienne Route de la Soie.

L’affrontement entre Rome et les Parthes

L’importance du passé perse pour comprendre la situation actuelle nous oblige à procéder à une longue rétrospective historique et à nous remémorer les événements qui ont secoué la région immédiatement avant la conquête arabe, tout juste après la mort de Mahomet. L’empire romain uni s’était heurté aux Parthes pendant des siècles. On se rappelle les expéditions de Lucullus en Asie Mineure entre 74 et 68 av. J. C., amenant la puissance romaine aux confins de l’Arménie du Roi Tigrane, qu’elle a vaincu, et de l’empire parthe. César, dans les mois qui ont précédé son assassinat aux Ides de Mars -44, carressait le dessein de conquérir les pays des Daces sur le Danube et de repousser les Parthes plus à l’Est. Bien plus tard, Trajan réalise ce projet géopolitique: il bat les Daces de Décébale, pénètre en Arabie Pétrée (autour du centre caravanier de Pétra) et entre en contact avec les Parthes. C’est lui qui pousse les frontières de l’empire romain jusqu’au Golfe Persique, en annexant successivement l’Arménie, la Mésopotamie et la Syrie, à la suite d’une campagne de trois ans (de 113 à 116 ap. J. C.). Son successeur, Hadrien, ne parvint pas à s’y maintenir, à la suite de contre-attaques parthes et d’une révolte juive dans tout le Levant. En 253, les Parthes prennent Antioche. En 259, l’empereur Valérien fait face à la nouvelle dynastie parthe, les Sassanides, est pris prisonnier, humilié. Les armées parthes pénètrent en Asie Mineure, tandis que les Germains harcèlent l’empire du Pas-de-Calais à l’embouchure du Danube. En 297, la victoire revient aux Romains, mais les Parthes conservent le monopole du commerce de la soie, qui vient de Chine. L’empereur sassanide Chahpuhr II envahit ensuite l’Arabie, et plus particulièrement le Yémen, puis bat les Romains en Mésopotamie, au cours d’une guerre de huit ans (337-339). L’empereur Julien meurt au combat contre les Parthes sassanides en 363.

La menace des Huns Hephtalites

Il faudra un danger extérieur, l’arrivée des Huns Hephtalites en 484 pour voir Romains d’Orient et Parthes unir leurs efforts contre l’ennemi commun, non indo-européen. Nous sommes en 505. Mais dès le danger des Huns Hephtalites conjuré, les Sassanides reprennent et pillent Antioche en 540. Ils s’allient ensuite aux Turcs (avant l’islam) pour battre les Hephtalites, abandonnant l’alliance byzantine. Les Sassanides s’allient alors aux Avars, établis en Pannonie (la Hongrie actuelle), pour prendre les Byzantins à revers dans les Balkans et sur le cours du Danube. Cette tribu hunnique faillit prendre Constantinople. Les Byzantins, Romains d’Orient, en profitent pour tenter de reconquérir l’Occident, sous l’impulsion de leur empereur Justinien (qui règna de 527 à 565); sous le commandement de Bélisaire, ils prennent Rome en 536 et battent les Wisigoths d’Espagne en 552. Ils christianisent les tribus africaines de la vallée du Nil en Nubie et au Soudan. Ils parviennent ainsi à établir une jonction permanente avec l’Ethiopie chrétienne, alors appelée empire d’Axoum, et à envahir le Yémen entre 522 et 525. L’objectif était de prendre les Perses à revers en contrôlant et en christianisant la péninsule arabique.

Abraha, gouverneur axoumite/éthiopien du Yémen, marche ainsi sur La Mecque encore arabe-païenne, flanqué de ses alliés arabes pro-byzantins, unis au sein de la Confédération de Kinda. Les Ethiopiens persécutent les païens et les juifs, tandis que les Perses, lors de leurs contre-attaques, persécutent les chrétiens. Ces événements se déroulèrent en 570, année de la naissance de Mahomet, dite l’”année de l’éléphant” (“Huluban”), parce que l’armée d’Abraha comprenait au moins un éléphant de guerre. Les Perses répliquent et envahissent le Yémen éthiopien, allié de Byzance en 575 et en font une province perse en 597. Tout au long de cette longue guerre entre Byzance et la Perse, les peuples sémitiques du Proche- et du Moyen-Orient sont soit les alliés de Byzance, tels les Nabatéens et les Ghassanides, soit les alliés des Perses, telles les tribus du Royaume Lakhmide. Les peuples sémitiques sont donc divisés, non seulement par leurs allégences politiques, mais aussi sur le plan religieux (ils sont païens, juifs ou chrétiens).

L’empereur perse Khosru II, entre 612 et 615, envahit la Syrie, la Palestine, l’Asie Mineure et pousse des pointes avancées en Egypte et jusqu’en Cyrénaïque. Héraclius, fils du gouverneur militaire byzantin d’Afrique du Nord, reprend l’empire en mains, rétablit une économie prospère, achète les Avars et prépare la revanche. En 627, les Byzantins, qui ont mis peu de temps à se redresser, contre-attaquent vigoureusement et mettent Ctésiphon, la capitale sassanide, à sac. Les deux empires de souche européenne sont exsangues face au monde extérieur.

La lutte entre Byzance et la Perse : arrière-plan de l’émergence de l’Islam

Ce conflit interminable a marqué le jeune Mahomet, caravanier d’Arabie. La péninsule est envahie au Sud et, au Nord, les peuples sémitiques, parlant l’araméen, chez lesquels aboutissent les caravanes, participent à la guerre. Mahomet doit trouver une formule pour rétablir les communications puis pour unir des populations hétéroclites, fragmentées en tribus hostiles les unes aux autres, hostilité sur laquelle se greffent encore des clivages religieux. Cette guerre permanente de tous contre tous ne permet aucun projet: ni politique ni économique ni commercial. Mahomet forge alors la foi islamique en écrivant en araméen le Coran, fait référence à l’archange Gabriel (“Jibraïl”); c’est une foi simplifiée, accessible, claire dans sa formulation, soustraite aux querelles des iconoclastes et des iconodules qui ravagent Byzance et la minent de l’intérieur. Son objectif est raisonnable et limité: pacifier, grâce à un code modèle, le territoire où circulent ses caravanes et celles de ses homologues. Les opérations militaires qu’il mène ne dépassent pas le cadre des routes et pistes de l’Ouest de la péninsule arabique. Il réussit à unir ce versant occidental de la péninsule d’Akaba à Aden. A l’Est, Bahrein et Oman reconnaissent le code suggéré par Mahomet. Jusqu’à la mort de ce dernier en 632, aucun prosélytisme extra-arabique ne semble poindre.

Les Arabes battent Byzantins et Perses exsangues

Après 632, Abou Bakr, son beau-père et successeur, unifie entièrement l’Arabie, parachève l’oeuvre politique et géopolitique de Mahomet, et envoie de petites armées vers le nord et bat, contre toute attente tant ses effectifs sont insignifiants, les Byzantins à Gaza en 633; peu après, les Byzantins, exsangues, sont une nouvelle fois battus par le Général arabe Khalid Ibn al-Walid, disposant d’effectifs à peine plus nombreux. Le sort des deux empires est scellé: les Arabes n’ont besoin que d’armées ridiculement réduites pour battre les deux colosses qui se sont entre-déchirés à mort. Ils en profitent. Tout naturellement. En 636, Damas et Antioche tombent entre leurs mains. En 637, après la bataille de Qadisiyya, l’armée sassanide est battue et la capitale perse, Ctésiphon, est prise, réduisant à néant l’oeuvre de plusieurs générations d’empereurs sassanides. En 638, c’est le tour de Jérusalem. Toute la frange sémitophone/araméenne des deux empires passe preque entièrement à l’islam, puis vient le tour de l’Egypte et du reste de la Perse.

La morale à tirer de cette victoire des maigres forces arabes est simple: les empires, de matrice européenne, n’ont jamais uni leurs forces contre les périphéries, ont ignoré l’émergence des peuples hunniques d’Asie centrale et des peuples sémitiques de la péninsule arabique. L’islam est donc né, et s’est ensuite consolidé, d’une lassitude légitime face à ces guerres inutiles, surtout que le danger des Huns et des Avars aurait dû unir les trois empires, romain-byzantin, perse et gupta en Inde (envahi entre 450 et 535 par les Huns Hephtalithes qui avaient été arrêtés par les Perses), exactement comme les Romains, les Francs, les Wisigoths et les Burgondes avaient tu leurs querelles et uni leurs armées pour arrêter Attila dans les Champs Catalauniques. La disparition de l’empire gupta, rappelons-le, est une tragédie culturelle, dans la mesure où il avait été le théâtre d’une véritable renaissance hindouiste, qui consolidée, aurait fait émerger un môle de résistance plus sûr face aux futures religions prosélytes de toutes provenances. Une alliance des trois empires aurait, en outre, rendu inexpugnable l’ensemble du “rimland” euroasiatique, de l’Ecosse au Bengale.

Des Karakhanides aux Seldjouks

Après la conquête arabe, la Perse conserve malgré tout sa personnalité politique. D’autres invasions l’attendent et d’abord celle des Turcs seldjoukides. Ils venaient de la steppe d’Asie centrale et on les appelait les “Karakhanides” ou les “Toghuz Oghuz” ou, plus simplement, les “Ghuzz”. Neuf tribus composaient cette fédération. Vers le milieu du 11ième siècle, elles se divisent en deux branches: l’une envahit le sud de la Russie et l’Ukraine actuelle, l’autre l’Iran. Les tribus qui envahissent la Russie prendront le nom de “Coumans” et resteront païennes. Les autres tribus, rassemblées autour des Seldjouks, se mettent au service de Mahmoud de Ghazni, qui leur donne des terres près de l’actuelle cité de Merv. A la mort de Mahmoud, les Turcs battent son fils Massoud et l’empire perse ghaznavide s’effondre définitivement en 1040, prouvant par là que les serments de fidélité ne valent qu’au sein des mêmes groupes de peuples. Les Seldjouks appellent d’autres tribus turques ghuzz de la région de la Mer d’Aral. Les derniers Ghazvenides se replient en Afghanistan. L’Iran tombe alors entièrement sous la tutelle d’une élite militaire turque ghuzz-seldjoukide.

Manzikert : désastre byzantin

En 1055, sous la conduite de leur chef Toghrul Bey, les Seldjouks prennent Bagdad, se mettent au service du calife puis, quelques années plus tard, arrachent aux Byzantins l’ensemble de la Transcaucasie chrétienne, à la suite de la bataille décisive de Manzikert (1071), livrée pour le contrôle des hautes terres d’Arménie. La victoire turque fait perdre à Byzance toutes ses provinces d’Asie Mineure. Les clans d’Asie centrale suivent l’armée d’Alp Arslan, fils de Toghrul Bey, poussent leurs troupeaux devant eux et chassent tout le paysannat helléno-européen d’Anatolie: une véritable colonisation de peuplement! Le remplacement systématique d’un peuple par un autre! Dans les années 1070, c’est au tour de la Syrie et du Hedjaz (Ouest de la péninsule arabique). Alp Arslan devint ainsi le maître d’un immense empire islamique, dont le tremplin territorial avait été une région centre-asiatique non encore islamisée au nord de l’espace perse.

Le système turc est clair: prendre le contrôle des empires en en constituant le fer de lance militaire et en faisant main basse sur l’administration, en multipliant les serments de fidélité et en les trahissant immédiatement dès que l’occasion et les rapports de forces le permettent. Mais l’intransigeance turque braquera l’Europe qui se défendait bien par ailleurs: les petits royaumes espagnols, fondés par des guerriers suèves, alains ou wisigothiques, unissent leurs forces, reprennent Tolède, centre névralgique de la péninsule ibérique en 1085 et Badajoz en 1092; une poignée de Normands intrépides, sous le commandement de Roger de Hauteville, reprend la Sicile et Malte (1091), après un demi-siècle de lutte; Henri de Bourgogne devient roi du Portugal, espace ibérique dégagé en 1097 de l’emprise maure. Après cette élimination de la présence musulmane sur de vastes territoires européens, l’heure de la contre-attaque contre les Seldjouks va sonner: les Byzantins font appel au Pape Urbain II en 1095. Il prêche la croisade à Clermont-Ferrand, appelant les peuples et les nobles de l’Europe occidentale germanisée à chasser de la Romania byzantine les Turcs, désignés comme étant une “race étrangère”. Il sera entendu. Des milliers de volontaires issus du peuple partent avant les autres: ils sont écrasés. Les Turcs cessent de prendre l’idée de croisade au sérieux. A tort. Les armées de métier, commandées par les ducs et les princes avancent le long du Danube et traversent le Bosphore. Les croisés engagent le combat contre le Sultan de Rum, prennent Nicée. Le Normand Bohémond de Tarente et l’Occitan Raymond de Toulouse, connaissant la tactique turque du harcèlement par les archers et d’évitement de tout choc frontal, ne se laissent pas surprendre, lors d’une bataille ultérieure à Dorylée: ils modifient leur stratégie, rusent et manoeuvrent habilement, encerclent et écrasent l’armée turque et marchent sur Antioche. La route de Jérusalem, occupée par les troupes arabes fatimides venues d’Egypte, était libre. Les Croisés dénoncent l’alliance qu’ils avaient conclue tacitement avec les Fatimides, ennemis des Seldjouks, et prennent Jérusalem.

vendredi, 15 mai 2009

Cento anni Robert Brasillach

Cento anni Robert Brasillach

Tratto da http://www.ladestra.info/

Quando si dice Brasillach, di solito parte la retorica. È un vizio antico in uso dalle nostre parti. È morto giovane, d’accordo. Gli hanno fucilato l’animo di ragazzo, gonfio di romanticismi e sogni belli. Certamente. Ma oggi questo giovanotto di cent’anni è più vero di ieri. Nato nel 1909, morto nel 1945: si è risparmiato di scendere tutti i gradini della degradazione, all’opera nella vecchia Europa da allora in poi. Si è sottratto al destino di chi, come noi, è cresciuto nell’impenetrabile nebbione del mito mitizzato senza mai veramente conoscerlo, viverlo, vederlo a colori. La fortuna dei martiri è questa. Aver trovato qualcuno che ti fucila al momento giusto. E così ha mantenuto intatto l’alone di gloria, suo è l’esempio. Per sempre. Versato ad ammirare chiunque concepisca l’impegno come un ribollire di energia, Brasillach cantò la giovinezza in quanto contenitore naturale di forza e di tensione… e ad esempio di Codreanu richiamava lo spirito monastico e militare, la «poesia rude e piena di colore… lo stato di illuminazione collettiva…»; dei rexisti celebrava «l’elemento più spettacolare e più attraente del mondo nuovo: la giovinezza. L’universo fiammeggiava, l’universo cantava e si radunava…». Del Fascismo, dunque, coglieva non tanto le dottrine politiche, i corporativismi, le sociologie, ma soprattutto la capacità di radunare, animare e galvanizzare masse giovanili soffiando nei loro cuori uno spirito di vita… questo Fascismo-dio, che muove l’argilla e la rende carne pulsante, Brasillach lo volle vedere come il mito del secolo.

E disse cose inaudite per qualunque orecchio sordo e avvizzito. Pronunciò frasi sbalorditive per chiunque abbia venduto l’anima al perbenismo. Trinciò definizioni ingiuriose per tutti i preti laici del conformismo. Scrisse che «il fascismo è spirito. È uno spirito anticonformista in primo luogo, antiborghese e l’irriverenza vi aveva la sua parte. È uno spirito opposto ai pregiudizi, a quelli di classe come a tutti gli altri…». Che parole! E che sintesi! Che solenne poesia dello squadrismo, del darsi e del darsi altrimenti! Citò Sorel, e ne estrasse un programma politico ristretto in un’unica, brevissima frase: «…i miti non sono cabale astrologiche… Bisogna considerarli modi di agire sul presente». Come l’amore inetto e sterile, il mito mitizzato è funereo e castrante, immobilizza mentre è nato per sospingere. Il mito vivente deve dunque essere storia, società, uomo vero in carne e ossa. Dedichiamo la riflessione a quanti spesso hanno fatto di Brasillach, e di tutto quanto il Fascismo, la retorica degli imbelli e un cartone inanimato.

L’accademico di Francia Thierry Maulnier, nel 1964, paragonò la morte di Brasillach alla malattia del genio, quella che ne interrompe il volo, che inspiegabilmente spezza all’improvviso un destino attraverso la «stupida ferocia della storia». Come per Chénier o per Kleist, la morte per Brasillach è stata un annuncio: «attraverso la grazia e la tenerezza colma di tristezza del gesto con cui hanno accarezzato le forme visibili ed invisibili della vita: di quella vita che Robert amava troppo per rassegnarsi alla sua usura». Dunque il poeta Brasillach ha consapevolmente accettato la morte nel momento in cui si rese conto che, da un certo momento in poi, la sua vita si sarebbe logorata e sciupata. Lo si direbbe proprio un prescelto dagli dèi, che sono soliti infliggere ai sopravvissuti o ai posteri la condanna inespiabile di lunghe esistenze deprivate di grazia.

Le inquadrature da cui è possibile osservare oggi Brasillach sono quelle di un altorilievo neo-classico. Saint-Loup provò a sintetizzare: «Un essere tutto luce come lui non poteva sostenere il combattimento con armi comuni. Gliene occorrevano altre, più temprate di quelle degli Spartani che ammirava. Le ha trovate nel supplizio e la sua morte mira più alto della sua vita; il suo sacrificio conduce infinitamente più lontano della sua penna. Ha persino “trasfigurato” il fascismo che egli sosteneva». Una mistica di questo genere è il pane quotidiano per ogni religione. Perfino per quelle che predicano l’umiltà e sono tronfie, elogiano la povertà, ma vivono di sfarzo e di potere… Di mistica si nutrono i devoti, come dell’esempio cui rifarsi, del santo cui appellarsi. E poco importa se storicamente l’Idea ha prodotto contraddizioni, atroci disinganni, menzogne. Gli uomini vivono nel fango ma, ogni tanto, hanno bisogno di alzare lo sguardo e di pensare alto. Dura un attimo, ma conta. Come ogni religione che abbia mosso uomini alla milizia e al martirio di sé, anche il Fascismo ha i suoi santi. E Brasillach, mandato a morte mondo di peccato, conserva il suo alone di sorridente volontà di sacrificio. Non un “santino”, ma un uomo capace di assoluto. Giano Accame, invece, e con parole straordinariamente suggestive, ne fece un “inattuale”: «Perchè Drieu è attuale, Céline è ancora attuale, e Brasillach non lo è?». Scrisse che il suo ottimismo gli faceva un po’ pena, che le sue ingenue enfatizzazioni sul Fascismo e sul Nazionalsocialismo ne fecero un illuso. Un’anima semplice? Noi oggi, a tutto questo, vorremmo aggiungere l’elogio dell’ingenuo. Colui che rimane nel proprio gene. Che ne resta imbozzolato e non conosce l’altrove, bastando a se stesso. Wagner fece un poema dell’ingenuità di Sigfrido. E Parsifal non era forse un ingenuo? Quali figure, più di queste, richiamano alla mente la radicale opposizione col mondo moderno e con i suoi personaggi falsi, ottusi, materiali e gonfi di vuoto?

Brasillach ebbe la colpa di immaginare un mondo ribattezzato dal Fascismo come fosse una rivoluzione dello spirito, capace di rifare l’uomo dalla testa ai piedi. Parlando di Brasillach, Accame faceva del sarcasmo, alla sua maniera: «L’uomo nuovo che avevamo sognato non è diventato né migliore, come si sperava, né peggiore, come si temeva… abbiamo tirato fuori la testa dal disastro e ci siamo ritrovati adulti, sciatti, moralmente grigi, ma ben presto compiaciuti di noi stessi, dei nostri utensili, dei nostri guadagni, delle nostre ferie, sotto un cielo vuoto». Che terribile cantico al tracollo dello spirito poetico e che terribile denuncia circa il dilagare della più vile delle prose!

E poi è anche possibile che Brasillach fosse meno ingenuo di quanto pensiamo noi. Magari volle e si impose di essere poeta proprio perchè comprese alla perfezione che altrimenti sarebbe morto anche se avesse continuato a sopravvivere. Tra i non conformisti degli anni Trenta aleggiavano proiezioni e immaginative di cui noi oggi non possiamo comprendere che poche cose. Nella sua famosa Lettera a un soldato della classe ‘40, Brasillach in qualche modo ci spiega quanto poco fosse un illuso o un ingenuo. Il “caro ragazzo” a cui si rivolge è il giovane del dopoguerra e di tutti i dopoguerra. «Ti chiedo solo di non disprezzare le verità che noi abbiamo cercato, gli accordi che abbiamo sognato al di là di ogni disaccordo, e di conservare le due sole virtù alle quali io credo: la fierezza e la speranza».

Se pensiamo un attimo a quanto poco si aggirino per l’Europa mondializzata la fierezza e la speranza, si capisce che Brasillach non parlava il linguaggio etereo del metafisico con la testa tra le nuvole, ma quello concreto dell’uomo in cerca, sorretto dalla volontà di adornare l’esistenza di qualcosa, anche minima, per cui valga davvero la pena di essere vissuta. La fierezza e la speranza – ma non sarebbe un ottimo titolo per un libro postumo di Oriana Fallaci, certo ad altissima tiratura? - sono precisamente quelle cose di cui oggi manca completamente la povera Europa che ha fucilato Brasillach, colpendone ben più lo spirito che il corpo. Uomo tutt’altro che spaesato e abbandonato a sogni adolescenziali, Brasillach fu al contrario attento alla modernità, ne annusò certi segnali, ne apprezzò non poche manifestazioni, ne assaporò molti lati. Dal cinema alla musica jazz, al teatro, persino ai cartoni animati… e non gli fece difetto una “normalissima” inclinazione per la vita bella, suadente, rallegrante, esteticamente ricca e stimolante. E quando fu il momento, con la morte in faccia, mantenne quel sangue freddo che si addice più al navigato avventuriero che al semplice e al sognatore.

Noi gli perdoniamo facilmente di aver preso qualche memorabile “cantonata”. Non fu l’unico. Si tratta anzi di una regola storica. Rileggiamo volentieri le sue pagine visionarie, lisergiche, pregne di santa e sana allucinazione: via di fuga dalle miserie borghesi. Ripercorriamo insieme a lui l’arduo cammino di quanti furono per una lunga stagione al centro degli eventi e vi si tuffarono a capofitto secondo istinto. E confessiamo invidia per chi, come lui e molti della sua generazione, ha avuto in dono dal destino la possibilità di commettere anche grandi sbagli, potendosi dare l’aria di aver centrato il senso della storia. A noi è toccato in sorte di frugare tra gli avanzi degli altri, senza trovare nulla che non fosse avvilimento.
«Un accampamento di giovinezza nella notte, l’impressione di essere un tutt’uno con la propria Patria, il collegarsi ai santi e agli eroi del passato, una festa di popolo, ecco taluni elementi della poesia fascista, in cui è consistita la follia e la saggezza del nostro tempo. Ecco ciò, ne sono sicuro, cui la gioventù tra vent’anni, dimentica di tare e di errori, guarderà con oscura invidia e con inguaribile nostalgia…». Queste parole, effettivamente, nascondono un errore di valutazione. Ma non riguarda l’analisi del suo tempo, bensì la prognosi di quello a venire. Nessuno ha dimenticato le tare e gli errori, ma tutti ricordano soltanto quelli… e nessuno si azzarda a provare invidia o nostalgia per idee che, nel frattempo, lavorate a lungo da eserciti di termiti giganti, sono state ridotte a relitti terribili e a minacciose mostruosità.

Di Brasillach ci piacciono ancora e nonostante tutto e in faccia al mondo alcuni suoi fondamentali. L’Europa è uno di questi. Un asse latino-germanico, un pullulare di patrie e di identità rivendicate, un mito da agitare, e ancora oggi, e proprio nel momento in cui la parola “identità” è diventata una colpa e un insulto e al mito si affibbia la maschera tragica del delirio. Di Brasillach ci piace poi il suo anarchismo. La sua voglia mobile di raccontare storie di radicamento: «Voglio restare… restare nella tua ombra, ingannare l’attesa, il ricordo di avere atteso, sperare, attendere ancora…», fa dire a Berenice l’errante. Questo “restare” potrebbe diventare all’improvviso una parola d’ordine e un grido. Di pochi oppure magari di molti. Magnifica illusione o scelta pesante? Dopo tutto, lo aveva scritto ne I sette colori: «Ad altri gli entusiasmi della illusione, la certezza che mai ha dubitato di sé. Per noi, il nostro solo merito, in tutti i campi, è di esserci accettati, di avere scelto».

* * *

Tratto da Linea del 24 aprile 2009.

Luca Leonello Rimbotti

lundi, 11 mai 2009

Le mot qui tue

Le mot qui tue :

Histoire des violences intellectuelles de l'Antiquité à nos jours

Présentation de l'éditeur
Il est des mots qui tuent symboliquement, lorsqu'il s agit de ruiner la réputation d un adversaire, ou physiquement, quand le mot d'ordre se fait slogan. Dès lors, s'interroger sur la notion de violences intellectuelles revient à poser la question de la responsabilité de ces professionnels de la parole que sont les intellectuels. Ce livre collectif entend le faire dans la longue durée de l'analyse historienne : de l'attaque ad hominem dans la rhétorique romaine à l'imaginaire guerrier des intellectuels contemporains, en passant par les formes de la dispute médiévale ou de la controverse savante à l'époque moderne. Dans tous les cas, il s'agit bien de mettre au jour les règles et les usages de la polémique, mais aussi d'identifier les moments où les règles sont transgressées, remettant en cause l'ensemble du système.

P.Boucheron, V.Azoulay,
Le mot qui tue : Histoire des violences intellectuelles de l'Antiquité à nos jours, Ed. Champ Vallon, 2009.




A lire:
>>> Compte-rendu
Le Monde des livres, 30/04/2009.

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Noltes neuer Streich

Erik LEHNERT - http://www.sezession.de/
Noltes neuer Streich

Ernst Nolte

Ernst Nolte hat ein neues Buch geschrieben und erstes Presseecho erhalten. Das ist gut so und verwundert auch, denn gewöhnlich wird totgeschwiegen, was aus der Feder des im Historikerstreit medial unterlegenen Geschichtsdenkers stammt. Doch offenbar hat Ernst Nolte (dessen letzte Bücher zugegebenermaßen nichts Neues brachten) wieder einmal einen neuralgischen Punkt berührt, und nach gewissenhafter Prüfung hat man sich offenbar entschieden, ihm hier nicht unwidersprochen das Feld zu überlassen.

Es geht um den Islamismus als „dritte radikale Widerstansbewegung“ neben Bolschwismus und Faschismus. Damit verpackt Nolte den Islamismus in seine bekannte These vom kausalen Nexus zwischen den beiden Ideologien und erkennt in ihm Elemente von beiden wieder. Was Islamismus ist, erfahren wir in einer Fußnote:

Am einfachsten lässt sich der „Islamismus“ so definieren, dass er den kriegerischen und dogmatischen Aspekt des Islam, dem bereits im Koran ein friedenswilligerer und toleranterer Aspekt gegenübersteht, isoliert und dann ausschließlich hervorhebt. Insofern ist der Islamismus nichts anderes alsder zu seiner eigenen Radikalität gebrachte Islam.

Von daher stellt sich natürlich die Frage, was der Islamismus mit den anderen beiden Widerstandsbewegungen zu tun hat, die eine völlig andere Entstehungs- und Entfaltungsgeschichte haben. Nolte faßt daher am Anfang des Buches seine Charakterisierung des Marxismus und Nationalsozialismus zusammen und sieht in beiden „konservative Revolutionen“, die ein ursprüngliches Lebensverhältnis vor der Moderne retten und wiederherstellen wollten. Im Anschluß daran erzählt Nolte die Geschichte der Konfrontation des Islam mit der modernen Welt, beginnend mit der Landung Napoleons in Ägypten, über den Zionismus als entscheidende Herausforderung und endend mit dem Islamismus als Macht im gegenwärtigen Weltkonflikt.

In den oben erwähnten Rezensionen wird deutlich, daß Nolte mit seiner These zumindest Widerspruch provoziert. An der Begründung dieses Widerspruchs kann man ablesen, daß er mit seinen Überlegungen nicht daneben liegt. Hinzu kommt das Pathos des Verstehenwollens, das Nolte auszeichnet und das auf den Zeitgeist immer verstörend wirkt. Dem Journalisten(Jörg Lau in Die Zeit) bleibt nur die Empörung:

Nolte hält nicht etwa nur den Widerstand der Palästinenser gegen Vertreibung und Besatzung für legitim. Es kommt ihm vielmehr darauf an, den arabischen Antisemitismus zu verteidigen, den die extremsten Teile der islamistischen Bewegungen kultivieren.

Das ist der übliche Reflex. Nolte verteidigt hier gar nichts, er wagt nur eine gerechte Betrachtung einzufordern, die Ursachen und Auslöser benennt und so ein Verstehen auch des Islamismus möglich machen kann.

In eine ähnliche Richtung geht die Kritik des „Fachmanns“ Walter Laqueur in der Welt, der Nolte sowohl vorwirft, keine Ahnnung zu haben, als auch, nichts Neues zu schreiben. Das sieht Josef Schmid in seiner positiven Besprechung für das Deutschlandradio ganz anders:

Nolte präsentiert Zeitwissen und Verknüpfungen, die allein schon die Lektüre unerläßlich machen. Darüber hinaus eröffnet dieses Werk eine Sicht auf das noch bevorstehende 21. Jahrhundert. […] Ernst Nolte erwartet weniger einen Kampf der Kulturen, dafür aber einen Kampf konkurrierender Lebens- und Daseinsformen, des Islams wie der europäischen Moderne, um ihren universellen Geltungsanspruch. Er sieht ihn in einer Dimension, auf die wir nicht vorbereitet sind.

Nolte wird in vielen Abschnitten seinem Anspruch gerecht, ein Geschichtsdenker zu sein, also einer, der über den ganzen Einzelheiten und Handgreiflichkeiten die Idee sieht, wenn er einen Vorgang in den Zusammenhang stellt. Von dort aus lassen sich auch neue Einsichten über den europäischen Bürgerkrieg gewinnen, etwa wenn er die Revolution der Jungtürken 1908/1913

die erste jener handstreichartigen Machtübernahmen seitens einer Gruppe oder Partei sehr engagierter junger Männer [sieht], welche die Verhältnisse für unerträglich hielten und oftmals von dem Gefühl des Unrechts geleitet waren, das ihnen und Menschen ihrer Herkunft oder ihrer Lage in diesen Verhältnissen angetan wurde.

Nolte sieht in der Existenz Israels, des modernen Vorpostens in der arabischen Welt, den entscheidenden Grund für die „Verteidigungsaggressivität“ des Islam. Die eigenen Mängel werden nicht mit einer fehlenden Modernität erklärt, sondern als Folge eines Abfalls von der „reinen Lehre“. Dieses Moment läßt sich in allen drei Widerstandbewegungen auffinden. Nolte stellt uns damit einen Schlüssel zur Verfügung, der auch die Hintergründe der eigenen Sehnsucht nach Authentizität und Ursprünglichkeit aufschließen hilft. Es ist die Sehnsucht nach der heilen Welt, die hinter der Subjekt-Objekt-Spaltung liegt, die Zeit als sich „alle nach einer Mitte neigten“ (Gottfried Benn). Die Unerfüllbarkeit dieser Hoffnung ist zumindest tröstlich: Auch der Islamismus wird scheitern. Die Frage nach dem Zeitpunkt sollte für uns Ansporn sein, die Hände nicht in den Schoß zu legen.

Ernst Nolte: Die dritte radikale Widerstandsbewegung: Der Islamismus, Berlin: Landtverlag 2009, 412 Seiten, gebunden mit Schutzumschlag, 39.90 Euro. Zu beziehen bei Edition Antaios.

samedi, 09 mai 2009

Une philippique contre les assassins de l'histoire

Geschichte-Weltchronik.jpg

SYNERGIES EUROPÉENNES - ORIENTATIONS (Bruxelles) - Juillet 1988

Une philippique contre les "assassins de l'histoire"

Un rapport de Luc Nannens

 

Le débat ouest-allemand récent, baptisé "querelle des historiens", a fait la une de tous les quotidiens et hebdomadaires de RFA. Il y a d'un côté, ceux qui veulent accentuer encore la culpabilité allemande, ressasser sans cesse les my-thèmes culpabilisateurs, les ériger au rang de vérités historiques intangibles. Leur méthode: l'anathème et l'injure. Cet exercice n'a pas plu à quelques historiens célèbres dans le monde entier, porte-paroles de leurs confrères: Ernst Nolte, Andreas Hillgruber et Michael Stürmer. Peu suspects de sympathies à l'endroit du nazisme, ils ont for-mé le camp adverse des nouveaux inquisiteurs, ceux qui s'auto-proclament "anti-fascistes". Ils n'ont pas accep-té la nou-velle mise au pas, le galvaudage éhonté de leur discipline déjà si malmenée par l'idéologie ambiante, cel-le de la grande lessive des mémoires. Rolf Kosiek nous a dressé un bilan clair de cette affaire qui annonce une pro--chai-ne grande révolte des mémoires contre les escrocs idéologiques, les nouveaux prêtres hurleurs qui veulent do-mes-ti-quer, asservir et détruire l'indépendance d'esprit et la sérénité européennes, la vieille et pondérée éthique de Thucydide. Son bilan porte le titre de

 

Rolf Kosiek, "Historikerstreit und Geschichtsrevision", Grabert-Verlag, Tübingen, 1987.

 

La querelle des historiens, écrit Rolf Kosiek, est révélatrice de l'absence de liberté que subissaient les historiens dans les décennies écoulées mais, point positif, elle indique aussi que les choses sont en train de bouger et que les scien-ces historiques vont enfin pouvoir entrer dans une époque "normalisée" et se dégager des carcans officiels. Les historiens agressés, jadis, entraient automatiquement dans un purgatoire et sombraient dans un oubli catastro-phique, résultat de la cons-piration du silence. Désormais, ils se rebiffent et font face. Apparaissent dès lors les pre--mières fissures dans l'édifice érigé artificiellement pour les besoins a posteriori de la cause alliée, même si des mas-ses d'archives sont encore inaccessibles et si des rumeurs courent qui disent que les documents entreposés à Lon-dres sont délibérément falsifiés, de façon à ne pas porter ombrage au Royaume-Uni quand ils seront enfin à la disposition des historiens.

L'Allemagne de l'Ouest a connu cinq cas de mise au pas d'historiens actifs dans l'enseignement: l'affaire du Prof. Dr. Peter R. Hofstätter en 1963, l'affaire Stielau (qui contestait l'authenticité du Journal d'Anne Frank)  en 1959, l'af-faire Walendy en 1965, l'affaire Diwald en 1978 (deux pages jugées litigieuses dans un livre de 764 pages, ven-du à des centaines de milliers d'exemplaires!), l'affaire Stäglich où l'accusé s'est vu non seulement condamné mais dépouillé de son titre de docteur en droit en vertu d'une loi imposée sous Hitler en 1939! Si toutes ces af-fai-res concernaient des mises en doute directes de la façon dont l'idéologie dominante présente les rapports tragiques en-tre Allemands et Juifs pendant la parenthèse hitlérienne, la querelle actuelle ne se base pas du tout sur des argu-ments relatifs à cette douloureuse question. D'où Kosiek distingue deux types de révisionnisme historique: le ré-vi-sionnisme proprement dit, vivace dans la sphère anglo-saxonne et porté par des célébrités comme B.H. Liddell-Hart, P.H. Nicoll, C.C. Transill, H.E. Barnes, qui, tous, nient la culpabilité exclusive de l'Allemagne dans le dé-clenchement de la seconde guerre mondiale. Nier l'exclusivité de la culpabilité, ce n'est pas nier toute culpabilité mais cette nuance, qu'acceptera tout esprit doté de bon sens, est déjà sacrilège pour les néo-inquisiteurs. Ensuite, un révisionnisme plus marginal, et surtout plus spécialisé, qui n'aborde que les questions propres aux rapports ger-mano-juifs.

Une volonté populaire diffuse de retour à l'histoire et de réappropriation d'identité

Une sourde hostilité couvait depuis une bonne décennie contre l'arrogance inquisitoriale: en 1976, le Président de la RFA, Walter Scheel, avait déclaré en public, devant un congrès d'historiens, que l'Allemagne de l'Ouest ne pou-vait nullement devenir un pays purgé de toute histoire. En 1977, les historiens hessois protestèrent vivement con--tre le projet du Ministère de leur Land  visant à supprimer purement et simplement la matière histoire dans les Gym-nasium.  L'exposition consacrée aux Staufer à Stuttgart en 1977 permet à plusieurs hommes politiques en vue de réitérer leur volonté de sauver l'histoire des griffes de ceux qui veulent systématiquement l'éradiquer. A par-tir de 1980, on assiste à une véritable offensive de retour à l'histoire et à une volonté très nette de se reconstituer une identité qui avait été provisoirement occultée; l'exposition sur la Prusse à Berlin en 1981 a montré que les mi-lieux de gauche, eux aussi, souhaitaient renouer avec l'histoire de leur pays (cf. Alain de Benoist, Gérard Nances & Robert Steuckers, "Idée prussienne, destin allemand", in Nouvelle Ecole,  n°37, 1982).

Les historiens, bénéficiant de cet engouement populaire pour l'identité nationale, vont s'enhardir et amorcer un processus d'émancipation. Helmut Rumpf, juriste et politologue de notoriété internationale, disciple de Carl Schmitt, rappelle, dans un article de la prestigieuse revue Der Staat  (Berlin) un ouvrage capital de 1961, assassi-né par la conspiration du silence: Der erzwungene Krieg  (= la guerre forcée) de l'Américain David L. Hoggan. Ce li-vre, épais de 936 pa-ges, démontrait la culpabilité britannique, notamment celle de Lord Halifax, sur base de do-cu--ments polonais, ja-mais étudiés à l'Ouest (sur Hoggan, cf. Orientations  n°6). La légende de l'incendie du Reichs-tag par les nazis fut, dans la foulée, réfutée par l'historien Fritz Tobias, membre de la SPD; Tobias avait en-tamé son enquête dès 1959 mais les inquisiteurs avaient jugé que sa thèse était "inopportune sur le plan de la pé-dagogie populaire" (!?). Il fal-lut attendre 1986 pour qu'elle soit admise, sans pour autant être diffusée. L'his-to-rien suisse-alémanique Wolf-gang Hänel put démontrer que les affirmations de Hermann Rauschning, consignées dans le fameux Hitler m'a dit,  sont absolument fausses pour la simple raison que l'auteur n'a jamais rencontré Hit-ler plus de quatre fois et, en ces occasions, n'était pas seul. Le Prof. Alfred Schickel, directeur de l'Institut d'His-toire Contemporaine d'In-gol-stadt, put prouver que les officiers polonais prisonniers en Allemagne organi-saient des "universités de camp". Ce fait, incompatible avec l'image qu'on s'est fait des relations germano-polo-nai-ses, fut d'abord nié par les historiens officiels, jusqu'au jour où plusieurs of-fi-ciers polonais sont venus person-nel-le-ment témoigner, preuves à l'appui!

Nolte contre Habermas: la "querelle des historiens" commence!

C'est avec un tel arrière-plan qu'a commencé la "querelle des historiens" proprement dite, en 1986. Ernst Nolte, cé-lèbre sur le plan international pour ses études sur l'origine des fascismes, a déclenché la polémique en écrivant, en substance, dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ),  le 6 juin 1986, que l'"asiatisme" national-socia-lis-te, exprimé par la terreur policière, les camps et les massacres, n'est pas unique ni originelle mais a été précédée par l'"asiatisme" bolchévique. L'approche de Nolte était dans la droite ligne de ses options libérales: il ne niait pas les massacres et les crimes nationaux-socialistes mais refusait, par souci éthique, de justifier les massacres subis par ses compatriotes par les massacres qu'ils auraient commis ou non. Cette volonté de relativiser les faits, de les restituer à leur juste mesure et de les dépouiller de tous adstrats passionnels, constitue une démarche scien-tifique et objective, telle que tout historien sérieux se doit de poser. Les professionnels du culpabilisme ont ré-agi im-médiatement, d'abord par des lettres de lecteurs à la FAZ,  reprochant à Nolte de minimiser, par compa-raison avec la terreur stalinienne, les actes du régime nazi. Wolfgang Schuller, professeur d'histoire à Constance, fut le pre-mier à prendre parti pour Nolte, en écrivant: "Si l'on n'est plus autorisé qu'à écrire des choses négatives (à l'en-droit de l'histoire allemande de ce siècle, ndlr), si plus aucun lien causal, plus aucune causalité ne peut plus être évoqués, alors nous avons une sorte d'historiographie courtisane inversée".

Jürgen Habermas, qui n'en rate pas une, saisira l'occasion pour se donner de la publicité, en mitonnant un article far-ci de vitupérations et de fulminations hautes en couleur, en traînant Nolte dans la boue, avec trois autres de ses col-lè-gues, Andreas Hillgruber, Klaus Hildebrand et Michael Stürmer. Pariant sur l'ignorance des masses, sachant que les médias conformistes lui donneront une publicité imméritée, Habermas recourt sans vergogne à l'injure, au tron--quage des citations et au langage propagandiste, sans pour autant éviter les contradictions: ainsi, il reproche à Stürmer de fabriquer une "philosophie otanesque" (Natophilosophie),  assortie de "tamtam géopoliticien", propre à une "idéologie du milieu" (Ideologie der Mitte)  qui met en danger les liens de l'Allemagne avec l'Ouest, matri-ce des sacro-saintes "Lumières"! La réponse moqueuse des agressés n'a pas tardé: se posant comme leur avocat, Gün-ter Zehm se gausse du philosophe-sociologue libéral-gauchiste en faisant appel à ses propres théories; en ef-fet, Habermas, voulant ancrer sa démarche dans l'héritage rationaliste, hégélien et marxiste, a toujours opté pour les faits objectifs contre les travestissements métaphysiques, les engouements romantiques, les mythes mobilisa-teurs de type sorélo-fasciste ou völkisch-hitlérien; dans la querelle des historiens, toutes ses belles intentions, il les jette par-dessus bord, comme des ordures de cuisine par-dessus le bastingage d'un paquebot transatlantique: con-tre les faits mis en exergue par les historiens, le grand prêtre de la sociologie francfortiste évoque, trémolos feints dans la voix, la "malédic-tion éternelle" qui pèse sur le peuple allemand (et qu'il s'agit de ne pas égratigner) et la "faute incomparable" que les générations post-hitlériennes, faites de bons gros touristes roses et gourmands, doi-vent continuer à traîner com-me un boulet de forçat.

L'hystérie habermassienne contre la science historique

Ces gamineries hystériques n'ont pourtant été que le hors-d'œuvre, les zakouskis du maître-queue Habermas. Rudolf Augstein, rédac'chef du Spiegel,  prend le relais avec le gros sel: Hillgruber, selon le brave homme, nierait Ausch-witz et serait "un nazi constitutionnel". Janßen et Sontheimer, autres para-habermassiens, écrivent, sans ri-re et avec quelques circonlocutions, que les résultats de toute enquête historique doivent correspondre à des critères de "pé-dagogie populaire" et renforcer la "conscience Aufklärung". Tout autre résultat est malvenu et doit donc être tu, occulté, dénoncé. Le nazisme est unique, sin-gulier et au-dessus de toute comparaison, avancent Kocka, Bra-cher et Winkler, impavides devant le ridicule, puisque toute science his-to-rique est par définition comparative, comme le sait tout étudiant de première année. Winkler, qui avait bâti jadis quelques belles théories sur la parti-cu-la-rité allemande par rapport à l'Ouest, estime brusquement que le nazisme ne peut être comparé avec l'URSS stali-nien-ne ou le Cambodge de Pol Pot, terres asiatiques, mais exclusivement avec l'Ouest et ses normes puisque l'Al-lemagne est un morceau d'Occident. Après ces raisonnements spécieux: coucou! Qui réapparaît donc comme un dia-blo-tin d'une boîte? Habermas! L'hom-me prend des poses de Iavhé biblique et en imite le courroux: la faute des Al-lemands se transmettra de gé-né-rations en gé-né-ra-tions ad infinitum  (cf. Die Zeit,  7-XI-'86). On ne voit plus où est l'histoire. On voit au con-trai-re comment se modernisent les anathèmes théologiques.

Ces excès ont eu pour résultat de mobiliser une phalange d'historiens agacés parmi lesquels Joachim Fest, qui, en défendant Nolte, s'insurge contre les simplismes ânonnés à propos du national-socialisme par les adeptes des Lu-mières qui, derrière un discours rationaliste-utopique sur la liberté, asseyent sans scrupules leur propre mandari-nat. Thomas Nipperdey attaque directement la méthode de Habermas: le passé y est dénoncé, puis, au nom du principe tout-puissant de l'émancipation, politisé et moralisé, mieux, hyper-moralisé; de cette manière seulement, la voie est libre pour le monopole futur des utopies, des "constructions" artificielles, détachées de toute continui-té historique. Un passé moralisé détruit ipso facto l'histoire réelle, pour installer des schémas désincarnés dans lesquels les peuples ne retrouvent pas leurs aspirations. C'est pourquoi il faut historiciser le national-socialisme, afin de ne pas renoncer au réel et de ne pas confisquer aux Allemands le droit de construire une démocratie con-forme aux rythmes de leur histoire. Pour le bien de la science, on ne peut interdire aux chercheurs de s'interroger et de solliciter témoignages et documents. Nolte renchérit: il faut éviter que ne s'installe une situation où le passé national-socialiste est érigé en un mythe négatif, indicateur du mal absolu, qui empêche toute révision pertinente et s'avère ennemi de la science.

Hildebrand rejette les arguments passionnels de Habermas en démontrant que les thèses que ce dernier incrimine ne sont nullement neuves mais ont déjà été débattues en Allemagne et à l'étranger depuis longtemps. L'assassinat des Juifs, écrit-il dans Die Welt  (22-XI-'86), est sans doute "singulier" dans une perspective universelle mais de-meu-re néanmoins inscrit dans une chaîne d'événements tout aussi tragiques de notre siècle; cet événement "géno-cidaire" a eu des précédants et des imitations: le génocide des Arméniens, la liquidation de millions de paysans pro-priétaires russes, les koulaks, l'élimination et les déportations de peuples entiers sous le joug de Staline, les ex-terminations du "communisme paléolithique" cambodgien. Procéder à une comparaison entre ces horreurs his-to-riques est légitime pour l'historien, dont la tâche est d'en dégager les constantes et d'en comprendre les moti-vations, aussi répréhensibles soient-elles sur le plan moral. Spécialiste des crimes perpétrés contre les Alle-mands au cours des expulsions de 1945-46, l'historien américain Alfred de Zayas, en prenant position dans Die Welt  (13-XII-'86), explique que le processus de "démythologisation" du nazisme est en cours aux Etats-Unis et en Angle-ter-re depuis longtemps et exhorte les Allemands à s'intéresser à ces travaux en dépit des hurlements du mandarinat établi; selon de Zayas, la thèse de l'"unicité" de la faute nazie est inepte et les Allemands ne doivent pas se laisser hypnotiser ou paralyser par Auschwitz, car, pendant la seconde guerre mondiale, il n'y a pas eu de "monopole de la souffrance".

Les cinq questions-clefs du débat

Au-delà de la polémique, Kosiek dégage les principaux points de discorde entre les historiens: 1) La démarche de révision est-elle ou non la norme de la scientificité historique?; 2) Le IIIème Reich revêt-il un caractère d'unicité?; 3) L'époque du IIIème Reich doit-elle être historicisée, c'est-à-dire doit-elle être soumise aux mêmes critères d'investigation historiques que n'importe quelle autre segment de l'histoire?; 4) Le problème du calcul du nombre de victimes doit-il être abordé?; 5) Convient-il ou ne convient-il pas d'étendre la notion de "faute collective" aux gé-né-rations post-hitlériennes et, si oui, jusqu'à quelle génération? Au-delà de ces cinq questions d'ordre éthique et philosophique, qui ne sont pas du ressort direct de l'historien mais concernent immédiatement sa liberté de travail, l'histoire contemporaine, si elle veut quitter certaines impasses, doit aborder des terrains laissés jusqu'ici en jachè-re, terrains inexplorés à cause de la terreur intellectuelle exercée par le mandarinat. Seules des réponses allant dans un sens résolument non-habermassien aux cinq questions ci-dessus, permettront aux historiens d'aborder des do-mai-nes inexplorés (ou explorés seulement dans une marginalité éditoriale non médiatisée), comme, par exemple, les extermina-tions staliniennes et leurs incidences sur l'histoire de l'Europe orientale, la question de savoir si la guer-re déclenchée par Hitler contre l'URSS a été préventive ou non, les problèmes de l'expulsion des Allemands de Silésie, de Poméranie, de Prusse orientale et du Territoire des Sudètes. Une demande générale se fait jour qui com-prend l'é-tude historique et scientifique de ces événements, un débat public, franc et ouvert, sur ces questions. Y répondre clairement, sans a priori idéologique, avec sérénité, signifierait que l'histoire n'est pas une science mor-te. Ne pas y répondre, persister dans l'occultation de pans entiers de l'histoire européenne, signifierait au con-trai-re que l'his-toire est morte, et avec elle la liberté, et que se sont réalisées les pires appréhensions d'Orwell con-cernant la ma-ni-pu-lation du passé dans des buts de ma-ni--pulation politique. Un habermassien sincère, soucieux de transparence, de dialogue et de publicité, hostile aux mé-canismes mis en scène par l'imagination romanesque d'Or-well dans 1984,  devra nécessairement prendre la parti des Nolte, Hildebrand, Stürmer, etc., malgré les déra-pa-ges, divagations et éruc-ta-tions récentes de son maître-à-penser.

Dix conclusions

Quelles conclusions tirer de tout cela? Pour Kosiek, il convient de dégager dix leçons de cet événement:

1) Pour la première fois, toute une brochette d'historiens établis réclame une révision des schémas historiques et un abandon franc des simplismes en vogue.

2) Le scandale déclenché par Habermas a montré l'inanité intellectuelle des dits schémas et induit bon nombre d'historiens à relire les livres oubliés de certains "révisionnistes" anglo-saxons, dont Hoggan. Une modification ad hoc des manuels scolaires devrait suivre...

3) Le scandale doit nécessairement déboucher sur une liberté de recherche et il doit être accordé aux historiens le plein droit au débat pour toutes questions. Les peines prévues par le code pénal pour ceux qui enfreindraient le prêt-à-penser doivent être abrogées, au nom de la liberté de recherche.

4) Le processus d'historicisation du national-socialisme est enclenché, volens nolens. La chape de moralisme stérilisant s'effrite pour faire place à une histoire objective.

5) Le délicat problème du calcul arithmétique des victimes fait une entrée discrète sur la scène universitaire.

6) Des domaines délaissés de l'histoire (cf. supra) vont enfin être abordés et des angles d'approche négligés, comme la géopolitique, sont en passe d'être réhabilités.

7) Grâce à la querelle des historiens, les camps se sont formés et les clivages clarifiés. Le refus des méthodes anti-scien-ti-fiques s'est étoffé.

8) Le débat s'est déroulé dans les grands journaux, ce qui a permis à de larges strates de la population de prendre acte des enjeux.

9) Les historiens attaqués sauvagement par les inquisiteurs n'ont rien à voir avec la mouvance dite "néo-nazie" et n'appartiennent même pas à un secteur ou l'autre du clan nationaliste ou conservateur. Preuve que les inquisiteurs ne respectent aucune nuance et n'hésitent pas à utiliser la stratégie inféconde de l'amalgame.

10) Ces historiens modérés, auxquels aucune insulte et bassesse n'ont été épargnées, devront désormais faire montre de solidarité à l'égard de collègues moins en vue et en proie aux attaques des nervis inquisitoriaux habituels; ils ne pourront plus honnêtement se satisfaire de la politique de l'autruche.

Luc NANNENS.

Littérature complémentaire:

Hans-Christof KRAUS, "Wissenschaft gegen Vergangenheitsbewältigung. Eine Bilanz des Historikerstreits", in Criticón,  nr. 99, Januar-Februar 1987.

Criticón,  numéro 104, consacré à la "querelle des historiens". Textes de H.-Chr. KRAUS, Dietrich AIGNER, Alfred de ZAYAS et Armin MOHLER (où le célèbre explorateur de la "Konservative Revolution" démontre que Nolte, avant les incidents de l'automne 1986, avait "cimenté" quelques simplismes et fétiches historiques).

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