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mercredi, 12 août 2009

Une nouvelle approche de la tourmente du III° siècle

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Une nouvelle approche de la tourmente du III° siècle

« Dans les temps de crise que nous vivons, en ce début d’année 2009, il est agréable de se dire qu’à un moment de leur histoire des hommes ont été heureux… » Nous sommes au IIe siècle. Les Antonins ont fait de Rome une puissance insurpassable. La stabilité politique des institutions d’essence monarchique assure aux peuples de l’Empire, au moins jusqu’à Commode (180-192), sécurité et prospérité. La « Pax romana » règne partout. Elle dispose d’un instrument de fer : de 350.00 à 400.000 soldats, dont quelques 150.000 légionnaires postés pour l’essentiel aux frontières, face aux Barbares. Et c’est pourtant en pleine gloire, au faîte de sa puissance, que l’Empire romain va être touché au cœur.

Crise militaire, crise globale

La crise du monde romain au IIIe siècle est avant tout militaire. C’est l’affaiblissement de l’institution centrale de l’empire qui provoque en chaîne, et se nourrit par la même occasion, des crises politique, économique, financière, sociale et même religieuse – la « quête de sens » étant une constante des périodes troublées. Si tous les historiens s’accordent sur cet enchaînement des causes et des conséquences, rares sont les chercheurs à avoir tenté d’expliquer « comment un corps aussi solidement bâti que l’armée romaine a pu recevoir des coups aussi violents, être secoué dans d’aussi terribles difficultés ». C’est à ce choc initial, cette matrice de toutes les crises, que s’attache Yann Le Bohec avec le talent, l’érudition et l’humour qu’on lui connaît. Son ouvrage, pour être savant, est passionnant parce qu’il s’agit d’une véritable enquête dont la victime – l’Empire romain – et les auteurs – Germains et Iraniens pour l’essentiel – sont connus, mais les faits trop souvent ignorés à force d’être considérés comme acquis, et donc secondaires.

En s’attachant à proposer « une explication militaire pour une crise militaire », jusque dans les soubresauts des nombreuses « guerres civiles » induites, Le Bohec renouvelle en profondeur notre vision de cette époque, et n’hésite pas au passage à bousculer quelques certitudes historiographiques trop facilement admises.

Surtout, Le Bohec va à l’essentiel. Il ausculte, assume et revendique la gravité de la crise étudiée en réhabilitant « les trois conceptions du temps, court, moyen et long » de l’enseignement de Braudel, « ainsi que les liens qui unissent l’histoire à la géographie ». Son ouvrage est donc politique. Parce que l’essence même du politique réside finalement dans les questions de défense, comme l’ont bien compris depuis des générations les historiens anglo-saxons et l’illustre plus près de nous De Gaulle : « Quand on ne veut pas se défendre, ou bien on est conquis par certains, ou bien ou est protégés par d’autres. De toute manière, on perd sa responsabilité politique… ».  Et parce que l’essence même du politique, parfaitement illustrée par Carl Schmitt cette fois, réside dans la désignation – et donc la connaissance – de l’ennemi. Et c’est l’apport principal de cette « armée romaine dans la tourmente » que de s’attacher aux ennemis de celle-ci, en soulignant leur nombre, leur diversité, la nouvelle puissance issue de leur vitalité démographique, de leurs systèmes d’alliance (Quinquegentanei en Afrique, Pictes en Ecosse, Francs, Alamans et Goths en Europe continentale), et des progrès accomplis sur le plan militaire surtout, dans les domaines de l’armement et de la tactique face à des légions dont l’apogée capacitaire est définitivement atteint sous Septime Sévère (193-211).

Quand l’histoire éclaire le présent

L’ouvrage de Le Bohec est ainsi d’une criante actualité. Les analogies sont nombreuses avec les temps de confusions qui sont aussi les nôtres.

Il est certes tenant d’esquisser un parallèle entre les empires romain et étatsunien. Et il sera sans doute un jour daté que la fin de l’empire américain a débuté dans les villes d’Irak, comme autrefois l’empire romain dans les sables de Mésopotamie. « Rome ne s’interdisait jamais de passer à l’offensive, pour mener une guerre préventive ou de représailles, ou pour affaiblir un ennemi potentiel, ou encore tout simplement pour piller. Au cours du IIIe siècle, l’offensive n’eut jamais cours qu’en réaction contre une agression ; on ne connaît que des contre-offensives »…

Mais le choc du IIIe siècle reste, à l’image de l’Empire romain lui-même, une pièce maîtresse et indéfectible de l’histoire européenne. Il annonce les formidables mutations que vont affronter les peuples d’Europe, et les ruses dont l’Histoire aime à user : « Après avoir atteint le fond du gouffre, l’armée romaine a su s’en sortir. L’explication est sans doute double. Les ennemis sont devenus moins agressifs, parce qu’ils étaient fatigués de la guerre et parce que de nouveaux problèmes se posaient à eux, avec d’autres arrivées de barbares. L’armée romaine s’est mieux adaptée à la situation. Ce fut, si l’on en croit la critique, l’œuvre des empereurs illyriens ». La sortie de la crise est en effet attestée sous Dioclétien (284-305), mais l’Empire ne s’en remettra jamais. Au point de s’effondrer définitivement à peine un siècle et demi plus tard. La crise, aussi violente que profonde, apparaît dès lors comme une première alerte.

Une histoire à méditer. Parce que c’est la nôtre. Et que nous ne sommes qu’au IIe siècle…

GT
14/07/2009

Source: Polémia

©Polémia

L’armée romaine dans la tourmente. Une nouvelle approche de la crise du IIIe siècle, Yann Le Bohec, Editions du Rocher, collection L’Art de la Guerre, mars 2009, 315 p., 21 euros.

mardi, 11 août 2009

Les communistes belges dans la collaboration jusqu'au 22 juin 1941

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Les communistes belges dans la collaboration jusqu'au 22 juin 1941

 

Beaucoup plus important avant la guerre et dans l'immédiat après- guerre que dans les années 50, 60 et 70, le PCB, aujourd'hui disparu, qui n'a plus ni journaux ni parlementaires, était, comme son «grand frère» français, totalement inféodé à la politique de Moscou. C'était Bereï, délégué à Bruxelles de l'URSS, qui commandait, qui décidait, qui dictait les lignes de conduite. Dès la signature du pacte Ribbentrop-Molotov d'août 1939, l'anti-nazisme est mis au placard. De l'Allemagne, les militants journalistes ne disent plus ni du bien ni du mal. Le Professeur Jacques Willequet a repéré, dans son livre (1), toutes les tirades en faveur du bloc germano-russe qu'ont publiées les organes communistes La Voix du Peuple, Uilenspiegel, Clarté, Espoir, Temps Nouveaux, Jeunesse Nouvelle, Drapeau Rouge, Liberté, De Strijd, Het Vlaamsche Volk. «Commencer la guerre pour anéantir l'hitlérisme, c'est accepter une politique de sottise criminelle» (Het Vlaamsche Volk, 14 oct. 39). Les alertes de novembre 39 et de janvier 40, où les Allemands testent les capacités de l'armée belge et de sa DCA, sont qualifiées «d'invention des services secrets britanniques». La Finlande, qui résiste héroïquement aux armées de Staline pendant l'hiver 39-40, est la «patrie des gardes blancs» et sa défaite, une victoire du prolétariat. Les journaux communistes accueillent la victoire allemande de mai-juin 1940 comme une délivrance. Le député communiste liégeois Julien Lahaut circule dans le sud de la France, dans une grosse voiture prêtée par les services allemands, pour récupérer les Belges dispersés par l'exode ou internés dans les camps français, après avoir été arrêtés par la Sûreté du Royaume (parmi eux: anarchistes, communistes, rexistes et nationalistes flamands, ces derniers étant largement majoritaires). A ceux qui l'écoutent, Julien Lahaut déclare, d'après Léon Degrelle, lui-même détenu, et selon l'historien officiel de l'Ecole Royale Militaire, Henri Bernard: «Le national-socialisme réalise toutes nos aspirations démocratiques» (dans un discours prononcé à Villeneuve-sur-Lot, fin juin 40). Le journal La Voix du Peuple, organe des communistes bruxellois, ressuscite dès le lendemain de la prise de Bruxelles, mais est interdit le 23 juin; à Anvers, Uilenspiegel paraît dès le 2 juin 1940 et ne disparaît que le 1er mars 1941. La spécialité des jounraux communistes, fidèles aux clauses du pacte germano-soviétique, sera de fulminer contre les Anglais. Le gouvernement exilé en Angleterre est un ramassis de «laquais de la Cité de Londres et des 200 familles», qui, de srucroît, «ont souillé le blason du Roi» (ce qui, sous la plume d'un militant communiste, est assez étonnant, puisque les communistes s'opposeront avec la dernière énergie au retour du monarque après 1945 et que Julien Lahaut criera «Vive la République!», au moment de la prestation de serment de Baudouin 1er; Lahaut sera mystérieusement assassiné par des inconnus, sur le pas de sa porte, quelques semaines plus tard...). Le 16 juin 1940, Uilenspiegel se félicite de l'entrée des troupes de Mussolini dans les Alpes françaises: «cela hâtera la débâcle des impérialistes». Le même journal, le 21 juillet 40, applaudit aux propositions de paix de Hitler, en concluant: «Plus vite les boutefeux occidentaux seront battus, mieux cela vaudra». En septembre 1940, La Vérité se félicite du fait que l'URSS ait supprimé «ce foyer de guerre né de Versailles qu'était la Pologne des seigneurs»; et il ajoute: «Les fauteurs de guerre anglo-français et leurs valets, les chefs de la social-démocratie, rejetèrent dédaigneusement les propositions allemandes appuyées à l'époque par l'URSS». Le 15 janvier 1941, Clarté insulte les troupes belges recrutées à Londres: c'est une «Légion Etrangère» destinée à servir «les magnats britanniques auxquels [le gouvernement Spaak-Pierlot de Londres] a déjà livré le Congo» (et voilà les communistes défendant le colonialisme belge, pourtant ultra-capitaliste dans ses pratiques!). Liberté et Drapeau Rouge se félicitent de la révolte anti-britannique de Rachid Ali en Irak, des mouvements indépendantistes indiens qui sabotent le recrutement de troupes aux Indes, de la disparition de la Yougoslavie, et de l'occupation de la Grèce (qui avait eu le tort d'abriter des troupes britanniques «menaçant l'URSS»!) (éditions de mai 1941).

 

Mais ces vigoureuses tirades pro-allemandes et anti-britanniques se feront moins enthousiastes pour plusieurs motifs: 1) les autorités d'occupation sont conservatrices et refusent toutes concessions d'ordre social; 2) les Allemands se servent des stocks belges de vivres et de matières premières, accentuant la précarité dans les couches les plus pauvres de la population; 3) les divergences entre Allemands et Soviétiques se font sentir; ce qui conduit certains chefs communistes à suivre les mots d'ordre consignés dans un article prémonitoire, paru avant mai 40, de Temps Nouveaux (n°2, 1940), où on lit: «Ce qu'il faut souhaiter, c'est une paix juste et durable, par un accord entre les deux plus fortes puissances du globe: les Etats-Unis et l'URSS». Finalement, la presse communiste affirmera que «l'avenir n'appartient ni à Hitler ni à Churchill». Ou, comme l'exprime un titre sans ambigüité de Liberté (14 avril 41): «Churchill ou Hitler? Les travailleurs ne choisissent pas entre la peste et le choléra»; 4) Les communistes, tout comme les socialistes de l'UTMI, sont furieux de voir que les Allemands donnent les postes-clef aux militants des partis autoritaires de droite, Nationalistes flamands du VNV et Rexistes de Degrelle. Les Rouges se sentent floués.

 

Le 22 juin 1941, le pacte germano-soviétique a vécu. Les communistes poursuivront dès lors les mots d'ordre parus dans Temps Nouveaux: alliance avec Roosevelt et Staline, contre les vieilles puissances européennes.

 

Raoul FOLCREY.

   

 

lundi, 10 août 2009

La gauche et la collaboration en Belgique: De Man, les syndicats et le Front du Travail

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De Man (debout) avec Emile Vandervelde avant la guerre

La gauche et la collaboration en Belgique

De Man, les syndicats et le Front du Travail

 

par Raoul FOLCREY

 

 

La collaboration de gauche en Belgique? Elle prend son envol avec le manifeste que Henri De Man, chef de file du Parti Ouvrier Belge (POB), publie et diffuse dès le 28 juin 1940. De Man (1885-1953) a été agitateur socialiste dès l'âge de 17 ans, polyglotte, correspondant en Belgique de la social-démocratie allemande et des travaillistes britanniques avant 1914, volontaire de guerre, diplomate au service du Roi Albert 1er, professeur à Francfort avant le nazisme, initiateur du mouvement planiste en Europe dans les années 30, ministre, président du POB; avec une telle biographie, il a été sans conteste l'une des figures les plus marquantes du socialisme marxiste européen. Hérétique du marxisme, sa vision du socialisme n'est pas matérialiste, elle repose sur les mobiles psychologiques des masses frustrées, aspirant à la dignité. Le socialisme, dans ce sens, est une formidable revendication d'ordre éthique. Ascète, sportif, De Man, issu de la bonne bourgeoisie anversoise, n'a jamais aimé le luxe. Le socialisme, déduit-il de cette option personnelle, ne doit pas embourgeoiser les masses mais leur apporter le nécessaire et les rendre spartiates.

 

Avec son fameux Plan du Travail de Noël 1933, De Man donne au socialisme une impulsion volontariste et morale qui séduira les masses, les détournera du communisme et du fascisme. Les intellectuels contestataires français, ceux que Loubet del Bayle a nommé les «non-conformistes des années 30», s'enthousiasmeront pour le Plan et pour ses implications éthiques. Pour l'équipe d'Esprit (regroupée autour d'Emmanuel Mounier), d'Ordre Nouveau (Robert Aron et A. Dandieu), de Lutte des Jeunes (Bertrand de Jouvenel), de l'Homme Nouveau (Roditi), De Man devient une sorte de prophète. Côté socialiste, en France, ce sera surtout le groupe «Révolution Constructive» (avec Georges Lefranc, Robert Marjolin, etc.) qui se fera la caisse de résonnance des idées de Henri De Man. Pierre Ganivet, alias Achille Dauphin-Meunier, adopte également le planisme demanien dans sa revue syndicaliste révolutionnaire L'Homme réel. Au sein du parti, Léon Blum craint le Plan du Travail:

- parce qu'il risque de diviser le parti;

- parce qu'il implique une économie mixte et tend à préserver voire à consolider le secteur libre de l'économie;

- parce qu'il crée une sorte de «régime intermédiaire» entre le capitalisme et le socialisme;

- parce que la critique du parlementarisme, implicite chez De Man, rapproche son socialisme du fascisme.

 

Pour Déat, les idées planistes, exposées notamment par De Man à l'Abbaye de Pontigny (septembre 1934), reflètent un pragmatisme de la liberté, une approche de l'économie et de la société proche du New Deal de Roosevelt, et ne relèvent nullement du vieux réformise social-démocrate. Le planisme, avait affirmé Déat dans l'Homme Nouveau (n°6, juin 1934), n'impliquait aucune politique de compromis ou de compromissions car il était essentiellement révolutionnaire: il voulait agir sur les structures et les institutions et les modifier de fond en comble. Presqu'au même moment, se tenait un Congrès socialiste à Toulouse: la plupart des mandats de «Révolution Constructive» s'alignent sur les propositions de Blum, sauf deux délégués, parmi lesquels Georges Soulès, alias Raymond Abellio, représentant le département de la Drôme. Georges Valois, proudhonien un moment proche de l'AF, est hostile à De Man, sans doute pour des motifs personnels, mais accentue, par ses publications, l'impact du courant para-planiste ou dirigiste en France.

 

Or, à cette époque, pour bouleverser les institutions, pour jouer sur les «structures», pour parfaire un plan, de quelque nature qu'il soit, il faut un pouvoir autoritaire. Il faut inaugurer l'«ère des directeurs». Pratique «directoriale», planification, etc. ne sont guère possible dans un régime parlementaire où tout est soumis à discussion. Les socialistes éthiques, ascètes et spartiates, anti-bourgeois et combatifs, méprisaient souverainement les parlottes parlementaires qui ne résolvaient rien, n'arrachaient pas à la misère les familles ouvrières frappées par le chômage et la récession. Dans son terrible livre, La Cohue de 40, Léon Degrelle croque avec la férocité qu'on lui connaît, un portrait du socialisme belge en déliquescence et de De Man, surplombant cet aréopage de «vieux lendores adipeux, aux visages brouillés, pareils à des tartes aux abricots qui ont trop coulé dans la vitrine» (p. 175). De Man, et les plus jeunes militants et intellectuels du parti, avaient pedu la foi dans la religion démocratique.

 

Dès le déclenchement des hostilités, en septembre 1939, De Man opte personnellement contre la guerre, pour la neutralité absolue de la Belgique, proclamée par le Roi dès octobre 1936. Fin 1939, avec l'appui de quelques jeunes militants flamands, dont Edgard Delvo, il fonde une revue, Leiding (Direction), ouvertement orientée vers les conceptions totalitaires de l'époque, dit Degrelle. Il serait peut-être plus juste de dire que le socialisme planiste y devenait plus intransigeant et voulait unir, sans plus perdre de temps, les citoyens lassés du parlementarisme en un front uni, rassemblé derrière la personne du Roi Léopold III.

 

Après l'effondrement de mai-juin 1940, De Man publie un «manifeste aux membres du POB», où figurent deux phrases qui lui ont été reprochées: «Pour les classes laborieuses et pour le socialisme, cet effondrement d'un monde décrépit, loin d'être un désastre, est une délivrance»; «[le verdict de la guerre] est clair. Il condamne les régimes où les discours remplacent les actes, où les responsabilités s'éparpillent dans le bavardage des assemblées, où le slogan de la liberté individuelle sert d'oreiller à l'égoïsme conservateur. Il appelle une époque où une élite, préférant la vie dangereuse et rapide à la vie facile et lente, et cherchant la responsabilité au lieu de la fuir, bâtira un monde nouveau».

 

Ces phrases tonifiantes, aux mâles accents, étaient suivies d'un appel à construire le socialisme dans un cadre nouveau. Cet appel a été entendu. De toutes pièces, De Man commence par créer un syndicat unique, l'UTMI (Union des Travailleurs Manuels et Intellectuels), officiellement constitué le 22 novembre 1940, après d'âpres discussions avec le représentant du Front du Travail allemand, le Dr. Voss. De Man, ami du Roi, voulait sauvegarder l'unité belge: son syndicat serait dès lors unitaire, ne serait pas scindé en une aile flamande et une aile wallonne. Le Dr. Voss, visant l'éclatement du cadre belge en deux entités plus facilement absorbables par le Reich, impose la présence des nationalistes flamands du VNV dans le comité central composé de socialistes, de démocrates-chrétiens, de syndicalistes libéraux. Edgard Delvo, ancien socialiste, auteur d'un ouvrage préfacé par De Man et paru à Anvers en 1939, collaborateur de Leiding, la revue neutraliste hostile à toute participation belge aux côtés des Anglais et des Français, théoricien d'un «socialisme démocratique» ou plutôt d'un populisme socialiste, est l'homme du VNV au sein de ce comité. En 1942, poussé par les services du Front du Travail allemand, Delvo deviendra le maître absolu de l'UTMI. Ce coup de force des nationalistes provoque la rupture entre De Man et son syndicat: l'ancien chef du POB quitte Bruxelles et se réfugie en Haute-Savoie, grâce à l'aide d'Otto Abetz. Il sera désormais un «cavalier seul». Les socialistes, les libéraux et les jocistes quittent l'UTMI en 1942, laissant à Delvo les effectifs nationalistes flamands et wallons, peu nombreux mais très résolus.

 

En Wallonie, dès la parution du Manifeste du 28 juin 1940, plusieurs journalistes socialistes deviennent du jour au lendemain des zélotes enragés de la collaboration. Ainsi, le Journal de Charleroi, organe socialiste bon teint depuis des décennies, était édité par une société dont l'aristocratique famille Bufquin des Essarts étaient largement propriétaire. Dès les premiers jours de juin 40, un rédacteur du journal, J. Spilette s'empare du journal et le fait paraître dès le 6, avant même d'avoir créé une nouvelle société, ce qu'il fera le 8. En novembre 1940, Spilette, avançant ses pions sans sourciller, s'était emparé de toute la petite presse de la province du Hainaut et augmentait les ventes. Els De Bens, une germaniste spécialisée dans l'histoire de la presse belge sous l'occupation, écrit que l'influence de De Man était prépondérante dans le journal. Spilette défendait, envers et contre les injonctions des autorités allemandes, les positions de De Man: syndicat unique, augmentation des salaires, etc. Spilette baptisait «national-socialisme» la forme néo-demaniste de socialisme qu'il affichait dans son quotidien. Ensuite, rompant avec De Man, Spilette et ses collaborateurs passent, non pas à la collaboration modérée ou à la collaboration rexiste/degrellienne, mais à la collaboration maximaliste, regroupée dans une association au nom évocateur: l'AGRA, soit «Amis du Grand Reich Allemand». L'AGRA, dont le recrutement était essentiellement composé de gens de gauche, s'opposait au rexisme de Degrelle, marqué par un héritage catholique. Les deux formations finiront par s'entendre en coordonnant leurs efforts pour recruter des hommes pour le NSKK. Le 18 octobre 1941, le Journal de Charleroi fait de la surenchère: il publie un manifeste corsé, celui du Mouvement National-Socialiste wallon, où il est question de créer un «Etat raciste» wallon. Spilette appelle ses concitoyens à rejoindre cette formation «authentiquement socialiste». 

 

A Liège, le quotidien La Légia, après avoir été dirigé par des citoyens allemands, tombe entre les mains de Pierre Hubermont, écrivain, lauréat d'un prix de «littérature prolétarienne» à Paris en 1931, pour son roman Treize hommes dans la mine. Les Allemands ou Belges de langue ou de souche allemandes, actionnaires de la société ou rédacteurs du journal, entendaient germaniser totalement le quotidien. Pierre Hubermont entend, lui, défendre un enracinement wallon, socialiste et modérément germanophile. Cette option, il la défendra dans une série de journaux culturels à plus petit tirage, édités par la «Communauté Culturelle Wallonne» (CCW). Parmi ces journaux, La Wallonie, revue culturelle de bon niveau. Dans ses éditoriaux, Hubermont jette les bases idéologiques d'une collaboration germano-wallonne: défense de l'originalité wallonne, rappel du passé millénaire commun entre Wallons et Allemands, critique de la politique française visant, depuis Richelieu, à annexer la rive gauche du Rhin, défense de l'UTMI et de ses spécificités syndicales.

 

Fin 1943, les services de la SS envoient un certain Dr. Sommer en Wallonie pour mettre sur pied des structures censées dépasser le maximalisme de l'AGRA. Parmi elles: la Deutsch-Wallonische Arbeitsgemeinschaft, en abrégé DEWAG, dirigée par un certain Ernest Ernaelsteen. Ce sera un échec. Malgré l'appui financier de la SS. DEWAG tentera de se donner une base en noyautant les «cercles wallons» de R. De Moor (AGRA), foyers de détente des ouvriers wallons en Allemagne, et les «maisons wallonnes», dirigée par Paul Garain, président de l'UTMI wallonne, qui pactisera avec Rex.

 

Quelles conclusion tirer de ce bref sommaire de la «collaboration de gauche»? Quelles ont pu être les motivations de ces hommes, et plus particulièrement de De Man, de Delvo et d'Hubermont (de son vrai nom Joseph Jumeau)?

 

La réponse se trouve dans un mémoire rédigé par la soeur d'Hubermont, A. Jumeau, pour demander sa libération. Mlle Jumeau analyse les motivations de son frère, demeuré toujours socialiste dans l'âme. «Une cause pour laquelle mon frère restait fanatiquement attaché, en dehors des questions d'humanisme, était celle de l'Europe. Il était d'ailleurs Européen dans la mesure où il était humaniste, considérant l'Europe comme la Patrie de l'humanisme (...) Cette cause européenne avait été celle du socialisme depuis ses débuts. L'internationalisme du 19° siècle n'était-il pas surtout européen et pro-germanique? L'expérience de 1914-1918 n'avait pas guéri les partis socialistes de leur germanophilie (...). ... la direction du parti socialiste était pro-allemande. Et, au moment de l'occupation de la Ruhr, ..., [mon frère] a dû aligner son opinion sur celle de Vandervelde (ndlr: chef du parti socialiste belge) et de De Brouckère (ndlr: autre leader socialiste), qui étaient opposés aux mesures de sanctions contre l'Allemagne. Le peuple (ndlr: journal officiel du POB), jusqu'en 1933, c'est-à-dire jusqu'à la prise du pouvoir par Hitler, a pris délibérément et systématiquement fait et cause pour l'Allemagne, dans toutes les controverses internationales. Il a systématiquement préconisé le désarmement de la France et de la Belgique, alors que tout démontrait la volonté de l'Allemagne de prendre sa revanche. Mon frère (...) n'avait pu du jour au lendemain opérer le retournement qui fut celui des politiciens socialistes. Pour lui, si l'Allemagne avait été une victime du traité de Versailles avant 1933, elle l'était aussi après 1933 (...). Et si la cause de l'unité européenne était bonne avant 1933, lorsque Briand s'en faisait le champion, elle l'était toujours après 1933, même lorsque les Allemands la reprenaient à leur compte (...). [Mon frère] partait de l'idée que la Belgique avait toujours été le champ de bataille des puissances européennes rivales et que la fin des guerres européennes, que l'unification de l'Europe, ferait ipso facto la prospérité de la Belgique».

 

Tels étaient bien les ingrédients humanistes et internationalistes des réflexes partagés par De Man, Delvo et Hubermont. Même s'ils n'ont pas pris les mêmes options sur le plan pratique: De Man et Hubermont sont partisans de l'unité belge, le premier, ami du Roi, étant centraliste, le second, conscient des différences fondamentales entre Flamands et Wallons, étant fédéraliste; Delvo sacrifie l'unité belge et rêve, avec ses camarades nationalistes flamands, à une grande confédération des nations germaniques et scandinaves, regroupées autour de l'Allemagne (ce point de vue était partagé par Quisling en Norvège et Rost van Tonningen aux Pays-Bas). Mais dans les trois cas, nous percevons 1) une hostilité aux guerres inter-européennes, comme chez Briand, Stresemann et De Brinon; 2) une volonté de créer une force politique internationale, capable d'intégrer les nationalismes sans en gommer les spécificités; une inter-nationale comportant forcément plusieurs nations solidaires; Delvo croira trouver cet internationalisme dans le Front du Travail allemand du Dr. Ley; 3) une aspiration à bâtir un socialisme en prise directe avec le peuple et ses sentiments.

 

De Man connaîtra l'exil en Suisse, sans que Bruxelles n'ose réclamer son extradition, car son procès découvrirait la couronne. Delvo sera condamné à mort par contumace, vivra en exil en Allemagne pendant vingt-cinq ans, reviendra à Bruxelles et rédigera trois livres pour expliquer son action. Hubermont, lourdement condamné, sortira de prison et vivra presque centenaire, oublié de tous.

 

Raoul FOLCREY.   

 

 

dimanche, 09 août 2009

El genocidio de Hiroshima

El genocidio de Hiroshima

Hace 64 años el presidente Truman ordeno lanzar la primera bomba atomica contra la humanidad, cometiendo un genocidio que aun no se ha juzgado en ningun tribunal internacional

El 6 de agosto de 1945 Estados Unidos asesino a mas de 200.000 civiles en la ciudad de Hiroshima, lanzando contra ella la primera bomba nuclear utilizada como arma de guerra en la historia de la humanidad, y tres dias despues sucedio lo mismo en Nagasaki. Se estima que hacia finales de 1945, las bombas habían matado a 140.000 personas en Hiroshima y 80.000 en Nagasaki, aunque solo la mitad había fallecido los días de los bombardeos y el resto por heridas incurables o enfermedades atribuidas al envenenamiento por radiación.

El presidente Harry S. Truman, quien ordeno el bombardeo, no lo hizo para acabar con la guerra y la escasa resistencia de Japon. Los mismos japoneses estaban intentando negociar la paz, y habian pedido la mediacion a Stalin. Antes de que la URSS pudiera aceptarla, EE.UU. se encargo de que las negociaciones de paz no tuvieran lugar y Japon se entregara a una rendicion incondicional. Japon ya estaba practicamente vencido, y la escusa de que la bomba se lanzo para evitar “mas muertes de civiles”, como cinicamente aseguro Truman, se desarma cuando miramos los miles de japoneses inocentes que murieron con los lanzamientos. En ningun caso hubieran muerto tantos si la guerra hubiera durado dos meses mas.


Estados Unidos demostro con el uso de la bomba atomica la calidad humana de sus dirigentes, su personalidad genocida. La Segunda Guerra Mundial pasara a la historia no solo por el holocausto perpetrado por los nazis, contra judios, gitanos, comunistas y homosexuales (entre otros), sino tambien por la extrema crueldad de Estados Unidos, que entonces demostro que la vida humana no le importa lo mas minimo, actitud que ha continuado de diversas formas asesinas hasta hoy dia.

El genocidio de Hiroshima y Nagasaki no ha sido juzgado por ningun tribunal internacional todavia, porque los genocidas fueron los vencedores en esta ocasion. No hubo Tribunal de Nuremberg para Truman y sus secuaces. Pero la historia, a pesar de las justificaciones que han inventado los medios de comunicacion actuando de silenciador moral, no deja de mostrarnos lo horrible de los actos de los que son capaces de utilizar cualquier metodo para lograr sus fines materiales.

Con una hipocresia que hiela toda capacidad de sentimiento, que indigna hasta a las piedras, los EEUU han venido acusando a todos sus enemigos de asesinos, crueles genocidas, o tiranos, mientras que ellos, tras el silenciador de la opinion publica, creada por los escribanos y voceros del sistema, muy bien pagados, continuan orgullosos de sus crimenes y ejecutándolos, de una manera u otra, hasta el presente y a lo largo de todo el planeta.

Aunque de sus horrendos y continuos crimenes el asesinato de 220.000 japoneses de un golpe, (sin contar las secuelas radioactivas producidas en los pocos supervivientes), el genocidio producido por el lanzamiento de las dos unicas bombas nucleares lanzadas hasta hoy contra la humanidad, es, si cabe, el mas ilustrativo de la verdadera naturaleza criminal del imperio yankee y del corazon podrido de sus primeros peones, los presidentes de Estados Unidos (independientemente del color de su piel).

Jose Luis Forneo

Extraído de CuestiónateloTodo.

samedi, 08 août 2009

1979: Guerres secrètes au Moyent Orient

1979: Guerres secrètes au Moyen Orient

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L’incroyable année 1979 a vu se succéder des événements qui ont changé le cours de notre histoire : révolution iranienne, accords de Camp David, prise d’otages de La Mecque et de l’ambassade américaine à Téhéran, et enfin, invasion soviétique de l’Afghanistan… Voici comment, pendant cette période, la France a cru pouvoir manipuler l’ayatollah Khomeiny et prendre en Iran la place des Américains, comment le Mossad a organisé, en pleine révolution islamique, l’exode clandestin de dizaines de milliers de Juifs iraniens, et comment le royaume saoudien a fait appel au GIGN français pour libérer les lieux saints de l’islam occupés par des terroristes avec, à la clé, une récompense inattendue. On lève ici le voile sur les complicités occidentales qui ont permis au Pakistan, bien avant l’Iran, de mettre sur pied le premier programme nucléaire islamique et l’on découvre de quelle manière les services de renseignement saoudiens et pakistanais ont organisé les réseaux de financement et d’armement d’intégristes prêts à se retourner contre l’Occident. Les services secrets de tous bords – CIA, Sdece, Mossad… – et les présidents Carter et Giscard d’Estaing ont joué dans cette époque agitée un rôle crucial et parfois trouble, entraînant une série de réactions en chaîne. En quelques mois, le Moyen-Orient a basculé, et le monde entier avec lui, favorisant l’avènement d’un islamisme radical aujourd’hui florissant.

Yvonnick Denoël est éditeur et historien. Il a notamment publié Le livre noir de la CIA (Nouveau Monde éditions, 2007).

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mercredi, 29 juillet 2009

Réflexions sur le destin de Dara Shukoh

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Réflexions sur le destin de Dara Shukoh

 

Un musulman peut-il être tolérant? Faire preuve de tolérance d’esprit? Etre sincèrement intéressé aux autres cultures? Oui, bien sûr, il existe indubitablement de tels musulmans. La seconde question que nous posons: quel a été leur sort?

 

Dara Shukoh (1615-1659) était le fils aîné de l’Empereur moghol Shah Jahan et de son épouse favorite Mumtaz Mahal. Lorsque celle-ci mourut à la suite de son quatorzième accouchement, son époux fit construire pour elle un superbe monument funéraire, en dehors de sa capitale Agra, le fameux Taj Mahal. Après l’achèvement du bâtiment, il fit trancher la main à tous les maîtres d’oeuvre de cette merveille architecturale, de façon à ce qu’ils ne puissent pas en reproduire de pareilles ailleurs. Le Prince héritier Dara Shukoh reçut une bonne éducation, large d’esprit, que nous aurions qualifié d’“humaniste” en Europe. Il devint adepte du soufisme, une branche mystique à l’intérieur de l’islam. Il était un élève du saint soufi Mian Mir de Lahore. En disant cela, je n’ai pas dit grand chose car le soufisme présente un vaste éventail de variétés et de tendances.

 

On dit souvent que le soufisme est plus tolérant et plus large d’esprit que l’islam ortohdoxe. C’est partiellement vrai. Certains soufis ont été d’effroyables fanatiques. Comme, par exemple, Mouïnouddin Tchichti  qui, en tant qu’espion, a préparé la plus sanglante invasion de l’Inde par Mohammed Ghori (en 1192). Même Faridouddin Attar, connu comme doux poète, a écrit un chant à la louange de Mahmoud de Ghazni, autre grand massacreur d’“infidèles”. Dara Shukoh lui, était d’une toute autre trempe. Il cherchait une base commune à l’hindouïsme et à l’islam. Dans ce but, il traduisit pour la toute première fois en persan les textes  qui forment le noyau de la philosophie indienne, les Upanishads (“l’enseignement confidentiel”). Il expliqua les conclusions de ses recherches dans un ouvrage intitulé “Madschma al-Bahrain”, ou “Le confluent de deux mers”. Oui, concluait-il, de fait, l’hindouïsme et l’islam dans sa variante soufie, sont une seule et même chose. Tous deux valorisent l’“unité de l’Etre”. En posant ces conclusions, Dara Shukoh donnait une base philosophique à la politique que menait la dynastie moghole depuis près d’un siècle: faire cohabiter dans l’harmonie hindous et musulmans en arrondissant les angles du principe musulman d’inégalité entre croyants et idolâtres. Contrairement au régime tyrannique et fanatique du Sultanat de Delhi (1206 à 1526), qui avait sans cesse été confronté à des révoltes hindoues et des vendettas entre divers partis musulmans, l’Empire moghol, à partir du grand-père de Dara Shukoh, Akbar (1556-1605), reposait sur un compromis avec les Hindous, notamment par l’abrogation de l’impôt de tolérance que devaient payer tous les non-musulmans, par l’autorisation de rebâtir les temples qui avaient été détruits et par l’intronisation de princes hindous dans l’appareil administratif de l’Empire. Ces princes devaient servir de contre-poids pour le régime du Padishah (l’Empereur moghol), qui avait bien des ennemis dans le camp musulman: certains seigneurs et les clercs les plus radicaux, sous la houlette de Ahmad Sirhindi (mort en 1624), qui condamnaient sa politique de compromis. Le plus jeune frère de Dara Shukoh, Aurangzeb, appartenait, lui, à l’école de Sirhindi. Aurangzeb fulminait contre la politique d’apaisement de Dara Shukoh, avec son principe de dialogue inter-religieux et sa valorisation de la spiritualité par-delà l’exotérisme des pratiquants. Aurangzeb reprochait également à son frère de pratiquer l’art de la peinture et de favoriser les arts de la scène. Reproduire le visage humain est explicitement interdit par la religion islamique, bien que les princes les plus éclairés l’aient toujours toléré, du moins tant qu’on ne cherchait pas à peindre ou dessiner Dieu ou le Prophète.

 

Aurangzeb était un homme de stricte obédience. Il fit tout ce qu’il put pour décourager des pratiques non islamiques comme le théâtre, la danse et la musique. Plus tard, quand il fut devenu Padishah, il congédia les musiciens de la cour; ceux-ci manifestèrent alors devant le palais, en trimbalant un cerceuil pour simuler l’enterrement de la Muse. Aurangzeb leur cria alors de l’enterrer bien profondément pour qu’il n’ait plus jamais à entendre parler d’elle dans l’avenir. Il voulait ainsi se montrer féal disciple du Prophète qui se bouchait les oreilles lorsqu’il entendait jouer de la musique. Ce fut donc Aurangzeb qui devint Padishah et non Dara Shukoh. En 1657, Shah Jahan tomba malade et, aussitôt, une querelle éclata entre ses quatre fils pour sa succession. Dara Shukoh, qui était l’aîné donc le prince héritier en titre, bénéficiait du soutien de son père. Dans un premier temps, il vainquit son frère, Shah Shuja, qui s’était proclamé Padishah. Mais il fut vaincu  à son tour le 8 juin 1658, lors de la Bataille de Samogarh, près d’Agra, où il faisait face aux troupes d’Aurangzeb. Dara Shukoh put prendre la fuite et commencer à lever une nouvelle armée lorsqu’un traître le livra à son frère. Les juges islamiques le condamnèrent à mort pour hérésie. On le couvrit de chaînes, on le promena à travers la ville pour l’humilier et on le tortura jusqu’à ce que mort s’ensuive. De sa propre main, Aurangzeb trancha la tête de Dara Shukoh, son frère, et l’envoya à leur père, qu’il avait fait enfermer dans une tour, où il resta les huit dernières années de sa vie, avec toutefois une faveur: il bénéficiait d’une vue sur le Taj Mahal. Le monument dédié à l’amour...

 

“Moestasjrik”/ “ ’t Pallieterke”  (Anvers, 21 juin 2006, trad. franç.: Robert Steuckers).

mardi, 28 juillet 2009

Le débarquement à Dieppe fut-il un fiasco?

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Erich KÖRNER-LAKATOS:

 

Le débarquement à Dieppe fut-il un fiasco?

 

19 août 1942: dans le courant de l’après-midi la “radio grande-allemande” annonce une nouvelle depuis le quartier général du Führer, le Werwolf, situé alors près de Vinnitza en Ukraine. Après l’habituel morceau de musique, les auditeurs apprennent par leur poste qu’une “invasion” vient d’échouer à l’Ouest.

 

“Le Commandement suprême de la Wehrmacht fait savoir qu’un débarquement de grande ampleur de troupes anglaises, américaines, canadiennes et gaullistes, dont les effectifs s’élèvent à une division pour la première vague, a eu lieu dans les premières heures de la matinée près de Dieppe sur la côte française de la Manche; cette tentative de débarquement a bénéficié de l’appui de forces navales et aériennes importantes et a été soutenue par des blindés; les forces allemandes chargées de défendre la côte ont brisé l’élan de l’ennemi qui avait essuyé des pertes élevées et sanglantes (...)”.

 

Un mois plus tôt, le 22 juillet 1942, Staline avait exigé, sur le ton de l’ultimatum, que ses alliés  occidentaux ouvrissent un second front. En effet, le dictateur soviétique venait d’encaisser l’offensive estivale du groupe d’armées allemandes “Süd”: ses défenses étaient profondément ébranlées et il demandait qu’une offensive à l’Ouest soulage ses propres troupes. Ce sera surtout son représentant à Washington, son ancien ministre des affaires étrangères, Maxime Litvinov, qui insistera pour que les Occidentaux prennent des mesures concrètes. Winston Churchill temporise, promet aux Russes qu’il agira dans un an, car un débarquement exige des préparations de grande ampleur. La première tentative de s’incruster sur le sol français sera donc ce débarquement offensif, tenté sur les côtes normandes de la Manche, près de Dieppe.

 

Cette petite ville se situe dans le département de Seine-Maritime, à environ cent kilomètres au nord-est du Havre. Dès le départ, la tentative de débarquement des Alliés, dont le nom de code était “Jubilee”, connut la malchance. Une partie des trois à quatre cents navires de débarquement rencontra, quand la nuit était encore noire, un convoi de la marine allemande, chargé de surveiller le littoral. Elle perdit ainsi d’emblée tout effet de surprise.

 

A six heures du matin, le débarquement commence en trois endroits. 6100 hommes mettent pied à terre, pour la plupart appartenant à la 2ème Division canadienne du Général Roberts. Des unités de commandos de la Royal Navy les assistent.

 

L’ensemble de l’opération s’effectue sous un parapluie aérien de centaines de Spitfires et Hurricanes. Mais les attaquants se heurtent à une forte résistance, à laquelle ils ne s’attendaient pas: celle des hommes du 71ème Régiment d’infanterie du Lieutenant-Colonel allemand Bartel. L’artillerie côtière allemande est bien placée et les chasseurs Focke-Wulf procurent un appui-feu  appréciable.

 

Les Canadiens sont plus nombreux mais inexpérimentés: ils ne font pas le poids devant les soldats éprouvés de la Wehrmacht dans les combats rapprochés le long des plages. Dans le ciel, toutefois, aucun des deux camps n’a le dessus: les Anglais, les Polonais exilés et les Américains perdent 98 avions, tandis que les Allemands en perdent 91. Vers midi, les Canadiens doivent déjà se replier; leurs chefs décident que le réembarquement aura lieu vers 15 h. Peu parmi les soldats débarqués retourneront ce jour-là en Angleterre, seulement un petit tiers. 1179 attaquants (dont près de 900 Canadiens) tomberont au combat; 2190 seront prisonniers, dont 60 officiers canadiens. Six cents prisonniers sont blessés et soignés sur place. Les Alliés perdent 28 chars et de nombreux navires de débarquement, ainsi que quatre destroyers et sept navires de transport. La Wehrmacht annonce 311 morts ou disparus et 280 blessés.

 

Officiellement, Londres tente de minimiser l’échec de Dieppe comme étant “un exercice armé de reconnaissance”. Pour les Allemands, en revanche, ce 19 août est la journée qui a prouvé que le Mur de l’Atlantique pouvait tenir, sans qu’il ne faille, insistait le haut commandement de la Wehrmacht, engager des réserves supplémentaires, constituées de troupes aguerries.

 

Mais cette propagande allemande cachait la vérité: l’aventure de Dieppe n’est nullement l’échec allié qu’elle a décrit pour les besoins de la cause. L’objectif de l’Opération “Jubilee” n’était pas d’ouvrir un second front à l’Ouest comme le réclamait Staline (pour le faire, il aurait fallu des effectifs bien supérieurs à ceux d’une simple division); ce n’était pas davantage un exercice général en prévision du débarquement de 1944, car on aurait pu le faire à bien moindre prix en Angleterre sous la forme de manoeuvres. Non: l’objectif de “Jubilee” n’était ni plus ni moins “Freya”, la plus moderne des stations radar allemandes, installée près de Dieppe. Son rayon d’action dépassait les 200 km et couvrait une bonne partie de l’Angleterre, ce qui permettait aux Allemands de détecter le décollage des escadres de bombardiers alliés immédiatement après leur envol.

 

C’est pour mener à bien ce coup de main contre “Freya” que les Britanniques ont déployé cette opération commando surdimensionnée. Le personnage-clef de l’opération est un Canadien de 28 ans, d’origine juive-polonaise, Jack Nissenthal. Il était un expert en radar particulièrement doué. Il s’est retrouvé à la pointe des opérations, tout à l’avant, où cela “pétait” le plus. Il était l’un des rares savants qui connaissaient en tous ses détails la technologie alliée des radars. Lors du débarquement de Dieppe, il était flanqué de dix soldats d’élite, non seulement pour sa protection mais pour celle du savoir-faire allié en matières de radar, car ces hommes ont reçu aussi pour mission complémentaire  —et comme ordre strict—  de ne pas laisser Nissenthal tomber vivant aux mains des Allemands. Nissenthal avait d’ailleurs reçu à cette fin une capsule de cyanure.

 

Nissenthal, homme de beaucoup d’allant, athlétique et impétueux, est parvenu, sous une pluie de balles allemandes, en perdant sept de ses gardes-du-corps, à approcher par deux fois l’appareil “Freya” et d’en démonter d’importantes composantes qui ont fourni aux Alliés des connaissances précieuses sur les techniques radar allemandes.

 

Grâce à Dieppe et à Nissenthal, les attaques à grande échelle des bombardiers anglo-saxons sur l’Allemagne ont été rendues possible car les savants alliés avaient constaté qu’il suffisait de tromper les radars allemands en lançant de simple bandes de feuilles d’aluminium. L’effroyable attaque contre Hambourg, qui dura trois jours en 1943 et fut baptisée l’“Opération Gomorrhe”, eut lieu sans que les Allemands n’aient pu organisé la moindre défense sérieuse de la ville hanséatique.

 

Vu dans cette optique, le fiasco apparent de Dieppe est en réalité un succès préparé avec audace et obtenu au prix fort. C’est une entreprise de type “troupe d’assaut” qui a obligé par la suite les Allemands à garnir davantage le Mur de l’Atlantique, avec des forces qui leur ont cruellement manqué ailleurs.

 

Bien entendu, dans le contexte de l’époque, la propagande allemande ne pouvait voir l’affaire sous un tel angle. Dans les actualités allemandes, la “bataille victorieuse” de Dieppe a pris une ampleur considérable: on la passait et la repassait inlassablement au cinéma avant le film de fiction. En plus, les producteurs de reportages de guerre, issus des “PK” (les “compagnies de propagande”),ont publié une sorte de recueil, intitulé “Dieppe – die Bewährung des Küstenwestwalles”  (= “Dieppe – Comment le Mur de la côte occidentale a tenu”).

 

Erich KÖRNER-LAKATOS.

(article paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°49/2005, trad. franç. : Robert Steuckers).

mercredi, 15 juillet 2009

Sur la question allemande: un ouvrage indispensable

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SYNERGIES EUROPÉENNES - Juillet 1986

Detlev BAUMANN:

Sur la question allemande: un ouvrage indispensable...

Quarante ans après la fin de la deuxième guerre mondiale, il est temps de tirer un bilan politique des événements en Allemagne et d'envisager les potentialités qu'offre l'a-venir et d'affronter les exigences d'un XXIème siècle qui va bientôt s'amorcer. LE politique interpelle les Allemands et il est urgent pour eux de répondre clairement, dans la cohérence, à cette interpellation. En effet, les générations nées après la plus grande cassure qu'ait connue l'histoire alle-mande se sont complues dans un consumé-risme matérialiste; elles sont sorties volon-tairement de l'histoire avec une confondante insouciance. Il en a résulté un dangereux vi-de spirituel, qui menace l'existence du peu-ple allemand plus que toute autre chose. C'est pourquoi un renouveau intellectuel s'impose, afin de reconstruire le pays et de lui donner la place qu'il mérite dans le con-cert international.

Parallèlement à l'effon-drement spirituel allemand dans le consumé-risme, un débat s'est ouvert depuis quelques années, celui qui a pris pour objet "l'identité allemande". Ce débat n'a cessé de s'ampli-fier. A gauche de l'échiquier politique, on est retourné à cette fameuse question natio-nale, préalablement délaissée au nom de l'internationalisme et de l'anti-fascisme. A l'étranger, bon gré mal gré, on commence à se rendre compte que cette question allemande n'est rien d'autre que LA grande question européenne et que la division de l'Allemagne, c'est la division de l'Europe. De plus en plus d'Européens, à l'Est comme à l'Ouest du Rideau de fer, savent désor-mais que les implications de Yalta et Pots-dam doivent être définitivement surmontées.

C'est sur la base de ce triple constat qu'ont décidé d'agir le Professeur Bernard WILLMS et Wigbert GRABERT, directeur des éditions Hohenrain de Tübingen. Dans un projet d'é-dition en trois volumes, ils souhaitent faire le tour de la question allemande et de poser les premiers jalons du renouveau qui s'im-pose. Le premier volume, sorti l'an dernier à l'occasion de la célèbre Foire du Livre de Francfort, rassemble les contributions de treize auteurs (B.WILLMS, M.RASSEM, G. WOLANDT, W.G.HAVERBECK, A. de BE-NOIST, M.VOGT, H.J. von LOHAUSEN, A.SCHICKEL, D.BLUMENWITZ, E. SCHWINGE, H.RUMPF, Caspar von SCHRENCK-NOTZING, A.MöLZER).

Trois contributions ont particulièrement retenu notre attention, d'autant plus que nous écrivons cette recension pour un public non-allemand, guère au courant des arcanes juridiques de la politique allemande, déter-minée par des traités internationaux, géné-ralement co-signés par les quatre puissances occupantes de 1945. C'est sans doute avec quelque tristesse que nous n'évoquerons pas, ici, les contributions de l'historien SCHI-CKEL, directeur du centre de recherches sur l'histoire contemporaine d'Ingolstadt, du ju-riste BLUMENWITZ, spécialiste des traités qui régissent actuellement l'Allemagne et de RUMPF, également juriste, spécialiste de la notion de souveraineté et auteur d'un livre sur Carl SCHMITT et Thomas HOBBES. Mais nous savons d'emblée que commenter, même superficiellement, la situation juridique d'une nation comme la nation allemande excède le cadre d'une simple recension. Plus impor-tantes pour notre propos, sont, à notre sens, les contributions de HAVERBECK, de VOGT et de SCHWINGE.

HAVERBECK aborde le sens philosophique et religieux de la notion de liberté (Freiheit) en langue allemande, en procédant par chro-nologie, c'est-à-dire en analysant ce que  "liberté" a signifié à chaque étape de l'his-toire allemande. VOGT analyse la question nationale allemande, telle qu'elle a été per-çue par les milieux socialistes de 1848 à 1985. SCHWINGE analyse le fameux "Plan Morgenthau" et fustige le mépris que les Américains ont affiché à l'égard du droit des gens au temps de l'occupation militaire directe de l'Allemagne.

Le point de départ de la notion de "liberté", pour HAVERBECK, c'est la Réforme portée par LUTHER. Le XVIème siècle voit l'éclo-sion de "la conscience qu'a l'homme de lui-même". Cette éclosion postule le respect de l'identité et de l'auto-détermination des in-dividus et des communautés. L'individu en communauté n'est pas isolé: il est une per-sonne qui sert sa communauté, en déployant ses talents, ses potentialités, son génie. Au XVIIIème, cette liberté s'exprimera de deux manières: chez GOETHE de manière per-sonnaliste et chez HERDER sous l'angle de la communauté populaire, dépositaire d'une spécificité propre. FICHTE prendra le relais dans son "Discours à la Nation Allemande", puis les "nationalistes romantiques et jaco-bins" ARNDT et JAHN vulgariseront, en un langage plus accessible, l'identité philo-sophique entre "déploiement de la per-sonnalité" et "engagement pour le Volkstum (JAHN) ou la Volkheit (GOETHE)". L'ex-pression politique et collective de cette phi-losophie a été le mouvement révolutionnaire des "Burschenschaften" (Corporations d'Etu-diants) qui organisa un grand rassemblement d'universitaires à l'occasion du tricentenaire de la Réforme, en octobre 1817.

Ce mouve-ment étudiant véhiculera, contre l'absolu-tisme, l'idée nationaliste, libertaire et socia-liste, la notion moderne de démocratie orga-nique et directe et rejetera toute construc-tion politique basée sur des oligarchies fer-mées à toute circulation des élites ou tirant leur justification d'un pouvoir étranger, com-me l'Eglise catholique romaine. Héritiers de ces "Burschenschaften" du début du XIXème, sont le mouvement de jeunesse "Wander-vogel" et les "Bündischen". L'idée de liberté germanique s'y est vécue en communauté, entre hommes et femmes libres de déter-miner leur agir. La Nation allemande, dans cette optique "réformée", n'a pas néces-sairement un contenu "biologique": elle re-présente un mode de vie, une conception li-bertaire de l'existence que tous peuvent par-tager, indépendamment de leurs origines eth-niques. Le patriotisme "allemand" qui en dé-coule procède dès lors d'une défense de cette manière de concevoir l'existence, si-multanément universelle et soucieuce des spécificités, créations de Dieu et, comme telles, aimées de Dieu. L'universalité, ici, n'implique pas le culte iconoclaste du bras-sage cosmopolite, du brouet insipide que constituerait le mélange indifférencié de toutes les ethnies, peuples et races de ce monde.

Différence et Universalité font ici bon mé-nage: une double leçon est à tirer de ce constat; 1) les cosmopolites actuels qui se réclament du marxisme ignorent généra-lement que c'est précisément cet arrière-plan luthérien, goethien, herdérien et fich-téen qui est à l'origine des forces populaires qui ont sous-tendu, à ses débuts, le mouve-ment socialiste et que cette ignorance con-duit leurs discours et leurs démarches à la stérilité; 2) l'actuel débat qui tracasse les intellectuels parisiens, rassemblés dans le sillage de la revue Globe,  quant à la gran-de lutte manichéienne opposant "univer-salistes" (eux et les néo-libéraux) et "identi-taires" (la "Nouvelle Droite", les régiona-listes, les écolos,...), s'avère pure vacuité pour quiconque possède un minimum de cul-ture "réformée".

Le texte de HAVERBECK recèle en consé-quence une portée universelle: il nous dé-voile les racines de la pensée politique anti-absolutiste du XIXème siècle et nous indique quels organisations politiques et cuturelles l'ont exprimée sans détours.

Michael VOGT aborde, pour sa part, l'histoire du marxisme allemand (le seul marxisme "pur" qui soit) et analyse, dans cette histoire, quels ont été les liens entre les mouvements sous-tendus par la philosophie marxiste et la pensée nationale allemande. Certes, en théorie, le marxisme ne retient pas la "nation" comme catégorie essentielle du jeu politique ou de la nature humaine mais la perçoit comme cadre concret de son action politique, de son combat quotidien. LENINE et STALINE ont eu des mots très durs pour les particularismes nationaux. STALINE réfutait les démonstrations des austro-marxistes RENNER et BAUER, qui revendiquaient l'auto-détermination des eth-nies au sein de l'Empire austro-hongrois. Le "nationalisme" n'est donc, selon STALINE, qu'un esprit de clocher stérile. Mais si ce nationalisme correspond à une libération na-tionale et sociale, dirigée contre la bour-geoisie cosmopolite et se révélant solidaire à l'égard des prolétaires en lutte ailleurs dans le monde, il acquiert, aux yeux de STALINE et des staliniens, une "valeur pra-tique positive".

VOGT va alors démontrer que, dans la tra-dition marxiste, le nationalisme allemand a quasiment toujours été considéré comme une valeur pratique positive. Chez LASSALLE, chef du mouvement ouvrier allemand jus-qu'en 1864 (année où il meurt en duel), le socialisme triomphera lorsqu'il sera garanti par la monarchie contre les égoïsmes de la bourgeoisie. Ce socialisme monarchiste, por-té par l'alliance de la couronne et des orga-nisations de base ouvrières, n'avait bien en-tendu rien de marxiste; néanmoins, il dé-signe l'ennemi commun du pouvoir politique pur et des masses déshéritées: l'indivi-dualisme bourgeois, libéral et égoïste, cos-mopolite et sans patrie.

Chez les pères fondateurs directs du mar-xisme, MARX et ENGELS, le nationalisme allemand, en tant qu'idée pratique, apparaît clairement, voire crument. Dès le "Manifeste du Parti Communiste" de 1848, ils réclament "la constitution d'une république grande-alle-mande unitaire et indivisible". En 1884, trente-six ans après, ENGELS n'a pas changé d'avis, nous rappelle VOGT: il refuse la prussianisation de l'Allemagne dans le cadre du Reich petit-allemand (sans l'Autriche ger-manique) de BISMARCK pour réclamer une "république unitaire et révolutionnaire" qui comprendra l'Autriche. L'oeuvre de BIS-MARCK est critiquée parce qu'incomplète. ENGELS pourtant ne considère pas cette oeuvre comme négative; pour lui, BIS-MARCK crée le cadre étatique où se dérou-lera la future révolution, en éliminant les privilèges des petits princes et en domptant les églises et la bourgeoisie, forces centri-fuges qui ne visent que leurs intérêts par-ticuliers. ENGELS critique sévèrement la condamnation du bismarckisme par les sociaux-démocrates regroupés autour de LIEBKNECHT: "Vouloir, comme Liebknecht, faire revenir l'histoire à la situation d'avant 1866, c'est de la bêtise...".

C'est ENGELS, en fait, qui est à l'origine du patriotisme unanimiste de la classe ou-vrière allemande en août 1914. La sociale-démocratie vote les crédits de guerre, afin de lutter contre l'autocratisme tsariste, en-nemi des libertés et du socialisme, et contre la France qui, malgré son républicanisme reste "bonapartiste". Seule une infime frac-tion, regroupée autour de Rosa LUXEM-BURG et Karl LIEBKNECHT s'affirme hos-tile à la guerre. Cette fraction n'aura le dessus qu'en 1918, quand des "conseils" (Räte) d'ouvriers, de soldats et de matelots déclencheront la révolte spartakiste. Cette révolte, ce seront les sociaux-démocrates embourgeoisés qui la materont et l'écrase-ront. Pour VOGT comme pour l'historien Hellmut DIWALD, réputé conservateur, le spartakisme, nonobstant ses discours interna-tionalistes, aurait pu forger une nation so-cialiste, créer un socialisme authentiquement allemand. VOGT poursuit: "Avoir écrasé la révolution rouge fut la grande faute de la République de Weimar; avoir négligé de ré-concilier les matelots rouges avec les sol-dats des corps francs dans le cadre d'un so-cialisme allemand, a été la grande erreur de la SPD. Elle a au contraire donné l'ordre aux corps francs, d'extrême-droite, d'écraser la révolution. Et pourtant, les hommes de ces corps francs, qui avaient expérimenté, dans les tranchées de la Grande Guerre, un socialisme frontiste, caractérisé par une ca-maraderie de soldats dépassant les clivages de classe, ne faisaient montre d'aucune nos-talgie monarchiste, n'avaient pas le moindre scrupule réactionnaire. L'histoire allemande a raté là une chance unique, celle de conci-lier les idéaux socialistes avec un patrio-tisme intransigeant. C'est pourquoi matelots révolutionnaires et combattants des corps francs demeurèrent des ennemis; le socia-lisme et le patriotisme devinrent des valeurs antagonistes".

LENINE, qui venait de triompher en URSS, se montrait aussi agressif que les natio-nalistes allemands à l'égard du Traité de Versailles: "une paix d'usuriers et d'é-trangleurs, de bouchers et de bandits". Le KOMINTERN, dont le représentant en Alle-magne est alors Karl RADEK, donne l'ordre à ses filiales d'embrayer sur le discours na-tionaliste allemand. Cette politique atteint son sommet lors de l'occupation de la Ruhr et de l'exécution d'Albert Leo SCHLA-GETER par les autorités militaires fran-çaises. Mais malgré Rapallo (1922), cette orientation du KPD s'enlise dans la querelle qui l'oppose aux "sociaux-fascistes" (STA-LINE) de la SPD. Pourtant le KOMINTERN demeure favorable en gros à un nationalisme puissant en Allemagne: en 1924, le parti communiste polonais est rappelé à l'ordre parce qu'il n'a pas inscrit dans son pro-gramme le retour des terres silésiennes et ouest-prussiennes (le "Corridor") à l'Alle-magne. En 1930, les communistes polonais et tchèques obéissent aux injonctions de Moscou et promettent le retour de la Haute-Silésie et des Sudètes au Reich. Le 10 janvier 1933, le KOMINTERN fait savoir qu'il sou-tient les revendications allemandes en ce qui concerne les révisions du Traité de Ver-sailles, qu'il soutient le combat du PCF pour l'autonomie alsacienne, du PCB pour les droits à l'auto-détermination du peuple fla-mand et des populations d'Eupen-Malmédy.

Ces proclamations patriotiques valent au KPD un regain de popularité et de sièges au Reichstag. Mais les communistes avaient perdu trop de temps, entre la Doctrine Ra-dek et l'opposition au Plan Young, soutenue par STALINE à l'extérieur et... HITLER à l'intérieur. Nazis, communistes et nationaux-conservateurs s'y opposent avec énergie. Plus tard, en 1935, le secrétaire général du KOMINTERN, Georgi DIMITROFF avoua que la stratégie et la propagande communistes avaient été inefficaces, mal adaptées aux besoins et aux aspirations du peuple. Selon DIMITROFF lui-même, les Nazis avaient mieux joué et s'étaient montrés plus cré-dibles. Wilhelm PIECK, futur Président de la RDA, prononcera la même auto-critique.  L'accession de HITLER au pouvoir et l'éli-mination du KPD de la vie politique al-lemande rafraîchiront les relations germano-soviétiques et permettront à l'interna-tionalisme gauchiste de prendre pied au sein des PC occidentaux. Les relations germano-soviétiques seront restaurées en août 1939, malgré les événements de la guerre d'Es-pagne, où STALINE n'avait pas pris les Ré-publicains au sérieux et où HITLER traitait FRANCO de "marchand de tapis venu du Maroc" (allusion au débarquement aérien des premières troupes franquistes en Andalousie). L'invasion allemande de juin 1941 mettra fin au tandem Moscou-Berlin, dirigé au fond contre les puissances occidentales.

VOGT analyse ensuite les projets de STALINE à l'égard de l'Allemagne. Dès mai 45, le chef de l'Union Soviétique proclame sa volonté de ne pas diviser l'Allemagne. Après que la coalition anti-hitlérienne se soit ef-fondrée avec la guerre froide, STALINE ne changera jamais d'avis et réitérera régu-lièrement ses propositions de voir se consti-tuer une Allemagne unie et neutre. Après lui, les Soviétiques reviendront à la charge en 1954 et en 1955. L'épisode tragique de la révolte ouvrière de Berlin en juin 1953, VOGT l'interprète comme une revendication légitime du prolétariat patriotique berlinois mais aussi comme un débordement incon-trôlé, satisfaisant pleinement les Américains qui gardent prudemment le silence, débor-dement qui a obligé les Soviétiques à réagir violemment, donnant prétexte aux pro-oc-cidentaux, regroupés derrière ADENAUER, à rejeter les propositions soviétiques de réu-nification. VOGT analyse méticuleusement le contenu des notes de STALINE, de BERIA et de KHROUTCHEV et signale que les diri-geants de la RDA n'ont jamais renié l'ob-jectif final de la réunification au profit de leur "état partiel". En témoigne notamment le testament politique laissé par Walter UL-BRICHT.

En dehors des cercles communistes orthodo-xes et de la SED est-allemande, l'idéal na-tionaliste a également été porté par la "gauche non dogmatique", surtout celle re-groupée autour de Rudi DUTSCHKE. Cette gauche s'opposait autant à l'occupation so-viétique en RDA qu'à l'occupation améri-caine en RFA. DUTSCHKE et son camarade RABEHL adoptèrent, au sein du SDS ("Sozia-listischer Deutscher Studentenbund" ou Fédé-ration des Etudiants Socialistes Allemands), des positions assez proches du nationalisme plus classique: ils organiseront une marche de protestation contre le Mur érigé en 1961 et une marche du souvenir en mémoire du massacre de juin 1953. En juin 1967, DUTSCHKE suggère un plan pour la réuni-fication allemande, partant d'une "république des conseils" berlinoise, d'une "Commune" semblable à celle de Paris en 1871. DUTSCHKE, comme d'ailleurs bon nombre de partis classés très hâtivement par les stratèges de l'ignorance à "l'extrême-droite" en Europe occidentale, parle de la com-plicité objective des deux super-gros, du ca-pitalisme yankee et de l'asiatisme soviétique (allusion aux théories de Karl A. WITT-VOGEL sur le despotisme oriental). Pour DUTSCHKE, il ne saurait être question de considérer le problème allemand comme clos. Ce serait renier le dynamisme inhérent à la vision socialiste de l'histoire et opter pour une approche fixiste des réalités poli-tiques.

La "gauche non dogmatique", depuis la dis-parition de DUTSCHKE, ne déploie plus le même sérieux, ne démontre plus le même souci pour les problèmes de "grande poli-tique", n'entretient plus la conscience histo-rique de ses militants, en mettant en exer-gue que l'aliénation économique et sociale de la vie quotidienne est le produit direct et immédiat d'une aliénation globale et na-tionale, produit de l'impérialisme étranger. La gauche a désormais opté, en majorité, pour la flexibilité théorique de l'écologisme. Mais dans ce magma un peu fumeux, le no-yau dur demeure "national", dans le sens où il prône le départ des troupes d'occupation. Dès 1979, la problématique des missiles américains passe à l'avant-plan, montrant à quel point la RFA n'a plus la moindre sou-veraineté (et pas seulement la RFA...). Un regain d'intérêt pour la question nationale saisit depuis lors l'ensemble des milieux po-litiques allemands. En conséquence, écrit VOGT, il faudrait remercier les présidents américains CARTER et REAGAN d'avoir dé-claré sans circonlocutions, que l'Europe Cen-trale, en cas de conflit, sera inévitablement atomisée et versée au bilan négatif, sa-crifiée sur l'autel de la démocratie libérale. Le libéralisme économique, la consommation effrénée, les productions cinématographiques de Hollywood valent-ils autant que le plus modeste des vers de GOETHE? J'en doute..

Le Dr. jur. Erich SCHWINGE commente deux livres américains d'Edward N. PETER-SON et John H. BACKER, consacrés à l'his-toire de l'occupation américaine en Alle-magne au lendemain de la seconde guerre mondiale. La conclusion des deux auteurs américains est très négative: "Malgré les ef-forts du Général Lucius D. CLAY, la poli-tique d'occupation américaine a été un la-mentable échec. Les Américains ont l'art de toujours gagner les guerres mais aussi de toujours perdre la paix". Cette dernière phrase signifie que la diplomatie américaine s'avère incapable de créer un "ordre" juste dans les régions du monde où elle est ame-née à intervenir militairement.

L'échec de la diplomatie américaine en Eu-rope Centrale était prévisible quand on se souvient des plans abracadabrants élaborés dans l'entourage de ROOSEVELT quant à l'avenir de l'Allemagne. EISENHOWER vou-lait liquider 3000 à 3500 dirigeants alle-mands (militaires, policiers et membres de la NSDAP). Joseph PULITZER, lui, rêvait de faire fusiller ou pendre 1.500.000 individus, industriels et banquiers compris.

Mais la palme du ridicule macabre revient indubitablement au Ministre américain Henry MORGENTHAU. Des militaires américains avaient élaboré un plan prévoyant la remise sur pied rapide de l'industrie allemande après les hostilités. Y avait notamment col-laboré le Ministre de la Guerre Henry Lewis STIMSON. Ce plan, serein, conforme à cer-taines tendances de la diplomatie américaine des années 20, ROOSEVELT le rejeta comme "mauvais", parce qu'il ne "punissait" pas les Allemands, ne prévoyait pas leur castration et leur éradication biologique (sic!). ROOSEVELT ne pouvait souscrire qu'à un plan farfelu, conforme à ses fantasmes; ce fut le "Plan Morgenthau". ROOSEVELT don-na l'ordre de retirer le plan Stimson de la circulation et donna aussitôt des directives à MORGENTHAU: 1) les Allemands ne pou-vaient plus posséder d'avions; 2) plus per-sonne en Allemagne ne pouvait porter d'uni-forme; 3) plus aucun défilé, plus aucune pa-rade ne pouvait avoir lieu en Allemagne. On mesure là la puérilité du Président des Etats-Unis. Mais, pour MORGENTHAU, l'es-sentiel était de briser définitivement les reins de l'industrie allemande. Le Reich, en conséquence, devait être transformé en "Etat agricole", de façon à ce que les in-dustries britannique et belge puissent prospé-rer. Les 18 millions de travailleurs alle-mands superflus devraient alors être dépor-tés en Afrique Centrale pour "y travailler" ou nourris par les cuisines roulantes de l'ar-mée d'occupation américaine (sic!). Les installations industrielles et les carrières de minerais devaient être dynamitées, les mines de charbon noyées, la Ruhr internationalisée, la Sarre annexée à la France, etc.

Après la mort de ROOSEVELT, survenue le 12 avril 1945, et l'accession à la présidence de TRUMAN, les idées farfelues de MOR-GENTHAU firent long feu. Les Britanniques (CHURCHILL excepté) considérèrent d'em-blée ces spéculations comme irréalisables et insensées. Ce sera STIMSON qui accom-pagnera TRUMAN à Potsdam. Mais l'esprit de MORGENTHAU continua à hanter bon nombre de cerveaux américains. Le régime d'occupation allait, malgré les efforts de STIMSON et de CLAY, ressentir les effets de la propagande orchestrée autour du Plan Morgenthau.

Les démocraties occidentales considéraient leur participation à la guerre comme une croisade en vue de rétablir le droit. Il y a tout lieu de rester sceptique à l'encontre de telles intentions, écrit SCHWINGE, lorsque l'on étudie la praxis réelle de l'occupation. Les Américains ont agi de manière systè-matique contre les conventions de La Haye. Celles-ci n'ont été en vigueur que tant que subsistait une situation de belligérance et un gouvernement allemand, en l'occurence celui de DöNITZ. Celui-ci cesse d'exister par dé-cret des quatre puissances occupantes le 5 juin 1945, décision confirmée lors de la con-férence de Potsdam, le 1 août 1945. Le gouvernement allemand est remplacé par une Commission interalliée qui représentera seule l'autorité jusqu'au début des années 50. Par l'inexistence d'un gouvernement, les limites que le droit international impose norma-lement aux occupations militaires tombent. Les alliés procèdent sans que n'existent des normes juridiques valables. En fait, l'Al-lemagne n'existait plus et, en conséquence, il n'y avait plus de "prisonniers de guerre" allemands; ceux-ci étaient traités comme des apatrides, comme des sujets dépourvus de droits.

SCHWINGE dénonce, dans son texte, trois pratiques en contradiction avec les con-ventions de La Haye: 1) L'arrestation auto-matique des suspects et leur concentration dans des "camps d'internement"; 2) rien n'avait été prévu pour le traitement des pri-sonniers de guerre en Allemagne; des cen-taines de milliers d'hommes sont massés sans abris, ne reçoivent aucune nourriture digne de ce nom et ne disposent pas des moindres installations d'hygiène; par ailleurs, les Français négocient avec certains Amé-ricains la livraison d'un million de pri-sonniers de guerre allemands, afin de "re-construire la France". CLAY s'y opposera, traitant ce maquignonnage de "marché d'es-claves". 3) La justice militaire américaine procède de manière incohérente, selon la plus ahurissante des fantaisies; elle devait essentiellement traiter des affaires de droit commun mais parfois aussi des cas plus compliqués, pour lesquels ses juges n'avaient aucune compétence.

Ces abus sont des conséquences directes des élucubrations de MORGENTHAU. Caspar von SCHRENCK-NOTZING, dans sa contribution, explique les implications politico-culturelles de l'occupation américaine: la "rééducation" (euphémisme pour "lavage de cerveau") et son corollaire immédiat, la crise d'identité qui a ravagé une ou deux générations d'Al-lemands et fait perdre à l'ensemble des Eu-ropéens toute compréhension globale de leur histoire.

L'initiative du Professeur WILLMS et de Wigbert GRABERT, mérite certes une plus grande attention que cette simple recension. L'ampleur des interrogations, la pertinence des bilans qui font ce livre montrent à quel point cette "question allemande", non réso-lue, récapitule le malaise européen, les nos-talgies libertaires qui tourmentent tous les peuples soucieux de leur auto-détermination, la crise actuelle du marxisme, détaché de ses racines historiques et perdu dans des spéculations souvent sans objets...

Detlef BAUMANN.

Bernard WILLMS (Hrsg.), Handbuch zur Deutschen Nation, Band 1, Geistiger Bestand und politische Lage, Hohenrain-Verlag, Tü-bingen, 1986, 457 S., 49,80 DM. 

mardi, 14 juillet 2009

Le rôle du Vatican dans l'élaboration du Traité de Versailles

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SYNERGIES EUROPÉENNES - Septembre 1986

Le rôle du Vatican dans l'élaboration du "Diktat" de Versailles

C'est un document très curieux qu'a réédité la Faksimile Verlag de Brème. Rédigé par un certain "Mannhart", ce texte, datant de 1938, accuse le Vatican d'avoir voulu la destruction de l'Allemagne prusso-centrée, née du génie politique de Bismarck. Procédant systématiquement, "Mannhart" a épluché toute la presse allemande, vaticane, italienne et française pour étayer sa thèse. Son travail a ceci d'intéressant qu'il aide à mettre en exergue les manigances d'Adenauer, catholique rhénan francophile. Et ainsi d'expliquer quelque peu la division actuelle de l'Allemagne, voulue dans les années 50 par le calamiteux ex-bourgmestre de Cologne.

Si en août 1914 le Vatican de Pie X souhaite la victoire de l'Autriche-Hongrie, puissance catholique, contre les Serbes et les Russes orthodoxes, le vent tournera à Rome en octobre 1914 quand le Cardinal Gasparri devient "Secrétaire d'Etat du Vatican", au-trement dit Ministre des Affaires Etrangères de l'Eglise. Le 7 janvier 1915, dans un journal américain, le New York Herald,  les intentions de Gasparri apparaissent, à peine déguisées, pour la première fois: détacher les provinces catholiques de l'Allemagne du Sud de la Prusse protestante. Pour obtenir l'élimination du protestantisme en Allemagne septentrionale, donc pour "déprussianisé" l'ensemble créé par Bismarck, l'Eglise sera prête à tout, en tablant sur l'impérialisme français et en abandonnant l'Autriche-Hongrie. C'est parmi les partisans de cette "géopolitique" catholique que Clémenceau trouvera, en Allemagne, des alliés pour sa politique. A Versailles, le Vatican appuyera les annexions en faveur des nations catholiques, la France, la Belgique, l'Italie et la Pologne mais déplorera le démantèlement de la Monarchie austro-hongroise. Par la suite, ce jugement ambigu se maintiendra: anti-allemand à l'Ouest (en France et en Belgique, où la querelle se complique par l'avènement du mouvement flamand) et anti-bolchévique, c'est-à-dire anti-russe et relativement pro-allemand en Europe Centrale et en Europe de l'Est. "Mannhart" décrit avec minutie les complots du parti ultra-montain en Allemagne pendant la guerre.

Mannhart, Verrat um Gottes Lohn? Hintergründe des Diktates von Ver-sailles, Faksimile-Verlag, Bremen, 1985, 104 S., 13 DM.

Adresse: Faksimile-Verlag,

Postfach 66 01 80, D-2800 Bremen 66.

dimanche, 12 juillet 2009

Ein Gea(e)chteter - Ernst von Salomon

Ex: http://www.ostpreussen.de/

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Ein Gea(e)chteter
Hans-Joachim v. Leesen zum 100. Geburstag Ernst v. Salomons

Frage 2 des Fragebogens: Name? Antwort: von Salomon, Ernst. Frage 4: Geburtsdatum? Antwort: 25. September 1902, morgens 2 Uhr 5 Minuten. Frage 5: Geburtsort? Antwort: Kiel. Doch bei so nüchternen Angaben beläßt es der Gefragte, der in diesen Tagen 100 Jahre alt geworden wäre, nicht. Und das gerade war die ebenso originelle wie zugkräftige Idee, die sein vor 51 Jahren erschienenes Buch "Der Fragebogen" zum ersten Bestseller der Bundesrepublik Deutschland machte, von dem bis heute 450.000 Exemplare verkauft sind. Hinzu kommen Übersetzungen in fast alle wichtigen Sprachen. Die Ausgabe als heute noch lieferbares rororo-Taschenbuch weist im Impressum die Angabe auf, im Dezember 1999 sei das 98. Tausend der Taschenbuchfassung ausgeliefert worden. Und wer sie sich jetzt nicht nur kauft, sondern auch liest, der wird verblüfft feststellen, daß das Buch immer noch so frisch und aktuell ist wie vor einem halben Jahrhundert.

Als die Sieger 1945 endlich Deutschland niedergerungen hatten, genügte ihnen nicht die Ausschaltung der deutschen Macht. Sie wollten vielmehr die Deutschen zu anderen Menschen machen. Das sollte mittels einer Methode vollbracht werden, die sie als "Umerziehung" bezeichneten, die später, als die Chinesen sich ihrer bedienten, als "Gehirnwäsche" in die Geschichte einging, treffender und umfassender aber wohl den Namen "Charakterwäsche" verdient. Die Besiegten sollten ihre Geschichte, so wie sie sie bisher gesehen hatten, verleugnen und sie so deuten, wie die Sieger es ihnen vorschrieben, wobei die Schwie- rigkeit darin bestand, daß die vorher so herzlich verbündeten Sieger sich sehr bald uneins wurden und jeweils eine ganz andere Auffassung von deutscher Geschichte demonstrierten. Die Deutschen sollten auch nicht mehr "autoritätsgläubig" sein, nicht mehr gemäß dem fünften Gebot Vater und Mutter ehren, überhaupt all das ablegen, was ein späterer Parteivorsitzender "Sekundärtugenden" nennen sollte. Diesem Ziel diente zunächst einmal der "Fragebogen der Alliierten Militärregierungen", den jeder erwachsene Deutsche ausfüllen sollte. In ihm stellte man den Deutschen 131 Fragen - von der Frage 1: "Für Sie in Frage kommende Stellung" bis zur Frage 131: "Kenntnis fremder Sprachen und Grad der Vollkommenheit". Die Fragen waren von einer Qualität wie etwa jene mit der Nummer 108, die da lautete: "Welche politische Partei haben Sie in der November-Wahl 1932 gewählt?", eine Frage, die Zweifel aufkommen ließ an dem Verständnis der demokratischen Sieger für eine allgemeine, gleiche und geheime Wahl, die nicht gerade dazu dienen konnte, die Hoffnung der Deutschen auf die kommende Demokratie zu festigen.

v. Salomon hatte sich, nachdem er anderthalb Jahre lang in einem US-Internierungslager inhaftiert worden war, um dann mit dem Vermerk "irrtümlich verhaftet" sang- und klanglos entlassen zu werden, vorgenommen, den Fragebogen ernst zu nehmen und ihn Punkt für Punkt ausführlich zu beantworten. Dabei beließ er es nicht bei den 131 Fragen, sondern nutzte die den Fragen sich anschließende Rubrik "Remarks/Bemerkungen", um auf 150 Druckseiten "Bemerkungen" über seine Erfahrungen in US-Haft niederzuschreiben.

Diese Schilderungen waren seinerzeit wohl ein wesentlicher Grund für den explosionsartigen Erfolg. Im ersten Jahr nach dem Erscheinen wurden 100.000 Bücher verkauft. Weder davor noch - wenn man richtig beobachtet - danach hat jemand dieses wichtige Kapitel deutscher Nachkriegsgeschichte in einer literarisch anspruchsvollen Form geschildert. Doch nicht nur die Form machte den Reiz aus, sondern ebenso die mitgeteilten Tatsachen, die bislang mit einem Tabu belegt waren. Un- menschlichkeiten wurden schon damals ausschließlich der deutschen Seite zugeschrieben, während man nun erkannte, daß sie auch den Siegern nicht fremd waren.

Aber weit darüber hinaus ist der "Fragebogen" ein menschliches Dokument über das Leben und das Denken in Deutschland in der ersten Hälfte des 20. Jahrhundert, gesehen durch die Brille eines Mannes, der politisch schwer einzuordnen ist. Man könnte ihn konservativ nennen, wenn er nicht auch die vorhandenen Verhältnisse auf dem Wege der Revolution hätte ändern wollen.

Mit Sicherheit war er kein Kommunist, weil er nichts von dem Ideal der Gleichheit hielt und auch der Brüderlichkeit gegenüber ein erhebliches Maß an Skepsis beibehielt. Den Liberalismus lehnte er entschieden ab und hielt die Ordnung für lebenswichtiger als die Freiheit. Man hat ihn eingeordnet in die Reihen der konservativen Revolutionäre wie etwa Ernst Jünger, dem er freundschaftlich verbunden war, Oswald Spengler oder Arthur Moeller van den Bruck.

Auf die Frage nach der Staatsangehörigkeit antwortete Ernst v. Salomon: "Ich bin Preuße. Die Farben meiner Fahne sind schwarz und weiß. Sie deuten an, daß meine Väter für die Freiheit starben, und fordern von mir, nicht nur bei hellem Sonnenschein, sondern auch in trüben Tagen ein Preuße zu sein. Es ist dies nicht immer einfach."

Er sei als Preuße "gewohnt, gehalten und gezwungen, den Tatsachen nüchtern ins Auge zu blicken," schreibt er. Das dürfte eine wichtige Aussage sein: Er läßt sich durch Phrasen nichts vormachen und bleibt der nüchterne Betrachter der Zeitläufe. Natürlich akzeptiert er, daß er nach dem Staatsangehörigkeitsprinzip Deutscher ist. Inhaltlich ist ihm aber das Preußische wichtiger, denn: "Preußen hat den Staat gelebt. Es gibt keinen Augenblick preußischer Geschichte, in welchem sich nicht, wer immer für Preußen verantwortlich war, mit dem Staate, mit der Idee des Staates befassen mußte. Preußen hat jeden Tag vor harten Wirklichkeiten gestanden. Die Gefährdung war ebenso ungeheuer wie die Aufgabe. Vielleicht ist es darum gewesen, daß sich ein Bündel edler Namen aus allen deutschen Geschlechtern zu Preußen hingezogen fühlte, preußisch wurde aus Wahl, durch Bekenntnis, daß die besten Preußen ihrer Herkunft nach nicht preußisch waren, nicht preußisch durch den Zufall der Geburt ... Und dies ist das Erstaunliche: das preußische Staatsgefühl hatte dem einzelnen nichts zu bieten als strenge Forderungen. Es verlangte vom König, der erste Diener des Staates zu sein, wertete niemals Absichten, immer nur Leistungen, es wahrte nicht Interessen und Vorteile, sondern Idee und Formen, es achtete nicht auf die Erfüllung. Im Ganzen ist dies Staatsgefühl ... bedeutend mehr ethisch als metaphysisch oder biologisch be- dingt ..."

Angesichts solcher Aussagen kann man nur zu dem Schluß kommen, daß der preußische Geist genau das Gegenteil ist vom bundesrepublikanischen Geist von heute.

Neben einigen anderen Büchern aus der Feder Ernst v. Salomons nach dem Kriege, wie etwa "Die schöne Wilhelmine", ein Unterhaltungsroman mit hohen Auflagen und Fernsehweihen, aber ohne politische Bedeutung, ragen seine bis 1945 erschienenen und dann von den Siegern natürlich sofort verbotenen Werke heraus. Sein erstes Buch trug den Titel "Die Geächteten" und erreichte nach Angaben des Verlages eine Auflage von 50.000, was nicht stimmen kann, liegt doch dem Berichterstatter ein Exemplar aus der Kriegszeit vor, das den Vermerk trägt "115.000 bis 119.000 Tausend". In ihm schilderte v. Salomon seinen Weg als preußischer Kadett im Jahre 1919 und in der Zeit der totalen Verwirrung während der ersten Nachkriegsjahre, die er den "Nachkrieg" nennt und in der er als Soldat in einem der von der sozialdemokratisch geführten Reichsregierung ins Leben gerufenen Freikorps mithalf, das Reich vor dem Untergang in kommunistischen Revolutionsversuchen zu bewahren. Dabei stellte er mit seinen Kameraden fest, daß sie eigentlich keineswegs die Absicht gehabt hatten, die alte Ordnung aufrechtzuerhalten. Er schilderte, wie die Idee des Frontsozialismus entstand, der aber angesichts der Gefährdung des Reiches von außen wie von innen nicht ausformuliert werden konnte.

Salomon kämpfte mit seinem Freikorps in Berlin gegen spartakistische Umsturzversuche, im Baltikum gegen die auf die deutschen Grenzen vorrückende Rote Armee. Er beschützte die Weimarer Nationalversammlung, arbeitete im Untergrund gegen die französische Besatzungsmacht im Westen Deutschlands und fand sich schließlich mit Tausenden seiner Kameraden zusammen, als es darum ging, Oberschlesien gegen den Ansturm polnischer Insurgenten zu verteidigen.

Als die Lage des Reiches vor allem aufgrund der Ausbeutung des Landes durch unermeßliche Tributzahlungen an die Sieger von 1918 immer verzweifelter wurde, gelangte er mit anderen Kameraden zu dem Schluß, daß die sogenannte Erfüllungspolitik der Reichsregierung zum Untergang des Landes führen mußte. Deshalb beschlossen sie, den in ihren Augen für das System repräsentativen Reichsaußenminister Walther Rathenau zu ermorden. Man glaubte, das Attentat könnte das Signal zu einer nationalen Erhebung sein. Sie hatten sich geirrt. Salomon war am Rande an den Vorbereitungen beteiligt. Er wurde gefaßt, vor Gericht gestellt und zu fünf Jahren Zuchthaus verurteilt, die er absaß.

Nach der Entlassung entdeckte der Verleger Ernst Rowohlt seine schriftstellerische Begabung und veranlaßte ihn, seine Erlebnisse und Empfindungen niederzuschreiben. Daraus entstand das Buch "Die Geächteten".

Ihm folgte in den dreißiger Jahren ein schmalerer Band über seine Kadettenzeit: "Die Kadetten". Salomon bemühte sich, die Geschichte der Freikorps in mehreren Büchern zu dokumentieren, so in dem jetzt wieder als Reprint vorliegenden Werk "Das Buch vom deutschen Freikorpskämpfer" oder in der mehr theoretischen Schrift "Nahe Geschichte".

Im Dritten Reich hielt er sich aus der Politik heraus. So hatte er sich das neue Deutschland nicht vorgestellt, war er doch nicht der Mann der Massen, sondern einer, der den Elitegedanken hochhielt. Überhaupt nichts anfangen konnte er mit den Bemühungen der Nationalsozialisten, die Geschichte und die Politik mit Hilfe des Rassegedankens zu interpretieren, ein ideologischer Ansatz, der nicht nur scheiterte, sondern auch zu schrecklichen Verbrechen führ-te.

Er war zunächst Lektor im Rowohlt-Verlag, dann Drehbuchautor bei der Ufa und bei der Bavaria. Zahlreiche Drehbücher, die meisten unpolitisch, entstammten seiner Feder.

Die einmarschierten US-Truppen nahmen in dem Bemühen, alle Elemente der bisherigen deutschen Elite auszuschalten, auch Ernst v. Salomon im Rahmen des "automatic arrest" fest. Er durchlief mehrere US-Internierungslager und erlebte all die Demütigungen, Schikanen und Brutalitäten, die sich auch die westlichen Sieger gegen die völkerrechtswidrig eingesperrten Internierten im Übermaß zuschulden kommen ließen.

Aus den Internierungserlebnissen entstand "Der Fragebogen", den er auf Sylt schrieb. Der Leser erfährt von der Gedankenwelt ebenso wie von den Taten der jungen Nationalrevolutionäre während der Weimarer Republik. Die Freikorpskämpfe werden wieder lebendig, ebenso wie die Anstrengungen der Landvolkbewegung Ende der 20er Jahre. Salomon schilderte die Zeit vom 30. Januar 1933 bis 8. Mai 1945, diese Spanne, die "gewöhnlich als die des Dritten Reiches, billig als die des Tausendjährigen Reiches, kurz als die des Nazi-Regimes, und gut als die der nationalsozialistischen Regierung in Deutschland bezeichnet wird", wie er es formuliert. Und schließlich holt er aus, um das zu schildern, was er als Internierter in US-Lagern erleben mußte.

Was damals den Deutschen am "Fragebogen" so gut gefiel und auch heute noch pures Lesevergnügen bereitet, ist jede fehlende Anpassung, jeder Mangel an vorauseilendem Gehorsam und politischer Korrektheit. Statt dessen schildert v. Salomon selbstbewußt, frech, teils auch wohl sarkastisch und auch nicht ohne Aggression die Zeit. Das Buch wirkte damals Anfang der 50er Jahre wie befreiend für die geistige Atmosphäre und wurde daher auch von den Inhabern der Macht angegiftet.

Von den Erträgen des Buches kaufte Salomon für sich und seine Familie ein Bauernhaus in Stöckte an der Luhe. Am 5. August 1972 ist dort Ernst v. Salomon im Alter von 69 Jahren gestorben. Der heimatlose Rechte liegt auf dem Waldfriedhof in Marienthal in der Lüneburger Heide begraben.

 

CD "Ein preußischer Revolutionär": Bereits mit 28 Jahren schrieb Ernst v. Salomon in seinem autobiographischen Werk "Die Geächteten" seine Erlebnisse als Freikorpskämpfer nieder. Es ist eines der bedeutendsten Dokumente über die Zeit des Bürgerkrieges in Deutschland, der Putschversuche und Aufstände sowie des Kampfes der Freikorps an den deutschen Grenzen. Die gelungene musikalische Untermalung macht die Lesung ausgewählter Kapitel zu einem Hörgenuß. Mit mehrfarbigem Beiheft. Zirka 70 Minuten, 14,95 Euro.

 

Die Staats- und Wirtschaftspolitische Gesellschaft e.V. und der Ostdeutsche Kulturkreis e.V. laden zu einer Gedenkveranstaltung am Donnerstag, 26. September 2002, um 19.30 Uhr im Saal "Kaiser Friedrich", Kiel, Hasselsdieksdammer Weg 2 (Eingang vom Wilhelmplatz aus). Der Historiker und Germanist Dr. Olaf Rose, Bochum, spricht über das Werk und den Menschen Ernst v. Salomon, der Rezitator Günther Pahl, Pinneberg, liest aus v. Salomons Büchern. Die Veranstaltung ist öffentlich, der Eintritt beträgt 5 Euro, für Schüler und Studenten 3 Euro.


mardi, 07 juillet 2009

Bibliographie sur les événements de "Yougoslavie"

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1992

Bibliographie sur les événements de «Yougoslavie»

 

Pour comprendre la question croate

 

Walter SCHNEEFUSS, Die Kroaten und ihre Geschichte,  Wilhelm Goldmann Verlag, Leipzig, 1942.

Cet ouvrage a paru pendant la guerre, au moment où l'Allemagne hitlérienne soutenait l'Etat ousta­chiste d'Ante Pavélic. Son analyse de la réalité po­litique, par conséquent, est marquée par ce con­­texte et n'a plus aucun intérêt aujourd'hui. En revanche, son esquisse de l'histoire de la Croatie, depuis l'arrivée des premières tribus croates, en passant par les époques byzantines, italiennes, ot­tomanes et hongroises est l'une des pré­sen­ta­tions les plus claires de la question qui ait jamais été publiée en Europe de l'Ouest. L'auteur recon­naît les erreurs des administrations autrichienne et hon­groise en Croatie, ce qui a suscité des désirs d'u­nification yougo-slave chez les intellectuels croa­tes. Mais ces aspirations ont été dénaturées par la monarchie des Karageorgevitch. Les Croa­tes ont alors revendiqué leur indépendance. Un li­vre à rechercher chez les bouquinistes!

 

Wolfgang LIBAL, Das Ende Jugoslawiens. Chronik einer Selbstzerstörung, Europaverlag, Wien/Zürich, 1991, 176 S., DM 29,-/öS 198,-. ISBN 3-203-51135-5.

Correspondant de plusieurs agences de presse et journaux allemands, suisses et autrichiens, Wolf­gang Libal (né en 1912) est l'un des plus émi­nents spécialistes ès-affaires balkaniques de lan­gue allemande. Son verdict: la «Seconde You­go­slavie» de Tito est morte. Elle vient de connaître le même sort que la «Première Yougoslavie» des Karageorgevitch. Elle a succombé à ses contra­dictions internes. Aucun des peuples de l'espace sud-slave n'a accepté l'hégémonie serbe puis ser­bo-communiste. Le poids du passé, des diffé­ren­ces de tous ordres forgées au cours des siècles qui nous ont précédés, a pesé plus lourd que la volonté politique d'unir cette région d'Europe. Le livre de Libal retrace les péripéties de la vie po­li­tique et parlementaire yougoslave de 1918 à 1934, date de l'assassinat à Marseille du Roi Ale­xandre par les Macédoniens et les Oustachistes de Pavelic. Dans les querelles entre centralistes et fédéralistes, séparatistes et royalistes, nous re­trou­vons tous les clivages de l'espace you­go­sla­ve.

 

Jens REUTER, «Der Bürgerkrieg in Jugoslawien. Kriegsmüdigkeit, Kriegspsychose und Wirtschaftsverfall», in Europa Archiv. Zeitschrift für Internationale Politik, 1991/Nr. 24, 25.12.1991.

Bimensuel édité par la Deutsche Gesellschaft für Auswärtige Politik, Verlag für Internationale Politik, Bonn (Adenauerallee 131, D-5300 Bonn). ISSN 0014-2476.

L'auteur examine l'état des «mouvements pour la paix» (la «Marche des Mères», la «Caravane de la Paix», le «Referendum contre la guerre», etc.) en Serbie et en Voïvodine. Le gros de la population est hostile à la guerre. Mais le gouvernement to­lè­re les parades de Tchetniks armés dans les rues et sur les places de marché de Belgrade. Le com­mer­ce des armes est libre et les partisans serbes peuvent vendre le produit de leurs pillages sur les marchés. Mais 30% seulement des réservistes ser­bes ont rejoint leurs unités lors de la mobili­sa­tion de l'automne 1991. A Belgrade, moins de 10%! Au Monténégro, 40% des rappelés ont répondu. A Zagreb, règne une psychose para­ly­sante: les irréguliers serbes ne campent pas loin de la capitale croate.

Reuter se penche ensuite sur le problème des dé­sertions, au début de l'automne 91: Bosniaques et Macédoniens ne veulent plus servir dans l'armée fé­dérale. En Macédoine, les fonctionnaires font dis­paraître les listes d'appelés; quelques jours plus tard, le Président macédonien Kiro Gligorov et son parlement décident officiellement de ne plus envoyer de soldats dans l'armée fédérale. La si­tuation économique est catastrophique: en Ser­bie, la planche à billets fonctionne sans in­ter­rup­tion, annonçant une inflation sans précédent; la Ser­bie a néanmoins pu dégager de substantiels sur­plus agricoles; en Croatie, l'économie est blo­quée à cause des combats; la Slovénie a perdu 23% de son marché, qui était auparavant inter-yougoslave. 

 

Wolfgang WAGNER, «Acht Lehren aus dem Fall Jugoslawien», in Europa Archiv. Zeitschrift für internationale Politik, 1992/2, 25.1.1992 (réf. et adresse ci-dessus).

Wagner énonce huit leçons de la crise you­go­sla­ve.

1. Quand l'Europe était partagée en deux blocs, el­le vivait davantage en paix qu'à l'heure actuelle, où cette confrontation globale a disparu.

2. Les élections libres ne sont plus une garantie de voir les peuples vivre côte à côte en harmonie.

3. Il est faux de croire que la guerre a cessé d'être perçue comme moyen de la politique en Europe, malgré les expériences tragiques des deux guerres mondiales.

4. Les Etats-Unis ne veulent pas intervenir en Europe. Ils estiment que c'est le rôle des Euro­péens de faire respecter les grands principes hu­ma­nitaires dans les Balkans.

5. L'idée qu'il faut intervenir dans les affaires in­térieures d'un Etat qui ne respecte pas les droits de l'homme reste une pure vue de l'esprit. Les réa­lités politiques continuent à s'imposer, dans tou­tes leurs dimensions tragiques, en dépit de ce vœu pieux, lancinant depuis la SDN.

6. Les moyens d'empêcher toute effusion de sang dans un conflit politique demeurent faibles.

7. Vu leur impuissance à agir et à résoudre les con­flits, les gouvernements cherchent des dériva­tifs humanitaires ou diplomatiques, non pas pour résoudre les problèmes par d'autres voies mais pour éviter qu'on ne leur reproche leur inaction.

8. Ni l'Europe ni le monde ne disposent d'une or­ganisation internationale capable d'enrayer et d'ar­rêter les conflits contre la volonté de leurs pro­tagonistes.

 

Waldemar HUMMER u. Peter HILPOLD, «Die Jugoslawien-Krise als ethnischer Konflikt», in Europa Archiv. Zeitschrift für internationale Politik, 1992/4, 25.2.1992.

Les auteurs partent du constat qu'en dépit des ex­pulsions massives de minorités (surtout alleman­des) après 1945, les conflits inter-ethniques en Eu­rope demeurent aigus. La crise «yougoslave» en est la plus sanglante illustration. Tito avait réus­si à maintenir l'équilibre entre les différents peu­ples de Yougoslavie en introduisant des mé­canismes de rotation du personnel politique et administratif. Mais cet équilibre était précaire. Dès la mort du Maréchal, les troubles ont com­mencé au Kosovo, conduisant, par la suite, Bel­gra­de à réduire l'autonomie accordée en 1963 à cette province ethniquement albanaise à 90%. Hum­mer et Hilpold analysent les textes de la nou­velle constitution croate et constatent que les rè­gles de protection des minorités, telles qu'elles ont été élaborées par les instances européennes, sont respectées. La constitution croate prévoit é­ga­lement l'autonomie des communes de la Kra­ji­na, où les Serbes sont majoritaires. Les Serbes, op­posés au nouvel Etat fédéral croate, contestent le principe de territorialité qui préside à l'attri­bu­tion ou à la non-attribution des droits de minorité, comme l'emploi de la langue serbe (rédigée en caractères cyrilliques). Pour eux, l'emploi de la lan­gue serbe devrait être possible partout sur le ter­ritoire de la Croatie indépendante. Ensuite, les droits des minorités doivent reposer sur le prin­cipe de réciprocité: si l'Etat A accorde des droits à la minorité B, majoritaire dans l'Etat B voisin, cet Etat B doit accorder les mêmes droits à la mi­no­rité A, majoritaire dans l'Etat A. Les Croates sont prêts à accorder ces droits aux Serbes de Croatie, à la condition que les Croates de Serbie jouissent exactement des mêmes droits. Les Slovènes ont exi­gé de l'Italie qu'elle accorde les mêmes droits aux 100.000 Slovènes d'Italie qu'accorde la Slo­vénie aux 3000 Italiens qui résident sur son terri­toire. Rome a refusé! 

Bibliographie sur les événements de "Yougoslavie"

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1992

Bibliographie sur les événements de «Yougoslavie»

 

Pour comprendre la question croate

 

Walter SCHNEEFUSS, Die Kroaten und ihre Geschichte,  Wilhelm Goldmann Verlag, Leipzig, 1942.

Cet ouvrage a paru pendant la guerre, au moment où l'Allemagne hitlérienne soutenait l'Etat ousta­chiste d'Ante Pavélic. Son analyse de la réalité po­litique, par conséquent, est marquée par ce con­­texte et n'a plus aucun intérêt aujourd'hui. En revanche, son esquisse de l'histoire de la Croatie, depuis l'arrivée des premières tribus croates, en passant par les époques byzantines, italiennes, ot­tomanes et hongroises est l'une des pré­sen­ta­tions les plus claires de la question qui ait jamais été publiée en Europe de l'Ouest. L'auteur recon­naît les erreurs des administrations autrichienne et hon­groise en Croatie, ce qui a suscité des désirs d'u­nification yougo-slave chez les intellectuels croa­tes. Mais ces aspirations ont été dénaturées par la monarchie des Karageorgevitch. Les Croa­tes ont alors revendiqué leur indépendance. Un li­vre à rechercher chez les bouquinistes!

 

Wolfgang LIBAL, Das Ende Jugoslawiens. Chronik einer Selbstzerstörung, Europaverlag, Wien/Zürich, 1991, 176 S., DM 29,-/öS 198,-. ISBN 3-203-51135-5.

Correspondant de plusieurs agences de presse et journaux allemands, suisses et autrichiens, Wolf­gang Libal (né en 1912) est l'un des plus émi­nents spécialistes ès-affaires balkaniques de lan­gue allemande. Son verdict: la «Seconde You­go­slavie» de Tito est morte. Elle vient de connaître le même sort que la «Première Yougoslavie» des Karageorgevitch. Elle a succombé à ses contra­dictions internes. Aucun des peuples de l'espace sud-slave n'a accepté l'hégémonie serbe puis ser­bo-communiste. Le poids du passé, des diffé­ren­ces de tous ordres forgées au cours des siècles qui nous ont précédés, a pesé plus lourd que la volonté politique d'unir cette région d'Europe. Le livre de Libal retrace les péripéties de la vie po­li­tique et parlementaire yougoslave de 1918 à 1934, date de l'assassinat à Marseille du Roi Ale­xandre par les Macédoniens et les Oustachistes de Pavelic. Dans les querelles entre centralistes et fédéralistes, séparatistes et royalistes, nous re­trou­vons tous les clivages de l'espace you­go­sla­ve.

 

Jens REUTER, «Der Bürgerkrieg in Jugoslawien. Kriegsmüdigkeit, Kriegspsychose und Wirtschaftsverfall», in Europa Archiv. Zeitschrift für Internationale Politik, 1991/Nr. 24, 25.12.1991.

Bimensuel édité par la Deutsche Gesellschaft für Auswärtige Politik, Verlag für Internationale Politik, Bonn (Adenauerallee 131, D-5300 Bonn). ISSN 0014-2476.

L'auteur examine l'état des «mouvements pour la paix» (la «Marche des Mères», la «Caravane de la Paix», le «Referendum contre la guerre», etc.) en Serbie et en Voïvodine. Le gros de la population est hostile à la guerre. Mais le gouvernement to­lè­re les parades de Tchetniks armés dans les rues et sur les places de marché de Belgrade. Le com­mer­ce des armes est libre et les partisans serbes peuvent vendre le produit de leurs pillages sur les marchés. Mais 30% seulement des réservistes ser­bes ont rejoint leurs unités lors de la mobili­sa­tion de l'automne 1991. A Belgrade, moins de 10%! Au Monténégro, 40% des rappelés ont répondu. A Zagreb, règne une psychose para­ly­sante: les irréguliers serbes ne campent pas loin de la capitale croate.

Reuter se penche ensuite sur le problème des dé­sertions, au début de l'automne 91: Bosniaques et Macédoniens ne veulent plus servir dans l'armée fé­dérale. En Macédoine, les fonctionnaires font dis­paraître les listes d'appelés; quelques jours plus tard, le Président macédonien Kiro Gligorov et son parlement décident officiellement de ne plus envoyer de soldats dans l'armée fédérale. La si­tuation économique est catastrophique: en Ser­bie, la planche à billets fonctionne sans in­ter­rup­tion, annonçant une inflation sans précédent; la Ser­bie a néanmoins pu dégager de substantiels sur­plus agricoles; en Croatie, l'économie est blo­quée à cause des combats; la Slovénie a perdu 23% de son marché, qui était auparavant inter-yougoslave. 

 

Wolfgang WAGNER, «Acht Lehren aus dem Fall Jugoslawien», in Europa Archiv. Zeitschrift für internationale Politik, 1992/2, 25.1.1992 (réf. et adresse ci-dessus).

Wagner énonce huit leçons de la crise you­go­sla­ve.

1. Quand l'Europe était partagée en deux blocs, el­le vivait davantage en paix qu'à l'heure actuelle, où cette confrontation globale a disparu.

2. Les élections libres ne sont plus une garantie de voir les peuples vivre côte à côte en harmonie.

3. Il est faux de croire que la guerre a cessé d'être perçue comme moyen de la politique en Europe, malgré les expériences tragiques des deux guerres mondiales.

4. Les Etats-Unis ne veulent pas intervenir en Europe. Ils estiment que c'est le rôle des Euro­péens de faire respecter les grands principes hu­ma­nitaires dans les Balkans.

5. L'idée qu'il faut intervenir dans les affaires in­térieures d'un Etat qui ne respecte pas les droits de l'homme reste une pure vue de l'esprit. Les réa­lités politiques continuent à s'imposer, dans tou­tes leurs dimensions tragiques, en dépit de ce vœu pieux, lancinant depuis la SDN.

6. Les moyens d'empêcher toute effusion de sang dans un conflit politique demeurent faibles.

7. Vu leur impuissance à agir et à résoudre les con­flits, les gouvernements cherchent des dériva­tifs humanitaires ou diplomatiques, non pas pour résoudre les problèmes par d'autres voies mais pour éviter qu'on ne leur reproche leur inaction.

8. Ni l'Europe ni le monde ne disposent d'une or­ganisation internationale capable d'enrayer et d'ar­rêter les conflits contre la volonté de leurs pro­tagonistes.

 

Waldemar HUMMER u. Peter HILPOLD, «Die Jugoslawien-Krise als ethnischer Konflikt», in Europa Archiv. Zeitschrift für internationale Politik, 1992/4, 25.2.1992.

Les auteurs partent du constat qu'en dépit des ex­pulsions massives de minorités (surtout alleman­des) après 1945, les conflits inter-ethniques en Eu­rope demeurent aigus. La crise «yougoslave» en est la plus sanglante illustration. Tito avait réus­si à maintenir l'équilibre entre les différents peu­ples de Yougoslavie en introduisant des mé­canismes de rotation du personnel politique et administratif. Mais cet équilibre était précaire. Dès la mort du Maréchal, les troubles ont com­mencé au Kosovo, conduisant, par la suite, Bel­gra­de à réduire l'autonomie accordée en 1963 à cette province ethniquement albanaise à 90%. Hum­mer et Hilpold analysent les textes de la nou­velle constitution croate et constatent que les rè­gles de protection des minorités, telles qu'elles ont été élaborées par les instances européennes, sont respectées. La constitution croate prévoit é­ga­lement l'autonomie des communes de la Kra­ji­na, où les Serbes sont majoritaires. Les Serbes, op­posés au nouvel Etat fédéral croate, contestent le principe de territorialité qui préside à l'attri­bu­tion ou à la non-attribution des droits de minorité, comme l'emploi de la langue serbe (rédigée en caractères cyrilliques). Pour eux, l'emploi de la lan­gue serbe devrait être possible partout sur le ter­ritoire de la Croatie indépendante. Ensuite, les droits des minorités doivent reposer sur le prin­cipe de réciprocité: si l'Etat A accorde des droits à la minorité B, majoritaire dans l'Etat B voisin, cet Etat B doit accorder les mêmes droits à la mi­no­rité A, majoritaire dans l'Etat A. Les Croates sont prêts à accorder ces droits aux Serbes de Croatie, à la condition que les Croates de Serbie jouissent exactement des mêmes droits. Les Slovènes ont exi­gé de l'Italie qu'elle accorde les mêmes droits aux 100.000 Slovènes d'Italie qu'accorde la Slo­vénie aux 3000 Italiens qui résident sur son terri­toire. Rome a refusé! 

lundi, 06 juillet 2009

Wann war das Dritte Reich?

Wann war das Dritte Reich?

Betrachtungen zu Beginn und Ende der Imperii auf deutschem Boden

von Richard G. Kerschhofer - http://www.ostpreussen.de/

Von wann bis wann existierte das Dritte Reich. Von 1933 bis 1945, werden viele sagen und vielleicht ergänzen, von der Machtergreifung am 30. Januar 1933 bis zur Kapitulation am 9. Mai 1945. Leider unrichtig, wie zu zeigen ist. Außerdem ist Hitlers Bestellung zum Reichskanzler nicht „die Machtergreifung“, denn die war ein Vorgang, der lange vor 1933 begonnen hatte und sich danach noch fortsetzte. Bis alle gleichgeschaltet oder ausgeschaltet waren.

Begonnen haben kann das Dritte Reich erst nach dem Ende des Zweiten Reiches – doch wann war das? Ebenfalls eine schwierige Frage. Der Anfang hingegen ist eindeutig: Das Zweite Reich, das „Wilhelminische Deutschland“, begann am 18. Januar 1871, als König Wilhelm I. von Preußen zum Deutschen Kaiser ausgerufen wurde.

Ebenso eindeutig sind die Eckdaten beim „Ersten Reich“, auch „Altes Reich“ genannt. Es begann am 2. Februar 962, als der zum deutschen König gewählte Sachsenherzog Otto I. von Papst Johannes XII. in Rom zum Kaiser gekrönt wurde. Dieses Reich ist später als „Sacrum Imperium“ belegt, dann als „Sacrum Romanum Imperium“ – Heiliges Römisches Reich – und am Beginn der Neuzeit wurde „deutscher Nation“ hinzugefügt. Es endete am 6. August 1806, als Kaiser Franz II. die Reichskrone niederlegte. Er hatte bereits 1804 das Erzherzogtum Österreich zum Kaisertum gemacht und war Kaiser Franz I. von Österreich geworden. Aber durfte der Kaiser das Reich beenden? Ob er durfte oder nicht – er mußte, auf Druck Napoleons.

Das Alte Reich war kein Nationalstaat, nicht einmal ein Staat im modernen Sinn – und schon lange vor Napoleon nur mehr eine Fiktion. Goethe läßt in Auerbachs Keller den einen Saufkumpan ein Spottlied auf dieses Reich anstimmen. Ein anderer bringt ihn zum Schweigen: „Ein garstig Lied! Pfui! Ein politisch Lied.“ Aber das wahrhaft Garstige war der dynastische Egoismus deutscher Fürsten, der das Reich in den Untergang trieb und die Anrainer zum Raub von Reichsgebiet einlud.

Das Erste Reich nannte sich nie „Erstes Reich“, denn kein Reich nimmt an, daß danach noch eines kommt. Auch das Zweite Reich nannte sich nicht „Zweites Reich“, denn für die allermeisten war es keine Wiedergeburt des Ersten Reiches. Es war ein weltliches Reich, keines „von Gottes Gnaden“, und es verkörperte nur die „kleindeutsche Lösung“, war also eher ein „großpreußisches Reich“.

Woher stammen dann die Ausdrücke „Erstes Reich“, „Zweites Reich“, „Drittes Reich“ und „Tausendjähriges Reich“? Sie kommen allesamt aus der Religion. Sie hängen zusammen mit dem „Millenarismus“ (lateinisch) oder „Chiliasmus“ (griechisch), mit dem Glauben an die Wiederkunft des Messias. Für „Drittes Reich“ steht auch „Tausendjähriges Reich“ – wobei „tausendjährig“ nach Ablauf des ersten Jahrtausends nicht mehr wörtlich genommen wurde, sondern soviel wie „ewig“ bedeuten sollte.

Erstmals in politischem Sinn verwendete diese Ausdrücke der deutsche Kulturhistoriker und Politiktheoretiker Arthur MOELLER VAN DEN BRUCK in seinem Buch „Das dritte Reich“ (1923). „Parteigenosse“ war er keiner und er starb schon 1925. Ob man ihn als „Wegbereiter“ bezeichnen kann, ist Geschmackssache, aber sicher erleichterte er die Arbeit nationalsozialistischer Ideologen. „Drittes Reich“ und „Tausendjähriges Reich“ paßten trefflich in das mythisch-mystische Gedankengebäude, das der religionsartigen Überhöhung einer durchaus weltlichen Politik diente. „Drittes Reich“ wird heute zwar pauschal für die NS-Zeit verwendet, war aber nicht mehr als ein Schlagwort der Propaganda. Es hatte nie ein Territorium und war nie ein Völkerrechtssubjekt.

Eines ist noch offen: Wann endete das Zweite Reich? Sicher nicht 1918, wie das die Nationalsozialisten sahen. Denn 1918 wie 1933/34 änderte sich jeweils nur die Regierungsform. 1938 entstand ein „Großdeutsches Reich“, das beinahe den großdeutschen Vorstellungen des 19. Jahrhunderts entsprach. Aber auch wenn im „Anschluß-Gesetz“ (RGBl Nr. 28 vom 18.3.1938) „Großdeutsches Volksreich“ steht – völkerrechtlich blieb es wie 1918 das „Deutsche Reich“.

Der Ausdruck „Drittes Reich“ war jetzt nicht mehr erwünscht und ab 10. Juli 1939 auf Weisung von Goebbels den Medien sogar untersagt. „Großdeutsches Reich“ findet sich im Gesetz zur Einverleibung der Rest-Tschechoslowakei (RGBl Nr. 47 vom 16.3.1939) und in anderen amtlichen Texten. Jener Erlaß der Reichskanzlei, der das Deutsche Reich auch formell in „Großdeutsches Reich“ umbenannte (RK 7669 E vom 26. Juni 1943), wurde aber nicht mehr publiziert. „Großdeutsches Reich“ stand nur auf den Briefmarken.

Anders als das Heilige Römische Reich Deutscher Nation wurde das Deutsche Reich nie durch irgendeinen Formalakt für beendet erklärt – nicht durch die Kapitulation, nicht durch die Besatzungsmächte, nicht durch Gründung der Bundesrepublik Deutschland und der Deutschen Demokratischen Republik, ja nicht einmal durch den „Zwei-Plus-Vier-Vertrag“. So wurde die Bundesrepublik zwar Rechtsnachfolgerin des nie für tot erklärten Reiches – mit allen daraus erwachsenen Nachteilen. Friedensvertrag gibt es aber keinen. Und auch Österreich hat nur einen „Staatsvertrag“ mit Einschränkungen der Souveränität, darunter das „Anschlußverbot“.

Opération Barbarossa: forces en présences et conclusions à tirer

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1991

 

 

Opération Barbarossa: les forces en présence et les conclusions qu'on peut en tirer

 

par Joachim F. WEBER

 

Un matin d'été, 3 h 30. La nuit est sombre du Cap Nord à la Mer Noire. Tout d'un coup, l'air est déchiré par le fracas assourdissant des canons. Des milliers d'obus forment une pluie d'acier et martèlent le versant sovié­tique de cette frontière. Les positions avan­cées de l'Armée rouge sont matraquées. Et quand les premières lueurs du jour appa­raissent, la Wehrmacht allemande et ses al­liés franchissent la frontière et pénètrent en URSS.

 

C'était le 22 juin 1941. Un jour historique où l'Allemagne a joué son destin. La lutte âpre qui commence en ce jour va se terminer un peu moins de quatre années plus tard, dans les ruines de la capitale allemande, à Berlin. Pendant 45 ans, on nous a répété que cette défaite était le juste salaire, bien mérité, de l'acte que nous avions commis ce 22 juin. L'historiographie des vainqueurs de 1945 et de leur clientèle parmi les vaincus a pré­senté pendant plusieurs décennies l' comme une guerre d'ex­ter­mination minutieusement planifiée, per­pé­trée par des parjures qui n'avaient pas res­pecté le pacte qui nous liait à notre voisine de l'Est. Les historiens qui osaient émettre des opinions différentes de celles imposées par cette sotériologie offi­cielle n'ont pas rigolé pen­dant quarante-cinq ans! Mais au­jour­d'hui, alors que l'ordre éta­bli à Yalta s'ef­fondre, de gros lambeaux de légende s'en vont également en quenouille. En cette année 1991, cinquante ans après les événements, on pourrait pourtant examiner les tenants et aboutissants de cette guerre et de ses prolé­go­mènes sans s'encombrer du moindre dog­me. En effet, on est impres­sionné par le grand nombre d'indices qui tendent à réfuter la thèse officielle d'une at­taque délibérée et injustifiée contre une Union Soviétique qui ne s'y attendait pas. Ces indices sont telle­ment nombreux qu'on peut se demander com­ment des historiens osent encore défen­dre cette thèse officielle, sans craindre de ne plus être pris au sé­rieux. Nous savons dé­sor­mais assez de choses sur ce qui s'est passé avant juin 1941, pour ne plus avoir honte de dire que l'attaque allemande du 22 juin a bel et bien été une guerre préventive.

 

Un vieux débat

 

Pourtant ce débat pour savoir si l' a été une attaque délibérée ou une guerre préventive n'est ni nouveau ni ori­ginal. Les deux positions se reflétaient déjà dans les déclarations officielles des an­tagonistes dès le début du conflit. Le débat est donc aussi ancien que l'affrontement lui-même. L'enjeu de ce débat, aujourd'hui, est de savoir si l'on veut continuer à regarder l'histoire dans la perspective des vainqueurs ou non.

 

L'ébranlement des armées allemandes qui a commencé en ce jour de juin a d'abord été couronné d'un succès militaire sans précé­dant. Effectivement, le coup brutal asséné par les troupes allemandes surprend la plu­part des unités soviétiques. Par centaines, les avions soviétiques sont détruits au sol; les positions d'artillerie et les concentrations de troupes sont annihilées. Au prix de lourdes pertes en matériel, les Soviétiques sont con­traints de reculer. Dès le début du mois de juillet, commencent les grandes batailles d'en­cerclement, où des centaines de milliers de soldats soviétiques sont faits prisonniers. En tout et pour tout, l'URSS perd, au cours des trois premières semaines de la guerre, 400.000 hommes, 7600 chars et 6200 avions: une saignée inimaginable.

 

C'est après ces succès inouïs que le chef de l'état-major général de l'armée de terre al­lemande, le Colonel-Général Halder, écrit dans son journal: . Une erreur d'appré­cia­tion, comme on n'en a jamais vue. Car au bout de 1396 jours, la campagne la plus coû­teuse que l'Allemagne ait jamais déclen­chée, se termine par une défaite.

 

Le désastre soviétique

 

Pourtant, le désastre soviétique paraissait complet. Au vu de celui-ci, on comprend l'eu­phorie de Halder, même si on ne prend pas seulement en considération les deux pre­mières semaines de la guerre mais ses six premiers mois. Jusqu'à la fin de l'année 1941, la Wehrmacht fait environ trois mil­lions de prisonniers soviétiques. C'est l'am­pleur de ces pertes qui incite les défen­seurs de la thèse de l'attaque délibérée à jus­tifier leur point de vue: en effet, ces pertes ten­de­raient à prouver que l'Union Soviétique n'é­tait pas préparée à la guerre, qu'elle ne se doutait de rien et qu'elle a été complètement surprise par l'attaque allemande.

 

Il est exact de dire, en effet, que l'Union So­vié­tique n'avait pas imaginé que l'Alle­ma­gne l'attaquerait. Néanmoins, il est tout-à-fait incongru de conclure que l'Union Sovié­tique ne s'était pas préparée à la guerre. Sta­line avait bel et bien préparé une guerre, mais pas celle qu'il a été obligé de mener à partir de juin 41. Pour les officiers de l'état-major allemand comme pour tous les ob­ser­va­teurs spécialisés dans les ques­tions mili­tai­res, c'est devenu un lieu com­mun, depuis 1941, de dire que l'avance alle­mande vers l'Est a précédé de peu une avance soviétique vers l'Ouest, qui aurait été menée avec beau­coup plus de moyens. La vé­rité, c'est que le déploiement soviétique, pré­lude à l'ébran­le­ment des armées de Staline vers l'Ouest, n'a pas eu le temps de s'achever.

 

Comparer les forces

et les effectifs en pré­sence

 

Lorsque l'on compare les forces et les effec­tifs en présence, on en retire d'intéressantes leçons. On ne peut affirmer que la Wehr­macht allemande  —sauf dans quelques uni­tés d'attaque aux effectifs ré­duits et à l'affec­tation localisée—  était supé­rieure en nom­bre. Les quelque 150 divisions allemandes (dont 19 blindées et 15 motori­sées), qui sont passées à l'attaque, se trou­vaient en face de 170 divisions soviétiques massées dans la zone frontalière. Parmi ces divisions sovié­tiques, 46 étaient blindées et motorisées. En matériel lourd, la supériorité soviétique était écrasante. Les unités alle­mandes attaquan­tes disposaient de 3000 chars et de 2500 a­vions, inclus dans les esca­drilles du front; face à eux, l'Armée Rouge aligne 24.000 chars (dont 12.000 dans les ré­gions mili­tai­res proches de la frontière) et 8.000 avions. Pour ce qui concerne les pièces d'artillerie, la Wehrmacht dispose de 7000 tubes et les Soviétiques de 40.000! Si l'on in­clut dans ces chiffres les mortiers, le rapport est de 40.000 contre 150.000 en faveur des Soviétiques. Le 22 juin, l'Armée soviétique aligne 4,7 mil­lions de soldats et dispose d'une réserve mo­bilisable de plus de 10 mil­lions d'hommes.

 

Les Landser allemands avançant sur le front russe constatent très vite comment les choses s'agençaient, côté soviétique: effecti­vement, les pertes soviétiques sont colos­sales, mais, ce qui les étonne plus encore, c'était la quantité de matériels que les Sovié­tiques étaient en mesure d'acheminer. Les Allemands abattent quinze bombardiers so­vié­tiques et voilà qu'aussitôt vingt autres sur­gissent. Quand les Allemands arrêtent la contre-attaque d'un bataillon de chars sovié­tiques, ils sont sûrs que, très rapidement, une nouvelle contre-attaque se déclenchera, ap­puyée par des effectifs doublés.

 

Un matériel soviétique

d'une qualité irrépro­chable

 

Sur le plan de la qualité du matériel, la Wehr­macht n'a jamais pu rivaliser avec ses ad­versaires soviétiques. Alors qu'une bonne part des blindés soviétiques appartiennent aux types lourdement cuirassés KV et T-34 (une arme très moderne pour son temps), les Allemands ne peuvent leur opposer, avant 1942, aucun modèle équivalent. La plupart des unités allemandes sont dotées de Panzer I et de Panzer II, totalement dépassés, et de chars tchèques, pris en 1938/39.

 

Pourquoi l'Allemagne ne peut-elle rien jeter de plus dans la balance? Pour une raison très simple: après la victoire de France, l'in­dustrie allemande de l'armement, du moins dans la plupart des domaines cru­ciaux, a­vait été remise sur pied de paix. Ainsi, les usines de munitions (tant pour l'infanterie que pour l'artillerie) avaient ré­duit leurs cadences, comme le prouvent les chiffres de la production au cours de ces mois-là. Est-ce un indice prouvant que l'Allemagne prépa­rait de longue date une guerre offensive?

 

Concentration et vulnérabilité

 

Mais cette réduction des cadences dans l'in­dustrie de l'armement n'est qu'un tout petit élément dans une longue suite d'indices. Surgit alors une question que l'on est en droit de poser: la supériorité sovié­tique était si impressionnante, comment se fait-il que la Wehrmacht n'ait pas été battue dès 1941 et que l'Armée Rouge ait dû at­tendre 1944-45 pour vaincre?. La réponse est sim­ple: parce le gros des forces soviétiques était déjà massé dans les zones de rassem­ble­ment, prêt à passer à l'attaque. Cette énorme concentration d'hommes et de ma­tériels a scellé le destin de l'Armée Rouge en juin 1941. En effet, les unités militaires sont ex­ces­­sivement vulnérables lorsqu'elles sont con­centrées, lorsqu'elles ne se sont pas en­co­re déployées et qu'elles manœuvrent avant d'a­voir pu établir leurs positions. A ces mo­ments-là, chars et camions roulent pare-chocs contre pare-chocs; les colonnes de vé­hicules s'étirent sur de longs kilomètres sans protection aucune; sur les aérodromes, les avions sont rangés les uns à côté des au­tres.

 

Aucune armée au monde n'a jamais pris de telles positions pour se défendre. Tout état-ma­jor qui planifie une défense, éparpille ses troupes, les dispose dans des secteurs forti­fiables, aptes à assurer une défense efficace. Toute option défensive prévoit le creusement de réseaux de tranchées, fortifie les positions existantes, installe des champs de mines. Sta­line n'a rien fait de tout cela. Au con­trai­re: après la campagne de Pologne et à la veil­le de la guerre avec l'Allemagne, Staline a fait démanteler presque entièrement la ligne dé­fensive russe qui courait tout au long de la frontière polono-soviétique pour préve­nir tou­te réédition des attaques polonaises; mieux, cette ligne avait été renforcée sur une pro­fon­deur de 200 à 300 km. Or, pourtant, l'Armée Rouge, pendant la guerre de l'hiver 1939-40 con­tre la Finlande, avait payé un très lourd tribut pour franchir le dispositif défen­sif fin­landais. Toutes les mesures défen­sives, tou­tes les mesures de renforcement des défen­ses existantes, ont été suspendues quelques mois avant que ne commence l'. Les barrières ter­restres ont été démontées, les charges qui minaient les ponts et les autres ouvrages d'art ont été en­levées et les mines anti-chars déterrées. Quant à la , bien plus per­fec­tionnée, elle a subi le même sort, alors que, depuis 1927, on n'avait cessé de la renforcer à grand renfort de béton armé. Et on ne s'est pas contenté de la démonter en enlevant, par exemple, toutes les pièces anti-chars: on a fait sauter et on a rasé la plupart des bun­kers qui la composaient. Ces démon­tages et ces destructions peuvent-ils être in­terprétés comme des mesures de défense? Le Maré­chal soviétique Koulikov disait en juin 1941: .

 

Les dix corps aéroportés de Staline

 

Bon nombre d'autres mesures prises par les Soviétiques ne sauraient être interprétées com­me relevant de la défense du territoire. Par exemple, la mise sur pied de dix corps aéroportés. Les troupes aéroportées sont des unités destinées à l'offensive. Entraîner et équiper des unités aéroportées coûtent des sommes astronomiques; pour cette raison bud­gétaire, les Etats belligérants, en géné­ral, évitent d'en constituer, ne fût-ce qu'un seul. L'Allemagne ne l'a pas fait, alors que la guerre contre l'Angleterre le postulait. Sta­line, pour sa part, en a mis dix sur pied d'un coup! Un million d'hommes, avec tous leurs équipements, comprenant des chars aéroportables et des pièces d'artillerie lé­gères. Au printemps de l'année 1941, l'in­dus­trie soviétique, dirigée depuis sa cen­trale moscovite, ordonna la production en masse des planeurs porteurs destinés au transport de ces troupes. Des milliers de ces machines sont sorties d'usine. Staline, à l'évidence, comp­tait s'en servir pendant l'été 1941, car rien n'avait été prévu pour les en­treposer. Or, ces planeurs n'auraient pas pu résister à un seul hiver russe à la belle étoile.

 

Ensuite, depuis la fin des années 30, l'in­dustrie de guerre soviétique produisait des milliers d'exemplaires du char BT: des blin­dés de combat capables d'atteindre des vites­ses surprenantes pour l'époque et dont le ra­yon d'action était impressionnant; ces chars avaient des chenilles amovibles, de fa­çon à ce que leur mobilité sur autoroutes soit en­co­re accentuée. Ces chars n'avaient au­cune utilité pour la défense du territoire.

 

En revanche, pour l'attaque, ils étaient i­déaux; en juillet 1940, l'état-major sovié­tique amorce la mise sur pied de dix armées d'a­vant-garde, baptisées  pour tromper les services de rensei­gnements étrangers. A ce sujet, on peut lire dans l'En­cyclopédie militaire soviétique:  (vol. 1, p. 256). Il s'agissait d'armées disposant de mas­ses de blindés, en règle gé­nérale, de un ou de deux corps dotés chacun de 500 chars, dont les attaques visait une pé­nétration en profondeur du territoire en­nemi.

 

Les préparatifs offensifs de l'Armée rouge peu­vent s'illustrer par de nombreux indices encore: comme par exemple le transport vers la frontière occidentale de l'URSS de gran­des quantités de matériels de génie pré­voyant la construction de ponts et de voies fer­rées. Les intentions soviétiques ne pou­vaient être plus claires.

 

Hitler prend Staline de vitesse

 

C'est sans doute vers le 13 juin que l'état-ma­jor général soviétique a commencé à met­tre en branle son 1er échelon straté­gique, donc à démarrer le processus de l'offensive. L'organisation de ce transfert du 1er échelon stratégique a constitué une opé­ration gi­gan­tesque. Officiellement, il s'agissait de ma­nœuvres d'été. A l'arrière, le 2ième échelon stratégique avait com­mencé à se former, dont la mission aurait été de prendre d'as­saut les lignes de défense allemandes, pour le cas (envisagé comme peu probable) où el­les auraient tenus bon face à la première vague.

 

Mais le calcul de Staline a été faux. Hitler s'est décidé plus tôt que prévu à passer à l'action. Il a précédé son adversaire de deux semaines. Côté soviétique, la dernière phase du déploiement du 1er échelon (trois mil­lions d'hommes) s'était déroulée avec la pré­cision d'une horloge. Mais au cours de ce déploiement, cette gigantesque armée était très vulnérable. Le matin du 22 juin, l'of­fen­sive allemande a frappé au cœur de cette su­perbe mécanique et l'a fracassée.

 

A ce moment, de puissantes forces sovié­tiques se sont déjà portées dans les balcons territoriaux en saillie de la frontière occiden­tale, notamment dans les régions de Bia­lystok et de Lemberg (Lvov). Les Allemands les ont encerclées, les ont forcées à se ras­sembler dans des secteurs exigus et les y ont détruites. Et ils ont détruit égale­ment d'é­nor­mes quantités de carburant et de munitions que les trains soviétiques avaient acheminés vers le front le matin même.

 

Staline jette ses inépuisables réserves dans la balance

 

Le désastre soviétique était presque parfait. Presque, pas entièrement. Les pertes étaient certes énormes mais les réserves étaient en­core plus énormes. De juillet à décembre 1941, l'Union Soviétique a réussi à remettre sur pied 200 importantes unités, dont les ef­fectifs équivalaient à ceux d'une division. La Wehrmacht n'a pas su en venir à bout. Pen­dant l'hiver, devant Moscou, l'Allemagne a perdu sa campagne de Russie. A partir de ce moment-là, la Wehrmacht n'a plus livré que des combats désespérés contre l'Armée Rou­ge, avec un acharnement aussi fou qu'inu­tile, tant l'adversaire était numériquement supé­rieur, et compensait ses pertes en maté­riel par les livraisons américaines.

 

Voici, en grandes lignes, les faits présents le 22 juin 1941. L'histoire des préliminaires de cette campagne de Russie, la question de sa­voir à quelle date précise les Allemands et les Soviétiques avaient décidé d'attaquer, res­tent matières à interprétation, d'autant plus que d'importantes quantités d'archives allemandes sont toujours inaccessibles, aux mains des vainqueurs, et que les archives soviétiques ne peuvent toujours pas être con­sultées par les chercheurs. La raison de ces secrets n'est pas difficile à deviner...

 

Joachim F. WEBER.

(texte issu de Criticón, Nr. 125, Mai/Juni 1991; adresse de la revue: Knöbelstrasse 36/0, D-8000 München 22).   

 

 

dimanche, 05 juillet 2009

H. Diwald: Der Kampf um die Weltmeere

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Der Kampf um die Weltmeere


S. 215 – 224 - Ex: http://www.hellmutdiwald.de

Die Linien
Das Ungeheuer Francis Drake
Die Achillesferse Spaniens
Vom Räuber zum Ritter

Die Linien

„Das Ringen der Mächte spielte sich in zwei verschiedenen Bereichen ab. Während des Dreißigjährigen Krieges im 17. Jahrhundert pendelte sich in Europa ein gewisses Religionsgleichgewicht ein. Neben der christlich-katholischen Ordnungsidee hatte sich der protestantische Sonderanspruch durchgesetzt und war akzeptiert worden. Außerhalb der Territorialregelungen der Friedensschlüsse wurde auch die Protestantenforderung nach Freiheit der Meere gelten gelassen - allerdings lediglich imaginär. Durch den atlantischen Ozean wurden gedachte Linien gezogen, an denen der Raum des europäischen Staatensystems völkerrechtlich endete. Jenseits dieser Linien verlor das zwischenstaatliche öffentliche Recht, das sich zu jener Zeit in Europa entwickelte, seine Verbindlichkeit.

Die Linienregelung geht dem Prinzip nach zurück auf den Vertrag von Cateau-Cambresis des Jahres 1559 zwischen Spanien und Frankreich. Was die Territorialbestimmungen betrifft, so handelt es sich bei diesem Friedensschluß um die Besiegelung einer empfindlichen französischen Niederlage. Der Text der Vereinbarung läßt keinen Zweifel daran. Frankreich muß auf seine italienischen Ansprüche verzichten und das Herzogtum Savoyen herausgeben. Der Vertrag enthält allerdings kein Wort von den mündlichen Absprachen, die während der Verhandlungen getroffen wurden: Die Friedensvereinbarungen besitzen nur für Europa Geltung, nicht aber für die Bereiche der Meere. Dort, jenseits von Europa, entscheiden nach wie vor die Waffen, entscheidet die maritime Kriegsmacht über Herrschaft und Besitz; die Kämpfe, zu denen es dabei kommen werde, wirken sich in keiner Weise auf das Verhältnis der beiden Staaten in Europa aus.

Die imaginären Linien, die durch das Meer gezogen wurden, waren sowohl Freundschafts- als auch Feindschaftslinien. Letzten Endes handelte es sich dabei um eine Abwandlung der Demarkationen, welche die Päpste vorgenommen hatten. Die neuen Linien grenzten lediglich den europäischen Landraum genauer von dem ozeanischen Freiraum ab, in dem kein Recht, keine Ordnung, kein Gesetz galt und in dem die Seefahrernationen einander bekämpften, als hätte es seit den prähistorischen Zeiten nie etwas anderes gegeben als das nackte Faustrecht. Daß dieser Kampf von Europa ausging, daß er die Form war, in der Europa eine unerhörte Expansion vollzog - die gewaltigste aller Expansionen der Weltgeschichte -, das legte trotz der Brutalität des ganzen Prozesses den hohen Rang Europas bis ins 20. Jahrhundert unwiderruflich und in historisch unvergleichlicher Form fest.

Durch die Ausgrenzung des Kampfgebietes vermittels Festlegung von Zonen, in denen vertragliches Recht galt, beziehungsweise nicht galt, sprach die europäische Welt ihrer Rechtsordnung nur in den bisher vertrauten, alten Bereichen Gültigkeit zu, sie billigte die Existenz einer »Neuen Welt« als eines Freiraums des gewaltsamen Zugriffs. Sie würden erst dann zu Objekten des europäischen Völkerrechts werden, wenn der Kampf um sie entschieden war. Solange dieser Zeitpunkt ausstand, hielt sich der Brauch der »Freundschaftslinien«. Im Süden verliefen sie entlang des Wendekreises des Krebses oder des Äquators, im Westen hielten sie sich an den Längengrad durch die Kanarischen Inseln oder die Azoren. Gelegentlich wurden sie sogar amtlich festgelegt - und damit ein Sachverhalt offiziell anerkannt, den es offiziell nicht gab. Der Widersinn dabei beruht darauf, daß an diesen Linien die Gültigkeit des europäischen Rechts endete und jenseits davon der Raum des gesetzlosen Kampfes um die Weltmeere, die Freiheit des Faustrechts begann. Ob in Europa zwischen den Seerivalen Frieden herrschte oder nicht: Jenseits »der Linie« lagen die Überseeräume der Gewalt. Der britische Seeheld Francis Drake gab dafür die Parole aus, eine Formel von welthistorischem Gewicht und drakonischer Kürze: »No peace beyond the line!- Kein Friede jenseits der Linie! «

Unter den Wahrzeichen der religiösen und sittlichen Begründungen von Rechts- und Unrechtsbestimmungen ist diese Linienabgrenzung etwas Ungeheuerliches. Sie beglaubigt die Existenz einer doppelten Moral und relativiert dadurch sowohl ihre christlich unterbaute als auch innerweltlich postulierte Unbedingtheit. Wie sollte ein gläubiger, ein sittlicher Mensch begreifen, daß sich christliche Herrscher dazu verstehen, für den unabsehbaren Raum des Ozeans die Barbareien und Ruchlosigkeiten eines Naturzustandes primitivster Art gelten zu lassen und sich gleichzeitig für den europäischen Kontinentalbereich auf das Gegenteil zu einigen? Wie ließ es sich rechtfertigen, die Meere als ein Reich der Anarchie auszugrenzen? Waren die Unterschiede zwischen Recht und Unrecht, Gut und Böse eine Frage der Geographie? Von solchen Zweifeln wurde der große Philosoph Pascal zu dem Seufzer hingerissen: »Die fundamentalen Gesetze wechseln. Ein Meridian entscheidet über die Wahrheit. «

So sah die eine Seite der Medaille aus. Die andere Seite bestand darin, daß durch die Linien-Übereinkunft die europäische Ordnung entscheidend stabilisiert wurde. Die Demarkationen verhinderten eine Zersetzung der Vertragsregelungen durch die rohe Willkür im Freiraum der See. In der Praxis bedeutete die »Freiheit der Meere« eine totale Befreiung von Recht, Moral und Gesetz; sie bedeutete aber genauso eine Rettung der innereuropäischen Ordnung, sie verhinderte hier den Rückfall in die Barbarei vorzivilisatorischer Zustände.

Das Ungeheuer Francis Drake

Am leidenschaftlichsten wurde diese Übereinkunft von England befürwortet. Das Königreich war damals der schwächste Partner in dem exklusiven Kreis der Seefahrernationen, und vielleicht erkannten gerade deshalb die britischen Staatsmänner und Herrscher besonders früh, daß England daraus den größten Nutzen ziehen konnte. Seine Piraten hatten fast ausnahmslos nichts anderes im Sinn, als in den Freiräumen der Meere Beute zu machen. Aber diejenigen von ihnen, die immerhin Anflüge von Format besaßen, achteten sorgsam darauf, daß ein hoher Prozentsatz des Geraubten am Königshof abgeliefert wurde - manchmal war es fast die Hälfte.

Das englische Freibeutergewerbe wurde erstmals von John Hawkins auf einen bemerkenswerten Stand gebracht. Er entstammte einer Familie von Kaufleuten und Schiffseignern aus Plymouth. 1562, 30 Jahre alt, segelte er mit einer Dreierflottille zu seiner ersten Fahrt nach Afrika. An der Sierra Leone überfiel er portugiesische Schiffe, raubte dreihundert Negersklaven und verkaufte sie mit riesigem Gewinn in Haiti. Königin Elisabeth I. wußte offiziell nichts von dieser Fahrt, was sie aber nicht hinderte, höchst offiziell die prachtvollen Perlen zu tragen, die ihr Hawkins aus Westindien mitbrachte.

1566 wurde John Hawkins von einem jungen Mann besucht, einem entfernten Verwandten seiner Familie. Dieser Francis Drake hatte sich kürzlich unter Kapitän John Lovell an einer Fahrt nach Mexiko beteiligt; sie war ein katastrophaler Mißerfolg gewesen, die Engländer wurden von den Spaniern völlig ausgeraubt. Von dieser Fahrt brachte Francis Drake vollendete seemännische Kenntnisse und einen maßlosen Haß auf die Spanier mit.

Hawkins bereitete für das folgende Jahr eine neue Kaperexpedition vor. Im Oktober 1567 lichteten sechs Schiffe die Anker. Das Flaggschiff »Jesus von Lübeck«, 700 Tonnen groß, hatte Königin Elisabeth dem Flottillenchef Hawkins selbst zur Verfügung gestellt; sie war an dem Unternehmen noch mit einem zweiten Schiff, der »Minion«, beteiligt. Francis Drake befehligte eine kleine Barke von 50 Tonnen, die »Judith«. An der Guineaküste erbeuteten die Engländer 500 Sklaven und segelten mit ihnen nach Amerika. Die Fahrt war ein halber Rachezug, denn sie liefen die Hafenstadt Rio de la Hacha an, in der Kapitän Lovell und Drake 1565 ausgeplündert worden waren. Als die Spanier jeden Handel mit den Engländern ablehnten, landete ein Kommando zu einem Plünderungszug, anschließend wurde die Stadt beschossen. Erst jetzt erklärten sich die Bewohner bereit, die Sklaven abzukaufen. Auf der Rückfahrt kamen die Schiffe in ein schweres Unwetter, das Flaggschiff schlug leck, Hawkins und Drake mußten in San Juan de Ulloa bei Veracruz Schutz suchen. Am nächsten Tag fuhren dreizehn spanische Geleitschiffe in den Hafen ein. Hawkins und der spanische Befehlshaber vereinbarten ein neutrales Verhalten. Wenig später brachen die Spanier jedoch das Abkommen, eröffneten das Feuer auf die britischen Schiffe und töteten jeden Engländer, der sich an Land befand. Hawkins und Drake konnten zwar vier Spanier in den Grund bohren, verloren aber selbst die »Jesus von Lübeck« und drei weitere Schiffe; nur die »Minion« und die »Judith« retteten sich, schwer beschädigt, aufs offene Meer. Drake erreichte am 20. Januar 1569 Plymouth, seine »Judith« kroch mehr in den Hafen als daß sie segelte. Eine Woche später erreichte auch Hawkins die Küste von Cornwall. Die »Minion« war in einem so jämmerlichen Zustand, daß er sie von hier nach Plymouth schleppen lassen mußte.

Das Mißgeschick der beiden Korsaren wurde in England als eine quasi öffentliche Demütigung empfunden. Hawkins und Drake, die sich genaugenommen nur hatten übertölpeln lassen, unterstützten diese Meinung durch kräftige Klagen über die Wortbrüchigkeit der Spanier. Der königliche Hof zeigte lebhaftes Verständnis für diese Version, denn durch den Verlust der »Jesus von Lübeck«, durch die unerfüllte Hoffnung auf ihren Anteil an der Beute und die havarierte »Minion« war auch Elisabeth I. geschädigt worden. Bei Hawkins hielten sich Rachegefühl und Resignation die Waage, Drakes verletzter Stolz dagegen ließ keine andere Empfindung zu als Haß.

Sein nächstes Unternehmen bereitete er außerordentlich gründlich vor. 1570 segelte er mit zwei kleinen Schiffen zu einer Erkundungsfahrt nach Westindien. Drake war zwar inzwischen in die Königliche Marine aufgenommen worden, doch die Expedition unternahm er auf eigene Faust, ebenso eine zweite Rekognoszierungsfahrt mit nur einem Schiff im darauffolgenden Jahr. Er lernte die Inseln der Karibik, die Küste Südamerikas, die Strömungen, Untiefen und Windverhältnisse, die Schlupfwinkel und versteckten Naturhäfen so gut kennen, als wäre er dort aufgewachsen. Drake wußte jetzt auch bis in die Einzelheiten, wie die spanischen Galeonen mit Gold beladen wurden, wie ihr Geleitzugsystem funktionierte, wie die Schatzschiffe gesichert wurden. Im Jahre 1626, dreißig Jahre nach dem Tod von Francis Drake, veröffentlichte einer seiner Neffen einen Bericht über das Unternehmen, zu dem Drake 1572 mit nur zwei Schiffen aufbrach. Die Notizen erschienen unter dem Titel »Sir Francis Drake redivivus fordert dieses stumpfsinnige und verweichlichte Zeitalter auf, seinen noblen Schritten nach Gold und Silber zu folgen«.

Die »noblen Schritte nach Gold und Silber« des Kapitäns Drake machten seinen Namen binnen wenigen Monaten in ganz Europa berühmt und berüchtigt. Es war eines der verwegensten Projekte der ganzen Epoche, würdig auch des Beinamens, mit dem Königin Elisabeth inzwischen von spanischen und französischen Diplomaten ausgezeichnet wurde: »Perfide, freche Jezabel des Nordens«. Und wirklich mehr als frech - sofern dieses Wort die Drakesche Expedition treffend charakterisiert - war seine spektakuläre Kaperfahrt, zu der er im Mai 1572 auslief.

Die Besatzung hatte Drake ausnahmslos aus Freiwilligen zusammengestellt, aus blutjungen Seeleuten, insgesamt 73 Mann. Ein volles Jahr trieb sich Drake mit ihnen an der Nordküste Panamas herum, überfiel Städte und Garnisonen, kaperte Fregatten, lieferte sich Gefechte mit spanischen Truppen, tauchte blitzschnell und völlig unerwartet auf, landete einen Coup und verschwand ebenso rasch, als hätte ihn die See verschluckt - offensichtlich ein ebenso genialer wie verrückter Abenteurer, der es nur darauf angelegt hatte, seinen Hals zu riskieren, aber mit dem Teufel im Bunde sein mußte, weil er jeder Falle entschlüpfte.

Verrückt mußte er deshalb sein, weil er auf eigene Faust, aber namens angemaßter Stellvertretung des kümmerlichen Inselkönigreiches England, die Weltmacht Spanien zu attackieren wagte, vielmehr: Ein einzelner Mann mit zwei kleinen Schiffen und einem Haufen verwegener Burschen führte Krieg gegen den spanischen König, gegen den faktischen Herren der Welt in dieser Zeit. Die Hälfte von Drakes Raubzügen schlug fehl, endete ganz anders als geplant, aber sein jähes Hervorbrechen und urplötzliches Verschwinden, die Tollkühnheit seiner Angriffe mit wenigen Männern, die Unverschämtheit, mit der er sowohl an Land als auch auf See alles überfiel, was ihm einen Versuch wert zu sein schien, festigte seinen Ruf bei den Spaniern: Der Einzelgänger Drake war kein normaler Kapitän, sondern ein Ungeheuer des Meeres. Dementsprechend wurde sein Name spanisch abgewandelt: »El draque — der Drache«. Soweit es die Mischung aus Bewunderung und Wut betraf, die darin lag, glaubte auch Drake selbst an seine »Ungeheuerlichkeit«, denn er war maßlos eitel auf seine Tollkühnheit und seemännische Überlegenheit und hatte unstreitig auch ein gewisses Recht dazu.

Sein Hauptziel war es, einen der großen Silber- und Goldtransporte, die von Peru über Land nach Panama zum Hafen Nombre de Dios gingen, zu überfallen. Ein erster Versuch mißglückte, der zweite wurde ein voller Erfolg. Der Transport bestand aus fast zweihundert Packtieren; um die ganze Beute fortzuschleppen, war die Zahl der Engländer zu gering, sie beschränkten sich deshalb auf das Gold. Anfang August 1573 fuhren die Schiffe Drakes in den Hafen von Plymouth ein, schwer beladen mit einer ungeheuren Beute.

Die Achillesferse Spaniens

England jubelte, Spanien schäumte vor Zorn, Francis Drake lachte - und plante das nächste Piratenstück, ein Projekt, das alles bisher Dagewesene in den Schatten stellte. Daß er, der Seemann, die Geldtransporte nach Panama an Land überfallen mußte, paßte so zu ihm, als wäre ein Hai gezwungen, außerhalb des Wassers zu jagen. Die Konvois über den Atlantik waren schwer bewacht; ein Überfall im Alleingang hatte von vornherein keine Aussicht, nur mit einem größeren Schiffsverband war ein erfolgreicher Angriff möglich. Dazu aber konnte sich die Königin nicht entschließen, England fehlte noch bei weitem die maritime Macht, um Spanien offen herauszufordern, so stetig Elisabeth I. auch die Flotte vergrößern ließ.

Andererseits handelte es sich bei dem Verbindungsweg zwischen der Karibik und dem iberischen Mutterland um den Lebensnerv des spanischen Weltreichs. Der gesamte Staatsschatz hing völlig von den Silber- und Goldtransporten über den Atlantik ab; wenn dieser Zustrom versiegte oder auch nur kurze Zeit unterbrochen wurde, konnten die Truppen in den Niederlanden nicht besoldet, die neuen Schiffe nicht gebaut, die europäische Politik Spaniens nicht fortgeführt werden. In der Karibik und in Peru, das die größten Goldvorräte besaß, befand sich die Achillesferse Spaniens. Drake erreichte eine Audienz und entwickelte der Königin seinen Plan. Das Edelmetall aus den Minen Perus wurde zu den Häfen der Pazifikküste Amerikas gebracht und dort auf die Schatzschiffe verladen, die nach Norden in den Golf von Panama fuhren. Hier wurden die Lasten auf Maultiere umgeladen und über die Landenge zu den karibischen Häfen transportiert, um dann an Bord der Schiffe nach Europa zu kommen. Drake hatte vor, durch eine Umsegelung Südamerikas in den Pazifik vorzudringen. Die Durchquerung der Magellanstraße war zwar nach dem Bericht Pigafettas das Entsetzlichste, was Seefahrer durchmachen könnten, aber er, Drake, schrecke vor nichts zurück. Auf der pazifischen Seite würde er dann in dem gewaltigsten Raubzug, den die Piratengeschichte kannte, die Schiffe des spanischen Königs ausplündern.

Elisabeth I. hungerte kaum weniger nach Gold als Drake. Der Plan versetzte sie in helle Begeisterung, sie versicherte Francis Drake, daß er ihre volle Unterstützung erhalten werde, und sie würde sich an dem Unternehmen auch finanziell beteiligen; offiziell könne und dürfe sie allerdings mit der Piratenfahrt nichts zu tun haben, besonders weil im Augenblick das Verhältnis Englands zu Spanien aufmerksamer denn je gepflegt werden müsse. Drake hatte für alles Verständnis, er wollte nichts weiter, als mit stillschweigender königlicher Rückendeckung seine Schiffe ausrüsten und schnellstens aufbrechen. Die Vorbereitungen wurden nicht eigens getarnt, um keine Neugier und keine Gerüchte zu wecken. Drake wußte, daß er seine Pläne am sichersten geheimhielt, wenn er möglichst offen vorging. Am 15. November 1577 verließ er mit fünf Seglern England.

Drakes Fahrt ähnelte in vielem dem Unternehmen Magellans, allerdings nur in nebensächlichen Dingen; beide brachen mit fünf Schiffen auf, beide mußten Meutereien niederschlagen, beide verloren Schiffe in Stürmen, beide Expeditionen endeten damit, daß nur ein einziges Schiff in den Heimathafen zurückkehrte. Drake durchquerte die Magellanstraße in der erstaunlich kurzen Zeit von sechzehn Tagen, mit drei Schiffen erreichte er im Herbst 1578 den Pazifik, verlor in einem wochenlangen Sturm zwei weitere Schiffe und segelte schließlich allein mit seinem Flaggschiff »Golden Hind« nach Norden.

Mit einem Überfall Valparaisos begann sein beispielloser Kaperzug. Er lief in den Hafen ein, plünderte die Stadt, raubte die Kirchen aus und überholte dann in aller Ruhe das Schiff, ergänzte die Vorräte und lag auf der Reede, bis sich die Mannschaft von den Strapazen erholt hatte. Während der nächsten fünf Monate segelte er ohne Hast die Küste entlang nach Norden, systematisch die Hafenstädte plündernd, über eine Strecke von mehr als 3000 Kilometer bis Lima. Die Stadt war der zentrale Stapelplatz für die Schätze Perus. Im Hafen ankerten zwölf große spanische Schiffe, die Kapitäne fühlten sich so sicher, daß die ganze Takelage an Land war; kein Mensch rechnete mit einem Überfall. Drake hatte kaum jemals so leichte Beute gemacht und noch nie in solchen Dimensionen.

In Lima erfuhr er, daß vor kurzem eine besonders große Galeone mit vielen Tonnen Silber, Gold und Schmuck nach Panama gesegelt war; das Schiff war allerdings schwer bestückt. Drake setzte dem Spanier sofort nach, holte ihn knapp jenseits des Äquators ein und konnte ihn trotz seiner Geschütze und der starken Besatzung entern. Außer Gold und Silber befanden sich unter Deck dreizehn Truhen mit Schmuck, Edelsteinen und anderen Kostbarkeiten.

Drake dehnte seinen Piratenzug bis nach Mexiko aus, als Beute nahm er jetzt nur noch Gold und Perlen mit. Den Nordkurs hatte er deshalb eingeschlagen, weil er den amerikanischen Kontinent nach einer Nordwestpassage absuchte. Er drang bis zum 48. Breitengrad vor. Auf der Höhe der Insel Vancouver gab er das Projekt auf, überquerte im Gefolge Magellans den Pazifik, erreichte die Molukken, wurde von den Herrschern freundlich empfangen, belud den restlichen Laderaum seiner »Golden Hind« mit den kostbarsten Gewürzen und nahm endlich Kurs in die Heimat, quer durch den Indischen Ozean und seine Stürme, um das Südkap Afrikas und durch den Atlantik vorbei an den Azoren. Im Herbst 1580 tauchte die »Golden Hind« vor Plymouth auf, zerlumpt und abgerissen wie ihre Besatzung, ein jämmerliches Schiff, doch bis über den Freibord beladen mit einem ungeheueren Schatz: die »Golden Hind«, der berühmteste Segler der Epoche.

Vom Räuber zum Ritter

Niemand hat nach so langer Zeit noch mit der Rückkehr Drakes gerechnet. Der Hafenkommandant von Plymouth begrüßt das Schiff mit Salutschüssen, die Stadt taumelt vor Begeisterung, der Jubel brandet über das Land, die Nachricht von Drakes Ankunft erreicht London in der Nacht, die Menschen rütteln sich gegenseitig wach, sie strömen auf die Straße, auch die Königin wird im Palast von St. James geweckt, sie wirft ein Neglige über, trommelt ihre Räte zusammen - so wird erzählt - und stammelt ihnen die Nachricht entgegen: »Drake ist zurück, er hat die Welt umsegelt!« Dabei rinnen Tränen über ihre Wangen. … „

mercredi, 01 juillet 2009

Cosa accadde davvero allo Scia' dell'Iran

COSA ACCADDE DAVVERO ALLO SCIA’ DELL’IRAN

http://www.sapere.it/tc/img/Storia/Rivol_Iran/pahlfarah2.jpg

Mi chiamo Ernst Schroeder, e siccome ho amici iraniani dai tempi della scuola e ogni tanto guardo la vostra rivista on line, ho pensato di inviarvi queste tre pagine prese da un libro che ho letto qualche mese fa, intitolato: Un secolo di guerra: la politica petrolifera anglo-americana e il Nuovo Ordine Mondiale. scritto dallo storico tedesco William Engdahl.
E’ un libro che tratta dell’intreccio tra la politica e il petrolio degli ultimi 100 anni.
Vi mando il brano perché lo pubblichiate sul vostro sito, dato che penso possa essere importante per tutte le persone di discendenza persiana.


DI WILLIAM ENGDAHL

“Nel novembre del 1978, il Presidente Carter nominò George Ball del Bilderberg Group,  un altro membro della Commissione Trilaterale , a capo di una speciale unità operativa iraniana della Casa Bianca sotto Brzezinski, Consigliere per la Sicurezza Nazionale.

Ball caldeggiò l’abbandono di Washington del sostegno allo Scià iraniano a favore dell’appoggio all’opposizione fondamentalista islamica dell’Ayatollah Khomeini. Robert Bowie della CIA fu uno dei principali “funzionari incaricati” nel nuovo colpo guidato dalla CIA contro l’uomo che 25 anni prima proprio le loro trame nascoste avevano messo al potere.


Il loro piano si basava su un dettagliato studio del fenomeno del fondamentalismo islamico, così come era stato presentato dall’esperto inglese dell’Islam Dott. Bernard Lewis, allora assegnatario di un incarico all’Università di Princeton, negli Stati Uniti. Il progetto di Lewis, reso noto durante l’incontro del Bilderberg Group nel maggio del 1979 in Austria, appoggiava il movimento radicale Fratellanza Mussulmana alle spalle di Khomeini, con l’intento di promuovere la balcanizzazione dell’intero Vicino Oriente mussulmano lungo linee tribali e religiose. Lewis sosteneva che l’Occidente dovesse incoraggiare gruppi indipendenti come i Curdi, gli Armeni, i Maroniti libanesi, i Copti etiopi, i Turchi dell’Azerbaijan, eccetera eccetera. Il disordine sarebbe sfociato in quello che egli definiva un “Arco di Crisi”, che si sarebbe diffuso nelle regioni mussulmane dell’Unione Sovietica.

Il colpo contro lo Scià, come quello del 1953 contro Mossadegh, fu pilotato dai servizi segreti inglesi e americani, con il pomposo Brzezinski che si prese il merito pubblico per la liberazione dallo Scià “corrotto”, mentre gli inglesi, tipicamente, rimasero al sicuro in posizione defilata.

Durante il 1978 erano in corso negoziati tra il governo dello Scià e la società British Petroleum per il rinnovo dell’accordo stipulato 25 anni prima sull’estrazione del petrolio. Nell’ottobre dello stesso anno le trattative furono mandate a monte per un’ “offerta” degli inglesi, che chiedevano diritti esclusivi sulle future esportazioni del petrolio iraniano rifiutandosi di garantirne l’acquisto. La dipendenza dell‘esportazione controllata dagli inglesi pareva giunta al termine, e l’Iran sembrava vicino all’indipendenza nella sua politica di vendita del petrolio per la prima volta dal 1953, con impazienti potenziali compratori in Germania, Francia, Giappone e altri paesi. In un editoriale di quel settembre, la testata iraniana Kayhan international scrisse:

Guardando al passato, la società venticinquennale con il consorzio [British Petroleum], e il rapporto cinquantennale con la British Petroleum che l’ ha preceduta, non sono stati soddisfacenti per l’Iran…D’ora in avanti, la NIOC [National Iranian Oil Company, Compagnia Petrolifera Nazionale Iraniana] dovrebbe fare in modo di gestire tutte le operazioni per conto proprio. (1)

Londra stava ricattando il governo dello Scià, e lo sottoponeva ad enormi pressioni economiche rifiutandosi di acquistare tutta la produzione petrolifera iraniana, comprando cioè soltanto circa 3 milioni di barili al giorno invece degli almeno cinque milioni di barili pattuiti. La cosa inflisse all’Iran drastiche ripercussioni sugli introiti, che favorirono un contesto in cui il malcontento religioso contro lo Scià poté essere ravvivato da agitatori appositamente addestrati, schierati dai servizi segreti inglesi e statunitensi. Inoltre, in questo frangente critico, ci furono scioperi tra i lavoratori del petrolio che ne paralizzarono la produzione.

Mentre i problemi economici interni dell’Iran crescevano, i consiglieri americani per la “sicurezza” della Savak, la polizia segreta dello Scià, attuarono in modo calcolato una politica di repressione ancora più brutale, per aumentare al massimo l’antipatia popolare verso lo Scià. Nello stesso momento il governo Carter cominciò cinicamente a protestare contro gli abusi dei “diritti umani” sotto lo Scià.

La British Petroleum, stando a quello che si dice, cominciò ad organizzare fughe di capitali fuori dall’Iran, per mezzo della sua considerevole influenza sul mondo finanziario e bancario iraniano. Le trasmissioni in lingua persiana della BBC, con dozzine di corrispondenti madrelingua inviati fin nel più piccolo villaggio, sollecitarono l’isteria collettiva contro lo Scià. Durante questo periodo La BBC diede all’Ayatollah Khomeini pieno appoggio propagandistico all’interno del paese. Questa organizzazione di emittenti radiotelevisive, di proprietà del governo inglese, si rifiutò di dare al governo dello Scià la stessa possibilità per poter ribattere. Ripetuti appelli personali dello Scià alla BBC non diedero alcun risultato. I servizi segreti anglo-americani si impegnarono in modo esplicito per rovesciare il suo governo. Lo Scià fuggì in Gennaio, e già dal febbraio del ’79 Khomeini era volato a Teheran per proclamare l’instaurazione del suo regime teocratico e repressivo in sostituzione del governo precedente.

Riflettendo sulla sua caduta qualche mese dopo, poco prima della sua morte, lo Scià in esilio osservò:

Allora non lo sapevo –o forse non volevo saperlo- ma ora mi è chiaro che gli Americani volevano estromettermi. E’ chiaramente questo ciò che i sostenitori dei diritti umani del Dipartimento di Stato volevano…che idea dovevo farmi sulla decisione improvvisa del Governo di chiamare l’ex sotto segretario di Stato George Ball alla Casa Bianca come consigliere sull’Iran?... Ball era tra quegli americani che volevano abbandonare me e, alla fine, il mio paese.

Con la caduta dello Scià e l’ascesa al potere dei seguaci fanatici di Khomeini in Iran si scatenò il caos. Al maggio del 1979, il nuovo governo Khomeini aveva stabilito i piani di sviluppo per l’energia nucleare del paese, e annunciato la cancellazione dell’intero programma per la costruzione del reattore nucleare francese e tedesco.

Le esportazioni di petrolio dell’Iran, circa 3 milioni di barili giornalieri, furono repentinamente bloccate. Stranamente, anche la produzione dell’Arabia Saudita in quei giorni critici del gennaio 1979 fu ridotta a circa 2 milioni di barili al giorno. In aggiunta alle pressioni sull’approvvigionamento mondiale, la British Petroleum proclamò lo stato di necessità e cancellò i contratti principali di fornitura del petrolio. Di conseguenza, all’inizio del 1979, i prezzi nel mercato di Rotterdam salirono alle stelle, fortemente influenzati dalla British Petroleum e dalla Royal Dutch Shell, le maggiori compagnie commercianti in petrolio. Il secondo “shock” petrolifero degli anni ’70 era in pieno svolgimento.

Gli indizi dicono che gli effettivi ideatori del colpo di stato di Khomeini, a Londra e tra i ranghi più alti delle organizzazioni liberali statunitensi, decisero di tenere il Presidente Carter del tutto all’oscuro di questa politica e dei suoi scopi ultimi. La crisi energetica che in seguito colpì gli Stati Uniti fu uno dei principali fattori che determinò la sconfitta di Carter un anno dopo.

Non ci fu mai una reale diminuzione nell’approvvigionamento mondiale di petrolio. Le effettive capacità produttive dell’Arabia Saudita e del Kuwait avrebbero potuto fronteggiare in qualunque momento la temporanea caduta di produzione di 5-6 milioni di barili giornalieri, come confermò mesi dopo un’inchiesta congressuale statunitense condotta dal General Accounting Office (Ufficio della Contabilità Generale).

Le scorte petrolifere insolitamente basse delle multinazionali petrolifere costituenti le Sette Sorelle contribuirono a generare un’enorme crisi del prezzo del petrolio, con un costo per il greggio che crebbe sul mercato da circa 14 dollari al barile del 1978 alla cifra astronomica di 40 dollari al barile per alcune qualità di greggio.
Lunghe code ai distributori di benzina in tutti gli Stati Uniti contribuirono a creare un generale senso di panico, e il segretario all’energia ed ex direttore della CIA, James R. Schlesinger, non aiutò a calmare le acque quando disse al Congresso e ai media nel febbraio del 1979 che la caduta della produzione del petrolio iraniano era “probabilmente più grave” dell’imbargo petrolifero arabo del 1973. (2)

La politica estera della Commissione Trilaterale del governo Carter fece in modo inoltre che fosse gettato al vento ogni sforzo europeo della Germania e della Francia per sviluppare accordi commerciali e relazioni economiche e diplomatiche con il loro vicino sovietico, sotto la protezione della distensione e dei vari accordi economici sovietico-europei sull’energia.

Il Consigliere per la Sicurezza di Carter, Zbigniew Brzezinski, e il Segretario di Stato, Cyrus Vance, perfezionarono la loro politica dell’ “Arco di Crisi”, diffondendo i disordini della rivoluzione iraniana lungo tutto il perimetro intorno all’Unione Sovietica. Per tutto il perimetro islamico dal Pakistan all’Iran, le iniziative statunitensi provocarono instabilità o qualcosa di peggio”.

Zbigniew Brzezinski, autore della teoria della “Cintura Verde” sotto la presidenza Carter, intendeva abbattere l’URSS circondandola con stati islamici alleati degli Stati Uniti



William Engdahl, Un secolo di guerra: la politica petrolifera anglo-americana e il nuovo ordine mondiale, © 1992, 2004, Pluto Press Ltd, pagine 171-174
William Eghdal

Note:

1) Nel 1978, il quotidiano iraniano Ettelaat pubblicò un articolo in cui si accusava Khomeini di essere un agente segreto britannico. I religiosi organizzarono violente dimostrazioni in risposta, che portarono alla fuga dello Scià qualche mese più tardi. Vedere U.S. Library of Congress Country Studies, Iran. The Coming of the Revolution, December 1987. Il ruolo delle trasmissioni in lingua persiana della BBC nella cacciata dello Scià è spiegato nei dettagli in Hossein Shahidi, “BBC Persian Service 60 years on”, in The Iranian, September 24, 2001.

2) Comptroller General of the United States. 'Iranian Oil Cutoff: Reduced Petroleum Supplies and Inadequate U.S. Government Response.' Report to Congress by General Accounting Office. 1979.

(
http://www.comedonchisciotte.net/modules.php?name=News&file=article&sid=108)

dimanche, 28 juin 2009

Quand les Celtes mesuraient le temps

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

Quand les Celtes mesuraient le temps

 

Le calendrier celtique remonte à des époques extrêmement éloignées. Il était transmis de bouche à oreille.

 

Les Druides furent les gardiens jaloux du calcul traditionnel des jours, des mois, des années et de l'évolution des saisons.

 

De la façon dont les Celtes subdivisaient l'année et les saisons, il ne nous reste plus que de rares indications, souvent peu objectives, qui nous viennent d'auteurs latins comme César ou Pline. Mais nous disposons aussi de quelques témoignages directs, très intéressants. Beaucoup d'encre a coulé après la découverte de fragments de calendriers gallo-romains en 1807 près du lac d'Antre, dans le Jura français et, en 1897, à Coligny, dans l'Ain. L'étude approfondie de ces restes nous révèle que le calendrier celtique remonte, pour ce qui est de son élaboration, à des époques extrêmement éloignées et, pendant des siècles, il a été transmis de génération en génération, exclusivement sous forme orale. C'est ainsi que le calcul des jours, des mois et des années, la cadence des fêtes au cours de l'année et le cycle des saisons, constituent une partie importante du vaste patrimoine des traditions celtiques, jalousement gardé par les Druides, ces prêtres qui étaient en quelque sorte les dépositaires de la sagesse dans le monde celtique. Les Druides étaient les seuls à connaître les vertus des plantes, à utiliser l'alphabet, à maîtriser les forces de la nature et à prévoir le cours d'événements et phénomènes naturels.

 

La doctrine numérique de Pythagore

 

D'après d'anciennes sources, les Druides étaient aussi des philosophes et ils connaissaient la doctrine numérique de Pythagore: c'est la preuve qu'ils possédaient un niveau de culture raffiné et qu'ils savaient accepter les apports culturels d'autres civilisations sans dénaturer la leur. Il semblerait que ce soient bien les Druides qui aient inventé le calendrier des Celtes et gardé ses secrets pendant des siècles. Selon les chercheurs, il est possible de distinguer deux phases d'élaboration du calendrier celtique: une très ancienne phase, puis une autre, plus récente et plus complexe, laissant transparaître l'influence d'autres civilisations, surtout latine et grecque. La phase la plus ancienne de l'élaboration de ce calendrier est aussi la moins connue.

 

Grâce à des études très poussées en archéo-astronomie, il a été possible de faire remonter ses origines à l'Age du Bronze. Ce genre de calendrier était établi d'après le lever du soleil, sur cette base, les dates les plus importantes de l'année étaient les solstices et les équinoxes. Ce fait a amené certains chercheurs à en conclure que déjà à l'Age du Bronze l'année était divisée d'après le nombre de jours pendant lesquels le soleil se trouvait en déclinaison +16° ou -16°. Puisque cela se vérifie aux alentours du 2 février (-16°), du 5 mai (+16°), du 6 août (+16°) et du 2 novembre (-16°) ces quatre jours devinrent les points de repère de l'année et on leur associait les fêtes principales qui marquaient ainsi les changements des saisons. Les fêtes, liées à des cultes et à des rites ancestraux avec la Terre et les éléments naturels, furent plus tard christianisées par l'Eglise Catholique qui entendait ainsi déraciner à tout prix le paganisme et l'héritage du monde celtique. Elles furent modifiées dans leur nom et leur signification, mais malgré ces changements, elles sont encore aujourd'hui bien vivantes, témoignage d'un lien plus étroit que jamais, et tout à redécouvrir, entre notre culture et celle de nos ancêtres celtiques.

 

Imbolc et Beltaine, Lughnasad et Samain

 

La fête de Imbolc était célébrée le 2 février ; celle dédiée au dieu de la lumière se tenait le 5 mai. Le 2 février on célébrait la fête de Imbolc, fête qui a survécu jusqu'à nos jours et qui est plus connue sous le nom de "Chandeleur". Quant à la fête de Beltaine, elle était célébrée le 5 mai et était dédiée à Bel, le dieu celtique de la lumière. Parfois elle était aussi appelée Cetsamain, qui signifie "début de la chasse". Comme cette date désignait l'apogée du printemps, c'était la fête de la liesse et de la musique : les jeunes dansaient et chantaient autour de l'arbre sacré en tapissant le sol de fleurs pendant que dans les champs on allumait des feux. Plus tard la date du 5 mai fut déplacée au 1 mai ; en Italie, elle est toujours célébrée sous le nom de Calendimaggio (Calendes de mai).

 

Le 6 août c'était la fête de Lammas, appelée aussi Lughmasa ou Lugnasad dans la tradition britannique; en Italie, cette fête correspond au 15 août et est connue sous le nom de Ferragosto. Enfin, Samain, qui inaugurait le long hiver celtique. Elle tombait le 2 novembre, était dédiée au culte du feu et entretenait des liens très étroits avec le culte des morts. Peut-être l'Eglise catholique choisit-elle le 2 novembre pour la commémoration des morts justement à cause de cette tradition ancestrale, dans le but évident d'éteindre tout souvenir du paganisme, en lui procurant une nouvelle signification, toute chrétienne.

 

Le Calendrier de Coligny

 

Les meilleures informations directes sur le calendrier celtique sont connues grâce à une table en bronze découverte à Coligny et qui date de la fin du IIième siècle après Jésus-Christ. La table, dont ne subsistent aujourd'hui que des fragments, fut gravée par les Druides pour préserver leurs connaissances astronomiques et leurs traditions du danger que la conquête romaine de la Gaule représentait, en quelque sorte pour que ces connaissances ne soient pas perdues à jamais. Ce calendrier témoigne d'une connaissance avancée des normes qui régissent les mouvements des astres et prouve que les Celtes, contrairement à ce qu'affirment péremptoirement les panégyristes de la culture latine, maîtrisaient des notions astronomiques et mathématiques fort avancées.

 

Le calendrier de Coligny est un calendrier lunaire qui s'étale sur une période de 5 ans, totalisant 62 mois; 5 mois comptaient 29 jours et 7 mois en comptaient 30, pour un total de 355 jours. La non correspondance avec l'année normale de 365 jours était corrigée en insérant, au long du cycle de 5 ans, deux fois un mois supplémentaire de 30 jours: une fois au début de la première année et une deuxième fois au milieu de la troisième année. Dans le calendrier de Coligny les 62 mois du cycle sont disposés en 16 colonnes comprenant chacune trois ou quatre mois. Les mois sont numérotés de 1 à 12, pendant que les jours de chaque mois sont subdivisés en quinzaines et précédés par des abrégés qui en indiquent la nature: D (jour), MB (bonne journée), AMB (mauvaise journée). Devant chaque jour il y avait un trou dans lequel on plantait un petit bout de bois pour signaler le jour en cours. Au début du mois apparaissait le nom du mois suivi par le terme MAT(U), complet, pour les mois de 30 jours, ou le terme ANM(ATU), incomplet, pour les autres mois.

 

Les prêtres connaissaient la doctrine numérique de Pythagore. Une journée était calculée, comme le font encore aujourd'hui les Juifs et les Musulmans, de coucher de soleil à coucher de soleil. Le mois débutait à la pleine lune. Les noms des mois et leur position reflètent le lien profond des Celtes avec la Terre et les saisons agricoles. L'année commençait au mois de Samonios (chute des semis qui correspondait à octobre/novembre), c'est-à-dire quand, à l'arrivée de l'automne, les noix et leurs coquilles tombent des arbres.

 

Le cycle celtique des mois

 

Suivaient, dans l'ordre: Dumannios (les plus sombres profondeurs, novembre/décembre), Riuros (temps froid, décembre/janvier), Anagantinos (temps de rester à la maison, littéralement: incapable de sortir, janvier/février), Ogronios (temps de la glace, février/mars), Cutios (temps des vents, mars/avril). A la fin du premier semestre, tous les 5 semestres, on intercalait un mois supplémentaire appelé Mid Samonios. Avec Giamonios (exposition des bourgeons, avril/ mai) commençait le deuxième semestre suivi par Simivisonios (temps de la lumière, mai/juin, quand le soleil est à son zénith), Equos (temps des chevaux, juin/juillet, idéal pour les voyages), Elembivos (temps des réclamations, juillet/août quand, à l'occasion des foires, on fêtait les mariages et on présentait les cas à débattre devant les juges), Edrinios (temps d'arbitrages, août/septembre, quand on tranchait les litiges) et Cantlos (temps des chants, septembre/octobre, quand les poètes s'installaient dans les villages pour y passer l'hiver).

 

Outre les tables de Coligny et du Lac d'Antre, il y a plus de trente ans, en 1967, ont été retrouvés d'autres fragments d'un calendrier celtique dans le sanctuaire de Villards d'Héria. Tout ce matériel constitue la preuve irréfutable de l'importance que les Celtes attachaient à la subdivision de l'année et à leur rapport, franc et direct, avec les saisons et les éléments de la nature dont dépendait la vie de leur civilisation. Les fêtes que nous célébrons aujourd'hui, les noms de nos territoires et de nos villes et la langue que nous parlons révèlent des matrices celtiques certaines. Et malgré les millénaires d'histoire et les différentes dominations, chacune apportant sa propre culture, notre lien avec la civilisation celtique reste extrêmement vivant et irréfutable. Aujourd'hui plus que jamais.

 

Elena PERCIVALDI.

(article issu de La Padania, Milan; trad. Franç.: LD)

 

samedi, 27 juin 2009

Petite bibliographie sur la Révolution Conservatrice allemande

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Petite bibliographie sur la Révolution conservatrice allemande

GENERALITES

-Armin MOHLER : La Révolution Conservatrice allemande (1918-1932), Pardès, Puiseaux, 1993 (Première édition 1950).

-Dominique VENNER : Histoire d’un fascisme allemand, les corps-francs du Baltikum et la Révolution Conservatrice, Pygmalion/Gerard Watelet,Paris, 1996.

-Stefan BREUER : Anatomie de la Révolution conservatrice, Editions de la Maison des Sciences de l’Homme, Paris, 1996.

-Louis DUPEUX : Aspects du fondamentalisme national en Allemagne de 1890 à 1945 et essais complémentaires, Presses Universitaires de Strasbourg, 2001.

-Louis DUPEUX (sous la direction de) : La « Révolution Conservatrice » dans l’Allemagne de Weimar, Editions Kime, Paris, 1992.

-Barbara KOEHN (sous la direction de) : La Révolution conservatrice et ses élites intellectuelles, Presse Universitaires de Rennes, 2003.

-Paul LACOSTE : La Révolution Conservatrice allemande (1918-1932), Imperium, Epinay sur Orge, 1997.

-Edmond VERMEIL : Doctrinaires de la Révolution allemande 1918-1938, Nouvelles Editions Latines, Paris, 1948.

-Robert STEUCKERS (éditeur) : in Vouloir n°8 nouvelle série, Révolution Conservatrice, automne 1996.

-Robert STEUCKERS : La « Révolution Conservatrice » en Allemagne, 1918-1932 in Vouloir ancienne série n°59/60, novembre-décembre 1989, p : 11-16.

-Luc PAUWELS : Armin MOHLER et la « Révolution Conservatrice » in Vouloir ancienne série n°63/64, Printemps 1990, p : 13-19.

-Alain de BENOIST (entretien avec) : in Eléments n°70, printemps 1991, p : 24-37.

-Giorgio LOCCHI : Die Konservative Revolution in Deutschland 1918-1932 in Nouvelle Ecole n°23, automne 1973, p : 94-107.

-Erwin BUCHEL : Armin MOHLER, l’historien de la « Révolution Conservatrice » in Nouvelle Revue d’histoire n°8, septembre-octobre 2003, p : 22-23.

LES JEUNES CONSERVATEURS

-Oswald SPENGLER : Le déclin de l’Occident, 2 volumes, Gallimard, Paris, 1948.

-Oswald SPENGLER : Prussianisme et socialisme, Actes Sud/ Hubert Nyssen, Arles, 1986.

-Oswald SPENGLER : L’homme et la technique, Idées, Gallimard, Paris, 1969.

-Oswald SPENGLER : Années décisives, Copernic, Paris, 1980.

-Oswald SPENGLER : Écrits et pensées, Copernic, Paris, 1980.

-Robert STEUCKERS (éditeur) : Dossier Spengler in Orientations n°1, janvier 1982, p : 14-25.

-Thomas MANN : Considérations d’un apolitique, Grasset, Paris, 1975 (réédition 2002).

-Denis MAGNE : Thomas MANN ou la domination des contraires in Nouvelle Ecole n°41, Automne 1984, p : 11-44.

-Laurent SCHANG : La jeunesse « apolitique » de Thomas Mann in Nouvelles de Synergies Européennes n°33, mars-avril 1998, p : 21-22.

-Carl SCHMITT : La notion de politique/ théorie du partisan, Champs/Flammarion, Paris, 1992.

-Carl SCHMITT : Terre et mer. Un point de vue sur l’histoire mondiale, Labyrinthe, Paris, 1985.

-Carl SCHMITT : Du politique, « légalité et légitimité » et autres essais, Pardès, Puiseaux, 1990.

-Carl SCHMITT : Machiavel-Clausewitz, droit et politique face aux défis de l’histoire, Krisis, Paris, 2007.

-Carl SCHMITT : La dictature, Seuil, Paris, 2000.

-Carl SCHMITT : Théologie politique, Gallimard, Paris, 1988.

-Alain de BENOIST : Carl Schmitt actuel-« Guerre juste, terrorisme, état de guerre, Nomos de la terre », Krisis, Paris, 2007.

-Arthur MOELLER VAN DEN BRUCK : Le troisième Reich, Fernand Sorlot, Paris, 1981.

Arthur MOELLER VAN DEN BRUCK : La révolution des peuples jeunes, Pardès, Puiseaux, 1993.

-Alain DE BENOIST : Arthur MOELLER VAN DEN BRUCK, une « question à la destinée allemande » in Nouvelle Ecole n°35, Hiver 1979-1980, p : 40-73.

-Giselher WIRSING : L’âge d’Icare, de la loi et des frontières de notre temps, PanEuropa, Paris, 2003 (édition originale 1944).

LES NATIONAUX-REVOLUTIONNAIRES/NEO-NATIONALISTES

-Ernst JUNGER : Orages d’acier, Livre de poche, Paris, 1989.

-Ernst JUNGER : Le boqueteau 125, Christian Bourgois (nouvelle traduction), Paris, 1995

-Ernst JUNGER : La guerre comme expérience intérieure, Christian Bourgois, Paris, 1997 (nouvelle traduction de La guerre, notre mère).

-Ernst JUNGER : Feu et sang, Christian Bourgois, Paris, 1998.

-Ernst JUNGER : Lieutenant Sturm, Viviane Hamy, Paris, 1991.

-Ernst JUNGER : Le travailleur, Christian Bourgois, Paris, 1989.

-Ernst JUNGER : Sur les falaises de marbre, Gallimard, Paris, 1979.

-Alain de BENOIST : La figure du travailleur entre dieux et titans in Nouvelle Ecole, n°40, automne 1983, p :11-61.

-Alain de BENOIST (Editeur) : in Nouvelle Ecole, n°48, année 1996, Ernst JUNGER.

-Robert STEUCKERS (Editeur) : in Vouloir n°4 nouvelle série, printemps 1995, Ernst JUNGER 100 ans.

Robert STEUCKERS (Editeur) : in Nouvelles de Synergies Européennes, Hommage à Ernst JUNGER, n°33, mars-avril 1998, p : 2-10

-Isabelle GRAZIOLI-ROZET : JUNGER, Qui suis-je ?, Pardès, Grez-Sur-Loing, 2007.

-Isabelle GRAZIOLI-ROZET : Hommage à Ernst JUNGER in Eléments n°92, Juillet 1998, p : 4-8.

-Philippe BARTHELET (Sous la direction de) : Ernst JUNGER, Les Dossiers H, L’Âge d’Homme, Paris/ Lausanne, 2000.

-Ernst VON SALOMON : Les cadets, UGE/10-18, Paris, 1986.

-Ernst VON SALOMON : Les réprouvés, Christian Bartillat, Paris, 2007.

-Ernst VON SALOMON : Histoire proche, essai sur l’esprit corps-franc, Porte Glaive, Paris, 1987.

-Ernst VON SALOMON : Le questionnaire, Gallimard, Paris, 1982.

-Ernst NIEKISCH : « Hitler, une fatalité allemande » et autres écrits nationaux-bolcheviks, Pardès, Puiseaux, 1991.

-Thierry MUDRY : L’itinéraire d’Ernst NIEKISCH in Orientations n°7, septembre-octobre 1986, p : 34-37.

-Paul BAHN : L’itinéraire de Friedrich HIELSCHER, 1902-1990 in Nouvelle Ecole n°53-54 (Le Fascisme), année 2003, p : 170-182.

-Robert STEUCKERS : Friedrich-Georg JUNGER (1898-1977), la perfection de la technique, Synergies Européennes, Bruxelles, 1996.

-Robert STEUCKERS : L’itinéraire philosophique et poétique de Friedrich-Georg JUNGER in Vouloir n° 45/46 ancienne série, janvier-mars 1988, p : 10-12.

LES VOLKISCHEN/ FOLCISTES

-Ludwig FERDINAND CLAUSS : L’âme des races, L’homme Libre, Paris, 2001.

-Ludwig FERDINAND CLAUSS : David et Goliath in Etudes et Recherches nouvelle série, n°2, quatrième trimestre 1983, p :17-23.

-Hans F. K. GUNTHER : Platon, eugéniste et vitaliste, Pardès, Puiseaux, 1987.

-Hans F. K. GUNTHER Religiosité indo-européenne, Pardès, Puiseaux, 1987.

-Hans F. K. GUNTHER Mon témoignage sur Adolf Hitler, Pardès, Puiseaux, 1990.

-Hans F. K. GUNTHER Les peuples de l’Europe, Editions du Lore, 2006.

-Hans F. K. GUNTHER La race nordique chez les Indo-Européens d’Asie, L’Homme Libre, Paris, 2006.

-Otto RAHN : La cour de Lucifer, Pardès, Puiseaux, 1994.

-Robert STEUCKERS : L’œuvre de Hermann Wirth (1885-1981) in Vouloir n°101/102/103/104 ancienne série, avril-juin 1993, p : 53-55.

-Nicholas GOODRICK-CLARKE : Les racines occultistes du nazisme. Les Aryosophistes en Autriche et en Allemagne, 1890-1935, Pardès, Puiseaux, 1989.

LES BUNDISCHEN

-Karl HOFFKES : Wandervogel révolte contre l’esprit bourgeois, ACE, Saint-Etienne, 2001 (nouvelle édition augmentée).

-Alain THIEME : La jeunesse « Bundisch » en Allemagne au travers de Die Kommenden (janvier 1930-juillet 1931), ACE, Saint-Etienne, 2003.

-Walter FLEX : Le pèlerin entre deux mondes, Porte Glaive, Paris, 1996.

-Hans BLUHER : Wandervogel, histoire d’un mouvement de jeunesse, tome 1, Les Dioscures, Paris, 1994.

-Luc SAINT-ETIENNE : La sexologie politique de Hans BLUHER, GRECE, Paris, 1994.

LE LANDVOLKBEWEGUNG/ MOUVEMENT PAYSAN

-Ernst VON SALOMON : La ville, Gallimard, Paris, 1986.

-Michelle LE BARS : Le mouvement paysan dans le Schleswig Holstein 1928-1932, Peter Lang, Berne, 1986.

DIVERS

-Robert STEUCKERS : Conception de l’homme et Révolution Conservatrice, Heidegger et son temps in Nouvelle Ecole n°37, Printemps 1982, p : 55-75.

-Robert STEUCKERS : Le mouvement métapolitique d’Engelbert PERNERSTORFER à Vienne à la fin du XIXème siècle, précurseur de la « Révolution Conservatrice » in Nouvelles de Synergies Européennes n°55/56, avril-juillet 2002, p : 21-35.

-Stefan GEORGE : Dichtungen/Poèmes, édition bilingue, Aubier/Flammarion, Paris, 1969.

-Stefan GEORGE : L’étoile de l’alliance, Editions de la Différence, Paris, 2005.

-Jean-François THULL : Claus SCHENK Graf von Stauffenberg, un aristocrate dans la tourmente in Le Baucent, n° 19, mai-juin 2000, p : 25-30.

-Henri COURIVAUD : L’Allemagne secrète de Claus von Stauffenberg in Revue Catholica n°97, Automne 2007, p : 111-126.

-H.T. HANSEN : Julius EVOLA et la « Révolution Conservatrice » allemande, association les Deux Etendarts, Montreuil-sous-Bois, 2002.

-Werner SOMBART : Le bourgeois, Petite Bibliothèque Payot, Paris, 1966.

-Werner SOMBART : Le socialisme allemand, Pardès, Puiseaux, 1990.

-Alain de BENOIST : Le paradigme de la culture humaine in Les idées à l’endroit, Editions Libres/Hallier, Paris, 1979, p : 215-249.

-Ferdinand TONNIES : Communauté et société, Retz, Paris, 1977.

-Armin MOHLER : Le « style » fasciste in Nouvelle Ecole n° 42, Eté 1985, p : 59-86.

-Martin KIESSIG : Ludwig KLAGES et son temps in Vouloir ancienne série n°59/60, novembre-décembre 1989, p : 17-19.

-Thierry MUDRY : Le « socialisme allemand », analyse du télescopage entre nationalisme et socialisme de 1900 à 1933 en Allemagne in Orientations n°7, septembre-octobre 1986, p : 21-30.

-Thierry MUDRY : La figure du partisan, approche historique in Le Partisan Européen, n°7-8, Vendémiaire-Brumaire 1986, p :10-22.

-Thierry MUDRY : Le « socialisme allemand » de Werner Sombart in Orientations n°12, été 1990-hiver 1990-91, p : 22-27.

-Julien Freund : La décadence, Sirey, Paris, 1984.

Bibliographie réalisée par Pascal Lassalle Pour Novopress France

vendredi, 26 juin 2009

Pour une typologie opératoire des nationalismes

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Archives de Synergies Européennes - 1990

 

Pour une typologie opératoire des nationalismes

 

par Robert STEUCKERS

 

Le mot «nationalisme» recouvre plu­sieurs acceptions. Dans ce vocable, les langages politique et politologique ont fourré une pluralité de contenus. Par ailleurs, le nationalisme, quand il agit dans l'arène politique, peut promouvoir des valeurs très différentes selon les cir­constances. Par exemple, le nationa­lis­me peut être un programme de libéra­tion nationale et sociale. Il se situe alors à «gauche» de l'échiquier poli­tique, si toutefois on accepte cette dicho­tomie con­ventionnelle, et désormais dé­passée, qui, dans le langage politique, distingue fort abruptement entre une «droite» et une «gauche». Les gauches convention­nelles, en général, avaient accepté com­me «progressistes», il y a une ou deux dé­cennies, les nationa­lismes de libéra­tion vietnamien, algé­rien ou nicara­guéen car ils se dres­saient contre une forme d'oppression à la fois colonialiste et capitaliste. Mais le nationalisme n'est pas toujours de libé­ration: il peut éga­lement servir à asseoir un programme de soumission, d'impérialisme. Un cer­tain nationa­lisme français, dans les an­nées 50 et 60, voulait ainsi oblitérer les nationalismes vietnamien et algérien de valeurs jaco­bines, décrétées quintessen­ce du «nationalisme français» même dans les rangs des droites, pourtant tra­ditionnel­lement hostiles à la veine idéo­logique ja­cobine. Nous constatons donc, au regard de ces exemples historiques récents, que nous nageons en pleine con­fusion, à moins que nous ayons af­faire à une coïncidentia oppositorum...

 

Pour clarifier le débat, il importe de se poser une première question: depuis quand peut-on parler de «nationa­lis­me»? Les historiens ne sont pas d'accord entre eux pour dire à quelle époque, les hommes se sont vraiment mis à parler de nationalisme et à rai­sonner en ter­mes de nationalisme. Avant le XVIIIiè­me siècle, on peut re­pérer le messia­nisme national des Juifs, la notion d'ap­partenance culturelle commune chez les Grecs de l'Antiquité, la notion d'im­pe­rium chez les Romains. Au Moyen Age, les nations connaissent leurs différences mais les assument dans l'œkumène chrétien, qui reste, en ultime instance, le seul véritable réfé­rent. A la Renais­san­ce, en Italie, en France et en Alle­magne, la notion de «nation», comme ré­férent politique im­portant, est réservée à quelques huma­nistes comme Ma­chia­vel ou Ulrich von Hutten. En Bohème, la tragique aven­ture hussite du XVième siè­cle a marqué la mémoire tchèque, con­tribuant forte­ment à l'éclosion d'un par­ticularisme très typé. Au XVIIième siècle, l'Angleterre connaît une forme de na­tionalisme en instaurant son Egli­se na­tionale, indépendante de Rome, mais celle-ci est défiée par les non-con­for­mistes religieux qui se réclament de la lettre de la Bible.

 

Avec la Révolution Française, le senti­ment national s'émancipe de toutes les formes religieuses traditionnelles. Il se laïcise, se mue en un nationalisme pu­rement séculier, en un instrument pour la mobilisation des masses, appelées pour la première fois aux armées dans l'histoire européenne. Le nationalisme moderne survient donc quand s'effondre l'universalisme chrétien. Il est donc un ersatz de religion, basé sur des éléments épars de l'idéologie des Lumières. Il naît en tant qu'idéologie du tiers-état, aupa­ravant exclus du pouvoir. Celui-ci, à cause précisément de cette exclusion, en vient à s'identifier à LA Nation, l'aristo­cratie et le clergé étant jugés comme des corps étrangers de souche franque-ger­manique et non gallo-ro­mane (cf. Sié­yès). Ce tiers-état bourgeois accède seul aux affaires, barrant en même temps la route du pouvoir au qua­trième état qu'est de fait la paysan­nerie, et au quint-état que sont les ou­vriers des manu­factures, encore très minoritaires à l'é­poque (1). Le nationa­lisme moderne, il­lu­ministe, de facture jacobine, est donc l'idéologie d'une par­tie du peuple seu­lement, en l'occurrence la bourgeoisie qui s'est émancipée en instrumen­ta­li­sant, en France, l'appareil critique que sont les Lumières ou les modes angli­cisantes du XVIIIième siècle. Après la parenthèse révolutionnaire effervescen­te, cette bourgeoisie se militarise sous Bo­naparte et impose à une bonne partie de l'Europe son code juridique. La Res­tau­ration d'après Waterloo conserve cet appareil juridique et n'ouvre pas le che­min du pouvoir, ne fût-ce qu'à l'échelon com­munal/municipal, aux éléments a­van­­cés des quart-état et quint-état (celui en croissance rapide), créant ainsi les con­ditions de la guerre sociale. En Al­le­magne, les observateurs, d'abord en­thou­siastes, de la Révolution, ont bien vi­te vu que les acteurs français, surtout parisiens à la suite de l'élimination de toutes les factions fédéralistes (Lyon, Mar­seille), ne cherchaient qu'à hisser au pouvoir une petite «élite» clubiste, cou­pée du gros de la population. Ces ob­servateurs développeront, à la suite de cette observation, un «nationalisme» au-delà de la bourgeoisie, capable d'orga­ni­ser les éléments du tiers-état non encore politisés, c'est-à-dire les pay­sans et les ou­vriers (que l'on pourrait appeler quart-état ou quint-état). Ernst-Moritz Arndt prend pour modèles les consti­tutions suédoises des XVIIième et XVIIIiè­me siècles, où le paysannat, fait unique en Europe, était représenté au Parlement en tant que «quart-état», aux côtés de la noblesse, du clergé et de la bourgeoisie marchande et industrielle (2). Le Baron von Stein, juriste inspiré par la praxis prussienne de l'époque fré­­déricienne, par les théories de Herder et de Justus Möser, par les leçons de l'è­re révolutionnaire et bonapartiste, éla­bo­re une nouvelle politique agraire, pré­voyant l'émancipation paysanne en Prus­se, projette de réorganiser la bu­reaucratie d'Etat et d'instaurer l'auto­no­mie administrative à tous les niveaux, depuis la commune jusqu'aux instances suprêmes du Reich. Les desiderata d'Arndt et du Baron von Stein ne seront pas traduits dans la réalité, à cause de la «trahison des princes allemands», de l'«obstination têtue des principules et du­caillons», préférant l'expédiant d'une restauration absolutiste pure et simple.

 

Comment le nationalisme va-t-il évo­luer, à la suite de cette naissance tu­mul­­tueuse dans les soubresauts de la Révolution ou du soulèvement allemand de 1813? Il évoluera dans le plus parfait désordre: la bourgeoisie invoquera le na­­tionalisme dans l'esprit de 1789 ou de la Convention, les socialistes dans la perspective fédéraliste ou dans l'espoir de voir la communauté populaire politi­sée s'étendre à tous les états de la so­ciété, les Burschenschaften  allemandes contre les Princes et l'ordre imposé par Metternich à Vienne en 1815, les narod­niki  russes dans la perspective d'une émancipation paysanne généralisée, etc. Le mot «nationalisme» en vient à dési­gner des contenus très divers, à recou­vrir des acceptions très hétérogènes. En Hongrie, avec Petöfi, le nationalisme est un nationalisme ethnique de libération comme chez Arndt et Jahn. En Pologne, l'ethnisme slavisant se mêle, chez Mi­ckiewicz, d'un messianisme catholique anti-russe et anti-prussien, donc anti-or­­thodoxe et anti-protestant. En Italie, avec Mazzini, il est libéral et illuministe. En Allemagne avec Jahn et au Dane­mark, avec Grundtvig, il est nationa­lis­me de libération, ethniste, ruraliste, ra­cia­lisant et s'oppose au droit romain (non celui de la vieille Rome républi­cai­ne mais celui de la Rome décadente et orientalisée, réinjecté en Europe cen­tra­le entre le XIIIième et le XVIième siè­cles), c'est-à-dire à la généralisation d'un droit où l'individu reçoit préséance, au détriment des communautés ou de la nation.

 

Dans l'Allemagne nationale-libérale de Bismarck, le tiers-état allemand accède au pouvoir tout en concédant une bonne législation sociale au quint-état ouvrier. La France de la IIIième République con­solide le pouvoir bourgeois mis en selle lors de la Convention. Entre 1914 et 1918, le monde assiste à la conflagration généralisée des nationalismes tiers-éta­tistes. En 1919, à Versailles, l'Ouest im­pose le principe de l'auto-détermina­tion dans la Zwischeneuropa, l'Europe sise en­tre l'Allemagne et la Russie. La Fran­­­­ce va ainsi accorder aux Polonais et aux Tchèques ce qu'elle refusera tou­jours aux Bretons, aux Alsaciens, aux Corses et aux Flamands. Mais cette au­to-détermination n'est pas accordée di­rec­tement aux peuples pris dans leur globalité, mais aux militaires polonais ou roumains, aux clubs tchèques (Ma­sa­ryk), etc. Ces strates dirigeantes, ex­ploitant à fond les idéologèmes nationa­listes, ont affaibli leurs peuples en im­po­sant des budgets militaires colossaux, notamment en Pologne et en Roumanie. Dans ce dernier pays, ce n'est pas un ha­­sard non plus si la contestation néo-na­tionaliste, hostile au nationalisme de la monarchie et des militaires, se soit basée sur les idéologies agrariennes (po­po­ranisme) ou les ait faits dévier dans une sorte de millénarisme paysan, com­parable, écrit Nolte (3), aux milléna­ris­mes de la fin du Moyen Age ouest-euro­péen (Légion de l'Archange Michel, Gar­­de de Fer).

 

Devant ce désordre événémentiel, la pen­­sée européenne n'a pas été capable d'énoncer tout de suite une théorie scien­tifique, assortie d'une classification claire des différentes manifestations de l'idéologie nationaliste. Avec un tel dé­sor­dre de faits, une typologie est néces­saire, vu qu'il y a pluralité d'acceptions. Les linéaments de nationalisme se sont de surcroît mêlés à divers résidus, plus ou moins fortement ancrés, d'idéologies non nationales, non limitées à un espace ou à un temps précis. La première clas­sification opératoire n'a finalement été sug­gérée qu'en 1931 par l'Américain Carl­ton J.H. Hayes (4). Celui-ci distin­guait:

1) Un nationalisme humanitaire, fai­sant appel à des valeurs intériorisées et critique vis-à-vis du système en place. L'idéologie humanitaire pouvant repo­ser tantôt sur la morale tantôt sur la cul­­ture;

2) Un nationalisme jacobin, réclamant une adhésion formelle, donc extérieure, et s'instaurant comme système de gou­vernement;

3) Un nationalisme traditionaliste, auto­ritaire et contre-révolutionnaire, explo­rant peu les ressorts de l'intériorité hu­maine, et s'opposant au système en pla­ce au nom d'une tradition, posée comme pure, comme réceptacle exclu­sif de la vérité;

4) Un nationalisme libéral, se réclamant du droit ou des droits, généralement hos­tile au système en place, car celui-ci n'accorde aucun droit à certaines caté­gories de la population ou n'en accorde pas assez au gré des protagonistes du nationalisme;

5) Un nationalisme intégral, opérant une synthèse de différents éléments idéo­logiques pour les fusionner en un na­tionalisme opératoire. Maurras est le théoricien par excellence de ce type de nationalisme de synthèse, hostile, lui aussi, au régime en place.

Le découpage que nous suggère Carlton J.H. Hayes est intéressant mais l'ex­périence historique nous prouve que les nationalismes qui ont fait irruption sur la scène politique européenne ont sou­vent été des mixtes plus complexes, vu les affinités qui pouvait exister entre ces différents nationalismes, comme par exemple entre le nationalisme humani­taire et le nationalisme libéral, entre le libéralisme et le jacobinisme, entre les traditionalistes et les natio­na­listes in­té­graux, etc.

 

Hans Kohn (5), disciple de Meinecke, ré­duira conceptuellement la pluralité des nationalismes à deux types de base: 1) les nationalismes émanant de la Nation-Etat, d'essence subjective et politique, où l'on adhère à une nation comme à un parti. C'est une conception occidentale, d'après Kohn;

2) les nationalismes émanant de la Na­tion-Culture, d'essence objective et cul­turelle, déterminée par une apparte­nan­ce ethnique dont on ne peut se dé­barrasser aisément. C'est une concep­tion orientale, slave et germanique, d'a­près Kohn.

L'Occident, selon sa classification, déve­lopperait donc une idée de la nation comme communauté volontaire, comme un «plébiscite de tous les jours» (Re­nan). Jordis von Lohausen, géopoliti­cien autrichien contemporain, disait dans ce sens que l'on pouvait de­venir français ou américain comme l'on devient musul­man: par simple décision personnelle et par acceptation de valeurs universelles non liées à du réel concret, à un lieu précis et objectif.

L'Est européen développe une approche contraire des faits nationaux. Cette ap­proche, dit Kohn, est déterministe: on ap­partient à une nation comme on ap­partient à une famille, pour le meilleur et pour le pire.

Kohn en déduit que les approches occi­dentales sont libérales, démocratiques, rationnelles et progressistes. Les ap­proches orientales, quant à elles, sont irrationnelles, anti-individualistes, pas­séistes, voire «fascistes» et «racistes».

Cette dichotomie, un peu simple, mérite une critique; en effet, les nationalismes jacobins, occidentaux, de facture libérale et démocratique, se sont montrés agres­sifs dans l'histoire, bellogènes, inca­pables de créer des consensus réels et d'organiser les peuples (de faire des peuples des organismes harmonisés). Quant aux nationalismes dits orientaux, ils reposent sur un humanisme cultu­rel, dérivé de Herder, qu'il serait difficile de qualifier de «fasciste», à moins de condamner comme telle toute investiga­tion d'ordre culturel ou littéraire dans un humus précis. Par ailleurs, l'Irlan­de qui est située à l'Ouest du continent européen, n'est ni slave ni germanique mais celtique, déploye un nationalisme objectif, ethnique, culturel, littéraire qui n'a jamais basculé dans le fascisme. De même pour l'Ecosse, le Pays de Galles, la Flandre, la Catalogne, le Pays Bas­que. La Pologne, située à l'Est, assimile de force les Ruthènes, les Kachoubes, les Lithuaniens, les Ukrai­niens, les Alle­mands et les Tchèques qui tombent sous sa juridiction non pas au nom d'un nationalisme ethnique polo­nais mais au nom d'une idéologie uni­versaliste mes­sia­nisée, le catholicisme. Si bien que tous les Slaves catholiques sont considé­rés comme Po­lo­nais, en dépit de leur na­­tionalité pro­pre. Dans la Russie du XIXième siècle, le natio­na­lisme est un mixte qui n'a rien de la netteté dichoto­mique de Kohn: l'étatisme anti-volonta­riste, mi-occidental mi-orien­tal, se con­jugue au panslavisme culturel, «orien­tal» et non humaniste, et au narodni­kis­me, «oriental» et humaniste.

 

Theodor Schieder (6) critique les classi­fi­­cations de Hayes et de Kohn, parce qu'il les juge trop figées et parce qu'elles ne tiennent pas compte du facteur temps. La formation des nationalismes européens s'est déroulée en plusieurs étapes, dans trois zones différentes. La première étape s'est déroulée en Europe occidentale; la seconde étape, en Europe centrale; la troisième étape, en Europe orientale. En Europe occidentale, c'est-à-dire en France et en Angleterre, le cadre territorial national était déjà là; il n'y a donc pas eu besoin de l'affirmer. Le tiers-état s'émancipe dans ce cadre et conserve les éléments d'universalisme propre au Lumières parce que le ro­man­tisme attentif aux spécificités ethno-culturelles ne s'est pas encore dé­velop­pé. La culture est toujours au stade du subjectif-universaliste et non encore au stade de l'objectif-particulariste. Ce qui explique qu'en Angleterre, le terme «na­tionalisme» sert à désigner des mou­­vements de mécontents sociaux en Irlande, en Ecosse, au Pays de Galles. Cette acception, à l'origine typiquement britannique, du terme nationalisme est passée aux Etats-Unis: on y parle du «nationalisme noir» pour désigner le mé­contentement des descendants des es­claves africains importés en Amé­ri­que, jadis, dans les conditions que l'on sait. Aux Etats-Unis comme en France, le nationalisme ne peut être ni objectif ni linguistique ni ethnique mais doit être subjectif et politique parce ces pays sont pluri-ethniques et, au départ, peu peu­plés, donc contraints de faire appel à l'im­migration. Tout recours à l'objecti­vité ethno-linguistique y briserait la co­hésion artificielle, obtenue à coup de pro­pagande idéologique.

 

En Europe centrale, il a fallu d'abord que les nationalismes créent le cadre territorial sur le modèle des cadres oc­cidentaux. C'est ainsi que l'on a pu ob­server, dans la première moitié du XIXième siècle, les lents processus des unifications allemande et italienne. Il a fallu aussi chasser les puissances tu­tri­ces (la France en Allemagne; l'Autriche en Italie). L'obsession de se débarrasser des armées napoléoniennes et de l'ad­mi­nistration française ainsi que de ses re­liquats juridiques est bien présente dans les écrits des ténors du natio­na­lis­me allemand du début du XIXième: chez Arndt, chez Jahn et chez Kleist. Dans cette première phase, le nationa­lis­me émergeant révèle une xénophobie, qui unit le peuple en vue d'un objectif précis, la libération du territoire natio­nal, et qui, sur le plan théorique, cher­che à démontrer une homogénéité so­ma­tique de tout le corps social et popu­laire. Ensuite, la démarche unificatrice passe par l'élaboration d'un droit al­ternatif, devant nécessairement accor­der un plus en matière de représen­ta­tion que le droit ancien, imposé par une puissance extérieure. D'où, en Alle­ma­gne, la recherche constante d'une al­ter­native au droit romain et la volonté d'un retour au droit coutumier germanique, laissant plus de place aux dimensions communautaires, territoriales ou pro­fes­­sion­nelles (cf. Otto von Gierke), ce qui permet de répondre aux aspirations con­­crètes d'autonomie communale et aux volontés d'organisation syndicale, ex­primées dans la population.

 

En Europe orientale, les processus na­tio­­nalitaires se heurtent à une difficulté de taille: créer un cadre est excessi­ve­ment compliqué, vu la mosaïque ethni­que, à enclaves innombrables, qu'est la partie d'Europe sise entre l'Allemagne et la Russie. Cette difficulté explique la neutralisation de cette zone bigarrée au sein d'empires pluri-nationaux. La rai­son d'être de la monarchie austro-hon­groise était précisément due à l'impos­si­bilité d'un découpage territorial co­hé­rent sur base nationale dans cette ré­gion, ce qui l'aurait affaiblie face à la menace otto­mane. Pendant la guerre 14-18, Alle­mands et Autrichiens renon­cent, sur le plan théorique, à l'idéologie na­tionale, tandis que l'Entente et les Etats-Unis, malgré leurs idéologies do­minantes cos­mopolites, instrumentali­sent, contre la lo­gique fédérative autri­chienne, le fa­meux principe wilsonien de l'«auto-dé­ter­mination nationale» (7). Quand, à Versailles, sous l'impulsion de Wilson et de Clémenceau, on accorde à l'Europe orientale l'auto-détermi­na­tion, on le fait par placage irréfléchi du modèle jacobin, subjectivo-politique, sur la mosaïque ethnique, objectivo-cultu­rel­­le. Le mélange du nationalisme sub­jectif et des faits objectifs d'ordre ethni­que et culturel a provoqué l'explosion d'ir­rédentismes délétères.                     

 

Le nationalisme des «petits peuples» dans les travaux de Miroslav Hroch

 

Miroslav Hroch (8), de nationalité tchè­que, analyse le nationalisme des «petits peu­ples», soit les nationalismes norvé­gien, fin­landais, flamand, baltes et tchè­que. Ces nationalismes, tous culturels à la base, ont également évolué en trois étapes. La pre­mière de ces étapes est la phase intellec­tuelle, «philologique», où des érudits redé­couvrent le Kalevala en Finlande ou ex­hument de vieilles poésies ou épopées ou, encore, créent des romans historiques com­me Conscience en Flan­dre. L'archéologie, la littérature et la lin­guis­tique sont mo­bilisées pour une «pri­se de conscience». Vient ensuite la seconde phase, celle du réveil, où cette nou­velle culture encore marginale passe des érudits aux intellec­tuels et aux étu­diants. Le Tchèque Pa­lac­ky (9) a été, par exemple, l'initiateur d'un tel passage dans la société tchèque du dé­but du XIXième. La troisième phase est celle où le nationalisme, au préalable en­goue­ment d'érudits et d'intellectuels, de­vient «mouvement populaire», atteint les mas­­ses qui passent, ainsi, à une «cons­cience historique». C'est la litté­rature, dans tous ces cas, qui est le moteur d'un mouvement social. Au XIXième, dans le sillage du romantisme, c'est le roman qui a joué le rôle de diffuseur. Aujour­d'hui, ce pourrait être le cinéma ou la ban­de des­sinée.

 

Qui porte cette évolution? Ce n'est pas, comme dans les cas des nationalismes tiers-étatistes, la bourgeoisie industrielle ou marchande. Celle-ci ne montre aucun intérêt pour la philologie, la poésie ou le roman historique. Sur le plan culturel, elle est strictement analphabète (Kultur­anal­­­pha­bet, dirait-on en allemand). Le na­­tio­na­lisme des «petits peuples» émane au con­traire de personnalités cultivées, issues de classes diverses, mais toutes hos­tiles à la caste marchande inculte (les «Philistins», disait l'humaniste anglais Matthew Ar­nold). Schumpeter, en éco­no­­mie, Veblen, en sociologie, ont montré combien puis­san­te était cette hostilité du peuple, des cler­gés et des aristocrates  à l'encontre des ri­ches sans passé, por­teurs de la civilisation capitaliste. Cons­ta­tant que cette haine al­lait croissante, Schumpeter prévoyait la fin du capita­lis­me. Cette haine est donc partagée entre d'une part, les nationa­lis­mes culturels et, d'autres part, les gau­chismes de tou­tes moutures, qui, quand ils conjuguent leurs efforts et abandonnent le faux clivage gauche/droite en induisant un nouveau clivage, cette fois entre cultivés et non-cultivés, font sauter la domination des castes marchandes, spéculatrices et incultes («middelmatiques» disait le so­cia­liste belge Edmond Picard).

 

Des intellectuels

issus des milieux paysans

 

Les intellectuels qui initient ces natio­na­lismes de culture sont souvent issus de mi­lieux populaires paysans, ruraux, ou sont de petits hobereaux cultivés, déposi­taires d'une «longue mémoire». Miros­lav Hroch pose, après ce constat sur l'o­rigine sociale de ce type d'intellectuels, une question cruciale: sont-ils des «mo­der­­nisa­teurs» (progressistes) ou des «tra­­ditiona­listes» (réactionnaires et pas­sa­tistes)? Dans sa réponse, Hroch recon­naît que ces intellectuels sont plutôt des «moderni­sa­teurs», vu qu'ils cherchent à redonner un bel éclat à leur patrie et à souder leur peuple, de façon à ce qu'il échappe au dé­racinement de la révolu­tion industrielle. Les nationalismes de cul­ture sont tous nés dans des régions d'Europe développées, au passé riche. La Flandre a été une zone ur­banisée depuis le Moyen Age. Le Pays Basque est la zone la plus évoluée d'Es­pagne, qui, après une brève éclipse au XIXième siècle sur fond de pronuncia­men­tos castillans, a connu un nouvel essor au XXième. Même chose pour la Catalogne. La Finlande dispose d'une bonne industrie et présente un bon alliage politique fait de ruralité et de mo­dernité. La Norvège a toujours eu d'ex­cel­lents chantiers navals et dispose, au­jour­d'hui, d'une industrie élec­tronique de premier plan, capable de fa­briquer des missiles modernes. La Bo­hè­me-Moravie a été, après l'Allemagne, la principale zo­ne industrielle d'Europe cen­trale et Pra­gue a une université pluri-sé­culaire. Au vu de ces faits, le reproche de pas­séis­me qu'adressait Kohn aux nationa­lismes de culture ne tient pas. Notre con­clusion: le nationalisme est difficile­ment acceptable quand il émane du tiers-état, parce qu'il véhicule alors l'égoïsme de classe et l'impolitisme délétère à long terme du libéralisme; il est acceptable quand il émane d'une sorte de «première fonction» reconstituée dans le fond-de-peuple enraciné et encore doté de sa «longue mémoire». 

 

E.H. Carr et le reflet des périodes de l'histoire européenne dans la définition des nationa­lismes

 

Pour l'historien britannique E.H. Carr, les nationalismes, aux divers moments de leur évolution, sont des reflets de l'i­déo­logie politique et économique domi­nan­te de leur époque. Ainsi, avant 1789, le na­tionalisme  —ou ce qui en tenait lieu avant que le vocable ne se soit imposé dans le vocabulaire politique—  dans les Etats au cadre ter­ritorial formé, comme la France ou l'An­gleterre, est régalien; il est le coro­llaire du pouvoir royal et inclut dans ses corpus doctrinaux l'idéal mé­ca­niciste et abso­lu­tiste en vigueur chez les théoriciens du politique au XVIIIiè­me siècle. De 1789 à 1870, le nationalisme est démocratique; la révolution de 1789 est démocratique et li­bé­rale, bourgeoise et tiers-étatiste. En 1813, en Allemagne, avec Arndt et Jahn, elle s'adresse à l'en­semble du peuple, pay­sannerie compri­se. En 1848, elle est démo­cratique au sens le plus utopique du ter­me, tant à Paris qu'à Francfort. De 1870 à 1939, quand on abandonne petit à petit les principes libé­raux et l'économie du «lais­ser-faire», le nationalisme devient socia­liste car il faut impérativement organiser  l'industrie et les masses ou­vrières, ce que l'utopisme libéral n'avait pas prévu, aveu­glé qu'il était par le mythe de la «main invisible» que Hayek nommera, quelques décennies plus tard, la «catallaxie». Bis­marck ac­cor­de aux ouvriers une protection so­cia­le. Les idéologies planistes (De Man, Fre­yer), le stalinisme, le fascisme (sur-tout dans sa dimension futuriste et in-dustria­liste), le New Deal de Roosevelt et le natio­nal-socialisme hitlérien (avec ses construc­tions d'autoroutes et son Front du Travail) visent à faire accèder leur na­tion à la puis­sance et y parviennent en appliquant de nouvelles méthodes, cha­que fois différen­tes mais radicalement autres que celles appliquées aux époques antérieures. La France et l'Angleterre, vé­hiculant des na­tionalismes anciens, de type régalien, et appliquant en économie les théorèmes du libéralisme, intègrent mal leurs classes ouvrières et ne par­viennent pas à asseoir en elles une lo-yauté optimale.

 

L'Allemagne bismarckienne, en effet, a été un modèle d'intégration social à son époque. Appliquant les théories de l'éco­nomiste List sur les tarifs douaniers pro­tecteurs de toute industrie naissante, le gouvernement impérial impose les Schutz­zölle  en 1879 qui protègent non seu­lement le capital national mais aussi le travail national, ce qui lui vaut la re­con­naissance de la social-démocratie di­rigée à l'époque par Ferdinand Lassalle. Dès que le capital et le travail sont proté­gés, il faut les organiser, c'est-à-dire les rendre ou les re-rendre «organiques». Pour ce faire, il a fallu injecter de la pro­tection sociale et légiférer dans le sens d'une sé­curité sociale. La nation, dans cette opti­que, était le système qui «or­ga­nisait» et oc­troyait de la protection. Na­tion et sys­tème social se voyaient dé­sor­mais con­fondus dans la classe ouvrière: le pa­trio­tisme du «prolétariat» allemand en 1870 et en 1914 venait du simple fait que ces masses ne souhaitaient ni le knout russe archaïsant ni l'arbitraire libéral français ou anglais. En août 1914, les travailleurs al­lemands couraient aux armes pour que Russes et Français ne viennent pas ré­duire à néant la sécurité sociale cons­trui­te depuis Bismarck et non pas pour la gloire du Kaiser ou de la Sainte-Alle­magne des réactionnaires et des roman­ti­ques médiévisants.

 

Pour E.H. Carr, la phase 1 du natio­na­lis­me est régalienne et portée par les cours et l'aristocratie; la phase 2 est poli­ti­que et démocratique; sa classe por­teuse est la bourgeoisie; la phase 3 est éco­no­mique et portée par les masses. Les na­tions à nationalisme de phases 1 et 2 ont opté pour un colonialisme, où les terri­toi­res d'outre-mer devaient servir de dé­bou­chés à l'industrie métropolitaine que, du coup, on ne modernisait plus. Les na­tionalismes de phase 3 préfèrent la «co­lo­nisation intérieure», c'est-à-dire la ren­tabilisation maximale des terres en friches de la métropole, des énergies na­tionales, des ressources du territoire. Cette «colonisation intérieure» a pour corollaire un système d'éducation très so­lide et très complexe. En bout de cour­se, ce sont les nations qui ont renoncé au libéralisme stricto sensu et au colonia­lisme qui sortent victorieuses de la cour­se économique: le Japon et l'Allemagne.

 

Le nationalisme contre les établissements?

 

Donc tout nationalisme efficace doit être une idéologie contestatrice; il doit tou­jours vouloir miner les établissements qui s'endorment sur leurs lauriers ou veulent bétonner des injustices. Il doit vou­­loir l'émancipation des masses et des catégories sociales dont l'établis­se­ment re­fuse l'envol et vouloir aussi leur inté­gration optimale dans un cadre soli­de, épuré de toutes formes de dys­fonc­tion­ne­ments. Il n'y a aucun vrai na­tio-nalisme possible dans une société qui dys­fonc­tion­­ne à cause de sa maladie li­bé­rale. Les discours nationalistes dans les so­ciétés libérales sont des hochets, des jou­joux, de la propagande, de la pou­dre aux yeux. Dans les sociétés pro­té­gées, appli­quant intelligemment et sou­plement les principes du protection­nis­me, qui per­met l'éclosion d'un capi­ta­lis­me national, d'un socialisme natio­nal, d'une péda­go­gie nationale, le nationa­lis­me devient au­to­matiquement l'idéologie de ceux que favorise le protectionnisme, contre le cos­mopolitisme libéral et l'in­ter­­na­­tiona­lisme prolétarien qui sont des fois sans ancrage social réel et con­dui­sent les so­ciétés à la ruine ou à la déli­ques­cence. Au­jourd'hui, comme il n'y a plus de vo­lon­té protectionniste, ni à l'é­chelon étati­que ni à l'échelon continen­tal, il n'y a plus de nationalisme, si ce n'est des con­tre-façons grotesques, à ver­bo­sité mili­ta­riste, qui servent de véhicule à d'autres utopies internationalistes, com­­­me, par exemple, les intégrismes re­­­ligieux ou les stratégies néo-spiri­tua­listes qui nous vien­nent des Etats-Unis ou de Corée.

 

Les nouveaux fronts

 

Chaque étape du développement de la pensée nationale crée de nouveaux fronts politiques, que le manichéisme de la pen­­sée d'aujourd'hui refuse de perce­voir. Avant 1789, le morcellement terri­to­rial des Etats et les douanes intérieures constituaient des freins à l'expansion du libéralisme et de l'industrie. La nécessité de les éliminer a généré une idéologie à la fois nationale (parce que la nation était le cadre élargi nécessaire à la promotion des industries et manufactures) et libé­ra­le (l'accession du tiers-état marchand à la gestion des affaires). Cette idéologie mettait un terme aux dimensions ri­gi­difiantes et fossilisantes de l'Ancien Ré­gime. Mais quand le libé­ra­lisme a atteint ses limites et montré qu'il pouvait dis­soudre mais non orga­ni­ser, l'idéo­logie idéale à appliquer dans le cadre concret de la nation est devenue le pro­tection­nis­me. Par la création de zones au­­tarciques à dimensions territoriales pré­cises  —la nation, l'Etat—  le pouvoir met­tait un frein aux velléités cosmo­po­li­tes donc dis­solutives du libéralisme. L'An­gleterre, ayant une longueur d'a­van­­ce dans la cour­se à l'industria­lisa­tion, exploitait à fond la pratique du libre-échange pour inonder de ses produits les pays d'Europe non encore industrialisés ou moins in­dustrialisés, empêchant du même coup le développement d'un tissu industriel au­tochtone et privant la popu­la­tion d'op­por­tunités multiples. Le cos­mo­politisme est précisément l'idéo­lo­gie qui, sous pré­texte d'élargir les horizons à l'in­fi­ni, re­fuse de tourner son regard vers la con­crétude ambiante et con­dam­ne du même coup la population fixée dans et sur la concrétude ambiante à de­meurer dans ses chaînes. L'idéologie cos­mopolite des Lumières servait l'An­gle­terre au XIXiè­me siècle comme elle sert les Etats-Unis aujourd'hui.

 

De cet état de choses découlent préci­sé­ment les nouveaux fronts. Le regalien, qui est politique pur, et le pro­­tec­tion­nis­me, qui veut intégrer les masses ouvriè­res et fortifier l'économie, s'opposent avec une égale vigueur au libéralisme cos­mo­polite. Le monarchisme, le socia­lis­me et le syndicalisme (ersatz à l'ère in­dustirelle des associations pro­fes­sion­nel­les d'ancien régime) s'oppose tantôt dans le désordre tantôt dans l'ordre au libéralisme. Les idéologues libéraux com­me Hayek et von Mises ou, dans une moindre mesure, Myrdal, décrivent le socialisme et le syndicalisme comme «ré­actionnaires» parce qu'ils s'opposent à l'expansion illimitée du capitalisme. Cette attitude procède d'un refus des lé­viathans équilibrants, d'un refus de met­tre un frein aux désirs utopiques et sub­jectifs, irréalisables parce que trop pré­tentieux. Le politique étant pré­cisé­ment la création de tels «léviathans é­qui­librants», on peut déduire que le li­bé­ralisme, fruit de l'idéologie des Lumiè­res, est anti-politique, cherche à briser le travail éminemment humain —l'hom­me étant zoon politikon—  du politi­que. Le retour de Hayek et de von Mises dans un certain discours conservateur, aux Etats-Unis, en Angleterre et en France et d'une vulgate idéologique insipide ayant pour thème les «droits de l'homme», de même que la destruction de l'Irak baa­siste et de l'institutionalisation, amorcée par Kouchner, du droit d'ingérence dans les affaires intérieures de pays tiers, avec la triste affaire des Kurdes, participe d'u­ne totalitarisation du libéralisme qui, par la force militaire les trois puissances où le conser­vatisme se réclame de Hayek et les gauches du discours «droits-de-l'hommard», cher­che à homogénéiser la planète en brisant par déchaînement de violence outran­ciè­re (la destruction des colonnes irakien­nes en retraite par bom­bes à neutrons et à effet de souffle) les pe­tits léviathans locaux, ancrés régiona­lement. Comme par hasard, les trois puis­sances qui a­mor­cent cette apoca­lyp­se sont celles dites de l'«Ouest» dans le discours anti-im­pé­ria­liste de l'école na­tio­nale-bolchévique (Niekisch, Pae­tel)...

 

Le commun dénominateur politisant du con­servatisme monarchiste, créateur de lé­viathans non socialisés, et du syn­di­ca­lisme, organisateur du tissu social, ex­pli­que le rapprochement entre l'AF et les syndicalistes soréliens au sein du Cercle Proudhon en 1911-12, le rappro­che­ment en­tre De Man et Léopold III en Belgique, le rapprochement  —hélas mar­gina­li­sé—  entre le CERES de Che­vénement et la NAR monarchiste...

 

L'exemple latino-américain

 

En 1945, le monde assiste à l'achèvement de la dynamique enclenchée par les na­tionalismes européens. Ce ne sont plus désormais des nations qui s'af­fron­tent mais des blocs idéologiques trans­na­tio­naux à vocation globale. Une sorte de nouvelle guerre de religion commence, ré­cla­mant, sur­tout chez les commu­nis­tes, une forte do­se de foi, qu'un Sartre con­tribuera no­tamment à injecter. Le na­tionalisme glisse alors vers le tiers-monde, comme l'avait prévu le géopoliti­cien allemand Karl Haushofer. En effet, en 1949, la Chine de Mao pro­cla­me son au­tarcie par rapport aux grands flux fi­nanciers in­ternationaux, vecteurs du pro­cessus de dénationa­li­sa­tion. Malgré le discours communiste-in­ter­nationa­lis­te, la Chine se replie sur el­le-même, re­devient natio­nale-chinoise, re­­pli qui sera encore ac­centué par la «ré­volution cul­tu­relle» des années 60. En 1954, l'Egypte de Nasser, à son tour, ten­te de se décon­nec­ter des grands circuits occidentaux. Les natio­nalismes du tiers-monde visent donc l'indépendance, es­sa­yent la non-intégra­tion dans la sphère américaine, que Roosevelt et Truman vou­laient éten­dre au monde entier (d'où l'expression «mondialisme»). Le modèle dans le tiers-monde est, tacitement, celui de l'Al­lemagne nationale-socialiste, et, plus officiellement, celui de la Russie de Sta­line. Mais le tiers-monde n'est pas ho­mo­gène: l'Amérique latine, par ex­em­ple, était déjà, par l'action des bour­geoi­sies «monroeïstes», dans l'orbite amé­­­ri­caine avant-guerre comme nous le som­mes aujourd'hui. C'est pourquoi, les La­tino-Américains ont pensé un natio­na­­­lisme de libération continental qui peut nous servir d'exemple, à condition que nous ne le concevions plus sur le mo­de trop roman­tique du guévarisme d'ex­por­tation qui avait, jadis, séduit la géné­ra­tion de ceux qui ont aujourd'hui entre 40 et 50 ans. Mis à part ce natio­na­lisme de libération, l'Amérique latine pré­sente:

 

1) Un nationalisme d'intégration pour po­­pulations hétérogènes (Mexique-Bré­sil).

2) Un nationalisme hostile aux investis­seurs étrangers à l'espace latino-amé­ri­cain. Ce nationalisme continentaliste avait été surtout développé au Chili (a­vant Pinochet) et en Bolivie.

3) Un nationalisme qui est recours au pas­sé pré-colonial. Ce nationalisme a sur­­tout été théorisé par le Péruvien Ma­riategui. Il s'apparente du point de vue des principes aux nationalismes de cul­tu­re européens, comme le nationalisme finlandais qui exhume le Kalevala ou le nationalisme irlandais qui exhume ba­la­des celtiques et épopée de Cuchulain, etc. Ou qui recourt au passé pré-chrétien de l'Europe.

4) Un nationalisme dérivé du populisme urbain, dont l'expression archétypique de­­meure le péronisme argentin.

 

Ces quatre piliers théoriques du natio­na­­­lisme continentaliste latino-américain ré­duisent à néant les clivages gau­che/ droi­­te conventionnels; en effet, on a vu al­ter­nati­ve­ment groupes de «gauche» et groupes de «droite» se revendiquer tour à tour de l'un ou l'autre de ces pi­liers théoriques.

 

En quoi ces piliers théoriques peuvent-ils servir de modèles pour l'Europe?

A. Quand le nationalisme de la gauche chilienne exprime son agressivité tran­chée à l'égard des exploiteurs étrangers, il a le mérite de la clarté dans la défi­ni­tion et la désignation de l'ennemi, acte po­­litique par excellence, comme nous l'ont enseigné Carl Schmitt et Julien Freund.   

 

Quant au nationalisme péruvien, théo­ri­sé par Mariategui, il constitue un mixte de dialectique indigéniste et de dia­lecti­que économiste. La lutte contre l'exploi­ta­tion économique passe par une prise de conscience indigéniste, dans le sens où le retour aux racines indigènes implique automatiquement une négation du sys­tè­me économique colonial. L'anti-impé­ria­lisme, dans la perspective péru­vien­ne-in­digéniste, consiste à recourir aux ra­cines naturelles, non aliénées, du peu­ple. Cet indigénisme est hostile aux na­tionalismes des «bourgeoisies mon­roe­istes», d'origine coloniale et alignées généralement sur les Etats-Unis avec, comme seul supplément d'âme, un es­thé­tisme européisant, tantôt hispano­phi­­le, tantôt francophile ou anglophile.

 

Les mythes castriste, guévariste, sandi­niste, chilien ont eu du succès en Europe parce qu'inconsciemment, ils corres­pon­daient à des désirs que les Européens n'exprimaient plus en leur langage pro­pre, qu'ils avaient refoulés. Lorsque l'on analyse des textes cubains officiels, pa­rus dans la célèbre revue Politica In­ter­nacional  (La Havane) (10), on dé­couvre une analyse pertinente de l'offensive cul­turelle américaine en Amérique lati­ne. Par l'action dissolvante de l'améri­ca­nisme, la culture cesse d'être cons­cien­ce historique et politique et se mue en instrument de dépolitisa­tion, d'alié­na­tion, par surenchère de fic­tion, de psy­chologisme, etc. Nous pour­rions com­parer cette analyse, très cou­rante et gé­néralisée dans le continent la­tino-a­mé­ricain, à celle qu'un Steding (11) avait fait du neutralisme culturel dépoli­tisé en Hollande, en Suisse et en Scandi­navie ou à celle que Gobard avait fait de l'alié­na­tion culturelle et linguistique en France (12).

 

Indigénisme, populisme ou nationa­lisme?

 

En conclusion, toute idéologie et toute pra­tique politique qui veulent prendre en compte les racines du peuple, ses pro­duc­tions culturelles doivent: 1) tenir comp­te des lieux et du destin qu'ils im­po­sent, ce qui implique une politique ré­gionaliste fédérante à tous les échelons; c'est là une logique fédérante 2) opérer un retour aux racines, par un travail ar­­chéologique et généalogique constant, de façon à pouvoir repérer les moments où ont été imposées des structures alié­nantes, à comprendre les circonstances de cette anomalie et à en combattre les ré­sidus; c'est là une logique indigéniste; 3) déconstruire les mécanismes alié­nants introduits dans nos tissus sociaux au moment de la révolution industrielle (une relecture de Carlyle s'impose à ce niveau) et organiser les nouvelles jun­gles urbaines, ce qui signifie ré-enra­ci­ner les populations agglutinées dans les grandes métropoles; c'est là une logique justicialiste et populiste; 4) ras­sembler les peuples et les entités poli­tiques de di­mensions réduites au sein de grands es­paces économiques semi-au­tarciques, dé­passant l'étroitesse de l'Etat-Nation; c'est une logique continen­taliste ou «re­g­nique» (reichisch);  5) rompre avec les nationa­lismes séculiers et laïques clas­siques, nés à l'époque des Lumières et véhicu­lant sa logique d'homo­généisa­tion, éli­minatrice de nombreux possibles (l'omologazzione  de Pier Paolo Pasolini); rompre également avec les nationa­lis­mes qui se sont rebiffés contre les Lu­miè­res pour retomber dans le fantasme de la conversion forcée, dans un cultu­ra­­lisme passéiste conservateur et dé­réa­lisé.

 

Une idéologie politique est acceptable  —qu'elle se donne ou non l'étiquette de «na­tionaliste»—  si et seulement si 1) elle se fonde sur une «culture» enraci­née, impliquant une conscience histo­ri­que et portée par une sorte de nouvelle «pre­mière fonction» (au sens dumézilien du terme); 2) si cette nouvelle «première fonction» est issue du fond-du-peuple (prin­cipe d'indigénat); 3) si elle donne ac­cès à une représentation juste et com­plè­te à toutes les strates sociales; 4) si el­le organise une sécurité sociale et pré­voit une allocation fixe garantie à chaque ci­toyen, ce qui n'est possible que si l'on li­mi­te sévèrement l'accès à la citoyen­neté, laquelle doit désormais com­prendre le droit à un pécule mensuel ga­ranti, per­mettant une relative indépen­dance de tous (diminution de la dépen­dance du sa­lariat, égalité des chances, accès pos­si­ble au recylage professionnel ou à de nou­velles études, garantie de survie et d'indépendance de la mère au foyer, meil­leures chances pour les en­fants des familles nombreuses); comme la riches­se nationale ou régionale n'est pas ex­ten­sible à l'infini, les droits inhé­rents à la citoyenneté doivent rester limi­tés à l'«indigénat» (selon certains principes institués en Suisse); 5) si elle organise l'affectation des richesses fi­nancières nées des prestations de l'indigénat dans le cadre de son «espace vital», de façon à renoncer à toutes formes de colonialisme ou de néo-colonialisme financier alié­nant et à n'accepter, en matières de co­lo­nisa­tion, que les «colonisations inté­rieu­res» (ère agronomique en France au XIXième, assèchement des Polders aux Pays-Bas ou des marais pontins en Ita­lie, colonisation des terres en friche du Brandebourg ou de Transylvanie par des communautés paysannes autonomes, mobilisation de toutes les énergies de la population sans recours à l'immigration comme au Japon); 6) si elle traque toutes les traces d'universalisme militant et ho­mogénéisant, toujours susceptible de faire basculer les communautés hu­mai­nes concrètes dans l'aliénation par ir­réa­lisme têtu: cette traque, objet d'une vi­gilance constante, permet l'envol d'une appréhension du monde réellement uni­verselle, qui accepte le monde tel qu'il est: soit bigarré et kaléidoscopique.

 

Enfin, toute idéologie acceptable doit af­fronter et résoudre les grands problèmes de l'heure; ce serait notamment aujour­d'hui l'écologie. Le nationalisme classi­que, ou celui qui resurgit aujourd'hui, n'in­siste pas assez sur les dimensions in­digénistes, populistes-justicialistes et con­tinentalistes. Il est dans ce sens ana­chronique et incapacitant.  Il reste tiers-éta­tiste dans le sens où il n'est plus uni­versel comme l'était la pensée de la caste souveraine des sociétés traditionnelles, ce qui explique qu'il est incapable de pen­ser la dimension continentale ou l'i­dée de Regnum (Reich)  et qu'il refuse de prendre en compte le fait du fond-du-peu­­ple, propre des quart-état et quint-état. Le nationalisme risque d'occulter deux dimensions: l'ouverture au monde et le charnel populaire. Il reste à mi-che­­min entre les deux sans pouvoir les englober dans une pensée qui va au-delà du simple positivisme.

 

Robert STEUCKERS.   

 

1) Olof Petersson, Die politischen Systeme Nordeuropas. Eine Einführung, Nomos, Baden-Baden, 1989.

(2) Olof Petersson, op. cit.

(3) Ernst Nolte, Die faschistischen Bewegungen, dtv 4004, München, 1966-71, pp. 212-226.

(4) C.J.H. Hayes, Essays on Nationalism, New York, 1966; The Historical Evolution of Modern Nationalism, New York, 1968 (3ième éd.); Nationalism: A Religion, New York, 1960.

(5) H. Kohn, The Age of Nationalism. The First Era of Global History, New York, 1962; The Idea of Nationa­lism. A Study in its Origin and Background, New York, 1948 (4ième éd.); Prophets and Peoples: Studies in 19th Century Nationalism, New York, 1952.

(6) Th. Schieder, «Typologie und Erscheinungsformen des Nationalstaats in Europa», in Historische Zeitschrift, 202, 1966, pp. 58-81 (repris in: Heinrich August Winkler, Na­tionalismus, Athenäum/Hain, Königstein/Ts, 1978, pp. 119-137); Der Nationalstaat in Europa als historisches Phä­nomen,  Köln, 1964.

(7) Rudolf Kjellen, Die politischen Probleme des Welt­krieges,  1916.

(8) Miroslav Hroch, Die Vorkämpfer der nationalen Be­wegung bei den kleinen Völkern Europas, Prag, 1968; «Das Erwachen kleiner Nationen als Problem der kompa­rativen Forschung», in H.A. Winkler, Nationalismus, op. cit., pp. 155-172.

(9) Joseph F. Zacek, Palacky. The Historian as Scholar and Nationalist,  Mouton, Den Haag/Paris, 1970.

(10) Pedro Simón Martínez, «Penetración y explotación del imperialismo en la Cultura Latinoamericana», in Poli­tica Internacional, Instituto de politica internacional, La Ha­bana/Cuba, 19, 1967, pp. 252-255.

(11) Christoph Steding, Das Reich und die Krankheit der europäischen Kultur, 1942 (3ième éd.).

(12) Henri Gobard, L'aliénation linguistique. Analyse té­traglossique, Flammarion, Paris, 1976; La guerre cultu­rel­le. Logique du désastre, Copernic, Paris, 1979.  

 

jeudi, 25 juin 2009

De l'humanisme italien au paganisme germanique: avatars de la critique du christianisme dans l'Europe moderne et contemporaine

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1997

De l'humanisme italien au paganisme germanique: avatars de la critique du christianisme dans l'Europe moderne et contemporaine

 

Robert STEUCKERS

Conférence prononcée au Palais des Congrès d'Aix-en-Provence le 12 janvier 1997, à l'invitation de l'association Yggdrasil

 

Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, chers amis et camarades,

 

Le premier cadre unificateur solide qu'a connu la civilisation européenne reste l'empire romain, qui a d'abord été repris en mains par les Francs, puis par la Nation Germanique, mais flanqué d'une institution parallèle se réclamant elle aussi, dans une certaine mesure, de la “forme romaine”: l'Eglise catholique. De la chute de Rome à l'émergence des Etats nationaux à partir de la Renaissance, l'écoumène européen est un mixte complexe de romanité, de germanité et de christianisme, avec des apports importants, négligés jusqu'ici par l'historiographie ouest-européenne, mais étudiés en profondeur en Europe slave: ces apports sont la religiosité celtique déformée par les moines missionnaires irlandais et les “mystères pontiques”, nés sur le pourtour de la Mer Noire, liés à l'antique Iran avestique. C'est ce leg scythe-sarmate-iranien qui aurait transmis l'idéal (ou certains idéaux) de la chevalerie médiévale. Mais quand cesse de fonctionner plus ou moins harmonieusement cette synthèse qui a dominé vaille que vaille des Mérovingiens à Louis XI, à Charles le Hardi (dit le “Téméraire” en France) et à Maximilien de Habsbourg, quelques représentants de la pensée européenne entendent opérer un retour aux origines les plus vierges de l'européité.

 

Quels textes vont-ils être sollicités pour retourner aux sources les plus anciennes de l'Europe? Sources qui précèdent évi­demment la christianisation. Ces textes sont les seuls qui évoquent une Europe non marquée par les routines et les travestis­sements de la civilisation romaine ou chrétienne, non marquée par ses étiquettes et ses hypocrisies. Pour les humanistes du XVième siècle italien qui entendent retrouver une vigueur vitale simple derrière la rigueur compliquée et figée des étiquettes (celles des cours et, en particulier, de la Cour des Ducs de Bourgogne) ou qui entendent renouer avec une notion de liberté publique et civique pour faire face aux premières manifestations de l'absolutisme royal, le modèle de l'Europe pré-romaine et “pré-civilisée” est celle des peuples germaniques de l'antiquité. Ceux-ci ont gardé en eux les vertus simples et efficaces des premiers Romains, disent nos humanistes de la Renaissance. En 1441, l'historien italien Leonardo Bruni, qui s'inscrit dans une perspective républicaine au sens vieux-romain et germanique du terme, redécouvre les textes latins sur les Goths, no­tamment ceux de Procope de Césarée. C'est lui qui donne le coup d'envoi à l'“humanisme gothique”, qui poursuivra sa trajec­toire jusqu'à Vico et Montesquieu, fondera le nationalisme des Allemands, des Scandinaves et des Flamands et débouchera sur les spéculations et les communautés “völkische” de toutes tendances qui ont vu le jour dans le sillage des mouvements de jeunesse du début de notre siècle.

 

En 1453, un autre humaniste italien, Enea Silvio Piccolomini, rédige quelques réflexions sur le De origine actibusque Getarum  de Jordanès, permettant aux érudits de mieux connaître les origines des peuples germaniques. En 1470, à Venise, grâce à la nouvelle technique de l'imprimerie, Vindelino da Spira (Windelin von Speyer), réédite la Germania de Tacite, qui devient du même coup l'ouvrage de référence de tous ceux qui revendiquent une idéologie à la fois républicaine (au sens vieux-romain du terme) et communautaire, donnant à la représentation populaire une place cardinale dans la vie politique, les assemblées d'hommes libres se plaçant au-dessus des monarques. Avant cette réédition de la Germania  de Tacite, le texte n'était acces­sible qu'à une poignée de privilégiés, dans les bibliothèques des monastères; désormais, il est accessible à un grand nombre de lettrés. Les peuples germaniques n'apparaissent plus systématiquement comme des barbares cupides et violents qui avaient pillé Rome en 410 (ou en 412 comme on le croyait à l'époque). L'humaniste Flavio Biondo, entre 1438 et 1453, après avoir réhabilité prudemment la figure du Roi ostrogoth Théodoric, analyse les causes de la décadence de Rome: elles se ra­mènent pour l'essentiel à l'amenuisement des vertus républicaines, à l'abandon de la souveraineté populaire au profit d'un monarque isolé. Flavio Biondo anticipe ainsi Machiavel, fondateur d'une idéologie républicaine, fondée sur la virtù  politique, héritée de la Rome la plus ancienne.

 

Ce rappel de l'œuvre des premiers humanistes de la Renaissance italienne nous montre que le recours à une antiquité pré-chrétienne et païenne, en l'occurrence la Germanie non romanisée,  est une revendication républicaine, hostile à l'absolutisme et aux démarches de type théocratique. Il faut ajouter que le travail de Biondo ne participe nullement d'un primitivisme qui po­serait ante litteram  les Germains de Tacite comme de “bons sauvages” non exotiques. Biondo est anti-primitiviste: il ne veut pas d'une sympathique anarchie pastoraliste mais, au contraire, promouvoir un ordre non décadant: son Théodoric n'est dès lors pas décrit comme un barbare vertueux et inculte, qui végète sans orgueil dans une simplicité rustique, mais un Roi cultivé et efficace, qui consolide son pouvoir, administre ses Etats et restaure en Italie une Rome dans ses principes premiers, c'est-à-dire dans des principes antérieurs à la décadence, qu'il est capable d'imposer parce que, roi germanique, il a conservé les vieilles vertus romaines qui sont les vertus germaniques de son temps. Le Théodoric de Biondo est un Prince “humaniste”, qui annonce le Prince fictif de Machiavel, dont l'influence sur la science politique et la philosophie de l'Etat n'est pas à démontrer.

Reprocher aujourd'hui à des chercheurs de recourir à des passés anciens pour retrouver les principes premiers d'une com­munauté politique ou les fondements du droit, et considérer dans le même temps que ces reproches se justifient au nom d'une “idéologie républicaine”, est une contradiction majeure. Ne peuvent être considérés comme républicains au plein sens du terme que ceux qui n'ont de cesse de retourner aux principes premiers de l'histoire politique de leur peuple. Les autres traves­tissent en républicanisme leur autoritarisme ou leur théocratisme (qui est et demeure théocratisme même quand ils baptisent “Dieu”, “Logos”).

 

Enea Silvio (Æneas Silvius) Piccolomini, spécialiste des Goths et d'abord chancelier de l'Empereur germanique Frédéric III puis Pape sous le nom de Pie II (de 1458 à 1464), rejette explicitement le primitivisme et demande aux humanistes et érudits de ne pas interpréter la Germania  de Tacite dans un sens pastoraliste et primitiviste, ce qui reviendrait à rejeter tous les ap­ports de la civilisation, quels qu'ils soient. Polémiquant avec Martin Mayer (ou Mair) de Mayence, qui interprète Tacite au pied de la lettre et voit ses ancêtres chattes, suèves ou alamans comme de bons bergers idylliques, Piccolomini parie au contraire pour la Germanie de son temps, avec ses richesses, ses fabriques, ses industries, son agriculture, dont la Flandre et le Brabant sont les plus beaux joyaux. Cette Germanie élargie aux anciennes provinces romaines limitrophes (Belgica, Helvetia, Rhætia, Pannonia) doit sa prospérité matérielle et ses richesses culturelles à une vertu que Tacite avait bien mise en exergue: la liberté. Dans ses textes métapolitiques relatifs au monde germanique, en dépit de sa position de Chancelier impérial et de futur Pape, Piccolomini est donc un républicain, au même titre que Biondo et, plus tard, Machiavel. La liberté germanique est une vertu politique dans le sens où elle octroie à tous ses ressortissants des droits garantis, permettant le libre déploiement de leurs talents personnels. La liberté de Piccolomini n'est donc pas une “innocence” ou une “inactivité” mais un tremplin vers des réalisations sociales, politiques et économiques concrètes. Cette liberté-là, qui libère quantité de potentialités positives, doit être imitée par tous les Européens de son temps, pense-t-il, doit sortir de cette Germanie, qui est en charge de la dignité impériale depuis la translatio imperii ad Germanos. Depuis cette translatio,  les Germains sont “Romains” au sens politique du terme. Et comme ils sont les porteurs de l'impérialité, ils sont davantage “romains” que les Italiens du temps de Piccolomini. C'est derrière leur bannière que les peuples d'Europe doivent se ranger, écrit le futur Pie II, pour barrer la route à la puissance ottomane, qui, elle, n'est en rien “romaine” à ses yeux.

 

Ces réflexions sur la “pureté primitive” des Germains de Tacite, sur la notion germanique de liberté et sur l'impérialité mili­taire des Germains amènent Piccolomini à rédiger en 1458, quelques mois avant d'accéder à la dignité pontificale, un mani­feste européen, intitulé De Europa,  où la Germanie est décrite comme le centre de gravité géographique d'une Europe qui doit s'apprêter à affronter rapidement l'Empire ottoman, pour ne pas succomber sous ses coups. Piccolomini meurt en 1464, très désappointé de ne pas avoir été écouté et de ne pas avoir vu l'Europe entière unie autour de l'Empereur et du Saint-Siège, pour faire face en Méditerranée et dans les Balkans à la puissance ottomane. L'œuvre de Piccolomini, le futur Pape Pie II, est donc intéressante à plus d'un titre, car:

- elle autorise la référence constante aux racines les plus anciennes de l'Europe;

- elle fait de la liberté civique/populaire la vertu cardinale du politique;

- elle rejette les interprétations primitivistes qui sont politiquement incapacitantes (et refuse sans pitié les “germanismes” primitivistes);

- elle réinscrit ce double recours aux racines et à la liberté populaire dans un cadre géopolitique européen, dont les fondements n'apparaissent plus comme exclusivement chrétiens, mais comme consubstantiels à la population majoritaire du centre de l'Europe. 

 

Face à la “correction politique” que certains cénacles tentent d'imposer en France et ailleurs depuis deux décennies, il m'apparaît bon de méditer l'œuvre de ces humanistes et de ce Pape géopolitologue. En effet, les officines “politiquement cor­rectes”, en décrivant ces recours comme des avatars plus ou moins maladroits du nazisme, ignorent et rejettent le travail positif des humanistes et des érudits italiens du début de la Renaissance, qui s'apprêtaient à relancer dans le débat politique européen la notion de liberté républicaine, une liberté féconde pour les arts et l'industrie. Comment expliquer la réticence de ces cénacles français contemporains, qui se disent “républicains”, mais se montrent hostiles à la démarche intellectuelle, philologique, qui a réhabilité le républicanisme de la Vieille Rome, mis en évidence les vertus germaniques “primitives” et l'idée de liberté? Parce que dans la France du 16ième siècle, le recours aux racines germaniques, franques en l'occurrence, de l'histoire française n'est pas un recours à la liberté populaire, mais une justification du pouvoir franc sur le substrat démo­graphique “gallo-romain” ou “celto-ligure”. Ou du moins est-il perçu comme tel. La notion de “liberté” des humanistes et éru­dits italiens est en revanche une notion plus vaste, ne faisant pas référence à la conquête d'un territoire par une ethnie guer­rière dominante qui s'attribuera des franchises, mais à un principe général d'autonomie des communautés politiques, qu'il s'agit de conserver pour libérer des énergies positives. Le cas de la Gaule envahie par les Francs de souche germanique n'est pas un cas susceptible d'être généralisé à l'Europe entière.

 

De Machiavel à Vico, de Vico à Montesquieu, la notion de liberté est défendue et illustrée par des exemples tirés des sources latines classiques relative au monde germanique. Quand la France entre dans l'ère républicaine à partir de 1789, les roman­tiques allemands, libertaires se réfèrant à la vision idyllique de la Germanie primitive, adhèrent avec enthousiasme aux idées nouvelles. Mais ils déchantent très vite quand se déchaîne la Terreur et s'installe la Convention. Ainsi, le poète Friedrich Gottlieb Klopstock rédige en 1794 un poème appelant à une “guerre chérusque” contre une France qu'il juge faussement “républicaine”, au nom de ses propres valeurs républicaines. Dans cet appel guerrier, il invoque la puissance des dieux et des déesses de l'ancienne Germanie: Hlyn, Freya, Nossa, Wodan, Thor et Tyr. Dans ce texte, les dieux de l'Edda ne sont encore que des ornements poétiques. Pour Klopstock, la France a retrouvé brièvement sa liberté, a incarné par sa Révolution l'idéal multiséculaire de cette liberté germanique, mais elle s'en est très vite détournée. La seconde vague des révolutionnaires a trahi l'idée sublime de liberté que Montesquieu avait défendue et n'a pas davantage réalisé l'idéal de Thomas Jefferson qui voulait que le sceau du nouvel Etat nord-américain invoquât “les enfants d'Israël” d'une part, biblisme oblige, mais aussi les fi­gures de “Hengist et Horsa, chefs saxons, dont les Anglais descendaient et dont les nouveaux citoyens des Etats-Unis de­vaient défendre les principes politiques et reprendre les modes de gouvernement”. On le voit, dans un premier temps, le re­cours à la liberté germanique n'exclut pas les références à l'héritage biblique, mais, dans un deuxième temps, les figures de la Bible disparaissent et les spéculations idéologico-politiques se portent sur les dieux païens de l'antiquité germanique. Plusieurs facteurs ont provoqué cet infléchissement vers le passé le plus lointain de l'Allemagne ou de la Scandinavie, fac­teurs que nous retrouvons ultérieurement dans presque toutes les références habituelles aux paganismes que l'on énonce en Europe et en Amérique du Nord:

- premier facteur, l'idée de la relativité historique des cultures, véhiculée dans le sillage des travaux philosophiques de Herder;

- deuxième facteur, issu directement de l'idéologie des Lumières: la critique du cléricalisme qui entraîne une critique des missions chrétiennes de l'époque carolingienne. Le catholicisme d'abord, puis le christianisme en général, sont accusés d'avoir oblitéré la liberté germanique et d'avoir, via l'augustinisme, introduit un “courant doloriste”, dans la pensée européenne, rejetant et condamnant ce “bas-monde” imparfait en espérant le ciel, dévalorisant les cités terrestres au profit d'une hypothé­tique “Jérusalem céleste”. Les Romantiques, les vitalistes et les néo-païens rejettent instinctivement un courant fort complexe qui part d'Augustin pour retrouver les flagellants du Moyen Age, pour revenir sous d'autres formes chez les Puritains de Cromwell et chez les Jansénistes français, et, enfin, pour aboutir à certains “Républicains” français athées ou agnostiques, mais fascinés par les concepts géométrisés des Lumières, qu'ils opposent à toutes les turbulences de la vie des peuples, ju­gées comme des imperfections qu'il faut effacer pour “perfectionner” le monde.

 

Herder, bien que pasteur protestant, critique modérément les conversions forcées du Nord de l'Europe, mais, si ses critiques sont furtives, à peine perceptibles dans son œuvre, sa notion de la relativité des cultures et sa revalorisation des aurores cul­turelles font des disciples au langage plus idéologique, moins nuancé et plus programmatique. Ainsi, en 1802, le Conseiller d'Etat prussien Wilhelm Reynitzsch publie à Gotha un ouvrage qui donne véritablement le coup d'envoi aux futures spécula­tions “völkisch” (folcistes) et celtisantes, d'autant plus qu'il confond encore allègrement Celtes et Germains, druides et scaldes.  Son ouvrage, tissu de spéculations imprécises sur les Celtes et les Germains, est à l'origine de toutes les futures renaissances païennes, de factures germanique et celtique. Le livre de Reynitzsch est le premier à introduire des thématiques folcistes qui apparaîtront et réapparaîtront sans cesse ultérieurement. Ces thématiques sont les suivantes:

1. Les anciens Germains avaient une religion originelle monothéiste, dont le dieu était Tus ou Teut, force spirituelle des ori­gines, dont ils ne pouvait ni sculpter ni peindre ni dessiner les traits. Cette thématique montre que le clivage entre mono­théisme et polythéisme, vulgarisé par Bernard-Henry Lévy et Alain de Benoist, est historiquement plus récent et ne recoupe par nécessairement le clivage paganisme/christianisme.

2. Odin (Vodha) est un prophète divinisé qui aurait vécu vers 125 av. J.C. parmi le peuple des Goths dans les plaines de l'actuelle Russie ou de l'actuelle Ukraine et qui aurait apporté savoir et sagesse aux Germains de l'Ouest. Odin aurait pér­égriné en Europe, accompagné par ses compagnons, les Ases, et par sa femme, Freya. L'idée d'un Odin historique puis divi­nisé, chez Reynitzsch, vise clairement à remplacer le Christ par cette figure du dieu borgne et inquiétant dans l'imaginaire re­ligieux des Allemands.

3. Reynitzsch est quasiment le premier à ne plus dévaloriser les anciennes croyances, il leur octroie un statut de naturalité qu'il oppose aux doctrines, non naturelles, des “prêtres romains” (catholiques).

4. Reynitzsch veut fusionner ces croyances antiques avec le rationalisme du 18ième siècle, rattachant de la sorte son néo-pa­ganisme au filon de l'idéologie des Lumières, ce qui ne sera plus le cas pour les néo-paganismes des années 20 et 30.

5. La christianisation est responsable de l'oppression des femmes (thème féministe), du déclin des anciennes coutumes (thèmes de la décadence et de la déperdition des énergies), de la servilité des Européens devant l'autorité (thème libertaire), de l'irrationalité et de la superstititon (thème anticlérical).

 

Reynitzsch appartient nettement à la tradition de l'Aufklärung et du rationalisme anticlérical. Ce haut fonctionnaire prussien est manifestement un disciple tardif de Voltaire et de son protecteur Frédéric II. Peu d'intellectuels allemands de son temps le sui­vront et l'on verra apparaître davantage, chez les nationalistes anti-napoléoniens, l'idée d'un “christianisme germanique” dur, chevaleresque et guerrier (ein Gott, der Eisen wachsen ließ, der duldet keine Knechte...), hérité plutôt du poème épique Heliand  (le Sauveur), répandu en Germanie dans le haut moyen âge pour favoriser la conversion des autochtones: le Christ devait apparaître comme un preux guerrier et non pas comme un messie souffrant et humble.

 

En Scandinavie, en revanche, la thématique de l'affrontement entre christianisme et paganisme se propage plus distinctement par l'action d'une “Ligue gothique”, née en 1809. Le théologien danois Nicolai Frederik Severin Grundtvig rédige Nordens Mytologi,  le livre de la mythologie nordique qui réhabilite totalement l'histoire pré-chrétienne du Danemark, pays où le sys­tème d'éducation ne tracera plus une ligne de démarcation entre un passé pré-chrétien systématiquement dévalorisé et une ère chrétienne systématiquement survalorisée. Mais Grundtvig, qui est pasteur, tente de réconcilier christianisme et paga­nisme, où le “Père” Odin, l'Allvater  Odin, est, dit-il, le père véritable, charnel et inconnu de Jésus Christ!

 

Après les guerres napoléoniennes, sous la Restauration et à l'ère Metternich, les thématiques néo-païennes s'estompent, mais reviennent notamment en 1832 dans le mouvement nationaliste de gauche, pour revendiquer, via le recours aux antiqui­tés germaniques et à la mythologie néo-païenne, une république populaire allemande, soustraire à l'idéologie restaurative de l'ère Metternich. Ainsi, lors des fêtes de Hambach en 1832, à laquelle participent des Polonais, des Français et des Italiens, l'agitateur nationaliste-révolutionnaire Philipp Jakob Siebenpfeiffer invoque “Thuisko, le dieu des libres Germains”, pour qu'il bénisse la lutte du petit peuple opprimé contre les Princes et les Rois. Le Frison radical-démocrate et socialiste Harro Harring appelle les dieux anciens à la rescousse pour lutter contre le “Trône et l'Autel”. On le voit: les références païennes indiquent toujours à cette époque un engagement radicalement révolutionnaire et libertaire, qui n'a rien à voir avec une restauration contre-révolutionnaire des “archétypes”, comme l'affirme à tort toute une historiographie pseudo-marxiste.

 

Plus tard, en dépit du marxisme social-démocrate qui considère que tout discours ou toute spéculation religieuse relève de la “fausse conscience”, la mouvance socialiste allemande ne cesse de véhiculer des bribes de paganisme et de naturalisme, au moins jusqu'à la fondation du IIième Reich en 1871. A partir de ce moment-là, la sociale-démocratie évacue de son discours toutes les formes d'“irrationalismes”, incluant non seulement les références poétiques ou néo-païennes aux dieux antiques, germaniques ou gréco-romains, mais aussi, ce qui est plus surprenant et peut-être plus grave, les thématiques très concrètes et très quotidiennes de la bonne alimentation, de l'abstinence de tabac et d'alcool en milieux ouvriers, de l'habitat sain et sa­lubre (thématique majeure des socialistes “pré-raphaëlites” en Angleterre), de l'écologie et du respect de l'environnement na­turel, de l'hygiène en général (y compris l'hygiène raciale que l'on retrouvera “sotériologisée” dans certains discours racistes ou sociaux-darwinistes ), du naturisme (réhabilitation et libération du corps, FKK), etc.

 

Cette évacuation et cette transformation du mouvement socialiste en une pure machine électorale et politicienne va provoquer le divorce entre le néo-paganisme (et tous les autres réformismes “naturalistes”), d'une part, et le socialisme-appareil, d'autre part. Ce divorce est à l'origine du courant “völkisch” (folciste), qui n'est pas “à droite” au départ mais bel et bien dans le même camp que les pionniers du socialisme, Marx et Engels compris.

 

En 1878, le philosophe Paul de Lagarde publie son ouvrage programmatique Die Religion der Zukunft  (La religion de l'avenir). Il y développait la critique de l'“universalisation” du christianisme, qui allait entraîner la déperdition définitive de l'élan religieux dans le monde et plaidait en faveur de la réhabilitation des “religions nationales”, des élans de la foi partant d'un enracinement précis dans un sol, seuls élans capables de s'ancrer véritablement et durablement dans les âmes. Pour Paul de Lagarde, les religions locales sont dès lors les seules vraies religions et les religions universalistes, qui cherchent à quitter les lieux réels occupés par l'homme, sont dangereuses, perverses et contribuent finalement à éradiquer les vertus religieuses dans le monde.

 

Parallèlement à cette théologie du particulier s'insurgeant contre les théologies universalisantes, plusieurs autres idées s'incrustent dans la société allemande du 19ième siècle et finissent par influencer les cultures anglo-saxonnes, française et russe. Ces idées sont pour l'essentiel issues du bînome Schopenhauer-Wagner. Schopenhauer formule en un bref paragraphe de son ouvrage Parerga und Paralipomena  le programme de tous les néo-paganismes ultérieurs, surtout les plus extrémistes et les plus hostiles aux Juifs: «Nous osons donc espérer qu'un jour l'Europe aussi sera nettoyée de toute la mythologie juive. Le siècle est sans doute venu où les peuples de langues japhétiques [= indo-eur.] issus d'Asie récupéreront à nouveau les re­ligions sacrées de leur patrie: car, après de longs errements, ils sont enfin mûrs pour cela».  L'antisémitisme qui saute aux yeux dans cette citation n'est plus un antisémitisme religieux, qui accuse le peuple juif d'avoir réclamé à Ponce-Pilate la mort du Christ, mais un antisémitisme qui considère toutes les formes d'héritage judaïque, y compris les formes christianisés, comme un apport étranger inutile qui n'a plus sa place en Europe. La référence “japhétique” ou “indo-européenne” ne relève pas encore d'un “aryanisme” mis en équation avec le germanisme, mais est une référence explicite aux études indiennes et sanskrites. Le “japhétisme” de Schopenhauer est donc indianiste et non pas celtisant ou germanisant.

 

Wagner ne sera pas aussi radical, bien qu'on prétende souvent le contraire. Il opposera certes binairement un optimisme (progressiste) juif à un pessimisme “aryen”, mais il tentera, comme les nationalistes allemands qui n'avaient pas suivi Reynitzsch et comme le Danois Grundtvig, de réconcilier christianisme et paganisme, en ne cherchant qu'à se débarrasser de l'Ancien Testament. Autre thématique née dans les cercles wagnériens: Marie n'est pas une “immaculée conception” mais une fille-mère qui a donné la vie au fils d'un légionnaire romain (de souche européenne), reprenant là une vieille thématique des polémiques anti-chrétiennes du Bas-Empire, et édulcorant la position extrême de Grundvigt, pour qui Jésus était le fils du prophète gothique Odin! Pour Wagner comme pour Houston Stewart Chamberlain, le Nouveau Testament est donc le récit d'un prophète de souche européenne, que révèle au mieux l'Evangile de Jean car il met bien en évidence la quête permanente du divin dans la personne de Jésus de Nazareth, quête qui est une révolte contre la religion figée et étriquée des Pharisiens de l'époque, qui ne remettaient rien en question et ne confrontaient jamais leurs dogmes aux aléas du réel. 

 

A-t-on affaire ici à de pures spéculations nées dans des cercles repliés sur eux-mêmes, qui connaissent un certain succès de mode mais ne touchent pas la majorité de la population? Oui et non. Ces spéculations ne naissent pas dans des cerveaux imaginatifs. Elles sont le produit des sciences humaines du 19ième siècle, où l'historicisme, l'éthique et la rationalisation pro­gressent et font du christianisme non plus LE grand et unique récit de la civilisation occidentale, mais un récit parmi d'innombrables autres récits. Il a une histoire, qu'il s'agit désormais de ramener à ses justes proportions; il est la volonté de vivre une certaine éthique, qu'il s'agit de définir clairement; il est l'expression imagée et merveilleuse d'un projet de société et de vie parfaitement raisonnable. Ce scientisme des sciences humaines semble incontournable à la veille du 20ième siècle. Le pasteur protestant progressiste Friedrich Naumann, qui sera plus tard nationaliste et théoricien de la Mitteleuropa et d'une forme de planisme en économie, entamera une “mission” dans le monde ouvrier en vue de ramener les prolétaires déchris­tianisés dans le giron de l'Eglise réformée évangélique; il axera sa pastorale autour de la figure d'un “Christ socialiste et homme du peuple”, d'un Christ travailleur et charpentier, thématique de récupération qui nous reviendra dans les années 60 de notre siècle, mais dans une perspective différente. A l'époque de Naumann, vers 1890, cette idée paraît totalement incongrue et la mission échoue. Naumann ne retourne pas au christianisme, il s'en éloigne, récapitulant dans sa personne toutes les étapes de la culture allemande en matière religieuse: protestant par protestation anti-catholique, chrétien-ouvrier par refus de la bourgeoisie protestante à la foi sèche et rébarbative, païen par refus de l'inculture sociale-démocrate et de la fébrilité politi­cienne.

 

En Autriche, les pangermanistes se mobilisent, s'ancrent dans le camp libéral autour de la personne de Georg von Schönerer, s'opposent tout à la fois aux Juifs, aux Habsbourgs et à l'église catholique qui les soutient. Schönerer veut imposer un calen­drier “völkisch”, qui commencerait en 113 av. J.C., date de la victoire des Cimbres et des Teutons sur les Romains à Noreia. Dans certains cercles pangermanistes proches de Schönerer, on fête les solstices et deux courants commencent à se profiler:

a) les adeptes d'une religion immanente de la nature et des lieux concrets, regroupés autour de la revue Der Scherer;  ce filon du néo-paganisme allemand mêle un refus des mécanisations de la société industrielle, surtout de ses effets pervers, à une volonté de rééquilibrer la vie quotidienne dans les grandes villes, en organisant des services d'hygiène, des manifestations sportives, des randonnées, en réclamant des espaces verts, des excursions ou des séjours à la campagne, en renvoyant dos à dos ce qui ne lui paraissait plus “naturel”, à savoir le moralisme étriqué des églises conventionnelles et la vie dans les villes surpeuplées, sans air et sans lumière. C'est sur ce courant que se brancheront très vite les mouvements de jeunesse, tels le Wandervogel.  Ce filon m'apparaît toujours fécond.

b) les adeptes d'une nouvelle religiosité plus tournée vers l'occultisme, regroupés autour de la revue Heimdall.

Dans les années 1890, l'occultisme connaît en effet une renaissance en Allemagne: Guido von List développe une théosophie, tandis que Jörg Lanz von Liebenfels théorise une “aryosophie”, qui débouchera en 1907 sur la fondation d'un “Ordo Novi Templi”, sorte de loge où fusionnent en un syncrétisme bizarre les références germanisantes, un christianisme “aryen” et des rituels maçonniques. Ce filon-là du néo-paganisme allemand m'apparaît très spéculatif, peu susceptible d'être transmis à de larges strates de la population voire à des élites restreintes mais quand même assez nombreuses pour créer des espaces de résistance durables et efficaces dans la société. Enfin, la veine occultiste a suscité et suscite encore beaucoup de fantasmes, qu'exploitent souvent les journalistes en mal de sensationnel. La seule et unique chance pour le mouvement occultiste de se maintenir à l'heure actuelle reste, à mon avis, l'espace de la création musicale voire de la peinture ou de la sculpture. Ce filon demeure élitaire, marqué de rites et de gestes souvent mécompris. Il est indubitablement une expression de la culture euro­péenne de ces 150 dernières années, mais il est peu susceptible de se généraliser dans la société et d'apporter une réponse immédiate aux blessures psychiques et physiques de l'ère industrielle et de l'âge des masses.

 

Mais si à l'époque ces tentatives naturalistes ou occultistes restent réservées à de très petits groupes, finalement fort margi­nalisés, d'autres tentent justement, au même moment, de s'ouvrir aux masses et de fonder une véritable “troisième confes­sion”, qui se juxtaposera au catholicisme et au protestantisme en Allemagne. En 1900, Ernst Wachler, qui est juif et mourra en 1944 dans le camp de concentration de Theresienstadt, fonde la revue Deutsche Zeitschrift  et appelle à un recours sans dé­tours à la religiosité autochtone et pré-chrétienne de la Germanie. Parmi ceux qui répondront à son appel, il y avait, curieuse­ment, des antisémites classiques comme Friedrich Lange et Theodor Fritsch, mais aussi une figure plus complexe et à notre sens plus significative, Wilhelm Schwaner, éditeur de la revue Der Volkserzieher et animateur du Volkserzieher-Bund.  L'objectif est clair: il faut éduquer le peuple à des sentiments religieux, communautaires et sociaux différents de ceux de la société industrielle, renouer avec les archétypes d'une socialité moins conflictuelle et moins marquée par l'égoïsme. Schwaner est ce que l'on appelle à l'époque un Lebensreformer,  un réformateur pragmatique de la vie quotidienne, ancré dans le parti social-démocrate et dans les cercles “libres-penseurs” du libéralisme de gauche, où il apprendra à connaître Walther Rathenau, qu'il influencera, notamment dans les définitions archétypales des races “aryennes” et “sémitiques” que ce ministre israëlite du Reich a utilisées très fréquemment dans ses écrits, prouvant par là même que ces spéculations sur les arché­types n'étaient pas l'apanage des seuls nationalistes, conservateurs ou militaristes. Mais Schwaner reste dans le no-man's-land entre “christianisme germanique” et “religiosité völkische”.

 

Après la première guerre mondiale, le nombre croît de ceux qui franchissent le pas et abandonnent cette position intermédiaire que représentait le “christianisme germanique”. Les païens avérés n'étaient pas plus de 200 dans l'Allemagne d'avant 1914. Ils se regroupaient dans deux cénacles intellectuels, la Deutschgläubige Gemeinschaft  ou la Germanische Glaubens-Gemeinschaft.  La plupart sont issus de la bourgeoisie protestante. Ceux qui proviennent du catholicisme gardent malgré tout des attaches avec leur milieu d'origine, car le catholicisme a conservé le culte des saints, avatars christianisés des dei loci,  et bon nombre de fêtes folkloriques, notamment les carnavals de Rhénanie et d'Allemagne du Sud, dont la paganité foncière n'est certes pas à démontrer. L'absence de tels “sas”  —entre superstrat chrétien et substrat païen—  dans le protestantisme conduit plus aisément les contestataires protestants à revendiquer haut et fort leur paganisme. Parmi les premiers adhérants de la Deutschgläubige Gemeinschaft,  nous trouvons Norbert Seibertz, qui nous a laissé une confession, où il exprime les mo­tivations qui l'ont poussé à abandonner le christianisme. Elles sont variées, peut-être même un peu contradictoires:

- La vision chrétienne est en porte-à-faux avec les acquis des sciences naturelles. Ce premier motif de Seibertz est donc scientiste. Mais rapidement le monisme scientiste, vulgarisé par les matérialistes militants regroupés autour d'Ernst Haeckel, lui apparaît tout aussi insuffisant, non pas parce qu'il rejette le biologisme implicite de cette école antireligieuse, mais parce que cette volonté d'alignement sur les sciences exactes ne répond pas à la question du désenchantement.

- Les progrès des humanités gréco-latines sont tels au 19ième siècle, que le monde grec et romain suscite de plus en plus souvent l'enthousiasme des lycéens et des étudiants. Devant le sublime de la civilisation antique, le christianisme apparaît fade aux yeux du lycéen Seibertz.

 

Je dois vous confesser que ces deux motivations majeures de Seibertz ont été aussi les miennes, à quelques décennies de distance. Mais comment articuler ce double questionnement, comment retrouver le sens religieux au-delà d'une science qui ruine les dogmes chrétiens et au-delà d'humanités qui font apparaître le christianisme dans son ensemble comme un corpus bien fade, tout en ne pouvant plus ressusciter la paganité grecque ou romaine dans sa plénitude? Faut-il remplacer les caté­chismes par un autre catéchisme, les icônes d'hier par de nouvelles icônes? Apparemment simple, cette question ne l'est pourtant pas. Si les icônes des églises sont automatiquement reconnues comme des icônes religieuses même par ceux qui ont tourné le dos au christianisme, instaurer de nouvelles icônes s'avère fort problématique, car comment générer le consen­sus autour d'elles et, pire, comment ne pas sombrer dans le ridicule et la parodie? Les débuts du néo-paganisme organisé en Allemagne ont été marqués par des querelles de cette nature. D'après Karlheinz Weißmann, réflexions, querelles et discus­sions ont permis, avant 1914, de dégager trois des principaux axes du néo-paganisme de notre siècle:

1. Le christianisme est une aliénation historique, qui a oblitéré les sentiments religieux spontanés des Européens. Ce constat découle des acquis des philologies classique et germanique. La religion conventionnelle est donc ravalée au rang d'une mani­festation aliénante, elle est perçue comme une superstructure imposée par un pouvoir foncièrement étranger au peuple. Cette thématique de l'aliénation se greffe assez aisément à l'époque sur la “libre-pensée” du monde ouvrier et sur la critique socia­liste de l'“opium du peuple”.

2. Les néo-paganismes semblent ensuite rejetter l'idée d'un Dieu personnel. Dieu, car ils sont païens et monothéistes, est une émanation cosmique de la force vitale à l'œuvre dans le monde, qui donne forme aux innombrables manifestations et phéno­mènes du réel. Sur ce panthéisme cosmique se greffent déjà à l'époque toutes les spéculations sur la Nature et la Terre, qui sous-tendent encore aujourd'hui les spéculations les plus audacieuses de la pensée écologique radicale, qui se donne le nom d'écospohie, de géomantie ou de “perspective gaïenne” (Edward Goldsmith). Cette option pour un dieu non personnel, compé­nétrant toutes les manifestations vitales, renoue également avec la mystique médiévale allemande d'un Maître Eckhart, consi­déré par les néo-païens comme le représentant d'une véritable religiosité européenne et germanique, transperçant la chape dogmatique de l'aliénation chrétienne. Ensuite, ce panthéisme implicite renoue avec le panthéisme de Goethe, prince des poètes allemands, mobilisé à son tour pour étayer les revendications anti-chrétiennes. Le néo-paganisme du début du siècle est donc monothéiste et panthéiste, dans ses rangs, on ne vénère pas les dieux comme les chrétiens vénéraient le Christ ou la Vierge ou les Saints ou les Archanges. On ne remplace pas les icônes chrétiennes par une iconologie néo-païenne. On reste au-delà de la foi naïve des masses.

3.  Le troisième grand thème du néo-paganisme allemand du début du siècle est un rejet clair et net de la notion chrétienne du péché. Dieu n'est pas en face de l'homme pour les néo-païens. Il n'est pas dans un autre monde. Il ne donne pas d'injonctions et ne récompense pas après la mort. L'éthique néo-païenne est dès lors purement immanente et “héroïque”. Elle n'est pas as­cétique selon le mode bouddhiste, elle n'exige pas de quitter le monde, mais chante la joie de vivre. L'éthique néo-païenne est acceptation du monde, elle cherche le divin dans toute chose, veut le mettre en exergue, l'exalter, et refuse toutes les formes de rejet du monde sous prétexte que celui-ci serait marqué d'imperfection. Cette dimension joyeuse du néo-paganisme, qui interdit de mécréer du monde, au contraire des spéculations néo-païennes plus philosophiques ou historiques sur l'aliénation ou le panthéisme, permet d'atteindre les masses, et plus particulièrement les mouvements de jeunesse. Couplé à l'écosophie implicite du panthéisme, ce culte de la joie est explosif sur les plans social et politique. En 1913, quand les mouvements de jeunesse d'orientation Wandervogel se réunissent autour de feux de camp au sommet du Hoher Meissner pour écouter le dis­cours du philosophe Ludwig Klages, c'est parce que celui-ci leur parle sans jargon du désastre que subit la Nature sous les assauts de l'économicisme, de la technocratie et du “mammonisme”, soit du culte de l'argent. Ce discours, vieux de 84 ans, garde toute sa fraîcheur aujourd'hui: l'écologiste sincère y adhèrera sans hésiter.

 

La Grande Guerre bouscule tout: l'universalisme de l'écoumène euro-chrétien est fracassé, émietté, les nations sont devenues des mondes fermés sur eux-mêmes, développant leurs propres idoles politico-idéologiques. La propagande alliée avait répété assez souvent que les démocraties occidentales s'opposaient à l'Allemagne parce qu'elle était la patrie de Nietzsche, prophète de l'anti-christianisme et du néo-paganisme. Certains Allemands vont se prendre au jeu: puisque leurs adversaires se po­saient comme les défenseurs de la “civilisation” et de la “démocratie”, ils se poseraient, eux, comme les défenseurs de la “culture” et de l'“ordre”. Si Rousseau était posé comme le prophète de la démocratie française, qui s'opposait à Nietzsche, celui-ci devenait à son tour le prophète d'une Allemagne appelée à révolutionner la pensée et à “transvaluer” toutes les va­leurs. Et puisque cette Allemagne était accusée d'avoir propagé un paganisme, les cérémonies d'hommage aux soldats morts sur les champs de bataille de la Grande Guerre révèlent un retour à des pratiques anciennes, antiques, non chrétiennes, que l'on avait oubliées en Europe: réserver aux combattants tombés à la guerre un “bois sacré”, immerger le corps d'un soldat in­connu dans les eaux du Rhin, bâtir un mausolée sur le modèle de Stonehenge à Tannenberg en Prusse Orientale ou ériger des monuments semblables à des tombes mégalithiques ou des dolmens: voilà bien autant de concessions de l'Etat et de l'armée aux paganismes des intellectuels et des érudits. Enfin, l'effondrement de la structure impériale et de l'Etat autoritaire (Obrigkeitsstaat),  élimine le Trône et l'Autel de la vie politique et inaugure l'ère de la privatisation du sentiment religieux. Etat libéral de modèle français, la République de Weimar sépare l'Eglise de l'Etat, ce qui démobilise bon nombre d'anciens fonc­tionnaires de leurs liens formels avec les confessions conventionnelles et crée un certain climat de désaffection à l'égard des anciennes structures religieuses. Outre un certain renforcement des associations néo-païennes et un approfondissement de la question des religions autochtones au niveau universitaire, on assiste, dans les premières années de la République de Weimar, entre 1919 et 1923, à une inflation de fausses mystiques, de bizarreries spiritualistes, d'astrologisme, etc. C'est là une manifestation du pluralisme absolu et anarchique de la culture de Weimar. L'anti-christianisme le plus radical, quant à lui, adopte un ton messianique: il attend l'avènement du “Troisième Reich”, sorte de transposition dans l'immanence de l'idée au­gustinienne d'une “Jérusalem céleste”. Ce messianisme s'exprime notamment dans le cadre d'une organisation parapolitique très importante de l'époque, le Deutsch-Völkischer Schutz- und Trutzbund,  qui a compté jusqu'à 170.000 membres. Parallèlement au messianisme, le “Juif” devient l'ennemi principal, alors que l'antisémitisme avait été très atténué dans les néo-paganismes d'avant 1914 et était quasiment absent dans les années de guerre. Les réflexions sur les religions autoch­tones cèdent le pas à la propagande politique et au recrutement de volontaires pour le Corps Franc “Oberland”. Mais passée la grande crise des cinq premières années de la République, ce radicalisme politique s'estompe et les néo-païens retournent à une myriade de petits cénacles ou d'associations culturelles, cultivant des idées et des projets tantôt originaux tantôt bizarres.

 

Le clivage persiste néanmoins entre occultistes, qui restent marginaux mais assurent la continuité avec leurs prédécesseurs d'avant 1914, et “naturalistes”, qui entendent forger un néo-paganisme rationnel, basé sur la philologie, l'archéologie, les sciences naturelles et biologiques, les découvertes de la diététique, etc.  Trois tendances idéologico-philosophiques voient ce­pendant le jour, dans la période 1925-1933, entre Locarno et l'accession de Hitler au pouvoir:

1. Les nouvelles générations issues du Wandervogel introduisent dans le mouvement néo-païen le style du mouvement de jeunesse, avec les chants, le romantisme du feu de camp et la réhabilitation des danses populaires.

2. Les femmes sont admises dans ses associations sur pied d'égalité avec les hommes, car la thématique féministe de l'anti-christianisme a fait son chemin.

3. Les spéculations sur le monothéisme des Germains et des Scandinaves cèdent le pas à une réévaluation du polythéisme. On n'hésite donc plus à se déclarer “polythéiste”. Le 19ième siècle avait implictement cru que le monothéisme avait été un “progrès” et que le retour au polythéisme constituerait une “rechute dans le primitivisme”. Les perspectives changent dans les années 20: la pluralité des dieux, disent les néo-païens sous la République de Weimar, fonde la tolérance païenne, qu'il s'agit de restaurer. Dans les panthéons polythéistes, les dieux sont une famille, ils se présentent à leurs adorateurs par couple, les déesses, féminisme anti-chrétien oblige, contestent souvent les décisions de leurs divins époux, car le paganisme et le poly­théisme n'ont absolument pas la rigueur patriarcale du yahvisme chrétien.

 

En 1933, quand Hitler accède au pouvoir, son parti entend défendre et protéger un “christianisme positif” (qui n'est pas expli­cité, mais qui signifie ni plus ni moins un christianisme qui n'entravera par le travail d'un Etat fort qui, lui, ne se déclarera pas ouvertement “chrétien”). Les propagandistes anti-chrétiens les plus zélés et les néo-païens les plus intransigeants sont tenus à distance. Une théologie chrétienne reformulée d'après les modes et le langage national-socialistes, portée par des théologiens réputés comme Friedrich Gogarten, Emanuel Hirsch, Gerhard Kittel, Paul Althaus, etc. est mise en œuvre pour “conquérir les églises de l'intérieur”. On peut cependant remarquer que, de leur côté, les églises, surtout la catholique, opèrent un certain ag­giornamento, pour aller à la rencontre du Zeitgeist:

- réhabilitation des visions cycliques de l'histoire et de la pensée héraclitéenne du devenir chez les philosophes catholiques Theodor Haecker et E. Przywara;

- vision d'un “Dieu qui joue”, innocent comme l'enfant de Nietzsche, toujours chez Haecker;

- concessions diverses au panthéisme;

- vision d'un “Christ Cosmique” et “christologie cyclique” chez Leopold Ziegler;

- vision d'un “Christ dansant” chez Stefan George;

- théologie du Reich chez Winzen, où la paysannerie et le culte du “sang et du sol” trouvent toute leur place, afin de contrer la propagande anti-chrétienne en milieux ruraux des nationaux-socialistes Rosenberg, Darré et von Leers;

- spéculations sur l'incarnation divine et sur l'excellence de la paysannerie germanique, porteuse du glaive de l'église, c'est-à-dire de l'institution impériale;

- retour à la nature mis en équation avec un retour au divin, etc.

 

Si les églises ne se méfiaient pas du néo-paganisme avant 1914, elles s'inquiètent de ses progrès après 1918, vu l'affluence que connaissent les cercles “völkisch” et néo-païens. C'est la raison qui poussent les plus hautes autorités de l'Eglise à adop­ter un langage proche de celui des groupes “völkisch”. Hitler, lui, veut promouvoir le “mouvement de la foi des Chrétiens al­lemands”, dans le but avoué de construire une grande église nationale-allemande qui surmonterait la césure de la Réforme et de la Contre-Réforme. Certains cercles sont dissous, les autres sont invités à rejoindre de vastes associations contrôlées par le parti. Parmi ces associations, la principale fut la Deutsche Glaubensbewegung, dirigée par le philosophe et indianiste Wilhelm Hauer, par l'ancien diplomate anti-britannique et militant völkisch Ernst zu Reventlow, par le philosophe Ernst Bergmann, soucieux de construire une “Eglise d'Etat” non-chrétienne. L'objectif de ces trois hommes était d'assurer à l'Allemagne une rénovation religieuse, englobant éléments non chrétiens, pré-chrétiens et traditionnels, c'est-à-dire des élé­ments de la religiosité éternelle des peuples qui s'étaient ancrés dans la culture allemande sous une forme christianisée. Le mouvement était a-chrétien plutôt qu'anti-chrétien. Finalement, il s'auto-dissolvera, son présidium abandonnera toute vie pu­blique, pour laisser la place à une organisation de combat anti-chrétienne, servant le parti dans sa lutte contre les églises, dès la fin de la lune de miel entre les nationaux-socialistes et les hiérarchies confessionnelles.

 

Après 1945, les néo-païens ou les “völkisch-religieux” se fondent dans deux organisations: chez les Unitariens (Deutsche Unitarier) qui se réorganisent à partir de 1948 et dont la figure de proue deviendra Sigrid Hunke (“La vraie religion de l'Europe”); et dans le Bund freireligiöser Gemeinden (Ligue des communautés religieuses libres), constitué en 1950. Wilhelm Hauer recrée en 1950 l'Arbeitsgemeinschaft für freie Religionsforschung und Philosophie qui entretiendra de bons rapports avec les deux autres organisations. Les personnalités politiques des décennies précédentes y sont rares et le profil idéologico-politique des membres des deux organisations (celle de Hauer étant plus scientifique) correspond davantage à celui des natio­naux-libéraux d'avant 1914. Les thématiques abordées sont celles de la liberté religieuse, du panthéisme et du rapport entre sciences naturelles ou biologiques et foi religieuse.

En 1951, Wilhelm Kusserow, chassé de Berlin-Est où il est resté professeur jusqu'en 1948, fonde son Artgemeinschaft sur les débris du Nordische Glaubensbewegung. Sans ambages, les membres affirment se reconnaître dans leur germanité et sont ouvertement plus “nationalistes” que les unitariens et les “Freireligiösen”. En 1957, cette association fusionne avec les restes de celle de Norbert Seibertz.

 

Au moment où la fusion de ces associations a-chrétiennes voire anti-chrétiennes s'opère, l'Eglise abandonne, par la voie du Concile Vatican II, toutes ses références à la Rome antique pré-chrétienne,  à l'“organon” euro-médiéval. Une bonne fraction du catholicisme européen appelait jadis à renouer avec l'“Ordo Æternus” romain, qui, dans son essence, n'était pas chrétien, était au contraire l'expression d'une paganisation politique du christianisme, dans le sens où la continuité catholique n'était pas fondamentalement perçue comme une continuité chrétienne mais plutôt comme une continuité archaïque, romaine, latine. Aux yeux de ces catholiques au fond très peu chrétiens, la “forme catholique” véhiculait la forme romaine en la christianisant en surface. Carl Schmitt était l'un de ces catholiques, pour qui aucune forme politique autre que la forme romaine n'était adaptée à l'Europe. Il était catholique parce qu'il avait une vision impériale romaine, qui, après la translatio,  deviendra germanique. Il critiquait l'idéologie des Lumières et le positivisme juridique et scientiste parce que ces idéologies modernes rejetaient la ma­trice impériale et romaine, rejetaient cette primitivité antique et féconde, et non pas l'eudémonisme implicite du christianisme. De même, Vatican II rejettera cette romanité fondamentale pour ne retenir que l'eudémonisme chrétien. Dans les milieux con­servateurs, dans les droites classiques, ce refus de la romanité, de la forme politique impériale romaine ou des formes stato-nationales qui ramenaient l'impérialité à un territoire plus restreint, provoque un véritable choc. Ni le catholicisme ni même le christianisme n'apparaissent plus comme les garants de l'ordre. De cette déception, naît la “nouvelle droite” française, d'autant plus qu'un Maurras, qui est encore à l'époque la référence quasi commune de toutes les droites, avait clairement aperçu la distinction entre forme politique et relâchement eudémoniste: pour lui, l'Eglise était facteur d'ordre tandis que l'Evangile, un “poison”. Si l'Eglise rejette complètement les résidus d'impérialité romaine, ou les restes d'un sens antique de la civitas,  qu'elle véhiculait, elle n'est donc plus qu'un “poison”:  voilà donc un raisonnement maintes fois tenu dans les rangs de la droite française. Une fraction de celle-ci cherchera dès lors de nouvelles références, ce qui la conduira à découvrir no­tamment Evola, la Révolution Conservatrice allemande, l'univers des néo-paganismes, la postérité intellectuelle de Nietzsche, au grand scandale de ceux qui demeurent fidèles à un message chrétien-catholique, qui n'est plus du tout envisagé sous le même angle par les autorités supérieures de l'Eglise catholique.

 

Les années 60 voient éclore de nouvelles thématiques, imitées des néo-primitivismes nord-américains: New Gypsies, New Indians, Flower People, Aquarians, Hippies, etc. La nouvelle religiosité ne s'ancre plus dans le socialisme politique ou dans le nationalisme exacerbé, mais dans un espace complètement dépolitisé. Une question se pose dès lors. Le recours aux passés pré-chrétiens de l'Europe doit-il s'opérer sans l'apport d'un projet politique ou, au moins, d'une vision claire de ce que doit être un Etat, une constitution, un droit? Doit-il s'opérer sans décider quelle instance doit avoir la pré-scéance: est-ce le peuple, porteur d'une histoire dont il faut assurer la continuité, ou est-ce la structure étatico-administrative, dont il s'agit de maintenir, envers et contre tout, le fonctionnement routinier, même aux dépens de la vie?

 

Le danger des modes “New Age”, même si elles induisent nos contemporains à se poser de bonnes questions, c'est justement de sortir des lieux de décision, de s'en éloigner pour rejoindre une sorte de faux Eden, sans consistance ni racines.

 

Ce risque de dérapage nous oblige à poser l'éternelle question: que faire?

- Premier rudiment de réponse: il y a beaucoup de choses à faire dans un monde si pluriel, si diversifié, si riche en potentiali­tés mais aussi si éclaté, si émietté, si divisé par des factions rivales ou des options personnelles ou des incommunicabilités insaisissables; il y a beaucoup de choses à faire dans un monde pluriel, où faits positifs et faits négatifs se juxtaposent et dé­sorientent nos contemporains.

- Deuxième élément de réponse: affronter un monde riche en diversités, encadrer cette diversité sans l'oblitérer ou la mutiler, implique:

de moduler sa pensée et son action de ré-immersion dans le passé le plus lointain de l'Europe sur les acquis de la philologie indo-européenne. Sans préjuger de leurs options sur d'autres questions indo-européennes, les travaux d'Emile Benveniste, de Thomas V. Gamkrelidze et de Viatcheslav V. Ivanov, et même de Bernard Sergent, nous permettent de saisir la portée sé­mantique fondamentale du vocabulaire des institutions indo-européennes primitives, et de savoir ce que les termes veulent dire en droit, afin que soit restaurer une société où les citoyens sont égaux en dignitié. C'est cette égalité en dignité, mise en exergue par Tacite, qui fait que les tribus s'appellent assez souvent “les amis”, les “parents” ou “le peuple” (Teutones, Tutini de Calabre, Teutanes d'Illyrie, etc.). Cette harmonie sociale est un modèle impassable: on a vu avec quel enthousiasme les humanistes italiens l'ont exhumé au XVième siècle, avec quel zèle les pionniers du socialisme l'ont adopté, avec quel respect Marx et surtout Engels (dans Les origines de la propriété privée, de la famille et de l'Etat) en parlent dans leurs livres, enfin, avec quelle obstination les socialistes “völkisch”, futurs nationalistes, l'ont explicité. Mais au-delà des enthousiasmes légi­times, il faut construire, rendre plausible, déniaiser les engouements. Ce travail n'est possible que si l'on comprend concrè­tement, sans basculer dans l'onirique, ce que les mots que nous employons veulent dire, ce que les termes qui désignaient nos institutions à l'aurore de notre histoire signifient réellement.

 

Enfin, un recours aux ressorts les plus antiques de l'Europe, comme de tous les autres continents, implique une attention par­ticulièrement soutenue à la valeur des lieux. Si l'installation monotone dans un seul lieu n'est sans doute pas exaltante, n'excite pas l'esprit aventureux, l'ignorance délibérée et systématique des lois du temps et de l'espace, des lois du particulier, est une aberration et une impossibilité pratique. En transposant souvent leur telos dans un “autre monde”, soustrait aux règles du temps et de l'espace, le courant doloriste et augustinien du christianisme, les fidéismes athées à coloration “rationaliste”, les pratiques administratives de certains Etats, les déviances du droit vers l'abstraction stérile, ont arraché les hommes à leurs terres, aux lieux où le destin les avait placés. Cet arrachement provoque des catastrophes anthropologiques: fébrilité et déra­cinement, errance sans feu ni lieu, discontinuités successives et, finalement, catastrophes écologiques, urbanisme dévoyé, effondrement des communautés familiales et citoyennes.

 

Tout néo-paganisme positif, non sectaire, non replié sur une communauté-ersatz doit agir pour contenir de telles déviances. Il doit opérer ce que le théoricien britannique de l'écologie, Edward Goldsmith, appelle un retour à Gaïa, à la terre. Mais ce re­tour à une écologie globale, remise dans une perspective plus vaste et plus spiritualisée, plus “éco-sophique”, ne saurait se déployer sans un engagement social concomitant. Le retour des hommes à des lieux bien circonscrits dans l'espace  —de préférence ceux de leurs origines, ceux où ils retrouvent les souvenirs ou la tombe d'un bon vieux grand-père sage et sou­riant—  et l'organisation en ces lieux d'une vie économique viable à long terme, satisfaisante pour eux et pour les générations qu'ils vont engendrer, sont autant de nécessités primordiales, à l'heure où la mondialisation des marchés exerce ses ravages et exclut les plus fragiles d'entre nos concitoyens, à l'heure où les migrations tous azimuts n'aboutissent nulle part sinon à la misère et à l'exclusion.

 

Récemment, dans un dossier “Manière de voir” (n°32), le Monde diplomatique,  lançait un appel planétaire à la résistance contre les aberrations socio-économiques installées par l'“armada des économistes orthodoxes”, dont la panacée la plus te­nace était celle de la fameuse “bulle commerciale” dans laquelle le libre-échange devait être roi absolu et où aucune stabilité sociale, aucun legs de l'histoire, ne devait entraver la course folle vers une croissance exponentielle des chiffres d'affaires. Les rédacteurs du Monde diplomatique réclamaient un “sursaut républicain”, contre la résignation des élites du “cercle de la raison”, qui appliquent sans originalité ni imagination ces doctrines du libéralisme total qui ne tiennent  compte ni des limites du temps ni de celles de l'espace. Dans le cadre de cette revendication, ces rédacteurs n'hésitaient pas à rappeler les atouts de la “solidarité rurale” et du “maillage associatif” dans les campagnes, formes d'organisation communautaires et non socié­taires, mais dont le ciment ne peut être qu'une variante de l'organisation clanique initiale des peuples, où se conjuguent liberté constructive et autonomie, soit deux vertus qui avaient enthousiasmé les humanistes de la Renaissance italienne qui avaient lu Tacite et initié à leur époque le premier grand “sursaut républicain”. Face au fétichisme de la marchandise, disent les rédac­teurs du Monde diplomatique,  “il n'y a pas d'autre issue que de résister, afin de défendre les derniers fragments de la liberté des peuples de disposer de leur propre destin”. Nous n'avons pas d'autre programme. Car nous aussi, nous voulons une “Europe des citoyens”, c'est-à-dire une Europe d'Européens inclus dans des cités taillées à leurs mesures, des cités qui ont une histoire et un rythme propres. Nous nous donnons toutefois une tâche supplémentaire: aller toujours aux sources de cette histoire et de ce rythme. Pour rester fidèles à la démarche des humanistes de la Renaissance et des premiers socialistes li­bertaires qu'a allègrement trahis la sociale-démocratie, en se livrant à ses petits jeux politiciens et en décrétant toute réflexion sur notre très lointain passé comme l'expression mièvre et ridicule d'une “fausse conscience”.

 

Cette “fausse conscience” est pour nous une “vraie conscience”, notre “conscience authentique”. Car cela ne sert à rien de critiquer les orthodoxies de l'économie dominante, si c'est pour adopter le même schéma abstrait. L'autonomie des peuples, c'est de vivre en conformité avec leur plus lointain passé. C'est affirmer haut et fort la continuité, pour ne pas périr victime d'une pensée sans racines et sans cœur.

 

Le combat contre les idéologies dominantes, contre les confessions qui tiennent le haut du pavé et stérilisent les élans reli­gieux authentiques, ne peut nullement être un combat entre érudits distingués, à l'abri des grands courants intellectuels et poli­tiques du siècle, mais au contraire un combat qui apportera le supplément d'âme nécessaire à ce grand “sursaut républicain” qu'appellent nos contemporains. C'est à ce combat que j'ai voulu vous convier aujourd'hui. Je vous remercie de m'avoir écouté.

 

Robert STEUCKERS.

(Forest, du 8 au 10 janvier 1997).

mardi, 23 juin 2009

Il cantore del mito nuovo: Giorgio Locchi

Il cantore del mito nuovo: Giorgio Locchi



… suonava così antico, eppure era così nuovo…

(Richard Wagner, I Maestri Cantori di Norimberga)


di Adriano Scianca (2005) - http://augustomovimento.blogspot.com/


E per ultima venne la “globalizzazione”. In duemila anni di pensiero unico egualitario ci siamo sorbiti: “l’inevitabile” venuta dei tempi messianici, “l’inevitabile” avanzata del progresso tecnico, economico e morale, “l’inevitabile” avvento della società senza classi, “l’inevitabile” trionfo del dominio americano, “l’inevitabile” instaurazione della società multirazziale. Ed ora, appunto, è la “globalizzazione” ad imporsi come “inevitabile”. Il cammino è già tracciato, nulla possiamo contro il Senso della Storia. Certo, l’ingresso trionfale nell’Eden finale va continuamente procrastinato, giacché sempre emergono popoli impertinenti che non apprezzano gli hegelismi in salsa yankee di cui sopra. Ma prima o poi – ce lo dice Bush, ce lo dicono i pacifisti, ce lo dicono gli scienziati, i filosofi e i preti – la storia finirà. È sicuro. Sicuro?


Fine della storia?


È vero: la storia può effettivamente finire. È del tutto plausibile che nel futuro che ci aspetta si possa assistere al triste spettacolo dell’“ultimo uomo” che saltella invitto e trionfante. Ma questo è solo uno dei possibili esiti del divenire storico. L’altro, anch’esso sempre possibile, va nella direzione opposta, verso una rigenerazione della storia attraverso un nuovo mito. Parola di Giorgio Locchi. Romano, laureato in giurisprudenza, corrispondente da Parigi de “Il Tempo” per più di trent’anni, animatore della prima e più geniale Nouvelle Droite, fine conoscitore della filosofia tedesca, della musica classica, della nuova fisica, Locchi ha rappresentato una delle menti più brillanti ed originali del pensiero anti-egualitario successivo alla sconfitta militare europea del ‘45.

Molti giovani promesse del pensiero anticonformista degli anni ‘70 conservano ancora oggi il nitido ricordo delle visite da “Meister Locchi” presso la sua casa di Saint-Cloud, a Parigi, «casa dove molti giovani francesi, italiani e tedeschi si recavano più in pellegrinaggio che in visita; ma simulando indifferenza, nella speranza che Locchi […] fosse come Zarathustra dell’umore giusto per vaticinare anziché, come disgraziatamente faceva più spesso, parlare del tempo o del suo cane o di attualità irrilevanti»1. Le ragioni di una tale venerazione non possono sfuggire anche a chi l’autore romano lo abbia conosciuto solo tramite i suoi testi. Leggere Locchi, infatti, è un’“esperienza di verità”: aprendo il suo Wagner, Nietzsche e il mito sovrumanista – un «grande libro», «uno dei testi classici dell’ermeneutica wagneriana», come lo definisce Paolo Isotta sul… “Corriere della Sera”!2 – ci si trova di fronte al disvelamento (ἀλήθεια, a-letheia) di un sapere originale ed originario. Disvelamento che non può mai essere totale.

L’aristocratica prosa locchiana è infatti ermetica ed allusiva. Il lettore ne è conquistato, nel tentativo di sbirciare tra le righe e cogliere un sapere ulteriore che, se ne è certi, l’autore già possiede ma dispensa con parsimonia
3. Ad aumentare il fascino dell’opera di Locchi, poi, contribuisce anche la vastità dei riferimenti e la diversità degli ambiti toccati: dalle profonde dissertazioni filosofiche alle ampie parentesi musicologiche, dai riferimenti di storia delle religioni alle ardite digressioni sulla fisica e la biologia contemporanea. Chi è abituato alle atmosfere asfittiche di certo neofascismo onanistico o ai tic degli evolomani di stretta osservanza ne è subito rapito.


La libertà storica


Il punto di partenza del pensiero locchiano è il rifiuto di ogni determinismo storico, ovvero l’idea che «la storia – il divenire storico dell’uomo – scaturisca dalla storicità stessa dell’uomo, cioè dalla libertà storica dell’uomo e dall’esercizio sempre rinnovato che di questa libertà storica, di generazione in generazione, fanno personalità umane differenti»4. È il rifiuto della “logica dell’inevitabile”. La storia è sempre aperta e determinabile dalla volontà umana. Due sono, a livello macro-storico, gli esiti possibili, i poli opposti verso cui indirizzare il divenire: la tendenza egualitarista e la tendenza sovrumanista, esemplificate da Nietzsche con i due mitemi del trionfo dell’ultimo uomo e dell’avvento del superuomo (o, se si preferisce, dell’“oltreuomo”, come è stato rinominato da Vattimo nell’intento illusorio di depotenziarne la carica rivoluzionaria). Il filosofo della volontà di potenza afferma la libertà storica dell’uomo tramite l’annuncio della morte di Dio: chi ha acquisito la consapevolezza che “Dio è morto” «non crede più di essere governato da una legge storica che lo trascende e lo conduce, con l’umanità intera, verso un fine – ed una fine – della storia predeterminato ab aeterno o a principio; bensì sa ormai che è l’uomo stesso, in ogni “presente” della storia, a stabilire conflittualmente la legge con cui determinare l’avvenire dell’umanità»5.

Tutto ciò porta Locchi ad individuare una vera e propria “teoria aperta della storia”. Il futuro, in questa prospettiva, non è mai stabilito una volta per tutte, rimane costantemente da decidere. Non solo: anche il passato non è chiuso. Il passato, infatti, non è ciò che è avvenuto una volta per tutte, un mero dato inerte che l’uomo può studiare come fosse un puro oggetto. Esso, al contrario, è interpretazione eternamente cangiante. Il tempo storico, lo stiamo vedendo a poco a poco, assume un carattere tridimensionale, sferico, essendo caratterizzato da interpretazioni del passato, impegni nell’attualità e progetti per l’avvenire eternamente in movimento. L’origine mitica finisce per proiettarsi nel futuro, in funzione eversiva nei confronti dell’attualità. Le diverse prospettive che ne fuoriescono finiscono per scontrarsi dando vita al conflitto epocale.


Il conflitto epocale


Il “conflitto epocale” è dato dallo scontro di due tendenze antagoniste. Si è già detto quale siano le tendenze della nostra epoca: egualitarismo e sovrumanismo. Ogni tendenza attraversa tre fasi: quella mitica (in cui sorge una nuova visione del mondo in modo ancora istintuale, come sentimento del mondo non razionalizzato e quindi come unità dei contrari), quella ideologica (in cui la tendenza, affermandosi storicamente, comincia a riflettere su se stessa e quindi si divide in differenti ideologie apparentemente contrapposte tra loro) e quella autocritica o sintetica (in cui la tendenza prende atto della sua divisione ideologica e cerca di ricreare artificialmente la propria unità originaria). E se l’egualitarismo (oggi in fase “sintetica”) è la tendenza storica dominante da duemila anni, la prima espressione “mitica” del sovrumanismo va ricercata nei movimenti fascisti europei.

Il fascismo, per Locchi, non può essere compreso che alla luce della “predicazione sovrumanista” di Nietzsche e Wagner
6 e della “volgarizzazione” di tali tesi ad opera degli intellettuali della Rivoluzione Conservatrice (che, quindi, cessa di essere un’entità “innocente”, astrattamente separata dalle sue realizzazioni pratiche, come vorrebbe certo neodestrismo debole). Fascismo come espressione politica del Nuovo Mito comparso nell’ottocento da qualche parte tra Bayreuth e Sils Maria, quindi. Un qualcosa di nuovo, dunque. Ma, wagnerianamente, anche un qualcosa di antico.

Il fascismo, infatti, rappresenta anche la piena assunzione del “residuopagano che il cristianesimo non è riuscito a cancellare e che è sopravvissuto nell’inconscio collettivo europeo. Un fenomeno rivoluzionario, insomma, che si richiama ad un passato quanto più possibile ancestrale ed arcaico, proiettandolo nel futuro per sovvertire il presente. Lo scopo, nella lunga durata, è quello di far «regredire oltre la soglia memoriale» la Weltanschauung cristiana, versando significati nuovi nei significanti vecchi di matrice biblica, così come originariamente il cristianesimo “falsificò” i termini pagani per veicolare la propria visione del mondo in un linguaggio che non risultasse incomprensibile alle genti europee. È il progetto che il Parsifal wagneriano esprime con la formula «redimere il redentore»
7.


Il male americano


Ma il primo tentativo di agire concretamente nella storia da parte della tendenza sovrumanista, come sappiamo, è sfociato nella sconfitta militare europea del 1945. Una sconfitta che ha posto il vecchio continente tra le fauci della tenaglia costruita a Yalta. In quel periodo, è bene ricordarlo, troppi eredi del mondo uscito perdente dal secondo conflitto mondiale pensarono di rinverdire la loro militanza sostenendo uno dei due bracci della tenaglia a scapito dell’altro, vagheggiando di un Occidente “bianco” che altro non poteva essere se non la “terra della sera” (Abend-land) in cui veder tramontare ogni speranza di rinascita europea. Scelsero, quei “fascisti” vecchi o nuovi, la tattica del “male minore”. Che, notoriamente, non è altro che la tattica dell’“utile idiota” vista… dall’utile idiota.

In questo contesto, sarà proprio Locchi (non da solo, né per primo: si pensi solo a Jean Thiriart) a denunciare le insidie del “male americano”. E Il male americano è anche il titolo di un libro tratto da un articolo comparso su Nouvelle Ecole nel 1975 a firma Robert De Herte ed Hans-Jürgen Nigra, pseudonimi rispettivamente di Alain de Benoist e dello stesso Locchi. Tale testo contribuirà in maniera decisiva a depurare il corpus dottrinale della Nuova Destra di ogni suggestione occidentalista. Del resto, i due autori cortocircuiteranno la logica dei blocchi citando una frase di Jean Cau: «Nell’ordine dei colonialismi, è prima di tutto non essendo americani oggi che non saremo russi domani». C’è una grande saggezza in tutto ciò. Ne Il male americano l’America è descritta più nella sua ideologia implicita, nel suo way of life, che nella sua prassi criminale. Un’ideologia fatta di moralismo puritano, di disprezzo per ogni idea di politica, tradizione o autorità, di mentalità utilitarista, di conformismo e mancanza di stile, di odio freudiano contro l’Europa. Ciò che soprattutto interessa agli autori è l’influenza della Bibbia nella mentalità collettiva statunitense, senza la quale sarebbero inconcepibili i deliri neocons dell’attuale gestione. Ed inoltre – il ricordo del ‘68 è ancora caldo – non manca la ripetuta sottolineatura della sostanziale convergenza tra la contestazione sinistrorsa ed i miti di oltre-Atlantico. New York come capitale del neo-marxismo: ce n’è abbastanza per distinguere il testo di Locchi/De Benoist dalle denunce “progressiste” dei vari Noam Chomsky (che pure, beninteso, hanno anch’esse la loro funzione).


La terra dei figli


Ma “il male americano” è soprattutto un male dell’Europa. Oggi che la Guerra Fredda è finita e all’ordine di Yalta è subentrato il feroce solipsismo armato di uno pseudo-impero fanatico e usuraio, ce ne accorgiamo più che mai. L’Europa: il grande malato della storia contemporanea. Ma anche un’idea-forza, un mito, un ripiego sulle origini che è progetto d’avvenire, come vuole la logica del tempo sferico.





In questo senso, i riferimenti all’avventura indoeuropea o all’Imperium romano, alle poleis greche piuttosto che al medioevo ghibellino servono come materiale grezzo da cui forgiare qualcosa di nuovo, qualcosa che non si è mai visto. «Se si vuol parlare d’Europa, progettare una Europa, bisogna pensare all’Europa come a qualcosa che ancora non è mai stato, qualcosa il cui senso e la cui identità restano da inventare. L’Europa non è stata e non può essere una “patria”, una “terra dei padri”; essa soltanto può essere progettata, per dirla con Nietzsche, come “terra dei figli”»8. Se nostalgia dev’esserci, allora che sia “nostalgia dell’avvenire”, come nello (stranamente felice) slogan missino di qualche tempo fa. Questo mondo che crede nella fine della storia sta forse assistendo semplicemente alla fine della propria storia. Per il resto, nulla è scritto. Sprofonderemo anche noi fra le rovine putride di questa decadenza al neon? Oppure avremo la forza di forgiare il nostro destino attraverso l’istituzione di un “nuovo inizio”? A decidere sarà solo la saldezza della nostra fedeltà, la profondità della nostra azione, la tenacia della nostra volontà.


Note


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1) Stefano Vaj, Introduzione a Giorgio Locchi, Espressione e repressione del principio sovrumanista. Tra gli intellettuali influenzati da Locchi ricordiamo, oltre allo stesso Vaj, tutto il nucleo fondante della Novelle Droite anni ‘70/80, da De Benoist a Faye, Steukers, Vial, Krebs, ma anche Gennaro Malgieri ed Annalisa Terranova, oggi in AN. Spunti locchiani emergono anche in tempi recenti in Giovanni Damiano e Francesco Boco. Non possiamo non citare, inoltre, Paolo Isotta, critico musicale del “Corriere della Sera” (!), cui Maurizio Cabona riuscì a far redigere un entusiastico saggio introduttivo al libro su Nietzsche e Wagner e che anche ultimamente (vedi nota successiva) è tornato a citare Locchi proprio sulle colonne del maggiore quotidiano italiano.

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2) Paolo Isotta, “La Rivoluzione di Wagner”, ne “Il Corriere della Sera” del 04/04/2005.

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3) Va detto, inoltre, che tra le carte lasciate da Locchi si trova diverso materiale inedito, tra cui un saggio su Martin Heidegger probabilmente e sfortunatamente destinato a non vedere mai la luce.

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4) Da Wagner, Nietzsche e il mito sovrumanista.

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5) Ibidem.

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6) Grande merito di Locchi è del resto il fatto stesso di aver riscoperto le potenzialità rivoluzionarie dell’opera wagneriana in un ambiente che continuava a pensare al compositore tedesco nell’ottica della duplice “scomunica” nietzschana ed evoliana.

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7) Gli indoeuropei, la filosofia greca, Nietzsche, la Konservative Revolution, il fascismo, l’Europa: il lettore attento avrà già scorto, dietro a simili riferimenti, l’ombra possente di Adriano Romualdi. Eppure, incredibilmente, Locchi sviluppò il suo pensiero del tutto autonomamente da Romualdi. Anzi, sarà solo grazie ad alcuni giovani italiani recatisi da lui in visita a Parigi che il filosofo conoscerà l’opera del giovane pensatore morto prematuramente. Senza mancare di sottolineare l’oggettiva convergenza di vedute. Per gli amanti della rete (e i poliglotti), segnaliamo la presenza, in Internet, di un testo in spagnolo (La esencia del fascismo como fenómeno europeo. Conferencia-Homenaje a Adriano Romualdi) che riproduce un discorso di Locchi pronunciato proprio in onore del compianto autore di Julius Evola: l’uomo e l’opera. Ignoriamo le circostanze cui far risalire tale discorso.

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8) Da L’Europa: non è eredità ma missione futura.

jeudi, 18 juin 2009

Fukuyama persiste et s'obstine

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Fukuyama persiste et s'obstine...

Ex: http://unitepopulaire.org/

« En 1992, Francis Fukuyama publiait son fameux essai sur la fin de l’Histoire, affirmant que l’éternelle guerre des idéologies politiques était terminée et que le concept de la démocratie libérale avait triomphé. Seize ans plus tard, le retour de l’autoritarisme russe, la stabilité du gouvernement communiste chinois et le renforcement des théocraties moyen-orientales semblent avoir donné tort à l’universitaire américain. […]

Pour Francis Fukuyama, les prémisses de sa théorie sont toujours valables : malgré la Chine ou la Russie, la démocratie libérale reste la seule forme de gouvernement globalement acceptée, une sorte d’idéal vers lequel tendent la plupart des pays. "Bien entendu, reconnaît l’universitaire, plusieurs groupes affirment le contraire, comme les islamistes fondamentalistes, mais sur le long terme, je suis confiant, le système démocratique est le seul viable". »

 

L’Hebdo, 2 octobre 2008

 Il faut croire que dans certains esprits, les théories a propri sont plus têtues que l’épreuve des faits… Et pourtant non, Francis, l’Histoire n’est pas terminée et elle ne le sera jamais tant qu’il y aura des hommes sur cette planète ! Car prendre en main son histoire, en tant que peuples et en tant qu’individus, relève d’une liberté inaliénable, celle de l’auto-détermination ; une liberté que les penseurs libéraux, qui n’ont pourtant que ce mot à la bouche, ne semblent pas prêts de nous accorder – ce qui importe peu car nous ne demandons pas leur autorisation. Après « l’horizon indépassable » des lendemains qui chantent soviétiques, les prophètes atlantistes voudraient nous faire croire à un avenir déterminé fait de mondialisme et de démocratie de marché.  A en croire la voix des peuples du monde, il n’est pas sûr que nous allions dans ce sens…

 

dimanche, 14 juin 2009

Jean-Marie Gantois

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Jean-Marie Gantois

ex: http://www.n-sa.be/

Ongetwijfeld is Jean-Marie Gantois de sterkste persoonlijkheid geweest die de Vlaamse Beweging in Noord-Frankrijk sinds prof. dr. Camille Looten ( 1855-1941 ) heeft opgeleverd. Hij werd te Waten (Frans: Watten) in het arrondissement Duinkerke op 21 juli 1904 geboren als oudste van de vijf kinderen van Albert-Félix Gantois ( 1877-1931 ), een geneesheer die van Belle (Bailleul) afkomstig was, en van Marthe Courtois ( 1875-1968 ) uit Blaring(h)em. Twee kinderen stierven jong. De tweede zoon Michel volgde zijn vader als geneesheer te Waten op en Géneviève, de jongste dochter in het gezin, trad in het klooster en verblijft in Paray-le-Monial.

Er bestond te Waten een Ecole du Sacré Coeur van de Broeders Maristen, waar Jean-Marie Gantois zijn lager onderwijs genoten heeft. Natuurlijk in het Frans, aangezien het Nederlands, nochtans de moedertaal van de autochtone bevolking in de Franse Nederlanden (zoals het meer en meer de gewoonte wordt dit deel van Frankrijk te noemen) door een decreet van de Conseil Académique du Nord op 27 januari 1853 verboden werd. Toen Frankrijk in 1880 de schoolplicht invoerde en in 1882 minister Jules Ferry het programma van het lager onderwijs voorschreef, bevestigde dit stilzwijgend het dertig jaar vroeger getroffen besluit. Het voorzag geen lesuren voor het Nederlands en verbood terzelfder tijd dat iets zou onderwezen worden dat niet uitdrukkelijk op het programma vermeld stond.

Vooral de kinderen uit de lagere volksklasse, die thuis alleen Nederlands in zijn dialectische streekvorm gehoord en gesproken hadden, waren de slachtoffers van die taaldwang, te meer daar het de onderwijzers in het lager en de leraars in het middelbaar onderwijs evenmin toegelaten was van het Nederlands te vertrekken om hun leerlingen een degelijke kennis van het Frans bij te brengen. Zelfs werd het spreken van de moedertaal gedurende de speeltijden bestraft met kleine geldboeten of het schrijven van strafregels.

Voor Jean-Marie Gantois sloot dat systeem geen nadeel in, omdat hij van huis uit Frans sprekend was. In een burgerlijk milieu werd het voor onbehoorlijk gehouden de taal van de kleine lieden te gebruiken, tenzij in gesprekken met het dienstpersoneel. Zo had Gantois toch enige Nederlandse woorden en uitdrukkingen opgevangen van de meisjes die zijn moeder in de huishouding hielpen of op de wekelijkse markt in Waten, waar de landbouwbevolking uit de streek naartoe kwam. Maar op dat ogenblik deelde hij nog, onbewust van enige verkeerdheid in zijn houding, de gevoelens die in zijn omgeving ten overstaan van de volkstaal gemeengoed waren.

Dat hij een knappe leerling zal geweest zijn, blijkt al uit het feit dat hij twaalf jaar oud in 1916 voldoende voorbereid was om zijn Grieks-Latijnse humaniora aan te vatten in de vijfde klasse (dus een jaar hoger dan normaal) aan het Institution Sainte-Marie in Ariën-aan-de-Leie (Aire sur la Lys), het college waar Georges Bernanos enkele jaren vroeger zijn secundaire studies voltooid had. Reeds het volgende jaar maakten de oorlogsomstandigheden dat de school ter beschikking van het Franse leger gesteld, door de leerlingen en leraars moest ontruimd worden.

Nadat hij enige tijd thuis zijn studies op zijn eentje voortgezet had, kreeg Gantois de gelegenheid om aan het Institution Saint-Jacques in Hazebroek (Haesebrouck) verder te studeren. In april 1918, toen de stad door het Duitse lenteoffensief bij de Kemmelberg bedreigd werd, week het college uit naar Lagrune-sur-Mer, een kleine Normandische stad in het departement Calvados, tot het in mei 1919 naar Hazebroek terug kon keren. Tijdens deze oorlogsjaren werd Gantois zich langzamerhand van zijn Vlaamszijn bewust. Twee elementen speelden daarbij een beslissende rol: de onrechtvaardige, zelfs hatelijke vervolging waarvan zijn Nederlands sprekende makkers het slachtoffer waren en de invloed van een beminde leraar, E. H. Jules Andouche ( 1887-1948 ), die Vlaamsgezind was, voor zijn overtuiging uitkwam en zijn rijke bibliotheek voor zijn leerlingen open stelde.

Nadat hij in 1921 zijn baccalaureaat behaald had, studeerde Gantois een jaar wijsbegeerte aan de Ecole Jeanne d’Arc in Rijsel (Lille), waarna hij in 1922 binnen trad in het klein seminarie van Annappes, om zich op het priesterschap voor te bereiden. Datzelfde jaar publiceerde hij als achttienjarige een eerste bijdrage in Le Beffroi de Flandre ( 1919-1928 ), een cultureel tweemaandelijks tijdschrift dat in Duinkerken door de journalist Gaspard Vandenbussche werd uitgegeven. Gantois ondertekende het met een van de vele schuilnamen — ten minste een tiental! — die hij voortaan gebruiken zal, om zich zelf niet voortdurend op de voorgrond te dringen en ook om onaangename moeilijkheden met het gerecht of zijn geestelijke overheid te voorkomen. Datzelfde jaar werd hij lid van de Cercle flamand, een Vlaamse studiekring, die in het klein seminarie opgericht werd door de priester-leraar en oudstrijder uit de eerste wereldoorlog Antoine Lescroart (1897). De leden van de kring trachtten met behulp van de vaak verouderde boeken die zij in Frans-Vlaanderen verzameld hadden weer hun moedertaal machtig te worden en meteen de geschiedenis en problemen van hun volk te leren kennen. Door moeizame inspanning en volhardende wilskracht zou Gantois er na jaren in slagen perfect tweetalig te worden, zodat hij zich even vlot in het Frans en Nederlands kon uitdrukken.

In 1923 verliet hij het klein seminarie te Annappes om naar het Séminaire Académique in Rijsel over te gaan. Zeven jaar lang zal hij er zich op de studie van de theologie, geschiedenis, klassieke en Germaanse talen toeleggen. Hij sloot er vriendschap met een van zijn hoogleraren, Camille Looten, die aan de Sorbonne met een studie over Vondel promoveerde, voorzitter was van het Comité flamand de France en eerlang ook erevoorzitter van het Vlaamsch Verbond van Frankrijk (VVF) zou worden. Nauwelijks te Rijsel aangekomen stichtte Gantois er een nieuwe Cercle flamand, die hij de Michiel De Swaenkring heette.

Om zijn vrienden bij hun studie van het Nederlands enige voorlichting te verschaffen schreef hij een Spraekkunst der Fransch-Vlamingen, die hij later met een ironische glimlach afwees. Onder invloed van Guido Gezelle en de Westvlaamse particularisten uit het einde van de negentiende eeuw, leefde hij toen nog in de mening dat er een Westvlaamse taalvorm bestond die zich naast de algemene Nederlandse cultuurtaal moest handhaven. In deze periode werkte Gantois onder verscheidene schuilnamen geregeld mede aan de tijdschriften van de Vlaamsgezinden in Frankrijk, het reeds vermelde Le Beffroi de Flandre, Le Mercure de Flandre (1922-31) en De Vlaemsche Stemme in Vrankryk (1923-26), een initiatief van Lescroart, dat praktisch alle publicisten verenigde die zich nog van de streektaal konden bedienen.

In de grote vakantie van 1924 vergaderden de leden van de Cercles flamands in de Trappistenabdij op de Katsberg en besloten tot de oprichting van een overkoepelende organisatie, de Union des Cercles flamands. Spoedig sloten naast de jonge geestelijken ook belangstellende leken aan, waarop de naam van de vereniging veranderd werd in Ligue des Flamands de France of Vlaamsch Verbond van Frankrijk. Tot voorzitter werd Justin Blanckaert en tot algemeen secretaris Jean-Marie Gantois verkozen. Laatstgenoemde werd de breed onderlegde theoreticus en nooit vermoeide of moedeloze drijfkracht van het verbond, tot het in september 1944 in pijnlijke omstandigheden opgeheven werd.

In 1925 werd Gantois vertegenwoordiger van het Algemeen Nederlandsch Verbond in Frans-Vlaanderen en weldra schreef hij voor de Nederlandse en Vlaamse pers talrijke stevig gedocumenteerde artikels over zijn land en volk. Tussenin vond hij nog tijd om een der trouwste belangstellenden te worden voor de cursus Nederlands, die van 1926 af aan de Facultés catholiques te Rijsel door E.H.René Despicht (1870-1960) gedoceerd werd. Twee jaar later publiceerde Gantois in boekvorm, nu onder het pseudoniem Edmond Bruggeman een studie over Les Mystiques flamands, met een inleiding van mgr.G.J.Waffelaert, bisschop van Brugge en samen met E.H.Marcel Janssen (1903-1963) een brochure Fransch-Vlaanderen (192 <!--[if !vml]-->8)<!--[endif]-->bestemd voor Belgische en Nederlandse lezers.

Na een overzicht van de geschiedenis van zijn geboorteland en de toen heersende toestanden in Frans-Vlaanderen, stelde hij de mogelijkheid dat de ethnische minderheden in Frankrijk, door een bundeling van hun krachten, er misschien toe konden komen een beperkte vorm van cultureel zelfbestuur af te dwingen. Nog enige jaren zal hij in die richting een uitweg blijven zoeken voor de Frans-Vlaamse problematiek, tot hij even voor het uitbreken van de tweede wereldoorlog tot het inzicht zal komen dat alleen een hereniging van de oude Zeventien Provinciën een afdoende oplossing kon bieden.

Het Vlaamsch Verbond van Frankrijk ontplooide bijna twee decennia lang een activiteit die steeds breder volkslagen bereikte. Het gaf twee tijdschriften uit: Le Lion de Flandre (1929-1944), een studieblad voor de intellectuelen bestemd, en De Torrewachter (1929-1944), uitsluitend in het Nederlands geredigeerd, voor de gewone lezers. Ieder jaar organiseerde het een congres dat stijgende bijval genoot en een literaire prijsvraag, die ettelijke mededingers verenigde. Schriftelijke Nederlandse cursussen kenden enig succes en er ontstond ook een Frans-Vlaamse afdeling van het Belgisch-Vlaamse Davidsfonds, een cultuurorganisatie met boekenclub, die in Frans-Vlaanderen een dertigtal leden telde.

De man die achter de schermen dikwijls het meest ondankbare werk verricht had was de secretaris-generaal. Hij vervulde zijn militaire dienstplicht in 1927-1928 in Metz en werd op 19 augustus 1931 tot priester gewijd. Daarop volgde zijn benoeming tot kapelaan in een Rijselse werkliedenparochie, waar hij in een tijd van werkeloosheid en internationale politieke spanningen van dichtbij de noden van de arbeiders leerde kennen. Later nam hij hetzelfde ambt waar in Ronk (Roncq) en Robeke (Roubaix), het grote textielcentrum in Noord-Frankrijk, tot hij van begin 1942 af op eigen verzoek van parochiaal werk ontslagen werd.

Toen Frankrijk in september 1939 aan Duitsland, na zijn inval in Polen, de oorlog verklaarde, besloot het Vlaamsch Verbond van Frankrijk zijn activiteit stop te zetten. Maar begin 1941 kwam het op die beslissing terug, omdat het erop leek dat de vrede nog lang op zich zou laten wachten en ook, omdat Gantois vreesde dat een periode van volledige rust de reeds bereikte resultaten in gevaar zou brengen. De tijdschriften verschenen opnieuw en Gantois, ditmaal onder de schuilnaam H.van Byleveld schreef zijn ophefmakende studie Nederland in Frankrijk (1941). Daarin verdedigde hij de thesis dat de grenzen van de Franse Nederlanden niet op de taalgrens liggen, maar wel op de Zomme (Somme) en Zerre (Serre). Dat zijn de rivieren tot waar de Frankische en Saksische nederzettingen in de vijfde en zesde eeuw van onze tijdrekening talrijk genoeg waren, om het land waarvan zij de zuidwestelijke grens uitmaken een Germaans volksgebied te mogen heten.

De taal was voor hem niet langer de beslissende factor voor het bepalen van de volksidentiteit, wel de afkomst, de geschiedenis en de keuze van een bewuste minderheid ten overstaan van de toekomst. Een taal kon verloren gaan, zij kon ook weer aangeleerd en van hogerhand ingevoerd worden, zoals dat trouwens met het Frans in Frans-Vlaanderen was gebeurd. Van dat ogenblik af zag hij de geschiedenis niet meer als een statisch gegeven over bestaande toestanden en voorbije werkelijkheden, maar als de schepping van een elite, die de gebeurtenissen naar een bepaald doel oriënteert. In die zin moet de brief gelezen worden welke hij in 1940 aan de Duitse overheid schreef, om te bepleiten dat Nederland in Frankrijk als een geheel en als een afzonderlijke entiteit in het Frankrijk van Pétain erkend zou worden.

Hoewel verschillende leden van het Vlaamsch Verbond van Frankrijk het niet met hem eens waren, beleefde de organisatie tijdens de oorlog een opmerkelijke bloei. De tijdschriften verhoogden hun oplage, congressen en cursussen hadden meer bijval en in 1942 voegde Gantois twee nieuwe initiatieven aan de reeds bestaande toe. Er kwam in Rijsel een Institut flamand de France, een soort volkshogeschool met bibliotheek en vergaderzalen, waar ook tentoonstellingen plaats grepen en ongeveer terzelfder tijd werd een jeugdorganisatie de Zuid-Vlaamse Jeugd opgericht. Van 1943 af beschikte zij over een eigen tweetalig orgaan Jeunes de Flandre/De Jonge Zuid-Vlaming. Tussenin had Gantois, met de nooit begevende werkkracht die hem eigen was, nog de tijd gevonden voor een merkwaardig autobiografisch geschrift Hoe ik mijn volk en mijn taal terugvond (1942), dat als geen ander de achtergronden van zijn leven en denken onthult.

Een paar weken na de bevrijding in september 1944 ontketende een deel van de Noord-Franse pers een bitsige campagne tegen het Vlaamsch Verbond van Frankrijk, dat van verraad beschuldigd werd. Een vijftigtal stafleden van de vereniging, met de secretaris-generaal aan het hoofd werden aangehouden en kwamen, na een voorarrest van meer dan twee jaar, van 9 tot 28 december 1946 voor de krijgsraad in Rijsel. Na een schitterende verdediging van Gantois, veroordeelde de rechtbank enkele beschuldigden tot lichte straffen en sprak de overigen vrij. Gantois zelf kreeg vijf jaar gevangenis, wat, rekening houdend met de sfeer waardoor de rechtsbedeling in die dagen beïnvloed werd, zeer gunstig uitviel en veeleer als een principiële afkeuring dan als een straf kon beschouwd worden. Toch werd het Vlaamsch Verbond van Frankrijk verboden en zijn bezit aangeslagen.

In oktober 1948 mocht Gantois de gevangenis verlaten, maar tegelijkertijd kreeg hij een verplichte verblijfplaats buiten de Franse Nederlanden opgelegd. Hij vestigde zich in een klooster te Brachay (Haute Marne) in Bourgondië, een der oude Franse provinciën, waar een vriend woonde waarover hij vroeger al, toen onder de deknaam Lucien Baekeman de monografie Johannès Thomasset, historien et poète de la Bourgogne (1935) geschreven had. Onverschillig op het verder verloop der gebeurtenissen toezien kon Gantois niet. Weldra begon hij opnieuw te publiceren. In de brochures Veut on vraiment faire l’Europe? (1949), ondertekend Henri Dumesnil en Les Pays de résistance au Jacobinisme, ondertekend Joris-Max Gheerlandt, kwam hij op voor een Verenigd Europa van de volkeren, niet van de bestaande staten, waaraan hij hun bekrompen nationalisme verweet. In 1953 viel hij onder de toepassing van een algemene amnestiemaatregel, waarbij kleine straffen als de zijne uitgewist werden en kon hij naar Rijsel terugkeren. Zijn bisschop benoemde hem daar tot hulppriester aan de Paroisse Saint-Michel, gelast met de bijzondere opdracht voor de geestelijke begeleiding van de studenten aan de Rijselse universiteit in te staan.

Intussen was Gantois weer in betrekking getreden met zijn vroegere vrienden en ook met het Komitee voor Frans-Vlaanderen in Waregem, dat sinds 1948 een breed opgezette actie voerde om het Nederlands bewustzijn in de Franse Nederlanden uit te breiden en zijn culturele verbondenheid met Nederland en Vlaanderen in België te versterken. Zo werd hij medewerker en weldra hoofdredacteur van het Frans-Vlaamse kwartaalblad Notre Flandre/Vlaamse Heerd (1952), dat van 1960 tot einde 1968 onder de licht gewijzigde titel Notre Flandre/Zuidvlaams Heem zou blijven verschijnen. In dezelfde periode publiceerde hij nog Ons Nederland boven de Zomme (1956) en een groot aantal artikels in verschillende bladen.

Een belangrijke gebeurtenis leek wel in september 1958 de oprichting van De Vlaamse Vrienden in Frankrijk, met de bedoeling dat die organisatie de bedrijvigheid van het vroegere Vlaamsch Verbond van Frankrijk weer op zou nemen. Dat is er evenwel, vooral wegens de veranderde tijdsomstandigheden niet van gekomen. Maar in 1971 heeft een groep jongeren de taak van De Vlaamse Vrienden in Frankrijk overgenomen en in amper twee jaar, onder de naam Michiel De Swaenkring een organisatie uitgebouwd, die reeds bij de driehonderd leden telt en stelselmatig een veel omvattend programma uitwerkt.

Gantois heeft het als een grote eer beschouwd dat hij in 1962 tot lid van de Maatschappij der Nederlandse Letterkunde verkozen werd, omdat hij er een erkenning in zag van zijn verdiensten bij de verdediging van het Nederlands in een zwaar bedreigd deel van ons taalgebied. Naar aanleiding van zijn zestigste verjaardag werd hij op 13 september 1964, door een uitgelezen schaar vrienden en bewonderaars gehuldigd in het grafelijk slot van Male bij Brugge en drie jaar later werd hem het eerste exemplaar aangeboden van de lijvige verzamelbundel De zuidelijkste Nederlanden (1967). Dat laattijdige feestgeschenk bevat een keus uit zijn voornaamste studies en verhandelingen.

In de vroege morgen van 28 mei 1968, daags na de begrafenis in Waten van zijn hoog bejaarde moeder, is Jean-Marie Gantois tragisch aan zijn einde gekomen. Op een wandeling langs de A, moet hij op het grondgebied van de gemeente Holke (Holque), door een hartaanval getroffen, in de rivier gegleden zijn. Zijn ontzield lichaam werd er enkele uren later half in half uit het water gevonden. Op 31 mei werd hij op het kerkhof van zijn geboorteplaats begraven. Vriendenhanden legden op zijn graf een bloemenkrans versierd met het oranje-blanje-bleu van de Prinsenvlag, symbool van het ideaal waarvoor hij bijna een halve eeuw lang koppig en zonder eigen voordeel te zoeken geleden en gestreden had.

 

 

samedi, 13 juin 2009

Über den Begriff Mitteleuropas

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1993

Robert Steuckers:

 

Über den Begriff "Mitteleuropa"

 

Sehr geehrte Damen und Herren,

 

Vor der deutschen Wiedervereinigung also vor 1990 sprach man öfters als heute vom Mitteleuropa, von einer mitteleuropäischen Annäherung bzw. einem mitteleuropäischen Kulturraum in den deut­schen Medien als heute. Die Grünen, die Pazifisten, die linke Flügel der nordeuropäischen So­zial­demokratie unter dem geistigen Impuls von Männern wie Willy Brandt oder Olof Palme erwähn­ten damals eine atomwaffenfreie Friedenszone von Nordschweden bis zur griechischen Grenze, die die Streit­kräfte der Supermächte geographisch trennen würde. Diese Sozialdemokraten pazifisti­scher Ü­ber­zeugung kämpften eigentlich für die Errichtung einer «Gür­tel der Neutralen». Was Palme in Schweden vorschlug, war wie ein Echo des Rapacki-Plan im Polen der 60er Jahre. Ihrerseits schlugen der General Jochen Löser und Frau Ulrike Schilling eine «mitteleuropäischer Friedenszone» mit his­torisch gut begründeten und sachlichen Argumenten (cf. Neutralität für Mitteleuropa. Das Ende der Blöcke,  C. Bertelsmann, München, 1984). Aber dieser so­zial-demokratische und pazifistische Diskurs, obwohl sehr relevant und geopolitisch durchaus koherent, erschien dem geschichtsunbe­wußten Pu­bli­kum als eher abstrakt oder eben als intellektuele Spin­ne­rei. Kritisch kann man zwar sagen, daß dieser Diskurs bloß zeit­bedingt war und, zumindest im Falle der Pazifisten, die Palme laut verehrten, keine historisch-konkrete Perspektive bot. 

 

Der Mitteleuropa-Begriff wurde elastisch im Laufe des zwanzig­sten Jahrhunderts gedacht. Einerseits haben wir den Begriff eines reichszentrierten Mitteleuropas, mit Deutschland als Rumpf. Ande­rer­seits haben wir einen alternativen Begriff, der das Mittel­eu­ropa zu einem «Cordon» reduziert, das nur Staaten zählt, die we­der deutsch noch russisch sind. Dieses Mitteleuropa ist dann Puf­fer­zone zwischen den deutschen und russischen Reichen und soll­te als Ziel haben, eine Bündnis zwischen diesen zwei Giganten zu verhindern.

 

Das reichszentrierte Mitteleuropa hatte seine optimalen Grenzen zur Zeit der Karolinger: die West­gren­ze lief von den Küsten des Nord­sees, also von Friesland, bis zur Küste des Mittelmeers in der Provence; die Ostgrenze lief von der Odermündung bis zur Adria, d.h. zur dalmatischen Küste. Die Achsen Rhein-Rhône und Ostsee-Adria machten aus dem mitteleuropäischen Raum einen welt­offe­nen Raum mit Zugang zum Atlantischen Ozean und zum Mittel­meer. Dieser Raum hat parallele Flüsse in der norddeutschen Ebe­ne (Schelde, Maas, Rhein, Weser, Elbe, Oder, Weichsel) und in dem burgundischen Raum (Saône, Rhône), die in Richtung Süd-Nord oder Nord-Süd fliessen. Demgegen­über steht der französischen Kern­raum mit ebenfalls parallele Flüsse, die aber in Richtung Ost-West fliessen (Somme, Seine, Loire, Garonne). Das Schicksal der Völ­ker hing in diesen Zeit sehr stark von diesen geographischen Bedingungen ab. Flüsse erleichterten die Kommunikationen. Länd­liche Stras­sen waren unsicher und große Mengen Güter konnten nicht mit Karren befördert worden. Zu diesen drei Reihen Flüßen muß man einen vierten Fluß mitrechnen: die Donau, die eine West-Ost-Achse dar­stellt. Das nach den Türken-Kriegen erweiterte reichs­zentrierte Mitteleuropa wurde im neunzehn­ten Jahrhundert noch Donauräumisch bestimmt. Pläne entstanden, um einen ge­mein­samen Markt mit den heutigen Benelux-Ländern, dem Reich, der Schweiz, der Donau-Monarchie, Rumänien, Ser­bien und Bul­ga­rien entstehen zu lassen. Der östereichische Industrie-Leiter Ale­xan­der von Peez, Geo­gra­phen wie Kirchhoff und Partsch, Penck und Hassinger, versuchten diesen Raum theoretisch zu fassen und schlugen Methoden und Pläne vor, um den balkanischen Raum als Ergänzungsraum für die industrialisierten Zonen des Altreichs­ge­bietes zu organisieren. Diese Donau-bedingten Geopolitik proji­zier­te sich weiter, über Anatolien nach Mesopotamien bis zur Küste des Persischen Golfes. Das erklärt die deutsch-österreichisch-otto­ma­nische Bündnis im ersten Weltkrieg, aber auch teilweise die ame­ri­kanische Intervention in Irak in September 1990. Ein Europa ohne Eisernen Vorhang darf in den Augen der amerikanischen Geopo­li­ti­ker und Planer sich nicht bis zur Persischen Golf ausdehnen, wie da­mals das Reich und Österreich-Ungarn nicht über den Balkan und das Ottomanische Reich über ein Fenster auf den Indischen Ozean ge­niessen.

 

Eben um diese geopolitische Dynamik zu torpedieren, fanden die Verfasser des Versailler Vertrages einen neuen Mitteleuropa-Be­griff aus. Dieser Begriff sieht den mitteleuropäischen Raum als Puf­fer­zone, als «Cordon sanitaire» zwischen Deutschland und Russ­land oder als Hindernis, als «Barrière» gegen jede friedliche, nicht-koloniale und wirtschaftliche Expansion Nordmitteleuropas in Richtung des Persischen Golfes. 1919 warnte der britische Geo­po­litiker Halford John Mackinder vor einer deutsch-russischen Bünd­nis, die dazu bestimmt war, ein gewaltiges Kontinentalblock zu organisieren, wo die angelsächsischen Seemächte keinen Zugriff mehr haben würden. Deshalb suggerierte Mac­kinder, ein «Cordon sanitaire» zwischen dem besiegten Deutschland und der aufkom­men­den Sowjet­u­nion zu errichten. Lord Curzon, der Mann der die polnisch-sowjetische Grenze festlegte, war ein aufmerksamer Le­ser der geopolitischen Thesen Mackinders. Er versuchte sie in der Pra­xis umzu­set­zen. Der Franzose André Chéradame legte 1917 die Methoden aus, womit die Allierten die Achse Ham­burg-Persischer Golf fragmentieren müßten, um

1) Deutschland seine Absatzmärkte im Ottomanischen Bereich wegzunehmen;

2) Die Donau-Monarchie zu zerstören und alle Zugänge zur Adria dem kleinen Österreich zu verhin­dern;

3) Bulgarien zu zähmen und ihm alle Zugänge zum Mittelmeer zu sperren;

4) Ein Großserbien zu schaffen, die alle Küsten der Adria kontrollieren würde;

5) Ein Großrumänien zu schaffen, um Ungarn und Bulgarien zu schwächen.

 

Fazit: Mitteleuropa unter deutscher Führung darf kein Zugang zum Mittelmeer mehr besitzen. Damit vollendete sich den histo­ri­schen Prozeß, daß im Frühmittelalter mit dem Verlust der Pro­ven­ce, des Rhônetales und des Hafens von Marseille durch geschickte fran­zösische Ehepolitik. 1919 besitzt der geplante mitteleuropäische Markt mit dem Ottomanischen Reich als Ergänzungsraum kein Zu­gang mehr zum Mittelmeer. Erinneren wir uns doch, daß der Bona­par­te es schon zwischen 1805 und 1809 versucht hat, Österreich und Ungern den Zugang zur Adria zu sperren: aus Südkärnten, Slowe­nien, Westkroatien und Dalmatien wurden die sogennanten «Illyri­sche Départements» zusammengestellt, die unmittelbar von Paris re­giert wurden. Man begreift so, wie wichtig die Adria war, ist und blei­ben wird. Deshalb erkannte Hans-Dietrich Genscher bewußt oder unbewußt sofort die Unabhängigkeit Sloweniens und Kroa­tiens; er konnte so ein der schlimmsten Überbleibsel von Versailles wegschaffen. Im Westen waren einige Kanzleien damit nicht ganz einverstanden. Ein Wort noch über das Prinzip der nationalitäten des US-Präsidenten Woodrow Wilsons. Die Mittelmächte vertei­dig­ten damals kei­ne nationale bzw. nationalistische Prinzipien son­dern Übernationale bzw. reichische Prinzipien. Der öster­reichische Kronprinz wollte eine eidgenössenschaftliche Strukturierung der südslawischen Ge­biete der Donau-Monarchie. Kroatien, Slowe­nien und Bosnien-Herzegowina hätten eine eidgenös­sen­schaftliche Verfassung gahbt, selbstverständlich auch für die orthodoxen Ser­ben, die sich in diesen Gebieten im Laufe der Jahrhunderte nieder­ge­lassen hatten.

 

Das Mitteleuropa, das der Westen sich wünscht, darf keinen Zu­gang zum Mittelmeer haben. Heute wird dieser Mitteleuropa-Be­griff u. a. von dem ungarischen Philosoph György Konrád propa­giert. Konr­ád, der sich schon im Dissidententum zur Zeit Bresch­news für einen humanen Sozialismus en­gagiert hatte, hat trotzdem ri­chtige Argumente: Der mitteleuropäische Raum stellt eine Bunt­heit von Völker dar, also passen die Lösungen der homogöneisie­ren­den Jakobinismus nicht; dieser Raum ist mit dem deutschen Volks­raum nicht zu vergleichen, weil Deutschland und Deutsch­öster­reich ethnisch homogen sind und politische Strukturen ent­wickeln, die eben für die ethnisch heterogenen Regionen Ostmittel­europas nicht geeignet sind. Konrád fügt hinzu, daß das Expe­ri­ment des «real existierenden Sozialismus» absolut notwendig ist, um einer künftigen mitteleuropäischen Konföderation beitreten zu können. Sein Standpunkt ist also nicht der gleiche wie der der fran­zö­sischen und englischen Diplo­ma­ten von 1918-19, aber haben geo­gra­phisch bzw. geopolitisch das selbe Resultat. So bleiben in der Op­tik Konráds nur Polen, die Tschechoslowakei (die aber heute nicht mehr als solche besteht) und Ungarn, um diese hypothetische Konföderation beizutreten. Ich zweifle doch daran, daß eine solche Konfö­de­ra­tion Überlebenschancen haben würde. In der Zwischen­kriegs­zeit belasteten schon bes­timmte Struk­tur­mängel das politi­sche Leben dieser Staaten: Das Heeresetat des polnischen Staates war wahnsinnig hoch, so daß die zivile Sektoren der Wirtschaft to­tal vernachlässigt wurden; die Verbindungen mit Eisenbahn zwi­schen Böhmen einerseits und Berlin oder Wien andererseits waren er­heblich erschwert, was nicht ohne Konsequenz für Handel und Wirtschaft war; Ungarn wurde von einem Admiral regiert und hat­te überhaupt keinen Zugang zum Meer übrig; der ungarische Staat war ganz offensichtlich ein Krüppelstaat.

 

Weiter kann man sagen, daß das reichszentrierte Mitteleuropa, al­so m.a.w. der Raum des Karolingi­schen Reiches, grenzen mit fast alle anderen Staaten bzw. Völker in Europa. Strategisch gese­hen, ist sein Spielraum den ganzen europäischen Kontinent. Strategisch gibt es also eine Art Gleichnis zwi­schen dem Reich des Mittelalters bzw. Deutschland bzw. die Bündnis zwischen dem wilhelmini­schen Deutsch­land und der Donaumonarchie  und  Gesamteuropa.

 

Der schwedische Geopolitiker Rudolf Kjellén hat es sofort nach dem ersten Weltkrieg erkannt. Mit modernen Mitteln, dank sei der Geschwindigkeit der motorisierten Truppen und der Luftstreit­kräf­te, läs­sen sich Bayern oder Tirol auf den Stränden der Normandie verteidigen. Die Bretagne und die Nor­man­die gehören also seit Ju­ni 1944 zum gleichen strategischen Raum als etwa Frankenland o­der Kärn­ten.  Dieser Fakt wird selbstverständlich heute, wo Rake­ten die entscheidende Waffen sind, bes­tättigt und bekräftigt. Soweit was Raum und Geschichte betrifft.

 

Im 19. Jahrhundert versuchte der Philosoph Constantin Frantz ein Föderalismus zu entwickeln, die alle Kräfte, die innerhalb des Vol­kes wirkten, bündeln könnte. Föderalismus hieß nicht bei ihm «spal­ten», wie die Separatisten aller Art es denken, sondern bündeln. Wei­ter wollte sein bündelnder Föde­ra­lismus die konkreten und orts­verbundenen Identitäten nicht zerstören, sondern sie auf einem höheren Niveau entfalten. Dieser Sinn für Verschiedenheit und die­ses Respekt für lokale Belange entspricht einem typischen mitteleu­ro­päischen Rechtsempfinden, das man u.a. bei den Austro-Mar­xis­ten, bei den konservativen Föderalisten und Regionalisten, in be­stimm­ten Punkte des Programms der FPÖ Jörg Haiders, bei gewis­sen Anhänger der neuen Rechten, bei linken Regionalisten oder Grü­nen wie­der. Das deutsche Verfassungsrecht seit 1949 ist davon geprägt. Die Schweiz wird seit 700 Jahre durch diese Prinzipien re­giert. Die Tschechei und die Slowakei haben sich getrennt und su­chen eine Lösung in einem Föderalismus bundesdeutscher bzw. schwei­zerischer Art. Regionen innerhalb oder außerhalb des mittel­eu­ropäischen Raumes suchen die Möglichkeit, ihre Gemeinsam­kei­ten unmittel­bar (d.h. ohne die Intervention zentralistischer Behör­den) auszubeuten. Beispiele dieses Zusammenrückens gibt es in Hül­le und Fülle: Alpen-Adria, ARGE-Alpen, Bodensee-Gemein­schaft, Sarlorlux (Saar-Lo­thringen-Luxemburg), Euroregio (NL-Lim­burg, VL-Limburg, Provinz Lüttich/Wallonien, Kreise Aa­chen und Köln, Deutschsprachige Gemeinschaft im Königreich Belgiens). In Spanien entwickelt sich ein «asymmetrischer Bundestaat», wo die Teile das Recht haben, eine eigene Außenpolitik zu treiben. In Frank­reich, dem stärksten zentralisierten Staat Europas, wird die Not­wendigkeit allmählich gefühlt, daß die Regionen an Autonomie ge­winnen müssen, um nicht das Risiko zu laufen, in der Rück­ständig­keit zu fallen. Aber die Föderalisierung Frankreichs wird noch hartnäckig von gestrigen Kräften mit Er­folg bekämpft. Ich neh­me hier die Gelegenheit, weil hier auch ein Vertreter der deutschen Menschen­rechten-Kommission tagt, um die Anwesenden daran zu erin­nern, daß Paris gewissen KSZE- oder UNO-Be­schlüsse geweigert zu unterzeichen hat, weil diese den Schütz der Min­derheiten vorsahen. Paris hat dafür gemeinsame Front mit Bul­garien, Rumänien (schon zur Zeit Ceaucescus) und Griechen­land gemacht. In Italien, die Erfolge der Regionalisten der Lega Lum­barda werden die letzte Reste der römischen Zentralismus ver­schwinden lassen. In Großbritannien, erheben sich jetzt mehr und mehr Stimmen, um dem Lande eine Verfassung zu ge­ben. Anderer­seits macht die sog. devolution  Fortschritt. Schottland und Wales zählen ungefähr 5 Millionen Einwohner, Nordirland ist eine Raum­einheit für sich, aber England zählt 45 Millionen Einwohner, was das Gleichgewicht zwischen den Teilen zerstört. Deshalb sug­gerieren Juristen eine Verteilung Englands in neun historisch ge­wachse­nen Län­dern.

 

Das Problem der Subsidiarität

 

Heute wird die Subsidiarität allgemein verstanden als eine Absage der eigenen Souveränität, d.h. der nationalen bzw. staatlichen Sou­veränität, zugunsten einer übergeordneten Instanz, z.B. Euro­pa. Europa entscheidet in den wichtigen Sachen und läßt Länder, Regionen, Gemeinden, eventuelle nationale Staa­ten die alltägliche Verwaltung. So haben die Briten, besonders die Konservativen um Frau That­cher und John Major, den Begriff Subsidiarität ver­stan­den. Theoretisch bedeutet aber eigentlich die Subsidiarität was ganz anders.

 

In der parawissenschaftlichen Literatur, die aber wichtig durch ihrem Impakt in den Medien ist, sagt etwa ein Alvin Toffler in sei­nem letzten Buch, Powershift,  daß heute durch Faxgeräte, Com­pu­ter, Mo­dems, usw. die Zentralisierung der Großunter­nehmen nicht mehr notwendig ist. Die Großunter­neh­men, deren Etat manchmal größer ist als der Etat mancher europäischer Staa­ten, entwi­ckeln sich jetzt in Mosaik, d.h. so, daß die Buchhaltung der Filialen bzw. der örtlichen Zweige völlig au­tonomisiert wird. Buchhaltung muß ortsnah werden, d.h. Rechnung damit halten, daß Sachen bzw. Unter­nehmen im­mer örtlich bestimmt sind.

 

In der streng wissenschaftliche Literatur, z. B. im erwähnenswer­ten Buch von Frau Prof. Chantal Mil­lon-Delsol (L'Etat subsidiaire. Ingérence et non-ingérence de l'Etat: le principe de subsidiarité aux fon­dements de l'histoire européenne, Presses Universitaires de Fran­ce, Coll. «Léviathan», Paris, 1992) , die in Paris in der Sorbonne do­ziert, bedeutet Subsidiarität die Autonomie aller Verwaltungsebenen oder aller Körperschaften, die eine gegebene Gesellschaft strukturieren. Chantal Millon-Delsol findet das prinzip Subsidiarität im deutschen Verwaltungsrecht zurück. Unter anderem in den Gemeinde­ord­nungen, deren Art. 75 sagt: «Die Gemeinde darf nichts unternehmen, daß das private Sektor unter­nehmen kann». Subsidiarität wird hier nicht explizit sondern implizit formuliert. Diese Undeutlichkeit sollte verfassungsmäßig geregelt werden.

 

«Mitteleuropa» ist auch der Raum, wo dieses Rechtsempfinden implizit oder explizit (in der Schweiz z. B.) besteht. Rückkehr zur Mitte heißt deshalb auch Rückkehr zu diesem Rechtsempfinden. Was unse­ren Zeitgenossen auch zwingt, Aufmerksamkeit zu zeigen, wo Abweigungen auftauchen. Abweichun­gen sind entweder ein Zuviel an Staatlichkeit (Tocqueville stellte es für das hegelsche Preußen seiner Zeit) oder ein Zuwenig an Staatlichkeit (Tocqueville und Hegel stellten es gemeinsam für den Ver­ei­nig­ten Staaten fest, wo ein Despotismus durch Mangel an Staatlichkeit herrschte).

 

Das Rechtsempfinden Mitteleuropas kann als Modell für Gesamteuropa dienen. Strebungen in dieser Richtung können heute in Frankreich oder in Großbritannien beobachtet werden, wo ein strenger Zentralismus allmählich vor einer bescheidenen «Devolution» weicht oder wo eine stets wachsende Minderheit von Juristen eine moderne Verfassung fordern (Großbritannien hat nämlich keine Ver­fas­sung).

 

Mitteleuropa ist auch der Raum, wo Ordo-Liberalismus entstanden ist. Liberalismus reinsten Wassers führt zur Anarchie durch Mangel an Staatlichkeit. Totalitarismus sowjetischer Prägung führt zur Ver­knochung und Verbonzung durch Mangel an Autonomie. Ordo-Liberalismus wäre in diesem Sinne ein Gleichgewicht zwischen der stabilitätstiftenden Tradition und der erneuerungsschaffenden Dynamik.

 

Ordo-Liberalismus und Subsidiaritätsprinzip wären also die Grundpfeiler eines renovierten Gesamt­europas, in dem Gemeinschaften, Gemeinden und Gemeindewesen, ein eigenes Leben, ein Eigentum (im Sinne Stirner) , eine Eigenheit bzw. eine «Identität» (1) hätten und bewahren könnten. Damit diese Gemeinwesen sich entfalten können, brauchen sie eine garantierte Autonomie. Aber welche Kräfte wurden diese Autonomie gefährden?

1. Der äußere Feind. Dieser greift an, so daß Ernstfall bzw. Ausnahmezustand herrscht. In solchen extremen Fällen, gewinnt Autorität oder Diktatur (im Sinne Bodins oder Schmitts) Signifikanz.

2. Die ideologische Verblendung. Wenn ideologische Verblendung herrscht, ist der Staat kein dienstleistendes Prinzip, kein Instrument der Autonomie mehr. Der Staat wird dann bloß ein äußeres Instrument, das sich die Kräfte der Gemeinschaften bzw. Körperschaften innerhalb des Volkes be­dient, um eine abstrakten Ideologie im Konkreten zu verwirklichen. So, zum Beispiel, die Ideologie der totalen, absoluten Freiheit herrscht in den Vereinigten Staaten: die Kriminalität aber wächst und das Schulwesen geht zugrunde. Die französische Revolution wollte die Idee der Gleichheit verwirklichen, was zu eine permanente Bürgerkrieg geführt und das Land definitiv geschwächt hat. Die Idee des Wohl­fahrt­staates haben im Nachkrieg die Behörden Großbritanniens und Schwedens durchführen wollen; das hat aber die Industrie zertrümmert oder die Gesellschaft verknochet. Die Historiker führen auch manchmal aubereuropäiche Beispiele: das Mandarinat hat das traditionnelle China geschwächt und die Idee eines Ameisenstaates das Inkareich ruiniert.

 

Subsidiarität heißt, daß der Staat eine Regulationsinstanz ist (die Regulation, durch die sog. Regulatio­nisten vertreten, wird allmählich heute —zumindest theoretisch—  das Regierungsprojekt derjenigen Sozialisten, die die Wohlfahrt retten wollen aber trotzdem anerkannt haben, daß die Gleichheitswahn zur Starrheit führt). Die Regulationisten sind meistens innerhalb der sozialdemokra­tischen Parteien aktiv und ihre Projekten sind öfters mit denjenigen der grünen Humansozialisten, die das Kalmar-Prinzip in der Industrie verteidigen, gekoppelt.

 

3. Verantwortungslosigkeit bzw. Verantwortungsmüdigkeit der Bürger. Das Prinzip Subsidia­ri­tät bzw den subsidiären Staat zu verteidigen, ist eine schwere Aufgabe, weil die Behörden müssen dann ihre natürliche Tendenz, sich auszuweiten, bremsen, und zur gleichen Zeit, muß die zi­vile Gesellschaft erfolgreiche Initiativen nehmen. Um solche Initiativen zu nehmen, muß die Bevölkreung streng poli­tisch bewußt sein, was heutzutage höchst problematisch ist, da in unseren westlichen Konsum­ge­sell­schaften das Spielerische die Oberhand hat.

 

In den rein wissenschaftlichen Werken der Professorin Chantal Million-Delsol heißt Subsidiarität:

1) Autonomie bestehen lassen bzw. fördern, wo sie vorhanden ist.

2) Alle Formen des Zentralismus vermeiden, da jeder Zentralismus eigentlich eine abstrakte Ideologie ins Konkrete verwirklichen will, was eine praktische Unmöglichkeit ist.

3) Eine Anthropologie, die den Menschen, die Gemeinden akzeptiert, wie sie sind, und nicht wie sie sein sollten.

Ein der akutsten Probleme unserer Zeit, ist es, daß Europa von Ideologen regiert wird. Ein erheblicher Teil unserer Regierenden sind keine nüchterne Beobachter der menschlichen Pluralität oder der erdhaften Wirklichkeit. Joze Pucnik, Leiter der slowenischen Sozialdemokratie, behauptete sehr richtig in einem Interview, daß die Menschenrechte konkrete und nicht abstrakte Rechte sind, d.h. daß diese Rechte sind, die in einem historischen Kontext eingebettet und daran angepaßt sind. Menschenrechte sind Produkte bestimmter Geschichten, variieren also vom Ort zu Ort, vom Zeitraum zu Zeitraum, und sind nicht ganz allgemein die Produkte einer bloßen Deklaration.

 

Fazit: Unser Ort ist der mitteleuropäische Raum, wo sich ein bestimmtes Rechtsempfinden im Laufe der Geschichte entwickelt hat. Unser Kampf für eine eigene Verfassung und für unsere Ort- und Zeit­bedingte Rechte sollte selbstverständlich Rechnung halten mit diesem Raumbestimmtheit und die­sem Rechtsempfinden. Das heißt Rückkehr zur Mitte. Besser gesagt: zu unsere eigene Mitte. 

   

mercredi, 10 juin 2009

Les Animaux-Soldats

Les Animaux-soldats : Histoire militaire des animaux des origines à nos jours

Les hommes, non contents de se faire la guerre tout au long des siècles, ont dressé des animaux à leur image afin que ceux-ci participent aux luttes armées.

Des oies du Capitole aux dauphins de la marine américaine, en passant par les éléphants d’Hannibal et à ceux des Khmers rouges, les renards hébreux, les chiens de guerre japonais, les rats du Mossad, les pigeons, les ânes, les otaries, les cheveux, etc., peu d’animaux ont échappé à l’embrigadement.

Pendant la Première Guerre mondiale, plus de 14 millions d’animaux furent enrôlés dans les armées belligérantes, et 120 000 d’entre eux décorés pour faits de guerre. Le second conflit mondial verra trente millions d’animaux servir sur tous les terrains d’opération. Aujourd’hui, les laboratoires militaires de para-psychologie animale continuent à étudier le comportement des animaux pour les éventuelles guerres à venir.

Martin Monestier, avec force documents - pour la plupart inédits - à l’appui, évoque, depuis les origines jusqu’à nos jours, les missions et les actes d’héroïsme de ces auxiliaires malgré eux des armées.

Disponible sur Amazon


 

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