Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

lundi, 22 juin 2009

Dé-dollarisation: le démantèlement de l'empire militaire et financier américain

DecDollar9front.jpg

 

 

Dé-dollarisation : le démantèlement de l’empire militaire et financier américain
par Michael Hudson - http://contreinfo.info/

Les membres de l’Organisation de Coopération de Shanghai, réunis à Iekaterinbourg avec l’Inde et le Brésil, n’ont guère d’autre choix que de rechercher une alternative au dollar, juge l’économiste Michael Hudson. Continuer à financer à crédit la consommation américaine, les dépenses du Pentagone et de ses 750 bases à l’étranger, en accumulant des dollars et des bons du Trésor équivaudrait pour eux à accumuler en parallèle les risques tant financiers que militaires. Ils sont désormais contraints, estime-t-il, d’inventer une voie de sortie du dollar. L’heure est venue pour un monde multipolaire a affirmé le Président russe Medvedev, et le président de la Banque centrale chinoise lui fait écho en déclarant que l’objectif est désormais de créer une une monnaie de réserve internationale qui ne serve pas les intérêts exclusifs des USA. Hudson indique que les autorités américaines se sont vues infliger une fin de non recevoir à leur demande d’assister au sommet de l’OCS. Ce non, dit-il, c’est un mot que les américains vont entendre beaucoup plus souvent à l’avenir.

Par Michael Hudson, 13 juin 2009

La ville Russe de Iekaterinbourg, la plus importante à l’est de l’Oural, pourrait désormais être connue comme le lieu où sont morts non seulement les tsars mais aussi l’hégémonie américaine. Non pas uniquement l’endroit où le pilote américain Gary Powers a été abattu en 1960, mais aussi celui où l’ordre financier international dominé par les USA a été mis à bas.

La remise en cause de l’Amérique sera le thème principal des réunions élargies de Iekaterinbourg, en Russie (ex-Sverdlovsk) des 15 et 16 Juin rassemblant le président chinois Hu Jintao, le président russe Dmitri Medvedev et les représentant les six pays de l’ Organisation de Coopération de Shanghai (OCS). Cette alliance regroupe la Russie, la Chine, le Kazakhstan, le Tadjikistan, le Kirghizstan et l’Ouzbékistan. L’Iran, l’Inde, le Pakistan et la Mongolie y ont le statut d’observateurs. Mardi le Brésil s’y joindra pour les discussions commerciales entre les pays du BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine). 

Les participants ont assuré à des diplomates américains que leur objectif n’était pas le démantèlement de l’ empire financier et militaire des États-Unis. Ils veulent simplement discuter de l’aide mutuelle, indépendamment du rôle des États-Unis, de l’OTAN ou du dollar américain en tant que support du commerce international. Les diplomates américains se demandent ce que cela signifie vraiment, si ce n’est une étape visant à rendre l’hégémonie américaine obsolète. C’est ce que signifie « monde multipolaire », après tout. Pour commencer, en 2005, l’OCS avait demandé à Washington d’établir un calendrier de retrait de ses bases militaires en Asie centrale. Deux ans plus tard, les pays de l’OCS se sont ralliés officiellement à la position des ex-républiques de la CEI appartenant à l’Organisation du Traité de Sécurité Collective (OTSC), qui avait été fondée en 2002 en tant que contrepoids à l’OTAN. 

Pourtant, la réunion n’a suscité que le désintérêt collectif de la presse aux États-Unis et même en Europe, bien que l’ ordre du jour y soit de remplacer le standard mondial du dollar par un nouveau système financier, ainsi qu’un nouveau système de coopération pour la défense. Un porte-parole du Conseil des Relations Extérieures (Un institut d’études géopolitiques américain, ndt) a déclaré qu’il pouvait difficilement imaginer que la Russie et la Chine puissent surmonter leurs rivalités géopolitiques [1], suggérant que l’Amérique peut pratiquer le « diviser pour régner » que la Grande-Bretagne a si habilement utilisé durant de nombreux siècles pour fragmenter les opposition dans son propre empire. Mais George W. Bush ( qui déclarait « Je suis un rassembleur, non un diviseur ») s’est placé dans la continuité de l’administration Clinton pour pousser la Russie, la Chine et leurs voisins à trouver un terrain d’entente, lorsqu’il s’agit de trouver une alternative au dollar, et du même coup à la possibilité pour les Etats-Unis de prolonger indéfiniment leur déficit de la balance des paiements.

Cette séquence, qui pourrait représenter les dernières manifestations de l’hégémonie américaine, a débuté dès le mois d’avril lors de la conférence du G-20, et est devenue encore plus explicite à Saint-Pétersbourg au Forum économique international du 5 Juin, lorsque M. Medvedev a demandé à la Chine, la Russie et l’Inde de « construire un ordre mondial de plus en plus multipolaire. » Ce qui signifie en clair : nous avons atteint nos limites en ce qui concerne les subventions à l’encerclement militaire de l’Eurasie par les Etats-Unis, tout en les laissant s’approprier nos exportations, nos entreprises, les actifs et les biens immobiliers en échange d’une monnaie de papier de valeur douteuse. 

« Le système unipolaire maintenu artificiellement » dont a parlé M. Medvedev [2], est fondé sur « un seul grand centre de consommation, financé par un déficit croissant, et donc de plus en plus de dettes, une monnaie de réserve jadis forte et une domination dans le système de l’évaluation des actifs et des risques. » A la racine de la crise financière mondiale, a t-il conclu, il y a le fait que les États-Unis produisent trop peu et dépensent trop. Leurs dépenses militaires sont particulièrement choquantes, comme par exemple le renforcement de l’aide militaire américaine à la Géorgie annoncé la semaine dernière, le bouclier de l’OTAN en Europe de l’Est, et la mainmise des États-Unis dans les régions riches en pétrole comme le Moyen-Orient et l’Asie centrale. 

Le point de friction avec tous ces pays est celui de la capacité qu’ont les États-Unis de faire fonctionner indéfiniment la planche à billets. Le surplus de dépenses d’importations des consommateurs américains par rapport aux exportations, les rachats par les USA de quantités de sociétés étrangères et de biens immobiliers, les dépenses que le Pentagone effectue à l’étranger : tous ces dollars aboutissent dans les banques centrales étrangères. Elles sont ensuite confrontées à un choix difficile : soit recycler ces dollars aux États-Unis en achetant des bons du trésor américains, soit laisser le « marché libre » déterminer le cours de leur monnaie par rapport au dollar - et par là même à déterminer le prix de leurs exportations sur les marchés mondiaux, créant ainsi du chômage et provoquant la faillite d’entreprises.

Lorsque la Chine et d’autres pays recyclent leurs flux de dollar US en achetant des bons du Trésor pour « investir » aux États-Unis, cette accumulation n’est pas vraiment volontaire. Cela ne reflète pas une foi en l’économie américaine qui rémunèrerait l’épargne des banques centrales, ni une quelconque préférence d’investissement, mais tout simplement un manque d’alternatives. Les « marchés libres » à la mode des USA piègent les pays dans un système qui les obligent à accepter indéfiniment des dollars. Mais désormais, ils veulent en sortir.

Cela implique la création d’une nouvelle alternative. Plutôt que de faire simplement « des changements cosmétiques comme certains pays et peut-être les organisations financières internationales pourraient le vouloir », comme l’a dit M. Medvedev à Saint-Pétersbourg : « ce dont nous avons besoin, ce sont des institutions financières d’un type tout à fait nouveau, où ne domineraient ni les problèmes politiques et les motivations [sous-jacentes], ni aucun pays en particulier. »

Lorsque les dépenses militaires à l’étranger ont provoqué le déficit la balance des paiements US et ont conduit les Etats-Unis à abandonner l’étalon or en 1971, les banques centrales se sont trouvées démunies de cet actif traditionnellement utilisé pour solder les déséquilibres des paiements. La solution par défaut a consisté à investir les flux issus des paiements ultérieurs en obligations du Trésor américain, comme si celles-ci étaient « aussi fiables que l’or ». Les banques centrales détiennent maintenant pour 4 000 milliards de dollars de ces obligations dans leurs réserves internationales. Ces prêts ont également financé la plupart des déficits budgétaires du gouvernement américain depuis maintenant plus de trois décennies ! Etant donné que la moitié environ des dépenses discrétionnaires du gouvernement américain est consacrée aux opérations militaires - dont plus de 750 bases militaires à l’étranger et dans des opérations de plus en plus coûteuses dans les pays producteurs de pétrole et ceux qui permettent son transit - le système financier international est organisé de manière à financer le Pentagone, ainsi que les rachats par les États-Unis d’actifs étrangers censés rapporter beaucoup plus que les bons du Trésor que les banques centrales étrangères détiennent.

La principale question à laquelle sont confrontées les banques centrales mondiales est donc de savoir comment éviter d’ajouter encore plus de dollars US à leurs réserves et, par conséquent, de financer encore plus les dépenses qui creusent le déficit des États-Unis - y compris les dépenses militaires à leurs propres frontières ? 

Pour commencer, les six pays de SCO et les pays du BRIC ont l’intention de commercer dans leurs propres monnaies afin de bénéficier mutuellement du crédit que les États-Unis avait monopolisé jusqu’à présent à son profit. À cette fin, la Chine a passé des accords bilatéraux avec l’Argentine et le Brésil pour effectuer leur échanges commerciaux en renminbi, la monnaie chinoise, plutôt qu’en dollar, en livre sterling ou en euros [3] . Il y a deux semaines, la Chine a également conclu un accord avec la Malaisie pour que les deux pays commercent en renminbi [4]. L’ancien Premier ministre, le Dr. Tun Mahathir Mohamad, m’a expliqué en janvier qu’en tant que pays musulman la Malaisie voulait éviter de faire tout ce qui pourrait faciliter l’action militaire américaine contre les pays islamiques, y compris la Palestine. La nation a trop d’actifs en dollars, ont expliqué ses collègues. Le gouverneur de la Banque centrale chinoise, Zhou Xiaochuan, a écrit officiellement sur son site Internet que l’objectif est maintenant de créer une monnaie de réserve « indépendante d’une nation particulière » [5]. C’est l’objet des discussions à Iekaterinbourg.

En plus d’éviter de financer la prise de contrôle par les États-Unis de leur propre industrie et l’encerclement militaire américain de la planète, la Chine, la Russie et d’autres pays voudraient certainement se développer comme l’Amérique l’a fait. En fait, ils considèrent les États-Unis comme une nation hors-la-loi, financièrement et militairement. Comment caractériser autrement une nation qui promulgue un ensemble de lois pour les autres - sur la guerre, le remboursement de la dette et le traitement des détenus - mais n’en tient pas compte elle-même ? Les États-Unis sont maintenant le plus grand débiteur mais ont évité la punition des « ajustements structurels » imposés à d’autres pays endettés. Les taux d’intérêt US et les réductions d’impôt, alors les déficits commerciaux et budgétaires explosent, sont considérés comme le comble de l’hypocrisie, lorsqu’ils sont comparés à l’austérité que les programmes de Washington imposent aux autres pays par le biais du FMI et des officines de Washington.

Les États-Unis demandent aux pays endettés de vendre leurs services publics et leurs ressources naturelles, d’augmenter leurs taux d’intérêts et d’augmenter les impôts au détriment de la paix sociale pour dégager un maximum d’argent et payer les créanciers.

Et aux USA, le Congrès a empêché la société Chinoise CNOOK d’acheter Unocal pour des raisons de sécurité nationale, tout comme il a empêché Dubaï d’acquérir des exploitations portuaires américaines et empêché des fonds souverains d’acheter des infrastructures clés. Les étrangers sont invités à imiter les japonais qui avaient investi dans des « éléphants blancs » comme le Rockfeller Center, sur lequel les investisseurs ont rapidement perdu un milliard de dollars puis ont fini par se retirer. 

À cet égard, les États-Unis n’ont pas vraiment laissé à la Chine et aux autres pays en situation d’excédent de la balance des paiements d’autres choix que de devoir trouver un moyen d’éviter de nouvelles accumulations de dollars. À ce jour, la Chine tente de diversifier ses avoirs en dollars ailleurs qu’en bons du Trésor US, qui ne se sont pas révélés très fructueux. Hank Paulson, qui venait de la banque Goldman Sachs, avait conseillé à la banque centrale chinoise d’investir dans les titres à haut rendement émis par Fannie Mae et Freddie Mac, en expliquant que ceux-ci étaient de facto des obligations publiques. Ces titres se sont effondrés en 2008, mais au moins, le gouvernement américain a repris ces deux organismes de prêt hypothécaire, augmentant de facto de 5 200 milliards de dollars la dette nationale. En fait, ce renflouement a été rendu nécessaire en grande partie à cause des investissements effectués par les Etats étrangers.

Infliger des pertes aux investisseurs gouvernementaux étrangers aurait quelque peu atteint la réputation des bons du Trésor, non seulement en détruisant la crédibilité des États-Unis, mais aussi parce que les émissions d’obligations par le gouvernement étaient insuffisantes pour absorber les dollars qui coulaient à flot dans l’économie mondiale avec la montée en flèche du solde déficitaire de la balance des paiements des États-Unis. 

En recherchant de nouveaux actifs pour protéger la valeur de leurs avoirs en dollars alors que la bulle de crédit de la Réserve fédérale se traduisait par une baisse des taux d’intérêt, les fonds souverains chinois ont cherché à se diversifier à la fin de 2007. La Chine a pris des participations dans les fonds d’ investissement Blackstone et Morgan Stanley à Wall Street, Barclays en Grande-Bretagne, dans la Standard Bank d’Afrique du Sud (qui fut affiliée à la Chase Manhattan du temps de l’apartheid dans les années 1960) et dans le conglomérat financier belge Fortis proche de l’effondrement. Mais le secteur financier américain s’écroulait sous le poids de sa dette phénoménale, la valeur des actions des banques et des firmes d’investissement a plongé dans le monde entier.

Les étrangers voient le FMI, la Banque mondiale et l’Organisation Mondiale du Commerce comme les représentants de Washington dans un système financier soutenu par les bases militaires américaines et les porte-avions qui entourent la planète. Mais cette domination militaire est un vestige d’un empire américain qui n’est plus en mesure de régner par sa force économique. La puissance militaire américaine est basée davantage sur des armes atomiques et les frappes aériennes à longue distance que sur les opérations au sol, qu’il est devenu politiquement trop impopulaire de monter sur une grande échelle. 

Sur le front économique, on ne voit pas comment les États-Unis pourraient trouver les 4 000 milliards de dollars qu’ils doivent aux gouvernements étrangers, à leurs banques centrales et aux fonds souverains mis en place pour écluser la surabondance de dollars. L’Amérique est devenue un mauvais payeur et de fait, une mauvais payeur agressif sur le plan militaire, car elle cherche à conserver le pouvoir sans pareil jadis gagné sur le plan économique. La question qui se pose est de savoir comment peser sur son comportement. Yu Yongding, un ancien conseiller de la banque centrale de Chine désormais membre de l’Académie des Sciences chinoise, a proposé de faire remarquer au secrétaire américain au Trésor Tim Geithner que les États-Unis devraient « épargner » d’abord et avant tout en pratiquant une réduction de leur budget militaire. « Les recettes fiscales des Etats-Unis ne sont pas susceptibles d’augmenter à court terme en raison de la faible croissance économique, de la rigidité des dépenses et du coût de mener deux guerres. » [6

À l’heure actuelle, c’est l’épargne étrangère, et non pas celle des américains, qui finance le déficit budgétaire américain en achetant la plupart des bons du Trésor. Cela se traduit par un impôt levé sans la contrepartie d’une représentation des électeurs étrangers sur la manière dont le gouvernement des États-Unis utilise leur épargne forcée. Pour les « diplomates » du système financier , il est donc nécessaire d’élargir le champ d’application de leurs politiques, au-delà du seul marché de secteur privé. Les taux de change sont déterminés par de nombreux facteurs, en plus de celui des « consommateurs brandissant des cartes de crédit » , pour reprendre l’euphémisme habituel qu’utilisent les médias américains à propos du déficit de la balance des paiements. Depuis le 13ème siècle, la guerre a été un facteur dominant dans la balance des paiements des grandes nations - et de leurs dettes. Les obligations d’Etat financent essentiellement des dettes de guerre, dans la mesure ou en temps de paix les budgets ont tendance à être équilibrés. Ceci relie directement le budget de la guerre à la balance des paiements et aux taux de change. 

Les pays étrangers se voient encombrés de reconnaissances de dette qui ne seront pas honorées - dans des conditions telles que s’ils agissent afin de mettre fin au festin américain, le dollar va plonger et leurs avoirs en dollars vont chuter par rapport à leur monnaie nationale et aux autres devises. Si la monnaie chinoise s’apprécie de 10% par rapport au dollar, sa banque centrale enregistrera l’équivalent de 200 milliards de dollars de pertes sur ses 2 000 milliards de dollars.

Cela explique pourquoi, quand les agences de notation envisagent que les titres du Trésor des États-Unis puissent perdre leur notation AAA, elles ne veulent pas signifier que le gouvernement ne serait pas en mesure d’imprimer des dollars papier pour honorer ses dettes. Elles indiquent plutôt que la valeur du dollar va se déprécier internationalement. Et c’est exactement ce qui se passe en ce moment. Lorsque M. Geithner prit un visage grave pour déclarer devant un auditoire à l’Université de Pékin au début du mois de Juin qu’il croyait en un « dollar fort » et que les investissements de la Chine aux États-Unis étaient sûrs, il a été accueilli par des rires sarcastiques [7]. 

L’anticipation d’une hausse des taux de change de la Chine incite les spéculateurs à chercher à emprunter des dollars pour acheter du renminbi et bénéficier de la hausse. Pour la Chine, le problème est que ce flux spéculatif deviendrait une prophétie auto-réalisatrice en faisant grimper sa monnaie. De ce fait, le problème des réserves est intrinsèquement lié à celui des contrôles de capitaux. Pourquoi la Chine devrait-elle voir ses compagnies rentables vendues pour des dollars fraîchement créés, que la banque centrale doit utiliser pour acheter à faible taux des bons du trésor américain ou perdre encore plus d’argent à Wall Street ? Pour éviter ce dilemme, il est nécessaire d’inverser la philosophie de l’ouverture des marchés de capitaux que le monde a adopté depuis Bretton Woods en 1944.

A l’occasion de la visite de M. Geithner en Chine, « Zhou Xiaochuan, directeur de la Banque populaire de Chine, la banque centrale du pays, a déclaré que c’était la première fois depuis que les pourparlers semestriels ont commencé en 2006, que la Chine avait besoin d’apprendre des erreurs de l’Amérique tout comme de ses succès » lorsqu’il fut question de la déréglementation des marchés de capitaux et du démantèlement des contrôles. 

Une ère est donc arrivée à son terme. Face à des dépenses démesurées des Etats-Unis, la dé-dollarisation menace de forcer les pays à revenir aux doubles taux de change, qui furent fréquents entre les deux guerres mondiales : un taux de change pour le commerce des produits, un autre pour les mouvements de capitaux et les investissements, tout au moins pour les économies de la zone dollar [8].

  Même sans contrôle des capitaux, les pays réunis à Iekaterinbourg prennent des mesures pour éviter de recevoir involontairement de plus en plus de dollars. Voyant que l’hégémonie globale des États-Unis ne peut pas se poursuivre en l’absence du pouvoir d’achat qu’ils leur procurent eux-mêmes, ces gouvernements cherchent à hâter ce que Chalmers Johnson a nommé dans son ouvrage « les douleurs de l’empire » : la faillite de l’ordre mondial financier et militaire américain. Si la Chine, la Russie et leurs alliés non-alignés suivent leur propre chemin, les États-Unis ne pourront plus vivre grâce à l’épargne des autres (sous la forme de leurs propres dollars recyclés), ni disposer de cet argent pour financer des dépenses militaires illimitées. 

Des responsables américains voulaient assister à la réunion de Iekaterinbourg en tant qu’observateurs. On leur a répondu : non. C’est un mot que les américains vont entendre beaucoup plus souvent à l’avenir. 

Michael Hudson est un économiste spécialisé dans le domaine de la balance des paiements. Il a été le conseiller économique en chef du candidat Démocrate à la présidentielle Dennis Kucinich. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont : « Super Imperialism : The Economic Strategy of American Empire »


Publication originale Michael Hudson, traduction Madeleine Chevassus pour Contre Info


[1] Andrew Scheineson, “The Shanghai Cooperation Organization,” Council on Foreign Relations, Updated : March 24, 2009 : “While some experts say the organization has emerged as a powerful anti-U.S. bulwark in Central Asia, others believe frictions between its two largest members, Russia and China, effectively preclude a strong, unified SCO.”

[2] Kremlin.ru, June 5, 2009, in Johnson’s Russia List, June 8, 2009, #8.

[3] Jamil Anderlini and Javier Blas, “China reveals big rise in gold reserves,” Financial Times, April 24, 2009. See also “Chinese political advisors propose making yuan an int’l currency.” Beijing, March 7, 2009 (Xinhua). “The key to financial reform is to make the yuan an international currency, said [Peter Kwong Ching] Woo [chairman of the Hong Kong-based Wharf (Holdings) Limited] in a speech to the Second Session of the 11th National Committee of the Chinese People’s Political Consultative Conference (CPPCC), the country’s top political advisory body. That means using the Chinese currency to settle international trade payments ...”

[4] Shai Oster, “Malaysia, China Consider Ending Trade in Dollars,” Wall Street Journal, June 4, 2009.

[5] Jonathan Wheatley, “Brazil and China in plan to axe dollar,” Financial Times, May 19, 2009.

[6] “Another Dollar Crisis inevitable unless U.S. starts Saving - China central bank adviser. Global Crisis ‘Inevitable’ Unless U.S. Starts Saving, Yu Says,” Bloomberg News, June 1, 2009.

[7] Kathrin Hille, “Lesson in friendship draws blushes,” Financial Times, June 2, 2009.

[8] Steven R. Weisman, “U.S. Tells China Subprime Woes Are No Reason to Keep Markets Closed,” The New York Times, June 18, 2008.

La grande escroquerie qu'est le socialisme libéral

ps3.gif

 

La grande escroquerie qu’est le socialisme libéral

Ex: http://frontalternationaliste.hautetfort.com/

Notre époque vit, depuis la chute du mur de Berlin, le libéralisme comme idéologie profondément dominante. Une idéologie libérale qui exalte le droit individuel au point même de ne pas excuser certaines nuisances qu’elle suscite à l’ensemble des groupes communautaires et sociaux que forme la société. Sans aller plus loin sur les nuisances identitaires que cause le libéralisme, je voudrais mettre l’accent sur les notions de justice sociale dans le cadre du libéralisme (souvent appelé social-démocratie) pour en démontrer les contradictions et l’escroquerie.      

 

Le protectionnisme et la xénophobie

D’abord, nous remarquons communément l’aigreur qu’ont nos clercs néolibéraux quand ils entendent le simple mot de protectionnisme. Ces messieurs, dirait-on, y voient une espèce d’hérésie dans le simple fait de le prononcer, comme s’il était scientifiquement prouvé que le concept est faux, comme le créationnisme ou autres aberrations du genre. D'ailleurs, on croirait parfois que ces gens voient l’économie comme un phénomène naturel, comme la météorologie ou la cosmologie. Il est important de souligner qu’une pratique économique ne peut pas être fausse tout simplement parce qu’une autre ne peut pas être vraie, car il s’agit de techniques et non de faits absolus, mais ceci est un autre débat. Ce qui est le plus troublant aujourd’hui, c’est l’absence de débat sérieux sur la question du libre-échange[1] et le fait que celui-ci soit présenté comme l’avenir indépassable de notre temps, un dogme ou même pire, la fin de l’histoire. On nous parlera du protectionnisme comme d’une idéologie rétrograde, voir réactionnaire et l’on n’hésitera pas à utiliser des mots à fortes connotations symboliques (comme replie sur sois, peur de l’autre et j’en passe c’est les meilleurs) pour la discréditer. Ce qui ne marche pas avec cette rhétorique ridicule, c’est que ce sont des notions, certes bien belles à dire, mais n’ayant strictement aucuns rapports avec l’économie. Ces notions s’appliquant beaucoup plus au niveau des comportements individuels qu’aux choix économiques, mais sont d’excellents moyens d’éviter le débat. Ensuite, après nous avoir traités réactionnaires, on nous lapidera d’arguments qui n’ont encore une fois rien avoir avec l’économie et qui sont supposés nous convaincre que le libre-échange c’est l’ouverture à l’autre, c’est l’échange des cultures, du savoir-faire, etc. Les néolibéraux sont assez forts là-dessus et savent utiliser la psychologie symbolique de l'ouverture et de la fermeture pour justifier des mesures liberticides et antisociales avec des notions qui n'ont rien à voir avec l'économie. Par ce terrorisme intellectuel, ils réussiront à convaincre que leurs mesures sont progressistes et seront donc acclamées par les sociaux-démocrates (aussi complice de cette dégradation) comme avancée inconditionnelle du droit individuel dans ce monde qu'ils veulent postmoderne.

 

La social-démocratie et le libéralisme

Dans l’échiquier politique de l’Amérique du Nord, les sociaux-démocrates sont considérés comme étant la gauche et les conservateurs comme étant la droite (les néolibéraux se considèrent généralement comme de droite, mais peu ou pas du tout conservateur). Sur cette échelle, nous remarquons tout d’abord que l’ensemble est complètement libéral, mais ce qui est plus étrange encore que le fait qu’il n’y est aucunes alternatives à cela, c’est que le concept de libéralisme est en opposition avec ce que l’on pourrait appeler la doctrine conservatrice ainsi que celle appelée socialiste. La contradiction majeure pour le camp des libéraux conservateurs est que pour conserver et vouloir conserver, il faut imposer des principes moraux à tous. Ce principe, croyez-le ou non, est en contradiction directe avec le principe fondamental du libéralisme qui est la sainte liberté individuelle de choisir ce qui est bien et ce qui est mal. Alors pas de bol les libéraux réacs, vous vous faites arnaquer. Ensuite, avec les sociaux-démocrates (qui sont l’objet de ce texte) il y a aussi contradiction, car le même droit individuel (toujours plus important que le droit communautaire, selon la doctrine libérale) empêche la mise en place de mesures sociales, car contraignantes pour l’individu[2] roi. Évidemment, et c’est bien ce qui leur est reproché par les libéraux purs et durs, c’est de ne pas respecter fondamentalement les principes libéraux en imposant de lourdes taxes, d’ingérer la vie des gens, ainsi que de mettre en place certaines lois de préservations culturelles (mais quand même très minimales). Mais là où ils respectent très bien ce principe, c’est dans la notion de libre-échange, où ils n’auront pas l’audace d’empêcher la libre circulation des biens, des capitaux et des hommes, notion cher au libéralisme pour que nous puissions jouir de l’ouverture sur le monde, cette belle allégorie qui n’est rien d’autre que du terrorisme intellectuel… car aucuns gauchistes sociaux-démocrates ne voudraient, même pour le salut du monde, être associé à un ignoble réac de droite (équivalent contemporain du suppôt de Satan). Encore une fois, la psychologie est l’arme parfaite qui tue les penseurs les plus éclairés, car il y a évidemment des convergences de principe entre réacs et gauchos, même s’ils ne peuvent faire autrement que de les refouler pour mieux se combattre et ainsi faire rire les néolibéraux.

 

Mais dans le fond, c’est quoi le problème entre libre-échange et protections sociale ? Bien, c’est une simple question de logique. Comme les frontières sont ouvertes et que ces pays étaient jadis des espaces économiques différents et avec des potentiels différents (dû a des choix économiques tout aussi différents), les entreprises suivent la logique de l’optimisation en produisant sur les espaces où c’est pas cher et vendent sur les espaces où il y a du fric, étant donné qu’il n’y a plus rien n’a respecter. Bien sûr, en délocalisant massivement, ils détruisent leur marché (où il y a du $), mais comme leur logique est : après moi le déluge… et bien ils s’en fichent (à l’instar de l’environnement dois-je ajouter). Pour mettre cette notion en images concrètes, je la comparerais aux ti-vieux Québécois qui passent leur retraite aux U.S. parce que ça ne coûte pas cher de taxes et d’impôts[3]. Mais évidemment, ceux-ci retourneront au Québec quand ils seront malades pour se faire soigner gratuitement. En somme, ils veulent le beurre et l’argent du beurre comme le dit le proverbe et cela est logique, ils ne suivent que leurs intérêts individuels, comme les grandes compagnies le font. Cette logique engendre un déséquilibre qui aboutit à la ruine de l’économie là où il y a des mesures sociales et avantage là où il n’y en a pas. En fait, un équilibre vers le bas se crée mécaniquement entre les états et justifie la volonté de gouvernance mondiale que nous connaissons aujourd’hui. Pour cette raison un système social se doit de cloisonner minimalement ses contributeurs pour des raisons d’intérêt général et en cela cette mesure est parfaitement antilibérale. Donc, c’est pour protéger leur marché qu’il faut empêcher les entreprises de délocaliser, car eux ne sont pas dans une logique morale ni même sur le long terme, mais dans une logique marchande et immédiate. Donc, ce qui est mauvais dans la social-démocratie ce n’est pas sa volonté d’aider les pauvres par la redistribution, mais son entêtement à ne pas régler le problème à la source, car si l’on n’empêche pas les entreprises de délocaliser nous ne produiront bientôt plus rien et à part le secteur tertiaire (et encore…), il n’y aura pas de travail, donc plus de pauvreté, donc plus de demandes sociales et d’assistanat, donc plus d’impôts et de taxes, donc plus de délocalisation et plus de ti-vieux en Floride, et ainsi de suite. En somme, les protections sociales ne peuvent avoir d’avenir pour ces raisons et que, telle l’eau sur le roc, le libéralisme dissoudra toutes mesures sociales pour finalement ne garder que le bon vieux droit individuel qui, ne l’oublions pas, ne veux rien dire quand on a pas le minimum pour survivre.

 

Le vrai socialisme est antilibéral

Comme je l’ai expliqué dans mon article précédent[4], si nous voulons sortir du capitalisme sauvage (obligatoire avenir de toutes théories libérales) sans tomber dans l’opposé tout aussi grotesque qu’est le communisme, nous devons définir un espace économique et le réglementer par un pouvoir moral. Selon moi cela pourrait être la nation, car déjà existante et régie moralement par le suffrage universel (du moins, elle devrait l’être), mais cela pourrait tout de même être autre chose, malgré tout là n’est pas la question. L’intérêt de cette idée est qu’elle a le potentiel de stopper la logique de l’intérêt individuel qui, autant chez les gens que chez les entreprises, nous dirige vers un monde complètement totalitaire où les gros peuvent asservir les petits par le jeu du droit négatif[5] (ou contrainte par le manque), car le droit négatif nous rends peut-être libre de faire ce que l’on veut, mais ne nous nourrit pas pour autant. Pour terminer, il ne faut pas oublier que si la social-démocratie est tolérée par les clercs néolibéraux, contrairement aux vrais socialistes qui eux sont diabolisés, c’est tout simplement parce que leur système se détruit par lui même et qu’il dévie du coup les vrais débats concernant les inquiétudes légitimes des citoyens sur leur avenir.   

 

Vortigern Zifendel

 



[1] Fondamentalement le débat est entre alter mondialiste et mondialiste qui sont tout deux libre échangiste

[2] Le débat sur le droit d’allez ou non dans des cliniques privées au Québec en est un bon exemple.

[3] Au U.S. il n’y a pas de protections sociales, donc il y a moins de taxes et d’impôts

[4] L’alternationalisme comme troisième voie économique

[5] Le droit négatif est le droit de ne pas être empêché de faire ce que l’on veut, alors que le droit positif est le droit d’avoir quelque chose comme de la nourriture ou un logement par exemple.

Democracy, Revolution & Rejection

dandy.jpg

 

DEMOCRACY, REVOLUTION & REJECTION:

Why We Should Reject Rather Than Revolt

 

From: http://freiekreis.wordpress.com/

 

 

 

The political soldier identifies himself, as he develops his ideology, with a given political institute, whether it be a party, a think group, an ideology, a book, a writer, a set of writers, or solely with himself. Either way, he will come to the conclusion that his ideas find or did not find fertile ground within the social reality he lives and functions in. Even the individualist anarchist is confronted with other people and their convictions and has to learn to communicate and function within these social relationships in order to exchange information, satisfy wants and needs of both himself and significant others. In this sense, F.A. Harper’s “hermit” is the only person that is truly free. For him, there is no social reality because he has excluded himself from any social relationship and any significant other, in order to be able to answer to his desire to reject a social reality. It must be said, a political or ideological idea or sentiment is not necessary for human interaction or a market situation. However it does define the perception of the (significant) other within his or her social and circumstantial context. It is even possible for an individual to reject any “idea” behind his actions, which of course puts human action back in its original sense of methodological individual choice as a result of a (semi-)rational cost-benefit analysis. On a general basis, it would not be wrong to state the overall ‘spine’ of our choices is intertwined with our image of ourselves, the other, society, metaphysical (non-)realities etc.

 

Even though there is no absolute reality and our definitions of any given word or subject (be it abstract or not) are never equal to the definitions of the (significant) others, we compare ourselves with those significant others and merely perceive that our social and personal views are similar or different. We compare and we match up with those that have similar views and use similar arguments to get to those similar views. Now we are divided in a number of fractions. Some fractions consisting of only one person, some of a great number of people, and some ideas we might imagine ourselves,  are not represented at all within our social reality at the time. Yet, even those who are the sole representatives of an opinion and therefore have an opinion monopoly, still have to interact with others in order to function, assuming he does not choose the path of the hermit and withdraws himself from the social reality, which is physically impossible under the present spatial conditions.

 

In order to plan their society, these commons find themselves on an idea market. Whether this society is a democracy or a dictatorship or anything in between is irrelevant, because nor the king nor the democratically elected representative is able to tell what the citizen or constituent or voter should think and steer your mind. And whether we like it or not, in the end the ideas that are ‘bought’ by a majority of social subjects mostly form and manage society. Not only is the king who suppresses his citizen majority with an oligarchic court and a rigid police force illegitimate, his regime has a very low stamina and the risk of failure is high. His means to maintain power (police, propaganda, repression, redistribution of wealth, etc.) are costly and its efficiency will remain low. However keeping these truths and historic facts in mind, over a large time span we can legitimately state that the opinions and ideas that have found fertile ground within the mind of the majority of a developed society will determine the course of that society. This only would work under two important premises: one, the opinions and ideas are effective and at least those who support these views (the majority) benefit from it more than they would benefit under another idea; and two, the majority stays a majority. If people lose interest or ‘external elements’ are added to the society which results in a decreasing number of supporters, the idea would implode and disappear or would at least be marginalised.

 

In this postmodern age of intellectual denomination and the (state-ignited) ideological supermarket and cultural/philosophical relativism that sprout from that, the inflation of ideas, views and ideological prostitution (democratization) has drastically devaluated the absolute value of the single view. The liberal media and political spectre have forced political soldiers to mellow out and incorporate “compromise” within their beliefs in order to disable dissidence and guarantee obedience. These truly are challenging times for the “real” political soldiers, who do not choose the path of the democratic farce and the party-political poker game. He who chooses the path of compromise is not a political soldier, but a diplomat. The political soldier will win or loose, live or die. His ideological flag is clear and unspoiled and shoots straight arguments at his enemies and wears a thick armour that is his credo. He is a noble warrior and should be a dignified victor or a worthy loser. Either way, the political soldier has a clear conscience, fighting for what he believes is right. The political diplomat on the other hand might have an idea as fierce and outspoken as the soldier, but will meet with his opponents in dark alleyways and negotiate. He will mellow his conviction out and therefore betray it. He waives the white flag of surrender, while it is truly the flag of defeat.

 

Doubting victory is admitting defeat. As is embracing compromise.

 

Whether these partycrats call themselves progressive or conservative is totally irrelevant. First of all do they embrace the party-political “game” and therefore can never be considered “progressive” or “reform-minded”, because they choose a system that promises victory, but at the same time guarantees defeat. Second, those who find themselves in or choose to be a part of the majority (the ideological majority and partial majority) can also be named nothing but conservative. He who is in power does not want to ‘change’ the scenery, for he is on the throne, and knows he gained power from the citizens under the present conditions. Even the so-called minority is truly conservative. It can only wait for the majority to make mistakes, and sell that to their electorate, under the present conditions. They are but grey vultures in a farce that is democracy. They can speak of change, but they never will, nor would they want it if they could. Even the libertarians and individual anarchists who choose the way of the party and embrace democracy are not in the clear. Even though their collaboration with the democratic majority spoils their whole mission. And power corrupts. It is unfortunately not certain that, if the libertarians would be on the political throne, they would truly diminish the state. For they are in charge and therefore have power. Power to steer. Power to influence. Power to “reign” in the libertarian ways.

 

Now, those in the political margins of society, who do not embrace the democratic dance of lies and deceit mostly are revolutionaries. They wish to ‘smash’ the system that defines these margins as margins and defines themselves as ‘norm’. But most of these barbarian smashers have an urge to rebuild. To swap roles. To change the rifle from one shoulder to the other. It is the dogma of most of the revolutionaries, especially the egalitarian leftist revolutionaries (the communists, national socialists, national Bolsheviks etc.), because they still do embrace the root of the democratic farce, namely the power of the majority. Whether it be the working class or the ‘elements of racial purity’, their revolution would succeed or fail depending on nothing but numbers. Their ideology is totally subjected to the numbers of its support. Which makes them nothing but democrats themselves. In a time of developed property rights and a strong sense of ownership in the minds of ourselves and others, thinking a revolutionary spirit is slumbering in the minds of the silent majority, is unwise. They are not silent from slumber, but hang on to what they have and what they know. The egalitarian “democratic” revolutionary will time and time again be disappointed by his supporters and therefore by his own ideas. The Russian Revolution failed eventually. Lenin thrived on social injustice and a pandemic identity crisis after a terrible defeat in a terrible war. He did not convince people of the socialist ideal, but convinced people to do away with the tsarist regime and the “old” institutions that clearly failed. If the Russians would truly be communists in their hearts, the Russian state wouldn’t have been smothered by party propaganda, the Polit Bureau and its statist bullying. The Bolshevik revolutionaries failed and will continue to fail, as long as they believe in the greater power of numbers, rather than the power of great ideas.

 

The elitist revolutionary does have a certain sense of intellectual honesty. He is honest enough to acknowledge that embracing the weapon of numbers is embracing democracy and therefore selling out your revolutionary principles. He is mature enough to see that an increase of support, what I call “supportive inflation”, implies a mellowing-out of basic principles in order to keep and keep receiving the new supporters, what I call “ideological devaluation”. He acknowledges that the self is the only one that will fully support and subscribe his own views and that the views of the significant other will always vary. He even admits that the larger the group he identifies himself with, the more his idea would have to devaluate in order to be able to make those connections with others. He therefore chooses to keep his ideological core group small. His basic premise is that this small fraction should gain power, “smash” the system and create an order to their liking, for the simple reason that they know how the system should be and function, and that the majority does not. So in a sense, the only way the differ from an everyday democrat is that the do not embrace the rules of majority versus minority. Whether they would imply an internal democracy or not is again irrelevant. The egalitarian revolutionary plays the game foul, but doesn’t cheat. The elitist revolutionary plays the game foul as well, but cheats in the process. In this sense, the egalitarian revolts in a more honest way, because he still applies the tit for tat strategy within the rules of his game. The elitist is a cheater. He first of all has to get some sort of a numeral advantage to “gain” power. However, he cheats the basic idea of the game theory by not participating in the tit for that. It is a sneaky and ineffective way to revolt. Changing the rules, winning and claiming you beat your opponent fair and square is cheating and this is bound to come back at you. It must not be stipulated any further that the elitist revolutionary needs a costly and effective institute to prevent a bottom-up revolution against their top-down elitism. Both by democratic and egalitarian revolution elements. A fine example of elitist revolutionaries were the Shogun dynasties in 18th and 19th century Japan, who managed to bring down the imperial Japanese state with a very modest number of supporters and warriors. They remained in power for a long time and had an effective government and did not participate nor cause many a conflict during their reign. But then again, they did “create” a system of their own, and for the ‘majority’ of Japanese citizens, the change of power did not matter a great deal for them and did not mess up their way of life or social reality drastically. Also the Roman civil war can be brought down to the elitist war between Marius and Sulla, the populares clan and the optimates clan. However, as understanding I am towards elitist revolution and how I tend to favour its ways over those of the of the egalitarian ‘democratic’ revolutionaries, I cannot support them fully. Never ever. They still believe in the power of successive systems as an answer to society’s problems and needs. They still believe in the power of overthrowing and rebuilding. In fact, their perception that they answer to society’s problems and needs is an illusion. Rousseau’s volonté general is an absolute illusion. There is but the aggregate of wants and needs from society’s subjects, but not a general interest that overrules the wants and needs of the civil subjects. It is their perception, their wants and needs projected with false argumentation to be “in the interest of society”. There can never be accurate ‘social’ planning, mere personal conviction and individual planning. A government, not even another person can “know” what is best for me, only perceive in his own imperfect perception what would be best for me, with the premise that HE would be ME in the given situation. Not that the Ego always knows what is best for himself, the empathy of the other is formed around his ability to put his in your place, not think in your place. Empathy remains an externality of egoism, as stated by Ayn Rand. Altruism is but the institutionalised version of empathy.

The fallacy of the elitist remains however the same. His sense of paternalistic empathy is charming, but wrong. The ruler thinks to rule in the way he THINKS is the best, and is therefore determined by his imperfect perception and entire imperfect human nature. Therefore his analysis of the world and even the perception of its problems are distorted. And as we all know, the first perfect human will be God. Even the leader who claims to act out the word of God will not act legitimately. For his perception of something that is claimed to be perfect will, yet again, be distorted through his imperfect persona. The elitist creates the majority in his own mind and acts as he pleases. In that way he is wrong, being blind towards his own perception and conditions of his nature. He might not think he is God, but his alleged divinity does prove him wrong.

 

What remains of ideas on this good earth, but those of the hermit, the democrat, the elitist and the egalitarian revolutionary? Is there another alternative? In a strict sense there isn’t. In order to manage a society these are the only ones you have. The hermit turns his back on society to live a truly free life. He quits the game, walks away and does not even consider whether he lost or won it. He has no need to play. Therefore no need to win.

The democrats play the game amongst each other in a civilized tit for that game. The winner can be king until he messes up and is defeated by the other democrat. The game does not change and the rules also stay the same. The democrats perform a civilized dance. It doesn’t get them anywhere, but it makes them feel good and safe.

The egalitarian revolutionaries also play along. They accept the rules (which does make them democrats) and when they see their chance, cheat. They play to win and when they seize control over the game, change the rules in their advantage. The egalitarian revolutionaries are cunning, but play at high stake, compromising their power with their numbers and their devaluated ideology. Their revolution is bound to end and bound to be succeeded by another revolution. This, of course, creates an incentive to have a “perpetual” revolution. In order to distract the supporting majority from puppeteering themselves, the puppeteer will constantly chance his mask and tell the spectators that the puppeteer is constantly changing. This is of course a lie, but a cunning way to reduce the chances of a counter-revolution that will sweep the egalitarian revolution away.

The elitist revolutionary does play along, but cheats from the beginning. It requires him, when not yet in power, to be already a part of an elite in order to gain power. The fact that there are consequences in order to be an elitist revolutionary, undermines his whole goal. His strategy is determined by his starting grid. An effective elitist putsch needs help in the right places. And how it will, once succeeded, maintain his power and sell it to the silent “ruled” majority, is unknown. The cost of keeping everyone satisfied and quiet will be very high.

 

Yet, there is another option. Nor is it democratic, nor is it revolutionary, nor is it the way of the hermit. The hermit doesn’t want to play the game. The democrat plays the game according to the rules. The egalitarian revolutionary plays the game according to the rules and changes both game and rules when he wins. And the elitist cheats. Both his counter players, the game and even himself.

 

Yet, there is the political soldier that turns his back from the battle and builds himself a castle. Like Harper’s hermit, he turns his back on the game and refuses to play. But unlike the hermit, he does not withdraw himself from his social reality in order to be truly free. This political soldier withdraws him solely from the game, but remains wandering across the battlefield, across the game table. He is the rejecter. He does not want to play the game, for he knows he already won. In his castle he is king, and outside he is not.

The revolutionaries believe in the power of successive systems. One changing the other and changing the other, time and time again. They do not see that the problems does not lie in the system, but is the system and is any system.

 

The democrats feel safe within their game but are hypocritical stagnant dancers. The egalitarian revolutionary just changes systems. He just puts on another record and performs another dance. Yet his dance is as stagnant and slow as the democrats’ dance, for he beliefs in the power of great numbers, not in the power of great ideas.

The petty elitist lives but in the greatness of his own mind and is drunk with interventionist compulsion. He has a great idea, but does not seem to see that it is but projected on himself and not on his people. Therefore he identifies others with himself, which makes him an egalitarian after all and which makes him the saddest revolutionary of them all.

 

Now the rejecter is noble and truthful. He is in his castle, minding his own business. Does not care about the thoughts of others but those of himself. He does not care whether his views are shared by others or not. He has no desire to play the game, only desire to interact when he has a need or a want. The rejecter looks solely for satisfaction of himself and of those he loves. He does not seek power. In fact, he rejects even the existence of the game. He is the only one who sees that power over oneself is already a difficult and precise science. He has no wish to have institutionalised power over another, let alone their minds or the entire society.

For the rejecter truly is the noblest of political soldiers. By not being one. He rejects the polis. He himself is a polis. He keeps his ruling to himself. The rejecter is a truly great person. And for all I know, I’m the only rejecter I’ve ever met.

Le problème du totalitarisme chez Domenico Fisichella

FISICHELLA.jpg

 

 

SYNERGIES EUROPÉENNES - MAI 1988

 

 

Le problème du totalitarisme chez Domenico Fisichella

 

 

par Marco Tarchi

 

 

On a beaucoup parlé du totalitarisme, on a beaucoup écrit à son sujet depuis une quarantaine d'années, et pas souvent à bon escient. La résonance "sinistre" de ce vocable a servi à canaliser le jugement de l'opi-nion publique contre l'option dangereuse qu'il représentait, à susciter d'incessantes polémiques journa-lis-tiques et à soulever des vagues d'indignations et d'é-motions chez les intellectuels. Après les péri-pé-ties de la guerre froide, pendant laquelle le terme fut brandi comme une épithète infâmante dans la lutte qui opposait l'Occident à l'URSS de Staline, l'alliée ré-pudié des USA, que l'on comparait allègrement à l'Allemagne hitlérienne, l'ennemie sans cesse exé-crée, l'expression "totalitarisme" est ressortie de temps à autre pour désigner le danger que repré-sen-tent les régimes éloignés de l'idéologie et de la pra-xis libérales. D'aucuns, comme le célèbre économis-te Friedrich von Hayek, l'ont utilisée pour disquali-fier en bloc toute forme d'expérience socialiste.

 

 

Né des passions politiques  —les premiers à l'utili-ser furent Amendola et Basso pour fustiger le régime de Mussolini qui, aussitôt, s'en est emparé à son pro-fit, pour en inverser la charge négative—  le mot est rapidement entré dans le vocabulaire de la polito-lo-gie, non sans réserves et précautions. D'une part, l'adjectif "totalitaire" a servi pour identifier et dési-gner des formes de gouvernement que l'on ne pou-vait pas faire entrer dans les catégories classiques d'analyse, forgées par Aristote. D'autre part, on ne pouvait pas ne pas relever le fait que ce terme syn-thétique permettait de mettre en lumière des affinités évidentes entre des régimes inspirés d'idéologies op-po-sées, tout en occultant simultanément les diffé-ren-ces substantielles qui pouvaient exister entre ces ré-gimes.

 

 

Le "totalitarisme": deux générations de politologues se chamaillent à son propos

 

 

Deux générations de sociologues, de politologues et de philosophes de la politique se sont chamaillés à propos de ce terme tabou, sans parvenir à trouver un accord. Les principaux de ces théoriciens ont repéré qu'au 19ème siècle ont émergé divers systèmes pour-vus simultanément 1) des caractéristiques typi-ques des autocraties et des dictatures (une aversion à l'égard du pluralisme politique et de tout contrôle du pouvoir souverain venu "du bas", hypertrophie des pré--rogatives du Chef,...) et 2) de caractéristiques is-sues des modèles démocratiques (légitimation popu-laire, degré élevé de participation des citoyens à la vie publique). Pour ces théoriciens, il est impossible de comprendre et d'étudier la nouveauté et l'origi-na-lité de telles expériences sans créer un critère de clas-sification adéquat, une dénomination ad hoc. La ré-pli-que de leurs adversaires, c'est de dire qu'il y a soit une ambigüité structurelle au sein même de la notion soit que l'application de cette même notion entraîne des distorsions dues à son instrumen-tali-sation. Sartori, Barber, Spiro sont des auteurs qui se sont prononcés dans le sens de ce soupçon. La pal-me du refus revient indubitablement à Georges Mos-se, devenu célèbre pour ses études sur le national-so-cialisme. Son jugement, il l'a exprimé dans Intervista sul nazismo  (1) (= Entrevue sur le nazis-me), accordée à Michael Ledeen; ce jugement est sans appel: le totalitarisme "est un slogan typique de la guerre froide. Il surgit dans les années où il s'avè-re nécessaire de stigmatiser d'un seul coup tous les adversaires des démocraties parlementaires. C'est de ce fait une généralisation fausse; ou, pour dire mieux, c'est, de façon typique, une généralisation qui découle d'un point de vue libéral [...]. Entre Lé-nine, Staline et Hitler, les différences sont grandes et, de plus, les différences entre fascisme et bolché-visme sont énormes. Le concept de totalitarisme voile ces différences, parce qu'en l'utilisant, on en arrive à regarder le monde exclusivement du point de vue du libéral".

 

 

Le concept "totalitarisme" n'est pas infécond

 

 

En entendant ce réquisitoire, on serait tenté de croire que le terme "totalitarisme" est scientifiquement in-fé-cond. Domenico Fisichella, professeur ordinaire de sciences politiques à l'Université de Rome, ne le pense pas. Depuis dix ans, il s'applique à soustraire le mot "totalitarisme" à l'hégémonie de la sous-cul-ture journalistique, avec pour but de le restituer à la science. Il a commencé à le faire dans une série d'es-sais publiés dans Intervento  et Diritto e società,  puis dans un livre devenu célèbre, Analisi del tota-li-ta-rismo,  qui a rapidement connu deux éditions chez l'éditeur D'Anna (en 1976 et en 1978). Aujourd'hui paraît une version mise à jour, remaniée et étoffée, Totalitarismo. Un regime del nostro tempo,  livre ri-goureux dans la méthode et remarquable quant à son épaisseur théorique. C'est une étude vivante et docu-mentée, qui, de ce fait, se prête tant à une introduction exhaustive à l'argumentation qu'à une amorce de discussion.

 

Le pivot central de l'analyse de Fisichella, c'est la con-viction de l'utilité de la notion de "totalitarisme". Celle-ci peut, d'une part, être définie de manière co-hérente, afin d'éviter des tiraillements d'ordre instru-mental ou des usages hors de propos, et, d'autre part, être appliquée à toute une série de cas concrets. Ainsi, le concept peut être conservé car il possède une "capacité prédictive": si l'on est en mesure d'en reconnaître la nouveauté, cette nouveauté qui "obéit au conditionnement d'une société technologiquement avancée", on pourra finalement lancer l'hypothèse que "tous les totalitarismes qui se sont succédé jus-que aujourd'hui constituent à peine les premières épreu-ves, les premiers essais, d'un spectacle qui con-naîtra des suites de grande ampleur et de grande fréquence".

 

 

Le totalitarisme: une réponse à la fragmentation de nos sociétés industrielles avancées

 

 

Première donnée factuelle que nous pouvons retirer de la recherche de Fisichella: le totalitarisme appar-tient de plein titre à notre époque. C'est une réponse à la fragmentation culturelle et sociale qui est typique des sociétés industrielles urbaines. C'est une formu-le qui se destine à éviter la multiplication des conflits locaux et à imposer une sorte de mystique collective aux effets mobilisateurs. C'est une expérience qui n'en-tre pas forcément en contradiction avec la démo-cratie mais s'enchevêtre dans le réseau même de cel-le-ci, comme l'avait déjà bien deviné Jacob Talmon qui, dans Les origines de la démocratie totalitaire (2), analysait les applications qu'avaient déduites les Jacobins de la pensée de Rousseau.

 

 

Pour comprendre le sens de ce concept, il faut donc l'im-merger dans son temps propre, le délimiter tem-porellement, comme c'est la règle dans toutes les sciences sociales, et il faut éviter les transpositions ha-sardeuses, telles celles qu'ont essayés des auteurs comme Barrington Moore (3) qui émettait l'hy-po-thè-se que des totalitarismes avaient déjà existé dans la Chine antique, dans le Japon féodal ou dans la Ro-me de Caton. Dès que cette immersion a été opérée, la "nouveauté" totalitaire émerge clairement: les formes politiques qui l'incarnent ont toutes comme pré-mis-ses l'aliénation et l'homologation des citoyens, ce qui est typique pour les pays où l'accélération du développement technologique a fracassé les modes de vie basés sur les groupes primaires (la famille, la communauté villageoise). Le caractère démocratique du totalitarisme repose en fait sur la légitimation de la part des masses; jouissant d'une telle légitimation, le totalitarisme exprime dès lors un consensus basé sur le grand nombre, sur les agrégats générés par l'urbanisation et le déracinement.

 

 

Domenico Fisichella, un disciple de Hannah Arendt

 

 

A partir d'une telle prémisse  —c'est-à-dire l'iden-ti-fication de la "société de masse" à un lieu où les to-ta-litarismes connaissent une incubation—  s'arti-cu-le toute la construction théorique de l'essai de Fisichel-la: c'est en elle que nous pouvons découvrir l'élé-ment du livre le plus stimulant, le plus producteur de discussions fructueuses. La source principale d'ins-pi-ration du politologue romain, c'est Hannah Arendt, ce qu'elle a dit du totalitarisme et ses obser-va-tions critiques consignées dans Les origines du tota-litarisme.  Bien sûr, dans son introduction et dans le corps de son texte, Fisichella corrige ou atténue quel--ques-uns des aspects les plus tranchés de l'ou-vra-ge-clef de la politologue et philosophe germano-américaine. Le raisonnement de Fisichella, sur ces points, se fait complexe; et pour pouvoir accéder au moins aux traits les plus saillants de ce raisonnement, il me paraît opportun de donner un ordre ana-lytique à la matière, avant de signaler les caracté-ris-tiques du totalitarisme selon Fisichella et, enfin, de lui adresser quelques objections.

 

 

Le totalitarisme a connu le succès, écrit Fisichella, dans les pays où il s'est imposé (les deux cas qui guident la démonstration de Fisichella sont l'Alle-magne nationale-socialiste et la Russie soviétique), parce qu'il a proposé une réponse à la crise de l'Etat, tant de l'Etat démocratique parlementaire que de l'E-tat encore lié à la formule autocratique. Cette crise, amorcée par la multiplication des acteurs politiques et sociaux de masse, déséquilibre en conséquence les systèmes de représentation, et ne peut être perçue comme un résultat du totalitarisme mais comme une donnée continue. A la perte des capacités identifica-trices des institutions étatiques, Lénine et Hitler ne ré--pondent pas, en fait, par une action coercitive restauratrice  —comme dans la tradition des golpe auto-ritaires—  mais par la consécration d'un nouveau su-jet, le parti, qui monopolise le pouvoir. Le mouve-ment de crise se projette du coup au-delà de l'Etat et le parti reproduit celui-ci, opère une duplication, et en amplifie les fonctions, créant simultanément une situation inédite, dans laquelle les compétences et les attributions d'autorité sont réparties selon des nor-mes non écrites et variables, selon les convenances du moment.

 

 

Le totalitarisme: un régime de révolution permanente

 

 

Le totalitarisme est de ce fait, d'après Fisichella, le ré-gime des révolutions permanentes, du nihilisme au pouvoir, de l'incertitude et du mouvement. Dans le to-talitarisme, on ne parvient jamais trop à savoir où se situe le véritable centre de la légitimité ou de l'au-to-rité: chez le Chef? Au parti? Au gouvernement? Dans la bureaucratie? A l'armée? La réponse varie se-lon les époques et aussi selon la position de l'ob-servateur.

 

 

Parce qu'il naît en réponse à un processus de mas-si-fication  —c'est-à-dire de "dissolution des libres as-sociations et des groupes naturels, d'applatissement des pyramides sociales, de liquéfaction des diffé-rences individuelles et des innombrables agrégations de la communauté vivante en une masse grise"—  le to-talitarisme émerge seulement de "situations de catastrophe, ou précipite celles-ci"; il révèle "comme symptôme initial de la "réaction de désastre" un "dé-sorientement total"". Dans un tel désarroi généralisé, face au "caractère plastique et dépourvu de forme de la personnalité des masses", face à l'"homme-mas-se" qui est "sembable à un récipient, toujours prêt à être rempli", le pouvoir totalitaire, qui considère que la révolution est un "office constant", met en acte un projet original de construction de l'homme nouveau, destructeur du vieil ordre démocratico-libéral et fon-dateur d'une ère nouvelle.

 

 

Le totalitarisme: expression politique du "mouvement" du monde

 

 

Les intuitions de Hannah Arendt sur le caractère "de mouvement" que détiennent toutes les expériences to-talitaires, Fisichella les développe et les remodèle sys-tématiquement. Le cadre qui ressort de ce travail de remodelage permet de définir le totalitarisme com-me un régime politique situé au-delà de la loi, qui est dans la perpétuelle impossibilité de se stabiliser, qui, pour éviter toute mise en sourdine, laisse toujours pla--ner une certaine incertitude quant à ses mouve-ments prochains et qui demeure imprévisible quant à ses choix stratégico-politiques et aux sanctions qu'il serait amener à prendre.

 

 

Si l'on garde à l'esprit qu'au fond de toute solution totalitaire, il y a une espérance de type millénariste, un espoir de voir surgir définitivement un "ordre nouveau" qui ferait table rase de la mentalité bour-geoise et de tout ce que celle-ci a produit antérieu-rement, on comprend pourquoi les régimes sovié-tique et nazi ont tenu à maintenir un haut degré de mobilisation populaire, afin d'étouffer le domaine du "privé", par le biais d'une expansion paroxystique de la vie et des devoirs publics. Tel est le premier stra-tagème destiné à bloquer la formation de cette mul-tiplicité de goûts, de styles, d'aspirations et de tendances qui agissent en substrat dans les sociétés pluralistes. Et parce que cette mobilisation "sans par-ticipation" (car, dans le langage de l'auteur, elle est "hétérodirecte", stimulée d'en haut) est constante, le régime impose une guerre civile institutio-nalisée, qui désigne toujours de nouveaux ennemis contre lesquels il s'agit de lutter, et installe l'"uni-vers concentrationnaire" et la terreur en guise de structures politiques afin de détacher les individus hostiles du tissu social.

 

 

Le totalitarisme a besoin d'ennemis

 

 

La propagande et la mobilisation nationales-socia-lis-tes et bolchéviques, souligne Fisichella, sont de type "guerrières et révolutionnaires" et insistent forcé-ment sur les embûches que dressent sournoisement l'"ennemi". Le totalitarisme a donc nécessairement be-soin d'une pluralité d'ennemis pour faire miroiter aux masses qu'il reste un objectif à atteindre. L'in-ven-tion technique du totalitarisme, son coup de gé-nie stratégique, c'est d'indiquer un ennemi objectif qui est tel par configuration métaphysique (c'est le juif ou le "contre-révolutionnaire" potentiel) et, étant de nature métaphysique, il est inépuisable. Avec un éventail de stéréotypes martellé dans les crânes à qui mieux-mieux, doublé d'une théorie conspirative de l'histoire, rendue élémentaire et suggestive, Lénine et Hitler  —mais aussi leurs émules, fidèles, colla-bo-rateurs et successeurs—  finiront en effet par con-vaincre les masses que la révolution et l'ordre nou-veau sont constamment menacés et que dès lors, il n'est pas licite de "baisser la garde".

 

 

Schématiquement, on peut dire que Fisichella met bien en évidence l'essence authentique du totalita-ris-me en signalant sa vocation anti-pluraliste et massi-fiante et en décrit toutes les conséquences pratiques ul-té-rieures (subordination radicale de l'économie à la politique, fin de l'homo oeconomicus, a-classisme, pré-disposition des masses au sacrifice par défaut d'un cadre stable et reconnaissable d'intérêts, etc.). Fi-sichella en arrive ensuite à sa conclusion provo-catrice et, partant, intéressante; il dit qu'étant radi-calement révolutionnaires, tous les phénomènes tota-litaires sont de gauche (le national-socialisme com-pris, dont le caractère anti-bourgeois est répété et attesté). Le livre de Fisichella affronte, chapitre après chapitre, les nœuds principaux de cette ques-tion, dont le problème de la "nouveauté" du totalita-risme, le système de terreur, la révolution permanente, la transformation de la société, le consensus. De plus, ce livre passe en revue deux autres régimes que l'on pourrait encore qualifier de "totalitaires" et introduire dans la catégorie des totalitarismes: 1) le fascisme italien que Fisichella, documents à l'appui, exclut du domaine totalitaire, le considérant au con-traire comme un exemple d'"Etat total" ou "to-ta-liste" et 2) la Chine maoïste qu'il inclut dans sa catégorie du totalitarisme.

 

 

Une nouvelle typologie qui distingue "totalitarisme" et "autoritarisme"

 

 

Dès que l'on referme cet ouvrage, les stimuli de ré-flexion et de discussion apparaissent trop nombreux, trop importants, pour pouvoir être tous consignés dans une simple recension. Certes, plusieurs affir-mations de fond posées par Fisichella ne peuvent qu'ê-tre retenues et, tout d'abord, la rigoureuse distinc-tion qu'il opère entre les régimes totalitaires et les régimes autoritaires. Cette distinction permet d'affir-mer l'utilité du concept de "totalitarisme" (ce que nous avions déjà exprimé dans notre livre Partito unico e dinamica autoritaria  (4), qui aborde le pro-blème de la place structurelle et fonctionnelle du parti dans les systèmes non compétitifs).

 

 

Il reste à voir a) si cette typologie n'a pas besoin de spé-cifications ultérieures; b) quand et à quelle réalité elle peut s'appliquer; c) si sont fondés les arguments des théoriciens de la "société de masse", sur laquelle repose la lecture du totalitarisme comme régime de mo-bilisation permanente.

 

 

Sur le premier point, il me semble que sont per-tinentes les observations de Juan Linz dans son essai si souvent cité: Totalitarian and Authoritarian Regimes. La catégorie linzienne du "régime auto-ri-taire de mobilisation" permet en effet de mieux ren-dre compte des analogies indéniables, d'ordre idéo-lo-gique et pratique, que néglige la dichotomie habi-tuelle entre autoritarisme et totalitarisme. Dans cette perspective, la lecture que donne Linz des fascismes (national-socialisme inclus) s'avère particulièrement efficace: l'identification des sous-types au sein du ge-nus commun autoritaire permet une modulation plus efficiente, finalement, du spectre des différentia-tions.

 

Y a-t-il encore du "totalitarisme" dans le monde?

 

 

Un autre problème sérieux, mais ultérieur, est celui qui peut être réduit à deux questions: quels sont les régimes qui peuvent se dire "totalitaires"? Et s'ils ne le sont pas entièrement, à quel moment le sont-ils? Dans les pages du livre de Fisichella, émergent quel-ques doutes: l'auteur se dit sceptique quant à la pos-sibilité de considérer comme achevée la transition du totalitarisme à l'autoritarisme dans les régimes com-mu-nistes d'Europe de l'Est. Comment est-il possible de repérer les caractères centraux de la définition fi-sichellienne du totalitarisme dans des pays comme la Pologne actuelle, la Hongrie ou la RDA? Et l'"u-ni-vers concentrationnaire" est-il bel et bien existant en Tchécoslovaquie ou en URSS? Et la tendance domi-nante de ces systèmes, tend-elle vers la massi-fica-tion, vers l'anti-pluralisme, vers le contrôle rigide du secteur public sur l'économie? Il nous semble que l'on ne puisse pas du tout l'affirmer péremptoi-re-ment. Et c'est là précisément que surgit le problème que suscite toute lecture arendtienne du totalitarisme: si on l'adopte de façon a-critique, et si l'on partage avec Fisichella l'idée d'une actualité persistante du modèle totalitaire, on finira par ne plus réussir à trou-ver une réalité qui l'incarne. Certes, il y a l'Al-ba-nie. Ou la Roumanie. Sans doute l'Iran (mais que dire du rôle du parti?). Et que penser de Cuba, ou du Vietnam? Et ensuite?

 

 

Corriger le jugement de Hannah Arendt et de ses disciples sur le nazisme

 

 

Le punctum dolens de ce discours, en général, c'est le problème de la "société de masse" et de ses con-sé-quences. La thèse des Arendt, Kornhauser, Sig-mund Neumann, Lederer, etc. a connu pendant quel-ques décennies une vaste popularité et a con-tri-bué a forger le concept de totalitarisme tel que l'ont accepté les sciences sociales. Aujourd'hui, ce con-cept vacille sous les coups de la critique empirique qui en dévoile le substrat philosophique et les préju-gés de valeur. Bernt Hagtvet a très bien démontré, dans son brillant essai intitulé The Theory of Mass Society and the Collapse of the Weimar Republic: A Re-Examination  (5), que la société de Weimar, dont est issu le national-socialisme, était tout autre chose qu'un agrégat social informel et atomisé, dépourvu de toute agrégation d'intérêts reconnaissables et légi-timés: cette République de Weimar était au contraire un réseau dense de réalités associatives des genres les plus divers, réseau que la NSDAP a pu conquérir de l'intérieur dans la plupart des cas, grâce à une capacité d'identification multiforme et élastique. Ri-chard Hamilton (in: Who voted for Hitler?)  et Thomas Childers (in: The Nazi Voter)  ont pu dé-montrer, dans leurs études remarquables quant aux élections, que le degré maximal de consensus en fa-veur du nazisme en marche ne provenait pas des périphéries des métropoles, habitées par des déra-cinés, mais des petits centres agricoles et commer-ciaux. D'autre part, il est vrai que les strates sociales à l'identité la plus solide, comme les catholiques et les ouvriers socialistes, sont celles qui résistèrent le mieux à l'avance hitlérienne. Il n'empêche que ce qui a attiré les individus les moins imbriqués, les moins dotés d'identité sociale, ce fut la promesse de "démobiliser de manière coercitive les conflits", pro-messe qu'incarnaient les nationaux-socialistes, et non le projet de "révolution permanente".

 

 

L'effet de "rassurance"

 

 

Fisichella a néanmoins raison quand il affirme que le totalitarisme "inclut dans son utopie, en tant que dé-passement des frustrations et des insécurités déri-vées d'un état historique dense de tensions, la fin ra-dicale et définitive du conflit, lequel est dissous fina-le-ment dans la "communauté du peuple" et dans la so-ciété sans classes". Mais Fisichella nous convainc moins quand il ajoute que, par un contraste para-doxal, le totalitarisme "s'auto-attribue (et se destine à) une vocation radicale et permanente au conflit et à la guerre". Il nous apparaît toutefois que le citoyen qui obéit à un gouvernement totalitaire n'obéit pas à une angoisse d'insécurité (chose qui est réservée au dissident, à l'opposant) mais à un effet de "rassu-rance", qui non seulement demeure mais se renforce au cours du passage du mouvement totalitaire à la "pillarisation" du régime. De nombreux historiens l'ont démontré: le citoyen de l'Allemagne nazie ou de la Russie stalinienne a largement ignoré les er-reurs et les horreurs: les déportations, les purges, les camps d'extermination. Ce citoyen s'est rassuré sans cesse, s'est senti apaisé en constatant la dis-pari-tion des conflits sociaux que les régimes pré-tota-li-taires n'avaient su ni prévenir ni endiguer.

 

Adepte du totalitarisme est donc celui qui ne sup-porte pas le fardeau que constitue la complexité des so-ciétés modernes, celui qui esquive les conflits tu-mul-tueux qui accompagnent la fragmentation so-ciale, celui qui spécule sur les bénéfices qu'il espère tirer d'un horizon nouveau de pacification mais impo-sé de force. En ce sens, la leçon des totalitarismes est toujours d'actualité et la menace persiste d'un écroulement des situations actuelles où règne un plu-ralisme querelleur et désagrégateur. Les politologues et les opérateurs de la politique en prendront-ils cons-cience rapidement et arracheront-ils le totalita-risme à ses formes trop idéalisées pour le restituer à son authentique banalité, la banalité des solutions qui demeurent toujours à portée de main, la banalité des raccourcis accidentés qu'empruntent ceux qui ne peuvent supporter l'excès d'inquiétude auquel notre temps semble les avoir condamnés.

 

 

Marco TARCHI.

 

 

Domenico FISICHELLA, Totalitarismo. Un regime del nostro tempo,  La Nuova Italia Scientifica, Roma, 1987, p. 195, lire 25.000. Trad. franç.: Robert Steuckers.

 

 

dimanche, 21 juin 2009

L'Europe? Quelle Europe?

L’Europe ? Quelle Europe ?

Photo 089.jpgpar Pierre Vial

Président de Terre et peuple

Les chiffres sont là. Eloquents. Une abstention à hauteur de 56,9% pour l’ensemble des 27 pays de l’Union européenne, de 59,5% pour la France. En majorité, les Européens ne se sont pas déplacés pour voter. Tout simplement parce que les Européens ne se sentent pas concernés par l’Europe. Tout au moins celle de Bruxelles. Et on les comprend, même si on sait que, qu’on le veuille ou non, que cela plaise ou non, notre vie quotidienne est, pour notre plus grand malheur, de plus en plus déterminée par des décisions bureaucratiques prises loin de nos terroirs (terroirs ? Qu’est-ce que c’est que ça ? disent les Eurocrates).

La crise et ses méfaits, tout particulièrement le chômage, auraient dû faire monter en puissance le vote protestataire et populiste. Ce fut le cas dans certains pays. Mais en France il n’y a plus que Le Pen lui-même à croire (ou à faire semblant de croire) en son rôle de tribun de la plèbe. Quant à l’extrême-gauche, elle n’a pas raflé la mise. Sarkozy, le joueur de flûte, continue à entraîner nombre de Gaulois, hébétés, vers le fleuve qui conduit au gouffre, tandis que les autres chefs d’Etat européens ne valent pas mieux.

Faut-il pour autant désespérer de l’Europe ? Evidemment non. Il faut garder notre foi intacte en ce grand dessein, ce puissant rêve de grandeur mobilisateur d’énergies qui s’appelle l’Europe. Mais pas n’importe laquelle. L’Europe des peuples et des terroirs. Notre Europe. Notre grande patrie européenne, tout à la fois confédérale et impériale (deux dimensions qui, si on veut bien y réfléchir, peuvent être totalement complémentaires, comme l’Histoire l’a déjà montré).

Notre Europe : tel est le dossier publié dans le prochain numéro de Terre et Peuple Magazine, avec des contributions de Robert Spieler, Alain Cagnat, Jean-Gilles Malliarakis et Pierre Vial.

Fear Is Eroding American Rights

peur.jpg

Fear Is Eroding American Rights

By Paul Craig Roberts - http://vdare.com/

The power of irrational fear in the US is extraordinary. It ranks up there with the Israel Lobby, the military/security complex, and the financial gangsters. Indeed, fear might be the most powerful force in America.

Americans are at ease with their country’s aggression against Afghanistan, Iraq, and Pakistan, which has resulted in a million dead Muslim civilians and several million refugees, because the US government has filled Americans with fear of terrorists. "We have to kill them over there before they come over here."

Fearful of American citizens, the US government is building concentration camps apparently all over the country. According to news reports, a $385 million US government contract was given by the Bush/Cheney Regime to Cheney’s company, Halliburton, to build "detention centers" in the US. The corporate media never explained for whom the detention centers are intended.

Most Americans dismiss such reports. "It can’t happen here." However, in north-eastern Florida not far from Tallahassee, I have seen what might be one of these camps. There is a building inside a huge open area fenced with razor wire. There is no one there and no signs. The facility appears new and unused and does not look like an abandoned prisoner work camp.

What is it for?

Who spent all that money for what?

There are Americans who are so terrified of their lives being taken by terrorists that they are hoping the US government will use nuclear weapons to destroy "the Muslim enemy." The justifications concocted for the use of nuclear bombs against Japanese civilian populations have had their effect. There are millions of Americans who wish "their" government would kill everyone that "their" government has demonized.

When I tell these people that they will die of old age without ever seeing a terrorist, they think I am insane. Don’t I know that terrorists are everywhere in America? That’s why we have airport security and homeland security. That’s why the government is justified in breaking the law to spy on citizens without warrants. That’s why the government is justified to torture people in violation of US law and the Geneva Conventions. If we don’t torture them, American cities will go up in mushroom clouds. Dick Cheney tells us this every week.

Terrorists are everywhere. "They hate us for our freedom and democracy." When I tell America’s alarmed citizens that the US has as many stolen elections as any country and that our civil liberties have been eroded by "the war on terror" they lump me into the terrorist category. They automatically conflate factual truth with anti-Americanism.

The same mentality prevails with regard to domestic crime. Most Americans, including, unfortunately, juries, assume that if the police make a case against a person and a prosecutor prosecutes it, the defendant is guilty. Most Americans are incapable of believing that police or a prosecutor would frame an innocent person for career or bureaucratic reasons or out of pure meanness.

Yet, it happens all the time. Indeed, it is routine.

Frame-ups are so routine that 96% of the criminally accused will not risk a "jury of their peers," preferring to negotiate a plea bargain agreement with the prosecutor. The jury of their peers are a brainwashed lot, fearful of crime, which they have never experienced but hear about all the time. Criminals are everywhere, doing their evil deeds.

The US has a much higher percentage of its population in prison than "authoritarian" countries, such as China, a one-party state. An intelligent population might wonder how a "freedom and democracy" country could have incarceration rates far higher than a dictatorship, but Americans fail this test. The more people that are put in prison, the safer Americans feel.

Lawrence Stratton and I describe frame-up techniques in The Tyranny of Good Intentions. Police and prosecutors even frame the guilty, as it is easier than convicting them on the evidence.

One case that has been before us for years, but is resolutely neglected by the corporate media, whose function is to scare the people, is that of Troy Davis.

Troy Davis was convicted of killing a police officer. The only evidence connecting him to the crime is the testimony of "witnesses," the vast majority of whom have withdrawn their testimony. The witnesses say they testified falsely against Troy Davis because of police intimidation and coercion.

One would think that this would lead to a new hearing and trial. But not in America. The Republican judicial Nazis have created the concept of "finality." Even if the evidence shows that a wrongfully convicted person is innocent, finality requires that we execute him. If the convicted person is executed, we can assume he was guilty, because America has a pure justice system and never punishes the innocent. Everyone in prison and everyone executed is guilty. Otherwise, they wouldn’t be in prison or executed.

It is all very simple if you are an American. America is pure, but other countries, except for our allies, are barbaric.

The same goes for our wars. Everyone we kill, whether they are passengers on Serbian commuter trains or attending weddings, funerals, or children playing soccer in Iraq, is a terrorist, or we would not have killed them. So was the little girl who was raped by our terrorist-fighting troops and then murdered, brutally, along with her family.

America only kills terrorists. If we kill you, you are a terrorist.

Americans are the salt of the earth. They never do any wrong. Only those other people do. Not the Israelis, of course.

And police, prosecutors, and juries never make mistakes. Everyone accused is guilty.

Fear has made every American a suspect, eroded our rights, and compromised our humanity.

Paul Craig Roberts [email him] was Assistant Secretary of the Treasury during President Reagan’s first term.  He was Associate Editor of the Wall Street Journal.  He has held numerous academic appointments, including the William E. Simon Chair, Center for Strategic and International Studies, Georgetown University, and Senior Research Fellow, Hoover Institution, Stanford University. He was awarded the Legion of Honor by French President Francois Mitterrand. He is the author of Supply-Side Revolution : An Insider's Account of Policymaking in Washington;  Alienation and the Soviet Economy and Meltdown: Inside the Soviet Economy, and is the co-author with Lawrence M. Stratton of The Tyranny of Good Intentions : How Prosecutors and Bureaucrats Are Trampling the Constitution in the Name of Justice. Click here for Peter Brimelow’s Forbes Magazine interview with Roberts about the recent epidemic of prosecutorial misconduct.

Es lebe der Unterschied!

mann_frau.jpg

 

Es lebe der Unterschied!

Von Denise Friederich - http://www.fahnentraeger.com/

Die 68er wollten uns weis machen, dass es keinen biologischen Geschlechterunterschied gibt. Allein die Erziehung und das Milieu trage die Schuld an den herangezogenen Unterschieden. Es wurden alle möglichen Massnahmen getroffen, um das Milieu der Geschlechter gleichzuschalten, Chancengleichheit zu gewährleisten, Unterschiede abzuschaffen. Und heute, 41 Jahre nach dieser Umgestaltung, zeigen sich schockierende Ergebnisse. Trotz der absoluten Chancengleichheit und Gleichmacherei gibt es nach wie vor Unterschiede zwischen den Geschlechtern. Im Folgenden lesen Sie eine Analyse zur politischen Debatte um die Geschlechtergleichheit mit Auszügen aus der 400-seitigen Dokumentation der kanadischen Psychologin Susan Pinker, welche sich über Jahre hinweg dem Thema Geschlechterforschung gewidmet hat und ihre Forschungsergebnisse im Buch „Das Geschlechter-Paradox“ zusammengetragen hat. 

In der Evolutionsgeschichte war immer klar, dass die Geschlechter Mann und Frau ungleich sind. Bis in die 1960er Jahre. Im Zuge der 68er-Generation, dem Feminismus und den Forschern wie Freud wurde erstmals die Vermutung aufgestellt, dass die Geschlechter nicht von Geburt an unterschiedlich sind, sondern zu unterschiedlichen Wesen erzogen werden. Man vermutete, dass das Umfeld massgeblich dazu beitrage, die Geschlechterrollen zu definieren und aufrechtzuerhalten. Wenn also diese Umerziehung ein Ende finden würde und der Mensch selbst entscheiden könnte, was und wie er sein möchte, würden diese Definitionen der Geschlechter wie von selbst verschwinden. So jedenfalls die Meinung. Interessanterweise wurde stets angenommen, dass die Rolle des Mannes die Norm darstelle und die Frau in ihrer Rolle lediglich unterdrückt werde. Würden die Frauen also nicht in diese Rolle der Mutter und Hausfrau gedrängt, so wären sie vom Typ her genau so wie der Mann. Die Frauen wären bei den optimalen Voraussetzungen für Gleichheit vollzeitig erwerbstätig, erfolgs- und geldorientiert, rücksichtsloser, selbstständiger. Ein Ebenbild der Männer. Die Rolle der Frau wurde als einengend empfunden. Kinderkriegen sollte frau nicht mehr und auch sonst sollten Frauen keine Pflichten mehr übernehmen müssen, die nicht auch dem Mann auferlegt waren. So wollte man damals die Gleichheit herbeiführen.

 

Heute haben Frauen genau die gleichen Voraussetzungen wie die Männer. Wenn nicht gar die besseren. Mädchen schliessen in der Schule fast immer besser ab als Jungen. Diese Tendenz müsste Frauen eigentlich vermehrt in ranghohe Posten katapultieren. Jedenfalls können sie aber ohne Weiteres in jedem Beruf die Karriereleiter emporsteigen, sich selbstständig machen, sich für oder gegen Kinder entscheiden. Wenn es nach der Logik der 68er ginge, müssten heute alle Berufe prozentual der Verteilung der Geschlechter gestaltet werden. Die Hälfte aller CEOs, Banker, Politiker usw. müssten Frauen sein, die Hälfte der Nobelpreisträger müssten Frauen sein. Doch, um es mit Pinker zu sagen: „Eine Politik, die Chancengleichheit garantiert, … garantiert keine Ergebnisgleichheit. … Der Versuch, den Frauen von oben herab vollkommen geschlechtsneutrale Rollen zu verordnen, hat nicht funktioniert.“ Interessant sind hierzu auch die Ergebnisse einer Forschung, die besagt: je reicher das Land, desto eher wählen die Geschlechter unterschiedliche Berufe. Und ebenso tendieren die Frauen in reicheren Ländern zu kürzeren Arbeitszeiten. „Je mehr finanzielle Stabilität und gesetzlicher Schutz den Frauen geboten wurden, desto geringer war die Wahrscheinlichkeit, dass sie sich für die männliche Standart-Route entschieden. Wenn Frauen nur Versionen von Männern wären, würde man das Gegenteil erwarten, nämlich, dass sich bei grösserer Freiheit der Frauen eine vermehrte Anzahl für die Arbeitswelt und Berufe der Männerwelt entscheidet“, so Pinker zu der Studie. Die Logik der Gleichheitsfanatiker ist bis heute nicht aufgegangen.

 

Frauen im Erwerbsleben

Wie bereits erwähnt, sind Mädchen im Vergleich zu den Jungen in der Grundschule stärker und gebildeter. Die Frage stellt sich also, weshalb die Mädchen also nicht auch im Erwachsenenalter den Jungen Paroli bieten können. Vorab: der Geschlechterunterschied bezieht sich nicht auf die höhere Intelligenz des einen oder anderen Geschlechts, sondern auf die Art des Wesens. Frauen könnten, wenn sie wollten, jeden Beruf wählen, den sie wollten. Doch nach wie vor tendieren sie dazu, Berufe zu wählen, die mit Menschen zu tun haben. Für Frauen sind Interesse am Beruf, die Fähigkeit, einen Beitrag zu leisten und die Möglichkeit, positive Veränderungen in der realen Welt zu bewirken wichtiger als ein hohes Gehalt und gute Sozialleistungen, wohingegen die Männer die Höhe des Gehalts als erste Priorität betrachten. Pinker führte zahlreiche Gespräche mit erfolgreichen Frauen, die ihren Managerposten an den Nagel hängten, weil sie das Gehalt allein nicht befriedigen konnte. Bei den einen war es der Nachwuchs, der sie dazu brachte, die Prioritäten neu zu ordnen und den Beruf ganz oder zumindest teilweise aufzugeben, um sich um das Wohl der Kinder zu kümmern. Andere wechselten den Beruf, um der Gemeinschaft etwas zurückzugeben, um eine Arbeit mit Menschen ausüben zu können. Dafür nahmen sie eine grosse Lohneinbusse in Kauf. Bei diesen Frauen handelt es sich nicht um solche mit einem Job als Verkäuferin oder Coiffeuse, welche auf den sowieso zu geringen Lohn locker hätten verzichten können. Es sind Frauen mit Stellen in Chefetagen, in Anwaltskanzleien, in Medienhäusern und anderen sehr gut bezahlten Jobs. Und alle Frauen bestätigten, dass sie nie einen Nachteil als Frau erlebt hätten. Keine der Frauen hatte die Stelle wegen Diskriminierung oder Benachteiligung ihres Geschlechts aufgegeben.

 

Der „Fluch“, der auf den Frauen lastet, der sie dazu bringt, solche Entscheidungen zu fällen, nennt sich Empathie. Empathie ist die Fähigkeit, sich in jemanden hineinzuversetzen und seine Gefühle nachzuempfinden: die Fähigkeit, soziale Situationen zu begreifen. Die empathische Fähigkeit ist grösstenteils angeboren und ist je nach Geschlecht sehr unterschiedlich. Bereits wenige Tage nach der Geburt werden erste Anzeichen für diese Tatsache sichtbar. Mädchen sehen sehr viel mehr in die Gesichter der Menschen, während Jungen grösseres Interesse an technischen Mobiles zeigen. Pinker wirft in ihrer Dokumentation die Frage auf: „Was wäre, wenn man das erhöhte Einfühlungsvermögen der Frauen nicht durch eine ideologische Brille betrachten würde? Was wäre, wenn es ein natürlich variierender, aber notwendiger Drang wäre?“ Frauen werden von der Natur für diese Fähigkeit sogar belohnt, denn der Körper schüttet in Situation, in welchen Frauen empathisch reagieren, Glückshormone aus.

 

Die Logik der Evolution

Ginge es nach den Altfeministinnen, würden Kinder im Reagenzglas gezüchtet, damit Frauen die Bürde des Kinderkriegens nicht mehr auf sich nehmen müssten. Aber die Natur hatte selbstverständlich gute Gründe, weshalb sie es so einrichtete, dass nur die Frauen gebärfähig sind. Die Unterschiedlichkeit zwischen Frauen und Männern betrifft nicht nur den physische Konstellation, sondern auch die Einstellung des Gehirns und diverse hormonelle Abläufe.

Während der Schwangerschaft und dem Stillen schüttet das weibliche Gehirn das Hormon Oxytozin aus, welches eine angenehme, entspannende und euphorische Wirkung auslöst. Bei einem Unterbruch, das heisst, wenn die Mutter vom Kind getrennt ist oder zu stillen aufhört, kann dies ein Gefühl ähnlich dem Drogenentzug auslösen. Forschungen haben diesbezüglich ergeben: „Das daraus resultierende Geben und Nehmen löst reziproke Veränderungen auf der zellulären, hormonellen und sogar epigenetischen Ebene von Mutter und Kind aus und verstärken ihre Bindung aneinander durch das Stillen und den Hautkontakt.“ Es konnte auch nachgewiesen werden, dass Säuglinge mit intensiver Bindung an die Mutter bessere Überlebenschancen haben. Aus evolutionärer Sicht ist diese Mutter-Kind-Bindung sehr wichtig für den Fortbestand der Menschheit. Der ganze hormonelle Umstellungsprozess, den eine werdende Mutter durchmacht, führt dazu, dass Frauen, die bereits Kinder haben, einen andern Bezug zur Erwerbstätigkeit haben als jene ohne Kinder. Auch Frauen, welche sich vor dem Kinderkriegen dafür aussprachen, nach der Geburt weiterhin Vollzeit zu arbeiten, änderten ihre Meinung nach der Geburt zugunsten des Nachwuchses. Insofern können es Feministinnen noch lange anprangern, dass Frauen mit Kindern zu weinig erwerbstätig sind, denn die Natur hat die Weichen schon lange vor 1968 gestellt.

 

Testosteron – Gabe und Fluch

Das menschliche Gehirn ist in seiner der Grundeinstellung weiblich. Erst nach der Bildung der Hoden des Säuglings entsteht das Hormon Testosteron, welches den Säugling „vermännlicht“. Testosteron ist der Grund für das vermehrt aggressive Verhalten des männlichen Geschlechts. Der Höhepunkt des aggressiven Verhaltens wird üblicherweise im Vorschulalter erreicht, was zur Folge hat, dass Jungen häufiger an Aufmerksamkeitsdefiziten wie ADHS und dem Aspergersyndrom leiden, sie aber gleichwohl konkurrenzfreudiger und -fähiger sind als die Mädchen. In der Schule schneiden die Jungen häufig schlechter ab als die Mädchen, aber nicht weil sie dümmer sind, sondern weil sie durch ihr grösseres Aggressionspotenzial mehr Schwierigkeiten haben, sich den Schulgegebenheiten – welche zumeist mädchenorientiert sind – anzupassen. Mit zunehmendem Alter wirkt sich der Testosteronhaushalt jedoch positiv auf die berufliche Laufbahn der Jungen aus, denn um in der harten Geschäftswelt zu überleben, braucht es oft ein Konkurrenzdenken ohne Rücksicht auf andere, was den Frauen durch die empathische Fähigkeit schwerer fällt. Bei Männern steigt der Adrenalinspiegel in Konkurrenzverhalten an, während er bei Frauen sinkt. Das Testosteron und die Empathie sind es also unter anderem, welche den Männern den Weg zur Chefetage ebnen und die Frauen in soziale (schlechter bezahlte) Berufe treibt. Männer neigen eher als Frauen dazu, aggressive Mittel einzusetzen, um ihre Stellung in der Hierarchie zu bewahren, was wiederum einen evolutionären Hintergrund hat. Männer mussten, um Frau – da diese ja mit der Aufzucht der Kinder beschäftigt ist - und Kinder zu beschützen und sich im Stamm zu beweisen, konkurrenzfähig sein. Pinker schreibt dazu treffend: „Die Natur zieht die Fortpflanzungskraft des Testosterons noch immer dem Nachteil einer geringeren Lebenserwartung vor.“ Was sich in Zahlen widerspiegelt, wonach im Schnitt mehr Männer an einem unnatürlichen Tode sterben als Frauen. Durch das Testosteron sind sie risikofreudiger als Frauen. Die Evolution kann den Mann nach der Zeugung einiger Kinder entbehren, während die Frau die langfristige Aufgabe der Kindererziehung innehält und somit unentbehrlicher ist.

 

Gleichheit ist Utopie

Die Feststellung von Pinker, dass die Missachtung der Geschlechterunterschiede nicht wie erwartet zur absoluten Gleichberechtigung führte, sondern, im Gegenteil, die kognitiven Fähigkeiten und Präferenzen der Frauen degradierte, ist so korrekt wie auch wichtig. Denn aus dieser Analyse lässt sich schliessen, dass das biologische Wesen der Frauen durch die feministischen Ansätze unterdrückt wurde und sich in ein Männer-Schema hat pressen lassen müssen. Frauen werden heute also nach wie vor unterdrückt, aber nicht mehr wie vor hundert Jahren vom Patriarchat, sondern vom Druck, in einer Männerwelt zu bestehen und die weibliche Stimme im Inneren zu unterdrücken. Das Umfeld erwartet von den Frauen, dass sie Männerberufe wählen, dass sie nach der Geburt des Kindes schnellstmöglich ins Wirtschaftsleben zurückkehren. Aber die meisten Frauen möchten sich nach ihren inneren Bedürfnissen und Fähigkeiten richten. Es kann also noch so viele Gleichstellungsbüros geben, die Frauen werden aus biologischen Gründen immer zu menschenbezogenen Berufen tendieren, in welchen sie berufsbedingt weiterhin weniger verdienen werden als andere Frauen und Männer in einem wirtschaftsorientierten, materialbezogenen Beruf. Die Lösung der beruflichen Gleichstellung – zumindest in Sachen Lohngleichheit - ist also keine soziale, sondern eine ökonomische. Solange wir in einem kapitalistischen System leben, in welchem soziale Berufe keinen Wert besitzen, weil sie ökonomisch nicht verwertbar sind, werden Frauen trotz guter Ausbildung und fachlicher und sozialer Kompetenz einen geringeren Lohn in Kauf nehmen müssen. Es ist also an der Zeit, die Geschlechterunterschiede nicht nur zu akzeptieren, sondern auch zu fördern. Die Natur hat die Geschlechter sehr bewusst mit unterschiedlichen Fähigkeiten ausgestattet. Evolutionstechnisch gesehen ist nicht ein Geschlecht mehr oder weniger Wert, denn nur die Ergänzung der Fähigkeiten beider Geschlechter garantiert letzten Endes das Überleben der Menschheit.

 

Weiterführende Literatur

Susan Pinker, Das Geschlechter-Paradox, 2008, München

entnommen aus der Zeitschrift "ZeitGeist" der PNOS

Perspectives géopolitiques eurasiennes

EURASIA.jpg

Archives de" SYNERGIES EUROPEENNES - 1992

 

Perspectives géopolitiques eurasiennes

 

 

Table ronde tenue dans les locaux de la revue moscovite Dyenn, organe de l'opposition

 

Avec la participation de Sergeï Babourine, Alain de Benoist, Alexandre Douguine, Lieutenant-Général Nikolaï Klokotov, Chamil Soultanov, Robert Steuckers

 

Les participants:

 

Chamil SOULTANOV: journaliste musulman, observateur politique à la rédaction de la re­vue Dyenn, spécialiste des questions géo-éco­no­miques et géopolitiques.

 

Sergeï BABOURINE: leader de l'opposition au sein du Parlement de la république de Russie et chef du groupe des députés "Rossiia" (= Russie); député, juriste. Il a eu plus de voix lors de l'élection au poste de président du haut conseil de la Russie au printemps de 1991; il battait ainsi son rival Chazboulatov, numéro 1 dans l'équipe d'Eltsine. Mais vu la fai­ble participation des électeurs à cette élec­tion, elle a été annulée. Babourine a fondé le parti patriotique "Renaissance", qu'il dirige de main de maître.

 

Alexandre DOUGUINE, Président de l'Asso­cia­tion historique-religieuse Arktogaïa, édi­teur, écrivain.

 

Nikolaï KLOKOTOV, Lieutenant-Général de l'Armée Soviétique; Directeur de la chaire de stratégie à la haute école de l'état-major de l'Armée Soviétique.

 

A. DOUGUINE: Commençons par prendre en considération la doctrine géopolitique eura­sien­ne. Aujourd'hui, les facteurs géopolitiques re­pren­nent toute leur importance, au moment, pré­cisément, où s'effondrent, avec une rapidité dé­concertante, les univers idéologiques qui avaient été conventionnels jusqu'ici. Nous ne pouvons plus envisager le monde dans l'optique dichoto­mique habituelle, opposant un camp socia­liste à un camp capitaliste. Sommes-nous ca­pable de don­ner une réponse satisfaisante quand on nous pose la question de savoir si la Russie d'aujour­d'hui vit sous un régime capitaliste ou un régime socialiste? Devant l'impossibilité de répondre à cette question, parce qu'il n'y a pas encore de ré­ponse, nous devons immanquable­ment nous ré­férer à un système doctrinal stable, pour pouvoir nous orienter dans le monde poli­tique, devenu très compliqué, parfois paradoxal. Je pense que l'approche géopolitique est pour l'instant la seule acceptable, parce qu'elle insiste sur les réalités politiques et historiques les plus durables et re­fuse d'accorder trop d'importance aux circon­stan­ces passagères et éphémères de la politique politicienne.

 

Je voudrais, ici, attirer votre attention sur un pro­jet géopolitique défendu par plusieurs auteurs en Europe actuellement. Tous appartiennent à des milieux intellectuels non conformistes. Généra­le­ment, on les désigne sommairement par l'éti­quet­te «Nouvelle Droite». Leur projet re­prend des thèses énoncées dans les années 20 par des géo­politiciens allemands, souvent russo­philes. Par­mi eux, les nationaux-bolchéviques regroupés au­tour de Niekisch et plusieurs repré­sentants de l'école de Karl Haushofer. Le noyau de ce projet, c'est l'application pratique de la cé­lèbre doctrine géopolitique du géographe britan­nique Sir Hal­ford John Mackinder, mais en en inversant le sens.

 

Mackinder jetait un regard bien circonstancié sur la situation géopolitique mondiale; en effet, son optique est celle des puissances thalassocra­tiques, surtout l'Angleterre; son objectif est de dé­fendre leurs intérêts. Pour Mackinder, le plus grand danger qui guettait les Etats maritimes, démocratiques et marchands (capitalistes) était l'éventualité d'une alliance entre tous les Etats tellurocratiques ou continentaux, autour du pays détenteur de la grande masse continentale, le Heartland. Le rôle-clef dans cette alliance, pour­rait être joué soit par la Russie soit par l'Al­le­magne soit par une quelconque alliance entre pays européens et/ou asiatiques.

 

Les nationaux-bolchéviques allemands et Haus­hofer ont tenu compte des thèses de Mackinder mais ont refus la politique d'endiguement qu'il préconisait. Ils voulaient, au contraire, que les puissances continentales s'unissent et se dé­ve­lop­pent en autarcie; base de cette union grande-continentale: l'alliance germano-russe, sur les plans géopolitique et stratégiques. Haushofer a donné le nom de Kontinentalblock  à ce projet, qui impliquait l'anti-américanisme ou, plus gé­néralement, l'opposition à toute forme d'impé­ria­lisme thalas­socratique. La Nouvelle Droite eu­ropéenne  —ra­dicalement anti-américaine et anti-bourgeoise—  a repris à son compte les mê­mes thèses, en les modernisant et en les appli­quant à la situation géopolitique actuelle. Le pré­curseur de cette ten­dance a été sans conteste Jean Thiriart, le leader d'un mouvement pour l'unité européenne, actif dans les années 60 en Belgique et en Italie et portant le nom de «Jeune Europe». Jean Thiriart n'a pas participé au lancement de la Nouvelle Droite: au moment où celle-ci voyait le jour, il s'était déjà retiré de la politique active et n'écrivait plus rien (années 1966-69). Ce n'est que vers 1983-84 qu'il a rédigé et distribué à comp­te d'auteur ses thèses sur l'unification eu­ra­sienne et formulé son projet «euro-soviétique».

 

Plus tard, l'anti-américanisme est systématisé par Alain de Benoist, chef de file de la Nouvelle Droite en Europe. L'intérêt pour les doctrines géopolitiques eurasiennes se retrouve dès 1981 chez Robert Steuckers, l'éditeur des revues Vou­loir  et Orientations.  En Allemagne, les cou­rants néo-nationalistes ne sont plus du tout rus­sophobes  —à quelques exceptions près—  et l'an­ti-américanisme est une constante solide­ment ancrée dans ces milieux. Un général de l'armée autrichienne, Jordis von Lohausen, ré­dige en 1979 un traîté de géopolitique, reprenant les thè­ses des écoles d'avant-guerre en les mo­derni­sant. Sa conception est très européo-centrée mais ses critiques contre l'Amérique sont acerbes.

 

Le noyau essentiel de cette démarche pro-conti­nen­tale et anti-thalassocratique, c'est la recon­naissance, réaliste et froide, nécessaire, qu'il y a opposition entre les puissances maritimes  —ras­semblées aujourd'hui dans le projet planétaire et thalassocratique des Etats-Unis, c'est-à-dire le «Nouvel Ordre Mondial»—  et les puissances eu­rasiatiques continentales de la Chine à l'Espa­gne. Cette opposition doit être reconnue comme telle, divulguée, présentée au public sans aucune équivoque de type moralisant, sans hypo­crisie.

 

Aujourd'hui, nous devons constater que le lobby atlantiste et pro-américain est très fort dans les pays eurasiatiques. Cette présence est patente dans les pays du Tiers-Monde (leurs dirigeants travaillent souvent ouvertement pour la CIA) et en Europe. Mais les événements récents que nous avons subis dans notre pays, montrent que ce lob­by est également ici, chez nous, en Russie. Il est donc temps d'y réfléchir pour que nous puis­sions amorcer une lutte consciente et cohérente contre ces forces, téléguidées depuis Washington. Or­ga­niser la résistance continen­tale eurasiatique est un impératif très actuel pour nous qui devons agir au nom de nos intérêts géo­politiques, au nom de notre tradition et de nos va­leurs étatiques et spirituelles, menacées par les Américains et leurs agents politiques et cultu­rels.

 

Ne pensez-vous pas, Messieurs, que la doctrine eurasienne devient aujourd'hui de plus en plus actuelle et nécessaire?

 

S. BABOURINE: Cette vision de l'actualité géo­politique me paraît extrêmement intéressante, mais un peu trop générale. Je voudrais attirer votre attention sur des problèmes plus concrets, quoique liés au thème central que nous soumet­tons à discussion. Nous, les Russes, avons as­sisté au cours de ces dernières années à la des­truction systématique de toutes les structures qui assuraient la sécurité de l'Etat. On en arrive même à détruire des structures plus directement vitales, dans les domaines économique et straté­gique.

 

Ce processus involutif a commencé dès l'annon­ce de la «démocratisation». Cette «démocratisa­tion» —qui est d'ailleurs quelque chose de tout à fait différent de la démocratie—  je pourrais la dé­finir comme le régime du «libéralisme nihi­liste». La doctrine du libéra­lisme rejette toutes les considérations d'ordre proprement géopoli­tique, de la même façon qu'elle refuse d'accepter les valeurs de l'Etat, de l'ordre politique, etc. Dans notre société, le libé­ralisme a nié les in­térêts géopolitiques natio­naux, les intérêts de l'instance qu'est l'Etat. Dans une telle situation, les idées positives, qui exigent une certaine élé­vation de l'esprit, parce qu'elles veulent penser un ordre concret pour le continent ou pour l'Eu­rasie, ne trouvent aucune réponse, dans une so­cié­té «démocratisante» qui s'enfonce dans les voies de l'anarchie et de l'hyper-individualisme délétère.

 

La crise alimentaire se fait sentir d'une ma­nière très forte. Par conséquent, toutes les tenta­tives de réveiller la conscience géopolitique du peuple russe seront bloquées par le nihilisme qui ne cesse de croître. Pourtant, travailler à réveil­ler cette conscience est nécessaire: le nihilisme ambiant ne doit pas nous empêcher de la faire.

 

Ch. SOULTANOV: A propos du libéralisme, je pense plutôt qu'il y a des nations intelligentes et des nations moins intelligentes. Les premières peuvent assimiler le poison imposé de l'extérieur et le transformer, sinon en remède, du moins en quelque chose d'inoffensif. Le modèle démocra­tique et libéral, qui est intrinsèquement anti-or­ganique, anti-traditionnel et anarchique, a été imposé au Japon et à l'Allemagne occidentale a­près la deuxième guerre mondiale. Mais ces deux pays ont réussi à introduire dans ce système libéral-démocratique des éléments issus de l'or­dre traditionnel, impliquant une hiérarchie des valeurs. Au Japon surtout, on peut retrouver der­riè­re la façade capitaliste et les discours libé­raux, les restes de l'esprit des samouraïs, l'éthi­que japonaise traditionnelle, la conscience aigüe des intérêts nationaux, le collectivisme créatif. A l'extérieur, le Japon correspond aux critères de la démocratie voulue par les Américains, mais l'esprit qui l'anime est radi­calement autre.

 

Je me demande pourquoi, nous Soviétiques, nous nous conduisons aujourd'hui comme une nation stupide, en acceptant sans aucune distance cri­tique les propositions libérales de l'Occident? De plus, nous n'avons même pas été vaincus par une puissance étrangère, comme c'était le cas pour le Japon et l'Allemagne. Pourquoi n'avons-nous pas imité l'expérience de la Chine, qui a pu réali­ser des réformes économiques très importantes sans crises brutales et catastrophes sociales? Vers 1985, nous étions une superpuissance relati­vement stable qui aurait eu seulement beoin de quelques modernisations superficielles et de quel­ques innovations technologiques. Pourquoi les changements ont-ils pris aujourd'hui une al­lure tellement dramatique?

 

S. BABOURINE: Je me souviens des paroles d'un homme politique russe, appartenant au camp des patriotes, Milyoukov. En observant les agitations du parlement bourgeois russe des an­nées 1916-1917, il se demandait: «Qu'est-ce que c'est? De la stupidité ou de la trahison?». Si cette question était posée aujourd'hui, la seconde pos­sibilité évoquée par Milyoukov répondrait à votre question, Monsieur Soultanov.

 

N. KLOKOTOV: A mon avis, le recours aux pers­pectives géopolitiques est un impératif caté­gorique aujourd'hui. Nous sommes le plus grand pays eurasien et nos intérêts sont inextricable­ment liés à l'espace eurasiatique et cela, sur tous les plans, économique, stratégique, politique, etc. On ne doit pas oublier que le continent eurasia­tique est beaucoup plus riche par ses ressources que le continent américain. Cela nous donne un certain avantage stratégique.

 

Ch. SOULTANOV: Mackinder affirmait que les puissances maritimes, surtout l'Angleterre, ne doivent jamais tolérer qu'un Etat continental s'or­ganise économiquement et politiquement, qu'il deviennent fort et puissant. Telle était la position traditionnelle de la Grande-Bretagne face à ses voisins européens. Par conséquent, dans cette même logique, l'éclatement de l'Etat soviétique répond aux nécessités stratégiques de la Grande Ile qu'est le Nouveau Monde, héritier de la politique thalassocratique anglaise, et ad­versaire de cette Plus Grande Ile qu'est l'Eu­rasie.

 

N. KLOKOTOV: Cette continuité géopolitique est désormais, pour ainsi dire, inscrite dans les gènes des peuples anglo-saxons. Face au Vieux Continent, les Etats-Unis ont hérité cette tactique de l'Angleterre. En tenant compte du développe­ment des armes modernes, l'Ile Amérique est de­venue pour l'Eurasie, ce qu'était jadis l'Angle­terre pour l'Europe. Pour ma part, je suis con­vain­cu que la conscience géopolitique des peuples est une faculté qui, peu à peu, devient hé­réditaire. Les Américains ont une mentalité d'insulaires. Ce qui m'amène à la certitude que les Améri­cains agissent toujours, en politique internatio­na­le, pour favoriser géopolitiquement leur Ile-Amérique et pour contrecarrer les sy­nergies à l'œuvre en Eurasie, le continent rival.

 

Par ailleurs, il m'a toujours paru évident que les expansionnismes allemands et japonais ne pou­vaient avoir disparu purement et simplement avec leur défaite de 1945. Nous, Russes, sommes contraints de regarder le retour du Japon et de l'Allemagne sur l'avant-scène de la politique internationale avec une certaine inquiétude. Vont-ils jouer le jeu de l'Ile Amérique ou parier pour l'unité eurasiatique? J'ai toujours refusé de croire que les Allemands étaient devenus de braves pacifistes innocents. Je ne crois pas qu'ils puissent un jour abandonner complètement leur prétention à vouloir unifier à leur profit et pour leur compte la masse continentale eurasienne ni à réaliser leur projet de Lebensraum à nos dé­pens. L'idée même d'une Allemagne pacifiste m'apparaît contre-nature. Raison pour laquelle les Russes doivent être constamment en état d'a­lerte sur le plan géopolitique.

 

A. DOUGUINE: Monsieur Klokotov, permettez-moi une question indiscrète. Y a-t-il dans l'Ar­mée Soviétique, actuellement, un lobby eura­sia­ti­que qui s'opposerait à la tendance nettement pro-atlantiste et pro-américaine de nos diri­geants «démocratiques» d'aujourd'hui, tels Gorbatchev, Yakovlev et Eltsine?

 

N. KLOKOTOV: Il n'y a pas qu'un lobby ou un groupe de stratéges. Trouver dans l'armée des atlantistes est extrêmement difficile, peut-être même impossible. Malgré les efforts des com­missaires politiques dans l'armée, qui voulaient nous convaincre que notre histoire militaire a commencé en 1917, nous, les officiers sovié­ti­ques, avions bien conscience du passé glorieux des armes russes; toutes les victoires russes de l'histoire étaient nos victoires. Et comme la stra­tégie militaire russe était essentiellement et na­tu­rellement eurasiatique, continentale et, en ce sens, universelle et supra-ethnique, ces mêmes traditions se perpétuaient dans l'armée soviéti­que. L'idée de la solidarité entre tous les peuples de l'Eurasie était le fondement doctri­nale de no­tre armée. Dans l'armée actuelle, au­cune que­rel­le n'oppose les nationalités, même si cette ar­mée est composée de représentants des ethnies les plus diverses. La conscience des inté­rêts grands-continentaux unit notre armée, comme devrait être soudé organiquement le ter­ritoire eurasien lui-même.

 

A. de BENOIST: Il faut rappeler la genèse de l'O­TAN. Cette alliance a été créée après la se­conde guerre mondiale pour organiser la défense des pays occidentaux contre la menace commu­niste venue de l'Est. Les peuples d'Europe occi­dentale ont également vécu tout ce temps sous la tutelle de l'OTAN, supposant naïvement que les Améri­cains les défendraient contre l'Union Sovié­ti­que. Quoi qu'il en soit, il est parfaitement évi­dent que, dans la situation actuelle, l'existence de l'OTAN a perdu pleinement sa si­gnification: le communisme en Union Soviétique n'existe plus et le Pacte de Varsovie, qui était le pendant de l'OTAN, s'est écroulé.

 

A. DOUGUINE: Objectivement, l'OTAN est dé­sormais une force globale garantissant stratégi­quement la domination planétaire de la civilisa­tion atlantique. Aujourd'hui, il est évident que seules les alliances stratégiques globales sont en mesure d'assurer le fonctionnement du système complexe qu'est la géo-économie mondiale. L'O­TAN se trouve être aujourd'hui la forme d'uni­fi­cation de la politique planétaire  —ou plus exacte­ment: de l'économie globalisée—  sous le signe de l'atlantisme et sous le commandement des puis­sances insulaires anglo-saxonnes, à sa­voir les Etats-Unis et leur «base maritime et aé­rienne en lisière de l'Europe», l'Angleterre.

 

A. de BENOIST: Cette «unification atlantique du monde» et, pour commencer, cette «unification atlantique de l'hémisphère nord» est l'objectif final de l'OTAN. Mais une telle «unification at­lantique» ignore totalement l'incompatibilité géopolitique globale entre les conceptions du mon­de —politique et géoéconomique— «conti­nen­tale» (eurasiatique) et «insulaire» (atlan­ti­que). Au fond, comment les théoriciens de l'O­TAN expliquent-ils le fait que leur al­liance existe? Auparavant, ils justifiaient l'OTAN par l'existence d'une menace sovié­tique. Actuelle­ment, ils parlent comme suit: après la faillite du communisme, il est tout-à-fait logique d'ad­mettre que l'ordre démocratique et libéral se propagera d'Ouest en Est et qu'un nombre tou­jours plus grand de pays de l'hémisphère nord seront intégrés dans un sys­tème socio-démo­cra­tique unique de type occiden­tal. L'OTAN, à l'heu­re actuelle, veut se donner un rôle de mé­diateur au niveau du processus d'intégration des régimes libéraux de l'hémisphère nord; veut participer au processus de soudure économique et industrielle des éco­nomies des différents Etats. Il ne faut d'ailleurs pas oublier que l'industrie militaire est partout un secteur industriel impor­tant.

 

A. DOUGUINE: Monsieur Steuckers, votre vi­sion du monde et de la politique est agonale et conflictuelle, éloignée de tout irénisme. Com­ment conciliez-vous l'idéal de pax eurasia­tica avec votre constat de la permanence du con­flit dans les relations inter-humaines et inter-éta­tiques?

 

R. STEUCKERS: Les conflits sur notre «hémis­phère eurasiatique» sont inévitables mais ils doi­vent être transformés en conflits lo­caux et ré­gulés, ce qui est impossible en dehors d'un bloc militaire stratégique unique en Eurasie. Nous devons combattre la conception de la «guerre ab­solue», avec son idéologie mani­chéenne où les adversaires se considèrent mu­tuellement com­me les représentants du «mal ab­solu». Nous a­vons vu l'exemple le plus détestable de cette ap­pro­che manichéenne quand les Américains, lors de la guerre du Koweit, ont été pris d'un délire de fanatisme puritain. Nous de­vons plutôt nous pen­cher sur le concept de «guerre de forme», c'est-à-dire sur les types de conflits  —vu la nature hu­maine les conflits sont malheu­reusement iné­vitables—  qui se déroulent entre de petites ar­mées composées de volontaires et de militaires professionnels, sans engagement de la popula­tion civile et sans destruction des éco­nomies na­tionales. Je le répète, nous ne sommes pas des utopistes et nous reconnaissons, bien sûr, que des conflits déterminés enflammeront tou­jours l'u­ne ou l'autre portion de l'espace eurasia­tique. Mais il sera nécessaire de les réguler en pensant au mode de belligérence que fut et pourra rede­venir la «guerre de forme»: les parties belli­gé­rantes doivent voir dans leur ennemi d'au­jour­d'hui un allié potentiel de demain.

 

N. KLOKOTOV: Considérez-vous, Monsieur Steuckers, que le refus de l'armement nucléaire de la part de la Russie mènera à une plus grande sécurité en Europe ou, au contraire, l'armement nucléaire russe a-t-il été et demeurera-t-il un facteur effectif de dissuasion des conflits locaux?

 

R. STEUCKERS: En Europe, le désarmement u­ni­latéral de la Russie et notamment son renon­cement unilatéral à l'armement nucléaire n'est avantageux pour personne. Nous avons toujours aspiré à ce que les troupes soviétiques abandon­nent les pays d'Europe centrale mais nous n'a­vons jamais voulu l'affaiblissement de la Rus­sie elle-même, qui, forte, a toujours jouer un rôle stabilisateur, tant au temps de la Pentarchie que pendant l'équilibre européen arbitré par Bis­marck. L'arme nucléaire en quantité limitée est effectivement nécessaire à l'Europe pour conte­nir les Etats-Unis ou d'autres puissances extra-continentales et pour prévenir des conflits locaux intra-européens ou intra-eurasiatiques.

En même temps, un puissant armement nu­clé­aire est extrêmement accablant d'un point de vue économique au point que les dépenses pour l'ar­me­ment ont déjà conduit l'économie améri­caine au seuil de la faillite; les Russes ne doi­vent pas se faire d'illusions à ce sujet. Les seuls modèles capitalistes efficaces aujourd'hui sont les modè­les japonais et allemand. La course aux arme­ments a détruit non seulement l'économie so­viéti­que mais également l'économie améri­cai­ne. Les dépenses pour un super-armement sont tout simplement insensées. Il est certes né­ces­saire d'avoir une arme nucléaire limitée per­mettant d'asséner sélectivement un coup puis­sant, fort et irrésistible destiné à prévenir l'ex­ten­sion des conflits, à arrêter la guerre to­tale. Mais pourquoi faut-il créer un potentiel suf­fisant pour détruire dix fois la planète entière? 

 

A. DOUGUINE: Pour l'armée tout est donc clair, comme vient de nous le dire le Lieutenant-Gé­néral Klokotov. Sur le même sujet, j'aimerais maintenant interroger Monsieur Babourine et lui demander quelles sont les orientations géopo­litiques de nos parlementaires, de nos députés.

 

S. BABOURINE: A la différence de Monsieur Soultanov, je ne crois pas qu'il y ait des nations intelligentes et des nations moins intelligentes. Je pense plutôt qu'il y a des peuples heureux et des peuples malheureux. Les peuples heureux ont des gouvernants sages. Aujourd'hui, notre peuple est extrêmement malheureux. La plupart des députés sont absolument incompétents en matières poli­tiques et géopolitiques. Ils agissent par la force de leurs émotions, de leurs sentiments éphémères, en suivant les suggestions séduisantes de la pe­tite clique des hypnotiseurs et des démagogues. Ces derniers sont bien conscients de leurs inté­rêts, mais évitent toujours de parler des questions géopolitiques, évitent même de prononcer ce mot parce qu'ils ont peur des définitions claires et sans équivoques que donne précisément la géopo­litique; on s'apercevrait tout de suite, si ces défi­nitions étaient largement répandues dans la classe politique et dans l'opinion publique, qu'ils agissent contre les intérêts nationaux de notre Etat et de notre peuple. Deux exemples: celui des Iles Kouriles et celui des frontières russo-ukrai­niennes. On veut rendre les Iles Kouriles au Ja­pon pour obtenir un soutien financier (dérisoire d'ailleurs) de Tokyo; mais sur le plan économi­que, politique, géopolitique, stratégique et surtout moral, ce serait une perte gigantesque, une tra­gédie nationale, un choc pour notre cons­cience, une humiliation profonde. Pire, cela risque d'a­morcer un processus destructeur de ré­vision gé­nérale de toutes les frontières du globe. Si nous acceptons comme légitime cette pratique de révi­ser les frontières nationales, nous créons impli­ci­tement un terrible précédent; des guerres en chaîne risquent de s'ensuivre.

 

Une autre tragédie risque de se produire, à la fois géopolitique et religieuse: la destruction de la synthèse unique entre les trois grandes cultures religieuses (chrétienté, islam, bouddhisme) qui s'est réalisée dans les terres de Russie. Enfin, troisième menace, tout aussi terrible: le risque de brisure irrémédiable de l'unité des trois peuples slaves orientaux (Grands-Russiens, Petits-Rus­siens ou Ukrainiens et Blancs-Russiens). Si cet­te rupture est consommée lors du prochain ré­fé­rendum sur l'indépendance de l'Ukraine, ce se­ra une catastrophe gigantesque. Nous sommes en­racinés dans toutes les parties de la Russie; nous avons tous des parents dans toutes les répu­bliques, parmi tous les peuples qui vivent sur nos terres.

 

Dans tous ces événements, j'aperçois clairement la trace du travail qu'accomplissent les forces qui veulent à tout prix détruire l'unité eurasia­tique, affaiblir l'organisme géopolitique conti­nental, dresser des obstacles à toute réssurection possible de la Russie en tant que grand empire eurasien. Mais cette politique de sabotage systé­matique n'est pas seulement venue de l'exté­rieur. Ce sont nos politiciens qui détruisent sys­té­matiquement le pays de l'intérieur. C'est en pen­sant anticipativement les conséquences ter­ribles de cette involution politique, en envisa­geant la catastrophe grande-continentale qui ris­que de survenir, qu'il faut juger les orienta­tions géopolitiques de nos dirigeants et de nos par­lementaires. Leurs positions, mêmes ina­vouées, deviennent bien claires quand on cons­tate leurs actes concrets.

 

Ch. SOULTANOV: Je voudrais rappeler les ar­guments qu'évoquent souvent les opposants à l'i­dée eurasienne. Je m'adresse surtout à Ale­xan­dre Douguine. On ne peut pas nier que l'Eurasie d'aujourd'hui est loin, très loin, d'être le conti­nent harmonique et pacifié. Elle est dé­chirée par les conflits intérieurs: guerre récente entre l'I­rak et l'Iran, guerre inter-ethnique en Yougosla­vie, guerre en Afghanistan, menées sé­paratistes en Inde (les Sikhs), conflits entre na­tionalités de l'ex-URSS, etc. Pire: bon nombre de puissances en Eurasie possèdent l'arme nu­cléaire, ce qui augmente les chances de voir se déclencher une apocalypse, scellant définitive­ment le suicide de tous nos peuples. Ne doit-on pas rechercher plutôt qu'une opposition entre deux continents, une har­monie planétaire, se ba­sant sur des valeurs uni­versellement humaines, non pas contre l'Amé­rique, mais avec l'Amérique?

 

A. DOUGUINE: Premièrement, je refuse à croi­re aux «valeurs universellement hu­maines», parce que c'est, à mon avis, une abs­traction, une utopie, absolument vide de sens; ces «valeurs» font partie de l'héritage de la Révolution fran­çaise et de la pensée rationaliste de l'ère des Lu­mières: elles sont aussi optimistes qu'elles sont infantiles.

 

Ch. SOULTANOV: Mais toutes les religions sont d'accord pour affirmer l'unité de l'homme.

 

A. DOUGUINE: Oui, dans un autre sens, dans le sens spirituel, au niveau de l'archétype intempo­rel, et non pas dans la réalité historique contin­gente. De plus, les différentes religions expri­ment des conceptions différentes de l'«universa­lisme anthropologique». L'universalisme chré­tien  —dont il existe d'ailleurs beaucoup de va­riétés—  est une chose, l'universalisme isla­mi­que en est une autre, etc. On peut admettre la possibilité d'une alliance, par exemple, entre les Chrétiens et les Musulmans pour la défense des intérêts géopoli­tiques de l'Eurasie, mais les dif­fé­rences entre leurs valeurs religieuses respec­tives n'en dimi­nueront pas pour autant. D'ail­leurs le monde d'aujourd'hui n'est pas guidé par les facteurs spirituels et religieux, donc je trouve votre objec­tion est dépourvue de consistence.

 

Par ailleurs, le célèbre politologue allemand Carl Schmitt, popularisé en Europe par les efforts des nouvelles droites, est devenu aujourd'hui l'auteur le plus indispensable pour donner un re­gain de sérieux aux facultés de sciences poli­tiques et sociales en Europe occidentale. Carl Schmitt, dans toute son œuvre, insiste sur la dis­tinction ami/ennemi, ou, plus précisément, entre «les nôtres» et les «non nôtres» (en russe: nachi  et nenachi).  Cette distinction est à l'origine de toute communauté humaine, depuis les tribus pri­mitives jusqu'aux empires les plus complexes et les Etats les plus grands. Nier la distinction a­mi/ennemi, nôtres/non-nôtres, serait faire vio­len­ce à la nature humaine, sombrer dans l'arti­ficialité monstrueuse et contre-naturelle. Je pen­se que les défenseurs des «valeurs univer­selle­ment humaines» ne croient pas eux-mêmes en l'abstraction qu'ils proposent et suggèrent; ils l'utilisent pour masquer leurs buts géopolitiques et politiques véritables. Eux aussi opèrent la dis­tinction entre «nôtres» et «non-nôtres». Leurs «nôtres» restent souvent dans l'ombre et sont ra­dicalement les ennemis de nos «nôtres». Le seul «universalisme» que nous devons reconnaître comme réel, réaliste et concret est l'univer­sa­lis­me eurasien, qualitatif et différen­cié, poly-ethni­que et organique.

 

Je voudrais aussi insister sur la nécessité, au­jourd'hui, à l'heure critique où nous vivons, d'é­largir les limites dans lesquelles nous avions coutume d'enfermer notre conception des «nô­tres». Ces limites ne seront plus celles de l'ex-URSS, mais celles, naturelles et géogra­phiques, du grand continent eurasiatique. Toutes les for­mes de (petit)-nationalisme ou de chauvi­nisme sont des alliées objectives des forces hos­tiles à la synergie constructive eurasiatique. Dans le mon­de actuel, la liberté d'un peuple, quel qu'il soit, dépend directement de l'autarcie géo­poli­tique et géo-économique du continent sur le­quel ce peuple vit. Les Russes, les Allemands, les Ja­ponais, les Français, les Serbes et les Croates, les Caucasiens, les Indiens, les Irakiens et les Ira­niens, les Espagnols, les Vietnamiens et les Chi­nois, en tant que nations, ne seront plus ja­mais libres, indépendants et forts si un Empire eura­sia­tique ne se constitue pas. Les peuples de l'ex-URSS et tous les autres peuples d'Europe, sans instance grande-continentale eurasienne, reste­ront à jamais les «petits frères» de l'Oncle Sam. Dans ce vaste processus de libération anti-amé­ri­cain et donc anti-impérialiste, trois Etats sont historiquement destinés à jouer un rôle uni­fi­ca­teur important, à devenir conjointement le Heart­land  eurasiatique: la Chine, la Russie et l'Allemagne. Pour réaliser cette fantastique sy­nergie, nous avons besoin de la participation de tous les peuples et de tous les pays eurasiens. Ils sont tous des «nôtres».

 

Nous devons clairement apercevoir l'unique fron­tière qui sépare les «nôtres» des «non-nô­tres». C'est la frontière entre l'Eurasie (non seu­lement géographique, mais aussi spirituelle, cul­turelle, idéologique, traditionnelle) et l'Occident «atlantiste» et extra-européen, l'Occident améri­cain. Je suis partisan d'une union et d'une uni­versalité plus larges mais, pour être concrète, définie et réelle, cette univer­salité doit s'arrêter, trouver des limites tan­gibles, sur la façade mari­time occidentale de la masse continentale eura­sienne. Au-delà des «colonnes d'Hercule», de Gi­braltar ou du Cap Saint-Vincent, commence u­ne autre planète, un autre monde, aliéné et hos­tile. Certes, nous pou­vons faire une exception pour les Amérindiens, ces enracinés qui conser­vent malgré tout leur propre identité, leur propre tradition. Ils sont des «nôtres», contrairement aux yankees, avec leur messianisme qui veut promouvoir les «valeurs universellement hu­mai­nes», en même temps que leurs «Mac'Do'» et leurs banques.

 

S. BABOURINE: Je ne partage pas le radica­lisme de vos propos. Il y a des valeurs universel­lement humaines, comme le droit de vivre, par exemple, ou quelques vérités religieuses, etc. En revanche, je suis radicalement contre l'emploi de la rhétorique humaniste et de la démagogie quand elles servent à masquer la destruction de l'Etat et la désintégration des systèmes de sécu­rité. C'est de la manipulation et du lavage de cerveaux.

 

Ch. SOULTANOV: Vous avez mentionné la sé­curité de l'Etat. Comment la pensée militaire so­viétique voit-elle le rôle de l'Etat soviétique en tant que puissance nucléaire à ces trois niveaux que sont la planète, le continent et l'Etat russe?

 

N. KLOKOTOV: Nous avons construit notre doc­trine militaire en prenant ces trois niveaux en considération. Détenir l'arme nucléaire et peser très lourd sur le plan des armements con­ven­tionnels, tels étaient les deux atouts décisifs qu'a­vançait l'armée soviétique pour garantir l'é­­quilibre planétaire entre les deux blocs. Grâce à l'URSS, les Atlantistes américains et leurs in­térêts commerciaux étaient confrontés à des li­mites sur le continent eurasiatique. De facto, le Pac­te de Varsovie était un pacte eurasien ina­che­vé. Nous étions les garants de l'ordre: grâce à no­tre force dissuasive, aucun conflit grave ne pouvait survenir en Eurasie. De ce fait, l'armée soviétique avait une fonction équilibrante tant au niveau global qu'au niveau continental. Elle as­surait la parité. La doctrine dominante de notre stratégie militaire était qualifiable d'«eura­sis­te». On peut donc dire que la sécurité planétaire (globale), la sécurité continentale et la sécurité de l'Etat soviétique étaient étroitement liées entre elles; elles étaient au fond une seule et même cho­se.

 

Dans le vaste contexte eurasien, le rôle de l'ar­mée soviétique était le suivant: grâce à sa simple existence, les autres peuples d'Europe et d'Asie n'avaient pas besoin d'entretenir d'armée, si­non des unités limitées numérique­ment pour as­surer l'ordre intérieur dans de pe­tites entités po­litiques. De telles armées n'auraient eu qu'une fonction symbolique en cas de conflit global. En revanche, quand la donne a changé en URSS, on s'est aperçu que l'armée so­viétique n'était pas préparée du tout à faire face à des conflits locaux ou à intervenir dans des luttes intestines. Toute notre stratégie avait été élabo­rée pour garantir la paix à grande échelle et non pas à vaincre dans de petits combats (en situation de Kleinkrieg).  L'objectif principal de notre armée à toujours été d'assurer la paix planétaire.

 

Même aujourd'hui, après la dissolution du Pacte de Varsovie, notre armée continue à servir cet ob­jectif, tout simplement parce qu'elle possède l'arme nucléaire et que se structuration straté­gique est demeurée telle. Il n'est pas sérieux de parler de la «souveraineté» des républiques ou même des libertés des pays d'Europe orientale si ces républiques et ces pays ne possèdent pas de forces militaires suffisantes pour défendre cette liberté et cette indépendance. Paradoxalement, ces républiques et ces pays ne peuvent être «in­dépendants» que s'ils dépendent de l'armée so­viétique! Autrement, le voisin le plus fort les avalera à la première occasion. Toute «souve­rai­neté» sans armée forte, capable de ga­rantir ef­ficacement l'indépendance, est pure chimère, même au niveau juridique. Même au cas où les républiques de l'ex-URSS se partage­raient une fraction plus ou moins importante de l'arsenal nucléaire soviétique, cette fraction demeurera tou­jours insuffisante pour les rendre réellement li­bres. Arithmétiquement, la République de Rus­sie sera toujours plus forte sur le plan militaire. C'est pourquoi toute cette rhéto­rique indépendan­tiste, déversée sur les ondes ou dans les colonnes des journaux, sans aucune considération profon­de de la situation straté­gique, géopolitique et mi­li­taire, me paraît être de la pure démagogie, in­consistante et vide de sens. La souveraineté et l'indépendance ne seront ga­ranties aux répu­bliques que si elles participent à une alliance stra­tégique et géopolitique avec la Russie ou avec un Etat soviétique rénové mais qui n'aura pas aliéné les instruments de sa sou­veraineté. D'ail­leurs, quel que soit le nom, URSS, CEI ou autre, la donne géopolitique et géostratégique restera la même.

 

Ch. SOULTANOV: D'accord, mais vous ne pou­vez pas nier que le bloc OTAN demeure toujours puissant et continue à développer ses capacités militaires et stratégiques; quant au bloc alterna­tif, il se réduit aujourd'hui à la seule Russie, qui se dégrade de plus en plus et se trouve entre les mains de politiciens de tendance atlantiste. Nous devons donc nous attendre à la fragmenta­tion définitive de l'ancienne URSS et même à ce que les républiques, Russie comprise, vendent leurs armes nucléaires à des pays relativement belliqueux, le Pakistan par exemple. Aujour­d'hui, l'armée soviétique est presque en­tière­ment détruite. Dès lors, les propos de Monsieur Klokotov ne sont-ils pas un peu ana­chroniques?

 

A. DOUGUINE: Pour ma part, je voudrais insis­ter sur le caractère artificiel de la destruction du système soviétique. J'ai toujours été un ennemi du socialisme marxiste et du système soviétique mais, malgré cela, je veux rester honnête et avouer qu'avant la perestroïka, la situation en URSS n'était guère critique des points de vue économique, politique, technologique, etc. Nous, les dissidents, étions une minorité infime; nos idées anti-soviétiques n'avaient pas la moindre incidence sur le peuple. En 1985, des pays beau­coup moins stables que l'URSS survivaient sans trop de problèmes depuis des décennies et pour­suivent leur bonhomme de chemin. Mais Gor­ba­tchev a commencé par déstabiliser l'Etat, en provoquant des conflit, en ébranlant les struc­tu­res administratives, en bouleversant les habitu­des idéologiques, en dénonçant les vérités incar­nées dans l'homo sovieticus. En prétendant en finir avec la «sclérose» de l'armée (qu'est ce que cela signifie, dans le fond?), on fait sauter toute sa structure. Volontairement, on a troqué une i­déologie totalitaire contre une autre, qui n'est pas moins totalitaire, je veux dire qu'on a troqué l'u­topisme marxiste/communiste contre l'utopisme démocratique/capitaliste, sans faire preuve de la moindre correction à l'égard du peuple et sans aller à l'encontre de ses demandes d'ordre spi­rituel ou existentiel. Quel que soit le but de Gor­batchev et d'Eltsine, il demeure évident que leurs orientations géopolitiques sont non seu­lement pro-occidentales mais, pire, extrême-oc­ci­den­ta­les, c'est-à-dire atlantistes, agressive­ment pro-a­méricaines et anti-eurasistes, anti-euro­péen­nes dans le sens où le destin de la Russie et celui de l'Europe sont intimement liés. Je perçois bien la contradiction entre, d'une part, la doctrine stra­tégique développée par l'état-ma­jor sovié­ti­que  —laquelle est eurasiste plutôt que marxiste ou communiste, comme vient de nous l'expliquer le Lieutenant-Général Nikolaï Klokotov—  et, d'au­tre part, la doctrine géopoli­tique pro-atlan­tiste des chefs de l'Etat post-sovié­tique actuel. J'en déduis que les idées défendues par Nikolaï Klokotov ne sont pas anachroniques mais consti­tuent plutôt une conception opposée à celles des auteurs et des praticiens de la peres­troïka. Géopo­litiquement parlant, les transfor­mations à l'œu­vre aujourd'hui sont globalement négative pour l'ensemble eurasiatique. Mes con­victions per­son­nelles me portent à croire que les chefs de l'URSS actuelle, partie en quenouille, sont les agents inconscients, non pas tant des services secrets étrangers (ça reste à prouver; nous n'a­vons aucune preuve tangible), mais, métaphy­si­quement, je crois qu'ils sont les agents de l'autre continent, car ils font le jeu, naïve­ment, des in­térêts atlantistes et anti-eurasiens.

 

J'aimerais aussi répondre à Sergueï Babourine, puisqu'il m'a interpellé à propos du «droit de vi­vre». Je crois, moi, qu'il y a des valeurs qui transcendent le simple droit de vivre. Les va­leurs qui se profilent derrière la pensée géopoli­tique, les valeurs supérieures de l'Etat, les va­leurs véhiculées dans la chair du peuple, par la Tradition, par l'héritage historique de la nation sont plus hautes que notre misérable vie indivi­duelle, éphémère et inéluctablement vouée à la mort. La Russie a été un grand empire continen­tal parce que des millions de Russes sont morts, ont donné, avec des millions de ressortissants d'autres peuples de l'empire, leur «droit de vi­vre» pour que s'instaure sur la planète cet Em­pire/Etat gigantesque et grandiose, qui res­tera, dans les mémoires, couvert de gloire éter­nelle, grâce à ses victoires, ses guerres, l'exemple des génies qu'il a produits, grâce à la culture qu'il a fait éclore, grâce à sa tradition et sa spiritualité. Cet Empire/Etat avait une grande mission eura­siatique à accomplir, dont les di­mensions histo­ri­ques et religieuses ne doivent pas nous échap­per. Pour ces valeurs, les meil­leurs fils de la Pa­trie mourraient et tuaient. Voilà la grande vé­rité, nue et crue, que nous dé­voile l'histoire. Nous, les Russes, sommes tout naturellement, par le fait de notre naissance, de notre culture, de nos racines, les soldats de cet Empire, les soldats de l'Eurasie. Et nous devons, au lieu de ratio­ciner sur ces abstractions mé­diocres que sont le «droit de vivre», les «droits de l'homme», les «valeurs universellement hu­maines», mourir et tuer pour les intérêts, de la Russie, du Grand Con­tinent eurasiatique, de la Planète. Nous de­vons n'être qu'une armée où seuls comptent la discipline et le devoir.

 

S. BABOURINE: D'accord. Pour notre peuple, la période de la perestroïka est la période d'expan­sion d'une nouvelle idéologie qui lui est consub­stan­tiellement étrangère. A présent, notre peuple est groggy, sa conscience est obscurcie, troublée. Il ne comprend pas ce que les nouveaux chefs de l'Etat comptent faire de lui. Il n'a pas été préparé. Il est knock-outé. En gros, je pense comme Dou­guine, mais je mettrais l'accent sur d'autres cho­ses. Ou plutôt, je simplifierais la problématique en disant que l'essentiel, au­jourd'hui, est de dé­fendre la Patrie. A tout prix. Car tel est notre de­voir. La Russie est en danger. Et c'est en défen­dant la Russie sur les plans spi­rituel, idéolo­gi­que et physique que nous abouti­rons, tout naturel­lement, à la défense du Grand Continent, à la conscience de sa dynamique géo­politique, à la di­mension axiologique eura­sienne proprement dite.

 

Ch. SOULTANOV: Ne pensez-vous pas, Mon­sieur Douguine, que le projet eurasiatique est une utopie nouvelle, alors que la réalité éco­nomique et les intérêts de la vie quotidienne nous dirigent vers d'autres perspectives, plus con­crètes et net­tement moins héroïques. L'Occident et surtout les Etats-Unis vont profiter de la crise écono­mique en Russie pour acheter tout simple­ment le pays, ses politiciens et ses dirigeants, comme c'est le cas partout dans le tiers-monde. Le peuple sera satisfait d'exécuter les ordres des gouver­neurs de la Banque mondiale, à condition de re­cevoir à manger. Le pathos eurasiatique est cer­tes très séduisant pour l'élite et les patriotes con­vaincus mais le peuple, lui, ne s'en souciera guè­re; il préfèrera sans doute la satiété et la colo­ni­sation à l'indépendance et au combat.

 

S. BABOURINE: Dans la rue, on dirait que c'est déjà le cas.

 

A. DOUGUINE: Sans doute que, dans un premier temps, le choix du peuple se portera vers l'atlan­tis­me. Mais, à long terme, je doute que la greffe soit possible. L'atlantisme, en soi, est une idéolo­gie qui est diamétralement opposée à notre idéo­logie intrinsèque, à notre nature russe, à notre idéologie russe, à nos traditions, à notre histoire. Les auteurs eurasistes du début de ce siècle, com­me Troubetskoï, Vernadsky, etc., ont démontré que la révolution bolchévique a été une réponse spontanée et aveugle à l'expansion du capitalis­me et de son idéologie implicite, indivi­dualiste et égoïste. Le communisme n'avait qu'un seul côté attirant: son engagement anti-bourgeois et anti-individualiste. Les Russes, à cette époque, vi­vaient toujours dans la dimension du collec­ti­visme spirituel, dans l'esprit de l'obchtchina,  c'est-à-dire la communauté (Gemeinschaft) qua­litative et organique tradi­tionnelle. Quand notre peuple prendra cons­cience de l'essence anti-rus­se du modèle améri­cain, il réagira. D'une ma­nière brutale.

 

Par ailleurs, je refuse de croire à la supériorité absolue de l'économie capitaliste; notre écono­mie a commencé à se désintégrer quand on y a in­troduit des éléments capitalistes. Dans le tiers-monde, beaucoup de pays capitalistes connais­sent la misère. De plus, le bien-être offert par le capitalisme est également très exagéré. Cette re­lativisation du fait capitaliste me permet de ne pas considérer a priori les réflexions d'ordre géopolitique, les perspectives eurasistes, comme des utopies. En outre, je ne crois pas que le pou­voir et le lobby atlantistes dureront longtemps dans notre pays. Les réflexes communautaires des Russes sont trop profondément ancrés dans l'âme du peuple pour qu'on puisse les en éradi­quer. L'âme russe est pourtant plastique: elle peut assimiler toutes les idéologies, sauf celle qui veut expressément son assèchement et sa dispari­tion. Qui plus est, les «démocrates» ne pourront jamais nourir convenablement le peuple. Ils sont malhabiles à l'extrême et n'ont aucun sens de la responsabilité. Les révoltes de la faim éclate­ront. La haine à l'égard des politiciens prendra des proportions inouïes. Le pouvoir «démo­crati­que» va tomber et les gouverneurs de la Banque mondiale seront renvoyés dans leurs pays. Par conséquent, les intérêts eurasiens se­ront les seuls à l'avant-plan à court ou moyen terme. Raison pour laquelle nous ne pouvons né­gliger les projets géopolitiques eurasiens, les re­jeter comme quelque chose de trop «intellectualiste» ou d'«utopique». Je déplore au contraire l'absen­ce d'intellectualité chez les nôtres. La stupidité de nos «démocrates» me ré­jouit. Mais je crains que la révolte populaire, anti-démocratique et an­ti-atlantiste, ne soit ré­cupérée, une fois de plus, par quelques aventu­riers idéologiques ou par des sectes politiques étrangères aux intérêts russes et eurasiatiques, comme en 1917. Je ne crois pas qu'on puisse acheter notre peuple; on peut le sé­duire mais pour cela, il faut faire preuve d'au­torité, encourager l'esprit communautaire qui gît au fond de son âme et connaître les détours de la psyché russe. Les atlantistes sont incapables de faire ce tra­vail. Donc, en dépit de leurs efforts, la réponse sera eurasiatique.

 

N. KLOKOTOV: A propos de la satiété, je me sou­viens d'une conversation que j'ai eue à Rome a­vec un général de la Bundeswehr qui me de­man­dait: «Qu'allez-vous faire avec l'aide hu­mani­taire de l'Occident?». J'ai répondu qu'il n'y a pas meilleur moyen de tuer les capacités à pro­duire les biens que de donner ceux-ci en ca­deau. La fameuse aide occidentale nous perver­tit; elle fait de nous des parasites. Cette aide est perverse: elle est une forme de lutte idéologique qui, sous le couvert souriant de la générosité, em­pêche toute renaissance possible de notre peuple, rend inutile les efforts de notre peuple dans la re­construction pour lui-même d'un appareil indus­triel et de services.

 

Ch. SOULTANOV: Réalisable ou non, le projet eurasien reste très intéressant et digne d'une étu­de approfondie. Par conséquent, je pense qu'il faut l'étudier sous tous ses aspects dans les mi­lieux intellectuels, culturels, politiques et mili­taires. Il est temps, pour nous, d'appeler les cho­ses par leur nom, sans équivoques et sans il­lu­sions.

 

A. DOUGUINE: Monsieur de Benoist, vous qui vi­vez à Paris, au sein de la culture occidentale, comment réagissez-vous quand on vous parle de «continent eurasien», thème qui n'a pas beau­coup été abordé en France?

 

A. de BENOIST: Je considère le projet eurasia­tique, l'alliance eurasienne à l'échelon culturel, économique et peut-être militaro-stratégique com­me nécessaire et souhaitable au plus haut point. Il est possible que la création définitive du bloc eurasien soit le stade final d'un long proces­sus. Le continent eurasiatique est un conglomé­rat géant de formations politiques, nationales et étatiques diverses. Nous ne pourrons pas en une seule fois parvenir à l'intégration géopolitique définitive. La majorité des ethnies et des peuples eurasiatiques ont des racines culturelles, histo­riques et traditionnelles communes bien plus pro­fondes que les frictions et les conflits de l'his­toire de ces derniers siècles qui, en compa­raison du cycle de vie d'une ethnie, occupent un espace-temps assez insignifiant.

 

A. DOUGUINE: Habituellement, deux principes en apparence antagonistes s'opposent au projet du «mondialisme atlantique»: le principe du régio­nalisme, de la conservation de l'ethnie, du «na­tio­nalisme local» et le principe de l'union eura­sienne globale, la théorie de l'«autarcie des grands espaces»...

 

A. de BENOIST: Je considère qu'il s'agit là de deux niveaux différents d'un seul et même pro­cessus; l'un inférieur, l'autre supérieur. A l'heu­re actuelle, nous ne devons pas insister uni­quement sur l'unification eurasienne puisque nous n'avons pas encore les moyens suf­fisants pour réaliser un tel projet. Nous devons commen­cer par le bas, en opposant au mondia­lisme les valeurs ethniques, régionales et natio­nales, les traditions, les principes organiques, commu­nau­taires et qualitatifs de l'organisation sociale. Mais cette opposition doit nous permettre de pré­parer le fondement intellectuel et culturel de la future unification; doit contribuer à l'instau­ra­tion de la compréhension réciproque entre les for­ces eurasiennes orientées dans le sens conti­nen­tal. Nous devons travailler au ni­veau des ré­gions tout en pensant au continent.

 

Il y a des aspects positifs dans l'unification al­lemande, en ce qu'elle constitue l'amorce du dia­logue eurasiatique. L'alliance étroite entre la Russie et l'Allemagne est gage de paix pour le continent eurasien. Toute la question est de sa­voir si l'URSS d'hier pourra passer sans heurts à la création d'un nouveau bloc continental eura­siatique. Il me semble, hélas, que c'est impos­si­ble. Apparemment, nous devrons passer par une période transitoire de chaos: d'abord la dé­sin­té­gration du bloc des pays de l'ex-Pacte de Var­so­vie; ensuite le chaos et la guerre civile dans les pays d'Europe orientale; enfin, la désin­tégration de l'URSS et même, peut-être, de la Russie. Tous ces processus  —et particulièrement la désin­té­gra­tion de la Russie—  sont des phéno­mènes pu­re­ment négatifs mais qui, malheureu­sement, sont presque inévitables.

 

R. STEUCKERS: Toutes les guerres eurasiennes de ces derniers siècles n'ont amené que des ré­sultats négatifs; pensons à la guerre russo-sué­doise au temps de Charles XII, à Napoléon, à Hitler, etc. Chaque guerre eurasiatique, gagnée ou perdue, a mené uniquement à l'exarcerbation des problèmes géopolitiques, sociaux, nationaux et économiques et nullement à leur résolution. Chaque guerre menée entre les pays de l'Est et de l'Ouest, chaque conflit se développant le long de cet axe est contre nature et enfreint les liens géo­politiques et géo-économiques organiques tou­jours plus solides et profonds le long des latitudes et se relâchant au contraire le long des longi­tudes du globe terrestre. Selon une loi détermi­née, non encore comprise dans son entièreté, les pays du Nord se sont toujours distingués, dans l'histoire médiévale et contemporaine, par un niveau plus élevé de développement économique ou par un sens plus aigu du politique, face à leurs adversaires en décadence; raison pour laquelle  tous les conflits qui les opposent tendent inévita­blement vers une crise planétaire globale. Le Nord, plus riche, peut et doit livrer sa production excédentaire au Sud plus pauvre. C'est notam­ment du Nord vers le Sud que doit passer l'ex­pansion culturelle positive, qui ne signifie nul­lement un impérialisme exploiteur. Presque tou­jours  dans l'histoire, lorsque l'influence cultu­relle et économique s'est propagée du Nord au Sud (du Japon en Chine; de la Russie à l'Asie Cen­trale au XIXième siècle, etc.), nous avons ob­tenu un résultat harmonieux et naturel. Les ex­pansions le long de l'axe Est-Ouest, au contraire, ont mené systématiquement à la destruction de tout équilibre et à la catastrophe.

 

Il faut d'ailleurs souligner que l'expansion de la Russie à travers le continent asiatique a été une expansion pleinement harmonieuse et naturelle; en effet, à partir du XVIIième siècle, les Russes, descendants directs des peuples indo-européens jadis répartis dans l'actuelle Ukraine et dans la partie occidentale de la steppe centre-asiatique, ont suivi la même voie que leurs ancêtres scythes et iraniens qui ont créé l'empire perse et la civi­lisation védique en Inde dans la plus haute anti­quité. C'est de ce point de vue d'ailleurs, que la Russie peut, aujourd'hui, se considérer comme la puissance politique qui est l'héritière directe de ces conquérants indo-européens. En Europe occi­dentale, l'Empire romain a commencé son ex­pansion méditerranéenne contre Carthage, diri­geant ses énergies vers le Sud, vers l'Afrique du Nord, grenier à blé. Ce mouvement était orga­nique et harmonieux; quand Rome s'est retour­née contre son réservoir de population celtique et germanique, contre la Gaule et la Germanie, son déclin a commencé.

 

A partir de ses lois géopolitiques et historiques, nous pouvons comprendre à quel point est dange­reuse l'intrusion militaire, culturelle et écono­mique de l'Amérique en Europe et en Asie: cette intrusion contredit en effet la logique naturelle Nord-Sud et représente une ingérence catastro­phique, génératrice de crises, le long de l'axe Est-Ouest. L'ingérence américaine, nouveauté du XXième siècle, est source de déséquilibre cons­tant sur le continent eurasien; cette expan­sion va de paire avec des conflits entre Etats eu­rasiatiques littoraux et insulaires, d'une part, et Etats centre-continentaux (Allemagne/Grande-Bretagne; Russie/Angleterre en Asie centrale et en Afghanistan; Chine/Japon; etc.). L'Amé­ri­que, imitant l'exemple de l'Angleterre, vise tou­jours à provoquer des conflits sur les franges lit­to­rales du grand continent. En Extrême-Orient, c'est la politique d'attiser les conflits entre la Chine et le Japon, la Corée du Nord et la Corée du Sud, le Vietnam du Nord et le Vietnam du Sud. En Europe, c'est l'opposition entre Etats occiden­taux littoraux ou insulaires (France et Grande-Bretagne) et Etats centraux ou orientaux "conti­nen­taux" (Allemagne, Autriche-Hongrie, Rus­sie). La stratégie de l'américanisme consiste à conquérir (particulièrement sur les plans cultu­rel et éco­nomique) les Etats littoraux, tant sur la façade atlantique que sur la façade pacifique. Cette poli­tique enfreint directement la logique na­turelle du développement le long d'axes nord-sud et fait obstacle au renforcement des liens con­tinentaux eurasiens. Notons, par ailleurs, que dans le cadre de leur propre hémisphère oc­cidental insu­laire, les Etats-Unis utilisent ad­mi­rablement la logique Nord-Sud, en unifiant selon leurs propres critères géo-économiques le Ca­nada, les Etats-Unis (puissance dominante dans le jeu) et le Mexique. C'est la logique pana­méricaine.

 

A. DOUGUINE: Comment vous apparaît, Mon­sieur Steuckers, l'alliance stratégique et mili­tai­re des puissances eurasiatiques?

 

R. STEUCKERS: Elle est nécessaire. Nous de­vons mettre à l'avant-plan, aujourd'hui, la con­ception qui s'est développée au XVIIIième siècle sous le nom de Jus publicum europaeum  en l'ap­pliquant à l'ensemble du continent eurasien. Quoi­qu'il soit encore trop tôt pour parler de la réa­lisation d'un tel bloc continental stratégique uni­fié, nous sommes néanmoins tout simplement ob­ligés de présenter et de développer cette notion. Nous devons sans cesse insister sur le fait que tout conflit intra-continental, représentera une défaite notoire pour toutes les parties belligé­ran­tes aux niveaux économique, politique et so­cial, sans même parler des pertes humaines et mo­ra­les. Chaque guerre entre puissances eura­siennes porte en germe une défaite complète pour toutes les parties engagées. Dans un certain sens, nous sommes condamnés à l'alliance con­tinentale, de même que nous sommes condam­nés, sur le plan géopolitique, à voir dans les Etats-Unis l'en­nemi commun, menaçant à tous points de vue l'harmonie du continent eurasia­tique et contrecarrant l'orientation naturelle de ses ex­pansions culturelles et économiques. Car tant que l'américanisme, qui ouvre des conflic­tua­li­tés Est-Ouest, exercera sa pression sur l'Europe, nous vivrons toujours dans l'attente d'un nou­veau conflit intra-continental, d'une nouvelle guer­re eurasiatique qui, le cas échéant, pourra se terminer par une catastrophe globale qui préci­pitera la planète dans le déclin et la mi­sère. 

 

De la part de la revue Dyenn,  je remercie tous les participants et j'espère que nous nous rencontre­rons plus souvent dans l'avenir car notre jour­nal consacrera bientôt, régulièrement, plusieurs pages à l'idée eurasiste.

 

(nous remercions Alexandre Douguine et Sepp Staelmans de nous avoir communiqué une ver­sion française du texte russe de cette table ronde, publiée dans Dyenn,  n°2/1992).     

 

00:05 Publié dans Eurasisme | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : eurasie, russie, nouvelle droite, débat, entretiens, eurasisme | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

samedi, 20 juin 2009

America's Left-Conservative Heritage

America’s Left-Conservative Heritage

Recent dialogue between Kevin R.C. Gutzman, Christian Kopff and Tom Piatak concerning the tension between classical liberal-libertarians and traditionalist conservatives reminded me of an observation from my Portuguese “national-anarchist” colleague Flavio Goncalves concerning  the clarion call issued by Chuck Norris a while back: “Seems like the US Right is as revolutionary as the South American Left? Your country confuses me.”

It does indeed seem that most of the serious dissidents in America are on the Right nowadays, and I think this can be understood in terms of America’s unique political heritage. American rightists typically regard themselves as upholders and defenders of American traditions, while American liberals tend to admire the socialism and cultural leftism of the European elites. However, the republican political philosophy derived from the thought of Locke, Montesquieu and Jefferson that found its expression in such definitive American documents as the Declaration of Independence and the Constitution, and of which modern neo-classical liberalism and libertarianism are outgrowths, is historically located to the left of European socialism.

A variety of thinkers from all over the spectrum have recognized this. For instance, Russell Kirk somewhat famously remarked that conservatives and socialists had more in common with one another that either had with libertarians. Murray Rothbard observed that “conservatism was the polar opposite of liberty; and socialism, while to the “left” of conservatism, was essentially a confused, middle-of-the-road movement. It was, and still is, middle-of-the-road because it tries to achieve liberal ends by the use of conservative means.” Seymour Martin Lipset affirmed Rothbard’s thesis:

Given that the national conservative tradition in many other countries was statist, the socialists arose within this value system and were much more legitimate than they could be in America…Until the depression of the 1930s and the introduction of welfare objectives by President Roosevelt and the New Deal, the AFL was against minimum wage legislation and old age pensions. The position taken by (Samuel) Gompers and others was, what the state gives, the state can take away; the workers can depend only on themselves and their own institutions…Hence, the socialists in America were operating against the fact that there was no legitimate tradition of state intervention, of welfarism. In Europe, there was a legitimate conservative tradition of statism and welfarism. I would suggest that the appropriate American radicalism, therefore, is much more anarchist than socialist.

Back in 1912, when the German Social Democrats won 112 seats in the Reichstag and one-third of the vote, Kaiser Wilhelm II wrote a letter to a friend in which he said that he really welcomed the rise of the socialists because their statist positions were much to be preferred to the liberal bourgeoisie, whose antistatism he did not like. The Kaiser went on to say that, if the socialists would only drop antipatriotism and antimilitarism, he could be one of them. The socialists wanted a strong Prussian-German state which was welfare oriented, and the Kaiser also wanted a strong state. It was the pacifism and the internationalism of the socialists that bothered him, not their socialism. In the American context, the “conservative” in recent decades has come to connote an extreme form of liberalism; that is, antistatism. In its purest forms, I think of Robert Nozick philosophically, of Milton Friedman economically, and of Ronald Reagan and Barry Goldwater politically.

Thomas Sowell has provided some interesting insights into what separates the Left and Right in contemporary American discourse. Both Left and Right are derivatives of eighteenth century radicalism, with the Left being a descendent of the French Revolution and the Right being a descendent of the American Revolution. What separates the legacies of these two revolutions is not their radicalism or departure from throne-and-altar traditionalism, but their differing views on human nature, the nature of human society, and the nature of politics. Both revolutions did much to undermine traditional systems of privileged hierarchy. After all, how “traditional” were the American revolutionaries who abolished the monarchy, disestablished the Church, constitutionally prohibited the issuance of titles of nobility, constitutionally required a republican form of government for the individual states and added a bill of rights as a postscript to the nation’s charter document? One can point to the Protestant influences on the American founding that coincide with the Enlightenment influences, but how “traditional” is Protestantism itself? Is not Protestantism the product of a rebellion against established religious authorities that serves as a kind of prelude to a latter rebellion to established political authorities?

I would maintain that what separates the modern Right and Left is not traditionalism versus radicalism, but meritocracy versus egalitarianism. For the modern Left, equality is considered to be a value in its own right, irrespective of merit, whether individual or collective in nature.  The radical provisions of the U.S. Constitution, for instance, aimed at eliminating systems of artificial privilege. No longer would heads of state, clerics, or aristocrats receive their position simply by virtue of inheritance, patronage or nepotism, but by virtue of individual ability and achievement. No longer would an institution such as the Church sustain itself through political privilege, but through the soundness of its own internal dynamics. To be sure, these ideals have been applied inconsistently throughout American history, and all societies are a synthesis of varying cultural and ideological currents. For instance, it is clear that nepotism remains to some degree. How else could the likes of George W. Bush ever become head of state?

Yet, for the Left, equality overrides merit. With regards to race, gender or social relations, for example, it is not sufficient to simply remove barriers designed to keep ethnic minorities, women or homosexuals down regardless of their individual abilities or potential contributions to society. Instead, equality must be granted regardless of any previous individual or collective achievement to the point of lowering academic or professional standards for the sake of achieving such equality. This kind of egalitarian absolutism is also apparent with regards to issues like the use of women in military combat or the adoption of children by same-sex couples. The Left often frames these issues not in terms of whether the use of female soldiers is best in terms of military standards (perhaps it is) or what is best for the children involved or whether the parenting skills of same-sex couples is on par with those of heterosexual couples (perhaps they are), but in terms of whether women should simply have the “right” to a military career or whether same-sex couples should simply have “equal rights” to adopt children, apparently with such concerns as military efficiency, child welfare and parental competence being dismissed as irrelevant.

To frame the debate in terms of tradition versus radicalism would seem to be setting up a false dichotomy. Edmund Burke, the fierce critic of the French Revolution considered by many to be the godfather of modern conservatism, was actually on the left-wing of the British politics of his time. For instance, he favored the independence of Ireland and the American colonies and even defended India against imperial interests. A deep dig into Burke’s writings reveals him to have been something of a philosophical anarchist. His opposition to the French Revolution was not simply because it was a revolution or because it was radical, but because of the specific content of the ideology of the revolutionaries who aimed to level and reconstruct French society along prescriptive lines. The American Revolution was carried out by those with an appreciation for the limits of politics and the limitations imposed by human nature, while the French Revolution was the prototype for the modern totalitarian revolutions carried out by the Bolsheviks, Nazis (whom Alain De Benoist has characterized as “Brown Jacobins”), Maoists , Kim Il-Sung and the Khmer Rouge.

One can certainly reject the hyper-egalitarianism championed by the Left and still favor far-reaching political or social change. It would be hard to mistake Ernst Junger for an egalitarian, yet he was contemptuous of the Wilhelmine German military’s practice of selecting officers on the basis of their class position, family status or political patronage rather than on their combat experience. He preferred a military hierarchy ordered on the basis of merit rather than ascribed status. Junger’s Weimar-era writings are filled with a loathing for the social democratic regime, yet he called for an elitist worker-soldier “conservative revolution” rather than a return to the monarchy.

Nor does political radicalism imply the abandonment of historic traditions. I, for one, advocate many things that are quite radical by conventional standards. Yet I am extremely uncomfortable with left-wing pet projects such as the elimination of “offensive” symbols like the Confederate flag; the alteration of the calendar along PC lines (C.E. and B.C.E instead of A.D. and B.C); the attacks on traditional holidays like Christmas or Columbus Day; a rigidly secular interpretation of the First Amendment (and I’m an atheist!); and the attempted reconstruction of language along egalitarian lines (making words like “crippled” or “retarded” into swear words or the mandatory gender neutralization of pronouns). All of these things seem like a rookie league version of Rosseauan/Jacobin/Pol Potian “year zero” cultural destructionism. Nor do I wish to do away with baseball, Fourth of July fireworks displays, Civil War re-enactors or the works of Edgar Allan Poe. I am also somewhat appalled that one can receive a high school diploma or even a university degree without ever having taken a single course on the history of Western philosophy. It is not uncommon to find undergraduates who have never heard of Aristotle. If they have, they are most likely to simply dismiss him as a sexist and defender of slavery. I’ve met graduate level sociology students who can tell you all about “the social construction of gender” but have no idea who Pareto was.

The principal evil of the Cultural Marxism of present day liberalism is its fanatical egalitarianism. Unlike historic Marxists, who simply sought equality of wealth, cultural Marxists seek equality of everything, including not only class, race, or gender, but sexuality, age, looks, weight, ability, intelligence, handicap, competence, health, behavior or even species. I’ve heard leftists engage in serious discussion about the evils of “accentism.” Such equality does not exist in nature. It can only be imposed artificially, which in turn requires tyranny of the most extreme sort. The end result can only be universal enslavement in the name of universal equality. For this reason, the egalitarian Left is a profoundly reactionary outlook, as it seeks a de facto return to the societies organized on the basis of static caste systems and ascribed status that existed prior to the meritocratic revolution initiated by the Anglo-American Enlightenment.

Perhaps just as dreadful is the anti-intellectualism of Political Correctness. In many liberal and no-so-liberal circles, the mere pointing out of facts like, for instance, the extraordinarily high numbers of homicides perpetrated by African-Americans is considered a moral and ideological offense. If one of the most eminent scientists of our time, Dr. James Watson, is not immune from the sanctions imposed by the arbiters of political correctness, then who would be? Are such things not a grotesque betrayal of the intellectual, scientific and political revolution manifested in Jeffersonian ideals? Is not Political Correctness simply an effort to bring back heresy trials and inquisitors under the guise of a secularized, egalitarian, fake humanitarian ideology? The American radical tradition represents a vital “left-conservative” heritage that elevates meritocracy over both an emphasis on ascribed status from the traditional Right and egalitarianism from the Left. It is a tradition worth defending.

Un brusque retour au stade du sauvage

Brutalite.jpg

 

"Un brusque retour au stade du sauvage"

Ex: http://unitepopulaire.org/

 

« Ce que certains appellent la "culture" de la rue, mais qui est en fait un modèle d'inculture, de violence, de machisme et de cruauté, se caractérise par trois traits saillants : l'identification vestimentaire (on s'habille selon le code de la rue), l'identification linguistique (on parle un langage simplifié à l'extrême) et l'identification territoriale (on règne sans partage sur un quartier ou une banlieue, d'où on peut organiser des opérations punitives).

 

Trois images fortes : le costume, la langue, le lieu. Théâtre ! Comme dans tout spectacle, la rue métamorphose le faux en vrai ; la laideur en beauté. Mais pour se rendre crédible, il est nécessaire de s'assurer d'un public. On va donc filmer ces scènes de rue. Et il va falloir surjouer les rôles : le happy slapping est le cœur de ce système de surenchère. On peut traduire cette activité hautement culturelle par "joyeuses baffes" : il s'agit de filmer sur son téléphone portable des scènes de violence gratuite, des coups ou des viols, dans le décor hyper-culturel du terrain vague, du passage sous voies, du métro, de la gare, de la galerie marchande, du préau. Le voyou y devient acteur masqué, brutal, lâche. Le tout est ensuite envoyé sur Internet : chacun peut se faire spectateur de l'indignité humaine.

 

Or cela serait impossible sans la technique actuelle : téléphone portable, vidéo, Internet. Comment ne pas voir que le happy slapping n'est que la pointe d'un monde suburbain et violent, qui a banni toute dimension autre que technique ? Notre stade d'évolution est parvenu à sa phase hyper technique, et qui sait si ce n'est pas celle du brusque retour au stade du sauvage ? On assiste au retour du crétin avec sa cohorte de violences, de gorilleries et de borborygmes inarticulés que les intermittents de l'intelligence s'obstinent à appeler culture. »

 

 

Jean Romain, philosophe, Le Matin Dimanche, 14 juin 2009

00:25 Publié dans Sociologie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : moeurs contemporaines, sauvagerie, brutalité, sociologie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Grenzen ziehen?

Grenzen ziehen?

gleich gibts Ärger

Ellen KOSITZA- http://www.sezession.de/

Wenn’s so lang hell ist draußen, gibt’s wenig, was mich ins Büro lockt. Schön, daß man noch zwei Stunden im Garten arbeiten kann, wenn die menschlichen Pflänzchen alle im Bett liegen! In den letzten Tagen schrieb ich an einem längeren Knut-Hamsun-Porträt für die Sezession. Hamsun, mein Lieblingsschriftsteller, würde im August 150; nun liegen wieder zwei, drei Wochen intensiver Hamsun-Lektüre hinter mir, Romane, Biographien, Briefe.

Es gibt Literatur, die – so anregend sie ist – einem ganz vertrackte Knoten in der Hirnsphäre verursacht. Bei Hamsun (der für sein Segen der Erde den Nobelpreis erhielt) ist es ganz anders, man wird so – erdig halt. Wie Hamsun es haßte, als „Schriftsteller“ tituliert zu werden! Wie er die poetologischen Diskurse verabscheute, die laufend an ihn herangetragen wurden! Er sei Bauer, nichts sonst, und im übrigen solle man leben & Kinder kriegen und nicht glauben, daß Bücher „auch Leben“ seien.

Mitte Juni ist nun auch gärtnerische Hoch-Zeit. Daß wir hier in Schnellroda wenn nicht schlechte, so doch romantische, ja utopische Bauern sind, darauf brachte mich das Bild des Tages Utopie (von Mathias Prechtl) unseres technischen Hausmeisters Harki. Daß sich Wolf und Schaf geschwisterlich aneinanderschmiegten – welch Irrglaube! Wir hier sind davon kaum zu heilen, so scheint’s.

Beispiel Acker: Ich kenne den deutschen Mustergarten und wollte das nie. Alles brav in Reih und Glied, Salz aufs Unkraut, Dünger ans Gemüse. Bei mir nicht! Keine Chemie, nur diverse Kräuterbrühen. Alles bleibt stehen, was schön ist und bei Nachbars tüchtig ausgerupft oder sonstwie getilgt wird. Ich erkenne die hübschen Unkräuter im frühesten Stadium und lasse sie stehen, wo sie wollen, die wilden Kamillen, die Taubnesseln, die Ringelblumen (hundertdreiundvierzig, wurde mir heute vorgezählt) und vor allem den roten und den lila Mohn. Über den Zaun kam heute die Frage, ob wir vielleicht eine Opium–Plantage planten? Kubitschek stand rauchend ein paar Meter weiter.

Ja, mir täts leid, all die hübschen Pflänzchen zu eliminieren! Die Folge: Die Gurken wachsen (vielmehr: kümmern dahin) im Schatten von gigantischen Knoblauchrauken, die Tomaten werden vom wunderhübsch-mythischen Labkraut bedrängt (nur ein Unmensch kann das roden!) , und am Ende werden uns die mitleidigen Nachbarn wieder einen Teil ihrer Ernte rüberreichen, weil sie ahnen, daß das bei uns „nüscht wird“. (Was so gar nicht stimmt. Die Leute kapieren nicht, daß Mangold und Rauke nicht nur als Gänsefraß, sondern für herrlichste Gerichte taugen.)

Schlimmer allerdings zahlt sich unser Gutmenschentum in der Tierhaltung aus. Wir meiden das erzwungene Einsperren, das Anleinen etc. Wenn wir Hasen hatten, durften die im ganzen Garten toben. Das ging monatelang gut, heute haben wir keine mehr. Unsere hausgezüchteten Hühner sind ähnlich freiheitsliebend. Bei Nachbars dackeln die von allein vor der Dämmerung in den Stall, bei uns nie. Kubitschek pflückt sie Abend für Abend von den Bäumen und bringt sie zu Bett, außer, wenn sie auf dünnen Ästen weit oben sitzen. So freiheitsliebend ist unsere Brut! Am Ende habens die wagemutigsten immer mit dem Tod bezahlt (weil auch Fuchswelpen und Marderjunge leben wollen) , dann trug das Rittergut Trauer.

Das jüngste Gelege wurde nun mit Draht eingezäunt, und die Nachbarn lachten wieder: „Beton oder Stacheldraht“ lautete ihre Parole. Nicht mit uns, wo kämen wir hin! Heute schlug der eigene – jüngst zugelaufene Hund – die Hälfte der kleinen Enten. Wir wollten ihn nicht in einen Zwinger zwingen. Und nun: ein Schlachtfeld. Wir Gutmenschen! Was wäre die Lehre? Klare Grenzen ziehen, hygienisch wirtschaften? Man lernt halt nie aus.

Kulturpolitisches Erbe Kroatiens im Rahmen Europas

rovinj%20hafen.jpg

 

Dr. Tomislav Sunic :

 

Kuturpolitisches Erbe Kroatiens im Rahmen Europas

 

Kultur:

Heute wird sehr viel über Kultur geredet. Alle Leute und alle Völker der Welt berufen sich auf ihr echtes oder angebliches kulturelles Erbe. Niemand will sich als „kulturlos“  bezeichnen.  Was uns in diesem Zusammenhang interessiert, ist nicht die Frage in welchem Masse die kroatische Kultur eine quantitative Fortsetzung  europäischer Kultur darstellt, sondern was an der Kultur in Kroatien so besonders und einzigartig ist.

Die Selbstwahrnehmung der Kroaten  entspricht nicht immer den Vorstellungen die sich die Ausländer von Kroatien machen. Das haben die Kroaten vor kurzem in ihrem Verteidigungskriege in tragischer Weise erleben müssen.  Das Gleiche gilt auch für ihren Umgang mit der eigenen Geschichte und ihre tägliche Politik.

Ist kroatische Selbstwahrnehmung maßgeblich oder sind es die  Fremdbeschreibungen der Kroaten die uns weiterführen  sollen? Das sollte ich ihnen überlassen und ich möchte auch versuchen, meine eigenen Werturteile zu dämpfen.

 

Hier sollten ein Paar Punkte erörtert werden  - das spezifisch kroatische Kulturerbe kurz darzustellen. Lassen wir die schönen Floskeln wie die vom „Paradies auf der Erden“, „Touristenparadies“, und die Berichte über FKK Strände, usw. beiseite. Besonders die Deutschen wissen nur zu gut, was die kroatische Adria bietet und wie gut man sich dort amüsieren kann. 

 

 

I.

Ziehen wir, zum besseren Verständnis und zur Illustration meiner Ausführungen, einen Vergleich mit Deutschland. Im gleichen Maße wie für die Deutschen ist auch für die Kroaten die Geografie ihr Schicksal;  man kann alles verändern, aber die geographische Lage bleibt. Historisch betrachtet, ändern sich die Grenzen in Deutschland und Kroatien fast alle 40 Jahre. Beide Völker sind weniger als „staatsgebunden-“, vielmehr „volksgebunden“ zu bezeichnen – im Gegensatz zu den Franzosen,  Briten und den Amerikanern,  deren Lage geographisch betrachtet besser geeignet für eine Staatsbildung war. Viele Kroaten leben nach wie vor außerhalb der Hoheit des modernen Kroatien, bspw. in Bosnien, und noch immer steht die Frage wo eigentlich die Grenzen Kroatiens liegen offen?   Man kann sagen daß Kroatien, ebenso wie Deutschland,  ein verspäteter Staat ist –immer noch auf der Suche nach der eigenen Identität. 

 

II.

Die kroatische Einzigartigkeit erkennt man an verschiedensten kulturellen Verflechtungen. Im kroatischen Raum begegnet nicht nur der Osten dem Westen, sondern auch der Norden dem Süden. Beispiele: Der Norden Kroatiens ähnelt stark dem Süden Deutschlands, bzw. Ősterreichs. Der südliche Teil Kroatiens, die adriatische Küste, wurde stark vom venezianischen Kulturkreis geprägt,  besonders in der Architektur. Zahlreiche Gebäude und Klöster wurden dort im 15. und 16. Jahrhundert errichtet. Jodoch  findet man auch zahlreiche kleine vorromanischen dreischiffige Kirchen mit gewölbtem Turm und verschieden Grundrissen,  die typsich für die Baukunst in Kroatien sind. Dazu kommt ein merkwürdiges Phänomen, nämlich die sogenannten „Gromače“ die Steinmauern, deren Zweck war es den Boden und die Erde gegen die oftmals heftigen Nordwinde, genannt „Bura“, zu schützen. Zusätzlich markierten sie auch die Grundstücke der Bauern. Diese hundert Kilometer lange Steinmauern, von ca. anderthalb Metern Höhe, findet man überall auf den Inseln und an der Küste. Die Mauern wurden in Jahrhunderten von Hand dort errichtet. Man kann sagen, daß sie ein echtes „Denkmal der Arbeit“ darstellen, das uns zeigt, wie schwer die Arbeit der damalig Ansässigen war.

 

Der Schwerpuntek der Kultur verlagerte sich im 18. Jahrhundert vom Süden her nach Norden, bzw. auf die panonische Fläche im Donauraum.  Die verschiedene Barockformen  von dort stammen aus Österreich. Kroatien war vier Jahrhunderte hindurch ein Teil der K. u. K. Doppelmonarchie. Der deutsche Einfluß in Baukultur, Ackerbau, und Weizenkultur war selbstverständlich enorm. Aber man findet auch manche deutlich kroatische Besonderheiten in diesem Teile Kroatiens, nämlich  Holzbauten, Holkzkirchen und größere Holzgebäude die unter dem Namen  "Kurija" - die Kurie, bekannt sind. Diese „Kurijas“  sind einschiffige, einstöckige Gebäude mit Elementen aus dem Rokoko und Barock.

 

Stein als Rohmaterial wurde vorwiegend im mediterranem Raum Kroatiens, an der Adria  benutzt – im Gegensatz zu Holz, besonders der Eiche, die häufig in Slawonien benutzt wurde und dadurch weltberühmt wurde. 

 

Dazu kommt kommt auch ein Hauch des Orients im Süd-Osten, bzw. in Bosnien, wo man deutliche türkisch-ottomansiche Spuren findet.  Beispiele dieser Verschiedenheiten:  Rijeka ist ein Hafen an der Küste Kroatiens, unweit von Trieste; er liegt ca. 40 Kilometer Luftlinie von Bosnien entfernt; das ist ein Nachbarstaat der starken  türkischen Einfluß erfuhr. Obgleich Kroatien ein winziges Land mit ca. 4, 5 Millionen Menschen auf 50.000 Quadratkilometern ist, stellt man überall enorme Unterschiede zwischen verschiedenen Regionen fest. Die Hauptstadt Zagreb, oder auf Deutsch „Agram“, ist eine typisch mitteleuropäische, „franzjosefinische“ Stadt, wie Graz oder Wien mit Details aus dem Barock und Sezessionismus.  Im Gegenzatz dazu sieht man in den  Küstenstädten Sibenik, Split oder Dubrovnik überall Rennaisance- oder spätgotische Bauformen.

 

III.

Schrift/Alphabet:

Die Sprache ist das wichtigste Element der  Kulturgeschichte aller Kulturvölker.  Besonders wichtig für das alte Kroatien des Mittelalters (entlang der Küste),  war die Benutzung der glagolitischen Schrift bspw. auf den Stein-Denkmälern und als Handschriften in Messbüchern und Brevieren. Das älteste Denkmal der kroatischen Schriftkultur ist die sogenannte Tafel von Baska. Baska ist ein bekannter Turistenort auf der Insel Krk.  Diese Steintafel zeugt davon, dass der Name Kroatien schon früh in Europa und besonders im Vatikan  bekannt war. Die Inschrift auf der Tafel  Baska besagt, daß der kroatische König Zvonimir im 11. Jahrhunder dem benediktinischen  Mönchen das Land geschenkt hatte.  Auch in Deutschland findet man viele Exponate dieser glagolitschen Schriften Kroatiens,  zum Beispiel das „Berliner Messbuch“ in der Staatsbibliothek Berlin. Aber auch in vielen Museen in ganz Europa.  Über Jahrhunderte hinweg wurden in Kroatien zwei Schriften benutzt, die „Glagolitsche“  und die Lateinische.  Von der Herkunft der glagolitschen  Schrift  gibt es viele endlose Spekulationen, aber man kann mit großer Wahrscheinlichkeit sagen, daß sie von den slawisch-christlichen Missionaren im 8. Jahrhundert ins Land gebracht wurde, und später von den Kroaten in ihre eigene einzigartige Schrift übernommne wurde. 

 

Warum beharre ich auf der Sprache ?  Weil die Sprache nach wie vor die Quelle der schweren Missverständnissen zwischen Serben und Kroaten ist; und, die Sprache war auch die erste intelektuelle Ursache des Krieges zwischen Serben und Kroaten und das zweimal innerhalb des 20. Jahrhunderts. Zu Beginn jedes Krieges in der Welt stand der „Krieg der Wörter“; dieser beginnt als Kulturkampf.  Leider muss man eingestehen, daß die Kultur in Kroatien stark politisiert war und noch immer ist. Zwar sind die  kroatische- und die serbische- Sprache zwei verschiedene Sprachen, mit zwei verschiedenen  Schriften, und verschiedener Syntax - doch im täglichem Leben brauchen die Serben und  Kroaten keinen Dolmetscher. Ihre mündliche Sprachart ist sehr ähnlich -  fast gleich. Aber Ähnlichkeit bedeutet keine Gleichheit. Im kommunistichen Jugoslawien des Jahres 1955,  wurde die Hybridsprache serbo-kroatisch erfunden, deren Ziel es war, im Namen der falschen „Brüderlichkeit und Gleichheit“ den Staat Jugoslawien besser und schneller zu zentralisieren.  Die Schlußfolgerung dieses politisch-romantischen Scheinmultikulturalismus endete in einer zweimaligen Katastrophe für beide Völker. 

 

Die Kirche:

Der katholischen Kirche in Kroatien kommt eine außerordentliche Rolle in der kroatischer Kultur zu. Die Kirche ist ein Schützer der Kultur. Auch die Kroaten die agnostisch sind, bestätigen die These, daß ohne den Katholizismus, d.h. ohne die katholische Kirche es niemals ein unabhängiges Kroatien geben hätte. Es ist kein Zufall,  daß die Kroaten immer in Richtung Vatikan schauen -  ihre  Volksidentität hängt zum großen Teile von ihrer Religion ab.  Übrigens spielte die Kirche im Jahre 1991 eine gewichtige Rolle, als der Papst die Unabhängigkeitsbestrebungen der Kroaten unterstützte.  Katholizismus ist ein deutlicher Aspekt der kroatischen Eigenart gegenüber den christlich-orthodoxen Serben.

 

Nach kroatischen Selbstbewußtein bilden die Kroaten  einen Vorbau des Abendlandes. Die Kroaten  berufen sich stets auf ihre katholischen Wurzeln und auf die Donau-Doppelmonarchie; sie verstehen sich als Beschützer Europas - zu erst gegen Byzanz, später gegen die türkische Gefahr, und zu guter letzt gegen den Kommunismus. Kroaten glauben daß sie von den Mächtigen der Erde stets betrogen und belogen wurden, und man sie immer wieder ausgrenzt.

 

Die Deutschen in Raum Kroatien:

Das heilige  deutsche Reich spielte eine ausserordentliche Rolle bei der Befreiung Kroatiens und des gesamten sudöstlichen Europas von der Türkengefahr. Nach dem Ende der Türkengefahr, also nach der Zurückschlagung  der Türken vor den Toren Wiens im 17. Jahrhundert, wurde der nördliche Teil Kroatiens, bzw. das Donaugebiet zur Kornkammer des Reiches. Die deutschen Siedler aus Rheinland-Pfalz und Hessen  machten aus diesem verwüstetem Land das beste Ackerland Europas. Vor dem 2. Weltkriege lebten insgesamt über 2,5 Millionen Volksdeutsche im Donauraum, im Drei-Ländereck Jugoslawien-Ungarn-Rumänien. 500.000 Deutsche lebten im ersten Jugoslawien, 200.000 davon in Kroatien. Die Barockstädte im nördlichen Teil Kroatiens wie Osijek (Frankfurt an der Drau) , Vukovar und  viele andere wurden während der Zeit Maria Theresas von deutschen Baumeistern errichtet.

Was später mit diesen jugoslawischen Voksdeutschen geschah -   kann man nur erahnen.

 

Sprache:

Die deutsche Sprache und Kultur erfährt keinen ausreichenden Gebrauch in der heutigen EU und in Kroatien. Deutschland und fast alle Länder Europas sind einer „Amerikanisierung“ ausgesetzt, so daß weniger Deutsch gesprochen wird als früher.  Ich glaube die deutsche Regierung sollte sich besser einsetzen um die deutsche Sprache stärker zu  promovieren. Deutschland ist heute der Hauptantriebsmotor der Europäischen Union. Die Rolle der deutschen Kultur sollte nicht in Mitteleuropa, bzw. in Krotien verloren gehen.

vendredi, 19 juin 2009

Des BRIC à l'OCS

Des BRIC à l'OCS

Ex: http://alexandrelatsa.blogspot.com/

Aujourd'hui 16 juin 2009 à eu lieu au coeur du continent Eurasien, dans la ville de Iekaterinbourg, frontière intra-continentale et infra-civilisationelle entre l'Europe et l'Asie, le double congrès de l'OCS et celui (historique car le premier) des BRIC.

L'OCS est galvanisé par le prêt Chinois et se préparerait à agrandir la famille des membres observateurs (Iran / Inde / Mongolie / Pakistan) au Sri lanka et àl a Biélorussie. L'organisation se présente comme une force régionale et continentale mais pour beaucoup elle est devenue une réelle"alternative orientale à l'Otan"



********

Le sommet des BRIC (Brésil / Russie / Inde / Chine) aurait lui pour objectif de préparer à un ordre mondial plus juste, de favoriser le dialogue énergétique, d'augmenter la représentation des pays émergeants, et de contribuer à la réforme de l'architecture financière mondiale.

Que peut on dire des BRIC ?

- Les BRIC comptent déjà pour 22 % de l’économie mondiale et Goldman Sachs prévoit que leur PIB cumulatif sera supérieur à celui des pays membres du G-7 en 2027. (NB : es États-Unis représentaient 50 % de l’économie mondiale à la fin de la Deuxième guerre mondiale, ils n’en font que le quart aujourd’hui).
- La taille de l’économie chinoise a doublé à chaque huit ans au cours des trois dernières décennies. Malgré la récession mondiale, les économies chinoises (+6%) et indiennes (+4,5%) continuent de croître.
- La population des BRIC s’approche des trois milliards d’individus, la Chine et l’inde comptant à eux seuls 37 % de la population mondiale. En plus du poids des nombres, ces pays se sont considérablement enrichis au cours des dernières années. (Selon McKinsey Global Institute, le nombre de véhicules vendus en Chine passera de 26 millions à 120 millions de 2003 à 2020).
- Les BRIC contrôlent 42 % des réserves mondiales de change.
- La Chine est le premier créancier des États-Unis avec des réserves de 2000 milliards de dollars.
- Le seul fait que le président russe Medvedev entend soulever la question de la substitution du dollar a suffi à faire reculer aujourd'hui le billet vert face à toutes les autres devises.

Enfin il est à noter que les BRIC pourraient devenir très rapidement les BRIIC puisque
l'Indonésie pourrait rejoindre le groupe très bientôt. Indonésie qui est par ailleurs membre invité de l'OCS.
Enfin, le prochain sommet se tiendra au Brésil
l'année prochaine.


 

Des langues fortes pour un monde de diversité

Sprachen_der_Welt.png

 

Des langues fortes pour un monde de diversité

Ex: http://unitepopulaire.org/

« Rien dans le chapitre XI de la Genèse ne dit explicitement que la babélisation soit un châtiment. Les Juifs bâtissent une tour extrêmement élevée et l’Eternel dit : "dispersons-les et confondons leur langue, ils pourraient s’élever encore plus haut". Mais nulle part Il ne dit quelque chose comme : "je vais les disperser pour les punir". Je me suis servi de cette absence pour dire que la babélisation est un bien. Et je m’inscris aussi – puisqu’une partie de ma culture est juive et une autre partie est chrétienne – dans une tradition rabbinique ancienne. Certains rabbins – pas tous – ont considéré que Babel était un accomplissement de la véritable destinée des hommes. Dans cette tradition rabbinique, la dispersion est plutôt une bénédiction, dans le sens où aller aux antipodes, essaimer est la vocation humaine même.

 

L’homogénéisation linguistique probable, mais finalement pas certaine du tout, et même, peut-être, assez improbable pour d’autres aspects, l’américanisation par l’anglo-américain non seulement sont insupportables à mes yeux, mais en plus elles ne correspondent pas à la vocation humaine. La vocation humaine n’est pas dans l’uniformisation linguistique, pas plus que dans celle de l’identité. La vocation humaine, comme celle des végétaux et des animaux – finalement nous sommes une espèce vivante parmi d’autre! – est celle d’êtres vivants qui, comme les autres êtres vivants, par nature se dispersent et deviennent de plus en plus différents les uns des autres. L’idée d’une unité de langue est totalement à l’opposé de mes convictions et de mes passions. […]

 

Mon idée, c’est que les langues comme espèces vivantes naissent, vivent et meurent. Mais elles sont aussi capables d’être ressuscitées. L’hébreu est le seul exemple que l’on connaisse, exemple unique extraordinaire, fascinant. Mais même s’il est unique, il est imitable potentiellement. Les langues, contrairement à toutes les espèces vivantes, sont susceptibles de ressusciter. »

 

Claude Hagège, linguiste, auteur du Dictionnaire Amoureux des Langues, Le Temps, 16 mai 2009

Céline: le voyage à Berlin

Louis-Ferdinand Céline : Le voyage à Berlin

Le Bulletin célinien n°309, juin 2009 : C'est en mars 1942 que Céline effectua un voyage de cinq jours à Berlin. Échaudé par la confiscation de son or déposé en Hollande, l'écrivain avait pour objectif de confier à son amie danoise Karen Marie Jensen la clé et la combinaison de son coffre bancaire à Copenhague, et ce afin qu'elle mette l'argent en lieu sûr. C'est en compagnie de Lucette, Gen Paul et deux confrères médecins, Auguste Bécart et Jean-Claude Rudler, qu'il fit ce voyage. C'est donc sous le couvert d'un voyage scientifique et médical que Céline put se rendre en Allemagne. Au cours de ce séjour, on lui demanda de rendre une visite au Foyer des ouvriers français de Berlin et d'y prononcer une allocution. Après la guerre, Céline résuma à sa façon la teneur de son intervention : « Ouvriers français. Je vais vous dire une bonne chose, je vous connais bien, je suis des vôtres, ouvrier comme vous, ceux-là (les Allemands) ils sont moches, ils disent qu'ils vont gagner la guerre, j'en sais rien. Les autres, les russes, de l'autre côté, ne valent pas mieux. lis sont peut-être pires ! C'est une affaire de choix entre le choléra et la peste ! C'est pas drôle. Salut ! » Et d'ajouter : « La consternation au "Foyer" fut grande ». Le fait que la causerie de Céline laissa une impression mitigée n'est pas douteux. En témoigne le compte rendu, paru le 12 mars 1942, dans Le Pont, «hebdomadaire de l'amicale des travailleurs français en Allemagne» financé par le Reich. Le pessimisme de Céline, politiquement incorrect avant la lettre, ne fit assurément pas l'affaire de ceux qui l'avaient pressenti pour galvaniser ces travailleurs français qui avaient choisi de venir travailler outre-Rhin.

La séance hebdomadaire du groupe d'études sociales et politiques fut ouverte à 20 heures par notre camarade chargé de la direction du groupe. En quelques mots, il présenta Louis-Ferdinand Céline qui doit prendre la parole. C'est alors que le « docteur » se leva et vint s'asseoir à la table du conférencier.
Céline entra de suite dans le sujet. Sans détours, il ne cacha pas son opinion, acquise d'après une longue expérience personnelle, qu'il était très difficile de réunir les Français à l'étranger et de les faire s'entendre, sinon s'aimer.

Cependant, comme pour lui donner un démenti, la salle était fort bien remplie d'auditeurs avides de ses paroles. Et les débuts de son allocution furent quelque peu troublés par de nombreux retardataires qui faisaient grincer la porte d'entrée. En quelques mots, Céline eut vite fait de créer l'atmosphère, « son atmosphère ». « Je vais vous parler tout simplement, je ne vous ferai pas de discours, ni de conférence, mais vous parlerai comme en famille. Je suis un enfant du peuple, et suis resté tel. J'ai fait mes études de médecine, non pas comme étudiant mais comme travailleur. Je fais partie du peuple et le connais bien ». Et Céline commença immédiatement un diagnostic sévère de la maladie qui, selon lui, atteint chacun de nous. Faisant une allusion poétique, il fit remarquer qu'entre Villon et Chénier il y avait eu quatre siècles de « non lyrisme ». Cette période avait donc, à son avis, provoqué en partie du moins la sécheresse d'âme qui caractérise trop d'entre nous. Nous manquons d'idéal, c'est un fait ; mais nous a-t-on appris à en avoir, ou même à en désirer ? Non, et c'est pour cela que notre maladie est très grave. Et Céline ne craint pas de nous dire nos « quatre vérités ». Nous souffrons d'un mal très sérieux, par suite d'un manque quasi total de lyrisme, d'idéalisme.

Le docteur-écrivain nous dit ensuite son opinion sur les multiples causes de notre mal, et sa conviction qu'il avait de notre exploitation par les juifs qui « savent admirablement nous opposer les uns aux autres »...
L'intérêt du juif est de nous diviser en partis opposés, de façon à donner excuse à notre nonchalance. On rejette les fautes sur l'opposant, ainsi artificiellement créé. La lutte des partis n'est qu'une splendide invention d'Israël. Ensuite Céline montra combien nous avons été vexés de nous être laissés tromper. Il s'éleva alors contre la mentalité du joueur qui s'obstine. « J'ai perdu certes, mais il n'est pas possible qu'en persévérant je ne gagne pas, car j'ai tout bien misé, prévu, je dois donc finir par gagner. »
Céline s'adressa ensuite aux communistes éventuels, avec la franchise qui le caractérise. Que pensez-vous qu'il vous arriverait en cas d'une victoire des Soviets ? « Mais vous serez immédiatement déportés en Sibérie, avant les bourgeois même. Une fois votre "utilité" passée, vous deviendriez plus dangereux et inutiles que les modérés. »

Finalement, Céline dressa un très sombre tableau de la situation, et ne laissa entrevoir aucune issue. À un tel point, que les visages commençaient à montrer de l'étonnement, pour ne pas dire de l'indignation dans la salle comble. « Nous ne sommes tout de même pas aussi vils et laids qu'il veut bien nous le dire » aurait-on pu lire sur chaque face. Et Céline termina son spirituel exposé, ayant ainsi atteint le but qu'il cherchait. Il avait « piqué au vif », réveillé pour un moment nos sens endormis par cent cinquante ans de Déclaration des droits de l'homme, déclarations jamais suivies des « devoirs de l'homme ».

Le délégué du groupement d'études sociales et politiques du Foyer vint alors remercier le célèbre auteur des Beaux draps de son intéressant exposé, aussi spirituel que vivant. Il dit cependant sa conviction que « tout n'était pas perdu ». Si tout le monde n'a pas encore tout à fait
« compris », il n'en existe pas moins une minorité agissante et décidée, dont nous avons parmi nous ce soir un exemple en la personne d'un de nos camarades, de passage à Berlin, en permission, du front de l'Est. « J'aimerais beaucoup que notre camarade réponde à Céline », déclara alors l'orateur, et nous montre ainsi ce que pensent « ceux qui ont confiance quand même, parce qu'ils agissent ». C'est alors que se leva un jeune légionnaire français. En quelques paroles, il sut montrer à l'auditoire enthousiasmé que l'horizon n'était pas aussi sombre que Céline avait bien voulu nous le dépeindre. Il dit sa conviction personnelle, qui se trouvait être la nôtre d'ailleurs, que Céline avait voulu « piquer au vif » son auditoire.

« Certes, tout n'est pas le mieux dans le meilleur des mondes ; mais il ne faut pas désespérer, il faut agir, se montrer des hommes dignes des idées qu'ils prétendent avoir, et même défendre ces idées ; c'est ce que nous, volontaires contre le bolchevisme, faisons chaque jour. De même, vous qui travaillez en Allemagne, contribuez chaque jour efficacement à la lutte que l'Europe mène contre son ennemi d'aujourd'hui, le bolchevisme, et son ennemi de toujours, l'Angleterre. (Applaudissements sans fin.)
Après ce court et intéressant exposé d'un volontaire français du front de l'Est, M. Félix Allmend, du Comité franco-allemand, dont le dévouement au Foyer des ouvriers de langue française de Berlin est connu de chacun, prend la parole.

«Je voudrais ajouter quelques mots allemands à ce dialogue français, dit-il :
«Tout comme votre camarade légionnaire, je crois avoir compris le sens des paroles de Céline, qui veut certainement réveiller ceux qui se sont laissé endormir par des propagandistes trop zélés. Cette franchise est de beaucoup préférable à l'attitude qui consiste à vouloir jouer un rôle pour lequel on n'a plus de forces. À côté des paroles inutiles, il y a les faits. Or les Allemands sont bien davantage impressionnés par le travail de chaque jour de vous tous : ouvriers français qui vous faites apprécier par vos chefs, légionnaires qui avez quitté votre patrie pour vous joindre à l'Allemagne et à ses alliés dans un combat à mort, prisonniers donnant un magnifique exemple d'abnégation et de courage permanents, vous tous qui coopérez à la même cause qui est celle de nos pays et de l'Europe entière...
Toute cette franchise est de beaucoup préférable aux vieilles formules démagogiques, qui n'ont plus de place dans l'Europe nouvelle. »
Des applaudissements nourris accueillent cette dernière phrase du Dr Félix Allmend.

PICHE
(Le Pont, 12 mars 1942)

Migrazione e diaspore : prospettive geopolitiche

immigrazione_1217855716.jpg

MIGRAZIONI E DIASPORE:

PROSPETTIVE GEOPOLITICHE

di Louis Sorel*

SINERGIE EUROPEE – BOLZANO / BRUXELLES – AGOSTO 2004

La mobilità degli uomini e, correlativamente, l’esistenza delle diaspore sono fenomeni antichi, ma in questi ambiti come in molti altri ci troviamo a vivere un’accelerazione della storia. Effettivamente questi ultimi decenni hanno conosciuto importanti e durevoli movimenti di popolazioni su scala planetaria, nonché una generalizzazione del fatto diasporico. Nei limiti del tempo qui concessoci cercheremo di inquadrare questi fenomeni in una prospettiva geopolitica, la geopolitica essendo qui compresa come analisi dei rapporti di potenza tra politìe/unità politiche così come fra «attori anomici ed esotici» — come dice Lucien Poirier — vale a dire non-statuali.
Utilizzeremo qui lo studio delle migrazioni e delle diaspore per imparare le dinamiche del sistema-Mondo. Dopo aver tracciato una rapida geografia delle migrazioni e diaspore, ne prenderemo in considerazione le conseguenze geopolitiche interne — la destrutturazione degli Stati-Nazione del «Nord» — ed esterno: il rinnovamento delle problematiche «internazionali» e conflittuali.

IL «PIANETA NOMADE»
[Questo titolo riprende il tema dell’VIII edizione del Festival internazionale di geografia di Saint-Dié-des-Vosges (ottobre 1997), «Il pianeta nomade, le mobilità geografiche di oggi»]

I flussi migratori contemporanei si organizzano attorno a pochi grandi poli/centri attrattori che possono agevolmente essere rappresentati su di un planisfero.
Principale centro attrattore, gli Stati Uniti: nel secolo scorso questo grande paese d’immigrazione ha polarizzato l’essenziale dei flussi europei, ma nel corso degli anni venti, e in seguito alla trasformazione delle correnti migratorie — la maggior parte delle quali è rappresentata dalle popolazioni euro – mediterranee e slave — lo Stato federale ha deciso di adottare misure restrittive. Nel 1965, al termine di quattro decenni di chiusura delle frontiere, queste misure sono state abolite, e negli ultimi
anni l’immigrazione è ripresa al ritmo di circa un milione di ingressi legali l’anno. Questi flussi originano dall’immediata periferia — Messico, Caraibi e America Latina —, dall’Asia orientale e dai paesi del «Sud»
non europei. Gli Stati Uniti contano così circa 20 milioni d’immigrati della prima generazione.
Altro centro attrattore, il continente europeo: l’Europa del Nord – Ovest, a partire dagli anni Cinquanta, e ormai l’Europa del Sud. Gli immigrati rappresentano circa 15 milioni di individui nell’Unione europea (senza contare i naturalizzati e i clandestini) e questi flussi persistono.
Dapprima essi hanno avuto origine dagli ex territori coloniali, più o meno periferici, ma oggi assistiamo a una mondializzazione dei flussi migratori senza rapporto con le eredità storiche (colonizzazione/decolonizzazione).
Terzo centro attrattore, fino alla fine degli anni Ottanta, i paesi petroliferi del Medio Oriente (ai quali bisogna aggiungere la Libia). In mancanza di censimenti, il peso delle popolazioni immigrate è di difficile valutazione, ma è ragionevole stimarlo fra i 7 e gli 8 milioni di persone — il che, in termini relativi, è parecchio. In molte petromonarchie gli immigrati rappresentano più della metà della popolazione. Tuttavia è necessario precisare che dopo la Guerra del Golfo i flussi migratori si sono invertiti e ancora nel 1997 le espulsioni sono state numerose.

La geografia delle migrazioni comprende anche centri d’attrazione secondari, tali cioè da polarizzare flussi su distanze più corte: l’Australia, paese – continente stiracchiato tra geografia e storia; la Costa d’Avorio, la
Nigeria e la Repubblica sud – africana; il Venezuela, l’Argentina e il Brasile; certe zone dell’Asia sul versante Pacifico… Nel corso di quest’esposizione analizziamo le cose dal punto di vista del «Nord» e di
conseguenza privilegiamo i flussi a lunga distanza e i ragionamenti su scala planetaria.

Diversi e numerosi fattori si combinano per spiegare la potenza e la direzione di questi flussi migratori: fattori demografici, economici, storici, culturali e politici.

FATTORI DEMOGRAFICI: anche se oggi è un po’ riduttivo, in materia tutti sono a conoscenza del dualismo Nord/Sud. Nei paesi sviluppati, ci sono popolazioni stabili e in via d’invecchiamento; nei paesi in via di
sviluppo, popolazioni giovani dalla demografia galoppante. Questo differenziale di crescita si spiega con la transizione demografica, modello che sembra unanimemente accettato. Tuttavia s’impongono due osservazioni. La prima è la differenziazione crescente delle situazioni dei paesi e delle macro - regioni del «Sud», autentico mosaico demografico. La seconda è il rinnovamento delle tesi maltusiane presso alcuni autori, fra cui Jean – Christophe Rufin (L’empire et les nouveaux barbares, Jean-Claude Lattès, 1991) e Yves – Marie Laulan (Les nations suicidaires, François-Xavier de Guibert, 1998).

FATTORI ECONOMICI: tanto per i flussi Nord/Sud che per quelli Sud/Sud, la ricerca di migliori condizioni di vita è uno dei principali fattori esplicativi delle migrazioni internazionali. Nel corso del periodo che va dagli anni Cinquanta agli anni Ottanta, e in seguito all’afflusso di petrodollari in Medio Oriente fra gli anni Settanta e la metà degli anni Ottanta, gli immigrati sono in cerca d’impiego. Al giorno d’oggi, sono i sistemi sociali che giocano il ruolo di pompa aspirante.

FATTORI STORICI E CULTURALI: abbiamo già menzionato il ruolo del passato coloniale nei flussi migratori; l’espansione delle potenze europee ha comportato la diffusione delle lingue del Vecchio Continente e la mondializzazione delle sue forme di civiltà. In compenso questi retaggi hanno facilitato le migrazioni Nord/Sud. È vero che a partire dalla metà degli anni Settanta le ondate migratorie sono planetarie e scarsamente rapportabili alle geografie coloniali di un tempo. È altresì necessario
prendere in considerazione un altro fattore culturale: lo strapotere dei media occidentali (soprattutto americani). La circolazione a tutto campo dei medesimi suoni e delle medesime immagini genera una sorta di «immaginario migratorio» e un’ideologia dello sradicamento che stanno alla base dei
movimenti di popolazione. Nei paesi ricettori, questa stessa atmosfera globale è propizia ad un certo lassismo in materia di regolazione dei flussi migratori. Per concludere col ruolo dei fattori culturali, è del pari necessario segnalare che le delocalizzazioni – rilocalizzazioni delle unità produttive nei paesi del «Sud», diffondendo i modelli occidentali, contribuiscono a un certo numero di partenze, com’è stato possibile osservare nelle cosiddette maquiladoras — unità produttive messicane situate nelle immediate vicinanze della frontiera settentrionale del paese e controllate da aziende statunitensi.

FATTORI POLITICI: è il caso delle persone che fuggono da un regime politico dato e/o da una situazione bellica. Lo statuto di questi rifugiati politici è stato specificato dalla Convenzione di Ginevra del 1951 e l’Alto
Commissariato per i Rifugiati dell’ONU, creato nello stesso anno e con sede nella stessa città, si fa carico attualmente di circa 27 milioni di persone.
Per far fronte alla pressione migratoria derivante da questa trafila, quasi tutti i paesi sviluppati hanno, chi più chi meno, inasprito le condizioni d’accesso allo statuto di rifugiato politico.

Come si vede, nella perennità e nell’espansione dei flussi migratori giocano un complesso di cause rilevanti e un vero e proprio sistema di mobilità.

La conseguenza di questi flussi migratori è la costituzione di diaspore.
Il fenomeno è antico, legato a migrazioni non meno antiche. Gérard Chaliand e Jean – Pierre Rageau (Atlas des diasporas, Odile Jacob, 1991) chiamano «diaspora» un popolo disperso su vasti spazi e territori non collegati fra loro, e le cui differenti ramificazioni persistono nella loro identità, a dispetto della pressione delle popolazioni autoctone. Nella maggior parte dei casi questa dispersione è legata ad un evento originario traumatico: massacri, genocidi, deportazioni, catastrofi naturali. Tuttavia, gli autori dell’Atlas des diasporas non mantengono sistematicamente l’insieme di questi criteri, il che ci permette di utilizzare a buon diritto il termine «diaspora» lato sensu.
Gli esempi più antichi di questo fenomeno sono ben noti: si pensi alla diaspora greca, ebrea e armena, senza dimenticare gli Zigani che al giorno d’oggi sono gli unici a non possedere né Stato né territorio di
riferimento (diaspora integrale). Nel corso del XVI secolo, con la tratta atlantica (il commercio triangolare), ha avuto inizio la dispersione delle popolazioni nere; nel XIX secolo si sono verificate la diaspora irlandese, quella cinese e quella indiana. Il nostro secolo ha rafforzato il fenomeno con un nuovo esodo di popolazioni armene, in seguito al genocidio commesso dai Turchi e dai Curdi alla fine della prima guerra mondiale, e altri avvenimenti e rapporti di forza geopolitici hanno poi generato la diaspora palestinese,
quella libanese e quella vietnamita.
Con il potenziamento e la mondializzazione dei flussi migratori, il fatto diasporico si generalizza: ci accontenteremo qui di menzionare le diaspore arabo – musulmana e nera, particolarmente visibili in Europa occidentale.
Certo, non sempre un disastro è all’origine di queste diaspore contemporanee e i loro membri talvolta rappresentano soltanto una parte poco rilevante della popolazione dei paesi d’origine. In compenso, con la rivoluzione delle comunicazioni (aeree e satellitari) i differenti segmenti di queste popolazioni sono sempre meglio collegati fra loro e la loro coscienza culturale e geopolitica comune si va rafforzando. Non sembra dunque indebito estendere il termine di «diaspora» a questi fenomeni.

LA DESTRUTTURAZIONE DEGLI STATI-NAZIONE DEL «NORD»

La conseguenza geopolitica interna della ridistribuzione delle popolazioni è dunque la destrutturazione degli Stati – Nazione del «Nord». Prima di esaminare questo fenomeno, dobbiamo prima di tutto soffermarci sulla forma politica che domina l’Occidente moderno.
Secondo Carl Schmitt e Julien Freund, il politico è un’essenza, vale a dire un’attività umana originaria rispondente a un dato basilare, in questo caso la conflittualità. Funzione del politico è di assicurare la concordia interna e la sicurezza esterna delle collettività umane costituite.
Successore dello Stato regale, lo Stato – Nazione è una delle manifestazioni storiche del politico, la forma politica propria della modernità. I suoi tratti distintivi sono i seguenti: centralizzazione dei poteri e abbassamento dei corpi intermedi; omogeneizzazione culturale e giuridica del territorio assunto. Questo tipo di politica cerca di far coincidere popolo – lingua – cultura, territorio e Stato.
Questa volontà di omogeneizzazione è strettamente legata al processo di democratizzazione delle società politiche occidentali. In effetti la democrazia è un regime che postula l’identità della volontà popolare e
della legge, l’identità dei governanti e dei governati. Essa suppone un démos, vale a dire un popolo la cui forte omogeneità e la chiara coscienza di ciò che propriamente lo fonda permettono l’emergere di un’autentica volontà generale (si pensi a Jean – Jacques Rousseau). È per questo che in epoca
moderna si è potuto esercitare la democrazia, o quantomeno approssimarvisi, soltanto all’interno di un quadro nazionale.
Questo ideale «nazionale» non è sempre stato realizzato, al di là di tutto.
Si sa che certe nazioni — e non delle minori: pensiamo alla Francia — si sono forgiate all’incrocio di aree culturali distinte (benché in seno ad una medesima civiltà) e sono multietniche. Se non altro ci si è avvicinati, in certa misura, all’omogeneità degli spiriti, sia nelle nazioni dell’Europaoccidentale che in quelle dell’America settentrionale. Oggi, flussi migratori massicci da un lato e la crescita correlativa delle minoranze razziali dall’altro (popolazioni arabo – musulmane in Francia e in numerosi altri Stati europei; popolazioni ispaniche negli Stati Uniti) mettono nuovamente in discussione l’omogeneità del paese d’accoglienza. La coesione di queste società, la loro «governabilità» — tanto per usare un termine
in voga — sono intaccate e, infine, a essere minacciati sono proprio i fondamenti e le strutture dello Stato – Nazione stesso.
Costretti a far fronte alla sfida immigratoria, un certo numero di Stati pensa di riuscire a controllare la situazione praticando una politica di assimilazione. In questo contesto il termine è preso come sinonimo di «naturalizzazione» nel senso etimologico del termine.
Tuttavia l’assimilazione non avviene per decreto: essa dipende da molteplici variabili — peso numerico e dinamismo demografico della popolazione da assimilare; distanza etnoculturale; dinamismo demografico, forza e attrattività del modello culturale della popolazione d’accoglienza. Ora, i paesi interessati dall’immigrazione vivono una crisi dei modelli di assimilazione. Prendiamo la Francia: essa non è più un impero, e neppure la Grande Nazione di un tempo; ha perduto il suo prestigio, e i suoi
meccanismi d’integrazione (scuola, esercito, partiti politici e sindacati) hanno perduto smalto proprio quando il mercato del lavoro non riesce più ad assorbire l’impatto dei nuovi venuti. La distanza etnoculturale degli immigrati aumenta sempre più, dal momento che i paesi d’origine non rientrano più in ambito continentale europeo ma appartengono ad altre sferedi civiltà.
Altro esempio, gli Stati Uniti. Il melting–pot si è rivelato inefficace di fronte alle identità negra e ispano-americana, tanto che oggi quando si parla delle popolazioni degli Stati Uniti, si preferisce usare il
termine di salad–bowl (insalata mista) per indicare la giustapposizione, e non la fusione, di elementi disparati e irriducibili fra loro. Una parte dell’establishment WASP (White, Anglo-Saxon, Protestant) teme addirittura che gli Stati Uniti finiscano col divenire una «maggioranza di minoranze». L’immigrazione e le sue conseguenze sono all’origine di numerosi dibattiti politici, di referendum e di nuove leggi: nel 1986, legge Simpson – Rodino sul ristabilimento delle quote; referendum californiano sulla risoluzione 187 detta «Save Our State» (i clandestini non avranno più accesso ai servizi sociali, medici e amministrativi); nel 1996, adozione di una legislazione più restrittiva sull’immigrazione; nel 1998, nuovo referendum
californiano sull’adozione dell’inglese come lingua ufficiale.
Nei paesi del «Nord» di tradizione assimilatrice, questo tipo di politica non è dunque riuscito a «naturalizzare» la maggior parte delle popolazioni interessate. Di fronte ai problemi migratori, oltre alle politiche di controllo e d’inversione dei flussi che s’impongono appare necessaria un’altra opzione, già praticata da parecchi anni in area anglosassone: quella del multiculturalismo.
L’opzione multiculturale è stata scelta dapprima in America del Nord — il «comunitarismo all’americana» è di volta in volta un modello o uno spauracchio — in ragione della sconfitta subita dal melting – pot. Essa
si articola sui seguenti princìpi:

  •  la diversità etnoculturale è non soltanto un fatto, ma un fatto positivo che occorre tutelare e promuovere;
  • gli uomini concreti non possono essere separati dalle loro appartenenze etnoculturali;
  •   le culture devono pertanto essere riconosciute nella sfera pubblica.


È da poco che l’Europa deve confrontarsi con questo tipo di situazione — il necessario riconoscimento delle identità regionali e delle patrie carnali non deve essere confuso con l’immigrazione su vasta scala di elementi non–europei: quindi il dibattito assimilazionismo/multiculturalismo vi è di recente introduzione.
Questa scelta corrisponde alla visione del mondo e ai valori che ci sono propri, ma nel contempo ci induce a porci un certo numero di domande:

  •   tutte le «differenze» sono compatibili?
  •   non esistono necessariamente dei fenomeni di rigetto?
  •  è possibile mettere legittimamente sullo stesso piano il sistema diusi/costumi/norme degli allogeni e quello degli indigeni?
  •  ci si può accontentare di giustapporre orizzontalmente delle «comunità» nel quadro di una «grande società» (di mercato)?
  •   e se no, su quali basi enunciare delle norme collettive sovracomunitarie?
  • un «patriottismo costituzionale» senza contenuto culturale?
  •   dei valori universali?
  •   e se sì, quali?


In realtà, c’è da temere che l’opzione multiculturale non sia altro che l’intellettualizzazione di evoluzioni che si è ormai rinunciato a controllare, avendo come orizzonte una società di mercato all’americana in cui le
solidarietà comunitarie giochino il ruolo di assistenti sociali.
Ricordiamo che gli insiemi multiculturali, particolarmente gli imperi, che hanno preceduto e/o sono coesistiti con gli Stati – Nazione, e hanno saputo resistere al tempo, avevano un collante: lealismo dinastico, pratica di una medesima religione e patriottismo basato su di un’unica civiltà permettevano
di superare le differenze etnoculturali e linguistiche. Oggi, niente di tutto questo!
L’opzione multiculturale va dunque rivista secondo il metro della ragione politica, quand’anche la ragione filosofica dovesse soffrirne. Per assicurare il necessario primato demografico, culturale e politico degli
autoctoni bisogna rispettare qualche condizione sine qua non: controllo e inversione dei flussi migratori; cittadinanza piena e totale per i soli indigeni e assimilati; politica prevalentemente nazionale ed europea. Le popolazioni immigrate non-assimilate non beneficerebbero né della cittadinanza né di un certo numero di diritti ad essa connessi, ma in compenso esse si vedrebbero concedere uno statuto di popolo – ospite. A queste condizioni, l’opzione multiculturale è compatibile con la perennità delle nostre identità europee; in caso contrario, essa sfocerà immancabilmente in situazioni drammatiche, poiché i paesi d’accoglienza
dei flussi migratori saranno lacerati fra civiltà diverse. Le cose sono già molto avanti su questa china…

IL RINNOVAMENTO DELLE PROBLEMATICHE «INTERNAZIONALI»

L’espansione delle correnti migratorie mondiali e la moltiplicazione delle diaspore partecipano, con i movimenti di valuta e di capitale (si pensi al mega-mercato finanziario mondiale) e la rivoluzione delle comunicazioni, alla complessificazione delle relazioni cosiddette internazionali, dal momento che nuovi attori s’impongono sulla scena mondiale.
Dal XVI al XX secolo, lo spazio mondiale si è venuto progressivamente lastricando di Stati — forma politica che ha conosciuto l’apogeo nel XIX secolo. Attore totale, lo Stato-Nazione è l’unico soggetto del diritto
internazionale; dopo il 1945, il fenomeno di territorializzazione (appropriazione delle terre emerse) si è esteso all’Oceano mondiale.
Oggi si contano circa 200 Stati, 185 dei quali sono membri dell’ONU.
Tuttavia la mondializzazione dell’ordine statuale e territoriale non può dissimulare altre e più gravi tendenze. L’«èra occidentale» è stata segnata anche dalla massificazione dei flussi di ogni tipo, particolarmente nella seconda metà del XX secolo: flussi di merci, di capitali, d’immagini e di suoni, e infine di uomini. Contrariamente alla crisi del 1929, quella del 1973 non ha affatto rallentato il movimento bensì l’ha accelerato: grazie a questo, reti molteplici — anche migratorie — scavalcano i territori statali.
Dunque nuovi attori si affermano — aziende transnazionali e multinazionali, organizzazioni non-governative, mafia, sette… e diaspore. Così queste catene di «colonie» e di enclaves collegate da flussi più o meno intensi, avvolgono doppiamente gli Stati-Nazione. Dall’alto, con le reti transnazionali che
esse costituiscono; dal basso, con la formazione di comunità infra-nazionali che si autoregolano. A fianco degli Stati, ineludibili ma di fatto elusi, e non più in grado di padroneggiare in modo esclusivo il gioco mondiale, si affermano dunque delle forze transnazionali, «attori anomici ed esotici», legate alle migrazioni passate e presenti. Le questioni della Svizzera, Stato sovrano, col Congresso Ebraico mondiale danno l’idea della potenza di alcune di queste forze.
Altra conseguenza dei flussi migratori, lo «scontro delle civiltà» descritto e analizzato da Samuel P. Huntington. È noto che secondo il geopolitologo americano la politica mondiale si ricompone secondo degli assi culturali, e le linee di frattura traccerebbero nuove frontiere fra le civiltà. Il metodo
di suddivisione scelto da Huntington è certo contestabile — si pensi alla confusione di Europa e America del Nord in una stessa civiltà occidentale da un lato, e dall’altro il limite stabilito fra cristianità latina e
cristianità greca (spazio slavo-ortodosso) — ma il modello interpretativo che egli propone, il «paradigma civilizzazionale», non è privo d’interesse.
Per riprendere le categorie utilizzate da questo autore, non si può fare a meno di constatare che le civiltà occidentale e slavo-ortodossa dividono uno stesso destino demografico. Altri autori — Yves Lacoste (Silhouetter le troisième millénaire. Tout sauf la fin de l’histoire, in “Le Monde”, 24 ottobre 1997) e Yves-Marie Laulan (Les nations suicidaires, op. cit.) — adottano del resto una definizione di Occidente allargata, che comprende America del Nord, Europa e Russia. In questo senso l’Occidente — il
«mondo-razza bianco», per dirla con Jean Cau — dovrebbe confrontarsi con le civiltà demograficamente massicce: arabo-musulmana, negro-africana, indiana e cinese.
Al riguardo, le proiezioni della Banca Mondiale, pubblicate nel 1994 poco prima della conferenza dell’Onu sulle popolazioni e lo sviluppo organizzata al Cairo, sono particolarmente illuminanti. Da qui al 2030 la
popolazione dovrebbe raggiungere la cifra di 8,5 miliardi (+ 50%) e, soprattutto, le dinamiche regionali saranno destinate a differenziarsi profondamente: l’Europa, Russia inclusa, passerebbe da 731 a 742 milioni di individui (+2%); l’Asia da 3,4 a 5,1 miliardi (+ 35%); l’Africa da 720 milioni a 1,6 miliardi
(+ 103%); l’America del Nord da 295 a 368 milioni (+ 25%); l’America Latina da 475 a 715 milioni (+ 50%). Si può dunque rilevare la forte atonia demografica delle popolazioni di ceppo europeo, tanto più che il tasso di crescita previsto per l’America del Nord, certo più importante che in Europa, sarebbe dovuto soprattutto alla forza dell’immigrazione e alla fecondità delle minoranze etniche. Secondo altre stime recenti, di qui a trent’anni i “Caucasici” (Americani di ceppo europeo) rappresenteranno il 52% della popolazione degli Stati Uniti, contro il 73% di oggi.
Queste dinamiche demografiche differenziate inducono una nuova geografia strategica, quella delle interfacce Nord/Sud: la frontiera Usa/Messico, fra America del Nord e America Latina; più ancora la frontiera Mediterranea, fra Europa e Africa; e il lato meridionale della Russia, contiguo alle aree arabo-musulmana e sino-confuciana. Queste linee di divisione sul piano demografico e su quello civilizzazionale sono dei potenziali fronti di aggressività, con qualche riserva sul Rio Grande. Naturalmente la geografia
strategica non si riduce a queste zone polemogene; è possibile circoscrivere molte altre linee di frattura, relative a poste ben altro che demografiche.
Del resto, migrazioni e diaspore comportano lo straripamento di certe civiltà sulle aree di altre civiltà. Qui è necessario ricorrere alla descrizione fatta da Huntington della struttura di una civiltà: al
centro, lo Stato o gli Stati faro, i più potenti e i più centrali dal punto di vista culturale; intorno, gli Stati membri che s’identificano pienamente, in termini culturali, con la loro civiltà d’appartenenza; alla periferia,
paesi divisi, a cavallo di una o più frontiere di civiltà, con importanti differenze culturali fra le loro componenti umane; all’estrema periferia, negli Stati delle civiltà adiacenti, minoranze culturalmente affini.
Questo schema può essere facilmente applicato alle situazioni geopolitiche contemporanee. Così la civiltà arabo-musulmana beneficia dello scambio con importanti minoranze culturalmente affini nell’ecumene europeo, particolarmente dinamiche sul piano demografico e religioso e, dopo gli accordi di Dayton (1995), con un’entità musulmana, il principato di Sarajevo. Del pari, la civiltà cinese dispone, con le sue importanti minoranze d’oltremare, di una «rete di bambù» estesa sull’Asia del Sud-Est ma anche sull’America del Nord e, benché in misura minore, sull’Europa Occidentale. Lo «scontro delle civiltà» è anche interno. Strettamente legata con l’interazione generalizzata degli spazi e delle popolazioni —questa è una delle definizioni del mondialismo — è l’elaborazione di nuovi modelli conflittuali a partire da situazioni osservabili.
Primo modello, l’intervento esterno, divenuto frequente con le numerose crisi statuali e la riconfigurazione del sistema internazionale. Dopo la fine del conflitto Est/Ovest, le potenze cosiddette occidentali (e la
Russia) manifestano una spiccata propensione agli interventi esterni sui loro confini meridionali per mantenervi una certa stabilità. I governi cercano soprattutto di evitare un confronto diretto con flussi improvvisi e massicci di rifugiati politici e, nel quadro di una politica di controllo dei flussi migratori, intendono tenere la situazione ben salda in pugno.
Dunque gli eserciti sono ristrutturati in modo da poter condurre a buon fine questo tipo di operazione (forze ridotte ma flessibili ed estremamente mobili). Questi interventi non sono sempre militari e aperti: vi si
devono includere le politiche di sostegno agli Stati-cuscinetto e ai regimi-bunker del «Sud».
Altro modello conflittuale, quello dei conflitti identitari. François Thual** (Les conflits identitaires, Ellipse-IRIS, 1995) ha descritto e teorizzato questo scontro dei caos limitati del Sud e, in Europa, quelli
dei Balcani e del Caucaso. Quando questi conflitti si scatenano in prossimità degli spazi sviluppati del «Nord», essi inducono le grandi potenze a intervenire. Questa forma di conflitto mette alle prese gruppi
culturalmente/religiosamente differenziati (etnie, nazionalità, confessioni religiose), ciascuno dei protagonisti essendo convinto del pericolo di estinzione (processo di vittimizzazione). I mezzi di comunicazione moderni permettono di mobilitare le popolazioni interessate e la diaspora, se c’è diaspora, che in tal caso assicura il sostegno economico e lo scambio mediatico. Le ricomposizioni della geografia umana dei paesi sviluppati potrebbero portare benissimo all’estensione di questo tipo di conflitto, prefigurato, su scala minore, dagli scontri etnici delle periferie.
Questo rapido giro panoramico sui fenomeni migratori e sul fatto diasporico ha mostrato gli stretti legami esistenti fra il mercato del sistema-Mondo e la crescente potenza dei flussi umani. Il sistema-Mondo è di fatto un sistema di mobilità fondato sulla messa in relazione generalizzata (mondializzazione/globalizzazione) e l’elogio del nomade (Jacques Attali, Lignes d’horizon, Fayard, 1990). Esso genera una delocalizzazione planetaria e uno sradicamento massiccio di cui la «crisi migratoria globale» (S. P. Huntington) è l’aspetto più visibile e più gravido di conseguenze.
Gli effetti destrutturanti dei flussi transnazionali — umani, commerciali, finanziari, informativi — sono tali che sembra necessario imporre loro una logica politica e quindi riterritorializzarli. Se è vero che lo Stato-Nazione resta un elemento fondamentale del sistema-Mondo, è anche vero che esso attualmente è superato dall’estensione delle scale geografiche e dalla potenza dei flussi planetari, segnatamente umani. La «crisi migratoria globale», come gli altri aspetti della mondializzazione, richiedono dunque una riflessione sul rinnovamento delle forme politiche. Qualcuno si richiama agli imperi.


* Autore con Robert Steuckers e Gunther Maschke del volume “Idee per una geopolitica europea”, pubblicato dalla Società Editrice Barbarossa

** Autore del volume “Geopolitica dell’ortodossia”, pubblicato in Italia dalla Società Editrice Barbarossa

jeudi, 18 juin 2009

Construccion de un gran espacio suramericano

mercosur.png

 

 

 

 

Construcción de un gran espacio suramericano

Alberto Buela (*)

 

En estos días que venimos recibiendo varias solicitudes del extranjero sobre la integración suramericana  (investigadores brasileños como Julia Nassif Souza de la revista de Sociología  la Univ. de San Pablo, de nuestro traductor al ruso Vladislav Gulevich entre otros )  nos parece adecuado realizar algunas precisiones fundamentales sobre el tema. Sobre todo en el desenmascaramiento de los intereses reales que mueven la geopolítica brasilera, desde siempre ambivalente.

 

En primer lugar nosotros proponemos dejar de hablar de integración, concepto que forma parte de lo políticamente correcto, para hablar de construcción de un gran espacio geopolítico autocentrado económicamente y políticamente soberano. La categoría de integración es un engaña pichanga ad usum becarios.  Luego de 18 años desde el Tratado de Asunción de 1991 al presente, el Mercosur resultó ser sólo el instrumento de integración de las burguesías comerciales de Sao Paulo y Buenos Aires, y nada más. La construcción de un gran espacio supone una voluntad de poder que se enfrente y recorte los poderes mundiales actuales en tanto que la idea de integración implica sumarse a las ventajas relativas de la globalización.  O hablamos en términos geopolíticos de construcción de un gran espacio o callamos.

 

 

En segundo lugar hay que dejar de hablar de América Latina que es un concepto que indica una rémora colonial franco-inglesa – ni los aborígenes son latinos ni los criollos lo somos- para hablar de Iberoamérica o de la América Indoibérica y así incorporar sin tapujos al Brasil. El latino americanismo es un concepto vago y estéril, ha sostenido con razón don Helio Jaguaribe. Geopolíticamente hablando, esto es, desde un realismo político, se debe hablar de Suramérica  (Sud- América es un galicismo inadmisible a esta altura de la historia americana), pues México y Centroamérica son dominios consolidados de la potencia imperial talasocrática.

 

En tercer lugar la construcción es solo posible si podemos asegurar un heartland suramericano protegido por las líneas de tensión geopolíticas cuyos vértices tendrían que ser Buenos Aires, Brasilia, Caracas y Lima o Quito o Bogotá. Este último vértice es indistinto aunque hoy es preferible Bogotá.  Esto es lo que hemos denominado “teoría del rombo” que venimos defendiendo desde hace una década.

 

En cuarto lugar aquellos que tienen y pueden aportar más, aporten más, pues si no se da una relación de reciprocidad no hay construcción de un gran espacio en Suramérica.  Este es el principio fundante de todo gran espacio geopolítico, pues si uno de los miembros aporta todo se transforma en un imperio subregional y si todos aportan por igual es una ficción política. No tiene miras de realización.

 

Si, hipotéticamente, se tuvieran en cuenta estas cuatro instancias que proponemos habría que eliminar, finalmente,  los presupuestos histórico-políticos de los miembros que la integran comenzando por el mayor aportante, que en este caso es Brasil con casi 200 millones de habitantes y el 38% del PBI de la región.

 

Y acá salta la liebre. Y aquí aparece la cuestión fundamental. ¿Quiere Brasil la construcción de un gran espacio autocentrado económicamente y políticamente soberano en Suramérica?

Todo indica que no, pero todo aparece como que sí. En apariencias Itamaraty a todos los proyectos dice que sí, pero en realidad obra en concreto rechazándolos. Su alianza principal es con los Estados Unidos como socio privilegiado, relación que lo ha transformado hoy día en  gendarme de la región. Su asociación secundaria es con cualquiera de los países suramericanos. Esta distinción entre aliado y socio es fundamental para poder llegar a comprender en parte, a barruntar, cuales son los intereses profundos que mueven a Itamaraty.  Brasil es aliado de USA y socio de Argentina o Venezuela o Uruguay.

 

Nos explicamos con un ejemplo: El Banco del Sur (también podríamos hablar de la integración militar, del la Comunidad suramericana de naciones, del Unasur, de los corredores bioceánicos, del gasoducto transamazónico, de la navegación de los ríos interiores de la América del Sur, etc.).

 

El Banco del Sur arrancaría con un capital inicial de 7.000 millones de dólares, la controversia respecto del aporte de los países accionistas impulsores de la idea radica que unos, como Brasil o Paraguay, proponen hacer aportes menores del orden de los 300 millones y otros como Ecuador, Venezuela y Argentina proponen aportes significativos. En una palabra, unos quieren que el Banco del Sur nazca chico y otro piensan en términos de grandeza.

La contradicciones surgen con las declaraciones de Guido Mantega, ministro de hacienda del Brasil, quien sostuvo que:“ la prioridad del Banco del sur será financiar proyectos de infraestructura, logística y energía”  y recordó que “sólo el Banco de Desarrollo de Brasil tiene 120.000 millones de dólares para financiar al sector productivo de su país, en tanto que el Banco Interamericano de Desarrollo (BID) tiene sólo 100 millones de dólares para toda la región”.

¿Qué pretende entonces la intelligensia brasileña, crear un banco pobre esterilizando otra idea que puede servir para liberarnos, como lo hizo con la Comunidad Suramericana de naciones invitando a Surinam y Guyana, o sea, Holanda e Inglaterra a participar?

Esta idea del Banco del Sur, hay que decirlo con todas las letras la lanzó Chávez y le mostró sus beneficios a Kirchner, quien honesta y cabalmente la aceptó.

Brasil se sumó como se suma a todos los intentos de integración suramericana, no por su vocación integradora, sino porque Itamaraty (la cancillería brasileña: Su verdadero poder nacional)  no descansa en su ambición de dominio. Y así, si los proyectos o ideas que se lanzan benefician su política permanente de “extensión al oeste” los apoya, de lo contrario los esteriliza, pero nunca los rechaza, pues su rechazo generaría una resistencia que no tiene por qué crear.

Esto hay que saberlo y nuestros gobiernos hispanoamericanos deberían alguna vez hacerlo notar. Brasil, a través de su cancillería Itamaraty, interpuso, interpone e interpondrá todos los recursos a su alcance para impedir la integración norte-sur o sur-norte de Suramérica, de modo tal que si hay algo que no desea ni quiere es la relación Caracas-Buenos Aires, y el Banco del Sur abona y refuerza esta integración.

Hace ya más de un siglo y a partir de los trabajos de don Tulio Jaguaribe, el padre de Helio Jaguaribe, el sociólogo que más influencia en el poder del Brasil ha tenido en estos últimos veinte años,  los gobiernos de Argentina y Venezuela están solicitando al de Brasil avanzar en los trabajos para la integración fluvial del Suramérica sobre todo en la vinculación entre los ríos Paraguay –Guaporé a través del dragado de los ríos Alegre y Aguapey, atravesando la laguna Rebeca y el riacho Barbados y su respuesta siempre ha sido una dilación continuada.

 

Vemos como el Banco del Sur nos llevó a consideraciones que hacen al riñón de la geopolítica suramericana, a tratar de llamar a las cosas por su nombre y a correr el velo de las intenciones ocultas. El Banco del Sur es estrictamente hablando una idea metapolítica, pues va más allá de la limitación política partidaria y local para instalarse como categoría de condicionamiento de la acción política concreta futura del gran espacio suramericano.

Mientras tanto los seis países que inicialmente constituirían el Banco del Sur tienen presos 164.000 millones de dólares, en Bancos de USA y Europa, esto es, diez veces más de los créditos que recibimos con condicionamientos  de todo tipo, durante el 2006.

 

El Banco del Sur si naciera grande se transformaría automáticamente en la expresión financiera de la Unión Suramericana lo que le permitiría negociar como bloque y no aisladamente con los poderes internacionales. La consecuencia natural del un Banco del Sur pensado en términos de grandeza sería la implantación de una moneda única tal como se propuso en la reunión del Mercosur, aquella a la que asistió Nelson Mandela, realizada en Ushuaia en 1999 y dilatada por Brasil sine die. 

Es que Itamaraty no quiere una negociación en bloque, con una moneda única,  con los poderes mundiales sino que desea negociar con Brasil como bloque con los poderes internacionales, esta es la madre del borrego. Quien no vea esto, mira sin ver.

Este ejemplo que hemos puesto es emblemático pues muestra como Itamaraty apoya y socaba al mismo tiempo un mismo proyecto. Nuestras cancillerías no se dan cuenta o no lo hacen notar, nuestros políticos menos pues pasan su vida en problemas internos y vuelos de cabotaje, ni qué decir de nuestros dirigentes sociales y culturales embelezados en un “latinoamericanismo” vacuo y falto de contenido.

 

En la construcción del gran espacio suramericano Brasil es Alemania y Argentina es Austria, pero la sumatoria de Venezuela, Perú y sobre todo Colombia equilibra la balanza. Hoy, a mediados del 2009, esta última opción, la opción Colombia es de singular importancia. Y si algún tonto de estos que nunca faltan pues stultorum infinitus est numerus nos dijera que es imposible, solo nos cabe responderle es conditio sine qua non en la construcción de un gran espacio suramericano reemplazar las criterios ideológicos por las relaciones geopolíticas o mejor aún: Metapolíticas.  

 

La relación geopolítica de Argentina tiene que ser forzosamente con Brasil, pero para ello debe privilegiar las relaciones geopolíticas con Venezuela y Colombia más allá de los criterios ideológicos. Brasil tiene una gran ventaja sobre Argentina, su mayor potencial económico y militar pero al mismo tiempo tiene una desventaja geopolítica en la región, no puede tener ningún otro aliado de peso, sólo puede tener socios circunstanciales, pero Argentina si tuviera política exterior propia, sí que puede tener aliados. Y esta es la gran diferencia que juega a nuestro favor.

 

Socios históricos del Brasil lo han sido el Paraguay, Chile y Ecuador  pero nunca llegaron a la categoría de aliados. Esta categoría es la que se quiso plasmar en el Tratado de Asunción con Argentina, pero no pasó de una asociación comercial. Así están las tensiones geopolíticas hoy en la América del Sur.

 

 

 

(*) arkagueta

alberto.buela@gmail.com

CEES (Centro de estudios estratégicos suramericanos) CGT

Dirección postal: Casilla 3198 (1000) Buenos Aires

Fukuyama persiste et s'obstine

Fuku2007_pub_photo.jpg

 

Fukuyama persiste et s'obstine...

Ex: http://unitepopulaire.org/

« En 1992, Francis Fukuyama publiait son fameux essai sur la fin de l’Histoire, affirmant que l’éternelle guerre des idéologies politiques était terminée et que le concept de la démocratie libérale avait triomphé. Seize ans plus tard, le retour de l’autoritarisme russe, la stabilité du gouvernement communiste chinois et le renforcement des théocraties moyen-orientales semblent avoir donné tort à l’universitaire américain. […]

Pour Francis Fukuyama, les prémisses de sa théorie sont toujours valables : malgré la Chine ou la Russie, la démocratie libérale reste la seule forme de gouvernement globalement acceptée, une sorte d’idéal vers lequel tendent la plupart des pays. "Bien entendu, reconnaît l’universitaire, plusieurs groupes affirment le contraire, comme les islamistes fondamentalistes, mais sur le long terme, je suis confiant, le système démocratique est le seul viable". »

 

L’Hebdo, 2 octobre 2008

 Il faut croire que dans certains esprits, les théories a propri sont plus têtues que l’épreuve des faits… Et pourtant non, Francis, l’Histoire n’est pas terminée et elle ne le sera jamais tant qu’il y aura des hommes sur cette planète ! Car prendre en main son histoire, en tant que peuples et en tant qu’individus, relève d’une liberté inaliénable, celle de l’auto-détermination ; une liberté que les penseurs libéraux, qui n’ont pourtant que ce mot à la bouche, ne semblent pas prêts de nous accorder – ce qui importe peu car nous ne demandons pas leur autorisation. Après « l’horizon indépassable » des lendemains qui chantent soviétiques, les prophètes atlantistes voudraient nous faire croire à un avenir déterminé fait de mondialisme et de démocratie de marché.  A en croire la voix des peuples du monde, il n’est pas sûr que nous allions dans ce sens…

 

Sobre a Autoridade

Sobre a Autoridade

null

Um dos pontos débeis do pensamento politicamente correcto é esquecer, ignorar ou não considerar certos temas de todos os dias como a dor, o envelhecimento, a morte, a hierarquia, a ordem, a autoridade.

A respeito deste último tema, sabemos que desde o iluminismo (século XVIII) até ao progressismo dos nossos dias deu-se a negação sistemática da autoridade para substitui-la por critérios meramente racionalistas. Sem notar que não pode existir nenhum conhecimento livre da autoridade, pois ela é um seu elemento constitutivo. Ainda que a autoridade não possa substituir o juízo próprio, ele não exclui que a autoridade seja fonte de verdade.

Por outro lado, nenhum homem pode pensar a partir “somente da sua razão”, mas antes começa a pensar no seio de uma determinada tradição de pensamento ou cultura. Todo o homem nasce dentro de grandes ecúmenos culturais que condicionam o seu sentido de ser no mundo.

Qualquer um que oiça a palavra autoridade associa-a imediatamente com a figura do que manda sendo o seu correlativo aquele que obedece. A relação mando-obediência impõe-se de início como a dupla a partir da qual começamos a entender aquilo que enforma o conceito de autoridade. Esta última podemos caracterizá-la, numa primeira definição, como a imposição da vontade de um homem sobre outro.

Mas assim que nos detemos sobre ela vemos que esta definição não é de todo suficiente porque nos fala mais sobre a consequência do exercício da autoridade do que da autoridade propriamente dita. E as definições para serem completas e acabadas têm de apanhar a essência do que pretendem definir e não somente a sua finalidade.

A versão autoritária da autoridade vincula-a com a obediência, à priori, cega ou mecânica. De facto, esta concepção da autoridade esteve ligada às ordens militares ou religiosas, sobretudo no período de formação dos seus membros. Autoritário é aquele que exerce o seu poder para obter a obediência de outro.

Mas, como dizíamos, a natureza da autoridade não se esgota na obediência mas antes há que encontrá-la a partir do acto de reconhecimento de um saber superior, em qualquer aspecto da vida, que um homem constata noutro. A superioridade do saber do outro sobre o nosso é a origem da autoridade.

A autoridade não se recebe mas antes é concedida por um homem a outro. É concedida por aquele que reconhece no outro um saber ou conhecimento superior ao que ele possui na matéria ou tema de que se trate. Ninguém é autoridade em tudo, é-se sempre autoridade nalguma ordem de coisas, domínios ou disciplinas, ainda que nenhum de nós esteja livre dos “tudólogos”, os que “tudo-sabem”. A única “tudologia” aceitável é aquela dos pais sobre os filhos, e só até aos seis ou sete anos de idade.

A autoridade funda-se sobre o saber reconhecido de alguém e na necessidade que esse conhecimento gera. O centenário filósofo Hans Gadamer (1900-2002) escreveu: a autoridade correctamente entendida tem a ver, não com a obediência, mas com o conhecimento.

O homem, a partir do momento em que reconhece outro como autoridade, confia no que este diz como sendo verdade. É por isso que a autoridade pressupõe o conhecimento ou o saber daquele que a exerce, enquanto a obediência revela o poder, indica-nos o exercício concreto de autoridade de quem a exerce.

Assim, a autoridade, que como exercício se manifesta no campo político-social pôde ser definida, muito acertadamente, pelo filósofo céptico Giuseppe Rensi (1871-1941), na sua obra Filosofia da Autoridade (1920) como:”o acto que determina o que de facto vale como justiça e moral…entre opostas verdades teóricas racionalmente possíveis é a autoridade que decide o que de facto deve valer como se fosse a justiça, o bem, a verdade”

A objecção que nasce da politologia e da sociologia ao observar que nas nossas sociedade nem todas as autoridades dizem a verdade, pois existem autoridades que infundem conhecimentos falsos para manipular as pessoas, objecção que também pode aplicar-se à manipulação de grupos sociais menores, é difícil de contestar. Há que fazer a distinção entre “potestas” e “auctoritas”. A autoridade entendida como poder pode mentir, e de facto mente, para alcançar a obediência, mas a autoridade enquanto “auctoritas”, ou seja, em si mesma, funda-se sobre a verdade. Pois o conhecimento é sempre verdadeiro, um falso conhecimento é um desconhecimento.

Ainda que a autoridade gere obediência, ela não é obediência, essa é a consequência do exercício da autoridade. Mas, a autoridade tem como finalidade somente alcançar a obediência ou procura, e pode, aspirar a algo mais?

Uma vez mais temos que aplicar o velho princípio metodológico da filosofia clássica “distinguere ut iungere” (distinguir para unir) e assim discriminar entre bens externos e bens internos. A autoridade, no campo dos bens externos, pode, numa prática mal feita (uma pseudo-investigação) lograr prestígio, fama e dinheiro. Há tansíssimos académicos de pacotilha hoje em dia. Mas, pelo contrário, a autoridade, nos bens intrínsecos, só se pode afirmar realizando bem a prática em questão. Os bens internos a determinada prática só se podem obter realizando bem essa prática.

Assim, pôde afirmar o grande filósofo escocês Alasdair MacIntyre (1929- ) que a virtude (analogicamente a autoridade) só pode ser definida em relação com as práticas e com os seus bens internos.

E estes bens internos não são só para quem os realiza mas são bens para toda a comunidade. Uma autoridade, mesmo a mais isolada, é sempre uma autoridade socialmente reconhecida.

Assim, o pseudo-investigador do exemplo, esses especialistas das Comissões e das Academias, usurpadores de bolsas, prestígios e cânones, poderão ter um currículo alargado e ganhar bom dinheiro, mas o que nunca terão é a satisfação de ter podido ampliar os conhecimentos das suas disciplinas, metodologicamente garantidos pela prática de investigar e a autoridade que os guia.

Vemos, então, como a natureza ou essência da autoridade se revela de duas formas: por um lado no reconhecimento do superior por parte do inferior, e por outro no serviço do superior ao inferior por meio de uma boa prática. A finalidade última da autoridade é o progresso existencial dos que a acatam. Dá-se, assim, por cumprido, o último sentido etimológico de “auctoritas”, que os romanos entendiam como reconhecimento, respeito e aceitação, que deriva do substantivo “auctor” = criador, autor, instigador, por sua vez derivado do verbo “augere”, que significa aumentar, fazer progredir.

Alberto Buela, Arbil nº118

Entretien avec Hans Jürgen Syberberg

syb.jpg

 

Contre l'esthétique des vainqueurs!

 

 

Entretien avec Hans Jürgen SYBERBERG

 

 

propos recueillis par Ulrich FRÖSCHLE et Michael PAULWITZ

 

 

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1991

Q: «Une nouvelle Allemagne, un nouvel art». La fin de l'après-guerre signifie-t-elle aussi la fin de l'art de l'après-guerre?

 

HJS: Notre situation globale, je la percevais, l'été passé, comme une impasse, surtout dans le domaine de l'esthétique. Puis est venu le fameux automne... Ce n'était plus une impasse mais une fin, la fin, la conclu­sion d'une époque, l'époque de l'après-guer­re.

 

Q.: Et l'art de cet après-guerre?

 

HJS: En Allemagne, les pères fondateurs de l'intelligence officielle de notre après-guerre doivent constater leur faillite: Adorno, Bloch, Benjamin, Horkheimer, etc. Je dis ce­la, parce que j'ai le sentiment que la para­lysie actuelle du débat intellectuel vient du fait que nous ne sommes pas en mesure de nous dresser contre cette génération d'é­mi­grants. Mais eux le comprennent. Si quelque chose de neuf doit croître et se déve­lopper, ce qui est ancien, vermoulu, doit cé­der la place. Ce qui est ancien n'est pas a priori «bon» pour l'éternité. Pour me concentrer sur l'es­sentiel, je dirais que cette combinaison, où entrent 1) cette prétention morale, «ver­tuiste», affirmée par les ex-émigrants et 2) les positions des gauches, a conduit à cette pa­­ralysie de l'intelligence que l'on constate à l'Ouest, précisément parce que les positions des gauches sont devenues intouchables, ont reçu une sorte de cachet de noblesse parce qu'elles étaient défendues par des ex-émi­grants.

 

Q: Voyez-vous les signes avant-coureurs d'une perestroïka dans notre monde cultu­rel?

 

HJS: Dans la partie orientale de l'Alle­ma­gne actuelle, beaucoup de choses ont chan­gé, mais, chez nous, peu, du moins dans le do­maine de la culture. Je constate qu'il y a ici, à l'Ouest, bien plus de girouettes et de staliniens qu'à l'Est. Dans le petit monde de la culture, on parle encore et tou­jours com­me il y a vingt ans. Je n'ai pas vu un seul de nos «fonctionnaires» de la cul­ture, ni au thé­â­tre ni dans les journaux ni dans aucune institution qui patronne les sciences de l'es­prit qui ait cédé sa place ni changer les pa­ra­mètres qui régissaient son cerveau.

 

Q: Est-ce l'héritage de 68?

 

HJS: Les soixante-huitards constituent, pour le moment, la génération qui a le plus d'ef­forts à fournir pour surmonter ses com­plexes. Mais je veux être clair: le processus que j'incrimine n'a pas commencé en 1968. En 68, on n'a fait que formuler clairement ce qui s'est passé depuis 1945. Je pense que la rééducation, commencée en 1945, a été une démarche erronée. Rien que le mot: au­jourd'hui, n'est-ce pas, on ne parle même plus d'éduquer un enfant, alors, vous pen­sez, vouloir transposer cela à tout un peu­ple...! Un peuple qui devrait être éduqué puis rééduqué...! Situation abominable! Qui si­gni­fie en fait: aliéner le peuple par rapport à sa propre culture.

 

Q: La culture de notre après-guerre a-t-elle été une culture des vainqueurs?

 

HJS: Oui. Je vois en elle une esthétique du vain­queur. C'est simple: ce qui nous est ar­ri­vé après 1945 était une esthétique détermi­née par les vainqueurs. A l'Ouest, les Alle­mands se sont conformés parfaitement à «cette liberté qui nous vient d'Occident»..., alors qu'ils auraient dû se demander, petit à petit, si cet apport correspondait bien à leur sentimentalité intime, aux sentiments inté­rieurs de leur nature profonde. C'est Aron, je crois, qui a dit que le mot «rééducation» ne lui avait pas plu dès le départ et il a tou­jours pensé qu'il fallait agir autrement. Mais il est l'un des rares à Paris  —souvent des hommes de droite, de confession israë­lite—   à avoir pensé autrement. En Alle­ma­gne, nous avons subi une occupation qui nous a amené l'américanisation. Et, pour sauter quelques étapes, je trouve que les évé­ne­ments de l'an passé à Leipzig et dans d'au­tres villes nous ont fait du bien. Mal­heu­reusement, ce n'était pas une révolution culturelle mais c'était au moins une révolu­tion née en Allemagne.

 

Q: Avons-nous aujourd'hui un art sans peuple?

 

HJS: L'art a toujours eu pour fonction d'af­fir­mer la vie et non de la détruire. Au départ de cette affirmation, je pense que nous avons aujourd'hui un art qui, pour la première fois dans l'histoire, est dépourvu de «na­tu­re»; en disant cela, je ne pense pas seule­ment à la nature physique, que nous som­mes en train de saccager allègrement, mais à la nature psychique. Nous sommes en pré­sense d'un art qui reflète les névroses de notre temps, ce qui revient à dire effecti­ve­ment que c'est un art sans peuple, pire, un art qui s'impose contre le peuple. Résul­tat: l'art devient suspect. Les gens ne se rendent plus au théâtre, ne participent plus à rien, parce qu'ils n'ont plus confiance en rien, parce qu'ils ont le sentiment que cet art n'est pas notre art, que ce qu'ils voient re­présenté ne les concerne pas. Je ne dis pas que l'art doit briguer l'assentiment bruyant des mas­ses et de la majorité mais je dis qu'il doit être accessible.

 

Q: Le philosophe de l'esthétique Hans Sedl­mayr a parlé de «perte du centre» (Verlust der Mitte). Le mal ne réside-t-il pas dans la «dé-localisation» (Entortung)  de l'homme moderne?

 

HJS: J'ai avancé une critique du «prêchi-prêcha sur la société multi-culturelle». Ce discours est effectivement très dangereux car l'organisation multi-culturelle de la so­ciété conduit à l'élimination des valeurs pro­pres à la population autochtone. Le vieil adage «Connais-toi toi-même» demeure, en­­vers et contre tout, le présupposé sur le­quel doit reposer toute rencontre avec l'au­tre. En revanche, si l'on provoque déli­béré­ment un mixage trop rapide, on jette les ba­ses d'un monde «électronisé», où l'appré­hen­sion du monde ne s'effectue plus que par des clips, qui ne durent que quelques secon­des. Tout cela, c'est une question d'écologie spirituelle. Les hommes d'aujourd'hui ne se rencontrent plus qu'au niveau du fast-food, même si l'éventail des marchandises offer­tes est assez large.

 

Q: Comment pensez-vous que s'articulera cette «écologie spirituelle» que vous appelez de vos vœux?

 

HJS: C'est en fait la question essentielle. Que se passera-t-il en effet, quand tous nos concitoyens de l'ex-RDA pourront déguster des bananes et auront troqué leurs vieilles Trabis contre des voitures d'occasion occi­dentales? Leur curiosité pour ce qui est au­tre ne se tarira-t-elle pas? Et nous, les in­tellectuels, sommes-nous capables de ré­pon­dre à ce défi?

 

Q: Une dernière question: quand on vous ba­lance l'étiquette de «fasciste», est-ce que cela vous gène ou vous amuse?

 

HJS: Je me suis longtemps demandé s'il fal­lait que je dise les choses aussi ouverte­ment car une telle ouverture m'exposait, évi­demment, au reproche de «fascisme». En fin de compte, je me suis dit: «Maintenant ça suffit! Cela n'a aucun sens de se cacher tout le temps et de mentir par confort».

 

Q: Monsieur Syberberg, nous vous remer­cions de nous avoir accordé cet entretien.

 

00:08 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : allemagne, cinéma, cinéma allemand, entretiens, libres propos | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mercredi, 17 juin 2009

Islam: Obama lance un "missile" symbolique vers l'Europe

obama-muslim.jpg

 

Islam : Obama lance un « missile » symbolique vers l'Europe

Après la Bosnie, le Kosovo, la Turquie, les Etats-Unis via le président américain lancent un nouveau message symbolique en vue de déstabiliser l'Europe. Barack Obama a défendu aujourd'hui au Caire le port du voile pour les musulmanes en Occident, prenant le contre-pied de la France.

C'est par trois fois que M. Obama a pris la défense du voile islamique dans son discours prononcé à l'Université du Caire, critiquant le fait qu'un pays occidental « dicte les vêtements » qu'une musulmane « doit porter ».

Au nom de la laïcité, la France a banni en 2004 dans les écoles les signes religieux ostentatoires avec une loi interprétée comme ciblant surtout le voile islamique. La polémique fait également rage au Canada et en Allemagne alors qu'en Belgique, 90% des écoles le bannissent et il est jugé « discriminatoire » par un décret du Conseil d'Etat.

« Il est important pour les pays occidentaux d'éviter de gêner les citoyens musulmans de pratiquer leur religion comme ils le souhaitent, et par exemple en dictant les vêtements qu'une femme doit porter », a-t-il lancé.

Sans jamais citer la France ou d'autres pays, il a enchaîné en affirmant qu'« on ne doit pas dissimuler l'hostilité envers une religion devant le faux semblant du libéralisme ».

« Je sais qu'il y a un débat sur ce sujet », a encore dit M. Obama avant de trancher sur ce sujet toujours controversé en Occident devant un public trié sur le volet, parmi lequel de nombreuses femmes voilées.

« Je rejette », a-t-il ainsi affirmé, « les vues de certains en Occident » pour qui le fait « qu'une femme choisisse de couvrir ses cheveux a quelque chose d'inégalitaire ».

Il a encore souligné que « le gouvernement américain s'est porté en justice pour protéger le droit des femmes et des filles à porter le voile » et « punir ceux qui voudraient le leur dénier ».

Pour la première fois, une Américaine musulmane portant le voile, Dalia Mogahed, d'origine égyptienne, a fait son entrée à la Maison Blanche comme conseillère de Barack Obama.

Mais la question du port du voile, notamment à l'école, met aussi à l'épreuve des gouvernements et opinions publiques dans des pays musulmans.

M.G.
<http://www.dailymotion.com/fr/channel/news>
08/06/2009

Corespondance Polémia
13/06/2009
 

M.G.

Barbey d'Aurevilly, le réfractaire

BdAM10945.jpg

 

Barbey d’Aurevilly, le réfractaire

Ex: http://archaion.hautetfort.com/

 

Réfractaire, du latin refractarius : indocile. Voilà qui définit à la perfection cet écrivain secret, né une nuit de Samain il y a deux cents ans, et que le regretté Jean Mabire décrivait comme « l’incarnation d’un esprit de révolte et de défi ».

Jules Barbey, dit d’Aurevilly (1808-1889), d’abord républicain (pour narguer une famille aux prétentions nobiliaires et chouannes) puis défenseur du Trône et de l’Autel comme son maître Balzac. Opiomane et catholique tonitruant, dandy (ses redingotes moulantes, ses cravates précieuses, son essai sur Brummell) et pigiste désargenté; bref, une somme de contradictions qui font l’homme authentique, celui qui ne fait jamais carrière. L’anticonformiste perdu au milieu des bourgeois goguenards, le solitaire entouré de coteries. Citons à nouveau Mabire, décidément doué : « la noblesse le déçoit, la bourgeoisie le hérisse, la populace l’écoeure ». Comment ne pas être séduit par un tel énergumène qui, avec le temps, se révèle comme l’un des écrivains majeurs de son siècle, aux côtés de Baudelaire et de Gobineau, ces chantres de l’aristocratie spirituelle ?

Pour mieux connaître le « Connétable des Lettres », le lecteur se plongera sans tarder dans Les Diaboliques, son chef-d’œuvre, livre inquiétant et scabreux, d’un romantisme absolu. Et quelle langue somptueuse! Le court essai que signe l’écrivain François Tallandier sera également bienvenu tant son auteur a compris Barbey, qu’il définit comme un réfractaire par vocation et par fatalité, celui qui, d’instinct, vomit la sirupeuse doxa de son temps et qui, en fin de compte, refuse de « baiser le sabot de l’âne » - pour citer un autre rebelle, Charles de Coster.

Avec une sympathie non dénuée d’esprit critique, Tallandier a relu cet irrécupérable, antimoderne résolu autant que lucide : « les économistes effarés devant cet abîme du désir forcené de la richesse, qui se creuser de plus en plus dans le cœur de l’homme, et ce trou dans la terre qui s’appelle l’épuisement du sol ». Précurseur de la décroissance, Barbey apparaît aussi – à l’instar de Mistral – comme celui du réflexe identitaire, qui résiste à tout nivellement. En témoigne son attachement – paradoxal chez ce Parisien  - à un Cotentin resté très païen. Explorateur des gouffres de l’Eros noir, Barbey a beau poser au sacristain : il scandalise les catholiques (« les vipères de vertu ») comme il horrifie les mécréants, mettant un point d’honneur à déplaire autant aux moisis qu’aux écervelés. Un libertin, qui se détache de son siècle avec superbe, les moustaches en broussaille et la cravache à la main. Le chantre des singularités proclamées comme des secrets inavouables. Un maître pour les indociles de demain.

 

Christopher Gérard

 

François Tallandier, Barbey d’Aurevilly, le réfractaire, Ed. de Bartillat, 15€. Voir aussi Jean Mabire, Que lire ? 6

Sobre a Igualdade

marianne.jpg

Sobre a Igualdade

Robert Steuckers, numa entrevista de Maio de 1998, sobre o igualitarismo e a posição da Nova Direita francesa face ao tema

Que diferença entre Nietzsche e Marx quando nos colocamos no ponto de vista do igualitarismo moderno? Para Marx a injustiça provoca a desigualdade, para Alain de Benoist, neste sentido pós-nietzschiano, a injustiça instaura-se precisamente porque vivemos numa era igualitária.

(Robert Steuckers) – A sua questão inscreve-se numa problemática de ordem semântica. Você procura ver clareza na manipulação em todos os sentidos das “grandes palavras” do debate político-social: justiça, liberdade, igualdade, etc., todas estão desvalorizadas pelos “discursos gastos” da política politiqueira. Tentemos clarificar esse debate.

1)Para Marx, efectivamente, a injustiça social, a não redistribuição harmoniosa dos rendimentos sociais, a concentração de capitais em muito poucas mãos provocam uma desigualdade entre os homens. É preciso, portanto, redistribuir justamente, para que os homens sejam iguais. Serão iguais quando não mais forem vítimas de qualquer injustiça de ordem material (baixos salários, exploração do trabalho humano, incluindo crianças, etc.).

2)Para a tradição dita “inigualitária” da qual se afirmou Benoist no início da sua carreira “metapolítica”, a injustiça é que os indivíduos excepcionais ou sobredotados não recebam tudo o que lhes é devido numa sociedade que visa a igualdade. Neste sentido, “igualdade” significa “indiferenciação”. Esta equação é sem dúvida plausível na maioria dos casos, mas não o é sempre. Alain de Benoist teme sobretudo o nivelamento (por baixo).

Estas opiniões desenvolvem-se ao nível da vulgata, da doxografia militante. Para aprofundar o debate é preciso recapitular todo o pensamento de Rosseau, o seu impacto sobre o socialismo nascente, sobre o marxismo e sobre as múltiplas manifestações da esquerda contestatária.

De qualquer modo, no debate actual, convém sublinhar o que se segue:

a)Uma sociedade equilibrada, consensual, harmoniosa, conforme a uma tradição, cria a partir dela mesma a justiça social, gera-a espontaneamente, ela é atravessada por uma lógica de partilha (dos riscos e dos bens) e, parcialmente, de doação. Ela evita as clivagens geradoras de guerras civis, e portanto as desigualdades demasiado gritantes em matérias económicas. A Roma antiga dá-nos bons exemplos na matéria, e não somente no caso das reformas dos Gracos (às quais se referem os marxistas). Os excessos de riqueza, as acumulações muito flagrantes, as especulações mais escandalosas, a usura, eram reprimidas por multas consideráveis e reinvestidas nas festividades da cidade. As pessoas divertiam-se à posteriori com o dinheiro injustamente ou exageradamente acumulado. As multas, aplicadas pelos edis curuis, taxavam aqueles que transgrediam contra a frugalidade paradigmática dos romanos e beneficiavam o povo. A acumulação exagerada de terras aráveis ou de pasto eram igualmente objecto de multa (multo ou mulcto).

b)A prática da justiça está, portanto, ligada à estrutura gentílica e/ou comunitária de uma sociedade.

c)Uma estrutura comunitária admite as diferenças entre os seus cidadãos mas condena os excessos (hybris, arrogância, avarice). Esta condenação é sobretudo moral mas pode revestir-se de um carácter repressivo e coercivo através das autoridades públicas (a multa reclamada pelos edis da Roma antiga).

d)Numa estrutura comunitária há uma espécie de igualdade entre os pares. Mesmo se certos pares têm direitos particulares ou complementares ligados à função que ocupam momentaneamente. É a função que dá direitos complementares. Não há traço de inigualdade ontológica. Ao invés, há inigualdade das funções sociais.

e)Uma estrutura comunitária desenvolve simultaneamente uma igualdade e inigualdades naturais (espontâneas) mas não procura criar uma igualdade artificial.

f)A questão da justiça regressou à discussão no pensamento político americano e ocidental com o livro de John Rawls (A Theory of Justice, 1979). O liberalismo ideológico e económico gerou no pensamento e na prática social ocidental um relativismo cultural e uma anomia. Com este relativismo e esta anomia os valores que cimentam a sociedade desaparecem. Sem estes valores, deixa de haver justiça social, já que o outro deixa de ser considerado como portador de valores que também partilho ou outros valores que considero eminentemente respeitáveis, ou deixa de haver valores credíveis que me constrinjam a respeitar a dignidade de outrem. Mas no contexto de uma tal perda de valores deixa também de haver comunidade coerente. A esquerda americana, que se entusiasmou com o livro de Rawls, quis, numa segunda vaga, restaurar a justiça reconstituindo os valores que cimentam as comunidades naturais que compõem os Estados e as sociedades políticas. Reconstituir estes valores implica forçosamente uma guinada à “direita”, não uma direita militar ou autoritária, mas uma direita conservadora dos modelos tradicionais, orgânicos e simbióticos da vida-em-comum (a “merry old England”, a alegria francesa, a liberdade germânica nos cantões suíços, etc.)

g)A contradição maior da Nova Direita francesa é a seguinte: ter sobrevalorizado as inigualdades sem sonhar em analisar seriamente o modelo romano (matriz de muitos delineamentos do nosso pensamento político), ter sobrevalorizado as diferenças até ao ponto de, por vezes, aceitar a hybris, ter simultaneamente cantando as virtudes da comunidade (no sentido definido por Tönnies) ao mesmo tempo que continuava a desenvolver um discurso inigualitário e falsamente elitista, não ter compreendido que estas comunidades postulavam uma igualdade de pares, ter confundido, ou não ter distinguido correctamente, essa igualdade de pares e a igualdade-niveladora, ter desenvolvido teses críticas sobre a igualdade sem ter levado em conta a “fraternidade”, etc. Daí a oscilação de De Benoist relativamente ao pensamento de Rousseau, rejeição completa no início da sua carreira, adesão entusiasta a partir dos anos 80 (cf. intervenção no colóquio do G.R.E.C.E. de 1988). Com a abertura do pensamento comunitário americano (cf. Vouloir n°7/NS e Krisis n°16), que se refere à noção de justiça teorizada por Rawls, a primeira teoria neo-direitista sobre a igualdade despedaça-se e é abandonada pela nova geração do G.R.E.C.E.

h)A igualdade militante, leitmotiv que estruturou o passo de todos os pensamentos políticos dominantes na França (NdT: e na Europa), é uma igualdade que visa o nivelamento, o controlo das mentalidades e dos corpos (Foucault: “vigiar e punir”), a redefinição do território, que se desenrola de forma sistemática para transformar a diversidade fervilhante da sociedade civil numa “cidade geométrica” (Gusdorf). Numa acção dessas as comunidades e as personalidades são disciplinadas, são-lhes impostas interdições de exprimirem a sua espontaneidade, a sua especificidade, o seu génio criativo. A vontade de restaurar essa espontaneidade, essa especificidade e esse génio criativo passa por uma recusa dos métodos de nivelamento igualitarista sem, contudo, impedir que se pense a igualdade em termos da igualdade de pares e de “phratries” comunitárias, bem como de pensar a “fraternidade” em sentido geral (terceiro termo da tríade revolucionária francesa, mas abandonado em quase todas as práticas políticas pós-revolucionárias). A Nova Direita francesa (contrariamente às suas congéneres alemã e italiana) geriu mal esta contradição entre a primeira fase da sua mensagem (obsessivamente anti-igualitarista) e a segunda fase (neo-rousseauniana, pela democracia orgânica, comunitária, interessada pela teroria da justiça em Rawls). O resultado é que continua a ser sempre vista como obsessivamente anti-igualitarista nas fontes historiográficas mais correntes, quando na realidade desenvolve um discurso muito diferente desde há cerca de uma dúzia de anos, pela voz do próprio De Benoist e Charles Champetier.

Orientations générales pour une histoire alternative de la pensée économique

lemine11.jpg

 

 

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1991

 

 

Orientations générales pour une histoire alternative de la

pensée économique

 

(extrait d'une leçon donnée à l'Université d'été du GRECE, août 1991)

 

par Robert STEUCKERS

 

L'approche contemporaine de l'histoire des pen­sées économiques s'oriente essentiellement, de nos jours:

1) sur le «contexte»; l'accent est mis sur les pa­ramètres du temps et de l'espace; on ne pense plus l'économie de manière mondiale et universa­liste mais, avant d'énoncer un théorème, on ana­lyse son site et son époque, tout en ayant cons­cience que, de ce fait, ce théorème ne sera pas transposable dans un autre contexte.

2) sur une volonté de «fertilisation croisée»; on acquiert conscience que la vérité n'est plus con­centrée dans un et un seul corpus doctrinal; au niveau de la théorie économique, on admet au­jourd'hui une concurrence positive entre les théo­ries et les doctrines.

3) on accepte que derrière les «thèmes centraux», propres à toutes les pensées économiques, se pro­filent des idéologies, des valeurs, des intérêts, des psychologies et des conflits qui ne se laissent pas réduire à un simple calcul utilitaire.

4) le gros problème que doit affronter aujourd'hui la pensée économique, c'est la disparition du mar­xisme. Habitués à raisonner en termes de «capitalisme» et de «socialisme» (marxiste), nous entrevoyions bien la possibilité de fonder des pratiques tierces, inspirées de modèles di­vers, en marge des idéologies économiques do­minantes. Aujourd'hui, ces pratiques ne sont for­cément plus tierces mais alternatives, puisque nous n'avons plus un «marxisme» (sinon à Cuba ou en Chine, c'est-à-dire en dehors de l'œkou­mè­ne idéologique européocentré, Japon compris), mais un conflit entre une idéologie dominante, qui est le libéralisme flanqué d'alliés qui ten­dent plus ou moins vers le libéra­lisme, et une vo­lonté de rupture, qui est hérésie, hétérodoxie.

 

Pour amorcer notre travail de généalogie des pen­sées économiques, disons, pour simplifier au seuil de notre exposé, que les orthodoxies, dont le libéralisme actuellement dominant, partent de présupposés philosophiques d'inspiration méca­ni­ciste  et sont portés par une démarche monolo­gique. Les hétérodoxies, quant à elles, reposent sur des présupposés philosophiques organiques,  qui induisent des faisceaux de démarches pluri­logiques.  En distinguant entre «orthodoxies» et «hétérodoxies», nous suivons une classification didactique devenue courante dans l'espace lin­gui­stique francophone (1). Par «orthodoxies», nous entendons le libéralisme classique, tant dans ses orientations utilitaires que dans ses orientations moralisantes, le marxisme et la tentative de synthèse keynésienne. Par «hété­ro­doxies», nous entendons toutes les théo­ries et doctrines qui font appel à l'histoire, aux faits his­to­riques, à la sphère du politique, aux institutions ou aux structures mentales, et englo­bent ces para­mètres dans leurs raisonnements. Par cet appel à l'histoire et aux spécificités non économiques des sociétés, ces hétérodoxies ne s'accrochent plus exclusivement à la seule lo­gique mar­chan­de, utilitaire et mathématisée (mathématisée par une mathématique qui n'inclut pas assez de fac­teurs de variation; loin de nous l'idée de vouloir exclure toute mathéma­tique du discours éco­no­mique!).

 

1. La théorie libérale/classique:

 

Pour comprendre le fonctionnement et les insuf­fisances de la théorie libérale classique, la pre­mière des orthodoxies, nous devons comprendre le contexte idéologique dans lequel elle a vu le jour. Ce contexte est celui du XVIIIième siècle, où domine l'idéologie rationaliste. Ce n'est évi­dem­ment pas la rationalité en soi qui fait pro­blème; il nous apparaît spécieux d'opposer, com­me l'a fait Lukacs (2), le «rationalisme» à l'«ir­rationalisme», où, pour prendre le contre­pied des affirmations marxisantes et rationa­listes de Lu­kacs, nous nous affirmerions «militants irra­tio­nalistes». Ce qui pose pro­blème, c'est le méca­ni­cisme de ce rationalisme du XVIIIième siècle. Est seul «rationnel», dans cette optique, ce qui est mécanique, explicable par la mécanique. C'est une démarche intellectuelle illustrable par la «métaphore de l'horloge» (3). Pour le rationa­lis­me du XVIIIième siècle, le monde, l'Etat, la so­ciété sont comparables à des systèmes d'hor­lo­gerie, entretenu par un horloger bienveillant, le monarque éclairé, qui fera bientôt place à un gouvernement républicain, du moins en France. Or, si l'on perçoit le monde et la sphère politique comme une horloge, cela im­plique qu'il y a «fai­sabilité totale» de toute chose; on peut fabriquer, déconstruire et refabriquer un Etat comme on fabrique, déconstruit et refabrique une horloge. On peut remplacer à loisir les rouages, les en­gre­nages et les ressorts qui sont défectueux. La vo­lonté politique ne réside pas au sein du «corps so­cial», de la Nation, mais leur est extérieure. La volonté du monarque, détaché du corps social, de la Nation, peut intervenir à tout moment, dé­mon­ter les éléments constitutifs de ce corps, arrêter son mouvement puis le réen­clencher à sa guise. Ce qui signifie que le temps de l'horloge est mort; ou plutôt inexistant, ou en­core, impulsé de l'ex­té­rieur, sans qu'il ne soit tenu aucun compte des forces générées par l'intériorité d'un corps so­cial. La «métaphore de l'horloge», et celle de l'hor­loger, reposent, a for­tiori, sur une prétention de connaître tous les pa­ramètres de l'univers. Comme on les connaît tous, on est forcément op­timiste. Les paramètres qui sont là aujourd'hui seront là demain. Immuablement. Ici réside évi­demment la fai­blesse de cette démarche et de cette métaphore; le pessimisme est supérieur, puis­qu'il sait d'emblée qu'il est impossible de con­naître tous les paramètres de l'univers. Pour le pes­si­miste/réaliste, toute action implique de ce fait un risque, celui de voir surgir inopinément un pa­ramètre jusqu'alors ignoré. Le pessimiste pré­voit les aléas, tient compte du tragique et mène son action en sachant que les illusions ne paient pas.

 

La métaphore de l'arbre

 

La pensée européenne, surtout en Allemagne et dans les pays slaves, constatera assez rapide­ment les limites du mécanicisme «horloger». La pen­sée romantique, explorée par Georges Gus­dorf (4), certaines intuitions de Kant (que Kon­rad Lorenz fera fructifier), le Goethe de la Far­ben­lehre,  le poète et philosophe anglais Colerid­ge, etc. ont opposé, explicitement ou im­plici­te­ment, la «métaphore de l'arbre» à la «métaphore de l'horloge». L'arbre n'est pas fa­briqué mais naît au départ d'une infinité de fac­teurs qu'il est impossible de comptabiliser, de re­constituer dans son ensemble. La «métaphore de l'arbre» exclut dès lors la faisabilité mécanique. On ne rem­pla­ce pas des feuilles, des morceaux d'écorce, des branches comme on remplace des rouages, des ressorts, etc. L'arrachage est tou­jours blessure. La volonté de croissance de l'arbre est intérieure à lui-même et diffusée dans tout son corps. Idem pour l'animal, l'homme, la communauté, le peu­ple (le Volk,  je ne dis pas la «nation»). Toute in­ter­vention implique un risque, à l'instar d'une in­tervention chirurgi­cale; on ne peut pas dévis­ser une tête puis la re­visser aussitôt; on ne peut pas désosser un indi­vidu puis refabriquer son sque­lette. Le temps de la «métaphore de l'arbre» est dynamique, sou­mis aux aléas, vivant; il exis­te concrètement. Ce temps n'est pas impulsé de l'extérieur mais gé­néré de l'intérieur. Il échap­pe à toute quantifica­tion sommaire. Com­me il y a une infinité de facteurs qui participent à la naissance de l'arbre ou de l'animal, il y a, ip­so facto, impossibilité de connaître tous les para­mètres de l'univers. Donc, il y a omniprésence du risque, des aléas; il y a à la fois fragilité et solidité organiques du corps social ou national. Fragilité et solidité qui demandent une attention constante, qui deman­dent la patience du jar­di­nier.

 

Conclusion: l'optimisme mécaniciste conduit à la pensée utopique; le pessimisme organique, est ouverture aux innombrables paramètres qui com­posent l'univers. L'optimisme mécaniciste, malgré ses déficiences, parvient, par son sim­plisme intrinsèque, à répandre dans le corps so­cial des idéologies ou des théories économiques facilement instrumentalisables, démontrables, illustrables. Le pessimisme organique, reposant sur une épistémologie complexe, tenant compte d'une infinité de paramètres, est difficilement instrumentalisable. La multitude des para­mè­tres oblige à les démontrer en détails, à repé­rer leurs compositions.

 

Résultat politique: les idéologies à fondements mécanicistes obtiennent aisément la victoire sur le terrain, jusqu'à l'absurde comme le montre la chute du communisme soviétique. Aux Etats-U­nis, le désastre de l'enseignement et de tous les autres secteurs non-marchands entraînera à moyen ou long terme une fragilisation de l'éco­no­mie elle-même; les Etats-Unis ne tien­nent que parce qu'ils importent des cerveaux eu­ropéens ou asiatiques.

 

Locke, Mandeville, Smith

 

Revenons à la théorie libérale/classique propre­ment dite. Examinons deux des inspirateurs de son père fondateur, Adam Smith: John Locke (1632-1704) et Bernard de Mandeville (1670-1733). John Locke préfigure le libéralisme dans la me­sure où il opère une distinction entre «société ci­vile» et «sphère politique» ou «raison d'Etat». Cet­te séparation, prélude au réductionnisme ma­jeur qui sévira en économie, détache celle-ci de l'histoire, de la mémoire du peuple, des institu­tions qui cristallisent des réflexes légués par cette mémoire. Mandeville, lui, théorise l'indi­vi­du égoïste, non moral. L'égoïste est supé­rieur à l'homme moral car, démontre Mandeville, le lu­cre génère la richesse tandis que la vertu fait péricliter l'économie. Mandeville n'attribue à au­cune part du corps so­cial une «subjectivité sai­ne». Son système ne prévoit aucun recours à la mémoire, aucune ges­tion méticuleuse du patri­moine. Nous sommes en face d'un présentisme pur, qui vaut pour la vertu comme pour le lucre.

 

Ces deux théoriciens, qui comptent parmi les pè­res fondateurs de l'idéologie occidentale, jet­tent les bases d'une méthode qu'avec les tenants de l'«école historique», nous rejettons. Cette mé­tho­de fait problème parce qu'elle est abstraite: elle fait abstraction des paramètres de la mé­moire, qui s'est cristallisée dans les institutions poli­ti­ques. Cette méthode fait également pro­blème par­ce qu'elle est strictement déductiviste. Dans l'œu­vre d'un Mandeville, par exemple, les faits sont sollicités pour illustrer les théories et non l'inverse. S'ils sont sollicités a posteriori, c'est que le théoricien opère une sélection de faits. Et que les faits qu'il sélectionne de la sorte ne sont pas tous  les faits. Conséquences: de telles théo­ries ne procèdent pas de l'observation de la mul­tiplicité des faits (Malthus sera le premier à tenir compte des statistiques); si ces théories ne repo­sent que sur des sélections de faits, elles ignorent subséquemment tous les faits qui pour­raient les contredire ou bousculer leur harmonie. Refusant de tels aléas, elles sont donc statiques, se pré­ten­dent «équilibrées», par le truchement de la «main invisible», et posent les lois écono­miques comme éternelles.

 

Adam Smith, père fondateur du libéralisme pro­prement dit, célèbre pour son ouvrage De la ri­chesse des nations,  pense un homme rationnel. Mais agi par quelle rationalité? Une rationalité calculante. Qui calcule quoi? L'équilibre entre les instincts égoïstes (qui dominent dans la sphè­re économique) et les instincts altruistes (qui do­minent dans la sphère sociale). Ces ins­tincts s'opposent dans l'esprit même de l'individu. Ce­lui-ci calcule pour équilibrer ses pulsions égoïs­tes et ses pulsions altruistes, afin d'en tirer le meil­leur profit. Ce calcul intéressé conduit à l'harmonie sociale par une sorte de ré­gulation spontanée. Toute une pensée écono­mique naîtra de cette anthropologie outranciè­rement simplis­te. La paresse intellectuelle em­pêchera écono­mis­tes et idéologues libéraux de re­chercher une anthropologie plus élaborée, lais­sant une plus lar­ge part aux pulsions non calcu­lantes, à l'ir­ra­tionalité, aux réflexes histori­quement détermi­nés. Le libéralisme d'inspiration smithienne pri­vilégie l'offre et néglige la demande précisé­ment parce que celle-ci repose souvent sur des mobiles autres que la stricte rationalité calcu­lan­te (c'est le reproche qu'adresseront au libéra­lisme pur et au marxisme des hommes comme Keynes ou Henri De Man). Autre erreur qui prend sa source dans l'œuvre de Smith: la divi­sion du travail; chaque nation doit se spécialiser pour obtenir une produc­tivité supérieure. Smith transpose ainsi la spé­cialisation individuelle dans la sphère commu­nautaire/nationale. Ré­sul­tat: ruine des cultures vivrières, notamment, aujourd'hui, dans le tiers-monde (Brésil, etc.); dé­pendance alimen­taire accrue des nations eu­ro­péennes et nécessité de la dispersion coloniale.

 

David Ricardo,

logicien de l'économie

 

David Ricardo (1772-1823), fils de banquier lon­donien, a été, dès son plus jeune âge, un redou­table financier qui fit fortune à partir de ses 18 ans. L'école historique/réaliste jugera sévère­ment son œuvre, lui reprochant de s'égarer dans l'abstraction, dans le calcul de la rente découlant de la valeur-travail. Le marxisme reprendra sa définition de la valeur-travail. Mais Ricardo fait avancer la théorie économique: il la sort de l'impasse où l'avaient fourvoyée les spéculations post-smithiennes sur l'individu calculateur. Ri­car­do sort de l'économie réduite à l'offre: il ne s'interroge plus seulement sur la production des richesses mais sur leur répartition. Rompant im­pli­citement avec l'abstractionnisme libéral, Ricardo analyse la structure de la société de son époque. Il constate qu'elle est divisée en trois ca­tégories de personnes:

1) Les propriétaires qui vivent de la rente fon­ciè­re;

2) Les capitalistes industriels qui tirent profit de leur industrie;

3) Les ouvriers qui vivent de leurs salaires.

Cette tripartition est le propre de la société indus­trielle naissante; ces personnages-types, ces pro­to­ty­pes, s'agitent comme des marionnettes sur un théâtre «où les aspects protéens du monde réel ont été réduits à une sorte de caricature unidi­men­sion­nelle; c'est un monde totalement dé­pouillé, si ce n'est de motivations économiques» (5). Les ouvriers, dit Ricardo, ont pour seule préoccupa­tion les «délices domestiques», ce qui fait que lors­que les salaires augmentent, ils pro­créent à outrance et provoquent un accroissement démo­gra­phique qui, à son tour, provoque la mi­sère (en disant cela, Ricardo admet implicite­ment que le calcul n'est pas le seul mobile hu­main; la pul­sion sexuelle et procréatrice en est une autre). Les capitalistes sont des «machines écono­mi­ques» avides d'auto-expansion. Chez eux, les seuls mobiles sont économiques. Mais leur posi­tion est menacée par les inventeurs qui, par leurs inventions, défient le processus d'accumulation, que l'on souhaiterait constant. Les propriétaires sont les seuls bénéficiaires de l'organisation so­ciale; en effet, leurs revenus ne baissent pas lors­qu'il y a accroissement démo­graphique donc di­minution des salaires; ils ne baissent pas da­van­tage face à la concurrence et ne sont pas me­nacés par les innovations tech­niques. Conclu­sion: la terre est la seule richesse. Problème: la terre se voit relativisée à son tour quand les co­lons défrichent le continent nord-américain et y fondent des fermes et quand la chimie invente de nouveaux engrais.

 

Après Ricardo et son analyse de la société, le prin­cipal problème de l'économie, c'est, désor­mais, de déterminer les lois qui règlent le pro­blème de la distribution, afin d'enrayer les fa­mi­nes dues à l'augmentation des salaires et de la population. Une distribution suppose des pro­por­tions donc des luttes entre catégories sociales inégales pour s'attribuer la plus large proportion possible des richesses nationales. Ricardo ouvre ainsi la problématique du socialisme. Car la ré­partition ne relève plus des «lois naturelles» spon­tanées, issues de l'action bienfaisante de la «main invisible», mais de la volonté d'orga­ni­sa­tion, des institutions, donc de la vo­lonté politi­que. Seule différence entre Ricardo et les socia­listes: Ricardo n'invoque pas la justice, idée non utilitaire ne procédant pas d'un calcul. Les so­cia­listes le feront dans son sillage quelques an­nées plus tard.

 

Avec l'œuvre de Ricardo, nous sortons du réduc­tionnisme anti-sociologique. Plus possible dé­sor­mais d'évacuer la lutte, le conflit, générateur d'innovations; après Ricardo, nous n'avons plus de monde harmonieux; la société n'est plus une ruche immuable comme l'avait imaginé Man­deville.

 

Que conclure de l'œuvre de Ricardo? Ses spécula­tions sur la distribution du blé au sein de la popu­lation (Essai sur l'influence d'un bas prix du blé sur les profits, 1815) ramènent l'économie à des dimensions réelles; son pessimisme, quant à l'évolution démographique ascendante, montre qu'il raisonne en termes de risque. Il réintroduit l'aléa. Seul point qui fait que Ricardo n'est pas un «hétérodoxe» au plein sens du terme: il a vou­lu trouver une valeur invariable, une mar­chan­dise-étalon, l'or. Sa pensée est néanmoins mobi­lisée par les écoles hétérodoxes contempo­raines, notamment grâce aux ouvrages du «néo-ricar­dien» Piero Sraffa (1898-1983), qui s'est at­taché à mettre en exergue les ferments hétéro­doxes de sa pensée.

 

(XXXXXXXXX: dire que nous avons parlé de J.S.Mill, de l'utilitarisme, de Peter Ulrich (12M)).

 

2. Critique de

la notion d'équilibre

 

Formalisée par Walras et Pareto, la notion d'é­qui­libre, que l'on retrouve dans toutes les théo­ries orthodoxes, mérite d'être critiquée, es­sen­tiel­lement parce qu'elle participe de cette vo­lonté d'abstraction que nous avions déjà repérée chez Locke, Mandeville et Smith. Pourquoi? Parce qu'en dépit d'une certaine nécessité for­melle, la science économique, pas plus que toute autre scien­ce, ne peut ignorer les fins (notamment les fins politiques) et les valeurs su­périeures (reli­gieuses ou métaphysiques); fins et valeurs qui transcendent, bien évidemment, le calcul ou le pa­radigme d'utilité. L'équilibre, chez Walras, était certes une situation perçue comme purement idéelle et non réelle, mais, à sa suite, des simpli­ficateurs ont eu tendance à vou­loir pérenniser l'idéal, à croire qu'il était pos­sible à jamais. Les raisonnements qui se sont habitués à vouloir un équilibre ont tous été dé­sarmés quand il y a eu ir­ruption de nouveauté. Dans la pratique politique, une telle candeur peut être dangereuse. Pareto, pour sa part, parlait d'«optimum général». Mais sa sociologie dé­mentait ce fixisme en étudiant l'irrationnel, les mobiles autres que rationnels, qu'il appelait «dérivations» ou «résidus» (6), l'as­cension des élites qui innovaient et la chute de celles qui sta­gnaient. 

 

Cette évolution de la pensée économique, que l'on perçoit entre Walras et son élève Pareto, nous in­dique quel principe doit nous guider. Celui d'un re­jet constant des raisonnements en termes d'é­qui­libre, au profit d'approches dynamiques. «Dans tous les domaines, aux équilibres smi­thiens (keynésiens ou soviétiques), se substitue peu à peu une relecture de l'économie où prédo­minent les affrontements, les déséquilibres de situations, les stratégies. Il n'y a plus de "mains invisibles" mais l'action de pouvoirs concrète­ment situés» (7). Tout en sachant qu'il y a éga­lement en permanence un choc entre divers ni­veaux de rationalité, à la formalisation mathé­matique (dont nous ne nions pas la nécessité), à la méthodologie individualiste, à la réduction a-tragique, nous privilégions les méthodes histo­riques, organiques, contextualisées. Cette que­rel­le de méthode, le XIXième siècle l'avait déjà connue, avec, d'une part, l'école historique alle­mande, et, d'autre part, l'école de Vienne, réno­vatrice de la méthodologie individualiste.

 

L'Ecole historique allemande

et l'Ecole de Vienne

 

Un ouvrage français d'introduction à l'histoire des pensées économiques (8) résume les grandes lignes de ces deux écoles comme suit: «L'école historique allemande refuse l'individualisme mé­thodologique. Schmoller refuse de fonder l'a­nalyse économique sur l'individu et son cal­cul; au contraire, il développe l'idée d'une éco­nomie inscrite dans l'histoire des peuples. Plus géné­ra­lement, son courant développe une ap­proche glo­balisante de l'économie. Pour Schmoller, il faut décrire, classer, distinguer les régimes écono­miques. Chaque moment de l'histoire est unique et forge des institutions qui régulent un type don­né de croissance. La prise en compte des insti­tu­tions, la nécessité de tempérer la concurrence par une intervention de l'Etat marquent la pensée al­lemande... Ainsi, le ga­rantisme social de Sis­mondi trouve un écho dans une Prusse où Bis­marck met en place une forme de protection so­cia­le. Un Etat fort intègre la classe ouvrière par une assistance qui la dé­tourne de la révolte et de la révolution... Pour Wagner (1835-1917), le ca­pi­talisme mixte est une solution de compromis en­tre le capitalisme con­currentiel et le socia­lisme».

 

Quant à l'Ecole de Vienne, le même ouvrage en résume l'esprit par ces quelques lignes: «Face à cette économie nationaliste, l'école autrichienne élabore une représentation ultra-individualiste de l'économie. Le désir guide les comporte­ments; le calcul individuel des plaisirs et des peines permet à chacun d'agir sans besoin de contrôle; les décisions micro-économiques régu­lent spontanément la société; l'économie résulte de l'interaction d'une multitude d'individus. Ain­si, les Viennois s'opposent au déterminisme historique des Allemands et réfutent le globa­lisme de leurs analyses; ils nient le besoin d'ins­ti­tutions qui garantissent le bonheur des individus car les particuliers savent mieux que les gouvernants ce qui est bon pour eux!».

 

3. L'Ecole historique allemande

 

Comment définir l'école historique allemande? On pourrait la définir comme «globaliste», parce qu'elle tient compte de tous les aspects de la vie, et comme «institutionaliste», parce qu'elle inscrit tou­jours ses raisonnements dans un cadre col­lec­­tif, communautaire, les soustrayant ipso facto à l'emprise délétère de la méthodologie indivi­dua­liste «orthodoxe». Cette école historique a pris son envol en 1843, au moment où l'économiste Wilhelm Roscher publie un Grundriß  (un «Pré­cis»), critiquant à fond les présupposés du libé­ralisme orthodoxe. Celui-ci avait considéra­ble­ment perdu de sa crédibilité car ses théories les plus élaborées, celles de Ricardo et de J.B. Say, étaient en phase de rigidification. La pa­resse in­tellectuelle, défaut bien humain, avait conduit à répéter sans les adapter les arguments des deux économistes du début de la révolution industriel­le. Tous deux avaient été pertinents en bien des do­maines, nous l'avons vu en brossant som­mai­re­ment les grandes lignes de l'œuvre de Ricar­do. Mais les argumentaires déviés de leurs tra­vaux par des disciples ou de pâles imitateurs étaient devenus insuffisants au fil des temps. La pen­sée ricardienne s'était considérablement a­né­miée, si bien qu'on ne pouvait que constater, chez ses tenants, le divorce entre la théorie éco­no­mique et la réalité concrète.

 

Devant ce divorce, il y avait deux solutions: 1) ou bien l'on reconstruisait une théorie reflétant exac­te­ment l'état des choses existant, mais, au bout de quelques années, cette théorie deviendrait évidemment caduque. Ce travail de reconstruc­tion, Menger (dans le sillage de l'Ecole de Vien­ne), Jevons, Walras et Pareto s'y emploie­ront. 2) Ou bien l'on développait une méthode consistant à prendre à tout moment le pouls du contexte (Sis­mondi en avait perçu, avant tous les autres, la nécessité). Prendre le pouls du contexte signi­fiait connaître l'histoire de ce contexte, donc adopter une méthode historique. Friedrich List, tout en demeurant encore dans le cadre théorique du libéralisme orthodoxe, avait souli­gné deux notions essentielles: a) la nationalité du contexte qui montrait que celui-ci était le fruit d'une évo­lution particulière; b) le relativisme, qui tendait à démontrer qu'il n'y avait pas de lois valables en tous temps et en tous lieux. Les Saint-Simo­niens, contemporains de Sismondi et de List avaient, pour leur part, constaté l'impossibilité d'isoler les phénomènes écono­miques des insti­tutions sociales et juridiques. L'école historique tirera les leçons de ces obser­vations éparses, en induisant une approche plus globale, tenant comp­te non seulement des institu­tions et des lois mais aussi des fins, des sens im­pulsés par les nationalités, leurs aspirations, leurs religions, leurs valeurs, leurs traditions culturelles et phi­lo­sophiques, leurs Weltanschauungen.

 

Wilhelm Roscher et son  Grundriß

 

Dans son Grundriß,  publié en 1843, Wilhelm Ro­scher tente de donner des impulsions nou­vel­les à la science économique. Quatre groupes d'i­dées motrices dominent son travail.

1. La science économique doit tenir compte de ce que les peuples veulent et sentent. Elle doit donc pro­céder à une herméneutique de la volonté popu­laire.

2. La science économique doit s'inspirer des tra­vaux et des méthodes que Savigny a imposés en droit, c'est-à-dire des méthodes qui visent à re­chercher l'origine organique des règles de droit, des institutions, etc. Méthodes qui s'opposaient aux bricolages des «rationalistes réformateurs» qui entendaient intervenir dans le droit, pour en modifier le contenu ou la portée, mais sans étu­dier son évolution ou son involution.

3. Roscher a juxtaposé deux méthodes; il est resté libéral, il n'a pas adhéré au socialisme nais­sant. Mais il a ajouté aux théories et aux pra­ti­ques du libéralisme une méthode complémen­tai­re, la méthode généalogique/historique. En ce sens, son attitude est comparable à celle des Saint-Simoniens passés et actuels.

4. Roscher a rappelé l'importance de l'œuvre des caméralistes de l'Ancien Régime, dont la tâche était de former des administrateurs pour des ad­ministrations précises, inscrites dans des cadres précis. Le caméralisme n'avait pas de volonté cri­tique; il pratiquait un mercantilisme à petite échelle, celle des petits Etats allemands d'avant Bismarck. L'interventionnisme de ce caméra­lis­me qui a régi bon nombre de micro-Etats al­le­mands explique la réticence de la pensée alle­man­de face au libre-échangisme de tradition an­glaise.

 

Les thèses de

Bruno Hildebrand et de Karl Knies

 

En 1848, paraît Die Nationalökonomie der Ge­gen­wart und Zukunft, un livre de l'économiste Bruno Hildebrand, qui affine les arguments de Roscher. Plus radical, Hildebrand conteste l'exis­tence même des lois économiques «natu­rel­les», telles que les concevaient les clas­siques. Pour lui, il n'existe pas de lois naturelles mais des lois de développement, différentes pour cha­que nation ou chaque société. Mais la préci­sion de son travail ne va pas au-delà de cette af­fir­mation. Karl Knies, en publiant en 1853 Die po­li­tische Ökonomie von Standpunkte des ges­chicht­lichen Methode (= L'économie politique du point de vue de la méthode historique), déclare qu'il n'y a ni lois naturelles ni lois de dévelop­pement et que l'économiste doit se borner à ne constater que des analogies dans les évolutions écono­mi­ques des peuples. Knies, comme Hildebrand, lais­se ses intuitions en jachère. La Jeune Ecole Historique reprendra le flambeau à partir de 1870.

 

Gustav Schmoller

et la Jeune Ecole Historique

 

Gustav Schmoller, figure de proue de cette Jeune Ecole, fonde véritablement la méthode historique et replonge l'économie politique dans l'étude des institutions et dans l'histoire économique. Son disciple anglais Cliffe Leslie résume son œuvre en trois points: a) l'induction doit primer la dé­duction en sciences économiques; b) le relati­visme est une nécessité cardinale; c) les sciences économiques doivent nécessairement entretenir des rapports féconds avec les autres sciences. Sur le plan théorique mais non sur le plan pratique, les idées de Schmoller connaîtront un grand re­tentissement en Angleterre.

 

L'œuvre de Schmoller a une dimension critique et une dimension positive.

a. La dimension critique:

- Elle prend son envol immédiatement après la publication des thèses de Carl Menger, un éco­nomiste de l'Ecole de Vienne. La critique sch­mollerienne s'adresse à toutes les formes d'uni­versalisme, à la psychologie rudimentaire des clas­siques qui fondent tout sur l'égoïsme in­di­viduel, au déductivisme très marqué de la tra­di­tion qui part de Locke pour aboutir à Adam Smith.

Pour Schmoller, l'universalisme est un «per­pé­tualisme»; c'est une idéologie qui croit à la répé­tition infinie et perpétuelle de lois, sous­traites à toutes les formes d'aléas et d'imprévus. Quant à la psychologie des classiques, elle est, pour Schmol­ler, déficitaire, dans le sens où l'égoïsme n'est évidemment pas le seul mobile qui pousse les hommes à agir sur le marché; il y en a une quantité d'autres: la vanité, le désir de gloire, l'ac­tion pour l'action, le sentiment du de­voir, la pitié, la bienveillance, l'amour du pro­chain, la coutume, etc. A la monologique clas­sique, fondée sur le seul mobile de l'égoïsme, Schmoller oppose une plurilogique complexe, en­chevêtrée, qui ne permet plus d'énoncer des théo­ries trop simples. Tous ces autres mobiles inflé­chissent et modi­fient l'égoïsme qui reste tout de même, dans la sphère économique, le mobile permanent, ou le plus permanent. Quand il prend une place dis­pro­portionnée dans la pra­tique économique, nous parlons, dans notre dis­cours spécifique, d'écono­misme. Et il s'agit bien entendu d'une déviance dangereuse.

 

Nous avons vu que les méthodes classiques repo­saient principalement sur la déduction. Schmol­ler entend privilégier la méthode d'induction, fondée sur l'observation des faits, sur une sou­mission à leur logique. La déduction, écrivait-il, détient une validité certaine, mais les héritiers des classiques, et parfois les clas­siques eux-mê­mes, ont trop souvent affirmé des théories sur base de déductions boîteuses ou in­suffisantes. Pour Schmoller, l'économiste doit employer à bon escient les deux méthodes pour cerner les cons­tantes.

 

b. La dimension positive:

Dans l'opposition entre le mécanicisme, porté par un goût pour les simplifications outrancières, et l'organicisme, porté par la fascination pour les transformations incessantes de la réalité vi­van­te, la vision historique/organique a) inter­pelle une masse énorme de phénomènes, non pris en compte par les classiques; b) se penche sur les luttes de tous ordres; c) s'avère utile pour appré­hender la complexité du monde. Le caractère po­sitif de cette démarche historique/organique, c'est d'accepter la protéenne mouvance des cho­ses: chaque espace a eu une évolution histo­rique différente, dont il faut repérer les étapes pour en expliquer l'état actuel. Ce travail de repé­rage est une nécessité pour le praticien dans le cadre de son Etat: il lui permet des prévisions plus justes.

 

Orthodoxies et hérétiques

 

Par rapport aux classiques, libéraux et rationa­listes, et à partir de Sismondi, List, l'école histo­rique et Schmoller, se développe une hérésie, une hétérodoxie, qui, disent les observateurs contem­porains, culmine dans l'œuvre de Joseph Schum­peter (1883-1950). Les historiens français con­tem­porains des pensées économiques clas­sent les théories économiques en quatre catégo­ries, dont trois sont «orthodoxes», représentent des «ortho­doxies» et la dernière est considérée comme «hé­rétique» ou «hétérodoxe». Les trois catégories d'or­thodoxies sont: 1) les classiques et les néo-classiques libéraux; 2) les marxistes; 3) les key­nésiens, qui se situent à l'intersection des deux premières catégories. La quatrième catégo­rie, hétérodoxe, est constituée par les «hérétiques à la Schumpeter», dont les précurseurs seraient Sis­mondi et List, et les continuateurs Perroux et les régulationistes.

 

François Perroux, disciple de Schumpeter et au­teur d'une étude détaillée sur sa pensée (9), énon­ce les cinq sources de la pensée schumpété­rienne, fondatrice de la tradition hétérodoxe: «Schum­pe­ter a tenté la synthèse du système de l'école autri­chienne (c'est-à-dire celle qui tente de re-systé­matiser la pensée classique) et celui de l'Ecole de Lausanne (Walras, Pareto) d'une part, de ces deux systèmes abstraits et du système historique et sociologique de Sombart et Max Weber, d'autre part».

 

L'hérésie/hétérodoxie a suivi de nombreuses voies que nous indique le tableau figurant sur cette page:

 

TABLEAU (Alb./S. II, p. 158)

 

Commentons ce tableau que nous suggèrent Al­bertini et Silem.

1. Nous venons de voir quelles étaient les pré­mis­ses de la «voie de l'histoire».

2. La «voie des institutions» vise à substituer à l'homo œconomicus l'homo sociologicus,  c'est-à-dire un homme situé dans un milieu précis. Le sociologue américain, d'origine norvégienne, Thor­stein Veblen (1857-1929), inaugure pour sa part une sociologie critique (10), où il établit que l'homme d'affaires n'est pas mu par la rationa­lité pure (idée qui est la base de la fiction libé­ra­le) mais par des mobiles comme la vanité, la vo­lonté de puissance qui, assez souvent, bascule dans la pathologie. Veblen critique la figure du «propriétaire absentéiste», qui ne gère plus ses affaires et ses usines sur le terrain, mais se borne à jouir des bénéfices qu'elles procurent. Les propriétaires absentéistes forment la leisure class,  la classe des loisirs, qui n'a plus d'em­prise sur le réel, ne veut plus avoir d'emprise sur lui, et sombre dans la décadence. Au vu de cette décadence, le pouvoir, affirme Veblen, doit ap­par­tenir aux innovateurs, no­tamment les ingé­nieurs, les inventeurs, les hommes de science, les détenteurs de la nou­veauté technologique. Ce filon critique sera am­plifié ultérieurement par les sociologues Clark et Mitchell.

 

Galbraith et la technostructure

 

Entre la «planète keynésienne» et l'hétérodoxie institutionaliste, se niche l'œuvre de John Ken­neth Galbraith. Cet Américain dénonce la crois­sance quantitative des biens marchands au dé­triment des biens collectifs. Processus qui dé­mantèle le sens de la Cité, du civisme, de la communauté populaire. L'interventionnisme est nécessaire, explique Galbraith, pour contrer cette involution dangereuse. Ensuite, cet auteur nous explique qu'il s'est opéré une inversion au ni­veau du choix; ce ne sont plus les consommateurs qui imposent leurs choix aux producteurs mais une technostructure —englobant les grands con­sortiums, les monopoles et les services que sont la publicité et le marketing—  qui dicte ses pro­pres choix aux consommateurs. Dans cette «filiè­re inversée», le public est mystifié, grugé. La tech­no­structure prétend défendre l'intérêt gé­néral mais ne défend en fait que ses propres inté­rêts, que sa propre logique de fonctionnement, coupée des aspirations concrètes de la population. Cette critique de Galbraith est assez proche de nos préoccupations: en France, elle a influencé, à gau­che, les travaux de Henri Lefèbvre, de Roger Garaudy et, dans l'orbite de la «Nouvelle Droi­te», ceux de Guillaume Faye (11) (qui parlait plu­tôt de «Système»). En Belgique, Ernest Mandel y a puisé plus d'un argument.

3. La voie de la sociologie a pris son envol au dé­part du positivisme et de l'école comtienne au XIXième siècle. Elle s'est complétée au XXième par les apports essentiels de la «théorie des orga­nisations» (Bruno Lussato) et de l'«école systé­mique» (Ludwig von Bertalanffy, Kenneth Boul­ding) (12).

 

La dynamique des structures

 

4. La voie de la «dynamique des structures» est issue de Schumpeter et a été perfectionnée par Fran­çois Perroux. La dynamique des structures entend dynamiser et harmoniser l'ensemble des forces, des «résidus» (pour parler comme Pare­to), des institutions, des mentalités généra­trices de sens particuliers, etc. «Plus prosaïque­ment, une structure économique est représentée par l'en­semble des coefficients, des relations et pro­portions, relativement stables, qui caractéri­sent un ensemble économique. On parlera ainsi des structures de l'économie financière, des struc­tu­res du commerce international, des structures du système bancaire ou bien des structures capita­lis­tes. Les idées de relations  et de relations stabi­lisées  sont donc centrales» (13).

 

DEUX SCHEMAS: A/S + HPE

 

La voie de la dynamique des structures part de l'observation qu'il y a d'innombrables agence­ments de faits de monde, des imbrications mul­tiples qui forment en dernière instance la totalité des phénomènes et qui procurent, assez souvent mais pas toujours, de relatives stabilités, les­quel­les permettent la théorisation scientifique.

 

Les structures s'entrechoquent, ont leur logique interne; donc, au vu de ces affrontements et de ces différences, il faut refuser de penser l'éco­no­mie en termes d'équilibre; il faut tenir compte du long terme, c'est-à-dire du fait que, plus tard, l'économie du pays, de la région, sera toujours né­cessairement autre. C'est parce qu'on n'a pas suffisamment pensé l'économie en termes de dynamique que les pays européens, par exemple, n'ont pas investi à temps dans certains secteurs de l'industrie informatique (logiciels, maté­riels, puces, etc.) et accusent un retard par rapport aux Etats-Unis et au Japon.

 

Par ailleurs, la dynamique des structures postule de tenir compte du niveau de chaque espace éco­nomique, surtout dans le tiers-monde. Penser en termes de dynamique permet de meilleures pré­visions, de meilleures prospectives. L'écono­mis­te et l'homme politique prévoient l'évolution des puissances et des rapports de forces, un peu com­me le faisait Bertrand de Jouvenel dans sa revue Futuribles  ou comme le fait Alvin Toffler (14).

 

La dynamique des forces

 

La dynamique des forces est le produit de l'évo­lution technique et de l'évolution démogra­phi­que. A la suite des travaux de Sauvy, l'économie politique en est venu à raisonner en termes de progrès processif et de progrès récessif. Le pro­grès processif est celui qui procure un mieux-vi­vre grâce, par exemple, à la découverte de nou­velles sources d'énergie ou à la rentabili­sation de nouvelles matières premières (le cas récent des nouveaux conducteurs). Le progrès ré­cessif est celui qui est obtenu avec moins de tra­vail pour un volume de production identique, ce qui pro­voque du chômage.

 

François Perroux prend pour thème central de ses analyses le pouvoir (la prédominance du «po­litique»), lequel surplombe des agents de force et d'énergie inégales qui, dans la société où ils agissent, forment un jeu de combinaisons et de re-combinaisons, par le truchement des élec­tions et de la répartition des postes (la lottizaz­zione  en Italie). La méthode de Perroux consiste à accepter des modèles variés et de dépasser ainsi la que­relle des méthodes du XIXième siècle. Perroux, plurilogique, intègre plusieurs niveaux de ratio­nalité et recherche les combinaisons per­for­man­tes. En même temps, il rejette l'irénisme de l'é­qui­libre général néo-classique, conçu dans le ca­dre irréel de la concurrence parfaite. Dans une évolution, toutes les structures ne changent pas de la même façon. Des distorsions se produi­sent. Ces distorsions entraînent de nouvelles évolu­tions, d'autres ruptures. La technostructure, dé­non­cée par Galbraith, ou le Système, décrit et dé­noncé par Faye (15), rendent précisément les ruptures malaisées et figent des pans entiers du réel. Ce problème de rigidification, en dépit de la mobilité effrenée du monde actuel  —qui est très sou­vent mobilité improductive—   induit l'oppo­si­tion qui se dessine très clairement, pour les années 90 et les premières décennies du XXIième siècle, entre les «lents», condamnés à la sta­gna­tion et au déclin, et les «rapides», futurs domina­teurs au sein des «nouveaux pouvoirs» (16).

 

Outre le pouvoir, Perroux étudie le phénomène de la domination. Celle-ci peut avoir des effets d'en­traînement, ce qui est positif, ou des effets de blocage, ce qui est négatif. Les effets de blocage apparaissent quand certaines strates du pouvoir détournent des ressources humaines et maté­riel­les à leur seul profit. Ce mode de détourne­ment est observable dans les pays développés comme dans les pays sous-développés, où des équipes res­treintes ont récupéré à leur avantage le pouvoir jadis détenu par la métropole colo­niale. Face à ce blocage qui maintient le sous-développement, Perroux énonce une théorie: 1) pas de transposi­tion de modèles européens, amé­ricains ou japo­nais dans le tiers-monde; 2) refus de tout trans­fert mimétique de technologie; 3) réaliser un ma­ximum d'auto-centrage (selon les principes é­non­cés par Friedrich List au cours de la première moitié du XIXième siècle (17).

 

Au-delà du structuralisme

de François Perroux

 

L'œuvre de François Perroux (18) a non seule­ment une portée économique mais aussi, en quel­que sorte, une portée épistémologique, car elle nous indique comment penser critiquement et com­ment appliquer cette grille critique, le cas échéant,  à d'autres sciences. S'il fallait résumer ses travaux, nous le ferions en huit points:

1) Pour Perroux, plusieurs types de «rationalités économiques» peuvent coexister, mieux, doivent coexister. Principe: ne pas vouloir tout unifier à tout prix.

2) Les lois économiques sont toujours provi­soi­res. Elles sont sans cesse bousculées par les a­léas.

3) Il faut accepter les limites de la science éco­no­mique et demeurer ouvert au monde, à l'infor­ma­tion. Il faut refuser le confort des habi­tudes.

4) Il faut être pleinement conscient de l'im­por­tance des contextes historiques.

5) Il faut admettre le principe du changement con­­tinuel.

6) Il faut accepter l'objectivité des valeurs; les va­leurs sont en effet des constantes incontour­na­bles; elles influent les processus de décision, en économie comme en politique. Il est impos­sible d'araser des valeurs; on peut les refouler tem­po­rairement, mais toute valeur niée, rejettée, re­vient tôt ou tard à l'avant-plan.

7) Il faut rejetter les systèmes qui opèrent une distinction entre l'économie et la société. De mê­me que les systèmes qui veulent scinder les fins des moyens. Il ne faut pas oublier que toutes les actions humaines sont finalisées. Il faut re­jetter les raisonnements en termes d'équilibre.

8) Il faut développer des approches systémiques (19), largement ouvertes à la biologie moderne, aux travaux écologiques et à la cybernétique (20).

 

Notre courant de pensée possède d'ores et déjà un corpus théorique cohérent, apte à saisir la com­plexité du monde. L'ébauche que nous avons es­quissée ici est très incomplète, trop peu mathéma­tisée, mais elle n'a cherché, finalement, qu'à donner des grandes lignes, qui s'appliquent à l'économie mais aussi à d'autres disciplines. Quand nous dénonçons et critiquons l'écono­mis­me ou l'utilitarisme, c'est parce qu'ils sont d'em­blée marqués d'incomplétude. Qu'ils fonc­tion­nent parce qu'ils mettent entre parenthèses une multitude de paramètres, de faits de monde et de vie. Cette mise entre paren­thèses aboutit pré­ci­sément à la technostructure critiquée par Gal­braith, qui inverse le cours na­turel des choses en imposant ses propres choix à la population en mê­me temps qu'une logique pu­rement artificielle. Ce sont ces artifices et ces fictions que l'Ecole His­torique et que le dyna­misme de Perroux en­ten­dent combattre. Nous avons retenu la leçon.

 

Robert STEUCKERS.

(Bruxelles, août 1991).    

mardi, 16 juin 2009

Le discours du Caire comme paradigme de la dhimmitude rampante

Le discours du Caire comme paradigme de la dhimmitude rampante

Ex: http://www.insolent.fr/
090611Le discours prononcé par le président des États-Unis à l'université du Caire le 4 juin est apparu à beaucoup de braves gens comme pavé des meilleures intentions. On l'a présenté comme annonciateur de temps heureux où l'épée deviendra charrue et où le lion jouera gentiment avec la gazelle.

Cependant, il contient un tel nombre de demi-vérités et de franches légendes qu'il faut un certain temps pour les analyser froidement et en mesurer les conséquences. Dans un tel propos, l'interprétation de l'auditeur, plus encore que celle du lecteur, compte finalement plus que l'habile formulation du rédacteur.

Le mensonge brut, le plus gros, consiste à poser comme un dogme, que la civilisation se trouverait redevable en quoi que ce soit de la religion islamique. Postulat, naturellement non-démontré, car indémontrable, puisque faux, un tel sophisme alimente la propre nostalgie interne des musulmans pour leur âge d'or. Modestement d'ailleurs ceux-ci le situent entre 622 et 661, c'est-à-dire à l'époque où Mahomet, de 622 jusqu'à sa mort, puis les quatre califes dits "rachidoun" gouvernent à Médine la communauté des croyants (1).

À partir des Omeyyades, autrement dit : de la dynastie de Moawiya, gouverneur de la Syrie conquise, et qui, cinquième calife, régnera à Damas, nous considérons souvent en occident que l'empire islamique médiéval était devenu une puissance culturellement estimable. Elle le restera plus ou moins jusqu'à la destruction de la capitale abbasside de Bagdad par les Mongols en 1258.

Il se trouve que l'islamisme proprement dit professe une tout autre vision. Ceux que, par commodité, nous acceptons d'appeler "salafistes", du nom qu'ils se donnent eux-mêmes par référence à la doctrine des "pieux ancêtres", pensent de ces sociétés ultérieures : damascène, puis mésopotamienne ou persane, a fortiori andalouse ou ottomane, qu'elles témoigneraient, à les en croire, déjà d'un abâtardissement.

Revenons par conséquent aux affirmations développées dans le discours de M. Obama.

Pour qu'elles contiennent la moindre part de vérité, il faudrait pouvoir déterminer en quoi, au VIIe siècle, la prédication religieuse de la péninsule arabique a pu déterminer elle-même un seul "progrès de l'esprit humain". On reste bien en peine, du point de vue occidental.

La thèse dans laquelle s'inscrit implicitement le discours présidentiel américain se retrouve dans la triple conclusion citant successivement le Talmud, la Bible et ce qu'il appelle le "saint" Coran. En elle-même, cette présentation devrait heurter le chrétien. Elle met le livre musulman au-dessus du nôtre, dont le message spécifique s'appelle l'Évangile. Accessoirement, celui-ci ne donne aucune ligne directrice étrangère à celles de l'Ancien Testament, insistant plus spécifiquement, pour faire court sur une dimension humaniste, elle-même présente dans le Lévitique, et résolument pacifique : "quiconque vit par l'épée périra par l'épée".

Admettons cependant, un instant, que la croyance commune monothéiste, reformulée à leur manière au VIIe siècle par les Bédouins du Hedjaz, les rapprocherait d'un tronc commun judéo-chrétien. Supposons même que cela permette effectivement de parler, bien hardiment d'une "fraternité d'Abraham". On peut le concevoir en lisant honnêtement certains passages du livre saint des mahométans.

Mais, alors, si l'on se situe sur un tel terrain, la même lecture contredit totalement l'affirmation centrale du discours du Caire de M. Barack Husseïn Obama, répétant cette déclaration à peine croyable :
À Ankara, j’ai dit clairement que l’Amérique n’est pas et ne sera jamais en guerre contre l’Islam.
Comment un homme aussi documenté, épaulé par des "agences gouvernementales" – terme américain qui désigne des bureaucraties aussi puissantes que le Département d'État, la CIA, la NSA, etc. – peut-il ignorer ce que tout un chacun peut trouver tout seul dans le Coran.

Les citations djihadistes habituellement abondent. On gagnera à les retrouver soi-même.

Ici je me permets simplement d'en emprunter le tableau au plus favorable des islamologues français, l'universitaire protestant Bruno Étienne. Voici comment il résume la violence recommandée par la "récitation" coranique (2) :
- "Le combat vous est prescrit" (sourate 2 vv216-217 répété à sourate 3, vv157-158, v169, sourate 8 v17)
- "combattez-les jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de luttes doctrinales et qu'il n'y ait plus d'autres religion que celle de Dieu" (sourate 8 v39) ;
- "combattez ceux qui ne croient pas en Dieu, au jour dernier, qui ne considèrent pas comme illicite ce que Dieu et son Prophète ont déclaré illicite, ainsi que ceux qui parmi les gens des Écritures, ne pratiquent pas la religion de la vérité, jusqu'à ce qu'ils payent, humiliés et de leurs propres mains le tribut." (sourate 9 v29)
-et enfin "ô croyants ! combattez les infidèles qui vous entourent. (sourate 9, vv41,111 et 123; sourate 97 v35 ; sourate 59 v8)

Que faut-il de plus à ce paradigme de la dhimmitude rampante ? Si l'on envisage, au-delà de ce que des musulmans ont pu accomplir de positif, leur religion elle-même (3) on doit voir la vérité en face : cet islam-là a déclaré la guerre à l'occident.

M. Obama constate que "la violence extrémiste menace gravement notre sécurité" et il parle de "la situation en Afghanistan". À qui veut-il faire croire qu'il ne s'agit pas d'une guerre ?

On s'étonnera par conséquent que le président français ait cru bon de déclarer : "Je suis totalement d'accord avec le discours du président Obama, y compris sur la question du voile. (…) en France, toute jeune fille qui veut porter le voile peut le faire. C'est sa liberté." (4)

Dans notre pays, on a pris l'habitude d'appeler des "réformes" toute modification des lois et des règlements. Au nombre de celles-ci, envisage-t-on en haut lieu d'abroger, par conséquent, la Loi du 15 mars 2004 "encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics" ou de ne pas l'appliquer ? On aimerait des précisions de la part du premier magistrat de la république.

 

Apostilles

  1. À partir du second calife, Omar ibn el-Khattab (634-644) conquérant, par l'épée,de la Syrie, de la Perse, de la Mésopotamie et de l'Égypte, les successeurs de l'envoyé (khalifa al-rasoul) y prennent le titre de commandeurs des croyants (amir al-mumenin dont l'occident médiéval a fait "miramollin") titre novateur, excluant comme "infidèles" les judéo-chrétiens.
  2. Dans son livre "Islamisme radical" chapitre "du Jihad au tyrannicide" publié en 1987 (Hachette) pages 179-180.
  3. Rappelons qu'officiellement, au moins sein de l'islam sunnite, qui prévaut à l'université égyptienne al-Azhar, "l'interprétation" (idjtihâd) est fermée depuis plus de 700 ans. Cette situation remonte aux califes abbassides. Elle irrite certes quelques "réformistes", au sens occidental du mot.
  4. Le 6 juin à Caen cf AFP, publié le 06/06/2009 à 14 h 05.
JG Malliarakis

00:34 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : islam, obama, etats-unis, egypte, politique internationale | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook