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mercredi, 15 juin 2016

Éric Zemmour devrait lire Dominique de Roux

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Éric Zemmour devrait lire Dominique de Roux

par Georges FELTIN-TRACOL

Éric Zemmour fait débuter son célèbre Suicide français à la présidence de Georges Pompidou. Dans son entreprise bienvenue de déconstruction des déconstructeurs de notre civilisation, le journaliste – polémiste conserve de ces temps éloignés une nostalgie certaine, celle de la fin des « Trente Glorieuses », corroborée par de multiples témoignages de Français qui en gardent le souvenir ému du plein emploi et de la prospérité économique. Années bénies de la présidence du natif de Montboudif qui gouvernait une France enfin apaisée.

 

Cette ère relative de sérénité collective se clôt, le 2 avril 1974, par la mort de Pompidou. Deux mois auparavant sortait le film de Jean Yanne, Les Chinois à Paris; quelques jours après la présidentielle disparition paraissait La France de Jean Yanne par Dominique de Roux. Mort en 2003 à l’âge de 69 ans, Jean Yanne fut un chanteur, un humoriste, un acteur, un auteur et un réalisateur qui participait volontiers aux émissions télévisées et radiophoniques de Jacques Martin et de Philippe Bouvard. Impertinent, caustique et gouailleur, Jean Yanne ne se privait jamais de se moquer des tares de la société française en recourant à toutes les subtilités de notre belle langue. Son film, Les Chinois à Paris, hautement corrosif parce qu’il s’attaquait à la fois au résistancialisme muséal installé et à la mode Mao en cours au Quartier latin, devenu l’antichambre en bord de Seine de la Révolution culturelle à Pékin, souleva déjà l’indignation des bien-pensants.

 

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Les bien-pensants, Dominique de Roux les méprisait souverainement et s’en gaussait régulièrement. Il faut reconnaître qu’il avait payé cher cette impertinence depuis Immédiatement (1971) et les sévères critiques à l’encontre de Maurice Genevoix et Roland Barthes. Ostracisé d’une République des Lettres faisandée, Dominique de Roux s’apprêtait à partir pour le Portugal et ses interminables guerres coloniales africaines. Avant son départ et en guise de solde pour tout compte, il laissa à ses compatriotes ce nouvel ouvrage. Jean Yanne accepta d’ailleurs de le préfacer, préface qu’on ne retrouve pas dans la présente réédition pour des questions de droits d’auteur.

 

Dominique de Roux et Jean Yanne ne pouvaient que se rencontrer tant ils suffoquaient dans la société pompidolienne, cette société qui essayait péniblement – et sans le moindre succès ! – de combler le vide abyssal laissé par l’absence définitive de l’homme de Colombey-les-Deux-Églises. Dominique de Roux en veut beaucoup à Pompidou, « lui qui avait mis tant de hâte à tomber le Général, à le finir, et à interpréter le gaullisme (p. 18) ». Cette hostilité à l’égard de l’ancien Premier ministre se rencontrait aussi chez de cette figure du gaullisme de gauche et ancien des « relèves des années 1930 », Louis Vallon, auteur en 1969 d’un terrible pamphlet, L’Anti-de Gaulle.

 

France_de_Jean_Yanne.jpgNouveau préfacier de La France de Jean Yanne, l’écrivain Richard Millet comprend cette colère contre le responsable d’un « appel de Rome » en janvier 1969. Il se trompe néanmoins sur un point politique précis. Il évoque la candidature à la présidentielle du président du Sénat, Alain Poher, chef de l’État par intérim. Il confond le second intérim de Poher avec son premier en 1969 au cours duquel il fut effectivement battu au second tour par Pompidou.

 

Comme pour L’Ouverture de la chasse (1968) et Immédiatement, La France de Jean Yanne rassemble des réflexions et des aphorismes. Rédigées à la fin des années 1960 et au début de la décennie 1970, les sentences gardent encore une fraîcheur pour 2016. « Le reste, tout le reste ne concerne pas la France, mais les habitants actuels d’un espace géographique qui à partir de 1918 ont commencé à se perdre dans les sables de la carambouille et des bégaiements hémiplégiques, nouveaux tenanciers de quelques phantasmes culturels, à la limite de la convulsion (p. 93). »

 

Gaulliste singulier et avant-gardiste, Dominique de Roux éprouve un vif attachement pour Charles de Gaulle. « Qualités et défauts, il restera un général républicain de tradition aristocratique. Aristocrate : qui sait se prononcer contre ses propres intérêts (p. 99). » La définition s’applique aussi à l’auteur lui-même puisque, plutôt que de profiter d’une notoriété certaine, il se met volontiers à dos tout le petit monde de l’édition. Il constate bien avant Éric Zemmour que « les écrivains français devraient reprendre les classiques en faveur de la France (p. 145) ». Grande persiste son inquiétude pour l’avenir de la France. « Tout ce qui touche à la France est investi séance tenante d’une indifférence à l’essentiel. Instinct, inspiration personnelle sont empoisonnés aux sources. Il s’agit de coller au subalterne, de tourner à cloche-pied dans les cases des vertus de bourgeoisie, ce phare crétinisant du découragement collectif (p. 168). »

 

Dominique de Roux ajuste ses coups. Paria au sein des éditeurs, il se montre juste et cruel. « Quand on voit ce que devient l’édition en France ! Si souvent gargote, elle laisse échapper ses mesures : confusion des valeurs, glose lugubre, énorme amas de chansonnettes, commercialisation du clerc; l’atmosphère intellectuelle des baignoires de la rue Lauriston, grisaille de la porno ou le gosier glouton des femmes aux ailes de bécasse (pp. 50 – 51). » Il prévient en outre le lecteur de la censure implicite qui se manifeste dorénavant en maîtresse absolue sur les Lettres. « Les Amalrik, les Boukovsky sont des milliers en Occident, pas même étouffés, mais ignorés, balayés au niveau de manuscrit (p. 50). » Et si vous arrivez à dénicher un éditeur et que vous ne vous conformez pas aux injonctions néo-puritaines cosmopolites du moment, vous risquez de figurer sur une liste de proscription éditoriale. Richard Millet s’y est retrouvé dessus à l’initiative de la dénommée Annie Ernaux dont le dernier bouquin, salué par une grasse presse unanime et consanguine, raconterait ses déflorations répétées… La préhistoire du politiquement correct à la française date de cette période. N’oublions pas que René Pleven fit passer sa funeste loi en 1972. Un an plus tard, une autre loi aux conséquences financières désastreuses était entérinée.

 

ciqn410795-uk-300.jpgDepuis, « nous ne sommes pas le tiers-monde. Notre richesse, nous allons devoir la rembourser (p. 104) ». Dominique de Roux assène ici une remarquable fulgurance, confirmée par l’actualité quarante ans plus tard avec l’emprise bancaire de l’endettement et la ruine sciemment fomentée des États par quelques minorités ploutocratiques mondialistes. Cette saillie n’est pas anodine : Dominique de Roux avait côtoyé Ezra Pound, rédacteur d’ouvrages hostiles à l’usure, et il s’en inspirait.

 

L’auteur du Cinquième Empire (1977) semble avoir lu très en avance les nouveaux et affligeants programmes de géographie proposés en collège et au lycée. « Ainsi, nous avons perdu la France. Bientôt on n’enseignera plus l’Hexagone, nous guérissant de la conscience des frontières et du reste (p. 35). » En effet, l’idéologie sans-frontiériste qui exalte le « migrant » et conspue le paysan s’élabore à cette époque.

 

On pourrait multiplier les citations. Dominique de Roux exprime dans ce livre une déception (une amertume ?) qu’il épanchera dans la saudade de Lisbonne. La France de Jean Yanne contredit certains thèmes d’Éric Zemmour. Les ferments du déclin français agissent dès les années 1960 avant de proliférer, stimulés par le côté dévastateur du « libéralisme avancé » promu et entériné par le calamiteux duo Giscard – Chirac. L’Hexagone étouffe Dominique de Roux qui le quitte avec joie : La France de Jean Yanne décrit l’avilissement complet d’un Hexagone plus que proche.

 

Georges Feltin-Tracol

 

• Dominique de Roux, La France de Jean Yanne, préface de Richard Millet, Éditions Pierre-Guillaume de Roux, Paris, 2015, 181 p., 19,50 €.


Article printed from Europe Maxima: http://www.europemaxima.com

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mardi, 14 juin 2016

The Moral Sense in Joseph Conrad’s Lord Jim

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The Moral Sense in Joseph Conrad’s Lord Jim

jos91E7tiZerIL.jpgLord Jim (1900), Joseph Conrad’s fourth novel, is the story of a ship which collides with “a floating derelict” and will doubtlessly “go down at any moment” during a “silent black squall.” The ship, old and rust-eaten, known as the Patna, is voyaging across the Indian Ocean to the Red Sea. Aboard are eight hundred Muslim pilgrims who are being transported to a “holy place, the promise of salvation, the reward of eternal life.” Terror possesses the captain and several of his officers, who jump from the pilgrim-ship and thus wantonly abandon the sleeping passengers who are unaware of their peril. For the crew members in the safety of their life-boat, dishonor is better than death.

Beyond the immediate details and the effects of a shipwreck, this novel portrays, in the words of the story’s narrator, Captain Marlow, “those struggles of an individual trying to save from the fire his idea of what his moral identity should be…” That individual is a young seaman, Jim, who serves as the chief mate of the Patna and who also “jumps.” Recurringly Jim envisions himself as “always an example of devotion to duty and as unflinching as a hero in a book.” But his heroic dream of “saving people from sinking ships, cutting away masts in a hurricane, swimming through a surf with a line,” does not square with what he really represents: one who falls from grace, and whose “crime” is “a breach of faith with the community of mankind.” Jim’s aspirations and actions underline the disparity between idea and reality, or what is generally termed “indissoluble contradictions of being.” His is also the story of a man in search of some form of atonement once he recognizes that his “avidity for adventure, and in a sense of many-sided courage,” and his dream of “the success of his imaginary achievements,” constitute a romantic illusion.Jim’s leap from the Patna generates in him a severe moral crisis that forces him to “come round to the view that only a meticulous precision of statement would bring out the true horror behind the appalling face of things.” It is especially hard for Jim to confront this “horror” since his confidence in “his own superiority” seems so absolute. The “Patna affair” compels him in the end to peer into his deepest self and then to relinquish “the charm and innocence of illusions.” The Jim of the Patna undergoes “the ordeal of the fiery furnace,” as he is severely tested “by those events of the sea that show in the light of the day the inner worth of a man, the edge of his temper, and the fibre of his stuff; that reveal the quality of his resistance and the secret truth of his pretences, not only to others but also to himself.” Clearly the Patna is, for Jim, the experience both of a moment and of a lifetime.

This novel, from beginning to end, is the story of Jim; throughout the focus is on his life and character, on what he has done, or not done, on his crime and punishment, his failure of nerve as a seaman. It is, as well, the story of his predicament and his fate, the destiny of his soul—of high expectations and the great “chance missed,” of “wasted opportunity” and “what he had failed to obtain,” all the result of leaving his post, and abdicating his responsibility. Thus we see him in an unending moment of crisis, “over- burdened by the knowledge of an imminent death” as he imagines the grim scene before him: “He stood still looking at those recumbent bodies, a doomed man aware of his fate, surveying the silent company of the dead. They were dead! Nothing could save them!”

For Jim the overwhelming question, “What could I do—what?”, brings the answer of “Nothing!” The Patna, as it ploughs the Arabian Sea (“smooth and cool to the eye like a sheet of ice”) on its way to the Red Sea, is close to sinking, with its engines stopped, the steam blowing off, its deep rumble making “the whole night vibrate like a bass ring.” Jim’s imagination conjures up a dismal picture of a catastrophe that is inescapable and merciless. It is not that Jim thinks so much of saving himself as it is the tyranny of his belief that there are eight hundred people on ship— and only seven lifeboats. Conrad’s storyteller, Marlow, much sympathetic to Jim’s plight, discerns in him an affliction of helplessness that compounds his sense of hopelessness, making Jim incapable of confronting total shipwreck, as he envisions “a ship floating head down, checked in sinking by a sheet of old iron too rotten to stand being shored up.” But Jim is a victim not only of his imagination, but also of what Conrad calls a “moral situation of enslavement.” So torn and defeated is Jim that his soul itself also seems possessed by some “invisible personality, an antagonistic and inseparable partner of his existence.”

Jim’s acceptance of the inevitability of disaster and his belief that he could do absolutely nothing to forestall the loss of eight- hundred passengers render him helpless, robbing him of any ability to take any kind of life-saving action—“…I thought I might just as well stand where I was and wait.” In short, in Jim we discern a disarmed man who surrenders his will to action. The gravity of Jim’s situation is so overwhelming that it leaves him, his heroic aspirations notwithstanding, in a state of paralysis. His predicament, then, becomes his moral isolation and desolation, one in which Jim’s “desire of peace waxes stronger as hope de- clines…and conquers the very desire of life.” He gives in at precisely the point when strenuous effort and decisive actions are mandated, so as to resist “unreasonable forces.” His frame of mind recalls here Jean-Paul Sartre’s pertinent comment, in The Age of Reason (1945), “That’s what existence means: draining one’s own self dry without a sense of thrust.”

Everything in Jim’s background points to his success as a career seaman. We learn that, one of five sons, he originally came from a parsonage, from one of those “abodes of piety and peace,” in England; his vocation for the sea emerged early on and, for a period of two years, he served on a “‘training-ship for affairs of the mercantile marine.’” His station was in the foretop of a training ship chained to her moorings. We learn that, on one occasion, in the dusk of a winter’s day, a gale suddenly blew forth with a savage fury of wind and rain and tide, endangering the small craft on the shore and the ferry-boats anchored in the harbor, as well as the training-ship itself. The force of the gale “made him hold his breath in awe. He stood still. It seemed to him he was whirled around. He was jostled.” We learn, too, that a coaster, in search of shelter, crashed through a schooner at anchor. We see the cutter now tossing abreast the ship, hovering dangerously. Jim is on the point of leaping overboard to save a man overboard, but fails to do so. There is “pain of conscious defeat in his eyes,” as the captain shouts to Jim. “‘Too late, youngster….Better luck next time. This will teach you to be smart.’”

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This incident, related in the first chapter of the novel, serves to prepare us for Jim’s actions later on the Patna, and also suggests a kind of flaw in Jim’s behavior in a moment of danger. Early on in his career, then, Jim had displayed a willingness to “flinch” from his obligations, thus revealing a defect in the heroism about which he romanticized and which led him to creating self-serving fantasies and illusions. “He felt angry with the brutal tumult of earth and sky for taking him unawares and checking unfairly a generous readiness for narrow escapes.” Jim, as a seaman, refuses to admit his fear of fear, and in this he shows an inclination to escape the truth of reality by “putting out of sight all the reminders of our folly, of our weakness, of our mortality.” Clearly the episode on the training-ship serves both as a symptom and as a portent, underscores an inherent element of failure and disgrace in Jim’s character that, in the course of the novel, he must confront if he is to transcend the dreams and illusions that beguile him, and that he must finally vanquish if he is to find his “moral identity.” His early experience on the training-ship makes him a marked man. It remains for his experience later on the Patna to make him a “condemned man.”

That nothing rests secure, that, in the midst of certitude, danger lurks, that peace and contentment are at the mercy of the whirl of the world, are inescapable conditions of human existence. These daunting dichotomies, as we find them depicted in Lord Jim, are forever teasing and testing humans in their life-journey. Conrad sees these dichotomies in the unfolding spectacle of man and nature. To evince the enormous power of this process Conrad chooses to render time in a continuum which fills all space. Time has no end, no telos; it absorbs beginnings and endings—the past, present, and future not only in their connections but also in their disconnections.

Conrad’s spatial technique is no less complex, and no less revealing, than his use of time. Hence, he employs spatial dimension so as to highlight Jim’s sense of guilt in jumping from the Patna. A “seaman in exile from the sea,” Jim is constantly in flight when his incognito is repeatedly broken by the knowledge of his Patna connection. For years this “fact followed him casually but inevitably,” whenever and wherever he retreated. Jim’s “keen perception of the Intolerable” finally drives him away for good from seaports and white men, “into the virgin forest, the Malays of the jungle village.” The “acute consciousness of lost honour,” as Conrad expresses it in his Author’s Note, is Jim’s burden of fate. And wherever he retreats he is open to attack from some “deadly snake in every bush.” Time as memory and place as torment be- come his twin oppressors.

The specificities of the Patna episode were to come out during a well-attended Official Court of Inquiry that takes place for several days in early August 1883. Most of the details, in the form of remarks and commentaries, are supplied by Marlow in his long oral narrative, especially as these emerge from Jim’s own confession to Marlow when they happen to meet after the proceedings, on the yellow portico of the Malabar House. Humiliated and bro- ken, his certificate revoked, his career destroyed, Jim can never re- turn to his home and face his father—“‘I could never explain. He wouldn’t understand.’” Again and again, in his confession, Jim shows feelings of desperation and even hysteria: “Everything had betrayed him!” For him it is imperative to be identified neither with the “odious and fleshly” German skipper, Gustav, “the incarnation of everything vile and base that lurks in the world we love,” nor with the chief and the second engineers, “skunks” who are extensions of the captain’s coarseness and cowardice.

But that, in fact, Jim does jump overboard—“a jump into the unknown”—and in effect joins them in deserting the Patna ultimately agonizes his moral sense and impels him to scrutinize that part of his being in which the element of betrayal has entered. By such an action he feels contaminated, unclean, disgraced. How to separate himself morally from the captain and his engineers is still another cruel question to which he must find an answer. In this respect, Jim reminds us of the tragic heroes in ancient Greek drama whose encounters with destiny entail both risks and moral instruction. “We begin to live,” Conrad reminds us, “when we have conceived life as a tragedy.”

How does one “face the darkness”? How does one behave to the unknowable? These are other basic questions that vex Jim. He wants, of course, to answer these questions affirmatively, or at least to wrestle with them in redeeming ways, even as he appears to see himself within a contradiction—as one who can have no place in the universe once he has failed to meet the standards of his moral code. Refusing to accept any “helping hand” extended to him to “clear out,” he decides to “fight this thing down,” to expiate his sin, in short, to suffer penitently the agony of his failure: “He had loved too well to imagine himself a glorious racehorse, and now he was condemned to toil without honour like a costermonger’s donkey.” Jim’s innermost sufferings revolve precisely around his perception of his loss of honor, of his surrender to cowardice. The crushing shame of this perception tortures Jim, without respite. “’I had jumped—hadn’t I?’ he asked [Marlow], dismayed. ‘That’s what I had to live down.’”

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Jim’s moral sense is clearly outraged by his actions. This out- rage wracks his high conception of himself, compelling him in time to see himself outside of his reveries that Conrad also associates with “the determination to lounge safely through existence.” What clouds Jim’s fate is that such a net of safety and certitude has no sustained reality. Within the serenity that seemed to bolster his thoughts of “valorous deeds” there are hidden menaces that assault his self-contentment and self-deception and abruptly awaken Jim to his actual condition and circumstances. In one way, it can be said, Jim is a slave of the “idyllic imagination” (as Irving Babbitt calls it), with its expansive appetites, chimeras, reveries, pursuit of illusion. Jim’s is the story of a man who comes to discern not only the pitfalls of this imagination but also the need to free himself from its bondage. But to free himself from bondage requires of Jim painstaking effort, endurance. He must work diligently to transform chimeric, if incipient, fortitude into an active virtue as it interacts with a world that, like the Patna, can be “full of reptiles”—a world in which “not one of us is safe.”

Conrad uses Jim to indicate the moral process of recovery. Conrad delineates the paradigms of this process as these evolve in the midst of much anguish and laceration, leading to the severest scrutiny and judgment of the total human personality. Jim pays attention, in short, to the immobility of his soul; it will take much effort for him to determine where he is and what is happening to him if he is to emerge from the “heart of darkness” and the affliction within and around him to face what is called “the limiting moment.” It is, in an inherently spiritual context, a moment of repulsion when one examines the sin in oneself, and hates it. His sense of repulsion is tantamount to moral renunciation, as he embarks on the path to recovery from the romantic habit of day- dreaming.

In the end Jim comes to despise his condition, acceding as he does to the moral imperative. He accepts the need to see his “trouble” as his own, and he instinctively volunteers to answer questions regarding the Patna by appearing before the Official Court of Inquiry “held in the police court of an Eastern port.” (This actually marks his first encounter with Marlow, who is in attendance and who seems to be sympathetically aware of “his hope- less difficulty.”) He gives his testimony fully, objectively, honestly, as he faces the presiding magistrate. The physical details of Jim’s appearance underscore his urge “to go on talking for truth’s sake, perhaps for his own sake”—“fair of face, big of frame, with young, gloomy eyes, he held his shoulders upright above the box while his soul writhed within him.” Marlow’s reaction to Jim is instinctively positive: “I liked his appearance; he came from the right place; he was one of us.” In striking ways, Jim is a direct contrast to the other members of “the Patna gang”: “They were nobodies,” in Marlow’s words.

It should be recalled here that Jim adamantly refused to help the others put the lifeboat clear of the ship and get it into the water for their escape. Indeed, as Jim insists to Marlow, he wanted to keep his distance from the deserters, for there was “nothing in common between him and these men.” Their frenzied, self-serving actions to abandon the ship and its human cargo infuriated Jim—“‘I loathed them. I hated them.’” The scene depicting the abandonment of the Patna is one filled with “the turmoil of terror,” dramatizing the contrast between Jim and the other officers— between honor and dishonor, loyalty and disloyalty, in short, between aspiration and descent on the larger metaphysical map of human behavior. Jim personifies resistance to the negative as he tries to convey to Marlow “the brooding rancour of his mind into the bare recital of events.” Jim’s excruciating moral effort not to join the others and to ignore their desperate motions is also pictured at a critical moment when he felt the Patna dangerously dip- ping her bows, and then lifting them gently, slowly—“and ever so little.”

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The reality of a dangerous situation now seems to be devouring Jim, as he was once again to capitulate to the inner voice of Moral imperative to see “trouble” as one’s own weakness and doubt telling him to “leap” from the Patna. Futility hovers ominously around Jim at this last moment when death arrives in the form of a third engineer “clutch[ing] at the air with raised arms, totter[ing] and collaps[ing].” A terrified, transfixed Jim finds himself stumbling over the legs of the dead man lying on the bridge. And from the lifeboat below three voices yelled out eerily—“one bleated, another screamed, one howled”—imploring the man to jump, not realizing of course that he was dead of a heart attack: “Jump, George! Jump! Oh, jump….We’ll catch you! Jump!…Geo-o-o-orge! Oh, jump!” This desperate, screeching verbal command clearly pierces Jim’s internal condition of fear and terror, just as the ship again seemed to begin a slow plunge, with rain sweeping over her “like a broken sea.” And once again Jim is unable to sustain his refusal to betray his idea of honor. Here his body and soul are caught in the throes of still another “chance missed.”

The assaults of nature on Jim’s outer situation are as vicious at this pivotal point of his life as are the assaults of conscience on his moral sense. These clashing outer and inner elements are clearly pushing Jim to the edge, as heroic aspiration and human frailty wrestle furiously for the possession of his soul. What happens will have permanent consequences for him, as Conrad reveals here, with astonishing power of perception. Here, then, we discern a process of cohesion and dissolution, when Jim’s fate seems to be vibrating unspeakably as he experiences the radical pressures and tensions of his struggle to be more than what he is, or what he aspires to be. Jim, as if replacing the dead officer lying on the deck of the Patna, jumps: “It had happened somehow…,“ Conrad writes. “He had landed partly on somebody and fallen across a thwart.” He was now in the boat with those he loathed; “[h]e had tumbled from a height he could never scale again.” “‘I wished I could die,’” he admits to Marlow. “‘There was no going back. It was as if I had jumped into a well—into an everlasting deep hole.’”

A cold, thick rain and “a pitchy blackness” weigh down the lurching boat; “it was like being swept by a flood through a cavern.” Crouched down in the bows, Jim fearfully discerns the Patna, “just one yellow gleam of the masthead light high up and blurred like a last star ready to dissolve.” And then all is black, as one of the deserters cries out shakily, “‘She’s gone!’” Those in the boat remain quiet, and a strange silence prevails all around them, blurring the sea and the sky, with “nothing to see and nothing to hear.” To Jim it seemed as if everything was gone, all was over. The other three shipmates in the boat mistake him for George, and when they do recognize him they are startled and curse him. The boat itself seems filled with hatred, suspicion, villainy, betrayal. “We were like men walled up quick in a roomy grave,” Jim confides to Marlow.

The boat itself epitomizes abject failure and alienation from mankind. Everything in it and around it mirrors Jim’s schism of soul, “imprisoned in the solitude of the sea.” Through the varying repetition of language and images Conrad accentuates Jim’s distraught inner condition, especially the shame that rages in him for being “in the same boat” with men who exemplify a fellowship of liars. By the time they are picked up just before sunset by the Avondale, the captain and his two officers had already “made up a story” that would sanction their desertion of the Patna, which in fact had not sunk and which, with its pilgrims, had been safely towed to Aden by a French gunboat, eventually to end her days in a breaking-up yard. Unlike the others, Jim would choose to face the full consequences of his actions, “to face it out—alone for my- self—wait for another chance—find out….“

“Jim’s affair” was destined to live on years later in the memories and minds of men, as instanced by Marlow’s chance meeting in a Sydney café with a now elderly French lieutenant who was a boarding-officer from the gunboat and remained on the Patna for thirty hours. For Marlow this meeting was “a moment of vision” that enables him to penetrate more deeply into the events surrounding the Patna as he discusses them with one who had been “there.” The French officer, at this time the third lieutenant on the flagship of the French Pacific squadron, and Marlow, now commanding a merchant vessel, thus share their recollections, from which certain key thoughts emerge, measuring and clarifying the entire affair. The two men here bring to mind a Greek chorus speaking words of wisdom that explain human suffering and tragedy. In essence it is Jim’s predicament that Conrad wants to diagnose here so as to enlist the reader’s understanding, even sympathy. “‘The fear, the fear—look you—it is always there,’” the French officer declares. And he goes on to say to Marlow—all of this with reference to Jim: “‘And what life may be worth…when the Fear vs. honor is gone….I can offer no opinion—because—monsieur—I know nothing of it.’”

jostyph537012.jpgFor Conrad the task of the novelist is to illuminate “Jim’s case” for the reader’s judgment, and he does this, from diverse angles and levels, in order for the reader to consider all of the evidence, all the ambivalences, antinomies, paradoxes. If for Jim the struggle is to ferret out his true moral identity, for the reader the task is to meditate on what is presented to him and, in the end, to attain a transcendent apprehension of life in time and life in relation to values.[1] Jim is, to repeat, “one of us,” and in him we meet and see ourselves on moral grounds, so to speak.

In the final paragraph of his Author’s Note, Conrad is careful to point out that the creation of Jim “is not the product of coldly perverted thinking.” Nor is he “a figure of Northern mists.” In Jim, Conrad sees Everyman. In short, he is the creative outgrowth of what Irving Babbitt terms “the high seriousness of the ethical imagination,” and not of the “idyllic imagination,” with its distortions of human character. In other words, this is the “moral imagination” which “imitates the universal” and reveres the “Permanent Things.” In Jim we participate in and perceive a normative consciousness, as we become increasingly aware of Jim’s purposive function in reflective prose and poetic fiction, aspiring as it does to make transcendence perceptible.[2] Conrad testifies to the force and truth of the principles of a metaphysics of art when, in the concluding sentence of his Author’s Note, he writes about his own chance encounter with the Jim in ourselves: “One morning in the commonplace surroundings of an Eastern roadstead, I saw his form pass by—appealing—significant—under a cloud—perfectly silent. Which is as it should be. It was for me, with all the sympathy of which I was capable, to seek fit words for his meaning. He was ‘one of us.’”

A man of “indomitable resolution,” Jim strikes aside any “plan for evasion” proffered to him by a “helping hand” like Marlow’s. Nothing can tempt him to ignore the consequences of both his decisions and indecisions, which surround him like “deceitful ghosts, austere shades.” Any plan to save him from “degradation, ruin, and despair” he shuns, choosing instead to endure the conditions of homelessness and aloneness. He refuses to identify with any schemes or schemers of a morally insensitive nature. The “deep idea” in him is the moral sense to which he somehow hangs on and the innermost voice to which he listens.

Unfailingly Conrad reveals to us the nature of Jim’s character and will in a “narrative [which] moves through a devious course of identifications and distinctions,” as one critic observes.[3] Thus in the person of Captain Montague Brierly we have a paragon sailing ship skipper, and an august member of the board of inquiry, whose overarching self-satisfaction and self-worth presented to Marlow and to the world itself “a surface as hard as granite.” Unexplainably, however, Brierly commits suicide a week after the official inquiry ended by jumping overboard, less than three days after his vessel left port on his outward passage. It seems, as Marlow believes, that “something akin to fear of the immensity of his contempt for the young man [Jim] under examination, he was probably holding silent inquiry into his own case.” Jim will not go the way of Brierly, whose juxtaposition to Jim, early on in the novel, serves to emphasize the young seaman’s fund of inner strength needed to resist perversion of the moral sense. Unlike Brierly, Jim will not be unjust to himself by trivializing his soul.

joshod4427591.jpgNor will Jim become part of any business scheme that would conveniently divert him from affirming the moral sense. A far- fetched and obviously disastrous business venture (“[a]s good as a gold-mine”), concocted by Marlow’s slight acquaintance, a West Australian by the name of Chester, and his partner, “Holy-Terror Robinson,” further illustrates in Jim the ascendancy of “his fine sensibilities, his fine feelings, his fine longings.” Jim will not be identified with the unsavory Chester any more than he would be identified with the Patna gang. Marlow himself, whatever mixed feelings he may have as to Jim’s weaknesses, intuits that Jim has nobler aspirations than being “thrown to the dogs” and in effect to “slip away into the darkness” with Chester. Jim’s destiny may be tragic, but it is not demeaning or tawdry, which in the end sums up Marlow’s beneficent trust in Jim.

In a state of disgrace, Jim was to work as a ship-chandler for various firms, but he was always on the run—to Bombay, to Calcutta, to Rangoon, to Penang, to Bangkok, to Batavia, moving from firm to firm, always “under the shadow” of his connection to the Patna “skunks.” Always, too, the paternal Marlow was striving to find “opportunities” for Jim. Persisting in these efforts, Marlow pays a visit to an acquaintance of his, Stein, an aging, successful merchant-adventurer who owns a large inter-island business in the Malay Archipelago with a lot of trading posts in out- of-the-way trading places for collecting produce. Bavarian-born Stein is, for Marlow, “one of the most trustworthy men” who can help to mitigate Jim’s plight. A famous entomologist and a “learned collector” of beetles and butterflies, he lives in Samarang. A sage, as well, he ponders on the problems of human existence: “Man is amazing, but he is not a masterpiece…man is come where he is not wanted, where there is no place for him…,“ he says to Marlow. He goes on to observe that man “wants to be a saint, and he wants to be a devil,” and even sees himself, “in a dream,” “as a very fine fellow—so fine as he can never be….“ Solemnly, he makes this observation, so often quoted from Conrad’s writings: “A man that is born falls into a dream like a man who falls into the sea….The way is to the destructive element submit yourself, and with the exertions of your hands and feet in the water make the deep, deep sea keep you up.”

Lord-Jim_portrait_w858.jpgMarlow’s meeting with Stein provides for a philosophical probing of some of the fundamental ideas and life-issues Conrad presents in Lord Jim. The human condition, no less than the kingdom of nature, is the province of his explorations. His musings on the mysteries of existence ultimately have the aim of enlarging our understanding of Jim’s character and soul. These musings also have the effect of heightening Jim’s struggles to find his true moral identity. Inevitably, abstraction and ambiguity are inherent elements in Stein’s metaphysics, so to speak, even as his persona and physical surroundings merge to project a kind of mystery; his spacious apartment, Marlow recalls, “melted into shapeless gloom like a cavern.” Indeed Marlow’s visit to Stein is like a visit to a medical diagnostician who possesses holistic powers of discernment—“our conference resembled so much a medical consultation—Stein of learned aspect sitting in an arm-chair before his desk….” Stein’s ruminations, hence, have at times an oracular dimension, as “…his voice…seemed to roll voluminous and grave—mellowed by distance.” It is in this solemn atmosphere, and with subdued tones, that Stein delivers his chief pronouncement on Jim: “‘He is romantic—romantic,’ he repeated. ‘And that is very bad—very bad….Very good, too,’ he added.”

The encounter with Stein assumes, almost at the mid-point of the novel, episodic significance in Jim’s moral destiny, and in the final journey of a soul in torment. Stein’s observations, insightful as they are, hardly penetrate the depths of Jim’s soul, its conditions and circumstances, which defy rational analysis and formulaic prescriptions. The soul has its own life, along with but also beyond the outer life Stein images. It must answer to new demands, undertake new functions, face new situations—and experience new trials. The dark night of the soul is at hand, inexorably, as Jim retreats to Patusan, one of the Malay islands, known to officials in Batavia for “its irregularities and aberrations.” It is as if Jim had now been sent “into a star of the fifth magnitude.” Behind him he leaves his “earthly failings.” “‘Let him creep twenty feet underground and stay there,’” to recall Brierly’s words. In Patusan, at a point of the river forty miles from the sea, Jim will relieve a Portuguese by the name of Cornelius, Stein & Co.’s manager there. It is as if Stein and Marlow had schemed to “tumble” him into another world, “to get him out of the way; out of his own way.” “Disposed” of, Jim thus enters spiritual exile, alone and friendless, a straggler, a hermit in the wilderness of Patusan, where “all sound and all movements in the world seemed to come to an end.”

The year in which Jim, now close to thirty years of age, arrives in Patusan is 1886. The political situation there is unstable—“utter insecurity for life and property was the normal condition.” Dirt, stench, and mud-stained natives are the conditions with which Jim must deal. In the midst of all of this rot, Jim, in white apparel, “appeared like a creature not only of another kind but of another essence.” In Patusan, he soon becomes known as Lord Jim (Tuan Jim), and his work gives him “the certitude of rehabilitation.” Patusan, as such, heralds Jim’s unceasing attempt to start with a clean slate. But in Patusan, as on the Patna, Jim is in extreme peril, for he has to grapple with fiercely opposing native factions: the forces of Doramin, Stein’s old friend, chief of the second power in Patusan, and those of Rajah Allang, a brutish chief, constantly locked in quarrels over trade, leading to bloody outbreaks and casualties. Jim’s chief goal was “to conciliate imbecile jealousies, and argue away all sorts of senseless mistrusts.” Doramin and his “distinguished son,” Dain Waris, believe in Jim’s “audacious plan.” But will he succeed, or will he repeat past failures? Is Chester, to recall his earlier verdict on Jim, going to be right: “‘He is no earthly good for anything.’” And will Jim, once and for all, exorcise the “unclean spirits” in himself, with the decisiveness needed for atonement? These are convergent questions that badger Jim in the last three years of his life.

During the Patusan sequence, Jim attains much power and influence: “He dominated the forest, the secular gloom, the old man kind.” As a result of Jim’s leadership, old Doramin’s followers rout their sundry enemies, led not only by the Rajah but also by the vagabond Sherif Ali, an Arab half-breed whose wild men terrorized the land. Jim becomes a legend that gives him even super- natural powers. Lord Jim’s word was now “the one truth of every passing day.” Certainly, from the standpoint of heroic feats and sheer physical courage and example, Jim was to travel a long way from Patna to Patusan. Here his fame is “Immense!…the seal of success upon his words, the conquered ground for the soles of his feet, the blind trust of men, the belief in himself snatched from the fire, the solitude of his achievement.” If his part in the Patna affair led to the derision that pursued him in his flights to nowhere, fame and adoration now define his newly-won greatness. The tarnished first mate of the Patna in the Indian Ocean is now the illustrious Lord Jim of the forests of Patusan.

The difficult situations that Jim must now confront in Patusan demand responsible actions, which Conrad portrays with all their complexities and tensions. There is no pause in Jim’s constant wrestle with responsibilities, whether to the pilgrims on the Patna or the natives in Patusan. The moral pressures on him never ease, requiring of Jim concrete gestures that measure his moral worth. Incessantly he takes moral soundings of himself and of the outer life. The stillness and silences of the physical world have a way of accentuating Jim’s inner anguish. He is profoundly aware that some “floating derelict” is waiting stealthily to strike at the roots of order, whether of man or of society.

LordJimLobby.jpgIn the course of relating the events in Patusan, where he was visiting Jim, Marlow speaks of Jim’s love for a Eurasian girl, Jewel, who becomes his mistress. Cornelius, the “awful Malacca Portuguese,” is Jewel’s legal guardian, having married her late mother after her separation from the father of the girl. A “mean, cowardly scoundrel,” Cornelius is another repulsive beetle in Jim’s life. The enemies from without, like the enemy from within, seem to pursue Jim relentlessly. In Patusan, thus, Cornelius, resentful of being replaced as Stein’s representative in the trading post, hates Jim, never stops slandering him, wants him out of the way: “‘He knows nothing, honourable sir—nothing whatever. Who is he? What does he want here—the big thief?…He is a big fool….He’s no more than a little child here—like a little child—a little child.’” Cornelius asks Marlow to intercede with Jim in his favor, so that he might be awarded some “‘moderate provision—suitable present,’” since “he regarded himself as entitled to some money, in exchange for the girl.” But Marlow is not fazed by Cornelius’s imprecations: “He couldn’t possibly matter…since I had made up my mind that Jim, for whom alone I cared, had at last mastered his fate….“ Nor is Jim himself troubled by Cornelius’s unseemly presence and the possible danger he presents: “It did not matter who suspected him, who trusted him, who loved him, who hated him…. ‘I came here to set my back against the wall, and I am going to stay here,’” Jim insists to Marlow.

The concluding movement of the novel, a kind of andante, conveys a “sense of ending.” Marlow’s long narrative, in fact, is now coming to an end, confluent with his “last talk” with Jim and his own imminent departure from Patusan. The language belongs to the end time, and is pervaded by deepening sorrow and pity, and by an implicit recognition “of the implacable destiny of which we are the victims—and the tools.” A poetry of lamentation takes hold of these pages, and the language is brooding, ominous, recondite. Concurrently, the figure of Cornelius weaves in and out and gives “an inexpressible effect of stealthiness, of dark and secret slinking….His slow, laborious walk resembled the creeping of a repulsive beetle….” We realize that Marlow and Jim will never meet again, as we witness a twilight scene of departure. Having accompanied Marlow as far as the mouth of the river, Jim now watches the schooner taking Marlow to the other world “fall off and gather headway.” Marlow sees Jim’s figure slowly disappearing, “no bigger than a child—then only a speck, a tiny white speck…in a darkened world.”

At the end of the novel, Jim finds himself a prisoner and ultimately a victim of treachery as he fights against invading outcasts and desperadoes who, for any price, kill living life—cutthroats led by “the Scourge of God,” “Gentleman Brown,” a supreme incarnation of evil that Jim must confront. Conrad renders the power of evil in unalleviating ways, even as he sees man’s moral poverty as an inescapable reality. Indeed, what makes Jim’s fate so overpowering is that he never stops struggling against the ruthless forces of destruction that embody Conrad’s vision of evil. What Jim has accomplished in Patusan by creating a more stable social community will now be subject to attack by invaders of “undisguised ruthlessness” who would leave Patusan “strewn over with corpses and enveloped in flames.” If Jim’s inner world, in the first part of the novel, is in turmoil, it is the outer world, in the second part of the novel that is collapsing “into a ruin reeking with blood.” What we hear in the concluding five chapters of Lord Jim is the braying voice of universal discord, crying out with a merciless conviction that, between the men of the Bugis nation living in Patusan and the white marauders, “there would be no faith, no compassion, no speech, no peace.”

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The last word of the story of Jim’s life is reserved for one of Marlow’s earlier listeners, “the privileged man,” who receives a thick packet of handwritten materials, of which an explanatory letter by Marlow is the most illuminating. A narrative in epistolary form provides us, two years following the completion of Marlow’s oral narrative, with the details of the last episode that had “come” to Jim. What Marlow has done is to fit together the fragmentary pieces of Jim’s “astounding adventure” so as to record “an intelligible picture” of the last year of his life. The epistolary narrative here is based on the exploit of “a man called Brown,” upon whom Marlow happened to come in a wretched Bangkok hovel a few hours before Brown died. The latter was thus to volunteer information that helped complete the story of Jim’s life, in which Brown himself played a final and fatal role.

The son of a baronet, Brown is famous for leading a “lawless life.” He is “a latter-day buccaneer,” known for his “vehement scorn for mankind at large and for victims in particular.” We learn that he hung around the Philippines in his rotten schooner, which, eventually, “he sails into Jim’s history, a blind accomplice of the Dark Powers.” Their meeting takes place as they face each other across a muddy creek—“standing on the opposite poles of that conception of life which includes all mankind.” This encounter is of enormous consequence, as Jim, “the white lord,” contends verbally with the “terrible,” “sneering” Brown, who slyly invokes their “common blood, an assumption of common experience, a sickening suggestion of common guilt….” The conversation, Marlow was to recall in his letter, appeared “as the deadliest kind of duel on which Fate looked on with her cold-eyed knowledge of the end.” Brown, with his “satanic gift of finding out the best and the weakest spot in his victims,” seems to be surveying and staking out Jim’s character and capability. Jim, on his part, intuitively feels that Brown and his men are “the emissaries with whom the world he had renounced was pursuing him in his retreat.”

Perceiving the potential menace of Brown and his “rapacious” white followers, Jim approaches the entire situation with caution; he knows that there will be either “a clear road or else a clear fight” ahead. His one thought, as he informs Doramin, is “for the people’s good.” Preparations for battle now take place around the fort, and the feeling among the natives is one of anxiety, and also of hope that Jim will somehow resolve everything by convincing Brown that the way back to the sea would be a peaceful one. Jim is convinced “that it would be best to let these whites and their followers go with their lives.” Unwavering as always in meeting his moral obligations, he is primarily concerned with the safety of Patusan. But he underestimates the calculating Brown, again disclosing the propensity that betrays him. Quite simply Jim does not mistrust Brown, believing as he does that both of them want to avoid bloodshed. In this respect, illusion both comforts and victimizes Jim, as the way is made clear for Brown, with the sniveling Cornelius at his side providing him with directions, to withdraw from Patusan, now guarded by Dain Waris’s forces.

Brown’s purpose is not only to escape but also to get even with Jim for not becoming his ally, and to punish the natives for their earlier resistance to his intrusion. When retreating towards the coast his men deceitfully open fire on an outpost of Patusan, killing the surprised and panic-stricken natives, as well as Dain Waris, “the only son of Nakhoda Doramin,” who had earlier acceded to Jim’s request that Brown and his party should be allowed to leave without harm. It could have been otherwise, to be sure, given the superior numbers of the native defenders. Once again, it is made painfully clear, Jim flinches in discernment and in leadership, naïvely trusting in his illusion, in his dream, unaware of the evil power of retribution that impels Brown and that slinks in human-kind. That, too, Brown’s schooner later sprung a bad leak and sank, he himself being the only survivor to be found in a white long-boat, and that the deceitful Cornelius was to be found and struck down by Jim’s ever loyal servant, Tamb’ Itam, can hardly compensate for the destruction and the deaths that took place as a result of Jim’s failure of judgment. Marlow’s earlier demurring remark has a special relevance at this point: “I would have trusted the deck to that youngster [Jim] on the strength of a single glance…but, by Jove! It wouldn’t have been safe.”

Lord-Jim.jpgJim’s decision to allow free passage to Brown stems from his concern with preserving an orderly community in Patusan: he did not want to see all his good work and influence destroyed by violent acts. But clearly he had misjudged Brown’s character. Neither Jim’s honesty nor his courage, however, are to be impugned; his moral sense, in this case, is what consciously guided his rational conception of civilization. But a failure of moral vision, induced perhaps by moral pride and romanticism, blinds him to real danger. When Tamb’ Itam returns from the outpost to inform Jim about what has happened, Jim is staggered. He fathoms fully the effects of Brown’s “cruel treachery,” even as he understands that his own safety in Patusan is now at risk, given Dain Waris’s death and Doramin’s dismay and grief over events for which he holds Jim responsible. For Jim the entire situation is untenable, as well as perplexing: “He had retreated from one world for a small matter of an impulsive jump, and now the other, the work of his own hands, had fallen in ruins upon his head.” His feeling of isolation is rending, as he realizes that “he has lost again all men’s confidence.” The “dark powers” have robbed him twice of his peace.

To Tamb’ Itam’s plea that he should fight for his life against Doramin’s inevitable revenge, Jim bluntly cries, “‘I have no life.’” Jewel, too, “wrestling with him for the possession of her happiness,” also begs him to put up a fight, or try to escape, but Jim does not heed her. “He was going to prove his power in another way and conquer the fatal destiny itself.” This is, truly, “‘a day of evil, an accursed day,’” for Jim and for Patusan. When Dain Waris’s body is brought into Doramin’s campong, the “old nakhoda” was “to let out one great fierce cry…as mighty as the bellow of a wounded bull.” The scene here is harrowing in terms of grief, the women of the household “began to wail together; they mourned with shrill cries; the sun was setting, and in the intervals of screamed lamentations the high sing-song voices of two old men intoning the Koran chanted alone.” The scene is desolate, unconsoling, rendered in the language of apocalypse; the sky over Patusan is blood-red, with “an enormous sun nestled crimson amongst the treetops, and the forest below had a black and forbidding face.” Jim now appears silently before Doramin, who is sitting in his armchair, a pair of flintlock pistols on his knees. “‘I am come in sorrow,’” he cries out to Doramin, who stared at Jim “with an expression of mad pain, of rage, with a ferocious glitter….and lifting deliberately his right [hand], shot his son’s friend through the chest.”

At the end of his explanatory letter Marlow remarks that Jim “passes away under a cloud, inscrutable at heart, forgotten, unforgiven, and excessively romantic.” Such a remark, of course, must be placed in the context of Marlow’s total narrative, with all of the tensions and the ambiguities that occur in relating the story of Jim’s life as it unfolds in the novel. Nor can Marlow’s words here be construed as a moral censure of Jim. What exemplifies Marlow’s narrative, in fact, is the integrity of its content, as the details, reflections, judgments, demurrals emerge with astonishing and attenuating openness, deliberation. There is no single aspect of Jim’s life and character that is not measured and presented in full view of the reader. If judgment is to be made regarding Jim’s situation, Conrad clearly shows, then affirmations and doubts, triumphs and failures will have to be disclosed and evaluated cumulatively.

No one is more mercilessly exposed to the world than Jim. And no one stands more naked before our judgment than he. The scrutiny of Jim’s beliefs and attitudes, and of his actions and inactions, is relentless in depth and latitude. He himself cannot hide or flee, no matter where he happens to be. Marlow well discerns Jim’s supreme aloneness in his struggles to find himself in himself, to master his fate, beyond the calumnies of his enemies and the loyalty and love of his friends—and beyond his own rigorous self-judgments. The anguish of struggle consumes everything and every- one in the novel, and nothing and no one can be the same again once in contact with him. In Jim, it can be said, we see ourselves, for he is “one of us,” he is our “common fate,” which prohibits us to “let him slip away into the darkness.”

From a moral perspective the Official Court of Inquiry literally takes place throughout Lord Jim. Jim never ceases to react to charges of cowardice and of irresponsibility; never ceases to strive earnestly to prove his moral worthiness. He seems never to be in a state of repose, is always under pressure, always examining his pensive state of mind and soul. Self-illumination rather than self- justification, or even self-rehabilitation, is his central aim, and he knows, too, that such a process molds his own efforts and pain. He neither expects nor accepts help or absolution from others, nor does he blame others for his own sins of commission or omission. His character is thus one of singular transparency, acutely self-conscious, and vulnerable.

Jim’s moral sense weighs heavily on him and drives him on sundry, sometimes contradictory, lines of moral awareness and behavior. In this respect he brings to mind the relevance of Edmund Burke’s words: “The lines of morality are not like the ideal lines of mathematics. They are broad and deep as well as long. They admit of exceptions; they demand modifications.”[4] Gnostic commentators who view the moral demands of this novel as confusing or uncertain fail to see that the lines of morality, even when they take different directions and assume different forms, inevitably crystallize in something that is solid in revelation and in value.[5]

Clearly Jim’s high-mindedness and character are problematic, and his scale of human values is excessively romantic. Thus he romanticizes what it means to be a sailor, what duty is, even what cowardice is. The fact is that he is too “noble” to accommodate real-life situations. In essence, then, Jim violates what the ancient Greeks revered as the “law of measure.” And ultimately his pride, his lofty conception of what is required of him in responsible leadership and duty, his high idealism, mar the supreme Hellenic virtue of sophrosyne. Jim’s conduct dramatizes to an “unsafe” degree the extremes of arrogance, and of self-delusion and self-assertion. Above all his idealism becomes a peculiar kind of escape from the paradoxes and antinomies that have to be faced in what Burke calls the “antagonist world.”

In the end, Jim’s habit of detachment and abstraction manifestly rarefies his moral sense and diminishes and even neutralizes the moral meaning of his decisions and actions. His self-proclaimed autonomy dramatizes monomania and egoism, and makes him incapable of harmonious human interrelations, let alone a redeeming humility. His moral sense is consequently incomplete as a paradigm, and his moral virtues are finite. And his fate, as it is defined and shaped by his tragic flaw, does not attain true grandeur. In Jim, it can be said, Conrad presents heroism with all its limitations.[6]

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Despite the circumstances of his moral incompleteness, Jim both possesses and enacts the quality of endurance in facing the darkness in himself and in the world around him. Even when he yearns to conceal himself in some forgotten corner of the universe, there to separate himself from other imperfect or fallen humans, from thieves and renegades, and from the harsh exigencies of existence, he also knows that unconditional separation is not attainable. He persists, however erratically or skeptically, in his pursuit to reconcile the order of the community and the order of the soul; and he perseveres in his belief in the axiomatic principles of honor, of loyalty, prescribing the need to transcend inner and outer moral squalor. His death, even if it shows the power of violence, of the evil that stalks man and humanity, of the flaws and foibles that afflict one’s self, does not diminish the abiding example of Jim’s struggle to discover and to overcome moral lapses.

Jim can never silence the indwelling moral sense that inspires and illuminates his life-journey. Throughout this journey the virtue of endurance does not abandon him, does not betray him, even when he betrays himself and others. He endures in order to prevail. In Lord Jim, Joseph Conrad portrays a fitful but ascendant process of transfiguration in the life of a solitary hero whose courage of endurance contains the seeds of redemption. Such a life recalls the eternal promise of the Evangelist’s words: “He that endureth to the end shall be saved.”[7]

Books by George Panichas and Joseph Conrad may be found in The Imaginative Conservative Bookstore. Reprinted with the gracious permission of Modern Age (Spring 1986).

Notes:
  1. See the chapter “Toward a Metaphysics of Art,” in my book The Reverent Discipline: Essays in Literary Criticism and Culture (Knoxville, Tenn., 1974), 185- 204.
  2. See Russell Kirk, “The Perversity of Recent Fiction: Reflections on the Moral Imagination,” Redeeming the Time (Wilmington, Del., 1996), 68-86.
  3. See Dorothy Van Ghent, The English Novel: Form and Function (New York, 1953), 229-244.
  4. The Philosophy of Edmund Burke: A Selection from His Speeches and Writings, edited and with an introduction by Louis I. Bredvold and Ralph G. Ross (Ann Arbor, 1960), 41.
  5. See, for example, Douglas Hewitt, “Lord Jim,” Conrad: A Reassessment (Chester Springs, Pa., 1969), 31-39.
  6. My explication of the ideas found in this and the preceding paragraph owes much to Professor Claes G. Ryn’s discerning and detailed critique of my appraisal of Lord Jim, as found in his letter to me dated March 4, 2000.
  7. Matthew, 10:22.

lundi, 13 juin 2016

Die Rache der Arbeiter

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Die Rache der Arbeiter

Rechtspopulismus Wie ticken die Arbeiter, die europaweit als rechtsextremes Wahlklientel von sich hören lassen? Didier Eribon, selbst Arbeiterkind, schrieb ein faszinierendes Buch darüber

Ein Blog-Beitrag von Freitag-Community-Mitglied Johnny H. Van Hove

Ex: https://www.freitag.de

ruckher.PNGIn Österreich wählten 86% der Arbeiter den rechtsextremen Bundespräsidentschaftskandidaten Norbert Hofer. In Frankreich, Belgien, den Niederlanden und Deutschland heißen die populären rechten Kandidaten Le Pen, Dewinter, Wilders und Petry. Warum werden sie so häufig von der Arbeiterschaft unterstützt? Eribons Rückkehr nach Reims – ein Buch aus dem Jahr 2009, das nun in der hervorragenden Übersetzung von Tobias Haberkorn auf Deutsch vorliegt –, bietet sowohl eine biographische wie auch eine politische Auseinandersetzung mit der französischen Arbeiterklasse und wandelt dabei kontinuierlich und scharfsinnig auf den Spuren ihrer gesellschaftspolitischen Umbrüche: Von Kommunisten hin zu Front National-Anhängern.

Die Ausgangslage des Buches ist ein persönliches Drama. Als sein Vater stirbt, ist Eribon nach jahrzehntelangem selbstgewählten Exil gezwungen, das alte Arbeiterviertel in der Nähe von Reims zu besuchen. Den Ort hatte der Soziologe als Jugendlicher mit voller Überzeugung für Paris eingetauscht. Die Rückkehr in die Provinz löste bei Eribon eine „Umkehr, eine Rückbesinnung, ein Wiedersehen mit einem ebenso konservierten wie negierten Selbst“ aus. Was auf den ersten Blick in eine psychologische Nabelschau über eine „Gegend seiner selbst“ abzudriften droht, mündet im Gegenteil in eine vielschichtige, wundervoll kritische Reflexion über den Einfluss der sozialen Welt auf die Subjektkonstitution sowie über die konkrete politische Entwicklung und Lage der Arbeiterschaft innerhalb der französischen Gesellschaft.

Gegen die Massenoligarchie

Anhand seiner Rückkehr fragt der Autor, welchen Anteil die „offizielle Linke“ an der Tatsache trägt, dass seine Familie nun das Front National wählt, während sie in seiner ganzen Kindheit die Kommunisten unterstützten. Das Versagen der Linken sei ein wichtiger Teil der Antwort, besonders das der Parti Socialiste. Erst leugneten die Sozialdemokraten die Existenz von Klassen und sozio-ökonomischer Unterdrückung, die zunehmend durch das Konzept der individuellen Verantwortung im politischen Diskurs abgelöst wurden. Daraufhin schrieb sich die Partei gänzlich in das Projekt des Sozialabbaus ein – eine Politik, die bis heute konsequent verfolgt werde.

Radikale linke Kreise, wiederum, die sich vehement gegen die Sozialdemokratie wehrten, reduzierten Arbeiterinnen und Arbeiter all zu häufig auf politische Chiffren. Linke Intellektuelle betteten sie in hoch komplexe Theoretisierungen ein, mit dem Ergebnis, dass die historische Arbeiterbewegung lediglich mit ihren Kämpfen und Traditionen erhalten bleibe; die individuellen ArbeiterInnen hingegen – die Tatsache, dass sie „existieren, dass die leben, dass sie etwas denken und wollen“ – verschwanden zunehmend. Es ist sicherlich kein Zufall, dass Eribons Beschäftigung mit linker Klassentheorie zur endgültigen Befremdung gegenüber seinen Eltern führt, deren Verständnis von linker Politik eher pragmatischer Natur war und das sich fast ausschließlich an lokalen Alltagsproblemen orientierte. Nicht ohne Bedauern gibt der Autor zu: „Mein jugendlicher Marxismus war also ein Instrument meiner eigenen sozialen Desidentifikation. Ich glorifizierte die Arbeiterklasse, um mich leichter von den realen Arbeitern abgrenzen zu können.“

Eribon geht gnadenlos kritisch mit den französischen Salonsozialisten ins Gericht. Auch wenn er manchmal zu pessimistischen Verallgemeinerungen über die anti-linke Stimmung vieler Arbeiter und Arbeiterinnen neigt, gibt ihm die politische Realität zunehmend recht: Die linke Wählerschaft läuft heute scharenweise zum rechtspopulistischen Klassenfeind über. Sie tue das primär aus Notwehr und Opposition gegenüber der dominanten Massenoligarchie, wie Emmanuel Todd die Klassen oberhalb der traditionellen Arbeiterklasse in seinem sehr lesenswerten Buch Wer ist Charlie? nennt, die ihr akzeptables Bildungsniveau und Einkommen auf Kosten der populären Schichten durchsetze. Ein weiterer Grund ist, so führt Eribon an, dass die Arbeiterklasse keineswegs dazu prädestiniert sei, links oder progressiv zu wählen: Ein Denkfehler, der bis heute unter vielen Linken herrsche. Am Ende seien Rechtspopulisten in erster Linie sehr erfolgreiche Einfänger und Verstärker der negativen Passionen der Arbeiterklasse, die im Kontext ihrer zunehmend schwierigen sozio-ökonomischen Lage entstehen. Dieser Umstand wird besonders vor dem Hintergrund Eribons eigener Familiengeschichte deutlich.

retour_a_reims_livre.jpgUnterwerfung als Rettung

Eribon zeigt sich als ein differenzierter Chronist seiner Familiengeschichte, die er harsch und liebevoll wiedergibt und durch den sozio-politischen Fleischwolf zieht. Seine Eltern, Fabrikarbeiter mit homophoben und rassistischen Tendenzen, lebten vor den Augen ihrer Kinder einen hysterischen „Ehewahnsinn“ aus. Dadurch verkörpern sie, so verlautbart der Autor, nichts weniger als „eine Art negatives soziales Modell“. Besonders auf den Vater treffe das zu, dessen Aggressionen, psychotisches Gehabe und alkoholische Ausbrüche nichtsdestotrotz vom Autoren empathisch reflektiert werden. Unerbittlich und ehrlich sind Eribons Geschichten, und dennoch wird die Leserschaft nicht zum Voyeur einer Geschichte eines Selbsthassers gemacht. Dafür ist Eribons Gangart einfach zu analytisch, auch wenn die Geschichte eine persönliche ist.

Das Leitthema des biographischen Narratives ist die Zerrissenheit, die Persönlichkeitsspaltung, das doppelte Bewusstsein des Arbeiterkindes. Durch einen Filter aus literarischen, theoretischen und politischen Referenzen wird dieser Umstand bestechend aufgearbeitet. Der Autor ist kein politischer Held, so viel wird deutlich, sondern ein Mensch aus Fleisch und Blut, der versucht zu überleben und etwas aus dem zu machen, was man aus ihm gemacht hat. Vermenschlichung ist ein sorgfältig erzeugter Effekt, der sich im ganzen Buch manifestiert. Auch in der Frage, warum ausgerechnet er den Bildungs- und Berufsaufstieg geschafft hat (Eribon ist zur Zeit Professor an der Universität von Amiens), trotz seines eingetrichterten Sarkasmus', seiner Verachtung gegenüber bürgerlichen Selbstverständlichkeiten und seiner oppositionellen Haltung? Seine persönliche Antwort: Entweder konnte er seinen widerspenstigen Reflexen freien Lauf lassen, und riskierte damit potentiell eine sinnvolle berufliche Karriere, oder er musste sich dem Wertekanon, der Redeweise und den Argumentationsmustern der Bürgerlichen beugen und anpassen. „Widerstand hätte meine Niederlage bedeutet. Unterwerfung war meine Rettung“, schreibt der Autor folgerichtig.

Die Rückkehr zur Arbeiterklasse muss erfolgen, so Eribon, aber es werde ein steiniger Weg. Dieses Buch ist ein wichtiger Schritt, indem es zu radikaler Selbstkritik und - Reflexion aufruft. Gleichzeitig errichtet es ein literarisches Monument für die Ursprungsklasse – ambivalent, deprimierend, hoffnungsvoll, nachdenklich und menschlich. Wie die Arbeiterklasse selbst, kurzum.

Rückkehr nach Reims Didier Eribon Suhrkamp 2016, 240S., 18€

Dieser Beitrag gibt die Meinung des Autors wieder, nicht notwendigerweise die der Redaktion des Freitag.

dimanche, 12 juin 2016

Drieu fin analyste politique

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Drieu fin analyste politique

par argoul

Ex: https://www.argoul.com

Retour aux années 30 ? 2013 = 1933 ? Drieu, surréaliste tenté par le communisme avant de suivre Doriot (devenu fasciste) avait diagnostiqué la situation de son époque. elle ressemble à la nôtre par les hommes (aussi médiocres), mais pas par les circonstances (l’histoire ne se répète jamais).

Dans Gilles, Drieu passe une volée de bois vert aux politiciens et autres intellos tentés par le pouvoir. « La politique, comme on le comprend depuis un siècle, c’est une ignoble prostitution des hautes disciplines. La politique, ça ne devrait être que des recettes de cuisine, des secrets de métier comme ceux que se passaient, par exemple, les peintres. Mais on y a fourré cette absurdité prétentieuse : l’idéologie. Appelons idéologie ce qui reste aux hommes de religion et de philosophie, des petits bouts de mystique encroûtés de rationalisme. Passons » p.927.

drieu82841006021.jpgL’idéologie, domaine des idées, est la chasse gardée des intellos. Ceux-ci alimentent les politiciens ignares par des constructions abstraites, vendables aux masses, autrement dit une bouillie où l’on se pose surtout ‘contre’ et rarement ‘pour’. « Il y a les préjugés de tout ce monde ‘affranchi’. Il y a là une masse de plus en plus figée, de plus en plus lourde, de plus en plus écrasante. On est contre ceci, contre cela, ce qui fait qu’on est pour le néant qui s’insinue partout. Et tout cela n’est que faible vantardise » p.1131. Yaka…

Pourtant, le communisme pouvait être une idéologie intéressante. Déjà, « la foi politique fournit aux paresseux, aux déclassés et aux ratés de toutes les professions une bien commode excuse » p.1195. De plus, l’instrument du parti est appelé à créer une nouvelle noblesse d’État : « Qu’est-ce qui le séduisait dans le communisme ? Écartée la ridicule prétention et l’odieuse hypocrisie de la doctrine, il voyait par moments dans le mouvement communiste une chance qui n’était plus attendue de rétablir l’aristocratie dans le monde sur la base indiscutable de la plus extrême et définitive déception populaire » p.1195. D’où le ripage de Jacques Doriot du communisme au fascisme, du PC au PPF. Il y a moins d’écart qu’on ne croit entre Mélenchon et Le Pen.

Mais les intellos n’ont pas leur place en communisme, ils préfèrent le libéralisme libertaire des années folles (1920-29), et ce n’est pas différent depuis mai 68. Ils ne sont à l’aise que dans la déconstruction, la critique – certainement pas dans la création d’un mythe politique (voir les déboires actuels de l’écologisme), encore moins dans l’action ! « Il y avait là des intellectuels qui étaient entrés niaisement avec leur libéralisme dans le communisme et se retrouvaient, l’ayant fui, dans un anarchisme difficile à avouer tant de lustres après la mort de l’anarchie. Quelques-uns d’entre eux cherchaient un alibi dans le socialisme de la IIè Internationale où, dans une atmosphère de solennelle et impeccable impuissance, ils pouvaient abriter leurs réticences et leurs velléités, leurs effarouchements et leurs verbeuses indignations. A côté d’eux, il y avait des syndicalistes voués aux mêmes tourments et aux mêmes incertitudes, mais qui se camouflaient plus hypocritement sous un vieux vernis de réalisme corporatif » p.1233. Vous avez dit « indignation » ? Toujours la posture morale de qui n’est jamais aux affaires et ne veut surtout pas y être.

Les meetings politiques ou les congrès sont donc d’une pauvreté absolue, cachant le vide de projet et d’avenir sous l’enflure de la parole et le rappel du glorieux passé. François Hollande et Harlem Désir font-ils autre chose que causer ? Proposer des mesurettes dans l’urgence médiatique (tiens, comme Sarkozy…) ? « Mais au bout d’une heure, il lui fallait sortir, excédé de tant de verbiage pauvre ou de fausse technique. Il était épouvanté de voir que tout ce ramassis de médiocres à la fois arrogants et timorés vivaient avec leurs chefs dans l’ignorance totale que put exister une autre allure politique, une conception plus orgueilleuse, plus géniale, plus fervente, plus ample de la vie d’un peuple. C’était vraiment un monde d’héritiers, de descendants, de dégénérés et un monde de remplaçants » p.1214. »Remplaçants » : pas mal pour François Hollande, désigné au pied levé pour devenir candidat à la place de Dominique Strauss-Kahn, rattrapé – déjà – par la faillite morale.

Il faut dire que la France majoritairement rurale de l’entre-deux guerres était peu éduquée ; les électeurs étaient bovins (« des veaux », dira de Gaulle). La France actuelle, majoritairement urbaine, est nettement mieux informée, si ce n’est éduquée ; l’individualisme critique est donc plus répandu, ce qui est le sel de la démocratie. Rappelons que le sel est ce qui irrite, mais aussi ce qui conserve, ce qui en tout cas renforce le goût.

drieularochZ2BWZNL.jpgOn parle aujourd’hui volontiers dans les meetings de 1789, de 1848, voire de 1871. Mais la grande politique va bien au-delà, de Gaulle la reprendra à son compte et Mitterrand en jouera. Marine Le Pen encense Jeanne d’Arc (comme Drieu) et Mélenchon tente de récupérer les grandes heures populaires, mais avec le regard myope du démagogue arrêté à 1793. Or « il y avait eu la raison française, ce jaillissement passionné, orgueilleux, furieux du XIIè siècle des épopées, des cathédrales, des philosophies chrétiennes, de la sculpture, des vitraux, des enluminures, des croisades. Les Français avaient été des soldats, des moines, des architectes, des peintres, des poètes, des maris et des pères. Ils avaient fait des enfants, ils avaient construit, ils avaient tué, ils s’étaient fait tuer. Ils s’étaient sacrifiés et ils avaient sacrifié. Maintenant, cela finissait. Ici, et en Europe. ‘Le peuple de Descartes’. Mais Descartes encore embrassait la foi et la raison. Maintenant, qu’était ce rationalisme qui se réclamait de lui ? Une sentimentalité étroite et radotante, toute repliée sur l’imitation rabougrie de l’ancienne courbe créatrice, petite tige fanée » p.1221. Marc Bloch, qui n’était pas fasciste puisque juif, historien et résistant, était d’accord avec Drieu pour accoler Jeanne d’Arc à 1789, le suffrage universel au sacre de Reims. Pour lui, tout ça était la France : sa mystique. Ce qui meut la grande politique et ce qui fait la différence entre la gestion d’un conseil général et la gestion d’un pays.

En politique, « tout est mythologie. Ils ont remplacé les démons, les dieux et les saints par des idées, mais ils n’en sont pas quittes pour cela avec la force des images » p.1209. La politique doit emporter les foules, mais la mystique doit aussi se résoudre en (petite) politique, forcément décevante. Les politiciens tentent aujourd’hui de pallier la désillusion par la com’.

Drieu l’observe déjà sur le costume démocratique : « Il vérifiait sur le costume de M. de Clérences qu’il était un homme de gauche. Clérences avait prévu cela depuis quelque temps : il s’était fait faire un costume merveilleux de frime. ‘La démocratie a remplacé le bon Dieu, mais Tartufe est toujours costumé en noir’, s’était exclamé à un congrès radical un vieux journaliste. En effet, à cinquante mètre, Clérences paraissait habillé comme le bedeau d’une paroisse pauvre, gros croquenots, complet noir de coupe mesquine, chemise blanche à col mou, minuscule petite cravate noire réduisant le faste à sa plus simple expression, cheveux coupés en brosse. De plus près, on voyait que l’étoffe noire était une profonde cheviotte anglaise, la chemise du shantung le plus rare et le croquenot taillé et cousu par un cordonnier de milliardaires » p.1150. François Hollande est aussi mal fagoté que les radicaux IIIè République. Il en joue probablement ; il se montre plus médiocre, plus « camarade » qu’il ne l’est – pour mieux emporter le pouvoir. Et ça marche. C’est moins une société juste qui le préoccupe que d’occuper la place… pour faire juste ce qu’il peut. « Une apologie de l’inertie comme preuve de la stabilité française » p.1216, faisait dire Drieu à son père spirituel inventé, Carentan.

Mais est-ce cela la politique ? Peut-être… puisque désormais les grandes décisions se prennent à Bruxelles, dans l’OTAN, au G7 (voire G2), à l’ONU. La politique n’est plus la mystique mais de tenir la barre dans les violents courants mondiaux. « (Est-ce qu’un grand administrateur et un homme d’État c’est la même chose ? se demanda Gilles. Non, mais tant pis.) Tu n’es pas un apôtre » p.1217.

Est-il possible de voir encore surgir des apôtres ? Drieu rêve à la politique fusionnelle, qui ravit l’être tout entier comme les religions le firent. Peut-être de nos jours aurait-il été intégriste catholique, ou converti à la charia, ou jacobin industrialiste, autre version nationale et socialiste inventée par le parti communiste chinois depuis 1978. Drieu a toujours cherché l’amour impossible, avec les femmes comme avec la politique, fusionnel dans le couple, totalitaire dans le gouvernement.

livre-drieu-la-rochelle.pngMais la démocratie parlementaire a montré que la mystique pouvait surgir, comme sous Churchill, de Gaulle, Kennedy, Obama. Sauf que le parlementarisme reprend ses droits et assure la distance nécessaire entre l’individu et la masse nationale. Délibérations, pluralisme et État de droit sont les processus et les garde-fous de nos démocraties. Ils permettent l’équilibre entre la vie personnelle de chacun (libre d’aller à ses affaires) et la vie collective de l’État-nation (en charge des fonctions régaliennes de la justice, la défense et les infrastructures). Notre système requiert des administrateurs rationnels plus que des leaders charismatiques, malgré le culte du chef réintroduit par la Vè République.

Nos politiciens sont tous sortis du même moule. Du temps de Drieu c’était de Science Po, du droit et de la coterie des salons parisiens ; aujourd’hui presqu’exclusivement de l’ENA et des clubs parisiens (le Siècle, le Grand orient…). Un congrès du PS ressemble fort à un congrès radical : « Ils étaient tous pareils ; tous bourgeois de province, ventrus ou maigres, fagotés, timides sous les dehors tapageurs de la camaraderie traditionnelle, pourvus du même diplôme et du même petit bagage rationaliste, effarés devant le pouvoir, mais aiguillonnés par la maligne émulation, alors pendus aux basques des présidents et des ministres et leur arrachant avec une humble patience des bribes de prestige et de jouissance. Comme partout, pour la masse des subalternes, il n’était point tellement question d’argent que de considération » p.1212. Pas très enthousiasmant, mais le citoyen aurait vite assez de la mobilisation permanente à la Mélenchon-Le Pen : déjà, un an de campagne présidentielle a lassé. Chacun a d’autres chats à fouetter que le service du collectif dans l’excitation perpétuelle : sa femme, ses gosses, son jardin, ses loisirs. Le je-m’en-foutisme universel des pays du socialisme réel l’a bien montré.

Dans le spectacle politique, rien n’a changé depuis Drieu. Les intellos sont toujours aussi velléitaires ou fumeux, les révolutionnaires toujours aussi carton-pâte, les politiciens tout autant administrateurs fonctionnaires, et les militants dans l’illusion permanente avides du regard des puissants (à écouter le syndicaliste socialiste Gérard Filoche aux Matins de France-Culture, on est consterné). Même s’il ne faut pas le suivre dans ses choix d’époque, Drieu La Rochelle reste un bon analyste de l’animalerie politique. Il n’est jamais meilleur que lorsqu’il porte son regard aigu sur ses contemporains.

Pierre Drieu La Rochelle, Gilles, 1939, Folio 1973, 683 pages, €8.64

Pierre Drieu La Rochelle, Romans-récits-nouvelles, édition sous la direction de Jean-François Louette, Gallimard Pléiade 2012, 1834 pages, €68.87

Les numéros de pages des citations font référence à l’édition de la Pléiade.

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jeudi, 09 juin 2016

L’éternel rescapé de la Grande Guerre, Pierre Mac Orlan

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L’éternel rescapé de la Grande Guerre, Pierre Mac Orlan

par Daniel COLOGNE

00115-mac_orlan_quaidesbrumes_1ere.jpg« T’as de beaux yeux, tu sais. » La mémoire collective garde cette réplique célèbre de Quai des Brumes (1938). Mais qui se souvient encore que le film de Marcel Carné est l’adaptation d’un roman de Pierre Mac Orlan paru chez Gallimard onze ans plus tôt ?

 

Quatre autres récits de Mac Orlan ont été portés au grand ou au petit écran sous la direction de cinéastes renommés (Julien Duvivier, Claude Autant-Lara). En collection avec Marc Gilbert Sauvageon, Pierre Mac Orlan (1882 – 1970) a écrit les dialogues de Voyage sans espoir (1943), de Christian-Jaque, autre réalisateur réputé. Mac Orlan a collaboré comme scénariste à trois autres films.

 

Alan Stivell a composé la musique de la dramatique TV de 1977 : L’Ancre de miséricorde. À propos du roman d’origine (1941), Bernard Baritaud écrit qu’il « s’inscrit dans la production de l’époque : elle voit une floraison de livres d’histoire, de biographies de grands personnages nationaux, répondant au désir d’évasion des lecteurs et, surtout, à leur souci d’oublier les malheurs présents comme de revaloriser l’image de leur pays grâce à l’évocation d’un passé prestigieux (p. 60) ».

 

L’Ancre de miséricorde est un roman d’aventures maritimes dont le port de Brest est le cadre. Les relations de Mac Orlan et de Brest sont tellement étroites qu’en 2013, Les Cahiers de l’Iroise (n° 215) ont consacré à ce thème un numéro spécial.

 

La biographie parue dans l’excellente collection « Qui suis-je ? » des éditions Pardès vaut donc, non seulement par l’aptitude de l’auteur Bernard Baritaud à situer chaque livre de Mac Orlan dans son contexte historique, mais aussi par l’ampleur documentaire couvrant l’actualité la plus récente.

 

Parmi les annexes à la biographie proprement dite, signalons un long entretien avec Mac Orlan datant de septembre 1968 et, selon une très bonne habitude de cet éditeur prolixe, une étude astrologique entreprise par Marin de Charette.

 

Certes, contrairement à la plupart des cartes du ciel qui closent la collection « Qui suis-je?», l’absence de l’heure de naissance rend l’interprétation malaisé. Il ne peut s’agir d’un véritable horoscope (au sens étymologique de « regarder l’heure ») et il est impossible de vérifier quelques hypothèses statistiques en observant quelle(s) planète(s) se lève(nt) ou culmine(nt) à l’horizon et au méridien de Péronne le 26 février 1882. Ce thème astral n’en est pas moins révélateur sur deux points importants de la vie et de l’œuvre de Mac Orlan.

 

la-bandera-pierre-mac-orlan.jpgEn 1950, lors de son élection à l’Académie Goncourt, les cinq planètes présentes à la naissance dans le signe du Taureau reçoivent le trigone bénéfique de Saturne transitant en Vierge (rappelons brièvement le triangle harmonique des signes de terre Taureau – Vierge – Capricorne). Quant aux Poissons, où se trouve le Soleil natal de l’écrivain, c’est un signe qui a « une tendance très ancrée à l’éparpillement (p. 126) ». Effectivement, l’œuvre de Mac Orlan se caractérise par une grande dispersion : récits, poèmes, essais, articles, scenarii et dialogues de films, chansons, ouvrages consacrés au sport, et notamment au rugby (que Mac Orlan pratique). En 1934, il suit la Tour de France cycliste et s’érige ainsi en précurseur d’Antoine Blondin.

 

De son vrai nom Pierre Dumanchey, Pierre Mac Orlan est donc « un homme du Nord (p. 9) » qui, après une scolarité difficile, débarque à Paris en 1899, connaît « la tentation de la peinture (p. 13) » et mène une existence précaire partagée entre Montmartre et Rouen.

 

Mac Orlan sort de l’anonymat grâce à un premier roman, La Maison du retour écœurant (1912), qui « raconte l’histoire burlesque d’un oncle tuteur infligeant à son pupille des brimades extravagantes (p. 23) ». Sous des dehors humoristiques, c’est un récit inspiré par les drames familiaux vécus par l’auteur dans sa jeunesse.

 

Avec l’art consommé du biographe, Bernard Baritaud nous fait revivre les étapes d’un itinéraire singulier : « l’agent du liaison “ touché ” par des éclats d’obus (p. 28) » en 1916 devant sa ville natale; le gentleman farmer (p. 42) de Saint-Cyr-sur-Morin, à Mac Orlan se replie de plus en plus parallèlement à une débordante activité littéraire et cinématographique qui le maintient en contact avec le Paris de l’Entre-Deux-Guerres.

 

Puis vient le péril dont « il n’avait cessé, depuis vingt ans, d’appréhender le retour (p. 57)». Mac Orlan se résigne au silence, excepté le roman publié en 1941 dont il est question plus haut, qui « sera salué par la critique et connaître un succès de librairie durable (p. 60)».

 

C_Le-Chant-de-lequipage_2569.jpegAprès 1945, Mac Orlan devient « un écrivain reconnu et influent (p. 63) ». Son élection à l’Académie Goncourt en témoigne. En 1951, il concède avoir le sentiment de pratiquer une littérature des « rescapés ». Tous ses personnages « portent la guerre au plus profond d’eux-mêmes comme une maladie secrète (p. 33) ». Dans Verdun (1935), Mac Orlan écrit : « À Verdun commença réellement la fin d’un monde et ceux qui vécurent là, en février 1916, purent constater que la guerre était la plus terrifiante de toutes les maladies de l’intelligence humaine (p. 29) ».

 

Pierre Mac Orlan a beaucoup écrit sur la Grande Guerre, soit au cœur même des « orages d’acier (Jünger) », à la manière de Barbusse ou du Belge méconnu Constant Burmieux (Les Brancardiers, 1920), soit avec un certain recul historique, à la façon d’un autre Belge, plus notoire : Max Deauville (La Boue des Flandres).

 

Dans la première catégorie d’écrits de Mac Orlan inspirés par 14 – 18, citons son journal du front (Les Poissons morts) et La Fin (1919), recueil d’articles initialement parus dans L’Intransigeant. À la seconde appartiennent des textes comme Devant la Meuse (1934) et Dans les tranchées (1933).

 

Rebelle à tout embrigadement politique ou littéraire, Mac Orlan n’est pas exactement un auteur érigeant « l’inengagement (p. 93) » en principe. À son sujet, il faut plutôt parler d’un engagement circonstanciel par-delà les clivages idéologiques. En 1924, il signe une pétition en faveur de Malraux emprisonné en Indochine. En 1935, il soutient le « Manifeste des intellectuels français pour la défense de l’Occident et la paix en Europe (p. 95) ».

 

Remercions Bernard Baritaud et son éditeur d’avoir rappelé à notre bon souvenir un écrivain aussi talentueux que protéiforme, animé par un « pessimisme lucide » et une « croyance superstitieuse en cette divinité capricieuse qui l’avait servi et que sera toujours, à ses yeux, la Chance (p. 30) ».

 

L’œuvre de Mac Orlan a été apprécié par Artaud, Aragon, Malraux, Queneau et Max Jacob. Elle a été servie par une brillante légion d’interprètes de la chanson et d’acteurs de cinéma : Juliette Gréco, Monique Morelli, Francesca Solleville, Germaine Montero, Michèle Morgan, Simone Renart, Viviane Romance, Renée Faure, Jean Gabin, Michel Simon, Pierre Brasseur, Pierre Larquey, Yves Montand, Jean Marais, Serge Reggiani.

 

Pour reprendre le titre d’un documentaire télévisuel de 2015 consacré à Jean Gabin, premier rôle de La Bandera et de Quai des Brumes, Mac Orlan est une des dernières incarnations d’une certaine « âme française » dont le souffle est aujourd’hui menacé d’extinction.

 

Daniel Cologne

 

• Bernard Baritaud, Pierre Mac Orlan, Pardès, coll. « Qui suis-je ? », 2015. Les citations suivies d’un numéro de page sont extraites de ce livre.


Article printed from Europe Maxima: http://www.europemaxima.com

mercredi, 08 juin 2016

Ernest Claes, de man die onder meer schrijver was

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Door: Gaston Durnez

Ex: http://www.doorbraak.be

Ernest Claes, de man die onder meer schrijver was

Applaus voor zijn biograaf Bert Govaerts

Zopas verscheen de biografie van de Vlaamsgezinde literator Ernest Claes, auteur van De Witte. Gaston Durnez las, en zag dat het goed was.

Een der populairste schrijvers uit de 20e eeuw in Vlaanderen heeft eindelijk een volwaardige levensbeschrijving gekregen: Ernest Claes, de biografie van een heer uit Zichem. De auteur Bert Govaerts noemt het zelf een 'gewild ouderwets verhaal van wieg tot graf'. Bovendien wilde hij, dat zijn chronologisch relaas op de eerste plaats zou handelen over 'de man', over de mens die onder meer schrijver was. Govaerts levert dus geen systematische studie over het ontstaan, de groei en de ontvangst van Claes zijn literaire werk. Daarvoor verwijst hij naar de nauwgezette studies in de jaarlijkse publicaties van het Ernest Claes Genootschap.

Het is een omvangrijk, mooi uitgegeven en geïllustreerd boek geworden, ruim 500 bladzijden, resultaat van een lange en vruchtbare tocht door archieven en privé-verzamelingen. Claes was zijn leven lang (1885-1968) een actieve pennenridder. In duizenden brieven en in een reeks dagboeken bleef hij een uitvoerige verteller, die zijn papieren goed bijhield. Soms heeft hij zijn dagboeken achteraf willen 'opschonen', maar dan nog bleven er genoeg authentieke aantekeningen over. De schommelingen van zijn opvattingen worden er vaak in weerspiegeld. Niet altijd in zijn voordeel.

ernest-claesfffff.jpgBuiten zijn verhalen en romans schreef hij ontelbare kronieken, al dan niet onder schuilnaam, niet het minst voor een krant in ... Indonesië (een gevolg van zijn grote populariteit in Nederland). De zoon uit een groot Kempens boerengezin was zijn loopbaan begonnen als journalist. Na zijn door 'Averbode' bekostigde studies 'Germaanse' in Leuven, ging hij werken voor een jong weekblad met een duidelijke missie in de titel : Ons Volk Ontwaakt. Dat was het blad waarmee de groep katholieke Vlaamsgezinden rond Frans van Cauwelaert kort voor de Eerste Wereldoorlog de oprichting voorbereidden van het dagblad De Standaard, dat pas op 4 december 1918 voor het eerst zou verschijnen. Heel zijn leven bleef Claes aan bladen meewerken, ook toen hij een belangrijke parlementaire ambtenaar was geworden. Hij bekende, dat alleen de lange vakantie van Kamer en Senaat hem tegenhield om definitief in de journalistiek te stappen.

'Literaire waarheid'

Zou hij een goede krantenman zijn geweest ? Ik vrees van niet. Een literator is een schepper van 'literaire waarheid' – en dat is iets anders dan een journalistieke. In de Provence sprak men over 'de paralelle werkelijkheid' van de grote verteller Jean Giono. Nu was Claes wel geen Provençaalse fantast, maar toch... Wijlen August Keersmaekers heeft destijds getoond hoe Claes fluks en monter in een zelfgebouwde stamboom kon klimmen en hoe hij een onbewuste voorouder liet meevechten in een Boerenkrijg waarvoor hij, Claes, zelf het scenario had bedacht. Het leverde een mooi en waarachtig klinkend verhaal op, maar geen geschiedschrijving.

Belangrijk voor Claes en voor zijn biograaf was zijn correspondentie met Stijn Streuvels, die hij zeer bewonderde. Claes fungeerde als het Brusselse oog van de West-Vlaming. In lange brieven hield hij Het Lijsternest op de hoogte van de zichtbare en onzichtbare Belgische dingen. Ook met Felix Timmermans was hij bevriend en had hij veel briefcontact. Felix heeft hem trouwens, in de late jaren twintig, de weg naar Duitsland gewezen. Later, in de jaren 30, voegde Gerard Walschap zich bij dit driemanschap. Claes was toen al 'de lieveling van het Vlaamse publiek', maar ondanks dat succes begreep hij goed dat zijn artistieke talent beperkter was dan dat van zijn grote vrienden.

Govaerts vraagt zich af, in hoeverre het leven van 'de man' neerslag kreeg in de massa bewaarde documenten. Dat is de eeuwige vraag van een biograaf die zijn hoofdfiguur en diens wereld niet persoonlijk heeft gekend en die, als hij nog getuigen kan ondervragen, het spreekwoord over de gevaren van 'horen zeggen' indachtig moet zijn. Govaerts, die zijn sporen als historicus en auteur al lang heeft verdiend als VRT-redacteur en als biograaf van de politicus Albert De Vleeschauwer, schrijft zo zakelijk mogelijk over zijn onderwerp, zonder in een proces-verbaalstijl te vervallen. Integendeel. Hij is de vlotte klaarheid zelf. Het boek leest als een TGV !

Nonkel Nest

Zeer interessant is de vriendschap die Claes sinds zijn jonge jaren voelde voor en bij Frans van Cauwelaert, die hem zijn eerste grote kansen bood. Voor de negen kinderen van de politicus werd hij zelfs 'Nonkel Nest'. Toch rezen er in de tussenoorlogse jaren problemen. Politieke problemen. Claes kon zijn flamingantische kritiek op de katholieke voorman niet altijd verbergen. Wist Van Cauwelaert dat zijn vriend al in de jaren dertig een geheim en steunend lid van het Vlaams-nationalistische VNV was geworden, de partij die hem zo zwaar bestreed? Na de oorlog moet hem dat wel duidelijk zijn geworden. Niettemin, de vriendschap overleefde de oorlog en toen Van Cauwelaert bij zijn zeventigste verjaardag werd gevierd, hield Claes een van de huldetoespraken.

Dit wijst op een bepaalde dubbelzinnigheid die hem op politiek gebied lang heeft gekenmerkt. Zij wortelde in zijn ervaringen in de Eerste Wereldoorlog en de naoorlogse desillusie van menige jonge Vlaamsgezinde intellectueel.

Claes werd als soldaat gekwetst bij de strijd om Namen in 1914, raakte in krijgsgevangenschap, kon op een bepaald moment 'uitgewisseld' worden en maakte de oorlog verder mee als ambtenaar bij de Belgische regering in Frankrijk. Hij was dus geen activist en niet betrokken bij de clandestiene Vlaamse Frontbeweging. Bij de terugkeer van de koning in Brussel, in 1918, kreeg de oud-strijder vreugdetranen in de ogen. Maar spoedig werd hij, als zovelen, een ontgoochelde Vlaming, en ook een twijfelende pacifist die zich afvroeg: Waar ligt de waarheid ?

In de verhalen die hij als een der eerste Vlaamse 'oorlogsschrijvers' publiceerde, liepen weinig 'brallerige sabelslepers' rond, zegt Govaerts, wel 'veel nuchtere mannen die gewoon hun plicht doen', en ook Schweikachtige figuren en fidele kameraden. Die oorlogsverhalen en weldra het overdonderende succes van De Witte die in het spoor van Pallieter naar Duitsland en vandaar verder Europa in trok, maakten van Ernest Claes een geziene figuur in Vlaanderen. Het maakte hem ook meer dan ooit tot een 'Heer', altijd keurig in het pak, met een brede artiestenhoed en een flamingantenbaard. Govaerts noemt hem zelfs een dandy. Claes had ook al lang getoond dat hij een goede causeur was en hij werd, in het radio- en televisieloze Vlaanderen, een der meest gevraagde 'voordrachtgevers'. Het had als gevolg dat hij gevangen raakte in zijn succes en dat zijn lezers en uitgevers hem altijd maar 'Zichemse' verhalen vroegen, meer dan hem lief was, hoezeer zijn bankrekening er ook door gespijsd werd.

In 1934 werd De Witte de eerste Vlaamse 'klankfilm'. Claes schrok zelf van de karikatuur die de cineast van zijn boek maakte, maar hij bleef loyaal en investeerde zelfs in de onderneming, met de idee dat hij wellicht de basis voor een rendabele Vlaamse filmonderneming kon leggen. Die idee werd ook gevoed door een bijzondere meevaller: in 1936 won zijn echtgenote, de Nederlandse romanschrijfster Stephanie Vetter, in haar vaderland het groot lot van de Staatsloterij.

In die periode liep het leven van Claes op verschillende sporen door de ontwakende filmwereld, de uitgevers- en de politieke wereld. Terwijl hij poogde, ook elders dan op de purperen heide inspiratie te zoeken, en toen er zelfs een wat cynische schrijver Claes bleek te bestaan, werd hij tussendoor geplaagd door zijn oude kwaal van melancholie en onrustigheid. In de woelige crisisjaren schoof hij meer en meer op naar de nationalistische zijde van de Vlaamse Beweging, al beschouwde hij zich zelf als een eigenzinnige democraat.

Vrijgesproken

Govaerts besteedt natuurlijk veel aandacht aan de houding van Claes in de Tweede Wereldoorlog. In 't begin dacht hij zowaar een rol te kunnen spelen in de toenadering tussen verscheidene Vlaamse strekkingen, in het licht van de vrij algemene opinie dat de Duitse bezetting een voldongen feit was. Die illusie moest hij vlug opgeven. Hij bleef hopen op een Vlaamse zelfstandigheid, maar 'nooit ondergeschikt aan de vriendschap met de Duitsers', zo zei hij. Zijn contacten met Duitse vrienden moeten niet overdreven worden. Zij hadden allereerst te maken met uitgeverijen en brood, met beleg. 'Een héél lange arm' had hij volgens Govaerts niet bij het militaire bestuur. Dat bleek toen hij August Vermeylen wilde helpen, die als rector in Gent werd afgezet. De vrijzinnige socialistische literator en wetenschapper was sinds lang een vriend van Claes, net als de liberale romancier en toneelschrijver Herman Teirlinck. Samen richtten zij onder de bezetting een bijzondere literaire boekenserie op: de bibliofiele blauwe Snoeckjes.

eckkkk.jpgClaes kon zich onder de oorlog handhaven als ambtenaar (met weinig werk, het parlement was buitengaats) en mede dankzij het ongelooflijk grote lezerspubliek dat populaire boekenreeksen in die sombere tijd kregen. Na augustus 1940, wat meer nuchter geworden, stelde hij nauwelijks 'politieke daden' maar bedreef hij 'een eigen soort attentisme', waarbij hij nooit 'zijn elementaire reflexen van solidariteit met zijn dagelijkse omgeving verloor'. De sfeer van toen was niet bevorderlijk voor zijn geestesgezondheid: 'Al heel zijn bestaan ging Claes door mentale bergen en dalen'. Dat verergerde natuurlijk na de oorlog, toen onbekenden zijn huis aanvielen en toen hij zich voor het gerecht moest verdedigen.

'De juridische waarheid , zegt Govaerts, is dat Ernest Claes géén collaborateur was. Hij is tot twee keer toe vrijgesproken door krijgsraad en krijgshof. Voor die juridische onschuld heeft hij betaald met zes jaar verlies van zijn ambtenarenwedde en een deel van zijn pensioenrechten, met daar bovenop een vernietigende, nooit bestrafte raid op zijn woning door een Ukkelse straatbende en drie jaar verlies van zijn burgerrechten.'

Er is ook een historische waarheid. Ernest Claes heeft 'lange tijd hetzelfde traject gevolgd als dat deel van de Vlaamse Beweging waarover Frans-Jos Verdoodt het in zijn beroemde historisch pardon had op de IJzerbedevaaart van het jaar 2000: de Vlamingen van 'de vergissingen, de beoordelingsfouten en de verkeerde allianties'.

Toen hij zich daarover wou vrijpleiten, heeft hij de werkelijkheid blijkbaar nogal gekleurd en bijgewerkt, niet alleen tegenover de rechtbank (wat zijn verdedigingsrecht was), maar ook vreemd en pijnlijk genoeg tegenover goede vrienden. Zijn oud-strijdershart was oud en ziek geworden.

In Vlaanderen is zijn moreel gezag vlug hersteld. Na enige moeilijkheden kon hij weer oud en nieuw werk uitgeven en kon hij in het publiek optreden. Hij begon in een levend monument te veranderen, werd 'de rentenier van zijn eigen roem' en 'daar genoot hij intens van'. In de zon van die laatste jaren trachtte hij het oorlogstrauma te vergeten en was het alsof de blozende grootvader nog alleen 'goede mensen' rond zich scheen te zien.

Toen in 1964 de honderdste druk van De Witte, verscheen, kreeg hij in Zichem een monument en werden er grote feesten georganiseerd. Op de eretribune zat, naast de gevierde, de eerste burger van het land: de socialist Achiel van Acker, voorzitter van de Kamer van Volksvertegenwoordigers. Wat later begon de staatstelevisie aan een lang feuilleton, gebaseerd op het werk van Claes: De Heren van Zichem. Het succes is legendarisch geworden en heeft ook de heldere blik op zijn eigenlijke werk vertroebeld. Maar dat heeft hij zelf niet meer meegemaakt. Jammer dat hij ook niet meer mocht zien hoe zijn bekendste boek een tweede keer werd verfilmd, dit keer met de nadruk op het ware sociale en dramatische aspect van het harde jongensleven op de Vlaamse buiten in het begin van de 20e eeuw.

Dit jaar verschijnt de 127ste druk van De Witte.

P.S. Welke literatuurkenner neemt de laptop ter hand om de biografie van Govaerts aan te vullen en het literaire werk van Claes opnieuw te ijken? En wie schrijft er nu een biografie over zijn echtgenote Stephanie Claes-Vetter, de sterke vrouw en haar verhalen, nog altijd in de schaduw?

Beoordeling : * * * * *
Titel boek : Ernest Claes
Subtitel boek : De biografie van een heer uit Zichem
Auteur : Bert Govaerts
Uitgever : Houtekiet
Aantal pagina's : 509
Prijs : 39.99 €
ISBN nummer : 9789089244550
Uitgavejaar : 2016

mardi, 07 juin 2016

Retour sur un livre d'Albert Camus: L’homme révolté

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Retour sur un livre d'Albert Camus

L’homme révolté

albcam5283715793_cf31d79eac.jpgLe titre de l’essai d’Albert Camus est magnifique, même si le contenu ne m’a pas laissé un souvenir impérissable. Face à la vie politique présente, il n’est pas honteux, me semble-t-il, de ressentir une impression de révolte radicale, absolue, sans concession. Car le spectacle auquel nous assistons marque une détérioration permanente et l’absence de toute issue visible. Le fond du problème: il existe une caste médiatisée, de l’extrême droite à l’extrême gauche, qui se moque profondément du monde, ne vit que de propagande médiatique et prend les gens pour des crétins, indéfiniment manipulables. Les symptômes de ce phénomène:

  • L’ultra-personnalisation des choses: tout se ramène au « salut » par un homme ou une femme qui se prétend (implicitement) porté par la providence et semble se croire, pour une raison ou une autre, au dessus du commun des mortels. Ce phénomène est dans les gènes des idéologies extrémistes. Mais il vaut désormais pour tous les partis sans exception, désormais alignés sur ce standard. Par un biais inattendu, nous en sommes revenus au temps du culte de la personnalité des années 1930 et 1940. Etrange: le fascisme, le stalinisme, le pétainisme représentent plus que jamais le mal absolu, mais leurs méthodes, en particulier le culte de la personnalité, sont totalement banalisées, généralisées…  Or, rien n’est plus grotesque et lamentable que cette déferlante prétentieuse de soliveaux médiatiques, candidats au sauvetage de la France, qui font ainsi « don » de leur personne et envahissent l’espace public.
  • La démagogie absolue: la course est lancée à celui qui balance les promesses les plus lamentables, les plus odieuses de démagogie. Le thème de l’avenir qui pointe son nez: le « revenu universel« , prochain point de ralliement de tous les partis politiques, notamment des deux extrêmes (droite et gauche), mais pas seulement. C’est l’idée folle que le sort et l’avenir de chacun ne passe plus par l’effort, le travail, la volonté de s’en sortir, mais par des droits naturels à faire valoir sur la société qui vous doit un revenu sans la contrepartie d’une activité utile à la collectivité. Jamais la démagogie, toujours plus pesante, n’avait été poussée à ce niveau, et derrière la démagogie, le contrôle par l’Etat d’une population gavée d’assistanat.
  • La passion contre la raison: il est fascinant d’observer à quel point la vie nationale glisse dans le passionnel et l’affectif tout en s’éloignant du monde des réalités. Il faut constamment agiter les esprits, énerver l’opinion, exciter, diviser et déchirer par des scandales sans fin, polémiques stériles ou autres déclarations débiles, à n’importe quel prix. Nous avons par exemple eu droit à quatre mois de  « déchéance de la nationalité », à « l’état d’urgence », à la « loi travail »  (et en ce moment le dernier psychodrame: le supposé racisme des choix du sélectionneur de l’équipe de France de football). Le monde politique se fige soudain et ne parle plus que de cela. Puis tout s’achève par le néant. La vie publique semble livrée au culte du vide et de l’insignifiance.
  • Le déni de la réalité: les choses se passent, dans la vie politique moderne,  comme si toute limite au mépris et à la moquerie avaient cédé. Le monde virtuel, celui de la propagande se détache du monde du monde des réalités. Du doigt, on nous montre la pluie en nous disant: voilà un beau soleil. Et nous sommes censés applaudir. La crise et le chômage pulvérisent tous les records, frappent la France plus que tout autre pays d’Europe, mais peu importe « ça va mieux » puisqu’on vous le dit, toujours mieux!Et chacun, au sommet, de bomber le torse avec des airs autoritaire de père fouettard tandis que le pays sombre dans le chaos et l’anarchie.
  •  La destruction du bien commun: tout se passe comme si le sens du collectif et e l’intérêt général s’était effacé. La vie publique ne serait plus qu’au service d’une poignée d’individus qui soignent leurs avantages personnels et leur ego boursouflé. Il me semble que cette folie égotique, qui pousse des individus à n’exister que pour la jubilation de fanfaronner dans les caméras de télévision, de se sentir « le premier » et de jouir de l’impression d’être aimés, admirés, obéis, relève d’une forme de pathologie mentale. Le décalage est saisissant entre l’idée qu’ils se font d’eux-mêmes et la réalité du sentiment qu’ils inspirent. Plus ils se sentent  magnifiques aux yeux de l’opinion, et plus ils sont perçus comme grotesques, ridicules, inutiles. Mais peu importe, c’est le rêve de puissance et de séduction, l’illusion du pouvoir qui compte… La plupart des grandes fautes politiques de notre époque, en France comme en Europe, qui nous ont conduit où nous en sommes, émanent de choix individuels guidés par la seule mégalomanie.

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Alors que faire? Il n’existe probablement pas de remède miracle et immédiat, de perspective d’un  passage de la révolte à la révolution. Aujourd’hui, la résistance est avant tout intellectuelle. Fondamentalement, la refondation de la politique, au sens noble du gouvernement de la cité,  ne se conçoit que de manière progressive, par la transformation des mentalités. Elle passe par la démocratie directe, la proximité, la décentralisation: le pouvoir au plus près de chaque citoyen. C’est ce que j’ai voulu dire dans cette tribune pour le Figaro Vox en faveur des maires et des communes. Elle se fera par l’avènement de nouvelles valeurs politiques: la force (insoupçonnée) de la volonté associée à l’anonymat, la modestie, l’impersonnel, la discrétion, la vérité, ce mot oublié, comme principes fondamentaux de toute politique. Il est scandaleusement imbécile d’imaginer qu’un homme ou femme seul avec son petit cerveau malade, détient à lui seul les clés de l’avenir. D’où l’urgence à réhabiliter le collectif: toute bonne décision doit être pensée, réfléchie, discutée, débattue, adoptée par une majorité,  puis appliquée quoi qu’il arrive. Les choix fondamentaux sont ceux d’un Gouvernement, au sens de l’entité collective, d’un Parlement, d’un peuple à travers la démocratie directe. Et enfin, le politique doit se focaliser sur l’action et sur les réalités. Son champ est celui du possible, du monde réel, concret, palpable, celui que l’on peut vraiment changer, et non le délire de la polémique stérile, guéguerres de principes et des annonces sans suite.

Maxime TANDONNET

lundi, 06 juin 2016

Shakespeare. Céline. Secrets at Bottom

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Shakespeare. Céline. Secrets at Bottom.

Last night I ushered at the local Shakespeare Theater. I had to look the part. So I bought shoe polish at the dollar store, lathered my loafers three (3) times, and glossed my footing. Meanwhile, I discovered the secret of Chinese shoe shine exporters: mix dog shit and lard, slip it in a tin, seal it with a Royal English label. 

Dollar stores in Philadelphia must carry all brands of shudras. It’s a footnote in federal non-discrimination posters. Freedom Dollar Store more or less complied. A tall Jamaican worked and preened as a bouncer, a short Mayan-Mexican worked and worked as a stock boy, and a stout Paki in a hijab worked as the owner-overseer from a raised deck with a battery of cash-registers. Finally, a Dominican with rosy lipstick ran the main register and did the dirty-work of taking money. Ha. Ha. I mean she did the dirty-work of interfacing with every fugitive, sickling, church-lady, doped-up mumbler and cheap urban gigolo who counted pennies on the counter.

dom021b1df5cc5132cdcd95.jpgThe Dominican was very nice. Authentically nice. She wasn’t some missionary White Liberal signaling her love of poor darkies for all to see. I think, speaking of trade secrets, that the Dominican girl’s strategic advantage was that she didn’t give a shit. 1) She didn’t give a shit about the backsliding American Blacks need to show, via the stink eye, a smug hatred of Whites. 2) She didn’t give a shit about the USA’s enterprising spirit and/or Judeo-Christian blather which means, for the wage earner, the freedom to work faster and faster to go deeper and deeper in debt while buying costlier and costlier crap. Because the island girl was a champion at handling the leery niggers, stumbling mongrel junkies, and freelance critics who walked in the door, the Paki overseer gave her space. She let the Dominican work at her own fresh and breezy rhythms which are most alien to Filthadelphia.

Life is rich at bottom. A White racist can learn valuable lessons from non-Whites who’ve adjusted to the truth and lies of devolving America. The brown Dominican girl will be just as free and lovely when Western Liberal Plutocracy goes down the toilet. Why? Because her womanly discipline is to be free and lovely right now, regardless of empty promises blabbed by wooly race hustlers, porked-pink politicians and blah, blah, blah. She’s a sparkling gem. Her counterpart is the Black bus driver who’s well seated. Almost like a post-volcanic island. Almost like the Rock of the Ages. But surely the well-seated Black bus driver is like Our Lord’s humble proxy, a salty apostle at the helm of the rolling boat while currents of assholes and elbows flow on the street. And trickled on and off the bus, ebbing and flowing like h-o-p-e.

If you’re a thinking bub with a mind to study a non-White who’s reconciled, within his own cultural referents, the metaphysical truth that we’re all equal in Almighty God’s eyes with the material truth that humanity is a mixed bag? Look to the African-American bus driver. My present point is that the increasingly angry Whiteman can learn from post-disappointment Blacks. Perhaps meta-mature Blacks. On a personal level, even as nailed Christians they don’t give a shit about you. They don’t care whether you’re racist or non-racist or grey in your skin. They solely care about being true to their own inner-standards of Soldier of God comportment. The very best Black bus drivers are bible driven. As Baptists, they are what Evola would call late and faded echoes of the Heroic Navigator. Very late. Very faded. Very barely tuned to the stellar pulse of Aryan lore.

Maybe it’s more like the best Black bus drivers have taken the Hippocratic Oath: First do no wrong. Which reminds me of the trade-secret of Philadelphia’s 5 Star Hospitals. At the pinnacle of tech and brainpower, you get a variation of the same muffled bullshit that passes for harmony on the street. The working truth is that it’s the bosomy White nurses, the modestly high-IQ and pathologically caring goy women, who interface with the human wreckage. They wipe hurt butts, clean pus from fetid wounds, and handle blood and urine samples. If they’re to be trusted with intellectual labor, then they translate aching and garbled complaints into medical terms for the international elite doctors who enter the treatment room like NWO super-stars. The Indians, Asians, Israelis, and shellacked Iranians who ultimately make the call: emergency surgery or modulated therapy or pasty white placebo. A Caucasian Male MD, hired into the hospital on 30-year probation as a congenital but dormant racist, would say that I’m exaggerating the truth. Ha. Ha. A fey diagnosis. I’m exploding the truth.

As for prophetic telling? As for the future of poor White pawns when we’re a minority in America? It’s foretold in Philly if you can read the bumps on the heads of backsliding and dazed Catholics. It’s a trade-secret of serene immigrants to hire a Christianized naif to handle the irate Blacks who enter the door. Preferable, a poor White girl from the depleted Irish Catholic neighborhoods who’s a single mom and reconciled to low-grade abuse. When you see a NE Asian-owned cleaners, with a monkish Asian doing the tailoring and banking, and a rag-faced goy answering complaints about chemical stains and lost pants, you’ve found foreign newbies who’ve aced the New America. They’ve solved the mean streets. It’s up to the native-born White, the face of punch-drunk sympathy, to deliver the law to homeless dregs, “I told you yesterday that you can’t use the toilet. It’s still for employees only. I’m sorry. Sorry. Sorry.”

domgirl_08.jpgThat’s today’s Philadelphia in the public and semi-public commons where Whites are irrelevant. Reduced to fear and piety or jailhouse bravado. It’s better if you have can afford valet parking. In any case, last night I went back to 1600 and saw a Shakespeare play. I’ve ushered at the theater about 25 times, and that’s my most venal trade-secret as a cheap-ass writer who’s often too lazy to read. It’s said that Shakespeare was a closet-Catholic. Judging by the bewitching hoo-doo in Macbeth, he was also a closet Pagan. It’s a weakness in Christian lore that Mary Magdalene isn’t too appealing as sin’s female agent. But Lady Macbeth has dark feminine wiles that are almost equal to Cleopatra, who Shakespeare renders most lustily. For a while, in the black heart of the play, Shakespeare doesn’t give a shit about the need to present the noble, regal and queenly female ideal. He flies the devil’s kite. He creates stormy fun. But in the end, proper moral order is restored with the thrust of an avenging sword. The good guys win, and social harmony returns to The Realm.

Shakespeare has given me a considerable trade-secret: be irresistibly nasty and politically obscene in my script until the very last moment. Then, like a magician pulling a rabbit out of a hat, produce a warm ’n fuzzy ending. In shoe-shine terms, produce a nicely polished finish and don’t worry about the thin gloss. In 101 textbook terms, produce a plot resolution wherein public order and Divine Order are restored as One. Be wholesome as an afterthought. Take it to the bank.

Thanks Bill. You’re the greatest! But I’m a follower in hard times. I’ve got my own trade-secret to sculptify as a writer. I’ve got my own deep personal resolution to chisel into a plot resolution upon the public stage. Too bad that my ends are as time-specific to the Leaden Age of Western Liberal Plutocracy as Shakespeare’s ends were time-specific the Golden Age of Elizabethan Theater. I’m living at the bottom, maybe beneath the bottom, of a World Historical Cycle if not the Kali Yuga. The point? Regardless of my powers as a cheat, I just can’t pretend to think that the Public Order, the Moral Order, the Natural Order and the Divine Order can be reconciled as One in Philly. Neither can a redeeming spin be synched to the roundly vacant USA and the flickering Globalist Hairball. So much for climactic catharsis with a familial denouement. Shakespeare’s advantage was that he had a knowing race of Englishmen to honor as a loyal and loving prick. He lived at the golden dawn of the British Empire wherein even a vicious pirate like Sir Francis Drake could sincerely drop to his knees and praise The Island Throne. The crowning Spirit of England with its guarded line of aristo-buccaneers. Maybe Sir Richard Burton, as epic writers go, was the last of the breed. Dr. Albert Schweitzer called him “a moral idiot.” But Burton was a heroic navigator of Olympian stature nevertheless. In body and spirit, he was a jealous pedigree with a blinding light.

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Life is funny at bottom. It’s amusing to belong to the nadir of Western Man. I’m perfectly cozy here and now. I merge effortlessly, as a natural, with Filthadelphia and its soiled joys and catastrophes. The problem? The trade-secret that’s caught in my throat? The truth that inflames my neck? As a writer and voice, I segregate! I segregate my own frail creative germ from the filthy pedestrian soul-bath regardless of lost profit. I just don’t give a shit about the poor and wailing demos that I know too well. To make matters worse, I don’t give a shit about my financial betters who control the purse-strings, the puppet-strings and the heart-strings of public theater. Neither do I favor their actors in reserve, primed like bombs for the 6 o’clock news: anti-White revolutionaries, volatile immigrants and nihilistic rioters with red-hair, freckles, and dog breath. All that cheap shoe-shine, all that cheap moral or editorial gloss, all that crap lathered over power politics. Really, racial politics.

celine-meudon-1959.jpgFrom the bottom of the Kali Yuga, the grease-pit of the Aryan roller-coaster, my job is to error on the side the Higher Orders. To come clean, as a privileged species of dirty White voyeur who has glimpsed the summit. Revealed in it’s clear majesty by Shakespeare at the top of the ride. Concealed in its gloom by degenerate carriers at bottom. Céline, a man amongst lethal cry-babies and cussed goyim, took it upon himself to grasp the low light. I know some, not all, of his trade secrets. First Céline recognized the luminous germ in the rhapsodic tripe of belly-aching Celt rustics in Paris. Then he recognized the lyrical germ in himself. That was a fateful day. A heroic prick, Céline made his noted lingo, his ripped ditties of genius, untranslatable even into languages like German and Italian that have a kinship with French. It was Céline’s take on low-down fun. It was also Céline’s take on the sport of kings.

A backstreet metaphysician, Céline took the Left Hand Path to the Olympian Heights of Immortal Fame. To cover his tracks in plain sight, he sputtered an asinine ferment of giddy yet scorched-earth prose. There’s do-or-die conviction in his funny steps. The man put himself to the test! And whatever Céline’s ultimate trade-secret, it can’t be severed from his core muse to leave French literature, maybe Western literature, in a vacuum after his death. He refused to be followed.

This explains, at bottom, his anti-Semitic rants. Céline’s paranoia in the face of shysters who’d make a global prole, a pan-humanist, an embalmed ambassador for Colored Revolutions in Africa and Slavonia out of his corpus. Céline: a self-immolating genius. Too hot to touch and leaving friends and foes majestically incensed. Maybe he over-reacted. But maybe he didn’t.

Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

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dimanche, 05 juin 2016

Céline at Sigmaringen, 1944–45

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Céline at Sigmaringen, 1944–45

Notes on Céline’s Castle to Castle (D’un Chateau L’autre)

Today is the birthday of novelist Louis-Ferdinand Destouches (May 27, 1894–July 1, 1961), a French physician who wrote autobiographical fiction and political propaganda under the pen name Louis-Ferdinand Céline. 

Like Ernest Hemingway (who died the day after Céline), Céline is arguably more intriguing for his wayward, adventurous life than for his books. Both were stylistic innovators, but that has a downside: yesteryear’s innovation tends to become today’s annoyance. Affected or eccentric prose tends to thwart rather than aid a reader’s comprehension. Hemingway of course had his minimalist, mannered sentence construction (which he imagined to be the prose equivalent of Matisse or Picasso’s painting technique). Céline’s usual idiom was something a little more daunting—a staccato, stream-of-consciousness rant. Page after page of word-pictures and asides, each separated by a three-dot ellipsis, rather like an old-time Browadway columnist…

Frankly, just between you and me, I’m ending up even worse than I started . . . yes, my beginnings weren’t so hot . . . I was born, I repeat, in Courbevoie, Seine . . . I’m repeating it for the thousandth time . . . after a great many round trips I’m ending very badly . . . old age, you’ll say . . . yes, old age, that’s a fact . . . at sixty-three and then some, it’s hard to break in again . . . to build up a new practice . . . no matter where . . . I forgot to tell you . . . I’m a doctor . . . [1]

That’s the beginning of D’un Chateau L’autre, or Castle to Castle (1957), Celine’s ever-so-slightly fictionalized account of his adventures during and after the last months of the Second World War. It’s a good example of Celine’s delivery throughout the book, with endless repetitions and self-contradictions. Addressing himself to his legion of fans, he here apologizes for telling them what they already know—that he was born in Courbevoie—then goes on and informs them, as though for the first time, that he’s a physician!

sig19144571842.jpgThe heart of the “novel” is famously set in Sigmaringen, the ancient Hohenzollern castle-town on the Danube, just north of Lake Constance. This is where about 1400 French collaborators and Vichy officials found refuge from mid-1944 till May 1945. Celine’s account of Sigmaringen is by far the most grotesque, blackly satirical section of his book—full of overflowing toilets, starving babies, hysterical crowds, ceaseless air-raids; and with appearances by Petain, Laval, and Fernand de Brinon (Celine’s fellow collabo writer, Vichy Secretary of State, and now head of the government-in-exile).

But nothing in Celine is ever straightforward; his style always gets in the way. In order to get to this historically informative part of the narrative we must first peel away, artichoke-like, about 100 leaves of dream-like recollections as the author’s mind wanders back from the present (1950s) to his six-year postwar imprisonment in Copenhagen, where he appears to have split his time between months in a hospital ward, suffering from cancer and pellagra, and episodes of solitary confinement. The Danish (for apparently they were) officials drag him out at intervals, trying to browbeat into making the preposterous admission that he had supplied the Germans with the secret plans of the Maginot Line.

A few flashbacks of Sigmaringen appear briefly as we dig through the memory-artichoke: how the Vichy officials came to consult him toward the end in early 1945, asking the good doctor what’s the best way to commit suicide. Céline smugly notes that Laval was too proud to ask for advice, as he was already prepared for the endgame. But it turned out that Laval’s cyanide capsule was old and spoiled by moisture by the time he attempted to use it, so Laval didn’t get to cheat the firing squad in late 1945 (p. 32).

One day in 1950s Paris, the narrator encounters an old collabo actor friend, “Le Vigan,” returned to France in disguise, with wife and pet cockatoo, outfitted in outlandish costume and posing as the pilot of an ancient bateau-mouche in the Seine. Le Vigan had been at Sigmaringen with Céline. Overjoyed to see each other, they reminisce about old times.

This is Céline’s “madeleine” moment. His thoughts finally spiral backwards to his months at the Castle.

Maybe I shouldn’t talk Siegmaringen [sic] up…but what a picturesque spot…you’d think you were in an operetta…a perfect setting…you’re waiting for the sopranos…the lyric tenors…for echoes you’ve got the whole forest…ten, twenty mountains of trees! Black Forest, descending pine trees…waterfalls…your stage is the city, so pretty-pretty, pink and green, semi-pistachio, assorted pastry, cabarets, hotels, shops, all lopsided for the effect…all in the “Baroque boche” and “White Horse Inn” style…you can already hear the orchestra…the most amazing is the Castle…stucco and papier-mache…like a wedding cake on top of the town…

Yet not was all pretty-pretty and operetta-like:

In our time, I’ve got to admit, the place was gloomy…tourists, sure…but a special kind…too much scabies, too little bread, and too much R.A.F. overhead…and [Gen.] LeClerc’s army right near…coming closer…the Senegalese with their chop-chops…for our heads… (p. 126)

Céline has access to the Castle ex officiobecause he is a physician, but he spends much of his time tending to the women and children of the collabos and the French miliciens, roughly interned in a nearby camp where they are slowly being starved to death on a diet of “raw carrot soup.”1,142 is the number Celine gives for collaborators living in the Castle and in nearby hostelries. (Historians give the number as about 1,400.) The collabos spend much of their time wondering what their fate would be when the war is over. They think about Napoleon’s friends and partisans when the Emperor was finally exiled to St. Helena. Adolfins, Céline humorously imagines, is what the leftist press in France will call the Vichyites and collabos.

The attitude of the local Germans, he says, is not at all friendly:

…the real hatred of the Germans, I might say in passing, was directed against the “collaborators”…not so much against the Jews, who were so powerful in London and New York…or against the Fifis [Free French], who were supposed to be “the Vrance of tomorrow”…pure and sure…but against the “collabos,” the dregs of the universe, who were there at their mercy, really weak and helpless, and their kids who were even weaker…let me tell you: the Nuremberg trials need doing over! (p.131)

sigCavaleduDrDestouche_pl1.jpgOne day there is a rumor that there will be a distribution of free bread—maybe bread and sausage—over by the Castle drawbridge. A thousand people gather, looking filthy and lousy, to the wonderment of the German guards nearby, who have heard no such rumor. The crowd waits in anticipation for a half-hour, an hour . . . and finally there is activity at the Castle gate. But it is only Pétain and entourage, going out for the daily stroll!

Céline has only contempt for Le Maréchal and his luxe life, marvels at the crowd’s docility when they see Pétain hasn’t emerged to give them bread.

…he didn’t leave a crumb for anybody!…housed like a king!… [. . .] a whole floor to himself…heated!…with four meals a day…sixteen [food] cards plus presents from the Fuehrer, coffee, cologne, silk shirts…a regiment of cops at his beck and call…a staff general…four cars…

You would have expected that crowd of roughnecks to do something…to jump him…to disembowel him…not at all…just a few sighs…they step aside…they watch him start on his outing… [. . .] men and women…little girls’ curtseys…the Marshall’s walk…but not bread, no sausage. (p. 148)

There is an air raid. For some reason the Castle has never been attacked, but there is a rumored explanation for this too: it is being reserved for Gen. Leclerc when he finally comes through…

…he was already in Strasbourg, with his Fifis and his coons…you could tell by the people coming our way…refugees with their eyes popping out…the things they’d seen…the wholesale decapitations with the chop-chop…Leclerc’s Senegalese…rivers of blood. The gutters full of it. (p. 152)

Pétain and entourage return abruptly as the RAF raid crescendoes, taking shelter under a railway bridge arch. No more is heard about the bread ration.

Celine and his wife go back to their room in the town down the hill, No. 11 Hotel Löwen, where the stench is horrendous because of the single public toilet constantly overflowing in the upstairs lobby:

…so you can imagine our lobby…the cursing and farting of the people who couldn’t hold it in…and the smell…the bowl, overflowed!…what can you expect? It was always plugged…people went in three…four at a time…men, women, children…every which way…they had to be dragged out by the feet…by raw force…hogging the crapper… (p.162)

Much of this is undoubtedly hyperbole, disgust turned into black humor to make it palatable (so to speak). Rivers of urine and excrement flowing down the hotel stairway, Céline claims!

It was a special point with him. He was not only a physician horrified by medical filth (his first book was a dissertation on hospital sepsis), so we can allow him literary license in this quasi-novel. But then his fancy takes him a little bit too far, and we fully realize he’s giving us crazy-talk to express the craziness of the time and place…

Opening the door to his shabby room at the Hotel Löwen, Céline finds that his bed is now occupied by an insane man being straddled by an equally insane fellow dressed as a surgeon:

…well anyway a man in a white smock getting ready to operate on him… forcibly!…three, four scalpels in hand…head-mirror, compressor, forceps!…no possible doubt!

“Doctor! Doctor! save me!”
“From what? From what?”
“It’s you I came to see, Doctor! The Senegalese! The Senegalese!”
“What about them?”
“They’ve cut everyone’s head off.”
“But he’s not a Senegalese.”
“He’s starting with the ear!…it’s you I wanted to see, Doctor!”
“But he’s not a Senegalese, is he?”
“No…no…he’s a lunatic!”
(pp. 164-65)

Just another day in Céline’s Sigmaringen.

Note

1. All quotations are taken from the Ralph Manheim translation of Castle to Castle, first published in 1968 by Dell Publishing Co.

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samedi, 04 juin 2016

"Au Beau Rivage" de René Fallet

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"Au Beau Rivage" de René Fallet

Ex: http://www.parallelesmag.com

fallet34511_195x320.jpgTous les samedis soirs, à l’hôtel restaurant « Au Beau Rivage », Antoine, le patron, fait guincher ses clients au son de l’accordéon. Mais les temps changent, et les danseurs désertent le bal musette au profit d’orchestres modernes plus « électrisés »… La guinguette a fermé ses volets ! Antoine, morose, devient de plus en plus grincheux, et quand Pineau, le voisin, amène un 33 tours de musique classique, il pète un câble en même temps que la tronche du mélomane ! Celui-ci portant plainte auprès de la maréchaussée, notre Antoine se retrouve en cabane pour deux longs mois … Mais loin de déprimer, il savoure, dans sa carrée, le plaisir d’être enfin seul et, en morse et par tuyaux interposés, va devenir pote avec un autre taulard, Émile. Tous deux vont partager  un luxe infini : ils vont rêver …Une fois de retour au « Beau Rivage », Antoine est métamorphosé et inquiète son entourage qui ne le reconnaît plus… Jusqu’au jour où Émile débarque dans la petite pension en bord de Seine et va chambouler tout autour de lui… Fallet avait un don inné pour créer des personnages aussi rocambolesques que truculents. Dans ce roman, il ne déroge pas à sa marque de fabrique ! Vous n’êtes pas prêts d’oublier« Pédalo » le maquereau fan de cyclisme ou bien  « Martinique », buveur de rhum devant l’éternel et amant de la plantureuse Georgette, femme de l’agent de la paix, et néanmoins cocu, « Barberine »…Vous craquerez pour  « 6. 4. 2 » gagnant à la loterie nationale et pêcheur à la ligne en quête de Victor le monstrueux et mythique brochet, Graal  convoité par tous les autres amateurs d’halieutique… « Au Beau Rivage » déborde de gouaille, d’argot et de langage fleuri et c’est garanti, vous promet un fameux moment de bonne humeur et de lecture de haute volée ! On plonge avec délices et  tête la première dans l’univers de René Fallet avec l’envie de re-dévorer ses autres livres, tellement c’est bon…

Au beau rivage de René Fallet, Denoël, 2016 / 13€

jeudi, 02 juin 2016

Akif Pirinçci: Die Umvolkung von dem Austausch der Deutschen & den Invasionsgewinnlern

Akif Pirinçci:

Die Umvolkung von dem Austausch der Deutschen & den Invasionsgewinnlern

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mercredi, 01 juin 2016

»Umvolkung« Ellen Kositza bespricht Akif Pirinçci!

»Umvolkung«

Ellen Kositza bespricht Akif Pirinçci!

Das Buch hier bestellen:
http://goo.gl/YgwNrB

Ellen Kositzas sechstes Buchvideo wartet mit einem Paukenschlag auf: Die Literaturredakteurin der Zeitschrift Sezession hat Akif Pirinçcis neuen Hammer »Umvolkung. Wie die Deutschen still und leise ausgetauscht werden« bereits vor Veröffentlichung gelesen und präsentiert die wichtigsten Thesen des Skandalautors.
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mardi, 31 mai 2016

«2084» de Boualem Sansal: «Attention, ça brûle!»

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«2084» de Boualem Sansal: «Attention, ça brûle!»

BS-2084.jpgTranquillement assis, comme si de rien n’était, Boualem Sansal attend ses lecteurs. Ce mardi soir, dans le petit théâtre de l’Alliance française, à Paris, seuls un vigile à ses côtés et des contrôles d’identité à l’entrée laissent transparaître le caractère explosif de ses idées. Avec son roman acclamé 2084, l’auteur algérien dépeint la menace du terrorisme islamiste et n’exclut plus une troisième Guerre mondiale. Tiré à 290 000 exemplaires, ce livre l’a propulsé au cœur de l’actualité brûlante d’une France qui se cherche. Couronné « Meilleur livre en 2015 » par le magazine Lire, son scénario avait déjà reçu le Grand prix du roman de l’Académie française. Depuis, Boualem Sansal court les rencontres littéraires pour s’expliquer auprès de ses lecteurs. Entretien.

RFI : Chez vous, la séance de dédicaces dure aussi longtemps que la rencontre littéraire. Comment réagissent vos lecteurs face à votre monde totalitaire de 2084, cette dictature planétaire nommée Abistan, avec son Dieu Yölah et son prophète Abi ?

Boualem Sansal : Jusque-là, les gens réagissent plutôt bien par rapport aux livres que j'écris. Avec 2084, il y a peut-être quelque chose de nouveau. Il y a un contexte, une actualité. 2084 parle d’une dictature religieuse et en ce moment, il y a des événements liés à la religion en Europe et un peu partout dans le monde. Cela inquiète beaucoup de gens. Mon roman amène une réflexion sur ces choses-là. C’est ce que les gens veulent.

Depuis vos prix littéraires, vous êtes beaucoup lu et écouté. Avez-vous le sentiment d’être vraiment entendu et réellement compris par rapport à votre roman 2084 ?

Les gens vous entendent. Comme nous tous entendons les gens. Est-ce qu’on fait toujours ce qu’ils nous recommandent ? Ce n’est pas toujours évident. Parfois, on ne peut pas agir. Parfois, je me dis que les gens sont souvent comme les enfants. Ils ne réagissent pas quand on les avertit : « Attention, ça, ça brûle ! ». Et puis, un beau jour, ils mettent la main et se brûlent. Mais, c’est trop tard.

Depuis mon premier roman [Le Serment des barbares, ndlr] et au-delà des romans, des articles et des interviews, cela fait quinze ans que j’attire l’attention des gens sur l’évolution de l’islamisme notamment. Les gens n’ont qu’à écouter. Certains disent : oui, c’est vrai, c’est risqué, c’est dangereux, mais qu’est-ce qu’ils peuvent faire ? Les États devaient écouter les lanceurs d’alertes, mais ils ne les écoutent pas, parce qu’ils gèrent des intérêts. Et ces intérêts passent même avant la raison.

En 2015, dans la Russie de Poutine, le livre 1984 de George Orwell est devenu un best-seller. Votre roman 2084, inspiré par Orwell, est en train de devenir un best-seller dans une France marquée par les attentats islamistes et l’état d’urgence. Est-ce un signe inquiétant ?

Oui, en tout cas, c’est le signe que la population, ou au moins ceux qui lisent ces livres ont un fort sentiment d’inquiétude. Pour le moment, ils ne savent pas comment le traduire en actes. Des fois, ils le font d’une manière qui joue plutôt contre eux, par exemple, quand ils vont vers l’extrême droite en disant : « Il y a un danger qui arrive. Il y a des écrivains qui nous le disent, donc on peut le croire. Et pour nous prémunir de ça, allons vers l’extrême droite. » Ce n’est pas la solution. D’autres vont vers des solutions encore plus violentes que la violence qui les attaque. Par exemple, aux Etats-Unis, quand le candidat républicain Donald Trump dit qu’il faut chasser les musulmans et leur interdire de venir dans le pays. C’est de la folie.

BS-2070149759FS.gifVous affirmez n’écrire « que des histoires vraies ». Pour vous, 2084 n’est pas de la science-fiction, mais se déroule aujourd’hui. Pendant l’écriture de votre roman, vous avez utilisé comme temps de narration le présent. Pourquoi cela a-t-il provoqué un casse-tête chez les grammairiens de Gallimard ?

Ce genre de texte est très difficile à écrire sur le plan de la temporalité. C’est une projection. Donc il faudrait utiliser le futur pour dire ce qu’il va arriver. Moi, personnellement, je pense que c’est dangereux de faire ça, parce qu’on peut passer pour un gourou ou pour quelqu’un qui joue au prophète. C’est très dangereux, surtout en littérature. On peut le faire dans un essai.

Dans un essai on démontre ce qu’on affirme. Dans un roman, on ne démontre rien. On dit. Pour moi, la seule solution était de me mettre en 2084 et de raconter cela en étant en 2084. Donc c’est forcément le présent. Mais il se trouve que… on ne peut pas s’en rendre compte si on n’écrit pas soi-même : c’est difficile de raconter le futur – en étant dans le futur – au présent. C’est très difficile.

Imaginez que vous racontez une de vos journées dans vingt ans. Comment allez-vous faire ça ? Comment allez-vous dire : « Ce jour, je suis sorti pour aller au stade et puis manger avec des amis ». Le lecteur le lit aujourd’hui. Donc il ne comprend pas. Vous vous rendez compte de la complexité ? Finalement, en parler au passé reste la situation la moins perturbante. C'est-à-dire qu’on se met dans le futur, mais comme si c’était quelque chose de passé. C’est très étonnant.

Cela rejoint donc une réalité, parce que les gens se posent la question : est-ce que ce danger-là – pour faire court, on va dire l’islamisme – est-ce que c’est devant ? Ça va venir ? Ou est-ce que c’est déjà là ? Ou est-ce que c’est déjà un peu passé dans la mesure où l’on est en train de prendre des mesures ? Alors c’est presque fini et on se dit : encore deux mois et on aura fini avec Daech… Donc la question de la temporalité est très importante !

Dans 2084 vous ne nous projetez pas dans un monde technologique et futuriste. Ce n’est pas la technologie qui est en jeu, mais nos attitudes, notre suivisme, notre collaboration avec le système. Votre livre parle de « la force du mouvement infinitésimal, rien ne lui résiste, on ne s'en rend compte de rien pendant que, vaguelette après vaguelette, angström après angström, il déplace les continents sous nos pieds… ». On y est déjà ? Cela se passe-t-il déjà en France et en Europe ?

Absolument. Toutes les évolutions se font comme ça, millimètre par millimètre. Sauf dans le domaine technologique où il peut y avoir des découvertes où tout change, du jour au lendemain. Comme l’ordinateur qui a bouleversé notre univers technologique. Mais les évolutions politiques, sociales, philosophiques, religieuses, se sont faites dans l’immobilité…

BS-811H2vPmrHL._SL1500_.jpg… ou par « Soumission » pour nommer le livre de Michel Houellebecq.

Houellebecq est vraiment dans le quotidien d’aujourd’hui. Il ne fait pas de projection. 2022, c’est comme 2017 ou aujourd’hui avec la question : qui va être élu ? Hollande, Sarkozy, Jupé ou Monsieur Abbes [dans le livre de Houellebecq, Mohammed Ben Abbes, le candidat de la Fraternité musulmane, devient en 2022 le premier président musulman de la République française, ndlr]. Ce n’est pas une véritable projection. Ce sont des choses qui se font, qui sont là, dans la société…

Depuis l’attentat contre Charlie Hebdo, il y des caricaturistes qui admettent pratiquer une certaine autocensure. Il y a aussi le cas de Michel Onfray (« Le débat en France n’est plus possible ») qui a renoncé à publier en France son livre-entretien Penser l’islam. Est-ce qu’il y a déjà un soupçon de « Abistan » dans l’air, ici en France ?
 
Quand j’ai écrit 2084, ma conviction était faite : on va là-dedans, on va vers ça ! Il y a des raisons religieuses, mais aussi des raisons beaucoup plus fortes encore. C’est comme le réchauffement de la planète. C’est quelque chose qui se fait.

Ce n’est pas parce qu’on va prendre quelques mesures avec la COP21 ou la COP22 ou la COP23 qu’on va arrêter l’évolution du monde. On est sept milliards d’habitants. On sera dix milliards. Il y aura plus de voitures, plus de maisons, il faudra produire plus pour plus de gens. Il est inévitable que la température augmente. La question est : faut-il tout arrêter pour empêcher le réchauffement climatique ? Ou apprendre à vivre avec le réchauffement climatique ?

Ce genre de texte est très difficile à écrire.
L’écrivain Boualem Sansal sur la difficulté de la temporalité de son roman « 2084 ».
14-01-2016 - Par Siegfried Forster
Pour écouter:

http://www.rfi.fr/afrique/20160114-2084-boualem-sansal-at...

Autres documents audio:

► Ecouter aussi l’interview avec Boualem Sansal dans l’émission Religions du monde
► Ecouter aussi l’interview avec Boualem Sansal dans l’émission Littérature sans frontières
► Lire aussi la critique du livre 2084

► L’agenda des prochaines rencontres littéraires de Boualem Sansal

dimanche, 29 mai 2016

La tyrannie mondialiste et le totalitarisme démocratique

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La tyrannie mondialiste et le totalitarisme démocratique

Conversation avec Alexandre Zinoviev philosophe, logicien,
sociologue,
et écrivain dissident soviétique.

Entretien réalisé par Victor Loupan à Munich, en juin 1999,
quelques jours avant le retour définitif d’Alexandre Zinoviev en Russie ; extrait de « La grande rupture », aux éditions l’Âge d’Homme.

Ex: http://www.actionroyaliste.fr

Victor Loupan : Avec quels sentiments rentrez-vous après un exil aussi long ?

Alexandre Zinoviev : Avec celui d’avoir quitté une puissance respectée, forte, crainte même, et de retrouver un pays vaincu, en ruines. Contrairement à d’autres, je n’aurais jamais quitté l’URSS, si on m’avait laissé le choix. L’émigration a été une vraie punition pour moi.

V. L. : On vous a pourtant reçu à bras ouverts !

A. Z. : C’est vrai. Mais malgré l’accueil triomphal et le succès mondial de mes livres, je me suis toujours senti étranger ici.

zinoli2221069363.JPGV. L. : Depuis la chute du communisme, c’est le système occidental qui est devenu votre principal objet d’étude et de critique. Pourquoi ?

A. Z. : Parce que ce que j’avais dit est arrivé : la chute du communisme s’est transformée en chute de la Russie. La Russie et le communisme étaient devenus une seule et même chose.

V. L. : La lutte contre le communisme aurait donc masqué une volonté d’élimination de la Russie ?

A. Z. : Absolument. La catastrophe russe a été voulue et programmée ici, en Occident. Je le dis, car j’ai été, à une certaine époque, un initié. J’ai lu des documents, participé à des études qui, sous prétexte de combattre une idéologie, préparaient la mort de la Russie. Et cela m’est devenu insupportable au point où je ne peux plus vivre dans le camp de ceux qui détruisent mon pays et mon peuple. L’Occident n’est pas une chose étrangère pour moi, mais c’est une puissance ennemie.

V. L. : Seriez-vous devenu un patriote ?

A. Z. : Le patriotisme, ce n’est pas mon problème. J’ai reçu une éducation internationaliste et je lui reste fidèle. Je ne peux d’ailleurs pas dire si j’aime ou non la Russie et les Russes. Mais j’appartiens à ce peuple et à ce pays. J’en fais partie. Les malheurs actuels de mon peuple sont tels, que je ne peux continuer à les contempler de loin. La brutalité de la mondialisation met en évidence des choses inacceptables.

V. L. : Les dissidents soviétiques parlaient pourtant comme si leur patrie était la démocratie et leur peuple les droits de l’homme. Maintenant que cette manière de voir est dominante en Occident, vous semblez la combattre. N’est-ce pas contradictoire ?

A. Z. : Pendant la guerre froide, la démocratie était une arme dirigée contre le totalitarisme communiste, mais elle avait l’avantage d’exister. On voit d’ailleurs aujourd’hui que l’époque de la guerre froide a été un point culminant de l’histoire de l’Occident. Un bien être sans pareil, de vraies libertés, un extraordinaire progrès social, d’énormes découvertes scientifiques et techniques, tout y était ! Mais, l’Occident se modifiait aussi presqu’imperceptiblement. L’intégration timide des pays développés, commencée alors, constituait en fait les prémices de la mondialisation de l’économie et de la globalisation du pouvoir auxquels nous assistons aujourd’hui. Une intégration peut être généreuse et positive si elle répond, par exemple, au désir légitime des nations-soeurs de s’unir. Mais celle-ci a, dès le départ, été pensée en termes de structures verticales, dominées par un pouvoir supranational. Sans le succès de la contre-révolution russe, il n’aurait pu se lancer dans la mondialisation.

V. L. : Le rôle de Gorbatchev n’a donc pas été positif ?

A. Z. : Je ne pense pas en ces termes-là. Contrairement à l’idée communément admise, le communisme soviétique ne s’est pas effondré pour des raisons internes. Sa chute est la plus grande victoire de l’histoire de l’Occident ! Victoire colossale qui, je le répète, permet l’instauration d’un pouvoir planétaire. Mais la fin du communisme a aussi marqué la fin de la démocratie. Notre époque n’est pas que post-communiste, elle est aussi post-démocratique. Nous assistons aujourd’hui à l’instauration du totalitarisme démocratique ou, si vous préférez, de la démocratie totalitaire.

zinolié.jpgV. L. : N’est-ce pas un peu absurde ?

A. Z. : Pas du tout. La démocratie sous-entend le pluralisme. Et le pluralisme suppose l’opposition d’au moins deux forces plus ou moins égale ; forces qui se combattent et s’influencent en même temps. Il y avait, à l’époque de la guerre froide, une démocratie mondiale, un pluralisme global au sein duquel coexistaient le système capitaliste, le système communiste et même une structure plus vague mais néanmoins vivante, les non-alignés. Le totalitarisme soviétique était sensible aux critiques venant de l’Occident. L’Occident subissait lui aussi l’influence de l’URSS, par l’intermédiaire notamment de ses propres partis communistes. Aujourd’hui, nous vivons dans un monde dominé par une force unique, par une idéologie unique, par un parti unique mondialiste. La constitution de ce dernier a débuté, elle aussi, à l’époque de la guerre froide, quand des superstructures transnationales ont progressivement commencé à se constituer sous les formes les plus diverses : sociétés commerciales, bancaires, politiques, médiatiques. Malgré leurs différents secteurs d’activités, ces forces étaient unies par leur nature supranationale. Avec la chute du communisme, elles se sont retrouvées aux commandes du monde. Les pays occidentaux sont donc dominateurs, mais aussi dominés, puisqu’ils perdent progressivement leur souveraineté au profit de ce que j’appelle la « suprasociété ». Suprasociété planétaire, constituée d’entreprises commerciales et d’organismes non-commerciaux, dont les zones d’influence dépassent les nations. Les pays occidentaux sont soumis, comme les autres, au contrôle de ces structures supranationales. Or, la souveraineté des nations était, elle aussi, une partie constituante du pluralisme et donc de la démocratie, à l’échelle de la planète. Le pouvoir dominant actuel écrase les états souverains. L’intégration de l’Europe qui se déroule sous nos yeux, provoque elle aussi la disparition du pluralisme au sein de ce nouveau conglomérat, au profit d’un pouvoir supranational.

V. L. : Mais ne pensez-vous pas que la France ou l’Allemagne continuent à être des pays démocratiques ?

A. Z. : Les pays occidentaux ont connu une vraie démocratie à l’époque de la guerre froide. Les partis politiques avaient de vraies divergences idéologiques et des programmes politiques différents. Les organes de presse avaient des différences marquées, eux aussi. Tout cela influençait la vie des gens, contribuait à leur bien-être. C’est bien fini. Parce que le capitalisme démocratique et prospère, celui des lois sociales et des garanties d’emploi devait beaucoup à l’épouvantail communiste. L’attaque massive contre les droits sociaux à l’Ouest a commencé avec la chute du communisme à l’Est. Aujourd’hui, les socialistes au pouvoir dans la plupart des pays d’Europe, mènent une politique de démantèlement social qui détruit tout ce qu’il y avait de socialiste justement dans les pays capitalistes. Il n’existe plus, en Occident, de force politique capable de défendre les humbles. L’existence des partis politiques est purement formelle. Leurs différences s’estompent chaque jour davantage. La guerre des Balkans était tout sauf démocratique. Elle a pourtant été menée par des socialistes, historiquement opposés à ce genre d’aventures. Les écologistes, eux aussi au pouvoir dans plusieurs pays, ont applaudi au désastre écologique provoqué par les bombardements de l’OTAN. Ils ont même osé affirmer que les bombes à uranium appauvri n’étaient pas dangereuses alors que les soldats qui les chargent portent des combinaisons spéciales. La démocratie tend donc aussi à disparaître de l’organisation sociale occidentale. Le totalitarisme financier a soumis les pouvoirs politiques. Le totalitarisme financier est froid. Il ne connaît ni la pitié ni les sentiments. Les dictatures politiques sont pitoyables en comparaison avec la dictature financière. Une certaine résistance était possible au sein des dictatures les plus dures. Aucune révolte n’est possible contre la banque.

V. L. : Et la révolution ?

A. Z. : Le totalitarisme démocratique et la dictature financière excluent la révolution sociale.

V. L. : Pourquoi ?

A. Z. : Parce qu’ils combinent la brutalité militaire toute puissante et l’étranglement financier planétaire. Toutes les révolutions ont bénéficié de soutien venu de l’étranger. C’est désormais impossible, par absence de pays souverains. De plus, la classe ouvrière a été remplacée au bas de l’échelle sociale, par la classe des chômeurs. Or que veulent les chômeurs ? Un emploi. Ils sont donc, contrairement à la classe ouvrière du passé, dans une situation de faiblesse.

V. L. : Les systèmes totalitaires avaient tous une idéologie. Quelle est celle de cette nouvelle société que vous appelez post-démocratique ?

A. Z. : Les théoriciens et les politiciens occidentaux les plus influents considèrent que nous sommes entrés dans une époque post-idéologique. Parce qu’ils sous-entendent par « idéologie » le communisme, le fascisme, le nazisme, etc. En réalité, l’idéologie, la supraidéologie du monde occidental, développée au cours des cinquante dernières années, est bien plus forte que le communisme ou le national-socialisme. Le citoyen occidental en est bien plus abruti que ne l’était le soviétique moyen par la propagande communiste. Dans le domaine idéologique, l’idée importe moins que les mécanismes de sa diffusion. Or la puissance des médias occidentaux est, par exemple, incomparablement plus grande que celle, énorme pourtant, du Vatican au sommet de son pouvoir. Et ce n’est pas tout : le cinéma, la littérature, la philosophie, tous les moyens d’influence et de diffusion de la culture au sens large vont dans le même sens. A la moindre impulsion, ceux qui travaillent dans ces domaines réagissent avec un unanimisme qui laisse penser à des ordres venant d’une source de pouvoir unique. Il suffit que la décision de stigmatiser un Karadzic, un Milosevic ou un autre soit prise pour qu’une machine de propagande planétaire se mette en branle contre ces gens, sans grande importance. Et alors qu’il faudrait juger les politiciens et les généraux de l’OTAN parce qu’ils ont enfreint toutes les lois existantes, l’écrasante majorité des citoyens occidentaux est persuadée que la guerre contre la Serbie était juste et bonne. L’idéologie occidentale combine et fait converger les idées en fonction des besoins. L’une d’entre elles est que les valeurs et le mode de vie occidentaux sont supérieurs à d’autres. Alors que pour la plupart des peuples de la planète ces valeurs sont mortelles. Essayez donc de convaincre les Américains que la Russie en meurt. Vous n’y arriverez jamais. Ils continueront à affirmer que les valeurs occidentales sont universelles, appliquant ainsi l’un des principes fondamentaux du dogmatisme idéologique. Les théoriciens, les médias et les politiciens occidentaux sont absolument persuadés de la supériorité de leur système. C’est cela qui leur permet de l’imposer au monde avec bonne conscience. L’homme occidental, porteur de ces valeurs supérieures est donc un nouveau surhomme. Le terme est tabou, mais cela revient au même. Tout cela mériterait d’être étudié scientifiquement. Mais la recherche scientifique dans certains domaines sociologiques et historiques est devenue difficile. Un scientifique qui voudrait se pencher sur les mécanismes du totalitarisme démocratique aurait à faire face aux plus grandes difficultés. On en ferait d’ailleurs un paria. Par contre, ceux dont le travail sert l’idéologie dominante, croulent sous les dotations et les éditeurs comme les médias se les disputent. Je l’ai observé en tant que chercheur et professeur des universités.

V. L. : Mais cette « supraidéologie » ne propage-t-elle pas aussi la tolérance et le respect ?

A. Z. : Quand vous écoutez les élites occidentales, tout est pur, généreux, respectueux de la personne humaine. Ce faisant, elles appliquent une règle classique de la propagande : masquer la réalité par le discours. Car il suffit d’allumer la télévision, d’aller au cinéma, d’ouvrir les livres à succès, d’écouter la musique la plus diffusée, pour se rendre compte que ce qui est propagé en réalité c’est le culte du sexe, de la violence et de l’argent. Le discours noble et généreux est donc destiné à masquer ces trois piliers – il y en a d’autres – de la démocratie totalitaire.

V. L. : Mais que faites-vous des droits de l’homme ? Ne sont-ils pas respectés en Occident bien plus qu’ailleurs ?

A. Z. : L’idée des droits de l’homme est désormais soumise elle aussi à une pression croissante. L’idée, purement idéologique, selon laquelle ils seraient innés et inaltérables ne résisterait même pas à un début d’examen rigoureux. Je suis prêt à soumettre l’idéologie occidentale à l’analyse scientifique, exactement comme je l’ai fait pour le communisme. Ce sera peut-être un peu long pour un entretien.

zinoli3.jpgV. L. : N’a-t-elle pas une idée maîtresse ?

A. Z. : C’est le mondialisme, la globalisation. Autrement dit : la domination mondiale. Et comme cette idée est assez antipathique, on la masque sous le discours plus vague et généreux d’unification planétaire, de transformation du monde en un tout intégré. C’est le vieux masque idéologique soviétique ; celui de l’amitié entre les peuples, « amitié » destinée à couvrir l’expansionnisme. En réalité, l’Occident procède actuellement à un changement de structure à l’échelle planétaire. D’un côté, la société occidentale domine le monde de la tête et des épaules et de l’autre, elle s’organise elle-même verticalement, avec le pouvoir supranational au sommet de la pyramide.

V. L. : Un gouvernement mondial ?

A. Z. : Si vous voulez.

V. L. : Croire cela n’est-ce-pas être un peu victime du fantasme du complot ?

A. Z. : Quel complot ? Il n’y a aucun complot. Le gouvernement mondial est dirigé par les gouverneurs des structures supranationales commerciales, financières et politiques connues de tous. Selon mes calculs, une cinquantaine de millions de personnes fait déjà partie de cette suprasociété qui dirige le monde. Les États-Unis en sont la métropole. Les pays d’Europe occidentale et certains anciens « dragons » asiatiques, la base. Les autres sont dominés suivant une dure gradation économico-financière. Ça, c’est la réalité. La propagande, elle, prétend qu’un gouvernement mondial contrôlé par un parlement mondial serait souhaitable, car le monde est une vaste fraternité. Ce ne sont là que des balivernes destinées aux populations.

V. L. : Le Parlement européen aussi ?

A. Z. : Non, car le Parlement européen existe. Mais il serait naïf de croire que l’union de l’Europe s’est faite parce que les gouvernements des pays concernés l’ont décidé gentiment. L’Union européenne est un instrument de destruction des souverainetés nationales. Elle fait partie des projets élaborés par les organismes supranationaux.

V. L. : La Communauté européenne a changé de nom après la destruction de l’Union soviétique. Elle s’est appelée Union européenne, comme pour la remplacer. Après tout, il y avait d’autres noms possibles. Aussi, ses dirigeants s’appellent-ils « commissaires », comme les Bolcheviks. Ils sont à la tête d’une « Commission », comme les Bolcheviks. Le dernier président a été « élu » tout en étant candidat unique.

A. Z. : Il ne faut pas oublier que des lois régissent l’organisation sociale. Organiser un million d’hommes c’est une chose, dix millions c’en est une autre, cent millions, c’est bien plus compliqué encore. Organiser cinq cent millions est une tâche immense. Il faut créer de nouveaux organismes de direction, former des gens qui vont les administrer, les faire fonctionner. C’est indispensable. Or l’Union soviétique est, en effet, un exemple classique de conglomérat multinational coiffé d’une structure dirigeante supranationale. L’Union européenne veut faire mieux que l’Union soviétique ! C’est légitime. J’ai déjà été frappé, il y a vingt ans, de voir à quel point les soi-disant tares du système soviétique étaient amplifiées en Occident.

V. L. : Par exemple ?

A. Z. : La planification ! L’économie occidentale est infiniment plus planifiée que ne l’a jamais été l’économie soviétique. La bureaucratie ! En Union Soviétique 10 % à 12 % de la population active travaillaient dans la direction et l’administration du pays. Aux États Unis, ils sont entre 16 % et 20 %. C’est pourtant l’URSS qui était critiquée pour son économie planifiée et la lourdeur de son appareil bureaucratique ! Le Comité central du PCUS employait deux mille personnes. L’ensemble de l’appareil du Parti communiste soviétique était constitué de 150000 salariés. Vous trouverez aujourd’hui même, en Occident, des dizaines voire des centaines d’entreprises bancaires et industrielles qui emploient un nombre bien plus élevé de gens. L’appareil bureaucratique du Parti communiste soviétique était pitoyable en comparaison avec ceux des grandes multinationales. L’URSS était en réalité un pays sous-administré. Les fonctionnaires de l’administration auraient dû être deux à trois fois plus nombreux. L’Union européenne le sait, et en tient compte. L’intégration est impossible sans la création d’un très important appareil administratif.

V. L. : Ce que vous dites est contraire aux idées libérales, affichées par les dirigeants européens. Pensez-vous que leur libéralisme est de façade ?

A. Z. : L’administration a tendance à croître énormément. Cette croissance est dangereuse, pour elle-même. Elle le sait. Comme tout organisme, elle trouve ses propres antidotes pour continuer à prospérer. L’initiative privée en est un. La morale publique et privée, un autre. Ce faisant, le pouvoir lutte en quelque sorte contre ses tendances à l’auto-déstabilisation. Il a donc inventé le libéralisme pour contrebalancer ses propres lourdeurs. Et le libéralisme a joué, en effet, un rôle historique considérable. Mais il serait absurde d’être libéral aujourd’hui. La société libérale n’existe plus. Sa doctrine est totalement dépassée à une époque de concentrations capitalistiques sans pareil dans l’histoire. Les mouvements d’énormes masses financières ne tiennent compte ni des intérêts des États ni de ceux des peuples, peuples composés d’individus. Le libéralisme sous-entend l’initiative personnelle et le risque financier personnel. Or, rien ne se fait aujourd’hui sans l’argent des banques. Ces banques, de moins en moins nombreuses d’ailleurs, mènent une politique dictatoriale, dirigiste par nature. Les propriétaires sont à leur merci, puisque tout est soumis au crédit et donc au contrôle des puissances financières. L’importance des individus, fondement du libéralisme, se réduit de jour en jour. Peu importe aujourd’hui qui dirige telle ou telle entreprise ; ou tel ou tel pays d’ailleurs. Bush ou Clinton, Kohl ou Schröder, Chirac ou Jospin, quelle importance ? Ils mènent et mèneront la même politique.

V. L. : Les totalitarismes du XXe siècle ont été extrêmement violents. On ne peut dire la même chose de la démocratie occidentale.

A. Z. : Ce ne sont pas les méthodes, ce sont les résultats qui importent. Un exemple ? L’URSS a perdu vingt million d’hommes et subi des destructions considérables, en combattant l’Allemagne nazie. Pendant la guerre froide, guerre sans bombes ni canons pourtant, ses pertes, sur tous les plans, ont été bien plus considérables ! La durée de vie des Russes a chuté de dix ans dans les dix dernières années. La mortalité dépasse la natalité de manière catastrophique. Deux millions d’enfants ne dorment pas à la maison. Cinq millions d’enfants en âge d’étudier ne vont pas à l’école. Il y a douze millions de drogués recensés. L’alcoolisme s’est généralisé. 70 % des jeunes ne sont pas aptes au service militaire à cause de leur état physique. Ce sont là des conséquences directes de la défaite dans la guerre froide, défaite suivie par l’occidentalisation. Si cela continue, la population du pays descendra rapidement de cent-cinquante à cent, puis à cinquante millions d’habitants. Le totalitarisme démocratique surpassera tous ceux qui l’ont précédé.

V. L. : En violence ?

A. Z. : La drogue, la malnutrition, le sida sont plus efficaces que la violence guerrière. Quoique, après la guerre froide dont la force de destruction a été colossale, l’Occident vient d’inventer la « guerre pacifique ». L’Irak et la Yougoslavie sont deux exemples de réponse disproportionnée et de punition collective, que l’appareil de propagande se charge d’habiller en « juste cause » ou en « guerre humanitaire ». L’exercice de la violence par les victimes contre elles-mêmes est une autre technique prisée. La contre-révolution russe de 1985 en est un exemple. Mais en faisant la guerre à la Yougoslavie, les pays d’Europe occidentale l’ont faite aussi à eux-mêmes.

V. L. : Selon vous, la guerre contre la Serbie était aussi une guerre contre l’Europe ?

A. Z. : Absolument. Il existe, au sein de l’Europe, des forces capables de lui imposer d’agir contre elle-même. La Serbie a été choisie, parce qu’elle résistait au rouleau compresseur mondialiste. La Russie pourrait être la prochaine sur la liste. Avant la Chine.

zinoli4.jpgV. L. : Malgré son arsenal nucléaire ?

A. Z. : L’arsenal nucléaire russe est énorme mais dépassé. De plus, les Russes sont moralement prêts à être conquis. A l’instar de leurs aïeux qui se rendaient par millions dans l’espoir de vivre mieux sous Hitler que sous Staline, ils souhaitent même cette conquête, dans le même espoir fou de vivre mieux. C’est une victoire idéologique de l’Occident. Seul un lavage de cerveau peut obliger quelqu’un à voir comme positive la violence faite à soi-même. Le développement des mass-media permet des manipulations auxquelles ni Hitler ni Staline ne pouvaient rêver. Si demain, pour des raisons « X », le pouvoir supranational décidait que, tout compte fait, les Albanais posent plus de problèmes que les Serbes, la machine de propagande changerait immédiatement de direction, avec la même bonne conscience. Et les populations suivraient, car elles sont désormais habituées à suivre. Je le répète : on peut tout justifier idéologiquement. L’idéologie des droits de l’homme ne fait pas exception. Partant de là, je pense que le XXIe siècle dépassera en horreur tout ce que l’humanité a connu jusqu’ici. Songez seulement au futur combat contre le communisme chinois. Pour vaincre un pays aussi peuplé, ce n’est ni dix ni vingt mais peut-être cinq cent millions d’individus qu’il faudra éliminer. Avec le développement que connaît actuellement la machine de propagande ce chiffre est tout à fait atteignable. Au nom de la liberté et des droits de l’homme, évidemment. A moins qu’une nouvelle cause, non moins noble, sorte de quelque institution spécialisée en relations publiques.

V. L. : Ne pensez-vous pas que les hommes et les femmes peuvent avoir des opinions, voter, sanctionner par le vote ?

A. Z. : D’abord les gens votent déjà peu et voteront de moins en moins. Quant à l’opinion publique occidentale, elle est désormais conditionnée par les médias. Il n’y a qu’à voir le oui massif à la guerre du Kosovo. Songez donc à la guerre d’Espagne ! Les volontaires arrivaient du monde entier pour combattre dans un camp comme dans l’autre. Souvenez-vous de la guerre du Vietnam. Les gens sont désormais si conditionnés qu’ils ne réagissent plus que dans le sens voulu par l’appareil de propagande.

V. L. : L’URSS et la Yougoslavie étaient les pays les plus multiethniques du monde et pourtant ils ont été détruits. Voyez-vous un lien entre la destruction des pays multiethniques d’un côté et la propagande de la multiethnicité de l’autre ?

A. Z. : Le totalitarisme soviétique avait créé une vraie société multinationale et multiethnique. Ce sont les démocraties occidentales qui ont fait des efforts de propagande surhumains, à l’époque de la guerre froide, pour réveiller les nationalismes. Parce qu’elles voyaient dans l’éclatement de l’URSS le meilleur moyen de la détruire. Le même mécanisme a fonctionné en Yougoslavie. L’Allemagne a toujours voulu la mort de la Yougoslavie. Unie, elle aurait été plus difficile à vaincre. Le système occidental consiste à diviser pour mieux imposer sa loi à toutes les parties à la fois, et s’ériger en juge suprême. Il n’y a pas de raison pour qu’il ne soit pas appliqué à la Chine. Elle pourrait être divisée, en dizaines d’États.

V. L. : La Chine et l’Inde ont protesté de concert contre les bombardements de la Yougoslavie. Pourraient-elles éventuellement constituer un pôle de résistance ? Deux milliards d’individus, ce n’est pas rien !

A. Z. : La puissance militaire et les capacités techniques de l’Occident sont sans commune mesure avec les moyens de ces deux pays.

V. L. : Parce que les performances du matériel de guerre américain en Yougoslavie vous ont impressionné ?

A. Z. : Ce n’est pas le problème. Si la décision avait été prise, la Serbie aurait cessé d’exister en quelques heures. Les dirigeants du Nouvel ordre mondial ont apparemment choisi la stratégie de la violence permanente. Les conflits locaux vont se succéder pour être arrêtés par la machine de « guerre pacifique » que nous venons de voir à l’oeuvre. Cela peut, en effet, être une technique de management planétaire. L’Occident contrôle la majeure partie des ressources naturelles mondiales. Ses ressources intellectuelles sont des millions de fois supérieures à celles du reste de la planète. C’est cette écrasante supériorité qui détermine sa domination technique, artistique, médiatique, informatique, scientifique dont découlent toutes les autres formes de domination. Tout serait simple s’il suffisait de conquérir le monde. Mais il faut encore le diriger. C’est cette question fondamentale que les Américains essaient maintenant de résoudre. C’est cela qui rend « incompréhensibles » certaines actions de la « communauté internationale ». Pourquoi Saddam est-il toujours là ? Pourquoi Karadzic n’est-il toujours pas arrêté ? Voyez-vous, à l’époque du Christ, nous étions peut-être cent millions sur l’ensemble du globe. Aujourd’hui, le Nigeria compte presqu’autant d’habitants ! Le milliard d’Occidentaux et assimilés va diriger le reste du monde. Mais ce milliard devra être dirigé à son tour. Il faudra probablement deux cent millions de personnes pour diriger le monde occidental. Il faut les sélectionner, les former. Voilà pourquoi la Chine est condamnée à l’échec dans sa lutte contre l’hégémonie occidentale. Ce pays sous-administré n’a ni les capacités économiques ni les ressources intellectuelles pour mettre en place un appareil de direction efficace, composé de quelque trois cent millions d’individus. Seul l’Occident est capable de résoudre les problèmes de management à l’échelle de la planète. Cela se met déjà en place. Les centaines de milliers d’Occidentaux se trouvant dans les anciens pays communistes, en Russie par exemple, occupent dans leur écrasante majorité des postes de direction. La démocratie totalitaire sera aussi une démocratie coloniale.

V. L. : Pour Marx, la colonisation était civilisatrice. Pourquoi ne le serait-elle pas à nouveau ?

A. Z. : Pourquoi pas, en effet ? Mais pas pour tout le monde. Quel est l’apport des Indiens d’Amérique à la civilisation ? Il est presque nul, car ils ont été exterminés, écrasés. Voyez maintenant l’apport des Russes ! L’Occident se méfiait d’ailleurs moins de la puissance militaire soviétique que de son potentiel intellectuel, artistique, sportif. Parce qu’il dénotait une extraordinaire vitalité. Or c’est la première chose à détruire chez un ennemi. Et c’est ce qui a été fait. La science russe dépend aujourd’hui des financements américains. Et elle est dans un état pitoyable, car ces derniers n’ont aucun intérêt à financer des concurrents. Ils préfèrent faire travailler les savants russes aux USA. Le cinéma soviétique a été lui aussi détruit et remplacé par le cinéma américain. En littérature, c’est la même chose. La domination mondiale s’exprime, avant tout, par le diktat intellectuel ou culturel si vous préférez. Voilà pourquoi les Américains s’acharnent, depuis des décennies, à baisser le niveau culturel et intellectuel du monde : ils veulent le ramener au leur pour pouvoir exercer ce diktat.

zinovievxxx.jpgV. L. : Mais cette domination, ne serait-elle pas, après tout, un bien pour l’humanité ?

A. Z. : Ceux qui vivront dans dix générations pourront effectivement dire que les choses se sont faites pour le bien de l’humanité, autrement dit pour leur bien à eux. Mais qu’en est-il du Russe ou du Français qui vit aujourd’hui ? Peut-il se réjouir s’il sait que l’avenir de son peuple pourrait être celui des Indiens d’Amérique ? Le terme d’Humanité est une abstraction. Dans la vie réelle il y a des Russes, des Français, des Serbes, etc. Or si les choses continuent comme elles sont parties, les peuples qui ont fait notre civilisation, je pense avant tout aux peuples latins, vont progressivement disparaître. L’Europe occidentale est submergée par une marée d’étrangers. Nous n’en avons pas encore parlé, mais ce n’est ni le fruit du hasard, ni celui de mouvements prétendument incontrôlables. Le but est de créer en Europe une situation semblable à celle des États-Unis. Savoir que l’humanité va être heureuse, mais sans Français, ne devrait pas tellement réjouir les Français actuels. Après tout, laisser sur terre un nombre limité de gens qui vivraient comme au Paradis, pourrait être un projet rationnel. Ceux-là penseraient d’ailleurs sûrement que leur bonheur est l’aboutissement de la marche de l’histoire. Non, il n’est de vie que celle que nous et les nôtres vivons aujourd’hui.

V. L. : Le système soviétique était inefficace. Les sociétés totalitaires sont-elles toutes condamnées à l’inefficacité ?

A. Z. : Qu’est-ce que l’efficacité ? Aux États-Unis, les sommes dépensées pour maigrir dépassent le budget de la Russie. Et pourtant le nombre des gros augmente. Il y a des dizaines d’exemples de cet ordre.

V. L. : Peut-on dire que l’Occident vit actuellement une radicalisation qui porte les germes de sa propre destruction ?

A. Z. : Le nazisme a été détruit dans une guerre totale. Le système soviétique était jeune et vigoureux. Il aurait continué à vivre s’il n’avait pas été combattu de l’extérieur. Les systèmes sociaux ne s’autodétruisent pas. Seule une force extérieure peut anéantir un système social. Comme seul un obstacle peut empêcher une boule de rouler. Je pourrais le démontrer comme on démontre un théorème. Actuellement, nous sommes dominés par un pays disposant d’une supériorité économique et militaire écrasante. Le Nouvel ordre mondial se veut unipolaire. Si le gouvernement supranational y parvenait, n’ayant aucun ennemi extérieur, ce système social unique pourrait exister jusqu’à la fin des temps. Un homme seul peut être détruit par ses propres maladies. Mais un groupe, même restreint, aura déjà tendance à se survivre par la reproduction. Imaginez un système social composé de milliards d’individus ! Ses possibilités de repérer et d’arrêter les phénomènes autodestructeurs seront infinies. Le processus d’uniformisation du monde ne peut être arrêté dans l’avenir prévisible. Car le totalitarisme démocratique est la dernière phase de l’évolution de la société occidentale, évolution commencée à la Renaissance.

vendredi, 27 mai 2016

Science fiction begins with Bulwer-Lytton's attack on egalitarianism

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The First Dystopia

Science fiction begins with Bulwer-Lytton's attack on egalitarianism

Science fiction has flooded television and Hollywood in recent decades. Our pop culture has been completely saturated by it—and it has often played a key role in our cultural and political commentary. Films and novels such as Christopher Nolan’s The Dark Knight or Suzanne Collins’s The Hunger Games touch upon issues ranging from the War on Terror to the Occupy Wall Street movement.

Yet while left-leaning science-fiction writers and directors tend to be explicit in their political allegiances, we rarely see a display of right-wing credentials in the genre. This may be understandable, given the entrenched liberal culture of Hollywood. But considering the roots of science fiction, such silence is unfortunate. After all, one of science fiction’s founding fathers was a 19th-century conservative named Edward Bulwer-Lytton.

vrilrwjZGSIL._AC_UL320_SR214,320_.jpgAn eminent novelist, playwright, poet, and politician in Victorian Britain, Bulwer-Lytton has been largely neglected since his death in 1873. People remember the phrases he coined—such as “it was a dark and stormy night” or “the pen is mightier than the sword”—but not the man himself. His single contribution to the science-fiction genre, The Coming Race, came in the twilight of his life after an already long and prestigious career. But then, there really was no “science-fiction genre” when The Coming Race appeared, which is what makes this book remarkable—it prefigures many of the themes that have since come to define a rather large part of our popular culture.

In the 1830s, early in his career, Bulwer-Lytton was a Radical novelist and dandy of aristocratic birth, prone to bouts of melancholia, with a strong penchant for Byron. Along with his friend Benjamin Disraeli, also a Radical novelist at the time, Bulwer-Lytton enjoyed the glamour and gossip of London high society. He wrote several novels about English society—from Pelham, which recounted the life of a society dandy and aspiring politician, to the criminal underbelly portrayed in his Newgate novels, which recounted the adventures of highwaymen and murderers. This eye for Britain’s social and cultural life was a defining feature of Bulwer-Lytton’s style and work.

Following the death of his mother in 1843, Bulwer-Lytton inherited the family title and estate. It gave him a new purpose and responsibility: the dandy of the 1830s was gone. By the 1840s, he had become a moderate Whig and a serious Victorian gentleman. Bulwer-Lytton was a committed protectionist, however, and grew increasingly disillusioned with his fellow Whigs. He eventually joined the Conservative Party in 1852, a defection facilitated by his friendship with Disraeli. This was a counterintuitive move for a rising star in Parliament: for the next two decades, the Conservatives would languish in opposition, with only brief attempts at governing. During these years, Bulwer-Lytton was Disraeli’s ally in the House of Commons.

By 1871, Bulwer-Lytton was an aged, deaf, and increasingly sick man. Years of political opposition had prevented him from ascending to the heights of political office. The world was also a very different place: as a young man Bulwer-Lytton had fought tooth and nail to prevent the rise of free trade and the growth of democracy, both of which he saw as destructive forces and vehicles for class warfare. But both had come to pass with repeal of the Corn Laws in 1846 and the Second Reform Act in 1867. Britain was no longer an exclusively agricultural, Anglican, and hierarchical society, but rather an increasingly industrialized, pluralistic, and democratic one.

Vril_The_Power_of_the_Coming_Race.jpgIt would have been easy for Bulwer-Lytton to resign himself to the fact that the political battles which had defined so much of his life were lost. Instead he published The Coming Race, anonymously, in 1871. The novel addressed new dangers he feared would await Britain through the allegorical story of a subterranean master race called the Vril-ya, whose strange abilities were made possible by the immense power of an energy source called Vril. This mysterious substance is likened to electricity or an “atmospheric magnetism” which has attained “unity in natural energic agencies.” It can influence all forms of matter by providing a power source for machinery, healing physical ailments, establishing telepathic communication, and destroying entire cities.

The novel proved incredibly popular, selling through five editions by January 1872. In retrospect we can see The Coming Race as a progenitor of the science-fiction genre, but Bulwer-Lytton was drawing upon numerous other genres he had already experimented with. He was well versed in such subjects of popular fascination as the occult and macabre, as well as the growing late Victorian obsession—shared by Sir Arthur Conan Doyle—with clairvoyance and the afterlife.

Where The Coming Race displays its innovative spirit, however, is in Bulwer-Lytton’s use of satire to blend the occult with the scientific, prophesying the dangers of utopian faith in egalitarian doctrine and technological advancement.

The year before The Coming Race was published, France had descended into chaos in the wake of the Franco-Prussian War—which witnessed the birth of the Paris Commune that inspired Karl Marx’s line about the  “dictatorship of the proletariat.” Not for the first or last time, an Englishman would look upon an episode of political violence in France and feel compelled to speak out against the dangers of misguided utopianism. For Bulwer-Lytton, the new radical doctrine threatening Western civilization in 1871 was egalitarianism.

In The Coming Race, Bulwer-Lytton chooses to tell his anti-egalitarian satire through a nameless narrator: a young gentleman from an unspecified time and place in 19th-century America, who falls down a mineshaft and discovers the Vril-ya. At first this might appear to be a counterintuitive choice of protagonist for a British aristocrat in the twilight of his life. But therein lies the interesting twist.

The narrator is as much the subject of anti-egalitarian criticism as he is the voice for anti-egalitarian commentary. Bulwer-Lytton’s dripping disdain for democracy is evident from the very beginning as the narrator recalls how his father “once ran for Congress, but was signally defeated by his tailor.” Bulwer-Lytton was baffled by liberal intellectuals’ support for democracy, which was in his view a highly anti-intellectual system. It is perhaps for this reason that he robbed his narrator of his sense of superiority by having him judged a barbarian by the Vril-ya, despite his heroic presentation of American democracy.

vril867218-M.jpgEgalitarian doctrine is embodied in the Vril-ya. Their society enjoys absolute equality of class and between sexes. Theirs appears to be a utopia in which crime, disease, and conflict do not exist. Leftist writers have conceived of such places in science fiction for decades, with Gene Roddenberry’s Star Trek being the most prominent example of recent times. This progressive spirit has been elevated to theological heights by the Vril-ya, who base their religion on the “conviction of a future state, more felicitous and more perfect than the present.” But the narrator soon discovers that this serene paradise is in fact one of the most civilized hellscapes to grace science fiction.

The society produced by absolute equality of outcome is ultimately sterile and monotonous, as it has traded away individuality for the common good. There is no state coercion of any kind; instead, convention and custom govern the lives of the Vril-ya thanks to their ability to self-discipline their behavior through the aid of Vril. All the Vril-ya put the common good before all other considerations, thus producing an authoritarian order in which a single magistrate rules, albeit with no formal coercive power, and citizens abide by the motto “No happiness without order, no order without authority, no authority without unity.” Language such as this calls to mind the totalitarian dystopias of George Orwell’s 1984 or Alan Moore’s V for Vendetta. Individuality and the unequal distinctions that arise from it are actively repudiated by the Vril-ya, rooted in the belief that greed for status, privilege, and fame could only lead to conflict and poverty.

Having once admired utilitarian social reformers in the 1830s, Bulwer-Lytton was aware of the many utopian arguments that claimed the state could change people’s habits, and thus their character, through measures such as public education or teetotalism. The Vril-ya represent this approach in excelsis. With Vril supplying all needs, no one indulges in alcoholic intoxication, adulterous love, devouring meat, hunting animals, or rude language. The Vril-ya’s rational morality is utterly divorced from human emotion or animal instincts—at the cost of all artistic endeavor and spiritual expression. Blandness and mediocrity define their way of life. Without competition, there is no opportunity for greatness to emerge. Bulwer-Lytton’s narrator even goes so far as to say that if you took the finest human beings from Western civilization and placed them among the Vril-ya, “in less than a year they would either die of ennui, or attempt some revolution.” Egalitarianism is portrayed as a doctrine that can only destroy all the particularities, idiosyncrasies, and joyfulness of human existence.

vrilPompeii-C1.jpgThe Coming Race’s contribution to science fiction is obvious in its exploration of technological advancement and its effects on society. Vril is not just an agent for modeling social and political life; it is a means of technological salvation. Bulwer-Lytton’s narrator likens Vril to electricity, but Vril’s abilities will remind modern readers of technologies that came after Bulwer-Lytton’s time—specifically, Vril has the ability to “reduce to ashes within a space of time too short for me to venture to specify it, a capital twice as vast as London.” As a result, this “mutually assured destruction” led to centuries of peace among the underground peoples, allowing the Vril-ya to develop and for nations to fragment into tribal communities tied together by mutual consent instead of state-sanctioned coercion. Unwittingly, Bulwer-Lytton managed to prophesy the nuclear age.

In what has come to be a hallmark of science fiction, Bulwer-Lytton considered the dehumanizing impact that technological advancement might have on society, prefiguring authors such as H.G. Wells, who used Gothic imagery to describe the subterranean Morlocks, or Orwell and Aldous Huxley, who both crafted technocratic dystopias. These early pioneers were certainly aware of The Coming Race, and, by accident or design, they echoed the themes explored by Bulwer-Lytton.

vrilzanoni cover.jpgThe Vril-ya center their lives around machinery and scientific advancement, with no consideration for the soul or emotion. They augment themselves with mechanical wings for personal transportation, which calls to mind later ideas of cyborgs and transhumanism. This notion that every technological leap robs some part of our humanity has become a recurring theme in science fiction, so much so that it has become cliché—yet in many ways, it started with Bulwer-Lytton.

There is much in The Coming Race still worthwhile for a modern reader. Through the eyes of the author, this vain old English aristocrat, we can witness the passing of an age and the foreshadowing of a new one of industrialized warfare and utopian crusades. Despite its occasionally turgid prose, The Coming Race offers a gripping story that entices the reader to consider the implications of the Vril-ya’s civilization. In writing this book, Bulwer-Lytton was lamenting the loss of the England he grew up in—but also giving warning to those like us, who would face this future defined by egalitarianism and technology, threatened by the reckless pursuit of utopian bliss. 

David A. Cowan was an American Conservative editorial assistant last fall.

La Table Ronde, cet agréable refuge où régnait un climat d'improvisation ingénue

 
nim013199-1_1.jpgAu lancement de la Table Ronde, « agréable refuge où régnait un climat d’improvisation ingénue » dixit Michel Déon, la revue alors dirigée par François Mauriac collectionne quelques plumes illustres, et pour le moins hétérogènes : Albert Camus, Thierry Maulnier, Raymond Aron... mais c’est surtout Roger Nimier, Jacques Laurent, Antoine Blondin et Michel Déon qui se distinguent de leurs aînés par leur zéro de conduite. Nimier, tout d’abord, qui à 23 ans publie Les Épées, et poursuit deux ans plus tard en 1950 avec Perfide, Le Grand d’Espagne et Le Hussard bleu sa chronique d’une jeunesse désabusée. Proie du mal du siècle, Nimier donne dans l’impertinence. A l’heure où tout le monde se découvre résistant, Sanders, héros du Hussard bleu, dit s’être engagé dans la résistance « par manque d’imagination » avant de rejoindre la Milice parce qu’il y trouve « des garçons énergiques, plein de muscles et d’idéal »... après tout, « les anglais allaient gagner la guerre. Le bleu marine me va bien au teint. Les voyages forment la jeunesse. Ma foi, je suis resté ». Tout Nimier tient dans cette phrase, ironie et dandysme. Et dans ses formules lapidaires semées à la Table Ronde, qui inciteront au peu Mauriac à foutre le camp de la revue, du genre : « le silence de Monsieur Camus, dans le silence universel, n’aurait rien de très remarquable, si le même écrivain ne s’élevait pas, avec éloquence, en faveur des nègres, des palestiniens ou des jaunes », avant de conclure, au sujet d’une éventuelle guerre : « nous ne la ferons pas avec les épaules de M. Sartre, ni avec les poumons de M. Camus »... qui était atteint de tuberculose. 
 

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Jacques Laurent n’est pas mal non plus. C’est un peu la figure martiale des « Hussards ». C’est lui qui déclare la guerre à Jean-Paul Sartre en 1950 et met un point d’honneur à « démilitantiser » la littérature. Si vis pacem para bellum. Jacques Laurent fonde en 1952 La Parisienne, « revue de caprice et d’humeur », et part à l’assaut des Temps modernes. Le premier numéro résume bien l’ambition : 
La défaite que la littérature a subie aura été une courte victoire du politique. Le politique n’a pas tué la littérature. Il l’a engagée comme décoratrice. Il a recouru à elle pour orner son salon avant de l’ouvrir au public (...). La Parisienne se propose d’effectuer ce qu’on appelle en termes administratifs un dégagement des cadres (...). Elle ne souhaite servir rien d’autre que la littérature. Autrement dit, cette revue n’est pas un cours du soir habile. Elle vise à plaire. 
 

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L’opposition à la politique est bien là. Mais l’apolitisme recherché dans cet art de plaire – plutôt delectare que docere en somme – est encore et malgré tout politique. Pas seulement parce que rhétorique et politique sont les deux faces d’une même médaille, mais parce que l’affirmation de la primauté de la littérature sur la politique, l’idée de sa gratuité et de son irresponsabilité – la thématique de « l’innocence du roman » surgie à la Libération – fondent un engagement aux antipodes du paradigme sartrien. A bien des égards, d’ailleurs, les romans de Jacques Laurent peuvent se lire comme des manuels d’antimarxisme, plus précisément d’anti-hégélianisme. Laurent a en horreur cette dialectique conflictuelle que ressassent tous les philosophes de l’après-guerre. Ce qu’il défend là, c’est une vision de l’histoire dominée par le règne de l’aléatoire et du contingent. On le voit chez ses héros, qui flottent à côté d’éléments dont ils ne peuvent être tenus responsables : ils ne font pas le monde, ils le subissent. Face au règne de la volonté rationnelle et souveraine, Jacques Laurent veut rétablir dans les conduites des hommes un espace de jeu et d’aléatoire. Ainsi Faypoul, le héros du Dormeur debout, déclare : « Mon livre est un anti-Hegel. Celui-ci avait prétendu, comme Bossuet, éliminer le hasard et les contingences et, comme Platon, transformer l’histoire en un reflet des idées, or mon expérience et mon tempérament m’ont entraîné à considérer comme essentiels les accidents de parcours et à substituer le délire à la raison ». On voit toute l’empreinte des pères fondateurs de la droite littéraire : l’histoire n’est pas le produit de la volonté humaine, mais la résultante de processus naturels ou divins. Contingence contre dialectique. Tempérament contre volonté. Providentialisme contre rationalisme. Un providentialisme, d’ailleurs, qui reste peut-être la marque distinctive de la droite littéraire depuis plus de deux siècles. Et Nimier de résumer : « Les hommes font leur destin, mais ils ne le sauront jamais, ce qui revient à ne rien faire ». Reste donc à l’Homme d’expérimenter sa liberté par la gratuité du geste, l’exaltation de la vie, la célébration du moi, dans un ordre du monde où demeure « la bonne chance ». 
 
Pierre Poucet, Les Hussards, cavaliers des arts et des lettres
 

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mercredi, 25 mai 2016

«Never Say Anything – NSA»: nouveau roman de Michael Lüders, spécialiste du Proche-Orient

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Des abîmes d’horreurs présents dans la réalité

«Never Say Anything – NSA»: nouveau roman de Michael Lüders, spécialiste du Proche-Orient

Ex: http://www.horizons-et-debats.ch

mk/wvb. Depuis qu’Edward Snowden a placé sur Internet une grande quantité de documents relatifs aux services secrets américains et s’est réfugié en Russie, les esprits les plus simples comprennent qu’il existe un stockage de données en attente, que toute transaction financière est enregistrée, tout comme les données des déplacements en avion et d’autres données personnelles. Celles-ci peuvent être utilisées, même sans bases législatives, n’importe où et par n’importe qui lorsque quelqu’un l’estime nécessaire.


Les flux de réfugiés venant du Proche-Orient et d’Afrique, mis en scène par les médias, nous rappellent quotidiennement que la guerre, en tant que moyen politique, est devenue monnaie courante. Nous pouvons fermer les yeux, détourner notre regard ou bien, si cela n’est plus possible, nous demander comment agir nous-mêmes face à cette misère.


NSA-9783406688928_cover-192.jpgDans son roman «Never say anything – NSA», Michael Lüders nous montre magistralement que nous aussi, nous vivons dans ce monde et que chacun d’entre nous porte une responsabilité envers l’histoire et les générations futures.


Sophie, la principale figure de son roman, est témoin en tant que journaliste, et à deux doigts près victime d’un massacre perpétré dans un village marocain. Ayant eu la vie sauve, elle se met à rechercher les causes de cette attaque brutale et découvre d’explosives relations de pouvoir géopolitiques. Lorsqu’elle tente de publier ses recherches dans son journal, elle se retrouve sous une douche écossaise: les médias mondiaux lui accordent la plus grande attention, mais lorsque l’affaire prend une tournure dangereuse les dirigeants de la rédaction, orientés vers les Etats-Unis, tentent de faire disparaître l’affaire en obligeant Sophie à lâcher ce sujet.

Lüders démontre par cet exemple à quel point les médias sont manipulés, combien on s’efforce de faire plier les journalistes sur une certaine ligne politique et combien ils sont mis à l’écart s’ils tentent de s’en tenir à la vérité. Mais Sophie ne se laisse pas intimider, elle cherche et trouve une voie pour continuer ses recherches et pour les publier, malgré le boycott des médias alignés. L’affaire prend de l’ampleur et devient de plus en plus dangereuse pour Sophie. Elle est poursuivie, il se passe des «accidents» bizarres, elle devient la cible d’activités et d’attaques des services secrets.


Wer-den-Wind-saeht-Cover-9783406677496_larger.jpgMichael Lüders, en tant que spécialiste du Proche-Orient présente ces informations spécifiques sous forme de roman. Ces faits n’auraient probablement jamais pu être publiés sous forme d’un travail journalistique. Il profite de ses connaissances en matière de style littéraire, ce qui permet au lecteur de s’identifier avec Sophie. Il ressent comme elle et souffre avec elle, surtout parce que Sophie reste fidèle à sa volonté et à son devoir journalistique de découvrir la vérité. Cela donne de l’espoir, quels que soient les abîmes bien réels relatés dans le roman: tant qu’il y aura des gens comme Sophie et d’autres qui lui viennent en aide dans les pires situations, le monde ne sera pas perdu. Cela nonobstant tous les raffinements des techniques de surveillance et d’espionnage utilisés à poursuivre Sophie pour la faire tomber et s’en débarrasser.


Le lecteur retient son souffle en lisant le récit clair et réaliste de Lüders démontrant ce qui est techniquement possible aujourd’hui. Après la lecture de ce roman, personne ne pourras plus affirmer qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter de cette surveillance étatique et des services secrets, aussi longtemps qu’on à rien à se reprocher. Ce que Lüders découvre touche à la substance même et à la liberté personnelle de tous citoyens et les citoyennes. Cela d’autant plus que le roman se déroule pour l’essentiel à Berlin, c’est-à-dire dans un environnement qui nous est proche, et non pas quelque part au fin fond du monde.


Dès lors que le lecteur prend conscience qu’il est la cible d’une surveillance totale au travers de son téléphone portable ou de son ordinateur, il comprend qu’il ne peut éviter ce qui vient d’être décrit, qu’il est en plein dedans, et qu’il doit réagir. Il comprend qu’il ne pourra plus fermer les yeux, malgré toute la propagande déversée sur lui.


Ce livre exige du lecteur de trouver lui-même des solutions, des solutions pour sortir de la logique de la guerre. Il suggère même une sortie possible: ne serait-ce pas imaginable de collaborer pacifiquement avec ceux que nous combattons, dans le domaine économique, par des sanctions et des armes? Ne serait-ce pas concevable de s’intéresser dans ce sens à l’Est? Le message du livre est clair, si l’on continue comme jusqu’à présent, nous finirons dans une impasse totale.


En bref, ce livre vaut la peine d’être lu, il oblige le lecteur à prendre position, à refuser de détourner son regard et il est véritablement passionnant.    •

Michael Lüders. Never say anything – NSA. C.H.Beck, Munich 2016. ISBN 973-3-406-68892-8

Georges Rodenbach, l’anti-Zola

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Georges Rodenbach, l’anti-Zola

par Daniel COLOGNE

« Le père à tuer, c’est Zola. » Tel est, selon Daniel Grojnowski, le mot d’ordre de plusieurs écrivains dans les années 1890 : Huysmans, Gourmont, Barrès, Gide.

 

Dans l’épigraphe de Paludes, Gide appelle de ses vœux « l’Autre école » apte à sortir les romanciers de l’ornière du naturalisme.

 

Dans À Rebours, Huysmans se demande s’il est encore possible d’écrire un roman après les deux décennies envahissantes du cycle des Rougon-Macquart (1871 – 1893).

 

« Là où Zola a passé, il ne reste plus rien à faire », écrit-il. L’herbe de la bonne littérature ne lui semble plus pouvoir repousser après le fléau de la grande fresque aux personnages nombreux et récurrents, aux rebondissements multiples et aux descriptions hyper-réalistes jusqu’à l’obscénité.  Un Belge sort soudain d’un relatif anonymat pour publier un récit aussi bref que surprenant : Bruges-la-Morte (1891).

 

Georges Rodenbach naît à Tournai en 1855. Dès 1878, il séjourne en France. Mais cet habitant de Paris reste habité par la Flandre, par l’Escaut qui arrose sa ville natale, par Gand, cette autre cité scaldéenne où il a fait ses études.

 

Bruges.jpgAuteur de huit recueils poétiques d’inspiration parnassienne, Rodenbach est surtout connu pour ses romans dont le style est aux antipodes du réalisme et du naturalisme. Trois personnages, une intrigue simple, une temporalité romanesque concentrée en un semestre, de novembre à mai : tels sont les ingrédients de Bruges-la-Morte.

 

Le récit se déroule au rythme de la détérioration progressive du lien passionnel entre Hugues Viane, rentier délicat et cultivé, et la danseuse Jane Scott, dont l’étonnante ressemblance avec la défunte épouse du héros est à l’origine du coup de foudre initial.

 

Hugues tue finalement Jane le jour même de la Procession du Saint Sang, qui commémore annuellement le retour de croisade de Thierry d’Alsace, comte de Flandre, avec quelques gouttes du sang de Jésus crucifié. Le troisième personnage est la servante Barbe, incarnation de la bigoterie rurale flamande de l’époque.

 

Hugues est le produit d’un « milieu » et d’un « moment », selon les lois d’un déterminisme plus subtil que les atavismes scientifiquement démontrables de Zola. Dans son avertissement liminaire, Rodenbach évoque, en termes parfois proches de l’astrologie (« ascendant », « influence »), déterminisme qui fait la part belle à l’irrationnel.

 

Bruges imprègne le héros tout entier, non seulement par ses « hautes tours » dont l’ombre s’allonge sur un texte photographique illustré (procédé encore assez rare à l’époque), mais aussi par la nostalgie de son glorieux passé, de ses artistes qui « peignaient comme on prie » et de la légende susdite où d’aucuns voient l’occasion de substituer au vocable très conventionnel de « Venise du Nord », l’appellation ésotérique de « Cité du Graal ».

 

Loin de l’agitation frénétique des villes modernes, avec leurs halles, leurs bassins houillers et leurs gares enfumées par la vapeur des trains, Bruges-la-Morte propose un regard rétrospectif et mélancolique sur le monde pré-industriel où toutes les activités humaines s’ordonnaient en une hiérarchie organique en vue d’une finalité spirituelle.

 

Atteint d’une inflammation du côlon, Georges Rodenbach meurt le 25 décembre 1898, à la fin de l’année où Zola s’engage dans l’affaire Dreyfus.

 

Daniel Cologne


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lundi, 23 mai 2016

Contes de la folie dystopique

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Contes de la folie dystopique

Après avoir navigué dans les eaux claires et bienveillantes des fictions utopiques, il est temps d’accoster son envers ténébreux, le sinistre continent carcéral des dystopies. Inspirées des satires du XVIIe siècle, les dystopies (ou contre-utopies) naissent à une période critique et anti-totalitaire survenant au lendemain de l’âge d’or du scientisme, du positivisme social et de la croyance dans le progrès élaborés durant le XIXe siècle.

Les progrès de la technique et de la science n’ont pas seulement permis l’industrialisation de l’Occident mais ont profondément transformé les rapports de l’homme à l’univers et à sa propre nature biologique. La Première Guerre mondiale et son cortège d’armes chimiques, l’échec des grandes idéologies, la montée du fascisme en Europe de l’Ouest et l’expérience des camps de la mort durant la Seconde Guerre mondiale sont les principales causes de la dégénérescence de l’utopie. Les nombreuses désillusions qui traversent le XXe siècle vont progressivement pousser les utopistes à changer leur conception de l’avenir de l’humanité. Ils imaginent un monde dans lequel l’homme, constitué entièrement par la science, verrait ses actes et ses pensées déterminés génétiquement. Pourtant, les prémisses de la critique du “totalitarisme utopique” avaient déjà vu le jour trois siècles auparavant.

Généalogie du genre dystopique

labyrd3f4cfafe862f994c1.jpgLe préfixe dys de dystopie renvoie au grec dun qui est l’antithèse de la deuxième acception étymologique d’utopie (non pas u mais eu, “lieu du bien”). On fait remonter l’origine du mot “dystopie” tantôt au livre du philosophe tchèque Comenius intitulé Le labyrinthe du monde et le paradis du cœur (1623-1631), tantôt au livre Mundus Alter et Idem (Another world and yet the same, 1605) de l’évêque Joseph Hall, considéré comme l’inventeur de la subdivision du genre littéraire de l’utopie : la satire dystopique. Hall tourne en ridicule les récits de voyages populaires et s’emploie à fustiger les vices, notamment en inventant une carte de pays imaginaires dont chacun est régi par un vice dominant : par exemple, la Pamphagonia est le pays de la gloutonnerie, ou l’Yvronia, la région de l’ébriété.

Mais les signes avant-coureurs de la dystopie sont encore plus prégnants au XVIIIe siècle. Selon Raymond Trousson, les « quatre forces destructrices de l’utopie » que sont « le réalisme, le pessimisme, l’individualisme et le scepticisme » se déploient dans certains ouvrages, mettant sérieusement en cause l’optimisme des Lumières : La Fable des abeilles de Bernard Mandeville (1714), dénonçant l’ascétisme utopique et la suppression des pulsions individuelles ; Les Voyages de Gulliver de Jonathan Swift (1726), qui dévoile la mesquinerie ambiante de Lilliput, la décadence de Laputa et la méchanceté naturelle des Yahoos ; Le Philosophe anglais ou Histoire de Cleveland de l’abbé Prévost (1731), qui refuse l’entente parfaite entre la Raison et la Nature et considère l’utopie comme un faux paradis ; L’Histoire des Galligènes ou Mémoires de Duncan de Tiphaigne de la Roche (1765) enfin, rétablissant le sens d’une marche fatale de l’histoire liée à la nature des choses humaines. On compte aussi quelques précurseurs durant la seconde moitié du XIXe siècle : Le monde tel qu’il sera d’Emile Souvestre en 1846 et L’an 330 de la République de Maurice Spronck en 1895.

On peut en outre ajouter, pêle-mêle, selon l’écrivain Fernando Ainsa dans La reconstruction de l’utopie, tout un ensemble de catastrophes de politique-fiction : « les chocs futuristes d’Adolph Toffler, les catastrophes démographiques de Paul Ehnrlich, les grandes technocraties de Herman Kahn, les projets mécanistes de Buckminster Fuller, […] la révolution prônée par Marshall Mac Luhan » dans le domaine des communications. Y compris le terme de kakotopies (utopie de l’enfer) s’inspirant de Cackatopia de John Stuart Mill…

« La dystopie est un Enfer terrestre, mis à jour, créé par l’homme, sans intervention divine. »
Éric Faye

Le renversement radical du système utopique

Contrairement à ce que l’on pourrait penser de prime abord, une dystopie n’est pas le contraire d’une utopie mais, comme le dit l’historien Frédéric Rouvillois, « une utopie en sens contraire », de sorte qu’en poussant les logiques totales qui président toute utopie traditionnelle, on débouche sur le pire des mondes possibles. Les mondes définis par les œuvres dystopiques sont l’inverse des utopies, dans le sens où elles exposent les mauvais lieux alternatifs, la face sombre de l’utopie. Comme l’exprime l’essayiste Georges Jean dans Voyages en Utopie, la dystopie dénonce le mécanisme atroce et paradoxal de l’utopie qui aboutit « à l’inverse de ce à quoi elle prétend ». Il faut cependant se garder de confondre ces “utopies à l’envers” (en 1981 le chercheur Kingsley Widmer parle d’« utopisme inversé ») avec les « mondes à l’envers » et autres carnavals littéraires.

Ainsi, nous pouvons affirmer avec Gérard Klein que la contre-utopie met « en scène une eunomie pour établir son inhumanité du fait de son incomplétude. En effet, l’eunomie repose sur le concept d’une nature humaine, servant de socle absolu à la définition de la bonne loi. Les anti-utopistes apportent la preuve par la fiction qu’un tel socle n’existe pas et qu’il se trouvera toujours au moins une modalité de l’humain à échapper au bénéfice présumé de la perfection utopique. » (Dictionnaire des utopies) Cette échappatoire se réalise, le plus souvent, par un retour à la nature et une libération absolue de l’individu.

« La dystopie n’est pas le contraire d’une utopie mais une utopie en sens contraire. »

Et d’un point de vue strictement littéraire, Raymond Trousson note que l’utopie « moderne » (entendre “contemporaine”), c’est-à-dire la dystopie, remet en cause le côté normatif et figé de l’utopie « traditionnelle ». Elle inverse l’utopie, en redonnant au héros une consistance qu’il n’avait plus ou pas dans l’utopie. Avec le héros revient également le sens de l’intrigue, le goût des choix, des pensées et des libertés individuelles. L’anti-utopie redevient romanesque, un vrai roman en somme, avec des péripéties et un dynamisme qui n’existent pratiquement pas dans le genre littéraire utopique.

La critique romanesque des maux modernes

« La dystopie peut être interprétée comme une utopie du désenchantement qui prospère sur les décombres des utopies. »

Kustodiev_Zamyatin.jpgC’est en 1920 avec la parution de Nous autres que la fiction dystopique naît véritablement. Cette œuvre phare de l’ingénieur russe Evguéni Ivanovitch Zamiatine donne ainsi ses “lettres de noblesses” au genre. Son ouvrage influença considérablement bon nombre de récits analogues tels que Le Meilleur des mondes d’Huxley et 1984 d’Orwell, publiés respectivement douze et vingt-huit ans plus tard.

Les contre-utopistes renouent avec la veine des utopies satiriques mais de façon beaucoup plus corrosive et en ciblant spécifiquement l’uniformisation de la vie, les manipulations idéologiques auxquelles sont soumis les individus dans les mondes utopiques, et, par corollaire, leur réduction à des pièces interchangeables de la machine sociale.

Les dystopies sont donc des œuvres politiques au sens fort, puisqu’elles se veulent aussi des critiques cinglantes, ironiques, caricaturales ou désespérées selon les cas, de sociétés réellement existantes, par exemple le monde plus spécifiquement pré-soviétique pour Zamiatine ou tous les totalitarismes de son époque pour Orwell. Comme le dit l’historien Bronislaw Backzo, dans Lumières de l’utopie (1978), « l’anti-utopie est une expression parfois plus corrosive et puissante que l’utopie… » pour dénoncer le monde présent. Elle témoigne d’un violent pessimisme en l’homme et en la nature, ce qui la démarque de presque toutes les utopies classiques largement optimistes qui popularisent le mythe du bon sauvage. La dystopie peut donc à juste titre être interprétée comme une utopie du désenchantement qui prospère sur les décombres des utopies, sur ce monde réel dont les caractéristiques ont parfois largement dépassées dans l’horreur les plus systématiques propositions utopiques.

nous-autrres.jpgCes œuvres voient donc dans l’utopie non pas une chance pour l’humanité, mais un risque de dégénérescence terriblement inhumaine qu’il faut empêcher à tout prix. Le but n’est pas de réaliser des utopies, mais au contraire d’empêcher qu’elles se réalisent. C’est l’avertissement du philosophe existentialiste Nicolas Berdiaeff en exergue du Meilleur des mondes : « Les utopies apparaissent comme bien plus réalisables qu’on ne le croyait autrefois. Et nous nous trouvons actuellement devant une question bien autrement angoissante : comment éviter leur réalisation définitive ?… Les utopies sont réalisables. La vie marche vers les utopies. Et peut-être un siècle nouveau commence-t-il, un siècle où les intellectuels et la classe cultivée rêveront aux moyens d’éviter les utopies et de retourner à une société moins utopique moins “parfaite“ et plus libre. »

Le refus viscéral du bonheur obligatoire

« Et peut-être un siècle nouveau commence-t-il, un siècle où les intellectuels et la classe cultivée rêveront aux moyens d’éviter les utopies et de retourner à une société moins utopique moins “parfaite“ et plus libre. »
Nicolas Berdiaeff

Les régimes liberticides sont ainsi combattus par l’ironie, la parodie, la caricature, la parabole, l’allégorie, la fable, le pamphlet, etc. Les ouvrages sont souvent désespérés, mais lucides : le totalitarisme, l’étatisme omniprésent, l’infantilisation généralisée, le bonheur grégaire, l’asservissement des individus et l’absence de liberté sont l’antithèse absolue d’une société ouverte. Dénoncer, s’opposer, décrire l’horreur… c’est donc aussi en arrière plan, proposer et susciter l’inverse : une société libre.

La vision dystopique est strictement individualiste, excentrique, donc contestataire. Les groupes réfractaires redeviennent des garants d’une ouverture possible, d’un avenir moins sombre, qu’ils soient « Méphis » dans Nous autres, « sauvages » dans Le Meilleur des mondes, membres de la « Fraternité » dans 1984, « hommes-livres » chez Ray Bradbury (Fahrenheit 451) ou « incurables » chez Ira Levin (Un bonheur insoutenable). Dans la plupart des ouvrages dystopiques, le seul recours face au monde inhumain est effectivement contenu dans la figure du rebelle, de l’opposant, du dissident, du fugitif, du réfractaire. L’écrivain Gilles Lapouge, dans Utopie et civilisations, affirme que le contre-utopiste est « un libertaire libertin individualiste […] qui se moque de la société et ne veut connaître que l’individu. » Il s’oppose à l’idéologie du bonheur universel : « Il a choisi le vital contre l’artifice, la nature contre l’institution. »

Il est tout de même important de rappeler, encore une fois, la relative porosité des frontières entre les genres utopiques : certaines utopies peuvent sombrer dans le désespoir (Quand le dormeur s’éveillera de H. G. Wells, 1899) quand quelques dystopies se laissent tenter par des rêves de réconciliation (Île d’Huxley, 1962).

« Le contre-utopiste a choisi le vital contre l’artifice, la nature contre l’institution »
Gilles Lapouge

Finalement, en dévoilant les logiques profondes de l’utopie – instaurer une perfection définitive ici-bas entièrement conçue comme totalité –, les dystopies donnent ainsi à voir, dans le détail le plus infime, les horreurs des totalitarismes à venir au XXe siècle. C’est cette corrélation entre totalitarisme et les trois grands romans dystopiques (Nous autres, Le Meilleur des mondes et 1984), qui sera l’objet d’une troisième et dernière partie.

Nos Desserts :

Giono, Céline et Gallimard

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Giono, Céline et Gallimard

par Marc Laudelout

Ex: http://bulletincelinien.com

On a beaucoup commenté la manière dont Céline se comporta avec Robert Denoël, puis Gaston Gallimard. Au moins a-t-il toujours joué franc jeu : « J’étais l’auteur le plus cher de France ! Ayant toujours fait de la médecine gratuite je m’étais juré d’être l’écrivain le plus exigeant du marché – Et je l’étais ¹. »

gionoeeeeee.jpgGiono, c’est autre chose. Sa correspondance avec Gallimard, qui vient de paraître, nous montre un personnage d’une duplicité peu commune. Dès 1928, Gaston lui propose de devenir son éditeur exclusif dès qu’il sera libre de ses engagements avec Grasset. Grand écrivain mais sacré filou, Giono n’aura de cesse de jouer un double jeu, se flattant d’être « plus malin » que ses éditeurs. Rien à voir avec Céline, âpre au gain, mais qui se targuait d’être « loyal et carré ». Giono, lui, n’hésitait pas à signer en même temps un contrat avec Grasset et un autre avec Gallimard pour ses prochains ouvrages. Chacun des deux éditeurs ignorant naturellement l’existence du traité avec son concurrent. But de la manœuvre : toucher deux mensualités (!). La mèche sera vite éventée. Fureur de Bernard Grasset qui voulut porter plainte pour escroquerie et renvoyer l’auteur indélicat devant un tribunal correctionnel. L’idée de Giono était, en théorie, de réserver ses romans à Gallimard et ses essais à Grasset. L’affaire ira en s’apaisant mais Giono récidivera après la guerre en proposant un livre à La Table ronde, puis un autre encore aux éditions Plon.  En termes mesurés, Gaston lui écrit : « Comprenez qu’il est légitime que je sois surpris désagréablement. » Et de lui rappeler, courtoisement mais fermement, ses engagements, ses promesses renouvelées et ses constantes confirmations du droit de préférence des éditions Gallimard. En retour, Giono se lamente : « Avec ce que je dois donner au percepteur, je suis réduit à la misère noire. » Et en profite naturellement pour négocier ses nouveaux contrats à la hausse. Ficelle, il conserve les droits des éditions de luxe et n’entend pas partager avec son éditeur les droits d’adaptation cinématographiques de ses œuvres. Tel était Giono qui, sur ce plan, ne le cédait en rien à Céline. On peut cependant préférer le style goguenard de celui-ci quand il s’adresse  à  Gaston : « Si j’étais comme vous multi-milliardaire (…), vous ne me verriez point si harcelant… diable ! que vous enverrais loin foutre !  ² ».

À l’instar de Céline ³, Giono souhaitait se voir édité de son vivant dans la Bibliothèque de la Pléiade. Dix ans plus tard, le même scénario se répète : l’auteur de Colline meurt en 1970 un an exactement avant la parution de ses Œuvres complètes sur papier bible.

• Jean GIONO, Lettres à la NRF, 1928-1970 (édition établie par Jacques Mény), Gallimard, 2016, 528 p. (26,50 €).

  1. (1) Lettre du 19 mars 1947 (Lettres à Milton Hindus, 1947-1949, Gallimard, 2012, p. 38).
  2. (2) Lettre du 20 juin 1956 (Lettres à la NRF, 1931-1961), Gallimard, 1991, p. 323).
  3. (3) Si Céline eut parfois des mots acides à l’endroit de Giono (« Rabindrathagoriste du poireau »), comment ne pas évoquer ici la belle lettre qu’il lui écrivit en 1953 alors qu’il avait exprimé (à Marcel Aymé) le vague souhait de s’installer dans le Midi. Ce qui valut à Giono ces remerciements émus de Céline : « Mon cher Giono, Marcel Aymé m’a lu votre lettre et je suis bien vivement touché par l’amitié que vous me témoignez et l’accueil que vous faites à mon projet d’aller séjourner vers Manosque». Renonçant finalement au projet, il poursuit : « Je suis bien sensible, croyez-le, à votre si généreuse offre de rechercher autour de vous des personnes disposées à me venir en aide… », pour conclure par cette formule inhabituelle sous sa plume : « Je vous embrasse cher Giono et vous remercie bien sincèrement et m’excuse et vous prie de me croire bien amicalement vôtre. Destouches » (Lettres, Gallimard, 2009).
BC-Cover516.jpgBulletin célinien n°385, mai 2016
Sommaire : 
Dictionnaire célinien des lieux de Paris – L’adaptation théâtrale de Voyage par Damien De Dobbeleer –
D’un Mourlet l’autre –
Rennes, de Céline à Kundera –
Le Journal de Marc Hanrez –
Dictionnaire amoureux de la langue française –
Un texte ignoré de Léon Daudet sur Céline –
Nietzsche et Céline –
Nos archives audio-visuelles

dimanche, 22 mai 2016

« The Circle », le roman d’un monde totalitaire inspiré par Google

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« The Circle », le roman d’un monde totalitaire inspiré par Google

Quand Mae Holland est embauchée par The Circle (Le Cercle), l’entreprise vient tout juste de devenir la plus puissante du monde grâce à son système TruYou. TruYou a aboli l’anonymat et unifié tous les services sur le Net.

«  The Circle  », le dernier roman de Dave Eggers (pas encore publié en France), raconte un univers dont la ressemblance avec Google n’échappera à personne. La transparence, la civilité et le partage sont les piliers de cet nouvel âge numérique dicté par une entreprise privée.

Si on devait le comparer à la référence absolue en matière de dystopie (contre-utopie) qu’est «  1984  » d’Orwell  :

  • Eggers a décidé de se projeter dans un avenir très proche (quelques années tout au plus) quand Orwell opérait un bond de 44 ans ;
  • Eggers a choisi de décrire le pouvoir totalitaire de l’intérieur et depuis ses hautes instances – le protagoniste principal devient peu à peu l’un des rouages. Orwell, lui, décrivait de l’extérieur un monde totalitaire ;
  • Eggers raconte l’engrenage qui conduit à l’instauration du cauchemar totalitaire quand le récit d’Orwell s’ancrait plusieurs décennies après son avènement.

Des faiblesses, mais une vraie réflexion

Il met en scène les angoisses de notre quotidien d’internaute. C’est bien là tout l’art de la dystopie  : se faire plus peur que de raison. Mais à pousser le bouchon un peu loin, Eggers s’expose à des critiques (parfois justifiées) qui relèvent les incohérences technologiques (que pointent Wired, The Atlantic ou le New York Times).

eggers7017632.jpgEt c’est vrai qu’il manque deux choses essentielles à un (très) bon roman  : finesse et substance, tant dans les personnages (qui manquent vraiment de profondeur) que dans l’avènement du système totalitaire.

1

Le tout-connecté : la dictature des réseaux sociaux

Il n’est pas question dans « The Circle » de réseaux sociaux, mais d’un réseau social, Zing, d’échelle planétaire et universellement adopté. Une sorte de mix entre Google Plus et Twitter. Au fil du récit, les «  Zingers  » deviennent de plus en plus obsessionnels, harcelant, exigeant, masquant derrière une politesse de façade une intransigeance narcissique.

Il est impossible d’ignorer ces nouveaux cercles et «  liens  » sociaux, autant qu’il est impossible de refuser d’y prendre part. Les entreprises exigent une participation active à la communauté, une réponse à tous, une image soignée.

Censé réunir, le réseau social sépare  : ceux qui s’en écartent sont des parias. Ceux qui en font partie sont en compétition  : le «  ParticipationRank  » donne à chacun son degré de popularité sur le réseau, et tous bataillent de superficialités pour grimper cette nouvelle échelle sociale.

2

La transparence absolue : à bas l’anonymat et la vie privée

«  Les secrets sont des mensonges, la vie privée est un vol, partager est prendre soin  » (« Secrets are Lies, Privacy is Theft, Sharing is Caring »). Voilà les trois maximes résumant la philosophie du «  Cercle  » qui ne sont pas sans rappeler la sainte-trinité de l’univers de «  1984  »  : «  La guerre, c’est la paix  ; la liberté, c’est l’esclavage  ; l’ignorance est la force  ».

Dans le monde de « The Circle », l’individu se doit de s’effacer face à la communauté, c’est-à-dire l’humanité. Garder pour soi un sentiment, une expérience vécue ou une chose vue, revient à voler les autres de l’opportunité de s’enrichir.

La planète se couvre de petites caméras haute-résolution, les hommes aussi. Tout doit pouvoir être capté et enregistré au profit de la mémoire commune, mensonges et secrets n’ont plus le droit de voiler le regard omniprésent de la communauté, et tout endroit doit être accessible en direct sur son écran.

3

Supprimer le bouton « supprimer »

Société du « big data » oblige, il faut stocker toujours plus de données. L’information est la matière première qui sert à connaître et donc influencer et conditionner chacun de nous. The Circle retire donc le doigt de ses usagers du bouton « supprimer », avant d’effacer tout simplement le bouton quand la technologie le permet enfin.

Comme l’héroïne du roman l’apprend à ses dépend, tout acte répréhensible ou intime capté par une caméra ou un portable, tout écrit ou commentaire qui finirait sur Internet sera éternel. Impossible de se défiler, les preuves ne disparaissent pas. Le droit à l’oubli est devenu tabou, et chacun se censure lui-même pour éviter le faux pas  : même pas besoin de police de la pensée.

4

Faillite du système démocratique et totalitarisme inversé

L’ultra-médiatisation et la société informationnelle ont participé à l’abattement du système démocratique  : le temps médiatique contraint les politiques à la dramaturgie au détriment du fond et décrédibilise tout le système. L’un d’entre eux accepte de devenir «  transparent  » et de porter une mini-caméra en permanence. Et tous le suivent peu à peu, bon gré mal gré.

Les gens partagent entre eux, sans intermédiaire, votent d’une simple pression sur écran tactile. Les études, questionnaires et pétitions pleuvent sans interruption sur des terminaux omniprésents. On échange d’un bout à l’autre de la planète sur tous les sujets, si bien que les identités culturelles et nationales s’effacent.

Grand marionnettiste, le Cercle récupère tout cela à son compte sans interférer, centralise cette activité en son sein. Après le totalitarisme répressif du XXe siècle, le «  soft totalitarisme  » du début des années 2000, bienvenue dans le cauchemar de demain  : le totalitarisme inversé

samedi, 21 mai 2016

L'ombre du perdu

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L'ombre du perdu

par Richard Blin
Ex: http://dev.lmda.net

Avec Le Sommeil des objets, Richard Millet signe un livre fait des jeux du proche et du perdu, sur fond de lumière d’étoiles mortes.

france,richard millet,littérature,littérature française,lettres,lettres françaisesIl y a une volupté singulière – triste et douce – à évoquer ce dont on ne parle quasiment jamais, à penser des dimensions de la réalité que l’idéalisme ignore. Comme le laissé pour compte, le renié, les objets déchus. Autrement dit le rebut, ce qui gît au grenier, à la cave, dans les tombeaux ou dans un coin de la mémoire. C’est autour de ce que ce rebuté ou ce révolu disent de nous, de l’excessive solitude de l’exclu mais aussi de la construction de notre imaginaire, que gravitent la centaine de courts textes réunis dans Le Sommeil des objets.


Le rebut, l’objet dont on se détache, l’être que l’on abandonne, témoignent de notre rapport au corps et aux autres, participent de l’expérience de la déréliction et sont comme la mesure de « ce que nous avons cessé d’être à travers eux et dont nous éprouvons souvent le regret ». Depuis la naissance, qui nous jette hors du corps maternel, jusqu’au corps mort – le rebut par excellence (exception faite de celui des langues mortes, car « l’esprit des langues y demeure » – en passant par les vêtements – « c’est une singulière partie de nous-mêmes que nous mettons au rebut en nous défaisant de nos vieux habits » – et tout ce dont nous nous séparons, c’est nous que nous contemplons dans le rebut, « en une distance qui est la dimension compassionnelle de l’ironie ».


Les rebuts sont les traces de nos « crimes » : « Dis-moi ce dont tu te débarrasses et je te dirai qui tu es. » Millet donne ainsi des inventaires de sa corbeille de bureau mais surtout livre de lui un portrait en creux. On le découvre en enfant, à Viam, nettoyant l’étable, en adolescent aimant le déguisement, en homme rêvant depuis toujours d’être balayeur parce qu’il y a dans cette tâche, « où nul art n’intervient », une extraordinaire incitation à la pensée. On le voit jetant dans les trous qu’il creusait pour planter des arbres, ses rognures d’ongles en guise d’engrais, brûlant ses brouillons ou arrachant la page de dédicace des livres signés d’auteurs devenus ennemis, leurs livres, eux, allant « chez le soldeur, qui est l’avant-poste du rebut ». On apprend que la corneille est son animal totémique, qu’il déteste l’ail ou qu’il lui est impossible de se glisser dans l’eau – « souillée des mille bouches où elle a pénétré » – d’une piscine. Que les jeunes femmes qui ont mis fin à leur vie l’émeuvent au point qu’il lui arrive de prier pour elles. Qu’il aime marcher longuement entre les rayons des hypermarchés, aux heures creuses, sans rien acheter, uniquement pour le plaisir de jouir de la paix qu’il éprouve en ces lieux, « celle de se sentir invisible, tout en partageant avec les autres clients le vague statut de rebut social », un statut qu’il vit comme une chance : « On voit s’ouvrir le ciel. »


À travers ce qui consiste, subsiste, insiste dans le rebut, c’est la présence sourde de toute une mémoire – celle de tout ce qu’elle-même ne se résout pas à perdre – qui est rendu manifeste. Tout ce qui, pris entre l’oubli et la nostalgie, relève de la conquête d’une vérité, aussi dérangeante soit-elle. D’où la figure de l’écrivain comme « chiffonnier » triant les ordures du passé, et dont le corps serait le rebut de l’œuvre.


P.S. À lire aussi la réédition de L’Affaire Richard Millet, de Muriel Rengervé, chez Léo Scheer, un livre qui revient sur le lynchage médiatique que déclenchèrent les 18 pages faisant suite à Langue fantôme (Pierre-Guillaume de Roux, 2012) et titrées Éloge littéraire d’Anders Breivik.

Richard Blin

LE SOMMEIL DES OBJETS. Notes sur le rebut

de RICHARD MILLET
Pierre-Guillaume de Roux, 182 pages, 18 e

L’ombre du perdu
Le Matricule des Anges n°171 , mars 2016.

vendredi, 20 mai 2016

Malaparte e la disgregazione della modernità

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Malaparte e la disgregazione della modernità

di Luca Leonello Rimbotti

Ex: http://www.ariannaeditrice.it

Paragonando le due rivoluzioni del secolo XX – fascismo e comunismo – che vedeva correre parallelamente come nemiche diverse ma simili dell’Occidente liberale, un giorno Malaparte scrisse che quei due fenomeni politici erano appostati dalla stessa parte soprattutto nella lotta che avrebbe condotto alla “disgregazione della modernità”: la differenza stava nel fatto che il fascismo – rivoluzione costruttiva – avrebbe sostituito il vuoto della modernità con la ricchezza della tradizione nazionale italiana, mentre il comunismo – rivoluzione distruttiva – avrebbe finito presto o tardi col soccombere al nichilismo collettivista. Si trattava insomma di dar vita a forme di lotta che, negando le derive moderne, operassero un franco, rivoluzionario ritorno all’origine, secondo quel sentimento della tradizione popolare che Malaparte da giovane - quando ancora si chiamava Suckert – attribuiva all’anima profonda degli italiani. Si sarebbe così giunti, secondo le parole di Malaparte, a innescare “la storicissima funzione di restaurazione dell’antichissimo ordine classico dei nostri valori nazionali”. Se la modernità andava disgregando l’identità del popolo e la sua stessa natura, ciò che occorreva era pertanto una volontà che disgregasse la modernità, secondo il principio nietzscheano di combattere il nichilismo con dosi ancora maggiori di nichilismo. In altre parole: sovvertire la sovversione, e così facendo restaurare, raddrizzare, rettificare ciò che la modernità ha distrutto, invertito, distorto. Il Malaparte che ancora oggi ha parole infiammate da spendere, e che anzi proprio oggi dimostra di possedere un’attualità viva, non è certo il reporter scandaloso, il narratore irriverente o il mattatore bellimbusto: ma è proprio il militante sovversivo, quell’intellettuale di milizia che nella prima metà degli anni Venti proclamò un’originalissima rivolta degli umili in nome dell’arcaica tradizione di popolo, un’insurrezione reazionaria, insomma, o meglio una rivoluzione conservatrice in piena regola. Nel far questo, Malaparte fece allora comprendere a molti in Italia – ed oggi di nuovo lo ricorda – che parlare di rivoluzione, di potere, di politica significa essenzialmente parlare di cultura e di origini. E che agitare il vessillo della ribellione contro i grandi manipolatori – i più classici “nemici del popolo”, all’opera un secolo fa non meno di oggi – significa mettere in gioco l’identità, giocarsi cioè la testa e il destino di una nazione.

Curzio-Malaparte_6004.jpegQuando – si era nel 1921 – Malaparte scrisse il dirompente libro “Viva Caporetto!”, poi intitolato “La rivolta dei santi maledetti”, che rileggeva dalle fondamenta la fenomenologia di quella drammatica sconfitta, fece un’operazione di vera rottura ideologica, spingendo la provocazione ben oltre gli steccati della polemica antiborghese, osando toccare il nervo sensibile del superficiale orgoglio nazionale allora egemone in Italia: della rovinosa rotta dell’ottobre 1917 (che il generale Cadorna e molti osservatori attribuirono a un insieme di renitenza e insubordinazione di masse di fanti che in realtà erano abbrutiti dall’inumana vita di trincea) egli fece il simbolo di una rivolta politica in piena regola. Una volta vista non dall’ottica degli alti comandi e dei “bravi cittadini”, ma da quella del fantaccino analfabeta, quella sconfitta, che era un tabù rimosso dall’ipocrita mentalità borghese, diventava un atto politico e la massa dei disfattisti assurgeva a sua volta al rango di soggetto politico. Dando vita, come ha scritto Mario Isnenghi, a qualcosa di inedito e di potenzialmente incendiario, cioè “una interpretazione rivoluzionaria della prima guerra mondiale, della storia delle masse e della psicologia collettiva dentro la guerra”.

Il popolo in divisa che sparava alle spalle agli ufficiali macellai, che liquidava il carabiniere messo dietro le prime linee a sospingere i fanti all’assalto, questo popolo sovversivo diventava nelle pagine di Malaparte una sorta di eroe povero e disperato, veniva paragonato a un Cristo eroico e sanguinante, ma potente di istinti e in grado di insorgere contro l’ingiustizia della classe dirigente liberale. Una massa di uomini che aveva trovato a suo modo la via della rivoluzione. Anche se (e qui si appuntava la critica di Malaparte, che non era né un socialcomunista né un populista, ma un tradizionalista che rivendicava la via gerarchico-guerriera) a questo popolo allo sbando mancò un capo, un’aristocrazia di ufficiali che volgesse quella protesta in proposta e indirizzasse l’atto inconsulto della ribellione verso una consapevole iniziativa propriamente politica. Ciò che, in seguito, Malaparte vide avverarsi con lo squadrismo, formato in gran parte da ex-combattenti, arditi e trinceristi: il popolo delle trincee che, tornato dalla guerra, fa la sua rivoluzione armata contro le classi dirigenti. Erano questi i “fanti vendicatori”: un tipo di rivoluzionario barbarico e radicale, al quale l’idea insurrezionalista di Malaparte affidava il compito di aprire la strada alla rivoluzione italiana.

italie,lettres,lettres italiennes,littérature,littérature italienne,curzio malaparteLa critica feroce di Malaparte si indirizzava soprattutto verso la morale filistea del borghesismo, quel mondo ipocrita fatto di patriottismo bolso e da operetta, comitati di gentiluomini, patronesse inanellate, tutti gonfi di retorica, con le loro “marcie di umanitarismo e di decadentismo patriottico”, con la loro schizzinosa paura per il popolo vero e i suoi bisogni: questa marmaglia, diceva Malaparte, in fondo odiava i fanti veri, quelli che “non volevano più farsi ammazzare pel loro umanitarismo sportivo”. In questo ritratto di una classe dirigente degenere, obnubilata di retorica e falsi ideali, ognuno riconosce facilmente la classe dirigente degenere di oggi, che è la stessa, radical-chic e impudente, umanitaria per divertimento e per interesse, ieri con i comitati patriottici, oggi con le onlus dedite al business della tratta di carne umana: la morale è la stessa, e lo stesso è l’inganno. Soppesiamo bene quanta verità è contenuta nell’espressione malapartiana di “umanitarismo sportivo” delle oligarchie borghesi, e paragoniamo la casta al potere allora con quella di oggi.

Noi troviamo in questi attacchi di Malaparte un significato preciso: la modernità incarnata dallo spirito liberalborghese vive di ipocrisia, di inganno e di sopruso mascherati di buone intenzioni, mentre il popolo genuino, quello antico e ancora barbarico, conserva dentro di sé i valori intatti dell’identità e della verità. Questo concetto di “primitivismo” e di “barbarie”, del quale Malaparte vedeva circonfuso il popolo rimasto politicamente vergine e non ancora imbrattato dalla modernità, rimase a lungo un modello di virtù attivistica. La celebre “Italia barbara”, rivendicata dal giovane intellettuale e sindacalista pratese ancora nel 1925, doveva essere il modello di una comunità libera e matura, non vittima delle mode d’importazione, ma adulta quanto basta per accettare se stessa lasciando perdere il massimo fra i provincialismi: la scimmiottatura dei modelli stranieri, intrisi di modernità distruttiva. In questo quadro, il nemico da cui guardarsi era la “società settentrionale”, come la chiamava Malaparte alludendo al mondo anglo-sassone: “Noialtri italiani rappresentiamo in Europa un elemento vivo di opposizione al trionfante spirito delle nazioni settentrionali: abbiamo da difendere una civiltà antichissima, che si fa forte di tutti i valori dello spirito, contro una nuova, eretica e falsa, che si fa forte di tutti i valori fisici, materiali, meccanici”. Il dualismo così concepito era chiaro: tradizione sana contro modernità degenerata. Non si trattava allora certo di fare i bacchettoni, i retrogradi o di rifiutare la tecnica o il progresso in sé, beninteso. Si trattava di considerare il progresso uno strumento e non il fine. E dunque: “Né il rinnegare la nostra particolare tradizione, per andar dietro alle nuove ideologie, ci potrebbe aiutare a metterci alla pari delle nazioni dominanti. La modernità anglosassone non è fatta per noi: l’assimilarla ci condurrebbe fatalmente a un’irreparabile decadenza”. Qualcuno potrebbe oggi dubitare della validità e dell’attualità di tali parole profetiche, pronunciate niente meno che novanta anni fa?

bm_5953_1777762.jpgSi trattava di difendere un patrimonio che era prezioso per davvero: l’identità del popolo, che non è parola, non è retorica né slogan, ma vita e sostanza di un soggetto antropologico portatore di valori operanti lungo un arco di tempo pressoché incalcolabile. La minaccia avvertita da Malaparte era la violenza assimilatrice del mondo moderno, con la sua universale capacità di appiattire e annullare le diversificazioni culturali. Nel 1922, in uno studio sul sindacalismo italiano rimasto allora famoso, Malaparte lanciava un avvertimento del quale soltanto oggi, dinanzi all’enormità dell’aggressione che stanno subendo non solo gli italiani, ma tutti gli europei, possiamo valutare le tremende implicazioni: “In casa nostra ci è consentito di far soltanto degli innesti, non delle seminagioni. La semenza straniera non può essere buttata sul nostro terreno: la pianta che ne nasce non si confà al nostro clima. Bisogna a un certo punto bruciarla e tagliarne le radici”. L’essersi piegati senza resistenza ai diktat ideologici del liberalcapitalismo d’importazione anglosassone, il non aver ascoltato profezie come questa di Malaparte – che da un secolo in qua si levarono un po’ dappertutto in Europa – sta costando ai popoli europei la finale uscita di scena dalla storia, annegati nella degenerazione morale e nell’azzeramento della politica volute dalle agenzie progressiste cosmopolite.

jeudi, 12 mai 2016

Nuccio Ordine: Nourrir le corps, nourrir l’esprit

Nuccio Ordine: Nourrir le corps, nourrir l’esprit

Conférence exceptionnelle de Nuccio Ordine

La littérature et la philosophie de la Renaissance proposent une vision unitaire de l’être humain : nourrir le corps sans nourrir l’esprit est principe de stérilité. Les humanistes ont fait du banquet le lieu où conjuguer avec sagesse les mets et les mots, les saveurs et les savoirs. La nourriture est pour eux métaphore de fécondité dans le domaine spirituel comme dans celui de la culture et de la vie civile. Nous visiterons plusieurs banquets (chez Montaigne et Bruno, Rabelais ou L’Arétin) qui expriment différentes visions de la poétique, de la philosophie et de l’existence, et enseignent une convivialité où la pensée et les sens, s’enrichissant mutuellement, nous aident à goûter la vie.

Nuccio Ordine, professeur à l’Università della Calabria, a consacré trois ouvrages à l’œuvre de Giordano Bruno, dont il supervise l’édition et la traduction dans plusieurs pays du monde (en commençant par la France) : La Cabale de l’âne, Le Seuil de l’ombre, Contro il Vangelo armato. Il a exploré d’autres aspects de la culture de la Renaissance, comme le rire et le comique, notamment dans les nouvelles italiennes, le monde de la diplomatie, ou la signification des symboles de la monarchie française sous Henri III. Son dernier ouvrage, L’Utilité de l’inutile, est déjà traduit, ou en cours de traduction en 17 langues.

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lundi, 09 mai 2016

Denis Tillinac : Pour la droite, l’individu est le maillon d’une chaîne

Denis Tillinac : Pour la droite, l’individu est le maillon d’une chaîne

Denis Tillinac vient de sortir « L’Âme française ». Il a écrit ce livre pour redonner à la droite son honneur, sa raison d’être, sa fierté, son identité.