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samedi, 26 décembre 2009

Eugen Diederichs et le Cercle "Sera"

diederichs-eugen-1896.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1999

Eugen Diederichs et le Cercle «Sera»

 

Robert STEUCKERS

 

Analyse: Meike G. WERNER, «Bürger im Mittelpunkt der Welt», in Der Kulturverleger Eugen Diederichs und seine Anfänge in Jena 1904-1914. Katalogbuch zur Ausstellung im Romantikerhaus Jena 15. September bis 8. Dezember 1996, Diederichs, München, 1996, 104 p. (nombreuses ill., chronologie), ISBN 3-424-01342-0.

- Meike G. WERNER, «Die Erneuerung des Lebens durch ästhetische Praxis. Lebensreform, Jugend und Festkultur im Eugen Diederichs Verlag» &

- Friedrich Wilhelm GRAF, «Das Laboratorium der religiösen Moderne. Zur “Verlagsreligion” des Eugen Diederichs Verlags»

tous deux in: Gangolf HÜBINGER, Versammlungsort moderner Geister. Der Eugen Diederichs Verlag - Aufbruch ins Jahrhundert der Extreme, Diederichs, München, 1996, 533 p., ISBN 3-424-01260-2.

- Rainer FLASCHE, «Vom Deutschen Kaiserreich zum Dritten Reich. Nationalreligiöse Bewegungen in der ersten Hälfte des 20. Jahrhunderts in Deutschland», in: Zeitschrift für Religionswissenschaft, 2/93, pp. 28-49, Diagonal-Verlag, Marburg, ISSN 0943-8610.

 

Editeur allemand, qui a fondé sa maison en 1896, Eugen Diederichs se voulait un “réformateur de la vie” (Lebensreformer). Tout à la fois pragmatique et romantique, ses intentions étaient de briser l'ennui, la positivité matérialiste, l'étroitesse des esprits, qui pe­saient comme une chape de plomb sur les dernières années du XIXième siècle et les premières du XXième. Diederichs a perçu, longtemps à l'avance, que ce positivisme sans élan conduirait à de dangereuses impasses. Avec son regard synoptique, il a mis tous les moyens de sa maison d'édition en œuvre pour promouvoir pensées, sentiments et démarches cherchant à sortir de cet enlisement. Diederichs a ainsi rassemblé, dans les collections qu'il publiait, les auteurs réhabilitant le corps (et la “corporéité”), les adeptes du mouvement des cités-jardins en architecture, les réformateurs de la pédagogie qui avaient beaucoup de peine à faire passer leurs sug­gestions, les pionniers du mouvement de jeunesse, etc. L'objectif de Diederichs était de donner la parole à tous ceux qui se faisaient l'écho des œuvres de “maîtres à penser” incontestés comme Ruskin, Tolstoï, Herder, Fichte et Schiller. Le noyau rénovateur, dynamique et “énergisant” de leur pensée ou de leurs démarches avait été pro­gressivement refoulé hors de la culture dominante, statique et ri­gidifiée, pour s'exprimer dans des sub-cultures  marginalisées ou dans des cénacles tâtonnants, critiques à l'endroit des piliers por­teurs de la civilisation occidentale, positiviste et matérialiste. Outre l'art, la voie de l'artiste, trois voies s'offraient, selon Diederichs, à ceux qui voulaient sortir des enfermements positivistes: une réno­vation de la tradition idéaliste, un néo-romantisme, une nouvelle mystique.

 

Esthétique et énergie chez Schiller

 

Deuxième écueil à éviter dans toute démarche anti-positiviste: le repli sur des dogmes étroits, sur des manies stériles coupées de tout, sur des réductionnismes incapacitants, qui empêchent l'émergence d'une nouvelle culture, dynamique, énergique et plu­rielle, ouverte sur tous les faits de monde. Dogmatisme et rénova­tion, dogmatisme et vie, sont en effet incompatibles; Diederichs n'a jamais cessé de vouloir mettre cette incompatibilité en exergue, de la clouer au pilori, de montrer à quelles envolées fécondes elle cou­pait les ailes. Le projet à long terme de Diederichs a été clairement esquissé lors de la célébration du 100ième anniversaire de la mort du poète Schiller, le 9 mai 1905. Poète et penseur du classicisme allemand, Schiller avait aussi mis l'accent sur l'esthétique et l'art, éléments indispensables dans une Cité harmonieuse. Celle-ci ne de­vait pas exclusivement mobiliser les ressorts de la politique, ou se préoccuper uniquement d'élections et de représentation, mais in­suffler en permanence une esthétique, ciment de sa propre durée et de sa propre continuité. Schiller parie sur l'éducation de la personne et sur le culte de la beauté, afin d'avoir des citoyens “harmonieux et éthiques” (harmonisch-sittlich), portés par une “liberté inté­rieure”, autant d'individualités créatrices capables de donner forme à l'histoire.

 

Comment réaliser l'idéal schillerien du citoyen dans l'Allemagne wilhelminienne, où l'éducation n'oriente nullement les élèves vers l'esthétique, la liberté intérieur ou l'harmonie créatrice? Diederichs, attentif à tout ce qui se passait dans sa ville d'Iéna, découvre en 1908, un groupe d'étudiants rebelles à la positivité pédagogique de la “Belle Epoque”. Cette Jenaer Freie Studentenschaft  s'était créée en mai 1908; un mois plus tard, Diederichs invite ces jeunes gens et filles à participer à une fête solsticiale qu'il finance et organise sur le Hoher Leeden, une hauteur proche de la ville. C'est ainsi que naît le “Cercle Sera”. L'objectif est une réforme anti-autoritaire et anti-positiviste de la pédagogie, de l'éducation, de la vie en général. La volonté des participants et adeptes de ce mouvement culturel étu­diant est de forger un style nouveau, qui évitera l'écueil des en­croûtements (stilbildend). Mais pour rendre une telle démarche possible, il faut sortir l'étudiant et l'intellectuel de leur tour d'ivoire, restaurer une socialité culturelle et festive, où l'on rit, chante, s'amuse et échange des idées. Diederichs a plusieurs mo­dèles en tête quand il envisage la restauration de cette socialité in­tellectuelle et festive: 1) le panthéisme et le mysticisme de la bo­hème poétique berlinoise (le Friedrichshagener Kreis);  2) les cercles culturels de la Renaissance italienne (dont il a appris l'existence par le livre de Jacob Burckhardt Kultur der Renaissance in Italien); 3) l'accent mis par Nietzsche sur le dionysiaque et sur les chœurs bacchiques en Grèce; 4) les traditions allemandes mé­diévales des danseurs de la Saint-Jean et de la Saint-Guy (Sanct-Johann- und Sanct-Veittänzer); 5) l'esprit des maîtres-chanteurs de Hans Sachs. Cette culture dionysiaque de l'expression et de l'effervescence permet d'expérimenter la communitas  sacrée, de transcender des normes qui, si elles n'étaient jamais transcendées, deviendraient très vite les étouffoirs de la créativité. En effet, la créativité artistique n'est nullement la répétition rituelle des mêmes gestes conventionnels.

 

Pour une pédagogie nouvelle

 

Raison pour laquelle les fêtes solsticiales du Cercle Sera n'ont jamais été pareilles ni répétitives: Diederichs voulait qu'elles soient chaque fois l'occasion d'injecter dans les esprits de nouvelles idées ou de nouvelles formes. Ainsi la chanteuse norvégienne Bokken Lasson, innovatrice dans son art, participe en 1905 au solstice de la Lobedaburg. En 1906, des groupes de danseurs suédois présentent leurs danses traditionnelles mais réactualisées. En 1907, les jeunes de Iéna présentent de nouvelles danses de leur composition, inspi­rées des Minnelieder  médiévaux. Chaque fête de mai ou du 21 juin est l'occasion de découvrir une facette de la littérature ou de la pensée panthéiste européenne (François d'Assise, Spiele de Hans Sachs, poésies d'Eichendorff ou de Goethe), mais sous des formes toujours actualisées.

 

A partir de 1908, l'idéal schillerien, théorisé depuis mai 1905, prend corps et se double de la volonté de promouvoir en Allemagne une pédagogie nouvelle, basée sur la notion d'énergie théorisée par Schiller, sur l'élan vital bergsonien, sur le dionysiaque chanté par Nietzsche, etc. Deux mouvements alimentent en effectifs et en inspi­rations le Cercle Sera: 1) Les étudiants dissidents de l'Université de Leipzig qui se nommaient les Finken (les pinsons) ou les Wilden (les sauvages) ou encore, plus simplement, les Freie Studenten (Les libres étudiants), dégagés des structures rigides de l'université con­ventionnelle. 2) Les jeunes du mouvement de jeunesse Wandervogel. Le Cercle Sera recrute une élite étudiante et ly­céenne, très cultivée, adepte de la mixité (un scandale pour l'époque!), à la recherche de nouvelles formes de vie et d'une éthique nouvelle. Pour Diederichs, ce groupe “semble enfin réaliser les objectifs sur lesquels l'ancienne génération avait écrit et dont elle avait parlé, mais dont elle espérait l'advenance dans un très lointain avenir”. Désormais, à la suite des fêtes solsticiales et sous l'influence des randonnées des Wandervögel, le groupe pratique les Vagantenfahrten, les randonnées des Vagantes, c'est-à-dire les “escholiers pérégrinants” du moyen âge. On se fait tailler des cos­tumes nouveaux aux couleurs vives, inspirés de cette tradition mé­diévale. Diederichs espère que cette petite phalange de jeunes, gar­çons et filles, cultivés et non conformistes va entraîner dans son sillage les masses allemandes et les tirer hors de leurs torpeurs et de leurs misères. Il a conscience de forger une “aristocratie de l'esprit” qui sera un “correctif culturel” visant à transformer les principes politiques dominants, à insuffler le sens schillerien de l'énergie et l'élan vital de Bergson dans la pratique quotidienne de la politique. Mais Diederichs est déçu, après une fête qu'il avait or­ganisée le 7 juin 1913, avec beaucoup d'artistes et d'acteurs: trop de participants s'étaient comporté comme des spectateurs, alors que, se plaignait Diederichs, dans une vraie fête traditionnelle ou hellénique-dionysiaque, il n'y a jamais de spectateurs, mais seule­ment des participants actifs. Diederichs constatait, non sans amer­tume, que la fête traditionnelle ne semblait pas pouvoir être res­taurée, que la modernité avait définitivement cassé quelque chose en l'homme, en l'occurrence la joie spontanée et créatrice, le sens de la fête.

 

De toute l'aventure du Cercle Sera, où se sont rencontrés les philo­sophes Hans Freyer et Rudolf Carnap, émergeront principalement les méthodes pédagogiques d'enseignement aux adultes, avec Alexander Schwab, Walter Fränzel, Hildegard Felisch-Schwab (pédagogie spéciale des orphelins), Elisabeth Czapski-Flitner, Helene Czapski, Hedda Gagliardi-Korsch.

 

Les hérétiques sont les seuls esprits créateurs

 

Sur le plan religieux, Diederichs se considérait personnellement comme un grand réformateur, plus exactement comme “l'organisateur du mouvement religieux extra-confessionnel”. Il ac­cusait les théologiens du pouvoir, de l'université et des églises offi­cielles d'avoir bureaucratisé la foi, d'avoir enfoui la flamme de la religion sous les cendres du dogmatisme, des intrigues et du calcul politicien. La religion vivante des traditions et de nos ancêtres s'est muée en “histoire morte”, a été déchiquetée par le scalpel d'un rationalisme sec et infécond. La démarche de Diederichs était dès lors de “revenir aux racines de notre force (= la religion, la foi) la plus pro­fonde”. Le protestantisme, d'où Diederichs est pourtant issu, est grandement responsable, disait-il, de cette crise et de cette catas­trophe: il a donné la priorité au discours (le prêche et les commentaires des écritures) plutôt qu'au culte (festif et commu­nautaire), plutôt qu'aux sentiments, à la sensualité ou à l'émotion. Le réel homo religiosus du début du XXième siècle doit avoir la vo­lonté de rebrousser chemin, de retourner à la foi vive, de tourner le dos à la religion étatisée, au cléricalisme et à l'académis­me. Dans cette optique, Diederichs ouvrira les portes de sa maison d'édition à tous ceux que les dogmatiques avaient margi­nalisés, aux non-conformistes et aux innovateurs qui “osent saisir le religieux de manière explorante et expérimentale”. A plus d'une re­prise, il déclare: “Les hérétiques sont les esprits créateurs par excel­lence dans l'histoire des religions”. Et il citait aussi souvent une phrase de Jakob Grimm: «Savez-vous où Maître Eckehart me touche le plus? [...] Là où il sort de l'étroitesse de la religion pour passer à l'héré­sie». En 1901, le théologien totalement hérétique Arthur Bonus (cf. infra), un des auteurs favoris de Diederichs, résumait clairement leur op­tique: «Les autorités sont là pour être combattues».

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Pour répondre au rationalisme de la théologie officielle et au dog­matisme, Diederichs préconise de faire appel à des modes de pensée holistes, vitalistes et existentialistes. C'est le noyau vital des reli­gions qu'il faut saisir, même au prix d'associations étonnantes, de comparaisons audacieuses, où Zarathoustra va voisiner le Christ, Goethe va se retrouver mêlé à Nieztsche, tout comme Marx à Wagner. Des multiples traditions panthéistes, les auteurs de la mai­son d'édition de Diederichs vont extraire des motifs et des dé­marches conceptuelles pour façonner un Dieu qui est tantôt source créatrice de tous les phénomènes de la Vie, tantôt “puissance d'ascension déclenchant une créativité absolue”. Toutes les visions de Dieu chez les auteurs de Diederichs impliquaient un Dieu dyna­mique, décideur, actif, créatif et animé d'une forte volonté d'action.

 

Une religion qui dynamise les volontés

 

En effet, par le terme “religion”, Diederichs n'entendait pas une atti­tude contemplative, purement intériorisée: son interprétation du phénomène religieux était vitaliste et dynamique, portée par une forte volonté de mener une action dans et sur le monde. Certes, fasciné par la tradition mystique allemande, il n'excluait par l'introspection religieuse, l'importance de l'intériorité et des forces qui y sont tapies, la découverte par la réflexion des profondeurs de la subjectivité, mais ce mouvement de l'esprit vers l'intériorité visait la libération de forces insoupçonnées pour par­faire une action correctrice, esthétisante ou éthique dans le réel extérieur. La religion permet à l'homme d'accroître sa volonté indi­viduelle pour la vie, de rassembler des potentialités pour arraisonner le monde. Dans une brochure commentant ses collections, Diederichs écrivait en 1902: «Une culture religieuse n'est pas tellement dépen­dante de sa conception de la vie dans l'au-delà [...] Elle veut plutôt réaliser le telos  de cette Terre, qui est de créer dans l'en-deça des in­dividualités de plus en plus fines dans une Règne dominé par l'esprit. Les pures spéculations d'idées sur Dieu, l'immortalité [...] et autres doctrines de l'Eglise cèdent le pas, ne sont plus considérées comme essentielles, et font place à la Vie religieuse, qui correspond aux lois du Cosmos et aux lois de la croissance organique; la religion ne peut dès lors plus être reconnue qu'à ses fruits». En 1903, Diederichs écrit au Pasteur Theodor Christlieb qu'il voulait, avec ses livres, “promouvoir une religion sans regard vers le passé, mais di­rigée vers l'avenir”. Pour désigner cette religion “futuriste”, Diederichs parlait de “religion du présent”, “religion de la volonté”, “religion de l'action”, “religion de la personnalité”. Avec le théolo­gien protestant en rupture de banc Friedrich Gogarten (“théologien de la crise”, “théologien dialectique”), Diederichs évoquait “une reli­gion du oui à la Vie, bref, une religion qui dynamise les volontés”.

 

Action et création

 

La religion (au sens où l'entendaient Diederichs et ses auteurs), la “théosophie” (terme que Diederichs abandonnera assez vite) et le néo-romantisme visent “une saisie immédiate de la totalité de la vie”, afin de dépasser les attitudes trop résignées et trop sceptiques, qui empêchent de façonner l'existence et affaiblissent les volontés. «Plus de savoir mort, mais c'est l'art qui devrait transformer l'âme et les sentiments des hommes et les conduire à l'action pratique» (on reconnait là le thème schillerien récurrent dans la démarche de Diederichs). Parmi les auteurs qui allaient expliciter et répandre cette vision holiste de la vie, Arthur Bonus, autre théologien protestant en rup­ture de banc, sera certainement le plus emblématique. Dans Religion als Schöpfung  (1902; = La religion comme création), Bonus présente la religion comme une “conduite de la vie”, où l'homme se plonge dans la vectorialité réelle du monde, qu'il a d'abord saisie par intuition; il entre ainsi en contact avec la puissance divine créatrice du monde et, fortifié par ce contact, se porte en avant dans le monde sous l'impulsion de ses propres actions. Dans ce sens, la religion est une attitude virile et formatrice, elle est pures action et création. Les églises, au con­traire, n'avaient eu de cesse de freiner cette activité créatrice forte, de jeter un soupçon sur les âmes fortes en exaltant la faiblesse et la mièvrerie des âmes transies, inca­pables de donner du neuf à la vie. Mais Bonus, théologien bien écolé, ne réduit pas son apologie de la vie à un naturalisme voire à certaines tendances maladroites du panthéisme qui dévalorisent  —comme les églises mais au nom d'autres philosophades—  l'action de l'homme créateur et énergique, sous prétexte qu'elle serait une dérive inhabituelle  —et pour cela non fondamentale—  ou éphémère de la matière ou d'un fond-de-monde posé une fois pour toute comme stable, immuable. Bonus réclame l'avènement d'une religion qui ne refuserait plus le monde et son devenir perpétuel, mais pousserait les hommes à par­ticiper à son façonnage, à agir avec passion pour transformer les simples faits objectifs en principes spirituels supérieurs. Telle est la “germanisation du christianisme” qu'il appelle de ses vœux. Bonus, bien qu'argumentant en dehors des sentiers battus de la théologie protestante, a suscité avec ses thèses bien des émois positifs chez ses pairs.

 

Autre livre qui fit sensation dans le catalogue de Diederichs: l'essai Rhytmus, Religion, Persönlichkeit (= Rythme, religion, personnalité) de Karl König. Dans la ligne de Bonus, la pensée religieuse de König se résume à ces quelques questions: «Entends-tu dans tout le chaos du présent le rythme secret de la vie? Laisse pénétrer ce rythme dans la profondeur de ton âme. Laisse Dieu travailler ta personne, pour qu'il la modèle et la façonne en toi. Ce n'est que là où l'on trouve un centre de force dans la vie spirituelle et personnelle que quelque chose peut se construire et se développer, qui donnera de la valeur à la vie».

 

L'objectif de Diederichs, en publiant quelques ouvrages paganisants, plus ceux des théologiens qui abjuraient une foi devenue sans re­lief, sans oublier les grands textes des traditions européennes (surtout mystiques), chinoises, indiennes etc., était d'opposer à la “phalange du logos” (les néo-kantiens, les phénoménologues et les positivistes logiques), la “phalange des défenseurs de la vie”.

 

Robert STEUCKERS.

vendredi, 25 décembre 2009

Citation de D. H. Lawrence

apoDHL2222.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1999

APOCALYPSE:

Un commentaire païen de l'Apocalypse selon Saint-Jean

 

«L'Apocalypse nous montre ce à quoi nous résistons, résistance contre-nature, nous résistons à nos connexions avec le cosmos, avec le monde, la nation, la famille. Toutes nos connexions sont anathèmes dans l'Apocalypse, et anathèmes encore en nous. Nous ne pouvons pas supporter la connexion. C'est notre maladie. Nous avons besoin de casser, d'être isolés. Nous appelons cela liberté, individualisme. Au-delà d'un certain point, que nous avons atteint, c'est du suicide. Peut-être avons-nous choisi le suicide. C'est bon. L'Apocalypse aussi choisit le suicide, avec l'auto-glorification que cela implique.

 

Mais l'Apocalypse montre, par sa résistance même, les choses auxquelles le cœur humain aspire secrètement. La frénésie que met l'Apocalypse à détruire le soleil et les étoiles, le monde, tous les rois et tous les chefs, la pourpre, l'écarlate et le cinnamome, toutes les prostituées et finalement tous les hommes qui n'ont pas reçu le “sceau” nous fait découvrir à quel point les auteurs désiraient le soleil et les étoiles et la terre et les eaux de la terre, la noblesse et la souveraineté et la puissance, la splendeur de l'or et de l'écarlate, l'amour passionné et une union juste entre les hommes indépendamment de cette histoire de “sceau”. Ce que l'homme désire le plus passionnément, c'est sa totalité vivante, une forme de vie à l'unisson, et non le salut personnel et solitaire de son “âme”.

 

L'homme veut d'abord et avant tout son accomplissement physique, puisqu'il vit maintenant, pour une fois et une fois seulement, dans sa chair et sa force. Pour l'homme, la grande merveille est d'être en vie. Pour l'homme, comme pour la fleur, la bête et l'oiseau, le triomphe suprême, c'est d'être le plus parfaitement, le plus vivement vivant. Quoi que puissent savoir les morts et les non-nés, ils ne peuvent rien connaître de la beauté, du prodige d'être en vie dans la chair. Que les morts apprêtent l'après, mais qu'ils nous laissent la splendeur de l'instant présent, de la vie dans la chair qui est à nous, à nous seuls et seulement pour une fois. Nous devrions danser de bonheur d'être vivants et dans la chair, d'être une parcelle du cosmos vivant incarné. Je suis une parcelle du soleil comme mon oeil est une parcelle de moi-même. Mon pied sait très bien que je suis une parcelle de la terre, et mon sang est une parcelle de la mer. Mon âme sait que je suis une parcelle de la race humaine, mon âme est une partie organique de l'âme de l'humanité, tout comme mon esprit, une parcelle de ma nation. Dans mon moi le plus privé, je fais partie de ma famille. Rien en moi n'est solitaire ni absolu, sauf ma pensée, et nous découvrirons que la pensée n'a pas d'existence propre, qu'elle n'est que le miroitement du soleil à la surface des eaux.

 

Si bien que mon individualisme est en fait une illusion. Je suis une parcelle du Grand Tout, et n'y échapperai jamais. Mais je peux nier mes connexions, les casser, devenir un fragment. Alors, c'est la misère.

 

Ce que nous voulons, c'est détruire nos fausses connexions inorganiques, en particulier celles qui ont trait à l'argent, et rétablir les connexions organiques vivantes avec le cosmos, le soleil et la terre, avec l'humanité, la nation et la famille. Commencer avec le soleil, et le reste viendra lentement, très lentement».

(D. H. LAWRENCE, Apocalypse, 1931; éditions Balland, Paris, 1978 pour la traduction française, pp. 210 à 212).

 

jeudi, 24 décembre 2009

Symboles: du monde païen au monde chrétien

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Archives de SYNERGIES EUROPPEENNES - 1999

 

SYMBOLES, DU MONDE PAïEN AU MONDE CHRETiEN

 

Marie BRASSAMIN

 

Depuis la nuit des temps, l'homme use de symboles: les dessins rupestres sont symboles religieux et non, comme on l'a cru longtemps, des fresques narratives. La symbolique évolue en fonction du degré de la civilisation: on peut distinguer quatre étapes qui se chevauchent et/ou coexistent.

 

1) Le symbole matérialise un concept philosophique ou religieux inaccessible autrement au commun des mortels. En général, le symbole est inclus dans une narration, mythe, conte, légende, épopée...

 

2) Le symbole représente une chose concrète ou abstraite et se substitue à elle par souci de poésie (neige et vieillesse), par pudeur ou tabou (avoir la puce à l'oreille), par similitude de forme (ventre et grotte), par recouvrement de caractère (rat et avarice)...

 

3) Le symbole masque une vérité que l'on ne veut pas ou que l'on ne peut pas exprimer en clair: ésotérisme (alchimie), sociétés secrètes ou sectes (franc-maçonnerie), politique, psychanalyse...

 

4) Le symbole permet les jeux de mot, sur les armes (Hugues Capet, abbé de Senlis, élu roi, pris pour écu un semis de lys  —cent lis—  sur champ d'azur  —le fleuve—); les rébus, le pictionary (contraction de picture et dictionary).

 

La deuxième série permet d'obtenir quelques renseignements sur les mœurs, la troisième est inexploitable sauf par les personnes concernées directement, la quatrième catégorie, un temps utilisée pour favoriser l'éveil des enfants à leur langue matemelle, a été abandonnée par suite de trop nombreuses confusions de sens et d'orthographe.

 

Universalité des symboles philosophiques

 

Les symboles philosophiques et religieux sont remarquables par leur universalité. Du Mexique au Danemark, du Japon à la France, de Chine en Australie, le même animal, la même plante expriment la même idée. Aucune explication rationnelle ne peut être avancée sinon l'observation: mais est-ce vraiment une explication? En effet, à partir d'une même observation, il est possible d'entreprendre différentes études qui déboucheront sur des enseignements différents; or, les anciennes civilisations ont une sorte d'uniformité de vue! Ces symboles, dont certains remontent au néolithique, ont été repris ou absorbés par la religion chrétienne, mais, l'Europe seule est réellement concernée car, la christianisation de l'Amérique s'est faite par le vide (massacres importants, isolation des autochtones, non-souci de conversion); celle de l'Afrique n'a concerné que les zones non-musulmanes, les massacres furent politiques, et, du point de vue religieux, les idoles ont cédé le pas aux rituels (“Gospel” par exemple); en Asie, comme dans le monde islamisé du temps passé, il y a eu coexistence (pas forcément pacifique) des anciennes religions et de la nouvelle.

 

Sanctuaires mariaux et déesses-mères païennes

 

D'une facon générale, on remarque que les sanctuaires mariaux les plus importants se situent sur les zones d'influence d'une déesse païenne: Lourdes et la Vénus de Cauterets, et, plus troublant, les régions ayant opté pour le protestantisme sont les aires de tribus guerrières où les femmes ne jouaient aucun rôle dans l'organisation sociale (épouses et mères seulement), alors que les pays actuellement catholiques et fortement attachés à la Vierge furent des nations dévouées à une déesse-mère toute puissante (Maeva en Irlande).

 

Le nomadisme et le fractionnement en petites unités sociales ont aussi joué un rôle dans l'essaimage des symboles et leur amalgame au christianisme. Jusqu'en l'an 500, les mouvements migratoires répondent à des impératifs alimentaires plus que conquérants, même si l'on se bat souvent. Si, durant une période de 30 à 50 ans aucune épidémie ou catastrophe naturelle ne décimait la tribu, il y avait surpopulation, d'où nécessité d'éliminer le surnombre d'individus par un départ concerté. Pour accroître les chances de survie des exilés, plusieurs tribus regroupaient leurs migrants, et se mettait en marche une horde qui, en cours de route, s'augmentait souvent. Chaque groupe avait son langage, ses dieux, ses coutumes, mais, chemin faisant, progressivement et inconsciemment, tout cela se mêlait. Ils allaient ainsi, parfois en un voyage de plusieurs décennies, jusqu'à ce qu'ils trouvent une terre vierge pouvant les nourrir: partis des Monts de Thuringe vers la Pologne puis la Biélorussie, descendant vers l'Ukraine pour revenir sur leurs pas par la Slovaquie, la Hongrie, atteindre la vallée du Rhône, la descendre, suivre la côte méditerranéenne jusqu'à l'Andalousie, tel fut le périple des Wisigoths d'Espagne! (Une partie de la troupe s'installa sur une bande de terre de l'Italie du Nord à la Croatie actuelles, en gros). Au terme du voyage, ceux qui étaient partis étaient morts en route, ceux qui arrivaient ne savaient pas leur origine, la culture initiale s'était diluée au contact d'autres cultures (haltes, compagnons de voyage, unions...); le temps est facteur d'oubli.

 

Le CYGNE:

Sous la forme de cet oiseau, Zeus féconda Léda. Dans la Grèce antique, le cygne n'est pas un animal local, mais, le pays est situé sur un axe de migration: les gens ont pu voir un animal, fatigué ou blessé, lors d'une pause. La rareté, la beauté ont fait naître l'idée de l'associer à Zeus. Sur l'axe de migration, en Europe centrale, les devins étudiaient le vol des cygnes pour en tirer un présage pour l'année nouvelle (qui commençait au printemps). Pour les peuples familiers des cygnes, plus que la grâce et la blancheur, le fait marquant était sa disparition durant les mois de froidure. Il devint donc symbole de pureté et de jeunesse: de nombreuses légendes mettent en scène des hommes-cygnes (Lohengrin en Allemagne; Andersen d'après des traditions orales, au Danemark;...). Il est à noter que le cygne est associé à une femme (épouse, sœur) mais que la femme elle-même n'est que rarement cygne.

 

Ces légendes orales ont atteint des régions où le cygne est très rare, voire inexistant, il a donc été remplacé logiquement par l'oie et le canard. L'oie était associée au dieu Mars dans la Rome antique (les oies du Capitole). Sequana est représentée debout, un canard dans ses bras ou à ses pieds: le long de la vallée de la Seine, il existe plusieurs représentations de la Vierge au canard, (av. le XIIième siècle). Très tôt, les tribunaux ecclésiastiques, (l'Inquisition), se sont élevés contre cette imagerie: le canard a toujours joui de mœurs sexuelles douteuses, contre sa volonté sûrement!!! Extrait d'un texte religieux du XIIième, en français moderne: «L'oie est un animal blanc extérieurement, mais sa chair est noire; Notre Seigneur l'a mise parmi les hommes afin qu'ils ne se laissent pas duper par ces faux croyants dont l'apparence de pureté cache l'âme la plus noire; la Très Glorieuse Mère de notre Sauveur ne saurait être représentée au côté de cet animal ou de tout autre lui ressemblant». Le rapport cygne-pureté ou cygne-protection divine est aussi linguistique. Au VIième siècle, on constate dans des traductions latines, un glissement entre Algis = cygne et Hal ghis  = protection du sanctuaire (actuelle Allemagne). Plus tard, le gothique oublié, pour garder cette association, on liera étymologiquement swen = blanc et sunn = soleil (mot féminin) (XIième).

 

Le SANGLIER:

Lui aussi est un animal courant et va englober dans sa symbolique la laie, le cochon et la truie. Dans la Grèce, la mythologie représente le sanglier comme instrument des dieux: il est tueur ou tué selon que le héros a été condamné par les dieux ou testé (Héraclès, Adonis, Attis...). Le sanglier était attribut de Déméter et d'Atalante. Dans les cultures germano-nordiques, il est attribut de Freya, et Frey, son frère, a pour monture un sanglier aux poils d'or. C'est peut-être Freya qui est devenue en terres erses et celtiques la déesse Arwina, figurée avec un sanglier, et qui, en France, a donné son nom aux Ardennes et à l'Aude, ainsi que divers prénoms: Aude, Audrey, Aldouin, Ardwin... En outre, en Irlande et en France, le sanglier représente symboliquement la classe des druides et, plus tard, les prêtres: il figure à ce titre sur un des chapiteaux de la basilique de Saulieu —21—. Parce que lié à la fécondité, de nombreuses légendes mettent en scène des héros élevés par des suidés; parce que lié à la force mâle, sa chasse fut longtemps initiatique.

 

L'Eglise a tenté d'intervenir, mais sans succès cette fois, pour quatre raisons essentielles:

1) trop répandus, sangliers et porcs sont une ressource alimentaire importante; la peau, les défenses, les ongles, les os... tout ce qui n'est pas mangeable sert à l'artisanat utilitaire;

2) il est associé à trop de saints populaires: Antoine, Emile, Colomban...;

3) mettre l'interdit sur les porcs serait avoir la même attitude que les juifs,

4) en Allemagne, il y eut confusion étymologique entre Eber = sanglier et Ibri, ancêtre mythique des Hébreux et donc du Christ, parfois représenté sous forme de sanglier (à Erfurt notamment).

 

Le CERF:

Le dernier élément du bestiaire symbolique que je présente est le CERF (élan, renne, chevreuil, daim...). «Au pied de l'Arbre du Monde, quatre élans broutaient...», ainsi commence la légende germano-nordique. La Bible, Cantique des Cantiques, développe l'association femme-gazelle, laquelle correspond très exactement à l'association femme-biche. Héraclès chasse la Biche aux Pieds d'Airain tandis qu'Artémis se promène dans un char tiré par quatre biches. De nombreuses légendes mettent en scène des femmes-biches: Ossian en Irlande, naissance de la Hongrie... Gengis Khan serait né d'une biche et d'un loup! La biche, sous son apparente douceur, reste un animal inquiétant, toujours doté de pouvoirs magiques: fée ou sorcière se transformant ou innocente victime d'un maléfice.

 

Les mâles, par contre, sont symboles de force et de courage, image issue de tribus où la chasse est vitale. Leur ramure est associée aux rayons du soleil: le dieu celte Esus porte une ramure de cerf. C'est ce rapport qu'il faut voir dans le char (symbole solaire également) du Père Noël, tiré par des rennes (solstice d'hiver). Quant aux cornes des cocus, elles sont historiques et honorifiques! Lorsque les rois, puis empereurs, de Byzance prenaient pour favorite, concubine ou maîtresse une femme mariée, des cornes d'or étaient apposées sur la façade de la maison de l'époux, en signe de haute distinction. L'Eglise a tenté de gommer ces cerfs gênants parce que trop païens, sans plus de succès qu'avec les sangliers, parce que:

1) le cerf était un gibier noble, uniquement chassé par les nobles et le dévaloriser était s'attaquer à la force politique et militaire;

2) de ce fait, ils étaient, aux yeux du peuple, nobles et sacrés (peine de mort pour le manant qui abattait un cerf);

3) trop de saints populaires l'avaient pour attribut: Hubert, Meinhold, Oswald, Procope...

 

Cependant, le travail de sape des ecclésiastiques a donné un résultat inattendu, l'expression “couard comme un cerf”, en dépit du bon sens.

 

De la symbolique des plantes

 

Pour la symbolique des plantes, la signification est plus ciblée, car, jusqu'au XVIIIième siècle, la classification n'existait pas, et, deux plantes voisines peuvent être dissemblables alors que deux plantes sans parenté peuvent se ressembler. La situation géographique, climat et géologie, influe plus sur les plantes que sur les animaux. Enfin, une plante est statique, et frappe moins l'imagination qu'un animal. Donc, les plantes symboles sont médicinales ou comestibles, avec une restriction: nous devons garder à l'esprit que durant plusieurs millénaires la plante-mère a évoluée par sélection naturelle ou intervention humaine (l'épeautre a une action bénéfique sur le système nerveux que le blé n'a pas).

 

Le CHARDON:

Le CHARDON, plante médicinale (il en existe plusieurs variétés), et légume en période de disette (avant l'artichaut ou en son absence), a frappé l'imagination parce qu'il pousse dans des conditions extrêmes (terrain pauvre, résistance aux chaleurs et aux froidures)... Il a donc été symbole de la résistance à l'oppresseur (en Ecosse) et étalé sur les portes ou posé sur les cheminées pour chasser les mauvais esprits. Le chardon acaule s'ouvre ou se resserre en fonction du taux d'humidité de l'air: ne sachant à quoi attribuer ces mouvements de corolle, certains peuples l'utilisèrent comme oracle: on posait une question au chardon et on revenait le lendemain, si le chardon était ouvert la réponse était favorable. Il fut aussi symbole de la femme-mère protectrice du foyer en référence à la carde (qui servait à carder la laine). Les gnomes et autres esprits domestiques s'en servaient pour punir (mis dans les litières, paillasses, chaussures...) ou pour aider (carder, guérir...). Les ronces et le citronnier ne poussant pas partout, il fut Couronne d'Epines du Christ.

 

La TANAISIE:

La TANAISIE est un chrysanthème, qui, comme le chardon, se dessèche sans faner. De cette qualité d'immortelle et de sa couleur jaune, elle fut très tôt associée au soleil, d'autant qu'elle fleurit en été, puis, aux débuts de la christianisation, à la vie éternelle. L'odeur très forte qu'elle dégage dut être liée à des pratiques magiques avant que l'homme ne s'avise qu'elle éloigne bon nombre de “parasites” (avec plus ou moins d'efficacité): puces, poux, mouches, moustiques... La médecine progressant, de l'usage externe, on passa à l'usage interne, tisanes et décoctions vermifuges: l'Eglise suivit, et la tanaisie devint symbole de la foi missionnaire. Mais, en faire des bouquets que l'on pendait dans les étables ou les pièces d'habitation en fit, très tôt aussi, une fleur ornementale et le symbolisme y perdit sa force et sa valeur.

 

L'EGLANTINE:

L'EGLANTINE (et la rose), sont symboles de jeunesse inaltérable, de noblesse et de pureté; ces fleurs furent naturellement attributs de la Vierge; en Grèce, rattachées au mythe et au culte d'Adonis, elles expriment la métamorphose et la renaissance. Souvent représentées en quintefeuilles sur les écus, bas-reliefs, chapiteaux, linteaux, guirlandes..., ces fleurs font intervenir un autre type de symbole, plus profond peut-être, celui des chiffres: 5 = 3 + 2, c'est l'association du concept mâle (3) et du concept femelle (2).

 

Arbres-symboles

 

Très peu nombreux sont les arbres symboles paiens devenus symboles chrétiens: peut-être parce que dans l'esprit des hommes anciens il n'existait que deux types d'arbres, ceux que l'on pouvait utiliser (chauffage, construction, teinture, alimentation...) et ceux qui ne servaient à rien; les premiers étaient trop “matérialistes”, les seconds “inexistants” pour qu'ils aient valeur symbolique.

 

Le CHENE:

Cependant, le CHENE, par son aspect majestueux et la qualité de son bois s'est imposé. Il est toujours associé à un dieu majeur: Thor dans les civilisations nordiques, Donar en Allemagne, Perkunas en Lithuanie, Zeus en Grèce, Jupiter à Rome; arbre isolé représentant le dieu lui-même, bois sacrés ou forêts sanctuaires. Si, en Grèce le chêne était la demeure des dryades (nymphes), en Europe Centrale il se transformait en une sorte de sirène-vampire. Pour les chrétiens, il est symbole d'immortalité: le bois de la Croix fut longtemps en chêne! Le chêne sous lequel Saint Louis rendait la justice est sûrement plus symbolique qu'historique.

 

Le SAPIN:

Le SAPIN, a un parcourt plus tortueux et moins net. A l'origine, le pin noir est attribut d'un dieu ou déesse des batailles, sur une grande partie des pays nordiques et baltes: il était habituel de pendre les dépouilles (sauf le cadavre) des soldats vaincus aux branches de ces arbres; il est bien difficile de démêler le rite social du rite religieux d'un tel comportement, les deux étant probablement liés: image tangible de la victoire et offrande. Au moment de la christianisation de ces régions, cette pratique s'était effacée, mais, devaient subsister, de façon occulte, des “dons” à un arbre représentant une divinité, sortes d'ex voto. Par quelles arcanes de la mémoire collective cette coutume a-t-elle transitée? Car, ce n'est qu'au XIXième siècle que le Sapin de Noël (un épicéa, le plus souvent), a resurgi, les branches couvertes d'offrandes, mais associé au christianisme sans être élément religieux. Il faut noter que le “mai” a une autre origine, reprise par les “Rameaux”.

 

Les choses-symboles

 

Les choses symboles sont innombrables et surtout reflet de civilisation. Il nous est difficile, à nous, hommes modernes, d'imaginer ce que tel objet pouvait représenter pour les hommes anciens: un pot, c'est toujours un pot, un récipient pour cuire ou conserver. Il y a mille ans, un pot était signe d'aisance, objet utilitaire et précieux que l'on transmettait en héritage; c'était aussi la recherche de la meilleure argile, du décor; c'était encore l'angoisse de la cuisson dernière épreuve pouvant anéantir bien des heures de travail; c'était enfin l'image d'une famille réunie dans l'assurance d'un repas; c'était... peut-on savoir?

 

Le CŒUR:

Dans l'imagerie religieuse, sans cesse revient le CŒUR. Il était courant de prêter à ce muscle les qualités du cerveau, à ce point que, de nos jours, restent toute une série d'expressions qui en atteste: agir selon son cœur, va où le cœur te porte... Les premières formes d'écriture en Europe sont des idéogrammes dont certains subsisteront jusqu'au XIIIième siècle avec valeur de lettre (runes), d'autres disparaîtront: le cœur est de ceux-là. Il était symbole de la femme puisqu'il représente en réalité les organes génitaux externes stylisés, symbole étendu à tout ce qui est d'essence féminine, il est associé à la terre et au soleil, au cycle de reproduction et de culture. L'iconographie chrétienne en a largement usé et abusé comme représentation de l'Amour, siège des pensées et sentiments nobles... au point que le cœur dans tous ces états (sauf celui de viande!) s'étale depuis des siècles dans une certaine littérature qui fut tour à tour courtoise, galante, romanesque avant d'être rose, grivoise ou X!

 

L'ANCRE:

L'ANCRE n'est pas présente dans les anciennes cultures, et pour cause, c'est un objet récent. Sans que rien le laisse prévoir, l'ancre est apparue associée à la Vierge sur quelques représentations moyenâgeuses, sporadiquement et spontanément, puis est retombée dans l'oubli. Cette bizarrerie n'en est que plus suspecte, d'autant que les dites Vierges, en pied sur l'ancre, surgissent dans les terres, loin de la mer et des voies d'eau navigables: il faut y voir la transposition d'une déesse (Freya?) debout sur le marteau de Thor. Beaucoup plus tard, les mariniers reprirent cette image, en toute logique. Quant aux croix ancrées, il s'agit d'un système de fermeture de porte et non d'une ancre; les croix ancrées sont apparues tout d'abord sur les écus, dans les armes et signifiaient “je garde au nom du Christ”.

 

Le MARTEAU:

Puisque le MARTEAU est cité, autant signaler que lui n'a jamais quitté la symbolique païenne; Thor, juge impitoyable des guerriers, a transmis, tel quel, son instrument aux hommes contemporains: le marteau siège au tribunal! Avant d'être utilisé, également avec le sens de sentence rendue, par les commissaires priseurs, il servit, toujours avec ce sens, a entériner les mariages. Jusqu'à la Première Guerre mondiale, on pouvait trouver dans les campagnes françaises des “forgeux”: forgerons véritables qui, en plus de leur métier somme toute banal, chassaient les esprits; le malade (souvent névrosé ou psychotique) était étendu nu sur une table dans la forge; le “forgeux” abattait sur lui sa masse la plus effrayante et arrêtait son geste au ras de la poitrine ou du ventre. Ou on était débarrassé de toute psychose ou on devenait complètement fou de terreur!

 

Les premières sociétés humaines dressèrent des axes de vie ou axes du monde, symbole du lien des dieux avec les hommes. Sous différents aspects, ce symbole est universel et perdure: menhir, lingam, pyramide, totem, arbres ou pieux sculptés... La Croix et les cierges (avec la flamme en plus) sont chargés de ce sens.

 

L'évolution n'est donc que la prise de conscience des phénomènes et leur enrobage dans diverses enveloppes fournies par la société. Notre esprit est le même que celui de Lucy!

 

Marie BRASSAMIN.

 

 

mercredi, 23 décembre 2009

"Antaios", fer de lance de la reconquête païenne

sep.gifArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1999

"Antaios", fer de lance de la reconquête païenne

 

Anne MUNSBACH

 

«... les légions de nos vieilles légendes accourues à l'appel de leur dernier empereur païen».

Jean Raspail, Septentrion.

 

Infortunés Dieux! Les dévots de la Bonne Parole leur jettent l'anathème, les prophètes leur lancent blâmes et malédictions, les Grands Prêtres de l'Exégèse manifestent intransigeance et haine, des rires moqueurs fusent. Il y a donc fort à faire pour soulever la chape de clichés qui recouvre depuis des lustres les lumières du Paganisme. Pourtant, il existe une revue du nom d'Antaios qui résiste avec autant de superbe que d'ironie. Elle s'entend à éclairer la véritable signification du Paganisme, à le dépouiller de son aura de scandale et à ainsi le réhabiliter. Sous le regard lucide de son directeur, l'helléniste Christopher Gérard, se révèlent alors les prophètes pour ce qu'ils sont: des cabotins, renvoyés à la niche dans un grand éclat de rire, écho souverain du fameux rire des Dieux chanté par Homère.

 

Antaios, Revue d'Etudes Polythéistes

 

C'est à l'occasion du 1600ème anniversaire de l'interdiction par l'Empereur Théodose de tous les cultes païens (8 novembre 392) qu'a été fondée Antaios, Revue d'Etudes Polythéistes. Pourquoi ce nom? Antaios est un géant de la mythologie grecque. Fils de Gaïa (la Terre) et de Poseidon (l'Océan), il vivait dans le désert de Libye et terrassait tout voyageur traversant son territoire. Seul Héraclès en vint à bout. Il avait en effet découvert le secret de la vigueur miraculeuse du géant: tant qu'il touchait la Terre, l'élément primordial dont il était issu, il était invulnérable. Pour l'anéantir, il suffisait donc de l'en séparer. «La symbolique de ce mythe est claire: c'est en gardant le contact avec notre sol que nous resterons nous-mêmes, capables de relever tous les défis, d'affronter toutes les tempêtes. En revanche, si nous nous coupons de nos origines, si nous oublions nos traditions, tôt ou tard nous serons balayés, tels des fétus de paille, privés de force et de volonté... Ce sol protecteur, ce sol vivifiant, c'est le Paganisme immémorial, c'est l'antique fidélité à nos Dieux. Non point des Dieux personnels et miséricordieux, jaloux et intolérants, image ô combien dégradée et infantilisante du Sacré mais des principes intemporels, des modèles éternels qui doivent nous permettent de nous projeter dans un avenir grandiose, digne de nos aieux». Voilà présenté avec une concision lumineuse le manifeste d'Antaios.

 

La reconnaissance du patriarche de Wilflingen

 

Antaios est aussi le nom de la revue fondée en 1959 par Ernst Jünger et Mircea Eliade. Les deux hommes s'y sont interrogés sur la nature du Sacré et ont montré que, par la connaissance des mythes, il était possible «de rééquilibrer la conscience humaine, de créer un nouvel humanisme, une anthropologie où microcosme et macrocosme correspondraient à nouveau. Ils témoignaient ainsi de cette certitude qu'un redressement spirituel était encore envisageable dans les années soixante, et qu'il pouvait mettre fin à la décadence ou aux affres d'un temps d'interrègne»  (1). Dans le dernier volume de ses mémoires, Ernst Jünger saluait l'heureuse initiative de Christopher Gérard de perpétuer Antaios  et l'encourageait vivement à poursuivre (2). Il soulignait, dans plusieurs lettres adressées à la revue, qu'il en appréciait l'esprit. Précieuse reconnaissance d'un écrivain qui, par-delà la mêlée, a toujours su rester fidèle à lui-même! Fort de cette filiation, son directeur a rapidement imprimé sa marque à Antaios. Cette publication, dont la réflexion rigoureuse se nourrit des disciplines les plus pointues, est en effet plus qu'une simple revue érudite. Elle a su sortir du cercle des livres et des discussions désincarnées pour se forger une méthode personnelle à mille lieues de tout académisme. Cette méthode est tout à la fois savoir “tactile” capable d'écouter la pierre et d'extraire la légende du marbre, érudition sauvage glanant ses repères hors des boulevards des idées convenues, regard sensible à la poésie du monde, surtout connaissance vivante née de l'expérience “sui generis”. Cela a déjà valu aux lecteurs d'Antaios cinq années de lectures souvent intenses, en tout cas jamais insignifiantes.

 

Le Paganisme, religion cosmique

 

Lorsqu'au IVe siècle le Christianisme accéda au statut de religion reconnue et protégée par l'Etat romain, l'évangélisation ne se développa réellement que dans les centres urbains. Les campagnes quant à elles restèrent imperméables à l'influence chrétienne. Antaios revendique hautement le titre de “païen” que les Chrétiens donnèrent alors, par dérision, à leurs adversaires. Ce furent en effet les gens de la campagne, les pagani  (les ruraux), qui les derniers restèrent fidèles aux enseignements du Polythéisme: eux seuls saisissaient encore le sens de l'univers. Vivant en symbiose avec la nature, les sociétés rurales avaient en effet une perception aiguë des cycles cosmiques et des éléments naturels qui imposent leur empreinte à la terre. Cette perception de ce qu'elles nommaient le Divin éclatait sans cesse à leurs yeux. Rien ne leur était dès lors plus étranger que l'idée d'un Dieu lointain, et plus encore d'un Dieu caché. Pour établir comme interlocuteurs et alliés ces forces naturelles, les sociétés rurales apprirent à les apprivoiser et à les respecter. C'est pourquoi fut mise en œuvre toute une structure du Sacré. La personnification des forces naturelles sous forme d'entités divines était un élément essentiel de cette structure. Les rites, qu'ils fussent de reconnaissance, de protection, de coercition ou encore de conciliation, permettaient quant à eux d'établir tout un réseau de relations avec le roc, la foudre, l'arbre ou la rivière. De nos jours, il n'est plus question «de croire dans les esprits ou les différentes entités de la nature. En revanche, le sens du fonctionnement normal du cycle naturel, cosmique, est essentiel pour replacer l'homme dans l'univers» (3). Or, les forêts sont saccagées, et Gaïa se transforme en désert. La déperdition du tellurique au profit de l'auto-extension sans frein du technologique explique l'impuissance accrue de l'homme à faire surgir des significations d'une nature intemporelle L'homme ne parvient donc plus à percevoir le lien l'unissant au Cosmos, il s'est coupé de ses Dieux. Il se met alors à confectionner des abstractions ou à imaginer des Dieux hors du monde.

 

Le Sacré

 

«Les seules expériences du Sacré seraient stériles si l'homme ne possédait des structures intellectuelles et imaginaires pour les recueillir. Celles-ci lui permettent, en premier lieu, la perception, la préhension de la manifestation du Sacré. En deuxième lieu, sa com-préhension par le fait même de donner un sens à ses expériences et, en troisième lieu, sa transmission, sa communication par les structures de la tradition, par le rite et le mythe» (4). Structurer le Sacré passe donc par sa mise en forme au travers de symboles, de mythes et de rites, notions qu'Antaios décrypte à diverses reprises (5) et qu'il est essentiel d'évoquer ici avant de poursuivre plus loin. «L'expérience du Sacré étant, par essence, indicible et non rationnelle, elle ne saurait faire l'objet d'aucune description concrète et nécessite dès lors le recours à la symbolique»  (6), sous forme d'images  —ce sont les symboles—, et sous forme de récits  —ce sont les mythes. D'où notre besoin d'artistes et de poètes, dont Antaios  offre un récital éblouissant (7): ils se font porte-parole des Dieux en les rendant sensibles. Loin d'être des distractions stériles pour intellectuels blasés, symboles et mythes suggèrent le Sacré par effet rétroactif: ils sont donc sources inépuisables de connaissances et de recherches de significations. Une troisième mise en forme du Sacré est le rite. Le rite, constitué de gestes ou d'actes ordinaires sublimés et codifiés, «a pour fonction essentielle d'amener les hommes et les Dieux à communier, à fonder l'Ordre du monde dans une présence commune, génératrice de l'ordre social» (8). Structurer le Sacré permet ainsi de penser et d'ordonner l'univers et, au-delà, de vivre en harmonie avec lui, de s'y fondre.

 

Un lieu, un peuple, des Dieux

 

Face à la pluralité de paysages, de climats et de végétations qui existent de par le monde, on comprend aisément qu'en fonction de chaque lieu s'instaurent des modalités de vie différentes et donc, pour chaque peuple et, a fortiori, pour chaque culture, des manières différentes d'appréhender le Divin, de structurer le Sacré et ainsi, de penser et d'ordonner l'univers. Sont dès lors générés des Dieux, symboles de l'histoire conjointe d'un lieu et d'un groupe humain qu'il soit famille, genos,  phratrie, dème ou cité. Ces Dieux, ces genii loci  intensifient le sentiment de communion sociale et par là-même s'enracinent dans une culture. Voilà qui explique l'attachement irréductible du Païen à sa terre et son amour pour une communauté historique. Le Paganisme est donc une religion de lieu et de corps, inscrite dans la mémoire collective. Antaios  souligne d'ailleurs qu'il n'y a pas qu'un Paganisme, mais des Paganismes: chacun correspondant à une société donnée  —ou à une personne donnée—  et à un moment précis, répondant à des interrogations sans cesse mobiles et à des conditions de vie toujours changeantes. Et Christopher Gérard d'expliquer que la vision qu'il expose n'est qu' «une approche du Paganisme, en l'occurrence celle qui est la mienne, hic et nunc. Je n'entends donc nullement me poser en représentant de la totalité du courant néo-paien contemporain. Je suis d'ailleurs convaincu qu'il existe autant d'approches paiennes que de Paiens. Et n'est-ce pas dans la nature des choses, puisque le propre des divers Paganismes, anciens ou nouveaux, est précisément cette exaltation de l'infinie pluralité de l'être» (9).

 

Terre d'Europe

 

La vision officielle de l'Europe  —cette fameuse U.E.—  est erronée et fatale car elle axe toute sa démarche sur la puissance économique, oubliant volontairement ses valeurs ancestrales. Cette vision ne peut dès lors qu'aboutir à la création d'une superstructure sans racines populaires, un monstre froid condamné à disparaître. Elle nie en effet l'essence de l'Europe: cet équilibre entre des peuples et des cultures qui, comme les cités de l'antique Grèce, communient dans une sphère culturelle commune sans cependant désirer, ni être capables de se fondre dans le même moule. Dans ce cadre qui ne reconnaît plus d'autre fin que le profit, d'étranges cultes et de terribles perversions apparaissent. C'est le temps des faux Dieux: «de nouvelles Divinités féroces et implacables ont surgi sous les traits du machinisme envahissant, de l'efficacité et de la rentabilité, des contrats sociaux, de l'esprit des lois, du culte de l'Etat-Providence, du décalogue des Droits de l'homme, des slogans du marketing électoral. L'homme, écrasé, domestiqué, asservi comme jamais il ne l'a été, n'a plus aucun accès au Sacré pour consoler son coeur et éclairer son esprit, il a seulement le culte du vulgaire matérialisme où tout se juge à l'aune du profit et d'un bien-être illusoire, sans aucune spiritualité» (10). Face à ce crépuscule matérialiste, les Dieux peuvent nous aider. Non qu'ils nous offrent une panacée, un nectar qui soigne tous nos maux, mais ils représentent notre héritage le plus ancien et le plus riche. Ils sont le substrat sur lequel peuvent croître les solutions qui conviennent aux défis actuels et futurs. Il faut donc retrouver ces Dieux, ceux de la forêt celtique comme les porteurs de lumière méditerranéens. Il faut retrouver nos mythes, ces récits fondateurs du mental européen: c'est dans leur esprit que se trouve le souffle de notre avenir. Pour défendre ces héritages les plus lointains, Christopher Gérard et son équipe travaillent sans relâche. C'est leur façon de demeurer fidèles à nos Dieux et de témoigner de leur présence. C'est leur façon de nous rappeler que toute Renaissance est un appel à la plus ancienne mémoire, qui est païenne: l'histoire de la civilisation européenne le montre. Pour nous tenir en éveil, Antaios  est d'ailleurs composée “à la dure”, avec des phrases concises, sculptées d'images flamboyantes. Pas d'hésitations, ni de langueurs. Pas de mauvaises graisses, mais des protéines pures. Et un français de qualité!

 

Une vision impériale pour l'Europe de demain

 

La vision européenne d'Antaios table sur une société “polythée” qui, en ce sens, est «celle qui permet l'existence de communautés indépendantes, autonomes, voire rivales, mais dont les rapports sont strictement codifiés afin d'éviter que les inévitables conflits dégénèrent en guerre. Pour citer le cas yougoslave, pareille tragédie pourrait être évitée au sein d'une structure de type “polythée”, voire impériale, à savoir un ensemble hétérogène de peuples relativement homogènes, où les droits des minorités seraient garantis. Sur le plan politique, le Polythéisme prend en compte, avec beaucoup de réalisme, ce désir inné d'autarcie et de complétude» (11). La meilleure forme politique pour notre continent serait donc celle d'un bloc aux dimensions impériales, bâti sur des structures fédérales, où identités et spécificités, véritables ciments cohésifs des sociétés, seraient préservées. Se constituerait ainsi une pluralité de patries charnelles sous l'égide d'une instance impériale dont les rôles seraient ceux d'arbitre souverain et de protecteur, fonctions profondément ancrées dans la conception européenne du Politique. Seule cette structure peut être garante de l'indépendance et de la puissance de l'Europe, structure «dont on retrouve les prémices chez l'Empereur Julien (331-363), dans sa théorie des Dieux ethnarques (nationaux), où il fonde un type de cosmopolitisme impérial» (12): l'organisation politico-religieuse de la société s'y fait le reflet de l'organisation du monde divin. Beau témoignage d'une société fondée en harmonie avec le Cosmos!

 

L'axe eurasiatique

 

Dans chacun de ses numéros, Antaios propose des dossiers thématiques solidement charpentés. Ont ainsi été présentés aux lecteurs deux dossiers sur l'“Hindutva” (13). «Ce terme sanskrit désigne l'Hindouité, c'est-à-dire l'identité de l'Inde essentielle —l'Inde védique— qui a survécu, tout en évoluant, à plus de quatre millénaires de turbulences: invasions musulmanes, colonisation anglaise  —comme l'Irlande—,  agissements de diverses missions chrétiennes et enfin assauts d'une modernité particulièrement destructrice... Récemment, le concept d'“Hindutva”, qui ne se réduit pas au seul Hindouisme, a été utilisé par V. D. Savarkar, l'une des grandes figures du mouvement national indien, pour inciter les Hindous à recourir à leur héritage védique, celui de l'Inde antérieure, la plus grande Inde» (14). Il s'agit d'une tradition proche de la nôtre car issue du même tronc indo-européen, tout en en étant séparée par l'influence de la culture autochtone dravidienne et des millénaires d'histoire. Il n'empêche que l'Hindouisme a su conserver l'antique sagesse de nos ancêtres indo-européens, de mieux en mieux connus aujourd'hui «malgré le discrédit causé par des distorsions opérées au XIXème siècle pour justifier l'expansionnisme pangermanique, malgré aussi de maladroites tentatives de nier l'antique patrimoine ancestral qui est le nôtre, ou encore de le vider de son sens au nom d'une idéologie spirituellement correcte (15)... Les Védas, autant qu'Homère ou les Eddas, constituent nos textes sacrés car ils renvoient tous à une religiosité primordiale, la religion cosmique de la tribu indo-européenne encore indivise, notre tradition hyperboréenne. En Inde, cet héritage n'a pas été saccagé, falsifié et nié comme en Europe ou, en tout cas, la résistance a été plus vive. L'acculturation causée par la christianisation toute superficielle de notre continent, datant surtout de la Contre-Réforme (et de l'avènement de l'Etat moderne) n'a pas eu lieu aux Indes. La tradition paienne y est ininterrompue et le lien toujours possible avec les Brahmanes, les frères de nos Druides. Zeus et Indra, Shiva et Dionysos peuvent, et doivent, se retrouver pour assurer à l'Europe le dépassement du nihilisme qui la ronge. Le recours à cette source pure n'est en rien l'imitation imbécile d'une civilisation à bien des égards fort lointaine. Nous n'avons pas à nous convertir servilement, comme tant d'Occidentaux déboussolés, à un Hindouisme de pacotille; nous n'avons pas à nous réfugier dans les bras de gourous, par un phénomène de régression infantile ou de néo-primitivisme» (16), piège qu'avait brillamment évité Alain Daniélou dont l'étude de l'œuvre constitue la ligne directrice des dossiers “Hindutva”. Indianiste, sanskritiste, musicologue, Alain Daniélou «reste l'un des rares Européens à avoir été accueilli non pas dans un ashram, mais dans la société traditionnelle de l'Inde, et ce, pendant plus de quinze ans... Son œuvre et sa vie constituent un pont sans doute unique entre deux civilisations ou plutôt deux conceptions de la place et du rôle des sociétés humaines sur la planète: l'une, régissant la dernière civilisation traditionnelle vivante, a cherché à établir un équilibre non seulement entre les groupes humains, mais entre ceux-ci et le monde naturel, considéré comme la patrie des Dieux. C'est la civilisation polythéiste, celle du temps cyclique et des mythologies. L'autre conception, infiniment plus récente, est celle du temps linéaire, du Monothéisme. Elle prône l'instabilité économique, politique et sociale, l'anéantissement des différences et le rejet des traditions, dans un but de domination de la nature et de Progrès» (17). Face à cette morne réalité, «l'Inde nous appelle à retrouver le regard de l'homme archaïque pour mieux affronter les défis du prochain millénaire, qui sera à la fois postchrétien et postrationaliste. Tout le monde connaît, sans l'avoir vraiment lue, la phrase souvent tronquée de Malraux: “La tâche du prochain siècle, en face de la plus terrible menace qu'ait connue l'humanité, va être d'y réintégrer les Dieux”. Or l'Inde n'a jamais rompu le contrat avec ses Dieux, cette “Pax Deorum”, qui est le fondement de toute société traditionnelle. L'“Hindutva” possède aussi une vocation universelle, et non pas universaliste car il ne s'agit pas de réductionnisme mais bien de la persistance du vieux singularisme paien: l'acceptation des différences et des saines alternances, fondatrices d'une civilisation qui honore et respecte le divers autrefois chanté par Segalen» (18). Dans ce domaine, le témoignage d'Alain Daniélou est décisif. Ce qu'il nous apprend des fondements philosophiques, historiques et sociaux du système des castes est remarquable d'intelligence et de pondération: «le système des castes, dans l'Inde, a été créé dans le but de permettre à des races, des civilisations, des entités culturelles ou religieuses très diverses de coexister. Il fonctionne depuis près de 4000 ans avec des résultats remarquables. Quels que soient les défauts qu'il présente, ce but essentiel ne doit pas être oublié. Le principe fondamental de l'institution des castes est la reconnaissance du droit de tout groupe à la survie, au maintien de ses institutions, de ses croyances, de sa religion, de sa langue, de sa culture, et le droit pour chaque race de perpétuer, c'est-à-dire le droit de l'enfant de continuer une lignée, de bénéficier de l'héritage génétique affiné par une longue série d'ancêtres. Ceci implique l'interdiction des mélanges, de la procréation entre races et entités culturelles diverses. “Le principe de toute vie, de tout progrès, de toute énergie, réside dans les différences, les contrastes”, enseigne la cosmologie hindoue. “Le nivellement est la mort”, qu'il s'agisse de la matière, de la vie, de la société, de toutes les formes d'énergie. Tout l'équilibre du monde est basé sur la coexistence et l'interdépendance des espèces et de leurs variétés. Encore de nos jours, une des caractéristiques du monde indien est la variété des types humains, leur beauté, leur fierté, leur style, leur ‘race’, et ceci à tous les niveaux de la société. Tout groupe humain, laissé à lui-même, s'organise selon ses goûts, ses aptitudes, ses besoins. Ceux-ci étant différents, l'essentiel de la liberté, de l'égalité, consiste à respecter ces différences. Une justice sociale digne de ce nom ne peut que respecter le droit de chaque individu, mais aussi de chaque groupe humain, de vivre selon sa nature, innée ou acquise, dans le cadre de son héritage linguistique, culturel, moral, religieux qui forme la gangue protectrice permettant le développement harmonieux de sa personnalité. Toute tentative de nivellement se fait sur base d'un groupe dominant et aboutit inévitablement à la destruction des valeurs propres des autres groupes, à l'asservissement, à l'écrasement physique, spirituel ou mental des plus faibles. Ceux-ci, par contre, s'ils sont assimilés en assez grand nombre, prennent leur revanche en sabotant graduellement les vertus et les institutions de ceux qui les ont accueillis ou asservis. C'est ainsi que finissent les Empires» (19).

 

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Face à cette déliquescence se bâtiront de nouveaux Empires, dans le respect de l'autonomie, de la personnalité et des croyances des différentes ethnies qu'ils chapeauteront. Dans ce contexte, l'Inde est appelée à jouer un rôle actif aux côtés d'une Europe assumant son antique vocation impériale et grande-continentale, elle «constitue l'une des clefs de voûte d'un édifice appelé à braver les siècles: le grand espace eurasiatique qui reposera, pour nos régions, sur un pôle carolingien (franco-allemand) enfin réactivé» (20). Seul ce bloc impérial peut faire front aux visées expansionnistes des Etats-Unis et, par-delà, au projet d'homogénéisation planétaire.

 

Une éthique au service de l'Imperium

 

La puissance d'une nation repose sur la force de ses citoyens. En ce sens, les Dieux, en tant que personnifications des forces naturelles et par-delà, symboles de la plénitude des valeurs, sont des modèles à suivre pour tout citoyen, lequel choisit une ou plusieurs Divinités tutélaires, incarnations de ses exigences morales et spirituelles. Les Dieux sont donc d'authentiques archétypes qui nous renvoient à notre singularité, à notre aspiration au dépassement. Le Polythéisme permet «aux hommes, tous uniques, d'adorer le Dieu correspondant à leur nature profonde (Sol et Luna par exemple), à leur héritage (un Bantou ou un Lapon n'adoreront pas les mêmes divinités qu'un Mexicain), à l'étape de leur quête spirituelle (sans pour autant forcer quiconque à en mener une, comme dans certain Catholicisme hypocrite), à l'âge de la vie... A chacun selon ses possibilités et ses désirs»  (21).

 

Qui parle de modèles, doit parler de mise en critique, seule capable de faire avancer la pensée: se dessine alors la réflexion philosophique, avec sa volonté de chercher et de choisir en toute liberté d'esprit. Instigateur d'une démarche et d'un engagement, le Polythéisme est donc la religion par excellence de l'homme responsable qui, par son action, contribue à l'équilibre de la société et au-delà à celui du Cosmos. A chacun dès lors de jouer pleinement le rôle que lui a assigné le Destin dans l'Ordre sociocosmique. En ce sens, le respect des contrats et des engagements, la fidélité à la parole donnée sont essentiels, comme le sont le maintien des diversités, la reconnaissance de tous les dons et talents. La multiplicité des rôles est en effet le gage du plein épanouissement de toute société: «tous les hommes sont égaux en droit (au singulier). Cela ne signifie pas qu'ils aient les mêmes droits. Etant extraordinairement différents, et chacun n'ayant droit qu'à ce dont il est capable (sans léser autrui), les hommes ont des droits différents. Une société fondée sur l'égalité des chances aboutirait ainsi à l'émergence d'une aristocratie naturelle»  (22). Cette vision doit pousser chacun de nous à devenir celui qu'il est destiné à devenir, à conquérir le Royaume invisible qu'il porte en lui. Le fameux adage “Connais-toi toi-même et tu connaîtras l'univers et les Dieux” (le Gnôthi seauton hellénique) prend alors tout son sens. Cette éthique souveraine s'oppose à la présomption des religions de la Révélation où, pour être admis à participer au Divin, l'homme doit recevoir la grâce d'un Dieu personnel. Le Polythéisme est donc porteur d'une plénitude de sens dont les religions schématiques ont écrasé la richesse. La caractéristique principale des Monothéismes est en effet «la réduction: le Monothéisme coupe, tranche, réduit les éléments de la vie pour n'en garder que ce qu'il considère comme essentiel. Voilà l'essence du Monothéisme: aux capacités multiples de la Déité, il n'en retient que telle ou telle. La différence avec le Polythéisme grec est nette: le Monothéisme judéo-chrétien fonctionne sur la réduction. Et la modernité n'est que la forme laïcisé de cette réduction monothéiste judéo-chrétienne, avec la Parousie, les conceptions sotériologiques,... qui trouvent leur aboutissement, et peut-être leur achèvement, dans la forme profane qu'est le rationalisme moderne» (23). Apparaissent les vérités uniques, leurs ukases et ostracismes, comme les idées collectives, catéchismes niais à l'usage des masses. Le Polythéiste quant à lui reconnaît la richesse et la pluralité du monde. Il sait que “sa” religion n'est qu'une approche et ne refuse pas de prendre en compte celle des autres, d'où son absence de prosélytisme: «l'essence même du Polythéisme est la tolérance, l'essence du Monothéisme est l'intolérance et le fanatisme qui l'accompagne. Il suffit de se pencher sur l'histoire des religions pour s'en convaincre. Jamais on ne pourra me citer une religion polythéiste qui ait fait de l'intolérance son principe fondamental. Et qu'on ne vienne pas nous parler des persécutions, car, outre le fait que nombre d'entre elles sont de pures inventions des auteurs des Actes des Martyrs, elles n'avaient pas un caractère religieux, mais politique... Alors que tous les génocides de l'histoire, même s'ils n'ont que rarement pu aller jusqu'à une solution finale, aussi bien que les ethnocides, se sont perpétrés au nom d'une idéologie monolâtrique. Sans compter le fait que tout Monothéisme est destructeur de toute tradition ancestrale. Ainsi en a-t-il été dès que les Chrétiens ont triomphé. Dois-je citer la destruction des civilisations de l'Amérique latine, et surtout le plus grand génocide de l'histoire, celui des Indiens de l'Amérique du Nord par les trop fameuses tuniques bleues, et le plus petit, mais le plus complet, celui des Tasmaniens par le colonisateur anglais? De l'idéologie monothéiste sont nées les idéologies réductionnistes politiques, tout aussi destructrices, j'entends le national-socialisme et le communisme, si proches dans leurs principes et leur finalité, que je m'étonne qu'on puisse encore se dire communiste après les crimes dont cette idéologie s'est souillée» (24). Face aux folies et à l'“hybris”, les Dieux nous ont toujours montré la juste voie. Avec eux, les totalitarismes, héritiers d'une conception aliénante de la relation homme-nature, esprit-corps, raison-sentiments, n'auraient pu prendre racines: la sagesse du “juste milieu” (le remarquable mèden agan delphique: rien de trop) les aurait immédiatement refoulés!

 

Amor Fati

 

Pour les Païens, il n'existe pas de transcendance absolue, de Toute Puissance, tel Big Brother, distribuant châtiments et saluts, béquilles d'une humanité incapable de faire face à ses responsabilités. Les Dieux sont nés du chaos initial : ils sont des émanations du monde où ils se manifestent. La perspective d'un au-delà, au sens chrétien, est donc totalement absurde pour un Païen, nous rappelle Christopher Gérard dans le premier Cahier d'Etudes Polythéistes  (25). Le Païen conçoit plutôt l'ici-bas comme lieu d'enchantements multiples: il suffit d'ouvrir les yeux pour en être convaincu. D'où l'importance  —maintes fois soulignée dans Antaios—  du regard, de ce que les Grecs, nos maîtres, appelaient théôria,  l'observation des manifestations du Divin: la splendeur d'un orage, l'éclat du soleil, la clarté de la lune dans une clairière enneigée, les flammes rousses d'un grand feu dans la nuit, une vague déferlante, le rire d'un enfant, la beauté d'une femme,... Non, le monde n'est pas désenchanté! C'est le regard de la plupart des hommes d'aujourd'hui qui est dévitalisé. Les manifestations du Divin éclatent partout: à nous de les honorer par nos actes et nos œuvres, nous rendons ainsi grâce aux Dieux. L'esprit souffle en tous lieux: à nous de découvrir nos “lieux de mémoire”, lieux d'attaches et de souvenirs. «Pour ma part, je ne peux passer par Rome sans aller saluer le Panthéon, qui me paraît représenter, je ne sais pourquoi, l'esprit du Paganisme. Dans la Ville, je rends toujours une visite émue au Mithraeum souterrain de san Clemente et, flânant sur le Forum, je pense aux cendres d'Henry de Montherlant, fidèle de Sol Invictus. Je rends aussi visite à la Curie: je n'ai pas oublié que c'est là que Symmaque et toute l'aristocratie paienne siégèrent et, lors de l'Affaire de l'Autel de la Victoire, défendirent la liberté de conscience contre les diktats de l'Eglise. A Mistra, j'ai arpenté les rues de la ville fantôme en invoquant les mânes de Georges Gémisthe Pléthon, le philosophe néo-paien. Brocéliande, les Iles d'Aran, Athènes (l'Hephaisteon), et tout récemment Bénarès, la Ville Sainte, m'ont transporté d'enthousiasme et permis de percevoir les manifestations du divin. Expérience que l'on peut aussi vivre dans d'humbles sanctuaires celtes ou gallo-romains, et même dans de petites églises de campagne» (26), Christopher Gérard s'en fait le témoin: l'enchantement réside en nous-mêmes et dans le clair regard sur ce monde auquel nous sommes inextricablement liés.

 

L'homme libre tâche donc de se réaliser hic et nunc: «la valeur a à être donnée à la vie. La vie n'a pas de valeur par elle-même mais par ce que l'on en fait. On refuse de se laisser porter par la vie. La vie doit être vécue en volonté, sur le fond d'une décision résolue de création. Car la manière de donner de la valeur à la vie ne peut être la répétition du même, la répétition du morne, mais la création. Si je ne fais que me répéter, qu'importe l'interruption de la mort? Mais si je crée, de telle sorte que, par la mort, ce qui pouvait être cesse définitivement de pouvoir être, en ce cas, il y a bien une perte absolue... Certes! Mais il s'agit, précisément, de donner la plus haute valeur à ce qui doit périr» (27). Tel est le sens du Tragique, élément fondamental de la conception païenne du monde, claire conscience du Destin qui tranche implacablement la vie porteuse de fruits. Cet inexorabile Fatum  cher à Virgile se manifeste aussi à tout homme qui voit ses choix et ses actes, pris dans l'engrenage de l'Ordre inviolable du monde, tout à la fois le dépasser et avoir des répercussions qu'il ne peut contrôler. Malgré la conscience aiguë de ces limites, nul pathos, nul fatalisme n'accablent le Païen. Sans cesse il surmonte l'adversité, il maintient le cap, garde l'allure, ne comptant que sur lui (bel exemple du fameux meghin nordique: la foi en ses propres capacités). Tel est son honneur.

 

On comprend donc qu'Antaios  soit lue par les cherchants, les esprits libres, que la revue fasse place large à des écrivains non-conformistes et francs-tireurs (28). Face aux personnes dociles, adaptées aux dogmes cauteleux du politiquement correct, face aux baudruches qui voudraient nous dicter nos modes d'agir et de réfléchir, Antaios  éclate d'un rire incoercible qui n'a rien à voir avec la dérision confortable et en fin de compte résignée qui envahit ce monde vétuste. Frondeur, le rire d'Antaios conserve toute sa force dévastatrice: à chaque page, on bute sur une observation qui oblige à revoir positions faciles et plates certitudes. Par ces temps de pensée unique, il importe bien de marteler impitoyablement conformismes et dogmes...

 

Repenser la tradition païenne

 

La spiritualité païenne n'est en rien «la nostalgie de l'Age d'Or, du paradis avec son désir puéril de retour vers un état préscientifique, trop proche du mythe chrétien du péché originel. Elle n'est pas non plus une fuite hors du monde, qui serait la négation de notre esprit héroico-tragique: le Paien est de ce monde. Nulle macération, nul masochisme dans son impérial détachement. Le Paganisme n'est pas non plus un retour à des superstitions révolues, une sorte d'irrationalisme archéologique: nul refus de la science, de la technique, bien au contraire. Nul rejet de la raison, qu'il nous faut utiliser et intégrer comme outil dans notre Quête. Etre Paien au XXe siècle ne consiste pas à se livrer à des pratiques bizarres de “magie” ni à des cérémonies où l'exhibitionnisme le dispute au grotesque. En ce sens, le Paganisme ne s'identifie nullement à sa forme dégénérée, la sorcellerie, comme le prétendent divers mouvements américains» (29).

 

Antaios  est tout sauf une revue prospérant dans la rengaine nostalgique: ni repli dans une tour d'ivoire, ni regret frileux du passé, ni sentiment d'impuissance face à la modernité. Au contraire, elle fait le lien entre notre héritage ancestral et les exigences les plus novatrices du XXIème siècle. Car être Païen ne signifie pas tant renier le monde moderne que rechercher en lui la profondeur de ses racines, véritables garantes contre le triomphe de la superficialité, la durée éphémère des modes, le diktat de l'immédiateté, tous privilégiés, au nom du sacro-saint Progrès, par notre société. C'est par la mémoire que l'homme échappe à cette tyrannie de l'instant pour vivre dans l'éternité. La mémoire est chère au savant, à l'artiste et au lettré qui se remémorent pour mieux inventer et créer, elle l'est au citoyen qui se souvient des expériences passées pour mieux agir et décider. Par contre, le projet révolutionnaire de faire du passé table rase, comme le chantent les attardés de l'Internationale et les apôtres de l'amnésie consumériste, est un projet nihiliste et destructeur de l'homme dans ses racines. Comme si en coupant les anciennes racines de l'arbre, celui-ci pouvait prospérer sur ses plus récentes radicelles, jouets d'une saison, sans doute inaptes à soutenir la succession des orages et les pluies de l'adversité! Antaios  se fait le chantre de la mémoire. Son directeur explique qu'il se considère comme une sorte d'“archéologue de la mémoire” (30). Au travers d'Antaios,  il recherche en effet le noyau intérieur de notre culture et opère recours à sa spécificité et à ses Dieux, toujours vivants: «nous autres Paiens concevons le temps comme cyclique, à l'image des cycles cosmiques (solaire par exemple, avec les équinoxes et les solstices)... Le temps des Paiens est celui de l'Eternel Retour, pareil à la grande Roue qui tourne et tourne sans répit... Pour nous, il n'y a pas d'apocalypse, mais bien d'innombrables fins de cycles, éternellement recommencés. Une succession sans début ni fin de naissances, de croissances et de déclins, de crépuscules suivis de rénovations, de cataclysmes suivis de renaissances, au sein d'un Ordre (en grec: ‘Kosmos’) intemporel, où hommes et Dieux, mortels et Immortels, ont leur place et leur fonction. Le mythe du Progrès n'est pas le nôtre. Nous ne croyons pas au sens de l'histoire (concept à mes yeux totalitaire), à la ‘fin’ du Paganisme, à la ‘mort’ des Dieux... Si le temps est linéaire, comme le prétendent les théologies judéo-chrétienne et rationaliste, le Paganisme est impensable puisque ‘mort’, et scandaleux puisqu'allant à l'encontre du sacrosaint sens de l'histoire. Mais si comme nous le pressentons, le temps est cyclique, la perspective change du tout au tout... Si ses formes anciennes (liturgies, temples,...) ont cédé la place à d'autres qui s'en sont souvent largement inspiré, les archétypes, qui sont eux éternels, demeurent» (31).

 

Recourir aux Dieux ne signifie donc ni les embaumer, ni inventer des cultes incertains, mais s'alimenter à leur flamme et les repenser à la lueur de nos propres idéaux, attitudes qui nous préservent d'une hypertrophie de la mémoire et de créations pastiches, sans souffle, comme le sont le New Age et son cosmopolitisme niveleur, le rosicrucisme avec ses "initiations" payantes, la Wicca avec sa complaisance pour le "luciférisme" et autres miasmes putrides (32),... Les Dieux ne doivent pas devenir un refuge contre le monde contemporain, mais s'affirmer comme le creuset du Volksgeist  de notre époque, ce qu'Antaios  a compris: «le Paganisme a changé depuis les origines et il continuera à changer: les Paiens du IIIème millénaire seront à la fois proches et différents de leurs ancêtres celtes, grecs ou slaves. Car, au contraire des vieilles religions monothéistes figées dans les écritures de moins en moins lues et des dogmes risibles, le Paganisme est éternellement jeune puisqu'il évolue avec les peuples» (33).

 

Face au monde d'aujourd'hui, Antaios rappelle encore que la recherche du sens de l'univers est aussi liée à la science. Non pas une science mue, tel un pantin, par un déterminisme draconien, mais une science qui apprend l'humilité face à la nature. Un monde scientifique qui, lorsqu'il se tourne vers l'infiniment grand et l'infiniment petit, constate que l'horizon, loin de se rétrécir, s'élargit dans une perspective immense. Un monde scientifique qui se tient sur un seuil et se sent alors pris de vertige, je dirais: émerveillé. Comment pourrait-il en être autrement? Si, au-delà de démonstrations toujours incertaines et fragmentaires, la science ne peut indiquer à l'homme de certitudes, elle peut cependant l'aider à se déployer et, en tout cas, lui permettre de “sentir” l'Infini. La science (logos)  se rapproche alors du mythe (muthos) comme mode de connaissances, producteur de sens (34)...

 

Fides Aeterna: «c'est ce qui me frappe chez mes amis Hindous: cette fidélité à leur héritage plurimillénaire, ce refus de la rupture que constituerait la conversion, ce reniement. Je pense à ceux qui refusèrent de céder: les Saxons de Verden, les ‘pagani’ de nos campagnes, ces philosophes d'Athènes chassés de l'Université d'Athènes en 529 et un temps réfugiés en Perse... Je pense à cette chaîne, interrompue certes, de Paiens, fidèles aux Dieux, parfois clandestins, toujours résistants, qui rythment l'histoire de notre continent. En maintenant Antaios, je leur rends l'hommage qui leur est dû» (35). Fides Aeterna, telle est la belle devise d'Antaios qui, dans un monde voué aux ruptures, renoue les liens essentiels et offre à ses lecteurs un fil d'Ariane dans la confusion de notre temps. Saluons Antaios,  comme l'ont saluée, l'été dernier, les Brahmanes de Bénarès qui, à l'instar d'Ernst Jünger, encouragèrent Christopher Gérard à persévérer dans une œuvre appelée à triompher du temps...

 

Anne MUNSBACH.

 

Pour tout renseignement: Antaios, 168/2 rue Washington, B-1050 Bruxelles. Email: antaios-bru@hotmail.com

 

Notes:

 

(1) Isabelle ROZET, Le Mythe comme enjeu: la revue Antaios de Jünger et Eliade in Antaios 2, équinoxe d'automne 1993, p.17.

 

(2) Ernst JUNGER, Siebzig verweht V, Klett-Cotta, Stuttgart 1997, p.191. Dans chaque numéro d'Antaios, Christopher Gérard salue Ernst Jünger à travers la chronique «Jüngeriana» qui fait le point sur tout —ou presque tout— ce qui se dit et s'écrit sur ce guerrier de l'esprit.

 

(3) Relire Grimm. Entretien avec Jérémie Benoit in Antaios 12, solstice d'hiver 1997, p.22.

 

(4)-(6)-(8) Patrick TROUSSON, Le Sacré et le mythe in Antaios 6/7, solstice d'été 1995, p.30-31.

 

(5) Sur ce sujet, on lira, entre autres, l'entretien que le philosophe Lambros Couloubaritsis a accordé à Antaios  6/7.

 

(7) Ainsi, une passionnante étude sur Marc. Eemans, peintre et poète surréaliste thiois, éditeur de la revue méta ou para-surréaliste Hermès (1933-1939), les textes à la langue singulière et onirique du très nietzschéen Marc Klugkist, la fascinante figure des frères Grimm, l'anarque Guy Féquant, l'étrange François Augiéras, Henri Michaux, et tant d'autres...

 

(9) Christopher GERARD, Trouver un ciel au niveau du sol. Par-delà dualisme et nihilisme: une approche paienne, Cahiers d'Etudes Polythéistes 1, Ides de mai 1997, p.111. Qu'ils soient islandais, grec, letton, lithuanien, autrichien, Antaios fait place, au fil de ses numéros, aux différents courants d'une renaissance païenne. On se reportera aussi à l'entretien que Jean-François Mayer a accordé à Antaios: Penser la théopolitique. Entretien avec Jean-François Mayer in Antaios 10, solstice d'été 1996, pp.36-48, il y parle, entre autres, du renouveau païen dans diverses régions du monde.

 

(10) Jean VERTEMONT, Méditations sur la religion in Antaios 6/7, solstice d'été 1995,p.58.

 

(11)-(12) Christopher GERARD, Penser le Polythéisme in Antaios 6/7, solstice d'été 1995, p.47. Pour davantage de précisions, on lira L'Empereur Julien, Contre les Galiléens. Une imprécation contre le Christianisme, Ousia, Bruxelles 1995, dont Christopher Gérard nous propose une traduction dépoussiérée, accompagnée de commentaires pertinents ainsi que d'une introduction campant un contexte historique complexe. Dans la postface de l'ouvrage, Lambros Couloubaritsis analyse avec beaucoup d'acuité le sens philosophique et politique de ce traité antichrétien.

 

(13) Antaios 10, solstice d'été 96 et Antaios 11, solstice d'hiver 1996. A travers une série d'entretiens avec des penseurs de la mouvance hindouiste, ces numéros présentent, entre autres, les thèses du nationalisme hindou.

 

(14)-(16)-(18) Christopher GERARD, “Hindutva”  in Antaios 10, solstice d'été 1996, pp.3-5.

 

(15) Dans chaque numéro d'Antaios, la chronique “Etudes indo-européennes” passe au crible d'une critique avertie les ouvrages récents consacrés à la “res indo-europeana”.

 

(17) Jean-Louis GABIN, La Civilisation des différences in Antaios 10, solstice d'été 1996, p.87.

 

(19) Alain DANIELOU, Castes, égalitarisme et génocides culturels in Antaios 10, solstice d'été 1996, p.102. Les textes d'Alain Daniélou publiés dans Antaios le sont avec l'aimable autorisation de son héritier Jacques Cloarec. Ce dernier a créé un site Internet multilingue dédié à l'œuvre d'Alain Daniélou: http://www.imaginet.fr/-jcloarec/danielou. Une traduction italienne des textes sur le système des castes a été publiée par les éditions Barbarossa: Alain DANIELOU, Caste, egualitarismo e genocidi culturali, Società Editrice Barbarossa, Milano 1997.

 

(20) Christopher GERARD, “Hindutva”  in Antaios 10, solstice d'été 1996, p.5. Pour davantage de précisions sur cette vision impériale, on se reportera aux théories géopolitiques de Karl Haushofer. On lira aussi à ce sujet, Jean PARVULESCO, L'Inde et le mystère de la Lumière du Nord in Antaios  8/9, solstice d'hiver 1995, pp.103-115, qui évoque le rôle réservé à l'Inde dans cet Empire à construire.

 

(21 ) Christopher GERARD, Penser le Polythéisme in Antaios  6/7, solstice d'été 1995, p.46.

 

(22) Entretien avec le philosophe Marcel Conche in Antaios  8/9 solstice d'hiver, 1995, p.34.

 

(23) Eloge du savoir dionysien. Entretien avec Michel Maffesoli  in Antaios 10, solstice d'été 1996, p.27.

 

(24) Le Pèlerinage de Grèce. Entretien avec Guy Rachet in Antaios 10, solstice d'été 1996, pp.16-17. Sur le sujet des totalitarismes, on lira aussi l'entretien que l'ethnologue Robert Jaulin, résistant acharné à toute forme d'ethnocide, avait accordé à Antaios lors de la sortie de son dernier livre L'Univers des totalitarismes (Editions Loris Talmart 1996): L'Univers des totalitarismes. Entretien avec Robert Jaulin in Antaios 10, solstice d'été 1996, pp.33-35.

 

(25) Christopher GERARD, Trouver un ciel au niveau du sol. Par-delà dualisme et nihilisme: une approche paienne,  Cahiers d'Etudes Polythéistes 1, Ides de mai 1997. Ce premier Cahier a été publié à la suite d'une conférence prononcée dans les Ardennes lors d'un colloque “oecuménique” sur le thème de l'au-delà.

 

(26) Paganisme. Entretien avec Christopher Gérard, directeur d'Antaios in Solaria 10, hiver 1997-98, pp.15-16. Pour obtenir ce numéro, contacter le “Cercle Européen de Recherches sur les Cultes Solaires”, 63 rue Principale, F-67260 Diedendorf.

 

(27) Entretien avec le philosophe Marcel Conche in Antaios 8/9, solstice d'hiver 1995, p.35.

 

(28) Au fil des numéros d'Antaios, on suit ainsi la trace de l'insolent Michel Mourlet ou encore de l'inclassable Gabriel Matzneff. On lira notamment l'entretien que chacun des deux écrivains a accordé à Antaios: Entretien avec un Paien d'aujourd'hui: Michel Mourlet in Antaios 1, solstice d'été 1993, pp.11-14 et Portrait d'un anarque. Entretien avec Gabriel Matzneff in Antaios 12, solstice d'hiver 1997, pp.6-12.

 

(29) Christopher GERARD, Paganus  in Antaios 3, équinoxe de printemps 1994, p.21 .

 

(30) Paganisme. Entretien avec Christopher Gérard, éditeur d'Antaios in Solaria 10, hiver 1997-98, p.13.

 

(31 ) Christopher GERARD, Trouver un ciel au niveau du sol. Par-delà dualisme et nihilisme: une approche paienne, Cahiers d'Etudes Polythéistes 1, Ides de mai 1997, pp.V-VI.

 

(32) Antaios  a publié une excellente mise au point de son directeur sur la question des rapports entre Paganisme et Satanisme: Christopher GERARD, Wicca et Satanisme: des chemins qui ne mènent nulle part in Antaios 11, solstice d'hiver 1996, pp.37-44.

 

(33) Christopher GERARD, Paganus in Antaios 3, équinoxe de printemps 1994, p.22.

 

(34) Antaios  n'hésite pas à plonger au cœur des thèmes de prédilection des sciences physiques comme l'espace-temps, la logique, la cosmologie,... pour aboutir au constat qu'il existe des concordances entre science et mythe: ils forment les deux faces d'une même pièce qui serait le réel. Qu'on ne s'y méprenne pas: concordance ne signifie pas identité. Ce qui apparaît, c'est que ces deux approches différentes arrivent à exprimer des points de vue similaires, ou tout au moins complémentaires. Nous recommandons la lecture de l'étude du “conseiller scientifique” d'Antaios , le Docteur ès Sciences Physiques Patrick TROUSSON, Le Sacré et le mythe in Antaios 6/7, solstice d'été 1995, pp. 24-40, un chapitre y est consacré aux rapports entre mythe et science. On lira aussi l'entretien que Jean-François Gautier a accordé à Antaios au sujet de son essai L'Univers existe-t-il? (Actes Sud 1994), où il aborde la question des limites de la science: Entretien avec Jean-François Gautier. L'Univers existe-t-il? in Antaios 10, solstice d'été 1996, pp.54-63.

 

(35) Paganisme. Entretien avec Christopher Gérard, éditeur d'Antaios  in Solaria 10, hiver 1997-98, p.14.

 

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mardi, 08 décembre 2009

Gildensozialismus

urzelparade_agnetheln.jpg Gildensozialismus

Ex: http://rittermabuse.wordpress.com/

Aus:

Harry Graf Kessler
Aufsätze und Reden 1899-1933

Gildensozialismus

(1920)

Bolschewismus und »Spartakismus« nehmen vor der Öffentlichkeit soviel Raum ein, daß die Entwicklung einer anderen, tief bedeutsamen Richtung innerhalb des Sozialismus ziemlich unbemerkt erfolgt ist. Diese neue Richtung macht sich seit kurzem in mannigfaltigen Formulierungen fast gleichzeitig in Deutschland, Österreich und England bemerkbar. Ihre Geschichte weist zurück auf den französischen Syndikalismus der ersten Jahre des Zwanzigsten Jahrhunderts, der – von Georges Sorel und seinem Intellektuellenkreis formuliert – die bis dahin bei der radikalen französischen Arbeiterschaft herrschende staatssozialistische Doktrin revolutionierte. Jener staatssozialistischen Idee setzte nämlich Sorel ein Programm entgegen, das als Ziel die Selbstherrlichkeit des einzelnen Betriebes oder wenigstens Produktionszweiges und die unbeschränkte Herrschaft seiner Arbeiter über seine Produktionsmittel und Produkte forderte und als wirksamstes Mittel zu diesem Ziele nicht erst die Eroberung der Staatsgewalt, sondern die direkte Besitzergreifung aller Produktionsmittel durch die Arbeiter mithilfe des Generalstreiks proklamierte. Aus diesem Ideenvorrat holte oder schuf sich die erste russische Revolution (1905) den Rätegedanken. Gleichzeitig begann aber auch schon der Syndikalismus den von ihm heftig bekämpften Marxismus zu befruchten. Und diese Kreuzung war der Ausgangspunkt der jetzt hervortretenden neuen Anschauungen.

Für ihre Verbreitung in Deutschland und Österreich muß es hier genügen, auf Otto Bauers ›Weg zum Sozialismus‹ und auf sein neues, glänzendes, in der ›Vossischen Zeitung‹ bereits ausführlich gewürdigtes Buch ›Bolschewismus oder Sozialdemokratie‹ hinzuweisen, ferner auf Hilferdings ›Mehrheitsbericht‹ der deutschen Kohlensozialisierungskommission sowie auf mannigfache Vorschläge von Walther Rathenau, Georg Bernhard und anderen für eine planmäßige Selbstverwaltung der Produktion. Diese Vorstellungen und Vorschläge nähern sich, von einer andern Seite, der sozialistischen Grundanschauung der ›Sozialistischen Monatshefte‹ und dem daraus folgenden Postulat eines Aufbaus der Gemeinschaftsproduktion, wie es auf dem zweiten Rätekongreß in Berlin von Julius Kallski und Max Cohen vertreten wurde.

In England, wo der französische Syndikalismus durch die Agitation des fanatischen und hochbegabten Arbeiterführers Tom Mann einen stürmischen, aber kurzlebigen Erfolg errang, gab den Anstoß zum sogenannten »Gildensozialismus«, in dem dort sich die neuen Anschauungen verkörpert haben, das 1906 erschienene Buch von Arthur J. Penty: ›The Restoration of the Gild System‹. Die eigentliche Theorie entwickelten in den nächsten Jahren die Schriftsteller A. R. Orage und S. B. Hodson in ihrer Zeitschrift ›The New Age‹ in einer Aufsatzreihe, die sie dann als Buch: ›National Guilds‹ herausgaben. Zu Einfluß gelangte die ganze Bewegung aber erst im Kriege, als die Notwendigkeit sich ergab, neue organisatorische Lösungen vorzubereiten für den Abbau der Kriegswirtschaft und für den Aufbau einer neuen Friedenswirtschaft. Ostern 1915 war als Propagandazentrum die ›National Guilds League‹ in London gegründet worden, und das allgemeine Bedürfnis nach neuen Organisationsformen der Wirtschaft bahnte ihren Ideen schnell einen Weg in die Arbeiterbewegung. Vor allem waren es gewisse einflußreiche Arbeiterführer, die das neue Programm in die Arbeiterschaft einzelner großer Produktionszweige hineintrugen. So schloß sich zum Beispiel der Generalsekretär der Bergarbeiterföderation Großbritanniens, Frank H. Hodges, der ›National Guilds League‹ an und begründete die 1918 vom Bergarbeiterkongreß der Regierung präsentierte Vorlage für die Sozialisierung des englischen Kohlenbergbaus auf dem Gilden-Gedanken. Auch der Vertreter dieser Vorlage vor dem Regierungsausschuß, der rasch zu großem Ansehen gelangte Arbeiter Straker, gehört zur ›National Guilds League‹. Noch bedeutsamer war der Anschluß der Eisenbahner, die ebenfalls ihr Sozialisierungsprogramm auf dem Gilden-Gedanken aufbauten; denn dieses übernahmen alsbald auch die amerikanischen und französischen Eisenbahner, so daß auch dort bereits eine gewaltige Bewegung den gleichen Zielen wie der Gildensozialismus nachstrebt. Die großen Eisenbahnerstreiks in diesem Jahre drüben und hüben bezweckten die Verwirklichung gerade von gildensozialistischen Forderungen.

Was ist nun das Neue und Positive am »Gilden-Sozialismus«? Zunächst ein großes Mißtrauen gegen den Staat und gegen jede Form des Staatssozialismus. Ein Mißtrauen, das im englischen Gildensozialismus vor allen Dingen wächst aus seinem Haß gegen jede Art von Despotismus. Dieses scheidet auch grundsätzlich den Gildensozialismus vom Bolschewismus. Der Pol, um den sich alle Gedanken der Gildensozialisten drehen, ist der der Freiheit, der zweckmäßigen Sicherung möglichst vollständiger politischer, wirtschaftlicher und kultureller Selbstbestimmung. Auf die Frage, was das Grundübel der modernen Gesellschaft ist, antwortet einer der bedeutendsten gildensozialistischen Schriftsteller, G. D. H. Cole, in seinem Buche ›Self Government in Industry‹ (London 1917): nicht die Armut weiter Schichten, sondern die Versklavung weiter Schichten. Der Arbeiter klagt die heutige Gesellschaft mit Recht an, nicht weil er arm, sondern weil er unfrei ist. »Die Massen sind nicht Sklaven, weil sie arm sind, sondern arm, weil sie Sklaven sind.« Das Problem ist nicht, dem Arbeiter mehr Lohn oder mehr Lebensannehmlichkeiten (etwa auf dem Wege patriarchaler Fürsorge) zu schaffen, sondern ihn zu einem freien Mann zu machen! Das Gegenteil der »gottgewollten Abhängigkeit« muß die Norm werden.

Aber außerdem verbindet er die Idee der Freiheit mit einer von Genossenschaftstheoretikern wie Gierke und dem Staatsrechtslehrer der Universität Bordeaux, Léon Duguit, übernommenen genossenschaftlichen Auffassung vom Aufbau der Gesellschaft und des Staates. Die Gesellschaft und der Staat sind danach nicht bloß ein Sammelsurium von geographisch durch die Landesgrenzen zusammengehaltenen Individuen, sondern ein kunstvolles Ineinanderarbeiten von tätigen genossenschaftlichen Gruppen. Der einzelne Mensch kann gleichzeitig einer ganzen Reihe verschiedener Gruppen (mehreren geographischen, mehreren beruflichen) angehören. Aber jede Gruppe ist trotzdem in sich geschlossen und von einem eigenen, spezifischen Leben erfüllt durch den Zweck, dem sie dient: durch die Funktion, die sie in der Gesellschaft ausübt. Nicht vom Staate, überhaupt nicht durch irgendwelche Verleihung oder »Delegation«, sondern aus sich selbst, aus ihrer Funktion, bekommt die Gruppe nicht bloß ihre Existenz, sondern auch ihr Recht, jedes ihr überhaupt zustehende Recht. Und zu diesen Rechten gehört auch für sie, ebenso wie für den einzelnen Menschen, die Freiheit, d. h. die Selbstbestimmung innerhalb der Grenzen ihrer Funktion. Die umwälzende staatsrechtliche und soziale Bedeutung dieser Anschauungen kann hier nur angedeutet werden. Es würde an dieser Stelle zu weit führen, darauf näher einzugehen. Nur ein Punkt muß noch hervorgehoben werden:

Den Rechten jeder funktionellen Gruppe steht die von diesen untrennbare Pflicht gegenüber, ihre Funktion möglichst vollkommen auszuüben, ihre funktionelle Energie auf das höchste zu steigern und daher allen Fähigkeiten innerhalb der Gruppe den Weg zu öffnen, damit sie ungeschmälert im Sinne der Funktion, der die Gruppe dient, wirken können. Auf dem Umwege über den Begriff der Funktion gelangt daher diese Anschauung zu einer neuen und erweiterten Begründung der menschlichen Freiheit: der Mensch muß frei sein, nicht bloß ganz allgemein als Individuum, als »Zeitgenosse« und gleiches unter gleichen Individuen, weil die Freiheit eine metaphysische oder ethische oder sentimentale Forderung ist; sondern er muß frei sein auch ganz besonders als tätiges Individuum, als spezifisches und ungleiches unter ungleichen Individuen, als Mitträger einer Funktion, als Glied einer innerhalb der menschlichen Gesellschaft spezifisch wirkenden Gruppe, damit seine Kräfte unvermindert zur Stärkung der Funktion, zur Stärkung der Gruppe bei ihrem funktionellen Wirken beitragen. Es ergibt sich ein Begriff der Demokratie, der, weit über das Politische hinausgreifend, alle Gebiete des menschlichen Lebens erfaßt und mit der Zeit verwandeln muß: der Begriff einer die einseitige, bloß politische Demokratie ergänzenden, allseitigen, funktionellen Demokratie, deren Ziel sich knapp in Nietzsches kraftvoll aktivistischen Worten formulieren läßt: »Freiheit sich schaffen, zu neuem Schaffen.«

Der Stellung des Arbeiters im modernen Unternehmen, dem Begriff der Lohnarbeit überhaupt widersprechen diese Forderungen, wie man sieht, von Grund auf. Denn der Arbeiter wird nicht mit allen seinen Kräften, als ganze Persönlichkeit, zur Produktion herangezogen, sondern nur als Lieferant einer Ware, seiner Ware »Arbeit«, die ihm der Unternehmer abkauft.

Und ebenso widersprechen jene Forderungen der Einstellung eines Produktionsprozesses auf den privaten Profit. Denn seine Rechte beruhen nach jener Theorie ausschließlich auf seiner öffentlichen Funktion (nicht auf dem Eigentum des Unternehmers). Seine Einstellung auf den größten privaten Profit statt auf den größten öffentlichen Nutzen und Bedarf ist daher eine Rechtsbeugung.

In beiden Punkten, in dem der Lohnarbeit und dem des privaten Profits, verlangt der Gildensozialismus einen radikalen Umschwung und bietet dafür jene Lösungen, die seine Eigenart ausmachen.

Die Lohnarbeit soll verschwinden dadurch, daß die Verwaltung der Unternehmungen den privaten Kapitalisten entzogen und auf die Gewerkschaften (Trade Unions) übertragen wird. Die Gildensozialisten weisen darauf hin, daß schon heute die Leiter, die technischen und kaufmännischen Direktoren, Aufsichtsratmitglieder usw. der großen Unternehmungen zum großen Teil nicht mehr mit eigenem Kapital arbeiten, sondern bloß Angestellte von Kapitalisten sind. Nunmehr sollen sie statt dessen Angestellte einer Gewerkschaft, der organisierten Werktätigen des betreffenden Produktionszweiges werden, wobei sie selbst als Mitbeteiligte am Produktionsprozeß ihre Stellung innerhalb der Gewerkschaft fänden. Jeder Produktionszweig der englischen Volkswirtschaft würde also eine von seinen sämtlichen organisierten Arbeitern und Angestellten verwaltete ›Nationale Gilde‹, die ganze englische Produktion eine planmäßige Maschine aus lauter selbstverwaltenden nationalen oder nationalföderierten Gilden, deren Mittelstück ein alle einzelnen Gilden zusammenfassender nationaler ›Gildenkongreß‹ zu sein hätte.

Damit wäre in der Tat die Lohnarbeit abgeschafft. Nicht aber ohne weiteres die Einstellung der Produktion auf den Profit. Denn ein selbstverwaltender Produktionszweig könnte ebenso für die in ihm organisierten Werktätigen wie ein kapitalistisches Unternehmen für seine Aktionäre sorgen und ebenfalls bloß auf deren Profit statt auf den gesellschaftlichen Nutzen und Bedarf sehen. Wer letzten Endes bestimmen soll, was und zu welchem Preise produziert wird, bleibt also problematisch. Auch sind sich in dieser Hinsicht die Gildensozialisten selbst noch nicht einig. Aber die Kämpfe, die um diese Frage in ihren Reihen vor sich gehen, sind gerade deshalb lehrreich. Und eine gewisse Klärung scheint sich anzubahnen. Ursprünglich beeinflußt von der staatssozialistischen, besonders durch den Altmeister des englischen Sozialismus, Sidney Webb, vertretenen Anschauung, daß der Staat, d.h. das Parlament der natürliche Vertreter der Konsumenten sei und als solcher das letzte Wort haben müsse, sind jetzt die Gildensozialisten, durch die Kriegswirtschaft abgeschreckt, eher geneigt, den Staat auch bei diesen Fragen zurückzudrängen. Die Sozialisierungsvorlage der englischen Bergarbeiter (1919) überträgt das Bergwerkseigentum nicht auf den Staat, sondern (Art. 5 und 1) auf einen zu gleichen Teilen von der Regierung und den Bergarbeitern (der Bergarbeiterföderation von Großbritannien) ernannten zwanzigköpfigen ›Rat‹ (›Mining Council‹), in dem der Staat nur insofern einen kleinen Vorsprung hat, als der Ratspräsident von der Regierung ernannt und dem Parlamente verantwortlich ist. Die Konsumenten als solche sind nicht vertreten, d. h. eben nur durch die Regierungsmitglieder im ›Rat‹.

Aber der Glaube, daß überhaupt der Staat (d. h. das Parlament) die gegebene alleinige und genügende Vertretung der Konsumenten gegenüber den organisierten Produzenten sein könnte, ist gerade in gildensozialistischen Kreisen stark erschüttert. Cole meint jetzt, daß es eine einzige, allumfassende Vertretung aller Konsumenten, wie der Staatssozialismus sie im Parlamente sehen will, überhaupt nicht geben könne, da die Interessen der Konsumenten viel zu mannigfaltig und widerspruchsvoll seien. Er verlangt zwar, daß die Vertretungen der Konsumenten geographisch abgegrenzt werden, im Gegensatz zu den beruflich abgegrenzten Produzentenorganisationen, lehnt es aber ab, das Staatsgebiet als die einzig maßgebende, ja auch nur als die wichtigste geographische Einheit anzusehen, erkennt vielmehr die Konsumentengruppe, die ein gemeinsames Interesse an irgendeinem Produkt oder Dienste hat, als eine wirkliche, lebendige Einheit an, die nach den Grundsätzen der funktionellen Demokratie von sich aus das Recht hat, die Befriedigung ihrer Bedürfnisse zusammen mit der Produzentengruppe zu regeln, und will daher je nach dem Produkt oder Dienst, dessen Art und Preis geregelt werden sollen, wechselnde Vertretungen der Konsumenten, deren geographische Basis auch verschieden groß sein kann. Also einerseits eine weitgehende Dezentralisation, so daß bei Bedürfnissen persönlicher und häuslicher Art örtliche Konsumvereine die Bestimmung hätten; bei mehr kommunalen Bedürfnissen örtliche, für das besondere Fach oder Produkt spezifische Vertretungen, die nicht etwa identisch wären mit unseren heutigen, unterschiedslos für alle Zwecke gewählten Gemeindevertretungen. Andererseits aber auch nationale und sogar internationale Zusammenfassungen der Konsumenten bei großen, gleichförmigen, nationalen oder internationalen Bedürfnissen oder Diensten. Mit diesem Ausblick, der auf das Gebiet des Völkerbundes hinübergreift, muß diese kurze, leider gar zu unvollständige Darstellung des gildensozialistischen Planes für die Organisation der Erzeugung und Verteilung enden.

Nur ein besonderer Fall soll zum Schluß noch kurz erwähnt werden, weil er die erste praktische Verwirklichung des Gildensozialismus werden könnte. Die Wohnungsnot hat im Januar dieses Jahres die Bauarbeiter von Manchester veranlaßt, ihre verschiedenen Gewerkschaften zu einem Gildenausschuß zusammenzufassen, der faktisch sämtliche Bauarbeiter der Stadt und Umgegend vertritt. Gestützt auf dieses Monopol, hat der Gildenausschuß dem Stadtrat von Manchester angeboten, sofort zweitausend Häuser zu bauen zu einem Preise, der wesentlich niedriger wäre als der von den Bauunternehmern angeforderte. Der Gildenausschuß verlangt als Gegenleistung nur Vorstreckung des nötigen Kapitals, wogegen natürlich die Stadt das Eigentum an den fertigen Häusern bekäme. Aus dem Artikel, in dem Cole (›New Republic‹ vom 3. März 1920) über diesen Plan berichtet, scheint hervorzugehen, daß seine Verwirklichung bevorstand. Man wird seine Fortschritte mit dem lebhaftesten Interesse verfolgen müssen, denn es wäre das erste Beispiel der wenn auch bloß örtlichen Selbstverwaltung eines großen und lebenswichtigen Produktionszweiges.

 

Quelle: http://gutenberg.spiegel.de/?

lundi, 07 décembre 2009

French visions for a New Europe

French visions for a New Europe

Ex : http://rezistant.blogspot.com/


Raymond Abellio and Jean Parvulesco are two prominent French esotericists who have visualised and tried to implement a roadmap for what Europe – and the Western world as a whole – should become. It is a future where the real role of the Priory of Sion comes into its own.

An article by Stephan Chalandon and Philip Coppens

Raymond Abellio claimed that the Flemish occultist S.U. Zanne (pseudonym of Auguste Van de Kerckhove) was amongst the greatest initiates of our time. But hardly anyone knows who he is. Some have placed Abellio in the same category – though he too is a great unknown for most. And those that have looked at Abellio, have largely concluded that he was a fascist politician, who was also interested in esoteric beliefs.
Is he? Part of the problem is that his writings – like that of so many alchemists – need a key. So much of their material is largely coded text, and Abellio himself used to laugh that most people’s keys “only opened their own doors” – not his. So who was he really, and what were his real political aims?

Raymond Abellio was the pseudonym of Georges Soulès (1907-1986), who rose to fame during the Second World War, when he became the leader of the MSR (Mouvement Social Révolutionnaire) in 1942, after the peculiar assassination of its leader, Eugène Deloncle. The invitation to join the organisation had come from none other than Eugène Schueller, owner of the cosmetics giant L’Oréal. As Guy Patton, author of “Masters of Deception”, has pointed out: “This group had evolved out of the sinister Comité Secret d’Action Revolutionaire (CSAR), also known as the Cagoule. Soules was now to become acquainted with Eugène Deloncle, head of the political wing, dedicated to secret, direct, and violent action.” Later, Patton adds: “So here we have a Socialist turned Fascist, deeply involved in political movements, who actively collaborated with the Vichy government. In the course of his political activities, he was to work closely with Eugène Deloncle, who […] was closely acquainted with a fellow engineer, François Plantard, and whose niece married [French President Francois] Mitterrand’s brother, Robert.”
Though never confirmed, it is claimed that Abellio was involved with Bélisane publishing, founded in 1973. Bélisane published several books on Rennes-le-Château, the village so intimately connected with the Priory of Sion. In his book, Arktos, Joscelyn Godwin refers to Raymond Abellio as another ‘Bélisane’ pseudonym. For Guy Patton, Abellio is part of a network that tried to create a New Europe, ruled by a priest-king, whereby various modern myths, like the Priory of Sion, are meant to provide the modern Westerner with a longing of sacred traditions and rule, very much like the myths of King Arthur that gave a surreal dimension to European politics in medieval times.

Abellio’s views of politics have therefore been described as very utopian, and he has been suspected of synarchist leanings – the belief that the real leaders of the world were hidden from view, politicians being largely their puppets. But in truth, Abellio had a well-defined vision for social change. When the battle lines of the Cold War were drawn after the Second World War, he tried to find the best of both camps, and hoped he could reunite them. Why? To create a type of Eurasian Empire, stretching from the Atlantic to Japan, an idea that was taken up by the novelist, theoreticist and his friend Jean Parvulesco. “Parvu” has been identified as the man largely responsible for acquainting at least some with the visions of Abellio – though whether it was the real Abellio or a character created by Parvulesco, remains for some open to debate.
Guy Patton thus sums up Abellio’s view as being “typical of an extreme right-wing esotericism, the aim of which is to ‘renew the tradition of the West’. He wanted to replace the famous Republican slogan, ‘Liberty, Equality, Fraternity’, with ‘Prayer, War, Work’, to represent a new society built on an absolute hierarchy led by a king-priest.”
The implication, however, is that several of the people involved, were not truly devoted to such spiritualism and merely used it as a mask for making money, acquiring more power, and pushing an extreme right wing agenda. Though that is the case for many of those involved, within the mix of powerful and/or money-hungry people, most are agreed that Abellio was truly a “spiritual” man. And it was professor Pierre de Combas who is credited with Abellio’s transformation from politician Georges Soulès into the visionary Abellio (the Pyrenean Apollo), making him not merely a “man of power”, but also a “man of knowledge” – an initiate?

To understand his vision, we need to acknowledge that Abellio’s system, as mentioned, needs a key, and without a key, there is no understanding – hence, no doubt, why he is often misunderstood. Secondly, his system is complex and difficult to summarise in a few words and is perhaps best described by listing some examples.
He wanted to “de-occultise” the occult (e.g. his book “The End of Esotericism”, 1973), whereby he hoped this would help science. His knowledge of science – acquired as a polytechnic student – meant that he could build bridges between the two subjects, for example between the 64 hexagrams of the Yi-King and 64 codons of DNA, or the correspondences between the numbers of the Hebrew alphabet and the polygons that could be inscribed in a circle.
The most famous of his works is “The absolute structure” (1965), which made him be regarded as an heir to phenomenological philosopher Husserl. Such topics, of course, hardly make for bestsellers, but are the type of study one would expect from a genuine alchemist.
His drive for an “absolute structure” is a vital ingredient for his visions of the “Assumption of Europe”, i.e. what he sees as the destiny of Europe: “the Occident appears to us not to be only as an interval separating the opposing masses of the East and the West, but is the most advanced carrier of the dialectical of the present time.” In short, he did not believe in the subject-object duality that continues to drive most politicians into fear-mongering and the other usual tactics employed by their ilk, but instead preferred a more complex model, centred on Conscience (the zero point), which evolved along the base towards Quantity (science) and upwards to Quality (knowledge), which gave him a six-armed cross, or the “hypercubic” cross, to use Salvador Dali’s words – a man who equally spoke of the “Assumption of Europe” in some of his paintings. In short, the “hypercubic cross” allowed Abellio to express all ontological and spiritual problems in dynamic terms – and it is clear that he used complex wording, making his thinking difficult to understand, which is no doubt why he is easily misunderstood, was thought to be writing mumbo-jumbo, or simply neglected.

First of all, to get our heads around his terminology, we need to know that the Bible was one of Abellio’s most often consulted books and he described the stages of the evolution of a civilisation in Christian terminology: birth, baptism, communion, etc. Hence why he said that the next stage in Europe’s development mimicked assumption, which is specifically linked with the Virgin Mary – the Saint who was deemed to play a pivotal part in Europe’s future. She is, of course, also a supernatural being, which was said to have appeared on numerous occasions, to advice Christian Europe what to do and what not, such as in the politically charged “secrets” of Fatima in 1917.
In 1947, in his book “Towards a new form of prophecy, an essay on the political notion of the sacred and the situation of Lucifer in the modern world”, he notes: “not more than any other being, man is but an addition, a juxtaposition of Spirit and Matter, but an accumulator and an energy transformator, of variable power according to the individual, and capable of passing his energetic quantity of one qualitative level to another, higher, or lower.” Thus, we see a mixture of Christian eschatology, prophecy, as well as quite Gnostic doctrines on what it is to be truly human.

Abellio was therefore a modern visionary, but he was also an astrologer. He predicted the fall of the Soviet Union for 1989, as well as the ascent of China. He qualified its Marxism as “Luciferian”, which he did not suggest should be interpreted in a moral sense, but that the Chinese materialism had to be integrated in terms of the Absolute Structure, in opposition to the individual and “Satanic” materialism of the United States.
In the West, it was the task of terrorists – freedom fighters – to bring about this change. These “heroic” terrorists’ battles were brought to life in his novels. In retrospect, he said that his first three novels were indeed “apprenticeships”, where his heroes evolved, whereas his final novel – published 24 years after “The pit of Babel” (1962) – “Motionless Faces” (1986) was for him “that of the companion who is trying to become master”.
However, many consider “The pit of Babel” to be his best work and it is here that he plots intellectuals that are disengaged from all forms of ideology and scruples engaging in wide-spread terrorism. It is a theme he revisited in “Motionless Faces”, where the primary character attempts to poison the population of New York, not through any straightforward means, but by using the creation of an illuminated architect who had built a type of “counter-structure” underneath Manhattan, which was reserved for an elite – a type of urban Aggartha.
The heroine of his last novel is named Helen, also – not coincidentally – the name of the companion of Simon Magus. In the end, she perishes, taken to the centre of the earth by a subterranean stream, underneath Manhattan. In the case of Simon Magus, Helen was the personification of Light, held prisoner by matter. Abellio specifically chose his name because he identified himself with Apollo, another deity connected with light and the initials of Raymond Abellio – RA – were of course those of the Egyptian sun god.
Abellio himself never met his “ultimate woman”, even though he searched for her. She may have been Sunsiaré de Larcone, herself a writer of fantasies as well as a model, who died at the age of 27 in a car crash in 1962. She had labelled herself his disciple. Other – equally beautiful – women had gone before, and would go after, but no-one was apparently worthy of being “his” woman. Hence, his tomb contains an empty space for his “Lady”.

It is in “Motionless Faces” that Parvulesco studied in detail in his essay, “The Red Sun of Raymond Abellio”, published in 1987. Parvu was a novelist who is both close and far removed from Abellio. Close, because they shared a similar vision of the “Great Eurasian Empire of the End”. He too had his initiators, and he saw himself heir to the “Traditional School”, which had previously had authors such as René Guenon and Julius Evola, whom he met in the 1960s. He was preoccupied with the “non-being”, the forces of chaos, which make him into something of a dualist, i.e. a Gnostic. With Evola, he shared the idea that there was a need for a final battle against the counter-initiatory and subversive forces (the non-being), as well as having a certain desire for Tantrism.
Parvulesco often uses the term “Polar”, which he used to refer to the “polar fraternities” – of which Guénon had once been a member – and which he saw as important instruments in the creation of modern Europe. He also used the term to refer to the Hyperborean origins of the present cycle of humanity, which he argued would soon end with a polar reversal. Here, he is close to Guénon, but far from Abellio’s thinking, who had an altogether more optimistic vision of the future. So despite their kinship and a common goal, how that New Europe would be accomplished, was not identical – or compatible.

Parvulesco has often been cited by the European extreme right-wing. It has meant that several authors have seen him as one of them, but it is clear that no single writer is in charge of who and where his name is used.
In the early 1960s, “Parvu” was close to the OAS, the “Organisation Armée Secrète”, a terrorist group that was opposed to allowing Algeria to become independent. This meant that he was opposed to De Gaulle, yet he is largely known to have claimed everywhere he could that he was a strong supporter of De Gaulle. Incidents such as these have therefore made him another person that is difficult to place on the political landscape, and it would be best simply to not try and put him into one category. Indeed, what sets him and Abellio apart, is largely that they had an independent vision of the future – and the role of politics. They realised that the world was radically changing, and though their models might in the end prove not to work or be unrealisable, it does not negate the fact that they were innovative thinkers.

It is Parvulesco who brings further detail as to what this New Europe would be and why, specifically, a priest-king is needed as its ruler. In ancient times, these rulers were primarily seen as a denizen of both worlds, a mediator between this reality and the divine realm and Parvulesco makes it clear that “the beyond” is guiding us towards Europe’s destiny, whereby the role of European leaders is first and foremost to correctly interpret the signs, rather than invent new goals and targets.
Parvu has a few constant themes running through his writings, one of them being that of gateways to other dimensions. Whenever historical people (most often politicians) make appearances in his novels, they are not the politicians we know, but their doubles, who evolve in our and another dimension. The novels of Parvulesco are hence often seen as those of the “eternal present”, or the “ninth day”.
In “Rendez-vous au manoir du Lac”, the setting is a strange site where there is a gateway to heaven – Venus in particular – from where, according to Parvulesco, some chosen ones have to transit. In “En attendant la junction de Vénus”, he repeats this claim, but links it with Mitterrand and specifically the Axe Majeur of Cergy-Pontoise, near Paris. This axis is the creation of artist Dani Karavan and is the “soul” of this new town. It stretches for three kilometres and, if ever archaeologists were to stumble upon its remains in future centuries, it would be classified as a leyline. Though the project commenced before Mitterrand’s presidency, it was during his term in office that the line became properly defined and executed. Today, it is seen – in France – as an enigmatic work, far superior to the Louvre Pyramid or Arche de la Défense, which has set the likes of Dan Brown and Robert Bauval questioning the reasons behind these projects. The Axe, however, is a far more ambitious, greater and more enigmatic project. When we note that Abellio was closely associated with the Mitterrand family, we can merely ponder whether he had a hand in the project.
With the Axe Majeure, it is clear that we are in a strange world where politics and esoterica mingle, partly in this dimension and partly in a divine realm. Well, Abellio hoped that from this mixture, a new form of politics, and a New Europe, would arise. And it is here where we need to see the role of the Priory of Sion, not so much – as Dan Brown and others would like it – as the preservers of a sacred, old bloodline, but a new priesthood – a mixture of politician and esotericist, i.e. like Abellio himself – that can rule a New Europe.

So even though Abellio and Parvulesco have been described as synarchists, they repeatedly referred to themselves as terrorists – freedom fighters, laying the foundation for this New World. The new powerbrokers would not always remain hidden puppet masters, but would clearly one day step to the forefront, to take up the role of priest-king. And for such thinkers, it was a given that France had come closest to attaining this ideal under De Gaulle, whereby the “Great Work” of Mitterrand was seen along the same lines, though clearly not to the same extent, or drive.
Abellio and Parvulesco were therefore new agers, building “An Age of Aquarius”: however, they did not focus on personal transformation, but on social transformation. As an author, one might argue that Parvulesco operates within the domain of the “esoteric thriller”, which in Hollywood is visualised like Roman Polanski’s “The Ninth Gate” or Umberto Eco’s “Foucault’s Pendulum”. But both works have great difficulty in convincingly integrating the “passage to another world” within their storyline, often leaving the reader/viewer unsatisfied, or – alternatively – unconvinced of the end goal. Lovecraft has a better reputation and others argue that Parvulesco, thanks to the influence of both Abellio and Dominique de Roux, has gone further, and done better. But the main point is that his esoteric thrillers were to make this step through this “interdimensional passage” not as an individual, but as a society – as Europe.

De Roux (1935-1977) was a great inspiration for novelists that evoked what is known as “novels of the End” – however they visualised that transformation of Europe. Parvulesco actually began his literary career in the magazine “Exil”, published by de Roux. De Roux travelled widely, and in 1974 wrote “The Fifth Empire”, about the struggle for independence in Portugal’s colonies, which brings up the same struggle for a new future of a country. The title “The Fifth Empire” is an allusion to a popular Portuguese myth, namely that of the lost king. Like King Arthur, the Portuguese king Dom Sebastian was said to one day return, to lead his people to a fabulous destiny – which, as can be expected in light of Abellio and Parvulesco’s ideology, was not necessarily of this plane. To quote the Portuguese poet Fernando Pessoa (a friend of Aleister Crowley): “We have already conquered the sea, there only remains for us to conquer the sky and leave the earth for others.”
What Algeria and De Gaulle had been for Abellio, what Portugal was for De Roux, Putin’s Russia was for Parvulesco. But it is in Abellio’s preface to “The Fifth Empire” that we find an interesting note that explains the true context and “key” that will unlock their works: “those who attach a profound meaning to coincidences cannot be but stricken by the fact that the last message of Fatima was delivered in October 1917, at the moment when the Bolshevik Revolution begun. What subtle link of the invisible history was thus established between the two extremities of Europe?”
For esotericists who saw our dimension as being infiltrated by the other plane of existence, the coincidences of the apparitions of the Virgin Mary at Fatima and her clearly political messages, to do with the future of Russia and how it should embrace the Virgin Mary, are part and parcel of how this Great Europe was not merely a political ambition, but part of their vision as to how “real politicians” worked together in league with the “denizens of the otherworld”, so as to accomplish the Assumption. Hence why Parvulesco held Putin’s Russia to be so important. Hence why, no doubt, Abellio tried to make contact with the Soviets to enable this New Europe, which indeed has come about largely under Putin’s presidency.

As mentioned, for Guy Patton, Abellio and Parvulesco were largely Fascists, who abused newly created myths like that of the Priory of Sion, to exert their influence, make money and group power. But that, of course, is merely one interpretation. Take the literature of the Priory and its creator Pierre Plantard and we find that he was close to De Gaulle’s regime. Plantard was in fact responsible for running part of De Gaulle’s “terrorist cells” in Paris when De Gaulle was trying to get to power. Then, Plantard used the Priory to create an ideology that saw a unified Europe, from the East to the West, and it is clear that those involved in the promotion of the Priory later spoke of the importance of Francois Mitterrand.
The Priory is indeed a fabricated myth, a non-existent secret society. But it is equally clear that those involved (Plantard) and those that could be linked with it (Abellio, and to some extent Parvulesco), had genuine convictions of what a future Europe should be. It is equally clear that their interest in Marian apparitions was genuine, and that they saw them as divine guides along the path that Europe had to walk to its future and its next stage, its assumption. And as Parvulesco pointed out: it depends whether you believe in coincidences or not. If not, then you will argue that the major political events of the past century are but tangentially related to the messages received from these apparitions and which are subsequently shuttled to the Vatican (to some extent, together with the British queen, the only priest-king ruling in Europe at the moment). If you do believe that coincidences have meaning, then it is clear that this New Europe is slowly emerging.

In the 1980s, Parvulesco reviewed a strange novel, “La boucane contre l’Ordre Noir, ou le renversement”, by one “Father Martin”, who had already published “livre des Compagnons secrets. L’enseignement secret du Général de Gaulle”. For an avowed Gaullist, Parvu was obviously in his element. The novel itself has certain common points with one volume of the tetralogy of Robert Chotard, “Le grand test secret de Jules Verne”. Both books speak of a “reserved region” in Canada, from where there is a conspiracy directed to change the world’s climate. The base is controlled by the sinister “Black Order” and aims to create a pole reversal – a theme also explored by Jules Verne. We can only wonder whether the stories of HAARP – set in nearby Alaska – might be inspired, or reflective, of this. But it is here that we see the final framework of their political ambition: they saw their quest not so much as a desire, a longing, but as a genuine struggle of good versus evil: if a New Europe did not come, the “Black Order” would have won. And in the end, perhaps Abellio and Parvulesco should thus be seen as modern knights, fighting for Europe – a new Europe.

This article appeared in New Dawn, Volume 10, Number 11 (November - December 2008).

http://www.philipcoppens.com/abu_parv.html

mardi, 24 novembre 2009

Samurai: storia, etica e mito

Samurai: storia, etica e mito





La società giapponese

La società giapponese del XVI secolo aveva una struttura definibile come feudalesimo piramidale.
Al vertice di questa ideale piramide vi erano i signori dell’alta nobiltà, i daimyo, che esercitavano il loro potere tramite legami personali e familiari. Alle dirette dipendenze dei daimyo vi erano i fudai, ovvero quelle famiglie che da generazioni servivano il proprio signore. In questo contesto i samurai rappresentavano una casta familiare al servizio dei daimyo, ne erano un esercito personale.
Accadeva che durante le guerre feudali, il clan sconfitto, per non perdere le proprietà precedentemente conquistate, entrava a far parte dello stato maggiore del clan vincitore con funzioni di vassallaggio.
In questa organizzazione politica, quella militare dei samurai aveva caratteristiche e funzioni proprie al suo interno. Divisi in 17 categorie, i samurai avevano il compito di rispondere alla chiamata alle armi del daimyo cui facevano riferimento combattendo con armi proprie. Al di sotto dei samurai propriamente detti, ma facenti parte della stessa famiglia, vi erano i sotsu (“truppe di fanteria”) a loro volta divisi in 32 categorie.
Alla base della piramide troviamo gli ashigaru, cioè la maggior parte dei combattenti (soldati semplici diremmo oggi) che erano per lo più arcieri e lancieri o semplici messaggeri. Nei periodi di pace gli ashigaru svolgevano mansioni come braccianti del samurai incaricato al loro mantenimento.


Excursus storico sui samurai


L’epopea dei samurai comincia nel periodo Heian (794-1185).
Alla fine del XII secolo il governo aristocratico di Taira subì una sconfitta nella guerra di Genpei cedendo il potere al clan dei Minamoto. Minamoto Yoritomo, spodestando l’imperatore, assunse di fatto il potere col titolo di shogun (capo militare) e fu lui a stabilire la supremazia della casta dei samurai, che fino a tal periodo svolgeva il ruolo di classe servitrice in armi estromessa da questioni di natura politica. Nei 400 anni a venire la or più accreditata casta guerriera avrebbe svolto un ruolo decisivo nella difesa del Giappone da tentate invasioni esterne, – come quella mongola del XIII secolo –, e nelle faide interne tra i vari feudatari (daimyo), tra le quali vanno ricordate quella del periodo Muromachi (1338-1573) in cui gli shogun Ashikaga affrontarono i daimyo, e quella del periodo Momoyama (1573-1600) in cui i grandi samurai Nobunaga (in foto) prima e il suo successore Hideyoshi dopo si batterono per sottomettere il potere dei daimyo e riunificare il paese.

La politica interna troverà stabilità al termine della battaglia di Sekigahara (1600), nella quale il feudatario Tokugawa Ieyasu, col titolo di shogun, sconfiggendo i clan rivali, assumerà pieni poteri sul paese insediando il suo “regno” nella città di Edo (odierna Tokyo) e inaugurando il periodo che da tale città prese nome (1603-1867), mentre l’imperatore rimaneva di fatto confinato nell’antica capitale Kyoto.
In questo periodo la pace fu garantita dal fatto che i daimyo giurarono fedeltà, di fatto sottomettendovisi, allo shogunato e a loro volta mantennero all’interno dei loro castelli contingenti di soldati e servi. Le conseguenze per la casta dei samurai furono immediate. Divenuta una casta chiusa e non essendoci più motivi di gerre feudali, il suo ruolo guerriero assunse sempre più toni di facciata: i duelli, in un contesto dove regnava la pace tra clan, divennero per lo più di tipo privato. Lo sfoggio di abilità guerriere e l’uso della spada (per il samurai un vero e proprio culto religioso) avveniva, in maniera sempre più frequente, soltanto per scopi cerimoniali; mentre le funzioni a cui venivano sempre più spesso preposti erano di tipo burocratico ed educativo, integrandosi sempre di più nella società civile. Un segnale della trasformazione del ruolo dei samurai è testimoniato dai rapporti che questi intrapresero con il disprezzato ceto chonin (borghesia in ascesa). Tale avvicinamento ha avuto tuttavia una grande importanza per aver “esportato” i valori della “casta del ciliegio” nella società civile fino ad oggi.

Una classe di samurai che fece la sua comparsa in questa epoca di pace fu quella dei ronin (“uomini onda” o “uomini alla deriva”). Si tratta di quei soldati rimasti senza signore perché soppresso il feudo di appartenenza; in sostanza samurai declassati.
Con la caduta dell’ultimo shogunato, vale a dire quello di Yoshinobu Tokugawa, ebbe inizio l’era Meiji (1868-1912). Fu questo un periodo di radicali riforme, note con il nome di “rinnovamento Meiji”, le quali investirono a pieno anche la struttura sociale del Sol levante: l’imperatore tornava ad essere la massima figura politica a scapito dello shogunato, lo Stato fu trasformato in senso occidentale e i feudi soppressi. La casta samurai abolita in funzione di un esercito nazionale.


L’arte e l’onore. La morte e il ciliegio


hana wa sakuragi, hito wa bushi (“Tra i fiori il ciliegio, tra gli uomini il guerriero”)

La costante ricerca di una condotta di vita onorevole si fondeva, nell’etica della guerra del samurai, con una disciplina ferrea nelladdestramento marziale. Anche durante la pace del lungo periodo Edo, i samurai coltivarono le arti guerriere (bu-jutsu, oggi budo). Le principali discipline praticate e di giorno in giorno perfezionate erano il tiro con larco (kyu-jutsu, oggi kyudo), la scherma (ken-jutsu, oggi kendo) e il combattimento corpo a corpo (ju-jutsu, oggi più comunemente conosciuto come ju-jitsu).

La katana (“spada lunga”) era il principale segno di identificazione del samurai e lacciaio della lama incarnava tutte le virtù del guerriero; ma più che questa funzione meramente riconoscitiva, la spada rappresentava un vero e proprio oggetto di culto. L’attenzione rivolta nel costruirla (sarebbe più preciso dire crearla), nel curarla e nel maneggiarla dà l’impressione che la spada venisse venerata più che utilizzata.
Trattando la figura del samurai non è possibile scindere l’allenamento fisico da quello spirituale, così come non è possibile scindere l’uomo dal soldato; tuttavia, per fini esemplificativi, potremmo dire che se il braccio era rafforzato dalla spada, lo spirito era rafforzato dalla filosofia confuciana. Fin da bambino, il futuro guerriero, veniva educato all’autodisciplina e al senso del dovere. Egli era sempre in debito con l’imperatore, con il signore e con la famiglia e il principio di restituzione di tale debito era un obbligo morale, detto giri, che accompagnava il samurai dalla culla alla tomba.

Il codice d’onore del samurai non si esauriva, tuttavia, nel principio giri, ma spaziava dal disprezzo per i beni materiali e per la paura, al rifiuto del dolore e soprattutto della morte. È proprio per la preparazione costante all’accettazione della morte che il samurai scelse come emblema di appartenenza alla propria casta il ciliegio: esso stava infatti a rappresentare la bellezza e la provvisorietà della vita: nello spettacolo della fioritura il samurai vedeva il riflesso della propria grandezza e così come il fiore di ciliegio cade dal ramo al primo soffio di vento, il guerriero doveva essere disposto a morire in qualunque momento.
Se morte e dolore erano i principali “crimini”, lealtà e adempimento del proprio dovere erano le principali virtù; atti di slealtà e inadempienze erano (auto)puniti con il seppuku (“suicidio rituale”, l’harakiri è molto simile, ma è un’altra cosa...).
Il codice d’onore del samurai è espresso, dal XVII secolo, nel bushido (“via del guerriero”), codice di condotta e stile di vita riassumibile nei sette princìpi seguenti:

- , Gi: Onestà e Giustizia
Sii scrupolosamente onesto nei rapporti con gli altri, credi nella giustizia che proviene non dalle altre persone ma da te stesso. Il vero Samurai non ha incertezze sulla questione dell’onestà e della giustizia. Vi è solo ciò che è giusto e ciò che è sbagliato.

- , Yu: Eroico Coraggio
Elevati al di sopra delle masse che hanno paura di agire, nascondersi come una tartaruga nel guscio non è vivere. Un Samurai deve possedere un eroico coraggio, ciò è assolutamente rischioso e pericoloso, ciò significa vivere in modo completo, pieno, meraviglioso. L’eroico coraggio non è cieco ma intelligente e forte.

- , Jin: Compassione
L’intenso addestramento rende il samurai svelto e forte. È diverso dagli altri, egli acquisisce un potere che deve essere utilizzato per il bene comune. Possiede compassione, coglie ogni opportunità di essere d’aiuto ai propri simili e se l’opportunità non si presenta egli fa di tutto per trovarne una.

- , Rei: Gentile Cortesia
I Samurai non hanno motivi per comportarsi in maniera crudele, non hanno bisogno di mostrare la propria forza. Un Samurai è gentile anche con i nemici. Senza tale dimostrazione di rispetto esteriore un uomo è poco più di un animale. Il Samurai è rispettato non solo per la sua forza in battaglia ma anche per come interagisce con gli altri uomini.

- , Makoto o , Shin: Completa Sincerità
Quando un Samurai esprime l’intenzione di compiere un’azione, questa è praticamente già compiuta, nulla gli impedirà di portare a termine l’intenzione espressa. Egli non ha bisogno né di “dare la parola” né di promettere. Parlare e agire sono la medesima cosa.

- 名誉, Meiyo: Onore
Vi è un solo giudice dell’onore del Samurai: lui stesso. Le decisioni che prendi e le azioni che ne conseguono sono un riflesso di ciò che sei in realtà. Non puoi nasconderti da te stesso.

- 忠義, Chugi: Dovere e Lealtà
Per il Samurai compiere un’azione o esprimere qualcosa equivale a diventarne proprietario. Egli ne assume la piena responsabilità, anche per ciò che ne consegue. Il Samurai è immensamente leale verso coloro di cui si prende cura. Egli resta fieramente fedele a coloro di cui è responsabile.

Che i Samurai, nei tanti secoli della loro storia, si siano sempre e comunque attenuti a questi princìpi, è un elemento di certo secondario, né tantomeno spetta a noi il compito di ergerci a giudici. Ciò che rimane indelebile e si manifesta in tutta la sua grandezza è invece lo spirito autentico e “romantico” di un’etica guerriera (ma non solo guerriera) fondata sul rispetto, l’onore, la lealtà, la fedeltà, il coraggio e l’abnegazione: valori che furono incarnati da molti samurai i cui nomi sono stati – a buon diritto – consegnati alla storia. E in una società che sembra aver smarrito la bussola, sempre timorosa (finanche di se stessa), l’etica samurai potrebbe rappresentare un ausilio, una salda coordinata per un recupero dell’autocoscienza e della padronanza di sé; sicuramente un ottimo strumento per il rifiuto di un’esistenza meschina ed esclusivamente materiale e per una riscoperta del proprio spirito. Lo stesso spirito che animò i “guerrieri-poeti” i quali, grazie alla lama della loro spada e al tenue turbinare dei fiori di ciliegio, seppero coniugare sapientemente Poesia e Azione.

Percorrere e tracciare i lineamenti fondamentali della storia dei samurai non è cosa facile perché alla mera ricostruzione evolutiva dei fatti si intreccia inevitabilmente la visione, più romantica che storica, della figura del guerriero in sé, il samurai appunto. Per il giapponese questa figura non è la semplice “protagonista” di un certo periodo storico; è, al contrario, il periodo storico, il tempo a trovarsi in una posizione di sudditanza rispetto al mito e alle tradizioni che intorno a tal mito sono state costruite, tanto che il tempo stesso risulta avere un ruolo secondario di fronte al “protagonista” che questo tempo ha vissuto. Cosicché parlare di “etica della guerra” e di “cultura samurai” ci appare come un discorso sempre attuale, che esula dalla visione della storia come “trattato dello ieri” e ci pone in quella che è la giusta visione della storia, vale a dire la storia come “metafora del mito”. Utile ribadire che ogni area geografica e culturale ha avuto (ha) i suoi (e di tutti) miti eternamente attuali.

Le rapport politique-ésotérisme: entretien avec le Prof. G. Galli

magier.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1997

Le rapport politique-ésotérisme

Entretien avec le prof. Giorgio Galli

 

Pendant de nombreux siècles, les rois, les empereurs, les hommes politiques, toujours isolés de leurs contemporains, ont demandé les conseils de “mages”, d'astrologues, de voyants, d'alchimistes, avant de prendre des décisions importantes. Ces curieux conseillers étaient toujours présents, plus ou moins officiellement, dans l'orbite des hommes qui les consultaient fidèlement. La révolution scientifique nous a fait croire que le mystérieux filon occulte qui s'insère entre la politique et les pratiques ésotériques s'était dilué et avait disparu. Mieux vaut être prudent avant de l'affirmer péremptoirement! Même à notre époque pleinement sécularisée, marquée par un grand scepticisme, par l'athéisme généralisé, on peut repérer les liens obscurs unissant de mystérieuses congrégations aux hommes du pouvoir.

 

Giogio Galli, professeur d'histoire des doctrines politiques à l'Université de Milan, s'est préoccupé de ces thématiques, en écrivant des livres qui ont suscité la curiosité, l'intérêt mais aussi causé une certaine inquiétude. Nous lui avons demandé de nous expliquer dans quelle mesure l'ésotérisme influence les lieux du pouvoir dans le monde occidental, au seuil du troisième millénaire.

 

GG: «Les rapports entre l'ésotérisme et la politique n'ont plus de nos jours la continuité qu'ils avaient dans les temps passés, mais le phénomène n'est pas pour autant épuisé depuis l'avènement de la révolution scientifique. Il est moins apparent, mais il est néanmoins présent. En notre siècle qui s'achève, à côté des idéologies de masse qui ont favorisé l'avènement de l'homme nouveau, dominateur de la technique et de la science, forgé dans l'acier des fabriques et prêt à se jeter dans les tempêtes d'acier comme l'a décrit Ernst Jünger, nous voyons réémerger des cultures anciennes qui, bientôt, influeront les événements historiques. De la mystérieuse figure de Raspoutine installée à la cour des Tsars aux voyants consultés par Hitler pendant la guerre, on constate que les hommes à la tête de la politique mondiale contemporaine ont consulté des astrologues connus: autant de phénomènes qui contredisent l'apparent cynisme de notre société contemporaine et démontrent que l'homme, même s'il est puissant, a besoin de croire en quelque chose».

 

Q: Depuis plusieurs années, vous avez étudié les rapports entre la culture politique et les anciennes cultures ésotériques. En lisant vos livres consacrés à cette thématique, comme Hitler e il nazismo magico, La politica e i maghi, Alba magica,  des pans obscurs des époques historiques récentes se révèlent et j'ai noté que l'ésotérisme en politique intéresse davantage la droite que la gauche. Comment cela se fait-il?

 

GG: «Je crois plutôt que la présence de l'occultisme est transversale et se retrouve dans tous les camps politiques, même si divers penseurs auxquels la droite extrême fait constamment référence, comme Julius Evola ou Ernst Jünger, ou l'entourage des SS de Himmler, ou les savants nationaux-socialistes qui se préoccupaient du Graal, se sont profondément intéressés aux arts ésotériques. Les écrivains Pauwels et Bergier, auteurs d'un livre devenu rapidement très célèbre, Le matin des magiciens, ont donné une définition lapidaire du national-socialisme: «C'est Guénon plus les Panzerdivisionen». René Guénon fut un grand connaisseur des cultes traditionnels pré-chrétiens et est devenu une sorte de “phare illuminant” pour certains cercles de la droite dure en Europe. Ces phénomènes idéologico-politiques nous amènent à constater ce que vous venez d'évoquer dans votre question: l'ésotérisme semble être un engouement des droites dures, mais, à l'analyse, on doit constater qu'il est présent dans toute la sphère politique et n'est nullement un apanage exclusif des droites. La recherche de l'irrationnel est profondément ancrée dans l'âme humaine. La science ne peut pas expliquer aux hommes pourquoi ils sont nés, pourquoi ils tombent amoureux, pourquoi ils meurent, etc.».

 

Q.: D'aucuns prétendent que lorsque l'on ne croit plus en Dieu, on croit en tout le reste...

 

GG: «Nous nous trouvons face à une grande crise des religions institutionalisées de modèle occidental. Le christianisme s'est transformé, alors que le mystère nous accompagne tout au long de notre vie. Le sacré connait une éclipse, aussi parce que l'Eglise catholique ne réussit plus à donner une réponse convaincante aux questions que les hommes lui posent. L'illusion des Lumièresa réduit les mystères de l'univers, ce qui s'est avéré une erreur. En outre, dans le monde entier, on assiste à un retour aux peurs ataviques de la fin des temps, parce que nous approchons le passage d'un millénaire à un autre. Toutes ces situations sont le terrain de culture de doctrines plus ou moins ésotériques, présentes en filigrane dans la société moderne: de l'homéopathie au New Age, de la prolifération des cartomanciennes aux prédicateurs itinérants. Ce vaste champ, qui a été jusqu'ici ignoré des historiens et des sociologues, pourrait être défini comme celui de la “fantapolitologie”: il pourrait révéler des indices intéressants sur la société actuelle. C'est pour cette raison que j'étudie le phénomène avec une attention soutenue».

 

Q.: Les symboles utilisés par les mouvements politiques peuvent avoir une signification dépassant le message politique proprement dit et renouer avec des mythes très anciens. Que pensez-vous de la récupération par la Lega Nord de Bossi des traditions celtiques et lombardes-germaniques? Et du symbole de la Padanie, le “Soleil des Alpes”?

 

GG: «Il me semble que la Ligue, qui existe depuis bientôt quinze ans, a connu des évolutions diverses. Le concept de Padanie est très récent et s'est imposé dans une phase de l'évolution du mouvement, où l'aspect symbolique est devenu plus important, où l'on assiste à la réémergence graduelle de cultures alternatives, y compris dans le champ politique. Aujourd'hui, la Ligue cherche à créer une identité padanienne, mais qui ne pourra pas se profiler sur une base seulement économique, religieuse ou linguistique, vu que la Padanie n'est pas l'Ecosse. D'où le projet de fonder cette identité sur un symbole fort. Indubitablement, la symbolique padanienne semble jouir d'un certain succès: la couleur (le vert) et le symbole (le Soleil des Alpes) sont immédiatement et clairement perceptibles. Evidemment, nous ne sommes pas en mesure de jauger de l'efficacité d'un tel message à court terme. Je ne crois pas que la référence à la culture celtique soit adaptée à la Padanie actuelle. Les Celtes possédaient une vision du sacré fortement liée à la nature. Les prêtresses druidiques y jouaient un rôle important. Les croyances celtiques n'ont rien de commun avec la culture des habitants de la Padanie en 1997».

 

Q.: De quoi parlera votre prochain livre?

 

GG: «Il traitera d'un aspect social particulier de l'Italie contemporaine. Je vais me référer au premier livre que j'ai écrit et j'intitulerai mon nouvel ouvrage Italia e meriggio dei maghi  (= L'Italie et le midi des mages). Je parlerai des innombrables personnes qui se sont rapprochées des cultures restées jusqu'ici marginales dans la société post-industrielle. Je vais démontrer que ces personnes n'ont pas choisi cette voie parce qu'elles se défient de la science, ou qu'elles ne l'ont pas empruntée uniquement en raison d'une telle méfiance. En Italie, un quart de la population se tourne désormais vers la médecine alternative, croit aux horoscopes, visite les cartomanciennes ou se rapproche des philosophies orientales. L'Italie est en train de changer, sous bon nombre d'aspects».

(propos recueillis par Gianluca Savoini, parus dans La Padania, 22 oct. 1997; trad. frtanç.: Robert Steuckers).

lundi, 23 novembre 2009

Sol Innocentis

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Sol Innocentis

Qui se tient au soleil et ferme les yeux,
Commence à ne plus savoir ce qu'est le soleil,
Et à penser maintes choses pleines de chaleur.
Mais il ouvre les yeux et voit le soleil,
Et voilà qu'il ne peut plus penser à rien,
Parce que la lumière du soleil vaut mieux que les pensées
De tous les philosophes et de tous les poètes.
La lumière du soleil ne sait pas ce qu'elle fait
Et pour cela elle n'est pas erronée, elle est commune et bonne.

(Alberto Caeiro, Le gardeur de troupeaux, V)

Trouvé sur: http://lephoton.hautetfort.com/

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dimanche, 22 novembre 2009

Sur le Japon: entretien avec le Prof. G. Fino

sol_levante.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

Sur le Japon

Entretien avec le Prof. Giuseppe Fino

 

Aujourd’hui, la modernité a certes récupéré le Japon et l’a enveloppé dans sa grisaille, mais de temps en temps, un trait de lumière perce l’obscurité, nous rappelant un passé assez récent qui n’est pas encore complètement oublié. Le Professeur Giuseppe Fino vit au Japon. Il est l’auteur d’une étude sur Yukio Mishima (Mishima et la restauration de la culture intégrale). Nous lui avons posé quelques questions sur les “manifestations lumineuses qui rappellent la chaleur incandescente du Soleil Levant.

 

Q.: Il y a quelques temps, les journaux télévisés italiens ont évoqué l’épisode de ce soldat japonais qui considérait être encore en guerre, en dépit de la défaite de 1945. Que signifie le comportement de ce soldat pour les Japonais d’aujourd’hui?

 

R.: Au Japon aussi, les journaux télévisés ont rendu compte de la disparition de Yokoi Shoichi, le soldat japonais qui avait continué à “combattre” dans la jungle de l’Ile de Guam après 1945. Pour les Japonais de “gauche”, nés et élevés dans le climat pacifiste et démocratique de l’après-guerre, le comportement de Yokoi est difficilement compréhensible et acceptable: pour eux, c’est une manifestation du fanatisme qu’il faut taire ou dont il faut avoir honte. Pour les Japonais nés avant la guerre ou pour ceux qui ont encore la fibre patriotique, le comportement de Yokoi est exemplaire et héroïque. Pour les plus jeunes générations, en revanche, le nom de ce soldat ne dit hélas plus rien. Je voudrais ajouter une considération personnelle. Plus que Yokoi Shoichi, qui, en quelque sorte avait fini par s’accomoder  au climat de l’après-guerre, je voudrais rendre hommage à l’un de ses camarades, Onada Hiroo, qui avait préféré abandonner le Japon consumériste et américanisé pour aller s’installer en Amérique du Sud et y “élever des veaux et des lapins”.

 

Q.: Dans le livre Tenchû (= Punition du ciel), paru aux éditions Sannô-kai, on décrit les événements qui ont conduit à la révolte des officiers de 1936. Existe-t-il aujourd’hui au Japon des forces politiques qui se souviennent de ces événements, de ces hommes et des idéaux de cette époque?

 

R.: Non, il n’y a absolument aucune réminiscence valable. L’insurrection des “Jeunes Officiers” du 26 février 1936 (Ni niroku jiken)  n’est plus qu’un sujet de romans, d’essais et de films un peu nostalgiques. Les familles des “révoltés”, qui ont été exécutés, ont constitué des associations pour les réhabiliter mais aucun groupe politique ne se réfère plus à cette expérience, qualifiée de “pure néo-romantisme fasciste”. Enfin la droite japonaise extra-parlementaire considère que cet épisode est déshonorant et “hérétique”, car il n’a pas été approuvé par l’Empereur. Cela en dit long sur le conformisme qui règne au japon. Mishima est le seul à avoir donné en exemple le sacrifice de ces “Jeunes Officiers” et à les avoir réhabilité dans l’après-guerre.

 

Q.: Mishima est l’auteur japonais le plus traduit en Europe, mais la plus gran­de partie de ses lecteurs se contente de l’aspect narratif de ses œu­vres. Prof. Fino, vous êtes le seul à avoir reconstitué les racines culturelles de l’œuvre de Mishima dans Mishima et la restauration de la culture inté­grale;  pouvez-vous nous synthétiser les points essentiels de sa vision du monde?

 

R.: Les racines culturelles de Mishima sont nombreuses et complexes. Dans sa jeunesse, il a fait partie du mouvement néo-romantique de Yasuda Yo­juro et du poète Ito Shizuo, mais il a surtout été influencé par Hasuda Zen­mei, le théoricien de la “belle mort”. Dans l’après-guerre, après une pério­de de réflexion et d’activité littéraire un peu “intimiste” et “autobiogra­phique”, Mishima s’est mis à redécouvrir et réinterpréter la culture japo­naise (Nipponjin-ron; = Débats sur les Japonais). Dans son essai Défense de la culture (1969), Mishima découvre trois caractéristiques de cette culture japonaise, à ses yeux essentielles: la cyclicité, la totalité et la subjectivité. Pour Mishima, l’action, elle aussi, est culture. La forme la plus élevée de la culture est le bunburyodo, l’union de l’art et de l’action. Mishima retrouve aussi, dans la foulée, la philosophie activiste et intuitive du Wang Yang-ming (en japonais: Yomeigaku), le bushido intégral de l’Hagakure (Cf. Il pazzo morire, ed. Sannô-kai), le traditionalisme ou l’anti-modernisme du Shinpuren (La Ligue du Vent Divin) et l’idéalisme impérialiste et romantique des “Jeunes Officiers” du Ni niroku jiken. Au centre de la pensée de Mishima demeure toutefois l’Empereur comme concept culturel suprême, corollaire de son opposition politique contre-révolutionnaire et de son implacable critique de l’intellectualisme pacifiste et démocratique de l’après-guerre.

 

Q.: En Occident, c’est devenu une habitude de pratiquer des disciplines physiques extrême-orientales, tantôt comme pratiques sportives tantôt comme disciplines martiales. Cependant, je doute qu’il soit resté beaucoup d’éléments originaux dans ces disciplines telles qu’elles sont pratiquées en Occident. Qu’en est-il au Japon?

 

R.: La situation au Japon n’est guère différente. Surtout pour le judo et le karaté, il devient de plus en plus difficile de trouver des palestres donnant tout son poids à l’aspect “spirituel” de ces disciplines qui ne sont pas seulement sportives et agonales. La situation est légèrement meilleure dans les palestres de kendo et d’aikido. Elle est satisfaisante dans ceux qui s’adonnent au kyudo (tir à l’arc) et au i-ai (discipline de l’épée nue). Telle est du moins mon impression. Je dois vous confesser que je n’ai jamais fréquenté que les salles de judo...

 

Q.: Est-il possible de recevoir du Japon ultra-technologique d’aujourd’hui des enseignements valables pour l’Homme de la Tradition?

 

R.: Oui, il existe des possibilités, mais elles sont limitées à quelques monastères Zen et à quelques palestres d’arts martiaux, justement ceux qui sont influencés par la pensée Zen. Il faudrait une bonne dose de patience et de chance avant de trouver le Maître juste et le milieu adapté. Pour ceux qui voudraient éventuellement pratiquer le Zen, je conseille un engagement inconditionnel à long terme, si possible auprès des monastères de l’Ecole ou de l’Ordre Rinzai.

(propos parus dans la revue Margini, n°21/juin 1998; adresse: Margini, Libreria Ar, CP 53, Salerno).

samedi, 21 novembre 2009

"Aventure Japon": la "bi-civilisation"

biciv9782869596177.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1997

«Aventure Japon»: la “bi-civilisation”

Spécialiste du Japon, Robert Guillain publie Aventure Japon, une approche très vivante de cette “bi-civilisation” qu'il évoque ainsi: «La bicivilisation, voilà selon moi l'invention majeure du Japon. Ce monsieur que voici, ce monsieur “derrière sa cravate”, comme j'aime à le décrire, est à première vue devenu le semblable de l'ingénieur, de l'industriel, du professeur français, européen, occidental. Mais qu'on ne s'y trompe pas: il a derrière lui  —lui-même n'y pense pas et ne s'en doute même pas—  une culture et une civilisation complètement différentes des nôtres. Grattez un peu, et ses racines, son pedigree, si je peux dire, le situent dans un monde qui a peu de traits communs avec le nôtre (...). Le bicivilisé peut dans tous les domaines de la vie quotidienne et de la culture nous présenter des réalisations tout à fait différentes des nôtres, et qui souvent semblent nous dire: il y avait une solution autre que la vôtre, la voici. Elle a plus de mille ans! C'est ainsi qu'au Japon tout est en double, à commencer par la façon de vivre la vie quotidienne, de se loger, de se nourrir, de s'habiller. Deux sortes de repas, menu occidental et menu japonais; deux types de maisons, la maison japonaise avec toutes ses merveilles  —comme les armoires dans le mur—  et la maison ordinaire, semblable aux nôtres; deux couches où dormir, le lit et le tatami, deux vêtements, le kimono et le complet-veston ou la robe de style “parisien”; deux sortes d'instruments pour écrire, le pinceau et la plume; deux peintures, noir et blanc “à la chinoise” et peinture en couleurs; deux types d'hôtelleries, l'hôtel occidental et l'auberge japonaise avec ses qualités et ses défauts; deux sortes de musique, fondamentalement dissemblables du point de vue de ia composition et de l'exécution, et certaines viennent du fond des âges, et du fond de l'Asie. Voilà le Japonais bicivilisé. Bicivilisé comme d'autres sont bilingues. Est-ce là une façon d'être qui ne durera qu'un temps, déjà impraticable dans un pays moderne, aligné sur le modèle des grandes nations? Je ne le crois pas. Le Japon n'est pas une deuxième Amérique aux yeux bridés, il reste le pays du dédoublement, prodigieusement intéressant par son appartenance durable à la fois à l'Extrême-Occident et à l'Extrême-Orient. Le pays bicivilisé ne s'embarasse pas des contradictions qui en résultent. Il est le pays de la coexistence des contraires. Il est le pays où le contraire aussi est vrai. Si j'affirme que le Japon aime la nature, on m'opposera toutes les atteintes qu'il lui fait subir. Le bicivilisé se soucie peu de logique. Pour lui, une des lois du réel peut se formuler en trois mots: “C'est comme ça”. Et portant, s'il est un moment où le Japon ne demeure pas “comme çà” mais entre sur la voie des changements multiples, profonds, c'est bien le moment présent».

 

Jean de BUSSAC.

 

Robert GUILLAIN, Aventure Japon, Editions Arléa, 1997, 436 pages, 165 FF.

vendredi, 20 novembre 2009

Pan

Gott_Pan_001.jpg

 

Pan

Le dieu Pan n'est pas mort,
Chaque champ qui expose
Aux sourires d'Apollon
Les seins nus de Cérès -
Tôt ou tard vous verrez
En ces lieux se dresser
Le dieu Pan, l'immortel.

Non, il n'a pas tué de dieux,
Le triste dieu, le dieu chrétien.
Christ est un dieu en plus,
Un qui manquait, peut-être.
Pan continue à instiller
Les sons de sa syrinx
Dans le creux des oreilles
De Cérès par les champs cambrée.

Oui, les dieux sont les mêmes,
Calmes et clairs, toujours,
Gorgés d'éternité,
De mépris envers nous,
Et apportant le jour,
La nuit, les récoltes dorées,
Non point pour nous donner
Le jour et la nuit et les blés,
Mais selon un tout autre
Dessein divin fortuit.

(Ricardo Reis, Odes retrouvées)

Trouvé sur: http://lephoton.hautetfort.com/

lundi, 16 novembre 2009

Apoliteia

apo16220666.jpgApoliteia

Ex: http://ernst-juenger.blogspot.com/

Through much of my last rereading of Julius Evola’s “Ride the Tiger” I have not been able to overlook spiritual and practical parallels of Evola’s ‘differentiated’ type of man to Jünger’s anarch. These become so obvious in the chapter “States and Parties: Apoliteia”, that I must comment.

Both Evola’s differentiated man and the anarch have recognised the unworthiness of the ideas, motives and goals given by life and politics today. This makes them apoliteia....

From Evola:

“After taking stock of the situation, this type can only feel disinterested and detached from everything that is “politics” today. His principle will become apoliteia, as it was in ancient times”.
“Apoliteia” refers essentially to the inner attitude…. The man in question recognizes, as I have said before, that ideas, motives, and goals worthy of the pledge of one’s true being do not exist today….”

And from Jünger:
"As a historian, I am convinced of the imperfection – nay, the vanity – of any effort. I admit that the surfeit of a late era is involved here. The catalogue of possibilities seems exhausted. The great ideas have been eroded by repetition; you won’t catch any fish with that bait.”

Inner detachment, apoliteia, brings freedom to their life-involvements, such as employment or even politics itself. They are equally free to be, as not to be, involved with any particular activity or role....

From Evola:
“As conceived here, apoliteia creates no special presuppositions in the exterior field, not necessarily having a corollary in practical abstention. The truly detached man is not a professional and polemic outsider, nor conscientious objector, nor anarchist. Once it is established that life with its interactions does not constrain his being, he could even show the qualities of a soldier who, in order to act and accomplish a task, does not request in advance a transcendent justification and and a quasi-theological assurance of the goodness of the cause. We can speak in these cases of a voluntary obligation that concerns the “persona”, not the being, by which – even while one is involved – one remains isolated”.
“Apoliteia” is the inner distance unassailable by society and its “values”; it does not accept being bound by anything spiritual or moral. Once this is firm, the activities that in others would presuppose such bounds can be exercised in a different spirit.”
“Apoliteia, detachment does not necessarily involve specific consequences in the field of pure and simple activity. I have already discussed the capacity to apply oneself to a given task for love of the action in itself and in terms of an impersonal perfection.”

And from Jünger:
“I have to succeed in treating my work as a game that I both watch and play…. It presumes that one can scrutinize oneself as from a certain distance like a chess figure – in a word, that one sees historical classification as more important than personal classification. This may sound exacting; but it used to be required of any soldier. The special trait making me an anarch is that I live in a world which I ‘ultimately’ do not take seriously. This increases my freedom; I serve as a temporary volunteer.”
“I serve the Condor, who is a tyrant – that is his function, just as mine is to be his steward; both of us can retreat to substance: to human nature in its nameless condition.”
“Working somewhere is unavoidable; in this respect, I behave like a condottiere, who makes his energy available at a given moment, but, in his heart of hearts, remains uncommitted. Furthermore, as here in the night bar, work is a part of my studies – the practical part."

Liberated from aspirations or beliefs in no-longer existent higher causes within life, both Evola’s type and Jünger’s anarch are free to take on life involvements, such as employment or even political associations - either because they simply appeal to them or because they are useful to their practical self-perfection. Any such commitment is temporary, conditional and ultimately superficial, that is, it remains outside their true inner being.

Psychologically speaking, neither figure identifies themselves with their life-roles and associations; these have useful functions, but are not substantial, do not regard their true inner being. The resulting detachment allows them life involvements which for others would require or presume inner identification with the external cause, be it the tyrant’s, the democracy’s or the religion’s. Neither driven nor limited by such moral or spiritual beliefs, their involvement in life is of a freer, less compulsive nature.

A job is a function of life, which engages only the persona, to use Evola’s term, the historical classification in Jünger’s. The soldier or the condottiere also sees their involvement with the cause in this context, as the involvement of the external persona with the external historical situation. But beyond or above the persona, inner substance or being protects the anarch as it does Evola’s differentiated man, provides them with an inviolable inner fortress - as a base for excursions into life and as a sanctuary to retreat to from life.

 

dimanche, 15 novembre 2009

Entretien avec Alexandre Douguine (1992)

dugin1.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1992

Entretien avec Alexandre Douguine, éditeur traditionaliste à Moscou

 

propos recueillis par Robert Steuckers et Arnaud Dubreuil

 

Q.: Monsieur Douguine, vous êtes éditeur à Moscou depuis que la «perestroïka» permet ce genre d'activité indépendante. Vous avez édité ou vous allez éditer les Rig-Véda, la «Volonté de puissance» de Nietzsche, le «Golem» et l'«Ange à la fenêtre» de Gustav Meyrinck, «Chevaucher le Tigre» et «Impérialisme païen» de Julius Evola, «La crise du monde moderne» et le «Règne de la quantité» de René Guénon, «Ungern le Baron fou» de Jean Mabire, «Méphistophéles et l'Androgyne» de Mircea Eliade, etc. Tout cela dans le cadre des éditions AION et de l'association ARCTOGAIA. Mais ces textes, m'avez-vous dit lors de notre première rencontre en juillet 1990, circulaient déjà en samizdat depuis longtemps. Pouvez-vous nous raconter brièvement cette odyssée? Quel impact ont eu ces livres clandestins?

 

AD: Le samizdat en général, les Russes le faisaient pour rire. Mais avec Evola et Nietzsche, qui circulaient en samizdat, il y avait rupture. Leurs écrits tranchaient par rapport au samizdat conventionnel, anti-communiste et démocratique. Ces livres étaient agaçants. On nous prenait d'abord pour des «satanistes», des êtres immoraux, des gens agités par de sombres desseins. L'impact global de nos livres était assez insignifiant parce que la liberté de penser n'a été qu'un résultat  de la liberté d'expression. Les gens n'étaient intéressés que par le nom des auteurs qui avaient des relents scandaleux et non par le contenu de leurs œuvres. Aujourd'hui, le public montre davantage d'intérêt pour le contenu. Il s'habitue peu à peu à des idées comme l'inégalité, l'élitisme, la métaphysique, l'aryanité, la métaphysique juive, la tradition indo-européenne, le traditionalisme, l'eschatologie (mot totalement inconnu avant nos interventions éditoriales). Toutes ces réactions du public sont encore superficielles mais le déclic s'est produit. Le public n'est pas encore capable d'opérer des distinctions entre les diverses écoles de pensée (traditionalisme, néo-spiritualisme, nouvelle droite, troisième voie, New Age, catholicisme, etc.). Il est difficile d'évaluer le tirage de nos titres en samizdat. Nous en imprimions 50 ou 100 et les gens les reproduisaient par dactylographie ou tout autre moyen, surtout en Sibérie, à Krasnoïarsk par exemple. A l'époque, ce type d'édition clandestine était dangereux. Nous risquions la prison ou le camp. Mais c'est en fait la radicalité des théories de Nietzsche et d'Evola qui nous a sauvés. On nous prenait pour des fous; personnellement, j'ai été enfermé pendant un mois dans un asile psychiatrique, avec traitement médical approprié de façon à ce que j'«oublie». Au cours de cette détention, une psychiatre m'a fait administrer un traitement spécial parce que j'avais dit que Heidegger écrivait en allemand, alors qu'elle était persuadée qu'il écrivait en anglais! J'ai eu aussi des ennuis pour des chansons et chansonnettes que je chantais dans nos cercles...

 

Q.: Quels ouvrages comptez-vous éditer dans un avenir très proche?

 

AD.: La chronique de l'Oera-Linda (1); Le dominicain blanc  de Meyrinck et ses contes; ensuite les contes de Lovecraft ainsi que certains de ses articles. Nous aimerions éditer Jean Ray. Plusieurs ouvrages de Guénon, comme l'Introduction générale à l'étude des doctrines hindoues. D'Evola, nous envisageons la publication de la Tradition hermétique et de la Révolte contre le monde moderne  sans oublier la Métaphysique du sexe. Nous éditerons aussi nos propres livres: Les voies de l'Absolu de moi-même, un ouvrage consacré à l'eschatologie et à la cyclologie traditionnelle; L'Orientation du Nord  du grand théoricien musulman Djemal Haïdar.

 

Q.: Vous enclenchez une «révolution conservatrice» en Russie. Mais quels sont vos modèles russes? Leontiev indubitablement... Dostoïevski? Berdiaev? Valentin Raspoutine, qui siège dans le Conseil de Gorbatchev? Soljénitsyne et son projet de confédération grande-slave?

 

AD: Nous sommes plutôt des traditionalistes métaphysiciens. Mais nous estimons qu'il est nécessaire d'appliquer les éternels principes de la Tradition à la situation actuelle et cela, d'une manière différente de celle imaginée par le scénario conservateur de ces trois derniers siècles. C'est la raison pour laquelle nous ne nous posons pas comme des «traditionalistes» au sens politique du terme mais comme des révolutionnaires, des innovateurs radicaux. Léontiev nous intéresse beaucoup, parce qu'il envisage l'union des traditionalistes orthodoxes-byzantins et islamiques contre le libéralisme occidental, mais simultanément nous nous intéressons aussi au «critique de la russéité», Tchadaïev (2). Aujourd'hui, Chafarévitch nous apparaît très intéressant parce qu'il est le seul penseur au vrai sens du terme. Raspoutine nous intéresse moins parce qu'il est un traditionaliste politique sans être un révolutionnaire. Deux choses nous distinguent de la droite russe conventionnelle. D'abord, nous sommes des «patriotes du Nord de l'Europe», des défenseurs de la spécificité intrinsèque du Nord de l'Europe, et non seulement de la Russie. Ensuite, à rebours des droites, nous ressentons la dimension proprement eschatologique de notre engagement. Ces deux positions exigent des méthodes radicalement différentes par rapport aux engagements politiques conventionnels. Quant à Dostoïevski, nous ne retenons pas chez lui sa réponse mais son questionner génial. Son personnage Chatov n'est pas pour nous le reflet de sa propre personne; Dostoïevski se retrouve plutôt dans Kirilov mais aussi, en même temps, dans Stavroguine, Verkovenski et tous les autres. Berdiaev, pour nous, n'incarne pas une pensée profonde mais superficielle, trop éclectique. Soljénitsyne apporte du nouveau, dans une perspective qui n'est pas celle de la droite conventionnelle (qui, elle, est impérialiste); son nationalisme est populiste/ethniste, dépourvu de toute arrogance impérialiste. Il veut se débarrasser de l'empire soviétique artificiel, cette construction contre-nature. Nous soutenons ses propositions mais nous souhaiterions les compléter par la célèbre perspective eurasienne/touranienne (3). Le NTS a été intéressant, notamment sur le plan politique, mais il semble avoir été récupéré par quelque force mondialiste, téléguidée depuis Washington.

 

Q.: La perestroïka vous a permis d'être éditeur, d'amorcer votre «révolution conservatrice» sur la place publique. Mais vous la jugez négative pour le peuple russe. Pourquoi?

 

AD: Chez nous, en Russie, la situation politique intérieure bascule dans le grotesque et l'absurdité. Deux courants majeurs s'imposent aujourd'hui à la société soviétique, les droites et les gauches. Tous deux sont des mélanges idéologiques presque impossible à définir. Les droites sont représentées par les communistes conservateurs, staliniens ou brejnéviens, les écrivains patriotiques non communistes voire parfois anti-communistes, le clergé orthodoxe, les groupuscules antisémites et les patriotes radicaux (c'est cette variété hétéroclite que recouvre l'appelation «Pamiat»). Les gauches représentent les diverses variantes du pro-américanisme, les libéraux, les sociaux-démocrates, les anarchistes, soit, en résumé, les gens qui adhèrent à une philosophie économiste et la représentent dans ses aspects les plus purs. Paradoxalement  —c'est un résultat du soviétisme— les droites sont profondément imprégnées par les idéologèmes du gauchisme, du marxisme, du léninisme.

 

A droite, on nie la propriété privée et on cultive une fidélité inconditionnelle au militarisme socialiste. Pire, les droites soviétiques rassemblent les conformistes de tous poils, ceux qui, par le négativisme spirituel soviétique, sont totalement corrompus de l'intérieur. Les droites soviétiques actuelles reconnaissent comme acceptable les pires tares du socialisme soviétique: la servitude personnelle, la castration des volontés, la servilité et la docilité. Le front des droites, par conséquence, défend le système, tout en critiquant ses modifications démo

cratiques. Dans une telle droite, il n'y a aucun trait de la contestation véritable. Ajoutez-y la germanophobie et la frousse irrationnelle devant tout ce qui est taxé, à tort ou à raison, de fascisme ou de nazisme, et vous aurez devant vous le triste spectacle qu'offre cette parodie qu'est la droite soviétique de l'ère perestroïkiste. Cette droite est schizophrène: elle veut conserver frileusement toute une série de tares du régime soviétique et s'engoue simultanément pour les archaïsmes grotesques, tout en voulant reproduire formellement les attributs de l'époque d'avant 1917. Par ailleurs, autre trait caractéristique: cette droite identifie tout ce qui provient de l'Occident au judaïsme et toute forme d'intellectualité à la “maçonnerie”

 

Quant aux gauches, elles ne sont pas plus cohérentes. Elles pensent que la propriété privée, la valeur de la personnalité, le retour des terres aux paysans, la philosophie ontologique, etc., sont les signes les plus purs du gauchisme radical! Tous ces hommes de gauche sont des anti-communistes farouches, les ennemis jurés du marxisme, du léninisme, de l'histoire soviétique, de la Révolution d'Octobre. Leur nouveau mot d'ordre: les valeurs communes à toute l'humanité. Ils sont désormais partisans de la religion et du capitalisme.

 

De ce bric-à-brac idéologique des gauches et des droites ressort tout de même un clivage: celui induit par la question juive ou, inversément, la question de l'antisémitisme. Pour les droites, le «Juif», c'est le mal absolu, même si, dans les discours, elles masquent, par démagogie, l'âpreté de cette affirmation. Pour ces droites, donc, l'origine de tous les troubles actuels et passés réside dans le «sionisme». Dans cet «antisionisme», toutes les variantes de la droite se rejoignent. Inversément, les gauches pensent que l'origine de tous nos maux vient de l'antisémitisme. Les gauches raisonnent ainsi: «l'antisémitisme, c'est la jalousie des pauvres (matériellement, intellectuellement, spirituellement, etc.) pour les riches, de ceux qui sont au bas de l'échelle sociale pour ceux qui sont en haut». Cette jalousie, pour eux, explique tout, y compris la révolution d'Octobre, ce qui est le comble de l'absurdité, le stalinisme, le ureaucratisme, le brejnévisme, etc. Un exemple: une femme, le chef du secteur culturel du Conseil du district de Moscou, m'a dit un jour cette sottise incroyable, typique de la gauche perestroïkiste: “Je n’ai pas lu l’article de Soljénitsyne, “Comment devons-nous  reconstruire notre Russie,”; j’ai voulu savoir ce qu’il disait de l’avalanche d’antisémitisme qui nous tombe dessus. Il ne le mentionne même pas. Tout est clair! C’est un nazi! Je ne le lirai jamais!”.

 

Mais ce qui est le plus frappant dans la Russie d'aujourd'hui, c'est qu'il n'y a aucune volonté d'indépendance d'esprit dans tous ces mouvements politiques. Aucune sincérité ne ressort de ce magma. Tout y est manipulation habile, manipulation qui calcule et spécule sur l'inertie immense de notre peuple russe, abattu et perverti, incapable de quoi que ce soit qui aille dans le sens d'une restauration nationale. Les manifestations d'extrémisme, comme l'antisémitisme de certains cénacles de droite, restent parfaitement contrôlées et sont donc sans danger. Les communistes les plus à droite de Moscou, donc les plus braillards en matière d'«anticommunisme», sont les premiers à fonder des «entreprises mixtes» avec l'aide des monopoles capitalistes et de la Banque mondiale, dont les représentants à Moscou sont de nationalité juive. Pire: les droites sabotent le processus de libéralisation et aident de la sorte les dirigeants actuels de l'URSS à ne libéraliser que ce qu'ils veulent bien libéraliser et à ne privatiser que ce qu'ils veulent s'approprier à leur entier bénéfice. Quand les «conservateurs» s'efforcent de limiter et d'arrêter le processus de libéralisation, ils ne font du tort qu'aux citoyens ordinaires, les habituelles victimes des ignominies soviétiques!

 

Les fractions de gauche et de droite se lancent à la tête les injures de «fascistes» et de «nazis» à qui mieux-mieux. Pour les droites le fascisme, c'est la privatisation et la libéralisation proclamées par les gauches, selon la bonne vieille équation instrumentalisée par les patriotes: Occident = sionisme = hitlérime = capitalisme. Les gauches définissent comme «fascistes» ou «nazies» la «brutalité populiste» des patriotes et leur servilité par rapport au pouvoir.

 

Pour résumer ce que je viens de dire, la perestroïka soviétique, c'est le spectacle organisé et orchestré par les dirigeants du parti (qui, aujourd'hui, se sont déplacés dans le Conseil du Président ou ailleurs). Ils ont créé les marionettes monstrueuses que sont les droites et les gauches, de façon à ce qu'elles discutent et argumentent à l'infini, dans une cacophonie idiote qui ne mène nulle part. De l'autre côté, le peuple ne manifeste que de l'inertie et ne prouve que son impotence absolue. Il est sans vigueur, passif, titube comme un somnanbule, incapable de répondre à cette énorme provocation du pouvoir.

 

La lacune principale, c'est l'absence de contestation véritable, de volonté politique et idéologique indépendante. C'est vrai pour toutes les strates du peuple russe; les autres républiques et nationalités sont différentes mais pas trop différentes! Dans ce capharnaüm, il n'y a ni clarté ni cohérence idéologique. Un écrivain russe, très profond et très réaliste, Youri Mamleev m'a dit un jour: «Il ne faut pas craindre l'américanisation de notre peuple. Ce peuple russe si étrange et énigmatique est capable de défigurer tellement l'américanisme que l'on nous aura imposé que lorsque l'Amérique verra le résultat, elle tournera de l'oeil; ce qu'elle aura provoqué aura basculé dans l'horreur. Les Russes ont déjà tué le communisme en l'idiotisant à l'extrême. Si les Etats-Unis veulent perdre leur MacDonald ou leur Mickey Mouse, qu'ils les envoient en Russie! Il n'existe pas de force au monde qui soit plus grande que la force gigantesque et lente de l'idiotisme russe». Ces paroles de Mamleev sont assez brutales mais elles sont réalistes. Elles proviennent d'un écrivain qui porte un grand intérêt à toutes les formes de pathologie.

 

Les Occidentaux semblent l'ignorer: au niveau idéologique et politique, il ne se produit rigoureusement rien en Russie, mis à part une petite dose homéopathique de libéralisation. Mais celle-ci n'a aucune utilité pour le commun des mortels en Russie. Donc au lieu d'admirer béatement la politique de Gorbatchev, il faut se méfier plus que jamais des changements troublants d'aujourd'hui. Le «Prince de ce monde» ne rencontre plus le moindre obstacle, sauf peut-être l'inertie ou les résidus archaïques des structures psycho-ethniques. Si on compte sur la Russie pour faire advenir les vraies valeurs positives et traditionnelles ou pour déclencher la révolte contre le monde moderne, on se trompe, on s'illusionne. Les peuples des autres républiques auront peut-être plus de chance que les Russes qui ont assimilé l'idéologie destructricedu communisme importé et en ont fait leur idéologie nationale. La dissolution de l'empire soviétique, les Russes la perçoivent comme la fin de leur mission impériale. Or la nation impériale russe est morte. Peut-être qu'un jour surgira une nouvelle nation russe revivifiée et réveillée... Mais ce ne sont pas les droites soviétiques actuelles qui contribueront à ce réveil. Le réveil de la Russie et de l'Europe se produira non pas grâce à tout cela mais malgré tout cela.

 

Q.: Rejoignez-vous Zinoviev qui parle de «catastroïka»?

 

dugin.gifAD: Pas tout à fait. La perestroïka est négative; elle est une catamorphose. Mais Zinoviev néglige l'action des forces occultes et ignore les lois cycliques. Nous, nous mettons l'accent sur les lois cycliques. Après la perestroïka, il adviendra un monde pire encore que celui du prolétarisme communiste, même si cela doit sonner paradoxal. Nous aurons un monde correspondant à ce que l'eschatologie chrétienne et traditionnelle désigne par l'avènement de l'Antéchrist incarné, par l'Apocalypse qui sévira brièvement mais terriblement. Nous pensons que la «deuxième religiosité» et les Etats-Unis joueront un rôle-clef dans ce processus. Nous considérons l'Amérique, dans ce contexte précis, non pas seulement dans une optique politico-sociale mais plutôt dans la perspective de la géographie sacrée traditionnelle. Pour nous, c'est l'île qui a réapparu sur la scène historique pour accomplir vers la fin des temps la mission fatale. Tout cela s'aperçoit dans les facettes occultes, troublantes, de la découverte de ce continent, juste au moment où la tradition occidentale commence à s'étioler définitivement. Sur ce continent, les positions de l'Orient et de l'Occident s'inversent, ce qui coïncide avec les prophéties traditionnelles pour lesquelles, à la fin des temps, le Soleil se lèvera en Occident et se couchera en Orient. C'est Djemal Haïdar qui, parmi nous, a été le premier à nous le faire remarquer. La perestroïka, pour nous, n'est pas envisageable sans le facteur Amérique qui en est le moteur invisible, sur les plans politique et métapolitique. Zinoviev omet d'étudier le facteur occulte "Amérique" qui, pour nous, est essentiel.

 

Q.: Dans la perspective de Léontiev, vous envisagez un grand front traditionnel, alliant les Orthodoxes et les Musulmans et vous y ajoutez la «Tradition nordique»... Pour les Russes et les autres peuples slaves ou baltes, l'idée de la Lumière du Nord est compréhensible... Mais pour les Musulmans? Comment vos amis musulmans interprètent-ils la Lumière du Nord?

 

AD: Pour vous répondre, j'évoquerais d'abord le livre de Henry Corbin qui montre bien que la lumière spirituelle de l'ésotérisme musulman était exactement le lumière du Nord. Un jour, Djemal Haïdar a rencontré un jeune musulman azéri qui lui a révélé que le sang sacré des cinq Imams est attiré vers le pôle magnétique, donc vers le Nord. Il a affirmé que circule parmi les tarikas azéris une légende qui veut que Hitler était un Imam caché, descendant d'Ali. Cette idée peut paraître bizarre mais certains musulmans du Caucase, plus sérieux, n'excluent pas le rôle géopolitique et mystique du Nord pour l'Umma musulmane dans la dernière phase de notre cycle. Un autre jeune intellectuel azéri, connu pour ses positions radicales et fondamentalistes, Heretchi, affirme que l'eugénisme avait d'abord été inventé par l'imâmat avant d'être repris par le IIIième Reich...

 

Q.: Oui, mais les intégristes musulmans n'ont-ils pas oublié la phase ésotériste de l'Islam? Il existe dans les milieux traditionalistes en Europe occidentale un engouement pour le fondamentalisme musulman, alors que celui-ci se réfère beaucoup plus au Coran qu'à un véritable ésotérisme...

 

AD: Le réveil de l'Islam est un phénomène indéniable. Il est évidemment assez confus et porte en soi la tendance wahabitique, c'est-à-dire la tendance moraliste et puritaine, exotériste donc farouchement anti-ésotériste. D'autre part, nous assistons au réveil des tarikas et du soufisme, soit de l'ésotérisme islamique. Ce qui est curieux, c'est que l'on a parfois des Wahabites qui sont en même temps pro-ésotéristes. Cette confusion est bien caractéristique pour tout l'univers de l'Islam soviétique. Parfois certains ésotéristes sont cosmopolites et, dans certains cas, anti-traditionnels. Parmi les représentants de l'Islam populaire, dans ses aspects les plus simples, on rencontre des éléments qui relèvent d'un véritable ésotérisme opératif. Certains tarikas sont devenus de vrais musées et ont cessé d'être des centres spirituels, ce qui joue en faveur des tendances anti-traditionnelles. Il y a comme un renversement des rapports.

 

Q.: Quand Gorbatchev parle de «maison commune» européenne, comment réagissez-vous?

 

AD: Les Russes en général pensent qu'il s'agit de l'abolition de leur empire soviétique, donc de quelque chose de destructeur. Les gens doutent de la capacité de la population soviétique à devenir membre à part entière de la communauté des peuples européens. L'isolement du monde soviétique, du temps de Staline à Brejnev, a donné aux Russes le sentiment d'être normaux parce qu'il n'y avait aucun repère. Aujourd'hui, avec l'ouverture des frontières, les Russes ont un sentiment d'infériorité; ils se sentent comme des idiots, des inférieurs, des «Asiatiques», des sauvages. Moi, personnellement, je suis pour l'unité des peuples européens mais sur la base de la restauration de la Tradition commune spirituelle et nordique. On peut interpréter la «maison commune» de Gorbatchev dans notre sens. C'est sans doute différent de ses intentions mais c'est cela qui est important. De l'Europe unie spirituellement, on pourra passer à l'Eurasie unie spirituellement. Et parler alors de «maison commune» eurasienne.

 

Q.: Quels rapports entretenez-vous, traditionalistes russes, avec des traditionalistes chinoie ou japonais?

 

AD: A présent, nous n'en avons aucun. Mais nous l'envisageons avec intérêt. Ces contacts devront s'opérer sur la base d'études communes de la Tradition primordiale.

 

Q.: Vous utilisez l'expression «Kontinent Rossiya» (Continent Russie). Pouvez-vous nous le préciser?

 

AD: Il s'agit de visualiser la Russie d'une manière nouvelle. Comme un phénomène en soi, énigmatique, que nous devrons examiner petit à petit dans la perspective d'un bloc continental eurasien.

 

Q.: Vous envisagez donc une réorganisation géopolitique de la planète?

 

AD: La logique eschatologique postule nécessairement un changement brusque et global, objectif en quelque sorte, de l'état géopolitique du monde. Notre propos serait d'instaurer à travers tous ces cataclysmes, l'orientation septentrionale et, de ce fait, transcendantale.

 

Q.: Plusieurs revues se sont créées à Moscou, Kontinent Rossiya, Miliy Anguel, Posledniy Polus, Tawhid, Wahdad ainsi qu'une association, Arctogaia; quels sont leurs objectifs, leurs thèmes?

 

AD: Pour ce qui concerne l'association ARCTOGAIA, votre revue Vouloir  a publié, dans son numéro 68/69/70, la déclaration de principe. Je viens de vous remettre celles des revues Kontinent Rossiya  et Miliy Anguel  (cf. encarts, ndlr). Posledniy Polus est un supplément à Kontinent Rossiya,  où paraissent des textes plus actuels, politiques et artistiques. Tawhid  est la revue de l'avant-garde métaphysique islamique fondamentaliste, fondée et animée par le grand penseur et métaphysicien de notre époque, Djemal Haïdar. On y considère l'Islam sous la lumière initiatique et géopolitique, eschatologique, raciale, ethnique, économique, scientifique, artistique. C'est un curieux et génial mélange d'avant-garde intellectuelle et de traditionalisme radical. Wahdad  est le journal édité par le parti musulman Renaissance, mouve

ment fondamentaliste de la plus grande envergure en URSS aujourd'hui.

 

Q.: Monsieur Douguine, nous vous remercions de nous avoir accordé cet entretien.  

 

 

samedi, 14 novembre 2009

J. Evola: La doctrina del despertar

cop_evola-dottrina.jpgEDICIONES HERACLES ANUNCIA LA REEDICIÓN DE:

JULIUS EVOLA

LA DOCTRINA DEL DESPERTAR

ENSAYO DE ASCESIS BUDDHISTA

Este estudio sobre ascesis buddhista realizado por el eminente estudioso de la Tradición, Julius Evola, representa una originalidad sin igual en un tiempo en el cual también dicha cosmovisión ha sido vulgarizada y deformada aceptándose como dogmas sagrados pertenecientes a la misma las teorías reencarna-cionistas, el humanitarismo, el pacifismo y la democracia espiritual. Aquí nuestro autor, con suma sagacidad, diferencia entre lo que podría ser el simple budismo y el buddhismo, el primero occidentalizado y decadente que representa una verdadera falsificación doctri-naria y el otro el buddhismo pâli originario que significó un intento de retorno a los principios que informaron la espiritualidad viril y aria de los tiempos primordiales de la humanidad, anteriores a la edad de hierro en que nos hallamos, en una revuelta altiva y heroica en contra de la decadencia personificada por el ritualismo brahmánico que regía en ese entonces en la India. Por último, en la medida en que el buddhismo, en su variantes pâli y más tarde Zen, ha enfatizado en la vía de la acción liberadora a través del despertar ascético, representa un camino adecuado para la espiritualidad del hombre occidental caracterizada también por la primacía otorgada a la acción aunque en los tiempos últimos se encuentre degradada hasta los límites más bajos y bestiales del materialismo y del consumismo hoy vigentes.

Índice

 

 

Introducción......................................................... 7

 

El Saber

 

I.     Acerca de las variedades de las “Ascesis”........... 21

II.    Arianidad de la doctrina del despertar............. 34

III.   Lugar histórico de la doctrina del despertar..... 45

IV.   Destrucción del Demon de la dialéctica............ 66

V.    La llama y la conciencia samsárica................... 74

VI.   La Génesis condicionada................................. 90

VII.   Determinación de las vocaciones................. 110

 

 

La Acción

 

I.     Las cualidades del combatiente y la “presencia” 137

II.    Defensa y consolidación............................... 151

III.   Derechura................................................... 165

IV.   La presencia sidérea. Las heridas se cierran...... 179

V.    Los cuatro Jhâna. Las “Contemplaciones irradiantes” 198

VI.   Los estados libres de forma y la extinción........ 221

VII.   Discriminación de los “poderes”................... 243

VIII. Fenomenología de la gran liberación........... 253

IX.   Trazos de lo sin semejanza............................. 267

X.    “El vacío” “si la mente no se quiebra”............. 278

XI.   Hasta el Zen................................................. 287

XII. Los Ariya moran aún en el Pico del Cóndor..... 301

 

Fuentes          309

jeudi, 12 novembre 2009

L'"Arthasastra" de Kautilya: aux sources de la pensée politique indienne

kautilyas_arthasastra_and_social_welfare_idi618.jpgL'«Arthasastra» de Kautilya: aux sources de la pensée politique indienne

 

L'Arthasastra de Kautilya est un grand texte classique indien en sanskrit consacré à l'art de gouverner. Il fut traduit intégralement en anglais pour la première fois en 1915. Les éditions du Félin viennent d'en publier une partie en français. Gérard Chaliand écrit dans son avant-propos: «L'Arthasastra  est un monument considérable qui témoigne de la puissance et de l'originalité de la pensée politique indienne. L'Arthasastra est un traité sur l'Etat, le pouvoir et l'usage de la force. Ecrit matérialiste, pourrait-on dire, aux antipodes d'une conception théocratique, le traité de Kautilya pourrait être qualifié de machiavélien si l'anachronisme n'était flagrant, le discours indien précédant la réflexion du Florentin d'environ quinze siècles (...). Selon la tradition, le traité serait l'œuvre du ministre et conseiller du premier empereur de la dynastie des Maurya, contemporain d'Alexandre le Grand, qui régna au dernier quart du VIième siècle avant notre ère. En fait, la datation de l'œuvre est incertaine (elle varie du Iier avant au IVième après notre ère). On tend aujourd'hui à la situer aux alentours du Iier siècle. Bref, l'ouvrage a environ deux mille ans et son titre, Artha,  désigne la prospérité et sa recherche, quête éminemment matérielle, qui, pour l'Etat, consiste à acquérir et conserver richesse et puissance. L'Arthasastra, ou science du politique, est un traité comprenant quinze livres  —soit cinq cents pages—  dont on ne trouvera ici qu'une modeste partie, mais qui me semble essentielle si l'on veut saisir l'essence de ce chef-d'œuvre politique. Car l'Arthasastra  est à la naissance du politique ce que Sun Zi est à la naissance de la stratégie: une élaboration d'une originalité absolue» (J. de BUSSAC).

 

Kautilya, Arthasastra. Traité politique et militaire de l'Inde ancienne, Editions du Félin, 1998, 122 pages. 100 F.

 

mercredi, 11 novembre 2009

Innerlichkeit und Staatskunst - Zum Wirken Friedrich Hielschers

hielscher.jpgInnerlichkeit und Staatskunst -

 

Zum Wirken Friedrich Hielschers

 

 

 

"Zwei Tyrannen tun dem Deutschen not: ein äußerer, der ihn zwingt, sich der Welt gegenüber als Deutscher zu fühlen, und ein innerer, der ihn zwingt, sich selbst zu verwirklichen."

- Ernst Jünger

 

 

 

Verfasser: Richard Schapke

 

 

 

Der am 7. März 1990 auf dem Rimprechtshof im Schwarzwald verstorbene Friedrich Hielscher gehörte mit Sicherheit zu den originellsten Ideologen der Konservativen Revolution. Da er sich nach dem Zweiten Weltkrieg noch weniger als ohnehin schon um öffentliche Breitenwirkung scherte, gerieten seine Arbeiten in fast vollständige Vergessenheit, auch wenn Hielschers Name des öfteren in Jüngers "Strahlungen" auftaucht. In jüngster Zeit ist eine regelrechte Wiederentdeckung des unkonventionellen Nietzscheaners zu bemerken - Grund genug für einen Versuch, sich Friedrich Hielschers Leben und Werk zu nähern. Wir greifen hierbei oftmals auf Originalzitate zurück, um den Gegenstand unserer Betrachtung in seinen eigenen Worten sprechen zu lassen. Mitunter sind Zitate und Analysen aus der nach dem Zweiten Weltkrieg veröffentlichten Autobiographie "Fünfzig Jahre unter Deutschen" eingeflochten. Aus inhaltlichen Gründen gehen wir hierbei von der Chronologie der Veröffentlichung ab.

 

1. Herkunft

 

Friedrich Hielscher wurde am 31. Mai 1902 in Guben (nach anderen Angaben in Plauen/Vogtland) in eine nationalliberale Kaufmannsfamilie hineingeboren. Gerade 17 Jahre alt geworden, absolvierte er sein Kriegsabitur am Humanistischen Gymnasium, um sich fast unmittelbar darauf einem der gegen Spartakisten und Separatisten oder in den Grenzkämpfen im Osten fechtenden Freikorps anzuschließen. Dieses Freikorps Hasse ging im Juni 1919 aus der MG-Kompanie des ehemaligen Infanterieregiments 99 hervor und kam in Oberschlesien gegen polnische Insurgenten zum Einsatz. Zu den Freikorpskameraden Hielschers gehörte Arvid von Harnack, der später durch seine Mitarbeit in Harro Schulze-Boysens Roter Kapelle zu Berühmtheit gelangen sollte. Die Einheit bewährte sich und wurde in die Reichswehr übernommen, aber Hielscher quittierte den Dienst im März 1920, da er eine Beteiligung am überstürzten Kapp-Putsch gegen die Republik ablehnte.

 

Es folgte ein Jurastudium in Berlin, das von regelmäßigen Besuchen an der Hochschule für Politik begleitet wurde. Dem Brauch entsprechend schloß Hielscher sich einer Studentenverbindung an und wählte die Normannia Berlin. Nach einer vorübergehenden Mitgliedschaft im Reichsclub der nationalliberalen Deutschen Volkspartei (DVP) traten in Gestalt des aus der SPD hervorgegangenen nationalen Sozialisten August Winnig und des Geschichtsphilosophen Oswald Spengler prägendere politische Einflüsse an ihn heran. Von Winnig übernahm Hielscher die Überzeugtheit von einer weltgeschichtlichen Mission Deutschlands, vom Spengler das zyklische Geschichtsbild. Hinzu kam das in den Werken Ernst Jüngers herausgearbeitete Kriegertum.

 

Im Jahr 1924 erfolgte der Wechsel nach Jena, wo Hielscher das Referendarexamen bestand und im Dezember 1926 mit Auszeichnung zum Doktor beider Rechte promovierte. Die ungeliebte Beschäftigung als Verwaltungsjurist im preußischen Staatsdienst wurde nach nicht einmal einem Jahr im November 1927 aufgegeben. Die Anforderungen des Studiums behinderten nicht den häufigen Besuch des Weimarer Nietzsche-Archivs. Friedrich Nietzsche sollte dann auch über seine Schwester Elisabeth Förster-Nietzsche der letzte wirklich prägende Bestandteil des sich allmählich herauskristallisierenden Weltbildes sein. Von Dauer war die weitere Beteiligung als Alter Herr am Verbandsleben der Normannia Berlin, wo Hielscher die Bekanntschaft von Persönlichkeiten wie Horst Wessel, Hanns Heinz Ewers und Kurt Eggers machte.

 

2. Innerlichkeit

 

Am 26. Dezember 1926 betrat Friedrich Hielscher mit dem Aufsatz "Innerlichkeit und Staatskunst" die Bühne der politischen Publizistik. Der junge Jurist hatte sich auf Rat Winnigs dem nationalrevolutionären Kreis um die Wochenzeitung "Arminius" angeschlossen, dem nicht zuletzt Ernst Jünger das Gepräge gab. Aus der Begegnung mit Jünger entstand eine lebenslange Freundschaft. "Innerlichkeit und Staatskunst" enthält bereits alle wesentlichen Aspekte des Hielscherschen Weltbildes und soll daher ausführlicher dokumentiert werden.

 

hielscher13551837n.jpg"Seien wir ehrlich: wir stehen nicht am Beginn eines neuen Aufstieges, sondern vor dem Ende des alten Zusammenbruches. Dieses Ende liegt noch vor uns. Wir müssen erst noch durch das Schlimmste hindurch, ehe wir ans neue Werk gehen können. Jeder, der jetzt schon mit irgendeinem Aufbau beginnt, tut sinnlose Arbeit. Das will folgendes heißen. Jede kriegerische Vorbereitung, die auf einen Befreiungskrieg in der Gegenwart oder der nahen Zukunft abzielt, ist wertlose Spielerei und grob fahrlässige Dummheit. Jeder geistige Versuch, einigende Bünde, Verbände, kulturelle Vereinigungen, Weisheitsschulen, oder wie man das Zeug sonst nennen mag, in der Gegenwart zu gründen, ist Selbstbetrug und Unehrlichkeit der inneren Haltung.

(...) Beweise haben in der Welt der Tatsachen keinen Sinn.. Es ist noch nie vorgekommen, daß man politische Gegner durch Beweise bekehrt oder in ihrer Stellung erschüttert hätte. Aber es ist nötig, daß die sich einig werden, die im Grunde ihres Wesens Träger ein und desselben Zieles sind: des heiligen Deutschen Reiches. Zu dieser Einigung bedarf es des gegenseitigen Verständnisses. Dieses Verständnis fehlt. Ihm dient die folgende Begründung. Sie bildet sich nicht ein, daß an dem kommenden deutschen Zerfall irgend etwas zu ändern sei. Aber sie ist der Überzeugung, daß es jetzt schon an der Zeit ist, an der geistigen Haltung zu arbeiten, von der aus der spätere Aufbau allein beginnen kann.

Seit die Germanen in Berührung mit der kraftlos gewordenen und überreifen römisch-byzantinisch-christlichen Kulturenvielfalt gekommen sind, die den Ausgang des sogenannten Altertums bildet, ist ihre innere Haltung unfrei. Seit sie das Denken dieser fremden Welten übernommen haben, unfähig, die kaum zum Ausdruck gekommene eigene Art gegen das jeder Unmittelbarkeit längst entwachsene, zu Ende gedachte fremde Wesen zu schützen, seit dieser Zeit ist die deutsche Haltung zweispältig (sic!). Der Deutsche bejaht den Kampf als solchen; aber die müde Sittlichkeit der Fremden sucht den Frieden. Seit also der deutsche Geist überfremdet ist, wird jede deutsche Kampfhandlung mit schlechtem Gewissen getan, wird halb, kommt nicht zum endgültigen Erfolge und sinkt nach oft prachtvollem Aufschwung immer wieder in sich zusammen. Staatskunst ist die Fähigkeit, die eigenen Kampfhandlungen mit dauerndem Erfolg nach außen zu verwirklichen. Seit der Deutsche überfremdet ist, steht die deutsche Staatskunst allein und hat die deutsche Innerlichkeit nicht geschlossen hinter sich. (...)

Mit Bismarcks Entlassung verwandelte sich das Bismärckische Reich in den Wilhelminischen Staat, in ein Verfassgebilde, dessen Untergang unvermeidbar war. Diese Unvermeidbarkeit zeigte sich im Weltkriege. Wenn kriegerisches Heldentum ein Schicksal wenden kann, dann mußten wir siegen. Aber wir mußten die Fahnen senken, weil hinter dem deutschen Krieger nicht die deutsche Heimat stand als eine Einheit innerlichsten Glaubens, Wollens, Denkens, als eine Welt der ungetrübten reinen und abgrundtiefen Zuversicht. So kam die Niederlage. Der Staat der Weimarer Verfassung ist nicht ein neues Gebilde, das von seinem Vorgänger irgendwie wesentlich verschieden wäre, sondern nur die letzte Gestalt des Wilhelminischen Staates, die dessen alberne, wertlose, erbärmliche Seiten in vorbildlicher Deutlichkeit und - freilich unbewußter - Ehrlichkeit zeigt.

So ist hier nichts mehr zu halten und zu retten. Je eher dieser Staat zugrunde geht, um so besser ist es für die deutsche Sache. Sein weiteres Schicksal ist uns vollendet gleichgültig. Soll ich noch deutlicher werden? Also ist hier nichts mehr zu verbessern. Wenn das noch möglich wäre, dann würde zudem nicht das kindische Hurraschreien scheinkriegerischer Aufzüge von Wert sein, sondern einzig und allein ein verbissenes, unterirdisches, schweigendes und selbstverleugnendes Arbeiten, das vom Kleinsten anfängt, wie Friedrich Wilhelm der Erste angefangen hat. Aber weil es nicht möglich ist, an diesem Staat noch Hand anzulegen, bleibt nur eins übrig: in sich zu gehen, und aus der Tiefe des eigenen Herzens die Zuversicht, den Glauben heraufzuholen, der die deutsche Zukunft tragen und ohne den das neue Werk nicht begonnen werden wird. (...)"

 

Wir fassen zusammen: Der Zusammenbruch der liberalkapitalistischen Ordnung ist nicht in vollem Gange, sondern er steht erst noch bevor. Vor diesem Kollaps sind jede Aufbauarbeit und jede politische Partizipation zwecklos. Das deutsche Wesen wurde vom westlich-christlichen Materialismus überfremdet, und daher war die Niederlage des verwestlichten Kaiserreiches im Weltkrieg unvermeidbar. Die Republik ist die Fortsetzung des wilhelminischen Staates in anderem Gewande und ebenso wie er dem Untergang geweiht.

 

Am 30. Januar 1927 legte Hielscher den Aufsatz "Der andere Weg" nach: "Will ein unterworfenes Volk frei werden, so muß es dazu zweierlei tun: es muß erstens innerlich einig werden und zweitens seine staatskünstlerische Begabung betätigen...Für die Betätigung unserer staatskünstlerischen Begabung fehlen uns die Mittel." Der Hauptfeind waren nicht die unterdrückten asiatischen Völker, sondern die "Träger der europäischen Zivilisation...Aber wir bestreiten, daß wir zur Freiheit, d.h. zum selbstherrlichen Gebrauch unserer eigenen Kräfte gelangen können, ohne in entscheidenden Gegensatz zu Europa zu treten...Daher ist es geboten, unsere ganzen Fähigkeiten auf den anderen Weg zu richten, dessen Begehung ebenfalls unumgänglich notwendig ist, auf die endliche Einigung des deutschen Geistes." Angezeigt ist die "mephistophelische Schlangenhaftigkeit und Gewandtheit in der Verschleierung der tiefsten Gründe und Hintergründe". In diesem Kampf sind alle Mittel erlaubt, solange man die eigene Treue nicht verletzt. "Ersichtlich setzt eine solche Handlungsweise eine Sicherheit der inneren Haltung voraus, die kaum überbietbar ist." Der geistige Kampf gilt nicht etwa der etwaigen Undurchsichtigkeit des Handelns, sondern der Vielfältigkeit der fremden Einflüsse. Einzig auf eigenen Willen gegründet ist die Welt eines neuen Geistes, einer machtwilligen Seele zu errichten. "Das ist das Ziel. Der Weg zu ihm führt über eine rücksichtslose strenge Selbsterziehung eines jeden Einzelnen. Er führt über das eindeutige Bekenntnis zu dem Glauben, an den sich die Dichter der alten Sagen, an den sich Eckehart, Luther, Goethe und Nietzsche hingegeben haben. Er führt über die Gestaltung jener Erziehung aus diesem Glauben heraus zur Züchtung eines Geschlechts, das im Opferdienst am deutschen Glauben einig und deshalb, und nur deshalb, berufen ist, das staatskünstlerische Werk zu vollbringen, zu dem die Gegenwart ebensowohl aus einem Mangel an äußerem Willen wie aus innerer Glaubenslosigkeit nicht geeignet ist."

 

Am 13. Februar 1927 folgte "Die faustische Seele": "Die seelische Zugehörigkeit zum Deutschtum ist das Grunderlebnis der deutschen Menschen. Der letzte große Versuch, sich mit diesem Grunderlebnis im Bewußtsein auseinanderzusetzen, ist Spenglers Lehre von der faustischen Kultur. Der deutsche ist der faustische Mensch. Die faustische Kultur ist das deutsche Seelentum. Spengler sieht es aus dem unendlichkeitsverlorenen Walhall mit seinen tiefen Mitternächten herabsteigen in die Tiefen der Mystik, sieht es zu endlosen Kämpfen, gleichgültig gegen den Tod, das Schwert ziehen, die gotischen Dome wollen den Himmel stürmen, der lutherische Bauerntrotz schlägt drein, ins Grenzenlose schreitet die wälderhafte nordische Musik, unter den zartesten und weltseligsten Melodien ihre gewaltige Einsamkeit verbergend oder sie hinausschreiend in Sturm und Gewitter, aus Not und Elend und Blut steigt das Preußentum empor, und als dem Faust der Zarathustra folgt, erschüttern Wagners Posaunen die Welt und der Preuße Bismarck holt die Krone aus dem Rhein. Dann folgt der Zusammenbruch, und von neuem beginnt der alte Kampf (...)

Ich sehe einen langen Weg. Im Urdämmer der Sage stehen der deutsche Machtwille und die deutsche Innerlichkeit zueinander und sind untrennbar verbunden....Friedrich Nietzsche, der letzte große Träger der deutschen Innerlichkeit, hat den Willen zur Macht gelehrt und so die alte Weisheit wieder geweckt, die von den Tagen der Götter, von den Tagen Sigfrids und Hagens her die deutsche Sittlichkeit verkündet. Wenn unsere Innerlichkeit wieder gelernt haben wird, ihr zu folgen, wenn der deutsche Machtwille nicht mehr alleinstehen wird, erst dann, aber dann sicher, wird die deutsche Zwietracht aufhören, wird sich das deutsche Menschentum vollenden und in seiner Vollendung heimfinden zu dem ewigen Brunnen, aus dem es entstiegen ist."

 

Verdeutlicht wird diese Darstellung der faustischen Seele durch den Aufsatz "Die Alten Götter". Sagen, Märchen und die germanisch-keltische Mythologie bilden die Heimat der deutschen Seele. Hielscher betont den Kampf als Daseinsprinzip: "Das versteht nur ein Deutscher, daß man sich gegenseitig die tiefsten Wunden schlagen und dennoch die beste Freundschaft halten kann. Denn der Deutsche ist in seinem Innern selber so: hundert- und tausendfältig zerrissen, ein Schlachtgebiet aller holden und unholden Geister, und aus dieser Zerrissenheit seinen Stolz herausholend und eine höhere Einheit, die über allem Ernste sich ein Lächeln bewahrt hat, und über allen Abgründen eine einsame und lichte Höhe, die ihren Glanz in alle Tiefen schickt....Der Kampf ist das Nein, und die Vollendung ist das Ja. Die Geburt des Ja aus dem Nein, die Vollendung im Kampfe, das ist das Lied von den alten Göttern. Es ist das Lied, das alle großen Träger der deutschen Innerlichkeit verkündet haben. Wenn Eckehart die brennende Seele lehrte, in der doch eine ungetrübte schweigende Stille herrscht, wenn Luther im Wirken und durch das Wirken Satans die Allmacht Gottes geschehen sah, wenn Goethe alles Drängen und Ringen als ewige Ruhe in Gott erlebte, wenn endlich Nietzsches Welt des Willens zur Macht, diese Welt des Ewig-sich-selber-Schaffens und Ewig-sich-selber-Zerstörens als endloser Kreislauf zu sich selber guten Willen hatte, so war das immer nur das alte Lied" (der nordischen Mythologie). "So wird der Kampf zum Selbstsinn, und die Treue in diesem Kampfe ist das Höchste. Es gibt nichts anderes. Um des Kampfes willen ist die Innerlichkeit da, weil sie die Kraft zu diesem Kampfe gibt...Das ist eine ganz andere Treue, als die Gegenwart sie kennt. Das ist die Treue, die alles opfert, den Schwur, die Ehre, das eigene Blut; die Treue, die nur das eigene Werk und seine Vollendung im Kampfe kennt."

 

Das Leben der Völker bemißt sich nach Völkerjahren mit den vier Jahreszeiten. Hielscher zieht zahlreiche Allegorien mit dem Vegetationszyklus eines Baumes. Die Deutschen befinden sich derzeit im Stadium des Winters, ausgelöst durch die "Verstofflichung", den Materialismus der westlichen Zivilisation. Die Entstehung des Materialismus verortet Hielscher bereits zu Zeiten der Renaissance, aus der sich der Frühkapitalismus entwickelte. Der Mensch will nicht mehr gebunden sein, sondern wider seine Natur nur noch von sich selbst abhängen. Religion, Volk, Tradition und Kultur weichen dem Individualismus. Die Menschen haben die Wahl, ob der Winter "die Umkehr oder den Tod bringen (wird), nach unserer Wahl und nach der zukommenden Gnade der Götter".

"Wer die Kälte der Oberfläche ändern wollte, würde als Schwarmgeist scheitern. Desgleichen steht nicht in der Hand der Wurzeln und der Wintersaat  und nicht in der Hand des Menschen. Vielmehr ist uns diese Kälte vorgegeben." Jeder Winter birgt den Keim des Frühlings, nicht zuletzt symbolisiert durch die Sonnenwende.

 

"An der Quelle muß der Strom versiegen, an der Wurzel muß das Unheil absterben. Und in Quelle und Wurzelgrund muß das Heil von neuem gewonnen werden." Das Reich ist noch nicht stark genug, um oberirdisch gedeihen zu können. Es ist verborgen im Inneren seiner Glieder, eines neuen Menschentypus, keine sichtbare Gestalt. Innerlichkeit und Wille zur Macht verknüpfen sich miteinander.

So geht es heute nicht mehr um das Retten des alten abendländischen Leibes, sondern um das Bilden des neuen." Soziale Herkunft und Interessen der Unterirdischen sind gleichgültig. "Und jeder mag unter den Vorbildern sich seinen Helden wählen."

 

3. Staatskunst

 

Nachdem Hielscher dergestalt die Notwendigkeit unterstrichen hatte, ein neues Bewußtsein als Grundvoraussetzung erfolgreichen Handelns zu schaffen, wandte er sich außenpolitischen Fragen zu. Im März 1927 veröffentlichte der "Arminius" seinen vielbeachteten Aufsatz "Für die unterdrückten Völker!", der Hielscher gewissermaßen zum Erfinder des Befreiungsnationalismus machen sollte. Wir merken an, daß derartige Gedankengänge auch schon im Werk Moeller van den Brucks auftauchen.

 

Der Erste Weltkrieg hatte die Völker aller Kontinente aufgerüttelt, so daß jede politische Maßnahme ihre Wirkung verhundertfachte. Auf dem Brüsseler Kongreß der unterdrückten Völker hatten die Farbigen erstmals einmütig ihre Stimme gegen den Westen, gegen Imperialismus und Kolonialismus und für den Nationalismus erhoben. Unter den Bestimmungen des Versailler Diktats war Deutschland mit seiner dem Westen hörigen Demokratie kein souveräner Staat, sondern ebenfalls eine Kolonie. Kein Kontinent stand mehr für sich alleine, sondern neue Aufgaben, Freundschaften und Ziele entwickelten sich. Im Zentrum der Hoffnung Hielschers stand das Erwachen des Giganten China, Indiens oder der arabischen Welt, weniger die Sowjetunion, die ihre "russische" Ideologie allen anderen Völkern aufzwingen wollte und damit kein echter Partner der nach Freiheit strebenden Völker war.

 

Deutschland ist kein Teil des westlichen Europa, sondern ein Teil des asiatischen Ostens. In der Verehrung des Ostens verbeugt sich der Deutsche "vor einer weiten unendlichen, durchaus uneuropäischen und geheimnisvollen Welt einer sehnsüchtigen und zutiefst ruhigen Weisheit und Selbstsicherheit, aus der er seine Kraft strömen fühle". Die deutsche Innerlichkeit ist ein Widerspruch gegen den Westen und dessen Zivilisationsdenken. "Die Völker des Ostens glauben an unverrückbare Kräfte, denen sie sich verdienstet wissen, aus denen ihre Art entspringt, und zu der sie zurückkehrt, wenn ihre Stunde geschlagen hat. Der Deutsche gehört zum Osten und nicht zum Westen. Der Westen ist Zivilisation, der Osten ist Kultur. Die Zivilisation ist auf dem Gelde und der Berechnung aufgebaut und kennt keine Innerlichkeit. Die Kultur errichtet auf dem Grunde einer unerschütterlichen Gewißheit die Werke einer hohen Kunst, eines demütigen Denkens, einer hingebenden Weisheit. Die Völker des Westens sind Zivilisationsvölker, die Völker des Ostens tragen ihre großen Kulturen."

 

hielscher-u-frau.jpg

Im Gegensatz zum kapitalistischen Westen ist der Osten sozialistisch, wobei Sozialismus hier als eine innere Haltung und nicht als theoretisches System zu verstehen ist. Während der Kapitalismus den Menschen seinen Taten entfremdet und dem Nutzen unterwirft, will der Sozialismus die Leistung und das Werk. Die Menschen sind keine Einzelwesen, sondern Glieder von Gemeinschaften. "Der Westen kennt nicht Ideen, sondern Konzerne; er kennt keine Gemeinschaften, sondern wirtschaftliche Verbundenheit."

 

"Der Westen ist Imperialismus, der Osten ist Nationalismus. Der Nationalismus ist die Folge des Glaubens an die eigene Kultur, der Wille zur Durchsetzung ihrer eigenen Art, der Wille zum Dienst an der Gemeinschaft, die auf der eigenen Kultur beruht. Der Imperialismus ist die Benutzung der nationalen Mittel zur Erlangung wirtschaftlichen Profites, die Umfälschung nationaler Ziele in Wirtschaftsinteressen."

"Wir deutschen Nationalisten werden mit den Nationalisten des Ostens zusammengehen; wir fordern den gemeinsamen Kampf gegen den westeuropäisch-amerikanischen Imperialismus und Siegerkapitalismus, wir fordern die Abkehr der deutschen Wirtschaft von den westlichen Verbundenheiten, die Abkehr der deutschen Geistigkeit vom Westen. Im Osten kämpfen die unterdrückten Völker den gleichen Kampf, den Kampf der Kulturnationen gegen die Zivilisationsvölker, den Kampf der Tiefe gegen die Oberfläche. Verbünden wir uns ihnen. Scheuen wir kein Opfer. Der Osten wartet auf uns. Enttäuschen wir ihn nicht. Wir sind der Vorposten des Ostens gegen den Westen. Der Westen wankt, und der Sturm aus dem Osten hat begonnen. Die deutsche Stunde schlägt."

 

Hielschers Ausführungen, die sich im übrigen jeder Rassist und Xenophobe einmal etwas intensiver durch den Kopf gehen lassen sollte, trafen auf ein gemischtes Echo. Der Kampfverlag der NS-Parteilinken unterstützte Hielschers internationalistisch-nationalistische Thesen ebenso wie Franz Schauweckers "Standarte". Bezeichnenderweise kam vom hitleristischen "Völkischen Beobachter" und von den Vereinigten Vaterländischen Verbänden schroffe Ablehnung.

 

Mit seinem philosophisch-politischen Programm stürzte Hielscher sich in die Politik, zunächst eine Reihe geopolitischer Analysen nach obigem Muster im "Arminius" veröffentlichend und jegliche Mitarbeit am Weimarer System heftig kritisierend. Im Juli 1927 beteiligte er sich an der von August Winnig gegründeten Berliner Sektion der Alten Sozialdemokratischen Partei, einer "rechten" Abspaltung der SPD. Als Gruppenorgan fungierte die Zeitschrift "Der Morgen", zu deren Autoren neben Hielscher die Nationalrevolutionäre Eugen Mossakowsky und Karl Otto Paetel gehörten. Anhang aus der Arbeiterschaft konnte kaum gewonnen werden, dafür kamen die bürgerlichen Rebellen.

 

4. "Das Reich"

 

Spätestens das ASP-Experiment überzeugte Hielscher von der Sinnlosigkeit tagespolitischer Aktivitäten. In seinen Memoiren "Fünfzig Jahre unter Deutschen" analysiert er die Situation im Nachhinein so: "Will man sich den Ort der Einzelgänger vor Augen führen, so stelle man sich die Parteien als ein Hufeisen vor, an dessen einem Flügel die Nationalsozialisten, an dessen anderem die Kommunisten standen.

Dann finden wir neben den Nationalsozialisten die Deutschnationalen Hugenbergs, neben ihnen die Deutsche Volkspartei Stresemanns und neben ihr das katholische Zentrum, das die Mitte tatsächlich bildete. Links davon sehen wir die Demokraten, hernach die Sozialdemokraten und schließlich die Kommunistische Partei.

Aber mit ihnen schloß sich der Kreis nicht, sondern zwischen ihnen und den Nationalsozialisten klaffte eine Lücke, die sich um so weniger schließen konnte, als die Nationalsozialisten und die Kommunisten bereits nur noch dem Namen nach Parteien waren, in Wirklichkeit aber Horden, und zwar Horden in Bundesgestalt und mit parlamentarischer Maske. Sie wollten Massenbewegungen sein, gaben sich vor ihren gutwilligen Anhängern das Gesicht eines Bundes und spielten nach außen die Partei, um nicht verboten zu werden.

Den Bund kennzeichnet im Aufbau die gegenseitige Verpflichtung zwischen Haupt und Gliedern, im Wesen der Geist, der sie verbindet, sei es nun ein Glaube oder auch nur eine besondere Menschlichkeit, im Sinne der freiwilligen Dienste an diesem Geiste und im Zwecke das Ziel, das er dem Haupte und den Gliedern aufgibt.

Der Horde mangelt im Aufbau die Gegenseitigkeit, im Wesen der Geist, im Sinne der freie Wille und im Zwecke das Ziel. An die Stelle der Gegenseitigkeit tritt der einseitige Gehorsam, an die Stelle des Geistes das Programm, an die Stelle des freien Willens der Zwang und an die Stelle des Zieles der erstrebte Vorteil und Nutzen, sei es des Hordenführers allein, sei es zugleich seiner Garde oder der ganzen Horde.

Die Gestalt des Bundes anzunehmen empfiehlt sich der Horde, wenn das Volk sich wieder nach Bund und Verbundenheit sehnt, weil die Lüge am besten in Gestalt der Wahrheit zu wirken vermag und von ihren abgesplitterten und selbständig genommenen Teilen allein lebt. Mit der Wahrheit zu schwindeln, ist nicht nur die beste, sondern es ist auch die einzige Art der Lüge, die Erfolg haben kann.

Und die Maske der Partei schließlich bietet sich von selber an, weil in Verfallszeiten nicht das Volk, sondern der Bürger herrscht, welcher in den Zweckverbänden der unverbindlichen Parteien sich am besten darzustellen und zu entfalten vermag. (...)

So sehen wir nicht nur an den äußeren Flügeln des Parteienhufeisens zwei offenkundige Horden in Bundesgestalt und mit scheinbündischen Gliederungen wie hier der SA oder der SS und dort dem Rotfrontkämpferbunde, sondern auch bis fast in die Mitte heran jede Partei bemüht, sich eine Horde heranzubändigen oder sich eines Bundes zu versichern. (...)

Zwischen den beiden Hordenflügeln aber kochten die Einzelgänger ihren Trank und bildete sich Bund. Hier schlugen die Flammen von rechts nach links herüber, um der Feuerzange die nötige Glut zu geben."

 

Auf den Zerfall der "Arminius"-Gruppe folgte ab Oktober 1927 die Zeitschrift "Der Vormarsch", ursprünglich ein Blatt von Kapitän Ehrhardts Wikingbund. Die Schriftleitung lag bei Ernst Jünger und Werner Lass, dem Führer der Schill-Jugend, einem ehemaligen Gefolgsmann des Freikorpsführers Roßbach mit starkem Einfluß in der HJ. Hielscher variierte hier weiterhin seine bekannten Thesen. Der "Vormarsch" wurde zum Zentrum einer bewußt provokativen Militanz. Es kam zur Bildung kleiner revolutionärer Zirkel, die über die Grenzen der Bünde und Parteien zusammenarbeiten. Engere Verbindungen unterhielt der "Vormarsch"-Kreis zur NSDAP, die sich durch ihren sozialrevolutionären Charakter zusehends von den anderen Rechtsverbänden absonderte. Unterhalb der agitatorischen Ebene verkehrte Hielscher in diversen Zirkeln, von denen vor allem der Salon Salinger zu nennen ist. Der jüdischstämmige Hans Dieter Salinger, Beamter im Reichswirtschaftsministerium und Redakteur der "Industrie- und Handelszeitung", versammelte hier einen bunt zusammengewürfelten Kreis um sich. Neben Hielscher sind hier Ernst von Salomon, Hans Zehrer, Albrecht Haushofer, Ernst Samhaber oder Franz Josef Furtwängler, die rechte Hand des Gewerkschaftsführers Leipart, zu nennen.

 

Im Frühjahr 1928 bildete Friedrich Hielscher, wohl inspiriert durch Salingers Kontaktpool und durch den Schülerkreis des Dichters Stefan George (vor allem in Aufbau und Methode), einen eigenen Zirkel um seine Person. Diesem Kreis fiel beispielsweise indirekt das Verdienst zu, den Brecht-Weggefährten Arnolt Bronnen für die revolutionäre Rechte zu gewinnen. Nach dem Rückzug Jüngers übernahm Hielscher im Juli 1928 gemeinsam mit Ernst von Salomon die Leitung des "Vormarsches", dessen Auflage auf 5000 Exemplare gesteigert werden konnte. Der NS-Studentenbund warb um den unter Studenten und Bündischer Jugend zugkräftigen Intellektuellen, um ihn als Veranstaltungsredner für sich zu gewinnen. Das Verbandsorgan der Ehrhardt-Anhänger und rechten Paramilitärs entwickelte sich zu einer übernational-antiimperialistischen Monatszeitung, die jedoch durch die wirtschaftliche Inkompetenz von Verlagsleiter Scherberning behindert wurde.

 

Dem Zeugnis Ernst von Salomons zufolge war der Hielscher-Kreis in seiner Anfangsphase jedoch ein Tummelplatz menschlicher Intrigen und Eitelkeiten. Im Herbst 1928 reagierte Hielscher auf die sich abzeichnende Bauernrevolte in Norddeutschland mit der schwächlichen Forderung nach Verminderung der Steuern und einer Agrarreform - offensichtlich hatte er das revolutionär-anarchistische Potential der entstehenden Landvolkbewegung nicht erkannt. Der verärgerte Salomon urteilte im Februar 1929: "Hielscher hat sich für mein Empfinden völlig ausgeschöpft, was er betreibt, ist Leerlauf, schade um ihn. Aber er erkennt das selber nicht, will die Dinge forcieren und erreicht dadurch erst recht nichts. Außerdem führt er einen absonderlichen Lebenswandel, der an seinen Nerven zehrt. Dabei haben die ganzen Leutchen...dickste Illusionen im Kopp..." Hielscher bilde sich ein, "man könne Politik ohne Macht, allein durch Geist und gute Verbindungen machen". Zugleich hielten die heftigen internen Auseinandersetzungen im Hielscher-Kreis mit Intrigen, Verleumdungen und Verdächtigungen an. Salomon kehrte dem "Vormarsch" daraufhin mit der Bemerkung, hier müsse noch einmal "bannig femegemordet" werden, den Rücken und schloß sich den Landvolkterroristen an.

 

Trotz eines Hitler-Verdikts gegen den "Vormarsch", der angeblich mit dem "asiatischen Bolschewismus" liebäugele, stellte sich der mächtige Gregor Strasser am 25. Oktober 1929 hinter die Gruppe. Ernst Jünger, Franz Schauwecker oder Friedrich Hielscher seien Beispiele für die steigende Tendenz, "daß der Nationalsozialismus beginnt, magnetgleich andere Kreise, andere bisher in ihrer Sphäre festgefügte, gleichwertige Geister an sich zu ziehen." Am gleichen Tag schrieb Hielscher in den "Kommenden": "Stoßen wir also bei unserer nationalistischen Arbeit auf politische Handlungen der russischen Außenpolitik, die gegen den Westen gerichtet sind, so werden wir diese Handlungen begrüßen und nach Möglichkeit fördern. Stoßen wir auf die kommunistische Ideologie selbst, die auf dem dialektischen Materialismus beruht, so werden wir ihr das idealistische Bekenntnis zur Deutschheit entgegenzustellen haben; und wir werden nicht zu vergessen haben, daß der Sozialismus, den wir wünschen, die Unterordnung der Menschen unter den nationalistischen Staat auf wirtschaftlichem Gebiet bedeutet, während der Sozialismus, den Marx anstrebt, das staatenlose, größtmögliche Wohlergehen der größtmöglichen Zahl will."

 

Im Sommer 1929 legte Hielscher die Chefredaktion des "Vormarsch" nieder, um sich einem eigenen Zeitschriftenprojekt und einem weltanschaulichen Grundlagenwerk zu widmen. Die Monatsschrift "Das Reich" sollte sich zu einem der maßgeblichen Blätter der nationalrevolutionären Szene entwickeln, in der die brillantesten Köpfe aus der Grauzone zwischen NSDAP und KPD zu Wort kamen. In der Rubrik "Vormarsch der Völker" gewährte man den antikolonialen Befreiungsbewegungen und ihren Vertretern breiten Raum, folgerichtig spielten auch vulgärgeopolitische Betrachtungen eine Rolle. Um die Jahreswende 1930/31 beteiligte Hielscher sich gemeinsam mit Jünger und Paetels Sozialrevolutionären Nationalisten an der Deutsch-Orientalischen Mittelstelle zur Förderung des antiimperialistischen Befreiungsnationalismus. Gelder beschaffte Franz Schauwecker vom Stahlhelm-nahen Frundsberg-Verlag, und neben dem altgedienten Putschisten F.W. Heinz sollte Schauwecker sich zu einem der enthusiastischsten Hielscher-Gefolgsleute entwickeln. Weitere Finanzmittel kamen vom unvermeidlichen Kapitän Ehrhardt. Die Debütausgabe des "Reiches" erschien am 1. Oktober 1930, und kein Geringerer als Ernst Jünger steuerte zur Eröffnung einen Beitrag bei.

 

Hielscher selbst schrieb in "Die letzten Jahre", Weimar und mit ihm die Wilhelminische Ordnung seien im Zerfall begriffen, es gehe wie seine Parteien bis hin zu NSDAP an Selbstzersetzung infolge von Unfähigkeit der Führer zugrunde. Die Weltwirtschaft kranke an der Weimarer Republik wie an einer unheilbaren Wunde. Asien blicke gärend auf Deutschland, von wo der Funke kommen sollte, der den letzten Sprengstoff entzündet:  "Die Versuche des Westens, von der Wirtschaft her die kommende Gefahr zu bannen, verfangen nicht mehr. Die Mächte des Ostens tasten eine jegliche nach einem neuen Halt; aber keine hat die Lösung. Niemand weiß weiter. Und in dem deutschen Raum inmitten dieser tausendfältigen Verwirrung brodelt es unaufhörlich.

Hier ist der Ort und hier liegt die Aufgabe für die Menschen des Reiches, die durch den Weltkrieg hindurchgegangen sind; des heimlichen Reiches, das inmitten der Völker sichtbare Gestalt annehmen will. Wer dem Weltkriege seine Haltung und seine Zuversicht verdankt, weiß, daß er ein Sieg des Reiches gewesen ist, den Osten erweckend, den Westen zersetzend, den Zusammenbruch des wilhelminischen Fremdkörpers vorbereitend...

Die Wissenden erkennen sich auf den ersten Blick. Sie haben einander gefunden und finden sich weiter, seitdem die Verwandlung des Weltkrieges ihr Bewußtsein erfüllt hat. Seit dieser Zeit ist die Unruhe zur Arbeit geworden und die Suche zum Entdecken...Die Menschen des unsichtbaren Kerns haben einander entdeckt. Sie rühren keinen Finger gegen den Westen, der sich imn Staat der Weimarer Verrfassung so guit wie jenseits des Atlantischen Ozeans von selbst zerstört. Was heute Erfolg heißt, ist ihnen gleichgültig. Sie haben die große Geduld.

Denn die Entscheidung, die sich heute vorbereitet, liegt tiefer als irgend eine Entscheidung der bisherigen Geschichte. An ihr sind alle Mächte beteiligt. Der Weg zu ihr ist Bekenntnis und Staatskunst zugleich. Nur wo beides ineinanderwirkt, geschieht d a s  R e i c h."

 

Neben dem "Reich" widmete Hielscher sich weiteren publizistischen Projekten, beispielsweise beteiligte er sich am 1931 von Goetz Otto Stoffregen herausgebenenen Sammelband "Aufstand - Querschnitt durch den revolutionären Nationalismus".  Im Beitrag "Zweitausend Jahre" hieß es: "Das Kennzeichen, durch welches sich unsere Geschichte von der jedes anderen Volkstums unterscheidet, ist die wechselseitige Verschlungenheit von Innerlichkeit und Macht. Unsere Innerlichkeit enthält den Willen zur Macht; und unsere Macht enthält den Willen zur Innerlichkeit." Innerlichkeit und Machtwille wurden durch den Einbruch des Christentums getrennt. Der Weg der Innerlichkeit führt von der Ursage über Mystik, Reformation und Idealismus bis hin zu Nietzsche. Der Weg der Macht wiederum verlief von Theoderich den Großen über Heinrich VI von Hohenstaufen, Gustav Adolf und Friedrich den Großen bis zu Bismarck. Die wechselseitige Bezogenheit von Innerlichkeit und Macht hatte niemals aufgehört. Immer wieder erfolgten Anläufe, die Einheit beider Begriffe herzustellen, und unter der Macht des Reiches alle germanischen Stämme zu einen. "So ist nun in dreifachem Anlauf vor aller Augen das Ziel errichtet worden, das die Macht des Reiches zu verwirklichen bestimmt ist; und es bedarf der Waffe, mit der die Deutschen das ihnen jetzt sichtbare Ziel erreichen können. Diese Waffe heißt Preußen. Preußen ist kein Stamm, sondern eine Ordnung. Es gibt nur Wahlpreußen. Aus allen Stämmen des Reiches strömen die wagemutigsten, abenteuerlichsten, kriegerischsten Herzen zusammen; es entsteht der Staat Friedrich Wilhelms I und Friedrichs des Großen."  Ziel war der Kampf gegen den westlichen Materialismus, "und gerade gegenüber diesem bereits in Deutschland eingedrungenen Gift."

"Ob Luther gegen Rom kämpft, oder ob Goethe den Beginn des Johannesevangeliums neu übersetzt: ‚Im Anfang war die Tat' - immer drängt die Innerlichkeit zum Tun; sie enthält den Willen zur Macht, die Sehnsucht, die das Amt herbeiglaubt und die Menschen zum Werke drängt.

In Nietzsche vollends wird dieser Drang zum bewußten Wollen: die Innerlichkeit erkennt ihr Getriebenwerden als Willen zur Macht." Nietzsche forderte den "ins Geistige gesteigerten Fridericianismus", bindet dieses neue Menschentum an Gestalten wie Friedrich II von Hohenstaufen und Friedrich II. den Großen. Auf Nietzsche und Bismarck folgte der Weltkrieg, der "trotz der scheinbaren Niederlage den größten Sieg bedeutet, den Deutschland jemals errungen hat". "Zum ersten Mal, seit die Erde steht, gibt es keine voneinander abgetrennten Kampffelder mehr, so wie es z.B. den ostasiatischen, den vorderasiatischen oder den Kulturkreis des Mittelmeeres gegeben hat, sondern die Erde ist ein einziges Schlachtfeld geworden, ein Chaos, in welchem alle Kräfte zugleich um den Sieg streiten, ein Chaos, das alle Kräfte durch diesen Streit verwandelt und von Grund auf umschöpft."

 

hielschercover_leitbriefe_72.jpgIm gleichen Jahr legte Friedrich Hielscher sein mit Hilfe des Frundsberg-Verlages herausgebenes Grundlagenwerk "Das Reich" nach. Ein Volk entsteht Hielscher zufolge aus der Gemeinschaft von Schicksal und Bekenntnis. Das Blut erhält seinen Rang durch eine Entscheidung und nicht durch die Biologie. Deutschtum/Deutschheit leiten sich nicht durch Abstammung und staatliche Definition, ab, sondern aus Gesinnung und Glauben. Der Reichsbegriff wird vom politischen zum religiös-metaphysischen, in der Geschichte wirkenden Prinzip einer föderativen Ordnung Europas - unter Führung des preußischen Geistes. Die Nationalstaaten sollten sich in Stämme und Landschaften auflösen, und aus diesen verkleinerten Einheiten war etwas Größeres zu schaffen, das über die Nationalstaaten hinausging.

 

Ergänzend heißt es in "50 Jahre unter Deutschen": "In Wahrheit muß...im Innern des Menschen angefangen werden, im eigenen zuerst und dann im Bunde mit denen, die des gleichen Willens sind. Aber das ist mit keiner noch so reinen Sittlichkeit zu schaffen, schon gar mit keiner Moral und vollends nicht mit Anordnungen und Vorschrift." Sondern nur der Glaube "gibt uns das Gesetz als das Gebot der Götter"

 

"Das Reich": "Die schöpferische Kraft kann nicht auf dem einen Gebiet wirken und auf dem anderen nicht. Sie kann nicht vor dem Alltag halt machen oder vor den Umständen oder der Not. Sie erfüllt den ganzen Menschen. Er mag anpacken, was er will, er mag versuchen, sich in nichtige Dinge zu flüchten: Die schöpferische Kraft folgt ihm, sie treibt ihn weiter, und am Ende erkennt er, daß alles, was er angefaßt hat und was ihm begegnet ist, notwendig und gut gewesen ist um seines Werkes willen, für das er lebt, für das er gelebt wird, das durch ihn hindurch wirkt. Darum bilden alle Menschen, hinter denen ein und dasselbe Wesen steht, nicht auf irgendwelchen einzelnen Gebieten, sondern ihr ganzes Leben hindurch, in jeder Hinsicht unabdingbar eine Einheit des Wirkens. Es müssen ein und dieselben Ereignisse sein, die sie fördern oder hemmen: ein und dieselben Begegnungen müssen für sie Tiefe oder Licht bedeuten: sie haben dasselbe Schicksal, das heißt aber: sie sind ein Volk. Kein Ding in Raum und Zeit bindet endgültig: nicht die Abstammung, nicht die Sprache, nicht die Umgebung. Dem alleine steht der einzelne frei gegenüber. Allein seine schöpferische Kraft, die seinen Willen überhaupt erst bildet, aus dem sein Wille in jedem Augenblick gebildet wird, bindet ihn notwendig, sie ist der Kern seines Wesens. Damit unterscheidet sich ein Volk von einem bloßen Abstammungsverband und von jeder Verbindung, die nur durch äußere Umstände zusammengehalten wird...Nur die seelische Besessenheit durch dieselbe schöpferische Kraft gestaltet aus einer Vielheit vertretbarer Menschen ein Volk, indem ein und dieselbe Wirklichkeit durch die Tat bezeugt wird. Das Volk ist Einheit des Bekenntnisses und des Schicksals. (...) Geduld ist die oberste Tugend dessen, der verwandeln will. Wer keine Geduld hat, erreicht nichts.

Die Entscheidung, die sich hier vorbereitet, bedeutet die vollkommene Vernichtung der heutigen Ordnungen und Güter; und es ist an der Zeit, mit jenen hoffnungslosen Gedanken aufzuräumen, die noch retten wollen, was zu retten ist. Es ist nichts mehr zu retten. Alle äußeren Gestaltungen der Gegenwart brauchen und unterstützen die westliche Verfassung des öffentlichen und des Einzellebens. Sie setzen die Heiligkeit des uneingeschränkten Eigentums voraus, den Verdienst als treibenden Anreiz des Handelns und die Wohlfahrt aller als Ziel der Gemeinschaften. Hier darf nichts gerettet werden. Die inneren Güter aber, die nicht des Westens, sondern des Reiches sind, sind unzerstörbar. Wer sie für gefährdet hält, kommt für die deutsche Zukunft nicht in Frage. Denn er glaubt nicht an sie. Wer glaubt, zweifelt nicht.

Die Vernichtung dessen, was heute besteht, ist sogar notwendig. Denn daß der Westen die Entscheidung gerade in dem Raume zwischen Rhein und Weichsel sucht, liegt an dem Rang, den dieses Gebiet innerhalb der - westlichen - Weltwirtschaft besitzt. Weil China, Indien und Rußland bereits zum größten Teile aus ihr heraus gefallen sind, darf sie Deutschland nicht auch noch verlieren, um keinen Preis. Sonst ist sie selbst verloren. Darum setzt der Untergang des Westens die Vernichtung dessenh voraus, was heute Deutschland heißt, was mit dem Wesen des Reiches nur mehr den Namen gemeinsam hat.

Die Ereignisse des Dreißigjährigen Krieges werden gering vor dieser Zukunft. Er hat die Erde noch nicht aufgerufen. Aber der Erste Weltkrieg hat es getan; und dadurch wird die Wucht der nächsten Jahre, der nächsten Jahrzehnte, der nächsten Jahrhunderte größer, als die der fünftausend Jahre bewußter Erdgeschichte, auf die wir zurückblicken können. Wer von dem Werke, das ihm obliegt, die Erhaöltung und Bewahrung überkommender Dinge erwartet, zeigt nur, daß er die Größe der Verwandlung nicht erkannt hat, in der die Völker seit 1914 leben.

Es gibt heute keine sichtbaren Werte des Reiches. Es lebt inwendig in den Herzen; oder es würde nicht leben.Zerschlagen muß das Eigentum werden, das dem Westen gehört, das den westlichen Menschen gehört. Der Westen würde längst besiegt sein, wenn er nicht die Geister der Menschen gefangen hätte, wenn nicht wirklich jeder, der um seines Vorteiles willen lebt, damit zum Werkzeuge, zum Untertan und Helfer des Westens würde. Zerschlagen muß die ständische Haltung werden, weil die hierarchische Befriedung der Stände, die - gutgläubig oder nicht gutgläubig - vom Süden her verkündet wird, nur der pax Romana, der friedevollen Herrschaft Roms sich einfügt, welche die Völker dem Heiligen Stuhle unterwirft, und weil die Ziele Roms mit denen des Westens gemeinsam auf die Erhaltung des Staates der Weimarer Verfassung gerichtet sind. Zerschlagen muß die Möglichkeit der kolonialen Ausdehnung werden, weil der Herrschaftsanspruch des Reiches nichts mit dem kolonialen Märktekampf zu tun hat, weil, nicht nur der Begriff der ‚Kolonie', sondern auch jedes koloniale Streben dem Willen zur prosperity und nicht dem Willen zur Macht dient.

Man darf gewiß sein, daß die allernächsten Jahre diese Vernichtung vorbereiten und fördern werden. Jener Gleichlauf der Selbstzersetzung des Westens und des Aufbaus der Reichszellen, jene langsame und zögernde Annäherung zweier Bahnen, die sich erst im Augenblick der Entscheidung überschneiden, deren Überschneidung der entscheidende Augenblick ist, prägt sich bereits heute - und von Tag zu Tag mehr - in der Verelendung des Volkes aus. Es wird nicht fünf Millionen, sondern fünfundzwanzig Millionen Arbeitslose geben. Es wird nicht mehr Haß und Hoffnung geben, sondern nur noch Verzweiflung und Zuversicht.

Diese Zuversicht, welche die kommende Vernichtung bejaht, glaubt an das unvernichtbare ewige Wesen des Reiches. Sie weiß, daß im Wandel der sichtbaren Geschichte immer nur die unsichtbare Wirklichkeit lebt. Sie weiß, daß eine jede Kraft des Ewigen selber unwandelbar und ewig ist, und daß kein Werk, kein schöpferisches Tun um des zeitlichen Seins willen geschieht, sondern immer und nur um der Macht des Reiches willen, welches sein zeitliches Reden und Schweigen, Tun und Stillesein, sichtbares oder verborgenes Bildnis heraufführt, wie es ihm beliebt. Das kriegerische Herz verwechselt die zeitliche Erhaltung nicht mit der göttlichen Unsterblichkeit. Es ist unsterblich und freut sich der zeitlichen Vernichtung als der Bürgschaft seiner unüberwindlichen Gewalt. Der Untergang, dem sich die Deutschen, und das heißt immer und immer wieder: die Menschen des Reiches, heute aussetzen, führt die Freiheit herauf, um die seit der ersten Schlacht des Ersten Weltkrieges gekämpft wird, die Freiheit, welcher als erwünschtes Werkzeug der Westen selber dient, dessen Griff über die Erde das Zeitalter der großen Kriege des Reiches ermöglicht."

 

5. Unterirdisch im Dritten Reich

 

Die Nationalisten alten Schlages und die KPD konnten hier begreiflicherweise nicht folgen. Ernst Niekisch urteilte: "Das ist ja nicht mehr Nationalismus". Alfred Kantorowicz erkannte in der Vossischen Zeitung am 14. September 1931 als einer der wenigen, wohin die Reise ging: Das sei weder Politik noch Philosophie, sondern Theologie. Otto-Ernst Schüddekopf bemerkt sehr treffend, die Disproportion zwischen dem engen deutschen Nationalismus des 19. Jahrhunderts und den heraufnahenden globalen Machtkämpfen suchte man im radikalen Nationalismus Weimars zu überwinden. Der Sprung in die Freiheit durch die Idee des "Reiches" der Deutschheit, die mit den Voraussetzungen des deutschen Nationalstaates nichts mehr zu tun hat - der Nationalsozialismus bedeutete demgegenüber einfach Reaktion. Kollektivistisches Denken und bolschewistische Lebensform wurden als typenbildende Kraft akzeptiert. So konnte man die alten Massenparteien aus den Angeln heben und sich selbst als die die Zukunft des Reiches bestimmende Kraft definieren.

 

Nach der NS-Machtergreifung stellte Friedrich Hielscher die Herausgabe des "Reiches" ein, um sich der unterirdischen Arbeit gegen den Hitlerismus zu widmen. Ziemlich zutreffend rechnete er mit einer Dauer des Tausendjährigen Reiches von ca. 12 Jahren, während der Großteil der nationalrevolutionären Parteigänger Hitler zu diesem Zeitpunkt nicht ernst nahm. Während Persönlichkeiten wie Schauwecker sich der neuen Ordnung anpaßten, blieben Friedrich Hielscher, die Gebrüder Jünger und Ernst Niekisch als intellektuelle Kristallisationspunkte des nationalrevolutionären Untergrundes. Der Hielscher-Zirkel entwickelte sich zu einer kleinen Untergrundzelle, zu der auch der ehemalige Ehrhardt-Adjutant Franz Liedig gehörte. Über Liedig und August Winnig hielt die Gruppe lockeren Kontakt zu oppositionellen Militärs. Verbindungen bestanden zur sozialdemokratischen Gruppe um Mierendorff, Leuschner, Haubach und Reichwein.

 

Von größerer spiritueller Bedeutung war die 1933 nach dem Umzug nach Potsdam erfolgte Gründung der Unabhängigen Freikirche UFK als heidnisch-pantheistischer Glaubensbewegung auf indogermanischer Grundlage: "Ich glaube an Gott den Alleinwirklichen. Ich glaube an die ewigen Götter. Ich glaube an das Reich." Heidnische Elemente aus der deutschen Klassik und Romantik wurden mit dem ketzerischen Pantheismus eines Johannes Scotus Eriugenas, Nietzsche und dem überlieferten keltisch-germanischen Volksglauben verknüpft zu einer sehr bald für Außenstehende äußerst schwer zu erfassenden theologischen Einheit. Die Theologie der UFK war kein statisches Gebilde, sondern wie das Reich eine dynamisch weiterzuentwickelnde Aufgabe.

 

1934 beteiligte Hielscher sich am von Curt Horzel herausgegebenen Sammelband "Deutscher Aufstand" und veröffentlichte wahrhaft prophetische Sätze: "Erster Satz: Der wilhelminische Staat hat den Krieg verloren, aber Deutschland hat ihn gewonnen.

Zweiter Satz: Deutschland hat den Krieg nicht nur dadurch gewonnen, daß es neue innere Kraftquellen erschlossen hat, sondern auch durch die Erschütterung der ganzen Erde, durch die alle Voraussetzungen aller Völker ins Wanken geraten sind.

Dritter Satz: durch die von Deutschland ausgehende Erschütterung ist es zum entscheidenden Lande auch des vor uns stehendem Zweiten Erdkrieges geworden." Diesen hatten schon Nietzsche, Trotzki und Ludendorff prophezeit. "Es leuchtet ein, daß dort, wo alle Kräfte sich überschneiden, die Entscheidung fallen muß." Der Kampf zwischen Imperialismus und Revolution wird hier ausgefochten, zwischen Bolschewismus und Hochkapitalismus, zwischen Asien und West. Deutschland als Land der Mitte sucht nach einer Synthese zwischen den Gegensätzen. Als Ausweg forderte Hielscher den Kontinentalblock Deutschland-Sowjetunion-China.

 

Eine beinahe antik anmutende Tragödie nahm ihren Anfang, als Hielschers Freund und Schüler Wolfram Sievers 1935 zum Geschäftsführer der SS-nahen Kulturstiftung Ahnenerbe avancierte. Die völkisch-indogermanischen Elitevorstellungen der Hielscher-Gruppe trafen sich durchaus mit denjenigen der SS. Hatte Hielscher sich in den Elfenbeinturm zurückgezogen, so versuchte der aktivistische Praktiker Sievers nun, das Konzept in die Tat umzusetzen und geriet außer Kontrolle. Zunächst beteiligte der Geschäftsführer sich daran, das bäuerlich-defensive Element des Reichsnährstandes aus dem Ahnenerbe hinauszudrängen und stattdessen dem soldatischen Charakter der SS-Ideologie mehr Platz zu verschaffen. Von Bedeutung war neben frühgeschichtlichen, volkskundlichen und indogermanologischen Forschungen z.B. der Versuch, die deutschen Hochschulen zwecks Schaffung eines neuen wissenschaftlichen Geistes von der Schutzstaffel infiltrieren zu lassen. Im Januar 1941 legte Sievers in einem internen Memorandum die Ziele der Erforschung von Raum, Geist und Tat des nordischen Indogermanentums dar: "Hauptziel ist es, vom Kulturellen her in Deutschland selbst das Reichsbewußtsein neu zu wecken, bezw. zu vertiefen, von dessen einstiger Größe beispielsweise ein Straßburger Münster, die Prager Burg, das Fuggerhaus auf dem Warschauer Altmarkt, die flandrischen Tuchhallen noch heute Zeugnis ablegen über Jahrhunderte hinweg, in denen das Reich schwach und im böhmisch-mährischen Raum, in den Niederlanden, im Flamentum, in der Schweiz das Gefühl der Zugehörigkeit zum Reich verloren gegangen war. Es wird notwendig sein, die Verbindungen bloß zu legen, die dennoch niemals abgerissen sind, die Überfremdung durch Kirche, Liberalismus, Freimaurerei und Judentum hinwegzuräumen und die Wiedervereinigung der Menschen germanischen Blutes im Reich zu erleichtern, das - lange seiner selbst durch internationale Ideologien entfremdet - trotz allem germanische Art am stärksten gewahrt hat."

 

Mit Kriegsausbruch verstrickte das Ahnenerbe sich in kulturelle Beutezüge im besetzten Europa und in verbrecherische Menschenversuche, die Sievers nach dem Zusammenbruch die Hinrichtung einbringen sollten. Immerhin gestattete die Tätigkeit für das Ahnenerbe ab 1937 auch Hielscher, unter dem Deckmantel wissenschaftlicher Aufträge umherzureisen und Verbindungen zu Oppositionellen zu halten. Am 2. September 1944 wurde er in Marburg wegen seiner Beziehungen zu Mitverschwörern des 20. Juli verhaftet und ins Berliner Männergefängnis an der Lehrterstraße verbracht. Die Gestapo übersah die Beziehungen zu Franz Liedig oder Hartmut Plaas und interessierte sich vor allem für die Kontakte zu Haubach, Reichwein und dem Grafen von der Schulenburg. Der alarmierte Sievers erwirkte am 19. Dezember 1944 die Haftentlassung. Hielscher mußte sich zur Frontbewährung melden, die er bei einer Ersatz-Nachrichtenabteilung verbrachte, ohne auch nur einen Schuß abzugeben. Nach dem Zusammenbruch konzentrierte Friedrich Hielscher seine wissenschaftliche und weltanschauliche Arbeit auf das studentische Verbandsleben und die Unabhängige Freikirche.

 

"Der Blick auf die Vergangenheit lehrt uns die Notwendigkeit, der Blick in die Zukunft lehrt uns die Freiheit. Die Vergangenheit zeigt, was vorgegeben, die Zukunft, was uns aufgegeben ist. Die Zeit ist weder unser Herr, noch unser Feind oder Freund, sondern die Zeit sind wir selber als die Wandelnden und sich Verwandelnden, und jeder ist es zu seinem Teile. Wer also der Zeit absagt, sagt damit entweder anderen ab oder sich selbst und seiner eigenen Aufgabe. Und zwar Anderen, die heute so herrschen, wie man nicht herrschen sollte, oder sich, indem er jenen gehorcht.

Das Zweite liegt uns fern. Und damit sind wir gebunden, der unrechten Herrschaft die Wurzel abzugraben. Also doch gebunden? Jawohl; und wir haben nur die Wahl, entweder gebunden im Gewissen und damit frei vor der Welt, oder unverbindlichen Gewissens und damit der Welt untertan zu leben.

Auch ist festzuhalten, daß die Freiheit oder Untertänigkeit vor der Welt von anderer Art ist als die Gebundenheit oder Ungebundenheit des Gewissens. Dort geht es um unsere Bewegungsfreiheit, die wir zu verteidigen oder preiszugeben uns entschließen müssen, hier um unsere Willensfreiheit, mit der wir uns an das binden oder nicht binden, was uns im Gewissen geboten ist.

Und verknüpft sind beide, die Willens- und die Handlungsfreiheit, nur insoferne, als sich über kurz oder lang der zweiten begibt, wer die erste mißbraucht." (Fünfzig Jahre unter Deutschen)

 

 

 

Literaturhinweise:

 

Peter Bahn: Glaube - Reich - Widerstand. Zum 10. Todestag Friedrich Hielschers, in: wir selbst 1-2/2000

Louis Dupeux: "Nationalbolschewismus" in Deutschland 1919-1933, München 1985

Friedrich Hielscher: Innerlichkeit und Staatskunst, Arminius 26.12.1926

Friedrich Hielscher: Der andere Weg, Arminius 30.01.1927

Friedrich Hielscher: Die Faustische Seele, Arrminius 13.02.1927

Friedrich Hielscher: Die Alten Götter, Arminius 20.02.1927

Friedrich Hielscher: Für die unterdrückten Völker! Arminius 20.03.1927

Friedrich Hielscher: Fünfzig Jahre unter Deutschen, Hamburg 1954

Friedrich Hielscher: Das Reich, Berlin 1931

Curt Hotzel: Deutscher Aufstand, Stuttgart 1934

Michael H. Kater: Das "Ahnenerbe" der SS 1935-1945. Ein Beitrag zur Kulturpolitik des Dritten Reiches, Stuttgart 1974

Markus Josef Klein: Ernst von Salomon. Eine politische Biographie, 1994 Limburg an der Lahn

Susanne Meinl: Nationalsozialisten gegen Hitler. Die nationalrevolutionäre Opposition um Friedrich Wilhelm Heinz, Berlin 2000

N.N.: Das Innere Reich, in Sturmgeweiht, Ausgabe Sommer 1995

Karl O. Paetel: Versuchung oder Chance? Zur Geschichte des deutschen Nationalbolschewismus, Göttingen 1965

Otto Ernst Schüddekopf: Linke Leute von Rechts. Nationalbolschewismus in Deutschland von 1918-1933, Stuttgart 1960

Sonnenwacht. Briefe für Heiden und Ketzer, Ausgabe 12, 2000

Goetz Otto Stoffregen (Hrsg.): Aufstand. Querschnitt durch den revolutionären Nationalismus, Berlin 1931

ZIRKULAR, Ausgaben 1 bis 3, 2001

 

 

"Kamayani": mysticisme de la "bakhti"

12848.jpg«Kamayani»: mysticisme de la “bakhti”

 

Dans leur collection d'oeuvres représentatives, les éditions de l'UNESCO publient Kamayani de Jay Shankar Prasad (1889-1937). Nicole Balbir écrit dans sa préface: «Le mysticisme de la “bhakti”, ce partage direct de l'individu avec la divinité en l'approchant par l'amour en dehors du système de la caste et du rituel traditionnel, renforce l'approche non dualiste d'une certaine philosophie hindoue. L'âme individuelle fait partie intégrante de l'âme universelle. Ces caractéristiques se retrouvent dans l'épopée de Jay Shankar Prasad, Kamayani. Au milieu du XIXè siècle, le hindi, langue urbaine à peu près standardisée par rapport aux variétés régionales de la plaine indo-gangétique et dont le langage parlé, l'hindoustani, est commun aux musulmans et aux hindous, devient une langue littéraire à part entière. Le vocabulaire abstrait s'enrichit de mots sanskrits et de mots nouveaux formés sur la base du sanskrit pour exprimer des concepts abstraits. La prose se développe rapidement et donne naissance à des genres littéraires plus ou moins inspirés de l'Occident, tels essais, nouvelles, romans, etc. Cependant la poésie reste la grande favorite. Elle n'est plus nécessairement chantée ou psalmodiée, et, s'inspirant des poètes occidentaux par l'intermédiaire de l'anglais, elle utilise des mètres nouveaux. Il en est ainsi pour Kamayani. Sur le fond, on peut y déceler, bien qu'assez indirectement, l'influence venue de l'Occident illustrée par la fierté nationaliste en plein essor, une relation plus personnelle avec la nature environnante, l'idée plus chrétienne qu'hindoue de mettre l'Homme au centre de l'univers. Mais, clairement, l'œuvre plonge dans la philosophie hindoue et l'auteur, adepte du shivaïsme, reste fidèle à ses croyances. Sa culture sanskrite très authentique transparaît dans la plupart des images, métaphores et comparaisons qu'il utilise. Les ornements qui font la richesse poétique du kavya (poésie de haut niveau) en sanskrit sont pleinement employés, même s'il n'est pas toujours facile de les rendre perceptibles dans une traduction puisqu'ils sont intimement liés à la syntaxe, à la morphologie et à la phonétique de la langue source» (J. de BUSSAC).

 

Jav Shankar PRASAD, Kamayani, Editions UNESCO/Langues et mondes, 1997, 254 pages, 180 FF.

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mercredi, 28 octobre 2009

Julius Evola: The Path of Cinnabar

Path3431808077_c83920c7a4.jpgJulius Evola: The Path of Cinnabar

Quick Overview

Not previously available in the English language, this is the first translation of Julius Evola’s autobiography, Il Cammino del Cinabro. The book provides a guide to Evola’s corpus as he explains the purpose of each of his books. This book is the key which unlocks the unity behind Evola’s diverse interests. It is a perfect place to start for those new to Evola’s thought, and a must read for all seasoned Evolians. The book includes hundreds of well-researched footnotes and a complete index. This book is also available in a hardback edition.

Product Description

Julius Evola was a renowned Dadaist artist, Idealist philosopher, critic of politics and Fascism, 'mystic', anti-modernist, and scholar of world religions. Evola was all of these things, but he saw each of them as no more than stops along the path to life's true goal: the realisation of oneself as a truly absolute and free individual living one's life in accordance with the eternal doctrines of the Primordial Tradition. Much more than an autobiography, The Cinnabar Path in describing the course of Evola's life illuminates how the traditionally-oriented individual might avoid the many pitfalls awaiting him in the modern world. More a record of Evola's thought process than a recitation of biographical facts, one will here find the distilled essence of a lifetime spent in pursuit of wisdom, in what is surely one of his most important works.

Additional Information

Title Julius Evola: The Path of Cinnabar (Softcover)
Author Evola, Julius
Full Title The Path of Cinnabar: An Intellectual Autobiography
Binding Softcover
Publisher Integral Tradition (2009)
Pages 302
ISBN 9781907166020
Language English
Price € 19.95
Short Description

Not previously available in the English language, this is the first translation of Julius Evola’s autobiography, Il Cammino del Cinabro. The book provides a guide to Evola’s corpus as he explains the purpose of each of his books. This book is the key which unlocks the unity behind Evola’s diverse interests. It is a perfect place to start for those new to Evola’s thought, and a must read for all seasoned Evolians. The book includes hundreds of well-researched footnotes and a complete index. This book is also available in a hardback edition.

Table of Contents

Foreword
A Note from the Editor
A Note from the Publisher

1. The Path of Cinnabar
2. Personal Background and Early Experiences
3. Abstract Art and Dadaism
4. The Speculative Period of Magical Idealism and the Theory of the Absolute Individual
5. My Encounters with the East and ‘Pagan’ Myth
6. The ‘Ur Group'
7. My Exploration of Origins and Tradition
8. My Experience with 'La Torre’ and Its Implications
9. Hermeticism and My Critique of Contemporary Spiritualism - The Catholic Problem
10. ‘Revolt Against the Modern World’ and the Mystery of the Grail
11. My Work in Germany and the ‘Doctrine of Awakening’
12. The Issue of Race
13. In Search of Men Among the Ruins
14. Bachofen, Spengler, the ‘Metaphysics of Sex’ and the ‘Left-Hand Path’
15. From the ‘Worker’ to ‘Ride the Tiger’

Appendix: Interviews with Julius Evola (1964-1972)

About the Author

Julius Evola (1898 -1974), Italian traditionalist, metaphysician, social thinker and activist. Evola is an authority on the world's esoteric traditions and one of the greatest critics of modernity. He wrote extensively on ancient civilisations of both East and West and the world of Tradition.

vendredi, 09 octobre 2009

Chamanisme: le sorcier, la voie du Wyrd

Dad&Wyrd4.jpgChamanisme: le sorcier, la voie du Wyrd

 

Le livre de l'universitaire Brian Bates Le Sorcier. La voie du Wyrd, paru en 1983, vient d'être traduit et publié en français par les éditions du Rocher. L'ouvrage raconte le chemin initiatique d'un jeune novice chrétien auprès d'un chaman anglo-saxon nommé Wulf L'intérêt et le succès de ce livre à l'étranger proviennent du fait que ce livre s'inscrit dans une lignée d'œuvres parmi lesquelles celles de Tolkien et de Castaneda sont sans doute les plus connues. Ecoutons Brian Bates: «Je suis un psychologue et ce livre est le fruit d'un projet de recherche majeur sur la nature de la magie anglo-saxonne. Bien qu'il ra­conte l'histoire fantastique d'un sorcier et de son apprenti, ce n'est pas un travail de fiction au sens strict, car la Mission, les cadres historiques, les enchaînements d événements, les détails des enseignements  —le personnage même de Wulf, le sorcier—  sont reconstruits à partir de témoignages issus de la recherche. A la fin du livre, je fournis une bibliographie des sources principales (...). Si d'un côté, le lecteur peut découvrir dans ce livre des enseignements qui le concernent person­nellement, on y trouve également un nombre important de principes généraux de la Voie du Wyrd qui sont d'une grande portée. Fondamentalement, le sorcier de la “Terre du Milieu” a élaboré une conception de la vie appelée Wyrd: une manière d'être et de devenir qui transcende nos notions conventionnelles de libre arbitre et de déterminisme. Tous les aspects du monde étaient vus comme entraînés dans un flux, un mouvement constant entre les polarités psychologiques et mystiques du Feu et de la Glace: une vision créatrice et organique, parallèle aux concepts orientaux classiques du Ying et du Yang. Elle est répercutée et appuyée par de récents développements en physique théorique selon lesquels le monde est conçu à partir de relations et de représentations. De ce concept de Wyrd résulte une vision de l'univers, depuis les dieux jusqu'au monde souterrain, représenté par un système de fibres gigantesques atteignant tout, une sorte de monu­mentale toile d'araignée en trois dimensions. Chaque chose était reliée par des ramifications à cette structure englobant tout. Le moindre événement générait des répercussions perçues par l'intégralité de la toile. Par son ambition, cette image dépasse de loin nos vues écologiques actuelles, qui ont pourtant déjà étendu nos notions de cause et d'effet pour inclure des chaines d'influence dans le monde naturel plus longues et plus latérales. Mais la toile du sorcier anglo-saxon propose un modèle écologique qui incorpore tant les événements de la vie individuelle que les phénomènes physiques et biologiques, tant les événements immatériels que les événements matériels, et remet même en question les chaînes de cause et d'effet sur lesquelles reposent nos théories écologiques». Brian Bates a construit son livre à partir d'un manuscrit conservé au British Museum (ms Harley 585) qui donne un ensemble de remèdes médico-magiques, vraisemblablement rassemblés par des moines chrétiens au Xième siècle mais qui exposent une tradition païenne antérieure de plusieurs siècles. Ne se contentant pas d'études livresques, B. Bates écrit: «J'ai établi à l'université du Sussex, en Angleterre, un programme ma­jeur de recherche pour explorer le chamanisme expérimental avec un accent particulier mis sur l'héritage européen. Le Shaman Research Project est une entreprise inhabituelle pour une université, car son but n'est pas purement d'élaborer une connaissance universitaire d'une forme historique du chamanisme, mais de recréer le chamanisme expérimental de l'époque anglo-celtique». Le livre est traduit et annoté par Arnaud d'Apremont.

 

Jean de BUSSAC.

 

Brian BATES, Le Sorcier. La voie du Wyrd, Editions du Rocher, 1996, 272 p.,110 FF.

lundi, 05 octobre 2009

L'essence métaphysique du paganisme

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L'essence métaphysique du paganisme

(analyse de la véritable spécificité de la pensée païenne)

 

* * *

 

Jean-Marc Vivenza

 

On le sait, mais on l'oublie trop souvent, ce sont les principes situés à la racine même des choses, qui fondent véritablement les idées génériques placées à l'origine des différentes conceptions du monde. Or ce qui distingue radicalement le paganisme du christianisme (termes qui, rappelons-le, concrètement, aujourd'hui, ne qualifient plus en Europe aucune réalité religieuse distincte puisque, que cela plaise ou non, l'histoire a conjugué non sans quelques difficultés il est vrai, ces deux dénominations en un seul destin), est une divergence majeure qui ne porte pas entre polythéisme et monothéisme (1), mais de façon irréconciliable porte sur la notion de création.

 

Ce qui spécifie, et sépare de manière catégorique le paganisme de la pensée biblique c'est leur analyse divergente au sujet de l'origine du monde, de l'origine de l'être. Si, pour les païens, le monde est de toute éternité incréé et suffisant ontologiquement, par contre, la pensée hébraique considère le monde comme résultant d'une création "à partir de rien", doctrine que la Bible place en tête de son introduction puisque le premier de ses versets nous dit, "Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre", (2). Les points de vue, les concepts païens et hébreux sont irréductibles, radicalement hétérogènes, il y a une incompatibilité foncière entre les deux approches de la question de l'existence du monde; c'est sur ce point que se trouve la véritable ligne de partage des eaux, la césure entre pensée hébraïque et pensée païenne. C'est sur ce point, et non pas sur l'allégeance exprimée à telle ou telle figure divine, à telle ou telle divinité tutélaire, dans l'attachement à Zeus l'olympien ou au Yawhé du Sinai, que se situe la divergence foncière.

 

I. Problème de la pensée religieuse.

 

On ne saurait trop insister sur ce que pourrait avoir d'illusoire l'idée, pour fonder une alternative nouvelle, qui consisterait à se rattacher à un paganisme affectif et dévotionnel, dans lequel seraient mis en concurrence et en opposition les dieux qualifiés "d'historiques", et le Dieu dit "unique" de la révélation biblique. C'est, hélas, sur cette fausse opposition, que se développa (et se développe encore...) une sorte de vague reliogisité païenne, dans laquelle est caressé l'espoir hypothétique d'un retour des dieux. Or jamais, sur ces questions, le vouloir ne peut avoir de prise, "il n'est pas possible de faire être par la volonté ou la parole les choses elles-mêmes" (3). Bien souvent, le désir d'un redéploiement d'un paganisme réel, tend à laisser penser, qu'il serait nécessaire de refaire surgir de nouveau les anciens mythes. Or, ou bien ce qui est mort est mort, et de la mort rien ne peut renaître, ou bien en réalité rien n'est jamais mort (les dieux en principe ne meurent pas...) et donc rien n'a jamais disparu, mais se trouve dissimulé sous d'autres appellations.

 

Le plus étrange dans l’examen de cette question religieuse, c'est que le paganisme finissant, nous montre une religiosité que l'on peut qualifier sans peine de préparatoire à l'avènement du christianisme, ce qui n'est pas sans poser quelques problèmes. En effet, si nous regardons l'histoire avec attention, nous voyons que lorsque l'empereur Julien (361-363) tenta d'instaurer contre le christianisme triomphant, une religion à ses yeux plus conforme aux traditions gréco-romaines, il exprima sa doctrine en des termes, qui concilièrent le Sol Invictus et Attis: " Un Etre suprême, unique, éternel anime et régit l'organisme universel, mais notre intellect seul en conçoit l'existence. Il a engendré de toute éternité le Soleil, dont le trône rayonne au milieu du ciel. C'est ce second démiurge qui, de sa substance éminemment intelligente, procrée les autres dieux" (4). Ne serait-il donc pas permis de se demander sérieusement, dans quelle mesure, l'évolution des religions grecque et romaine n'a pas favorisé le triomphe du christianisme ?

 

Allons-même plus loin : si l'on étudie les choses avec réalisme, ne constate-t-on pas que dès Hésiode, qu'on le veuille ou non, la réflexion strictement religieuse des Grecs commence à ouvrir un chemin vers le monothéisme, et tente de fonder la morale sur la religion ? A Rome, la conception du Jupiter archaïque, arbitre souverain et garant de la bonne foi, attestera une orientation dans le même sens, plus instinctive certes, mais non moins évidente. Sans doute, l'entrée massive des éléments néo-platoniciens et orientaux dans la religion et la pensée hellénico-romaine rapprochera encore Athènes et Rome du christianisme futur, en fournissant un aliment mystique au désaroi du peuple, en répandant la notion de salut, en imposant, confusément encore, la conception d'un hénothéisme qui n'est pas éloigné, dans le stoïcisme, du monothéisme. Mais il est intéressant de voir que le mouvement religieux qui portait les esprits à l'époque impériale fut, dans son ensemble, plus que favorable à la pénétration du christianisme dans l'Empire. Et ce constat, doit nous porter à entreprendre une réflexion plus précise au sujet de la facilité avec laquelle le christianisme prit greffe sur le paganisme. Ceci n'est pas anodin et, disons-le clairement, jamais une religion étrangère n'aurait pu triompher si ne s'étaient pas trouvés des éléments communs à l'intérieur même du système religieux antérieur. Il n'existe absolument aucun exemple historique d'une religion s'imposant sans violence à un système étranger à elle-même, ou plutôt disons, qu'il n'existe qu'un seul exemple historique: le triomphe du christianisme à Rome sous Constantin ; voyons pourquoi.

 

Les causes de ce triomphe peuvent se résumer en quelques lignes significatives. Les cultes avaient en réalité, avec la nouvelle religion de nombreux traits identiques: la monolâtrie de fait qu'ils proclamaient, le souci de l'ascèse morale et spirituelle; autant l'admettre, quel que soit le degré d'élévation de tous ces cultes, ils répondaient tous aux mêmes besoins par les mêmes moyens. Fondés sur les notions de mort et de résurrection, de naissance nouvelle et de filiation divine, d'illumination et de rédemption, de divinisation et d'immortalité personnelles, ils prétendaient assurer aux fidèles le contact direct avec la divinité, et l'espoir d'une survie bienheureuse. Ils témoignaient en outre, par le biais d'une dévotion dirigée sur un seul dieu, d'une aspiration au monothéisme très prononcée. A l'intérieur de chaque "secte", le dieu sauveur était conçu comme supérieur à toutes les autres divinités et tendait à les éclipser. Mais il y a plus, les analogies de fond et de forme qui existaient entre tous les cultes conduisirent à penser que sous les noms d'Attis, de Mithra, etc... le même Dieu se manifestait, qu'on le considère comme le Dieu "véritable", ou comme un simple intermédiaire importait peu. Ceci explique pourquoi les tentatives prématurées d'Elagabal recevront de fait, leur consécration officielle grâce à Aurélien (270-275), qui sut habilement réaliser le syncrétisme devenu inévitable. On sait qu'il choisit pour divinité suprême Sol Invictus, dans lequel les fidèles des diverses sectes pouvaient reconnaître aussi bien Baal, qu'Attis, Osiris, Bacchus ou Mithra. Sol Invictus présentait d'autre part, l'avantage d'être assimilable à Apollon, et également à une vieille divinité romaine, Sol Indiges, dont l'origine remontait au temps mythique de la fondation de la cité. Sur cette lancée, Aurélien compléta son entreprise en faisant admettre définitivement la divinité de l'empereur vivant, considéré comme incarnation de Dieu sur la terre. En réalité la seule doctrine qui se heurta à l'antipathie du pouvoir, fut le stoïcisme qui, jusqu'à l'avènement de Marc-Aurèle, servit de refuge hautain à l'opposition.

 

Le christianisme, de son côté, héritant du judaïsme l'intransigeance des Macchabées, mit en pratique la parole du Christ: "Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu" (5). Sujets loyaux de l'Empire, les chrétiens refusèrent d'encenser les dieux, et de reconnaître la divinité d'un homme, fût-il l'empereur. Leur crime aux yeux de l'Etat, fut politique et non religieux; ou plutôt, il ne fut religieux que parce que leur attitude manifestait fermement leur volonté de conserver leur foi à l'abri des contaminations du syncrétisme. En fait, l'Empire eût été prêt à accueillir le christianisme comme les autres religions, cela est si vrai, que c'est au nom même du syncrétisme et de l'intérêt de l'Etat que fut proclamée, en 313, l'égalité de la religion chrétienne avec la religion officielle par le rescrit de Licinius: "Nous avons cru, est-il dit, devoir donner le premier rang en ce qui concerne le culte de la divinité, en acordant aux chrétiens comme à tous, la libre faculté de suivre la religion qu'ils voudraient, afin que tout ce qu'il y a de divinité au ciel pût nous être favorable et propice, à nous et à tous ceux qui sont sous notre autorité" (6). Le testament religieux du paganisme gréco-romain finissant, n'était donc pas étranger au christianisme naissant, et les Pères de l'Eglise ne s'y sont d'ailleurs pas trompés, qui ont vu en lui l'une des voies préparatoires que Dieu proposa aux hommes pour découvrir son visage.

 

Que l'on n'imagine pas, toutefois, en désespoir de cause, trouver dans le paganisme celto-germanique un "recours", qui représenterait un meilleur garant comparativement à l'héritage greco-latin, car la tradition nordique présente les mêmes dangers que sa soeur du sud. Les incessantes luttes fratricides entre les chefs tribaux dépourvus de toute conscience historique, la lente mais réelle disparition progressive de la classe sacerdotale (Godis), le venin intellectuel que représente l'idée d'une procession du divin d'un centre pur et inaltérable vers le dehors par une série d'hypostases et de démiurges, le sens du péché consistant dans l'éloignement du monde de son sens divin, on retrouve ici les mêmes et identiques facteurs d'une lente progression vers le Dieu unique.

 

Que nous enseignent ces faits ? Tout simplement que pour pouvoir échapper au monothéisme il convient, non pas de savoir "comment être païen" au sens religieux du terme, comme beaucoup l'ont cru et, l'imaginent malheureusement encore, mais de comprendre en quoi consiste véritablement l'essence du paganisme, non pas du point de vue religieux, mais du point de vue métaphysique, là où se situe l'authentique et irréductible divergence d'avec la pensée biblique, là où les thèses présentent une fracture, une incompatibilité foncière. Redisons-le, la religiosité n'est qu'une forme culturelle affective non autonome. Liée à un substrat collectif traditionnel, le sens religieux, par sa plasticité, peut se voir dépouillé de ses bases métaphysiques et s'adapter sans difficultés à d'autres conceptions. L'avènement du christianisme en est le plus bel exemple. Ce n'est donc pas au niveau du religieux qu'il nous faut découvrir l'essence du paganisme, mais au niveau de son essence profonde, au niveau de sa métaphysique propre, là où se déploie sa véritable nature. C'est pourquoi, il est vital d'atteindre l'essence de son ontologie, là où la question de l'être se révèle comme centrale, car c'est de ce point seulement que pourra surgir l'aurore d'un nouveau Sacré.

 

II. Le fondement de la métaphysique païenne.

 

L'originalité de la pensée païenne se situe sur un point fondamental, point qui ordonne tout l'édifice de son essence intime: le problème de l'éternité du monde, de son autosuffisance ontologique. Pour les païens, l'idée que le monde puisse avoir été créé, est une proposition absurde, incongrue, alors qu'elle est la base de la foi chrétienne, qui hérite en cela du créationisme biblique :"Credo in Deum Patrem omnipotentem creator coeli et terrae" (7). C'est là le centre, le coeur, de toutes les divergences.

 

La création, en climat théologique biblique, est une opération qui s'effectue "ex nihilo" (8), c'est-à-dire que rien ne lui préexiste, sauf Dieu bien évidemment (ce qui n'est d'ailleurs pas la moindre des incohérences de vouloir faire que la cause de l'existence des choses manque au principe même qu'elle prétend expliquer, échappant elle-même à la loi de la causalité dont on nous dit qu'elle préside à l'existence de toute chose!). Chez les païens au contraire, les dieux sont considérés comme les représentants suprêmes d'un Tout divin. Ils sont les premiers dans l'être, mais non point les premiers par rapport à l'être. Leur transcendance n'est pas reconnue, il n'existe pas de Grand Séparé; dans ces conditions, c'est au Grand Tout qu'est attribué la nécessité éternelle. Le problème pour le paganisme ne se pose qu'à partir d'une matière commune, nul ne s'avise de rechercher la cause de l'être ou du monde. Ce monde, cet être, n'a pas besoin d'autre explication que lui-même; il est nécessaire, et de cette nécessité, chez Aristote, le "Premier moteur" n'en est que le premier bénéficiaire, il n'en est pas la cause. Il meut, il actionne la machine universelle, il ne la crée pas. Son action présuppose quelque chose d'aussi nécessaire que lui, et qui représente une passivité éternelle sous son activité ou son influence.

 

Il importe cependant de réfléchir sur la validité et la crédibilité des thèses en présence ; pour ce faire, la philosophie n'a aucunement besoin des sciences physiques ou mathématiques, qui ont d'ailleurs plutôt tendance, depuis quelques années, à flirter étrangement avec la mythologie ou l'imaginaire, et à ne plus être en mesure d'élaborer un discours véritablement sérieux. D'autant que sur la question de savoir si le monde a été créé du néant ou pas, les sciences avouent humblement leur incapacité à pouvoir fournir une réponse, tant leur méthode les rend muettes sur ce sujet. La philosophie par contre, lorsqu'elle exerce son authentique faculté de jugement, dépasse en qualité, profondeur et certitude, toutes les hypothèses des disciplines fragmentaires; elle n'est pas mère de toutes les sciences pour rien!

 

La philosophie, effectivement, est capable (lorsqu'elle ne part pas de l'ego, mais du réel expérimenté en tant qu'il est, lorsqu'elle sait que le seul et véritable maître, c'est le réel), de par son jugement propre, de saisir et d'affirmer la vérité touchant l'Univers et les choses, et cette vérité est l'oeuvre de son intelligence analytique, car le réel est structuré selon un ordre et une logique qui relèvent de l'ontologie, c'est-à-dire de la science de l'être. C'est ainsi qu'avant même Nils Bohr ou Costa de Beauregard, et sans l'aide du lourd appareillage des laboratoires de physique nucléaire, on savait déjà au IVème siècle avant notre ère en Grèce, que l'espace et le temps ne sont pas des idées pures ou des catégories a priori, ni un réel consistant, antérieur aux objets qui le remplissent, mais précisément les accidents propres aux substances matérielles, dimensives et permensives.

 

III. L'être et le temps.

 

Examinons donc à l'aide de la logique analytique la thèse biblique d'une création "ex nihilo", et voyons si ce dont on nous parle, c'est-à-dire d'un état censé avoir précédé le monde, d'un état "d'avant le commencement", est une hypothèse crédible. Cet "avant le commencement" désigne un temps nous dit-on, mais de quel temps parle-t-on ? Y avait-il un temps avant le temps ? Cela n'a, pour dire les choses clairement, aucun sens, cela ne désigne rien; car il n'y a pas, et ne peut y avoir, deux temps, l'un avant où le monde n'existerait pas encore, l'autre après, le temps du monde, venant se superposer au premier comme un rail sur une voie préparée à le recevoir.

 

Si le monde est fini en arrière, il n'y a rien avant, ni temps ni autre chose. Il n'y a donc pas d'avant, il n'y a pas, et ne peut y avoir "d'avant le commencement". Pour qu'il y ait eu un moment, fut-il un moment du rien, il faut qu'il y ait quelque chose, or un moment est une position du temps, est le temps, est une mesure des choses existantes. La durée est un attribut, et la durée d'une chose ne pouvant précéder cette chose, il est clair que si cette chose est le Tout, il ne peut y avoir de durée en dehors d'elle. Un jour, nous dit-on dans la Genèse, Dieu se décida à donner l'existence au monde. Un jour! Quel jour ? Ce jour n'existe pas plus que cet "avant le commencement", il n'y a pas de durée où le loger. Le premier jour qui ait existé, c'est le premier jour du monde lui-même. Nous sommes, de ce fait, obligés d'admettre que le monde a toujours existé puisqu'il n'y a pas de jour où il n'ait pas existé !

 

La vérité, est que le temps commence avec le monde lui-même: il n'y a pas de temps en arrière; le tout du monde comprend aussi le tout de la durée. Le monde existe et a existé depuis tout le temps qui existe, il n'y a aucun temps possible où il n'ait pas existé, il n'y a pas, en toute logique, "d'avant le commencement" - le monde ne peut pas ne pas avoir toujours existé puisqu'il est. Quant à parler d'un temps "avant la création", d'un temps précédant le temps qu'inaugurerait la création, cela est une pure et chimérique imagination, une vision, un rêve enfantin. En effet, il ne peut y avoir continuité entre ce temps imaginaire et le temps réel, on ne met pas bout à bout un rêve et le réel. On ne peut faire commencer le monde qu'au début de la durée où il existe, car on ne compte les jours que de ce qui existe, ce qui n'existe pas ne peut pas se compter; il n'y a pas de premier jour pour ce qui n'a pas vu le jour: tout commencement est donc forcément une suite.

 

IV. L'être et le néant.

 

Mais poursuivons, plus avant encore, notre raisonnement, et voyons les conséquences qu'impliquent la croyance en l'hypothèse d'un temps fini en arrière, c'est-à-dire d'un temps ayant commencé après n'avoir pas été. On n'y pense peut-être pas assez, mais si le temps est fini en arrière, on est obligé de se heurter au vide et ainsi de s'imposer à un contact entre le tout et le rien. Or entre l'être et le néant, entre le tout et le rien, il ne peut y avoir contact, "du rien, rien ne vient" (9). C'est d'ailleurs l'opinion de Mélissos de Samos lorsqu'il écrit :"Ce qui était a toujours été et sera toujours (...) car rien n'aurait pu, de quelque manière que ce soit, sortir de rien" (frag., B 8), (10). Surgir du néant c'est ne pas surgir du tout puisque le néant est une pure négation; et voici cependant que l'on fait du néant un point de départ positif.

 

Le néant, "est" une pure négation d'existence, le néant "n'est" pas un état, le néant "n'est" que néant, (si toutefois nous pouvons employer le verbe "être" à propos du néant). Pour venir à l'être, ce que l'on implique en parlant d'une création, il faudrait qu'il y ait déjà de l'être, or "de ce qui n'est pas, rien ne peut surgir (...), rien ne peut être créé de rien" (11). Si l'on dit que Dieu a tiré le monde du néant, on sous-entend que du néant puisse apparaître quelque chose, mais le néant n'est pas et ne peut être un réceptacle dont quelque chose puisse être tiré. On l'a pourtant cru et enseigné! Il s'est même trouvé des théologiens chrétiens pour écrire: "le néant est une réalité, puisque Dieu en a tiré le monde" (12). Malheureusement on ne peut du néant faire succéder le monde, une succession dont un des termes est le néant est une absurdité manifeste! Du non-être à l'être, il n'y a ni proportion - ni relation possible - du néant, rien ne peut suivre. Il ne peut y avoir aucune possibilité concrète d'une création, aucun moment pour une initiative créatrice, il n'y a aucun fait nouveau qui aurait du néant avant lui. Dans le néant (si l'on peut ainsi s'exprimer), il n'y a point d'application pour une force, il n'y a ni situation ni modalité quelconque puisque le néant n'est pas, puisque le néant est la négation, l'absence totale d'être.

 

Tout phénomène, quel qu'il soit, s'explique par un antécédent d'où il procède, c'est une loi universelle intangible; donc ou bien il n'y a pas de création au sens où l'entendent les théologiens juifs, chrétiens et musulmans, et par déduction le monde ne peut pas avoir été créé, ou alors quelque chose qui n'est pas Dieu échappe à la causalité de Dieu. A cette question il n'existe qu'un remède, puisque nous ne pouvons trouver de sens acceptable au mot création, il nous faut dire (comme l'affirement toutes les traditions extérieures à la révélation biblique): l'univers n'est pas créé, il ne peut être ou avoir été créé de rien, et s'il n'a pas été créé de rien, c'est qu'il est, fut et demeurera. Il est l'être qui en tant que tel ne peut "provenir", puisque pour qu'il y ait de l'être maintenant, il faut obligatoirement qu'il y en ait eu toujours, car la vie vient du vivant, l'être vient de l'être.

 

Après avoir très rapidement souligé les difficultés relatives à la thèse créationiste, l'hypothèse d'un premier jour nous devient impensable, la précession du temps et de l'être par le néant aboutit au vide. Or le vide, dans ce cas, serait au minimum un espace ou une durée où l'on pourrait loger quelque chose; ce serait une capacité définie, avec des dimensions. Ce serait donc de l'être, car on ne peut pas dire que ce qui a des dimensions ne soit rien, il en est de même du temps.

 

Dire qu'à un moment donné le temps n'existait pas, c'est dire encore qu'il existait. Il ne peut donc pas y avoir de vide temporel à l'extrême bord de l'être, l'être ne peut être bordé par rien, ne peut se voir précéder par rien. On est toujours dans l'être, on ne peut rien supposer d'antérieur à l'être d'autre que de l'être. Dire qu'il puisse exister un état de non existence, serait jouer avec les mots: une négation n'est pas un état. Le rien n'étant rien, en affirmant que le monde fut créé du néant, on ne dit en réalité que du vent. Affirmer que le monde, le cosmos, sont créés du néant, c'est faire préexister le néant, or le néant, nous l'avons vu, ne peut en aucune façon exister ou même préexister, sous peine de cesser d'être du néant. Si le néant était, ce ne serait plus du néant. En conséquence le néant n'étant ni existant, ni préexistant, on peut en conclure que rien ne se crée ni ne se fait à partir de rien. L'être est premier, inévitablement. "L'être est, le néant n'est pas" (13), avait déjà énoncé Parménide, dans son poème qui est comme la parole aurorale de la philosophie; oui l'être est, car la création du monde à partir de rien est un mythe théologique biblique, une expression impropre à laquelle il est impossible de trouver un sens acceptable. "Ce monde, le même pour tous, ni dieu ni homme ne l'a fait, disait déjà Héraclite, mais il était toujours, il est et il sera, feu toujours vivant, s'allumant en mesure et s'éteignant en mesure" (14).

 

V. Conclusion.

 

En définitive, nous espérons être parvenu à montrer en quoi, aucun espoir sérieux d'une restauration de la pensée païenne n'est envisageable sans une interrogation fondamentale sur l'être.

 

Les éléments qui peuplent et enchantent le monde dans les religiosités païennes, ne peuvent trouver à affirmer leur vie sans une profonde compréhension des bases métaphysiques qui les sous-tendent. C'est d'ailleurs faute de cette compréhension que le christianisme a pu se développer, avec une telle facilité, parmi les populations antiques. S'il est donc nécessaire de rallumer certains feux, c'est celui de l'intelligence de l'être qui prime en premier lieu, c'est le seul qui ne soit pas symbolique et donc inutile. Si c'est à partir de l'être que pourra se déployer une nouvelle aurore du sacré, c'est que, "ce n'est qu'à partir de la Vérité de l'être que se laisse penser l'essence du Sacré" (15). La région de l'être est identique à la région du sacré, "le Sacré, seul espace essentiel de la divinité qui, à son tour, accorde seule la dimension pour les dieux, ne vient à l'éclat du paraître que lorsque, au préalable et dans une longue préparation, l'être s'est éclairci et a été expérimenté dans sa vérité" (16).

 

La question de l'être est l'unique question de la pensée, et ceci n'est pas une simple formule, car c'est elle qui commande l'ensemble de toutes les régions de l'étant, dont en premier lieu celle du sacré et donc du religieux dans lequel il s'exprime. Aborder la question du paganisme uniquement au niveau de son folklore, c'est confondre le fond et la forme. Seule l'expérience de l'être est une expérience fondatrice, qui nous permettra: " de refluer en nous-mêmes dans notre propre vérité" (17). La pensée doit rassembler notre "habiter", récapituler le pli de l'être et de l'étant, découvrir l'être comme ‘’fond de l'étant" (18), c'est-à-dire effectuer un saut dans l'être en tant que tel. Toutes les tentatives de restauration d'une religiosité païenne, sont de naïves plaisanteries si elles ne sont pas fondées sur une authentique démarche philosophique. La philosophie fut et reste, l'expression la plus achevée de la pensée digne de ce nom. Elle seule représenta un véritable obstacle aux affirmations chrétiennes, et ce n'est pas pour rien qu'il lui fallût de si longs siècles avant de pouvoir resurgir dans son autonomie, alors que dieux, déesses, elfes et fées, parvinrent rapidement à se déguiser sous les masques des saints et des apparitions, et continuent d'ailleurs toujours à y vivre fort bien.

 

L' histoire n'est rien d'autre que l'histoire de la vérité de l'être, elle est assignée à un destin en forme d'appel par delà le retrait du Sein. Si, selon la fort belle expression de Hegel, « l’'esprit du monde utilise les peuples et les idées pour sa propre réalisation » (19), l'histoire du monde est donc bien le jugement du monde. Le chemin du savoir répondant à l'essence du dire silencieux, s'accomplira comme mise en lumière de la substance invisible qui séjourne dans le temps, et ceci par delà mythes, symboles et fables de la piété affective. La pensée des choses présentes est le lieu où s'entrecroiseront occultation et dévoilement, le lieu qui livrera la mêmeté de l'être et de la pensée, selon l'intuition lumineuse de Parménide; "comme l'Etre absorbe l'essence de l'homme par la fondation de sa vérité dans l'étant, l'homme fait partie de l'histoire de l'Etre, mais seulement en tant qu'il se charge, qu'il perd, qu'il omet, qu'il libère, qu'il sonde ou qu'il dissipe son essence par rapport à l'Etre" (20).

 

Ce n'est donc, si nous l'avons bien compris, que par l'exercice d'une extrême tension de nature ontologique, que nous pourrons revenir à notre source originelle... si tant est que nous l'ayons un jour quittée!

 

* * * *

 

Notes.

 

(1) On est surpris aujourd'hui, grâce aux recherches récentes, de voir à quel point cette distinction, qui semblait fondatrice il y a peu de temps encore, n'obéit en réalité qu'à une convention de langage, tant il apparaît, en effet, que les tendances monothéistes ou hénothéistes ont travaillé en profondeur la pensée païenne (Mésopotamie, Egypte, Iran, Grèce, Rome), et influencèrent très fortement le polythéisme originaire des Hébreux en l'orientant vers une monolâtrie jalousement exclusive, tant est si bien que Misson écrit: "le monothéisme païen a bien préparé le terrain du christianisme". (cf. Lumière sur le paganisme Antique, A. Neyton, Ed. Letourney, 1995).

 

(2) ( Gen., 1, 1), Bible de Jérusalem, DDB, 1990.

 

(3) Aristote, Organon, V, Les Topiques, Vrin, 1987.

 

(4) P. de La Briolle, La Réaction païenne, vol II, 1934.

 

(5) Nouveau Testament, T. B. S., 1988.

 

(6) P. Grimal, La civilisation romaine, Arthaud, 1960.

 

(7) Ier Concile de Constantinople, (IIème oecuménique, 381).

 

(8) (11 Mac., Vll, 8), Bible de Jérusalem, DDB, 1990.

 

(9) Proclus, Commentaires sur le Timée, t. I, Belles Lettres, 1968.

 

(10) J-P Dumont, Les écoles présocratiques, Folio, 1990.

 

(11) Lucrèce, De Natura Rerum, I, 56, Flammarion, 1986.

 

(12) Fridugise de Tours, De Nihili et Tenebris, Patrol. Iat., 1526.

 

(13) Parménide, Le Poème, PUF, 1987.

 

(14) Héraclite, Fragments, PUF, 1983.

 

(15) M. Heidegger, Lettre sur l'humanisme, Aubier, 1980. (16) Ibidem.

 

(17) M. Heidegger, Essais et Conférences, Gallimard, 1990.

 

(18) M. Heidegger, Questions IV, Gallimard, 1990.

 

(19) G-H F. Hegel, Leçons sur l'histoire de la philosophie, t. III, Vrin, 1978.

 

(20) M. Heidegger, Nietzsche, t. II, Gallimard, 1991.

lundi, 28 septembre 2009

Le combat slave

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ARCHIVES de SYNERGIES EUROPEENNES - 1996

Le combat slave:

Entretien avec Alexandre Konstantinovitch Belov

 

Notre interlocuteur Alexandre K. Belov est un homme d'une force mentale rare. Il a visiblement intégré le sens du combat intégral et l'élévation spirituelle qui lui don­nent une maîtrise de son art impressionnante. A. K. Belov rentre d'une tournée en Europe, où sa candidature a été retenue pour organiser des cours d'art martial slave dans les écoles de la police italienne. A cette occasion, il a été accueilli par nos amis milanais de Sinergie/Italia. J'ai eu personnellement l'insigne honneur de le ren­contrer à son domicile à Moscou le 11 avril 1996 (G. Sincyr).

 

Q.: Dois-je vous appeler Belov ou Sélidor, qui est votre surnom?

 

AKB: Comme vous voulez. Sélidor est un surnom païen. C'est un nom “guerrier”. Mais je vous rappelle que les Russes sont les derniers en Europe à avoir gardé la tradition purement indo-européenne de s'appeler d'un nom patronymique.

 

Q.: Quand avez-vous commencé à vous occuper du “combat slave”?

 

AKB: J'ai inventé ce type d'art martial. J'ai commencé à le mettre au point à partir de 1972. A la fin des an­nées 70, je pratiquais le karaté et j'avais obtenu le grade supérieur, la “ceinture noire”. Mais plus tard, le karaté a été interdit; j'ai alors entamé des recherches dans nos propres traditions et j'ai découvert une forme de combat russe très intéressante et très puissante. C'est en 1986 que j'ai achevé mon travail de rénovation de la pratique de cet art martial traditionnel oublié que j'ai appelé “combat slave”.

 

Q.: Quelles différences y a-t-il entre le “combat slave” et les autres formes de com­bat à mains nues?

 

AKB: Le “combat slave” est un système d'attaque. Nous ne nous défendons pas, nous attaquons. Le principe d'un combat de défense est absurde, à mes yeux, et n'est pas conforme aux mentalités des Spartiates et des Chevaliers européens. Le combat d'attaque est un combat honnête, sans procédés perfides. Cette tradition est à l'opposé de la tradition orientale. Celle-ci imite les mouvements des animaux alors que nous, nous imitons ceux des armes. Imiter les animaux constitue une perversité pour l'homme. Même chose pour les horoscopes orientaux: ils disent par exemple “c'est l'année du cochon” et ceux qui sont nés cette années-là disent “je suis un cochon”. Ce sont là des simplismes que je trouve dévalori­sants.

 

Q.: Pourtant, il y a un culte du loup chez les Promores, les habitants de la côte de la Mer Blanche?

 

AKB: Le Loup est le totem des tribus guerrières. Mon totem est le Loup Bleu.

 

Q.: Où en est la communauté païenne à Moscou?

 

AKB: En 1994, une scission a traversé le mouvement païen. Nous nous sommes séparés des païens qui n'avaient que des intérêts mercantiles, pour former une véritable communauté de guerriers. Le guerrier ne peut pas être fondamentalement un chrétien. En effet, comment concilier le métier des armes, le métier de la guerre, avec le précepte chrétien d'aimer son ennemi? Au combat, le guerrier hait son ennemi, sinon il ne peut pas le combattre efficacement. Un vrai guerrier sera toujours un païen. En tant que Russes et que Slaves, nous vénérons essentiellement Peroun, le Dieu du Tonnerre dans la mythologie de nos ancêtres.

 

Q.: Combien de membres compte votre communauté?

 

AKB: Nous sommes environ 40.000.

 

Q.: Coopérez-vous avec d'autres organisations païennes?

 

AKB: Non, avec aucune autre organisation. A mon grand regret, je ne connais aucune organisation qui re­cherche tout à la fois force et sagesse.

 

Q.: Vous préparez la création d'un grand mouvement. Pouvez-vous nous en dire quelques mots?

 

AKB: Notre objectif est de créer en Russie une communauté de professionnels de la guerre, du combat et de la défense, structurée par des référentiels païens. Pour moi, tout guerrier est un prolétaire: il ne pos­sède que sa force. Et seule sa force compte dans sa fonction. Je ne tiens pas le prolétariat pour une classe, mais pour un degré de développement mental.

 

(propos recueillis par Gilbert Sincyr et traduits par Anatoli M. Ivanov).

vendredi, 25 septembre 2009

Quand bouddhisme rimait avec impérialisme

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QUAND BOUDDHISME RIMAIT AVEC IMPERIALISME

 

 

par Laurent Schang

 

Avec le dernier tiers du XIXe siècle, l’archipel nippon connaît ses ultimes années d’isolationnisme. A rebours de la xénophobie ambiante, savamment cultivée par les conseillers shogunaux d’Edo (l’ancienne Tôkyô), la jeunesse samouraï se passionne pour l’Occident moderne et souhaite voir rapidement le Japon s’ouvrir au changement et au progrès tant vantés par ces drôles d’Occidentaux. Le 3 janvier 1868, le régime féodal est renversé et l’Empereur Mutsu-Hito, âgé de quinze ans, est officiellement proclamé seul détenteur du pouvoir. Le jour même, le Japon entre dans l’ère Meiji.

Jeunes et intrépides, volontaires et éclairés, les hommes qui s’emparent du pouvoir se veulent aussi ultranationalistes, conséquence d’une éducation isolationniste et du sentiment d’appartenance à une caste supérieure.

Mélange de théocratie, d’autoritarisme et de démocratie, la nouvelle Constitution, résolument conservatrice, s’attache plus à définir les devoirs du sujet que ses droits. Conscient de l’infériorité technique du Japon sur l’étranger, le nouveau gouvernement, malgré son inexpérience, bénéficie des deux atouts majeurs que sont un peuple sévère, religieux et travailleur, et l’appui du Tennô («l’Empereur ») en tant qu’agent fédérateur et ferment du renouveau national. Faisant preuve d’une remarquable adaptation intellectuelle et pourvues d’un solide aplomb, de nombreuses délégations d’émissaires et d’étudiants sont envoyées en Europe et en Amérique où, jouant de leur exotique affabilité, ils observent, étudient et enregistrent avec application les technologies occidentales.

Plus soucieux de réformes que de révolution, le Japon se modernise à grands pas et axe sa priorité immédiate sur ses besoins militaires et navals. D’origine largement rurale, l’armée nouvelle, calquée sur le modèle prussien, devient le centre de gravité de la nation. En l’espace de vingt ans, le monde assiste, d’abord incrédule puis inquiet, à l’émergence d’un Japon vindicatif qui organise sa révolution industrielle en préservant tout à la fois et son indépendance politique et les caractéristiques essentielles de sa civilisation.

Réussite incontestable, la restauration Meiji a su catalyser les énergies en sommeil de tout un peuple, transformant l’humeur belliqueuse de la noblesse, autrefois source de discorde et de faiblesse, en un argument précieux dans la lutte acharnée que le Japon s’apprête à livrer à l’homme blanc.

Bien sûr, pareille métamorphose ne va pas sans provoquer des conflits. La culture religieuse traditionnelle est ainsi profondément remaniée dans une finalité impérialiste. Le nouveau régime instaure un culte patriotique dont l’Empereur est la divinité vivante. Le Bushidô (littéralement « voie du guerrier »), auparavant réservé à la caste des samouraïs, est étendu à l’ensemble de la société. Le peuple entier adopte l’idéal martial pour code de vie.

On assiste également au retour en force d’une orthodoxie shintoïste revivifiée, sacralisant sol, sang et ancêtres en un même élan mystique, par opposition au bouddhisme d’importation plus récente, à vocation universaliste et relativiste. Religion étrangère, introduite au VIe siècle, le bouddhisme, après avoir frôlé l’interdiction pure et simple en raison de sa doctrine de la compassion et de la non-violence, est sommé de se conformer aux aspirations du Japon moderne. Les sectes bouddhiques choisissent de coopérer. Le « nouveau bouddhisme » sera donc loyaliste et nationaliste. La colombe s’est transformée en faucon. Le résultat : le Yamato damashii (« l’esprit du Japon »), religion d’Etat, syncrétisme de bouddhisme, de shintoïsme et de confucianisme.

Après une entrée fracassante dans l’âge industriel, le Japon se voit bientôt contraint par les nécessités économiques et démographiques de suivre les exhortations des Zaïbatsu, cartels industriels qui en appellent au colonialisme pour résoudre les difficultés de la nation. Le bouddhisme va fournir la justification morale à ses ambitions territoriales. D’agression militaire qu’elle était au départ, la guerre devient aux yeux des Japonais une mission mondiale d’émancipation des peuples opprimés, une « Sainte guerre pour la construction d’un ordre nouveau en Asie de l’Est ».

D.T. Suzuki, maître zen de nos jours encore vénéré, s’en fait le propagandiste zélé. Un précepte zen ne dit-il pas : « Si tu deviens maître de chaque endroit où tu te trouves, alors où que tu sois sera la vérité… » (1) Toutes les guerres que mènera le Japon au XXe siècle procéderont de la même politique de l’escalade. Du premier conflit sino-japonais en 1894-95 au fatal bombardement de Pearl Harbor le 7 décembre 1941, en passant par l’invasion de la Mandchourie en 1931 et les trois attaques répétées contre l’URSS en 1938 et 1939.

Quant à l’implication du clergé bouddhique, on sait désormais grâce au livre de Brian Victoria (2) qu’il ne s’agissait pas d’un dérapage mais bien d’un processus logique inscrit dans l’évolution du bouddhisme nippon.

 

(1) cf. Aventures d’un espion japonais au Tibet de Hisao Kimura et Scott Berry, Editions Le Serpent de Mer.

(2) Le zen en guerre 1868-1945, Brian Victoria, traduction de Luc Boussard, Editions du Seuil, 21,04€.

mercredi, 23 septembre 2009

Ernst Jünger: La Tradicion

Ernst Jünger: La Tradición

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Ex: http://laotraeuropa.blogia.com/

Tradición: para una estirpe dotada de la voluntad de volver a situar el énfasis en el ámbito de la sangre, es palabra fiera y bella. Que la persona singular no viva simplemente en el espacio. Que sea, por el contrario, parte de una comunidad por la cual debe vivir y, dada la ocasión, sacrificarse; esta es una convicción que cada hombre con sentimiento de responsabilidad posee, y que propugna a su manera particular con sus medios particulares. La persona singular no se halla, sin embargo, ligada a una superior comunidad únicamente en el espacio, sino, de una forma más significativa aunque invisible, también en el tiempo. La sangre de los padres late fundida con la suya, él vive dentro de reinos y vínculos que ellos han creado, custodiado y defendido. Crear, custodiar y defender: esta es la obra que él recoge de las manos de aquéllos en las propias, y que debe transmitir con dignidad. El hombre del presente representa el ardiente punto de apoyo interpuesto entre el hombre pasado y el hombre futuro. La vida relampaguea como el destello encendido que corre a lo largo de la mecha que ata, unidas, a las generaciones... las quema, ciertamente, pero las mantiene atadas entre sí, del principio al fin. Pronto, también el hombre presente será igualmente un hombre pasado, pero para conferirle calma y seguridad permanecerá el pensamiento de que sus acciones y gestos no desaparecerán con él, sino que constituirán el terreno sobre el cual los venideros, los herederos, se refugiarán con sus armas y con sus instrumentos.


Esto transforma una acción en un gesto histórico que nunca puede ser absoluto ni completo como fin en sí mismo, y que, por el contrario, se encuentra siempre articulado en medio de un complejo dotado de sentido y orientación por los actos de los predecesores y apuntando al enigmático reino de aquéllos de allá que aún están por venir. Oscuros son los dos lados, y se encuentran más acá y más allá de la acción; sus raíces desaparecen en la penumbra del pasado, sus frutos caen en la tierra de los herederos... la cual no podrá nunca vislumbrar quien actúa, y que es todavía nutrida y determinada por estas dos vertientes en las cuales justamente se fundan su esplendor sin tiempo y su suprema fortuna. Es esto lo que distingue al héroe y al guerrero respecto al lansquenete y aventurero: y es el hecho de que el héroe extrae la propia fuerza de reservas más altas que aquéllas que son meramente personales, y que la llama ardiente de su acción no corresponde al relámpago ebrio de un instante, sino al fuego centelleante que funde el futuro con el pasado. En la grandeza del aventurero hay algo de carnal, una irrupción salvaje, y en verdad no privada de belleza, en paisajes variopintos... pero en el héroe se cumple aquello que es fatalmente necesario, fatalmente condicionado: él es el hombre auténticamente moral, y su significado no reposa en él mismo únicamente, ni sólo en su día de hoy, sino que es para todos y para todo tiempo.

Cualquiera que sea el campo de batalla o la posición perdida sobre la que se halle, allí donde se conserva un pasado y se debe combatir por un futuro, no hay acción que esté perdida. La persona singular, ciertamente, puede andar perdida, pero su destino, su fortuna y su realización valen en verdad como el ocaso que favorece un objetivo más elevado y más vasto. El hombre privado de vínculos muere, y su obra muere con él, porque la proporción de esa obra era medida sólo respecto a él mismo. El héroe conoce su ocaso, pero su ocaso semeja a aquel rojo sangre del sol que promete una mañana más nueva y más bella. Así debemos recordar también la Gran Guerra: como un crepúsculo ardiente cuyos colores ya determinan un alba suntuosa. Así debemos pensar en nuestros amigos caídos y ver en su ocaso la señal de la realización, el asentimiento más duro dirigido a la propia vida. Y debemos arrojar lejos, con un inmundo desprecio, el juicio de los tenderos, de aquellos que sostienen cómo "todo esto ha sido absolutamente inútil", si queremos encontrar nuestra fortuna viviendo en el espacio del destino y fluyendo en la corriente misteriosa de la sangre, si queremos actuar en un paisaje dotado de sentido y de significado, y no vegetar en el tiempo y en el espacio donde, naciendo, hayamos llegado por casualidad.

No: ¡nuestro nacimiento no debe ser una casualidad para nosotros! Ese nacimiento es el acto que nos radica en nuestro reino terrestre, el cual, con millares de vínculos simbólicos, determina nuestro puesto en el mundo. Con él nos convertimos en miembros de una nación, en medio de una comunidad estrecha de ligámenes nativos. Y de aquí que vayamos después al encuentro de la vida, partiendo de un punto sólido, pero prosiguiendo un movimiento que ha tenido inicio mucho antes que nosotros y que mucho después de nosotros hallará su fin. Nosotros recorremos sólo un fragmento de esta avenida gigantesca; sobre este tramo, sin embargo, no debemos transportar sólo una herencia entera, sino estar a la altura de todas las exigencias del tiempo.

Y ahora, ciertas mentes abyectas, devastadas por la inmundicia de nuestras ciudades, surgen para decir que nuestro nacimiento es un juego del azar, y que "habríamos podido nacer, perfectamente, franceses lo mismo que alemanes". Cierto, este argumento vale precisamente para quienes lo piensan así. Ellos son hombres de la casualidad y del azar. Les es extraña la fortuna que reside en el sentirse nacido por necesidad en el interior de un gran destino, y de advertir las tensiones y luchas de un tal destino como propias, y con ellas crecer o incluso perecer. Esas mentalidades siempre surgen cuando la suerte adversa pesa sobre una comunidad sancionada por los vínculos del crecimiento, y esto es típico de ellas. (Se reclama aquí la atención sobre la reciente y bastante apropiada inclinación del intelecto a insinuarse parasitariamente y nocivamente en la comunidad de sangre, y a falsear en ella la esencia según el raciocinio... es decir, a través del concepto, a primera vista correcto, de "comunidad de destino". De la comunidad de destino, sin embargo, formaría parte también el negro que, sorprendido en Alemania al inicio de la guerra, fue envuelto en nuestro camino de sufrimiento, en las tarjetas del pan racionado. Una "comunidad de destino", en este sentido, se halla constituida por pasajeros de un barco de vapor que se hunde, muy diversamente de la comunidad de sangre: formada ésta por hombres de una nave de guerra que desciende hasta el fondo con la bandera ondeando).

El hombre nacional atribuye valor al hecho de haber nacido entre confines bien definidos: en esto él ve, antes que nada, una razón de orgullo. Cuando acaece que él traspase aquellos confines, no sucede nunca que él fluya sin forma más allá de ellos, sino en modo tal de alargar con ello la extensión en el futuro y en el pasado. Su fuerza reside en el hecho de poseer una dirección, y por tanto una seguridad instintiva, una orientación de fondo que le es conferida en dote conjuntamente con la sangre, y que no precisa de las linternas mudables y vacilantes de conceptos complicados. Así la vida crece en una más grande unidad, y así deviene ella misma unidad, pues cada uno de sus instantes reingresa en una conexión dotada de sentido.

Netamente definido por sus confines, por ríos sagrados, por fértiles pendientes, por vastos mares: tal es el mundo en el cual la vida de una estirpe nacional se imprime en el espacio. Fundada en una tradición y orientada hacia un futuro lejano: así se imprime ella en el tiempo. ¡Ay de aquél que cercena las propias raíces!... éste se convertirá en un hombre inútil y un parásito. Negar el pasado significa también renegar del futuro y desaparecer entre las oleadas fugitivas del presente.

Para el hombre nacional, en cambio, subsiste un peligro por otro lado grande: aquél de olvidarse del futuro. Poseer una tradición comporta el deber de vivir la tradición. La nación no es una casa en la cual cada generación, como si fuese un nuevo estrato de corales, deba añadir tan sólo un plano más, o donde, en medio de un espacio predispuesto de una vez por todas, no sirva otra cosa que continuar existiendo mal o bien. Un castillo, un palacio burgués, se dirán construidos de una vez y para siempre. Pronto, sin embargo, una nueva generación, empujada por nuevas necesidades, ve la obligación de aportar importantes cambios. O por otro lado la construcción puede acabar ardiendo en un incendio, o terminar destruida, y entonces un edificio renovado y transformado viene a ser construido sobre los antiguos cimientos. Cambia la fachada, cada piedra es sustituida, y todavía, ligada a la estirpe como se encuentra, perdura un sentido del todo particular: la misma realidad que fue en un principio. ¿Tal vez puede decirse que incluso tan sólo durante el Renacimiento o en la edad barroca ha existido una construcción perfecta? ¿Acaso es que entonces se detiene un lenguaje de formas válido para todos los tiempos? No, pero aquello que ha existido entonces, permanece de algún modo oculto en lo que existe hoy.

 

dimanche, 13 septembre 2009

Garder les traditions ou vivre selon la Tradition?

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Garder les traditions ou vivre selon la Tradition ?

Ex: http://fr.novopress.info/

L’un des premiers motifs de l’engagement militant aux Identitaires, c’est le refus volontariste de rester les bras croisés devant la « perte » de nos traditions, échos d’une identité lointaine que l’on souhaite défendre à travers l’entretien de ces rites ancestraux. Mais dans une société comme la nôtre, où les mœurs ont plus évolué en 50 ans qu’en 1 000 ans, « garder les traditions » s’apparente plus à un slogan révélateur du dépit des militants devant les grands bouleversements sociaux et culturels engendrés par le Progrès, qu’à une revendication politique sérieuse. En effet, rien de plus négatif qu’un tel slogan, rien de plus rasoir et de plus démotivant qu’une telle revendication. Le verbe « garder » a un sens précis : il est synonyme de conserver. Tel un pêcheur qui tenterait vainement de garder au bout de sa ligne l’énorme poisson emporté par l’irrésistible courant de la rivière. Je m’explique : on ne s’engage pas en politique, d’autant plus dans la mouvance identitaire, pour « sauver les meubles ». « Garder », « conserver », voire même « défendre » dans une certaine mesure, s’apparente à une posture rétrograde et aigrie, c’est un repli en défense plein d’amertume, un retour en arrière. Or, pour nous autres Identitaires, la politique est une aventure, une quête enthousiaste et une entreprise pleine de joie. Nous partons à l’assaut du pouvoir : nous ne nous agenouillons pas devant lui, implorant par nostalgie un sursis supplémentaire pour une fête ou une célébration laissée à l’abandon. Nous ne voulons pas réinstaurer un passé fantasmé (ce qui est de toute manière impossible) mais plutôt puiser dans le passé les éléments positifs utiles à une renaissance sociale, civilisationnelle et politique.

Nous ne nous engageons pas en politique comme le chauffeur de taxi, selon la caricature populaire, se lance dans une diatribe enflammée contre le fait que « tout fout le camp ». Soyons honnêtes : nous ne pouvons ressusciter ce qui est déjà mort. J’entends par là : nous ne pouvons pas vivre comme nos aïeux vivaient il y a deux siècles. Telles ces reproductions médiévales dans lesquelles de nombreux Français trouvent un certain exutoire, loin de leur malaise existentiel, blasés du métro-boulot-dodo. Cela, c’est le « folklore », c’est-à-dire l’exact contraire de l’identité, de la Tradition. Alors que le folklore consiste à danser la gigue autour du feu, habillés comme nos ancêtres et au son d’instruments disparus, vivre selon son identité, c’est tout simplement maintenir vivace, mais sous d’autres formes que celles aujourd’hui disparues, l’esprit qui animait nos ancêtres du temps où l’on dansait encore la gigue.

La Tradition ne se « garde » pas : elle s’entretient. Car la Tradition est avant tout un état d’esprit célébré sous des formes qui peuvent évoluer : la forme est importante mais le sens de la Tradition, c’est-à-dire sa raison d’être, l’est plus encore.

Or aujourd’hui, la plupart des associations s’étant donné pour objectif de « faire vivre » les traditions se limitent à faire du « folklore ». En effet, celles-ci se contentent d’être un musée itinérant d’une identité morte et enterrée. Car quiconque affirme défendre le « folklore » et le « patrimoine » formule en réalité un cruel aveu d’échec. A l’image de ces villages de Provence, vidés de leurs habitants par l’exode rural, colonisés par le tourisme de masse, résidence secondaire pour Parisiens, Britanniques et Hollandais aisés, où l’expression « enfants du pays » ne recouvre plus aucune réalité. Ces villages sont des territoires mis sous cloche (ou emballés sous vide, au choix), destinés à justifier notre statut de « première destination touristique mondiale ». Il y a des commerçants et des pseudo-artisans qui sont là pour faire rêver les touristes sur de « l’authentique » made in China, mais pas d’habitants, et donc pas de vie de village. Cela, c’est le folklore. Un mur de fumée « à l’ancienne » pour berner les touristes. C’est « sympa », « touchant », « naïf », « pittoresque », mais mort.

Ouvrons une parenthèse. La différence entre le folklore et la Tradition a des conséquences pratiques en termes de positionnement sur l’échiquier politique. Alors que l’homme « de droite » standard va draguer les électeurs à grands renforts d’images d’Epinal sur la « France des terroirs » (en tapotant le cul d’une vache devant les caméras par exemple), le militant identitaire va, lui, identifier les causes de la désertification rurale (la ruralité est le dernier refuge des traditions populaires, d’où l’intérêt de la préserver) et tenter d’y remédier via des mesures sérieuses : relocalisation de l’économie, lutte contre l’urbanisation et la spéculation immobilière, subventionnement de l’agriculture biologique, enseignement de la culture et de la langue régionale dès l’école primaire, etc.

Ainsi, une politique identitaire ne vise pas à manger du saucisson au Salon annuel de l’Agriculture, bref à être le « type sympa », mais à lutter en profondeur contre ce qui tue nos traditions depuis la racine. Refermons la parenthèse.

Les Identitaires ne s’accrochent pas désespérément à ce qui a disparu. Respectueux des rites ancestraux qui régissent une tradition millénaire, nous tenons plus encore à en respecter leur sens profond. Nous n’oublions pas qu’une tradition est la fille de circonstances sociales et culturelles, ou politiques, d’une époque donnée dans un lieu donné.

Par exemple, la bénédiction des calissons à Aix-en-Provence : chaque année, autour du 6 et 7 septembre, une messe est donnée, suivie d’une procession d’associations « folkloriques », en costume d’époque, avant de participer à la distribution populaire de calissons. Cette fête, appelée aussi « renouvellement du vœu Martelly », trouve son origine dans l’épidémie de peste qui toucha la capitale des comtes de Provence au début du 18ème siècle. L’élite politico-administrative et économique de la cité fuya, laissant derrière elle une population affamée. Seuls demeuraient l’évêque et l’assesseur (gouverneur de la ville pour le compte du roi) qui avaient organisé la bénédiction d’un grand nombre de calissons destinés à nourrir partiellement les Aixois. Martelly fait alors le vœu, en mémoire de ce drame, de faire bénir chaque année des calissons pour les distribuer aux Aixois. A l’origine, la « bénédiction des calissons » n’a donc rien de festif : elle répondait à une véritable catastrophe sanitaire et alimentaire, probablement la plus grave qu’ait connue Aix depuis sa fondation par les Romains. Aujourd’hui, combien d’Aixois connaissent le sens social et religieux de cette tradition ? De la même manière, combien d’Aixois savent que la plupart des saintes vierges qui ornent l’angle des immeubles de leur cité ont été installées à la même époque pour permettre à leurs ancêtres de prier pour la fin de l’épidémie et la guérison des blessés, depuis chez eux, afin d’éviter la contamination ? Pour un identitaire, ce qui importe par-dessus tout, ce n’est pas de défiler dans des costumes colorés pour provoquer les crépitements de flash des appareils photos tenus par les hordes de touristes japonais, mais plutôt de continuer à célébrer les valeurs humaines qui inspirent toute tradition.

Quand chaque année, des militants identitaires se retrouvent autour d’un « Noël provençal » (repas traditionnel), peu importe qu’il manque une nappe sur la table (trois selon le rite), que l’omelette aux truffes soit en réalité composée d’une autre spécificité de champignons ou que la traditionnelle morue ait cédé sa place à un poisson meilleur marché : une célébration ancestrale ne doit pas être une lubie de bourgeois aisés mais un moment de convivialité populaire. Si, pour faire perdurer un certain esprit, il est nécessaire (pour des raisons financières souvent), de déroger à quelques points précis de la règle, alors soit, il en sera ainsi, l’essentiel est de respecter l’âme d’une fête : pas de reproduire bêtement les gestes de nos aïeux par obsession mimétique. Pour nous, l’identité, ce « n’est pas ce qui ne change jamais, mais ce qui nous permet de rester nous-mêmes en changeant tout le temps » (Alain de Benoist).

Nous ne « gardons » pas les traditions, nous vivons selon la Tradition, tous les jours et en tout lieu : c’est-à-dire selon notre identité trente fois millénaire, malgré les évolutions et les révolutions. Fidèles au sens initial des traditions et à l’état d’esprit qui a présidé à leur naissance, soucieux de l’intégrité des rites qui servent de médium entre l’esprit d’antan et le peuple d’aujourd’hui, nous veillons toutefois à ne pas laisser la lettre primer sur l’esprit (selon la leçon des évangiles à propos des Pharisiens). La Tradition, c’est l’identité : passée, présente et future.
Julien LANGELLA


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