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lundi, 24 novembre 2008

M. Eemans: Soliloque d'un desperado non nervalien

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Archives de "Synergies Européennes" - 1998

Marc. Eemans :

Soliloque d’un desperado non nervalien

 

Au cours d'une retraite de quelque quinze jours en l'île d'Egine, dans le golfe saronique, où j'ai fêté mes quatre-vingt-dix ans loin de tout cérémonial, j'ai longuement pu me pencher sur bien des choses de ma vie, tout en faisant un petit bilan de ce que l'on appelle le "mouvement surréaliste", auquel j'ai participé durant un bon moment.

 

Quel gâchis !

 

Ce qui aurait pu être une chose fort belle, une vraie révolution dans le domaine de l’esprit, sur le plan de la poésie et des arts n’a été finalement que le prolongement, l’aboutissement, vers 1924, des divers ismes de la fin du siècle dernier et du premier quart du nôtre. Tout cela dans le vase clos des cafés littéraires de Paris. Que d’apéritifs, que de palabres, que d’ukases et que de proclamations de politiques de gauche…

 

Le surréalisme n’a finalement pu que décevoir tous ceux qui y avaient mis tous leurs espoirs. Il y eut bien des fidèles jusqu’au bout, mais aussi que de défections et d’exclusions. Il y eut également des grands talents tels que Breton, Aragon, Eluard, Ernst, Dali et bien d’autres encore.

 

Des chefs-d’œuvre ? Toutefois, chose paradoxale, les vrais grands poètes surréalistes ne furent pas surréalistes dans le sillage de Breton. Ce furent des outsiders. Et je pense alors à un Saint-John-Perse et un Patrice de la Tour du Pin, mais quelle horreur ! Patrice de la Tour du Pin, un poète “christique” ! Ah, son angélologie et sa mysticité, mais aussi ses mythes et légendes celtiques, cette Ecole de Tess… J’ai eu l’honneur de me compter parmi ses fidèles.

 

André Breton, bien que parti du symbolisme de Mallarmé, de Gustave Moreau, voire de Gide et de Pierre Louÿs, n’en avait pas moins passé par le dadaïsme, le communisme, le trotskisme. Il a même été “citoyen du monde”, disciple d’un farfelu américain.

 

Quant à moi ? Je n’ai guère l’esprit grégaire. Je ne suis point fait pour les ukases, pour proclamer avec Pirandello “à chacun sa vérité”. Par ailleurs “sans dieu ni maître” (Mesens), formé dès l’enfance au merveilleux, aussi bien gréco-romain, germanique que chrétien, de même féru de symbolisme aussi bien français que néerlandais ou allemand, avec une bonne dose d’intérêt pour la mystique et l’ésotérisme, sans oublier mon intérêt pour la tragédie des Cathares (Otto Rahn et René Nelli), ainsi que pour l’Ahnenerbe (“Héritage des ancêtres”).

 

Qu’allais-je faire dans le cénacle surréaliste bruxellois où j’allais me heurter à l’ostracisme anti-art de Paul Nougé qui “nous a fait tant de tort” (Mesens) ? J’y ai perdu mon amie Irène, mais aussi gagné la jalousie de René Magritte (mes peintures étaient alors plus chères que les siennes ! Plus tard, Paul Delvaux aura également à souffrir de la même jalousie) et l’amitié de deux fidèles compagnons de route, E. L. T. Mesens, mon premier marchand de tableaux (Galerie L’Époque) et mon deuxième marchand (hélas raté), Camille Goemans (faillite de la Galerie Goëmans de la Rue de Seine à Paris).

 

Au-delà du surréalisme…

 

Après le court épisode surréaliste (1926-1930), ce fut pour moi un “au-delà du surréalisme” avec une traversée du désert, qui dure toujours, et aussi une assez grande dispersion dans mon activité aussi bien artistique qu’intellectuelle avec par surcroît la difficile quête du gagne-pain quotidien.

 

Mon apport au surréalisme bruxellois ? Quelques dizaines de peintures, des dessins et deux ou trois gravures. Elles ou plutôt “ils” auraient contribué (selon José Vovelle) à la naissance du surréalisme néerlandais (Moesman). N’oublions pas l’édition en 1930, de l’album Vergeten te worden, à ce jour  —paraît-il—  le seul recueil surréaliste en langue néerlandaise…

 

Je reviens à ma difficile quête du pain quotidien et ma dispersion intellectuelle, surtout due à une insatiable curiosité de même qu’à un aussi insatiable besoin d’activité.

 

D’abord ma quête du nécessaire pain quotidien. Quelques tentatives dans le domaine publicitaire (comme Magritte), collaboration dans le domaine du design, comme on dit aujourd’hui, avec mon ami l’ensemblier hollandais Ewoud Van Tonderen, finalement le journalisme et l’édition avec un passage dans la propagande touristique avec l’ami Goemans.

 

Ensuite ma dispersion intellectuelle. Bien que ne connaissant point une note de musique, elle fut à la fois musicologique et chorégraphique, en collaboration avec les réputés musicologues Kurt Sachs (juif exilé allemand, directeur de la collection de disques L’anthologie sonore), Charles Van den Borren, bibliothécaire à la bibliothèque du Conservatoire de Bruxelles, et son beau-fils américain, le jeune chef d’orchestre Safford Cape.

 

Grâce à mon amie Elsa Darciel, future professeur au même Conservatoire, nous avons reconstitué les “Basses-Danses de la Cour de Bourgogne”, d’après un précieux manuscrit du XVe siècle, de la Bibliothèque Royale de Bruxelles.

 

L’aventure de la revue «Hermès»

 

Côté poétique, philosophique et mystique : fondation en 1933, avec René Baert et Camille Goemans, de la revue “métasurréaliste” Hermes, pour l’étude comparée de la poésie, de la philosophie et de la mystique, avec une brillante collaboration internationale, mais qualifiée par les surréalistes bruxellois de revue de “petits curés” ou de fascistes en dépit de collaborateur à peu près tous agnostiques, d’autres marxistes ou juifs. Un secrétaire de rédaction de marque : Henri Michaux.

 

Toutefois, quelques supporters de qualité : Edmond Jaloux, Jean Paulhan, Ungaretti, T. S. Eliot, etc.

 

Ma principale contribution : un numéro spécial consacré à la mystique des Pays-Bas, mais les mystiques musulmane, hindoue, chinoise et tibétaine ou grecque et scandinave ne furent point oubliées, et puis il y eut également les premières traductions de Martin Heidegger et de Karl Jaspers. N’oublions pas le symbolisme et les romantiques anglais et allemands.

 

Notre manque d’information dans le domaine italien, nous fit —hélas— ignorer un effort à peu près parallèle, mais tout aussi “confidentiel” que le nôtre, celui de Julius Evola et de ses amis du groupe “Ur”.

 

Autres exemples de ma dissipation intellectuelle d’alors sont mon intérêt pour les théories du R. P. Jousse S. J. sur l’origine purement rythmique du verbe et son application au langage radiophonique dont Paul Deharme, l’époux de la poétesse surréaliste Lise Deharme (la “Dame aux gants verts” de Breton) tâchait alors de faire l’application dans ses spots publicitaires à la radio.

 

Plus grave, du point de vue surréaliste tout au moins, fut ma présence à un colloque néo-thomiste à Meudon, chez Raïssa et Jacques Maritain, sur le thème de la distinction entre mystique naturelle et surnaturelle.

 

Moins compromettante, toujours du point de vue surréaliste, fut ma correspondance avec le poète grec Angelos Sikelianos concernant la restauration des Jeux Delphiques.

 

Les années sombres…

 

En septembre 1939, la guerre mit brusquement un terme à la revue Hermes et en mai 1940, avec l’invasion de la Belgique, au gagne-pain de ses deux directeurs.

 

L’effort fut repris après la guerre par André de Renéville avec ses Cahiers de l’Hermès (deux seuls numéros remarquables) et par une nouvelle revue Hermès qu’il faut, hélas, considérer comme pirate, celle de Jacques Masui… Il existe toujours, dans le prolongement de celle-ci avec le logo de 1933, une “Collection Hermès” aux éditions Fata Morgana. Pour moi, un vrai mirage.

 

Durant la guerre et l’occupation de la Belgique, les deux directeurs de la revue devinrent, quelle erreur et quelle horreur pour d’aucuns, des collaborateurs culturels, mais aussi des résistants culturels sur nombre de points, dans certains journaux et périodiques contrôlés par l’occupant. Cela leur coûta cher : pour René Baert, la vie (par assassinat) et pour moi quelque quatre ans de camp de concentration belge, à la suite d’un procès devant un tribunal illégal et selon une loi que les communistes considéraient (lorsqu’ils en étaient victimes) comme “scélérate”, c’est-à-dire “rétroactive”.

 

J’ai appartenu par ailleurs à, disons une loge intellectuelle secrète, fondée au XVIIe siècle, à laquelle avait également appartenu Pierre-Paul Rubens, appelée “Les Perséides”. Elle avait pour but la réunion, tout au moins sur le plan intellectuel, des anciennes “XVII Provinces” (ou états bourguignons), séparées à la suite de la guerre de religion du XVIe siècle.

 

Durant la dernière guerre, les “Perséides” furent particulièrement actifs. Ils entrèrent même dans la résistance thioise et la clandestinité.

 

Sur le plan légal, ils obtinrent des autorités occupantes non-nazies (car la Belgique a été surtout occupée et gouvernée par des non-nazis) qu’il n’y eut point d’art “dégénéré” en Belgique.

 

Dans la clandestinité, ils parvinrent à rétablir des liens intellectuels avec les Pays-Bas rompus durant l’occupation (je passai maintes fois outre frontière !). Il y eut également des réunions plus ou moins clandestines. L’une d’elles fut dénoncée à la Gestapo et plusieurs des “Perséides”, dont moi, faillirent subir un séjour forcé dans quelque camp de concentration nazi…

 

Après la tourmente

 

La traversée du désert n’en devint que plus pénible après ma libération. Heureusement des amis fidèles vinrent à mon secours dont Jean Paulhan et Patrice de la Tour du Pin, de même que le Prix Nobel T. S. Eliot, sans parler de l’éditeur flamand Lannoo et les éditions néerlandaises Elsevier en la personne de son représentant à Bruxelles Théo Meddens qui me prit à son service jusqu’à ma pension à l’âge de soixante-cinq ans. Ce fut un vrai sauvetage in extremis. Aux éditions Elsevier (plus tard Meddens), j’eus l’occasion de publier une trentaine de livres consacrés à l’histoire de l’art ou de collaborer étroitement avec nombre de personnalités éminentes, telles que le professeur Leo Van Puyvelde et le musicologue Paul Collard (me voilà redevenu musicologue !). Je pus également renouer avec la chorégraphie grâce à ma fidèle amie Darciel.

 

Je pus également compter sur la neutralité, voire l’amitié d’Irène Hamoir et surtout sur celle de E. L. T. Mesens. Quant aux surréalistes d’après-guerre, ce fut la guerre ouverte, la diffamation par pamphlets odieux, même à propos d’expositions à l’étranger (Lausanne, La Femme et le surréalisme, où un ancien prisonnier d’Auschwitz et de Dachau, le Hongrois Carl Laszlo, un marchand de tableaux de Bâle) (sic ; ndlr : nous avons reçu ce texte après le décès de Marc. Eemans ; nous ne l’avons pas modifié, y compris cette phrase apparemment inachevée).

 

Puisque nous parlons de peinture, je rappellerai la fondation du groupe “Fantasmagie” consacré à l’art fantastique et magique. Mais ce mouvement dont je fus un des fondateurs sombra vite dans l’occultisme de pacotille en récoltant des membres au hasard des rencontres de bistrots de son “pape” Aubin Pasque qui avait déjà été l’inventeur d’un “surréalisme du canard sauvage” qui n’a existé que dans son imagination, mais auquel ont cru certains historiens du surréalisme en Belgique, dont David Sylvestre qui m’a interrogé un jour à son sujet…

 

Mais côté poésie ? Je n’ai jamais cessé de pratiquer de la poésie, appelons la “métaphysique et la mythique”, avec des recueils aussi bien en langue néerlandaise que française.

 

Artiste maudit

 

Du côté peinture, mes adversaires en ont profité, hélas, pour me boycotter, de sorte qu’on peut me classer parmi les  “artistes maudits” et certainement proscrits. Point d’œuvres dans les musées, si ce n’est pas un don ou un legs. Point d’expositions officielles, pas de rétrospectives, pas de subsides, etc. etc.

 

A présent, vieux, malvoyant, quasi sourd et ne marchant plus que fort difficilement et avec une canne de berger grec (car je demeure fidèle au mythe grec), je ne suis qu’un “gibelin” comme disent mes amis italiens. Je me demande, en vrai desperado, si je ne suis pas un raté et certainement un marginal qui n’a plus qu’à disparaître…

 

Heureusement que dès 1972, feu mon ami Jean-Jacques Gaillard, peintre surimpressionniste et swedenborgien, lui aussi quelque peu maudit pour avoir eu l’audace de dénoncer la grande fumisterie de l’art de Picasso, cela en pleine Académie Thérésienne, heureusement, dis-je, que l’ami Jean-Jacques m’ait prédit (belle consolation !) “une gloire posthume tristement magnifique”, y ajoutant qu’“une gloire tardive est préférable à une gloire rapide qui vieillit vite”.

 

Feu mon ami allemand, l’histoire d’art Friedrich Markus Huebner, grand admirateur de l’art flamand, de son côté m’a proclamé “l’éloquent interprète des expériences intemporelles”… Serais-je donc, moi aussi “intemporel” ?

 

Marc. EEMANS.

(20 juin-10 septembre 1997).

(précision : les inter-titres sont de la rédaction).  

Sur "La démocratie contre elle-même" de M. Gauchet

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Sur "La démocratiecontre elle-même" de Marcel Gauchet

Le livre de Marcel Gauchet est au chevet de tous les membres de l'école des cadres de "Synergies Européennes" en pays francophones. Voici une sélection d'une analyse et d'un compte rendu, afin de permettre aux futurs postulants de s'initier à cette pensée complexe et profonde, qui a été qualifiée, par l'un de ces médiocres vigilants du parisianisme républicain, citoyen, etc., de "néo-réactionnaire". Raison de plus pour la lire.

1) Analyse de Jean Zin : http://www.globenet.org/transversales/grit/gauchet3.htm

2) Compte rendu du livre rédigé par Marc-Olivier Padis, Automne 2002 : http://gauchet.blogspot.com 

Comment rendre compte de la complémentarité des textes réunis dans ce volume, parus tout d’abord dans la revue dont Marcel Gauchet est le rédacteur en chef, Le Débat, entre 1980 et 2000 ? Écologie, école, religion, psychologie, droit ou politique : faut-il choisir un de ces fils conducteurs pour suivre l’auteur dans son exploration de notre démocratie ? Dans sa préface, M. Gauchet rappelle trois directions d’investigation du terme « démocratie ». La démocratie renvoie en effet à un phénomène historique qui ne se limite pas à une forme de régime politique. Radicalisant l’intuition d’Alexis de Tocqueville, selon laquelle la démocratie constitue aussi un état social (caractérisé par le principe de l’égalité), M. Gauchet montre qu’il s’y joue en effet un type de rapport social particulier mais encore « une nouvelle manière d’être de l’humanité » (p. XVIII de l’introduction). Cela signifie que les leçons de la théorie politique et de la sociologie sont appelées à s’ouvrir vers une «anthropologie démocratique » à même de restituer le phénomène dans son ampleur. C’est pourquoi il n’y a pas à choisir entre les domaines d’étude cités mais à conjuguer ce qu’ils nous font comprendre pour saisir cet insaisissable condition démocratique qui est la nôtre.

À la fin du premier texte repris dans ce recueil, « Les droits de l’homme ne sont pas une politique », M. Gauchet présentait les difficultés inhérentes à cette curieuse contradiction dans les termes que représente la «société des individus». Comment fonder un système politique sur une déclaration des droits et un individu théoriquement posé comme délié des autres et souverain de lui-même ? Cela n’est possible qu’au prix d’une occultation d’une série de paradoxes. Le premier est que, pour acquérir son autonomie comme individu, chacun de nous est dépendant du développement de l’État et que celui-ci passe par la construction de catégories générales et abstraites, c’est-à-dire par une anonymisation de la personne qui contraste avec l’attachement à la singularité du sujet moderne. Deuxièmement, nous jouissons de la liberté des Modernes qui, à l’opposé de la liberté des Anciens ne se définit plus par la participation à la vie politique mais, au contraire, par la capacité à se retirer de la sphère publique pour se consacrer aux intérêts privés. Cela signifie que nous risquons de laisser dépérir les institutions démocratiques à force de liberté démocratique. Enfin, l’individualisme comme affirmation de la singularité de chacun se heurte à l’évidence toute opposée d’une banalisation des conduites, d’une standardisation des pensées et des comportements. Ce conformisme individualiste met en cause la capacité des démocraties à former des individus qui soient encore à la hauteur des responsabilités et des devoirs qu’impose le fonctionnement démocratique. Ce texte de 1980 se présente bien comme un programme de travail développé par la suite, rôle que la construction du présent recueil suggère comme contrat de lecture.

On peut en effet suivre ces indications en observant que les textes rassemblés ici reprennent cette série de contradictions qui risquent de provoquer le retournement de « la démocratie contre elle-même ». Les trois textes sur la religion (« Fin de la religion ? », janvier-février 1984 ; « Sur la religion, un échange avec Paul Valadier », novembre-décembre 1984 ; « Croyances religieuses, croyances politiques », mai-août 2001) se placent dans le fil de l’interrogation sur la composition politique des sociétés modernes et, par conséquent, sur l’émergence de la notion d’individu et sur l’établissement de l’État. En effet, quand le principe de l’organisation de la société et de la légitimation du pouvoir ne dérivent plus de la présence surplombante et incontestée d’un ordre divin, c’est le temps de l’État qui vient comme principe d’extériorité organisatrice de la communauté humaine. L’interrogation au long cours sur l’histoire de la religion (qui a fait l’objet de l’ouvrage Le désenchantement du monde : une histoire politique de la religion, paru en 1985) se motive doublement : il s’agit, d’une part, de comprendre comment s’est opérée la translation du principe de fondation politique du monde des dieux à la communauté des hommes et, d’autre part, de savoir ce qu’il advient de la religion dans ce monde qui en est sorti et dans lequel elle ne joue plus qu’un rôle subsidiaire.

La deuxième incertitude qui pèse sur l’homme des démocraties concerne la construction de la personnalité. D’où une interrogation sur le lieu de formation qu’est l’école et sur la psychologie de cet être voué à se méconnaître fondamentalement parce qu’il vit sur le mythe de l’auto-institution, aussi improbable théoriquement qu’impossible pratiquement (« L’école à l’école d’elle-même. Contraintes et contradictions de l’individualisme démocratique », novembre-décembre 1985 ; « Le niveau monte, le livre baisse », novembre-décembre 1996 ; « Essai de psychologie contemporaine I et II », mars-avril et mai-août 1998). L’enjeu est ici de spécifier l’individualisme dont on parle tant et, ce faisant, de caractériser les changements récents, parfois rapides, de la psychologie. Mais l’interrogation fondamentale reste la même puisqu’elle consiste à observer la manière dont se construit la relation aux autres dans un contexte normatif en recomposition. Certes, le monde de l’égalité induit une perte de légitimité des hiérarchies et des contraintes. On peut en tirer la conclusion, trop rapide, d’une décontraction générale des rapports sociaux, d’une baisse théorique de la conflictualité. Or, c’est bien l’inverse qui se produit, mais avec la naissance d’une violence d’évitement qui vient se substituer à la violence de contact. Ce trouble de la relation aux autres se traduit à la fois par une angoisse d’avoir perdu les autres et par une peur des autres. Il faut donc s’interroger sur la manière dont se présente cette relation à soi et aux autres qui marque un âge de la personnalité largement différent, plus sans doute que nous ne sommes capables de l’admettre, des formes historiques que nous avons connues jusqu’à présent. Cet individu, on l’a vu, vit dans un rapport nouveau à la conflicutalité, au sein de la société, face aux institutions, avec les autres mais aussi en lui-même. On rejoint ici un champ d’investigation de M. Gauchet sur l’histoire de la psychiatrie et la manière dont des pathologies spécifiques de l’individu moderne se modèlent en même temps que l’émergence des systèmes démocratiques.

Le troisième sous-ensemble de textes est consacré au paradoxe du désinvestissement politique, dont les risques sont apparus évidents ce printemps (« Pacification démocratique, désertion civique », mai-août 1990 ; « Sous l’amour de la nature, la haine des hommes », mai-août 1990 ; « Les mauvaises surprises d’une oubliée : la lutte des classes », mai-août 1990 ; « Le tournant de 1995 ou les voies secrètes de la société libérale », septembre-octobre 2000). L’objet d’étude est ici plus directement politique et l’inquiétude plus manifeste : absence de débat civique, politique impuissante, privatisation des attentes… Le recueil invite à une lecture en forme de récapitulation, qui donne au premier texte un statut prophétique rétrospectif et au texte de 2000, dont le titre est une volontaire réponse au premier («Quand les droits de l’homme deviennent une politique »), une tonalité crépusculaire. Il s’agit désormais moins de relever une ambivalence de la condition démocratique (peut-être parce qu’il n’y en a plus) mais d’approfondir le paradoxe qui veut que l’exercice de la démocratie recule avec l’avancée de ses principes, que les mœurs ne s’accordent pas aux institutions. Par une ruse supplémentaire de l’histoire, c’est par le droit, qui a valu la réhabilitation de la démocratie au moment du combat totalitaire contre l’illusion communiste, et sous couvert de triomphe radieux des principes juridiques, que la démocratie entre, selon l’auteur, dans un âge de léthargie.

L’avertissement de la fin du premier article était en effet nettement formulé : «les droits de l’homme ne sont pas une politique dans la mesure où ils ne nous donnent pas prise sur l’ensemble de la société où ils s’insèrent. Ils ne peuvent devenir une politique qu’à la condition qu’on sache reconnaître et qu’on se donne les moyens de surmonter la dynamique aliénante de l’individualisme qu’ils véhiculent comme leur contrepartie naturelle ». En vingt ans, on aurait finalement vu plutôt un renforcement de la dynamique individuelle et de ses illusions corrélatives. D’où le risque de voir devenir hégémonique une conception de la démocratie « qui sacralise à ce point les droits des individus où elle se fonde qu’elle sape la possibilité de leur conversion en puissance collective » (introduction p. XXVII). Cela n’empêche en rien l’hypothèse qu’un cycle correctif ne s’enclenche mais sa réalisation est reportée à d’hypothétiques lendemains, comme une ouverture vers une histoire qui n’est jamais déterminée à l’avance. Car l’auteur refuse un pessimisme sans perspectives et désigne ce qu’il voit comme une forme nouvelle d’antipolitique pour mieux retrouver « une politique démocratique digne de ce nom ».

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La Fontaine: le savetier et le financier

Jean de la Fontaine : Le savetier et le financier

Un savetier chantait du matin jusqu'au soir:
C'était merveille de le voir,
Merveille de l'ouïr: il faisait des passages,
Plus content qu'aucun des sept sages.
Son voisin, au contraire, étant tout cousu d'or,
Chantait peu, dormait moins encore.
C'était un homme de finance.
Si sur le point du jour parfois il sommeillait,
Le Savetier alors en chantant l'éveillait;
Et le Financier se plaignait
Que les soins de la Providence
N'eussent pas au marché fait vendre le dormir,
Comme le manger et le boire.
En son hôtel il fait venir
Le chanteur, et lui dit: or, ça, sire Grégoire,
Que gagnez-vous par an ? Par an ? ma foi, monsieur,
Dit avec un ton de rieur
Le gaillard Savetier, ce n'est point ma manière
De compter de la sorte; et je n'entasse guère
Un jour sur l'autre: il suffit qu'à la fin
J'attrape le bout de l'année:
Chaque jour amène son pain.
Et bien, que gagnez-vous, dites-moi, par journée?
Tantôt plus, tantôt moins: le mal est que toujours,
(Et sans cela nos gains seraient assez honnêtes)
Le mal est que dans l'an s'entremêlent des jours
Qu'ils faut chommer: on nous ruine en Fêtes.
L'une fait tort à l'autre: et monsieur le Curé,
De quelque nouveau Saint charge toujours son prône.
Le Financier riant de sa naïveté,
Lui dit: je vous veux mettre aujourd'hui sur le trône.
Prenez ces cent écus: gardez-les avec soin,
Pour vous en servir au besoin.
Le Savetier crut voir tout l'argent que la terre
Avait, depuis plus de cent ans,
Produit pour l'usage des gens.
Il retourne chez lui: dans sa cave il enserre
L'argent et sa joie à la fois.
Plus de chant: il perdit la voix
Du moment qu'il gagna ce qui cause nos peines.
Le sommeil quitta son logis,
Il eut pour hôtes les soucis,
Les soupçons, les alarmes vaines.
Tout le jour il avait l'oeil au guet: et la nuit,
Si quelque chat faisait du bruit;
Le chat prenait l'argent. A la fin le pauvre homme
S'en courut chez celui qu'il ne réveillait plus.
Rendez-moi, lui dit-il, mes chansons et mon somme,
Et reprenez vos cent écus.

Jean de la Fontaine, Le savetier et le financier, Fable II, Livre Huitième.

dimanche, 23 novembre 2008

Seehofer: la fin du néo-libéralisme

 

 

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La fin du néo-libéralisme selon le Ministre Président bavarois


Horst Seehofer, 59 ans, est Ministre Président de l’Etat de Bavière au sein de la fédération allemande. Dans un entretien accordé au « Spiegel » (n°46/2008), il évoque la crise avec un langage tonique qui mérite toute notre attention.


Voici quelques-uns de ses propos, recueillis par Conny Neumann et Konstantin von Hammerstein :


« Ce ne sont pas seulement des banques qui se sont effondrées, mais aussi la philosophie du néo-libéralisme pur jus. Je ne m’attendais pas à un effondrement aussi rapide, à une telle vitesse, mais je le voyais venir depuis longtemps. Cette pure maximisation du profit, cette perspective qui ne voit rien d’autre que le rendement ne perçoivent la vie qu’à la lumière de l’économie et négligent tout le reste, qui, pourtant, fait le sel de l’existence. Voilà ce qui s’est effondré ».


Q. : Où cet échec du néo-libéralisme était-il prévu à l'ordre du jour dans notre vie politique ? L’était-il lors de la Diète de la CDU démocrate-chrétienne ? L’était-il dans le fameux « Agenda 2010 » ?


HS : Vous connaissez le débat qui a animé la vie politique allemande quand il s’est agi de protéger le travailleur contre les licenciements. S’agit-il d’une disposition sociale propre à notre société ? La solidarité est-elle encore une valeur « moderne » ou bien l’égoïsme et l’individualisme sont-ils devenus la mesure de toutes choses ? On s’est moqué de moi quand j’ai émis des critiques lorsque Nokia a décidé de quitter l’Allemagne parce que son rendement n’y était que de 20%, ce que la firme estimait trop bas. Le sort des familles de leurs 2000 salariés ne l’intéressait pas. On ne parlait que de cours en bourse et de bilans. Voilà quel était le critère de toute notre politique sociale et cela avait quelques retombées sur le programme de l’Union (des partis démocrates-chrétiens), y compris dans les décisions prises naguère à Leipzig.


(…)


Q. : Pouvez-vous nous expliquer pourquoi les idées néo-libérales ont connu un tel succès au sein des partis de l’Union ?


HS : Parce qu’elles passaient pour « modernes ». C’était, disait-on, le « mainstream ». Tout le monde de l’économie a défendu de telles thèses et si vous émettiez ne fût-ce qu’un petit argument contradictoire, vous passiez pour une vieille baderne. Pour moi, il ne faut ni l’économie planifiée ni le néo-libéralisme. Nous, Allemands, avions inventé le modèle idéal, celui qui était assuré du succès : l’économie sociale de marché.


Q. : Qui peine et s’essouffle.


HS : Pendant plus d’un demi siècle, ce modèle économique a enregistré de grands succès et nous a apporté la stabilité sociale. Bien sûr, comme toute chose, il faut le moderniser et le rénover. En principe, il s’agit de combiner à chaque fois les côtés positifs du marché avec des directives et des filets de sûreté dans le domaine social. Il faut rétablir le bon rapport de force entre la sécurité sociale et l’innovation.


Q. : Le néo-libéralisme est-il mort et bien mort ?


HS : Tant que je suis en vie, oui, pour moi, il est bien mort.


Q. : Et qui va profiter de la mutation des données ?


HS : La population des gens normaux. Jusqu’ici seule une élite, quelques gros, ont profité du néo-libéralisme. Dans la masse de la population, il y a eu perte, diminution du bien-être. Je suis très éloigné mentalement du socialisme mais j’aimerais que l’on retrouve en Allemagne un certain équilibre.


(source : Der Spiegel, n°46/2008 ; adaptation française : Robert Steuckers).

De Reconquista in 10 vragen - Interview met J. J. Esparza

De Reconquista in 10 vragen:
Interview met Jose Javier Esparza, gesprek gevoerd door Arnaud Imatz en Philippe Conrad


 

Vraag: Wat gebeurde er precies tijdens de 8ste eeuw, de eeuw van de verovering door de muzelmannen. Hoe kon Spanje door deze invasie van muzelmannen worden onderworpen?

Antwoord: Het Wisigothisch koninkrijk werd door een interne oorlog getroffen, die het gevolg was van een erfeniskwestie. Een van de beide kampen riep de muzelmannen aan de andere kant van de Straat van Gibraltar te hulp. Die kwamen in Spanje tussen, maar bleven achteraf wel ter plaatse – wat uiteraard niet voorzien was.
De staat van ontbinding van de Wisigotische orde vergemakkelijkte wel de vervanging van de elite van de Wisigothische aristocratie. De muzelmannen stelden zich in de plaats van de Goten om zo het land te overheersen. Heel wat Gotische edelen bekeerden zich tot de islam, vooral in de Ebrovallei, en andere weken uit naar het noorden van het schiereiland om zo aan de muzelmanse overheersing te ontsnappen. Zo is eigenlijk alles begonnen.


Vraag: Was koning Pelagius, dé baanbreker van de Reconquista vanaf de 8ste eeuw, een koning of een zuiver legendarische figuur?

Antwoord: Er bestaan voldoende convergerende historische bronnen om voortaan niet meer te twijfelen aan het werkelijke bestaan van Pelagius. Wij weten dat hij een edelman was uit het gevolg van koning Roderik, een van de pretendenten op de troon van het Wisigotische Spanje en verslagen in de slag van Guadalete. Pelagius trok zich in het noorden, in Asturië, terug, in de buurt van Toledo, de historische hoofdstad van het koninkrijk. De episodes van zijn militaire loopbaan zijn gekend en bekend. Legenden hebben achteraf sommige gebeurtenissen verfraaid, zoals de slag van Covadonga (722), maar in essentie is alles vastgelegd. Pelagius voerde een verzetsoorlog in Asturië, eerst als aanvoerder van de Asturiërs op het ogenblik dat het “een zadel was dat men kon berijden”, waardoor hij een aantal volkeren op het schiereiland onder zijn gezag kon verenigen. Zelf werd hij nooit tot koning uitgeroepen, maar zijn nakomelingen schiepen het Asturisch koninkrijk.

Vraag: Geschiedde de islamisering van het schiereiland vlug en gemakkelijk of werd er tegen de overweldigers lang weerstand geboden?

Antwoord: Men heeft lange tijd gedacht dat de muzelmanse verovering gemakkelijk gebeurde, maar dat is slechts een gemeenplaats. Het is waar dat de vervanging van de aristocratie van de Wisigoten door de Arabo-Berbers zeer vlug gebeurde, onder andere mogelijk gemaakt door de opportunistische bekering van tal van Gotische edellieden naar de islam. Dat leidde ertoe te denken dat de Spaanse bevolking geen weerstand zou hebben geboden aan de invasie, indien die er toch maar voor zorgde dat het ene gezag gewoonweg vervangen werd door een ander. Maar de bezetters waren erop uit hun religie en hun islamitische orde op te leggen in zowat alle gebieden, wat natuurlijk alles veranderde. De weerstand gebeurde vooral op “beschavings”-vlak. De uitdrukking “uitbreiding tot het gehele schiereiland” verdient nader bepaald te worden. Een goed deel van het noord-westen van Spanje werd nooit bezet. Dat gebied werd geconfronteerd met de islamitische militaire dreiging, maar werd nooit overheerst en kende een toestand van voortdurend verzet.

Vraag: Hoe gebeurde de Reconquista? Was het slechts een zaak van adel of nam gans het volk er aan deel? Hoe kan men verklaren dat men nog zolang heeft moeten wachten voordat het ganse schiereiland bevrijd werd? In de 11de eeuw werden toch enorme successen behaald?

Antwoord: Vooral tijdens die eerste eeuwen was de Reconquista een zaak van het ganse volk. Wat ongetwijfeld een van meest verbazende fenomenen is. De vorsten begonnen de herovering van die gebieden die zich ten zuiden van hun koninkrijken bevonden, geleidelijk aan te vatten. Maar wie de expansiewens vooral in daden omzetten, waren de verwanten van de boeren die in de Duerovallei de kans hadden gezien hun levensomstandigheden te verbeteren. Die bevolking was namelijk gedwongen zelf haar economische overleving en haar veiligheid te verzekeren, wat een heel eigen mentaliteit van boeren-soldaten creëerde. In het Oosten, in de Ebrovallei en in het toekomstige Catalonië, gebeurde het anders. In die tamelijk verstedelijkte streek – al sinds het Romeinse Rijk was dit het geval – waar de gezagsstructuren beter georganiseerd waren, was er geen plaats voor een nieuwe inplanting van landbouwers. De Karolingische monarchie organiseerde er een “Spaanse Mark”, die de onafhankelijke graafschappen beschermde. Die werden op hun beurt aangemoedigd nieuwe gebieden in het zuiden te veroveren, en dit gebeurde onder de leiding van de strijdlustige adel.

Vraag: Hoe kan men de uiterste traagheid van de Reconquista verklaren?

Antwoord: Dat de Reconquista tot in de 11de eeuw uiterst langzaam vorderde, heeft vooral demografische redenen. Het noorden van het schiereiland was veel minder bevolkt dan het zuiden. Maar telkens de muzelmannen opdaagden om bepaalde stukken Spaans grondgebied te vuur en te zwaard te bezetten, keerden de autochtonen terug om de verwoeste gebieden terug in te nemen, en om ze tot militaire grens om te vormen. Men zag op die manier een onverwachte toestand ontstaan: de vroegere onderworpen en in het defensief gedwongen Spaanse koninkrijkjes werden omgevormd tot kleine militaire machten, waar het kalifaat zelf op het einde van zijn heerschappij kleine koninkrijkjes, ‘taifas’, zag ontstaan, die niet in staat waren de muzelmanse dominantie te bestendigen. Men zag dan het stelsel van ‘parias’ ontstaan, een soort tol die de rijke, maar militair verzwakte muzelmanse koninkrijkjes moesten afdragen aan de arme maar strijdlustige christelijke koninkrijken. “Al-andalus” zal enkele momenten van kortstondig reveil kennen, maar de toestand zal tot het einde van de Reconquista weinig evolueren.

Vraag: Hoe reageerden de muzelmannen op het religieus en cultureel belang van het heiligdom van Compostella? Wat bedoelde men met het aanroepen van Sint-Jacob als helper van Spanje tijdens de gevechten?

Antwoord: Het ontdekken van het vermeende graf van Sint-Jacob kreeg een enorme echo in gans de christelijke wereld, vooral in het Karolingische Frankrijk. Vanaf de 9de eeuw betekende het Galicisch heiligdom voor heel Europa een legendarische band, wat de muzelmannen uiteraard wisten. Al Manssur bespaarde zich geen moeite om het heiligdom in 997 te verwoesten. Maar dat schaadde het belang van de cultus niet. Men bouwde een nieuwe kathedraal en de bedevaart naar Compostella werd een soort basis ritueel voor gans het christelijke Europa.

Wat betreft het aanroepen van Sint-Jacob in de Spaanse militaire traditie, die lijkt terug te gaan tot het midden van de 9de eeuw, op het moment dat de traditie – rond de periode van de slag bij Clavijo – de heilige afbeeldde, gezeten op een wit paard, het zwaard in de hand. Het is van toen dat het beeld van “Santiago Matamoros” (de Morenverdelger) opduikt, gezeten op een wit paard en op de hoofde van de overwonnen Sarasijnen rijdt. Uit die tijd stamt ook de strijdkreet “Santiago y cierra, Espana”. “Cierra” betekent aanval. Zo werd Sint-Jacob in de loop van de Middeleeuwen tot patroon van Spanje verheven, en hij is dat tot op vandaag gebleven, zelfs als de cultus dreigt te vervagen.

Vraag: Waarom was de slag van Las Navas de Tolosa in 1212 van zo’n groot belang voor de geschiedenis van Spanje en van Europa?

Antwoord: Omdat gans Europa betrokken was. Het kwam erop aan de ultieme grote Afrikaanse invasie in het westen te stoppen, waarbij de Merinitische poging, die in 1340 bij Rio Salado werd gestopt, maar een belang had in de marge. De Almohaden, een strijdlustige sekte uit het zuiden van Marokko, hadden hun heerschappij aan gans Noord-Afrika opgelegd, alvorens zich in Spanje te begeven om zich de macht in Andalusië tot te eigenen. Dit gebeurde op het einde van de 12de eeuw. Zij hadden voldoende militaire, politieke en economische macht om de grens, die toen ter hoogte van de Sierra Morena lag, te doorbreken en de Castilliaanse hoogvlakte te bezetten. De bedreiging was zo sterk dat de koning van Castilië weinig moeite had van paus Innocentius III te bekomen dat die opriep tot een kruistocht. Zo kwam het dat in de lente van 1212 duizenden Iberische en Europese strijders – Duitsers, Bretoenen, Lombarden, Provençalen, Aquitaniërs, inwoners van de Langue d’Oc, enzovoort) in Toledo verzamelden om de Almohaden te stoppen. Een groot aantal van die Europese troepen verliet later de kruistocht, maar de Provençaalse ridders bleven tot het einde aan de zijde van de troepen die de Iberische vorsten hadden geleverd en deelden in de overwinning. Vanaf Las Navas de Tolosa zou men nooit meer meemaken dat muzelmanse overweldigers het Europese continent vanuit het zuiden militair zouden bedreigen.

Vraag: Enkele duizenden mannen, onder het bevel van Roger de Flor, de befaamde Almugavaren, elitetroepen van de kroon van Aragon, samengesteld uit herders uit de Spaanse Sierra, droegen er door hun actie in de oostelijke Middelandse Zee toe bij dat de dood van Byzantium met enkele eeuwen werd uitgesteld. Hoe kan men zoiets verklaren?

Antwoord: nu lijkt dit onwaarschijnlijk, maar toen gebeurde het wel. Die Almugavaren waren een soort elitetroep van de legers van de christelijke Reconquista, zowel Aragonnezen als Catalanen. Ze bestonden vooral uit voetknechten. Die merkwaardige mannen leefden met hun gezinnen vlakbij de frontlijn. Hun leven bestond erin de vijand voortdurend aan te vallen en het gebied van de tegenstrever voortdurend te infiltreren. Toen het koninkrijk Aragon de zuidelijkste grens van zijn expansie bereikte, werden de Almugavaren – de term komt eigenlijk van de Moren en stamt van het Arabisch ‘almugavar’, wat betekent ‘hij die in verwarring brengt’ – ingezet in de expansieplannen van de Aragonese kroon in de middellandse zee. Na Sicilië en Napels veroverd te hebben, beantwoordden ze de roep van de Byzantijnse keizer die door de Turken werd bedreigd. We waren 1302 en de idee om naar Byzantium te trekken om er de Turken te bestrijden, leek waanzinnig…. Hun leider, Roger de Flor (zijn echte naam was Roger von Blum, zoon van een valkenier van Frederik II von Hohenstaufen, opgevoed door de Tempeliers en zelf ook Tempelier), nam de uitdaging aan en scheepte met 4.500 man in, richting Constantinopel. In Anatolië bracht hij 7.000 man bijeen. Hun avontuur wekt op zijn minst verbazing op: eerst versloegen ze de Turken bij Cuzykos (de zee van Marmara), later over geheel de Egeïsche kust en aan de voet van het Taurusgebergte. Ze werden uiteindelijk verraden door de Byzantijnen, maar slachtten die af bij Gallipoli, drongen door tot in Griekenland en stichtten in Thessalië een hertogdom dat ze een eeuw lang konden in stand houden.

Vraag: Waarom waren de “katholieke koningen” Isabella van Castilië en Ferdinand van Aragon zo’n belangrijke figuren voor de Spaanse geschiedenis?

Antwoord: Door hun verenigende en moderniserende werking. Onder hun bewind liep de Reconquista ten einde, het koninkrijk Navarra werd in het nieuwe Spanje geïncorporeerd, de moderne Castilliaanse taal werd gereglementeerd. De religieuze eenheid van het land werd verwezenlijkt met het uitdrijven van de joden. Er tekende zich een post-feodale macht af die meer rechten toekende aan de steden dan aan de edellieden.
Toen ook ontstonden instellingen die aan een nationaal kader beantwoordden, en men vatte de verovering van Amerika aan. Dat was een methodisch georganiseerd plan, vrucht van de gemeenschappelijke wil: de twee soevereine vorsten deelden de idee van een “christelijke republiek”. Met de katholieke koningen werd het moderne Spanje geboren en de Reconquista sloot af met de inname van Granada op 2 januari 1492. Die zege werd in haast alle Europese hoofdsteden gevierd, van Rome tot Londen. Voor de Spaanse geschiedenis heeft dat gebeuren een zeer groot belang, want voor de eerste keer kon het schiereiland de eenheid die het in de Romeinse tijd ook al had gekend, eindelijk opnieuw realiseren (zelfs als het bestaan van Portugal een politieke verdeling betekende). Voor Europa betekende de inname van Granada voor minstens vijf eeuwen het verwijderd houden van de islam tot minstens voorbij de straat van Gibraltar.

Vraag: Twee van de meest betwiste episodes uit de Spaanse geschiedenis blijven de uitdrijving van de joden door de katholieke koningen bevolen in 1492 en die van de Morisken, door Filips III in 1609 opgelegd. Voor de ene waren dat uitingen van onverdraagzaamheid, waardoor de voorspoed van het land bedreigd werd, voor anderen waren het onvermijdelijke vruchten van de volkshaat en beslissende stappen naar de religieuze en politieke eenmaking van het land. Wat is het nu? En hoeveel joden en Morisken werden er uitgedreven?

Antwoord: Het betreft twee verschillende episodes die ook een andere oorsprong hebben. De uitdrijving van de joden is een etappe in de godsdienstige eenmaking van Spanje. Het probleem lag niet bij het bestaan van praktiserende joden, en ook niet van hun beweerde invloed op hen die zich tot het christendom hadden bekeerd. De promotoren van de uitdrijving waren meestal “nieuwe christenen”, eigenlijk dus bekeerde joden. De vijandigheid van het volk zorgde voor de rest. Op te merken valt dat de Sorbonne bijvoorbeeld de katholieke koningen geluk wenste met de genomen maatregel. Overigens werden door de uitdrijving, althans volgens de recentste berekeningen, zo’n 100.000 mensen getroffen.

De zaak ligt anders bij de uitdrijving van de Morisken – muzelmannen die na 1492 in Spanje gebleven waren. De context vindt men terug in de vrees dat een sterke minderheid muzelmannen in Spanje een soort “vijfde colonne” zou kunnen worden voor de Turken als die het schiereiland zouden aanvallen. De gewelddadige opstand in de Alpujarras (een bergketen ten zuiden van Granada), waar die Moorse bendes in 1568-1571 terreur zaaiden, bevestigde die vrees. De bendes verzamelden tot 25.000 oproerkraaiers en werden ondersteund met Algerijns en Turks geld. Een geregelde militaire kampanje was noodzakelijk om dit probleem op te lossen. Desondanks decreteerde men in Spanje nog niet de uitdrijving van de Morisken, maar hun herplaatsing in andere regio’s van Spanje. De uitdrijving greep later plaats toen bleek dat de “integratie” van de Moriske gemeenschappen onmogelijk bleek. Het aantal uitgedrevenen wordt geschat op ongeveer 300.000.

Jose Javier Esparza is schrijver, journalist en politicoloog. In 1963 geboren in Valencia. Hij leidt tegenwoordig het internet dagblad El Manifesto. Hij tekent ook verantwoordelijk voor twee uitzendingen die tot de meest beluisterde behoren van de radioketen COPE: een culturele en een historische uitzending met name. Vroeger werkte hij mee aan verschillende nationale dagbladen, waaronder ABC en hij leidde het politiek-culturele tijdschrift Hesperides. Onlangs nog publiceerde hij twee historische boeken, La Gesta espanola en El Terror Rojo en Espana, twee essais Los Ocho Pescados del Arte Contemporaneo en Curso de Disidencia. Hij is ook auteur van een roman El Final de los Tempos.


Vertaling: Karel Van Vaernewijck

Hommage à Giorgio Locchi (1923-1992)

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Hommage à Giorgio Locchi (1923-1992)

 

par Gennaro MALGIERI

 

Giorgio Locchi est mort de la seule façon qu'il aurait jugée acceptable: de manière imprévue, presque sans avertir personne, alors qu'il voulait écrire un essai sur Martin Heidegger. Sans doute, a-t-il eu une lueur de conscience, entre le moment où la mort s'est annoncée et celui où elle l'a frappé, quelques minutes plus tard, et il a très certainement remercié les dieux de lui offrir une sortie de scène aussi soudaine, car l'idée de rester longtemps malade ou diminué le faisait immensément souffrir. A la fin du mois de juin 92, lors de son dernier séjour à Rome, il m'a parlé du mal qui l'avait frappé deux années plus tôt et qu'il avait vaincu. Il me disait que la perspective de devenir un tronc inerte le faisait frémir parce qu'avec le temps qui passe, on s'accroche plus étroitement, plus profondément, plus égoïstement à la vie. Paroles de Locchi qui ne m'ont pas surpris. Aujourd'hui, j'y repense, comme si elles avaient été un présage.

 

Pour quelqu'un qui comme moi était de ses amis, ce n'est pas facile de rendre hommage à Giorgio Locchi, de récapituler tout ce qu'il nous a légué. Je pourrais tenter de tracer un profil du journaliste, correspondant à Paris du Tempo pendant plus de trente ans. Et de raconter une infinité d'anecdotes sur ses rapports avec Renato Angiolillo. Ou encore de souligner l'importance de tous les services qu'il a rendu à l'information en Italie: sur les événements d'Algérie, sur la naissance de l'existentialisme, sur le mai 68 parisien. Ses vues étaient portées par un anti-conformisme extraordinairement courageux et intelligent. Je voudrais aussi souligner le rôle capital qu'a joué Giorgio Locchi dans l'évolution de la droite française, insister sur le bout de chemin qu'il a fait avec Alain de Benoist, sur la passion qu'il éprouvait à former des jeunes intellectuels, sur ses activités au sein du GRECE et sur ses contributions à la revue Nouvelle Ecole.  Je voudrais aussi pouvoir rassembler ici tous les éléments de la vaste mosaïque qu'était sa personnalité, rendre compte de son amour pour la musique et le cinéma, de sa maîtrise des choses physiques et scientifiques. Et je pourrais aussi raconter l'histoire de notre amitié et relater celle de son refuge parisien qui m'a été si cher, ainsi qu'à une poignée d'autres Italiens, où nous nous retrouvions pour évoquer le passé ou pour manifester notre hostilité au système ambiant. Mieux: nous y venions pour écouter Locchi qui nous évoquait Nietzsche ou Wagner, Heidegger ou la Révolution Conservatrice, ses expériences en Allemagne ou les moments cruciaux de la seconde guerre mondiale qu'il a vécue comme acteur du «front intérieur». Il nous parlait aussi de la «droite impossible» et d'une Europe tout aussi impossible. Et il nous faisait part de ses projets, commentait les revues auxquelles il collaborait, évoquait les articles qu'il voulait écrire et les livres qu'il voulait publier. Nous voyions peu de choses de Paris quand nous allions chez «Meister Locchi» et Saint-Cloud, où il vivait pratiquement en reclus, fut, pendant de nombreuses années, le point de rencontre de beaucoup d'entre nous.

 

Le journaliste, l'ami, l'organisateur de manifestations culturelles, l'agitateur d'idées vivent et vivront toujours dans le cœur de ceux qui ont connu Giorgio Locchi et ont été ses amis. Ses livres, ses idées, ses essais dispersés dans Nouvelle Ecole, La Destra, L'Uomo Libero  et Elementi,  ses articles du Tempo  et du Secolo d'Italia resteront les témoignages écrits d'un engagement intellectuel et politique au sens le plus noble du terme, mais qu'il a ressenti comme le fardeau d'une défaite européenne pendant plus de quarante ans. Nous avons d'abord vu Giorgio sceptique et méfiant, puis la confiance ne lui est revenue qu'au moment où on a parlé de la réunification allemande. Ce n'est pas pour rien qu'il a voulu être à Berlin quand l'Allemagne s'est remembrée: c'était pour lui, me disait-il, un rêve qui se réalisait, un événement qui se déroulait sous ses yeux et qu'il n'avait pas imaginé voir se réaliser, même s'il n'avait jamais cessé de croire au-delà des limites qu'impose le pessimisme, attitude justifiée s'il en est.

 

Les idées de Locchi étaient les idées d'une Europe qui n'existe plus: mais cette inexistence n'était pas pour lui une raison pour ne pas en défendre ou en illustrer les principes. Mais quand on lui en faisait le reproche, il rétorquait: ses idées étaient les idées de l'Europe éternelle que cette Europe conjoncturelle de notre après-guerre ne voulait pas, momentanément, reconnaître.

 

Son attitude à l'égard du fascisme, par exemple, était loin d'être simplement revendicative voire revencharde. Giorgio Locchi voulait, dans le bouillonnement culturel de la parenthèse fasciste, recueillir tous les éléments qui n'étaient pas caducs. Il nous a fait part de ses réflexions à ce sujet dans son opuscule intitulé L'essenza del fascismo  (Il Tridente, 1981). Il s'y réfère à la vision du monde qui fut l'inspiratrice du fascisme historique mais qui n'a nullement disparu avec la défaite de ce dernier. Cet ouvrage constitue aujourd'hui encore un prodigieux «discours de vérité», au sens grec, qui cherche à soustraire le fascisme de toutes ces explications fragmentaires qui ont cours actuellement et à toutes les formes de démonologie générant préjugés sur préjugés. Locchi, en fait, a développé une réflexion historique propre selon un schéma philosophique cohérent, appuyé sur une option interdisciplinaire, elle-même prélude à une théorie synthétique de l'essence du fascisme.

 

Dans son enquête, Locchi soutenait qu'il n'était pas possible de comprendre le fascisme si l'on ne se rendait pas compte qu'il était la première manifestation politique d'un phénomène spirituel et culturel plus vaste, dont l'origine remonte à la seconde moitié du XIXième siècle et qu'il appelait le «surhumanisme». Les pôles de ce phénomène, qui ressemble à un énorme champ magnétique, sont Richard Wagner et Frédéric Nietzsche qui, par leurs œuvres, ont «agité» le «principe nouveau» et l'ont diffusé et dilué dans la culture européenne entre la fin du XIXième et le début du XXième siècle.

 

Ce principe est le «sentiment de l'homme» comme volonté de puissance et système de valeur. Dans ce sens, le principe surhumaniste, avec lequel le fascisme est en rapport «génétique/spirituel», s'articule comme le rejet absolu du «principe égalitaire» qui lui est opposé et qui informe le monde d'aujourd'hui, toile de fond de nos circonstances.

 

Locchi avançait la thèse suivante: «Si les mouvements fascistes ont désigné l'ennemi spirituel avant de désigner l'ennemi politique, s'ils ont dénoncé les idéologies démocratiques  —libéralisme, parlementarisme, socialisme, communisme, anarcho-communisme—  c'est bien parce que dans la prospective historique  instituée par le principe surhumaniste, ces idéologies s'articulent comme autant de manifestations du principe égalitaire antithétique, apparues successivement dans l'histoire mais toujours présentes; toutes tendent, en définitive, vers le même but mais avec un degré de conscience différent; toutes ensemble, elles sont la cause de la décadence spirituelle et matérielle de l'Europe, de l'“avilissement progressif” de l'homme européen, de la désagrégation des sociétés occidentales».

 

Reliant ces considérations à la prospective historique dans laquelle opère le fascisme, à l'unisson avec les autres fascismes européens, Locchi pose une thèse du plus haut intérêt qui contribue au «dés-occultement» du fascisme, en mettant en lumière son essence même.

 

Ces thématiques, Locchi les a développées dans son ouvrage Wagner, Nietzsche e il mito sovrumanista  (Akropolis, 1982; il s'agit partiellement d'une remise en forme de ses articles de musicologie parus en français dans Nouvelle Ecole,  n°30 et 31/32; ndlr). Dans sa brillante préface, Paolo Isotta précise, avec minutie, quelles sont les tendances égalitaires et quelles sont les tendances surhumanistes qui entrent en jeu et les posent comme deux conceptions du monde antithétiques et irréconciliables. C'est un livre très dense, particulièrement difficile, parfois rébarbatif dans certains de ses chapitres; il n'empêche que lorsqu'Isotta et moi-même l'avons présenté devant un auditoire comble d'étudiants napolitains, en décembre 1982, il semblait véritablement captiver ces jeunes qui sont restés pendant deux heures rivés sur leurs sièges puis ont harcelé Locchi de questions pertinentes, qui n'avaient vraiment rien de banal. L'auteur n'en a pas paru surpris.

 

Outre ce livre, j'ai de Locchi un autre grand souvenir: celui de son ouvrage polémique Il male americano  (Lede, 1979), auquel Alain de Benoist a apporté quelques petites notes complémentaires (en français, ce texte est paru dans Nouvelle Ecole  n°27-28, sous le pseudonyme de Hans-Jürgen Nigra, également repris pour l'édition allemande; ndlr). Ce texte est capital à mon sens car il démonte la mécanique du colonialisme culturel américain et nous permet de jeter un autre regard sur l'Amérique. Locchi, en revanche, n'aimait pas trop ce texte, estimant qu'il relevait davantage du combat que de la formation, qu'il était plus polémique que philosophique.

 

Dans les tiroirs du bureau de Giorgio Locchi, se trouvent de nombreux projets, des ébauches de textes, le schéma d'un livre sur Heidegger et d'un autre sur la conception du temps chez les Indo-Européens. Ils resteront certainement tels que Giorgio les a laissés parce qu'avant toutes choses, il était un perfectionniste et ne voulait rien publier sans être pleinement convaincu que cela en valait la peine.

 

Il reste encore, parmi les innombrables lettres qui constituent sa correspondance, un splendide roman qui a pour héros un Italien qui combat en Allemagne une guerre désespérée pour défendre l'Europe. Je ne saurais jamais si c'est par pudeur ou par orgueil que Giorgio Locchi a toujours refusé de le présenter à un éditeur.

 

Gennaro MALGIERI.

(traduction française: Robert Steuckers).          

 

 

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Deux livres sur l'Europe

europe-10aug03-msg1.jpgArchives des Synergies Européennes - 1990

Deux livres sur l'Europe


Herbert KRAUS, «Großeuropa». Eine Konföderation vom Atlantik bis Wladi­wostok, Langen-Müller, München, 1990, 147 S., DM 28, ISBN 3-7844-2197-0.


A cause des problèmes en Allemagne de l'Est, de la situation catastrophique de l'économie polo­naise, de l'intervention des militaires sovié­tiques à Vilnius, de la fragilisation de la posi­tion de Gorbatchev à Moscou, l'unification gran­de-continentale, de l'Atlantique au Paci­fique, la communauté de destin euro-soviétique est postposée. Cette remise aux calendes grec­ques d'un processus nécessaire ne doit pas pour autant nous empêcher de réfléchir à son adve­nance, de la préparer. Herbert Kraus, ex­pert au­trichien des questions d'Europe orientale, fon­dateur du parti libéral autrichien, l'a soule­vée dans un livre qui a la forme d'un manifeste et qui appelle à la consitution de la «Grande Con­fédération». Pour Kraus, ressortissant d'un pe­tit Etat neutre, sis à la charnière de l'Est et de l'Ouest, les Européens doivent préparer l'a­vè­nement d'un Etat multiculturel englobant tous les pays d'Europe et l'ensemble du territoire au­jourd'hui soviétique. Dans cet immense es­pace, tous les Européens devraient pouvoir avoir le droit de travailler, de commercer ou de fonder des entreprises. L'heure de l'Etat-Nation, étroit, trop exigu pour les impératifs qui s'annoncent, a sonné. Il doit faire place au «grand espace». Ce processus de méta/macromorphose doit s'ac­com­pagner d'un socialisme acceptable pour tous, d'une déconstruction des antagonismes mi­litaristes du passé afin de construire une gi­gantesque armée confédérative. La Russie a un rôle tout particulier à jouer dans cette évolution: elle doit transformer l'URSS qu'elle domine par son poids en une confédération-modèle que l'Ouest pourra imiter, tandis que les réussites de la CEE en matière d'intégration devront servir de modèles à l'Est. La confédération devra être plus souple, plus soucieuse des tissus locaux, moins centralisatrice en matières écono­mi­ques. Logiques intégratives et identitaires doi­vent pouvoir jouer simultanément.


Otto MOLDEN, Die europäische Nation. Die neue Supermacht vom Atlantik bis zur Ukraine, Herbig, München, 1990, 323 S., DM 39,80, ISBN 3-7766-1649-0.


Ancien chef de la résistance autrichienne con­tre le nazisme, Otto Molden, homme poli­tique et historien, a toujours eu la volonté de for­ger un «patriotisme européen», reposant sur une inter­prétation «culturo-morphologique» de son his­toire, qui n'est pas sans rappelé Spengler et Toynbee. La disparition du Rideau de fer, pense Molden, va activer la constitution d'une Europe unie et faire d'elle la première puissance cultu­relle, économique et financière du globe, lais­sant les Etats-Unis stagner loin derrière elle. Paradoxalement, poursuit Molden, ce sont les dangers venus de la steppe asiatique, les inva­sions hunniques, avares, magyares et mon­go­les, qui ont, à certains moments de l'histoire, don­né aux Européens l'idée d'une communauté de destin. Pour Molden, l'ère des Etats-Nations, incapables de gérer leurs problèmes de minori­tés, doit être close. Ces problèmes de minorités doivent être résolus, non seulement à l'Est, mais aussi à l'Ouest (Irlande, Pays Basque), de façon à ce que l'on obtienne une nation consti­tuée de peuples et de citoyens solidaires. Pour or­­ganiser ce gigantesque ensemble, il faut in­venter une représentation nouvelle, fondée sur le «fédéralisme intégral des communautés de voisinage». Une telle représentation permettra à moyen ou long terme de resouder les tissus so­ciaux ravagés par la révolution industrielle.

(Robert Steuckers).

 

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Marinetti et la révolution futuriste

Marinetti et la révolution futuriste

Trouvé sur: http://metapoinfos.hautetfort.com

Les éditions de l'Herne viennent de publier un ouvrage de  Maurizio Serra, historien et diplomate italien, consacré à Marinetti et au futurisme.

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"La guerre futuriste est une mobilisation totale contre les valeurs politiques, morales et culturelles du passé; elle permet à Marinetti de rompre les ponts avec la décadence, d'être de plain-pied dans la réalité qui n'est plus la conséquence du passé mais son contraire.
Il repère un ennemi immédiat - les empires centraux "moribonds" - et un objectif facile - l'irrédentisme ; mais surtout il identifie, dans la technique au service du mythe, l'avènement traumatique de la modernité. [... ] Marinetti n'est décidément pas facile à cerner. Il est de "droite" ou plutôt d'"extrême droite", lorsqu'il en appelle au droit du plus fort, au reniement de la solidarité de classe, à la loi martiale contre les pacifistes et les traîtres, à la destruction de l'ennemi et pas seulement à sa défaite.
Il est de "gauche ", ou plutôt d'"extrême gauche" parce qu'à ses yeux la guerre doit mener à la dissolution de tout ordre préétabli, y compris celui des non-belligérants comme l'Eglise - d'où sa fronde pendant la période fasciste contre les compromis et la corruption du régime. "

samedi, 22 novembre 2008

Obama: le retour des Clinton Boys

Obama : le retour des Clinton boys

Source: http://be.novopress.info/

Image Hosted by ImageShack.us14/11/2008 – 17h00
WASHINGTON (NOVOpress) — Barack Obama recrute dans son équipe de nombreux anciens des administrations Clinton 1 et 2. Mercredi, il nommait Joshua Gotbaum et Michael Warren pour superviser l’installation de la nouvelle administration au ministère du Trésor. M. Gotbaum était secrétaire assistant à la Défense, secrétaire assistant au Trésor et contrôleur du Bureau de gestion et du budget de l’ancien président Clinton. Quant à M. Warren, il fut directeur exécutif du Conseil économique national pendant le deuxième mandat de Bill Clinton.

M. Obama a également nommé Thomas Donilon et Wendy Sherman à la tête de l’équipe de transition au Département d’ Etat (Affaires étrangères). M. Donilon et M. Sherman étaient respectivement secrétaire d’Etat chargé des affaires publiques et conseiller spécial pour le Département d’Etat de l’ancien président.

Deux autres officiels de l’administration Clinton, John White et Michele Flournoy, ont également été nommés par le président Obama pour superviser la passation de pouvoir au Département de la Défense. M. White occupait la fonction de vice-secrétaire à la Défense de 1995 à 1997 sous Clinton. Mme Flournoy était quant à elle vice-secrétaire assistante à Défense « en charge de la stratégie et de la réduction des menaces »…

Quel était donc le slogan de campagne du président Obama ? Ah oui, « Change ! »…

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Le monde après l'élection d'Obama selon Niall Ferguson

 

 

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Le monde après l’élection d’Obama, selon l’historien britannique Niall Ferguson


Niall Ferguson, célèbre pour ses thèses sur les origines de la première guerre mondiale, professeur à Harvard, a accordé, début novembre 2008, un long entretien à l’hebdomadaire allemand « Der Spiegel » (n°46/2008), où il énonce ses hypothèses quant à l’avenir immédiat de la planète, après l’élection du premier président des Etats-Unis d’origine africaine.


En voici quelques extraits significatifs :


Q. : La foi en la capacité d’auto-guérison du marché est-elle morte ?


NF : Oui. Mais il a fallu un véritable Armageddon avant que les Républicains ne l’aient compris. Il a fallu une guerre mondiale sans combats, une situation d’urgence. Aujourd’hui, nous réagissons comme lors de la première guerre mondiale : avec des moratoires, avec la mise hors circuit des transactions boursières, avec du nouvel argent. C’est fascinant… (…). Mais nous sommes tous coupables : qui n’a pas, en Grande-Bretagne ou en Amérique, réclamé un crédit pour une maison, évaluée beaucoup trop chère, ou une auto ? …Toutes ces bulles se ressemblent mais, force est de le constater, le monde de la finance est comme immunisé contre les leçons de sa propre histoire.


Q. : Pourquoi ?


NF : La plupart des gestionnaires de haut niveau quittent les systèmes d’enseignement en étant bien trop peu armés pour prendre les décisions qu’il faudrait au moment voulu. Ils apprennent l’économie comme si elle était une discipline mathématique. Ils ne savent rien de ce qui s’est passé auparavant, même au début de leur carrière. Beaucoup de ceux qui travaillent aujourd’hui à Wall Street ne savent même pas ce qui s’est passé en l’an 2000, au moment du « boom » d’internet.


Q. : Le système éduque donc ses gestionnaires à être totalement irresponsables ?


NF : Et à être complètement naïfs. Les années 2001 à 2007, ces gens les ont considérées comme des années parfaites, des années-modèles que rien n’allait pouvoir ébranler ou contrarier. Il est évidemment séduisant de considérer sa propre expérience comme une composante inamovible de la théorie et de l’histoire de la finance.


Q. : Est-ce un hasard si l’effondrement a commencé aux Etats-Unis ?


NF : Il aurait pu commencer n’importe où. Le système était une pyramide reposant sur son sommet, une pyramide de garanties, de nantissements, de dérivés, de gages, de crédits, qui s’appuyait sur une pointe fragile constituée d’hypothèques. Si l’effondrement avait commencé ailleurs, les conséquences n’auraient pas été aussi dramatiques. Mais la pyramide devait se casser la figure : c’était une crise du monde occidental et c’est devenu une crise globale.


(…)


Q. : En Allemagne, on craint que le Président Obama nous réclamera plus de soldats pour l’Afghanistan. Mais, par ailleurs, on espère que sa politique reposera davantage sur le multilatéralisme…


NF : Cette crainte et cet espoir sont tous deux fondés. Obama se concentrera davantage sur l’Afghanistan et tentera, simultanément, de retirer des troupes américaines et d’obtenir, pour les remplacer, des soldats venus de partout (…).


Q. : Quelles pourraient être les conséquences de la crise ?


NF : New York pourrait devenir ce que Venise est devenue.


Q. : Soit le musée de ce que la ville a été ?


NF : Peut-être mais il faudra attendre 100 ou 200 ans. De plus en plus de choses se passeront en Asie ; Londres sera, géographiquement parlant, dans une meilleure position. Et Shanghai prendra une importance cardinale. Ou Hong Kong.


Q. : La vie est tout de même injuste…


NF : L’argent n’a jamais été une chose juste.


Q. : L’Europe n’est-elle pas mieux armée pour les temps de crise ? Plus moderne ?


NF : Sans doute mais l’Europe sera cruellement touchée par la crise. En Grande-Bretagne, en Suisse, en Belgique, en Allemagne, le secteur de la finance fait un pourcentage plus élevé du PIB qu’en Amérique, c’est pourquoi l’ampleur de la crise sera plus importante en Europe. Quant à la Russie, l’Iran et le Venezuela, ils vont être surpris par la chute des prix du pétrole.


Q. : Les Etats-Unis pourraient dès lors sortir vainqueurs de la crise actuelle, dont ils sont eux-mêmes l’origine ?


NF : Absolument. Prononcer des discours funéraires est prématuré. Tout dépendra des réactions chinoises. Par des interventions volontaires et techniques, les Chinois ont veillé à ce que la stabilité des cours de change demeure et ont ainsi protégé le dollar. Parce qu’ils possèdent d’énormes masses de dollars et exportent des produits finis, qui sont facturés en dollars, ils poursuivront cette politique. La Chine et les Etats-Unis sont liés, aussi liés que je le suis moi-même à mon épouse…


Q. : Et la femme…


NF : …dépense ce qu’économise et gagne le mari. C’est un sage équilibre. Cela restera ainsi.


Q. : Qui a-t-il de sage dans cette situation ?


NF : Il en a toujours été ainsi : l’une économie compensait les faiblesses de l’autre, et ce n’est pas une mauvaise chose. Les Etats-Unis ne peuvent pas se permettre de payer pour cette crise tant qu’ils peuvent obtenir de Pékin un argent favorable, qui ne leur revient pas plus cher que 4% d’intérêts. Quant à la Chine, elle a besoin d’exporter vers les Etats-Unis, pour pouvoir poursuivre sa croissance. Nous assistons à l’avènement de la Chinamérique…


Q. : …c’est le nom que vous donnez au tandem économique sino-américain dans votre dernier livre (Niall Ferguson, « The Ascent of Money – A Financial History of the World », Penguin Press, New York, 2008)…


NF : … en effet, et ce n’est pas une chimère, mais un tandem qui fonctionne. Des trois grands (Chine, Russie, Amérique), seuls deux peuvent former une coalition et ni la Chine ni les Etats-Unis n’ont de raisons de préférer la Russie comme partenaire.


Q. : Oui, mais en fin de compte, le déficit américain ne peut pas être considéré comme une bonne chose…


NF : Bah, les choses vont vite retrouver un certain équilibre. Cependant, si les Etats-Unis avaient un budget équilibré, ce serait un choc terrible pour le système global. Personne ne peut sérieusement vouloir un tel ébranlement. Si les Américains commençaient à épargner comme le font les Chinois, nous serions plongés dans une gigantesque dépression !


Q. : C’était l’un des principaux avertissements d’Obama : « Nous empruntons de l’argent aux Chinois et, avec cet argent, nous achetons du pétrole en Arabie Saoudite ». Il disait vouloir mettre fin à ce jeu lors de sa campagne électorale.


NF : Sans doute quelques conseillers en politique étrangère vont-ils bien vite lui expliquer de ne pas toucher aux rapports actuels entre la Chine et les Etats-Unis…


Q. : La phrase qu’il a prononcée contient tout de même un bon fond de vérité…


NF : Exact mais c’est une simplification. Les Américains veulent acheter à bas prix. Et les Chinois produisent à bas prix. Qui voudrait faire basculer un tel système ? Même dans une économie globale, il restera des déséquilibres : le rythme de développement n’est pas le même partout et le système existe pour transférer gains et épargnes d’un lieu à l’autre. Cela me paraît plus sensé que l’autarcie financière des années 50, où il n’y avait pas de transactions internationales.


Q. : Voilà qui paraît incroyable : finalement, vous estimez que tout va bien ?


NF : Non, mais le thème qui me préoccupe n’est pas le déficit américain ou la dépendance des Etats-Unis à l’endroit de la Chine. Simplement, la Chine a quelque peu pris conscience de ses atouts. Les Etats-Unis, eux, ont le caquet un peu rabaissé, mais la Chine est loin d’être un rival des Etats-Unis sur les plans militaire et économique. Mon thème central, c’est la dépendance par rapport au pétrole. C’est une thématique d’ordre technologique et non pas financière.


Q. : Alors, les hommes politiques responsables…


NF : ….emprunteraient de l’argent aux Chinois et l’investiraient dans les technologies propres, génératrices d’énergie éolienne, solaire, etc. ; ce serait là une stratégie rationnelle. Ce fut une folie d’avoir été emprunter de l’argent en Chine pour aller le brûler dans des spéculations immobilières.


Q. : Donc, pour vous, emprunter ne constitue aucun problème ?


NF : Ce ne fut jamais un problème. Les emprunts sont le fondement de l’économie. Le problème ne réside donc pas dans le fait d’emprunter, mais dans celui d’investir. Si vous n’investissez pas et que vous ne faites que consommer, alors vous vous ruinez.


Q. : Les relations euro-américaines vont-elles changer ?


NF : Oui, mais d’une façon autre que l’imaginent bon nombre d’Européens. Les Démocrates et les Républicains, sur le plan de la politique extérieure, ne se distinguent pas vraiment les uns des autres et, en cette matière, il existe une continuité bien réelle, qu’on n’imagine pas immédiatement. Obama sera-t-il le contraire diamétral de Bush ? Non. Car les intérêts nationaux des Etats-Unis resteront les mêmes.


(…)


Q. : Sur le plan économique, que pourra réellement faire le nouveau président des Etats-Unis ?


NF : Obama a répondu à un sentiment général qui veut le changement mais un changement qui n’en pas un véritablement, seul, ici, le sentiment du changement a révélé toute son importance. Cette crise est une crise de confiance et de conscience : les Américains ont le sentiment qu’il leur faut un président qui apporte de l’innovation.


Q. : Bon. Mais que peut faire Obama ?


NF : Il pourra prononcer un magnifique discours d’intronisation.


Q. : Et c’est tout ?


NF : Prononcer d’autres formidables discours.


Q. : Et rien de plus ?


NF : Non. Parce que de tous les présidents américains, il est celui qui, de mémoire d’homme, a la marge de manœuvre la plus réduite. Obama composera un gouvernement au-dessus des partis et nous allons bientôt vivre les premiers 100 jours les plus prudents qui aient jamais été, un peu comme au début de la carrière de Bill Clinton. Obama sera prudent jusqu’à devenir ennuyeux. Et c’est en cela que résidera sa grande force.


Q. : Et alors ? Où se trouve le problème ?


NF : Chez Hank Paulson.


Q. : Et ce ministre des finances de l’équipe Bush jr., qu’a-t-il à voir avec Obama ?


NF : Vu le grand plan « Bailout » qu’il a mis en oeuvre, Paulson a déjà dépensé tout l’argent qu’Obama entendait utiliser pour sa réforme du système de santé et pour son projet de diminuer les impôts. L’argent est parti, envolé !


(propos recueillis par le journaliste Klaus Brinkbäumer, adaptation française : Robert Steuckers).


 

Soldats américains: perdu en bourse l'argent gagné au combat

Des soldats américains en Irak ont perdu en bourse l'argent gagné au  combat

Publié le 10 novembre 2008 sur http://www.egaliteetreconciliation.fr

 

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En allumant son ordinateur ces dernières semaines, le lieutenant-colonel Mark Grabski ne consultait pas les derniers sondages sur la présidentielle américaine mais contemplait l'étendue de ses pertes sur des sites financiers.


"Mes favoris comprenaient la liste des sociétés dans lesquelles ma caisse de retraite complémentaire investissait. Et tous les jours, je voyais leurs cours s'effondrer", dit ce militaire en poste sur la base américaine de Speicher, au nord de Bagdad. "J'ai perdu actuellement des dizaines de milliers de dollars" dans la crise financière, assure cet officier de 31 ans, chargé de l'inspection générale de la base.

"Le tiers de mon salaire est versé sur le thrift savings program", une retraite complémentaire privée réservée aux fonctionnaires et militaires américains. "J'ai perdu 30% de cette retraite dans la crise financière", assure-t-il. Cette retraite privée s'ajoute à la pension de l'armée, qui n'a pas pâti de la crise, et qui atteint 50% du salaire des militaires qui ont servi 20 ans, 75% pour ceux qui ont 30 ans d'ancienneté. A Camp Speicher, la crise a souvent éclipsé la campagne présidentielle. Le cyclone financier a été d'autant plus cruellement ressenti qu'il s'agit pour ces soldats d'argent gagné à force de patrouilles, parfois de combats, dans la poussière de Tikrit, un fief de l'ancien dictateur irakien Saddam Hussein.

L'impact de la crise sur les portefeuilles et les retraites privées des soldats américains déployés en Irak est difficile à mesurer. Les officiers, plus âgés et soucieux de leur avenir, ont sûrement plus pâti du tourbillon des places boursières. Mais les jeunes recrues ne sont pas épargnées. "Nous avons encouragé les jeunes soldats à souscrire à des retraites privées.

Quand un soldat arrive au Koweït, avant d'être déployé en Irak, c'est même un des premiers prospectus qu'on lui donne", souligne le lieutenant-colonel Grabski.

Pour le commandant Daniel Meyers, qui travaille au commandement central de l'armée américaine pour le nord de l'Irak, les pertes sont plus limitées, "3.100 dollars". "Je ne verse que 8% de mon salaire (environ 5.000 dollars en Irak, ndlr), mais c'est une somme pour moi", dit-il.
En regard, un simple soldat déployé en Irak touche environ 2.000 dollars par mois. Dans le centre de commandement, au pire de la crise, les analystes financiers ont succédé aux joueurs de base-ball du "World Series" sur les écrans de télévision.

"Tout le monde suivait la crise. Quand la cloche (de fin de séance à Wall Street, ndlr) retentissait, j'étais traumatisé. Je ne dormais plus que deux heures par nuit", se souvient l'officier, originaire de l'Etat de New York. Ce militaire de 32 ans, dont la division est basée en Allemagne, attend peu du prochain président américain. "Sauf peut-être si (Barack) Obama nomme quelqu'un à l'instance de régulation des marchés ou si le Congrès adopte des lois de régulation", dit-il. Depuis, le lieutenant-colonel Grabski, comme le commandant Meyers, attendent simplement que le marché remonte pour pouvoir espérer récupérer leur mise.

D'autres soldats, plus proches de la retraite, ont en revanche beaucoup perdu ces dernières semaines. "Je suis à trois ans de la retraite et j'ai perdu la moitié de mes fonds", peste un sergent originaire d'Alabama sous couvert de l'anonymat. "Je n'accuse personne, en signant le contrat, je savais que ces placements étaient risqués", dit cet homme d'une cinquantaine d'années, dont bientôt 30 dans l'armée. "Mais quand je pars en mission, il m'arrive de penser que j'étais tout près d'une belle retraite. Quelques mois à tirer avant de toucher enfin la retraite de l'armée, plus ma complémentaire privée. Je ne m'imaginais pas continuer à travailler dans le civil après 30 ans de carrière militaire", regrette-t-il.

Source : http://news.tageblatt.lu

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Gumplowicz: volonta e lotta alle origini dello stato

 

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VOLONTÁ E LOTTA ALLE ORIGINI DELLO STATO

 

 

Ex: http://www.mirorenzaglia.org/

Nietzsche riassunse alla sua maniera la questione: il vero Stato, lungi dall’essere il mostro freddo delle burocrazie democratiche, è un sistema sociale messo al servizio degli «eroi di una cultura tragica». L’intera civiltà ellenica fu da lui pensata come un unico servizio reso all’affermazione del genio della stirpe, al cui àpice si aveva l’emergere di un’eccellenza: quella dei migliori, gli aristòcrati, scaturiti dallaselezione operata attraverso il Rangordnung l’ordinamento per ranghi. Ciò che determinava la selezione era un principio di lotta, di gloria e di vittoria. Su se stessi e sugli altri. Nulla di più distante dalle odierne posizioni di democrazia liberale, di origine banalmente contrattualistica. Tra l’egualitarismo pacifista dei progressisti, che abbassa la società a convivenza tra mandrie sedate e omologate, e il differenzialismo tradizionale, che affida la vita e il perfezionamento umano al salutare conflitto, c’è un incolmabile abisso antropologico, prima ancora che ideologico.

Nietzsche vide come al solito giusto nell’indicare nell’origine della nostra civiltà il principio del valore che sgorga da una comunità di prescelti. E valore avrà allora colui che sappia battersi, innanzi tutto per la vita, poi nel nome delle sue convinzioni: agòn, parola omerica ed eraclitèa, fissa sin dall’inizio della storia conosciuta il discrimine tra l’uomo e il non-uomo, stabilendo una ferma gerarchia tra chi è di lega nobile e chi è di lega vile. L’uno sta in alto, l’altro starà in basso. Il significato dello Stato - «l’utensile crudele» - come potenza guerriera e ordine di selezionati, fu indicato da Nietzsche nel suo essere il risultato della «spietata durezza» che vige in natura. Lo Stato gerarchico fondato dalla lotta è il mezzo che permette l’irrompere del Genio, tanto che si può fare una connessione tra «campo di battaglia e opera d’arte». Si vedano in proposito gli scritti giovanili di Nietzsche Lo Stato dei Greci e L’agòne omerico, oggi ripubblicati dalle Edizioni di Ar. La cultura europea è rimasta per alcuni millenni incardinata su questi princìpi, prima che qualcosa di degradato e senescente iniziasse a corroderne le fondamenta, asservendo lo Stato ai maneggiatori di danaro e ai violenti divulgatori della menzogna egualitaria.

 

 

Questo concepire l’esistenza come somma di tensioni, regolata dalla legge ferrea ma esaltante del rischio, dell’esposizione alla prova, fu come noto riproposto modernamente da Oswald Spengler (nella foto sotto a sinistra). Suo fu il rilancio della figura di Eraclito, proprio come l’artefice di un annuncio di purezza, tale da affidare il protagonismo sociale al tipo esemplare del greco di nobile ascendenza. Ma è chiaro che qui si tratta di un’aristocrazia che è distillata dal popolo, esso stesso già di per sé nobilitato in un continuo processo di perenne affinamento. Spengler mise in luce assai bene che in Grecia il concetto di aristocrazia forgiata dalla lotta era «connesso agli interessi vitali del popolo greco nella sua interezza», così chiarendo che non era in gioco alcun individualismo, ma la personalità creata dalla comunità di formazione.

 

 

L’approccio agonale alla vita esprimeva in quegli arcaici contesti «la pienezza della vita, la salute, il senso di potenza, il piacere autenticamente greco per la bellezza e per l’equilibrio della forma». Un principio di competizione così inteso, ben lontano dal significare plebea smania di affermazione materiale, magari compensatoria di frustrazioni caratteriali, doveva al contrario portare al solenne riconoscimento di una legge di natura: ciò che conduce all’urto, all’impatto, al confronto anche violento non è che naturale istinto di vita («l’attacco è cosa naturale in ogni vita in ascesa», scrisse Spengler nel Tramonto dell’Occidente), così che vivere si presenta essenzialmente come un destino di lotta. Un popolo vivente sotto la continua minaccia dell’annientamento non poteva non vedere nell’athlèter, nel combattente, il suo vertice esemplare. Popolata da visioni di potenza cosmica come il fuoco, la tempesta, la catastrofe tellurica, la mentalità greca giunse a interpretare la vita come ininterrotto erompere di energhèia. Questa misteriosa forza propulsiva fu chiamata, ad esempio da Aristotele, l’essenza stessa del vivere, fonte radicale di decisione tra il pre-valere e il soccombere.

 

 

A cavallo tra Ottocento e Novecento, dinanzi al prodursi dei giganteschi fenomeni di potenziamento dello Stato moderno e all’affermarsi delle masse, la giovane scienza sociologica non mancò di riandare alla concezione del conflitto come origine dei rapporti sociali e meccanismo di selezione delle classi dirigenti. Un’intera scuola di pensiero elaborò questi temi. Culminando nella triade italiana formata da Pareto, Mosca e Michels. I quali, ognuno per suo conto ma in modo simile, individuarono nel gioco conflittuale delle minoranze e nella circolazione delle élites il segreto del potere. Ludwig Gumplowicz (nella prima foto in alto a destra) fu una sorta di loro maestro e anticipatore. Il fatto che le Edizioni di Ar adesso ne pubblichino Il concetto sociologico dello Stato va considerato come un benefico sintomo reattivo: si cerca in qualche modo di fronteggiare, almeno con gli strumenti dell’alta cultura, il procedimento verso il basso che è tipico dei nostri tempi. In cui, all’elogio del mezzo-uomo, si unisce quello del renitente, dell’imbelle, del pavido, tutte creature di quell’irenismo farisaico che è il fulcro della società mondializzata. L’edizione in parola, curata da Franco Savorgnan e introdotta da Giovanni Damiano, è l’anastatica di quella del 1904. Si tratta di un libro - pubblicato la prima volta a Innsbruck nel 1892 - che riscopre la faccia vera della convivenza, quella liberata dalle ipocrisie contrattualiste, ecumeniste e democratiche che già cent’anni fa coprivano a malapena col mantello filantropico la violenza e la brutalità della società industrialista. Gumplowicz è un pioniere. Disinteressato alle concezioni giuridica, marxista, razionalista o teologica dello Stato, va diritto al problema. Incline a considerare poligenica l’origine dell’umanità, secondo lui lo Stato - cioè l’organizzazione della convivenza secondo la suddivisione dei ruoli - non è che l’esito del «cozzo di gruppi umani eterogenei».

 

 

Il giudizio di Gumplowicz è di tipo tradizionale: la realtà va riconosciuta per quello che è, senza edulcorarla con ipocrisie alla liberale o alla marxista. Per questo, egli annuncia l’impossibilità di abolire il dominio. Anzi, essendo il dominio l’essenza del politico, compito dello Stato sano sarà quello di renderlo organico, armonico: la tirannia oligarchica estranea al popolo non è aristocrazia di comando, ma un’indegna usurpazione. La concezione politica di Gumplowicz è comunitaria. L’origine dello Stato è il «prodotto della superiorità di un gruppo umano belligero e organizzato di fronte a un altro imbelle». In questa contesa i migliori non sono individui astratti, ma esemplari della stirpe che agiscono solidarmente: l’uomo «combatte come membro del suo gruppo, come individuo ha un’importanza minima». Da tipico ebreo galiziano emancipatosi nelle accademie austro-ungariche, Gumplowicz ebbe una sicura sensibilità per l’identità di stirpe. E cosa intendesse esattamente per “gruppo” di affini lo spiegò nel 1883, scrivendo il libro Rassenkampf, un testo che fece da scuola alla cultura positivista-razzialista dell’epoca. L’avvento della civiltà aria nel mondo, che produsse l’erezione di Stati castali retti da dominazioni schiavili, è da lui spiegato come il risultato del prevalere di una cultura superiore. Sicuro nel definire gli eventi della storia come il prodotto del conflitto tra diverse appartenenze di genere, Gumplowicz sanzionò come evidente il primato della civiltà bianca, associando senz’altro ad essa - con procedimento all’epoca non bizzarro - anche l’ebraismo.

 

 

Tutto questo lo ha fatto giudicare, ad esempio da Domenico Losurdo, come un teorico con precise rispondenze anche con Nietzsche e con le sue crude rivendicazioni per una società fondata sul dominio dei Signori e sull’organizzazione sociale per caste, atta come nessuna al dispiegarsi della civiltà superiore. Nel Concetto sociologico dello Stato noi troviamo, tra l’altro, l’apprezzamento per gli scritti di Gustav Ratzenhofer, il coevo studioso di storia politica che individuò nella forza primordiale custodita dai popoli l’energia che muove la vita attraverso la lotta per il primato, selezionando in continuazione i caratteri organici.

 

 

La concezione elitaria e socialmente discriminante di Gumplowicz venne posta dallo storico A. James Gregor tra i fondamenti ideologici del Fascismo. Mediato da Pareto, il suo insegnamento sarebbe giunto fino a Mussolini. In effetti, attorno al volontarismo mussoliniano, ad un tempo comunitario e gerarchico, si coagularono diverse intelligenze del tempo. Da Olivetti a Michels e fino a Corradini e alla sua dottrina di una struggle of life mondiale, affidata alla competizione tra imperialismo di rapina anglosassone e imperialismo sociale italiano. E fino a Costamagna, nella cui dottrina dello Stato Gregor riconobbe i tratti del socialdarwinismo di Gumplowicz.

 

 

È stato del resto lo stesso Gregor a ricordare che al centro della sociologia di Gumplowicz si trova il concetto di etnocentrismo, espresso col termine Syngenismus, neologismo tedesco che intendeva ricalcare quello greco di synghèneia, l’eguaglianza di sangue. Lo Stato nasce dalla devozione alla comunità sociale definita dall’ethnos.

 

 

Con tutto questo grande bagaglio di cultura politica antagonista alla modernità, noi siamo di fronte al massimo sforzo operato dalla civiltà europea, tra fine-Ottocento e primi decenni del Novecento, per liberarsi dalle già pesanti aggressioni portate dall’egualitarismo cosmopolita al cuore della nostra identità. In quell’ultimo sforzo si riverberano le più arcaiche proclamazioni legate all’affermarsi del tipo differenziato, plasmato da un’ascesi superiore e ricolmo di attitudini sovrane, tali da imprimere alla vita politica il segno di eterne creazioni di civiltà. Ciò che Evola (nella foto sopra) inquadrava nella categoria di metafisica della guerra, recava il segno del concetto di lotta come liturgia sacrale: evocare dai propri retaggi l’energia, la fierezza e la volontà di proteggere gli ordini dell’appartenenza. Nel suo scritto - risalente agli anni di guerra - sulla Dottrina aria di lotta e vittoria, Evola espresse un principio che, dai Greci fino alla moderna “sociologia anti-individualista”, era risuonato come annuncio di grandezza: «È nella lotta che occorre risvegliare e temprare quella forza che, di là da assalti, sangue e pericolo, propizierà una nuova creazione in un nuovo splendore e con pace possente». In effetti, è così che sorgono le grandi civiltà.

 

 

Luca Leonello Rimbotti

 

L'idée de perfectibilité infinie

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L'idée de perfectibilité infinie: noyau de la pensée révolutionnaire et libérale

 

 

Le Professeur Ernst Behler, qui enseigne à Seattle aux Etats-Unis, grand spécialiste de Friedrich Schlegel, sommité interna­tio­nale, vient de se pencher sur ce rêve optimiste de la perfecti­bi­lité absolue du genre humain, rêve sous-tendant toute l'aven­ture illuministe et révolutionnaire qui s'est enclenchée au XVIIIiè­me siècle. Ce rêve, qui est le noyau de la modernité, se repère dès la fameuse «querelle des anciens et des modernes», dans l'Aufklärung  allemand, chez l'Anglais Godwin, chez Con­dorcet (de loin le plus représentatif de la version «illuministe» de ce rêve), Mme de Staël, Constant, les Roman­tiques anglais (Words­worth, Coleridge) et aux débuts du roman­tisme allemand (Novalis, Schlegel). L'évolution de cette pensée de la perfecti­bi­lité, aux sinuosités multiples depuis l'Aufklärung  jusqu'au ro­man­tisme de Novalis et Schlegel, a été appréhendée en trois éta­pes, nous explique Ernst Behler dans son livre

 

Ernst BEHLER, Unendliche Perfektibilität. Euro­päische Romantik und Französische Revolution, Fer­dinand Schöningh, Paderborn, 1989, 320 S., DM 48,- (ISBN-3-506-70707-8).

 

La première étape s'étend de 1850 à 1870, et constitue une réac­tion négative à l'endroit du romantisme. La deuxième étape, de 1920 à 1950, est marquée par trois personnalités: Carl Schmitt, Alfred Bäumler et Georg Lukacs. La troisième étape, non encore close, est celle des interprétations contemporaines du complexe Aufklärung/Romantisme. A nos yeux, il est évident que les in­terprétations de la deuxième étape sont les plus denses tout en étant les plus claires. Pour Carl Schmitt, le romantisme, par son subjectivisme, est délétère par essence, même si, en sa phase tar­dive, avec un Adam Müller, il adhère partiellement à la poli­tique de restauration metternichienne. Face à ce romantisme ger­ma­nique dissolvant, aux discours chavirant rapidement dans l'in­si­gnifiance, Carl Schmitt oppose les philosophes politiques Bo­nald, de Maistre et Donoso Cortés, dont les idées permettent des décisions concrètes, tranchées et nettes. A l'occasionalisme (ter­mi­nologie reprise à Malebranche) des Romantiques et à leur frei­schwebende Intelligenz  (leur intellect vagabond et planant), Schmitt oppose l'ancrage dans les traditions politiques données.

 

Alfred Bäumler, le célèbre adversaire de Heidegger, l'apologiste de Hitler et le grand spécialiste de Bachofen, pour sa part, dis­tingue une Frühromantik  dissolvante (romantisme d'Iéna) qui se­rait l'«euthanasie du rococo», le suicide des idées du XVIIIiè­me. Cette mort était nécessaire pour déblayer le terrain et inau­gurer le XIXième, avec le romantisme véritable, fondateur de la philologie germanique, rénovateur des sciences de l'Antiquité, pro­moteur de l'historiographie rankienne, avec des figures com­me Görres, les frères Grimm et Ranke. Avec ces deux phases du romantisme, se pose la problématique de l'irrationalisme, affirme Bäumler. L'irrationalisme procède du constat de faillite des grands systèmes de la Raison et de l'Aufklärung.  Cette faillite est suivie d'un engouement pour l'esthétisme, où, au monde réel de chair et de sang, la pensée op­pose un monde parfait «de bon goût», échappant par là même à toute responsabilité historique. Nous pourrions dire qu'en cette phase, il s'agit d'une irrationalité timide, soft,  irresponsable, désincarnée: le modèle de cette na­tu­re, qui n'est plus tout à fait rationnelle mais n'est pas du tout charnelle, c'est celui que sug­gère Schelling. Parallèlement à cette nature parfaite, à laquelle doit finir par correspondre l'homme, lequel est donc perfectible à l'infini, se développe via le Sturm und Drang,  puis le roman­tisme de Heidelberg, une appréhension graduelle des valeurs tel­luriques, somatiques, charnelles. A la théo­rie de la perfectibilité succède une théorie de la fécondi­té/fé­condation (Theorie der Zeu­gung).  A l'âge «des idées et de l'hu­manité» succède l'âge «de la Terre et des nationalités». La Nature n'est plus esthétisée et su­blimée: elle apparaît comme une mère, comme un giron fécond, grouillant, «enfanteur». Et Bäumler de trouver la formule: «C'est la femme (das Weib) qui peut enfan­ter, pas l'"Homme" (der Mensch);  mieux: l'"Homme" (der Mensch)  pense, mais l'homme (der Mann)  féconde».

 

Georg Lukacs, pourfendeur au nom du marxisme des irrationa­lismes (in Der Zerstörung der Vernunft),  voit dans la Frühro­mantik  d'Iéna, non pas comme Bäumler l'«euthanasie du ro­coco», mais l'enterrement, la mise en terre de la Raison, l'ou­verture de la fosse commune, où iront se décomposer la rai­son et les valeurs qu'elle propage. Comme Schmitt, qui voit dans tous les romantismes des ferments de décomposition, et contrairement à Bäumler, qui opère une distinction entre les Romantismes d'Ié­na et de Heidelberg, Lukacs juge l'ère roman­tique comme dan­gereusement délétère. Schmitt pose son affirma­tion au nom du conservatisme. Lukacs la pose au nom du marxisme. Mais leurs jugements se rejoignent encore pour dire, qu'au moment où s'effondre la Prusse frédéricienne à Iéna en 1806, les intellectuels allemands, pourris par l'irresponsabilité propre aux romantismes, sont incapables de justifier une action cohérente. Le conservateur et le marxiste admettent que le sub­jectivisme exclut toute forme de décision politique. Cette triple lecture, conservatrice, natio­na­liste et marxiste, suggérée par Beh­ler, permet une appréhension plus complète de l'histoire des idées et, surtout, une historio­gra­phie nouvelle qui procèdera do­rénavant par combinaison d'élé­ments issus de corpus considérés jusqu'ici comme antagonistes.

 

Dans le livre de Behler, il faut lire aussi les pages qu'il consacre à la vision du monde de Condorcet (très bonne exposition de l'idée même de «perfectibilité infinie») et aux linéaments de per­fec­ti­bilité infinie chez les Romantiques anglais Wordsworth et Coleridge. Un travail qu'il faudra lire en même temps que ceux, magistraux, de ce grand Alsacien biculturel (allemand/français) qu'est Georges Gusdorf, spécialiste et des Lumières et du Ro­man­tisme.

 

Robert STEUCKERS. 

 

vendredi, 21 novembre 2008

Flash Magazine n°2

Le No. 2 en kiosque le samedi 22-11-2008
Le no. 3 rendez-vous le jeudi 04-12-2008
Flash : Journal gentil et intelligen

Marti Ahtisaari bought by Albanian Mafia

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Marti Ahtisaari bought by Albanian Mafia
Marti Ahtisaari, "prix Nobel de la Paix" pour son "action" au Kosovo aurait été acheté par la Mafia albanaise. L'information émane du journal suédois réputé Svenska Dagbladet ainsi que des services de renseignement de la République Fédérale d'Allemagne (le BND).
 
German Secret Service has found that 2 million Euros (2.68 million USD) have been transfered directly to Ahtisaari’s personal bank account, and that amounts of multi-million Euros were given to the UN envoy in cash on at least two occasions, totaling up to 40 million Euros (over 53 million U.S. dollars).
According to the June 21 article by the Banja Luka daily Fokus, titled "Albanian Mafia Bought Ahtisaari," German Federal Intelligence Service BND (Bundesnachrichtendienst) has recently sent a report to the UN Secretary-General Ban Ki-moon revealing that Albanian separatists and terrorists in Serbian Kosovo-Metohija province have literally purchased Ahtisaari’s plan which suggests independence for the Serbian province and its severing from Serbia.
 
According to the Fokus’ source, the German BND Secret Service Brigadier Luke Neiman was directly appointed by the German government to designate part of the German Secret Service apparatus to the United Nations Mission in Kosovo, after the UN Secretary-General Ban Ki-moon requested such service. It was, therefore, the UN Secretary-General who received the detailed report about the corruption of his special envoy Martti Ahtisaari.
Reportedly, the BND agents have immediately discovered clear connection and regular contacts between the leading figures of Kosovo Albanian mafia, their subordinates and Martti Ahtisaari. The agents have also established that Ahtisaari has had frequent telephone communications with the Albanian billionaire, mafia boss living in Switzerland Bexhet Pacolli.

Wat te leren van het geval Ron Paul?

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Wat te leren van het geval Ron Paul?

L'Europe comme "troisième force"

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ARCHIVES DE "SYNERGIES EUROPEENNES" - 1990

L'Europe comme «troisième force»

 

par Luc Nannens

 

Malgré les proclamations atlantistes, malgré l'engouement des droites libérales pour le reaganisme, malgré l'oubli général des grands projets d'unification continentale, depuis la fin des années 70, de plus en plus de voix réclament l'européisation de l'Eu­rope. Nos deux publications, Orientations et Vouloir, se sont fai­tes l'écho de ces revendications, dans la mesure de leurs très fai­bles moyens. Rapellons à nos nouveaux lecteurs que nous avons presque été les seuls à évoquer les thèses du social-démo­crate allemand Peter Bender, auteur en 1981, de Das Ende des ideo­logischen Zeitalter. Die Europäisierung Europas (= La fin de l'ère des idéologies. L'Européisation de l'Europe). L'européisme hostile aux deux blocs apparaît encore et toujours comme un ré­sidu des fascismes et de l'«Internationale SS», des rêves de Drieu la Rochelle ou de Léon Degrelle, de Quisling ou de Serrano Su­ñer (cf. Herbert Taege in Vouloir n°48-49, pp. 11 à 13). C'est le reproche qu'on adresse à l'européisme d'un Sir Oswald Mosley, d'un Jean Thiriart et de son mouvement Jeune Europe, ou parfois à l'européisme d'Alain de Benoist, de Guillaume Faye, du GRECE et de nos propres publications. Il existe toutefois une tradition sociale-démocrate et chrétienne-démocrate de gauche qui s'aligne à peu près sur les mêmes principes de base tout en les justifiant très différemment, à l'aide d'autres «dérivations» (pour reprendre à bon escient un vocabulaire parétien). Gesine Schwan, professeur à la Freie Universität Berlin, dans un bref essai inti­tulé «Europa als Dritte Kraft» (= L'Europe comme troisième force), brosse un tableau de cette tradition parallèle à l'européisme fascisant, tout en n'évoquant rien de ces européistes fascisants, qui, pourtant, étaient souvent des transfuges de la so­ciale-démocratie (De Man, Déat) ou du pacifisme (De Brinon, Tollenaere), comme l'explique sans a priori l'historien allemand contemporain Hans Werner Neulen (in Europa und das III. Reich, Universitas, München, 1987).

 

Dans

«Europa als Dritte Kraft»,

in Peter HAUNGS, Europäisierung Europas?, Baden-Baden, Nomos Verlagsgesellschaft, 1989, 160 S., DM 38, ISBN 3-7890-1804-X,

 

Gesine Schwan fait commencer le néo-européisme dès 1946, quand la coopération globale entre l'URSS et les Etats-Unis tourne petit à petit à l'échec. L'Europe sent alors confusément qu'elle risque d'être broyée en cas d'affrontement de ces deux su­per-gros. Des esprits indépendants, mus aussi par le désir de reje­ter le libéralisme extrême des Américains et le bolchévisme stalinien des Soviétiques avec toutes leurs conséquences, com­mencent à parler d'«européisation» de l'Europe, ce qui vise à une plus grande unité et une plus grande indépendance du continent vis-à-vis des blocs. La question se pose alors de savoir où s'arrête cette Europe de «troisième voie»? A la frontière polono-soviétique? A l'Oural? Au détroit de Béring et aux confins de la Mandchourie?

 

Mais l'essai de Gesine Schwan comprend un survol historique des conceptions continentales élaborées depuis la première moi­tié du XIXième siècle. Essai qui met l'accent sur le rôle chaque fois imparti à la Russie dans ces plans et ébauches. Au début du XIXième, ni la Russie ni l'Amérique, en tant que telles, n'appa­raissaient comme des dangers pour l'Europe. Le danger majeur était représenté par les idées de la Révolution Française. L'Amé­rique les incarnait, après les avoir améliorés, et la Russie repré­sentait le principe légitimiste et monarchiste. Les démo­crates étaient philo-américains; les légitimistes étaient russo­philes. Mais Washington et Petersbourg, bien qu'opposés sur le plan des principes de gouvernement, étaient alliés contre l'Espagne dans le conflit pour la Floride et contre l'Angleterre parce qu'elle était la plus grande puissance de l'époque. Russes et Américains pratiquent alors une Realpolitik pure, sans prétendre universa­liser leurs propres principes de gouvernement. L'Europe est tan­tôt identifiée à l'Angleterre tantôt contre-modèle: foyer de cor­rup­tion et de servilité pour les Américains; foyer d'athéisme, d'é­goïs­me, d'individualisme pour les Russes.

 

L'Europe du XIXième est donc traversée par plusieurs antago­nis­mes entrecroisés: les antagonismes Angleterre/Continent, Eu­­ro­pe/Amérique, Russie/Angleterre, Russie + Amé­rique/An­gle­­terre, Russie/Europe... A ces antagonismes s'en su­perposent d'autres: la césure latinité-romanité/germanité qui se traduit, chez un historien catholique, romanophile et euro-œcu­méniste comme le Baron Johann Christoph von Aretin (1772-1824) en une hos­tilité au pôle protestant, nationaliste et prus­sien; ensuite la cé­sure chrétienté/islam, concrétisé par l'opposition austro-hon­groi­se et surtout russe à l'Empire Otto­man. Chez Friedrich Gentz se dessine une opposition globale aux diverses formes de l'idéologie bourgeoise: au nationalisme jacobin et à l'interna­tio­na­lisme libéral américain. Contre cet Oc­cident libéral doit se dres­ser une Europe à mi-chemin entre le na­tionalisme et l'inter­na­tionalisme. Le premier auteur, selon Ge­sine Schwan, à prôner la constitution d'un bloc européen contre les Etats-Unis est le pro­fesseur danois, conseiller d'Etat, C.F. von Schmidt-Phisel­deck (1770-1832). Après avoir lu le cé­lèbre rapport de Tocque­ville sur la démocratie en Amérique, où l'aristocrate normand per­çoit les volontés hégémoniques des Etats-Unis et de la Rus­sie, les Européens commencent à sentir le double danger qui les guette. Outre Tocqueville, d'aucuns, comme Michelet et Henri Martin, craignent l'alliance des slavo­philes, hostiles à l'Europe de l'Ouest décadente et individualiste, et du messianisme pansla­viste moins rétif à l'égard des acquis de la modernité technique.

 

La seconde moitié du XIXième est marquée d'une inquiétude: l'Eu­rope n'est plus le seul centre de puissance dans le monde. Pour échapper à cette amorce de déclin, les européistes de l'épo­que prônent une réorganisation du continent, où il n'y aurait plus juxtaposition d'unités fermées sur elles-mêmes mais réseau de liens et de rapports fédérateurs multiples, conduisant à une unité de fait du «grand espace» européen. C'est la grande idée de l'Au­trichien Konstantin Frantz qui voyait l'Empire austro-hon­grois, une Mitteleuropa avant la lettre, comme un tremplin vers une Europe soudée et à l'abri des politiques américaine et russe. K. Frantz et son collègue Joseph Edmund Jörg étaient des con­servateurs soucieux de retrouver l'équilibre de la Pentarchie des années 1815-1830 quand règnait une harmonie entre la Rus­sie, l'Angleterre, la France, la Prusse et l'Autriche-Hongrie. Les prin­cipes fédérateurs de feu le Saint-Empire devaient, dans l'Eu­rope future, provoquer un dépassement des chauvinismes na­tio­naux et des utopismes démocratiques. Quant à Jörg, son conser­vatisme est plus prononcé: il envisage une Europe arbitrée par le Pape et régie par un corporatisme stabilisateur.

 

Face aux projets conservateurs de Frantz et Jörg, le radical-démo­crate Julius Fröbel, inspiré par les idées de 1848, constate que l'Europe est située entre les Etats-Unis et la Russie et que cette détermination géographique doit induire l'éclosion d'un ordre social à mi-chemin entre l'autocratisme tsariste et le libéra­lisme outrancier de l'Amérique. Malheureusement, la défi­nition de cet ordre social reste vague chez Fröbel, plus vague que chez le corporatiste Jörg. Fröbel écrit: «1. En Russie, on gou­verne trop; 2. En Amérique, on gouverne trop peu; 3. En Eu­rope, d'une part, on gouverne trop à mauvais escient et, d'autre part, trop peu à mauvais escient». Conclusion: le socialisme est une force morale qui doit s'imposer entre le monarchisme et le républicanisme et donner à l'Europe son originalité dans le monde à venir.

 

Frantz et Jörg envisageaient une Europe conservatrice, corpora­tiste sur le plan social, soucieuse de combattre les injustices lé­guées par le libéralisme rationaliste de la Révolution française. Leur Europe est donc une Europe germano-slave hostile à une France perçue comme matrice de la déliquescence moderne. Frö­bel, au contraire, voit une France évoluant vers un socialisme solide et envisage un pôle germano-français contre l'autocratisme tsariste. Pour Gesine Schwan, l'échec des projets européens vient du fait que les idées généreuses du socialisme de 48 ont été par­tiellement réalisées à l'échelon national et non à l'échelon conti­nental, notamment dans l'Allemagne bismarckienne, entraînant une fermeture des Etats les uns aux autres, ce qui a débouché sur le désastre de 1914.

 

A la suite de la première guerre mondiale, des hécatombes de Verdun et de la Somme, l'Europe connaît une vague de pacifisme où l'on ébauche des plans d'unification du continent. Le plus cé­lèbre de ces plans, nous rappelle Gesine Schwan, fut celui du Comte Richard Coudenhove-Kalergi, fondateur en 1923 de l'Union Paneuropéenne. Cette idée eut un grand retentissement, notamment dans le memorandum pour l'Europe d'Aristide Briand déposé le 17 mai 1930. Briand visait une limitation des souve­rainetés nationales et la création progressive d'une unité écono­mique. La raison pour laquelle son mémorandum n'a été reçu que froide­ment, c'est que le contexte des années 20 et 30 est nette­ment moins irénique que celui du XIXième. Les Etats-Unis ont pris pied en Europe: leurs prêts permettent des reconstructions tout en fragilisant l'indépendance économique des pays emprun­teurs. La Russie a troqué son autoritarisme monarchiste contre le bolché­visme: d'où les conservateurs ne considèrent plus que la Russie fait partie de l'Europe, inversant leurs positions russo­philes du XIXième; les socialistes de gauche en revanche es­timent qu'elle est devenue un modèle, alors qu'ils liguaient jadis leurs efforts contre le tsarisme. Les socialistes modérés, dans la tradition de Bernstein, rejoignent les conservateurs, conservant la russophobie de la social-démocratie d'avant 14.

 

Trois traditions européistes sont dès lors en cours: la tradition conser­vatrice héritère de Jörg et Frantz, la tradition sociale-démo­crate pro-occidentale et, enfin, la tradition austro-marxiste qui consi­dère que la Russie fait toujours partie de l'Europe. La tradition sociale-démocrate met l'accent sur la démocratie parle­mentaire, s'oppose à l'Union Soviétique et envisage de s'appuyer sur les Etats-Unis. Elle est donc atlantiste avant la lettre. La tra­dition austro-marxiste met davantage l'accent sur l'anticapita­lisme que sur l'anti-stalinisme, tout en défendant une forme de parlementa­risme. Son principal théoricien, Otto Bauer, formule à partir de 1919 des projets d'ordre économique socia­liste. Cet or­dre sera planiste et la décision sera entre les mains d'une plu­ralité de commission et de conseils qui choisiront entre diverses planifica­tions possibles. Avant d'accèder à cette phase idéale et finale, la dictature du prolétariat organisera la transition. Dix-sept ans plus tard, en 1936, Bauer souhaite la victoire de la Fran­ce, de la Grande-Bretagne et de la Russie sur l'Allemagne «fasciste», afin d'unir tous les prolétariats européens dans une Europe reposant sur des principes sociaux radicalement différents de ceux préconisés à droite par un Coudenhoven-Kalergi. Mais la faiblesse de l'austro-marxisme de Bauer réside dans son opti­misme rousseauiste, progressiste et universaliste, idéologie aux as­sises intellectuelles dépassées, qui se refuse à percevoir les an­tagonismes réels, difficilement surmontables, entre les «grands es­paces» européen, américain et soviétique.

 

Gesine Schwan escamote un peu trop facilement les synthèses fascisantes, soi-disant dérivées des projets conservateurs de Jörg et Frantz et modernisés par Friedrich Naumann (pourtant mem­bre du Parti démocrate, situé sur l'échiquier politique à mi-che­min entre la sociale-démocratie et les libéraux) et Arthur Moeller van den Bruck. L'escamotage de Schwan relève des scru­pules usuels que l'on rencontre en Allemagne aujourd'hui. Des scru­pules que l'on retrouve à bien moindre échelle dans la gauche fran­çaise; en effet, la revue Hérodote d'Yves Lacoste pu­bliait en 1979 (n°14-15) l'article d'un certain Karl von Bochum (est-ce un pseudonyme?), intitulé «Aux origines de la Commu­nauté Euro­péenne». Cet article démontrait que les pères fonda­teurs de la CEE avaient copieusement puisé dans le corpus doc­trinal des «européistes fascisants», lesquels avaient eu bien plus d'impact dans le grand public et dans la presse que les austro-marxistes disciples d'Otto Bauer. Et plus d'impact aussi que les conserva­teurs de la résistance anti-nazie que Gesine Schwan évoque en dé­taillant les diverses écoles qui la constituait: le Cercle de Goer­deler et le Kreisauer Kreis (Cercle de Kreisau).

 

Le Cercle de Goerdeler, animé par Goerdeler lui-même et Ulrich von Hassell, a commencé par accepter le fait accompli des vic­toires hitlériennes, en parlant du «rôle dirigeant» du Reich dans l'Europe future, avant de planifier une Fédération Européenne à partir de 1942. Cette évolution correspond curieusement à celle de la «dissidence SS», analysée par Taege et Neulen (cfr. supra). Dans le Kreisauer Kreis, où militent le Comte Helmut James von Moltke et Adam von Trott zu Solz, s'est développée une vision chrétienne et personnaliste de l'Europe, et ont également germé des conceptions auto-gestionnaires anti-capitalistes, as­sor­ties d'une critique acerbe des résultats désastreux du capita­lis­me en général et de l'individualisme américain. Moltke et Trott restent sceptiques quant à la démocratie parlementaire car elle débouche trop souvent sur le lobbyisme. Il serait intéressant de faire un parallèle entre le gaullisme des années 60 et les idées du Krei­sauer Kreis, notamment quand on sait que la revue Ordre Nou­veau d'avant-guerre avait entretenu des rapports avec les person­nalistes allemands de la Konservative Revolution.

 

Austro-marxistes, sociaux-démocrates (dans une moindre me­sure), personnalistes conservateurs, etc, ont pour point commun de vouloir une équidistance (terme qui sera repris par le gaul­lisme des années 60) vis-à-vis des deux super-gros. Aux Etats-Unis, dans l'immédiat après-guerre, on souhaite une unification européenne parce que cela favorisera la répartition des fonds du plan Marshall. Cette attitude positive se modifiera au gré des cir­constances. L'URSS stalinienne, elle, refuse toute unification et entend rester fidèle au système des Etats nationaux d'avant-guerre, se posant de la sorte en-deça de l'austro-marxisme sur le plan théorique. Les partis communistes occidentaux (France, Ita­lie) lui emboîteront le pas.

 

Gesine Schwan perçoit très bien les contradictions des projets socialistes pour l'Europe. L'Europe doit être un tampon entre l'URSS et les Etats-Unis, affirmait cet européisme socialiste, mais pour être un «tampon», il faut avoir de la force... Et cette for­ce n'était plus. Elle ne pouvait revenir qu'avec les capitaux américains. Par ailleurs, les sociaux-démocrates, dans leur décla­ration de principe, renonçaient à la politique de puissance tradi­tionnelle, qu'ils considéraient comme un mal du passé. Com­ment pouvait-on agir sans détenir de la puissance? Cette qua­drature du cercle, les socialistes, dont Léon Blum, ont cru la ré­soudre en n'évoquant plus une Europe-tampon mais une Europe qui ferait le «pont» entre les deux systèmes antagonistes. Gesine Schwan souligne très justement que si l'idée d'un tampon arrivait trop tôt dans une Europe en ruines, elle était néanmoins le seul projet concret et réaliste pour lequel il convenait de mobiliser ses efforts. Quant au concept d'Europe-pont, il reposait sur le vague, sur des phrases creuses, sur l'indécision. La sociale-démocratie de­vait servir de modèle au monde entier, sans avoir ni la puis­sance financière ni la puissance militaire ni l'appareil déci­sion­nai­re du stalinisme. Quand survient le coup de Prague en 1948, l'idée d'une grande Europe sociale-démocrate s'écroule et les par­tis socialistes bersteiniens doivent composer avec le libéralisme et les consortiums américains: c'est le programme de Bad-Go­des­berg en Allemagne et le social-atlantisme de Spaak en Bel­gique.

 

Malgré ce constat de l'impuissance des modèles socialistes et du passéisme devenu au fil des décennies rédhibitoire des projets conservateurs  —un constat qui sonne juste—  Gesine Schwan, à cause de son escamotage, ne réussit pas à nous donner un sur­vol complet des projets d'unification européenne. Peut-on igno­rer l'idée d'une restauration du jus publicum europaeum chez Carl Schmitt, le concept d'une indépendance alimentaire chez Herbert Backe, l'idée d'une Europe soustraite aux étalons or, sterling et dollar chez Zischka et Delaisi, le projet d'un espace économique chez Oesterheld, d'un espace géo-stratégique chez Haushofer, d'un nouvel ordre juridique chez Best, etc. etc. Pourtant, il y a cu­rieu­sement un auteur conservateur-révolutionnaire incontour­na­ble que Gesine Schwan cite: Hans Freyer, pour son histoire de l'Europe. Le point fort de son texte reste donc une classification assez claire des écoles entre 1800 et 1914. Pour compléter ce point fort, on lira avec profit un ouvrage collectif édité par Hel­mut Berding (Wirtschaftliche und politische Integration in Eu­ropa im 19. und 20. Jahrhundert, Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen, 1984; recension in Orientations, n°7, pp. 42 à 45).

 

L.N.   

Il termine "Occidente" nasconde un equivoco pesante

 LA VIA CHE PORTA IN ALTO E QUELLA CHE PORTA IN BASSO
SONO LA STESSA IDENTICA VIA (Eraclito)

Il termine “Occidente” nasconde un equivoco pesante.

Nell’anno 2008, non si è più agli inizi del secolo XX, quando ancora uno Spengler (nella foto in basso) poteva parlare della crisi dell’Occidente come fase terminale di un’involuzione ciclica mondiale. O un Massis poteva invocare la défense de l’Occident.

Oggi non c’è più alcun Occidente da difendere, ma ce n’è uno da cui difendersi.In questi cento anni, la nostra civiltà ha visto bruciare la sua ultima grande possibilità, quella profetizzata appunto da Spengler come fase faustiana, cesaristica, che in un ultimo sforzo di interiore potenza sarebbe sorta dal ventre europeo come antidoto alla sincope finale della civiltà dell’uomo bianco, causata dal progressismo.

Alla metà del Novecento, al culmine di una crisi comatosa mondiale risolta dalla violenza bruta, si è potuto assistere allo strangolamento nella culla proprio di questo ciclo storico faustiano appena insorto, che il filosofo tedesco aveva vaticinato in qualità di ultima e conclusiva manifestazione creativa dell’anima europea. Tale crimine è stato consumato precisamente per mano di un’appendice occidentale, non-europea e anzi anti-europea. La mano che ha soppresso l’Europa in quanto civiltà espressiva e centro di potere individuato, proveniva da Occidente.

Quest’appendice,
che ha impedito al nostro continente di riappropriarsi sul ciglio dell’abisso del suo destino e del suo spirito – secondo vie che forse avrebbero soltanto dilazionato il tracollo, ma probabilmente di secoli – ha rappresentato, sin dal suo primo formarsi nel secolo XVIII, una precisa congiura contro l’Europa e tutti i suoi patrimoni culturali, che dalle profondità della protostoria erano giunti sostanzialmente impregiudicati fino nel cuore dell’età contemporanea.

Parliamo infatti dell’America, di quel bacino di formidabili energie distruttive infuse nel calderone progressista, giunte a maturazione utilizzando i letali ingredienti del puritanesimo, del biblismo, del liberismo e del materialismo capitalista: dalla micidiale mistura è uscito un cocktail infernale che, fatto bere a forza ai popoli europei dopo il 1945, ne ha garantita la rapida liquidazione come entità culturali e politiche storicamente individuate.

Quello che è nel frattempo avvenuto è stato infatti il tramonto dell’Europa e l’insediarsi in suo luogo dell’Occidente made in USA. L’Occidente, nel senso geografico e politico di America, è ciò che è uscito in qualitmercury_dime_reverse US renzagliaà di solo vincitore dalla lotta tra l’onore dell’appartenenza, valore di fondazione senza il quale i nostri popoli non avrebbero potuto darsi una forma, e il disonore della disgregazione affidata al culto totemico del denaro e dell’individualismo di massa.

Chi confonde l’Europa con l’Occidente, cioè con ciò che oggi coincide con l’America, non ha compreso il dramma della civiltà bianca. Chi giudica l’Europa e l’America come un’unica civilizzazione accomunata da comuni linguaggi esistenziali e da una comune volontà di destino, mostra di non avere la sensibilità che occorre per distinguere la creatività dalla distruzione, l’ordine dal caos, l’ideale dal materiale, il sano dal malato, il bello dal brutto.

Si tratta di due antitesi, di due antropologie, di due monadi.

Oggi l’Europa è in coma perché sottoposta alle radiazioni americane. Il vampirismo si è ormai compiuto, e nuove costellazioni extra-europee e anche extra-occidentali già sorgono all’orizzonte, preparando una sicura fase di regolamenti di conti con gli stessi Stati Uniti, un colosso vacillante che, se privato della forza materiale, rappresenta un vuoto inespressivo tutto sommato molto fragile.

 Scriveva Georges Bernanos nel 1947 che

«l’Europa è tramontata nel momento stesso in cui ha dubitato di sé, della sua vocazione e del suo diritto […] e questo momento ha coinciso con l’avvento del capitalismo totalitario», sancendo in questo modo proprio la vittoria del denaro contro l’onore.

Ma chi mise nel cuore europeo il tarlo roditore del dubbio di sé, cosa minò l’antico senso europeo della sua vocazione e del suo diritto in faccia al mondo? Non furono proprio l’ideologia dei diritti individuali e quella del capitalismo calvinista, non furono l’illuminismo e il razionalismo sposati al liberismo inglese, al biblismo millenarista delle sette protestanti che, una volta lasciati fermentare nello spazio del Nuovo Mondo, produssero l’odio per la tradizione europea, la diffamazione del nostro passato, l’incomprensione per la nostra storia e per le nostre realizzazioni sociali?

Quest’informe viluppo di nevrosi sotto maschera moderna, costituito dai riformatori fondamentalisti, fino a quando rimase un caso clinico di minoranze europee ben controllate e circoscritte dal discredito generale (le allucinazioni anabattiste, i deliri di un Giovanni di Leyda circa il “Regno di Dio” in terra, le psicosi settarie dei profetismi biblici, il concetto di capitale usurario come fonte di benedizione divina…) non costituirono alcun pericolo reale per i popoli europei. Episodi marginali, di cui furono in molti allora a non accorgersi neppure.

Ma quando tutta questa schiuma di allucinati e di malati mentali, di invasati di versetti biblici, insieme ai tagliagola, ai criminali e agli asociali fuggiti da tutta Europa, prese a sbarcare a frotte sulle coste americane, là dove non c’era l’Europa con la sua cultura a fare da involucro, proprio in quel momento il destino europeo si compì.

Ci vollero due-tre secoli di gestazione, ma poi la risacca, montata in uno spazio reso deserto dall’etnocidio dei nativi americani e ripopolato con lo schiavismo e il fuoriscitismo dei peggiori elementi espulsi dai popoli europei, è ritornata da noi come un pendolo dannato, sotto l’etichetta di “ideologia americana”. Qualcosa che è stato sin dall’inizio ben deciso a fare a pezzi ciò che era rimasto della vecchia Europa. I lugubri “padri pellegrini” sono tornati di qua dell’Atlantico come un turbine di sventura, hanno riportato indietro con sé il dono avvelenato delle loro distorsioni mentali, ma potenziate in ideologia di potere mondiale, e in più sorrette da una potenza industriale mai prima vista.

Quelli che erano poveri alienati nel Seicento, nel Novecento si sono potuti presentare ai popoli europei addirittura come i “liberatori”, i portatori del “benessere”, i garanti di una “nuova frontiera” di riscatto materiale e morale. Lo sguardo alienato, quelle occhiaie da invasato febbricitante di visioni veterotestamentarie che ebbe ad esempio un Lincoln (un uomo con problemi di disagio mentale acclarato: riferiscono i biografi che fosse una specie di semidemente lombrosiano, che non mancò di suscitare perplessità nei suoi stessi contemporanei), ha potuto diventare una faccia da “liberatore”.

L’icona, il marchio stesso dell’America.
Al di sotto di Hollywood e di Mc Donald’s corre un fiume di tetra e morbosa volontà rieducatoria, quelle tirate quacchere sul destino di dominio del mondo in nome di Jeovah, quel maledire la diversità, quel sentirsi “eletti” alla salvezza…un’anima fobica e contorta, tutta avvolta dalla sindrome di rappresentare il bene e pertanto di poter infliggere agli altri il male. È la fiaba del lupo travestito da agnello. È quello sbaglio della storia che si chiama Stati Uniti.

Nel Novecento non sono stati più i pochi disadattati del Seicento a straparlare di Nuova Israele nella penombra di qualche taverna massonica del New England: stavolta era una potenza mondiale, era la modernità in persona, un’organizzazione formidabile, risoluta a volgere le elucubrazioni dei padri predicatori evangelisti in un lucido progetto di dominazione universale.

Con i mezzi dell’etnocidio metodico prima e dell’annientamento coscienziale propagandistico poi, col metodo mai smesso del ricatto e dell’intimidazione, è stato strappato all’Europa il diritto di essere se stessa, relegandola al rango di provincia cui imporre liberamente i propri voleri. L’Occidente ha minato alle fondamenta il diritto dell’Europa a rimanere fedele ai propri simboli, salda al suo posto, come andava facendo da un paio di millenni.

In questo quadro, cosa può ancora significare volgere lo sguardo a ciò che l’Europa è stata nei secoli?

Cosa può ancora dire ai popoli europei di oggi il richiamo alle loro tradizioni di ineguagliata cultura, ai loro primati di sapere e di volere, ai loro fondamenti di identità e di legame?
Ha ancora un senso parlare di civiltà europea, dato che possiamo solo riferirci a un passato che è stato rinnegato e irriso dai nuovi dominatori occidentali, col consenso prima estorto e poi spontaneo delle nostre élites culturali e delle masse? Esprimere la parola di verità nel dominio totale della confusione e dell’invertimento dei significati è operazione probabilmente inutile. Ma proprio per questo va ugualmente tentata.

La lotta novecentesca, a cui l’Europa non è sopravvissuta, è stata essenzialmente una lotta tra l’Ordine e il disordine.

Un mondo di forme e proporzioni è crollato dinanzi alla violenta intrusione di un mondo di difformità e asimmetrie. Tra i documenti più antichi della nostra civiltà, è stato da molto tempo notato in posizione di pietra d’angolo il concetto di Ordine.

Ben oltre l’Illuminismo o il Cristianesimo, che si vorrebbero a fondamento dell’Occidente-Europa (da parte di quanti non avvertono l’ingiuria di unificare i due opposti), e anche oltre il mondo classico, noi troviamo il mondo indoeuropeo: qui l’Europa, piuttosto che dell’Occidente, è sposa feconda dell’Oriente.

Indoeuropeismo significa soprattutto verifica che l’Origine è sorta insieme al senso dell’ordinamento, della percezione sensibile della misura e della conformazione al creato. In questi ambiti, il popolo vive la sostanza intima della natura, ne ripete nella socialità gli schemi di complementarietà dei ruoli, non va in cerca di soluzioni astratte, ma vive concretamente nella dimensione di una realtà visibile, cosmica come umana.

Non altrimenti, se non come rispecchiamenti dell’ordine naturale, possono essere giudicati i nostri più antichi documenti identitari, quali i Veda o le Upanishad, che vivono ancora oggi nei vocabolari e nelle lingue delle culture europee.

 

 

 Notava non a caso Adriano Romualdi che nell’inno vedico a Mithra e Varuna (un millennio e mezzo prima di Cristo) si impetravano le energie ordinatrici del cosmo, quali archetipi sul cui metro dare compimento alle edificazioni sociali umane. Tutto è dipeso e ha preso vita inizialmente da questa mattinale consapevolezza che all’uomo non è dato sottrarsi alla sua natura e alle leggi del mondo nel quale si trova “gettato”. Il paganesimo arcaico e quello classico non fecero che ratificare questo dato di fatto.

La sorgente della civiltà europea sgorgò dall’intuizione della presenza dell’Ordine, ovunque e in tutte le cose. C’è sempre una legge che stabilisce i nessi, che dà un limite, che indica un “fin qui e non oltre”. C’è sempre una necessità che regola i rapporti tra le cose, gli uomini e gli eventi. Se ne avessimo lo spazio, sarebbe facile ammassare le prove culturali occorrenti a dimostrare che il sorgere della nostra civiltà – sin nell’esatta rispondenza etimologica tra il rito religioso e politico e l’ordine cosmico – si radica nella legge delle gerarchie e delle aggregazioni tra simili, quali sono presenti in natura.
Basterà un piccolo esempio.

A un certo punto, nella Repubblica di Platone
si parla di due vie: quella che trascina verso il basso e quella che conduce verso l’alto. Platone racconta che la prima è quella battuta da Socrate, allorquando un giorno, per assistere a una festa, scende lungo la strada che porta da Atene, su in alto, al Pireo, giù in basso. Qui al porto, simbolo di mercanteggiamento, di confusione di genti e di caos, ciò che regna è il formicolare dei cittadini e dei forestieri, che in casuale e disordinata comunanza perdono ogni sigillo di nobiltà differenziante.

È il luogo per eccellenza della mescolanza e dell’infrazione, è lo spazio dell’eccezione,
in cui vigono il frammisto e l’incomposto, simboleggiati dai riti stranieri in cui tutti sono uguali.

 

 

Qui, l’Io identitario è a repentaglio, è il kateben, il discendere che esprime l’avventurarsi nell’alieno e nel difforme, paragonato all’Ade, alla perdizione coscienziale, addirittura alla morte. Dopo la festa, Socrate, sensibile al richiamo di ritornare al più presto nel seno della propria polis, si affretta a rientrare in città, a risalire lassù nella sua città, nello scrigno della sua comunità, lungo la via che riconduce in alto, al proprio, al simile e al composto, vincendo le insistenze di certi amici che vorrebbero trattenerlo.

 

 


È questo il racconto allegorico della discesa pericolosa nell’Altro-da-sé, è la simbologia platonica in cui si racconta l’appartenenza politica e filosofica alla polis come vicenda di pericoli da vincere e tentazioni da attraversare con salda tenuta.

 

 

 

 

Essa è parallela al mito di Er, il figlio di Panfilia (“l’amica di tutti”, l’indifferenziata), anch’esso metafora di caduta nella perdizione.

 

 

Eric Voegelin, nel commentare questi passi della Repubblica, nel suo libro Ordine e storia precisò in maniera oltremodo eloquente che si trattava di un tema irto di simboli. Al cui epicentro si trovava la celebrazione dell’Ordine, quale categoria politica e umana giudicata insostituibile. Il “panfilismo” del Pireo – ha scritto Voegelin –, il suo essere luogo egualitario e livellante, dove ognuno è uguale a tutti gli altri, lo rende simile all’Ade, alla morte: «è il “panfilismo” del Pireo che lo rende Ade. L’eguaglianza del porto è la morte di Atene».

 

 

La via che discende, là dove i limiti si frantumano e le differenze si annullano, comporta dunque il precipitare nella morte di Atene. Poiché Atene muore quando muore nel cuore dei suoi cittadini.
Lo stesso significato è presente nella figura del ricco Cefalo, un vecchio incontrato da Socrate, col cui personaggio Platone vuol significare la crisi epocale, la renitenza di una generazione indebolita dinanzi ai valori, la trascuratezza della legge.

 

 

E, anche in questo caso, il simbolo platonico torna a parlare con evidenza:

 

 

«Di colpo diviene manifesto – commentava Voegelin a proposito di questo episodio – che la vecchia generazione ha trascurato di costruire la sostanza dell’ordine nei giovani e un’amabile indifferenza, unita a una certa confusione, si trasforma in pochi anni negli orrori della catastrofe sociale».

 

 

 

 

 

 

Non è possibile seguire oltre questi temi, che sarebbe interessante sviluppare fino in fondo. Ma si sarà capito lo stesso, dai pochi cenni fatti, che è proprio l’Ordine – naturale, interiore, umano, sociale, politico – il nervo sensibile che fu avvertito dalla nostra cultura antica come quello decisivo per assicurare alla Città la sua fortuna, se mantenuto; la sua rovina, se tradito.

 

 

Ora, di fronte a questo ancestrale sentimento prima indoeuropeo, poi ellenico, romano, gotico (si pensi ad es. ai significati di ordinamento cosmico che avevano sia i collegia romani che le corporazioni medievali), si erge il colosso distruttivo del dis-ordine applicato a tutti campi (politico, familiare, sociale, mentale, economico), concepito e realizzato alla fine in America in simultanea con l’idea di mercato liberista.

 

 

Che è considerato come sinonimo di “libertà” perché aperto e senza limiti, in perenne espansione, disumano, annullando con ciò dalle fondamenta il concetto rigoroso di Ordine e di misura.

 

 

Che è innanzi tutto un principio regolatore, un demarcatore, e quindi un discriminatore che fissa leggi, che qui ingloba e là per forza esclude, disponendo frontiere e sbarramenti precisi, logici, ideali come materiali, senza i quali si entra nell’illimite e nel privo di senso, il regno del caos.

 

 

La finale perdita europea dell’onore che è legato all’applicazione dell’Ordine in ogni manifestazione della vita, dopo le iniziali aggressioni del Cristianesimo paolino, dell’Illuminismo e del marxismo, la dobbiamo all’egemonia del pensiero americano di derivazione puritano-utilitarista, incardinato sulla menzognera divulgazione di un’idea di “libertà” che coincide con l’annientamento della personalità individuale e sociale.

 

 

La disintegrazione di ciò che Spengler chiamava ancora “Occidente” data da quando l’America ha distrutto le fondamenta della Tradizione europea, sostituendo ad esse la patologia settaria del totalitarismo capitalista e millenarista. Da un pezzo l’Occidente non parla più con la voce solenne di Platone, ma con quella stridula dei miliardari anabattisti americani travestiti da capi politici.

 

 

Luca Leonello Rimbotti

 

 

 

 

Savitri Devi: Hellénisme et hindouisme, la grande aventure

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Savitri Devi:

Hellénisme et hindouisme, la grande aventure

par Jean Mabire

Le goût très moderne pour le scandale et l’étrange peut parfois transfigurer les aventures intellectuelles les plus captivantes en trompeuse pâture médiatique. C'est ainsi que le livre de Nicholas Goodrick-Clarke, Hitler’s priestess, récemment traduit en français sous l’étiquette La prêtresse d’Hitler, risque d'attirer les amateurs d’ésotérisme de pacotille en dissimulant l’itinéraire absolument passionnant de cette Grecque, née en France, qui devait découvrir aux Indes le point d'ancrage d’une singulière croyance politico-religieuse.

Personne ne connaissait cette femme, auteur d’une vingtaine de livres, où un authentique chef-d’œuvre, L’Etang aux lotus, témoignage d’une fort poétique conversion, voisinait avec un portrait fabuleux du pharaon Akhenaton, fils du soleil s’il en fut, et des pamphlets d’une rare violence publiés après la guerre en éditions semi-clandestines.

Celle qui se faisait appeler Savitri Devi et épousa le militant nationaliste hindou Asit Krishna Mukherji devait, sur la fin de sa vie, fréquenter les milieux les plus extrémistes d’Europe et d’Amérique où elle passa pour une sorte d’illuminée.

Les chemins intellectuellement et spirituellement les plus insolites comme les plus dangereux qu’elle fréquenta par passion tout autant que par devoir, ne peuvent faire oublier les longues années où elle rechercha, toujours sincère, une sorte de foi indo-européenne exaltée, dont elle fut, plus qu’une prêtresse, un véritable « gourou », à la fois oriental et « polaire ».

L’hérédité est là. Implacable. Celle qui se fera un jour appeler Savitri Devi est née le 30 septembre 1905, dans le Rhône, d’une mère originaire de Cornouaille britannique nommée Nash et d'un père moitié italien de Londres [Lombardy—ed.] et moitié grec de Lyon, qui portait le nom de Portas. L’enfant reçoit le prénom de Maximiani, forme féminine hellénique de Maximien. En remontant fort loin dans le temps, elle pouvait se dire « nordique », Jutlandaise du côté maternel et Lombarde du côté paternel.

Elle était aussi « Barbare », influencée par les poèmes de Charles Leconte de Lisle, le dieu littéraire de sa jeunesse.

Curieusement, sa germanophilie remonte à un premier séjour en Grèce, où elle rêvait des Doriens sur les ruines de l’Acropole d'Athènes. De retour en France, elle devait acquérir la nationalité hellénique en 1928 par une démarche au consulat grec de Lyon, sa ville natale. De solides études la conduisent à un double doctorat en 1935, avec un essai critique sur son lointain compatriote Théophile Kaïris, poète et patriote, éveilleur du nationalisme hellénique, et une thèse sur La simplicité mathématique.

C’est tout à la fois une littéraire, une scientifique et surtout une passionnée aux élans fort romantiques. De son enthousiasme pour la Grèce, elle tire un engouement pour l’aventure indo-européenne qui la conduira en Inde, où elle découvre l'immense richesse d’une culture païenne pré-chrétienne.

Elle se veut désormais citoyenne de l’Âryâvarta, nom traditionnel des territoires aryens de l’Asie du Sud où elle va rechercher « les dieux et les rites voisins de ceux de la Grèce antique, de la Rome antique et de la Germanie antique, que les gens de notre race ont possédés, avec le culte du Soleil, il y a six mille ans, et auxquels des millions d’êtres vivants de toutes les races restent attachés ».

Au printemps 1932, à 27 ans, elle accomplit ce que Lanza del Vasto nommera un jour « le pèlerinage aux sources ».

Elle n’est pas une touriste mais une croyante. Elle va rapidement apprendre les langues du pays, l’hindî et le bengali, et vivre dans l’âshram de Rabîndranâth Tagore à Shantiniketan, dans le Bengale. Elle part ensuite comme professeur dans un collège non loin de Delhi, où elle enseigne l’histoire.

Maximiani Portas prend alors le nom de Savitri Devi, en l’honneur de la divinité solaire féminine.

En 1940, elle fait paraître à Calcutta son premier livre, L’Etang aux lotus, où elle raconte dans un style très lyrique sa « conversion » à l’hindouisme, à la fin des années trente. Ce livre, publié en français, est à la fois récit de voyage et longue quête spirituelle d’une jeune femme qui va désormais vivre illuminée par une foi qui ne la quittera plus jamais :

« Si j’avais à me choisir une devise, je prendrais celle-ci : Pure, dure, sûre, en d’autres termes :  inaltérable. J’exprimerais par là l’idéal des Forts, de ceux que rien n’abat, que rien ne corrompt, que rien ne fait changer ; de ceux sur qui on peut compter, parce que leur vie est ordre et fidélité, à l’unisson avec l’éternel. »

Dès la fin de 1936, elle s’est fixée à Calcutta, où elle enseigne à ses nouveaux « compatriotes » l’hindouisme, « gardien de l’héritage aryen et védique depuis des siècles, essence même de l’Inde ».

Tout naturellement, sa vision religieuse est aussi une vision politique et elle s’implique totalement dans le nationalisme hindou et notamment dans le mouvement de D.V. Savarkar. L’Inde n'est pas seulement une patrie, une future nation, c’est aussi une véritable Terre Sainte, celle des Védas, des dieux et des héros.

Elle écrit, cette fois en anglais : A Warning to the Hindus, où elle critique les influences chrétiennes et musulmanes, dans une optique à la fois païenne et anticolonialiste. Elle épouse alors Asit Krishna Mukherji, un éditeur hindou, assez anti-britannique pour s’affirmer pro-germanique.

Du combat culturel et religieux, elle passe, sous son influence, à la lutte clandestine dans le sillage du chef nationaliste Subhas Chandra Bose, qui rêve d’une armée capable de libérer les Indes, avec l’aide des Allemands et des Japonais.

Savitri Devi, devenue militante, n’en poursuit pas moins sa grande quête spirituelle. Elle se passionne alors pour le pharaon égyptien Akhenaton, époux de la reine Néfertiti et fondateur d’une religion solaire vieille de 3.300 ans.

Son penchant pour ce souverain, qu’elle nomme « fils de Dieu », se double d’un véritable culte de la Nature qui la conduit à prendre la défense des animaux dans son livre Impeachment of Man, critique radicale de l’anthropocentrisme.

Le livre paraît en 1945. Elle vient d’avoir 40 ans et décide de partir en Europe, où elle veut voir ce que devient l'Allemagne de la défaite. Elle séjourne d’abord à Londres et à Lyon. Puis elle se rend dans les ruines du IIIe Reich. Elle affirme vivre alors dans le « Kali-Yuga », l’Age de Fer, d’où repartira un nouveau cycle : Ages d’Or, d’Argent et de Bronze.

Elle défend la théorie des trois types d’Hommes : les Hommes dans le Temps, les Hommes au-dessus du Temps et les Hommes contre le Temps. Elle s’exalte de plus en plus et considère désormais Hitler comme un « avatar », une réincarnation des héros indiens de la Bhagavad Gîtâ !

Ses propos et ses brochures lui vaudront d’être emprisonnée à Werl par les autorités de la zone d’occupation britannique qui l’accusent de néo-nazisme.

Libérée en 1949, elle va désormais se partager entre l’Inde, l’Europe et l’Amérique, écrivant des pamphlets politico-religieux d’une rare violence : Défiance (1950), Gold in the Furnace (1953), Pilgrimage (1958), The Lightning and the Sun (1958).

Tandis que ses livres paraissent à Calcutta, elle parcourt le monde au hasard de ses obsessions et de ses amitiés, rencontrant, sans discernement, quelques rescapés de l’aventure hitlérienne et bon nombre de néo-nazis, souvent parmi les plus folkloriques.

Elle vit chichement de son métier d’institutrice et fera plusieurs séjours dans des asiles de vieillards indigents, alors qu’elle est devenue presque aveugle. Elle meurt chez une amie, dans un petit village anglais de l’Essex, le 22 octobre 1982, à l’âge de 77 ans.

Si le livre, assez hostile, que lui a consacré Nicholas Goodrick-Clarke la qualifie de « prêtresse d’Hitler », il aurait peut-être été plus juste de la présenter comme « prophétesse du New Age et de l’écologie profonde »


Publié dans la série de Jean Mabire, « Que lire ? », volume 7, 2003.

jeudi, 20 novembre 2008

Fort Europa? Voorlopig een wensdroom

Fort Europa ? Voorlopig een wensdroom

De financiële crisis, en daarmee gepaard het vooruitzicht op een economische recessie, duwde het Europees Pakte inzake Immigratie en Asiel van de Franse president Nicolas Sarkozy naar aanleiding van de EU-top in Brussel nogal zwaar in de verdrukking. Dat hierover dus maar weinig persberichten werden gepubliceerd, zou de vele nationale regeringen nog wel eens goed kunnen uitkomen.

Want ondanks het geroep aan de zijlijn van nogal wat multicul-lobbys vertrekt dit pakt niet van de doelstelling om de illegale immigratie eindelijk een halt toe te roepen. In de tekst vindt men verwijzingen naar de immigratie die “kansen biedt” en “beslissend zal zijn voor de economische groei van de lidstaten van de EU, die op basis van hun demografische situatie immigranten nodig zullen hebben”. Het volledige asielbeleid van de Europese Unie zou ten laatste tegen 2012 in een eenheidspakket moeten worden gegoten. En als men vaststelt dat het vluchtelingennetwerk UNHCR als partner wordt genoemd, dan lijkt dat niet onmiddellijk te wijzen op een verscherping van het beleid ter zake.

Wat eveneens de wenkbrauwen doet fronsen, is het plan om voortaan “de lasten te delen”, zodat wij allemaal, alle lidstaten van de EU dus, zullen meebetalen voor de kosten van de bootvluchtelingen in het zuiden van Europa, en zodat de betrokken staten wellicht minder de neiging zullen voelen om de vluchtelingen uit te wijzen. Massale regularisaties zoals onlangs nog in Spanje – en binnenkort misschien opnieuw in België? – zouden door de EU wel worden afgewezen, al betekent dat nog niet dat men inderdaad ook effectief een vlottere uitwijzing van uitgeprocedeerde en dus illegale asielzoekers zal invoeren. Zo heeft de EU-grensagentuur Frontex onlangs haar failliet min of meer zelf al toegegeven. Ze heeft alleen aangedrongen op nog meer budgetten om haar werking te “verbeteren” maar of er meer te verwachten valt dan alleen maar nog méér bureaucratie is niet direct heel duidelijk. Het falen van Frontex heeft natuurlijk alles te maken met de eigen regels die de verschillende lidstaten hanteren en met het ontbreken van de politieke wil om er echt iets aan te doen.

Helemaal open blijft de kwestie van de juiste omschrijving van “de noodzakelijke gewenste legale arbeidsmigratie”. Zo werd in Mali een centrum voor informatie en sturing van migratie opgericht met als bedoeling ter plaatse potentiële migranten te waarschuwen voor de illegale migratie, terugkerende migranten te begeleiden en de mogelijkheden voor legale arbeidsmigratie voor hoog gekwalificeerde migranten bekend te maken. Het zou wel eens kunnen dat alleen het laatste deel de hoofdopdracht worden van dit bureau, toch zeker als men de plannen van sommigen kent om tot 2050 tot 56 miljoen migranten vooral uit Afrika naar Europa te halen om het demografisch inkrimpen van ons continent op te vangen, zoals in een bericht van Eurostat bijvoorbeeld te lezen is.

Dat deze Brain Drain Afrika zelf voor enorme problemen stelt, en daar eerder als een vorm van neokoloniale politiek wordt beschouwd, is nog niet tot onze verlichte liberale denkers doorgedrongen. Hoe moet Afrika dan zelf tot economische ontwikkeling komen, als de hoogst opgeleide Afrikanen naar Europa trekken? De Britse regering wees in elk geval de Europese eis naar meer legale immigratie vanuit Afrika reeds van de hand, omdat deze Europese regeling volgens haar alleen betrekking heeft op de Schengen-landen, waar Groot-Brittannië niet toe behoort. Groot-Brittannië wil de volledige controle over de buitengrenzen in handen houden en zelf over asiel en immigratie beslissen. Labour heeft blijkbaar het plan opgevat om gelet op de tegenvallende economische conjunctuur vooral in te zetten op eigen arbeidsinzet en de immigratie zo moeilijk mogelijk te maken.

(Peter Logghe)

De VS elite wil een ander kleurtje !

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De VS elite wil een ander kleurtje!

De laatste maanden hebben we een stroom van positivisme over de komende presidentsverkiezingen in de VS over ons hoofd gekregen. Die positieve toon was vooral gebaseerd op een raciaal element, namelijk de etnische achtergrond van de kandidaat van de Democraten, want hij is - zoals iedereen in de wereld inmiddels weet - van 'zwarte' afkomst. Onze liberale media kunnen hun voorkeur voor deze 'zwarte' mijnheer Obama gewoonweg niet verbergen.

De media - en bij uitbreiding de gehele Belgische multikulhysterie - schuimbekken van onderdrukt genot als ze de blanke, maar oude Mc Cain zien afgaan als een gieter, want die jonge zwarte Obama is zo sexy en glad als een rivierpaling en dat vindt onze elite reuzefijn. Onze elite - of wat daarvoor moet doorgaan - zit hier op dezelfde lijn als een groot stuk van de Amerikaanse. Obama is de vertolking van de Amerikaanse droom, zegt men. Maar die Amerikaanse droom is een droom die betaald en verzorgd door het buitenland - zelfs de arme Chinese arbeider draagt bij tot de consumptieve levensstijl waar die Amerikaanse droom op gebaseerd is - en dat via het opkopen door zijn regering van Amerikaans schuldenpapier of staatsbonnen. Amerika is bankroet en de droom is voor miljoenen verworden tot een ware nachtmerrie: meer dan twee miljoen mensen zijn recent hun woning kwijtgeraakt en kunnen nu de andere miljoenen gaan vervoegen die op straat of in woonwagenparken leven. Het Amerikaanse militaire complex slaagt er zelf niet in om een plat gebombardeerd en uitgehongerde natie als Irak onder controle te krijgen (gelukkig maar). In Afghanistan moet Europa als huurling voor Amerikaanse belangen tussenkomen of anders waren de Amerikanen inmiddels wel buitengeschopt, net zoals de Russen dat vroeger mochten ervaren. Een mooie droom, die Amerikaanse.

Het Amerikaanse volk is de economische situatie en de oorlogen die gevoerd worden door zijn elites meer dan beu. Maar nog ingrijpender is het feit dat het volk niet meer hetzelfde volk is als pakweg 50 jaar geleden. De zwarten maken nu bijna 13% van de bevolking uit, maar het zijn vooral de miljoenen andere niet-blanke mensen die de blanke bevolking in de verdrukking brengen en dit als gevolg van massa-mmigratie en de demografische gevolgen van die immigratie. 20 miljoen illegale (wat toch al 7% van de bevolking betekent) bezetten het land en dus de arbeidsplaatsen. Deze illegalen worden door hun rasgenoten die legaal leven in de VS ondersteund en zetten zo de elite (zwart en blank) onder druk. En in deze omstandigheden schuift een deel van de VS-elite een van haar pionnen naar voren: de zwarte Obama! Hij moet de illusie van de Amerikaanse droom en de multi-etnische samenleving in stand houden door zich als president op te werpen van alle Amerikanen. De zwarte huid van de presidentskandidaat is echter niet de uitdrukking van een meer multiculturele samenleving, het is alleen maar de uitdrukking van een verschuiving binnen de machtkaste. In de lagere bestuursorganen binnen de Amerikaanse samenleving is er al lang een verschuiving van de machtposten bezig, Obama is gewoon de bevestiging van dat gebeuren.

De arme blanke die nu al jaren gediscrimineerd wordt door de wet op positieve discriminatie (wie vindt die woorden toch uit?) zal van Obama niet beter worden. In de zwarte wijken en gemeenschappen zullen de armen niet beter worden, omdat de  huid van hun mogelijke verkozen president zwart is. En de Latino's zullen nog altijd gebruikt worden om lage lonen in stand te houden. De gezondheidszorg zal geen klap beter worden (dat gebeurde ook niet onder Kennedy en Clinton). Het enige wat zal veranderen met een zwarte president is gelegen in het feit dat die mengelmoes van volkeren niet meer zal kunnen zeuren over raciale achterstelling van hun gemeenschappen tegenover de VS-kapitalisten. Want "een zwarte kan toch niet raciaal bevooroordeeld zijn tegenover de eigen groep?" zullen die beweren. En zo zal die zwarte Amerikaanse droom gewoon op een zwarte nachtmerrie uitdraaien. We moeten ervoor zorgen dat onze elites niet hetzelfde grapje met ons uithalen door hier ook steeds meer politieke invloed gaan delegeren naar immigranten toe.

Het gevaar is zeer groot dat zoiets gebeurt, want met de komende recessie zullen er concessies worden gedaan naar die vreemdelingen toe, zodat die zo hun gemeenschap beter onder controle kunnen krijgen en kunnen sussen als de armoede herverdeeld zal worden onder de eigen bevolking en de ingewekenen. Het N-SA is zich van dit gevaar terdege bewust en wij roepen dan ook die migrantenleiders die hun eigenheid en cultuur willen behouden op om zich niet te laten omkopen door de Belgische elite, maar integendeel over te gaan tot vrijwillige zelforganisatie tot er een menselijke oplossing voor immigratie is uitgewerkt die uiteindelijk leidt tot remigratie. Niet de deelname aan een corrupt Belgisch systeem zal op lange termijn de culturele eigenheid ondersteunen en stimuleren, alleen nationaal-revolutionairen zullen dat project kunnen verwezenlijken.

Eddy Hermy
Hoofdcoördinator N-SA

Croatie, OTAN et américanisation

Tomislav Sunic a enseigné les sciences politiques aux Etats-Unis. Il est l'auteur de Homo americanus: Child of the Postmodern Age.  Il travaille  actuellement sur son nouvel ouvrage : La Croatie : Un pays par défaut.

Il livre dans ce texte que nous reprenons, une analyse très intéressante.


Ex: http://antiotan.over-blog.com

La Croatie est un vrai laboratoire pour étudier le phénomène de l'identité mimétique pris au sens large. Ce petit État se prête idéalement à une bonne étude d'un pays «malgré soi» et de la façon dont l'américanisme  joue un rôle déterminant dans la formation de sa conscience nationale.  Dans une large mesure, la  symbolique identitaire et la mauvaise appréhension de l'Autre furent à l'origine du conflit serbo-croate. A l'époque, les nationalistes croates ne pouvaient se définir sans afficher leurs sentiments antiserbes; aujourd'hui, en raison de nouvelles données géopolitiques, on se demande s'ils peuvent fonctionner sans pour autant singer l'américanisme.


Toute société multiculturelle, comme l'ex-Yougoslavie l'a bien montré, est profondément fragile et risque d'éclater à tout instant. Le climat du faux semblant multiethnique était la marque déposée de la Yougoslavie titiste qui avait réussi à duper un grand nombre d'observateurs occidentaux. Or l'Amérique s'est toujours fichée éperdument du sentiment identitaire, des Serbes comme des Croates. D'ailleurs, elle a inlassablement répété tout au long de l'année 1991 qu'elle ne donnerait pas son aval à l'indépendance croate et ainsi fut donné le feu vert à l'agression de l'armée yougoslave contre la Croatie. En 2008, en revanche, cette même Amérique n'a pas hésité à miser sur les sentiments antiserbes des Croates pour crédibiliser le processus de création de l'état-avorton du Kosovo.
 
Cependant, avec la rapide américanisation de la Croatie par le biais de l'OTAN et de l'Union  Européenne,  l'identité nationale croate est plus ou moins vouée à disparaître. Il s'agit d'une érosion « soft » mais elle est gravissime.  Le meilleur vecteur de ce phénomène est l'Amérique elle-même, car ce pays fonctionne de moins en moins comme un État tandis que son idéologie multiculturelle  « à la yougoslave »  devient un bon substitut pour les anciennes identités nationales. En ce début du XXIe siècle, le processus d'américanisation fait des nouveaux États des Balkans  une grotesque décalcomanie de la lointaine Amérique.

En dépit du caractère bouffon de leur imitation de tout ce qui est américain, imitation dont ils sont très fiers, les Croates et leur classe politique ne s'en croient pas moins les meilleurs héritiers de l'américanisme. Les anciens fonctionnaires communistes croates sont, en effet, convaincus d'en être les plus dignes émules. «Voilà pourquoi les anciens apparatchiks communistes, » remarque Claude Karnouh,  « tant ceux des institutions politico-policières que de l'économie planifiée, se sont si facilement adaptés à l'économie de marché et se sont complus à brader sans vergogne le bien commun par des privatisations massives qui représentent, à coup sûr, le plus grand holdup du siècle sur la propriété collective ».
 
La perception fantasmée de  l'Amérique ne fait que renforcer l'expansionnisme américain. On a beau critiquer les USA pour leur prétendu hégémonisme dans les Balkans, force est de constater que c'est souvent la singerie à laquelle se livrent volontairement les peuples croate, bosniaque, slovène et albanais qui sert de tremplin aux appétits américains.  La servilité des élites  croates envers les élites américaines est en quelque sorte la conséquence logique de leur ancienne soumission à l'égard de leurs précédents maitres, vénitien,  hongrois ou autrichien. Il n'y a pas si longtemps, c'étaient Belgrade et les Serbes qui rendaient les Croates «plus yougoslaves» que les Serbes eux-mêmes ; aujourd'hui, ce sont diverses institutions américaines qui mènent la danse en coulisse.  Autrefois, il était de rigueur pour les communistes croates de faire le pèlerinage de Belgrade ; aujourd'hui ce sont  Washington et, le cas échéant, Tel Aviv qui servent de  lieux saints à leur nouvelle identité.

On s'aperçoit vite que l'identité de l'homo americanus ne diffère pas beaucoup de celle de son homologue ex-communiste, l'homo jugoslavensis. Après une première extase suscitée par la liberté et l'indépendance, les Croates sont en train de perdre toutes traces d'une souveraineté que même l'ex-Yougoslavie  avait su tant bien que mal préserver. Pour l'homme de la rue, l'américanisation est  toujours perçue comme une promesse de richesse. Si l'Amérique ne les avait pas séduits par son apparente opulence, la plupart des Croates seraient encore bien heureux de vivre dans la Yougoslavie communiste.  Par son effet négatif, le référent «communiste» a longtemps servi de puissant support au rêve américain.
 
Au fond, dans la Croatie d'aujourd'hui, les élites politiques et médiatiques se composent essentiellement d'apparatchiks communistes qui se sont convertis après la Guerre Froide en idéologues du libéralisme et de l'américanisme, et dont la démocratie importée d'Amérique se réduit souvent à l'incantation de termes comme «droits de l'homme» ou «marché libre. Cela semble aujourd'hui bien arranger les institutions supra-étatiques comme l'OTAN ou l'EU car celles-ci ne semblent intéressées que par un seul but, à savoir permettre aux entreprises d'Europe Occidentale et d'Amérique de s'approprier les principales richesses industrielles et naturelles du pays. En conséquence,  les élites américaines ne s'étonnent pas du tout de voir les nouvelles élites croates conceptualiser le rêve américain et occidental d'une façon très éloignée de la réalité. En effet, des pays balkaniques aux pays baltes, la majorité des politiciens est-européens se compose de fils et de filles de communistes qui, pour des raisons géopolitiques et technoscientifiques, se sont recyclés et convertis en farouches Américanophiles. Rétrospectivement, on peut se demander dans quelle mesure les ex-post-communistes croates croyaient vraiment en leurs anciennes divinités communistes. Reste à découvrir maintenant s'ils resteront longtemps fidèles à leur nouveau credo du marché libre façonné par l'Amérique.

Le Croate moyen est souvent en proie à des accès d'identité négative comme en témoigne l'histoire de ses relations avec ses voisins, Serbes, Hongrois, Italiens ou autres. La dernière influence en date est celle des Américains. En raison de leur manque d'identité étatique, les dirigeants croates, à l'instar des autres fonctionnaires est-européens, ont appris, il y a bien longtemps, à survivre grâce a l'usage immodéré de la langue de bois. Aujourd'hui,  ils vont bruyamment applaudir les Américains et le jour suivant, ils se mueront aussi facilement en antiaméricains primaires.  La loyauté civique, l'esprit d'initiative, l'engagement professionnel et l'indépendance économique sont presque inexistants. Dans la Croatie postcommuniste, l'idée s'est répandue que pour réussir dans le libéralisme moderne tel qu'il est prêché par l'Amérique, il faut être un escroc. Pour tous les Croates rompus à la pathogenèse communiste, la "frime" politique est un mode de vie.
 

L'impact de l'américanisme en  Croatie se révèle d'ores et déjà plus nocif que le legs du yougo-communisme. Force est de constater qu'au moment où la répression communiste battait son plein en Croatie communiste, les universitaires américains enseignaient la scolastique freudo-marxiste, tout en prenant le multiculturalisme yougo-titiste comme modèle social. Plus tard, quand la Yougoslavie est morte, ces mêmes professeurs américains ont  jugé nécessaire de remplacer leur discours marxiste par un discours libéral. Mais ils n'ont pas abandonné pour autant leurs anciens objectifs de promiscuité mondialiste. De leur côté, au lendemain de la Guerre Froide, les dirigeants croates avaient  cru qu'à l'aide de slogans pro-américains, ils ouvriraient la route à l'occidentalisme et se dédouaneraient ainsi de leurs péchés communistes. Ce fut surtout évident en 2000, lors de l'arrivée au pouvoir d'une équipe profondément inféodée aux intérêts américains. Dès lors, la servilité vis-à-vis de l'américanisme ne connut plus de bornes. Tout le monde s'est gargarisé en Croatie de mots tels que «croissance économique», «privatisation», «globalisation», et «intégration euro-atlantique», sans savoir au juste ce que signifiaient ces expressions. Or, cette phase d'américanolâtrie arrive lentement à expiration, laissant de nombreuses interrogations quant à l'avenir des Balkans. On ne peut pas totalement éliminer l'hypothèse de voir les Croates, guéris de l'expérience libérale « made in USA », se retourner soudain, et par défi, vers des leaders plus musclés. L'Amérique, telle qu'elle a fonctionné dans l'imaginaire croate, est loin de se concrétiser. Il reste donc aux Serbes et aux Croates à définir quel est vraiment leur ennemi principal...

Tomislav Sunic
 

Paganisme et philosophie de la Vie chez Knut Hamsun et D. H. Lawrence

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Paganisme et philosophie de la vie chez Knut Hamsun et David Herbert Lawrence

 

Robert STEUCKERS

Conférence prononcée lors de la quatrième université d'été de la F.A.C.E., Lombardie, juillet 1996

 

Analyse: Akos DOMA, Die andere Moderne. Knut Hamsun, D.H. Lawrence und die lebensphilosophische Strömung des literarischen Modernismus, Bouvier, Bonn, 1995,

284 p., DM 82, ISBN 3-416-02585-7.

 

Le philologue hongrois Akos Doma, formé en Allemagne et aux Etats-Unis, vient de sortir un ouvrage d'exégèse littéraire, mettant en parallèle les œuvres de Hamsun et de Lawrence. Leur point commun est une “critique de la civilisation”, concept qu'il convient de remettre dans son contexte. En effet, la civilisation est un processus positif aux yeux des “progressistes” qui voient l'histoire comme une vectorialité, pour les tenants de la philosophie de l'Aufklärung et les adeptes inconditionnels d'une certaine modernité visant la simplification, la géométrisation et la cérébralisation. Mais la civilisation apparaît comme un pro­cessus négatif pour tous ceux qui entendent préserver la fécondité incommensurable des matrices culturelles, pour tous ceux qui constatent, sans s'en scandaliser, que le temps est plurimorphe, c'est-à-dire que le temps de telle culture n'est pas celui de telle autre (alors que les tenants de l'Aufklärung affirment un temps monomorphe, à appliquer à tous les peuples et toutes les cultures de la Terre). A chaque peuple donc son propre temps. Si la modernité refuse de voir cette pluralité de formes de temps, elle est illusion.

 

Dans une certaine mesure, explique Akos Doma, Hamsun et Lawrence sont héritiers de Rousseau. Mais de quel Rousseau? Celui qui est stigmatisé par la tradition maurrassienne (Maurras, Lasserre, Muret) ou celui qui critique radicalement l'Aufklärung sans se faire pour autant le défenseur de l'Ancien Régime? Pour ce Rousseau critique de l'Aufklärung, cette idéologie moderne est précisément l'inverse réel du slogan idéal  qu'elle entend généraliser par son activisme politique: elle est inégalitaire et hostile à la liberté, même si elle revendique l'égalité et la liberté. Avant la modernité du XVIIIième siècle, pour Rousseau et ses adeptes du pré-romantisme, il y avait une “bonne communauté”, la convivialité règnait parmi les hommes, les gens étaient “bons”, parce que la nature était “bonne”. Plus tard, chez les romantiques, qui, sur le plan politique, sont des conservateurs, cette notion de “bonté” est bien présente, alors qu'aujourd'hui on ne l'attribue qu'aux seuls activistes ou penseurs révolutionnaires. L'idée de “bonté” a donc été présente à “droite” comme à “gauche” de l'échiquier politique.

 

Mais pour le poète romantique anglais Wordsworth, la nature est “le théâtre de toute véritable expérience”, car l'homme y est confronté réellement et immédiatement avec les éléments, ce qui nous conduit implicitement au-delà du bien et du mal. Wordsworth est certes “perfectibiliste”, l'homme de sa vision poétique atteindra plus tard une excellence, une perfection, mais cet homme, contrairement à ce que pensaient et imposaient les tenants de l'idéologie des Lumières, ne se perfectionnera pas seulement en développant les facultés de son intellect. La perfection de l'homme passe surtout par l'épreuve de l'élémentaire naturel. Pour Novalis, la nature est “l'espace de l'expérience mystique, qui nous permet de voir au-delà des contingences de la vie urbaine et artificielle”. Pour Eichendorff, la nature, c'est la liberté et, en ce sens, elle est une transcendance, car elle nous permet d'échapper à l'étroitesse des conventions, des institutions.

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Avec Wordsworth, Novalis et Eichendorff, les thématiques de l'immédiateté, de l'expérience vitale, du refus des contingences nées de l'artifice des conventions, sont en place. A partir des romantiques se déploie en Europe, surtout en Europe du Nord, une hostilité bien pensée à toutes les formes modernes de la vie sociale et de l'économie. Un Carlyle, par exemple, chantera l'héroïsme et dénigrera la “cash flow society”. C'est là une première critique du règne de l'argent. John Ruskin, en lançant des projets d'architecture plus organiques, assortis de plans de cités-jardins, vise à embellir les villes et à réparer les dégâts so­ciaux et urbanistiques d'un rationalisme qui a lamentablement débouché sur le manchestérisme. Tolstoï propage un natura­lisme optimiste que ne partagera pas Dostoïevski, brillant analyste et metteur en scène des pires noirceurs de l'âme humaine. Gauguin transplantera son idéal de la bonté de l'homme dans les îles de la Polynésie, à Tahiti, au milieu des fleurs et des va­hinés.

 

Hamsun et Lawrence, contrairement à Tolstoï ou à Gauguin, développeront une vision de la nature sans téléologie, sans “bonne fin”, sans espace paradisiaque marginal: ils ont assimilé la double leçon de pessimisme de Dostoïevski et de Nietzsche. La nature, pour eux, ce n'est plus un espace idyllique pour excursions, comme chez les poètes anglais du Lake District. Elle n'est pas non plus un espace nécessairement aventureux ou violent, ou posé a priori comme tel. La nature, chez Hamsun et Lawrence, est avant tout l'intériorité de l'homme, elle est ses ressorts intérieurs, ses dispositions, son mental (tripes et cerveau inextricablement liés et confondus). Donc, a priori, chez Hamsun et Lawrence, cette nature de l'homme n'est ni intellectualité ni pure démonie. C'est bien plutôt le réel, le réel en tant que Terre, en tant que Gaïa, le réel comme source de vie.

 

Face à cette source, l'aliénation moderne nous laisse deux attitudes humaines opposées: 1) avoir un terroir, source de vitalité; 2) sombrer dans l'aliénation, source de maladies et de sclérose. C'est entre les deux termes de cette polarité que vont s'inscrire les deux grandes œuvres de Hamsun et de Lawrence: L'éveil de la glèbe pour le Norvégien, L'arc-en-ciel  pour l'Anglais.

 

Dans L'éveil de la glèbe de Hamsun, l'espace naturel est l'espace du travail existentiel où l'Homme œuvre en toute indépen­dance, pour se nourrir, se perpétuer. La nature n'est pas idyllique, comme celle de certains pastoralistes utopistes, le travail n'est pas aboli. Il est une condition incontournable, un destin, un élément constitutif de l'humanité, dont la perte signifierait dés-humanisation. Le héros principal, le paysan Isak est laid de visage et de corps, il est grossier, simple, rustre, mais inébran­lable, il est tout l'homme, avec sa finitude mais aussi sa détermination. L'espace naturel, la Wildnis, est cet espace qui tôt ou tard recevra la griffe de l'homme; il n'est pas l'espace où règne le temps de l'Homme ou plus exactement celui des horloges, mais celui du rythme des saisons, avec ses retours périodiques. Dans cet espace-là, dans ce temps-là, on ne se pose pas de questions, on agit pour survivre, pour participer à un rythme qui nous dépasse. Ce destin est dur. Parfois très dur. Mais il nous donne l'indépendance, l'autonomie, il permet un rapport direct avec notre travail. D'où il donne sens. Donc il y a du sens. Dans L'arc-en-ciel (The Rainbow)  de Lawrence, une famille vit sur un sol en toute indépendance des fruits de ses seules récoltes.

 

Hamsun et Lawrence, dans ces deux romans, nous lèguent la vision d'un homme imbriqué dans un terroir (ein beheimateter Mensch), d'un homme à l'ancrage territorial limité. Le beheimateter Mensch se passe de savoir livresque, n'a nul besoin des prêches des médias, son savoir pratique lui suffit; grâce à lui, il donne du sens à ses actes, tout en autorisant la fantaisie et le sentiment. Ce savoir immédiat lui procure l'unité d'avec les autres êtres participant au vivant.

 

Dans une telle optique, l'aliénation, thème majeur du XIXième siècle, prend une autre dimension. Généralement, on aborde la problématique de l'aliénation au départ de trois corpus doctrinaux:

1. Le corpus marxiste et historiciste: l'aliénation est alors localisée dans la seule sphère sociale, alors que pour Hamsun ou Lawrence, elle se situe dans la nature intérieure de l'homme, indépendemment de sa position sociale ou de sa richesse maté­rielle.

2. L'aliénation est abordée au départ de la théologie ou de l'anthropologie.

3. L'aliénation est perçue comme une anomie sociale.

Chez Hegel, puis chez Marx, l'aliénation des peuples ou des masses est une étape nécessaire dans le processus d'adéquation graduelle entre la réalité et l'absolu. Chez Hamsun et Lawrence, l'aliénation est plus fondamentale; ses causes ne résident pas dans les structures socio-économiques ou politiques, mais dans l'éloignement par rapport aux ra­cines de la nature (qui n'est pas pour autant une “bonne” nature). On ne biffera pas l'aliénation en instaurant un nouvel ordre socio-économique. Chez Hamsun et Lawrence, constate Doma, c'est le problème de la coupure, de la césure, qui est es­sentiel. La vie sociale est devenue uniforme, on tend vers l'uniformité, l'automatisation, la fonctionalisation à outrance, alors que nature et travail dans le cycle de la vie ne sont pas uniformes et mobilisent constamment les énergies vitales. Il y a im­médiateté, alors que tout dans la vie urbaine, industrielle et moderne est médiatisé, filtré. Hamsun et Lawrence s'insurgent contre ce filtre.

 

Dans la “nature”, surtout selon Hamsun et, dans une moindre mesure selon Lawrence, les forces de l'intériorité comptent. Avec l'avènement de la modernité, les hommes sont déterminés par des facteurs extérieurs à eux, tels les conventions, l'agitation politicienne, l'opinion publique qui leur donnent l'illusion de la liberté, alors qu'elles sont en fait l'espace de toutes les manipulations. Dans un tel contexte, les communautés se disloquent: chaque individu se contente de sa sphère d'activité auto­nome en concurrence avec les autres. Nous débouchons alors sur l'anomie, l'isolation, l'hostilité de tous contre tous.

 

Les symptômes de cette anomie sont les engouements pour les choses superficielles, pour les vêtements raffinés (Hamsun), signes d'une fascination détestable pour ce qui est extérieur, pour une forme de dépendance, elle-même signe d'un vide in­térieur. L'homme est déchiré par les effets des sollicitations extérieures. Ce sont là autant d'indices de la perte de vitalité chez l'homme aliéné.

 

Dans le déchirement et la vie urbaine, l'homme ne trouve pas de stabilité, car la vie en ville, dans les métropoles, est rétive à toute forme de stabilité. Cet homme ainsi aliéné ne peut plus non plus retourner à sa communauté, à sa famille d'origine. Pour Lawrence, dont les phrases sont plus légères mais plus percutantes: “He was the eternal audience, the chorus, the spectator at the drama; in his own life he would have no drama” (Il était l'audience éternelle, le chorus, le spectateur du drame; mais dans sa propre vie, il n'y avait pas de drame). “He scarcely existed except through other people” (Il existait à peine, sauf au travers d'autres gens). “He had come to a stability of nullification” (Il en était arrivé à une stabilité qui le nullifiait).

 

Chez Hamsun et Lawrence, l'Ent-wurzelung et l'Unbehaustheit, le déracinement et l'absence de foyer, de maison, cette façon d'être sans feu ni lieu, est la grande tragédie de l'humanité à la fin du XIXième et au début du XXième. Pour Hamsun, le lieu est vital pour l'homme. L'homme doit avoir son lieu. Le lieu de son existence. On ne peut le retrancher de son lieu sans le mutiler en profondeur. La mutilation est surtout psychique, c'est l'hystérie, la névrose, le déséquilibre. Hamsun est fin psychologue. Il nous dit: la conscience de soi est d'emblée un symptôme d'aliénation. Déjà Schiller, dans son essai Über naive und sentimen­talische Dichtung (= De la poésie naïve et sentimentale), notait que la concordance entre le sentir et le penser était tangible, réelle et intérieure chez l'homme naturel mais qu'elle n'est plus qu'idéale et extérieure chez l'homme cultivé («La concor­dance entre ses sensations et sa pensée existait à l'origine, mais n'existe plus aujourd'hui qu'au seul niveau de l'idéal. Cette concordance n'est plus en l'homme, mais plane quelque part à l'extérieur de lui; elle n'est plus qu'une idée, qui doit encore être réalisée, ce n'est plus un fait de sa vie»).

 

Schiller espère une Überwindung (= un dépassement) de cette césure, par une mobilisation totale de l'individu afin de combler cette césure. Le romantisme, à sa suite, visera, la réconciliation de l'Etre (Sein) et de la conscience (Bewußtsein),  combattra la réduction de la conscience au seul entendement rationnel. Le romantisme valorisera et même survalorisera l'“autre” par rapport à la raison (das Andere der Vernunft): perception sensuelle, instinct, intuition, expérience mystique, enfance, rêve, vie pastorale. Wordsworth, romantique anglais, exposant “rose” de cette volonté de réconciliation entre l'Etre et la conscience, plaidera pour l'avènement d'“un cœur qui regarde et reçoit” (A Heart that watches and receives). Dostoïevski abandonnera cette vision “rose”, développera en réaction une vision très “noire”, où l'intellect est toujours source du mal qui conduit le “possédé” à tuer ou à se suicider. Sur le plan philosophique, dans le même filon, tant Klages que Lessing reprendront à leur compte cette vision “noire” de l'intellect, tout en affinant considérablement le romantisme naturaliste: pour Klages, l'esprit est l'ennemi de l'âme; pour Lessing, l'esprit est la contre-partie de la vie, née de la nécessité («Geist ist das notgeborene Gegenspiel des Lebens»).

 

Lawrence, fidèle en un certain sens à la tradition romantique anglaise de Wordsworth, croit à une nouvelle adéquation de l'Etre et de la conscience. Hamsun, plus pessimiste, plus dostoïevskien (d'où son succès en Russie et son impact sur les écrivains ruralistes comme Belov et Raspoutine), n'a cessé de croire que dès qu'il y a conscience, il y a aliénation. Dès que l'homme commence à réfléchir sur soi-même, il se détache par rapport au continuum naturel, dans lequel il devrait normalement rester imbriqué. Dans les écrits théoriques de Hamsun, on trouve une réflexion sur le modernisme littéraire. La vie moderne, écrit-il, influence, transforme, affine l'homme pour l'arracher à son destin, à son lieu destinal, à ses instincts, par-delà le bien et le mal. L'évolution littéraire du XIXième siècle trahit une fébrilité, un déséquilibre, une nervosité, une complication extrême de la psychologie humaine. «La nervosité générale (ambiante) s'est emparée de notre être fondamental et a déteint sur notre vie sentimentale». D'où l'écrivain se définit désormais comme Zola qui se pose comme un “médecin social” qui doit décrire des maux sociaux pour éliminer le mal. L'écrivain, l'intellectuel, développe ainsi un esprit missionnaire visant une “correction po­litique”.

 

Face à cette vision intellectuelle de l'écrivain, Hamsun rétorque qu'il est impossible de définir objectivement la réalité de l'homme, car un “homme objectif” serait une monstruosité (ein Unding), construite à la manière du meccano. On ne peut ré­duire l'homme à un catalogue de caractéristiques car l'homme est changeant, ambigu. Même attitude chez Lawrence: «Now I absolutely flatly deny that I am a soul, or a body, or a mind, or an intelligence, or a brain, or a nervous system, or a bunch of glands, or any of the rest of these bits of me. The whole is greater than the part»  (Voilà, je dénie absolument et franchement le fait que je sois une âme, ou un corps, ou un esprit, ou une intelligence, ou un cerveau, ou un système nerveux, ou une série de glandes, ou tout autre morceau de moi-même. Le tout est plus grand que la partie). Hamsun et Lawrence illustrent dans leurs œuvres qu'il est impossible de théoriser ou d'absoluiser une vision claire et nette de l'homme. L'homme, ensuite, n'est pas le véhicule d'idées préconçues. Hamsun et Lawrence constatent que les progrès dans la conscience de soi ne sont donc pas des processus d'émancipation spirituelle, mais une perte, une déperdition de vitalité, de tonus vital. Dans leurs romans, ce sont toujours des figures intactes, parce qu'inconscientes (c'est-à-dire imbriquées dans leur sol ou leur site) qui se maintiennent, qui triomphent des coups du sort, des circonstances malheureuses.

 

Il ne s'agit nullement là, répétons-le, de pastoralisme ou d'idyllisme. Les figures des romans de Hamsun et de Lawrence sont là: elles sont traversées ou sollicitées par la modernité, d'où leur irréductible complexité: elles peuvent y succomber, elles en souffrent, elles subissent un processus d'aliénation mais peuvent aussi en triompher. C'est ici qu'interviennent l'ironie de Hamsun et la notion de “Phénix” chez Lawrence. L'ironie de Hamsun sert à brocarder les idéaux abstraits des idéologies mo­dernes. Chez Lawrence, la notion récurrente de “Phénix” témoigne d'une certaine dose d'espoir: il y aura ressurection. Comme le Phénix qui renaît de ses cendres.

 

Le paganisme de Hamsun et de Lawrence

 

Si cette volonté de retour à une ontologie naturelle est portée par un rejet de l'intellectualisme rationaliste, elle implique aussi une contestation en profondeur du message chrétien.

 

Chez Hamsun, nous trouvons le rejet du puritanisme familial (celui de son oncle Hans Olsen), le rejet du culte protestant du livre et du texte, c'est-à-dire un rejet explicite d'un système de pensée religieuse reposant sur le primat du pur écrit contre l'expérience existentielle (notamment celle du paysan autarcique, dont le modèle est celui de l'Odalsbond  des campagnes norvégiennes). L'anti-christianisme de Hamsun est plutôt a-chrétien: il n'amorce pas un questionnement religieux à la mode de Kierkegaard. Pour lui, le moralisme du protestantisme de l'ère victorienne (en Scandinavie, on disait: de l'ère oscarienne) exprime tout simplement une dévitalisation. Hamsun ne préconise aucune expérience mystique.

 

Lawrence, lui, perçoit surtout la césure par rapport au mystère cosmique. Le christianisme renforce cette césure, empêche qu'elle ne se colmate, empêche la cicatrisation. Pourtant, la religiosité européenne conserve un résidu de ce culte du mystère cosmique: c'est l'année liturgique, le cycle liturgique (Pâques, Pentecôte, Feux de la Saint-Jean, Toussaint et Jour des Morts, Noël, Fête des Rois). Mais celui-ci a été frappé de plein fouet par les processus de désenchantement et de désacralisation, entamé dès l'avènement de l'église chrétienne primitive, renforcé par les puritanismes et les jansénismes d'après la Réforme. Les premiers chrétiens ont clairement voulu arracher l'homme à ces cycles cosmiques. L'église médiévale a cher­ché au contraire l'adéquation, puis, les églises protestantes et l'église conciliaire ont nettement exprimé une volonté de retour­ner à l'anti-cosmisme du christianisme primitif. Lawrence: «But now, after almost three thousand years, now that we are al­most abstracted entirely from the rhythmic life of the seasons, birth and death and fruition, now we realize that such abstraction is neither bliss nor liberation, but nullity. It brings null inertia» (Mais aujourd'hui, après près de trois mille ans, maintenant que nous nous sommes presque complètement abstraits de la vie rythmique des saisons, de la naissance, de la mort et de la fé­condité, nous comprenons enfin qu'une telle abstraction n'est ni une bénédiction ni une libération, mais pure nullité. Elle ne nous apporte rien, si ce n'est l'inertie). Cette césure est le propre du christianisme des civilisations urbaines, où il n'y a plus d'ouverture sur le cosmos. Le Christ n'est dès lors plus un Christ cosmique, mais un Christ déchu au rôle d'un assistant so­cial. Mircea Eliade parlait, lui, d'un «Homme cosmique», ouvert sur l'immensité du cosmos, pilier de toutes les grandes reli­gions. Dans la perspective d'Eliade, le sacré est le réel, la puissance, la source de la vie et la fertilité. Eliade: «Le désir de l'homme religieux de vivre une vie dans le sacré est le désir de vivre dans la réalité objective».

 

La leçon idéologique et politique de Hamsun et Lawrence

 

Sur le plan idéologique et politique, sur le plan de la Weltanschauung,  les œuvres de Hamsun et de Lawrence ont eu un im­pact assez considérable. Hamsun a été lu par tous, au-delà de la polarité communisme/fascisme. Lawrence a été étiquetté “fasciste” à titre posthume, notamment par Bertrand Russell qui parlait de sa “madness” («Lawrence was a suitable exponent of the Nazi cult of insanity»;  Lawrence était un exposant typique du culte nazi de la folie). Cette phrase est pour le moins simpliste et lapidaire. Les œuvres de Hamsun et de Lawrence s'inscrivent dans un quadruple contexte, estime Akos Doma: celui de la philosophie de la vie, celui des avatars de l'individualisme, celui de la tradition philosophique vitaliste, celui de l'anti-utopisme et de l'irrationalisme.

 

1. La philosophie de la vie (Lebensphilosophie)  est un concept de combat, opposant la “vivacité de la vie réelle” à la rigidité des conventions, jeu d'artifices inventés par la civilisation urbaine pour tenter de s'orienter dans un monde complètement dé­senchanté. La philosophie de la vie se manifeste sous des visages multiples dans la pensée européenne et prend corps à partir des réflexions de Nietzsche sur la Leiblichkeit  (la corporéité).

2. L'individualisme. L'anthropologie de Hamsun postule l'absolue unicité de chaque individu, de chaque personne, mais re­fuse d'isoler cet individu ou cette personne hors de tout contexte communautaire, charnel ou familial: il place toujours l'individu ou la personne en interaction, sur un site précis. L'absence d'introspection spéculative, de conscience, d'intellectualisme abs­trait font que l'individualisme hamsunien n'est pas celui de l'anthropologie des Lumières. Mais, pour Hamsun, on ne combat pas l'individualisme des Lumières en prônant un collectivisme de facture idéologique. La renaissance de l'homme authentique passe par une réactivation des ressorts les plus profonds de son âme et de son corps. L'enrégimentement mécanique est une insuffisance calamiteuse. Par conséquent, le reproche de “fascisme” ne tient pas, ni pour Lawrence ni pour Hamsun.

 

3. Le vitalisme tient compte de tous les faits de vie et exclut toute hiérarchisation sur base de la race, de la classe, etc. Les oppositions propres à la démarche du vitalisme sont: affirmation de la vie/négation de la vie; sain/malsain; orga­nique/mécanique. De ce fait, on ne peut les ramener à des catégories sociales, à des partis, etc. La vie est une catégorie fondamentalement a-politique, car tous les hommes sans distinction y sont soumis.

4. L'“irrationalisme” reproché à Hamsun et à Lawrence, de même que leur anti-utopisme, procèdent d'une révolte contre la “faisabilité” (feasability: Machbarkeit),  contre l'idée de perfectibilité infinie (que l'on retrouve sous une forme “organique” chez les Romantiques de la première génération en Angleterre). L'idée de faisabilité se heurte à l'essence biologique de la nature. De ce fait, l'idée de faisabilité est l'essence du nihilisme, comme nous l'enseigne le philosophe italien contemporain Emanuele Severino. Pour Severino, la faisabilité dérive d'une volonté de compléter le monde posé comme étant en devenir (mais non un devenir organique incontrôlable). Une fois ce processus de complétion achevé, le devenir arrête forcément sa course. Une stabilité générale s'impose à la Terre et cette stabilité figée est décrite comme un “Bien absolu”. Sur le mode lit­téraire, Hamsun et Lawrence ont préfiguré les philosophes contemporains tels Emanuele Severino, Robert Spaemann (avec sa critique du fonctionalisme), Ernst Behler (avec sa critique de la “perfectibilité infinie”) ou Peter Koslowski (cf. NdSE n°20), etc. Ces philosophes, en dehors d'Allemagne ou d'Italie, sont forcément très peu connus du grand public, d'autant plus qu'ils criti­quent à fond les assises des idéologies dominantes, ce qui est plutôt mal vu, depuis le déploiement d'une inquisition sournoise, exerçant ses ravages sur la place de Paris. Les cellules du “complot logocentriste” sont en place chez les éditeurs, pour refu­ser les traductions, maintenir la France en état de “minorité” philosophique et empêcher toute contestation efficace de l'idéologie du pouvoir.

 

Nietzsche, Hamsun et Lawrence, les philosophes vitalistes ou “anti-faisabilistes”, en insistant sur le caractère ontologique de la biologie humaine, s'opposent radicalement à l'idée occidentale et nihiliste de la faisabilité absolue de toute chose, donc de l'inexistence ontologique de toutes les choses, de toutes les réalités. Bon nombre d'entre eux  —et certainement Hamsun et Lawrence—  nous ramènent au présent éternel de nos corps, de notre corporéité (Leiblichkeit).  Or nous ne pouvons pas fabri­quer un corps, en dépit des vœux qui transparaissent dans une certaine science-fiction (ou dans certains projets délirants des premières années du soviétisme; cf. les textes qu'ont consacrés à ce sujet Giorgio Galli et Alexandre Douguine; cf. NdSE n°19).

 

La faisabilité est donc l'hybris poussée à son comble. Elle conduit à la fébrilité, la vacuité, la légèreté, au solipsisme et à l'isolement. De Heidegger à Severino, la philosophie européenne s'est penchée sur la catastrophe qu'a été la désacralisation de l'Etre et le désenchantement du monde. Si les ressorts profonds et mystérieux de la Terre ou de l'homme sont considérés comme des imperfections indignes de l'intérêt du théologien ou du philosophe, si tout ce qui est pensé abstraitement ou fabri­qué au-delà de ces ressorts (ontologiques) se retrouve survalorisé, alors, effectivement, le monde perd toute sacralité, toute valeur. Hamsun et Lawrence sont les écrivains qui nous font vivre avec davantage d'intensité ce constat, parfois sec, des phi­losophes qui déplorent la fausse route empruntée depuis des siècles par la pensée occidentale. Heidegger et Severino en phi­losophie, Hamsun et Lawrence au niveau de la création littéraire visent à restituer de la sacralité dans le monde naturel et à revaloriser les forces tapies à l'intérieur de l'homme: en ce sens, ils sont des penseurs écologiques dans l'acception la plus profonde du terme. L'oikos et celui qui travaille l'oikos recèlent en eux le sacré, des forces mystérieuses et incontrôlables, qu'il s'agit d'accepter comme telles, sans fatalisme et sans fausse humilité. Hamsun et Lawrence ont dès lors annoncé la di­mension géophilosophique de la pensée, qui nous a préoccupés tout au long de cette université d'été. Une approche succincte de leurs œuvres avait donc toute sa place dans le curriculum de 1996.

 

Robert STEUCKERS.

mercredi, 19 novembre 2008

Après Bush: pourquoi l'Amérique ne changera pas

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Présentation de l'éditeur

George W. Bush s'en va. L'ère " W. " s'achève sur un sentiment d'échec. Sur le plan intérieur, le malaise économique est croissant : défaillance du système de sécurité sociale, décrochage des salaires et angoisse face à la mondialisation... Sur la scène internationale, empêtrés dans le bourbier irakien et rejetés par l'opinion mondiale, les Américains doivent restaurer la légitimité de leur leadership. Pourtant, qui peut nier que George W. Bush aura incarné un esprit américain ? On ne peut comprendre l'Amérique sans plonger dans l'âme du Sud, terre à la fois meurtrie, têtue et changeante. La présidence Bush fut le reflet fidèle d'une Amérique profonde, conservatrice, et sincèrement religieuse, d'une Amérique qui ne doute pas. Forever America. " W. " s'en va mais la guerre contre la terreur continue. En 2009, les candidats à la succession, Barack Obama le fils prodigue et John McCain le républicain rebelle, marqueront-ils le début d'une refondation ? Rien n'est moins sûr...

Biographie de l'auteur
Spécialiste des Etats-Unis et rédacteur en chef de la revue Politique américaine, Yannick Mireur est docteur en relations internationales de la Fletcher School of Law and Diplomacy de Boston.

  • Broché: 256 pages
  • Editeur : Choiseul (30 août 2008)
  • Collection : CHOISEUL EDITIO
  • Langue : Français
  • ISBN-10: 2916722300
  • ISBN-13: 978-2916722306

Ricardo Petrella contre la "théologie universelle capitaliste"

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Riccardo Petrella contre la “Théologie Universelle capitaliste”

 

 

Synergies Européennes - Ecole des cadres - Wallonie / Liège/Namur - novembre 2008

 

Riccardo Petrella est un économiste et un politologue qui a enseigné à l’UCL (“Université Catholique de Louvain”). Il s’inscrit à l’évidence dans une tradition qui fusionne l’humanisme (au sens plutôt chrétien du terme), le personnalisme (vocable qui n’est plus guère usité) et le solidarisme (autre tradition que l’on dissimule aujourd’hui derrière d’autres vocables). Mais cette tradition, il la met au goûtdu jour et ainsi l’édulcore et l’anesthésie, processus de reniement qui affecte les mouvances politiques chrétiennes et démocrates-chrétiennes en Belgique depuis de longues décennies déjà.

 

Dans son dernier ouvrage, Petrella plaide, comme l’indique clairement le titre, pour l’avènement d’une “nouvelle narration”, d’un nouveau récit mobilisateur d’énergies citoyennes, appelé à se substituer à la narration néo-libérale, qui a le vent en poupe depuis le début des années 80 du 20ème siècle. Le terme “narration” nous rappelle ici une partie très substantielle de l’oeuvre de Jean-François Lyotard, qui, il y a déjà quelques décennies, avait annoncé la fin des “grands récits” idéologiques de la modernité et l’avènement d’une “postmodernité”, où ces grands récits n’éveilleraient plus aucune passion et passeraient enfin pour ce qu’ils sont, dans le fond: des bricolages intellectuels inconsistants. De fait, sous les coups de la dissidence soviétique, et d’Alexandre Soljénitsyne en particulier, l’encadrement idéologique et politique le plus résolument “moderniste” et “progressiste” en ses théories, qu’était le communisme à la soviétique, en dépit du “technological gap” pourtant patent qui l’affaiblissait et l’handicapait, s’est effrité avant de voler en poussière avec la perestroïka et la glasnost promises par Gorbatchev au moment de son accession au pouvoir.

 

Mais cette “modernité” à l’enseigne du marxisme et du communisme, tous deux dérivés d’une matrice linéaire hégélienne, ne cèdera pas sa place à l’émitettement et aux petits récits furtifs dont rêvaient les postmodernistes les plus audacieux, auxquels Lyotard n’a pas vraiment emboîté le pas. Une “narration”, et non pas des myriades de narrations, va remplacer le récit “hégélo-marxiste”; une narration aussi lourde, sinon plus lourde, parce que moins “froide” (Papaioannou) et plus “colorée” en apparence, va oblitérer la pensée sociale, économique et politique de l’Occident atlantiste et “américano-centré” d’abord, avant de passer rapidement aux pays d’Europe centrale et orientale et dans de vastes sphères de la société russe elle-même, à peine débarrassée du communisme. Petrella nomme cette “nouvelle narration” dominante la “narration de la Théologie universelle capitaliste”.

 

Indubitablement, cette nouvelle narration dominante partage, avec la narration progressiste hégélo-marxiste, avec la modernité libérale issue de la révolution française, avec les thèses de von Laue et de Fukuyama aux Etats-Unis, un même messianisme laïque et intransigeant, prêt à recourir aux pratiques de l’extermination pour faire triompher ses lubies. Cette “Théologie” repose 1) sur une foi dans la technologie qui, pense-t-elle, résoudra tous les problèmes de l’humanité, y compris les problèmes les plus ontologiques de l’être humain en tant qu’être vivant; 2) sur une confiance aveugle dans les “vertus” du capitalisme qui, avec l’appareillage technologique permettant vitesse et abolition de la durée, permettra très vite d’agir sur le temps et sur l’espace, de les modifier, de les abolir comme les contraintes premières imposées de facto à toute action humaine (c’est-à-dire à toute action de la technocratie, de l’usure et du capitalisme); 3) sur la conviction qu’il n’y a pas d’alternative à ce système, que toutes les alternatives qui ont tenté, avec les nationalismes, fascismes, populismes ou communismes, de freiner cette expansion frénétique, ont échoué. Tous ceux qui tenteraient de nouvelles expériences ne feraient que reproduire une facette ou une autre, sinon l’ensemble, des exigences des idéologies anciennes, jugées aujourd’hui condamnables en bloc.

 

Pour Petrella, les tenants de cette “narration”, de cette “théologie universelle capitaliste” avancent principalement la théorie de la complexité croissante des systèmes et la théorie du chaos. La complexité est devenue telle, prétendent-ils, qu’aucune intervention humaine (politique) volontariste ne pourrait en venir à bout. Le volontarisme politique est donc d’emblée posé comme inutile voire comme criminel, avant même qu’il n’y ait faits. D’emblée, le soupçon de réanimer le fascisme ou le paléo-communisme pèse sur le militant syndical, ouvrier ou politique, qui entend lutter contre le système ou une fraction de celui-ci. La théorie du chaos, elle, justifie les flux désordonnés qui bouleversent chaque jour les agencements d’hier, considérés déjà comme obsolètes avant même de s’être complètement déployés et ancrés dans le réel social. Au beau milieu d’un tel “mouvement brownien” de compositions éphémères et de décompositions permanentes, la notion de “hard law”, de loi écrite, de constitution stable, de durée juridique, cède le pas à la notion de “soft law”, de “régulation légère”, “ad hoc”, “locale” (non pas dans le sens où cette dimension “locale” s’inscrirait dans une longue durée particulière mais ne serait que pur expédient sans valeur à plus grande échelle, et, a fortiori, sans aucune valeur universelle). Cette distinction qu’opère Petrella entre “hard law” et “soft law” est cardinale, très importante à assimiler et à vulgariser pour tous les constataires de la “Théologie universelle capitaliste”.

 

Ne redécouvre-t-on pas, ici, dans ces arguments de Petrella, ceux-là mêmes que Carl Schmitt annonçait dans son “Glossarium”: fluidité totale, comparable à l’eau des océans sur lesquels règnent les thalassocraties? Le “soft law” des expédients temporaires, sans durée, n’est-elle pas cette pratique juridique qui devient forcément inéluctable si l’hegemon planétaire est thalassocratique? La prédominance du “soft law” n’avait-elle pas été annoncée dans ce “Glossarium” de Schmitt, qui disait qu’à l’avenir, sous la domination des Etats-Unis, nous n’allions plus écrire que des “log books”, des livres de bord narrant les aléas fortuits et éphémères de la course maritime, de la mobilité incessante du navire sur les flots, sans appui tellurique? Petrella écrit: “Le temps, l’espace sont atomisés, virtualisés, éclatés, réduits aux seules variables de coût et de profits” (p. 14). Vocabulaire différent de Schmitt mais même esprit. Ici, nous sommes sur la même longueur d’onde que Petrella. 

 

A la “théologie universelle capitaliste”, Petrella entend opposer une “autre narration”, une “narration différente”, dont les pilers seraient: 1) le principe de la vie; 2) le principe d’humanité; 3) le principe de vivre ensemble; 4) le principe des “biens communs”; 5) le principe de démocratie; 6) le principe de responsabilité, reposant sur les principes de précaution, de réversibilité et de prévention; 7) le principe de l’utopie.

 

A ces sept principes, énoncés à l’évidence pour plaire à un spectre politicien alliant, en Belgique romane, la frange la plus dynamique du parti “écolo” (avec Javaux et Nollet), de la frange si possible la moins délirante du CdH de Joëlle Milquet et de socialistes non véreux revenus dégoûtés de la géhenne des scandales répétés, causés par leurs mandataires carolorégiens et autres. Pour battre le rappel de cette hypothétique phalange de brics et de brocs, Petrella est contraint d’adopter les tics langagiers les plus usuels de cet aréopage politicien qui, esprit du temps oblige, a été frotté à satiété à toutes les mièvreries plus ou moins politisées du discours diffus de mai 68, du festivisme dénoncé en France par le regretté Philippe Muray, plutôt, on s’en doute bien, un soixante-huitardisme dans sa version “para-hippy” que dans sa version “katangaise”.

 

Les sept points de Petrella souffrent de cette terrible tare contemporaine qu’est ce soixante-huitardisme festiviste. Reprenons-les mais traduisons-les, quand c’est possible, en un langage réaliste, mixte de conservatisme révolutionnaire, de sorélisme, de schmittisme, d’aristotélisme et de personnalisme (façon “Citadelle” d’Antoine de Saint-Exupéry).

 

1.

Le principe de “Vie” est cardinal, nous en convenons, et Petrella a raison, mille fois raison, de le mettre en tête de liste car il nous ramène, bien entendu, à l’oeuvre de Hans Jonas, disciple de Martin Heidegger. La Vie, pour Jonas, est cette donnée totale, incommensurable, sur laquelle nous ne pouvons pas agir de manière blessante et intrusive, mécanique et métallique, au risque de susciter des irréversibilités dangereuses pour l’avenir du genre humain, des races humaines. Ces irréversibilités proviennent majoritairement des entorses technomorphes (cf. Hans Albert, Ernst Topitsch) perpétrées contre le facteur temps/durée, enfoui dans la biologie même des êtres vivants, végétaux, animaux et humains, dans leurs codes génétiques, dans leur ADN. Vouloir dévorer des énergies fossiles qui ont mis des millions voire des milliards d’années à se constituer risque de laisser une humanité trop nombreuse sans ressources déjà à moyen terme. De même, vouloir aligner l’ensemble de la population mondiale sur les rythmes “en temps réel” des sociétés industrielles et post-industrielles avancées  —ce qui est désormais possible avec les technologies nouvelles—  va soumettre toute cette population, les faibles en tête mais pas seulement les faibles, à un stress perpétuel (cf. les travaux de Nicole Aubert en France) pour le seul bénéfice du profit économique qui ne connaît d’autres logiques qu’amplifiantes, dévorantes et accélérantes. Au stress professionnel vont s’ajouter des loisirs électroniques divers, dévorateurs de temps de repos et de sommeil dès le plus jeune âge: le fragile équilibre ontologique de l’homme, être et de nature et de culture (A. Gehlen, K. Lorenz), prendra un coup mortel, dont on perçoit déjà les premiers effets. Mais dans le petit univers politicien étriqué et somme toute fort médiocre, auquel Petrella cherche à s’adresser, quels cris d’orfraie n’entend-on pas dès que l’on ose parler de “biopolitique” (c’est-à-dire d’une politique qui tienne compte des structures basiques de l’ontologie humaine)? Petrella a certes raison d’évoquer en tête de sa liste ce principe jonassien de “Vie”, mais il s’avance sur un terrain miné par l’idéologie dominante, celle d’hier comme celle d’aujourd’hui, qui considèrent toutes deux que les ressorts ontologiques de l’être humain sont autant de freins à la logique de la production et/ou du profit.

 

2.

Le principe d’humanité est le deuxième principe avancé par Petrella. Le grand mot est lâché, sans doute pour faire titiller positivement les oreilles de nos concitoyens égarés dans le troupeau hétéroclite du CdH. En effet, Petrella retombe ici dans les mêmes travers que la “théologie universelle capitaliste” que son livre dénonce. Celle-ci raisonne également en terme d’ “humanité”. Il est possible qu’un jour, dans quelques milliers de siècles lointains, l’humanité formera un tout homogène, complètement fusionné, à condition, bien sûr, qu’il y aura simultanément harmonisation et homogénéisation des climats et des données géologiques sur la planète: que les Groenlandais pourront cultiver des bananes sur leurs pergélisols d’antan et que les Congolais pourront skier pendant leurs nouveaux hivers équatoriaux sur les pentes du Kasaï. Il n’y a pas d’humanité, et il n’y en a jamais eu, disait déjà Joseph de Maistre, tout simplement parce que la Terre est composée de zones climatiques et géologiques si différentes les unes des autres que les hommes, qui y sont confrontés, donnent à chaque fois des réponses différentes, générant modes de vie et traditions différentes (notre option différentialiste). De ces réponses différentes naissent, par ethnogénèse, les peuples et les cultures, tantôt au départ d’éléments homogènes tantôt au départ d’éléments hétérogènes (cf. les travaux d’Arnold Toynbee et de Felipe Fernandez-Armesto). L’heure viendra sans nul doute pour l’humanité, telle que l’entend Petrella, mais il faudra encore attendre quelques milliards d’années, voire davantage, des milliards d’années de bouleversements climatiques et géologiques, à moins que le soleil ne vienne bientôt à Davos, en costume trois pièces, pour signer un contrat avec la Trilatérale ou le Groupe Bilderberg, promettant, sous peine de devoir payer force astreintes, de darder ses rayons de manière égale sur tous les points du globe et pour recueillir, dans la foulée, les applaudissements des altermondialistes. En attendant, pour arracher nos concitoyens aux griffes des tenants de la “théologie universelle capitaliste”, nous devons agir “hic et nunc”, dans les limites de notre temps et de notre espace, parce qu’il n’y a pas moyen de faire autrement.

 

3.

Le principe du “vivre ensemble”, soit du “Mit-Sein” heideggerien, repose, pour Petrella, sur l’axiome que l’être humain est un “être social”. Vérité incontournable. Incontestable. Qui entend effectivement ruiner la méthodologie individualiste de Hayek et des néo-libéraux, figures emblématiques et fondatrices de cette “théologie universelle capitaliste”, dénoncée par Petrella. C’est clair: Petrella veut renouer, à juste titre, avec la notion aristotélicienne de “zoon politikon”. Nous sommes, une fois de plus ici, sur la même longueur d’onde que lui. Or ce troisième principe est pourtant en totale contradiction avec le deuxième principe d’humanité: Petrella aurait-il oublié que la “Polis”, qu’il définit pourtant très clairement (p. 16), est l’organisation de la Cité, toujours limitée par définition dans l’espace, et même si cet espace, comme jadis l’ager romanus est appelé à s’étendre, il ne pourra jamais s’étendre à toute la  Terre. En évoquant la “communauté mondiale” dans l’exposé de ce troisième principe, il semble toutefois conscient, et un peu gêné, de sa propre contradiction, posée pour tenter de donner un programme à un aréopage de politiciens incapables de parfaire quoi que ce soit.

 

4.

Le principe de “bien commun” est lié à celui de la communauté, organisée et de ce fait limitée dans le temps et dans l’espace, puisqu’il n’existe (pas encore?) de communauté planétaire où le député aïnou siègerait chaque jour, immédiatement dès qu’un problème surgirait, à côté de ses collègues de Patagonie, d’Ukraine subcarpathique, du département de la Lozère, du Shaba, de Cyrénaïque, etc pour régler le problème du travail saisonnier des cueilleurs de cerises en Hesbaye. Petrella parle de “biens communs” à l’humanité, telles l’énergie ou la santé; il existe déjà des organisations transétatiques qui s’occupent de ces problèmes globaux comme l’OMS, Helios, etc.; l’Union postale internationale s’occupe de la diffusion du courrier; ces organisations sont ponctuelles, ont des objectifs bien circonscrits mais non politiques et n’ont pas vocation à s’occuper de tout et de rien, uniquement pour le plaisir purement cérébral et abstrait de se gober d’internationalisme. Il suffit dès lors de militer pour doter toutes les organisations internationales relevant du secteur non marchand d’armes juridiques de nature “hard law” pour lutter contre l’envahissement du “soft law” des sphères économiques et usurières qui visent, bien sûr, l’indécision, l’imprécision, les manoeuvres dilatoires pour empêcher tout ancrage du droit dans la durée.

 

5.

Le principe de “démocratie”, chez Petrella, participe du même flou que celui d’humanité. Quelques remarques nous viennent immédiatement à l’esprit: c’est au nom de la démocratie, où plutôt d’un démocratisme militant à la Eleanor Roosevelt qui est évidemment caricature mutilante de toute véritable démocratie, que la “théologie universelle capitaliste” s’est imposée à la Terre entière, depuis le lancement médiatique du néo-libéralisme par Margret Thatcher d’abord, par Ronald Reagan ensuite. Cette théologie est théologie parce qu’elle dérive du puritanisme anglo-saxon des 17ème et 18ème siècles: le succès économique, dans cette variante extrême du protestantisme, est un indice d’élection divine, même s’il s’est opéré aux dépens d’acteurs plus faibles ou simplement locaux sur le marché (cf. les travaux de Max Weber, Werner Sombart, Ralph Barton Perry et Christopher Hill). Par un processus de laïcisation, propre au 18ème siècle, ce corpus, d’abord religieux et sectaire, agressif et intolérant, prend toutes les allures d’un discours posé et mondain, pour se muer en un libéralisme constitutionaliste à l’américaine, notamment dans la période de la Guerre d’Indépendance, entre 1776 et 1781. A Bruxelles, à l’époque, un observateur avisé de l’engouement américaniste des années 80 du 18ème, le chanoine François-Xavier de Feller, directeur du “Journal historique et littéraire”, a eu les mots justes: “les très insipides rêves américains”; la démocratie est une belle idée et une belle pratique mais si et seulement si elle assure une véritable représentation. La nécessité d’une véritable représentation implique, bien entendu, de réunir dans les assemblées des personnes représentatives des forces motrices réelles d’une société: le suffrage universel est une bonne chose mais le suffrage universel pur et simple, force est de le constater, conduit à un déficit de représentation réelle. La constitution du Brabant, avant le cataclysme de la révolution française et de l’invasion jacobine, faisait siéger les abbés des grandes abbayes, représentant savoir et tradition, les nobles en nombre limité (à condition qu’ils représentent réellement quelque chose et deux quartiers suffisaient!) et le tiers-état solidement représenté, chez nous, par les métiers des villes: tous ces représentants représentaient réellement le tissu social et économique du Brabant de l’époque.

 

Aujourd’hui, il apparaît clair que les qualités de “pur” et de “simple” du suffrage universel doivent être  corrigées par le retour à un vote capacitaire (dont il s’agit de définir les limites), à un vote du père pour chacun de ses fils mineurs et de la mère pour chacune de ses filles mineures (sur le lieu où s’exerce le droit de garde en cas de divorce; le parent détenant le droit de garde votant pour ses enfants, indépendemment de leur sexe), à l’exclusion de tout vote censitaire (celui qui scandalisait à juste titre et avait amené les vrais socialistes de l’époque héroïque à réclamer le suffrage universel). A ce  suffrage universel capacitaire et parental, pour assurer la représentation populaire totale (enfants et talents compris), doit s’ajouter, au Sénat, la représentation directe des grands ordres professionnels du pays (médecine, pharmacie, architecture, etc.), comme De Gaulle l’avait d’ailleurs suggéré à la fin de sa carrière politique. Il faut aussi bien comprendre que certains délits ou crimes devront exclure du droit de vote, définitivement ou pour un temps limité, de même que toute collusion active ou simplement familiale, avec les secteurs mafieux qui prolifèrent et s’épanouissent justement depuis l’avènement de la “théologie universelle capitaliste” (cf. Jean-François Gayraud, “Le monde des mafias – Géopolitique du crime organisé”, Paris, Odile Jacob, 2005). On pourrait même faire un pas de plus et limiter le droit de vote pour tous ceux qui travaillent au sein des grandes sociétés marchandes, du secteur bancaire et autres secteurs tertiaires de nature parasitaire et dont les factures peuvent être qualifiées de “léonines” et de “captatrices de rentes”, afin d’obtenir, in fine, une représentation exclusive des secteurs actifs et créatifs, tablant sur la valeur personnelle du cadre ou du travailleur, seule garante d’un humanisme exemplaire pour tous les peuples composant l’humanité. Faute d’une redéfinition fondamentale, le principe de démocratie, sous le talon d’acier de la théologie universelle capitaliste (ThUC), reste creux. Et pire, a servi, et sert toujours, les tenants de la ThUC à asseoir leurs pouvoirs. La démocratie s’est hélas muée en partitocratie, en une polyarchie arbitraire, rétive à tout changement, incapable de décisions fortes et ouvertes à toutes les manoeuvres corruptrices (cf. l’oeuvre d’Ostrogovski et l’étude de Robert Steuckers sur les ressorts de la partitocratie: http://be.altermedia.info/culture/des-effets-pervers-de-la-partitocratie_6714.html; pour la Belgique actuelle, cf. les travaux du Sénateur Destexhe et du Prof. Eraly).

 

6.

Le principe de responsabilité, selon Petrella, nous ramène une fois de plus à Hans Jonas, dont, manifestement, il s’inspire. Que le lecteur se réfère à l’étude de Robert Steuckers: www.e-litterature.net/publier/spip/article4.php3?cel=&repert=litterature&titre=steucker2&num=414&id_auteur.... Petrella et nous sommes ici sur la même longueur d’onde.

 

7.

Le principe de l’utopie, chez Petrella, est, à notre sens, une concession parfaitement inutile aux résidus de la mentalité “hippy”, au “festivisme” (selon Muray), que l’on retrouve chez les quinquagénaires infantilisés des partis auxquels il souhaite apporter une batterie de principes programmatiques. L’utopie, au sens premier que lui conférait Thomas More, était effectivement un modèle de Cité idéale, destiné à inspirer ceux qui, au début du 16ème siècle, entendaient sortir de l’imbroglio apporté par la fin du moyen âge, par la mutation d’échelle qui s’était opérée avec la découverte de l’Amérique, par la redécouverte du patrimoine antique, par la menace ottomane, par les mutations dans le domaine militaire, et, plus particulièrement en Angleterre, par les effets de la Guerre des Deux Roses et des révoltes paysannes de Wat Tyler. Aujourd’hui, la veine utopique, lancée par More, est épuisée: les Cités du Soleil que les uns ou les autres avaient promises ont débouché sur l’enfer, les guerres civiles, les éradications, donnant naissance à la veine “dystopique”, intellectuellement bien plus féconde, de Zamiatine à Orwell, de Huxley à Cioran et à Zinoviev, pour ne pas citer un ouvrage récent, émanation plus actuelle de cette veine: “Globalia” de Jean-Christophe Rufin. Cette fécondité de la veine dystopique nous interdit de revenir à l’utopie, du moins dans le sens où l’entend Petrella.

 

Des sept principes de Petrella, nous en retenons donc quatre: la Vie, le vivre ensemble (“Mit-Sein”), le(s) bien(s) commun(s), la responsabilité; nous remplacerions le principe de démocratie par celui de représentation; et nous abandonnerions volontiers aux stratèges de cafés de commerce les “principes” d’humanité et d’utopie.

 

Le livre de Petrella recèle quelques autres points appelés à devenir programmatiques, y compris pour nous-mêmes: 1) soustraire l’enseignement et l’éducation aux logiques du capital; 2) soustraire l’Etat à l’emprise des marchands; 3) opérer le désarmement financier de l’économie actuelle. Les autres propositions de Petrella s’inscrivent trop dans le discours irréaliste des gauches molles et d’une certaine tradition de socialisme utopique, déjà dénoncé par Marx et Engels. Nous avons là un prêchi-prêcha pour naïfs démocrates-chrétiens, pour hippies recyclés dans la mouvance écologiste ou pour militants altermondialistes des “beaux quartiers” (notre petit clin d’oeil à Aragon...), imaginant révolutionner la planète en ratiocinant sur la notion de réseau, chère à Hardt et Negri. Ces cénacles servent la narration dominante, donnent l’illusion de la démocratie et de la contestation mais n’ont aucun effet concret, vu qu’ils éludent l’impérieuse nécessité d’une armée populaire et citoyenne (l’exemple suisse chez Machiavel), d’un esprit de défense, d’un raisonnement géopolitique bien étayé, d’une mémoire historique profonde, d’une autarcie alimentaire aussi vaste que possible, d’une industrie autonome, etc., tous instruments chargés d’assurer la liberté du citoyen, du “zoon politkon” au sein de sa “Polis”. Ce refus des réalités et impératifs politiques classiques rapproche Petrella d’un Alain de Benoist, Pape démonétisé de la “nouvelle droite”, qui radote, lui aussi, et à qui mieux mieux, sur la formidable parousie qui adviendra grâce, pense-t-il, aux réseaux à la Hardt-Negri, innervés par la pensée culpabilisante (pour l’Europe seule évidemment) de son nouveau grand immense copain, le fièvreux pamphlétaire suisse Jean Ziegler, qui faisait matraquer, il y a une trentaine d’années, les amis d’antan de de Benoist, histoire de démontrer sa tolérance. Le monde crève du néo-libéralisme et les divas d’une intelligentsia faisandée copinent en dépit des gueguerres passées et se roucoulent aux oreilles une belle phraséologie jargonnante et irréaliste. Triste involution! Pénible mélasse de concepts ramollis et boiteux!

 

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Nous retenons donc de Petrella les trois points “programmatisables”, énoncées ci-dessus:

 

1.

Soustraire l’enseignement et l’éducation aux logiques du capital.

L’enseignement et l’éducation participent d’une logique de la transmission, logique lente, logique de la décantation graduelle d’un savoir pratique, mythique et symbolique dans le cerveau des générations  nouvelles. Le capitalisme, et à fortiori sa variante turbo-capitaliste, participe d’une logique frénétique, accumulatrice de profits qui considère toute pondération pragmatique, tout résidu mythique ou symbolique comme des freins ou des obstacles à son déploiement incessant et ubiquitaire. Cette frénésie ne peut générer aucune pédagogie, au contraire, elle les ruine toutes, les traditionnelles comme les expérimentales. Il faut donc revenir à un enseignement classique, d’où serait banni toute logique économiciste et où les élèves et étudiants recevraient pour consigne de mépriser le marchand, le banquier, l’usurier, comme le préconisait le poète Ezra Pound. L’enseignement sert à donner aux sociétés des médecins, des horticulteurs, des juristes, des artistes, des agronomes, des historiens, des linguistes, des théologiens, des philosophes, des artisans, de bons ouvriers, des bouchers, des architectes, des boulangers, des soldats, tous dépositaires de savoirs ou d’arts immuables, qui ne peuvent en aucun cas subir l’assaut permanent de la fébrilité dissolvante du profit, sous peine de plonger la société dans les affres d’artifices sans racines, donc sans la possibilité de se ressourcer. Petrella plaide pour une réhabilitation de l’université traditionnelle et pour arrêter définitivement les déviances perverses, observables dès les débuts de l’ère néo-libérale, qui veulent aligner les universités sur les logiques d’entreprise, alors que les deux univers sont diamètralement différents: l’entreprise a le droit de se développer, de déployer ses  dynamismes à la condition expresse que la société dans son ensemble en tire profit et que les logiques et rythmes de l’entreprise ne débordent pas dans les domaines les plus nécessaires dont les rythmes sont forcément lents et où le sens du recul est une vertu cardinale. L’université classique est une institution à rythme lent et doit le rester. En effet, comment peut-on prendre acte du patrimoine des peuples, s’immerger dans les langues d’autrui, traduire avec toute la précision voulue les oeuvres d’une culture autre dans tous les domaines, même ceux apparemment les plus éloignés de la pure philologie? Peut-on pratiquer une médecine (non industrialisée) sans connaissances précises sur l’histoire de la médecine, en Europe et ailleurs? Peut-on maintenir une langue correcte, claire, dans une ambiance de fébrilité permanente? Ne constate-t-on pas que l’effondrement de la maîtrise de la langue maternelle, partout dans le monde, est surtout perceptible depuis l’envahissement de l’université par les logiques de l’économie, de la finance et du commerce? Qui a eu pour corollaire la quasi disparition du latin et du grec, au profit de savoirs éphémères, limités et soi-disant pratiques, qui ne laissent aucune empreinte durable sur les individus, ce qui les livre irrémédiablement aux séductions toujours changeantes du “présentisme” médiatique contemporain.

 

2.

Soustraire l’Etat à l’emprise des marchands.

L’Etat, ou ce qui en tient lieu avant l’acception moderne du terme, soit les “res publicae” romaines, a pour première mission de garantir les continuités, les legs, traditions et autres héritages, d’assurer l’avenir en gérant ressources naturelles et revenus divers avec parcimonie, équlibre et sens de l’avenir. L’Etat viable repose tout à la fois sur des logiques lentes, comme l’enseignement et l’éducation, et sur la  capacité à réagir avec promptitude et fulgurance, si les legs, qu’il est censé gérer et protéger, sont menacés mortellement par un ennemi absolu. La caste marchande, elle, veut réduire en miettes ces héritages, briser les continuités balisantes, maximiser les profits et dès lors induire une frénésie incessante qui dissout tout, non seulement l’Etat et l’essence du politique mais aussi les ressorts ontologiques de l’homme, l’être social comme l’individu. Les armées de psychothérapeutes et les tonnes de calmants vendus en pharmacie n’enrayeront pas le processus. La vie humaine organisée et policée, soit la vie politique du “zoon politikon”, est impossible sur le long terme si le matériel humain est atteint en son ontologie profonde (cf.: les avertissements, au seuil des années 70, du Prix Nobel Konrad Lorenz, relayé par ses disciples Irenäus Eibl-Eibesfeldt, Rupert Riedl et Franz Wuketits).

 

3.

Opérer le désarmement financier de l’économie actuelle.

Bon programme! Mais par quels moyens le mettre en oeuvre? Par des discours plaintifs et morigénants dans les assemblées fédérales, régionales, subrégionales, communales, etc.? Petrella semble oublier la double leçon de Soljénitsyne et Zinoviev: “Si le communisme disait ‘Ta gueule et au trou!’, l’occidentisme, lui, nous dit: ‘Cause toujours, tu m’intéresses!’”. Le communisme, société du spectacle tapageur, avait des méthodes rudimentaires, brutales. Le capitalisme occidentiste, société du spectacle diffus, a les moyens de se payer une opposition marginalisée, de se fabriquer éventuellement quelques terroristes à la Baader-Meinhoff pour renforcer le consensus et de noyer toute pensée pertinente et critique dans un flot de variétés, de faits divers et de fausses informations. Alors quoi? Revenir à la formule mussolinienne: escouades de combat, levées dans les rangs du peuple excédé et armées de flacons d’huile de ricin? Dont les effets seraient ponctués par quelques solides raclées administrées avec un manganello de rude caoutchouc ou avec une canne de Camelot du Roy? Le régime a trouvé de quoi parer à ce genre de débordements populaires et estudiantins. Il faut se rendre à l’évidence: ou bien nous attendons que la bulle pète, que le système croule, ou bien, par une mystérieuse opération du Saint Esprit, nous prenons, tous autant que nous sommes, conscience, comme Saint Paul sur le chemin de Damas, que nous avons fait fausse route et que les structures nées d’un capitalisme dévoyé sont intrinsèquement perverses et que ceux qui les font fonctionner sont des malfaiteurs, captateurs de rentes et spoliateurs du peuple: plus de droit de vote à quiconque a été employé, fût-ce comme subalterne d’entre les subalternes, par une agence bancaire ou assimilable, confiscation de leur patrimoine immobilier (les banques n’ont pas à faire dans l’immobilier), réduction de leurs salaires et pensions de 25 à 33% au profit des secteurs non marchands de la société, appelés à réparer les dégâts du turbo-capitalisme frénétique. Tel serait le désarmement réel d’une caste parasitaire à laquelle il n’aurait jamais fallu laissé la bride sur le cou. Et les gauches régimistes, démissionnaires, félones, qui n’ont pas organisé la résistance, de peur de paraître “ringardes” face aux prophètes tonitruants des “reaganomics” et du néo-libéralisme?  Petrella doit-il vraiment tenter de leur apporter des arguments, un programme clé sur porte et un “nouveau récit” en prime? Ce serait tourner en rond. Le boa de “Tintin au Congo” qui se bouffe lui-même en avalant d’abord sa propre queue.

 

Conclusions et pistes nouvelles

 

“Notre société est malade du temps”, explique dans ses ouvrages la sociologue et psychologue française Nicole Aubert (in: “Le culte de l’urgence – La société malade du temps”,  Flammarion, 2003). Le temps, dont aucun homme n’est maître, est la “denrée” que la modernité a voulu conquérir, soumettre, dévorer. La finalité est d’envahir les longues durées constructives, d’éradiquer en chaque individu les périodes de recul, de réflexion, de travail lent, de créativité propre à long terme, au profit de l’instant, du “temps réel” des ordinateurs, des portables et d’internet, du bénéfice ou de la satisfaction immédiats. Les dégâts anthropologiques sont patents comme l’attestent les fébrilités pathologiques contemporaines (compulsivité généralisée, fièvre des achats, frénésie du travail des “workaholics”, cyberdépendance, acharnement à faire du sport au-delà  du raisonnable, passion du jeu et de la spéculation boursière, sexualités compulsives et toujours insatisfaites). Les dépressions se multiplient, la consommation de calmants augmente, comme si les patients cherchaient à nouveau à ralentir le temps, mais deux domaines, signale Nicole Aubert, souffrent particulièrement de cette compulsivité généralisée et de son corollaire de dépressions: a) la famille, qui éclate, se morcelle, se recompose vaille que vaille, ne remplit en tout cas plus son rôle de pôle équilibrant, où l’enfant peut construire sa personnalité en toute quiétude; b) la quête spirituelle, l’anamnèse nécessaire à l’équilibre de l’homme à tous les moments de sa vie (“A la recherche du temps perdu” de Proust), est brocardée comme passéiste ou “ringarde” voire “fascistoïde” parce qu’identitaire, donc fondatrice et “consolidatrice” de la personne (voir aussi “L’Homme pressé” et “Bouddha vivant” de Paul Morand et “Scènes de la vie future” de Georges Duhamel).

 

Nicole Aubert plaide, avec le Prof. Christophe Roux-Dufort (réf. supra), pour un retour au temps cyclique, mieux adapté à l’homme, à ses structures ontologiques profondes. Et c’est là que nous retombons sur la notion de “récit”, issue de la philosophie de Jean-François Lyotard: faut-il remplacer le récit occidental linéaire dans sa version libérale-capitaliste par un récit tout aussi occidental et linéaire qui serait humaniste-utopique (et “rousseauiste” au mauvais sens du terme), alors qu’en général, libéralisme, capitalisme, (faux) humanisme et utopisme ont toujours fait bon ménage et procèdent finalement de la même matrice eudémoniste du 18ème siècle? (cf. “The Enlightement” de Peter Gay, la précieuse anthologie “Interpretazioni dell’illuminismo” d’Antonio Santucci et l’incontournable “Die Aufklärung” de Panayotis Kondylis).

 

Ce n’est pas un nouveau grand récit, mais de petits récits non universalisables et d’un retour aux calendriers, aux liturgies et aux rythmes réels (“Apocalypse” de D. H. Lawrence), dont notre société très malade, fourvoyée dans une impasse, a besoin. Bref d’un retour à la Tradition et aux Volksgeister. Ce ne sont pas seulement les guénoniens et les évoliens qui en parlent aujourd’hui: dans les aires linguistiques anglo-saxonne et néerlandaise, le succès d’un livre comme “Black Mass – Apocalyptic Religion and the Death of Utopia” le prouve. L’auteur, John Gray, démontre que notre “vision conventionnelle” de l’histoire et du progrès humain a fait fausse route, qu’elle a généré plus de maux et de catastrophes qu’elle a résolu de problèmes. Pour Gray, le sommet de l’arrogance “linéaire-progressiste” a été commis par l’équipe néo-conservatrice (et anciennement trotskiste, ce qui explique sa volonté enragée de tout bousculer et de faire table rase de tous les résidus du passé, y compris les plus vénérables) autour de Bush, avec son projet “PNAC” (“Project for a New American Century”), qui entendaient fermement jeter aux orties tous les principes de la “Realpolitik”, dont le dernier défenseur américain aurait été, prétend Gray, Henry Kissinger. Cet abandon de toute “Realpolitik” signale une volonté de se débarrasser définitivement de toutes les limites imposées par l’histoire et le politique (“das Politische” selon Carl Schmitt ou Julien Freund; les balises ôtées, rien ne doit plus arrêter le flux houleux à trois composantes de l’américanisme planétaire: 1) l’économisme débridé (dont le néo-libéralisme de la “théologie universelle”, dénoncée par Petrella, est l’idéologie la plus parachevée), 2) le moralisme hypocrite inauguré par Wilson pendant la première guerre mondiale et remis au goût du jour par les présidents successifs (la “Croisade” de Roosevelt, les “droits de l’homme” de Carter, les discours apocalyptiques de Reagan avec évocation de l’Armageddon et le néo-conservatisme belliciste du projet PNAC sous Bush Junior); et 3) les propagandes échevelées reposant sur des contre-vérités flagrantes ou des semi-vérités adroitement présentées qui ahurissent la planète entière au départ des officines et agences-mères basées aux Etats-Unis. Nous en sommes là. Et la défaite possible de l’équipe néo-conservatrice, à l’horizon de novembre 2008, n’y changera rien, en dépit des espoirs naïfs des gauches européennes ou des pays en voie de développement.

 

En évoquant la démocratie à sa façon et en revendiquant l’utopie de manière si stupide, Petrella sombre dans un travers que dénonçait déjà Platon: laisser la bride sur le cou au désir (au cheval noir et fou du char de l’âme) et pousser ainsi la République, la Cité, dans les affres de la tyrannie et de la catastrophe. Herbert Marcuse, au demeurant excellent exégète de Hegel dans sa jeunesse et lecteur attentif de Nietzsche, a parié, dans les années 60 du 20ème siècle “pour l’Eros contre la civilisation”; certes, Marcuse entendait dégager l’homme de l’unidimensionalité où l’enfermait une société devenue hyper-technicisée et restaurer ses capacités créatrices, au sens artistique et dyonisiaque de Nietzsche. L’Eros, qu’il définissait comme antidote à l’hypertechnicité contemporaine, n’est nullement l’hédonisme et l’eudémonisme vulgaires qui ont triomphé chez les interprètes paresseux de son oeuvre, insinués aujourd’hui dans tous les rouages de la Cité, après mai 68 et la “longue marche à travers les institutions” des nouvelles gauches (cf. H. Marcuse, “Zur Kritik des Hedonismus”, in: “Kultur und Gesellschaft I”, edition Suhrkamp, Frankfurt a. M., 1965-75). Les “festifs” dénoncés par Muray, surtout dans “Festivus festivus”, l’ouvrage sorti à peine quelques semaines avant sa mort inopinée, sont hédonistes et eudémonistes, donc “anti-politiques”, “impolitiques”, et donnent le ton dans le sillage du maire de Paris Delanoë. Les “festifs” sont les héritiers de ces pseudo-marcusiens qui n’ont pas compris Marcuse ni les autres théoriciens de l’Ecole de Francfort. Et c’est à ces “festifs”, en marge des partis socialistes, démocrates-chrétiens et écologistes que Petrella veut servir son plat, plein de bonnes intentions, voire de quelques intentions pertinentes, mais vilainement, atrocement, gâtées par les sauces frelatées du festivisme.

 

Ces “festifs” représentent l’immense majorité de cette humanité à l’âme dominée par le cheval noir et fou que ne maîtrise pas l’aurige (cf.: Janine Chanteur, “Platon, le désir et la Cité”, Sirey, 1980) et qui bascule dans tous les paradis artificiels possibles et imaginables, dont l’éventail est bien plus vaste qu’aux temps de Platon ou même de Marcuse. Non, Prof. Petrella, il ne faut pas promettre l’utopie mais l’agonalité, le retour à plus d’âpreté politique, à une intransigeance qui puise à Platon (sans platonisme) et Aristote, à Carl Schmitt et à Julien Freund. Il faut bannir de la Cité, non les poètes, mais les festifs et les escrocs, les tyrans esclaves de leurs désirs (dont les tenants de la “théologie universelle capitaliste” qui en sont un avatar contemporain). Dans ce cas, et dans ce cas seulement, nous pourrons réaliser les trois points de votre programme qui ont retenu notre attention.

 

Dimitri SEVERENS.

(Septembre 2008).

 

Références: Riccardo PETRELLA, “Pour une nouvelle narration du monde”, Montréal, Editions “écosociétés”, 2007, ISBN: 978-2-923165-36-3.