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mardi, 14 juillet 2009

Une étude néerlandaisesur Malraux, Drieu, Nizan et Brasillach

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Souffrir de l’air du temps...

Une étude néerlandaise sur Malraux, Drieu, Nizan et Brasillach

 

Un livre vient de sortir de presse aux Pays-Bas: celui de Marleen Rensen, professeur de “lettres européennes modernes” à l’Université d’Amsterdam. Il est intitulé: “Lijden aan de tijd – Franse intellectuelen in het interbellum” (= “Souffrir de l’air du temps – les intellectuels français pendant l’entre-deux-guerres”). Ce livre se vendra-t-il? Je ne sais pas. Il est la version grand public d’une thèse de doctorat portant sur la façon dont quatre écrivains français, André Malraux, Pierre Drieu la Rochelle, Paul Nizan et Robert Brasillach, affrontent leur époque dans leur oeuvre, songent au temps qui passe et en sont obsédés. Indubitablement, c’est là un bon sujet. Mais, hélas, le public potentiel me semble bien réduit aujourd’hui, qui s’intéresse encore à la littérature engagée de cette époque-là et qui, de surcroît, serait prêt à se farcir des considérations d’ordre philologique, bien difficiles à ingurgiter. Et nous sommes les premiers à le déplorer. En tout cas, l’éditeur prêt à tout, aux Pays-Bas, “Aspekt” de Soesterberg, mérite nos applaudissements pour avoir publié une fois de plus un ouvrage difficile, peu commercialisable. Il faut oser le faire.

 

L’analyse que propose Marleen Rensen de quatre romans d’avant-guerre, représentatifs de ce qu’elle appelle la “génération anti-Proust”, est remarquable, mais je formulerais tout de même quelques critiques sur l’un ou l’autre détail de son travail. Je rassure: mes critiques ne portent pas sur le fond mais sur des détails, des points et des virgules, de petites inexactitudes que Marleen Rensen aurait pu éviter.  Il est inexact d’affirmer, par exemple, que l’écrivain communiste Nizan ait d’abord été membre du “Faisceau” de Georges Valois dans les années 20. Il est tout aussi inexact d’étiqueter ce mouvement de “fascistoïde”, comme le fait Marleen Rensen: c’est à coup sûr une exagération. Le terme “fascistoïde” est vague; il relève du langage pamphlétaire et non pas de la terminologie scientifique; raison pour laquelle j’éviterais de l’utiliser dans une thèse. Valois entendait, faut-il le rappeler, dissoudre son mouvement dans le front des gauches vers le milieu des années 30, donc, sa milice ne peut guère être qualifiée de “fascistoïde”. De surcroît, dans une thèse, elle aurait dû signaler, pour être exhaustive, le fait très révélateur que pendant l’occupation, le fondateur du “Faisceau” a été déporté par les Allemands à Bergen-Belsen à la suite de ses activités jugées subversives. Il y est décédé le 16 février 1945.

 

Encore une inexactitude de la même veine: le “Parti Social Français”, d’inspiration chrétienne et nationaliste, placé sous la houlette du Colonel François de la Rocque, est qualifié de “fasciste” en page 95 de l’ouvrage. François Mitterrand en était un sympathisant quand il était étudiant. Cette affirmation n’est guère scientifique. Le PSF de droite catholique était certes une formation antiparlementaire mais ne s’est jamais égaré dans les eaux de l’antisémitisme comme le PPF de Jacques Doriot. François de la Rocque a subi lui aussi la déportation pour faits de résistance, d’abord vers un camp annexe de Flossenburg, ensuite au château d’Itter qui dépendait du camp de Dachau. Je tiens à rectifier, dans les cas de Valois et de de la Rocque, car il faut veiller à ne pas coller partout, et sans discernement, l’étiquette de “fasciste”.

 

Mais, en dépit de mon pointillisme, je ne dénigre nullement l’ensemble du travail de Marleen Rensen, constitué d’analyses hors pair de quatre romans intemporels que l’on lit aussi dans bon nombre d’universités, y compris en Flandre: “L’espoir” du “fellow traveller” André Malraux, “Le cheval de Troie” du communiste Paul Nizan, “Gilles” du fasciste Drieu la Rochelle et “Les sept couleurs” de Robert Brasillach, rédacteur en chef du journal collaborationniste “Je suis partout”, fusillé en 1945. Ces quatre hommes se connaissaient avant la guerre. Drieu et Malraux étaient de bons amis et le restèrent en dépit de leurs divergences d’opinion fondamentales sur le plan idéologique. Drieu, tempérament narcissique, s’est suicidé en mars 1945. Malraux, personnalité mythomane, s’est converti au gaullisme et a réussi à se hisser au poste de ministre de la culture après 1958. Nizan et Brasillach avaient tous deux fréquenté la fameuse “Ecole Normale Supérieure”, comme Sartre, et écrivaient des recensions sur leurs ouvrages respectifs. Nizan est devenu communiste vers 1930 mais a quitté le parti après le pacte de non-agression germano-soviétique d’août 1939. Il est mort en combattant devant Dunkerque. Le parti l’a stigmatisé ensuite, lui a collé l’étiquette de “traître”.

 

Les modes d’engagement de ces hommes étaient différents, mais “Lijden aan tijd” nous montre de manière fort convaincante que les quatre écrivains se heurtaient, dans leurs oeuvres, au thème du temps, plus exactement tentaient de donner des recettes à leurs contemporains pour qu’ils sachent comment vivre (intensément) leur époque. On retrouve ce souci dans les multiples essais que nos quatre auteurs ont rédigés. Le point de départ de leurs réflexions est sans nul doute aucun la première guerre mondiale, qui apporte, explique Marleen Rensen, aux quatre écrivains une conception historique du temps, laquelle marque une différence fondamentale entre leur démarche engagée et celle, esthétique et individualiste, d’un auteur comme Marcel Proust, dont le monumental “A la recherche du temps perdu” constitue, in fine, une introspection personnelle, non chronologique, soustraite au temps social, politique et historique, bien éloigné de tout engagement social. Mais s’il peut paraître paradoxal que Proust ait été largement apprécié par les deux “fascistes” que furent Drieu et Brasillach.

 

Proust était déjà considéré comme “suranné” en son temps, où, effectivement, avec nos quatre auteurs, toute une génération s’est dressée: elle voulait que la littérature épouse les passions de l’histoire.

 

Mais Proust va gagner, conclut Rensen. “On remarquera que le roman postmoderne actuel semble revenir aux oeuvres de Proust, Mann, Gide, Joyce et Woolf, sur les plans du style et de la composition... Tandis que l’esthétique des écrivains modernistes reste de nos jours un modèle littéraire important, le style -et le style romanesque- de Brasillach, Drieu, Malraux et Nizan ne sont restés qu’un phénomène éphémère, lié à une période historique restreinte”. Pourtant, ajouterais-je, la postmodernité est, elle aussi, phénomène de mode. Le temps peut tout changer.

 

“Guitry”/’t Pallieterke.

(article paru dans ’t Pallieterke, Anvers, 10 juin 2009, trad. franç.: Robert Steuckers).

 

 

Le rôle du Vatican dans l'élaboration du Traité de Versailles

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SYNERGIES EUROPÉENNES - Septembre 1986

Le rôle du Vatican dans l'élaboration du "Diktat" de Versailles

C'est un document très curieux qu'a réédité la Faksimile Verlag de Brème. Rédigé par un certain "Mannhart", ce texte, datant de 1938, accuse le Vatican d'avoir voulu la destruction de l'Allemagne prusso-centrée, née du génie politique de Bismarck. Procédant systématiquement, "Mannhart" a épluché toute la presse allemande, vaticane, italienne et française pour étayer sa thèse. Son travail a ceci d'intéressant qu'il aide à mettre en exergue les manigances d'Adenauer, catholique rhénan francophile. Et ainsi d'expliquer quelque peu la division actuelle de l'Allemagne, voulue dans les années 50 par le calamiteux ex-bourgmestre de Cologne.

Si en août 1914 le Vatican de Pie X souhaite la victoire de l'Autriche-Hongrie, puissance catholique, contre les Serbes et les Russes orthodoxes, le vent tournera à Rome en octobre 1914 quand le Cardinal Gasparri devient "Secrétaire d'Etat du Vatican", au-trement dit Ministre des Affaires Etrangères de l'Eglise. Le 7 janvier 1915, dans un journal américain, le New York Herald,  les intentions de Gasparri apparaissent, à peine déguisées, pour la première fois: détacher les provinces catholiques de l'Allemagne du Sud de la Prusse protestante. Pour obtenir l'élimination du protestantisme en Allemagne septentrionale, donc pour "déprussianisé" l'ensemble créé par Bismarck, l'Eglise sera prête à tout, en tablant sur l'impérialisme français et en abandonnant l'Autriche-Hongrie. C'est parmi les partisans de cette "géopolitique" catholique que Clémenceau trouvera, en Allemagne, des alliés pour sa politique. A Versailles, le Vatican appuyera les annexions en faveur des nations catholiques, la France, la Belgique, l'Italie et la Pologne mais déplorera le démantèlement de la Monarchie austro-hongroise. Par la suite, ce jugement ambigu se maintiendra: anti-allemand à l'Ouest (en France et en Belgique, où la querelle se complique par l'avènement du mouvement flamand) et anti-bolchévique, c'est-à-dire anti-russe et relativement pro-allemand en Europe Centrale et en Europe de l'Est. "Mannhart" décrit avec minutie les complots du parti ultra-montain en Allemagne pendant la guerre.

Mannhart, Verrat um Gottes Lohn? Hintergründe des Diktates von Ver-sailles, Faksimile-Verlag, Bremen, 1985, 104 S., 13 DM.

Adresse: Faksimile-Verlag,

Postfach 66 01 80, D-2800 Bremen 66.

lundi, 13 juillet 2009

Halldor Laxness: catholique, communiste, nationaliste de libération

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Halldor Laxness: catholique, communiste, nationaliste de libération

 

Par Josef M. Rauenthal

 

Réflexions sur la vie et l’oeuvre du Prix Nobel islandais Halldor Laxness

 

Disons-le d’emblée: ce qui m’intéresse dans le cas du grand écrivain islandais Halldor Laxness, ce n’est pas tant sa conversion de jeune homme qui passe du protestantisme au catholicisme (il est baptisé le 6 janvier 1923), ni son engagement zélé, quelques années plus tard, pour la cause de Lénine et de Staline. Soit dit en passant: il a attendu longemps, jusqu’en 1938, pour adhérer au “Front Populaire Islandais”, qui regroupaient socialistes et communistes.

 

Laxness qui, dans la phase catholique de sa vie, envisageait de devenir bénédictin ou jésuite, a transféré son désir ardent de croire vers l’idéologie communiste. Ce qui m’intéresse, dans cette existence faite de ruptures et d’engagements, c’est que ce représentant d’un peuple opprimé pendant des siècles a exprimé, pendant les quelques décennies où il fut communiste, des idées que nous qualifierions aujourd’hui de “nationalistes de libération”, au sens récent du terme. Le nationalisme peut se conjuguer à d’autres idéologies. C’est ainsi que nous trouvons des courants nationaux-conservateurs, nationaux-libéraux, nationaux-socialistes, etc. Laxness interprétait le communisme comme un instrument et une doctrine efficace de libération contre l’impérialisme du 20ème siècle, qui menaçait aussi son propre peuple.

 

Laxness aurait haussé les épaules, montré son incompréhension, si l’on avait exigé de lui, au nom de la pureté doctrinale marxiste-léniniste, qu’il nie peuple et nation parce que la théorie les pose une fois pour toutes comme des “superstructures dominatrices”. Le 8 novembre 1939, Laxness écrit dans un journal islandais: “L’impérialisme n’a rien à voir avec la nationalité: il est, de par sa nature même, une conspiration internationale de voleurs, prêts à tout moment à se battre et s’entre-déchirer, pour savoir qui aura la prééminence pour piller et rançonner le monde, pour asservir des peuples  innocents, pour s’approprier les richesses des nations et de réduire celles-ci en esclavage pour servir leurs sombres desseins; et la méthode, pour poursuivre ces intérêts si ‘nobles’, c’est de noyer les peuples dans le sang”.

 

Contre l’impérialisme

 

Laxness ne percevait pas, à cette époque-là, que toutes ces facettes négatives pouvait parfaitement être attribuées aussi à l’Union Soviétique. Il ne s’en rendra compte que graduellement, dans le sillage de la dé-stalinisation après 1953. Il perdra alors son entêtement de communiste inconditionnel. En 1956, l’invasion soviétique de la Hongrie le bouleverse et le choque profondément.

 

Sur quelles bases reposait donc les prédispositions nationales (voire nationalistes) de l’Islandais Laxness? Pour Laxness, ce qui importe pour une petite nation comme la nation islandaise, ce qui doit lui servir de pôle d’orientation, c’est la culture qu’elle produit. Il se sentait appelé, en ce sens, à conduire la petite nation islandaise et sa culture dans la modernité du 20ème siècle. Dans une lettre écrite en 1932, il formule clairement sa pensée: “Pour un écrivain, c’est un malheur d’être né dans un petit pays en marge du monde, d’être condamné à utiliser une langue que personne ne comprend. Mais j’espère qu’un jour les pierres de la terre islandaise pourront parler au monde entier, grâce à moi”. Lorsqu’il reçut le Prix Nobel de littérature en 1955, il fut convaincu que son oeuvre “allait apporter gloire et honneur à son pays et son peuple”. Pour lui, nationalité et humanité vont de pair; ce qu’il souligne d’ailleurs dans son discours de réception: “Lorsqu’un écrivain islandais oublie ses origines, qui se trouvent ancrées profondément dans l’âme populaire, en ce lieu même où les sagas s’enracinent, lorsqu’il perd le lien et le devoir qui le lie à la vie menacée, à cette vie que ma vieille grand-mère m’a enseignée, alors sa gloire est dépourvue de valeur; de même que le bonheur que procure l’argent”.

 

Pour la liberté de son peuple

 

Le patriotisme de Laxness n’était nullement tapageur, ne relevait pas de ce que les Anglo-Saxons nomment le “jingoïsme”. En mai 1939, il déclare lors d’une rencontre des jeunesses socialistes en Islande: “Il n’est pas un grand patriote celui qui exalte bruyamment la geste héroïque de la nation et qui prononce sans cesse le nom des hommes les plus célèbres du pays; vrai patriote est celui qui comprend aussi les souffrances de son peuple et la lutte silencieuse que mènent dans l’existence d’innombrables anonymes, dont le nom ne figurera jamais dans un livre d’histoire... Le vrai patriote ne reconnait pas seulement les forces de son peuple, et ses succès, il sait aussi, mieux que quiconque,  quand l’humiliation a été la plus amère, la défaite la plus terrible”. C’est parce qu’il savait tout sur l’oppression qu’avaient fait peser les Danois sur l’Islande pendant des siècles,  que Laxness soutenait la lutte pour la liberté de son peuple. Il a fallu attendre le 1 décembre 1918 pour que l’Islande obtienne un statut d’indépendance  conditionnelle. Le Roi du Danemark demeurait, par le truchement d’une “union personnelle” le chef d’Etat de la République (!) d’Islande.

 

Lors des festivités pour le jour de l’indépendance en 1935, Laxness a prononcé le principal discours, retransmis par la radio. Il  profita de l’occasion, pour fondre en un seul concept l’idée du nationalisme de libération et celle du “front populaire”: “Nous sommes au point culminant de la lutte pour la liberté menée par le peuple islandais: hommes et femmes d’Islande, engagez-vous dès aujourd’hui dans le combat, considérez que ce jour de l’indépendance et de la liberté est sacré, unissez-vous au sein du front populaire, union de toutes les forces du pays... contre l’oppression extérieure et intérieure qui prend la forme du capitalisme des banques, de la haute finance, les pires ennemis de l’humanité de chair et de peine qui vit sur cette terre, ennemis qui essaient en ces jours de faire main basse sur notre pays, de planter leurs griffes en chaque poitrine qui respire”.

 

En 1944, l’Islande est définitivement séparée du Danemark. Laxness déclare en cette occasion: “C’était remarquable: chaque habitant de ce pays, en ce jour, ressentait la vie de la nation comme étant la sienne propre, comme si chaque Islandais, cultivé ou non, sentait battre en sa poitrine l’histoire vivante du pays”. Laxness, on le voit, était un communiste très particulier, car ce qu’il  décrit ici n’est rien d’autre que la concrétisation ponctuelle d’un idéal nationaliste très ancien: l’idée de communauté populaire. Pour célébrer le nationalisme de libération islandais, Laxness écrivit un livre-monument, “La cloche d’Islande” (en trois volumes de 1943 à 1946).  La “cloche” est ici le symbole de l’humiliation et de la renaissance islandaises.

 

Lutter contre les Etats-Unis

 

“La cloche d’Islande” place son intrigue dans les 17ème et 18ème siècles; en revanche, le roman “Station atomique” (1948) se déroule après la seconde guerre mondiale. Avec ce roman et de nombreux articles, Laxness entend lutter contre les “cessions de souveraineté” que concédait à l’époque l’Islande aux Etats-Unis, dans le but de permettre aux forces américaines de construire une base militaire. Son mot d’ordre à l’époque était le suivant: “L’Islande ne peut en aucun cas devenir une station atomique pour des profiteurs de guerre étrangers” et “Nous, Islandais, voulons la souveraineté illimitée sur tout notre pays”. Aujourd’hui, l’oeuvre narrative de ce grand écrivain islandais est disponible en langue allemande, dans une édition de référence en onze volumes, achevés en 2002. Sous le IIIème Reich, un seul titre de cet auteur avait pu paraître. Après la seconde guerre mondiale, Laxness fut largement promu par la RDA, même si ses fictions ne contenaient que quelques bribes du message socialo-communiste et ne  correspondaient pas aux critères du “réalisme socialiste”.

 

En 1958, à un moment de sa vie où il s’était distancié considérablement de ses premiers engouements communistes, Laxness se moquait, dans une lettre adressée à sa femme, de “l’atmosphère sinistre qui règnait en Allemagne de l’Est”. Pour la politique de la RDA, son jugement était lapidaire et sans concession: “Je crois que l’Allemagne de l’Est mérite le prix du pays le plus laid et le plus sale que j’ai jamais visité; finalement, on peut dire que rien ne va là-bas car, en l’espace de quelques années, trois millions de personnes ont fui le pays. Si l’on compare avec les chiffres de la démographie scandinave, c’est comme si, en moins de dix ans, tous les Norvégiens avaient fui la Scandinavie”.

 

En 1970, Laxness écrit à un ami des propos peu flatteurs sur la servilité qu’il découvre dans les deux morceaux de l’Allemagne divisée: “De fait, comme je le constate dans les deux parties de l’Allemagne,  tous sont contents de leurs propres troupes d’occupation”. Ce genre de remarque n’étonne guère: le regard de Laxness était lucide, aiguisé, pour ce type de situation: il avait étudié la politique d’occupation danoise, qui avait duré des siècles.

 

Josef M. RAUENTHAL.

 

(texte issu de: http://www.deutsche-stimme.de/ ; trad. franç. : Robert Steuckers).

L. F. Céline: Lettre à Henri Béraud

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Lettre à Henri Béraud

 

«...Alors il n'y aura plus de question juive»

 

Mon cher Henri Béraud,

 

Vous seul pouvez réfuter avec assez de clarté, de force dans la modération, et de finesse pénétrante, les arguments de Blum au banquet de la Ligue contre l'Antisémitisme.

Nous n'en voulons pas aux juifs en tant que Juifs. (C'est une race intelligente, entreprenante, active, — bien que folle dans le fond!) Ce que nous leur reprochons, c'est de faire du RACISME. C'est de ne s'être jamais prêtés chez nous  —comme partout—  à ce mélange des races  dont Blum ose faire état quand il invoque ses ancêtres gaulois! C'est de nous mépriser. Un juif prendra avec plaisir, pour maîtresse, Mlle Dupont ou Mlle Durand. Mais quand il voudra se marier, c'est Mlle Jacob ou Mlle Abraham qu'il épousera. Ce n'est donc pas nous qui l'excluons de notre communauté. C'est lui qui s'en tient volontairement à l'écart, avec une fierté méprisante—et ridicule. Blum a l'aplomb de parler de religion, de prétendre qu'on persécute le juif comme attaché à une foi, au même titre que le catholique (en Allemagne par exemple) — Or, sur dix juifs, il y a neuf agnostiques. La religion juive ne nous gêne en rien, le juif lui-même s'en moque, c'est un enfantillage d'en vouloir faire l'objectif. C'est en tant que race  qu'Israël nous turlupine, race orgueilleusement préservée de la corruption — la corruption, c'est nous! Que M. Blum nous cite un seul non-juif dans ses ascendants, s'il l'ose! Voilà le fait. Fût-il mort au champ d'honneur, le juif est mort sans une goutte de sang français dans les veines. Nous le tenons pour non français parce qu'il se refuse; lui, et lui seul, à pactiser dans le fait  avec les français. Le jour où il lèvera cet interdit et se fondra réellement dans le bloc national, comme les bretons ou les provençaux, alors il n'y aura plus de question juive.

... Et vive Gringoire!

 

L.F. Céline

 

 

Note:

 

Cette lettre, datant sans doute de 1938, est adressée au célèbre éditorialiste de l'hebdomadaire Gringoire,  Henri Béraud, auteur de Popu roi  dans lequel il raille le Front populaire. Dans Gringoire, Béraud attaquait violemment le gouvernement de Léon Blum tout en se défendant toujours d'être antisémite. Ce document est extrait du numéro spécial consacré à Béraud («Henri Béraud, le flâneur salarié») par la revue Le Lérot rêveur  (n° 40, mai 1985). Prix : 50 FF, franco. Editions du Lérot, à Tusson, F-16140 Aigre.

dimanche, 12 juillet 2009

Knut Hamsun sauvé par Staline!

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Knut Hamsun sauvé par Staline!

 

Cette année 2009 célèbre le 150ème anniversaire de Knut Hamsun (1859-1952). Le romancier norvégien, né Knut Pedersen, est, avec Hendrik Ibsen, l’écrivain norvégien le plus lu et le plus traduit dans le monde. En 1890, Knut Hamsun fait ses début avec son roman “La faim” qui innove quant à la manière d’écrire. Ce roman fut d’emblée un grand succès et amorça une carrière littéraire longue et productive. En 1920, Knut Hamsun obtient le Prix Nobel de littérature. Son influence sur la littérature européenne et américaine est énorme et d’une importance inestimable. Des écrivains comme Ernest Hemingway, Henry Miller, Louis-Ferdinand Céline, Hermann Hesse, Franz Kafka, Thomas Mann et I. B. Singer ont été inspirés par le talent de Knut Hamsun. Singer l’appelait le “père de la littérature moderne”. En Flandre, deux écrivains, Felix Timmermans et Gerard Walschap, ont reçu l’inspiration du Prix Nobel norvégien.

 

En Norvège, le 150ème anniversaire de la naissance de Knut Hamsun sera célébré par des expositions, des productions théâtrales et une conférence internationale. L’une des principales places d’Oslo, située juste à côté de l’Opéra national, portera dorénavant son nom. On érigera enfin un monument en son honneur. On dirait que les Norvégiens viennent de découvrir le nom de leur très célèbre compatriote. Ces derniers temps, un grand nombre de villes et de villages ont donné son nom à une place ou à une rue. A l’endroit où il résidait, à Hamaroy, on ouvrira officiellement un “Centre Knut Hamsun”, le 4 août, jour de son anniversaire. Ce jour-là, un timbre poste spécial sera émis. Pourtant, Knut Hamsun a été conspué et vilipendé pendant des décennies par l’établissement norvégien.

 

Goebbels

 

Hamsun a mené une vie de nomade pendant la majeure partie de son existence. Il est né fils d’un pauvre tailleur. Son père, démuni, le confia à un oncle riche. Le garçonnet devait travailler pour cet oncle afin de rembourser les dettes que ses parents avaient contractées auprès de ce dernier, âpre au gain. Au bout de quatre ans, le jeune garçon, alors âgé de quatorze ans, en a eu assez de cet oncle et s’en alla de par le vaste monde. Deux fois, la faim le poussa à émigrer aux Etats-Unis où il exerça trente-six mille petits métiers. Avec, toujours, un même objectif en tête: devenir écrivain. Son modèle était son compatriote Björnstjerne Björnson.

 

Après sa percée littéraire avec “La faim”, Hamsun devint incroyablement productif. Il devait une large part de son succès aux traductions allemandes de son oeuvre. Ses livres y connaissaient des tirages fantastiques. Grâce à son éditeur allemand, Hamsun a enfin pu connaître, après tant d’années de misère noire, la sécurité financière. Mais il y eut plus. L’écrivain norvégien n’a jamais dissimulé sa germanophilie. Qui, de surcroît, prenait davantage de relief au fur et à mesure que grandissait son anglophobie. L’arrogance britannique le révulsait. Il ne put plus la tolérer après la Guerre des Boers et les interventions musclées en Irlande. A ses yeux, les Britanniques ne méritaient plus aucune attention, rien que du mépris. A cette anglophobie s’ajouta bien vite son anti-communisme.

 

Pendant l’occupation allemande de la Norvège (1940-45), il aida certes l’occupant mais demeura avant tout un patriote norvégien intransigeant. Dans ses articles, Knut Hamsun exhortait ses compatriotes à s’engager comme volontaires pour aider les Allemands à combattre le bolchevisme. Le Président américain Roosevelt était, à ses yeux, un “juif de service”. Il fut reçu par Hitler et Goebbels avec tous les honneurs. La rencontre avec Hitler eut des effets sur le long terme. D’abord, Hamsun, atteint de surdité, foula les règles du protocole aux pieds et exigea du Führer le renvoi du gouverneur allemand Terboven, craint et haï. Personne n’avait jamais eu le toupet de parler sur ce ton à Hitler et ne l’avait à ce point brusqué. L’intervention de Hamsun eut toutefois des effets: après sa visite à Hitler, les exécutions arbitraires d’otages ont cessé.

 

La potence?

 

Le 26 mai 1945, Hamsun et son épouse, une national-socialiste convaincue, sont mis aux arrêts à domicile. Pour des raisons peu claires, Hamsun est déclaré “psychiquement dérangé” et enfermé pendant un certain dans une clinique psychiatrique d’Oslo. Le gouvernement de gauche voulait se débarrasser de lui mais, mise à part sa germanophilie, on ne pouvait rien lui reprocher. Il n’avait jamais été membre de quoi que ce soit. Bien au contraire! Grâce à lui, bon nombre de vies avaient été épargnées. Certes, il avait refusé de nier la sympathie qu’il éprouvait pour Hitler. Fin 1945, le ministre soviétique des affaires étrangères, Molotov, fait savoir à son collègue norvégien Trygve Lie qu’il “serait regrettable de voir la Norvège condamner son plus grand écrivain à la potence”. Molotov avait entamé cette démarche avec l’accord de Staline. C’est après cette intervention que le gouvernement norvégien renonça à faire le procès de Hamsun et se borna à lui infliger une solide amende qui le mena quasiment à la faillite. La question reste ouverte: la Norvège aurait-elle condamné le vieillard Hamsun à la peine de mort? Les collaborateurs norvégiens ont tous été condamnés à de lourdes peines. Mais l’Union Soviétique pouvait exercer une influence forte et redoutée en Scandinavie dans l’immédiat après-guerre.

 

Jusqu’à sa mort en février 1952, le gouvernement norvégien a traité Hamsun comme un délinquent de droit commun. Il a fallu attendre soixante ans pour qu’il soit réhabilité.

 

(texte issu de l’hebdomadaire anversois “ ’t Pallierterke”, 24 juin 2009; trad. franç.: Robert Steuckers).

Ein Gea(e)chteter - Ernst von Salomon

Ex: http://www.ostpreussen.de/

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Ein Gea(e)chteter
Hans-Joachim v. Leesen zum 100. Geburstag Ernst v. Salomons

Frage 2 des Fragebogens: Name? Antwort: von Salomon, Ernst. Frage 4: Geburtsdatum? Antwort: 25. September 1902, morgens 2 Uhr 5 Minuten. Frage 5: Geburtsort? Antwort: Kiel. Doch bei so nüchternen Angaben beläßt es der Gefragte, der in diesen Tagen 100 Jahre alt geworden wäre, nicht. Und das gerade war die ebenso originelle wie zugkräftige Idee, die sein vor 51 Jahren erschienenes Buch "Der Fragebogen" zum ersten Bestseller der Bundesrepublik Deutschland machte, von dem bis heute 450.000 Exemplare verkauft sind. Hinzu kommen Übersetzungen in fast alle wichtigen Sprachen. Die Ausgabe als heute noch lieferbares rororo-Taschenbuch weist im Impressum die Angabe auf, im Dezember 1999 sei das 98. Tausend der Taschenbuchfassung ausgeliefert worden. Und wer sie sich jetzt nicht nur kauft, sondern auch liest, der wird verblüfft feststellen, daß das Buch immer noch so frisch und aktuell ist wie vor einem halben Jahrhundert.

Als die Sieger 1945 endlich Deutschland niedergerungen hatten, genügte ihnen nicht die Ausschaltung der deutschen Macht. Sie wollten vielmehr die Deutschen zu anderen Menschen machen. Das sollte mittels einer Methode vollbracht werden, die sie als "Umerziehung" bezeichneten, die später, als die Chinesen sich ihrer bedienten, als "Gehirnwäsche" in die Geschichte einging, treffender und umfassender aber wohl den Namen "Charakterwäsche" verdient. Die Besiegten sollten ihre Geschichte, so wie sie sie bisher gesehen hatten, verleugnen und sie so deuten, wie die Sieger es ihnen vorschrieben, wobei die Schwie- rigkeit darin bestand, daß die vorher so herzlich verbündeten Sieger sich sehr bald uneins wurden und jeweils eine ganz andere Auffassung von deutscher Geschichte demonstrierten. Die Deutschen sollten auch nicht mehr "autoritätsgläubig" sein, nicht mehr gemäß dem fünften Gebot Vater und Mutter ehren, überhaupt all das ablegen, was ein späterer Parteivorsitzender "Sekundärtugenden" nennen sollte. Diesem Ziel diente zunächst einmal der "Fragebogen der Alliierten Militärregierungen", den jeder erwachsene Deutsche ausfüllen sollte. In ihm stellte man den Deutschen 131 Fragen - von der Frage 1: "Für Sie in Frage kommende Stellung" bis zur Frage 131: "Kenntnis fremder Sprachen und Grad der Vollkommenheit". Die Fragen waren von einer Qualität wie etwa jene mit der Nummer 108, die da lautete: "Welche politische Partei haben Sie in der November-Wahl 1932 gewählt?", eine Frage, die Zweifel aufkommen ließ an dem Verständnis der demokratischen Sieger für eine allgemeine, gleiche und geheime Wahl, die nicht gerade dazu dienen konnte, die Hoffnung der Deutschen auf die kommende Demokratie zu festigen.

v. Salomon hatte sich, nachdem er anderthalb Jahre lang in einem US-Internierungslager inhaftiert worden war, um dann mit dem Vermerk "irrtümlich verhaftet" sang- und klanglos entlassen zu werden, vorgenommen, den Fragebogen ernst zu nehmen und ihn Punkt für Punkt ausführlich zu beantworten. Dabei beließ er es nicht bei den 131 Fragen, sondern nutzte die den Fragen sich anschließende Rubrik "Remarks/Bemerkungen", um auf 150 Druckseiten "Bemerkungen" über seine Erfahrungen in US-Haft niederzuschreiben.

Diese Schilderungen waren seinerzeit wohl ein wesentlicher Grund für den explosionsartigen Erfolg. Im ersten Jahr nach dem Erscheinen wurden 100.000 Bücher verkauft. Weder davor noch - wenn man richtig beobachtet - danach hat jemand dieses wichtige Kapitel deutscher Nachkriegsgeschichte in einer literarisch anspruchsvollen Form geschildert. Doch nicht nur die Form machte den Reiz aus, sondern ebenso die mitgeteilten Tatsachen, die bislang mit einem Tabu belegt waren. Un- menschlichkeiten wurden schon damals ausschließlich der deutschen Seite zugeschrieben, während man nun erkannte, daß sie auch den Siegern nicht fremd waren.

Aber weit darüber hinaus ist der "Fragebogen" ein menschliches Dokument über das Leben und das Denken in Deutschland in der ersten Hälfte des 20. Jahrhundert, gesehen durch die Brille eines Mannes, der politisch schwer einzuordnen ist. Man könnte ihn konservativ nennen, wenn er nicht auch die vorhandenen Verhältnisse auf dem Wege der Revolution hätte ändern wollen.

Mit Sicherheit war er kein Kommunist, weil er nichts von dem Ideal der Gleichheit hielt und auch der Brüderlichkeit gegenüber ein erhebliches Maß an Skepsis beibehielt. Den Liberalismus lehnte er entschieden ab und hielt die Ordnung für lebenswichtiger als die Freiheit. Man hat ihn eingeordnet in die Reihen der konservativen Revolutionäre wie etwa Ernst Jünger, dem er freundschaftlich verbunden war, Oswald Spengler oder Arthur Moeller van den Bruck.

Auf die Frage nach der Staatsangehörigkeit antwortete Ernst v. Salomon: "Ich bin Preuße. Die Farben meiner Fahne sind schwarz und weiß. Sie deuten an, daß meine Väter für die Freiheit starben, und fordern von mir, nicht nur bei hellem Sonnenschein, sondern auch in trüben Tagen ein Preuße zu sein. Es ist dies nicht immer einfach."

Er sei als Preuße "gewohnt, gehalten und gezwungen, den Tatsachen nüchtern ins Auge zu blicken," schreibt er. Das dürfte eine wichtige Aussage sein: Er läßt sich durch Phrasen nichts vormachen und bleibt der nüchterne Betrachter der Zeitläufe. Natürlich akzeptiert er, daß er nach dem Staatsangehörigkeitsprinzip Deutscher ist. Inhaltlich ist ihm aber das Preußische wichtiger, denn: "Preußen hat den Staat gelebt. Es gibt keinen Augenblick preußischer Geschichte, in welchem sich nicht, wer immer für Preußen verantwortlich war, mit dem Staate, mit der Idee des Staates befassen mußte. Preußen hat jeden Tag vor harten Wirklichkeiten gestanden. Die Gefährdung war ebenso ungeheuer wie die Aufgabe. Vielleicht ist es darum gewesen, daß sich ein Bündel edler Namen aus allen deutschen Geschlechtern zu Preußen hingezogen fühlte, preußisch wurde aus Wahl, durch Bekenntnis, daß die besten Preußen ihrer Herkunft nach nicht preußisch waren, nicht preußisch durch den Zufall der Geburt ... Und dies ist das Erstaunliche: das preußische Staatsgefühl hatte dem einzelnen nichts zu bieten als strenge Forderungen. Es verlangte vom König, der erste Diener des Staates zu sein, wertete niemals Absichten, immer nur Leistungen, es wahrte nicht Interessen und Vorteile, sondern Idee und Formen, es achtete nicht auf die Erfüllung. Im Ganzen ist dies Staatsgefühl ... bedeutend mehr ethisch als metaphysisch oder biologisch be- dingt ..."

Angesichts solcher Aussagen kann man nur zu dem Schluß kommen, daß der preußische Geist genau das Gegenteil ist vom bundesrepublikanischen Geist von heute.

Neben einigen anderen Büchern aus der Feder Ernst v. Salomons nach dem Kriege, wie etwa "Die schöne Wilhelmine", ein Unterhaltungsroman mit hohen Auflagen und Fernsehweihen, aber ohne politische Bedeutung, ragen seine bis 1945 erschienenen und dann von den Siegern natürlich sofort verbotenen Werke heraus. Sein erstes Buch trug den Titel "Die Geächteten" und erreichte nach Angaben des Verlages eine Auflage von 50.000, was nicht stimmen kann, liegt doch dem Berichterstatter ein Exemplar aus der Kriegszeit vor, das den Vermerk trägt "115.000 bis 119.000 Tausend". In ihm schilderte v. Salomon seinen Weg als preußischer Kadett im Jahre 1919 und in der Zeit der totalen Verwirrung während der ersten Nachkriegsjahre, die er den "Nachkrieg" nennt und in der er als Soldat in einem der von der sozialdemokratisch geführten Reichsregierung ins Leben gerufenen Freikorps mithalf, das Reich vor dem Untergang in kommunistischen Revolutionsversuchen zu bewahren. Dabei stellte er mit seinen Kameraden fest, daß sie eigentlich keineswegs die Absicht gehabt hatten, die alte Ordnung aufrechtzuerhalten. Er schilderte, wie die Idee des Frontsozialismus entstand, der aber angesichts der Gefährdung des Reiches von außen wie von innen nicht ausformuliert werden konnte.

Salomon kämpfte mit seinem Freikorps in Berlin gegen spartakistische Umsturzversuche, im Baltikum gegen die auf die deutschen Grenzen vorrückende Rote Armee. Er beschützte die Weimarer Nationalversammlung, arbeitete im Untergrund gegen die französische Besatzungsmacht im Westen Deutschlands und fand sich schließlich mit Tausenden seiner Kameraden zusammen, als es darum ging, Oberschlesien gegen den Ansturm polnischer Insurgenten zu verteidigen.

Als die Lage des Reiches vor allem aufgrund der Ausbeutung des Landes durch unermeßliche Tributzahlungen an die Sieger von 1918 immer verzweifelter wurde, gelangte er mit anderen Kameraden zu dem Schluß, daß die sogenannte Erfüllungspolitik der Reichsregierung zum Untergang des Landes führen mußte. Deshalb beschlossen sie, den in ihren Augen für das System repräsentativen Reichsaußenminister Walther Rathenau zu ermorden. Man glaubte, das Attentat könnte das Signal zu einer nationalen Erhebung sein. Sie hatten sich geirrt. Salomon war am Rande an den Vorbereitungen beteiligt. Er wurde gefaßt, vor Gericht gestellt und zu fünf Jahren Zuchthaus verurteilt, die er absaß.

Nach der Entlassung entdeckte der Verleger Ernst Rowohlt seine schriftstellerische Begabung und veranlaßte ihn, seine Erlebnisse und Empfindungen niederzuschreiben. Daraus entstand das Buch "Die Geächteten".

Ihm folgte in den dreißiger Jahren ein schmalerer Band über seine Kadettenzeit: "Die Kadetten". Salomon bemühte sich, die Geschichte der Freikorps in mehreren Büchern zu dokumentieren, so in dem jetzt wieder als Reprint vorliegenden Werk "Das Buch vom deutschen Freikorpskämpfer" oder in der mehr theoretischen Schrift "Nahe Geschichte".

Im Dritten Reich hielt er sich aus der Politik heraus. So hatte er sich das neue Deutschland nicht vorgestellt, war er doch nicht der Mann der Massen, sondern einer, der den Elitegedanken hochhielt. Überhaupt nichts anfangen konnte er mit den Bemühungen der Nationalsozialisten, die Geschichte und die Politik mit Hilfe des Rassegedankens zu interpretieren, ein ideologischer Ansatz, der nicht nur scheiterte, sondern auch zu schrecklichen Verbrechen führ-te.

Er war zunächst Lektor im Rowohlt-Verlag, dann Drehbuchautor bei der Ufa und bei der Bavaria. Zahlreiche Drehbücher, die meisten unpolitisch, entstammten seiner Feder.

Die einmarschierten US-Truppen nahmen in dem Bemühen, alle Elemente der bisherigen deutschen Elite auszuschalten, auch Ernst v. Salomon im Rahmen des "automatic arrest" fest. Er durchlief mehrere US-Internierungslager und erlebte all die Demütigungen, Schikanen und Brutalitäten, die sich auch die westlichen Sieger gegen die völkerrechtswidrig eingesperrten Internierten im Übermaß zuschulden kommen ließen.

Aus den Internierungserlebnissen entstand "Der Fragebogen", den er auf Sylt schrieb. Der Leser erfährt von der Gedankenwelt ebenso wie von den Taten der jungen Nationalrevolutionäre während der Weimarer Republik. Die Freikorpskämpfe werden wieder lebendig, ebenso wie die Anstrengungen der Landvolkbewegung Ende der 20er Jahre. Salomon schilderte die Zeit vom 30. Januar 1933 bis 8. Mai 1945, diese Spanne, die "gewöhnlich als die des Dritten Reiches, billig als die des Tausendjährigen Reiches, kurz als die des Nazi-Regimes, und gut als die der nationalsozialistischen Regierung in Deutschland bezeichnet wird", wie er es formuliert. Und schließlich holt er aus, um das zu schildern, was er als Internierter in US-Lagern erleben mußte.

Was damals den Deutschen am "Fragebogen" so gut gefiel und auch heute noch pures Lesevergnügen bereitet, ist jede fehlende Anpassung, jeder Mangel an vorauseilendem Gehorsam und politischer Korrektheit. Statt dessen schildert v. Salomon selbstbewußt, frech, teils auch wohl sarkastisch und auch nicht ohne Aggression die Zeit. Das Buch wirkte damals Anfang der 50er Jahre wie befreiend für die geistige Atmosphäre und wurde daher auch von den Inhabern der Macht angegiftet.

Von den Erträgen des Buches kaufte Salomon für sich und seine Familie ein Bauernhaus in Stöckte an der Luhe. Am 5. August 1972 ist dort Ernst v. Salomon im Alter von 69 Jahren gestorben. Der heimatlose Rechte liegt auf dem Waldfriedhof in Marienthal in der Lüneburger Heide begraben.

 

CD "Ein preußischer Revolutionär": Bereits mit 28 Jahren schrieb Ernst v. Salomon in seinem autobiographischen Werk "Die Geächteten" seine Erlebnisse als Freikorpskämpfer nieder. Es ist eines der bedeutendsten Dokumente über die Zeit des Bürgerkrieges in Deutschland, der Putschversuche und Aufstände sowie des Kampfes der Freikorps an den deutschen Grenzen. Die gelungene musikalische Untermalung macht die Lesung ausgewählter Kapitel zu einem Hörgenuß. Mit mehrfarbigem Beiheft. Zirka 70 Minuten, 14,95 Euro.

 

Die Staats- und Wirtschaftspolitische Gesellschaft e.V. und der Ostdeutsche Kulturkreis e.V. laden zu einer Gedenkveranstaltung am Donnerstag, 26. September 2002, um 19.30 Uhr im Saal "Kaiser Friedrich", Kiel, Hasselsdieksdammer Weg 2 (Eingang vom Wilhelmplatz aus). Der Historiker und Germanist Dr. Olaf Rose, Bochum, spricht über das Werk und den Menschen Ernst v. Salomon, der Rezitator Günther Pahl, Pinneberg, liest aus v. Salomons Büchern. Die Veranstaltung ist öffentlich, der Eintritt beträgt 5 Euro, für Schüler und Studenten 3 Euro.


samedi, 11 juillet 2009

Les ancrages économiques et géopolitiques de l'Australie

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Les ancrages économiques et géopolitiques de l’Australie

 

Nous sommes prêts à parier de fortes sommes d’argent: demandez à une centaine de citoyens flamands pris au hasard et demandez-leur à quoi ils associent l’Australie. Vous recevrez immanquablement un paquet de clichés comme réponse: des soaps plagistes, des kangourous, ou peut-être encore une série télévisée comme “Flying Doctors” ou un personnage de film comme Crocodile Dundee. En revanche, la plupart des économistes se font un idée plus exacte du pays: ils savent qu’il y a là-bas du charbon et du nickel, mais aussi de l’or et de l’uranium. Voilà ce que vous répondront ceux qui connaissent les réalités économiques de ce continent insulaire. Bon nombre de matières premières importantes se trouvent dans le riche sous-sol australien. Il y a déjà bien des décennies que tel est le cas et c’est bien évidemment cette richesse qui fait la prospérité de cette ancienne colonie pénitentiaire britannique. L’Australie a véritablement été la Sibérie du “British Empire”. Mais, innovation, depuis quelques années, un nouveau facteur a émergé: le facteur chinois. L’Empire du Milieu est devenu, en très peu de temps, le principal client de l’Australie. Cette coopération sino-australienne suscite certes bien des contrats lucratifs mais à ces échanges fructueux, il y a un revers de médaille...

 

Partenaire commercial

 

Les années qui viennent de s’écouler ont été fort douces pour ceux de “down under”, comme on dit dans le monde anglo-saxon. Les nombreuses matières premières du sol australien se vendent cher au prix du marché, ce qui a stimulé l’économie du pays-continent. L’influx de capitaux a fait grimper le prix de l’immobilier, la bourse a connu des “pics” et, au cours des trente dernières années, le taux de chômage n’a jamais été aussi bas. Un tel contexte économique, on s’en doute, a généré de la satisfaction, cependant, dans son sillage, une certaine angoisse est née en Australie. Pour ce qui concerne les investissements étrangers, ce sont toujours les Etats-Unis et la Grande-Bretagne qui demeurent les principaux partenaires de l’Australie mais les Chinois sont en train de les rattraper à une vitesse vertigineuse. Ces mêmes Chinois sont aussi les acheteurs principaux des richesses naturelles du pays. A peu près la moitié du fer et de la laine produits en Australie part en direction des ports chinois. En même temps, quelque 120.000 Chinois étudient en Australie. Les chiffres sont éclairants: l’imbrication économique des deux pays est devenue un fait. Un fait en pleine croissance. Ce qui suscite des questions. Y compris dans les autres pays de la région Insulinde/Océanie.

 

L’an dernier, le Japon a été détrôné: il n’est plus le principal partenaire commercial de l’Australie, ce qui constitue un symbole important. Un diplomate remarquait naguère: “C’est le cas de toute l’Asie, mais ce sont surtout l’Inde et le Japon qui s’inquiètent du tandem sino-australien”. “Sous l’ancien Premier Ministre John Howard, les liens entre la Chine et l’Australie sont devenus très forts mais sous son successeur Kevin Rudd, ces liens se renforcent encore davantage. En outre, Kevin Rudd est sans doute le seul leader occidental à parler couramment le mandarin. Cette situation éveille des soucis. En Australie et ailleurs”. En soi, ce ne sont pas les importations chinoises à grande échelle qui inquiètent mais certaines tentatives d’acheter des entreprises australiennes. Lorsque trois entreprises d’Etat chinoises ont fait savoir qu’elles entendaient acheter certaines parts de l’industrie minière australienne, une sonnette d’alarme a retenti chez plus d’un observateur.

 

Au total, les Chinois auraient investi 22 milliards de dollars, ce qui équivaut, à peu près, au total de tous les investissements chinois de ces trois dernières années. “La république communiste de Chine, donc propriété à 100% communiste, achète des parts importantes de ce pays”, a-t-on clamé sur les bancs de l’opposition australienne. Cette remarque peut sans doute faire mousser quelques âmes sensibles dans le débat idéologique et politicien, dans la pratique de telles paroles n’ont que peu de poids. La Chine aligne d’ores et déjà plus de 115.000 entreprises d’Etats, avec pour fleuron, 150 groupes importants qui opèrent au niveau international. En pratique, ces entreprises et ces groupes cherchent à faire du profit, comme n’importe quelle entreprise privée.

 

Le noyau de l’affaire est une question d’ancrage. Pour l’opposition australienne, le pays se trouve face à une puissance étrangère qui ne cesse d’acheter des parts substantielles de l’économie nationale. Démarches jugées inquiétantes. Le cas australien, à ce niveau, n’est pas isolé. Dans la région, du Vietnam aux Philippines, tous s’inquiètent du poids toujours croissant de la Chine. Un chercheur du “Centre de relations Internationales” de l’Université de Sidney résume la situation en ces termes: “La situation s’est modifiée. Au début, on voyait ces investissements d’un bon oeil, puis le doute s’est installé. Pour l’essentiel, il ne s’agit pas tant des relations spécifiques entre la Chine et l’Australie mais bien du regard assez hostile que jette le monde sur la Chine et son futur rôle de grande puissance”.

 

Le contexte politique explique l’évolution des relations économiques sino-australiennes. Ce qui est logique car le noyau de toute problématique est in fine toujours politique. Depuis l’entrée en fonction du gouvernement Rudd, celui-ci a résolument tiré la carte chinoise. Il a entrepris plusieurs voyages en Europe, aux Etats-Unis et, bien entendu, en Chine. Mais aucun autre pays asiatique ne figurait au programme, ce qui a offusqué bien des chancelleries en Asie. Un analyste constate: “En Inde, au Japon, en Corée du Sud, on a l’impression que le gouvernement Rudd est entièrement tourné vers la Chine”. La réaction d’un commentateur indien sur le voyage de Rudd le confirme. Son jugement bref est simple et lapidaire: “La Chine, la Chine et encore la Chine”.

 

Pourtant, il n’est pas neuf le débat quant à savoir si l’Australie est un avant-poste de l’Occident ou un pays asiatique. Mais la convergence des réalités économiques et des choix politiques du gouvernement Rudd indique qu’un nouveau chapitre de l’histoire des relations économiques entre l’Extrême Orient chinois et son environnement océanien vient de s’ouvrir. Est-ce une étape nouvelle vers un “happy end”? Cela reste à voir.

 

“M.”/” ’t Pallieterke”.

(article paru dans ’t Pallieterke, Anvers, 10 juin 2009; trad. franç.: Robert Steuckers).

Maurice Bardèche: une fidélité

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Archives de Synergies Européennes - 1993

Maurice Bardèche: une fidélité

 

Les souvenirs de Maurice Bardèche sont parus. C'est l'histoire d'une fidélité: à un beau-frère, à une idée, à une espérance, qui fut celle d'une part de la jeunesse européenne. L'espérance, en Europe, de nations réconciliées avec leurs peuples. Espérance très certainement illusoire: avec le fascisme, tout est bien qui finit mal.

L'influence de Bardèche ne s'est peut-être pas exercée sur un nombre important d'esprits, rnais elle a été considérable pour quelques-uns, en intensité et en durée. Sa revue Défense de l'Occident (1) a souvent été la première occasion de collaboration journalistique pour de jeunes non-confortnistes. En fonction des époques et des rédacteurs de la revue, celle-ci, parue de 1952 à 1982, fut d'une qualité naturellement variable. Elle constitua en tout cas un authentique ilot de non conformisme.

Pendant 30 ans, c'est-à-dire les années d'après-guerre, l'essentiel de ce qui s'est dit d'intelligent, "à droite", a été dit par Bardèche: sur la fin des colonies et le retour nécessaire à la fierté des peuples d'Afrique et d'Asie, sur les droits des Arabes en général et des Palestiniens en patticulier, sur le monde moderne comme émasculation de l'homme, sur le culte du dollar et le fonctionnarisme. Et avec une flopée d'autres dont des jugements positifs sur Mendès-France ou le Bérégovoy de 1982 témoignent. Naturellement, Bardèche n'est pas Pareto. Ce n'est pas un théoricien, pas plus qu'un doctrinaire à la Ploncard d'Assac.

Quoiqu'il en soit, avec Montherlant et Pauwels, Bardèche a été à l'origine de mon éveil, qui ne fut pas seulement politique, et ne le fut même pas principalement. Je ne suis sans doute pas seul dans ce cas. On constate à ce sujet une évolution singulière. Pour âpres et parfois violents que furent les combats menés contre le rebelle Bardèche, - celui-ci lançant ses brulôts contre les mythologies du temps -, souvent se manifestait un respect de l'adversaire, ou du moins une reconnaissance de l'ennemi qui n'a plus cours aujourd'hui. Maintenant, l'adversaire des vérités officielles n'est plus respectable, il n'est plus même un simple ennemi du système, il est devenu une "non-personne".

Des années de Défense de l'Occident, - auquel j'ai collaboré jeune -, à 1993, j'ai certes évolué. Assez considérablement même sur certains points (2). Reste une fidélité. Elle unit ceux qui sont passés par les "portes de lumières". Si Brasillach, c'était le don du bonheur, le goût du courage et l'émerveillement devant l'itmocence des jours toujours premiers, Bardèche, ce fut l'ironie dévastatrice de Suzanne et le taudis, et de nombre de pages des Souvenirs, et la distance jusque dans l'engagement le plus radical.

A la fin d'une vie abrégée par les démocrates sincères et les patriotes de progrès, Brasillach plaidait pour un "fascisme libéral". Bardèche, de son côté, n'a cessé de crayonner les traits d'un "fascisme raisonnable". A tel point que beaucoup de ses lecteurs - et j'en suis - sont devenus raisonnablement a-fascistes. Ni haine, ni racisme chez Bardèche, curieux des êtres, amoureux de la diversité du monde. Malgrè un goût prononcé pour le blasphème, on ne trouve pas chez lui une recherche systématique de l'originalité. Bardèche dit d'un de ses livres, Les Temps modernes, qu'il ne contenait que "des vérités largement répandues". Cet écrivain passionné n'aspirait qu'à être un homme tranquille, penché sur les livres, les femmes et les enfants - ce qui constitue somme toute un assez bon programme.

Ce qui unifie l'ensemble des travaux de Bardèche, politiques, historiques et littéraires, c'est effectivement un programme simple et robuste: le refus d'un monde mercantile. "Tout ce que j'ai écrit n'a jamais été qu'une protestation contre l'invasion de l'économique dans notre vie". Tous les livres de Bardèche sont parcourus par une sensation dont il écrit ne l'avoir pleinement composé que dans les dix dernieres jours après la disparition de Défense de l'Occident. Cette sensation, ou cette intuition, c'est la hantise de la dépossession, "non seulement de nos nations, mais de notre personnalité même". Le "monde d'hier" est mort, celui des héroïques petits Bara et Viala, celui où "les nuits étaient de vraies nuits". Il ne reste, aux hommes, sans doute que les femmes pour leur renvoyer l'image de leurs propres rêves. Il n'est pourtant pas certain que cela soit suffisant.

 

Pierre LE VIGAN

 

(1) du nom du livre d'Henri Massis.

(2) Pour faire court et me limiter au plan politique, je précise être plus à l'écoute de Lipietz ou de Chevènement que de Le Pen. Sans que la diabolisation de celui-ci ne me paraisse ni souhaitable, ni raisonnable, ni honorable.

 

Maurice Bardèche, Souvenirs. Buchet-Chastel, 1993.

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vendredi, 10 juillet 2009

Actualité géopolitique du Groenland

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Actualité géopolitique du Groenland

 

Par quel adjectif qualifieriez-vous un pays qui, d’un seul coup de plume, perdrait 98% de son territoire national? Un pays “décapité”? Un pays “pulvérisé”? Peu importe. Si l’on fait abstraction des très  nombreux paramètres qui jouent en l’affaire, c’est exactement ce qui risque d’arriver au Danemark si les Groenlandais, qui sont un peu moins de 60.000, décidaient de faire désormais cavaliers seuls. Cela se passera-t-il? Et quand? Nous ne le savons pas, nous ne disposons pas d’une boule de cristal... Mais une chose est sûre: la tendance va dans ce sens. Sans commune mesure avec le nombre fort modeste des habitants de cette immense masse territoriale qu’est le Groenland, l’abandon des liens avec le Danemark provoquerait un glissement de terrain géopolitique que plusieurs pays observent déjà, avides et intéressés.

 

L’évolution lente vers l’autonomie ou l’indépendance du Groenland, qui se séparerait définitivement du Danemark, est en marche selon un calendrier graduel mis au point depuis des années. Il y a une trentaine d’années, les Groenlandais ont obtenu un statut d’auto-détermination qui, peu le savent, a des conséquences pour l’UE. Ce nouveau statut permettait aux Groenlandais de sortir unilatéralement de l’Union Européenne, ce qui eut effectivement lieu en 1985 après une querelle sur les droits de pêche. Tout comme, disons, les Açores ou la Guadeloupe, le Groenland est devenu en 1973, en même temps que le Danemark, membre de la “Maison européenne”, tout en ayant le statut de “région ultra-périphérique”. Les Groenlandais sont dès lors un exemple d’école: ils sont le seul “peuple” qui ait jamais réussi à tourner le dos à l’UE.

 

Le pragmatisme danois

 

Entretemps, une nouvelle étape vers l’indépendance pure et simple vient d’être franchie. En novembre 2008, une bonne majorité de 75% s’est prononcée en faveur d’un démantèlement supplémentaire de l’administration “coloniale” danoise. Les Groenlandais sont désormais maîtres de leur justice et de leur police. La politique étrangère reste à Copenhague. Les Danois continuent cependant à payer cher pour les Groenlandais. Chaque année, ils consacrent quelque 633 millions d’euro à la grande île: des “transferts” en quelque sorte. Le trésor danois alimente un tiers du PNB du Groenland, ce qui explique pourquoi l’indépendance pleine et entière se fera encore un peu attendre... Sauf si, bien entendu, certaines évolutions se manifesteront plus rapidement que prévu.

 

Sans tenir compte de quelques remarques acides, l’attitude danoise est toute de sérénité face à cet inéluctable processus. Un morceau supplémentaire de ce qui fut jadis l’Empire maritime danois disparaîtrait. Les Danois s’y sont habitués. Il fut un temps, en effet, où le Danemark possédait quelques îles dans les Antilles, l’Islande et quelques lambeaux de territoire aujourd’hui suédois, norvégiens ou allemands. Si cet empire ne s’était pas désintégré, la principale ville danoise resterait certes Copenhague mais elle serait quasiment sur pied d’égalité avec Oslo (Norvège), Kiel (Allemagne) et Malmö (Suède). Le pragmatisme des Danois est certes une chose. Mais l’attention de plus en plus soutenue qu’accordent les puissances tierces à l’évolution de la situation au Groenland en est une autre, qui me semble sortir de l’ordinaire.

 

Le passage “GIUK”

 

Un regard sur la carte me paraît fort éclairant. Le Groenland occupe une position stratégique très intéressante entre l’Amérique du Nord et l’Europe. Les régions du sud de l’île font partie de ce que stratégistes et géopolitologues nomment la zone du “Passage GIUK” (pour “Greenland, Iceland, United Kingdom”). Ce n’est pas un hasard si cette aire maritime constituait l’un des points stratégiques les plus sensibles de la Guerre Froide. Ce fut une zone où l’OTAN et le Pacte de Varsovie s’épiaient et se testaient. C’est pourquoi, d’ailleurs, les Américains, y ont installé une base militaire, Thulé. L’importance stratégique de cette aire est antérieure à la Guerre Froide: déjà lors de la Bataille de l’Atlantique entre puissances anglo-saxonnes et forces de l’Axe, cet espace océanique a révélé toute son importance.

 

Mais l’enjeu actuel dépasse largement l’aire GIUK. La fonte de parties substantielles de la calotte glaciaire dans la zone arctique rend possible la navigation des mers autour du Groenland. Sur la façade occidentale de l’île, une route semble se former qui rendrait bientôt possible la circulation maritime entre le Pacifique et l’Atlantique, via la zone polaire arctique. Même si le “Northwest Passage” ne deviendra navigable qu’en été, nous verrions se constituer la principale mutation dans les liaisons maritimes depuis le creusement du Canal de Panama.

 

Ensuite, autre facteur d’intérêt: les richesses naturelles qui se trouvent sous le sol de la région polaire arctique. La règle est claire: ce qui se trouve dans la zone du plateau continental appartient au pays qui le borde. C’est pourquoi plusieurs Etats lancent des enquêtes pour déterminer scientifiquement à qui appartient, effectivement ou non, certaines zones de ce plateau. Le sous-sol groenlandais semble fort bien pourvu de matières premières. Certes, les estimations divergent mais certaines d’entre elles font état d’immenses réserves de pétrole, perspective allèchante même si leur exploitation éventuelle sera difficile. Peut-être que derrière l’apparente sérénité danoise, face à l’éventualité d’une indépendance pleine et entière du Groenland, se  cache en réalité une inquiétude politique. Ce ne serait nullement illogique.

 

Lors des sondages et des forages, il vaut mieux faire preuve de prudence. Ainsi, au début 2009, le gouvernement danois a décidé de rouvrir un dossier ancien, celui d’un accident d’avion datant de 1968. Cette année-là un bombardier B52 des forces aériennes américaines s’est écrasé; il avait à son bord quatre bombes nucléaires. Immédiatement après l’accident, Danois et Américains ont mis tout en oeuvre pour les récupérer. Ils ont réussi à en retrouver trois. Mais la bombe n°78.252 est resté introuvable jusqu’ici. Il faudra bien se fier à l’honnêteté de ceux qui la retrouveront...

 

“M.”/”’t Pallieterke”.

(article paru dans “ ’t Pallieterke”, Anvers, 1 juillet 2009; trad. franç.: Robert Steuckers).

Marcel Aymé: Témoignage sur L. F. Céline

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Témoignage

 

Céline était issu de ce milieu de petits commerçants parisiens, tous plus ou moins antisémites, parce qu'au temps où ils étaient employés de commerce, le juif symbolisait pour eux le patronat et qu'après s'être établis, ils avaient trouvé en lui un redoutable concurrent accusé de ruiner le petit négoce avec le concours de la banque juive. N'oublions pas que jusqu'à l'affaire Dreyfus, la classe ouvrière à Paris (et non en province) était ouvertement antisémite, prétendument en souvenir des banquiers de l'Empire, en realité pour des raisons plus intimes. Lorsque Jaurès eut pris parti dans l'Affaire, l'hostilité des ouvriers cessa d'être avouée, mais n'en subsista pas moins et si, aujourd'hui encore, il existe à Paris un ferment d'antisémitisme, ce n'est pas dans les beaux quartiers, mais dans ce qu'on appelait autrefois les faubourgs et aussi parmi les petits boutiquiers de la capitale. On imagine bien que dans la boutique du passage Choiseul (lequel était déjà sur son déclin) où Céline Destouches (1), la mère de notre futur écrivain, vendait ses dentelles, l'enfant a dû grandir dans la familiarité de cette hargne antijuive flétrissant les suppôts de l'anti-France qui menaçaient le pain du foyer. Et ce n'est pas une prise de conscience littéraire qui a réveille et fait flamber tout à coup un antisémitisme demeuré latent dans son cœur et dans son esprit, mais une injustice outrageante subie dans l'exercice de sa profession de médecin et perpétrée au profit d'un confrère juif. D'autres que lui auraient encaissé l'affront en rongeant leur frein, mais je l'ai dit, on ne l'attaquait pas qu'il ne se défendit à fond, avec toutes ses forces. On jugera excessifs les développements donnés à cette affaire personnelle. Mais une injustice est-elle jamais uniquement affaire personnelle? En tout cas une chose est sûre, c'est que Céline, s'il n'avait pas été provoqué, visé au cœur, ne serait jamais parti en guerre contre les juifs. Ce n'est donc pas, selon le mot de Jean-Pierre Richard, «un délire de causalité» qui l'a jeté hors de ses gonds. Ici, c'est l'injustice qui a engendré l'injustice. Et si la riposte a été hors de proportion avec l'injustice initiale, c'est que Céline, en proie à la colère et à son génie verbal, avait précisément perdu cette faculté d' «objectiver» qu'il possédait pleine lorsqu'il s'agissait de Bardamu et de ses autres créations.

 

Marcel AYME (1963).

 

(1) En réalité, Marguerite Destouches-Céline était le prénom de la grand-mère de l'écrivain.

jeudi, 09 juillet 2009

Entretien avec A. Douguine sur la Russie et l'Union Européenne

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Entretien avec Alexandre Douguine

Sur la Russie et l’Union Européenne

 

Propos recueillis par Bernhard Tomaschitz pour l’hebdomadaire “zur Zeit” (Vienne)

 

Q.: Monsieur Douguine, comment jugez-vous le rôle de l’Union Européenne dans le monde?

 

AD: Je pense que l’Europe est prédestinée à jouer un rôle géopolitique important dans le monde et l’UE pourrait constituer un élément positif dans ce projet car l’unification européenne peut se percevoir comme la volonté des peuples européens de se porter au-delà des limites des Etats nationaux. Et lorsqu’on analyse la situation géopolitique, on constate que, dans un monde en plein changement, le concept de souveraineté reçoit un contenu nouveau. Même de grands Etats comme la France ou l’Allemagne ne sont plus en mesure de maintenir leur souveraineté pleine et entière et risquent, à court ou moyen terme, de devenir des satellites américains. Mais une Europe unie, elle, serait capable de devenir, si elle le voulait, un puissant facteur géopolitique. Mais, justement, cette UE n’a pas la volonté de  défendre ses propres intérêts géopolitiques; au lieu de cela, elle ne poursuit que des intérêts économiques immédiats.

 

Q.: Comment faudrait-il, d’après vous, façonner les relations entre l’UE et la Russie?

 

AD: Il faut d’abord savoir qu’Européens et Russes sont des alliés naturels parce que la Russie est un Etat continental et que l’Europe, elle aussi, a une identité essentiellement continentale. C’est pourquoi Européens et Russes sont des partenaires idéaux dans un monde multipolaire, parce que la Russie dispose de ressources énormes et que l’Europe, pour sa part, dispose de hautes technologies, d’un bon système économique et est la deuxième économie du monde. Voilà pourquoi je crois que si la Russie et l’UE s’unissent sur base de leurs intérêts communs, elles pourront toutes deux atteindre leurs objectifs. Ce qui affaiblirait les Etats-Unis.

 

Q.: C’est pourquoi les Etats-Unis tentent de diviser l’Europe, entre une “Vieille Europe” et une “Nouvelle Europe”?

 

AD: C’est tout à fait exact. Les Etats-Unis tentent de créer en Europe orientale un “cordon sanitaire”. Ils veulent que se constitue une zone de manoeuvre géopolitique qui séparerait la Russie de l’Europe, tout en essayant de contrôler entièrement cet espace géographique-là. La plupart des pays est-européens ne servent plus aujourd’hui des intérêts européens mais, au contraire, ceux des Etats-Unis. Ce que font des pays comme les Pays Baltes, l’Ukraine, la Pologne voire la République Tchèque, c’est empêcher une possible alliance euro-russe. Ces pays sont certes membres de l’UE mais ne sont pas “européens” au sens géopolitique et stratégique du terme: il leur manque une conscience européenne, ils en sont totalement dépourvus, et essaient, de ce fait, de détruire l’Europe qui est en train de se faire. Voilà pourquoi la Russie et l’Europe doivent coopérer en ne songeant qu’à leurs intérêts communs, indépendamment des points de vue différents qu’elles pourraient avoir en d’autres sujets ou matières.

 

Q.: Comment juge-t-on en Russie les projets d’adhésion de la Turquie à l’UE?

 

AD: Ce projet est diabolique dans la mesure où il nuit tant à l’Europe qu’à la Turquie. J’entretiens depuis quelque temps de très bonnes relations avec de nombreuses personnalités de haut rang en Turquie et toutes pensent qu’une adhésion de leur pays à l’UE détruirait l’identité turque. Les Américains sont en fait les promoteurs de l’idée d’une adhésion turque à l’UE dans le but d’affaiblir l’Europe et de détruire la Turquie. Nous, Russes, avons actuellement de bons rapports avec la Turquie et nous coopérons étroitement avec elle, quand il s’agit de servir nos intérêts communs, mais nous ne pensons rien de bon d’une éventuelle adhésion de la Turquie à l’UE.

 

(entretien paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°7/2009; entreten réalisé par Bernhard Tomaschitz; trad. franç.: Robert Steuckers)

Down with the therapeutic left and the managerial right! (Part I)

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Down with the therapeutic left and the managerial right!

(Part One)

By Mark Wegierski
Ex: http://www.enterstageright.com/

The Next City was in the mid- to late-1990s, a prominent Toronto-based Canadian magazine (which is now no longer being published), although the website archive may still be extant. In his editorial commentary in the Spring 1997 issue,  "Down with left and right", Lawrence (Larry) Solomon, the editor-in-chief of the magazine, suggested that those terms had definitively outworn their usefulness. Among the responses published in The Next City (Fall 1997), Michael Taube, then publisher of a small conservative zine From The Right (which in the end lasted only three issues) had argued that those terms continued to mean something significant. Nick Ternette, editor of The Left Fax (another small zine) had claimed that "the left as defined by socialists, Marxists, and greens does not believe in more government intervention, but less -- it believes as some of the new right does that people should do things for themselves instead of relying on government, and it sees an alternative to free markets...and...government interventionism, namely communalization." [emphasis in the original].

Mr. Solomon's response (Fall 1997) can be summarized as a reiteration of the call made in the initial piece, for paying less attention to outward ideology. The implicit hope expressed was that there would be more of the practical working-out of difficult modern-day problems and dilemmas by persons of good will regardless of ideology. Although this is certainly a fine sentiment, one finds that in practice there will often be some kind of partisanship.

Nick Ternette's statement is indeed curious, in that it can be read in a very traditionalist way. Is this in fact “socialism” -- or some kind of “anarcho-communitarianism”? Could this be seen as a call for the abolition of the managerial-therapeutic state, on the understanding that persons should depend on their own resources (or rather perhaps those of their immediate locality)? Is this an advocacy of the devolution of power to smaller municipalities and rural areas, as against the big cities? Should neither provinces nor the federal government in Canada set any general standards for health, education, welfare, human rights laws, etc?  Should only local taxes be collected, and should any resources collected stay within the locality? Should one only be bound by the rules, laws, and customs of one's locality?

Nick Ternette was probably thinking mostly of clusters of left-wing activists in large and multicultural urban centers when he made his argument. But it could be argued that most of the communities of the country are in fact not the various components of the urban-based “rainbow coalition” continually trumpeted in the media, but rather smaller municipalities and rural areas typically despised and marginalized by left-liberalism today. One could conjecture that in a situation where local authority became paramount, left-liberal influence in Canada would be confined to a few large cities (or perhaps just a few trendy and/or grungy neighbourhoods in the largest cities) – rather than being projected upon the country as a whole (through mass-media, mass-education, and consumerism) as it is today.

The possible ultra-traditionalist take on Mr. Ternette's writing may strongly suggest the obsolescence of the Left-Right dichotomy. According to many theorists, the prevalent current-day political reality is the "managerial-therapeutic regime". That term is carefully chosen, for it could be argued that there is a "managerial Right" and a "therapeutic Left" which -- although in apparent conflict -- in fact represent little more than a debate as to the most effective application of consumerist desires and/or “market discipline” and/or mandatory sensitivity-training to keep the “subject-citizens” in line.  The "managerial Right" represents the consumerist, business, economic side of the system, whereas the "therapeutic Left" represents redistribution of resources along politically-correct lines, and ongoing "sensitization" for recalcitrants.

The Left is also identified today with the pop-culture, which, in a somewhat different way from the therapeutic, seeks to reduce to non-existence traditional social norms of nation, family, and religion. While ferociously struggling for its vision of social justice and equality, much of the Left before the 1960s felt that many such notions were simply a natural, pre-political part of social existence, which it had no desire to challenge. The profit motive of the corporations, and the rebelliousness of the cultural Left and of late modern culture in general, feed off of each other, as Daniel Bell has argued in The Cultural Contradictions of Capitalism. North American pop-culture (which most definitely includes very reckless and irresponsible academic and art trends), and the consumer-culture, are tightly intertwined. What is fundamentally missing is the sense of an integrated self and society, where a more meaningful kind of identity can be held by persons, and in which real public and political discourse can take place.

It could be argued that the real division of late modernity is between supporters and critics of the managerial-therapeutic regime. The latter include genuine traditionalists, as well as various eclectic center and left persons. It may be noted, for example, that Christopher Lasch, one of the most profound critics of late modernity, continued to identify himself as a social democrat to the very end of his life.

This kind of coalition is prefigured in the words of the nineteenth-century aesthetic and cultural critic John Ruskin, who, in an age of a pre-totalitarian and pre-politically-correct Left, could say with some confidence, "I am a Tory of the sternest sort, a socialist, a communist."

To be continued. ESR

Mark Wegierski is a Canadian writer and historical researcher.

Aphrodite und das Uridol

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SYNERGON/EUROPA - Brüssel - Juni 2000

Gerhoch REISEGGER:
Aphrodite und das Uridol


Mit Aphrodite der Göttin der Liebe wird unsere Behauptung einer urältesten europäischen Herkunft der griechischen Gläubigkeit und Kultur auf die schwerste Probe gestellt. Sogar die griechische Historiographie besteht auf einen orientalischen Ursprung dieser als ³ungriechisch² empfundenen Göttin, deren Namen zudem ³zweifellos ungriechisch² heißt. Herodot, der allerdings auch Herakles aus Ägypten herleiten möchte, nennt als Mutterheiligtum Aphrodites das der Himmelskönigin semitischer Völker und auch des Alten Testaments in Askalon (1, 105). Walter F. Otto, der wie allgemein dieser Genealogie folgt, meint aber doch, daß die asiatische Aphrodite einer alteinheimischen ³begegnet² wäre, die in Athen als ³älteste der Moiren² in den Gärten verehrt wurde.

Er folgert daher:

³Doch wir können die Frage nach dem historischen Ursprüngen ruhig offen lassen, ohne zu befürchten, daß wir etwas Wesentliches für das Verständnis der griechischen Göttin verlieren. Denn was auch der Orient, was Griechenland in vorgeschichtlicher Zeit zu ihrem Bild beige-tragen haben mögen, sein Grundcharakter ist durchaus griechisch.²

Hans Walter meint aber in seinem Werk, das die griechischen Götter im Bildwerk aus dem Gesamtwinkel griechischer Bewußtseinsstufen her betrachtet, geradezu:

³Aphrodite kam nicht von Kypros oder dem Orient, um in Griechenland heimisch zu werden. Sie war eine alteingesessene griechische Göttin schon im zweiten Jahrtausend ... Ihr Ursprung liegt in der unendlichen Fruchtbarkeit des Lebens, nicht in einer fremden Religion. Die Frage nach der Herkunft der Aphrodite ist von geringerer Bedeutung, wenn nach der griechischen Aphrodite gefragt wird.²

Klassischer Archäologe wie Religionshistoriker sind sich demnach merkwürdig einig, daß einmal ³die Himmelskönigin, wie sie in den  babylonischen Liedern verherrlicht wird, ... nicht bloß den Homerischen, sondern auch den Orphischen Hymnen durchaus fremd² ist, und ein andermal: ³wie der Mensch an die Göttin gebunden ist, so ist die Göttin an den Menschen - im antropologischen Sinn: an dessen Werdegang im Seinsbereich. Und dieser Werdegang des Menschen bestimmt den Wandel der Gestalt und der Macht der Aphrodite.²

Nichts könnte das Dilemma einer eingeschränkten historischen Sicht, in der die Vorgeschichte nur als Schattenwelt aufdämmert, besser beleuchten. Teils ist man gezwungen Aphrodite als fremde Göttin mit fremden Namen hinzunehmen, teils begegnet dieses völlig Fremde einer ³alt-eingesessenen² griechischen Göttin, die die Frage nach ihrer Herkunft ³von geringerer Bedeutung² macht. Und dennoch entscheidet in diesem Dilemma ein richtiges Gefühl, nämlich die engste Blutsverwandtschaft zwischen Göttin der Liebe und deren Verehrern. In diesem Bereich kann in der Tat das Fremde keine Bedeutung erlangen.

Scheut man sich nicht, die Schranke des zweiten Jahrtausends rückwärts zu passieren, so wird die Herkunft dieser griechischen Göttin der Liebe nicht etwa nebelhafter und daher unbedeu-tender, sondern alle ihre mythischen Züge, ihre Vielgestaltigkeit im griechischen Glauben ziehen sie zur Quelle zusammen, und man ist nicht mehr genötigt wie Hans Walter nur die allgemeine Voraussetzung zu machen: ³Denn eine allmächtige Göttin der weiblichen Frucht-barkeit und Zeugung kann unter den griechischen Göttern der Vorzeit nicht gefehlt haben - es gab das Leben und den Trieb.² Wie dieser feinsinnige Deuter des Gestaltwandels griechischer Götterbilder nachweist, daß vor allem dasjenige der Aphrodite fähig war, bis ans Ende der griechischen Bildschöpfung stets noch neuer Bewußtseinsstufen der Liebe und Leidenschaft - bis hin zum bloßen ³Reiz des Anblicks² - Gefäß zu bleiben, so reicht auch ihre Bildgestalt zu-rück bis in die ältesten Phasen der paläolithischen Bildenthüllung.

Diese Jahrzehntausende lange Dauer eines Götterbildes der Liebe, die von vornherein nur mit der weiblichen Gestalt, mit der enthüllten Weiblichkeit Bild werden konnte, wird nun von den Stufen des Bewußtseins gegliedert; der mythische Grund wandelt sich nicht, so wenig wie die Macht der Liebe sich wandelt. Nicht nur bindet Aphrodite die ganze Natur und alle Götter, außer Artemis und Athena, sondern mit diesen beiden Polen des Seins den Menschen. Sie ist Göttin des Himmels, des Meeres und der Erde zugleich; ihr Wunder offenbart sich überall und zum Enthüllen ihres Wesens und ihrer Macht bedarf es keines Ortes, keiner Lehre und keines Kultes. Ja, sie kann ihr Wesen in seiner allmächtigen Gegenwart bei jeder Frau von Fleisch und Blut reproduzieren wie etwa in Helena, die im nachklassischen Bildwerk auch anonym nicht anders als Aphrodite selbst erscheint.

Es kann daher nicht befremden, daß bei der allgemeinen Tiergotthaftigkeit der Höhlenkunst die Liebesgöttin nur in menschlicher Gestalt erscheinen kann. Man kann sie nicht wie andere griechische Götter in ihrer Wirksamkeit mit einem besonderen Tier vergleichen, denn alle Tiere sind ihrer Macht in gleicher Weise Darstellung unterworfen. Im griechischen Bildwerk sind ihrer Macht in gleicher Weise etwa der Hase in ihrem Schoß, wie die Gans zu ihren Füßen unterworfen; der Schwan wie gar die Muschel sind ihr nur Gefährt und Gefäß. Abweichend von den anderen Göttern wird sie daher in unserer Darstellung nur mit dem eigenen Urbild, genauer Uridol, assoziiert.

Denn das ist das Kennzeichen der Liebe selbst, daß sie nicht denkbar ist ohne das Bild, das in und aus ihr selbst erzeugt wird. In diesem Sinn durchbricht das weibliche Idol die Hierarchie des Jägertums, die sich im Tierbild manifestieren kann und jene Erklärung, daß hinter dem Tierbild letztlich noch das des Menschen steht, bekommt ihre tiefste Begründung. Zuerst zu diesem Idol, über und vor allem andern, vorhanden, und mehr noch: es ist unbedingt nicht mit einem Kult oder Kultort verbunden. Man fand es oft verstreut, weitab von den alten Heilig-tümern.

Kehren wir zu unserm Ausgangsdenkmal von Angles-sur-Anglin zurück, so sehen wir unter den mehrfach vorgestellten nackten Frauen, daß sich eine mit der Tierhierarchie verbindet und somit den Kultort als universalen Lebensraum vervollständigt. Die anderen sind aber nicht bezogen und weisen daher auf die Eigenständigkeit des Frauenbildes im Bereich der Höhle hin, ja übersteigen sowohl nach der Tiefe als nach der Höhe diesen Höhlenraum; weder ihre Füße noch ihre Häupter werden von diesem umschlossen. Da sie in den geheiligten Rahmen kosmisch-tellurischer Zeugungsmacht und -lust hineinversenkt sind, bedarf es keiner hindeutende Attribute oder Charakteristiken. (Abb. 23)

Attribute können hinzutreten wie in den bekannten Frauenreliefs von Laussel, von denen wir die eine mit der Hornschale in der erhobenen Rechten als Beispiel hervorheben um damit zu kennzeichnen, was allen andern hier gemeinsam ist: das so stark an griechische Tempelbilder erinnernde Hinhalten eines deutenden Signums. (Abb. 7) Mann hat nur an die Assoziation der Frau von Angles-sur-Anglin mit Bison und Stier zu denken um hier die gleiche Beziehung zum Attribut des Horns zu erkennen, gleich ob dieses sich zur Trinkschale der Fülle des Glücks sublimiert oder nicht. Die üppige Lebenslust, die sich dort im feisten Bison äußert, ging in Laussel leibhaftig auf die Frauengestalt selbst über. Darum unterscheidet sie sich von den schlankeren, normativen Frauen von Angles-sur-Anglin.

das gleiche Verfahren tritt dann bei den freiplastischen Frauenidolen auf: man ist jetzt genötigt, durch die Charakterisierung und Ausgestaltung allein Assoziatives einzubeziehen. Drum schwanken diese Bildungen auch so erheblich von zierlichen zarten Figuren zu üppigen, wie die allbekannte Venus von Willendorf. Verismus hat wie allgemein in der Höhlenkunst allermindest mit Idolen zu tun. Sie sind bildliche Versinnungen, ja Versonnenheit in einmaliger Ungebundenheit der Imagination, einer Imagination, in der das Wesen der Aphrodite genannten, unbezwingbaren Macht in urtümlicher Gelöstheit schaltet.

Die Figuren und Gebilde, deren die aphrodisische Versinnung  fähig ist, schweben in einem imaginären Raum und berühren in diesem ungebundenen Flug unfaßbar Ätherisches zugleich mit unsagbar Sinnlichem, bald vogelhaft zum Aufstieg gestreckt, bald fruchthaft zur Schwere geschwollen; am gleichen Gebilde lösen sich weiblich Wonnevolles und männlich Phallisches von einander ab und fließen willkürlich zusammen, und nie - auch nicht in der surrealistischen Kunst der Gegenwart - war die Ambivalenz ungehemmter.

Die Grundsituation der Erscheinung des Idols bleibt die gleiche wie im Höhlenbild der Frau von Angles-sur-Anglin, nämlich die Epiphanie, das unvermittelte, wie aus dem Nirgends her Auftauchende. Dazu bedarf es der Gehorgane nicht und auch nicht des Antlitzes, denn das Wesen des Liebesgottes äußert sich nicht kausal oder geistig, sondern in der Betörung, der Bezauberung des Körperlichen. In all diesen Zügen ist die griechische Liebesgöttin dem Urbild gleich geblieben. Sogar der Mythos muß sie als ³Fremde² in die Göttersippe wie im Leben empfinden. Sie ist am Lande nicht gebunden.

Wenn sie als Tochter des Zeus in die olympische Ordnung aufgenommen zu sein scheint, so zeigt schon die Titanenschaft ihrer Mutter Dione dieses Außensein ihres Wesens an. Doch ist es vor allem ihre Abstammung von Uranos, die ihr unter den Olympiern nicht nur die verschiedene, sondern sogar die ³ältere² Herkunft bezeugt. Möge sie nun in Bildern aus der Erde oder dem Meer auftauchen und von allen Göttern freudig begrüßt werden, auch diesen ist sie eine plötzlich Erscheinende, in keiner Weise aus ihrem Kreise Erzeugte. Auch bleibt ihr Wesen allen unfaßlich weil völlig unbotmäßig. In ihr bleiben alle jene Züge betörender, ungeistig-ordnungswidriger Körperlichkeit der Uridole geistig erhalten als das vitalste und oft erbaulichste Lebenselement in der griechischen Hierarchie.

Damit erledigt sich von selbst das sogenannte Problem der Fremdheit der Aphrodite im griechischen Glauben: die Liebesgöttin ist eine Un-Heimliche in jedem Glauben; nicht weniger im vorderasiatischen Raum als schon im paläolithischen Höhlenkult. Man braucht nur einmal an die unausgesetzte Verunglimpfung durch den Helden des Gilgamesch-Epos zu denken: Sie ist aber nicht weniger von griechischen Dichtern und Denkern geschmäht und verdammt worden; ganz besonders dann, wenn ihre Macht durch die Vernunft in Frage gestellt wird und sie sich dann als unfaßbar und zerstörend erweisen muß. Daß sie, etwa im Parisurteil oder im Untergang des unschuldigen Hippolytos, jeweils ganz entgegengesetzten olympischen Göttinnen der Sittsamkeit wie Hera, Athene und Artemis zuwiderläuft, hat mit einer Freiheit innerhalb dieser Götterordnung nur insofern zu tun, wie die Liebesmacht sich jeder Lebensordnung zu widersetzen vermag. Auch Apollons Forderungen fielen Unschuldige zum Opfer.

Freilich ist nicht zu verkennen, daß Aphrodite schon durch ihre Herkunft aus der Hierarchie des Uranos, besonders aber dadurch, daß sie von mehreren Anhängern begleitet erscheint - von Eros, Himeros, Pothos und Peitho - den Eindruck macht, als habe sie einst eine eigene, weibliche Gläubigkeit vertreten.. Und hier erhebt sich die besonders seit J. J. Bachofens Werk über das Naturrecht nie verstummende Vorstellung von einer Ära der rein weiblichen Herrschaft der Göttermacht. Auch diese Vorstellung wurzelt wie die sogenannte Fremdheit der Aphrodite nicht in einer kulturgeschichtlichen Ära, sondern, wie die Gegenwart nach zwei Weltkriegen zeigt, im ambivalente Fatum der beiden Geschlechter.

Sie kann hiermit und noch einem Hinweis in unserer Untersuchung übergangen werden: Wenn Bachofen vom ³Hetärismus² als ältester Form des Geschlechterverhältnisses ausgehet, das in der ³demetrischen² Ordnung zu einer ehelichen Gynaikokratie erhoben und endlich durch Einwirkung der ³sonnenhaften², männlichen Potenz zur höchsten, geistigen Hierarchie geführt wurde, so kann hierin nicht ein evolutionärer Fortschritt der menschlichen Kultur statuiert werden, denn alle diese vermeintlichen Stufen der Entwicklung liegen bereits völlig ausgebildet im ältesten Jägertum vor Augen. Auch ist es falsch, etwa im Kultakt des Frauenfestes vom Hetärismus zu sprechen als einer Herrschaftsform der Frauen, weil hier sowohl das Vorbild der Tiersbrunst, als die kosmische Rolle des Mondes einbegriffen ist.

Es soll weiterhin von vornherein festgestellt werden, daß in den Höhlenkulten ein maternales Übergewicht herrscht entgegen der männlichen Himmelsordnung in der arktischen Urkultur. Und der Idolkult schließt sich gewiß der ersteren Lösung näher an, obwohl, wie gesagt, das Auffinden der Idole im Freien auch die Ungebundenheit sogar vielleicht von einem Kulte überhaupt nahelegt. Die Liebe selbst sucht nur zu gerne die Freiheit und Vereinzelung der Natur als ihr heimisches Reich auf. Hier ist auch Aphrodites Domäne. In dieser tritt der Pantheismus Aphrodites zumal als Grundlage der ganzen Urreligion in sein Recht. Sie vereint die drei Bereiche der Urkonzeption der Welt; die die himmlische Sphäre mit der irdischen und der dunklen der Unterwelt.

Beginnt man bei ihrer himmlischen Herrschaftssphäre, so besagt schon ihr Name, ihre Tochterschaft aus dem Samen des Uranos im Meer, diese polare Verwandtschaft zu Zeus in seiner Dreigestalt mit Poseidon und Hades aus: es ist keine Inkonsequenz, daß Aphrodite Urania in der Olympischen Mythik als Tochter des Zeus gilt. Wir legten schon dar, daß, wenngleich nach dem Mythos erst als Enkel dieses Uranos auf Kreta geboren, Zeus dennoch Herr der Himmelslenkung war. Daß anscheinend Aphrodite ihm vorausging, kam nur aus dem Bewußtsein herrühren, daß die Liebe vor allem existiert; daß auch ihr Bild als ältestes Idol entstand, mag kulturhistorisch diese selbstverständliche Anschauung nur bestätigen.

Gerhoch REISEGGER.

 (1) Hans Walter: Griechische Götter, München 1971, pg. 169

mercredi, 08 juillet 2009

Renaissance ottomane

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Renaissance ottomane

 

Par Günther DESCHNER

 

Les ambitions d’Ankara d’adhérer à l’UE semblent déçues

 

La Turquie opte pour une politique étrangère “multidimensionnelle”

 

Le premier Ministre turc Recep Tayyip Erdogan a décidé de remodeler complètement son cabinet. C’était parfaitement prévisible après les pertes subies lors des élections régionales d’avril 2009. Mais il y a eu une surprise de taille: la nomination d’Ahmet Davutoglu au poste de ministre des affaires étrangères. En procédant à cette nomination, Erdogan a lancé un signal dont alliés, voisins et partenaires régionaux prendront dûment acte. Le professeur Davutoglu, qui n’a jamais auparavant exercé de mandat gouvernemental ni jamais fait partie du Parlement, était un conseiller du Premier Ministre en politique étrangère. Seuls les initiés pourront émettre des spéculations pour savoir s’il est bien l’homme qui a suggéré à Erdogan et à son parti, l’AKP islamo-conservateur, qui gouverne depuis 2002, les lignes directrices de la nouvelle politique étrangère turque.

 

Dans les décennies qui ont précédé Erdogan, la politique étrangère de la Turquie, membre de l’OTAN, s’était sagement alignée sur celle de Washington au Proche et au Moyen Orient. Dès le départ, l’AKP s’était efforcé d’améliorer les relations de la Turquie avec les pays arabes et musulmans de la région. La politique proche-orientale d’Ankara est ainsi devenue plus active, plus indépendante et surtout plus consciente de la place de la Turquie dans la région et son histoire. Signe patent de cette évolution, où la Turquie risque bel et bien, un jour, de se détacher complètement de l’Occident: le refus du parlement turc en 2003 de mettre son territoire à la disposition des troupes terrestres américaines à la veille de leur entrée en Irak.

 

Avec Davutoglu, que l’on considère comme l’architecte de cette “politique étrangère  multidimensionnelle” d’Erdogan, la Turquie possède désormais un ministre des affaires étrangères qui a réellement conçu, au cours de ces dernières années, une nouvelle ligne et l’a imposée, en tant que conseiller d’Erdogan. Après la neutralité de type “classique”, qui fut l’option turque pendant les premières décennies de la république kémaliste et moderniste, les Turcs ont eu une politique étrangère après 1945, qui fut entièrement tournée vers l’Ouest; aujourd’hui, nous assistons à l’émergence de la “politique étrangère multidimensionnelle” de Davutoglu. Celui-ci, âgé de 50 ans et géopolitologue averti, est l’auteur d’un ouvrage de géopolitique, intitulé “Profondeur stratégique”; d’après ce livre, la Turquie doit regagner la grande influence qu’elle a exercée au cours de son histoire dans sa propre région. En ultime instance, Davutoglu veut renouer avec la politique de l’Empire ottoman et faire de la Turquie actuelle, dans toutes les régions jadis soumises à l’emprise de la “Sublime Porte”, “un facteur ottoman avec d’autres moyens”. Les spécialistes de la Turquie estiment que la montée de Davutoglu au pouvoir est une conséquence directe de la détérioration des relations entre la Turquie et l’UE.

 

La Turquie va-t-elle se détacher de l’Occident?

 

Tant que l’actuel président turc Abdullah Gül était ministre des affaires étrangères, la Turquie avait misé entièrement sur un rapprochement avec l’UE. Mais au fur et à mesure que les hommes politiques les plus en vue de l’Europe ont dit, de manière tantôt implicite tantôt explicite, que la Turquie n’était pas la bienvenue dans l’UE, Davutoglu est devenu de plus en plus populaire et sa notion d’une politique étrangère indépendante au Proche Orient, dans le Caucase, dans la région de la Mer Caspienne et face à la Russie a séduit de nombreux esprits. Erdogan avait déjà envoyé Davutoglu comme émissaire lors de missions fort délicates en Syrie, en Iran et en Irak.

 

On se rappellera que Davutoglu avait servi d’intermédiaire et de modérateur lors de négociations entre Syriens et Israéliens. Cette mission fut couronnée de succès et saluée par l’Occident tout entier, du moins avec quelques réserves, mais celles-ci étaient minimes. Mais depuis le “clash” entre Erdogan et le Président israélien Shimon Peres à Davos, de plus en plus d’observateurs posent la question: la Turquie ne va-t-elle pas très bientôt se détacher de l’Occident?

 

Le monde s’était habitué à percevoir la Turquie, l’un des cinquante Etats majoritairement musulmans de la planète, comme un cas particulier: elle était le seul pays musulman membre de l’OTAN, elle menait des négociations avec l’UE en vue d’une adhésion, elle était une démocratie et entretenait des relations normales avec Israël. De même, on a toujours considéré que la Turquie constituait un “pont” entre l’Orient et l’Occident. Personne n’a modifié fondamentalement cette perception lorsqu’Erdogan et son AKP islamisant est arrivé au pouvoir en 2002, pour ne plus le quitter jusqu’à ce jour. Erdogan voyait son pays comme une puissance régionale, appelée à jouer un rôle plus prépondérant sur l’échiquier international. Il a forgé des liens plus étroits avec les pays arabes voisins, renforcé les rapports existants avec tous les Etats de la région, intensifié les relations avec l’Iran. Simultanément, Erdogan a réussi à maintenir de bonnes relations avec Israël. Cette politique d’équidistance, tout en recherchant un rôle plus prépondérant dans la région, a connu un succès rapide et remarquable.

 

Il me paraît intéressant de prendre acte des observations formulées par les experts ès-questions turques de la “Jamestown Foundation” de Washington. Ceux-ci constatent effectivement que des modifications profondes ont eu lieu en Turquie sur le plan des réflexes politiques. Ces modifications conduisent à un intérêt croissant pour les affaires régionales et un désintérêt, également croissant, pour tout ce qui concerne l’Occident. Le journal “Zaman”, proche de l’AKP, se félicite de ce changement général en matière de politique étrangère et le considère comme le principal acquis du gouvernement Erdogan.

 

La Turquie sent les pulsations de deux mondes

 

Ce sont surtout des évolutions sociales en Turquie même qui ont provoqué cette mutation en politique étrangère. Elles sont observables depuis longtemps déjà: les tensions en politique intérieure sont le résultat du défi lancé aux élites urbaines pro-occidentales regroupées autour des forces armées par une nouvelle bourgeoisie, une classe moyenne religieuse, qui aspire au pouvoir et a ses racines géographiques en Anatolie. C’est cette nouvelle classe moyenne que représente au Parlement turc l’AKP d’Erdogan. Cette tension conduit la Turquie à vivre une véritable crise d’identité. On a pu voir les effets de cette crise lors de la rude controverse qui a accompagné l’élection de l’islamiste Gül à la fonction de Président de la République ou lors des querelles à propos du voile islamique.

 

Lors d’un colloque en Allemagne, Davutoglu a déclaré, l’an passé, que la Turquie sentait les pulsations de deux mondes, le monde occidental et le monde islamique. Mais, pour lui, ajoutait-il, la Turquie est bien davantage qu’un pont entre l’Occident et le monde arabe. Il voit son pays dans le rôle d’une puissance régionale. En tant qu’Etat à la fois musulman et séculier, qui unit les valeurs de l’Islam et celles de la démocratie, la Turquie, affirme Davutoglu, est prédestinée à jouer le rôle d’une nation intermédiaire au Proche et au Moyen Orient. 

 

Günther DESCHNER.

(article paru dans “Junge Freiheit”, Berlin, n°21/2009; trad. franç.: Robert Steuckers).

Le Waldgänger et le militant

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Le Waldgänger et le militant

par Claude Bourrinet - http://www.europemaxima.com/

« Fabrice eut beaucoup de peine à se délivrer de la cohue ; cette scène rappela son imagination sur la terre. Je n’ai que ce que je mérite, se dit-il, je me suis frotté à la canaille. »

Stendhal, La Chartreuse de Parme.


Qui s’avisera de lire la dernière fable de La Fontaine, son mot dernier avant la mort, connaîtra peut-être l’ultime message d’un sage épicurien en matière d’engagement : l’amateur de jardin ne place pas plus haut l’urgence sacrée de la contemplation, et tout ce qui en peut brouiller l’onde transparente est davantage qu’une faute philosophique : c’est un crime vis-à-vis de l’âme. La vertu de cet ultime apologue est de présenter, dans leur radical altruisme, les deux figures du militant qu’une civilisation ayant pour paradigmes l’apôtre et le citoyen a léguée à l’Europe. On ne fait pas plus concis. L’une, animée du zèle le plus politique, érige la justice en exercice de vertu. L’autre, poussée par une charité admirable, soigne avec abnégation son prochain. Les deux récoltent incompréhension, ingratitude et vindicte. L’hôte des bois, seul, dans son ermitage, sauve quelque chose du grand naufrage humain.

Néanmoins, il n’est pas certain que l’épilogue de ce grand livre du monde que sont les Fables fût si péremptoire dans la condamnation d’un travers dont on sentait, en cette fin de grand siècle, les prémisses. Mainte saynète offre en effet matière, sinon à l’espoir, du moins à un certain plaisir de vivre, voire à un bonheur certain. Si La Fontaine verse quelque peu dans le jansénisme avec les affres de l’âge, il reste pour l’éternité un épicurien sensible aux sollicitations positivement ordonnée d’un Monde qui n’est pas si désagréable que cela, nonobstant sa cruauté.

En ce temps-là, peu avaient oublié Montaigne, le maître de tous, celui qui inspirait ou repoussait, parfois les deux à la fois, sans qui il ne fût ni Charon, ni Pascal, ni La Fontaine, ni beaucoup d’autres. Le châtelain périgourdin avait eu l’occasion de côtoyer La Boétie, qui promettait, ne fût-ce la mort, de donner à la France une plume et un grand cerveau, sinon un grand cœur. Montaigne conçut ses Essais comme un écrin pour l’ouvrage de son ami, lequel est tout un programme, puisqu’il s’intitule De la servitude volontaire. Les Temps étaient pourtant à la rébellion (mais l’une n’empêche pas l’autre), Parpaillots, Ligueurs s’empoignaient, avec l’aide fraternelle des ennemis de la France, pour s’entrégorger pour la plus grande gloire de leur Dieu. Cet âge de fer vit naître, peut-être, le militant moderne. On se mit à concevoir des programmes politiques destinés à changer le régime monarchique, la religion se transmuta en idéologie, et les Églises devinrent des partis. L’État n’était plus le médiateur naturel du Dieu transcendant et du peuple chrétien : il était devenu un instrument autonome, susceptible de transformations, malléable, améliorable, dont on pouvait s’emparer, et qui possédait sa propre Raison. Ainsi, avec le militant, naquit la politique.

On connaît la position de Montaigne là-dessus. Le maire de Bordeaux et le grand commis qui s’entremit entre Henri III et Henri de Navarre, si son loyalisme le plaça dans les régiments royaux, où il fit avec un certain plaisir guerrier le coup de feu, se garda de s’offrir pleinement à la flamme du combat, où il eût à se brûler l’âme, le cœur, ou, quelque fût son nom, ce qui lui assurait de toutes les façons, devant le monde et devant lui-même, la pérennité de son être. Il s’en faut bien de se prêter pour ne pas se perdre. Tel était l’honnête homme, qui, moulé par un livre consubstantiel à sa recherche, invitait à exercer par le monde des hommes et face à la nécessité une indifférence active, qui n’est pas sans prévenir la nonchalance dévote de François de Sales. C’est bien là, chez Montaigne, qui n’évoqua jamais Jésus dans ses écrits, une sorte de synthèse improbable entre le stoïcisme et l’épicurisme. Aussi bien invoqua-t-il volontiers les figures emblématiques de Socrate, d’Alcibiade, de César, d’Alexandre, pour illustrer cette virilité négligente et attentive, cette implication dans les combats de la terre, et cette plasticité de l’âme et du corps, qui saisit le sel de la vie au moment du plus grand danger, comme si ce fût une promenade parmi les prairies élyséennes.

Nous sommes loin du culte chevaleresque et du moine-soldat. L’on n’y perçoit nullement la droite rectitude des héritiers de Zoroastre, des lutteurs manichéens et des croisés juchés sur leurs étriers afin de pourfendre le Mal et vider la cité des hommes des ennemis de la cité de Dieu.

Il faudrait donc repenser le problème et du militantisme et de l’engagement, en ayant conscience des conditionnement culturels et historiques qui en dessinent l’image. Bien évidemment, tout questionnement surgit en son point historial où la réponse est toujours contenue dans la manière d’interroger le destin. Les implicites sont bien plus redoutables que les apparences conceptuelles et rhétoriques les plus sensibles. La pensée, lorsqu’elle se fait servante de l’action, est freinée dans ses élans et ses capacités à creuser jusqu’aux racines. Elle exige un retrait.

L’interrogation première devra porter sur cette inhibition quasi universelle à mettre à la question les plus évidentes légitimités, incertaines dans la mesure de leur évidence. À n’en pas douter, l’engagement pour une cause est une nourriture pour l’existence, même passagère, dont il est bien difficile de se passer comme viatique. Il ne s’agit parfois que de trouver la chapelle sur le marché des causes. Les situationnistes, bien après Nietzsche, rejetaient cette forme de confort qui, même lorsqu’il impliquait la mort et la souffrance, le sacrifice et l’opprobre, semblait octroyer au croyant l’assurance d’un salut, au regard de Dieu, des hommes, ou de soi-même, en tout cas un rôle, dont la véritable et profonde raison réside dans l’irraison de pulsions inavouées ou d’un narcissisme, d’un amour-propre, pour user de la terminologie du Grand Siècle, qui confère à tout discours assertif, et même performatif lorsqu’il s’agit d’agir, cette dose plus ou moins volumineuse de soupçon, de défiance, qui ne demande qu’à envahir l’esprit et le cœur, et justifier toutes les désertions, les abandons et le ressentiment.

Mais il est vrai que le nomadisme militant et la haine des anciens emballements sont des traits caractéristiques de la conscience contemporaine, comme si la maladie sectatrice dénoncée chez les réformés par Bossuet se trouvait soudain envahir le champ politique, une fois les Grands Récits idéologiques chus dans la poussière de l’Histoire.

Il est permis de se demander si un tel type de conscience se manifestait dans l’Antiquité non chrétienne. Il ne semble pas qu’il y eût, avant l’universalisation de la Weltanschauung galiléenne, ce dépassement, cet outre-passement qui caractérise le lutteur convaincu de sa bonne foi et désireux de convertir autrui, avec cette obsession clinique de la trahison, des autres et de soi-même. On pourrait certes excepter de la communauté philosophique grecque, très bigarrée, les disciples d’Antisthène, ces cyniques, qui privilégiaient la physis au Nomos, et convoquaient la parrhèsia, la franchise qui invite à tout dire, pour lancer des invectives à l’égard des pouvoirs en place, ce qui leur valut maints déboires sous l’Empire, sous lequel leur mouvement avait pris une tournure populaire. Julien n’hésitait pas à mêler dans le même mépris cette Cynicorum turba, munie du tribôn et de la besace, et les « Galiléens incultes », auxquels ils ressemblaient beaucoup. Les autres philosophes se contentaient d’une saine abstention, ou, de façon plus risquée, de jouer les conseillers des Princes.

Pour le reste, les Anciens se battaient pour défendre les dieux du foyer, de la cité, de la communauté, ils n’avaient en vue que les intérêts de cette dernière, et si la pensée plus ample d’un ordonnancement impérial leur vint à l’esprit, à la suite des Perses et des Égyptiens, ce fut comme la donnée d’un état de fait, comme le fruit d’un arbre immense à l’ombre duquel devaient s’ébattre, dans leurs particularismes, les peuples variés constituant l’humanité. Nulle part, à nul moment, le Grec et le Romain n’apparaissent comme des sectateurs d’une religion impérieuse. À l’intérieur de la Cité s’affrontaient des factions, les potentes, les humiliores, populo grasso et populo minuto de toujours. Mais il s’agissait de combat politique, d’organisation de l’État, un État organique, lié par mille liens au tissu sociétal, et qui s’incarnait particulièrement dans des hommes, qui étaient des orateurs et des soldats. On recrutait des clientèles, on se faisait des armées privées. Ces solidarités verticales dureraient autant que l’ancien monde, jusqu’à la première moitié du XVIIe siècle, où les puissants, dans une sorte de protection déclinée jusqu’au bas de l’échelle sociale, unissaient les membres de la société, pour parfois les mobiliser contre un État de plus en plus froid et autonome.

Il s’avère néanmoins qu’apparaissaient dans les temps antiques des revendications souvent rapportées par les marxistes dans leur désir d’asseoir leur usurpation sur les traces du passé. Par exemple, dans les pages consacrées à Tibérius et Caius Gracchus, Plutarque reproduit un discours censé avoir été prononcé par Tibérius : « Les bêtes, disait-il, qui paissent en Italie ont une tanière, et il y a pour chacune d’elle un gîte et un asile ; mais ceux qui combattent et meurent pour l’Italie n’ont que leur part d’air et de lumière, pas autre chose. Sans domicile, sans résidence fixe, ils errent partout avec leurs enfants et leurs femmes, etc. » Comment éviter l’émergence de l’espoir quand il faut trouver du pain ? Les fils de Cornélie étaient assez grands pour se vouer au parti populaire et en perdre la vie. Leur stoïcisme les élevait à la conception d’un cosmos garant du Nomos de la Cité, et le caractère subversif de leur combat n’était qu’une tentative de restitutio de l’Urbs, des Temps anciens où le Romain était paysan et libre. On sent dans cette lutte héroïque cet élan de justice qui sert de modèle pour l’éternité aux révoltés de tous temps. Cependant, les Gracques sont d’ici-bas, de la portion sublunaire de l’univers, commune aux choses périssables et imparfaites, et l’édifice qu’ils convoitent, qui participe de la bonne vie en quoi Aristote voit le télos de l’action politique, n’est pas une cathédrale pointée vers le ciel. Leur silhouette ne ressemble pas à celles des saints peints par Gréco, longilignes, tendus presque à rompre vers un point du Ciel ouvrant des vertiges angoissés. Les Gracques ont combattu pour remplir le devoir de leur gens, de leur lignée, celle qui leur enjoignait de défendre le peuple, d’en être le protecteur. Logiquement, César reprendra le flambeau, et assurera les fondements d’un État plus apte à unir les membres de l’Empire.

Depuis la Renaissance, il est d’usage d’invoquer l’exemple de la geste politique antique pour inspirer l’action. Mais la filiation est rompue, la parenté apparente de la politique contemporaine avec celle de l’antiquité est illusoire.

La frontière, on le sent bien, tient à peu de choses, mais séparent deux contrées entièrement différentes. Augustin savait parfaitement que Cité terrestre et cité de Dieu étaient intimement mêlées, et qu’il n’était pas si loisible de les identifier au sein d’une vie qui se nourrit de tout ce qu’elle trouve pour se justifier. Tant que la notion de Res publica subsista, et quand elle revint dans la conscience des hommes, les luttes politiques manifestèrent la propension des clans, des ordres, des classes, des partis, à se projeter dans l’avenir pour établir ce que d’aucuns considéraient comme l’ordre légitime des choses. Chacun au demeurant, même dans les siècles « obscurs » où, selon toutes les apparences, le christianisme appuyait son empreinte, ne remettait en cause l’ordre naturel qui s’appuyait sur l’inégalité, la hiérarchie, l’occupation justifiée de places prédestinées qu’il ne s’agissait seulement que de consolider ou d’élargir. Les potentialités subversives du christianisme, un christianisme au fond vulgaire, comme il y eut un marxisme qu’on appela tel, n’apparaissaient pas, parce qu’on scindait nettement le bas et le haut de la Création, et que les fins de la Justice divines, parfois impénétrables, étaient reportées à plus tard, si possible après la mort, ou à la fin des Temps.

Le militant se trouvait donc chez les orants, les moines. Les évêques, avant le Concile de Trente, ressemblent plus à des Princes qu’à des Bergers soucieux de l’éducation de leur troupeau. L’engagement du croyant, hormis lors de ces brusques flambées que furent les Croisades, qui n’étaient pas si fréquentes, au fond, mis à part l’Espagne de la Reconquista (période où se développe la figure du militant, telle qu’elle se réalisa plus tard dans la vocation de l’hidalgo Ignace de Loyola), était de bien tenir son rôle dans l’économie divine. Cette idée subsiste chez Calderon, dans sa pièce El Gràn teatro del mundo, par exemple, où pauvre, riche, seigneur etc. ont leur rôle dévolu de toute éternité.

Le gouffre ouvert à partir de la révolution nominaliste, qui affirme que les universaux sont des signes, et non des substances, donne au discours, même déraciné, toute sa faculté d’expression et d’universalisation. Si la réalité est singulière, les universaux ne sont pas moins existants, quoique séparés, et relèvent de l’ordre logique, ce que le conceptualisme va étayer, en posant une morale autonome, indépendante de l’ordre naturel. La voie est donc ouverte pour l’élaboration d’une liberté civique spécifiquement humaine, constructiviste, dont les attendus et les conséquences ne dépendent plus d’une transcendance ou d’une immanence cosmique, ou même théologique.

La tension néanmoins prégnante dans l’anthropologie humaniste et baroque, qui sourd parfois de minorités marquées par la structuration mentale lentement instaurée par des siècles de christianisme, tension qui se manifeste spectaculairement dans l’éruption de mouvements millénaristes, comme les mouvements paysans allemands, comme celui des anabaptistes, ou ceux des niveleurs anglais, et même chez les jansénistes qui, bien que fondamentalement dans l’incapacité de proposer un programme politique, comme l’avaient fait les Réformés, ont durablement marqué de leur empreinte militante le paysage politique de la France des XVIIe et XVIIIe siècle, et bien plus tard, n’a pas été contrarié par l’adoption, au sein des grands commis de l’État, des principes machiavéliens de la Raison d’État, selon lesquels la fin justifie les moyens.

L’ironie voudra que ce soit l’être le plus hostile à l’ancien monde, Lénine, le fondateur du parti bolchevik, qui synthétise ces traditions pour unir l’enrégimentement jésuitique et le prophétisme apocalyptique. La puissance d’un programme comme celui contenu dans Que faire ? ne peut s’apprécier que si l’on y distingue la jonction électrique entre le formidable effondrement des valeurs provoqué par l’avènement de l’ère moderne et l’exacerbation d’un vieux fonds mystique, particulièrement présent en Russie orthodoxe, un peu moins dans l’Europe occidentale agnostique.

On découvrit il y a quelques décennies, au moment où mouraient ce que l’on nomma les « Grands Récits » que l’entrée en militantisme possédait de nombreux points communs avec la conversion, l’entrée en religion. Mais on ne put le dire que parce qu’on en était sorti, et que dorénavant on pouvait s’en moquer, comme du pape et des curés de village. Le militantisme de masse devint aussi étrangement suranné que les voix nasillardes de la T.S.F. et les chapeaux mous. Les sociologues et les ethnologues s’en donnèrent à cœur joie. On perdit même l’habitude de coller des affiches sur les murs. Et la production de « Grands Récits » fut remplacée par les stories selling, les compagnons de route par des publicistes girouettes, et les électeurs par des consommateurs d’offres politiques. Dans le même temps, les rivalités générées par la Guerre froide, qui avaient donné l’illusion qu’un choix était possible, devenaient des options de gouvernance.

La vérité se présente-t-elle sous une clarté solaire, nous continuons comme avec nos jeux d’ombres. Le désert a gagné tous les aspects de la vie et de la pensée, et Internet, ironiquement, n’a fait que l’universaliser. Les happy few qui communiaient jadis dans une cercle restreint, parisien, se relisant sans cesse et se prenant de la gueule, ne connaissaient pas autant ce sentiment de vide, cette inutile clameur, que nous, qui sommes dotés de tous les moyens d’expression et de diffusion. Les noms deviennent abstraits, et les paroles, comme les feuilles dans le vent, retombent où elles peuvent. Les idées restent idéelles, peut-être idéales, et ne sont guère suivies d’effets. Le pire, pour un homme qui se respecte, est l’illusion, vertu ô combien plébéienne !

Finalement, la solitude est la vraie condition de l’homme moderne, et il faut une force surhumaine pour réussir à rester homme. Il est plus difficile de trouver un homme véritable maintenant, que du temps de Diogène. Toute communication étant devenue impossible, qu’il n’existe qu’un impératif pour celui qui veut sauver quelque chose du désastre : écrire un texte, le glisser dans une bouteille balancée à la mer immense de l’absurde, et disparaître.

Au demeurant, il faut une perspicacité hors du commun pour saisir du premier coup d’œil, qui vaut un instinct, la vérité d’un système, surtout quand on est plongé dans les conditions horribles qui étaient celles d’Alexandre Zinoviev, lorsqu’il avait dix-sept ans sous Staline. Du moment où la vue prend un peu de hauteur, qui n’est certes pas celle de Sirius, la question de savoir ce qu’il est possible de faire ou de ne pas faire se pose autrement que lorsque elle reçoit l’écume des événements, à la manière des journaux.

Dans le premier chapitre du Voyage au bout de la nuit, Céline nous plonge dans une conversation de café du commerce. Bardamu et Ganate, anticipant les anti-héros beckettiens, parlent de tout, et changent d’avis en un temps record. La critique célinienne va loin. Car ce qui est dénoncé, dans le Voyage…, ce n’est pas seulement la guerre, la colonisation, l’Amérique et la misère. Ce serait déjà beaucoup, mais dès les premières lignes, on saisit l’angle par lequel il faut aborder le monde contemporain, celui qui, faisant appel aux masses, est responsable de dizaines de millions de mort et de l’assassinat d’une civilisation comme on en a rarement vu dans l’Histoire. Ce n’est pas un hasard que Le Temps, le quotidien à succès de la belle époque, vienne à nourrir la conversation. Comme écrit Camus dans La Chute, un autre livre sans concession lui aussi, « Une phrase leur [les historiens futurs] suffira pour l’homme moderne : il forniquait et lisait des journaux. ». Une remarque de Ganate nous met au fait, comme pour nous offrir une clé : « … Grands changements ! qu’ils racontent. Comment ça ? Rien n’est changé en vérité. Ils continuent à s’admirer et c’est tout. Et ça n’est pas nouveau non plus. Des mots, et encore pas beaucoup, même parmi les mots, qui sont changés !... » En plus de Schopenhauer, il y a de L’Écclésiaste et du Pascal chez Céline. Autant dire que c’est un moraliste de notre Temps de détresse, comme Cioran. Avec seulement de plaisir que le style.

Venons-en justement, au style. Car il faut bien l’avouer, la dose d’optimisme pour faire d’un homme un militant est à peu de chose près la même que pour en faire un imbécile. L’aristocrate, comme le guerrier, sait bien lui, que le cœur de ce phénomène somme toute étrange qu’est l’existence est de savoir mourir élégamment. Tout le reste est du commerce et de la réclame.

Comment prendre néanmoins les situations les plus désagréables ou les plus insupportables ? Les cas extrêmes ne semblent pas offrir beaucoup le choix. Ce même Zinoviev, dont l’autobiographie est un bréviaire pour tout dissident, sauva sa vie plusieurs fois par des gestes dont le génie venait de leur folie même. Ainsi, au sortir de la Loubianka, escorté par deux hommes du N.K.V.D., leur faussa-t-il compagnie de la manière la plus improbable, les sbires ayant oublié quelque chose et l’ayant laissé provisoirement sur place, dans la rue, ne pensant pas qu’il eût l’audace de partir. Ce qu’il fit, sans le sou, sans rien, pour suivre un destin picaresque. Et tragique.

Alexandre Zinoviev, paradoxalement, ne ménageait pas sa peine lorsqu’il s’engageait dans une activité. Il fut bon travailleur, bon soldat, héroïque même. Comme Jünger fut un bon guerrier. Ce qui distingue le rebelle véritable est sa pensée de derrière. Pascal en était un. Le non que l’on porte au fond de soi est peut-être plus efficace que toute agit-prop. Ne fût-on qu’un seul à dire non, la machine est déjà grippée. L’absence d’assentiment, la passivité, la désertion morale sont bien plus dangereux pour le totalitarisme, dur ou mou, que l’attaque frontale, qui ne fait souvent qu’alimenter la propagande en retour et conforter la police. À la longue, ce travail de sape, la multiplication des refus intimes, parfois prudemment partagés avec des happy few, travaille le sol qui soutient l’édifice. Car tout totalitarisme ne vise pas que les corps : il ne peut subsister si ses membres n’adhèrent pleinement à ses rêves, qui ne sauraient être que désirables.

La logique du monde étant régie, depuis des millénaires, par une destruction de plus en plus accélérée de la Tradition, le chaos est le point terminus de son évolution, ce qui peut offrir des perspectives sportives permettant aux âmes guerrières d’exceller.

Le monde contemporain, « post-moderne », est un univers hyper-sophistiqué, emmaillé d’un réseau électronique de surveillance, enfliqué et empuanti de délateurs, géométrisé, arithmétisé, balisé, lobotomisé, enfarci de lipides télévisés engluant les neurones encalminés, robotisé par un dressage pavlovien, qui produit sa bave en guise d’huile de vidange, une société où les flics ont désormais des silhouettes de scaphandres intersidéraux, spectres humanoïdes au regard vide, comme ces caméras qui nous épient cent fois en une heure ; nos gènes sont pesés, enregistrés, archivés, nos désirs sont gérés et marchandisés, nos rêves domestiqués, la trace des colliers irrite de sa sanglante et empestée blessure nos cous, nos poignées, nos sursauts, nos paroles sont empaquetées, lessivées, ensucrées, aseptisées, notre fatigue auscultée, hospitalisée, pharmacataloguée, notre mémoire est enrégimentée, encasernée, emmaillotée dans un drapeau qu’on nous a mis sur le dos, comme ça, quand on avait les yeux braqués sur le présent. Parce que l’homme post-moderne, il ne songe qu’à la baffre, aux délectables digestions d’après-orgies, à coups de bourrages tripaux et crâneux, avec de gros entonnoirs bien vissés qui lui traversent la carcasse jusqu’au croupion pour qu’il déverse son caca bien conforme, soupesé par les pinces régulées de scolopendres aux sourires frigides.

Mais par-delà les barreaux de la cage peinturlurée de couleurs vulgaires, se hument les sous-bois fauves et frais de la forêt splendide, aux sentiers rayés des flèches du soleil, aux buissons sombres des mystères ancestraux, aux butes arides tapissées de feuilles bruissantes, aux odeurs fortes et enivrantes de l’humus, qui est le parfum préféré des loups furtifs et libres. Ils n’ont de rêves que l’étreinte serrée des écorces et des taillis teignant leur pelage âcre des couleurs du combat. La horde suit son chef au fond de la nuit, et la lune, comme l’écho de leurs songes, fait étinceler les crocs acérés. Tapie à l’orée de sa cité sauvage, elle épie de ses yeux étincelants comme des étoiles les spectacles méprisables de la ville grasse et torve, écroulée sous sa masse abrutie.

Cependant ce recours physique aux forêt est bien rare, et ses plaisirs peu à même de se renouveler à mesure que le monde devient plus civilisé, plus féminisé, plus consensuel.

Au demeurant, ceux qui invoquent le peuple devraient réfléchir. Qu’aurait-on à lui proposer, sinon de juguler ses désirs et sa vanité ? Sa place est nécessairement inférieure aux prêtres et aux guerriers. Si révolution il doit y avoir, elle sera autant pour le peuple, dans la mesure où l’humilité est pour lui, avec la protection des puissants, un gage de bonheur, et contre le peuple, parce que le monde moderne est tout autant son produit, celui de l’intérêt, du matérialisme et du dénigrement du sacré.

Le recours aux forêts mentales offre plus de richesse, à mon sens. L’univers n’a pas si sombré dans l’Âge de Kali qu’il ne subsistât, à qui sait les saisir, d’antiques fragments de la Cité perdue. Ils sont à la mesure de chacun, et répondent à qui peut les percevoir. Des expériences dionysiaques et apolloniennes intenses sont à portée, à condition d’en extraire, comme un élixir, la quintessence.

Ainsi partira-t-on de ce postulat, que l’espoir est affaire de Thersite, que l’aristocrate, ou tout simplement celui qui ressent la nostalgie d’un ancien sens du monde, sait que le Temps n’existe pas, qu’il est vain d’ « améliorer les choses », de les « faire bouger », comme l’on dit, ce qui d’ailleurs a toute chance de les faire empirer ; qu’une fois perdu, le monde clos, hiérarchisé, naturellement enté dans l’ordre cosmique, n’a guère de chance de revenir au jour, à moins que la roue ne retourne à l’origine, ce qui ne peut se produire qu’après un cataclysme intégral. Au fond, le meilleur service qu’on puisse faire au monde est d’accélérer sa décomposition, afin de hâter la vitesse de la roue.

La vie est un naufrage. Je veux parler de celle qui échappe à la lumière d’Apollon, et qui est fort commune. Il est bien connu que la vraie est ailleurs, et que je est un autre. Il est évident que la recherche du bonheur est une stupidité, à laisser à la plèbe. Nous avons nos urgences. Et comme il faut bien subsister, la nécessité de côtoyer les imbéciles et les fainéants s’impose à nous. La frénésie que manifestent la plupart des hommes, non seulement à trouver une place plus ou moins rémunératrice, mais aussi à s’élever au sommet du panier de crabe où l’on est bien contraint de s’agiter, subsidiairement de s’appuyer sur la tête ou les parties génitales de ses congénères, rend l’espèce humaine suprêmement comique. Cependant, l’on n’est pas démuni, pour peu qu’on veuille sauver quelque chose de cette ridicule pantalonnade. Trois attitudes sont susceptibles d’êtres adoptées :

— l’attitude baroque : l’on est spectateur du Gràn teatro del mundo, des autres et de soi-même. La distance se présente comme une réaction de salubrité ;

— l’attitude que j’appellerais martiale : l’on possède un dharma, un devoir à remplir, fixé par l’Ordre cosmique, qui nous dépasse, et qu’on ne peut que deviner par les retombées d’un destin qu’on ne peut connaître que fort tard, trop tard peut-être. Nous ne sommes que de braves soldats postés sur la ligne de front, perdus ou sacrifiés, je l’ignore, fidèles à leur devoir.

Ces deux visions ne sont pas incompatibles, comme le suggère Calderon.

— Reste la poésie, qui est une grâce, ou une malédiction. L’Artifex est aussi, et surtout, Vates. Il accède à une existence supérieure par l’imagination, qui est la vision. Il traduit, annonce, clame, enchante. Il s’enchante lui-même car il saisit la finalité d’un combat où hommes, bêtes, dieux sont mêlés. Son rôle rejoint celui du prêtre, qui est de lier. Littéralement, il est porté par enthousiasme, par une force supérieure, l’éros, qui lui donne la paix.

Claude Bourrinet

L'Air Power est-il l'horizon indépassable de la stratégie?

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ARCHIVES de SYNERGIES EUROPEENNES - 1993

L'AIR POWER EST-IL L'HORIZON INDEPASSABLE DE LA STRATEGIE?

 

Suite à la première guerre mondiale, une école stratégique, "emmenée" par le général italien Douhet, affirmait que la seule aviation était désormais en mesure d'anéantir l'ennemi et donc de faire la décision. Cette théorie a été infirmée par le faible rendement militaire des bombardements stratégiques de 1940-1945. Pourtant, l'importance du tonnage de bombes déversées sur l'Irak lors de la seconde guerre du Golfe a marqué les opinions publiques; et la défaite qui a suivi semble tardivement confirmer les théoriciens de la guerre aérienne.

 

Dès avant 1914 le «père de l'aviation», Clément Ader, fait œuvre de stratégie aérienne et souligne la vulnérabilité des villes face aux attaques menées dans la “troisième dimension”. Mais c'est avec l'échec avéré de la guerre offensive, fin 1914, que l'on prend réellement conscience de l'importance de cette nouvelle arme (1).

 

En septembre 1914, les hostilités sont ouvertes conformément au modèle napoléonien tel que l'a théorisé Clausewitz. Les états-majors visent à désarmer l'ennemi par l'obtention d'une victoire décisive sur le champ de bataille, la victoire étant le moyen d'abattre la volonté adverse et de faire prévaloir ses vues politiques (2). Mais la guerre de mouvement planifiée de part et d'autre (plan XVII et plan Schlieffen) se heurte bien vite à l'association de la puissance de feu, de la bêche et du fil de fer barbelé. Et les armées, paralysées, s'enlisent dans une longue guerre d'usure.

 

Soucieux de tirer les leçons de cette impasse stratégique, partisans des chars et de l'aviation d'assaut se querellent pendant l'entre-deux-guerres; mais pour le général italien Giulio Douhet, seuls les bombardements stratégiques permettent d'éviter la guerre de position. Plutôt que de s'acharner à anéantir les forces militaires ennemies, fût-ce au moyen des matériels les plus modernes, Douhet pense pouvoir faire l'économie de la bataille en visant les sources de la puissance militaire. C'est-à-dire en bombardant les centres industriels et démographiques de l'ennemi. Frappé dans sa substance, terrorisé, celui-ci ne tarderait pas à céder sur l'enjeu du litige. Dès lors, le plus important, pour un Etat, est d'acquérir la maîtrise de l'air (air power:  capacité à empêcher 1'ennemi de voler tout en en gardant la possibilité): «défensive sur terre et sur mer pour faire masse dans les airs» recommande-t-il (3).

 

Abondamment discutées, ces conceptions sont loins de prévaloir en Italie, en France et en Allemagne. Mais elles ne tardent pas à s'imposer en Angleterre et aux Etats-Unis. Il est vrai que le développement de l'aviation menace de mettre fin à leur insularité géostratégique et que leurs traditions navales prédisposent à ce type de guerre (4). Aussi, Douhet y fait-il école. Aux Etats-Unis, William Mitchell développe des thèses voisines sans négliger pour autant la frappe d'objectifs tactiques; plus prophétique, son disciple Alexandre de Seversky annonce l'entrée du monde dans l'ère aéronautique. En Angleterre le général Hugh Trenchard et le ministre Stanley Baldwin obtiennent la survie de la RAF (constituée en 1918), mise au service de 1'«ordre impérial» (bombardements de l'Afghanistan et de la Somalie en 1919, de l'Irak en 1922).

 

La deuxième guerre mondiale met à l'épreuve les théories de la guerre aérienne. La France défaite (mai-juin 1940), l'Allemagne lance ses bombardiers sur la Grande-Bretagne (opération OTARIE/16 juillet 1940). Il s'agit de préparer un débarquement en neutralisant la RAF et la flotte, et en anéantissant les centres portuaires et industriels.

 

Très vite, la Luftwaffe s'avère vulnérable (rayon d'action limité, chargement en bombes insuffisant, nécessité de quatre chasseurs pour protéger un bombardier); et ce alors que les contre-mesures se renforcent (radar, DCA, chasseurs). Aussi les pertes sont impressionnantes, 15% des bombardiers engagés le 15 août 1940 sont abattus et, fin septembre, la Luftwaffe a perdu 1733 appareils (915 pour la RAF). L'opération OTARIE est arrêtée et le "Blitz" sur Londres commence (5). Les usines n'en continuent pas moins de tourner et les pertes humaines soudent la population. Les bombardements stratégiques n'ayant pu abattre la Grande-Bretagne, ils cessent en mai 1941.

 

L'offensive aérienne sur la Grande-Bretagne n'est guère plus probante. Lancés dès mai 1940, les raids s'intensifient au cours de l'année 1941. Les attaques sont d'abord limitées aux cibles économiques et militaires mais leur imprécision convainc Churchill des bienfaits du bombardement "en tapis", choix que fait sien Sir Arthur Harris nommé à la tête du Bomber Command  en février 1942. Il s'agit de casser le moral de l'ennemi. C'est au cours de cette année que les Anglo-Américains se dotent des moyens adéquats et après un temps de "rodage" («raid des 1000 bombardiers» sur Cologne le 30 mai 1942), Churchill et Roosevelt donnent à l'offensive aérienne plus d'ampleur (Conférence de Casablanca en janvier 1943). Les bombardements stratégiques doivent pallier au second front réclamé à cors et à cris par Staline (6). Les raids sont plus meurtriers (Hambourg est détruite à 70% et 30.000 de ses habitants sont tués en juillet 1943) mais la production industrielle allemande s'accroit, la population fait bloc autour d'Hitler et les systèmes de défense sont renforcés: par exemple, 22% des avions américains engagés lors de l'attaque contre Schweinfurt (usines de roulement à bille) en octobre 1943 sont perdus. A la fin de l'année, les vertus du douhetisme restent à démontrer.

 

C'est en 1944 que l'offensive aérienne arrive à maturité, l'énorme supériorité matérielle des Alliés portant ses fruits. En juin, la maîtrise de l'air est acquise et, début 1945, l'économie allemande est à la limite de l'effondrement. Dresde est incendiée par des bombes au phosphore (7). Mais alors que les Anglo-américains ont perdu depuis les premiers raids 22.000 appareils et 150.000 aviateurs, la guerre n'est pas encore gagnée. Le III° Reich ne capitule qu'à l'issue d'une gigantesque offensive terrestre combinée (8 mai 1945). Les deux axiomes du douhetisme, omnipotence du bombardier et fragilité morale de populations civiles, ont donc été invalidés et la deuxième guerre mondiale a été une guerre d'usure (8).

 

De 1945 à 1991, les offensives aériennes sur les différents théâtres d'opérations du tiers monde ne s'inscrivent pas dans des stratégies de destruction du potentiel économique. En Corée (1950-1953), les bombardiers n'ont joué qu'un rôle tactique et Truman s'emploie à limiter le conflit. Au Vietnam (1965-1973), les opérations ont été plus importantes, près de 6,4 millions de tonnes de bombes ayant été déversées de 1965 à 1972 (moins de 3 sur l'Europe allemande de 1939 à 1945). Mais Rolling thunder (1965) et Linebacker  (1972) privilégient réseaux de communication et objectifs militaires.

 

Il faut donc attendre 1991 (guerre contre l'Irak) pour assister à une nouvelle offensive aérienne à caractère douhetiste. Dès avant l'ouverture des hostilités, les Etats-Unis faisant preuve de leurs capacités logistiques en dépêchant 500.000 hommes à 12.000 km de leurs bases, le général Dugan révélait au Los Angeles Times  ses conceptions quant à la conduite de la guerre (9). Le chef d'état-major de l'Air Force déclarait que la guerre serait totale, l'arme aérienne se voyant attribuer l'essentiel des missions de destruction de l'Etat irakien. Et la conduite effective de la guerre, telle qu'elle a été médiatisée par CNN, semble confirmer ses indiscrétions. Au cours des opérations, 2000 spécialistes (le personnel de l'USAF pour l'essentiel) ont effectué 100.000 sorties et déversé près d'un million de tonnes de bombes (10). Les résultats ont été à la hauteur des efforts déployés; ont été «traités», outre le complexe militaro-industriel, les infrastructures du pays (voies de communication, centrales électriques, stations d'épuration...) et les centres de décision (ministères, administrations, bâtiments du Baath). Et par voie de conséquence, les populations civiles («dommages collatéraux»). Au total, ce pays en voie de développement accéléré a été rejeté plusieurs années en arrière (11).

 

Mais si la maîtrise de l'espace aérien et les frappes stratégiques ont joué un rôle majeur dans la victoire des Etats-Unis, le néo-douhetisme de Dugan a été réfuté dès le 14 décembre 1990 par le général Powell (chef d'état-major inter-armées), partisan d'une campagne air-terre-mer. Et les opérations ont été menées conformément à ce choix:

- phase I: campagne aérienne stratégique;

- phase II: campagne aérienne tactique (attaque des forces déployées au Koweit);

- phase III: campagne terrestre sous la forme d'une manœuvre d'encerclement.

Le succès de cette stratégie combinée a montré que si l'USAF était à même de briser les armées irakiennes, seule l'action terrestre pouvait matérialiser sur le terrain la supériorité acquise dans les airs.

 

En définitive, cette victoire totale est donc à attribuer à la combinaison de moyens maritimes (déploiement logistique, maîtrise de la mer et projection de puissance), atmosphériques (anéantissement par attrition), extra-atmosphériques (télédétection, télécommunication, cartographie) et terrestres, «l'ensemble étant intégré dans une vaste architecture s'élevant du sous-marin au satellite» (12). La prétendue capacité des bombardiers à faire la décision à eux seuls demeure un phantasme technologique.

 

Invalidé par l'épreuve des faits, le douhetisme n'est-il, pour conclure, qu'un archaïsme? C'est la thèse de J.F.C. Fuller qui y voit un retour à la grosse artillerie de la première guerre mondiale. Les bombardements horizontaux, pures opérations de destruction, n'avaient pu alors remédier au statisme du front. Dès 1939, avec la guerre-éclair, leur version verticale perd toute justification théorique. Enfin, la deuxième guerre du Golfe l'a montré, le maître de la mer et de l'air doit débarquer pour vaincre.

 

Pourtant, Douhet a pressenti les mutations stratégiques dues à l'extension des opérations à la troisième dimension: prime à l'offensive et à la surprise; démantèlement de l'espace et déclassement du territoire (fin de la distinction avant/arrière); dévalorisation de la conquête; convocation des populations civiles à la barre de la guerre; promotion du génocide au rang de nouveau mode stratégique (génocide virtuel depuis la mise au point de l'arme nucléaire). Si la doctrine opérationnelle est erronée, la représentation douhetiste de la guerre et de l'espace stratégique est-elle hypermoderne. Nous sommes bel et bien à l'ère de la stratégie intégrale. Le navalisme futuriste des Etats-Unis, renouvelé par le Space Power (pouvoir spatial et aérien), leur domination satellitaire et furtive, le «hit and run» de leur stratégie planante, leur refus de toute responsabilité impériale (institution d'un nouvel ordre politique par la conquête) en témoignent.

 

Louis Sorel,

le 10 juillet 1993.

 

(1) Cf. C. Carlier, "Clément Ader premier stratège aérien" in Stratégique, n°49, 1991. Dans le même volume, lire également D. David, «Douhet ou le dernier imaginaire».

(2) Pour s'initier à la pensée de Clausewitz, lire R. Aron, Sur Clausewitz,  éd. Complexe, 1987.

(3) Citation extraite de L. Poirier, Des stratégies nucléaires,  éd. Complexe, 1988, P. 31.

(4) Carl Schmitt démontre qu'a l'opposé de la guerre continentale, guerre entre Etats épargnant la population civile et la propriété privée, la guerre navale repose sur une conception totale de l'ennemi. La propriété privée est soumise au droit de prise et le blocus atteint l'ensemble de la population. Cf. «Souveraineté de l'Etat et liberté des mers» in Carl Schmitt, Du politique,  éd. Pardès, 1990.

(5) Rappelons que les raids anglais sur Berlin ont précédé le "Blitz". Cf. C. Villers, «Winston Churchill: l'autre visage du bouledogue...» in Terres d'histoire, n°2, 1989.

(6) La question du front occidental, dont l'ouverture avait été promise dès 1941 par les Anglo-Saxons, empoisonne les relations avec Staline qui soupçonne ses alliés d'envisager une paix séparée avec Hitler. Churchill ne parviendra pas à faire prévaloir l'idée d'un débarquement dans les Balkans (afin de couper la route de l'Armée Rouge), Roosevelt étant obnubilé par la victoire totale (notion d'ordre tactique).

(7) Cf. D. Irving, La destruction de Dresde,  Art et histoire d'Europe, 1987.

(8) Commencée modestement en avril 1942, l'offensive aérienne américaine a également meurtri le Japon, particulièrement à partir de novembre 1944 (après la prise des Mariannes). Mais les bombardements atomiques d'août 1945 ne doivent pas dissimuler le fait que ce sont les pertes de la marine qui ont mis à genou le pays (opération «Starvation»). Dès juillet, le Japon était prêt à capituler, mais pas inconditionnellement.

(9) Le 24 août 1990. Dugan a été limogé en septembre.

(10) Dont seulement 7% de «bombes intelligentes». Cf. P.M. Gallois, «Le paradoxe de la mère des batailles» in Stratégique, n°51-52, 1991.

(11) C'était là un des buts de guerre des Etats-Unis: ramener l'Irak à la “norme” pour éviter toute polarisation régionale et continuer à jouer sur l'équilibre instable entre cet Etat, l'Arabie Saoudite et l'Iran (Cf. Noël Jeandet, Un golfe pour trois rêves,  L'Harmattan, 1993).

(12) P.M. Gallois, op. cit.

 

Bibliographie complémentaire:

 

- R. HOLMES, Atlas historique de la guerre,  Club France Loisirs, 1990.

- J. KEEGAN, Atlas de la seconde guerre mondiale,  Club France Loisirs, 1990.

- E. M. EARLE, Les maîtres de la stratégie,  tome II, Champs-Flammarion, 1987.

- A. JOXE, L'Amérique mercenaire,  Stock, 1992. Du même auteur, voir également Le cycle de la dissuasion, La Découverte, 1990.

- G. CHALIAND, Anthologie mondiale de la stratégie,  Robert Laffont, 1990.

- J.F.C. Fuller, La conduite de la guerre de 1789 à nos jours,  Payot, 1990.

 

mardi, 07 juillet 2009

Brzezinski derrière les émeutes en Iran?

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Brzezinski derrière les émeutes en Iran?

 

 

Par Andrea FAIS

 

Le récent voyage d’Obama au Proche Orient eut, comme on le sait, un point culminant: son discours tenu en Egypte. Il a été bien mis en évidence par tous les médias du monde: la planète entière a été invitée à y voir un geste d’ouverture au monde musulman, sanctionnant du même coup l’idée d’une discontinuité par rapport au gouvernement Bush. Le temps est plutôt venu de créer indirectement des oppositions dans les pays non alignés sur la politique globale atlantiste, en soutenant les oppositions minoritaires ou historiques. Le pays le premier visé est bien entendu l’Iran des ayatollahs. Le processus a commencé: le Liban est déstabilisé, après les secousses provoquées par l’énorme coalition pro-occidentale qui a réussi à défaire les forces du Hizbollah. Les événements du Liban sont le prélude au projet de déstabiliser l’Iran, après la condamnation “morale” et verbale des résultats des élections récentes. Condamnation et premières effervescences qui suivent un bien étrange attentat, survenu il y a quelques jours dans le Nord de l’Iran et pour lequel trois séditieux ont déjà été condamnés à mort; ils appartenaient à une cellule fondamentaliste sunnite. 

 

Une opération médiatique habile et manipulatrice a bien implanté dans l’opinion publique, dans quasi toutes les têtes, partout sur notre planète, qu’Ahmadinedjad, président iranien selon la légitimité des urnes, était en recul, que la participation d’innombrables jeunes au scrutin avait certainement garanti la victoire du réformiste Moussavi. Rapidement, cette interprétation s’est révélée fausse: ni le haut taux de participation des Iraniens aux élections ni aucun sondage préalable ni aucune projection au début du dépouillement n’étaient là pour confirmer les proclamations délirantes des dissidents pro-occidentaux qui avaient annoncé leur victoire deux heures déjà avant la fermeture des bureaux de vote.

 

En 2007, Zbigniew Brzezinski, historien et stratège au service de la géopolitique américaine, avait tonné du haut de sa chaire lors d’un colloque de la Commission de la Défense du Sénat américain, en affirmant “qu’à l’évidence les promesses de satisfaire les requêtes (du gouvernement américain) n’avaient pas été tenues, ce qui permettrait de faire endosser à l’Iran la responsabilité de cet échec et, moyennant quelques provocations en Irak ou un attentat terroriste commis aux Etats-Unis mêmes, que l’on attribuerait à l’Iran, on pourrait atteindre un ‘point culminant’ autorisant une action militaire ‘défensive’ des Etats-Unis contre l’Iran”. Ces propos ont abasourdi bon nombre de participants à ce colloque.

 

De fait, ces propos légitimisent l’idée, pour le gouvernement américain, d’orchestrer un attentat, dont les effets seraient à son avantage. Il pourrait alors manipuler à l’envi les effets de cet attentat dans l’opinion publique, créant ainsi ex nihilo la “licéité” pour toute attaque éventuelle. Ce type de démarche n’est pas nouveau. En observant les agissements de Brzezinski au cours de ces dernières décennies, on se rappellera l’usage qu’il fit du faux dossier anglais visant à démontrer l’existence d’armes non conventionnelles dans l’Irak de Saddam Hussein. Les révélations quant à la fausseté de ce document avait déclenché un scandale et fragilisé le duo Blair/Bush. Il avait affirmé que “le Président était préoccupé du fait que s’il n’y avait pas en Irak d’armes de destruction massive, il aurait fallu inventer d’autres raisons pour justifier l’action guerrière”. Ces propos révèlent implicitement une pratique: celle de construire des “théorèmes ad hoc”. Et que ce genre de pratique n’est pas nouveau.

 

Brzezinski, Soros et Roathyn, agents premiers de la géo-économie et de la finance mondiale, sont aussi les principaux “sponsors” des campagnes qui ont porté Obama à la présidence, à la suite de scores “historiques”. Ces hommes bougent les pièces de l’échiquier international depuis des décennies. Après avoir créé Al Qaeda de toutes pièces pour nuire à l’Union Soviétique, après avoir financé le terrorisme des indépendantistes tchétchènes pour nuire à Poutine, après avoir organisé avec ses associés, dont quatre fils bien installés dans les arcanes de l’OTAN et des services de renseignements américains, les révolutions démocratiques, dites “orange”, en Ukraine et en Géorgie, le Polonais Brzezinski travaille à l’objectif final: la destruction de la République Islamique d’Iran.

 

Son livre de 1996, “Le grand échiquier”, avait paru, de prime abord, à la plupart des observateurs, comme un essai délirant sur la politique internationale, relevant de la pure fantaisie bien qu’il  ait été considéré comme cynique et impitoyable, dans la mesure où il esquissait un globe de plus en plus américano-centré. Dans son livre, Brzezinski indiquait sur la zone du “cordon eurasien” les points essentiels sur les plans stratégique et énergétique qui garantiraient, s’ils étaient maîtrisés, l’avenir du capitalisme et de ses pays-phares. Ce n’était nullement de la fantaisie: petit à petit, en peu d’années, l’esquisse initiale s’est révélée réalité. Le passage de la ficiton à la réalité épouvante les esprits par sa perfection géométrique. Aujourd’hui en Iran, il faut suivre avec toute la prudence nécessaire les manifestations d’une opposition clairement vaincue par les urnes et la situation “putschiste” qui pourrait en découle: Ahmadinedjad vient de lancer des accusations lourdes, mais légitimes, à l’endroit de la désinformation qui émane des services occidentaux, qui prétendent qu’il y a eu fraude électorale, ce qui est faux, parce qu’ils avaient déjà annoncé, deux mois à l’avance, la victoire de l’opposition sur base de sondages que les faits n’ont pas confirmés.

 

Les délégations de journalistes néerlandais et espagnols ont été expulsées d’Iran. Les manifestations ont été interdites. Malgré les résultats nettement en faveur du président sortant (plus de 60%), et confirmés comme tels, l’opinion publique mondiale émet encore critiques et doutes, alors qu’elle ne s’est jamais prononcée sur des élections dans des pays qui n’ont aucune institution démocratique, comme l’Arabie Saoudite ou l’Egypte. Ces pays-là n’en ont pas besoin, on ne leur tiendra jamais rigueur de ne pas en avoir: ils ont le privilège d’être des alliés des Etats-Unis. Pour mesurer l’hypocrisie médiatique, il suffit de constater qu’en Italie les critiques n’ont cessé de s’accumuler pour dénoncer le gouvernement de Téhéran et le “trucage” des élections qu’il aurait commis, alors qu’à Rome Khadafi se pavanait sur la scène en entendant les louanges de tous; il n’est pas un modèle de démocrate et sa gestion du pouvoir ne correspond certainement pas à la bonne gouvernance que veulent imposer les Etats-Unis au reste du monde, du moins en théorie. Mais, voilà, Khadafi s’est rapproché de l’Occident, au cours de ces dernières années, et adhère désormais aux principes de la “libre économie”.

 

On le voit: deux poids, deux mesures. Tandis qu’Ahmadinedjad se plaint devant les médias que des “forces extérieures” sont en train de créer un climat irréel de tensions, le “guide suprême” de la révolution islamique, l’ayatollah Ali Khamenei promet qu’une enquête approfondie aura lieu pour vérifier ce qu’il en est vraiment de la fraude électorale. Le candidat “libéral” évincé parle de manière de plus en plus incrédible de cette “fraude électorale”, alors qu’il n’a obtenu que 32% des voix. Jamais aucun  organe de presse, jamais aucune institution médiatique n’a évoqué une quelconque impartialité pendant le dépouillement, sauf lui-même, qui s’auto-proclamait vainqueur deux heures avant la fermeture des bureaux de vote, en plein déroulement du scrutin. 

 

Cette arrogance et cette prétention nous apparaissent bien suspectes: qui se cache derrière l’opposition pro-occidentale de Moussavi? Réponse facile: il suffit de tourner le regard vers l’Atlantique.

 

Andrea FAIS.

(aeticle paru dans le quotidien romain “Rinascita”, 17 juin 2009).

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Bibliographie sur les événements de "Yougoslavie"

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1992

Bibliographie sur les événements de «Yougoslavie»

 

Pour comprendre la question croate

 

Walter SCHNEEFUSS, Die Kroaten und ihre Geschichte,  Wilhelm Goldmann Verlag, Leipzig, 1942.

Cet ouvrage a paru pendant la guerre, au moment où l'Allemagne hitlérienne soutenait l'Etat ousta­chiste d'Ante Pavélic. Son analyse de la réalité po­litique, par conséquent, est marquée par ce con­­texte et n'a plus aucun intérêt aujourd'hui. En revanche, son esquisse de l'histoire de la Croatie, depuis l'arrivée des premières tribus croates, en passant par les époques byzantines, italiennes, ot­tomanes et hongroises est l'une des pré­sen­ta­tions les plus claires de la question qui ait jamais été publiée en Europe de l'Ouest. L'auteur recon­naît les erreurs des administrations autrichienne et hon­groise en Croatie, ce qui a suscité des désirs d'u­nification yougo-slave chez les intellectuels croa­tes. Mais ces aspirations ont été dénaturées par la monarchie des Karageorgevitch. Les Croa­tes ont alors revendiqué leur indépendance. Un li­vre à rechercher chez les bouquinistes!

 

Wolfgang LIBAL, Das Ende Jugoslawiens. Chronik einer Selbstzerstörung, Europaverlag, Wien/Zürich, 1991, 176 S., DM 29,-/öS 198,-. ISBN 3-203-51135-5.

Correspondant de plusieurs agences de presse et journaux allemands, suisses et autrichiens, Wolf­gang Libal (né en 1912) est l'un des plus émi­nents spécialistes ès-affaires balkaniques de lan­gue allemande. Son verdict: la «Seconde You­go­slavie» de Tito est morte. Elle vient de connaître le même sort que la «Première Yougoslavie» des Karageorgevitch. Elle a succombé à ses contra­dictions internes. Aucun des peuples de l'espace sud-slave n'a accepté l'hégémonie serbe puis ser­bo-communiste. Le poids du passé, des diffé­ren­ces de tous ordres forgées au cours des siècles qui nous ont précédés, a pesé plus lourd que la volonté politique d'unir cette région d'Europe. Le livre de Libal retrace les péripéties de la vie po­li­tique et parlementaire yougoslave de 1918 à 1934, date de l'assassinat à Marseille du Roi Ale­xandre par les Macédoniens et les Oustachistes de Pavelic. Dans les querelles entre centralistes et fédéralistes, séparatistes et royalistes, nous re­trou­vons tous les clivages de l'espace you­go­sla­ve.

 

Jens REUTER, «Der Bürgerkrieg in Jugoslawien. Kriegsmüdigkeit, Kriegspsychose und Wirtschaftsverfall», in Europa Archiv. Zeitschrift für Internationale Politik, 1991/Nr. 24, 25.12.1991.

Bimensuel édité par la Deutsche Gesellschaft für Auswärtige Politik, Verlag für Internationale Politik, Bonn (Adenauerallee 131, D-5300 Bonn). ISSN 0014-2476.

L'auteur examine l'état des «mouvements pour la paix» (la «Marche des Mères», la «Caravane de la Paix», le «Referendum contre la guerre», etc.) en Serbie et en Voïvodine. Le gros de la population est hostile à la guerre. Mais le gouvernement to­lè­re les parades de Tchetniks armés dans les rues et sur les places de marché de Belgrade. Le com­mer­ce des armes est libre et les partisans serbes peuvent vendre le produit de leurs pillages sur les marchés. Mais 30% seulement des réservistes ser­bes ont rejoint leurs unités lors de la mobili­sa­tion de l'automne 1991. A Belgrade, moins de 10%! Au Monténégro, 40% des rappelés ont répondu. A Zagreb, règne une psychose para­ly­sante: les irréguliers serbes ne campent pas loin de la capitale croate.

Reuter se penche ensuite sur le problème des dé­sertions, au début de l'automne 91: Bosniaques et Macédoniens ne veulent plus servir dans l'armée fé­dérale. En Macédoine, les fonctionnaires font dis­paraître les listes d'appelés; quelques jours plus tard, le Président macédonien Kiro Gligorov et son parlement décident officiellement de ne plus envoyer de soldats dans l'armée fédérale. La si­tuation économique est catastrophique: en Ser­bie, la planche à billets fonctionne sans in­ter­rup­tion, annonçant une inflation sans précédent; la Ser­bie a néanmoins pu dégager de substantiels sur­plus agricoles; en Croatie, l'économie est blo­quée à cause des combats; la Slovénie a perdu 23% de son marché, qui était auparavant inter-yougoslave. 

 

Wolfgang WAGNER, «Acht Lehren aus dem Fall Jugoslawien», in Europa Archiv. Zeitschrift für internationale Politik, 1992/2, 25.1.1992 (réf. et adresse ci-dessus).

Wagner énonce huit leçons de la crise you­go­sla­ve.

1. Quand l'Europe était partagée en deux blocs, el­le vivait davantage en paix qu'à l'heure actuelle, où cette confrontation globale a disparu.

2. Les élections libres ne sont plus une garantie de voir les peuples vivre côte à côte en harmonie.

3. Il est faux de croire que la guerre a cessé d'être perçue comme moyen de la politique en Europe, malgré les expériences tragiques des deux guerres mondiales.

4. Les Etats-Unis ne veulent pas intervenir en Europe. Ils estiment que c'est le rôle des Euro­péens de faire respecter les grands principes hu­ma­nitaires dans les Balkans.

5. L'idée qu'il faut intervenir dans les affaires in­térieures d'un Etat qui ne respecte pas les droits de l'homme reste une pure vue de l'esprit. Les réa­lités politiques continuent à s'imposer, dans tou­tes leurs dimensions tragiques, en dépit de ce vœu pieux, lancinant depuis la SDN.

6. Les moyens d'empêcher toute effusion de sang dans un conflit politique demeurent faibles.

7. Vu leur impuissance à agir et à résoudre les con­flits, les gouvernements cherchent des dériva­tifs humanitaires ou diplomatiques, non pas pour résoudre les problèmes par d'autres voies mais pour éviter qu'on ne leur reproche leur inaction.

8. Ni l'Europe ni le monde ne disposent d'une or­ganisation internationale capable d'enrayer et d'ar­rêter les conflits contre la volonté de leurs pro­tagonistes.

 

Waldemar HUMMER u. Peter HILPOLD, «Die Jugoslawien-Krise als ethnischer Konflikt», in Europa Archiv. Zeitschrift für internationale Politik, 1992/4, 25.2.1992.

Les auteurs partent du constat qu'en dépit des ex­pulsions massives de minorités (surtout alleman­des) après 1945, les conflits inter-ethniques en Eu­rope demeurent aigus. La crise «yougoslave» en est la plus sanglante illustration. Tito avait réus­si à maintenir l'équilibre entre les différents peu­ples de Yougoslavie en introduisant des mé­canismes de rotation du personnel politique et administratif. Mais cet équilibre était précaire. Dès la mort du Maréchal, les troubles ont com­mencé au Kosovo, conduisant, par la suite, Bel­gra­de à réduire l'autonomie accordée en 1963 à cette province ethniquement albanaise à 90%. Hum­mer et Hilpold analysent les textes de la nou­velle constitution croate et constatent que les rè­gles de protection des minorités, telles qu'elles ont été élaborées par les instances européennes, sont respectées. La constitution croate prévoit é­ga­lement l'autonomie des communes de la Kra­ji­na, où les Serbes sont majoritaires. Les Serbes, op­posés au nouvel Etat fédéral croate, contestent le principe de territorialité qui préside à l'attri­bu­tion ou à la non-attribution des droits de minorité, comme l'emploi de la langue serbe (rédigée en caractères cyrilliques). Pour eux, l'emploi de la lan­gue serbe devrait être possible partout sur le ter­ritoire de la Croatie indépendante. Ensuite, les droits des minorités doivent reposer sur le prin­cipe de réciprocité: si l'Etat A accorde des droits à la minorité B, majoritaire dans l'Etat B voisin, cet Etat B doit accorder les mêmes droits à la mi­no­rité A, majoritaire dans l'Etat A. Les Croates sont prêts à accorder ces droits aux Serbes de Croatie, à la condition que les Croates de Serbie jouissent exactement des mêmes droits. Les Slovènes ont exi­gé de l'Italie qu'elle accorde les mêmes droits aux 100.000 Slovènes d'Italie qu'accorde la Slo­vénie aux 3000 Italiens qui résident sur son terri­toire. Rome a refusé! 

lundi, 06 juillet 2009

Géopolitique du Moyen Orient: avec ou sans l'Iran?

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Entretien-éclair  avec Robert Steuckers

Quel avenir géopolitique pour le “Grand Moyen Orient”? Avec ou sans l’Iran?

 

Q.: Lors de vos récentes conférences à Lille, Genève et Metz, sur le fondamentalisme islamique et sur l’eurasisme (*), vous avez évoqué l’éventualité d’un changement d’alliance au sein du Grand Moyen Orient, avec un rapprochement entre l’Iran et les Etats-Unis? Rien ne semble pourtant confirmer cette hypothèse. Pourquoi dès lors en avoir parlé?

 

RS: Votre question va un peu vite en besogne. J’ai simplement cité deux ouvrages récents qui évoquent cette éventualité d’un rapprochement irano-américain. Il s’agit des livres de Trita Parsi (**) et de Robert Baer (***).

 

Pour Trita Parsi, les Etats-Unis n’ont cessé de parier sur Israël comme gendarme au Proche et au Moyen Orient. Les Israéliens entendent, dit-il, conserver cette position et ne veulent pas voir l’Iran les relayer ni même les seconder. Mais la position de l’Iran dans la région qui s’étend de l’Egypte au Pakistan et de l’ancienne Transoxiane à l’Arabie Saoudite est stratégiquement parlant bien plus intéressante que celle, marginale et réduite, d’Israël. L’Iran est le centre de la  région et, de surcroît, “les Etats-Unis pourraient bénéficier d’un Iran puissant qui servirait d’Etat-tampon contre toute percée chinoise en direction de l’Océan Indien et du bassin de la Caspienne, riche en ressources énergétiques” (p. 261). Parsi ajoute un argument de poids à sa démonstration: “le Moyen Orient est dépourvu d’une base géopolitique pour l’ordre fragile qui y règne” (p. 262) et “Washington a cherché  à établir un ordre qui entre en contradiction avec l’équilibre naturel en cherchant à contenir et à isoler l’Iran, l’un des pays les plus puissants de la région” (p. 262). Retour aux arguments de Nixon. 

 

Pour Robert Baer, l’Iran aurait “changé”. Il rejette la notion habituelle d’”Etat voyou” qu’on colle sur le râble du pouvoir iranien. Il souligne la stabilité de l’Iran et sa grande influence (ce qui reste tout de même relatif à mes yeux) sur son environnement géographique immédiat, surtout dans le Golfe, au Liban et aux confins de la Jordanie et de l’Egypte. Il reconnaît, en quelque sorte, les avantages naturels de la position géographique de l’Iran et l’incapacité subséquente des armées américaines à l’envahir et  à l’occuper durablement. Les Etats-Unis doivent donc changer de stratégie à son égard et pratiquer à nouveau la politique pro-iranienne du temps d’Eisenhower ou celle préconisée par Nixon. Dans sa conclusion, il écrit: “Les Iraniens ont montré une meilleure aptitude à créer de l’ordre à partir du chaos que qui que ce soit  d’autre  au Moyen Orient. Ils possèdent les troupes suffisantes pour occuper l’Irak. Alors pourquoi ne pas les laisser assumer avec nous le coût de l’occupation? Céder une partie de l’Irak à l’Iran  serait un cauchemar pour les Arabes du Golfe. Mais laisser le chaos et les dissensions religieuses irakiennes traverser les frontières serait bien plus dommageable” (p.  357).

 

Je pense qu’il faut effectivement replacer ces deux argumentaires, qui prennent apparemment le contre-pied diamétral du discours médiatique dominant, dans le contexte actuel, en pleine effervescence, du Grand Moyen Orient. Il faut d’abord se rappeler en permanence qu’Obama, lors de son voyage en Turquie, a repris la politique turque que Clinton avait in illud tempore suggérée à un Özal enthousiaste mais que les néo-conservateurs républicains avaient plus ou moins abandonnée, en focalisant toute leur politique étrangère sur l’Afghanistan, pour le futur tracé des oléoducs et gazoducs vers l’Océan Indien, et sur l’Irak, pour le pétrole brut. Derrière la nouvelle équipe d’Obama, on assiste aussi au retour discret, dans les coulisses, de Zbigniew Brzezinski, le théoricien des interventions stratégiques en Asie centrale, sur la “Terre du Milieu”, et l’artisan de l’alliance entre les Etats-Unis et les fondamentalistes wahhabites dès l’entrée des troupes soviétiques en Afghanistan en décembre 1979. Brzezinski a ainsi été le fossoyeur de la défunte Union Soviétique. Dans ses spéculations stratégiques et réflexions historiques, Brzezinski avait tour à tour réfléchi aux potentialités d’un panislamisme ou d’un pantouranisme (ou la Turquie avait un rôle à jouer). Mais la Turquie a le sens de l’Etat, hérité du kémalisme, de la tradition ottomane et, via les Phanariotes chrétiens qui s’étaient mis au service de la “Sublime Porte”, de Byzance. Si elle intervient en Asie centrale, même comme simple “proxy” des Etats-Unis, la Turquie risque d’y introduire une logique impériale qui, à terme, y serait tout aussi dangereuse pour Washington que l’impérialité russe. Brzezinski a alors spéculé sur la “logique nomade mongole”, celle de Tamerlan (ou Timour Leng), qui détruisit les empires périphériques sans construire des structures impériales durables. Washington a rêvé d’un nouveau “tamerlanisme”, ni russe ni turc ni iranien, en Asie centrale afin qu’une dynamique toujours effervescente et éphémère s’y installe, permettant, grâce au désordre permanent qu’elle génèrerait, toutes les manoeuvres américaines.

 

Le retour de la carte turque dans le jeu américain, qui n’est toutefois pas assuré, n’implique plus aucun pantouranisme, me semble-t-il, car l’espoir d’utiliser la Turquie comme Cheval de Troie en direction des zones turcophones de l’Asie anciennement soviétique, s’est évanoui face aux faits. L’Asie centrale demeure plus liée à Moscou qu’au reste du monde et participe au groupe de Shanghai, Turkmenistan excepté. Bush II n’avait d’ailleurs pas joué la carte pantouranienne, selon les premiers écrits de Brzezinski. L’équipe néo-conservatrice préférait parler du “Grand Moyen Orient” et ne réservait dans ce jeu aucune procuration particulière et intéressante à la Turquie, qui, du coup, s’est rébiffée, a cultivé un néo-nationalisme anti-américain et glissé vers une forme particulière d’islamisme avec Erdogan. C’est sans nul doute ces “glissements”, peu conformes aux principes de l’alliance turco-américaine, qu’Obama cherche à enrayer en renouant avec l’ancienne politique de Clinton dans la région et en donnant aux Turcs, par la même occasion, un rôle important à jouer dans la stratégie globale des Etats-Unis, surtout en mer Noire et dans le Caucase. Mais, mise à part une promesse d’adhésion à l’UE, permettant de déverser le trop-plein démographique turc dans une Europe minée par le déficit des naissances, on ne voit pas très bien quel rôle plus offensif et plus constructif du point de vue géopolitique turc Obama peut offrir à Ankara: pas question, semble-t-il, de donner un feu vert à la Turquie dans le Kurdistan irakien, qui est aussi la région pétrolifère de Mossoul et Kirkouk. Les pétroliers texans n’admettraient pas de partager le pactole d’hydrocarbures de cette région, déjà arrachée à la Turquie au lendemain de la première guerre mondiale. De plus, une Turquie riche du pétrole de Mossoul, serait plus indépendante de l’Occident et de l’UE et pourrait forger des alliances à sa guise, qui n’iraient pas toujours dans le sens voulu par Washington. 

 

L’espoir de générer un “mongolisme volatile”, violent et guerrier mais éphémère, en Asie centrale, n’a pas eu de traduction dans la réalité. Cette Asie centrale, cette “Terre du Milieu”, est stable dans le cadre du Groupe de Shanghai, élargi aux observateurs indiens, pakistanais et iraniens depuis 2005, sans que les Etats-Unis y aient été conviés. Le groupe de Shanghaï constitue un bloc eurasien qui suit la grande leçon de Carl Schmitt, elle-même dérivée de la fameuse Doctrine de Monroe: pas d’ingérence d’une puissance étrangère à l’espace eurasien dans ce même espace eurasien. Mais les acquis du Groupe de Shanghaï ne doivent pas nous aveugler ni générer en nos esprits un optimisme trop délirant: la “Terre du Milieu” a certes retrouvé une cohérence, représente une masse démographique de 2,8 milliards d’hommes, mais, en lisière, le chaos règne sur les “rimlands”, seuls territoires capables de donner à la “Terre du Milieu” un poumon extérieur et des fenêtres parfaitement exploitables donnant sur les grands océans de la planète. La Chine demeure en voie d’encerclement et tente d’y échapper, notamment en tablant sur le Myanmar (Birmanie) qui lui offre un accès au Golfe du Bengale. L’Inde garde un contentieux avec la Chine et refusera toujours de déchoir au rang de “périphérie” de l’Empire du Milieu, sentiment que Washington tente d’exploiter pour disloquer les anciennes solidarités de l’Inde avec la Russie, désormais alliée à la Chine au sein du Groupe de Shanghaï.

 

En attendant, le chaos total règne en Irak, en Afghanistan et au Pakistan. D’après les responsables du Parti Baath irakien, tous les maux qui frappent l’Irak, les dissensus inter-confessionnels, la présence d’Al-Qaïda, sont des importations, des fruits de l’occupation américaine. Aucun de ces phénomènes n’existaient avant l’entrée de la coalition rameutée par Bush II en 2003. A croire que ce chaos est entretenu à dessein! Quant au Pakistan, il a soutenu, formé et fourni en matériels et bases arrières les mudjahiddins puis les talibans, en espérant annexer l’Afghanistan et se donner ainsi une profondeur territoriale face à l’Inde, son ennemie héréditaire. Il sombre désormais dans le chaos et les “zones tribales”, le long de sa frontière avec l’Afghanistan, échappent à sa souveraineté, ce qui réduit cette fois la profondeur territoriale initiale du Pakistan lui-même. Les tâches entre la Mésopotamie et l’Indus s’accumulent pour l’hegemon américain au risque, semble-t-il, d’absorber toutes ses énergies, à moins qu’une analyse moins superficielle et plus subtile ne finisse par admettre que l’organisation du chaos total fait partie d’une stratégie diabolique: mettre pour longtemps à feu et à sang le rimland, y créer des conflictualités durables pour éviter sur le très long terme leur absorption naturelle et sereine par les puissances impériales détentrices de la “Terre du Milieu”. Dans un tel scénario, les Etats-Unis garderaient la mainmise sur l’Océan Indien, “Océan du Milieu”, en arbitrant habilement la rivalité Inde/Chine qui y pointe.

 

En dépit des démonstrations de Parsi et Baer, l’Iran, lui, demeure, dans l’optique imposée par l’hegemon américain, un “Etat voyou”, avec lequel personne n’a le droit d’entretenir des relations simples ou privilégiées, sous peine de mesures de rétorsion. C’est bien sûr l’option stratégique que contestent, chacun à leur manière, Parsi et Baer, en suggérant une autre politique vis-à-vis de Téhéran. Mais nous n’en sommes pas encore là. Un simple coup d’oeil sur la carte permet de constater que l’Iran est la pièce géographique centrale de cet espace stratégique que les Américains nomment le “Grand Moyen Orient” et qui correspond à l’USCENTCOM. Le “Grand Moyen Orient” constitue donc l’aire centrale du “Vieux Monde”: il a tout à la fois une dimension continentale et une dimension maritime; il relie les ressources de l’Asie centrale tellurique   —qui fut d’abord la périphérie septentrionale et régénératrice des empires iraniens de l’antiquité puis le glacis avancé de l’Empire russe et de l’URSS—  à la côte de l’Océan Indien. En ce sens, il est bien le “milieu du monde” et non plus simplement la “Terre du Milieu”, telle que l’avait théorisée Halford John Mackinder à partir de 1904. En paraphrasant ce dernier, on pourrait dire que “la puissance qui contrôle, directement ou indirectement, ce ‘milieu du monde’, contrôle le monde entier”.

 

Pour les Etats-Unis, c’est une question vitale: s’ils ne contrôlent pas ce ‘milieu du monde’ et les hydrocarbures (et accessoirement le “Cotton Belt” ouzbek) qu’il recèle, ils seront relégués dans leur “Nouveau Monde”, avec, en sus, une Amérique latine qui branle dans le manche. Cette “relégation” constituerait un recul définitif et une implosion à terme. Le chaos sur la moitié sud du “Grand Moyen Orient” fait office de verrou et attire l’attention de toutes les puissances eurasiennes qui, du coup, cherchent à l’effacer en priorité sans tenter outre mesure de “prendre la mer” ou d’entretenir des rapports plus privilégiés avec une Europe (endormie), une Afrique, dont la façade atlantique est convoitée par les Etats-Unis, ou une Amérique latine qui cherche la diversification. Le chaos sur le rimland, de la Palestine à l’Indus, sur le territoire même de l’Empire d’Alexandre, freine justement cette volonté générale de diversification des échanges qui est le volet concret d’une volonté de “multipolarité”, exprimée surtout par la Chine. Il est dès lors patent que la puissance qui cherche à être l’hegemon unipolaire tente tout ce qui est en son pouvoir pour retarder au maximum l’avènement d’une telle multipolarité; une fois de plus, nous voilà ramenés à l’oeuvre immortelle de Carl Schmitt: les puissances anglo-saxonnes, disait-il, sont des puissances “retardatrices” de l’histoire et, parfois, dans leur travail incessant de “retardement”, elles en deviennent les “accélératrices contre leur volonté” (“Beschleuniger wider Willen”). Car elles génèrent aux multiples niveaux globaux ou continentaux des réactions collectives, des antagonismes nouveaux qui, pour triompher, surmontent nécessairement des antagonismes anciens, de dimensions locales ou infra-continentales (“petites-nationalistes” disait Jean Thiriart).

 

“Etat voyou” à éliminer pour asseoir définitivement l’hégémonie américaine sur le “milieu du monde” ou nouvel allié potentiel pour arriver au même but, l’Iran reste important parce qu’il constitue l’aire géographique centrale de la région couverte par l’USCENTCOM. Mais si d’aventure les suggestions de Parsi et de Baer trouvaient quelques oreilles attentives chez les stratégistes du Pentagone, alors quelle latitude les Etats-Unis laisseraient-ils à un Iran qui serait subitement réhabilité? Le contentieux irano-américain depuis les crocs-en-jambe infligés au Shah dès la présidence de Kennedy jusqu’aux querelles de prestige avec Ahmadinedjad repose essentiellement sur deux faisceaux de motifs: 1) le nucléaire; 2) la puissance militaire. Les services américains ont fabriqué la révolution iranienne, à dominante fondamentaliste, parce qu’ils voyaient d’un mauvais oeil le Shah acheter des parts substantielles d’EURODIF, l’agence européenne du nucléaire. Un Iran fort de ses rentes pétrolières et indépendant sur le plan énergétique grâce au nucléaire aurait retrouvé la puissance perse d’antan. Inacceptable car alors le “milieu du monde” n’aurait jamais plus été digérable par l’hegemon américain. Quant à la puissance militaire iranienne potentielle, reposant certes sur de gros bataillons d’infanterie mais aussi sur une aviation performante et sur une marine dotée de capacités d’intervention dans le Golfe, elle aurait géné les Américains et leurs alliés de la rive arabe du Golfe. En effet, par sa masse même, elle aurait fait peser la balance de son côté. La politique réelle des Américains est d’empêcher le constitution et la consolidation d’armées puissantes dans la zone du “milieu du monde”, car elles créeraient, le cas échéant, un hégémonisme régional ou, pire pour les Américains, pourraient s’allier à une puissance impériale eurasienne et lui offrir une façade sur l’Océan Indien. Depuis 1978, l’objectif a donc été de neutraliser l’armée du Shah, d’affaiblir ensuite l’armée de la République Islamique en utilisant pour l’étriller celle de Saddam Hussein pendant huit longues années et, enfin, de détruire lors de la première Guerre du Golfe de 1991, l’armée irakienne victorieuse des Iraniens mais rudement malmenée. Briser les armées de ces pays équivaut à créer le chaos sur la portion du “rimland” qu’ils occupent. Réhabiliter l’Iran, comme le voudraient Parsi et Baer, reviendrait à remettre en selle la doctrine Nixon d’un Iran allié aux Etats-Unis et hissé au rang de gendarme de la région. Mais ce retour à la doctrine Nixon serait simultanément la négation de toutes les autres politiques suivies depuis Kennedy et Carter, dans un but précis: affaiblir le pays pour qu’il ne retrouve plus jamais sa vocation impériale antique, sous quelque signe que ce soit.

 

La création et l’entretien de ce chaos relèvent forcément d’une stratégie globale, dont l’un des leviers est le fondamentalisme musulman. En effet, ni le Shah ni Saddam Hussein ne toléraient, sur les territoires où s’exerçait leur souveraineté, l’éclosion de réseaux de cette obédience: c’est là un fait historique patent qui nous permet d’affirmer que tous ceux qui, dans les milieux politiques non conformistes, chantent les louanges de l’un ou l’autre de ces fondamentalismes générateurs de chaos, ou leur apportent un soutien quelconque, font le jeu de Washington, car Washington a créé ce fondamentalisme pour installer un chaos permanent qui va uniquement dans le sens des intérêts américains.

 

Cette volonté d’assurer une hégémonie par le truchement d’un chaos permanent démontre bien clairement que les Etats-Unis agissent là comme une puissance foncièrement étrangère à l’espace eurasien ou grand-moyen-oriental. Ce chaos, et les cortèges d’horreurs qu’il entraîne, n’émeuvent pas l’Amérique outre mesure: la barrière des océans la sépare de ces aires de convulsions qu’elle a contribué à créer. Tous les débordements territoriaux éventuels de ces effroyables dissensus n’affecterait que des puissances tierces et limitrophes du “Vieux Monde”. De ce fait, seules des puissances effectivement étrangères à l’espace artificiellement “chaotisé” peuvent appliquer une telle stratégie. Mais celle-ci trahit une absence totale d’empathie que n’aurait pas un voisin, fût-il l’ennemi héréditaire le plus ancien et le plus tenace. Car tout voisin peut subir à terme les retombées d’un chaos indéfini qui sévit à ses portes. La puissance étrangère à l’espace délibérément “chaotisé”, elle, n’a pas ce souci. Les effets du chaos ne se ressentent pas sur son territoire.

 

Pour revenir aux événements d’Iran, postérieurs à mes conférences de Lille, Genève et Metz, les  agences médiatiques internationales, téléguidées depuis Washington, ont tenté de déstabiliser Ahmadinedjad à la suite des récentes élections iraniennes. Elles évoquent une “fraude électorale” au détriment du candidat de l’opposition, Moussavi. La tentative de générer à Téhéran une “révolution orange”, sur le modèle ukrainien de fin 2004, avait sans doute pour but de créer un Iran “acceptable” et d’appliquer à cet “Etat rénové”, ayant derechef perdu son statut de “voyou”, la politique préconisée par Parsi et Baer. Cette nouvelle politique pro-iranienne de Washington ne peut aller dans le sens des voisins de l’Iran: ni l’Arabie Saoudite, sunnite et wahhabite et ennemie jurée du chiisme duodécimain iranien, ni la Russie qui y verrait une menace sur l’emprise qu’elle conserve sur les ex-républiques musulmanes et turcophones d’Asie centrale, ni la Chine qui y verrait effectivement un verrou pour ses désirs de projection pacifique vers l’Océan Indien. La logique eurasienne du Groupe de Changhai, consubstantiel à l’espace circum-iranien, se heurte ici, avec beaucoup de chances de triompher, à la logique interventionniste américaine, totalement étrangère à l’espace des rimlands et du coeur de l’Eurasie.

 

Et l’Europe dans tout ça, me demanderez-vous? Eh bien, l’Europe doit se projeter selon l’axe diagonal de Rotterdam à l’Inde et à l’Indonésie, axe de projection que nous avons préconisé dès le milieu des années 80, comme l’attestent plusieurs articles des revues “Vouloir” et “Orientations”, ainsi qu’une carte, dessinée par nos soins, imprimée dans le numéro 7 d’ “Orientations” (1986). Cette fois, non plus dans un rapport incertain avec une Russie communiste ou dans une attitude sceptique à l’égard de la logique binaire des blocs, mais dans un souci d’harmonie eurasienne, en accord avec la Russie, l’Inde, la Chine et le Japon. Cette projection diagonale a pour centre l’Iran. Nous revenons donc à l’essentiel de notre démonstration géopolitique, explicitée dans cet entretien.

 

 

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Wann war das Dritte Reich?

Wann war das Dritte Reich?

Betrachtungen zu Beginn und Ende der Imperii auf deutschem Boden

von Richard G. Kerschhofer - http://www.ostpreussen.de/

Von wann bis wann existierte das Dritte Reich. Von 1933 bis 1945, werden viele sagen und vielleicht ergänzen, von der Machtergreifung am 30. Januar 1933 bis zur Kapitulation am 9. Mai 1945. Leider unrichtig, wie zu zeigen ist. Außerdem ist Hitlers Bestellung zum Reichskanzler nicht „die Machtergreifung“, denn die war ein Vorgang, der lange vor 1933 begonnen hatte und sich danach noch fortsetzte. Bis alle gleichgeschaltet oder ausgeschaltet waren.

Begonnen haben kann das Dritte Reich erst nach dem Ende des Zweiten Reiches – doch wann war das? Ebenfalls eine schwierige Frage. Der Anfang hingegen ist eindeutig: Das Zweite Reich, das „Wilhelminische Deutschland“, begann am 18. Januar 1871, als König Wilhelm I. von Preußen zum Deutschen Kaiser ausgerufen wurde.

Ebenso eindeutig sind die Eckdaten beim „Ersten Reich“, auch „Altes Reich“ genannt. Es begann am 2. Februar 962, als der zum deutschen König gewählte Sachsenherzog Otto I. von Papst Johannes XII. in Rom zum Kaiser gekrönt wurde. Dieses Reich ist später als „Sacrum Imperium“ belegt, dann als „Sacrum Romanum Imperium“ – Heiliges Römisches Reich – und am Beginn der Neuzeit wurde „deutscher Nation“ hinzugefügt. Es endete am 6. August 1806, als Kaiser Franz II. die Reichskrone niederlegte. Er hatte bereits 1804 das Erzherzogtum Österreich zum Kaisertum gemacht und war Kaiser Franz I. von Österreich geworden. Aber durfte der Kaiser das Reich beenden? Ob er durfte oder nicht – er mußte, auf Druck Napoleons.

Das Alte Reich war kein Nationalstaat, nicht einmal ein Staat im modernen Sinn – und schon lange vor Napoleon nur mehr eine Fiktion. Goethe läßt in Auerbachs Keller den einen Saufkumpan ein Spottlied auf dieses Reich anstimmen. Ein anderer bringt ihn zum Schweigen: „Ein garstig Lied! Pfui! Ein politisch Lied.“ Aber das wahrhaft Garstige war der dynastische Egoismus deutscher Fürsten, der das Reich in den Untergang trieb und die Anrainer zum Raub von Reichsgebiet einlud.

Das Erste Reich nannte sich nie „Erstes Reich“, denn kein Reich nimmt an, daß danach noch eines kommt. Auch das Zweite Reich nannte sich nicht „Zweites Reich“, denn für die allermeisten war es keine Wiedergeburt des Ersten Reiches. Es war ein weltliches Reich, keines „von Gottes Gnaden“, und es verkörperte nur die „kleindeutsche Lösung“, war also eher ein „großpreußisches Reich“.

Woher stammen dann die Ausdrücke „Erstes Reich“, „Zweites Reich“, „Drittes Reich“ und „Tausendjähriges Reich“? Sie kommen allesamt aus der Religion. Sie hängen zusammen mit dem „Millenarismus“ (lateinisch) oder „Chiliasmus“ (griechisch), mit dem Glauben an die Wiederkunft des Messias. Für „Drittes Reich“ steht auch „Tausendjähriges Reich“ – wobei „tausendjährig“ nach Ablauf des ersten Jahrtausends nicht mehr wörtlich genommen wurde, sondern soviel wie „ewig“ bedeuten sollte.

Erstmals in politischem Sinn verwendete diese Ausdrücke der deutsche Kulturhistoriker und Politiktheoretiker Arthur MOELLER VAN DEN BRUCK in seinem Buch „Das dritte Reich“ (1923). „Parteigenosse“ war er keiner und er starb schon 1925. Ob man ihn als „Wegbereiter“ bezeichnen kann, ist Geschmackssache, aber sicher erleichterte er die Arbeit nationalsozialistischer Ideologen. „Drittes Reich“ und „Tausendjähriges Reich“ paßten trefflich in das mythisch-mystische Gedankengebäude, das der religionsartigen Überhöhung einer durchaus weltlichen Politik diente. „Drittes Reich“ wird heute zwar pauschal für die NS-Zeit verwendet, war aber nicht mehr als ein Schlagwort der Propaganda. Es hatte nie ein Territorium und war nie ein Völkerrechtssubjekt.

Eines ist noch offen: Wann endete das Zweite Reich? Sicher nicht 1918, wie das die Nationalsozialisten sahen. Denn 1918 wie 1933/34 änderte sich jeweils nur die Regierungsform. 1938 entstand ein „Großdeutsches Reich“, das beinahe den großdeutschen Vorstellungen des 19. Jahrhunderts entsprach. Aber auch wenn im „Anschluß-Gesetz“ (RGBl Nr. 28 vom 18.3.1938) „Großdeutsches Volksreich“ steht – völkerrechtlich blieb es wie 1918 das „Deutsche Reich“.

Der Ausdruck „Drittes Reich“ war jetzt nicht mehr erwünscht und ab 10. Juli 1939 auf Weisung von Goebbels den Medien sogar untersagt. „Großdeutsches Reich“ findet sich im Gesetz zur Einverleibung der Rest-Tschechoslowakei (RGBl Nr. 47 vom 16.3.1939) und in anderen amtlichen Texten. Jener Erlaß der Reichskanzlei, der das Deutsche Reich auch formell in „Großdeutsches Reich“ umbenannte (RK 7669 E vom 26. Juni 1943), wurde aber nicht mehr publiziert. „Großdeutsches Reich“ stand nur auf den Briefmarken.

Anders als das Heilige Römische Reich Deutscher Nation wurde das Deutsche Reich nie durch irgendeinen Formalakt für beendet erklärt – nicht durch die Kapitulation, nicht durch die Besatzungsmächte, nicht durch Gründung der Bundesrepublik Deutschland und der Deutschen Demokratischen Republik, ja nicht einmal durch den „Zwei-Plus-Vier-Vertrag“. So wurde die Bundesrepublik zwar Rechtsnachfolgerin des nie für tot erklärten Reiches – mit allen daraus erwachsenen Nachteilen. Friedensvertrag gibt es aber keinen. Und auch Österreich hat nur einen „Staatsvertrag“ mit Einschränkungen der Souveränität, darunter das „Anschlußverbot“.

Opération Barbarossa: forces en présences et conclusions à tirer

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1991

 

 

Opération Barbarossa: les forces en présence et les conclusions qu'on peut en tirer

 

par Joachim F. WEBER

 

Un matin d'été, 3 h 30. La nuit est sombre du Cap Nord à la Mer Noire. Tout d'un coup, l'air est déchiré par le fracas assourdissant des canons. Des milliers d'obus forment une pluie d'acier et martèlent le versant sovié­tique de cette frontière. Les positions avan­cées de l'Armée rouge sont matraquées. Et quand les premières lueurs du jour appa­raissent, la Wehrmacht allemande et ses al­liés franchissent la frontière et pénètrent en URSS.

 

C'était le 22 juin 1941. Un jour historique où l'Allemagne a joué son destin. La lutte âpre qui commence en ce jour va se terminer un peu moins de quatre années plus tard, dans les ruines de la capitale allemande, à Berlin. Pendant 45 ans, on nous a répété que cette défaite était le juste salaire, bien mérité, de l'acte que nous avions commis ce 22 juin. L'historiographie des vainqueurs de 1945 et de leur clientèle parmi les vaincus a pré­senté pendant plusieurs décennies l' comme une guerre d'ex­ter­mination minutieusement planifiée, per­pé­trée par des parjures qui n'avaient pas res­pecté le pacte qui nous liait à notre voisine de l'Est. Les historiens qui osaient émettre des opinions différentes de celles imposées par cette sotériologie offi­cielle n'ont pas rigolé pen­dant quarante-cinq ans! Mais au­jour­d'hui, alors que l'ordre éta­bli à Yalta s'ef­fondre, de gros lambeaux de légende s'en vont également en quenouille. En cette année 1991, cinquante ans après les événements, on pourrait pourtant examiner les tenants et aboutissants de cette guerre et de ses prolé­go­mènes sans s'encombrer du moindre dog­me. En effet, on est impres­sionné par le grand nombre d'indices qui tendent à réfuter la thèse officielle d'une at­taque délibérée et injustifiée contre une Union Soviétique qui ne s'y attendait pas. Ces indices sont telle­ment nombreux qu'on peut se demander com­ment des historiens osent encore défen­dre cette thèse officielle, sans craindre de ne plus être pris au sé­rieux. Nous savons dé­sor­mais assez de choses sur ce qui s'est passé avant juin 1941, pour ne plus avoir honte de dire que l'attaque allemande du 22 juin a bel et bien été une guerre préventive.

 

Un vieux débat

 

Pourtant ce débat pour savoir si l' a été une attaque délibérée ou une guerre préventive n'est ni nouveau ni ori­ginal. Les deux positions se reflétaient déjà dans les déclarations officielles des an­tagonistes dès le début du conflit. Le débat est donc aussi ancien que l'affrontement lui-même. L'enjeu de ce débat, aujourd'hui, est de savoir si l'on veut continuer à regarder l'histoire dans la perspective des vainqueurs ou non.

 

L'ébranlement des armées allemandes qui a commencé en ce jour de juin a d'abord été couronné d'un succès militaire sans précé­dant. Effectivement, le coup brutal asséné par les troupes allemandes surprend la plu­part des unités soviétiques. Par centaines, les avions soviétiques sont détruits au sol; les positions d'artillerie et les concentrations de troupes sont annihilées. Au prix de lourdes pertes en matériel, les Soviétiques sont con­traints de reculer. Dès le début du mois de juillet, commencent les grandes batailles d'en­cerclement, où des centaines de milliers de soldats soviétiques sont faits prisonniers. En tout et pour tout, l'URSS perd, au cours des trois premières semaines de la guerre, 400.000 hommes, 7600 chars et 6200 avions: une saignée inimaginable.

 

C'est après ces succès inouïs que le chef de l'état-major général de l'armée de terre al­lemande, le Colonel-Général Halder, écrit dans son journal: . Une erreur d'appré­cia­tion, comme on n'en a jamais vue. Car au bout de 1396 jours, la campagne la plus coû­teuse que l'Allemagne ait jamais déclen­chée, se termine par une défaite.

 

Le désastre soviétique

 

Pourtant, le désastre soviétique paraissait complet. Au vu de celui-ci, on comprend l'eu­phorie de Halder, même si on ne prend pas seulement en considération les deux pre­mières semaines de la guerre mais ses six premiers mois. Jusqu'à la fin de l'année 1941, la Wehrmacht fait environ trois mil­lions de prisonniers soviétiques. C'est l'am­pleur de ces pertes qui incite les défen­seurs de la thèse de l'attaque délibérée à jus­tifier leur point de vue: en effet, ces pertes ten­de­raient à prouver que l'Union Soviétique n'é­tait pas préparée à la guerre, qu'elle ne se doutait de rien et qu'elle a été complètement surprise par l'attaque allemande.

 

Il est exact de dire, en effet, que l'Union So­vié­tique n'avait pas imaginé que l'Alle­ma­gne l'attaquerait. Néanmoins, il est tout-à-fait incongru de conclure que l'Union Sovié­tique ne s'était pas préparée à la guerre. Sta­line avait bel et bien préparé une guerre, mais pas celle qu'il a été obligé de mener à partir de juin 41. Pour les officiers de l'état-major allemand comme pour tous les ob­ser­va­teurs spécialisés dans les ques­tions mili­tai­res, c'est devenu un lieu com­mun, depuis 1941, de dire que l'avance alle­mande vers l'Est a précédé de peu une avance soviétique vers l'Ouest, qui aurait été menée avec beau­coup plus de moyens. La vé­rité, c'est que le déploiement soviétique, pré­lude à l'ébran­le­ment des armées de Staline vers l'Ouest, n'a pas eu le temps de s'achever.

 

Comparer les forces

et les effectifs en pré­sence

 

Lorsque l'on compare les forces et les effec­tifs en présence, on en retire d'intéressantes leçons. On ne peut affirmer que la Wehr­macht allemande  —sauf dans quelques uni­tés d'attaque aux effectifs ré­duits et à l'affec­tation localisée—  était supé­rieure en nom­bre. Les quelque 150 divisions allemandes (dont 19 blindées et 15 motori­sées), qui sont passées à l'attaque, se trou­vaient en face de 170 divisions soviétiques massées dans la zone frontalière. Parmi ces divisions sovié­tiques, 46 étaient blindées et motorisées. En matériel lourd, la supériorité soviétique était écrasante. Les unités alle­mandes attaquan­tes disposaient de 3000 chars et de 2500 a­vions, inclus dans les esca­drilles du front; face à eux, l'Armée Rouge aligne 24.000 chars (dont 12.000 dans les ré­gions mili­tai­res proches de la frontière) et 8.000 avions. Pour ce qui concerne les pièces d'artillerie, la Wehrmacht dispose de 7000 tubes et les Soviétiques de 40.000! Si l'on in­clut dans ces chiffres les mortiers, le rapport est de 40.000 contre 150.000 en faveur des Soviétiques. Le 22 juin, l'Armée soviétique aligne 4,7 mil­lions de soldats et dispose d'une réserve mo­bilisable de plus de 10 mil­lions d'hommes.

 

Les Landser allemands avançant sur le front russe constatent très vite comment les choses s'agençaient, côté soviétique: effecti­vement, les pertes soviétiques sont colos­sales, mais, ce qui les étonne plus encore, c'était la quantité de matériels que les Sovié­tiques étaient en mesure d'acheminer. Les Allemands abattent quinze bombardiers so­vié­tiques et voilà qu'aussitôt vingt autres sur­gissent. Quand les Allemands arrêtent la contre-attaque d'un bataillon de chars sovié­tiques, ils sont sûrs que, très rapidement, une nouvelle contre-attaque se déclenchera, ap­puyée par des effectifs doublés.

 

Un matériel soviétique

d'une qualité irrépro­chable

 

Sur le plan de la qualité du matériel, la Wehr­macht n'a jamais pu rivaliser avec ses ad­versaires soviétiques. Alors qu'une bonne part des blindés soviétiques appartiennent aux types lourdement cuirassés KV et T-34 (une arme très moderne pour son temps), les Allemands ne peuvent leur opposer, avant 1942, aucun modèle équivalent. La plupart des unités allemandes sont dotées de Panzer I et de Panzer II, totalement dépassés, et de chars tchèques, pris en 1938/39.

 

Pourquoi l'Allemagne ne peut-elle rien jeter de plus dans la balance? Pour une raison très simple: après la victoire de France, l'in­dustrie allemande de l'armement, du moins dans la plupart des domaines cru­ciaux, a­vait été remise sur pied de paix. Ainsi, les usines de munitions (tant pour l'infanterie que pour l'artillerie) avaient ré­duit leurs cadences, comme le prouvent les chiffres de la production au cours de ces mois-là. Est-ce un indice prouvant que l'Allemagne prépa­rait de longue date une guerre offensive?

 

Concentration et vulnérabilité

 

Mais cette réduction des cadences dans l'in­dustrie de l'armement n'est qu'un tout petit élément dans une longue suite d'indices. Surgit alors une question que l'on est en droit de poser: la supériorité sovié­tique était si impressionnante, comment se fait-il que la Wehrmacht n'ait pas été battue dès 1941 et que l'Armée Rouge ait dû at­tendre 1944-45 pour vaincre?. La réponse est sim­ple: parce le gros des forces soviétiques était déjà massé dans les zones de rassem­ble­ment, prêt à passer à l'attaque. Cette énorme concentration d'hommes et de ma­tériels a scellé le destin de l'Armée Rouge en juin 1941. En effet, les unités militaires sont ex­ces­­sivement vulnérables lorsqu'elles sont con­centrées, lorsqu'elles ne se sont pas en­co­re déployées et qu'elles manœuvrent avant d'a­voir pu établir leurs positions. A ces mo­ments-là, chars et camions roulent pare-chocs contre pare-chocs; les colonnes de vé­hicules s'étirent sur de longs kilomètres sans protection aucune; sur les aérodromes, les avions sont rangés les uns à côté des au­tres.

 

Aucune armée au monde n'a jamais pris de telles positions pour se défendre. Tout état-ma­jor qui planifie une défense, éparpille ses troupes, les dispose dans des secteurs forti­fiables, aptes à assurer une défense efficace. Toute option défensive prévoit le creusement de réseaux de tranchées, fortifie les positions existantes, installe des champs de mines. Sta­line n'a rien fait de tout cela. Au con­trai­re: après la campagne de Pologne et à la veil­le de la guerre avec l'Allemagne, Staline a fait démanteler presque entièrement la ligne dé­fensive russe qui courait tout au long de la frontière polono-soviétique pour préve­nir tou­te réédition des attaques polonaises; mieux, cette ligne avait été renforcée sur une pro­fon­deur de 200 à 300 km. Or, pourtant, l'Armée Rouge, pendant la guerre de l'hiver 1939-40 con­tre la Finlande, avait payé un très lourd tribut pour franchir le dispositif défen­sif fin­landais. Toutes les mesures défen­sives, tou­tes les mesures de renforcement des défen­ses existantes, ont été suspendues quelques mois avant que ne commence l'. Les barrières ter­restres ont été démontées, les charges qui minaient les ponts et les autres ouvrages d'art ont été en­levées et les mines anti-chars déterrées. Quant à la , bien plus per­fec­tionnée, elle a subi le même sort, alors que, depuis 1927, on n'avait cessé de la renforcer à grand renfort de béton armé. Et on ne s'est pas contenté de la démonter en enlevant, par exemple, toutes les pièces anti-chars: on a fait sauter et on a rasé la plupart des bun­kers qui la composaient. Ces démon­tages et ces destructions peuvent-ils être in­terprétés comme des mesures de défense? Le Maré­chal soviétique Koulikov disait en juin 1941: .

 

Les dix corps aéroportés de Staline

 

Bon nombre d'autres mesures prises par les Soviétiques ne sauraient être interprétées com­me relevant de la défense du territoire. Par exemple, la mise sur pied de dix corps aéroportés. Les troupes aéroportées sont des unités destinées à l'offensive. Entraîner et équiper des unités aéroportées coûtent des sommes astronomiques; pour cette raison bud­gétaire, les Etats belligérants, en géné­ral, évitent d'en constituer, ne fût-ce qu'un seul. L'Allemagne ne l'a pas fait, alors que la guerre contre l'Angleterre le postulait. Sta­line, pour sa part, en a mis dix sur pied d'un coup! Un million d'hommes, avec tous leurs équipements, comprenant des chars aéroportables et des pièces d'artillerie lé­gères. Au printemps de l'année 1941, l'in­dus­trie soviétique, dirigée depuis sa cen­trale moscovite, ordonna la production en masse des planeurs porteurs destinés au transport de ces troupes. Des milliers de ces machines sont sorties d'usine. Staline, à l'évidence, comp­tait s'en servir pendant l'été 1941, car rien n'avait été prévu pour les en­treposer. Or, ces planeurs n'auraient pas pu résister à un seul hiver russe à la belle étoile.

 

Ensuite, depuis la fin des années 30, l'in­dustrie de guerre soviétique produisait des milliers d'exemplaires du char BT: des blin­dés de combat capables d'atteindre des vites­ses surprenantes pour l'époque et dont le ra­yon d'action était impressionnant; ces chars avaient des chenilles amovibles, de fa­çon à ce que leur mobilité sur autoroutes soit en­co­re accentuée. Ces chars n'avaient au­cune utilité pour la défense du territoire.

 

En revanche, pour l'attaque, ils étaient i­déaux; en juillet 1940, l'état-major sovié­tique amorce la mise sur pied de dix armées d'a­vant-garde, baptisées  pour tromper les services de rensei­gnements étrangers. A ce sujet, on peut lire dans l'En­cyclopédie militaire soviétique:  (vol. 1, p. 256). Il s'agissait d'armées disposant de mas­ses de blindés, en règle gé­nérale, de un ou de deux corps dotés chacun de 500 chars, dont les attaques visait une pé­nétration en profondeur du territoire en­nemi.

 

Les préparatifs offensifs de l'Armée rouge peu­vent s'illustrer par de nombreux indices encore: comme par exemple le transport vers la frontière occidentale de l'URSS de gran­des quantités de matériels de génie pré­voyant la construction de ponts et de voies fer­rées. Les intentions soviétiques ne pou­vaient être plus claires.

 

Hitler prend Staline de vitesse

 

C'est sans doute vers le 13 juin que l'état-ma­jor général soviétique a commencé à met­tre en branle son 1er échelon straté­gique, donc à démarrer le processus de l'offensive. L'organisation de ce transfert du 1er échelon stratégique a constitué une opé­ration gi­gan­tesque. Officiellement, il s'agissait de ma­nœuvres d'été. A l'arrière, le 2ième échelon stratégique avait com­mencé à se former, dont la mission aurait été de prendre d'as­saut les lignes de défense allemandes, pour le cas (envisagé comme peu probable) où el­les auraient tenus bon face à la première vague.

 

Mais le calcul de Staline a été faux. Hitler s'est décidé plus tôt que prévu à passer à l'action. Il a précédé son adversaire de deux semaines. Côté soviétique, la dernière phase du déploiement du 1er échelon (trois mil­lions d'hommes) s'était déroulée avec la pré­cision d'une horloge. Mais au cours de ce déploiement, cette gigantesque armée était très vulnérable. Le matin du 22 juin, l'of­fen­sive allemande a frappé au cœur de cette su­perbe mécanique et l'a fracassée.

 

A ce moment, de puissantes forces sovié­tiques se sont déjà portées dans les balcons territoriaux en saillie de la frontière occiden­tale, notamment dans les régions de Bia­lystok et de Lemberg (Lvov). Les Allemands les ont encerclées, les ont forcées à se ras­sembler dans des secteurs exigus et les y ont détruites. Et ils ont détruit égale­ment d'é­nor­mes quantités de carburant et de munitions que les trains soviétiques avaient acheminés vers le front le matin même.

 

Staline jette ses inépuisables réserves dans la balance

 

Le désastre soviétique était presque parfait. Presque, pas entièrement. Les pertes étaient certes énormes mais les réserves étaient en­core plus énormes. De juillet à décembre 1941, l'Union Soviétique a réussi à remettre sur pied 200 importantes unités, dont les ef­fectifs équivalaient à ceux d'une division. La Wehrmacht n'a pas su en venir à bout. Pen­dant l'hiver, devant Moscou, l'Allemagne a perdu sa campagne de Russie. A partir de ce moment-là, la Wehrmacht n'a plus livré que des combats désespérés contre l'Armée Rou­ge, avec un acharnement aussi fou qu'inu­tile, tant l'adversaire était numériquement supé­rieur, et compensait ses pertes en maté­riel par les livraisons américaines.

 

Voici, en grandes lignes, les faits présents le 22 juin 1941. L'histoire des préliminaires de cette campagne de Russie, la question de sa­voir à quelle date précise les Allemands et les Soviétiques avaient décidé d'attaquer, res­tent matières à interprétation, d'autant plus que d'importantes quantités d'archives allemandes sont toujours inaccessibles, aux mains des vainqueurs, et que les archives soviétiques ne peuvent toujours pas être con­sultées par les chercheurs. La raison de ces secrets n'est pas difficile à deviner...

 

Joachim F. WEBER.

(texte issu de Criticón, Nr. 125, Mai/Juni 1991; adresse de la revue: Knöbelstrasse 36/0, D-8000 München 22).   

 

 

dimanche, 05 juillet 2009

James Graham Ballard nous a quittés...

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Claudio ASCIUTI:

 

James Graham Ballard nous a quittés...

 

James Graham Ballard, l’écrivain pessimiste et cyberpunk a disparu

 

Les “crocodiles” du journalisme italien sont des animaux étranges. Pendant longtemps, ces “crocodiles”  —expression italienne pour désigner les fiches biographiques d’hommes et de femmes célèbres que l’on conserve dans les rédactions des journaux—  demeurent dans les tiroirs secrets des experts auto-proclamés des médias. On ne les libère de leur prison poussiéreuse qu’à la mort de l’être d’exception qui a justifié leur existence. Aujourd’hui, ces “crocodiles” n’ont presque plus raison d’être: il suffit de faire une petite promenade sur la grande toile, de consulter par paresse Wikipedia et le tour est joué! Tout défunt qui vient fraîchement de décéder, et dont on ignore tout ou quasi tout, trouve subitement, face à son cadavre, une foultitude d’experts qui, par une sorte de parthénogénèse, lui taillent de belles biographies posthumes, véritables “crocodiles” de brics et de brocs, de vérités toute faites et d’approximations. Le 25 février 2009, le grand Philip José Farmer nous quittait et aucun de nos quotidiens nationaux ne lui a consacré une ligne. Le 19 avril 2009, c’était au tour d’un autre grand écrivain anglo-saxon de passer de vie à trépas: James Graham Ballard. Les journalistes italiens de service lui ont consacré des articles, tous égaux, tous similaires, ce qui nous donne l’impression que tous ces zélotes de nécrologues avaient l’habitude de dormir avec ses oeuvres sous l’oreiller.

 

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C’est faux. Evidemment. Seul le quotidien “L’Unità” a choisi un homme digne d’écrire une rubrique nécrologique substantielle à l’occasion de la disparition de James Graham Ballard. Cet homme est Antonio Caronia, spécialiste universitaire de l’imaginaire moderne et traducteur de notre écrivain anglais. Les autres nécrologues zélés ne savaient manifestement pas qui était Ballard: dans leurs “crocodiles”, ils nous ont décrit un homme et sa littérature mais c’était un homme et une littérature qui n’existaient pas. Ou bien ils ont glosé, de manière conventionnelle,  sur d’autres problématiques, déconnectées de la biographie réelle de l’écrivain. Ils évoquaient certes le titre de ses livres mais ceux-ci, sous leur plume, semblaient changer de contenu. On peut même se demander s’il s’agissait bien des mêmes livres. Ou du même auteur...

 

Ballard fut essentiellement un écrivain de science-fiction, qui n’a pas “renié”, comme quelqu’un l’a écrit, ses oeuvres antérieures à 1962, année où il a inventé l’ “inner space”, l’espace intérieur, évoqué dans les “crocodiles” les moins banals mais sans que leurs auteurs ne comprennent réellement de quoi il s’agit. Alors que c’est fondamental. Avec cet “espace intérieur”, Ballard a provoqué une grande révolution dans ce genre littéraire, tout en déclarant, comme bien d’autres dans les années 60, que c’était fini d’écrire encore et toujours comme on l’avait fait auparavant. Les temps avaient changé: la littérature devait changer elle aussi. Ballard s’est donc mis au travail, à fond, jusqu’à pouvoir dépasser les conventions du genre; il s’est mis à écrire des thrillers dans une sphère postmoderne. Le succès mondial est alors arrivé, avec le roman autobiographique “L’Empire du Soleil” (1984); c’est par cet ouvrage que les intellectuels et le grand public l’ont découvert. Lorsque, trois ans plus tard, Steven Spielberg en a tiré un film homonyme et lorsque la vogue du “cyberpunk” l’élit comme son “père putatif”,  alors le monde a su que Ballard était prêt à être “embaumé” dans le mastaba de la littérature.

 

D’où cette volonté des fauteurs de “crocodiles” de donner à leurs lecteurs un cadre préétabli  pour l’oeuvre et une définition homologuée de l’auteur, cadre et définition qui font de lui un écrivan présentable, digne de figurer dans les hautes sphères de la culture officielle, après avoir expurger la science-fiction du discours. Ballard est ainsi devenu un précurseur de la vogue “cyberpunk”, un écrivain décrété “subversif” à la façon des médiacrates, un révolutionnaire, un prophète du futur, un visionnaire, celui qui utilise la science-fiction pour dénoncer le monde moderne, alors qu’en réalité Ballard n’écrivait pas de science-fiction. Et dans la foulée, Ballard est également devenu un anti-fasciste bon teint, un philo-américain. Mais le Ballard, que mes amis et moi avons connu, celui que nous avons aimé, est bien différent de l’image que lui ont taillée les fauteurs de “crocodiles”. Et c’est bien sûr notre vision que nous aimerions évoquer dans cet hommage. Les éléments biographiques coïncident, entre nous et les “crocodiles”, mais non les résultats, non le jugement final à porter sur l’homme et sur l’oeuvre. C’est comme ses livres: mêmes titres mais autres contenus.

 

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Le Ballard, dont nous aimons nous souvenir aujourd’hui, est né à Changhai, en Chine, en 1930, dans une famille anglaise. Elle a été internée dans le camp de détention japonais de Lunghua de mars 1943 à août 1945. Ballard n’utilisera jamais cette détention pour en tirer de quelconques avantages ou pour se faire valoir. Au contraire, en dépit des privations et de la violence des gardiens, il ne cessera de considérer ces deux années comme les meilleures de sa vie. Il témoignera amitié et respect pour les Japonais et l’image que son art nous a léguée, celle du gamin anglais auquel les soldats nippons enseignent le kendo, est très belle. Son père, après la guerre, témoignera d’ailleurs en faveur du premier commandant du camp, Hyashi. Ballard décrira également les avions japonais et anglais, et surtout américains, qu’il verra en action; dès son retour en Grande-Bretagne et après avoir terminé sa scolarité, il s’engagera comme volontaire dans la RAF et partira pour le Canada, où il acquerra toutes les techniques du pilote. C’est quand il servait dans les rangs de la RAF que Ballard a découvert la science-fiction et décidé de devenir écrivain. Il donne sa démission, retourne en Angleterre et commence à écrire des nouvelles.

 

Avec “Prima Belladonna” (1956), il sort de l’anonymat. Avec cet ouvrage, il crée le noyau central de ce que l’on appellera “le cycle de Vermillon Sands”, d’après le nom du lieu où se déroulent les récits. Un lieu qu’il définit comme “les périphéries exotiques de son esprit”, avec un scénario inspiré de Dali et de Tanguy autant que d’Ernst, avec voiliers de sable et scorpions gemmés, et surtout les destins obscurs qui accablent les protagonistes de ses nouvelles et romans. Il suffit de penser à “Mers de sable”, qui reprend et rappelle Coleridge et sa “Balade du vieux marin”, pour se rendre compte de l’ampleur du discours narratif ancré dans “Vermillon Sands”.

 

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Mis à part ce cycle, les nouvelles de Ballard forment, à elles seules, une sorte de second texte: “La parade des atrocités”, qui n’est pas un roman comme l’ont écrit les fauteurs de “crocodiles” mais un recueil de quinze nouvelles qui ont eu un impact très puissant sur l’imaginaire contemporain; il s’agit d’écrits de style expérimental, sorte de croisement entre Dos Passos, William Burroughs et James Joyce. La censure américaine a frappé ces récits de l’anathème d’une interdiction et c’est là, d’après les fauteurs de “crocodiles”, que réside la marque essentielle de cette oeuvre. En réalité, la première édition américaine de 1970 a été envoyée au pilon parce qu’elle contenait un récit (et non un article comme on l’a écrit) intitulé “Pourquoi vouloir enc.. Ronald Reagan”. Ce récit a fait, comme on s’en doute, la réputation de Ballard, tout comme, d’ailleurs, un autre, intitulé, lui, “Plan pour l’assassinat de Jacqueline Kennedy”. Et si le titre n’est pas dû à l’auteur lui-même, “Amour et napalm: les Etats-Unis organisent leurs exportations” en dit long sur son contenu. Le récit le plus célèbre de Ballard, dans cette veine, demeure toutefois “La mort de John Fritz Kennedy considérée comme une course automobile en vrille”. L’idée de Ballard était la suivante: si on commence un récit par la mort de Kennedy, on peut amorcer une construction de la réalité par le truchement des médias; surtout aux Etats-Unis, nous assistons, par le jeu permanent des médias, à la création constante d’une nouvelle mythologie avec des individus et futurs héros de l’imaginaire contemporain, tels Kennedy, Marilyn Monroe, James Dean et Reagan, dont Ballard avait prédit avec beaucoup de lucidité l’élection au poste de Président. Précisons que notre écrivain anglais si raffiné n’est pas anti-américain.

 

Après “La parade des atrocités”, on aurait pu penser que tous les écrits de science-fiction que l’auteur écrirait ultérieurement déboucherait sur la farce. Mais Ballard a continué. Depuis la fin des années 50 jusqu’à la fin de son itinéraire littéraire, il a bousculé le concept même de science-fiction et, dans son oeuvre, publiée en quatre volumes en Italie chez Fanucci après que Mondadori en ait cédé les droits, il me paraît impossible d’établir une hiérarchie, de dire que ceci est meilleur que cela. De l’oeuvre de Ballard, on peut dire qu’elle a exploré le présent ou, mieux, les plis et replis d’événements occultés de notre présent: des “aliens” invisibles qui nous espionnent, des explosions nucléaires, des simulations d’événements, les régressions psychologiques des individus. Les fauteurs de “crocodiles” n’ont pas perçu la similitude qui existe, indubitablement, entre Ballard et le grand poète anglais Thomas Stearns Eliot et sa théorie de l’ “objectif corrélatif”  —mais on pourrait dire aussi qu’ils n’ont pas vu, non plus, le lien entre Ballard et un autre grand poète, Italien celui-là: Eugenio Montale. Selon l’idée de l’ “objectif corrélatif”, l’espace physique extérieur devient la manifestation de l’espace intérieur. Les terrains d’aviation abandonnés, les carcasses amoncelées de vieilles voitures ou alignées de bombardiers déclassés, de hangars délaissés, d’espaces évacués par leurs habitants, de dunes, de marais, d’habitations vides, de plages désertes, de cieux si vifs qu’ils aveuglent, de soleils implacables, voilà tous les paysages, termes des équations narratives de l’écrivain. Ce sont des espaces géographiques d’une valeur unique, qui deviennent les expressions et les symboles d’un mal-être intérieur.

 

L’autre Ballard que nous entendons commémorer est le romancier, celui de “Vent de nulle part” (1961), “Le monde submergé” (1962), “Terre brûlée” (1964), “Forêt de cristal” (1966). Avec ces quatres livres, Ballard a réussi à décrire quatre types différents d’apocalypses de science-fiction. Ces romans témoignent d’une sensibilité écologique, qui, à l’époque, en était à ses premiers balbutiements. Ils mettaient en scène des modes divers par lesquels la Terre allait finir par frapper ses propres habitants, chaque fois à l’aide des quatre éléments alchimiques. Mais “Le monde submergé” et “Forêt de cristal” parient sur un registre plus vaste, en faisant implicitement référence aux symboles mythiques de l’eau et du cristal; l’individu s’y perd en régressant sur l’échelle de l’évolution, dans un monde submergé sous les eaux et devenu ansi un gigantesque marais ou dans une forêt qui, lentement, minéralise ses arbres et les êtres qui y  habitent. L’étape suivante de l’oeuvre ballardienne est marquée par “Crash” (1973), élaboration nouvelle du récit homonyme paru dans “La parade des atrocités”. “Crash” met l’accent sur un problème devenu, au fil du temps, une triste réalité contemporaine: la manie automobiliste qui contamine tous les hommes et provoque une avanlanche ininterrompue d’accidents de la route. Dans le roman de Ballard, l’automobile est devenu un ersatz de la sexualité; un groupe de personnes met en scène les grands accidents de l’histoire de l’imaginaire moderne: la séduction, la mort au volant, le fétichisme des images, tout cela devient autant de points de référence. Quand David Cronemberg fait de ce roman un film du même nom, en 1997, les bien-pensants furent atterrés.

 

 

 

Par la suite, Ballard a travaillé sur des romans largement autobiographiques sinon carrément biographiques: “L’Empire du Soleil”, que nous venons d’évoquer, et aussi “La gentillesse des femmes” (1991). Quant aux ouvrages ultérieurs des années 90, ceux qui permettent aux fauteurs de “crocodiles” de crier au miracle, ils recèlent tantôt une dimension écologiste, comme “Le paradis du diable” (1994), tantôt mettent au goût du jour sa poétique du désastre en situant l’intrigue des thrillers à la Costa del Sol ou en France; enfin, “Le Règne à venir” (2006) appartient aussi à la catégorie des bons romans, mais tous ces livres des années 90 et de la première décennie du 21ème siècle n’ont plus ni l’intensité destructrice ni la magie charmante du premier Ballard. Le passage du monde décapant de la science fiction à celui de la “haute” littérature, a certes apporté la consécration à notre auteur, l’a hissé dans l’empyrée des écrivains aimés du grand public et des intellectuels; ce n’est donc pas un hasard si tous ses romans sont aujourd’hui publiés par Feltrinelli en Italie, alors qu’auparavant ses oeuvres étaient éditées dans la collection de science fiction de Mondadori. Ce passage a fatalement transformé sa force  créatrice et l’a infléchie dans une direction nouvelle. Les fauteurs de “crocodiles” n’ont évidemment jamais lu les pages qu’il écrivait dans la légendaire revue anglaise “New Worlds”, et encore moins les récits qui l’ont fait découvrir et l’ont intronisé “grand écrivain”. Par conséquent, à la lecture de ces textes-là, nous pouvons dire qu’il est vraiment “réducteur” de confiner Ballard dans le seul rayon de science fiction.

 

Le Ballard que nous aimons n’est pas le Ballard des grands médias, des intellectuels médiatisés et médiacrates. C’est bien davantage l’homme qui a rédigé sa propre biographie (“Les miracles de la vie”), éditée depuis peu de temps seulement en Italie, chez Feltrinelli. Dans ce récit autobiographique, Ballard affirme qu’après le camp de prisonniers les meilleurs moments de sa vie sont tous ceux liés à son épouse (qui mourra jeune) et à ses trois fils qui se sont débrouillés seuls et qui, par là même, constituent des miracles, bien plus que ses livres. Il est resté quarante ans avec la même compagne et il en parle avec le même enthousiasme qu’il y a quatre décennies.

 

L’auteur que nous lisions quand nous étions adolescents dans les années 60 et 70 dans les pages de la revue “Urania”, qui nous faisait découvrir les pistes nouvelles de la science fiction où il n’y avait plus de vaisseaux spatiaux, de voyages intersidéraux, d’envahisseurs extra-terrestres mais seulement une volonté bien précise de parler du présent et de ses maux, à travers, par exemple, le corps d’un géant abandonné sur une plage, l’ampleur d’un baiser, un delta grouillant de serpents, de mystérieuses tours d’observation qui descendent du ciel, la carcasse d’un B52. C’est donc ce même homme qui, après une vie qui ne fut guère facile, n’a pas sombré dans les pleurnicheries ou dans les invectives,  comme beaucoup d’autres, mais, au contraire, s’est retroussé les manches pour affronter le réel sans faiblir. Et il termine son autobiographie en annonçant à ses lecteurs qu’il est miné par un cancer et que, par conséquent, ils viennent de lire ses dernières lignes.

 

Je me rappellerai toujours le “gentleman” du Festival du Dragon de Viareggio en 1992 quand, avec ma copine et un ami, je m’étais faufilé parmi les “VIP” pour me retrouver  finalement à sa table, sans y avoir été invité; nous étions là, tous les trois inconnus, en shorts, en maillots de rugby, les cheveux longs. Ballard ne parlait pas italien et, nous, nous ne parlions pas anglais: cela ne l’a nullement empêché de dîner avec nous, ce soir-là, en irradiant une gentillesse toute britannique (soit dit en passant: à peu près toutes les grandes huiles de la littérature italienne auraient fait appel aux services de sécurité pour nous faire virer illico...). Ballard souriait et parlait, interrompu par une interprète. Il y avait là un grand écrivain mondialement connu et trois de ces lecteurs italiens les plus férus incapables de balbutier la moindre parole. Je n’en dirai pas  davantage. Merci, James, bon vol. Et bon atterrissage.

 

Claudio ASCIUTI.

(article paru dans le quotidien romain “Rinascita”, 25-26 avril 2009; traduction et adaptation française:  Robert Steuckers).

H. Diwald: Der Kampf um die Weltmeere

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Der Kampf um die Weltmeere


S. 215 – 224 - Ex: http://www.hellmutdiwald.de

Die Linien
Das Ungeheuer Francis Drake
Die Achillesferse Spaniens
Vom Räuber zum Ritter

Die Linien

„Das Ringen der Mächte spielte sich in zwei verschiedenen Bereichen ab. Während des Dreißigjährigen Krieges im 17. Jahrhundert pendelte sich in Europa ein gewisses Religionsgleichgewicht ein. Neben der christlich-katholischen Ordnungsidee hatte sich der protestantische Sonderanspruch durchgesetzt und war akzeptiert worden. Außerhalb der Territorialregelungen der Friedensschlüsse wurde auch die Protestantenforderung nach Freiheit der Meere gelten gelassen - allerdings lediglich imaginär. Durch den atlantischen Ozean wurden gedachte Linien gezogen, an denen der Raum des europäischen Staatensystems völkerrechtlich endete. Jenseits dieser Linien verlor das zwischenstaatliche öffentliche Recht, das sich zu jener Zeit in Europa entwickelte, seine Verbindlichkeit.

Die Linienregelung geht dem Prinzip nach zurück auf den Vertrag von Cateau-Cambresis des Jahres 1559 zwischen Spanien und Frankreich. Was die Territorialbestimmungen betrifft, so handelt es sich bei diesem Friedensschluß um die Besiegelung einer empfindlichen französischen Niederlage. Der Text der Vereinbarung läßt keinen Zweifel daran. Frankreich muß auf seine italienischen Ansprüche verzichten und das Herzogtum Savoyen herausgeben. Der Vertrag enthält allerdings kein Wort von den mündlichen Absprachen, die während der Verhandlungen getroffen wurden: Die Friedensvereinbarungen besitzen nur für Europa Geltung, nicht aber für die Bereiche der Meere. Dort, jenseits von Europa, entscheiden nach wie vor die Waffen, entscheidet die maritime Kriegsmacht über Herrschaft und Besitz; die Kämpfe, zu denen es dabei kommen werde, wirken sich in keiner Weise auf das Verhältnis der beiden Staaten in Europa aus.

Die imaginären Linien, die durch das Meer gezogen wurden, waren sowohl Freundschafts- als auch Feindschaftslinien. Letzten Endes handelte es sich dabei um eine Abwandlung der Demarkationen, welche die Päpste vorgenommen hatten. Die neuen Linien grenzten lediglich den europäischen Landraum genauer von dem ozeanischen Freiraum ab, in dem kein Recht, keine Ordnung, kein Gesetz galt und in dem die Seefahrernationen einander bekämpften, als hätte es seit den prähistorischen Zeiten nie etwas anderes gegeben als das nackte Faustrecht. Daß dieser Kampf von Europa ausging, daß er die Form war, in der Europa eine unerhörte Expansion vollzog - die gewaltigste aller Expansionen der Weltgeschichte -, das legte trotz der Brutalität des ganzen Prozesses den hohen Rang Europas bis ins 20. Jahrhundert unwiderruflich und in historisch unvergleichlicher Form fest.

Durch die Ausgrenzung des Kampfgebietes vermittels Festlegung von Zonen, in denen vertragliches Recht galt, beziehungsweise nicht galt, sprach die europäische Welt ihrer Rechtsordnung nur in den bisher vertrauten, alten Bereichen Gültigkeit zu, sie billigte die Existenz einer »Neuen Welt« als eines Freiraums des gewaltsamen Zugriffs. Sie würden erst dann zu Objekten des europäischen Völkerrechts werden, wenn der Kampf um sie entschieden war. Solange dieser Zeitpunkt ausstand, hielt sich der Brauch der »Freundschaftslinien«. Im Süden verliefen sie entlang des Wendekreises des Krebses oder des Äquators, im Westen hielten sie sich an den Längengrad durch die Kanarischen Inseln oder die Azoren. Gelegentlich wurden sie sogar amtlich festgelegt - und damit ein Sachverhalt offiziell anerkannt, den es offiziell nicht gab. Der Widersinn dabei beruht darauf, daß an diesen Linien die Gültigkeit des europäischen Rechts endete und jenseits davon der Raum des gesetzlosen Kampfes um die Weltmeere, die Freiheit des Faustrechts begann. Ob in Europa zwischen den Seerivalen Frieden herrschte oder nicht: Jenseits »der Linie« lagen die Überseeräume der Gewalt. Der britische Seeheld Francis Drake gab dafür die Parole aus, eine Formel von welthistorischem Gewicht und drakonischer Kürze: »No peace beyond the line!- Kein Friede jenseits der Linie! «

Unter den Wahrzeichen der religiösen und sittlichen Begründungen von Rechts- und Unrechtsbestimmungen ist diese Linienabgrenzung etwas Ungeheuerliches. Sie beglaubigt die Existenz einer doppelten Moral und relativiert dadurch sowohl ihre christlich unterbaute als auch innerweltlich postulierte Unbedingtheit. Wie sollte ein gläubiger, ein sittlicher Mensch begreifen, daß sich christliche Herrscher dazu verstehen, für den unabsehbaren Raum des Ozeans die Barbareien und Ruchlosigkeiten eines Naturzustandes primitivster Art gelten zu lassen und sich gleichzeitig für den europäischen Kontinentalbereich auf das Gegenteil zu einigen? Wie ließ es sich rechtfertigen, die Meere als ein Reich der Anarchie auszugrenzen? Waren die Unterschiede zwischen Recht und Unrecht, Gut und Böse eine Frage der Geographie? Von solchen Zweifeln wurde der große Philosoph Pascal zu dem Seufzer hingerissen: »Die fundamentalen Gesetze wechseln. Ein Meridian entscheidet über die Wahrheit. «

So sah die eine Seite der Medaille aus. Die andere Seite bestand darin, daß durch die Linien-Übereinkunft die europäische Ordnung entscheidend stabilisiert wurde. Die Demarkationen verhinderten eine Zersetzung der Vertragsregelungen durch die rohe Willkür im Freiraum der See. In der Praxis bedeutete die »Freiheit der Meere« eine totale Befreiung von Recht, Moral und Gesetz; sie bedeutete aber genauso eine Rettung der innereuropäischen Ordnung, sie verhinderte hier den Rückfall in die Barbarei vorzivilisatorischer Zustände.

Das Ungeheuer Francis Drake

Am leidenschaftlichsten wurde diese Übereinkunft von England befürwortet. Das Königreich war damals der schwächste Partner in dem exklusiven Kreis der Seefahrernationen, und vielleicht erkannten gerade deshalb die britischen Staatsmänner und Herrscher besonders früh, daß England daraus den größten Nutzen ziehen konnte. Seine Piraten hatten fast ausnahmslos nichts anderes im Sinn, als in den Freiräumen der Meere Beute zu machen. Aber diejenigen von ihnen, die immerhin Anflüge von Format besaßen, achteten sorgsam darauf, daß ein hoher Prozentsatz des Geraubten am Königshof abgeliefert wurde - manchmal war es fast die Hälfte.

Das englische Freibeutergewerbe wurde erstmals von John Hawkins auf einen bemerkenswerten Stand gebracht. Er entstammte einer Familie von Kaufleuten und Schiffseignern aus Plymouth. 1562, 30 Jahre alt, segelte er mit einer Dreierflottille zu seiner ersten Fahrt nach Afrika. An der Sierra Leone überfiel er portugiesische Schiffe, raubte dreihundert Negersklaven und verkaufte sie mit riesigem Gewinn in Haiti. Königin Elisabeth I. wußte offiziell nichts von dieser Fahrt, was sie aber nicht hinderte, höchst offiziell die prachtvollen Perlen zu tragen, die ihr Hawkins aus Westindien mitbrachte.

1566 wurde John Hawkins von einem jungen Mann besucht, einem entfernten Verwandten seiner Familie. Dieser Francis Drake hatte sich kürzlich unter Kapitän John Lovell an einer Fahrt nach Mexiko beteiligt; sie war ein katastrophaler Mißerfolg gewesen, die Engländer wurden von den Spaniern völlig ausgeraubt. Von dieser Fahrt brachte Francis Drake vollendete seemännische Kenntnisse und einen maßlosen Haß auf die Spanier mit.

Hawkins bereitete für das folgende Jahr eine neue Kaperexpedition vor. Im Oktober 1567 lichteten sechs Schiffe die Anker. Das Flaggschiff »Jesus von Lübeck«, 700 Tonnen groß, hatte Königin Elisabeth dem Flottillenchef Hawkins selbst zur Verfügung gestellt; sie war an dem Unternehmen noch mit einem zweiten Schiff, der »Minion«, beteiligt. Francis Drake befehligte eine kleine Barke von 50 Tonnen, die »Judith«. An der Guineaküste erbeuteten die Engländer 500 Sklaven und segelten mit ihnen nach Amerika. Die Fahrt war ein halber Rachezug, denn sie liefen die Hafenstadt Rio de la Hacha an, in der Kapitän Lovell und Drake 1565 ausgeplündert worden waren. Als die Spanier jeden Handel mit den Engländern ablehnten, landete ein Kommando zu einem Plünderungszug, anschließend wurde die Stadt beschossen. Erst jetzt erklärten sich die Bewohner bereit, die Sklaven abzukaufen. Auf der Rückfahrt kamen die Schiffe in ein schweres Unwetter, das Flaggschiff schlug leck, Hawkins und Drake mußten in San Juan de Ulloa bei Veracruz Schutz suchen. Am nächsten Tag fuhren dreizehn spanische Geleitschiffe in den Hafen ein. Hawkins und der spanische Befehlshaber vereinbarten ein neutrales Verhalten. Wenig später brachen die Spanier jedoch das Abkommen, eröffneten das Feuer auf die britischen Schiffe und töteten jeden Engländer, der sich an Land befand. Hawkins und Drake konnten zwar vier Spanier in den Grund bohren, verloren aber selbst die »Jesus von Lübeck« und drei weitere Schiffe; nur die »Minion« und die »Judith« retteten sich, schwer beschädigt, aufs offene Meer. Drake erreichte am 20. Januar 1569 Plymouth, seine »Judith« kroch mehr in den Hafen als daß sie segelte. Eine Woche später erreichte auch Hawkins die Küste von Cornwall. Die »Minion« war in einem so jämmerlichen Zustand, daß er sie von hier nach Plymouth schleppen lassen mußte.

Das Mißgeschick der beiden Korsaren wurde in England als eine quasi öffentliche Demütigung empfunden. Hawkins und Drake, die sich genaugenommen nur hatten übertölpeln lassen, unterstützten diese Meinung durch kräftige Klagen über die Wortbrüchigkeit der Spanier. Der königliche Hof zeigte lebhaftes Verständnis für diese Version, denn durch den Verlust der »Jesus von Lübeck«, durch die unerfüllte Hoffnung auf ihren Anteil an der Beute und die havarierte »Minion« war auch Elisabeth I. geschädigt worden. Bei Hawkins hielten sich Rachegefühl und Resignation die Waage, Drakes verletzter Stolz dagegen ließ keine andere Empfindung zu als Haß.

Sein nächstes Unternehmen bereitete er außerordentlich gründlich vor. 1570 segelte er mit zwei kleinen Schiffen zu einer Erkundungsfahrt nach Westindien. Drake war zwar inzwischen in die Königliche Marine aufgenommen worden, doch die Expedition unternahm er auf eigene Faust, ebenso eine zweite Rekognoszierungsfahrt mit nur einem Schiff im darauffolgenden Jahr. Er lernte die Inseln der Karibik, die Küste Südamerikas, die Strömungen, Untiefen und Windverhältnisse, die Schlupfwinkel und versteckten Naturhäfen so gut kennen, als wäre er dort aufgewachsen. Drake wußte jetzt auch bis in die Einzelheiten, wie die spanischen Galeonen mit Gold beladen wurden, wie ihr Geleitzugsystem funktionierte, wie die Schatzschiffe gesichert wurden. Im Jahre 1626, dreißig Jahre nach dem Tod von Francis Drake, veröffentlichte einer seiner Neffen einen Bericht über das Unternehmen, zu dem Drake 1572 mit nur zwei Schiffen aufbrach. Die Notizen erschienen unter dem Titel »Sir Francis Drake redivivus fordert dieses stumpfsinnige und verweichlichte Zeitalter auf, seinen noblen Schritten nach Gold und Silber zu folgen«.

Die »noblen Schritte nach Gold und Silber« des Kapitäns Drake machten seinen Namen binnen wenigen Monaten in ganz Europa berühmt und berüchtigt. Es war eines der verwegensten Projekte der ganzen Epoche, würdig auch des Beinamens, mit dem Königin Elisabeth inzwischen von spanischen und französischen Diplomaten ausgezeichnet wurde: »Perfide, freche Jezabel des Nordens«. Und wirklich mehr als frech - sofern dieses Wort die Drakesche Expedition treffend charakterisiert - war seine spektakuläre Kaperfahrt, zu der er im Mai 1572 auslief.

Die Besatzung hatte Drake ausnahmslos aus Freiwilligen zusammengestellt, aus blutjungen Seeleuten, insgesamt 73 Mann. Ein volles Jahr trieb sich Drake mit ihnen an der Nordküste Panamas herum, überfiel Städte und Garnisonen, kaperte Fregatten, lieferte sich Gefechte mit spanischen Truppen, tauchte blitzschnell und völlig unerwartet auf, landete einen Coup und verschwand ebenso rasch, als hätte ihn die See verschluckt - offensichtlich ein ebenso genialer wie verrückter Abenteurer, der es nur darauf angelegt hatte, seinen Hals zu riskieren, aber mit dem Teufel im Bunde sein mußte, weil er jeder Falle entschlüpfte.

Verrückt mußte er deshalb sein, weil er auf eigene Faust, aber namens angemaßter Stellvertretung des kümmerlichen Inselkönigreiches England, die Weltmacht Spanien zu attackieren wagte, vielmehr: Ein einzelner Mann mit zwei kleinen Schiffen und einem Haufen verwegener Burschen führte Krieg gegen den spanischen König, gegen den faktischen Herren der Welt in dieser Zeit. Die Hälfte von Drakes Raubzügen schlug fehl, endete ganz anders als geplant, aber sein jähes Hervorbrechen und urplötzliches Verschwinden, die Tollkühnheit seiner Angriffe mit wenigen Männern, die Unverschämtheit, mit der er sowohl an Land als auch auf See alles überfiel, was ihm einen Versuch wert zu sein schien, festigte seinen Ruf bei den Spaniern: Der Einzelgänger Drake war kein normaler Kapitän, sondern ein Ungeheuer des Meeres. Dementsprechend wurde sein Name spanisch abgewandelt: »El draque — der Drache«. Soweit es die Mischung aus Bewunderung und Wut betraf, die darin lag, glaubte auch Drake selbst an seine »Ungeheuerlichkeit«, denn er war maßlos eitel auf seine Tollkühnheit und seemännische Überlegenheit und hatte unstreitig auch ein gewisses Recht dazu.

Sein Hauptziel war es, einen der großen Silber- und Goldtransporte, die von Peru über Land nach Panama zum Hafen Nombre de Dios gingen, zu überfallen. Ein erster Versuch mißglückte, der zweite wurde ein voller Erfolg. Der Transport bestand aus fast zweihundert Packtieren; um die ganze Beute fortzuschleppen, war die Zahl der Engländer zu gering, sie beschränkten sich deshalb auf das Gold. Anfang August 1573 fuhren die Schiffe Drakes in den Hafen von Plymouth ein, schwer beladen mit einer ungeheuren Beute.

Die Achillesferse Spaniens

England jubelte, Spanien schäumte vor Zorn, Francis Drake lachte - und plante das nächste Piratenstück, ein Projekt, das alles bisher Dagewesene in den Schatten stellte. Daß er, der Seemann, die Geldtransporte nach Panama an Land überfallen mußte, paßte so zu ihm, als wäre ein Hai gezwungen, außerhalb des Wassers zu jagen. Die Konvois über den Atlantik waren schwer bewacht; ein Überfall im Alleingang hatte von vornherein keine Aussicht, nur mit einem größeren Schiffsverband war ein erfolgreicher Angriff möglich. Dazu aber konnte sich die Königin nicht entschließen, England fehlte noch bei weitem die maritime Macht, um Spanien offen herauszufordern, so stetig Elisabeth I. auch die Flotte vergrößern ließ.

Andererseits handelte es sich bei dem Verbindungsweg zwischen der Karibik und dem iberischen Mutterland um den Lebensnerv des spanischen Weltreichs. Der gesamte Staatsschatz hing völlig von den Silber- und Goldtransporten über den Atlantik ab; wenn dieser Zustrom versiegte oder auch nur kurze Zeit unterbrochen wurde, konnten die Truppen in den Niederlanden nicht besoldet, die neuen Schiffe nicht gebaut, die europäische Politik Spaniens nicht fortgeführt werden. In der Karibik und in Peru, das die größten Goldvorräte besaß, befand sich die Achillesferse Spaniens. Drake erreichte eine Audienz und entwickelte der Königin seinen Plan. Das Edelmetall aus den Minen Perus wurde zu den Häfen der Pazifikküste Amerikas gebracht und dort auf die Schatzschiffe verladen, die nach Norden in den Golf von Panama fuhren. Hier wurden die Lasten auf Maultiere umgeladen und über die Landenge zu den karibischen Häfen transportiert, um dann an Bord der Schiffe nach Europa zu kommen. Drake hatte vor, durch eine Umsegelung Südamerikas in den Pazifik vorzudringen. Die Durchquerung der Magellanstraße war zwar nach dem Bericht Pigafettas das Entsetzlichste, was Seefahrer durchmachen könnten, aber er, Drake, schrecke vor nichts zurück. Auf der pazifischen Seite würde er dann in dem gewaltigsten Raubzug, den die Piratengeschichte kannte, die Schiffe des spanischen Königs ausplündern.

Elisabeth I. hungerte kaum weniger nach Gold als Drake. Der Plan versetzte sie in helle Begeisterung, sie versicherte Francis Drake, daß er ihre volle Unterstützung erhalten werde, und sie würde sich an dem Unternehmen auch finanziell beteiligen; offiziell könne und dürfe sie allerdings mit der Piratenfahrt nichts zu tun haben, besonders weil im Augenblick das Verhältnis Englands zu Spanien aufmerksamer denn je gepflegt werden müsse. Drake hatte für alles Verständnis, er wollte nichts weiter, als mit stillschweigender königlicher Rückendeckung seine Schiffe ausrüsten und schnellstens aufbrechen. Die Vorbereitungen wurden nicht eigens getarnt, um keine Neugier und keine Gerüchte zu wecken. Drake wußte, daß er seine Pläne am sichersten geheimhielt, wenn er möglichst offen vorging. Am 15. November 1577 verließ er mit fünf Seglern England.

Drakes Fahrt ähnelte in vielem dem Unternehmen Magellans, allerdings nur in nebensächlichen Dingen; beide brachen mit fünf Schiffen auf, beide mußten Meutereien niederschlagen, beide verloren Schiffe in Stürmen, beide Expeditionen endeten damit, daß nur ein einziges Schiff in den Heimathafen zurückkehrte. Drake durchquerte die Magellanstraße in der erstaunlich kurzen Zeit von sechzehn Tagen, mit drei Schiffen erreichte er im Herbst 1578 den Pazifik, verlor in einem wochenlangen Sturm zwei weitere Schiffe und segelte schließlich allein mit seinem Flaggschiff »Golden Hind« nach Norden.

Mit einem Überfall Valparaisos begann sein beispielloser Kaperzug. Er lief in den Hafen ein, plünderte die Stadt, raubte die Kirchen aus und überholte dann in aller Ruhe das Schiff, ergänzte die Vorräte und lag auf der Reede, bis sich die Mannschaft von den Strapazen erholt hatte. Während der nächsten fünf Monate segelte er ohne Hast die Küste entlang nach Norden, systematisch die Hafenstädte plündernd, über eine Strecke von mehr als 3000 Kilometer bis Lima. Die Stadt war der zentrale Stapelplatz für die Schätze Perus. Im Hafen ankerten zwölf große spanische Schiffe, die Kapitäne fühlten sich so sicher, daß die ganze Takelage an Land war; kein Mensch rechnete mit einem Überfall. Drake hatte kaum jemals so leichte Beute gemacht und noch nie in solchen Dimensionen.

In Lima erfuhr er, daß vor kurzem eine besonders große Galeone mit vielen Tonnen Silber, Gold und Schmuck nach Panama gesegelt war; das Schiff war allerdings schwer bestückt. Drake setzte dem Spanier sofort nach, holte ihn knapp jenseits des Äquators ein und konnte ihn trotz seiner Geschütze und der starken Besatzung entern. Außer Gold und Silber befanden sich unter Deck dreizehn Truhen mit Schmuck, Edelsteinen und anderen Kostbarkeiten.

Drake dehnte seinen Piratenzug bis nach Mexiko aus, als Beute nahm er jetzt nur noch Gold und Perlen mit. Den Nordkurs hatte er deshalb eingeschlagen, weil er den amerikanischen Kontinent nach einer Nordwestpassage absuchte. Er drang bis zum 48. Breitengrad vor. Auf der Höhe der Insel Vancouver gab er das Projekt auf, überquerte im Gefolge Magellans den Pazifik, erreichte die Molukken, wurde von den Herrschern freundlich empfangen, belud den restlichen Laderaum seiner »Golden Hind« mit den kostbarsten Gewürzen und nahm endlich Kurs in die Heimat, quer durch den Indischen Ozean und seine Stürme, um das Südkap Afrikas und durch den Atlantik vorbei an den Azoren. Im Herbst 1580 tauchte die »Golden Hind« vor Plymouth auf, zerlumpt und abgerissen wie ihre Besatzung, ein jämmerliches Schiff, doch bis über den Freibord beladen mit einem ungeheueren Schatz: die »Golden Hind«, der berühmteste Segler der Epoche.

Vom Räuber zum Ritter

Niemand hat nach so langer Zeit noch mit der Rückkehr Drakes gerechnet. Der Hafenkommandant von Plymouth begrüßt das Schiff mit Salutschüssen, die Stadt taumelt vor Begeisterung, der Jubel brandet über das Land, die Nachricht von Drakes Ankunft erreicht London in der Nacht, die Menschen rütteln sich gegenseitig wach, sie strömen auf die Straße, auch die Königin wird im Palast von St. James geweckt, sie wirft ein Neglige über, trommelt ihre Räte zusammen - so wird erzählt - und stammelt ihnen die Nachricht entgegen: »Drake ist zurück, er hat die Welt umsegelt!« Dabei rinnen Tränen über ihre Wangen. … „

samedi, 04 juillet 2009

Deshumanizacion de la Medicina

Reproducimos aquí un escrito de Fernando Trujillo, nuestro colaborador habitual desde Méjico. Si quieres colaborar con nuestro blog enviandonos artículos, contáctate al correo electrónico que figura en rojo. Consideramos de todos modos importante señalar que las opiniones de cada autor aquí volcadas, no son siempre las mismas que la de los administradores del blog. ¡Animate y colabora! despertarloeterno@hotmail.com

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No nos debe extrañar el grado de deshumanización al que ha llegado la ciencia médica, en una sociedad que se mueve por el dinero como es la sociedad moderna todo pierde su humanidad, se ha visto con el arte, la educación, la religión, el trabajo y la medicina, todo lo que se mueve por el poder del dinero tarde o temprano pierde su humanidad.


Cuando los jóvenes deciden estudiar medicina muchos de ellos piensan en los miles de billetes que llegaran a sus bolsillos gracias a la profesión médica, desde ese momento empieza el problema ya que estos jóvenes se guían por lo económico y no por el lado humano que es servir y ayudar. Los hospitales ya solo se mueven por el poder económico olvidando la ética y el ideal de ayuda al necesitado, los médicos cobran cuantiosos honorarios por cada cirugía, tienen autos de lujo y botellas del mejor vino en su consultorio gracias a su profesión pero muchos de ellos se niegan a atender a quien no tiene los recursos para pagar esos odiosos honorarios. Los tratamientos médicos tienen elevados costos que muchos no pueden pagar, muchas familias con hijos o parientes enfermos no tienen el dinero para pagar una quimioterapia o una cirugía y en los hospitales públicos muchas veces se carece de los medios para atender enfermedades como lo son el cáncer por citar alguna. En los hospitales te pueden echar o negar el servicio si no tienes un seguro o el dinero para pagar por sus servicios sin importar que la persona esté sufriendo, muchos defensores del sistema médico pueden alegar como defensa que existen los hospitales públicos pero en dichos hospitales como dije unos párrafos arriba no tienen muchos de los servicios o el material para tratar graves enfermedades, en los hospitales públicos tienen el defecto de que el servicio es pésimo, el lugar está en condiciones insalubres, el personal médico es grosero y prepotente con los internos, entre otros problemas como la escasez de medicamentos y ambulancias.

Aclaro antes de continuar y para ser justo que también existe una minoría de médicos que no se dejan guiar por el dinero si no por la ética y el juramento de Hipócrates de servir y ayudar al paciente, sin embargo ya son una minoría dentro del ejército de esclavos del oro.

Gran culpa de proceso de deshumanización de la ciencia médica lo tienen las ideas progresistas del mundo moderno, estas subversivas ideas que supuestamente sirven como una evolución no son más que patrañas que al contrario de lo que muchos piensan han conducido al mundo a una bestial involución. Ejemplo de esto es esa nueva tendencia en el mundo medico a trasplantar órganos de animales a humanos, hoy ya se puede trasplantar el corazón de un cerdo a un ser humano, también se habla de crear sangre artificial para donaciones y de maquinas para preservar la vida con años de longevidad. Mi pregunta es ¿Dónde está la dignidad del ser humano? El progreso nos está llevando a pasos acelerados hacia un mundo en donde no existan fronteras entre hombres, animales y maquinas. Dentro de poco ya no habrán seres humanos, lo que habrá serán aberrantes hombres-maquinas y hombres-animales, entonces el espíritu y la dignidad humana se verán perdidos en el mar de la inmundicia tecnológica. Ese el progreso al que el mundo tanto elogia y aplaude, ese es el mundo al que nos está llevando.

Una ciencia que presuma de ser humanitaria debe siempre poner primero a la ética y el respeto hacia las leyes de la naturaleza antes que el progreso. Por ejemplo en la Grecia Helénica se vieron grandes avances en la medicina, la filosofía y la ciencia por citar algunas porque antes que nada estaba esa ética y ese respeto hacia la naturaleza de la que hable unas líneas arriba, por desgracia en la civilización occidental moderna esto no sucede. Según el progreso materialista, todo lo que es nuevo debe remplazar lo que es viejo, con tal de "evolucionar" se debe someter a la naturaleza, arrollar las ideas "pasadas de moda" (frase que los progresistas aman) para desarrollar ideas nuevas que sirvan para crear una "mejor" sociedad. Mientras más se evoluciona materialmente mas se pierde humanamente.

Gracias a estas ideas tenemos el aborto, la clonación, la investigación de células madres, el uso de marihuana en terapias por citar algunas de esas ideas nuevas tan veneradas por los médicos "tolerantes". El aborto nos dice como una ciencia que nació para salvar vidas ha sido tergiversada ahora en una ciencia para acabar con ellas. Los médicos progresistas en su afán de idolatrar todo lo que es nuevo han traicionado el juramento de Hipócrates al aprobar el genocidio que es el aborto, estos doctores dan conferencias junto con otros "especialistas" sobre las "ventajas" de legalizar el aborto, propagando falsedades que claro la masa se traga como pan. Una de estas falsedades es que una vez legalizado el aborto se disminuirá el numero de los mismos, está comprobado que en los países donde está legalizado este holocausto se ha aumentado el número de abortos de forma alarmante. El producto (palabra que usan con el feto despojándolo de su humanidad) no siente es otra falsedad que nos dicen, desde la concepción el feto siente de forma inconsciente lo que pasa, sabe lo que su madre está sintiendo y por supuesto siente el dolor al momento de un legrado, esto ya está comprobado científicamente, así que doctores progresistas no me vengan con la mamarrachada de que el feto no tiene sentimientos porque no les creo ni una palabra. Otro de los mitos que giran alrededor del aborto es que las mujeres lo hacen por necesidad económica, muchas familias burguesas con tal de tapar un escándalo social obligan a su hija a tener un aborto, novios irresponsables recurren al aborto para que un bebe no interfiera en sus vidas pero eso también es culpa de la pésima visión de la sexualidad moderna, las mujeres que han sido víctimas de una violación seguro lo verán como una solución, yo les tengo otra, mata al violador y deja vivir al niño.

La investigación con células madres es otra tendencia moderna y subversiva de la medicina cada vez más deshumanizada, no es más que una forma de aborto con otras palabras. Se trata de investigar con embriones humanos para curar enfermedades como la diabetes o el mal de Parkinson por supuesto eso es lo que dicen los medios de comunicación afines al sistema en el que vivimos, no se dejen engañar nada que esta contra la naturaleza y que pase sobre la dignidad humana puede servir para hacer el bien. La ciencia profana no valora la vida humana como tampoco valora la vida de los animales con los cuales experimenta pisoteando su dignidad como seres vivos. La vida empieza desde que un esperma toca el ovulo esto es lo que no entienden estos idiotas médicos modernos, experimentar con seres vivos no es la solución a los problemas es al contrario una forma de que la raza humana es cada vez mas insensible, el hombre se está deshumanizando por completo convirtiéndose en un monstruo que pasa sobre cualquier ética para lograr sus metas, una sociedad que se mueva bajo estos valores materialistas no puede ser llamada humana y está condenada a la extinción. Actualmente en Estados Unidos el nefasto presidente Obama ha dado su aprobación para que se investigue con células madres, un triunfo más del progreso materialista y un paso más para la desvalorización completa del ser humano. Los progresistas dicen que hay que avanzar, con tal de que la ciencia avance se deben hacer sacrificios, esto es una descarada mentira propia del Sistema ya que la ciencia sagrada ha demostrado grandes avances científicos y médicos demostrando que la ética y el respeto hacia la vida van de la mano con la ciencia, contrario a la ciencia profana y moderna cuyos "logros" han sido la destrucción del espíritu humano. Dos grandes científicos que se opusieron al progreso científico sin freno fueron Alexis Carrel y Konrad Lorenz, ambos ganadores del premio Nobel, ambos grandes genios en la medicina y en la ciencia y ambos combatieron la vivisección, el poder del dinero y los postulados de la ciencia moderna. Carrel y Lorenz hicieron colosales descubrimientos en sus respectivos campos por que sometieron a la ciencia bajo las leyes de la ética, ambos veían al hombre no como un ser material si no como un ser conectado con lo divino y con el cosmos, no nos debe extrañas que hoy esos genios sean desprestigiados e ignorados por los científicos profanos y el Sistema masificador.

La cirugía plástica otro campo de la medicina moderna se ha convertido en estos tiempos en un lamentable espectáculo reflejando la crisis en el hombre y la mujer del mundo moderno. Otro campo cuya función era el de curar a las personas con una discapacidad física, victimas de un accidente ahora ha sido tergiversado por la pesadilla materialista-moderna.

El auge en esta era por las cirugías plásticas se debe a un repulsivo "culto a la belleza" (una parodia del culto a la belleza en la edad antigua) que se esta dando en los países mas avanzados tecnológicamente. Hoy hombres y mujeres ya no se sienten bien consigo mismos, buscan ante todo ser jóvenes, ser delgados, ser los mas "sexys", esto como es de esperarse los aprovechan un grupillo de médicos adoradores de Mammon que sacan beneficio de la crisis de identidad de esta personas.

Todos pueden parecer estrellas de Hollywood, todos pueden ser tan delgados como un modelo, todos pueden tener el cuerpo perfecto, todos pueden cambiar de género como cambiar de ropa, a pesar de que la mente y el espíritu estén muertos, a pesar de que la vida interior sea un abismo. La serie televisiva Nip Tuck es un reflejo de esto que estoy comentando.

Médicos con ansias de "superstars" utilizan de manera despiadada la tecnología clínica para deformar el cuerpo humano con el fin de alcanzar la belleza plástica más perfecta, el capitalismo ha invertido el sentido de la belleza clásica convirtiendo lo que para los clásicos era el templo del alma en un objeto de deseo. A los médicos que se especializan en las cirugías plásticas no les importa la salud de los pacientes, mientras estos paguen bien ellos los seguirán deformando a manera de sus sueños, muchas de estas cirugías son contra natura como podíamos citar el cambio de sexo algo grotesco, morboso y patético que últimamente esta de moda en el mundo moderno de las masas. Consecuencias de una cirugía mal practicada (y que muchos médicos no hablan a sus pacientes) puede ser quedar en un estado de coma, desfiguraciones en el cuerpo, incluso la muerte, una persona que se practica una cirugía constantemente tiene el riesgo de quedar como un monstruo o morir.

En México tenemos el caso del doctor Del Villar un hombre que ha lucrado con el sufrimiento de otros debido a su negligencia como medico pero que goza de la amistad de varias personas del medio del espectáculo que no dudo lo hayan ayudado en sus problemas con la ley gracias a sus influencias. Otro caso digno de destacar es el de la modelo argentina Sabrina una mujer que se ha operado el busto y ha deformado su cuerpo que mas que deseo la pobre causa lastima, las consecuencias de una vida vacía.

Desde las políticas económicas de los hospitales hasta las tendencias más subversivas de la ciencia profana, la medicina se ha convertido en un monstruo frío dentro de este mundo más inhumano. Si queremos oponernos a esta sombra progresista-moderna debemos ayudar a forjar una nueva elite de médicos cuyo deber sea el de servir y curar al necesitado sin importar el dinero, con amor a su vocación y demostrando que las hipótesis progresistas al final son derribadas por las inmutables leyes de la naturaleza.

Un tabou de l'histoire contemporaine: l'attaque allemande contre l'Union Soviétique en juin 1941

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Archives de Synergies Européennes - 1992

 

Un tabou de l'histoire contemporaine: l'attaque allemande contre l'Union Soviétique en juin 1941

 

 

par le Generalleutnant Dr. Franz UHLE-WETTLER

ancien Commandeur du NATO Defence College de Rome

 

Le 22 juin de cette année, il y avait tout juste cinquante ans que la Wehrmacht était entrée en Russie. Notre époque se caractérisant par un engouement pour les dates-anniver­sai­res, médias et politiciens ont eu l'occasion de se manifester et de faire du tapage. Mais on savait d'avance ce qu'ils allaient nous dire. Ils nous ont rappelé que l'Allemagne, pen­dant la seconde guerre mondiale, avait utili­sé des méthodes criminelles (l'ordre de dé­clen­cher l'Opération Barbarossa) et con­cocté des desseins tout aussi criminels (le Plan de la réorganisation politique et éco­nomique des territoires de l'Est). Et que c'est pour pro­mou­voir ces méthodes et réaliser ces des­seins que les Allemands ont com­battu. Avec des reproches dans la voix, avec des trémolos de honte, on nous a remémoré que toutes les institutions politiques, y com­pris la Wehr­macht, ont participé à ces crimes. Plus d'un donneur de leçons est venu à nous, la mine docte, pour nous dire qu'il fallait briser les ta­bous et laisser la vé­rité se manifester.

 

Mais il y a plus intéressant que ces sempi­ternelles répétitions de ce que nous savons déjà: précisément ce que ces briseurs de ta­bous veulent ériger comme tabous, les révé­lations qu'ils considèrent comme sacrilèges et qu'ils dénoncent comme telles. L'heb­do­ma­daire Die Zeit,  notamment, s'est spécia­li­sé dans ce genre d'entourloupettes. En 1988, quand les toutes premières voix se sont éle­vées pour dire que l'attaque alle­mande de juin 1941 n'était peut-être pas une attaque dé­libérée, perpétrée sans qu'il n'y ait eu, de la part de l'adversaire, la moindre pro­vo­ca­tion, Die Zeit  répondit par deux longs ar­ticles morigénateurs, dont le titre et les sous-titres en disaient assez sur leur contenu et leur style: «Les mensonges qui justifient la thè­se de l'attaque défensive  - Pourquoi on ré­ac­tive la fable de la guerre préventive dé­clen­chée par l'Allemagne». Bref: le ton d'une inquisition moderne.

 

Bien sûr, Staline voulait la paix

et Hitler, la guerre

 

Souvenons-nous toujours que les médias et les politiciens ne traitent des causes de la guerre qu'au départ de catégories morali­santes: on parle de culpabilité dans le dé­clen­chement de la guerre, de Kriegs-’Schuld’.  Or la guerre est un fait de monde qui échappe précisément aux catégories de la morale. Mieux qui ne peut nullement s'ap­préhender par les catégories de la mo­ra­le. Si Hitler avait acquis plus rapidement la victoire à l'Ouest ou si, au moins, il était parvenu à une paix provisoire avec l'Angle­terre, il aurait pu, s'il en avait eu en­vie, tour­ner tout son potentiel contre la Russie. Staline aurait été livré à son bon vouloir. Donc Staline ne pouvait pas, sans réagir, laisser évoluer la situation de la sorte. Il devait en conséquence attaquer l'Allemagne tant que celle-ci affrontait en­core l'Angle­ter­re (derrière laquelle se profi­laient depuis un certain temps déjà les Etats-Unis). Staline a dû opté pour cette solution par contrainte. Et cette option n'a rien à voir avec une quelcon­que notion morale de «faute», de «culpa­bi­li­té»; elle a été dictée par la volonté de Staline de survivre.

 

Examinons les choses de l'autre bord: la con­trainte que Staline allait inévitablement subir, Hitler ne pouvait pas ne pas la devi­ner. Par conséquent, Hitler était contraint à son tour d'élaborer des plans pour abattre la puissance de Staline, avant que celui-ci ne passe à l'attaque. Et quand, dans une situa­tion pareille, si explosive et si complexe, l'é­tat-major allemand assure Hitler que la Rus­sie peut être battue en quelques mois, plus rien ne pouvait arrêter le Führer. Pro­cessus décisionnaire qui n'a rien à voir non plus avec la notion de «faute», mais dé­coule plus simplement de la position géogra­phique occupée par l'Allemagne. Oser poser au­jour­d'hui de telles réflexions réalistes, non mo­rales: voilà qui est tabou.

 

Mais il y a encore plus étonnant: par exem­ple, ce que nos destructeurs de tabous ra­con­tent sur les intentions de Staline en 1940/41. Les documents soviétiques ne sont toujours pas accessibles. Pourtant, nos bri­seurs de ta­bous savent parfaitement bien ce que voulait Staline. Et il voulait la paix. Evidemment. Donc, l'attaque allemande était délibérée, in­justifiée. Scélérate. Comme sont des scélé­rats ceux qui osent émettre d'autres hypo­thè­ses sur la question. Des scélérats et des men­teurs. Des menteurs qui cultivent de mau­vaises intentions. Voilà comment on défend des tabous.

 

Pourtant Karl Marx déjà nous avait ensei­gné que les Etats socialistes devaient se pré­parer pour la guerre finale contre les capita­listes. Staline  —on sait qu'il ne s'encom­brait pas de scrupules inutiles—  avait choisi de provoquer cette lutte finale par l'offensive. Et il l'avait planifiée jusqu'au plus insigni­fiant détail. Depuis 1930, tous les nouveaux wagons des chemins de fer sovié­tiques, épine dorsale de la logistique des ar­mées moder­nes (encore de nos jours), de­vaient être cons­truits de façon à pouvoir pas­ser rapidement du grand écartement russe au petit écarte­ment européen. Préconise-t-on de telles me­su­res quand on n'envisage que la défensive? De plus, Staline avait mis sur pied une ar­mée gigantesque. On pourrait arguer que c'était pour se défendre; mais les chars et les unités aéroportées y jouaient un rôle prépon­dérant. Par conséquent, cette im­mense ar­mée avait bel et bien été conçue pour une guerre offensive.

 

Comparons quelques chiffres pour donner une idée de la puissance soviétique en ma­tière de blindés; en 1941, la Wehrmacht pos­sédait 3700 chars capables d'engager le com­bat, c'est-à-dire des chars qui ont au moins un canon de 37 mm. Elle disposait en plus de 2030 engins chenillés ou sur roues armés de mitrailleuses ou de canons de 20 mm. Elle a attaqué la Russie avec 2624 chars et 1024 en­gins armés de mitrailleuses ou de canons légers de 20 mm (types Panzer I ou Panzer II). C'était tout! Face à elle, l'Armée Rouge alignait entre 22.000 et 24.000 chars de com­bat, presque tous armés de canons de 45 mm ou plus. Parmi ces chars, on trouvait déjà 1861 chars des types KV et T34, qui étaient invulnérables face à presque tous les chars allemands de l'époque. L'arme blindée sovié­tique, à elle seule, était plus puissante que toutes les autres forces blindées du monde! La supériorité soviétique en matières de ca­nons et de mortiers était plus impression­nante encore. Quant aux escadrilles aé­rien­nes, le rapport des forces était également dé­fa­vorable aux Allemands: le 22 juin 1941, les unités allemandes envoyées au front russe disposaient de 2703 avions de combat; leurs adversaires soviétiques en avaient de 8000 à 9000, pour protéger des unités bien plus im­portantes encore, massées dans l'arrière-pays.

 

Les Soviétiques disposaient en tout état de cause d'une puissance militaire capable de passer à l'offensive. Et l'URSS avait des rai­sons de s'en servir. Mais que voulait Staline?

 

Déjà, au début de l'été 1940, quand les Al­le­mands n'avaient plus que quatre divi­sions à l'Est, Staline avait massé près de cent di­visions le long de sa frontière occiden­tale. Personne ne saura jamais ce que Staline comptait en faire, au cas où l'attaque alle­mande contre la France se serait enlisée. A la veille de l'attaque allemande contre l'Est, Staline avait rassemblé 180 divisions dans ses districts militaires de l'Ouest. Elles ve­naient des régions les plus éloignées de l'em­pire soviétique: de la Transbaïkalie et du Caucase. A ces 180 divisions, s'ajoutaient en­core neuf nouveaux corps mécanisés (cha­cun doté de plus de 1000 chars) ainsi que dix nouveaux corps d'armée aéroportés, ce qui trahissait bien les intentions offensives du dictateur géorgien.

 

Bon nombre de ces divisions acheminées vers l'Ouest ont été cantonnées dans des bi­vouacs de forêt provisoires, où il s'avérait difficile de maintenir à long terme les acquis de l'instruction et la vigueur combattive des troupes. Pas une seule de ces unités ne s'est mise en position défensive. Si elles avaient construit des redoutes de campagne, installé des obstacles, posé des champs de mines, l'attaque allemande de juin 1941 aurait été bloquée net et neutralisée. Les généraux so­viétiques n'ont pas tenu leurs unités de chars en réserve pour une éventuelle contre-attaque mais les ont avancés le plus loin pos­sible vers l'Ouest, dans les saillies fronta­lières. Indice plus révélateur encore: les dé­pôts logistiques de pièces de rechange, de munitions, etc. se situaient dans la plupart des cas à l'avant, plus à l'Ouest, que les uni­tés de combat ou les escadrilles d'avions qui étaient censées s'ébranler les premières. Beau­coup de phénomènes apparamment mar­ginaux confirment la thèse de l'immi­nence d'une attaque soviétique. Citons-en un seul: lors de leur avance fulgu­rante, les troupes allemandes ont souvent découvert des stocks de cartes militaires soi­gneu­se­ment emballées. Ces paquets conte­naient des cartes de territoires allemands.

 

La thèse de l'attaque

délibérée ne tient plus

 

Que pouvons-nous prouver en avançant tous ces indices? Rien. Sinon que l'attaque du 22 juin 1941 n'était probablement pas une at­taque délibérée et injustifiée contre une URSS qui ne voulait que la paix. Staline avait tous les moyens qu'il fallait pour attaquer. Beaucoup d'indices prouvent qu'il avait éga­lement l'intention d'attaquer, comme Hitler l'a affirmé dans plusieurs conversations se­crètes et privées. Reste à savoir quand cette attaque soviétique se serait déclenchée. Quel­ques semaines plus tard? Au printemps de 1942? La décision allemande d'attaquer, la date du déclenchement des opérations, ont-elles été choisie parce que l'état-major alle­mand avait aperçu le danger d'une attaque soviétique imminente ou parce que les mou­vements des troupes soviétiques ont précipité le cours des événements ou ont-elles été choi­sies tout-à-fait indépendemment des ma­nœu­vres soviétiques? Voilà tout un jeu de questions encore sévèrement tabouisé. La «querelle des historiens», il y a quelques an­nées, l'a amplement démontré.

 

Quoi qu'il en soit: tout historien qui prétend aujourd'hui, en dépit de tous ces indices, que l'attaque allemande était entièrement injus­tifiée, qu'elle a été perpétrée sans qu'il n'y ait eu la moindre provocation soviétique, tout historien qui avance la thèse d'une attaque allemande délibérée et veut faire d'une telle thèse un axiome de vérité, ne pourra plus être pris au sérieux. La raison, le bon sens et le programme du premier semestre de toute licence en histoire nous enseignent la même chose: toute connaissance sûre quant aux motivations, aux intentions et aux objectifs ne peut être acquise qu'au départ de docu­ments internes. Or les documents sovié­ti­ques sont toujours inaccessibles.

 

Dr. Franz UHLE-WETTLER.