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mercredi, 09 janvier 2013

Lectures fermes pour une époque molle

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Lectures fermes pour une époque molle

Dominique Venner

À celles et ceux qui me lisent, je présente tous mes vœux d’énergie, de courage et de beauté. Pour accompagner ces vœux, je vais commenter ma relecture récente d’un ouvrage fondamental et un peu oublié, voire dénigré (signe de qualité dans un environnement décadent) : L’Homme cet inconnu d’Alexis Carrel. Mon édition date de 1968, elle reprend l’édition Plon originale de 1935 (1) (image en Une, édition de 1957).
Prix Nobel de médecine en 1912, le Dr Carrel ne fut pas seulement un biologiste inventif et un virtuose de la chirurgie, c’était un esprit d’une hauteur exceptionnelle. Loin de s’enfermer dans sa discipline, il s’intéressait à tout ce qui se rapporte aux mystères de la vie humaine envisagée sous ses aspects physiologiques, intellectuels et moraux afin d’améliorer la société moderne.

On sait combien sont solidesp hysiquement et moralement ceux qui, dès l’enfance, ont été soumis à une discipline intelligente… C’était un esprit très ouvert et jamais dogmatique, qui s’exprimait avec une grande clarté. On trouve chez lui une foule d’observations précieuses pour se reconstruire ou éduquer les enfants. Celle-ci, par exemple sur les bienfaits de l’adaptation à des conditions de vie contrastées : « L’homme atteint son plus haut développement quand il est exposé aux intempéries, quand il est privé de sommeil et qu’il dort longuement, quand sa nourriture est tantôt abondante, tantôt rare, quand il conquiert par un effort son abri et ses aliments. Il faut aussi qu’il exerce ses muscles, qu’il se fatigue et qu’il se repose, qu’il combatte, qu’il souffre, que parfois il soit heureux, qu’il aime et qu’il haïsse, que sa volonté alternativement se tende et se relâche, qu’il lutte contre ses semblables et contre lui-même. Il est fait pour ce mode d’existence, comme l’estomac pour digérer les aliments. C’est dans les conditions où les processus adaptatifs s’exercent de façon intense qu’il devient le plus viril. On sait combien sont solides physiquement et moralement ceux qui, dès l’enfance, ont été soumis à une discipline intelligente, qui ont enduré quelques privations et se sont accommodés à des conditions adverses » (p. 282).
Le Dr Carrel était un homme de son temps, un homme des années 1930, hanté, entre autres par les effets de la Première Guerre mondiale et de la grande crise économique consécutive au krach de 1929. Il avait une perception forte d’une dégénérescence des peuples blancs qui avaient été, depuis quatre siècles, les bâtisseurs d’un nouveau type de société associé au progrès des sciences et des techniques. C’était un volontariste, comme on l’était en son temps (avant les désastres de la Seconde Guerre mondiale). Il croyait fermement à la possibilité d’endiguer la déchéance qu’il voyait poindre. Pour cela, il pensait nécessaire de mettre ses conclusions à la disposition des réformateurs politiques en vue de décisions salvatrices. Cette ambition élevée était aux antipodes de l’individualisme forcené, des promesses de jouissance liée à la consommation de biens inutiles et du verbiage compassionnel qui dominent notre époque. Mais ces dérives décadentes actuelles n’auront qu’un temps, alors que les enseignements de Carrel ont une valeur éternelle.
La foi qui l’habitait lors de la publication de L’Homme cet inconnu (plusieurs millions d’exemplaires vendus dans le monde entier) est résumé à la fin du livre en une page toujours actuelle. Après avoir rappelé le rôle des ordres monastiques et des ordres de chevalerie durant les périodes sombres du haut Moyen Âge, il enchaîne (p. 348) : « Il n’y aurait pas besoin d’un groupe dissident très nombreux pour changer profondément la société moderne. C’est une donnée ancienne de l’observation que la discipline donne aux hommes une grande force. Une minorité ascétique et mystique acquerrait rapidement un pouvoir irrésistible sur la majorité jouisseuse et aveulie. Elle serait capable, par la persuasion ou peut-être par la force, de lui imposer d’autres formes de vie. Aucun des dogmes de la société moderne n’est inébranlable. Ni les usines gigantesques, ni les offices buildings qui montent jusqu’au ciel, ni les grandes villes meurtrières, ni la morale industrielle, ni la mystique de la production ne sont nécessaires à notre progrès. D’autres modes d’existence et de civilisation sont possibles. La culture sans le confort, la beauté sans le luxe, la machine sans la servitude de l’usine, la science sans le culte de la matière permettraient aux hommes de se développer indéfiniment, en gardant leur intelligence, leur sens moral et leur virilité... » Virilité pour les hommes et aptitudes à l’amour, à l’énergie, au dévouement et à l’éducation des enfants chez les femmes, parmi bien d’autres qualités.

Dominique Venner

(1) Dr Alexis Carrel, L’Homme cet inconnu, Plon. D’occasion sur différents sites en ligne.[Note de Novopress : l’édition de 1999 est également disponible neuve.]

lundi, 07 janvier 2013

Petit éloge du long terme

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Petit éloge du long terme

par Jacques GEORGES

À long terme, nous serons tous morts. Même les civilisations sont mortelles. Le Reich de mille ans a duré douze ans. Le long terme serait-il une illusion ? Non : le long terme, les longues perspectives, ces notions perdues de vue depuis longtemps en démocratie de marché, sont nécessaires aux sociétés comme aux individus pour être bien dans leur peau, voilà le propos de ce petit article sur un grand sujet.

La Chine, le sens du temps long

Prenons la Chine. Voilà un pays qui depuis trente ans n’arrête pas de commencer par le commencement : construire pierre à pierre les conditions du développement (maîtrise démographique, priorité aux infrastructures de base et à l’éducation scolaire, technique et civique des citoyens, conception et mise en place d’un système bancaire et financier tourné vers le soutien à la production et l’entreprise, protectionnisme intelligent, maîtrise des parités de change, ordre dans la rue et dans les têtes), pour produire modestement et à bas coûts des articles essentiellement exportés, puis monter progressivement en gamme et en technologie, pour se retrouver, un beau matin, premier producteur industriel et deuxième P.I.B. de la planète. Le tout en ne distribuant en bienfaits salariaux et sociaux, voire en investissements « de confort » de type logement, que ce qui est possible, voire seulement nécessaire. Avec toujours en ligne de mire l’épargne, la compétitivité, le long terme, la réserve sous le pied, et, plus que tout, la préservation de son identité, de sa force, de sa fierté nationale. Une vraie Prusse orientale. Pardon pour ce jeu de mots, qui d’ailleurs va très loin.

L’Europe ? L’idiot du village global

Prenons maintenant l’Occident en général, l’Europe en particulier. Un socialiste intelligent a dit qu’elle était l’idiot du village global, ce qui résume bien les choses. Son plus beau fleuron, la Grèce, ne fait que magnifier les exemples espagnol, portugais, italien, français, et, il faut bien le dire, en grande partie aussi bruxellois : optimisme marchand, mondialisation heureuse, ouverture à tout va, liberté de circulation des marchandises, des services et des hommes, substitution de population et libanisation joyeuses, rationalisation marchande extrême de la fonction agricole, abandon implicite de l’industrie au profit d’un tas appelé « services », joie du baccalauréat pour tous, protection du consommateur, développement de la publicité et du crédit à la consommation, distributions massives de pains et de jeux, relances keynésiennes perpétuelles, endettement privé et public poussé à l’absurde, promesses électorales qui n’engagent que ceux qui les prennent au sérieux, yeux perpétuellement rivés sur les sondages. Le résultat, totalement prévisible, est là, sous nos yeux. Au bout du compte, la chère France, pour prendre son glorieux exemple, en est, à fin octobre 2012, à se poser avec angoisse la question existentielle de savoir si le taux de croissance du P.I.B. en 2012 sera de 0,8 ou de 0,3, ce qui change tout.

La misère intellectuelle et morale de l’Europe

On nous dira : et l’Allemagne, la Finlande, l’Autriche, et quelques autres ? Certes, ils sont un peu chinois de comportement ! Leur comportement garde un zeste de sérieux, de sens du long terme et de séquence logique des priorités qui font chaud au cœur à quelques-uns, dont, on l’a deviné, le rédacteur de ce petit billet. Que dit Angela ? Que rien ne sert de consommer, il faut produire à point; que quelqu’un doit bien finir par payer les dettes; que la malfaisance du capitalisme, ou du marché, ou des banques, ou de tous les boucs émissaires du monde, n’explique pas tout; que le vernis sur les ongles vient après une bonne douche, et autres commandements dictatoriaux du même acabit. Intolérable, clament en chœur les cigales indignées : les Allemands doivent coopérer en lâchant les vannes, en consommant davantage, en faisant un minimum d’inflation, bref, en s’alignant enfin sur les cancres majoritaires ! À défaut, l’Allemagne paiera, ce qui n’est que justice ! Sur ce point, extrêmes droites européennes, qui depuis peu méritent effectivement ce nom, et extrêmes gauches, toujours égales à elles-mêmes, sont d’accord. La misère intellectuelle et morale de l’Europe, en ce début de siècle, est immense.

Soyons un instant sérieux, car le sujet l’est extrêmement. Le sens du long terme a quelque chose à voir avec l’état, disons la santé, des peuples. C’est une affaire ancienne, délicate, complexe. Sparte contre Athènes, la Prusse contre l’Autriche, la cigale contre la fourmi, le modèle rhénan versus le modèle anglo-saxon, la primauté de l’économique sur le social, c’était déjà un peu ça. La gauche s’identifie assez naturellement avec ce qu’il y a de pire à cet égard, quoique avec des nuances, voire des exceptions (on cite à tort ou à raison Mendès-France, Delors ou Schröder comme contre-exemples). La droite, par nature portée aux horizons longs, mais ayant besoin d’être élue, et n’étant souvent pas de droite, a rivalisé souvent avec succès en démagogie avec les meilleurs démagogues de l’équipe adverse. Le ludion Sarkozy, sympathique et actif par ailleurs, comme son excellent et populaire prédécesseur, illustrent bien cette dérive. Sans parler des collègues grec ou italien.

Pour une trithérapie des nations européennes

Comment commencer à s’en sortir ? À notre avis, par une trithérapie mêlant :

1 – acheminement ordonné vers un protectionnisme continental identitaire intelligent de type Paris – Berlin – Moscou – Vladivostok,

2 – inversion vigoureuse mais juste et astucieuse des flux migratoires, et, last but not least,

3 – réforme intellectuelle et morale : réhabilitation de l’identité des Européens, du sens collectif, du long terme et de l’effort, ré-examen profond et/ou remisage de l’idéologie des « droidloms » aux orties, réexamen honnête de l’histoire du XXe siècle défigurée dans les années 1960 sur les fondements datés de Nuremberg et Bandoeng. Joli programme ! Avec un peu de chance, en cent ou deux cents ans à peine, c’est plié !

Jacques Georges

• D’abord mis en ligne sur Polémia, le 13 novembre 2012.


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samedi, 05 janvier 2013

Les yeux grands ouverts sur la modernité

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Les yeux grands ouverts sur la modernité.

Notes sur le livre « Écrire contre la modernité »

par Pierre LE VIGAN

La modernité nécessite d’abord d‘être définie. Moderne vient du latin modo : maintenant. L’étymologie relève aussi au grec modos : aujourd’hui. C’est une définition qui renvoie à un moment, à une actualité, plus qu’à un contenu. C’est pourquoi il y a nombre d’équivoques sur la modernité, et donc sur ce que serait ou pourrait être la postmodernité, l’hypermodernité, la néo-modernité, etc. Christian Ruby, notamment, a étudié ces notions et particulièrement les impasses de la néo-modernité (Le champ de bataille postmoderne – néo-moderne, L’Harmattan, 1990).

Pour résumer le point de vue qui est le nôtre, on ne peut asseoir la définition de la modernité sur la seule croyance en la raison. Il faut défendre l’outil de la raison, à la différence par exemple des fascistes adeptes de la pulsion vitale, ou à la différence des ultra-religieux pour qui tout repose sur la foi, dans les actuelles religions sans culture.

Nous définissons donc la modernité non pas comme la croyance en la raison mais comme la croyance au progrès général et sans limite de l’humanité. La modernité est ainsi avant tout, du point de vue philosophique et anthropologique, un mode d’homogénéisation du monde. C’est un mode de suppression de la pluralité et un mode de négation des conflits. L’un et l’autre de ces aspects sont bien sûr liés : pourquoi y aurait-il conflit entre des hommes ou des peuples au fond identiques ? Tel est le postulat de la modernité. Bien entendu, la modernité concrète est belligène. C’est un faux paradoxe car il ne suffit pas de nier les conflits pour les supprimer, bien au contraire.

La modernité est ainsi fondamentalement anti-dialectique, elle veut la fin de l’histoire. Par la paix universelle, par le règne de l’empire du Bien, par le grand marché mondial : les moyens changent mais la logique de la modernité reste identique.

Face à cela qui sont les anti-modernes ? Antoine Compagnon dresse la généalogie d’anti-modernes qui iraient de Joseph de Maistre à Roland Barthes (Les Anti-modernes, Gallimard, 2005). Il y a du vrai dans cette thèse car elle réunit des hommes refusant une certaine naïveté historique à la Victor Hugo. Mais la thèse de Compagnon a ses limites. Cette vision de l’anti-modernité la ramène plus à un style qu’à une analyse. L’anti-moderne est, selon Antoine Compagnon, « le réactionnaire, le vitupérant, l’arrière-garde de l’avant-garde, le contre-révolutionnaire ». Mais l’anti-moderne, s’il n’est que cela, n’est pas grand-chose.

Porte-t-il une autre vision du monde ? On peut le penser pour beaucoup d’entre eux. Alors, au-delà du style, au-delà du « tempérament », il faut convenir qu’il y a une pensée. Nombre d’anti-modernes sont donc beaucoup plus, et mieux, que de simples « anti ». Exemples : Léon Bloy ou Nicolas Berdiaev sont porteurs d’une vision du monde pleine d’inquiétude, en rupture avec l’optimisme des Lumières. L’anti-modernité, avec eux et bien d’autres, n’est pas seulement « le creux du moderne » comme dit Paul-François Paoli. L’anti-modernité est une lucidité sur la modernité et une autre vision de l’homme. Avec beaucoup d’anti-modernes nous ne sommes pas seulement en compagnie de « modernes non dupes de la modernité » – ce qui ne serait  déjà pas si mal. Mais c’est bien plus que cela. Barrès, Bernanos, Péguy, pour ne citer qu’eux, ne sont pas seulement un écho ricanant de la modernité, sachant que tout ricanement est au fond déjà moderne. Ils relèvent plutôt, chacun dans leur registre, de la contre-modernité, c’est-à-dire d’une compréhension critique, interne de la modernité, qui en refuse l’optimisme, qui ne croit ni n’aspire en la fin de l’histoire, qui recherche les grands équilibres humains et refuse les monothéismes idéologiques. Le concept de contre-modernité indique la notion de proximité d’avec la modernité. Il s’agit non pas de revenir avant la modernité, il s’agit de faire un pas de côté. De là le concept d’objecteur de la modernité, construit sur le même mode que celui que celui d’objecteur de croissance. De même que l’objecteur de croissance n’est pas nécessairement un décroissant, remplaçant un dogmatisme par un autre, inversant simplement le culte de la croissance plutôt que se libérant de ce culte, l’objecteur de modernité n’est pas exactement un anti-moderne. Il faut manifester une objection sélective à la modernité. Il faut même retrouver ce qu’il y avait de plus positif à la naissance de la modernité : la notion d’ouverture du destin humain, hors des téléologies.

Le principe fondamental de l’objection de modernité est de refuser la néophilie. Le nouveau n’est pas toujours mieux que l’ancien. Il faut aussi refuser l’idée qu’il y a un sens linéaire de l’histoire. Car alors on pense inévitablement que demain sera toujours mieux qu’aujourd’hui. C’est l’impasse du progressisme que dénonce Jean-Claude Michéa et qu’il attribue à juste titre à la fois à la pensée libérale et à la gauche actuelle, qui ne fait que radicaliser la pensée libérale.

L’objection de modernité, c’est aussi penser que l’on ne peut pas tout faire avec l’homme, selon la juste expression de Chantal Delsol. On ne doit pas « tout essayer ». On ne doit pas tout faire dans le domaine expérimental tout comme dans le domaine symbolique. Le refus du transhumanisme ou du post-humanisme ne concerne pas seulement les chrétiens mais aussi tous ceux qui sont attachés au sens gréco-romain de la mesure et du tragique du destin humain. L’homme est un « être jeté » dit Martin Heidegger. Jeté dans le monde. Cela ne veut pas dire qu’il doit se jeter ou être jeté dans le monde n’importe comment. D’où la nécessité d’écouter les contre-modernes. C’est Richard Millet analysant la fatigue du sens. C’est le meilleur des mondes d’Aldous Huxley et le thème du clonage comme réaction à la perte de l’identité par l’immigration de masse, thème très présent chez Michel Houellebecq.

Le processus de la modernité a renversé tous les concepts. L’extension de la démocratie à l’humanité a tué toute vraie démocratie, forcément localisée, territorialisée. La volonté d’étendre le modèle occidental de civilisation à toute l’humanité a amené à ce que Renaud Camus a appelé une « décivilisation ». L’inversion des concepts a atteint tous les domaines. L’ironie généralisée et superficielle a tué à la fois la gravité de l’homme face au monde et la grande ironie critique, à la Voltaire ou à la Philippe Muray.

Comment en sommes-nous arrivé là ? Y a-t-il des penseurs qui ont toujours pris leur distance avec la néophilie, avec le culte du progrès, avec l’obsession d’un monde homogène ? Des réponses dans Écrire contre la modernité.

Pierre Le Vigan

• Pierre Le Vigan, Écrire contre la modernité, précédé d’Une étude sur la philosophie des Lumières, 160 p., 15 € + frais de port de 3,50 €, édité par La Barque d’or, à commander à labarquedor@hotmail.fr


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vendredi, 21 décembre 2012

Clément Rosset ou l’éloge du réel

Clément Rosset ou l’éloge du réel

par Pierre LE VIGAN

clement-rosset.jpgClément Rosset est un philosophe matérialiste. Il rabote. Il ne cesse de couper dans la matière philosophique pour en ôter tout ce qui ne serait pas strictement philosophique. Il expulse hors du champ philosophique ce qui relèverait de la morale, ou de l’histoire, ou de la psychologie. Résultat : une philosophie réduite à un pur constat de l’exister, au pur mystère du jeu des êtres, des bêtes et des choses du monde dans le monde. Il semble que pour Clément Rosset, être philosophe soit travailler à réduire le nombre de questions que l’on se pose, et cela parce que c’est sans doute le meilleur moyen de réduire le nombre de réponses.

La philosophie de Rosset peut se résumer en deux aspects : 1° comment voir le monde, 2° comment s’accommoder du monde. Voir le monde tel qu’il est, tel est son point de départ, qui est aussi son point d’arrivée. Entre les deux, de quoi s’agit-il ? Il s’agit de ne parler que de ce qui est, et de cerner l’existant au plus près et au plus juste. Par voie de conséquence, il s’agit de ne plus parler de ce qui n’est pas. C’est-à-dire de ce qui n’est pas vraiment : de ne plus parler du monde idéal, des excuses aux imperfections du monde et des hommes, de l’au-delà, etc. Lire Rosset, c’est apprendre à parler de moins en moins. Un éloge de la concision et du silence : le silence comme forme radicale de la concision.

Le point de départ est que l’homme est condamné à être. Il est condamné à être dés maintenant ce qu’il est dés maintenant. Il n’y a aucune place pour la distinction entre ce qui est de toujours et ce qui ne serait « que » de maintenant. L’être n’est pas un « être des étants » qui siégerait « au-dessus » des étants et ré-instaurerait une coupure métaphysique entre être et étant. Il n’y a donc pas d’étant qui serait autre chose que « être ». Il n’y a pas d’être qui serait l’être des étants. Parménide écrit : « ce qui existe existe, ce qui n’existe pas n’existe pas ». L’être est l’événement d’être lui-même. L’être, de ce fait, n’existe pas. Le monde est, ce qui n’est pas la même chose que de dire « l’être est ». L’être est verbe, et il n’est que cela. Il n’est pas un substantif. Il faut d’ailleurs se méfier des substantifs : ils finissent par être des substituts. La seule chose que l’on peut dire de l’être est qu’il est le monde tel que jamais la connaissance ne le rattrapera. « Le simple fait d’être n’est-il pas à lui seul l’événement le plus inattendu auquel il nous soit donné d’assister ? (1) »

Clément Rosset voit résolument le monde comme un, au sens d’un seul. Ce monde Un n’est pas unique pour autant. Il est « un seul à la fois ». Quand il est là, il est pleinement là, et totalement là. Il n’y a place que pour lui; il prend toute sa place, et donc il prend toute la place. Ici et maintenant, on trouvera ainsi tout le réel, mais rien que du réel. « Ne cherchez pas le réel ailleurs qu’ici et maintenant », écrit Clément Rosset. Ailleurs, en l’occurrence, on trouvera bien des choses. Mais pas du réel. Des succédanés. Alors, si, précisément, nous cherchons autre chose que le réel, allons voir ailleurs. Nous y trouverons ce que nous cherchons : rien. Si nous préférons nous raconter des histoires plutôt que trouver du réel c’est notre problème. Mais encore faut-il le savoir.

Il n’y a qu’un seul monde, et ni un ni plusieurs arrière-mondes. Clément Rosset critique une idée courante : celle d’un réel doté d’un double, l’idée comme quoi le sens du réel ne se trouverait pas dans celui-ci mais à coté. Doublant le réel, un autre réel remettrait le réel « dans sa vraie perspective ». Un arrière-réel plus intelligent, mieux éduqué que le réel simplement réel. Le réel idéel – qu’il conviendrait de s’employer à rendre idéal – expliquerait le sens présent et le devenir du réel observable, que l’on pourrait qualifier de réel vulgaire ou simple réel réellement existant (R.R.E.) – un réel en quelque sorte trop simple pour être vrai. Le réel idéel donnerait la loi explicative du R.R.E. Telle est la théorie de la réminiscence : le réel d’ici et de maintenant s’expliquerait par un réel voilé, par un réel déjà-vécu, par un déjà-là, une sorte d’être qui précéderait les étants. L’immédiat – l’immédiatement perçu – est ainsi dévalorisé. Rosset critique, autrement dit, l’idée de l’idiotie du réel, cette idée qui est la définition même du romantisme. Pour Rosset le réel réellement existant n’a pas besoin d’être « éclairé » par un « vrai réel », un double, qui l’expliquerait « de l’extérieur ». À l’extérieur du réel, il n’y a rien. Et le rien n’a évidemment rien à dire sur ce qui est, et qui lui n’est pas rien. En résumé, tout double paraît à Rosset une fuite devant la réalité, qu’il s’agisse concernant ce double d’un arrière-monde, d’un autre monde, ou d’une essence dissociée d’une existence (2).

Pour Clément Rosset, la question de l’unicité du réel, donc de sa non-dualité, est la question proprement philosophique, qui ne se superpose ni à la question morale, ni à la question de l’histoire, et de son sens éventuel. L’unicité du réel se trouve exprimée par Parménide mais aussi par Lucrèce indiquant en substance que le monde se compose de ce monde-ci, et de mondes non réels mais possibles dont nous ne pouvons rien dire.  Cette question de l’unicité du réel aboutit à s’interroger sur les histoires homériques elles-mêmes, dans lesquelles les dieux agissent dans l’histoire des hommes. Le monde visible des hommes n’est-il pas dans ces histoires le reflet du monde réel des dieux ? Or, à partir du moment où le réel visible est supposé « agi »  par un réel invisible, la suspicion sur le visible s’installe. L’idée du « peu de réalité » (André Breton) du réel visible s’insinue. C’est un tort.

Certes, la dévalorisation du Réel Réellement Existant n’est pas inéluctable. Ainsi, le réel peut être, chez Hegel, un double de l’Unique réel, qui récapitule tous les instants passés dans l’instant présent. Le réel d’ici et maintenant est ainsi en quelque sorte « anobli » mais reste un double. C’est ainsi un « monde renversé ». C’est encore ce que Gérard de Nerval désigne par un « état de grâce » (3). La plupart des philosophes ont défendu cette idée simple : le réel et son double sont proches, voire identiques (voir plus haut). Une fois encore, Hegel représente bien cette conception portée au stade supérieur de cohérence interne.

Mais cette identité du réel et de son double est en fait impossible. Deux choses identiques ne seraient pas deux. Comme l’écrit Montaigne, « la ressemblance ne fait pas tant un comme la différence fait autre ». Au vrai l’identification d’une chose nécessite que soit posée à côté une autre chose qui ne soit pas exactement la même. C’est pourquoi un réel sans double est proprement non identifiable. Ce qui caractérise le réel est qu’il est toujours totalement là et prend toute la place. C.F. Ramuz dit : « Un bonheur c’est tout le bonheur; deux, c’est comme s’il n’existait plus ». Clément Rosset remarque justement que l’on peut en dire autant du réel. Ainsi, plus un objet est réel, plus il est unique, donc moins il est identifiable. Si le réel est vraiment là, il n’y a plus de distance par rapport à lui, et donc plus d’identification possible. Prenons un exemple : on peut identifier un nuage parce qu’il y a plusieurs nuages, et même plusieurs formes identifiées de nuages. Mais d’une forme inédite, on ne peut rien dire si ce n’est qu’elle est un monstre. On ne peut la « décrire » que comme une chose qui ne ressemble précisément à aucune autre, comme les « choses » de H. P. Lovecraft.

Ce qui angoisse, par exemple le néant, est souvent – loin d’être irréel – on ne peut plus réel. Car le néant, contrairement aux autres « objets du monde » n’a pas de double. Et il est d’autant plus réel qu’il est unique. D’où la thèse de Clément Rosset comme quoi la plus réelle des choses, c’est la mort, dans la mesure où c’est aussi la plus unique des choses. En ce sens, le réel ne peut avoir d’histoire. Une histoire du réel supposerait en effet que l’on puisse se placer d’un point de vue autre que le réel. Or, si le réel est tout le réel, il est non identifiable et non historicisable. Le matérialisme en tant que prise en compte sans conditions du réel est en ce sens inévitablement non-historique (d’où selon Rosset le non-sens du « matérialisme historique » de Marx).

Rosset, c’est le réel sans double. Mais c’est un peu plus compliqué que cela (4). Le double est en effet pensable dans certaines conditions, quand il prend l’une des trois formes suivantes : l’ombre, le reflet, l’écho.

Le double peut ainsi être une ombre, et en ce sens être les confins, la banlieue d’un existant, quelque chose comme l’util (l’outil) chez Heidegger, une chose « à portée de la main », un prolongement de soi, un double qui n’est pas une illusion mais un « à côté de soi », un « avec soi » dans la contrée de soi. C’est le double de proximité. Ce n’est donc pas une illusion, mais c’est la trace et la marque d’un existant. Tout vivant a son ombre ou meurt. Les fantômes n’ont pas d’ombre, car ils sont déjà morts. Ou n’ont jamais pu naître. Telles les créatures évoquées par Ravel : ogres, lutins, diables, follets (5). Ainsi sont-elles des ombres sans être l’ombre de quiconque (6). L’ombre comme vrai double d’un vrai existant, ainsi que l’est le rêve peut être plus inquiétante. Platon évoquait cette « espèce de désirs qui est terrible, sauvage, et sans égard pour les lois (7) ».

Si l’ombre est vrai double d’un vrai existant (d’un « étant dans le monde » dirait Heidegger), le reflet, ou encore le miroir (mieux : le reflet en tant que ce qui empêche de passer à travers le miroir), est double sans objet. Double d’un objet certes mais sans objet. Exemple : la passion. On n’aime jamais (tout à fait) qui on croit aimer. Et on ne s’aime pas non plus pleinement à travers l’autre (l’amour n’est pas qu’effet de miroir). L’amour n’est jamais pur reflet ni pure altérité. Il est entre. C’est d’ailleurs tout son « intérêt » (un intérêt sans rapport avec le sens économique de ce terme, car en ce registre tout peut se donner, tout peut se perdre, rien n’est négociable). C’est là qu’est sa profondeur, précisément sans fond, car il est entre. C’est pourquoi on ne peut vivre sans ombre mais on peut vivre avec ou sans un reflet. Sauf qu’existe le risque de devenir ce reflet. Hanté et transformé par ce reflet, – pétrifié aussi par ce reflet -, reflet de soi perdu ou de l’autre perdu. Comme écrit Rosset, « dans cet autre coté du miroir où s’aventure Alice, on ne fait pas que de bonnes rencontres (p. 62) ».

L’écho est l’autre – le troisième – réel comme double, vrai réel vraiment double d’un authentique réel, qui atteste de la présence dans le monde le plus fortement. C’est le moins autiste des doubles. Et pourtant l’écho est tautologique. « Où es-tu ? » dit l’un, « où es-tu ? » répond l’écho. Même si la tautologie est parfois plus subtile, comme dans le judaïsme. « Qui es-tu ? » questionne Moïse. « Je suis celui qui suis » répond l’écho (écho-Dieu ou écho de Dieu). Pourquoi cet écho est-il en même temps le plus vivant des doubles ? Parce qu’il est dans le monde. Plus encore, il rend présent le monde. Il est le monde en sa présence. Il est la pure présence du monde. « Il est vrai (…) que l’écho, qui ne sait que nous renvoyer à nous-mêmes, possède un pouvoir de nous conforter dans notre identité et notre réalité supérieur à celui dont disposent l’ombre et le reflet » note Rosset (p. 71). L’écho nous échappe, il est du monde avant d’être de nous, il nous défie d’être au monde, d’y être plus encore, d’y être toujours plus. « Double sans maître » dit Rosset. Ce n’est pas assez dire. C’est, plus encore, l’écho qui ambitionne d’être notre maître. C’est lui qui nous intime l’ordre d’assumer tout le bruit que nous faisons en société, même si nous ne faisons pas beaucoup de bruit. C’est lui qui nous demande d’être, plus encore, dans le spectacle de la société du spectacle. L’écho, c’est la mise en abîme perpétuelle : à perpétuité. C’est l’effet vache qui rit – sans le rire. Disons-le tout net : l’écho est de tous temps, mais il est aussi bien de notre temps (comme on dit : bien de chez nous).

L’allégresse est aussi un savoir sur le réel

clémross.jpg« Rien n’aura eu lieu » notait Mallarmé. Cela résume en quelque sorte le matérialisme intégral et anhistorique de Rosset. Revenons sur cette question : le réel est l’inconditionné même, le non-mesurable. Le réel est précis, exact – il est exactement là – en tant qu’il n’est pas mesurable, ce qui supposerait un Autre du réel, fusse une duplication, une copie certifiée conforme (dieu, l’être, avec ou sans majuscule…), l’audace étant parfois poussée loin, quand la copie se prétend l’original, attribuant au réel visible et palpable le statut de simple copie. Mais que le réel soit là, qu’il occupe toute la place n’enlève pas à l’homme une liberté : celle de prendre le temps de savourer, du réel, c’est-à-dire du monde, l’inépuisable simplicité. Ainsi, trois principes se rejoignent : le principe de l’unicité du monde (pas d’arrière-monde), le principe de lucidité (voir le monde tel qu’il est), le principe de cruauté (ne pas se cacher la cruauté du monde). La vérité crue doit être crue. Ce dernier principe est bien résumé par Ernesto Sâbato : « Je désire être sec et ne rien enjoliver ». Le réel est cela, et seulement cela.

Un des problèmes qui se posent, c’est que l’essentiel de la philosophie part du postulat qu’il y aurait plus à dire de mondes dont nous ne pouvons rien dire que de ce monde-ci. La réalité immédiate est ainsi dévalorisée au profit de mondes dont l’existence est improuvable. C’est le « principe de réalité insuffisante » : raisonner à partir du réel serait insuffisant, voire vulgaire. Le succès de ce principe vient d’une crainte bien compréhensible devant la cruauté du monde. Que la réalité soit triste est triste. Que cette réalité soit de surcroît vraie est cruel. Que le remède contre l’angoisse humaine soit la révélation de la vérité, comme le suggère Lucrèce, apparaît ainsi problématique. Car en effet la vérité fait mal. Souvent. On peut même se demander si la pratique de la vie ne nécessite pas au contraire un minimum d’aveuglement (souvent un maximum d’aveuglement d’ailleurs). Cette cruauté de la vie se manifeste fort bien dans l’amour. Celui-ci commence, rappelle Rosset, par un baiser comme envie de mordre, et se termine, « si l’itinéraire amoureux va jusqu’à son terme – avec l’écartèlement et la mise en miettes (8) ».

Un autre motif de scepticisme, ou bien de paresse est que le réel n’est pas façonné par l’homme en fonction de l’énergie qu’il investit dans le monde. En effet, il faut de l’énergie pour accepter le réel tel qu’il est, mais il en faut aussi pour inventer (ce que fait le fou) un autre réel. L’énergie n’est pas un critère de vérité (non plus que le travail. Le réel n’a décidément pas de morale, ce qui n’interdit pas à l’homme d’en avoir mais en son nom propre).

Le monde selon Rosset ne comporte donc ni double ni arrière-monde. Il est réel en tant qu’il est présent à nous ici et maintenant. Il change mais il ne se transforme pas, ou si l’on préfère il bouge mais ne change pas. Il n’est jamais pareil mais c’est toujours le même. Dans la Lettre sur les chimpanzés. Plaidoyer pour une humanité totale (Gallimard, 1965 et 1999), Clément Rosset critique – avant Pierre-André Taguieff – le bougisme qui s’est tant développé depuis et cite à son propos quelques exemples particulièrement pittoresques. « Mais nous bougeons, mais nous avançons ! »  écrivait Teilhard de Chardin dans L’avenir de l’homme. L’humanité de demain, c’est l’humanité « réconciliée avec elle-même », disait-on alors. C’est la christosphère. « En haut – et en avant ! » disait le père Bergougnioux. « Le dénouement se précipite » prophétisait encore Teilhard de Chardin (9). Toutes ces propositions n’avaient d’égale que la totale gratuite de leur affirmation. Du moins cet éloge du mouvement était-il un progressisme. Alors que nous en sommes à l’éloge du « mouvement pour le mouvement », et du nouveau pour le nouveau.

En tant qu’il est donné, le réel est inévitablement tragique. Le tragique c’est penser le pire (sans s’y complaire, ce qui est coquetterie d’esthète). C’est donc penser que l’homme peut être le pire ennemi de lui-même. Le monde réel est peut-être le meilleur possible (Leibniz) ou le pire (Schopenhauer). Cela importe peu. Il peut être le meilleur tout en étant mauvais, et le pire sans être si mauvais. Le donné et le tragique désignent la même chose : ce qui ne dépend pas de nous, le fatum. L’existence, et notamment l’existence de l’homme, est l’indéterminé même. Le monde dans lequel l’homme est jeté n’est ni absurde, ni rationnel, ni raisonnable. Il est tout simplement incompréhensible. Ce monde tragique, plein des « soucis de tous les jours et de toutes les nuits (10) » ne dit mot de la peine et de la détresse des hommes. Au delà de la mince écorce des bruits du monde règne le silence. C’est le caractère angoissant de ce silence qui explique la tentation du bavardage moral. Mais c’est là encore une tentation de refus du réel.

Accepter le réel, c’est accepter un monde sans morale. Parce que l’objectif de la morale c’est de faire parler le monde. C’est de le sommer de nous livrer sa signification. Si le monde parle, et l’exigence morale le veut, c’est pour nous en dire plus sur lui, pour se justifier. Si le monde a quelque chose à nous dire c’est qu’on peut y comprendre quelque chose et aussi qu’il est « perfectible » comme disait George Sand. Si le monde n’est pas parfait, et/ou si un monde parfait n’est pas réel, cela prouve, nous dit la morale, l’existence de contre-forces au bien et à la perfectibilité. Là où il y a douleur, il doit y avoir péché. Il doit donc y avoir pénitence. « Verglas assassin, Mitterrand complice » proclamait le groupe humoristique Jalons des années 1980. Cela n’est pas si mal représenter l’esprit du temps. Conséquence : voir le monde tel qu’il est est devenu l’indécence suprême. Voir les choses comme elles sont est devenu très obscène.

Le principe de base de Rosset est de voir le monde tel qu’il est. Sécheresse du constat. Mais comment peut-on s’accommoder de ce monde ? En l’accueillant comme un don. En remplaçant l’espérance d’un autre monde par l’étonnement devant ce monde-ci. C’est le monde d’ici et de maintenant qu’il faut respecter – sinon diviniser comme le souhaitait Nietzsche (La volonté de puissance, « Les trois siècles» ). Il faut tout ramener au réel et se contenter du réel. « Ne plus se raconter d’histoires » comme disait Louis Althusser. Abandonner tout espoir, toute illusion et gagner par là le sens de la précision des choses. Avoir le souci de l’exactitude. Préférer, comme Samuel Butler, le mensonge à l’imprécision (qui est souvent un mensonge plus grand). Ne pas tricher. Ou tricher en grand. Pour que, au moins, cela se voit.

Il y a bien des mondes dans le monde

Du point de vue de l’homme, deux conditions minima suffisent à faire un monde : le tragique et l’artifice. À l’unicité / simplicité du regard de Plotin, opposons la diversité des regards. Le réel n’est pas monolithique. Il comporte des aspérités, des zones convexes et d’autres concaves, des angles morts : il y a bien des mondes dans le monde. Condamné à l’existence, l’homme est contraint à coller au plus près à sa propre présence. Il revient à chacun d’avoir un monde, de trouver ou de construire (son) monde. « Ne faire qu’un avec sa propre course. » Mais deux modes de présence au monde sont possibles, et ils sont contradictoires. La nausée est un de ces modes de présence au monde. Mais elle est inconfortable. Elle est même justement le sentiment de l’inconfort de tout ce qui est. À l’inverse, la jubilation est confort total et plein. Elle est le sentiment que tout ce qui est est réjouissant. Le point de vue jubilatoire est que  tout, dans le monde, et tout, du monde, est à déguster.

Le dyonisiaque est ici le contraire du romantisme : il se réjouit de ce monde-ci. La nausée et la jubilation ont un point commun : elles concernent le réel, et elles concernent le présent du réel. Finalement, rien de moins névrotique que la nausée ou la jubilation (d’où le fait qu’elles ne sont pas sans risque puisque nous n’aurons garde d’oublier que la névrose protège). Entre les deux – nausée ou jubilation – n’existe que la différence de l’artifice, la posture, la « disposition à ». Tant la nausée que la jubilation relèvent d’une certaine rigueur, à laquelle s’oppose le goût de l’irréel. À l’extrême, le goût de l’irréel mène à la folie. Mais dans sa version douce, c’est une simple névrose. Et donc une protection. En effet, le goût de l’irréel peut-être un petit divertissement domestique qui protège de la paranoïa, vraie folie en tant qu’elle est – comme disait les Grecs – « excès de raison ». Si la folie est une tricherie avec le réel en tant qu’elle est un artifice majeur, fréquentes sont les petites tricheries comme le dédoublement, et le mélange de bonne et de mauvaise conscience qui va avec. Autrement dit, fréquente est la fausse conscience. Celle qui consiste à tricher en petit. Quitte à tricher, il faut tricher en grand. Facile à dire certes.

clemrossID.gifPrécisons alors : qu’est-ce que la fausse conscience ? La fausse conscience est la conscience dédoublée. C’est celle du bourreau qui dit : « Achevons-le vite. Je déteste voir souffrir ». S’accommoder du monde, c’est aussi s’accommoder d’être toujours moins « moral » qu’on ne le souhaiterait. Mais aussi, c’est être ce que l’on est; c’est pour l’homme accepter d’être comme l’animal en un sens et ne pas être comme l’animal en un autre sens. De fait, ce n’est pas en tant qu’il raisonne, en tant qu’il a des stratégies (de chasse, de conquête, de séduction…), en tant qu’il est prédateur mais aussi altruiste, en tant qu’il est pudique, ce n’est pas en ce sens que l’homme se distingue de l’animal. C’est en tant qu’il est un être d’excès que l’homme se distingue de l’animal. C’est en tant qu’il recherche l’ivresse, en tant qu’il est un être de pathos, en tant qu’il ne se contente pas du présent, en tant qu’il est lubrique, pervers, et parfois même zoophile que l’homme se distingue de l’animal. Au fond, en tant qu’il est animal, l’homme est rassurant, réaliste, prévisible. C’est en tant qu’il n’est pas seulement animal que l’homme cherche à s’évader hors du réel. Que l’homme est inquiétant. L’animalité de l’homme (ce qu’il en subsiste), c’est au contraire sa garantie de ne pas décoller complètement du réel.

Une autre digression hors du réel est l’excès de bons sentiments : un excès parmi d’autres, comme l’abus d’alcool, avec lequel il entretient d’ailleurs quelque parenté. « Frémir de bons sentiments, c’est (la même chose) que bouillir de rage » rappelle Clément Rosset. On sait que la seule morale repérable selon Kant est celle de la bonne volonté. C’est le contraire d’une morale des moyens. Les conséquences des actes sont en effet susceptibles d’interprétations diverses : on peut massacrer allègrement afin d’éliminer le méchant adversaire et donc toute source de conflit futur. En d’autres termes, on peut massacrer par pacifisme foncier. C’est une histoire de ce genre que relate le film Bulletin spécial : un groupe de savants menace de faire sauter la planète… si le Pentagone ne renonce pas à ses essais nucléaires (11).

D’une manière générale, le souci de l’avenir est généralement meurtrier. Pour assurer aux Allemands une paix de mille ans, Hitler a estimé plus prudent d’éliminer le danger slave et de chercher à dominer le monde. Un principe de précaution en quelque sorte. Bilan : une atroce guerre mondiale. Avec  l’Allemagne parmi ses principales victimes. Pour assurer la construction du socialisme dans des conditions paisibles, Staline a estimé « raisonnable » de liquider les restes de la bourgeoisie russe. Bilan : la déportation de masse et l’échec économique. Moins de riches sans doute, mais des pauvres encore plus pauvres. En résumé, trop de sollicitude amène souvent à de copieux massacres – et au moins à de sinistres gâchis.

Mettre les passions au régime

C’est ainsi qu’il faut aborder la question des passions. Trop souvent l’amour est considéré comme la passion-type. Nous verrons qu’il n’en est rien. L’avarice, la haine, la tyrannie domestique, l’ambition, le goût de la collection sont des passions bien plus assurées. La passion est une souffrance : c’est la souffrance d’un objet qui fait défaut. « Ma faim qui d’aucuns fruits ici ne se régale » écrit Mallarmé (12). La passion en ce sens est proche de l’hystérie : elle entretient le malheur du manque. Mais l’hystérie s’acharne sur le réel, elle lui en veut, mais elle l’affirme, quitte à l’affirmer déformé. C’est le distort de Binswanger comme forme manquée de la présence au monde. L’hystérie  entretient ainsi quelque lien avec la paranoïa. La passion, par contre, tend à ignorer le réel qui, bien évidemment, se dérobe. Elle entretient ainsi quelque lien avec la mélancolie, qui peut lui succéder – la passion étant, bien sûr, toujours déçue. La passion est ainsi une façon de tenter de fuir le réel.

S’accommoder du réel, c’est ne pas vouloir un autre réel absolument meilleur, donc absolument autre, ce qui aboutit inexorablement à dévaloriser le réel d’ici et de maintenant. S’accommoder du réel c’est aussi accorder sa place à l’artifice. Reconnaître l’artifice, c’est reconnaître un lien « naturel » entre l’homme et celui-ci. L’artifice doit servir à l’homme à introduire une distance artificielle entre lui et lui. C’est Lucrèce qui propose comme remède à la douleur d’être homme la mise à distance par rapport à la vision de notre propre finitude, de notre propre mort, et donc la mise en œuvre d’une certaine dose d’inconscience et d’auto-amnistie (oubli) de ce que nous savons (13).

Il nous faut prendre acte de ce qu’il y a une aisance naturelle de l’homme dans l’artifice. Il n’y a pas une intériorité de l’homme qui s’opposerait à une extériorité socialement exposée. (Dans le bla-bla moderne, l’intériorité de l’homme est souvent appelé spiritualité). L’homme est tout de surface c’est-à-dire tout d’exposition – ce qui ne veut pas dire qu’il n’a pas de profondeur. En effet, le moi, c’est la faculté de se souvenir. Or, il n’y a pas de moi autre que le moi social car ce dont on se souvient c’est de soi parmi les autres, c’est d’émotions dont les autres sont partie prenante. Un moi non social ne peut pas être un moi réel. L’identité personnelle est sociale ou n’est pas. Bien connaître quelqu’un c’est bien connaître son comportement, le rôle qui est le sien, et l’interprétation qu’il a choisit de celui-ci. C’est connaître ce qu’il donne à voir. L’homme qui se connaît a renoncé, comme Don Quichotte, aux illusions de l’individualité.

A contrario, quand le moi social n’existe plus, que se passe-t-il ? Un sentiment de légèreté s’installe, le stress social disparaît – car le  stress est le contraire du vide. Reste donc le vide. Ce qui s’installe est un sentiment qui caractérise la psychose mélancolique, remarque Clément Rosset (14). Ce qui est perdu dans cette psychose, c’est ce qui existait de façon certaine : l’identité sociale. Si l’identité sociale est la seule attestée, c’est que s’exposer aux autres est non seulement la seule façon d’exister mais aussi la seule façon de se connaître. Les renseignements que l’on possède sur soi même, on les a au travers du miroir que sont les autres. Ce sont des renseignements de seconde main. Peut-être. Mais ce sont les seuls fiables. À l’illusion du « libre-arbitre » qui permettrait le « maintien de soi » (Paul Ricoeur), on peut préférer, comme plus réelle, la constatation que c’est le sentiment (si possible joyeux) du lien social qui garantit au mieux l’identité personnelle.

Si on accepte l’autosuffisance du tragique et de l’artifice pour faire un monde, on doit logiquement se désintéresser des causes premières tout comme des fins ultimes. On se retrouve logiquement hors d’un mouvement qui, remplaçant la religion par le rationalisme, a accru le champ de l’explicabilité du monde. Loin d’être opposés, la religion et le rationalisme ont partie liée dans la mesure où « la superstition demande des causes » (C. Rosset), tandis que la vraie raison se contente de constater que nombre de choses sont sans causes, ou bien relèvent d’une « anti-cause » comme le hasard.

Reconnaître le caractère hasardeux du monde, son caractère indéterminé, c’est considérer le hasard comme la négation même de tout destin, de toute contingence, de toute nécessité. La nature s’oppose ainsi au hasard dans la mesure où elle est constituée, déjà-là, non hasardeuse. Ainsi, l’idée de nature suppose des interventions, pas forcément humaines, tandis que le hasard postule la vanité même de toute intervention. La « nature » est ainsi l’anti-hasard. Non qu’il n’y ait de hasards dans la nature. Mais s’il y a des hasards, il s’agit de hasards contingents, de marges d’indétermination qui concernent des lois, des processus repérables et repérés. Le hasard contingent s’oppose ainsi au hasard « pur », que l’on pourrait appeler hasard purement hasardeux, et qui est le hasard constituant, désignant la nature même de la présence de toute chose au monde, et de la présence du monde, un hasard originel en amont de tous les hasards contingents, et au fond un hasard antérieur à la constitution même de toute « origine ». L’idée de hasard, même quand elle est appelée fors par Lucrèce, est en ce sens le contraire de l’idée de nature.

Aussi, la seule « nature », pour Rosset, c’est la mort. C’est-à-dire que la seule constante, la seule détermination purement assurée, c’est la mort. Parce que, au fond, la seule chose pas du tout hasardeuse c’est la mort. Conclusion de Rosset : ce qui existe, ce qui existe vraiment, ne peut être appelé que « la mort ». La vie n’en est qu’un dérivé. Rosset défend ainsi un point de vue qui – on le remarquera – pourrait facilement être inversé. L’aurait-il choisi… par pur hasard ? Nous le croirions si la psychologie la plus élémentaire ne nous indiquait qu’il n’y a pas de hasard dans son affirmation. Ou plus précisément qu’il y a dans cette affirmation de Rosset pas autre chose qu’un hasard constituant. Celui de sa vision du monde.

Une vision du monde tragique

En conséquence de cette vision du monde tragique, l’homme est perpétuellement en état de perdition. De perdition et non de perte car il ne peut rien avoir perdu, n’ayant jamais rien possédé. La perdition, ou angoisse, ou nausée, ou mélancolie, tous ces états sont, non des synonymes, mais des approches convergentes de la condition de l’homme. Mais les nuances ne sont pas minces. Si on a en vue la perdition, on est dans le registre de la pensée tragique. Si on a en vue la perte, on est dans le registre d’une pensée pessimiste, soit fondamentalement dans une pensée historique, mélancolique si l’on veut, mais historique. La perte est en effet quelque chose d’identifiable, qui renvoie à la nature des choses (qui postule la croyance en une « nature »), et non à un hasard primordial. La mort est ainsi une perte.

La perception des choses est toute différente dans la pensée tragique. La vie elle-même y est perdition. La pensée tragique n’est pas désespérée, elle est désespérante. C’est plus grave, mais c’est aussi un principe plus « actif ». Actif dans le registre corrosif. Quand Rosset définit (paradoxalement) la vie comme étant la mort, cela veut dire qu’elle est mouvement même vers la mort (c’est un point de vue qu’avait exprimé par exemple Pierre Drieu La Rochelle). La vie est mort en tant qu’elle se consume. Mais là encore, le point de vue final n’est-il pas inversable ? À savoir que la mort est preuve même de la vie et que seule la vie est réelle ? Puisque le hasard, et donc l’arbitraire est possible, puisqu’ils sont même la seule chose possible, pourquoi ne pas défendre l’idée que la mort n’est qu’une parenthèse dans la vie, que toute vie concourt à la poursuite de la vie, c’est-à-dire poursuite d’elle-même, le conatus de persister en soi qu’évoque Spinoza, que la vie est un grand flux, que le mouvement du vivant est le mouvement même de tout ce qui est ? « On ne meurt pas puisqu’il y a les autres »  disait Aragon. Position d’ailleurs tragique, elle aussi, voire la plus « tragique », car, au fond, quoi de plus désespérant qu’un mouvement que rien ne pourra jamais arrêter ?

Que tout soit « vie » ou que tout soit « mort », l’absence de croyance en la « nature » et en ses « lois » a pour corollaire le scepticisme vis-à-vis de la notion de « l’être ». Cette notion apparaît pour Rosset un nouvel avatar de la théorie du « monde-reflet ». Rosset  rejette cette notion car si le monde est monde de l’être, il est monotone – et en ce sens il est déjà mort, car l’être, par définition, ne survient jamais, il est toujours déjà-là. À l’inverse, si le monde d’ici est le monde du non-être, il se passe au moins quelque chose par la représentation tragique du rien. Il est ainsi légitime d’opposer un monde de l’être, dans lequel on s’ennuie, et un monde du non-être dans lequel l’artifice peut avoir sa place. Avec le non-être, il y a place (au moins) pour le théâtre. Choix délibérément factice de Rosset (mais nous avons vu la légitimité, voire la « naturalité », du point de vue de l’homme, de cette facticité/artificialité. La nature de l’homme est sa culture).

Si l’artifice est ce qui rend le monde supportable, chacun l’accommode à sa façon. Accepter le monde, c’est accepter la différence des autres, tous singuliers puisqu’il n’y a pas de nature donc pas de nature humaine. Si la nature de l’homme c’est sa culture donc c’est l’artifice. L’homme est mû par le besoin de reconnaissance. Mais la reconnaissance de soi par soi se heurte à la difficulté de saisir ce qui est dans une extrême proximité. La reconnaissance de soi passe par la reconnaissance des autres par soi et de soi par les autres. Il apparaît alors que c’est en tant qu’ils sont ressemblants que les autres sont dérangeants pour l’identité. De là se pose la question des conditions de la tolérance. Cette question ne se pose pas principalement pour des raisons morales. Elle se pose pour des raisons de confort. Un monde sans tolérance est en effet invivable : pour soi et pour les autres. Et on tolère tout simplement ce qui ne dérange pas trop.

Les philosophies qui ne se contentent pas du réel sont portées à l’intolérance. Au nom d’un mieux-être, au nom d’un devenir « plus et mieux », au nom de l’idée de la perfectibilité infinie du monde et des sociétés humaines, il est normal d’être excédé par les imperfections, les résistances au changement, les effets imprévus de décisions pourtant bien inspirées (hétérotélie). L’optimisme tend naturellement à être intolérant – et impatient – envers ce qui paraît le contredire. La pensée tragique est au contraire la condition nécessaire à la tolérance. Seule une indifférence aux « essences » du monde permet de ne pas faire un drame des différences, des marginalités, des dissidences.  Seule une conception qui ne déifie rien dans le monde, et surtout pas l’homme ni l’avenir de l’homme, peut être tolérante car justement cette conception ne demande pas trop à l’homme.

Toutes les pensées qui mettent l’homme dans un rapport privilégié avec Dieu, de ressemblance avec et/ou de rédemption par, toutes ces pensées tendent à être intolérantes. Des nuances existent certes. Ainsi, le christianisme peut renoncer à la conversion de certains hommes en qui il ne voit pas des semblables. « Maigre tolérance, dira-t-on, qui n’a pas empêché un certain nombre des ces “ hommes ”  sans “ nature ”  de périr dans les flammes et la langue arrachée. Sans doute : mais c’est paradoxalement une insouciance, plus qu’une intolérance, à l’égard de ces hommes qui rend possibles de telles pratiques. Tuer un “ homme ” qui, malgré toutes les bienveillantes sollicitations dont il a été l’objet, refuse de reconnaître en lui une nature divine, c’est attenter à aucune nature, tuer rien; bien de la bonté, en un sens, qu’on en ait tant fait pour lui (15). » En effet, c’est du libéralisme, de l’ouverture d’esprit que de savoir reconnaître en l’autre un étranger. « Ce que le chrétien exterminait dans l’autodafé, c’était rien; ce qu’un idéologue moderne traduit en son tribunal, c’est l’autre – soit un semblable rétif, mais semblable tout de même, en vertu de l’idée de nature (idem). » En définitive, c’était par ouverture d’esprit que les chrétiens finissaient par exterminer des gens qui, en résistant à la conversion, avaient décidément prouvé leur étrangeté. Et en d’autres termes, l’intolérance moderne est d’autant plus forte qu’elle admet, et même qu’elle veut que l’autre soit semblable. Il est alors inexcusable de ne pas être… pareil. L’« ouverture d’esprit » qui veut que les étrangers puissent devenir comme nous c’est justement cela l’intolérance.

Nous voyons que la cohérence de la pensée de Rosset est forte : matérialisme, regard sans illusion, et sans arrière-monde, acceptation de l’artifice. Les choses sont toutes là, et même déjà-là, présentes, offertes au regard, à la surface du monde et non moins profondes pour autant. Le monde est donné mais insaisissable, sans nature mais inchangeable, inchangeable mais toujours mouvant. Invivable à beaucoup de points de vue, mais de toute façon déjà-mort. Cette vision serait désespérante si elle n’était pas d’emblée désespérée.  C’est une vision qui relativise la portée du libre arbitre. Il y a, bien plus qu’un libre arbitre, des compromis entre soi et le monde, entre soi et la maladie (16).

On peut imaginer que Rosset aimerait à se résumer par la phrase suivante : « Je dis les choses comme elles sont ». Mais cela ne serait pas tout dire. Rosset voit les choses noires. Il les voit très exactement comme Louis-Ferdinand Céline : « Dans l’histoire des temps, la vie n’est qu’une ivresse, la vérité c’est la mort (Semmelweis) ». Céline écrivait encore : « L’heure trop triste vient toujours où le Bonheur, cette confiance absurde et superbe dans la vie, fait place à la Vérité dans le coeur humain. Parmi tous nos frères, n’est-ce point notre rôle de regarder en face cette terrible Vérité, le plus utilement, le plus sagement ? Et c’est peut-être cette calme intimité avec leur plus grand secret que l’orgueil des hommes nous pardonne le moins (idem) ». À l’origine de la philosophie de Rosset, il y a cette vision de Louis-Ferdinand Céline, et l’étonnement devant « cette confiance absurde et superbe dans la vie ». Le paradoxe est là : le tragique n’empêche pas la jubilation.

Il y a un mystère du réel puisqu’il est non identifiable, un mystère  sans doute proche du mystère de l’allégresse, de la joie, de la félicité sans cause. En tout cas sans autre cause que la coïncidence avec le réel. Car l’allégresse n’est pas seulement un état, une « humeur », c’est un savoir du réel et sur le réel, comme l’est aussi l’ennui, la tristesse, l’acédie, le spleen de Baudelaire. L’amour, parfois mis au dessus de tout, est (et n’est qu’) une allégresse conditionnée. Rosset écrit : « L’amour n’est rien d’autre – rien de plus – qu’un peu de joie s’étant déposé, par hasard, sur un objet quelconque (17) ». C’est pourquoi l’amour est un savoir inférieur à l’allégresse, plus fréquent, plus historique et moins réel.

Il reste enfin à savoir la chose suivante. Si la jubilation possible n’est que temporaire, si, de la vie il ne faut pas trop attendre, une autre chose est sûre : de « ce qui n’est pas la vie » il ne faut  rien attendre du tout.

Pierre Le Vigan

Notes

1 : Clément Rosset, Le monde et ses remèdes, P.U.F., 1964 et 2000.

2 : Clément Rosset, Le réel et son double. Essai sur l’illusion, Gallimard, 1984.

3 : Idem, p. 83.

4 : Clément Rosset, Impressions fugitives. L’ombre, le reflet, l’écho, Minuit, 2004.

5 : Maurice Ravel, Trois chansons pour cœur mixte sans accompagnement, 1914-15.

6 : Tanizaki Junichirö, Éloge de l’ombre, Publications orientalistes de France, 1977, 1re éd. 1933

7 : Platon, La République, livre IX.

8 : Clément Rosset, Le principe de cruauté, Minuit, 1988.

9 : Teilhard de Chardin, « La grande monade », dans Propos sur le bonheur.

10 : Céline, Nord.

11 : Clément Rossel, Le principe de cruauté, Minuit, 1988, p. 80.

12 : Mallarmé, Poésies.

13 : Clément Rosset, Le régime des passions et autres textes, Minuit, 2001.

14 : Clément Rosset, Loin de moi. Étude sur l’identité, Minuit, 1999, p. 72.

15 : Clément Rosset, Logique du pire. Éléments pour une philosophie tragique, P.U.F., 1971 et 1993.

16 : Clément Rosset, Route de nuit. Épisodes cliniques. L’infini, Gallimard, 1999.

17 : Clément Rosset, L’objet singulier, Minuit, 1995, p. 105.

• Texte paru en partie dans Éléments, n° 106, septembre 2002, et remanié pour Europe Maxima.


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mardi, 04 décembre 2012

Autorenportrait Panajotis Kondylis

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Autorenportrait Panajotis Kondylis

By Adolph Przybyszewski 

„Zu jeder Zeit liefert die Ideologie der Sieger den Besiegten einen Rahmen zur Interpretation der Wirklichkeit, ihre Niederlage wird gewissermaßen mit der Übernahme des Siegerstandpunktes besiegelt.“ Was sich liest, als stammte es aus der ersten von Fichtes Reden an die deutsche Nation, die dieser im Winter 1807 / 08 in Sorge um die geistige Lage im französisch okkupierten Berlin hielt, hat im Jahr 1998 ein bedeutender europäischer Skeptiker geschrieben: der Philosoph Panajotis Kondylis. Dieser Denker, der seine meisten Bücher in deutscher Sprache verfaßt hat, wurde am 17. August 1943 als Sproß einer griechischen Familie von Militärs und Politikern gboren, die während des Zweiten Weltkriegs auch in den Kampf gegen die deutsche Besatzung involviert war. Er studierte zunächst Philosophie und Klassische Philologie in Athen, wo er als Marxist unter der griechischen Militärjunta zum Dissidenten wurde; Kondylis wechselte sodann nach Deutschland, um neben der Philosophie die Politikwissenschaften und Geschichte zu belegen, bis er 1977 mit einer philosophiehistorischen Arbeit in Heidelberg promoviert wurde. Dort fand er auch seine zweite Heimat: Abwechselnd lebte er fortan in Griechenland und am Neckar; in Athen ist Panajotis Kondylis schließlich am 11. Juli 1998 knapp fünfundfünfzigjährig überraschend verstorben.

Da er vermögend genug war, um nicht auf Brotarbeit in den Mühlen des akademischen Mittelbaus und der Lehrstühle angewiesen zu sein, blieben ihm Verbiegungen und karriereförderliche Zugeständnisse an die Moden des Zeitgeistes erspart: Er konnte die Freiheit des ‚Privatgelehrten‘ kultivieren, um ein solitäres Werk hervorzubringen. Errang Kondylis anfangs als Außenseiter des akademischen Betriebs wenig Aufmerksamkeit, werden seine Arbeiten inzwischen längst auch von den Geistes- und Sozialwissenschaften an den Universitäten wahrgenommen und ausgebeutet. Sowohl in Deutschland als auch in Griechenland veröffentlichte er zahlreiche, teils dickleibige Monographien, die ein Spektrum vom Spätmittelalter bis zur Gegenwart, von der philosophiegeschichtlichen Spezialstudie bis zur Epochenanalyse und politischen Diagnostik umfassen, wovon mindestens seine Deutung der europäischen Aufklärung im Rahmen des neuzeitlichen Rationalismus, die Studie über den ‚Konservativismus‘, seine Analyse der Theorie des Krieges bei Clausewitz, Marx, Engels und Lenin wie auch seine Geschichte der neuzeitlichen Metaphysikkritik als Standardwerke gelten. Darüber hinaus hat er sich in erstaunlichem Maß als Übersetzer und Kulturmittler betätigt: Neben Schriften von Machiavelli, Chamfort, Montesquieu, Lichtenberg, Rivarol, Karl Marx und Carl Schmitt, um nur einige zu nennen, übertrug er auch ein heute so abgelegen scheinendes Buch wie James Burnhams frühe Analyse der Technokratie als Revolution der Manager ins Griechische. Die eigenen Arbeiten übersetzte er selbst in seine Muttersprache beziehungsweise ins Deutsche. Kondylis nahm außerdem mit zahlreichen Essays und Aufsätzen lebhaften Anteil an aktuellen Debatten in deutschsprachigen und griechischen Zeitungen und Zeitschriften.

Die Bedeutung seines Werkes geht jedoch über die akademischen und allgemein anerkannten Erträge etwa für eine europäische Geistesgeschichte hinaus: Sie ist vor allem in seiner klärenden Begriffsarbeit, seinem Denkstil sowie dem wachen Gespür für das Politische in Geschichte und Gegenwart zu sehen. Kondylis ging es zeitlebens um das Wesen des ‚Sozialen‘, um das ‚Politische‘, um das Wesen der ‚Macht‘ als das Menschliche schlechthin. Dabei suchte er Anschluß an klassisch gewordene ‚realistische‘ Denker wie Thukydides, Machiavelli, Hobbes, Marx und Nietzsche, übernahm aber auch wesentliche Akzente aus den Debatten der Zwischenkriegszeit, die sich etwa mit Namen wie Carl Schmitt, Ernst Cassirer und Karl Mannheim verbinden. Während Westdeutschland im Schatten nord-amerikanischer Atomraketen schlummerte, hat der Grieche damit einen auf konkrete Lagen und deren Eskalationsmöglichkeiten bezogenen Denkstil, einen politischen Analysemodus wachgehalten, der hier in der zweiten Hälfte des 20. Jahrhunderts unter einer offiziösen Kompromißund Konsensrhetorik endgültig verschüttet zu werden drohte. Als einer der „bedeutendsten Erben und Vollstrecker“ der deutschen philosophischen Tradition (Gustav Seibt) schien Kondylis deren fleischgewordene Synthese mit jenem auf die Antike gegründeten ‚Griechentum‘ zu bilden, auf das man hierzulande von Hölderlin bis Heidegger stets fixiert war.


pana10.gifSein erstes deutsches Buch, eine über 700 Seiten umfassende gekürzte Variante seiner Dissertation, ist in souveränem Zugriff auf die Quellen der Analyse des frühen Denkwegs von Hölderlin, Schelling und Hegel gewidmet, der Entstehung der Dialektik, deren Ursprung er in Hölderlins Vereinigungsphilosophie erkannte. Schon hier verhandelte Kondylis in systematischer Hinsicht exemplarisch das Problem der Beziehungen zwischen Geist und Sinnlichkeit, der Lust an der Macht auch in der intellektuellen Welt. Die dabei entwickelte methodische Leitfrage, „wie sich ein systematisches Denken als Rationalisierung einer Grundhaltung und -entscheidung allmählich herauskristallisiert, und zwar im Bestreben, Gegenpositionen argumentativ zu besiegen“, bleibt auch für die folgenden Arbeiten zentral. In seiner großen Studie über die Aufklärung entfaltet Kondylis 1981 eine „Entdeckung“ seines ersten Buches: die „Rehabilitierung der Sinnlichkeit“ als wichtiges Anliegen jener Epoche. Ein beachtenswertes Ergebnis war in diesem Rahmen auch seine weiterführende Diskussion des nur scheinbar strikt antagonistischen Begriffspaares Rationalismus / Irrationalismus, die den irrationalen Urgrund jedes rationalen Systems herausstellt: Rationalismus ist für ihn nur „die zweckmäßige, formallogisch einwandfreie Verwendung der argumentativen Mittel, die das Denken zur Verfügung stellt, zur Untermauerung einer Grundhaltung“; diese Grundhaltungen beziehungsweise -entscheidungen selbst liegen „jenseits logischer Begründung“, müßten also „ihrem Wesen nach als mystisch bezeichnet werden“. Rationales Denken ist demnach, mit einfachen Worten, das methodisch schlüssige Entfalten eines Vorurteils zum begründeten Urteil. In solchen Grundentscheidungen haben auch die ‚Werte‘ ihre Basis, das heißt eine rationale Letztbegründung moralischer Normen scheint nicht möglich; Kondylis’ früh an ‚klassischen‘ Texten erarbeiteter Reflexionsstand erweist sich auch hierin späteren, insbesondere im angelsächsischen Raum mit anderem Instrumentarium vorangetriebenen Arbeiten als ebenbürtig.

Die bis dahin nur am Rande zweier materialreicher Studien in der Begriffsarbeit enthaltene philosophische Anthropologie bündelte und systematisierte er in einem seiner schmaleren Bücher, das zur Programmschrift der eigenen skeptischen Theoriebildung wurde: Macht und Entscheidung (1984) stellt die „Herausbildung der Weltbilder und die Wertfrage“ im allgemeinen auf den Prüfstand. Weltbilder sind für Kondylis grundsätzlich polemisch aufgebaut; sie beruhen auf Akten der Entscheidung im Sinne einer Komplexitätsreduktion, denen das einzelne Subjekt nicht nur seine Welt, sondern auch „seine Identität und konkrete Sehweise“ verdankt. Jeder dieser vorbegrifflichen und begrifflichen Akte der Sonderung ist für ihn bereits Machtanspruch, denn das Subjekt verbindet „den Sinn der Welt mit der eigenen Stellung in ihr“, also stets in der sozialen Relation zu anderen. Dabei ist dies keineswegs auf krisenhafte Zustände beschränkt, sondern eine grundlegende Operation menschlicher Existenz. Auch das „geistige Leben“ gehorche, so Kondylis, „den gleichen Gesetzen wie alle anderen Erscheinungen des sozialen Lebens“ und verschränke sich demgemäß ebenso „mit dem Selbsterhaltungstrieb und- bestreben, mit dem Machtanspruch und -kampf“. Es war symptomatisch, daß dieses Buch bei seinem Erscheinen nur wenig besprochen und damit öffentlich kaum zur Kenntnis gebracht wurde.
Kondylis, der sein Modell konsequent auch auf die Wissenschaften mit ihren abstrakten, mathematisierten, auf Werturteilsfreiheit gestützten Verfahren anwandte und darin dieselben polemisch-agonalen Prinzipien erkennen wollte, vertrat damit pragmatische Tendenzen der Wissenschaftstheorie; deren Wurzeln reichen in die erste Hälfte des 20. Jahrhunderts zurück und sind etwa schon in Karl Mannheims wissenssoziologischer Abhandlung über „Die Bedeutung der Konkurrenz im Gebiete des Geistigen“ von 1929 zu finden. Solche heute von manchen noch immer als Zumutung empfundenen Einsichten waren bei den avancierteren Intellektuellen der deutschen Zwischenkriegszeit, als „Ausnahmezustände“ fast die Regel schienen, bereits einmal Gewißheit, keineswegs nur in Alfred Baeumlers Nietzsche-Deutung oder bei Carl Schmitt, also bei den „Schmuddelkindern“, mit denen man bekanntlich nicht spielen darf. „Im Grunde freilich ist die einzige Gewähr der rechten Einsicht, Stellung gewählt zu haben“, propagierte etwa Walter Benjamin 1927 in Denkbilder – Moskau die „Entschiedenheit“ als Ergebnis einer den vorbewußten Akt einholenden „Entscheidung“. Dies gilt ebenso für ein auf konkrete Lagen bezogenes Denken, das, folgt man Bertolt Brecht, einerseits Situationen kannte, in denen höchste Einsätze, das „Einverständnis“ mit dem Sterben gefordert war, andererseits solche, die den „Neinsager“ mit der Forderung auf den Plan riefen, „in jeder neuen Lage neu nachzudenken“.

Freilich distanziert sich der von Marx herkommende Kondylis auf einer sachlichen Ebene vom „militanten Dezisionismus“ Carl Schmitts ebenso wie von seinen „normativistischen“ Gegnern: Man müsse um der theoretischen Neugier willen die These ernst nehmen, „Welt und Mensch seien an sich sinnlos“. Von daher sind auch Kondylis’ politische Ausführungen zur geistigen Selbstaufgabe durch „Übernahme des Siegerstandpunktes“ nicht etwa speziell auf die heutigen Deutschen gemünzt. Wer von diesen würde im übrigen denn eine „Ideologie der Sieger“ als solche erkennen und dann auch noch als Problem verstehen wollen? Der Grieche zielt vielmehr mit seinem „deskriptiven Dezisionismus“ auf allgemeine Befunde und gibt ein vom Spiel der Kräfte dieser Welt losgelöstes Erkenntnisinteresse vor: Er operiert scheinbar leidenschaftslos mit dem klinisch kalten Licht der Sezierung, die allein das Wirkungsgefüge sozialer – geistesgeschichtlicher, historischer sowie politischer – Konstellationen bloßlegen will. Dabei gestattet sich Kondylis allenfalls ein verhaltenes Pathos der Erkenntnis, wenn er als Credo formuliert: „Ich finde es aufregend und spannend, daß auf diesem Planeten die Materie oder die Energie, wie man will, zum Bewußtsein von sich selbst gekommen ist, daß es Wesen gibt, die in ihrem Machterweiterungsstreben den ‚Geist‘ in der ganzen Vielfalt seiner Formen und seiner erstaunlichen Spiele erzeugen und sich am liebsten mit Hilfe von Glaubenssätzen und Theorien gegenseitig vernichten“. Normativistische Einwände wischt Kondylis beiseite als Äußerungen einer auf Nestwärme erpichten, erkenntnisfeindlichen Empfindsamkeit einerseits, als selbst im Kampf um Macht instrumentalisierte geistige Waffen andererseits: Er will beharrlich das Factum brutum, die „Tatsachen“, die formalen Strukturen politischer, mithin sozialer Prozesse in den Blick rücken, um mit dem „Takt des Urteils“, so seine von Clausewitz stammende Lieblingswendung, möglichst verläßliche Grundlagen für eine „zukunftsorientierte Lagebeschreibung“ zu gewinnen. Kondylis, der in seiner auf drei Bände angelegten, durch den frühen Tod Fragment gebliebenen Sozialontologie Das Politische und der Mensch (1999) die Erträge seiner bisherigen Arbeit zu einer großen Synthese zusammenführen und seinen machtbezogenen Ansatz weiter ausbauen wollte, läßt freilich manche Fragen offen und hat bisweilen eine reduktionistische Tendenz: Wo er sich etwa dazu versteigt, „daß jede theoretische Position als Gegenposition“ entstehe, beschneidet er das Denken auf reine Re-Actio, die jede freie Actio negiert. Da von seiner theoretischen Gesamtschau, die auf die unterhintergehbaren Kategorien und Konstanten sozialen Seins von der menschlichen Urhorde an zielte, nur der erste Band vorliegt, muß aber offen bleiben, worauf das ganze Unternehmen letztlich zusteuerte.

kriege11.jpgMit zwei großen Studien über den Konservativismus (1990) und den Niedergang der bürgerlichen Denk- und Lebensform (1991), die bereits wesentliche Bausteine seiner später in Angriff genommenen systematischen Sozialontologie enthalten, leitete Kondylis auch seine intensive Beschäftigung mit den globalisierten Dimensionen heutiger Politik ein. In ihnen zeigt sich der Wert einer gründlichen und kritischen Schulung an den Originaltexten von Marx und Engels: Kondylis’ ideenhistorische Analysen, die auf idealtypische formale Denkstrukturen und –figuren ausgerichtet sind, verlieren nie die Bodenhaftung, sondern bleiben sozialgeschichtlich verortet, damit im besten Sinn konkret. Diese beiden Studien beschreiben zwei folgenreiche historische Übergänge oder Brüche in Europa: Der Konservativismus wird begrifflich der alteuropäischen, ständisch geprägten Adelswelt zugeschlagen, deren Untergang in die liberale Moderne mündete. Diese wiederum ist als Epoche der Bürgerlichkeit von einer massendemokratischen Postmoderne abgelöst worden, in der eine „analytisch-kombinatorische“ Denkfigur zur Vorherrschaft kommt und weltweit ausgreift: Die unter dem Signum einer „synthetisch-harmonisierenden“ Denkfigur stehende bürgerlich-liberale Moderne hatte in Kondylis’ Augen grundsätzlich die Tendenz, eine Harmonisierung der gesellschaftlichen Verhältnisse unter übergeordneten Kategorien, etwa dem Staat, anzustreben; die massendemokratischen Lebensformen basierten hingegen auf atomisierten, fast beliebig kombinierbaren, prinzipiell gleichberechtigten Elementen, deren kleinster gemeinsamer Nenner das Produzieren und vor allem das Konsumieren ist.
Aus diesen Arbeiten heraus entwickelte sich Kondylis zu einem veritablen Theoretiker der „Globalisierung“: Deren Gestalt und Ideologie versuchte er in den 1990er Jahren in dem schlanken, aber gewichtigen Buch Planetarische Politik nach dem Kalten Krieg und in zahlreichen Essays zu umreißen, deren wichtigste 2001 in dem Sammelband Das Politische im 20. Jahrhundert zusammengefaßt wurden. Ihm geht es dabei weiterhin vor allem um eine „mehr oder weniger sachgerechte Erfassung des Charakters jener Triebkräfte und jener geschichtlich aktiven Subjekte, die durch ihr Wirken und ihre Begegnungen die Vielfalt der Ereignisse ins Leben rufen und somit den Bereich möglichen Handelns abstecken“. Zukunft ist dabei nur als „Form und Möglichkeit, nicht als Inhalt und Ereignis erkennbar“. Die gegenwärtig zum Schlagwort verkommene Globalisierung via Technik und Wirtschaft steht in einer Kontinuität diverser Formen planetarischer Politik, die sich mit der Neuzeit entfaltete, von den frühneuzeitlichen Entdeckungsreisen, Eroberungszügen und dem Ausbau des Kolonialhandels an bis zur industriellen und liberalen Revolution im 19. Jahrhundert, die mit dem Liberalismus den klassischen Imperialismus hervorbrachte. Schließlich trieben die Wirkungen des liberalen Kapitalismus der so verfaßten Gesellschaften auch im Inneren jenen Vermassungsvorgang voran, den Kondylis als Transformationsprozeß des bürgerlichliberalen Systems in eine moderne Massendemokratie beschrieben hat.

Der sich damit durchsetzende Topos „Wohlstand für alle“ entspricht einer gesellschaftlichen Verfaßtheit mit fortschreitender „Demokratisierung“ und sozialer Mobilität, und dieser wiederum einer individualistischen, egalitären und wertpluralistischen, tendenziell hedonistischen Ideologie, die ihren Begriff im Ideologem der „Selbstverwirklichung“ der 1968er-Generation gefunden hat. Der Kommunismus als scheinbarer Antagonismus zum „Westen“ hat in seinen Wirkungen dafür gesorgt, daß sich der massendemokratische Anspruch auf Bedürfnisbefriedigung und Konsumzugang weltweit durchsetzen konnte, normativ widergespiegelt in den „Menschenrechten“ und der Würde jedes einzelnen Menschen, indem er eine eigene Interpretation der Menschenrechte im „antiimperialistischen Befreiungskampf“ einsetzte, verbreitete und dadurch „den Westen“ im Kampf um politischen Einfluß zu Überbietungsreaktionen herausforderte. „Das Auftreten der unteren Schichten der Weltgesellschaft auf der internationalen Bühne wird daher immer selbstbewußter und die Grenze zwischen den Subjekten und Objekten planetarischer Politik immer flüssiger. Diese dramatische und epochemachende Wandlung springt ins Auge, wenn man sich den Stellenwert mancher asiatischer oder arabischer Staaten in der planetarischen Politik vor fünfzig Jahren im Vergleich zu heute vergegenwärtigt“. Hier entstehe tatsächlich „zum ersten Mal in der menschlichen Geschichte eine wahre Weltgesellschaft, die zwar durch erhebliche faktische Ungleichheiten und Ungleichartigkeiten gekennzeichnet ist, doch sich andererseits zur prinzipiellen Gleichheit ihrer Mitglieder bekennt und ihnen dieselben Rechte zuerkennt“; sie ist zwar nicht realiter vollkommen umgesetzt, verwirklicht, aber sie ist stets als Anspruch, als propagiertes Faktum präsent, an dem sich alle politisch Agierenden bewußt oder unwillkürlich ausrichten. Damit wird, nach dem vorläufigen Ende des Kommunismus, jedoch keineswegs die liberale Utopie der befriedeten Weltgesellschaft evoziert: Kondylis ist, wie Armin Mohler treffend zugespitzt hat, ein „Anti-Fukuyama“, das heißt, er sieht mit der Auflösung der bipolaren Welt des Kalten Kriegs nicht etwa ein „Ende der Geschichte“ gekommen, da der Mensch als animal sociale stets den idealtypischen Handlungsoptionen von Konkurrenz, Konflikt und Kooperation, der Definition von Freund, Neutralem und Feind nicht entkommen kann. Allenfalls sieht er einen Formenwandel geschichtlicher Aktionen; im Gegensatz zu Francis Fukuyama, aber auch zu Carl Schmitt, ist für Kondylis das Ende der Staatlichkeit beziehungsweise der Nationalstaaten nicht ausgemacht: Erscheine die Nation diesem oder jenem Kollektiv überholt, müsse es sich „erweitern und sich für eine andere Form von politischer Einheit entscheiden“; da Kollektive aber „ohnehin immer im Spiel bleiben“, sei auch die Möglichkeit nicht von der Hand zu weisen, „daß dieses oder jenes Kollektiv die Nation und die entsprechende Organisationsform als das beste Mittel begreift, um seine Interessen geltend zu machen“. In Frage gestellt werden dürfe also nicht, ob „die Nation“ schlechthin überleben könne, sondern „ob diese oder jene bestehende Nation die Bedingungen der überlebensfähigen Einheit im planetarischen Zeitalter erfüllt oder nicht“. Es sei auch nicht die kulturelle Differenz als solche, die jenen clash of civilizations verursache, wie ihn der auf Kulturkreise fixierte Samuel Huntington annimmt; es ist vielmehr der „Verteilungskampf“, der „sich in bestimmten Lagen als Kulturkampf verkleiden“ muß. Kondylis, der Huntington eine „Unterschätzung des Nationalen“ vorwirft, geht also von konkreten, historisch gewachsenen Kollektiven als Handlungsträgern aus, das heißt den bestehenden Völkern und Staaten.

Vor dem Hintergrund der Begrenztheit der Ressourcen und des globalen Bevölkerungswachstums könne sich das „westliche“ Ordnungskonzept, das auf der Annahme einer bei allen Menschen gleichen „Würde“ basiert und eng mit materiellen Glücksversprechen verbunden ist, „in einen Auslöser von Unordnung verwandeln“. Nach der Ökonomisierung des Politischen im 20. Jahrhundert scheint auch künftig eine „Biologisierung“ der Konflikte und damit der Politik möglich: „Engpässe würden zur Instabilität und dauerhafte Krisen zu Zuständen führen, in denen sich die Ökonomisierung des Politischen zu einer Identifizierung der Politik mit der Verteilung von knapp gewordenen (auch ökologischen) Gütern steigern würde. Reduziert sich das Politische aber in Zeiten höchster Not auf die Güterverteilung, so muß eine Biologisierung desselben in doppelter Hinsicht eintreten: nicht nur wäre das (direkte oder indirekte) Ziel des politischen Kampfes ein biologisches, nämlich das Überleben in mehr oder weniger engerem Sinne, sondern auch die Unterscheidungsmerkmale, die dabei als Gruppierungskriterien dienen würden, wären höchstwahrscheinlich biologischer Natur, nachdem die traditionellen ideologischen und sozialen Unterscheidungen über den menschenrechtlichen Universalismus hinfällig geworden wären“. Was in der Globalisierungsanalyse von Panajotis Kondylis am Ende aufleuchtet, ist wiederum eine Haltung, die wir aus der Zwischenkriegszeit von marxistischer wie nationalrevolutionärer Seite her kennen: „Wenn das 20. Jahrhundert die kommunistische Utopie entlarvt hat, dann wird das 21. Jahrhundert die Abschaffung des Liberalismus bedeuten. Doch niemand weiß, welche konkreten Ereignisse diese großen Tendenzen im Hinblick auf das 21. Jahrhundert einleiten werden, das meines Erachtens das erschütterndste und tragischste Zeitalter in der Geschichte der Menschheit werden wird“.
Angesichts solcher Perspektiven rechnet Kondylis mit den traditionellen politischen „Lagern“ insbesondere in der deutschen Provinz ab. Die „Linke“ habe sich „zum Schlußlicht oder zum Rottenschließer des Amerikanismus gewandelt“, sie schöpfe „nicht mehr aus einer lebendigen marxistischen Tradition, nämlich der ausnahmslosen Verherrlichung des freiheitlichen Gedankenguts“. Sie, die einst den „‚nationalen Freiheitskampf des vietnamesischen Volkes‘ bejubelten“, verdammten „heute ‚alle nationalen Bewegungen‘, anstatt den Imperialismus anzuprangern, und machen sich für die Interpretation der Wirklichkeit die Parolen der Sieger zu eigen: die Globalisierung durch den internationalen Markt und durch die ‚Menschenrechte‘“. Die „Rechte“ wiederum suhle sich in „provinziellem Tiefsinn“ und bleibe in Deutschland – ebenso übrigens wie die „Linke“ – „auf die eigene nationale Vergangenheit fixiert“: Man betreibt „linken“ beziehungsweise „rechten“ Historismus und verliert die entscheidenden Fragen aus dem Blick. „Die strategische Frage lautet: Werden die wichtigsten europäischen Nationen durch Konsens oder durch gegenseitige oder einseitige Zugeständnisse eine handlungsfähige politische Einheit bilden, die in der Weltkonkurrenz bestehen kann, oder wird sich zu diesem Zweck die faktische Hegemonie einer Nation als notwendig erweisen – was an sich wünschenswerter wäre als der gemeinsame Untergang aller ?“

Der Gewinn von Kondylis’ an Hybris grenzender Attitüde eines zum Erdengewimmel nachgerade planetarisch distanzierten Beobachters ist eine intellektuelle Freiheit und Rücksichtslosigkeit, der standgehalten sein will. Als persönlicher Ermächtigungsversuch des Philosophen steht sein Werk ganz in der Tradition stoischer Denkübungen, geistiger Kneipp-Kuren, die die Widerstandskraft des gefährdeten – weil mit Einsicht geschlagenen – Intellekts erhöhen sollen, wie wir es etwa auch von der fatalistischen Monumentalperspektive des sensiblen Geschichtsdeuters Oswald Spengler oder den ins Imperiale gewendeten Schmerz-Etüden des Literaten Ernst Jünger kennen. Da Kondylis aber seine individuelle Freiheit für unbefangene philosophische und politische Analysen gerade der aktuellen restdeutschen beziehungsweise europäischen Zustände und Befindlichkeiten nutzte, ist ihr Wert auch für eine nüchterne, grundlegende Beurteilung der Lage „unserer“ im eigenen Geviert höchst bedrohten Horde evident: freilich allein für jene, die willens und fähig sind, sich über eine trostlose Eintagsfliegenexistenz hinaus als dauerhafteres, geschichtlich gewachsenes Kollektiv mit eigenen Interessen zu definieren und wahrzunehmen.


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lundi, 03 décembre 2012

Freund oder Feind. Zur Aktualität Carl Schmitts

Freund oder Feind. Zur Aktualität Carl Schmitts

von Erich Vad

CSPLAK~1.JPGDer 1985 im Alter von 97 Jahren verstorbene Carl Schmitt hat sich nicht nur mit Staats- und Verfassungsrecht, sondern auch mit grundsätzlichen Fragen der Kriegstheorie, der Geo- und Sicherheitspolitik beschäftigt. Dabei wurde sein Denken nachhaltig von der Erfahrung des „Europäischen Bürgerkriegs“ (Ernst Nolte) geprägt, vor allem durch die spezifisch deutsche Bürgerkriegslage zwischen 1919 und 1923 sowie die Gefahr ihrer Wiederholung in den Jahren 1932 bis 1934. Schmitts Nationalismus und sein Eintreten für einen starken Staat lassen sich aus diesem Zusammenhang ebenso erklären wie seine Entscheidung zu Gunsten der staatlichen Ordnung, die notfalls unter Bruch der Verfassung gewahrt werden sollte, oder seine Entscheidung für eine zeitweise Kollaboration mit dem NS-Regime, das allein in der Lage schien, den vollständigen Zusammenbruch zu verhindern.

Wegen dieser Kollaboration mit dem Nationalsozialismus hat man Schmitt immer wieder beschimpft, als „geistigen Quartiermacher“ (Ernst Niekisch) Hitlers, als „charakterlosen Vertreter eines orientierungslosen Bürgertums“ (René König) oder als „Schreibtischtäter des deutschen Unheils“, so etwa Christian Graf von Krockow, der aber auch zugab, daß Schmitt, „… der bedeutendste Staatsrechtslehrer des 20. Jahrhunderts“ gewesen sei. Eine Beurteilung, die noch überboten wurde von dem Religionsphilosophen und Rabbiner Jacob Taubes, der über Schmitt sagte, dieser verkörpere eine „… geistige Potenz, die alles Intellektuellengeschreibsel um Haupteslänge überragt“. Schließlich sei noch Raymond Aron erwähnt, der in seinen Lebenserinnerungen äußerte: „Er gehörte zur großen Schule der Gelehrten, die über ihr Fachgebiet hinaus alle Probleme der Gesellschaft samt der Politik umfassen und somit Philosophen genannt zu werden verdienen, so wie es auch Max Weber auf seine Weise war.“
Diese Wertschätzung Schmitts erklärt sich vor allem aus dessen epochemachender Lehre vom Politischen, das er im Kern bestimmt sah durch die Unterscheidung von Freund und Feind. Dabei meinte Schmitt „Feind“ im Sinne des lateinischen hostis, das heißt den öffentlichen, den Feind des Staates, nicht inimicus im Sinne von privater Gegner; eine Differenzierung, wie es sie auch im Griechischen mit polemios und echthros gibt. Gegen alle Versuche, die fundamentale Scheidung von Freund und Feind zu umgehen, wie sie vor allem in Deutschland nach 1945 üblich wurden, behauptete Schmitt, daß ein Volk nur durch Verleugnung seiner eigenen politischen Identität dahin kommen könne, die Entscheidung zwischen Freund und Feind vermeiden zu wollen. In seinem berühmten, zuerst 1927 erschienenen Essay Der Begriff des Politischen hieß es: „Solange ein Volk in der Sphäre des Politischen existiert, muß es, wenn auch nur für den extremsten Fall – über dessen Vorliegen es aber selbst entscheidet – die Unterscheidung von Freund und Feind selber bestimmen. Darin liegt das Wesen seiner politischen Existenz.“
Wenn man diesen Satz auf unsere Lage bezieht, ergibt sich sofort der denkbar schlechteste Eindruck von der Außen- und Sicherheitspolitik der gegenwärtigen Bundesregierung. Innenpolitische Probleme und Parteiinteressen bei Wahlkämpfen wirken stärker auf das Regierungshandeln als reale Bedrohungen des Landes und langfristige Strategien zur Wahrung nationaler Interessen. Im Glauben an einen herrschaftsfreien Diskurs auch in den Außenbeziehungen nimmt man bei akuten internationalen Krisen selbstgefällige, nur scheinbar überlegene moralische Positionen ein, um dann mittels utopischer Problemlösungsversuche die eigene Handlungsunfähigkeit zu verdecken. Man begnügt sich mit der Rolle des inzwischen als unzuverlässig geltenden Metöken, der gerade noch in der Lage ist, militärische Einrichtungen von Bündnispartnern im eigenen Land zu bewachen, ihnen Überflug- und Landerechte zu gewähren und andere Unterstützungsleistungen gerade so weit zur Verfügung zu stellen, daß eine Kabinetts- und Regierungskrise vermieden wird.

Die Kernfrage war für Schmitt immer die, wie wir als Erben der uralten brüderlichen Feindschaft von Kain und Abel mit dem zentralen Kriterium des Politischen umgehen sollen. In dem Zusammenhang ist ein von ihm handschriftlich kommentiertes Tagungsprogramm der Evangelischen Akademie Berlin aufschlußreich, das sich in seinem Nachlaß erhalten hat. Die Veranstaltung, die zwischen dem 26. und dem 28. November 1965 stattfand, hatte das Thema „Feind – Gegner – Konkurrent“. In der Einführung zum Programm eines „Freundeskreises junger Politologen“ („Freundeskreis“ von dem selbstverständlich nicht geladenen Schmitt rot markiert) wurde die Frage aufgeworfen, ob noch die Berechtigung bestehe, vom Feind zu sprechen, oder ob nicht an seine Stelle „Der Partner politischer und ideologischer Auseinandersetzung“ oder „Der Konkurrent im wirtschaftlichen Wettbewerb“ getreten sei. Schmitt notierte am Rande polemisch: „Der Ermordete wird zum Konfliktpartner des Mörders?“
Er wollte damit zeigen, daß die hier geäußerten Vorstellungen die Existentialität menschlicher Ausnahmelagen nicht treffen konnten. Und mehr als das: Der Programmtext war für Schmitt auch eine indirekte Bestätigung seiner These von der notwendigen Freund-Feind-Unterscheidung, insofern als man fortwährend Begriffe verwendete, die auf elementare Gegensätzlichkeiten hinwiesen, wie zum Beispiel „Ideologie“, „Theologie“, „der Andere“, „Liebe“, „Diakonie“ etc. Daß sich die Veranstalter dessen nicht bewußt waren, machte die Sache nicht besser. Schmitt bezeichnete ihre moralisierenden, auf Verschleierung des polemischen Sachverhalts abzielenden Formulierungen in einer Marginalie als „Entkernung des Pudels durch Verpudelung des Kerns“.
Schmitts Bestimmung des Politischen durch die Unterscheidung von Freund und Feind gilt auch heute noch, trotz aller anderslautenden Beteuerungen. So, wenn die Vereinten Nationen ein Land wie den Irak faktisch aus der Völkergemeinschaft ausschließen und damit eine hostis-Erklärung im Sinne Schmitts abgeben, so, wenn die USA nach den Anschlägen vom September 2001 den internationalen Terrorismus und die ihn unterstützenden politisch unkalkulierbaren Staaten als Feind bestimmten. Eine mit modernsten Waffen operierende Guerilla oder eine weltweit vernetzte, organisierte Kriminalität können, auch wenn sie nicht selbst staatenbildend wirken, durchaus als Feinde im politischen Sinn betrachtet werden. Überhaupt ist die nichtstaatliche und privatisierte Form der Gewalt, also alles, was die low intensity conflicts kennzeichnet, nichts grundsätzlich Neues. Thukydides beschrieb sie bereits im Peloponnesischen Krieg, ähnliches gilt für Clausewitz oder die stark von ihm beeinflußten Theoretiker und Praktiker des revolutionären Krieges wie Friedrich Engels, Wladimir I. Lenin, Mao Tse-Tung, den Vietnamesen Vo Nguyen Giap oder Che Guevara. Die Wandelbarkeit des Krieges war sogar schon einem seiner frühesten Theoretiker, dem Chinesen Sun Tze, bewußt, der vor 2500 Jahren zu der Feststellung kam: „Der Krieg gleicht dem Wasser. Wie Wasser hat er keine feste Form.“
Der Kampf heutiger Terroristen ist allerdings im Gegensatz zu dem, was Schmitt in seiner Theorie des Partisanen ausführte, nicht mehr „tellurisch“ verortbar, sondern global angelegt. Musterbeispiel dafür sind die raumübergreifenden Operationen der al-Qaida in Afghanistan, auf dem Balkan, dem Kaukasus und in den zentralasiatischen Staaten oder die terroristischen Anschläge auf amerikanische Botschaften und Einrichtungen in Afrika oder am Golf. Der Plan für die Terrorangriffe gegen die USA wurde in den Bergen Afghanistans und im europäischen Hinterland erdacht und dann auf einem anderen Kontinent exekutiert. Das Flugzeug, das Transportmittel der Globalisierung par excellence, setzte man als Waffe ein. Planung und Operation der Terroraktion hatten globale Maßstäbe. Weltweit operierende warlords wie Osama Bin Laden könnten bevorzugte Akteure dieser neuen Form des bewaffneten Kampfs werden.

Es spricht vieles dafür, daß die Zukunft des Krieges eher von Terroristen, Guerillas, Banditen und nichtstaatlichen Organisationen bestimmt sein wird, als von klassischen, konventionellen Streitkräften. Dort, wo die Macht immer noch aus Gewehrläufen kommt, führen zunehmend irreguläre Formationen in Privatund Söldnerarmeen Krieg. Religiöser oder politischer Mythos, generalstabsmäßige Planung und üppige Finanzressourcen bilden die Voraussetzungen eines veränderten Kriegsbilds. In seiner erwähnten Theorie des Partisanen nahm Schmitt diesen Aspekt der heutigen Sicherheitslage durchaus zutreffend vorweg, vor allem, wenn er die Bedeutung des Fanatismus als Waffe hervorhob: „Der moderne Partisan erwartet vom Feind weder Recht noch Gnade. Er hat sich von der konventionellen Feindschaft des gezähmten und gehegten Krieges abgewandt und sich in den Bereich einer anderen, der wirklichen Feindschaft begeben, die sich durch Terror und Gegenterror bis zur Vernichtung steigert.“
Wie soll man auf diesen Wandel reagieren, oder, – um die kritischen Fragen Schmitts aufzugreifen: Wer hat jetzt das Recht, den Feind zu definieren und gegen ihn mit allen Mitteln – das heißt unter den gegebenen Umständen auch mit Massenvernichtungswaffen – vorzugehen? Wer darf Strafen gegen den definierten Feind verhängen und sie – notfalls präventiv – durchsetzen? Und wie schafft man ein internationales Recht und die Fähigkeit, es notfalls mit Hilfe von Gewalt durchzusetzen? Schließlich: Wie verhindert man die Instrumentalisierung des Völkerrechts für nationale Macht- und Einflußpolitik?
Schmitt war grundsätzlich skeptisch gegenüber allen Versuchen ideologischer und das heißt auch menschenrechtlicher Legitimation des Krieges. Der Krieg, so Schmitt, sei im Kern nur zu begreifen als Versuch „… der seinsmäßigen Behauptung der eigenen Existenzform gegenüber einer ebenso seinsmäßigen Verneinung dieser Form“. Und weiter: „Es gibt keinen rationalen Zweck, keine noch so richtige Norm, kein noch so ideales Programm, keine Legitimität oder Legalität, die es rechtfertigen könnte, daß Menschen sich dafür töten.“
Die Legitimität des Krieges bei einer vorliegenden „seinsmäßigen Verneinung“ der eigenen Existenzform bekommt durch die modernen Bedrohungsszenarien, angesichts des internationalen Terrorismus einerseits und der Proliferation von Massenvernichtungswaffen andererseits, eine neue Dimension. Das Wesen des Politischen bleibt aber unberührt. Darüber belehrt auch jeder genaue Blick auf die Verfaßtheit des Menschen, der in dauernder Auseinandersetzung mit anderen Menschen lebt und nur aus Gründen der Selbsterhaltung und der Vernunft bereit ist, den „Krieg aller gegen alle“, den Schmitt wie Thomas Hobbes als natürlichen Zustand des Menschen betrachtete, durch einen staatlich garantierten Friedenszustand zu überwinden.
In Der Begriff des Politischen schrieb Schmitt: „Man könnte alle Staatstheorien und politischen Ideen auf ihre Anthropologie prüfen und danach einteilen, ob sie, bewußt oder unbewußt, einen ›von Natur bösen‹ oder einen ›von Natur guten‹ Menschen voraussetzen.“ Gerade mit Blick auf den heutigen Menschenrechtsuniversalismus und die gleichzeitige Verfügung über Massenvernichtungswaffen wird die tiefe Problematik jeder Lehre von der natürlichen Güte des Menschen deutlich. Denn der mögliche Einsatz von Massenvernichtungswaffen nötigt zur vorhergehenden Diskriminierung des Feindes, der nicht mehr als Mensch erscheinen darf – denn die Verwendung so furchtbarer Waffen widerspricht der Idee der Menschenrechte –, sondern nur noch als Objekt, das ausgelöscht werden muß, als Unmensch oder Glied eines „Schurkenstaates“.
Schmitt sah diese furchtbare Konsequenz moderner Politik deutlich ab, die so unerbittlich ist, weil sie im Namen hehrster Prinzipien vorgeht: „Die Masse der Menschen müssen sich als Schlaginstrument in Händen grauenhafter Machthaber fühlen“ – schrieb er nach dem Krieg und mit Blick auf seine persönliche Situation. Und hinsichtlich des Geltungsanspruchs universaler Forderungen nach Humanität kam Schmitt zu der bitteren Erkenntnis: „Wenn das Wort ›Menschheit‹ fällt, entsichern die Eliten ihre Bomben und sehen sich die Massen nach bombensicherem Unterstand um“.

Schmitt meinte, daß die Reideologisierung des Krieges im 20. Jahrhundert zwangsläufig den totalen, auch und gerade gegen die Zivilbevölkerung gerichteten Krieg hervorgebracht habe. Paradoxerweise ermöglichte die moralische Ächtung des Kriegs als Mittel der Politik den „diskriminierenden Feindbegriff“ und damit die Denunziation des Gegners, der nicht mehr als Kontrahent in einem politisch-militärischen Konflikt angesehen wurde, sondern als Verbrecher. Erst der totale Krieg schuf den totalen Feind und die Entwicklung der Waffentechnik seine mögliche totale Vernichtung.
Diese Einsicht Schmitts ist so wenig überholt wie jene andere, die weniger mit Krieg und mehr mit Frieden zu tun hat. Sein Ende der dreißiger Jahre entwickeltes Konzept des „Großraums“ und des Interventionsverbots für „raumfremde Mächte“ war, trotz offiziellem Tabu, nach 1945 und selbst in der Hochphase des Kalten Krieges das ungeschriebene Prinzip der außen- und sicherheitspolitische Konzepte beider Supermächte. Daran hat sich auch in Folge des Zusammenbruchs der Sowjetunion wenig geändert. Nach wie vor können Staaten, denen es ihr politisches, militärisches und wirtschaftliches Potential ermöglicht, eigene Einflußsphären aufbauen und durch angemessene geopolitische und geostrategische Maßnahmen schützen.
Mit seinen Schriften Der Leviathan, Völkerrechtliche Großraumordnung und der „weltgeschichtlichen Betrachtung“ Land und Meer suchte Schmitt angesichts des Auftretens neuer, „raumüberwindender“ Mächte und einer nachhaltigen Infragestellung der traditionellen Staatlichkeit die Faktoren einer neuen Sicherheitspolitik zu bestimmen. Beim Blick auf die historische Entwicklung, insbesondere des Aufstiegs der Seemächte England und Nordamerika, erkannte er die Bedeutung des Großraums und einer entsprechenden Ordnung. Die amerikanische Monroe-Doktrin von 1823, die die westliche Hemisphäre als Interessengebiet der USA bestimmt hatte, gewann für Schmitt Vorbildcharakter im Hinblick auf eine europäische Konzeption.
Daß dieses Projekt eines „europäischen Großraums“ seitdem immer wieder gescheitert ist, sagt wenig gegen seine Notwendigkeit. Europa bildet wie andere geopolitische Räume eine Einheit auf Grund von Weltbild und Lebensbedingungen, Traditionen, Überlieferungen, Gewohnheiten und Religionen.
Es ist nach Schmitt „verortet“ und „geschichtlich konkret“ und es muß deshalb, um auf Dauer zu bestehen, einen adäquaten Machtanspruch erheben und weltanschaulich begründen. Im Bereich des Politischen sind solche Weltanschauungen nichts anderes als „Sinn-Setzungen für Großplanungen“, entworfen von Eliten in einem bestimmten historischen Moment, um sich selbst und den von ihnen zu lenkenden Massen den geistigen Bezugsrahmen politischen Handelns zu schaffen.

Die Aktualität der Überlegungen Schmitts zur Bedeutung solcher „geistiger Zentralgebiete“ ist im Hinblick auf einen „Kampf der Kulturen“ (Samuel Huntington) offensichtlich: In beinahe zweihundert Nationalstaaten der Welt existieren mehrere tausend Kulturen. Sie bilden die Grundlage „geistiger Zentralgebiete“ und schaffen damit auch das Bezugsfeld für Kriege. Was das „Zentralgebiet“ inhaltlich bestimmt, mag sich ändern, an dem Tatbestand selbst ändert sich nichts. So markierte der Grundsatz cuius regio eius religio eben ein religiöses Zentralgebiet, das nach der Glaubensspaltung des 16. Jahrhunderts von Bedeutung war, während das Prinzip cuius regio eius natio nur vor dem Hintergrund der Nationalstaatsbildung im 19. Jahrhundert zu verstehen ist und die Formel cuius regio eius oeconomia ihre Erklärung findet in der enorm gesteigerten Bedeutung internationaler Wirtschaftsverflechtungen seit dem Beginn des 20. Jahrhunderts. Entsprechend haben sich die Kriege fortentwickelt von Religions- über Nationalkriege hin zu den modernen Wirtschafts- und Handelskriegen.
Die Kriege mitbestimmenden „geistigen Zentralgebiete“ waren für Schmitt stets Kampfzonen sich ablösender, miteinander konkurrierender und kämpfender Eliten. Sie können niemals nur Sphäre des Geistigen und ein Ort des friedlichen Nachdenkens und Diskurses sein. Das gilt trotz der in jüngster Vergangenheit so stark gewordenen Erwartung, daß der Krieg gebannt sei. Schmitt hat früh die Vergeblichkeit solcher Hoffnungen erkannt und etwas von ihrer furchtbaren Kehrseite geahnt: „Wir wissen, daß heute der schrecklichste Krieg nur im Namen des Friedens, die furchtbarste Unterdrückung nur im Namen der Freiheit und die schrecklichste Unmenschlichkeit nur im Namen der Menschheit vollzogen wird.“
Ein wesentliches Kennzeichen des modernen Kriegs ist gerade seine unkriegerische Terminologie, sein pazifistisches Vokabular, das die Aggression aber nur verdeckt, nicht beseitigt. Die „friedlichen“ Methoden der modernen Kriegsführung sind die vielfältigen Möglichkeiten finanz- und wirtschaftspolitischer Pression, das Sperren von Krediten, das Unterbinden der Handelswege und der Rohstoff- oder Nahrungsmittelzufuhr. Werden militärische Maßnahmen als notwendig erachtet, bezeichnet man sie nicht als Kriege, sondern als Exekution, Sanktion, Strafexpedition, Friedensmission etc. Voraussetzung für diese Art „pazifistischer“ Kriegführung ist immer die technische Überlegenheit des eigenen Apparats. Das moderne Völkerrecht folgt dieser Entwicklung, indem es die Begriffe zur Stabilisierung des politischen Status Quo liefert und die Kontrolle von Störern der internationalen Ordnung juristisch begründet. Es ist das Kennzeichen von Weltmächten, wie sie seit dem Ende des Ersten Weltkriegs auftreten konnten, Rechtsbegriffe mit universalem Anspruch zu definieren und dann souverän zu entscheiden, was Recht und was Unrecht ist. Die aktuelle Irakkrise zeigt auch hier, wie zutreffend die Einschätzung Schmitts war.
Die Zukunft der großen Staaten China, Indien, Rußland, aber auch der Vereinigten Staaten ist ungewiß. Wir können kaum einschätzen, welche Konstellationen sich entwickeln werden. Vielleicht entwerfen die USA für den asiatischen Raum eine ähnliche balance of power-Doktrin wie Großbritannien sie im 19. Jahrhundert gegenüber den europäischen Staaten besaß. Vielleicht gelingt es Washington, die Annäherung Rußlands an die NATO weiter voranzutreiben und es wie Indien in eine Geostrategie für den pazifischen Raum zwecks Eindämmung Chinas einzubinden. Weiter muß die Frage beantwortet werden, ob Europa Teil des atlantischen Großraums bleibt oder sich hier Tendenzen in Richtung auf eine gleichberechtigte Partnerschaft mit Amerika verstärken. Deutschland spielt in diesem Zusammenhang allerdings kaum eine Rolle, da sich seine derzeitige politische Führung bei außenpolitischen Problemen regelmäßig an der Innenpolitik orientiert, Bedrohungen ignoriert oder den Vorgaben anderer anschließt.

Die von Schmitt im Zusammenhang mit seiner Theorie der Staatenwelt analysierten Verteilungs-, Quarantäne- und Freundschaftslinien, die auch zivilisatorische Konfliktlinien sein können, drohen heute zu Grenzen zwischen unversöhnlichen Gegnern zu werden. Wir wissen nicht erst seit den Terroranschlägen auf das World Trade Center, daß sich die westliche Welt mit anderen Zivilisationen in Konkurrenz befindet. Die wichtigsten Auseinandersetzungen der Zukunft scheinen an den Grenzen aufzutreten, die Kulturkreise voneinander trennen. Hier könnten die Brennpunkte von Kriegen sein, die sich durch Regellosigkeit, Ent-Hegung und Rebarbarisierung auszeichnen. Hier entwickeln sich militärische und politische Herausforderungen globalen Ausmaßes, denen nur auf dem Wege eines neuen internationalen Ordnungssystems und eines erweiterten Verständnisses von Sicherheit begegnet werden kann.
Die gestiegene Wahrscheinlichkeit eines Ernstfalls, die für Deutschland nach den Angriffen vom 11. September 2001 sehr deutlich geworden und die Tragweite der Außen- und Sicherheitspolitik deutlich gemacht zu haben schien, hat tatsächlich vor allem die Handlungsunfähigkeit einer nachbürgerlichen politischen Klasse gezeigt, deren Weltbild sich primär aus reeducation, aus den erstarrten Ritualen der Vergangenheitsbewältigung und Achtundsechziger-Mythologie speist. Diese geistigen Verirrungen bedürfen eines Gegenmittels, und in der politischen Philosophie Carl Schmitts könnte das zur Verfügung stehen.
Wie Hobbes im 17. entfaltete Schmitt im 20. Jahrhundert ein politisches Denken, das von der unnormierten Lage, das vom Ausnahmezustand und der ständigen Möglichkeit inner- und zwischenstaatlicher Anarchie und Gewalt ausging. Ein solcher Ansatz steht im Gegensatz zur idealistischen Utopie einer weltweiten Entfaltung der Menschenrechte, eines friedlichen Ausgleichs der Kulturen und Zivilisationen sowie freizügiger, offener und multikultureller Gesellschaften. Anders als viele hoffen, sind gerade diese Gesellschaftskonzepte potentielle Konfliktherde. Eine Gefahr, der man nicht durch moralische Appelle begegnen kann, sondern nur durch Gefahrensinn, politischen und militärischen Realismus und durch rationale Antworten auf die konkreten Herausforderungen der Lage.


Article printed from Sezession im Netz: http://www.sezession.de

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[1] pdf der Druckfassung: http://www.sezession.de/wp-content/uploads/2009/09/Vad_Freund-oder-Feind.pdf

dimanche, 02 décembre 2012

Carl Schmitt: Il Machiavelli del '900 contro il potere di tecnici e finanza

Carl Schmitt: Il Machiavelli del '900 contro il potere di tecnici e finanza

 

Marcello VENEZIANI

 

Ex: http://agsassarialtervista.blogspot.be/ 

 

 

cs4489568_orig.pngL'aveva chiamata san Casciano la sua casa del buen retiro a Plattenberg, il luogo natìo in cui tornò per trascorrere la lunga vecchiaia fino alla morte, all'età di 97 anni, nel 1985. San Casciano, come l'ultima casa-esilio di Niccolò Machiavelli, quando si ritirò dall'attività di Segretario. 

 

Ma Carl Schmitt confidò in un'intervista che aveva battezzato così la sua casa non solo in onore di Machiavelli ma anche perché San Casciano è il santo protettore dei professori uccisi dai loro scolari. Schmitt si identificava in ambedue, nell'autore de Il Principe, nel suo lucido realismo politico e nel suo amore per la romanità; ma anche nel Santo, perché si sentì tradito da molti suoi allievi. Quell'intervista dà il titolo a una raccolta di scritti di Carl Schmitt, curata da Giorgio Agamben e riapparsa da poco (Un giurista davanti a se stesso, Neri Pozza, pagg. 314, euro 16,50).


Non è un caso ma un destino che Carl non si chiami Karl. La matrice cattolico-romana e latina è decisiva nella sua biografia intellettuale. La tradizione a cui si richiama Schmitt è lo jus publicum europaeum, di cui «padre è il diritto romano e madre la Chiesa di Roma»; la fede in cui nacque, visse e morì è quella cattolica apostolica romana; «la concezione di Schmitt - notava Hugo Ball - è latina»; la lingua latina era per lui «un piacere, un vero godimento»; un suo saggio chiave è Cattolicesimo romano e forma politica, e l'annesso saggio sulla visibilità della Chiesa. E non solo. La critica di fondo che Schmitt rivolge alla sua Germania è «il sentimento antiromano» che la percorre da secoli e che sostanzia la differenza tra cultura evangelica e cattolica. È una divergenza che spiega molte cose del passato e anche qualcuna del presente. Compresa quell'asprezza intransigente dei tedeschi e di altri popoli di derivazione protestante verso i Paesi mediterranei di formazione greco-latina e cattolico-romana. È quello per Schmitt il vero spread tra tedeschi e latini.


Ma Schmitt va oltre e coglie l'incompatibilità tra «il modello di dominio» capitalistico-protestante dei tedeschi e il concetto romano-cattolico di natura, col suo amore per la terra e i suoi prodotti (che Schmitt chiama terrisme). «È impossibile - scrive Schmitt - una riunificazione tra la Chiesa cattolica e l'odierna forma dell'individualismo capitalistico. All'alleanza fra Trono e Altare non seguirà quella di ufficio e altare o fabbrica e altare». È possibile invece che i cattolici si adattino a questo stato di cose. Per Schmitt il cattolicesimo ha il merito d'aver rifiutato di diventare «un piacevole complemento del capitalismo, un istituto sanitario per lenire i dolori della libera concorrenza». Schmitt ravvisa un'antitesi radicale tra l'economicismo, condiviso dai modelli americano, bolscevico e nordeuropeo, e la visione politica e mediterranea del cattolicesimo, derivata dall'imperium romano. Rifiuta pure di riferirsi ai valori perché di derivazione economicista.


Nei saggi e nelle interviste raccolti da Agamben, figura anche un testo che apparve in Italia nel '35, in un'antologia curata da Delio Cantimori col titolo di Principi Politici del Nazionalsocialismo. Peccato che non siano stati più ripubblicati il saggio introduttivo di Cantimori e la prefazione di Arnaldo Volpicelli che sottolineava le divergenze tra fascismo e nazismo, e fra la teoria di Schmitt sull'Amico e il Nemico e l'idealismo di Gentile, a cui egli si ispirava, per il quale il nemico era accolto e risolto nell'amico, ogni alterità era superata nella sintesi totalitaria e «sostanza e meta ideale della politica non è il nazionalismo ma l'internazionalismo». Qui sta, diceva Volpicelli, «la differenza fondamentale e la superiorità categorica del corporativismo fascista sul nazional-socialismo». A proposito di Hitler, Schmitt ricorda che una volta confessò di provare compassione per ogni creatura e aggiunse che forse era buddista. Hitler era gentile nei rapporti personali, nota Schmitt, e non aveva mai visto il mare. Riferendosi al suo ascendente sul pubblico, rileva «la sua dipendenza quasi medianica da esso, dall'approvazione, dall'applauso interiore».


Le interviste percorrono i punti centrali delle opere di Schmitt: la critica al romanticismo che sostituisce Dio e il mondo con l'Io; il Nomos della terra e la contrapposizione con le potenze del mare; la derivazione teologica dei concetti politici; la dialettica amico-nemico; la teoria del partigiano e la sovranità come decisione nello stato d'eccezione; quel decisionismo peraltro estraneo alla sua indole («Ho una peculiare forma di passività. Non riesco a capire come la mia persona abbia acquisito la nomea di decisionista», confessa con autoironia). E poi la sua raffinata passione letteraria, anche in questo erede di Machiavelli.


C'è una ragione di forte attualità del pensiero schmittiano. È la sua doppia previsione della spoliticizzazione che avrebbe portato al dominio mondiale dei tecnici e dell'avvento di guerre umanitarie che sarebbero state più inumane delle guerre classiche, perché condotte nel nome del bene assoluto contro il male assoluto. L'intreccio fra tecnica, economia e principi umanitari è l'amalgama che comanda oggi il mondo. Per assoggettare i popoli, scrive profeticamente nel '32, «basterà addirittura che una nazione non possa pagare i suoi debiti». Schmitt descrive «la cupa religione del tecnicismo» e nota che oggi la guerra più terribile può essere condotta nel nome della pace, l'oppressione più terrificante nel nome della libertà e la disumanità più abbietta nel nome dell'umanità. L'imperialismo dell'economia si servirà dell'alibi etico-umanitario. Il potere, avverte Schmitt, è più forte della volontà umana di potere e tende a sovrastare in modo automatico, impersonale: «non è più l'uomo a condurre il tutto, ma una reazione a catena provocata da lui». Non dunque un complotto ordito da poteri oscuri ma un automatismo indotto da una reazione a catena non più controllata dai soggetti umani. Quella reazione a catena passa dall'incrocio fra tecnica e finanza ed è visibile nell'odierna crisi globale. Da qui la necessità di rifondare la sovranità della politica. E di ripensare al Machiavelli del '900, quel tedesco in odore di romanità che ipotizzava la nascita di un patriottismo europeo. La Grande Politica di Schmitt e il suo nemico: il Tecnico, bardato di etica, a cavallo della finanza.

 

(di Marcello Veneziani

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vendredi, 30 novembre 2012

Sexual Liberation and Political Control

Sexual Liberation and Political Control

Libido-Dominandi-9781587314650.jpgLiberalism, by the inner dynamic of its logic, was forced to become an instrument of social control in order to avoid the chaos which it created by its own erosion of tradition and morals. Democratic man could not be left to his own devices; chaos would result. The logic was clear. If there is no God, there can be no religion; if there is no religion, there can be no morals; if there are no morals, there can be no self-control; if there is no self-control, there can be no social order; if there is no social order, there can be nothing but the chaos of competing desire. But we cannot have chaos, so therefore we must institute behavioral control in place of the traditional structures of the past — tradition, religion, etc. Abolishing tradition, religion and morals and establishing ”scientific” social control are one and the same project.

E. Michael Jones, Libido Dominandi — Sexual Liberation and Political Control (via zerogate)

jeudi, 29 novembre 2012

"FRANCIS COUSIN : L'ETRE CONTRE L'AVOIR"

"FRANCIS COUSIN : L'ETRE CONTRE L'AVOIR"

Méridien Zéro a reçu Francis Cousin, philosophe, pour son dernier ouvrage "L'être contre l'avoir".

francis cousin, philosophie, communisme, critique du materialisme

Pour écouter:

http://www.meridien-zero.com/archive/2012/11/22/emission-n-120-francis-cousin-l-etre-contre-l-avoir.html          

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dimanche, 25 novembre 2012

Nietzsche, Physiology, & Transvaluation

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Nietzsche, Physiology, & Transvaluation

By Mark Dyal

Ex: http://www.counter-currents.com/

“Whenever the will to power falls off in any way, there will also be physiological decline, decadence. And when the most masculine virtues and drives have been chopped off the god of decadence, he will necessarily turn into a god of the physiologically retrograde, the weak.” – Friedrich Nietzsche[1]

Bourgeois bodies exist only within a matrix of consumption, so much so that even “healthy lifestyles” are merely another marketing niche to be utilized by demographically defined individuals seeking more self-expression and corporate-friendly individuality. Health, as bourgeois capitalist science understands it, is most useful as a way of prolonging a life of consumption. This is clear when even radical scientists (such as New Biology advocate Bruce Lipton) advise their audiences to use health as a way to live “happier and longer.” Comfort, peace, security, and the prolonging of life are there for the taking – so long as the dystopia that makes health and fitness marketable to begin with is ignored.

But, these same arguments of bodily manipulation may be read as the promise of a foundation upon which a new cultural and physiological reality may develop. If we become soft and weak under the manacles of bourgeois modernity, might we also become hard and strong by the counter-narratives being created at the extreme edges of modernity? If bourgeois scientists tell us that we may counter the effects of modernity with even more softness, ecumenicalism, and “love,” they do so only because of a prohibition against bodily violence, hierarchy, and discrimination; and to direct the body even further away from its natural inclinations.

But does the body need violence, hierarchy, and discrimination? What is it about the naturalness of the body that is so dangerous? If softness and “free love” encourage one avenue of manipulation, what might become of us if harshness, precision, strictness, and a reimagining of our heroic past became our ideals? What might happen if, in all this talk about the body and physiology, there was a way to better understand the problems of morality and bourgeois selfhood? It is the purpose of this paper to address these questions while examining Friedrich Nietzsche’s understanding of physiology and the consequences of vitality.

Physiology versus Metaphysics

From his earliest notebooks and teaching materials in the 1870s to his last discernable thoughts in the 1880s, Friedrich Nietzsche was convinced that the body was the key to all of the causes of modern man’s cultural and intellectual degeneration. This was due in large part to the Christian and scientific separation of mind/soul and body, which not only made an abstraction of the body in order to convince men of their own divinity, but also, more importantly, encouraged them to ignore the bodily origins – and bodily connections – of what the church and scientists assumed made them divine. Against the modern metaphysical explanations of the “burden of man,” Nietzsche followed the Greeks and proposed instead the “nature” of man’s existence.

Nietzsche wrote so much on physiology that it is difficult to find a definitive statement or ideal on the subject. As we will see, Nietzschean physiology is primarily a way of reuniting the body and soul of the Greek ideal. Yet, it was not merely a metaphorical tool, for Nietzsche was deeply concerned that modern men were unable to understand their place in the world because of their inability to understand physiology. For the body, its instincts, and general functions was the source of consciousness, the will, and reason. Its vitality was, thus, directly related to the contours and functioning of all communicable human experience.

Through a complex web of signification, education, and communication, the body was also the source of morality and political philosophy. The body, and how humans come to care for, treat, ignore, or worship it, says much to Nietzsche about the ideals and supraordinate goals of a form of life. Later, we will examine how ascendant and descendant forms of life understand and use the body. First, however, we begin with a rough chronology of Nietzsche’s physiological philosophy.

In 1871, Nietzsche taught a course on Greek rhetoric that allowed the young professor to discuss at great length the power of persuasion in a world knowable only through interpretation. This epistemological approach put him at odds with the more established faculty members who sought metaphysical certainty over metaphorical mystification. However, far from stopping at an epistemological demolition of truth and reality, Nietzsche grounded epistemology itself in physiology, arguing that bodily processes limit and direct grammar, logic, and causality – the underlying principles through which we know the world.[2]

In a notebook entry from the same period, Nietzsche toyed with the notion that art is a manifestation of instincts making themselves known through consciousness. He posited that ideals, as well, have instinctual and thus bodily origins.[3] A few years later, in his “middle period,” Nietzsche more confidently discussed physiology and instincts, arguing that the intellect itself is only the symptom and instrument of “a bodily drive.”[4] This was part of a general argument that defined this period of his thought.[5] Whereas his earliest works can be said to organize around the conflict between science, art, and philosophy (and the concomitant divergence of truth and beauty), the middle period trilogy[6] is built upon Nietzsche’s use of physiology as a way to move beyond metaphysics.

This movement beyond metaphysics was a two-fold process. The first involved Nietzsche’s own study of physiology. Christian Emden makes a persuasive case that Nietzsche came to regard physiology so highly as a result of his own suffering. Wracked with headaches, nausea, and poor vision throughout his teaching tenure in Basel, Nietzsche poured through the scientific literature of the day, seeking diagnostic and curative possibilities. His notebooks indicate that he was particularly impressed with the ideas of Friedrich Albert Lange, a prominent philosopher of materialism who studied the physiology of sensory perception. Lange suggested that mental states such as thinking or feeling were the result of physiological functions occurring at the conceptual and preconceptual level. He was particularly interested in the physiology of thought, which he studied metaphorically through an examination of the mechanics of speech. His work theorized that thought is subject to constantly fluctuating bodily stimulation.[7]

As for Nietzsche himself, the two volumes of Human, All Too Human were written as an act of war against the physical pain of his everyday life. Gary Handwerk explains that this pain led to Nietzsche’s new aphoristic style and identity as a critic of Schopenhauer’s pessimism. His self-transformation was a question of mood and tone, and bespoke of a style that hit hard, fast, and precise. But Nietzsche knew that his style was also a direct reflection of his physiological state, and, importantly, he began to assume that such was the case for all philosophers. What made Nietzsche’s new style so martial (in regards to its subject matter), though, was his rejection of pessimism, for he had become determined to embrace a love of life that especially included and celebrated its darkest moments.[8] Nietzsche got no “enlightenment” from suffering, apart from realizing that it is an everyday part of life. As such, he believed – much to the chagrin of Christian priests and modern progressives – that suffering must combine with joy to teach us who we are, and that, to deny the one for the sake of the other was to commit an act of cowardice in the very face of life.

The second process involved making this type of “physiological knowledge” the basis of many human experiences assumed by religion, science, and philosophy to come from a metaphysical source. To do so, he turned to the instincts, specifically theorizing the origins, content, and purposiveness of this much-maligned mystery of the body. Like Lange, he saw the instincts as a product of physiological drives. But unlike Lange, he was convinced that the body’s instinctual processes produced consciousness, renaturalizing one of the pillars of metaphysics. He even began thinking about the impact of digestion on conceptualization. In the meantime, however, he realized that transvalued instincts gave him a way around the Christian/Platonic belief that exalting the human means to move beyond our animalistic drives.[9]

Having descended from a long line of Protestant preachers, Nietzsche undoubtedly knew, but still studied, the many methods of flesh-desecration promoted by Christianity to save the soul from bodily temptation.[10] He began to see the healthy body as a weapon against a Christianity that stimulated sickness as a means of salvation. But why did it do so? Later, Nietzsche answers the question in a number of ways that point to the political reality of the early church, as well as the nature of the first Christians.

nietz.jpgIn “The Religious Life” in Human, All Too Human, he follows the latter path to a scathing conclusion: “the saint” is the product of “a sick nature . . . spiritual poverty, faulty knowledge, ruined health, and overexcited nerves.”[11] In other words, the saint is the product of his derelict body and impoverished instincts, and not some metaphysical deity or utopia; just as all behaviors and concepts can be related to the physiological state of their human bearers. This type of analysis served Nietzsche well in his later examinations of the origins of morality. It demonstrates that physiology was not merely a metaphorical platform for explaining human behavior, but in fact, a philoso-scientific way of naturalizing even the most exalted of ethico-behavioral schemes.

Nietzsche maintained this line of thought until the end of his conscious life, making the body a veritable warzone, but one that could be used creatively and artistically against the regimes of metaphysical truth proposed by priests, scientists, and philosophers.[12]

Zarathustra Contra Darwin

In the two years between Dawn and the publication of Thus Spoke Zarathustra, Nietzsche’s health stabilized, allowing him the failed romance with Lou Salomè, and, more importantly, a new perspective on “physiological knowledge” as a critique of the bourgeois Last Man. In Ecce Homo, Nietzsche looked back at this period’s superabundant health and its impact on his thought. Whereas illness had made him a “decadent,”[13] his great health made him instead “the opposite of a decadent.”[14] Thus, he had been blessed with the ability to clearly identify with two divergent human potentialities.

Being decadent, Nietzsche says, gave him a dialectician’s skill for searching out nuances in the most obscure spaces – searching for truth with abandon. But, as one bestowed with greater health, he came to understand that truth (and the search for truth) is a symptom of instinctual and physiological decline (he also explained the value of truth in its relation to certain humans’ need for security). In other words, Nietzsche “recognized how perspectives on life reflected the instinctual circumstances of individual wills.”[15] The clever beginning of Ecce Homo also reveals an important aspect of Nietzsche’s later thought on physiology: that great health and vitality are beyond truth – an idea that he explored in Zarathustra.

Along with eternal recurrence, the Übermensch is one of the two major concepts introduced in Thus Spoke Zarathustra.[16] Philosophically speaking, the Übermensch is the attainment of a complete transvaluation of decadent values, while, from the perspective of physiology, it is the overcoming of the Darwinian Last Man. And, looked at from Nietzsche’s perspective, it is the overcoming of the one through the attainment of the other.

Zarathustra explains that the Übermensch is not the fulfillment of a higher reason, but a higher body, for the body is the “seat of life.” Its energy is ultimately and purely “creative,” and as such, it created the spirit and the will.[17] But these manifestations of bodily energy – primal but unique to each body – are capable of being consciously disciplined, making transvaluation, as we shall see, a project that “starts at home.” Nietzsche means for the Übermensch to be a profoundly physical man, in whom the instincts and drives are coordinated, allowing active energy to guide all thought and action. This is energy, then, that is never reactive but indicative of the harmonious and propulsive will. Nietzsche sheds some light on this human type in his self-description at the beginning of Ecce Homo. In Nietzsche’s words, the Übermensch has “turned out well”:

He is cut from wood that is simultaneously hard, gentle, and fragrant. He only has a taste for what agrees with him . . . what does not kill him makes him stronger. He instinctively gathers his totality from everything he sees, hears, and experiences: he is a principle of selection; he lets many things fall by the wayside.[18]

The Übermensch is the literal embodiment of a superior state of being and a higher awareness that emerges from the harmony of instincts and the willful practice of self-selection and self-hygiene. His will makes all interaction with the world a benefit to himself, even going so far as to court risk, danger, and the possibility of death with the maximum of self-affirmation.[19] In other words, he does not seek or cherish objective survival (random Darwinian fitness)[20] but the pure expression of his will, regardless of the environment.

The Übermensch, though, is a singular phenomenon and not the goal of a common evolution. It is a transvaluation of the “most contemptible” subject of Darwinian evolution – itself the subject of the fifth part of “Zarathustra’s Prologue.”[21] In contrast to the Übermensch, the Last Man suffers from life, avoiding danger, and seeking comfort, base personal gratification, and individual survival; all the while hoping for a long and uneventful life.[22]  By following this course, the bourgeois Last Man guarantees his type’s survival. He is “ineradicable, like the flea beetle.”[23] While a Darwinian might rejoice at the fecundity and self-preservation instinct of the Last Man, these only add up to a horribly mediocre human overrunning the earth.

The power, and perhaps confusing nature, of Zarathustra is that it perfectly summarizes vast stretches of Nietzsche’s complex thoughts on art, science, philosophy, physiology, morality, and politics in single sentences. Thus, as Zarathustra explains the internal features of the Last Man, he also explains the external influences and consequences of his behavioral instincts. These influences and consequences seem to revolve around softness. As we know, Nietzsche understands modernity primarily as an ethico-political system based in weakness. Zarathustra tells us that man is growing “smaller,” “modest,” “tame,” “cowardly,” “virtuous,” “mediocre,” and, among a host of other things, clever fingers “that do not know how to form fists.”[24]

In contrast to these traits and virtues, Zarathustra presents a short but dynamic model of the benefits of harshness.

You are becoming smaller and smaller, you small people! You are crumbling, you contented ones! You will yet perish of your many small virtues, of your many small abstentions, of your many small resignations! Too sparing, too yielding – that is your soil! But in order for a tree to grow tall, it needs to put down hard roots amid hard rock! And even what you abstain from weaves at the web of all future humanity.[25]

After Zarathustra connects strength’s need of resistance with “self-love” and the very ability to “will,” he returns to the implications of softness for the future by shifting the focus of the discourse squarely on modernity. He does so in two words: “poor soil.”[26] Poor soil, as he puts it, only grows poor weeds. Modernity, in other words, is only capable of producing inferior human types.

The Last Man survives not on account of any superiority – genetic or ethical – but because he lacks the sufficient energy and higher will to squander himself in pursuit of creative self-affirmation. He considers his survival a virtue rather than a direct expression of his instinctual reality – much like the priests who impose ascetic practices on the strong. The superiority of the Übermensch – over both the bourgeois Last Man and the priests – is ultimately physiological.

The Body and the Priest

Moving toward the late-1880s, it becomes ever more clear that the ethical and political implications of Nietzsche’s thought are visible in his naturalistic, life-affirming physiology. Although as in his earlier works, Nietzsche weaves in and out of the body and the environment, making decadence both a cause and effect of bodily and instinctual weakness, in his later works he focuses more on the political implications of decadence. Still, though, the body and the will are ever-present, as Nietzsche’s life-affirming philosophy demands (of itself and adherents) contest with temporal sources of weakness. Fostering a noble, affirmative type and challenging modernity are inseparable pieces of Nietzsche’s project; as life involves contest, the path to a noble life demands that one challenge the reactive and decadent forces in life.[27]

Nietzsche variously describes these decadent forces as those promoting democratization; exalting of compassion, weakness, and pity; and stimulating a cult of facility and painlessness, in order to make of Europeans a race of sheep-like herd animals.[28] The Übermensch becomes a historical actor because of his transvaluation of these forces. His enemies, likewise, are defined by their unmooring of these forces from their instinctual origins in physiological weakness, illness, and fatigue of life to become, instead, the metaphysical basis of a “good life.” As Nietzsche moved away from Zarathustra and the Last Man, he renewed his focus of attack on the priests. But in doing so, the archetype of decadence remained.

As Nietzsche makes clear in On the Genealogy of Morality, ascetic interpretation is the key to the priest’s struggle for earthly power. He promotes a denatured existence where all active, life-affirming forms of life are discredited. Over and above active, affirmative understandings of nature, the priests become purveyors of a “higher existence.”[29] But, in order to promote such a form of life, the priests must have been considered degenerates by the other – more powerful – castes to begin with.

This priestly subversion of nature is Nietzsche’s best proof that, contrary to Darwin, the weak do not perish of the “struggle for existence,” but in fact thrive in its face. Even if the priests are unable to participate in the natural, superabundant, active existence of the warriors, for example, they continue to cling to life through devotion to asceticism (and denial of the primacy of the body). For Nietzsche, though, this is only the beginning of the problem, as the ascetic practices do not give the priests physiological strength and health, but instead make them more sickly and debilitated. Removed thus from nature, the priests seek a form of self-mastery that promises revenge against life.[30]

Nietzsche not only sees in this proof that priestly metaphysics is an outgrowth of physiological degradation, but that Judeo-Christian morality cannot be understood without realizing the bodily origins of resentment. General morality exists in this scheme as the outcome of the human struggle for existence and the outgrowth of conflicting physiological drives. Morality reflects a constellation of emotions, instincts, and drives peculiar to specific (ascending or descending) human types. As Johnson explains, Nietzsche is not interested in locating morality in nature, but in revealing what moral interpretations tell us about human instinctual reality.[31]

Self-Overcoming and Politics

It is in the face of this transcendentalized decadence and resentment that the Übermensch or the “higher type” must act. But because of the transcendental nature of this decadence, the man who fights to destroy it must start first with destroying its vestiges in himself. This is why the Greek ideal – with its balanced and harmonious relationship between the body and the regulatory instincts – remained central to Nietzsche’s political philosophy. Against the anti-nature of the priests, the higher type must embrace the “evil” instincts – all of the active, dangerous, harsh, spontaneous, outer-directed impulses that Judeo-Christian modernity has condemned.

Doing so is the first step away from modernity and toward self-overcoming. The latter, though, is most important here, as Nietzsche displays in the memorable scene in which Zarathustra encounters the shepherd and the snake. Because man is not able to simply go back to periods of strength, will, and natural nobility, he must create of himself a person with character worthy of such a past. It is only through this self-overcoming that we will overcome modernity and the modern Last Man.

The contrast between the Übermensch, Last Man, and the priests – and the instinctual-behavioral distance that separates them – provides a solid foundation on which to build a discussion of Nietzsche’s physiological politics. For each of these human types, we not only have a struggle for mastery between ascendant and descendant instinctual processes, but also an ethico-political environment that reflects this struggle. Again, it is this fluidity between internal and external that demonstrates Nietzsche’s commitment to the Greek ideal as a potential post-modern political reality. It also reveals each unique individual’s path toward self-and-modern-overcoming.

Nietzsche’s last works and notebooks of 1888 focus on ascendant and descendant lines of human development. While these lines are not teleological, he believes, first, that they can be demonstrated historically and physiologically, and second, that each person embodies one of these two lines. As he states in Twilight of the Idols,

Selfishness is worth only as much as the physiological value of the selfish person: it can be worth a lot or it can be worthless and despicable. Individuals can be seen as representing either the ascending or descending line of life . . . If they represent the ascending line, then they have extraordinary value, – and since the whole of life advances through them, the effort put into their maintenance . . . might even be extreme.[32]

Nietzsche then combines this eugenic political suggestion with an extreme evolutionary statement, which puts the onus of history squarely on the individual even as it is being decentered.

Individuals are nothing in themselves, they are not atoms, not ‘links in the chain.’ They are not just legacies of a bygone era, – each individual is the entire single line of humanity up through himself. If he represents descending development, decay, chronic degeneration, disease (illnesses are fundamentally consequences of decay, not its causes), then they are of little value.[33]

In the notebook entry that might correspond to this aphorism, Nietzsche discusses at length the social consequences of the rule of the descendant line. In essence, these are all of the prime characteristics of Judeo-Christian morality and political modernity: a preponderance of moral value judgments, resentment, altruism for the weak, and hatred of the strong and vital.[34] We must assume that these societal features are either the symptoms or causes of physiological and instinctual decline, as they are consistently described as intertwined with bodily weakness and decadence.

By understanding moral judgments as symptoms of physiological thriving or failure, Nietzsche is able to explain the conditions of preservation and growth represented in these lines of development. Forms of life, more specifically, ascendant and descendant forms of life, he explains, “educate the will” through morality, art, and aesthetics.[35] These produce what he calls “regulating instincts,” which, in ascending forms of life, stimulate to pride, joy, health, enmity and war, reverence, strong will, the discipline of high intellectuality, and gratitude toward life.[36] The problem with modernity is that it was formed as part of Christianity’s war against these types of instincts. It has, as he says, taken the side of everything weak and degenerate. Thus, the modern Last Man has poor instincts – those that desire what is harmful to the flourishing of strength, pride, and beauty.[37] As we have seen, the only way to overcome “poor instincts” is by self-overcoming – by transvaluing what is valued by descending forms of life.

Conclusion: Breeding Beauty and Strength

In contrast to the bourgeois “universal green-pasture happiness,” security, harmlessness, comfort, and easy living that has softened the instincts and bodies of the Last Man, Nietzsche suggests a festival of pride, exuberance, and unruliness; and an exclamatory Yes to oneself.[38] “Aristocraticism of the mind,” he says, must consist of pathos of distance from vulgarity, failures, weaklings, and the mediocre.[39]

Once again, we see Nietzsche returning to the Greeks as a curative to modern decadence, for the “festival” he describes matches “middle period” explanations of Greek pride.[40] But it is possible to read this description of the modern features from which one should feel a great distance as a curative of bodily decadence as well. Consciousness, explains Nietzsche, is a part of the body’s communication system, in that what we become aware of (and make communicable) is only that which serves the herd instincts of the human. It is “really just a net connecting one person with another,” he says, “the solitary and predatory person would not need it.” Because “becoming conscious” involves thought, and that “conscious thinking takes place in words, that is communication symbols,” the very ability to know oneself presupposes that one will do so only in terms useful to the herd/community.[41] Although thought is tainted with the herd, action, he says, is inherently personal, because, for the ascendant type at least, the body has the capacity to match “noble” instincts. This leads us back to the idea that great health and vitality are beyond truth.

But it also begs an examination of the role of the immediate environment in the body’s instinctual activity at any moment.

Sit as little as possible; do not believe any idea that was not conceived while moving around outside with your muscles in a celebratory mode as well. All prejudices come from the intestines – sitting down – I have said it before – is a true sin against the Holy Spirit.[42]

Nietzsche’s preferred method of working since at least Human, All Too Human was to walk or hike with a small notebook – carried either by himself or a companion – in which to note his various, evidently rapidly occurring thoughts. He not only felt it a “sin” to sit down but to wake in the morning and read a book. This was the habit of his Basel colleagues, and it helped Nietzsche’s attitude against academics to harden into contempt. These were men suited for the civil service, with wills to match their morbid bodies, he noted.[43]

In critiquing the philologists’ squandering of moments most full of vital energy on books, and in turn, creating a body of work (certainly not a philosophy) based on idleness, Nietzsche was working from the premise that conceptual vitality – philosophy itself – depended on the body’s instinctual vitality – what he called in Ecce Homo, the “surplus of life,” or superabundance of bodily energy flowing freely from the will and instincts.[44]

While he certainly understood transvaluation as part of the undamming of these forces, he also demanded that the body be made to move in order to create most vitally. It certainly seemed to help, as well, that the body move in beautiful environs. Nice, Genova, Sils-Maria, and Torino are striking in their man-made and natural beauty, combining the human nobility he so desired with demanding topographical harshness.[45]

With this in mind we may extrapolate from the “aristocratic festival” the true purpose of the Greek idealization of beauty and creativity. If form equals content, if the mind and body are one and the same, if “the will strives for purity and ennoblement,” then what did the Greeks gain from surrounding themselves with so much beauty? What, in turn, is the cost of modern vulgarity and lack of beauty?

Once again, the distance between the Greeks and moderns makes itself known, for we must remember that Greek and Nietzschean beauty does not prohibit violence or harshness. In fact, as an ascendant element of life, it could not exist without them. While for Nietzsche this had much to do with a transvaluation of modern softness, for the Greeks (Nietzsche’s “Greeks” were always pre-Socratic) it was natural and divine to equate beauty with the extreme effort required for its creation.

With the ideal of the Greeks in mind, Nietzsche began thinking of a new form of life to be made possible by breeding strength. He saw in it another grand transvaluation of the entire sum of modern institutions and values; of the “progressive diminishment” of man’s “will, responsibility, self-assurance, and capacity to set self-serving goals.” To fight this, he recommends moral and ethical systems (at a societal level) that value self-selection and hardship, education only to benefit the higher type of man, distance between ascendant and descendant types, and freely adopting all values that are forbidden by modernity.[46]

Elsewhere, he explains that, as long as democratic and socialist “ideas” are fashionable, it will be impossible for humanity to move en masse toward an ascendant form of life. However, he says, anyone who has studied life on earth understands the optimal conditions for “breeding strength:” “danger, harshness, violence, inequality of rights, . . . in short the antithesis of everything desirable for the herd.”[47] This “fire next time” scenario is of great contrast with the exuberance and pride of individual self-overcoming, but these are not necessarily contradictory as much as complimentary.

For in embracing strength, one must reject weakness; in embracing harshness, one must reject mildness; in embracing beauty, one must reject vulgarity; in embracing oneself, one must reject the mob. Once again, we’ve moved within and without the body, for overcoming the modern Last Man must begin with self-overcoming.

Notes

[1] Friedrich Nietzsche, “The Anti-Christ,” in The Anti-Christ, Ecce Homo, Twilight of the Idols, and Other Writings, trans. Judith Norman, ed. Judith Norman and Aaron Ridley (Cambridge: Cambridge University Press, 2005), 14 [17]. (All quotes from primary Nietzschean sources include page and aphorism number.)

[2] Christian J. Emden, Nietzsche on Language, Consciousness, and the Body (Urbana: University of Illinois Press, 2005), 138.

[3] Friedrich Nietzsche, Writings from the Early Notebooks, trans. Ladislaus Löb, ed. Raymond Geuss and Alexander Nehamas (Cambridge: Cambridge University Press, 2009), 24 (5[25]).

[4] Friedrich Nietzsche, Dawn: Thoughts on the Presumptions of Morality, trans. Brittain Smith (Palo Alto: Stanford University Press, 2011), 77 [109].

[5] An interesting example of how the idea expressed in Dawn 109 evolved can be found in Beyond Good and Evil 36.

[6] Human, All Too Human (1878-1880), Dawn (1881), and The Gay Science (1882).

[7] Emden 105.

[8] Gary Handwerk, “Translator’s Afterword,” in Friedrich Nietzsche, Human, All Too Human II and Unpublished Fragments from the Period of Human, All Too Human II (Spring 1878-Fall 1879), trans. Gary Handwerk (Palo Alto: Stanford University Press, 2013), 558.

[9] Fredrick Appel, Nietzsche Contra Democracy (Ithaca: Cornell University Press, 1999), 21.

[10] Horst Hutter, Shaping the Future: Nietzsche’s New Regime of the Soul and It’s Ascetic Practices (Lanham MD: Lexington Books, 2006), 146.

[11] Friedrich Nietzsche, Human, All Too Human I, trans. Gary Handwerk (Palo Alto: Stanford University Press, 1995), 112 [143].

[12] Paul E. Kirkland, Nietzsche’s Noble Aims: Affirming Life, Contesting Modernity (Lanham MD: Lexington Books, 2009), 11.

[13] Friedrich Nietzsche, “Ecce Homo,” in The Anti-Christ, Ecce Homo, Twilight of the Idols, and Other Writings, trans. Judith Norman, ed. Judith Norman and Aaron Ridley (Cambridge: Cambridge University Press, 2005), 75 [Wise 1].

[14] Friedrich Nietzsche, Ecce Homo, 77 [Wise 2].

[15] Dirk R. Johnson, Nietzsche’s Anti-Darwinism (Cambridge: Cambridge University Press, 2010), 77.

[16] Although it is problematic to discuss them separately – as to truly be the latter one must fully understand and embrace the former – the purposes of the Übermensch for this paper do not require a detailed examination of eternal recurrence.

[17] Friedrich Nietzsche, Thus Spoke Zarathustra, trans. Adrian Del Caro, ed. Adrian Del Caro and Robert B. Pippin (Cambridge: Cambridge University Press, 2006), 22-24 [Despisers of the Body].

[18] Friedrich Nietzsche, Ecce Homo, 77 [Wise 2].

[19] Friedrich Nietzsche, Zarathustra, 8 [Prologue 4].

[20] Dirk R. Johnson, 59.

[21] Friedrich Nietzsche, Zarathustra, 9-11.

[22] Dirk R. Johnson, 60.

[23] Friedrich Nietzsche, Zarathustra, 10 [Prologue 5].

[24] Friedrich Nietzsche, Zarathustra, 134-136 [On Virtue that Makes Small 2, 3].

[25] Friedrich Nietzsche, Zarathustra, 136-137 [On Virtue that Makes Small 3].

[26] Friedrich Nietzsche, Zarathustra, 137 [On Virtue that Makes Small 3].

[27] Paul E. Kirkland, Nietzsche’s Noble Aims: Affirming Life, Contesting Modernity (Lanham MD: Lexington Books, 2009), 8.

[28] Curtis Cate, Friedrich Nietzsche (Woodstock, NY: The Overlook Press, 2002), 472.

[29] Friedrich Nietzsche, On the Genealogy of Morality, trans. Carol Dithe, ed. Keith Ansell-Pearson (Cambridge: Cambridge University Press, 2007), 85 [III 11].

[30] Friedrich Nietzsche, Genealogy, 85-86 [III 11].

[31] Dirk R. Johnson, 185.

[32] Friedrich Nietzsche, “Twilight of the Idols,” in The Anti-Christ, Ecce Homo, Twilight of the Idols, and Other Writings, trans. Judith Norman, ed. Judith Norman and Aaron Ridley (Cambridge: Cambridge University Press, 2005), 208 [Skirmishes 33].

[33] Friedrich Nietzsche, Twilight of the Idols, 208 [Skirmishes 33].

[34] Friedrich Nietzsche, Writings from the Late Notebooks, trans. Kate Sturge, ed. Rüdiger Bittner (Cambridge: Cambridge University Press, 2003), 242 [14 (29) Spring 1888].

[35] Friedrich Nietzsche, Late Notebooks, 200 [10 (165) Autumn 1887].

[36] Friedrich Nietzsche, Late Notebooks, 242 [14 (11) Spring 1888].

[37] Friedrich Nietzsche, The Anti-Christ, 4-5 [3, 6].

[38] Friedrich Nietzsche, Late Notebooks, 201 [10 (165) Autumn 1887].

[39] Friedrich Nietzsche, The Anti-Christ, 40 [43].

[40] Friedrich Nietzsche, Dawn: Thoughts on the Presumptions of Morality, trans. Brittain Smith (Palo Alto: Stanford University Press, 2011), 190 [306].

[41] Friedrich Nietzsche, The Gay Science, trans. Josefine Nauckhoff, ed. Bernard Williams (Cambridge: Cambridge University Press, 2001), 212-213 [354].

[42] Friedrich Nietzsche, Ecce Homo, 87 [Clever 1].

[43] Friedrich Nietzsche, Unpublished Writings from the Period of Unfashionable Observations, trans. Richard T. Gray (Palo Alto: Stanford University Press, 1995) 181-183 [28 (1) Spring-Autumn 1873].

[44] Friedrich Nietzsche, Ecce Homo, 110 [Birth of Tragedy 4].

[45] David F. Krell and Donald L. Bates, The Good European: Nietzsche’s Work Sites in Words and Images (Chicago: The University of Chicago Press, 1997).

[46] Friedrich Nietzsche, Late Notebooks, 166 [9 (153) Autumn 1887].

[47] Friedrich Nietzsche, Late Notebooks, 31 [37 (8) June-July 1885].

 


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samedi, 24 novembre 2012

Citation de Jacques Ellul

jacques-ellul.jpgCitation de Jacques Ellul

« La pensée qui domine l’ensemble de la société, c’est justement l’existence d’un cours de l’histoire, implacable, nécessaire, qui suppose que tout effort est vain s’il ne se situe pas dans le bateau qui suit le courant… Or, le lieu commun du sens de l’histoire correspond exclusivement à l’idéal du chien crevé. Bon petit chien bien gonflé (nécessaire pour surnager) qui s’installe au filet le plus fort du courant et descend le fil de l’eau en se dandinant gravement avec des airs de docteur ès sciences politiques et qui oscille à droite ou à gauche selon les vaguelettes (ses opinions mûrement pensées); parfois un remous lui fait perdre la bonne direction, il hésite en tournoyant (ce sont les scrupules de conscience), il dérive vers un banc de sable (c’est la manifestation de la liberté de sa personne); il se trouve aspiré par un entonnoir vers les fonds (c’est l’angoisse); mais il surmonte bientôt bravement ces tentations, une vague le remet à flot et il poursuit victorieusement son chemin ayant enfin retrouvé la bonne ligne, qui le porte, évidemment, vers la fin nécessaire. Et plus il avance, plus il se gonfle orgueilleusement d’horribles certitudes sur sa liberté et le sens de l’histoire, qui le font s’affirmer plus turgide chaque fois, jusqu’au moment où l’imprégnation de l’âme par cette corruption le fait s’en aller en lambeaux de matières affreuses, à jamais décomposées. »

Jacques Ellul, «  Exégèse des nouveaux lieux communs », Ed. La Table Ronde.

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mercredi, 21 novembre 2012

A Liçao de Carl Schmitt

A Liçao de Carl Schmitt
 
por Guillaume Faye e Robert Steuckers (1981)
 
 
 
Nós nos encontramos com Carl Schmitt na aldeia de Plettenburg, seu local de nascimento e retiro. Por quatro horas notáveis nós conversamos com o homem que permanece inquestionavelmente como o maior pensador político e jurídico de nosso tempo. "Nós fomos colocados para pastar", disse Schmitt. "Nós somos como animais domésticos que desfrutam dos benefícios do campo cercado ao qual somos designados. O espaço é conquistado. As fronteiras são fixas. Não há nada mais para descobrir. É o reino do status quo..."
 
Schmitt sempre alertou contra essa ordem congelada, que se estende sobre a Terra e arrasa soberanias políticas. Já em 1928, em O Conceito do Político, ele detecta nas ideologias universalistas, aquelas "dos Direitos, ou Humanidade, ou Ordem, ou Paz", o projeto de transformar o planeta em um tipo de agregado econômico despolitizado que ele compara a um "ônibus com seus passageiros" ou um "prédio com seus ocupantes". E nessa premonição de um mundo da morte de nações e culturas, o culpado não é o marxismo mas as democracias liberais e comerciais. Assim Schmitt oferece uma das críticas mais agudas e perspicazes do liberalismo, bem mais profunda e original do que as dos "anti-democratas" da velha direita reacionária.
 
Ele também continua a maneira "realista" de análise da política e do estado, na tradição de Bodin, Hobbes e Maquiavel. Igualmente removido do liberalismo e das teorias totalitárias modernas (bolchevismo e fascismo), a profundidade e a modernidade de suas opiniões o tornam o teórico jurídico constitucional e político contemporâneo mais importante. É por isso que podemos segui-lo, ao mesmo tempo é claro tentando ir além de suas análises, como seu discípulo francês Julien Freund, no ápice de suas capacidades, já fez.
 
A jornalidade intelectual do teórico jurídico do Reno começou com reflexões sobre Direito e política prática às quais ele devotou duas obras, em 1912 e 1914, ao fim de seus estudos acadêmicos em Estrasburgo. Após a guerra, tendo se tornado professor de Direito nas universidades de Berlim e Bonn, seus pensamentos focaram em ciência política. Schmitt, contra as filosofias liberais da Direita, se recusou a separá-la da política.
 
Seu primeiro trabalho de teoria política, Romantismo Político (1919), é devotado a uma crítica do romantismo político ao qual ele opõe o realismo. Para Schmitt, os ideais milenaristas dos comunistas revolucionários e os delírios völkisch dos reacionários pareciam igualmente inadequados ao governo do povo. Sua segunda grande obra teórica, A Ditadura (1921), constitui, como Julien Freund escreve, "um dos estudos mais completos e relevantes desse conceito, cuja história é analisada desde a época romana até Maquiavel e Marx".
 
Schmitt distingue "ditadura" de "tirania" opressiva. A ditadura aparece como um método de governo dirigido a confrontar emergências. Na tradição romana, a função do ditador era confrontar condições excepcionais. Mas Maquiavel introduz uma prática diferente; ele ajuda a visualizar "o Estado moderno", fundado no racionalismo, na tecnologia e no papel poderoso de um executivo complexo: esse executivo não mais depende do soberano singular.
 
Schmitt demonstra que com o jurista francês Jean Bodin, a ditadura assume a forma de uma "prática dos comissários" que emergiu nos séculos XVI e XVII. Os "comissários" são delegados onipotentes do poder central. O absolutismo monárquico, estabelecido sobre seus subordinados, como o modelo rousseauniano do contrato social que delega poder absoluto aos detentores da "vontade geral" implantada pela revolução francesa, constitui a fundação de formas contemporâneas de ditadura.
 
Desde esse ponto de vista, a ditadura moderna não está conectada com qualquer ideologia política particular. Contrariamente às análises dos constitucionalistas atuais, especialmente Maurice Duverger, a "democracia" não é mais livre de ditadura do que qualquer outra forma de poder estatal. Os democratas estão simplesmente se iludindo pensando que eles são imunes do recurso à ditadura e que eles reconciliam poder executivo real com pragmatismo e as transações dos sistemas parlamentares.
 
Em um estudo fundamental sobre parlamentarismo, A Crise da Democracia Parlamentar (1923), Schmitt pondera a identificação entre democracia e parlamentarismo. Para ele, a democracia parece ser um princípio ideológico e abstrato que mascara modalidades específicas de poder, uma posição próxima àquelas de Vilfredo Pareto e Gaetano Mosca. O exercício de poder na "democracia" está sujeito a uma concepção racionalista do estado que justificava, por exemplo, a ideia da separação de poderes, o diálogo supostamente harmônico entre partidos, e pluralismo ideológico. É também a racionalidade da história que funda a ditadura do proletariado. Contra as correntes democráticas e parlamentares, Schmitt coloca as correntes "irracionalistas", particularmente Georges Sorel e sua teoria de violência, bem como todas as críticas não-marxistas da sociedade burguesa, por exemplo Max Weber.
 
Essa ideologia burguesa liberal engana a todos ao ver toda atividade política segundo as categorias da ética e da economia. Essa ilusão, ademais, é compartilhada por ideologias liberais ou socialistas marxistas: a função do poder público não é nada mais além de econômica e social. Valores espirituais, históricos e militares não são mais legítimos. Somente a economia é moral, o que torna possível validar o individualismo comercial e ao mesmo tempo invocar ideais humanos: a Bíblia e o negócio. Essa moralização da política não só destrói toda moralidade verdadeira, mas transforma a unidade política em uma "sociedade" neutralizada onde a função soberana não é mais capaz de defender o povo pelo qual ela é responsável.
 
Por contraste, a abordagem de Schmitt consiste em analisar o fenômeno político independentemente de todas as pressuposições morais. Como Maquiavel e Hobbes, com o qual ele é normalmente comparado, Schmitt renuncia a apelos aos belos sentimentos e à soteriologia dos fins. Sua filosofia é tão oposta à ideologia do Iluminismo (Locke, Hume, Montesquieu, Rousseau, etc.) e aos vários socialismos marxistas quanto ela é ao humanismo político cristão. Para ele, essas ideologias são utópicas em sua cautela em relação ao poder e tendem a esvaziar o político por sua identificação com o mal, mesmo que ele seja permitido temporariamente - como no caso do marxismo.
 
Mas a essência da crítica de Schmitt se remete ao liberalismo e ao humanismo, que ele acusa de falsidade e hipocrisia. Essas teorias veem a atividade do poder público como uma administração puramente de rotina dedicada a realizar a felicidade individual e a harmonia social. Elas são fundadas no desaparecimento final da política enquanto tal e no fim da história. Elas desejam tornar a vida coletiva puramente prosaica, mas conseguem somente criar selvas sociais dominadas pela exploração econômica e incapazes de dominar circunstâncias imprevistas.
 
Governos sujeitos a esse tipo de liberalismo estão são sempre frustrados em seus sonhos de transformar a política em administração pacífica: outros Estados, motivados por intenções hostis, ou fontes internas de subversão política, sempre emergem em momentos imprevistos. Quando um Estado, pelo idealismo ou por um moralismo equívoco, não mais situa sua vontade política soberana acima de todo o resto, preferindo ao invés a racionalidade econômica ou a defesa de ideais abstratos, ele também desiste de sua independência e de sua sobrevivência.
 
Schmitt não acredita no desaparecimento do político. Qualquer tipo de atividade pode assumir uma dimensão política. O político é um conceito fundamental de antropologia coletiva. Enquanto tal, a atividade política pode ser descrita como substancial, essencial, duradoura através do tempo. O Estado, por outro lado, desfruta somente de autoridade condicional, ou seja, uma forma contingente de soberania. Assim o Estado pode desaparecer ou ser despolitizado ao ser privado do político, mas o político - enquanto substancial - não desaparece.
 
O Estado não pode sobreviver a não ser que mantenha um monopólio político, ou seja, o poder exclusivo de definir os valores e ideais pelos quais os cidadãos concordarão em entregar suas vidas ou matar legalmente seus vizinhos - o poder de declarar guerra. De outro modo, partisans assumirão a atividade política e tentarão constituir uma nova legitimidade. Esse risco ameaça particularmente os Estados burocráticos das democracias sociais e liberais modernas nas quais a guerra civil só é impedida pela influência enervante da sociedade de consumo.
 
Essas ideias são expressadas em O Conceito do Político, a obra mais fundamental de Schmitt, publicada pela primeira vez em 1928, revisada em 1932, e esclarecida em 1963 por seu corolário Teoria do Partisan. A atividade política é definida ali como o produto de uma polarização ao redor de uma relação de hostilidade. Um dos critérios fundamentais de um ato político é sua habilidade de mobilizar uma população pela designação de seu inimigo, o que pode se aplicar a um partido bem como a um Estado. Omitir tal designação, particularmente por idealismo, é renunciar ao político. Assim a tarefa de um Estado sério é impedir que partisans tomem o poder de designar inimigos dentro da própria comunidade, ou mesmo como o próprio Estado.
 
Sob circunstância alguma pode a política ser baseada na administração de coisas ou renunciar sua dimensão polêmica. Toda soberania, como toda autoridade, é forçada a designar um inimigo de modo a ser bem sucedida em seus projetos; aqui as ideias de Schmitt encontram a pesquisas dos etologistas sobre comportamento humano inato, particularmente Konrad Lorenz.
 
Por causa de sua concepção "clássica" e maquiaveliana do político, Schmitt sofreu perseguição e ameaças sob os nazistas, para os quais o político era, ao contrário, a designação do "camarada" (Volksgenosse).
 
A definição schmittiana do político nos permite compreender que o debate político contemporâneo é despolitizado e conectado com shows eleitorais. O que é realmente político é o valor pelo qual se está disposto a sacrificar a própria vida; pode ser muito bem a própria língua ou cultura. Schmitt escreve nessa conexão que "um sistema de organização social dirigido somente para o progresso da civilização" não possui "um programa, ideal, padrão ou finalidade que pode conferir o direito de dispor da vida física de outros". A sociedade liberal, fundada no consumo de massa, não pode demandar que se mate ou morra por ela. Ela se apoia em uma forma apolítica de dominação: "É precisamente quando ela permanece apolítica", escreve Schmitt, "que a dominação de homens apoiada em uma base econômica, evitando qualquer aparência ou responsabilidade políticas, se prova uma impostura terrível".
 
O economismo liberal e o "pluralismo" mascaram a negligência do Estado, a dominação das castas comerciais, e a destruição de nações ancoradas em uma cultura e uma história. Junto a Sorel, Schmitt apela por uma forma de poder que não renuncia a seu exercício pleno, que demonstra sua autoridade política pelos meios normais que pertencem a ele: poder, restrição, e, em casos excepcionais, violência. Ao ignorar esses princípios a República de Weimar permitiu a ascensão de Hitler; o totalitarismo tecno-econômico do capitalismo moderno também se apoia na rejeição ideológica da ideia de poder estatal; esse totalitarismo é impossível de evitar porque ele é proclamado humano e é também baseado na ideia dupla de pluralismo social e individualismo, que põe as nações à mercê da dominação tecnocrática.
 
A crítica schmittiana do pluralismo interno concebido por Montesquieu, Locke, Laski, Cole e toda a escola liberal anglo-saxônica, objetiva defender a unidade política das nações, que é a única garantia de proteção cívica e das liberdades. O pluralismo interno leva à guerra civil latente ou aberta, à competição feroz de grupos de interesses econômicos e facções, e finalmente à reintrodução dentro da sociedade da distinção amigo-inimigo que os Estados europeus desde Bodin e Hobbes haviam deslocado para o exterior.
 
Tal sistema naturalmente apela à ideia de "Humanidade" para se livrar de unidades políticas. "A humanidade não é um conceito político", escreve Schmitt, que acrescenta:
 
"A ideia de Humanidade em doutrinas baseadas nas doutrinas liberais e individualistas de direito natural é uma construção social ideal de natureza universal, abarcando todos os homens sobre a terra...que não será realizada até que qualquer possibilidade genuína de combate seja eliminada, tornando qualquer agrupamento em termos de amigos e inimigos impossível. Essa sociedade universal não mais conhecerá nações... O conceito de humanidade é um instrumento ideológico particularmente útil para a expansão imperialista, e em sua forma ética e humana, ela é especificamente um veículo de imperialismo econômico... Um nome tão sublime implica certas consequências para aquele que o porta. De fato, falar em nome da Humanidade, invocá-la, monopolizá-la, demonstra uma pretensão chocante: negar a humanidade do inimigo, declará-lo fora do direito e fora da Humanidade, e assim finalmente empurrar a guerra aos extremos da desumanidade".
 
Definir a política em termos da categoria do inimigo, recusar o igualitarismo humanitário, não leva necessariamente ao desprezo pelo homem ou ao racismo. É bem o contrário. Reconhecer a dimensão polêmica das relações humanas e o homem como "um ser dinâmico e perigoso", garante o respeito por qualquer adversário concebido como o Outro cuja causa não é menos legítima que a nossa.
 
Essa ideia se repete usualmente no pensamento de Schmitt: as ideologias modernas que reivindicam verdade universal e consequentemente consideram o inimigo como absoluto, como um "desvalor absoluto", levam ao genocídio. Elas são, ademais, inspiradas pelo monoteísmo (e Schmitt é um pacifista cristão e um converso). Schmitt afirma com boas razões que a concepção europeia convencional que validava a existência do inimigo e admitia a legitimidade da guerra - não pela defesa de uma causa "justa", mas como uma eterna necessidade das relações humanas - causava menos guerras e induzia o respeito pelo inimigo considerado como adversário (como hostis e não inimicus).
 
Os seguidores de Schmitt, estendendo e refinando seu pensamento, cunharam junto a Rüdiger Altmann o conceito do Ernstfall (caso emergencial), que constitui outro critério fundamental do político. A soberania política e a credibilidade de uma nova autoridade política é baseada na capacidade de encarar e solucionar casos de emergência. As ideologias políticas dominantes, profundamente fincadas no hedonismo e no desejo por segurança, querem ignorar a emergência, o golpe do destino, o imprevisto. A política digna do nome - e essa ideia pulveriza as categorias ideológicas abstratas de "direita" e "esquerda" - é aquela que, secretamente, responde ao desafio do caso de emergência, salva a comunidade de atribulações e tempestades imprevistas, e assim autoriza a mobilização total do povo e uma intensificação de seus valores.
 
Concepções liberais de política veem o Ernstfall meramente como a exceção e a "normalidade legal" como a regra. Essa visão das coisas, inspirada pela filosofia teleológica da história de Hegel, corresponde à dominação da burguesia, que prefere segurança a dinamismo histórico e ao destino do povo. Ao contrário, segundo Schmitt, a função do soberano é sua capacidade de decidir o estado de exceção, que de modo algum constitui uma anomalia, mas sim uma permanente possibilidade. Esse aspecto do pensamento de Schmitt reflete suas inspirações primariamente francesas e espanholas (Bonald, Donoso Cortès, Bodin, Maistre, etc.) e torna possível localizá-lo, junto com Maquiavel, na grande tradição latina da ciência política.
 
Em Legalidade e Legitimidade, Schmitt, como discípulo de Hobbes, sugere que a legitimidade precede o conceito abstrato de legalidade. Um poder é legítimo se ele pode proteger a comunidade sob seus cuidados pela força. Schmitt acusa a concepção idealista e "jurídica" de legalidade por autorizar Hitler a chegar ao poder. O legalismo tende à renúncia do poder, que Schmitt chama de "política da não-política" (Politik des Unpolitischen), a política que não atende a suas responsabilidades, que não formula uma escolha em relação ao destino coletivo. "Aquele que não possui o poder de proteger ninguém", escreve Schmitt em O Conceito do Político, "também não possui o direito de demandar obediência. E inversamente, aquele que busca e aceita o poder não possui o direito de recusar obediência".
 
Essa dialética de poder e obediência é negada pelo dualismo social, que arbitrariamente opõe sociedade e a função soberana e imagina, contrariamente a toda experiência, que exploração e dominação são os efeitos políticos do "poder" enquanto eles emergem muito mais normalmente da dependência econômica.
 
Assim Schmitt elabora uma crítica do Estado dualista do século XIX com base nas concepções de John Locke e Montesquieu objetivando a uma separação entre a esfera do Estado e a esfera privada. De fato, as tecnocracias modernas, historicamente resultando das instituições de representação parlamentar, experimentam interpenetrações e oposições entre o privado e o público, como demonstrado por Jürgen Habermas. Tal situação desestabiliza o indivíduo e enfraquece o Estado.
 
Segundo Schmitt, é a fraqueza das democracias que permitiu o estabelecimento de regimes unipartidários, como ele explica em Estado, Movimento, Povo. Esse tipo de regime constitui a revolução institucional do século XX; de fato, ele é hoje o regime mais difundido no mundo. Somente a Europa Ocidental e a América do Norte preservaram a estrutura pluralista da democracia tradicional, mas meramente como ficção, já que o poder verdadeiro é econômico e técnico.
 
O Estado unipartidário tenta reconstituir a unidade política da nação, segundo uma estrutura tríplice: o Estado inclui funcionários públicos e as forças armadas; o povo não é uma população estatística mas uma entidade que é politizada e fortemente organizada em instituições intermediárias; o partido coloca esse mecanismo em movimento e constitui um portal de comunicação entre o Estado e o Povo.
 
Schmitt, que retorna de novo e de novo ao nazismo, ao stalinismo, às teocracias e aos totalitarismos humanitários, obviamente não endossa o Estado unipartidário. Ele não defende qualquer "regime" específico. Na velha tradição realista latina herdada de Roma, Schmitt quer um executivo que seja tanto poderoso como legítimo, que não "ideologize" o inimigo e possa, em casos reais fazer uso da força, que possa fazer do Estado a "auto-organização da sociedade".
 
A guerra assim se torna um tema da teoria política. Schmitt está interessado na geopolítico como extensão natural da política. Para ele, a verdadeira política, a grande política, é a política externa, que culmina na diplomacia. Em O Nomos da Terra (1951), ele demonstra que o Estado segue a concepção europeia de política desde o século XVI. Mas a Europa se tornou decadente: o Estado burocrático foi despolitizado e não mais permite a preservação da história do povo europeu; o ius publicum europaeum que decidia as relações interestatais está declinando em favor de ideologias globalistas e pacifistas que são incapazes de fundar um direito internacional eficaz. A ideologia dos direitos humanos e o suposto humanitarismo das instituições internacionais estão paradoxalmente preparando um mundo no qual a força vem antes do direito. Inversamente, uma concepção realista das relações entre Estados, que permite e normaliza o conflito, que reconhece a legitimidade da vontade de poder, tende a civilizar a relação entre nações.
 
Schmitt é, junto com Mao Tsé-tung, o maior teórico moderno da guerra revolucionário e da figura enigmática do guerrilheiro que, nessa era de despolitização dos Estados, assume a responsabilidade do político, "ilegalmente" designa seus inimigos, e de fato nubla a distinção entre guerra e paz.
 
Tal "falso pacifismo" é parte de um mundo em que autoridades políticas e soberanias independentes são apagadas por uma civilização mundial mais alienadora que qualquer tirania. Schmitt, que influenciou a constituição da Quinta República Francesa - a constituição francesa que é a mais inteligente, mais política, e a menos inspirada pelo idealismo do Iluminismo - nos dá essa mensagem: liberdade, humanidade, paz são somente quimeras que levam a opressões invisíveis. As únicas liberdades que contam - seja de nações ou indivíduos - são aquelas garantidas pela força legítima de uma autoridade política que cria lei e ordem.
 
Carl Schmitt não define os valores que mobilizam o político e legitimam a designação do inimigo. Esses valores não devem ser definidos por ideologias - sempre abstratas e portões para o totalitarismo - mas por mitologias. Nesse sentido, o funcionamento do governo, o puramente político, não é suficiente. É necessário acrescentar a dimensão "religiosa" da primeira função, como definida na tripartição indo-europeia. Nos parece que é assim que se deve completar a teoria política de Schmitt. Porque se Schmitt constrói uma ponte entre antropologia e política, ainda é necessário construir outra entre política e história.
 

mardi, 20 novembre 2012

Robert Nisbet oltre l'etichetta di conservatore

nisbet.jpgRobert Nisbet oltre l'etichetta di conservatore

Dal Secolo d'Italia del 16 settembre 2012

Ex: http://robertoalfattiappetiti.blogspot.be/

Conservatore a chi? Definizione mal tollerata e generalmente rispedita al mittente. Calzata talvolta per mero spirito di provocazione. Eppure il conservatorismo è qualcosa di più che non un mero temperamento stravagante. E soprattutto non è (solo) quel che i luoghi comuni vorrebbero: la caricatura del reazionario. A ricordarcelo è il libro di Spartaco Pupo, Robert Nisbet e il conservatorismo sociale (Mimesis, pp. 180, € 16). 
 
Copertina_Pupo_-_Nisbet.jpgAutore di libri di culto come The Quest for Community, bibbia della primavera conservatrice a stelle e strisce dei primi anni Cinquanta, pubblicata in Italia nel 1957 dalle Edizioni di Comunità con il titolo La comunità e lo Stato, Nisbet, considerato non del tutto a ragione l’ideologo principale del reaganismo, da noi è pressochè sconosciuto, in particolare tra i più giovani. Il testo di Pupo, docente di Storia delle dottrine politiche presso l’università cosentina, colma questa lacuna e ne propone la riscoperta attraverso un’agile ma completa introduzione al pensiero politico, sottolineandone sin dal titolo l’originalità. Nisbet, infatti, ha indagato il carattere meno conosciuto del conservatorismo: la socialità, riconducibile non solo alla diffusa ricerca dell’identità e dell’autorità delle lealtà tradizionali, ma anche alle attenzioni verso gli indiscutibili benefici del welfare state e all’individuo inteso non come soggetto astratto ma come persona che nasce, vive e muore in una comunità di appartenenza. L’intuizione del sociologo californiano, ammesso che possa così definirsi un’attività di studio pluridecennale, è proprio nell’individuare nel declino delle comunità il più grande problema sociale e politico del nostro tempo e nella relativa “domanda di comunità” la risposta al malessere della società occidentale. Di qui la necessità di preservare, tra Stato e Mercato, una sfera di libertà basata su un tessuto di relazioni comunitarie, dalla scuola alla famiglia, dall’amministrazione locale alla piccola impresa economica. La moderna storia dell’occidente, a partire dalla rivoluzione industriale e dalla rivoluzione francese, altro non è – spiega Nisbet – che la storia del disfacimento delle comunità e del concomitante sviluppo di uno Stato politico che, sin dalla sua nascita, non solo riconosce come cittadini soltanto individui isolati e non più gruppi di uomini ma pretende di dirigere la vita di ogni uomo, sia nella sfera pubblica che in quella privata, indebolendo le lealtà umane fondate sulla fede, sul lavoro, sulla parentela, sull’etnia, sul luogo, sull’interesse condiviso e sul volontariato. Così facendo – ne conclude il sociologo – viene meno quella saldatura sociale che è stata la vera protagonista della crescita dell’America e degli altri paesi occidentali. Perché non è stato l’individuo solitario ma i gruppi di individui, ossia le comunità, le famiglie, i parentadi, i villaggi, le associazioni di volontariato, a realizzare scuole, strade, chiese, imprese comuni, istituzioni, regioni e nazioni. Quando politica ed economia recidono il legame individuo-società, l’individuo rischia di perdere, con il senso responsabilità verso l’altro, la sua stessa libertà. La libertà autentica, per Nisbet, è invece quella che nasce spontaneamente nella società pluralistica, dove una varietà di gruppi sociali intermedi tra l’individuo e lo Stato detiene ruoli, funzioni e responsabilità reali e autonomie sufficienti ad offrire al singolo individuo un senso di protezione, finalità, identità, appartenenza. Tutto ciò al fine di evitare che uomini nominalmente liberi diventino spiritualmente sterili, emozionalmente vuoti e sempre più soli, oltre che vulnerabili ai richiami di uno Stato non più comunità di comunità ma paternalistico, onnicomprensivo e autoritario. Critica che Nisbet, però, rivolge anche al liberalismo e a chi riteneva (e ritiene) che l’unica alternativa a a statalismo e dirigismo potesse essere rappresentata da un mercato sempre più incontrollato, un mercato che “deresponsabilizzando” l’individuo, finisce per renderlo schiavo delle grandi istituzioni politiche ed economiche contemporanee.
 
Di fronte a una crisi che è valoriale e anche ecomomica, il conservatorismo sociale di Nisbet, libero dal nostalgismo e dal passatismo, ponendo al centro della sua proposta la difesa dei corpi intermedi ma anche pronto al dialogo con la socialdemocrazia antimassimalista, cui è accomunato dall’attitudine a combattere gli eccessi del laissez-faire, dell’individualismo liberale e del capitalismo, rimane una via da riscoprire per affronate la complessità del presente.
 
Roberto Alfatti Appetiti

lundi, 19 novembre 2012

Unité du monde et destin du peuple

Le sacré : Unité du monde et destin du peuple

1511.jpgPatrick SIMON

Ex: http://vouloir.hautetfort.com/

Le problème posé ici est le suivant : que peut signifier la locution « unité du monde », que certains ont déjà élevée au rang de concept fondamental (1) et dans laquelle, apparemment, se trouve beaucoup plus qu'un antidote au dualisme métaphysique et chrétien ? En d'autres termes : comment penser “l'unité du monde” ? Pour répondre à cette question, considérons d'abord la formule grecque panta : en, « tout : un ». C'est, pourrait-on dire, sur ces simples mots d'Héraclite d'Éphèse que s'ouvre la pensée européenne. Toute sa vie, Heidegger n'a cessé de “tourner” autour d'eux en s'en rapprochant. « Tout : un » : que peut vouloir dire cela ?

“Tout” est la multiplicité changeante de ce qui est, c'est-à-dire de ce qui se manifeste, se présente à nous : tout ce qui change et devient, tout ce qui coule. Panta rhei, « tout coule », dit une autre maxime d'Héraclite. Tout coule, et pourtant tout est un. Comment ce qui constitue la multiplicité même peut-il être “un” ? Qu'est-ce que cette unité du divers ? “Unité” signifie-t-il ici “totalité”, “globalité” ? Est-il ici seulement question de cette évidence ensembliste qui veut que chaque chose soit un élément de l'ensemble de toutes les choses, contribue à l'unicité de cet ensemble ? Certes non. Panta : En pourrait également s'énoncer : chaque étant : un. La ques­tion qui surgit alors est : comment ce qui à chaque instant se manifeste comme pluralité peut-il être un ?

L'unité, par ailleurs, ne saurait être conçue en tant que “principe unifiant”, causal ou non. Une telle conception resterait enfermée dans le dualisme métaphysique, auquel d'ailleurs elle s'apparente, puisqu'elle ne permettrait jamais de résoudre la dualité de l'étant et du principe. La réponse souvent invoquée par la théologie chrétienne, qui postule l'unité du monde en Dieu, n'est en rien satisfaisante, dans la mesure où elle ne produit qu'une pseudo­unité surajoutée à la dualité fondamentale du monde et de Dieu.

En fait, si nous voulons véritablement saisir ce que contient le panta : en héraclitéen, il nous est demandé, autant que possible, de sortir du “règne” de l'essence platonicienne, de l'essence comme principe ultime constituant le “soi” de chaque étant. Une telle conception des essences fondatrices accessibles à la ratio pèse, on le sait, sur la plupart des modes explicatifs en usage aujourd'hui. Cependant, elle ne va pas “de soi” : elle n'est venue qu'après la pensée présocratique (qui, à l'exception du poème de Parménide, nous est parvenue sous forme de fragments) et avant celle de Heidegger, qui s'est d'ailleurs constamment appuyée sur la précédente.

Mais revenons-en au “paradoxe” évoqué plus haut : panta : en / panta rhei. On interprète souvent maladroite­ment l'image héraclitéenne du fleuve. « On ne se baigne jamais deux fois dans la même eau (du fleuve) », dit en substance Héraclite. On en déduit que le fleuve n'est qu'en tant que devenir — en se gardant bien de se demander ce que peut signifier ce “devenir” —, et l'on conclut que, hors du devenir, il n'y a rien (à penser). On passe alors à côté de ce que voulait dire Héraclite, et à côté de ce qui, dans ce “devenir”, se présente comme question.

Tout dans le fleuve est courant, changement, devenir. Mais qu'est-ce qui fonde ce devenir comme devenir-du­-fleuve, et, plus précisément, devenir-de-ce-fleuve-ci ? Autre formulation (qui est plus qu'une boutade) : si le fleuve est devenir, il faut bien qu'il soit. De fait, pour que soit pensable le devenir du fleuve, il faut qu'une entité rassemble en soi ce devenir, ou plutôt (pour éviter de penser à une entité “agissante”) que ce devenir se rassemble en une entité : on ne se baigne jamais deux fois dans la même eau, mais cette eau qui coule est toujours celle du fleuve. Le fond de l'image du fleuve réside en ceci que le devenir voile ce qui est, dirons-nous par approximation, sa condition essentielle de possibilité : l'unité, celle-là même en laquelle sont assemblées les diverses et changeantes apparences (c'est-à-dire : manifestations de la présence) de l'étant.

Cette unité où sont assemblés les divers modes de l'apparaître d'un étant, Heidegger la nomme Wesen. Ce mot est généralement traduit par “essence”. (Il n'est d'ailleurs pas une des nombreuses inventions terminologiques de Heidegger, mais appartient à la langue philosophique allemande, qui l'utilisa pour rendre le latin essentia). Il ne faut pas oublier néanmoins toute la distance qui sépare ce Wesen de l'essence platonicienne. Osons une définition : Wesen (“essence d'un étant”), “unité rassemblante de ses modes de présence (de ses manifestations phénoménales)”. Être veut alors dire “déployer” son essence, apparaître de manière multiple, changeante, ambi­guë, dans (et à partir de) l'unité de son essence. Il apparaît alors clairement que l'essence-unité rassemblante n'est “extérieure” ni à l'étant ni au temps, qu'elle n'induit aucune coupure entre un monde dit “sensible” et un monde dit “intelligible”. L'essence étant unité rassemblante des apparences, elle ne saurait être “au-delà” de ces apparences. Ne pouvant être pensée hors de son “déploiement” en présence, hors de son surgissement en un devenir, elle ne saurait non plus être “au-delà” du temps.

Les messagers de la “divinité”

21353_10.jpgLoin d'induire une coupure entre le “sensible” et “l'intelligible”, la notion heideggérienne de Wesen réduit celle-ci à néant. L'essence se manifeste en présence ; elle n'est pas accessible hors de cette manifestation. Les présocra­tiques, d'ailleurs, étaient incapables de concevoir la moindre distinction entre le sensible et l'intelligible pour la simple raison que, pour eux, le penser et le sentir n'étaient que des modes d'un même “faire face à la pré­sence”. En allemand, “briller” et “apparaître” se disent tous deux scheinen. L'éclat, la lueur, l'apparence : der Schein. Paraître, c'est briller, laisser se déployer la totalité des signes de soi. Être et (ap)paraître ne sont donc nullement antinomiques. Être, c'“est” paraître, tout comme pour le soleil, être, c'“est” briller. Panta : en signifierait alors d'abord ceci : la pluralité des phénomènes est toujours rassemblée dans l'unité d'une essence (Wesen). La coupure entre “l'intelligible” et le “sensible” n'est qu'un sous-produit de la pensée socrato-platonicienne.

Il vaut la peine d'insister. L'essence (Wesen) n'“est” aucun principe, ni actif (l'unité est toujours, pourrait-on dire, intrinsèque et implicite) ni explicatif (expliquer est toujours re-présenter ; or, par l'unité, on ne re-présente rien, et l'unité elle-même est sans doute absolument non re-présentable). Heidegger a parfois utilisé l'image de la coupe pour faire sentir que cette unité n'“est” pas un lien, causal ou non, qui unirait en interdisant on ne sait quel éparpillement. Bien au contraire, il faut s'exercer à penser la coupe comme recueillant en elle la multiplicité, tout en n'étant pas “extérieure” au recueillement. (La coupe du Wesen est à la fois “recueillante” et “recueillement”).

Heidegger parlait des dieux (die Götter) en les appelant « les divins » (die göttlichen). Il voyait en eux les messa­gers de la « divinité » (die Gottheit). Maître Eckart, Angelus Silesius et d'autres ont aussi parlé de Gott ou de Gottheit en termes d'unité, de consubstantialité, de co-propriation. En fait, Gottheit ne signifie rien d'autre que cette « unité du monde » au sein de l'unité-recueillante que nous venons d'évoquer. Qu'est-ce alors que le sacré ? Il est le dévoilement de cette unité, et l'homme, en tant que faisant — face-à-l'étant (Da-sein), en est le dépositaire.

Essayons maintenant d'approcher l'unité-recueillante du monde en certains de ses modes de dévoilement. L'un des modes les plus importants est constitué par le peuple (das Volk). Qu'est-ce qu'un peuple ? Ce n'est ni une somme d'individus ni une structure évoluant dans un temps linéaire. Un peuple est une entité qui rassemble les ancêtres, c'est-à-dire le passé-origine surgissant dans l'immédiat d'une présence-au-monde, les présents, c'est-­à-dire ceux qui vivent aujourd'hui et qui font la présence du monde, et les hommes-à-venir, notion qui repré­sente l'anticipation dans la présence au monde d'un être-en-projet.

Pas d'opposition entre le sacré et le profane

millet10.jpgL'unité-peuple est pour nous l'un des modes où se dévoile la Gottheit, la divinité de l'unité du monde. Nous dirons, par suite, que le sacré ne se laisse appréhender authentiquement qu'au sein d'une communauté popu­laire qui en constitue le « lieu de surgissement ». En ce sens, il n'y a pas de médiateur entre l'homme-d'un-peuple et la divinité ; celle-ci constitue pour lui le plus immédiat. Autrement dit, l'homme n'a accès à l'unité-du-monde qu'à partir (et dans) l'unité-du-peuple. Bien entendu, cela ne signifie pas qu'il n'y ait d'accès au sacré que dans la “religion collective”. Cela signifie que la personne individuelle ne peut s'ouvrir au sacré sans que l'ensemble du peuple soit “présent”, c'est-à-dire délimite le lieu de venue du sacré.

Cette notion de co-propriation de l'homme authentique et de la communauté populaire dans l'unité-recueillante de l'être est à la fois très immédiate, car elle s'adresse à une sensibilité originaire, et très difficile à saisir, car elle s'exprime difficilement au travers d'un langage bâti sur l'effectivité du concept. Heidegger la développe à partir d'un certain nombre de considérations sur l'idée de monde.

Pour Heidegger, un « monde » est un « existential », autrement dit un mode d'être de l'homme historial, c'est-à­-dire de l'homme en tant qu'il est engagé dans le déploiement du destin de la communauté dont il relève. Qu'est­-ce à dire ? Que cet homme ne vit jamais dans un “monde” qui lui serait indifférent et pré-existant, comme une boîte contenant un objet, mais qu'à proprement parler, il fonde sans cesse le “monde” en prenant sa part du destin communautaire. Heidegger dit : der Welt ist nicht, sondern weltet (le monde n'est pas, il mondifie). Le monde mondifie : il se manifeste comme une unité rassemblant d'une manière toujours progressante l'homme d'une communauté, cette communauté elle-même, les étants qui viennent à la “rencontre” de l'homme et les modes existentiels généralement représentés comme des fonctions culturelles. Cette unité de tout ce qui est dans un monde et de ce qui le fonde (l'homme historial) constitue à nos yeux un mode de la divinité.

Un temple n'est sacré que dans la mesure où il est un lieu de co-appartenance de la communauté du peuple et des hommes de cette communauté. S'il est ainsi, ainsi est-il immédiatement perçu. Cette immédiateté est le signe de l'unité qui se manifeste dans la rencontre de l'homme et du temple, par laquelle le temple est livré à son être, et l'homme révélé au sien. Quand, au contraire, le temple devient un “médiateur” entre l'homme et le dieu, il a déjà cessé d'être sacré. (Une réflexion sur la notion d'“idole” pourrait être développée à partir de là). Que nous le voulions ou non, nous ne pourrons plus jamais voir le temple d'Apollon à Delphes ainsi que le voyait un Grec contemporain de ceux qui l'ont bâti. Pour celui-ci, la place du temple à l'intérieur de la polis allait de soi. Or, c'est précisément cet “allant de soi” qui signale l'étant mondain (la Chose) en opposition à l'étant hors-du-monde (l'Objet). On comprend, dès lors, que pour un paganisme authentique, il ne saurait y avoir de “lieux saints” en opposition à des “lieux profanes” (tout comme il ne saurait y avoir, en général, d'op­position entre le profane et le sacré). Est sacré, relève de la Gottheit, de l'Un, tout lieu “mondain”, toute chose, toute région du monde en tant que ce dernier est sans cesse fondé et soutenu par la communauté du peuple. Tacite disait à propos des Germains : « Ils nomment Dieu le secret des bois ». On pourrait traduire : « Le sacré est partout où se fonde le monde de la communauté du peuple ».

Ce qui se manifeste dans la divinité, comme l'unité du monde, se manifeste partout, mais ne s'institue nulle part comme pouvoir (2). De même, la divinité n'étant aucun principe, elle n'est source également d'aucun prin­cipe, et en particulier d'aucune morale. Plutôt que d'“homme bon”, il vaudrait donc mieux, dans la perspective où nous nous plaçons, parler d'homme “bien destiné”, au sens que Heidegger a su retrouver chez les présocrati­ques. L'homme bien destiné est celui qui est “tout-un” avec le destin lui-même, c'est-à-dire avec l'Un de tous les tenants du peuple.

Il ne saurait pour nous y avoir de doute sur ce point : l'homme n'existe qu'en tant qu'homme-du-peuple. Le peuple en tant qu'unité à penser ne se définit pas par l'homme. Le peuple est ce dans quoi se trouve réalisée une unité essentielle, en même temps que le mode d'approche de cette unité. Comme “lieu” (topos) de réalisa­tion d'un passé, d'un présent et d'un “à-venir”, le peuple n'est rien qui se laisse définir par l'homme. C'est au contraire l'homme qui ne se trouve révélé comme homme que par son appartenance à un peuple. Et si l'on tient à parler de “volonté de puissance”, on doit admettre que celle-ci tient son être de l'être du peuple, et non l'inverse.

Mais qu'en est-il de l'être du peuple ? Notre formulation, loin de régler les problèmes, les fait au contraire surgir avec force. Certes, on peut conjecturer un lien fondamental avec ce que Heidegger appelle la temporalité de l'être, et qu'on peut appeler aussi tridimensionnalité du temps historique. Mais des interrogations surgissent, en particulier dès que l'on parle d'« auto-affirmation de la volonté de l'homme » ou d'« auto-affirmation de l'homme dans la volonté ».

L'image d'un homme en pamoison devant sa propre marche vers la puissance, c'est-à-dire finalement devant lui-même, est à la fois puérile et bien commune : le réalisme socialiste l'a multipliée à l'infini. Ce n'est pas sur une telle image que l'on peut fonder le sacré, bien au contraire. Le mot “auto-affirmation” signifie-t-il affir­mation de l'homme en tant que “porteur d'une volonté” ? Supposons cela. Les difficultés auxquelles on se heurte sont tout de suite insurmontables. Définir l'homme comme “sujet voulant” n'est rien d'autre qu'utiliser un mode “moderne” de la définition métaphysique de l'homme comme “animal rationnel”. Déplacer le centre de gravité de la raison vers la volonté ne change rien quant au fond (surtout si l'on pense la volonté comme projection de la raison dans un univers de pensée nominaliste). L'homme comme “animal doué de volonté” reste un fantasme métaphysique. En outre, une telle définition revient à se couper définitivement l'accès au peuple en tant que phénomène fondateur, et donc, à l'essence de la volonté comme pro-venant de celle du peu­ple. L'homme en tant que porté-par-un-peuple ne saurait donc se définir, et encore moins s'affirmer, comme “sujet voulant”. Tout au plus peut-il interpréter la volonté comme ouverture au destin du peuple et lien à son essence. Un tel homme ne dit “je” que secondairement.

Homme-du-peuple et liberté-pour fonder-un-monde

[Les métaphores heideggériennes restituent « l'appel silencieux de la terre », sol sur lequel prend pied notre liberté. Ci-dessous : gravure de Bodo Zimmermann (1902-1945)]

rohter10.jpgAllons plus loin. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, l'homme comme “animal-doué-de-volonté” ressem­ble à s'y méprendre à l'homme du nihilisme achevé, c'est-à-dire à l'homme de la technique mondiale. En effet, l'homme du nihilisme achevé se constitue comme tel en tant que, dans son “faire”, il se reconnaît lui-même comme seule réalité. “Poétiquement”, il est cet étant solitaire à qui l'existant dans son ensemble ne renvoie plus que sa propre image, tellement vidée de substance qu'elle n'est plus qu'un leurre. Poser l'homme comme “animal voulant”, après qu'il l'eut été comme “animal rationnel”, c'est-à-dire, en fin de compte, comme indi­vidu absolu, c'est s'enfermer à terme dans cette fatalité de l'homme seul parmi ses avatars. Or, si l'essence de la technique n'est rien de technique, l'essence de l'homme n'est rien d'humain. L'homme comme “animal voulant” est précisément celui qui a perdu tout lien avec le “non-humain en l'homme”, qui a totalement oublié l'être.

Nous dirons, au contraire, que le non-humain est peut-être ce en quoi résident l'essence du sacré comme celle du peuple. Nous prendrons alors le mot d'“auto-affirmation” dans le sens que lui donne Heidegger, en parlant, par ex., de « l'auto-affirmation de l'université allemande » (die Selbstbehauptung der deutschen Universi­tät). Ce sens est celui d'un retour à l'essence ou, pour employer un vocabulaire plus expressif, d'une compré­hension et d'une explicitation (d'un déploiement) de ce qui appartient en propre à l'homme, de son essentiellement­ possible. La possibilité essentielle de l'homme, dit Heidegger, est sa liberté. Cette liberté est liberté-pour-fonder­-un-monde, c'est-à-dire — si l'on considère les textes que Heidegger a pu écrire “en situation” — liberté que l'homme en tant que porté-par-un-peuple reçoit de la pro-venance, du destin du peuple. La liberté humaine est liberté pour la fidélité à ce destin. Dès lors, la volonté peut être sortie du cadre métaphysique. Il suffit de la penser comme résolution de soi dans le déploiement du destin d'un peuple.

Cette définition peut être difficile à recevoir en tant que notion à penser. Nous sommes, de toute évidence, encore trop conditionnés à penser la volonté comme l'attribut d'un ego absolu. Que dans une pensée radicale­ment différente de la volonté, l'ego doive se dissoudre (au moins en apparence) dans ce qui ne saurait se rame­ner à aucun “je”, le destin d'un peuple, voilà qui ne peut que troubler. Ceux qui, les premiers, ont reçu l'appel d'un peuple n'en ont-ils pourtant pas déjà fait l'expérience ? Le peuple dont nous relevons n'est pas en tant que présence ; il est en tant que venant. Nous ressentons son appel, et l'essence de notre action réside dans notre réponse à cet appel. Cette réponse n'est autre que l'expérience que nous faisons déjà de la liberté comme fidélité au destin d'un peuple. Chacun à un moment tragique de leur existence, Heidegger et René Char se sont retrouvés pour reconnaître que « toute grandeur est dans le départ qui oblige ». Cette simple phrase dit tout. L'engagement est fidélité résolue au destin du peuple qui nous appelle en tant qu'“à-venir”.

Quels sont les rapports existant entre le sacré et l'auto-affirmation telle que nous la concevons ? Plus précisé­ment, quelle expérience du sacré avons-nous en tant que nous manifestons cette auto-affirmation ? Répondre à cette question, ce n'est pas dire ce qu'est le sacré aujourd'hui, tâche peut-être impossible, mais dire où il est. Panta : en : voilà Héraclite et voilà où est le sacré. Gott ist in mir das Feuer, ich bin ihm der Schein (Dieu est en moi le feu, je suis en lui l'éclat lumineux) : voilà Silesius et voilà où est le sacré. L'intuition que nous avons du sacré est qu'il réside dans une unité essentielle, et que c'est dans sa lumière que se déploie cette unité. Les textes sacrés indo-européens ne disent pas autre chose : ils disent la lumière dans laquelle un peuple se maintient en tant que peuple, c'est-à-dire la lumière dans laquelle se fait l'unité d'un monde. (Ainsi dans les Védas, où le sacrifice est pris comme acte de soutien du monde).

Que le sacré puisse ou non se passer de dieux, c'est là une question qui vient trop tard ou trop tôt. Quand un dieu est reconnu comme figure, c'est qu'il a déjà cessé d'être en tant que dieu. Qu'est-ce donc qu'un dieu ? Voilà une interrogation face à laquelle la prudence s'impose. Lorsque Friedrich Georg Jünger évoque Apollon [in : Nouvelle école n°35, 1979], il parle d'un dieu qui n'est rien d'humain, qui ne symbolise en aucune façon quelque chose d'humain. Le seul Apollon dont il a voulu s'approcher est celui dont les Grecs de la haute époque avaient l'expérience, qui aussi le seul qui puisse nous concerner. Tout questionnement sur la “réalité effective” du dieu, questionnement nécessairement métaphysique, car refusant d'emblée de prendre en compte ce par quoi le dieu se tourne vers les hommes pour mieux pouvoir le mesurer à un seul critère d'existence “objective”, nous semble oiseux. Reli­sons ce texte. Apollon y est délivré comme énigme. Cette énigme n'a rien à voir avec les mystères des religions révélées ; elle ne contient ni n'inspire aucun credo, et même elle rejette tout credo comme lui étant essentielle­ment étranger. Mais elle n'en a pas moins ce caractère incontournable d'inconnu, où Heidegger a cru retrouver le signe premier de la divinité. Quelle est donc l'énigme qui a nom “Apollon” ? Elle n'est pas tel ou tel carac­tère, tel ou tel attribut, telle ou telle apparence du dieu. L'énigme est l'unité des aspects du dieu, le rassemble­ment de ses aspects, de ses Scheinen, de ses “apparaître” au sein d'un même. Cette unité est le divin dans Apol­lon, et la divinité elle-même.

L'unité qui a pour nom “peuple” est aussi un tel mode d'approche de la divinité. Plus précisément, elle est à la fois le mode par lequel la divinité s'approche de l'homme dans le peuple, et le chemin par lequel l'homme en tant que porté-par-un-peuple s'approche de la divinité. Cette unité — qu'encore une fois il serait absurde de penser comme « unité d'un ensemble » — est le non-humain en l'homme. On pourrait alors reprendre, en la modifiant à peine, la sentence de Silesius : Das Volk ist in mir das Feuer, ich bin in ihm der Schein. Considé­rant le mot Schein dans le sens du grec phainestai, sa signification deviendrait la suivante : « Le peuple est en moi le feu, la flamme » (il est ce qui m'anime, me fait moi, me donne accès à mon essence, ce en quoi j'ai liberté de m'affirmer en tant que l'homme que je dois être), « Je suis en lui l'éclat de l'apparaître » (en tant qu'homme, je suis un aspect, un mode de l'apparaître du peuple, et ceci, en moi, est l'énigme et aussi, peut-être d'abord, le sacré).

On dira encore : quel rapport y-a-t-il entre l'expérience que nous faisons du sacré dans la “nature”, face à (et dans nos rapports avec) l'existant dans son ensemble, et l'unité ? Cette question est assez vaine. Car où donc se réalise l'unité du monde sinon dans une perception de l'existant dans son ensemble, qui, est, comme le dit Heidegger, une “prise en garde” ? Il nous faut en fait réapprendre à penser le monde comme destin, et dépasser autant qu'il est possible la perception comme “activité d'un sujet”. Tant que l'homme demeure en son essence, le monde n'est jamais un “dehors” auquel l'homme aurait accès en tant que sujet. L'homme ne voit le monde en tant que monde qu'autant qu'il est lui-même l'apparaître d'un peuple. Unité du peuple et unité du monde sont deux modes d'un même.

Nous autres aussi, bien que vivant en une époque où règne en maître la perception “objective” propre à l'indi­vidu (c'est-à-dire à ce que Heidegger appelait le « semi-homme »), nous faisons cette expérience. Si nous trou­vons du sacré dans la “nature”, c'est que nous la voyons, non en tant qu'individus, non en “sujets-voulants­-décidant-de-l'investir”, mais en hommes portés-par-un-peuple, le peuple européen, qui, rassemblé sur son essence (le “passé”), nous enjoint par son appel de le faire-venir à une nouvelle présence. Si la “nature”, pour nous, contient du sacré, ce n'est pas parce que nous y en avons mis, et pas non plus parce qu'elle nous renverrait l'image, au moins potentielle, de notre propre “volonté de puissance”, mais bien parce qu'un peuple est encore quelque peu en nous le « feu », même si nous n'en sommes encore que confusément l'« éclat ». Et c'est ce « feu » (das Feuer), constitutif de notre identité essentielle, de notre « hespérialité », qui est ce en quoi se dépose notre perception du monde, et donc aussi ce par quoi se réalise l'unité de notre monde.

Matin passé et matin venant sont les mêmes

cabane10.jpgQue le sacré ait donc beaucoup à faire avec l'auto-affirmation de l'homme en tant que mode de l'apparaître d'un peuple, c'est ce que l'on ne saurait nier. Unité du monde, unité du peuple : le même. Le même, mais pas « la même chose » — et, sur ce point, nous renverrons à ce que Heidegger a pu écrire dans le texte, essentiel, intitulé Identité et différence. En tant que le même, unité du monde et unité du peuple se trouvent dans un rapport de co-propriation, ce qui revient à dire qu'ils s'y cherchent pour y trouver ce qui est à chacun son pro­pre. Le point, le “nœud” autour duquel s'enroulent ces “deux” unités est proprement pour nous le plus proche et le plus lointain. Il est, au sens le plus profond, le lieu de venue du sacré.

Ce “nœud”, qui correspond peut-être à ce que Heidegger a interrogé sous le nom d'Ereignis, nous apparaît, à nous aussi, comme question. Il ne s'agit pas d'une question à résoudre, mais d'une question à déployer. Que signifie ce terme ? Certainement pas aligner des propositions logiques ou paralogiques. Déployer la question du lieu de venue du sacré, c'est fonder le sacré en tant que sacré, et, du même coup, le peuple en tant que peuple. Heidegger en était arrivé à dire : Ereignis ereignet ; et il ajoutait : « c'est tout ». Ce « c'est tout » ne pose pas une fin, mais ouvre un horizon, en ce sens qu'il est un ordre de « départ pour l'assaut » ; et dans ce départ, est toute grandeur. Il signifie, si l'on peut dire, laisser Ereignis ereignen, c'est-à-dire répondre à l'appel qui nous enjoint de prendre en notre garde la « croissance de ce qui est petit » — la venue d'un peuple que nous nommerons peut-être hespérial. Là et là seulement est l'auto-affirmation.

Que dire maintenant de la technique ? Pour beaucoup, aujourd'hui, la technique reste quelque chose de “méca­nique”, de “machinal” : un zu-Hand, dont l'homme aurait usage en tant que sujet, et sur lequel il pourrait agir. Une telle conception nous semble erronée. Cette apparence que prend la technique d'objet à la disposition d'un homme-sujet n'est qu'un leurre, ou plutôt un masque. (Ce qui ne veut pas dire qu'elle soit fausse, car il n'y a jamais d'apparence “fausse”). Quitte à tout décrire en termes de sujet et d'objet, c'est bien plutôt la technique qu'il faudrait considérer comme “sujet”, et l'homme désintégré du “on” qu'il faudrait voir comme “objet”. La technique n'est un outil pour le bien-être ou la puissance que pour les hommes du nihilisme achevé. En fait, elle n'est pas un outil du tout. Elle est ce qui nous enjoint de voir l'étant comme objet, et l'être comme efficience. Cette injonction se confond avec la nuit où les peuples se sont perdus eux-mêmes, et le danger — ce « désert qui croît », ainsi que Nietzsche nous en a avertis — est que, dans cette nuit de la technique mondiale, l'homme finisse par perdre tout lien avec son essence.

Relisons Nietzsche. S'il y a, aujourd'hui, un “seigneur de la terre”, c'est bien le « dernier homme » dont parle Zarathoustra, le « semi-homme » évoqué par Heidegger dans son texte sur le Service du Travail. C'est lui l'en­geance aveugle et oublieuse qui règne en maître dans la nuit de la technique mondiale. Qui règne sur quoi ? Non pas sur la terre, qui, en tant que phénomène, qu'entité ou mode du Geviert, lui est interdite, mais sur le désert.

Quel est alors le salvateur qui vient avec l'ère de la technique ? On dira : l'être, en tant que lumière du matin qui se dévoile comme telle aux hommes du soir (Jean Beaufret). C'est dire trop et pas assez. On dira encore : l'Ereignis, en tant que signalé, devancé dans notre pensée, par le Gestell. Cette réponse, identique en fait à la précédente, ne nous mène pas plus loin. Il faut rappeler, en effet, que l'expérience que l'homme de l'aurore grecque avait de l'être ne s'est déployée en un monde que pour autant que l'être a pris cet homme en tant que son Dasein, c'est-à-dire, finalement en tant que peuple. Et de même, l'Ereignis implique la conjonction de l'unité­peuple et de l'unité intérieure de l'homme en tant que liberté pour l'accomplissement du destin du peuple.

Que deviennent alors la poiésis et la téchnè ? En quoi sont-elles, identifiées comme au cœur de la technique, de l'ordre de ce qui sauve ? Sûrement pas dans le sens où nous aurions le pouvoir d'investir d'un “sens nou­veau” la production d'objets techniques. On ne peut asseoir sur la technique la tâche « destinale » de faire-venir d'un peuple. La poiésis nous regarde dans la mesure seulement où elle n'est au cœur de toute production techni­que d'objets que parce qu'elle est au cœur de tout faire-venir, de toute éclosion à la présence. Elle nous regarde d'abord en ceci que nous savons, comme on a savoir d'une évidence secrète, que vers nous s'est tourné ce qui « est encore petit », ce qui appelle à croître dans le danger. Et cela qui nous “appelle”, étant encore petit, pour qu'en son « faire-venir » nous trouvions notre liberté et notre destin, est un peuple et rien d'autre.

Le monde n'est jamais fait d'objets. Le monde est destin de l'homme en tant que Dasein, ce qui signifie : le monde est monde pour autant qu'il est demeure de l'homme, et l'homme, lui, n'est homme qu'en tant que porté-par-un-peuple. Nous ne ferons pas venir à la présence le peuple qui nous appelle en tant qu'« à-venir » en nous efforçant de donner un autre “sens” à des objets, quels qu'ils soient. Les étants ne seront rendus dispo­nibles pour un usage poiétique qu'une fois délivrés à cet usage par un peuple. Ne confondons donc pas les raci­nes et les derniers rameaux de l'arbre. C'est un peuple — nos racines — qui est à « pro-duire », et non pas une “nouvelle technique”.

Mais comment “pro-duit”-on un peuple ? On ne peut, à cet égard, qu'envisager un horizon appelé, une fois atteint, à disparaître pour céder la place à un autre. La pro-duction d'un peuple ne saurait en effet avoir de “fin”. Elle est un acte continu. Dans l'immédiat, il faut lutter par tous les moyens contre l'idée de l'homme­-sans-peuple, du « semi-homme », de cet individu moral qui peut d'autant mieux se construire un “humanisme” qu'il a oublié l'être et s'est ainsi détourné de l'essence de l'homme. Sur notre chemin, nous sommes guidés par une lumière qui, n'étant aucune lueur nocturne, ne peut être que celle du matin. Matin passé et matin venant sont pour nous les mêmes. Ma certitude la plus profonde est que nous sommes voués à ce matin.

► Patrick Simon, Nouvelle École n°37, 1982.

◘ Notes : 

(1) Cf. not. Alain de Benoist, Comment peut-on être païen ?, Albin Michel, 1981.

(2) Là réside l'erreur de ceux qui, tel Pierre Chaunu dans La mémoire et le sacré, tirent argument de la non-opposition entre sacré et profane pour affirmer, de façon plutôt légère, que le paganisme est fondamentalement théocratique.

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Genèse de la pensée unique

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Genèse de la pensée unique

par Claude BOURRINET

« Il n’y eut plus de rire pour personne. »

Procope

Polymnia Athanassiadi, professeur d’histoire ancienne à l’Université d’Athènes, spécialiste du platonisme tardif (le néoplatonisme) avait bousculé quelques certitudes, dans son ouvrage publié en 2006, « la lutte pour l’orthodoxie dans le platonisme tardif », en montrant que les structures de pensée dans l’Empire gréco-romain, dont l’aboutissement serait la suppression de toute possibilité discursive au sein de l’élite intellectuelle, étaient analogues chez les philosophes « païens » et les théologiens chrétiens. Cette osmose, à laquelle il était impossible d’échapper, se retrouve au niveau des structures politiques et administratives, avant et après Constantin. L’État « païen », selon Mme Athanassiadi, prépare l’État chrétien, et le contrôle total de la société, des corps et des esprits. C’est la thèse contenue dans une étude éditée en 2010, Vers la pensée unique. La montée de l’intolérance dans l’Antiquité tardive.

Un basculement identitaire

L’Antiquité tardive est l’un de ces concepts historiques relativement flous, que l’on adopte, parce que c’est pratique, mais qui peuvent susciter des polémiques farouches, justement parce qu’ils dissimulent des pièges heuristiques entraînant des interprétations diamétralement apposées. Nous verrons que l’un des intérêts de cette recherche est d’avoir mis au jour les engagements singulièrement contemporains qui sous tendent des analyses apparemment « scientifiques ».

La première difficulté réside dans la délimitation de la période. Le passage aurait eu lieu sous le règne de Marc Aurèle, au IIe siècle, et cette localisation temporelle ne soulève aucun désaccord. En revanche, le consensus n’existe plus si l’on porte le point d’achoppement (en oubliant la date artificielle de 476) à Mahomet, au VIIe siècle, c’est-à-dire à l’aboutissement désastreux d’une longue série d’invasions, ou aux règnes d’Haroun al-Rachid et de Charlemagne, au IXe siècle, voire jusqu’en l’An Mil. Ce qui est en jeu dans ce débat, c’est l’accent mis sur la rupture ou sur la continuité.

Le fait indubitable est néanmoins que la religion, lors de ce processus qui se déroule quand même sur plusieurs siècles, est devenue le « trait identitaire de l’individu ». L’autre constat est qu’il  s’éploie dans un monde de plus en plus globalisé – l’orbis romanus – dans un empire qui n’est plus « romain », et qui est devenu méditerranéen, voire davantage. Une révolution profonde s’y est produite, accélérées par les crises, et creusant ses mines jusqu’au cœur d’un individu de plus en plus angoissé et cherchant son salut au-delà du monde. La civilisation de la cité, qui rattachait l’esprit et le corps aux réalités sublunaires, a été remplacée par une vaste entité centralisée, dont la tête, Constantinople ou Damas, le Basileus ou le calife, un Dieu unique, contrôle tout. Tout ce qui faisait la joie de vivre, la culture, les promenades philosophiques, les spectacles, les plaisirs, est devenu tentation démoniaque. La terre semble avoir été recouverte, en même temps que par les basiliques, les minarets, les prédicateurs, les missionnaires, par un voile de mélancolie et un frisson de peur. Une voix à l’unisson soude les masses uniformisées, là où, jadis, la polyphonie des cultes et la polydoxie des sectes assuraient des parcours existentiels différenciés. Une monodoxie impérieuse, à base de théologie et de règlements tatillons, s’est substituée à la science (épistémé) du sage, en contredisant Platon pour qui la doxa, l’opinion, était la source de l’erreur.

Désormais, il ne suffit pas de « croire », si tant est qu’une telle posture religieuse ait eu sa place dans le sacré dit « païen » : il faut montrer que l’on croit. Le paradigme de l’appartenance politico-sociale est complètement transformé. La terreur théologique n’a plus de limites.

Comme le montre Polymnia Athanassiadi, cet aspect déplaisant a été, avec d’autres, occulté par une certaine historiographie, d’origine anglo-saxonne.

Contre l’histoire politiquement correcte

La notion et l’expression d’« Antiquité tardive » ont été forgées principalement pour se dégager d’un outillage sémantique légué par  les idéologies nationales et religieuses. Des Lumières au positivisme laïciste du XIXe siècle, la polémique concernait la question religieuse, le rapport avec la laïcité, le combat contre l’Église, le triomphe de la raison scientifique et technique. Le « récit » de la chute de l’Empire romain s’inspirait des grandes lignes tracées par Montesquieu et  Gibbon, et mettait l’accent sur la décadence, sur la catastrophe pour la civilisation qu’avait provoquée la perte des richesses antiques. Le christianisme pouvait, de ce fait, paraître comme un facteur dissolvant. D’un autre côté, ses apologistes, comme Chateaubriand, tout en ne niant pas le caractère violent du conflit entre le paganisme et le christianisme, ont souligné la modernité de ce dernier, et par quelles valeurs humaines il remplaçait celles de l’ancien monde, devenu obsolète.

C’est surtout contre l’interprétation de Spengler que s’est élevée la nouvelle historiographie de la fin des années Soixante. Pour le savant allemand, les civilisations subissent une évolution biologique qui les porte de la naissance à la mort, en passant par la maturité et la vieillesse. On abandonna ce schéma cyclique pour adopter la conception linéaire du temps historique, tout en insistant sur l’absence de rupture, au profit de l’idée optimiste de mutation. L’influence de Fernand Braudel, théoricien de la longue durée historique et de l’asynchronie des changements, fut déterminante.

L’école anglo-saxonne s’illustra particulièrement. Le maître en fut d’abord Peter Brown avec son World of late Antiquity : from Marcus Aurelius to Muhammad (1971). Mme Athanassiadi n’est pas tendre avec ce savant. Elle insiste par exemple sur l’absence de structure de l’ouvrage, ce qui ne serait pas grave s’il ne s’agissait d’une étude à vocation scientifique, et sur le manque de rigueur des cent trente illustrations l’accompagnant, souvent sorties de leur contexte. Quoi qu’il en soit, le gourou de la nouvelle école tardo-antique étayait une vision optimiste de cette période, perçue comme un âge d’adaptation.

Il fut suivi. En 1997, Thomas Hägg, publia la revue Symbolae Osbenses, qui privilégie une approche irénique. On vide notamment le terme le terme xenos (« étranger ») de son contenu tragique « pour le rattacher au concept d’une terre nouvelle, la kainê ktisis, ailleurs intérieur rayonnant d’espoir ». Ce n’est pas un hasard si l’inspirateur de cette historiographique révisionniste est  le savant italien Santo Mazzarino, l’un des forgerons de la notion de démocratisation de la culture.

La méthode consiste en l’occurrence à supprimer les oppositions comme celles entre l’élite et la masse,  la haute et la basse culture. D’autre part, le « saint » devient l’emblème de la nouvelle société. En renonçant à l’existence mondaine, il accède à un statut surhumain, un guide, un sauveur, un intermédiaire entre le peuple et le pouvoir, entre l’humain et le divin. Il est le symbole d’un monde qui parvient à se maîtrise, qui se délivre des entraves du passé

Polymnia Athanassiadi rappelle les influences qui ont pu marquer cette conception positive : elle a été élaborée durant une époque où la détente d’après-guerre devenait possible, où l’individualisme se répandait, avec l’hédonisme qui l’accompagne inévitablement, où le  pacifisme devient, à la fin années soixante, la pensée obligée de l’élite. De ce fait, les conflits sont minimisés.

Un peu plus tard, en 1999, un tome collectif a vu le jour : Late Antiquity. A Guide to the postclassical World. Y ont contribué P. Brown et deux autres savants princetoniens : Glen Bowersock et Oleg Grabar, pour qui le véritable héritier de l’empire romain est Haroun al-Rachid. L’espace tardo-antique est porté jusqu’à la Chine, et on met l’accent sur vie quotidienne. Il n’y a plus de hiérarchie. Les dimensions religieuse, artistique politique, profane, l’écologique, la sexuelle, les femmes, le mariage, le divorce, la nudité – mais pas les eunuques, sont placées sur le même plan. La notion de crise est absente, aucune allusion aux intégrismes n’est faite, la pauvreté grandissante n’est pas évoquée, ni la violence endémique, bref, on a une « image d’une Antiquité tardive qui correspond à une vision politiquement correcte ».

La réaction a vu le jour en Italie. Cette même année 1999, Andrea Giardina, dans un article de la revue Studi Storici, « Esplosione di tardoantico », a contesté « la vision optimiste d’une Antiquité tardive longue et paisible, multiculturelle et pluridisciplinaire ». Il a expliqué cette perception déformée par plusieurs causes :

— la rhétorique de la modernité,

— l’impérialisme linguistique de l’anglais dans le monde contemporain (« club anglo-saxon »),

— une approche méthodologique  défectueuse (lecture hâtive).

Et, finalement, il conseille de réorienter vers l’étude des institutions administratives et des structures socio-économiques.

Dans la même optique, tout en dénonçant le relativisme de l’école anglo-saxonne, Wolf Liebeschuetz, (Decline and Full of the Roman City, 2001 et 2005), analyse le passage de la cité-État à l’État universel. Il insiste sur la notion de déclin, sur la disparition du genre de vie avec institutions administratives et culturelles légués par génie hellénistique, et il s’interroge sur la continuité entre la Cité romaine et ses successeurs (Islam et Europe occidentale). Quant à Bryan Ward-Perkins, The fall of Rome and the End of Civilization, il souligne la violence des invasions barbares, s’attarde sur le trauma de la dissolution de l’Empire. Pour lui, le déclin est le résultat de la chute.

On voit que l’érudition peut cacher des questions hautement polémiques et singulièrement contemporaines. Polymnia Athanassiadi prend parti, parfois avec un mordant plaisant, mais nul n’hésitera à se rendre compte combien les caractéristiques qui ont marqué l’Antiquité tardive concernent de façon extraordinaire notre propre monde.

Polymnia Athanassiadi rappelle, en s’attardant sur la dimension politico-juridique, quelles ont été les circonstances de la victoire de la « pensée unique » (expression ô combien contemporaine !). Mais avant tout, quelle a été la force du christianisme ?

La révolution culturelle chrétienne

Le christianisme avait plusieurs atouts à sa disposition, dont certains complètement inédits dans la société païenne.

D’abord, il hérite d’une société où la violence est devenue banale, du fait de la centralisation politico-administrative, et de ce qu’on peut nommer la culture de l’amphithéâtre.

Dès le IIe siècle, en Anatolie, le martyr apparaît comme la « couronne rouge » de la sainteté octroyée par le sens donné. Les amateurs sont mus par une vertu grecque, la philotimia, l’« amour de l’honneur ». C’est le seul point commun avec l’hellénisme, car rien ne répugne plus aux esprits de l’époque que de mourir pour des convictions religieuses, dans la mesure où toutes sont acceptées comme telles. Aussi bien cette posture est-elle peu comprise, et même méprisée. L’excès rhétorique par lequel l’Église en fait la promotion en souligne la théâtralité. Marc Aurèle y voit de la déraison, et l’indice d’une opposition répréhensible à la société. Et, pour une société qui recherche la joie de vivre, cette pulsion de mort paraît bien suspecte.

Retenons donc cette aisance dans l’art de la propagande – comme chacun sait, le nombre de martyrs n’a pas été si élevé qu’on l’a prétendu – et cette attirance morbide qui peut aller jusqu’au fond des cœurs. Le culte des morts et l’adoration des reliques sont en vogue dès le IIIe siècle.

Le leitmotiv de la résurrection des corps et du jugement dernier est encore une manière d’habituer à l’idée de la mort. Le scepticisme régnant avant IIIe siècle va laisser place à une certitude que l’on trouve par exemple chez Tertullien, pour qui l’absurde est l’indice même de la vérité (De carne christi, 5).

L’irrationalisme, dont le christianisme n’est pas seul porteur, encouragé par les religions orientales, s’empare donc des esprits, et rend toute manifestation surnaturelle plausible. Il faut ajouter la croyance aux démons, partagée par tous.

Mais c’est surtout dans l’offensive, dans l’agression, que l’Église va se trouver particulièrement redoutable. En effet, de victimes, les chrétiens, après l’Édit de Milan, en 313, vont devenir des  agents de persécution. Des temples et des synagogues seront détruits, des livres brûlés.

Peut-être l’attitude qui tranche le plus avec le comportement des Anciens est-il le prosélytisme, la volonté non seulement de convertir chaque individu, mais aussi l’ensemble de la société, de façon à modeler une communauté soudée dans une unicité de conviction. Certes, les écoles philosophiques cherchaient à persuader. Mais, outre que leur zèle n’allait pas jusqu’à harceler le monde, elles représentaient des sortes d’options existentielles dans le grand marché du bonheur, dont la vocation n’était pas de conquérir le pouvoir sur les esprits. Plotin, l’un des derniers champions du rationalisme hellène, s’est élevé violemment contre cette pratique visant à arraisonner les personnes. On vivait alors de plus en plus dans la peur, dans la terreur de ne pas être sauvé. L’art de dramatiser l’enjeu, de le charger de toute la subjectivité de l’angoisse et du bon choix à faire, a rendu le christianisme particulièrement efficace. Comme le fait remarquer Mme Athanassiadi, la grande césure du moi, n’est plus entre le corps et l’âme, mais entre le moi pécheur et le moi sauvé. Le croyant est sollicité, sommé de s’engager, déchiré d’abord, avant Constantin, entre l’État et l’Église, puis de façon permanente entre la vie temporelle et la vie éternelle.

Cette tension sera attisée par la multitude d’hérésie et par les conflits doctrinaux, extrêmement violents. Les schismes entraînent excommunications, persécutions, batailles physiques. Des polémiques métaphysiques absconses toucheront les plus basses couches de la société, comme le décrit Grégoire de Nysse dans une page célèbre très amusante. Les Conciles, notamment ceux de Nicée et de Chalcédoine, seront des prétextes à l’expression la plus hyperbolique du chantage, des pressions de toutes sortes, d’agressivité et de brutalité. Tout cela, Ramsay MacMullen le décrit fort bien dans son excellent livre, Christianisme et paganisme du IVe au VIIIe siècle.

Mais c’est surtout l’arme de l’État qui va précipiter la victoire finale contre l’ancien monde. Après Constantin, et surtout avec Théodose et ses successeurs, les conversions forcées vont être la règle. À propos de  Justinien, Procope écrit : «  Dans son zèle pour réunir l’humanité entière dans une même foi quant au Christ, il faisait périr tout dissident de manière insensée » (in 118). Des lois discriminatoires seront décrétées. Même le passé est éradiqué. On efface la mémoire, on sélectionne les ouvrages, l’index des œuvres interdites est publié, Basile de Césarée (vers 360) établit une liste d’auteurs acceptables, on jette même l’anathème sur les hérétiques de l’avenir !

Construction d’une pensée unique

L’interrogation de Polemnia Athanassiadi est celle-ci : comment est-on passé de la polydoxie propre à l’univers hellénistique, à la monodoxie ? Comment un monde à l’échelle humaine est-il devenu un  monde voué à la gloire d’un Dieu unique ?

Son fil conducteur est la notion d’intolérance. Mot piégé par excellence, et qui draine pas mal de malentendus. Il n’a rien de commun par exemple avec l’acception commune qui s’impose maintenant, et dont le fondement est cette indifférence profonde pour tout ce qui est un peu grave et profond, voire cette insipide légèreté contemporaine qui fuit les tragiques conséquences de la politique ou de la foi religieuse. Serait intolérant au fond celui qui prendrait au sérieux, avec tous les refus impliqués, une option spirituelle ou existentielle, à l’exclusion d’une autre.  Rien de plus conformiste que la démocratie de masse ! Dans le domaine religieux, le paganisme était très généreux, et accueillait sans hésiter toutes les divinités qu’il lui semblait utile de reconnaître, et même davantage, dans l’ignorance où l’on était du degré de cette « utilité » et de la multiplicité des dieux. C’est pourquoi, à Rome, on rendait un culte au dieu inconnu. Les païens n’ont jamais compris ce que pouvait être un dieu « jaloux », et tout autant leur théologie que leur anthropologie les en empêchaient. En revanche, l’attitude, le comportement, le mode de vie impliquaient une adhésion ostentatoire à la communauté. Les cultes relevaient de la vie familiale, associative, ou des convictions individuelles : chacun optait pour un ou des dieux qui lui convenaient pour des raisons diverses. Pourtant les cultes publics concernant les divinités poliades ou l’empereur étaient des actes, certes, de piété, mais ne mettant en scène souvent que des magistrats ou des citoyens choisis. Ils étaient surtout des marques de patriotisme. À ce titre, ne pas y participer lorsqu’on était requis de le faire pouvait être considéré comme un signe d’incivisme, de mauvaise volonté, voire de révolte. En grec, il n’existe aucun terme pour désigner notion de tolérance religieuse. En latin, l’intolérance : intolerentia, est cette « impatience », « insolence », « impudence » que provoque la présence face à un corps étranger. Ce peut être le cas pour les païens face à ce groupe chrétien étrange, énigmatique, considéré comme répugnant, ou l’inverse, pour des chrétiens qui voient le paganisme comme l’expression d’un univers démoniaque. Toutefois, ce qui relevait des pratiques va s’instiller jusqu’au fond des cœurs, et va s’imprégner de toute la puissance subjective des convictions intimes. En effet, il serait faux de prétendre que les païens fussent ignorants de ce qu’une religion peut présenter d’intériorité. On ne s’en faisait pas gloire, contrairement au christianisme, qui exigeait une profession de foi, c’est-à-dire un témoignage motivé, authentique et sincère de son amour pour le dieu unique. Par voie de conséquence, l’absence de conviction dûment prouvée, du moins exhibée, était rédhibitoire pour les chrétiens. On ne se contentait pas de remplir son devoir particulier, mais on voulait que chacun fût sur la droite voie de la « vérité ». Le processus de diabolisation de l’autre fut donc enclenché par les progrès de la subjectivisation du lien religieux, intensifiée par la « persécution ». Au lieu d’un univers pluriel, on en eut un, uniformisé bien que profondément dualiste. La haine fut érigée en vertu théologique.

Comment l’avait décrit Pollymnia Athanassiadi dans son étude de 2006 sur l’orthodoxie à cette période, la première tâche fut de fixer le canon, et, par voie de conséquence d’identifier ceux qui s’en écartaient, à savoir les hérétiques. Cette classification s’élabora au fil du temps, d’Eusèbe de Césarée, qui procéda à une réécriture de l’Histoire en la christianisant, jusqu’à Jean Damas, en passant par l’anonyme Eulochos, puis Épiphane de Salamine.

Néanmoins, l’originalité de l’étude de 2010 consacrée à l’évolution de la société tardo-antique vers la « pensée unique » provient de la mise en parallèle de la politique religieuse menée par l’empire à partir du IIIe siècle avec celle qui prévalut à partir de Constantin. Mme Athanassiadi souligne l’antériorité de l’empire « païen » dans l’installation d’une théocratie, d’une religion d’État. En fait, selon elle, il existe une logique historique liant Dèce, Aurélien, Constantin, Constance, Julien, puis Théodose et Justinien.

L’édit de Dèce, en 250, est motivé par une crise qui faillit anéantir l’Empire. La pax deorum semblait nécessaire pour restaurer l’État. Aussi fut-il décrété que tous les citoyens (dont le nombre fut élargi à l’ensemble des hommes libres en 212 par Caracalla), sauf les Juifs, devaient offrir un sacrifice aux dieux, afin de rétablir l’unité de foi, le consensus omnium.

Deux autres persécutions eurent lieu, dont les plus notoires furent celles en 257 de Valérien, en 303 de Dioclétien, et en 312, en Orient, de Maximin.

Entre temps, Aurélien (270 – 275) conçut une sorte de pyramide théocratique, à base polythéiste, dont le sommet était occupé par la divinité solaire.

Notons que Julien, le restaurateur du paganisme d’État, est mis sur le même plan que Constantin et que ses successeurs chrétien. En voulant créer une « Église païenne », en se mêlant de théologie, en édictant des règles de piété et de moralité, en excluant épicuriens, sceptiques et cyniques, il a consolidé la cohérence théologico-autoritaire de l’Empire. Il assumait de ce fait la charge sacrale dont l’empereur était dépositaire, singulièrement la dynastie dont il était l’héritier et le continuateur. Il avait conscience d’appartenir à une famille, fondée par Claude le Gothique (268 – 270), selon lui dépositaire d’une mission de jonction entre l’ici-bas et le divin.

Néanmoins, Constantin, en 313, lorsqu’il proclama l’Édit de Milan, ne saisit probablement pas « toute la logique exclusiviste du christianisme ». Était-il en mesure de choisir ? Selon une approximation quantitative, les chrétiens étaient loin de constituer la majorité de la population. Cependant, ils présentaient des atouts non négligeables pour un État soucieux de resserrer son emprise sur la société. D’abord, son organisation ecclésiale plaquait sa logique administrative sur celle de l’empire. Elle avait un caractère universel, centralisé. De façon pragmatique, Constantin s’en servit pour tenter de mettre fin aux dissensions internes génératrices de guerre civile, notamment en comblant de privilèges la hiérarchie ecclésiastique. Un autre instrument fut utilisé par lui, en 325, à l’occasion du concile de Nicée. En ayant le dernier mot théologique, il manifesta la subordination de la religion à la politique.

Mais ce fut Théodose qui lança l’orthodoxie « comme concept et programme politique ». Constantin avait essayé de maintenir un équilibre, certes parfois de mauvaise foi, entre l’ancienne religion et la nouvelle.  Pour Théodose, désormais, tout ce qui s’oppose à la foi catholique (la vera religio), hérésie, paganisme, judaïsme, est présumé superstitio, et, de ce fait, condamné. L’appareil d’État est doublé par les évêques (« surveillants » !), la répression s’accroît. À partir de ce moment, toute critique religieuse devient crime de lèse-majesté.

Quant au code justinien, il défend toute discussion relative au dogme, mettant fin à la tradition discursive de la tradition hellénique. On élabore des dossiers de citations à l’occasion de joutes théologiques (Cyrille d’Alexandrie, Théodoret de Cyr, Léon de Rome, Sévère d’Antioche), des chaînes d’arguments (catenae) qui interdisent toute improvisation, mais qui sont sortis de leur contexte,  déformés, et, en pratique, se réduisent à de la propagande qu’on assène à l’adversaire comme des coups de massue.

La culture devient une, l’élite partage des références communes avec le peuple. Non seulement celui-ci s’entiche de métaphysique abstruse, mais les hautes classes se passionnent pour les florilèges, les vies de saints et les rumeurs les plus irrationnelles. L’humilité devant le dogme est la seule attitude intellectuelle possible.

Rares sont ceux, comme Procope de Césarée, comme les tenants de l’apophatisme (Damascius, Pseudo-Denys, Évagre le Pontique, Psellus, Pléthon), ou comme les ascètes, les ermites, et les mystiques en marge, capables de résister à la pression du groupe et de l’État.

Mise en perspective

Il faudrait sans doute nuancer l’analogie, la solution de continuité, entre l’entreprise politico-religieuse d’encadrement de la société engagée par l’État païen et celle conduite par l’État chrétien. Non que, dans les grandes lignes, ils ne soient le produit de la refonte de l’« établissement » humain initiée dès le déplacement axiologique engendré par l’émergence de l’État universel, période étudiée, à la suite de Karl Jaspers, par Marcel Gauchet, dans son ouvrage, Le désenchantement du monde. Le caractère radical de l’arraisonnement de la société par l’État, sa mobilisation permanente en même temps que la mise à contribution des forces transcendantes, étaient certes contenus dans le sens pris par l’Histoire, mais il est certain que la spécificité du christianisme, issu d’une religion née dans les interstices de l’Occident et de l’Orient, vouée à une intériorisation et à une subjectivité exacerbées, dominée par un Dieu tout puissant, infini, dont la manifestation, incarnée bureaucratiquement par un organisme omniprésent, missionnaire, agressif et aguerri, avait une dimension historique, son individualisme et son pathos déséquilibré, la béance entre le très-haut et l’ici-bas, dans laquelle pouvait s’engouffrer toutes les potentialités humaines, dont les pires, était la forme adéquate pour que s’installât un appareil particulièrement soucieux de solliciter de près les corps et les âmes dans une logique totalitaire. La question de savoir si un empire plus équilibré  eût été possible, par exemple sous une forme néoplatonicienne, n’est pas vaine, en regard des empires orientaux, qui trouvèrent un équilibre, un compromis entre les réquisits religieux, et l’expression politique légitime, entre la transcendance et l’immanence. Le néoplatonisme, trop intellectuel, trop ouvert à la recherche, finalement trop aristocratique, était démuni contre la fureur plébéienne du christianisme. L’intolérance due à l’exclusivisme dogmatique ne pouvait qu’engager l’Occident dans la voie des passions idéologiques, et dans une dynamique conflictuelle qui aboutirait à un monde moderne pourvu d’une puissance destructrice inédite.

Il faudra sans doute revenir sur ces questions. Toutefois, il n’est pas inutile de s’interroger sur ce que nous sommes devenus. De plus en plus, on s’aperçoit que, loin d’être les fils de l’Athènes du Ve siècle avant le Christ, ou de la République romaine, voire de l’Empire augustéen, nous sommes dépendants en droite ligne de cette Antiquité tardive, qui nous inocula un poison dont nous ne cessons de mourir. L’Occident se doit de plonger dans son cœur, dans son âme, pour extirper ces habitus, ces réflexes si ancrés qu’ils semblent devenus naturels, et qui l’ont conduit à cette expansion mortifère qui mine la planète. Peut-être retrouverons-nous la véritable piété, la réconciliation avec le monde et avec nous-mêmes, quand nous aurons extirpé de notre être la folie, la « mania », d’exhiber la vérité, de jeter des anathèmes, de diaboliser ce qui nous est différent, de vouloir convertir, persuader ou contraindre, d’universaliser nos croyances, d’unifier les certitudes, de militariser la pensée, de réviser l’histoire, d’enrégimenter les opinions par des lois, d’imposer à tous une « pensée unique ».

Claude Bourrinet

• Polymnia Athanassiadi, Vers la pensée unique. La montée de l’intolérance dans l’Antiquité tardive, Paris, Les Belles Lettres, 2010.


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dimanche, 18 novembre 2012

Overcoming the Bourgeois Mind & Body

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Overcoming the Bourgeois Mind & Body

By Marl Dyal and Nick Fiorello

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“I walk among these people and keep my eyes open; they have become smaller and are becoming ever smaller: but this is because of their teaching on happiness and virtue. So much kindness, so much weakness I see. So much justice and pity, so much weakness. Round, righteous, and kind they are to one another, like grains of sand are round, righteous, and kind to one another.” – Zarathustra[1]

This discussion of the relationship between bodily and conceptual vitality began with two historical topics: the “spiritual eugenics” of Fascist Italy [2] and the “proper eugenics” of Lycurgan Sparta [3]. In the former, we saw that the Fascists desired to transform weak bourgeois bodies into bodies capable of bearing the physical, moral, and intellectual weight of the Fascist revolution, thus making physiology central to Fascism. In the latter, we saw Lycurgus demand that Spartans overcome societal decadence by transforming their expectations, and ownership, of their bodies.

The Spartan example, while revealing the lengths necessary for bodily and societal transvaluations of decadent behaviors and values, demonstrated as well the power of the Greek ideal. This ideal, which maintains the interconnectedness of the mind/soul and what they do with the body, led to the simultaneous education of mind and body. Lycurgus promoted character and noble, masculine traits, while limiting avenues to elite status that did not involve the ennoblement of the mind through devotion to warfare and sacrifice for Sparta.

Even in Plutarch’s description of Lycurgan Sparta, written some 600 years after Lycurgus transformed his state and people, one sees the naturalness of the Greek ideal. For nowhere does Plutarch question the idea that ethics and character have something to do with the state of the body. Plutarch was not even surprised that Lycurgus was able to sell such a harsh regime to his people. Perhaps this is just deduction on Plutarch’s (and our own) part. Lycurgan Sparta happened. If there were casualties amongst the Spartan people – after all, moderns are culturally programed to seek out dissent when lofty and rarifying ideals are “imposed” on a people – then so be it. Greek and Roman history, to say nothing of values, have little concern for failures; but instead open up vast spaces of ennoblement and enrichment through examples of greatness – the very point of Plutarch’s Lives.

The Lycurgan view of life, with human aspirations focused on one ideal, is certainly heroic in the Homeric sense of the word; for what was ultimately to become praiseworthy in Greek thought — Platonic harmony and leisurely self-reflection — was in Sparta dismissed as decadent. Competition, strife, power, action, and worldly achievement were Olympian values shared by Lycurgus and the Homeric heroes. And it could be argued that the Spartans and Homer’s heroes are amongst a small handful of Western men who have achieved immortality – something to consider when perusing modern scientific literature motivated by a stark fear of death. While heroism and glory (kleos) are not the point of this paper, they are implicit in Lycurgus’ reforms, for the actions that guaranteed Spartan nobility culminate in them.

Our attention now turns to postmodern science, specifically New Biology and its promotion of epigenetics as a corrective to Newtonian/materialist genetics. In doing so, however, we must be clear: while Mussolini, other Fascist thinkers, and Lycurgus placed the body on the frontlines of a war between flabby decadence and hard nobility, postmodern science tends to understand what is best for the body as what is best for bourgeois man. Thus, we must read its theories and conclusions against the applications assumed by the bourgeois scientists themselves; for harshness, our goal, is not an ideal shared by New Biology, even as its methods demonstrate how transformative it might be for modern man. In other words, we no longer have the luxury and honor of being ennobled through research. In another sense, we have switched from saying Yes to saying No.

Body and Environment

willy-zielke-1933-croix.jpgAs the Zarathustra epigraph makes clear, Nietzsche understood a direct relationship between the mind, body, and environment. Although he will be discussed thoroughly in the next paper in this series, suffice it to say that Nietzsche understood the human as a series of types created in conjunction with the moral and societal needs of the various forms of human life. Modern men, as he says above, are being made weak by the soft, comfortable, and egalitarian life promised by bourgeois modernity. And while the context was different for Lycurgus, both Fascist Italy and Lycurgan Sparta shared Nietzsche’s assumption about man and society. Epigeneticist (and New Biologist) Bruce Lipton does as well, explaining succinctly that the environment exerts some control over the activity of human genes.[2]

Lipton is working in the shadow of Jean Baptiste de Lamarck, the evolutionist who believed that individual traits acquired as a result of environmental influence could be passed on transgenerationally. In fact, this basic idea of Lamarck, known as “soft inheritance,” forms the very basis of epigenetic science. While Lamarck was influential in the mid-19th Century (and again in the mid-20th Century), being read with enthusiasm by many of the leading physiologists of the day, his work was discredited amongst evolutionists after the successful publication of Darwin’s The Origin of Species in 1859. Many of Darwin’s assumptions, such as the responsibility of passed hereditary factors for controlling offspring traits, were crafted in direct contradistinction to Lamarck. And even though Darwin came to lament the lack of attention paid to environmental factors in the modification of genetic material, modern genetic science came to be dominated by the “determinism” inherent in The Origin of Species.[3]

While “genetic determinism” is given a negative connotation in a postmodernity (popularly) committed to the denial of genetic primacy – at least when racial or gender proclivities for excellence or mediocrity are advanced – in the (genetic) scientific community it has been a major control on methodologies and assumptions. Classical genetics, especially the work of Thomas Morgan and the re-discovered work of Gregor Mendel, was essentially crafted within the conceptual universe of Darwinian natural selection, seeking to identify the hereditary material believed to control organic life.

Crick and Watson believed they found that material in 1953 when they discovered DNA, even going so far as creating the Central Dogma, or primacy of DNA. The primacy of DNA provides the logic for genetic determinism, reducing organic life to a series of DNA-encoded proteins that represent the primary determinant of an organism’s traits.[4] But by the early 21st century, the Human Genome Project (henceforth HGP) cast doubt on the primacy of DNA, demonstrating that there are not enough genes to account for human complexity. While much of 20th-century science assumed a 1-to-1 ratio of genes and the proteins constructive of the human body – which would amount to roughly 120,000 genes – the HGP found instead only 25,000; leaving unaccounted 80% of the genes presumed necessary for human life and behavior.

Geneticist David Baltimore interpreted the HGP results as a call to the primacy of environment,[5] which brings us to epigenetics. Epigenetics, or “control above genetics,” offers an explanatory model capable of answering the questions raised by the HGP. Recent epigenetic research has established that DNA blueprints passed down through genes are not set in stone at birth, but instead respond to their environment. In other words, genes are not destiny.[6] Environmental influences, “including nutrition, stress, and emotion,” can modify those genes, without changing their basic blueprint.[7]

By focusing on the regulatory chromosomal proteins to which DNA strands attach themselves, epigeneticists have been able to discern the physiologic functions of chromosomes independent of DNA, suggesting a more sophisticated flow of information through human cells. Biology, according to this thinking, starts with an environmental signal, then goes to a regulatory protein and only then goes to DNA, RNA, and the end result, a protein.[8]

Because scientific research focused primarily on the DNA blueprint, the contributions to human heredity made by the environment have gone largely unnoticed.[9] These contributions manifest themselves primarily through impulses that activate hereditary diseases like cancer. Genetic predispositions, in other words, are not in themselves causes of disease. In fact, only 5% of those suffering from cancer or cardiovascular disease can attribute their affliction to heredity.[10] But if the environment can trigger disease, it can also prevent disease.

The fluidity and ultimate responsiveness of the genome to environmental factors – be they internal or external to the body – actually brings us back to Mussolini, Lycurgus, and Nietzsche. For while they were not in a position to understand the body in the terms of postmodern science, their insistence on a relationship between body and conception is scientifically justified by epigenetics – especially when we consider the physiological consequences of quantum science.

Cell, Body, and Mind

Einstein revealed that we do not live in a universe with discrete, physical objects separated by dead space. The universe is one indivisible, dynamic whole in which energy and matter are so deeply entangled that it is impossible to consider them as independent elements.

When scientists study the physical properties of atoms, such as mass and weight, they look and act like physical matter. However, when the same atoms are described in terms of voltage potentials and wavelengths, they exhibit the qualities and properties of energy waves; leading to the conclusion that energy and matter are one and the same.[11] For epigeneticists, this model of energy and matter has allowed the mind and body to be reunited, with several scientists – among them Dr. Lipton – seeking to explain how thought, as the energy of the mind, controls the body’s physiology. Lipton’s work has actually demonstrated a direct relationship between thought and the behavior of regulatory chromosomal proteins, making it possible to infer an individual’s ability to override genetic programming.

 

philosophie,corps,corporéité

Each cell is an intelligent being that can survive on its own, as scientists demonstrate when they remove individual cells from the body and grow them in a culture. Likewise, each individual cell performs the biological functions performed by each of our body’s systems. Each eukaryote (nucleus-containing cell) possesses the functional equivalent of our nervous system, digestive system, respiratory system, excretory system, endocrine system, muscle and skeletal systems, circulatory system, integument (skin), reproductive system and even a primitive immune system, which utilizes a family of antibody-like “ubiquitin” proteins.[12]

Like humans, single cells analyze thousands of stimuli from the microenvironment they inhabit. Through the analysis of this data, cells select appropriate behavioral responses to ensure their survival. Single cells are also capable of learning through these environmental experiences and are able to create memories, such as immunities, which they pass on to their offspring.[13]

Lipton believes that it is possible to explain the behavior of humans through better understanding of individual cells. And putting it simply, the human being is just a collection of trillions of cells, each of which is aware of, and responsive to, the environment – including the body’s energy. Ultimately, Lipton points to the primacy of this energy in controlling cell behavior. And, somewhat predictably given his postmodern American proclivities for ecumenicalism, he points to “perception” as a major influence on the direction and contours of bodily energy.[14]

If we believe that there is something useful in epigenetics and the results of Lipton’s cell studies, and we do, then it is certainly not the same use-value assumed by Lipton himself. As quoted above, Lipton is comfortable with the idea that the body and each of its cells can be cared for by controlling “nutrition, stress, and emotion.” However, nowhere in his work is the positive value of the bourgeois form of life questioned in this regard. Dr. Lipton (and certainly not only him) seems to assume that the normalcy of sloth, gluttony, and cultural philistinism that supplies the content of contemporary American life is of positive value to the natural human body, assuming that one properly manages these three environmental factors.

Harshness Destroys Decadence

Epigenetic research points to the fluidity of mass and energy. This fluidity gives us a scientific way of understanding the Greek ideal, as well as a scientific way of explaining what Yukio Mishima understood instinctively about the body: that without resistances, we become spiritually and bodily flaccid and docile.[15] In the spirit of Mishima’s Sun and Steel, we will leave aside “nutrition, stress, and emotion,” at least as bourgeois scientists assume them, and focus instead upon exercise and its role in creating and sustaining vitality. In so doing, we will also demonstrate the great potential of epigenetics as a tool directed against the bourgeois form of life.

Mishima’s attack on modernity was muscularly motivated. In addition to his conceptualization of heroism and the heroic life – both of which required muscles to be achieved – Mishima understood a physiological relationship between words and bodies. The former, he said, are figuratively projected onto the latter; and the body, as the natural repose of words, concepts, and (epistemic) grammatical systems, is a better gauge of a man’s “spiritual” state than his thoughts.[16] This is because the body, according to Mishima, has a closer relationship with ideas than the “spirit.”[17]

Thus, the body will conform to any ideal one holds as its goal. In the Homeric world, nobility required muscle, because heroism was the path to nobility. But taking an epistemic (or a writer’s) approach to Lycurgus’ idealization of heroism, Mishima explained that, without words, bodies would never have conformed to a Greek ideal.[18] Nonetheless, Mishima also followed Lycurgus’ path through physicality to the highest – most ideal – of consciousness. Steel, as he said, teaches what words cannot.[19]

Like Nietzsche, who also used physiological models of consciousness, Mishima’s thoughts on the body truly take flight when one moves from the individual body to the environment in which it is given meaning. Generally speaking, Nietzsche understood that human bodies would reflect the moral and ethical systems in which they lived. Mishima takes a similar approach, understanding that bodies reflect the ideals of the day (in question). Thus, while the Greeks idealized strength and courage – enough so to make these among the most valuable ideals to which a man may aspire – modernity idealizes passive judgment and resigned docility. As such, heroism is made an enemy of the people, history is stripped of singular examples, and men are taught to live in coded systems through which the possible is popularized.[20] Muscles, the basis of heroism, have no value and are resigned to extinction.[21]

In the decadent modern environment described by Mishima, fitness is not the ideal; for fitness is itself bourgeois and decadent – yet another vehicle for promoting hyper-consumption and shallow, self-congratulatory individualism. What is ideal is harshness. It is the body being transformed by resistance (steel) from flaccid and modern to tough and Classical – not for the sake of how it “looks” (even if this is important) but for the sake of the conceptual transformation that must have accompanied that of the apparent. Mishima demands that we consider how many of our conceptual tropes like cynicism and imagination are couched in a sense of physical inferiority and laziness.[22]

Unlike Nietzsche, who – to be read correctly – demands that the reader sees much of the Last Man in himself, Mishima seems more fruitful for those already initiated in the transformative affects of steel. In other words, it is hard to make sense of the transformation Mishima describes unless one has already undergone a similar transformation. Heightened awareness, or consciousness, through physical harshness is something one must experience for oneself.

But, if we briefly turn again to science, we can get a clear picture of how the body reacts to harshness. Restricting our discussion to testosterone alone, it is possible to demonstrate that the mind and body are equally transformed by harsh physical activity. Very intense and brief weight training is the most effective means of promoting large increases in testosterone levels. Testosterone is the main sex hormone in males, not only guiding the libido but also the pleasurable experience of sexual encounters. In addition to sexual functions, testosterone is critical to developing and maintaining muscle and bone mass.

However, studies of testosterone’s impact on the mind also confirm the value of physical harshness for cognition. One of these, published in 2006, demonstrated heightened visual-spatial abilities, cognition/recognition, and senses of vitality and esteem in men with high levels of testosterone (versus estrogen).[23] Chemically, these effects are caused by the impact of testosterone on the hypothalamus, the “nerve center” of hormone production and distribution, and the “command center of the emotions.”[24] Several men with whom we have discussed this paper – including Grammy-winning jazz musicians – pointed to the importance of weight training in the stimulation of creativity, clarity, and concentration.

Like so much of what we have described about the Greek ideal, there is a bidirectional relationship between using testosterone and muscularity. When the body’s muscle mass increases, its metabolic rate – whether active or at rest – increases as well. This means the body has to work harder in order to support the increased muscle. Everything else being equal, the body will utilize more fat for fuel to accomplish this supporting task. This is important because there is an inverse relationship between levels of fat and testosterone, while there is a direct relationship between levels of fat and estrogen. Thus, a high level of fat in relation to muscle mass has a detrimental effect on hormones, vitality, and conception.

Conclusion

It is not the purpose of this paper, the third of a series of four, to argue against the importance of genetics in determining the content of human lives. To the contrary, the paper seeks to explain the importance of the environment and personal behaviors to the proper and optimal functioning of human genetic material. Our hope was to use science, not to justify Nietzsche’s, Mishima’s, Lycurgus’, or Mussolini’s instinctual understanding of the body, mind, and society, but to convince contemporary men to place physiology at the center of a revolt against bourgeois modernity.

Both epigenetics and hormonal science demonstrate that the environment manipulates the body and mind. Through harshness (in this case, intense weight training) it is possible to place considerable distance between oneself and the environment of bourgeois modernity.

The bourgeois form of life creates the bodies it needs – obese, lazy, compliant machines that consume capitalist-invented foods, lifestyles, and pharmaceuticals – with the same regularity and purposefulness of Lycurgan Sparta. Where the one seeks decadence and consumption, the other sought purity and heroism. But even if we agree with Nietzsche that there must be something diminutive about modern bodies when compared to those produced by the pervasive Classical narratives of greatness, nobility, competition, and (standardized) beauty; and even if the modern body has been actively disciplined by dysgenic processes; we still share the same choice as that first generation of Spartan men: weakness or strength.

The modern bourgeois environment directs the body one way, toward softness, disease, and laziness. A revolt against that form of life must transvaluate this process. Epigenetics’ ultimate value lies not only in providing scientific data to support Counter-Enlightenment and Traditional philosophical understandings of the relationship between social-conceptual systems and the form and content of bodies, but also in making it clear that the body plays a critical role in both our enslavement to, and liberation from, bourgeois modernity.

But decadent physiology, as bad as it is, is compounded by the counter-modern belief that the content of our thoughts matches the form of our bodies. Bodily weakness was believed (by Mussolini, Lycurgus, Nietzsche, and Mishima – just to name the figures important to this series of papers) to represent both the cause and effect of conceptual and ethical weakness. Certainly, Mishima’s individualized example of distrust of ideas of the slothful, and Nietzsche’s post-Christian gaze upon the ravages of the “despisers of the body” provide breaks in the sense-making narrative of bourgeois physiological decadence. Ennoblement, as they both remind us, is naturally associated with strength.

Epigenetic science and New Biology seem content to promote bodily invigoration as a means of forestalling physiological enervation, as the mind (for them) seeks the same decadent tranquility and leisure as even the “fit” body. Instead, we are arguing that enervation is the normal state of the bourgeois mind and body and that low testosterone and vitality is a direct consequence of this form of life. What we proscribe for reaching our physiological and conceptual potential is not tranquility and leisure but pain and harshness. This series of papers will conclude with an examination of Nietzsche’s thoughts on this very idea.

Notes

[1] Friedrich Nietzsche, Thus Spoke Zarathustra, trans. Adrian Del Caro, ed. Adrian Del Caro and Robert B. Pippin (Cambridge: Cambridge University Press, 2006), 134–35.

[2] Bruce H. Lipton, Biology of Belief: Unleashing the Power of Consciousness, Matter, and Miracles (Santa Rosa, Cal.: Elite Books, 2005), 69.

[3] Charles Darwin, Charles Darwin: Life and Letters, ed. Francis Darwin (London: Murray Publishing, 1888), 206.

[4] Lipton 61.

[5] David Baltimore, “Our Genome Revealed,” Nature 409 (2001), 814–816.

[6] Paul H. Silverman, “Rethinking Genetic Determinism,” The Scientist (2004), 32–33.

[7] Lipton 63.

[8] Lipton 69.

[9] Carina Dennis, “Epigenetics and Disease: Altered States,” Nature 421 (2003), 686–88.

[10] Walter C. Willett, “Balancing Lifestyle and Genomics Research for Disease Prevention,” Science 296 (2002), 695–98.

[11] Lucia Hackermüller and Stefan Uttenthaler, “Wave Nature of Biomolecules and Fluorofullerenes,” Physical Review Letters 91(9) (2003), 41–47.

[12] Lipton 37.

[13] Lipton 38.

[14] Lipton 16–17.

[15] Yukio Mishima, Sun and Steel, trans. John Bester (Tokyo: Kodansha International, 1970), 32.

[16] Mishima 17–19.

[17] Mishima 16.

[18] Mishima 26.

[19] Mishima 28.

[20] Mishima 36–44.

[21] Mishima 26.

[22] Mishima 41.

[23] Dheeraj Kapoor, et al, “Testosterone Replacement Therapy and Diabetic Men,” European Journal of Endocrinology 154 (June 2006), 899–906.

[24] Michael Colgan, Hormonal Health (New York: Apple Publishing, 1996), 18.

 


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samedi, 17 novembre 2012

Julius Evola et la Modernité

Julius Evola et la Modernité

 

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jeudi, 15 novembre 2012

Lire Philippe Muray

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Lire Philippe Muray

dir. Alain Cresciucci

Lire Philippe Muray

En librairie le 18 Octobre 2012
ISBN 2-36371-0413
Format 125 x 195 mm
Pages 286 p.
Prix 23 €

LES ESSAIS

Philippe Muray (1945-2006), partout cité sur Internet, court, désormais, le grand risque d'être réduit à une caricature de pamphlétaire ou comique Bobo. D’où l’urgence de rétablir la vérité à son sujet : loin de se revendiquer comme critique, Muray s’est, au contraire, essayé au roman. Parce que seul le roman se saisit de la réalité vivante. Problème : le monde avait changé, la « réalité » même n’était plus qu’une fiction. Usant de divers registres, armé de connaissances jusqu'au cou, il avoue multiplier les angles de vue pour tenter de circonscrire la véritable nature de notre monde : un monde bien loin de Balzac, avec ses agents d'ambiance, ses techniciennes de surface, son obsession de la fête et surtout du Bien. C'est l'histoire du "roman" murayien que raconte Lire Muray à l'aune de son expérience picturale (La Gloire de Rubens), de sa saisie de l'Histoire entre Hegel et Braudel (Le dix-neuvième siècle à travers les âges), de son rejet de la "comédie" du monde partagée avec Céline, Baudelaire et Balzac, sans oublier sa fascination pour le phénomène d' « indifférenciation » née de la désacralisation (Entretiens avec René Girard) qui dissimule une violence sans précédent. La place de Muray dans le "débat" ou plutôt le "non débat intellectuel", l'aspect très particulier de son esprit satirique, toujours épris d'authenticité, sans oublier un glossaire de ses "concepts" phares achèveront d'éclairer le lecteur sur le "code" d'interprétation à donner à son langage et à son discours.

LES AUTEURS

 

Alain Cresciucci : Professeur émérite à l’université de Rouen, ses recherches portent sur le roman et les romanciers français contemporains : Antoine Blondin (Gallimard) ou Les désenchantés (Fayard)

François-Emmanuel Boucher : est directeur du Département d'études françaises du Collège militaire royal du Canada et doyen associé de la Division des études supérieures et de la recherche. Cofondateur du groupe Prospéro sur « Le politique du roman contemporain », il est l’auteur d’un ouvrage sur la rhétorique révolutionnaire et réactionnaire au tournant du XVIIIe siècle : Les révélations humaines.

Jérôme Couillerot : Doctorant en philosophie du droit à Paris II-Assas (Institut Michel Villey).

Laurent de Sutter : FWO Senior Researcher en théorie du droit à la Vrije Universiteit Brussel. Enseignant aux Facultés Universitaires Saint-Louis. Auteur de (Pornostars – Fragments d’une métaphysique du X De l’indifférence à la politique, PUF ; Deleuze – La pratique du droit, il dirige la collection « Travaux Pratiques » aux P. U. F.

Guillaume Gros : Historien (Framespa-Grhi, Toulouse 2) est l’auteur d’une biographie de Philippe Ariès (Presses Universitaires du Septentrion, 2008) et d’un essai sur François Mauriac (Geste éditions, 2011).

Hubert Heckmann : Ancien élève de l’ENS Ulm, il est maître de conférences à l’Université de Rouen

Alain-Jean Léonce : travaille dans le commerce équitable. Il prépare un essai sur Muray.

Isabelle Ligier-Degauque : Maître de conférences en arts du spectacle à l’Université de Nantes, elle a publié Les Tragédies de Voltaire au miroir de leurs parodies dramatiques : d’Œdipe à Tancrède, (Champion, 2007).                                                                         

LES POINTS FORTS

-Toute la vérité sur la « fausse » image de Philippe Muray, devenu auteur mondain malgré lui.

-A la recherche des sources d’inspiration cachées du grand « contemporain ».

-La naissance d’un genre romanesque hybride, tourné vers le monstrueux d’une société fictive. 

L’en­ne­mi prin­ci­pal s’ap­pelle modé­ran­tisme

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L’en­ne­mi prin­ci­pal s’ap­pelle modé­ran­tisme

par Philippe Baillet

Ex: http://www.catholica.presse.fr/

Cet ou­vrage col­lec­tif inau­gure une pro­met­teuse col­lec­tion dont les pre­miers titres se pro­posent d’ana­ly­ser, dans une pers­pec­tive plu­ri­dis­ci­pli­naire et en fai­sant lar­ge­ment appel à des au­teurs étran­gers, trois at­ti­tudes pro­duites par la si­tua­tion mi­no­ri­taire au­jourd’hui propre aux membres des re­li­gions éta­blies en Eu­rope. Outre le mo­dé­ran­tisme, sont visés le com­mu­nau­ta­risme, avec sa ten­ta­tion de la contre-​so­cié­té, et le plu­ra­lisme re­li­gieux conju­gué à l’es­prit de concur­rence.

[Note : cet ar­ticle a été pu­blié dans Ca­tho­li­ca, n.​98]

La culture du refus de l’en­ne­mi. Mo­dé­ran­tisme et re­li­gion au seuil du XXIe siècle1  : cet ou­vrage col­lec­tif inau­gure une pro­met­teuse col­lec­tion, la « Bi­blio­thèque eu­ro­péenne des idées », dont les pre­miers titres se pro­posent d’ana­ly­ser, dans une pers­pec­tive plu­ri­dis­ci­pli­naire et en fai­sant lar­ge­ment appel à des au­teurs étran­gers, trois at­ti­tudes pro­duites par la si­tua­tion mi­no­ri­taire au­jourd’hui propre aux membres des re­li­gions éta­blies en Eu­rope. Outre le mo­dé­ran­tisme, sont visés le com­mu­nau­ta­risme, avec sa ten­ta­tion de la contre-​so­cié­té, et le plu­ra­lisme re­li­gieux conju­gué à l’es­prit de concur­rence.
<br />
D’em­blée, il faut fé­li­ci­ter les res­pon­sables de cet ou­vrage d’avoir su dé­ga­ger la pro­blé­ma­tique du mo­dé­ran­tisme de la gangue de l’his­toire de la dé­mo­cra­tie chré­tienne, fran­çaise ou non, pour lui res­ti­tuer toute sa pro­fon­deur sur le long terme. Ils ma­nient aussi bien la loupe que la longue-​vue, s’in­té­res­sant à la fois au proche et au loin­tain. L’in­ti­tu­lé des trois par­ties com­po­sant l’ou­vrage (His­toire – Concepts – Pers­pec­tives) est à cet égard très par­lant et plei­ne­ment jus­ti­fié.
Au lieu de se li­mi­ter à la des­crip­tion ou à la dé­non­cia­tion des tra­duc­tions pra­tiques du mo­dé­ran­tisme dans le champ po­li­tique ou re­li­gieux, il s’est agi d’abord de mettre en re­lief un état d’es­prit, une at­ti­tude de­vant la vie, voire une phi­lo­so­phie im­pli­cite. En deçà des ava­tars po­li­tiques (Sillon, dé­mo­cra­tie chré­tienne, par­ti­ci­pa­tion à la construc­tion de l’Eu­rope) ou re­li­gieux (théo­lo­gie mo­der­niste, ins­tru­ments du com­pro­mis et de la » ré­con­ci­lia­tion »), c’est l’es­sence du mo­dé­ran­tisme et de l’iden­ti­té mo­dé­rée — dont le ca­rac­tère mou­vant, dif­fi­cile à sai­sir, n’al­tère en rien la ca­pa­ci­té de nui­sance — qui consti­tue l’objet de l’ou­vrage. En effet, « de­puis la po­li­tique mo­derne, la culture du refus de l’en­ne­mi […] a pris forme avec une fi­gure par­ti­cu­lière, celle du mo­dé­ré » (Jean-​Paul Bled, « Pré­sen­ta­tion », p. 10). La culture en ques­tion est le pro­duit de « l’es­prit tran­sac­tion­nel qui pré­vaut dans l’im­mense ma­jo­ri­té du monde ca­tho­lique » (Gilles Du­mont, « Pro­blé­ma­tiques du mo­dé­ran­tisme », p. 17), es­prit dont l’au­teur sou­ligne bien qu’il peut prendre au moins trois formes : la col­la­bo­ra­tion avec les « struc­tures de péché », au nom de l’en­trisme et des bonnes in­ten­tions vi­sant à com­battre et rec­ti­fier le mal de l’in­té­rieur ; l’op­ti­misme niais qui pré­tend sa­voir dé­cryp­ter la réa­li­té (l’en­ne­mi est bien là, et même mas­si­ve­ment, mais en fait c’est un ami qui s’ignore) ; enfin, op­tion plus sub­tile et plus rare, le quié­tisme, qui prend dans ce cas la forme du re­trait du monde dans le jar­din de l’in­té­rio­ri­té, l’aban­don à la Pro­vi­dence étant censé pal­lier tout le reste.
Mais avant toute en­quête his­to­rique, c’est la ré­flexion phi­lo­so­phique qui doit dé­mon­trer en quoi le mo­dé­ran­tisme est une dé­for­ma­tion ou une ca­ri­ca­ture de la mo­dé­ra­tion ou, mieux, de cette qua­li­té émi­nente que le grec ou le latin nom­mait tem­pé­rance. Celle-​ci est étroi­te­ment as­so­ciée au sens de l’har­mo­nie et de la me­sure, non celui de M. Ho­mais, mais en tant que la tem­pé­rance « c’est la convic­tion que le seul ab­so­lu c’est l’uni­vers, conçu comme ce qui est tel que tout puisse y être conte­nu de ma­nière har­mo­nieuse sans qu’au­cune des par­ties ne puisse pa­raître en consti­tuer la fin propre et être culti­vée comme telle sans in­tem­pé­rance » (Claude Polin, « Mo­dé­ra­tion et tem­pé­rance : conti­nui­té ou an­ti­no­mie ? », p. 25). Pour l’au­teur, la tem­pé­rance n’a plus sa place dans le monde mo­derne, quand s’ef­face tou­jours plus la conscience de l’ordre du monde et du monde comme ordre, quand un pro­mé­théisme en­core très lar­ge­ment do­mi­nant mal­gré les aléas du « pro­grès » en­seigne en­core et tou­jours qu’il n’y pas d’autre ordre que celui constam­ment créé et re­créé par l’homme. Mais Claude Polin est un phi­lo­sophe qui sait aussi ob­ser­ver les ma­ni­gances de la po­li­tique. Ainsi quand il taille aux po­li­ti­ciens mo­dé­rés, en rap­pe­lant leurs deux règles de base, ce cos­tume si bien ajus­té qu’on le voit déjà sur le dos d’un cer­tain pré­sident-​vi­brion : « La pre­mière est de pré­sen­ter comme no­va­trices et ré­vo­lu­tion­naires des idées qui ne fassent peur à per­sonne, en tout cas pas au plus grand nombre, et la se­conde de se tenir aussi près que pos­sible de son concur­rent et de ses dis­cours (au point que la confu­sion de­vienne pos­sible), tout en se pré­sen­tant comme son ir­ré­duc­tible ad­ver­saire » (p. 31).
Avec Péguy, ce sont sur­tout les clercs au sens propre du terme qui font les frais de la cri­tique, par­fois très in­ci­sive, à la li­mite même de l’in­vec­tive quand l’écri­vain ca­tho­lique se moque de l’ap­pa­rence phy­sique des re­pré­sen­tants du « parti dévot », ces théo­lo­giens mo­der­nistes dont il dit : « Parce qu’ils n’ont pas le cou­rage d’être d’un des par­tis de l’homme, ils croient qu’ils sont de Dieu » (cité p. 35 par Laurent-​Ma­rie Poc­quet du Haut-​Jus­sé, « Péguy et les mo­dé­rés »). Pour Péguy, le théo­lo­gien mo­der­niste est « l’homme qui tremble. C’est l’homme dont le re­gard de­mande par­don d’avance pour Dieu ; dans les sa­lons » (ibid., cité p. 39). Bien qu’il faille se gar­der de gé­né­ra­li­ser sur la puis­sance plas­ma­trice des idées et des vi­sions du monde, force est de consta­ter que le mo­dé­ran­tisme, et tout spé­cia­le­ment le mo­dé­ran­tisme en ma­tière re­li­gieuse, pro­duit sou­vent des types hu­mains im­mé­dia­te­ment re­con­nais­sables jusque sur le plan phy­sique : mé­lange de mol­lesse et de suf­fi­sance, air com­pas­sé et plain­tif, di­gni­té et sé­rieux de com­mande sur le mode des huis­siers an­non­çant, parmi les ors de la Ré­pu­blique, l’en­trée du pré­sident de la Chambre dans la salle des séances. Que l’on songe par exemple à un Louis Schweit­zer, an­cien pré­sident-​di­rec­teur gé­né­ral de Re­nault-​Nis­san, membre de la fa­mille du cé­lèbre mé­de­cin, mu­si­co­logue et théo­lo­gien pro­tes­tant, à pré­sent à la tête de la Halde (Haute au­to­ri­té pour la lutte contre les dis­cri­mi­na­tions et pour l’éga­li­té). Il suf­fit de re­gar­der un ins­tant un per­son­nage comme ce­lui-​là, par ailleurs ri­chis­sime, pour sai­sir ce que si­gni­fie la sub­ver­sion ins­tal­lée, dans ses meubles, « fai­sant au­to­ri­té », mais se don­nant tou­jours pour équi­li­brée, im­par­tiale, au-​des­sus des pas­sions et des fac­tions. Chez ce genre de mo­dé­rés, il est évident que mo­dé­ra­tion rime avec tar­tu­fe­rie.
Tou­jours dans le cadre des tra­duc­tions his­to­riques du mo­dé­ran­tisme, l’en­quête se pour­suit par un ar­ticle (de Chris­tophe Ré­veillard) sur la par­ti­ci­pa­tion des ca­tho­liques à la construc­tion de l’Eu­rope, un autre (de Paul-​Lud­wig Wei­nacht) sur le même thème en lien avec les chré­tiens-​dé­mo­crates al­le­mands, et un troi­sième (de Mi­guel Ayuso) mon­trant com­bien, pour l’Es­pagne res­tée « dif­fé­rente » jusqu’à la fin du fran­quisme, l’eu­ro­péi­sa­tion a été sy­no­nyme de sé­cu­la­ri­sa­tion ac­cé­lé­rée. Ce sont là, en effet, au­tant d’exemples d’hé­té­ro­ge­nèse des fins : les rêves d’Eu­rope « ca­ro­lin­gienne » en­tre­te­nus par les ca­tho­liques mo­dé­rés ont dé­bou­ché sur un es­pace-​Eu­rope ou­vert à tous les vents, théâtre de tous les mé­langes, simple pré­lude au mar­ché mon­dial dé­ter­ri­to­ria­li­sé.
La par­tie la plus pro­pre­ment po­li­to­lo­gique et théo­rique de ce re­cueil ap­pa­raît, lo­gi­que­ment, comme im­pré­gnée de la leçon de Carl Schmitt, par­fois aussi de son « dis­ciple » fran­çais, Ju­lien Freund. Qu’il s’agisse du refus d’ad­mettre la pos­si­bi­li­té de l’en­ne­mi (Jerónimo Mo­li­na Cano), du refus du conflit (Teo­do­ro Klitsche de la Grange) ou en­core de l’ami ex­té­rieur et de l’en­ne­mi in­té­rieur (G. Du­mont), plu­sieurs des grands thèmes chers au maître de Plet­ten­berg re­viennent ici, avec une in­sis­tance sur l’en­ne­mi in­té­rieur et le cli­mat de guerre ci­vile lar­vée, tous deux consub­stan­tiels à la dé­mo­cra­tie mo­derne. Le der­nier au­teur cité sou­ligne la gra­vi­té en­core plus forte de la né­ga­tion de l’en­ne­mi en mi­lieu chré­tien, dans la me­sure où le refus du conflit est aussi né­ga­tion de la pré­sence agis­sante du Mal. Il in­tro­duit ainsi aux deux contri­bu­tions de na­ture théo­lo­gique, l’une (de Claude Barthe) por­tant es­sen­tiel­le­ment sur le do­maine moral, l’autre (d’Ans­gar San­to­gros­si) sur cer­taines dé­marches œcu­mé­niques comme exer­cices de mo­dé­ran­tisme.
Ap­pa­rem­ment sans lien avec le mo­dé­ran­tisme et la culture du refus de l’en­ne­mi, les contri­bu­tions de la der­nière par­tie en­tendent ou­vrir des pers­pec­tives de re­cons­truc­tion, comme s’il s’agis­sait de prendre acte de l’écrou­le­ment dé­fi­ni­tif des grandes struc­tures so­cio-​his­to­riques (Etat, na­tion, peuple) et de voir à par­tir de quoi il est pos­sible de re­bâ­tir. En fait, c’est par leur conte­nu « ra­di­cal » qu’elles gardent une re­la­tion pa­ra­doxale avec le thème do­mi­nant de l’ou­vrage. Tel est no­tam­ment le cas de la longue et ori­gi­nale contri­bu­tion de Ber­nard Wicht (« Re­belle, armée et ban­dit : le pro­ces­sus de res­tau­ra­tion de la cité »), en quête de ré­ponses chez des pen­seurs qui ont dû mé­di­ter sur des si­tua­tions de crise pro­fonde : Pla­ton, Ma­chia­vel ou en­core Ernst Jünger écri­vant son Trai­té du Re­belle six ans seule­ment après la dé­faite de l’Al­le­magne nazie. Par ailleurs, un thème au­quel Schmitt s’était in­té­res­sé, celui du ka­te­khon, « ce qui re­tient » ou « re­tarde » la venue du « mys­tère d’ini­qui­té », re­vient dans la der­nière contri­bu­tion (de Ber­nard Mar­cha­dier). Selon l’in­ter­pré­ta­tion de l’au­teur, il y a ana­lo­gie entre la Sa­gesse, la Vierge et la Cité, le mal re­te­nu étant l’ano­mie, « le dé­rè­gle­ment de toutes choses dans la cité hu­maine » (p. 130).
Quant à l’ar­ticle conclu­sif de Ber­nard Du­mont (« La po­li­tique contem­po­raine entre grands prin­cipes et lâ­che­tés »), il se ter­mine par une in­ter­ro­ga­tion sur la ca­pa­ci­té des dé­mo­cra­ties oc­ci­den­tales à ab­sor­ber in­dé­fi­ni­ment des contra­dic­tions de plus en plus criantes, y com­pris par l’en­tre­tien dé­li­bé­ré d’un « désordre éta­bli » per­met­tant au Sys­tème de se poser en ul­time re­cours et moindre mal.
Après cette pré­sen­ta­tion dé­taillée, il im­porte de faire une ré­serve de ca­rac­tère for­mel et de sug­gé­rer une piste de re­cherche, peu ex­plo­rée dans l’ou­vrage, sur les ori­gines du mo­dé­ran­tisme, en France du moins. La ré­serve porte sur le nombre de contri­bu­tions. L’ou­vrage au­rait gagné en co­hé­rence et en clar­té, évi­tant che­vau­che­ments et re­dites, avec moins de contri­bu­tions, mais plus four­nies. Il faut ce­pen­dant rap­pe­ler qu’il trans­crit les in­ter­ven­tions et cer­tains dé­bats d’un col­loque. Si l’im­pres­sion gé­né­rale qui se dé­gage est que le sujet a été abor­dé sous de nom­breuses fa­cettes, il res­te­rait à consi­dé­rer la so­cio­lo­gie des mo­dé­rés, quelle que soit l’époque où l’on peut à bon droit par­ler d’eux (de­puis la fin du XVIIIe siècle, pé­riode de leur ap­pa­ri­tion, jusqu’à la ré­cente et ac­tuelle po­li­tique d’ « ou­ver­ture » de la ma­jo­ri­té pré­si­den­tielle à de pseu­do-​op­po­sants), de même que la ques­tion d’une dé­li­mi­ta­tion confes­sion­nelle pré­cise du mo­dé­ran­tisme. Par exemple, le mo­dé­ran­tisme doit-​il être consi­dé­ré comme un phé­no­mène in­terne au ca­tho­li­cisme eu­ro­péen ou à l’en­semble du chris­tia­nisme du Vieux Conti­nent, et seule­ment ainsi ? Le terme de mo­dé­ran­tisme a-​t-​il en­core un sens lors­qu’il s’ap­plique à des choix po­li­tiques qui n’ont plus qu’un lien très lâche avec l’hé­ri­tage chris­tia­no-​ca­tho­lique de l’Eu­rope ?
Toute la dif­fi­cul­té pour cer­ner le sujet nous pa­raît venir du fait que les mo­dé­rés et le mo­dé­ran­tisme évo­luent tou­jours à la fron­tière de la so­cio­lo­gie et de la psy­cho­lo­gie. Comme l’avait bien vu Abel Bon­nard dans son livre de 1936, les mo­dé­rés sont, en France du moins, les restes de l’an­cienne so­cié­té ; so­cio­lo­gi­que­ment, ils se re­crutent assez sou­vent, à date plus ré­cente, parmi les an­ciennes élites (chez les des­cen­dants des no­tables de robe, par exemple). Mais le mo­dé­ran­tisme, lui, est un état d’es­prit, qui dé­borde de beau­coup les mi­lieux des conser­va­teurs hon­teux for­mel­le­ment ca­tho­liques. Cet état d’es­prit n’en doit pas moins avoir une his­toire, bien que celle-​ci soit dif­fi­cile à re­tra­cer. La piste de re­cherche que nous sou­met­tons, dans le sillage de Bon­nard, se li­mite à la France et consiste à sug­gé­rer que l’ori­gine des mo­dé­rés re­monte à la vie de so­cié­té au XVIIIe siècle, la­quelle, en France, « s’est si­gna­lée par une spé­cieuse ac­ti­vi­té de l’es­prit, et c’est par là qu’elle a pu être aussi fu­neste dans ses suites qu’elle était fas­ci­nante dans ses ma­ni­fes­ta­tions »2 . La brillante for­mule de Bon­nard — « La France est le pays où les dé­fauts des sa­lons sont des­cen­dus dans les rues »3  — nous pa­raît pou­voir rendre compte de plu­sieurs traits propres au phé­no­mène des mo­dé­rés et du mo­dé­ran­tisme : l’im­por­tance des in­tel­lec­tuels dans les rangs mo­dé­rés ; la sur­es­ti­ma­tion par ces mi­lieux de l’in­tel­li­gence dis­cur­sive et ra­tio­ci­na­trice, au dé­tri­ment de l’in­tui­tion in­tel­lec­tuelle im­per­son­nelle et de la force de ca­rac­tère ; la va­ni­té des mo­dé­rés, qui, comme di­sait Bon­nard, « com­plique » leur fai­blesse et la rend « très nui­sible » ; leur per­ma­nent com­plexe d’in­fé­rio­ri­té en­vers les opi­nions sub­ver­sives, en ce que celles-​ci leur pa­raissent tou­jours té­moi­gner d’une plus grande éner­gie, cette éner­gie qui leur fait tant dé­faut ; leur in­gué­ris­sable pué­ri­li­té, eux qui se laissent gui­der, sous pré­texte de briller, par « la croyance en­fan­tine que ce qu’ils ébranlent du­re­ra tou­jours »4 .
A tous ces titres et à quelques autres, mo­dé­rés et mo­dé­ran­tisme ap­pa­raissent donc, tou­jours en bor­nant la ré­flexion à la France, comme stric­te­ment in­dis­so­ciables de la pré­do­mi­nance dans notre pays de la men­ta­li­té bour­geoise et in­di­vi­dua­liste.
Au bout du compte, qu’ils soient for­mel­le­ment chré­tiens ou non, ca­tho­liques ou non, ce dont souffrent avant tout les mo­dé­rés fran­çais, c’est de ce que l’on pour­rait ap­pe­ler un « dé­fi­cit d’in­car­na­tion ». En ce sens, le mo­dé­ran­tisme, por­teur de la culture du refus de l’en­ne­mi, est bien l’en­ne­mi prin­ci­pal de toute ten­ta­tive au­then­tique de res­tau­ra­tion de la cité, puisque celle-​ci passe né­ces­sai­re­ment, comme l’a bien vu Ber­nard Wicht, par l’ap­pa­ri­tion, par la lente et si­len­cieuse af­fir­ma­tion d’une nou­velle sub­stance hu­maine, donc par une vé­ri­table ré­vo­lu­tion an­thro­po­lo­gique.

  1. . Ber­nard Du­mont, Gilles Du­mont et Chris­tophe Ré­veillard (dir.), La culture du refus de l’en­ne­mi. Mo­dé­ran­tisme et re­li­gion au seuil du XXIe siècle, Presses uni­ver­si­taires de Li­moges, Li­moges, 2007, 150 p., 20 €. []
  2. . Abel Bon­nard, Les Mo­dé­rés. Le drame du pré­sent [1936], Edi­tions des Grands Clas­siques, 1993, p. 99. []
  3. . Ibid., p. 101. []
  4. . Ibid., p. 111. []

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mercredi, 14 novembre 2012

Guerra y saber político:Clausewitz y Günter Maschke

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Guerra y saber político:
Clausewitz y Günter Maschke

Antonio Muñoz Ballesta

http://nodulo.org/

Conviene, especialmente cuando suenan tambores de guerra, no malinterpretar a Carlos Clausewitz (1780-1831), y reconocer la conclusión realista del filósofo militar prusiano, que la Guerra es la expresión o la manifestación de la Política

«George Orwell advertía en una ocasión que, en las sociedades libres, para poder controlar la opinión pública es necesaria una «buena educación», que inculque la comprensión de que hay ciertas cosas que no «estaría bien decir» –ni pensar, si la educación realmente tiene éxito–.» (Noam Chomsky en Tarragona, octubre de 1998)

A José María Laso, luchador en la paz y en la guerra

1

La inminente guerra del Imperio realmente existente en el planeta, EEUU, contra Irak, y contra otros países del llamado «Eje del mal», entre los que se encuentra, según expresión de Gabriel Albiac, el «manicomio militarizado» de Corea del Norte, y que puede provocar la primera Guerra Nuclear en la que los dos contendientes utilicen efectivamente armas atómicas –aunque en la Historia contemporánea se ha estado varias veces al borde de la misma, y no solamente en la crisis de los misiles de Cuba, sino también hace unos meses en la guerra silenciada entre Pakistán y la India–, requiere que nos dispongamos a contemplarla con las mejores armas conceptuales posibles (pidiendo, a la misma vez, a Dios, a Alá, o a Yahvè, según la religión de cada uno, que «el conflicto bélico» no nos afecte individualmente).

¿Qué mejor arma conceptual, para nosotros, que delimitar lo que sea verdaderamente la «guerra» desde el punto de vista del «saber político»?

Porque las guerras no son una «maldición divina o diabólica» a pesar de que las consecuencias en las víctimas humanas, y la destrucción que provocan, así lo sea.

Las guerras pertenecen también, como nos recuerda Clausewitz, al «ámbito de la acción humana», y aunque siempre han estado envueltas en las formas artísticas de su tiempo y han sido el ámbito en el que se han realizado avances técnicos, tecnológicos y científicos de eficaz transcendentalidad –en el sentido del materialismo filosófico– innegable para las sociedades, las guerras «no pertenecen al campo de las artes y de las ciencias», y sin embargo, no son un saber sencillo, sino al contrario, «llevar una guerra» consiste en un saber de los más complejos y racionales que existen.

En las guerras se trata de «movimientos de la voluntad aplicado... a un objeto viviente y capaz de reaccionar», y por ello, subraya Günter Maschke, para Clausewitz, la guerra (también la próxima guerra contra Irak y Corea del Norte, &c., habría que añadir) es «incertidumbre, fricción y azar» que no permite una simplificación –ni por los militares, ni por los políticos e intelectuales– de los «complejos procesos» de la guerra, presentándola de tal forma «que incluso un niño podía tener el sentimiento de ser capaz de dirigir un ejército» («militärische Kinderfreunde»). Ni admite el desarme conceptual de la Filosofía ante ella, pues estaríamos renunciando a la comprensión verdadera de una de las cuestiones más cruciales del Presente histórico. ¡Ya es hora que la Filosofía no quede al margen de la Guerra, de la Idea de «guerra»!

2

El gran ensayista y pensador de lo político y la política, Günter Maschke, ha encontrado, al respecto y recientemente{1}, una solución plausible al laberinto interpretativo de lo que realmente nos quiso decir Carlos Clausewitz (1780-1831) sobre la Idea de la «Guerra» en su obra principal De la guerra, y en concreto en su relación con la «política».

Günter Maschke, después de un preciosa, y laboriosa, labor exegética de la correspondencia y demás obras, algunas inéditas, del famoso general prusiano, ha concluido, lo que muchos siempre hemos intuido, desde hace tiempo, a saber, que:

«La Guerra es la expresión o la manifestación de la Política».

Es ésta conclusión de Maschke una tesis que acerca el pensamiento de Clausewitz al «realismo político», y lo aleja, definitivamente, de los análisis bien intencionados y humanitaristas, de ciertos filósofos, intelectuales, especialistas universitarios y periodistas, que continuamente tratan de ocultarnos o silenciarnos la verdad de la geopolítica del inicio del siglo XXI en el Mundo (los que Antonio Gramsci denominó «expertos en legitimación»).

No podía ser de otra forma ya que la realidad política internacional, y nacional, es objetiva, y es la que es, independientemente de la propaganda orwelliana que realicen los «intelectuales», los «centros de educación» y los medios de comunicación.

3

La propaganda orwelliana de EEUU, y de sus «satélites» europeos –«satélites» porque no han conseguido tener una política exterior común, ni un ejército propio–, más o menos sutil, se presenta en dos frentes.

El primero es el frente de la opinión pública y consiste en conseguir que la misma adopte el consenso «políticamente correcto» de la élite intelectual.

En este caso el «consenso» significa que la guerra contra Irak es inevitable y necesaria por parte de EEUU y sus aliados (en cambio más razones tendría Irán), independientemente de saber si realmente el Irak de 2003 ha amenazado o agredido a EEUU o a Inglaterra o a Alemania o a España, o si sabemos con certeza las consecuencias sobre la población civil que tendrán los bombardeos y la invasión de los soldados de las fuerzas terrestres (bombardeos que se vienen haciendo, por lo demás, periódicamente desde 1991, y terminación «por tierra» de la guerra del golfo de 1991, sin hacer mención de la «medida política o militar» del «embargo de medicamentos, &c.»). Pueblo irakí y kurdo que, indudablemente, no se merece el régimen político de Sadam Husein (ni de Turquía), ni la ausencia de los derechos humanos elementales, inexistencia de derechos fundamentales que, lamentablemente, se suele olvidar por los que están en contra de la guerra contra Irak, salvo la honrosa excepción de Noam Chomsky, quién siempre ha defendido los derechos humanos auténticos contra cualquier organización estatal o no, sea EEUU o se trate de otro Estado.

El segundo frente de la propaganda orwelliana se presenta en el campo de las ideas del saber político. En el análisis político interesa que no se comprenda, no ya por la opinión pública, sino tampoco por parte de los dedicados a la «ciencia política», lo que significa la realidad de la guerra y la política, pues es propio de la ideología de un determinado régimen político que su «élite intelectual» posea unas herramientas conceptuales «apropiadas» para la consecución, no de la verdad, sino de los objetivos del régimen político –que suele coincidir con los objetivos de los más ricos y poderosos del régimen y sus monopolios económicos–.

Günter Maschke, en mi opinión, contribuye con su acertado análisis o comprensión verdadera del pensamiento de Clausewitz, a no convertirnos en víctimas conceptuales de este segundo frente de la propaganda orwelliana del «eje del bien» y/o del «eje del mal».

4

Los «intelectuales humanitaristas», que están afectados, del llamado por Noam, «problema de Orwell»{2}, suelen permanecer en la «ilusión necesaria» de que la política fracasa cuando se recurre a la guerra (de que la guerra es el «fin» de la política), porque han interpretado incorrectamente la famosa frase de Clausewitz:

«La guerra es un instrumento de la política/ Der Krieg ist ein Instrument der Politik»{3}

La «ilusión» de estos intelectuales de la «intelligentsia» viene de la confusión entre «instrumento» y «objetivo» de la «verdadera política». Si consideramos la guerra como un simple instrumento del «arte de la política», y la política tiene el instrumento pacífico de la diplomacia ¿no es, por tanto, un «fracaso» de la política, el recurrir al «instrumento de la guerra»?

Planteados así las premisas o los presupuestos, habría que concluir que sí; pero ocurre que las cosas no son así, es decir, que el pensamiento de Clausewitz (ni de los más importantes y coherentes «pensadores políticos», incluido Noam Chomsky) no tiene esos presupuestos que se les atribuye falsamente. Y ello debido a que la frase de Clausewitz (ni el pensamiento de los filósofos a los que me refiero) no puede sacarse del contexto de toda su obra, incluido la correspondencia, del general prusiano (y de los autores que miren «sin prejuicios» los hechos ).

Y el «objetivo» de la «política», como sabemos, es la eutaxia de su sociedad política; y para ello el objetivo no es solamente la «paz a cualquier precio», pues ello implicaría la renuncia a su «soberanía», a su «libertad» (si, en un país, todos aceptaran ser siervos o esclavos, o vivir en la miseria y sin luchar, no habría jamás violencia o «guerras»), &c., y en el límite la renuncia, de la misma sociedad política, a su «existencia» o permanencia en el tiempo de sus planes y programas –de su prólepsis política–.

Renuncia a la existencia de la misma sociedad política, puesto que, y esto se reconoce por Clausewitz y todos los autores, la «paz» como las «guerras», no son conceptos unívocos.

La «paz», y la «guerra», puede ser de muchas formas, desde la «Pax romana» a la «Paz establecida en Versalles». Además de la existencia, quizás más realista, de un «status mixtus que no es ni guerra ni paz», por ejemplo, ¿cómo calificar la situación actual entre Marruecos y España después de la «batalla» del islote Perejil? ¿O en el futuro, entre España e Inglaterra, por el asunto del peñón de Gibraltar? ¿O en el futuro, entre España y el «País Vasco» o «Catalonia» o «Galicia»? ¿De «diplomacia» o de «guerra»?

5

En realidad la guerra es la expresión o manifestación de la política, y ella –la guerra– es como «un verdadero camaleón, pues cambia de naturaleza en cada caso concreto», aparentemente creemos que se produce la «desaparición» de la política (o del Derecho Internacional) cuando «estalla la Guerra», y en verdad no es así, pues la política y la diplomacia continúa implementando sus planes y programas, ¿para qué?, para conseguir una mayor eutaxia de la sociedad política vencedora o no, en el «tiempo de paz» posterior (así consiguió EEUU su predominio en Oriente Medio después de la Guerra Mundial II).

Pues, recordemos que las guerras terminaban con los Tratados de Paz, por lo menos hasta la Guerra Mundial I. Hoy en día, parece más bien, que estemos en un permanente «estado de guerra» mundial, en el que es imposible un «Tratado de Paz» entre los contendientes. Así las cosas en el «mundo del saber político» ¿Cómo y cuando se firmará el Tratado de Paz entre EEUU y Ben Laden? ¿Y es posible tal cosa?

Bien dice G. Maschke que Clausewitz es autor de las siguientes frases que inclinan la balanza en favor del primado de lo político sobre lo militar en el tema de la «guerra»:

«la política ha engendrado la guerra», «la política es la inteligencia... y la guerra es tan sólo el instrumento, y no al revés», «la guerra es un instrumento de la política, es pues forzoso que se impregne de su carácter » político, la guerra «es solo una parte de la política... consecuentemente, carece absolutamente de autonomía», «únicamente se pone de manifiesto –la guerra– en la acción política de gobernantes y pueblos», «no puede, jamás, disociarse de la política», «pues las líneas generales de la guerra han estado siempre determinadas por los gabinetes... es decir, si queremos expresarlo técnicamente, por una autoridad exclusivamente política y no militar», o cuando dice «ninguno de los objetivos estratégicos necesarios para una guerra puede ser establecido sin un examen de las circunstancias políticas», &c.

Ahora bien, volvamos a la Guerra contra Irak, una manifestación más (en este caso de violencia extrema «policial») de la nueva «política «del «Imperio» constituido y constituyente de la también «nueva forma de la relación-capital» –el «Capitalismo como forma Imperio», según la reciente tesis del libro de Antonio Negri y M. Hardt– e intentemos «comprender» ahora, con las «armas conceptuales tradicionales» clausewitzianas, la política del bando «occidental». Entonces, EEUU, dirigido por Bush II, se nos presenta como un «nuevo Napoleón» que reuniera en su persona política la categoría de «príncipe o soberano» al ser, a los ojos del Mundo, al mismo tiempo «cabeza civil y militar» de la «civilización». Pero otorgándole que sea la cabeza militar en el planeta, ¿quién le otorga el que sea también la «cabeza civil»?{4} –Noam Chomsky es más realista al reconocer que desde el punto de las víctimas, es indiferente que el poder que los humilla y mata se llame «Imperio» o «Imperialismo». En cambio, el poder militar y civil de Sadam Husein se nos da en toda su crueldad dictatorial, apoyada –por cierto– hasta hace once años por los mismos EEUU y Occidente, que miraban, entonces, para otro lado, cuando se cometían innumerables atentados a los derechos humanos contra su propia población irakí y kurda.

6

En verdad la guerra es la expresión de la política, y en ese orden, es decir, que la política no es la manifestación de la guerra, lo cual viene a dar la razón, no solamente al realismos político de Carl Schmitt y Julien Freund, sino también a Gustavo Bueno, pues la existencia de las sociedades políticas auténticas, de los Estados o Imperios, requiere una capa cortical que se da, entre otras causas, por la acción política partidista y eutáxica.

Se consigue así que dichos intelectuales no incidan, como deseamos todos, en su lucha y defensa por una nueva política que se exprese predominantemente en diplomacia, y no en guerras de exterminio, predominantemente «exterminio de civiles».

Estos «intelectuales» y periodistas se concentran, en cambio, en la denuncia «humanitaria»{5} de los males de la guerra (males de la guerra que por más que se han denunciado en la Historia no han dejado de producirse salvo que se ha influido de manera práctica en la política), olvidándose de luchar conceptualmente, filosóficamente, por conseguir una vuelta a la verdadera política que no se exprese en guerras nucleares generalizadas o no.

Y, en cambio, la verdadera política incluye, como nos demuestra el análisis de G. Maschke, dos partes, en su expresión, la «diplomacia» y la «guerra». Y la política de una sociedad determinada no deja de ser «verdadera política» –utilizando conceptos de la «realista» filosofía política de Gustavo Bueno– cuando se manifiesta en diplomacia o en la guerra.

No se reduce la política a la paz, y a los medios pacíficos.

Otra de las causas del error habitual, hasta ahora, en la interpretación de Clausewitz, es no percatarse del origen histórico de determinadas Ideas del saber político, y viene recogida y resaltada por G. Maschke, a saber, la trascendental importancia del cambio histórico en la concepción de la guerra, con la Revolución Francesa de 1789 y Napoleón (príncipe o soberano, y no sencillamente «dictador»), ya que se pasó del «viejo arte de la guerra» de gabinete de los Estados Absolutistas, a «los grandes alineamientos engendrados por la guerras», por la Revolución.

Gustavo Bueno ha recogido también esta modificación crucial, sin hipostatizarla, con su análisis del surgimiento de la Idea de la «Nación política» o nación canónica:

«Algunos historiadores creen poder precisar más: la primera vez en que se habría utilizado la palabra nación, como una auténtica «Idea-fuerza», en sentido político, habría tenido lugar el 20 de septiembre de 1792, cuando los soldados de Kellerman, en lugar de gritar «¡Viva el Rey!», gritaron en Valmy: «¡Viva la Nación!» Y, por cierto, la nación en esta plena significación política, surge vinculada a la idea de «Patria»: los soldados de Valmy eran patriotas, frente a los aristócratas que habían huido de Francia y trataban de movilizar a potencias extranjeras contra la Revolución.» Gustavo Bueno, España frente a Europa, Alba Editorial, Barcelona 1999, página 109.

Por ello, el realismo político, y toda la filosofía política «realista» –en cuanto sabe separar la ideología y la verdad geopolítica– que incluye, en este sentido y a mi entender, a Gustavo Bueno y a Noam Chomsky, tienen que reconocer, lo que ya dijera Clausewitz:

«Que la «guerra no es otra cosa que la prosecución de la política por otros medios»

O como dice el mismo Günter Maschke: «La tesis fundamental de Clausewitz no es que la guerra constituye un instrumento de la política, opinión de los filántropos que cultivan la ciencia militar, sino que la guerra, sea instrumento o haya dejado de serlo, es la «prosecución de la política por otros medios.» Pero Clausewitz encontró una formulación aún mejor, sin percatarse de la diferencia con la precedente. Él escribe que las guerras no son otra cosa que «expresiones de la política» (tal cita proviene del estudio, todavía inédito, «Deutsche Streitkräfte», cfr. Hahlweg en la edición citada de Vom Kriege, pág. 1235), y en otro lugar, que la guerra «no es sino una expresión de la política con otros medios».» Empresas políticas, número 1, Murcia 2002, pág. 47.

7

En conclusión, es mucho más «humano» ser «realista» en el saber político, cuando se trata de Idea tan omnipresente como la «guerra», pues se evitan más «desastres humanitarios», y se consigue más auténtica libertad y justicia, cuando superamos el «problema de Orwell» y podemos contemplar la política tal como es, es decir, como la que tiene el poder real de declarar la guerra y la paz, que van configurando, a su vez, los «cuerpos de las sociedades políticas» en sus respectivas «capas corticales». Por ello la solución de G. Maschke a las ambigüedades de la obra de Clausewitz viene a contribuir al intento serio de cambiar la política para evitar las guerras. Se trata de una lucha por la verdad, en la paz y en la «guerra».

Notas

{1} «La guerra, ¿instrumento o expresión de la política? Acotaciones a Clausewitz», traducción de J. Molina, en la revista Empresas políticas (Murcia), año I, número 1 (segundo semestre de 2002).

{2} El «problema de Orwell» es el tema central de la labor de Noam como filósofo político, y consiste en la cuestión de «cómo es posible que a estas alturas sepamos tan poco sobre la realidad social» y política de los hombres(y olvidemos tan pronto las matanzas, miserias, etc. causados por el poder estatal imperialista), disponiendo, como se dispone, de todos los datos e informaciones sobre la misma. A Orwell no se le ocultó que una «nueva clase» conseguía en gran medida que los hechos «inconvenientes» para el poder político y económico, llegasen a la opinión pública «debidamente interpretados», y para ello si era preciso cambiar el Pasado, se hacía, pues se controlaba los hechos y los conceptos del Presente. La propaganda en las sociedades «libres» se consigue sutilmente, por ejemplo por el procedimiento de fomentar el debate pero dejando unos presupuestos o premisas de los mismos sin expresarse (y sin poder ser criticadas), o discutiendo por la intelligentsia, entre sí, cuestiones periféricas, dando la impresión de verdadera oposición.

{3} Clausewitz, Vom Kriege, págs. 990-998, 19 ed., Bonn 1980.

{4} La ONU, como institución internacional con «personalidad jurídica propia», ha sido «puenteada» continuamente por EEUU, cuando le ha interesado, y sus Resoluciones incumplidas sistemáticamente, siempre y cuando no sean como la 1441, que da a entender, o no –dicen otros– que se puede utilizar la «fuerza» contra el dictador irakí.

{5} ¡Como si no fuera «humano» el análisis científico y filosófico del concepto de las guerras y sus relaciones con la política, precisamente para conseguir mejores y mayor cantidad de Tratados de Paz!

Georges ORWELL, Le Socialisme contre la modernité?

Georges ORWELL,

Le Socialisme contre la modernité?

L’idéal de l’Empire de Prométhée à Épiméthée

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L’idéal de l’Empire de Prométhée à Épiméthée

par Massimo CACCIARI

Nous reproduisons ci-dessous un texte intéressant du philosophe et homme politique italien, Massimo Cacciari, cueilli sur le site du quotidien Libération. Massimo Cacciari est l’auteur de nombreux essais et une partie de son œuvre est traduite en français. Les éditions de l’Éclat ont ainsi publié en 2011 un texte intitulé « Le Jésus de Nietzsche ».

Métapo Infos

Incontestablement, la période qui va de l’écroulement du « socialisme réel » à la nouvelle « grande crise » que nous traversons actuellement peut être définie véritablement comme une époque. Le terme Épochè indique, en effet, l’arrêt, l’interruption, mais non pas comme s’il s’agissait d’un espace vide, d’un intervalle. Il signifie, au contraire, un resserrement dans le cours du temps, une abréviation extraordinaire, dans laquelle ses caractères essentiels s’expriment comme contractés les uns sur les autres et les uns contre les autres. L’époque, de ce point de vue, n’est donc nullement un « temps long », mais le concentré de ses significations dans un spasme, qui les révèle et peut aussi, en même temps, les dissoudre. De ce même point de vue, on peut définir comme « époque » la grande guerre civile qui a anéanti la centralité politique de l’Europe entre 1914 et 1944 : trente ans seulement, à peine plus que « notre » 1989 – 2011. Dans l’époque, se précipitent évidemment des idées, des facteurs, des contradictions mûries dans le « temps long » – et c’est pourquoi il est impossible de la comprendre de manière isolée. Mais elle assume toutefois une valeur révélatrice et déploie les mêmes éléments qui étaient déjà à l’œuvre selon des dimensions et des énergies nouvelles. Alors que, précisément, toute « normalité » est arrêtée, ce qui semblait à première vue normal et facilement prévisible dans ses développements s’exprime désormais selon des formes inattendues et inquiétantes. Dans un certain sens, l’époque assume toujours une valeur « apocalyptique ». Conséquence évidente de cet état de choses : l’affirmation d’une extraordinaire porosité des mots. Leur puissance « apophantique » décroît redoutablement. Le rapport entre les mots et les choses qu’ils devraient désigner se fait dans la plus grande insécurité. Que signifient aujourd’hui les mots démocratie ? marché ? paix ? Ou encore : nous avons fait l’unité européenne – mais que signifie l’Europe ? l’Occident ? Ainsi, le terme époque résume aussi en soi sa profonde signification sceptique : toute époque authentique se révèle également en tant que doute radical sur son propre passé et ne s’ouvre au futur que de manière hasardeuse.

À la veille d’une telle « époque », les signes qui permettent de la lire restent cachés. Les temps semblent même favoriser des prévisions contraires. La veille d’une époque se caractérise par un certain bavardage sur notre capacité à « contrôler » l’avenir, tandis que l’époque qui suit semble « faite » pour démontrer la loi éternelle de l’hétérogenèse des fins. Ce fut le cas de l’anno mirabile 1989. La troisième guerre mondiale était terminée. Un seul Titan restait en scène, à la puissance inapprochable. Mais c’était un Titan qui, malgré son nom, se voulait non-violent. C’était un Prométhée bienfaiteur des misérables mortels, qui aurait travaillé et se serait volontiers sacrifié pour harmoniser et unifier leurs désaccords et leur assurer justice et bien-être. Comme Prométhée, il avait en réserve, pour nous, le don le plus précieux : la raison, le nombre, la capacité de calculer et de transformer. L’affirmation de son modèle de rationalité aurait été le fondement de la sécurité et de la paix.

Aube ou crépuscule ? L’époque rapproche les couleurs jusqu’à les confondre. Mais tous ou presque obéirent à cette Annonce, comme à l’aube d’un Nouveau Commencement. Le tragique vingtième siècle de la « tyrannie des valeurs » déclinait enfin et surgissait l’âge de la concorde entre science, technique, marché, démocratie et « droits de l’homme ». Qu’il y ait pu y avoir une symbiose inavouable entre les deux Titans (à partir d’une origine commune !) – qu’ils n’aient pu régner qu’ensemble – et que, donc, la fin de l’un ait pu représenter une menace mortelle pour l’autre – tout cela ne fut même pas suspecté. Tout au plus les traditionnels adversaires du vainqueur s’exercèrent à en dénigrer la puissance solitaire – justifiés en cela par l’indécente jubilation de ses vassaux.

L’époque qui s’est ouverte alors a fait justice de cette antiquaille, nous rappelant le célèbre dit romain : vae victoribus ! « Malheur aux vainqueurs ! » On ne remporte pas la victoire dans la guerre tant qu’on n’a pas remporté la victoire dans la paix. Prométhée pouvait-il vaincre ? Ce Titan pouvait-il mener à terme l’ordinatio ad unum, cette « aspiration à l’unité » de cette planète toujours plus étriquée et plus pauvre, pour laquelle il se sentait depuis longtemps appelé ? Certes, il représentait le courant spirituel et politique le plus fort d’Occident, la seule puissance hégémonique qui avait survécu au suicide d’Europe, profondément enracinée dans une grande culture populaire, forte de valeurs partagées. Mais là aussi résidait sa faiblesse. Sa propre puissance créait l’illusion que le monde pouvait être guidé depuis les sommets du Capitole. Il l’avait déjà été péniblement au cours des décennies précédentes à travers le foedus, l’« alliance », toujours incertaine, mais aussi toujours opérante, entre Empire d’Occident et Empire d’Orient. L’écroulement de ce dernier ébranlait de manière automatique des régions tout entières, stratégiques d’un point de vue géopolitique et sur lesquelles le vainqueur n’avait quasiment aucune prise : il « libérait » des énergies auparavant contrôlées de quelque manière et contraintes à jouer toujours, en tout cas à l’intérieur de la « guerre mondiale »; il brisait le conflit, en le rendant illisible pour celui qui avait été formé à calculer selon les paramètres « universalistes » de cette guerre.

L’époque a mis à l’ordre du jour, impérieusement, l’idée d’Empire – et tout aussi impérieusement elle l’a démantelée. Voici un exemple éclatant de cette morsure du temps qu’une époque représente. L’occasion impériale s’avérait presque comme nécessaire à la proclamation de la victoire. Les vassaux européens suivaient, en applaudissant, son char. Mais les adversaires en faisaient tout autant. Aucune apologie de l’Empire ne fut plus convaincante, concernant le destin qu’il aurait dû représenter, que les critiques de ses détracteurs. Mais Prométhée n’est pas intrinsèquement capable d’Empire. Il ne sait pas le concevoir ex nationibus; il n’a aucune idée du pluralisme (idéologique, religieux, culturel) qui est immanent à son concept; par conséquent, il ne parvient pas à donner naissance à des formes de gouvernements authentiquement « impériales ». La guerre – que, tout au long des années 60 et 70, le vainqueur s’était déjà montré incapable de conduire efficacement en dehors des schémas de la rationalité militaire, fondés sur le concept de justus hostis – n’était que la poursuite de la faillite de la politique par d’autres moyens. L’Empire dure jusqu’au 11 septembre. Puis l’époque en consume l’écroulement.

Le 11 septembre crée l’illusion d’une relance en grandes pompes de l’idée impériale; en réalité, elle en marque la fin. Les désastreuses guerres de Bush junior en poursuivent le fantôme, tandis qu’elles essaient de masquer les causes aussi matérielles qui en décrètent la faillite.

Il s’est avéré, toujours lors de ce temps bref, dans le dialogue tout aussi bref de l’époque, que le nouvel Empire avait construit une grande partie de son hégémonie en étendant sa dette; il s’est avéré que son peuple, même en se fondant sur la foi en sa propre mission, s’est caractérisé par une épargne négative. Il s’est avéré que les politiques de l’aspirant Empire ont donné libre cours à la plus glorieuse période de dérégulation que l’histoire du capitalisme ait peut-être jamais connue et à l’écroulement de toute forme de contrôle sur les activités économiques et financières. Il s’est avéré que tout cela portait le vainqueur à dépendre tout d’abord du Japon, puis de la Chine pour le financement de sa propre dette. Il s’est avéré encore que ce financement impliquait la « reddition » à la Chine sur des questions fondamentales, comme son entrée dans l’O.M.C. en tant qu’économie de marché (sic !) et le maintien de sa monnaie à des niveaux incroyablement bas. Il s’avère maintenant que l’Empire est dans une situation de « souveraineté limitée », comme n’importe quel État de la vieille Europe.

Naturellement les ressources de Prométhée sont immenses. Mais il est évident que ses velléités d’unification ont échoué. Et elles ne pouvaient qu’échouer. La présidence d’Obama enregistre et administre cet échec. Ce sera un blasphème – et ça l’est certainement – mais on ne peut s’empêcher de le penser. Qui n’a pas salué comme un nouveau lever du jour la perestroïka de Gorbatchev ? Quelqu’un s’en souvient-il ? Mais Gorbatchev était, tragiquement, uniquement, rex destruens, « roi démolisseur ». Lourd destin – mais il revient toujours à quelqu’un dans l’Histoire de devoir défaire, de n’avoir rien d’autre à faire que défaire, sans même espérer pouvoir repartir de là. Il n’y a pas de feu sans cendres. Obama : nouvelle ère, nouveau siècle, et même : nouveau millénaire. Nouveau visage à tout point de vue – comme Gorbatchev, qui ne ressemblait certes pas aux vieux staliniens, ni au typique représentant du K.G.B., comme Poutine. Obama : voici la possibilité de relancer l’idée impériale selon le fil d’Ariane des « droits de l’homme » de l’Évangile démocratique, de l’œcuménisme dialogique. Avec l’icône éternelle de J.F.K. dans le dos. Mais il semble qu’il ne lui reste qu’à « démonter » les guerres des autres, qu’à traiter avec les « maudites » agences de notation, qui, après avoir réduit en poussière tout contrôle effectif dans les années de la grande bulle, désignent maintenant, comme des censeurs sévères, les victimes imminentes à la spéculation internationale; qu’à essayer de donner une forme plausible à l’embrouillamini inextricable qui s’est formé entre économie américaine et République populaire chinoise.

Il n’y a aucun Empire à la fin de l’époque, et moins encore quelque organisation multipolaire fondée sur d’authentiques alliances. Celui qui, il y a vingt ans, semblait pouvoir aspirer à servir de « cocher » global, arrive à peine aujourd’hui à se tenir debout. Celui qui remplit aujourd’hui une fonction économique et financière clé n’est nullement en mesure d’assumer une fonction politiquement hégémonique. Le premier pourra-t-il renaître ? Le second pourra-t-il se transformer en puissance politique globale ? Les anciennes et nouvelles puissances pourront-elles donner vie à une organisation commune, à partir des « fondamentaux » financiers, économiques et commerciaux ? L’époque suspend son jugement. Les Prométhée qui croient tout prévoir ne sont que ceux qui la projettent et la préparent. Finalement, on « calcule » comment ce qui est arrivé correspond à ce qui était attendu en moindre proportion – et l’on n’ose pas faire de prévision. L’époque commence avec Prométhée, le «  prévoyant », et s’achève avec Épiméthée, « celui qui réfléchit après coup ». De la modestie de son doute et du réalisme désenchanté de ses analyses, nous pourrons peut-être tirer quelque bénéfice.

Massimo Cacciari

• Traduit de l’italien par Michel Valensi

• D’abord mis en ligne sur le site de Libération, le 30 juin 2012, puis repris par Métapo Infos, le 6 août 2012.


Article printed from Europe Maxima: http://www.europemaxima.com

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lundi, 12 novembre 2012

Il cancro del liberalismo secondo Moeller van den Bruck

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Il cancro del liberalismo secondo Moeller van den Bruck

di Luca Leonello Rimbotti

Fonte: mirorenzaglia [scheda fonte]

Che da circa tre-quattro secoli i popoli vengano giocati da un inganno assurdo e atroce è cosa nota a chiunque sia interessato alla storia come manifestazione della scienza politica applicata. Che questo inganno teso alla nazione abbia un nome e si chiami liberalismo appare evidente da oltre un secolo a tutti coloro che, davanti alla crisi sempre più chiara in cui l’Europa veniva e viene gradatamente sprofondata, si sono interrogati circa il destino che attende i popoli che si lascino irretire dalla fiaba della democrazia parlamentare. Il liberalismo come «rovina dei popoli» è un concetto utilizzato ad esempio da Moeller van den Bruck nel 1923, allorquando il piano di sovversione etica e di disintegrazione sociale ordito dal liberalismo era già evidente a chiunque avesse occhi per vedere. Interi schieramenti di alta cultura politica europea se ne resero conto in tempo, e lanciarono i loro poderosi avvertimenti. Gli Spengler o i Sombart, i Barrés o i Maurras, i Papini o i “vociani”, e dunque tutto l’ambiente vasto della Rivoluzione Conservatrice europea – da “destra” a “sinistra”: dai nazionalisti ai sindacalisti rivoluzionari, dai nazionalrivoluzionari ai nazionalbolscevici, dai fascisti ai nazionalsocialisti – avevano chiara una cosa: il liberalismo, sotto la scorza di una copertura “democratica”, è il più micidiale pericolo mai corso dalla civiltà non solo europea ma mondiale, diciamo mai corso dall’umanità, poiché nasconde una promessa di morte sociale di massa che avanza con le logiche di una inesorabile volontà di distruzione.

Moeller van den Bruck non fu che uno tra i migliori fra quanti seppero leggere con rigore e chiarezza la natura della minaccia. Novant’anni fa egli lanciò uno degli avvertimenti più crudi e veraci circa la natura dell’abisso verso il quale i popoli venivano sospinti dalla famelica volontà di corrosione di cui il liberalismo è strutturalmente animato. Qualcosa che va molto al di là delle stesse categorie politiche, che non riguarda solo la febbre economicista o il delirio usurario, ma che investe la stessa natura umana, sovvertendola. Il liberalismo come male morale, come lebbra dello spirito, come abbandono dei tratti di un umanesimo sociale in un lucido disegno di morte.

«È il distruttivo mondo ideologico di un liberalismo che, attraverso le sue soluzioni, diffonde una malattia morale nei popoli e penetra con la sua forza dominante in una nazione, decomponendola». Questa frase di Moeller, presente nel suo libro famoso intitolato Il Terzo Reich, ci dà conto della natura del contagio liberale. Esso non è solo politico o sociale, ma spirituale, anìmico, va alle viscere della mente e del cuore, e lì decompone senza posa. L’uomo liberale, soggiogato dalle logiche dell’individualismo acquisitivo, è una struttura trans-politica, è un risultato del lavoro che la macchina liberal-liberista va compiendo per lo meno dal Seicento e da quando in terra inglese si affermò la saldatura fra circuiti massonico-mercantili e puritanesimo biblista. Si tratta della sindrome visibile di una patologia che lavora negli interstizi coscienziali, fra le penombre di menti alterate dalla dis-umanizzazione della personalità, dando luogo al lucido incubo della società dei diritti: «Il liberalismo è la libertà di non avere princìpi, ma allo stesso tempo di sostenere che questi princìpi esistono». Questa asserzione di Moeller è la più potente diagnosi sul liberalismo che mai sia stata fatta da un’intelligenza europea. Facciamoci caso. Ha la portata di un aforisma nietzscheano. Essa nasconde, nella breve linearità di una frase sintetica, l’intero universo della debilitazione che va ascritta ad un disegno di snaturamento dell’uomo qual è il liberalismo. Una dottrina e una pratica che operano un vero e proprio attentato antropologico lavorando sull’uomo, destabilizzando e poi liquidando il suo arcaico onore di appartenere ad una comunità di simili tra i quali vigano amore e reciprocità. Dell’uomo animale sociale teso al suo simile il liberalismo fa una cellula afflitta da forme di egoica incontinenza sempre crescenti e che, simili al tumore, hanno nell’idea di “espansione” il loro vertice necrotico.

L’uomo liberale espande i suoi diritti e allarga il suo accesso al denaro con la logica aziendale di un procedere vorace sul mercato delle menti, egli agisce sotto la spinta di una necessità biologica, secondo istinti indotti da una rovinosa concezione dell’umano, che fa dell’interesse personale la molla prima ed unica dell’esistere. L’ignobile che diventa codice etico. Qualcosa che, nell’Antichità o nel Medioevo, sarebbe parso indegno e infame, cioè l’individuo che antepone il profitto al codice etico comunitario, sotto il trattamento dei “princìpi” liberali diventa titolo di accesso ai massimi prestigi sociali: l’uomo di successo, il ricco, il vincente. Un tale rovesciamento dei valori non riguarda solo l’uomo, ma soprattutto l’uomo associato. Investe non solo l’Io, ma soprattutto il Noi, facendolo a pezzi senza possibilità che si abbia una ricostruzione quale che sia del tessuto sociale così rozzamente e così a fondo lacerato.

L’analisi del liberalismo fatta da Moeller – che più di altri pose l’accento sugli aspetti generali, oggi diremmo “mondialisti”, di questa sinistra affermazione della disumanità – oggi attira l’attenzione di tutti coloro che ancora si pongono su posizioni antagoniste rispetto al potere mondiale liberal, proprio perché l’accento veniva da Moeller posto sul liberalismo in quanto sistema: un sistema attraverso il quale si distruggono le identità dei popoli e, su questo terreno desertificato, si erige un potere mondiale fondato sul profitto privato e sul gigantesco sfruttamento di massa. Il liberalismo ha una sostanza di progetto ultimativo. Non è una semplice dottrina politica. È una rete. È un piano mondiale ed epocale, un metodo col quale si intende chiudere la storia e liquidare le appartenenze (famiglia, nazione, etnia, cultura, civiltà), una volta per tutte.

Il liberalismo, quindi, come metodo, come prassi di un potere che non ha ideologia, né intende averla, ma ha solo un fine ultimo combaciante con una sorta di millenarismo in negativo ed invertito di segno: la «rete di intrighi estesa sul mondo» di cui parlava Moeller nel 1923 è ad esempio quella in cui ingenuamente cadde la vecchia Germania imperiale, sospinta a recitare la parte dell’imperialista aggressiva dagli stessi maggiori gestori e azionisti dell’imperialismo di rapina su scala planetaria, e così aprendo il ciclo guerresco con cui si ottenne la rovina politica dell’Europa e la sua uscita di scena come contropotere a livello globale.

Quella rete è esattamente la stessa nella quale cadono, una ad una, le nazioni al giorno d’oggi, in quella ultima fase che stiamo vivendo e in cui si assiste al passaggio finale dal liberalismo capitalista internazionale – ancora in qualche modo legato alla finzione dei “governi nazionali” – al liberalismo finanziario cosmopolita su base apertamente snazionalizzata. Moeller va oggi riletto proprio in questa chiave, come testimone diretto e di assoluto rilievo di una fase decisiva del liberalismo, già ai suoi tempi ben leggibile, nel suo passaggio da macchinazione ancora parlamentaristica e “democratica”, con vari gradi di applicazione della pantomima egualitaria, ad aperto gioco al massacro degli interessi vitali dei popoli, in nome della brutale prevalenza di quelli internazionali privati.

Moeller, con poche e illuminanti osservazioni, stilò una diagnosi del fenomeno liberale con categorie a tutt’oggi del più grande interesse. Egli seppe individuare nell’insieme delle contraddizioni del piano mondialista la natura stessa del progetto liberale: lotta contrapposta fra concentrazioni di potere divise dalle tattiche contingenti, ma unificate dalla strategia di asservimento. Un modo di procedere tipicamente massonico. Ma, attenzione: non si deve pensare alla vecchia massoneria di pensiero e di club, il metodo massonico essendo un insieme di circuiti anche in contraddizione tra di loro, ma sostenuti da un unico procedimento volto al medesimo fine. In questo, Moeller è stato un maestro come analista: «Ma il carattere ambiguo, mutevole della massoneria, la sua plasticità e quindi la sua capacità di adattarsi agli eventi» erano e sono la struttura del progetto liberale, il suo scheletro osseo, su cui si impianta l’intera operazione di sovvertimento.

«Dobbiamo inoltre considerare – continuava genialmente Moeller novant’anni, ripetiamo, novant’anni fa! – che, nel percorrere la storia della massoneria, ci si imbatte in una disgregazione di princìpi, che presuppone un uomo del tutto particolare, nel quale individuiamo la tipologia del liberale: un individuo con un cervello vacuo, debole, il quale o non è in grado di dare ordine ai propri princìpi, o si prende cura di metterli da parte. Un uomo cui non costa nessuna fatica rinunciare a tali princìpi, anzi è lieto di trarne vantaggio». Si tratta, quindi, essenzialmente di qualcosa di non-politico, anzi di a-politico e di anti-politico. La mutazione genetica dell’antropologia umana applicata dal massonismo liberale è la piattaforma su cui si erge la pratica di sbriciolamento dei legami umani. Le massonerie in competizione tra di loro – la Trilateral, il WTO, gli associazionismi ebraico-puritani, etc. – sono la maschera di un potere che nel suo fondamento è unico e unidirezionale. Questa la lettura: «La massoneria è solo una direttiva generale. Essa si rifà al liberalismo». E tutto, oggi ancora di più di ieri, è “massoneria”. Il potere mondiale è “massoneria”. Il fine agitato davanti alle masse e quello realmente perseguito dagli oligarchi liberali non sono altro che “massoneria”, esclusivamente “massoneria”. Poiché «l’appello al popolo serve alla società liberale soltanto per sentirsi autorizzata ad esercitare il proprio arbitrio. Il liberale ha utilizzato e diffuso lo slogan della democrazia per difendere i suoi privilegi servendosi delle masse». Cos’altro c’è da aggiungere? Dallo scatenamento della Prima guerra mondiale fino alle “guerre umanitarie”, fino all’Iraq, fino alla Libia di oggi o all’Iran di domani, è tutto un unico piano inclinato, un unico procedere sulla via tracciata dallo stesso, immodificato progetto “massonico” che anima il liberalismo: «Il liberalismo ha distrutto le civiltà. Ha annientato le religioni. Ha distrutto le patrie. Ha rappresentato la dissoluzione dell’umanità». Può esserci qualcosa di più da dire, rispetto a queste plastiche osservazioni espresse agli inizi degli anni Venti del Novecento da Moeller, adesso che siamo vicini agli anni Venti del Duemila?

Il segreto del progetto di rovesciamento liberale – che si è sempre servito della “patria”, del “popolo”, della “nazione” come di grimaldelli coi quali abbattere la patria, il popolo e la nazione – è il segreto stesso del male americano e del suo estendersi nel mondo con la negatività di una metastasi inarrestabile. I progettisti liberali sono gli ingegneri della dissoluzione:

La loro ultima idea è diretta alla grande Internazionale in cui vengono del tutto ignorate le differenze di lingue, di razze, di culture: si dovrebbe essere governati come un unico popolo di una famiglia fatta di fratelli selezionati dalle intelligenze di tutti i paesi, i quali assommerebbero in sé le prerogative morali del mondo nella sua globalità. Essi piegano la nazionalità a questo internazionalismo, e per fare ciò si servono anche del nazionalismo.

I liberali si servono di quella macchina infernale che è il “patriottismo costituzionale”, impiantata sul diritto acquisito per ius solii, sull’indifferenziato inglobamento nella “repubblica mondiale”: il sogno spaventoso dei massoni di vecchia data è il tappeto su cui scivola veloce la macchina della globalizzazione, che Moeller così lucidamente osservò durante quella Repubblica di Weimar, un laboratorio nel quale si fece un ottimo esercizio di prova sui metodi e i tempi con i quali si potevano ottenere ad un tempo lo sbriciolamento politico dell’Europa e l’annientamento della sua cultura differenziante e identitaria.

Oggi l’occhio dell’uomo europeo che ancora sappia sottrarsi alla rete degli inganni liberali deve di nuovo posarsi su Moeller van den Bruck come su un antesignano, un veggente e un sicuro diagnostico in cui trovare parole di risveglio. E attingere dalle sue analisi potrà significare ricostruire dalle fondamenta quella cultura politica che occorre per ingaggiare con i mondializzatori il loro stesso gioco. La lotta per la vita o per la morte, che impegna le residue energie delle avanguardie popolari ancora potenzialmente risvegliabili, passa attraverso una presa di coscienza totale del pericolo di fronte al quale si trovano i popoli e che si chiama dominio mondiale delle banche anonime e fine fisica di ogni legame dell’uomo con i suoi patrimoni di bio-storia. Una lotta con questa posta e di questa virulenza presuppone, come negli anni Venti del secolo scorso, idee radicali e una potente volontà di rivolta.


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La France intellectuelle de Jules Monnerot

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La France intellectuelle de Jules Monnerot

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«L’illusion intellectuelle par excellence est l’illusion de l’intellectuel sur lui-même.»
Jules Monnerot, Inquisitions (José Corti, 1974), p. 54.


Comment serait-il aimé, voire, tout simplement, lu et commenté, ce penseur durablement ostracisé par une élite médiatico-politique qu'il n'est plus vraiment besoin de présenter, puisque non seulement Jules Monnerot a magnifiquement analysé la faillite de son surgeon le plus réussi, l'intellectuel, mais a en outre averti qu'il n'écrivait que s'il avait quelque chose à dire (1), au rebours donc des pratiques lamentables de cette même élite dont l'essence labile réside dans le fait de parler, écrire ou, simplement, se montrer, pour ne rien dire, écrire ou même, montrer ?
Comment Jules Monnerot ne serait-il pas réduit à quelques signes extérieurs qui, dans ce qui reste encore l'un des pays les plus idéologisés de notre planète, la France, ont valeur, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, de jugement et de condamnation intellectuelle, morale et même physique, sous une forme certes plus adoucie qu'à l'époque de l'Épuration, où n'étaient point rares les exécutions ?
Rions, a contrario, de la fausse intelligence et de la fausse bravoure d'un Richard Millet (paraît-il phalangiste lors de la Guerre du Liban, ce qu'aucune preuve historique ne vient conforter) ayant pignon sur rue, voix sur les plateaux de télévision et qui, lui, vend en quantité ses essais, à vrai dire de plus en plus affligeants, et affligeants, avant tout, pour celui qui se prétend le dernier écrivain de France, d'un point de vue littéraire.
Nous avons, en fin de compte, les proscrits et les penseurs que nous méritons, tous deux d'opérette, alors qu'un écrivain de talent comme Robert Brasillach, lui, a été expédié ad infernos, en toute bonne conscience n'en doutons point, par un jury de petits juges gris pâle.
Dès lors, nous ne pouvons que comprendre le mouvement d'humeur de Jules Monnerot qui, en préambule de son analyse remarquable du phénomène de décomposition de la vie intellectuelle française, s'étonne que son nom ne se trouve, «sauf erreur, en 1969, dans aucun dictionnaire français des auteurs ou des œuvres écrites» (Avertissement au lecteur, p. 7, en italiques).
Il n'est pas davantage acquis que son nom figure dans des dictionnaires plus récents, tant paraît scandaleuse à nos penseurs la position d'un auteur comme Monnerot : il pense, et il pense justement, méchamment, et sa pensée est une critique absolue de la non-pensée de nos penseurs.
Je me contenterai ici, n'étant point ce qu'il est convenu d'appeler un analyste politique ni même un historien des idées, d'éclairer durement quelques arêtes du texte de Monnerot, sur lesquelles je souhaite que les imbéciles à la vue courte et au cerveau atrophié se coupent mauvaisement, quitte à ce que la gangrène infecte une plaie à vif et que, à défaut de leur couper la tête, d'humanistes chirurgiens les privent de leur faculté de se déplacer.
Commençons par remarquer la façon, aussi méchante que drôle, dont Monnerot caractérise la nouvelle cléricature de l'intellectuel, laquelle n'a pu voir le jour, de même que le suffrage universel, qu'au moment où le christianisme, en tant que corps politico-théologique régissant la vie politique, sociale, morale et intellectuelle française, a été contraint de relâcher son emprise formidable.
L'homme ayant on le sait horreur du vide, il a bien fallu inventer un substitut à l'Église si, selon Monnerot, la «déchristianisation illustrait dans le fait l'axiome que Saint-Simon et Auguste Comte avaient répété toute leur vie : «Un système... ne peut être remplacé par la critique qui en fait apparaître les inconvénients.» Il s'agit en effet de deux fonctions psychologiques différentes. Le catholicisme avait été élaboré par plus de dix-neuf siècles de pensée et de charité. Il laissait derrière lui un immense manque à gagner affectif. La thématique socialiste, elle-même affectivisation du marxisme (2), lui-même philosophie à dominante affective (messianique) en dépit d'une indigence certaine, devait tomber dans un avenir qui n'était pas éloigné, comme une sorte de pluie bienfaisante sur ces landes affectives désertiques où ne poussaient, de place en place, que les affligeants cactus du progrès pour demain» (p. 12).
On constate qu'un polémiste, mais pouvions-nous l'ignorer en lisant un Bernanos, un Bloy ou un Boutang, est d'abord un écrivain de panache et surtout de talent. On constate aussi qu'un Philippe Muray n'a fait que développer, sans doute sans même le savoir, ces lignes tranchantes en quelques milliers de pages, bien souvent répétitives et, n'en déplaise à Maxence Caron, trop souvent faciles.
Jules Monnerot affirme qu'il faut dater «de l'avènement du suffrage universel l'époque où les idées politiques sont pratiquement frappées d'impuissance en politique» (p. 13) puisqu'il s'agit désormais «d'extraire des idées-forces (de la pensée conservatrice comme de l'autre), des thèmes intellectuellement assez sommaires et affectivement assez motivants, pour déterminer des individus incultes (comparés aux électeurs des précédents régimes), polarisés par des appétits ou des aversions élémentaires» (ibid.), les clercs, qui depuis les années 30, depuis qu'ils se sont défroqués, comme Julien Benda l'a si bien montré, sont devenus les véritables maîtres de l'intelligence, exerçant leur nouveau pouvoir sur les masses moutonnantes de ce qui ne portait pas encore le nom d'opinion publique.
Jules Monnerot choisit, pour illustrer cette idée d'un travestissement du pouvoir intellectuel (3) la figure de Renan, honnie par tant d'écrivains qui ne lui ont jamais pardonné sa palinodie intellectuelle, morale et spirituelle : «Il changera d'habit, mais non de ton, méritant de manière équivoque la révérence d'un auditoire déchristianisé en surface, qu'il devait rassurer sourdement par des gestes de prêtre» (p. 15).
Ainsi, les «desservants du nouveau culte ne portent plus d'ornements sacerdotaux. La soutane s'allège en redingote, avant de se raccourcir en veston» (pp. 15-6).
Cette idée du travestissement de la modernité, si chère aux yeux d'écrivains tels que Léon Bloy et Georges Bernanos, est constante, dans le livre de Monnerot, par exemple lorsqu'il aborde, dans des pages assez belles, la question de l'intellectuel en littérature, cette dernière étant définie, voici qui plairait à Roberto Calasso, comme «le surnaturel lorsqu'on n'y croit plus» (4), le fait «d'y avoir cru laiss[ant] un ancien frisson; et cet art [n'étant] que la possibilité de l'évoquer» (p. 19), puisque la «fonction spécifique de l'artiste du langage, de l'homme qui agit par le mot», est de «jouer des mots avec une telle habileté qu'il leur reste (aux mots) quelque chose des pouvoirs acquis au cours de leur usage premier, quelque chose du temps où les mots renvoyaient à la mort, à la vie, à l'ordre et au désordre» (ibid.).
Le faux écrivain, disons Jean-Paul Sartre sur le roman le plus connu duquel Monnerot écrit des pages terribles (cf. pp. 95-113) (5), évoque lui, au contraire, moins un usage second des mots (qui selon Monnerot est l'essence même de la littérature, à savoir «des mouvements de la sensibilité en l'absence de la chose», p. 19), qu'un usage frauduleux de ces mots au moyen de ce que j'ai appelé un langage vicié, de plus en plus facilité par les techniques de masse (6) dont un Serge Tchakhotine, avec Le Viol des foules par la propagande politique ou un Armand Robin avec le magistral La Fausse parole, ont donné des aperçus saisissants.
Pourtant, il serait faux de penser que Jules Monerrot place l'intellectuel moderne sous la seule lumière, ô combien crue, de l'imposture. Son analyse est plus subtile puisqu'il admet que l'intellectuel, «en même temps qu'il abuse, s'abuse. C'est un «auto-abusé». Il n'a point la stature du grand trompeur. Ce n'est pas Lucifer. Ce n'est même pas Protagoras qui voulait bien parler pour tromper les autres mais dont il était exclu que, ce faisant, il se trompât lui-même» (p. 36), peut-être parce que, comme l'écrit Monnerot en utilisant une comparaison savoureuse, l'intellectuel n'a pas la stature d'un Socrate, dont «la voix porte si loin parce qu'il y a eu la cigüe. Le whisky n'a pas les mêmes vertus» (p. 35), peut-être parce que seule l'exemplarité d'une vie, son témoignage direct, ne peuvent être contrefaits, si celui «qui est exposé, qui s'expose, est toujours autre chose qu'un professeur de morale» (p. 131), peut-être parce que l'intellectuel «s'affirme un simple justificateur» car, «professeur dans la vie, il est contre-professeur sur l'estrade», le «public populaire» étant de fait la «dupe des formes et marques extérieures de la compétence (une certaine phraséologie, l'autorité de la voix, l'assurance du maintien, tous les trucs enfin que confère une longue pratique)» et cette duperie étant escomptée «par les ordonnateurs et les metteurs en scène de la représentation théâtrale» (ibid.), ces «moutons privés [étant] des lions publics», les «surenchères verbales compens[ant] les timidités de la conduite» (p. 55).
«L'histoire des intellectuels, qui selon Monnerot se ramène, certes, à une série de faillites sur les deux plans qui leurs sont propres : celui de la justesse de la pensée par rapport à elle-même et celui de la justesse de la pensée par rapport au réel» (p. 62), est développée à l'aide d'exemples précis tout au long du deuxième chapitre du livre.
Selon l'auteur, quelque chose change à partir de la Seconde Guerre mondiale : «À cette époque la figure de l'Intellectuel se fige. Les traits s'en exagèreront après la deuxième guerre (sic) mondiale, ils ne changeront pas. Nous avons déjà l'éminent fonctionnaire qui est moralement de toutes les grèves et de toutes les révoltes, postalement de toutes les insurrections. Célébrateur rituel des défaites nationales, il hurle à la mort en toute sécurité. Quelles que soient l'outrance des exhibitions sur tréteaux, l'intensité des violences pétitionnaires, pour ce «rebelle à prix fixe», tout se passera comme si, outre ses émoluments, la société qu'il vilipende par principe, lui avait reconnu, comme à l'officier la propriété de son grade, le monopole de l'épithète morale, de la phrase révolutionnaire, de l'anathème inconséquent» (p. 85).
Ce sont bien évidemment les idéologies inhumaines du communisme (7) et de l'hitlérisme, leur lutte à mort et la défaite historique de la seconde, qui vont cristalliser, jusqu'à nos jours c'est une évidence, cette posture grotesque de l'intellectuel.
Il nous faut cependant revenir aux années trente : «La chronologie (l'existence joue de ces tours à l'essence) nous indique que l'effervescence antifasciste atteint son acmé au temps même de la Iejovtchina, la grande purge de Staline, et des plus célèbres procès de Moscou : après Zinoviev, Kamenev, Radek et Boukharine, pour ne parler que d'eux. Des cent trente-quatre membres du Comité central du P.C. de l'U.R.S.S., et des suppléants qui siégeaient au XVIIe congrès (1934), cent dix furent fusillés ou disparurent... Que ces victimes trouvent des pleureuses, ou qu'elles s'en passent ! L'intellectuel a toutes ses larmes retenues !» (p. 84).
Il les verse pourtant, ses larmes, notre intellectuel, mais sur les seules victimes, certes courageuses, qui ont lutté, au nom du communisme, contre la folie nazie. Les propos de Jules Monnerot sembleront dès lors, pour le lecteur contemporain, une dangereuse révision de l'histoire officielle de France, qui on le sait est parfaitement fausse, à tout le moins scandaleusement exagérée : le communisme nous a libéré du fascisme. Ainsi, les «condamnations à mort ou à la prison portées contre des écrivains réputés pro-hitlériens, alors que les intellectuels communistes florissaient (sic) à Paris, sont des crimes judiciaires, et doublement, puisque la société semblait soudain reconnaître à l'écrivain, pour le tuer, des responsabilités qu'elle lui refusait lorsqu'il n'était question que de le faire vivre. Mais ceux des intellectuels chez qui les sympathies pour le communisme et la haine du fascisme étaient récentes, se déchargeaient sur ces boucs émissaires d'un poids de culpabilité dont, par ce sacrifice humain, ils étaient délivrés» (p. 91).
Et Jules Monnerot, dans une page remarquable, d'évoquer le mécanisme qui, depuis que le communisme est devenu, dans l'esprit des Français, une idéologie fondamentalement moins délétère que le nazisme (alors que le bilan humain du communisme se chiffre, selon les estimations les plus prudentes, en dizaines de millions de morts), rejette en enfer tout personne qui oserait contester la bonté de ce fanatisme messianique laïcisé : «L'identité de nomination a pour fin d'étendre le même sentiment hostile à deux êtres artificiellement et abusivement identifiés. En ce sens la magie – c'est bien d'opérations magiques qu'il s'agit – a des effets réels. Car si ce transfert de haine réussit (faire passer par exemple sur la dernière en date des droites les sentiments de haine déjà investis sur les «droites» précédentes [...]), ce n'est qu'une question de moyens (les «mass media» ici sont déterminants), si ce transfert réussit, il a des effets réels, il motive des actes. Si l'on a réussi à lier par conditionnement de réflexes une épithète à des conduites hostiles, l'épithète, disons, de «fasciste», et ensuite à l'accoler à tel individu, il suffira par exemple de circonstances favorables pour que l'individu soit lynché par une foule à motivations «antifascistes». La chose n'est pas sans précédents. L'usure inévitable de l'épithète «fasciste», en dépit des malédictions rituelles de ceux qui s'appellent eux-mêmes des «mandarins», a amené nos publicistes sous contrôle «intellectuel» à y substituer progressivement l'épithète «d'extrême-droite». Mais cette dernière épithète ne tient que par le mot d'ordre. Trop abstraite, elle n'est pas assez «magique». On peut crier «fasciste assassin !» pour faire lyncher un homme; avec «d'extrême-droite assassin» on n'y parviendrait pas. Et c'est ainsi que d'insuffisance en incapacité, le mauvais logicien finit par n'être plus même un bon «publicitaire». Sur la voie déclive de l'inintelligence intellectuelle, on cherche en vain une ligne d'arrêt» (p. 123).
Des lignes qui n'ont pas vraiment perdu leur terrifiante actualité et qui me font dire que Jules Monnerot, hélas, s'est trompé sur un seul point, le plus important en fin de compte de sa démonstration : «Certes, l'Intellectuel n'a pas fini de nuire. Il peut nous montrer encore combien forte est la malfaisance des faibles. Mais nous le savions déjà. L'oraison funèbre par anticipation est aussi contraire aux lois du genre qu'aux convenances elles-mêmes. Mais peut-être, en ce qui les concerne, n'en est-il pas d'autre. Tout porte à croire qu'on ne célébrera pas le centenaire des Intellectuels en 1998» (p. 136).

Notes
(1) «Le lecteur parvenu jusqu'à la fin m'a déjà excusé si, contrairement à une idée aujourd'hui reçue, mais qui pudiquement demeure informulée, je n'écris que si j'ai quelque chose à dire, et pour le dire», Jules Monnerot, La France intellectuelle (Éditions Raymond Bourgine, 1970, p. 135). Sans autre mention, toutes les italiques sont de Jules Monnerot lui-même.
(2) Il n'est sans doute pas inutile de rappeler que Jules Monnerot est l'auteur d'une Sociologie du communisme parue en 1949 et traduite en plusieurs langues, qui constitue un réquisitoire aussi implacable que documenté sur l'idéologie la plus meurtrière qu'ait connue, jusqu'à ce jour, l'humanité. Sans doute tenons-nous là l'explication majeure de l'occultation volontaire dans laquelle les mandarins français ont tenu (et continuent de tenir) les analyses de Jules Monnerot, et cela en dépit même du fait qu'un Julien Gracq a répété son admiration pour un livre tel que La poésie moderne et le sacré. Évoquons ce jugement sans appel de l'auteur sur ses contemporains si prudemment taiseux : «Une généralisation de la lâcheté sociologique telle que les paralogismes marxistes et communistes ne rencontrent pas du tout de résistance spécifique, reste encore improbable, en dépit des immenses efforts et moyens consacrés à ce résultat grandiose», Inquisitions, op. cit., p. 84.
(3) «Il faut chercher l'origine historique de l'emploi du mot clerc comme épithète que l'intellectuel s'applique à lui-même dans les années 1930 dans l'influence qu'eut encore Ernest Renan sur les hommes d'une génération, celle de Péguy. Renan effectivement avait été clerc : séminariste. Mais ne dépouillant point les manières du clerc qu'en définitive il avait voulu être, Renan, qui mène jusqu'à son terme une carrière universitaire et académique hors de pair, est l'incarnation historique par excellence du cléricalisme qui supprime Dieu et garde le prêtre, en sorte que le nouveau «clerc» hérite du prestige de l'homme consacré sans se refuser aucune des commodités de l'homme qui ne l'est pas. Ses manières rappellent au respect un peuple qui garde en lui l'archétype social de la hiérarchie catholique. L'intellectuel va naître» (p. 15).
(4) C'est la thèse de La poésie et le sacré (Gallimard, 1949), pp. 159-60 : «Quand, au lieu du sacré, il n’y a de plus en plus que l’officiel – risible, indifférent ou profitable mais jamais exaltant – les dispositions affectives et les situations vécues d’où il tire sa substance sont rejetées de l’autre côté. Les hommes en qui le sacré demande à être, tournent le dos à tout ce que conservent, que représentent et que signifient des religions qui ne sont plus que ritualisme, des ritualismes qui ne sont plus que le rempart de ce que le profane compte de plus vulgaire, refusent d’y participer. Ou «nous ne sommes pas au monde» ou «nous y sommes pour qu’il ne soit plus». Si, comme le voulait Sorel, les «renouveaux» sont des retours aux sources, si les grands fondateurs d’ordres catholiques – comme en un autre sens les réformateurs hérétiques – ont remagnétisé leur religion par le contact de vertus et de particularités originelles que leur vocation était de retrouver et de réinventer, de ce que les derniers avatars du romantisme font curieusement écho aux premières (?) manifestations de la religion, on pourrait peut-être inférer, non seulement que le surréalisme est symptôme d’un état de besoin, mais encore qu’il prend place dans une constellation qui pourrait peut-être apparaître un jour préreligieuse, c’est-à-dire religieuse. À travers les alternances de décomposition et de recomposition du sacré, ses sources surréelles, qu’elles bouillonnent ou qu’elles filtrent, ne tarissent pas»,
(5) C'est l'intégralité de cette analyse qu'il faudrait citer : «Sartre excelle donc dans cette forme spécialisée de la rhétorique qu'on nomme philosophie universitaire, et qui semble faite tout exprès pour qu'y brillent les talents littéraires les plus introvertis et abstraits. Il lui arrive constamment d'oublier de définir les notions, de préciser la portée et les limites des conventions, de passer sous silence les postulats implicites grâce auxquels il lui donne à lui-même, et aux lecteurs qu'il abuse par des procédés littéraires, l'illusion de démontrer ce qu'il affirme», p. 112.
(6) «On prévoit le temps où le pur consommateur, comme les enfants jouent au jeu de construction, en disposant dans tous les ordres possibles des éléments de films préfabriqués à cet usage, et en se les projetant successivement jusqu'à ce qu'il ait épuisé le nombre de combinaisons possibles, pourra se faire ses romans tout seul» (p. 21).
(7) Je cite, pour le plaisir, ces quelques lignes consacrées aux chrétiens progressistes : «Apparemment, en dépit d'expériences concluantes, comme celle des prêtres ouvriers, ils n'ont pas compris que la différence entre les communistes du XXe siècle et les barbares des cinq premiers siècles de notre ère, est que les barbares se convertissaient au christianisme, alors que les communistes au XXe convertissent les chrétiens en leur laissant (pour combien de temps ?) des rites», pp. 140-1.

Odiel Spruytte

Odiel Spruytte

Ex: http://www.cruycevanbourgonje.wordpress.com/

Van de Westvlaamse priester Odiel Spruytte (1891 -1940) kan met zekerheid worden vastgesteld dat hij tot de konservatief-revolutionaire strekking binnen de Vlaamse Beweging behoorde. En met even grote zekerheid dat hij zowel intuïtief als intellektueel het fascisme, resp. het nationaal-socialisme heeft gemeden. Hij heeft er nooit de zij het nog maar potentiële realisatie van ‘zijn” denkrichting in gezien. Daarvoor had hij een te luciede, afstandelijke benadering van het tijdsgebeuren, gepaard aan een grote onverschilligheid t.o.v. uiterlijkheden en openbaar vertoon.

Om misverstanden te vermijden willen we duidelijk stellen dat het uitsluitend in onze bedoeling ligt door middel van dit artikel de lezer een zo globaal mogelijk overzicht van én een inleiding tot het denken van Odiel Spruytte te geven; een andere bedoeling hebben we niet.

Spruytte’s aktiviteiten als publicist, zijn hoofdzakelijk te situeren op het metapolitieke vlak. Met aktuele vraagstukken heeft hij zich vrijwel nooit beziggehouden. Spruytte heeft, vanwege zijn konsekwent Vlaams-nationalistische houding, meermalen in verbitterd konflikt met zijn kerkelijke overheid gelegen.

We dienen rekening te houden, met de ideologische evolutie die Spruytte tijdens zijn korte leven doormaakte. De solidarist Spruytte uit het begin der jaren 20 verschilt aanmerkelijk met de korporatieve universalist van het einde der jaren 30. Op één punt heeft Spruytte evenwel nooit koncessies gedaan of evoluties ondergaan: hij was en bleef steeds vurig Vlaams-nationalist en radikaal Heel-Nederlander.

Sommigen noemen Spruytte, en niet hele maal ten onrechte trouwens, de “theoreticus van het Vlaams-nationalisme”. Ongetwijfeld waren Dosfel en Joris van Severen, om er maar enkele te noemen, voorlopers in het nationalistische denken tijdens het interbellum. Daar waar Dosfel echter niet uit zijn katholieke milieu geraakte en Van Severen, om het zacht te formuleren, niet altijd voor de hand liggende paden betrad, opteerde Spruytte voor een zgn. integraal nationalisme. Ongetwijfeld zijn er tijdens het interbellum in Vlaanderen vele, vaak verdienstelijke nationalistische theoretici geweest, maar de voornaamste én interessantste exponent blijft toch Spruytte. Voor zijn intellektuele vorming ging Spruytte zowat overal ten rade: Plato, Thomas van Aquino, Augustinus maar ook Nietzsche, Moeller van den Bruck, Othmar Spann en de Indische wijsbegeerte. Zoals we verder zullen zien, heeft Spruytte dit met een welbepaalde bedoeling gedaan. Als (anonieme) redakteur van het toonaangevende maandblad Jong Dietschland toonde hij een levendige maar tevens zeer kritische belangstelling voor het fascisme en het nationaal-socialisme. In de plaats van zich te vergapen aan uniformen en parades, zoals toen rechts (en links!) de grote mode was, zocht Spruytte naar de wezenskern en de filosofische onderbouw van deze nieuwe stromingen.

Alhoewel men kon vermoeden dat zijn furieuze afkeer van de toenmalige partij demokratische verwording hem meteen de demokratie zélf zouden doen verwerpen, blijkt dit bij onvooringenomen lektuur van zijn artikels helemaal niet zo te zijn, in tegen deel zelfs. Spruytte stond bekend als een scherp en intelligent tegenstander van het als “demokratie” geserveerde parlementaire treurspel der dertiger jaren maar hij heeft, vanuit zijn positie als theoreticus, niets nagelaten om de demokratie in gezondere banen te leiden. Voor hem betekende demokratie volksmedezeggenschap in de ruimste zin van het woord of, zoals zijn inspirator Arthur Moeller van den Bruck (1876-1925) het uitdrukte: “Het is niet de staats vorm op zich die een demokratie uitmaakt, maar de deel name van het volk aan de staat.” Voor de Vlaams-nationalist Spruytte, die leefde in een tijd dat van de Belgische grondwet niet eens een wettelijke Nederlandse versie bestond, vloeiden demokratie-kritiek, in Moellers zin, en anti-Belgische houding konsekwent in elkaar over — en vice versa. Als jong leraar aan een college te Oostende stond Spruytte een tijdje onder invloed van de Duitse kultuurfilosoof en pedagoog Friedrich Wilhelm Förster en poneerde daardoor, dat persoonlijke vrijheid steeds vergezeld van verantwoordelijkheidszin moest zijn. Persoonlijke vrijheid! Een van de reden waarom hij zich reeds te Izegem én tegen de kleursyndikaten én tegen de “partijhengsten” keerde. (1)

Wij trekken onze konklusies niet op een wijze zoals Maurice De Wilde en beschouwen Spruytte dan ook niet als een “vroege voorloper” van het fascisme of nationaal-socialisme in Vlaanderen.

Wel heeft Spruytte in aanzienlijke mate bijgedragen tot de “ruk naar rechts” tijdens de jaren 30 van het Vlaams-nationalisme. Het dichtst bij de werkelijkheid staat nog Spruytte’s biograaf, G. Vandewoude, die het gevat, zij het wel in dithyrambische bewoordingen als volgt uitdrukte: “Als een medicinale bloedzuiger zoog hij het gif met het bloed mee, om zijn bezoeker in zijn natuurechte gaven en geschiktheden, in zijn dynamisme en potentialiteit te verkennen”. (2) Spruytte’s benadering van ideologieën en filosofieën was van dezelfde natuur. Hij was een onvermoeibaar zoeker, een eclecticus bovendien, die even principieel als realistisch kon zijn. A.W. Willemsen zegt van hem in één zin : “Op tal van Vlaams-nationalisten heeft hij een grote persoonlijke invloed uitgeoefend” (3) Slechts twee namen ter illustratie : Staf De Clercq en Victor Leemans. Het leven van Spruytte is snel samengevat. Hij werd op 4 juli 1891 in het Westvlaamse Rumbeke geboren, als oudste kind uit een boerengeslacht. Hij studeerde aan het Klein Seminarie te Roeselare, werd in 1916 tot priester gewijd en vervolledigde zijn theologische studies aan de universiteit van Leuven. De baccalaureus die Spruytte was, werd achtereenvolgens in Izegem, Zwevegem, Wervik en Slijpe tot… onderpastoor benoemd. Hij zal het nooit “verder” brengen. Overal waar hij kwam, trachtte hij door middel van zelfstudie de ongeschoolde arbeiders hogerop te werken. Dat dit op tegenstand van Katholieke Staatspartij en klerus stuitte hoeft nauwelijks betoog. Spruytte werd een van de ontelbare petits vicaires die in Vlaanderen van parochie naar parochie zwerfde, om uiteindelijk te Slijpe van ellende te overlijden, op 49-jarige leeftijd. Ondanks zijn geleerdheid, enorme eruditie en haast encyclopedische kennis bleef Spruytte in wezen een Westvlaamse landman, zeer verbonden met zijn geboortegrond en met het geestelijke erfgoed van zijn voorva deren.

Een waardeloos leven? Een gefaalde man? Wij geloven het niet. Van Spruytte’s ideeëngoed is “iets” blijven hangen. Misschien staat de waarheid nog het dichtst bij wat ‘t Pallieterke in 1970 naar aanleiding van een Spruytte-herdenking ooit schreef: “Menselijkerwijze gezien is het leven van deze hoogbegaafde mislukt. Een priester rekent echter met andere maatstaven. En de geschiedenis van de Vlaamse Beweging ook.”

Wanneer wij Spruytte’s meta-politieke denken benaderen, dan dienen wij in acht te nemen dat bij hem twee opvattingen primeer deren: organische staatskoncept en de universalistische leer van Othmar Spann (4) Wegens het feit dat Spruytte zijn ideeën nooit heeft samengebundeld, kunnen we onmogelijk van een “systeem” spreken. Daardoor zullen we dan ook los van elkaar hangende themata aansnijden de organische staatsidee, universalisme, elitarisme, personalisme, pacifisme — toen en ook nu nog erg aktueel, zijn houding tegenover het V.N.V., het Verdinaso en het christendom. Voor wij met de meta-politiek aanvangen, willen wij de lezer eerst een bondig overzicht geven van het wijsgerig denken van Odiel Spruytte. Het een is onlosmakelijk verbonden met het ander. Ook willen wij iets over zijn bekende Nietzsche-essays vermelden. Het is moeilijk, om niet te zeggen onmogelijk, om Spruytte’s wijsgerig denken te situeren, of in één bepaald vakje te duwen, en aldus zijn denken te normeren. Trouwens, Spruytte’s denken is daarvoor te exuberant en te zeer verspreid. Wel vinden we in zijn leer herhaaldelijk bepaalde themata terug die toen gloeiend aktueel waren en zijn universalistische visie is meestal bepalend.

De filosoof Spruytte
Ofschoon Spruytte in menig artikel herhaaldelijk het empirisme verworpen heeft, is hij toch niet helemaal vrij te pleiten van invloeden ervan : “De levend-konkrete politieke denk- en aktiewijze die niet alleen vonken maar vuur doet loskomen is nog niet gevonden. Alleen waarheid die door het leven gewaarborgd en bekrachtigd wordt is werkelijke waarheid, beginsel van orde. Aan een abstrakte tijd- en ruimteloze waarheid gaat de geschiedenis voorbij. Om te werken moet het denken dienen midden een konkrete tijd, een konkreet volk, een konkrete situatie.” [Jong-Dietschland, nr. 37, 19331. Opmerkelijk is het eveneens, dat de Augustinus-volgeling die Spruytte was, en daardoor monotheïstisch-lineair gedacht zou moeten hebben, het thema van het cyclisch verloop van de tijd vrijwel centraal stelde : “De onbegrensde rijkdom der natuur (en van het mensenleven) drukt zich uit in steeds wisse lende vormen. Alles op de wereld vergaat, alles op de wereld vernieuwt. Wanneer het leven in vormen vastgegroeid is, groeit het erboven uit. De oude vormen zijn van dan af voos, onwaar, dood. Zij hebben hun betekenis verloren, zij drukken de kwaliteit omlaag, zij verhinderen de groei. Alleen wat in een konkrete situatie beantwoordt aan de stijg kracht van het leven, van de mens, van de gemeenschap, heeft een positieve betekenis, alleen dat bezit leven. Het is om een modern veel- en weinig-zeggend woord te gebruiken : existentiëel noodzakelijk”. [Kultuurleven, nr. 1,1935]

In dat belangrijke artikel in Kultuurleven schreef Spruytte zijn principes en doelstellingen neer omtrent hetgeen hij essentiëel en primerend vond in de konservatief-revolutionaire gedachten van zijn tijd. Hij opende zijn artikel met de vaststelling, dat : “de omkering, waarin onze wereld zich bevindt, is in haar kern van innerlijk-geestelijke aard. Er staat oneindig veel meer op het spel dan

De nieuwe denkhouding, gaat Spruytte verder, staat diametraal tegenover die van de vorige generaties, en hij spot met de “empirische geleerden” die het menselijke weten enkel kwantitatief vergroten, en de “abstrakte systematici”, die louter begrippen met begrippen vergelijken. Beiden verweet hij veelweterij, ban kiersgeest en intellektualisme. Overigens heeft Spruytte voor het “intellektualisme” niets dan verachting “Tengevolge van het intellektualisme leed onze tijd aan een tweespalt tussen geest en leven. De boom des Wetenschappen was wel dor, maar groen de boom des Levens.” Tegenover het intellektualisme, stelde Spruytte zijn koncept van “de mens der waarheid”, want die “beleeft de waarheid als vruchtbaar-organische kracht van de kosmos, en hij hangt met de blik van zijn ziel aan het levend oorspronkelijke, aan het wezenlijk eenvoudige, hij beluistert de oerklanken van het leven. Niet veel-weten is zijn zorg, maar levende deelneming aan de rijk- dom van het zijnde, aan de schoonheid van wat alles is. Derhalve is zijn denken niet los gerukt van het zijn, doch dorst naar het zijn, wijsgerige gezindheid dan. Het is ook niet vreemd aan zijn leven en eigen zijn als ijdel liefhebber, als een lastige dwangarbeid, maar het is geheel gericht op de verruiming, de verrijking van zijn menselijk wezen: het is onmisbaar levensbrood, geen sieraad maar levens bestanddeel en levensnoodzakelijkheid.”

Wanneer we stellen dat Spruytte een humanist was, dan plaatsen we dit woord in een heel andere kontekst als dewelke het woord nu symboliseert : marxistoïde, naïef, ireëel, een zoeterige smaak in de mond nalatend. Spruytte was humanist in de zin zoals Nietzsche, Spengler e.a. het waren. Hij koesterde geen verheven utopische theorieën nopens zijn medemens, maar aanvaardde hem in zijn komplexe werkelijkheid. Hij heeft boeiende geschriften aan de mens gewijd, en het lijkt ons de moeite waard om uit enkele daarvan te citeren.

De vraag, zo schrijft Spruytte, wat is edel ? kan niet opgelost worden zonder rekening te houden met de vraag: wat is de mens ? [Kultuurleven, nr. 1, 1939]. Spruytte beschouwde de mens als een “vrij zichzelf bepalend wezen, … is aan geen enkel ondergeschikt, heeft tenslotte enkel voor eigen geweten en God te verantwoorden. Hij heeft in de schepping een eigen onvervangbare plaats, is door de schepper met eigen gaven toegerust, beschikt over de vrijheid en de roeping om zijn aanleg en mogelijkheden binnen de orde van het geheel te verwezenlijken.” vraagstukken van louter uiterlijke sociaal-ekonomische of politieke aard. De in richtingsvormen der maatschappij krijgen maar een zin wanneer zij begrepen worden in hun verhouding tot het menselijke type, waarvan zij een werktuig en een weerspiegeling uitmaken. Het ideaal ‘mens’, zoals het aan onze tijdgenoten voortzweeft, is de innerlijkste ziel en de verklaring van het zichtbaar gebeuren.” Spruytte stelde vast, dat het koncept van de nieuwe mens het “strijdbeginsel van de sociale en politieke nieuwwording” impliceerde. Het ideaal van “de nieuwe mens” was inherent aan de staatsvorm. De lezer moet wel in ogenschouw nemen dat de formulering “de nieuwe mens” bij Spruytte een specifieke betekenis had. Volgens Spruytte was er eigenlijk niets absoluut nieuw, want de geschiedenis staat nooit stil en doen de elkaar opvolgende perioden “nu weer eens deze dan gene krachten en funkties van het menselijke wezen aan het licht of weer in het duister treden”. Spruytte heeft het verder over de voorzienigheid, die volgens hem, niet mechanisch van buiten af beweegt “maar immanent van binnen uit, wij bedoelen hiermede de volgende vaststelling : de mikrokosmos Mens, zoals de makrokosmos Heelal, is op even wicht aangelegd maar tevens op dynamische groei nooit staat iets stil en alles is met alles verwant. Dit geldt ook voor de gemeenschapswereld.” Hier reikt Spruytte de hand aan het oeroude Herakleitische beginsel panta rhei, alles vloeit, alles verandert voort durend.

De nieuwe denkhouding, gaat Spruytte verder, staat diametraal tegenover die van de vorige generaties, en hij spot met de “empirische geleerden” die het menselijke weten enkel kwantitatief vergroten, en de “abstrakte systematici”, die louter begrippen met begrippen vergelijken. Beiden verweet hij veelweterij, bankiersgeest en intellektualisme. Overigens heeft Spruytte voor het “intellektualisme” niets dan verachting “Tengevolge van het intellektualisme leed onze tijd aan een tweespalt tussen geest en leven. De boom des Wetenschappen was wel dor, maar groen de boom des Levens.” Tegenover het intellektualisme, stelde Spruytte zijn koncept van “de mens der waarheid”, want die “beleeft de waarheid als vruchtbaar-organische kracht van de kosmos, en hij hangt met de blik van zijn ziel aan het levend oorspronkelijke, aan het wezenlijk eenvoudige, hij beluistert de oerklanken van het leven. Niet veel-weten is zijn zorg, maar levende deelneming aan de rijk- dom van het zijnde, aan de schoonheid van wat alles is. Derhalve is zijn denken niet los gerukt van het zijn, doch dorst naar het zijn, wijsgerige gezindheid dan. Het is ook niet vreemd aan zijn leven en eigen zijn als ijdel liefhebber, als een lastige dwangarbeid, maar het is geheel gericht op de verruiming, de verrijking van zijn menselijk wezen: het is onmis baar levensbrood, geen sieraad maar levens bestanddeel en levensnoodzakelijkheid.”

Wanneer we stellen dat Spruytte een humanist was, dan plaatsen we dit woord in een heel andere kontekst als dewelke het woord nu symboliseert : marxistoïde, naïef, ireëel, een zoeterige smaak in de mond nalatend. Spruytte was humanist in de zin zoals Nietzsche, Spengler e.a. het waren. Hij koesterde geen verheven utopische theorieën nopens zijn medemens, maar aanvaardde hem in zijn komplexe werkelijkheid. Hij heeft boeiende geschriften aan de mens gewijd, en het lijkt ons de moeite waard om uit enkele daarvan te citeren.

De vraag, zo schrijft Spruytte, wat is edel? kan niet opgelost worden zonder rekening te houden met de vraag: wat is de mens ? [Kultuurleven, nr. 1, 1939]. Spruytte beschouwde de mens als een “vrij zichzelf bepalend wezen, … is aan geen enkel ondergeschikt, heeft tenslotte enkel voor eigen geweten en God te verantwoorden. Hij heeft in de schepping een eigen onvervangbare plaats, is door de schepper met eigen gaven toegerust, beschikt over de vrijheid en de roeping om zijn aanleg en mogelijkheden binnen de orde van het geheel te verwezenlijken.”

Vermits Spruytte een universalist was, zag hij de mens als enkeling deel uitmaken van het geheel der maatschappij, maar hij voegde er wel een bijzondere overweging aan toe “Het is denkbaar dat de mens én persoonlijk en sociaal aangelegd weze. Dit zou leiden tot de erkenning van een goddelijk-natuurlijke rechtsfeer én van het individu én van de staat. De spanning van dubbele rechtsfeer in de mens, die even oorspronkelijk en natuur lijk in hem woont, en de dubbele rechtsfeer maakt heel het vraagstuk uit van de gemeen schap. De twee polen zijn natuurlijk en onmisbaar. Tussen beide beweegt zich het leven en de geschiedenis. De formulering van één enkel alternatief leidt tot de uitscha keling van een der beide polen en drijft het onderzoek in tamelijk eenzijdige richting.” [Kultuurleven, nr. 6, 19341 Zoals vrijwel alle konservatieve denkers, koesterde Spruytte grote belangstelling en bewondering voor het heroïsche in de mens, hetwelk hij in nauwe relatie zag met — de volgens hem — beste tradities uit de christelijke ethiek en beschouwde beide inherent aan elkaar. Maar, aldus Spruytte, niet zelden wordt “de ethiek van adel, eer, dapperheid, heldhaftigheid, enz., geprezen ten koste van de christelijke ethiek, die deze waarden z.g. uitsluit en enkel op de liefde is gericht.” [Kultuurleven, nr. 1, 19391 Spruytte betitelde sterkte als een “kardinale deugd”. Ongetwijfeld was hij hierdoor beïnvloed door Friedrich Nietzsche, en het heroïsme stond tijdens het interbellum in vele stelsels centraal. Het is vooraf klaar, zo meende Spruytte, dat “de ontwaking van de zin voor edele waarden een grote vooruit gang uitmaakt op de louter utilitaristische en materialistische ethiek, waarop zij een reaktie betekent.”

Vanzelfsprekend verwierp Spruytte én het liberalisme én het marxisme. Volgens hem beweren de eerste te geloven dat “het staathuishoudkundige leven door niets dan stoffelijke profijtzucht vooruitgestuwd wordt en zij schakelen alle zedelijke beweegredenen uit dit gebied”. De marxistische theorie werd door Spruytte eveneens gewogen en te licht bevonden : “Karl Marx zag in de ganse geschiedenis geen ander dan stoffelijke werkkrachten aan de arbeid. De Wijze, de Held, de Heilige behoorden dan ook logisch tot het gebied, dat hij ‘ideologie’ noemde. Zij ook zijn niet anders dan een behendig masker, waarachter zeer realistische belangen zich verschuilen.” Spruytte resumeerde beide stelsels en plaatste ze onder één noemer “ De mens, die met handelsgeest bezield is, denkt te laag over het leven om aan heldenverering te doen.” Maar konkreet gezien, hoe stond Spruytte zelf tegenover het heroïsme ? Hij gaf daar over eerst een psycho-analytische verklaring “ Wij weten dat de mens niet altijd zijn ‘geluk’ wil. Hij is zelf de grootste vijand van dat ‘ geluk’ — in deze zin. Voor de beleving van een korststondige glorie, voor een droom, slaat hij jaren ver zijn ‘ geluk’ redde loos stuk. Hij verzaakt aan eigen, kleine veiligheid — uit heroïsche impulsen, uit gemeenschapszin, enz.” Spruytte stelde het zo voor : “Een heroïsche levensvisie, zonder meer, stelt voorop dat men boven het utilitaristische uitgestegen zij, doch ook dat men vreemd sta ten opzichte van de goddelijke transcendentie, volgens het woord van Nietzsche, de heraut van de moderne helden verering ‘ God is dood, — nu willen wij dat de Übermensch leve.” Het is zeer opmerkelijk, dat Spruytte’s visie op het heroïsme gekoppeld wordt aan Nietzsche’s begrip van de ‘Übermensch’, de superieure mens, want beiden zijn verschillend in wezen en geest. Spruytte beschouwde de heroïsche levensvisie inherent aan “ adel”. Dit is een natuurlijk uitvloeisel van zijn bewondering voor Nietzsche, alhoewel hij in ons geval enkele thomistische aforismen citeerde. Spruytte konkludeerde als volgt: “De verzoekingen van het heroïsme zijn :

trotse weigering om de last van het noodlot door gedachten van een voorzienigheid te verlichten, volle aanvaar ding van een niets dan tragische werkelijkheid, dappere bekentenis tot het eindige en tot het niets.” Het is merkwaardig, dat ondanks Spruytte’s voorliefde voor het heroïsche, hij in zijn geschriften daarover, merkwaardig nuchter bleef en nooit in dithyrambische lithanieën viel.

Laten wij de ethiek van Spruytte eens onder ogenschouw nemen. Voor Spruytte vormden ethiek en aristokratisch denken geen kontradiktie, maar één geheel. Hij heeft dit meermaals herhaald en benadrukt. Het blijkt, dat Spruytte’s ethiek opmerkelijke invloeden van Nietzsche heeft ondergaan : “Het goede is niet altijd groot, niet altijd edel. Het kan ook gewoon, alledaags zelfs kleinburgerlijk zijn. Men kan zelfs het grensgeval vaststellen dat het kwade van grootheid en adel getuigt.” Voor Spruytte waren “denkhouding en ethische houding steeds innig met elkaar verwant. De theoretische wereldbeschouwing van een periode en haar zedelijke idealen zijn altijd door dezelfde geest beheerst.” [Kultuurleven, nr. 1, 19351 De degeneratieverschijnselen in een bepaalde kultuur omschreef Spruytte als volgt “Indien bij een mens, of bij een periode der menselijke geschiedenis, zedelijke verschrompeling, verdorring ontstaat, dan is het steeds omdat de primaire zedelijke waarheden, waarden en krachten hun natuurlijke invloed, hun elementaire werkkracht hebben ingeboet, daar zij overdekt of gefnuikt waren. In de ongeremde werking der eerste beginselen ligt de ware zedelijke levensader en zij is de voorwaarde tot zedelijke ademtocht.” Wil men uit de impasse geraken, dan moet men aan deze beginselen heraanknopen “Alleen een mens die van volmaaktheid afweet er een innerlijke drang toe voelt, zal bekwaam zijn om een zedelijke herstelling van zichzelf tot zedelijke gansheid door te zetten”. De zedelijke gezindheid is nooit onveranderlijk geweest, want zo beklemtoont Spruytte: “Wij kunnen de natuurvaste geldigheid van alle zedelijke goederen en normen handhaven en toch bevestigen dat de voorkeur van bepaalde tijden naar bepaalde deugden gaan.”

Spruytte merkte op, dat zijn tijd een voor liefde koesterde voor de “edele mens, hun gezindheid is aristokratisch” en alhoewel dit een persoonlijkheidsideaal is beschouwde hij het evenzeer als een maatschappelijk ideaal.

Terloops rekende Spruytte af met het egalitarisme, dat zich in onze tijd meer en meer opwerpt als de nieuwe “mythe van de 20ste eeuw” “Van natuurwege bestaan onder de mensen een rangordening van uitmuntendheid, die kulmineert in de hoogste vertegenwoordigers. Ten alle tijde en in elke menselijke groepering was deze uitmuntendheid, die enige personen voorbestemde tot leiding en heerschappij. En het was deze adel die de maatschappij bewaarde en naar de toekomst droeg. Alle aristokratie brengt onderscheid mee in denken, voelen, houding een onder scheid dat weldra uitloopt op kontrast met het gemene, zodat wij komen te staan voor gesloten groepen.

De adel waarvan het moderne ethos zich oriënteert is niet deze van titels of ereposten, maar de natuurlijke adel die sluimert in het volk, een adel van levende en niet afgezonderde krachten. Het ethos der adelijke gezindheid is in tegenstelling met dat van de gelijkmakerij en van het humanitarisme.” Adel is, volgens Spruytte in strijd met het gemene, niet met het algemeen menselijke. En Spruytte ging verder met zijn aanval op het egalitarisme; of zoals hij het noemde, de ‘gelijkmakerij’ “De egalitaire strevingen maken de mensen gelijk, naar onder toe d.i. in de materiële belangen. Hun ethos is beheerst door de vraag : wat is nuttig, wat is voordeelbrengend ? Zij strijden tegen alle meerwaardigheid voor de gelijkheid di. voor de maatschappij der minderwaardigen. Het algemeen menselijke vatten zij oppervlakkig op, als de stoffelijke uiterlijke zijde van ‘s mensens bestaan. Het ethos van onze indus triële maatschappij is gekant tegen alle menselijke superioriteit, vooral tegen deze die aangeboren is.”

Even verder heeft Spruytte het over het “prestatiebegrip”, dat hij als het “scheppend kunnen” beschouwde. Spruytte was de pertinente overtuiging toegedaan, dat de persoonlijkheid van de edele mens staat of valt met zijn prestatie. Spruytte haastte zich wel — om eventuele misverstanden te voorkomen — te vermelden, dat dit voorrecht niet zou blijven voorbehouden “aan enkele genieën op het gebied van politieke heer schappij, uitvinding, kunst, grootbedrijf”. Neen, zo konfirmeerde Spruytte, “ook de geringste arbeider kan iets van zijn persoon in zijn werk neerleggen. De grondslag blijft dezelfde, alleen de graad verschilt in grote mate. Onze ethische gezindheid is een arbeidsgezindheid in de zin van dienst aan een scheppende taak.”

De aristokratische levenswijze is bijzonder gesteld op de persoonlijke eer. Ook Spruytte heeft dit goed opgemerkt, en vertelt daar het volgende over “Eer staat in nauw verband met het persoonlijk zijn van de mens. Zij hangt innig samen met wat hem onverdiend is aangeboren en toch een glorietitel uit maakt, met zijn werk en prestatie, met zijn strijdbaarheid en dapperheid. Het is een mengsel van al deze dingen samen dat eerbied afdwingt; deze inwendige grond is ver boven alle eerbewijzen verheven, lokt ze vanzelf uit doch weet ze desnoods te misprijzen, in de rustige en heilige zekerheid van eigen innerlijke louterheid en volheid.” Spruytte greep ook terug naar het oude Herakleitische principe dat strijd de vader van alle dingen is. Uiteraard deed hij dit in zijn eigen bewoordingen : “Wij zien ons aards bestaan zoals het is, kamp en strijd, verrassing en verscheurdheid. De illusie van een gemakkelijke wereld met plat ‘geluk’ is geweken en zij bekoort de besten niet. Een komfortabel leventje is het leven niet waard. Het gevaar beminnen en er zich door ten gronde richten lijkt aan menigen een groter geluk.”

Heel even, stipte Spruytte ook het Wil-tot-Macht principe van Nietzsche aan, getoetst aan zijn eigen denkbeelden: “Een gedachte of de drager ervan, een scheppend persoon, die overeenstemt met het leven zelf, wordt door de oerkrachten des levens zelf, door een natuurlijke gerechtigheid zo men wil gevoed en gesterkt. Deze gedachte, deze wil zelf is macht, beladen met geheel het gewicht van het leven. Zo een gedachte, zo een wil dringt om zo te zeggen elementair vooruit naar existentiële verwezenlijkingen. Haar bestaan zelf is macht, is niet willekeurig weg te loochenen, zij schept vanzelf ruimte krachtens haar inwendige aanspraak op heerschappij. Zo wordt de macht een bestanddeel zelf van een hogere en diepere gerechtigheid, die in de dingen werkt… De macht is de drang tot zelfverwezenlijking van de gerechtigheid. En aldus is zij edel.”

Spruytte en Nietzsche
Tijdens de jaren 1937 tot 1939, schreef Odiel Spruytte in een serie artikels voor Kultuurle ven zijn gedachten omtrent Nietzsche neer. Als enige priester in het ganse land, had hij van zijn geestelijke overheid daarvoor toe stemming gekregen. Spruytte gold tijdens het interbellum als een der eminentste Nietzsche-kenners in de Nederlanden en zijn peilingen kunnen, ook nu nog, als waardevol worden beschouwd. Het zou nog steeds de moeite lonen om de oorspronkelijke teksten samen te bundelen en te publiceren. In 1944 werden de Nietzsche-essays door de priester G. Vandewoude “gepubliceerd en met nieuw materiaal voorzien” onder de titel “Nietzsches Kringloop”. Het werkje werd door de Duitse censuur dermate verminkt, dat er van Spruytte’s originele tekst nauwelijks nog sprake is. Ons artikel is dan ook op de originele essays uit Kultuurleven gebaseerd. Wel een raar stel : Spruytte, de diepgelovige geestelijke, en de woest anti-christelijke Nietzsche, die stelde dat het christendom slavenmoraal is en van zichzelf getuigde “Indien er goden bestonden, hoe hield ik het uit geen god te zijn.” Waar en wanneer Spruytte in aanraking met Nietzsche’s werk is gekomen, zal waarschijnlijk nooit meer te achterhalen zijn. Het is bekend, dat Spruytte de meesters der literatuur en filosofie gelezen heeft. Iemand opperde ooit de mening, dat Spruytte de artikels schreef om met Nietzschc een “tweestrijd” aan te gaan. Wie de essays aandachtig leest, komt tot de vaststelling dat Spruytte’s werk steeds verklarend is. Nergens vindt de lezer in Spruytte’s werk de bij geestelijken veelvuldig voorkomende scheld partijen. Een ander opmerkelijk gegeven is, dat Spruytte’s konklusies over Nietzsche meestal regelrecht indruisen tegen de toenmalig geldende dogma’s der nazi-filosofen.

Nu is er nog een ander mysterie in de Spruytte-Nietzsche relatie. Mevrouw Michel Spruytte vertelde ons, dat Odiels broer Adolphe (eveneens priester), tijdens de meidagen van 1940 aan zijn broer de raad gaf, een door Odiel geschreven en later gedrukt boek over Nietzsche te verbranden. Mevrouw Spruytte voegde er ons verder aan toe, dat Adolphe omwille van het boek aan zijn broer Odiel moeilijkheden met de Duitsers voor spelde! Wij staan hier echter voor een raadsel, want “het boek” wordt nergens vermeld, is bij geen enkele bibliotheek bekend Houden wij ons echter aan konkrete gege vens, en onderzoeken de oorspronkelijke Nietzsche-essays. Het eerste “Nietzsche’s poging tot een goddeloze mystiek” verscheen in “Kultuurleven” nr. 5, september 1937, het vervolg daarvan in nr. 6, november 1937. In 1 “Kultuurleven” nr. 5 van 1938 verscheen het essay “Fr. Nietzsche en de Rastheorie”. Een jaar later publiceerde hij in nr. 4 “Fr. Nietzsche en depolitieke krisis”. Spruytte’s laatste Nietzsche-essay “Nietzsche en het moderne imperialisme” verscheen in nr. 6 van 1939 en nr. 3 van 1940.

Nietzsche’s poging tot een goddeloze mystiek
“Er is een mystiek van het licht, het is deze van het christendom; er is ook een mystiek van de nacht, het is deze van het heidendom. Ook de Godheid van het christendom, voorwaar, is afgrondelijk duister: zij is een mysterie, doch een mysterie van het licht dat elke geschapen geest overtreft. De godheid van het heidendom is echter blind, willekeurig, macht zonder licht of liefde: noodlot. Zij werpt neder maar laat geen vertrouwen toe, zij verplet bij voorkeur het grote, het ongewone, zij blijft stom en verleent geen antwoord op de laatste vragen naar de zin van ons bestaan.” Dit citaat is de aanloop van Spruytte’s eerste Nietzsche-essay. Spruytte beschouwt Nietzsche als een “mysticus van de nacht” wiens hoogste levensleus Amor fati luidde, maar zijn mystiek is ‘dubbelzinnig’ want, zo schrijft Spruytte : “In hem leefde immers een onsterfelijk verlangen naar het licht, een herinnering aan de kroon des levens, aan de zaligheid der liefdegemeenschap met God en mens”. En Spruytte betittelt Nietzsche’s mystiek dan ook als “luciferisch”. Zijn mystiek, zo gaat Spruytte verder, weigert te aanbidden, maar kroont de mens met goddelijke eer: een schrikwekkend mengsel van godloochenende trots en goddelijke heimwee. Spruytte resumeert enkele begrip pen over het begrip mystiek en besluit “Elke filosofie steunt in deze zin op een mystiek, in zover zij de naam van ‘wijsbegeerte’ waardig is”. Doet zij dit niet, dan vervalt de filosofie tot “profane verlichting, kennistheoretische kritiek, bodemloos gedachtenspel.” Nu is Nietzsche volgens Spruytte een kind van de profane verlichting, maar “zijn rationalisme is de vlakke zielloze verlichting niet meer : het is demonische klaarheid.” Spruytte merkt op, dat de periode van het profane rationalisme met Nietzsche haar hoogtepunt bereikte, maar tevens haar einde. Maar Nietzsche kon volgens Spruytte niet leven met het sombere NIETS, en grijpt door middel van zijn eeuwigheidsdorst en een ‘totaal nihilisme’ terug naar de mystieke totaliteit van het leven. Nietzsche’s wegstelt hij, is deze van het huidige mensdom. Spruytte vervolgt met de gekende themata uit Nietzsche’s filosofie “God is dood”, de daaruitvolgende deemstering over Europa, het nihilisme, en besluit : “De mens is losgerukt van iets oneindigs waardevols dat zich in hem uitwerkte en bevindt zich nu in de uiterste vereenzaming.” Nietzsche, zo gaat Spruytte verder, onder scheidt zich van andere denkers doordat hij de katastrofe niet wil afwenden. Integendeel, wil zij ooit herrijzen, dan zal de wereld haar zwarte periode van het ‘niets’ moeten door schrijden. De oude waarden moesten sterven volgens Nietzsche, want zij waren onecht geworden, en de christelijke moraal huichel de. Spruytte: “De toestand van vertwijfeling moet plaats ruimen voor de kritiek der vertwijfeling.” En Spruytte somt de bekende argumenten van Nietzsche’s nihilisme op. De nieuwe mens van Nietzsche zag Spruytte als volgt: “Het oude type-mens vloeide uit God, het nieuwe type zal niet meer wegstromen, maar zichzelf bevestigen, alle kracht binnen zich opsluiten en daardoor zelf stijgen, tot het bovenmenselijke dood zijn alle goden, nu willen wij dat de Übermensch leve.” Deze van goddelijkheid onverzadig bare mens, zo verklaart Spruytte, deed niets dan ersatz-goden dromen om de ijdele ruimte van de gestorven God te vullen. Maar “De droom van Nietzsche was de droom der aarde.” Spruytte heeft het ook over Nietzsche’s nieuwe levensideaal, dat zal “beant woorden aan het natuurlijkste der natuur, het zal gegrondvest zijn in de aarde en verbonden met de meest gesmade driften de wil tot macht als kern van het leven.” Spruytte somt Nietzsche’s symbolen van het nieuwe leven op Dionysos, Eeuwige weder keer, Übermensch, als kompensatie voor de gestorven God: “Door zijn mystiek van de nacht, door zijn goddeloze mythe van de aarde en het noodlot zocht Nietzsche dam men en dijken op te werpen om niet mee in God weg te vloeien…” Even verder, onderzoekt Spruytte naar de mogelijke wortel van Nietzsche’s ‘goddeloos held’: “Wij moeten op het oog houden dat het atheïsme van Nietzsche niet ontstond uit oppervlakkige onverschilligheid, die zich beperkte bij het zichtbare, en het oneindig onzichtbare als overbodig vergeet: neen, Nietzsche’s geest is bezield met de drang naar het onbeperkte en beladen met de wil tot godsmoord.” Een nogal krasse bewering van Spruytte zo lijkt het ons. Nietzsche, beweert Spruytte, overtrof Celsus, Voltaire en Renan in hun haat tegen het christendom. Spruytte beschrijft Nietzsche’s levensloop zijn vrome ouders, de kritische bijbelstudies, zijn kennismaking met Das lebenfesu kritisch bearbeitet van David Friedrich Strauss en Die Welt als Wille und Vorstellung van Arthur Schopenhauer, de daaropvolgende afvallig heid. Hij komt tot volgende vaststelling “Het prijsgeven van het christendom en van het theïsme schijnt dan wel een kwestie van ‘intellektueel geweten’ te zijn geweest, niet een vraag van persoonlijk ressentiment of wezensverschil met zijn aard.” Toch voegt Spruytte er aan toe “De intellektuele godsverzaking van Nietzsche is evenwel reeds met een zonderling niet-intellektueel bestanddeel doortrokken. In zijn godloochening werkt zich een stuk van zijn protestantse ascese uit, die het natuurlijk-gelukkige voor verdacht houdt en een neiging vertoont naar het zwaarste, naar het minst gelukkige”. Spruytte benadert hier Nietzsche als psycholoog, trekt er zijn konklusies uit, maar of ze raak zijn laten we in het midden. Spruytte geeft grif toe, dat Nietzsche “ner gens de theïstische levensopvatting onder zoekt of poogt te weerleggen”, maar dat hij het christendom eerder als een vijand van het leven zag. In het tweede gedeelte van zijn essay, schrijft Spruytte: “De godsloochening van Nietzsche is geen vrucht van redenering of van bijzondere wereldervaring, maar van een wilsdogmatisme, dat diktatoriaal beslist: God mag niet bestaan.” En Spruytte vermoedt dan ook dat Nietzsche Atheist aus lnstinkt was. Op het einde van zijn essay, vat Spruytte alles samen en besluit : “Nietzsche heeft heel zijn leven lang de eerbied voor het goddelijk lichtgeheim uit zijn ziel geweerd, hij heeft aangekampt tegen elke metafysica en elke transcendentie. Hij heeft gewaagd te leven, te strijden en te filosoferen in het aanschijn der goddeloosheid. Hij is niet teruggedeins voor de sprong in de nacht en de ondergang. Doch immer heeft hem de stijgkracht verlaten naar datgene wat hij verloochende. Boven de zwakke symbolen van zijn eigen mythische droombeelden heen, leefde in zijn binnenste een tocht naar het onbereikbare. Niet door het te erkennen doch door er zich aan te gronde te richten heeft hij zijn hulde gebracht aan het Bovenwerkelijke.”

De sterksten van lichaam en ziel
In zijn tweede essay Nietzsche en de rastheorie, begint Spruytte met ons mede te deler dat “Nietzsche het rasvraagstuk nooit methoddisch behandeld heeft”, maar dat hij het principe van “de sterksten van lichaam en ziel zijn de besten” huldigde. Hij vermeldt daarna, dat Nietzsche het wei van Gobineau Essay sur l’inégalité des races humaines tussen 1875 en 1878 te Bazel gelezen en bewonderd heeft “Door de ener wordt het gezag van Nietzsche ingeroepen om het racisme aan te bevelen, door de anderen om het te bestrijden,” stelt Spruytte vast. En Spruytte geeft toe, dat het nationaalsocialisme in ruime mate uit Nietzsche’s leer geput heeft, maar verwerpt het dogma dat Rosenbergs rassenleer door Nietzsche geïnspireerd zou zijn.

Nietzsche is inderdaad niet aan de nazi ontsnapt, en Spruytte heeft dit uitstekend begrepen, want de tamelijk filosofieloze inhoud van het nationaal-socialisme stelde ongeveer alles in het werk om toch maar grote namen voor de wagen te spannen. Spruytte stelt, dat Nietzsche de rassenleer benadert in de ethische geest en niet als antropoloog of etnoloog. Hij verwerpt ook de mythe van de “Germaanse Übermensch” die Nietzsche volgens de officiële “den kers” van het Derde Rijk zou gepredikt hebben “Zijn mensomscheppende wil gaat naar een bovennationale, Europese leidende kaste, die Herren der Erde.”

In het daaropvolgende hoofdstuk, werpt Spruytte op, dat Nietzsche slechts twee rassen kende, namelijk het “Arische”, dat een heerserras en het vóór-Arische dat een “slaven ras” zou zijn. De lezer moet daarbij wel weten, dat ten tijde van Nietzsche de antropologie nog in de kinderschoenen stond. Daarom begint Spruytte dan ook met de Europeanen raciaal volgens Ripley en Günther in te delen. Hij vervangt het woord “Germaans” door Noords en vernoemt verder het Alpiene, Mediterane, Faalse, Dinarische en Oostbaltische ras. Volgens Spruytte is het ras een “metafysische-goddelijke grootheid, waarbinnen de oneindigheid van de schepper der rassen ingeënt is” en vermeldt ook dat bij Nietzsche niet zozeer de rassenleer, maar wel de erfelijkheidstheorie van belang zijn “Het is niet mogelijk, dat de mens niet de eigenschappen en voorliefden 1 zijner ouders en voorouders in het lijf hebbe.”

Nietzsche, zo gaat Spruytte verder, beweerde dat de afstamming de mens bepaalt en dat hij zijn neigingen van zijn voorvaderen erft, maar verantwoordelijk is voor zijn eigen daden. Ook zag Nietzsche, volgens hem een 1 sterke samenhang tussen lichaam, afstamming en geest. Spruytte besluit het hoofdstuk 1 als volgt “De erfelijkheid is een feit, doch wij kennen haar wegen te weinig.”

Het hoofdstuk “Ras en Volk” is een ander staaltje van Spruytte’s inzicht in de leer van 1 de Duitse filosoof. Alhoewel, volgens Spruytte, Nietzsche goed onderscheid weet te maken tussen taalverwantschap en rasver wantschap, zijn voor hem de Europese volkeren licht verschuifbaar d.w.z. ze zijn nog geen ras. Van de “zuiverheid van het ras” neemt Spruytte vervolgens afstand : “Er zijn weliswaar geen raszuivere volkeren meer. Alle volkeren zijn rasgemengd en het Duitse niet het minst. Doch ten overstaan van de rassen maken volkeren om zo te zeggen secundaire eenheden uit.”

De raszuiverheidstheorieën stootten Nietz sche tegen de borst, maar zo merkt Spruytte op, hij voegde er wel het begrip reingeworden rassen aan toe, een begrip dat ongekend is in de rassenkunde. Spruytte beweert, dat dit begrip op “de herstelling van het even wicht in de psyche” terugvalt.

Spruytte’s eindoordeel is vernietigend, zowel voor de aanhangers als tegenstanders van Nietzsche’s invloed in de nationaal-socialistische rassenleer: “Terwijl Nietzsche een verzwakking met tenslotte een vernietiging van de Europese volkeren, en een gemengd Europees ras in het verschiet stelt, en aanstuurt op een internationaal ‘Herenras’ dat boven de rassenchaos heersen zal, wil de rassenleer de ontbinding van de Noordse raskern in het Duitse volk tegenwerken en door raspolitiek zoveel mogelijk terugkeren tot de raseenheid.”

En Spruytte eindigt: “Nietzsche is meer de filosoof van de grote politiek, dan de filosoof van het racisme.”

(1) Odiel Spruytte, Strijder, Denker en Mensch, door G. Vandewoude (= G. Lambrechts, een priester), “W)ek Op”, Brugge, 1942.

(2) Over deze droevige periode te Izegem verneemt de lezer meer in het artikel Odiel Spruytte, Vlaams strijder en sociaal werker in Izegem door Pieter Jan Verstraete in “Ten Mandere” nr. 1, 1983. Voor een meer gedetailleerde Ievenschets verwijzen wij de lezer graag naar Odiel Spruytte. een levenschets door Jozef Delbaere in “Dietsland-Europa” nr. 5, 1971. Priester Odiel Spruytte (1891-1940), Vlaams strijder en denker door Pieter Jan Verstraete in de “AKVS-Schrif ten” nr. 4, 1982. Odiel Spruvtte (1891-1940) door Frank Goovaerts in “Revolte” nr. 12, 1983. Roeland Raes, Odiel Spruytte, in “De Vendel jongen”, nov-dec. 1956. Odiel Spruytte, in “De Volksunie”, 7 maart 1964.

(3) A.W. Willemsen, Het Vlaams Nationalisme. De geschiedenis van de jaren 1914-1940, Ambo, Utrecht, 1969 (tweede druk), pag. 206.

(4) Othmar Spann (1878-1950), professor in de ekonomische en sociale wetenschappen aan de universiteit van Wenen, van 1919 tot 1938. Afgezet door de nazi’s en na 1945 niet in eer hersteld. Tussen 1925 en 1935 was Spann een van de meest invloedrijke auteurs en redenaars van de konservatieve revolutie. Zijn universalisme (niet te verwarren met het eveneens “universalisme” genoemde tegendeel van nominalisme) behoort tot de zgn. jongkonservatieve strekking.