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vendredi, 17 mai 2019

Michel Maffesoli: “L’entre-soi médiatico-politique”

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Michel Maffesoli: “L’entre-soi médiatico-politique”

 

Michel Maffesoli, professeur émérite à la Sorbonne et membre de l’Institut, analyse les raisons du fossé qui s’est établi entre le peuple et les élites. La classe médiatico-politique semble s’être repliée sur elle-même et vit dans l’entre-soi. Pourquoi n’est-elle pas capable d’entrer en empathie avec le peuple ? Comment cette rupture a-t-elle été consommée ?

N’est-ce point le mépris vis-à-vis du peuple, spécificité d’une élite en déshérence, qui conduit à ce que celle-ci nomme abusivement « populisme » ? L’entre-soi, particulièrement repérable dans ce que Joseph de Maistre nommait la « canaille mondaine » – de nos jours on pourrait dire la « canaille médiatique » –, cet entre-soi est la négation même de l’idée de représentation sur laquelle, ne l’oublions pas, s’est fondé l’idéal démocratique moderne. En effet, chose frappante, lorsque par faiblesse on cède aux divertissements médiatiques, ça bavarde d’une manière continue dans ces étranges lucarnes de plus en plus désertées. Ça jacasse dans ces bulletins paroissiaux dont l’essentiel des abonnés se recrute chez les retraités. Ça gazouille même dans les tweets, à usage interne, que les décideurs de tous poils s’envoient mutuellement.

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La verticalité du pouvoir.

L’automimétisme caractérise le débat, national ou pas, que propose le pouvoir – automimétisme que l’on retrouve dans les ébats indécents, quasiment pornographiques, dans lesquels ce pouvoir se donne en spectacle. Pour utiliser un terme de Platon, on est en pleine théâtrocratie, marque des périodes de décadence. Moment où l’authentique démocratie, la puissance du peuple, est en faillite.

Automimétisme de l’entre-soi ou auto-représentation, voilà ce qui constitue la négation ou la dénégation du processus de représentation. On ne représente plus rien, sinon à courte vue, soi-même. Cette Caste on ne peut plus isolée, en ses diverses modulations – politique, journalistique, intellectuelle –, reste fidèle à son idéal « avant-gardiste », qui consiste, verticalité oblige, à penser et à agir pour un prétendu bien du peuple.

Cette Caste on ne peut plus isolée, en ses diverses modulations – politique, journalistique, intellectuelle –, reste fidèle à son idéal « avant-gardiste », qui consiste, verticalité oblige, à penser et à agir pour un prétendu bien du peuple.

Une telle verticalité orgueilleuse s’enracine dans un fantasme toujours et à nouveau actuel : « Le peuple ignore ce qu’il veut, seul le Prince le sait » (Hegel). Le « Prince » peut revêtir bien des formes, de nos jours celle d’une intelligentsia qui, d’une manière prétentieuse, entend construire le bien commun en fonction d’une raison abstraite et quelque peu totalitaire, raison morbide on ne peut plus étrangère à la vie courante.

Ceux qui ont le pouvoir de dire vitupèrent à loisir les violences ponctuant les soulèvements populaires. Mais la vraie « violence totalitaire » n’est-elle pas celle de cette bureaucratie céleste qui, d’une manière abstruse, édicte mesures économiques, consignes sociales et autres incantations de la même eau en une série de « discours appris » n’étant plus en prise avec le réel propre à la socialité quotidienne ? N’est-ce pas une telle attitude qui fait dire aux protagonistes des ronds-points que ceux qui détiennent le pouvoir sont instruits, mais non intelligents ?

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Le monopole de la parole.

Ceux-là même qui vitupèrent et parlent, quelle arrogance !, de la « vermine paradant chaque samedi », ceux-là peuvent-ils comprendre la musique profonde à l’œuvre dans la sagesse populaire ? Certainement pas. Ce sont, tout simplement, des pleureuses pressentant, confusément, qu’un monde s’achève. Ce sont des notables dans l’incapacité de comprendre la fin du monde qui est le leur. Et pourtant cette Caste s’éteint inexorablement.

Au mépris vis-à-vis du peuple correspond logiquement le mépris du peuple n’ayant plus rien à faire avec une élite qu’il ne reconnaît plus comme son maître d’école. Peut-être est-ce pour cela que cette élite, par ressentiment, utilise, ad nauseam, le mot de « populisme » pour stigmatiser une énergie dont elle ne comprend pas les ressorts cachés.

Le bienfait des soulèvements, des insurrections, des révoltes, c’est de rappeler, avec force, qu’à certains moments « l’hubris », l’orgueil d’antique mémoire des sachants, ne fait plus recette. Par là se manifeste l’important de ce qui n’est pas apparent. Il y a, là aussi, une théâtralisation de l’indicible et de l’invisible. Le « roi clandestin » de l’époque retrouve alors une force et une vigueur que l’on ne peut plus nier.

L’effervescence sociétale, bruyamment (manifestations) ou en silence (abstention) est une manière de dire qu’il est lassant d’entendre des étourdis-instruits ayant le monopole légitime de la parole officielle, pousser des cris d’orfraie au moindre mot, à la moindre attitude qui dépasse leur savoir appris.

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Le lieu fait lien.

Manière de rappeler, pour reprendre encore une formule de Joseph de Maistre, « les hommes qui ont le droit de parler en France ne sont point la Nation ».

Qu’est-ce que la Nation ? En son sens étymologique, Natio, c’est ce qui fait que l’on nait (nascere) ensemble, que l’on partage une âme commune, que l’on existe en fonction et grâce à un principe spirituel. Toutes choses échappant aux Jacobins dogmatiques, qui, en fonction d’une conception abstraite du peuple, ne comprennent en rien ce qu’est un peuple réel, un peuple vivant, un peuple concret. C’est-à-dire un peuple privilégiant le lieu étant le sien.

Les Jacobins dogmatiques, en fonction d’une conception abstraite du peuple, ne comprennent en rien ce qu’est un peuple réel, un peuple vivant, un peuple concret.

Le lieu fait lien. C’est bien ce localisme qui est un cœur battant, animant en profondeur les vrais débats, ceux faisant l’objet de rassemblements, ponctuant les manifestations ou les regroupements sur les ronds-points. Ceux-ci sont semblables à ces trous noirs dont nous parlent les astrophysiciens. Ils condensent, récupèrent, gardent une énergie diffuse dans l’univers.

C’est bien cela qui est en jeu dans ces rassemblements propres au printemps des peuples. Au-delà de cette obsession spécifique de la politique moderne, le projet lointain fondé sur une philosophie de l’Histoire assurée d’elle-même, ces rassemblements mettent l’accent sur le lieu que l’on partage, sur les us et coutumes  qui nous communs.

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L’émotion et la solidarité.

C’est cela le localisme, une spatialisation du temps en espace. Ou encore, en laissant filer la métaphore scientifique, une « einsteinisation » du temps. Etre-ensemble pour être-ensemble sans finalité ni emploi. D’où l’importance des affects, des émotions partagées, des vibrations communes. En bref, l’émotionnel.

Pour reprendre une figure mythologique, « l’Ombre de Dionysos » s’étend à nouveau sur nos sociétés. Chez les Grecs, l’orgie (orgè) désignait le partage des passions, proche de ce que l’on nomme de nos jours, sans trop savoir ce que l’on met derrière ce mot : l’émotionnel. Emotionnel, ne se verbalisant pas aisément, mais rappelant une irréfragable énergie, d’essence un peu mystique et exprimant que la solidarité humaine prime toutes choses, et en particulier l’économie, qui est l’alpha et l’oméga de la bien-pensance moderne. Que celle-ci d’ailleurs se situe à la droite, à la gauche, ou au centre de l’échiquier politique dominant.

L’émotionnel et la solidarité de base sont là pour rappeler que le génie des peuples est avant tout spirituel. C’est cela que, paradoxalement, soulignent les révoltes en cours. Et ce un peu partout de par le monde. Ces révoltes actualisent ce qui est substantiel. Ce qui est caché au plus profond des consciences. Qu’il s’agisse de la conscience collective (Durkheim) ou de l’inconscient collectif (Jung). Voilà bien ce que l’individualisme ou le progressisme natif des élites ne veut pas voir. C’est par peur du Nous collectif qu’elles brandissent le spectre du populisme.

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L’organique contre le mécanique.

Paul Valéry le rappelait : « Ce n’est pas sur ce qu’ils voient, mais sur ce qu’ils ne voient pas qu’il faut juger les hommes ». C’est bien sur ce qu’ils ne voient pas qu’il faut juger la Caste agonisante des notables établis : incapacité de repérer l’invisible à l’œuvre dans le corps social, incapacité à apprécier l’instinct naturel qui meut, sur la longue durée, la puissance populaire.

On est, dès lors, dans la métapolitique. Une métapolitique faisant fond comme je l’ai indiqué sur les affects partagés, sur les instincts premiers, sur une puissance au-delà ou en-deçà du pouvoir et qui parfois refait surface. Et ce d’une manière irrésistible. Comme une impulsion quelque peu erratique, ce qui n’est pas sans inquiéter ceux qui parmi les observateurs sociaux restent obnubilés par les Lumière (XVIIIe siècle) ou par les théories de l’émancipation, d’obédience socialisante ou marxisante propres au XIXe siècle et largement répandues d’une manière plus ou moins consciente chez tous les « instruits » des pouvoirs et des savoirs établis.

C’est bien sur ce qu’ils ne voient pas qu’il faut juger la Caste agonisante des notables établis : incapacité de repérer l’invisible à l’œuvre dans le corps social, incapacité à apprécier l’instinct naturel qui meut, sur la longue durée, la puissance populaire.

En son temps, contre la violence totalitaire des bureaucraties politiques[1], j’avais montré, en inversant les expressions de Durkheim, que la solidarité mécanique était la caractéristique de la modernité et que la solidarité organique était le propre des sociétés primitives. C’est celle-ci qui renaît de nos jours dans les multiples insurrections populaires. Solidarités organiques qui, au-delà de l’individualisme, privilégient le « Nous » de l’organisme collectif. Celui de la tribu, celui de l’idéal communautaire en gestation. Organicité traditionnelle, ne pouvant qu’offusquer le rationalisme du progressisme benêt dont se targuent toutes les élites contemporaines.

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Vers une tradition dynamique !

Oui, contre ce progressisme dominant, on voit renaître les « instincts ancestraux » tendant à privilégier la progressivité de la tradition. La philosophie progressive, c’est l’enracinement dynamique. La tradition, ce sont les racines d’hier toujours porteuses de vitalité. L’authentique intelligence « progressive », spécificité de la sagesse populaire, c’est cela même comprenant que l’avenir est un présent offert par le passé.

C’est cette conjonction propre à la triade temporelle (passé, présent, avenir) que, pour reprendre les termes de Platon, ces « montreurs de marionnettes » que sont les élites obnubilées par la théâtrocratie sont incapables de comprendre. La vanité creuse de leur savoir technocratique fait que les mots qu’ils emploient, les faux débats et les vrais spectacles dont ils sont les acteurs attitrés sont devenus de simples mécanismes langagiers, voire des incantations qui dissèquent et règlementent, mais qui n’apparaissent au plus grand nombre que comme de futiles divertissements. Les révoltes des peuples tentent de sortir de la grisaille des mots vides de sens, de ces coquilles vides et inintelligibles. En rappelant les formes élémentaires de la solidarité, le phénomène multiforme des soulèvements est une tentative de réaménager le monde spirituel qu’est tout être-ensemble. Et ce à partir d’une souveraineté populaire n’entendant plus être dépossédée de ses droits.

Les révoltes des peuples rappellent que ne vaut que ce qui est raciné dans une tradition qui, sur la longue durée, sert de nappe phréatique à toute vie en société. Ces révoltes actualisent l’instinct ancestral de la puissance instituante, qui, de temps en temps, se rappelle au bon souvenir du pouvoir institué.

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Le bon sens populaire.

Voilà ce qui, en son sens fort, constitue le génie du peuple, génie n’étant, ne l’oublions pas, que l’expression du gens, de la gente, c’est-à-dire de ce qui assure l’éthos de toute vie collective. Cet être-ensemble que l’individualisme moderne avait cru dépassé ressurgit de nos jours avec une force inégalée.

Mais voilà, à l’encontre de l’a-priorisme des sachants, a-priorisme dogmatique qui est le fourrier de tous les totalitarismes, ce génie s’exprime maladroitement, parfois même d’une manière incohérente ou se laissant dominer par les passions violentes. L’effervescence fort souvent bégaie. Et, comme le rappelle Ernest Renan : « Ce sont les bégaiements des gens du peuple qui sont devenus la deuxième bible du genre humain ».

Cet être-ensemble que l’individualisme moderne avait cru dépassé ressurgit de nos jours avec une force inégalée.

Remarque judicieuse, soulignant qu’à l’encontre du rationalisme morbide, à l’encontre de l’esprit appris des instruits, le bon sens prend toujours sa source dans l’intuition. Celle-ci est une vision de l’intérieur. L’intuition est une connaissance immédiate, n’ayant que faire des médias. C’est-à-dire n’ayant que faire de la médiation propre aux interprétations des divers observateurs ou commentateurs sociaux. C’est cette vision de l’intérieur qui permet de reconnaître ce qui est vrai, ce qui est bon dans ce qui est, et, du coup, n’accordant plus créance au moralisme reposant sur la rigide logique du devoir-être.

Du bien-être individuel au plus-être collectif.

C’est ainsi que le bon sens intuitif saisit le réel à partir de l’expérience, à partir du corps social, qui, dès lors, n’est plus une simple métaphore, mais une incontournable évidence. Ce que Descartes nommait l’« intuition évidente » comprend ainsi, inéluctablement, ce qui est évident.

Dès lors ce n’est plus le simple bien-être individualiste d’obédience économiciste qui prévaut, mais bien un plus être collectif. Et ce changement de polarité, que l’intelligentsia ne peut pas, ne veut pas voir, est conforté par la connaissance collective actualisant la « noosphère » analysée par Teilhard de Chardin, celle des réseaux sociaux, des blogs et autres Tweeters. Toutes choses confortant un « Netactivisme » dont on n’a pas fini de mesurer les effets.

Voilà le changement de paradigme en cours dont les soulèvements actuels sont les signes avant-coureurs. On comprendra que les zombies au pouvoir, véritables morts-vivants, ne peuvent en rien apprécier la vitalité quasi-enfantine à l’œuvre dans tous ces rassemblements. Car cette vitalité est celle du « puer aeternus » que les pisse-froids nomment avec dégoût « jeunisme ». Mais ce vitalisme juvénile[2], où prédomine l’aspect festif, ludique, voire onirique, est certainement la marque la plus évidente de la postmodernité naissante.

Michel Maffesoli

[1] Michel Maffesoli, La Violence totalitaire (1979), réédité in Après la Modernité, CNRS Éditions, 2008, p.539.

[2] La jeunesse n’étant bien sûr pas un problème d’âge, mais de ressenti, ce que traduit bien le mythe fédérateur de la postmodernité qu’est le Puer aeternus

Le respect des identités: la réussite de la décentralisation

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Le respect des identités: la réussite de la décentralisation

par Eugène Guyenne

Ex: http://thomasferrier.hautetfort.com

S'il a été évoqué il y a plusieurs mois à juste titre de nommer et penser les choses en "décentralisation" plus qu'en "fédéralisme", cette décentralisation de la future République européenne est nécessaire afin de préserver les identités à l'intérieur de cette institution, tout en gardant le monopole des principaux enjeux.

Penser "fédéralisme" implique qu'il y ait un ensemble homogène de territoires pas forcément dépendants d'un État comme on l'a vu avec la Confédération Livonienne (1228/1561) ou Germanique (1806/1848), bien que les actuelles Fédération de Russie et Confédération suisse démontrent le contraire.

L'actuelle Union Européenne le démontre en tant qu'exemple d'indépendance politique puisque certes elle est une "union", a des apparences étatiques (banque, monnaie, parlement, armée, frontières) mais il lui manque l'essentiel: un gouvernement et une armée indépendante. Ce sont les États qui la composent qui sont souverains sur le plan politique et militaire. Le premier, étant nommé par le chef d'État. Or ni l'un, ni l'autre n'existent sur un pan européen. Celui-ci gère la diplomatie et est le chef des armées. Le second, étant un préalable pour le bon fonctionnement d'un État, souverain, permettant de gérer concrètement la diplomatie comme dit plus haut, donc à la fois au niveau européen et local.

Sans parler de tout ce qui va avec pour un État: carte d'identité, basée juridiquement sur le principe du droit du sang ou du sol.

Penser "décentralisation" permet d'avoir un État qui a toujours du pouvoir mais celui-ci est moins centralisé, et permet une vraie concordance entre les localités, les régions (incarnées chacune par leurs identités propres), d'avoir un réel pouvoir à la fois politique via la municipalité ou le parlement provincial, et économique via la régulation localiste et régionale (penser pourquoi pas sur du très long terme à une monnaie locale et facile d'usage comme c'était le cas durant le Moyen-Âge), tout en étant encore une fois dépendante de l'État dans le domaine politique, économique, fiscal, administratif, dont les enjeux d'envergure européenne prendront le dessus, comme la question migratoire extra-continentale, les frontières (donc le régalien), les relations internationales favorables à des pays tels que directement la Russie et le Japon, l'Inde et l'Iran sur du très long terme et défavorables (comme les États du Golfe et la Chine) et l'armée, qui est l'une des clés de voûte de la souveraineté d'un État, servant à protéger ses frontières, son peuple, puisque l'autre souveraineté d'un État se base sur son identité.

Il est évident qu'un territoire comme l'Europe avec les fortes identités actuelles (Alsace, Lorraine, Occitanie, Pays-Basque, Catalogne, Bretagne, Normandie, Corse, Flandres, Wallonie, Sicile, Sardaigne, Bavière, Souabe, Écosse...), s'impose la décentralisation tout en n'oubliant pas que le Bien-Commun (l'Europe) doit primer avant tout, celui-ci passant politiquement par un État, souverain, garant de la pérennité du territoire au niveau européen, régional et local.

Eugène Guyenne (Le Parti des Européens)

Entretien avec Olivier Maulin : «Notre rapport au monde a été abimé par l’économie triomphante»

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Entretien avec Olivier Maulin : «Notre rapport au monde a été abimé par l’économie triomphante»

Ex: http://rebellion-sre.fr

Vous n’avez pas lu Olivier Maulin ? Grave faute de goût que vous devez dès maintenant expier ! Il est un des rares auteurs français vivants dont les livres sont une source de joie et d’inspiration pour le lecteur. Il nous avait fait l’honneur de répondre à nos questions dans numéro 83 de Rébellion.

Comment êtes-vous venu à la littérature ? (Question totalement idiote, j’en conviens)

Pas forcément idiote mais compliquée… Je me souviens qu’adolescent, je passais mes soirées à écrire des poèmes et à rêver d’être un poète. J’avais alors pour modèle Rimbaud, bien sûr, et les poètes fauchés de la fin du XIXe siècle qui représentaient pour moi un exotisme fabuleux. C’est donc plus la figure du poète qui me fascinait que la littérature elle-même ! Mais à force d’écrire des poèmes, très mauvais pour la plupart, j’ai appris à écrire, et à m’intéresser à autre chose qu’à la poésie, notamment au roman. Je me suis mis alors à écrire des nouvelles que je publiais dans des petites revues littéraires, puis au roman, assez tardivement. Mais je reste aujourd’hui absolument convaincu que ce sont toutes ces heures passées à écrire de la, poésie qui m’ont tout appris.

Quelles sont les lectures qui vous ont poussé à écrire ? ( question légèrement moins bête)

Adolescent, je ne lisais que de la poésie et des livres d’histoire, cultivant un mépris stupide et un peu snob pour le roman. C’est en licence d’histoire que j’ai eu deux chocs successifs en découvrant Crime et châtiment de Dostoïevski et surtout Mort à Crédit de Céline. J’ai dès lors avalé tout Céline et j’ai compris les possibilités inouïes du roman. Il m’a fallu ensuite une dizaine d’années pour digérer ce monstre et quitter la parodie.

Pour paraphraser Macbeth, l’humour dans vos romans est-il présent pour rappeler que l’existence n’est qu’une histoire de fous racontée par des idiots, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien” ?

Il y a de cela en effet. Mais je n’arrive pas vraiment à parler de l’humour de mes romans. Quand j’ai écrit En attendant le roi du monde, je n’avais pas vraiment conscience que c’était un roman drôle, il a fallu qu’on me le dise. En fait, je ne force rien, c’est la façon dont je vois les choses, je ne peux pas m’empêcher de voir le côté grotesque et raté de l’existence. Et puis je me suis aperçu que l’humour était une arme redoutable qui permettait de tout dire.

Dans votre oeuvre, vous semblez-vous amuser à faire basculer dans l’aventure la vie banale et routinière de vos personnages. Ce point de rupture est pour vous une ouverture vers le vrai sens de la vie ?

Disons que la plupart des mes personnages ne sont pas à l’aise dans ce monde étroit qui de surcroit les rejette. Ils se réfugient ainsi dans des sortes « d’alter-monde » où ils peuvent mettre en pratique leurs « idéaux » même si ceux-ci sont souvent inconscients et non formulés. Mais, oui, il y a une sorte de recherche du vrai sens de la vie comme vous dites, la vie aujourd’hui, pour la plupart des gens des gens, n’en ayant plus beaucoup, de sens.

Vous avez une affection toute particulière pour les « handicapés sociaux ». Etre inadapté au monde actuel est pour vous un signe de bonne santé mentale ?

Exactement ! Le monde actuel étant à mon sens cul par-dessus tête, je crée des carnavals où l’ordre de ce monde est mis à bas. Par le désordre du carnaval, le désordre du monde devient un ordre ! Et puis j’ai une réelle sympathie pour les bras-cassés qui dans notre société de la compétitivité et du sérieux maquillé en cool représentent à eux seuls une provocation et une bouffée d’oxygène.

omroi.jpgDans votre premier roman, « En attendant le roi du monde », vous évoquez des références traditionnelles (Je pense à Mircea Eliade ou René Guénon) pour créer une évocation quasiment magique. Avez-vous été influencé par ce courant ?

Oui, ce sont des auteurs que j’ai lus, surtout Guénon qui a été une lecture très importante pour moi. Certaines vérités établies, lesquelles forment le socle du monde contemporain et ne sont jamais remises en question, se sont écroulées comme un château de cartes à la lecture de Guénon. En le lisant, j’ai à vrai dire eu l’impression que du destop coulait dans ma cervelle et emportait le bouchon de crasse que l’on m’avait collé à l’école… Cela m’a ouvert des horizons intellectuels insoupçonnés. On retrouve l’écho de cette lecture dans mes trois premiers romans où mes personnages sont en quête (selon leurs modalités !) d’une tradition originelle qui rendrait le monde à nouveau habitable.

Un paganisme sauvage et tellurique surgit de la terre ancestrale dans vos romans. Est ce pour vous l’expression d’une voie spirituelle pouvant réenchanter notre époque ?

Je suis un peu ambigu à ce sujet. J’ai eu une période très « païenne » dont je suis un peu revenu. Lorsque Suzy essaie dans Les Evangiles du lac de recréer une religion païenne, elle est obligée d’user d’artifices et de rêves. Que ce paganisme sauvage dont vous parlez puisse irriguer notre rapport au monde, oui. Qu’il ait encore quelque chose à nous dire, encore oui. Qu’il puisse redevenir une religion, non. Il est mort et ne reviendra plus. Mais il est vrai qu’en écrivant mes trois premiers romans, mon but conscient était bien de réenchanter ce monde qui crève d’avoir abandonné le sacré et d’avoir tourné le dos à certains vérités universelles.

727360.jpgEcologie, localisme, communautés alternatives, enracinement sont présent dans votre réflexion. Pensez vous que l’avenir appartient à un croisement entre la ZAD et la Tradition?

Je ne sais pas de quoi l’avenir sera fait mais ce qui est certain c’est que notre monde fonce à toute vapeur vers le précipice. Au moment du grand basculement, il faudra bien inventer des solutions pour s’en sortir et certainement verrons-nous en effet la résurgence de communautés autonomes et enracinées. Ceci étant, je traite toutes ces questions d’un point de vue littéraire en ce sens qu’elles me permettent de mettre en scène des personnages, de raconter des histoires et de développer dans la bonne humeur quelques critiques à l’encontre de notre monde persuadé d’être dans le vrai. Quant à l’écologie, elle est très présente dans mes livres, c’est vrai, tout simplement parce que je pense qu’elle soulève, quand elle est réelle et non tartuffe, des véritables questions, et notamment celle-ci : notre mode de production et de consommation illimitées est-il compatible à terme avec une vie sur cette planète aux ressources limitées ? La réponse est à l’évidence non et le développement durable n’y changera rien. Mais au-delà de cet aspect matériel, c’est presque d’une écologie spirituelle, pour le coup, dont j’ai envie de parler. Notre rapport au monde a été abimé par l’économie triomphante, ce qui a rendu les gens sont malheureux. La grande promesse du progrès, c’était le bonheur pour tous mais il se vend chaque année en France 60 millions de boîtes d’antidépresseurs ! L’échec est total et il faudra bien que cela finisse par se savoir (ça se sait de plus en plus « en bas » mais pas « en haut » or c’est « en haut » que ça gouverne). La vraie question qui se pose donc aujourd’hui c’est de savoir si une révolution mentale peut encore nous permettre de changer à temps de direction ou si nous allons foncer dans le mur en discutant de l’écriture inclusive et du racisme sur Internet. Malheureusement, je penche pour la dernière hypothèse.

L’idée de communauté autonome du monde a une signification forte pour vous. Pourquoi ce type d’expérience vous attire ?

Mon idéal communautaire, c’est le village médiéval. On y trouve tout ce que j’aime, la solidarité, une relative égalité sociale (la différence entre le petit seigneur local et le paysan le plus pauvre ne dépassait pas le plus souvent les critères du fordisme), une possibilité d’accomplissement dans un travail qui a du sens avec de nombreux jours fériés (autant qu’aujourd’hui) et un ancrage qui, là encore, donne un sens à la vie. Au fond, l’idéal anarchiste est là ! Dans un monde liquide et littéralement invivable (sans cachetons), je vois les expériences communautaires comme des tentatives de recréer cet âge d’or…

793765.jpgComment avez-vous découvert les milieux libres et colonies libertaires de la Belle Époque qui servent de source à l’inspiration du « Bocage à la Nage » ?

Dans un magnifique ouvrage hors commerce paru en 2003, ronéotypé, le n°9 d’une revue intitulée Invariance, je crois, et qui s’intitulait « Naturiens, Végétariens, Végétaliens et crudivégétaliens dans le mouvement anarchiste français ». Il s’agissait de la reproduction de revues ouvrières de la fin du XIXe siècle, écrites par les ouvriers eux-mêmes, tirées à quelques dizaines d’exemplaires et distribuées à la sortie des usines, qui prônaient, pour certaines, la sécession d’avec la société capitaliste. J’avais été frappé par la clairvoyance de cette pensée clandestine, souvent exprimée de manière naïve, qui posait déjà la question de l’écologie (un article de 1895 annonce le réchauffement climatique !) et annonçait les communautés hippies avec soixante ans d’avance. C’est l’époque où commençaient à se développer des « communautés libres » d’ouvriers pour qui le progrès loué de manière unanime par le reste de la société consistait pour eux à travailler douze heures par jour dans les vapeurs toxiques pour un salaire de misère et où l’on faisait ramper des enfants de 12 ans sous les machines lorsqu’un tissu les bloquait pour ne pas avoir à les arrêter et perdre ainsi de l’argent, au risque bien entendu que l’enfant se fasse déchiqueter par la machine. Ce que j’avais trouvé touchant, c’était que même s’ils l’ignoraient, leur repli dans ces communautés libres où ils s’expurgeaient de tous les faux besoins jusqu’à abandonner leurs vêtements pour se faire nudistes, ressemblaient fort à une quête du paradis perdu, une tentative de revenir au temps d’avant le péché originel. A ma connaissance deux livres évoquent cet épisode quasi-inconnu de l’histoire, Les milieux libres de Céline Beaudet (éditions libertaires) et Expériences de vie communautaire anarchiste en France de Tony Legendre (même éditeur) qui traite du milieu libre de Vaux et de la colonie naturiste et végétalienne de Bascon qui a duré jusqu’en 1951. Le formidable écrivain Albert T’Serstevens a quant à lui écrit le seul roman sur le sujet, Un Apostolat, qui raconte l’échec d’une de ces communautés. Le livre va être réédité dans quelques mois aux éditions du Rocher.

Vous rendez bel hommage aux luddismes dans les Evangiles du Lac. Pour vous, cette réaction populaire garde son actualité face aux dérives du « progrès » et des sciences ?

Je suis fasciné par le mouvement luddite qui avait spontanément compris toutes les implications du progrès en effet. Et à propos du progrès, je ne crois pas qu’on puisse parler de « dérives ». Le progrès porte en lui ses effets positifs et négatifs dans le même temps, indépendamment de l’usage que l’on en fait, c’est ce que l’on refuse aujourd’hui de voir. L’ânerie consiste à croire que tout progrès est souhaitable. Certains apportent plus qu’ils ne détruisent et on peut alors les adopter. Mais d’autres détruisent plus qu’ils n’apportent et il est du coup criminel de les adopter. Au fond tout le problème réside dans le fait que le progrès est devenu une religion, un dogme indiscutable. Pour ma part, je pense qu’il faudrait aujourd’hui saccager les laboratoires des docteurs Folamour de l’intelligence artificielle et du bidouillage génétique qui sont une vraie folie furieuse.

Vos racines alsaciennes sont pour vous une source d’inspiration ?

Oui, certainement. L’humour d’abord, est très alsacien. Une forme de gaité tragique aussi. Et puis il y a la langue. Je m’amuse souvent à pêcher des expressions alsaciennes que je retranscris en français dans mes livres. L’alsacien est une langue de paysan, très imagée, très verte aussi, avec une quantité invraisemblable d’insultes fleuries et très drôles. Moi qui ai la nostalgie de la langue médiévale, moins précise que celle dont on a hérité du Grand Siècle mais terriblement plus concrète et plus colorée, j’ai parfois l’impression de la retrouver dans le dialecte alsacien (que je ne parle pas vraiment du reste)…

De l’Ecosse à la Catalogne, le nationalisme/régionaliste s’affirme au sein de l’Union Européenne, quel est votre avis sur ce phénomène ?

Pour vous dire la vérité, je n’ai pas d’idées arrêtées là-dessus. L’indépendance de la Catalogne et de l’Ecosse serait évidemment le point de départ du délitement des nations et du triomphe d’une Europe qui demeure un ectoplasme, et dont je ne crois pas qu’elle pourrait être autre chose qu’un ectoplasme Pour ma part, je suis tiraillé entre deux fidélités, l’alsacienne mais aussi la française qui m’a donné ma langue et mon histoire. La seule raison qui pourrait me faire vouloir l’éclatement des nations, c’est le sauve-qui-peut généralisé. Chacun rentre chez soi avec des fusils et verrouille la porte pour essayer de s’en sortir au mieux.

Propos recueillis par Louis Alexandre

Syndicats : soumission ou révolution ? Conférence de Louis Alexandre

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Syndicats : soumission ou révolution ?  Conférence de Louis Alexandre

Louis Alexandre. Rédacteur de la revue Rébellion. Militant pour un socialisme révolutionnaire et patriote.
 

jeudi, 16 mai 2019

François Bousquet : « Avec le départ de Kotarac, c’est la fin du populisme de gauche de Mélenchon de 2017 »

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François Bousquet : « Avec le départ de Kotarac, c’est la fin du populisme de gauche de Mélenchon de 2017 »

Boulevard Voltaire cliquez ici

François Bousquet analyse la portée du départ d’Andréa Kotarac de La France insoumise et son appel à voter pour la liste RN de Jordan Bardella. « Désormais, ce sera aux conservateurs type Bellamy à s’allier aux populistes et non plus l’inverse. »

Le conseiller régional Andréa Kotarac quitte la France Insoumise et affirme son soutien à Jordan Bardella, tête de liste au Rassemblement national. Cela va-t-il changer quelque chose politiquement ?

C’est un coup de tonnerre dans le landerneau polico-médiatique, en particulier chez les Insoumis. C’est un basculement chez nos frères ennemis, en l’occurrence le Rassemblement national. Cela clôt l’épisode populiste de 2017et la ligne que Mélenchon avait suivie pendant les élections présidentielles. Elle les avait portés à 20 % des voix. Pour avoir renoncé à cette ligne populiste, les Insoumis sont retombés à moins de 10 points.

La France Insoumise est un peu une auberge espagnole à tendance vénézuélienne. On peut dire que Ruffin était le pied gauche de Mélenchon, Raquel Garrido et Alexis Corbière étaient le bras droit et Djordje Kuzmanovic était la tête gauche. Ce dernier était le conseiller de Mélenchon pour les affaires internationales. Il a dû quitter les Insoumis en septembre pour avoir alerté le parti sur les dangers de l’immigration. Kotarac était le successeur. Danièle Obono était, elle, l’ulcère à l’estomac et l’indigéniste. Il semblerait que l’indigéniste ait pris désormais le dessus dans ce parti. Exit le populisme à gauche. Désormais, le populisme, c’est l’alliance du Rassemblement national et des Gilets jaunes.

Les Gilets jaunes à la France Insoumise ne sont jamais que des cols blancs. Ils ne peuvent rien comprendre aux Gilets jaunes !

Après le départ de Kuzmanovic et celui d’Andréa Kotarac aujourd’hui, peut-on bel et bien dire que le courant populiste de gauche est définitivement mort aux Insoumis ?

Kuzmanovic et Kotarac ont déserté. On peut donc dire qu’il est mort. Kuzmanovic reste un souverainiste de gauche, chevènementiste, incapable de franchir le Rubicon pour des questions générationnelles.

Kotarac a 29 ans. Il est désinhibé vis-à-vis des tabous de l’anti-racisme des années 80. C’est aujourd’hui un chapitre clos. C’est au niveau européen que le populisme est en train de disparaître. Podemos appelle à voter pour le parti socialiste espagnol.

Sahra Wegenknecht avait créé un micro parti sur les dangers de l’immigration, toujours à gauche de la gauche. Elle renonce aujourd’hui à la politique et va faire une carrière télévisuelle comme Raquel Garrido.

C’est le populisme tel que Mélenchon, Podémos et Sahra Wegenknecht l’envisageaient, c’est-à-dire transpartisan. Il est désormais derrière nous.

Manifestement il faut tirer un trait sur le populisme de gauche.

Peut-on pour autant parler de populisme de droite ? En réalité, le populisme, c’est un magma d’appel au peuple, de gilets jaunes, de souverainisme et de conservatisme. Il est classé sur l’échiquier politique à droite, mais je ne suis pas sûr qu’il soit complètement de droite. Il a été fréquent dans l’Histoire de France de voir ce type de débauchage de la gauche de la gauche vers la droite de la droite. C’était fréquent lors de l’épisode boulangiste. Il le redevient aujourd’hui avec le phénomène Front national.

Ce bloc populiste est aujourd’hui majoritaire dans l’opinion. Il n’a aucune perspective de pouvoir. Si vous additionnez les voix populistes entre les souverainistes populistes et conservateurs, on est à 30 % avec le Rassemblement national en tête.

Le rapport de force joue désormais en faveur des populistes et non plus des conservateurs. Marine, Dupont-Aignan et Philippot sont à 30 % et Bellamy à 15 %. Désormais, ce sera aux conservateurs de s’allier avec les populistes et non plus l’inverse.

Qu’a à gagner le Rassemblement national en mettant en avant le ralliement d’Andréa Kotarac ?

De souligner les impasses de ce populisme de gauche. Il lui a mordu quelques voix en 2017 en particulier dans la France périphérique. Il a un électorat populaire qui en 2017 a choisi LFI et non pas le RN. On peut imaginer que cet électorat populaire va désormais basculer vers le Rassemblement national. Kotarac appelle à voter Bardella et ne rejoint pas, pour l’heure, le Rassemblement national. Cela ne peut pas faire de mal au parti de Marine Le Pen.

À quoi sert la littérature ? Conférence de Juan Asensio et Patrice Jean

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À quoi sert la littérature ?

Conférence de Juan Asensio et Patrice Jean

Romancier et professeur de français à Saint-Nazaire, Patrice Jean vient de publier L’Homme surnuméraire (2017) aux éditions rue fromentin. Juan Asensio est critique littéraire. Contributeur pour de nombreuses revues, il est le créateur du blog « Stalker » qui entreprend la « dissection du cadavre de la littérature ».
 

Patrice Jean: "Tour d'ivoire" & "L'homme surnuméraire"

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Tour d'ivoire de Patrice Jean

par Christopher Gérard

Ex: http://archaion.hautetfort.com

Moins de deux ans après le magnifique et très-subversif L’Homme surnuméraire, le Nantais Patrice Jean propose son cinquième roman, Tour d’ivoire, dont le décor, et en fait l’un des personnages principaux, est Rouen, la ville de Gustave Flaubert. Comme dans son précédent roman, le héros, Antoine, est un déclassé, un lettré « surnuméraire » qui a fait le choix de la pauvreté volontaire pour se consacrer, stricto sensu, à une revue littéraire, confidentielle comme son nom l’indique, Tour d’ivoire. Un raté en somme, selon les critères aujourd’hui en vogue, qu’accompagne son ami ( ?) Thomas, encore plus intraitable sur la pureté de l’engagement en faveur de l’art pour l’art. Tout le roman tourne autour du dialogue, tantôt véhément, tantôt muet, entre ces deux hommes : faut-il céder, ne fût-ce que d’un pouce, aux sirènes, même postmodernes ?

tourd'ivoire.jpgAntoine a donc choisi l’obscurité, décevant ainsi son épouse, qui le largue (et cesse de jouer au mécène) et, bientôt, sa fille Blandine, que viendra consoler l’attentionné Thomas. Il vivote dans un HLM de la Grand’Mare (hilarants tableautins du « vivre-ensemble ») et se contente de CDD à la médiathèque Arthur Rainbow (!), l’un des décors du roman – prétexte pour l’auteur à une description aussi comique que glaçante du dispositif d’infantilisation des masses et de leur encadrement « culturel ». Notre bibliothécaire tranche d’avec ses jeunes collègues, acquis à la culture du divertissement et conscients de leur rôle dans le dressage « citoyen » de leurs usagers. Il fera, ô surprise, l’objet d’une dénonciation en règle pour un article littéraire de sa revue consacré à un écrivain qui, dans un français parfait, ose évoquer l’actuel chaos migratoire et ses conséquences sans l’enthousiasme ni la cécité de commande.

Avec un calme courage, Patrice Jean s’attaque à la doxa dominante, usant tour à tour de la cruauté du polémiste et de la douceur toute en sensibilité de l’artiste - un tueur en dentelles. L’une des questions qu’il pose est celle de la place de la culture authentique, vécue non comme docile consommation de produits estampillés culturels mais bien comme quête désintéressée du beau et du vrai, comme métamorphose. Comment résister à la méthodique profanation de la littérature ? Comment éviter son fatal déclassement dans un monde où l’argent est tout, où l’industrie culturelle dicte le mauvais goût et la bonne pensée : « A quoi bon psalmodier le bréviaire de l’exigence spirituelle dans un monde livré au néant de la matière, sous le soleil de la marchandise victorieuse, à l’ombre du divertissement ricaneur ? »

Doué d’un jolie vis comica,  l’impeccable styliste qu’est Patrice Jean* réussit ses descriptions de types humains, comme le progressiste, qui, pour recevoir une gratification narcissique (« susucre ») affiche de manière pavlovienne sa « révolte » au service du Bien (« papatte ») et qui, dans un désir éperdu de Vertu, s’arroge le pouvoir de cataloguer, et donc de condamner, une personne, même inconnue de lui, selon l’idée qu’il se fait d’elle, au gré de ses humeurs ou de ses intérêts : « En ce monde perdu, est-il plus sotte façon, plus lâche posture, que celle où l’on abdique la dignité du doute pour revendiquer, moralement, la supériorité d’être dans le vrai et le bien, au-delà des interrogations, dans le confort d’un choix juste et solide, jamais remis en cause ? »

Nihil novi depuis Tartuffe & Trissotin, certes, mais, aujourd’hui, ces ligues de rééducation, véritables bataillons de termites, sont légion, et servies par l’électronique, et défendues par des élites de pacotille.

Tout cet ambitieux roman, rédigé dans une langue limpide, charpentée par un compagnon du devoir devenu maître, pousse le lecteur à s’interroger sur notre crépuscule et sur la nature de la littérature comme défense et illustration du monde invisible, comme quête ascétique d’une forme d’excellence.

Christopher Gérard

Patrice Jean, Tour d’ivoire, Editions rue Fromentin, 244 pages, 21€.

* J’ai buté sur une seule scorie : un « tacler » par trop journalistique … sans doute utilisé avec ironie.

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L’Homme surnuméraire ? Un splendide exemple de subversion classique

par Christopher Gérard

Honneur au confrère Olivier Maulin, qui, dans une magnifique chronique littéraire (Valeurs  actuelles du 31 août dernier), attirait l’attention de ses lecteurs sur un écrivain qualifié, à juste titre, d’immense. Dithyrambiques, Maulin & Gérard  ? Bluffés, partisans ?

Que nenni ! En près de trois cents pages, Patrice Jean, philosophe qui enseigne dans un lycée de Saint-Nazaire, livre avec L’Homme surnuméraire un grand roman, qui restera tant que subsistera, horresco referens, une élite raffinée. Double, et même triple, ce roman se révèle celui d’un virtuose de la narration, qui parvient sans peine aucune à enchâsser deux récits complémentaires en gommant toute trace d’échafaudage. Le premier narre la trahison vécue par un père de famille, agent immobilier de son état, un brave homme que sa femme et ses enfants trouvent trop ringard à leur (détestable) goût et abandonnent au bord du chemin comme un animal de compagnie qui aurait fait son temps. Pour pouvoir fréquenter des charlatans de l’Université, sa femme le quitte sur les conseils de sa meilleure amie, une écervelée ; de honte, ses enfants ne lèvent même plus leur regard sur lui. Serge Le Chenadec est ce petit-bourgeois de province, ce rescapé du monde d’avant ostracisé et nié par des mutants et qui, un moment tenté par le suicide (Quai Voltaire, à deux pas de l’appartement où se donna la mort Henry de Montherlant), vivra une sorte de miracle en retrouvant une amie de lycée, Chantal, vieille fille sans charme qui pratique, elle, le plus pur amour oblatif. Mais cette belle histoire n’est qu’un roman… qui agit, et comment !, sur les personnages de l’autre roman contenu dans l’œuvre. Ceux-ci, des intellectuels prolétarisés (une enseignante et un nègre, pardon un rewriter), dérivent, l’une en acceptant les avances d’un immonde mandarin de l’imposture matérialiste et égalitaire, le Grand Universitaire (traduit en vingt-quatre langues) qui annone Derrida & Genette à tout bout de champ, l’autre en pasteurisant, narines bouchées, des chefs-d’œuvre de la littérature, expurgés de tout élément sexiste, xénophobe, blablabla. Sombreront-ils avec leur époque ?

Roman subversif en diable, L’Homme surnuméraire tranche, entre autres, par le calme courage avec lequel son auteur pulvérise le dispositif académique de contrôle littéraire, ses stratégies d’intimidation, son stérilisant jargon, ses cuistres, mixtes de Trissotin, Tartuffe et Torquemada naguère dénoncés par Michel Mourlet. Entre les technocrates de la culture, hommes de pouvoir pratiquant la morbide accumulation d’un savoir désincarné, et les hommes en trop, grains de diamant qui rayent les rouages de la méga-machine, Patrice Jean choisit le camp de la liberté, suivant en cela les traces de Gombrowicz, cité en exergue du roman : « l’art devra se débarrasser de la science et se retourner contre elle ». Souvent hilarant, toujours émouvant, il excelle dans l’art de la satire, par le truchement d’une ironie suprêmement socratique et d’un style limpide. Plus grave, il défend, contre l’abaissement spirituel, un héritage fondé non sur le morcellement et la séparation post-modernes, mais bien sur « l’agglomération, la construction, la permanence ».

L’Homme surnuméraire ? Un splendide exemple de subversion classique, un livre romain.

Christopher Gérard
Source : archaion.hautetfort.com

Patrice Jean, L’Homme surnuméraire, Editions rue Fromentin, 276 pages, 20€.

 

L'universale significato spirituale della Romanità

 
Giandomenico Casalino
 
Ex: https://www.ereticamente.net
 
1)”Il Vero è l’Intero. L’Intero però, è solo l’essenza che si compie mediante il proprio sviluppo. Dell’Assoluto, infatti, bisogna dire che è essenzialmente un Risultato, che solo alla fine è ciò che è in Verità”. Hegel, Prefazione alla Fenomenologia dello Spirito.

2) Tale passo è la presentazione universale del concetto della Vita di ogni organismo dello Spirito, sia nel microcosmo come nel macrocosmo: l’uomo, l’universo, la Romanità… Pensare in guisa intensa i concetti profondissimi ivi presenti, conduce alla comprensione dell’Intero significato della Tradizione di Roma, proprio perché Realtà vivente.

louve.jpg3) Tale conoscenza non è sapere se non è innanzitutto uno stato dell’essere; lo stato dell’essere è vedere l’Invisibile, che è l’Indicibile, ma per colui che è Essere non è che l’Uno, l’Istante che è fuori dal tempo: colui che vive nella dimensione dello Spirito è nel tempo pur essendo, nella radice, fuori dal tempo, vedrà il Divenire che è Essere, come indica l’enigmatico sorriso dell’Apollo di Veio, Egli, sorridendo della nostra stupidità, accenna, svela e rivela la Verità: l’Assoluto, il Divino è semplicemente ciò che tu vedi e che sei! Tu però non lo sai!

4) Roma, nella sua essenza metafisica, nella sua potenza spirituale, nella sua eterna presenza come Simbolo dell’Ordine Cosmico, come Umbelicus Mundi, come Asse che non vacilla dell’Europa, è ciò che tu vedi se lo sei! È ciò che è se tu lo fai, lo vivi e lo crei, in ogni momento, in ogni Istante della tua vita, che sarà così il Rito filosofico interiore, come creazione costante del Kathekòn in quanto Limes nei confronti delle Tenebre e quindi  iniziazione all’Eterno.

5) È, quindi, necessario, oggettivamente necessario, come legge dello Spirito, acquisire il “mutamento di punto di vista”, di “stato mentale” in cui consiste, in buona sostanza, quello che Evola definisce lo stato dell’Essere interiore e, quindi, la sua manifestazione esterna che è la “Visione del mondo” che, se è necessario possedere in termini virtuali o potenziali, atteso che la stessa non si acquisisce sui libri né con altri strumenti se non la si possiede in potenza sin dalla nascita come “forma interna o carattere”, è vero anche che tutto ciò, secondo proprio il principio fondamentale della nostra Tradizione, che è il comando apollineo di Delfi: “conosci te stesso!”, deve essere però consapevolmente conosciuto e cioè esperimentato divenendo concretamente esso stesso!

CASALINO-3-1.jpgSi conosce solo ciò che si è e si è solo ciò che si conosce. Gli Dei non esistono a priori (per fede) ma esistono solo se si conoscono e si conoscono solo se si esperimentano, quindi esistono solo per colui il quale li esperimenta, cioè li vive e quindi li conosce; nel senso che, pur esistendo da sempre, per colui il quale non li conosce Essi non esistono. Tale è il significato della frase: “I Greci non credevano negli Dei; poiché li  vedevano!”

6) Se si vuole vivere l’esperienza spirituale dell’agire e della conseguenziale visione, tipica dell’Ascesi dell’Azione che qualifica la Romanità, della realizzazione, mediante il Rito giuridico-religioso, “del fenomenico per effetto della azione magica sul Numenico”, è necessario Sapere-Vedere  (non guardare…) che il Sé, la Mente, il Pensiero, che è l’Invisibile, è il Numenico e che solo agendo nell’Invisibile, cioè nel Pensiero e sul Pensiero, nella Mente e sulla Mente, nell’Animo e sull’Animo, cioè agendo sulla Causa, che è lo Spirito, creando la Forma in essa Causa, la stessa  Forma si riverbera, si riflette nello specchio che è il fenomenico e cioè il Mondo e così esso appare ed è conforme, identico al Numenico cioè al Pensiero che lo ha causato e ciò dimostra, tale processo dimostra che la paideia ed il mos majorum, sono la causa generatrice del Mondo, della Res Publica, dell’Ordine Giuridico-Religioso e quindi Politico: che è l’Idea realizzata nella storia di Juppiter Optimus Maximus. Tutto ciò è vero solo se è stato della Mente, che è stato dell’Essere, ed è vero solo se si è conseguenzialmente l’Uomo Nuovo,  Uomo che pensa, vede e quindi è l’Uomo aperto al Mondo, l’Uomo che non dice e non pensa mai in termini di “Io” ma sempre in termini del Noi, perché sente e sa di essere Noi; poiché la Romanità è Noi!

7) Essere Noi (ed è il secondo “momento dello Spirito”) significa entrare nel Mondo, superare e vincere la falsità dualistica dell’Io e del Mondo, del soggetto e dell’oggetto, della Trascendenza e della Immanenza  ed essere quindi realtà spirituale, esistenziale e concreta  e quindi Intero che è, secondo la nostra Tradizione classica Greco-Romana, l’Athanòr nella Filosofia Ermetica, l’Uno il Tutto nella Tradizione Platonica, la Res Publica Universale nella Romanità, l’Intero medesimo e cioè l’Assoluto nel significato che ha rivelato la Sapienza di Hegel. Tale è secondo la cultura tradizionale il vivere che coincide con l’essere che è il pensare, significando ciò Roma come l’Idea Vivente  e si ritorna al principio secondo cui il Pensiero è il Tutto essendo la Causa di Tutto, atteso il fatto che, se non vi è il mutamento di “stato”, il “Risveglio”, anche il Mondo continua ad essere caos ed oblio, oscurità e nebbia: solo nel “momento” in cui si “conosce se stessi”, il Mondo è salvo, il Mondo è Cosmos, Ordine, Unità; anzi il Sapere e l’Essere lo stato corrispondente, consente di acquisire la Conoscenza che quell’Ordine e quella Unità del Mondo ci sono da sempre, ab aeterno, solo che non lo si sapeva poiché non lo si era.

Giandomenico Casalino

Spirito classico - cristianesimo: le tesi di Walter Friedrich Otto

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Spirito classico - cristianesimo: le tesi di Walter Friedrich Otto

Giovanni Sessa

Ex: https://www.ereticamente.net

auWO.jpgNel corpo della cultura europea scorre sangue «pagano». A muovere dal Settecento, filosofi, storici delle religioni e artisti, si sono prodigati nel tentativo di far riemergere le sorgenti più arcaiche della nostra cultura, richiamando l’attenzione sul suo effettivo ubi consistam. Anzi, questo sforzo è ancora in corso: si pensi, tra i tanti esempi che si possono fare in tema, alla valorizzazione del mondo pre-cristiano, presentata, nella propria opera, da Evola o, più recentemente, da autori quali Marc Augé e Alain de Benoist. Un ruolo rilevante, in tal senso, nel secondo decennio del «secolo breve», lo ha svolto il filologo svevo e storico delle religioni, Walter Friedrich Otto. Il suo lavoro più noto, Gli Dei della Grecia, fu in qualche modo preparato da un libro che egli pubblicò nel 1923, Spirito classico e mondo cristiano, di cui è recentemente apparsa la seconda edizione italiana, per i tipi de L’arco e la Corte (per ordini: arcoelacorte@libero.it, pp. 174, euro 15,00). Si tratta, come ricorda Giovanni Monastra, nell’informata e stimolante Prefazione, di un testo nel quale l’autore mostrò, in tutta la sua forza e con invidiabile spessore erudito, l’attrazione empatica per il mondo classico e, in particolare, per la religiosità ellenica.

La potenza teorica del volume, la si spiega tenendo in debito conto alcuni dati biografici dell’autore, riferiti opportunamente dal prefatore. Otto si formò a Tubinga, nel medesimo Stift teologico nel quale avevano studiato Hegel, Schelling ed Hölderlin. Dopo aver seguito brillanti studi filologici, a Monaco incontrò il filosofo Klages e frequentò gli ambienti del Kreis di Stefan George. Fu, inoltre, attratto dagli studi di Leo Frobenius, dai quali trasse l’idea del Weltbild (immagine del mondo), che gli permise di decodificare l’essenza della civiltà ellenica. Fu vicino agli ambienti aristocratico-conservatori e, perciò, antinazisti, della Germania segreta: ciò lo costrinse ad insegnare in un’Università «periferica», quella di Könisberg, dove rimase fino all’arrivo dell’Armata rossa nel 1944. Fu sottoposto, dopo la guerra, ad una serie di controlli preventivi, ma evitò l’epurazione e continuò ad insegnare fino al momento del decesso avvenuto nel 1958. Frequentò, tra gli altri, Heidegger, Kerény e Pettazzoni.

9788894296655_0_306_0_75.jpgIn Spirito classico e mondo cristiano, sono presenti: «lampeggianti intuizioni e utili indicazioni che consentono di vedere con occhi nuovi il mondo religioso ellenico» (p. 13). Otto cerca, in ogni modo, di far parlare i Greci e i loro dei, con la voce che gli fu propria. Fino ad allora, infatti, il clamore millenario prodotto dalla cultura dei vincitori, nella contesa storica sviluppatasi nel IV secolo d.c., quella cristiana, aveva impedito di cogliere il senso ultimo della visione del mondo ellenica. La critica al cristianesimo di Otto è radicale, i toni polemici decisamente aspri, in alcuni passaggi rasentano l’invettiva. Per questo, successivamente, il filologo non si riconobbe del tutto in tali affermazioni e non volle che questo studio fosse nuovamente pubblicato (la precedente edizione italiana uscì nel 1973, ad insaputa della figlia dello studioso). Il libro è scritto sotto il segno di Nietzsche. Come il filosofo dell’eterno ritorno, anche Otto distinse l’originario insegnamento del Cristo, insieme a Socrate considerato ultimo esempio di vita persuasa, dalla successiva dottrina cristiana, esito del travisamento teologico operato dalla tradizione paolino-agostiniana. In ogni caso, quale idea ha Otto della religio greca?

Egli era convinto che i poemi omerici: «contenessero il paradigma più alto della concezione olimpica del divino» (p. 14). Quella omerica era religio virile, fiera, senza uguali nella storia delle religioni. Punto apicale mai più raggiunto, in quanto in essa gli dei venivano invocati in piedi, il greco guardava negli occhi, senza alcun timore reverenziale i propri numi. Non conosceva le genuflessioni cristiane ed asiatiche, di fronte al divino. Questo era inteso quale manifestazione improvvisa, suscitante, al medesimo tempo, meraviglia e sconcerto. La coscienza del singolo era conciliata con i ritmi e le misure che si manifestavano nel cosmo, nessun greco conobbe mai la “cattiva coscienza”, triste novità introdotta dal cristianesimo. Con la sua irruzione si iniziò ad avvertire: «una opposizione tra il mondo sconvolto e disperato dell’anima, agitata sempre da tormenti e turbamenti […], e il mondo olimpico della forma» (p. 16). La natura, avvertita in precedenza quale epifania del divino, venne progressivamente esperita in termini desacralizzati e ridotta alla mera dimensione della quantità.

9788845977350_0_0_626_75LLLLL.jpgI Greci, al contrario, non conobbero mai la fides, la loro religio della forma era, in realtà, un susseguirsi di esperienze, di realizzazioni del sacro, da parte dell’uomo. Il tratto politeista consentiva loro di apprezzare i diversi volti dell’Uno e di viverli, di farne esperienza. A ciò contribuivano il mito e il culto. Nel secondo: «è l’uomo che si innalza al Divino, vive e agisce in comunione con gli dei; nel mito è il divino che scende e si fa umano» (p. 21). Il rapporto uomo-dio si manifestava, come rilevato da Rudolf Otto, nell’endiadi Io-Esso. Si trattava, pertanto, di una relazione centrata sull’ethos, sul modo d’essere (Evola avrebbe detto “razza dello spirito”) e non sul pathos, sulla dimensione emotiva e sentimentale. Il trionfo del cristianesimo rese esplicito che il mondo antico aveva perso la propria anima, vale a dire quest’atteggiamento paritetico degli uomini nei confronti degli dei. Ecco perché alla «buona novella» aderirono gli ultimi, i diseredati e le donne, che divennero strumenti mortiferi per lo spirito classico. In quel frangente, pochi tentarono una resistenza. Si ersero in pochi, ricorda Otto, sulle rovine di un mondo al tramonto per proclamarne la grandezza, tra essi Giuliano Imperatore. Monastra ipotizza, e la cosa va segnalata, che Evola, avrebbe potuto trarre il titolo del suo, Gli uomini e le rovine, proprio da un passo del libro del filologo tedesco, che certamente lesse.

Condividiamo l’esegesi della relazione paganesimo-cristianesimo che questo volume presenta. Forse, come rileva il prefatore, è eccessivo sostenere, come fece Otto, l’unicità religiosa della Grecia. Resta il fatto, però, che la loro fu una religione della realtà: «alla quale risulta del tutto estranea la “fede” in qualcosa di “totalmente altro”» (p. 33). In conclusione, vogliamo qui ricordare quanto, a proposito dell’originario cristianesimo, ebbe a sostenere il filosofo Andre Amo: questa religione avrebbe rappresentato un ritorno dei culti agrari, cosmici, che nel mondo antico si era mostrati a latere del dionisismo, di contro al rigido monoteismo ebraico, imparentato con la religione apollinea. Un considerazione non dissimile da quella fatta propria dal tedesco, alcuni anni dopo la pubblicazione dello Spirito classico e il mondo cristiano.

Giovanni Sessa

mercredi, 15 mai 2019

Un nouvel ordre multipolaire fondé sur la régulation

 

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Un nouvel ordre multipolaire fondé sur la régulation

Ligne Droite cliquez ici

& http://synthesenationale.hautetfort.com

Le concept de communauté internationale, qui revient de façon récurrente dans le discours des diplomates occidentaux, n’est qu’un artifice destiné à légitimer la politique étrangère des États-Unis. Or celle-ci, porteuse de l’idéologie mondialiste, est contraire aux intérêts de la France et de l’Europe. Aussi notre pays devrait-il, selon Ligne droite, contester l’organisation actuelle des relations internationales et nourrir la grande ambition d’œuvrer à l’avènement d’un « nouvel ordre multipolaire » ancré dans la réalité du monde d’aujourd’hui et axé sur la régulation des échanges.

La notion de communauté internationale, un instrument de l’imperium américain

La notion de « communauté internationale », qui reprend sous un angle un peu différent celui de nouvel ordre mondial très en vogue à la fin du XXe siècle, est en effet une formule des plus ambiguë. Ceux qui s’en réclament laissent entendre qu’ils parlent pour l’ensemble des nations du monde, alors qu’il ne s’agit le plus souvent que des États-Unis et de leurs « alliés ». Cette référence à la communauté internationale est dès lors quasi systématiquement utilisée pour des actions ou des prises de position qui servent les États-Unis et leur vue du monde.

Autant dire, dans ces conditions, que cette notion s’inscrit dans un cadre très politiquement correct. Elle repose sur l’idée que le modèle américain fondé sur le libéralisme et la démocratie va s’étendre au monde entier et s’appuie sur l’idéologie mondialiste qui conduit à supprimer les frontières, à réduire le pouvoir des États et à œuvrer à la globalisation de la planète. En effet, la communauté internationale en question ne se préoccupe pas des identités et considère avec méfiance les États qui y demeurent attachés comme la Russie et tous les pays de l’Est de l’Europe.

Une conception politiquement correcte inadaptée au monde multipolaire d’aujourd’hui

Ligne droite estime en conséquence que les notions de nouvel ordre mondial et de communauté internationale doivent être rejetées car elles véhiculent le mondialisme, le libre-échangisme intégral, l’immigrationnisme et l’atlantisme. À ce titre, elles vont à l’encontre de ce qui est souhaitable pour le France et l’Europe, aussi notre pays doit-il les contester tout en proposant une autre vision.

Cette démarche se révèle d’autant plus légitime que le concept de communauté internationale ne correspond en rien à la réalité du monde d’aujourd’hui. La planète est en effet loin de converger autour du pôle américain, lequel perd d’ailleurs de son influence. Notre époque apparaît au contraire marquée par l’émergence de nouvelles puissances qui structurent la scène mondiale selon un schéma multipolaire. Un schéma qui n’est pas compatible avec la notion de communauté internationale puisqu’aucun des nouveaux pôles émergents comme la Chine, l’Inde ou le monde musulman, pas plus d’ailleurs que la Russie, le Brésil ou l’Afrique, ne sont prêts à s’aligner sur les États-Unis.

Il faut lui substituer le concept de nouvel ordre multipolaire

Ligne droite considère donc que la France devrait se faire le champion d’une autre conception des relations internationales. Une conception qu’elle devrait populariser sous le nom de « nouvel ordre multipolaire » et qui devrait reposer sur deux grands principes : prendre en compte la réalité multipolaire du monde d’aujourd’hui et substituer à l’ultralibéralisme international le principe de la régulation générale de tous les échanges.

Le nouvel ordre multipolaire pour une régulation des échanges

Contrairement au nouvel ordre mondial qui organisait le laisser-faire laissez-passer général tant pour les biens et services que pour les mouvements migratoires, le nouvel ordre multipolaire proposé par la droite nouvelle devrait s’appuyer sur le principe simple selon lequel les échanges ne sont admis que s’ils sont bénéfiques pour les deux parties concernées et doivent donc être régulés en conséquence.

Dans ce cadre, l’organisation du commerce mondial devrait être entièrement revue et de nouvelles négociations devraient être ouvertes en son sein pour mettre en place des écluses douanières entre les grands ensembles économiquement homogènes.

De même, s’agissant de l’immigration, la maîtrise des flux devrait s’imposer comme la règle commune. Aucun mouvement migratoire ne pourrait être organisé sans l’accord des deux pays concernés. Quant aux déplacements clandestins, ils devraient être combattus par les pays d’émigration comme par ceux d’immigration et, dans la mesure où ils sont organisés par des filières mafieuses, traités comme tels par les services compétents.

Le nouvel ordre multipolaire pour la stabilité du monde

Par ailleurs, le nouvel ordre multipolaire devrait prendre en compte la réalité du monde et reconnaître son caractère multipolaire. Pourrait en effet être constitué un G9 d’un nouveau genre regroupant les principaux pôles de puissance: Chine, Japon, Inde, Brésil, États-Unis, Russie et Europe, auxquels devraient être adjoints deux autres États, l’un représentant le monde musulman et l’autre l’Afrique (au besoin selon une formule de tourniquet). Une telle instance même informelle qui représenterait avec neuf partenaires la presque totalité de la population mondiale pourrait être le lieu le plus pertinent où débattre des conflits et des problèmes du monde. Une configuration qui serait capable d’apporter une plus grande stabilité internationale, car fondée, non plus sur une puissance unique qui cherche à s’imposer, mais sur l’équilibre des principaux pôles de puissance de la planète.

Le nouvel ordre multipolaire, un projet susceptible de s’imposer

Pour mettre en œuvre un tel projet, très différent des pratiques actuelles, la droite nouvelle, une fois au pouvoir, devrait commencer par faire de la France le champion de cette idée, à charge pour elle de l’expliquer et d’en assurer la promotion. Si, ensuite, l’Europe confédérale, telle que préconisée par Ligne droite, reprenait ce projet à son compte, gageons que tout deviendrait alors possible. L’idée d’un nouvel ordre multipolaire pourrait en effet intéresser les BRICS. Le Brésil, la Russie, la Chine, l’Inde et l’Afrique du Sud cherchent en effet à réduire l’influence des États-Unis dans le monde. Ils ne pourraient dès lors que soutenir un projet visant à institutionnaliser la réalité multipolaire qu’ils incarnent et, forte de ce soutien, l’Europe serait en mesure de faire prévaloir ce changement radical de l’organisation des relations internationales.

En tout état de cause, la France, dirigée par la droite nouvelle, aurait tout intérêt à porter l’idée d’une rénovation profonde des relations internationales. En dehors des bénéfices qu’elle et les autres pays européens pourraient en retirer si le projet se concrétisait, le seul fait de s’en faire l’artisan permettrait à la France de gagner en stature et d’offrir aux Français des perspectives ainsi qu’une ambition collective qui leur rendrait espoir et fierté.

Une prison mentale nommée Facebook

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Une prison mentale nommée Facebook

par Rémi TREMBLAY

Ce n’était qu’une question temps comme je l’écrivais dans le quotidien Présent avant que la Fédération des Québécois de souche ne soit victime de la censure sur le réseau Facebook. Persona non grata au Parlement de Québec à cause d’idées « non-parlementaires », la Fédération est désormais dans le collimateur des censeurs, ce qui fera plaisir au nébuleux organisme Canadian Anti-Hate Network qui avait demandé dans le New York Times au réseau social de sévir contre la Fédération. Cette semaine, c’était au tour du réseau gouvernemental CBC d’exiger la censure des groupes québécois sur les réseaux sociaux.

Pour le moment, Facebook accuse la Fédération de propagande haineuse à cause de la publication d’un lien présentant diverses statistiques sur l’immigration de masse accompagné du commentaire : « L’aspect invasion de l’immigration est de plus en plus indéniable. » On n’explique pas en quoi celle-ci fait la promotion de la haine. Il s’agit d’une critique du système d’immigration, ce qui est tout à fait légal, même au Canada de Justin Trudeau où justement l’immigration fait les manchettes depuis quelques semaines. Il faut le noter, ni la Fédération, ni ses membres n’ont été reconnus coupables, ou même accusés de propagande haineuse. Facebook fait du zèle au niveau de la censure.

Mais ça, rien de nouveau.

La semaine dernière, le chroniqueur laïciste Richard Martineau du Journal de Montréal, avait été censuré pour avoir osé dire que seule une femme pouvait accoucher. Commentaire évidemment hautement « transphobe » qui valut au haineux personnage une punition d’une semaine loin des réseaux sociaux.

Début avril, c’était la commentatrice et youtubeuse conservatrice Faith Goldy qui avait été expulsée de Facebook suite aux nouvelles politiques mises en place par le géant du Web pour combattre le « nationalisme blanc », en réaction aux attaques de Christchurch. Par contre, on pourrait noter qu’après les attaques hautement plus meurtrières de Pâques au Sri Lanka, aucune mesure du genre ne fut prise. On ne se décida pas à bannir quiconque faisait la promotion du voile ou de la Charia, alors qu’on cible toute personnalité conservatrice ou nationaliste à cause de la tuerie néo-zélandaise. La censure est à sens unique.

Le danger de la politique liberticide de Facebook n’est pas tant pour ceux qui sont exclus que pour ceux qui restent. Les gens comme Faith Goldy n’ont pas besoin des réseaux sociaux et ne cesseront pas d’être qui ils sont ou de dire ce qu’ils disent parce qu’ils ont été expulsés du réseau social. Ils se trouveront d’autres moyens d’expression et rejoindront, avec peut-être plus d’efforts, un public intéressé. La menace pèse sur ceux qui restent.

Il y a un an, Facebook s’en prenait au « suprématisme blanc », puis cette année au « nationalisme blanc ». Dans les deux cas, il s’agit de termes vagues qui permettent à Facebook d’exercer un contrôle sur les commentaires et d’éviter toute critique, car lorsque quelqu’un est banni, personne n’oser venir le défendre, car ce serait s’associer au « suprématisme blanc ». L’usage de ce terme a comme objectif de sidérer les adversaires tout en se donnant un air vertueux. Mais, on constate qu’il y a une gradation théorique. La guerre aux « suprématistes » fait maintenant place à la lutte aux « nationalistes ». Et est « nationaliste blanc » quiconque, soit-il blanc, jaune ou noir, qui remet en question les politiques migratoires mises en place par les traîtres qui ne pensent pas à l’avenir et au bien-être des peuples qu’ils gouvernent.

Cette gradation relève de la stratégie du saucisson ou de la grenouille dans l’eau chaude. C’est par petits pas que la liberté d’expression est assassinée. Si du jour au lendemain on avait annoncé que toute critique de l’immigration était illégale, il y aurait eu une levée de boucliers et des dénonciations. Mais en y allant goutte par goutte, on rend la chose moins révoltante et on évite la contestation.

Le danger à long terme, c’est que ceux encore présents sur les réseaux sociaux risquent de modifier leur discours pour s’adapter aux nouvelles règles arbitraires mises en place par l’équipe de Zuckerberg. On évite de parler d’immigration, on recule pour garder le droit de s’exprimer sur les réseaux sociaux sans comprendre qu’on a le droit de parler, mais qu’on ne peut plus rien dire. Ce contrôle du discours n’est pas sans rappeler la philosophie derrière l’imposition de la novlangue dans le prophétique roman d’Orwell.

D’ailleurs les comparatifs entre Facebook et Big Brother, qui épie, surveille, note, endoctrine, limite la parole, sont trop évidents pour qu’il vaille la peine de les énumérer ici.

Être banni de ces réseaux n’est pas une mort sociale, loin de là, c’est un premier pas pour retrouver notre liberté de dire que 2 et 2 font 4.

Rémi Tremblay

• D’abord mis en ligne sur EuroLibertés, le 28 avril 2019.

mardi, 14 mai 2019

Soirée d'hommage à Dominique Venner

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La force de l’existence

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La force de l’existence

par Patrice-Hans Perrier

Ex: https://echelledejacob.blogspot.com

Les temps sont difficiles pour les patriotes actifs des deux côtés de l’Atlantique. En effet, le rouleau compresseur des diverses chartes onusiennes et la pression des grandes multinationales font en sorte que les prérogatives des États nationaux se réduisent, chaque jour, en peau de chagrin. Il y a péril en la demeure et c’est le cas de le dire.

DdtYwYdV4AAsic3.jpgL’historien Dominique Venner s’épanche longuement dans son essai, intitulé « Un samouraï d’Occident », sur les causes du déclin de l’Europe et de la civilisation helléno-chrétienne. D’après lui, l’inéluctable déclin de notre civilisation serait dû, d’entrée de jeu, à la perte de ce qui constituait la substantifique moelle de notre éthos collectif.

La charpente de nos mœurs et de nos valeurs spirituelles aurait été endommagée par une sorte de suicide collectif : un phénomène s’appuyant, non seulement sur l’hubris débridée de nos élites, mais tout autant sur l’effondrement d’une sagesse populaire qui puisait à une tradition plurimillénaire. Nous aurions perdu les bornes qui contenaient les menaces qui s’appesantissent sur nos sociétés déboussolées au moment de composer ces quelques lignes.
 
La perte des repères de la nature

Reprenant les préceptes exposés dans L’Homme et la technique, d’Oswald Spengler, l’historien Venner fustige la fuite en avant d’une technicité automotrice, laissée à elle-même sans contrepartie humaine. Ainsi, selon Spengler, « la pensée faustienne commence à ressentir la nausée des machines ». Prenant appui sur les observations du grand philosophe Martin Heidegger, Dominique Venner dénonce cette « métaphysique de l’illimité » qui repousse toujours plus loin les bornes de la technique, mais aussi de l’éthique. Le délire techniciste qui déferle sur notre époque aura contribué à faire sauter les digues des antiques préceptes qui guidaient nos sociétés depuis la nuit des temps.

Les anciens nous auraient légué, toujours selon Venner, « … l’idée de « cosmos », « l’idée que l’univers n’est pas un chaos, mais qu’il est au contraire soumis à l’ordre et à l’harmonie ». Et, de résumer la pensée principielle d’Homère qui pose les préceptes d’une vie bonne : « la nature comme socle, l’excellence comme but, la beauté comme horizon ». L’hubris de nos dirigeants, la décadence des mœurs et l’univers concentrationnaire de nos cités délabrées seraient les conséquences de l’effritement de l’antique sagesse. De la perte des bornes qui fondaient nos rapports en société et la culture comme lit de la mémoire de la cité. Les digues de la sagesse ayant été rompues, nous errons à travers nos cités dévastées tels des ilotes privés d’un droit de cité qui n’est plus qu’une chimère en l’espèce.

La métaphysique de l’illimité

Dominique Venner n’est pas le seul à dénoncer cette « métaphysique de l’illimité » qui prend appui sur l’idée que l’homme serait, à l’instar des dieux, un démiurge capable de manipuler les propriétés de la nature. Charles Taylor, ancien professeur de philosophie à l’Université McGill de Montréal, dans un petit essai intitulé Grandeur et misère de la modernité, remet en cause cette « culture contemporaine de l’authenticité » qui dériverait d’un idéalisme pathologique. Ce dernier estime que nos élites s’enferment, de plus en plus, dans un véritable onanisme intellectuel et spirituel. Ainsi, la quête de « l’authenticité » procéderait d’un idéalisme qui s’enferme dans ses présupposés, refusant toute forme de dialogue au final. Tout cela le pousse à affirmer que « les modes les plus égocentriques et « narcissiques » de la culture contemporaine sont manifestement intenables ».

Et, c’est par un extraordinaire effet de retournement que les occidentaux nés après la Seconde guerre mondiale se sont comportés telle une génération spontanée, faignant d’ignorer le legs de leurs prédécesseurs. Combattant les effets délétères d’une révolution industrielle métamorphosée en nécrose financière, les adeptes de la contre-culture ont fini par se réfugier dans une sorte de prostration mortifère. Les épigones de ce que certains nomment le « marxisme culturel » ont accaparé le temps de parole sur les ondes, sur Internet et partout sur la place publique des débats d’idées. De fait, il n’y a plus de débats possibles puisque l’hubris de ces nouvelles élites autoproclamées fait en sorte de transformer leurs contradicteurs en opposants politiques, voire en délinquants.

Les idiots utiles du grand capital apatride

L’idéalisme des pionniers de la contre-culture s’est transformé en fanatisme militant, capable de neutraliser toute forme de contestation au nom de la pureté de son combat apologétique. Manifestement incapables d’identifier le substratum de leurs luttes politiques, les nouveaux épigones de cette gauche de pacotille livrent une lutte sans merci à tous ceux qui osent s’opposer à la volonté de puissance des « forces du progrès » et de « l’esprit des lumières ». Sans même réaliser l’ironie de la chose, ces nouveaux guerriers de la rectitude politique mettent l’essentiel de leurs énergies au service des forces du grand capital apatride.

On assiste à un arraisonnement de la contestation qui, l’instant d’un retournement symbolique, s’est métamorphosé en police de la raison d’État. Parce que la nouvelle raison d’État se pare des vertus des « droits de l’homme », de la « protection de l’environnement » ou des « miracles du progrès » pour que rien ne puisse se mettre en travers de sa marche inexorable. Tout doit aller plus vite, sans que l’on puisse se poser de question, afin que les sédiments de l’ancienne morale, des antiques traditions de nos aïeux ou de nos repères identitaires soient emportés par les flots d’un changement de paradigme qui ne se nomme pas. Véritable ventriloque, ce grand vent de changement souffle sur les fondations d’une cité prétendument concentrationnaire, tout cela en ayant la prétention de vouloir libérer l’humanité de ses chaînes. Voilà la supercherie en l’état des lieux. 
 
Une génération spontanée coupée de ses racines

Taylor-Charles2.jpgCharles Taylor pose un regard d’une grande acuité sur ce « nouveau conformisme » des générations de l’après-guerre. Cette génération spontanée, refusant d’assumer sa dette envers les ancêtres, s’imagine dans la peau d’un démiurge mû par une force automotrice. Rien ne doit entraver sa volonté de puissance, déguisée en désir de libération. Chacun se croit « original », unique en son genre et libre d’agir à sa guise dans un contexte où les forces du marché ont remplacé les antiques lois de la cité. Taylor se met dans la peau des nouveaux protagonistes de la contre-culture actuelle : « non seulement je ne dois pas modeler ma vie sur les exigences du conformisme extérieur, mais je ne peux même pas trouver de modèle de vie à l’extérieur. Je ne peux le trouver qu’en moi ».

Véritable égocentrisme morbide, cet individualisme forcené se travestit à la manière d’un caméléon qui capte l’air du temps afin de se donner de la contenance et d’être en mesure de tromper ses adversaires. Parce que cette quête factice d’authenticité n’est qu’une parure qui cache l’appât du gain et la soif de reconnaissance de cette génération spontanée incapable d’arrimer ses désirs au socle de l’antique sagesse populaire. Conservateur lucide, tel un Jean-Claude Michéa, Charles Taylor n’hésite pas à faire référence aux intuitions géniales d’un Karl Marx mal compris en fin de compte. Les forces du marché, prises d’un emballement que rien ne semble capable d’arrêter actuellement, emportent toutes les digues, les bornes, qui fondaient nos cités pérennes.

Le capitalisme sauvage annonce la société liquide

Écoutons Charles Taylor :

On a parlé d’une perte de résonance, de profondeur, ou de richesse dans l’environnement humain. Il y a près de cent cinquante ans, Marx faisait observer dans le Manifeste du parti communiste que le développement capitaliste avait pour conséquence « de dissoudre dans l’air tout ce qui est solide » : cela veut dire que les objets solides, durables et souvent significatifs qui nous servaient par le passé, sont mis de côté au profit des marchandises de pacotille et des objets jetables dont nous nous entourons maintenant. Albert Borgman parle du « paradigme de l’instrument », par lequel nous nous retirons de plus en plus d’une relation complexe à l’égard de notre environnement et exigeons plutôt des produits conçus pour un usage limité.

Et, nous pourrions poursuivre le raisonnement de Taylor en observant les effets négatifs de cette « raison instrumentale » qui se déploie à travers le nouveau militantisme des zélotes de l’intégrisme libéral-libertaire. Rien ne doit entraver la liberté des marchés puisque tout s’équivaut dans l’espace libertaire du « chacun pour soi ». Le multiculturalisme, véritable doctrine d’État déployée au sein des anciennes colonies du Dominion britannique, représente une matrice anti-citoyenne qui favorise l’érection d’une multitude de ghettos ethno-confessionnels, sortes de nations artificielles qui minent la paix sociale de l’intérieur.

Les patriotes cloués au pilori

La cité, qui fondait sa légitimité sur la mémoire des ancêtres et la Geste du Héros, est détricotée au gré d’une sorte de guerre civile larvée mettant en scène la lutte de tous contre tous. Tributaire de la logique de marché, cette guerre civile en devenir prend une ampleur difficile à contenir puisque les héritiers du génos, ou legs des pères fondateurs sont privés du « droit de cité ». Ainsi, les protagonistes d’un conservatisme qui se réclame de la mémoire collective, du respect d’un patrimoine national ou d’une tradition immémoriale sont-ils accusés de faire corps avec un vil fascisme, sorte de maladie de l’âme qui contaminerait tous ceux qui refusent de se conformer au libéralisme ambiant.

Du haut de leurs chaires universitaires et médiatiques, les censeurs de la rectitude politique, déguisés en intellectuels, lancent des fatwas contre les patriotes qui récusent la nouvelle doxa et refusent d’adopter la nouvelle Magna Carta mondialiste. De puissants réseaux d’« influenceurs » se déploient sur Internet et ailleurs afin de stigmatiser, diffamer et menacer les quelques téméraires qui osent sortir des clous et poussent le culot jusqu’à remettre en question les canons de l’heure. In fine, les milices antifas et d’autres escadrons punitifs vont se mettre en marche afin de repérer et d’agresser les contrevenants. C’est l’annihilation qui est visée en fin de compte : pour que la pureté de la pensée unique soit préservée. Comble de la folie humaine, cette nouvelle inquisition libérale-libertaire ne réalise pas que ses propres procédés pourraient bien être utilisés contre elle-même. Parce que la « main invisible du marché » finira, tôt ou tard, par liquider ses idiots utiles. La « marche du progrès » va ainsi : nulle mémoire ne saurait être tolérée dans le cadre du process de la marchandise, véritable Léviathan qui se mord la queue.

Patrice-Hans Perrier

Comprendre le marxisme culturel - Entretien avec Pierre-Antoine Plaquevent

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Comprendre le marxisme culturel

 
Entretien avec Pierre-Antoine Plaquevent :
 
1 De la terreur bolchevique au marxisme culturel
2 De Francfort à la Californie
3 La personnalité autoritaire
4 Kinsey report
5 Freudo-marxisme
6 Des universités américaines à Mai 68
7 Du social au sociétal
 
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Achetez le livre de Pierre-Antoine Plaquevent : https://www.leretourauxsources.com/es...
 

Média & Politique : La fabrique du consentement - Michel Onfray

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Média & Politique : La fabrique du consentement - Michel Onfray

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Théorie de la dictature... - Un essai de Michel Onfray

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Théorie de la dictature...

Un essai de Michel Onfray

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Les éditions robert Laffont viennent de publier un essai de Michel Onfray intitulé Théorie de la dictature. Philosophe populaire, tenant d'un socialisme libertaire, Michef Onfray a publié de nombreux ouvrages, dont dernièrement sa trilogie  Cosmos (Flammarion, 2015), Décadence (Flammarion, 2017) et Sagesse (Flammarion, 2019).

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Il est admis que 1984 et La Ferme des animaux d'Orwell permettent de penser les dictatures du XXe siècle. Je pose l'hypothèse qu'ils permettent également de concevoir les dictatures de toujours.
Comment instaurer aujourd'hui une dictature d'un type nouveau ?

J'ai pour ce faire dégagé sept pistes : détruire la liberté ; appauvrir la langue ; abolir la vérité ; supprimer l'histoire ; nier la nature ; propager la haine ; aspirer à l'Empire. Chacun de ces temps est composé de moments particuliers.
Pour détruire la liberté, il faut : assurer une surveillance perpétuelle ; ruiner la vie personnelle ; supprimer la solitude ; se réjouir des fêtes obligatoires ; uniformiser l'opinion; dénoncer le crime par la pensée.
Pour appauvrir la langue, il faut : pratiquer une langue nouvelle ; utiliser le double langage; détruire des mots ; oraliser la langue ; parler une langue unique ; supprimer les classiques.
Pour abolir la vérité, il faut : enseigner l'idéologie ; instrumentaliser la presse ; propager de fausses nouvelles ; produire le réel.
Pour supprimer l'histoire, il faut : effacer le passé ; réécrire l'histoire ; inventer la mémoire ; détruire les livres ; industrialiser la littérature.
Pour nier la nature, il faut : détruire la pulsion de vie ; organiser la frustration sexuelle ; hygiéniser la vie ; procréer médicalement.
Pour propager la haine, il faut : se créer un ennemi ; fomenter des guerres ; psychiatriser la pensée critique ; achever le dernier homme.
Pour aspirer à l'Empire, il faut : formater les enfants ; administrer l'opposition ; gouverner avec les élites ; asservir grâce au progrès ; dissimuler le pouvoir.

Qui dira que nous n'y sommes pas ?

M.O.

lundi, 13 mai 2019

Extraits de la revue de presse de Pierre Bérard (13 mai 2019)

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Extraits de la revue de presse de Pierre Bérard (13 mai 2019)

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Au sommaire :

Emission de deux heures consacrée par Radio Méridien Zéro au dernier colloque de L’Institut Ilade, Europe, l’heure des frontières. Successivement, interview de Jean-Yves Le Gallou, du Rucher  patriote, François Bousquet qui résume le positionnement de la revue Éléments par la formule avoir un pied dans le système et un pied hors du système, d'un artisan du bois qui fabrique des objet de cuisine, de l’un des chroniqueurs de Sputnik Édouard Chanot, de Jean Peusse, géographe, de l’équipe artistique qui a confectionné les tentures exposées au colloque, d'un participant de la promotion Marc Aurèle, Romain Le Cap qui présente une exposition d’art liée à L’Institut qui aura lieu en septembre, de Sieghilde qui fabrique des objets de la quotidienneté dans des matières nobles, d'Anne-Laure Blanc qui insiste sur la transmission de l’héritage par la littérature-jeunesse, de Benoît Couëtoux pour terminer qui évoque la formation dispensée par L’Institut Iliade dont l’objectif est de créer un réseau d’influence centré sur l’héritage européen remplaçant ainsi un école défaillante :

 
Nous découvrons, dans un tribune publiée par Le Figaro, cet article de Mathieu Bock-Côté qui réfléchit aux propos du président Macron lors de sa conférence de presse du 25 avril qui disait vouloir pour la France un « patriotisme inclusif ».

" Dans sa conférence de presse du 25 avril, Emmanuel Macron a dit vouloir pour la France un « patriotisme inclusif ». La formule, qui se voulait positive, a peut-être néanmoins écorché certaines oreilles dans la mesure où elle laissait entendre que le patriotisme français, jusqu’à tout récemment, avait été « exclusif ». Doit-il connaître une mue idéologique pour redevenir moralement acceptable ? En quoi le patriotisme français d’hier et d’avant-hier échouait-il le test humaniste de l’hospitalité ? On serait en droit de poser la question à ceux qui se réclament de cette notion : que veut dire devenir inclusif ? Quels critères distinguent le bon patriotisme du mauvais ? Le patriotisme tragique du général de Gaulle était-il suffisamment inclusif ? On l’aura compris, en termes macroniens, le patriotisme français devrait passer de la société fermée à la société ouverte, ce qui n’est peut-être qu’une manière de reconduire en de nouveaux termes le clivage apparemment insurmontable entre progressistes et populistes que les premiers cherchent à imposer.

[...]

Le patriotisme inclusif témoignerait d’un autre rapport au monde. D’ailleurs, la formule n’est pas neuve. En 2013, le rapport Tuot, qui avait suscité un certain écho médiatico-politique, avait cherché à l’imposer en plaidant pour le modèle de la « société inclusive », délivré de toute conception substantielle de l’identité française, comme si cette dernière était autoritaire et poussiéreuse.

[...]

Pour peu qu’on traduise ce vocabulaire propre à la novlangue diversitaire, on retrouve tout simplement l’idéologie multiculturaliste.

[...]

Dans la perspective multiculturaliste, le peuple historique qui formait le corps de la nation n’est plus qu’une communauté parmi d’autres dans la société plurielle. Il doit consentir à son déclassement symbolique et consentir à une forme de décolonisation intérieure. S’il le refuse, il devient dès lors le principal obstacle à la reconstruction d’une nation véritablement inclusive, dans la mesure où il refuserait d’accepter une différence déstabilisant ses certitudes. Une telle posture serait condamnable.

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L’OJIM s’interesse également à Mathieu Bock-Côté pour la parution de son dernier essai L’Empire du politiquement correct. Essai sur la respectabilité politico-médiatique  paru récemment aux Editions du Cerf dans la mesure ou l’auteur y décrypte l’idéologie dominante qui s’étale dans les médias. Comme d’habitude l’OJIM se livre à un travail salutaire :

 
Analyse du discours d’Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse. L’auteur le désigne comme un Narcisse maladif :
 
 
 
Très belles réflexions d’Alain Finkielkraut au sujet de l’incendie de Notre-Dame de Paris. Pour lui le patrimoine est autre chose qu’un « filon touristique », c’est la présence des morts, un vestige palpable du passé. La présence de Notre-Dame rehausse de sa beauté et de sa spiritualité notre vie sur terre. C’est parce que nous sommes aussi des « habitants » que  nous avons besoin de ces choses durables qui résistent à l’érosion du temps. Pour que l’émotion qui nous étreint ne demeure pas sans lendemain, ajoute-t-il, il convient que la politique retrouve son sens. La politique n’est pas seulement comme elle tend à le devenir, gestion du processus vital (« bio-politique » comme disait Michel Foucault ou « administration ménagère » comme disait Anna Arendt). La tâche du politique est aussi de rendre le monde habitable, et l’une des bases de l’habitabilité c’est la beauté. Alors qu’Anne Hidalgo annonce fièrement que la cathédrale sera prête, pimpante pour les jeux olympique elle dévoile son jeu, celui du filon touristique, et celui de la vision économiste et marchande du monde. L’indécence du propos révèle, si besoin est, l’obscénité de nos gouvernants tous ancrés dans le culte du veau d’or. On notera également que Finkielkraut regrette que parler de racines soit devenu « réactionnaire » selon la doxa dominante et que donner une définition substancielle de la France soit prendre le risque d’exclusion des nouveaux arrivants si bien que dans notre pays même il est loisible d’afficher une identité quelle qu’elle soit à la condition de ne jamais faire mention de la notre ce que confirme la définition de l’Europe moderne selon le sociologue allemand Ulrich Beck : « Vacuité substancielle, ouverture radicale » (première référence).
L’émission qui promet d’être hebdomadaire reprend les recettes de L’esprit de l’escalier, toujours avec Elisabeth Lévy comme sparring-partner et tout cela dans un nouvel écrin au nom évocateur de 
« Réacnroll » qui s’annonce comme la web-télé des « mécontemporains » (deuxième référence)  :
 
 
 
Dans un article où il rappelle la tribune des 1170 conservateurs du patrimoine, architecte et professeurs qui estiment que 5 ans ne suffiront pas pour mener à bien les travaux de rénovations, Olivier Bost dénonce toutes les dérogations mises en place par le gouvernement pour précipiter les travaux de réfection de Notre-Dame de Paris. Visiblement Emmanuel Macron, homme pressé, entend faire de ce chantier une marque de sa mégalomanie de président bâtisseur en se passant des experts du patrimoine. On peut donc s’attendre au pire de la part de celui qui se veut le chef de file des « progressistes » :
 
 

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Extrait d’une réaction désabusée de l’architecte Rudy Ricciotti sur l’architecture contemporaine. « Si une façade du XIX siècle pouvait être décrite par 100 mots, aujourd’hui la façade d’un immeuble contemporain ne peut pas être décrite par plus de 3-4 mots ». Il célèbre également la beauté de Notre-Dame de Paris et déplore le manque de personnalité des bâtiments de notre époque ;
 
 
Michel Drac dans sa dernière vidéo rend compte de l’excellent livre de François Bégaudeau Histoire de ta bêtise. Drac ne cache pas son admiration pour cet écrivain d’ultra gauche qui a su, dans ce livre, prendre du recul face aux sermons de sa classe d’origine, en gros la bourgeoisie de gauche et les petits bourgeois d’extrême gauche, pour nous livrer un panorama consternant de leur cinéma. Les explications de Michel Drac pointent cependant l’impensé de l’auteur, ce qui fait de son exposé une bible pour la dissidence :
 
 
L’Inactuelle a eu l’excellente idée de republier un entretien revigorant de Cornelius Castoriadis sur l’écologie politique. Il y déclare, entre autre pépite, que « le politique est une architectonique de la cité dans sa totalité. Elle a de cette manière rapport au sacré, par son ancrage dans un récit, une histoire, un passé, un présent et un avenir, sans quoi le monde moderne s’effondrera sous le joug de la volonté de puissance de la techno-science… »  :
 
 
Émission du Libre journal de la Nouvelle Droite consacrée au livre très dense de Thibault Mercier Discriminer ou disparaitre , co-publication de l’Institut Iliade et des Éditions Pierre Guillaume de Roux  et à Maxime Dalle qui publie une anthologie des écrits parus dans Raskar Kapac revue littéraire intéressante de facture conservatrice :
 
 
Critique approbative du livre de Thibault Mercier Athéna à la borne. Discriminer ou disparaître par Michel Geoffroy sur le site très riche de la Fondation Polémia. Exister, c’est se distinguer de l’autre, c’est délimiter un dedans et un dehors, c’est inclure et exclure en fonction d’une limite. C’est donc discriminer. Discriminer ou disparaître, il faut choisir. À l’heure où le refus de toutes discriminations est devenue un argument essentiel de l’idéologie libérale, libertaire et mondialiste pour délégitimer toute les identités de manière à ne reconnaitre que l’individu et l'humanité, il réhabilite cette notion avec hardiesse et le raisonnement est véritablement implacable :
 
 

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Excellent exposé de Caroline Galactéros sur les déboires de la (non) politique extérieure de l’Europe et de la France :
 
 
Olivier Maulin qui vient de faire paraître Le populisme ou la mort (Via Romana) préfacé par François Bousquet est ici rapidement croqué par Jean-Yves Le Gallou. Ce dernier insiste sur le « coming out » d’un auteur qui jusqu’ici ne s’était pas signalé par des prises de position politique. Son livre contient ses meilleurs articles parus sous pseudonyme dans l'hebdomadaire Minute que toute le bien-pensance tient pour un vulgaire « torchon » mais qui à l’occasion se montre capable de recruter des collaborateurs d’exception comme ce volume en fait foi  :
 
 
Les  Gilets Jaunes constituent-ils un phénomène « miraculeux » ? Oui selon le romancier Olivier Maulin qui accorde un entretien au chroniqueur de Sputnik Édouard Chanot. « j’espère que les élites paieront un jour pour certaine trahisons! » déclare-t-il sans ambages au terme d’une prestation décapante :
 
 
Christophe Guilluy accorde un entretien à l’hebdomadaire Le Point. Pour ce géographe inventeur et théoricien de la France périphérique le repli identitaire est une conséquence logique du modèle multiculturel  arrivé dans les bagages de la mondialisation. Le peuple des Gilets jaunes a de quoi être amère puisque il se trouve cadenassé en dehors des grandes métropoles gentrifiées, tenus à l’écart des marchés de l’emploi et culturellement ringardisés. Le monde d’en haut, dit-il, a fait sécession et a abandonné toute notion de bien commun confinant l’État-providence à l’oubli programmé aussi est-il compréhensible que les classes populaires cherchent à préserver le bien qui leur reste à savoir leur capital culturel :
 
 
La diffusion hebdomadaire d'I-Média est un des moments phare de la réinformation surTV-Libertés. Présentée par un duo de choc constitué de Jean-Yves Le Gallou et Nicolas Faure il s’efforce chaque jeudi d’opérer la critique positive du traitement de l’actualité par les médias de grand chemin. Des médias qui sont certainement les principaux agents du politiquement correct et à ce titre de puissants agents inhibiteurs de la libre expression du peuple. Ci-joint le dernier numéro, toujours aussi captivant qui traite entre autres de la fake-new colportée par Julien Pain de France-info à propos du grand remplacement. Selon lui, interviewant François Hérant à l’appui de sa thèse, le grand remplacement relève d’une théorie complotiste (première référence). Hélas pour le journaliste redresseur de tort son intox s’avère comme une simple manipulation des chiffres comme le souligne la démographe Michèle Tribalat, une spécialiste de renom, membre de l’INED, qui s’est fait mettre au placard par le même François Héran, la caution malheureuse de Julien Pain, désormais au Collège de France pour services rendus. Ce monde de connivence qui viole la réalité des chiffres est décidément tout petit (deuxième référence)  :
 
 
 

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Réflexion très riche de Jean-François Gautier sur et à partir de l’ouvrage célèbre de Walter Benjamin, L’oeuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique. Selon Gautier la crise de l’art à l’époque contemporaine est d’abord une crise du politique :
 
 
Jean-Pierre Marielle vu par Ludovic Maubreuil. « Chantre d’un cinéma gouailleur et réfléchi, salace et profond ». L’une des meilleures chroniques parues sur ce témoin de la France d'avant :
 
 
Bernard Asso publie dans Le Figaro un tribune bien documentée sur le thème du gouvernement des juges. Nos lois remarque-t-il sont non seulement dictées par des normes européennes mais par l’interprétation qu’en font les juges de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour européenne des droits de l’homme dans le domaine sociétal et mettent en danger les libertés fondamentales de l’individu et allant jusqu’à la sanctification du délit de blasphème. Une position clairement assumée chez ce professeur de droit, candidat sur la liste des Républicains pour les prochaines européennes :
 
 
Autre perversion du droit. Ali Laïdi vient de publier Le droit, nouvelle arme de guerre économique. Comment les États-Unis déstabilisent les entreprises européennes (Editions Actes Sud 2019). Dans cette enquête rondement menée il démontre comment les Américains se servent de l’extra-territorialité de leur droit pour mener une guerre économiques contre les entreprises européennes. Pourtant face à ces offensives récurrentes l’Union européenne demeure impuissante. Interrogé ici par Le Figaro, il déclare par exemple que la chancelière Angela Merkel trouve tout à fait normal que les États-Unis épinglent les entreprises étrangères soupçonnées de corruption et imposent leurs diktats dans le monde qu’ils contrôlent. Devant ce problème les Européens sont comme tétanisées et renoncent à réagir. Pourquoi ? Parce que la notion même de guerre économique est balayé à Bruxelles. « L’Europe c’est la paix, et la puissance est un gros mot à Bruxelles »  conclue-t-il :
 
 
Jean Messiha, Copte d’origine et énarque, membre du Rassemblement National, s’exprime devant les caméras d’Elise Blaise après la conférence de presse du président de la République et énonce les principales orientations de son mouvement avec vivacité  :
 
 
Nicolas Dupont-Aignan était l’invité d’Élise Blaise le 4 mai. Avec un minimum de démagogie il parle du fake-new de Christophe Castaner au sujet de l’affaire de la Pitié-Salpêtrière, de l’incendie de Notre Dame-de Paris et présente à grands traits les éléments de son programme pour les Européennes :
 
 
Entre succession de poses et déclarations contradictoires pour ne pas dire schizophréniques Nathalie Loiseau, la très charismatique tête de liste LREM pour les prochaines élections européennes se débat comme elle peut, c’est à dire très mal et révèle « en même temps » une propension pathologique au mensonge. Ce véritable feuilleton d'une saga macroniste ubuesque  est illustré par Nicolas Gauthier dans ce bref article de Boulevard Voltaire. Le kulturkampf mené par le président contre les « anti-progressistes » est mal parti :
 
 

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Un article bienvenu d'Hervé Juvin sur l’islam qui, contrairement à l’idée que s’en font nombre de nos contemporains, de se laisse réduire ni à son image terroriste, ni à ce que dans les élites occidentales les belles âmes aimeraient qu’il soit. Pour lui l’islam en Europe se nourrit des vertiges de l’Occident, de sa repentance, de sa haine de soi, et du vide spirituel qui le ronge : 
 
 
Une analyse d’Aurélien Marq qui confirme celle d’Hervé Juvin. Impossible pour un observateur honnête de considérer l’islam comme un bloc monolithique. Il évoque les réseaux obscurantistes de l’islam dans notre pays qui menacent de mort les apostats et livrent une guerres quotidienne aux musulmanes qui refusent de porter le voile. Mais il faut se rendre à l’évidence; seuls quelques intellectuels se réclamant de l’islam protestent contre cet état de fait alors que pour la grande majorité d’entre eux c'est un silence pesant qui fait loi vis à vis de ces exactions. Une société sécularisée comme la notre peut-elle supporter que l’allégeance dogmatique d’un nombre grandissant de fidèles musulmans à une foi venue d’ailleurs puisse s’exprimer ici avec une ostentation qu’en théorie la République réprime ?  Marq se réclame d’Abdelwahab Meddeb un tunisien musulman que la doxa occidentale qualifiera volontiers d'éclairé, animateur sur France culture aujourd’hui décédé qui ne craignait pas de passer pour un mécréant en réclamant une réforme du Coran afin que soit reconnue son origine humaine. Ce qui va, bien entendu à l’encontre de la croyance musulmane traditionnelle regardée comme vérité fondamentales. Mais la liberté de conscience que cette réforme permettrait d’introduire peut-elle se postuler hors de son contexte occidental sans sombrer dans le péché d’ethnocentrisme qui fut tant reproché à l’Europe coloniale ?
 
 
Non ce n’est pas carnaval mais le sourire énamouré d’un bouffon (et maire Républicain de Toulouse…) affiché au cours d’une cérémonie d’intronisation dans une culture africaine dans sa ville même. Jean-Louis Moudenc ne craint-il pas que le Conseil Représentatif des Associations Noires de France l’accuse de pratiquer une sorte de blackface, cette odieuse manière pour un Blanc se singer les Africains ? Dommage qu’il n’y ait pas de mot, fut-il en globish, pour désigner l’inverse, à savoir le fait pour les Africains de se grimer en Blanc; les exemples abonderaient. Mais il est vrai qu’il y manquerait l’essentiel c’est à dire l’idée d’une domination exercée par un groupe ethnique sur un autre. Que les « antiracistes » ne s'impatientent pas trop, avec des olibrius tel le maire de Toulouse ça sera bientôt chose faite :
 
 
« La vraie facture de l’assistanat en France, c’est celle de l’assistanat des entreprises. Nous allons bientôt 150 milliards de subventions à l’économie et aux entreprises dans ce pays (…) C’est cette manne d’assistanat qu’il faut reprendre, pour remettre le patronat au travail ». Mélenchon ? Non ! Alain Madelin en 2014…

Le théoricien de la très grande Europe

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Le théoricien de la très grande Europe

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Comme lors de la chronique de février dernier, il ne sera pas aujourd’hui question d’une figure européenne, mais d’une personnalité déjà évoquée à l’occasion de la deuxième chronique en date du 31 janvier 2017, à savoir Jean Thiriart (1922 – 1992).

La sortie en 2016 dans la collection « Qui suis-je ? » chez Pardès de Thiriart par Yannick Sauveur suscita un regain de curiosité autour de ses idées. Jusqu’alors, on ne disposait que d’Un Empire de quatre cents millions d’hommes, l’Europe. La naissance d’une nation, au départ d’un parti historique chez Avatar sorti en 2007. Paru à l’origine en 1964, cet essai qui présente quelques points toujours actuels par exemple « pas de liberté politique individuelle sans indépendance économique personnelle (p. 108) » n’en demeure pas moins daté.

Ne disposer que de ce seul ouvrage aurait été préjudiciable pour l’activisme grand-européen si les excellentes éditions nantaises Ars Magna n’avaient pas produit un fantastique effort de publication sur et autour de Jean Thiriart. Le prophète de la grande Europe, Jean Thiriart (2018, 484 p., 32 €) contient des entretiens (dont un, célèbre, avec Juan Peron en exil à Madrid), des articles de Thiriart ainsi que quatre textes sur lui. L’empire qui viendra (2018, 168 p., 28 €) comprend une préface de Claudio Mutti, un entretien méconnu de Thiriart en 1987 et divers textes géopolitiques. L’Empire euro-soviétique de Vladivostok à Dublin (2018, 191 p., 28 €) se compose, en dehors de quelques entretiens, d’articles du milieu des années 1980 et la version écrite d’une fameuse discussion à Moscou en août 1992 avec Egor Ligatchev, responsable d’une faction conservatrice au sein du Parti communiste russe. S’y trouvent aussi des notes d’un essai inachevé consacré à un hypothétique ensemble euro-soviétique. À la fin de l’année 2018 est cependant paru aux Éditions de la plus grande Europe L’Empire euro-soviétique de Vladivostok à Dublin, préfacé et annoté par Yannick Sauveur (2018, 337 p., 25 €), soit la version intégrale d’esquisses parfois bien avancées.

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Il est indéniable que Jean Thiriart soutenait des positions hétérodoxes au sein de l’anticonformisme intellectuel. Athée résolu, ce faustien – il préférait cependant le terme de « prométhéen » – affirme sans ambages que « le politique, c’est la gestion intelligente de l’homme tel qu’il est, pour ce qu’il est. C’est un effort qui doit tendre à une société cohérente, solidaire, cohésive, efficace, en évolution constante (version de Yannick Sauveur, p. 164) ».

Cet infatigable militant qui connut l’aisance professionnelle et la quiétude privée ne cessa d’agir en faveur d’une union géopolitique continentale paneuropéenne réelle. Reconnaissant volontiers sa dette à l’égard du penseur libéral Vilfredo Pareto, ce lecteur attentif de Machiavel considérait que « l’Union soviétique a hérité du destin historique de la principale puissance continentale (version d’Ars Magna, p. 96) ». Dès 1979, il salue l’intervention de l’Armée Rouge en Afghanistan. Dans « L’Union soviétique dans la pensée de Jean Thiriart », José Cuadrado Costa le range parmi les nationaux-bolcheviks, ce qui est quelque peu réducteur. Jean Thiriart savait dépasser les clivages, y compris au sein des droites radicales.

Rares sont en effet ceux qui effectuent à ces temps de relance de la Guerre froide « une critique positive de l’URSS (version de Yannick Sauveur, p. 185) » et pensent que « l’agrandissement de l’URSS vers Dublin et Cadix relève de la perspective historique (Idem, p. 188) ». Jean Thiriart croît que « l’Empire euro-soviétique sera une construction géopolitique parfaite comme le fut l’Empire romain, comme l’était la première République pour Sieyès. Conception de géohistorien chez moi, dénuée de toute passion (Id., p. 69) ». Il regrette en revanche que l’Union soviétique n’ait pas annexé après 1945 la Pologne, la Roumanie, la Yougoslavie, la Hongrie, l’Allemagne de l’Est, etc. La Bulgarie a failli devenir en 1979 une 16e république soviétique… « La forme grand-européenne exige plusieurs modifications des concepts ou habitudes mentales communistes, écrit Jean Thiriart : la stupide et dangereuse théorie des nationalités (multi-nationalités) doit faire place à la supranationalité, l’Empire (version d’Ars Magna, p. 66). »

Il parie enfin que « l’Empire euro-soviétique – une nécessité pour l’URSS – ne sera pas possible en l’absence d’un nouveau concept, celui d’imperium euro-soviétique. Il se charpente autour de deux règles : la garantie de l’« omnicitoyenneté » et l’État-Nation extensif grâce à un “ nationalisme politique ” (“ peuple politique ” opposé en tant que tel à peuple racial, à peuple linguistique, à peuple religieux, à peuple culturel, etc.) (version de Yannick Sauveur, p. 223) », ce qui implique à l’instar du modèle républicain laïque assimilationniste français qu’il ne cesse d’admirer une forme restreinte de cosmopolitisme, voire un mondialisme relatif et partiel, dans le cadre d’un grand espace continental représenté par cette République impériale euro-soviétique.

Remarquable doctrinaire grand-européen, Jean Thiriart s’inspirait finalement de l’exemple national et républicain turc. Son vœu le plus cher aurait-il été de devenir le Mustapha Kemal Atatürk de la très grande Europe ?

Au revoir et dans quatre semaines pour une chronique consacrée à une nouvelle grande figure européenne.

Georges Feltin-Tracol

• Chronique diffusée le 23 avril 2019 à Radio Courtoisie dans le cadre du « Libre-Journal des Européens » de Thomas Ferrier.

Vers un nouveau printemps des études parétiennes?

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Vers un nouveau printemps des études parétiennes?

par Daniel COLOGNE

Vilfredo Frederigo Samaso, marquis de Pareto, est né le 15 juillet 1848 à Paris. Son père y est en exil pour avoir participé à un complot républicain à Gênes. La réhabilitation paternelle lui permet d’entreprendre ses études à Gênes et Turin. Après avoir soutenu une thèse de physique, il devient ingénieur et directeur technique de deux sociétés, l’une ferroviaire, l’autre métallurgique.

Déçu par l’engagement politique, Vilfredo Pareto se lance dans l’étude de la théorie économique, rencontre Léon Walras en 1891 et obtient une chaire d’économie politique à Lausanne en 1893. Il se passionne ensuite pour la sociologie et publie notamment Les Systèmes socialistes. Il soutient Mussolini. Il est nommé sénateur du royaume d’Italie le 23 mars 1923, mais il meurt quelques mois plus tard (le 19 août) à Céligny, face au lac Léman.

Un lycée Pareto existe à Lausanne et j’y ai rencontré Giuseppe Patanè, avec qui j’ai organisé en 1976 une commémoration de la répression de la révolte de Budapest par les chars soviétiques (1956). Patanè avait deux fils : Fabrizio, très sympathique, fort discret et d’un bon niveau, et Massimo, jeune érudit m’ayant fait découvrir que le syndicalisme mussolinien n’avait rien à envier à celui des régimes situés à gauche et intouchable à l’époque dans des medias tendancieux.

L’évocation du syndicalisme permet de faire une transition vers la pensée de Georges Sorel (d’un an plus vieux que Pareto) et vers l’intérêt que suscite l’auteur de Réflexions sur la Violence chez Jean-Pierre Blanchard, pasteur militant de la cause identitaire et auteur de Vilfredo Pareto, génie et visionnaire.

À propos de Sorel, l’auteur rappelle « qu’il a introduit un célèbre distinguo entre force et violence, la force ayant pour but d’imposer un ordre social, alors que celui de la violence est de le détruire (p. 118) ». J’attire aussi l’attention des lecteurs sur l’annexe où Jean-Pierre Blanchard développe l’hypothèse d’une cohabitation inattendue de Nietzsche et de Marx chez Sorel, ce dernier ayant donc pu permettre de « faire mariage » à « l’aristocratie nationaliste réactionnaire » et au « bourgeois communiste révolutionnaire (p. 136) ».

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Le brillant exposé de la sociologie parétienne par le pasteur Blanchard est préfacé par Georges Feltin-Tracol qui espère que l’ouvrage de 2019 sera « l’hirondelle printanière », messagère d’un « renouveau des études parétiennes ! (p. 18) ». Car il faut bien reconnaître l’optimisme excessif de Jules Monnerot et de son pronostic des années 1960 sur « une remontée de la cote Pareto à la bourse des valeurs intellectuelles de l’Europe (p. 17) ».

Et ce malgré l’intérêt jamais démenti de la « Nouvelle Droite » à travers l’admiration vouée à Pareto par Georges Henri-Bousquet (ouvrage paru chez Dalloz en 1971), les références d’Alain de Benoist dans son Vu de droite (1977) et la revue Nouvelle École (1981), les allusions de Louis Pauwels dans son Blumroch l’Admirable (1976) et même, assez récemment, l’influence parétienne observable chez Guillaume Faye dans Mon Programme (2012).

« Toute population sociale est composée de deux couches, une couche inférieure qui comprend tous ceux qui ne réussisent que médiocrement dans la vie et une couche supérieure, l’élite, qui comprend tous ceux qui réussissent, dans quelque domaine que ce soit, et qui se divise en deux : l’élite non gouvernementale et l’élite gouvernementale. » Le pasteur Blanchard précise que, si de bons éléments émergent de la « couche inférieure » et que des membres de « l’élite », « gouvernementale » ou non, s’avèrent défaillants, « la décadence menace toute société qui ne pratique pas la mobilité sociale, la circulation des élites (p. 108) ». L’Establishment britannique fournit un bon exemple de cette « mobilité sociale », mais aussi l’Église catholique, comme le souligne pertinemment en page 73 Éric Zemmour dans son Destin français. Deux ans après le décès de Pareto, le Grand d’Espagne Miguel de Unamuno parle d’« agonie du christianisme » (1925).

Un deuxième stade de la « régression des castes dominantes (Julius Evola) » sévit déjà à travers la simple « magistrature d’influence » exercée par les derniers monarques issus de la noblesse. Ainsi s’exprime l’historien liégeois Léon Balace pour décrire les rois des Belges qui règnent sans gouverner et qui se contentent désormais de pérorer sur l’utopique vivre-ensemble, tant au niveau de leur petite patrie fracturée qu’à celui de la grande et illusoire fraternité mondialiste. L’élite gouvernementale désignée par Vilfredo Pareto est celle de la troisième fonction (en termes duméziliens) ou des « hommes de gestion » (dans le lexique de Raymond Abellio). Les producteurs ne sont pas seulement économiques, mais aussi culturels. Ceux-ci composent l’essentiel de l’élite non gouvernementale (presse, écrivains, artistes de toutes disciplines, animateurs des industries du divertissement, du spectacle et du luxe).

La quatrième fonction des « hommes d’exécution » (Abellio) ne s’est mise en valeur que le temps d’une brève parenthèse historique avec la complicité des penseurs de type sartrien, trop rarement éveillés à l’inanité du déterminisme socio-économique : « Valéry est un intellectuel petit-bourgeois, mais tout intellectuel petit-bourgeois n’est pas Valéry. » Peut-on encore attendre aujourd’hui de la nouvelle caste médiatique dominante ce type de jugement nuancé dont même Sartre était encore capable ? Le mondialisme qu’elle cherche à imposer correspond parfaitement à la nation parétienne de « dérivation », à savoir un ensemble de « manifestations verbales [qui] s’éloignent de la réalité [tout en ayant] une valeur persuasive bien supérieure au raisonnement objectif (p. 67) ».

« Voici ce qui est plus grave : toutes ces idées pures, toutes ces théories, ces doctrines, nous en connaissons la vanité, et l’inexistence au point de vue objectif (p. 81). » Ces lignes du Pasteur Blanchard mettent en exergue le « pragmatisme » de Vilfredo Pareto, dont le préfacier Georges Feltin-Tracol rappelle qu’il est « une référence revendiquée [par Jean Thiriart] dans le cadre de son État central grand-européen (p. 17) ». C’est une raison supplémentaire de lire l’excellent ouvrage de Jean-Pierre Blanchard sur l’auteur du Traité de sociologie générale (1916).

Note complémentaire

Dans une excellente contribution d’août 2018 au site Rédacteurs RH, David Rouiller évoque « l’autre tiers-mondisme », différent de celui qui s’est exprimé dans les livres de Frantz Fanon et de Jean Ziegler et dans les conférences de Bakou (1920) et de Bandœng (1955). On peut l’appeler tiers-mondisme « de Droite », à l’intérieur duquel David Rouiller sépare encore l’ivraie du « fatras » d’Alain Soral et le bon grain de la « Quadricontinentale » de Thiriart et des positions de Guénon et d’Evola en faveur des cultures traditionnelles détruites par la modernité. David Rouiller souligne toutefois que l’installation de Guénon en terre musulmane d’Égypte peut inciter certains guénoniens à développer un « philo-islamisme de Droite », comme le fit aussi la revue évolienne Totalité en 1979 avec son éloge d ela révolution iranienne.

Toujours en août 2018 et sur le même site, David Rouiller aborde la question de « l’avènement du Cinquième État », stade ultime de la « régression des castes dominantes » (Julius Evola). À la manœuvre de ce processus semble opérer une large fraction de ce que Pareto appelle « l’élite non gouvernementale ». Les anciens intellectuels soutenant le prolétariat sont remplacés par les partisans du « chaos social » (René Guénon), une sorte de nouvelle caste dont les contours sont toutefois difficiles à cerner ainsi que le notait déjà dans un article de 1980 le regretté Guillaume Faye.

Daniel Cologne

• Jean-Pierre Blanchard, Vilfredo Pareto, génie et visionnaire, préface de Georges Feltin-Tracol, Dualpha Éditions, coll. « Patrimoine des héritages », 2019, 152 p., 23 €.

dimanche, 12 mai 2019

DYNAMIQUES MULTIPOLAIRES - ENTRE ÉQUILIBRE GÉNÉRAL DES FORCES ET ÉQUILIBRES RÉGIONAUX DE SÉCURITÉ

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DYNAMIQUES MULTIPOLAIRES 

ENTRE ÉQUILIBRE GÉNÉRAL DES FORCES ET ÉQUILIBRES RÉGIONAUX DE SÉCURITÉ

VIII MOSCOW CONFERENCE ON INTERNATIONAL SECURITY 2019

par Irnerio SEMINATORE

Texte rédigé en vue de la présentation à la VIIIème Conférence Internationale sur la Sécurité de Moscou des 23-25 avril 2019, organisée par le Ministère de la Défense de la Fédération de Russie.


TABLE DES MATIÈRES

Système et conjoncture

Dissuasion et forces conventionnelles

Les dynamiques et les inconnues du système de la multipolarité

La Chine et la conception chinoise de la mondialisation

La Russie et l'enjeu multipolaire

La stratégie de sécurité de la Russie.

La Russie et le retour des grandes stratégies

La stratégie des États-Unis et les tendances générales du système

L'indispensable dialogue stratégique entre l'Europe et la Russie

États-Unis et Chine. Sur le syndrome de la puissance dominante. Préservation du "statu quo" ou inversion de prééminence?

Un faux retour aux simplifications stratégiques de la bipolarité

Rivalités, desseins stratégiques et montée des tensions


Système et conjoncture

La conjoncture historique actuelle est caractérisée par la transformation du cadre stratégique général( le système international) et par la montée de déséquilibres régionaux (sous-systèmes) en leurs interactions multiples (linkages).

L'environnement stratégique en est affecté, car les équilibres de pouvoir entre acteurs majeurs du système multipolaire résultent  de leurs régimes politiques et de leurs  alliances globales et visent à contre-balancer les coalitions adverses et à assurer la stabilité du système (ou son bouleversement).

A cet égard la triple dynamique de la conjoncture actuelle, de fragmentation, de polarisation et de confrontation, se traduit en une reconfiguration des alliances militaires et des équilibres mondiaux, face aux risques de conflits entre Chine- Etats-Unis et Russie.

La triade Chine-Etats-Unis-Russie instaure ainsi, une politique ambivalente, de rivalité-partenariat-antagonisme, qui a pour enjeu le contrôle de la masse eurasienne et de l'espace océanique indo-pacifique, articulant les deux stratégies complémentaires du Heartland et du Rimland.

Ainsi et au niveau local, l'issue des conflits ne dépend pas des rapports balistico-nucléaires entre les leaders des pôles ,mais de alliances tissées par la diplomatie globale.

Dissuasion et forces conventionnelles 

Dans cette perspective,  le facteur nucléaire,qui avait été relégué au second plan , après l'effondrement de la bipolarité, redevient aujourd'hui la principale indication  des tensions politiques entre les pôles  et la coopération de sécurité apparaît comme l'indication la plus évidente  de l'orientation stratégique des parties, en compétition ou en conflit pour les ressources. Cependant le chantage des armes nucléaires entre Grands, servant à anéantir l'intention positive de l'agresseur,joue un rôle plus grand,quand  la menace anti-force est plus crédible.

Les rivalités, qui secouent aujourd'hui  plusieurs régions du monde, (les Pays baltes et l'Europe de l'Est (Ukraine), le Caucase (Géorgie), le Maghreb et l'Afrique sub-saharienne, le Proche et Moyen Orient( Syrie, Liban, Israël, Iran, Turquie), le Golfe (Arabie Saoudite, Yemen, Quarar, sunnisme et chiisme), l'Amérique du Sud et du Nord, la mer de Chine méridionale et l'extrême Orient),  ont forcé l'Est et l'Ouest  à  reconfigurer leurs  alliances militaires.

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Le but en est de fixer des "lignes rouges" entre les intérêts des pôles et les enjeux régionaux, pour empêcher des escalades non maîtrisables, éviter un affrontement direct entre les acteurs  majeurs du système et limiter la décentralisation de la violence au niveau régional.

Les dynamiques et les inconnues  du système de la multipolarité

D'une manière générale les dynamiques du système de la multipolarité, par rapport au système bipolaire sont constituées :

- par la permanence du jeu inter-étatique, stabilisateur ou perturbateur

- par une transformation des règles du jeu (alliances) et des partenariats stratégiques, fragilisés par la rupture d'accords devenus obsolètes (Salt, INF )

- par un accroissement du nombre des acteurs essentiels (leaders de bloc) et une redistribution asymétrique de la puissance

- par le retour du révisionnisme territorial (rectification des frontières )

- par une modification de la nature de la guerre et par le croisement du conventionnel,du nucléaire et du virtuel, ou encore par l'irruption des espaces cybernétiques et satellitaires, dans les domaines de la géopolitique et de la stratégie.

- par une multiplications des tensions et des conflits décentralisés, influant sur l'équilibre général des forces.

Ainsi, toute tentative de redéfinir un ordre régional quelconque ne peut être conçue aujourd'hui , que dans la perspective d'un ordre planétaire global et à la recherche de formes d' équilibre et de stabilité à caractère planétaire. C'est par référence à la triangulation géopolitique et militaire de la Russie, des États-Unis et de la Chine et, en subordre, de l'Europe, de l'inde et du Japon,que doit être comprise la liberté relative des puissances régionales du Moyen Orient et du Golfe, et c'est là que se situe une des clés de la stratégie générale de la triade.

La Chine et la mondialisation à la chinoise

Dans ce cadre, la Chine, poursuivant une quête régionale et mondiale d’indépendance stratégique et d'autosuffisance énergétique étend sa présence et sa projection de puissance vers le Sud-Est du Pacifique, l’Océan Indien, le Golfe et l'Afrique, afin de contrer les goulots d’étranglement de Malacca et échapper aux conditionnements extérieures maritimes, sous contrôle américain.

Elle procède par les lignes internes, par la mise en place d'un corridor économique et par une route énergétique Chine-Pakistan-Golfe Persique, reliant le Port de Gwaidar, au pivot stratégique de Xinjiang.

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Béijin adopte la gestion géopolitique des théâtres extérieures, selon la doctrine Kissingerienne du "Linkage horizontal" et resserre ses liens continentaux avec la Russie.

L'influence chinoise est complétée par la construction d'une gigantesque "Route de la Soie", reliant le nord de la Chine à l'Europe, via le Tadjikistan, le Kazakhstan et le Turkménistan et opposant les routes terrestres aux routes maritimes.

La Russie et l'enjeu multipolaire

La Fédération de Russie a pris conscience de la mutation profonde de la perspective historique et a adopté le principe du  retour à une stratégie générale défensive, qui n'interdit nullement l'initiative et s'exprime par la manœuvre, la percée et l'action.
Le partenariat stratégique entre la Russie et la Chine au plan geopolitique, a eu pour but de jouer un rôle d’équilibrage et de contre-poids, au cœur de la masse continentale eurasienne et de repartir les zones d'influence entre les deux puissances dominantes, dans le cadre de la multipolarité.
Cette double poussée, virtuellement antinomique, est corrélée à l'Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), qui fait fonction de stabilisateur régional.

Stratégie de sécurité de la  Russie

La lecture de la position russe dans le monde peut être résumée de la manière simplifiée suivante.

Face à la tendance systémique, marquée par l’émergence de pôles de puissance en compétition ou en rivalité , ainsi que par le potentiel de polarisation dû aux alignements mouvants en Asie, la Russie se doit de:

- freiner les élargissements politiques et militaires de l'OTAN en divisant ses adversaires à l'Ouest, en Europe Centrale et au Sud-Est
- stopper le processus de désagrégation au Proche, Moyen Orient et Golfe, en promouvant des nouveaux équilibres de pouvoir autour de l'axe Moscou - Damas -     Téhéran et en isolant la Turquie et l'Arabie Saoudite dans la redéfinition des pouvoirs régionaux

- rapprocher les anciens satellites dans la zone de "l’étranger proche" par différents moyens (Union Euro-Asiatique)

- renforcer l'unité continentale au cœur de l'Eurasie par établissement d'une coopération plus étroite avec la Chine

La  Russie et le retour des grandes stratégies

Les trois théâtres à travers lesquels la culture stratégique russe pense sa sécurité, occidental (de la Mer Baltique aux chaînes des Carpates), méridional (du Danube à l'Iran), oriental (de la Volga aux monts AltaÏ), placent au cœur de cette culture deux notions-clés: la souveraineté territoriale et la profondeur stratégique.On y ajoutera que  la projection des forces sur un théâtre extérieur est placée sous la couverture des capacités nucléaires, ce qui permet de dominer militairement ses zones d'influence. Or, si au plan mondial la relation russo-américaine est fondée sur la stabilité stratégique, au plan régional la liberté de manoeuvre  de la Fédération russe se déploie sur les deux théâtres, de la Méditerranée et de la Mer Noire.

La stratégie des États-Unis et les tendances générales du système

Le Secrétaire à la Défense de l'Administration Trump,l'ancien Général des Marine's James Mattis, a dévoilé en février 2018, à l'Université John Hopkins une nouvelle stratégie de défense nationale, d'où l'on déduit qu'un changement historique est intervenu  depuis deux décennies dans la politique extérieure américaine.

Le principal objectif des États-Unis est désormais  la concurrence entre les grandes puissances et non le terrorisme. "La Chine est un concurrent stratégique, qui utilise une politique économique prédatrice pour intimider ses voisins, tout en militarisant des zones de la mer de Chine méridionale".

"La Russie a violé les frontières  des pays voisins et exerce un droit de veto sur les décisions économiques, diplomatiques et sécuritaires de ses voisins".

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Par ailleurs, "la Chine recherche" l'hégémonie dans la région indo-pacifique à court terme et le remplacement des États-Unis, pour atteindre la prééminence mondiale dans l'avenir".

"La Russie, pour sa part,  tente de briser l'Organisation de l'Atlantique Nord (OTAN) et de changer les structures économiques et sécuritaires européénnes et du Moyen-Orient"

Ainsi,pour les Etats-Unis,une conclusion est certaine : "la menace croissante des puissances révisionnistes aussi différentes que la Chine et la Russie.....cherche à créer un monde cohérent avec leurs modèles autoritaires".

Trois régions clés sont indiquées comme objets d'une préparation au conflit: l'Indo-pacifique, l'Europe et le Moyen-Orient.

Dès lors, face au déclin de l'ordre international,fondé sur des règles acquises de longue date et à une concurrence stratégique entre États, le but de l'Amérique est de rester la puissance militaire prééminente dans le monde et d’œuvrer pour que l'équilibre des forces reste en sa faveur. Elle doit faire en sorte que "l'ordre international reste plus favorable à sa sécurité et à sa prospérité, en préservant l'accès aux marchés".

La rivalité entre grandes puissances et la lutte pour la prééminence se traduisent  ainsi en une compétition stratégique accrue.

L'indispensable dialogue stratégique entre l'Europe et la Russie

Quant à l'Europe de l'Ouest, la globalisation des enjeux de sécurité, impose une analyse des tendances générales du système mutipolaire et suggère l'établissement d'un dialogue stratégique entre l'Europe et la Russie

Le fondement de ce dialogue repose sur l'exigence d'allègement des tensions et des défis , portés à la stabilité régionale et mondiale.

Il a été observé que des similitudes existent entre deux types de défis, le  changement du "statu quo" territorial, en Europe et en mer de Chine méridionale, bref ,en Ukraïne et dans les iles Paracels, Spratley, récif de Mischief et, plus au nord, dans les îles Senkaku (Siaoyu).

Toutefois, dans l' Europe du sud-est, il s'agirait d'un changement de paradigme, concernant  l'intégrité territoriale des États; dans l'autre, de "l'internationalisation d'un conflit en mer de Chine" méridionale et orientale, qui cumule une pluralité de revendications de pays frontaliers.

États-Unis et Chine

Sur le syndrome de la puissance dominante

Préservation du "statu quo ou inversion de prééminence?

Les États-Unis seront ils disposés à renoncer à leur prééminence en Europe et en Asie, autrement dit ,dans l'ensemble  du  système international, ou se montreront capables de trouver des arrangements et des formes de coexistence, qui les détournent  d'une fatalité apocalyptique?

En cas de doute,  seront ils poussés, par la préservation du"statu quo" et de la prééminence stratégique, ainsi que par une perception antagoniste des faiblesses internes de la puissance rivale, à prendre des risques inconsidérés, par une action de dissuasion  préventive?( coup de Copenhague de 1885/UK, Port-Arthur de  1905 et Pearl-Harbor de 1941/ J, Corée du Nord en 1950/URSS)

Au niveau de la conjoncture historique et de la fenêtre d'opportunités, consenties à la Chine,la question est de savoir si l'Empire du milieu a le désir et les moyens de changer le "statu-quo" et d'accéder au rang dominant du système?

Un faux retour aux simplifications stratégiques de la bipolarité

Le cœur du système international de la multipolarité tient certes  au  triangle stratégique  États-Unis, Chine et Russie, mais corrélé à une pluralité de sous- systèmes régionaux, en compétition globale. Ces  sous-systèmes  sont soumis  à des  sphères d'influence disputées et souvent exclusives et sont doués d'inégale importance politique et militaire.

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Face à un Occident fragmenté,le but de l'Europe réformée (et post- Brexit ) sera-t-il  de revenir à un jeu de puissance d'équilibre entre les Etats- Unis et la Russie, bref à la stratégie gaullienne de troisième force, que l'U.E ne peut pratiquer?

Rivalités, desseins stratégiques et montée des tensions

Deux grands mouvements stratégiques rivaux  s'esquissent à présent, au niveaux planétaire, internes et extérieurs à l'Eurasie:

- l'alliance sino-russe, assurant l'autonomie stratégique  du Hearthland , en cas de conflit et promouvant, en temps de paix,  la coopération  intercontinentale en matière  de grandes infrastructures, (projet OBOR (One Belt, One Road), avec la participation  d'environ 70 pays )
 - la  stratégie du "containement" des puissances continentales par les puissances maritimes du "Rimland" (Amérique, Japon, Australie , Inde, Europe etc), comme ceinture péninsulaire extérieure

Les deux camps sont en rivalité déclarée et leurs buts stratégiques  opposés.

En effet, le couple sino-russe est défini "concurrent stratégique", ou "concurrent systémique"(notamment par l'UE vis à vis de la  Chine) et refuse de se soumettre à l'ordre international issu de la deuxième guerre mondiale et dessiné par les Etats- Unis .

Dans ce contexte,la défense de l'ordre, de la stabilité et du "statu quo" est assurée par la seule puissance globale du moment, l'Amérique et ses alliés. car,
en termes de politique multipolaire, Chine et Russie soutiennent le principe des zones d'influence exclusives, dites de "l'étranger proche", (Ukraine et Géorgie pour la Fédération russe et Mer de Chine méridionale pour Béijin)

En termes prospectifs et sur le plan des équilibres régionaux à long terme, les interventions des États-Unis,depuis la guerre du Golfe,  ont altérés les rapports politiques et diplomatiques antérieurs entre Iran, Arabie Saoudite  et pays de la région. 

Dans cette même zone l'appui militaire  de la Russie à la  Syrie a influé sur la desoccidentalisation des affaires régionales  et mondiales  et, localement, sur la défaite de l'extrémisme islamique , au profit des intérêts russes du flanc sud (du Danube à la Perse et en Asie Centrale).

En termes de modernisation politique, au Proche et Moyen Orient, les idéologies importées de l'Occident, libéralisme, socialisme, laïcité, ont fait faillite et les seules formes de régimes politiques adoptées, ont été les dictatures militaires et les totalitarismes religieux, en conflit permanent.

La révision doctrinale des États-Unis en matière de sécurité s'inscrit aujourd'hui  dans le gel progressif des accords sur le contrôle des armements nucléaires

Du point de vue stratégique, le retrait américano-russe des accords START et INF, et celui  des accords nucléaires avec l'Iran ont sapé  la confiance diplomatique entre puissances occidentales  et ont mis en crise les relations des USA avec l'Europe

Par ailleurs une bataille idéologique majeure fonde le rapprochement russo-chinois sur le refus des  critères occidentaux de légitimations du pouvoir et sur le mode d'exercice de l'autorité, la démocratie libérale  pour les uns, l'autocratie souveraine pour les autres.

Les héritages historiques ne résistent pas toujours aux changements et le déplacement du centre de gravité des tensions vers l'Asie Pacifique, motivant la "politique de pivot" d'Obama,comme "ultime épreuve de force destinée à maintenir la Chine à un rang subalterne" (H.Kissinger),  privent, en Europe,  l'Alliance atlantique de sa raison d'être  et risquent  de ne pas la faire  survivre  aux finalités qui l'avaient fait naitre, celle d'un monde bipolaire.

Au même temps, l'émergence de la question nationale,  identitaire et de souveraineté, se répercute en une forme de crise de cohésion des institutions européennes  et assume le visage  sécessionniste de remise en cause du pacte national entre Barcelone et Madrid et entre Londres, Edinbourg et Dublin à propos du Brexit, dans un processus de désagrégation interne des unités étatiques, réalisées au cours des XIX et XXèmes siècles

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Ainsi, la politique de l'équilibre des forces en Asie orientale ne permet pas de considérer les États-Unis comme un balancier , mais comme partie intégrante de l'équiliblibre régional, car l'exercice de l'hégémonie mondiale  fait de l'Amérique une puissance globale et, au même temps le centre de gravité stratégique  du système.

Dès lors, une montée des tensions apparaît comme une perspective probable, au sein du système planétaire, où les principaux acteurs ne sont pas d'accord, ni sur une conception commune de l'ordre mondial, ni sur les règles de conduite pour les atteindre.

VIII MOSCOW CONFERENCE ON INTERNATIONAL SECURITY 2019

System and situation

The current historical situation is characterized by the transformation of the general strategic framework (the international system) and by the rise of regional imbalances (subsystems) in their multiple interactions (linkages).

All this affects the strategic environment, because the balances of power between major players in the multi-polar system result from their global alliances, aimed at counterbalancing adverse coalitions and ensuring the stability of the system (or its transformation).

In this respect, the triple dynamic of the current situation – fragmentation, polarization and confrontation – is reflected in a reconfiguration of the military alliances and global strategic balances, in the face of the risks of conflicts between China, the United States and Russia.

In this way the China-USA-Russia triad is establishing an ambivalent policy of rivalry-partnership-antagonism. At stake is the control of the Eurasian mass and the Indian-Pacific ocean space, expressed in the two complementary strategies of Heartland and Rimland.

In this way and at local level, the outcome of the conflicts does not depend on the nuclear-ballistic relations between the leaders of the poles, but on alliances woven by global diplomacy.

Regional rivalries

The rivalries that are shaking several parts of the world today (the Baltic countries and Eastern Europe (Ukraine), the Caucasus (Georgia), the Maghreb and sub-Saharan Africa, the Near and Middle East (Syria, Lebanon, Israel, Iran, Turkey), the Gulf (Saudi Arabia, Yemen, Qatar, Sunni and Shiite), South and North America, the South China Sea and the Far East), have forced both East and West to reconfigure their military alliances.

The aim is to set "red lines" between the interests of the poles and regional issues, so as to prevent uncontrollable escalations, to avoid any direct confrontation between the major players in the system, and to limit the decentralization of violence at regional level.

Dynamics and unknowns of the multi-polar system

In general, the dynamics of the multi-polar system, compared with the bipolar system, consist of:

- the permanence of the inter-state game, with either stabilizing or disruptive effects

- a change in the rules of the game (alliances) and of strategic partnerships, weakened by the breakdown of agreements that have become obsolete (SALT, INF)

- an increase in the number of key players (block leaders) and an asymmetrical redistribution of power

- the return of territorial revisionism (rectification of borders)

- a change in the nature of war and the mixing of conventional, nuclear and virtual warfare, and also the sudden and rapid inclusion of cybernetic and satellite spaces as geopolitical and strategy fields.

- a multiplication of tensions and decentralized conflicts, influencing the overall balance of forces.

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Thus, any attempt to redefine any one regional order can be conceived today only in the perspective of a global planetary order and of the search for forms of planetary equilibrium and stability. It is by reference to the geopolitical and military triangulation of Russia, the United States and China and, at subordinate level, of Europe, India and Japan, that the relative freedom of the regional powers must be understood. It is there that one of the keys to the hoped-for success of the triad's general strategy lies.

The indispensable strategic dialogue between Europe and Russia

When it comes to Western Europe, the globalization of security issues requires an analysis of the general trends of the multi-polar system and suggests the need to establish a strategic dialogue between Europe and Russia.

The basis of this dialogue is the need to alleviate tensions and challenges to regional and global stability

A false return to the strategic simplifications of bipolarity

The heart of the international multi-polarity system correlates with a plurality of regional subsystems, in global competition with one another. These subsystems are subject to disputed and often exclusive spheres of influence and are of unequal political and military significance.

Faced with a fragmented West, will the goal of reformed (and post-Brexit) Europe be to return to a power play of equilibrium between the United States and Russia, in short to the Gaullist third force strategy that the EU is unable to practice? In prospective terms and on the level of long-term regional balances, US interventions since the Gulf War have altered the previous political and diplomatic relations between Iran, Saudi Arabia, and other countries of the region.

In terms of political modernization, in the Near and Middle East, ideologies imported from the West – liberalism, socialism, secularism – have failed and the only forms of political regimes adopted have been military dictatorships and religious totalitarianism, in permanent conflict.

The United States's revision of its security doctrine is expressed today in the progressive freeze on nuclear arms control agreements.

From a strategic point of view, the US-Russian withdrawal from the START and INF agreements, and from the nuclear agreements with Iran have undermined the diplomatic trust between Western powers and produced a crisis in the United States' relations with Europe.

Elsewhere the balance-of-forces policy in East Asia does not allow us to consider the United States as a balancing pole, but as an integral part of the regional equilibrium, since the exercise of world hegemony makes America a global power and at the same time the strategic centre of gravity of the system.  For this reason an increase in tensions appears as a likely prospect within the planetary system, where the main actors do not agree, either on a common conception of the world order, on the rules of conduct to achieve it.

15 avril 2019.

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samedi, 11 mai 2019

L’hegemon américain menace l’Allemagne une fois de plus : si le gazoduc Nord Stream 2 est inauguré, il y aura des sanctions !

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L’hegemon américain menace l’Allemagne une fois de plus : si le gazoduc Nord Stream 2 est inauguré, il y aura des sanctions !

Washington/Berlin: L’ambassadeur américain en Allemagne, Richard Grenell ne cesse pas de se comporter en maître de maison et de s’immiscer dans les affaires intérieures du pays dans lequel il exerce ses fonctions. Récemment, Grenell est revenu à la charge et, menaçant, a averti les Allemands des conséquences que pourrait avoir la poursuite des travaux de construction du gazoduc Nord Stream 2. Aux questions des journalistes de l’hebdo Focus, le « gouverneur » américain a déclaré textuellement : « Du point de vue américain, le gazoduc ne vous alimentera pas seulement en gaz mais aussi en risques croissants de sanctions ».

Pour l’ambassadeur des Etats-Unis, les pays européens se rendent dépendants du gazoduc russe. Il a surtout insister sur un point : « si les entreprises allemandes persistent à travailler à ce projet, les Etats-Unis songeront à imposer des sanctions ». Les mesures de rétorsion, en ce cas précis, frapperont principalement le consortium énergétique Uniper, basé à Düsseldorf, et le producteur pétrolier et gazier Winterschall Dea, basé à Kassel, parce que ces deux entreprises participent à la réalisation de Nord Stream 2.

De surcroît et plus fondamentalement, Grenell a critiqué la politique russe de l’Allemagne, trop laxiste à ses yeux. Il a tenu ensuite des propos hallucinants, en disant qu’il y a seulement quelques années, « il aurait été considéré comme absurde que l’Europe laisse faire la Russie, la laisse occuper la Crimée, abattre un avion, manipuler des élections et utiliser des armes chimiques » .

Article paru sur le site http://www.zuerst.de .

„Die Städte sind weiblich und nur dem Sieger hold.“

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„Die Städte sind weiblich und nur dem Sieger hold.“

Ex: http://www.blauenarzisse.de

Vor gut 80 Jahren begann Ernst Jünger sein Tagebuch zum Zweiten Weltkrieg.

Sein Kriegstagebuch über den Ersten Weltkrieg, In Stahlgewittern, ist zumindest vom Titel und groben Inhalt her sehr vielen bekannt. Dieses Erstlingswerk ist bis heute ohne Frage eines der erschütterndsten Zeugnisse über den Frontalltag des Grabenkrieges, welchen Jünger vier Jahre lang erlebte. Weitaus unbeachteter blieben hingegen seine Notizen über den Zweiten Weltkrieg, die Strahlungen.

ernst jünger,littérature,littérature allemande,lettres,lettres allemandes,révolution conservatrice,paris,occupation,france,allemagne,deuxième guerre mondiale,seconde guerre mondialeEin anderer Soldat als der von 1914

Davon abgesehen, erschien die Erstausgabe bereits 1949 mit einer Auflage von 20.000 Exemplaren und zählt für viele Jünger-Kenner mit zum Besten, was der Literat je zu Papier brachte. Die geringere Bekanntheit mag heute dadurch zu erklären sein, daß Jünger während des Zweiten Weltkrieges hauptsächlich in der Verwaltung tätig war, und nicht an der Front kämpfte, was bei einigen potentiellen Lesern sicherlich die „Action“ vermissen lässt. Ganz gefahrlos waren jedoch auch für Jünger die Jahre 1939 bis 1945 nicht.

Die von April 1939 bis Dezember 1948 reichenden Strahlungen, welche – je nach Auflage – über 1.000 Seiten umfassen, setzen zunächst mit dem Buch Gärten und Straßen an. In diesem schildert Jünger seine Erlebnisse aus dem Frankreichfeldzug, an welchem er als Hauptmann teilnahm. Prägten während des Ersten Weltkrieges buchstäbliche „Stahlgewitter“ seinen Kriegsalltag, bekam der Hauptmann der Infanterie nun nur noch „Gärten und Straßen“ zu sehen. Der Feldzug im Mai und Juni 1940 war bereits zu Ende, noch bevor seine stets zu Fuß vorwärts marschierende Truppe in das Kriegsgeschehen eingreifen konnte.

Die Jahre an der Seine

Dieser bereits 1942 veröffentlichte erste Teil ist dabei deutlich zurückhaltender geschrieben als der nach dem Krieg veröffentlichte Rest seines Tagebuches, was man insbesondere an den politischen Beurteilungen der Zeit erkennt. Den ergiebigeren Kern bilden daher die beiden aus den Jahren 1941-44 geschriebenen „Pariser Tagebücher“, die im besetzten Paris vom Leben in der Etappe erzählen.

Hier unterhielt Jünger auch Beziehungen zu unterschiedlichen Größen der Zeit, wie Pablo Picasso, Louise Ferdinand Céline und auch Carl Schmitt, der ihn in Paris besuchen kam. Aber auch zu den in Paris aktiv arbeitenden Verschwörern des 20. Juli, wie Speidel, Stülpnagel und Hofacker, unterhielt Jünger regen Kontakt.

Im Gegensatz zu den drei genannten blieb Jüngers Mitwisserschaft am Umsturzversuch jedoch unentdeckt. Seinen Beitrag am Widerstand lieferte er in Form der 1942 verfassten Friedensschrift, die nach dem Krieg gesondert veröffentlicht wurde. Eine noch spätere Veröffentlichung fand gar seine Schrift Zur Geiselfrage, in welcher er die Umstände der aus Berlin befohlenen Hinrichtungen inhaftierter Franzosen schildert, die 1941 als Racheakt durchgeführt werden mussten. Auf Grundlage dieser Schrift spielt zudem der 2011 erschienene Film vom Volker Schlöndorff Das Meer am Morgen.

Die innere Freiheit bewahren

Diese und viele weitere Themen sind es, welche gerade die beiden Pariser Tagebücher als den wertvollsten Teil der Strahlungen erscheinen lassen. Die öffentliche Beschäftigung mit ihnen beschränkt sich jedoch für gewöhnlich leider recht oberflächlich auf die immer gleichen Aspekte. So auf seine verschiedenen Liaisons in Paris oder auf seinen angeblich rein elitären Blick, der ihn das Leid um sich herum vergessen ließ.

ernst jünger,littérature,littérature allemande,lettres,lettres allemandes,révolution conservatrice,paris,occupation,france,allemagne,deuxième guerre mondiale,seconde guerre mondialeWas hier allgemein zu kurz kommt, ist die ernsthafte Beschäftigung mit seinen zahlreichen Schilderungen einer Welt, welche droht, gänzlich dem mechanischen Moloch der geschichtlichen Abläufe zu verfallen. Dem entgegengesetzt, versuchte Jünger gerade im alltäglichen Betrachten, der Freiheit im Menschen eine Bahn zu schlagen, die alle Bomben der Welt nicht vernichten können.

Paris, 14. März 1943
Wenn alle Gebäude zerstört sein werden, bleibt doch die Sprache bestehen, als Zauberschloß mit Türmen und Zinnen und mit uralten Gewölben und Gängen, die niemand je erforschen wird. Dort, in den Schächten, Oublietten und Bergwerken, wird man noch weilen können und dieser Welt verlorengehen.

Derlei Sentenzen bilden den eigentlichen Gewinn seiner Schriften. Sie sind zeitlich ungebunden. „Das Ordnen der Geschehnisse als Akt der Selbstbehauptung“, wie es in einem Vorwort des Verlages heißt.

„Wenn ein Pulverturm in die Luft fliegt, überschätzt man die Bedeutung der Streichhölzer.“

Nach dem Rückzug aus Paris vor den Invasionstruppen der Alliierten wird Jünger schließlich aus der Wehrmacht entlassen und kehrt zurück in das niedersächsische Kirchhorst, wo er das Kriegsende erlebt. Festgehalten wird diese Zeit in den beiden letzten Büchern Kirchhorster Blätter und Die Hütte im Weinberg (Jahre der Okkupation). Wie bereits 1940 in Frankreich, beschreibt Jünger den Einbruch einer gewaltigen Übermacht in eine bereits besiegte Region.

Kirchhorst, 11. April 1945
Von einer solchen Niederlage erholt man sich nicht wieder wie einst nach Jena oder nach Sedan. Sie deutet eine Wende im Leben der Völker an, und nicht nur zahllose Menschen müssen sterben, sondern auch vieles, was uns im Innersten bewegte, geht unter bei diesem Übergang. Man kann das Notwendige sehen, begreifen, wollen und sogar lieben und doch zugleich von ungeheurem Schmerz durchdrungen sein.

Nun braucht es keinen Weltkrieg, um zu vielen Einsichten zu gelangen, die Jünger in seinem Tagebuch niederschrieb. Diese Erkenntnis schließt denn auch wiederum den Bogen zu uns heutigen Lesern, die gerade in dieser Schrift Jüngers weitaus mehr finden als nur zeitbezogene Singularitäten. „Hinsichtlich der Wahrnehmung der historischen Realitäten bin ich vorgeschaltet – das heißt, ich nehme sie etwas eher, etwas vor ihrem Erscheinen wahr. Für meine praktische Existenz ist das nicht günstig, da es mich zu den jeweils waltenden Mächten in Widerspruch bringt.“

Why We Should Read Heidegger

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Why We Should Read Heidegger

by Matt McManus

Ex: https://quillette.com

This the final instalment in a series of essays by Matt McManus examining the work and legacies of the totalitarian philosophers.

I must make a confession here: Martin Heidegger was one of the first philosophers I really and truly loved. When I was around 19 years old, one of the summer jobs I worked was as a traffic counter. We were responsible for counting the number of cars that went through street lights, which needless to say was a profoundly boring task. I often passed the time by reading, and began delving into philosophy for the first time—there is something about sitting by the side of the road for 11 hours that enables speculation. Heidegger’s dense and strange books were often infuriatingly opaque, but once I began to understand them I was thrilled. Here was someone who thought and wrote in a way that no one else seemed to, and who was emphatically unafraid of tackling the biggest and most novel philosophical questions. As a critical young man, I was also enraptured with his damning critique of modernity and especially technology. I was so absorbed by it that I identified as a Heideggerian well into my early PhD, writing an undergraduate thesis on “authenticity” and my L.L.M thesis on Heidegger, Wittgenstein, and Anglo-American legal theory.

Unfortunately, this admiration was always tempered by a significant counterweight; the awkward matter of Heidegger’s politics. My father was a human rights lawyer who made his living prosecuting ex-pat Nazis hiding in Canada, and I was brought up in a household in which the evils of the Hitler regime were transparently visible. When I was 12 years old, I started to volunteer for a number of human rights groups, and learned more about the horrors of Nazism from survivors and commentators. This shocked my young conscience. How could my philosophical hero, a man who embodied all the intellectual virtues I admired—critical mindedness, creativity, an emphasis on authenticity—relate himself to Nazism? This question only became more challenging as the depth of his association with Nazism and anti-Semitism became clearer to me.

Heidegger and Politics

In this series so far I have written pieces analyzing the work of Rousseau, Marx, and Nietzsche. Each remains a controversial thinker, and with good reason. But, unlike these earlier figures, Heidegger is not simply peripherally or problematically associated with a damning political movement. Rousseau wrote many worrying things about the authority to be ceded to the “General Will,” but never lived to see the Jacobins unleash the terror in its name. Karl Marx was a revolutionary who was certainly unafraid of violence, but would most likely have been horrified by the totalitarian movements erected in his name. Nietzsche was, of course, no liberal or egalitarian, but he also was an unrelenting foe of German nationalism who would have found the Nazi appropriation of his writings comical were the consequences not so devastating.

hei.jpgBut Heidegger not only joined the Nazi party, he remained a member until it ceased to exist at the end of the Second World War. He attended conferences for Nazi intellectuals, at which he delivered speeches. Heidegger infamously reported faculty members to the gestapo if he regarded them as insufficiently loyal to the new regime. And, even after the war, when the full horrors of the Nazis’ crimes became apparent, he had little to say in repentance or critique. Heidegger’s most public attempt to explain his support for Nazism—a 1966 interview with Der Spiegel magazine—was detailed but notably free of self-examination. This raises a serious problem, as Richard Rorty pointed out in his essay on Heidegger in Philosophy and Social Hope. How could one of the greatest thinkers of the twentieth century ally himself with its most sinister and monstrous political movement?

To understand this development, it helps to understand Heidegger’s critique of modernity and modern life. This Heidegger presented for the first time in Being and Time and subsequently developed in Introduction to Metaphysics and his later work on technology and the history of Western thought. For Heidegger, modern thought is in some respects a regression from the truly epochal thinking of earlier ages. Where the Greeks, especially the pre-Socratics were willing to tackle the biggest questions of human life, most modern people were largely unconcerned with such seemingly abstract and uncommercial questions. Figures like Parmenides pondered questions such as “What is Being?” and associated the answer with a whole range of issues pertaining to the meaning of existence and, by extension, human life.

By contrast, later thinkers like Descartes asked a narrower set of questions. Rather than concerning themselves with Being itself, they asked instead “How can I think what is true?” This may seem like an innocuous shift, but it heralded a movement towards what would later be called technical reason. As modernity continued on its course, questions about existence and its meaning were increasingly dismissed in favor of “technical questions” such as “How can I understand the empirical world accurately, so it can be manipulated in my interests?” Modern people were unconcerned with “Why there is something instead of nothing at all,” which for Heidegger was the key question of metaphysics, and indeed for the human life of Dasein—that being for whom Being is a question. Instead, they wanted to generate ever more powerful systems of knowledge, such as the technical sciences, so the world could be more easily broken down and instrumentalized. The “enframing” of the world which results from technical reason blocks us from developing our more authentic selves. As he put it in “The Question Concerning Technology“:

Enframing blocks the shining-forth and holding-sway of truth. The destining that sends into ordering is consequently the extreme danger. What is dangerous is not technology. There is no demonry of technology, but rather there is the mystery of its essence. The essence of technology, as a destining of revealing, is the danger. The transformed meaning of the word “Enframing” will perhaps become somewhat more familiar to us now if we think Enframing in the sense of destining and danger. The threat to man does not come in the first instance from the potentially lethal machines and apparatus of technology. The actual threat has already affected man in his essence. The rule of Enframing threatens man with the possibility that it could be denied to him to enter into a more original revealing and hence to experience the call of a more primal truth.

The ascendancy of technical reason and instrumentalization, Heidegger thought, generated highly inauthentic individuals who were unable to live meaningful lives. This is because the primary purpose of existence was regarded as the pursuit of a kind of materialist satisfaction. This was true across political forms, which is partly why Heidegger claimed that the hyper-partisan distinction between Left and Right is actually trivial. Both liberal capitalism and its great rival communism are equally devoted to the modernist pursuit of materialist satisfaction. The only difference between them is over the most efficient means to pursue that goal. They are “metaphysically the same” in their efforts to “enframe” the world using technical reason, and result in the same belief about the point of existence.

black.jpgBy contrast, Heidegger stressed that materialist satisfaction can never provide a truly meaningful existence. On the contrary, it can only produce tremendous anxiety as we recognize that the limitations of our lives and the inevitability of death will one day bring the party to an end. At that point, our pursuit of material satisfaction and wealth will turn out to have been meaningless. Heidegger argues that many of us realize this, and feel contempt for the vulgarity and emptiness of our societies. Nevertheless, rather than acknowledge this uncomfortable fact, we retreat into the inauthentic world of “das man” or the “they.” We try to ignore the inevitability of our annihilation by conforming to the expectations of consumer society, disregarding the deeper questions that drive us, and believing that, as long as we go about our business, death—and the confrontation with our own inauthenticity—can be postponed indefinitely.

For Heidegger, this frightened retreat into the world of the “they” was symptomatic of the impact of technical reason and instrumentalization across the world. Being and Time was a call for authenticity in an age apparently dedicated to running from it. Authenticity would mean facing up to the reality of our own future annihilation, and to try and live beyond the “they” by committing ourselves to a truly great project which will provide our lives with a worthy end. This project will of course be doomed to ultimate failure, because the finiteness of time available to us will ensure it is never fully completed. But the meaning of our lives comes from choosing as worthy a project as possible and pursuing it with as much dedication as one can muster.

This is an immensely inspiring critique, and I can only gesture at its power in this short article. Many commentators, myself included, tend to interpret Being and Time as a call for a unique form of individualism. This isn’t what one might call liberal individualism, which Heidegger associated with technical reason and the world of the “they.” Liberal individualism meant little more than mindless conformity, as each indistinguishable figure went about pursuing their menial pleasures in cooperation and competition with one another. It is also philosophically implausible for Heidegger. The atomistic conceit of figures like Jefferson or Mill, that we are “born free” and use technical reason to analyze the world from scratch, was a vulgarization of true philosophy. Heidegger repeatedly stressed that we are always “thrown” into a world of social meanings that fundamentally shape our outlook on the world. The authentic individuality Heidegger favored comes from making use of these meanings to shape something fundamentally new, but which grows organically out of what came before. But this of course means that a decadent and damaged society will not provide its members with the tools necessary to live authentic existences. It must therefore be condemned and refashioned as necessary.

This hostility to liberalism and communism explains a great deal of the attraction Heidegger felt towards Nazism. Its reverence for the traditional practices and beliefs of the German volk and its call for the liberal individual to surrender himself to a greater collective cause must have appealed to him a great deal, both in its conservative and radical dimensions. There also seems to be a sense in which the earlier anti-liberal individualism of Being and Time gives way to a more social vision. The most obvious example of this was the way his concept of Dasein—which he had earlier used to refer to a singular “being” who questioned the nature of “Being”—is given a twist in the Rectoral address. Now it referred to the nation and its destiny.

Heidegger’s writings during that period seem to reflect this new emphasis, reaching a pitch in his criticisms of liberalism and communism, and his suggestion that Nazi Germany had a unique destiny in rescuing the Western world. Some of this may also be attributable to personal arrogance on Heidegger’s part, and his belief that a totalitarian political movement could carry out the kind of sweeping philosophical reforms he wished to see take place on a grand scale. Heidegger later admitted that he was naïve when it came to politics, though I think his lover Hannah Arendt expressed it better. He was a great fool to think that Nazism, a hyper-modern totalitarian movement bent on world conquest and the submission of all individual wills to Adolph Hitler, was an ideological instrument useful to the project of creating a more authentic world. It is likely that his own life-long attraction to German traditionalism and national identity blinded him to the extremism of its policies. Ironically, in his efforts to escape from the world of the “they,” he submitted his immense philosophical intelligence to the most inauthentic movement imaginable.

Conclusion: What Can We Learn from Heidegger

schw.jpgHeidegger was one of the greatest philosophers in the twentieth century, despite his contemptible politics. There remains much we can learn from him, if we take care to isolate the gems of insight from the dangerous currents underneath. This is often a challenge whenever one is dealing with a critique of modernity that is powerful enough to be convincing. One must always take care not to trade the imperfect for the tyrannical.

Heidegger’s analysis of authenticity remains more pressing than ever in our postmodern culture. Many people believe that our purpose in life remains a form of self-satisfaction. Today, however, this includes an emphasis on the expression of a given identity, various forms of left-wing agitation, and the emergence of postmodern conservatism. At his best, Heidegger would warn us that this emphasis on identity can lead us to live inauthentic existences. The efforts of postmodern conservatives to provide stability for their sense of identity by excluding those who are different reflects this tendency; a temptation Heidegger himself fell into against the better inclinations of his philosophy. We long for a sense of stability in our identities, but this longing is antithetical to the quest for true authenticity. What we must recognize is that identity is always unstable because it is framed by the tasks we set for ourselves. Our identity is always unstable because an authentic person is always seeking to become something greater than they were before. The choice available is to accept this instability or retreat into the world of the “they.”

Heidegger focused our attention on mysterious questions that are too frequently ignored. In particular, the questions of ontology: What does it mean to be? What does it mean to say this or that particular thing exists? Why is there something instead of nothing at all? And so on. He was wrong to criticize scientific technical reason for its indifference to these questions. Indeed, many seminal figures, from Einstein to Lee Smolin, were preoccupied by these ontological issues. But we are no doubt still prone to ignoring them in favor of questions that permit clearer answers. Indeed, our economically minded society often dismisses apparently unanswerable ontological questions with the claim that they’re a waste of time that could be spent more wisely on more efficient tasks.

But Heidegger also pointed out that asking ontological questions can and does play a fundamental role in our personal lives, and that dismissing them may prevent us from reflecting on what is truly important. Each of us is indeed “thrown” into the world for a short period of time. No one truly knows from whence we came, and each of us fears the annihilation to which we must inevitably return. Pondering these issues, as well as the more general question of where anything came from and what it is moving towards, can help us bring deeper focus to life.

Matt McManus is currently Visiting Professor of Politics and International Relations at Tec de Monterrey. His forthcoming books are Overcoming False Necessity: Making Human Dignity Central to International Human Rights Law and What is Post-Modern Conservatism? He can be reached at garion9@yorku.ca or followed on Twitter @MattPolProf

Quand l’Europe s’éveillera… La Chine s’esclaffera !

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Quand l’Europe s’éveillera… La Chine s’esclaffera !

Par Guillaume Berlat

Ex: https://www.les-crises.fr

« Les temps changent. On ne sait pas quand, mais c’est toujours avant qu’on s’en aperçoive » (Catherine Breillat, cinéaste, romancière). Les temps changent, le ton change. Hier bénie, aujourd’hui (presque) honnie. Tel est le traitement que subit désormais la Chine. Au moment où le président chinois, Xi Jinping effectue une brève visite en Europe (Italie, Monaco1, France) en cette dernière décennie du mois de mars 2019, les critiques pleuvent comme à Gravelotte sur l’Empire Céleste2. Violations répétées des droits de l’Homme (Cf. contre les Ouigours ou contre l’ex-président d’Interpol, Meng Hongwei …), visées hégémoniques en Asie, en Afrique, voire en Europe à travers l’initiative des « Nouvelles routes de la soie »; violations graves des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC basée à Genève) en pratiquant une concurrence déloyale, espionnage à grande échelle (Cf. critiques portées contre le géant des télécommunications Huaweï au moment où il concourt au marché de la 5G)…

Telles sont les philippiques qui reviennent le plus souvent, de manière inattendue, dans la bouche des dirigeants occidentaux, européens avec une certaine insistance depuis quelques dernières semaines. Les mêmes qui ne tarissaient pas d’éloge sur l’Empire Céleste, il y a peu encore. Comme si la guerre commerciale contre la Chine dans laquelle s’est lancée Donald Trump avait enfin décillé les yeux de la Belle au Bois Dormant qui a pour nom Europe sur les visées de Pékin. Le temps n’est plus au libéralisme échevelé, à la candeur rafraichissante. Le temps serait plutôt au patriotisme économique, à la Realpolitik, à la défense des intérêts bien compris. Mais, l’Europe (l’Union européenne) divisée et sans cap est-elle bien armée pour mener à bien ce combat contre la puissance montante du XXIe siècle ?3 Puissance normative incontestée, l’Europe est et restera encore longtemps une impuissance stratégique.

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L’EUROPE : UNE PUISSANCE NORMATIVE

Pour tenter de comprendre l’impasse structurelle dans laquelle se trouve l’Union européenne, il est indispensable de se pencher sur la philosophie générale qui a présidé à sa création (la paix par le droit) pour être en mesure d’apprécier la conséquence de cette démarche (la construction par le vide).

La paix par le droit : une nouvelle utopie.

normeforcelaidi.jpgFaut-il le rappeler, comme le Conseil de l’Europe en 1949, l’Union européenne s’est construite sur le mantra de la paix par le droit (celui qui avait si bien fonctionné à l’époque de la SDN…) ! Par sa force intrinsèque et quasi-divine, la norme est censée résoudre tous les problèmes de l’Europe de l’après Seconde Guerre mondiale, de la Guerre froide, de l’après-Guerre froide et de la nouvelle Guerre froide. Ni plus, ni moins La construction européenne – du traité de Rome au traité de Lisbonne – s’est reposée sur d’énormes conventions internationales que seuls quelques initiés – dont ni vous, ni moi ne sommes – parviennent à comprendre et à interpréter. À Bruxelles, les hommes forts (les fortes femmes) de la Commission et du Conseil sont les juristes. Ils pondent en permanence de nouvelles normes et traquent l’État délinquant soit celui qui ne respecte pas les valeurs du machin (Hongrie, Pologne, Roumanie), soit celui qui viole les sacro-saintes règles budgétaires (Grèce, Italie, voire France)4. L’Europe à 28/27 n’a toujours ni cap, ni affectio societatis alors même qu’elle est secouée par des vents mauvais tant à l’intérieur (feuilleton sans fin du « Brexit », montée du sentiment national, croissance atone, phénomènes migratoires non contrôlés, terrorisme…) qu’à l’extérieur (Diktats américains, arrogance chinoise, cavalier seul russe, déclin de l’Occident…). « Cette non-personne pèse de l’extérieur, sans habiter notre intérieur »5.

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La construction par le vide : une puissance Potemkine

Nous avons aujourd’hui un exemple particulièrement éclairant de la vacuité européenne sur la scène internationale en analysant la relation de Pékin avec la France mais aussi avec l’Union européenne. Mais, un léger retour en arrière s’impose. Au cours des dernières années, sous l’influence de la pensée libérale à l’anglo-saxonne (le tout dérégulation), la Commission européenne (agissant dans l’un de ses domaines de compétence exclusif qu’est le commerce) s’est targuée de négocier et de conclure des dizaines de traités de commerce, de libre-échange avec la planète entière. Nos petits marquis drogués aux lobbies, particulièrement actifs à Bruxelles (« un aéropage technocratique, apatride et irresponsable »), nous expliquent fort doctement que tous ces torchons de papier constituent le nec plus ultra de la mondialisation heureuse6, la meilleure garantie pour les citoyens européens en termes de prospérité et de bonheur (« L’Europe des réponses » chère à Nathalie Loiseau), le signe de L’Europe indispensable7. Or, la réalité est tout autre comme ces mêmes citoyens peuvent s’en rendre compte concrètement.

L’Union n’est qu’un tigre de papier ouvert aux quatre vents. Elle ignore un principe cardinal de la diplomatie classique qui a pour nom réciprocité. Elle ouvre grandes ses portes aux entreprises chinoises alors que leurs homologues européennes sont soumises à des règles drastiques et des pratiques déloyales8. Souvenons-nous que Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du développement international (MAEDI), porteur de la diplomatie économique, ne jurait que par la Chine. Sans la Chine, point de salut. Or, aujourd’hui, les langues commencent à se délier sur les étranges pratiques commerciales chinoises. Du côté de la Commission européenne, c’était le silence radio. Du côté de nos partenaires, européens, c’était le chacun pour soit et les vaches seront bien gardées. Comme cela est tout à fait normal de la part d’une authentique grande puissance comme l’est la Chine9, Pékin pratique un vieux classique qui a fait ses preuves depuis la nuit des temps, le diviser pour mieux régner, la diplomatie des gros contrats pour mieux faire taire les rabat-joie10. Nous en avons un exemple frappant avec l’Italie qui est le premier pays du G7 à emprunter les « nouvelles routes de la soie »11. Une sorte d’embarquement pour Cythère du XXIe siècle.

L’angélisme est une plaie en ces temps conflictuels. Les États membres de l’union européenne ne comprendront jamais que « les puissants n’accordent leur amitié protectrice qu’en échange de la servitude »12. Ils commencent à peine à percevoir que la Chine entend transformer sa puissance économique en puissance diplomatique et stratégique aux quatre coins de la planète.

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L’EUROPE : UNE IMPUISSANCE STRATÉGIQUE

Il est important d’en revenir aux fondamentaux des relations internationales. Dans un monde frappé au coin de la prégnance du rapport de forces, la désunion structurelle de l’Europe fait sa faiblesse sur la scène internationale. Par ailleurs, au moment où l’on nous annonce que l’Union se réveille face à la Chine, le moins que l’on puisse dire est que cette nouvelle posture relève encore de la cacophonie.

La désunion fait la faiblesse : l’Europe s’agite

L’opération de charme du nouvel empereur. C’est que le président Xi Jinping n’est pas né de la dernière pluie. Il sait parfaitement caresser ses hôtes français dans le sens du poil. Il le fait avec un sens aigu de l’emphase diplomatique. Pour s’en convaincre, il n’est qu’à se reporter à la tribune qu’il publie dans un grand quotidien français à la veille de sa visite en France. Il la conclut ainsi :

« La responsabilité. Ensemble, la Chine et la France pourront apporter de grandes transformations. L’histoire n’a cessé de le prouver au cours des 55 ans écoulés. À l’heure actuelle où l’humanité se trouve à la croisée des chemins, les grands pays du monde ont à assumer les responsabilités qui leur incombent. Membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, la Chine et la France sont invitées à renforcer leur concertation pour défendre le multilatéralisme, préserver les normes fondamentales régissant les relations internationales basées sur les buts et principes énoncés dans la Charte des Nations unies, relever conjointement les défis, contribuer à la prospérité et à la stabilité dans le monde et promouvoir la construction d’une communauté de destin pour l’humanité.

Comme dit un proverbe chinois : « Un voyage de mille lieues commence toujours par le premier pas ». L’illustre écrivain français Victor Hugo disait : « Que peu de temps suffit pour changer toutes choses ! » Aujourd’hui sur un nouveau point de départ historique, la Chine souhaite aller de l’avant avec la France, concrètement et solidement, pour réaliser des accomplissements encore plus éclatants »13.

Et ses officines de propagande (« Échos de Chine ») d’inonder d’encarts publicitaires à l’eau de rose les principaux médias français à la veille de la visite en France du grand timonier sur les thèmes du développement d’un « partenariat stratégique global plus étroit et durable », de « Paris et Wuhan : le Conte de deux cités », de « Beijing et Paris : partenaires majeurs dans la lutte contre le changement climatique » (on en tombe à la renverse en se reportant aux facéties environnementales chinoises), de « Faire progresser plus avant les relations franco-chinoises », des « Perspectives de la coopération pragmatique entre la France et la Chine »… En prime, nous avons même droit aux dernières raffarinades : « Cette année sera une année fertile pour les relations franco-chinoises » (on se croirait revenu au temps d’Alice au pays des merveilles). Dans le rôle de l’idiot utile, Quasimodo n’a pas son pareil. Il est tout simplement parfait et impayable. Une fonction étrange pour un ancien Premier ministre de Jacques Chirac, mais qui ne gêne pas du tout l’intéressé. Ce dernier n’aime d’ailleurs pas qu’on vienne le chercher sur ces ambiguïtés : à l’en croire, il ne joue qu’un seul rôle, celui de poisson-pilote en Chine pour les entreprises françaises. Fermez le ban !

Jupiter tombe sous le charme du carnet de chèques chinois. Comment ne pas succomber aux charmes d’une telle sirène qui arrive avec de nombreuses promesses de contrats pour des entreprises françaises (on met à l’eau bouche avec des quantités extravagantes d’achats d’avions [commande de 300 Airbus pour 30 milliards d’euros par la compagnie d’État CASC]14, de navires et d’autres gadgets dont les Gaulois sont particulièrement friands) ? En bon français, cela s’appelle acheter son ou ses interlocuteurs. Comment évoquer le concept grossier de « violations des droits de l’Homme » dans cette ambiance du genre Embrassons-nous Folleville ?15 Fidèle à son habitude, Emmanuel Macron explique lors de sa conférence de presse commune à l’Élysée que la discussion sur la question des droits de l’Homme avec son homologue a été « franche » mais nous n’en saurons pas plus. Diplomatie de la discrétion oblige !

Oubliées les promesses européennes visant à faire front commun contre le tigre chinois (qui n’est pas de papier, les investissements chinois en Europe sont passés de 1,4 milliard de dollars en 2006 à 42,1 en 2018 après avoir connu un pic de 96,8 milliards en 2017) et vive le cavalier seul, le chacun pour soi dont sont coutumiers les 27/28 ! Il y a fort à parier que les moulinets de Jean-Yves Le Drian (qui accueille le président chinois sur l’aéroport de Nice) sur le thème du double sens des nouvelles routes de la soie feront rapidement pschitt. Il y a fort à parier que les déclarations viriles d’Emmanuel Macron avant la visite officielle chinoise aient autant d’effets positifs sur Xi Jinping que sur Donald Trump en son temps (il devait revenir sur son refus de l’accord sur le climat et sur celui sur le nucléaire iranien, Jupiter nous avait promis). À l’Élysée, Pinocchio (Bijou dans une robe longue rouge immaculée) fait assaut d’amabilités à l’égard de son hôte de marque. Pour nous rassurer sur les bonnes et pures intentions chinoises, quelques experts viennent nous faire la leçon : « La Chine s’essouffle, le monde s’inquiète »16, « La position de Xi Jinping n’est pas si confortable qu’elle en a l’air »17 au regard de la crise commerciale américano-chinoise18. Il est vrai que quelques nuages assombrissent le ciel bleu chinois après une longue période faste. Est-ce une tendance conjoncturelle ou structurelle ? Il est encore trop tôt pour le dire avec certitude. Mais, heureusement, l’Europe a décidé de sortir de sa torpeur pour prendre la mesure du problème. Faut-il avoir peur de la Chine ?19 Vaste programme, aurait dit le général de Gaulle qui a noué des relations diplomatiques avec la Chine communiste au nez et à la barbe des Américains.

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La cacophonie fait la foire : l’Europe se réveille20

Un réveil tardif et mou. Lors de ses entretiens à la villa Kérylos (Beaulieu), Emmanuel Macron prône « un partenariat équilibré » avec Pékin (déficit commercial de la France de 30 milliards d’euros)21. [Il enfonce le clou lors des entretiens à l’Élysée au cours desquels il déroule le tapis rouge et tous les leviers de la diplomatie gastronomique]. Des limites, du piège de la démagogie surtout lorsque nous apprenons qu’Emmanuel Macron, trop faible pour faire le poids, appelle de ses vœux la constitution d’un front européen (uni, nous imaginons !) destiné à déjouer la stratégie et les ambitions planétaires de Pékin. Trop peu, trop tard, pourrait-on dire. Des mots, toujours des mots… Où est la stratégie suivie d’actes forts d’une Europe unie ? On peine toujours à la découvrir. Ce qui fait le plus défaut à l’Union européenne est sa capacité d’anticipation sans parler de son absence de volonté de prendre à bras le corps les grands problèmes stratégiques du monde. Elle préfère se quereller sur des taux de TVA, de pourcentages de croissance et autres vétilles qui ne contribuent pas à faire d’elle un acteur du monde. En réalité, elle est de plus en plus spectatrice d’un spectacle dans lequel elle joue les seconds rôles. Comme le souligne si justement, Thierry de Montbrial : « Quand on reprend les conversations entre chefs d’État au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, on s’aperçoit qu’ils ne parlaient pas de tactique, quand ils se rencontraient mais de visions »22. C’est là toute la différence entre celui qui fait l’avenir et celui qui le subit. « La construction européenne vise à surmonter les conflits et les guerres du passé. Elle a pour but la paix, la prospérité, la stabilité, la sécurité. Elle a construit un édifice institutionnel qui est bien huilé et tourne remarquablement bien. Pour renverser la formule d’Emile de Girardin, elle donne l’impression de tourner le dos à l’imprévu pour mieux diriger le cours des choses » comme le souligne un diplomate brillant, Maxime Lefebvre.

Une grande interrogation pour l’avenir.

Que peut-on mettre concrètement à l’actif de l’Union européenne au cours des dernières semaines ?

Une réponse visible, qui n’est pas pour autant efficace, est donnée au bon peuple. Xi Jinping est convié, le 26 mars 2019, à rencontrer à l’Élysée, outre le président Macron, la chancelière allemande, Angela Merkel et le président de la commission européenne, Jean-Claude Juncker23. Drôle de Sainte-Trinité (le terme de Pieds Nickelés serait plus approprié) pour sermonner le Grand Timonier et répondre d’une seule voix aux ambitieuses « routes de la soie » ! Mais, ce trio parle-t-il et a-t-il reçu mandat expresse des autres partenaires pour parler et s’engager en leur nom ? Emmanuel Macron a fait chou blanc avec son sermon aux citoyens européens. Angela Merkel est sur le départ et voit ses prérogatives rogner par son successeur, AKK24. Jean-Claude Juncker, qui ne sera pas reconduit dans ses fonctions après les élections européennes du 26 mai 2019, peine à marcher à trop lever le coude. Mais, Emmanuel Macron nous indique avoir plaidé pour un « multilatéralisme rénové » (que signifie ce nouveau concept ?) et « plus équilibré » auprès de Xi Jinping tout en confessant l’ampleur des désaccords entre la Chine et le trio choc25. Comme le démontre amplement la guerre commerciale américano-chinoise26, Pékin ne comprend que la force dans son état brut. Un grand classique des relations internationales ! Mais, nous sommes pleinement rassurés en apprenant l’existence de « convergences » euro-chinoises à l’Élysée27. Sur quels sujets, c’est un autre problème ! Nous les sommes encore plus en prenant connaissance des déclarations de de Bruno Le Maire selon lesquelles : « Face à la Chine et aux États-Unis, l’Europe doit s’affirmer comme une puissance souveraine ». Un superbe exemple de diplomatie déclaratoire.

Une réponse moins visible mais plus concrète. Le Parlement européen vient d’adopter (février 2019) et demande la mise en œuvre rapide de « l’instrument de filtrage des investissements directs étrangers pour des motifs de sécurité » 28. Il s’agit à l’évidence d’une initiative heureuse qu’il faut saluer. Encore, faut-il qu’elle trouve sa concrétisation dans les meilleurs délais et qu’elle soit ensuite appliquée avec la plus grande rigueur en cas de violation avérée de ses dispositions. L’Union européenne serait bien inspirée de voir ce qui se passe Outre-Atlantique en la matière29. En dernière analyse, il ne faut pas avoir la main qui tremble.

Une réponse encore hypothétique. Manifestement, du côté de la Commission européenne et sous l’amicale pression des États, on commence à mettre au point une sorte de feuille de route dans les relations UE/Chine30. Voici la relation qui nous en est faite par l’hebdomadaire Le Point.

« Nous avons avec la Chine des relations – comment dire ? – bonnes, mais qui ne sont pas excellentes. La Chine aujourd’hui pour nous est un concurrent, un partenaire, un rival. » C’est ainsi que Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, concluait le Conseil européen le 22 mars, en amont de la visite de Xi Jinping en Europe, qui sera suivi, le 9 avril, d’un sommet UE-Chine. Emmanuel Macron a invité le président de la Commission et la chancelière Merkel à se joindre à la visite du leader chinois à Paris, en guise de hors-d’œuvre au futur sommet.

La semaine dernière, les chefs d’État et de gouvernement ont débattu des dix mesures que la Commission a mises sur la table vis-à-vis de l’empire du Milieu, qualifié de « rival systémique ». Un changement de ton qui traduit l’impatience des Européens à voir la Chine s’ouvrir à leurs entreprises – notamment les marchés publics –, cesser le dumping déloyal par ses prix, mettre fin au transfert de technologies forcé. En somme, rejoindre le concert des nations dans le cadre de l’OMC et accepter les règles du marché. Or, ce n’est pas le chemin emprunté par Pékin après son adhésion à l’OMC en 2001. Les Occidentaux ont eu la naïveté de croire que la Chine deviendrait une économie sociale de marché. Elle est demeurée étroitement entre les mains du Parti communiste chinois et a inventé une forme de « capitalisme d’État » qui l’a rendue quatre fois plus riche qu’en 2001…

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Zhang Ming, l’ambassadeur de Chine auprès de l’Union européenne, a prévenu les Européens que les avancées en termes d’ouverture économique s’effectueront à un « rythme raisonnable » et que « les demandes européennes seront « progressivement prises en compte ». Donc, il n’y a pas de « grand soir » à attendre ni de la visite de Xi Jinping à Paris ni du prochain sommet UE-Chine.

Parmi les dix mesures préconisées par la Commission, appuyée par Federica Mogherini, la haute représentante pour les relations extérieures, certaines relèvent encore, disons, des bons sentiments. Quand on pense pouvoir coopérer avec Pékin sur l’ensemble des trois piliers des Nations unies, à savoir les droits de l’homme, la paix et la sécurité et le développement, l’Union européenne demeure dans le formalisme diplomatique. Mais il est peu probable que la situation s’améliore, à court terme, au Tibet ou pour la minorité musulmane ouïghour. En revanche, l’Union européenne et la Chine sont davantage en phase sur le climat. Jean-Claude Juncker appellera Pékin à plafonner ses émissions de CO2 avant 2030, conformément aux objectifs de l’accord de Paris. Il existe également une bonne coopération sino-européenne sur le dossier iranien.

La mesure 5 est un peu plus « punchie » puisque l’UE « invite » la Chine à tenir ses engagements, dont la réforme de l’OMC, « en particulier pour ce qui est des subventions et des transferts de technologies forcés », de même que la protection des indications géographiques. Dans la mesure 6, la Commission appelle le Parlement européen et le Conseil européen à adopter l’instrument international de réciprocité sur les marchés publics avant la fin 2019. Cet appel a été entendu par le Conseil européen qui, dans ses conclusions du 22 mars, appelle à son tour « à la reprise des discussions sur l’instrument international de passation des marchés de l’UE ». On n’en est donc pas à décider. On discute… depuis 2012. L’Allemagne bloquait la discussion. Elle vient de changer d’avis à la faveur de la fusion avortée entre Alstom et Siemens. Ce travail sera donc parachevé lors de la prochaine législature, après les élections européennes. La mesure 7 est également musclée, puisque la Commission se propose de publier des « orientations » afin que les prix proposés dans les marchés publics de l’UE prennent en compte réellement les normes en matière de travail et d’environnement. C’est par ce biais que les concurrents chinois ne pourraient soutenir la concurrence avec les entreprises européennes. Emmanuel Macron, lui, voulait aller plus loin et établir une préférence communautaire dans les marchés publics. Il n’a pas été suivi par une majorité d’États membres. La Commission proposera également de compléter la législation européenne pour contrecarrer les distorsions de concurrence des pays tiers sur les biens et les services échangés dans le marché intérieur. S’agissant de la 5G, la Commission a pris en compte les problèmes de sécurité posés par le leader mondial Huawei et fera des propositions très prochainement, a annoncé Juncker31. On ne peut que se féliciter que Bruxelles ait décidé de ne pas exclure l’équipementier chinois du marché de la 5G32.

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Enfin, la Commission invite les États membres à mettre en œuvre le plus rapidement possible, de manière « complète et effective », la récente législation sur le filtrage des investissements étrangers dans les domaines sensibles. Cette législation n’est pas contraignante pour les États, qui sont seulement tenus de s’informer les uns les autres. Cela n’empêcherait nullement, par exemple, l’Italie de poursuivre le partenariat qu’elle vient de signer avec Xi Jinping qui prévoit, dans le cadre du projet pharaonique des « nouvelles routes de la soie », des investissements chinois dans les ports stratégiques de Gênes et de Trieste. Un protocole d’accord « non contraignant », s’est empressé de dire Giuseppe Conte, le président du Conseil italien, devant les froncements de sourcils suscités par cet accord à Washington, Bruxelles et Paris. « La partie chinoise souhaite des échanges commerciaux dans les deux sens et un flux d’investissements dans les deux sens », a assuré, de son côté, Xi Jinping. « La relation entre l’Union européenne et la Chine ne doit pas être avant tout une relation commerciale, elle doit être une relation politique et géostratégique », a souligné Emmanuel Macron, au sortir du Conseil européen. Le commerce est un des aspects, mais si nous construisons de proche en proche une dépendance géopolitique ou stratégique, nous comprendrons rapidement les conséquences que cela peut avoir. Et nous serons perdants sur les deux points. »33

On l’aura compris, nous ne sommes qu’au début d’un très long processus diplomatique avant que toutes ces mesures deviennent contraignantes34. L’unanimité n’est pas garantie tant la Chine dispose de sérieux leviers d’influence sur les États les plus faibles de l’Union (Grèce, Italie…) et que les 27/28 pratiquent la défense de leurs intérêts nationaux avec celle de l’intérêt européen.

***

« L’Europe n’aura pas eu la politique de sa pensée ». Ce jugement porté par Paul Valéry avant la Seconde Guerre mondiale n’a pas pris la moindre ride en cette fin de deuxième décennie du XXIe siècle. Comme le rappelle fort justement Jean-Pierre Chevènement : « Les Européens se sont accommodés de la vassalisation ». Vassalisation surtout vis-à-vis du grand frère américain depuis la fin de la Première Guerre mondial et soumission vis-à-vis de l’Empire Céleste depuis la fin de la Guerre froide. Comme l’écrit avec le sens aigu de la formule qui est le sien, Régis Debray : « L’Européen a des velléités mais, à la fin, il fait où Washington lui dit de faire, et s’interdit là ou et quand il n’a pas la permission »35. Que veut-il faire avec et/ou contre la Chine qui tisse lentement mais sûrement sa toile des « nouvelles routes de la soie » (« Pour l’Europe, c’est la déroute de la soie »36), y compris jusqu’au cœur de l’Union (Grèce et maintenant Italie avec l’accord signé par Xi Jinping avec les nouveaux dirigeants37). La réponse est aussi peu claire qu’évidente à ce stade de la réflexion des 27/28. Nous sommes au cœur de la problématique institutionnelle et fonctionnelle de la construction européenne38.

Pourquoi l’Union européenne a-t-elle tant de mal à être unie face à la Chine (« Unité de façade Merkel, Macron-Juncker. Face à l’impérialisme économique de Xi Jinping, l’Europe chinoise ! »39) ? Même si les défis ne manquent pas pour Xi Jinping40, il faudra apprendre à compter avec la Chine et à anticiper des réponses réalistes pour faire jeu égal avec elle41. Aujourd’hui, force est de constater que l’expansionnisme chinois bouscule et divise sérieusement l’Europe qui est restée longtemps inerte42. Longtemps, trop longtemps, le mot « réciprocité » a été considéré comme un mot tabou, grossier du côté européen. Il semble qu’aujourd’hui il soit devenu cardinal dans la langue de certains de nos dirigeants toujours en retard d’une guerre43. Révolution copernicienne pour certains, tournant pour d’autres44. Le temps est venu de trancher le nœud gordien. D’ici là, quand l’Europe s’éveillera vraiment (nous ne savons toujours pas quand compte tenu de son inertie habituelle), le risque est grand qu’elle soit depuis longtemps empêtrée dans la nasse pékinoise et que la Chine s’esclaffera.

Guillaume Berlat
1 avril 2019

1 Alice George, Albert et Charlène de Monaco reçoivent le président chinois et son épouse. Dans les coulisses d’une visite d’État, Point de vue, 27 mars-2 avril 2019, pp. 34 à 37.
2 Gabriel Grésillon/Frédéric Schaeffer, Le président chinois Xi Jinping amorce une tournée Pékin dans une Europe vigilante mais divisée face à Pékin, Les Échos, 21 mars 2019, pp. 6-7.
3 François d’Orcival, Les routes de la puissance et de l’intimidation, Valeurs actuelles, 28 mars 2019, p. 4.
4 Guillaume Berlat, De l’Europe de la sanction à la sanction de l’Europe, www.prochetmoyen-orient.ch , 24 décembre 2018.
5 Régis Debray, L’Europe fantôme, collection « Tracts », Gallimard, 2019, p. 34.
6 Guillaume Berlat, Mondialisation heureuse, balkanisation furieuse, www.prochetmoyen-orient.ch , 11 mars 2019.
7 Nicole Gnesotto, L’Europe indispensable, CNRS éditions, mars 2019.
8 Pierre Tiessen/Régis Soubrouillard, La France made in China, Michel Lafon, 2019.
9 Guillaume Berlat, Quand la Chine s’éveillera vraiment…, www.prochetmoyen-orient.ch , 14 janvier 2019.
10 Jean-Michel Bezat, Pékin emploie la diplomatie des gros contrats avec les Occidentaux, Le Monde, 27 mars 2019, p. 2.
11 Jérôme Gautheret, L’Italie, premier pays du G7 à prendre les « nouvelles routes de la soie », Le Monde, 26 mars 2019, p. 5.
12 Bernard Simiot, Moi Zénobie reine de Palmyre, Albin Michel, 1978, p. 208.
13 Xi Jinping, « La Chine et la France, ensemble vers un développement commun », Le Figaro, 23-24 mars 2019, p. 16.
14 Il convient de rappeler que cette commande avait déjà annoncée, il y a un an déjà, lors de la visite officielle d’Emmanuel Macron en Chine. Tous ces Airbus seront assemblés en Chine par des ouvriers chinois. Pour remporter ce contrat géant, Airbus aura dû consentir à d’importants transferts de technologies. Pékin n’aura pas dû se livrer à quelques activités d’espionnage pour obtenir des secrets de fabrication. Les clés de la Maison lui auront été confiées. Et, tout cela intervient en toute légalité…
15 François Bougon, La Chine cherche à imposer un nouvel ordre mondial de l’information, s’inquiète RSF, Le Monde, 26 mars 2019, p. 17.
16 Frédéric Lemaître/Marie de Vergès, La Chine s’essouffle, le monde s’inquiète, Le Monde, Économie & Entreprise, 22 mars 2019, p. 14.
17 Jean-Philippe Béja, La position de Xi Jinping n’est pas si i confortable qu’elle en a l’air, Le Monde, 26 mars 2019, p. 29.
18 Cyrille Pluyette, L’autorité de Xi Jinping écornée, Le Figaro, 6 mars 2019, p. 7.
19 Renaud Girard, Faut-il avoir peur de la Chine ?, www.lefigaro.fr , 25 mars 2019.
20 Isabelle Lasserre, Le réveil des Européens face à la Chine, Le Figaro, 25 mars 2019, p. 6.
21 Cyrille Pluyette, Macron prône un partenariat équilibré avec Pékin, Le Figaro, 25 mars 2019, p. 6.
22 Thierry de Montbrial (propos recueillis par Isabelle Lasserre), « La principale rupture du système international remonte fut 1989 et non 2001 », Le Figaro, 18 mars 2019, p. 20.
23 Brice Pedroletti/Marc Semo, L’Europe affiche son unité face à Pékin. Front européen face à la Chine de Xi Jinping, Le Monde, 27 mars 2019, pp. 1-2.
24 Thomas Wieder, « AKK », la dauphine de Merkel marque sa différence, Le Monde, 27 mars 2019, p. 4.
25 Michel de Grandi, Les Européens invitent la Chine à respecter « l’unité de l’Union », Les Échos, 27 mars 2019, p. 6.
26 Sylvie Kauffmann, L’Europe, champ de bataille sino-américain, Le Monde, 28 mars 2019, p. 32.
27 Alain Barluet, « Convergences » euro-chinoises à l’Élysée, Le Figaro, 27 mars 2019, p. 8.
28 Éric Martin, L’Union européenne va-t-elle se laisser acheter ? Le filtrage des investissements étrangers en Europe, https://www.ifri.org/fr/publications/etudes-de-lifri/lunion-europeenne-va-t-se-laisser-acheter-filtrage-investissements , mars 2019.
29 Marie de Vergès, Trump : un an d’escalade protectionniste, Le Monde, Économie & Entreprise, 28 mars 2019, p. 17.
30 Frédéric Lemaître/Jean-Pierre Stroobants/Brice Pedroletti, L’UE durcit le ton face à la Chine, Le Monde, 21 mars 2019, p. 2.
31 Sebastien Dumoulin, L’Union européenne se coordonne face à Huawei, Les Échos, 27 mars 2019, p. 6.
32 Jean-Pierre Stroobants, Huawei : face aux pressions américaines, l’Europe résiste, Le Monde, Économie & Entreprise, 28 mars 2019, p. 18.
33 Emmanuel Berretta, Les 10 préconisations de Bruxelles face à la Chine, www.lepoint.fr , 26 mars 2019.
34 Éditorial, UE-Chine : le bon virage de Paris, Le Monde, 28 mars 2019, p. 32.
35 Régis Debray, précité, p. 24.
36 Frédéric Pagès (propos presque recueillis par), Les interviews (presque) imaginaires du « Canard ». Xi Jinping : « Pour l’Europe, c’est la déroute de la soie », Le Canard enchaîné, 27 mars 2019, p. 1.
37 Olivier Tosseri, L’Italie sera bientôt la porte d’entrée des nouvelles routes de la soie en Europe, Les Échos, 21 mars 2019, p. 6.
38 Louis Vogel, Les 7 péchés capitaux de l’Europe, Ramsay, 2019.
39 Le Canard enchaîné, 27 mars 2019, p. 1.
40 Éric de la Maisonneuve, Les défis chinois : la révolution Xi Jinping, éditions du Rocher, mars 2019.
41 Hervé Martin, Les Chinois attrapent les États par la dette, Le Canard enchaîné, 27 mars 2019, p. 3.
42 Fabrice Nodé-Langlois/Valérie Segond, Les ambitions de Xi Jinping prospèrent dans une Europe divisée, Le Figaro économie, 20 mars 2019, pp. 19-20-21.
43 Anne Rovan, Face à la Chine, Bruxelles tente de trouver la parade, Le Figaro économie, 20 mars 2019, p. 21.
44 Sylvie Kauffmann, Chine-Europe : le tournant, Le Monde, 21 mars 2019, p. 31.

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Source : Proche & Moyen-Orient, Guillaume Berlat, 01-04-2019

vendredi, 10 mai 2019

Beaucoup d’Allemands veulent comprendre la Russie

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Beaucoup d’Allemands veulent comprendre la Russie

Une soirée avec Gabriele Krone-Schmalz

par Matthias Klaus

Ex: http://www.zeit-fragen.ch/fr

La théorie, selon laquelle il existe une grande différence entre les opinions publiées dans nos médias mainstream et les opinions réelles des citoyens allemands, est confirmée régulièrement. Dans la ville de Villingen-Schwenningen en Forêt-Noire, Gabriele Krone-Schmalz a récemment plaidé – dans le cadre de la série d’interviews «Autor im Gespräch» [entretien avec un auteur] – pour la normalisation des relations germano-russes et pour une entente avec la Russie fondée sur la raison et la compréhension. Cette approche a rencontré un écho très favorable.

csm_CC_20190430_10_GKS-Eiszeit_3d302335ba.jpgLa grande affluence dans la nouvelle salle de concert, avec l’accueil de plus de 600 visiteurs, a démontré à quel point les actuels récits unilatéraux concernant la Russie préoccupent les citoyens allemands. On a ressenti un fort besoin d’entendre une voix dissidente à l’opinion publiée, différant agréablement de la continuelle «diabolisation de la Russie». Le sous-titre de son dernier livre «Eiszeit» [L’âge de glace] est «Comment la Russie est diabolisée et pourquoi cela est si dangereux».


Gabriele Krone-Schmalz a déjà obtenu de nombreux prix et distinctions pour son engagement exemplaire, dont notamment, en 1997, la Croix fédérale du mérite du gouvernement allemand pour «la qualité de la couverture télévisée».


Au début de l’entretien, Mme Krone-Schmalz a expliqué à quel point on peut abuser de la langue, pour ne plus devoir écouter, voire prendre au sérieux un interlocuteur, en le qualifiant de «celui qui comprend la Russie» [«Russlandversteher»]. Le désir de comprendre les réflexions d’autrui, d’être capable de se mettre dans sa situation – c’est-à-dire de ressentir de l’empathie – est généralement considéré comme un objectif souhaitable. Mais la combinaison de mots dans le terme polémique de «Russlandversteher» est censée avoir l’effet contraire sur l’esprit du lecteur ou de l’auditeur. Par la création de ce nouveau terme, toute personne souhaitant comprendre la Russie ou le président Poutine est dévalorisé, transformé en «partisan de Poutine», banni de tout intérêt.


csm_CC_20190430_10_GKS_1_87300c7c67.jpgMais c’est exactement ce que l’historienne et journaliste tente de faire. Une politique étrangère sensée exige que nous prenions en compte les intérêts d’autrui. Cependant, il n’a jamais été et n’est toujours pas dans l’intérêt de l’Occident (des Etats-Unis) que l’Allemagne et la Russie se rapprochent et coopèrent. L’exemple actuel est la tentative du gouvernement américain d’empêcher la construction du gazoduc Nord Stream 2.
Selon elle, la déclaration de la nouvelle présidente de la CDU, Annegret Kramp-Karrenbauer, en fonction de laquelle l’Allemagne doit également développer une option militaire envers la Russie, est extrêmement inquiétante. Mme Krone-Schmalz a mis en garde contre le fait d’aller de l’avant dans cette direction. La Russie se sent à juste titre rejetée et menacée par l’expansion vers l’Est de l’OTAN et par les missiles stationnés en Pologne et en République tchèque. Il est facile de remplacer de tels missiles défensifs par des missiles d’attaque.


L’écrasante majorité de la population allemande est favorable à de bonnes relations avec la Russie, mais l’opinion et la politique mainstream n’en tiennent pas compte. Mme Krone-Schmalz y voit un danger pour le système politique allemand.


Au cours de la dernière demi-heure, les auditeurs ont eu l’occasion de poser des questions et de participer au débat. Un auditeur a soulevé le fait du jumelage de Villingen-Schwenningen avec la ville de Tula. Mme Krone Schmalz a volontiers abordé ce sujet. Pour elle, l’expansion et la mise en place active de jumelages dynamiques avec la Russie constituent un antidote important à la politique russophobe actuelle de l’Allemagne.    •