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samedi, 19 février 2011

Afrique : à qui profite le carnage?

Afrique : à qui profite le carnage ?

Cet article de Jean-Dominique Merchet est paru dans Marianne, n° 707 – Magazine, samedi 6 novembre 2010, p. 70.

Dans « Carnages – Les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique », dont nous publions en exclusivité des extraits, Pierre Péan révèle les guerres secrètes que se livrent les puissances occidentales à l’ombre des massacres, dans la région des Grands Lacs. Une cynique partie d’échecs d’où les Etats-Unis, aidés de la Grande-Bretagne et d’Israël, évincent peu à peu la France.

 

Peut-on cacher un génocide ? La question semble à peine croyable, et c’est pourtant celle qui se trouve au coeur du nouvel ouvrage de Pierre Péan, « Carnages – Les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique ». Sur près de 600 pages, le journaliste français revient, avec de nombreuses révélations, sur les «guerres secrètes» en Afrique, en particulier dans la région des Grands Lacs.

La thèse qu’il défend – et qui ne manquera pas de provoquer de vives polémiques – est qu’à la suite du premier génocide au Rwanda, en 1994, un second a été commis, en 1996-1997, par les victimes de la veille – les Tutsis – à l’encontre des Hutus réfugiés en République démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre). Et que ces massacres, qui ont causé la mort de millions de personnes, se sont déroulés avec la bienveillance des Etats-Unis, quand ce n’est pas leur participation directe, comme le montrent les extraits que nous publions.

Une « question irrésolue »

Depuis 1994, la France est régulièrement accusée de complicité dans le génocide du Rwanda. Pierre Péan avait consacré en 2005 un premier livre – « Noires fureurs, blancs menteurs » (Fayard) – à la réfutation de cette thèse. Il renverse aujourd’hui carrément la table en accusant les procureurs d’être complices de massacres à grande échelle !

 

L’actualité sert sa thèse. Publié en août 2010, un rapport du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme évoque pour la première fois de manière officielle, même si c’est avec les prudences diplomatiques d’usage, la possibilité qu’un second génocide ait bien été commis par les troupes du président rwandais Paul Kagamé et de ses alliés : « La question de savoir si les nombreux graves actes de violence commis à l’encontre des Hutus (réfugiés et autres) constituent des crimes de génocide demeure irrésolue jusqu’à présent ».

En clair : on ne peut plus l’exclure ! Ce rapport a suscité la colère du Rwanda autant que la gêne chez ses alliés américains. Les soutiens français de Kigali – qui ne veulent connaître que les supposés crimes de l’armée française et les turpitudes de la politique de François Mitterrand – sont consternés.

Fidèle Israël

Pierre Péan, lui, jubile. Et cogne encore plus fort, au risque de prendre quelques mauvais coups. L’homme ne fait pas dans la dentelle. On lui doit des enquêtes journalistiques qui ont fait date : celle sur le passé vichyste de Mitterrand (« Une jeunesse française », Fayard, 1994), sur le journal le Monde (« La Face cachée du Monde », avec notre collaborateur Philippe Cohen, Mille et Une Nuits, 2003) ou plus récemment sur Bernard Kouchner (« Le Monde selon K », Fayard, 2009).

Mais la grande passion de ce journaliste, né en 1938, est l’Afrique, un continent qu’il arpente depuis 1962. Carnages est une somme, celle de « Pierre l’Africain », comme disent ses amis. Il y raconte le jeu des grandes puissances, Etats-Unis en tête, sur ce continent depuis la Seconde Guerre mondiale.

Son propos est centré sur la région des Grands Lacs : Rwanda, Ouganda, Soudan, RDC… Une région regorgeant de minerais et de querelles ethniques, d’ambitions politiques et de massacres à grande échelle. Des millions de civils – personne ne connaît le chiffre exact – y sont morts en une quinzaine d’années.

Ce qui révolte Pierre Péan, ce sont « les militants qui trient entre les bons et méchants morts, en usant du tamis de la repentance », comme si les « maux d’Afrique ne s’expliquaient que par un seul mot : la France ».

Cette France qui a été mise hors jeu par les Américains, à deux reprises, lorsque Jacques Chirac voulut déclencher une opération militaro-humanitaire pour venir en aide aux réfugiés (lire pages suivantes). Pierre Péan révèle par exemple comment les hommes de la DGSE infiltrés au Congo durent être rapatriés illico, sans doute à la demande de Bill Clinton.

La parution de « Noires fureurs, blancs menteurs avait valu de sérieux ennuis à son auteur, tant il remettait en cause le consensus « droits-de-l’hommiste » au sujet du Rwanda. Homme de gauche, « j’étais devenu pour une fraction de l’élite française raciste, révisionniste, négationniste et antisémite », confie-t-il. Des procès lui furent intentés, en France et en Belgique.

SOS Racisme l’accusa d’ « incitation à la haine raciale », son président, Dominique Sopo, expliquant qu’ « évoquer le sang des Hutus, c’est salir le sang des Tutsis ». Débouté en appel en novembre 2009, SOS Racisme s’est pourvu en cassation. Auprès de ses ennemis, le nouveau livre de Péan ne va pas arranger son cas.

Non seulement il s’en prend au « trucage des chiffres des victimes » par le régime rwandais, mais il décrit en détail le rôle peu connu de l’Etat d’Israël dans cette région. L’Etat hébreu, fidèle allié de Kagamé – une alliance qui va au-delà des intérêts stratégiques bien réels des parties en présence et repose sur la vision d’une concordance symbolique entre la Shoah et le génocide de 1994. Critiquer le Rwanda reviendrait en quelque sorte à s’en prendre à la Shoah…

« J’en vins à me demander s’il n’y avait pas un lien entre les attaques dont j’étais l’objet de la part de l’Union des étudiants juifs de France, de l’Union des patrons et des professionnels juifs de France et d’intellectuels comme Elie Wiesel, et l’intérêt géopolitique porté par Israël au Rwanda », s’interroge Péan.

L’enquêteur ajoute aujourd’hui une nouvelle pièce au dossier, en abordant la question du Soudan. Il établit un lien entre la volonté de l’Etat d’Israël d’affaiblir – en le divisant – le plus grand pays d’Afrique et les campagnes humanitaires, en France comme aux Etats-Unis, sur les massacres au Darfour. Voilà qui ne va certainement pas apaiser le débat… Mieux vaut donc juger sur pièces.

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EXTRAITS

Une version tronquée de l’histoire des Grands Lacs

Plus de 8 millions de morts ? Qui en parle ? Depuis la fin de la guerre froide, la région des Grands Lacs est devenue celle de la mort et du malheur dans une indifférence quasi générale.

Avec 2 millions de Rwandais exterminés en 1994 à l’intérieur du Rwanda (1), plus de 6 millions de morts rwandais et congolais dans l’ex-Zaïre, des centaines de milliers de Soudanais tués, de nombreuses victimes ougandaises, plus de un demi-million de morts angolais, des millions de déplacés, quatre chefs d’Etat et des centaines de ministres et autres dirigeants assassinés, des dizaines de milliers de femmes violées, des pillages éhontés, cette zone a le triste privilège d’avoir subi plus de dommages que ceux additionnés de toutes les guerres intervenues de par le monde depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Pourtant, les médias, dans leur très grande majorité, n’ont parlé, ne parlent et ne pleurent que les centaines de milliers de victimes tutsies du Rwanda, dénoncent les Hutus comme seuls responsables directs de ces boucheries, et les Français, qui les auraient aidés dans leur horrible besogne, faisant de François Mitterrand et d’Edouard Balladur des réincarnations d’Hitler, et des soldats français, celles de Waffen SS.

Une version officielle, affichée non seulement par Paul Kagamé, l’actuel président du Rwanda, mais également par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), le bras justicier de la communauté internationale, et par les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la majorité des autres pays…

(1) Chiffre fourni par le ministère de l’Intérieur rwandais en décembre 1994.

Les gardiens de la vérité officielle

Convaincu par mes enquêtes que Paul Kagamé, l’actuel chef d’Etat du Rwanda, avait commandité l’attentat contre l’avion qui transportait son prédécesseur – attentat qui déclencha en avril 1994 le génocide des Tutsis et des massacres de Hutus -, quand il était attribué aux extrémistes hutus, je décidai en 2004 de chercher à comprendre ce qui s’était réellement passé.

Je découvris rapidement l’incroyable désinformation qui avait accompagné la conquête du pouvoir par Paul Kagamé, et les moyens mis en oeuvre pour décourager ceux qui seraient tentés de s’opposer à la doxa. Des moyens qui ressemblent fort à des armes de destruction massive : grâce à une analogie abusive entre le génocide des Tutsis et la Shoah, les gardiens de la vérité officielle traitent les contrevenants de négationnistes, de révisionnistes, de racistes, voire d’antisémites.

[...] J’ai décidé de reprendre mon enquête et de l’étendre en l’insérant dans l’histoire de la région des Grands Lacs et de l’Afrique centrale, pour comprendre comment et pourquoi avait pu ainsi s’installer une version tronquée de l’histoire de la tragédie rwandaise. [...]

J’ai travaillé à mettre au jour les actions – ouvertes et clandestines – des Etats-Unis, depuis les années 80, dans la région des Grands Lacs, visant à un nouveau partage des zones d’influence sur le continent africain, et le  » scandale géologique  » que constitue le fabuleux sous-sol du Zaïre, redevenu aujourd’hui Congo et convoité par tous. [...]

Contre-offensive impossible

Officiellement, à partir d’octobre 1996, le Zaïrois Laurent-Désiré Kabila a mené une guerre de libération en vue de chasser le président corrompu Mobutu Sese Seko. La réalité fut bien différente : Laurent-Désiré Kabila n’était alors qu’une marionnette de Kigali, de Kampala et de Washington.

Une nouvelle boucherie, après celle du Rwanda, visant cette fois à exterminer les seuls Hutus ayant fui le Rwanda, déclarés « extrémistes » par la propagande, se déroula dans un silence assourdissant des principaux médias.

Les services secrets français étaient parfaitement au courant que des forces spéciales américaines, les services secrets et des avions américains renseignaient les soldats rwandais et ougandais dans leur chasse aux Hutus dans l’immense Est congolais. L’exécutif français s’interrogea alors sur l’opportunité d’arrêter la marche de Kabila et de ses « parrains » sur Kinshasa.

La désinformation efficace sur le rôle de la France en Afrique en général et au Rwanda en particulier rendait désormais impossible toute contre-offensive, qui aurait mis face à face Français et Américains. Jacques Chirac décida in fine de ne pas envoyer de forces spéciales françaises à Kisangani début 1997.

Quand l’armée américaine participe à la traque des Hutus au Congo…

Washington porte une lourde responsabilité dans ce qu’un prérapport de l’ONU rendu public en août 2010 décrit comme un probable génocide commis en République démocratique du Congo en 1996 et 1997.

Pourquoi tant de diplomates, tant de militaires et d’agents secrets américains ont-ils été mobilisés pour parler d’une situation que les journalistes ne pouvaient directement appréhender ? Parce que la grande puissance américaine, celle qui, avec ses satellites, ses écoutes, ses hélicoptères et ses avions, aidait ceux qu’on nommait « rebelles », mais qui, en réalité, étaient en très grande majorité des Rwandais ou des Ougandais, à localiser les prétendus « génocidaires » pour les liquider.

Comment ne pas être révolté par la passivité, voire par la bienveillante sollicitude du Haut-Commissariat aux réfugiés ? Comment accepter la propagande officielle de l’époque, qui voulait que les Hutus n’eussent que ce qu’ils méritaient et que les Tutsis exerçassent là un légitime droit de revanche ? Alors que, justement, la version officielle de l’histoire, reçue et acceptée par la communauté internationale, est fausse ?

[...] Les services secrets français – Direction du renseignement militaire (DRM) et Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) – sont très avertis de ce qui se passe aux frontières du Kivu, fin octobre-début novembre 1996.

Le camp de Kibumba dans la région de Goma est bombardé : quelque 200.000 réfugiés partent vers le camp de Mugunga. Le camp de Katale est attaqué à l’arme lourde, et Bukavu, la capitale du Sud-Kivu, est pris par les « rebelles ». Les camps des alentours sont détruits, provoquant la fuite de 250.000 personnes à travers la forêt équatoriale vers Kisangani…

Militaires et services ne se contentent pas des images satellite fournies par les Américains, sur lesquelles on ne voit pas de réfugiés ; elles ne donnent à rien voir qui corresponde aux informations qui leur remontent du terrain, par de nombreuses sources humaines. Début novembre 1996, un Breguet Atlantic localise des cohortes de réfugiés et rapporte des photos qui montrent deux hélicoptères américains, des Black Hawks.

Poker menteur entre Paris et Washington

Les espions français s’interrogent sur le rôle des bérets verts, les commandos des US Army Special Forces, lors des massacres qui ont suivi la prise de Bukavu, fin octobre 1996. Ils se demandent aussi quelle est l’origine des mitraillages aériens opérés de nuit contre les camps de réfugiés : « Cela pose de graves questions quand on sait que parmi les avions américains déployés figurait au moins un C-130 Gunship des forces spéciales, véritable canonnière volante. Que faisait-il là si, comme le disait alors le commandement américain, il s’agissait seulement de rechercher des réfugiés pour étudier ensuite les moyens de leur porter assistance ? »

Malgré ce questionnement sur le rôle ambigu de Washington, pas plus l’état-major que les politiques français n’envisagent une quelconque action sans les Américains ou, à plus forte raison, contre eux. Mais la « forte dégradation de la situation humanitaire » entraîne les uns et les autres à envisager dans les plus brefs délais une opération militaire multinationale dans le Kivu, tout au moins à en émettre l’idée. Le Centre opérationnel interarmées (COIA) est chargé par l’état-major d’en définir les contours possibles.

Le 5 novembre, une note signée de Jean-Pierre Kelche, major général de l’état-major, arrive sur le bureau du ministre de la Défense, Charles Millon : « L’effet majeur d’une opération militaire au Kivu visera à stabiliser les réfugiés dans une zone dégagée de forces constituées ».

Les rédacteurs estiment indispensable la participation de pays européens (France, Espagne, Belgique, Allemagne et Grande-Bretagne), mais soulignent qu’un «commandement centralisé (préconisé) devrait être proposé aux Américains dont la présence au sol garantirait la neutralité rwandaise». « L’action militaire sera limitée à une sécurisation de zones, au profit des organisations humanitaires ». Le général Kelche envisage un déploiement de 1.500 à 2.000 hommes.

Le lendemain, lors d’un conseil restreint de défense, Jacques Chirac accepte les propositions du COIA, et insiste sur l’implication américaine, c’est-à-dire que « la France interviendra si les Américains interviennent avec du personnel au sol ». Et, quant à la nationalité française ou américaine du commandement de l’opération, le président n’a pas de préférence. Après le fiasco politico-médiatique, deux ans plus tôt, de l’opération «Turquoise», il n’est pas question pour la France de se lancer seule dans une telle opération…

Immédiatement après ce conseil restreint, diplomates et militaires prennent langue avec les Américains. [...] Les Français s’aperçoivent vite que les Américains, malgré quelques bonnes paroles, jouent déjà une autre partition. Si le général George A. Joulwan promet de mettre à disposition des C5 Galaxy pour projeter, si nécessaire, matériels et hommes vers le Kivu, les interlocuteurs des Français refusent d’engager leurs troupes sur le terrain.

Paris et Washington ont déjà commencé une partie de poker menteur. Alors que, sur le terrain, les acteurs rwandais, ougandais et américains ont parfaitement conscience de mener un combat indirect contre Paris, les contacts entre diplomates et militaires à Washington, Paris ou Stuttgart se déroulent entre gens de bonne compagnie.

[...] Le Monde du 8 novembre 1996 résume ainsi la situation : « La France a du mal à convaincre l’ONU de l’urgence d’une intervention au Zaïre ». Elle a du mal parce que Washington et ses alliés africains ne veulent pas que la France revienne dans la région et contrarie leurs plans, mais Paris veut croire qu’il a encore la main.

Pour ne pas s’opposer frontalement à la France, Washington monte alors une opération astucieuse destinée à enterrer le projet sans pour autant se mettre à dos l’opinion publique : elle consiste à demander au Canada de constituer cette force, d’en réunir les éléments et d’en déterminer les règles… Commence alors une grande agitation qui n’est qu’un leurre.

Politiques et militaires français n’ont pas compris tout de suite que l’opération lancée par le Premier ministre canadien Jean Chrétien à la demande des Américains ne vise qu’à enterrer le projet de Chirac et à laisser les mains libres aux Américains, ainsi qu’à leurs marionnettes rwandaises et ougandaises dans la région des Grands Lacs.

Pendant quelques jours, l’état-major croit à l’acceptation d’un déploiement d’une force franco-britannique sous commandement canadien dans la région sud du Kivu. A preuve, une mission de reconnaissance effectuée par des militaires britanniques, sous le commandement du brigadier général Thomson (Royal Marines), avec trois officiers français, dirigés par le colonel Philippe Tracqui, qui est le numéro 2 du Centre opérationnel de l’armée de terre (Coat).

Dès le début, Tracqui et ses deux compagnons ont compris que quelque chose ne collait pas. [...] Le rapport de Tracqui, daté du 21 novembre, lève les dernières interrogations sur la place désormais accordée à la France dans les Grands Lacs et sur les manoeuvres américaines. «Les Américains sont tout à fait opposés à une action militaire au Sud-Kivu», écrit Tracqui. [...]

Thomson a donné à Tracqui un mémorandum du général Smith, rédigé le 16 novembre à Entebbe, qui dévoile la position américaine. « Depuis vingt-quatre heures, la situation s’est arrangée, tout va bien à Goma, et la nature des besoins humanitaires s’en trouve changée. Bien qu’il ne soit pas encore possible d’apprécier exactement le nombre total des réfugiés qui vont rentrer ou ceux qui auraient l’intention de le faire dans les prochains jours, il est clair qu’il n’existe plus en ce moment de crise humanitaire justifiant une action militaire d’urgence », écrit le général américain qui ne réclame donc aucun moyen supplémentaire.

[...] Le soir de ce 16 novembre 1996, à Entebbe, le général américain Smith dirige une réunion de planification à laquelle participe le lieutenant-colonel Pouly, de la Direction du renseignement militaire française. Pouly [...] sait que la situation décrite par l’Américain est fausse. Il ose prendre la parole après le général américain et lui fait remarquer que son appréciation de la situation ne fait aucun cas des 700.000 réfugiés et 300.000 déplacés du Sud-Kivu.

Le numéro 2 du Coat rapporte toutes les informations fournies par Pouly, le meilleur spécialiste militaire français de la région des Grands Lacs. Pouly est convaincu que « les Américains présents dans la région des Grands Lacs, qu’il s’agisse des diplomates de Kigali ou des militaires isolés à Entebbe, ne souhaitent aucune présence dans la région ».

Il a noté « l’existence à Kigali d’une importante mission militaire de coopération américaine qui a compté jusqu’à 50 personnels. Elle s’occupe de la formation militaire de l’APR [l'Armée patriotique rwandaise], fait de l’instruction de déminage, de la formation à l’action psychologique avec des spécialistes appartenant au 4e bataillon de Fort Bragg, notamment pour ce qui concerne les opérations de propagande liée à l’organisation des retours ». L’espion français a appris que « les équipes psyops américaines, chargées des opérations psychologiques, c’est-à-dire d’influencer l’opinion, sont en place et opèrent à partir de Kigali, depuis trois mois ».

L’initiative de la France pour venir en aide aux réfugiés rwandais a été brisée dans l’oeuf, au grand soulagement des Etats-Unis, du Rwanda et de l’Ouganda.

Décrédibilisée par l’action de tous les psyops rwandais et américains relayés par les porte-voix occidentaux du Front patriotique rwandais, le parti du président Kagamé, et par la plupart des médias, y compris par de nombreuses bonnes âmes françaises, la France n’a rien pu faire pour stopper les massacres de masse organisés de Hutus. Les massacres vont donc pouvoir se poursuivre, après l’enterrement sans fleurs ni couronnes de la force multinationale.

Quelques notes subtilisées aux services secrets ougandais et rwandais montrent même un engagement américain et britannique beaucoup plus accentué. Les moyens qui ont été mis en oeuvre sont énormes. Un réseau ultramoderne de satellites espions (intelligence communication network), couvrant la zone de Kigali à Brazzaville pour recueillir, contrôler et neutraliser toutes les informations en langues française et locales, a bien été déployé pour le compte des Américains, des Britanniques et des Ougandais.

Pas d’objection à l’ « anéantissement »

Selon les documents ougandais et rwandais, des avions américains seront spécialement affectés à la traque des Hutus qui se cachent dans les forêts (Report 678 ref 567/JL/RW/UG) : « Il a été conclu que les forces aériennes américaines enverront 3 P-3 Orion Propeller Planes à Entebbe. Ils opéreront pendant la journée d’Entebbe au Zaïre, à la recherche des Hutus qui se cachent dans les forêts. Les avions seront équipés de trois équipements [il s'agit en réalité de trois spécialistes chargés de contrôler une cinquantaine d'ordinateurs] destinés à traquer les mouvements des gens sur le terrain ».

Concoctés par Paul Kagamé, les plans d’attaque et de démantèlement des camps de réfugiés hutus dans l’ex-Zaïre sont présentés aux Américains pour approbation, comme le montre une note (Plan 67 ref 67/JL/RW/ZR) : « Les plans visant à attaquer les Hutus dans l’est du Zaïre ont été finalisés. Octobre et novembre 1996 sont les meilleurs mois pour l’opération. L’ONU sera engagée dans le processus de fournir les prochaines livraisons de vivres et nous saboterons ce processus ».

Une réunion entre services ougandais et rwandais (Crisis 80/L ref 78/RW. Doc) définit le modus operandi d’une action dans laquelle 30 soldats rwandais vont monter une attaque déguisés en miliciens hutus : « Il y a besoin de liquider les Hutus Interahamwe [miliciens impliqués dans le génocide de 1994] dans l’est du Zaïre. Nous avons pénétré les camps de réfugiés de Katale et Kahindo. Nous allons aider le Rwanda à exécuter l’opération afin de forcer l’ONU à fermer les deux camps. Opération : 30 soldats de l’APR vont déclencher une attaque contre les autochtones zaïrois en se faisant passer pour Interahamwe. On procédera à la destruction de leurs propriétés. Une attaque similaire avec armes à feu sera mise en oeuvre aux heures de nuit au Rwanda. Le gouvernement du Rwanda devra alors se plaindre auprès de l’ONU. Si l’ONU est lente à réagir, une opération sans annonce préalable se perpétrera alors et anéantira toutes les milices hutues se trouvant dans ces camps. L’opération d’anéantissement est approuvée sans aucune objection ».

Les dates d’un conflit

1994, premier génocide.

Le 6 avril, l’assassinat du président du Rwanda, Juvénal Habyarimana, met le feu aux poudres. Déclenchement du génocide contre la minorité tutsie et les Hutus modérés (800.000 morts). Venu de l’Ouganda, le Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagamé (Tutsi) conquiert le pays et le pouvoir. Devant l’échec de la communauté internationale, la France déclenche l’opération « Turquoise ». Des centaines de milliers de Hutus – dont certains responsables du génocide – fuient le pays vers le Zaïre, où ils s’entassent dans des camps.

1996-1997, second génocide.

La guerre se déplace dans l’est du Zaïre. Avec le soutien du Rwanda et de l’Ouganda, des Zaïrois menés par Laurent-Désiré Kabila renversent le président Mobutu. Le Zaïre devient la République démocratique du Congo (RDC). Des massacres de grande ampleur – le second génocide aujourd’hui évoqué – sont commis à l’encontre des réfugiés hutus. Les Américains empêchent, à deux reprises, une intervention française pour y mettre fin. La guerre va se poursuivre en RDC jusqu’en 2002. Elle aurait fait plusieurs millions de morts.

Lire aussi : « Noires fureurs, blancs menteurs : Rwanda 1990-1994 »

Tout sur la Chine

jeudi, 17 février 2011

L'effet sablier (J-M. Vittori)

L'effet sablier (J-M. Vittori)

Ex: http://www.scriptoblog.com/ 

« L’effet sablier » est paru en octobre 2009. On pourrait le décrire comme une tentative d’optimisme sociologique tempéré en période de régression sociale majeure. C’est sans doute le caractère méritoire de l’exercice optimiste qui a valu à ce livre un certain succès : par les temps qui courent, tout le monde a envie de se convaincre qu’après tout, les choses ne vont pas aussi mal qu’il peut sembler de prime abord.

La thèse générale de « L’effet sablier » est que nous n’assistons pas à un simple écrasement des classes moyennes, mais plutôt à leur coupure en deux : une partie des classes moyennes descend, et va rejoindre les classes inférieures, mais une autre partie monte, et va rejoindre les classes supérieures.

Les anciennes sociétés d’ordre, nous rappelle Jean-Marc Vittori (JMV), présentaient une structure de revenus en « chapeau chinois » : un immense plateau en bas, une toute petite pointe en haut. Les sociétés issues des Trente Glorieuses, elles, proposaient une forme pyramidale aplatie, avec un « milieu » important. Les sociétés de demain, nous dit l’auteur de « L’effet sablier », auront la forme d’un sablier : deux classes et deux seulement ; un tiers de riches en haut, deux tiers de pauvres en bas.

 

*

 

Pour JMV, ce qui caractérise notre époque, c’est la disparition du milieu, dans tous les domaines. C’est cette disparition qui explique la montée de la peur dans nos sociétés : quand il n’y a plus de milieu, il n’y a plus de Purgatoire symbolique dans l’ordre social, ne reste que l’Enfer et le Paradis, et tous, même ceux qui sont au Paradis, tous ont peur de déchoir, d’aller en Enfer – car rien n’est acquis, jamais. Mais c’est aussi cette disparition du milieu qui explique la multiplication des grosses cylindrées dans nos rues : en pinçant la classe moyenne, la dynamique contemporaine en éjecte une partie vers le bas, mais elle en propulse une autre partie vers le haut.

La destruction de l’imaginaire des classes moyennes est au cœur de ce mécanisme, explique JMV. Les classes moyennes n’étaient en effet pas seulement « ce qui se trouve au milieu de la structure sociale ». C’était aussi, en tant que concept, l’affirmation implicite d’un imaginaire commun de progrès partagé par toute l’humanité, ou presque.

Aujourd’hui, cet imaginaire s’évanouit, en même temps que les catégories sociales dont il était la production idéologique spontanée.

Dans les entreprises, les échelons intermédiaires s’évanouissent : les progrès en matière de système d’information rendent possible un management « en râteau », avec une forte augmentation du nombre de N-1 par manager, et en corolaire, une forte réduction du nombre de niveaux hiérarchiques. Le passage au management par projet vient encore accentuer ce mécanisme. Les anciennes organisations hiérarchiques permettaient plus ou moins aux traînards de s’intégrer dans les processus de production dans les fonctions subalternes, où leur sous-performance était compensée par la surperformance de leurs collègues les plus efficaces. Les organisations par projet suppriment cette possibilité : désormais, les « maillons faibles » sont systématiquement éliminés. A l’ancienne pression hiérarchique, très relative, s’est substituée la pression du groupe, autrement plus redoutable, parce qu’un principe de concurrence permanente vient la relancer indéfiniment. La pression qui en  résulte « pince » la structure des entreprises : elle propulse un tiers de gagnants vers le haut, et deux tiers de perdants vers le bas. Et le bas de ce bas tombe, lui, dans l’exclusion pure et simple.

Dans les vitrines, le milieu de gamme se réduit à la portion congrue. Jadis, il y avait le bas de gamme, franchement mauvais (fromage plein de listéria, etc.) et réservé aux derniers quantiles de la structure sociale, le haut de gamme, franchement prestigieux (haute couture, etc.) et réservé à une toute petite minorité de nantis, et puis il y avait le « demi-luxe », le milieu de gamme, correct et accessible aux deux tiers de la population, deux tiers regroupés dans les classes moyennes. Aujourd’hui, nous dit JMV, il y a un bas de gamme très amélioré (correspondant peu ou prou au niveau de qualité de l’ancien « demi-luxe »), accessible à la « classe de masse » qui regroupe les deux tiers de la population, et un « nouveau haut de gamme », qui a fusionné le meilleur de l’ancien demi-luxe et l’ancien haut de gamme, et qui vise la clientèle du tiers supérieur en termes de revenus, ou à peu près.

Les deux évolutions s’adossent l’une à l’autre. La « partie haute » du sablier veut un haut de gamme accessible, en réalité un demi-luxe transformé en haut de gamme, tandis que la « partie basse » veut un bas de gamme élevé vers  le demi-luxe. Réciproquement, le gain en qualité attendu par cette nouvelle structure sociale impose des organisations de production plus souples, donc privilégiant l’organisation par projet, la réduction des niveaux hiérarchiques, la sous-traitance à des sociétés spécialisées qui n’embauchent que les meilleurs de chaque domaine. Partout, l’effet sablier entraîne une accentuation des concurrences, une dislocation des consciences de classe, une hyper individualisation anxiogène, et par contrecoup, une dépolitisation malsaine.

 

*

 

Telle est la thèse de JMV. Il est évident qu’elle recoupe en partie la réalité. Mais, à notre avis, en partie seulement…

Le point faible de « L’effet sablier » est l’absence de séries statistiques.

Si l’on s’intéresse à l’évolution des revenus par quantiles dans les sociétés occidentales, sur les dernières décennies, la thèse de JMV est fort mise à mal, et de deux façons.

D’une part, on observe que 80 % des accroissements de richesse tombe dans l’escarcelle des quelques pourcents du haut, voire, dans certains pays, dans celle du 1 % du haut. Cette donnée statistique ne correspond pas à un « effet sablier », mais plutôt à un « effet chapeau chinois », un retour aux structures des anciennes sociétés préindustrielles.

D’autre part, au sein des 95 % qui ne bénéficient pas des gains de richesse récents, on assiste plutôt à une concentration progressive autour du salaire médian, lequel a tendance à descendre en termes de pouvoir d’achat réel – tandis qu’une minorité, exclue, s’effondre littéralement. Soit exactement le contraire d’un « effet sablier » : on pourrait parler ici d’effet toupie, au niveau des classes moyennes stricto sensu.

JMV se défend en arguant que les changements majeurs échappent souvent aux chiffres, dans un premier temps du moins, et que l’observation qualitative, à tout prendre, vaut  largement l’appareillage statistique, quand il s’agit d’anticiper, et non simplement de décrire le présent. Il n’a probablement pas tout à fait tort, mais pour notre part, nous formulerons une autre hypothèse.

« L’effet sablier » ne rend pas compte de la réalité des structures de revenus de nos sociétés, mais de la réalité de leur perception. A côté des impacts chiffrés des évolutions récentes, celles-ci ont produit un fait non quantifiable par les statisticiens : un biais perceptif partagé par une très grande partie du corps social, et qui donne l’impression d’un « effet sablier ».

Il nous semble que trois faits concourent à renforcer ce biais perceptif : d’une part, l’exacerbation par la publicité des concurrences ostentatoires au sein de la classe moyenne (il y a ceux qui ont le dernier modèle de tel ou tel gadget, et les autres…) ; d’autre part, la crainte du déclassement débouche sur une focalisation perverse, et la politique suivie par les DRH, dans toutes les entreprises, renforce ce mécanisme psychologique (il y a ceux qui sont surmenés parce qu’on les « veut » sur tous les projets, et les autres, qui ne dorment plus parce qu’ils ont peur de se faire virer…) ; enfin, à un moment de l’Histoire où tout le monde pressent plus ou moins qu’on s’approche d’une rupture majeure, l’idée fait son chemin que cette rupture historique va fonctionner comme un test, comme une épreuve que certains passeront, et d’autres pas.

Du coup, les anciennes classes moyennes, pour ne pas voir qu’elles sont tout simplement en train de se transformer en gigantesques « nouvelles classes inférieures », s’exagèrent les différences qui les traversent, afin de reconstituer un espace de compétition à leur portée. C’est le syndrome du bobo en Audi d’occasion achetée à crédit, crédit exagéré au regard de son salaire de sous-chef de projet en position instable, et qui s’imagine dans la partie haute du « sablier » parce qu’il double sur l’autoroute un autre sous-chef de projet, plus prudent celui-là, qui roule dans une Citroën C2 neuve. A aucun moment, notre bobo sous-chef de projet en Audi d’occasion ne réalise qu’il vit au-dessus de ses moyens en profitant d’une politique monétaire laxiste, ainsi que du dumping salarial des sous-traitants d’Audi, en Europe de l’est ou ailleurs. Quoique : il est fort possible que notre sous-chef de projet en Audi ait voté « oui » au traité de Maastricht, tandis que son alter ego plus raisonnable, en Citroën C2, a voté non. Rien n’arrive par hasard.

Sous cet angle, il nous semble que le petit livre de JMV n’est pas révélateur de la réalité économique de nos sociétés, mais plutôt de leur réalité mentale collective – en particulier dans l’esprit de ces « analystes symboliques » qui font sans doute le gros du lectorat de JMV, et que l’implosion de l’économie virtualisée risque fort de rejeter du mauvais côté du sablier.

En quoi, d’ailleurs, « L’effet sablier » n’est pas un livre inintéressant : il nous renseigne un peu sur les illusions qui vont s’éteindre, à l’heure des vérités amères, et, en particulier, sur ces classes moyennes qui ne veulent pas voir qu’elles sont désormais, collectivement et sans exception aucune, programmées pour perdre.

 

dimanche, 06 février 2011

Russie, alliance vitale

Bientôt en librairie : "Russie, alliance vitale" de Jean-Bernard PINATEL

Ex: http://theatrum-belli.hautetfort.com/

Les grandes inflexions dans le système international peuvent être perçues, bien avant qu'elles ne se produisent, par les observateurs qui disposent d'une grille de lecture et qui fondent leurs réflexions sur les faits en se débarrassant de tout a priori idéologique ou sentiment partisan. Ainsi cet essai soutient des thèses et fournit une analyse des événements internationaux qui sont éloignés de la pensée dominante actuelle d'inspiration essentiellement américaine. 

pinatel001.jpgCette vision a été élaborée en utilisant une méthodologie fondée sur de nombreux emprunts aux enseignements de Marcel Merle (1), à la méthode prospective d'Hugues de Jouvenel et à l'œuvre d'Edgar Morin avec lesquels j'ai eu la chance de partager des réflexions dans le cadre de Futuribles et de la Fondation pour les études de défense à l'époque où elle était présidée par le général Buis. 

Ce n'est pas la première fois que je propose une vision prospective différente de celle communément admise. Dès les années 1970 déjà, j'avais pressenti que le temps de l'affrontement Ouest-Est fondé sur l'équilibre des forces nucléaires et classiques était révolu et qu'il serait remplacé par une forme nouvelle d'affrontement entre le Nord et le Sud. Je caractérisais ma vision de la nature différente de la "guerre" que nous connaîtrions dans le futur par le concept de "guerre civile mondiale". Pour ce faire je reçus l'aide précieuse et critique de mon amie Jacqueline Grapin qui était, à l'époque, journaliste au Monde et proche collaboratrice de Paul Fabra. 

La publication par Calman-Levy en 1976 de notre livre (2) fit l'effet d'une bombe dans les milieux politico-militaires puisqu'il soutenait que les guerres futures prendraient plus la forme d'une « guerre civile » Nord-Sud que celles d'un affrontement entre deux puissantes armées conventionnelles sous menace nucléaire auquel on se préparait. Nous écrivions : "À y regarder d'un peu près, le concept d'une guerre civile mondiale cerne assez étroitement la réalité. Il transpose, à l'échelle de la planète désormais ressentie comme un monde fini, l'idée du combat fratricide que se livrent les citoyens d'un même État. Et il est bien exact que le système international actuel est le premier à avoir une vocation mondiale, sans échappatoires possibles à ses blocages et à ses conflits. Il implique une guerre sans fronts, qui déborde les frontières et dépasse les militaires, pour défendre des enjeux vitaux dans un processus qui peut aller jusqu'à la mort... À force de détournements d'avions et d'actes terroristes, les Palestiniens ont essayé d'impliquer le monde entier dans leur cause, et le monde dans leur ensemble est devenu leur champ de tir". 

Le système international, qui évolue rapidement sous nos yeux, sera dominé dans les prochaines années par deux grands acteurs, les États- Unis et la Chine, qui interagissent dans une relation d'"adversaire- partenaire" : adversaires quand il s'agit d'enjeux ou d'intérêts vitaux à protéger, partenaires pour conquérir de nouveaux espaces et marchés et, surtout, pour empêcher de nouveaux acteurs d'acquérir une autonomie qui pourrait remettre en cause leur sphère d'influence et le partage du monde qu'ils préconisent implicitement ou explicitement. Un exemple récent en est l'accueil condescendant qui a été réservé par les grandes puissances à l'initiative de la Turquie et du Brésil pour apporter une solution à la crise iranienne. 

L'élaboration de cette vision s'appuie sur l'analyse et la hiérarchisation des intérêts permanents, vitaux ou majeurs, de ces grands acteurs, et sur l'évaluation de la marge de manœuvre, souvent limitée, que peuvent acquérir par leur charisme les dirigeants de ces pays. C'est ce qui explique les difficultés rencontrées par Barack Obama pour mettre en œuvre sa vision généreuse des rapports internationaux. Elle heurte de plein fouet les intérêts du complexe militaro-industriel américain qui s'est arrogé depuis longtemps le monopole de la désignation des menaces et de la défense des "intérêts permanents" des États-Unis et du "monde libre". 

C'est au Premier ministre de la reine Victoria, Benjamin Disraeli (1804-1881), qu'il est généralement convenu d'accorder la paternité de ce concept. En considérant que les États n'ont ni amis ni ennemis mais des "intérêts permanents", il introduisait pour la première fois les enjeux économiques dans la compréhension des relations internationales. Ce concept s'est étendu progressivement à d'autres dimensions comme la dimension culturelle. Ainsi le maintien de liens étroits entre les États francophones fait partie des intérêts permanents de la France car cela lui permet de peser plus que de par son poids dans les instances internationales (3). 

Dans les pays démocratiques c'est la perception de ces "intérêts permanents" par les citoyens qui est essentielle. Car il n'est de légitimité que reconnue par l'opinion publique. Ainsi la construction d'une Europe politique disposant de pouvoirs fédéraux ne deviendra un "intérêt permanent" pour les Européens que lorsque la grande majorité de la population des nations qui la composent en auront compris l'importance. Cette construction fait déjà partie des intérêts permanents de la France puisque la majorité des forces politiques y est favorable. La crise financière récente que nous avons traversée a montré la faiblesse d'une Europe fondée sur le plus petit commun dénominateur. De même, la présence des forces armées allemandes en Afghanistan est très critiquée par une majorité des forces politiques et de la population qui n'en comprennent pas les enjeux (4). Ces "intérêts permanents" sont rarement explicités par les dirigeants en dehors de cénacles restreints. Le maintien d'une incertitude sur leur définition précise constitue un atout dont les États auraient tort de se priver dans la compétition mondiale. 

Avec l'apparition de l'arme nucléaire, est apparue la notion d'"intérêts vitaux", au nom desquels un État se réserve le droit d'utiliser en premier l'arme nucléaire (5). Là encore, l'ambiguïté et l'imprécision font partie de la logique dissuasive, aucune puissance nucléaire ne déclarant ce qu'elle considère comme ses intérêts vitaux. 

Il est cependant possible d'évaluer les "intérêts permanents" des États en analysant les facteurs déterminants de leurs forces et de leurs vulnérabilités. Ainsi dans la Guerre civile mondiale (6) publiée en 1976, en pleine Guerre froide, nous nous interrogions sur la réalité de la menace militaire soviétique comme vecteur de la propagation du communisme, qui a été un des facteurs déterminants du système international entre 1945 et 1989. 

À l'époque, analystes et leaders d'opinion s'alarmaient à longueur de pages sur la menace que représentaient les 167 divisions militaires russes, sans jamais analyser les vulnérabilités de l'URSS qui pouvaient légitimer cet effort militaire. Prenant à contre-pied ces analyses, nous mîmes en relief plusieurs facteurs qui offraient un autre éclairage sur la menace soviétique : 

  • une relative faiblesse en nombre : rapportée à la superficie de l'URSS et, d'un point de vue défensif, cette force militaire "ne représentait plus que 12 militaires de l'armée de terre au km2 contre 60 en France" ;
  • une immensité de frontières à défendre : "L'URSS est le plus proche voisin de toutes les puissances actuelles et potentielles. À l'Est, l'URSS n'est séparée de l'Alaska américain que par les 30 km du détroit de La Pérouse, au Sud, elle a 7.000 km de frontières avec la Chine, 2.000 km avec l'Afghanistan, 2.500 avec l'Iran, 500 avec la Turquie..." ;
  • un manque de cohésion intérieure : "Mosaïque de 95 nationalités, d'ores et déjà l'URSS connaît un problème musulman avec la hausse de la natalité des populations islamisées qui représenteraient en 1980 72% de la population contre 52% en 1970 dans les cinq républiques d'Asie centrale" ;
  • et une "faiblesse de peuplement à l'Est de l'Oural".
  • Nous concluions : "L'URSS a de nombreuses vulnérabilités qui peuvent la pousser à s'armer au moins autant que les objectifs offensifs avancés par tous les observateurs".

Cet essai vise ainsi à éclairer d'un jour nouveau les intérêts permanents de l'Europe et de la Russie dans la gestion des menaces et des crises qui se développent à leurs frontières. Il soutient que l'insécurité qui règne à nos frontières sert directement les intérêts du complexe militaro-industriel américain au point de faire penser que les crises qui s'y enracinent ne sont pas le résultat d'erreurs stratégiques des dirigeants américains, mais proviennent d'options mûrement pesées par des conseillers qui en sont issus. Tout se passe en effet comme si la politique américaine visait à maintenir une insécurité permanente dans la région du Moyen-Orient et de la Caspienne. Elle viserait ainsi à freiner le développement économique de nos proches voisins tout en s'appropriant leurs ressources et, par contrecoup, à pénaliser la croissance de l'Europe et de la Russie en les privant de débouchés pour leurs produits et, enfin, à empêcher par tous les moyens la création d'une alliance stratégique de Dunkerque à l'Oural, qui constituerait un troisième acteur du système international capable de s'opposer à leurs ambitions. 

Jean-Bernard PINATEL

Editions CHOISEUL

178 pages, 17 euros

Général (2S) et dirigeant d'entreprise, J.-B. Pinatel est un expert reconnu des questions géopolitiques et d'intelligence économique. Docteur en études politiques et diplômé en physique nucléaire, il est breveté de l'École supérieure de guerre et ancien auditeur de l'IHEDN.

Sommaire :

  • Préface, p7
  • Avant-propos, p 13
  • Introduction, p 19
  • La montée en puissance de l'impérialisme chinois, p 23
  • Les relations sino-américaines à l'heure de l'interdépendance économique, p 43
  • La stratégie américaine d'"adversaire-partenaire", p 63
  • Les États-Unis face à l'Europe : éviter l'unification du "Heartland", maintenir la suprématie du "Rimland", p 77
  • Les pièges fondamentaux de la politique étrangère américaine, p 99
  • Pour un partenariat stratégique entre l'Europe et la Russie, p 119
  • La Russie, acteur clé dans la résolution des conflits et dans la lutte contre le terrorisme au Moyen-Orient, p 133
  • Irak et Afghanistan : pour une implication accrue de l'Europe et de la Russie, p 149
  • Conclusion, p 167

Notes :  

1. Sociologie des relations internationales (1987).

2. La Guerre civile mondiale, Paris, Calmann-Levy, 1976.

3. Forte d'une population de plus de 803 millions et de 200 millions de locuteurs de français de par le inonde, l'Organisation internationale de la Francophonie (01F) a pour mission de donner corps à une solidarité active entre les 70 États et gouvernements qui la composent (56 membres et 14 observateurs) — soit plus du tiers des États membres des Nations unies.

4. Le président allemand Horst Köhler, qui occupe une fonction principalement honorifique, a créé la surprise en annonçant sa démission le 31 mai 2010 après avoir déclenché un tollé politique suite à ses déclarations légitimant la participation accrue de son pays aux combats en Afghanistan par des raisons économiques. Il a jugé dans une déclaration à une radio cet effort « nécessaire pour maintenir nos intérêts, comme par exemple libérer les routes commerciales ou prévenir des instabilités régionales qui pourraient avoir un impact négatif sur nos perspectives en termes de commerce, d'emplois et de revenus » allemand sont déplacés, car ils suscitent méprise et malentendu. De fait, il est compréhensible qu'Horst Köhler, qui occupe une fonction symbolisant l'image de l'Allemagne, démissionne de son poste honorifique après les violentes réactions contre ses propos controversées sur une importante mission de son pays à l'étranger.

5. L. Mandeville, "Barack Obama peine à imposer sa doctrine", Le Figaro, 2/3/2010 : "Spécialistes du Pentagone et de la Maison Blanche ferraillent encore sur plusieurs points cruciaux de doctrine. Ainsi l'administration Obama devrait-elle refuser de souscrire au "non-emploi en premier" de l'arme nucléaire pour rester dans l'ambiguïté actuelle, contrairement à ce que les partisans du désarmement nucléaire espéraient, à en croire le quotidien new-yorkais".

6. J. Grapin, J.-P. Pinatel, op. cit., p. 256 et ssq.

"Choc et simulacre"

« Choc et Simulacre » par un collectif européen d'auteurs, présenté par Michel Drac

Ex: http://www.polemia.com/

 

choc_et_simulacr_4c4066bcbfea1.gifÉcrit par un collectif d’auteurs dont certains avaient déjà participé à la rédaction du roman d’anticipation politique Eurocalypse et qui ont assimilé l’œuvre de Jean Baudrillard, Choc et Simulacre est un ouvrage dense qui interprète, d’une manière décapante, les grands événements en cours.

Les auteurs s’intéressent à la genèse récente du projet hégémonique des États-Unis. Ils rappellent que, sous la présidence de Bill « Tacheur de robe » Clinton (1993 – 2001), des intellectuels préparaient la domination mondiale de leur pays à travers le Project for a New American Century. Ce programme ambitieux parvint à regrouper « conservateurs réalistes », mondialistes patentés et néo-conservateurs malgré des tensions inhérentes incessantes. Au sein du néo-conservatisme même, le collectif relève que « la base militante […] était à l’origine composée de trois groupes dont les valeurs ne sont pas totalement compatibles, et dont les intérêts divergent largement : le “ big business ”, les milieux pro-Israël, la “ moral majority ” (p. 26) ».

Sommes-nous en présence d’une « entente idéologique » factuelle qui œuvre à la suprématie planétaire de Washington ? Oui, mais sans chef d’orchestre patenté puisqu’il s’y concurrence et s’y affronte divers clivages, d’où les ambiguïtés intrinsèques du « conservatisme étatsunien » au début du XXIe siècle. Le collectif prend pour preuve les études de Samuel Huntington. Son « choc des civilisations » était au départ un article répondant à la thèse de Francis Fukuyama sur la fin de l’histoire et le triomphe final du libéralisme. Certes, Huntington y exprimait une vision étatsunienne du monde en distinguant l’Occident euro-atlantique d’une civilisation européenne orthodoxe et en niant toute particularité à l’Europe. Pourtant, même si son thème du « choc des civilisations » va être instrumentalisé au profit du mondialisme yanqui conquérant, Huntington comprit ensuite, dans son dernier essai, Qui sommes-nous ?, que le « choc des civilisations » atteignait les fondements des États-Unis avec une lente « latino-américanisation » de sa patrie…

Les méandres du pouvoir réel à Washington

Les interventions militaires en Afghanistan (2002) et en Irak (2003) marquent l’apogée du néo-conservatisme et donc le début de son déclin à l’intérieur de la « coalition » dominante. « La fracture entre néo-conservateurs d’une part, mondialistes et conservateurs réalistes d’autre part, continue à perdurer, mais désormais, ce sont à nouveau les conservateurs réalistes qui mènent la danse, ayant récupéré le soutien clair et fort des milieux mondialistes (p. 63). » Par ailleurs, le plan « néo-con » a échoué auprès de la population U.S. qui réagit maintenant par le phénomène du Tea Party. Cette nébuleuse mouvementiste présente de fortes inclinations libertariennes et isolationnistes (mais pas toujours !).

Avec ce retour au réel géopolitique, on assiste au regain d’influence de Zbigniew Kazimierz Brzezinski – que les auteurs désignent par ses initiales Z.K.B. -, qui est probablement le plus talentueux penseur géopolitique des États-Unis vivant. Bien que démocrate, ce conservateur réaliste s’active en faveur d’« un ordre mondial aussi unifié que possible, au sein duquel les élites anglo-saxonnes sont prédominantes (p. 47) ». Z.K.B. réactualise de la sorte les vieux desseins de Cecil Rhodes, de la Fabian Society et de l’« Anglosphère » en partie matérialisée par le système Échelon. Ainsi, « l’objectif de la conquête de l’Asie centrale doit être, selon Z.K.B., d’assurer la victoire non de l’Amérique proprement dite, mais plutôt celle d’un Nouvel Ordre Mondial entièrement dominé par les grandes entreprises multinationales (occidentales principalement). Le Grand Échiquier se présente d’ailleurs comme un véritable hymne aux instances gouvernantes du mondialisme économique (Banque mondiale, F.M.I.). Z.K.B. est le premier patriote du Richistan – un pays en surplomb de tous les autres, où ne vivent que les très, très riches (p. 49) ».

Faut-il ensuite s’étonner d’y rencontrer le chantre des « sociétés ouvertes », le co-directeur de la célèbre O.N.G. bien-pensante Human Rights Watch et l’instigateur occulte des révolutions colorées, Georges Soros ? Il soutient de ses deniers « l’Open Society Fund […qui] est destiné officiellement à “ ouvrir des sociétés fermées ” (en clair : empêcher les États de réguler l’activité des grands prédateurs financiers mondialisés) (p. 55) ». Le collectif évoque une « méthode Soros » qui consiste à « semer le chaos souterrainement pour proposer ensuite la médiation qui rétablit l’ordre (p. 82) ». Il n’y a pourtant ni complot, ni conspiration de la part d’un nouveau S.P.E.C.T.R.E. cher à Ian Fleming et à son héros James Bond…

En analysant la production éditoriale d’outre-Atlantique, les auteurs observent néanmoins une nette « difficulté de la coordination entre le tendances de l’oligarchie fédérée U.S. – une oligarchie qui ne parvient à surmonter son incohérence que par la fuite en avant (p. 77) ». En effet, les différentes tendances de la « coalition hégémoniste » veulent d’abord défendre leurs propres intérêts. Ils rappellent en outre l’importance du lobby israélien aux États-Unis, groupe d’influence qui ne se recoupe pas avec l’emprise de la communauté juive sur le pays. Ils signalent aussi les liens très étroits tissés entre le Mossad et la C.I.A. au point que « la coopération entre les deux appareils de renseignement va si loin qu’on peut parler d’intégration mutuelle (p. 70) ». Via l’A.I.P.A.C. (American Israel Public Affairs Committee) et d’autres cénacles spécialisés dont l’Anti Defamation League, « spécialisée dans le harcèlement des opposants. Elle utilise très largement l’accusation d’antisémitisme et, d’une manière générale, promeut un “ souvenir ” de la Shoah qui ressemble à s’y méprendre à une stratégie d’ingénierie des perceptions visant à développer, dans la population juive, le syndrome de Massada (p. 67) », Israël est bien défendu outre-Atlantique. Or la diplomatie de la canonnière néo-conservatrice des années 2000, en chassant du pouvoir les Talibans et Saddam Hussein, a favorisé l’Iran et affaibli les soutiens arabes traditionnels des États-Unis (Égypte, Arabie Saoudite, Jordanie). Prenant acte de cette nouvelle donne non souhaitée, « il y aurait donc renversement d’alliance latent entre W.A.S.P. conservateurs réalistes de l’appareil d’État U.S., mondialistes financés par la haute finance londonienne et lobby pro-israélien néoconservateur, avec Z.K.B., le mondialiste réaliste, en médiateur (pp. 64 – 65). »

L’heure du « médiaterrorisme »

Il ne faut surtout pas se méprendre : ces conflits internes, inévitables, n’empêchent pas l’unité en cas de nécessité ou de but commun. Par ailleurs, cette « entente » emploie avec aisance le mensonge, la désinformation, l’intox et le truquage qui « est l’imprégnation progressive de la cible (p. 17) ». L’hyper-classe étatsunienne pratique une nouvelle forme de guerre : la guerre de quatrième génération (G4G). « Faisant suite à la guerre des masses en armes, à celle de la puissance de feu et à la Blitzkrieg, cette quatrième génération est définie comme la guerre de l’information, impliquant des populations entières dans tous les domaines (politique, économique, social et culturel). L’objectif de cette guerre est le système mental collectif de l’adversaire. Et par conséquent, le mental des individus qui composent sa collectivité (pp. 13 – 14). »

Selon les circonstances et les modalités d’emploi, cette G4G s’utilise diversement. « Le terrorisme est un moyen, pour un pouvoir occulte, de conserver le contrôle soit en éliminant un adversaire (instrumentalisation de l’assassin politique), soit en perturbant un processus sociopolitique (stratégie de la tension), soit en poussant un groupe assimilable à l’ennemi à commettre un acte odieux (stratégie du renversement des rôles, l’agresseur réel se faisant passer pour l’agressé – cas le plus célèbre : la conspiration des poudres, dès le XVIIe siècle, en Angleterre) (p. 106). » Les États-Unis ne sont pas en reste dans l’application régulière de cette tactique, de l’explosion de leur navire, U.S.S. Maine, dans la rade du port espagnol de La Havane en 1898 au 11 septembre 2001 en passant par le transport clandestin d’armes pour les Britanniques dans les soutes des navires neutres – dont le Lusitania – coulés entre 1915 et 1917 et l’attaque de Pearl Harbor, le 7 décembre 1941, après avoir imposé un blocus pétrolier contre le Japon et décrypter dès 1936 les codes secrets nippons… Cessons d’être naïfs ! Comme l’avait déjà bien perçu le situationniste italien Censor (1), « la manipulation du terrorisme, voire sa fabrication, est une vieille stratégie de l’oligarchie américano-britannique. Quelques exemples : Giuseppe Mazzini, au service de l’Empire britannique, pour déstabiliser l’Autriche; ou encore l’instrumentalisation notoire de la Rote Armee Fraktion par les services anglo-américains; ou encore l’instrumentalisation des Brigades Rouges par les services U.S. pour se débarrasser d’Aldo Moro, qui voulait associer le P.C. italien au gouvernement démocrate-chrétien (p. 105) ». N’oublions pas le financement et l’entraînement d’Oussama Ben Laden et d’Al-Qaïda par la C.I.A. ou bien le téléguidage de certains éléments des Groupes islamiques armés algériens par quelques agents anglo-saxons en mission commandée contre les intérêts français en Afrique du Nord, au Sahara et au Sahel…

Le terrorisme se voit compléter par l’arme médiatique. « Aux U.S.A., le storytelling est en train de devenir non seulement une méthode de gouvernement (ce qu’il était depuis longtemps), mais le gouvernement lui-même, l’acte de gouverner. La révolution amorcée pendant le Watergate vient de s’achever : désormais, la gestion de la communication est au centre de l’acte de gouverner, elle n’est plus chargée d’accompagner l’action politique, elle est l’action politique. Désormais, la politique est l’art de parler non du pays réel, mais de l’imaginaire (pp. 99 – 100, souligné par les auteurs). » Le collectif expose ensuite des cas flagrants de « médiaterrorisme » à partir des exemples irakien, afghan et iranien.

Et là encore, les auteurs apportent un tiers point de vue. Pour eux, « que l’Irak ait possédé des armes de destruction massive ne fait aucun doute, et les Anglo-Américains étaient bien placés pour le savoir : pour l’essentiel, c’est eux qui avaient fourni ces armes à Saddam Hussein. […] Il est possible qu’en franchissant la ligne séparant armes chimiques et armes bactériologiques, Saddam ait outrepassé les autorisations de ses soutiens occidentaux (pp. 91 – 92) », d’où les rétorsions financières, l’incitation suggérée par Washington de s’emparer du Koweït, la guerre du Golfe, le blocus et l’invasion de l’Irak par les gars de Bush fils.

Quant à la situation iranienne, il est clair que « l’Iran inquiète les Américains précisément parce qu’il est en train de réussir ce que les payas arabes sunnites échouent à accomplir : définir une voie musulmane vers la modernité. Les Iraniens sont en train d’entrer dans l’ère du progrès technologique sans pour autant s’occidentaliser en profondeur. La société iranienne se libère, mais pas pour s’américaniser. Téhéran menace de briser l’alternative piégée où l’Occident a jusqu’ici enfermé le monde musulman : s’occidentaliser ou végéter dans l’arriération (p. 121) ». Bref, « l’Iran est un pays musulman qui a des ambitions… et les moyens de ses ambitions (p. 123) ».

Les auteurs dénoncent le détournement médiatique par les Occidentaux des propos du président Ahmadinejad qui n’a jamais parlé de rayer Israël de la carte ! On nuancera en revanche leur appréciation convenue quand ils estiment que « l’Iran n’est pas une démocratie au sens où les pays occidentaux sont démocratiques [sic ! Nos États occidentaux sont-ils vraiment démocratiques ?], mais c’est un État de droit, où le peuple est consulté régulièrement, à défaut d’être reconnu comme pleinement souverain (p. 131) ». Comme si les électeurs français, britanniques, allemands ou espagnols étaient, eux, pleinement souverains ! La Grasse Presse a orchestré un formidable tintamarre autour de la magnifique réélection en juin 2009 d’Ahmadinejad comme elle déplore l’extraordinaire succès populaire du président Loukachenko au Bélarus le 19 décembre 2010. En fait, les premiers tours des présidentielles iranienne et bélarussienne sont plus justes, conformes et légitimes que l’élection de Bush fils en 2000 ou le second tour de la présidentielle française de 2002 ! Ce n’était pas en Iran ou au Bélarus que se déchaînèrent télés serviles et radios soumises aux ordres contre le candidat-surprise du 21 avril !

On aura compris que, dans cette perspective, « avec la G4G, l’armée des U.S.A. avoue donc qu’elle est l’armée du capitalisme globalisé, et que son arme principale est le marketing. Fondamentalement, dans l’esprit de ses promoteurs, la G4G est la guerre de contre-insurrection d’une armée d’occupation planétaire à la solde du capital (p. 14) ».

Un champ de bataille parmi d’autres…

Et la France ? Craignant « le conflit métalocal, c’est-à-dire à la fois totalement local et totalement mondial (p. 8, souligné par les auteurs) » et pensant que « le retour des nations n’est donc pas forcément celui des États-nations : seuls les États-nations cohérents sous l’angle culturel seront cohérents sous l’angle national (p. 37) ». L’État-nation est-il encore un concept pertinent avec une population de plus en plus hétérogène sur les plans ethnique, religieux et cognitif ? Le sort de France préoccupent les auteurs qui insistent fortement sur l’acuité de la question sociale. Ils notent que les fractures françaises deviennent de très larges béances. Ils décèlent dans ce contexte d’angoisse sociale les premières manœuvres de la G4G. « La guerre civile visible, entre groupes au sein de la population, constitue un terrain propice à la conduite souterraine d’une autre guerre, qui l’encourage et l’instrumentalise, c’est-à-dire la guerre des classes dirigeantes contre les peuples. Par ailleurs, avec le trafic de drogues, on a précisément un exemple de contrôle exercé par des forces supérieures sur les quartiers “ ethniques ”. D’où l’inévitable question ? : et où, derrière la constitution en France de “ zones de non-droit ”, il y avait, plus généralement, une stratégie de déstabilisation latente, constitutive du pouvoir de ceux qui peuvent déstabiliser ? (p. 145, souligné par les auteurs). » La G4G emploie des leurres et des simulacres. « Le simulacre, c’est le choc des “ civilisations ”, c’est-à-dire l’affrontement des peuples et familles de peuples. La réalité, c’est le conflit entre le haut et le bas de la structure sociale, et parfois la recherche d’une entente horizontale entre les composantes du haut de cette structure. Le simulacre, c’est presque exactement l’inverse : conflit obligé entre les structures sur une base civilisationnelle, recherche de l’entente verticale au sein de chacune d’elle (p. 152). » Attention toutefois à ne pas tomber dans le piège réductionniste et à se focaliser sur un seul problème comme l’islamisation par exemple. Les auteurs prennent bien soin de ne pas nier les chocs de civilisations qui parcourent l’histoire. Ils se refusent en revanche d’entériner tant sa version néo-conservatrice que dans sa variante angélique. « Énoncer, par exemple, qu’il n’existerait pas d’antagonisme entre populations d’origine européenne et populations d’origine extra-européenne en France serait non seulement dire une contre-vérité manifeste (et se décrédibiliser), mais encore s’inscrire dans la grille de lecture de l’adversaire, qui veut que la question de l’antagonisme soit placé au centre du débat (p. 153). »

Au bord de l’explosion générale, l’Hexagone se retrouve au centre d’une imbrication de luttes d’influence variées. « Les tensions observées en France ne peuvent se comprendre indépendamment de l’action des réseaux d’influence géopolitiques. On citera en particulier l’action des réseaux F.L.N. au sein de la population d’origine algérienne, le poids de l’islam marocain au sein de l’islam “ de France ”, l’influence certaine des services israéliens (Mossad) au sein de la population juive, à quoi il faut sans doute ajouter des influences construites par les services U.S. (pp. 141 – 142) (2) ». Écrit avant la publication des documents diplomatiques par WikiLeaks, les rapports secrets du département d’État des États-Unis prouvent l’incroyable sape des services yankees auprès des médias hexagonaux, du microcosme germano-pratin et dans les banlieues. Sur ce dernier point, Luc Bronner rapporte que « les Américains rappellent la nécessité de “ discrétion ” et de “ tact ” pour mettre en œuvre leur politique de soutien en faveur des minorités (3) ». L’objectif de Washington demeure d’éliminer une puissance gênante… Loin d’être des combattants de l’islam radical, la racaille des périphéries urbaines est plutôt l’auxiliaire zélé de l’américanisme globalitaire ! Ils en ignorent ses richesses métaphysiques et les expériences soufies et singent plutôt les Gangasta Rap yankees : on peut les qualifier sans erreur d’« Islaméricains ».

Que faire alors ? « La réponse adaptée à la guerre de quatrième génération, c’est la guerre de cinquième génération : la guerre faite pour préserver la structure générale du sens (p. 154) », soit élaborer une métapolitique liée au militantisme de terrain sans portée électorale immédiate. Et puis, ajoutent-ils, « fondamentalement, il faut faire un travail de formation (p. 154) ». Que fleurissent mille séminaires discrets d’où écloront les rébellions française et européenne ! Que se développe un ordonnancement réticulaire, polymorphe et viral des milieux de la dissidence régionale, nationale et continentale ! L’heure des hommes providentiels et des sauveurs suprêmes est révolu ! Dorénavant, l’impersonalité active doit être un impératif pour tous les militants ! Choc et Simulacre nous aide dans la juste compréhension des enjeux actuels.

Georges Feltin-Tracol
8 janvier 2011
Europe maxima

Notes :

  1. Alias Gianfranco Sanguinetti. Il publia en 1975, sous ce nom de plume, un Véridique Rapport sur les dernières chances de sauver le capitalisme en Italie, puis en 1980, Du terrorisme et de l’État, la théorie et la pratique du terrorisme divulguées pour la première fois révélant le rôle trouble des services secrets italiens dans les activités des Brigades Rouges.
  2. Il serait bienvenu (un vœu pieu ?) qu’un éditeur traduise en français l’ouvrage récent du journaliste Giovanni Fasanella et du juge anti-terroriste, Rosario Priore, qui, dans Intrigo Internazionale (Chiarelettere éditeur, Milan, 2010), dévoilent la véritable guerre secrète opposant dans les décennies 1970 – 1980 les différents « services » des puissances occidentales et atlantistes. Qui nous dit que les États-Unis ne chercheraient pas à transposer en France ce que l’Italie des « années de plomb » a connu avec une nouvelle « stratégie de la tension », cette fois-ci, activée dans les banlieues ? Par ailleurs, dans une bande dessinée politique intitulée La Droite ! : petites trahisons entre amis (scénario de Pierre Boisserie et Frédéric Ploquin, dessin de Pascal Gros et couleur d’Isabelle Lebeau, Éditions 12 bis, 2010), les auteurs assènent dans une vignette que dans les années 1970, le S.D.E.C.E. (le contre-espionnage extérieur français) était partagé entre les obligés des Anglo-Saxons et les affidés des services israéliens…
  3.  Luc Bronner, Le Monde, 2 décembre 2010. • Collectif européen pour une information libre présenté par Michel Drac, Choc et Simulacre, éditions Le Retour aux Sources, 2010, 164 p.

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samedi, 22 janvier 2011

Adam Fergusson's "When Money Dies"

Adam Fergusson’s When Money Dies

Alex KURTAGIC

Ex: http://www.counter-currents.com/

Adam Fergusson
When Money Dies: The Nightmare of Deficit Spending, Devaluation, and Hyperinflation in Weimar Germany
Old Street Publishing, 2010

Warren Buffett recommendations notwithstanding, it says something about the state of our economy when someone decides it is time to resurrect a 35-year-old account of the Weimar-era hyperinflation.

Written during the stagflationary 1970s, Adam Fergusson’s When Money Dies: The Nightmare of the Weimar Hyperinflation contains much to titillate our morbid curiosity, besides an instructive illustration of what we can expect should the Austrian economists’ gloomiest prophecies ever come true.  (The book, long out of print, was fetching close to $700 on eBay this summer, and has now been made available in electronic format.)

Defined in the present text as occurring when the rate of inflation exceeds 50 percent per month, hyperinflation is caused by an uncontrolled increase in the money supply and a loss of confidence in the currency. Because of the absence of a tendency towards equilibrium, fear of the rapid and continuous loss of value makes people unwilling to hold on to the money for any longer than is necessary to convert it into tangible goods or services. Hyperinflation is therefore characterized by very rapid depreciation and a dramatic increase in the velocity of the circulation of money.

Although the most famous (because it was the first to have been systematically observed and because it was deemed to have made Hitler possible), the hyperinflation of Weimar-era Germany, where Papiermark-denominated prices came to double every 3.7 days, takes “only” fourth place in the hyperinflationary hall of fame. The first place belongs to post-World War II Hungary, where in July 1946 pengő-denominated prices doubled every 15 hours. The second place belongs to Mugabe-era Zimbabwe, where in November 2008 Zimbabwean dollar-denominated prices doubled every 24.7 hours. And the third place belongs to Balkans War-era Yugoslavia, where in January 1994 Yugoslav dinar-denominated prices doubled every 1.4 days.

In Germany the inflationary cycle had already begun during World War I, when the paper mark went from 20 to the pound (at the time worth around 4 dollars) to 43 to the pound by war’s end. Although the paper mark continued tumbling downward, spiking momentarily in the first quarter of 1920, it recovered somewhat afterwards and remained more or less stable until the first half of 1921. The London Ultimatum, however, which demanded war reparations to be paid in gold marks to the tune of 2,000,000,000 per annum, plus 26 per cent of the value of German exports, triggered a new leg of rapid depreciation. The French policy towards Germany, backed by the British, was virulently vengeful, and imposed an onerous burden on Germany’s economy: in fact, the amount demanded was in excess of Germany’s total holding of gold or foreign exchange. The deficit in the budget, of which reparations contributed a third, was made up by discounting government Treasury bills and printing money.

Despite a momentary respite during the first half of 1922, during which international reparations conferences caused the paper mark to stabilize at around 320 to the dollar, the lack of an agreement triggered a new crisis, resulting in a phase of hyperinflation. Fuelled by the German government’s policy of passive resistance to French occupation of the Ruhr, which from January 1923 meant subsidizing through money-printing an anti-occupation strike by German workers, said hyperinflation escalated exponentially until November that year, when the introduction of the Rentenmark finally stopped the economic rot. By that time the German currency had fallen to 4,200,000,000,000 paper marks to the dollar.

Fergusson attributed the extraordinary self-inflicted destruction of Germany’s monetary system to a failure on the part of its government and the Reichsbank to link currency depreciation to money printing. Depreciation was initially believed to have been the result of the Entente powers forcing up foreign exchange through market manipulations. The German public appeared equally ignorant, believing that prices were going up as opposed to the value of their currency going down. Anti-Semitic explanations, not refuted by visible examples of vulgar Jewish ostentation, financial acrobatics, and profiteering, were also popular. The consequent misery and economic chaos showed the weaknesses of the chartalist monetary standard.

Combining a clear exposition with contemporary private diary entries, When Money Dies offers a harrowing narrative. The Weimar inflation obliterated savings, devoured wages, and caused assets to be distributed in the most unfair ways imaginable. As the wealthy had the means to protect themselves and even take advantage of the situation, and as the working class was organized and able to secure wage increases through frequent strikes and union demands, the main victims were the middle class — professionals, civil servants, the rentier class, and those on fixed incomes, who were reduced to penury and destitution. Landlords were also affected as a result of government-imposed rent controls.

The industrialist class, on the other hand, was not unhappy with the inflation, as they benefited from it. Indeed, some industrialists and profiteers made fortunes at everyone’s expense. Individual industrialists were able to acquire assets (usually fixed assets and raw materials) for minuscule amounts by securing large bank loans that became virtually worthless within weeks because of the low interest rates. Said industrialists also welcomed the virtual destruction of fiscal burdens: high inflation also made tax assessments worthless by the time taxes were due.

One of the effects of inflation was to turn everyone into a speculator — in the stock market, in foreign exchange, in commodities, and in assets, which offered protection from depreciation as well as profit opportunities. Foreign visitors in Germany were also able to take advantage of a notable differential between the official rate of foreign exchange and prices in real terms within Germany, where in relation to solid currencies like the dollar and the pound goods and services were available at bargain prices.

For most of the inflationary period Germany enjoyed full employment, but the incentive to work hard and save was progressively eroded by the increasing fugacity of purchasing power. The main concern was somehow keeping ahead of the mark’s accelerating depreciation, so as to be able to still obtain the necessities of life. Payday had to come with increasing frequency, and finally daily in order to keep up with prices, which rose with increasing rapidity until they changed by the hour. Part of the rise was due to the need to factor in depreciation occurring between the time the money was paid to the merchant and the time the merchant was able to dispose of it. It became the norm to spend money as quickly as it was obtained and for shops to sell out in a single day. Coffees were ordered two at a time, to avoid having to pay more for any second cup. Barter, bribes, and corruption also became universal.

Despite the prodigious nominal amounts, people’s main problem during this period was a chronic scarcity of money. Dozens of paper mills and printing firms and thousands of printing machines working night and day could not keep up with prices, causing the total amount of money in circulation constantly to decrease in real terms. Obviously, the more furious the money printing, the more acute the rate of depreciation, but his was something apparently not understood by Rudolf Havenstein, the president of the Reichsbank (German central bank), whose main preoccupation was ensuring there was enough money available to meet economic needs. Depreciation accelerated to such a degree that it eventually made more sense directly to burn money in the stove than first use it to purchase wood.

The scarcity of money was reflected in the government’s budget, which dwindled to paltry amounts in real terms, further aided by the breakdown of the taxation system and the ridiculously low price of stamps and railway fares. By the end of the hyperinflationary cycle, the government’s income was a fraction of 1 percent of its outgoings.

Food became progressively scarce as a result of hoarding and the refusal by farmers to sell their produce against worthless paper. Farmers were, in fact, relatively well off until almost the end, as they were able to produce their own food. City-dwellers were forced to sell their possessions in exchange for comestibles, and those visiting friends or relatives witnessed the latter’s flats gradually emptying of furniture, paintings, and any movable asset of value. Once these were gone, looting and farm raids was the next step for some. For others it was starvation and death.

The highest denomination note, issued towards the end of 1923, was 100,000,000,000,000 marks (compare with Hungary’s 100,000,000,000,000,000,000 pengő note in 1946). By this time, Dr. Havenstein had the equivalent of 300 ten-tonne train wagons of unissued bank notes awaiting distribution for the day. The mark, however, had become not only worthless but largely shunned in favour of foreign currencies and tangible assets. Also in circulation were not only the official Papiermark issued by the central bank but also emergency money issued by municipalities, local banks, and even private firms in the effort to make up for money shortages. Such an environment had made it impossible to ascertain with precision the value of anything, as sellers used their own indexes and asked whatever they thought they could get people to pay for their goods or services. The chaos and economic breakdown was so complete that Germany by late 1923 was on the verge dismemberment, with the republic having long been under siege from both Communists and the Far Right. Hitler, who attempted his Beer Hall Putsch in November that year, was among the agitators.

The death of Dr. Havenstein and the appointment of Dr. Hjalmar Schacht, marked the end of Weimar hyperinflation. This occurred under the auspices of a military dictatorship, comprised of Hans von Streisser, Otto von Lossow, and Gustav von Kahr, appointed by Prime Minister Eugen von Knilling, who, following a period of political violence an assassinations had declared martial law in September 1923. The discounting of Treasury bills was stopped and the Rentenmark — a temporary currency — was introduced at the rate of 1,000,000,000,000 Papiermark to 1 Rentenmark; also, debts were largely rescinded, unfairly to the detriment of many. Somehow, the confidence trick worked and a semblance of normality returned. Unfortunately, however, the price of stopping hyperinflation was steep and known in advance: mass unemployment, a sharp economic slowdown, and bankruptcies. The hyperinflation was allowed to carry on as long as it did partly because of an absence of political will to swallow the necessary bitter medicine.

Among the casualties were some of the industrialists and profiteers who were caught out in the hyperinflationary game of musical chairs once the currency reform was enacted. Those who survived and had benefited from the economic conditions were forced to adjust to the dull world of hard work, thrift, small profits, and taxes. Some, like the Jewish-Lithuanian Barmat brothers, still managed to exploit the situation to their advantage: they converted their assets into the new, strong mark and issued loans at extortionate rates of interest (of up to 100 percent) while credit was nearly impossible to find elsewhere. Hyperinflation had bred universal corruption, however — a world of dog-eat-dog rapacity, opportunism, and pauperized billionaires, where the worst human instincts flourished and became a matter of survival.

The post-hyperinflationary credit crunch was, not surprisingly followed by a credit boom: starved of money and basic necessities for so long (do not forget the hyperinflation had come directly after defeat in The Great War), many funded lavish lifestyles through borrowing during the second half of the 1920s. We know how that ended, of course: in The Great Depression, which eventually saw the end of the Weimar Republic and the beginning of the National Socialist era.

From the vantage-point of 2010, we see glimpses in Fergusson’s account of the way events might play out in the United States and possibly Western Europe in the coming years, absent any political will to tackle the mountain of public and private debt, the enormous budget deficits, and the stupendous above-growth monetary expansion of the past decade. The crises are likely to be similar in kind, but follow a different order. The credit boom of the 2000s has been followed by the credit crunch of the late 2000s. Analysts of the Austrian school deem us to be in the initial stages of a Second Great Depression, and vaticinate much worse to come.

Personally, I sometimes get tired of the unrelenting pessimism coming from some Austrian-influenced quarters, and wonder whether there is not a morbid curiosity there — untempered by personal experience — to witness a catastrophic collapse; but, all the same, I am not going to take chances and risk losing the little I have because I was bored by the truculent fantasies of some cleverer-than-thou commentators. When Money Dies is well worth reading if you are searching for a real-life overview of the sequence of weird phenomena that emerge during a inflationary cycle. Those who can would be well advised to use it and related texts to design in advance coping strategies in the event of monetary failure.

PS: For a fictional preview of what a hyperinflationary blowout might look like in Europe and the United States in 2022, see my novel Mister (Iron Sky Publishing, 2009).

Source: http://www.wermodandwermod.com/newsitems/news130120111511.html

mardi, 18 janvier 2011

Evolving into Consumerism -and Beyond it: Geoffrey Miller's "Spent"

Evolving into Consumerism—and Beyond It:
Geoffrey Miller’s Spent

Alex KURTAGIC

Ex: http://www.counter-currents.com/

Geoffrey Miller
Spent: Sex, Evolution, and Consumer Behavior
New York: Viking, 2009

31--B9alQzL.jpgWhen I was asked to review this book, I half groaned because I was sure of what to expect and I also knew it was not going to broaden my knowledge in a significant way. From my earlier reading up on other, but tangentially related subject areas (e.g., advertising), I already knew, and it seemed more than obvious to me, that consumer behavior had an evolutionary basis. Therefore, I expected this book would not make me look at the world in an entirely different way, but, rather, would reaffirm, maybe clarify, and hopefully deepen by a micron or two, my existing knowledge on the topic. The book is written for a popular audience, so my expectations were met. Fortunately, however, reading it proved not to be a chore: the style is very readable, the information is well-organized, and there are a number of unexpected surprises along the way to keep the reader engaged.

Coming from a humanities educational background, I was familiar with Jean Baudrillard’s treatment of consumerism through his early works: The System of Objects (1968), The Consumer Society: Myths and Structures (1970), and For a Critique of the Political Economy of the Sign (1972). Baudrillard believed that there were four ways an object acquired value: through its functional value (similar to the Marxian use-value); through its exchange, or economic value; through its symbolic value (the object’s relationship to a subject, or individual, such as an engagement ring to a young lady or a medal to an Olympic athlete); and, finally, through its sign value (the object’s value within a system of objects, whereby a Montblanc fountain-pen may signify higher socioeconomic status than a Bic ball-pen, or a Fair Trade organic chicken may signify certain social values in relation to a chicken that has been intensively farmed). Baudrillard focused most of his energy on the latter forms of value. Writing at the juncture between evolutionary psychology and marketing, Geoffrey Miller (an evolutionary psychologist) does the same here, except from a purely biological perspective.

The are three core ideas in Spent: firstly, conspicuous consumption is essentially a narcissistic process being used by humans to signal their biological fitness to others while also pleasuring themselves; secondly, this processes is unreliable, as humans cheat by broadcasting fraudulent signals in an effort to flatter themselves and achieve higher social status; and thirdly, this process is also inefficient, as the need for continuous economic growth has led capitalists since the 1950s to manufacture products with built-in obsolescence, thus fueling a wasteful process of continuous substandard production and continuous consumption and rubbish generation. In other words, we live in a world where insatiable and amoral capitalists constantly make flimsy products with ever-changing designs and ever-higher specifications so that they break quickly and/or cause embarrassment after a year, and humans, motivated by primordial mating and hedonistic urges that have evolved biological bases, are thus compelled to frequently replace their consumer goods with newer and better models — usually the most expensive ones they can afford — so that they can delude themselves and others into thinking that they are higher-quality humans than they really are.

Miller tells us that levels of fitness are advertised by humans along six independent dimensions, comprised of general intelligence, and the five dimensions that define the human personality: openness to experience, conscientiousness, agreeableness, stability, and extraversion. Extending or drawing from theories expounded by Thorstein Veblen and Amotz Zahavi (the latter’s are not mainstream), Miller also tells us that, because fraudulent fitness signaling is part and parcel of animal behavior, humans, like other animals, will attempt to prove the authenticity of their signals by making their signaling a costly endeavor that is beyond the means of a faker. Signaling can be rendered costly through its being conspicuously wasteful (getting an MA at Oxford), conspicuously precise (getting an MIT PhD), or a conspicuous badge of reputation (getting a Harvard MBA) that requires effort to achieve, is difficult to maintain, and entails severe punishment if forged. Miller attempts to highlight the degree to which these strategies are wasteful when he points out that, in as much as university credentials are a proxy for general intelligence, both job seekers and prospective employers could much more efficiently determine a job seeker’s general intelligence with a simple, quick, and cheap IQ test.

As expected, we are told here that signaling behavior becomes, according to experimental data, exaggerated when humans are what Miller calls “mating-primed” (on the pull). Also as expected, men and women exhibit different proclivities: males emphasizing aggression and openness to experience by performing impressive and unexpected feats in front of desirable females, and females emphasizing agreeableness through participation in, for example, charitable events. And again as expected, Miller tells us that while dumb, young humans engaging in fitness signaling will tend to emphasize body-enhancing consumption (e.g., breast implants, muscle-building powders, platform shoes), older, more intelligent humans, educated by experience on the futility of such strategies, instead emphasize their general intelligence, conscientiousness, and stability through effective maintenance of their appearance, via regular exercise, sensible diet, careful grooming, and tasteful fashion. Still, this strategy follows biologically-determined patters: as women’s physiognomic indicators of fertility (eye size; sclera whiteness; lip coloration, fullness, and eversion; breast size; etc.) peak in their mid twenties, older women will apply make-up and opt for sartorial strategies that compensate for the progressive fading of these traits, in a subconscious effort to indicate genetic quality and stability, as well as — as mentioned above — conscientiousness.

Less expected were some of the explanations for some human consumer choices: when a human purchases a top-of-the-line, fully featured piece of electronic equipment, be it a stereo or a sewing machine, the features are less important than the opportunity the equipment provides its owner to talk about them, and thus signal his/her intelligence through their detailed, jargon-laden enumeration and description. This makes perfect sense, of course, and reading it provided theoretical confirmation of the correctness of my decision in the 1990s, when, after noticing that I only ever used a fraction of all available features and functions in any piece of electronic equipment, I decided to build a recording studio with the simplest justifiable models by the best possible brands.

Even less expected for me where some of the facts outside the topic of this book. Miller, conscious of the disrepute into which the evolutionary sciences have fallen due to foaming-at-the-mouth Marxist activists — Stephen Jay Gould, Leon Kamin, Steven Rose, and Richard Lewontin — and ultra-orthodox nurture bigots in modern academia, makes sure to precede his discussion by describing himself as a liberal, and by enumerating a horripilating catalogue of liberal credentials (he classes himself as a “feminist,” for example). He also goes on to cite survey data that shows most evolutionary psychologists in contemporary academia are socially liberal, like him. It is a sad state of affairs when a scientist feels obligated to asseverate his political correctness in order to avoid ostracism.

Unusually, however, Miller seems an honest liberal (even if he contradicts himself, as in pp. 297-8), and is critical in the first chapters as well as in the later chapters of the Marxist death-grip on academic freedom of inquiry and expression and of the cult of diversity and multiculturalism. The latter occurs in the context of a discussion on the various possible alternatives to a society based on conspicuous consumption, which occupies the final four chapters of this book. Miller believes that the multiculturalist ideology is an obstacle to overcoming the consumer society because it prevents the expression of individuality and the formation of communities with alternative norms and forms of social display. This is because humans, when left to freely associate, tend to cluster in communities with shared traits, while multiculturalist legislation is designed to prevent freedom of association. Moreover, and citing Robert Putnam’s research (but also making sure to clarify he does not think diversity is bad), Miller argues that “[t]here is increasing evidence that communities with a chaotic diversity of social norms do not function very well” (p. 297). Since the only loophole in anti-discrimination laws is income, the result is that people are then motivated to escape multiculturalism is through economic stratification, by renting or buying at higher price points, thus causing the formation of

low-income ghettos, working-class tract houses, professional exurbs: a form of assortative living by income, which correlates only moderately with intelligence and conscientiousness.

. . .

[W]hen economic stratification is the only basis for choosing where to live, wealth becomes reified as the central form of status in every community — the lowest common denominator of human virtue, the only trait-display game in town. Since you end up living next to people who might well respect wildly different intellectual, political, social, and moral values, the only way to compete for status is through conspicuous consumption. Grow a greener lawn, buy a bigger car, add a media room . . . (p. 300)

This is a very interesting and valid argument, linking the evils of multiculturalism with the consumer society in a way that I had not come across before.

Miller’s exploration of the various possible ways we could explode the consumer society does get rather silly at times (at one point, Miller considers the idea of tattooing genetic trait levels on people’s faces; and elsewhere he weighs requiring consumers to qualify to purchase certain products, on the basis of how these products reflect their actual genetic endowments). However, when he eventually reaches a serious recommendation, it is one I can agree with: promoting product longevity. In other words, shifting production away from the contemporary profit-oriented paradigm of cheap, rapidly-obsolescing, throwaway products and towards the manufacture of high quality, long-lasting ones, that can be easily serviced and repaired. This suggests a return to the manufacturing standards we last saw during the Victorian era, which never fails to put a smile on my face. Miller believes that this can be achieved using the tax system, and he proposes abolishing the income tax and instituting a progressive consumption tax designed to make cheap, throwaway products more expensive than sturdy ones.

Frankly, I detest the idea of any kind of tax, since I see it today as a forced asset confiscation practiced by governments who are intent in destroying me and anyone like me; but if there has to be tax, if that is the only way to clear the world out of the perpetual inundation of tacky rubbish, and if that is the only way to obliterate the miserable businesses that pump it out day after day by the centillions, then let it mercilessly punish low quality — let it sadistically flog manufacturers of low-quality products with the scourging whip of fiscal law until they squeal with pain, rip their hair out, and rend their garments as they see their profits plummet at the speed of light and completely and forever disappear into the black hole of categorical bankruptcy.

If you are looking for a deadly serious, arid text of hard-core science, Spent is not for you: the same information can be presented in a more detailed, programmatic, and reliable manner than it is here; this book is written to entertain as much as it is to educate a popular audience. If you are looking for a readable overview, a refresher, or an update on how evolved biology interacts with marketing and consumption, and would appreciate a few key insights as a prelude to further study, Spent is an easy basic text. It should be noted, however, that his area of research is still in relative infancy, and there is here a certain amount of speculation laced with proper science. Therefore, if you are interested in this topic, and are an activist or businessman interested in developing more effective ways to market your message or products, you may want to adopt an interdisciplinary approach and read this alongside Jacques Ellul’s Propaganda: The Formation of Men’s Attitudes, Jean Baudrillard’s early works on consumerism, and some of the texts in Miller’s own bibliography, which include — surprise, surprise! — The Bell Curve: Intelligence and Class Structure in American Life, by Richard Herrnstein and Charles Murray, and The Global Bell Curve: Race, IQ, and Inequality Worldwide, by Richard Lynn, among others.

TOQ Online, August 14, 2009

samedi, 15 janvier 2011

Philippe Conrad présente "L'Amérique solitaire?" de Hervé Coutau-Bégarie

Philippe Conrad présente "L'Amérique solitaire?" de Hervé Coutau-Bégarie

jeudi, 13 janvier 2011

Les Indo-Européens de Jean Haudry


Les Indo-Européens de Jean Haudry

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mercredi, 12 janvier 2011

A quand une repentance pour les "captifs en Barbarie"?

A quand une repentance pour les « captifs en Barbarie » ?

Ex: http://www.polemia.com/ 

 

Des centaines de livres sont consacrés chaque année aux Africains vendus (généralement par leurs compatriotes) aux négriers fournissant les colonies d’outre-Atlantique. Un calvaire également détaillé dans de multiples films et émissions de télévision et solennellement évoqué chaque 10 mai par la « Journée commémorative des mémoires de la traite négrière, de l’esclavage et de leur abolition » instituée (sans crainte de la redondance !) par Jacques Chirac en 2005 avant que Nicolas Sarkozy n’y aille de sa larme le 8 janvier dernier lors de son hommage antillais à Aimé Césaire. Mais qui rappelle le martyre des esclaves blancs, plus d’un million selon l’historien anglais Giles Milton ?

captifs.jpgDans son roman policier Le Phare, paru en 2008 à LGF/Livre de Poche et qu’elle situe à Combe Island, au large de la Cornouailles, l’Anglaise P. D. James signale à plusieurs reprises la terreur exercée par les pirates maghrébins, surtout ceux de Rabat-Salé, sur les côtes sud de l’Angleterre où ils s’étaient emparés de plusieurs îles, transformées en bastions. Le sort tragique et « l’histoire extraordinaire des esclaves européens en terre d’islam », c’est justement ce qu’a étudié l’historien Giles Milton, anglais lui aussi, dans Captifs en Barbarie.

Plus d’un million d’esclaves blancs

On sait quelle ampleur avait prise la piraterie barbaresque en Méditerranée et le péril qu’elle faisait courir aux populations riveraines, au point que la prise de la Régence d’Alger par la France, en 1830, fut approuvée et accueillie avec soulagement par toute l’Europe. Même si une cousine de la future impératrice Joséphine, la Créole Aimée Dubuc de Rivery, qui avait pris place sur un bateau pour la Métropole, vit le navire arraisonné et ses passagers vendus en esclavage, elle-même étant destinée au harem du sultan de Stamboul, on sait moins que cette piraterie fut presque aussi active dans l’Atlantique. A partir des côtes marocaines furent ainsi razziés aux XVIIe et XVIIe siècle non seulement des Britanniques mais aussi des Scandinaves, des Islandais, des colons du Groenland et même des Américains.

Après de longs recoupements, Giles Milton estime à plus de un million le nombre des esclaves occidentaux dont une infirme minorité put recouvrer la liberté, grâce au versement d’une rançon ou par évasion — cas du Cornouaillais Thomas Pellow, enlevé en 1715 à l’âge de onze ans, enfin libre vint ans plus tard et dont l’autobiographie publiée en 1740, après son miraculeux retour en Angleterre, sert à l’auteur de fil conducteur.

A l’époque comme aujourd’hui en Afghanistan et surtout en Afrique (qu’on pense à la Somalie, au Mali où croupissent plusieurs Français), la prise d’otages occidentaux était pratiquée à grande échelle pour obtenir d’abord d’extravagantes rançons, surtout quand ces otages étaient de hauts personnages, mais aussi pour obtenir aussi des appuis politiques et des retournements d’alliances. Ainsi le Maroc multiplia-t-il au début du XVIIe siècle les razzias d’Anglais dans le dessein d’obliger le roi Jacques 1er Stuart à attaquer l’Espagne.

Une main-d’œuvre à bon marché

Mais la cause principale était évidemment de se procurer au moindre coût une énorme main-d’œuvre. Celle-ci étant par exemple nécessaire à la réalisation des projets pharaoniques du sultan alaouite Moulay Ismaïl qui régna de 1672 à 1727 et dont l’obsession était de surpasser Louis XIV, qu’il sommait d’ailleurs de se convertir à l’islam… Ce qui n’empêchait d’ailleurs pas ce fervent musulman de se saouler rituellement à mort pour fêter la fin du ramadan ! Pour que son ensemble palatial de Meknès, avec notamment le Dar el-Mansour, « haut de plus de cinquante mètres », fût infiniment plus vaste et plus imposant que Versailles, le monarque avait donc besoin d’une masse d’ouvriers mais aussi d’artisans, de contremaîtres et d’architectes que seuls pouvaient lui procurer les pirates écumant les côtes européennes. Selon l’historien arabe Ahmad al-Zayyani cité par Milton, il y eut simultanément à Meknès jusqu’à 25 000 esclaves européens, soit une population « à peu près égale à celle d’Alger ».

Certes, il y avait un moyen pour les captifs d’adoucir leur servitude : embrasser l’islam, comme l’avait fait le renégat hollandais Jan Janszoon, devenus l’un des plus redoutables et des plus riches chefs pirates sous le nom de Mourad Raïs. Mais la foi étant encore si grande et si profonde à l’époque, bien peu s’y résolurent, préférant l’enfer sur terre à l’Enfer au Ciel.

Car c’est bien la géhenne que ces malheureux subissaient sous la férule d’une sanguinaire Garde noire, qui terrorisait autant qu’elle surveillait. Ces Noirs, « d’une hauteur prodigieuse, d’un regard épouvantable et d’une voix aussi terrible que l’aboiement de Cerbère » selon l’ancien esclave français Germain Moüette, n’hésitaient pas à recourir aux châtiments les plus extrêmes, voire à la peine capitale, à l’encontre des prisonniers rétifs, ou simplement trop malades et donc incapable de fournir le labeur exigé d’eux malgré les rations de vin et d’eau-de-vie procurées par les juifs, courtiers habituels entre les pirates et Moulay Ismaïl.

Non content de procéder aux pires profanations — après la prise de la place-forte espagnole de la Memora en 1688, le souverain alaouite se fit apporter les statues de la Vierge et des saints afin qu’il puisse « cracher sur elles » avant de les faire briser— Moulay Ismaïl prenait grand plaisir au spectacle de la torture. Selon le récit de Harrison, ambassadeur anglais venu négocier le rachat de ses compatriotes et surtout des femmes, le sultan, qui se déplaçait volontiers sur un « char doré, tiré non par des chevaux mais par un attelage d’épouses et d’eunuques », pour la plupart européens, « faisait battre les hommes presque à mort en sa présence, certains sous la plante des pieds et il les forçait ensuite à courir sur des cailloux et des épines. Certains des esclaves avaient été traînés par des chevaux jusqu’à être mis en pièces. D’autres avaient même été démembrés alors qu’ils étaient encore vivants, leurs doigts et orteils coupés aux articulations ; bras et jambes, tête, etc. »

L’un des chapitres les plus sombres de l’histoire de l’humanité

Un traitement sadique que ne subirent jamais les victimes de la traite triangulaire. « Etre esclave en Géorgie, voilà le vœu d’un ouvrier lyonnais », devait d’ailleurs écrire l’humoriste français Alphonse Karr à la veille de la guerre de Sécession. Certes, tous les « captifs en Barbarie », et notamment au Maroc, pays dont on nous dit être de haute civilisation et profondément humaniste, ne furent pas traités de manière aussi inhumaine. Comme dans d’autres camps, plus récents, beaucoup succombèrent non sous les coups ou la question, mais du fait d’épidémies décimant des organismes affaiblis par la faim, le froid des nuits d’hiver et surtout une promiscuité immonde, les esclaves regroupés dans des cellules surpeuplées vivant dans leurs immondices.

Nul ne saurait bien sûr, et surtout pas notre Nomenklatura politique (Nicolas et Carla Sarkozy, Jacques et Bernadette Chirac, Dominique et Anne Strauss-Kahn, Béatrice et Jean-Louis Borloo, Patrick et Isabelle Balkany, Ségolène Royal, Jean-Paul Huchon et quelques autres) qui vient de passer Noël au Maroc, exiger une repentance en bonne et due forme de la part de « notre ami le roi » Mohamed VI, actuel descendant de l’Alaouite Moulay Ismaïl. Mais l’Ecole de la République, si prolixe sur le sort des esclaves noirs, ne pourrait-elle du moins renseigner nos chères têtes blondes, et autres, sur ce que fut de l’autre côté de la Méditerranée le sort des esclaves blancs ? Cette ordalie subie par plus d’un million d’Européens constitue, Giles Milton est formel sur ce point, « l’un des chapitres les plus sombres de l’histoire de l’humanité ». Pourquoi en est-elle aussi le chapitre le plus systématiquement occulté ?

Claude Lorne
08/01/2011

Giles. Milton, Captifs en Barbarie / L’histoire extraordinaire des esclaves européens en terre d’Islam, traduction de l’anglais de Florence Bertrand, Payot coll. Petite Bibliothèque, 2008, 343 pages, 9,50€

Correspondance Polémia – 09/01/2011

Les confessions d'un Danubien

Despotica, modes d’emploi : les confessions d’un Danubien

par André WAROCH

slobo.jpgQuand j’étais adolescent, le monde orthodoxe et/ou balkanique m’apparaissait comme peuplé de sauvages, prêts à s’étriper pour un morceau de territoire perdu lors d’une obscure guerre antique.

Je me rappelle que mon frère et moi, en regardant à la télévision un match de tennis opposant Yevgeny Kafelnikov à Goran Ivanisevic, plaisantions sur le  fait qu’Ivanisevic voulait gagner à tout prix, les Russes ayant probablement, il y a quelques décennies, incendié son village et violé sa grand-mère.

Mon premier contact avec Slobodan Despot fut la lecture d’un article sur la question slave en Europe, article qui fut le point de départ d’une réflexion que je menais, à mon tour, sur cette partie de l’Europe ayant rejeté le centralisme vaticaniste et l’alphabet latin.

Si ce texte m’avait marqué, en revanche le nom et le prénom de l’auteur s’étaient complètement effacés de mon esprit. C’est ainsi qu’à la suite d’un de mes articles publiés sur Europe Maxima et intitulé « L’Europe et la civilisation orthodoxe » (1), Georges Feltin-Tracol me fit parvenir un message de félicitations provenant d’un certain Slobodan Despot, qui m’apparut évidemment d’emblée comme extrêmement sympathique.

Je finis par faire le rapprochement entre l’homme qui, le premier, avait fait naître chez moi une curiosité certaine pour l’Europe orientale, et celui qui me félicitait, quelques années plus tard, pour la pertinence de mes propos.

Ironie de l’affaire, l’article qui me valait ces louanges contenait, entre autres, une critique virulente de certains propos de Dominique Venner, rédacteur en chef de la Nouvelle Revue d’Histoire. Or, c’est la N.R.H. qui avait publié le fameux texte de Despot sur la question slave, au début des années 2000.

Aujourd’hui, Slobodan Despot nous livre donc Despotica, modes d’emploi, ouvrage constitué de courts textes, de fragments, d’observations. Supérieurement écrits, les textes de Despotica prennent le même chemin que les eaux du Danube, en inversant le sens du courant : prenant leur source quelque part à l’Est, ils s’écoulent lentement vers l’Ouest à travers les Balkans, puis, arrivés au bout de leur périple, se perdent en Occident.

L’auteur nous parle de la Serbie, de sa fille, de la mort d’un ami, de l’Europe malade, de Robert Plant, de Linda Lemay. « Éditeur insoumis et provocant, Slobodan Despot apparaît dans ses propres textes plus méditatif et plus poétique à la fois. » La quatrième de couverture ne ment pas. L’auteur n’est pas un polémiste acharné, remuant avec frénésie son couteau de Tchetnik dans les plaies purulentes de l’Occident. Il gravite pourtant dans un univers souvent ultra-politisé ou se croisent, selon ses propres termes, « guerriers et pamphlétaires », nationalistes français, russes, serbes, gauchistes révolutionnaires, libertariens, irrédentistes de toutes obédiences.

Il y a chez Slobodan Despot cette modestie, ce goût des autres, cette normalité, cette absence de mégalomanie qui lui ont fait choisir le métier d’éditeur. On chercherait en vain dans quelque paragraphe de son livre la moindre trace de haine, d’aigreur et de ressentiment, même quand il défend son pays, la Serbie, martyrisée par une coalition occidentalo-islamo-croate, amputé du Kossovo comme on vous amputerait du cœur. Mais il y a de l’amour chez Despot, chrétien authentique qui ne porte en lui aucune trace de cette perversité, de ce cynisme immonde qui ont fait de l’Europe occidentale leur terre d’élection, et particulièrement en France, qui n’est pas pour rien le pays de La Rochefoucauld.

Slobodan Despot n’est pas un guerrier : mais c’est un rebelle de fait. Il ne vit pas dans le monde moderne, ce monde moderne qui a tellement dévoré l’Occident qu’il est presque devenu son synonyme. Pour cette raison, certains ont voulu cesser d’utiliser, indifféremment,  les mots Europe et Occident pour désigner la même civilisation terminale. Mais qu’est-ce qui fait que l’Europe ne se confond pas encore complètement avec l’Occident/monde moderne, si ce n’est l’orthodoxie ?

A contrario de ses activités éditoriales, il y a chez Despot une douceur, une lenteur, une littérature qu’il faut peut-être chercher dans ses origines. Citoyen suisse d’origine serbe, de langue française et de religion orthodoxe, il connaît de l’intérieur les deux parties de l’Europe. Mais il n’est pas qu’un individu coincé entre ces deux masses gigantesques que sont l’ex-Chrétienté et les fils de Byzance.

La Serbie et la Suisse font de cet homme, issu de deux empires, un provincial de l’Europe, pour être plus précis : un Danubien.

André Waroch

Note

1 : Ce texte ne figure plus sur le présent site. Il se trouve désormais dans André Waroch, Les Larmes d’Europe, préface de Georges Feltin-Tracol, Le Polémarque Éditions, Nancy, 2010 (N.D.L.R.).

• Slobodan Despot, Despotica. Modes d’emploi, préface de Michel Maffesoli, Éditions Xénia, coll. « Franchises », 176 p., 16 €.


Article printed from Europe Maxima: http://www.europemaxima.com

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mardi, 11 janvier 2011

Confessions of a Reluctant Hater

Now Available for Pre-Order:
 Confessions of a Reluctant Hater

Counter-Currents is pleased to announce our third limited edition hardcover:

Greg Johnson
Confessions of a Reluctant Hater
San Francisco: Counter-Currents, 2010
162 pages

Hardcover: $30 (limited edition of 100 signed and numbered copies)

Note: If you choose the Economy shipping option, you can ship up to three copies for the same flat rate: $5 in the US, $11 to Canada, and $13 to the rest of the world.

Release date: January 31, 2011

Confessions of a Reluctant Hater is a collection of short essays, reviews, and topical opinion pieces written between 2002 and 2010. Greg Johnson believes that multiculturalism and multiracialism are a death-sentence for the white race. He believes that only a White Republic offers a solution, and only an explicitly race-wise and Jew-wise White Nationalism will get us there.

Yet Greg Johnson shows that White Nationalism is not a rigid Right-wing orthodoxy, by including searching and controversial essays on drug legalization, race-mixing, homosexuality, and “West Coast White Nationalism.” He also argues that White Nationalism will not triumph until white racial consciousness leaves its Right-wing ghetto and becomes the common sense of the whole political spectrum.

Greg Johnson is a master of defending radical and uncompromising views in clear, engaging, sometimes brutally frank language, employing seductive logic, vivid examples, and a dash of savage wit. Confessions of a Reluctant Hater is an accessible but challenging introduction to White Nationalism by one of the leading voices of the North American New Right.

Advance Praise for Confessions of a Reluctant Hater:

Greg Johnson’s work is something rarely seen but badly needed on the so-called New Right.  His learning is both wide and deep, but lightly worn and not afraid to challenge the orthodoxies of Left and Right   He brings a sensitivity both West Coast and Traditional to the cultural politics of today.  The works collected here will, like his website, serve as a foundation for any serious attempt to regain control over our destiny.

—James J. O’Meara

Greg Johnson is a rare writer, in that he can combine lucid insights with humor and off-the-wall ideas, offering an analysis of contemporary Western man, culture, and society that transcends disciplinary barriers and highlights the subterranean processes that govern the grand panorama of history. This may sound grandiose and esoteric, but the reader need not fear having to push his way through a caliginous jungle of abstruse terminology and turgid, sludge-like argumentation: Johnson’s simple and easy prose make reading about these weighty matters an effortless task, clearing the decks for the reader to rethink the world.

—Alex Kurtagić, author of Mister

CONTENTS

 

Preface · iii

 

Finding a White Voice
1. Confessions of a Reluctant Hater
2. A Nation of Immigrants?
3. Craig Bodeker’s A Conversation About Race
4. Craig Bodeker’s More of . . . A Conversation About Race
5. Christian Lander’s Whiter Shades of Pale
6. Tea Party: The Documentary Film
7. Separatism vs. Supremacism
8. To Cleanse America: A Modest Proposal

Polarizing Moments
9. The “W” Word
10. The 2008 Presidential Election
11. A Tariff in Time . . . Saves Billions
12. The Gates Controversy
13. The Persecution of Kevin MacDonald
14. The Persecution of American Renaissance
15. The “Ground Zero” Mosque Controversy
16. The 2010 Midterm Elections
17. Implicit Whiteness & the Republicans

White Lifestyle Politics
18. West-Coast White Nationalism
19. Is Racial Purism Decadent?
20. Race-Mixing: Not Just for Losers Anymore?
21. Lawyers & Sex Crimes
22. Homosexuality & White Nationalism
23. Drug Legalization in the White Republic
24. Redneck Rousseau: Jim Goad’s Shit Magnet
25. It’s Time to STOP Shopping for Christmas
26. Merry Christmas, Infidels!
27. The Spiritual Materialism of Alan Watts

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lundi, 10 janvier 2011

Force et Honneur

Force et Honneur

« Le calendrier mémoriel de nos pères était, autrefois, parsemé de noms de saints, de soldats héroïques et aussi de grandes batailles. Ces noms, gravés dans l’histoire des peuples, étaient toujours évocateurs : ils constituaient une mémoire collective et forgeaient les identités nationales », écrit Jean-Pierre Papadacci, « Français d’Empire », en préface à un ouvrage intitulé « Force et honneur ».

Ce livre, auquel ont collaboré une trentaine d’auteurs, raconte « ces batailles qui ont fait la grandeur de la France et de l’Europe ». Sans doute certaines manquent-elles, comme Fontenoy, mais on y trouve beaucoup de rencontres qui ont compté, depuis la bataille de Marathon au début du Ve siècle avant Jésus-Christ jusqu’au siège de Sarajevo à la fin du XXe siècle de notre ère.

Le lecteur y trouvera, entre autres, les Thermopyles, Bouvines, le siège de Vienne, Torfou, Austerlitz, le siège de l’alcazar, la bataille d’Alger…

Tous les textes ne sont pas d’égale facture, mais la plupart sont bien écrits et intéressants. Citons notamment le récit de la prise de Jérusalem par les croisés, par Pierre Vial, la bataille d’Azincourt, par Jean Denègre, la levée du siège d’Orléans, par Thierry Bouzard, Lépante, par Robert Steuckers, Camerone, par Alain Sanders, Verdun, par Philippe Conrad, Dien Bien Phu par Eric Fornal, un récit de l’insurrection de Budapest par Vitéz Marton Lajos…

Le livre se conclut sur une série d’entretiens avec des officiers français : le général Yves Derville, qui participa à la première guerre du Golfe ; le colonel Jean Luciani, ancien des FFI et vétéran de Dien Bien Phu ; le capitaine Dominique Bonelliancien du 1er BEP puis du 1er REP en Indochine et en Algérie ; l’adjudant-chef Jean Laraque, les sergents Alexis Arette et Roger Holeindre, le caporal-chef Trogne, autres « sentinelles de l’Empire ».

« Nous savons que nous sommes des débiteurs et que nous avons le devoir de faire fructifier et de transmettre le patrimoine que nous avons reçu », écrit encore Jean-Pierre Papadacci dans sa préface. Nul doute que ce livre, destiné prioritairement aux adolescents, y contribue.

Force et honneur, ces batailles qui ont fait la grandeur de la France et de l’Europe, Les amis du livre européen ed.

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mercredi, 29 décembre 2010

"La révolte des masses" de José Ortega y Gasset

Crédits photographiques : Yao Dawei (AP Photo/Xinhua).

"La révolte des masses" de José Ortega y Gasset
 
À propos de José Ortega y Gasset, La révolte des masses (préface de José Luis Goyenna, La vie comme exigence de liberté, Les Belles Lettres (voici le tout nouveau blog de la librairie), coll. Bibliothèque classique de la liberté, 2010).
LRSP (livre reçu en service de presse).

Ex: http://stalker.hautetfort.com/
 
Essai paradoxal (ainsi de ses images, bien souvent frappantes), dans une époque de «descentes et de chutes», de «sérénité dans la tourmente», exploration altière mais jamais prétentieuse du problème de l'homme actuel pour laquelle «il faudrait se résoudre à endosser la tenue des abîmes, vêtir le scaphandre» (1) voici quelques-unes des expressions que l'auteur utilise au sujet de son propre livre.
Observons de quel étrange éclat se parent les mots que José Ortega y Gasset écrivit dans sa Préface pour le lecteur français ajoutée en 1937 à son ouvrage le plus connu, si l'on se souvient que Malcolm Lowry, après la publication de Sous le volcan en 1947, lut le livre et l'aima, lui qui n'hésita point, pour accompagner le Consul là où il fallait qu'il descende, à revêtir un scaphandre capable de le mener aux plus terrifiantes profondeurs.
jose-ortega-y-gasset1.jpgSans doute le grand romancier trouva-t-il aussi dans le livre du philosophe, comme le remarque José Luis Goyenna dans son intéressante (quoique pleine de fautes) préface, en plus d'images étonnantes bien propres à enthousiasmer l'écrivain, une authentique philosophie de la liberté comme accomplissement métaphysique du moi qui, à la différence de celle de Sartre qualifiée par l'auteur d'Ultramarine de «pensée de seconde main» (2), ne se dépêcherait pas bien vite de déposer aux pieds de l'idole le fardeau trop pesant, enchaînant ainsi la liberté à la seule discipline stupide des masses. Tout lecteur de La révolte des masses aime je crois, en tout premier lieu, l'écriture de ce livre érudit, pressé, menaçant, parfois prodigieusement lucide et même, osons ce mot tombé dans l'ornière journalistique, prophétique.
Peut-être trouva-t-il aussi dans ce livre, outre de fulgurantes vues (3), une intention purement kierkegaardienne, aussi rusée que profondément ironique, la sourde volonté consistant à faire comprendre à son lecteur que ce texte, sous les dehors débonnaires d'un essai sur la situation de l'homme européen au sortir de la Première Guerre mondiale, se proposait rien de moins que retourner comme un gant son esprit (et son âme ?), comme veulent toujours le faire, même s'ils prétendent le contraire, les plus grands romans : «C’est la raison pour laquelle le livre doit devenir de plus en plus comme un dialogue caché; il faut que le lecteur y retrouve son individualité, prévue, pour ainsi dire, par l’auteur; il faut que, d’entre les lignes, sorte une main ectoplasmique qui nous palpe, souvent nous caresse ou bien nous lance, toujours poliment, de bons coups de poing» (p. 49). La main ectoplasmique et le coup de poing, nouveaux moyens de réveiller les consciences libres du sommeil dogmatique dans lequel un sort mystérieux les a plongées ?
Quoi qu'il en soit, nous comprenons que l'intention du penseur espagnol est double. Le livre d'Ortega y Gasset semble fonctionner, à vrai dire, comme les ouvrages si profondément retors et érudits de Leo Strauss. D'abord, l'exposé des thèses qui permettent de caractériser le désarroi que constate l'auteur dans le monde occidental. Ensuite (si je puis dire, maladroitement, puisque ces deux phases exotériques ne forment qu'une seule et même phrase complexe, voire ésotérique), ayant défini ce qu'il entendait par l'homme-masse, le fait, subrepticement, de confronter celui qui le lit à une interrogation dont la réponse ne pourra que le glacer ou bien le conforter : est-il, oui ou non, un des innombrables représentants de la masse ? Est-il, ce lecteur lisant un livre qui claque comme un fouet (ou vous administre, poliment, un roboratif coup de poing), un homme creux ou bien un homme qui, après avoir lu, se convertira et agira ?
Intention éminemment existentialiste disais-je et nous pourrions ajouter, socratique, kierkegaardienne bien sûr, puisqu'il s'agit de faire prendre conscience que l'homme des masses n'est jamais l'autre, mais, bien sûr, soi-même non pas comme un autre selon la belle expression de Paul Ricœur, mais soi-même comme tous les autres, soi-même comme termite perdue au sein de la termitière à laquelle, patiemment, inexorablement, nous œuvrons.
Examinons ce qu'est, aux yeux d'Ortega y Gasset, l'homme-masse, au travers de quelques-unes de ses caractéristiques comme, en premier lieu, l'oubli (ou plutôt l'occultation) du passé. «Cet homme-masse écrit l'auteur, c’est l’homme vidé au préalable de sa propre histoire, sans entrailles de passé, et qui, par cela même, est docile à toutes les disciplines dites «internationales». Plutôt qu’un homme c’est une carapace d’homme, faite de simples idola fori. Il lui manque un «dedans», une intimité inexorablement, inaliénablement sienne, un moi irrévocable» (p. 58).
La volonté de faire table rase, si propre aux révolutions (4), ne peut que conduire à la ruine, mener l'homme jusqu'à la barbarie : «Le vrai trésor de l’homme, c’est le trésor de ses erreurs. Nietzsche définit pour cela l’homme supérieur comme l’être «à la plus longue mémoire». Rompre la continuité avec le passé, vouloir commencer de nouveau, c’est aspirer à descendre et plagier l’orang-outang» (p. 77).
C'est aussi s'engluer dans un présent définitif. Assez ironiquement bien que cette ironie ne puisse d'aucune façon être mise sur le compte, nous le verrons, d'une velléité réactionnaire, José Ortega y Gasset critique la croyance au progrès indéfini des connaissances et des techniques : «Sous le masque d’un généreux futurisme, l’amateur de progrès ne se préoccupe pas du futur; convaincu de ce qu’il n’offrira ni surprises, ni secrets, nulle péripétie, aucune innovation essentielle; assuré que le monde ira tout droit, sans dévier ni rétrograder, il détourne son inquiétude du futur et s’installe dans un présent définitif. On ne s’étonnera pas de ce que le monde paraisse aujourd’hui vide de projets, d’anticipations et d’idéals» (pp. 116-7).
Cette volonté maladive de détruire le passé, de vivre dans le perpétuel présent de l'animal, porte ses conséquences néfastes sur le présent comme sur l'avenir : «Et cela c’est être un peuple d’hommes : pouvoir prolonger son hier dans son aujourd’hui sans cesser pour cela de vivre pour le futur, pouvoir exister dans le vrai présent, puisque le présent n’est que la présence du passé et de l’avenir, le lieu où ils sont effectivement passé et avenir» (p. 79). C'est ainsi que, a contrario, l'Angleterre sera analysée par Ortega y Gasset comme le peuple de l'infinie prévoyance, le peuple composé d'hommes qui ne sont point encore les rouages d'une immense machine même si, comme le soulignera le philosophe, ce même peuple a pu se fourvoyer dans le pacifisme : «Ce peuple circule dans tout son temps; il est véritablement seigneur de ses siècles dont il conserve l’active possession» (pp. 78-9).
La révolte des masses, due à la désertion des élites (La désertion des minorités dirigeantes se trouve toujours au revers de la révolte des masses, pp. 116-7), doit aussi sa cause directe dans le fait que la société dans laquelle vivent les hommes ne les contraint plus à vouloir se dépasser. Si le monde ancien était le monde d'un danger permanent, fulgurant, notre époque est celle de la paralysie provoquée par le triomphe du machinisme, la réduction des territoires inexplorés, le prodigieux accroissement des sciences et des techniques contraints de se cantonner dans l'hyper-spécialisation, de la fuite des dieux : «Le monde qui entoure l’homme nouveau depuis sa naissance ne le pousse pas à se limiter dans quelque sens que ce soit, ne lui oppose nul veto, nulle restriction, mais au contraire avive ses appétits, qui peuvent, en principe, croître indéfiniment. Il arrive donc – et cela est très important – que ce monde du XIXe siècle et des débuts du XXe siècle non seulement a toutes les perfections et l’ampleur qu’il possède de fait, mais encore suggère à ses habitants une certitude totale que les jours qui vont suivre seront encore plus riches, plus vastes, plus parfaits, comme s’ils bénéficiaient d’une croissance spontanée et inépuisable» (pp. 130-1).
Ainsi, la vie des hommes du passé, quoique truffée de dangers, était synonyme de dépassement, du moins de possibilité de se dépasser. L'homme-masse est l'homme étriqué, fermé, tandis que l'homme du passé est celui de l'ouverture dans un monde lui-même ouvert à ses innombrables et sanglantes conquêtes : «De cette manière la vie noble reste opposée à la vie médiocre ou inerte, qui, statiquement, se referme sur elle-même, se condamne à une perpétuelle immanence tant qu’une force extérieure ne l’oblige à sortir d’elle-même. C’est pourquoi nous appelons «masse» ce type d’homme, non pas tant parce qu’il est multitudinaire que parce qu’il est inerte» (p. 139).
L'homme-masse est un être dépossédé. Il n'a plus de passé et, parce qu'il l'a perdu, il n'a plus de futur. Il n'est même pas certain, nous l'avons vu, qu'il puisse se targuer de vivre dans la paix perpétuelle d'un présent sans bornes, délesté du poids de ce qui l'a forgé : «L’homme-masse, écrit encore Ortega y Gasset, est l’homme dont la vie est sans projets et s’en va à la dérive. C’est pourquoi il ne construit rien, bien que ses possibilités et que ses pouvoirs soient énormes» (p. 121).
L'homme-masse est un être doublement dépossédé puisqu'il ne sait plus parler. Étrangement, José Ortega y Gasset évoque la dégénérescence du langage de l'homme-masse, qu'il assimile, pour les besoins de sa démonstration, à un habitant de l'Empire, en la rapprochant de celle du latin vulgaire : ainsi, «le symptôme et en même temps le document le plus accablant de cette forme à la fois homogène et stupide – et l’un par l’autre – que prend la vie d’un bout à l’autre de l’empire se trouve où l’on s’y attendait le moins et où personne, que je sache, n’a encore songé à le chercher : dans le langage» (p. 67). L'auteur poursuit en donnant la caractéristique principale du latin vulgaire : «Le premier [trait] est l’incroyable simplification de son organisme grammatical comparé à celui du latin classique» (p. 68), poursuivant : «Le second trait qui nous atterre dans le latin vulgaire, c’est justement son homogénéité. Les linguistes qui, après les aviateurs, sont les moins pusillanimes des hommes, ne semblent pas s’être particulièrement émus du fait que l’on ait parlé la même langue dans des pays aussi différents que Carthage et la Gaule, Tingis et la Dalmatie, Hispalis et la Roumanie. Mais moi qui suis peureux et tremble quand je vois le vent violenter quelques roseaux, je ne puis, devant ce fait, réprimer un tressaillement de tout le corps. Il me paraît tout simplement atroce» (Ibid).
Cette perte du passé qui doit être éradiqué pour laisser se lever de nouveaux soleils d'acier sur une humanité rédimée, cette destruction de toute conscience historique, cette rupture de la continuité, pour employer les mots de Max Picard, ainsi que la simplification du langage, sont les marques des deux principales forces politiques (bolchevisme et fascisme) qui se partagent l'Europe à l'époque où Ortega y Gasset écrit son essai, deux forces remarquablement décrites comme étant des puissances régressives, entropiques, une intuition qui ne deviendra une évidence voire un cliché, pour nombre d'auteurs comme Elias Canetti et à propos du nazisme (5), que des années après la parution de La Révolte des masses : «Mouvements typiques d’hommes-masses écrit d'eux l'auteur, dirigés, comme tous ceux qui le sont, par des hommes médiocres, intempestifs, sans grande mémoire, sans «conscience historique», ils se comportent, dès leur entrée en scène, comme s’ils était déjà du passé, comme si, arrivant à l’heure actuelle, ils appartenaient à la faune d’autrefois» (p. 167). Et l'auteur de poursuivre : «L’un et l’autre – bolchevisme et fascisme – sont deux fausses aurores; ils n’apportent pas le matin de demain; mais celui d’un jour ancien, qui a servi une ou plusieurs fois; ils relèvent du primitivisme. Et il en sera ainsi de tous les mouvements sociaux qui seront assez naïfs pour engager une lutte avec telle ou telle portion du passé, au lieu de chercher à l’assimiler» (pp. 168-9).
L'homme-masse, sans passé, ne vivant que dans un présent qui refuse d'envisager l'avenir autrement que comme la réalisation de rêves somptueux, colossaux (6), l'homme-termite qui est un homme creux, démoralisé, ne peut que se révolter. L'homme-masse, même, n'a pas de vie, et c'est cette absence de vie qui le livrera tout entier, comme un seul homme à la voix envoûtante des dictateurs, dont le règne est annoncé par l'auteur : «Car vivre, c’est avoir à faire quelque chose de déterminé – remplir une charge –, et dans la mesure où nous évitons de vouer notre existence à quelque chose, nous rendrons notre vie de plus en plus vide. On entendra bientôt par toute la planète un immense cri, qui montera vers les étoiles, comme le hurlement de chiens innombrables, demandant quelqu’un, quelque chose qui commande, qui impose une activité ou une obligation» (p. 212).
Cette révolte des masses, provoquée par n'importe quel événement (7), n'est elle-même qu'un leurre, puisqu'elle choisit comme vecteurs le fascisme et le nazisme qui sont condamnés à disparaître, qui ne sont qu'un interrègne (8) : «Je vais maintenant résumer la thèse de cet essai : le monde souffre aujourd’hui d’une grave démoralisation qui se manifeste – entre autres symptômes – par une révolte effrénée des masses; cette démoralisation générale a son origine dans une démoralisation de l’Europe dont les causes sont multiples. L’une des principales est le déplacement de ce pouvoir que notre continent exerçait autrefois sur le reste du monde et sur lui-même. L’Europe n’est plus sûre de commander, ni le reste du monde d’être commandé. La souveraineté historique se trouve aujourd’hui en pleine dispersion» (p. 254).
Ayant soigneusement posé son diagnostic sur la maladie du siècle, Ortega y Gasset, en bon docteur, délivre son ordonnance qui, elle aussi, a valeur d'étonnante prémonition, de véritable prophétie (9) : l'Europe !
C'est sans doute la grande thèse de José Ortega y Gasset, s'accompagnant d'une remise en question cinglante de l'idée, si répandue, de la décadence de l'Occident, qui fait qu'on ne peut l'accuser d'être passéiste ou même réactionnaire, comme tant de mauvais lecteurs l'affirmèrent au moment de la parution du magistral essai : «Mais arrêtez l’individu qui l’énonce [l’idée de décadence de l’Europe] d’un geste léger, et demandez-lui sur quels phénomènes concrets et évidents il fonde son diagnostic; vous le verrez faire aussitôt des gestes vagues, et pratiquer cette agitation des bras vers la rotondité de l’univers, caractéristique de tout naufragé. De fait, il ne sait pas où s’accrocher. La seule chose qui apparaisse sans grandes précisions lorsqu’on veut définir l’actuelle décadence de l’Europe, c’est l’ensemble des difficultés économiques devant lesquelles se trouve aujourd’hui chacune des nations européennes. Mais quand on veut préciser un peu le caractère de ces difficultés, on remarque qu’aucune d’elles n’affecte sérieusement le pouvoir de création de richesses, et que l’Ancien Continent est passé par des crises de ce genre beaucoup plus graves» (p. 221).
L'Europe, incontestablement la puissance civilisatrice du monde, est appelée par l'auteur à son propre dépassement afin, une nouvelle fois, de montrer la voie à prendre et, ainsi, sauver le monde qui se trouve au bord de l'abîme : «La véritable situation de l’Europe en arriverait donc à être celle-ci : son vaste et magnifique passé l’a fait parvenir à un nouveau stade de vie où tout s’est accru; mais en même temps, les structures survivantes de ce passé sont petites et paralysent son expansion actuelle. L’Europe s’est constituée sous forme de petites nations. En un certain sens, l’idée et les sentiments nationaux ont été son invention la plus caractéristique. Et maintenant elle se voit obligée de se dépasser elle-même. Tel est le schéma du drame énorme qui va se jouer dans les années à venir. Saura-t-elle se libérer de ses survivances ou en restera-t-elle prisonnière ? car il est déjà arrivé une fois dans l’histoire qu’une grande civilisation est morte de n’avoir pu modifier son idée traditionnelle de l’État…» (p. 225).
Et une nouvelle fois d'exhorter les élites éclairées et les gouvernements à unir les nations européennes pour donner un nouveau sens à l'idée, caduque ou du moins figée dans la tradition (10), d'État-nation : «On ne voit guère quelle autre chose d’importance nous pourrions bien faire, nous qui existons de ce côté de la planète, si ce n’est de réaliser la promesse que, depuis quatre siècles, signifie le mot Europe. Seul s’y oppose le préjugé des vieilles «nations», l’idée de nation en tant que passé» (p. 254).
Je ne sais s'il ne serait pas trop facile de faire remarquer à l'auteur, s'il vivait encore, que l'édification de l'Europe qu'il appelait de ses vœux les plus ardents allait être à la source de l'hyperdémocratie routinière qu'il accablait par ailleurs, comme illustration monstrueuse d'une démocratie directe, la démocratie des masses (11) qui s'exerce par une force qui n'est plus ultima mais prima ratio (12) : «Aujourd’hui nous assistons au triomphe d’une hyperdémocratie dans laquelle la masse agit directement sans loi, imposant ses aspirations et ses goûts au moyen de pressions matérielles» (p. 89).
Et, de cette action de la masse fascinée par les mots vides pas encore totalement débarrassés de leur ancien prestige (13), l'intelligence de José Ortega y Gasset ne consiste-t-elle pas à nous avoir donné un synonyme, la barbarie, qui est du reste l'inverse même, notons-le, de ce recours aux forêts prôné par Jünger ? : «La civilisation n’est pas vraiment là, elle ne subsiste pas par elle-même, elle est artifice et requiert un artiste ou un artisan. Si vous voulez profiter des avantages de la civilisation, mais sans vous préoccuper de la soutenir… tant pis pour vous ; en un clin d’œil, vous vous trouverez sans civilisation. Un instant d’inattention, et lorsque vous regarderez autour de vous, tout se sera volatilisé. Comme si l’on avait brusquement détaché les tapisseries qui dissimulent la nature vierge, la forêt primitive reparaîtra, comme à son origine. La forêt est toujours primitive, et vice versa, tout le primitif est forêt» (p. 163).

Notes
(1) Voir la Préface pour le lecteur français, pp. 47, 71 et 81. Voici l'une des expressions qu'utilise le philosophe dans son contexte : «Il y a des époques surtout où la réalité humaine, toujours mobile, précipite sa marche, s’emballe à des vitesses vertigineuses. Notre époque est de celles-là. C’est une époque de descentes et de chutes», José Ortega y Gasset, La Révolte des masses [La rebellión de las masas, 1930] (Les Belles Lettres, traduit de l’espagnol par Louis Parrot, préface de José Luis Goyena, 2010), p. 47. Toutes les pages entre parenthèses renvoient à cette édition.
(2) Voir José Lasaga Medina, Malcolm Lowry, lector de Ortega, suivi de Malcolm Lowry, Carta a Downey Kirk, Revista de Estudios Orteguianos, n°18, 2009, Fundación José Ortega y Gasset.
(3) «Tout destin est dramatique et tragique si on le scrute jusqu’au fond. Celui qui n’a pas senti sous sa main palpiter le péril du temps n’est pas arrivé jusqu’au cœur du destin, et, si l’on peut dire, n’a fait qu’en effleurer la joue morbide» (p. 93).
(4) «Dans les révolutions, l’abstraction essaie de se soulever contre le concret. Aussi la faillite est-elle consubstantielle à toute révolution» (p. 75).
(5) Elias Canetti qui décrit, d'une façon toute expressionniste, l'atmosphère explosive du Berlin de l'entre-deux guerres : «L'aspect animal et l'aspect intellectuel, mis au jour et portés à leur apogée, se trouvaient en interaction, comme une sorte de courant alternatif. Quiconque s'était éveillé à sa propre animalité avant d'arriver à Berlin devait la pousser à son maximum pour pouvoir s'affirmer contre celle des autres et se retrouvait ensuite usé et ruiné, si l'on n'était pas d'une solidité exceptionnelle. Celui qui en revanche était dominé par son intellect et qui n'avait encore que peu cédé à son animalité ne pouvait que succomber à la richesse complexe de ce qui était proposé à son esprit. [...] On se traînait ainsi dans Berlin comme un morceau de viande avancée, on ne se sentait pourtant pas encore assez battu et l'on guettait les nouveaux coups», in Histoire d'une vie. Le flambeau dans l'oreille, 1921-1931 (Albin Michel, 1982), p. 314.
(6) «L’époque des masses, c’est l’époque du colossal» (p. 91).
(7) Voir cette image saisissante, où s'annonce un danger que José Ortega y Gasset semble voir confusément : «Quant à l’occasion qui subitement portera le processus à son terme, elle peut être Dieu sait quoi ! la natte d’un Chinois émergeant de derrière les Ourals ou bien une secousse du grand magma islamique» (p. 55).
(8) Notons la justesse de cette vue : «La vie actuelle est le fruit d’un interrègne, d’un vide entre deux organisations du commandement historique : celle qui fut et celle qui sera. C’est ce qui explique pourquoi elle est essentiellement provisoire. Les hommes ne savent pas plus quelles institutions ils doivent vraiment servir que les femmes ne savent quels types d’hommes elles préfèrent réellement. Les Européens ne savent pas vivre, s’ils ne sont engagés dans une grande entreprise qui les unit. Quand elle fait défaut, ils s’avilissent, s’amollissent, leur âme se désagrège. Nous avons aujourd’hui un commencement de désagrégation sous nos yeux. Les cercles qui, jusqu’à nos jours, se sont appelés nations, parvinrent, il y a un siècle, ou à peu près, à leur plus grande expansion. On ne peut plus rien faire avec eux si ce n’est que les dépasser» (p. 256).
(9) «Il est de moins en moins possible de mener une politique saine sans une large anticipation historique, sans prophétie. Les catastrophes actuelles parviendront peut-être à rouvrir les yeux des politiques sur le fait évident que certains hommes, de par les sujets auxquels ils consacrent presque tout leur temps, ou grâce à leurs âmes aussi sensibles que des sismographes ultra-perfectionnés, sont visités avant les autres par les signes du futur» (pp. 279-80).
(10) «[…] notre vie, si nous la considérons comme un ensemble de possibilités, est magnifique, exubérante, supérieure à toutes celles que l’on a connues jusqu’ici dans l’histoire. Mais par le fait même que ses limites sont plus vastes, elle a débordé tous les cadres, tous les principes, normes et idéals légués par la tradition» (p. 119).
(11) «La caractéristique du moment, c’est que l’âme médiocre, se sachant médiocre, a la hardiesse d’affirmer les droits de la médiocrité et les impose partout» (p. 90, l’auteur souligne).
(12) «La force était autrefois l’ultima ratio. Assez sottement d’ailleurs, on a pris la coutume d’interpréter ironiquement cette formule qui exprime fort bien la soumission préalable de la force aux normes rationnelles. La civilisation n’est rien d’autre que la tentative de réduire la force à l’ultima ratio. Nous commençons à le voir clairement maintenant, parce que «l’action directe» consiste à pervertir l’ordre et à proclamer la violence comme «prima ratio», et même comme unique raison. C’est la norme qui propose l’annulation de toute norme, qui supprime tout intermédiaire entre nos projets et leur mise en pratique. C’est la Magna Carta de la barbarie» (p. 149).
(13) «La violence est devenue la rhétorique de notre temps. Les rhéteurs, les cerveaux vides s’en emparent. Quand une réalité a accompli son histoire, a fait naufrage, est morte, les vagues la rejettent sur les rivages de la rhétorique, où, cadavre, elle subsiste longuement. La rhétorique est le cimetière des réalités humaines; tout au moins son hôpital d’invalides. Le nom survit seul à la chose; et ce nom, bien qu’il ne soit qu’un nom, est en fin de compte un nom, c’est-à-dire qu’il conserve quelque reste de son pouvoir magique» (pp. 192-3).

dimanche, 19 décembre 2010

Les combats d'un Uhlan

Les combats d’un Uhlan

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com/

uhlan.jpgLongtemps avant la glaciation de la liberté de pensée, les polémistes brillaient dans les journaux ou publiaient des pamphlets. Dorénavant, du fait de l’étroite surveillance des écrits dissidents et de la stérilisation marchande de la presse, les plumes les plus percutantes s’activent sur la Toile. C’est justement grâce à Internet que j’ai découvert André Waroch et ses articles explosifs. Je me félicite, aujourd’hui, que certains d’entre-eux constituent Les Larmes d’Europe.

Je m’attends que les articles d’André Waroch, Uhlan d’Europe Maxima, susciteront l’irritation, l’agacement, voire le mécontentement de ceux qui n’apprécient pas ses avis tranchés. Oui, Waroch ose – et sait – déplaire ! Je suis bien placé pour le savoir puisque je reçois régulièrement quelques courriels désobligeants volontiers dédaignés.

Les positions défendues par André Waroch sont loin d’être les miennes. Dès nos premiers échanges via Internet, je lui fis part de mes réticences, de mes divergences même, avec certaines de ses analyses. Pourquoi alors ai-je quand même accepté de le mettre en ligne (et de le préfacer) ? Tout simplement parce que je suis un homme libre, adversaire de tout dogmatisme et que je conçois, en outre, Europe Maxima comme un espace de confrontations intellectuelles, fussent-elles vives et polémiques. Il n’est pas anodin qu’on y lise en exergue sur la page d’accueil la belle citation de Dominique de Roux : Europe Maxima est le site où l’« on pourra s’exprimer avec la clarté de n’importe quelle pensée et de toute, à droite, à gauche, ailleurs, où l’on posera plus de questions qu’on n’en résoudra ». On a compris que j’exècre le conformisme ambiant, l’idéologie actuelle des « moutons de Panurge », le politiquement correct. Je partage souvent les dégoûts d’André Waroch envers notre hideuse société contemporaine.

Les Larmes d’Europe s’apparente donc à une Sturmgewehr indispensable aux combats métapolitiques. En dix articles, André Waroch esquisse sa vision du monde qu’il affine, rectifie et corrige par rapport à son premier ouvrage, France Terminus, un véritable abécédaire de la décadence (1). Il soutient que l’idéologie multiculturaliste marchande met désormais en péril l’homme européen. Conscient du risque d’extinction, Waroch s’y oppose de toutes ses forces à l’échéance et en appelle en un sursaut salvateur, d’où sa fougue et sa vindicte qu’il porte aux idoles médiatiques dominantes. En véritable tireur d’élite, il les vise et les abat d’un coup sûr. Au moment de l’affaire de mœurs de Frédéric Mitterrand, collatérale à l’affaire Polanski, Waroch se range immédiatement du côté des petites gens scandalisées par les multiples passe-droits que s’octroie une oligarchie vorace et sans foi. Il attaque aussi avec vigueur toute la clique de saltimbanques, d’acteurs de films abjects et de brailleurs de sons insanes qui encouragent les immigrés clandestins délinquants – les fameux « sans-papiers » – sans aller jusqu’à les héberger dans leurs cossus lofts du XVIe arrondissement, de Montmartre et du Lubéron ! Issu du peuple de France et vivant au quotidien les affres de la « cohabitation » multi-ethnique en banlieue francilienne, Waroch est bien plus habilité à traiter du terrible problème de l’immigration que tel ou tel footeux milliardaire ou chanteuse sans talent.

Outre le Neveu, André Waroch « flingue » magnifiquement Caroline Fourest qui, de Charlie Hebdo au Monde (soit d’une décadence l’autre !), symbolise à merveille l’idéal républicain hexagonal et les contradictions schizophréniques béantes de notre temps. Individualiste radicale et éclairée, Fourest promeut l’abolition de toutes les différences, de toutes les frontières, de tous les genres, bref, de toutes les spécificités essentielles qui donnent au monde sa complexité. Cette zélatrice de la théocratie totalitaire des droits de l’homme mérite pleinement d’être considérée comme la quintessence du « Quart-Monde de la pensée ».

Ces quelques convergences établies (il y en a d’autres !), je puis maintenant exposer mes différends avec notre chevau-léger. Je trouve par exemple que sa perception de l’islam est incomplète et maladroite. Un certain anti-islamisme en vigueur dans les milieux « identitaires » témoigne un aveuglement certain et d’une défaillance évidente de stratégie. Il est bien de contester les Quick hallal. Mais il aurait été plus judicieux de condamner l’existence même des fast foods en France et en Europe. On ne peut, à mon humble avis, refuser le tchador, le voile musulman ou la burqa quand on porte soi-même l’uniforme occidental qu’est le jean’s… Comme d’autres, plus ou moins inspirés, Waroch voit l’islam comme un vaste bloc, ignorant ou sous-estimant l’importance des tribus, des peuples, des États et des contentieux qu’ils engendrent. Les mahométans se réfèrent certes à l’Oumma comme les chrétiens se référaient jadis à la Chrétienté médiévale. On sait ce qu’est devenu l’œcumène euro-chrétien. Un même sort attend probablement l’Islam. André Waroch confond enfin islam et immigration. Or j’estime que le danger majeur pour le devenir des Européens reste le fait migratoire, l’islamisation indéniable du continent n’étant que l’effet immédiat de la « colonisation de l’Europe » contre quoi il faut se battre non pas en reprenant les thématiques de la Modernité laïque et décatie, mais en mettant en valeur nos principes d’enracinement, d’autochtonie et d’identité.

Les relations entre l’Europe et la Russie constituent un autre point d’achoppement. André Waroch est un russophile affirmé et voit, comme naguère Jean Cau dans son Discours de la décadence (2), dans la patrie de Poutine l’ultime recours des peuples autochtones d’Europe. Or il déclare aussi que la Russie et le monde orthodoxe forment une autre civilisation européenne, une civilisation jumelle mais distincte. Là encore, je reste dubitatif sur l’unité civilisationnelle de l’Orthodoxie. Moscou peut jouer de son nombre, mais il doit prendre en compte la susceptibilité des autres patriarcats dont ceux de Constantinople, d’Athènes, de Pec, de Bucarest ou, non reconnu, de Kiev. Par ailleurs, je persiste dans mon scepticisme au sujet d’une Russie, hypothétique sauveuse de l’Europe en déclin. Quand on consulte les essais de Jean-Robert Raviot (3), on constate que le Kremlin pourrait, un jour ou l’autre, se rallier à l’hyper-classe mondialiste. Qu’André Waroch se méfie des enthousiasmes à la fois géopolitistes et impolitiques !

Contre l’idéologie républicaine hexagonale, faut-il néanmoins revenir à une identité néo-gauloise ou celtique comme le souhaite Waroch le bien nommé ? Quand on retrace la généalogie de l’idée gauloise, on remarque qu’elle apparaît à la fin du XVIIIe siècle chez des nobles qui s’estimaient héritiers des conquérants francs sur les descendants des Gaulois. Si, malgré une très forte influence de l’Antiquité gréco-romaine, la Révolution ne s’inspire guère des Gaulois, ceux-ci retrouvent un regain d’intérêt sous le Second Empire d’un Napoléon III fasciné par Vercingétorix et le site possible d’Alésia, avant que la IIIe République en fasse quasiment ses maîtres tutélaires. Il s’agissait pour les républicains d’alors de se démarquer autant de Rome, matrice de la catholicité, que des Francs perçus comme trop germaniques : seuls les Gaulois montraient une compatibilité avec la laïcité, l’anticléricalisme et la « Revanche ». Certes, dans ces charmants lieux de convivialité, de « vivre-ensemble » et de fraternité que sont les « zones de non-droit », une population soi-disant « stigmatisée » et « victime du racisme institutionnel profond » n’hésite pas à qualifier les derniers Français de souche européenne de « Gaulois », de « Céfrans » ou  de « Fromage blanc »… Plutôt que de revenir à d’anciennes racines, il serait plus approprié de diffuser et de répandre une origine européenne commune, notre origine boréenne.

Rédigé au moment de la guerre de décembre 2008 – janvier 2009 entre le Hamas et Israël dans la Bande de Gaza, « Israël et la prophétie de Theodor Herzl » concerne l’interminable conflit israëlo-arabe. André Waroch n’a jamais caché son souhait d’une entente, voire d’une alliance, entre les « nationalistes » français et/ou européens et les sionistes (ou la communauté juive). Je crains qu’il fasse là fausse route. Je ne me définis pas comme nationaliste : le nationalisme procède de la Modernité et ne répond pas aux défis de notre époque fluide et mouvante. Waroch en est lui-même conscient puisqu’il observe le délitement irrémédiable de l’État-nation. Ensuite, on ne peut pas assimiler le sionisme au judaïsme et l’hostilité à Israël à de l’antisémitisme. Des juifs traditionalistes (Neturei Karta ou les Satmar) (4) dénient toute légitimité à l’État hébreux. A contrario, les sionistes les plus fanatiques se recrutent chez les fondamentalistes puritains étatsuniens qui n’en conservent pas moins une forte judéophobie. J’ai l’intime conviction qu’il existe – ou existera à terme – un accord tacite entre certaines franges de l’islam sunnite radical et Israël, car ils partagent la même haine de la civilisation européenne. Sur cette base négative minimale, Tel-Aviv entérinerait sa domination sur la Palestine et l’islam aurait le droit de conquérir notre Vieux Monde. Cela expliquerait pourquoi des groupes ultra-sionistes et les ligues de petite vertu n’ont jamais cessé de condamner tous les mouvements de résistance française et européenne, du raid sanglant au colloque du G.R.E.C.E. de décembre 1979 à l’attaque de la réunion – hommage à Saint-Loup en 1991 en passant par les condamnations judiciaires d’hommes politiques et historiens réfractaires au Diktat ambiant. En outre, comment peut-on être sioniste sur les rives du Jourdain et hostile au moindre patriotisme sur les berges de la Seine, du Tibre, de la Tamise ou de la Moskova ? C’est la raison pour laquelle le mot d’ordre « ni kippa, ni keffieh » reste d’actualité. Comme pour l’Europe, l’avenir du Proche-Orient ne passe ni par une fragmentation d’États minables, ni par le paradigme stato-national épuisé ou la solution fantaisiste d’une entité binationale. Seul, à mes yeux, un grand-espace régional s’étendant du Sinaï au sandjak perdu d’Alexandrette (Iskendenrun en turc) englobant le Liban, la Syrie, la Jordanie, la Palestine et Israël, résoudrait ce lancinant problème. On remarquera que cette vision s’inscrit dans la quête d’une troisième voie salutaire.

Or, dans son avant-propos, André Waroch se réclame du souverainisme européen. Ce serait une belle troisième voie au-delà d’une Europe des nations incapables de s’entendre sur l’essentiel, et de l’Europe de Bruxelles qui se singularise par une absence abyssale de volonté politique et une profusion de visages (présidences tournante semestrielle, du Conseil européen, de la Commission, de l’Euro-Groupe…) témoignant de leur impuissance congénitale. Il espère exposer ses idées sur ce point précis dans un prochain ouvrage et paraît pour l’instant en pleine recherche. Je puis lui annoncer dès à présent qu’il existe déjà une idée qui rejaillira tôt ou tard sous la pression d’événements terrifiants : c’est la notion traditionnelle, anti-moderne et post-moderne d’Empire ! Allez, Cher André Waroch, encore des efforts pour devenir un héraut gibelin, un Français d’Europe et un Gaulois d’Empire ! N’oubliez pas que « la vraie source des larmes n’est pas la tristesse, mais la grandeur (5) ». Il importera après, une fois ses larmes séchées, que l’Europe – notre Europe des peuples autochtones – s’arme.

Georges Feltin-Tracol

Notes

1 : André Waroch, France Terminus, 2008, 64 p., format Word. Ouvrage seulement consultable sur demande gratuite à Europe Maxima.

2 : Jean Cau, Discours de la décadence, Copernic, 1978.

3 : Jean-Robert Raviot, Qui dirige la Russie ?, Lignes-de-Repères, 2007, et Démocratie à la russe. Pouvoir et contre-pouvoir en Russie, Ellipses, 2008.

4 : Issus d’une scission en 1938, les Neturei Karta sont des juifs ultra-orthodoxes qui entendent respecter scrupuleusement la halakha (loi religieuse orthodoxe juive). Estimant que seul le Messie a le droit de restaurer Israël, ils pratiquent un antisionisme militant souvent plus radical que celui des Satmar. Partageant le même antisionisme, les Satmar sont des juifs hassidiques issus de la Transylvanie au début du XXe siècle. Ils n’hésitent toutefois pas à vivre en Israël sans servir dans Tshahal, reconnaître le système judiciaire, payer des impôts ou accepter les aides sociales.

5 : Pierre Gripari, Reflets et réflexes, L’Âge d’Homme, 1983, p. 29.

André Waroch, Les Larmes d’Europe, Le Polémarque Éditions, 2010, préface de Georges Feltin-Tracol, 118 p., 12 € (frais de port de 4 €).

À commander par la Poste aux Éditions Le Polémarque, 29, rue des Jardiniers, 54 000 Nancy, France, accompagné d’un chèque bancaire à l’ordre de « Laurent Schang – Le Polémarque Éditions » ou par courriel à <lepolemarque@gmail.com>.


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samedi, 18 décembre 2010

A Serious Case: Guillaume Faye's Archeofuturism

A Serious Case:
Guillaume Faye’s Archeofuturism

F. Roger Devlin

Ex: http://www.counter-currents.com/

Guillaume Faye,
Archeofuturism: European Visions of the Post-Catastrophic Age
Arktos Media Ltd., 2010

“The modern world is like a train full
of ammunition running in the fog.”
—Robert Ardrey

Most thought described as “conservative” is a kind of political hygienics: it takes its bearings by what is natural, normal, or best in the social order. One hazard of its focus on right order is to leave us unprepared in extraordinary situations. Thus, we all know otherwise intelligent conservatives who would continue, even as blood was running in the streets, to talk of the need for electing fiscally responsible Republicans to office. The best treatment for this sort of blindness is a crash course in political pathology such as the book under review.

Author Guillaume Faye was for many years a luminary of Alain de Benoist’s Group for the Research and Study of European Civilization. Beginning from the principle “no Lenin without Marx,” Benoist conceived his activities as part of a Gramscian (or Cochinian) strategy to undermine the hegemony of liberalism. In the early 1980s, remembers Faye, each issue of his journal Eléments was “an ideological barrage that sparked outraged reviews from the mainstream press,” and people sat up and took notice of the Colloques parisiens his organization sponsored. The well-educated men of this “New Right,” as it came to be called, looked down on the young Front National as a “microscopic group of good-for-nothings,” and even barred “that pirate-faced old soldier” Jean-Marie Le Pen from their meetings.

Yet within a few years the tables were turned, as dissatisfied New Rightists flocked to the Front. Any misgivings they had about Le Pen’s vulgarity were outweighed by the impression that his organization was where something was happening. Faye, too, eventually concluded that the New Right had become a mere literary salon: “from 1986 I began to feel that a clique spirit and literary pagan romanticism were prevailing over historical will. . . . In order to prove effective, ideological and cultural action must be supported by concrete political forces which it integrates and extends.”

Archeofuturism marks the author’s return to the political arena after an absence of twelve years. Its first chapter is devoted to a friendly critique of his former colleagues. For example, he finds in New Right publications an overemphasis upon folkloric aspects of European heritage such as “Breton bonnets” and “Scandinavian woodcarvings.” Such charming but innocuous traditions have their equivalents among all peoples on earth. Faye would rather maintain “the creative primacy of Western civilization” represented by our tradition of scientific research, philosophy and engineering, as well as our unparalleled artistic and literary “high” culture.

Faye also considers the New Right wedded to a faulty political paradigm in which “America”—conceived narrowly as the Hollywood/Wall Street/Foggy Bottom axis—is the enemy. This way of thinking is well-expressed in the title of Benoist’s book Europe-Third World: the Same Struggle. Benoist invites the entire non-American world (even Muslims!) to “a fruitful exchange of dialogue among parties clearly situated in relation to one another.” In other words: multiculturalism with one place at the table reserved for White Europeans. Faye rightly dismisses this as “a Disneyland dream.”

Starting from what Faye considers a correct Nietzschean assessment of primitive Christianity as an egalitarian, leveling and ethno-masochistic movement, the New Right launched an ill-considered attack on the folk Catholicism of ordinary Frenchmen. Meanwhile, they ignored their proper target: a return to the “bolshevism of antiquity” among the high clergy, marked by immigrationism and self-ethnophobia. This is the tendency some have called the “degermanization of Christianity.” The New Right would have done better to ally itself with Catholic traditionalists in combating it rather than alienating its natural allies.

Lastly, while the New Right professed admiration for the German jurist Carl Schmitt, it never made any practical application of his Ernstfall concept: the “serious case” which cannot be met within the normal framework of constitutional law. When Hannibal is at the gates of Rome, when the Royal Guards mutiny—no appeal can be made to law. Such contingencies can only be met with the virtue of prudence, i.e., the ability to make sound judgments about what to do in particular cases.

This blind spot may be fatal, for Faye is convinced that the liberal regime is driving Western civilization toward an Ernstfall the like of which the world has never seen. He describes it as a “convergence of catastrophes.” Elements include: the failure of multiracialism, the disintegration of family structures, disruption in the transmission of cultural knowledge and social disciplines, the replacement of folk culture by the passive consumption of industrially produced “mass culture,” increasing crime and drug use, the decay of community, anti-natalism, nuclear proliferation and the re-emergence of viral and microbial diseases resistant to antibiotics, public debt, and the privileging of speculative profits, i.e., the construction of our economy atop the stilts of investor confidence rather than upon the solid ground of production.

Furthermore, liberal ideology has propounded a utopian ideal of universal “development,” whereby every last African hellhole is supposed to become an affluent, tolerant, democratic, and efficient consumerist society. The nations of the South were won over to this project, dazzled by the deceptive prospect of economic growth. They set in motion a process of industrialization that has devastated the natural environment, undermined their traditional cultures, and created social chaos, including urban jungles like Calcutta and Lagos. Resentment at the broken promise of “development” runs deep; the resurgence of religious fanaticism is one of its expressions.

Under the banner of “inclusion,” the liberal regime is now importing legions of immigrants who will function as the “fifth column” of an aggressive South. “The ethnic war in France has already started,” writes Faye in 1998, seven years before les émeutes des banlieues.

These are the lines of catastrophe which Faye expects to converge in about the second decade of this century. His prophecy is reminiscent of Andrei Amalrik’s 1969 essay Will the Soviet Union Survive Until 1984?—which, of course, proved uncannily accurate. Still, the wise reader will not want to overstress Faye’s time frame; much is clear about the crisis we face, but not even the angels in heaven know the day or the hour.

The author emphasizes that the impending meltdown presents us with opportunities: “When people have their backs against the wall and are suffering piercing pains, they easily change their opinions.” The stormy century of iron and fire that awaits us will make people accept what is currently unacceptable. The right today must position itself to be perceived as “the alternative” when the inevitable crisis hits. This means discrediting leftist pseudo-dissent, which is merely a demand for the intensification of official ideology and praxis. It also means acquiring the monopoly over alternative thought: not by imposing a party-line, but by uniting all healthy forces on a European level and abandoning provincial disputes and narrow doctrines.

Faye’s book is intended as “a sort of mental training for the post-catastrophic world.” The title Archeofuturism refers to the principles appropriate to reconstructing our civilization. “Archaic” must be understood according to the root sense of the Greek noun archè: both “foundation” and “beginning.” The archai are anthropological values which “create and are unchangeable;” they refer to the central notion of “order.”

Such foundational values include:

the distinction of sex roles; the transmission of ethnic and folk traditions; spirituality and priestly organization; visible and structuring social hierarchies; the worship of ancestors; rites and tests of initiation; the re-establishment of organic communities (from the family to the folk); the de-individualization of marriage [and] an end to the confusion between eroticism and conjugality; the prestige of the warrior caste; inequality of social status—not the unjust and frustrating implicit inequality we find today in egalitarian utopias, but explicit and legitimated inequalities; duties that match rights, hence a rigorous justice that gives people a sense of responsibility; a definition of peoples—and of all established groups or social bodies—as diachronic communities of destiny rather than synchronic masses of individual atoms.

Faye calls these “the values of justice.” We need not doubt they will return once the hallucinations of equality and individual emancipation have dissipated, for they follow from human nature itself.

The real danger is that we may end up having them imposed on us by Islam rather than reasserting them ourselves from our own historical memory. For Islam is the symbolic banner of Southern revanchisme, and the mindset of the South remains archaic. It takes for granted the primacy of force, the legitimacy of conquest, ethnic exclusivity, aggressive religiosity, machismo, and a worship of leaders and hierarchic order. Muslim employment of liberal cant—complaints of “discrimination” and “intolerance”—are the merest fig leaf for a Machiavellian “strategy of the fox” against Europe. In order to oppose the invaders, we must revert to an archaic mindset ourselves, abandoning the demobilizing handicap of “modern” humanitarianism.

Faye is perhaps at his best explaining the behavior and motivations of the “petty, inglorious princes who pretend to be governing us.” For example, he notes the increasing importance of “consultation” in French political life; authorities “consult” representatives of various approved interest groups, such as labor unions and non-White ethnic blocs, and then formulate policy on the basis of the lowest common denominator of agreement between them. The real point of this, of course, is to avoid the risks and responsibilities of actual leadership. (Try to imagine De Gaulle behaving this way.) But it is presented to the public as a wonderful new way of “modernizing democracy.”

A related symptom is the rise of negative legitimization, or what the author calls the “big bad wolf tactic”:

Politicians no longer say, “Vote for us, because we’ve got the right solutions and we’ll improve your living conditions.” That is positive legitimization. Instead they say (implicitly) “Vote for us, since even though we’re a bunch of good-for-nothings, bunglers and bullies, at least we will protect you from fascism.”

Four years after these words were written Le Pen made the presidential run-offs and, sure enough, all the bien pensants showed up at the polls with clothespins on their noses to support the crook Chirac!

Egalitarian reform serves as a convenient pretext for the elites to enact measures whose practical effect is to entrench their own position. Thus, they have sabotaged the French educational system by eliminating selectivity and discipline. But it is only these which give the talented outsider an honest chance against the untalented insider. As Pareto put it: the more rigorous the (rationally planned) selection in a social system, the greater the turnover in the elite. Without objective standards, on what grounds can one argue against elite self-perpetuation?

But the regime’s most breathtaking hypocrisy is found in its demonization of the National Front. The Front has broken the tacit ground-rules of the managerial regime by “engaging in politics where it has been agreed that one should only engage in business”; it has sought popular trust with a view to implementing a program, where the established parties “communicate” and maneuver with a view to re-election. Timid careerists denounce the Front as a threat to the Republic because they fear it as a threat to themselves.

Faye considers the National Front a genuinely revolutionary party. Yet he apparently has never been a member, and is not really a French nationalist. In his view, Le Pen’s romantic and backward-looking devotion to the French state embodies a great deal of latent Jacobinism. It is this state, after all, which has “naturalized” millions of Afro-Asiatic “youths” who do not see themselves as French at all. Moreover, a nation state, even run on patriotic principles, would be an entity too small to defend the French ethnos effectively in the contemporary world. Would a federal European state be any more capable of doing so? “I believe it would,” says Faye, “provided it is exactly the opposite of the European state currently being built.”

Those who believe that an imperial and federal European state would “kill France” are confusing the political sphere with the ethno-cultural one. The disappearance of the Parisian regime would in no way threaten the vigor and identity of the people of France. Moreover, a European federal state would breathe new life into autonomous regions: Brittany, Normandy, Provence, etc.

The European Union is a ghastly bureaucratic mess, but it is also one of the “forces in being.” Why turn our backs on it or work to destroy it when we can instead hijack it and turn it to our own purposes? Faye calls for the transformation of the EU into “a genuinely democratic and no longer bureaucratic European government with a real parliament and a strong and decisive central power.” He describes this position as European Nationalism, and dreams of a Eurosiberian Federation extending from Brest to the Bering Strait.

While Faye disagrees with Benoist’s interpretation of America as an enemy (hostes), he continues to view her as a rival and opponent (inimicus). This American reviewer does not grasp why the case for including a chastened post-imperial United States in a Northern Federation would be any weaker than the case for including Russia.

The Eurosiberian Federation is to be characterized by a two-tier economy. The elite (20% of the population) will continue to live according to the techno-scientific economic model based on ongoing innovation. They would form part of a global exchange network of about one billion people, including the elites of other civilizational blocs. As Faye notes, “the essence of technological science is not connected to egalitarian modernity, but has its roots in the ethno-cultural heritage of Europe, and particularly ancient Greece.”

Among the first exploits of this new elite shall be exploring the “explosive possibilities of genetic engineering.” These include inter-species hybrids, man-animal chimeras, semi-artificial “biolithic” creatures, and decerebrated human clones. Faye is utterly contemptuous of moral or religious scruples in this domain, which he oddly attributes to the ideology of liberal modernity more than to Christianity.

The remainder of humanity would live in archaic, neo-traditional communities. The techno-scientific portion of humanity would be under no obligation to help (i.e., “develop”) everybody else. Nor would they have any right to interfere in their affairs.

In sum, for the elite: promethean achievement, linear time and futuristic technology; for the rest: neo-feudalism, cyclic time and timeless, “archaic” values.

But it is not clear how the elite could avoid “interfering” in the affairs of people they are supposed to govern. Moreover, how would the elite perpetuate itself? It seems clear that Faye does not intend a hereditary aristocracy. Perhaps there is some sort of test or initiatory ordeal for prospective members. But then families would be divided between the classes, which would involve many difficulties. In the fictional portrayal of his ideal future society which closes the book, Faye refers in passing to something called “the Party.” This reviewer would need to hear a lot more about this shadowy organization before signing on to Faye’s proposals. The two-tiered economy is altogether the least satisfactorily worked out part of the book.

Yet the author is aware that men never get what they plan for: somewhat grandiloquently, he calls this heterotelia. And he distinguishes “worldview” (an idea of civilization as a goal and some values) from “ideology” and “doctrine” (applications to society and what tactics to use). So we can follow him for the first mile.

Archeofuturism should have a bracing effect on anyone more accustomed to reading the despondent Cassandras of paleoconservatism. “Realism,” he reminds us, “is often disheartened fatalism.”

Those who blame others, enemies and the political climate for their own failures do not deserve to win. For it is in the logic of things for enemies to oppress you and circumstances to prove hostile. The mistake lies in exorcising reality by adopting the morals of intention as opposed to those of consequences.

We must reject the pretext that radical thought would be “persecuted” by the system. The system is foolish. Its censorship is as far from stringent as it is clumsy, striking only at mythic acts of provocation and ideological tactlessness. Talent always prevails over censorship, when it is accompanied by daring and intelligence. A right wing movement can only prove successful through the virtue of courage.

There is no excuse for being taken by surprise when the liberal regime disregards its own principals in order to fight us (as the British establishment is doing with the BNP). Of course we should publicize and ridicule their inconsistencies, but it is silly to be indignant over them: repression simply means that the regime recognizes us as an Ernstfall, a mortal threat, and that is precisely what a serious right ought to be. Attempts to shut us down are symptoms of growing success and should strengthen our resolve.

mercredi, 15 décembre 2010

Vers un Big Bang géopolitique - Entretien avec H. Juvin

Vers un Big Bang géopolitique

Entretien avec Hervé Juvin

Ex: http://blogchocdumois.hautetfort.com/

juvin.jpgHervé Juvin n’est pas qu’un économiste, ni uniquement un essayiste, non plus seulement le président d’Eurogroup Institute, il est encore et surtout un analyste incomparable, aussi lucide que courageux, du monde comme il ne va plus.
La crise – économique, systémique, anthropologique – que traverse l’Occident, ou plutôt les Occidents disloqués, a trouvé en lui l’un de ses interprètes les plus perspicaces. Il vient de publier chez Gallimard un essai sur « le renversement du monde », ce monde sur lequel on vivait et qui se retrouve la tête en bas. Décapant. Et très éclairant.

Le Choc du mois : Ce que vous appelez le « renversement du monde » tient d’abord selon vous à une sorte de pathologie de l’Occident qui serait devenu incapable de penser les dimensions du politique et de l’identité…

Hervé Juvin : Je ne suis pas sûr qu’il n’y ait pas, au lieu d’un Occident, plutôt des Occidents, au pluriel, et de plus en plus. L’intervention américaine dans l’ex-Yougoslavie, pour ne citer qu’elle, est un moment où l’Occident s’est sans aucun doute battu contre lui-même. On peut en dire autant de la crise financière, qui a vu l’opposition anglo-américaine contre l’Europe s’exacerber. En fait, il faut revenir à ce moment particulier, non pas tant de la chute du mur de Berlin que de la dissolution de l’Empire soviétique, dont on oublie toujours de rappeler à quel point elle fut éminemment et très curieusement pacifique. De là va résulter un mouvement d’euphorie qui traversera quasiment tout l’ensemble occidental et dont l’expression emblématique restera le livre de Fukuyama, La fin de l’Histoire et le dernier homme. Trois raisons à cela : d’abord, l’on assistait à la fin du colonialisme ; ensuite, l’on voyait l’explosion du bloc qui incarnait non seulement le Mal, mais encore plus sûrement l’Autre absolu ; enfin, l’on pouvait estimer que la démocratie était en train de s’universaliser. Autant de raisons qui nous ont poussés à croire qu’il était possible de s’abstraire de la condition politique. Or, la condition politique, c’est essentiellement deux choses : le fait qu’il y a des hommes, et non pas l’Homme avec un grand H, comme le remarque si bien Hannah Arendt ; et le fait qu’il y a des frontières, à l’intérieur desquelles les hommes exercent la liberté de s’autodéterminer, dans le cadre d’une nation, à travers un État souverain et un territoire national clos.
Autrement dit, les Mêmes décident de ce qui concerne les Mêmes : les décisions que prend le peuple français n’engagent que les seuls Français, du présent et des générations à venir, pas les Américains, les Russes, les Marocains, etc. Or, on assiste pendant plus d’une décennie à la mise en apesanteur de cette condition politique. Comme les frontières vont disparaître et la démocratie planétaire s’étendre partout, il n’y aura plus que des individus, tous voués à la poursuite du bonheur, tous habités par un désir illimité. Dès lors, le seul principe de régulation des individus sera l’économie ou le marché, bref ce phénomène extrêmement important que l’on va désigner sous le nom de globalisation.

Vous expliquez également que cette globalisation repose sur une alliance objective entre l’ État et le marché. Quelle forme a-t-elle prise ?

Dans les années 1990, nous sommes entrés, sur le plan politique, en territoire inconnu, par suite de la diffusion des Droits de l’Homme, perçus comme un droit illimité de l’individu à se départir de tout collectif, à briser tout lien, à nier toute appartenance, à se désengager de tout rapport durable et pérenne avec les siens. De défensifs, le sans-frontiérisme et le mondialisme sont ainsi devenus agressifs. Parler de nationalités, de frontières et de souveraineté vous faisait passer pour démodé et vieux jeu, sinon carrément indécent. Le Droit et le Marché prétendaient alors se substituer au Politique dans une conjuration tout à fait étonnante qui devait déboucher sur une libération de l’individu et même du collectif, toutes deux éminemment bénéfiques. Le phénomène a été abondamment commenté, notamment par les penseurs socialistes issus de l’extrême gauche dans les termes les plus enthousiastes. Ce sont les grands mots de «société citoyenne» ou «société civile», lesquelles viendraient reprendre leurs droits.
Il n’en fut rien. Ce à quoi on va assister, c’est au contraire à l’apparition d’une configuration tout à fait inédite, mise en évidence par la crise, dans laquelle, comme Marx et Nietzsche l’avaient bien vu dès la fin du xixe siècle, l’ État ne va plus se définir que contre le peuple, et même contre les peuples, parce qu’il devient l’infrastructure de déploiement du marché, du libre-échange, de la circulation indéfinie des capitaux, des biens et des personnes. La grande entreprise entreprend de changer les peuples, organisant l’invasion et le démantèlement des Nations, avec le concours d’ États tenus par des engagements arrachés par Bruxelles sous l’influence anglo-américaine. C’en est fini du principe majoritaire, du suffrage universel et de la démocratie représentative. Le paradoxe, c’est que tout cela va se faire sous l’égide du Droit, alors qu’on assiste au retour des principes constitutifs de la Colonisation. Car si l’on veut bien poser un regard un peu décapant et inhabituel sur la situation actuelle, il faut revenir à la conférence de Bandung, en 1955, réunion d’ États asiatiques et africains qui annonce la fin de la période coloniale et l’avènement d’un nouvel ordre du monde. A cinquante ans de distance, il ne fait aucun doute que l’appel de Bandung a été entendu, puisque la décolonisation politique a été effective. Mais il est tout aussi évident que l’on a assisté parallèlement à une colonisation interne des sociétés humaines par la finance de marché et l’économie. De façon inattendue, violente, avec une rapidité ravageuse, l’économie a pris le pouvoir. Cela uniquement parce que les États ont mis à la disposition du marché leurs infrastructures, dont celles relevant de la sécurité, de la censure et du contrôle des populations. Telle est la configuration que la crise a révélée. J’en veux pour preuve la promptitude avec laquelle les États ont volé au secours d’établissements financiers et de sociétés d’assurance en situation de faillite (et qui auraient mérité d’être faillis), en mobilisant avec une rapidité impressionnante toutes leurs ressources, qui sont en dernier ressort celles du contribuable.

La globalisation occidentale serait donc la fille des colonialismes européens ?

Le colonialisme du xixe siècle, c’était déjà le rêve d’un monde sans limites, d’une nature inépuisable, et plus encore l’idée que le monde s’offrait aux colons blancs pour en user à leur guise parce qu’ils étaient les détenteurs de la civilisation, de la morale et du Bien. On oublie d’ailleurs toujours de rappeler que quelques-uns des plus éminents dirigeants socialistes de la IIIe République furent les plus ardents colonisateurs. Mais les colonialismes européens étaient nationaux, plus que religieux ou financiers. C’était la France, l’Allemagne, l’Angleterre, qui plantaient leurs drapeaux. Aujourd’hui, le régime des colons se déploie sous l’influence américaine, et, dorénavant, chinoise. Si le modèle américain, c’est certes celui de la première libération d’un peuple du colon britannique, c’est aussi celui d’un développement par l’éradication des indigènes. Le génocide indien libère la terre pour l’exploitation infinie du colon.
Nous assistons aujourd’hui à l’extension mondiale de ce système. Le droit du colon, c’est-à-dire celui du développeur et de l’investisseur capable de rentabiliser n’importe quel actif, est jugé supérieur à celui de peuples autochtones et indigènes à demeurer sur leur sol, selon leurs mœurs, lois et règles.
Le droit au développement masque l’obligation de se développer… ou de partir. Contre l’économie, nul ne saurait se dresser légitimement. C’est exactement ce principe qui préside à la colonisation interne de nos sociétés, par exemple à l’obligation d’accepter l’immigration de peuplement.
Pour le dire très clairement, le principe de la colonisation étendue à la totalité du monde est en train de recréer un vaste marché de l’esclavage, en contraignant toutes les ressources terrestres à fonctionner dans le système économique à un prix de marché jugé universel. Ce qui constitue la négation absolue du droit des autochtones à disposer d’eux-mêmes. L’événement nouveau et renversant, c’est que nous, Européens, sommes en train de subir le même phénomène d’humiliation, d’expulsion et d’invasion, qu’enduraient jadis les colonisés. Interdits d’identité, bafoués dans nos mœurs et lois, privés de nos mots et expressions, au nom d’une conformité sur laquelle veillent les chiens de garde de la nouvelle Internationale, nous nous rapprochons insensiblement, mais rapidement, de la condition des indigènes si bien décrite par Claude Lévi-Strauss. A quand des réserves pour les Français de souche ? La lutte pour la décolonisation interne de nos sociétés sera le sujet politique de la génération à venir. Ce sera l’occasion d’affirmer une nouvelle radicalité républicaine, l’occasion aussi de réaliser l’union de tous les peuples contre l’entreprise mondialisée et la finance satellisée.

Pensez-vous que la survie même des nations occidentales soit engagée dans ce processus néo-colonial ?

Après 1990, se sont développés un discours et une idéologie abrités sous le double biais du libre-échange, garant de la croissance et de la stabilité des prix, et de la liberté de mouvement des hommes, garante de la paix dans le monde comme du droit de chacun à poursuivre son bonheur privé. Il s’agissait clairement d’une idéologie de la disparition des nations. On voit aujourd’hui avec quelle naïveté l’Union européenne l’a endossée, estimant que la poursuite de la construction européenne ne pouvait se faire qu’en défaisant le national. Une telle politique comportait un risque considérable : en détricotant les nations, on réveillait le démon des origines, celui des religions, mais aussi des régionalismes qui sont en train de gagner toute l’Europe. Aveugles aux conséquences de la mondialisation – déracinement, désaffiliation, désappartenance –, nous n’avons pas voulu voir la violence qu’elle ne manquerait pas de semer dans le monde. Or, l’on sait – ou l’on devrait savoir – que rien n’est plus capable de violence, et d’une violence illimitée, qu’un homme seul, réduit aux émotions et aux passions, privé de liens, d’attachements et, souvent, de convictions. Ce modèle de « l’homme sans qualités », de l’homme-bulle, de l’homme en apesanteur, est le produit de la société de marché et l’idéal de la démocratie planétaire. A nier la condition politique, nous avons pensé que l’individu absolu était l’homme du futur, alors qu’un tel individu, non seulement, n’existe pas, mais peut s’avérer être un monstre capable de tout. Ce que nous commençons à entrapercevoir, ici ou là, dramatiquement. La mondialisation a donc sécrété une extrême violence. En sortir appellera en retour une violence identique. En clair, nous sommes partis pour une phase qui va répondre, au moins à moyen terme, à la brutalité de la mondialisation, sur fond de retour des questions de frontières, d’identités de souveraineté, de légitimité, lesquelles vont laisser muette une large partie de la classe politico-intellectuelle, qui, depuis une génération au moins, a désappris à penser la politique. Le temps de la décolonisation interne de nos sociétés est venu.

A vos yeux, les chefs d’ État occidentaux sont donc directement responsables de la crise que le monde traverse depuis trois ans ?

La crise a d’abord été une crise du sans-limite. Il est clair que lorsque des entreprises, qui se disent privées et n’apportent de l’argent qu’à leurs seuls actionnaires, tout en faisant jouer un effet de levier sur le collectif – État et contribuable –, parce qu’elles sont, selon l’expression consacrée, « trop grosses pour mourir », c’est qu’elles ont au préalable trop grossi. Cet effet de levier sur la collectivité n’est pas tolérable.
Seconde faute majeure, celle de l’interdépendance. La crise a été manifestement une crise de l’interdépendance. Or, si nous avons été sauvés, c’est par des pays dont la monnaie n’est pas convertible et qui se sont protégés des excès des mouvements de capitaux et de l’économie de marché. En somme, nous avons été sauvés parce que l’interdépendance n’est pas planétaire. Mais quels sont les conseils prodigués, au terme de la série des G20 suscitée par l’Occident, pour sortir de la crise ? Accroître l’interdépendance (on le voit avec la pression exercée sur la Chine et l’air pincé des institutions mondiales à l’encontre de pays comme l’Inde ou le Brésil qui refusent l’afflux de capitaux spéculatifs). C’est donc aussi une crise de l’absence de responsabilité. Ceux qui, par cupidité et refus de tout lien avec une communauté ou une collectivité quelconques, en ont été à l’origine ne veulent endosser aucune responsabilité, et même pour la plupart, ne seront tout simplement pas remis en cause. Les Américains n’ont-ils pas l’insolence de faire la leçon au monde ? On voit pourtant bien que le règne de la conformité à la norme et à la règle ne résout rien, tant il est vrai que la responsabilité ne s’exerce que devant une communauté ou une collectivité définies, la responsabilité planétaire n’existant pas. Mais encore une fois, ce qui a triomphé, c’est le principe du renard libre dans un poulailler libre.
Ce qui me conduit à ce constat quelque peu désolant : tout indique que nous sommes dans un système de crise. La crise, c’est ce que l’on a inventé de mieux pour casser les systèmes de protection sociale en Europe, pour étendre le règne du marché et pour liquider tout ce qui dans les sociétés humaines et les peuples constitués n’entendait pas s’abandonner à l’interdépendance et à la loi du marché mondial. Voilà où nous en sommes : tout faire pour que rien ne change, tel est le credo inentamé de l’Occident. Mais ajouter des liquidités à une mer de liquidités pour éviter la déflation, réclamer plus d’interdépendance pour faire financer le naufrage américain et occidental par ceux qui ont préservé jusqu’ici leur autonomie, tout cela ne pourra pas fonctionner. Le sauvetage du système peut faire illusion un moment, mais il ne fera que rendre la crise encore plus grave, par renforcement des illusions du libre-échangisme, du mondialisme et du sans-frontiérisme. Alors que ce à quoi devraient travailler les décideurs et responsables, c’est précisément de préparer l’après.

Ce que naturellement ils ne font pas ?

Parce qu’il s’agit avant tout de parer au plus pressé, parce que l’ensemble des cadres intellectuels mis en place depuis plus d’une trentaine d’années sont devenus totalement obsolètes. Nous devons nous habituer à la fin de l’universel, réapprendre que la condition humaine ne se réduit pas à l’existence d’un homme-bulle en apesanteur, redécouvrir les identités, les frontières, les nations, les religions, les passions politiques. Bref, nous devons rouvrir les yeux sur le monde. Or, en Europe et aux États-Unis, on semble persuadé que les autres sont destinés à devenir pareils à nous. Ce qui nous épargne d’avoir à nous y intéresser. Nous avons jadis conquis le globe parce que nous avons été extraordinairement riches en mondes, capables de nous intéresser à l’Autre, d’essayer de le comprendre, infiniment curieux, observateurs et ouverts. Mais voilà, nous sommes devenus pauvres en mondes. Nous ne voyons pas la manière dont le monde se renverse. C’est probablement le plus grand sujet d’inquiétude pour les années à venir. J’invite tous les dirigeants à partir à la redécouverte du monde. C’est la tâche la plus essentielle aujourd’hui. Il faut se départir de cet immense mensonge, quasiment criminel, selon lequel le monde serait devenu plat. Le monde n’est plat que pour ceux qui vont d’aéroports en Hilton et d’Hilton en aéroports. Nous sommes aveugles à l’impressionnante montée de l’Islam, facteur géopolitique aussi important que l’avènement de la Chine ; aveugles au contrôle d’Internet par les États-Unis ; aveugles au discrédit du soft-power occidental, résultat du « deux poids, deux mesures » appliqué dans le domaine nucléaire aussi bien que dans les agressions américaines contre l’Irak et l’Afghanistan ; aveugles aux renaissances politiques que provoquent les agressions des fonds d’investissement sur les terres agricoles ; aveugles aux effets de la diffusion planétaire des technologies de communication.    

Propos recueillis par Philippe Marsay


Hervé Juvin, Le renversement du monde, Politique de la crise,
« Le Débat », Gallimard, 261 p., 17,90 €.

mardi, 14 décembre 2010

"Homo Americanus, rejeton de l'ère postmoderne" de T. Sunic

« Homo americanus, rejeton de l'ère postmoderne » de Tomislav Sunic

Ex: http://www.polemia.com/ 

 

homo%20americanus.jpg« (…) Tout dans l’Amérique est une copie grotesque de la réalité », constate l’universitaire et géopoliticien Tomislav Sunic dans Homo americanus, rejeton de la postmodernité, passionnante étude que viennent de publier les éditions Akribeia. « L’Amérique postmoderne fonctionne depuis 1945 comme une photocopie géante de la métaréalité ; non l’Amérique telle qu’elle est, mais l’Amérique telle qu’elle devrait être dans le monde entier. La seule différence est que, au XXIe siècle, l’histoire (…) est passée à la vitesse supérieure. Les événements se succèdent de façon désordonnée et foncent à toute allure vers un chaos total » – ce « chaos total » que l’idéologue néo-conservateur Michael Ledeen, pilier de la World Jewish Review et l’un des principaux inspirateurs de George W. Bush dans la guerre contre l’Irak, appelait de ses vœux dès 2001 car il y voyait le seul moyen d’instaurer un gouvernement mondial.

De l’Ancien Testament au totalitarisme mou

Les Européens de l’Est sont-ils les meilleurs observateurs de « l’hyperréalité » américaine ? Le philosophe hongrois Thomas Molnar avait jeté voici plus de trente ans un fameux pavé dans la mare atlantiste avec un livre prémonitoire, Le Modèle défiguré : l’Amérique de Tocqueville à Carter (PUF 1978) avant de récidiver en 1991 avec L’Américanologie : Triomphe d’un modèle planétaire ? paru aux éditions de l’Age d’homme.

Né en 1921, Thomas Molnar s’est éteint en juillet 2010, mais la relève est assurée par Tomislav Sunic qui, comme son grand ancien magyar, a longtemps enseigné aux Etats-Unis et connaît parfaitement son sujet, l’Homo americanus. Un spécimen dont les gênes s’inscrivent dans ceux des Pères Fondateurs, fondamentalistes puritains nourris de l’Ancien Testament et qui s’empressèrent donc d’ « enlever au christianisme les éléments transcendants et sacrés qu’il avait hérités du paganisme », réduisant « le message chrétien aux seuls préceptes moraux élémentaires d’une bonne conduite ». Ce qui amène tout naturellement à l’adoration d’une déesse démocratie d’ailleurs phantasme et au culte de la Political Correctness, le Politiquement Correct, fondement de la Pensée Unique et donc de l’autocensure.

Mais les origines bibliques de l’Homo americanus ont d’autres conséquences. Pour Sunic, en particulier depuis la Guerre de Sécession et la défaite du Vieux Sud encore si européen à tant d’égards, « le rêve américain est le modèle de la judaïté universelle, qui ne doit pas être limitée à une race ou à une tribu particulière (…) L’américanisme est conçu pour tous les peuples, toutes les races et les nations de la terre. L’Amérique est, par définition, la forme élargie d’un Israël mondialisé (…) Cela signifie-t-il que notre fameux Homo americanus n’est qu’une réplique universelle de l’Homo judaicus ? »

En tout cas, cela le conduit à accorder, souvent au mépris de ses propres intérêts vitaux, un « soutien inconditionnel à Israël ». « C’est en Europe – poursuit le géopoliticien croate – et dans son centre, l’Allemagne, que la politique parabiblique américaine atteignit son paroxysme durant la Seconde Guerre mondiale » – et d’abord, souligne-t-il, parce que « l’Allemagne était sur le point de jouer un rôle majeur en Europe et en Asie et de contester à l’Amérique l’accès aux sources d’énergie des pays du pourtour méditerranéen et du bassin pacifique ». Six décennies et demie plus tard, estime-t-il, « il n’est pas étonnant que l’islamisme soit la cible de l’Amérique postmoderne », laquelle menace l’Iran chiite après avoir anéanti l’Irak laïc.

Vers « l’américanisation du monde » ?

Tomislav%20Sunic%20Radio%20(small).jpg« Pendant que les Juifs russes inventent le socialisme et que les Juifs autrichiens découvrent la psychanalyse, les Juifs américains participent, au tout premier rang, à la naissance du capitalisme américain et à l’américanisation du monde », a reconnu, cité par Sunic, Jacques Attali dans Les Juifs, le monde et l’argent (Fayard 2002). Il est donc logique que Homo americanus et Homo sovieticus aient présenté tant de points communs tels le non-respect des Conventions de Genève sur les prisonniers de guerre ou l’envoi des dissidents dans des hôpitaux psychiatriques – sort réservé en 1945 à Ezra Pound, le plus grand poète états-unien jugé trop favorable au fascisme italien. Et logique aussi que « l’américanisation du monde », y compris du monde ex-soviétique (par le truchement de certains oligarques patrons de presse), soit menée tambour battant.

On sait le travail de sape effectué dans nos banlieues (*) par l’ambassade des Etats-Unis en France dont le locataire actuel est Charles Rivkin qui, dans un câble du 5 janvier 2010 envoyé à Washington, se réjouissait du fait que « la France, sur une longue période, ne réussit pas à améliorer les perspectives de ses minorités et à leur offrir une véritable représentation politique ». On sait aussi les efforts des media et des maîtres du prêt-à-penser pour imposer les mœurs et les lois américaines dans les domaines législatif, judiciaire, culturel, architectural ou économique ainsi que dans la vie courante afin d’aboutir à l’avènement et à la généralisation de ce que Sunic appelle « la variante tardive d’Homo americanus, l’Homo americanus européen », « non seulement à l’Ouest mais aussi dans l’Est postcommuniste ».

Toutefois, ajoute avec impartialité l’universitaire croate, « on aurait tort de rejeter uniquement sur l’Amérique et l’américanisme la responsabilité du climat de “politiquement correct” qui a englouti la scène intellectuelle européenne. L’atmosphère d’inquisition actuelle (…) est due aux propres divisions idéologiques européennes, qui remontent à la Seconde Guerre mondiale et même à la Révolution française ».

Bien vu, mais celle-ci ne fut-elle pas due en grande partie aux « idées nouvelles » venues d’outre-Atlantique après l’engagement de la France et de certaines de ses élites (La Fayette entre autres) auprès des Insurgents américains voulant briser les derniers liens avec l’Europe pour assumer leur destin de « peuple élu » ? A nous aujourd’hui de tout mettre en œuvre pour assumer notre destin d’Européens, héritiers d’Athènes et de Rome, mais aussi de la Reconquista, contre tous les totalitarismes messianiques.

Claude Lorne
06/12/2010

Tomislav Sunic, Homo americanus. Rejeton de l’ère postmoderne, avant-propos de Kevin MacDonald, professeur de psychologie à l'Université d'Etat de Long Beach en Californie, traduit de l’anglais par Claude Martin (édition originale : Homo americanus. Child of the Postmodern age, BookSurge Publishing, 2007), Edition Akribeia, 2010, 288 pages, 25 €, ou 30 € franco.

A commander à Akribeia, 45/3 route de Vourles, 69230 St-Genis-Laval ou sur www.akribeia.fr.

Note de la rédaction :
(*) « Vol A 93120 : Washington-La Courneuve »
et « La stratégie américaine pour influencer les minorités en France. Confirmation du diagnostic »
 

Correspondance Polémia -  06/12/2010

lundi, 06 décembre 2010

Veillons au salut de l'Empire!

Archives de "SYNERGIES EUROPEENNES" - 1996

 

Veillons au salut de l'Empire!

 

«Le grand Empire, l'Empire central, l'Imperium, par opposition à l'Occident»

(Jean-Claude Albert-Weil, Sont les Oiseaux, 1996)

 

JCAW.jpgFiction: en juillet 1940, Hitler parvient à forcer la main au général Franco qui laisse passer les troupes allemandes sur son territoire. Gibraltar tombe et les panzers, après avoir traversé le Maroc et l'Algérie, foncent sur Le Caire. 300.000 prisonniers français sont libérés et commis aux moissons. La popularité du vieux maréchal est au zénith. Un débarquement allemand a lieu en Irlande du Sud. Malte tombe aux mains des paras de la Luftwaffe de Goering. Churchill est mis en minorité et remplacé par Lord Halifax, qui fait la paix, en échange des puits de pétrole du Moyen Orient, qui restent sous contrôle britannique. Pourquoi faire la guerre dans ces conditions? Le succès de l'opération Barbarossa est quasi complet et, rapidement, les troupes de l'Axe font jonction dans le Caucase. Par un coup d'audace inouï (Skorzeny?), Vladivostok tombe. C'est la panique au Japon, qui se rapproche des Américains. Dans l'Empire, c'est le délire: d'ailleurs, à Berlin, on joue Sartre à guichets fermés! Dans cette atmosphère de triomphalisme, l'épuration ethnique dont sont victimes les Juiffss prend heureusement fin et l'Empire favorisera même, pour gêner les Anglais, la naissance d'un Etat hébreu, armé par l'Allemagne. A Berlin, l'aile modérée menée par Bibbentrop, le cher Otto Tabetz, ou Krommel élimine les “natzis” forcenés. Une fausse explosion nucléaire, vers 1943, calme les Américains, qui se contentent d'armer la résistance soviétique (Staline combat toujours en Yakoutie). Une vraie bombe, que le Führer obtient grâce à ses réseaux d'espions (juiffss?) aux Etats-Unis, assure définitivement la neutralité américaine. Hitler meurt le 30 décembre 1946, à la veille du réveillon. Speer, l'amiral Panaris et surtout Gersdorff entreprennent une première “dénatzification” et, de 59 à 78, Stendel, le Führer suivant, proscrit le racisme et le remplace par le différentialisme critériologique: les Juiffss sont incités à collaborer ou à émigrer en Israël, où ils forment une tête de pont de l'Empire.

 

L'existencisme: doctrine impériale

 

Mais le grand Führer, c'est Gessler (1978-1993): avec lui, l'Empire décolle. La Panfoulia, grande autostrade de Duinkerke à Vladivostok draine des millions de Volkswagen et l'élite du Parti se détend à l'hôtel Heidegger, un gigantesque paquebot planté sur le Mont Blanc. L'aide sociale est généralisée, mais jamais en argent: distributeurs de nourriture, soins médicaux, vêtements, tout est gratuit, et de qualité (pas d'engrais chimiques, d'élevage aux hormones, d'où un taux de cancer ridiculement bas dans l'Empire). Les sciences atteignent un niveau inouï: manipulations génétiques, chirurgie esthétique, drogues diverses... et la fameuse base secrète de Tsarskoïe Sélo!

 

La doctrine impériale est appelée “existencisme”, elle garantit le droit aux plaisirs sexuels les plus raffinés pour tous les citoyens. La publicité est interdite, l'intrusion télévisuelle limitée (TV interdite les samedis et dimanches de la Norvège à la frontière coréenne, interdiction de toute permanence médiale: après un an, les journalistes cèdent leur place et changent de service; pas de femme de minlstre qui bave à l'écran!), le sport spectacle est banni (un joueur de l'équipe de Milan est vraiment né dans cette ville... de parents milanais), l'endettement exagéré est illégal. Des lois favorisent les PME et forcent les gens à faire réparer tout appareil un certain nombre de fois, d'où l'existence de castes de réparateurs prospères et heureux. Toutes ces lois saines et de bon sens déclenchent la fureur de la presse “ploutocrato-ergono-aliénée-croyancialo-marxo-cosmopolito-médiacrato-religio-éthico pseudo-égalitaire-hyperdémographico-universo-droit de l'hommesque-planèto-destructive”.

 

JCAWlivre.jpgL'Empire est résolument non humaniste et rejette sagement les droits de l'homme, qui ne sont jamais que “les droits du client”: “droit de chier des litanies de progénitures débilo-crédulo-proliférantes, pulluliques, malsaines, ivres de tuer leur prochain ou de leur passer la Grande Maladie”. Car la Maladie, venue de l'Ouest est interdite dans l'Empire: un corps d'élite veille et nettoie, liquidant impitoyablement malades infiltrés par les démothalassocrates, agents d'influence de la pourriture utilitairo-protestante et militants nationalistes (des Gagaouzes aux Vourdalaks). Pas question d'affaiblir l'Empire! Les chrétiens, et les croyeux  de tous poils, sont l'objet d'une attention toute spéciale: les chefs n'ont pas oublié leur rôle de pourrisseurs de l'Empire romain. On ne les laissera pas recommencer! Et des villes entières reparlent latin, la langue des origines. On y sacrifie à Jupiter... Gessler le Grand a compris qu'il n'y avait que deux manières de gérer l'humanité: les couilles pleines, à l'anglo-saxonne (frustration/culpabilisation-ambition-production), ou les couilles vides, à l'européenne (satisfaction-réalisation-assomption). Dans l'Empire, il est difficile de les garder pleines longtemps: des esclaves de Hollande ou du Kouban, expertes et motivées, sont fidèles au poste.

 

Ainsi parla Gessler...

 

Une monnaie unique, le franmark européen, est garantie par d'immenses réserves d'or, au contraire de l'immonde dollar usaïque, fabriqué à partir de rien, manipulé au dépens de populations ignorantes, abruties par un plouto-démocratisme hypermédiatisé. Les différences sont exaltées: pulpeuses Kalmouks et beaux Italiens peuvent bien se payer des orgasmes cosmiques, mais, attention, pas de métis! L'immigration est bien entendu interdite: «Autrefois, un peuple qui rentrait dans un autre, c'était clair, c'était une invasion... Peut-on aujourd'hui laisser librement les peuples qui n'ont aucune discipline nataliste et qui se multiplient à l'infini se répandre chez nous avec leurs drogues et maladies, chez nous qui réglementons nos naissances? La partie n'est pas égale! C'est s'abandonner à la catastrophe, à la barbarie, à l'effacement radical... Suicidons-nous collectivement tout de suite pour laisser la place aux autres, et qu'on n'en parle plus...». Ainsi parla Gessler, quatrième Führer de l'Empire. Dans ce monde braziloïde, un cauchemar pour les cosmopoliens et le rêve pour tous les autres, on suit l'ascension de Carl, membre de la DPSE (l'ordre beige), mais fréquentant, de Degrellstadt à Paris (Boulevard Céline) la fine fleur de l'aristocratie impériale: Lily Jünger, cette chère Pamela Horthy, l'exquis Vlady Vlassov, Anne-Ingrid de Munsbach-Lothringen et, bien sûr, le Protonotaire Parvulesco.

 

Patrick CANAVAN.

 

J. C. ALBERT-WEIL, Sont les oiseaux, Ed. du Rocher, 1996, 149 FF.

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dimanche, 05 décembre 2010

Jean Haudry sur Radio Courtoisie

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Mercredi 15 décembre 2010 :

Jean Haudry sur Radio Courtoisie…

Le professeur Jean Haudry présentera son livre Les INDO-EUROPÉENS, le mercredi 15 décembre de 19 h 30 à 21 h 00, à Radio Courtoisie.

Il sera présent pour la signature de son livre à la Librairie Facta, le samedi 18 décembre de 15 à 18 h 00 (Librairie FACTA : 4 rue de Clichy, 75009 Paris. Tel : 01 48 74 59 14).

samedi, 04 décembre 2010

Une biographie d'Evita Peron

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VIVA EVITA !

Jean-Claude Rolinat présente sa biographie d'Eva Peron...

 

Evita Peron quadri.jpgJean-Claude Rolinat a publié dernièrement, aux éditions Dualpha, une remarquable biographie d'Eva Peron.
 
Evita, comme l'appelaient affectueusement les "descamisados", principaux soutiens du régime nationaliste populaire instauré par son mari, Juan Domingo Peron, en Argentine de 1945 à 1954, est un personnage historique qui mérite d'être étudié. Le livre de Jean-Claude Rolinat a le mérite d'aborder la vie de la "Sainte argentine" à la fois avec passion et objectivité.
 
Un livre à lire absolument et un cadeau idéal pour ceux qui veulent faire plaisir à un camarade à l'approche des fêtes.
 
Afin d'assurer la promotion et la diffusion de cette belle biographie d'Evita Peron :
 
Dimanche 5 décembre, l'auteur sera au Salon du livre d'histoire, à la Maison de la chimie, 28  rue  Saint-Dominique, Paris 7ème,
 
Mercredi 8 décembre, à partir de 19 h 00, il est invité par Martial Bild dans son libre journal sur Radio Courtoisie, 95.6 mgz à Paris et RP, 
 
Samedi 11 décembre, l'après-midi, il sera à la Librairie Primatice, 10, rue Primatice à Paris 13ème (métro Place d'Italie),  
 
et le jeudi 13 janvier 2011, à 19 h 00, il sera reçu par Serge Ayoub pour une conférence au  "Local", 92  rue de Javel, Paris 15ème.
 
Evita Perón, la reine sans couronne des Descamisados, par Jean-Claude Rolinat, Editions Dualpha, 244 pages, 29,00 €

 

vendredi, 03 décembre 2010

Jeudi 16 décembre: Marc Rousset au Centre Charlier

Jeudi 16 décembre :

Marc Rousset au Centre Charlier...

Le Centre Charlier organise une conférence avec  

 

Marc Rousset (*)

Docteur en Sciences économiques

 

sur le thème :

 La nouvelle Europe,

l’axe Paris-Berlin-Moscou

 

Marc-Rousset-L-Europe-est-un-nain-politique-_.jpg

 

Jeudi 16 décembre 2010

à 19 h 30  

au Centre Charlier,

70, Boulevard Saint-Germain 75005 PARIS

(métro Maubert-Mutualité)

 

La conférence sera suivie du traditionnel buffet

L’auteur dédicacera son ouvrage

« La nouvelle Europe : l’axe Paris-Berlin-Moscou »

paru aux éditions Godefroy de Bouillon

 

Participation aux frais : 8 €

Étudiants, chômeurs : 4 €

 

(*) Marc Rousset collabore régulièrement à la revue Synthèse nationale.

 

 

dimanche, 28 novembre 2010

Le renversement du monde / Politique de la crise

« Le renversement du monde - politique de la crise »

Un livre de Hervé Juvin

par Michel Geoffroy

Ex: http://www.polemia.com/

 

9782070130511.jpgIl est difficile de résumer en quelques mots l'ouvrage d'Hervé Juvin Le renversement du monde. Il faut le lire tout simplement. Car ce livre marquera.
Il est comme un fleuve tumultueux, comme un torrent : il vous saisit dès les premières pages et ne vous lâche plus. Car ce fleuve charrie des trésors. En 260 pages, écrites d'une langue vive, claire, ponctuées de formules qui frappent comme l'éclair, Hervé Juvin embrasse tout, explique tout et traite de l'état du monde dans une approche remarquablement non réductionniste : économique, mais aussi sociale, culturelle, géopolitique ou ethnologique et bien sûr politique. Le monde se renverse effectivement car le voile de l'utopie marchande se déchire brutalement .

C'est une crise ? Non Sire c'est une révolution

La révolution qui vient, c'est celle de la fin de la prétention du marché libéré de toutes les entraves à fonder une société. La révolution du libre échangisme mondialiste n'est qu'une sinistre utopie, paravent des intérêts anglo-saxons : elle n'aboutit qu'à la destruction des sociétés qui ont la naïveté de croire à ses tabous. Elle sème partout des décombres. Le libre échangisme mondialiste signifie aussi la rupture entre le capitalisme – de plus en plus financier - et la démocratie. C'est un renversement par rapport aux siècles précédents, où libéralisme et démocratie cheminaient de concert. C'est la raison principale de l'impasse dans laquelle se trouve l'Europe.

Seuls les européens ont oublié qui ils sont

Le libre échangisme mondialiste n'aboutit qu'à la destruction des hommes, réduits à l'état d’eux mêmes, interchangeables, donc sans qualité ni raison de vivre. Mais, mauvaise nouvelle, ce mal ne frappe plus que les seuls occidentaux. Les occidentaux sous direction anglo-saxonne croyaient pourtant qu'en diffusant leurs techniques et leurs produits, ils soumettraient le reste du monde à leur idéologie. Mais la bonne nouvelle, c'est que cette illusion se déchire aussi : le reste du monde s'est approprié les sciences et les techniques occidentales, mais les chinois restent des chinois, les indiens restent des indiens et les musulmans restent des musulmans. Seuls les européens ont oublié qui ils sont. Et en outre, ils sont de moins en moins nombreux, alors que les autres peuples redécouvrent la vertu du nombre. Le réveil promet d'être brutal. Vae victis !

« L’insurrection de la différence »

Ce livre dresse aussi le constat de décès d'une certaine Europe, réduite au contrat et au marché. Mais il trace aussi, et c'est son mérite, les voies du renouveau : préférence régionale et nationale, localisme, retour de la régulation politique, réciprocité, défense des identités.

Le monde qui vient sera en effet celui de « l'insurrection de la différence » : comme l'écrit l'auteur « le temps est revenu des séparations vitales, des discriminations fécondes, de la frontière fondatrice ». La ligne de fracture ne va plus séparer comme dans le passé les peuples entre eux, mais bien d'un côté les partisans de l'utopie mondialiste et de l'autre les défenseurs des identités et de la diversité du monde. Et cette ligne de fracture passe au travers des sociétés elles même. Elle marque le retour de l'histoire et de la politique, c'est à dire de la violence.

A lire et à relire absolument !

Michel Geoffroy
17/11/2010

Hervé Juvin, Le renversement du monde ? - politique de la crise, Editions Gallimard, 23 septembre 2010, 264 p. 17,90 euros

Voir aussi : « Les limites de l'utopie multiculturelle »

Correspondance Polémia – 22/11/2010

samedi, 27 novembre 2010

What Was, Must Be: Guillaume Faye's "Archeofuturism"

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What Was, Must Be

Guillaume Faye's "Archeofuturism"

 
 
 
One thing that always struck me about William Pierce’s broadcasts is that out of the two hundred or so that he recorded during the late 1990s, only one ever talked about the world he aspired to see following his revolution. One. Worse still, his utopian vision was not at all inspiring, being, for all practical purposes, a return to 1933. This, unfortunately, is not uncommon among those who, in some measure or another, share his ideas—even among those who are far less radical and apocalyptic, and think in terms of a ‘velvet revolution,’ or co-opting, or electioneering.

As I have written on previous occasions, if our camp is to catalyze a transvaluation of values, and eventually cause a purge of the top echelons of academic, media, and political power in the West, those whom we seek to inspire need to be given more than just a return to the past: they also need a vision that is forward-looking, indeed futuristic, even if ultimately founded on archaic principles. Otherwise, our camp will condemn itself to irrelevance, perpetuating the impression many ordinary people have that we are just aging nostalgics, who feel left out in the brave new world of progress and equality, and are reduced to waving an angry fist at modernity because we have no new ideas of our own. ‘Bankrupt’ is the term often used within the mainstream to describe our ideas and morality.

To get anywhere, one needs to know where one is going; and to get others to come along and make the hard journey to one’s paradise, one has to be able to at least describe what it looks like.

This is why I was interested in Guillaume Faye’s book, Archeofuturism, which Arktos Media published for the first time in English translation during the Summer of 2010. Along with Alain de Benoist, Faye is a leading exponent of the Nouvelle Droite, the European New Right. Faye, however, is more radical than de Benoist, who has accused him of extremism. And some say he is also more creative. Until recently, I only knew Faye by name and affiliation, having never taken the trouble to read him. Was it because of that photograph I have seen of him, grey-haired and scowling with bug-like mirror shades? Whatever the answer, I was pleasantly surprised when the present tome revealed that Faye’s outlook is very similar to my own. Indeed, it turns out that in Archeofuturism he articulates positions that I have articulated in some of own my articles. No wonder the book’s editor, John Morgan, was keen on my reviewing it.

Readers will easily infer at least one of the positions Faye and I share, as I have reproduced it in the second paragraph of this review. The difference is one of emphasis: I think archeofuturism is necessary to move forward; Faye thinks of it as the paradigm that must replace egalitarian modernity, come what may.

arch%E9ofuturisme.gifThere is no question for him that the liberal project is doomed: although its proponents paint it as good and inevitable, egalitarian modernity is, in fact, a highly artificial condition, an unsustainable one, which will fall victim to the very processes it set in motion. Faye believes that we are currently facing a ‘convergence of catastrophes’. These include: the colonization of the North by Afro-Asian peoples from the South; an imminent economic and demographic crisis, caused by an aging population in the West, falling birthrates, and unfunded promises made by the democratic welfare state; chaos in the countries of the South, caused by absurd Western-sponsored development and development programs; a global economic crisis, much worse than the depression of the 1930s, led by the financial sector; ‘the surge of religious fundamentalist fanaticism, particularly in Islam;’ ‘the confrontation of North and South, on theological and ethnic grounds;’ unchecked environmental degradation; and the convergence of these catastrophes against a backdrop of nuclear proliferation, international mafias, and the reemergence of viral and microbial diseases, such as AIDS. For Faye, the way out is not through reform, because a system that is contrary to reality is beyond reform), but through collapse and revolution. As a catastrophic collapse is inevitable, revolutionary thought and action must today be post-catastrophic in outlook. He further suggests that inaction on our part will only open European civilization to conquest by Islam.

How does Faye visualize the post-catastrophic Earth? For him, the deprecation of modernity results in a two-tier world, in which most of humanity reverts to traditional or neo-Medieval societies (essentially pre-industrial reservations), while an elite minority—composed of Europeans and South East Asians—rebuilds advanced technological societies across Eurasia and parts of North America. These societies are to be, of course, archeofuturistic—hierarchical and rooted in ethnotribalism, fiercely protectionistic, yet also ones that fully exploit science and technology, even if ‘esoteric,’ non-humanistic versions of them, ‘decoupled from the rationalistic outlook.’ There is to be no global flow of capital, spreading wealth and technology everywhere: the world economy is to be inegalitarian, elitist, based on quality over quantity. There are also to be no nation states: the European Imperium is to comprise over a hundred regions, with their own languages, customs, and garb. The United States is to split in to ethnic regions (Dreamland for the Blacks), and is to stabilize for the most part according to an eighteenth-century agrarian model. The world, in sum, and in contradiction to liberal aspirations, is to become more ethnic and more differentiated, not less.

In other words, if Faye rejects modernity it is not because he a nostalgic who dreams of returning to a bygone golden age, like so many White racial nationalists today; but because he is an elitist who thinks the world must be rebuilt on entirely different foundations—foundations that are more in harmony with nature.

In order so that we may get a better sense of what he means, he concludes the book with a Science Fiction novelette, titled One Day in the Life of Dmitri Leonidovich Oblomov, and set in the year 2073. Interestingly, and to Faye’s credit, the latter does not really describe a utopia, where everyone sings and lives happily ever after; but rather showcases Faye’s imagining of what he considers will be the most likely consequence of an archeofuturist new world order. It has its own unique set of problems, as any reasonable person would expect. Yet for Faye dealing with problems is part of living, and the choice is therefore not between having or not having problems, but which set of problems is preferable to another. In any event, one can well imagine Faye’s archeofuturistic vision will make egalitarian liberals, and perhaps even some White Nationalists, shift uncomfortably in their seats.

Oblomov, however, is just a scenario. As I have previously mentioned, and as Faye states repeatedly, we must not forget about Islam. Faye stresses that it is here, among us, facing us, right now, and that no amount of appeasement or accommodating will cause it to become less of a threat. This is because, he argues, Islam is an inherently intolerant, aggressive, theocratic movement that will abide no religious pluralism. Faye believes that Islam, and for that matter the Afro-Asian immigrants colonizing our continent, must be expelled from Europe, as was done in the past.  ‘Where there is a will, there is a way,’ he states. Naturally this presupposes either deposing the White ethnomasochists, the deluded cosmopolitans, the xenophiles, and the immigration fraudsters, or being ready to replace them once they fall by the weight of their own corruption and the catastrophic consequences of their own ideology.

How do we get there? The first step is understanding where we came from, where we are, and where we are going. Faye begins the book by evaluating the current with which he was formerly affiliated, the Nouvelle Droite, and outlining the factors and ideological errors that led to its loss of vitality and eventual eclipsing by the Front National. He then presents his vision, which includes corrections of some previously held positions. This is followed by a series of politically incorrect statements—fast sniper attacks against the contemporary West that aggregate into a global analysis of its present condition. An outline of Faye’s future world system follows, in incremental order. Finally, the reader is immersed in the finished result through an exercise in fiction.

That is the first step.

The next step, having read Faye’s text, understood it, reflected, discussed it, and reached individual conclusions, is elucidating how to put the theory into practice—a task that will require our most astute minds and political operators, not to mention funding, courage, and discipline.

I find Faye’s one of the most lucid analyses and statements of a metapolitical proposition I have yet encountered. It is both creative and logically structured. It is both analytical and refreshingly constructive. And it is both intelligent and unflinchingly radical. What is more, the text flows with urgent velocity, thanks to a skilled English translation, and is copiously supplemented with useful informative notes. What more can you ask?

 

jeudi, 25 novembre 2010

Un front clandestin pour la libération de l'Europe

Extraits de "La confirmation boréale" de Jean PARVULESCO

Ex: http://www.ledesobeissant.over-blog.com/

Tout se passe comme si, à l’abri d’un écran protecteur, aussi invisible qu’impénétrable, des évènements considérables se produisent, dramatiquement, dont on ne parviendrait à saisir, à l’extérieur, que des fragments en ordre dispersés, inintelligibles parce que leur terrifiante cohérence intérieures se trouve occultée, rigoureusement maintenue en dehors de toute attention étrangère au secret central des choses qui s’y font et s’y défont et qui décident du sort de ce monde dans une obscurité extrême.

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(…) A nous autres, derniers témoins de l’être, tout nous est prohibé. Nous nous trouvons irrémédiablement exclus de la grande édition, de la grande presse, de la radio, de la télévision ; le théâtre et le cinéma sont subversivement maintenus hors de notre portée, une violente campagne permanente et exhaustive de dénigrement, d’interdit formel et d’empêchement suractivé se poursuit inlassablement, à tous les niveaux, contre nos positions, contre nos œuvres et jusque contre les personnes mêmes qui se reconnaissent dans nos rang, atteintes, poursuivies jusque dans leurs existences même, jusqu’à leur dernier souffle.

(…) Car les choses du présent, sans distinction, sont devenues intolérables. La haute trahison spirituelle de certains, responsables et lucides ceux-là, et même plus que lucides, ainsi que le crétinisme, glorieux et moutonnier à la fois, d’une intelligentsia fermement décidée à ne pas en perdre une, qui s’obstine à s’enfoncer toujours plus avant dans l’écœurante misère de la médiocrité d’état et qui étouffe tout et nous a étouffé tous sous la lourde chape de boue de ses basses œuvres, n’en finissent plus de dévier, de souiller et d’empêcher toute vie spirituelle en devenir, et jusqu’à la vie elle-même dans les choix de sa conscience et dans la conscience de ses choix.

(…) Nous ne sommes déjà plus rien d’autre que le seul honneur de notre fidélité, si notre honneur s’appelle fidélité, si nous sommes les survivants hallucinés des serments antérieurs, fondement occultes des grands serments à venir avec les prochains renouvellements de la foi impériale.

(…) Dans la conjoncture politique actuelle, dont la caractéristique décisive est celle d’une de l’installation préventive d’une vaste conspiration mise subversivement en place et dirigée, dans l’ombre, par la « superpuissance planétaire des Etats-Unis », les combats pour la libération de l’Europe ne peuvent plus être, aujourd’hui, que des combats souterrains, les combats désespérés d’une résistance clandestine. Car il y a un front de libération de l’Europe, qui reste, à présent, la dernière chance d’une nouvelle liberté politico-historique européenne face à la conspiration mondiale qui se bat pour la fin de l’Europe, et de ses libertés géopolitiques impériales et supra historiques.

(…) Les forces régressives et désertificatrices à l’œuvre, suractivées, engagées en avant avec les glissements politiques négatifs opérés par le pouvoir encore en place, et qui imposent ainsi, en direct, dans les termes même de la terreur démocratique montante, leur loi de renversement et de prise de possession négative, satanique. Car tel est le signe de haute provocation qui sont les nôtres, l’obligation devant laquelle on se trouve tenu d’utiliser ce terme aux résonances bien anciennes, étrangères à nos actuelles habitudes de discours.

(…) Le renversement fondamental du front de la bataille décisive pour la libération de la conscience européenne fera que la conspiration mondiale américaine sera alors réduite à la défensive, et que c’est nous qui conduirons l’offensive du désencerclement et de l’affirmation finale de nos propres positions grand-européenne.

(…) Ainsi, désormais, seul l’inconcevable commande. Et l’inconcevable, en l’occurrence, étant l’action révolutionnaire totale du petit nombre de ceux qui ayant réussi à franchir pour eux-mêmes, pour leur propre compte, clandestinement, la ligne de passage entre l’être et le non-être, se trouvent déjà en état d’assumer la tâche de veiller sur un nouveau retour à l’être, d’un nouveau recommencement révolutionnaire de l’histoire française de l’Europe, de la plus Grande Europe.

(…) Raymond Abellio fait dire à un de ses personnages de son roman Les Yeux d’Ezechiel sont ouverts : « Aujourd’hui je le sais. Aucun homme ayant un peu le goût de l’absolu  ne peut plus s’accrocher à rien. La démocratie est un dévergondage sentimental, le fascisme un dévergondage passionnel, le communisme un dévergondage intellectuel. Aucun camp ne peut plus gagner. Il n’y a plus de victoire possible ». Il nous faudra donc qu’à partir de la ligne actuelle du néant, nous recommencions, à nouveau, tout, que nous remettions tout en branle par le miracle supra historique d’une nouvelle immaculée conception révolutionnaire. C’est la tâche secrète de nous autres.

(…) Et il n’est pas impossible que l’épreuve de force entre le pouvoir et les forces de contestation qui vont s’élever alors contre l’état de fait puisse prendre aussitôt les allures d’une guerre civile, les choses apparaissant ainsi d’autant plus étranges que les forces de contestation se levant contre la dictature démocratique à la fois sournoise et totalitaire du pouvoir seront tout à fait inconnues, n’ayant encore fait état, ouvertement, de leur existence, et ne manifestant donc aucune relation avec ce que l’on appelle, sans doute par dérision, « l’opposition nationale » – soi-disant « gaulliste » – et autres formations de la même frime, salement complices, à la traine, et dans l’imitation honteuse du pouvoir en place – « opposition nationale » dont les positions affichées font ouvertement assaut d’allégeance aux mots d’ordre de la conspiration mondialiste se tenant présente dans l’ombre.

(…) Aussi de nouveaux rapports de puissance et de destin, absolument imprévisibles, des glissements tectoniques en profondeur viendront définir et imposer, à l’heure prévue, une conjoncture politico-historique tout à fait autre.

(…) La conspiration mondialiste peut très certainement prétendre, à l’heure actuelle, d’être en état de tout verrouiller, de neutraliser toute velléité de résistance européenne, cette prétention trouvant posée dans les termes mêmes de la dialectique offensive de ses propres intérêts d’ensemble, de ses propres desseins, désormais à découvert, de la domination planétaire. La conspiration mondialiste s’y croit déjà.

Mais l’histoire n’est absolument pas la somme des circonstances : au contraire, c’est l’histoire qui décide, invente et impose irrationnellement les circonstances de sa propre marche en avant. A la terreur de la raison démocratique totalitaire, nous opposons la ligne de front de l’irrationalité dogmatique de l’histoire elle-même.

Jean Parvulesco

Extraits de La confirmation boréale,

Alexipharmaque, 2010

Source :Mecanopolis

 

mercredi, 24 novembre 2010

39-45: les dossiers oubliés, retour sur les crimes soviétiques et américains

39-45 : les dossiers oubliés - retour sur les crimes soviétiques et américains

VARSOVIE (NOVOpress) – Boguslaw Woloszanski, journaliste polonais, continue dans son nouvel ouvrage, 39-45 : les dossiers oubliés, aux Editions Jourdan, d’explorer les faces méconnues de la Seconde Guerre mondiale, sur la base notamment de la récente ouverture des archives de l’ex-Union Soviétique.

Le premier chapitre du livre est d’ailleurs consacré aux manœuvres de l’un des plus grands criminels de l’histoire du XXème siècle : Joseph Staline. Où comment l’ami de Lénine [1] liquida en 1937 le chef de son armée, Mikhaïl Nikolaïevitch Toukhatchevski, danger pour son pouvoir absolu, avec l’aide… du régime hitlérien, trop heureux de priver l’Armée Rouge de son officier le plus talentueux.

Boguslaw Woloszanski rappelle aussi les coups tordus perpétrés par les démocraties occidentales durant ce conflit qui saigna à blanc le continent européen. L’auteur souligne pourquoi des centaines de Canadiens furent sacrifiés à Dieppe le 19 août 1942 alors que seulement 50 Américains débarquèrent sur le sol normand ce jour là.

Les Etats-Unis mirent le paquet en revanche pour s’attaquer à des cibles non militaires. Boguslaw Woloszanski revient sur les raids aériens américains sur Tokyo [2] en 1945. Celui du 9 au 10 mars fut le plus meurtrier des bombardements de la Seconde Guerre mondiale : 100 000 victimes, pour la plupart brûlées vives. Il dépassa en nombre de victimes les bombardements d’Hambourg en juillet 1943 ou de Dresde en février 1945 [3]. Au cours des sept derniers mois de cette campagne, ce type d’actions a provoqué la destruction de 67 grandes villes japonaises, causant plus de 500 000 morts et quelque 5 millions de sans abri. Pourtant, aucun général américain ne fut traduit devant un tribunal international pour ces crimes de guerre.


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[1] l’ami de Lénine: http://fr.novopress.info/16199/russie-une-statue-de-lenine-dynamitee-a-saint-petersbourg/

[2] raids aériens américains sur Tokyo: http://les3abeilles.lefora.com/2010/09/23/les-bombardements-sur-tokyo-2/

[3] Dresde en février 1945: http://fr.novopress.info/466/dresde/

[4] cc: http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.0/fr/

[5] http://fr.novopress.info: http://fr.novopress.info